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TROISIÈME PARTIE TOME IV : COUPS DE SONDE DANS L’ISLAM.
L’ENSEMBLE COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
La fermeture des portes de l’Ijtihad, Insidad bab al Ijtihad en arabe, ordonnée par le calife al Qadir en 1019 (Rissala al Qadiriya) est certes difficile à dater dans la pratique, mais elle coïncide à tout le moins avec la montée en puissance des quatre écoles de droit du sunnisme et avec l’extinction concomitante des derniers feux du Moutazilisme c’est-à-dire à une période allant du 11e au 13e siècle ET A CONSTITUÉ UN RECUL CIVILISATIONNEL SANS PRÉCÉDENT POUR L’HUMANITÉ, un crépuscule de la vieillesse avant l’heure où l’imagination est réduite, les facultés créatrices diminuées et la pensée ankylosée (Mohamed Charfi, Islam et liberté. Paris 1999).
(La plupart de nos traductions des versets classiques du Coran sont tirées du site internet Le Coran annoté du sceptique.)
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TROISIÈME PARTIE TOME IV : COUPS DE SONDE DANS L’ISLAM.
L’ENSEMBLE COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
La fermeture des portes de l’Ijtihad, Insidad bab al Ijtihad en arabe, ordonnée par le calife al Qadir en 1019 (Rissala al Qadiriya) est certes difficile à dater dans la pratique, mais elle coïncide à tout le moins avec la montée en puissance des quatre écoles de droit du sunnisme et avec l’extinction concomitante des derniers feux du Moutazilisme c’est-à-dire à une période allant du 11e au 13e siècle ET A CONSTITUÉ UN RECUL CIVILISATIONNEL SANS PRÉCÉDENT POUR L’HUMANITÉ, un crépuscule de la vieillesse avant l’heure où l’imagination est réduite, les facultés créatrices diminuées et la pensée ankylosée (Mohamed Charfi, Islam et liberté. Paris 1999).
(La plupart de nos traductions des versets classiques du Coran sont tirées du site internet Le Coran annoté du sceptique.)
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ODE AUX TRÈS-SACHANTS.
La moitié du malheur de l’Humanité vient du fait que, il y a plusieurs milliers d’années, quelque part au Moyen-Orient, des peuples de par leur langue ont conçu la spiritualité ou la mystique…
— Non comme une quête de sens, d’espoir ou de libération avec les concepts qui s’y rattachent (distinction opposition ou différence entre matière et esprit, éthique, discipline personnelle, philanthropie, vie après la vie, méditation, quête du Graal, pratiques…).
— Mais comme une loi (DIN) gigantesque et protéiforme devant régir la vie quotidienne des hommes avec tout ce que cela implique.
Des obligations ou des interdits que tout un chacun doit respecter jour et nuit.
Des infractions ou des contraventions à cette multitude d’interdits quand ils ne sont pas suivis à la lettre. Des jugements quand une ou plusieurs de ces lois sont violées. Des condamnations pour les coupables. Des non-lieux ou des relaxes pour les innocents APPELÉS JUSTES…CETTE CONFUSION ENTRE LE NUMINEUX ET LE RELIGIEUX PUIS ENTRE LE SACRE ET LE PROFANE NOUS POURRIT LA VIE DEPUIS 4000 ANS VIA ISRAËL ET SURTOUT LES NOUVEAUX ISRAËL QUE VEULENT ÊTRE LE CHRISTIANISME ET L’ISLAM.
Le principe de base de notre Ollotouta nous a été donné, il y a longtemps déjà, par notre maître à tous en ce domaine ; le grand barde gaélique fondateur de la Libre-pensée moderne, que l’on évoque habituellement sous le nom anglicisé de John Toland. Il ne peut pas y avoir par définition de choses contraires à la Raison dans de Saintes Écritures émanant vraiment du Divin.
S’il y en a, il s’agit alors, soit d’erreurs, soit de mensonges !
Ou il n’y a aucun mystère, ou alors il ne s’agit en aucune façon d’une révélation divine !
Il n’y a aucun moyen terme…Nous ne reconnaissons pas d’autre orthodoxie que celle de la Vérité, car, où qu’elle soit en ce monde, doit également se tenir, nous en sommes totalement convaincus, l’Église de Dieu, et pas celle de telle ou telle faction humaine… Nous sommes par conséquent partisans de ne faire aucun quartier à l’erreur sous quelque prétexte que ce soit, chaque fois que nous aurons la possibilité ou l’occasion de l’exposer sous ses vraies couleurs.
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1696. Le christianisme sans mystère.
1702. Vindicius Liberus. Réponse de John Toland aux détracteurs de son « christianisme sans mystère ».
1704. Lettres à Serena contenant l’origine de l’idolâtrie et les raisons du paganisme, l’histoire de la doctrine de l’immortalité de l’âme chez les païens, etc. (Version baron d’Holbach, un philosophe allemand).
1705. Le vrai socinianisme * en tant qu’exemple de débat courtois en matière de théologie *.
Précédé de l’Indifférence dans les disputes, recommandée par un panthéiste à un ami orthodoxe.
1709. Adeisidaemon ou l’homme sans superstition. Les origines juives.
1712. Lettre contre le papisme, et en particulier contre le fait d’admettre l’autorité des Pères ou des Conciles dans les controverses religieuses, par Sophie Charlotte de Prusse.
1714. Défense des juifs, victimes des préjugés antisémites, et plaidoyer pour leur naturalisation.
1718. Le destin de Rome, des papes, et la fameuse prophétie de saint Malachie, archevêque d’Armagh au treizième siècle.
Nazarenus ou le christianisme juif, goy, et mahométan (version d’Holbach), contenant :
I.L’histoire de l’ancien évangile de Barnabé, ainsi que le moderne évangile apocryphe des mahométans, attribué à ce même apôtre.
II. Le projet original du christianisme expliqué par l’histoire des Nazaréens, résolvant du même coup diverses polémiques à propos de cette divine (mais si hautement pervertie) institution.
III. L’analyse d’un manuscrit des quatre Évangiles irlandais avec un résumé de l’ancien christianisme d’Irlande et de ce que fut la réalité des culdées (un ordre mi-laïc, mi-religieux opposé aux deux derniers évêques de Worcester).
1720. Pantheisticon, sive formula celebrandae sodalitatis socraticae.
Tetradymus.
I. Hodegus. La colonne de feu et de nuée qui a guidé les israélites dans le désert n’était pas un miracle, mais, comme le relate précisément l’Exode, une pratique également connue des autres nations ; et dans ces contrées non seulement utile, mais même nécessaire.
Il. Clidophorus.
III. Hypatie ou l’histoire de la plus belle, de la plus vertueuse, de la plus instruite, de la plus accomplie des femmes ; qui fut lapidée par le clergé d’Alexandrie, afin de satisfaire l’orgueil, l’ambition, voire la cruauté, de l’archevêque Cyrille, communément, mais très improprement, appelé saint Cyrille.
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1726. Histoire critique de la religion celte, contenant un aperçu sur les druides, ou les prêtres et les juges, sur les vates, ou les devins et médecins, et enfin sur les bardes, ou les poètes ; des anciens Bretons, Irlandais ou Écossais. Avec en plus l’histoire d’Abaris l’Hyperboréen, prêtre du soleil.
Un spécimen de la langue armoricaine (dictionnaire breton, irlandais, latin).
1726. Compte-rendu du livre de Giordano Bruno, sur l’infini de l’univers et la pluralité des mondes, traduit de l’édition italienne.
1751. Le Panthéisticon ou le mode de célébration de la société socratique. S. Paterson Londres. Traduction du livre publié en 1720.
« Le Druidisme » est une revue indépendante (indépendante de toute association religieuse ou politique) et qui n’a qu’un seul but : la recherche théorique ou fondamentale en matière de néopaganisme. La double question à laquelle essaie de répondre cette revue d’études théoriques pourrait se résumer ainsi :
« Que pourrait être ou que devrait être, un néo-druidisme actuel, moderne et contemporain ? »
Le « Druidisme » est une revue néopaïenne, strictement néopaïenne, héritière de tous les mouvements authentiques (c’est-à-dire non chrétiens) qui se sont succédé depuis deux mille ans, l’héritière indirecte, mais l’héritière, quand même !
À propos de notre tradition de référence ou de notre filiation intellectuelle soulignons que si les « poètes » du royaume de Domnall mac Muirchertach Ua Néill avaient toujours les imbas forosnai, les teimn laegda ainsi que les dichetal do chennaib 1) à leur répertoire (cf. la conclusion de l’histoire du pillage du château de Maelmilscothach, d’Urard Mac Coisé, un poète mort au XIe siècle), ils étaient peut-être déjà chrétiens quand même depuis plusieurs générations. Il est vrai que ces pratiques (imbas forosnai, teimn…) étaient formellement interdites par l’Église, mais qui sait, il y a eu peut-être des accommodements analogues à ceux des astrologues ou alchimistes du Moyen-Âge.
Quoi qu’il en soit notre « Druidisme » est aussi une volonté, la volonté de se rapprocher, au maximum, du druidisme antique, tel qu’il fut (scientifiquement parlant). La volonté aussi néanmoins de moderniser ce druidisme, un retour total au druidisme antique étant exclu (il serait de toute façon impossible).
Exemples de modernisation de ce druidisme païen.
— Abandon aux associations laïques du côté culturel (médecine, poésie, mathématique, etc.). Principe de séparation de l’Église et de l’État.
— Spécialisation par contre dans la spiritualité celtique, ou païenne en général, l’histoire de la religion, la philosophie et la métapsychique (dite aujourd’hui parapsychologie).
— Utilisation dans certains cas du vocabulaire actuel (Église, religion, baptême, et ainsi de suite).
Un juste milieu est évidemment à trouver entre un retour total au druidisme antique (fondamentalisme ou intégrisme) et une modernisation radicale trop révolutionnaire (plus de saie).
L’AAP (athée agnostique panthéiste) celte ayant accepté d’être l’avocat du paganisme celtique antique et de cosigner cette petite bibliothèque **, dont il n’est que le rassembleur, le druide Hesunertus (Pierre de La Crau), ne se considère pas comme l’auteur de cet ouvrage collectif. Mais comme le simple porte-parole de l’équipe l’ayant composé. Pour ce qui est des autres sources de cet essai sur le druidisme, voir les remerciements de la bibliographie.
* Les sociniens, puisque c’est ainsi qu’ils furent appelés par la suite, désiraient plus que tout restaurer le vrai christianisme qu’enseigne la Bible. Ils considéraient que la Réforme n’avait fait disparaître qu’une partie de la corruption et du formalisme, présents dans les Églises, tout en laissant subsister le mauvais fond : les enseignements non bibliques (ce qui est très discutable d’ailleurs).
** Ce petit camminus est néanmoins important aussi pour les jeunes… de 7 à 77 ans ! Mantalon siron esi.
1) Do ratath tra do Mael Milscothach iartain cech ni dobrethaigsid suide sin etir ecnaide 7 fileda 7 brithemna la taeb ogaisic a crech 7 is amlaidsin ro ordaigset do tabairt a cach ollamain ina einech 7 ina sa[ru]gad acht cotissad de imus forosnad [di]chetal do chollaib cend 7 tenm laida .i. comenclainn fri rig Temrach do acht co ti de intreide sin FINIT.
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60 CHAPITRES SUR OU PLUS EXACTEMENT CONTRE LE FAUX ISLAM
ET CONTRE CETTE IDÉOLOGIE (nous ne parlons pas ici du vrai islam
que sont le soufisme ou le moutazilisme évidemment).
Comme les idiots utiles * qui occupent notre espace médiatique (journalistes d’opinions pseudo intellectuels, artistes, sportifs, évêques…) sont intellectuellement incapables de comprendre qu’une religion peut se développer de façon autonome en fonction de certaines de ses qualités ou de certains de ses défauts, intrinsèques (sa simplicité, sa puissance de conviction, son adéquation aux attentes du temps, son organisation interne, sa pratique, etc.) ; ils refusent d’en étudier l’histoire, nous allons donc nous y atteler dans cet ouvrage,
Il va de soi évidemment cher lecteur musulman que nous ne critiquerons pas ici le véritable islam qui est le vôtre ; mais le faux islam qui est une idéologie, une de plus, dont définition ci-après par Gustave Le Bon.
« Dans certaines circonstances données, et seulement dans ces circonstances, une agglomération d’hommes possède des caractères nouveaux fort différents de ceux des individus composant cette agglomération. La personnalité consciente s’évanouit, les sentiments et les idées de toutes les unités sont orientés dans une même direction. Il se forme une âme collective, transitoire sans doute, mais présentant des caractères très nets. La collectivité est alors devenue ce que, faute d’une expression meilleure, j’appellerai une foule organisée, ou, si l’on préfère, une foule psychologique. Elle forme un seul être et se trouve soumise à la loi de l’unité mentale des foules…
L’évanouissement de la personnalité consciente et l’orientation des sentiments et des pensées dans un sens déterminé, qui sont les premiers traits de la foule en voie de s’organiser, n’impliquent pas toujours la présence simultanée de plusieurs individus sur un seul point. Des milliers d’individus séparés peuvent à certains moments, sous l’influence de certaines émotions violentes, un grand événement national par exemple, acquérir les caractères d’une foule psychologique…
La secte marque le premier degré dans l’organisation des foules homogènes. Elle comprend des individus d’éducation, de professions, de milieux parfois fort différents, n’ayant entre eux que le lien unique des croyances. Telles sont les sectes religieuses et politiques, par exemple…
Par le fait seul qu’il fait partie d’une foule organisée, l’homme descend de plusieurs degrés sur l’échelle de la civilisation. Isolé, c’était peut-être un individu cultivé, en foule c’est un barbare, c’est-à-dire un instinctif. Il a la spontanéité, la violence, la férocité, et aussi les enthousiasmes et les héroïsmes des êtres primitifs. Il tend à s’en rapprocher encore par la facilité avec laquelle il se laisse impressionner par des mots, des images, qui sur chacun des individus isolés composant la foule seraient tout à fait sans action ; et conduire à des actes contraires à ses intérêts les plus évidents et à ses habitudes les plus connues. L’individu en foule est un grain de sable au milieu d’autres grains de sable que le vent soulève à son gré.
Et c’est ainsi qu’on voit des jurys rendre des verdicts que désapprouverait chaque juré individuellement, des assemblées parlementaires adopter des lois et des mesures que réprouverait en particulier chacun des membres qui les composent. En France par exemple, pris séparément, les hommes de la Convention étaient des bourgeois éclairés, aux habitudes pacifiques. Réunis en foule, ils n’hésitaient pas à approuver les propositions les plus féroces, à envoyer à la guillotine les individus les plus manifestement innocents ; et, contrairement à tous leurs intérêts, à renoncer à leur inviolabilité et à se décimer eux-mêmes.
Et ce n’est pas seulement par ses actes que l’individu en foule diffère essentiellement de lui-même. Avant même qu’il ait perdu toute indépendance, ses idées et ses sentiments se sont transformés, et la transformation est profonde, au point de changer l’avare en prodigue, le sceptique en croyant, l’honnête homme en criminel, le poltron en héros… ». (Gustave Le Bon Psychologie des foules.)
Ce qui sera donc dénoncé ci-après c’est le faux islam, dont les 4 piliers sont……
— Les versets abrogeant du Coran.
— Les millions de hadiths (la sounna) dont beaucoup sont irrecevables.
— La vie de Mahomet ou son imitation (isma).
— Enfin les remarques de certains érudits sur les trois premiers points (la charia) à savoir Malik ibn Anas (mort en 795), Abou Hanifa (mort en 767), Chafi‘i (mort en 820). Et quelques autres tout aussi mal inspirés comme Ibn Hanbal.
Ceci dit, l’énorme et catastrophique malentendu pour nos intellectuels c’est que le mot religion ne signifie pas la même chose pour tout le monde.
Pour les ancêtres des juifs actuels et les musulmans, la religion c’était la loi.
Pour les Hébreux c’était une loi tribale, pour les musulmans une loi universelle. Pour les païens d’esprit indo-européen et particulièrement les Celtes, la religion c’était des événements sociaux et des
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fêtes (la loi en était distincte, raison pour laquelle le Christianisme, à la différence de l’Islam, ne s’est pas impliqué directement dans l’établissement des lois devant régir la société).
— Pour les juifs d’aujourd’hui la religion est devenue ethnoculturelle, en dehors de la loi, et pour certains d’entre eux une question de nationalité. Idem pour les chrétiens syriaques, coptes, maronites.
— Pour les bouddhistes, les shintoïstes et les Hindous, la religion est une philosophie. Aussi, quand un Indien parle de religion hindoue cela ne signifie donc pas la même chose dans l’esprit d’un Pakistanais que dans celui d’un Indien, et cela n’est sans doute pas la même chose non plus pour un Iranien (Perse).
Il n’y a donc pas en la matière de vrais dialogues puisqu’on ne parle pas de la même chose, mais des successions de monologues.
Avec l’émergence de l’idée d’État-nation, les choses sont devenues encore plus compliquées.
Quand un Arabe d’aujourd’hui parle de « juifs », il se réfère surtout à une question de croyances. Pour un Arabe d’aujourd’hui, tout comme pour les Européens du Moyen-âge (antisémitisme religieux et non racial), un juif converti n’est plus un juif.
Mais pour un juif, un juif c’est quelqu’un dont la mère était juive (définition rabbinique traditionnelle). En outre tout cela s’est plus ou moins confondu avec l’idée d’État-nation et donc équivaut maintenant à une nationalité.
— En Serbie en Croatie ou au Liban, la notion de religion signifie une chose en temps de paix et autre chose en temps de guerre.
— Pour les chrétiens orthodoxes et catholiques, la religion est surtout devenue une esthétique, une pompe et des rites.
Être un musulman profondément croyant a donc d’importantes et immédiates conséquences sur le plan social et par ricochet sur le plan politique, puisque c’est aussi et avant tout une façon de vivre.
Inversement, moins on est croyant, moins cela a d’incidence ou d’impact sur la vie sociale quotidienne.
RÉPÉTONS-LE ENCORE UNE FOIS.
En ce qui nous concerne, nous ne parlerons donc ici que du faux islam, c’est-à-dire celui qui est fondé sur les quatre piliers susmentionnés, car nous ne voulons pas perdre de temps avec les arbres qui cachent la forêt.
L’objet des 60 chapitres qui vont suivre n’est donc pas l’Islam 1), dont nous confessons humblement ignorer ce qu’il est en réalité (sans doute une subjectivité parfaitement incommunicable comme tant d’autres 2), mais l’idéologie religieuse qui détermine un certain nombre de comportements sociaux collectifs, ou individuels, du monde d’aujourd’hui, que ce soit positivement ou négativement (envers des frères en religion, envers de faux frères, ou des non-musulmans, etc.) et qui se revendique d’un amas de mots 3) censés contenir uniquement des extraits d’un livre céleste éternel écrit directement en langue arabe (ce qui l’apparente dans ce cas plus à la notion de peuple élu, donc de mythe compensant un complexe d’infériorité, ou un total manque de confiance en soi, qu’à celle d’Ancien Testament) téléchargé par un opérateur « internet » tardivement appelé Gabriel (quand il s’est agi de rapprocher le tout des traditions juives et chrétiennes afin de faire plus acceptable, plus classique) ; amas de mots appelé en l’occurrence « Coran » ou récitation d’un lectionnaire en syriaque, extraits d’une Table de la loi céleste éternelle et consubstantielle à Dieu (théorie du Coran incréé).
« Quand tu vois ceux qui pataugent dans des discussions à propos de nos versets, éloigne-toi d’eux jusqu’à ce qu’ils entament une autre discussion. Et si le Diable te le fait oublier, alors, dès que tu t’en souviens, ne reste pas avec les mécréants » (Verset 68, chapitre 6).
Et…
« Dans le Livre, il vous a déjà révélé ceci : lorsque vous entendez qu’on critique les versets (le Coran) de Dieu et qu’on s’en moque, ne vous asseyez point avec eux tant qu’ils n’auront pas entamé une autre conversation. Sinon vous serez comme eux. Dieu assurément rassemblera tous les mécréants et les hypocrites en enfer » (Verset 140, chapitre 4 : les femmes).
Un de mes correspondants albertivillarien me fait remarquer qu’il y a le même genre de refus de tout dialogue dans le Nouveau Testament, plus précisément dans la deuxième épître de Jean, premier chapitre versets 10 et 11.
« Quiconque va au-delà et ne demeure pas dans la doctrine du Christ, ne possède point Dieu ; celui qui demeure dans cette doctrine possède le Père et le Fils. Si quelqu’un vient à vous et n’apporte point cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison, et ne lui dites pas : Salut ! Car celui qui lui dit : Salut ! participe à ses œuvres mauvaises ».
Dont acte !
Nous faisons néanmoins remarquer cher lecteur…
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Premièrement que cela ne vise pas tous les critiques (athées agnostiques ou membre d’une autre religion), mais les membres de la même religion en désaccord sur certains points (les hérétiques les gnostiques).
Deuxièmement qu’il n’est pas demandé au vrai croyant de s’éloigner si ce genre d’individus vient discuter, MAIS DE NE PAS LE RECEVOIR CHEZ SOI (passons sur les salutations qui ne sont qu’anecdotiques).
Le tout mentionné une fois et dans une partie relativement secondaire du Nouveau Testament. Alors que l’interdiction musulmane figure dans le Coran et à 2 reprises.
Chapitre 6, verset 68.
Chapitre 4, verset 140.
Que le musulman pieux veuille bien néanmoins pardonner à l’avance ce qui va suivre et qui tombe hélas ! sous le coup de l’interdiction par Dieu de toute contestation de toute discussion ou de tout dialogue. Car nous allons effectivement maintes fois dans les pages qui suivent discuter des versets du Coran ; de leur sens, de leur pertinence, de leur adéquation, de leur valeur éthique philosophique ou scientifique. Comment faire autrement ?
Et notamment ses versets abrogeant (nasikh) dont les célèbres versets de l’épée, du combat, et du petit djihad. À savoir les versets 5 du chapitre 9, 29 du chapitre 9, 4 du chapitre 47.
— Sans oublier les centaines de milliers d’anecdotes (hadiths) concernant la vie et l’œuvre du fondateur théorique de ce courant religieux 4) qui s’est distingué du paganisme arabe ainsi que du Judaïsme et des divers christianismes de l’époque, dans cette partie de la péninsule arabe au 7e siècle. Les hadiths sont des propos attribués à Mahomet, ou parfois à des observateurs contemporains, qui renseignent sur sa doctrine, sa vie, et concernent des sujets d’une très grande variété. Ils se comptent par centaines de milliers et sont habituellement distingués selon leur degré de fiabilité.
Dit autrement et nous reviendrons sur l’aspect essentiellement « Loi » d’une telle spiritualité, si tant est que l’on puisse parler d’une spiritualité dans ce cas, c’est « la loi immuable de Dieu » explicitée commentée et détaillée par Mahomet, fils d’Amina, d’un petit clan obscur et oublié de la puissante tribu des Couraïchites de La Mecque.
Le terme hadith englobe même les absences de réaction de Mahomet ou des principales figures de la communauté après lui.
Les recueils de hadiths les plus connus sont celui de Boukhari, celui du Sahih Muslim et celui d’Abou Daoud. « Découvertes » ou « fabrications » de ces hadiths ont évidemment été instrumentalisées ou encouragées, voire téléguidées, par les différents pouvoirs en place. En plus du recueil de Boukhari qu’ils ont en commun avec les sunnites, les chiites (20 %) ont leurs propres recueils de hadiths.
Il y a dans ces millions d’anecdotes des choses peu vraisemblables. Et là encore se pose donc la question de leur authenticité. Un expert de Téhéran estimait jadis à guère plus de 30 ou 40 (sur des millions) le nombre de hadiths authentiques.
Mais tous ces hadiths jouent néanmoins un grand rôle dans l’élaboration de la Charia. Par exemple pour ce qui est de la lapidation.
Un élément déterminant du blocage actuel de l’islam réside donc dans la sacralisation ou l’idolâtrie au 21e siècle encore, de ces hadiths, qui sont autant de témoins d’une pensée primitive. Certains optent pour la contextualisation, d’autres pour l’interprétation métaphorique voire de façon plus radicale, pour la fausseté de certains hadiths… Pourtant alléger son boulet ne le supprime pas.
— Sans oublier non plus l’imitation aveugle et servile de la vie du fondateur de cette nouvelle religion de masse (cf. le dogme musulman de l’isma).
— Et pour finir les remarques de certains rats de bibliothèque sur les trois premiers points ; autrement dit les règles de vie en société (charia) qu’ont déduites de ce qui précède un certain nombre de penseurs (essentiellement non Arabes à l’origine pour ce qui est de la grammaire), bien obligés d’expliquer toutes ces bizarreries aux nouveaux convertis ; et qu’on appelle des « Écoles » ; les principales étant ainsi que nous l’avons vu les 4 écoles sunnites (hanafisme malékisme chaféisme hanbalisme) et les 4 écoles chiites (ismaélisme, jafarisme, zaïdisme, duodécimains) plus quelques autres très minoritaires (l’équivalent de nos modernes catholicité, orthodoxie, évangélisme, ou autres, dans cette première religion de masse qu’il est convenu de regrouper sous le terme générique de christianisme).
Car là aussi de grandes tendances se sont distinguées les unes des autres, et notamment celles qu’il est convenu d’appeler le sunnisme et le chiisme (chiisme lui-même subdivisé en de nombreux sous courants), etc.
Les récents développements dans le monde du terrorisme djihadiste et la conversion à l’islam d’un élu (Maxence Buttey 5) du Front National, le parti politique français qu’on ne présente plus maintenant,
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m’ont inspiré les réflexions suivantes à propos de la personnalité de ces convertis de la dernière heure.
Force est de constater qu’un certain islam (le salafisme par exemple), se voulant plus ou moins un fondamentalisme ou un intégrisme sunnite (80 % de l’islam), attire beaucoup les déséquilibrés de toute sorte. Or, tout comme se convertir au christianisme au IIe siècle de notre ère n’était pas une preuve d’intelligence – l’intelligence c’était alors le dieu des philosophes – se convertir aujourd’hui à l’islam n’est pas une preuve d’intelligence 6).
Ce n’est pas avec une politique à la Gribouille consistant à multiplier les imams dans les prisons ou les mosquées voire les prières dans la rue ; que l’on relèvera le défi du terrorisme islamiste ! Ce qu’il faudrait plutôt c’est enseigner inlassablement les valeurs que sont le respect et la tolérance envers les kouffar du grand koufr (par exemple les yézidis en Irak) les moushrikoun du grand shirk (certains chrétiens ou certains croyants ne relevant pas de la catégorie des gens d’un seul livre) ainsi que tout ce qui peut, à tort, être considéré comme taghout : la laïcité l’apostasie la liberté de conscience d’opinion et d’expression, et plus généralement d’ailleurs les droits de l’Homme plutôt que les droits de Dieu ; ce qui inclut la liberté de dire ou d’écrire ce qui peut être considéré comme des blasphèmes par les uns ou comme la simple critique de certaines idéologies ou certains comportements religieux, par les autres.
Critiquer même radicalement, en allant jusqu’à dire que Dieu n’existe pas et que Mahomet n’a donc jamais été son prophète, doit être parfaitement et paisiblement possible, car cela fait légitimement partie des droits de l’Homme en question.
Pour finir rappelons à ce sujet à M. Buttey que la foi n’ayant rien à voir avec la raison 6) ce faux islam 1) objet de la présente étude n’a rien à voir avec l’intelligence, à l’exception de sa variante moutazilite, mais cette dernière a fini par être presque unanimement considérée comme une hérésie ; et en conséquence a aujourd’hui hélas disparu après avoir connu son heure de gloire. Dommage ! Ce qui a manqué dans tout cela c’est le Saint-Esprit.
L’immense majorité des musulmans n’adhère plus à ces enseignements d’un autre âge, malgré le lavage de cerveau en ce sens qu’ils ont généralement subi dès l’enfance, en apprenant par cœur le Coran et ses commentaires, et ils cultivent un islam traditionnel et familial convivial. Mais il y en a qui les pratiquent ou sont exhortés à le faire. Il est donc faux de dire que l’islam est une spiritualité sans conséquences ni implications politiques. L’expérience des totalitarismes du 20e siècle et notamment du bolchévisme montre que les modérés, malgré leur nombre, ne résistent pas aux injonctions ou à la prise du pouvoir idéologique par un groupe minoritaire blanquiste et déterminé. Ces derniers ont d’ailleurs déjà gagné la bataille des idées dans les médias et dans certains milieux juridiques, en réussissant à conférer au terme islamophobie un sens radicalement inverse à son sens d’origine et à retourner la plupart de nos modernes concepts comme ceux de liberté religieuse ou laïcité.
Répétons-le encore une fois, il va de soi évidemment cher lecteur musulman que nous ne critiquerons pas ici le véritable islam qui est le vôtre ; mais le faux islam qui est une idéologie, une de plus, dont la définition par Gustave Le Bon a été indiquée ci-dessus.
POUR CONCLURE.
Pierre de La Crau n’a rien découvert de spectaculaire à propos des origines de l’islam.
L’existence à l’époque de millions de chrétiens arabes en Jordanie en Syrie ou en Irak a permis de comprendre ou d’apprécier sans équivoque les divers versets du Coran.
Ce livre de Pierre de La Crau ne contient donc aucun fait nouveau. Tout est connu depuis longtemps, à part certains détails.
Comme pour différentes raisons que nous allons détailler ci-dessous, les intellectuels de ce pays font comme si de rien n’était ; Pierre de la Crau en profite pour les publier afin d’en informer le plus large public.
Les raisons pour lesquelles à de rares lucides et courageuses exceptions près qui vont évidemment heureusement maintenant… se multiplier ; l’immense majorité de ceux qui savent (cocher la case : évêques journalistes hommes politiques abbés auteurs de livres curés sportifs artistes……) et qui n’ont qu’un seul défaut, leur pauvreté (car ils donnent tout aux SDF), mais à qui la volonté de résister avec courage comme en 1940, ne manque pas, sont les suivantes……
Ici se trouve une longue liste de défauts allant de l’ignorance à l’orgueil en passant par le confusionnisme intrinsèque le plus complet que les héritiers de Pierre de La Crau (Jean-Loup Alix et Mélisande) ont préféré censurer, car ils sont vraiment décourageants.
1) Le véritable islam c’est le vôtre bien évidemment cher lecteur, le soufisme (ou le moutazilisme, le chiisme, etc.). Et le faux islam est donc fondé a contrario sur les piliers suivants…
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— Le Coran et ses versets abrogeant (nasikh) dont le célèbre verset de l’épée, du combat, et du petit djihad. À savoir ainsi que nous l’avons mentionné plus haut, les versets 5 du chapitre 9, 29 du chapitre 9, 4 du chapitre 47.
— Les centaines de milliers de hadiths même si à peine quelques dizaines d’entre eux peuvent être authentiques.
— L’imitation de la vie (sira) de Mahomet.
— Les réflexions de certains auteurs sur ce qui précède (charia).
Seuls ces 4 points, pris ensemble et non séparément, constituent l’équivalent de la Bible pour les judéo-chrétiens.
2) Et qui d’ailleurs en tant que pure manifestation de l’égoïsme humain, ne m’intéresse pas.
3) Ce qui importe ce n’est pas la lettre, mais l’esprit !
4) L’homme à qui on a attribué tous ces textes, l’homme que les Marouanides ont mis en avant pour se revendiquer de son autorité : Mahomet.
5) Élu en 2014 à Noisy-le-Grand, dans le département français de la Seine-Saint-Denis.
6) Quelle bien petite chose que l’intelligence ! L’intelligence est en elle-même sans finalité aucune. L’intelligence est un instrument au service de nos sentiments. À l’exception de l’amour de la science et de la curiosité, ses impulsions viennent d’ailleurs » (Gaston Bouthoul. Traité de sociologie. Tome 2).
* L’expression « Idiot utile » est apparue pour la première fois en 1948 et ne fut attribuée à Lénine que plusieurs décennies plus tard. Elle a alors été utilisée dans un article du New York Times à propos de la politique italienne. Elle s’applique à des personnes qui servent de fait, bien involontairement, des desseins qui leur échappent et qui contredisent leurs aspirations profondes.
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CITER UN BLAPHÈME N’EST PAS BLASPHÉMER (proverbe persan).
Ce qui est certain par contre c’est que les valeurs musulmanes ont suscité dès le début (cf. Les réactions des compatriotes de Mahomet) des jugements très abrupts. Certains n’ont pas manqué de tomber dans la caricature. En voici quelques-uns. Tous nécessitent donc d’être replacés dans leur contexte.
« C’est un malheur pour la nature humaine, lorsque la religion est donnée par un conquérant. La religion mahométane, qui ne parle que de glaive, agit encore sur les hommes avec cet esprit destructeur qui l’a fondée » (Montesquieu / 1689-1755).
« Ce livre est une longue conférence de Dieu, des anges et de Mahomet, que ce faux prophète a très grossièrement inventée ; tantôt il nous présente parfois Dieu s’adressant à lui-même et lui enseignant sa loi, tantôt un ange parmi les prophètes, et fait souvent parler Dieu au pluriel… étonnons-nous dans ces conditions que de telles absurdités aient contaminé la meilleure partie du monde, et avouons que la connaissance de ce qui figure dans ce livre rend cette loi méprisable » (John Adams 1735-1826).
« Par enthousiasme ou vanité, le prophète [Mahomet] fonde la vérité de sa mission sur le mérite de son livre ; défie audacieusement les hommes et les anges d’imiter la beauté d’une seule de ses pages ; et a la présomption d’affirmer que Dieu seul peut dicter cet incomparable chef-d’œuvre. Cet argument est le plus puissant qui puisse être adressé à un Arabe pieux, dont l’esprit est en harmonie avec la foi et ses extases ; dont l’oreille est ravie par les sonorités musicales ; et que l’ignorance met dans l’incapacité de comparer les productions du génie humain… Si la composition du Coran dépasse les facultés d’un homme à quelle intelligence supérieure devrions-nous attribuer l’Iliade d’Homère, ou les Philippiques de Démosthène ? [……] Au lieu d’être une mesure perpétuelle et parfaite de la volonté divine, les fragments du Coran furent produits à la discrétion de Mahomet ; chaque révélation fut adaptée aux urgences de sa politique ou de ses passions ; et toute contradiction fut écartée par la salvatrice maxime que tout texte de l’Écriture peut être abrogé ou modifié par un passage ultérieur » (Édouard Gibbon 1737-1794).
« … Au septième siècle de l’ère chrétienne, un Arabe errant de la lignée de Hagar, l’Égyptienne, combinant les pouvoirs du génie transcendant, avec l’énergie surnaturelle d’un fanatique, et l’esprit frauduleux d’un imposteur, s’est autoproclamé messager du ciel, et a répandu la désolation et l’imposture sur une partie grandissante de la planète. Après avoir emprunté à la sublime intuition de la loi mosaïque la doctrine d’un Dieu tout puissant, il en a tiré tout aussi sûrement l’audacieux mensonge, qu’il était lui-même son prophète et son apôtre. Adoptant de la nouvelle révélation de Jésus, la foi et l’espérance de la vie immortelle, et de la rétribution future, il l’a traîné dans la boue en vouant toutes les récompenses et les sanctions de sa religion à la satisfaction de la passion sexuelle. Il a empoisonné à la source la fontaine de la félicité humaine, en dégradant la condition du sexe féminin, et en légitimant la polygamie ; et il a déclaré la guerre indifférente et exterminatrice, comme une partie de sa religion, contre tout le reste de l’humanité. L’ESSENCE DE SA DOCTRINE ÉTAIT LA VIOLENCE ET LA LUXURE : L’EXALTATION DE LA BRUTE SUR LA PARTIE SPIRITUELLE DE LA NATURE HUMAINE [les lettres majuscules d’Adam]… Tant que les dogmes impitoyables et dissolus du faux prophète fourniront des mobiles à l’action humaine, il ne pourra jamais y avoir de paix sur terre entre les hommes de bonne volonté… Ce que prescrit le Coran est la guerre perpétuelle contre tous ceux qui ne reconnaissent pas que Mahomet est le prophète de Dieu. Les vaincus peuvent racheter leurs vies, moyennant le paiement d’un tribut ; le vainqueur peut être apaisé par une fausse et trompeuse promesse de paix ; et le fidèle disciple du prophète peut se soumettre aux impérieuses nécessités de la défaite : mais le commandement de répandre le dogme musulman par l’épée reste toujours obligatoire, quand il peut être rendu effectif. Les commandements du prophète peuvent être exécutés de la même manière, par la ruse ou par la force. De la bonne foi mahométane, nous avons nous-mêmes eu des exemples mémorables. Quand notre vaillant Decatur eut rossé les pirates d’Alger, jusqu’à ce qu’ils soient prêts à renoncer à leur droit d’exiger un tribut des États-Unis, il signa un traité en ce sens : mais le traité fut rédigé en langue arabe et dans le nôtre ; mais nos négociateurs, ne connaissant pas la langue du Coran, ont signé les copies du traité dans ces deux langues, sans penser un seul instant qu’il pouvait y avoir des différences entre eux. Dans l’année qui
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suivit, le Dey demanda, sous peine de reprise des hostilités, une indemnité en argent pour la frégate prise par Decatur. Notre consul demanda à connaître les raisons de cette prétention ; et la copie arabe du traité, signée par lui-même, fut produite sous ses yeux : il y avait dedans un article imposant ladite indemnité, et ce en opposition directe avec le traité tel qu’il avait été conclu. L’arrivée de Chauncey, avec toute une escadre, devant Alger, mit un terme à cette réclamation frauduleuse du Dey, et il signa un nouveau traité dans lequel elle fut abandonnée ; mais il ne daigna même pas dissimuler ses intentions. Mon pouvoir, dit-il, m’a été arraché des mains ; rédigez ce traité à votre guise et je le signerai ; mais prenez garde au moment où je recouvrerai ledit pouvoir, car, à ce moment-là, votre traité ne sera plus qu’un chiffon de papier. Il avouait ainsi ce qu’ils pratiquaient depuis toujours, et qu’il aurait fait lui-même sans scrupule s’il avait pu. Tel est l’esprit qui gouverne le cœur des hommes à qui traîtrises et violence sont enseignées comme principes religieux »(John Quincy Adams 1767 – 1848).
« Nous avons pris la liberté de nous enquérir des raisons de leur volonté de faire la guerre aux nations qui ne leur avaient fait aucun mal, et avons fait observer que nous considérions comme amis l’immense foule de ceux qui ne nous avaient fait aucun tort ni ne nous avaient en rien provoqués.
L’ambassadeur [de Tripoli] nous a répondu qu’ils se fondaient sur les lois de leur prophète, qu’il était écrit dans leur Coran, que les nations qui ne reconnaissaient pas leur autorité péchaient lourdement, qu’ils avaient le droit et le devoir de leur faire la guerre en tout lieu où cela pouvait se faire, et de réduire en esclavage tous les captifs qu’ils pouvaient faire, et que tout musulman qui mourait au combat était assuré d’aller au paradis » (Lettre des commissaires John Adam et Thomas Jefferson adressée à John Jay, 28 mars 1786).
« Le Coran, ce méchant livre, a suffi pour fonder une grande religion, satisfaire pendant 1200 ans le besoin métaphysique de plusieurs millions d’hommes ; il a donné un fondement à leur morale, leur a inspiré un singulier mépris de la mort et un enthousiasme capable d’affronter des guerres sanglantes, et d’entreprendre les plus vastes conquêtes. Or nous y trouvons la plus triste et la plus pauvre forme du théisme (…) je n’ai pu y découvrir une seule idée un peu profonde » (Arthur Schopenhauer 1788 -1860).
« J’ai beaucoup étudié le Coran. Je suis sorti de cette étude avec la conviction qu’il y avait eu dans le monde, à tout prendre, peu de religions aussi funestes aux hommes que celle de Mahomet. Elle est, à mon sens, la principale cause de la décadence aujourd’hui si visible du monde musulman (…) je la regarde comme une décadence plutôt que comme un progrès » (Alexis de Tocqueville 1805-1859)
« Le sabre de Mahomet et le Coran sont les plus funestes ennemis de la civilisation, de la liberté et de la vérité, que le monde n’ait jamais connus. Certains rêvent d’un Islam futur rationalisé et régénéré. Tout cela a déjà été tenté et a lamentablement échoué. Le Coran a tellement fondu la religion dans un dur et rigide corpus d’ordonnances et de lois sociales, que si la coquille était brisée, la vie en disparaîtrait. Un Islam rationaliste ne serait plus l’Islam. Le contraste entre notre propre foi et l’Islam est des plus évidents. Il y a dans nos Écritures des germes vivants de vérité, qui s’accordent avec la liberté civile et religieuse, et qui s’élargiront avec l’avancement de la civilisation. Avec l’Islam c’est exactement l’inverse. Le Coran n’a pas un enseignement qui, comme le nôtre, a aboli la polygamie, l’esclavage et le divorce arbitraire, et élevé la femme à sa juste place. En tant que réformateur, Mahomet a fait progresser son peuple jusqu’à un certain point, mais en tant que prophète, il les a laissés figés dans cet état pour l’éternité. L’arbre est de plantation artificielle. Au lieu de contenir en lui-même le germe de croissance et d’adaptation aux diverses exigences du temps et du climat, qui pousse avec le soleil et la pluie céleste, il reste hors-sol et rabougri comme il y a douze siècles » (William Muir 1819-1905).
« Au point de vue littéraire, le Coran a peu de mérite. Déclamation, répétition, puérilité, manque de logique et de cohérence frappent à chaque instant le lecteur non préparé. Il est humiliant pour l’esprit humain de penser que cette littérature médiocre a fait l’objet d’innombrables commentaires, et que des millions d’hommes perdent encore du temps à l’apprendre par cœur » (Salomon Reinach 1858-1932).
« Quelle horreur que ces malédictions que le mahométanisme impose à ses adeptes ! Outre la frénésie fanatique, qui est aussi dangereuse chez un homme que l’hydrophobie chez un chien, il y a aussi une effrayante apathie fataliste. Les effets en sont apparents dans de nombreux pays. Des habitudes imprudentes, des systèmes agricoles négligés, des méthodes de commerce léthargiques ainsi que l’insécurité des propriétés existent partout où les disciples du Prophète règnent ou vivent. Un sensualisme dégradé prive la vie de sa grâce et de son raffinement ; le prochain de sa dignité et de son caractère sacrosaint. Le fait que dans la loi mahométane toute femme doit appartenir à un homme et être sa propriété absolue – en tant qu’enfant, femme, ou concubine – retardera l’abolition définitive de l’esclavage tant cette foi qu’est l’Islam n’aura pas cessé d’être une grande puissance chez les Hommes. Des milliers d’hommes sont devenus les courageux et loyaux soldats de cette foi : tous
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savent mourir, mais le poids de cette religion paralyse le développement social de ceux qui la suivent. Il n’y a pas de force rétrograde plus puissante au monde. Loin d’être moribond, le mahométanisme est une foi militante et prosélyte. Il s’est déjà répandu dans toute l’Afrique centrale, en levant à chacune de ses avancées des armées de guerriers intrépides ; et si le christianisme n’était pas protégé par les puissantes armes de la Science, cette science contre laquelle il avait vainement lutté, la civilisation de l’Europe moderne pourrait tomber tout entière, à l’instar de la civilisation de la Rome antique (Winston S. Churchill, La guerre du fleuve).
« … La religion mahométane augmente, au lieu de diminuer, la fureur de l’intolérance. Elle a été à l’origine répandue par l’épée, et depuis ses adeptes ont été soumis, plus que dans toutes les autres croyances, à cette forme de folie. Les fruits d’un patient labeur, les perspectives de prospérité matérielle, et même la peur de la mort, se trouvent balayés d’un revers de main. Les Pathans les plus émotifs ne peuvent y résister. Toutes les considérations rationnelles en sont oubliées. En prenant les armes ils deviennent des Ghazis, aussi dangereux et aussi sensibles que des chiens enragés : ils ne peuvent être traités que comme tels. Alors que les esprits les plus généreux de ces tribus se plaisent dans cette transe religieuse morbide, les âmes plus pauvres et plus matérialistes sont influencées par l’exemple des autres et sont également mues par les perspectives de pillage ou la frénésie du combat. Ainsi des nations entières ont-elles pris les armes. Les Turcs repoussent leurs ennemis, les Arabes du Soudan brisent les carrés britanniques et le soulèvement sur la frontière indienne s’étend. Dans chacun de ces cas, la civilisation est confrontée au Mahométanisme militant, les forces du progrès sont confrontées à celles de la réaction, la religion du sang et des guerres fait face à celle de la paix » (Winston S. Churchill, Histoire du corps expéditionnaire du Malakand).
« L’islam, cette théologie absurde d’un Bédouin immoral, est un cadavre putréfié qui empoisonne nos vies » (Mustapha Kémal Atatürk 1881-1938).
« Christianisme et bouddhisme sont essentiellement des religions personnelles avec des doctrines mystiques et une appétence pour la contemplation. Mahométanisme et Bolchévisme sont pratiques, sociaux, sans spiritualité aucune, et occupés à la conquête du monde » (Bertrand Russel 1872-1970).
« On peut trouver dans une grande encyclopédie [que je ne nommerai pas] des phrases telles que : « L’Islam s’est développé au VIIIe ou au IXe siècle… » ; « Ce pays est passé entre les mains des musulmans… » Mais on prend soin de ne pas dire comment l’islam s’est développé, comment ces pays « sont passés entre les mains des musulmans ». On a l’impression que ces événements se sont produits d’eux-mêmes, par une sorte d’opération miraculeuse ou amicale… En ce qui concerne cette expansion, on parle peu de djihad. Et pourtant tout cela est arrivé par la guerre !
… le djihad est une institution et non un événement, c’est-à-dire qu’il fait partie du fonctionnement normal du monde musulman… Les populations conquises changent de statut (elles deviennent des dhimmis), et la charia tend à être mise en œuvre intégralement, à rebours des anciennes lois du pays. Les territoires conquis ne changent pas simplement de propriétaires » (Jacques Ellul 1912-1994).
« La plupart des musulmans ne sont pas des analystes chevronnés du Coran. Pour beaucoup de musulmans croyants, l’Islam est, d’une manière confuse, à demi raisonnée, non seulement la crainte de Dieu – crainte de Dieu plus qu’ amour de Dieu peut être – mais aussi toute une série de coutumes, d’opinions et de préjugés qui englobent leurs pratiques alimentaires ; la séquestration ou la quasi-séquestration de « leurs » femmes ; les sermons délivrés par les mollahs de leur choix ; une haine de la société moderne en général, vilipendée pour sa musique, son impiété et son étalage du sexe ; et plus particulièrement la répugnance (voire la peur) à l’idée que leur environnement immédiat puisse être contaminé par le mode de vie libéral à l’occidentale » (Salman Rushdie 1947 -?).
Un tel jugement ne peut se concevoir que comme le résumé choc d’une analyse beaucoup plus fouillée détaillée nuancée.
Ces auteurs ainsi que d’autres qui ne savent généralement rien de l’Islam diffusent à son propos des points de vue révolutionnaires inacceptables tels quels à l’état brut. Il importe donc de garder la tête froide et de les analyser point par point pour avoir une juste et personnelle appréciation de cette religion.
Décryptage donc nuances que nous allons développer maintenant longuement dans cette première partie de notre lutte contre l’aliénation religieuse. Contre toutes les aliénations religieuses. N’ayant rien à voir avec la spiritualité.
Abordons donc maintenant, non l’histoire de l’Islam d’un point de vue diachronique, ni l’Islam comme système d’un point de vue a-historique et synchronique global incluant ses hérésies extrêmes, mais quelques-uns de ses points saillants présents ou passés, faisant problème aux yeux des non-musulmans comme nous voire aux yeux de nombreux musulmans eux-mêmes 1) tels le Bengalais (aujourd’hui Canadien) Hossein Salahouddin, le Pakistanais Ibn Ouarraq, etc.
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Au jugement de valeur un peu à l’emporte-pièce du docteur Gérard Zwang nous opposerons ci-dessous la déconstruction un peu plus élaborée, mais potentiellement plus explosive (c’est de la dynamite) opérée par Pierre de La Crau.
Chacun sera libre ensuite de juger si de tels résumés trahissent plus la vérité qu’ils ne la servent.
1) Hossain Salahouddin, est un poète et essayiste en 1984, dans une famille musulmane au Bangladesh. Sa famille était plutôt orthodoxe et a fait en sorte qu’il apprenne le Coran avant même d’être inscrit à l’école. Il eut un précepteur à domicile, un mollah qui lui a appris à réciter le Coran en arabe ; à l’âge de 12 ans, il était capable de le réciter par cœur sans en comprendre un mot. Il dut pour cela lire des traductions du Coran et des hadiths dans sa langue maternelle. Commença par croire qu’il ne s’agissait que de problèmes de traduction avant de se rendre compte que non. Déclaré en 2002 « Apostat » ou « Nastik-et-Mourtad ». La cohérence intellectuelle, l’honnêteté intellectuelle, la logique, commandent en effet de ne plus se reconnaître comme chrétien (ou musulman) quand on ne croit plus aux points fondamentaux du système religieux en question, mais seulement à certains de ses éléments secondaires, ou quand on n’est plus qu’attaché affectivement à certaines de ses traditions, coutumes, ou pratiques, familiales comme les célèbres juifs de Kippour, les chrétiens le jour de Noël.
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PREMIER FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LES ASSASSINATS POLITIQUES D’OPPOSANTS MÉDINOIS.
Chapitre 5, verset 32.
« C’est à cause de ce crime [de Caïn] que nous décrétâmes, pour les fils d’Israël, que quiconque tuerait une personne, sans que celle-ci ait tué ou [semé] le scandale [farad] sur la terre [serait jugé] comme s’il avait tué tous les hommes »…
Tafsir de Pierre de La Crau.
a) Oups, Dieu avait oublié de le préciser d’emblée.
b) Fasad fi al ardi couvre, en arabe, un champ sémantique très large pouvant aller jusqu’à anarchie..
c) Ce que l’on peut déduire de ce verset : Dieu n’est pas jaïn.
d) Les chrétiens se veulent un nouvel Israël (et même le Verus Israel), mais les musulmans ? Sont-ils fils d’Ismaël ou fils d’Israël ?
e) Autres exceptions à ce pacifisme jaïn absolu des débuts.
La biographie de Mahomet d’Ibn Ichaq relate nombre d’épisodes où l’on constate que la sensiblerie n’était pas de mise quand il s’agissait de lutter contre la Fassad. Ces premières biographies de Mahomet, celle d’Ibn Ichaq ou d’Ibn Hicham, ne se sentaient nullement gênées de rapporter les épisodes où Mahomet avait fait couler le sang. L’assassinat politique y est considéré à l’égal d’une campagne militaire.
Ces meurtres à la demande de Mahomet ne sont ni spécifiques aux juifs ni spécifiques aux poètes. Les meurtres sont dans les mœurs de l’époque et des dispositions légales les régissent, par exemple dans la série de pactes appelés pompeusement « Constitution de Médine ».
« Toujours selon leur actuelle coutume, les immigrés Couraïchites paieront le prix du sang qu’ils avaient coutume de payer avant. […] Un croyant ne tuera pas un croyant à cause d’un infidèle […] Quiconque est convaincu du meurtre d’un croyant sans une raison valable, est sujet au tabou, à moins que le plus proche parent ne soit satisfait (avec le prix du sang). » Ceci ne concerne pas le meurtre d’un infidèle ni le meurtre d’un croyant avec une raison valable, et, pour le meurtre d’un croyant sans raison valable, il est possible de proposer un dédommagement au parent le plus proche.
CONTEXTE.
Le combat livré à Badr, médiocre par l’importance des effectifs en présence, aura un retentissement énorme dans la culture islamique, puisqu’il constitue la première victoire musulmane sur les infidèles, miraculeuse puisque inespérée, due à l’intervention de Dieu, et de ses anges. De nombreux versets du Coran font référence à l’épisode. La victoire de Badr ne fut qu’une expédition réussie, mais elle eut un grand retentissement chez les Arabes de Yathrib/Médine, et même chez les juifs, voire dans tout le Hedjaz. La multiplication des assassinats politiques qui s’ensuivit ne peut être due au seul hasard. Car à Yathrib/Médine, c’est en effet de cette façon que Mahomet va désormais peu à peu installer son (contre) pouvoir. (Il ne pouvait pas faire autrement d’ailleurs étant donné qu’il n’était alors encore qu’un immigré à Yathrib et non son chef légitime). Il est évident que ce terrorisme fut une stratégie délibérée pour conquérir le pouvoir. L’assassinat « politique » fera partie des moyens utilisés par Mahomet pour arriver à émerger ou à être suffisamment puissant afin que l’on ne songe plus à tirer vengeance de lui ou de ses fidèles. Faire peur, si peur que personne n’osera plus rien tenter contre lui, telle sera donc la stratégie de Mahomet pour prendre le pouvoir à Yathrib/Médine. Les attentats terroristes en question ne furent évidemment perpétrés que parce que tel était son bon plaisir. « Lorsque Dieu et son prophète ont pris une décision, il ne convient ni à un croyant ni à une croyante de maintenir son choix sur cette affaire. Celui qui désobéit à Dieu et à son prophète s’égare manifestement » (chapitre 33, verset 36). Les meurtres politiques ordonnés par Mahomet, recensés par Ibn Ichaq, furent nombreux, et occupent une partie importante de son deuxième volume. Ces assassinats sont classés par les chroniqueurs dans la catégorie « expéditions du Prophète (maghazi) ». Ces premiers attentats terroristes, à la demande de Mahomet, furent perpétrés par certains de ses proches sur des chefs ou des intellectuels non convaincus par son message, et notamment des juifs évidemment, car la rupture avec eux avait commencé.
Début 624, Mahomet ayant pris conscience de l’échec de sa tentative en direction des juifs, le ton change, et les méthodes aussi. Les contacts sont rompus, les menaces et les insultes apparaissent, y
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compris dans le Coran. Le temps de la conviction est passé, celui des pressions commence : des appels au meurtre évidents surgissent alors dans les discours de Mahomet.
Cinq personnalités de Yathrib/Médine furent assassinées par les séides de Mahomet avec sa bénédiction, son approbation explicite, voire à sa demande. Mahomet n’aime ni la poésie ni les critiques. Cela le conduira donc à pratiquer à Yathrib/Médine une très efficace politique d’élimination des opposants. La technique sera celle du commando, du petit groupe attaquant par surprise et de nuit. Les victimes en seront des personnages importants. Au-delà de la simple élimination, l’effet recherché sera d’inspirer la peur, c’est clairement mentionné dans les sources.
Il s’agit des intellectuels nommés Abou Afak, de la poétesse Asma Bint Marouane, tous deux païens et non-juifs l’un et l’autre, de Kab ibn al-Achraf, puis d’Ibn Sounaïna et enfin de Sallam Abou Rafi.
Le premier de la liste fut vraisemblablement le poète Abou Afak, un vieux juif centenaire, qui avait osé composer un poème satirique s’en prenant à Mahomet (Kitab al Tabaqat al Kabir, tome 2, par Ibn Saad, page 32). Mahomet, ordonna son assassinat, mais de manière détournée, comme un parrain de la mafia lançant un contrat sur quelqu’un : « Qui me fera justice de cette crapule ? » Et quelqu’un se chargea effectivement de cet attentat : un dénommé Salim ibn Oumaïr. Abou Afak fut tué durant son sommeil, à cause de quatre malheureux vers.
L’assassinat d’Asma Bint Marouane. L’épisode est occulté dans tous les ouvrages consacrés aux origines de l’islam destinés à l’Occident, ad usum delphini, mais les sources abondent en détail sur le meurtre de cette personnalité. C’est une exception à la règle de Mahomet interdisant de tuer les femmes.
Certains auteurs musulmans soutiennent aujourd’hui que ces hadiths sont des faux (éternel problème avec les hadiths), mais les chroniqueurs musulmans, passés et présents, ne remettent pas en cause l’historicité de ces meurtres et n’ont aucun problème à les présenter comme des événements authentiques de la vie de Mahomet. Ibn Hicham, l’un des plus anciens éditeurs de la Sira d’Ibn Ichaq, a omis des éléments de l’œuvre d’Ibn Ichaq qu’il jugeait négatifs ou inauthentiques, mais a retenu l’histoire de l’assassinat d’Abou Afak et d’Asma bint Marouane.
Après qu’Abou Afak eut été assassiné, Asma écrivit un poème accusant l’Islam et ses partisans de tuer leurs adversaires.
Quand Mahomet entendit parler de ce qu’elle avait dit, il a demandé : « Qui me débarrassera donc un jour de la fille de Marouan ? » Omaïr b. Adiy al-Khatmi qui était avec lui l’entendit, et le soir même il alla chez elle pour la tuer. Le demain matin il se rendit chez l’apôtre et lui raconta ce qu’il avait fait, mais il répondit : « Tu es venu en aide à Dieu et à Son apôtre, Omaïr ! Quand il lui demanda s’il aurait à supporter des conséquences néfastes pour cela, l’apôtre lui répondit « Deux chèvres ne se prendraient pas la tête pour elle », et Omaïr revint alors chez les siens.
Les effets de l’assassinat d’Asma (Ibn Hicham, Biographie de l’envoyé de Dieu, 996).
Il y eut ce jour-là beaucoup d’agitation chez les B. Khatma à propos de l’affaire de Bint Marouane. Elle avait cinq fils, et quand Omaïr alla chez eux de la part de l’apôtre, il leur dit : « c’est moi qui ai tué Marouane, fille de Khatma, poursuivez-moi si vous le pouvez, mais ne me faites pas attendre ». Ce fut le premier jour où l’Islam joua un rôle puissant chez les B. Khatma.
Le lendemain de la mort de Bin Marwouane, les hommes des B. Khatma se convertir à l’Islam après en avoir ainsi découvert le pouvoir ; avant cela, les musulmans de leur clan devaient l’être en secret. Le premier d’entre eux qui avait accepté l’islam avait été Oumaïr ibn Adi, dit « le lecteur », puis ce fut au tour d’Abdoullah ibn Aous et de Khouzaïma ibn Thabit. Le jour après l’assassinat de Bint Marouane, tous les hommes des Banou Khatma se convertirent à l’islam, ayant eu l’occasion de voir sa puissance en action.
Ouaqidi. Al-Maghazi, Livre des expéditions page 173.
« Abdoullah ibn al-Harith m’a dit, chose qu’il tenait de son père, qu’Asma bint Marouane des Banou Omayyah ibn Zeïd, était la femme de Yazd ibn Zeïd ibn Hisn al-Khatmi. Elle avait l’habitude de vilipender le Prophète, de critiquer l’Islam et d’exciter les gens contre le Prophète. Quand la nouvelle de ce qu’elle disait pour exciter son peuple parvint aux oreilles d’Omaïr ibn Adiyy ibn Kharachah ibn Omayyah al-Khatmi, celui-ci s’exclama : Ô, Dieu, je te jure que je la tuerai si tu accordes au Messager de Dieu de rentrer sain et sauf à Médine – car le Messager de Dieu était à Badr à ce moment-là. Quand le Messager de Dieu fut revenu de Badr, Omaïr ibn Adiyy alla la voir au beau milieu de la nuit et pénétra chez elle alors que certains de ses enfants dormaient autour d’elle, y compris un nourrisson qu’elle allaitait encore. Il tendit la main pour l’atteindre et trouva l’enfant qu’elle allaitait. Il écarta l’enfant [quelle délicatesse !] puis lui plongea son épée dans la poitrine jusqu’à ce qu’elle ressorte par-derrière. Ensuite il sortit et récita la prière de Fajr avec le Prophète à Médine. Quand le Prophète eut fini de prier, il se tourna vers Omaïr et lui demanda : as-tu tué la fille de Marouane ? Il répondit : Oui, puisse mon père être sacrifié pour vous, O Messager de Dieu.
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Omaïr craignait que le Prophète n’approuve pas le fait qu’il l’avait tuée, aussi demanda-t-il : ai-je commis un péché en faisant cela, O Messager de Dieu ? Il répondit : « La légitimité de ce que tu as fait est une chose que personne ne peut contester ». Ce fut la première fois que j’entendis cette phrase de la part du Prophète. Omaïr a rajouté : le Prophète s’est tourné vers ceux qui l’entouraient et a dit : « Si vous voulez voir un homme qui a vraiment aidé Dieu et Son Messager, regardez Obeïr ibn Adiyy ».
Reconnaissons que ces hadiths sont évidemment contestés, mais ce qui l’est moins ce sont ceux qui concernent l’assassinat de Kab ibn al-Achraf. Il ne faut pas sous-estimer le rôle des tribus juives dans la Médine de l’époque, qui n’étaient pas de simples clients des tribus arabes. L’autre assassinat politique de l’époque le plus connu est en effet sans conteste celui de Kaab Ibn Achraf, car il légitime le principe de la dissimulation dans l’intérêt de l’islam appelé taqiyya. À en croire Tabari en effet, Mahomet a autorisé le recours au mensonge pour éliminer cet opposant. La poésie a toujours été en effet une des plus redoutables armes de l’esprit humain. Achraf était un homme de la tribu de Taïy, sa mère une Banou Nadir. Il était donc à demi juif. C’était sans doute le plus frondeur de tous les poètes. Lorsqu’il entendit parler de la victoire des musulmans à Badr, il commença par en douter ; mais quand la nouvelle fut confirmée, il partit à La Mecque pour y réciter une ode à la mémoire des malheureux tués par les musulmans. Il désapprouvait en outre l’exécution d’une partie des prisonniers après la bataille, et adressait des poèmes érotiques ou galants aux femmes de certains des disciples de Mahomet. Car le vrai crime de Kaab fut peut-être d’avoir accompagné quelques-unes de ses satires par des vers taquinant les femmes en question (dont celles de Mahomet ? ??). Les non-musulmans de Yathrib/Médine se délectaient de ses poèmes répandus dans toute la ville. Un travers propre aux hommes pas toujours très fins et que l’on peut qualifier de quasiment naturel chez eux dans la mesure où l’habitude est une seconde nature ; mais à propos duquel il n’y a jamais eu de quoi fouetter un chat, en tout cas ne méritant nullement la mort.
Mahomet ordonna néanmoins son assassinat, mais là aussi de manière détournée, en demandant : « Qui veut nous délivrer de Kaab Ibn Achraf qui a offensé Dieu et son prophète ? » Le désir exprimé par Mahomet fut reçu comme un ordre par plusieurs musulmans, dont le propre frère de lait du poète.
Dans son Histoire des Prophètes et des Rois Tabari précise.
« Ka'b b. Al Ashraf était un des hommes de la tribu des Tayyi, un des Banou Nabha, et sa mère était du clan juif des Banou al Nadir…… il composa ensuite des poèmes érotiques sur certaines des femmes des musulmans, qui leur firent honte. Selon…… le prophète demanda alors, qui me débarrassera donc un jour d’Ibn al-Ashraf ? »
Ibn Ichaq raconte le meurtre de Ka'b ibn al-Ashraf de façon plus détaillée sur 7 pages (pages 364 à 369). Il est justifié par Ibn Ichaq qui cite pour cela les vers d’Hassan ben Thabit.
« Ils cherchaient la victoire pour la religion de leur prophète en n’accordant aucune importance à leurs vies ni à leurs fortunes » (page 369).
Cet épisode, largement développé par Ibn Ichaq, sera ici résumé, tant les détails sont insoutenables de sadisme. Là encore le caractère politique de son assassinat ne fait aucun doute puisque ce poète à moitié juif nous est présenté comme un opposant actif à Mahomet voire à l’islam.
L’assassinat de Ka’b ben Al Achraf (page 364).
« Quand il eut appris la nouvelle [Ka’b ben Al Achraf] demanda : est-ce vrai, est-ce que Mahomet a réellement tué ceux que ces deux hommes ont mentionnés ? C’est toute la noblesse arabe, presque des rois, par Dieu, si Mahomet a tué ces gens il vaut mieux vaut être mort que vivant. Quand l’ennemi, de Dieu [bien sûr] fut certain que ces nouvelles étaient vraies, il quitta la ville et partit à la Mecque… là il se mit à invectiver l’apôtre et à réciter des vers dans lesquels il pleurait les Couraïchites qui avaient été jetés dans la fosse après avoir été tués à Badr. Il disait… [Plusieurs poèmes sont cités dans leur intégralité.] Ensuite il composa des poèmes érotiques assez insultants sur les femmes musulmanes.
L’apôtre demanda donc : « qui me débarrassera un jour d’Ibnou'l Ashraf » ? Muhammad b. Maslama répondit : « Je vais m’en occuper pour toi, etc. »
Selon le récit d’Ibn Ichaq, un petit groupe d’hommes effectue donc la besogne, en attirant Ka'b hors de chez lui de nuit, puis le transperçant de leurs épées, Muhammad b. Maslamah l’achevant avec une dague. Celui-ci précisa : « ce meurtre de l’ennemi de Dieu terrorisa les juifs, en sorte qu’il ne se trouva ensuite aucun juif à Médine qui ne fut sans craindre pour sa propre vie. »
Immédiatement après cette mention de l’inquiétude des juifs, dans le paragraphe suivant, intitulé « L’affaire de Mouhayisah et de Houwaïsa », Ibn Ishaq poursuit de la sorte : l’apôtre de Dieu déclara : « Tuez tout juif tombé entre vos mains »
Et il raconte alors dans la foulée le meurtre d’un commerçant juif appelé Ibn Sounaïna par Mouhayisa b. Massou’d. Son frère aîné, Houwaïsa b. Massou’d qui n’est pas encore musulman, s’exclamera : « Par Dieu, une religion qui te pousse à faire ça est vraiment extraordinaire ! »
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Dans certains pays d’aujourd’hui quand un homme ou un parti politico-religieux se retrouve à l’origine de tels faits (par exemple Monsieur Yahya Maryam Le Pen en Gaule) il est immédiatement inculpé et jugé, par la rue par les intellectuels (les journalistes) par les religieux et enfin par les tribunaux.
Note de la rédaction. Des amis français sortant d’une visite hebdomadaire chez le recteur de la mosquée de Paris m’ont expliqué que ce n’était pas pareil, et que j’avais mal compris. Dont acte !
L’assassinat de Sallam ibn Aboul al Houqaïq dit Abou Rafi (mai 626). Poète appartenant à une puissante famille juive de Khaïbar (elle y possédait la forteresse de Qamous).
Le thème de l’assassinat d’Abou Rafi est devenu populaire parce qu’il concernait une question d’importance : peut-on tuer un infidèle durant la nuit, à l’encontre des coutumes ?
L’assassinat d’Abou Rafi est raconté dans plusieurs textes, qui ont en commun un grand sens dramatique.
— Ibn Hicham, Conduite de l’envoyé de Dieu 714-6. Tabari, Histoire des Prophètes et des Rois III 186. Ouaqidi, Livre des expéditions 25. Ibn Sa'd, Tabaqat II 112-3.
— Boukhari, livre des expéditions militaires, chapitre 16, hadith numéro 404.
— Boukhari, livre des expéditions militaires, chapitre 16, hadith numéro 4039 :
— Boukhari, livre du djihad et du comportement militaire, chapitre 155, hadith numéro 302.
— Boukhari, livre du djihad et du comportement militaire, chapitre 155, hadith numéro 3023.
Comme d’habitude l’existence même de cet événement gênant, sa réalité historique, est radicalement mise en doute par les musulmans pieux sous prétexte de contradictions de détails entre les différentes versions.
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DEUXIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
En 622, après la seconde grande rencontre d’Aqaba qui scelle ce départ dans un serment d’allégeance, Mahomet, avec un groupe de fidèles, quitte La Mecque, où il se trouve marginalisé. Il s’installe à Yathrib, qui ne s’appelle pas encore Médine (« La Ville »), où il s’impose comme chef, avec l’ambition de développer un pouvoir politique (des pactes) et religieux (faire conversions).
Différence capitale entre La Mecque et Yathrib, à Yathrib/Médine il y avait de puissantes et prospères tribus juives d’où une incontestable judaïsation dès lors des références de Mahomet en contact direct avec des juifs pour la première fois.
Yathrib était composé principalement de cinq tribus arabes, deux non-juives (Banou Aous et Banou Khazradj) et trois juives (Banou Qaïnouqa, Banou Nadir et Banou Qouraïza).
Les tribus des Banou Aous et des Banou Khazradj appartiennent aux tribus arabes du sud ou « yéménites », arrivées à Yathrib vers 300.
Précisions sémantiques.
— Les Couraïchites sont les Arabes de La Mecque… restés à La Mecque.
— Les Immigrés ou mouhadjiroun, sont les compagnons de Mahomet qui l’ont suivi de La Mecque à Yathrib.
— Les Ansars (les Auxiliaires) sont les compagnons de Mahomet originaires de Yathrib.
Les trois principales tribus juives des environs de Yathrib qui apparaissent un peu partout dans les sources islamiques – Banou Qaïnouqa, Banou Nadir et Banou Qouraïza – sont attestées dans des sources indépendantes de la tradition islamique et dans la tradition poétique juive. Banou signifie « fils de ». Toutes ces tribus sont constituées de clans. Ces sources sont des inscriptions, mais surtout, dans le Kitab al-aghani (livre des chants), des notices bien documentées sur les poètes et sur le contexte, introduisant les poésies préislamiques. Les poètes juifs y sont présentés, avec les notices introductives. Il y est fait mention, dès avant l’an 300, des Banou Qaïnouqa, des Banou Nadir et des Banou Qouraïza, ainsi que des Banou Hadal, qui demeuraient avec les Banou Qouraïza. Ces tribus juives exercent leur domination, dans la région de Yathrib, jusqu’à l’arrivée des Banou Khazradj et des Banou Aous, vers l’an 300.
Leur domination, d’après le Kitab al-aghani, est alors contestée par ces derniers, qui s’imposent progressivement après l’an 400.
L’installation de ces communautés juives remonterait, selon une hypothèse plausible, à l’expulsion brutale des Juifs par les Romains, à l’occasion de la Première Guerre judéoromaine et de la Révolte de Bar Kokhba. L’oasis de Khaïbar, à 150 km au nord de Médine, était selon Abdourrahman Badaoui peuplée de tribus juives et d’Arabes judaïsés ou judaïsants. Il semble, d’après cet auteur, que les juifs s’y soient installés après la destruction de Jérusalem en l’an 70, l’émigration continuant dans les siècles ultérieurs, avec les persécutions des Romains puis des chrétiens byzantins.
Les Banou Qaïnouqa et leurs membres sont les « clients » (alliés) des Banou Khazradj. Les Banou Nadir et les Banou Qouraïza ainsi que leurs membres sont les « clients » (alliés) des Banu Aous.
Montgomery Watt précise : « La distinction entre les Arabes de cette strate antérieure et les Juifs est confuse. Les Arabes étaient moins puissants que les Juifs – numériquement treize bastions arabes (atam) contre cinquante-neuf bastions juifs – et entretenaient avec eux des relations de jiouar ou de hilf, c’est-à-dire qu’ils étaient leurs protégés, soit en tant que « voisins » soit comme confédérés. Ils contractaient probablement des mariages croisés, et l’on suppose que le mariage était uxorilocal. Il se peut qu’ils aient adopté la religion juive. Comme on peut s’y attendre, alors, certains clans d’Arabes sont parfois identifiés comme clans juifs ; la liste d'As-Samhoudi des clans juifs inclut les B. Marthad, les B. Mou'aouiya, les B. Jadhma, les B. Naghisa, les B. Za'oura, et les B. Tha'laba, bien que le premier de ceux-ci soit en fait une partie de la tribu arabe de Bali, le deuxième une partie de Soulaïm, le troisième et le quatrième des Arabes du Yémen, et les deux derniers des Arabes Ghassan. On a coutume de dire que les tribus ou les clans juifs authentiques sont au nombre de trois, les Qouraïza, les An-Nadir et les Qaïnouqa. Cependant, ceci est une simplification. As-Samhoudi donne une liste d’environ une douzaine de clans en plus de ceux déjà mentionnés comme étant clairement d’origine arabe. Le plus important était les Banou Hadl, étroitement associés aux Banou Qouraïza… » Il poursuit : « À peu près à l’époque de l’Hégire, tous les clans minoritaires ou les groupes juifs qui
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figurent dans la liste de As-Samhoudi avaient perdu leur identité, ou pour le moins avaient cessé d’avoir une importance politique. Ils ne sont pas mentionnés dans les sources primaires de la carrière de Mahomet. Quand la constitution de Médine a affaire avec eux, ils sont simplement les « juifs d’an-Nadjar », les « juifs d’Al-Harith », et ainsi de suite. Les plus proches de constituer une exception sont les Banou Hadl ; ils s’étaient très étroitement liés aux Banou Qouraïza, mais on trouve trois de leurs membres qui deviennent musulmans et échappent au destin des Banou Qouraïza. Ces faits étant considérés, il est vraisemblable que le système des clans s’était en grande partie décomposé, et que les groupes qui se sont rattachés aux divers clans des Ansars n’étaient pas de petits clans ou des sous-clans, mais des groupes formés de personnes d’origines diverses ».
Les Ghatafânes sont originaires du nord (voir l’article sur la tribu des Banou Qaïs). Dans les conflits, ils servent d’auxiliaires aux tribus juives. Leur rôle est présenté par Ibn Ichaq à Yathrib (bataille du fossé) et à Khaïbar(bataille de Khaïbar).
En arrivant à Yathrib/Médine Mahomet se voulut donc tout de suite très proche des tribus juives locales dont il copia immédiatement certaines caractéristiques (prière tourné vers Jérusalem, interdits alimentaires, figures bibliques comme Adam et Ève, Noé, Abraham, etc.) tout en maintenant une certaine distance pour ne pas donner l’impression de s’y rallier complètement en se convertissant au judaïsme.
Dans un premier temps, en tant que médiateur, il rallie les membres de plusieurs tribus (Ansar) et, par des pactes connus sous le nom mal approprié de « Constitution de Médine », il soumet à son autorité plusieurs tribus, dont trois tribus juives (il y a très peu de chrétiens à Yathrib).
Traité de la confédération (Oumma).
Il y a un accord assez général, parmi les historiens, pour considérer les deux pactes précédents comme authentiques et les dater de 622. On trouve des allusions à ces deux premiers pactes textes dans le Coran et dans la Sira. R.B. Serjeant pense que ces deux pactes correspondent à l’al-Sunnat al-Jdmi'ah de la Sira. Mouminoun signifie « croyants ».
Il existe deux versions principales de ce document, celle contenue dans Ibn Ichaq (sira page 231) et celle rapportée par Abou Oubaïd (kitab al amoual). Les deux concordent sur les grandes lignes. R.B. Serjeant distingue 8 pactes différents et complète par quelques autres documents. Mais ce n’est pas à nous barbares druides d’Occident de départager tous ces spécialistes.
Le redoublement de la clause finale est…
— soit un faux, inséré a posteriori après l’éviction des Banou Quraïza
— soit le signe d’une certaine méfiance.
Mahomet a perdu ses illusions de 622 et a compris que les tribus juives ne se convertiraient pas, que son espoir initial n’était qu’une illusion et qu’il s’était, là-dessus, lourdement trompé (voir le changement de la qibla, désormais tournée vers La Mecque). Les tribus juives ont, elles aussi, compris que Mahomet avait perdu ses illusions et n’entendait pas voir, à côté de son pouvoir sur les « soumis » (musulmans), prospérer un pouvoir non soumis (non musulman). Mahomet ne peut se permettre de voir ce qui reste des tribus juives s’allier aux Couraïchites, d’où la nécessité de signer un nouveau pacte, avec des clauses qui sont, pour l’essentiel, identiques à celles qui existaient déjà à l’époque du traité instituant l’Oumma.
NB. Le texte utilise pour désigner Mahomet – c’est la première fois – l’expression Apôtre de Dieu, ce qui prouve qu’il a gagné en puissance et en autorité.
Même si, au niveau des mots, le texte de R.B. Serjeant est le même que celui qui figure dans Ibn Ichaq, il peut en être tiré des conclusions diamétralement opposées au sujet des relations entre tribus musulmanes et tribus juives. Oumma protégeant les juifs, érigée en une constitution, dans un cas, contre expulsion de deux tribus juives de Yathrib, avec massacre des hommes de la dernière tribu et vente comme esclaves de leurs femmes et enfants, puis proclamation de Médine « enclave sacrée » (haram), deux ans plus tard, dans l’autre cas.
Ce qu’il est convenu d’appeler la Constitution de Médine montre bien en tout cas que Mahomet a alors pensé former avec ces monothéistes locaux un bloc cohérent, un front unique opposé au paganisme couraïchite et arabe en général. Il paraît s’être instruit un peu plus à cette époque des mœurs propres au peuple d’Israël et avoir décidé de s’en rapprocher. Il prescrivit à ses adeptes de se tourner vers Jérusalem. Mahomet fut également frappé par le grand jeûne qu’observaient les Juifs le dix du mois de tichri, le Yom Kippour ou jour de l’expiation. Il décida que ses fidèles s’y associeraient. Selon l’usage juif, on fixa aussi un temps de prière au milieu de la journée. Néanmoins il ne semble pas que Mahomet ait jamais pensé à suivre toutes les minutieuses prescriptions alimentaires qu’observaient les Juifs, mais il se rallia à une version réduite de ces interdictions : ne pas manger de porc, ni du sang ni des animaux morts de mort naturelle, étouffés ou sacrifiés aux idoles.
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À en croire Ibn Ichaq dès le 1er serment d’Aqaba en 621 en effet Mahomet s’était tout particulièrement intéressé au judaïsme, première religion du livre, dont lui avaient parlé certains habitants de Yathrib/Médine.
« Dieu avait frayé la voie à l’Islam en ce sens qu’ils vivaient côte à côte avec des Juifs, hommes du Livre et de la révélation, alors qu’ils étaient eux-mêmes encore polythéistes et idolâtres ».
Espérant les rallier à lui Mahomet adopte donc partiellement les mœurs propres aux tribus juives (interdits alimentaires et période de jeûne), mais cette ouverture s’avère rapidement être un échec. Mahomet espérait un ralliement rapide et massif des juifs en question, ses illusions se dissipèrent assez rapidement.
Ibn Ichaq : « À cette époque, les rabbins montrèrent de l’hostilité envers l’apôtre par envie, haine et méchanceté, parce que Dieu avait choisi son apôtre parmi les Arabes […] Ibn Ichaq ajoute :" Ce sont les rabbins qui harcelaient de questions l’apôtre afin de semer la confusion, et confondre le vrai et le faux ».
La première rupture significative fut donc la décision de Mahomet de changer la direction de la prière, qui ne se fera plus désormais tourner vers Jérusalem, mais en direction de La Mecque.
« On dit que la Qibla (la direction de la prière) fut dirigée (vers la Kaaba de La Mecque) durant le mois de Cha'bane au début du dix-huitième mois après l’arrivée de l’Apôtre à Médine ».
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TROISIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
L’EXPULSION DES BANOU QUAINOUQA (AVRIL 624).
Ce premier groupe de juifs est le plus faible des trois, et le plus proche de Yathrib/Médine : de simples artisans, mais qui ont le tort d’être riches, de contrôler le commerce, et de fabriquer des armes. Les Banou Qaïnouqa étaient surtout réputés pour être une tribu d’orfèvres. Ce sont eux qui tenaient le principal marché de la ville de Yathrib/Médine, qui était d’ailleurs connu sous le nom de « Marché des Banou Qaïnouqa ». Ils avaient quelques forteresses au nord de l’agglomération.
Ibn Ichaq est assez bref sur ce qu’il appelle « L’affaire des Banou Qaïnouqa », en fait l’expulsion de la première des trois tribus juives.
Selon l’anecdote d’Ibn Hicham (elle n’est pas d’Ibn Ishaq, elle est entre crochets et précédée explicitement de la mention « Ibn Hicham dit : », l’affaire démarre après qu’une musulmane eut visité une bijouterie sur le marché de Qaïnouqa… L’orfèvre, un juif, a épinglé ses vêtements de telle sorte qu’en se levant perdit sa robe. Un musulman survenant sur ces entrefaites il tua le commerçant juif en guise de représailles. Une foule de Juifs de la tribu Qaïnouqa se jeta alors sur ce musulman et le tua. L’affaire dégénéra en entraînant toute une série de meurtres de vengeance, et l’hostilité alla grandissant entre les musulmans et les Banou Qaïnouqa.
Ibn Ichaq a écrit : « Asim b. Omar b. Qatada a rapporté que les Banou Qaïnouqa furent les premiers juifs à rompre leur accord avec l’Apôtre de Dieu et ils lui déclarèrent la guerre entre la bataille de Badr et la bataille de Ouhoud et l’Apôtre de Dieu les assiégea jusqu’à ce qu’ils se rendent sans condition ».
Après la reddition des Banou Qaïnouqa, il semble que l’intention première de Mahomet ait été d’exécuter les hommes. Mais Abd Allah b. Oubayy b. Saloul, chef des Banou Khazradj, dont les Banou Qaïnouqa étaient les clients (les alliés), intervint vigoureusement auprès de Mahomet en disant
« Par Dieu, je ne te laisserai pas partir tant que tu n’auras pas bien traité mes maouali (clients alliés). Quatre cents hommes sans armure et trois cents avec des cottes de mailles, qui me protégeaient des Arabes et des non arabes, et que tu faucherais en une seule matinée ? Par Dieu, je ne me sens pas en sécurité et je crains pour l’avenir ». Allant jusqu’à menacer Mahomet, il obtient finalement satisfaction et Mahomet lui répondit : » Ils sont à toi ».
Ibn Ichaq ne dit pas ce que deviennent ces vaincus.
Dans son « Expédition contre les Banou Qaïnouqa », Tabari précise…
« Le messager donna l’ordre de les expulser, et Dieu accorda leurs biens en tant que butin à son messager ainsi qu’aux musulmans. Les Banou Qaïnouqa n’avaient pas de terre, car ils étaient orfèvres. Le messager de Dieu saisit beaucoup d’armes qui leur appartenaient ainsi que leurs outils de travail. L’homme chargé de les expulser de Médine avec leurs enfants fut Oubada b. Al Samit. Il les accompagna jusqu’à Dhubab en disant… »
Tabari ajoute que leurs forts se trouvaient autour de Médine, et qu’ils se rendirent après quinze jours de siège. La raison de cette attaque, selon Tabari, fut que les Banou Qaïnouqa s’étaient gaussés de la défaite des Couraichites à Badr en se vantant que si derniers leur avaient demandé leur aide, ils auraient vaincu Mahomet. Selon lui « ils étaient enchaînés et le Prophète voulait les tuer », mais Abd Allah b. Oubbay b. Saloul chef des Banou Khazradj avec qui les Banou Qaïnouqa avaient conclu un traité d’alliance, parla en leur faveur et a obtenu de Mahomet leur grâce.
Selon Tabari, les Banou Qaïnouqa partirent alors en Syrie, mais il est en général admis qu’ils s’en allèrent en réalité à Khaïbar (150 km au nord de Médine), où existait aussi une importante colonie juive.
Point de vue des musulmans pieux.
Il est évident que les juifs ont commencé par penser que le prophète, paix et bénédictions de Dieu sur lui, serait un simple chef ; qui se contenterait de passer un accord politique avec eux, et qui ne s’occuperait que des intérêts terrestres de sa communauté. Lorsque le prophète, paix et bénédiction de Dieu sur lui, et les musulmans, remportèrent une victoire décisive contre les Couraïchites, à Badr, ils furent désappointés. En fait, ils s’attendaient à ce que les Couraïchites fassent beaucoup de morts parmi les musulmans. C’est la raison pour laquelle, avant même que la nouvelle de la victoire n’arrive
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à Médine, ils avaient déjà répandu la rumeur que le prophète, paix et bénédiction de Dieu sur lui, avait péri dans les combats ; que les musulmans avaient été battus, et que l’armée d’Amr ibn Hisham (dit Abou Djahl) était en train de marcher sur la ville. Mais quand la bataille tourna mal pour eux, ils éclatèrent de colère. Kaab Ibn Al-Achraf s’est par exemple alors écrié : « Par Dieu, si Mahomet a effectivement tué tous ces nobles arabes, il vaut mieux être mort que vivant ». Ensuite il était parti à La Mecque et avait incité ses habitants à la vengeance en écrivant et en récitant des élégies provocatrices, en l’honneur des chefs couraïchites tombés à Badr. Revenu ensuite à Médine, il avait composé des vers érotiques insultants envers les musulmanes. Le prophète, paix et bénédiction de Dieu sur lui, était ulcéré par tant de méchanceté. À tel point, qu’il envoya Mohammed Ibn Maslamah Al-Ansari le tuer.
Après la victoire de Badr, les Banou Qaïnouqa furent donc si dépités qu’ils se mirent à harceler les musulmans se rendant dans leurs boutiques, et en particulier les femmes. Les choses s’envenimèrent à un tel point qu’une musulmane se retrouva un jour complètement nue devant tout le monde, après avoir été dépouillée de ses vêtements.
« Quelque temps après, une musulmane se rendit chez un joaillier, les hommes voulurent la dévoiler, mais elle refusa, alors, le joaillier releva secrètement l’extrémité de sa robe sur son dos et la noua. Elle se leva découvrant ses parties intimes et poussa un cri. Un musulman se jeta sur le joaillier juif et le tua… »
Cet épisode nous montre que le voile imposé à la femme par l’islam doit couvrir non seulement son corps, mais aussi son visage. Sinon, les juifs n’auraient pas été tentés de la dévoiler. Ils voulaient narguer ses sentiments religieux qui étaient apparents, et bien sûr défier les musulmans, car ils n’hésitèrent pas à menacer alors ouvertement le prophète en disant : « Voici venue pour toi l’occasion de te mesurer à nous ».
Note de la rédaction. Nous sommes quand même un peu étonnés par le libellé de cette remarque, car à en croire le site internet en question lui-même, ce sont les parties « intimes » de la dame assise en train d’essayer des bijoux qui furent soudain découvertes. Et c’est cette plaisanterie, incontestablement de mauvais goût (mais qui ne méritait pas la mort quand même, tout juste une paire de claques) du joaillier juif (ou d’un de ses proches) qui mit le feu aux poudres ; et non le dévoilement de son visage qui n’eut pas lieu. Fin de la NDLR.
Cet incident provoqué par les juifs Qainouqa montre bien la haine qu’ils vouaient en secret aux musulmans. S’ils avaient respecté le pacte conclu avec les croyants, ces derniers n’auraient jamais proféré une seule parole contre eux ni touché à leurs maisons. Mais leurs mauvaises intentions se retournèrent contre eux.
Le prophète, paix et bénédictions de Dieu sur lui, se rendit sur place, les rassembla, et leur demanda un peu de retenue. Mais les juifs répliquèrent : « Ô, Mahomet, penses-tu vraiment que ton peuple est de notre trempe ? Ne te fie pas à tes propres partisans, ils ignorent tout de l’art de la guerre. Mesure-toi plutôt à nous, et tu verras bien qui est le plus fort ».
Lorsque le Prophète (saw) avait rassemblé les Banou Qaïnouqa, il leur avait rappelé que sa venue était annoncée dans leurs propres livres [NDLR. Ce qui est bien entendu inexact !]
Les juifs savaient donc très bien qu’un prophète (saw) devait venir dans un pays à palmiers comme Yathrib, mais après s’être rendu compte que Dieu avait choisi un prophète issu du peuple arabe, ils refusèrent de le reconnaître.
Les musulmans qui s’étaient alliés avec le clan Qaïnouqa résilièrent donc leurs engagements. Dieu interdit en effet aux croyants d’avoir comme amis des non-croyants. Les versets précédents pouvant aller en sens contraire sont abrogés par ceux-ci : « Ô vous qui croyez ! Ne prenez pas pour amis les juifs et les chrétiens, ils sont amis les uns des autres. Celui qui parmi vous, les prend pour amis est des leurs. Or Dieu ne dirige pas un peuple qui agit mal » (chapitre 5, verset 51).
Le vrai musulman ressent toujours de la colère envers les non-croyants, une colère provoquée par leur désobéissance à Dieu. Mais ce sentiment ne fait que refléter l’immense pitié qu’il ressent à l’égard du non-croyant, tout comme l’on pourrait considérer la colère d’un père agissant dans l’intérêt de son fils ; car savoir qu’un non-croyant ira en enfer ne fait nullement plaisir au musulman. Un vrai musulman se doit de souhaiter pour tous ce qu’il souhaite pour lui-même. Cela n’interdit pas néanmoins de se montrer parfois indulgents envers les non-croyants si la justice l’exige ni de respecter les conventions conclues avec eux.
En conséquence de quoi, le prophète – paix et bénédictions sur lui – investit leur quartier à la fin du mois de chaoual (ou selon certains de Dhoul Qidah) an 2 de l’Hégire. Le siège dura une quinzaine de jours, puis ils furent vaincus et leurs combattants faits prisonniers. Mais Abdoullah Ibn Oubbaï vint leur apporter son soutien et insista pour qu’ils soient pardonnés. Abdallah Ben Oubbaï ben Saloul s’était converti à l’islam par pure hypocrisie. Avant l’arrivée des musulmans, cet hypocrite devait être proclamé roi de Yathrib/Médine. Il avait accueilli par conséquent l’Hégire des musulmans avec haine
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et nous verrons dans d’autres récits qu’il ne laissait passer aucune occasion susceptible de nuire aux musulmans. Ce fut la raison pour laquelle l’envoyé de Dieu (saw) accepta l’exil des Banou Qaïnouqa. Le prophète lui accorda cette requête et décida qu’ils seraient exilés hors de Yathrib/Médine, mais laisseraient derrière eux leurs biens, leurs armures, leurs outils, et tous leurs commerces. Les croyants continuèrent néanmoins à tenir les hypocrites à l’œil en observant attentivement leurs comportements, car c’est un devoir certain et constant de tout musulman » (sur l’hisba musulmane, voir ci-après).
QUATRIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LA DÉPORTATION DES BANOU AL NADIR (AOÛT 625).
La tribu juive des Banou Nadir était plus puissante que la précédente. Nos sources suggèrent la thèse d’un complot juif pour justifier l’attaque ; mais en réalité, après leur lourde défaite d’Ohoud, les troupes musulmanes étaient tout simplement à la recherche d’un succès facile, et Mahomet soucieux de se débarrasser d’un possible foyer de résistance, en faisant un exemple qui plus est.
Mahomet expulsa de Yathrib/Médine la deuxième tribu juive, celle des Banou Nadir, ou fils de l’étoile, moins d’un an après avoir expulsé la première. Ces représailles illustrent bien l’égoïsme viscéral du verset 29 chapitre 48 du Coran. « Mahomet est le prophète de Dieu. Ses compagnons sont violents envers les impies, bons et compatissants entre eux ».
En 625, un des musulmans, Amr b. Oumayya al Damri assassine durant leur sommeil deux hommes qui appartenaient à une tribu, les Banou Amir, ayant « un accord d’amitié » avec lui (ibn Ichaq / Hicham la déportation des Banou al Nadir page 650). Il fut donc décidé que le prix du sang serait payé pour satisfaire les familles.
Plutôt que de se charger lui-même de cette dette au nom des musulmans, Mahomet alla voir la tribu juive des Banou Nadir, qui était liée aux Banou Amir par un traité d’alliance mutuelle, afin de leur demander de contribuer, même si la tribu des Banou al Nadir n’avait rien à voir avec ce meurtre (Ibn Ichaq / Hicham 652).
Après s’être présenté avec ses hommes, Mahomet exposa sa requête et attendit la réponse et l’argent à l’extérieur. Plus tard, il affirma plus tard que Dieu lui avait parlé pendant ce temps et lui avait appris que les Juifs allaient l’assassiner en lui jetant une grosse pierre sur la tête du haut du toit de leur maison : « Comme l’apôtre était avec un certain nombre de ces compagnons… des nouvelles lui vinrent du ciel à propos de ce que ces gens avaient l’intention de faire » (Ibn Ichaq / Hicham 652).
Mahomet se leva et rentra à Médine, mais revint avec toute une armée et fit le siège de la communauté.
« Les Juifs se retirèrent dans leurs forts et l’Apôtre ordonna que leurs palmiers soient abattus et brûlés… ils demandèrent à l’apôtre de Dieu de les expulser et d’épargner leurs vies, mais qu’ils puissent conserver tous les biens qu’ils pourraient charger sur des chameaux, à l’exception de leur armure, et il accepta… seuls deux des B. al Nadir se convertirent […] afin de garder leurs biens » (Ibn Ichaq / Hisham 653).
Une autre révélation de Dieu autorisa le prophète de l’Islam à saisir pour lui-même tous les biens laissés sur place (Boukhari 52, 153).
Point de vue des musulmans pieux.
Dieu a prévenu son messager du complot des juifs. C’est l’un des nombreux miracles dont Dieu l’a honoré avant et après la révélation, et qui servent à raffermir notre croyance en la mission du prophète (saw). Le Seigneur n’a-t-il pas tenu sa promesse lorsqu’il a dit dans le Coran : « Dieu te protégera contre les hommes » (chapitre 5, verset 67).
Chapitre 59. Le thème de ce chapitre 59 est le jugement à porter sur la bataille menée contre les Banou Nadir.
Cinq points principaux seront traités.
Les quatre premiers versets contiennent un avertissement et une exhortation à méditer attentivement le sort des Banou Nadir. Une tribu importante, aussi forte en nombre que les musulmans, dont les membres disposaient de plus de richesses et de biens, qui étaient bien équipés militairement et qui ont pu soutenir le siège mené par les musulmans pendant plusieurs jours. Certains biographes n’ont pas hésité à dire que le messager (saw), par intuition, avait deviné le complot. Le Coran dit que ceci est arrivé, non pas grâce à un mystérieux pouvoir possédé par les musulmans, mais parce que les juifs avaient voulu résister ou combattre Dieu et son Messager, paix et bénédiction de Dieu sur lui. Ceux qui osent résister au pouvoir de Dieu finissent toujours de la même façon.
Les savants permettent l’abattage des arbres fruitiers de l’ennemi et leur destruction si cela peut l’amener à se rendre. Les docteurs de la Loi en déduisent également que le butin que prennent les musulmans sur l’ennemi, sans qu’il y ait eu combat, doit être utilisé à ce que l’imam juge être dans
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l’intérêt des musulmans ; et ne doit pas être réparti entre les combattants comme le simple butin fait après la bataille. Dans les versets 6-10, il est affirmé que les terres et les biens qui tombent sous le contrôle des musulmans suite à une guerre, doivent être utilisés. Comme il s’agissait de la première occasion où les musulmans prenaient le contrôle d’un territoire étranger, la loi divine correspondante leur fut donc révélée. Le butin que prennent les musulmans sur leurs ennemis sans qu’il y ait combat ne doit pas être partagé entre les guerriers ou les soldats du djihad, mais affecté aux usages jugés les plus appropriés.
L’attitude que les mounafiqoun ou non-musulmans ont adoptée, à l’occasion de cette bataille contre les Banou Nadir, est évoquée dans les versets 11-17, et les causes en sont soulignées.
La dernière partie de ce chapitre 59 (versets 18-24) constitue un avertissement pour tous ceux qui ont rejoint la communauté musulmane, mais qui ont dévié de la véritable foi. Il leur est montré ce qu’est la vraie croyance, quelle est la différence entre la piété ou la perversité, quelles sont la place et l’importance du Coran, et quels sont les attributs de Dieu.
La tribu juive des Banou Nadir continuait de violer le pacte de Médine ; à tel point que, durant le mois de rabioul awoual, de l’an 4 de l’Hégire, ils complotèrent même contre la vie du saint Prophète en personne (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui). Ils avaient accepté en principe de contribuer à l’indemnisation des familles de leurs alliés tués par erreur par un musulman ; pourtant ils complotèrent pour que l’un d’entre eux monte sur le mur contre lequel le prophète s’appuyait, et fasse tomber sur lui une pierre pour le tuer. Mais avant qu’ils ne mettent leur plan à exécution, Dieu en avertit son prophète, paix et bénédiction de Dieu sur lui. Il se leva donc aussitôt et retourna ans sa demeure. Il n’était désormais plus question de faire des concessions aux Banou Nadir. Le prophète leur lança au contraire un ultimatum en leur annonçant que leur ruse était parvenue à sa connaissance, et qu’en conséquence, ils devaient quitter Médine dans les dix jours ; si l’un d’entre eux était trouvé dans leur quartier au-delà de ce délai, il pourrait être tué. Abdoullah Ibn Oubbaï, le chef des hypocrites de Médine, les encouragea néanmoins à défier cet ordre et à refuser de partir. Il leur promit de les soutenir avec 2000 de ses hommes, et leur assura que les Banou Ghatafan du Nedjd les soutiendraient aussi. Convaincus par ces promesses, les Banou Nadir firent donc savoir qu’ils ne partiraient pas, et ce, quoi que fasse le noble prophète (paix et bénédiction de Dieu sur lui). C’est pourquoi il les assiégea quelques jours plus tard (6 jours selon certains récits, 15 selon d’autres) dès que le délai fixé fut arrivé à échéance. Mais comme aucun de leurs partisans n’eut le courage de venir en réalité à leur secours, ils finirent par se rendre à condition qu’on leur permette, par groupes de trois, de charger un chameau avec ce qu’ils pourraient emporter, et de partir (en laissant le reste de leurs biens). Les membres de cette tribu félonne se dispersèrent à Khaibar, dans l’Oued al Qoura et en Syrie.
Il y a néanmoins quelques problèmes avec la justification que donne Mahomet pour expulser toute une tribu.
En premier lieu, il est étrange qu’il ait exigé qu’une autre tribu paye pour ce que l’un de ses propres membres avait fait – et qu’il soit allé personnellement demander l’argent. Étant donné ce que Dieu savait, on se demande bien pourquoi il n’a pas simplement épargné le déplacement à son messager.
Quant à l’affirmation de Mahomet que son dieu lui a parlé afin de l’autoriser à confisquer les biens de toute une communauté pour son compte personnel… eh bien, disons simplement que c’est pour le moins curieux.
Les révélations de complaisance furent assez courantes dans la vie de Mahomet, lui procurant la richesse des musulmans et des non-musulmans, onze femmes et des relations sexuelles illimitées avec ses esclaves.
Mais le plus gros problème est que Muhammad a justifié son attaque contre les Banu Nadir en disant qu’ils avaient prévu de l’assassiner. À ce compte-là les Juifs auraient quand même été entièrement dans leurs droits, étant donné que le prophète de l’Islam avait déjà commandité plusieurs assassinats contre des membres de leur propre communauté à ce moment-là !
Un juif des Bantou Nadir nommé Ka’ba al-Ashraf avait été assassiné sur l’ordre de Mahomet quelques mois plus tôt, avant que la tribu tout entière ne soit attaquée. Le prétexte en avait été qu’il avait pleuré la mort d’amis mecquois lors de la bataille de Badr et avait réagi en composant des poèmes sexuels sur les musulmanes :
« Il composa ensuite des poèmes érotiques insultants à propos des musulmanes. L’apôtre demanda alors… « Qui me débarrassera donc un jour d’Al-Achraf ? » Un autre musulman répondit : « Je m’occuperai de lui pour toi, O Apôtre de Dieu. Je le tuerai » Mahomet répondit : « Fais-le si tu peux ! » (Ibn Ichaq / Hicham 550)
Mahomet donna donc à l’homme en question l’autorisation de prendre toutes les mesures nécessaires pour assassiner le poète, y compris le mensonge. L’assassin rameuta un groupe de musulmans
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fanatiques et a tendit un piège à Al-Achraf pour qu’il sorte de sa maison, seul et sans armes, en prétendant être intéressé à obtenir un prêt.
Le meurtre a eu lieu dans l’obscurité et fut une affaire difficile. Al-Achraf se mit à crier alors qu’il était poignardé :
« L’ennemi de Dieu avait fait un tel bruit que dans tous les forts alentours s’allumèrent des lumières. J’ai plongé [le poignard] dans la partie inférieure de son corps, puis j’ai appuyé dessus jusqu’à ce qu’il atteigne ses parties génitales, et l’ennemi de Dieu tomba ainsi à terre » (Ibn Ichaq / Hicham 552)
Ces deux événements démontrent que les musulmans de Médine pratiquaient le « deux poids deux mesures » avec ceux qui vivaient à leurs côtés. Les musulmans étaient autorisés à tuer quand ils se sentaient insultés ou en danger, mais les autres n’étaient même pas autorisés à se défendre.
Vu la montée en puissance de son pouvoir au cours de ses deux premières années passées à Médine Mahomet fut vite en mesure de refuser aux autres l’empathie et la tolérance qu’il exigeait pour lui. Et il utilisa ce tout nouveau pouvoir pour ordonner des assassinats et des expulsions, plongeant ainsi ses opposants dans la peur. Il s’est comporté avec une extrême hypocrisie envers ceux qui le critiquaient, quel que soit le genre de menace qu’ils constituaient réellement.
Pour les pieux musulmans d’aujourd’hui, qui croient dur comme fer que Mahomet était un homme désintéressé doté d’un caractère parfait (isma), ce qui est arrivé aux Banou Nadir n’est qu’un incident mineur. Cela ne les dérange pas que toute une tribu de juifs ait été expulsée sur le fondement d’un hypothétique complot suite à l’assassinat très réel de l’un de leurs dirigeants.
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CINQUIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LE SORT TRAGIQUE DES BANOU QOURAÏZA.
Après la bataille de Badr livrée et gagnée en 624 par les musulmans, un long conflit commença avec les tribus juives de Yathrib/Médine, marqué par l’expulsion brutale des deux premières. Mais il y eut ensuite après une parodie de jugement, massacre de la totalité des hommes et réduction en esclavage des femmes et des enfants, de la troisième. L’apparition de ce type de violence organisée frappera également de stupeur les Arabes.
R.B. Serment écrit on ne peut plus clairement que la tribu des Banou Quraïza est, à l’époque de la bataille d’Al-Khandak (de la tranchée ou du fossé) en 627 la seule tribu juive qui subsiste à Yathrib. Il précise que les Banou Quraïza sont les houlafa et les maouli du naqib Sa'd b. Mu'adh.
Lors de la bataille, il semble bien qu’à un moment donné la tribu juive médinoise des Banou Qouraïza ait accepté une sorte d’armistice séparé avec les assiégeants Couraïchites et Ghatafanes.
De retour en ville Mahomet décida d’en finir avec cette troisième et dernière tribu juive, et déclencha contre elle plus qu’un pogrom, un véritable génocide. L’affaire est très bien connue, par des sources prolixes, mais les exposés actuels sur les débuts de l’islam s’efforcent en général de minimiser ou d’occulter l’épisode, qui est très rarement évoqué, du moins pour ce qui est du public occidental, on se demande bien pourquoi. Les auteurs anciens poussaient d’ailleurs déjà dans le même sens, car eux-mêmes étaient gênés par le comportement de Mahomet dans cette affaire. La crainte de la trahison semble motiver ce dernier assaut contre les Juifs de Yathrib/Médine. On sent la volonté d’éliminer définitivement la présence juive dans l’oasis.
Ibn Ichaq donne un récit très précis et très détaillé des préparatifs de la bataille et de la trahison (selon ce récit) des juifs qui oublient la convention les liant à Mahomet. Vingt pages du livre d’Ibn Ichaq sont en effet consacrées aux Banou Quraïza.
Selon lui les Banou Quraïza envisagent bien de combattre du côté des Couraïchites et des Ghatafanes attaquant la ville, mais renoncent finalement.
Cette trahison supposée de la part des Banou Quraïza est bien difficile à accepter pour un esprit rationnel. Pour être vraiment des traîtres, les Banou Quraïza auraient dû rejoindre l’armée confédérée venue attaquer les musulmans. Si tel avait bien été le cas (si les Banou Quraïza avaient bien rejoint l’armée mecquoise), cela aurait abouti à l’éradication totale des musulmans. Mais les propres paroles d’Abou Soufiane (le chef mecquois) avant de se replier attestent du fait que les Banou Quraïza ne se sont pas alliés aux Mecquois dans leur guerre contre les musulmans. Ibn Ichaq : Alors Abou Soufiane déclara : « Couraïchites, nous ne sommes pas dans un campement permanent ; les chevaux et les chameaux meurent ; les Banou Quraïza n’ont pas tenu parole et nous avons eu des rapports inquiétants à leur sujet. Vous pouvez constater la violence de ce vent qui ne nous laisse ni casseroles, ni feu, ni tentes sur lesquelles compter. Allons-nous-en… » (Ibn Ichaq page 683).
En outre si Mahomet et les siens ont accusé les Banou Quraïza d’être des traîtres, ils ne seront pas formellement accusés néanmoins d’avoir pris les armes contre les musulmans, mais simplement d’avoir appelé à la victoire de la coalition.
Selon le récit, c’est l’ange Gabriel, l’assurant de son appui actif dans la bataille, qui aurait demandé à Mahomet de marcher sur les Banou Quraïza :
« D’après ce que m’a dit al-Zouhri, au moment des prières de midi, Gabriel apparut à l’apôtre de Dieu, portant un turban brodé et chevauchant une mule avec une selle couverte de brocart, et il lui demanda s’il avait abandonné le combat, car les anges eux n’avaient pas encore déposé leurs armes et qu’il revenait juste de sa poursuite de l’ennemi. Dieu te commande, Mahomet, de courir sus aux B. Quraïza. Je m’en vais de ce pas ébranler leur forteresse.
Alors le prophète a donné l’ordre d’annoncer partout que personne ne devrait accomplir sa prière de l’après-midi avant d’avoir atteint les B. Quraïza. L’apôtre a donc envoyé Ali en avant-garde avec sa bannière et les hommes s’empressèrent de le suivre jusque là (Sirat, p. 461).
Quand l’apôtre fut à portée de voix de leurs forts, il leur cria : « espèces de singes… Dieu vous a disgracié et l’heure de sa vengeance approche ! Les Banou Quraïza lui répondirent : « Ô, Aboul Qasim (autre nom de Mahomet), tu n’es pas un barbare » (Ibn Ichaq : 684).
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Montgomery Watt donne le 31 mars 627 comme date du début du siège, et une quinzaine de jours pour sa durée.
Toujours selon le récit d’Ibn Ichaq, Ka`b b. Asad leur aurait dit : « O Juifs, vous pouvez voir où vous en êtes réduits ; je vous laisse trois solutions. Choisissez celle que vous voudrez. Vous suivez cet homme et l’acceptez comme disant vrai, car par Dieu, il est devenu clair pour vous que c’est un prophète qui a été envoyé par Dieu et que c’est lui qui est annoncé dans vos saintes Écritures, et alors vos vies, vos biens, vos femmes et vos enfants, seront épargnés. Ils répondirent : nous n’abandonnerons jamais les lois de la Torah et ne l’échangerons jamais contre une autre'. Il leur répondit :'si vous n’acceptez pas cette suggestion, alors tuez vos femmes et vos enfants et envoyez des hommes l’épée à la main contre Mahomet et ses compagnons, en ne laissant rien derrière vous, jusqu’à ce que Dieu décide entre vous et Mahomet. Si vous mourez, vous périrez et vous ne laisserez pas d’enfants derrière nous pour nous causer du souci. Si nous l’emportons nous pourrons avoir 'autres femmes et d’autres enfants. Ils répondirent : « Devons-nous tuer ces malheureux ? À quoi bon vivre s’ils sont ? Il leur rétorqua : si vous n’acceptez pas cette suggestion comme ce soir est veille de sabbat Mahomet ainsi que ses compagnons se sentiront peut-être à l’abri d’une attaque-surprise de votre part, descendez de votre forteresse, et peut-être pourrez-vous prendre Mahomet et ses compagnons par surprise. Ils lui répondirent : « devons-nous profaner notre sabbat et faire le jour du sabbat ce que ceux qui nous ont précédés et qui ont été transformés en singes comme vous le savez bien ont fait ? Il leur rétorqua : « Aucun de vous, depuis sa naissance, n’a passé une nuit résolu à faire ce qu’il savait devoir être fait » (Sirat, pp. 461-462).
Les Banou Quraïza firent ensuite demander à Mahomet qu’il leur dépêche Abou Loubaba b. Abdou’l-Moundhir, frère de B. Amr b. Aouf (car c’étaient des alliés des Aous) pour lui demander son avis. L’apôtre de Dieu l’envoya donc chez eux et quand ils le virent arriver, ils se levèrent tous pour aller à sa rencontre. Les femmes et les enfants s’empressèrent autour de lui le visage en pleurs et il en fut très malheureux pour eux. Ils lui demandèrent : Oh Abou Loubaba, penses-tu que nous devrions nous soumettre au jugement de Mahomet ? Il leur répondit : si oui alors… et il fit un signe de la main sur sa gorge pour signifier un égorgement »… Puis il s’en alla et n’alla pas retrouver l’apôtre, mais s’attacha à un des piliers de la mosquée en disant : je ne quitterai pas cet endroit tant que Dieu ne m’aura pas pardonné ce que j’ai fait ».
Après 25 jours de siège, la situation des Banou Quraïza devint désespérée et le lendemain matin ils se rendirent officiellement. Ils se soumirent au jugement de l’apôtre et les Aous bondirent en s’exclamant : Ô Apôtre de Dieu, ce sont des alliés à nous maintenant, pas des alliés des Khazradj, et tu sais comment tu as récemment traité les alliés de nos frères en religion. Car l’apôtre avait en effet assiégé les B. Qaïnouqa qui étaient des alliés des Khazradj et quand ils s’étaient soumis à son jugement Abdoullah b. Oubaye b. Saloul était intervenu pour eux et il les lui avait abandonnés ; aussi, quand les Aous eurent ainsi parlé, l’apôtre leur dit : « Serez-vous satisfait, O vous les Aous, si un de vos propres membres les juge ? Quand ils eurent accepté il déclara que ce serait Sa’d b. Mou’adh » (Sirat, p. 463).
Le jugement des captifs donnera lieu à une procédure particulière, qui n’a pas souvent été comprise : Mahomet leur affecte donc comme juge leur ancien chef selon le droit coutumier tribal, mais entre-temps devenu musulman, qui plus est mourant, Sa’d b. Mou’adh.
Celui-ci les condamne à mort, mais c’est Mahomet qui fait exécuter la sentence.
On peut comprendre l’affaire de deux façons. Subterfuge de la tradition, qui répugne à donner à Mahomet un rôle direct dans ce génocide. Habileté de Mahomet qui en fait porter la responsabilité sur un mourant, et ainsi évite le risque d’une vengeance, toujours possible en milieu tribal. La sentence sera exécutée soit par Mahomet lui-même, soit par des proches (Ali). Les corps sont entassés dans des fosses communes creusées sous le marché, à l’encontre de toutes les règles habituelles (c’est une humiliation supplémentaire infligée aux victimes). Les femmes et les enfants sont partagés entre musulmans, et Mahomet lui-même s’appropriera l’une des veuves les plus séduisantes. Le butin consiste surtout en armes.
Le massacre a suscité quelques versets limpides dans le Coran, chapitre38 versets 25-27.
L’affirmation de Muhammad Hamidullah selon laquelle le jugement aurait été rendu au nom du Deutéronome est une considération personnelle de l’auteur, formellement contredite dans les récits d’Ibn Ichaq et de Tabari, et qui n’a pas reçu le moindre écho chez les historiens.
Le jugement est rendu au nom des musulmans : voir ci-dessus « l’apôtre et les musulmans » et « Levez-vous pour accueillir votre chef. »
Sa'd, qui a été gravement blessé durant la bataille du fossé (il mourra peu après), réflexion faite, vient donc rendre le verdict solennel : Ibn Ichaq « Quand Sa'd eut rejoint l’Apôtre et les musulmans, l’Apôtre leur demanda de se lever pour accueillir leur chef. Les Immigrés couraïchites pensèrent que l’Apôtre voulait dire les Ansar, alors que ces derniers pensèrent qu’il voulait dire tout le monde, aussi se
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levèrent-ils tous…… Sa'd demanda : acceptez-vous le jugement que je prononcerai contre eux ? Ils répondirent oui… l’apôtre répondit oui.
Sa'd poursuivit : alors je juge que les hommes devront être tués, leurs biens partagés, et les femmes et les enfants faits captifs ».
Histoire d’Al Tabari tome 8 La victoire de l’Islam. « Le messager de Dieu les attaqua quelques jours avant la fin de Dhou al Qa'da. Il affirme que le messager de Dieu demanda que des sillons soient creusés dans le sol pour les Banou Qouraïza. Ensuite il s’est assis et Ali ainsi qu’Al Zoubaïr commencèrent à les décapiter devant lui. Il affirme que la femme que le prophète tua ce jour-là s’appelait Bounana, etc., etc. »
Ibn Ichaq. « L’apôtre de Dieu les fit enfermer à Médine dans le quartier de la fille d’al Harith une femme des B. al-Nadjar. Puis l’apôtre de Dieu alla sur le marché de Médine (qui est toujours son marché aujourd’hui) et y fit creuser des fosses. Puis il les fit venir et leur coupa la tête dans ces fosses au fur et à mesure qu’ils lui étaient amenés par groupes… Il y en eut 600 ou 700 en tout, bien que certains aient avancé les chiffres de 800 ou 900. Comme ils étaient sortis par groupes pour être amenés à l’apôtre de Dieu, ils demandèrent à Ka’ba ce qu’il pensait qu’on faisait d’eux. Il leur répondu : ne comprendrez-vous jamais ? N’entendez-vous pas que le crieur ne s’arrête jamais et que ceux qui sont emmenés ne reviennent pas » ?
Le sort des femmes et des enfants est ainsi précisé.
« Puis l’apôtre de Dieu partagea les biens, les femmes et les enfants des B. Qouraïza entre les musulmans, et fit connaître ce jour-là les lots de chevaux et d’hommes dont il prit le cinquième… l’apôtre envoyé ensuite Sa'd b. Zaïd al Ansari frère de b. Abdou'l-Ashhal avec quelques-unes des captives de la tribu des B. Qouraïza à Najd où il les échangea contre des chevaux et des armes ».
Selon Ibn Ichaq, le Coran fait écho de ce massacre en 33, 26-27 : « Il fit descendre de leurs fortins les Gens du Livre partisans de la coalition et jeta l’effroi dans leur cœur. Une multitude vous en tuiez, et l’autre vous faisiez prisonnière. Il vous a rendu héritiers de leurs terres et de leurs maisons et de leurs biens, et d’une terre que vous n’aviez pas encore foulée – Dieu peut tout faire ».
En note, Abdourrahman Badaoui précise que la multitude tuée désigne le massacre des hommes et la captivité celle des femmes et des enfants.
Selon Montgomery Watt après l’élimination des Banou Qouraïza, il ne resta plus aucun groupe important de juifs à Médine, mais il y resta néanmoins quelques juifs isolés intégrés à des familles arabes ; ni Ibn Ichaq, ni Tabari néanmoins, ni aucun historien moderne cité dans l’article ne mentionne une manifestation quelconque de leur existence à Médine après 627, encore moins un événement où l’on aurait constaté leur force politique.
Mahomet a donc désormais le champ libre pour exercer son pouvoir politique – lequel s’étend, à cette date, sur Médine et ses environs, Khaïbar étant, à 150 km au nord, hors de son rayon d’action. Les historiens situent à cette date le début d’un pouvoir d’État constitué digne de ce nom, même s’il ne s’agit que d’un « État-butin ».
Le point de vue des musulmans pieux.
En soutenant que les Banou Qouraïza n’ont pas été tués, mais « expulsés », Barakat Ahmad (Mahomet et les Juifs nouvel examen) est radicalement en désaccord avec Ibn Ichaq et Tabari. Barakat Ahmad soutient qu’il resta des « tribus juives » à Médine après ça. 1 Les Juifs des Banou Aouf, 2 Les Juifs des Banou al-Nadjar, 3 Les Juifs des Banou Sa'ida, 4 Les Juifs des Banou Jousam, 5 Les Juifs des al-Aous, 6 Les Juifs des Banou Tha'laba, 7 Les Banou al-Choutaïbah, 8 Les Juifs des Banou Zouraïq, 9 Les Juifs des Banou Haritha, 10 Les Banou Qaïnuqa. Il est en désaccord radical avec Tabari selon lequel les Banou Qaïnouqa partirent en Syrie après l’attaque de 627 et avec les historiens modernes pour qui c’est à Khaïbar qu’ils se retirèrent ; il ne s’agit donc plus là de doute raisonnable sur les détails, tels que l’expriment Ibn Khaldoun et les historiens modernes, mais d’apologétique plus que d’histoire.
La manœuvre ne sauva pas les juifs des conséquences de leur trahison. Ils pensaient que le contingent dirigé par Ali n’était qu’une mesure d’intimidation. Ils ne réalisèrent l’ampleur de la menace qu’en voyant arriver l’armée islamique sous le commandement du saint prophète lui-même (paix et bénédiction de Dieu sur lui). Un siège de deux ou trois semaines suffit à la reddition des juifs. Ils acceptèrent de se rendre aux conditions de Saad Ibn Mouadh, le chef des Aous. Ils l’avaient fait juge de leur affaire, car à l’époque préislamique, les Aous et les Qouraïza étaient alliés. Aussi espéraient-ils qu’en mémoire de cela, Saad Ibn Mouadh les aiderait à quitter Médine, comme les Banou Qaïnouqa et les Banou Nadir. Les Aous eux-mêmes comptaient sur un jugement laxiste de la part de Saad en faveur de leurs anciens alliés. Or Saad savait très bien ce qu’avaient fait les deux tribus qui avaient déjà été autorisées à quitter la ville. À peine les portes de Yathrib/Médine passées, elles s’étaient empressées de rameuter les hommes des clans environnants contre les musulmans. Il connaissait aussi la perfidie dont les Qouraïza avaient fait preuve au moment de l’attaque contre la
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ville : un armistice séparé avec les gens de La Mecque, qui avait mis en danger tous les Médinois. Au vu de ces éléments à charge, Saad Ibn Mouadh décida donc que tous les hommes des Banou Qouraïza seraient mis à mort, et que leurs biens, mais aussi leurs femmes et leurs enfants, seraient distribués aux musulmans. Son jugement fut appliqué à la lettre. En pénétrant dans la citadelle, les musulmans y trouvèrent tout un attirail de guerre préparé par ces traîtres : 1500 épées, 300 cottes de mailles, 2000 lances et 1500 boucliers. Ce matériel de guerre devait servir à prendre Médine à revers après le franchissement du fossé par les polythéistes.
SIXIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LA PRISE DE KHAÏBAR (PRINTEMPS 628).
Montgomery Watt donne comme date mai-juin 628.
La prise de Khaïbar est particulièrement mise en valeur par nos documents : elle est l’exemple, ou le prototype même du traitement des ennemis vaincus par l’islam. Cette riche oasis située au nord de Yathrib/Médine, peuplée de juifs, sera conquise par Mahomet, qui s’empare méthodiquement de toutes leurs forteresses.
Le long texte d’Ibn Ichaq sur la prise de Khaïbar est riche en anecdotes diverses, mais il est muet sur la raison qui conduisit Mahomet à attaquer le dernier bastion juif du Hedjaz.
La cause de cette attaque-surprise est en effet assez claire : les troupes musulmanes sont déçues par la trêve d’Hodeïbiya, qui les frustrent de la joie de conquérir La Mecque. Mahomet, en bon chef de guerre, soucieux de conserver le moral de ses troupes, les lance à l’assaut d’une autre localité, renommée pour son opulence ; le traité d’Houdeïbiya de 628 lui ayant assuré qu’il ne serait pas pris à revers par les Mecquois, qui, eux, respectent la trêve.
Les juifs, soumis à une pression éprouvante, accepteront de se rendre, selon des termes précis qui serviront ensuite de base juridique pour la domination des infidèles.
Mahomet alla donc assiéger cette tribu juive qui s’était installée à 170 km au nord de Médine dans l’oasis de Khaïbar, les Banou Nadir. Tabari ne dit pas quel fut le casus belli.
Après les avoir coupés de tout secours en isolant les Ghatafanes, Mahomet prend rapidement la plupart des fortins, dont il s’empare de toutes les richesses, puis livre un siège d’une dizaine de nuits aux deux derniers fortins. Les habitants, selon le récit, demandent à l’Envoyé de Dieu que le sang soit épargné et font valoir qu’ils sont les mieux à même d’exploiter la propriété. Mahomet leur accorde cette faveur sur la base de la moitié des biens immobiliers, avec toutefois une réserve qui en fait un accord révocable à tout instant ce qui justifiera leur expulsion ultérieure. » L’apôtre agréa cet accord à la condition suivante : « si nous voulons vous expulser, nous le pourrons ».
Un paragraphe est consacré à la mise en valeur du rôle d’Ali ibn Abi Talib (dont Mahomet a fait son porte-étendard). Ibn Ichaq s’étend également sur la façon dont Mahomet s’empare de Safia bint Houyaï b. Akhtab, femme de Kinanah b. al-Rabi' b. Abi al-Houqaïq, 17 ans, qui deviendra dans un premier temps son esclave sexuelle *. Il raconte également la façon dont Mahomet fait torturer Kinana afin de s’emparer du trésor des juifs.
« Kinana b. Al-Rabi, qui avait la garde du trésor des B. Al-Nadir, fut traîné devant l’apôtre de Dieu qui lui posa des questions à ce sujet. Il nia savoir où il était. Un juif a fut amené à l’Apôtre de Dieu et déclara qu’il avait vu Kinana rôder autour d’une certaine ruine tous les matins……………… quand il l’interrogea sur le restant du trésor il refusa de dire où il était, aussi l’Apôtre de Dieu ordonna-t-il à al-Zoubaïr b. Al-Awouam : torturez-le jusqu’à ce que vous tiriez tout ce qu’il sait. Alors il alluma du feu avec un silex et de l’acier (un briquet ?) sur sa poitrine jusqu’à ce qu’il soit presque mort. Puis l’apôtre de Dieu le livra à Muhammad b. Maslama qui le décapita ».
La prise de Khaïbar par les musulmans fut en effet marquée par diverses atrocités, notamment le meurtre de Kinana ben al Rabi son chef, un personnage important de Khaïbar. C’était chez lui qu’était censé se trouver le trésor des Banou Nadir.
La prise de Khaïbar livra entre les mains des musulmans un grand nombre de prisonniers (les hommes furent exécutés – 600 morts – les femmes et les enfants réduits en esclavage).
La communauté juive qui vit à Fadak, au nord de Khaïbar, terrorisée, se rend alors d’elle-même et sans combat.
Histoire d’Al Tabari tome 8 La victoire de l’Islam : « Après que le Messager de Dieu en eut fini avec Khaïbar, Dieu a semé la terreur dans le cœur des habitants de Fadak quand ils apprirent ce que Dieu avait déchaîné sur les gens de Khaïbar, ils envoyèrent alors au messager de Dieu un des leurs pour faire la paix avec lui en échange d’une demi-part de Fadak… Fadak devint ainsi une propriété privée de l’Envoyé de Dieu, car on ne lança pour s’en emparer ni chevaux ni chameaux ».
Durant les jours qui s’ensuivirent, la belle Zénobie, fille d’AI Harith, sœur de Marhab, épouse de Sellem ibn Michkam, essaya de se venger de celui qu’elle regardait comme le responsable de la mort de son frère et de ses coreligionnaires. Dissimulant ses véritables sentiments à son égard, elle feignit
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un profond attachement pour Mahomet, gagna ainsi sa confiance, puis un jour lui fit parvenir un mouton rôti qu’elle avait empoisonné. Elle s’était renseignée au préalable pour savoir quel était le morceau de cet animal qu’il préférait le plus, et comme on lui avait dit que c’était l’épaule, elle avait mis beaucoup de poison sur cette partie-là de l’animal. Dès que Mahomet eut mordu le gigot qui lui était offert, il sentit que la viande en avait été empoisonnée vraisemblablement, et recracha ce qu’il avait dans la bouche.
À partir de là, les versions données par les différents hadiths… divergent.
Un hadith donne la version suivante : les musulmans voulurent tuer Zénobie sur-le-champ, mais Mahomet ordonna qu’on la libère. Bichir Ibn Al Barra ibn Maarour, qui avait lui aussi mangé de la viande empoisonnée de la sorte, étant mort quelques heures plus tard ; Mahomet la fit alors exécuter, et repartit avec la femme du malheureux Kinana, Safia, fille de Houyaï ben Akhtab.
Il n’eut pas la patience d’attendre son retour à Médine pour consommer leur union. Un des Compagnons de Mahomet, Abou Ayoub al Ansari, monta néanmoins la garde en arme devant leur tente de peur que Safiya, dont le père et le frère avaient tout de même péri dans la bataille, puisse tenter quelque chose contre lui (Ibn Saad 8/126).
On imagine sans peine en effet l’état d’esprit qui fut celui de cette malheureuse Deirdre juive *.
Selon Ibn Ichaq, les derniers fidèles du judaïsme furent expulsés du Hedjaz sous le califat d’Omar ibn al-Khattab (634-644).
Tabari. Après la mort du prophète, Abou Bakr après le prophète a confirmé leur propriété sur la même base du métayage. ** Quand Abou Bakr est mort, Omar confirma cet accord de métayage au début de son mandat de commandeur, puis il apprit que le Messager de Dieu avait dit durant la maladie qui devait l’emporter : deux religions ne sauraient coexister dans la péninsule arabique. Omar enquêta sur cette affaire jusqu’à ce qu’une preuve digne de foi lui en parvienne, puis il dépêcha un envoyé chez les Juifs pour leur dire : « Dieu a donné la permission de vous expulser… »
Abdourahmane Sadaoui est en tout cas formel : « les historiens musulmans sont unanimes pour affirmer que les juifs furent définitivement chassés du Hedjaz durant le califat d’Omar ».
* Les sources musulmanes veulent nous faire croire qu’une femme dont le mari, le père et le frère ont été tués accepte d’elle-même en quelques jours de se marier et de coucher avec l’homme qui a causé la mort des membres de sa famille !
** Modèle économique plus rentable pour un empire islamique en pleine expansion devenu dépendant des confiscations justifiées par sa religion.
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SEPTIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LA THÈSE DE MAXIME RODINSON (1915-2004). ORIENTALISTE SPÉCIALISTE DE L’ISLAM.
Laissons là se présenter elle-même c’est plus prudent, à partir d’extraits de son essai paru en 1968.
CHAPITRE II.
« Parmi les anciens Bédouins à peine sédentarisés se révélaient des hommes d’affaires qui pouvaient maintenant prendre en main l’organisation des caravanes, trafiquer sur le transport des denrées précieuses. Il se formait des sociétés pour commanditer les caravanes. Les bénéfices étaient importants, atteignant de 50 à 100 %. Les villes dont ils faisaient leurs centres d’opérations croissaient, prospéraient, avant tout La Mecque à mi-chemin de l’Arabie du Sud et de la Palestine byzantine. Toute l’Arabie occidentale, grâce aux mêmes conditions, se développait économiquement. Tâ’if au sud de Mekka, sur une montagne, villégiature alpestre des Mekkois avait une importante clientèle pour ses fruits, ses légumes et ses vins. Dans tout le Wâdi l-Qorâ (« le wâdi des villes », on nommait ainsi une ligne presque continue d’oasis au Hedjaz septentrional) et descendant au sud jusqu’à Médine, des colonies juives faisaient vivre une agriculture florissante. Dans les interstices du monde nomade, une économie mercantile se développait. À côté du troc, les transactions en monnaie devenaient fréquentes : dinars, c’est-à-dire deniers d’or et dirhams, c’est-à-dire drachmes d’argent. Les Bédouins empruntaient aux riches commerçants des villes, s’endettaient et étaient réduits en esclavage ou au moins à l’état de clients. Un processus de dissolution de la société tribale s’amorçait. Les grandes foires comme celle d’Okâz prospéraient. On y retrouvait des Arabes de toutes les tribus et des étrangers. L’horizon tribal était dépassé. Une transformation intellectuelle et morale accompagnait fort naturellement cette transformation économique et sociale. On constatait la réussite d’individus aux dents longues. Ce n’étaient plus les qualités traditionnelles des fils du désert qui assuraient le succès. L’avidité, l’âpreté au gain étaient bien plus nécessaires. Les riches vaniteux et présomptueux s’enorgueillissaient de leur promotion qui était bien la leur propre et non plus celle de la tribu. Les liens du sang se distendaient, le cédaient en importance aux liens fondés sur la communauté d’intérêts. Dès lors, de nouvelles valeurs surgissaient au-delà de l’humanisme tribal. Les pauvres, les jeunes, les honnêtes pouvaient bien souffrir devant la suffisance des parvenus. On avait le sentiment confus que le vieil idéal tribal au nom duquel on aurait pu critiquer ces derniers était périmé. On se tournait dès lors vers les religions universalistes, les religions de l’individu, celles qui, au lieu de concerner le groupe ethnique, visaient à assurer le salut de chaque personne humaine dans son incomparable unicité.
On connaissait, on l’a vu, le judaïsme et le christianisme, sous des formes souvent quelque peu aberrantes. Mais c’étaient des idéologies étrangères liées aux puissances en lutte pour le contrôle de la péninsule arabe. Elles avaient le prestige de l’étranger, de leur niveau incontestablement supérieur par rapport à la religion tribale, de leur liaison avec des civilisations prestigieuses. Mais y adhérer impliquait une prise de parti politique et c’était une démarche assez humiliante pour l’orgueil arabe. Certains cherchaient confusément de nouvelles voies, s’inspiraient des idées étrangères pour mettre en doute la puissance des innombrables idoles tribales et pour craindre le seul Dieu, si proche du Dieu suprême chrétien et juif. Parallèlement, le pays saracène souffrait de son infériorité politique. Les Arabes, comme mercenaires ou auxiliaires, étaient le soutien indispensable des grands empires. On achetait leur concours, on craignait leurs révoltes, on se servait de leurs tribus les unes contre les autres. Pourquoi n’utiliseraient-ils pas leur valeur à leur propre profit ? Pour cela il faudrait un État puissant qui unifierait l’Arabie. Il pourrait ainsi assurer la protection des richesses acquises et du commerce, détourner vers l’extérieur l’avidité des Bédouins les moins pourvus au lieu qu’elle soit une entrave pour l’activité commerciale des Arabes eux-mêmes. Les États de l’Arabie du Sud, trop colonisateurs à l’égard des nomades, trop détachés des Bédouins malgré leur parenté lointaine, avaient failli à cette mission. Un État arabe guidé par une idéologie arabe, adapté aux nouvelles conditions et cependant encore proche du milieu bédouin qu’il devait encadrer, constituant une puissance respectée à égalité avec les grands empires, tel était le grand besoin de l’époque…
…………………
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Le slogan dont l’idéologie musulmane de cette époque eût pu se prévaloir était : une religion arabe pour les Arabes. Nous avons vu comment la communauté avait fini par se rattacher à Abraham-Ibrahim supposé ancêtre des Arabes. Maintenant Dieu révélait ses exigences et ses vérités en langue arabe par l’intermédiaire de Mohammad. On a vu que l’on s’orientait désormais en priant, non plus vers un sanctuaire étranger, mais vers la Ka‘ba, sanctuaire arabe s’il en fut……
CHAPITREVII.
Il avait créé un embryon d’État arabe animé par une religion arabe. Que cette création ait répondu aux besoins profonds de l’Arabie, c’est un fait évident puisqu’elle survécut à la crise terrible qui suivit sa mort.
Note de Pierre de La Crau. Nous sommes d’accord sur un point avec ce grand historien. Le fait même que le grand prophète plus ou moins chrétien de l’Arabie centrale ait été connu à La Mecque et Yathrib/Médine avant que Mahomet ne commence à percer.
Al Baghaoui, Tafsir sourate 25 verset 60.
(Et quand on leur dit) aux gens de La Mecque (Prosternez-vous devant le Tout Miséricordieux) soumettez-vous au Tout Miséricordieux en professant l’unicité divine de Dieu (ils disent : « Qui est donc ce Tout Miséricordieux ?) nous ne connaissons personne de ce nom à part Moussaïlima le menteur ?’Les Mecquois envoyèrent alors une délégation aux juifs de Yathrib pour en savoir plus sur lui et si l’on en croit le livre intitulé Thimar al-qouloub d’Abd al Malik b. Muhammad al-Tha’alibi, « Quand le prophète arriva à Médine, il trouva les gens parlant de Moussaïlima, citant ses paroles et se référant à ce que les Banou Hanifa disaient de lui » (page 146 n° 207)..
Et qu’il ne fallut pas moins de trois armées musulmanes pour venir à bout de ses fidèles.
Le fait même que les premières personnes intéressées par le message de Mahomet en dehors de sa prédication directe à La Mecque furent des habitants de la ville oasis de Yathrib/Médine (les Ansars)…
PROUVE BIEN EN EFFET QUE L’IDÉE ÉTAIT DANS L’AIR.
La triple question est…
POURQUOI TANT DE VIOLENCE ?
Était-il impossible de faire comme Bouddha ou les premiers chrétiens et de répandre la philosophie du Tawhidi et toutes les bonnes choses qui vont avec autrement que par la force ?
Plus radicalement même : MAHOMET ÉTAIT-IL INDISPPENSABLE ?
À la diffusion de ce message de paix d’amour de pardon BREF D’ÉLÉVATION DE L’ÂME ET DE LA CONDITION HUMAINES ??? Comme le dit la Déclaration ou fatoua de la conférence antiterroriste panindienne de Deobandi du 31 mai 2008.
« L’Islam est la religion de la miséricorde pour toute l’humanité. Il est la fontaine de la paix éternelle, de la tranquillité, de la sécurité. L’Islam a donné tellement d’importance aux êtres humains qu’il considère que le meurtre d’une seule personne équivaut au meurtre de toute l’humanité *, sans distinction fondée sur les croyances ou les castes. Son message de paix concerne toute l’humanité. L’Islam a montré à ses adeptes à traiter l’humanité tout entière avec égalité, miséricorde, tolérance, justice. L’Islam condamne absolument toutes les formes d’oppression, de violence et de terrorisme pouvant exister. Il considère la dictature, les émeutes et le meurtre comme les plus graves des péchés et des crimes ».
Si ce n’est a contrario ?? L’Histoire le dira.
Elle nous dit déjà que le polythéisme arabe était en perte de vitesse et que nombre des destinataires du Coran étaient déjà plus ou moins familiarisés avec les grands thèmes bibliques ou judéo-chrétiens
* Il s’agit du verset 32 du chapitre 5. Voir notre étude sur le sujet un peu plus haut et les questions que cet ayah soulève.
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HUITIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LA MARCHE TRIOMPHALE SUR LA MECQUE (630).
La marche sur la Mecque est un chef-d’œuvre tactique. Les historiens mal intentionnés font le rapprochement avec la Marche sur Rome de Mussolini en 1922.
ACTE I : La rupture de la trêve.
Mahomet profite d’une guerre civile larvée à la Mecque pour intervenir, et rompre la trêve. Quand il le faut, il sait réactiver les liens de solidarité tribale, qui servent de prétexte. Il reste notable que ceux qu’il vient protéger ne sont pas encore musulmans, mais peu importe !
Dans le traité que Mahomet avait conclu en 628 à Houdaïbiya avec les Couraïchites, il était stipulé que ceux-ci ne lui feraient pas la guerre, qu’ils n’aideraient pas ses ennemis, qu’ils n’exciteraient personne contre lui, qu’ils ne donneraient point de secours à ses ennemis, soit en armes, soit en hommes, et qu’ils ne feraient pas et n’aideraient pas à faire, la guerre à ses alliés.
Or il y avait, sur le territoire de la Mecque, deux tribus alliées de Mahomet, l’une appelée les Banou Khouzaa, l’autre les Banou Bakr ibn Kinana. Les Banou Khouzaa étaient d’anciens alliés des Banou Hachem, tandis que les Banou Bakr étaient alliés avec les Banou Omayya, les Banou Makhzoum et d’autres clans Couraïchites. Lors de la conclusion du traité de Houdaïbiya, les Banou Khouzaa s’étaient déclarés les alliés de Mahomet, qui les avait acceptés et qui leur avait assuré qu’ils seraient à la Mecque sous sa protection, quoiqu’ils ne fussent pas de sa religion. Les Banou Bakr par contre avaient renoncé à son alliance et à sa protection. Après ces stipulations, on s’était séparé, et Mahomet était retourné à Médine.
Le pacte d’al Houdaïbiya avait donc précisé la position des Khouzaa dans le parti médinois et des Bakr dans le parti mecquois. Or il y avait entre eux d’anciennes vengeances à exercer, et les circonstances invitaient à en ranimer le souvenir.
Un membre du clan des Khouzaa ayant entendu dire qu’un membre des Kinana avait chanté une chanson satirique raillant Mahomet, il l’attaqua et lui fracassa le crâne.
On remarquera au passage que le dieu de Mahomet n’a pas été attaqué et que seule l’a été la personne de Mahomet, c’est-à-dire ses vices et ses brutalités. Il ne s’agit donc pas d’un blasphème au sens moderne du terme. Dans leur esprit le dieu de Mahomet reste respectable. Ce qui l’est moins c’est la personnalité de son prophète qui agit en roi du Hedjaz.
L’incident provoqua néanmoins l’affrontement des deux parties. Les Banou Bakr, renforcés par les Kinana, poursuivirent jusqu’aux limites du haram mecquois des Banou Khouzaa, dont le chef alla demander secours à Mahomet. Abou Soufiane partit à Médine demander qu’on renouvelle le pacte, et prolonge la période de trêve. Mais Mahomet refusa. Abou Soufiane se leva et s’exclama : j’ai reçu mes pouvoirs du peuple.
Mahomet aurait répondu : Ô Abou Soufiane ! Que dis-tu ?
Le retour sans gloire d’Abou Soufiane.
ACTE II : Préparation de l’intervention.
Le montant des effectifs à lui seul (plus de 10 000 hommes) suffit à le faire comprendre : jamais une telle troupe n’avait été rassemblée en Arabie et mise en branle dans un objectif précis.
Les descriptions insistent sur la masse, la puissance et la détermination des troupes : la tactique est celle de la dissuasion, pour dissuader l’ennemi de toute réaction, et de la terreur, pour le décourager davantage.
Elles sont composites, faites de bric et de broc, de bédouins et de sédentaires, de tribus ennemies, et surtout des deux composantes de Médine, les mouhadjiroun ou immigrés venus de La Mecque et les ansars ou musulmans locaux.
Les premiers veulent rentrer chez eux, les seconds attaquent une cité rivale depuis toujours.
Parmi les combattants, peu ont de réelles motivations religieuses, en dépit des efforts oratoires de Mahomet.
Al Abbas prévenu quitte La Mecque avec sa famille et vient rejoindre l’armée de Mahomet à al Jouhfa. On aimerait être mieux renseigné sur les détails de la vie de ce grand ancêtre des Abbassides, si habile à concilier ses intérêts matériels et moraux. Il proclame maintenant sa conversion à la religion
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prêchée par son neveu. La tradition le montre néanmoins toujours soucieux des dangers que courent les Couraïchites et prompt à jouer un rôle de médiateur entre eux et son neveu.
La conversion, forcée et du bout des lèvres, d’Abou Soufiane, l’ennemi juré de Mahomet, a donné lieu à plusieurs versions ; chaque auteur a voulu donner à cette pièce de choix une tonalité personnelle, voire cocasse. Le fait qu’Abou Soufiane soit à l’origine de la première dynastie musulmane n’y est sûrement pas pour rien : on voit ensemble les éponymes des dynasties omeyyades et abbassides dans cet épisode.
Mais peut-on réellement parler de conversion dans le cas d’Abou Soufiane ? Cela peut sembler un anachronisme. Dans la tête d’Abou Soufiane, il devait surtout s’agir de soumission à un pouvoir politique nouveau. Il est d’ailleurs probable que la formule de profession de foi (chahada) n’était pas encore fixée à cette époque.
En bon marchand ce n’était pas un homme de sabre, mais plutôt de négociations.
Cette scène (de la conversion) est enfin l’occasion d’introduire le personnage d’Abbas, jusque-là bien épargné par les événements.
Converti très tardif, il compte surtout parce qu’il sera l’éponyme de la future dynastie abbasside. C’est durant son empire seulement que l’essentiel de la tradition islamique se constitue. Le fait que ce soit lui, éponyme des Abbassides, qui assiste l’ancêtre des Omeyyades, est remarquable, et sûrement fabriqué par toute une épaisse couche d’historiens affidés des Abbassides.
Sans grand souci de vraisemblance, la tradition musulmane nous montre al Abbas entraînant Abou Soufiane dans une gorge où il assistera au défilé de l’armée dont, sans apparemment il ne sait rien. À chaque groupe de Bédouins qui passe, Abou Soufiane demande : « Qui sont ceux-là ? Qui sont donc ceux-là ? », jusqu’à ce que défile l’escadron des Émigrés, effrayants, coiffés de leurs casques, invulnérables dans leurs cottes de mailles, « l’escadron vert », ou plutôt bleu, de la couleur de ses armes. On ne peut s’empêcher de penser au célèbre défilé de Slemain Midé des légendes irlandaises (Tain Bo Cuailnge).
Il faut pétrifier les Mecquois pour rendre toute résistance impossible et la tradition musulmane considère d’ailleurs à juste titre que la ville a été prise de force (arabe anoutan).
Abou Soufiane rentre donc en toute hâte à La Mecque, et devant la Kaaba harangue les Couraïchites, leur dépeint l’attaque irrésistible qui se prépare et les garanties qu’on leur accorde s’ils se rendent. Sa femme Hind (mère du futur calife Mou’awiya 1er) l’attrape par la moustache en criant : « Tuez cette outre pleine de graisse, cette enflure, ce gros tas de viande ! Quel misérable gardien il fait pour une cité » ! « Ne vous laissez pas égarer par cette femme, rétorque Abou Soufiane, vous êtes face à l’irrémédiable ! ». Et l’on se disperse pour se mettre à l’abri.
La soumission d’Abou Soufiane et Abbas, les deux dirigeants mecquois, n’aura été qu’un prélude. Ils viennent pour négocier, vider de l’intérieur, la capacité de résistance des Mecquois, et sauver la ville, lui offrir la défaite pour lui éviter la catastrophe.
ACTE III : Les combats oubliés.
La marche sur la Mecque s’est donc déroulée « presque » sans combats, sans violence manifeste, surtout si l’on compare avec le reste des opérations conduites par Mahomet. Il y eut cependant au moins une tentative de résistance organisée, contrairement à ce qu’avancent tous les vulgarisateurs musulmans, soucieux de présenter au public une image immaculée de la Conquête ultime. Les sources originales sont moins prudes.
Mais il est vrai que la violence globale fut remplacée par une habile politique de terreur.
Contrairement à ce que diffuse l’essentiel des travaux modernes de vulgarisation, la conquête de la Mecque n’aura donc pas été un moment pacifique, celui d’une communion qui ne serait que le prélude à une conversion universelle, autour d’un chef impeccable au sens strict du terme (isma), il y eut de véritables combats (cf. Maurice Gaudefroy-Demombynes pages 172-173).
À cela s’ajoutèrent les proscriptions, c’est-à-dire les listes de personnes ou personnalités à abattre dès l’entrée en ville, une liste noire avant la lettre.
ACTE IV : les Toulaqa.
Car la conquête de la Mecque fut d’abord l’invasion par des émigrés revanchards (nous avons connu ça nous aussi en 1815), et des Médinois, issus d’une autre ville indépendante de la Mecque. Par la suite, bien sûr, les récits feront une lecture religieuse, voire théologique, de ces événements, mais qui ne fait guère illusion.
L’entrée à la Mecque est l’occasion de décrire de belles cérémonies d’allégeance de la population, et parmi elles, celle des grandes figures mecquoises.
Les convertis de 630, ceux de la conquête, feront partie d’une catégorie subalterne de la population musulmane : on suspectera toujours la sincérité de leur foi musulmane. Cet épisode montre que La Mecque a bien été prise de vive force (arabe anouatan). Les Mecquois auraient dû être faits
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prisonniers, mais Mahomet leur a accordé la liberté, aussi les annalistes appellent-ils désormais les Mecquois Toulaqa, « les relâchés », « les Affranchis ».
ACTE V : Le discours aux habitants.
Le genre « discours prophétique » est délicat à mettre en œuvre pour les chroniqueurs et historiens musulmans : on n’ose guère mettre dans la bouche de Mahomet autre chose que ce qui est dans le Coran lui-même, sous peine de blasphème. Ils contournent donc la difficulté en réduisant au minimum ses adresses à la population, qui, elle, a tout loisir de répondre. La situation est par conséquent paradoxale concernant un personnage considéré comme prophète, mais qui au final ne s’exprime quasiment pas.
Afin de bien comprendre ce qui s’est alors joué, il y a lieu de rappeler ici un épisode qui s’est déroulé bien après celui-ci, la reprise violente de la ville de la Mecque, par le fameux et sanguinaire Al Hadjaj, gouverneur omeyyade d’Irak, en 692, qui s’en prit même à la Kaaba à coups de catapulte.
ACTE VI : la scène du serment ou baya.
Les hommes jurèrent d’obéir de toute leur force à Dieu et à son Envoyé. Les femmes s’engagèrent à ne pas donner d’associé à Dieu, à ne commettre ni vol ni adultère, à ne pas tuer leurs jeunes enfants. Mahomet assis sur le roc de Safa, touche la main des hommes, mais comme sous l’arbre sacré d’al Houdaïbiya, c’est à Omar, assis au-dessous de Mahomet que les femmes prêtent serment ; ou bien elles plongent leur main dans une jarre pleine d’eau, où Mahomet avait auparavant plongé la sienne. La soumission de Hind est la plus intéressante. Son second sens, guerrier, coercitif et politique, est constamment sous-estimé.
Les traditionnistes abbassides, il est intéressant de le constater, prêtent en cette circonstance à la terrible Hind, femme d’Abou Soufiane, une très noble attitude. Elle vient prêter serment voilée, travestie ; mais quand Mahomet la reconnaît puis l’interroge et qu’il réclame d’elle l’engagement de ne pas tuer ses enfants elle réplique « Nous les avons élevés quand ils étaient petits, et toi, tu les as tués à Badr quand ils sont devenus des hommes ! ».
Hind, femme d’Abou Soufiane et jusque-là féroce opposante à Mahomet se soumet certes, mais la liberté de parole qu’elle est en train de perdre, avec ses consœurs, n’empêche pas un ton vif, ironique et spirituel de sa part, face à l’exposition rigoureuse des obligations nouvelles. Elle remarque par exemple que les hommes n’ont pas eu droit à de telles questions au cours de leur acte de soumission. Ce sera la dernière femme à parler librement en public à la Mecque pour les siècles des siècles.
Cette femme est une personnalité attachante, perdue au milieu d’une multitude d’assassins, de brutes et d’abrutis, tous barbus, une véritable héroïne dont la littérature islamique n’a pu effacer l’existence.
Il faut d’ailleurs souligner à quel point sa survie est anormale : tant elle s’était signalée par un comportement abominable aux yeux des musulmans (acte de cannibalisme durant la bataille d’Ohoud). Pourtant elle continue à provoquer les nouveaux maîtres.
Que dire ?
Soit les crimes qu’elle a commis n’en étaient pas, soit elle a été épargnée au prix d’un long marchandage. D’autres femmes n’ont pas eu cette chance.
Le pardon de Hind s’expliquerait d’une autre manière : c’est la femme d’Abou Soufiane…
Mais ce qui frappe aussi dans ce texte c’est l’allusion aux relations entre Hind et Omar.
Il est donc exceptionnel à tous points de vue, et Tabari, on le sent, prend plaisir à le conter, alors qu’à d’autres moments, il peine à écrire, et fait peine à lire.
ACTE VII : le saccage du sanctuaire.
La tradition musulmane explique ainsi cette grave intervention du Prophète : « Combattre à l’intérieur (du haram) n’a été licite pour personne avant moi ni ne le sera pour personne après moi, et cela n’a été licite pour moi que pendant un court instant » (Sahih Boukhari tome 5, livre 59, hadith numéro 603).
Peu de temps après avoir fait son entrée à La Mecque, Mahomet se rendit à la Kaaba, en prit la clé des mains d’Othman B. Talha, puis pénétra dans la ville. Ibn Ichaq : « Là il trouva une colombe en bois, la broya de ses mains puis la jeta » ensuite il se tourna vers les statues qui étaient dans et autour du temple. Il y en avait 360. Mahomet s’en approcha un bâton à la main, en disant : « La vérité est venue le mensonge est passé l’erreur doit disparaître » (Coran chapitre 17,82). Puis il pointa son bâton dans leur direction et elles tombèrent à la renverse les unes après les autres… ensuite il donna l’ordre que toutes les statues qui étaient autour de la Kaaba soient rassemblées et brûlées ou brisées.
Dans quelques variantes de ces hadiths nous pouvons lire qu’Iblis avait fixé les socles de toutes ces statues avec du plomb, mais que quand Mahomet les touchait avec la lance ou le bâton qu’il avait dans les mains il prononçait ces paroles : « La vérité est venue le mensonge s’en est allé », les statues tombaient alors face contre terre au simple contact du bâton…… La tradition musulmane a ainsi transformé en miracle ce qui était en fait qu’une pure démonstration de force physique.
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Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, le début de l’apostolat de Mahomet ne contient pourtant aucune attaque contre les idoles ; c’est un moment où le nouveau prophète peut espérer une solution de compromis avec l’aristocratie des Couraïchites.
Dans la pratique, idoles, pierres brutes et autels se mêlent, tant par leur apparence que par leurs fonctions rituelles.
Le rejet absolu de ces pratiques consacrera la rupture. Mahomet reprend là un vieux thème biblique, un peu facile d’ailleurs, et l’idolâtrie deviendra ainsi dans sa bouche un mal absolu.
Or en réalité pour les esprits les plus élevés comme le haut roi d’Irlande Cormac l’idole n’est pas le dieu lui-même, mais un miroir de la divinité, un symbole.
« Ar baí cretim in óenDé oc Cormac. ar ro ráidseom na aidérad clocha ná crunnu acht no adérad intí dosroni & ropo chomsid ar cul na uli dúla » (Senchas na relec inso) ».
« Cormac croyait en un seul dieu. Il disait qu’il n’adorait ni les pierres ni les arbres, mais qu’il adorait seulement celui qui les avait faits et qui est le protecteur de tous les éléments » (Histoire des lieux d’inhumation).
La distinction était néanmoins trop subtile pour certains.
Hobal, la principale statue de la Kaaba, fut déboulonnée puis servit de pierre de seuil. Cette pratique créa un précédent qui fut suivi à la lettre. Nombre de statues hindoues finirent devant les portes des principales mosquées non seulement dans les capitales musulmanes de l’Inde comme Ghazni, Kaboul, Lahore… mais aussi à Bagdad, La Mecque et Médine.
Les statues n’étaient pas les seules « abominations » dont Mahomet dut s’occuper dans la Kaaba. Ibn Ichaq et d’autres biographes rapportent que « les Couraïchites avaient aussi placés des icônes dans la Kaaba, y compris deux de Jésus fils de Marie et Marie elle-même… Mahomet ordonna que les images soient effacées sauf celles de Jésus et de Marie ». Une tradition ajoute qu’Omar commença aussitôt à les effacer avec de l’eau du puits dit de Zemzem, mais que Mahomet aurait alors placé sa main sur les images de Jésus et de Marie et dit : « Enlève tout sauf ce qui est sous ma main. On peut douter de l’anecdote (des icônes chrétiennes dans la Kaaba du temps de la Djahiliya), mais il n’y a aucune raison de douter que les murs de la Kaaba aient porté des peintures. Les païens ont toujours été soucieux de représenter leur panthéon et leur mythologie tant au moyen de la peinture que de la sculpture.
Ce funeste exemple d’iconoclastie donné par Mahomet lui-même (ces œuvres d’art païennes auraient pu simplement être enlevées et entreposées ailleurs) sera suivi des siècles plus tard par les taliban ou les séides de l’État islamique en Irak et en Syrie.
En Syrie en septembre 2015 les djihadistes de l’État islamique ont par exemple successivement détruit le temple de Baalshamin, celui de Baal, puis sept tours funéraires, dont trois qui étaient particulièrement bien conservées ainsi que l’Arc de Triomphe et des colonnes qui n’avaient rien à voir avec un culte quelconque.
Note de la rédaction. Pour ce qui est des talibans, c’est aux bouddhas de Bamiyan que leur stupide imitation en tout point de Mahomet s’en est prise en mars 2001.
Ces trois statues avaient été sculptées en haut-relief de sorte qu’elles se détachaient du fond d’une niche aménagée dans la falaise en grès. Les détails fins modelés sur la roche par un mélange de paille et de plâtre en faisaient des représentants du style Gandhara. Les statues étaient à l’origine colorées, la plus grande en carmin et les autres de multiples couleurs.
Au début du 20e siècle, suite à l’envoi de Moutaouas saoudiens en Afghanistan pour aider le gouvernement des talibans à former leur police de répression du vice et de promotion de la vertu, le gouvernement taliban décida de démolir les Bouddhas de Bamiyan à coups d’explosifs et de tirs d’artillerie.
Après la destruction, le mollah Omar déclara qu’il était fier de tous les talibans qui avaient participé à la destruction de cette horreur impie synonyme d’une religion pour dégénérés. »
Évidemment, dans ce cas-là, et à la différence des œuvres d’art religieux exposées dans la Kaaba, il était impossible de simplement les enlever du lieu c’est pourquoi une délégation officielle japonaise accompagnée d’un groupe de bouddhistes sri lankais avait alors proposé de recouvrir les statues. En vain, les talibans refusèrent.
Début 2015, des intégristes musulmans ont proposé la construction d’une mosquée sur les lieux, financée par des fonds saoudiens. La construction d’une medersa est aussi à l’étude.
ACTE VIII : L’élimination des poètes et chanteuses et de quelques autres intellectuels.
Une amnistie fut proclamée, mais il y eut des exceptions. Mahomet donna l’ordre de tuer 6 personnes, quel que soit l’endroit où on les trouverait, même dans la Kaaba. Il s’agissait de Safouane ibn Omayya, Abdoullah ibn Katal, Meqyas ibn Sobaba, Ikrima Ibn Amr Ibn Hicham (Ikrima Ibn Abou Djahl), al Houwaïrith ibn Nouqaïdh, Abdallah ibn Sad abou Sarh (Ali Dacthi dans son livre intitulé « 23 ans »).
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Mahomet procède donc à une épuration superficielle et ciblée, mais amplement suffisante. Les puissants et les petits malins en réchappent : il faut bien construire un nouvel avenir avec les forces vives. Mais les lampistes vont payer le prix fort. La suspension de l’immunité permit à Mahomet de faire quelques beaux gestes, mais elle lui permit aussi de se débarrasser de quelques individus particulièrement haïs : des listes de noms circulèrent.
Pour une fois, les textes sont assez honnêtes pour relater les cas de ceux qui ont réussi à échapper au sort qui leur était promis, par la fuite ou par erreur de la part des assassins. Ce sont chaque fois de petites aventures personnelles qui nous sont contées, avec ce qu’il faut de dramatique pour bien montrer que leur vie n’a tenu qu’à un fil.
La liste noire contenait par exemple le nom d’Abdallah ibn Saad ibn Abi Sarh, converti, puis apostat. Osman ibn Affane étant son frère de lait, il l’accompagne chez Mahomet, qui, embarrassé, renonce à sa vengeance, mais qui aussitôt après reprochera à son entourage de ne pas l’avoir tué. Le rescapé occupera de hautes fonctions d’État sous Omar et sous Othman. Ikrima Ibn Amr Ibn Hicham (Ikrima ibn Abou Djahl) et Safouane ibn Omayya réussissent à fuir et leurs femmes obtiendront leur pardon. Mahomet s’acharne tout particulièrement contre les auteurs de vers redoutables lancés contre lui. Bien qu’Abdallah ibn Khatal soit accusé d’un meurtre stupide et d’apostasie, ce sont en réalité ses vers qui le condamnent. Des deux chanteuses qui les récitaient, l’une peut s’enfuir, mais l’autre est assassinée. Les poètes Abdallah ibn az Zabara et Houbaïra ibn Abou Ouahb échappent par la fuite au sort qui les attend. Sa première fureur passée, Mahomet acceptera la protection qu’Oumm Hani, sœur d’Ali, a accordée aux deux fugitifs. Ibn az Zabara, après une brève retraite à Nadjran, revient et se convertit. Kab ibn Zoubaïr, encouragé par son frère, vient réciter à Mahomet la qasida (ode) qu’il a composée en son honneur, la Banat Souad, et se convertit.
ACTE IX : le hadj de 631.
Mahomet semble avoir laissé un délai aux Arabes qui voulaient se rendre à la Ka’ba, sans doute pour ne pas provoquer de révolte chez les Bédouins, et une perte financière trop forte pour les Mecquois : des rituels pratiqués au même endroit pour deux religions différentes (paganisme arabe et islam) ont donc pu cohabiter quelques mois de l’année 631. Les annalistes qui, d’ordinaire, rapportent volontiers les menus incidents qui se produisent au cours du hadj sont très sobres en détails sur celui de 631. Il est pourtant évident que le mélange intime de pèlerins musulmans et non musulmans païens dans l’accomplissement des cérémonies traditionnelles de la Djahiliya, adaptées à l’adoration de Dieu, n’a pu manquer de produire quelques heurts, qu’il eut été instructif de connaître. Le hadj de 631 fut donc un pèlerinage de transition et, semble-t-il, de réciproque tolérance, même si la récitation de la sourate 9 constituait une violente attaque contre les Arabes païens.
On peut maintenant se demander d’un point de vue théologique quel fut alors le dieu vénéré en ce lieu. Le même dieu adoré par deux populations différentes, ou deux dieux, adorés par une ou deux communautés ? Étrange entre deux, mais il n’est nullement question de tolérance, car cette concession ne durera pas. Tout sera mis en œuvre pour faire disparaître aussi vite que possible les usages anciens.
ACTE X : l’interdiction du hadj aux non musulmans : la sourate 9.
Mahomet, encore une fois bien aidé par une révélation opportune, celle du chapitre 9, enverra Abou Bakr interdire définitivement aux non-musulmans l’accès au sanctuaire, mais n’ira pas personnellement.
La situation était-elle à l’apaisement, ou pouvait-on craindre une révolte ?
Sur un plan technique, l’accord entre les deux parties, le compromis temporaire, avait pris la forme d’un pacte. Mais il sera ensuite question de la rupture dudit pacte, par les infidèles, bien sûr.
Là encore, le ton est très brutal : l’appel au meurtre réapparaît, hors d’un contexte guerrier. C’est là le signe que Mahomet a maintenant toute latitude pour s’imposer, et loin de vouloir l’infléchir, il veut augmenter encore son pouvoir de contrainte. La violence des versets de ce chapitre 9, qui est là pour terroriser, accompagne cette confiscation par l’islam des usages anciens. Les rites restent identiques, mais sont intégrés dans un autre schéma. Le ton est d’une brutalité extrême, qui laisse pantois, celui de l’islamisme triomphant qui, quand il triomphe, ne sait plus ce que c’est que l’empathie.
Cette interdiction du hadj aux mécréants préparera aussi la venue de Mahomet au pèlerinage de 632.
Le contenu du chapitre est comme d’habitude incohérent, et empêche toute véritable analyse, parce qu’y cohabitent un encouragement à respecter le pacte, et aussitôt après, un appel d’une violence extrême à agresser les non-croyants par tous les moyens.
Pour conclure nous ne résisterons pas au plaisir de citer le beau discours du grand patriote écossais Calamus rapporté par Tacite dans sa vie d’Agricola.
« Toutes les fois que je considère les causes de la guerre et l’extrémité à laquelle nous sommes réduits, un grand espoir m’anime ; oui, ce jour même et votre accord fonderont l’époque de la liberté de toute la Bretagne. Et en effet, tous nous fûmes exempts de la servitude ; au-delà plus de terres ; la
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mer même ne serait pas un asile : la flotte romaine nous y menace. Ainsi le combat et les armes, seul parti honorable pour les braves, sont ici même le plus sûr pour les lâches. Les guerres précédentes, où l’on combattit contre les Romains avec une fortune diverse, avaient leur espoir et leur ressource en nous, nous la plus noble nation de la Bretagne, et qui, placés au fond même de son sanctuaire, et ne voyant pas les rivages de la servitude, avons eu nos yeux mêmes préservés du contact de la tyrannie. Habitant au bout du monde et de la liberté, cet ultime sanctuaire de la gloire bretonne nous avait jusqu’ici protégés : maintenant même les dernières frontières de la Bretagne sont bousculées : l’inconnu semble toujours merveilleux à découvrir. Or derrière nous plus d’autres tribus (pour nous recevoir ?) rien, que des flots et des rochers ; et devant nous il y a les Romains, à l’orgueil desquels vainement vous penseriez échapper par l’obéissance et par la soumission : envahisseurs de l’univers, après avoir épuisé les terres par leur pillage universel, ils vont même jusqu’à fouiller mers ; cupides si leur ennemi est riche ; tyranniques s’il est pauvre. Ni l’Orient ni l’Occident n’ont pu suffire à les rassasier ; seuls, de tous les mortels, ils convoitent avec une égale ardeur et les richesses et la misère : enlever, égorger, piller, c’est ce qu’ils appellent dans leur faux langage, gouverner ; et, là où ils ont fait le désert, ils disent qu’ils ont apporté la paix » (Tacite, vie d’Agricola, 30).
CAR LES ANCIENS CELTES (d’esprit) NE COMBATTAIENT PERSONNE POUR DES QUESTIONS DE RELIGION VRAIE OU FAUSSE OU DE CULTE À RENDRE À TEL OU TEL DIEU, MAIS EN GÉNÉRAL POUR DES QUESTIONS DE LIBERTÉ. Voir aussi les propos de Critognatus et Boudicca (en Angleterre).
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NEUVIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
L’ÉLABORATION DU CORAN.
Ainsi que nous avons pu le voir, le Coran (« al qur’an » en arabe) est censé n’être que la retranscription d’une loi fondamentale divine éternelle désignée par le terme arabe de « Oum al kitab ». Un genre de Tablette ou Table de la Loi, écrite par Dieu lui-même. Mahomet n’aurait donc été qu’un simple intermédiaire, une sorte de « récepteur » qui se serait borné à retransmettre les révélations de cet oum al kitab, faites par l'(arch) ange durant ses crises d’épilepsie.
Mahomet insiste sur le fait qu’il n’est pas l’auteur du Coran, qu’il ne fait que répéter ce que lui aurait dicté cet esprit, directement en arabe, et sur ordre de Dieu. C’est donc en se fondant sur ce principe que les mahométans ont institué leur religion. Ce qu’il faut constamment avoir présent à l’esprit quand on parle avec des musulmans croyants et pratiquants ; c’est que tous les versets du Coran sont pour eux censés avoir été directement dictés par l’esprit qui rendait visite à Mahomet, qui plus est dans la langue maternelle de Dieu, c’est-à-dire l’arabe.
La tradition islamique nous représente Mahomet dictant ces chapitres, à mesure de leur révélation, à des proches qui les gardent fidèlement en mémoire ; ou à des scribes, qui écrivent sur « des morceaux de cuir, des tessons de poterie, des nervures de palme et des omoplates de chameau ».
Or à l’époque de Mahomet, l’écrit venait à peine de faire son apparition. Il importe de prendre en considération le fait que la symbolisation ou distinction des voyelles par des points diacritiques situés au-dessus ou au-dessous des consonnes n’est apparue que bien après Mahomet.
Certaines divergences viennent de ce que le Coran a d’abord été noté en une langue écrite (l’écriture nabatéenne) ; qui ignorait les signes des voyelles brèves, les signes diacritiques, où les lettres n, t, b, y, q, f, ne pouvaient donc être distinguées les unes des autres ; il s’agissait en réalité plutôt d’ailleurs d’une sorte de sténographie servant d’aide-mémoire à des hommes connaissant déjà d’avance le contenu de ces notes. Cette écriture surtout consonantique est appelée « mouchaf ».
Les questions auxquelles tout critique du Coran espère néanmoins trouver une réponse sont les suivantes… :
1. Quand le Coran a-t-il été écrit, et par qui ?
2. Quelles sont les sources du Coran ? D’où viennent les histoires, les légendes, et les principes qui abondent dans le Coran ?
3. Comment le Coran est-il arrivé jusqu’à nous ? (Le problème de la compilation et de la transmission du Coran.)
4. Qu’est-ce que le Coran ? (Puisqu’il n’y a jamais eu de « textus receptus ne varietur » : la question de l’authenticité.)
Les spécialistes non musulmans qui travaillent aujourd’hui sur le Coran sont tiraillés entre plusieurs hypothèses. Le texte aurait connu des évolutions dans le temps.
Un indice tendant à montrer que le Coran a été rédigé par strates successives tient à l’existence en son sein d’informations contradictoires.
Exemple, le pharaon à la poursuite des Hébreux. Il est sauvé dans certains versets 1), noyé dans d’autres 2). Le changement des faits allégués montre que ces strates ont été accumulées sur une période de temps suffisamment longue pour que la cohérence ne puisse plus être maintenue ; à cause vraisemblablement de la mort des premiers rédacteurs ou de la perte de leur souvenir avant l’intervention des rédacteurs suivants.
J. Wansbrough a montré que, loin d’être fixé au septième siècle, le texte définitif du Coran n’était toujours pas achevé au neuvième siècle. L’islam n’est que partiellement d’origine arabe et ce n’est que par la confrontation avec d’autres univers culturels qu’il s’est peu à peu élaboré. Voir les innombrables allusions faites par le Coran lui-même aux mondes religieux judéo-chrétiens. Le défi de produire une écriture identique ou supérieure (ou une portion de celle-ci), exprimé cinq fois dans le Coran, ne peut s’expliquer que par une polémique avec la communauté juive ou chrétienne.
Très influencée par les récits rabbiniques, la communauté musulmane des débuts prit Moïse en exemple. La nouvelle communauté tenait absolument à établir les titres de Mahomet en tant que prophète à l’instar de Moïse ; ceci impliquait bien sûr dans ce cas qu’il devait y avoir une Écriture sainte témoignant de sa nature prophétique.
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Un autre développement progressif fut l’émergence de l’idée des origines arabes de l’islam. À cette fin fut élaborée l’idée de l’arabe langue sacrée. Le Coran fut réputé être descendu de Dieu en un arabe indépassable.
Rappelons-le encore une fois, pour les vrais musulmans le texte du Coran n’est pas une œuvre personnelle composée par Mahomet ; c’est seulement la répétition de paroles divines, gardées (ou gravées) sur une sorte de table (ou tablette d’argile) sacrée, venant d’une table bien gardée (« lawh al-mahfouz »), incréées, car coéternelles à Dieu lui-même, un peu comme le Christ des chrétiens trinitaires, et rapportées par l’esprit ou la puissance qui apparaissait à Mahomet.
Les musulmans considèrent par conséquent le Coran comme éternel et parfait, à l’image de Dieu, et donc sans histoire.
Qui peut y croire ? ? ? Au sein même de l’islam, il y a eu d’ailleurs des mouvements pour s’élever contre une telle absurdité (ouf, l’honneur est sauf !) : les mou’tazilites, qui ont jadis essayé de concilier foi et philosophie, foi et raison.
Ce qui est sûr en effet c’est que le Coran a connu, lui aussi, une évolution textuelle et que sa version actuelle n’est pas celle dont on pensait il y a peu encore, qu’elle avait été celle de Mahomet. L’évolution linguistique ayant eu lieu entre l’arabe du VIIe siècle et l’arabe littéraire classique dans lequel a été fixé le Coran d’aujourd’hui, laisse à penser que le Coran a probablement subi des modifications après l’époque d’Osman.
Toute étude un tant soit peu sérieuse bute sur quatre problèmes lourds de conséquences.
Différents dialectes (loughat) coexistaient dans la péninsule Arabique du temps de Mahomet : il y avait des différences entre l’arabe de la région du Hedjaz et celui du Nedjd, etc. À l’intérieur de ces régions, il y avait aussi des différences entre les sous-dialectes des tribus (par exemple entre celui des Couraïchites et celui des Haouazenites…). Exactement comme il existait plusieurs dialectes du « gallo-roman » dans la France de jadis : langue d’oïl (parlée dans le Nord), la langue d’oc (parlée dans le Sud) le franco-provençal ou arpitan (parlé dans le Centre-Est et en Suisse), etc. Sans oublier le catalan (et les parlers de la plaine du Pô ainsi que le portugais ou galicien ajoute mon correspondant parisien).
La langue du Coran contient de toute façon des mots d’origine non arabe.
Un très bon exemple en est le cas de la sourate 108. Elle est très courte, mais presque un mot sur 4 est un hapax. On peut donc lui faire dire ce qu’on veut.
Theodor Nöldeke a même émis l’hypothèse d’un début de sourate aujourd’hui perdue.
Ce qui pose le plus de problèmes par contre c’est le sens exact du mot kautar.
Même un exégète comme Aboul Mansour Matouridi y perd son latin. Pardon, son arabe.
Alors que la traduction traditionnelle de Al-Kauthar est « abondance », « richesse », ce terme qui est un hapax est considéré comme d’origine syro-araméenne par Christophe Luxenberg qui le traduit par « persévérance ». L’étude des autres mots ambigus de cette sourate lui permet d’y reconnaître une réminiscence de la Première épître de saint Pierre (5, 8-9) de la Peshitta ou Bible syriaque : « Nous t’avons donné [la vertu] de la persévérance ; prie donc ton Seigneur et persiste [dans la prière] ; ton adversaire [Satan] sera [alors] le vaincu ».
Le premier problème est néanmoins que Mahomet ne parlait pas l’arabe littéraire d’aujourd’hui, mais un dialecte, certes très proche puisqu’il a contribué à la formation dudit arabe littéraire, mais différent, le dialecte du Hedjaz, sa région d’origine.
Le Coran a-t-il vraiment été révélé en sept ahrouf (dialectes ou modes de lecture) ? Anas a rapporté que lorsqu’ Osman leur a dit de copier le Coran, il a ajouté : « Quand vous et Zaïd différez, alors écrivez dans le dialecte des Couraïchites, il a été révélé dans leur dialecte » (al-Boukhari). Ibn at-Tayyib [al-Baqillani] : « ces paroles ne prouvent pas de façon définitive que tout est en dialecte couraïchite puisqu’il y a des mots et des lettres qui diffèrent du dialecte de Couraïchites, ce qui indique que le Coran a été révélé dans toutes les langues parlées par les Arabes, et personne ne peut dire que c’était juste les Couraïchites ou une partie des Arabes plutôt qu’une autre. Ibn Abdou’l-Barr pense que cela signifiait que la plus grande partie a été révélée en dialecte couraïchite parce qu’il existait d’autres dialectes que celui des Couraïchites dans la lecture des sons avec l’utilisation des hamzas et autres lettres ou signes diacritiques semblables (certaines tribus en effet utilisaient plus que d’autres l’écriture). Par contre les Couraïchites n’utilisaient pas la hamza. Certains spécialistes pensent que ces sept dialectes du Coran sont les sept dialectes des Arabes, à la fois Yamani (du sud) et Nizar (du Nord-Ouest), parce que Mahomet n’ignorait aucun d’entre eux… Ces sept dialectes se retrouvent dans différentes parties du Coran. Une partie est en dialecte couraïchites, une autre dans le dialecte des Houdhaïl, une autre dans celui des Haouazines et une autre en Yamani.
Bref, une sorte d’espéranto arabe avant la lettre !
Le deuxième problème est que l’écriture du temps de Mahomet différait de celle qui transcrit l’arabe littéraire d’aujourd’hui, un changement d’écriture étant intervenu juste après sa mort.
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Le troisième problème est qu’il est plus qu’évident que Mahomet a lui-même volontairement et de son vivant procédé à des remaniements de son propre texte (par addition suppression ou déplacement… de versets).
Quatrième problème enfin ! Il est non moins évident qu’il y a eu aussi, après la mort de Mahomet, de nombreuses modifications de son texte.
Chacun connaît la lucidité dont nous avons fait preuve à propos de sa personnalité, mais nous sommes convaincus qu’il n’aurait jamais de son vivant accepté que l’on raconte de lui des histoires comme celles qui sont relatées par le chapitre 94. À l’âge de six ans, il aurait été « visité » par deux anges qui lui auraient ouvert la poitrine afin d’en purifier le cœur avant de le remettre en place ! Il doit s’agir d’un hadith ! Inséré a posteriori dans le Coran !
Quant à ce que rapporte le chapitre 17 (Mahomet aurait pu faire le voyage aller-retour La Mecque-Jérusalem en une nuit ; il est évident que cela n’a pu être affirmé sans rire qu’après la mort du prophète et de ses premiers compagnons. À moins d’admettre bien sûr que ce voyage n’a été effectué qu’en rêve.
1) Chapitre 10, versets 90 à 92.
2) Chapitre 20, verset 78. Chapitre 28, verset 40. Chapitre 79, verset 25.
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DIXIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
PROBLÈMES FONDAMENTAUX QUANT À LA TRADUCTION.
Le mot islam vient de la quatrième forme verbale de la racine SLM /ASLAMA « se soumettre » et signifie « soumission » (sous-entendu à Dieu). Musulman, en est le participe actif : « celui qui se soumet » (toujours sous-entendu à Dieu). Concrètement il va de soi que cette soumission à la volonté divine s’est d’emblée confondue avec la soumission à la loi de Moïse (ou de Mahomet, en l’occurrence).
Retenons par conséquent que chez les locuteurs de langues sémites la religion n’a jamais été une spiritualité individuelle du type « enferme-toi dans ta chambre et prie ou médite », mais un mode de vie, en groupe : DIN.
La religion de Moïse c’est la Loi de Moïse tout comme l’islam c’est la loi d’Allah.
Et cette loi religieuse comme toute loi (din) régit d’importants et multiples secteurs de la vie de tous les jours.
Le terme nasara est habituellement traduit par « chrétiens » quand on parle du Coran. On peut néanmoins douter de la pertinence de ce terme, car on sait aujourd’hui qu’il a existé une secte juive appelée les Nazaréens et que Yeoshoua Bar Youssef de Jérusalem lui-même (Jésus) en fut un des membres les plus écoutés. Voir notre essai sur ou plus exactement contre, le christianisme.
Le terme mouchrikoun est habituellement traduit par « païens polythéistes ». On peut néanmoins douter de la pertinence du terme quand on sait que ce reproche est également fréquemment adressé aux chrétiens trinitaristes. Jean de Damas, qui a fréquenté la cour du Calife, témoigne explicitement que ce vocable de mouchrikoun désignait bien les chrétiens (trinitaristes). « Ils nous appellent associateurs, car, affirment-ils, nous introduisons un associé aux côtés de Dieu, en disant que le Christ est le Fils de Dieu et est Dieu » ; et selon son témoignage, ce terme ne signifie nullement idolâtres.
Le shirk est le seul péché qui, s’il n’est pas suivi d’un repentir terrestre, ne peut être pardonné par Dieu. La concurrence est toujours difficile à admettre et on est avec toute cette histoire de Dieu jaloux aux antipodes du vrai monothéisme philosophique et réfléchi tel qu’il est très bien exprimé par le dialogue ayant eu entre le dieu Krishna/Vishnou et le prince Arjouna selon la Bhagavad Gita.
« Même ceux qui rendent un culte à d’autres dieux que moi, et qui leur sacrifient avec ferveur, me rendent aussi par là même hommage, ô fils de Kounti, bien que ce soit en dehors des règles. Car je suis le seul véritable bénéficiaire et seul seigneur de tout sacrifice même s’ils l’ignorent en vérité. Qui m’offre avec dévotion ne serait-ce qu’une feuille, une fleur, un fruit, de l’eau, cette offrande faite d’une âme pure eh bien je l’accepte. Car je suis le même pour tous et personne n’est spécialement haï ou élu par moi. Mais ceux qui m’aiment avec dévotion demeurent en moi et moi je suis en eux » (Bhagavad Gita, dialogue entre le dieu Krishna/Vishnou et le prince Arjouna).
Pour en revenir à notre propos, le terme shirk est donc généralement rendu par les termes « idolâtrie », « polythéisme » ou « association religieuse » et ceux qui se rendent coupables d’un tel « péché » (anges djinns, etc.) sont appelés mouchrikoun.
Le terme mouchrikoun a d’abord été utilisé – conjointement avec kouffar, signifiant « mécréants » – dans la tradition musulmane pour désigner les Arabes païens du Hedjaz au début de l’islam. Cette expression est fréquemment utilisée dans le Coran pour désigner les opposants aux musulmans, qui sont accusés de pratiquer le chirk qui est considéré comme un péché. Mais il est aussi fréquemment utilisé pour désigner des chrétiens trinitaristes.
Coran chapitres 29, versets 61-63 ; 31, verset 25, 39, verset 38. « Si tu les interroges : Qui a créé les cieux et la terre ? Ils te répondront : c’est Dieu ! »
La question est : qui sont ces non-musulmans qui reconnaissent pourtant Dieu pour créateur de ce Monde ?
Coran chapitre 6, versets 23. « Ils répondront : Par Dieu notre Seigneur ! Nous n’étions pas des idolâtres ! »
La question est : qui sont ces non-musulmans que l’auteur accuse d’être des polythéistes et qui se défendent de l’être ?
1) Une telle polémique anti-trinitaire est très présente dans le Coran ; voir aussi 6,41 et 136 ; 10,12 et 22 ; 16,38 et 54 ; 23,86-89 ; 31,32 ; 43,87.
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ONZIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LE DOGME SUIVANT LEQUEL LE CORAN EST INCRÉÉ (GHAÏR MAKHLOUQ).
Nous entrons là dans un domaine bien particulier, celui des apories des grandes monolâtries que sont le christianisme ou l’islam. Les très sachant de la druidiaction antiques sont rarement allés jusque là.
Sauf quand ils se sont penchés sur la question de l’être et du néant (par exemple en supposant que l’être n’avait pu que surgir un jour du néant, ou alors exister depuis toujours, mais alors en changeant constamment de forme ; telle est en effet l’alternative druidique fondamentale).
Il se trouve que chrétiens et musulmans ont perdu leur temps à chercher ce qui était consubstantiel à Dieu ou pas, donc nous en traiterons dans ce chapitre.
Judaïsme et christianisme ont un rapport foncièrement différent et autrement plus ouvert à leurs textes (et ne parlons même pas des druides antiques qui privilégiaient l’esprit à la lettre)… La confusion que sème la fautive expression « religion du livre » (et quelques autres du genre Fils d’Abraham, même conception de Dieu, etc.) est des plus lourdes de conséquences, car elle a pour résultat de mettre ces trois religions « dans un même sac » ce qui ne peut que profiter à la dernière-née, alors qu’un abîme pourtant sépare leurs différentes conceptions de Dieu… La Bible n’est pas un livre, mais plutôt une vaste bibliothèque ; les Évangiles sont des plaidoyers d’avocats regroupant ou exploitant un certain nombre de témoignages sur la vie d’un dénommé Jésus dit le naziréen.
Pour les chrétiens : le Verbe c’est-à-dire la parole de Dieu est une personne (divine) : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu » (Évangile selon Jean 1.1). Les vrais chrétiens reconnaissent par définition le grand rabbi nazaréen Jésus comme étant le Verbe de Dieu venu parmi les hommes pour les sauver. Pour eux Jésus est la Parole de Dieu faite homme.
La question de l’attribution du Coran à Dieu est aujourd’hui balayée du revers de la main par toute personne un tant soit peu rationnelle pour qui tout texte est forcément un produit humain, tout pousse de la terre, et rien ne descend du ciel. Mais pour le musulman, l’attribution du Coran à Dieu est une partie essentielle de sa foi, la nier l’expose à la mort.
Le Coran est éternel et incréé, un peu comme le Christ du prologue de l’Évangile de Jean. Il existe depuis toujours et pour l’éternité. Il est écrit au présent, ses commandements sont à l’impératif et s’appliquent aussi bien aujourd’hui que dans le futur. C’est la tradition sunnite exprimée par Ibn Khaldoun. Elle laisse entendre qu’il y a un original dont le Coran matériel est la transcription partielle. Le Coran matériel n’est que la représentation physique, une sorte de réplique, d’un Coran supérieur, occulté aux yeux du profane, un Coran glorieux enregistré sur une Table gardée (Coran, 85, 21-22) un livre caché (Coran 56, 78) que le Coran décrit comme une Oum al kitas ou « Mère du Livre » (« mère » doit être pris dans le sens « qui contient » « matrice) (Coran 3, 7).
À noter. Pour Christophe Luxenberg ce Livre céleste dont il est si souvent question dans le Coran (la « mère du livre » 3, 7 ; 13, 39) ne serait autre qu’un lectionnaire syriaque ou la Bible elle-même. Luxenberg comprend ainsi le chapitre 3, 7 : « C’est lui qui a fait descendre sur toi le livre. Il y a dedans des versets très clairs, qui en constitue l’essence [lit. « la mère »], mais d’autres [versets] qui sont ambigus ».
II se pourrait très bien que ce qui est visé ici soit l’Écriture canonique, et ce qui lui ressemble les textes apocryphes (car certaines des prises de position du Coran à propos du grand rabbi nazaréen Jésus sont bien évidemment des reprises de différents textes gnostiques ou judéo-chrétiens à son sujet).
Dicté par l’archange Gabriel à Mahomet, qui le récite et exige qu’on ne fasse plus que cela : le réciter (Coran signifie : « récitation »), le Coran est pour l’islam la parole de Dieu directe, littérale, à prendre au pied de la lettre, mot à mot. Du moins ainsi que l’entend la tradition sunnite, qui est de très loin majoritaire dans le monde musulman (85 %).
Le chiisme, parce qu’il s’est développé sur un terreau de civilisation infiniment plus riche et ancien, offre une vision plus élaborée, avec une tradition d’interprétation plus sophistiquée, mais se réfère in fine au même cadre interprétatif.
EXPLICATION FOURNIE PAR LES THÉOLOGIENS MUSULMANS.
Un acte qui prend place à un moment donné dans le temps peut tout à fait procéder d’un être qui est éternel et, simultanément, en tant que tel, ne pas être créé.
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Une parole de Dieu est donc, d’une part, incréée (ghaïr makhlouq) puisque provenant de Dieu en tant qu’expression de Son Attribut ; cependant et d’autre part, elle a été prononcée par Dieu à un moment donné. Elle est incréée, mais elle a été prononcée par Dieu, non dans la prééternité, mais à un moment donné (ghaïr makhlouq oua hadith).
Boukhari dans la tarjama n° 37 de son Sahih a par exemple montré que Dieu a parlé dans le passé, et dans la n° 36 qu’il est des paroles que Dieu dira le jour du jugement dernier (et qu’Il n’a donc pas encore dites).
La parole qui constitue le Coran n’est qu’une partie de l’ensemble des paroles de Dieu (Shar'h oul-'aqida at-tahâouiyya, Sahîh oul-Boukhârî, kitâb ut-taouhîd, tarjama n° 35) ; il s’agit cependant de ce que Dieu a voulu adresser aux hommes – ce qu’Il a voulu faire descendre sur eux – en tant que texte récité comme étant « Sa parole » (« youta'abbadou bi tilâouatih ») et en tant que source pour leur conduite sur terre (« houdan li-n-nâs »).
Dieu a, quand Il l’a voulu, prononcé différentes parties de cette Parole qu’est le Coran, l’ange Gabriel les a écoutées, entendues, puis répétées au Prophète Muhammad (la paix soit sur lui) (Shar'h oul-'aqîda at-tahâouiyya, p. 195, Shar'h oul-'aqîda al-ouâssitiyya, p. 105).
Bref, pour les musulmans d’aujourd’hui : le Verbe, c’est-à-dire la Parole de Dieu, est un livre existant de toute éternité, le Coran. Il est la Parole incréée de Dieu ; seules l’encre et les lettres séparées, avec lesquelles il a été rédigé, sont créées.
Mais la question ne se posait même pas au début de l’islam, ce n’est qu’au contact avec la philosophie grecque hors d’Arabie que certains musulmans de la première heure ont commencé à se poser des questions.
Le mou’tazilisme, ou mo’tazilisme, est une école de pensée théologique musulmane apparue au 8e siècle. Apparu en même temps que le sunnisme et le chiisme, mais indépendant d’eux. La théologie mutazilite s’est développée sur la logique et le rationalisme, inspirés de la philosophie grecque et de la raison (logos), qu’elle chercha donc à combiner avec les doctrines islamiques au point que les premiers moutazilites ont pu être considérés comme occupant une position médiane entre les musulmans orthodoxes et les non-musulmans. Dès l’époque d’Haroun al-Rachid (766-809), des théologiens tentèrent par conséquent d’élucider le rapport qui existait entre ce Coran céleste gardé sur la Table auprès du trône de Dieu et celui qui fut révélé (en principe) à Mahomet. Les mou’tazilites et les hanbalites débattirent de cette question à en perdre haleine… et parfois la vie.
Pour les mou’tazilites Dieu ne peut être conçu par l’esprit humain (taouhid). Aussi affirment-ils par exemple que les versets du Coran décrivant Dieu comme étant assis sur un trône sont allégoriques. Les mou’tazilites affirment par conséquent que le Coran ne peut pas être éternel, mais qu’il a aussi été créé par Dieu, sinon l’unicité (taouhid) de celui-ci serait impossible. Ils poussèrent leur conception à l’extrême et qualifièrent leurs opposants d’anthropomorphistes. Ce qui était aussi le cas de bien des chrétiens de l’époque d’ailleurs.
Contrairement à l’histoire de la religion chrétienne, la première école de théologie musulmane est en effet une école à tendance rationalisante. Cette école poussa d’ailleurs le rationalisme jusqu’à soutenir la thèse de la création du Coran par Dieu afin de ne pas se retrouver en contradiction avec le dogme de l’Unicité de Dieu (le Taouhid).
Les mou’tazilites s’étaient en effet intéressés dès le début aux attaques que subissait l’islam de la part des non-musulmans ; ils en devinrent même vite obsédés par le débat d’idées avec les autres théologies et courants de pensée à l’intérieur de l’Islam lui-même.
Comment peut-on affirmer l’unicité de Dieu si une chose extérieure à lui-même lui est coéternelle ? Les chrétiens avaient déjà dû se débattre avec ce problème qui est un véritable défi lancé à la raison humaine avec leur notion de Trinité (Dieu le Père Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit. Un même Dieu, mais pouvant avoir avec les hommes trois types de relation différents).
Le problème était tout aussi sérieux pour l’Islam puisque sa caractéristique la plus radicale qui le justifie à ses yeux comme vraie religion contre toutes les autres, à savoir son strict monothéisme et son respect absolu de l’unicité absolue de Dieu (taouhid), est en toute bonne logique rigoureusement contradictoire avec la notion de Coran incréé…
« Descendu » directement du ciel, le Coran est intangible et toutes les copies terrestres de ce livre reproduisent un livre modèle, éternel et incréé, entreposé sur la « Table Gardée » au côté du trône de Dieu… Mais comment expliquer dans ces conditions la présence de cette entité auprès de Dieu… si l’on est adepte d’un monothéisme absolu ?
Jahm Ibn Safouane, mort en 746, et les jahmistes accusaient les traditionistes littéralistes d’être des anthropomorphistes. Jahm Ibn Safouane niait toute ressemblance entre Dieu et l’homme afin de préserver sa Transcendance absolue.
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L’école théologique « mourjite » naquit du besoin, d’une part, d’absorber les diverses et nouvelles cultures sur lesquelles l’Islam s’était développé après les conquêtes musulmanes et d’autre part de l’opposition à l’école Kharijite notamment sur les questions relatives aux péchés ou à la vérité.
N.B. Les mourjites se sont heurtés aux traditionalistes sunnites en déclarant qu’aucun musulman, qu’aucun chrétien, juif ou même membre d’autre religion n’entrerait en Enfer, quelle que soit la noirceur de ses péchés s’il croyait en Dieu sincèrement. Les mourjites sont donc DEPUIS considérés comme des « Ahl oul Bidah » (des innovateurs) par le sunnisme, ce qui n’est pas franchement un compliment, mais plutôt un quasi synonyme d’hérétique.
Au début du IXe siècle, la philosophie grecque fut introduite dans les milieux intellectuels persans et arabes. L’École péripatétique commença même d’avoir des représentants parmi eux. Ceux qui cherchaient par une démonstration philosophique à conforter et démontrer le bien-fondé de leur foi religieuse et pour ce faire utilisaient une méthodologie fondée sur la dialectique grecque furent appelés moutakallamin (« ceux qui utilisent le kalam doublement »).
Al-Ma’moun, fils d’Haroun ar-Rachid, arrive au pouvoir en 813, à vingt-sept ans, après avoir vaincu par les armes l’héritier légitime, son frère, grâce au concours des Persans. Il faut dire que les Persans sont partout et que le calife lui-même est fils d’une esclave persane ; ils gouvernent et administrent à Bagdad et dans les provinces ; ils dominent aussi l’intelligentsia. Le nouveau calife, qui a reçu une très bonne éducation – de maîtres persans – ouvre aux savants la bibliothèque que son père avait installée dans la capitale pour son usage privé, la Maison de la sagesse (baït al-hikma) ; il en fait un lieu de débats ; il y rassemble de nombreux manuscrits perses (pahlavis) byzantins (syriaques et grecs) qu’il fait traduire.
En 827, le moutazilisme devient la religion officielle de la cour du califat abbasside, après avoir été officiellement embrassé par le calife Al-Ma'moun à qui l’on doit également la reconnaissance des sabéens de Harran comme (plus tard) Thabit ibn Qurra.
Ainsi que nous l’avons vu, les mou’tazilites avaient aussi récusé vigoureusement le dogme du Coran incréé (GHAÏR MAKHLOUQ) dans lequel ils voyaient, à juste raison, une remise en cause de l’unicité et de la transcendance de Dieu et une déviation vers l’associationnisme déjà reproché aux chrétiens. Rappelons en effet que Mahomet avait clairement rejeté en la qualifiant d’associationnisme la doctrine chrétienne de la Trinité, car elle “associait” d’autres personnes à la personne unique et transcendante de Dieu.
Pour les mou’tazilites, un des premiers courants divergents de l’islam traditionnel, la notion de Coran incréé revenait effectivement à être de l’idolâtrie au sens strict du terme c’est-à-dire à mettre sur le même plan que Dieu un être une entité ou un existant, non créé par lui et distinct de lui.
Le mou’tazilisme restera la doctrine officielle de l’empire musulman sous les 2 successeurs d’Al Ma’moun, Al-Mou’tassim et Al-Ouathiq. L’inquisition (la Mihna) força même les non-adhérents à renoncer ouvertement à l’idée affirmant que le Coran est éternel et au contraire professer que celui-ci avait été créé. La prison, le fouet, la torture, la peine de mort même, frappent les récalcitrants.
Bien que son rationalisme ait beaucoup séduit dans les classes éduquées de l’époque, le moutazilisme ne se répandit guère dans le peuple, probablement du fait de sa nature élitiste. Après son adoption par les dirigeants (les califes) et face à la persécution qui s’ensuivit, son impopularité se développa même dans le petit peuple de Bagdad.
N.B. On demanda un jour à l’Imam Ahmad Ibn Hanbal son opinion au sujet de celui qui affirme que le Coran a été créé. Il répondit : « C’est un kafir ! » On lui demanda : « Pour quelle raison le déclarez-vous « Kafir » ? Il répondit : « À cause de ces versets venant de la part de Dieu : Nous avons révélé en arabe une sagesse, si tu suis leurs désirs après que tu as reçu cette science, il n’y aura pour toi ni protecteur ni protection contre Dieu » (chapitre13, verset 37). Le Coran étant donc une partie du Savoir de Dieu, celui qui le considère comme étant créé devient donc un Kafir ». Ibn Hanbal, après avoir eu maille à partir avec cette inquisition musulmane, déclara donc le Coran incréé de la première à la dernière page.
Cette démarche rationalisante et plus ou moins philosophique, reprise sous différentes formes par les autres courants musulmans, parfois avec réticence, régressera donc nettement à partir du XIIIe siècle chez les sunnites. La fureur des orthodoxes sera en effet telle que le débat ne sera plus possible. Les orthodoxes s’en prennent sans distinction à tous les philosophes et font brûler les livres. Le plus connu de ces rationalistes en Occident, le cordouan Averroès (Ibn Rushd, 1126-1198) est condamné à l’exil, et ses livres brûlés, son œuvre n’eut donc aucune influence sur l’Islam.
Après Averroès on constate par conséquent une perte d’audience de la philosophie au profit de la mystique, les orthodoxes considérant que la révélation divine n’a pas à être soumise à la critique humaine. Signalons au passage qu’il y a concomitance entre cette défaite des mou’tazilites et la fermeture des portes de l’ijtihad.
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LA FIN DU MOU’TAZILISME ET LE DOGME DU CORAN INCRÉÉ EN TERRE D’ISLAM ONT ENTRAINÉ LA FERMETURE DES PORTES DE L’IJTIHAD ET DONC UNE RÉGRESSION SANS PRÉCÉDENT DE LA CIVILISATION POUR L’HUMANITÉ.
Au final la thèse du Coran incréé (ghaïr makhlouq) triompha après que les représentants des doctrines opposées eussent été éliminés. Le Coran est la parole même de Dieu et comme Dieu existe depuis toujours, qu’il est éternel, le Coran est donc lui aussi incréé. Le Coran n’a pas été créé par Mahomet ou ses successeurs, il a seulement été révélé par eux aux hommes.
Cette Parole de Dieu est si précieuse et tellement sacrée, que pas une virgule, pas un seul point (et il y en a beaucoup en calligraphie arabe) ne peut y être changé. Le Coran est FIXÉ POUR TOUJOURS sur la forme comme sur le fond, et aucun humain, conseil de sages, théologien ou docteur, concile ou congrès de croyants, n’est autorisé à l’altérer de façon aussi infime que ce soit. Son origine n’est pas humaine. Sa critique est une critique de Dieu. La seule étude du texte se résume à l’apprendre par cœur, et à le mettre en pratique.
Le dogme du Coran incréé du Coran est donc actuellement un article de foi dans l’Islam orthodoxe, mais nous avons vu plus haut qu’il n’en avait pas toujours été ainsi. Un courant de pensée athée, ou déiste a en effet longtemps existé parmi les musulmans, mais il resta très minoritaire en raison de la censure dont il fut victime, ultérieurement. Les écrits de ce courant sont donc pour la plupart perdus et on ne les connaît que par les extraits cités par leurs adversaires pour les réfuter (même phénomène dans le christianisme des premiers siècles avec des philosophes comme Celse Porphyre voire les œuvres de l’empereur Julien).
Nous avons par exemple le cas du fameux Ibn al-Raouandi (827 – 911, un sceptique d’origine persane (iranienne) critique de la Religion en général. Ibn al-Raouandî était l’ami et l’élève d’Abou Issa al-Ouarraq, un « zindiq » manichéen. Ils auraient été chassés tous deux de l’école mou’tazilite. Il adhéra ensuite au chiisme, avant de devenir libre-penseur. Étant un hérétique dont les écrits originaux ont été perdus, plusieurs interprétations de sa pensée existent. Certains le considèrent comme un hérétique chiite, un mou’tazilite devenu dément, un aristotélicien ou un athée radical. Aucun de ses livres ne lui A survécu, les seules traces de ceux-ci se trouvent dans les livres critiques lui répondant ou dans les écrits d’admirateurs. Son ouvrage le plus célèbre est le « Kitab al-Zoummourroud » ou Livre de l’émeraude.
Abou Ala Al-Ma’ari (célèbre poète de l’époque abbasside : 973 à 1057).
« Des hommes viennent des contrées les plus lointaines
Pour jeter des cailloux (à Satan) et pour baiser la Pierre noire.
Combien étranges sont les choses qu’ils récitent !
L’Humanité tout entière devient-elle aveugle à la vérité ?
Ho imbéciles, réveillez-vous ! Les rites que tu crois sacrés
Ne sont qu’imposture inventée par des anciens
Avides de pouvoir, qui vécurent dans la luxure
Et moururent dans la bassesse, leur loi n’est que poussière ».
Sans oublier Djalal al-Din Roumi (célèbre poète soufi beaucoup plus tardif il est vrai : 1207-1273).
« Je cherche le chemin, mais pas celui de la Kaaba ni du Temple,
Car je ne vois dans le premier qu’une troupe d’idolâtres,
Et dans le second une bande d’adorateurs de soi-même »
Citons encore le philosophe médecin Mouhammad Ibn-Zakariya Al-Razi (en latin : Rhazes ; mort en 935). Celui-ci demandait : « « Pour quelles raisons jugez-vous nécessaire que Dieu distingue certains individus [en leur accordant le don de prophétie], qu’il les place au-dessus des autres, qu’il les désigne comme guides du peuple, et qu’il en rende les gens dépendants ? ?
Vous prétendez que le miracle qui le prouve existe et s’avère disponible, à savoir, le Coran lui-même. Vous dites : « Que quiconque le nie en produise un semblable ». Et de fait nous en produirons un millier de semblables, à partir des travaux des rhéteurs, des orateurs les plus éloquents et des poètes de valeur, qui sont plus justement formulés et énoncent plus succinctement les problèmes. Ils en rendent mieux le sens et leur prose rimée a une meilleure métrique… Par Dieu ce que vous dites est stupéfiant ! Vous nous parlez d’un ouvrage qui colporte d’antiques mythes, et qui est en même temps truffé de contradictions et ne contient aucune information ni explication utile. Et vous nous mettez au défi de produire quelque chose de semblable ?! »
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DOUZIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LES CONTRADICTIONS DONC QUI PROUVENT QUE LE CORAN NE PEUT PAS ÊTRE INCRÉÉ (GHAÏR MAKHLOUQ).
Sahih Boukhari tome 6, livre 60, hadith numéro 10.
Omar a déclaré un jour : « Je suis tombé d’accord avec Dieu sur trois choses », ou « Mon Seigneur a été d’accord avec moi sur trois choses ». J’ai dit : Ô Apôtre de Dieu, que dirais-tu de prendre la station d’Abraham comme lieu de prière. J’ai dit aussi : O Apôtre de Dieu, des gens bien et moins bien viennent te voir, ordonne aux Mères des croyants de se couvrir de voiles. » C’est ainsi que les versets divins d’Al-Hidjab (c’est-à-dire du voile des femmes) ont été révélés.
Sahih Boukhari 6, 60, 313.
Ibn Omar a rapporté qu’Omar a dit un jour : mon seigneur a été d’accord avec (mes jugements) en trois occasions. Dans le cas de la Station d’Abraham, dans le cas du port du voile et dans le cas des prisonniers de Badr.
Aucune révélation n’avait été faite à ce sujet, jusqu’à ce qu’Omar ait suivi les femmes de Mahomet. Pourquoi Omar a-t-il fait ça ? Comment savait-il (ou du moins soupçonnait-il) que cela « marcherait ». Pourquoi Dieu se préoccupe-t-il à ce point des toilettes qu’il a révélé un verset concernant toutes les musulmanes qui vivront à jamais après cela ?
Comment le Coran peut-il être un texte qui existait avant qu’ait commencé le monde, si Dieu suit ce que lui suggèrent des contemporains de Mahomet pour ce qui est de son contenu ? Si Mahomet n’est qu’un messager, rapportant la parole de Dieu, pourquoi Omar a-t-il demandé à Mahomet la révélation du hidjab (voile) ? Pourquoi n’a-t-il pas simplement prié Dieu pour lui demander directement ?
L’explication que l’on en donne communément est que Dieu attendait qu’Omar fasse cela pour que cette révélation circonstancielle puisse être faite. Cela n’est mentionné nulle part néanmoins, rien ne le prouve par conséquent. En outre Omar dit bien qu’il y a pensé le premier et que Dieu ensuite « tomba d’accord avec lui ».
La seule marge d’interprétation qu’offre un texte sacré considéré comme directement venu du Ciel ne peut provenir que de ses éventuelles obscurités, contradictions, ou ambiguïtés, soit intrinsèquement, soit en fonction de la langue dans laquelle il a été alors exprimé. Or ambiguïtés, contradictions, obscurités ne manquent pas s’agissant du Coran, le texte sacré le reconnaît d’ailleurs lui-même.
Chapitre 3, verset 7 : « C’est Lui qui a fait descendre sur toi le Livre, il s’y trouve des versets sans équivoque, la substance même du Livre, et d’autres qui sont allégoriques. Ceux qui sont enclins à l’erreur, mettent l’accent sur les versets allégoriques… en essayant de leur trouver une interprétation, alors que nul n’en connaît l’interprétation exacte, à part Dieu ».
Chapitre 4, verset 82 : « Ne méditent-ils donc pas sur le Coran ? S’il provenait d’un autre que Dieu, ils y trouveraient maintes contradictions. » Effectivement tout le problème est là !
A) Les versets qui ne peuvent pas venir de Dieu.
Plusieurs passages ne peuvent en aucun cas être attribués à Dieu et sont de toute évidence dits par Mahomet ou par l’ange Gabriel voire par d’autres.
C’est le cas, par exemple, de la Fatiha ou premier chapitre du Coran qui proclame « Au nom de Dieu : Celui qui fait miséricorde, le Miséricordieux. Louange à Dieu, Seigneur des Mondes, etc., etc. ».
Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que ces paroles sont adressées à Dieu et ne sont en aucune façon une révélation que Dieu aurait donnée à Mahomet. C’est une prière que Mahomet adresse à son Dieu, pour lui demander secours et assistance.
Les pieux musulmans font remarquer qu’il suffirait d’ajouter l’injonction « dis » au début de ce chapitre pour qu’il n’y ait plus de contradiction. Et de fait, le verbe « dire » à l’impératif est répété 350 fois dans le coran, mais cela peut signifier aussi tout simplement que ce verbe ainsi conjugué a été inséré par des compilateurs tardifs afin de contourner la difficulté que nous venons d’évoquer.
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Pour Ibn Massoud, compagnon du prophète et autorité coranique incontestable, la Fatiha et les deux derniers chapitres (113 et 114) ne faisaient pas partie du coran parce qu’ils contiennent les paroles : « Je cherche la protection du Seigneur ».
Note de la rédaction. Il y a néanmoins de fortes chances que ce soient là des chapitres faisant partie des plus authentiquement mahométans (débuts de la prédication à La Mecque) justement parce qu’ils sont courts et d’esprit encore païen.
C’est encore plus évident dans le chapitre 6, verset 104 où il est dit : « Je ne suis pas un gardien pour vous ». Le sujet qui parle et qui explique qu’il n’est pas un gardien les hommes… ne peut être que Mahomet.
Dans ce même chapitre, au verset 114 : « Chercherais-je un autre juge que Dieu » c’est d’ailleurs encore Mahomet qui parle à nouveau et non Dieu.
Chapitre 75 versets 1 et 2, chapitre 90, verset 1. Dieu ne peut pas jurer autrement que par lui-même ou sur lui-même.
Et d’ailleurs pourquoi Dieu parlerait-il de lui à la troisième personne ? Il s’agit tout simplement de Mahomet parlant de Dieu.
Chapitre 19, verset 64 et chapitre 37 versets 164-166, ce sont les anges ou des anges qui parlent et non Dieu.
B) Les versets révélés à Omar.
Il existe dans le Coran au moins trois versets qui n’ont pas d’abord été reçus par Mahomet, mais par le futur calife Omar si l’on en croit les asbab al nouzoul ou « circonstances de la révélation ».
Il s’agit du verset sur la station d’Abraham comme oratoire (chapitre 2, verset 125), du verset sur le voile ou hidjab (chapitre 33 verset 59) et du verset sur les problèmes domestiques rencontrés par Mahomet avec ses femmes (chapitre 66, versets 5). N’est pas Jésus le nazaréen qui veut en effet !
Le hadith d’Omar. Un hadith du Sahih d’Al Boukhari d’après Anas Ibn Malik (tome 6 livre 60 numéro 10). « Omar a dit : Je fus d’accord avec Dieu sur trois choses, ou a dit Mon Seigneur a été d’accord avec moi sur trois choses.
— J’ai dit : O Apôtre de Dieu ! Est-ce que tu as pris la station d’Abraham comme lieu de prière ?
— J’ai dit également : O Apôtre de Dieu ! De bonnes et de mauvaises personnes te rendent visite ! As-tu ordonné aux Mères des croyants de se couvrir de voiles ? C’est ainsi que les versets divins du Al-Hidjab (c’est-à-dire du voile des femmes) furent révélés.
— J’ai appris que le Prophète avait eu des reproches à faire à certaines de ses femmes, alors je suis allé dans leurs appartements et j’ai dit : 'Vous devriez arrêter (de causer des soucis au Prophète), ou alors Dieu donnera à Son Apôtre de meilleures épouses que vous.'
Alors Dieu a révélé : « S’il vous répudie, son Seigneur lui donnera peut-être en échange de meilleures épouses que vous les musulmanes (qui se soumettent à Dieu, etc.) » (Coran 66.5)
C) Certains versets affirment que le Coran a été écrit dans une langue arabe claire.
Saint Coran.
Chapitre 11, verset 1 : « ALIF, LAM, RA. C’est un Livre dont les versets sont parfaits en style et en sens, émanant d’un Sage, Parfait Connaisseur ».
Chapitre 6, verset 114 : « un livre exposé intelligiblement ».
Chapitre 41, verset 3 : « Un Livre dont les versets sont clairement exposés, un Coran arabe pour les gens qui savent ».
Mais en dépit de cette affirmation réitérée que Dieu parle arabe et de façon très claire, la tradition musulmane admet néanmoins que le Coran a été révélé selon sept « al-ahrouf » ou « variantes de lectures » différents, correspondant, d’après la majorité des docteurs de la foi musulmane aux sept dialectes des sept principales tribus arabes qui prévalaient à La Mecque à l’époque de la Révélation.
Il s’agit là d’un nouveau miracle du Coran, l’adaptation par Dieu du message coranique à chaque tribu arabe dans sa propre langue ! Différents mots étaient utilisés pour signifier un même sens afin que chaque tribu arabe le comprenne aisément (alors que tout linguiste amateur sait qu’il n’existe pas de termes exactement synonymes et interchangeables auquel cas la langue ferait disparaître l’un des termes, devenant alors inutile. Dans les faits, il y a donc toujours une différence, aussi minime soit-elle, entre des synonymes, qu’elle soit liée au signifié lui-même, aux connotations véhiculées (nuance méliorative, péjorative, laudative, etc.), au registre de langue ou encore au contexte d’emploi des mots. Strictement parlant, il s’agit donc de parasynonymes.
D) Les traces de manipulations.
Ainsi que nous avons pu le voir, selon les chiites, le texte révélé n’aurait été compilé sous sa forme originale chronologique et dans son intégralité que par Ali. Des membres d’un cercle très fermé de l’élite chiite prétendent même connaître le contenu de cette compilation. Mais ils n’ont pas le droit de la dévoiler au grand public (même au sein des chiites) : ce n’est que lorsque celui qu’ils considèrent comme étant leur douzième imam infaillible (le Mahdi, caché dans une grotte depuis douze siècles)
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reviendra parmi les hommes, qu’il dévoilera à nouveau en public la véritable et authentique compilation du Coran.
Par l’analyse du style poétique, on peut déceler des phrases supplémentaires qui ont été ajoutées au Coran, car elles rompent le rythme et la versification des sourates (ex : 20,15 ; 78,1 à 5 ; 78,32 à 34 ; 74, 31 et 50, 24 à 32).
Une rupture de rythme affecte aussi visiblement le verset 51 du chapitre 5 : « Ô les croyants ! Ne prenez pas pour amis les juifs et les nassaras (nazaréens ou chrétiens) : ils sont amis les uns des autres ». On peut constater que la mention « et les nassaras » est de trop, car elle rompt le phrasé originel. Il s’agit donc d’un ajout tardif, probablement inséré pour discréditer les chrétiens. En fait, on peut même remarquer que les passages contenant le mot « nassara » sont pratiquement tous des interpolations. Par exemple dans les chapitres 2, 111 ; 2,113 ; 2,120 ; 2,135 ; 2,140 et 5,18.
Enfin une glose a été ajoutée au chapitre 104 pour traduire FAUSSEMENT l’hapax houtama dont nul ne sait en réalité ce qu’il signifie. Fin du monde ? Explosion ? Conflagration finale ?
E) Les versets abrogés (mansoukh), les versets abrogeant (nasikh).
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, le mou’tazilisme est une école qui, à partir d’une réflexion sur la question de la toute-puissance de Dieu et de la liberté de l’homme, l’unicité de Dieu et ses attributs (en réaction en partie au dualisme mazdéen et aux dogmes chrétiens) a développé en une cinquantaine d’années une doctrine qui peut être qualifiée de rationalisante. Les mou’tazilistes ne croient pas en effet que Dieu ait pu délivrer aux hommes un livre ayant l’attribut d’éternité comme Lui. Un Coran incréé contredirait le dogme de l’unicité divine (taouhid). Or dès lors que le Coran est créé, qu’il est un fait d’histoire qui s’explique par des circonstances et des hommes, il peut être corrigé, mis à jour. En outre, Dieu ne peut avoir recommandé aux hommes des comportements qui ne sont pas conformes à la raison : certains passages du Livre saint qui prêchent le mal tel que la raison permet de le définir, ne peuvent donc être paroles de Dieu. C’est donc avec les Moutazilites que commencera par conséquent un premier tri entre les versets, dont certains sont abrogés.
Les contradictions qui existent au sein du Coran sont donc aujourd’hui expliquées par la casuistique islamique comme étant une simple question de versets abrogés (Mansoukh) et de versets abrogeant (Nasikh) : les versets les plus récents relatifs à un sujet donné abrogent les versets les plus anciens sur le même sujet (ce qui est a priori logique, sauf que l’on attendrait quand même de Dieu un peu plus de capacité à anticiper). Il y a plusieurs niveaux d’abrogations selon que l’abrogation porte sur la lecture du texte ou seulement sur sa prescription tandis que le texte reste inscrit dans le Coran. Le principe de l’abrogation repose sur deux versets (Coran chapitre 2 verset 106 et chapitre 16 verset 101). Pour faire comprendre le principe de l’abrogation par Dieu de ses propres versets, les religieux en terres d’islam utilisent souvent l’analogie avec le médecin qui fait évoluer son traitement à mesure de l’état du malade (la Révélation ne pouvait être donnée d’un seul coup toute entière aux Hommes).
Notre commentaire. Nous comprenons bien ce que font valoir les pieux musulmans à ce propos. Dieu ne peut pas tout et il est bien obligé de tenir compte de certaines limites et notamment des limites humaines qu’il a fixées à sa propre créature. Chez nous aussi Taranis ou Jupiter, Lug, Jéhovah ou Bouddha, ne sont pas omnipotents, ils sont soumis à l’ensemble de lois cosmiques universelles que l’on appelle le Destin, le Dharma, les causes secondes ou la providence. Jusqu’ici pas de problème, nous comprenons très bien !
Mais ce que nous avons plus de mal comprendre c’est comment un Dieu tout puissant, un taouhid, qui a accepté de se prêter au petit jeu au début et pendant quelques dizaines d’années, de la révélation progressive du Coran pour être compris des hommes, a subitement cessé de le faire à cause de la mort d’un seul homme en 632 et refuse donc maintenant de changer quoi que ce soit à son texte, d’abroger quoi que ce soit, d’adapter quoi que ce soit, au monde moderne par exemple.
Et pourquoi d’ailleurs a-t-il créé notre monde si c’est pour le détruire après (houtama = fin du monde) ? Pour avoir le plaisir de juger et d’expédier en enfer certains d’entre nous ??? Parce qu’il avait besoin qu’on lui rende un culte (ah le besoin d’amour, toujours !).
F) Les lamentables polémiques personnelles ayant constamment émaillé la vie de Mahomet à en croire le Coran lui-même. Comment un texte incréé, éternel, consubstantiel à Dieu, pourrait-il descendre à ce niveau de bassesse ou s’impliquer à ce point dans de tels détails à la limite du sordide (des histoires de coucheries, etc.) ? Voir le genre littéraire des circonstances de la révélation (asbab al nouzoul). Dieu est tout puissant, mais quand même ! Comment peut-on penser que l’être des êtres quel que soit le nom qu’on lui donne (le Taouhid Dieu ou Dieu) puisse s’abaisser au point de s’occuper directement des problèmes conjugaux de Mahomet ??
Tel est bien d’ailleurs le sens d’un des propos de l’épouse favorite de Mahomet, Aïcha, tel qu’il est rapporté par le hadith 48 tome 7, livre 62, du Sahih Boukhari.
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« Quand le verset : (Ô Mahomet) tu peux reporter à ta guise (le tour de) chacune d’entre elles (tes épouses) (Coran 33,51) fut révélé, Aïcha s’exclama, O Apôtre de Dieu Je ne peux que constater à quel point ton Seigneur s’est empressé de t’exaucer ».
De minimis non curat praetor. Dieu ne s’occupe pas directement des choses secondaires ou subalternes. Le destin les causes secondes ou la divine providence cela sert à cela. Comment peut-on se faire de l’être des êtres ou du Taouhid, de Dieu ou d’Allah, une idée aussi basse ???
C’est là vraiment avoir une conception bien schizoïde du Taouhid ou de Dieu en tant qu’être des êtres que de l’abaisser à prendre parti dans toutes ces lamentables histoires (voir par exemple le chapitre 111 du Coran).
G) Le vocabulaire qui n’est pas d’origine arabe « pure » dans le Coran.
Le Coran incréé existe par définition depuis toujours puisqu’il est consubstantiel à Dieu. Or le Coran a été rédigé en une langue assez précisément datée, qui n’existait certainement pas il y a 100 000 ans et qui ne sera plus parlée non plus assurément dans 100 000 autres années. Le Coran utilise en principe l’arabe connu et pratiqué DU TEMPS DE MAHOMET. Il le fallait bien par définition que Mahomet soit compris de ses auditeurs, les Arabes de La Mecque ou de Médine. Nous disons bien « par définition », car nous verrons que cette affirmation de principe n’est pas sans soulever de nombreux problèmes sur lesquels nous reviendrons.
Notons donc pour l’instant que des mots d’origine non arabe y figurent, de même qu’une arabisation de certains termes, désignant notamment des produits d’importation inconnus du monde arabe : « qintar » (chapitre 3 verset14), d’origine latine (centenarius) ; « souradiq » (chapitre 75, verset 51), d’origine amharique éthiopienne ; « soundous » (chapitre 18, verset 31), d’origine persane, etc.
NB. Signalons à ce sujet aux spécialistes musulmans ou non-musulmans, mais arabophones du Coran que le Barbare et le Romain ne sont pas des langues (la langue des Romains était la langue du Latium c’est-à-dire le latin) et que la probabilité de la pénétration de mots « roumains » dans l’arabe de ce temps-là est évidemment plus que nulle. Hébreu, indien, perse, éthiopien, copte, grec et syrien ou autre par contre, d’accord !
Pendant longtemps, l’orthodoxie a muselé les nombreux philologues musulmans qui reconnaissaient que le Coran abondait en mots d’origine non arabe.
Par chance, des philologues comme Souyouti inventèrent des subterfuges qui leur permirent de contourner l’opposition des orthodoxes. Ibn Atiya expliqua qu’il y avait des mots étrangers, mais que « les Arabes les avaient utilisés et arabisés, et que de ce point de vue c’étaient donc devenus des mots arabes ».
Oui, mais quel rapport avec la parole de Dieu de toute éternité ? Quel rapport avec l’arabe parlé mille ans avant Mahomet. Et l’arabe existait-il d’ailleurs trois mille ans avant Mahomet. Est-ce en arabe que Dieu parlait à Ève et Adam au paradis terrestre ? L’objection est puérile parce que l’idée ainsi réfutée s’avère elle-même puérile. En tout cas la foi musulmane en ce domaine comme en beaucoup d’autres n’a rien à voir, mais alors rien à voir avec la raison. Il s’agit de deux mondes différents. Le musulman pieux et croyant est schizoïde.
Mais revenons à nos moutons.
Là où Al Souyouti énumère 107 mots d’origine étrangère, Arthur Jeffery en trouve environ 275, principalement empruntés à l’araméen, à l’hébreu, au syriaque, à l’amharique, au perse et au grec. Le mot « Coran » lui-même viendrait du syriaque qeryana (qui signifie lectionnaire) et de toute évidence Mahomet le tenait d’une source chrétienne.
On croit lire écouter, traduire le Coran. En réalité, on ne fait que répéter les interprétations des commentateurs qui à partir de la fin du IXe siècle, en particulier à partir de Tabari (mort en 923) ont cherché tout simplement à venir à bout du tissu d’obscurités qui constitue le « Livre clair ». Leurs interprétations continuent à guider celles des contemporains.
Mais ces grammairiens et commentateurs ne sont pas des Arabes du Hedjaz, ce sont des Persans vivant à Bagdad. Ils n’ont aucune idée de la société et du système juridique de l’Arabie d’avant l’islam. Et ils ne connaissent pas d’autre langue sémitique que l’arabe. Ces grammairiens raisonnaient à partir de l’arabe classique dont le Coran était d’ailleurs supposé constituer le chef-d’œuvre inimitable. Ils cherchaient donc à expliquer des tournures qui sont en fait, non pas du mauvais arabe, mais du bon syriaque.
Pour Christophe Luxenberg l’arabe du Coran n’est donc certainement pas l’arabe officiel, tel qu’il sera constitué par les grammairiens des siècles suivants. Il s’agit d’une langue intermédiaire, résultat d’un mélange entre l’arabe et le syriaque qui, depuis plusieurs siècles, constituait la langue de culture dans l’espace syro-irakien…
Le Coran initial ou primitif n’aurait été qu’une anthologie de passages tirés de livres saints préexistants et adaptés en langue vernaculaire, anthologie faite pour la lecture liturgique, autrement dit ce que l’on appelle un lectionnaire.
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C’est d’ailleurs ce qu’affirme le début du chapitre 12, qui raconte l’histoire de Joseph (Genèse, 37-50), si on la traduit comme le fait Luxenberg : « Voici les versets de l’Écriture expliquée ; nous l’avons fait descendre comme un lectionnaire (Coran) arabe, afin que vous puissiez comprendre ».
Ou encore 41, 3 : « Voici une Écriture que nous avons traduite comme un lectionnaire (coran) arabe ».
Ainsi que 75, 17- 18 : « il nous incombe de le compiler (le Coran, le lectionnaire) (à partir d’extraits de l’Écriture) et de l’exposer (en enseignant) ».
Et enfin 28, 49 « Apportez-moi donc un écrit de la part de Dieu qui guide mieux que ces deux – là, que je le suive ! » (il ne peut évidemment s’agir que de l’Ancien et du Nouveau Testament… puisque le Coran de papier n’existait pas encore).
Si Coran signifie donc à proprement parler lectionnaire, on est autorisé à admettre que le Coran primitif n’entendait être rien d’autre qu’un livre liturgique avec des textes choisis de l’Écriture (Ancien et Nouveau Testaments), et nullement une nouvelle Écriture elle-même, une Écriture indépendante. D’où d’ailleurs les nombreuses allusions à l’Écriture, sans la connaissance de laquelle le Coran pourrait sembler à son lecteur être un livre scellé de sept sceaux ».
Après la mort de Mahomet, une première version fut réunie sous le règne d’Abou-Bakr (mort en 634), à la suggestion du Calife Omar (mort en 644). Ce premier recueil aurait été déposé chez Abou-Bakr, et après sa mort chez sa fille Hafsah, veuve de Mahomet. Mais des collections privées divergentes commencèrent aussi à circuler. Il a donc existé en conséquence plusieurs Corans dont le contenu et l’organisation des versets différaient parfois totalement (le Coran d’Ali aurait été un Coran chronologique). Pour y mettre fin, le Calife Othman (mort en 656) décida d’établir sa propre édition. Il ordonna de brûler toute autre collection privée du Coran, non sans réticence de la part de leurs propriétaires (mais Omar et Abou Bakr avaient déjà fait disparaître de nombreuses versions auparavant). Il importe ici de rappeler que le règne du calife Osman ne fut qu’une longue crise, et qu’il fut notamment très critiqué pour sa version du Coran avant d’être finalement assassiné par un musulman. Osman fut donc le premier « commandeur des croyants » à avoir été assassiné par… des croyants ! C’est pourtant sa version du Coran qui est aujourd’hui considérée comme la parole éternelle de Dieu. Un peu donc comme si dans le Christianisme c’était Judas qui avait eu la responsabilité d’écrire les évangiles.
Dans les premiers siècles de l’Islam, beaucoup d’ouvrages furent écrits, qui relevaient des différences entre les Corans existants ; et même si Osman ne diffusa qu’une seule version (la sienne), il fallut des années pour que les savants musulmans reconnaissent ce livre, et le diffusent à leur tour dans le monde islamique.
Alors que les musulmans modernes peuvent être liés par un conformisme religieux sans borne, les érudits musulmans des premières années, eux, étaient bien plus flexibles, et admettaient que des parties entières du Coran étaient perdues, perverties, qu’il y avait plusieurs milliers de variantes qui rendaient impossible le fait de parler de Coran incréé unique. Ils savaient AUSSI que les Corans compilés par les secrétaires particuliers du Prophète étaient différents de celui d’Osman.
Quoi qu’il en soit ce qui est certain c’est que le dogme musulman actuel est que le Coran d’Osman constitue le seul texte authentique, et qu’il est conforme à la révélation reçue par Mahomet. Celui qui en douterait de toute façon est considéré comme apostat donc passible de la peine capitale.
Ce dogme se fonde sur une promesse divine : c’est nous qui avons fait descendre le rappel, et nous le garderons (chapitre 15, verset 9). Rappelons encore une fois néanmoins que si les musulmans sunnites et chi'ites disposent aujourd’hui grosso modo du même texte du Coran, avec des divergences minimes, des chi'ites accusent toujours Osman d’avoir supprimé ou modifié les passages dans lesquels il est fait mention d’Ali (décédé en 661), son rival politique.
Une étude historique rigoureuse exploitant tous les documents disponibles en vue de mieux déterminer les étapes de la rédaction du Coran, la langue réellement utilisée lors de sa création, les rédactions successives, transformations et adaptations que ce texte a manifestement connues au fil de la centaine d’années qui ont précédé sa fixation définitive serait donc indispensable, mais les musulmans d’aujourd’hui n’y tiennent en aucune façon et résistent d’ailleurs à toutes les tentatives scientifiques en la matière, le plus souvent extérieures, et pour cause : ce serait remettre en cause le dogme central de leur croyance, celui de la nature incréée(GHAÏR MAKHLOUQ) du Coran.
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TREIZIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LE CORAN SELON D’AUTRES AUTEURS ACTUELS.
Des éléments exogènes sont présents dès l’origine dans le Coran, qui ne sont ni issus du fond culturel arabe, ni dus au talent littéraire ou poétique de Mahomet.
À supposer qu’il ait bien existé un coran primitif fait d’un recueil de textes choisis de l’Ancien et du Nouveau Testament y compris au sens large c’est-à-dire avec les textes apocryphes), ce Coran apocryphe a dû être très tôt, du vivant même de Mahomet, augmenté de textes divers, les vraies visions du Mahomet des débuts mecquois, les fausses visions du Mahomet médinois, des écrits venant des milieux judéo-chrétiens, sans compter l’incroyable hachis à répétition auquel se sont livrés les éditeurs du Coran ultérieur, Abou Bakr, Osman, en découpant les textes dans tous les sens comme pour les rendre illisibles, incompréhensibles, et mieux masquer ainsi leurs propres incorporations de nouveaux textes.
Objectivement parlant le Coran n’est donc qu’une série de feuilles de papier regroupant de nombreux récits circulant alors dans tout l’Orient, intégrés aux dogmes les plus officiels ou à des ouvrages apocryphes de piété populaire. Mahomet ou ses compagnons ont entendu, reproduit, déformé, travesti, adapté, de nombreuses traditions déjà existantes. Mahomet les a entendues en langue étrangère, par bribes, de manière superficielle, sans toujours bien comprendre le sens profond des doctrines en question, et souvent de la part de religieux chrétiens hétérodoxes (nestoriens, gnostiques). C’est pourquoi il aboutit à un résultat curieux qui est tantôt de l’ordre du méli-mélo, tantôt du puzzle, avec force collages, découpages, transformations, le tout lié par une « inspiration » qui fait la part belle à l’invective à l’apostrophe et aux malédictions, partout présentes, à l’esprit de revanche, de vengeance, de haine et de jalousie, omniprésent.
Le texte qui en résulte est néanmoins considéré par l’islam comme un absolu définitif, Mahomet étant « le sceau des prophètes », et à ce titre il clôture le cycle complet des annonces de Dieu aux Hommes. La religion musulmane se considère par conséquent comme la religion ultime et définitive du genre humain, dans sa totalité.
Le Coran est donc la parole de Dieu révélée à son dernier prophète, par l’ange Gabriel, avons-nous dit. Et c’est le guide d’une vie parfaite. Dieu a dit en effet : « Ceci [le Coran] constitue pour les hommes une source de clarté, un guide et une miséricorde pour les gens qui croient » (Coran chapitre 45, verset 20).
Mahomet a d’ailleurs déclaré dans un hadith rapporté par Ibn Hibbing que quiconque prend pour guide le Coran, Dieu le conduira au Paradis, et que quiconque (le délaisse) derrière lui, alors Dieu le poussera dans le feu de l’enfer.
Ceci a de nombreux effets pratiques et plusieurs conséquences dramatiques.
Dieu a dit : « Seuls croient véritablement ceux qui, lorsqu’on leur rappelle nos versets, tombent prosternés puis par des louanges célèbrent la gloire du Seigneur » (Coran chapitre 32, verset 15).
Les musulmans doivent nouer et maintenir une relation particulièrement étroite avec le Coran. Ils sont appelés à sa lecture, à comprendre son sens, à sa mémorisation, et à vivre en conformité avec ses enseignements.
Le musulman doit respecter le Coran et le glorifier, car il est la parole sacrée de Dieu. Il doit protéger ses versets de tout ce qui serait susceptible de leur porter atteinte. S’il possède par exemple un Coran ou un recueil coranique, alors il doit le poser dans un endroit honorifique et ne pas en faire un usage qui irait à l’encontre du respect qui lui est dû. Il ne doit pas poser un autre livre au-dessus ou tout autre objet. Le Coran ou le recueil coranique doit toujours être en position supérieure, car il renferme la parole de Dieu.
Le respect est pareillement dû à tout journal ou toute feuille de papier contenant un verset du Coran ou un des noms de Dieu. Toute personne qui utiliserait ces feuilles d’une manière qui leur porterait
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atteinte, qui ne protègerait pas les versets du Coran ou les noms de Dieu, ou les noms de ses messagers et de ses prophètes, se rendrait coupable d’un grave péché.
Pour cette raison, il est illicite d’utiliser les pages des journaux ou des revues contenant des versets du Coran ou les noms de Dieu, pour empaqueter des objets et des aliments ou pour les disposer en vue de manger dessus. Car ces papiers sont ensuite jetés à la poubelle et deviennent ainsi sujets à l’avilissement.
Si un musulman désire se débarrasser d’une feuille contenant un verset du Coran, alors il doit la brûler puis enterrer ses cendres afin de s’assurer qu’elle ne sera pas sujette à dégradation. C’est là une obligation légale et quiconque la prend à la légère se rendra coupable d’un grand péché.
Le Coran occupe donc une place fondamentale dans la vie de tout croyant musulman. Dans les mosquées, il n’est pas récité, mais psalmodié. En effet, en récitant le Coran, l’imam pense réciter une parole venue de Dieu : il n’est donc plus alors un homme utilisant sa propre voix, mais un instrument de la parole divine.
TAFSIR (DE PIERRE DE LA CRAU).
Nous sommes d’accord sur un point avec l’islam : oui Dieu a parlé aux hommes.
Le divin a d’ailleurs toujours parlé aux hommes depuis qu’ils existent, car c’est peut-être ça ce qui distingue le mieux l’Homme de l’animal. L’Homme de Néandertal enterrait déjà ses morts par exemple. Mais peut-on vraiment croire que Dieu parlait arabe avec les hommes de Néandertal ??? Parlait arabe avec Adam et Ève ??? Que le Coran incréé ou céleste soit écrit dans cette langue et pas dans une autre ???
Alors oui le Divin a toujours parlé aux hommes depuis qu’ils existent, depuis 100 000 ans peut-être si ce n’est plus, partout sur la planète et pas seulement sur le Sinaï en Palestine ou en Arabie, et dans toutes les langues CAR EN FAIT LE DIVIN N’A NUL BESOIN D’UNE LANGUE HUMAINE POUR FAIRE RESSENTIR SA PRÉSENCE ET FAIRE PRESSENTIR SA VOLONTÉ. Puisque certains spécialistes du pur arabe coranique parlent d’emprunt à la langue romaine (sic) ou à la langue barbare (re-sic) ; soyons assuré que le Divin a également parlé en sumérien aux Sumériens en hébreu aux Hébreux…… et même en celte aux Celtes. Cette idée faisait d’ailleurs explicitement partie des dogmes druidiques en la matière.
Diodore de Sicile. Bibliothèque historique. Livre V, chapitre XXXI.
« La coutume chez eux veut que personne ne puisse accomplir de sacrifice sans un de ces « philosophes », car les Actions de grâces doivent être offertes aux dieux, disent-ils, par le truchement de ces hommes, qui ont l’expérience de la nature divine, et qui parlent, pour ainsi dire, la langue des dieux [ils sont homophonon en grec] ; c’est aussi par l’intermédiaire de ces hommes, pensent-ils, que l’on doit pareillement rechercher les bénédictions divines ».
Mais si le Divin parle aux hommes depuis leur apparition sur terre, pourquoi dans ce cas se serait-il définitivement arrêté de le faire en 632 à Médine, à cause de la mort d’un seul homme ? Cet homme (Mahomet) valait-il l’Humanité passée présente et future à lui tout seul ???
Les théologiens chrétiens eux au moins ont eu la sagesse de concevoir la notion de Saint-Esprit et/ou de Paraclet après la disparition de leur homme-dieu.
Notre conviction à nous est que Divin a parlé aux hommes ET QU’IL LEUR PARLE ENCORE !
Et pour ce faire il a recours à toutes les langues possibles et imaginables, car en fait le Divin n’a pas besoin d’articuler des mots pour se faire (partiellement*) comprendre.
Nous sommes d’ailleurs complètement d’accord avec l’allégorie chrétienne du miracle de la Pentecôte.
« Or, il y avait en séjour à Jérusalem des Juifs, hommes pieux, de toutes les nations qui sont sous le ciel. Au bruit qui eut lieu, la multitude accourut, et elle fut confondue parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue. Ils étaient tous dans l’étonnement et la surprise, et se disaient les uns aux autres : ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ? Et comment les entendons-nous dans notre propre langue à chacun, dans notre langue maternelle ? Parthes, Mèdes, Élamites, ceux qui habitent la Mésopotamie, la Judée, la Cappadoce, le Pont, l’Asie, la Phrygie, la Pamphylie, l’Égypte, le territoire de la Libye voisine de Cyrène, et ceux qui sont venus de Rome, juifs et prosélytes, Crétois et Arabes, comment les entendons-nous parler dans nos langues des merveilles de Dieu » ? (Actes 2-8, 9,10,11).
La Pentecôte est une fête chrétienne attestée depuis le IVe siècle ; elle prenait place au terme d’une période de cinquante jours après Pâques. Elle commémore une expérience mystique collective des apôtres du grand rabbi nazaréen Jésus rapportée par les Actes des apôtres et célèbre la descente de l’Esprit saint sur eux : des langues de feu se posent sur chacun d’eux, symbolisant ainsi la venue de l’Esprit dans un épisode de communication inspirée qui permet aux disciples de s’exprimer dans d’autres langues que le Galiléen, sans que l’on sache très bien d’ailleurs s’il s’agit de polyglottisme ou de cas de glossolalie.
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N.B. La glossolalie est la faculté de parler ou de prier à haute voix dans une langue étrangère totalement inconnue de la personne qui parle. Des phénomènes de glossolalie ont été rapportés dans le chamanisme et le spiritisme.
Pour les chrétiens, cette glossolalie correspond au « parler en langues », phénomène décrit dans les Actes des Apôtres ainsi que nous venons de le voir. Il s’agit parfois de la « langue des anges » (glossolalie vraie) ce que les druides antiques ainsi que nous l’avons vu également considéraient comme étant la langue des dieux (ils s’en disaient homophonon – c’est le terme utilisé par Diodore.
Pour en revenir à la théorie du Coran incréé. Mon Dieu, mais comment peut-on croire ça ??? L’œil a son point aveugle dite tache de Mariotte. Nous sommes bien obligés d’admettre que certains de nos congénères humains ont un cerveau lui aussi doté malheureusement d’un équivalent intellectuel de la tache aveugle de Mariotte. Arrivé à certains endroits de la route (dans des courbes ou dans des côtes) leur cerveau passe au point mort, il ne fonctionne plus. Leur foi n’a plus rien à voir avec la raison.
Nous appliquerons donc dans ce bref essai la méthode d’analyse utilisée jusque là dans notre étude des légendes irlandaises et développées dans nos nombreux contre-lais (pas de jaloux !).
Reste bien entendu l’hypothèse où le Coran serait une parole démonique ou diabolique puisque certains versets reconnaissent explicitement que Satan peut tromper même les plus grands prophètes : « nous n’avons envoyé avant toi ni apôtre ni prophète sans que le démon glisse quelque vanité dans ses désirs » (chapitre 22, verset 52).
En ce qui nous concerne, nous récusons néanmoins également cette hypothèse, car le Coran est bien une parole humaine et même jusque dans sa prétention de n’être qu’une parole divine il est justement humain, trop humain, terriblement humain. Et nous ne respectons par conséquent l’islam et les musulmans que dans l’exacte mesure où ils nous respectent nous, cela s’appelle la réciprocité, c’est un des principes de base de toute vie en société. Sur un plan négatif, cela donne la loi du talion théorisée par les Hébreux dans la Bible, cela donne la nécessité de sanctionner toute mauvaise action dans l’ancien druidisme. Comme le reconnaît saint Patrice lui-même dans le Senchus Mor, il y a renforcement de la cohésion sociale (dans le cas des sociétés païennes en tout cas) quand une mauvaise action ne reste pas impunie (Intud i ngeindtleacht gnim olc mad indechur).
Sur un plan plus positif cela donne cela donne et bien le plus grand respect justement : je ne fais pas à autrui ce que je ne voudrais pas qu’il me fît (règle d’or). Alors petite question maintenant, vous qui croyez en Dieu (en la conception de Dieu que l’on désigne sous le nom d’Allah), me respectez-vous moi qui ne suis ni juif ni chrétien ni musulman ni parsi, mais dont les idées oscillent suivant les sujets ou mon humeur entre panthéisme (tout est Dieu) agnosticisme (je ne suis pas sûr de la voie cultuelle qui doit être suivie) voire athéisme ?
CONCLUSION.
Le Coran n’est pas qu’une série d’extraits de la parole de Dieu transmis par lecture directe d’une Table de la loi céleste préexistante, opérée par l’ange Gabriel, il est « Makhlouq », et ce pour 4 raisons principales.
— La première est que Dieu, à tout le moins un dieu comme celui d’Abraham d’Isaac et de Mahomet, n’existe pas et que le seul dieu dont on peut discuter l’existence ou pas, est celui des philosophes (les très sachants grecs).
— La deuxième est qu’il ne saurait non plus exister de Tables de la loi écrites de toute éternité, contenant (en arabe) tout ce qu’il y aurait à savoir par et pour l’Humanité.
— La troisième est que l’ange Gabriel n’est qu’une invention humaine tardivement associée à ces visions. L’islam n’est pas originellement une religion monothéiste de type abrahamique, mais un hénothéisme centré sur une figure divine appelée Dieu par les habitants de La Mecque et artificiellement, mais progressivement greffée sur le tronc commun des divers monothéismes répandus dans la région à l’époque (judaïsme judéo-christianisme, gnosticisme chrétien, et enfin peut-être christianisme tout court), ce rapprochement ayant été initié par Mahomet lui-même et son entourage après leur découverte des juifs de Médine ou par leurs successeurs.
— La quatrième est que le Coran ainsi créé n’est qu’une série de mots couchés sur du papier et résultant essentiellement…
Primo des visions d’un homme en état de transe, né à la Mecque dans la deuxième moitié du 6e siècle.
Secundo d’emprunts faits consciemment par lui ou ses successeurs immédiats à d’autres traditions religieuses régionales (juive, judéo-chrétienne, gnostique, voire chrétienne).
Tertio de manipulations diverses de ces éclairs d’inspiration ou de ces emprunts :
— Par suppression.
— Par ajouts et interpolations.
— Par démembrements de certains longs chapitres de la compilation initiale et déplacements ailleurs de leurs éléments constitutifs.
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Le caractère insurpassable du résultat final appelé Coran n’est donc qu’une question de goût et de couleur résultant essentiellement d’un réflexe conditionné inculqué dès l’enfance au jeune musulman, et tout comme la beauté, il est purement subjectif.
Prions donc pour que les lois de ce pays continuent longtemps à nous laisser libres…
— De ne pas être convaincu par tout ceci.
— De ne pas adhérer à ces dogmes.
— D’exprimer cette opinion et de la faire partager.
* Quand nous disons « partiellement », nous ne voulons pas dire par là que le Divin est incapable de se faire comprendre, mais que l’entendement humain est forcément limité. Les êtres humains n’appréhendent qu’avec difficulté ce qui relève du domaine du divin.
QUATORZIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
La version qui est aujourd’hui considérée comme LE Coran officiel est celle d’Osman (644-656), un calife despotique qui a détruit toutes les sources antérieures (mais Omar et Abou Bakr avaient déjà fait disparaître de nombreuses versions auparavant).
La version la plus répandue du Coran aujourd’hui est donc celle du Caire, préparée sous le patronage du roi d’Égypte, Fouad 1er, en 1923. Elle compte 114 chapitres (appelés sourates). Chaque chapitre se présente avec un titre, quelques-uns avec deux (chapitres 9, 17, 35, 47,68), voire plus.
Le titre provient soit de l’un des premiers mots du chapitre (53 : l’Étoile ; 55 : le Bienfaiteur), soit d’un récit caractéristique (14 : Abraham ; 19 : Marie), soit d’un épisode considéré comme caractéristique (16 : Abeilles ; 29 : Araignée).
Ces titres ne font pas partie du texte originel (même chose avec la Bible) et ne figurent pas dans les premiers manuscrits coraniques connus ; ils furent ajoutés par les scribes pour distinguer les chapitres.
Certains cependant font remonter ces titres à Mahomet qui les aurait fixés.
Les chapitres sont classés à peu de chose près dans l’ordre décroissant de leur longueur, à l’exception du premier, la fatiha. Certains soutiennent que cet ordre a été établi par accord des musulmans (ittifaqi). On signale à cet égard qu’Ali (mort en 661) avait un Coran classé par ordre chronologique, aujourd’hui perdu.
D’autres estiment que l’ordre actuel du Coran a été arrêté par Mahomet lui-même sur décret de Dieu (taouqifi).
La tradition musulmane soutient que du vivant de Mahomet, ses compagnons mettaient par écrit les passages révélés comme ils le pouvaient. Durant le dernier mois de Ramadan précédant le décès de Mahomet, l’ange Gabriel aurait revu avec Mahomet l’ensemble du Coran et indiqué l’ordre final des versets et des chapitres.
On trouve en tête de 29 chapitres des lettres appelées faouatih al-souwar ou al-hourouf al-mouqatta'ah : ALM (chapitres 2, 3, 29, 30, 31, 32), ALMR (chapitre 13), ALMS (chapitre 7), ALR (chapitres 10, 11, 12, 14, 15), HM (chapitres 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46), KHI'S (chapitre 19), N (chapitre 68), Q (chapitre 50), S (chapitre 38), TH (chapitre 20), TS (chapitre 27), TSM (chapitre 26, 28), YS (chapitre 36).
On peut douter que ces lettres puissent dater du vivant de Mahomet puisque personne ne s’est avisé à lui demander leur sens. De ce fait, on peut penser qu’il s’agit d’ajouts ultérieurs servant probablement de repères pour la classification des passages coraniques, les lettres de l’alphabet ayant alors valeur de chiffres, comme en syriaque, en hébreu et en latin.
On constate d’ailleurs que cinq chapitres du Coran ont gardé comme titre un tel groupe de lettres : les chapitres 20 (TaHa), 36 (YaSin), 38 (Sad), 50 (Qaf) et 68 (Nun, appelé aussi Al-Qalam).
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QUINZIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LE DOGME DE L’INIMITABILITÉ OU DU CARACTÈRE INSURPASSABLE
DU CORAN (I’DJAZ AL QURANI).
Le dogme de l’inimitabilité du Coran est évidemment à rapprocher de celui de l’impeccabilité des prophètes et avant tout de Mahomet le beau modèle (isma).
Ce caractère indépassable (i‘djaz) du Coran est un article de foi musulmane qui fut établi par le grammairien al-Roummani (mort en 996), mais l’auteur irano-arabe Ibn al-Mouqaffa (720-757) avait déjà été impliqué dans des polémiques concernant cette inimitabilité coranique. On lui attribua en effet une Mouaradat al Qourani réhabilitant le manichéisme).
Fondement coranique.
Saint Coran chapitre 2, verset 23. « Si vous êtes dans le doute à propos de ce que nous avons fait descendre sur notre serviteur, venez donc avec une sourate semblable ».
Saint Coran chapitre 5, verset 3 : « Aujourd’hui j’ai rendu votre religion parfaite, j’ai parachevé ma grâce sur vous, j’agrée l’islam comme étant votre religion ».
Saint Coran chapitre 6, verset 114 : « chercherai-je un autre juge que Dieu ? C’est lui qui a fait descendre sur vous le Livre exposé clairement ».
Saint Coran chapitre 10, verset 38. « Produisez donc une sourate semblable [à celle – ci] ».
Saint Coran chapitre 11, verset 13. « Produisez donc une dizaine de sourates façonnées comme celle-ci ».
Saint Coran chapitre 17, verset 88. « Quand bien même hommes et djinns s’uniraient pour apporter le semblable de ce coran, ils n’en sauraient apporter le semblable, même s’ils s’entraidaient ».
L’inimitabilité ou la nature indépassable du Coran (i’djaz) est donc le dogme selon lequel le Coran, en tant que révélation divine, ne peut être imité, que ce soit dans la beauté de sa langue ou dans les idées qu’il contient.
Pour ce qui est de la beauté des idées, ce dogme est quelque peu paradoxal puisque Mahomet passe son temps à répéter qu’il ne fait que rappeler un message déjà envoyé par Dieu avant lui. Le Coran, comme son nom l’indique, n’était pas à l’origine en effet assimilé à une Révélation, mais se présentait comme « un rappel » de celle-ci (11,120 ; 21,10 et 50 ; 29,51 ; 36,69), une méditation de textes déjà connus : « Ainsi, Nous te contons certains récits des temps révolus et c’est bien un rappel de Notre part que Nous t’apportons » (20,99). Comment dès lors continuer à assimiler le Coran à une Révélation ?
Il est d’usage chez les musulmans d’aujourd’hui de répéter qu’au point de vue du style le coran est inimitable, insurpassable (i’djaz al Qourani). Cette affirmation est tout sauf objective. La beauté est subjective et tout comme la foi n’a rien à voir avec la raison.
De construction relativement tardive, ce dogme a d’ailleurs fait l’objet de nombreuses divergences avant de se fixer.
Il a aussi été avancé par certains arabophones pour interdire la traduction du Coran. Certains courants de l’islam prétendent d’ailleurs toujours que le Coran ne peut exister qu’en arabe et qu’il ne peut pas et ne devrait pas être traduit. Cette insistance sur la langue arabe peut évidemment donner naissance à toutes sortes de dérives racistes nationalistes ou xénophobes du moins aux yeux des populations non arabophones.
Ibrahim ibn Sayyar al-Nazzam (mort en 846), théologien rationaliste moutazilite a également avancé en son temps la théorie du sarfa. Elle consistait à dire que Dieu était délibérément intervenu pour empêcher les Arabes de produire un texte semblable au Coran. Sans cette intervention divine, les Arabes musulmans auraient facilement relevé le défi. Cette intervention divine était en soi un miracle
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(mou'jiza). En ce qui concerne le texte, il n’a rien de particulier comme texte. Cependant, sa supériorité est due à l’information qu’il contient, à propos des événements ignorés du passé ou de ceux à venir.
Le théologien Fakhr al-Din al-Razi (1150-1210) a pour sa part également affirmé que le miracle linguistique du Coran se situait, non pas au niveau de la qualité stylistique du texte, mais au niveau des significations.
Le Coran n’est donc pas inimitable en tant que texte arabe, sa supériorité réside dans son contenu plutôt que dans son style. Ce qui nous ramène à ce qui a déjà été mentionné plus haut, à savoir que le coran initialement NE SE VOULAIT PAS UNE RÉVÉLATION, MAIS UN RAPPEL.
Cette théorie du sarfa considère quand même le Coran comme un miracle (mou'jiza), une œuvre au-delà de la capacité humaine. Il s’intègre dans la même catégorie que les miracles accomplis par les prophètes anciens comme la transformation d’un bâton en serpent par Moïse ou la guérison des maladies et le retour des morts à la vie, pratiqué par Jésus. De la reconnaissance de ce miracle coranique dépend évidemment une grande partie de la crédibilité de Mahomet ainsi que l’authenticité du Coran.
Mais l’idée que le contenu du Coran, ce qu’il dit qui était resté jusque-là inconnu ou bien qui concerne l’avenir, serait la seule matière du « défi » (al-tahaddi) soulève des difficultés théologiques, même dans une optique moutazilite. Dans la mesure où le savoir divin est absolu, quelles que soient les limites du savoir humain, il est impossible que Dieu – dont la justice est absolue – lance à l’homme un défi qui dépasse les capacités humaines. La justice divine (al-'adl), le deuxième principe du taouhid dans la théologie rationaliste mutazilite, autorise seulement un défi qui rentrerait dans l’ordre des capacités humaines……
Malgré la réfutation par les opposants comme par les partisans de la Mou’tazila, de la théorie d’al-Nazzâm, celle-ci resta implicitement prise en compte. Le juge Abou Bakr al-Baqillani (mort en 1013), théologien acharite comme Abd al-Qahir, consacra un ouvrage à expliquer ce qui distingue le Coran de tous les autres textes, y compris les textes sacrés antérieurs. Pour lui, le caractère unique du Coran réside précisément dans le fait qu’il n’est ni prose ni poésie ; c’est un genre littéraire en soi. Aucun critère littéraire humain ne peut être utilisé pour l’évaluer. Al-Baqillani va même jusqu’à déprécier les fameuses sept grandes odes préislamiques (Mou'allaqat) qu’il considère comme inférieures au Coran.
Le fait que Muhammad était illettré (oummi) tient lieu de preuve supplémentaire pour affirmer que c’est la nature même du locuteur – Dieu – qui rend impossible toute comparaison entre le Coran et un autre texte.
Selon lui, le miracle coranique (al-i'djaz) peut en effet être prouvé par trois éléments.
— Le premier est qu’il contient des informations concernant l’invisible (al-ghaïb), ce qui dépasse le pouvoir des êtres humains qui n’ont aucun moyen d’atteindre ce savoir.
— Le deuxième est qu’il est bien connu que Mahomet était illettré (Oummî), qu’il ne pouvait écrire et pouvait à peine lire. De même, il est habituellement reconnu qu’il n’avait aucune connaissance des livres des peuples antérieurs, de leur mémoire, de leur histoire, des biographies de leurs héros. Pourtant, il a donné des résumés de ce qui est advenu dans l’histoire, il a parlé des périodes passées, et donné les récits concernant la création d’Adam. Il fait aussi mention de l’histoire de Noé, de celle d’Abraham et de tous les autres prophètes mentionnés dans le Coran. Mahomet selon al-Baqillani, n’avait aucun moyen de connaître tout cela, sauf celui d’avoir été enseigné (sic)… Sa conclusion est qu’il n’a acquis ces connaissances que grâce à la Révélation.
— Le troisième élément est que le Coran est merveilleusement arrangé et composé, et il est si élevé dans son élégance littéraire qu’il est au-delà de ce que toute créature peut composer. Telle est du moins la conclusion d’al-Baqillani.
Deux de ses idées intéressent notre présent exposé. D’abord son idée que le Coran représente un genre littéraire unique ; c’est une idée qui sera reprise par Taha Hussaïn (1889-1973). En second lieu, la définition qu’il donne du ghaïb (l’invisible).
Commençons néanmoins par tordre le cou à une légende qui a la vie dure, celle du prophète analphabète ou illettré.
Mahomet illettré peut-être, mais analphabète certainement pas ! Il devait au moins savoir lire et écrire son nom, voire compter.
D’après Al-Baladhuri (Foutouh al-Bouldan) il y avait déjà à la Mecque du temps de Mahomet pas mal d’hommes et de femmes qui savaient lire et écrire un alphabet venu de Hira en Irak. Baladhuri cite Abou Soufiane et ses deux fils Yazid et Mouaouiya quelques femmes ainsi que onze Médinois. Mais il devait y en avoir plus.
De toute façon le problème n’est pas là. Il est qu’oummi ne veut pas dire illettré, mais MEMBRE D’UN PEUPLE D’OUMMIYOUN C’EST-A-DIRE D’UN PEUPLE QUI N’A PAS DE SAINTES ÉCRITURES
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COMME LES JUIFS ET LES CHRÉTIENS (LES FAMEUX GENS DU LIVRE). Ce n’est donc en définitive qu’un synonyme de nations goyim, ou de païens.
Ce qui est certain par contre c’est qu’il n’a pas manqué d’intellectuels arabes pour contester et dès le début ce caractère inimitable ou insurpassable du Coran ; à commencer par un des rivaux de toujours de Mahomet, le grand prophète de l’Arabie centrale
Moussaïlima ibn Thimâma ibn Bani Hanifa de la Yamama se moquait d’ailleurs dans son Coran à lui de l’invraisemblable chapitre dit de l’éléphant (sourate 105), si l’on en croit divers auteurs.
« L’éléphant, qu’est-ce qu’un éléphant, qui peut te dire ce qu’est un éléphant ?
Il a une pauvre queue, et une longue trompe,
C’est une partie insignifiante de la création de ton Dieu ».
N.B. Ce que l’on a pu sauvegarder des fragments de son Coran nous montre qu’outre la prose bien entendu il recourait lui aussi beaucoup et tout comme le Coran des débuts (de la période mecquoise) aux versets de type sadj des kahins (devins) ou des shou’ara (poètes : singulier sha’ir).
Idem à La Mecque même, et ce du vivant de Mahomet, qui saura s’en souvenir quelques années plus tard.
Un des opposants ayant eu la fin la plus tragique (sa fille sera une des malheureuses victimes collatérales de la bataille de Badr en 624), mais de la même trempe que Moussaïlima c’est-à-dire non convaincu par les versets que récitait Mahomet en état de transe, fut un dénommé Ouqba.
L’exemple le plus connu reste néanmoins Al Nadr Ibn al-harith. C’était un riche marchand qui commerçait avec al Hira et la Perse d’où il aurait ramené des livres ainsi que des cantatrices. Al Nadr Ibn al-harith avait l’habitude de raconter aux Mecquois des histoires du Grand Rustem, d’Isfandiyar, et du roi de Perse ; en se vantant que les versets du Coran rapportés par Mahomet n’étaient pas meilleurs que les siens.
Pages 162-163 de la Vie de Mahomet, traduction de la Sirat Rasoul Allah par A. Guillaume. « Chaque fois que l’apôtre s’asseyait dans une assemblée et invitait les gens à venir à Dieu et récitait le Coran ou menaçait les Couraïchites de ce qui était arrivé aux anciens peuples, Al-Nadr prenait la parole quand il s’était rassis et leur contait les histoires du grand héros Rustem, et d’Isfandiyar ainsi que des Rois de Perse, en disant : « Par Dieu, Mahomet n’est pas capable de conter une meilleure histoire que les miennes et ses discours ne sont que de vieilles fables qu’il a copiées (sourate 25,6) ainsi que je l’ai fait moi-même ».
Plusieurs des versets du Coran le concernent d’ailleurs tout particulièrement.
Chapitre 6, verset 25 : « Il en est parmi eux qui viennent t’écouter, cependant que Nous avons placé des voiles sur leurs cœurs, qui les empêchent de comprendre, et dans leurs oreilles une certaine surdité. Quand bien même ils verraient toutes sortes de preuves, ils n’y croiraient pas. Au point que, quand ils viennent disputer avec toi, ceux qui ne croient pas disent alors : « Ce ne sont que des légendes des anciens ».
Chapitre 8, verset 31 : « Lorsque nos versets leur étaient récités, ils disaient : oui nous avons entendu ! Nous en dirions autant si nous le voulions ; ce ne sont que des histoires racontées par les Anciens ».
Chapitre 17, verset 85 : « Ils t’interrogent au sujet de l’esprit. Réponds : l’esprit procède du commandement de mon Seigneur ».
Chapitre 45, verset 9 : « Quand il prend connaissance de nos signes, il les tourne en dérision ».
Chapitre 83, verset 13 : « Quand on récite nos versets devant lui, il dit : ce sont des contes d’anciens ! »
N.B. Circonstances de cette révélation (asbab al nouzoul).
Sirat, pp. 136-137. « Quand Al-Nadr leur eut rapporté tout, ils l’envoyèrent lui et Ouqba b. Abou Mou'aït chez les rabbins à Médine et leur dirent : interrogez-les à propos de Mahomet ; décrivez-le-leur et dites-leur ce qu’il raconte, car ils sont les premiers à avoir reçu les saintes Écritures et ont des connaissances que nous n’avons pas sur les prophètes. Ils suivirent donc ces instructions et demandèrent aux rabbins : « Vous êtes le peuple de la Torah, et nous sommes venus vous voir afin que vous puissiez nous dire comment procéder avec un de nos contribules. Les rabbins répondirent : interrogez-le sur trois choses dont nous vous instruirons ; s’il vous donne les bonnes réponses, alors cela prouvera que c’est un vrai prophète, mais s’il ne le fait pas, alors cela prouvera que c’est un imposteur et vous pourrez vous forger votre propre opinion à son sujet.
— Demandez-lui ce qu’il est advenu des jeunes gens qui ont disparu dans les temps anciens, car c’est une histoire merveilleuse.
— Interrogez-le à propos du puissant voyageur qui atteignit les limites de l’Orient et de l’Occident.
— Demandez-lui ce qu’est l’esprit.
S’il peut vous répondre, alors suivez-le, car c’est un prophète. S’il ne peut pas, alors cela prouvera que c’est un imposteur et traitez-le comme vous voulez.
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Les deux hommes revinrent donc chez les Couraïchites à La Mecque et leur dirent qu’ils avaient un moyen infaillible d’éprouver Mahomet, et ils leur parlèrent des trois questions.
Ils allèrent ensuite trouver l’apôtre et l’invitèrent à répondre à ces énigmes. Il leur répliqua : je vous donnerai votre réponse demain, mais il oublia de préciser si Dieu le veut.
Alors ils s’en repartirent et l’apôtre, dit-on, attendit plus de quinze jours sans recevoir de révélation de Dieu sur la question. Gabriel ne vint pas à lui, de sorte que les gens de La Mecque commencèrent à répandre des rumeurs à ce sujet, en disant :'Mahomet nous a promis une réponse dès le lendemain, et c’est est aujourd’hui le quinzième jour que nous attendons les réponses. Ce retard causa beaucoup de souci à l’apôtre jusqu’à ce qu’enfin Gabriel lui apporte le chapitre de la Caverne, dans lequel il lui reproche son peu de foi, et lui donne les réponses à leurs questions, les jeunes gens, le puissant voyageur puissant, et l’esprit.
D’après nos amis musulmans, il s’agit là d’ailleurs d’une première preuve de l’authenticité de la prophétie de Mahomet. En effet, s’il n’était pas un Envoyé de Dieu, il aurait fourni des réponses aux questions dès le lendemain sans attendre. Mais le fait qu’il n’ait pu répondre que quinze jours plus tard, dans l’attente de la permission divine, démontre bien que ce furent des révélations provenant uniquement de Dieu et que Mahomet n’était pas un faux prophète.
Note de la rédaction : 15 jours c’est également plus que suffisant pour se documenter sur la question ou effectuer quelques recherches à propos de la légende chrétienne des 7 dormants d’Éphèse ou du roman d’Alexandre le Grand (Dhou Al-Qarnaïn).
Lorsqu’on questionna Mahomet sur ce genre d’oubli, il répondit : « Je n’oublie point, mais on me fait oublier, afin d’établir une jurisprudence ! » c’est-à-dire qu’en réalité Dieu le rendait sujet à l’oubli afin que les gens sachent quoi faire ou quoi dire dans ce cas ! (Note de la rédaction : voir notre étude sur l’isma.)
Al Nader et Ouqba ayant eu la mauvaise idée quelques mois plus tard de se retrouver pris dans la bataille de Badr en mars 624 (attaque d’une caravane mecquoise par Mahomet avec l’appui de milliers d’anges invisibles), ils furent faits prisonniers puis exécutés sur ordre de Mahomet quelques jours plus tard sur le chemin du retour à Médine.
Sur un plan sensiblement différent, mais relevant bien de la beauté des idées ou du contenu, n’oublions pas qu’il y avait à l’époque des millions de chrétiens ARABES, ARABOPHONES, ET DONC TOUT À FAIT À MÊME D’APPRÉCIER LE CORAN À SA JUSTE VALEUR.
Mansour ibn Sarjoun dit saint Jean damascène (676-749) était l’un d’eux. Il comprenait donc parfaitement l’arabe puisqu’il était bilingue et a également parlé du Coran dans son traité contre les hérésies.
« Beaucoup d’autres absurdités dignes de rire sont rapportées dans cet Écrit, et il se vante qu’il est descendu sur lui venant de Dieu. Mais nous disons : Qui témoigne que Dieu lui a donné une Écriture, ou qui, parmi les prophètes, a annoncé qu’un tel prophète devait venir ? Nous les mettons dans l’embarras quand nous leur disons : Moïse avait reçu la Loi sur le Sinaï, à la vue de tout le peuple, quand Dieu apparut dans la nuée, le feu, les ténèbres et la tempête ; et tous les prophètes, depuis Moïse, ont tour à tour annoncé que le Christ viendra, que le Christ est Dieu et que le fils de Dieu arrivera en prenant chair, sera crucifié, qu’il mourra et ressuscitera, et que c’est lui qui jugera les vivants et les morts. Et quand nous disons : Pourquoi votre prophète n’est-il pas venu de la même façon, avec d’autres pour lui porter témoignage, et pourquoi Dieu, qui a donné la Loi à Moïse aux yeux de tout le peuple, sur une montagne fumante, ne lui a-t-il pas transmis de même l’Écriture dont vous parlez, en votre présence, pour asseoir votre certitude ? Ils répondent que Dieu fait ce qu’il veut. Cela, disons-nous, nous le savons bien nous aussi, mais nous demandons comment l’Écriture a été révélée à votre prophète. Ils répondent que c’est pendant son sommeil que l’Écriture est descendue sur lui. Pour nous moquer d’eux nous disons : puisqu’il a reçu l’Écriture pendant son sommeil, sans se rendre compte de cette activité, l’adage populaire lui convient parfaitement qui dit…
Ce Mahomet, comme il a été dit, a composé de nombreux écrits stupides et donné un titre à chacun d’eux…
Il y a encore l’écrit de la Chamelle de Dieu. À son sujet il dit qu’une chamelle avait été envoyée par Dieu et qu’elle buvait le fleuve entier et ne pouvait plus passer entre deux montagnes, faute d’espace suffisant. Il y avait, dit-il, un peuple à cet endroit : un jour c’est lui qui buvait l’eau, et ensuite, c’était la chamelle. Quand elle buvait l’eau, elle les nourrissait en leur donnant du lait à la place de l’eau. Mais ces hommes qui, dit-il, étaient méchants, se levèrent et tuèrent la chamelle (Saint Coran 11, 64 ; 54,27-28. L’histoire ne subsiste plus qu’à l’état de fragments disjoints dans notre texte).
Répétons-le encore, Pierre de La Crau n’a rien découvert de spectaculaire à propos des origines de l’islam. L’existence à l’époque de millions de chrétiens arabes en Jordanie en Syrie ou en Irak a permis dès le début de comprendre et d’apprécier (ou pas) sans équivoque les divers versets du
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Coran. Voir également par exemple à ce sujet la Rissala al-Kindi ou apologie d’Al-Kindi, un traité religieux arabe, transmis dans les milieux chrétiens,
Abd al-Massih ibn Ishaq al-Kindi est un des deux auteurs de ce que l’on appelle communément l’apologie d’Al Kindi, un ensemble de deux lettres, l’une d’un musulman l’autre d’un chrétien, chacun faisant l’apologie de sa religion et invitant l’autre à le rejoindre. Tous deux auraient vécu sous le règne du calife Al-Ma’moun, soit au 9e siècle (de 813 à 834 plus précisément). Cet Abd al-Masih ibn Ishaq al-Kindi est visiblement chrétien (nestorien ?) vu son nom. Ce texte a été traduit en latin en 1142.
Abd al-Masih ibn Ishaq al-Kindi donc y écrit que le Coran n’est nullement une preuve de la mission prophétique de Mahomet, pour plusieurs raisons.
Premièrement ce n’est pas un livre unique en son genre. Il y en a de plus éloquents.
Selon cet Al Kindi chrétien, la composition et la rédaction du Coran sont loin d’être parfaites. C’est de la prose rimée, brisée.
En outre le Coran manque de précision dans les termes et dans les récits.
« Le résultat de tout ceci est patent pour vous qui avez lu les écritures et qui voyez comment, dans votre livre, les histoires sont brouillées ensemble et entremêlées ; une preuve que beaucoup de mains différentes ont été à l’œuvre, et ont causé des divergences, ajoutant ou retranchant tout ce qui leur plaisait ou déplaisait ».
Le Coran n’est donc pas un miracle merveilleux d’après lui et il l’est seulement pour des gens illettrés, des étrangers ou des barbares.
Il n’est pas inimitable. D’autres ont produit des œuvres semblables (toujours selon Al Kindi), mais n’ont pas eu le soutien qu’a eu Mahomet.
Et enfin, la maîtrise de la langue arabe n’était pas un privilège des Couraïchites (la tribu de Mahomet), les Kindites furent aussi des hommes puissants de grands orateurs et des poètes éloquents.
Pour ce qui est du Coran proprement dit, la réponse d’Al Kindi commence ainsi.
« Nous en arrivons maintenant à ce que tu considères comme ta forteresse, à savoir, le livre qui est dans tes mains. Ton argument est que les récits parlant des prophètes et du Messie prouvent qu’il a été révélé par Dieu, parce que ton maître était analphabète 1) et qu’il ne pouvait acquérir aucune connaissance semblable sauf par inspiration. Tu dis « qu’aucun homme ni aucun génie ne pourrait en produire de semblable » ; et que, « Si vous avez des doutes quant à ce que nous avons révélé à notre serviteur, apportez une sourate du même genre, et appelez qui vous voulez pour en attester sauf Dieu si vous êtes des hommes véridiques. » Et, encore « si Nous avions envoyé ce Coran à une montagne ; tu aurais vu s’humilier, et s’écrouler, sous l’effet de la crainte de Dieu, etc. ». C’est à tes yeux la principale preuve de la revendication de ton Maître, à l’instar du miracle de la Mer Rouge, de l’arrêt de la course du Soleil dans le ciel, de la résurrection des Morts et d’autres prodiges, œuvres des Prophètes de jadis ou du Messie. Par ma vie ! Cet argument en a effectivement trompé beaucoup. Mais c’est un subterfuge vide et creux. La réponse se trouve à portée de main, et pas très loin, comme je vais te le montrer. Sa révélation en sera peut-être amère, mais elle finira par être salutaire ».
Al Kindi poursuit en ajoutant que « Tout ce que j’ai dit (au sujet du coran) est conforme aux faits et à l’évidence tels qu’ils sont admis par vous. Pour preuve nous nous référons au texte du coran lequel porte à confusion par absence d’ordre et de logique. Les différents passages se contredisent et bien souvent n’ont aucun sens. Comment, sans trahir son ignorance, peut-on présenter un tel écrit comme un message à l’appui d’une mission prophétique et le placer à égalité avec les miracles de Moïse et de Jésus ? Assurément aucune personne ayant un grain de bon sens ne pourrait penser une telle chose, encore moins nous-mêmes qui, versés en histoire et en philosophie, ne pouvons nous laisser ébranler par un raisonnement aussi trompeur.… Il est évident, pour quiconque a lu le Coran et a vu de quelle façon, dans ce livre, les récits sont assemblés n’importe comment et entremêlés, que plusieurs mains – et nombreuses – s’y sont mises et ont créé des incohérences, ajoutant ou enlevant ce qui leur plaisait ou leur déplaisait…
Il y a eu ensuite les agissements de Hadâdj ibn Yousouf, qui a rassemblé toutes les copies qu’il a pu saisir, et a fait omettre de nombreux passages du texte.
… Six exemplaires du texte ainsi révisé ont été envoyés en Égypte, en Syrie, à Médine, à La Mecque, à Koufa et Bassora. Après cela, il a rappelé et fait détruire toutes les autres copies précédentes, comme Osman l’avait fait avant lui en son temps ».
Plus près de nous il y eut aussi al Abou l-Tayyib Ahmad ibn al-Housseïn dit al-Moutanabbi (né en 915, mort en 965). Il est considéré comme le plus grand poète arabe de tous les temps, celui qui a pu au mieux maîtriser la langue arabe et ses effets.
Il naquit dans l’actuel Irak, dans la ville de Koufa. Son père était porteur d’eau, mais exercera plus tard le métier de panégyriste professionnel. Il fut élevé dans un milieu bédouin chiite, ce qui lui donna une solide formation religieuse.
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En 924, après une attaque qarmate à Koufa, il partit vivre dans le désert avec eux. À l’âge de dix-sept ans il se déclara prophète lui aussi, prétendit pouvoir faire un Coran similaire à celui de Mahomet, puis fomenta une rébellion qarmate contre Lattaquié en Syrie. La tentative échoua et il fut emprisonné à Homs. C’est alors qu’on lui décerna le surnom al-Moutanabbi ce qui signifie « celui qui se dit prophète ». Il ne fut libéré qu’en 935 après avoir fait preuve d’un repentir apparemment sincère. En 948 il entra au service de l’émir hamdanide, Ali Seïf al-Daoula et tomba amoureux de sa sœur Khaoula. Moutanabbi quitta sa cour après une violente dispute qui l’opposa au grammairien Khalaouaï, qui n’avait pas hésité à le gifler devant l’émir lui-même. Il rejoignit donc en 957 une autre cour princière, celle des Ikhchidides, et écrivit des poèmes pour Abou al-Misk Kafour. Il fut ensuite nommé gouverneur de Sidon, mais à cause de ses poésies satiriques à l’encontre du prince fut forcé dès 961 de quitter la région. Il partit alors pour Chiraz en Iran, où il se mit au service du prince bouyide, Adoud al-Daoula. Il trouve la mort accidentellement à l’âge de 41 ans, après avoir été attaqué par des brigands dans le désert irakien.
Plus récemment le Pasteur Anis Shorrosh, un auteur chrétien d’origine palestinienne vivant aux États-Unis, a publié un ouvrage de style coranique appelé Al-Fourqan al-haq (Le vrai Fourqan). Fourqan est un des noms du Coran. Selon lui, l’ouvrage en question aurait été écrit en sept jours (le Coran a été révélé en une vingtaine d’années !) par un poète arabe d’origine bédouine anonyme qui prétendait recevoir une inspiration divine au même titre que Mahomet. Comme on peut l’imaginer, cet ouvrage a suscité une vive réaction de la part des musulmans qui ont demandé aux gouvernements, aux institutions et à des simples particuliers d’interdire sa distribution et d’intenter des procès contre
ceux qui contribueraient à sa publication ainsi qu’à sa diffusion.
Si les musulmans répètent à l’envi en effet le défi coranique qu’il est impossible de l’imiter, ceci ne signifie pas pour autant qu’ils permettent une telle imitation. Toute personne qui propose un ouvrage concurrent au Coran subit les pires critiques et risque sa vie.
Style du Coran.
Pour le musulman, le Coran est parfait sur le plan du style. Personne ne peut le dépasser. Cette perfection est culturellement ressentie par les musulmans, comme pour tout texte dont on a été bercé depuis l’enfance. Mettre en doute cette croyance constitue un blasphème passible de mort.
Mais la beauté du style coranique a été contestée par ceux qui, pour une raison ou une autre, échappaient à cet envoûtement collectif. Grand spécialiste des civilisations sémitiques et fin connaisseur de l’arabe, Theodor Noldeke a par exemple écrit un grand article sur ce qui lui paraissait des défauts stylistiques dans le Coran qui le rendent difficile à lire.
a) Le manque de ponctuation.
Le Coran est divisé en 114 chapitres. À l’intérieur des chapitres, le texte a été tardivement divisé en versets, la numérotation étant mise à la fin du verset, et non pas au début comme dans les autres textes sacrés. La longueur des versets varie beaucoup. Un verset peut être constitué par un ou deux mots (55,1 ; 101,1 et 103,1) ou de plusieurs phrases (2,101 ; 196 et 282 ; ce dernier est le plus long verset du Coran).
Les versets rattachés au début de l’activité religieuse de Mahomet, mis aujourd’hui à la fin du Coran, sont lapidaires, courts, et ont des clausules de rythme identique.
Puis, la tendance a été à l’étirement de l’unité rimée. Le critère de la division en versets repose surtout sur l’assonance et la rime, mais il n’y a pas d’unanimité sur cette division et sur le nombre des versets.
Ainsi, l’édition du Caire et celle de Tunis comptent-elles 6236 versets, alors qu’une tradition qui remonte à Ibn-Abbas (décédé vers 686) en compte 6616.
Dans l’édition arabe de Gustave Flügel (1834), certains versets de l’édition cairote sont découpés ou réunis.
À part la division en versets, la version arabe du Coran, même moderne, ne comporte pas de ponctuation (point, virgule, etc.), ce qui complique la lecture, surtout lorsque la phrase est coupée en deux ou plusieurs versets (9,1-2 ; 53, 13-16), ou au contraire lorsqu’un verset comporte plusieurs phrases. Une des raisons pour laquelle on n’ajoute pas la ponctuation est l’incertitude quant à la fin de la phrase. Un verset peut avoir un sens différent selon l’emplacement du point.
b) Interpolation.
Le manque de ponctuation est accentué par le fait que le Coran comporte de nombreuses interpolations. Ainsi, à l’intérieur du même chapitre, voire du même verset, on trouve des passages hors contexte. Le texte coranique donne de ce fait l’impression d’une œuvre décousue et raccommodée.
À l’exception des chapitres les plus courts, la plupart manquent en effet d’unité, car ce sont des compilations de divers textes repris par Mahomet ou ses successeurs. Une même sourate peut ainsi rassembler des versets de périodes et de thèmes variés.
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Un bon exemple d’interpolation est le verset 2,102 qui est particulièrement long par rapport aux versets précédents et suivants.
c) Manque de systématisation.
Le Coran ne présente pas les domaines traités de façon systématique. Ceci pose un problème au juriste. S’il cherche à connaître la position du Coran concernant une matière donnée, il doit se référer à différents versets dispersés, parfois contradictoires, mêlés à des passages souvent sans lien direct.
Cette contradiction des versets a été résolue par les juristes musulmans à travers la théorie de l’abrogation : une norme postérieure abroge une norme antérieure (ce qui est d’ailleurs logique). Ceci cependant nécessite une datation de ces versets, tâche peu aisée et controversée, surtout que certains versets en abrogent d’autres qui se trouvent dans des chapitres postérieurs.
d) Répétition.
Une même histoire ou une même norme est rapportée dans plusieurs chapitres, soit sous forme abrégée, soit sous forme détaillée. À titre d’exemple, l’histoire de Lot et de la destruction de Sodome, inspirée par la Bible (Gn 18,16-33 et 19,1-29), revient dans une dizaine de chapitres du Coran. On retrouve ce phénomène dans le récit du prophète Moïse ou du prophète arabe Chou'aïb. Ceci démontre que le texte coranique a fait l’objet de rédactions successives superposées.
Parfois, un verset est répété à la lettre dans deux passages, la répétition étant sans lien avec le contexte d’un des deux. Ainsi, le verset 28, 62 est-il répété au verset 28,74, mais ce dernier est hors contexte. Dans le chapitre 55 qui compte 78 versets, la même phrase revient 31 fois ; et dans le chapitre 77 qui en compte 55, la même phrase revient 11 fois.
Nous sommes donc globalement d’accord avec Al Nader et Al Kindi. Le Coran est en effet unique, mais au mauvais sens du terme ! C’est un anti-livre, une insulte ou une offense à l’intelligence humaine ou à la raison, pire même, un crime contre l’esprit, l’horreur intellectuelle absolue, un défi ou une insulte au bon sens le plus élémentaire, un lavage de cerveau sans précédent ! C’est un éteignoir de tout esprit critique, donc de toutes les libertés, le fondement du plus abouti des systèmes totalitaires.
Le Coran est un livre qui contient beaucoup d’invectives d’apostrophes de commandements de menaces… mais qui parle ?
Dieu ? Par moment ça ne peut pas être lui. Voir chapitre 75 versets 1 et 2, chapitre 90, verset 1. Dieu ne peut pas jurer autrement que par lui-même ou sur lui-même.
Dieu parlant de lui à la troisième personne ?
L’archange Gabriel ?
Des anges ? Chapitre 19, verset 64 et chapitre 37 versets 164-166, ce sont les anges ou des anges qui parlent et non Dieu.
Mahomet ?
Les hypocrites disent… qui sont ces hypocrites ?
Les associateurs disent… qui sont les associateurs (des chrétiens trinitaristes ou des polythéistes ?)
Les juifs… de quels juifs s’agit-il, de ceux de Yathrib/Médine contemporains de Mahomet ?? De ceux des siècles, voire des millénaires passés (les Hébreux) ?
En plus d’être inimitable ou insurpassable, le Coran prétend être complet, soutient que rien ne manque dans son corpus.
Chapitre 6, verset 38 : « Nous n’avons rien négligé dans le livre ».
Chapitre 16, verset 89 : « Nous avons fait descendre le livre sur toi pour éclaircir toute chose ».
Il y a unanimité chez les musulmans pour dire que le Coran s’impose à tous (houjjatoun 'ala al-jami'), et qu’il constitue la première source du droit musulman. Cela découle du fait qu’il provient de Dieu. Et la preuve qu’il est d’origine divine est son inimitabilité (doctrine de l’I’djaz). Or si l’on admet qu’il vient bien de Dieu – en raison de son inimitabilité – tout le monde est donc obligé de le suivre.
Pourtant certaines pratiques musulmanes n’y figurent pas ou du moins sans aucune des précisions indispensables à leur exercice. Exemples. Les cinq piliers de l’islam, la profession de foi dite « Chaada », la prière, l’aumône, le jeûne et le pèlerinage, ne figurent pas vraiment et en tant que tel dans le Coran.
Il n’y a de Dieu que Dieu et Mahomet est son prophète. Cette profession de foi doit être prononcée par tout musulman orthodoxe pour confirmer sa religion ou dans le cas d’une conversion à l’islam. Mais cette chahada n’existe pas en tant que telle d’un seul bloc dans le Coran, elle est seulement composée de deux thèmes fréquemment martelés dedans.
1)Le thème de l’unicité divine. Qui est peut-être d’origine judéo-chrétienne ou hénothéiste si l’on considère le nom d’Allah. Ibn oul-Qayim : « Les idolâtres arabes reconnaissaient l’unicité divine en ce qui concerne la gestion des événements (« taouhid ar-rouboubiya ») et l’idée que Dieu est le seul créateur de ce monde ; ils disaient que s’ils adoraient des entités distinctes de son être, c’était pour
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qu’elles les rapprochent de Lui ». « Ils ne sont jamais allés jusqu’à dire qu’il y avait deux créateurs du monde, l’un du bien l’autre du mal, comme les zoroastriens ».
2) L’affirmation que Mahomet est un prophète. Ce deuxième point étant rejeté par ceux qui ne s’en tiennent qu’au texte du Coran, le nom de Mahomet n’apparaissant que 5 fois dans le texte sacré, quatre fois sous la forme Muhammad (ce qui est relativement peu quand même pour justifier sa reprise dans une profession de foi) et une fois sous la forme Ahmad.
Chapitre 3, verset 144.
Chapitre 33, verset 40.
Chapitre 47, verset 2.
Chapitre 48, verset 29.
Chapitre 61, verset 6 (Ahmad).
Le problème est qu’à chaque fois cela peut être un simple adjectif signifiant quelque chose comme « le loué » et pas un véritable nom propre.
La prière (salah). Le Coran de donne aucun détail sur la façon de prier. Ce qui a entraîné de nombreuses divergences à ce sujet. La plupart des sunnites croisent les mains sur le ventre quand ils se tiennent debout pour prier, mais les sunnites de l’École malékite les chiites et les ibadites, eux, prient les bras le long du corps.
La façon de procéder aux petites ablutions rituelles (wouzou) varie également.
Les musulmans orthodoxes ne se réfèrent pas au Coran, mais à des hadiths pour déterminer le nombre de cycles ou raquates (inclinaison du buste et prosternation) à l’occasion des prières collectives ou de certaines autres prières comme la prière de rogations pour avoir de la pluie (Salat-oul-Istisqa : et dans ce cas il faut mettre son manteau à l’envers sur la tête ?)
Le Coran ne précise pas explicitement le nombre de fois par jour que l’on doit prier. Les musulmans sunnites pensent qu’il faut prier cinq fois par jour alors que les chiites disent trois fois seulement. Le matin (fajr) l’après-midi (dhourh) et le soir (maghreb). Il existe également des divergences sur l’heure exacte du commencement de la prière du soir (après la disparition du soleil derrière l’horizon ou après la disparition des dernières lueurs) et sur sa durée. Le Coran détermine en outre la durée de la prière en fonction de la position du soleil et de sa lumière, mais il n’a pas prévu le cas des régions polaires ou circumpolaires (comme en Scandinavie par exemple) où la durée du jour peut varier sensiblement suivant la saison.
L’aumône obligatoire ou zakat est maintes fois recommandée dans le Coran. Les musulmans orthodoxes estiment néanmoins que 2,5 % par an (de sa richesse) suffit. Aucune précision de cette nature n’existe dans le Coran.
La pratique du jeûne est instamment demandée par le Coran, mais sans autant de détails ou de précisions que n’en donne la tradition des hadiths (sounna). Dans l’islam orthodoxe par exemple une femme ayant ses règles ne peut pas jeûner alors qu’aucune interdiction de ce genre n’existe dans le Coran.
Le Coran ne détaille guère le grand pèlerinage à faire à La Mecque. Les pratiques actuelles telles que la lapidation (symbolique ?) de Satan à l’entrée ouest de Mina, le baiser de la pierre d’angle de la Kaaba, sont vraisemblablement des restes de rites païens. Le Coran n’en dit rien. Les ismaéliens pensent que ce grand pèlerinage n’est pas obligatoire.
TAFSIR (note) DE PIERRE DE LA CRAU.
Anima naturaliter pagana… Repetere = ars docendi
On ne peut pas exclure totalement évidemment
a) Qu’Abraham ait vraiment existé.
b) Qu’il soit passé par la Mecque à un moment donné de son existence
c) Qu’il y ait construit la kaaba.
d) Qu’il y ait répandu à partir de là le monothéisme philosophique et réfléchi le plus pur.
e) Qu’il y ait eu ensuite une chute du niveau religieux telle que l’on peut considérer que succédèrent à ce hanifisme originel toutes sortes de paganisme.
Le plus simple et le plus conforme au principe du rasoir d’Occam est quand même de supposer que la religion originelle de l’humanité s’apparente plus au paganisme (animisme polythéisme hénothéisme, etc.) qu’au monothéisme rebaptisé si l’on peut dire « hanifisme ».
Cet acharnement digne de la pire des méthodes Coué à vouloir à tout prix être reconnu comme un héritier légitime et direct de la religion juive et d’Abraham ; alors qu’il est évident que seuls certains détails du vernis islamique le sont, et que le fond est païen (la notion d’homme-dieu dans le christianisme, le rôle de la kaaba dans l’Islam, etc.) EST PITOYABLE. C’est à la fois la manifestation hors du temps d’un incroyable racisme envers les autres religions doublé d’un TOUT aussi incroyable complexe d’infériorité. Sans parler d’une ignorance crasse de la science historique et des découvertes
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de l’archéologie (le début de la Bible jusqu’à l’épisode de la tour de Babel est emprunté aux mythes sumériens, Abraham est une légende, Moïse n’a pas existé, l’esclavage en Égypte non plus, etc.).
Mais ça nous l’avons déjà dit.
Outre ces cinq piliers de l’islam, il existe d’autres pratiques de l’islam non mentionnées dans le Coran (actuel).
Le recours aux hadiths.
La lapidation des adultères.
La circoncision ou l’excision.
L’interdiction faite aux femmes ayant leurs règles de prier ou d’entrer dans une mosquée.
Le classement du chien parmi les animaux impurs.
La fonction d’imam chez les chiites.
Les normes vestimentaires ou somptuaires (hormis le cas très controversé du hidjab ou voile islamique).
Question débattue : à qui doivent revenir les héritages non réclamés puisque la formule de répartition indiquée par le Coran ne s’applique qu’à un cas bien précis : celui des successions en ligne directe parents enfants.
Les musulmans orthodoxes ne voient néanmoins aucune contradiction entre le fait de proclamer que le Coran est complet ou insurpassable, bref parfait en un mot, et le fait qu’il leur est nécessaire de recourir à d’autres documents ou d’autres textes pour pratiquer leur religion. Telle est la foi musulmane traditionnelle qui n’a rien à voir donc avec la raison et n’est qu’un réflexe conditionné à la Pavlov.
N.B. Il existe aussi quelques courants ou quelques sensibilités islamiques qui interprètent le Coran de façon allégorique et qui ne sont donc en aucune façon gênés par le manque de précisions concrètes ou de détails en le prenant comme guide (les ismaéliens par exemple).
Cette notion de perfection ou d’exhaustivité du Coran (i’djaz) est d’ailleurs conçue différemment selon les auteurs.
Rappelons enfin pour conclure que le Coran actuel n’est bien évidemment pas celui de Mahomet ; il a été compilé après sa mort selon le gré de divers personnages. En conséquence, il a existé plusieurs Corans dont le contenu et l’organisation des versets étaient totalement différents.
Les commentateurs ont néanmoins tort de se gausser de ce dogme qu’est l’i’djaz. Le Coran est en effet un livre assez unique dans son genre ne serait-ce que par quelques-unes de ses principales caractéristiques.
Il n’est pas conçu selon l’ordre chronologique.
Il n’est pas non plus conçu suivant un ordre thématique quelconque.
Le Coran est aujourd’hui présenté avec ses « sourates » classées à peu de chose près par ordre de grandeur, de la plus longue à la plus petite, donc en désordre complet par rapport à la chronologie de sa « révélation », et notamment en mélangeant versets dictés à Médine, versets dictés à La Mecque, versets nassikh « abrogeant » et versets mansoukh abrogés, etc. Seul compte pour cette présentation désastreuse d’un livre si important de faciliter sa « récitation » qui, dans ces conditions, se rapproche plus d’un lavage de cerveau que d’une lecture approfondie, à tout le moins.
Même la fondamentale distinction en terres d’islam entre versets mecquois ou versets médinois (les derniers abrogeant les premiers) n’est pas respectée, il faut la déduire du texte à la suite de longs et savants calculs
Il est bien entendu burlesque ou enfantin, bref pas sérieux du tout, indigne d’un débat de bon niveau, de tenir pour acquis que le Coran est indépassable ou insurpassable, tant du point de vue du fond que de la forme.
Pour ce qui est de la forme tout simplement parce que les goûts et les couleurs ne se discutent pas et que les langues évoluent tout au long des siècles et des millénaires. Tout comme le breton n’est pas la langue parlée par Dieu au paradis terrestre, contrairement à ce qu’ont prétendu certains celtomanes comme La Tour d’Auvergne, l’arabe du Coran n’est pas la langue mère de l’Humanité, il n’était pas parlé il y a 20 000 ans et il ne le sera pas dans 20 000 ans ; et de même que la langue basque contient de nombreux termes non basques d’origine, le Coran contient de nombreux mots empruntés aux diverses grandes langues de la région à l’époque (syriaque perse éthiopien grec hindi, etc.), mais de grâce surtout pas au romain ou au barbare qui sont des langues… n’ayant jamais existé ! Les Romains d’origine parlaient la langue du Latium c’est-à-dire le latin, les « Roumis » ou chrétiens byzantins parlaient… le grec, et les barbares (bonjour les barbares !) parlaient des langues diverses comme le celte le germanique et ainsi de suite.
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SEIZIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LE DOGME DE L’ISMA.
Traduire le dogme musulman de l’isma par la notion d’infaillibilité (un peu comme celle du pape en matière de dogme, et encore, ex cathedra) n’est pas judicieux, il conviendrait plutôt de rendre ce concept par la notion d’impeccabilité. Par définition dans l’islam les prophètes ne sauraient pécher, ils ont exempts de péché, leur conduite ne saurait donc être critiquée, au contraire même elle doit être imitée (cf.la notion de beau modèle). Le dogme de l’impeccabilité du Prophète est évidemment à rapprocher de celui de « l’inimitabilité du Coran ».
Si la tendance à blanchir Mahomet en l’exemptant de toute erreur est manifeste dès les premières écritures biographiques de l’islam, il est important de noter que le Coran et les hadiths ne mentionnent pas explicitement l’isma des prophètes entendue comme une préservation de l’erreur ou bien du péché.
Il existe même des versets coraniques dits d’admonestation où clairement Dieu reproche à Mahomet une faute ou un comportement inadéquat.
Passons sur l’affaire dite des versets sataniques (Mahomet pour en quelque sorte apaiser les relations avec les habitants de La Mecque aurait fait une concession doctrinale majeure, accepter de considérer comme des intermédiaires valables que l’on peut prier les déesses al-Lat al-Ouzza et Manat, avant d’être désavoué par Dieu lui-même : chapitre 53 verset 19-23 et chapitre 22 verset 52 : nous n’avons envoyé avant toi ni prophète ni apôtre sans que le Démon intervienne dans ses désirs, mais Dieu abroge ce que lance le Démon).
Il existe d’autres versets du Coran où Mahomet lui-même est toujours aussi visiblement désavoué par Dieu.
Chapitre 80 versets 1 à 10.
« Il s’est renfrogné et il s’est détourné parce que l’aveugle est venu à lui… quant à celui qui est riche tu l’abordes avec empressement ; peu importe s’il ne se purifie pas, etc. »
Chapitre 8, verset 67.
« Il n’appartient pas à un prophète de faire des prisonniers tant que sur terre il n’a pas massacré tous les incroyants ».
N.B. Apparemment Mahomet voulait garder les vaincus de la bataille de Badr en vie pour les échanger contre une rançon, une pratique courante y compris en Occident durant le Moyen Âge. Mais le dieu d’amour clément et miséricordieux n’était pas d’accord apparemment.
Chapitre 33, verset 37.
« Quand tu disais à celui que Dieu avait comblé de bienfaits, tout comme toi-même l’avais comblé : « Garde pour toi ton épouse et crains Dieu », mais que tu cachais en ton âme ce que Dieu allait rendre public. Tu craignais les hommes, alors que c’est Dieu qui doit être craint. Puis quand Zaïd eût cessé toute relation avec elle, Nous te la fîmes épouser, afin qu’il n’y ait aucun empêchement pour les croyants d’épouser les femmes de leurs fils adoptifs, quand ceux-ci cessent toute relation avec elles. La volonté de Dieu doit être faite ».
Explication des musulmans pieux. Dieu voulait abroger l’interdit affectant ce type d’alliance, mais, craignant les invectives des hypocrites, le prophète se rétracta, alors qu’il eût été plus judicieux de divulguer son intention et de supporter les on-dit.
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Le dogme musulman de l’isma impose de reconnaître qu’en ces circonstances Mahomet s’est comporté comme le plus grand et le plus élégant ou le plus noble des héros que la terre ait jamais porté. Un véritable christ.
On pourrait aussi bien entendu citer ici le chapitre 111 indigne et d’un dieu d’amour clément et miséricordieux et d’un grand prophète. Il s’agit de l’expression d’une rancœur vraiment très personnelle envers son oncle et même sa tante qui ne lui avait pourtant rien fait.
Il a donc existé des penseurs musulmans réfutant totalement cette notion d’isma et d’autres la cantonnant au domaine de la foi du message ou de la révélation.
Le théologien musulman Abou Bakr Muhammad Ibn At Tayyib Al Baqillani (950-1013) est par exemple fréquemment évoqué par les théologiens postérieurs comme étant l’archétype même de la négation de l’impeccabilité des prophètes. À commencer par Ibn Hazm (mort en1064).
Nous savons d’après l’ouvrage de son compagnon Abou Ja’far al Soumnani, le cadi de Mossoul, qu’il prétendait que tout péché, infime ou énorme soit-il, est possible de la part des prophètes, sauf le mensonge dans la révélation. Il admettait qu’ils commettent de grands péchés en ajoutant que si le prophète interdit quelque chose et qu’ensuite il se le permet, cela ne signifie pas qu’il y a eu abrogation, car il se peut qu’il le fasse en désobéissant à Dieu, mais ce n’est pas à ses compagnons de le réprimander.
N.B. Cette notion est probablement entrée dans l’islam par la pensée chiite, sous l’influence de croyances venues de l’Orient ancien, assignant aux hommes investis par une instance divine, afin de guider leur communauté, nombre d’attributs surnaturels.
Les moutazilites adoptèrent la doctrine de l’impeccabilité morale des prophètes pour l’ériger en argument rationnel dans leur démonstration de la validité du prophétisme (dala’il al-noubouwa) de Mahomet. Par la suite, la doctrine fut naturellement absorbée par le credo sunnite avec la formation des traités de kalam maturidite et acharite. On la voit apparaître dans les professions de foi sous forme d’affirmation et dans les questions traditionnelles (sam’iyyat) des traités de kalam où elle est devenue incontournable.
Les diverses écoles divergeaient quant à la portée et la nature de l’isma. Elle relevait selon les moutazilites et les chiites du même argument rationnel qui justifie l’envoi de prophètes à l’Humanité, à savoir, une bienveillance obligatoire pour Dieu (loutf ouaqib) envers ses créatures.
Les acharites, eux, invoquaient le plus souvent la tradition ex auditu (al-sam) et plus précisément, le consensus des savants (ijma), pour parler de cette notion.
Dans un premier temps, ces derniers semblent avoir restreint l’utilité de l’isma à la sauvegarde de l’intégrité de la révélation, ne visant alors que l’infaillibilité du prophète dans la transmission du message divin. Mais en insistant sur la période qui suit la révélation, l’impeccabilité du prophète entendu comme une inerrance absolue allait pourtant faire son chemin.
Notamment chez Ibn Sa’d, Ibn Hicham et al-Tabari. Le hadith parlant de Mahomet purifié par des anges alors qu’il était enfant illustre ce phénomène : « On m’envoya deux hommes vêtus de blanc avec un bassin en rempli de neige ; ils m’ouvrirent la poitrine, me fendirent le cœur afin d’en extraire un caillot noir, ils me purifièrent ensuite le cœur et la poitrine avec la neige » (Ibn Hicham, Sira, p. 176).
Chez les acharites tardifs, la doctrine finit par englober les deux sens d’impeccabilité et d’infaillibilité totales de tous les prophètes, à partir de leur investiture.
L’isma est donc la force qui empêche l’homme de commettre le péché et de tomber dans l’erreur.
Le mot arabe isma est une déclinaison de la racine s-m. Al-isma = al-man (interdiction).
Dans la littérature religieuse de l’islam, le substantif isma renvoie donc à plusieurs sens qui convergent vers l’idée de « protection » ou de « préservation » de l’erreur ou du péché. Le mot isma englobe ainsi l’idée d’infaillibilité, entendue comme la capacité d’être à l’abri de l’erreur, qu’elle soit produite en conscience ou non ; ce qui inclut l’erreur d’estimation (tark al-aoula) ou bien l’erreur dans l’effort d’interprétation (al-ijtihad), le lapsus (al-zalal) et l’inadvertance (al-sahou). La notion couvre également le sens d’impeccabilité, c’est-à-dire la préservation de la faute intentionnelle qui comprend les petits et les grands péchés (al-kaba’ir).
Les juristes musulmans fondent cette isma de Mahomet et des autres prophètes sur différents versets coraniques :
« Votre compagnon ne s’est ni égaré ni fourvoyé. Il ne parle pas sous l’effet des désirs. Ce n’est qu’une révélation qui est révélée » (53,2-4).
« Nous lui avons donné Isaac et Jacob et nous les avons dirigés tous les deux. Nous avons dirigé auparavant Noé, et parmi sa descendance, David, Salomon, Job, Joseph, Moïse et Aaron […]. De même, Zacharie, Jean, Jésus et Élie […] Ismaël, Élisée, Jonas et Lot. Nous avons favorisé chacun d’eux par rapport au monde. De même, une partie de leurs pères, de leurs descendants et de leurs frères. Nous les avons choisis et dirigés vers un chemin droit » (6, 84-87).
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Cette infaillibilité attribuée à Mahomet a même été étendue à ses compagnons.
Ibn-Qayim Al-Jaouziyah (mort en 1351) affirme que s’ils se trompaient il ne resterait plus personne pour dire vrai. Il n’est donc pas permis de s’attaquer à eux ou de mettre en doute la véracité de leurs propos.
On distingue trois catégories de la Sounna des compagnons de Mahomet en ce qui concerne son caractère obligatoire.
— Les positions des compagnons à propos desquelles leur accord était incontestable, même si cet accord était seulement tacite. C’est le cas du verset sur la lapidation qu’Omar (m. 644) a invoqué comme faisant partie du Coran sans y avoir été intégré. Suivre les compagnons dans ce cas est un devoir impérieux (wajib) pour tout musulman.
— Les positions des compagnons à propos desquelles il est connu avec certitude qu’ils étaient en désaccord. De telles positions n’engagent que ceux qui les émettent.
— Les positions des compagnons à propos desquels on ignore si l’accord s’était établi ou non entre eux. Ici, les opinions sont partagées.
Le point de vue de l’historienne française Anne-Marie Delcambre sur le sujet.
Le Mahomet de l’islam des origines, au VIIe siècle, avait de la difficulté à se faire obéir, à se faire respecter et n’avait jamais réussi à obtenir l’estime des gens importants de sa tribu. Dans le Coran, la personne de Mahomet n’est d’ailleurs en rien dépeinte comme un modèle à suivre.
Les compatriotes de Mahomet le prenaient pour un sorcier (sahir : 51,52), un devin (kahin : 52,29 ; 69,42), un homme possédé par un djinn (madjnoun : 51,52 ; 52,29-30 ; 37,36), voire un poète en contact avec le surnaturel (sha'ir : 21,5 ; 37,36 ; 69,41).
Mais au VIIIe siècle, on assiste, sous les califes abbassides, à la construction d’une figure mythique qui n’a plus rien d’arabe et qui se veut un prophète musulman parfait, l’exact portrait d’Abraham avec en outre quelques traits de Jésus. Le simple porte-parole arabe est devenu, sous la plume des convertis persans du VIIIe siècle, le Beau Modèle que tout musulman doit imiter, un intermédiaire béni, entre Dieu et son verbe.
L’importance de l’imitation du prophète dans la vie musulmane s’explique par l’importance de la normativité en islam. Cette loi comme un miroir reflète l’exemple du Prophète. Ce dernier dans la vie musulmane est devenu l’incarnation du verbe de Dieu dans son aspect normatif et pratique. Cela place la Sounna au niveau du Coran. La croyance populaire situe Mahomet tout en haut de l’échelle des saints thaumaturges. Les musulmans – véritablement « mahométans » par leur pratique – en vénérant à ce point Mahomet donnent donc en fait un rival à Dieu et rompent par le même fait même, avec le strict monothéisme qu’ils croient toujours, avec beaucoup de naïveté, pratiquer.
À l’époque des croisades, l’Europe tout entière voyait d’ailleurs cette isma comme une adoration idolâtre de la personne même de Mahomet.
Ce culte qui s’est développé parmi les musulmans pour la personne de Mahomet s’est étendu à ses objets familiers. La Tradition énumère et décrit les vases dont il se servait pour ses ablutions. On parle souvent de son bâton, de son vêtement habituel, d’un tissu grossier et comme feutré. Le tombeau de Mahomet enfin, dans la mosquée de Médine, est le but d’un pèlerinage et l’objet d’un véritable culte.
Pour comprendre la manière de se comporter des pieux musulmans, il faut donc savoir que dans tous les domaines ils entendent copier le comportement de leur prophète. Derrière la façon de traiter la femme, derrière l’horreur du célibat, derrière le port de la barbe pour les hommes, derrière la répugnance à laisser entrer un chien dans la maison (pauvre bête), bref derrière toute attitude du musulman, il y a le souci d’imiter Mahomet. Dans la croyance musulmane courante, chacune des pensées de Mahomet et chacun de ses actes ont été ordonnés et inspirés par Dieu. L’importance de cette imitation de Mahomet dans la vie musulmane est due au fait que l’islam est à la fois normatif et ritualiste.
La foi est perçue avant tout comme obéissance et soumission à des prescriptions de Dieu ou du Prophète et elle exige l’accomplissement d’un ensemble de paroles et de gestes qui font intervenir le corps. L’application pratique et les actes sont essentiels. La foi ne se conçoit pas sans les actes et ceux-ci doivent être conformes à la norme, qui est une véritable « orthopraxie ». Mais le respect et l’application des normes supposent la connaissance des qualifications juridico-morales : ce qui est permis – licite –, recommandé, toléré, haï ou au contraire interdit. De là le rôle fondamental du droit musulman ou fiqh.
Mais la sounna qui relate le comportement du Prophète n’est pas, contrairement au Coran, contemporaine ou quasi contemporaine de Mahomet. Elle a été rédigée comme les traités de fiqh à l’époque des califes abbassides, plus d’un siècle et demi après la mort de Mahomet, par des convertis, souvent persans. Elle se propose, à travers les hadiths, courts récits censés remonter à l’époque de Mahomet, de rapporter la vie réputée exemplaire de ce dernier. Des versets coraniques révélés tardivement à Médine recommandent aux croyants l’imitation de Mahomet « Si vous aimez
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vraiment Dieu, suivez-moi, Dieu vous aimera et vous pardonnera vos péchés » (chapitre 3, verset 31), « Vous avez, dans le Prophète de Dieu, un bel exemple » (sourate 33, verset 21), et à propos du butin « Prenez ce que le Messager vous donne ; et ce qu’il vous interdit, abstenez-vous-en » (chapitre 59, verset 7).
Mais la doctrine musulmane de l’époque abbasside a dénaturé le sens de ces versets en attribuant à Mahomet des qualités particulières de perfection, une incapacité de commettre le mal et même des pouvoirs magiques. Une sorte d’hyperdulie ou idolâtrie concernant la personne de Mahomet en a résulté, véhiculée dans les récits oraux mis par écrit que sont les hadiths.
Mais pourquoi cet empressement à épouser la norme ? C’est que le non-respect de la norme fait du musulman un « déviant, un égaré » sur le chemin de la perdition. Pour comprendre l’empressement du croyant à suivre l’exemple de Mahomet, il faut avoir à l’esprit le poids que revêt le rite dans la vie musulmane. On ne prie pas n’importe quand et n’importe comment. Il y a des temps de prière. Il faut faire des ablutions. Le jeûne du ramadan ne se pratique pas comme on veut et quand on veut. On ne mange pas n’importe quoi. Il faut se plier aux interdits alimentaires : pas de porc, pas de vin, pas de viande non saignée rituellement. Du berceau jusqu’à la tombe, le musulman est enserré dans un réseau de prescriptions qu’il ne peut éviter. La voie du salut, c’est donc de s’accrocher à la corde tendue que représente le modèle prophétique, le meilleur exemple, commentaire vivant de la révélation.
La question qui préoccupe le musulman, pour chaque usage, est en effet : « Est-ce conforme à la loi islamique ? » Les juristes que sont les muftis confrontent alors l’usage à la norme écrite dans les traités de fiqh et délivrent des fatouas ou consultations juridiques.
Le mufti a la charge officielle, auprès des mosquées, d’interpréter les traités de fiqh. Mais sa fonction consiste aussi à rassurer les croyants. Interrogeant Ibn Taymiyya, juriste hanbalite du XIIIe siècle, au sujet des rites de purification, un groupe de fidèles termina sa question par la formule : « Délivrez-nous la solution afin d’apaiser notre inquiétude. » En effet le pieux musulman est perpétuellement angoissé. Sa préoccupation constante est la suivante : « Suis-je vraiment un musulman conforme à l’image idéale ? » On imagine aisément le pouvoir exorbitant du mufti qui dit la loi et qui peut apaiser ou au contraire bouleverser le croyant. Quant aux fidèles, ils n’hésitent pas à poser les questions les plus diverses. Est-il licite de vendre des appareils de télévision ? Est-il licite de consommer de la viande importée d’Europe ? Est-il licite de boire du soda ? Ibn Taïmiyya dut même un jour répondre à la question : « Est-il licite de se raser les cheveux ? » Car selon certaines traditions, Mahomet avait en effet les cheveux longs, lui arrivant même jusqu’aux épaules. Aussi Ibn Taïmiyya déclara-t-il dans sa consultation juridique que « se couper les cheveux sans raison est blâmable ».
Cette police des attitudes, dans le culte et la vie sociale, joue un rôle que le non-musulman est loin de soupçonner. Ce dernier ignore l’importance cruciale du ritualisme pour le musulman. Refuser de se plier à la norme, c’est devenir anormal, marginal. Pour être dans la norme, il faut imiter, copier, répéter. Toute innovation (bida) est blâmable. L’école juridique chaféite, qui représente un compromis entre la tradition et l’usage du raisonnement, met en garde contre le danger d’une imitation servile ou taqlîd. La tendance la plus progressiste est représentée par l’école hanéfite qui prône l’usage de la raison individuelle. Mais l’école hanbalite, fondamentalement religieuse comme l’école malékite, donne à la Sounna un rôle essentiel, d’où le qualificatif de « sunnites » qui sera appliqué aux musulmans.
Aussi le musulman, aujourd’hui comme hier, pour répondre et correspondre à la norme, règle-t-il sa conduite sur le comportement de Mahomet, à partir des hadiths, ces récits fragmentés dont l’ensemble constitue la Sounna. Il consulte des traités de traditions, faciles d’accès, comme « le jardin des justes » de Naouaoui, juriste du XIIIe siècle. C’est une compilation de traditions classées par ordre thématique. C’est ainsi qu’il sait que Mahomet s’habillait de préférence en blanc, qu’il sortait le jeudi de bonne heure, qu’il s’arrangeait pour toujours jeûner le lundi et le jeudi, qu’il interdisait à la femme de se raser la tête ; il lit l’interdiction de posséder un chien sauf pour garder le troupeau, l’interdiction de passer devant quelqu’un qui prie, de manger de la main gauche, car c’est avec elle qu’on se lave les parties intimes, on entre au cabinet de toilette du pied gauche… tandis que la main droite est réservée aux choses nobles. Il connaît par le biais des traditions l’obligation faite aux hommes de s’épiler le pubis et les aisselles, de tailler au maximum les moustaches et de laisser pousser la barbe, de se couper les ongles. Bref, il y a ainsi des chapitres et des chapitres sur ce qu’il convient de faire, comment il faut le faire, comment se comporter en société et envers Dieu, car tout comportement obéit à une règle et toute règle est une règle de comportement.
Le musulman à travers cette imitation de Mahomet continue à vivre à l’heure de Médine, entre 622 et 632, Médine où Mahomet et sa communauté de femmes ne distinguaient pas le privé du public, le politique du religieux.
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« Le Dieu musulman est le seul Dieu monothéiste dont le lieu sacré, la mosquée, ouvre sur la chambre à coucher, le seul à avoir choisi un prophète qui ne tait pas ses préoccupations d’homme, mais au contraire réfléchit tout haut sur la sexualité et le désir. » Le juriste occidental est surpris de voir dans les traités de fiqh tant de lignes consacrées à la façon de se laver les parties sexuelles pour les grandes ablutions. Il croit feuilleter une revue médicale ! Mais non, il s’agit de la recherche du licite. Anne-Marie Delcambre.
Imiter en tout point la vie de Mahomet n’est donc pas imiter la vie d’un saint homme à la façon chrétienne ou bouddhiste, mais imiter la vie d’un guerrier ou conquérant arabe du 7e siècle ; certes mort dans son lit, mais à la tête d’un État devenu déjà puissant (la cité de Yathrib/Médine) et non pas crucifié tel un vulgaire malfrat comme dans le cas de l’homme Jésus.
Bref, l’islam a été un gigantesque retour à une foi tournant d’autant plus le dos à la raison que foi et raison sont deux choses bien distinctes, et aujourd’hui encore se convertir à l’islam, n’est pas une preuve d’intelligence, mais un acte de foi. Or comme dans toutes les religions de masse d’aujourd’hui l’espoir d’un heureux mariage de la foi et de la raison n’est qu’un doux oxymore à tout le moins un vœu pieux : voir le cas emblématique de leur croyance aux anges (et aux djinns en plus dans l’islam).
DIX-SEPTIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LES PREMIERS VRAIS CONTACTS AVEC LE MONDE CHRÉTIEN
(et plus, cf. les Sabéens de Harran.)
Les chrétiens d’Orient n’ont pas tout de suite compris à quoi ils avaient affaire avec l’islam.
Deux raisons les ont incités à le considérer comme une simple hérésie (de plus) du christianisme.
La première raison est que l’islam naissant se référait beaucoup à l’Ancien Testament et surtout à Jésus.
La deuxième raison est que le culte voué à la personne de Mahomet (isma) était alors loin de confiner à l’idolâtrie comme aujourd’hui et que dans les premiers temps de l’Islam la figure de Mahomet ne surpassait pas celle du Christ.
Ils avaient tendance à se référer aux musulmans en tes termes ethniques tels qu’Arabes, Sarrasins, Ismaélites ou Hagaréniens plutôt qu’en termes religieux.
Nous disposons néanmoins de nombreux textes rédigés par des auteurs chrétiens « orientaux » entre 750 et 1350, qui nous indiquent leur prise de position face à l’islam. Un grand nombre de chrétiens considéraient les musulmans comme les membres d’une secte chrétienne hérétique ; d’autres, aussi nombreux, interprétaient l’islam et son pouvoir terrestre comme un signe précurseur de la fin des temps. Ce n’est qu’exceptionnellement que l’on percevait en lui une nouvelle religion.
À l’opposé, les Arabes musulmans voyaient le christianisme comme une religion dépassée. Entre 850 et 1350, des polémiques innombrables se sont succédé. Des événements politiques comme les Croisades, l’arrivée et la conversion des Mongols, la Reconquista de la Sicile et de l’Espagne, ont crispé le débat. Depuis le XIVe siècle et l’œuvre d’Ibn Taïmiya, les arguments polémiques n’ont presque pas évolué.
Contrairement aussi à ce que pensent les intellectuels chrétiens d’aujourd’hui, les chrétiens d’Orient de l’époque eurent assez rapidement une large connaissance du contenu du message musulman en puisant leurs informations directement ou indirectement des sources mêmes de l’enseignement de l’islam (Coran, Sira, hadiths). Ces théologiens contemporains des premiers siècles de l’islam ont fait preuve d’énergie, de combativité, voire de condescendance, alors que de nos jours, ceux qui sont contemporains des derniers siècles de l’islamisme sont incapables de défendre leur foi leur doctrine ni même leur simple point de vue. Les polémistes chrétiens, qu’ils soient Arabes, Grecs ou Latins, ont cherché à réfuter les doctrines et les pratiques musulmanes. Citons entre autres…
A) La controverse entre le patriarche jacobite de Syrie Jean 1er et l’émir Saïd ibn Amir.
B) Le témoignage de Jacques d’Édesse.
C) Le compte rendu du débat qui eut lieu entre un moine du monastère nestorien de Beth-Halé et un notable musulman.
Ainsi que celui de Jean de Damas bien qu’ils ne soient pas du 7e siècle, mais du siècle suivant.
Ce sont des témoignages d’époque OU PRESQUE, contrairement aux traditions musulmanes.
Ce sont des témoignages libres de la contrainte califale, ce qui n’est pas le cas des traditions musulmanes.
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Notons aussi que ces chrétiens d’Orient étaient alors en contact direct avec un monde musulman vainqueur, majoritaire ou dominant, voire y étaient intégrés en tant que dhimmis, donc au fait des divisions qui déchiraient alors l’islam (une situation semblable à celle de la chrétienté d’ailleurs) et qu’ils en tiraient argument pour démontrer sa fausseté.
A) 640 Environ. Lettre de Mar Jean, Patriarche au sujet de l’entretien qu’il eut avec l’émir des Agaréens (Mahgroïé).
1. Parce que nous savons que vous êtes dans le souci et la crainte à cause de nous, au sujet de l’affaire pour laquelle nous avons été appelés en cette région notre bienheureux père le patriarche nous faisons savoir à Votre Charité que le 9 de ce mois de mai, le jour du saint dimanche, nous sommes allés voir l’illustre général émir, et ce bienheureux père de de tous a été interrogé par lui pour savoir si c’est un seul et même évangile sans aucune différence, qui est considéré par tous ceux qui sont chrétiens et qui portent ce nom de par le monde.
— Le bienheureux lui répondit qu’il est un et identique chez les Grecs, les Romains, les Syriens, les Égyptiens, les Couschites, les hindous, les Arméniens, les Perses et le reste de tous les peuples et langues !
2. Il lui demandait encore… :
« Pourquoi, puisque l’Évangile est un, la foi est-elle différente ? »
Et le bienheureux répondit :
« De même que la Loi est une et la même, et qu’elle est acceptée par nous autres chrétiens et par vous Mahgrayê, et par les juifs et par les samaritains, mais que chaque peuple est divisé pour la foi ; il en est de même pour la foi de l’Évangile, chaque hérésie le comprend et l’interprète de manière différente, et non comme nous……
9. Nous mandons à Votre Charité ces quelques mots des nombreuses choses qui furent agitées en ce moment, afin que vous priiez sans cesse pour nous avec zèle et soin et que vous suppliiez le Seigneur afin que, dans ses miséricordes, il visite son église et son peuple, et que le Christ donne à cette affaire l’issue qui plaît à sa volonté, qu’il aide son église et qu’il console son peuple.
Même ceux du concile de Chalcédoine, comme nous l’avons dit plus haut, priaient pour le bienheureux patriarche, parce qu’il avait parlé pour l’ensemble des chrétiens et qu’il ne leur avait pas porté préjudice. Ils envoyaient constamment près de lui et ils demandaient à sa bonté de parler ainsi pour l’ensemble et de ne rien soulever contre eux, car ils connaissaient leur faiblesse et la grandeur du danger et du péril qui menaçait, si le Seigneur, selon ses miséricordes, ne visitait pas son Église !
10. Priez pour l’illustre émir, pour que Dieu lui donne la sagesse et l’éclaire sur ce qui plaît au Seigneur et lui est avantageux. – Le bienheureux père de l’ensemble et les Saints-Pères qui sont avec lui : Abbas Mar Thomas, et Mar Sévère, et Mar Sergis et Mar Attilaha, et Mar Jean et toute leur sainte compagnie, et les chefs et les fidèles qui sont réunis ici avec nous ; et surtout notre cher et sage directeur, protégé du Christ, Mar André, et nous, Humbles dans le Seigneur, nous demandons votre salut et vos saintes prières, toujours.
NDLR. Jean Sedra était le patriarche syro-orthodoxe d’Antioche de 630 jusqu’à sa mort en 648. L’émir qui apparaît comme son interlocuteur est dit être l’un des « Mhaggraye », c’est-à-dire les Agarènes, mais les termes « islam » et « musulman » ne sont pas employés. Son nom en syriaque est Bar Sa'd.
L’émir interroge le patriarche sur plusieurs sujets, comme l’intégrité textuelle de la Bible, les désaccords entre chrétiens sur des points de doctrine, etc.
La rencontre n’a peut-être jamais eu lieu, mais le document est bien représentatif de l’esprit de l’époque.
B) 690 environ. Questions adressées par le prêtre Addaï à Jacques, évêque d’Édesse, qui leur donna réponse. Quelques-unes furent adressées par d’autres personnes au prêtre susdit qui proposa le restant de lui-même avec un grand zèle.
Aussi nous plaçons d’abord ses questions avant la réponse qui les concerne.
25. A. – Que convient-il de faire d’une table sacrée sur laquelle les Arabes ont mangé de la chair et qu’ils ont laissée tachée de graisse ?
J. – La table sur laquelle les païens ont mangé n’est plus un autel, on la lavera bien et on la nettoiera, puis elle servira aux usages ordinaires du sanctuaire ou de la sacristie. Si elle est petite et de peu d’usage, on la brisera et on la cachera en terre.
57. A. – Si l’émir commande à un homme, économe d’un monastère, de manger avec lui dans le plat, mangera-t-il ou ne mangera-t-il pas ?
J. – Je ne le lui conseille pas, mais la nécessité l’y oblige.
58. A. – Faut-il qu’un prêtre instruise les enfants des mahométans qui ont le pouvoir de le punir s’il n’instruit pas ?
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J. – Outre que la nécessité l’y oblige encore, j’ajoute que ceci ne nuit en rien à celui qui enseigne ni à la foi, quand bien même les chefs n’auraient pas le pouvoir de le punir ; il arrive souvent que de choses semblables découlent de nombreux avantages.
81. – Mar Jacques dit encore : le peuple des Arméniens au commencement du monde vécut sans loi et ne produisit ni docteur, ni moine, ni homme qui eut une science suffisante ; aussi des docteurs étrangers dominèrent sur eux et les éloignèrent de la vraie foi ; certains de ces docteurs étaient juifs et les autres Phantasiastes. Aussi ils adhèrent aux Juifs en ce qu’ils offrent (en sacrifice) l’agneau, et le pain azyme et le vin pur, ils bénissent aussi le sel et adhèrent encore aux Juifs dans d’autres choses plus mauvaises que celles-là. Ils adhèrent aux Chalcédoniens en ce qu’ils font le signe de croix avec deux (doigts) ; aux nestoriens parce qu’ils passent toute la main de droite à gauche (dans le signe de croix?) ; aux Arabes parce qu’ils font trois génuflexions vers le sud quand ils font un sacrifice (disent la messe?) ; aux païens, parce que, sans exception, lorsque quelqu’un meurt, ils offrent sur lui le saint sacrifice, et c’est en cela surtout qu’ils irritent Dieu, parce qu’il n’est aucunement permis au chrétien d’offrir le saint sacrifice sur un mort le jour de sa mort, car cette coutume est païenne et juive et elle est étrangère en vérité à l’Église de Dieu.
88 (p. 22). – Nous ne baptisons pas à nouveau le chrétien qui s’est fait mahométan ou païen et qui se convertit ensuite, mais l’évêque prononcera sur lui la prière des pénitents et lui imposera un temps de pénitence, puis quand il l’aura accomplie, il communiera à nouveau.
C) 720 environ. Compte rendu du débat qui eut lieu entre un certain musulman et un moine du monastère nestorien de Beth-Halé.
1. Dans la mesure où, Père Jacob – bien aimé frère de mon âme – il t’a semblé bon de réclamer avec bonté de nous, dans la faible mesure de nos moyens, de te fournir un compte-rendu de notre débat, concernant la foi apostolique, qui eut lieu à cause d’un fils d’Ismaël, et puisqu’il m’a semblé qu’il serait profitable, si j’étais en mesure de redire cela pour tes frères, et parce que je sais que cela te sera utile, aussi donc, je vais le coucher par écrit sous la forme de questions et de réponses, ainsi qu’il convient. Louange à celui qui donne force au faible et porte secours à ceux qui l’appellent de son Nom ! Maintenant, puisqu’il est juste, pour un bâtisseur avisé, de placer une solide pierre pour commencer les fondations de ce qu’il construit, nous de même, faibles que nous sommes, commençons et menons à son terme notre récit avec notre Seigneur Jésus-Christ (la principale pierre d’angle), par tes prières et les prières de tous les saints. 2. Voici, ô maître. Ce musulman était un des notables se tenant dans la présence de l’émir Maslama, qui, à cause d’une maladie, vint chez nous et resta parmi nous dix jours durant. Il usa avec nous de liberté, étant bien informé aussi bien en ce qui concerne nos Écritures que pour leur Coran. Et lorsqu’il eut observé notre prière qui a lieu, avec ses rites, sept fois par jour – ainsi que l’a dit le bienheureux David « Sept fois par jour, je t’ai loué pour tes ordonnances, ô Toi le Juste » – il m’appela auprès de lui. Et comme c’était un homme qui était depuis longtemps au service de l’Émir, et en raison de son statut élevé, il s’adressa d’abord à nous par le truchement d’un traducteur, nous critiquant en ce qui concerne notre foi. Et il disait : de jour comme de nuit, vous êtes extrêmement assidus à la prière et ne cessez jamais de sorte que vous nous surpassez en ce qui concerne la prière, de même en ce qui concerne le jeûne et vos demandes à Dieu. Mais, à ce qu’il me semble, votre religion fait que votre prière ne peut être acceptée par Dieu………………
59. Le musulman dit : J’atteste que si ce n’était par peur du gouvernement et du mépris public, beaucoup deviendraient chrétiens. Et, en ce qui te concerne, puisses-tu être béni de Dieu, car tu m’as mis à l’aise par ce que tu m’as dit. Le moine dit : À celui de qui tout provient, et en qui tout est, et par qui tout est, à lui soit la louange de la part des êtres spirituels et des êtres corporels et de moi-même, misérable, qui l’ai proclamé. Gloire soit à son nom, et sur nous sa miséricorde et sa grâce, pour les siècles des siècles. Amen.
Ce sont des témoignages d’époque OU PRESQUE, contrairement aux traditions musulmanes.
Ce sont des témoignages libres de la contrainte califale, ce qui n’est pas le cas des traditions musulmanes.
Notons aussi que ces chrétiens d’Orient étaient alors en contact direct avec un monde musulman vainqueur, majoritaire ou dominant, voire y étaient intégrés en tant que dhimmis, donc au fait des divisions qui déchiraient alors l’islam (une situation semblable à celle de la chrétienté d’ailleurs) et qu’ils en tiraient argument pour démontrer sa fausseté.
Les thèmes de la littérature byzantine de controverse concernent les points de l’enseignement de l’islam qui paraissent s’opposer à la doctrine chrétienne. C’est ainsi qu’est réfutée la légitimité de la mission prophétique de Mahomet et donc la vérité même de l’Islam. Le Coran est analysé pour en souligner les égarements et les faiblesses et notamment le fait qu’il est considéré comme étant une révélation divine et la parole du Dieu éternel. La prophétologie islamique est également rejetée, tandis que sont réfutés les éléments s’opposant à la divinité de Jésus et au mystère de la Sainte Trinité. Plus
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généralement, les thèmes de ces controverses s’efforcent de couvrir l’ensemble de l’enseignement de l’islam sur Dieu, l’univers, l’homme, les prophéties et la révélation, la morale et l’eschatologie. Il est probable que certaines des attaques les plus virulentes lancées par ces écrits soient dues, au-delà du danger que représentait l’islam, à la sensibilité particulière manifestée par la société et plus encore par l’État byzantin face au problème des hérésies, héritage des grandes querelles christologiques et des combats menés contre les différentes hérésies qui menaçaient les fondements du christianisme et l’unité de l’Empire byzantin.
Leur analyse ne fut d’ailleurs pas si aberrante que cela puisque les principaux points saillants (faibles d’après eux) qu’ils repérèrent rapidement dans la vie et l’œuvre de Mahomet sont toujours ceux qui font polémiques ou sont traités aujourd’hui par les historiens athées ou indépendants comme nous.
Mahomet était Arabe et non juif.
Il a été orphelin.
Il a commencé par être marié à une veuve beaucoup plus âgée que lui.
Les véritables auteurs du coran (il a eu un ou plusieurs inspirateurs humains dont l’identité a fait l’objet de beaucoup d’hypothèses).
Les origines de ses révélations ne sont pas claires (le diable, des crises d’épilepsie…)
La qissat al gharaniq (l’affaire des versets sataniques).
L’absence de vrais miracles bien attestés.
La polygamie.
Son mariage avec Aïcha 6 ans.
Son mariage scandaleux avec Zénob.
Les violences les assassinats politiques et le pillage.
Sur le plan théologique.
Interprétation erronée de certains versets de l’Ancien et du Nouveau Testament afin de leur faire annoncer la venue de Mahomet. Exemple la mention de la venue du Paraclet dans Jean 15,23. Pour le christianisme actuel, il s’agissait du Saint-Esprit. Pourquoi pas ?
Des versions de l’Ancien Testament s’écartant de la Bible ou la contredisant.
Une description du paradis, disons un peu trop celto-druidique.
Notons enfin pêle-mêle.
Interdiction de la consommation de viande de porc, d’alcool. Jeûne, ablutions rituelles, pèlerinage, Pierre noire de la Kaaba (idole païenne et restes de paganisme arabe), orientation de la prière (qibla). Djihad et iconoclastie.
Durant les deux premiers siècles de l’islam, les débats ont un caractère vif et novateur ; puis ils perdent de leur fraîcheur et commencent à se répéter.
Inversement, au cours des siècles qui suivirent la mort de Mahomet, notamment à la grande époque de la civilisation musulmane, entre 750 et 1350, une large littérature polémique musulmane antichrétienne s’est également développée. Elle reprend les points soulevés dans le Coran et les développe.
Parmi les polémistes les plus brillants, nous pouvons citer Ibn Hazm (994-1064) et Ibn Taïmiya (1263-1328).
Falsification des saintes Écritures initiales par les chrétiens.
Jésus simple serviteur de Dieu et simple prophète.
Négation de la Trinité.
Statut de la Vierge Marie.
Négation de la crucifixion.
Certains hadiths évoqueront les chrétiens, et leur sens, quand il peut être établi, est d’une grande importance pour la doctrine. Il est certain que nombre des récits ayant trait à ces sujets ont été rédigés au cours des grandes confrontations avec l’Empire byzantin, et n’ont donc qu’un lien très lâche avec Mahomet lui-même, d’où leur ton très hostile.
Abou Daoud, Livre 41, hadith numéro 5186.
Je suis allé en Syrie avec mon père. Les gens pénétrèrent dans des cloîtres dans lesquels il y avait des chrétiens. Mon père a dit : Ne les salue pas le premier, car d’après Abou Horaïra l’apôtre de Dieu a dit : « Ne les saluez pas les premiers, mais quand vous les rencontrez sur la route, forcez-les à vous laisser le milieu de la chaussée ».
NDLR. La littérature polémique et apologétique, chrétienne ou musulmane, bien qu’en principe destinée aux croyants de l’autre camp, était lue principalement sinon exclusivement par les coreligionnaires de l’auteur.
Au XVIe siècle, le débat entre christianisme et islam entra dans une phase nouvelle, qui dépassa largement le domaine religieux, et cela non seulement en Espagne. Lorsque les Turcs déferlèrent sur la Hongrie et l’Autriche, l’Europe réagira idéologiquement par la multiplication des pamphlets hostiles
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à un islam bien souvent considéré, toutes confessions chrétiennes confondues, comme l’Antéchrist. Il est intéressant de voir qu’entre partisans de la Réforme et de la Contre-Réforme, l’adversaire chrétien était volontiers assimilé à cet ennemi terrible qu’étaient les Turcs et leur islam.
À l’époque médiévale, la qualité des débats religieux souffrit de l’orgueil des musulmans, qu’ils tiraient de leur position dominante ; au XIXe siècle, le déséquilibre tourna en faveur des chrétiens qui, un peu prématurément, furent même tentés de prédire la disparition de l’islam.
CONCLUSION POLITIQUEMENT INCORRECTE.
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, le début de l’apostolat de Mahomet ne contient aucune attaque contre les idoles ; c’est un moment où le nouveau prophète peut espérer une solution de compromis avec l’aristocratie des Couraïchites.
Dans la pratique, idoles, pierres brutes et autels se mêlent, tant par leur apparence que par leurs fonctions rituelles.
Le rejet absolu de ces pratiques consacrera la rupture. Mahomet reprend là un vieux thème biblique, un peu facile d’ailleurs, et l’idolâtrie deviendra ainsi dans sa bouche un mal absolu.
Or en réalité pour les esprits les plus élevés comme le haut roi d’Irlande Cormac l’idole n’est pas le dieu lui-même, mais un miroir de la divinité, un symbole.
« Ar baí cretim in óenDé oc Cormac. ar ro ráidseom na aidérad clocha ná crunnu acht no adérad intí dosroni & ropo chomsid ar cul na uli dúla » (Senchas na relec inso).
« Cormac croyait en un seul dieu. Il disait qu’il n’adorait ni les pierres ni les arbres, mais qu’il adorait seulement celui qui les avait faits et qui est le protecteur de tous les éléments » (Histoire des lieux d’inhumation).
La distinction était néanmoins trop subtile pour certains.
Quand tout fut aplati, converti, La Mecque vidée de ses statues, quand rien ne resta plus des anciennes civilisations, que l’islam ; quels furent ses « apports » à l’Humanité ?
Tout d’abord le recours systématique à l’expansion religieuse par les armes, phénomène auparavant insignifiant DANS LE CAS DU JUDAÏSME (une époque donnée et un secteur du globe très limité : la Palestine), ou inconnu DES TEXTES, SACRÉS, fondateurs, basiques, canoniques DES AUTRES GRANDES RELIGIONS, COMME LE BOUDDHISME LE JAÏNISME, ETC.
Car en matière de petit djihad on se saurait comparer valablement les hadiths ou commentaires du Coran avec LES QUATRE ÉVANGILES eux-mêmes quoi que l’on puisse penser de leur historicité. Évangiles et hadiths ne se situent pas du tout au même niveau ontologique. Les évangiles sont à mettre sur le même plan que le Coran, pas sur le même plan que les hadiths ou les commentaires du Coran. Et ne parlons même pas des papes ou des croisés qui ont agi, certes de façon tout aussi déplorable, MAIS CONTRAIREMENT AUX PRÉCEPTES DE LEUR TEXTE FONDATEUR, PAS EN EN LES SUIVANT À LA LETTRE. La meilleure illustration en est la fameuse formule « tuez-les tous Dieu reconnaîtra les siens » attribuée à Arnaud Amaury. Qui ne l’a peut-être jamais prononcée, mais qui résume assez bien l’état d’esprit de ces guerres atroces menées contre des pseudo-infidèles ou hérétiques (le rapport du légat de l’époque parle de 20 000 morts, les croisés massacrèrent les civils y compris jusque dans les églises).
Il faut être stupide ou intellectuellement malhonnête comme un journaliste ou un ancien premier ministre français pour faire comme si tout ce véritable terrorisme était prôné par les quatre évangiles. Les cris de guerre ou slogans du genre « tuez-les tous Dieu reconnaîtra les siens » (croisades Inquisition certains papes comme Urbain II, saint Bernard de Clairvaux, etc.) sont peut-être hurlés par certains, MAIS NE SONT CONFORMES NI À L’ESPRIT NI À LA LETTRE DES ÉVANGILES.
Précisons enfin pour être complet à cet égard.
Premièrement que ce ne sont pas les Arabes qui ont mis fin au libre accès à Jérusalem en 1071, mais les Turcs seldjoukides qui n’étaient pas de vrais musulmans.
Deuxièmement que le concile de Clermont en 1096 ne promettait pas aux croisés morts au combat l’accès direct au paradis comme dans le cas de certains versets du Coran traitant du petit djihad (3,157 ; 3,169 ; 4,74 ; 9,89…), mais la dispense des pénitences à faire pour être pardonné. Nuance de taille !
Pour en revenir au petit djihad, ce que les juristes musulmans en ont fait fut (à l’exception peut-être du petit djihad défensif au sens strict) un véritable crime contre l’esprit.
Les civilisations qui ont été confrontées à la religion musulmane dans sa phase d’expansion militaire, ont toutes connu de terribles régressions et notamment les hindous sous le coup des atrocités dont ils ont été victimes durant l’occupation musulmane et notamment de la part de Tamerlan. Réflexion faite et bien que n’appartenant pas à la catégorie de Gens du Livre ils furent soumis au paiement caractéristique de la dhimmitude, la Djiziya)
Ces régions qui étaient auparavant des phares de la civilisation (on pense à l’Égypte, à Babylone, aux Sumériens, à la Phénicie, on pense aux terres du Levant qui étaient les fleurons de l’Empire romain,
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on pense aussi naturellement à la Perse) ; ont résisté un temps à l’islamisation, avant de s’éteindre et de devenir ces lieux où ne souffle plus l’esprit, mais la charia aux dépens des hommes. Toujours accompagnée de ces détestables djinns que sont le manque d’esprit critique l’ignorance des autres cultures, et l’obscurantisme. Avec de rares exceptions comme Akbar (1556-1605), mais sa Din-Ilahi est considérée comme hérétique par les vrais musulmans. Et les soufis aussi !
Au vu du souvenir abominable qu’a laissé l’Empire ottoman (qui succéda aux califats des Arabes), dans les Balkans, que même les mémoires arabes détestent ; on peut regretter la disparition de l’empire sassanide et dans une moindre mesure de Constantinople, alors la plus belle ville du monde, où se réfugiait l’hellénisme et des myriades d’érudits (ceux-là mêmes qui contribuèrent à la Renaissance).
Ci-dessous, d’ailleurs, repetere = ars docendi comment le grand savant Thabit Ibn Qurra (836-901) voyait rétrospectivement la situation.
« Bien que beaucoup aient été conduits à errer du fait des tortures, nos pères, grâce à Dieu, ont supporté tout cela et continué à parler courageusement… Nous sommes les ultimes héritiers et transmetteurs à nos héritiers du paganisme, qui fut en honneur dans ce monde. Heureux est celui qui porte ce fardeau avec espoir pour le plus grand bien du paganisme. Qui a fait que le monde est habité et couvert de villes, si ce n’est les hommes de bien et les rois du temps du paganisme ?
Qui a construit ces ports et ces canaux ? Qui a fait connaître les sciences occultes ? Sur qui s’est levée la divinité qui permet la divination et enseigne la connaissance des événements futurs, si ce n’est les sages du paganisme ? Ce sont eux qui ont découvert toutes ces choses, et en ont fait surgir le remède pour nos âmes, et qui ont fait miroiter leur rédemption. Ce sont eux également qui ont découvert les médicaments destinés aux corps. Ils ont rempli le monde de la sagesse de leur façon de vivre et de la sagesse qui est le commencement de l’excellence. Sans ces [bienfaits] du paganisme, le monde serait un lieu désert et inachevé, il aurait été plongé dans la misère ».
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DIX-HUITIEME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
La culture arabo-musulmane fut essentiellement une culture d’assimilation ; qui emprunta beaucoup de choses à des cultures non arabes (comme les cultures perse, mésopotamienne ou grecque, par exemple).
LES MAISONS DE LA SAGESSE (baït al-Hikma). La plus ancienne de ces maisons de la culture est née de la transformation de la bibliothèque personnelle du calife abbasside Haroun ar-Rachid de Bagdad en 832, sous le règne d’Al-Mamoun. Astronomes, mathématiciens, penseurs, lettrés, traducteurs, la fréquentent, et parmi eux, al-Khouarizmi, Al Jahiz, al Kindi, Al-Hadjaj ibn Youssouf ibn Matar et Thabit ibn Qourra.
Des traductions y sont réalisées, en particulier sous l’égide du Persan Salm, qui fut le premier directeur de la Baït al-Hikma. Le chrétien nestorien Hounaïn ibn Ichâk al Ibadi fut chargé par Al-Mamoun de vérifier les corrections des autres traducteurs, mais rien ne permet d’étayer l’affirmation selon laquelle il aurait dirigé le premier atelier de traduction de cette institution. Il traduit néanmoins, avec l’aide de son fils Ishâq et son neveu Houbaîch et d’autres spécialistes moins connus comme Étienne ibn Bâsil, Moussâ ibn Khalid et Yahyâ ibn Hâroûn, une centaine d’ouvrages du grec vers le syriaque puis du syriaque vers l’arabe.
Il y a lieu de noter néanmoins que ce travail de traduction avait commencé un siècle plus tôt.
Le Brahmasphoutasiddhanta (un traité de mathématique fondamental) semble avoir été traduit dès 722 à Bagdad. Et de même, en 771, une version traduite de l’antique traité d’astronomie indien, le Sourya Siddhanta, y serait parvenu ce qui nous renvoie au processus d’acculturation qui se mit en place dans cette région du monde dès les lendemains de la conquête militaire.
Ces premières traductions inaugurèrent un mouvement de translation d’une partie des textes de philosophie, de médecine, de logique, de mathématiques, d’astronomie, de musique grecs, pahlavis, syriaques, hébreux, sanskrits, etc., dont ceux d’Aristote, de Platon, de Pythagore, de Soushrouta, d’Hippocrate, d’Euclide, de Charaka, de Ptolémée, de Claude Galien, de Plotin, d’Âryabhata et de Brahmagupta au monde arabo-musulman. Les traductions s’accompagnaient de réflexions et de commentaires qui ont donné lieu à une nouvelle forme de littérature.
La maison continuera de se développer sous les califes Al-Moutassim et Al-Ouathiq, mais déclinera sous le règne d’Al-Moutaouakkil. Elle devint alors le siège de la Mihna, l’inquisition musulmane destinée à imposer (en vain) la thèse moutazilite du Coran créé. Moutaouakkil ayant fini par se désintéresser de ces querelles théologiques la maison redevint une simple bibliothèque. Sous le nom d’Hizanat al-Ma'moun, elle restera ouverte au moins jusqu’au Xe siècle, peut-être même jusqu’à la destruction des bibliothèques de Bagdad, en 1258.
Ce modèle d’institution fit des émules en pays musulmans puisqu’on signale notamment des maisons de la sagesse un peu partout ailleurs ultérieurement.
Certains évoquent ces lieux comme des formes d’universités, dans la lignée de la célèbre bibliothèque d’Alexandrie de l’époque hellénistique. Mais les liens historiques les plus sûrs, particulièrement pour la
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plus ancienne d’entre elles (Bagdad), sont ceux qu’elles ont avec l’antique académie de Goundichapour (Djound-i Shapour) des Sassanides (et, à travers elle, les écoles d’Athènes), ainsi qu’avec l’école de Daïr (ou Deïr Qunna), une école de scribes nestoriens de culture syriaque située à 90 km au sud-est de Bagdad.
Quelques clichés racistes à déconstruire donc.
— La poésie (diffusion du papier inventé par les Chinois, bibliothèques publiques, héritage de la métrique grecque, poèmes soufis).
— Les tapis (héritage persan).
— La peinture (les miniatures d’inspiration persane).
— Les contes des mille et une nuits (héritage de la Perse).
— Les bains publics (hammam, héritage grec et romain).
— L’architecture (héritages grec, romain, byzantin + aspect typiquement musulman).
— La philosophie (falsafa : héritage grec, Platon, Aristote + aspect mystique musulman).
— La médecine (diagnostic très précis, prise en compte de la totalité du patient, hygiène, chirurgie).
— L’astronomie (reprise et amélioration des travaux de Ptolémée : catalogue des astres, détermination des latitudes).
— Les mathématiques (découverte des nombres indiens).
Bien qu’appelés communément « chiffres arabes », les Indiens connaissaient et utilisaient déjà un système décimal proche de celui que nous connaissons aujourd’hui. Et le zéro était déjà utilisé par la pensée mathématique indienne.
L’idée reçue que les Arabo-Musulmans ont « inventé » les chiffres appelés de leur nom est donc un cliché raciste à déconstruire absolument. Les chiffres de 1 à 9 ont été inventés en Inde au IIIe siècle avant notre ère par Brahmagoupta, un mathématicien indien ; il créa les chiffres devanagari. Ils apparaissent dans des inscriptions de Nana Ghâte. La numération de position avec un zéro (un simple point à l’origine) a été développée au cours du Ve siècle. Le mot « sounya » (le vide) y représente le zéro. C’est à ce jour le document le plus ancien faisant référence à cette numération. Ce n’est que bien plus tard, à la suite de conquêtes en Asie, que les mathématiciens musulmans découvrirent ce système. De même, le concept du zéro, en tant qu’élément neutre de l’addition. Son existence est mentionnée en Syrie, au milieu du VIIe siècle par l’évêque Sévère Sebokt. Ils sont empruntés par la civilisation musulmane à partir du IXe siècle et décrits dans un ouvrage du mathématicien perse Al-Khaouarizmi 1), puis peu à peu transmis à l’Occident médiéval où ils ont mis plusieurs siècles à s’imposer. Ces chiffres se sont graduellement imposés dans le monde entier parce qu’ils permettent une notation très aisée dans le système décimal utilisé en Occident et facilitent les opérations simples sur les grands nombres et les opérations complexes.
Conclusion : les musulmans feraient bien de se souvenir de ce qu’ils doivent non à Dieu, directement, mais aux autres peuples. Il est vrai que s’ils reconnaissaient cette réalité (tout ne vient pas de Dieu) ils cesseraient d’être musulmans !
Nous récusons donc totalement l’idée d’un âge d’or de l’islam. L’islam a détruit la brillante civilisation sassanide de Perse (a détruit le zoroastrisme), par exemple en incendiant la bibliothèque de Ctésiphon, a également arabisé ou islamisé les Berbères du Maghreb. L’Arménie sera un pays martyr : chrétiens brûlés vifs, églises détruites, jusqu’au génocide commis par les Turcs (1,5 million de morts).
À quelques exceptions près comme Al Ma’moun, calife de 813 à 833 2), mais qui n’était pas musulman orthodoxe il est vrai (c’était un hérétique ou athée moutazilite) l’époque abbasside n’est absolument pas à envier. C’est une ère de despotisme absolu ET de terreur, où les assassinats politiques se succédaient, où les conflits religieux entre sectes musulmanes menaçaient d’éclater à tout moment, où les problèmes sociaux s’accumulaient (incurie dispendieuse de la cour califale de Bagdad, à mettre en parallèle avec la misère des paysans et surtout des « dhimmis » écrasés d’impôts, ou des esclaves zandj révoltés).
Sur le plan artistique, l’islam brida totalement les forces créatrices de son empire (surtout en Perse où des poètes épicuriens comme Omar Khayyam ne purent s’exprimer comme ils l’entendaient). Son iconoclastie avant la lettre a empêché le développement des arts plastiques et picturaux, hormis en Perse dont les miniatures et le chiisme ont su résister. Du coup la civilisation musulmane, contrairement à l’Afrique, l’Occident et l’Asie, ignore arts plastiques et picturaux. Dans les domaines scientifique et philosophique, les musulmans ont été mis en contact avec les richesses culturelles des civilisations de Grèce, de Perse et d’Inde. Ils ont beaucoup emprunté, ils ont joué un rôle de transmetteur, mais la « valeur ajoutée », si l’on peut dire, s’avère très faible, surtout vu le drame civilisationnel de la fermeture des portes de l’Ijtihad qui s’est joué au 11e siècle en terres d’Islam (Insidad bab al Ijtihad). Alors qu’en Occident la valeur ajoutée a fait boule de neige à partit du13ème
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siècle et reprendra avec le Moyen Âge tardif (14e siècle) après une interruption due à la grande peste et à la guerre de cent ans.
Ce sont surtout les penseurs grecs (Platon et Aristote pour la philosophie, Euclide, Pythagore, Thalès, Archimède pour les mathématiques, Ptolémée pour l’astronomie) que les scientifiques musulmans ont copiés ou traduits, ne parvenant d’ailleurs jamais véritablement à dépasser leurs modèles. Or quand l’Occident prit son envol à la Renaissance, c’est à la redécouverte des richesses grecques qu’il le dut (d’où le terme de Renaissance : re-naissance). Et s’il y eut des apports dans le monde musulman, la majorité d’entre eux vinrent de non-musulmans, de dhimmis par exemple, issus des anciennes civilisations, et qui poursuivaient tant bien que mal leurs traditions intellectuelles. 90 % des grands médecins « musulmans » étaient en fait des Assyriens chrétiens de langue syriaque 3) ; les astronomes venaient du Sud de l’Irak et descendaient des Babyloniens. Ou alors des sabéens DE HARRANE. Le célèbre mathématicien « arabe » Thabet Ibn Qurra Ibn Marouane al-Sabi al-Harrani (Harran 836 – Bagdad 901) était sabéen comme son nom (al-Sabi) l’indique, et un des plus célèbres astronomes arabes, Al Battani, également (converti à l’islam).
1) Né à Khiva Ouzbékistan vers 780, mort à Bagdad vers 850.
2) Mais Al Ma’moun fut également hélas l’instigateur de la première inquisition connue, la Mihna. Ce calife a en effet commis la même erreur que Lénine mille ans plus tard en Russie : il a cru qu’il pouvait imposer le progrès du siècle des Lumières par la force.
3) Le développement de la médecine dite du prophète (tibb é nabaoui) ayant définitivement tué tout développement sérieux de la médecine laïque dans l’esprit des musulmans pieux, la médecine du prophète ou Tibb é nabaoui n’étant que de l’obscurantisme.
DIX-NEUVIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
RÉVÉLATION OU SYNCRÉTISME ?
En ce qui concerne la notion de révélation, le Christianisme et l’Islam divergent.
Le point de vue des chrétiens pieux.
Contrairement à ce qu’affirment les musulmans, le christianisme n’est pas une religion du Livre. Pour les vrais chrétiens, la Parole de Dieu ne se réduit pas à un Livre que Dieu aurait remis à Jésus afin qu’il en rappelle le contenu. La Parole de Dieu est le Verbe de Dieu INCARNÉ EN JÉSUS. D’où la fameuse pirouette du grand rabbi nazaréen Jésus à ses détracteurs voulant le piéger : « N’allez pas croire que je suis venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir (Matthieu 5, 17-20) ». Ensuite il y aura carrément la notion de Nouveau Testament
La rédaction des Évangiles est postérieure au message délivré par Jésus, car chaque Évangile est la relecture qui en a été faite, sous l’action de l’Esprit saint, par une communauté qui a vécu de ce message. La Parole de Dieu contenue dans les Évangiles comme dans l’ensemble de la Bible est transmise par des auteurs inspirés s’exprimant avec leur style et leur culture propres. Dieu se révèle dans les deux Testaments au travers de ces auteurs qui expriment le message divin avec toute leur personnalité et leurs capacités humaines. Mais ce message est délivré par des instruments humains marqués par une culture, une histoire, un tempérament et des préoccupations de leur temps (Note de la rédaction : il s’agit là de la position actuelle à ce sujet, mais il n’en a pas toujours été ainsi, voir la vie et l’œuvre de John Toland pour s’en convaincre).
Le point de vue des musulmans pieux.
En Islam, la notion d’auteur inspiré n’existe en aucune façon de cette manière. Dieu révèle directement au prophète Mahomet les mots, les phrases, les virgules, qu’il a à transmettre aux hommes. Mahomet est un instrument purement passif et sa personnalité n’influence en rien le texte sacré qui est incréé. Ce serait une altération de la Parole de Dieu qui doit arriver aux hommes dans toute sa pureté absolue et toute sa rigueur. D’ailleurs Dieu n’a transmis que certains de ses décrets inscrits sur la « Table bien gardée ». Ils ont été donnés par Dieu en temps voulus au long de l’Histoire humaine. N.B. Sur le plan pénal, un musulman qui nie la prophétie d’un des prophètes nommés par le Coran devient donc un apostat ; il est passible de la peine de mort.
Il est important de rappeler que le Coran a été révélé par étape, en fonction des événements et des conditions qui prévalaient à l’époque du Prophète Mouhammad (sallallahou alayhi oua sallam) et ce, afin de faciliter aux premiers musulmans la transition entre leurs habitudes et leurs pratiques antéislamiques et la noble voie apportée par le Coran. Cette révélation graduelle avait donc pour objectif de former le caractère des nouveaux musulmans, afin de les préparer à accepter les préceptes divins qui étaient révélés de façon successive. C’est ainsi que tout au long de la période de la Révélation, avec l’évolution des conditions de vie, de la mentalité et du contexte, certains
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commandements révélés étaient abrogés pour être remplacés par des commandements plus en prise avec la nouvelle situation des musulmans ».
Notre commentaire ou notre tafsir à nous Gens de Douze Livres (et non d’un seul).
Nous comprenons bien ce que font valoir les pieux musulmans à ce propos. Dieu ne peut pas tout et il est bien obligé de tenir compte des limites humaines. Chez nous aussi Taranis ou Jupiter, Lug, Jéhovah ou Bouddha, ne sont pas omnipotents, ils sont soumis à l’ensemble de lois cosmiques universelles que l’on appelle le Destin, le Dharma, les causes secondes ou la providence. Jusqu’ici pas de problème, nous comprenons très bien ! Mais ce que nous avons plus de mal comprendre c’est comment un Dieu tout puissant, un taouhid, qui a accepté de se prêter au petit jeu au début et pendant quelques dizaines d’années, de la révélation progressive du Coran pour être compris des hommes, a subitement cessé de le faire à cause de la mort d’un seul homme en 632 et refuse donc maintenant de changer quoi que ce soit à son texte, d’abroger quoi que ce soit d’adapter quoi que ce soit au monde moderne.
Et pourquoi d’ailleurs a-t-il créé notre monde si c’est pour le détruire après (fin des temps) ? Pour avoir le plaisir de juger et d’expédier en enfer certains d’entre nous ??? Parce qu’il avait besoin qu’on lui rende un culte (ah le besoin d’amour !).
Saint Coran chapitre 2 versets 136.
« Nous croyons en Dieu, à ce qui nous a été révélé, à ce qui a été révélé à Abraham, à Ismaël, à Isaac, à Jacob et aux tribus, à ce qui a été à Moïse et à Jésus ; à ce qui a été donné aux prophètes de la part de leur seigneur. Nous n’avons de préférence pour aucun d’entre eux ; nous sommes soumis à Dieu ».
Nous sommes d’accord sur un point avec l’islam : oui Dieu a parlé aux hommes.
Le divin a d’ailleurs toujours parlé aux hommes depuis qu’ils existent, car c’est peut-être ça ce qui distingue le mieux l’homme de l’animal. L’Homme de Néandertal enterrait déjà ses morts par exemple.
Mais peut-on vraiment croire que Dieu parlait arabe avec les hommes de Néandertal ??? Parlait arabe avec Adam et Ève ??? Que le Coran incréé est écrit dans cette langue et pas dans une autre ???
Alors oui le Divina toujours parlé aux hommes depuis qu’ils existent, depuis 100 000 ans peut-être si ce n’est plus, partout sur la planète et pas seulement sur le Sinaï en Palestine ou en Arabie, et dans toutes les langues CAR EN FAIT IL N’A PAS BESOIN D’UNE LANGUE HUMAINE POUR FAIRE SENTIR SA PRÉSENCE ET FAIRE PRESSENTIR SA VOLONTÉ. Puisque certains spécialistes du pur arabe coranique parlent d’emprunt à la langue romaine (sic) ou à la langue barbare (re-sic) ; soyons assuré que le Divin a également parlé sumérien aux Sumériens en hébreu aux Hébreux…… et même en celte aux Celtes. Cette idée faisait même explicitement partie des dogmes druidiques en la matière.
Diodore de Sicile. Bibliothèque historique. Livre V, chapitre XXXI.
« La coutume chez eux veut que personne ne puisse accomplir de sacrifice sans un de ces « philosophes », car les Actions de grâces doivent être offertes aux dieux, disent-ils, par le truchement de ces hommes, qui ont l’expérience de la nature divine, et qui parlent, pour ainsi dire, la langue des dieux [ils sont homophonon en grec] ; c’est aussi par l’intermédiaire de ces hommes, pensent-ils, que l’on doit pareillement rechercher les bénédictions divines ».
Mais si le Divin parle aux hommes depuis leur naissance, pourquoi dans ce cas se serait-il définitivement arrêté de le faire en 632 à Médine, à cause de la mort d’un homme, à cause de la mort d’un seul homme ? Cet homme (Mahomet) valait-il l’humanité passée présente et future à lui tout seul ???
Notre conviction à nous est que le Divin a parlé aux hommes ET QU’IL LEUR PARLE ENCORE ! CAR IL FAUT ÊTRE SACRÉMENT ORGUEILLEUX POUR AVOIR LA PRÉTENTION DE COUPER LA PAROLE À L’ÊTRE DES ÊTRES, AU TAOUHID ET AVOIR AINSI EN QUELQUE SORTE LE DERNIER MOT SUR LUI.
LE SYNCRÉTISME MUSULMAN.
Le Coran rapporte de nombreux récits et faits (réels ou supposés) dont on trouve des traces dans l’Ancien et le Nouveau Testament, les écrits apocryphes juifs et chrétiens, et la littérature rabbinique.
Autres sources d’inspiration de Mahomet (ou de Dieu bien sûr si l’on croit au dogme du Coran incréé).
Du temps de Mahomet, il y avait en Arabie des chrétiens et des juifs. Au nord, dans ce qui est aujourd’hui l’Irak la Jordanie la Palestine la Syrie. Au sud dans ce qui est le Yémen aujourd’hui, et même dans la partie centrale appelée la Yamama.
Voir la confédération tribale des Banou Hanifa qui était dirigée en 630 par un chef religieux charismatique (apparitions à lui aussi de l’archange Gabriel) appelé Moussaïlima ibn Thimama ibn Bani Hanifa. Il avait même une armée de 40 000 hommes et c’est d’ailleurs auprès de lui que la prophétesse mi-païenne, mi-chrétienne Sadjah ainsi que ses disciples de la tribu des Banou Tamim, se réfugiera finalement, après avoir essuyé toute une série de défaites.
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Il y en avait même à La Mecque. Le cousin de la première femme de Mahomet, Khadidja était sans doute un moine ou évêque nestorien (Ouaraka ibn Naoufal) et il y avait des manichéens dans la tribu même de Mahomet, les Couraïchites.
Hicham Ibn Al-Kalbi (m. vers 820) a inclus, dans le Kitab mathalib al-Arab, le manichéisme (zandaqa) parmi les religions des Arabes de la période préislamique (djahiliya). Muhammad Ibn Habib (m. en 860) mentionne dans son Kitab al-Mouhabbar que la justice divine a envoyé la punition d’une mort violente sur les huit hérétiques manichéens (zanadiqa) de la tribu des Couraïchites : « Ils apprirent la zandaqa auprès des chrétiens de Hira ». À son tour, Ibn Qoutaïba (mort en 889) affirme dans son Al-Ma’arif que « la zandaqa était chez les Couraïchites, qui la tenaient de Hira », et Al-Maqdisi (vers 966) confirme, dans l’Al-Bad’ oua-l-ta’rich, que « la zandaqa et la ta’til (négation des attributs et noms divins) existaient chez les Couraïchites ».
Ces chrétiens n’étaient pas toujours des chrétiens au sens où on l’entend aujourd’hui, car il s’agissait souvent de judéo-chrétiens très tôt séparés du reste du christianisme ou de chrétiens nestoriens, voire hérétiques, ou gnostiques (pensant par exemple que le grand rabbi Jésus le nazaréen n’était pas vraiment mort sur la croix, qu’il n’était qu’un homme, etc.
Selon les sources musulmanes, la Kaaba de la Mecque abritait en plus des idoles païennes, des images d’Abraham, de Marie et de l’Enfant Jésus.
Rappelons également à cet effet la thèse du chercheur et linguiste Christophe Luxenberg : les sources du Coran sont des lectionnaires syriaques destinés à évangéliser l’Arabie et l’expression « sceau des prophètes » ne signifierait que « témoin des prophètes ». Le Coran ne prétendait donc pas remplacer la Bible, mais en fournir une version intelligible aux Arabes de l’époque. Il ne se présentait donc pas comme une révélation immédiate. De la sorte, la doctrine de la dogmatique islamique postérieure selon laquelle Mahomet serait le sceau des prophètes perdrait toute raison d’être.
Christian Snouck Hurgronje est le premier à avoir étudié dans leur ordre chronologique les versets coraniques qui parlent d’Abraham. Il en conclut que c’est à l’occasion de ses controverses avec les juifs de Yathrib/Médine que Mahomet théorisa que ce Patriarche de l’Ancien Testament n’était qu’un tenant primordial du monothéisme pur (hanif) et donc en un sens le premier des musulmans (selon ses conceptions ou sa terminologie à lui).
Ce n’est donc qu’après l’Hégire et l’exil à Médine que la prédication mahométane affirma qu’Abraham et Ismaël étaient les ancêtres (génétiques ou spirituels ?) des Arabes, construisirent la Kaaba et initièrent les cérémonies du pèlerinage. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’Abraham – toujours selon Snouck Hurgronje – devint le plus important des précurseurs de Mahomet. Le message mahométan put ainsi prétendre, en tant que pur monothéisme déjà prêché par Abraham, à l’antériorité sur le judaïsme et sur le christianisme.
N.B. Il est bien évident que la divergence d’opinion entre musulmans et non-musulmans sur les histoires coraniques en général – et la figure d’Abraham en particulier – ne pourra jamais être résolue : les premiers considèrent qu’Abraham a véritablement vécu à La Mecque où il a construit la Kaaba avec Ismaël et répandu la pure foi monothéiste. Les non-musulmans et a fortiori les historiens athées voient cela simplement comme une légende religieuse, un mythe. Au stade actuel du dialogue, il ne peut pas y avoir de conciliation des deux points de vue.
Mais pour les musulmans, la similitude entre la Bible et le Coran tient non pas au fait que Mahomet a repris divers éléments venant des juifs et des chrétiens (nestoriens gnostiques, etc.), mais au fait que la Bible et le Coran ont pour auteur le même Dieu.
Les auteurs musulmans ne font donc pas d’études comparatives pour trouver l’origine des passages communs. Pour eux, le Coran est le seul à être de source divine, et Mahomet n’est qu’un instrument de transmission à disposition de Dieu, sans aucune influence extérieure 1).
Saint Coran chapitre 2 versets 136.
« Nous croyons en Dieu, à ce qui nous a été révélé, à ce qui a été révélé à Abraham, à Ismaël, à Isaac, à Jacob et aux tribus, à ce qui a été à Moïse et à Jésus ; à ce qui a été donné aux prophètes de la part de leur seigneur. Nous n’avons de préférence pour aucun d’entre eux ; nous sommes soumis à Dieu ».
Les différences entre Bible évangile et Coran ne s’expliquent que par le fait que les juifs ou les chrétiens ont truqué manipulé ou altéré le texte qui leur a été initialement révélé.
Saint Coran chapitre 2, verset 146.
« Ceux auxquels nous avons donné le Livre le connaissent, comme ils connaissent leurs propres enfants. Plusieurs d’entre eux cependant cachent la vérité, bien qu’ils la connaissent »
Saint Coran chapitre 5 versets 12 à 15.
« Dieu a contracté alliance avec les fils d’Israël… Mais ils ont rompu leur alliance, nous les avons maudits et nous avons endurci leurs cœurs. Ils altèrent le sens des paroles révélées, ils oublient une
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partie de ce qui leur a été révélé. Tu ne cesseras pas de découvrir leur trahison… parmi ceux qui disent : nous sommes chrétiens… certains ont oublié une partie de ce qui leur a été rappelé… ô gens du Livre, notre prophète est venu à vous, il vous explique une grande partie du Livre que vous cachiez… »
LA DOCTRINE MUSULMANE TRADITIONNELLE.
Saint Coran chapitre 5, verset 3.
« Aujourd’hui j’ai rendu votre religion parfaite, j’ai parachevé ma grâce sur vous, j’agrée l’islam comme étant votre religion ».
Saint coran chapitre 33, verset 40.
« Mahomet n’est le père d’aucun de vous, mais il est l’Envoyé de Dieu et le Sceau des Prophètes. »
L’alliance entre Dieu et les Hommes a d’abord été confiée aux Hébreux, mais leur a été par la suite enlevée du fait de leur désobéissance et du meurtre des prophètes. Dieu leur a donné par la suite une chance de se racheter en leur envoyant Jésus, qu’ils trahirent aussi, et de ce fait, puisqu’il ne convenait point à Sa Perfection de laisser l’Humanité dans l’échec, il leur a envoyé le prophète Mahomet.
Mahomet portait sur son dos le Sceau de la Prophétie, une marque distinctive sous forme d’un grain de beauté entouré de poils annoncée dans les écritures et qu’il avait entre les épaules depuis la plus tendre enfance.
Le sceau est le tout, clôturant un cycle, il est le cycle lui-même, scellant l’alliance, il est cette alliance, confirmant les prophéties, il les englobe toutes, garantissant la vérité, il est lui-même la vérité, préservant le secret, il est ce secret. Dans le Coran (33, 40) sceau des prophètes désigne une réalité tout à fait spécifique, à savoir : le dernier des prophètes au sens où il apporte la dernière version du message divin aux hommes, seule version véritable et, de ce fait, seule vraie voie du salut. L’origine manichéenne de cette acception précise de l’expression « sceau des prophètes » a été mise en avant par de nombreux spécialistes. Mani (mis à mort en 276 à Goundichapour), en proclamant qu’il était non seulement l’apôtre du Christ, mais surtout le sceau des prophètes, voulait affirmer que sa révélation était à la fois la dernière et la plus parfaite. Il proposait ainsi d’apporter un éclairage définitif à la fois sur le christianisme, le zoroastrisme et le bouddhisme, mais aussi sur de nombreuses gnoses, en particulier des mouvements fondés sur la connaissance des apocryphes de l’Ancien et du Nouveau Testament. Il déclarait que la quintessence parfaite des enseignements de toutes ces religions ou branches religieuses se trouvait dans la révélation qui lui était confiée, laquelle avait pour vocation à les rassembler toutes selon leur sens véritable. Les mêmes significations ont été conservées en islam à l’expression sceau des prophètes, à savoir l’idée que le texte révélé à Mohamed récapitule et rectifie à la fois les contenus de toutes les révélations antérieures, aucun envoyé divin ne devant être missionné après lui.
Rappelons néanmoins que d’après Christophe Luxenberg le terme arabe traduit par sceau (khataman) signifie en réalité seulement « témoin ». Ce qui ferait donc dans ce cas de Mahomet non pas le plus grand des prophètes, celui qui clôt la lignée, mais seulement un témoin des prophètes venus avant lui.
Mais telle n’est pas la question traitée dans ce paragraphe et nous nous contenterons d’y exposer la doctrine musulmane classique (sunnite orthodoxe).
Le sceau est ce qui vient clôturer, mais aussi ce qui vient authentifier, confirmer. De ce fait, le Prophète Mahomet confirme les prophéties antérieures et le Coran fait mention des nombreux prophètes envoyés au cours des âges.
Quand un document est scellé, il est complet et on ne peut rien y ajouter. Le Coran précise bien d’ailleurs ainsi que nous l’avons vu que la religion apportée par Mahomet est parfaite.
Saint Coran chapitre 5, verset 3.
« Aujourd’hui j’ai rendu votre religion parfaite, j’ai parachevé ma grâce sur vous, j’agrée l’islam comme étant votre religion ».
La présence du sceau révèle l’intégrité du message et la fidélité de son transmetteur. C’est une garantie contre les falsifications et les altérations. Le sceau des prophètes, de par sa fonction, garantit l’islam des falsifications et il est indispensable de se référer à sa Sounna et à son exemple pour comprendre la vraie religion.
Le sceau scelle aussi l’alliance. L’alliance entre Dieu et les Prophètes conclue lors du Pacte des prophètes et l’alliance entre Dieu et les hommes, conclue dans la métahistoire. Par ce sceau, l’alliance est renouvelée et conduite à terme. L’homme peut à nouveau assurer son mandat de lieutenance divine.
Le sceau renferme aussi le secret, qu’il permet de préserver. Ce secret est celui de la foi que le Prophète Mahomet protège, comme protecteur des croyants…
MAHOMET SCEAU DE LA PROPHÉTIE (Khatam an Nabiyyin). ?
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Les musulmans estiment que le Coran provient de Dieu, mais les contemporains de Mahomet lui reprochaient de faire du plagiat, ce dont il se défend constamment dans le Coran d’ailleurs.
Saint Coran chapitre 16, verset 103.
Nous savons qu’ils disent : « c’est seulement un simple mortel qui l’instruit ! » Mais celui auquel ils pensent parle une langue étrangère, alors que ceci est du bon arabe
Saint Coran chapitre 25 versets 4-6.
Les incroyants disent : « ceci n’est qu’un mensonge qu’il a inventé, un peuple l’a aidé »… ils disent ; « ce sont des contes d’Anciens que l’on écrit pour lui ; on les lui dicte matin et soir ».
Circonstances de cette révélation (asbab al nouzoul) selon certains auteurs :
« Chaque fois que l’apôtre s’asseyait dans une assemblée et invitait les gens à venir à Dieu et récitait le Coran ou menaçait les Couraïchites de ce qui était arrivé aux anciens peuples, Al-Nadr prenait la parole quand il s’était rassis et leur contait les histoires du grand héros Rustem, et d’Isfandiyar ainsi que des Rois de Perse, en disant : « Par Dieu, Mahomet n’est pas capable de conter une meilleure histoire que les miennes et ses discours ne sont que de vieilles fables qu’il a copiées (sourate 25,6) ainsi que je l’ai fait moi-même » (Sirat pages 162-163).
Saint Coran chapitre 25, verset 60.
Lorsqu’on leur dit : prosternez-vous devant le Miséricordieux (Ar Rahman) ils répondent : « qui est le Miséricordieux ? »… Et cela ne fait qu’augmenter leur répulsion.
Circonstances de cette révélation (asbab al nouzoul) selon Al Baghaoui : [les Mecquois répondirent à Mahomet] le seul Rahman que nous connaissons est le Rahman de la Yamama c’est-à-dire Moussaïlimah.
Mais puisque Mahomet est le Sceau des Prophètes, ceci a donc des implications considérables.
Sa mission…
Est achevée, et achève toutes les prophéties antérieures tout en en assumant l’héritage.
Est universelle, et s’adresse à tous les hommes.
Est intemporelle et reste valable à toutes les époques jusqu’au jour du jugement dernier.
Doit être préservée de toute altération puisqu’aucun autre prophète ne pourra venir après lui pour rétablir la vraie religion.
Les voies dans la religion se divisent en 2 catégories : certaines ont une origine dans la législation islamique et d’autres n’ont pas d’origine. L’innovation ou bida relève de la catégorie inventée (2e catégorie) – qui ressemble à la voie légale islamique : elle s’apparente à la voie légale dans son aspect extérieur alors qu’en réalité elle n’en fait pas partie, mais y est opposée à plusieurs points de vue comme le fait de s’astreindre à des adorations particulières dont on ne trouve pas une telle spécification dans la Législation (al-Shari'a).2)
L’innovation ne respecte pas les prescriptions de Dieu et de son prophète Mahomet et détourne les croyants de la pratique religieuse telle qu’elle est fixée dans la tradition islamique. La révélation s’étant achevée avec la mort de Mahomet, aucun ajout à la religion n’est toléré. Dire qu’il existe une bonne innovation en religion revient à contredire ces paroles.
Plusieurs citations du Coran sont évoquées pour condamner les innovations.
Saint Coran chapitre 3, verset 31.
« Suivez-moi si vous aimez Dieu ».
Saint Coran chapitre 6, verset 153.
« Tel est en toute droiture mon chemin, suivez-le donc ! Ne suivez pas les chemins qui vous éloigneraient du chemin de Dieu ».
Saint Coran chapitre 7, verset 3.
« Suivez ce qui est descendu sur vous de la part de votre Seigneur, ne suivez aucun maître en dehors de lui ».
Les hadiths sont encore plus explicites : Mahomet avait l’habitude de conclure ses sermons par : « Toute innovation (en matière de religion) est une aberration et toute aberration mène en enfer » (Rapporté par Muslim sous le n° 867).
« Quiconque introduit dans notre religion ce qui lui est étranger se verra rejeter » (Rapporté par al-Boukhari sous le n° 2697 et par Muslim sous le n°4467).
Plus philosophiquement parlant, comment comprendre la notion théologique musulmane QUE MAHOMET EST LE SCEAU DES PROPHÈTES, LE DERNIER DES PROPHÈTES ? C’est-à-dire que depuis que Mahomet est mort DIEU NE PEUT PLUS PARLER AUX HOMMES ? QUE DEPUIS QUE MAHOMET EST MORT LE DIVIN NE PEUT PLUS PARLER AUX HOMMES ?
La répétition étant la plus puissante des figures de rhétorique…
Plus philosophiquement parlant, comment comprendre la notion théologique musulmane QUE MAHOMET EST LE SCEAU DES PROPHÈTES, LE DERNIER DES PROPHÈTES ? C’est-à-dire que
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depuis que Mahomet est mort DIEU NE PEUT PLUS PARLER AUX HOMMES ? QUE DEPUIS QUE MAHOMET EST MORT LE DIVIN NE PEUT PLUS PARLER AUX HOMMES ?
1) Il existe néanmoins dans le Coran au moins trois versets qui n’ont pas d’abord été reçus par Mahomet, mais par le futur calife Omar si l’on en croit les asbab al nouzoul ou « circonstances de la révélation ».
Il s’agit du verset sur la station d’Abraham comme oratoire (chapitre 2, verset 125), du verset sur le voile ou hidjab (chapitre 33 verset 59) et du verset sur les problèmes conjugaux de Mahomet (chapitre 66, versets 5). N’est pas Jésus le nazaréen qui veut en effet !
Le hadith d’Omar.
Un hadith du Sahih d’Al Boukhari d’après Anas Ibn Malik (tome 6 livre 60 numéro 10)
« Mon Seigneur a confirmé mon opinion à trois reprises. Lorsque j’ai dit : Ô Messager de Dieu, pourquoi ne prendrions-nous pas la station d’Abraham comme oratoire, et il fut révélé : « Prenez la station d’Abraham (maqam Ibrahim) comme lieu de prière ».
De même pour le verset du « voile » (hidjab), lorsque je dis : Ô Messager de Dieu, pourquoi n’ordonnerais-tu pas à tes épouses de s’isoler derrière un rideau, car leur adressent la parole aussi bien les pervers que les vertueux, et il fut révélé le verset du « voile ».
Et lorsque des femmes du Prophète furent toutes jalouses et qu’alors je leur dis : il se peut que son Seigneur, s’il venait à vous répudier, lui procure des épouses meilleures que vous. Il fut alors révélé ce verset (Coran 66,5) ».
2) Le fait de célébrer la fête de Maoulid (Mouloud, Mouled, etc.) c’est-à-dire la naissance de Mahomet un peu comme le Noël des chrétiens ou le solstice d’hiver des païens est considéré par certains théologiens souvent salafistes, mais aussi hanafites comme Muhammad Taqi Ousmani comme une hérésie condamnable, car inconnue au temps de Mahomet et de ses compagnons, et mettent en garde contre une altération de l’islam tel qu’il fut révélé.
3) Cette altération par les juifs et les chrétiens de leurs livres a eu aussi pour conséquence l’oblitération volontaire du nom de Mahomet de leurs livres, niant ainsi sa mission. Malgré ce dernier reproche, les musulmans de tout temps ont essayé d’exploiter le moindre indice des livres sacrés juifs et chrétiens pour prouver que ces derniers avaient prévu la venue de Mahomet. La récolte a été maigre…
— Une vague mention dans la Torah (Deutéronome 18.18-20 : « Un prophète comme toi [= Moïse] que je leur susciterai du milieu de leurs frères ; je mettrai mes paroles dans sa bouche, et il leur dira tout ce que je lui ordonnerai. Et si quelqu’un n’écoute pas mes paroles, celles que le prophète aura dites en mon nom, alors moi-même je lui en demanderai compte ».
— Le Paraclet de l’évangile canonique dit de Jean.
— Un évangile apocryphe qui pour le coup lui est visiblement un faux antidaté, l’évangile de Barnabé.
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VINGTIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
CURIOSITÉS DU CORAN.
Le Coran est donc le livre sacré de l’islam. Il regrouperait les paroles que Dieu aurait révélées au prophète et messager de l’islam Mahomet par l’archange Gabriel. Cette révélation s’étendrait sur une période de vingt-trois ans. Le Coran est parfois appelé simplement Al-kitâb (le livre) ou Adh-dhikr (le rappel). Il constitue une des deux parts de la révélation à Mahomet, l’autre part étant constituée des hadiths dits prophétiques.
Commençons néanmoins par dire que le Coran écrit actuel ne vient pas de Dieu ni même de Mahomet ; il a été compilé après sa mort selon le gré de divers personnages. En conséquence, il a existé plusieurs Corans dont le contenu et l’organisation des versets étaient totalement différents. Celui qui est considéré comme LE Coran officiel est celui d’Osman (644-656), un calife despotique qui a détruit toutes les sources antérieures (mais Omar et Abou Bakr avaient déjà fait de même en faisant disparaître de nombreuses versions antérieures).
Ce Coran d’Osman, est divisé en chapitres appelés sourates, au nombre de 114 et débutant par la première appelée Al Fatiha (parfois traduite par « la liminaire » ou « le prologue » ou encore « l’ouverture »). Ces sourates sont elles-mêmes composées de versets nommés âyât (pluriel de l’arabe âyah, « preuve », « signe »). Les versets sont traditionnellement au nombre de 6 2361.
Ordre des textes.
La tradition islamique raconte que l’arrangement des versets et une partie de l’ordre des chapitres furent fixés par Mahomet en personne sur ordre de l’archange Gabriel. Ce qui est certain c’est que ce n’est ni un ordre chronologique ni un ordre thématique. Le Coran est une sorte d’anti-livre, un véritable défi au bon sens !
On sépare traditionnellement son texte en deux parties qui se démarquent par des différences de style et de thèmes abordés.
Les chapitres de La Mecque, antérieurs à l’hégire, généralement ce sont des chapitres plus courts, d’orientation religieuse et liturgique ; et les chapitres de Médine, postérieurs à l’hégire, plus longs et d’orientation nettement politique, sociétale, législative.
La période mecquoise antérieure à l’hégire doit néanmoins être considérée comme le début de la « prophétie » ou des visions de Mahomet.
Chapitres mecquois.
Les chapitres de la première période, mecquoise, affirment principalement l’idée de monolâtrie absolue et définissent ce qu’est Dieu pour le musulman. On y trouve, entre autres, l’idée de la résurrection des morts au jour du jugement dernier, l’unicité de Dieu, etc.
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Chapitres médinois.
Les chapitres médinois sont des « ordres ». Ils posent les bases fondamentales d’une société nouvelle, dans laquelle le respect et obéissance sont dus à Mahomet et à sa famille, où les louanges vont à ceux qui combattent et meurent dans le petit djihad (lutte) sur le chemin de Dieu, et où l’on lutte contre l’oppression des ennemis de l’Islam. Près de 500 versets regroupent les réglementations, civiles, pénales, militaires et serviront de base au droit musulman. D’autres chapitres médinois définissent également les devoirs et les croyances du musulman.
Le professeur Régis Blachères comme tout le monde distingue dans le Coran d’Osman deux grandes périodes, la première se déroulant à La Mecque et la deuxième à Yathrib/Médine.
Il n’arrive pas à faire de distinction dans le groupe médinois (nous y reviendrons), mais par contre trouve 6 groupes de chapitres ou versets mecquois (ci-dessous le résumé de l’analyse du professeur Régis Blachères, son indulgence en moins).
Première période mecquoise.
Les versets, courts en général, forment souvent des unités à rime unique, et riche. La phrase est fréquemment elliptique, toujours ardente, oratoire, coupée de serments, de questions impérieuses. Souvent reviennent des formules, des clichés dont la monotonie agit de façon obsessionnelle sur l’auditeur.
A) Premier groupe (8 chapitres). Sourates 96, 74, 106, 93, 94, 103, 91, 107.
Thème essentiel, un appel à la purification, à la charité, à la persévérance.
B) Deuxième groupe (23 chapitres). Sourates 86, 95, 99, 101, 100, 92, 82, 87, 80, 81, 84, 79, 88, 52, 56, 69, 77, 78, 75, 55, 97, 53, 102.
Ce qui domine dans ces chapitres ce sont les développements eschatologiques. De l’unicité divine, dogme essentiel en Islam, il n’est pas encore question. Ce qui revient sans cesse au contraire, comme une obsession accusée par la minutie du détail autant que par la puissance de l’évocation, c’est le rappel de la fin des temps et du Jugement dernier. Dieu assignera à chacun, selon ses œuvres, les délices du Paradis ou les tortures de l’Enfer. La prédication nouvelle, telle qu’elle apparaît dans les chapitres de ce groupe, ne s’en prend pas encore frontalement au paganisme.
C) Troisième groupe (11 chapitres). Sourates 70, 73, 76, 83, 111, 108, 104, 90, 105, 89, 85.
Mêmes thèmes que les chapitres précédents, mais un nouvel élément s’y glisse. Quelques traits rapides sont en effet des répliques plus ou moins directes et véhémentes à des opposants. Le stade de la conciliation avec le paganisme est dépassé. Un autre thème se surajoute à ces répliques : le rappel du châtiment terrestre qui a frappé, dans le passé, ceux qui restèrent sourds à la voix des prophètes. L’argument est de poids : il évoque en effet à la fois la toute-puissance de Dieu, le souci de celui-ci de soutenir ses Envoyés, et aussi la menace qui pèse sur ce que les impies ont de plus cher, leurs biens d’ici-bas.
D) Quatrième groupe (5 chapitres). Sourates 112, 109, 1, 113, 114.
Ces cinq chapitres tranchent nettement, par leur contenu, sur tous les autres. Ce sont des textes très courts, en forme de credo ou de prières conjuratoires. Trois d’entre eux semblent anciens. Deux autres au contraire semblent postérieurs.
Deuxième période mecquoise.
E) Premier groupe (21 chapitres). Sourates 51, 54, 68, 37, 71, 44, 50, 20, 26, 15, 19, 38, 36, 43, 72, 67, 23, 21, 25, 27, 18.
Le style de ces chapitres diffère très nettement de celui des révélations antérieures. Le ton passionné, haletant, s’est apaisé. Les versets s’étirent peu à peu sans cependant, en règle générale, cesser d’être sentis comme des unités rythmiques. La rime devient plus monotone, se réduit à quelques groupes où dominent les finales in, oun.
Les formules sacramentelles, certains clichés fréquents dans les textes de la période précédente, ont disparu. D’autres les remplacent, telle la formule : « Ceux qui croient et accomplissent de bonnes œuvres ». Dieu est habituellement désigné par l’appellatif « le Bienfaiteur » dans le corps même des chapitres. Enfin les appellatifs doubles pour désigner Dieu, comme : « Celui qui pardonne, le Miséricordieux », « l’Omniscient, le Sage » apparaissent de plus en plus souvent à la fin des versets. On peut y voir le développement d’une pensée religieuse qui éprouve le besoin d’énoncer quelques-uns des attributs de Dieu ou l’attribuer à l’habitude de la récitation en commun que favorisent ces répétitions de thèmes aux riches sonorités.
La forme prise par les révélations permet d’entrevoir l’ambiance : l’opposition de plus en plus hostile ne se cantonne plus dans le scepticisme et la raillerie. Elle attaque, discute, provoque, lance des sarcasmes. Entre le paganisme et l’Islam naissant, les contrastes s’accusent. Du coup certains thèmes coraniques passent au second plan. Le dogme de l’unicité divine déjà affirmé dans certains textes de la fin de la période devient le thème essentiel de la Prédication. En même temps se multiplient les traits contre les dieux. En revanche les descriptions du Jugement dernier, des
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récompenses et des châtiments dans l’au-delà sont plus courtes, moins pittoresques et souvent évoquées de façon stéréotypée. Le thème dominant est maintenant constitué par ce qu’on pourrait appeler l’argument du prophète prêchant dans le désert. Dans les chapitres de cette deuxième période au contraire ce thème s’amplifie, se charge de menaces plus énergiques, plus capables de susciter l’effroi chez les sceptiques. Dieu a puni les Ad les Thamoud et le peuple de Noé voire Pharaon, de leur impiété, et les a anéantis. Dans ces chapitres le rappel des prophéties avortées amène une juxtaposition de récits identiques par l’allure et par le style. Un autre trait important est relatif au rôle de Mahomet lui-même. Désormais, celui-ci est présenté comme un Avertisseur chargé d’annoncer aux polythéistes l’imminence de l’Heure du châtiment. À ce titre, il continue la lignée des prophètes antérieurs, mais il n’a rien d’un surhomme : il ne saurait en rien contraindre les incrédules. Il ne fait que les éclairer et leur rappeler le sort lamentable des impies, dans le passé.
Les chapitres de cette période sont des ensembles composites. Un certain nombre d’entre elles affectent la forme d’homélies en trois parties. La première, plus ou moins longue, expose des points de doctrine ou contient une menace, un appel aux impies. La deuxième partie, souvent très développée comme dans le chapitre 26, illustre par des exemples empruntés au passé le sort réservé, dans l’au-delà et ici-bas, aux incrédules. Le tout s’achève sur une conclusion qui souvent reprend l’exposé initial.
F) Second groupe (22 chapitres). Sourates 32, 41, 45, 17, 16, 30, 11, 14, 12, 40, 28, 39, 29, 31, 42, 10, 34, 35, 7, 46, 6, 13.
Le style de ces 22 chapitres ne se laisse pas aisément définir. Dans l’ensemble, les versets tendent à s’étirer et à devenir arythmiques. Pourtant la rencontre de versets d’une vingtaine de syllabes n’est point rare et demeure d’un effet très sensible. Comparée à la langue des révélations de la deuxième période, celle de ces textes est moins elliptique, moins chargée de pénombre et d’inexprimé.
Le vocabulaire présente certains faits intéressants. L’appellatif divin « le Bienfaiteur » n’est plus utilisé. II est désormais remplacé par le mot DIEU comme durant la période précédente, les épithètes doubles y sont la règle, mais certaines plus usuelles que d’autres, telle par exemple « Celui qui pardonne, le Miséricordieux ». La Révélation coranique est désignée par divers vocables nouveaux comme al-Fourqan, (araméen ou syriaque rédemption) al-Balag (la Communication). De nombreux clichés s’imposent comme « un doute profond, un égarement infini, les égarés ». Ces répétitions accusent évidemment le tour oratoire de certains développements. Surtout elles assurent au verset devenu arythmique une « chute » plus sensible à l’oreille.
La rime en effet, dans ces chapitres, achève de perdre toute diversité. Par l’usage des épithètes doubles ou de clichés dans le genre de ceux qu’on vient d’énumérer, la fin des versets réussit à recouvrer une sonorité, un éclat d’autant plus réclamé par l’oreille que le verset est plus distendu.
Ces vingt-deux chapitres prolongent ceux de la deuxième période et forment la transition avec les révélations reçues à Médine, postérieurement à 622. Elles contiennent d’ailleurs de nombreuses et importantes additions datant de cette dernière époque.
On y retrouve à peu près constamment la forme d’homélies tripartites offerte par plusieurs des chapitres de la deuxième période.
La langue coranique porte trace d’un certain élargissement de la prédication. Dans les chapitres de la fin de cette période, on trouve une ouverture qui en dit long. « Ô Gens, Ô Homme ». La prédication ne s’adresse plus seulement aux sceptiques de la Mecque, mais à la multitude de ceux qu’elle n’a pas encore atteint. Cet argument exige toutefois une conclusion qui soit un rappel au devoir religieux, un acte de soumission au « Seigneur des Mondes » (Rab al alimin, étrange pluriel) unique et tout-puissant. D’où la constitution de chapitres tripartites dont la récitation publique favorise la conversion des impies ou des sceptiques.
Dans les textes formant les chapitres de cette période sont repris les thèmes de la période précédente, sur l’unicité, la bienfaisance, I ’omnipotence et l’omniscience divines. Les descriptions de I ’Enfer et du Paradis, plus encore qu’auparavant, se raréfient et, quand elles se rencontrent, se réduisent à des traits de plus en plus sommaires.
Les parties narratives traitant des prophètes antérieurs conservent au contraire toute l’ampleur qu’elles ont déjà à la période précédente. Elles ne se chargent cependant pas de détails nouveaux sauf en ce qui est d’Abraham présenté parfois comme fondateur du hanifisme. Ce trait ne résulte toutefois que de l’insertion, dans les textes, de brèves révélations médinoises. À noter aussi l’apparition de quelques « prophètes » nouveaux comme Joseph et Cho'aïb, apôtre de Madian.
Très souvent reviennent enfin des propositions peu développées, mais importantes : par exemple la nouveauté que représente la révélation d’une Écriture donnée non plus en hébreu, mais en arabe, – le rôle de simple avertisseur dévolu à Mahomet, – versatilité de l’Homme prompt à se tourner vers Dieu, dans le malheur et non moins prompt à revenir à ses faux dieux quand tout va bien. Dans ces textes, comme dans les précédents, le déterminisme divin s’affirme sans ambages. Dieu guide qui il veut et
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égare qui il veut. Sous des formes diverses, cette idée revient fréquemment. De même, de temps à autre, est exprimée la notion, fondamentale en Islam que la foi prime les œuvres.
G) Période médinoise (24 chapitres). Sourates 2, 98, 64, 62, 8, 47, 3, 61, 57, 4, 65, 59, 33, 63, 24, 58, 22, 48, 66, 60, 110, 49, 9, 5.
Aucun regroupement en fonction du style. Dont acte. Les vingt-quatre chapitres de ce groupe sont de longueur très variable. Si l’on excepte les plus courtes, on constate qu’elles sont toutes formées de révélations souvent fort brèves, simplement juxtaposées ou reliées plus ou moins étroitement. Dans ces ensembles se rencontrent parfois, çà et là, des révélations qui sont nettement antérieures à l’Émigration à Médine.
Les passages oratoires abondent ainsi que les admonitions aux croyants, les condamnations qui s’y trouvent contre les « Hypocrites” ou Israël ont une vigueur et un élan ne le cédant en rien à ce qu’offrent les révélations de la troisième période mecquoise. Bien plus, sous la poussée de circonstances nouvelles et probablement pour fournir aux croyants des oraisons multiples à réciter en commun, on trouve çà et là, dans les chapitres de Médine, des hymnes d’un lyrisme et d’une harmonie de style égalant ce qu’on trouve ailleurs, dans le Coran.
Très curieuse est d’ailleurs l’allure de ces textes. La phrase coranique déjà si brève, en général, accentue encore son tour elliptique et sa concision. Des clichés, des formules, surgissent, insolites. Des répétitions abondent, car avant tout il s’agit de limiter, de définir les cas d’espèce, d’éclaircir une disposition antérieure. Les versets absolument arythmiques ont en général quatre ou cinq lignes, mais parfois, ils peuvent s’étirer davantage. Ces textes n’évoqueraient-ils pas ce que les contemporains de Mahomet rencontraient dans leurs « coutumiers » ? C’est fort plausible, encore qu’impossible à démontrer. Quoi qu’il en soit le Coran nous offre ici les spécimens les plus archaïques de la langue juridique, chez les Arabes.
Dans le détail le style des chapitres médinois accuse certains traits qui procèdent des conditions nouvelles dans lesquelles se trouve Mahomet. L’impératif : Dis ! déjà fréquent à partir de la dernière période à la Mecque, devient de plus en plus usuel. Il apparaît souvent à la faveur d’un dialogue intérieur dont Dieu dicte la réponse. Souvent aussi, ce sont les croyants en personne qui demandent la solution d’un problème ou la définition d’un détail du culte. Mahomet est alors interrogé comme une sorte de mufti à qui le Seigneur communique sa lumière.
Dans les chapitres de cette période, l’apostrophe dont use le Coran à l’égard de ceux auxquels le discours s’adresse n’est pas sans signification. L’expression : Hommes ! cède devant d’autres, plus ou moins nuancées : Ô vous qui croyez ! Ô Détenteurs de l'Écriture. Un instant, les polythéistes mecquois sont même nommés non point associateurs, mais ceux qui ne savent pas. La périphrase suppose évidemment l’attente de leur conversion. De même, tant que Mahomet garde l’espoir d’attirer les juifs médinois au syncrétisme qu’il appelle hanifisme, le Coran les appelle Fils d’Israël. Dans les révélations qui, au contraire, enregistrent la vanité de cet espoir, ils sont désignés par l’expression : ceux qui pratiquent le Judaïsme.
Un petit nombre de locutions ou de formules surgissent, évinçant la plupart de celles qui sont fréquentes dans les chapitres de la précédente période. Tels sont les clichés : Ceux au cœur desquels est un mal, ou encore, Obéissez à Dieu et à Son Apôtre.
Dans le domaine strict du vocabulaire, les révélations qui nous occupent décèlent l’adaptation au milieu médinois. Quelques nouvelles épithètes doubles employées comme appellatifs de Dieu sont à signaler dans les chapitres médinois. Mais, en général, elles sont inusuelles.
L’effet produit par ces épithètes doubles est le même que dans les derniers chapitres mecquois. Elles ferment le verset sur une finale ample, sonore, parfois indispensable quand le verset est arythmique.
À Médine, ce ne sont pas seulement les événements intéressant l’ensemble de la communauté qui ont dû frapper l’attention des Immigrés et des Auxiliaires. Tous les faits de la vie quotidienne, les paroles et les gestes du prophète qui est leur chef, leur guide et leur modèle, sont également pour eux chargés d’intérêt et de signification.
Les allusions contenues dans les chapitres médinois et les données exégétiques se situent sur deux plans différant jusqu’à s’opposer.
Les premières sont purement édifiantes ; elles évoquent seulement les faits pour les relier à une cause transcendantale, qui est Dieu, dispensateur de la victoire à qui la mérite par sa foi, son courage, sa constance et sa soumission au chef charismatique. Ici, par conséquent, nul intérêt pour le fait en soi et moins encore pour le détail qui peint. Le trait est un rappel, une admonition, une menace pour ceux doués d’esprit. Les secondes, au contraire, sont apologétiques, inspirées par la curiosité, la phobie des lacunes et des obscurités, par le désir d’ordonner les faits seIon une chaîne continue et une chronologie impeccable, par le goût de l’amplification pittoresque qui touche l’imagination et le cœur. Dès lors, une conclusion s’impose, la même ou à peu près que pour les révélations mecquoises.
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En dépit des ressources offertes par l’exégèse, il faut renoncer à un strict regroupement chronologique des textes et se contenter d’un rangement qui tient simplement compte de quelques repères tels le succès de Badr (624), l’échec d’Ouhoud (625), la bataille du Fossé (627), le Pèlerinage de 629, la prise de la Mecque en 630 et l’expédition de Tabouk.
Dans leur état actuel, les chapitres médinois de quelque étendue laissent aisément paraître l’élément qui a provoqué la cristallisation de révélations primitivement distinctes. Parfois cet élément se réduit à un ou des termes appartenant à une même racine. Mais le plus souvent, les textes se focalisent autour d’une question centrale : mariage, répudiation, contrats, Guerre sainte, dispositions suscitées par un événement comme l’échec à Ouhoud.
Si l’on veut à tout prix isoler ce qui distingue les chapitres médinois des derniers chapitres mecquois, on constate que la différence porte uniquement sur les très nombreux développements d’ordre juridique ou pratique inspirés par les circonstances nouvelles. Tout, dans cette communauté, se règle par la volonté de Dieu, donc par les révélations que reçoit et retransmet le chef charismatique qui dirige cette communauté. Dans une large mesure, les chapitres de Médine constituent ainsi notre source essentielle pour l’histoire de cette période si importante pour l’avenir de l’Islam. Nous allons y retrouver l’écho des luttes menées par Mahomet contre les clans israélites de Médine, contre le parti des hypocrites (ainsi nommés à cause de la défiance qu’inspire leur foi), contre les polythéistes de la Mecque, enfin contre les tribus bédouines ralliées à l’Islam triomphant moins par conviction que par intérêt.
Parallèlement à ces confits qui l’opposent aux ennemis de l’intérieur et de I'extérieur, le chef charismatique se doit de régler une foule de problèmes, importants ou secondaires, souvent délicats et toujours urgents, touchant l’organisation interne de la Communauté et le statut de ses membres. Dans les chapitres médinois on va rencontrer en conséquence, des textes d’une très haute portée pour l’élaboration de la future Loi islamique. Certains par exemple concernent le rapport de la nouvelle religion avec les autres religions monolâtres.
D’autres forment les éléments organiques du droit civil ou criminel en matière de mariage, de répudiation, de transactions, de répression, etc.
Dans notre Vulgate, ces révélations reçues sous la pression des circonstances ne sont pas rangées de façon telle qu’il soit permis de reconstituer la chaîne chronologique des événements. De même les textes de portée juridique ou cultuelle constituent bien l’embryon d’un code, mais ne forment pas un Code. D’innombrables développements s’y mêlent qui reprennent, en les amplifiant ou en les précisant, les thèmes usuels dans les chapitres de la dernière période à la Mecque : réaffirmation de l’unicité divine et condamnation du Polythéisme, formulation des devoirs moraux du Croyant, prédication dans le désert, prophètes antérieurs, évocation du Jugement dernier et de la rétribution selon les œuvres. À ces thèmes s’en ajoute d’ailleurs un certain nombre d’autres inspirés par les nouvelles circonstances. Tel est par exemple celui sur l’intervention de Dieu dans les heures critiques traversées par les fidèles. D’autres thèmes se transforment : Abraham, prophète semblable aux autres prophètes, dans les chapitres mecquois, achève d’apparaître comme le fondateur du Hanifisme dont le centre religieux était la Mecque. Si Mahomet reste un Annonciateur et un Avertisseur, il apparaît aussi et surtout comme le chef de la communauté. Obéissez à Dieu et à son apôtre est la formule habituelle qui synthétise cet état de fait……………………
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VINGT ET UNIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LES SEPT DIFFÉRENTES VERSIONS DU CORAN.
Selon les hadiths sunnites, le Dhikr (mémorisation) du Coran à l’époque de Mahomet se composait de sept ahruf (variantes).
« J’ai entendu Hicham bin Hakim bin Hizam réciter la sourate al-Fourqan (la sourate N° 25) d’une manière différente de la mienne. L’apôtre de Dieu me l’avait enseignée d’une manière différente. J’étais sur le point de me quereller avec lui (pendant la prière), mais j’ai attendu jusqu’à ce qu’il ait fini, puis j’ai attaché son vêtement autour de son cou et je l’ai conduit à l’Apôtre de Dieu en lui disant : « Je l’ai entendu réciter al-Fourqan d’une manière différente de la façon dont tu me l’as enseignée.
Le Prophète m’a ordonné de le lâcher et a demandé à Hicham de la réciter. Quand il l’eut récitée, l’apôtre de Dieu me dit : elle a été révélée de cette manière. Il m’a ensuite demandé de la réciter. Quand je l’eus récitée, il me dit : elle a été révélée de cette manière, le Coran a été révélé dans sept ahrouf (versions) différentes, aussi récitez-la de la manière qui vous semble la plus facile » (Sahih al-Boukhari, Tome 3, Livre 041, Hadith numéro 601).
Les différences ne concernaient pas simplement les dialectes puisque Omar et Hicham appartenaient à la même tribu Couraïchite et parlaient donc le même dialecte.
« Oubaye b. Ka'b a rapporté ceci : J’étais dans la mosquée quand un homme est entré et a prié et récité (le Coran) dans un style auquel avec lequel je n’étais pas d’accord. Puis un autre homme est entré (dans la mosquée) et a récité dans un style différent de celui de son compagnon. Après avoir fini la prière, nous sommes tous allés trouver le Messager de Dieu… Le Messager de Dieu leur a demandé de la réciter, ils l’ont récité et l’apôtre de Dieu a approuvé leur façon de faire (leur mode de récitation)… le Saint Prophète m’a dit, Oubaye, on m’a demandé de réciter le Coran dans un dialecte, et j’ai répondu : faites les choses au mieux pour mon peuple. Une autre fois on m’a demandé de le réciter dans deux dialectes différents. J’ai encore répondu : faites les choses au mieux pour mon peuple. Ensuite on m’a demandé, une troisième fois, de le réciter en sept dialectes » (Sahih Mouslim, livre 004, hadith numéro 1787).
En outre les découvertes faites semblent montrer qu’on utilisait déjà les signes diacritiques du temps de Mahomet sauf pour les voyelles, car leur absence n’a jamais empêché la lecture : au plus est-ce là une cause d’ambiguïtés en quelques rares occasions (par exemple quand le contexte n’indique pas clairement si le verbe est à une forme active ou passive).
L’inscription arabe datant de 644 et découverte en Arabie Saoudite en est un très bon exemple.
Mais pourquoi dans ces conditions les premiers Corans (ceux d’Osman) ont-ils d’abord été publiés sans point diacritique ?
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Réponse envisagée par certains : parce qu’Osman ne disposait que de pense-bêtes ou d’aide-mémoires utilisés un peu comme de la sténographie et nullement des textes destinés à être publiés. On suppose à l’accoutumée qu’une tradition orale continue permettait de dissiper les doutes pouvant naître de cette sténographie.
Luxenberg montre qu’il n’en est rien : l’existence d’une tradition de ce genre rendrait incompréhensibles bien des récits dans lesquels Mahomet se déclare incapable d’expliquer certains versets, ou donne son aval à plusieurs lectures différentes.
Le contexte de la formation du Coran est donc celui d’une culture de l’écrit : « nous ne sommes pas ici dans un univers de traditions orales, mais dans un univers de scribes compositeurs ».
Précisions apportées par d’autres. Les premiers musulmans ont été confrontés non à des problèmes de mémorisation, mais à des textes qui, d’une manière ou d’une autre, ne leur étaient pas familiers, il s’agissait de notes appartenant à des judéo-nazaréens (comme Ouaraqa cousin de la première femme de Mahomet) et datant de son temps, voire d’avant lui. Ces paroles venaient-elles de « Dieu », par l’intermédiaire d’une mise par écrit alors extraordinairement négligente, ou de groupes autres que leurs propres cercles tribaux ? En tout cas, si « Dieu » a parlé à cette occasion, il faudrait lui suggérer de s’exprimer à l’avenir dans un meilleur arabe et surtout avec moins d’obscurités, le texte en est truffé, et c’est peu dire. Obscurités textuelles, heureusement, que certains chercheurs ont commencé à éclaircir grâce à un meilleur diacritisme : Christophe Luxenberg a entrepris de le faire, en s’appuyant sur des formules existant en araméen, et plus récemment Munther Younès. Les résultats sont encourageants.
Les érudits musulmans des premières années étaient bien plus flexibles que les musulmans d’aujourd’hui et avaient réalisé que des parties entières du Coran avaient été perdues, perverties, et qu’il y avait plusieurs milliers de variantes rendant impossible de parler d’un Coran unique.
Et ils savaient que les Corans compilés par les secrétaires particuliers du Prophète étaient différents de celui d’Osman.
Dans les premiers siècles de l’Islam, beaucoup d’ouvrages furent DONC écrits, qui relevaient des différences entre les Corans existants ; et bien qu’Osman n’en diffusât qu’une seule version, il fallut des années pour que les savants musulmans reconnaissent son livre, et le diffusent dans le monde islamique.
Certaines variantes de récitation (du Coran) existaient et ont donc persisté voire se sont amplifiées au fur et à mesure que les Compagnons qui avaient mémorisé le texte mouraient, car la rudimentaire écriture arabe (basique) de l’époque n’ayant pas de signes pour indiquer les voyelles ni même les signes diacritiques nécessaires pour distinguer certaines consonnes…, était insuffisant… Au 8e et 9e siècle il fut donc décidé d’avoir recours à des « lectures (qira'at) retenues, dix « lectures » (qurra) différentes faisant autorité ; en outre, pour assurer l’exactitude de la transmission, deux « transmetteurs » (raoui, pl rouwah) furent affectés à chacun. Il en résulta sept textes de base (al-qira'at as-sab, ou sept lectures), chacun ayant deux versions de transmises (riwayatan) avec seulement de menues variantes dans le phrasé, mais contenant toutes des points-voyelles précis ainsi que les signes diacritiques nécessaires.
Les dix lecteurs faisant autorité et leurs transmetteurs sont…
Nafi (de Médine, décédé en785).
Transmetteurs : Ouarsh, Qaloun.
Ibn Kathir (de la Mecque, décédé en737).
Transmetteurs : al-Bazzi. Qounboul.
Abou Amr al-Ala (de Damas, décédé en770).
Transmetteurs : Al-Douri. Al-Souri.
Ibn Amir (de Bassora, décédé en 736).
Transmetteurs : Hicham. Ibn Dhakouane.
Hamza (de Koufa, décédé en 772).
Transmetteurs : Khalaf. Khallad.
Al-Qisa'i (de Koufa, décédé en 804).
Transmetteurs : al-Douri. Abou'l-Harith.
Abou Bakr Asim (de Koufa, décédé en 778).
Transmetteurs : Hafs. Ibn Ayache.
Abou Ja’far (de Médine, décédé en 747).
Transmetteurs : Ibn Ouardane. Ibn Djamaz.
Ya’qoub al-Hachemi (décédé en 820).
Émetteurs : Rouways. Rawh.
Khalaf al-Bazzar (de Bagdad, décédé en 843)
Transmetteurs : Ishaq. Idris al-Haddad.
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Il y a même plus de lecteurs que ceux mentionnés ci-dessus ceux – ci sont seulement considérés comme faisant le plus autorité.
— Le Coran d’Ali était ordonné en fonction des dates des révélations.
— Le Coran d’Abd Dieu Ibn Massoud. Le nombre et l’ordre des chapitres différaient considérablement de ceux du Coran d’Osman, car dans le coran d’Ibn Massoud, il n’y avait que cent dix chapitres.
Les noms de beaucoup de ces chapitres étaient plus longs que ceux du Coran d’Osman.
Il y avait en outre quelques sourates supplémentaires qu’on ne trouvait pas ailleurs.
— Le Coran d’Abi Ibn Ka'b. Là encore l’ordre des chapitres différait. Le chapitre intitulé Jonas n’y figurait pas. Il n’y avait pas 116 chapitres et un bon nombre ne figuraient pas du tout dans le Coran d’Othman.
— Le Coran de Zaïd Ibn Thabit, etc., etc.…
De toutes ces anciennes versions du Coran qui ont disparu ou été détruites, seuls deux manuscrits ont survécu jusqu’à notre époque : le Codex de Samarcande (daté de 654) conservé au musée du palais de Topkapi à Istamboul et le Codex de Londres (daté de 772) conservé au British Museum. Chacun contient environ 750 divergences par rapport au Coran actuel (on remarque que c’est souvent le Coran actuel qui semble avoir ajouté des mots ou des phrases au texte primitif).
En réalité nous ne savons pas vraiment quand le texte coranique a pris sa forme définitive.
La tradition musulmane raconte la belle histoire d’un texte noté sur des supports de fortune – les omoplates de chameau ont fait rêver bien des savants. Les divergences entre lectures voire le risque de disparition violente de ceux-ci pendant les guerres de conquête auraient rendu nécessaire une fixation par écrit. Une commission réunie par le calife Othman aurait alors établi un texte définitif envoyé dans les principaux camps de conquérants, les autres étant alors brûlés.
Les chercheurs occidentaux s’écartent de cette tradition, dans deux directions contraires.
Pour John Wansbrough, le Coran n’aurait atteint sa forme canonique que deux siècles après la mort de Mahomet. À l’inverse, selon John Burton, il aurait été rassemblé du vivant même de celui-ci.
Pourquoi ne pas en rester à la tradition, telle qu’on vient de l’esquisser ? Parce qu’elle ne rend compte que d’une partie des témoignages, qui se contredisent les uns les autres.
Les données sont étonnamment contradictoires quant à l’identité des personnes qui ont effectué la collecte des textes, de celles chez qui ils étaient en dépôt, ainsi que sur la nature de ceux-ci, recueil ou feuilles séparées.
Il semble que la distinction entre le Coran comme Livre de Dieu d’une part, et d’autre part les propos attribués à Mahomet (hadith) ne se soit mise en place que progressivement. Le Coran et certains hadiths seraient comme deux cristallisations d’un même magma. Le Livre de Dieu n’était considéré à l’origine que comme une sélection des propos de Mahomet.
Le Coran est un ensemble de hadiths sélectionnés pour la récitation publique, et qui est destiné à représenter le livre de Dieu. La constitution d’un Coran semble avoir constitué pour une grande part en cette composition sélective. Ce fut l’une des tâches assumées par les clercs de l’islam tout au long du 1er siècle de l’hégire.
C’est cette indécision initiale qui explique par exemple que l’on retrouve dans le Coran des prescriptions figurant dans le hadith, mais sous une forme telle qu’elles ne sont compréhensibles que dans un contexte postérieur à la vie de Mahomet. Ainsi, les déclarations tardives de celui-ci, qui ont été regroupées dans ce qu’on appelle le Sermon de l’adieu (Ghadir Khoumm 632), recommandent d’observer une trêve rigoureuse pendant les mois sacrés ; ces dispositions sont atténuées dans le Coran lui-même, car le contexte nouveau des guerres de conquête aurait rendu absurde le respect de cette trêve.
Du coup, la question de l’auteur du Coran n’est pas close. Pour l’islam officiel, cet auteur est Dieu et lui seul, en aucun cas Mahomet, qui n’a fait que recevoir passivement une dictée surnaturelle. Les non-musulmans ont coutume de parler de Mahomet comme de l’auteur réel, éventuellement inspiré, des textes coraniques. Les traditions anciennes contiennent cependant de quoi suggérer un travail collectif, non seulement de recueil, mais dans la rédaction de certains passages. Dans cette rédaction, un grand rôle semble avoir été joué par le futur calife Omar qui aurait été le véritable auteur d’au moins trois sourates. « Ibn Omar a rapporté qu’Omar aurait dit : Mon seigneur a été d’accord avec mes jugements en trois occasions. Dans le cas de la Station d’Abraham, dans le cas du port du voile et dans le cas des prisonniers de Badr » (Sahih Muslim Livre 31, Hadith 5903).
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VINGT-DEUXIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
PREUVES QUE LE CORAN N’EST QU’UN RECUEIL D’ÉCRITS DIVERS
(notes, contes et légendes, prières, fragments de droit coutumier, évangiles apocryphes, etc.)
Les codes de lettres du Coran.
On trouve en tête de 29 chapitres des lettres appelées faouatih al-souwar ou al-hourouf al-mouqatta'ah : ALM (chapitres 2, 3, 29, 30, 31, 32), ALMR (chapitre 13), ALMS (chapitre 7), ALR (chapitres 10, 11, 12, 14, 15), HM (chapitres 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46), KHI'S (chapitre 19), N (chapitre 68), Q (chapitre 50), S (chapitre 38), TH (chapitre 20), TS (chapitre 27), TSM (chapitre 26, 28), YS (chapitre 36).
Il y a 29 chapitres codés par des lettres, mais 30 codes en tout. 28 chapitres commencent en effet par un code unique et une sourate commence par deux codes, soit au total 30 codes.
Cinq de ces chapitres ont gardé comme titre un tel groupe de lettres : chapitres 20 (TaHa), 36 (YaSin), 38 (Sad), 50 (Qaf) et 68 (Noun, appelé aussi Al-Qalam).
L’explication la plus probable est que ce sont les restes d’un ancien classement de ces feuillets du vivant même de Mahomet ou du temps de leur conservation chez des proches de son entourage, les lettres ayant alors une valeur numérique ou ayant valeur de chiffre. Un peu comme en latin d’ailleurs (voir les chiffres romains).
Le nombre de lettres débutant 29 chapitres du Coran varie d’un chapitre à l’autre, passant d’une seule lettre pour certains chapitres, à cinq pour d’autres.
D’autre part, ces lettres s’écrivent attachées les unes aux autres comme si elles formaient des mots, mais ne présentent ainsi aucun sens connu en arabe.
Le chapitre 2, intitulé « LA GÉNISSE », par exemple, commence par trois lettres attachées, comme si elles formaient un mot : ALM. Mais « ALM » n’est pas un mot de la langue arabe.
Les lettres de ces codes sont épelées les unes après les autres dans la lecture, et non pas lues enchaînées comme dans un mot. Ainsi, pour lire le début du chapitre 2, on prononce « Alif Lam Mim », et non « ALM ».
Transposé au cas de notre langue nous c’est un peu comme si nous avions, par exemple, un code composé des deux lettres suivantes : « WY ». Ces lettres, écrites de cette façon, n’ont aucun sens connu. On devrait d’ailleurs lire ce groupe de lettres « WY » et non « Double v – I grec ».
28 chapitres commencent par un unique groupe de lettres et un chapitre commence par deux de ces groupes de lettres.
Le chapitre faisant exception, celui commençant par deux codes, est le chapitre 42, « LA CONCERTATION ». Il commence comme suit.
Ha Mim
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Aïn Sin Qaf
Voici comment Dieu, etc., etc.
Il s’agit bien ici de deux codes, et non d’un seul. En effet, le Mim (M) figurant à la fin du premier code est orthographié comme à la fin d’un mot. S’il s’agissait d’un seul code, les cinq lettres commençant ce chapitre s’écriraient enchaînées, comme pour tous les autres codes. De plus, les deux groupes de lettres « Ha Mim » (HM) et « Aïn Sin Qaf » (ASQ) sont répartis sur deux versets différents, à savoir le verset 1 et le verset 2 du chapitre en question.
Enfin, ce chapitre 42 se situe dans une suite de chapitres commençant tous par le code « Ha Mim » (HM), du chapitre 40 au chapitre 46. Ainsi les lettres « Aïn Sin Qaf » (ASQ) se démarquent-elles encore plus des deux premières, « Ha Mim » (HM).
On peut douter que ces lettres puissent dater du vivant de Mahomet puisque personne ne s’est avisé à lui demander leur sens. De ce fait, on peut penser qu’il s’agit d’ajouts ultérieurs servant probablement de repères pour la classification des passages coraniques, les lettres de l’alphabet ayant alors des valeurs de chiffres, comme en syriaque, en hébreu et en latin.
Le mystère entourant ces codes de lettres reste donc entier depuis quatorze siècles, et aux yeux des musulmans pieux personne n’a réussi jusque-là à donner le moindre début d’explication. Mahomet lui-même n’a pas donné de précisions claires à leur sujet, en se contentant de les faire transcrire consciencieusement.
Comme on peut le voir, écrits d’une certaine façon et lus d’une autre, ces codes de lettres répondent néanmoins à des règles strictes. C’est d’ailleurs cet aspect rigoureux qui, très tôt, a fait penser que les lettres débutant ainsi certaines sourates du Coran étaient le support d’un message ordonné, voire d’un langage secret, caché.
Pour les esprits rationnels, il s’agit donc d’une sorte de numérotation, ces lettres ayant comme souvent valeur de chiffre.
Pour certains musulmans il s’agit d’un code secret véhiculant des informations restant à décrypter, mais peut-être liées à la fin des temps, au messianisme, en tout état de cause à un jour où tout sera clarifié.
Attributs de Dieu pour les uns, « langue du Jour du Jugement et du Paradis » pour les autres, il n’a jamais fait de doute pour les musulmans en tout cas, depuis la révélation du Coran, que ces lettres s’apparentaient à un codage et recélaient un message.
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VINGT-TROISIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
CORAN ET HADITHS.
Entre versets coraniques et hadiths (anecdotes concernant Mahomet) ou réciproquement, la frontière est parfois poreuse.
Les millions de hadiths qui ont suivi sont dans leur immense majorité des fabrications de toutes pièces élaborées au cours des siècles ultérieurs, et ils constituent ainsi une véritable auberge espagnole comme on dit en français où chacun peut trouver tout et son contraire par application (ou non) du célèbre principe de l’abrogation (de certains versets).
Les descendants de Mahomet ayant tous été éliminés, une nouvelle dynastie se mit en place, celle des Omeyyades, elle aussi originaire de La Mecque, mais qui s’est pourtant vigoureusement opposée à Mahomet pour commencer. Un peu comme si dans le Christianisme Judas était devenu le premier pape. Afin d’asseoir sa légitimité, cette nouvelle dynastie va jeter les bases d’un véritable culte (isma) centré autour de la personne de Mahomet. Le contrôle des recueils de hadiths (de leur élaboration à leur diffusion en passant par leur mise par écrit) en sera la clé.
Durant la période dite soufianide (660-683), l’expression Rassoul Allâh (Messager de Dieu), pour désigner Mahomet, n’existait pas, et l’idée de Message dispensé par son intermédiaire était absente. À tout le moins, les califes de la période dite marouanide (684-750) ne se sentaient pas subordonnés à Mahomet, leur autorité de princes des croyants émanait directement de Dieu.
L’expression est ensuite attestée sous le règne du calife Abd al-Malik ibn Marouane (685-705), et elle ne semble s’expliquer que dans le contexte de rupture avec l’Empire byzantin.
Face à l’empereur Justinien II, le pouvoir arabe mettait opportunément l’accent sur un prophète propre aux Arabes, sur un prophète en quelque sorte non biblique, non partagé par les chrétiens et les Arabes musulmans.
La prise de pouvoir par les Abbassides, en 750, changea l’assise de l’autorité califale. En apparence rien ne changeait fondamentalement dans « l’idéologie impériale » des califes, telle qu’elle avait été construite par les Omeyyades. La fonction législative et ordonnatrice revenait toujours, et tout aussi légitimement, au calife au nom de sa connaissance intime du vrai dessein divin. Mais une autre source de pouvoir commençait d’émerger : la tradition concrétisée par des centaines de milliers d’anecdotes (hadiths) rapportant les paroles ainsi que les faits et gestes de Mahomet, voire ses silences ou ses non-réactions. Et donc les spécialistes en hadiths ou traditionnistes (les mouhadithin).
On peut remarquer que ces recueils ont presque tous été compilés au moins 150 ans après la mort de Mahomet, dans le but de sauvegarder et répertorier les actes ou paroles de ce dernier. Il est remarquable que l’al Sahifah al Sahihah de Hammam ben Mounabbih compte parmi les ouvrages rédigés par les compagnons de Mahomet, o avant 678, sous la dictée d’Abou Horaïra par un disciple du compagnon. Beaucoup des ouvrages rédigés par les compagnons de Mahomet se sont perdus
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dans les ouvrages postérieurs, mais certains figurent dans le corpus de ces derniers dans leur intégralité.
C’est en effet des années 720 que datent les premières occurrences de ces éléments de tradition en usage parmi les croyants. Dès lors, l’intrusion de cette « tradition nouvelle » devint massive et les récits commencèrent à se figer, jusqu’à prendre la forme que l’on connut ensuite, et jusqu’à aujourd’hui.
Quant à la propagation de ces récits, elle se fit bientôt sous le mode de la « généalogie spirituelle » (silsila). Tel hadith tenait sa validité de la solidité de la chaîne de ses transmetteurs (isnad) jusqu’au moment de sa fixation comme unité du corpus de la tradition. Mais nous devons considérer comme acquis que les maillons communs aux chaînes de transmission de hadiths furent les véritables inventeurs de ces récits normatifs.
Cette quête des traditions ou hadiths était associée à une enquête de moralité visant les rapporteurs, les compagnons de Mahomet étant considérés comme des garants de tout premier ordre de cette mémoire vivante concernant le comportement du prophète. Les collecteurs de traditions, souvent des convertis, composèrent des recueils de hadiths où ils notèrent soigneusement le chemin par lequel les paroles prophétiques leur étaient parvenues, la « chaîne des appuis » ou isnad. Ces traditionalistes, malheureusement, cherchèrent souvent dans l’exemple du prophète la confirmation de leurs propres opinions ; ainsi se formèrent des recueils plus ou moins favorables aux califes omeyyades, ou au contraire aux califes abbassides. Des hadiths furent même purement et simplement inventés. Très tôt la société musulmane se heurta à la prolifération de récits apocryphes et une discipline particulière, la critique des hadiths, vit le jour, portant sur les conditions de transmission et jamais sur le contenu. La critique occidentale a toujours manifesté un extrême scepticisme quant au rattachement effectif à Mahomet de la plupart des hadiths ; certains, comme Henri Lammens, ont été jusqu’à considérer les hadiths comme l’une des plus grandes supercheries historiques dont les annales littéraires aient gardé la trace.
Avant de discuter plus avant du contenu de la littérature des Hadiths, précisons que seules les œuvres de l’islam sunnite ont été traduites et que même ces traductions sont partielles. Le Coran est une écriture canonique par excellence et est commun à toutes les branches de l’islam. Mais les Hadiths des sunnites ne sont pas les mêmes que ceux des chiites. Les savants occidentaux ont étudié la plupart des religions du monde, mais les hadiths sont surtout publiés en anglais.
Les traductions sont principalement dues à des oulémas du Pakistan et du Bangladesh. Il semble que ces oulémas aient hésité à rendre cette littérature facilement accessible aux infidèles. En tout cas, leur enthousiasme pour rendre le Coran accessible aux uns et aux autres n’a pas d’équivalent pour ce qui est de populariser la littérature des Hadiths. Ceci est parfaitement compréhensible quand on voit que le langage utilisé dans cette littérature confine parfois à la grossièreté et à l’obscénité. On peut donc penser que les oulémas ne voulaient pas étaler cet aspect de leur religion devant des infidèles a priori neutres ou hostiles. Le chercheur doit donc se méfier de ces ouvrages qui ont été tronçonnés ou ont fait l’objet d’un regroupement thématique et surtout il lui faut très bien connaître l’arabe afin de détecter les traductions ad usum Delphini ou les euphémismes.
Leone Caetani et Henri Lammens ont montré que la littérature entière des hadiths, dont la biographie de Mahomet fait partie, doit être traitée avec prudence et réserve, et chaque hadith pris séparément pesé et passé au crible avant de pouvoir être accepté comme authentique. Plus récemment, les recherches de Joseph Schacht et de Robert Brunschvig ont montré que de nombreuses traditions de contenu apparemment historique servaient en fait un objectif juridique ou doctrinal et étaient donc historiquement suspectes.
Pour bien comprendre un hadith, il est important d’avoir une certaine connaissance de son narrateur. Les hadiths, bien sûr, ne font que rapporter les faits et gestes de Mahomet, mais ils le font par l’intermédiaire de ses Compagnons, en arabe Sahabah. La première question qui se pose est donc de savoir qui on peut appeler « compagnon de Mahomet », car les compagnons de Mahomet se compteraient par milliers, et il est donc impossible de les citer tous.
Le plus célèbre d’entre eux est une femme, la femme enfant épouse favorite de Mahomet, Aïcha. Les autres sont des hommes tels que Abou Horaïra, Jabir, Anas bin Malik, Abou Sa’id, Abou Mousa, le second calife Omar et beaucoup d’autres.
Beaucoup de ces citations étant suspectes (un critique du dixième siècle a souligné la faiblesse d’au moins deux cents des traditions incorporées dans les recueils de Muslim et Boukhari, qui pourtant passent pour les plus sérieux) leur crédit est donc proportionnel au prestige accordé à ceux qui les ont rapportées. Cette chaîne des témoins est appelée isnad.
Les spécialistes de la science du hadith (critique historique) ont mis en place plusieurs types de classifications. Parmi les plus connues la classification selon la fiabilité, la classification selon la
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référence à une autorité particulière, la classification selon l’étendue de la zone géographique où on le trouve.
Classification selon la fiabilité.
Il s’agit d’une classification par le degré de recevabilité. Certains auteurs, comme al-Boukhari, ont classé les hadiths en « authentiques » ou « acceptables », d’autres étant simplement rejetés. Les hadiths authentiques sont rapportés avec leurs chaînes de témoins.
Authentiques (Sahih).
Bons (Hassan).
Faibles (Dhaïf). Ces hadiths ont une chaîne de transmission fragile et sont souvent apocryphes.
Recevables (Maqboul).
Irrecevables (Mardoud).
Inventés, forgés ou fabriqués (Maoudou). Ces hadiths sont faux, leurs textes allant à l’encontre des normes établies pour les paroles du prophète ou alors la chaîne de transmission comprend au moins un menteur.
Classification selon la référence.
Sacrés (Qudsî). Ces hadiths sont considérés comme rapportant la parole divine par le biais du prophète lui-même.
Élevés (Marfou). Ces hadiths sont les récits commençant par exemple par « J’ai entendu le prophète dire, etc.… ».
Arrêtés (Mawqouf). Ces hadiths sont les récits de compagnons qui commencent par exemple par « On nous a ordonnés de… ».
Coupés (Maqtou). Ces hadiths émanent des successeurs directs des compagnons.
VINGT-QUATRIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LA SOUNNA DES COMPAGNONS DE MAHOMET.
La Sounna est la deuxième source du droit musulman après le Coran.
Le Coran mentionne le terme Sounna 16 fois pour désigner la conduite de Dieu ou celle des hommes. Les traductions du Coran utilisent le terme « règle » ou « coutume ». Les juristes musulmans utilisent le terme Sounna pour désigner l’ensemble des dires, des faits et des approbations implicites ou explicites attribués à Mahomet, voire aussi à ses compagnons. Parfois, on remplace ce terme par celui de hadith, mais celui-ci indique généralement un récit oral.
En dehors de quelques hadiths « sacrés », considérés comme les paroles de Dieu adressées directement à Mahomet et rapportées par celui-ci, les hadiths sont les paroles et actions attribuées au prophète et non une parole divine. Le terme hadith désigne donc une communication orale du prophète de l’islam Mahomet et par extension un recueil qui comprend l’ensemble des traditions relatives aux actes et aux paroles de Mahomet et de ses compagnons, considérées comme des principes de gouvernance personnelle et collective pour les musulmans, que l’on désigne généralement sous le nom de « tradition du Prophète ».
Avec les préceptes du Coran, les hadiths forment donc la sounna d’où le nom d’islam sunnite pour le courant orthodoxe (85 % des musulmans). Les hadiths ont été rapportés dans divers recueils (véridiques ou non, voir la classification ci-dessus) par des musulmans fidèles, mais toujours au minimum deux siècles après la mort de Mahomet.
Certains auteurs en ont recensé plus de 700 000 hadiths, mais dans son étude devenue classique sur la fabrication des hadiths (Muhammedanische Studien ou Études mahométanes tome 2), Goldziher a démontré qu’un vaste nombre de ces récits traditionnels, acceptés même dans les recueils musulmans les plus rigoureusement critiques, étaient des faux complets, datant de la fin du 8e et du 9e siècle et, en conséquence, que les chaînes de transmission (isnads) qui les étayaient, étaient totalement fictives.
Contrairement au Coran, ces recueils n’ont pas fait l’objet d’homologation étatique.
La Sounna a été réunie dans de nombreux recueils privés, de longueurs inégales.
Les trois plus anciens recueils dont nous disposons aujourd’hui sont…
— Le Mousnad de l’imam Zaïd (décédé en 740), fondateur de l’école zaydite. Il comprend 550 récits classés selon les sujets suivants : la purification, la prière, les funérailles, l’aumône légale, le jeûne, le pèlerinage, la vente, les sociétés (rapports juridiques où interviennent deux personnes ou plus), le témoignage, le mariage, le divorce, le droit pénal, les règles relatives à la guerre et les successions.
— Le Mouwatta attribué à l’imam Malik (décédé en 795), fondateur de l’école malékite, dont trois versions sont éditées, de longueur inégale. Comme le précédent, ce recueil suit aussi une classification à prédominance juridique.
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— Le Mousnad d’Ahmad Ibn-Hanbal (décédé en 855), fondateur de l’école hanbalite. Il comprend 28199 récits. Dans ce recueil, les récits sont classés non pas par sujet, mais par compagnons (les plus proches de Mahomet) dont le nombre s’élève à 700 compagnons et 76 compagnes.
Six autres recueils ont acquis une importance particulière parmi les musulmans sunnites.
— Le recueil d’Al-Boukhari (décédé en 870), appelé Sahih al-imam Al-Bukhari ou Al-Jami al-sahih.
Considéré comme le plus important ouvrage après le Coran, il contient 9082 hadiths, y compris les doublets. Il faut noter qu’al-Boukhari était Persan, et donc que ses hadiths sont largement admis par la communauté chiite, majoritairement perse en islam.
— Le recueil de Muslim (décédé en 874), appelé Sahih al-imam Muslim, ou Al-Jami' al-sahih.
Il comprend 7563 hadiths.
— Le recueil d’Abou-Daoud (décédé en 888), appelé Sounan Abou-Daoud. Il comprend 5274 hadiths.
— Le recueil d’Al-Tirmizi (décédé en 892), appelé Sounan Al-Tirmzi. Il comprend 3956 hadiths.
— Le recueil d’Al-Nassa’i (décédé en 915), appelé Sunan Al-Nassa'i. Il comprend 5761 hadiths.
— Le recueil d’Ibn-Madjah (décédé en 886), appelé Sounan Ibn-Madjah. Il comprend 4341 hadiths.
Un autre recueil très populaire est le Mishkat-oul-Masabih (ou niche de la lampe), qui, outre des hadiths communs avec les collections « authentiques », en contient aussi quelques autres tenus en haute estime parmi les musulmans sans être vraiment considérés comme canoniques.
Les chiites ont leurs propres recueils et leurs propres collectionneurs de hadiths, plus tardifs, et recueillant principalement les paroles des imams de la lignée de Mahomet par Ali et Fatima.
— Abou-Jafar Al-Koulaïni (décédé en 939) : Al-Kafi fi 'ilm al-din.
— Abou-Hanifa Al-Koummi (décédé en 991) : Kitab man la yahdourouh al-faqih.
— Abou-Ja'far Al-Tousi (décédé en 1067) : Tahdhib al-ahkam.
— Mouhammad Al-Amili (décédé en 1692) : Ouasa'il al-shi'ah.
— Mouhammad Baqir Al-Madjlisi (décédé en 1698) : Bihar al-anouar.
Cependant, dans l’idéologie chiite, la place des hadiths est largement secondaire par rapport au Coran, seule révélation considérée d’origine divine dans l’islam et donc autosuffisante.
Les ibadites (dissidence des kharidjites) reconnaissent bon nombre de hadiths sunnites. Cependant, le principal recueil accepté par eux est le recueil d’al-Jami'i al-Sahih, contenant 1005 hadiths.
Les chi'ites rejettent les hadiths des compagnons de Mahomet, car ils ne prennent en considération que la sounna des Gens de la maison (Ahl al-baït) de Mahomet comme source de droit. Ils fondent leur obligation de suivre les hadiths des Gens de la maison de Mahomet sur deux passages du Coran.
Chapitre 4, verset 59.
« Saint Coran chapitre 4, verset 59.
« O vous qui croyez obéissez à Dieu ! Obéissez au prophète et à ceux d’entre vous qui détiennent l’autorité. Portez vos différends devant Dieu et devant le prophète. Si vous croyez en Dieu et au jour dernier, c’est la meilleure chose à faire ».
Chapitre 33, verset 33.
« O vous les gens de la Maison, Dieu veut seulement éloigner de vous toute souillure et vous purifier complètement ».
Ces différents recueils alimentent l’opposition entre chiites et sunnites en particulier.
En plus de ces recueils qui collectionnent les hadiths, il faut signaler les différentes biographies de Mahomet qui constituent une source d’information importante pour mieux comprendre.
— Ibn-Ichaq (décédé en 768) : Al-Sirah al-nabaouiyah, dont une partie seulement nous est parvenue.
— Ibn-Hicham (décédé en 834) : Al-Sirah al-nabaouiyah. Cet ouvrage se fonde sur celui d’Ibn-Ichaq.
— Al-Ouaqidi (décédé en 822) : Al-Maghazi.
— Al-Tabari (décédé en 923) : Khoulasat siyar saiyid al-bashar.
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VINGT-CINQUIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LA THÉOCRATIE.
Dieu est clément et miséricordieux [Saint Coran. Chapitre 1 verset 1] Nulle contrainte en matière de religion [Saint Coran chapitre 2, verset 256].
Le terme théocratie est formé sur les mots grecs Theós Dieu et krátos pouvoir. « Théocratie » signifie « gouvernement de Dieu ».
Dans son acception première, le terme théocratie désigne uniquement l’idée que Dieu gouverne et il fut inventé par l’écrivain juif Flavius Josèphe pour justifier un désintérêt des croyants pour la politique.
Depuis le XIXe siècle par contre, le terme théocratie est le plus souvent utilisé pour désigner des régimes politiques fondés sur des principes religieux ou gouvernés par des religieux. Dans ce cas, certains auteurs préfèrent d’ailleurs parler de « hiérocratie », terme proposé par Max Weber et qui désigne spécifiquement le gouvernement des religieux. Cependant l’usage le plus répandu demeure de parler de théocratie dès qu’il y a confusion entre politique et religion.
La théocratie dans le sens d’un gouvernement de Dieu peut être envisagée dès lors qu’il est question de Dieu et de son activité dans le monde, soit qu’il révèle ses lois, soit qu’il agisse directement en dirigeant la vie des hommes et le cours des événements par sa Providence. À ce titre, la théocratie concerne plus particulièrement le judaïsme, le christianisme et l’islam.
Penser la théocratie comme confusion du politique et du religieux n’a de sens que si l’on considère préalablement ce qui permet de les distinguer. Cependant, la distinction entre politique et religion, ou bien, autrement dit, entre pouvoirs temporel et spirituel, n’est pas d’emblée universelle. Elle ne se pose pas de la même manière dans le judaïsme, le christianisme ou l’islam. Dans d’autres religions, telles que le bouddhisme ou l’hindouisme, ce peut être l’idée même de religion comme réalité distincte du politique qui n’a jamais été envisagée avant que ne commence la mondialisation.
Saint Coran chapitre 4, verset 59.
« Ô vous qui croyez [les musulmans donc] obéissez à Dieu ! Obéissez au prophète et à ceux d’entre vous qui détiennent l’autorité. Portez vos différends devant Dieu et devant le prophète. Si vous croyez en Dieu et au jour dernier, c’est la meilleure chose à faire ».
N.B. Ceux qui détiennent l’autorité ce sont les connaisseurs en matière de religion, et non pas forcément l’autorité étatique ou politique.
Saint Coran chapitre 5, verset 3 : « Aujourd’hui j’ai rendu votre religion parfaite, j’ai parachevé ma grâce sur vous, j’agrée l’islam comme étant votre religion ».
Il y a unanimité chez les musulmans pour dire que le Coran s’impose à tous (houdjjatoun ala al-jami), et qu’il constitue la première source du droit musulman. Cela découle du fait qu’il provient de Dieu. Et la preuve qu’il est d’origine divine est son inimitabilité (doctrine de l’I’djaz). Or si l’on admet qu’il vient bien de Dieu – en raison de son inimitabilité – tout le monde est donc obligé de le suivre.
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Il ne faut donc jamais oublier que la religion musulmane dénie à l’homme le droit de légiférer. Le seul législateur qui importe pour la religion musulmane c’est Dieu. Le rôle de l’homme (du raisonnement humain qui sous-tend l’ijtihad par exemple) n’est pas de créer des normes, mais de déduire du Coran et de la Sounna (tradition hadiths, etc.) de nouvelles normes respectueuses de ces deux sources.
On est là aux antipodes de ce que le célèbre philosophe (professeur de philosophie plus exactement) français de la fin du XIXe siècle et du début du XXe que fut Jean Jaurès a pu écrire sur la laïcité.
« Ce qu’il faut sauvegarder avant tout, ce qui est le bien inestimable conquis par l’Homme à travers tous les préjugés, toutes les souffrances, et tous les combats ; c’est cette idée qu’il n’y a pas de vérité sacrée, c’est-à-dire interdite à l’investigation de l’Homme ; c’est cette idée que ce qu’il y a de plus grand, c’est la liberté souveraine de l’esprit ; c’est cette idée qu’aucune puissance – intérieure ou extérieure – aucun pouvoir et aucun dogme, ne doit limiter le perpétuel effort et la perpétuelle recherche de la raison humaine ; cette idée que l’Humanité dans l’univers est une grande commission d’enquête dont aucune intervention gouvernementale, aucune intrigue – céleste ou terrestre – ne doit jamais restreindre ou fausser les opérations ; cette idée que toute vérité qui ne vient pas de nous est un mensonge ; que, jusque dans les adhésions que nous donnons, notre sens critique doit toujours rester en éveil, et qu’une révolte secrète doit se mêler à toutes nos affirmations ainsi qu’à toutes nos pensées ; que si l’idée même de Dieu prenait une forme palpable, si Dieu lui-même se dressait, visible, sur les multitudes ; le premier devoir de l’Homme serait de refuser l’obéissance, ou de le traiter comme l’égal avec qui l’on discute ; mais non comme le maître que l’on subit !
Voilà le sens et la grandeur de notre enseignement et bien étranges sont ceux qui viennent demander à la Raison d’abdiquer, sous prétexte qu’elle n’a pas et qu’elle n’aura peut-être jamais, la vérité totale ; bien étranges ceux qui, sous prétexte que notre démarche est incertaine et trébuchante, veulent nous paralyser, nous jeter dans la nuit, par désespoir de n’avoir pas la pleine et entière clarté ».
N.B. Discours de Jean Jaurès sur l’idée de Dieu (12 février 1895 applaudissement). Enfin du moins si j’ai bien compris son français très châtié.
Notre propos ici sera de traiter de la théocratie musulmane (et non de ses sympathiques hérésies telles que le soufisme ou le mou’tazilisme), car l’islam des intégristes est sans aucun doute le plus abouti de tous les totalitarismes. C’est le cercle vicieux parfait. Le raisonnement circulaire parfait (coran incréé i’djaz isma hisba mihna devoir de petit djihad blasphème peine de mort pour les apostats). Et il concerne tous les aspects de la vie même intime si l’on en croit les hadiths sur la façon de s’habiller de se laver de se brosser les dents… voire de faire ses besoins naturels.
Hadith 5397, livre 26 du Sahih de Muslim.
« Aïcha a rapporté que les femmes du Messager de Dieu (la paix soit sur lui) sortaient la nuit quand elles allaient en plein air (à la périphérie de Médine) pour satisfaire leurs besoins naturels. Omar b Khattab avait l’habitude de dire : Messager de Dieu, demande à tes dames d’observer le port du voile, mais le Messager de Dieu (la paix soit sur lui) n’en fit rien. Saouda, la fille de Zama, la femme du Messager de Dieu (la paix soit sur lui) sortit alors à la nuit noire pour cela. C’était une femme dotée d’une grande stature. Omar l’appela en disant :« Sauda, on te reconnaît » (il fit cela dans l’espoir que les versets concernant le voile seraient révélés.) Aïcha ajouta : et Dieu, l’Exalté le Glorieux, a ensuite révélé les versets relatifs au voile ».
Qui a dit que Dieu ne devait pas ne pouvait pas… s’occuper des choses subalternes ???
À la différence du nazaréen Jésus qui est mort crucifié après l’échec de sa tentative de coup d’État contre Rome, et dont les héritiers spirituels passèrent trois siècles dans l’opposition, Mahomet lui est mort en chef d’État (l’État médinois), en chef d’un État ayant commencé une fulgurante expansion. Ce qui évidemment change tout, car on ne trouve pas trace en terres d’islam de la fameuse maxime chrétienne : il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Il est au contraire très significatif que l’An I de l’Islam commence à l’Hégire quand Mahomet devient un chef politique. Ce qui montre à l’évidence que l’Islam est bien une doctrine politico-religieuse dont la mission, assignée par le Coran, est l’organisation politique et sociale des Musulman(e)s.
L’idée est largement admise, parmi les historiographes anciens et les historiens modernes, que l’institution du califat fut d’abord politique, ou plutôt que l’autorité religieuse du calife n’émergea, et de façon conflictuelle, que dans un second temps. Le pouvoir religieux du chef de la communauté des « vrais croyants » revenait au Prophète Mahomet et se scellait avec lui (idée manichéenne) ; il ne se prolongeait qu’en mémoire, dans la mémoire des compagnons de Mahomet, lesquels se rappelaient et transmettaient ce qu’il avait dit, prescrit, pratiqué (les hadiths). Puisque les premiers califes – les quatre califes « bien guidés » (Abou Bakr, Omar, Othman, Ali) – étaient de fait des compagnons, ils pouvaient dans une certaine mesure faire coïncider en eux le pouvoir politique du chef de la communauté et le pouvoir religieux de celui qui savait ce que le Prophète avait signifié. Mais la contestation du quatrième calife, Ali (le cousin et gendre de Mahomet, le plus ancien de ses compagnons, le premier des convertis) et l’avènement des Omeyyades (660-750) rompirent la chaîne
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califale des compagnons. C’est après ce premier grand différend (fitna), que d’autres hommes se firent spécialistes de la parole prophétique : les « traditionnistes » (collecteurs des hadiths de la Tradition mahométane), les jurisconsultes, les théologiens.
Il importe néanmoins de rappeler ici que le pouvoir califal primitif était, non pas conjecturalement, mais par essence, religieux et politique à la fois.
Contrairement à ce qu’ont prétendu les savants (oulama) de l’époque abbasside, c’est le titre Khalifat Dieu (représentant de Dieu) qui s’imposa en premier lieu pour désigner le calife, et ce n’est qu’ensuite que vint le titre Khalifat Rassoul Allah (Représentant du Messager de Dieu). L’expression Khalifat Allah est attestée pour tous les Omeyyades, comme pour les califes « bien guidés », et par des sources multiples (les poètes, les collectionneurs de hadiths eux-mêmes, les premiers historiens arabes), de même que par la documentation archéologique. D’autre part, lorsque le terme seul était employé, il était à l’évidence elliptique de cette même expression Khalifat Allâh.
Certes, il y a la fameuse réticence attribuée à Abou Bakr al-Siddiq, le premier des califes : lorsque les hommes de son entourage l’appelaient « représentant de Dieu (Khalifat Allah) », il demandait qu’on ne l’appelle pas ainsi, mais plutôt « Successeur du Prophète », ajoutant que ce titre le satisfaisait pleinement.
Le propos d’Abou Bakr a néanmoins toutes les caractéristiques d’une tradition apocryphe : isolé, il est rapporté par une seule source, qui n’est pas antérieure au début du VIIIe siècle (un siècle après le califat d’Abou Bakr, 632-634).
Une lettre du calife Oualid ibn Yazid ibn Abd al-Malik (743-744), lettre rapportée par l’historiographe al-Tabari pour l’année 125 de l’Hégire, et considérée comme authentique, a pour objet la réitération de la convention qui règle sa succession. Le document, certainement rédigé par un secrétaire, et sur un modèle administratif usuel, n’en reflète pas moins une image précise de la fonction législative du calife. Dieu a inspiré ses califes ; le calife est, par vocation, dans le bien ; le calife est l’instrument de Dieu, chacun doit lui obéir : tels sont les préceptes que martèle la lettre, dans un style répétitif, ampoulé, marqué de la suffisance bureaucratique du décret. Lien efficient entre Dieu et le calife ; autorité légitime du calife ; reconnaissance obligée de cette autorité. Aussi le calife pouvait décider, légiférer, en toute autonomie. Il pouvait dire le bien et le mal, signifier l’interdit et juger au nom de Dieu dont il représentait ici-bas la puissance. Et c’est parce que l’on considère une telle représentation de l’autorité califale que l’objet précis de la lettre, la convention qui règle la désignation du successeur de Oualid ibn Yazid, prend toute son importance. En substance, Oualid ibn Yazid disait ceci : Dieu a député le Commandeur des croyants et celui-ci n’a pas de souci plus important que cette convention, puisqu’il sait quel rôle éminent une telle convention a dans les affaires des musulmans ; le Commandeur des croyants sait qu’une telle convention participe de l’accomplissement de l’islam.
Un tel principe de gouvernance se dégage de celui du « roi sacré » tel qu’il a pu notamment exister dans le Proche-Orient ancien.
Deux piliers supportent donc au total, la puissance du calife : son autorité émane directement de Dieu, si les hommes musulmans la reconnaissent, ils respecteront l’ordre divin ; sa succession est le moment où s’accomplit la pérennisation de l’ordre divin, si elle se déroule selon ses vœux, l’accomplissement historique de l’islam se fera. La loi des musulmans, d’inspiration divine, était et n’était que la loi califale. Le calife, commandant de sa communauté, définissait et élaborait la loi qui faisait le dessein divin. Les poètes de cour des Omeyyades, tel al-Farazdaq, le poète officiel de Oualid ibn Yazid, parlaient du calife comme de l’être qui rendait possible l’existence de la communauté, comme le lien entre Dieu et les hommes (Habl Allah, mot à mot : la corde de Dieu). Le lien est ce qui fait le religieux : emblème on ne peut plus signifiant de la fonction médiatrice du pouvoir politique.
L’énorme erreur politique des mou’tazilites (aussi criminelle que les camps de la mort pour le national-socialisme), à savoir l’instauration d’une dictature destinée à imposer de force un certain rationalisme et à lutter contre les superstitions ou l’obscurantisme en matière de religion (il eût peut-être mieux valu multiplier les écoles au sens ordinaire du terme, ou donner soi-même personnellement l’exemple du bien au lieu de l’ordonner), a eu le résultat inverse de celui qu’ils recherchaient. L’opposition des adversaires d’un califat législateur fut d’une grande efficacité. Les savants, théologiens et historiographes, qui majoritairement étaient dans les rangs de cette opposition, nièrent bientôt toute autorité religieuse active aux califes, les privant même de la légitimité du titre d’imam.
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VINGT-SIXIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LA CHARIA ET LES 70 PÉCHÉS OU INTERDITS EN TERRE D’ISLAM (DAR AL ISLAM).
Le problème des péchés en terres d’islam c’est que… CE SONT AUSSI DES INTERDITS LÉGAUX ET SANCTIONNÉS COMME TELS.
Il y a en effet unanimité chez les musulmans pour dire que le Coran s’impose à tous (houdjatoun 'ala al-jami'), et qu’il constitue la première source du droit musulman. Cela découle du fait qu’il provient de Dieu.
Il n’est donc pas inutile de procéder ici à un bref survol des prescriptions ou interdits rituels présents dans le texte coranique. C’est d’ailleurs également une façon de voir, en négatif, ce qu’ont été les gestes du système religieux précédent, et de se rendre compte ainsi de la brutalité de la révolution culturelle qu’a été l’islam. Notons que de très nombreux rituels ont été néanmoins conservés, quand ils ont pu être intégrés, sans trop de dommage, à la doctrine mahométane.
Les versets consacrés à ce sujet datent surtout de l’arrivée à Yathrib/Médine. Ils concernent essentiellement les rituels pratiqués par les éleveurs, et finalement, des actes assez secondaires
Sounan Abi Dawoud Livre 27, hadith 3791.
Les hommes de l’époque préislamique avaient l’habitude de manger certaines choses et de laisser les autres, les considérant comme impures. Alors Dieu a envoyé son prophète et a envoyé son livre, précisant ce qui était licite et ce qui était illicite ; ce qu’il a considéré comme licite est donc légal, ce qu’il a considéré comme illicite est illégal, et ce dont il n’a pas parlé est admissible.
Mahomet, Coran 5, 2.
Ô vous qui croyez ! Ne violez ni les rites divins ni le mois sacré, ni les offrandes, ni les guirlandes, ni ceux qui se rendent au temple afin d’y rechercher la faveur et la satisfaction de leur seigneur !
Mahomet, Coran 22, 27-28.
Ils viendront par des chemins encaissés, pour attester des dons qui leur ont été faits par Dieu et invoquer son nom, sur la bête du troupeau que Dieu leur a donné. Mangez-en et nourrissez-en les miséreux ou les malheureux.
Boukhari, Tome 7, Livre 67, hadith 415.
D’après Aïcha, certains fidèles dirent un jour au prophète : Des gens nous apportent de la viande et nous ne savons pas si l’on a invoqué dessus ou pas, le nom de Dieu.
— Invoquez le nom de Dieu sur cette viande, répondit le prophète, et mangez-en.
Ces fidèles avaient cessé depuis peu d’être idolâtres, ajoute Aïcha.
L’islam distingue, selon le degré d’impureté, deux grands types de procédures : les petites ablutions (wouzou) et les grandes ablutions (ghousl). Le ritualisme est poussé très loin, comme souvent dans les systèmes primitifs.
La force du détail.
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Sounan Daoud Livre 1 Hadith 175. Le prophète aperçut un jour une personne faisant la prière et dont, sur une superficie de la taille d’une pièce de 1 dirham, l’arrière du pied n’avait pas été lavé : l’eau n’ayant pas touché la peau à cet endroit-là. Le prophète lui ordonna de recommencer ses ablutions et aussi la prière.
Boukhari, Tome 7, Livre 69, hadith numéro 534.
L’apôtre de Dieu a dit : [?] Quand vous urinez, ne touchez pas votre pénis avec la main droite. Et quand vous vous lavez après la défécation, n’utilisez pas la main droite.
Boukhari, Tome 1, Livre 4, Hadith 137.
Le messager de Dieu a dit : « Dieu n’accepte pas la prière de quelqu’un qui hadate avant qu’il n’ait refait son ablution ». Un homme d’Hadramaout demanda alors à Abou Horaïra : que veut dire hadater ? Abou Horaïra répondit : « Hadater signifie péter ».
NDLR. Le contenu même des prières n’est pas évoqué. Ce qui nous donne quand même au final.
La petite ablution : wouzou.
1. Invocation.
2. Trois lavages des mains et poignets.
3. Trois rinçages de la bouche et des narines.
4. Trois lavages du visage.
5. Trois lavages de la main et de l’avant-bras droits.
6. Trois lavages de la main et de l’avant-bras gauches.
7. Lavage du crâne.
8. Lavage du pavillon des oreilles.
9. Trois lavages du pied ainsi que de la cheville droits.
10. Trois lavages du pied ainsi que de la cheville gauches.
Soit 24 opérations pour la petite ablution.
La grande ablution : ghousl.
1. Invocation.
2. Lavage du sexe.
3. Lavage de l’anus.
4. Lavage du ventre et du pli de l’aine.
5. Trois lavages des mains.
6. Gargarisme.
7. Trois rinçages de la bouche.
8. Trois aspirations puis expirations d’eau dans les narines.
9. Trois lavages du visage.
10. Lavage de la tête entière et de la nuque.
11. Trois lavages de l’oreille droite.
12. Trois lavages de l’oreille gauche.
13. Lavage du corps entier sur sa partie droite en évitant les parties sexuelles.
14. Lavage de la partie gauche en évitant les parties sexuelles.
15. Lavage des aisselles, du nombril, de l’intérieur des cuisses et du creux du genou.
16. Lavage du dos.
17. Lavage de la poitrine.
Coran 3, 193 : « Seigneur, pardonne-nous nos fautes ; lave-nous de nos péchés, fais que nous mourrions dans la voie des justes ».
Coran 46, 30 : « Nous avons entendu, dirent-ils, la lecture d’un livre révélé après Moïse, pour confirmer les Écritures précédentes ; elle conduit l’Homme dans la voie de la justice et de la vérité ».
La charia est justement cette voie des justes et de la vérité, la « grande route », la voie tracée par les ancêtres d’avant le paganisme (sic) à laquelle tout musulman doit se rallier. La Charia, c’est le chemin clair qu’il faut suivre, c’est le chemin que doivent suivre les fidèles. En tant que terme technique, écrit Joseph Schacht, dans l’Encyclopédie de l’islam, c’est l’ensemble des commandements de Dieu.
À l’origine, la connaissance de la charia était puisée directement dans le livre sacré de l’islam et dans les traditions (hadiths) relatives à Mahomet.
Concrètement il s’agit de la réunion des prescriptions du Coran et des hadiths, de même que les jurisprudences de la sounna, qiyas et Ijma. C’est un corpus de textes anciens (IXe siècle) sur lequel se fonde tout juriste musulman.
Plus précisément, il s’agit de la loi religieuse extérieure, exotérique, qui s’adresse à tous, et qui est faite pour être suivie par tous.
La justice ou le droit musulman (les deux expressions reviennent au même pour notre propos) a deux sources sacrales : le livre sacré ou le Coran, et la Sounna ou les traditions (hadiths) relatives à Mahomet.
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Parmi les 70 péchés stigmatisés par l’islam (chiffre surtout symbolique), citons pêle-mêle
LES PÉCHÉS MAJEURS.
— Le polythéisme ou paganisme : le plus grave (impardonnable).
— Le meurtre d’un musulman.
— La magie noire.
— Négliger ses prières.
— Ne pas s’acquitter de l’aumône obligatoire (zakat).
— La rupture du jeûne du mois de ramadan, sans excuse valable (maladie, voyage…)
— Ne pas faire le grand pèlerinage à La Mecque alors qu’on est matériellement en mesure de le faire
LOI CIVILE ET MORALE RELIGIEUSE ÉTANT CONFONDUES EN TERRES D’ISLAM SOUS LA NOTION DE « DIN » LA CHARIA S’OCCUPE DONC UN PEU (ET MÊME BEAUCOUP) DE TOUT CE QUI SUIT.
VIE RELIGIEUSE.
Dire des mensonges sur Dieu et Mahomet, dissimuler la révélation divine, ou la manipulation des textes révélés, par des gens du Livre, nier que c’est Dieu qui décide de notre destinée, les représentations figurées, les idoles, les sculptures, les sacrifices offerts à un autre que Dieu, les doutes sur la toute-puissance de Dieu quant au cœur des hommes, fuir le champ de bataille en cas de djihad, l’abandon de la prière en groupe pour prier seul, en particulier le vendredi, l’injure, en particulier aux compagnons du prophète, l’offense et la calomnie des musulmans, l’hypocrisie, en particulier la simulation de la foi, dire des malédictions, croire aux devins, aux astrologues, aux cartomanciennes……
VIE SOCIALE.
Le suicide, l’adultère, la consommation de boissons alcoolisées, la toxicomanie en général (haschich compris) les jeux de hasard, la calomnie des femmes mariées, la désobéissance de la femme, si le mari est juste, la fuite pour un esclave, si le maître est juste, le reniement de son père via l’adoption plénière ou l’adoption d’un autre nom, l’arrogance, aussi bien dans le port de riches vêtements que dans la démarche, le port, par l’homme, de vêtements en soie et de bijoux en or, l’homosexualité, l’imitation des femmes par des hommes, et réciproquement, a fortiori le transsexualisme,
VIE ÉCONOMIQUE.
L’usure, la spoliation des orphelins, gouverner sans suivre les règles de l’islam, etc.
A. Les sources profanes de la justice musulmane.
Environ un tiers des lois coraniques existaient avant l’islam, notamment le pèlerinage à La Mecque.
La charia plonge ses racines dans la société arabe préislamique, bien avant la naissance de Mahomet. Cette société ainsi que ses lois tribales étaient conditionnées par des traits à la fois profanes et magiques. Les lois tribales des Arabes étaient magiques dans la mesure où leurs processus de recherche et de démonstration étaient dominés par des méthodes relevant de la divination, de l’invocation, ou du serment. Son aspect profane se concrétisait dans le fait que ces mêmes lois concernaient surtout des conflits de paiement et d’indemnisation. De ces lois archaïques, la charia nous a conservé les traits essentiels régissant le statut personnel, la famille et l’héritage. Elles nous sont parvenues presque inchangées, telles qu’on les appliquait dans les petites villes de la péninsule Arabique, et au sein des clans de Bédouins.
B. Les sources sacrées de la justice musulmane.
1 Le Coran.
a) Les versets dont se sont servis les docteurs de l’islam dans leur élaboration de la loi divine sont au nombre d’environ 500. Les versets proprement juridiques ne dépassent pas les 200. Il y a donc, de ce point de vue, d’énormes lacunes. Seul le chapitre « successions » contient des précisions quelque peu détaillées.
b) Le Coran n’est pas un code parce que, même en ce qui concerne les matières réglementées, on ne peut y trouver aucune théorie juridique élaborée. La réglementation juridique du Coran est casuistique. Les textes ont été révélés pour régler des cas particuliers, pour régler des problèmes précis qui s’étaient posés.
Soulignons à ce propos qu’il y a dans le Coran des versets contradictoires révélés à des époques différentes. Les spécialistes de l’islam ont essayé de les concilier, mais souvent sans réussir, aussi ont-ils dû distinguer entre les versets abrogeant et les versets abrogés (Nasikh oua Mansoukh). Le problème est que la quasi-totalité des versets faisant preuve de tolérance fait partie des versets mecquois donc abrogés. Abrogés par ceux qui ont été révélés ultérieurement, à Yathrib/Médine, et qui sont nettement moins conciliants.
2 La Sounna.
La seconde source religieuse ou sacrale du droit musulman est constituée par la Sounna, c’est-à-dire, par les propos et les jugements attribués à Mahomet. De son vivant, le prophète fut en effet souvent
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consulté personnellement sur le sens et la portée exacte de certains passages du Coran, ainsi que sur la solution à donner à des difficultés auxquelles il ne semblait pas que le texte du livre sacré fût directement applicable. Le prophète, répondant aux questions qui lui étaient posées, expliquait, commentait, complétait la révélation, et les musulmans considèrent donc les réponses ainsi fournies par lui, comme une nouvelle source de droit.
Les mêmes observations que pour le Coran s’imposent ici : caractère casuistique de la justice et nombre insuffisant de hadiths en matière de droit, qui ne sauraient suffire à constituer une théorie ou un code complet. À La Mecque, ses concitoyens ne le considéraient que comme un simple devin, et cela explique qu’il s’empressa d’abandonner le principe d’arbitrage tel qu’il était pratiqué par les Arabes polythéistes. Cependant, quand on faisait appel à lui pour régler un conflit au sein de sa propre communauté, Mahomet continuait à se comporter en arbitre. Le Coran recommande d’ailleurs de nommer un médiateur originaire des familles du mari et de la femme en cas de litige entre conjoints. C’est une survivance typique du droit préislamique.
Devenu « Législateur Prophète », Mahomet à Yathrib/Médine exerça son pouvoir en maître absolu. Le cadre légal étant à peu près inexistant, il exerça ce pouvoir en se référant à Dieu et à ses révélations. Pour les « tièdes », son autorité fut finalement considérée comme étant d’ordre politique.
Les trente années que durèrent les règnes des califes dits « de Médine » seront présentées, plus tard, comme « l’Âge d’or » de l’islam. Et c’est l’image d’Épinal qui prévaut, encore aujourd’hui. Or, ce que nous savons de l’histoire authentique (et vérifiable) de l’islam primitif, démontre que ce fut loin d’être le cas.
En effet, au cours de cette période, les commandements du Coran ne furent même pas appliqués sans restriction. L’étude du développement des doctrines juridiques issues de l’islam montre que l’on ne prêta en effet qu’un intérêt très superficiel à ces commandements.
La question essentielle qui se posait aux premiers musulmans consista surtout à savoir si les ordonnances des deux premiers califes (Abou Bakr et Omar) devaient être assimilées à des précédents contraignants (sounna) ou pas. Elle fut soulevée lors de l’accession au pouvoir du troisième calife, en l’an 644, le très contesté Osman.
La « sunna », considérée dans ce contexte, avait donc au départ une connotation bien plus politique que juridique.
Les conclusions, autres qu’élémentaires, que les Arabes tirèrent du message mahométan, survinrent à des époques bien plus tardives. On constate même que, dans plusieurs cas précis, la doctrine de la charia primitive fut en totale contradiction avec les termes explicites du Coran (du moins celui d’Osman).
— Le verset 6 du chapitre 5 stipule « Ô croyants ! Quand vous vous disposez à faire la prière, lavez-vous les mains jusqu’au coude ; essuyez-vous ensuite la tête et les pieds jusqu’aux chevilles » ; mais la charia de cette époque, elle, n’imposait que le seul lavage des pieds.
— Le verset 282 du chapitre 2 avalise la pratique consistant à consigner par écrit les contrats dont l’exécution n’est pas immédiate. Cette habitude, usuelle chez les commerçants des villes arabes, passa donc dans le Coran ; mais la loi islamique vida ce commandement de sa puissance contraignante, en niant la validité des documents écrits, en accordant la primauté aux déclarations des témoins ; lesquels ne sont pourtant que des personnages secondaires, ou accessoires, si l’on interprète bien le verset dont il est ici question.
Mahomet avait insisté sur la notion de « fraternité » entre musulmans, mais ne s’était guère attardé sur la notion d’égalité. Quant à la notion de « liberté », elle était inexistante dans l’esprit du fondateur de l’islam. Il avait, par contre, tenté de combattre l’orgueil des Arabes et leur esprit de caste (pour mieux les contrôler). On sait cependant que les discriminations sociales et l’orgueil ne disparurent vraiment jamais en terres d’islam. Dès le départ, les convertis non arabes – quel que fût leur statut social antérieur – furent tous considérés comme des citoyens de seconde catégorie. On les désignait du nom de « maouali » ou « mouladi » (en Espagne). Toutes les Écoles de droit furent aussi obligées de reconnaître l’existence de « degrés » dans l’échelle sociale. Ces degrés n’interdisaient pas le mariage entre deux personnes de rangs différents, mais ils permettaient, le cas échéant, d’en exiger la dissolution par-devant le cadi. Le Coran avait accepté le concubinage tel qu’il existait dans la société arabe préislamique, mais, dans le principal verset qui aborde cette question (chapitre 4, verset 3), le concubinage apparaît seulement comme une alternative moins coûteuse à la polygamie. On est loin de la pratique du concubinage illimité qui fut en vigueur, en plus de la polygamie, aussitôt que Mahomet eut disparu. Il est vrai qu’il n’avait pas été un parfait exemple en la matière !
L’ancien système d’arbitrage fut maintenu sous les premiers califes (califes de Médine), tout comme les lois coutumières préislamiques.
Dans leurs fonctions de souverains et de législateurs suprêmes, ces premiers califes jouèrent essentiellement un rôle de législateurs. Durant le premier siècle de l’hégire, les fonctions législatives
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et administratives du gouvernement islamique se confondent étroitement. Toutefois, l’objet de cette législation n’était pas de modifier la loi coutumière au-delà de ce qui était dit dans le Coran. Elle devait d’abord organiser les territoires nouvellement conquis par les armées musulmanes, et assurer la viabilité d’un État islamique qui s’agrandissait de jour en jour.
Les premiers califes, ces « compagnons de route du prophète », calquèrent leur comportement sur celui de Mahomet. Ils réprimèrent très sévèrement, souvent dans le sang, les manifestations de déloyauté. Ils allèrent jusqu’à faire fouetter les auteurs de poèmes satiriques contre des tribus rivales, forme en principe autorisée d’expression littéraire, sous prétexte que ces écrits menaçaient la sécurité intérieure de l’État.
Bien que n’étant pas prises en vertu du Coran, de nombreuses décisions émanant des califes obtinrent une reconnaissance officielle, et furent intégrées dans le droit islamique. Le recours à la lapidation comme châtiment de l’adultère est l’une de ces décisions. La plupart des théoriciens arabes de la loi islamique prétendent qu’il s’agit là d’un « commandement du prophète ». Ils se réfèrent à un verset du Coran évoqué par certains hadiths et qui parle, en effet, de la lapidation, mais qui n’a pas été retenu par le canon musulman (version d’Osman). Les hadiths en question sont…
— Soit la preuve que Mahomet a lui-même abrogé puis retiré ce verset de son vivant.
— Soit la trace d’une des premières tentatives visant à faire établir, a posteriori, la validité « divine » (donc légale) d’une ordonnance de calife.
C’est dans ce contexte quelque peu surréaliste que naquit la notion de « sounna du prophète » ; non encore identifiée à un ensemble de règles, mais servant de lien entre la « sounna d’Abou Bakr et d’Omar », la « sounna d’Osman » et ce qui pouvait subsister du message coranique.
Il en résulte qu’à partir de cette époque lointaine, le droit islamique ou coranique s’est instauré sur la base d’un principe général (sounna) qui n’avait rien de spécifiquement islamique, et sur un texte (le Coran d’Osman) plus que suspect. Ce n’est pas là le moindre paradoxe de l’islam !
La « loi islamique » au sens strict du terme, n’est apparue qu’au VIIIe siècle, plus de cent ans après la mort de Mahomet. Les premiers musulmans s’intéressaient très peu aux aspects « techniques » de la loi et de la justice. Ceci explique la survivance, dans le droit musulman, de pratiques juridiques héritées des peuples conquis (comme les Perses par exemple). On peut ainsi mentionner la manière de traiter les religions « tolérées » (judaïsme et christianisme) qui fut calquée sur les règles juridiques de l’Empire byzantin. Il en va de même pour les modes d’imposition ou l’institution du bail emphytéotique. Le principe de conservation des pratiques juridiques préislamiques fut même parfois officiellement reconnu, notamment par l’historien al-Baladhuri (mort en l’an 892). En règle générale cependant, des précédents islamiques fictifs furent inventés de toutes pièces, en guise de justification.
Les « traditions » (sounna ou hadiths) faisant état des « actions » et des « dires » de Mahomet, dont nous savons qu’elles sont plus que douteuses, devinrent des « références en droit » dès la fin du VIIIe siècle.
C’est dans cette idée de « précédent », de « sounna » que le monde musulman s’est, si l’on peut dire, développé. Ce qui était coutumier fut décrété « juste et vrai ». Ce que les ancêtres avaient fait méritait d’être imité. On trouvera là le ferment du conservatisme et du « passéisme » qui affecte le monde arabo-musulman d’aujourd’hui. Un monde qui refuse d’évoluer, mais s’enferme dans sa coquille dès qu’il se croit menacé par le « progrès ». Sur le plan mental, les musulmans pieux sont de véritables fossiles vivants.
On ne trouve qu’un seul verset du Coran où le terme arabe traditionnel pour arbitrage est remplacé par un terme nouveau, purement islamique, désignant une décision judiciaire. « Mais non, par le Seigneur, ils ne croiront pas vraiment tant qu’ils ne t’auront pas nommé arbitre de leurs querelles, et qu’ils ne répugneront pas à admettre ce que tu as décidé, et s’y soumettront totalement » (sourate 4.65).
On constate ici que le premier verbe fait référence au rôle d’arbitre de Mahomet tandis que le second (décider) – d’où vient le terme arabe « cadi » – insiste sur le caractère autoritaire de la décision. C’est le premier indice de l’émergence d’un nouveau concept de la justice. Le juge islamique est la parfaite continuité de « l’arbitre » de la société préislamique.
La juridiction des cadis ne s’étendait qu’aux seuls musulmans. Les populations non musulmanes conservaient le droit d’être jugées par leurs institutions traditionnelles, y compris les tribunaux rabbiniques ou ecclésiastiques dont on sait qu’ils avaient largement doublé l’organisation officielle de l’Empire byzantin. Les musulmans adoptèrent même certaines fonctions inconnues de la société arabe, comme celle d’inspecteur du marché (ou « agoranome »), qu’ils rebaptisèrent « amil al-souk » ou « sahib al-souk ». Plus tard, sous les premiers Abbassides, cette fonction d’inspecteur du souk donnera naissance au « mouhtasib ». De même, les musulmans d’alors empruntèrent à l’administration sassanide la fonction de « greffier ».
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Les groupes de cadis, croissant sans cesse en nombre au fil des années, se transformèrent peu à peu (au VIIIe siècle) en ce que nous pourrions appeler des « Écoles de droit » ; terme qui ne sous-entend cependant aucune forme d’organisation précise, ni même l’existence d’un ensemble de lois (telles que nous les concevons). Les cadis continuèrent d’être des personnes privées. On peut toutefois dire que la division des musulmans en deux « classes » – l’élite et le vulgum pecus – date de l’émergence des premières Écoles de droit islamique. Dès le départ, l’interprétation des commandements coraniques fut en effet « à géométrie variable ». C’est une des raisons qui expliquent l’apparition de nombreuses sectes et sous sectes au sein de l’islam (que l’on doit d’ailleurs considérer globalement comme une secte religieuse, une hérésie du christianisme).
Le fiqh, le droit musulman, construit par des jurisconsultes privés, permet de qualifier le comportement humain selon des catégories qui vont du permis à l’interdit en passant par le recommandé, le réprouvé, le haïssable. C’est ainsi que la répudiation – en fait un divorce unilatéral – est le licite le plus haïssable ! Prenant ainsi en compte la multitude des ethnies, les jurisconsultes se répartissent en quatre Écoles plus ou moins rigoristes, qui tirent leur originalité ainsi que leur nom du fondateur.
Le malékisme, avec le juriste médinois Malik Ibn Anas, tient compte des coutumes d’Arabie ; le hanafisme, créé par le Persan Abou Hanifa, s’appuie sur le droit mésopotamien et constitue la moins religieuse des Écoles, la plus juridique, celle qui est préférée par les Non-Arabes ; le chaféisme, dû au juriste palestinien Chafi, adopte un juste milieu entre les deux rites précédents ; le hanbalisme enfin, est le droit religieux d’un islam devenu religion légaliste et ritualiste, avec une sorte de méta droit, la charia, dont la jurisprudence ou fiqh s’élabore dans les Écoles juridiques. Tenant compte de la logique grecque et du raisonnement, il se rattache au Coran et à la Sounna.
Il est significatif que le fondement réel de la doctrine de chaque École ne soit pas le consensus de tous les musulmans, mais seulement celui des « docteurs de la Loi, musulmans ». Le rôle spécifique de la classe des « oulémas » dans la société musulmane fut établi à cette époque.
Le besoin de trouver une justification à ce qui s’était jusqu’alors fondé sur l’opinion de la majorité entraîna, dès les premières décennies du VIIIe siècle de notre ère, le rejet de la tradition des Écoles juridiques. Au moment même où les « docteurs » de Koufa en Irak attribuaient leur doctrine à un certain al-Nakha’i, une autre doctrine de l’époque se voyait parée de l’aura de l’époque glorieuse des débuts de l’islam (toujours à Koufa) ; en se trouvant attribuée à Ibn Massoud, un compagnon de route de Mahomet qui s’était installé dans cette ville irakienne. Le mouvement s’amplifia et la plupart des « compagnons du prophète » devinrent identiquement les éponymes des Écoles de Médine et de La Mecque. L’Irak surenchérira dans sa quête de solides fondements théoriques de la doctrine des anciennes Écoles, lorsque l’expression « sounna du prophète » passera – au début du VIIIe siècle – du contexte politique et théologique au contexte juridique, s’identifiant à la « sounna » proprement dite. Les Syriens s’emparèrent à leur tour de cette appellation pour en faire l’axiome selon lequel la pratique des musulmans découle directement de celle du « prophète ». Ce dernier avatar de la sounna n’impliquait pas encore l’existence des « hadiths » (informations prétendument liées à la « tradition »). Mais il fallut peu de temps avant que ces « traditions » ne fassent leur apparition, et ceux qui les mirent en circulation furent appelés « traditionistes ».
Sous les derniers Omeyyades, les Écoles de loi étaient représentatives de l’opposition islamique aux pratiques populaires et administratives. Le groupe oppositionnel qui se développa au sein du clan des « traditionistes » ne fit qu’accentuer cette tendance. Tant qu’un « compagnon du prophète » avait représenté l’autorité suprême pour la doctrine d’une École sur un point particulier, il avait suffi à une doctrine divergente de se mettre sous l’égide d’un autre compagnon d’autorité égale ou supérieure. C’est ainsi qu’à Koufa, toutes sortes d’opinions minoritaires furent attribuées au calife Ali (qui avait fait de Koufa sa capitale).
Parmi les usages que les premiers califes abbassides (et sans doute les derniers Omeyyades) empruntèrent à l’ancienne administration des rois sassanides, on peut mentionner l’institution dite « étude des doléances ». Elle avait pour mission d’étudier les dénis de justice, les actes illégaux posés par les cadis, les difficultés survenant dans l’exécution d’un jugement, ou encore les injustices commises par des fonctionnaires. Ignorée des Arabes, cette forme de « cour d’appel » à la manière sassanide fut rebaptisée « al-nazar » (cours des doléances) et entra en concurrence avec les cadis. L’existence même de ces « cours de doléances » – qui furent instaurées pour pallier l’insuffisance de la juridiction des cadis — ; indique que le système législatif de l’islam primitif était déjà en pleine décadence à la fin du VIIIe siècle (moins de deux cents ans après la mort de Mahomet). Depuis les califes abbassides, une double administration judiciaire – l’une religieuse, l’autre profane – se retrouve dans la quasi-totalité des pays fortement islamisés. La concurrence existe toujours entre ces deux niveaux de compétence (ou d’incompétence !) et cette concurrence est source de nombreux conflits.
Pour l’Europe le cas de l’île de Mayotte est un parfait exemple des problèmes que soulève cette rivalité. Pourtant, dans ce cas, il ne devrait pas y avoir de problèmes. Cette île, bien que
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majoritairement peuplée de musulmans, fait partie du territoire français (donc européen) et ne relève que du seul droit « occidental » (français/européen). Il n’est pas admissible, dans ce contexte, que des « juges religieux » puissent s’opposer aux juridictions légales.
Les califes suivants – ainsi que des souverains séculiers – établirent à leur tour de nouvelles règles. Mais bien qu’il s’agisse là de véritables « législations », ils continuèrent à parler d’« administration » afin de contourner les interdits religieux. De cette manière, ils entretenaient la fiction que leurs « règlements » ne servaient qu’à renforcer ou appliquer la « loi sacrée ». Cette ambiguïté, savamment entretenue par des artifices de langage, s’étendit à toute l’administration islamique.
La loi islamique ne fut cependant jamais appliquée de façon uniforme dans le monde musulman. On peut s’en convaincre en parcourant le mémorandum que le secrétaire d’État Ibn al-Mouqaffa présenta au calife abbasside al-Mansour, peu avant d’être cruellement mis à mort (en l’an 756). Intelligent et très observateur, al-Mouqaffa, un Perse converti, n’hésitait pas à mettre en évidence certains aspects de la législation islamique, telle qu’elle était à son époque. Des aspects que les sources dites « conventionnelles » ne permettent pas d’observer.
Ibn al-Mouqaffa déplorait notamment les importantes divergences que l’on pouvait constater dans l’application de la justice, et ce, dans plusieurs grandes cités. Il relevait les mêmes incohérences d’un quartier à un autre et d’une École de droit en fait, à une autre. En conséquence, il conseillait au calife de faire réviser les différentes doctrines, de les codifier puis de faire mettre en pratique ses propres décisions afin d’obtenir un minimum d’uniformisation. Il devait en résulter un « code » qui aurait été imposé aux cadis. Ce code devait pouvoir être révisé ou adapté par les califes successifs. C’était un projet législatif cohérent qui s’inscrivait dans la ligne de notre conception moderne du droit. Il demeurait « islamique » dans son fondement, bien qu’y incorporant de nombreux éléments non musulmans. Pour comprendre cette acceptation de concepts et de méthodes juridiques étrangères à la doctrine coranique, lesquels s’étendent jusqu’aux modes de raisonnement et aux idées fondamentales du droit islamique, il faut considérer le rôle joué par les convertis cultivés. Car au cours des deux premiers siècles de l’hégire, ces convertis appartenaient surtout aux classes sociales supérieures. Ils étaient les seuls auxquels l’entrée dans la société islamique, même en tant que citoyens de seconde catégorie, permettait d’acquérir des avantages considérables. Ils étaient aussi et surtout ceux qui avaient bénéficié de l’éducation libérale, imprégnée de rhétorique hellénistique, qui était de règle au Proche-Orient avant la conquête arabo-musulmane.
Ces convertis instruits entrèrent en islam avec les conceptions et les idées qui leur étaient familières, et ils les intégrèrent peu à peu dans la nouvelle religion. C’est ainsi que des éléments du droit romain et byzantin, des éléments du droit canon des Églises orientales, des éléments du droit talmudique et rabbinique, ainsi que des éléments du droit sassanide, s’infiltrèrent peu à peu dans le code islamique naissant. Cette « infiltration » eut lieu pendant la période d’incubation du premier siècle de l’hégire, et se concrétisa dans les doctrines islamiques qui furent élaborées entre les VIIIe et XIVe siècles de notre ère.
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VINGT-SEPTIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
DE MINIMIS NON CURAT PRAETOR.
Sahih Boukhari tome 6, livre 60 hadith numéro 10.
Omar a déclaré un jour : « Je suis tombé d’accord avec Dieu sur trois choses », ou « Mon Seigneur a été d’accord avec moi sur trois choses ».: J’ai dit : O Apôtre de Dieu, que dirais-tu de prendre la station d’Abraham comme lieu de prière. J’ai dit aussi : O Apôtre de Dieu, des gens bien et moins bien viennent te voir, ordonne aux Mères des croyants de se couvrir de voiles. » C’est ainsi que les versets divins d’Al-Hijab (c’est-à-dire du voile des femmes) ont été révélés.
Sahih Boukhari 6, 60, 313.
Ibn Omar a rapporté qu’Omar a dit un jour : mon seigneur a été d’accord avec (mes jugements) en trois occasions. Dans le cas de la Station d’Abraham, dans le cas du port du voile et dans le cas des prisonniers de Badr.
Aucune révélation n’avait été faite à ce sujet, jusqu’à ce qu’Omar ait suivi les femmes de Mahomet. Pourquoi Omar a-t-il fait ça ? Comment savait-il (ou du moins soupçonnait-il) que cela « marcherait ». Pourquoi Dieu se préoccupe-t-il à ce point des toilettes qu’il a révélé un verset concernant toutes les musulmanes qui vivront à jamais après cela ?
Comment le Coran peut-il être un texte qui existait avant qu’ait commencé le monde, si Dieu suit ce que lui suggèrent des contemporains de Mahomet pour ce qui est de son contenu ? Si Mahomet n’est qu’un messager, rapportant la parole de Dieu, pourquoi Omar a-t-il demandé à Mahomet la révélation du hidjab (voile) ? Pourquoi n’a-t-il pas simplement prié Dieu pour lui demander directement ?
L’explication que l’on en donne communément est que Dieu attendait qu’Omar fasse cela pour que cette révélation circonstancielle puisse être faite. Cela n’est mentionné nulle part néanmoins, rien ne le prouve par conséquent. En outre Omar dit bien qu’il y a pensé le premier et que Dieu ensuite « tomba d’accord avec lui ».
Ce qu’il est plus judicieux de dire c’est qu’en terres d’islam (Dar al islam) le bien et le mal n’ont rien à voir avec une quelconque règle d’or du genre « ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît ».
Est bien en terres d’islam ce que le Coran prescrit ou autorise, est bien ce que Mahomet a fait ou dit (isma).
Est mal en terres d’islam ce que le Coran interdit ou maudit, est mal ce que Mahomet a condamné ou désapprouvé.
Il est d’ailleurs significatif que les termes utilisés le plus souvent dans cette idéologie religieuse soient les termes hallal ou haram et non les termes universels de bien ou de mal.
Le Coran créé (humain) étant une véritable catastrophe intellectuelle (pas de plan pas de contexte mélange des genres des époques poésie et non philosophie, etc.) en outre limitée en nombre de mots, il demeura encore possible d’y ménager quelques espaces de liberté, le plus célèbre étant celui de la fameuse et primordiale distinction entre versets abrogés du temps où Mahomet était dans
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l’opposition à La Mecque sa ville natale et versets devenus abrogeant quand Mahomet a exercé le pouvoir dans la Cité État de Médine.
Par contre vu la quantité phénoménale de hadiths ou anecdotes recueillies à propos de Mahomet, soit directement soit indirectement, là impossible d’y échapper.
Le malheur des musulmans est que Mahomet a vécu beaucoup plus longtemps que le grand rabbi nazaréen Jésus et qu’il a fini chef d’État (alors que le coup d’État des partisans de Jésus, lui, a été écrasé par les Romains).
Vu la mentalité de l’époque (assimilation de toute religion non à une spiritualité, mais à une loi, Din, comme dans le cas de la Loi de Moïse, conformisme social dans le cadre d’une société assez limitée en nombre et dans l’espace, les oasis) Mahomet a donc été questionné sur tout et n’importe quoi.
Il est vraisemblable que bon nombre de ces questions indignes d’un philosophe ou d’un mystique et relevant de la simple hygiène ou de la gastronomie, etc. ont été posées après coup, et après la mort personnelle de Mahomet. Il a été possible en effet ensuite de poser ce même genre de questions stupides aux membres de sa famille ou à ses proches.
Comme tout un chacun Mahomet avait des avis sur tout, et il ne semble pas avoir résisté à la tentation de donner son avis à qui le lui demandait.
Il aurait été préférable que Mahomet fasse comme le grand héros du roman initiatique appelé les quatre évangiles et, face aux nombreuses questions pièges des pharisiens, y échappe par des pirouettes ou s’exprime surtout en paraboles genre parabole de la femme adultère, du retour du fils prodigue, des ouvriers de la onzième heure, du mauvais intendant ou du bon Samaritain.
Il aurait été préférable que Mahomet fasse comme le grand héros du roman initiatique appelé les quatre évangiles et rompe avec sa famille.
Il aurait été préférable que Mahomet fasse comme le grand héros du roman initiatique appelé les quatre évangiles et n’essaie pas de fonder une famille.
Il aurait été préférable que Mahomet reste toujours dans l’opposition et ne se retrouve pas finalement à la tête d’un immense empire.
Ce ne fut pas le cas, hélas pour deux milliards de nos congénères humains. Car les premières victimes de tout cela ce sont bien les musulmans eux-mêmes évidemment). Le malheur est donc que dans l’idéologie religieuse musulmane le bien ce n’est pas l’application de la règle d’or (ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît), mais l’application de la règle : « SI MAHOMET L’A FAIT ALORS C’EST BIEN.SI C’EST LE CORAN QUI LE DIT -C’EST À DIRE EN FAIT TOUJOURS SI C’EST MAHOMET QUI LE DIT- C’EST BIEN !)
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VINGT-HUITIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
Il y a unanimité chez les musulmans pour dire que le Coran s’impose à tous (houdjatoun 'ala al-jami'), et qu’il constitue la première source du droit musulman. Cela découle du fait qu’il provient de Dieu.
INTÉGRISME * ET ARCHAÏSME EN TERRES D’ISLAM.
Après la mort de Mahomet, un certain nombre de ses compagnons se sont occupés du fiqh, en dispensant des fatouas aux musulmans ou en agissant comme juges. Leurs décisions ont été rapportées dans les recueils de la Sounna de Mahomet ou dans des recueils séparés.
Les deux termes fiqh et charia sont malheureusement souvent confondus et utilisés l’un pour l’autre.
— La charia représente la norme virtuelle, idéale, théorique, abstraite.
— Le fiqh est la jurisprudence appliquée, tirée de la charia par le raisonnement de grands jurisconsultes de Bagdad, entre le VIIIe et le IXe siècle, à travers quatre écoles juridiques : l’école hanéfite, l’école malékite, l’école chaféite, l’école hanbalite. Or, cette construction jurisprudentielle qu’est le fiqh repose sur cinq sources : le Coran **, la sounna, l’ijma ou consensus des savants, le qiyas ou raisonnement par analogie, et le ra'y ou opinion du juge.
Deux d’entre elles sont fondamentales et acceptées par tous, partisans ou non de la raison : le Coran ** et ensuite la sounna, ou tradition.
La charia n’est donc que la tentative effectuée par certains de ces auteurs ultérieurs, se posant de nombreuses questions, de systématiser un certain nombre des principes sélectionnés par eux afin de tout régler de la vie quotidienne des hommes et des femmes, y compris dans les moindres détails.
L’islam (qui signifie soumission… à Dieu) est donc à la fois non seulement une religion et une manière de vivre (al-islam Din oua dounya), mais aussi une religion et un État : al-islam din oua daoula,
L’islam ne permet pas d’envisager une séparation du politique et du religieux semblable à celle fondée sur la distinction entre temporel et spirituel dans le paganisme ou dans le christianisme.
Saint Coran chapitre 3, verset 104 : « Puissiez-vous former une communauté dont les membres appellent les hommes au bien : leur ordonnent ce qui est convenable et leur interdisent ce qui est blâmable ! »
Concha do chursachad i n-gnimaib antechtai trouve-t-on chez les barbares druides d’extrême occident. Réprouve et blâme les mauvaises actions. Notons que notre héros n’est pas un dieu, mais un demi-dieu ne bénéficiant d’aucune isma particulière à la différence de Mahomet, que cette formule est quand même moins contraignante que le fameux « Vous êtes la meilleure communauté suscitée pour les hommes, vous interdisez le mal et vous ordonnez le bien » des musulmans (chapitre 3, verset 110 du saint Coran) et qu’en outre elle ne s’applique qu’à la vie civile (donc peut se résumer à « condamne ce qui est manifestement illégal). Le seul problème c’est que les druides antiques assimilaient justice et vérité. Était juste ce qui était vrai ou inversement était vrai ce qui était juste. Réprouver ce qui est mal, c’est déjà beaucoup et même peut-être suffisant, mais ordonner le bien… alors là c’est la porte ouverte à tous les totalitarismes. Coran chapitre 3, verset 19 : « aux yeux de Dieu la vraie religion c’est l’islam ».
Le principe « ce qui n’est pas interdit est a contrario permis » est plus compatible avec notre idée de la liberté humaine. Ordonner le bien !!! Brrr !!! La porte ouverte à toutes les dictatures par définition
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surtout quand on croit savoir que, contrairement à la Bible, le Coran ne constitue pas un récit humain du message divin (tel qu’attesté par les savants et sages de la Synagogue ou de l’Église), mais est le « texte original » de la révélation divine**. À l’époque même de la révélation divine, ces paroles furent mémorisées puis consignées (par les compagnons du prophète) en un recueil unique en employant une méthode très rigoureuse de recoupement des sources (sic, fin de la citation).
La problématique de la théocratie dans l’islam peut donc s’étudier à partir de la charia, du fait qu’elle est en vigueur ou non, et dans le cas où elle l’est, des modalités suivant lesquelles elle s’applique.
L’idée originelle de la charia est qu’à chaque communauté sont assignés un programme, un projet ou des commandements. En ce sens la Charia originelle était l’exact correspondant des diverses déontologies professionnelles constituant l’éthique druidique (la déontologie des guerriers, la déontologie des producteurs et des artisans, etc.) ce que l’Église appelle les « devoirs de son état ».
Par la suite, sans jamais cesser de faire débat, s’est développée l’idée que la charia devait régler tous les gestes du plus anodin au plus grave (alors que dans le druidisme on appliquait avant la lettre la maxime de latine « De minimis non curat druis »)
La charia fixera ainsi les obligations rituelles (prières, pèlerinage, aumônes obligatoires, etc.), les taxes, les expiations, le petit djihad ou les sanctions. La charia définit aussi différentes communautés auxquelles elle fixe des droits et des devoirs selon leur condition d’homme, de femme, de musulman, de « gens du livre » ou autre.
La mise à jour de la charia ne peut venir (dans l’esprit du système légal musulman) que de la découverte d’un principe déjà contenu de manière embryonnaire dans le Coran.
Dans certaines situations, l’ijtihad doit être accomplie par chacun, mais dès lors que les musulmans sont en communauté, c’est aux savants (moujtahid) de le faire tandis que le commun des croyants doit « suivre » lesdits savants.
La question reste de savoir si l’on considère aujourd’hui que les portes de l’ijtihad sont fermées ou s’il est aujourd’hui possible de pratiquer encore cette ijtihad.
En arabe théologique en effet le terme bid'ah (innovation, idée nouvelle) désigne quelque chose d’inventé sur la base d’aucun modèle précédent existant, donc sans fondement, sans précédent reconnu. Donc une hérésie.
Plusieurs citations du Coran sont évoquées pour condamner les innovations en matière de religion. En voici une : Saint Coran chapitre 5, verset 3. « Aujourd’hui, j’ai parachevé pour vous votre religion, et accompli sur vous mon bienfait. Et j’agrée l’Islam comme religion pour vous ».
Dans le contexte de l’islam sunnite, les voies dans la religion se divisent donc en 2 catégories : certaines ont une origine dans la législation islamique et d’autres n’ont pas d’origine dans la législation islamique.
L’innovation relève de cette deuxième catégorie, celle de l’invention, qui ressemble à la voie légale islamique (elle s’apparente à la voie légale dans son aspect extérieur) alors qu’en réalité elle n’en fait pas partie, mais s’y oppose à plusieurs points de vue, comme le fait de s’astreindre à des pratiques cultuelles dont on ne trouve pas une telle prescription dans la Législation (al-Shari'a). L’innovation ou bid’ah est ce qui ne respecte pas les prescriptions de Dieu et de son prophète Mahomet et détourne les croyants de la pratique religieuse telle qu’elle a été fixée par la tradition. La révélation ayant pris fin avec la mort de Mahomet, aucun ajout ultérieur à la religion n’est toléré. Dire qu’il peut exister de bonnes innovations en matière de religion revient à contredire ces paroles.
Les hadiths sont encore plus explicites : Mahomet avait l’habitude de conclure ses sermons par :
« Le meilleur discours réside dans le livre de Dieu et la meilleure direction est celle de Mahomet. Les pires des choses sont les innovations, et toute innovation est une aberration » (Rapporté par Muslim sous le n° 867a).
« Quiconque introduit dans nos pratiques des innovations sans raison valable commet un péché et cela doit être rejeté » (rapporté par Muslim sous le n° 1718 a).
SUR LA FORME DU GOUVERNEMENT.
Le premier « gouvernement » dans l’histoire de l’Islam fut peut-être celui qui coïncida avec la Période médinoise de Mahomet. Il est difficile de savoir si celui-ci fonda un véritable État, mais il présida en tout cas aux destinées de la jeune oumma, ou communauté musulmane naissante. La fonction de guider celle-ci est donc, en ces débuts de l’islam, assumée par celui qui a le statut de prophète, et a reçu la révélation coranique. À sa mort, la question se posera de savoir quel rôle cette révélation doit jouer dans le gouvernement de la cité, et qui sont les hommes qui vont faire le lien entre cette révélation et la gestion du politique. Cette interrogation traverse toute l’histoire politique musulmane et soulève le problème du lien entre religion et politique en terres d’Islam.
Les croyants y répondent alors par l’institution d’un califat : les premiers dirigeants de la communauté prennent le titre de Khalifat Dieu. Historiquement, ce califat se réalise sur des modes très divers : dans l’institution des quatre premiers califes, dits « bien guidés », et dans les dynasties qui suivent puis au
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fil du temps se fragmentent en d’autres formes de gouvernement (califats multiples, sultanats, émirats…), au fur et à mesure que l’empire musulman s’élargit géographiquement. Mais la notion de califat dépérit corrélativement à cet élargissement. Il faut donc noter la discontinuité de cette « expérience califale ». Celle-ci n’est pas le seul type de gouvernement vécu par les musulmans et elle disparaît définitivement en 1924.
Revenir à la notion de califat revient à décrire quelques-uns des grands traits du pouvoir exécutif de la communauté musulmane. L’idée d’un pouvoir législatif reste pendant très longtemps indéfinie, ne revenant théoriquement qu’à la révélation coranique et à la Sounna ou Tradition mahométane.
Le pouvoir califal a été au contraire défini et étudié par les auteurs musulmans, et il a donné lieu à différentes conceptions. La plus courante, qui s’est imposée dans la gestion politique des États, est la théorie sunnite classique du califat.
Dans cette version du mythe des origines, la période prophétique, suivie immédiatement de celle des quatre premiers califes, définit un âge d’or. Plus on s’en éloigne, plus on assiste au déclin de l’islam sociopolitique. Cette représentation est devenue courante chez nombre d’intellectuels ou d’idéologues islamistes de tout bord. Pour eux l’islam de Médine représente la cité musulmane parfaite, idéale, où l’universalisme musulman remplace les liens du sang et les formations tribales. Certains insistent sur l’adéquation exacte aux normes de la révélation de cette période médinoise mais d’autres réinterprètent la période médinoise en lui donnant des accents démocratiques. À travers la notion de shoura (consultation) par exemple, ils tentent d’affirmer le caractère coopératif et consultatif de l’islam des origines. Ces deux interprétations ne sont pas exclusives l’une de l’autre et donnent lieu à des représentations du gouvernement qui ne sont pas dépourvues d’ambiguïtés.
Notons à cet égard qu’est loin d’être réglée le problème que soulève la soi-disant Constitution de Médine, en réalité une série de plusieurs pactes (8 selon R.B. Sarjeant).
Si l’usage de la notion de califat se fait à la mort du prophète, et sa première succession par Abou Bakr en 632, la question du lien entre le califat et l’islam ne commencera véritablement à se poser pour la communauté musulmane qu’en l’an 657. La bataille de Siffine oppose les partisans d’Ali, gendre et cousin de Mahomet, aux partisans de Mouaouiya, rival d’Ali, et calife autoproclamé depuis un an.
A) Ceux qui décident de rester étrangers à cette bataille, les dissidents dits kharidjites, de kharaja, « sortir » en arabe, quittent le parti d’Ali et refusent d’accepter l’arbitrage globalement favorable à Mouaouiya ***. Pour eux, seul un calife pieux et juste mérite l’obéissance. Ils affirment donc le principe électif du califat, sans autre restriction que religieuse. Ainsi, le parti kharidjite s’insurgera-t-il continuellement contre les hommes au pouvoir, fondant le principe d’opposition politique en Islam.
B) Les fidèles d’Ali, qui deviendront les chiites, font alors du califat un droit divin qui n’appartient qu’aux descendants du prophète par Fatima, les gens de la maison (ahl al-baït).
C) En revanche, les hommes de Mouaouiya vont fonder l’orthodoxie sunnite et établir les fondements de la conception dite « classique » du pouvoir en Islam. Le calife, légitimement élu ou désigné, pourvu qu’il soit de la tribu du prophète et non obligatoirement de sa famille, a droit à l’obéissance des musulmans tant qu’il ne commande rien qui soit ouvertement contraire à l’islam. Mais après la désignation du calife, les croyances et les pratiques intimes de celui-ci, même impies, ne peuvent légitimer la rébellion de la communauté contre lui et/ou son retrait du pouvoir.
Cette thèse produit grosso modo la matrice d’une théorie sunnite du califat, qui se fonde sur la nécessité absolue d’avoir un pouvoir exécutif et coercitif. Il vaut mieux avoir un chef injuste que faire subir à la communauté l’épreuve d’une fitna, ou guerre civile, dira Abou Hamid al-Ghazali, au XIe siècle.
Sous la dynastie des Abbassides, pour ne citer qu’un exemple, s’établira vers le Xe siècle une séparation fonctionnelle entre le religieux et le politique, même si, à cette époque, le pouvoir temporel devient quasiment absolu, et gouverne « au nom de Dieu ». De par l’émergence d’une classe d’hommes de Dieu, qui vivent une relation de partenariat avec l’État, les tâches religieuses, en particulier celle de produire des fatouas, reviennent à une institution qui ne se confond pas avec celle du pouvoir exécutif, mais qui lui reste soumise. Le calife devient lui-même progressivement khalifat Allah, plutôt que successeur du seul prophète et sa personne gagne en autorité spirituelle. Mais, parce que la gestion de l’État impérial, géographiquement étendu, devient de plus en plus complexe, il délègue progressivement les tâches temporelles à un vizir, placé sous son contrôle théorique. Le religieux s’exprime et s’accomplit alors dans une relation d’intersection avec le pouvoir. D’où le rôle du mou’tazilisme à l’époque.
Mais avec la fin de l’Inquisition musulmane connue sous le nom de Mihna et le triomphe du Sunnisme à Bagdad, le chef de la communauté ne sera plus désormais une autorité « spirituelle ». Il assurera seulement le lien entre autorité spirituelle et temporelle. Il pourra être dès lors défini comme un chef temporel – qui n’a rien de « divin » en lui-même –, chargé par la communauté de faire respecter les
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lois temporelles et spirituelles. Il n’a plus pouvoir de définir le dogme, qui reste au-dessus de lui, car il n’est en général pas de son ressort de dire le légitime et l’illégitime en ce qui concerne le domaine religieux. Les spécialistes de la loi musulmane, les fouqaha et les oulémas se chargent de cette fonction, par leur pratique de l’ijtihad d’abord, de l’intégrisme ensuite. Dans cette représentation idéale, le souverain n’a pas non plus de pouvoir législatif ou judiciaire. Il fait simplement appliquer les lois civiles et religieuses existantes. Mais il nomme les cadis et les muftis chargés de dire la loi.
Le gouvernement de la cité s’organise ainsi autour d’une division des tâches, le pouvoir législatif étant représenté directement par les textes révélés ainsi que la Sounna, le judiciaire par l’ijtihad ou exégèse des docteurs de la loi, et l’exécutif par le calife lui-même. Ces trois fonctions sont séparées en termes institutionnels, mais font toutes référence à la norme divine.
Bref, l’islam ce n’est pas ses hérésies ou ses minorités comme les soufis. L’islam ce n’est pas non plus le Coran (un antilivre), l’islam c’est… le Coran + les hadiths+ la vie de Mahomet (avec isma) + la tradition les concernant (sounna = 85 % des musulmans) + la réflexion des docteurs en droit musulmans (charia et fiqh). Voilà quels sont les cinq vrais piliers de l’islam.
Pour l’islam, la séparation du politique et du religieux n’est même pas concevable. Elle serait même choquante, car elle passerait alors pour un abandon de l’humain au pouvoir du mal, ou une relégation de Dieu hors de ce qui lui appartient de droit. Dès le début, l’islam s’affirme en effet comme « religion et régime » (DIN oua-daoula) et cette unité du politique et du religieux est toujours défendue aujourd’hui dans certains courants intégristes.
La charia est un ensemble de lois qui n’ont pas toutes le même statut. On peut y distinguer les droits de Dieu (houqouq Allâh) et les droits des hommes (houqouq aladamiyine).
L’existence de ces « droits de Dieu » et le fait que leur application revienne au gouvernement font que l’on peut parler de théocratie si la charia est en vigueur dans un pays.
La mise en œuvre des droits de Dieu est à la charge des gouvernements, ils forment ce que l’on appelle le droit civil en Occident, tandis que l’application des droits de l’Homme est à la discrétion de chacun.
L’idée sous-jacente est qu’un manquement aux droits de Dieu nuira immédiatement à toute la communauté tandis que le fait qu’un particulier ne revendique pas ses droits ne concerne que lui.
Les défenseurs de l’islam doivent donc répéter INLASSABLEMENT ET EXPLICITEMENT que même dans un pays à majorité musulmane, ils admettent l’égalité des droits entre hommes et femmes ou entre musulmans et non musulmans. Un non-musulman doit pouvoir parvenir aux plus hautes fonctions même en terre musulmane (Laïcité).
N.B. « Après avoir vaincu le fascisme, le nazisme et le stalinisme, le monde fait face à une nouvelle menace globale de type totalitaire : l’islamisme. Nous appelons à la résistance au totalitarisme religieux et à la promotion de la liberté, de l’égalité des chances et de la laïcité pour tous… Nous plaidons pour l’universalisation de la liberté d’expression, afin que l’esprit critique puisse s’exercer sur tous les continents, envers tous les abus et tous les dogmes. Nous lançons un appel aux démocrates et aux esprits libres de tous les pays pour que notre siècle soit celui de la lumière et non de l’obscurantisme ».
Ayaan Hirsi Ali, Chahla Chafiq-Beski, Caroline Fourest, Bernard-Henri Lévy, Irshad Manji, Maryam Namazie, Mehdi Mozaffari, Taslima Nasreen, Salman Rushdie, Antoine Sfeir, Philippe Val, Ibn Warraq……
Prions pour que les lois de ce pays continuent longtemps à nous laisser libres…
— De ne pas être convaincu par tout ceci.
— De ne pas adhérer à ce dogme.
— D’exprimer cette opinion et de la faire partager.
* L’intégrisme est le rejet de toute innovation en matière de religion.
** Notre Coran à nous. « Dès que tu verras des gens t’expliquant que l’islam n’est que liberté paix amour et tolérance, ou progrès scientifique, etc.… alors… éloigne-toi d’eux, car tu risques de t’en indigner » (Sourate 6, verset 68. De notre Coran à nous).
La laïcité est, face à une idéologie politico-religieuse qui s’est donné pour but la soumission du monde à sa Loi ; en elle-même et par définition, inopérante.
On ne peut contrer les avancées d’une telle idéologie politico-religieuse qu’en substituant au moins momentanément à la pratique de la laïcité un combat des idées tous azimuts, de la crèche à l’école, mais aussi dans les médias, dans les tribunaux, et bien entendu au sein des cultes en question (surveillance des prêches, sanction automatique du non-respect des lois civiles, etc.).
Le retour à la laïcité ne pourra se faire qu’après la réussite de cette première phase, et donc dans un deuxième temps seulement.
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En attendant et à cet égard, il y a lieu d’adopter un moratoire.
*** Mais l’affaire n’est pas claire.
VINGT-NEUVIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
HOMMES LIBRES OU ESCLAVES.
Le judaïsme a connu l’esclavage, mais il était un peu particulier : pour les Hébreux il s’agissait d’un esclavage temporaire limité à 7 ans. Au bout de 7 ans, l’esclave juif devait être affranchi.
Par contre l’esclave étranger n’était pas placé sur un pied d’égalité avec l’esclave juif (au statut temporaire et qui n’était pas la propriété du maître) :
« Ton esclave ou ta servante, que tu veux avoir en propre, doit provenir des peuples qui vous entourent ; à ceux-là vous pouvez acheter esclaves et servantes. Vous pourrez en acheter encore parmi les enfants des étrangers qui viennent s’établir chez vous, et parmi leurs familles qui sont avec vous, qu’ils ont engendrées dans votre pays : ils pourront devenir votre propriété » (Lev. 25, 44-45).
En outre il est parfaitement exact que le grand rabbi nazaréen Jésus n’a jamais demandé l’abolition explicite de l’esclavage, qu’il n’a jamais exigé de ses fidèles qu’ils n’aient pas d’esclaves, mais à la différence de Mahomet lui au moins n’a jamais possédé personnellement des esclaves, car le fait que Mahomet a personnellement eu des esclaves, sexuelles ou pas, change tout pour un musulman pieux. Mahomet en effet a capturé des esclaves, vendu des esclaves, acheté des esclaves, reçu des esclaves en cadeau (exemple la Copte prénommée Marie, offerte à Mahomet par le gouverneur d’Alexandrie Égypte) et utilisé des esclaves pour le travail. La Sira ou vie de Mahomet est très claire sur le sujet. L’esclavage est une évidence dans le Coran. Il porte en particulier sur les femmes capturées lors du petit djihad, transformées en esclaves sexuelles, ce qui est évidemment une puissante incitation pour recruter des combattants.
Il y a lieu également de rappeler que l’esclavage arabo musulman sur les côtes orientales de l’Afrique a commencé bien avant celui pratiqué par les Européens chrétiens (Côte Ouest de l’Afrique ; Portugais 1510) et qu’il a duré bien plus longtemps : 1300 années contre 300. Il a fallu d’ailleurs que ce soit les Européens chrétiens qui y mettent fin, car de même qu’il n’y a pas d’équivalent de la parabole du bon Samaritain en terre d’islam, en terre d’islam il n’y a jamais eu non plus de mouvement abolitionniste. Il n’y a jamais eu l’équivalent d’un Bartolomé de Las Cases ou d’un William Wilberforce. *
En outre les esclaves africains étaient souvent castrés par leurs maîtres musulmans ce qui explique pourquoi il y a si peu de noirs ou de descendants d’Africains au Moyen-Orient. Pour comparaison il y en a plusieurs dizaines de millions en Amérique.
Combien de millions et de millions de pauvres noirs (ou blancs) ont-ils été réduits en esclavage par les musulmans ; et conduits en longues et sinistres caravanes vers les bagnes du désert qui les attendaient (mines de sel, de cuivre, et castration à la clé pour les eunuques) ? Nul ne sait !
Ce qui est certain c’est que cette incroyable traite des noirs a commencé longtemps avant celle qui fut entreprise par les Occidentaux, qui ont été à bonne école apparemment (au VIIe siècle en ce qui concerne les Zandj, soit sept cents ans avant) ; et elle a fini bien longtemps après (1980 pour la Mauritanie). Encore a-t-il fallu le progrès des idées au XIXe siècle pour que les Européens arrivent peu à peu à mettre fin à ces pratiques ancestrales. Non sans heurts d’ailleurs, de la part des religieux.
Que le musulman pieux veuille bien pardonner à l’avance ce qui va suivre et qui tombe hélas ! sous le coup de l’interdiction par Dieu de toute contestation de toute discussion ou de tout dialogue. Car nous
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allons effectivement maintes fois dans les pages qui suivent encore discuter des versets du Coran : de leur sens, de leur pertinence, de leur adéquation, de leur valeur éthique philosophique ou scientifique. Comment faire autrement ?
« Dans le Livre, il vous a déjà révélé ceci : lorsque vous entendez qu’on renie les versets (le Coran) de Dieu et qu’on s’en moque, ne vous asseyez point avec ceux-là jusqu’à ce qu’ils entreprennent une autre conversation. Sinon vous serez comme eux. Dieu assurément rassemblera tous les mécréants et les hypocrites en enfer » (Verset 140, chapitre 4 : les femmes).
« Quand tu vois ceux qui pataugent dans des discussions à propos de nos versets, éloigne-toi d’eux jusqu’à ce qu’ils entament une autre discussion. Et si le Diable te fait oublier, alors, dès que tu t’en souviens, ne reste pas avec les injustes » (Verset 68, chapitre 6 : les troupeaux).
Et…
« Les démons inspirent à leurs suppôts de discuter avec vous. Si vous les écoutiez, vous deviendriez polythéistes » (verset 121, chapitre 6).
Les versets entérinant la pratique de l’esclavage maintenant.
Petite précision sémantique avant de commencer. L’expression arabe Malak-oul-Yamin ou possession de la main droite signifie en réalité esclaves ou femmes devenues propriétés d’un musulman par suite d’une guerre ou d’un achat.
Verset 3, chapitre 4. « Épousez comme il vous plaira deux, trois, ou quatre femmes. Mais si vous craignez de n’être pas équitables, prenez une seule femme ou vos captives de guerre »
Verset 24 à 25 chapitres 4. « Vous sont encore interdites les femmes mariées de bonne condition à moins qu’elles ne soient vos captives de guerre… Celui qui, parmi vous, n’a pas les moyens d’épouser des femmes croyantes et de bonne condition prendra des captives de guerre croyantes… lorsque ces femmes ayant accédé à une bonne condition commettront une action infâme, elles subiront la moitié du châtiment que subiraient des femmes de bonne condition ».
Verset 36, chapitre 4. « Vous devez user de bonté envers vos parents……………… le voyageur et vos esclaves »
Verset 1 à 6, chapitre 23. « Heureux les croyants… qui se contentent de leurs rapports sexuels avec leurs épouses ou les esclaves qu’ils possèdent, car on ne peut les en blâmer ».
Verset 52, chapitre 33. « Il ne t’est plus permis de changer d’épouses ni de prendre d’autres femmes en dehors de tes esclaves même si tu es charmé par la beauté de certaines d’entre elles ».
Verset 29 chapitre 70 « Les hommes chastes (sic) qui n’ont de rapport qu’avec leurs épouses et avec leurs captives de guerre ne sont donc pas à blâmer ».
Bref, un non-musulman peut donc très bien être l’esclave d’un musulman, mais un musulman ne peut pas appartenir en tant qu’esclave à un de ses coreligionnaires SAUF SI LA CONVERSION A EU LIEU APRÈS LA RÉDUCTION EN ESCLAVAGE. IL PEUT DONC Y AVOIR DES MUSULMANS ESCLAVES D’AUTRES MUSULMANS.
Il y a des musulmans assez hypocrites (taqiya) ou ignorants de la sounna pour prétendre qu’il n’y a pas de hiérarchie dans l’islam, mais les textes fondateurs (Coran hadith Sira) sont formels. Ou alors, ils ne les ont pas ouverts aux bonnes pages.
« Vous pouvez avoir des rapports sexuels avec deux esclaves à la fois sans ghousl (ablution), mais ne pouvez pas agir de la sorte des femmes libres… » (Mouwatta de Malik 2.23.90.).
« Yahya m’a dit, chose qu’il tenait de Malik d’Ibn Chihab… qu’Omar ibn al-Khattab a été interrogé à propos d’une femme et de sa fille qui étaient dans la possession de la main droite, si on pouvait avoir des rapports sexuels avec elles l’une après l’autre, Omar a répondu : je n’aime pas qu’on fasse les deux. Il a ensuite interdit cette pratique » (Mouwatta de Malik : Livre 28, Numéro 28.14.33).
« Yahya m’a raconté… qu’un homme a demandé un jour à Osman ibn Affan si on pouvait avoir des rapports sexuels avec deux sœurs que l’on possédait. Osman a répondu : « Un verset les rend halal, et un autre verset les rend haram, moi je n’aimerais pas le faire. L’homme est reparti et a rencontré l’un des compagnons du Messager de Dieu, que Dieu le bénisse et lui accorde la paix, et lui l’a de nouveau demandé à ce sujet, et il a répondu, « Si je le pouvais et je trouve quelqu’un ayant fait ça, je le punirais pour l’exemple » (Mouwatta de Malik : Livre 28, Numéro 28.14.34).
NB. La musulmane libre est supérieure à l’esclave musulmane (elle-même supérieure à l’esclave non musulmane, par exemple Marie la Copte, l’une des esclaves de Mahomet), supérieure aux femmes chrétiennes, supérieure aux femmes juives, et ainsi de suite…
Marie la Copte. Nous connaissons le nom de l’une des esclaves sexuelles de Mahomet. Quand le délégué de Mahomet a rencontré le responsable des Coptes égyptiens (Mouaqaqis) pour l’inviter à se convertir à l’Islam, il a poliment refusé de le faire, mais connaissant bien l’appétit de Mahomet en la matière il lui a offert deux belles esclaves qui étaient sœurs. Mahomet a pris Marie, la plus belle, pour lui-même, et a donné sa sœur Sirine à son ami poète, Hassan ibn Thabit. Marie donna naissance à Ibrahim, le dernier enfant de Mahomet, mort en bas âge.
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LA RÉVOLTE DES ESCLAVES EN IRAK DU 7e AU 9e SIÈCLE.
Les Zandj, ainsi que beaucoup d’autres esclaves noirs originaires des côtes d’Afrique orientale (où on les avait capturés, achetés, ou obtenus des États soumis, à titre de tribut) ; furent importés en grand nombre au cœur de l’empire musulman à partir d’une date indéterminée. Leurs conditions de vie devaient être extrêmement dures, puisqu’en l’espace de trois siècles ils se révoltèrent à trois reprises.
Un premier soulèvement se produisit en 689-690, sous le gouvernement de Khaled ibn Abdallah, successeur de Moussaab ibn al-Zoubaïr. Il fut apparemment de faible importance, il s’agissait, semble-t-il, de petites bandes se livrant au pillage, qui furent dispersées sans grand mal par l’armée gouvernementale.
Les prisonniers furent décapités puis leurs cadavres pendus au gibet.
La seconde insurrection eut lieu cinq ans plus tard, en 694. Elle semble avoir été plus importante, et surtout mieux préparée. Les Zandj avaient cette fois-ci un chef, un certain Rabah (ou Riyah ?) surnommé « Shir Zandjî » (« le Lion des Zandj »), et les autorités furent obligées de s’y prendre à deux reprises pour les écraser. Le caractère de cette révolte paraît avoir été complexe, mais les informations dont nous disposons sont assez maigres. Les renseignements que nous possédons sur ce mouvement ne nous permettent pas d’en déceler le véritable caractère ; certains pensent qu’il n’éclata pas spontanément, et que les Zandj avaient été travaillés par une certaine propagande.
Mais c’est bien entendu avant tout la troisième révolte des Zandj qui est la plus connue, car cette nouvelle révolte des esclaves secoua très fortement et pendant quinze années (entre 869 et 883) le bas Irak et le Khouzistan ; causant des dégâts matériels sans nombre et des dizaines (certaines sources parlent de centaines) de milliers de morts. Elle fut l’œuvre d’un personnage redoutable et apparemment sans scrupule, Ali ibn Mouhammad, surnommé « Sahib al-Zandj » (« le maître des Zandj »). « Révolutionnaire-type », d’ascendance obscure, mais ayant pu approcher les « hautes sphères » de son époque ; poète de talent, instruit, versé dans les sciences occultes, ayant adhéré à différentes doctrines et tenté plusieurs soulèvements (notamment au Bahreïn et à Bassora), il réussit à fomenter la plus grande insurrection d’esclaves de l’histoire du monde musulman.
Quatre raisons expliquent la réussite de son action et la durée de cette révolte.
a) L’extrême misère de ces « troupeaux » d’esclaves. Les révoltés, selon Tabari [notre principale source d’informations] étaient employés comme terrassiers, chargés de cultiver la Basse-Mésopotamie, d’enlever le limon, de l’entasser en monticules, afin de rendre ainsi cultivables les terres nitreuses du Chatt El-Arab ; groupés par chantiers de 500 à 5 000 travailleurs, parqués là, sans foyer ni espoir, avec, pour toute nourriture, quelques poignées de farine, de semoule et de dattes.
b) Le théâtre des opérations : propice à la guérilla.
c) La situation précaire du pouvoir de Bagdad (le pays à cette époque était secoué par l’anarchie dans sa partie centrale, et par de graves problèmes dans les provinces éloignées).
d) Les qualités personnelles (organisationnelles, guerrières et politiques) d’Ali ibn Mouhammad.
On distingue deux périodes dans cette insurrection.
— La première (869 – 879) est la période de l’expansion et de la réussite pour les insurgés, le pouvoir central n’étant pas en mesure, pour des raisons intérieures et extérieures, de les combattre efficacement.
Les révoltés s’organisent, se procurent des armes, et se fortifient dans des camps installés en des endroits inaccessibles, d’où ils lancent des expéditions. Après un grand nombre d’embuscades et de batailles qui tournent à leur avantage (car les esclaves libérés augmentent sans cesse « l’armée » des insurgés) ; ils s’emparent temporairement des principales villes du bas Irak et du Khouzistan (al-Ouboullah, Abadan, Bassora, Ouasit, Djoubba, Ahouaz, etc.).
Les troupes abbassides réoccupent sans mal ces villes que les Zandj ont prises, pillées puis quittées. Mais elles sont incapables d’étouffer la révolte, ou d’infliger une défaite décisive à un ennemi présent partout et nulle part. Comme le pouvoir de Bagdad avait d’autres problèmes plus urgents à résoudre, la question des Zandj passa au second plan. Pendant ce temps, le « Maître des Zandj », solidement installé dans la région des canaux où se trouve sa « capitale », frappe sa propre monnaie, organise son « État » ; et tente, avec plus ou moins de succès, de se lier avec d’autres mouvements contemporains (tels ceux des qarmates de Hamdan Qarmat, et des saffarides de Yakoub ibn al-Laïth).
— La seconde période (879 – 883) n’est qu’une lente agonie avant l’écrasement final. À cette époque, les Zandj deviennent le principal souci du calife de Bagdad, qui agit méthodiquement, nettoyant tout sur son passage, laissant les Zandj s’enfermer dans la région des canaux ; où ils subirent un siège en règle, dirigé par « le régent de l’Empire », al-Mouwaffak, et son fils, Abou I-Abbas (le futur calife, al-Moutadid). Finalement, Ali ibn Mouhammad fut tué, ses plus proches compagnons et officiers faits prisonniers, puis transférés à Bagdad, où ils seront décapités deux ans plus tard ; mais certains membres de sa famille lui survivront encore quelque temps.
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On pourrait conclure en disant que la révolte des Zandj fut une révolte politique (lutte pour le pouvoir) et sociale (amélioration des conditions de vie d’une classe particulière de la population), mais plusieurs points d’importance concernant cet extraordinaire événement mériteraient de longs développements. La personnalité du chef de la révolte, ses prétendues généalogies, son credo et son « idéologie », l’organisation politique et sociale du nouvel « État », ses relations avec les différentes classes de la population et avec d’autres mouvements contemporains.
Il y a lieu cependant d’insister sur un fait essentiel : si ce mouvement très particulier tient une place absolument à part, parmi les très nombreuses insurrections ayant eu lieu dans l’histoire du Moyen Âge musulman ; c’est parce qu’il a mis fin à l’unique essai, dans le monde musulman, de transformation de l’esclavage familial en esclavage colonial.
Notre conclusion sera donc la suivante en ce domaine : toute personne, que ce soit un journaliste ou un homme politique (de toute façon ce sont les mêmes) qui affirme que l’islam interdit l’esclavage… MENT.
Les califes (successeurs de Mahomet) avaient des harems abritant des centaines voire des milliers de jeunes filles ou de jeunes femmes venant de tous les pays, des Indes à l’Europe. Rien qu’en une année par exemple (1619-1620) 200 000 hindous furent déportés et vendus sur les marchés aux esclaves iraniens. 3 millions de Hongrois furent réduits en esclavage par les Turcs en 150 ans (de 1619 à 1650 environ).
Comme le christianisme originel en effet (la religion d’amour a toujours eu ses limites) l’islam ne fait qu’interdire les mauvais traitements infligés aux esclaves. Verset 36, chapitre 4. « Vous devez user de bonté envers vos parents……………… le voyageur et vos esclaves ».
Étant bien précisé ici que les relations sexuelles forcées ne sont pas considérées comme un mauvais traitement ni la castration des garçons non plus apparemment.
* Rappelons néanmoins que la guerre de Sécession ne fut pas déclenchée pour mettre fin à l’esclavage, mais… pour mettre fin à la sécession des États du Sud justement. L’esclavage (cf. le compromis de 1850, et la loi sur les esclaves fugitifs) resta aussi légal dans les États du nord jusqu’au 18 décembre 1865.
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TRENTIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LETTRE OUVERTE À NOS SŒURS DE LA WICCA (quelques versets de notre Coran à nous).
Le chapitre intitulé « les hommes » compte 6 versets. C’est le dernier chapitre du Coran le 114. Il s’agit là sans doute d’une formule magique concernant les êtres humains en général et qui date de la période mecquoise. Son caractère de protection magique contre les sorts ne fait aucun doute vu celui qui précède, le numéro 113.
Nous avons cherché en vain dans le Coran un chapitre « les hommes » équivalent par sa longueur et son sujet à celui consacré aux femmes, le numéro 4, une sourate médinoise longue de 176 versets (par exemple afin d’expliquer aux croyantes comment traiter leurs maris). Un tel chapitre n’existe pas.
Par contre il y a un chapitre du Coran intitulé les femmes (où on explique aux hommes musulmans comment traiter leurs femmes), mais comme il n’existe pas de sourate du Coran spécifiquement destinée aux hommes, essayons modestement (nous ne sommes pas Dieu) de combler cette évidente lacune du Coran.
L’être humain qui est vraiment dépendant de ses hormones dans un couple c’est l’homme. L’agressivité chez l’homme dépend des mêmes hormones que celles de la virilité (la testostérone) ce n’est qu’une question de degré, de dose.
Ne demandez pas l’impossible à vos hommes. Ils ne peuvent être à la fois tout et son contraire. Pardonnez-lui donc ses offenses et n’usez qu’avec parcimonie de votre pouvoir de séduction. Sachez toujours jusqu’où ne pas aller trop loin.
Les arts martiaux ne doivent pas être réservés aux hommes. Adonnez-vous au contraire aux arts martiaux ou aux sports d’autodéfense et de combat. Être très forte à la lutte ou au maniement du bâton, voire en escrime, ne peut que vous faire le plus grand bien non seulement sur le plan physique (exercice, sport), mais aussi sur le plan psychique. Cela ne peut que vous donner plus de confiance en vous-mêmes et cela peut aussi bien entendu vous fournir des moyens de vous défendre contre qui que ce soit.
Violences conjugales. Quelques scènes de ménage de-ci de-là passe encore, à vous de voir, mais n’acceptez jamais par contre d’être régulièrement battue (tous les jours, toutes les semaines, tous les mois ???).
En cas de violences inhabituelles, plutôt exceptionnelles, recourez aux techniques d’autodéfense à l’encontre de votre homme.
Si ces violences deviennent très fréquentes, alors divorcez sans hésiter. Une vraie païenne ne saurait s’épanouir dans un tel climat conjugal. Laissez cela aux musulmanes.
Par contre, ne ruinez pas vos hommes en cas de divorce, n’exigez pas de prestation compensatoire injustifiée comme si vous étiez incapable de subvenir à vos propres besoins. Ne réclamez de prestation compensatoire que si les torts sont exclusivement de son côté, ou du moins principalement de son côté, que si vous n’avez que des peccadilles à vous reprocher, et qu’en plus c’est lui qui demande le divorce).
Ne le faites pas chanter en vous servant des enfants comme moyen de pression. Accordez-lui la garde alternée la plus large possible. La garde alternée doit être la règle, la garde exclusive l’exception.
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N.B. Si dans un couple c’est la femme qui gagne plus que son mari, ou qui est plus riche, elle devra lui verser une prestation compensatoire. Une prestation compensatoire calculée de la même façon que si c’était le contraire.
Il faut trouver un modus vivendi : la complémentarité c’est le maître mot.
Ne laissez jamais la religion s’interposer entre vous et votre homme. Ne laissez jamais une deuxième personne ou un tiers homme (Dieu, prêtre) s’interposer entre vous et lui. Vos relations sexuelles ne regardent que vous (à partir du moment, bien entendu, où il y a consentement).
Si vous avez besoin d’un ou plusieurs amants pour vous épanouir, il faut qu’il y ait de sa part accord tacite à ce sujet. Je sais c’est difficile, mais un certain nombre de couples modernes arrivent très bien à vivre ainsi. Ce qu’il faut à tout prix arriver à éviter c’est le mensonge or la dissimulation.
Par contre dans ce cas pas de mensonge à propos du père des éventuels enfants. C’est très important pour un homme d’avoir la certitude que c’est bien lui le père.
Il est certain que la religion druidique antique faisait une plus grande place aux hommes qu’aux femmes. Le reconnaître sans le cacher ne signifie pas pour autant que nous voulons revenir à ce stade des relations femmes hommes. Nous sommes pour la plus complète parité entre hommes et femmes en ce domaine, et si nous ne revendiquons pas le terme de druidesse pour éviter un tel anachronisme, le terme prêtresse est chez nous son exact équivalent. Druides et prêtresses (celtes) ont exactement les mêmes droits et devoirs dans notre association. Ce qui n’empêche pas qu’il y ait aussi des collèges strictement masculins (ou féminins bien entendus) conformément nos plus anciennes traditions, sur certaines îles sacrées.
N’oubliez jamais que l’homme est une femme qui ne peut pas porter d’enfants.
N’abusez donc jamais de ce pouvoir que vous avez par rapport à lui.
Inversement, aucune femme ne doit se retrouver seule et sans ressource pour élever les enfants. La pension alimentaire en cas de garde exclusive accordée à la mère doit certes dépendre des moyens financiers de l’ex-mari, mais la société tout entière a aussi le devoir de s’en mêler, au bon sens du terme.
La femme enceinte devra bénéficier de conditions de travail plus sûres et plus confortables. Elle pourra bénéficier d’un poste au travail allégé, voire être dispensée de travail, mais en aucun cas licenciée pour cette raison. Les frais médicaux liés à la grossesse doivent être remboursés. Il est de l’intérêt bien compris de la société que les femmes ne soient jamais pénalisées par une grossesse. La vie est la première des valeurs à transmettre.
Le statut du père.
Les femmes ne doivent jamais accorder moins de droits aux pères qu’à elles-mêmes pour ce qui est de l’éducation des enfants. Toutes les décisions les concernant devront être prises d’un commun accord.
Le congé paternité doit être de règle et ne doit pas être un vain mot. Au travail le père de jeunes enfants doit également bénéficier d’horaires aménagés lui permettant de s’en occuper comme il faut.
Nom de l’enfant. Afin d’éviter de renouveler la stupidité des législations actuelles en la matière il convient de rendre possible sans problème et sans complication l’adoption à l’âge adulte d’un nom individuel et non héréditaire. Ce droit devra néanmoins être encadré borner ou pondéré pour éviter tout abus ou toute erreur regrettable.
Quant à vous mes sœurs, cessez de porter le nom de votre mari comme si c’était votre propriétaire et que nul ne vous désigne par un titre civique, différent suivant votre état matrimonial, suivant que vous êtes mariée ou non (plus de mademoiselle pour les femmes non mariées, madame pour tout le monde).
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TRENTE ET UNIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LA PLACE DE LA FEMME DANS L’ARABIE PRÉ-ISLAMIQUE (DJAHILIYA).
La non-existence de tout esprit critique depuis la fermeture des portes de l’ijtihad au 11e siècle (insidad Bab al Ijtihad) a constitué une des plus grandes catastrophes de l’humanité.
L’infanticide des filles.
L’infanticide des filles est évoqué dans plusieurs versets coraniques qui interdisent cette pratique.
Les sources islamiques affirment donc toutes en se fondant sur ces versets que les païens arabes pratiquaient l’infanticide des filles. Ils les enterraient vivantes.
En conséquence pour beaucoup de musulmans, cette interdiction montre à quel point l’islam a honoré la femme alors qu’avant on tuait ses filles à la naissance.
Comme il arrive souvent que nos auteurs, emportés par leur enthousiasme hagiographique, ne précisent pas si cela concernait la Terre entière, ou une partie seulement de notre globe, on peut a priori penser que Mahomet a donc d’emblée mis fin à cette pratique au niveau mondial.
Poussés dans leurs derniers retranchements nos auteurs finissent par concéder que seule l’Arabie était concernée par leurs remarques.
CERNONS DONC ENCORE UN PEU PLUS LE PROBLÈME.
La question est de savoir si l’infanticide des filles était une pratique « courante » dans l’Arabie
L’INSCRIPTION DE MATIRA.
Vers le IIe siècle avant notre ère la petite ville de Matira, à 45 km au nord-est de Sanaa a promulgué un décret (MAFRAY-Qutra 1 bloc découvert en 1978) dont voici la traduction.
« Qu’il soit donc interdit à la cité de Matirat d’intenter tout procès (?), sans l’ordre et la permission des banou Soukhaïm, et interdit de donner (en mariage ?) une fille de la cité de Matirat, en tout lieu, et cité, autre que la cité de Matira, et interdit de tuer sa fille à toute la tribu dhoû-Matira ».
L’interdiction est exprimée par la formule 'l-s’n de la première ligne, dans laquelle 'l équivaut à l’arabe « ne… pas » et s’n correspond à sounna (« coutume, tradition »). ‘l-s’n signifie donc : « Il est contraire au droit coutumier ».
La dernière des interdictions concerne le meurtre des filles, sans doute à la naissance.
Ce que Christian ROBIN commente ainsi. Ce décret ne semble pas dicté par des considérations de nature morale, mais par les nécessités de l’époque. On notera qu’il ne mentionne aucune divinité : il tire son autorité de la seule assemblée tribale, sans doute en accord avec les grands seigneurs de la confédération tribale, les banou Soukhaïm.
Questions maintenant.
Comment expliquer que de nombreux poèmes de la Djahilliya, commençaient par les louanges d’une femme aimée, et des descriptions de sa généreuse beauté, de la douceur de sa compagnie et de sa présence ?
Ci-dessous un exemple.
LE POÈME D’AMRIOLKAIS (501-550 environ).
RESTE ! – Pleurons en nous souvenant de notre bien-aimée, en voyant la halte où sa tente a été dressée, là-bas au pied des dunes de sable courbées, entre Dahoul et Haumel,
2. Toudam et Mikra, une halte dont les traces ne sont pas encore entièrement effacées, bien que les vents du sud et du nord aient retissé les dunes.
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3. Ainsi parlai je, lorsque mes compagnons arrêtèrent leurs coursiers à côté du mien et me dirent : « Ne meurs pas de désespoir, sois seulement patient ».
4. Pleurer à chaudes larmes est mon seul soulagement répondis-je, mais à quoi bon les répandre sur les restes d’un campement abandonné ?
5. Ton sort, me répondirent-ils, n’est pas pire que quand tu as quitté Howaira avant, ainsi que sa voisine Rebaba, sur les collines de Masel.
6. Oui, ai-je répondu, quand ces deux demoiselles sont parties, leurs robes ont laissé flotter derrière elles du musc de la même façon que le vent d’est répand l’odeur des giroflées :
7. Puis les larmes jaillirent de mes yeux et coulèrent le long de mon cou, jusqu’à ce que la ceinture de mon épée soit inondée par leur ruisseau.
8. Tu as pourtant passé plusieurs journées à converser avec la belle, mais aucune ne fut aussi douce que la journée que tu as passée près du bassin de Daratjouljoul.
9. Ce jour-là, j’ai tué mon chameau, afin d’offrir aux vierges un festin ; et il était étrange de les voir porter son harnachement et son équipement !
10. Les demoiselles s’entraidèrent toute la journée pour faire rôtir à viande à la graisse délicate comme une frange de soie blanche finement tissée.
11. En ce jour béni, je suis entré dans le palanquin, le palanquin d’Onaïza, qui m’a dit : « Toi, je vais te forcer à marcher.
12. Elle a ajouté (alors que le palanquin s’était couché nous notre poids) « O Amriolkais descend ou ma bête va aussi en être renversée ! »
13. Je lui ai répondu : « Continue et lâche ses rênes, ne me refuse pas plus longtemps les fruits de ton amour…
Deux thèses s’affrontent donc.
La thèse musulmane traditionnelle nous présente la place de la femme dans l’Arabie préislamique ou Djahiliya comme particulièrement peu enviable. Mahomet aurait donc sensiblement amélioré son statut.
Deux remarques s’imposent. On parle bien là de l’Arabie uniquement. Qu’en était-il du rôle de la femme dans d’autres sociétés, chez les peuples celtes ou germaniques par exemple ? Dieu aurait dû préciser par la bouche de son prophète que le statut qu’il prônait ne devait pas être imposé aux sociétés où les femmes avaient un sort plus enviable. Fâcheux oubli. Est-il trop tard pour le réparer ????
Deuxième remarque : l’Arabie d’avant Mahomet, la Djahiliya, était déjà en grande partie chrétienne ou en voie de christianisation. C’était le cas de l’Arabie du Nord (actuels Irak Syrie Jordanie) et de l’Arabie du sud (Yémen). De nombreux témoignages nous montrent également que cette pénétration avait commencé aussi en Arabie centrale. Le cousin de la première femme de Mahomet, Ouaraqa ibn Naoufal était sans doute un moine ou un évêque nestorien, et Khadidja elle-même devait donc être plus ou moins chrétienne puisqu’elle va le consulter si l’on en croit la tradition musulmane. D’autres témoignages nous montrent des tribus plus moins chrétiennes en Arabie centrale (voir l’épisode de Moussaïlimah et de Sajah du temps de Mahomet, lors des guerres dites de la Ridda. Moussaïlima lui aussi se référait à l’archange Gabriel, mais lui appelait Dieu Ar Rahman – le miséricordieux – au lieu d’Allah.
Si l’on en croit l’ouvrage du Père Guy Monnot sur les Penseurs musulmans (pages 290-292) toute une série d’auteurs musulmans des IXe-Xe siècles mentionnent aussi la présence du manichéisme dans la tribu des Couraïchites la tribu dominante de La Mecque au VIIe siècle, dont faisait partie la famille de Mahomet.
Ainsi que déjà mentionné plus haut, mais repetere ars docendi, Hicham Ibn Al-Kalbi (m. vers 820) a inclus, dans le Kitab mathalib al-Arab, le manichéisme (zandaqa) parmi les religions des Arabes de la période préislamique. Muhammad Ibn Habib (m. en 860) mentionne dans son Kitab al-Mouhabbar que la justice divine a envoyé la punition d’une mort violente sur les huit hérétiques manichéens (zanadiqa) de la tribu des Couraïchites : « Ils apprirent la zandaqa auprès des chrétiens de Hira ». À son tour, Ibn Qoutaïba (mort en 889) affirme dans son Al-Ma’arif que « la zandaqa était chez les Couraïchites, qui la tenaient de Hira », et Al-Maqdisi (vers 966) confirme, dans l’Al-Bad’ oua-l-ta’rich, que « la zandaqa et la ta’til (négation des attributs et noms divins) existaient chez les Couraïchites ».
Or le christianisme bien qu’ayant toujours en pratique réservé à la femme un rôle de second plan, ne l’a jamais théorisé à ce point. Surtout vu son interdiction de la polygamie et de la répudiation.
La thèse musulmane traditionnelle nous présentant la place de la femme dans l’Arabie préislamique comme particulièrement peu enviable et donc très sensiblement améliorée par Mahomet, ne serait-elle donc qu’un exemple de plus de taqiya ?
D’autres historiens comme Arnold Joseph Toynbee (XIXe siècle) considèrent en effet que cette vision d’une Arabie préislamique misogyne ne serait qu’un des aspects d’une légende noire entourant la
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« Djahiliya ». Le fait que la première épouse de Mahomet, Khadija bint Khouwaïlid, et la mère du futur calife Mouawiya Ier lui-même, Hind bin Outbah, étaient des négociantes libres d’embaucher des hommes, en serait la preuve. D’une manière générale, l’islam aurait plutôt, en le systématisant, nivelé le statut féminin autrefois divers au sein des tribus arabes. Les femmes jouissaient par exemple aussi d’une bien plus grande liberté chez les Sabéens d’Arabie du Sud.
Notre point de vue personnel. Nous tenons compte du fait que l’espèce humaine est composée de deux genres complémentaires, les femmes d’abord et les hommes ensuite, qui en échange du fait qu’ils sont exempts « des douleurs de l’enfantement » sont par contre plus souvent victimes de leur testostérone (durée de vie plus courte en moyenne, etc.).
Nous ne nions pas ces différences biologiques (on ne peut pas attendre d’une femme la même capacité musculaire que celle d’un homme) des différences biologiques qui ont évidemment des répercussions sur les psychologies individuelles ou collectives. À de rares exceptions près (hermaphrodisme vrai ou intersexuation, 1 à 2 % des naissances) il serait stupide de le nier.
Ce que nous disons par contre c’est que femmes et hommes doivent avoir les mêmes droits civiques et politiques, mais que si nous concevons très bien qu’une femme puisse être amiral, personnellement nous la voyons moins bien ramper dans la boue un couteau entre les dents pour attaquer des commandos ennemis. Eh oui, Pierre de La Crau est un vieux con !
TRENTE-DEUXIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LE CORAN ET LES FEMMES (quelques exemples pour commencer).
Saint Coran chapitre 2, verset 221. « N’épousez pas les femmes associatrices [païennes ou chrétiennes] tant qu’elles n’auront pas la foi, une esclave croyante vaut mieux qu’une associatrice même si elle vous enchante. Et ne donnez pas d’épouses aux associateurs [aux païens ou aux chrétiens] tant qu’ils n’auront pas la foi, un esclave croyant vaut mieux qu’un associateur même s’il vous enchante. Car ceux-là invitent au Feu… »
Saint Coran chapitre 2, verset 223. « Vos femmes sont un champ que vous pouvez cultiver quand vous le voulez ».
Saint Coran chapitre 24, verset 2 : « Vous infligerez à l’homme et à la femme adultères cent coups de fouet à chacun. Que la compassion ne vous entrave pas dans l’accomplissement de ce précepte de Dieu, si vous croyez en Dieu et au jour dernier. Que le supplice ait lieu en présence d’un certain nombre de croyants. »
LE STATUT DE LA FEMME DANS L’ISLAM.
Le Coran offre certes un véritable statut juridique aux femmes (et les hommes, en ont-ils un ?), mais ce statut les maintient dans une évidente infériorité vis-à-vis des hommes (elles acquièrent un droit à l’héritage inférieur de moitié à celui des hommes ; leur témoignage a devant les tribunaux la moitié de la valeur de celui d’un homme, etc., etc., etc.). Cette longue liste de différences devant la loi par rapport à l’homme est en fait plus longue que les égalités – dans les faits comme dans les écrits.
Saint Coran chapitre 4, verset 34. « Les hommes sont supérieurs aux femmes, en raison des faveurs que Dieu accorde à ceux-là sur celles-ci, et aussi à cause des dépenses qu’elles font de leurs biens. Les femmes vertueuses sont obéissantes et soumises, et protègent ce qui doit être protégé, avec la protection de Dieu. Quant à celles dont vous craignez qu’elles ne désobéissent, admonestez-les, bannissez-les de votre lit, et frappez-les… Dieu est grand ! ».
Témoignage : une femme vaut un de mi-homme.
Saint Coran chapitre 2, verset 282. « Ô croyants ! Quand vous contractez une dette, mettez-là par écrit ; et qu’un scribe l’écrive, entre vous, en toute justice ; un scribe n’a pas à refuser d’écrire selon ce que Dieu lui a enseigné ; qu’il écrive donc, et que dicte le débiteur : Qu’il craigne Dieu son Seigneur, et se garde d’en rien diminuer. Si le débiteur est gaspilleur ou faible, ou incapable de dicter lui-même, que son représentant dicte alors en toute justice. Faites-en témoigner par deux témoins d’entre vos hommes ; et à défaut de deux hommes, un homme et deux femmes d’entre celles que vous agréez comme témoins, en sorte que si l’une d’elles s’égare, l’autre puisse rappeler… »
Héritage : une fille vaut la moitié d’une fille.
Chapitre 4, verset 11. « Voici ce que Dieu vous enjoint au sujet de vos enfants : au fils, une part équivalente à celle de deux filles ».
Querelle dans le ménage. Si c’est l’Homme qui est fautif, une seule solution est proposée : la réconciliation.
Chapitre 4, verset 128. « Si une femme craint de son mari abandon ou indifférence, alors ce n’est pas un péché pour les deux s’ils se réconcilient par un compromis quelconque, et la réconciliation est meilleure, puisque les âmes sont portées à la ladrerie. Mais si vous agissez en bien et vous êtes pieux, Dieu sait très bien ce que vous faites. »
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Si la femme est désobéissante, par contre, parmi les solutions proposées il y a les violences légères.
Chapitre 4, verset 34. «. Quant à celles dont vous craignez qu’elles ne désobéissent, admonestez-les, bannissez-les de votre lit, et frappez-les… Dieu est grand ! ».
Mariage temporaire (zaouj al-mout'ah) chez les chiites. Il se fonde sur ce verset du Coran : « donnez-leur leur salaire pour avoir joui d’elles » (4, 24).
En vertu de ce passage et des pratiques des imams, les chiites reconnaissent donc ce mariage, qui est toujours prévu par le Code civil iranien.
Article 1075 – Le mariage est temporaire s’il est conclu pour un délai déterminé.
Article 1076 – La durée du mariage temporaire doit être clairement fixée.
Certaines autorités religieuses chiites autorisent donc leurs coreligionnaires qui se trouvent en Occident pour des études ou pour une mission à épouser des femmes non musulmanes monothéistes ou monolâtres dans le cadre de ce type de mariage temporaire avec fin dudit mariage clairement programmée à l’avance (sinon on est alors dans le cadre du mariage musulman classique).
Le mariage temporaire a donc pour but d’éviter des rapports sexuels hors mariage que le droit musulman interdit.
Ce problème a soulevé un grand débat dans la communauté musulmane aux États-Unis à la suite d’une fatoua en faveur de ce type mariage.
Inégalité dans la dissolution du mariage (la répudiation).
« La répudiation doit être prononcée deux fois. Ensuite, c’est soit la reprise selon les convenances, ou la libération avec gratification. Il ne vous est pas permis de reprendre quoi que ce soit de ce que vous leur aviez donné. À moins que tous deux craignent de ne pas se conformer aux limites imposées par Dieu. S’ils craignent de ne pas se conformer aux limites de Dieu, alors il n’y aura aucun péché de leur part si la femme se rachète » (Saint Coran chapitre 2, verset 229).
En vertu de ce verset, l’homme peut donc répudier sa femme, par une décision unilatérale de sa part, sans donner de raison et sans passer par le juge.
Il peut aussi demander au juge de dissoudre son mariage, notamment dans le but de se libérer des obligations qui lui incombent au cas où il recourt à la répudiation.
La femme ne peut répudier son mari que si elle a inclus une telle possibilité dans le contrat de mariage ou que le mari le lui a accordé.
Pour pouvoir se libérer de son mari, elle doit soit s’adresser au juge, soit négocier avec son mari sa liberté contre paiement et/ou renonciation à sa pension alimentaire. Cette possibilité, appelée khul, est prévue par le chapitre 2, verset 229 susmentionné qui parle de rachat (iftadat).
En matière de mariage mixte, le droit musulman classique peut être résumé comme suit.
Un musulman peut épouser n’importe quelle femme, quelle que soit sa religion, à condition qu’elle ne soit ni polythéiste, ni membre d’une communauté non reconnue ni apostate. Les chi'ites cependant interdisent aussi le mariage d’un musulman avec une non-musulmane, fût-elle des « Gens du Livre » c’est-à-dire juive ou chrétienne.
Par contre tout non-musulman qui épouse une musulmane agit contrairement au droit, son mariage est donc considéré comme nul, et il perd la « protection » politique de l’État (dhimmah).
En cas de conversion à l’islam.
Si c’est l’homme qui devient musulman, il peut garder sa femme non musulmane, à la condition qu’elle ne soit ni polythéiste ni membre d’une communauté non reconnue ni apostate.
Si c’est la femme qui devient musulmane, son mari non musulman ne peut continuer à vivre avec elle que s’il se convertit à son tour à l’islam.
Un couple musulman ou dont un conjoint est musulman ne peut pas choisir la religion de ses enfants, lesquels doivent être obligatoirement musulmans.
Note à propos du voile islamique (ou hidjab).
Notons tout d’abord que le voile ne concerne que les femmes libres ; les esclaves ne sont pas autorisées à se voiler.
Il faut ensuite rappeler que le problème du voile (Hidjab) et les versets que l’on trouve à ce sujet… ont trait aux propos d’Omar et concernent d’abord les épouses de Mahomet. Omar, qui était le père d’une des épouses de Mahomet, lui aurait proposé que ses femmes se voilent.
Mais plus tard, lorsque le problème des rapports d’Aïcha elle-même avec un jeune Médinois nommé Safouane se posa en 626 (affaire du collier ou ifk), le voile fut généralisé à toutes les musulmanes (chapitre 33, verset 59).
Ce qui est certain en tout cas c’est qu’il n’existe qu’un seul verset du Coran prescrivant le port du voile et c’est celui-ci. Saint Coran chapitre 33, verset 59 : « O prophète, dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants, de se… (l’expression arabe n’est pas très claire et peut tout simplement signifier : porter des vêtements stricts et en aucune façon suggestifs) » afin qu’on les reconnaisse et qu’on ne les embête pas ».
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I Droit à une fonction clé et droits politiques.
Les musulmans qui sont contre l’octroi à une femme de fonction clé et de droits politiques invoquent les normes islamiques suivantes.
1) La femme n’a pas le droit de commander à l’homme.
2) Le travail de la femme est au foyer. L’exercice du pouvoir public n’est pas compatible avec ce devoir.
3) L’autorité de la femme mène à l’insuccès selon la parole de Mahomet ayant appris que les Perses avaient confié le pouvoir à une femme : « Une nation qui confie la direction de ses affaires à une femme ne connaîtra jamais le succès » (Boukhari, Ma Ghazi, 82, Fitan, 18 ; Tirmizi, Fitan, 75 ; Nasai, Qudat, 8 ; Ahmad b. Hanbal, V, 43, 51, 38, 47).
4) Les femmes ont une déficience du cerveau et de la religion d’après un hadith prêté à Mahomet.
Hadith 293 du Sahih de Muslim.
« Rapporté par Abou Saïd Al-Khoudri : un jour le Messager de Dieu se rendit à la Mousalla (pour réciter la prière) o 'Id-al-Adha ou Al-Fitr. Il passa pour cela devant des femmes et leur dit : Femmes, faites l’aumône, car j’ai vu que la majorité des hôtes de l’enfer étaient des femmes. Elles lui demandèrent alors : pourquoi en est-il ainsi, O Messager de Dieu ? Il répondit : « Vous maudissez fréquemment les gens et vous vous montrez ingrates envers vos maris, je n’ai jamais vu personne manquer plus que vous d’intelligence et de religion, même un homme raisonnable et prudent pourrait être égaré par certaines d’entre vous. Les femmes lui demandèrent alors : « Ô Messager de Dieu, en quoi notre intelligence et notre religion sont-elles déficientes ? » Il leur répondit : les témoignages de deux femmes ne sont-ils pas égaux au témoignage d’un seul homme ? Elles répondirent par l’affirmative. Il ajouta : voici pour ce qui est de la déficience de votre intelligence. Et n’est-il pas vrai qu’une femme ne peut ni prier ni jeûner pendant ses règles ? Les femmes répondirent par l’affirmative. Il leur dit alors : voilà pour ce qui est de la déficience de votre religion ».
5) Dans de nombreuses situations, la femme est sujette à un traitement inférieur à celui réservé à l’homme : elle ne peut diriger les cinq prières, répudier, voyager seule ou se marier sans l’accord de son tuteur. Si tel est le cas pour des affaires mineures, à plus forte raison, la femme doit être interdite d’accéder au pouvoir dans les affaires importantes.
Octroi des droits politiques.
a) Opinion favorable basée sur la religion.
1) Les versets coraniques invoqués par les juristes classiques opposés à ces droits pour les femmes sont souvent tronqués et n’ont rien à voir avec la politique.
2) Les récits de Mahomet ne peuvent pas être invoqués pour priver la femme de ses droits politiques. Le récit sur la déficience de leur cerveau et de leur religion de la femme ne concerne que sa capacité de témoigner.
3) En ce qui concerne la pratique, l’histoire démontre que le prophète et les califes demandaient conseil aux femmes. Le calife Omar (mort en 644) avait même confié la police du marché (hisbah) à une femme.
Aïcha, la femme de Mahomet, a aussi conduit une armée de trois mille hommes pour venger le sang du Calife Osman (décédé en 656) : la célèbre bataille du chameau.
II Fonctions exclues pour les femmes.
Les auteurs classiques ont exclu les femmes des fonctions d’autorité. Elles ne peuvent être élues chefs de l’État, ministres, juges ou chefs de l’armée. Alors que de nombreux pays musulmans ont résolu en faveur de la femme le problème du droit de voter et d’être élu, ces pays restent cependant réticents concernant les fonctions mentionnées ci-dessous.
a) Chef de l’État.
Les juristes musulmans ont été unanimes à exclure la femme de la fonction de chef de l’État.
Dans une fatoua officielle diffusée le 27 janvier 2007 par de nombreux journaux arabes, le Grand Mufti d’Égypte, Ali Joum'ah, affirme que le droit musulman ne permet pas à la femme de devenir chef d’État parce qu’une de ses fonctions est de diriger la prière, ce que la femme ne peut faire.
Elle peut par contre occuper les autres fonctions publiques, élire et être élue au parlement si elle peut concilier sa fonction d’épouse et de mère et sa fonction de parlementaire, et si elle peut respecter les règles de la décence islamique (port du voile, habits non décolletés, et ne pas se trouver seule avec un homme).
b) Ministre.
Le droit musulman classique distingue entre un ministre exerçant des pouvoirs régaliens, et un ministre d’exécution qui ne peut qu’exécuter les ordres. Al-Maouardi (décédé en 1058) exclut la femme des deux catégories.
Saqr écrit que la femme ne peut occuper cette fonction parce qu’elle ne peut ni garder les secrets ni rapporter les récits avec précision ; elle n’a pas la présence d’esprit nécessaire pour éviter les pièges
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de ceux qui veulent lui soutirer les secrets. Cette faiblesse à garder les secrets se constate même chez les femmes de Mahomet (66,3). Il en conclut qu’il n’est pas sage de confier à une femme de telles fonctions délicates.
D’autres admettent qu’une femme puisse occuper les fonctions de ministre d’exécution.
c) Direction de l’armée.
Aïcha la femme préférée de Mahomet a conduit une armée de trois mille hommes contre Ali (décédé en 661) pour venger la mort du Calife Osman (décédé en 656). Cela cependant lui a été reproché : elle n’avait pas le droit de quitter la maison selon le Coran. Les juristes musulmans affirment donc que la femme ne peut devenir chef d’armée.
Elle est même dispensée d’y servir.
La Commission des fatouas égyptienne, cependant, condamne le recrutement des femmes au sein de l’armée comme soldates, tout en autorisant qu’elles y servent comme infirmières.
d) Juge.
La majorité des juristes classiques était contre l’octroi du pouvoir judiciaire à la femme. Ils invoquent…
— Le récit de Mahomet : « Jamais une nation qui confie la direction de ses affaires à une femme ne connaîtra le succès ».
— L’interdiction qui est faite à la femme de se mêler aux hommes à visage découvert.
— Le hadith suivant attribué à Mahomet : « Il y a trois types de juges : un est au paradis et deux sont en enfer. L’homme qui connaît la vérité et juge en conformité est au paradis ; l’homme qui connaît la vérité, mais juge arbitrairement va en enfer tout comme l’homme qui juge sans savoir » (Sounan d’Abou Daoud, Livre 24, hadith numéro 3566).
Le hadith ne mentionne que des hommes ; les femmes en sont donc exclues.
Dans une fatoua officielle diffusée le 27 janvier 2007, le Grand Mufti d’Égypte, Ali Joum'ah affirme que la femme ne peut pas occuper la fonction de juge, en raison du verset : « Les hommes ont la charge des femmes … » (4,34).
III. Travail.
Aucun verset du Coran et aucun hadith de Mahomet n’interdit d’une manière expresse à la femme de travailler. Mais les juristes musulmans classiques disent que les obligations de la femme empêchent ou limitent son droit au travail. On peut résumer leur point de vue comme suit.
1) Les femmes n’ont pas le droit d’abandonner leurs foyers, et leurs maris doivent les y garder. Le Coran dit : « Restez à la maison » (33, 33) ; « Ne les faites pas sortir de leurs maisons, et qu’elles n’en sortent pas » (65,1).
2) La place naturelle de la femme est au foyer où elle doit s’occuper de son mari. Le maintien de la femme au foyer est un droit du mari sur la femme parce qu’elle est l’intendante de ses affaires et la gardienne de sa maison. C’est en contrepartie de ce travail de la femme que le mari se charge des dépenses de la maison.
3) La femme peut travailler seulement en cas de nécessité, à condition de ne pas concurrencer les hommes. L’homme doit s’efforcer de la remplacer dans le travail pour sauvegarder son honneur. Ils invoquent ici les versets 23 et 24 du chapitre 28 du Coran.
4) Le travail de la femme doit se faire dans le respect des normes de l’islam concernant l’habillement et la séparation des sexes.
5) La femme ne peut travailler qu’avec l’accord de son tuteur de sexe masculin (son père, son mari, etc.).
6) La femme ne doit pas faire un travail où elle commande à l’homme. Ayant appris que les Perses avaient confié le pouvoir à une femme, Mahomet aurait dit : « Une nation qui confie ses affaires à une femme ne peut jamais connaître le succès ».
Laissons le mot de la fin à l’étude de Ghassan Ascha parue aux éditions l’Harmattan.
« La pensée islamique reste embourbée dans son mépris historique des femmes, aujourd’hui comme au temps de l’Hégire… L’abîme dans lequel se vautre l’islam est que ces préceptes iniques énoncés il y a 1400 ans sont actuellement toujours en vigueur et désormais justifiés par les dignitaires musulmans à l’encontre des droits de l’Homme que sont la liberté et l’égalité » ! L’étude de Ghassan Ascha est certes une référence extraordinaire, un travail remarquable par son courage. Sa très riche documentation place les auteurs musulmans en face de la misogynie, des absurdités et des contradictions qui, seuls, ont assuré leur notoriété parmi la masse rustre et ignorante. L’islam n’est que la soumission au Coran et sa permanence requiert l’oppression des femmes.
Le seul problème de ce genre de manifeste (car c’est plus un manifeste qu’une étude) est qu’il lui manque les citations pouvant étayer son point de vue, et donc certainement du même coup LE NUANCER QUELQUE PEU.
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TRENTE-TROISIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
MAHOMET ET LES FEMMES (la question de la pédophilie).
Saint Coran, chapitre 65, verset 1.
« Quand vous répudiez des femmes, répudiez-les conformément à la période d’attente prescrite ; observez cette période ; et craignez Dieu votre Seigneur ».
Jusqu’ici, pas de problème… Mais examinons maintenant ce que dit le verset 4 qui suit.
« Si vous avez des doutes à propos (de la période d’attente) de vos femmes qui n’espèrent plus avoir de règles, leur délai est de trois mois. De même pour celles qui n’ont pas encore de règles. Et quant à celles qui sont enceintes, leur période d’attente se terminera à leur accouchement. À quiconque le craint cependant, Dieu facilite les choses ».
Comment ça : « De même pour celles qui n’ont pas encore de règles » ?
Cela signifie-t-il qu’il est possible dans la religion musulmane qu’une fille soit mariée, voire répudiée AVANT MÊME D’AVOIR EU SES PREMIÈRES RÈGLES ?
Que nous apprend l’exemple de Mahomet lui-même dans ce domaine ?
Examinons le Hadith suivant (est-il besoin de rappeler qu’il s’agit d’un homme de cinquante-trois ans qui épouse une fille de neuf ans ?).
Sahih de Muslim 8, 330.
« Aïcha a dit : « J’avais six ans lorsque le Prophète m’épousa, neuf ans lorsqu’il eut effectivement des relations conjugales avec moi ». Puis elle relatait : « Nous nous rendîmes à Médine. J’avais eu la fièvre pendant un mois, et avais perdu mes cheveux ; mais ils repoussèrent abondamment et m’arrivèrent jusqu’aux épaules. Ma mère, Oumm Rouman, vint me trouver tandis que j’étais sur une balançoire, entourée de mes compagnes. Elle m’appela et je me rendis à son appel sans savoir ce qu’elle voulait de moi. Elle me prit par la main, me fit rester sur la porte de la maison, jusqu’à ce que ma respiration haletante se fût calmée. Elle me fit ensuite entrer dans la maison où se trouvaient des femmes des Ansar qui me dirent : « À toi le bonheur, la bénédiction et la meilleure fortune ! » Ma mère m’ayant confiée à ces femmes, celles-ci me lavèrent le visage et la tête ; et se mirent à me parer. J’avais à peine fini, que l’Envoyé de Dieu entra, lorsqu’il était encore le matin. Alors on me remit entre ses mains. »
Tabari : « Aïcha fut donc fiancée à 7 ans et mariée avec le prophète à 9 ans ».
Saint Coran. Chapitre 33. (L’invention par Mahomet) d’une loi divine interdisant l’adoption afin d’épouser la femme de son fils adoptif.
Verset 4.
« Dieu n’a point fait de vos enfants adoptifs vos propres enfants. Ce sont des propos [qui sortent] de votre bouche. Mais Dieu dit la vérité et c’est Lui qui met [l’homme] dans la bonne direction. »
Verset 5
« Appelez-les du nom de leurs pères : c’est plus équitable devant Dieu. Mais si vous ne connaissez pas leurs pères, alors considérez-les comme vos frères en religion ou vos alliés. Nul blâme sur vous pour ce que vous faites par erreur, mais (vous serez blâmés pour) ce que vos cœurs font délibérément. Dieu néanmoins est toujours clément et miséricordieux ».
Verset 37.
« Quand tu disais à celui que Dieu avait comblé de bienfaits, tout comme toi-même l’avais comblé : « Garde pour toi ton épouse et crains Dieu », mais que tu cachais en ton âme ce que Dieu allait
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rendre public. Tu craignais les hommes, alors que c’est Dieu qui doit être craint. Puis quand Zaïd eût cessé toute relation avec elle, Nous te la fîmes épouser, afin qu’il n’y ait aucun empêchement pour les croyants d’épouser les femmes de leurs fils adoptifs, quand ceux-ci cessent toute relation avec elles. Le commandement de Dieu doit être exécuté ».
Verset 40.
« Mahomet n’a jamais été le père de l’un de vos hommes, mais le messager de Dieu et le dernier des prophètes. Dieu est Omniscient ».
Verset 52.
« Il ne t’est plus permis désormais de prendre [d’autres] femmes, ni de changer d’épouses, même si leur beauté te plaît ; – à l’exception des captives de ta main droite (tes esclaves). Et Dieu surveille tout ».
Circonstances de cette révélation (asbab-al-nouzoul).
Mahomet se rendit un jour chez son fils adoptif Zaïd, mais ce dernier n’était pas chez lui. Zaïnab, la femme de Zaïd, par contre, était là, sans voile, et Mahomet lui dit : « Que Dieu félicite cette créature ».
Lorsque Zainab raconta cela à son mari, celui-ci comprit que sa femme avait plu à Mahomet, et l’envoya chez son père.
Or dans la société arabe de ce temps-là on n’avait pas le droit de se marier à la femme de son fils, même adoptif, même après un divorce.
Pour atteindre son objectif, Mahomet inventa donc des révélations divines qui condamnaient l’adoption. Et ainsi, Zaïd n’étant pas son fils biologique, il eut le droit d’épouser sa femme après leur « divorce ».
Notre commentaire. Les enfants adoptifs ne sont certes pas des enfants biologiques et vice versa, mais était-il vraiment nécessaire de le faire confirmer par Dieu en personne ? Notre avis aussi est que l’être des êtres ou taouhid ne doit pas s’occuper directement des choses subalternes. Destin justice immanente causes secondes ou divine providence sont là pour ça. De minimis non curat praetor. Dieu ne s’occupe pas des détails.
Saint Coran chapitre 33, verset 50.
« O toi le prophète, nous avons déclaré licite pour toi les épouses auxquelles tu as donné leur douaire, les captives que Dieu a fait tomber entre tes mains, les filles de ton oncle paternel, les filles de ton oncle maternel, les filles de tes tantes maternelles (celles qui ont émigré avec toi) ainsi que toute femme croyante qui s’est donnée au prophète pourvu que le prophète ait voulu l’épouser. Ceci est un privilège qui t’est accordé à l’exclusion des autres croyants ».
Circonstances de cette révélation (asbab al nouzoul).
Une femme se proposa un jour à Mahomet et celui-ci l’épousa. Aïcha estima que cette attitude était indigne et le lui fit savoir. Immédiatement après, Mahomet reçut du ciel le verset : « …… Ceci est un privilège qui t’est accordé à l’exclusion des autres croyants » pour faire taire ses critiques :
Réponse d’Aïcha : « J’ai l’impression que ton Seigneur s’est empressé de satisfaire tes désirs ». (Sahih Boukhari, livre 60, hadith numéro 311.)
Le Coran ne comprend que le verset susmentionné. Pour les détails, il faut consulter les ouvrages relatifs aux causes de la révélation et aux recueils de hadiths de la Sounna.
Saint Coran. Chapitre 66. Versets 1 à 5.
La coucherie avec négresse (une esclave éthiopienne chrétienne copte : Marie).
« Ô Prophète ! Pourquoi, en recherchant l’agrément de tes femmes, t’interdis-tu ce que Dieu t’a rendu licite ? Dieu vous a prescrit de vous libérer de vos serments… Lorsque le Prophète confia un secret à l’une de ses épouses et qu’elle l’eut divulgué et que Dieu l’en eut informé, celui-ci en fit connaître une partie et passa sur une partie. Puis, quand il l’en eut informée elle dit : ‹ Qui t’a dit ça ? » il répondit : ‹ C’est l’Omniscient, le grand sachant, qui me l’a dit ›.
Si vous vous repentez toutes deux devant Dieu, ce sera la preuve que vos cœurs se seront amendés. Mais si vous vous soutenez mutuellement contre le Prophète, alors ses alliés seront Dieu, Gabriel et les plus vertueux d’entre les croyants, et les Anges seront en outre ses alliés. Et s’il vous répudie, il se peut que son Seigneur lui donne en échange des épouses meilleures que vous, musulmanes, croyantes, obéissantes, repentantes, adoratrices, jeûneuses, déjà mariées ou vierges ».
Circonstances de cette révélation (asbab al nouzoul).
D’après le célèbre exégète du Coran Ibn Katir, Mahomet était alors dans la chambre de son épouse Hafsa, fille d’Omar, quand cette dernière sortit rendre visite à ses parents. Mahomet amena peu après Marie dans la chambre d’Hafsa et coucha avec elle. Lorsque Hafsa rentra chez elle et apprit la nouvelle, elle lui fit une violente scène de ménage ou de jalousie en lui reprochant d’avoir couché, dans sa chambre, et durant sa nuit, avec une esclave noire, et qui sentait mauvais… Mahomet se serait excusé et aurait supplié Hafsa de ne pas en parler aux autres épouses. En revanche, il s’interdit désormais Marie et l’offrit à Abou Bakr.
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Mais Hafsa raconta tout aux autres épouses légitimes qui se révoltèrent contre Mahomet. D’où les versets que nous venons de voir.
Nos amis musulmans nous expliquent qu’il fallait bien que Dieu intervienne pour venir en aide à son malheureux prophète victime de la fureur de ces mégères ????????????????????????
Notre position. Nous condamnons fermement les propos racistes indignes des femmes de Mahomet, mais notre avis aussi est que l’être des êtres ou taouhid ne doit pas s’occuper directement des choses subalternes. Destin justice immanente causes secondes ou divine providence sont là pour ça. De minimis non curat praetor. Dieu ne s’occupe pas des détails.
N.B. Le héros du roman initiatique spirituel appelé « les quatre évangiles » lui au moins n’a jamais donné dans un tel ridicule. Il a estimé préférable de consacrer toute son énergie humaine y compris physique, à sa mission. Ce qui lui a évité le ridicule de ce genre de situation.
Saint Coran chapitre 4, verset 128.
« Quand une femme redoute l’abandon ou l’indifférence de son mari, nul péché ne leur sera imputé s’ils se réconcilient par un compromis quelconque, car la réconciliation est un bien ».
Circonstances de cette révélation (asbab al nouzoul).
Mahomet aurait voulu se séparer d’une de ses premières épouses, Saouda, car celle-ci était devenue trop vieille. Saouda donc accepta de céder ses nuits (son tour de lit) à la toute jeune Aïcha, mais à condition de rester une des épouses officielles de Mahomet. Mahomet fut enchanté par ce marché.
Examinons maintenant quelques propos (hadiths) de Mahomet à propos des femmes.
Hadith 36, 6601 du Sahih de Muslim.
« Parmi les élus du Paradis, les femmes sont minoritaires ».
Hadith 4923 du Zad-al-Talibin « Matériaux pour les chercheurs » : La femme est le piège de Satan » (Razin).
Hadith 1080, de la Sounan d’al Tirmizi classé comme sahih par al-Albani, no. 927. « Il a été rapporté que Talq ibn Ali a déclaré : Le Messager de Dieu (paix et bénédictions de Dieu sur lui) a dit : quand un homme appelle sa femme pour satisfaire ses besoins (sexuels), elle doit venir sur le champ même si elle est au four (occupée à cuire du pain) ».
Saint Coran. Chapitre 24. Versets 1 à 26.
(L’adultère supposé d’Aïcha l’épouse favorite de Mahomet. Aïcha fut en effet accusée d’adultère, à l’âge de treize ans. Le scandale, al ifk, ne se calma qu’avec des révélations « divines » innocentant l’épouse du saint homme).
« Voici un chapitre que Nous avons fait descendre et que Nous avons imposé, et Nous y avons fait descendre des versets explicites afin que vous vous souveniez.
La fornicatrice et le fornicateur, donnez-leur chacun cent coups de fouet. Et n’ayez aucune pitié pour eux dans l’exécution de cette loi divine si vous croyez en Dieu et au Jour dernier. Et qu’un groupe de croyants assiste à leur punition.
Et ceux qui lancent des accusations contre des femmes chastes sans produire à l’appui quatre témoins, donnez-leur quatre-vingts coups de fouet, et n’acceptez plus jamais leur témoignage après cela. Ce sont les maudits à l’exception de ceux qui, après cela, se repentent et se réforment, car Dieu est clément et miséricordieux.
Quant à ceux qui lancent des accusations contre leurs propres épouses, sans avoir d’autres témoins qu’eux-mêmes, leur témoignage doit être un quadruple serment par Dieu qu’ils sont au nombre de ceux qui disent la vérité, et le cinquième [serment] doit être que la malédiction de Dieu retombe sur eux s’ils sont au nombre des menteurs.
Et on ne lui infligera pas le châtiment si elle jure quatre fois par Dieu que ce qu’a dit son mari est faux, et la cinquième fois que la colère de Dieu s’abatte sur elle, s’il disait la vérité.
Et, n’étaient la grâce de Dieu sur vous et Sa miséricorde… ! Dieu est Grand, Accueillant au repentir et Sage !
Ceux qui répandent ces calomnies sont toute une bande. Ne pensez pas que c’est un mal pour vous, mais plutôt, que c’est un bien. Chacun d’entre eux récoltera le fruit de son péché. Celui d’entre eux qui s’est chargé de la plus grande part subira un épouvantable châtiment.
Pourquoi, lorsque vous avez entendu cette calomnie, vous les croyants et les croyantes n’avez-vous pas bien réagi en votre for intérieur et ne vous êtes pas dit : « C’est une calomnie manifeste » ? »
Pourquoi n’ont-ils pas produit quatre témoins ? S’ils ne produisent pas de témoins, alors ce sont eux, aux yeux de Dieu, qui mentent. N’eussent-été la grâce de Dieu sur vous et Sa miséricorde ici-bas comme dans l’au-delà, un énorme châtiment vous aurait frappé du fait de cette calomnie dans laquelle vous vous êtes complu, quand vous colportiez la nouvelle de bouche à oreille et parliez de ce dont vous ne saviez rien ; vous considériez ça comme sans gravité alors qu’aux yeux de Dieu c’était monstrueux.
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Pourquoi, lorsque vous entendiez ça, ne vous disiez-vous pas : « Nous ne devons pas en parler. Gloire à Toi (Ô Dieu) ! C’est une énorme calomnie.
Quant à ceux qui lancent des accusations contre des femmes vertueuses, croyantes [qui ne pensent même pas à commettre ce genre de turpitude] qu’ils soient maudits ici-bas comme dans l’au-delà ; où ils subiront un épouvantable châtiment ! »
Circonstances de cette révélation (asbab al nouzoul).
Les faits.
Mahomet avait l’habitude d’emmener l’une de ses femmes avec lui chaque fois qu’il lançait un « Ghazoua », ou une expédition. Il en lançait d’ailleurs plusieurs par an. En 627 Mahomet prit Aïcha avec lui pour l’accompagner lors de sa campagne contre la tribu juive ? des Banou Al Moustalak. La campagne fut un succès, la plupart des hommes de la tribu furent massacrés et leurs épouses ainsi que leurs enfants pris comme esclaves. Parmi les captives figurait Jouwaïreya, la belle et splendide épouse du chef de la tribu. Les sources historiques islamiques mettent l’accent sur la classe et la splendeur de Jouwaïreya et prétendent qu’elle était l’une des plus belles femmes de l’Arabie. Non seulement elle était séduisante, mais c’était aussi une femme éloquente qui avait reçu l’éducation d’une princesse. Aïcha admit ouvertement qu’elle détesta Jouwaïreya au premier regard à cause de cette distinction justement. Aïcha n’aurait d’ailleurs pas pu tomber plus juste ; Jouwaïreya fut immédiatement promue par Mahomet du statut d’esclave à celui d’épouse.
Selon Aïcha, pendant que l’armée faisait une halte sur le chemin du retour à Médine, elle ressentit alors le besoin de s’éloigner du camp pour satisfaire des besoins naturels. Elle ne serait pas revenue tout de suite au bivouac parce qu’elle avait cherché un collier qui s’était détaché pendant qu’elle faisait ses besoins. Lorsque Aïcha rentra enfin au camp, elle constata que l’armée avait déjà quitté le site, elle attendit donc sur place dans l’espoir que dès que Mahomet constaterait sa disparition il reviendrait pour la sauver. Il s’avéra que Mahomet ne remarqua même pas son absence tant qu’il ne fut pas arrivé à Médine.
Par contre, Aïcha fut rapidement repérée par Safouane Ibn Al Mouattal, qui la rejoignit et lui offrit de monter sur son chameau. Safouane faisait partie des mouhadjirouns, ou compagnons de Mahomet venus avec lui de La Mecque, et il voyageait seul sur les traces de l’armée. Safouane et Aïcha rentrèrent donc ensemble à Médine où Mahomet et ses compagnons attendaient.
Selon Ibn Hicham, telle est la version donnée par Aïcha. Cela implique qu’elle passa dans ces « toilettes du désert » plus de temps qu’il n’en fallut à toute l’armée pour démonter et lever le camp et avoir complètement disparu de l’horizon. Cela implique également qu’elle n’entendit ni ne perçut le remue-ménage d’une armée de sept cents d’hommes, avec des femmes, des chevaux, des chameaux, des captifs et des esclaves. L’histoire implique aussi que la disparition d’Aïcha ne fut remarquée par personne y compris Mahomet sans doute trop occupé avec Jouwaïreya.
Le spectacle de Aïcha et Safouane revenant à Médine fit sensation compte tenu de la situation et de la culture dominante. Cet événement déclencha une tempête de commérages bien que le couple ait affirmé que leurs relations avaient été en tout bien, tout honneur.
Ibn Abi Saloul, le chef de la tribu Al Khazradj, était l’un des rares Arabes de Médine qui s’opposaient à Mahomet et regrettaient sa présence dans la ville. Incrédule il vit Aïcha revenir en ville avec un étranger et exprima ouvertement ses doutes : le couple ne pouvait pas avoir passé autant de temps ensemble sans s’être livré à des activités sexuelles. Les vilaines pensées d’Ibn Abi Saloul étaient d’ailleurs en phase avec les propres enseignements de Mahomet qui avait déclaré dans un hadith authentique que « Aucun homme ne se retrouve seul avec une femme (qui ne fait pas partie de la famille) sans que la troisième personne avec eux ne soit Satan ». Ibn Abi Saloul disait donc tout haut ce que beaucoup de gens murmuraient tout bas.
Ce scandale n’aurait pas pu tomber à pire moment, car les relations entre les mouhadjirouns (Mahomet et ses compagnons mecquois) et les Ansars (habitants de Yathrib) traversaient alors une passe difficile. Selon Ibn Hicham, après la fin de la campagne contre les Al Moustalak, un conflit avait éclaté entre un musulman de Yathrib et l’un des sbires d’Omar (un des mouhadjiroun donc). La dispute entre les deux hommes s’était rapidement étendue à un grand nombre de musulmans des deux bords. Ibn Abi Saloul s’indigna quand il fut mis au courant de l’affrontement et menaça de reconsidérer la présence des mouhadjirouns dans sa ville.
Naturellement, les habitants de Médine s’attendaient à ce que le cas d’Aïcha soit promptement tranché, car ils croyaient que Mahomet avait un contact direct avec Dieu. Une révélation urgente s’imposait, mais il n’y eut rien de tel.
Cette absence de révélations fut interprétée comme un signe de la culpabilité d’Aïcha et alimenta les soupçons sur sa fidélité. Même des musulmans de haut rang comme Ali, le futur quatrième calife, et
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Hassan Ibn Thabit, le poète de Mahomet, prirent une part active dans la propagation des commérages à Médine.
Mahomet lui-même dut avoir des soupçons, car pendant près d’un mois il négligea Aïcha qui, malade, était retournée chez ses parents. Le silence de Mahomet et sa piètre gestion de la situation n’arrangeaient rien, il paraissait confus et indécis face à cette question plus que sensible.
Au bout de près d’un mois d’humiliation, le silence divin fut rompu et Gabriel descendit avec la nouvelle qu’Aïcha était innocente et que c’étaient ceux qui pensaient autrement qui étaient coupables…
Chapitre 24 : 11. « Ceux qui répandent ces calomnies sont toute une bande. Ne pensez pas que c’est un mal pour vous, mais plutôt, que c’est un bien. Chacun d’entre eux récoltera le fruit de son péché. Celui d’entre eux qui s’est chargé de la plus grande part subira un épouvantable châtiment ».
Le verset condamnait ceux qui avaient interprété le silence divin comme un signe de la culpabilité d’Aïcha et les décrivait comme des menteurs et des pécheurs. Dieu visait Ibn Abi Saloul, mais il ne pouvait pas le dire ouvertement de peur de mécontenter les Khazradj !
En révélant ce verset, Mahomet contredisait d’ailleurs involontairement ses propres enseignements. « Aucun homme ne se retrouve seul avec une femme (qui n’est pas de la famille) sans que la troisième personne avec eux ne soit Satan ».
Les gens qui doutaient de l’innocence d’Aïcha appliquaient donc les propres enseignements de Mahomet. Ils s’attendaient à ce qu’un verset descende tout de suite pour l’innocenter, mais ledit verset ne venant pas ils avaient interprété cela en sa défaveur. Comment auraient-ils pu se douter que Dieu allait attendre un mois pour révéler le verset ?
Les musulmans font preuve de la plus grande prudence à ce sujet et dans cette affaire appliquent avec la plus grande force le principe de la présomption d’innocence, mais pourquoi un mois effectivement ?
Mahomet avait l’habitude des moments difficiles, c’était un politicien expérimenté qui maîtrisait l’art de se sortir des situations les plus difficiles au moyen de la révélation d’un verset divin approprié. Toutefois dans le cas présent, il semble être resté totalement impuissant face à ces rumeurs. Le cauchemar de Mahomet devait être qu’Aïcha puisse assez rapidement montrer des signes évidents de grossesse parce que non seulement cela l’accuserait, elle, mais cela le discréditerait, lui, si ces signes survenaient après la « révélation » du verset divin nécessaire. Une Aïcha enceinte signifierait une épouse infidèle puisque Mahomet n’avait plus couché avec elle depuis son mariage avec Jouwaïreya et l’imposture de ses révélations divines. En outre, il n’avait échappé à personne que jamais Aïcha n’était tombée enceinte de Mahomet, même après plusieurs années de mariage, donc, une grossesse à ce moment délicat aurait été plus que suspecte.
La fidélité d’Aïcha, un point évidemment du plus haut intérêt pour Mahomet, était une question qu’il aurait pu gérer si c’était resté une affaire privée, mais la situation était devenue trop complexe, car toute la ville était au courant.
Au grand soulagement de Mahomet, Aïcha eut enfin ses règles et sa crainte d’une grossesse disparut en même temps que la perspective que l’épouse préférée de Mahomet soit officiellement discréditée. Mohammed fut enfin soulagé de ce lourd fardeau et le verset tant attendu fut immédiatement révélé.
Aïcha avait-elle trompé Mahomet ?
Ce n’est un secret pour personne que Mahomet préférait Aïcha à toutes ses autres femmes, y compris Jouwaïreya, sa nouvelle perle. Quand Mahomet décida de répudier Saouda parce qu’elle devenait trop vieille, Saouda le supplia de la garder et proposa de céder sa part des nuits de Mahomet à Aïcha. La manœuvre fonctionna très bien et Mahomet garda donc Saouda, mais sans avoir à coucher avec elle.
Aïcha était intelligente, sûre d’elle et très attentive à tout ce qui pouvait menacer sa position. Elle n’hésita pas par exemple à monter une machination pour provoquer la répudiation d’une nouvelle beauté que Mahomet était sur le point d’ajouter à son harem. Trompée par les perfides conseils d’Aïcha, la nouvelle murmura quelque chose comme « Je m’abrite de vous auprès de Dieu » lors des préliminaires de sa nuit de noces. Résultat, Mahomet, vexé, répudia immédiatement la naïve alors qu’Aïcha en sortit blanche comme neige.
En une autre occasion, Aïcha fit observer que le Coran approuvait toujours les désirs de Mahomet : « J’ai l’impression que Dieu est prompt à répondre à tes désirs » (Sahih Boukhari, livre 60, hadith 311). À part Aïcha, personne ne pouvait se permettre de faire de telles remarques sans craindre de représailles.
Nous ne saurons jamais avec certitude ce qui s’est réellement passé entre Aïcha et Safouane. Certains chercheurs avancent l’hypothèse que Safouane suivait la caravane dans l’espoir de ramasser des objets de valeur perdus par l’armée.
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D’un point de vue psychologique la question qui se pose est la suivante : Est-il possible que l’épouse du plus parfait des hommes envisage d’avoir une liaison ? La réponse est oui, Aïcha avait de nombreuses raisons d’envisager une liaison.
Aïcha était une adolescente gâtée bien consciente de l’obsession que Mahomet avait pour elle. Elle aimait ses privilèges d’épouse favorite de Mahomet et veillait jalousement sur sa prééminence. Après la campagne contre les Al Moustalak, Aïcha dut fulminer de voir Mahomet la délaisser au profit de la belle et distinguée Jouwaïreya. Aïcha était certainement du genre de femmes qui rend coup pour coup.
Il est également naturel de supposer qu’Aïcha, comme toutes les autres épouses de Mahomet, était sexuellement frustrée ; elles étaient trop nombreuses pour un seul homme. L’affirmation des pieux musulmans que la puissance sexuelle de Mahomet égalait celle de quarante hommes est bien sûr une forfanterie dénuée de sens pour les non-musulmans. Quant à Aïcha, c’était une jeune fille qui ouvrait à peine les yeux à la vie quand elle se retrouva mariée à un homme plus vieux que son père et elle n’avait aucune expérience, elle ne savait pas à quoi ressemblait une relation sexuelle normale.
Mahomet demanda à ses partisans d’apprendre la moitié de leur religion auprès d’Aïcha. Effectivement, Aïcha rapporta plus de hadiths que l’ensemble des autres épouses. La plupart de ces hadiths rapportés par Aïcha décrivent les relations intimes entre un homme et sa femme, le genre de choses auxquelles nous collerions aujourd’hui l’étiquette « pour adultes ». Anticipant toute critique relative à ce constat plutôt embarrassant, les pieux musulmans enseignent que la timidité n’est pas de mise en la matière !
L’un de ces hadiths rapportés par Aïcha décrit « le savoir-faire » de Mahomet pour caresser une femme en période de menstruation et salue sa capacité à contrôler son éjaculation. À la fin du hadith numéro 577 du sahih Muslim, Aïcha ajoute « et qui d’entre vous peut se contrôler mieux que le Messager de Dieu, la paix soit sur lui ».
Qu’en savait-elle ?
L’épisode (al ikf) fit donc beaucoup jaser dans la communauté des premiers musulmans (y compris le futur quatrième calife, Ali, gendre et cousin de Mahomet, ce qui expliquera la suite) jusqu’à ce que Dieu intervienne directement, mais au bout d’un mois seulement pour attester de l’innocence d’Aïcha et ainsi autoriser Mahomet reprendre la vie commune avec elle.
Notre commentaire. Nous croyons personnellement et pour différentes raisons à l’innocence d’Aïcha, mais notre avis aussi est que l’être des êtres ou taouhid ne doit pas s’occuper directement de choses aussi subalternes. Destin justice immanente causes secondes ou divine providence sont là pour ça. De minimis non curat praetor. Dieu ne s’occupe pas des détails.
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TRENTE-QUATRIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LE SCANDALE DE LA CONDITION FÉMININE.
L’exemple même de Khadidja la première épouse de Mahomet prouve que, contrairement aux affirmations des idiots utiles de l’Islam, et sans même se situer à l’échelle mondiale, pour ne s’en tenir qu’à cette région d’Arabie précisément (le Hedjaz), car il y avait déjà des millions d’Arabes chrétiens en Jordanie et en Irak (un cousin de Khadîdja, Ouaraka ibn Naoufal, fut peut-être même évêque nestorien) les rapports homme/femme ne jouaient pas systématiquement contre les femmes.
Que la femme ait été inférieure à l’homme est néanmoins une idée qui a certainement fait aussi partie de l’imaginaire des premiers chrétiens.
Le malheur pour les musulmanes est qu’à la différence du Nouveau Testament elle a été couchée noir sur blanc dans le Coran.
Car le Coran, et non une interprétation abusive du Coran, comme le croient ou font mine de le croire, beaucoup d’intellectuels ou journalistes français ; considère que la femme est inférieure à l’homme, qu’elle doit être vertueuse, bonne épouse, toujours consentante à l’égard de son mari, en un mot, soumise.
Chapitre 4, 34 : « Les hommes ont autorité sur les femmes, parce que Dieu leur a donné la prééminence sur elles, et qu’ils les entretiennent. Les femmes doivent être obéissantes et taire les secrets de leur époux.
Admonestez celles dont vous craignez l’infidélité, qu’elles fassent chambre à part et frappez-les. Si elles vous obéissent, ne leur cherchez plus querelle. Dieu est grand et sublime » (NDLR. Que vient faire Dieu là-dedans ?)
Chapitre 2, 228 : « Les femmes ont des droits équivalents à leurs obligations (oui !) et conformément à l’usage (aïe !) Les hommes sont néanmoins supérieurs. Dieu est puissant et juste ! (NDLR. Encore une fois que vient faire Dieu là-dedans ?)
Y compris et de façon beaucoup moins symbolique en matière d’héritage ou de témoignage (ne parlons même pas de politique).
Que le musulman pieux veuille bien pardonner à l’avance ce qui va suivre et qui tombe hélas ! sous le coup de l’interdiction par Dieu de toute contestation de toute discussion ou de tout dialogue interreligieux.
« Dans le Livre, il vous a déjà révélé ceci : lorsque vous entendez qu’on renie les versets de Dieu et qu’on s’en moque, ne vous asseyez point avec ceux-là jusqu’à ce qu’ils entreprennent une autre conversation. Sinon vous serez comme eux. Dieu assurément enverra les mécréants et les hypocrites en enfer » (Verset 140, chapitre 4).
« Quand tu vois ceux qui pataugent dans des discussions à propos de Nos versets, éloigne-toi d’eux jusqu’à ce qu’ils entament une autre discussion. Et si le Diable te fait oublier, alors, dès que tu t’en souviens, ne reste pas avec les injustes » (Verset 68, chapitre 6).
Et…
« Les démons inspirent à leurs suppôts de discuter avec vous. Si vous les écoutiez vous deviendriez polythéistes » (verset 121, chapitre 6).
Car nous allons effectivement maintes fois dans les pages qui suivent encore discuter des versets du Coran : de leur sens, de leur pertinence, de leur adéquation, de leur valeur éthique philosophique ou scientifique. Comment faire autrement ?
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La primauté de l’homme provient de son apparition première (4, 1) : « Ô hommes ! craignez le Seigneur qui vous a créés à partir d’un premier homme puis de ce dernier a tiré sa compagne ».
Notons donc tout d’abord que le Coran s’adresse essentiellement aux hommes, car quand le texte s’adresse également aux croyantes cela est précisé.
Notons ensuite que s’il existe un chapitre tout entier du Coran consacré aux femmes, c’est-à-dire expliquant aux hommes musulmans comment traiter leurs femmes (le chapitre N°4 intitulé An-Nisa) ; il n’existe aucun chapitre symétrique ou réciproque, c’est-à-dire expliquant aux musulmanes comment traiter leurs hommes. Nous nous permettrons de combler cette lacune en fin de chapitre.
Les commentateurs musulmans se fondent sur certains autres versets du Coran pour montrer que la ruse, la tromperie, et la tricherie sont intrinsèques à la nature féminine.
Chapitre 12, 23 : « Celle qui l’avait reçu dans sa maison s’éprit de lui [Joseph]. Elle ferma les portes et dit : « Je suis à toi ! » Que Dieu me protège ! répondit-il. Le maître m’a fait le meilleur des accueils, et ceux qui ne sont pas justes ne sont jamais heureux ».
Chapitre 12, 28-29 : « Quand il [le mari] vit la tunique déchirée par-derrière, il dit : « C’est bien là une de vos ruses de femmes ! Vos ruses sont vraiment grossières ! » « Joseph, ne pense plus à cela ! Et toi [femme], implore le pardon de ton péché ! »
Dans le Coran le sexe féminin est systématiquement associé au paganisme ou au démon. Chapitre 4, 117 : « Ils ont pour divinités des déesses ; mais c’est Satan qui est l’objet de leur culte en réalité ».
Chapitre 53, 27 : « Ceux qui ne croient pas en la vie future donnent aux anges des noms de femmes ».
La femme idéale selon le Coran est plus proche de l’esclave soumis que d’une personne apte à décider de sa vie (7, 189). « C’est lui qui vous a créés tous d’un seul homme, qui en a produit son épouse, afin qu’il habitât ensuite avec cette dernière. Elle porta d’abord un fardeau léger et marchait sans peine ».
On ne redira jamais assez la nocivité du mythe sumérien d’Adam et Ève.
L’islam affirme certes que la femme doit être traitée « avec justice et respect », mais c’est un vœu pieux par définition puisqu’il est aussi dit dans le Coran (4,34) que : « Les hommes ont autorité sur les femmes, parce que Dieu leur a donné la prééminence sur elles, et qu’ils les entretiennent ».
Cette inégalité de traitement se retrouve même dans certains versets traitant de l’adultère.
Châtiment de l’adultère.
Verset 2, chapitre 24. 100 coups de fouet pour les hommes comme pour les femmes.
Mais……
Verset 15, chapitre 4. La prison à vie pour les femmes.
Verset 16, chapitre 4. Si un des coupables est un homme et qu’ils se repentent : le pardon.
Notons à ce sujet qu’il est parfaitement exact qu’il n’y a plus dans l’actuel Coran de verset prescrivant la lapidation.
Mais c’est le châtiment prescrit par certains hadiths, qui sont peut-être d’anciens versets du Coran éliminés du corpus osmanien.
Voici le verset de la lapidation tel qu’il est rapporté par Omar : « Le vieux et la vieille, s’ils ont commis l’adultère, lapide-les ».
Sahih Muslim. Livre 017, hadith numéro 4194.
Abdoullah b. Abbas a rapporté qu’Omar b. Khattab était assis sur la chaire du Messager de Dieu et a dit : Dieu a envoyé Mahomet avec la vérité, Il a fait descendre le Livre sur lui, et le verset de la lapidation figurait dans ce qui lui fut envoyé. Nous l’avons récité, l’avons mémorisé et l’avons bien compris. Le Messager de Dieu a procédé à des châtiments par lapidation jusqu’à ce que mort s’ensuive (pour les adultères mariés) et, après lui, nous avons également procédé à cette punition par lapidation, je crains qu’avec le temps, les gens puissent l’oublier dire : Nous ne trouvons pas le châtiment par lapidation dans le Livre de Dieu et qu’ainsi nous nous égarions en abandonnant ce devoir prescrit par Dieu. Or la lapidation est un devoir fixé dans le Livre de Dieu pour les hommes et les femmes mariés qui commettent l’adultère quand la preuve en est établie, ou qu’il y a grossesse ».
Sahih Boukhari. Tome 8, Livre 82, hadith numéro 816. Rapporté par Ibn Abbas.
Omar a déclaré : je crains qu’au bout d’un certain les gens puissent dire « Nous ne trouvons pas les versets de la radjam (lapidation) dans le Livre Saint » et par conséquent qu’ils puissent s’égarer en abandonnant une obligation que Dieu a révélée. Mais voilà, je confirme que la peine de radjam (lapidation) sera infligée à celui qui a des rapports sexuels illégaux, s’il est déjà marié et que le crime est prouvé par des témoins ou une grossesse ou un aveu ». Soufiane a précisé : « J’ai mémorisé ça de cette façon. Omar a ajouté : « L’apôtre de Dieu a effectivement infligé cette peine de la radjam, et nous avons continué après lui ».
L’imam ibn Hajar Al Asqalani a écrit dit dans son commentaire du Sahih Boukhari : Omar a déclaré : « Quand ce verset fut descendu, je me suis approché du Prophète et je lui ai demandé : dois-je
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l’écrire ? » Ce fut comme s’il avait détesté cette question ». Ensuite Omar a rajouté : « Ne voyez-vous pas que si le vieux commet un adultère, il n’est pas seulement fouetté, et que si le jeune commet l’adultère, il est lapidé ? »
Les docteurs de la Loi musulmane sont unanimes à dire que la récitation de ce verset a été abrogée, mais que son contenu reste en vigueur. La seule raison pour laquelle Omar s’est inquiété et a voulu mettre par écrit ce verset dans le Coran fut qu’il craignait qu’un jour les gens pensent que cette décision avait été abrogée (Ibn Hajar Al Aslan, Fathoul Bari, Kitab : Al Hudood, Bab : Al I'tiraaf bil Zina, Commentaire sur le Hadith n ° 6327).
Le grand rabbin nazir Jésus a donc montré trop de laxisme ou une indulgence coupable dans ce domaine si l’on croit la parabole de la femme adultère selon saint Jean 8, 3 à 11.
Les scribes et les pharisiens lui amenèrent une femme qu’on avait surprise en situation d’adultère. Ils la mirent au milieu et dirent à Jésus : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, que dis-tu ? »
Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il écrivait sur le sol. Comme ils insistaient, il se redressa et leur dit : « Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ».
Puis il se baissa de nouveau et se remit à écrire sur le sol.
Et eux, après avoir entendu ça, s’en allèrent un par un, en commençant par les plus vieux et Jésus resta seul avec la femme toujours là au milieu.
Puis il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-ils donc passés ? Quelqu’un t’a-t-il condamnée ? »
Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va-t’en et désormais ne pèche plus. »
* Il s’agit donc d’un cas classique dans la théologie musulmane qui n’a rien voir avec la taqiya où la récitation d’un verset a été abrogée, mais pas son exécution.
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TRENTE-CINQUIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
La falsafa, la vérité et le progrès.
Nous appliquerons ici dans ce bref essai la méthode d’analyse utilisée jusque-là dans notre étude des légendes irlandaises et développées dans nos nombreux contre-lais (pas de jaloux !).
« Que Dieu les anéantisse (les chrétiens) ils sont tellement stupides » (sourate 9, verset 30). Et ça, si ce n’est pas Dieu qui l’a dit, c’est au moins Mahomet.
À propos du mot arabe « youfakouna » qui essentialise ou caractérise donc, les juifs et les chrétiens, d’après la sourate 9, verset 30 et qui est souvent rendu dans les traductions comme quelque chose du genre « les juifs et les chrétiens… ne comprennent rien ».
Ils sont…
— Ensorcelés.
— Pervertis.
— Pervers.
— Dans l’erreur.
— Aberrants.
C’est un dérivé du verbe afaka, du moins si l’on en croit le tome 1 du livre de Muhammad Mohar Ali intitulé « traduction mot à mot du Coran ».
Mais le terme youfakouna n’implique pas une simple ignorance, il suggère plutôt une intelligence dévoyée, ou qu’on empêche de fonctionner normalement.
Et le « on » en question est à prendre au sens fort : cela peut être aussi bien Dieu que le diable.
Étant athées nous écarterons néanmoins cette hypothèse et nous opterons pour un empêchement plus naturel.
« Les juifs et les chrétiens… sont naturellement dans l’incapacité de voir, de savoir, de comprendre ! »
Comme le dit le verset 171 du chapitre 2, « ils sont comme le bétail qui n’entend que confusément les sons et les cris qu’on leur adresse et qui, sourd, muet et aveugle, est incapable d’en comprendre le sens ».
Philosophiquement parlant « La foi des juifs et des chrétiens… n’a rien à voir avec la raison ! »
Plus crûment « les juifs et les chrétiens sont cons ! »
Bref en résumé « Les juifs et les chrétiens… sont mongoliens ». Ou aliénés.
Il y a unanimité chez les musulmans pour dire que le Coran s’impose à tous (houjjatoun 'ala al-jami'), et qu’il constitue la première source du droit musulman. Cela découle du fait qu’il provient de Dieu.
Lorsque le nouvel empire arabo-musulman s’est étendu, à partir du VIIe siècle, sur l’ensemble des populations du Moyen-Orient, parmi celles-ci les personnes cultivées – notamment les religieux – disposaient d’un bagage intellectuel qui intégrait une partie de la pensée grecque. Ceux qui se sont convertis à l’islam ont conservé ce bagage, tandis que les monastères chrétiens préservaient les traductions déjà faites en syriaque. Aussi, dès les premières productions intellectuelles du VIIIe siècle, y trouve-t-on des éléments issus de cet héritage. Mais le cadre de la réflexion est religieux. Les chrétiens ont assimilé depuis longtemps les concepts logiques qu’ils utilisent pour leur apologétique. Les musulmans, pour leur part, affrontent l’accusation d’irrationalité portée contre le Coran ; par suite, non seulement ils s’efforcent de reprendre cet appareil logique dans leur polémique, mais ils étendent leurs emprunts à des domaines les plus divers (psychologie, morale, physique, etc.) pour rendre
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compte des passages controversés du Coran. Dans tous les cas le matériau d’origine grecque reste subordonné au cadre religieux de la pensée.
Les choses changent avec l’apparition d’une discipline qui privilégie ce matériau en lui-même. Elle se développe en même temps – et sans doute en interaction avec – qu’un processus poussé de traduction en arabe de textes scientifiques et philosophiques grecs. La philosophie est en effet conçue comme le couronnement des sciences et celui à qui on attribue l’apparition de cette nouvelle discipline, le musulman arabe Abou Yousouf Al-Kindi (vers 801 – 866), est essentiellement un scientifique. Or, le monde arabe n’a de tradition propre que dans le domaine littéraire et, pour le domaine scientifique, dépend entièrement de l’Antiquité hellénistique. Le changement de perspective est conscient, comme le prouve l’adoption, à côté du mot traditionnel de Hikma (sagesse), du nom de falsafa, arabisation du grec Philosophia. De même l’acteur, le philosophos devient le faïlasouf, terme qui, lui, est soumis à une arabisation plus profonde par l’imposition d’un pluriel interne : falasifa. Il n’y a pas de rupture avec la perspective religieuse du point de vue de la problématique, mais bouleversement de la méthodologie en ce que le rapport de subordination entre le cadre et le matériau est inversé. On peut définir la falsafa comme la branche de la pensée d’expression arabe qui se réfère par priorité à l’héritage intellectuel hellénique.
DJAHILIYA.
Dans la mesure où l’humanisme suppose la foi en l’homme, l’apparition même de la falsafa constitue donc une prise de position humaniste, puisqu’elle privilégie une élaboration humaine, et qui plus est réalisée par des païens. C’est bien ce dernier aspect qui est le plus reproché à la discipline par les tenants de la perspective religieuse.
AL-KINDI.
Al-Kindi s’exprime clairement sur ce point : comme Aristote avait exprimé l’idée qu’il fallait être reconnaissant à nos prédécesseurs de ce qu’ils ont fait avancer la recherche de la vérité, il paraphrase longuement cela de la façon suivante :
« Parmi les devoirs les plus nécessairement imposés par la vérité, il y a ceci : que nous ne blâmions pas ceux qui sont, pour nous, cause d’utilité, même si cette utilité est de faible importance. Quant à ceux qui sont la cause majeure d’une utilité réelle et de sérieuse importance, c’est a fortiori qu’il ne faut pas les blâmer. En effet, même si ces derniers n’ont pas atteint une part de la vérité, ils ont été pour nous des parents et des associés en nous communiquant les résultats de leur réflexion, car ces premiers résultats sont devenus des voies et des instruments qui nous ont permis d’atteindre ces vérités nombreuses en deçà desquelles ils s’étaient maintenus. Pour nous, comme pour les plus éminents de ceux qui, avant nous et sans être de notre langue, se sont adonnés à la philosophie, il est en effet particulièrement évident que pas un homme seul n’a atteint la vérité, comme elle mérite d’être atteinte, par le seul effort de sa quête personnelle ; mais les hommes tous ensemble n’ont pas non plus connu parfaitement la vérité ; par contre, chacun pris individuellement a pu, ou bien ne rien atteindre de la vérité, ou bien en atteindre un peu, toujours par rapport à ce que mérite la vérité. Mais si l’on rassemble, la petite quantité de vérité atteinte par chacun de ceux qui en ont atteint une part, alors on rassemblera une quantité considérable de vérité.
Il faut donc que notre reconnaissance soit immense pour ceux qui ont apporté un peu de vérité et a fortiori pour ceux qui en ont apporté beaucoup, car ils nous ont fait participer aux résultats de leur réflexion : ils ont facilité pour nous des problèmes véritables, mais cachés, en nous enseignant les prémisses qui ont aplani pour nous les chemins de la vérité. En effet, si ces gens n’avaient pas existé, ces vérités premières, que nous avons prises pour point de départ vers les ultimes problèmes plus cachés, n’auraient pas été rassemblées pour nous. […] Aristote, le plus éminent des philosophes grecs, a dit : « Nous devons être reconnaissants envers les pères de ceux qui ont découvert quelque chose de la vérité, car ils ont été la cause de leur existence, et remercier aussi ces derniers ; les pères ont produit les fils et ces derniers nous ont permis d’accéder à la vérité ». Comme il a bien parlé à ce sujet.
Il faut donc que nous n’ayons honte ni de trouver belle la vérité ni de l’acquérir, d’où qu’elle vienne, même si la vérité vient de races très éloignées de la nôtre et de communautés qui se distinguent nettement de nous. En effet rien n’est plus digne d’attention que la vérité pour celui qui la cherche. Il ne faut donc pas déprécier la vérité ni mépriser ceux qui la déclarent ou la transmettent. Personne n’est déprécié par la vérité, au contraire, la vérité fait honneur à tous.
Il est donc bon pour nous – puisque nous sommes désireux de parfaire l’espèce humaine, en quoi réside la vérité – que nous nous attachions, dans le présent traité, selon l’habitude qui a été la nôtre pour tous les autres sujets, à présenter de manière exhaustive ce qu’ont dit les Anciens, cherchant les explications qui seront les plus directes et les plus faciles pour nos coreligionnaires, et à compléter leurs dires, en nous conformant, dans la mesure de nos possibilités, aux normes de la langue arabe et aux impératifs de l’époque. » (Sur la philosophie première. Rasa’il al-Kindî al-falsafiyya).
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Al-Kindi est, certes, bien conscient de ce qui différencie le monde grec de la Djahiliya du sien : différence chronologique (ils vivaient bien avant lui), différence linguistique (le grec d’une part, l’arabe de l’autre) et différence religieuse (les Grecs n’étaient pas musulmans). En revanche, sur le plan philosophique, qui est celui où se joue le sort de la « vérité », c’est la communauté humaine qui l’emporte. La différence est là seulement d’ordre quantitatif : les Grecs ont connu moins de vérité que n’en possèdent les musulmans. Et surtout cette différence quantitative ne tient pas au fait que les Grecs n’étaient pas musulmans, comme voudraient le faire croire les ennemis d’al-Kindi en les traitant d’« infidèles » ; elle tient seulement au fait du déroulement chronologique.
Al-Kindi conçoit donc le développement de la pensée humaine comme un progrès continu, une croissance sans rupture ni détour : chaque auteur reprend à son compte les résultats acquis par ses prédécesseurs de la Djahiliya, et s’en sert comme point de départ en vue d’une nouvelle étape dans la marche humaine vers la vérité. Et cette vérité, c’est aussi bien celle des Grecs que celle des musulmans : le contenu de la révélation coranique ne s’oppose en rien aux conclusions de la philosophie. Le Coran et Aristote visent la même et unique vérité et traitent des mêmes questions.
Bien qu’Al-Kindi ait eu peu d’influence sur le développement ultérieur de la falsafa, on peut considérer le texte cité plus haut comme le manifeste du mouvement. Mais c’est un manifeste qui connaîtra des vicissitudes de par la difficulté qu’il y a à concilier la reconnaissance de dette envers des païens et la certitude de la supériorité en tout de l’islam.
AL-RAZI.
L’attitude extrême est choisie par un penseur iranien, Abou Bakr al-Razi (vers 863 – 925 ou 935), qui tient une place tout à fait à part dans le monde de la falsafa. C’est avant tout un médecin, et il est le plus éminent représentant en Islam de la médecine clinique, c’est-à-dire celle qui se fait « au chevet » (du grec klinè = lit) du patient. Il est mu, en effet, par une intense compassion envers toute douleur, compassion qu’il étend d’ailleurs jusqu’aux animaux.
Son attachement à l’héritage grec est total et il récuse la religion officielle de l’Empire islamique. Protégé contre toute rétorsion par sa qualité de grand médecin, il conteste avec la plus grande sérénité toute forme de prophétisme au nom de l’égalité entre les hommes. Sa polémique avec un propagandiste ismaélien est caractéristique à cet égard. Tous deux partent de la même affirmation que le monde est dominé par un régisseur sage, mais ils conçoivent cette sagesse de deux façons opposées. Le chiite estime s’appuyer sur le bon sens en partant de l’observation quotidienne. Il voit cette sagesse se manifester dans la répartition hiérarchique de l’humanité ; aussi affirme-t-il que l’inégalité est naturelle, ce qui appelle au soutien mutuel des uns par les autres, et que, par suite, les plus faibles doivent se soumettre à celui qui bénéficie d’une inspiration d’ordre supérieur. Notre médecin-philosophe parle au contraire en termes de prérequis de la conscience et somme son adversaire de dire ce qui lui permet d’avancer cela. Pour lui, la sagesse implique que tous soient susceptibles d’y participer directement, par inspiration personnelle, car sinon nous nous trouvons dans une situation génératrice de conflits, chacun privilégiant son chef. Il proclame donc l’égalité de tous dans la capacité d’apprendre et de réfléchir. S’il y a des différences entre les hommes, c’est seulement du fait que ceux-ci s’y adonnent avec des intensités variables et aussi qu’ils se spécialisent diversement. Quand son contradicteur lui lance qu’il se prend bien lui-même pour un être supérieur, il répond qu’il ne l’est que dans la matière qu’il a étudiée et qu’il reconnaît volontiers son infériorité dans certains métiers manuels, par exemple, métiers dans lesquels ceux qui s’y sont exercés manifestent souvent une intelligence remarquable, intelligence qui aurait pu s’investir dans le savoir théorique si les circonstances y avaient conduit.
Al-Razi est ainsi conduit à pousser à son terme l’idée de progression qui se faisait jour dans le manifeste d’Al-Kindi. Il n’y a pas d’un côté la vérité et de l’autre l’erreur, comme le pensent les adeptes d’une conception absolutiste de la révélation religieuse ; il y a en revanche une quête incessante vers une découverte toujours plus grande, mais restant néanmoins approchée, de la vérité, notre moderne quête du Graal… S’il rédige un ouvrage intitulé Doutes sur Galien, c’est – dit-il – pour obéir à Galien lui-même qui dans de nombreux passages de ses livres recommande de distinguer et de classer ce que les anciens n’ont ni distingué ni classé ». Toute vérité que nous atteignons n’est que partielle et appelle ajustements et prolongements. De même, en philosophie, les divergences entre penseurs ne sont que la marque de leur ardeur à la recherche. La philosophie ne saurait donc être affaire d’école et encore moins de secte. C’est ce progrès qui est libérateur et qui assure de l’immortalité.
Vers la fin de sa vie, il écrit un bref traité sur la vie du philosophe. Il y manifeste une vision positive du monde, prenant pour modèle le personnage d’un Socrate père de famille, bon citoyen, voire bon convive.
« Des personnes érudites, perspicaces et accomplies, nous ayant vus nous mêler aux gens et suivre leur façon de vivre, nous l’ont reproché et nous ont critiqués pour ça. Ces personnes ont prétendu que
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nous nous étions écartés de la voie des vrais philosophes, et notamment de celle notre chef de file [l’imam] Socrate ».
Néanmoins, à la différence des Grecs, Ramzi ne cherche pas le salut dans l’éthique. L’homme n’atteint pas la félicité ici-bas, mais se prépare, en fonction des conditions qui sont siennes, pour l’atteindre dans l’au-delà. Le tout est de ne pas y mettre d’empêchement, que ce soit par un excès en plus (il récuse l’ascétisme, fauteur de douleurs inutiles) ou en moins.
La démarche d’al-Razi est restée totalement isolée dans le monde de l’Islam.
Il faut ici revenir sur la critique des falasifa par Ghazali dans son Tahafout. Trois points fondamentaux se dégagent, qui, pour le Persan, permettent d’assimiler les philosophes à des mécréants – on a vu que c’était ce problème de légitimité, dans un monde musulman, qui se posait aux falasifa de manière primordiale. Il s’agit des théories – énoncées notamment par al-Farabi et par Ibn Sina – de l’éternité du monde, de la négation de la connaissance par Dieu des cas particuliers, et de la négation de la résurrection des corps. Pour Ghazali, le monde a été créé à un moment précis, et la matière n’est pas éternelle, Dieu connaît les individus et les corps ressusciteront. Ces points de controverse relèvent du domaine théologique, mais permettent à Ghazali d’affirmer l’incompatibilité de la falsafa héritée des Grecs et de la foi musulmane, remettant ainsi en question toute l’entreprise philosophique des falasifa……………………………
Traditionnellement, le terme diffamation désigne l’atteinte à la réputation d’un individu. La diffamation d’un groupe constitue une notion problématique puisqu’elle peut juguler la liberté d’expression et procurer à des coutumes ou pratiques une protection qu’elles ne méritent point. La diffamation des religions transcende même la diffamation d’un groupe puisqu’elle peut aller jusqu’à interdire la diffamation d’idées et de doctrines religieuses.
La diffamation des religions pourrait être définie comme similaire au blasphème, mais non pas directement à l’encontre de la divinité, à l’encontre la religion, avant tout contre la réputation de la religion, et en l’occurrence de l’Islam. Il s’agit là d’une rupture nette par rapport à l’interprétation historique de la notion de diffamation pouvant entraîner de graves répercussions juridiques.
La notion antiraciste de « diffamation des religions » est en effet l’un des principaux instruments contemporains de remise en cause du principe de la liberté religieuse.
Ce concept a pour résultat de conférer une certaine légitimité aux lois répressives dirigées contre les minorités religieuses telles que les lois contre le prosélytisme et le blasphème. En outre, il tend à se substituer à la notion d’incitation à la haine ou à la violence, à la différence majeure que dans la logique de la « diffamation des religions » l’appréciation de la réalité du caractère diffamant est réservée à la personne offensée. Quant au caractère d’incitation à la haine, comme l’ont montré les réactions de violence provoquées par diverses affaires, cette violence est bien réelle, mais elle n’est pas orientée contre les victimes du blasphème ou de la diffamation, mais contre leurs auteurs.
Le concept de diffamation des religions appartient à une culture politique établissant un lien entre « loi de Dieu » et « loi des hommes », et réintroduit donc la religion dans sa dimension sociale et collective au détriment des droits de l’homme.
Selon la conception moderne de la liberté de religion, seuls les individus, pris isolément, possèdent des droits religieux qui peuvent s’exercer collectivement, mais dans les limites fixées par les législations nationales. Puisque seuls les individus ont une conscience, eux seuls méritent que l’exercice de leur conscience soit protégé contre la contrainte.
Or la notion de « diffamation des religions » tend notamment à défendre globalement l’Islam en tant que religion contre sa « diffamation », en justifiant notamment des limitations nouvelles à la liberté d’expression.
La notion « d’islamophobie » tend à défendre collectivement la communauté musulmane dans son ensemble en « victimisant » une partie de la population afin de « culpabiliser » l’autre, tout en interdisant le recours à toute forme de justification rationnelle. La notion « d’islamophobie » interdit ainsi toute appréhension et critique rationnelle de l’Islam.
Dans maints pays les notions de « diffamation des religions » et « d’islamophobie » sont abusivement assimilées aux notions d’incitation à la haine et à la violence et à des manifestations de racisme.
La légitime lutte contre le racisme (légitime, car il n’y a pas plus non-racistes que nous) sert d’arme de dissuasion massive en avançant que toute description ou critique négative de l’Islam et de ses adeptes doit être proscrite en tant que « discours de haine ». L’immunité de l’Islam l’emporte sur la liberté de parole et de presse – tout particulièrement lorsque ces paroles risquent d’entraîner des réactions négatives ou violentes.
Le Conseil de l’Union européenne a heureusement adopté, le 16 novembre 2009, une résolution relative à la liberté de religion ou de croyance dans laquelle il affirme sans ambiguïté que « la diffamation des religions n’est pas une notion qui relève des droits de l’homme ». Et à cet égard, le « Conseil s’est déclaré vivement préoccupé par le fait que les pays qui disposent d’une législation
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relative à la diffamation des religions ont souvent recours à celle-ci pour brimer les minorités religieuses et limiter la liberté d’expression, ainsi que la liberté de religion ou de croyance ».
Il est atterrant cet égard de voir à quel point les intellectuels français (journalistes 80 % des hommes politiques footballeurs écrivains artistes avocats, etc.) mettent d’énergie à promouvoir l’islam dans ce pays.
Or le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de société démocratique, font que le droit à la liberté d’expression n’implique pas forcément qu’un individu doive être à l’abri de l’expression de points de vue religieux pour la simple raison qu’ils sont différents des siens.
À l’opposé, c’est parce que les pays de culture musulmane n’ont pas accepté la distinction entre les ordres temporels et spirituels que l’atteinte à la religion est assimilée à une atteinte à l’État, donnant par suite une sanction civile à une qualification religieuse. L’arbitraire est en outre aggravé par l’infériorité juridique des non-musulmans, notamment en ce qui concerne le témoignage.
Le seuil des restrictions à la liberté d’expression doit donc être élevé. Ces restrictions ne doivent pas viser à empêcher l’expression d’opinions critiques, d’avis controversés ou de déclarations politiquement incorrectes… elles ne doivent pas non plus être destinées à protéger les systèmes de croyances des critiques internes ou externes ». L’expression d’une opinion ne peut être interdite que si elle constitue bien une incitation directe à commettre immédiatement un acte de violence contre un individu ou un groupe particulier.
Or en France on a l’impression d’un combat désespéré de la part desdits intellectuels (journalistes 80 % des hommes politiques footballeurs écrivains artistes avocats, etc.) en ce domaine (pour promouvoir l’islam) alors que la France n’est plus depuis longtemps la fille aînée de l’Église, mais un pays où l’islam est devenu la religion dominante. Les intellectuels français font preuve en ce domaine d’une constance et d’un héroïsme époustouflants. Cet acharnement quasiment désespéré dans la promotion de l’islam est vraiment impressionnant, et donne le sentiment que toute critique de l’idéologie religieuse musulmane (ses dogmes, etc.) les touche personnellement. Ils sont prêts à tout (censure caricature contre vérité, etc.) pour faire taire ces critiques. Aucun d’entre eux n’est pour l’instant allé jusqu’au suicide ou à la mise en danger délibérée de sa propre vie, mais cela se produira un jour les intellectuels français étant visiblement prêts à mourir pour l’islam (pour différentes raisons psychologiques restant d’ailleurs encore à déterminer : ignorance de ce qu’est vraiment l’islam, sentiment de supériorité vis-à-vis du citoyen ordinaire, esprit de contradiction, désir d’apparaître comme un héros luttant courageusement contre le totalitarisme, sentiment de culpabilité vis-à-vis des immigrés suscité par son statut social ou ses revenus ?).
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TRENTE-SIXIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
ISLAM ET TOLÉRANCE.
Les pionniers de la violence politique en islam (al Qaïda, Daech), sont les kharidjites qui justifient tous, avec plus ou moins de nuances, le fait de dégainer l’épée contre un imam considéré comme injuste. Les plus acharnés à cet égard, et les plus prompts à verser le sang furent les azraqites, qui excommuniaient tous ceux qui ne se ralliaient pas à leurs principes, et exterminaient leurs opposants, y compris les femmes et les enfants. Pour atteindre leurs objectifs, les kharidjites se virent contraints de recourir à l’action secrète, comme l’ont fait également les diverses branches du chiisme ; la justifiant légalement par toute une série de principes fondamentaux, pour lesquels ils forgèrent même un vocabulaire spécifique : solidarité, dissimulation (taqiya), clandestinité, désaveu, etc. Vouer à l’anathème les opposants et en légitimant l’effusion de sang ou en justifiant la violence politico-religieuse, ne fut pas le fait des seuls kharidjites ou des chiites. Les sunnites ont fait la même chose. Rappelons, à titre d’exemple, que l’imam AI-Aouza’i (mort en 774) vassal des Omeyyades, décréta que l’on pouvait assassiner Ghaïlan de Damas parce qu’il prêchait la prédestination. Hicham Ibn Abd al Malik (724-743) le fit mettre à mort en application de la charia et pour plaire à Dieu ! Quant à l’imam de Médine, Malik Ibn Anas (mort en 796), contentons-nous de citer le hadith ci-dessous qui figure dans la section 36 (Jugement) de son célèbre Mouwatta.
« Si quelqu’un change de din (religion), frappe-le au cou ! » se réfère à ceux qui quittent l’Islam pour une autre religion – comme les hérétiques et leurs semblables, à propos desquels on sait qu’ils sont exécutés sans être appelés à se repentir parce que leur repentir ne saurait être accepté. Ils dissimulaient leur mécréance et affichaient d’être musulman, donc je ne pense pas qu’on puisse appeler de telles personnes à se repentir et qu’on puisse accepter leur parole. Quant à celui qui abandonne l’Islam pour autre chose et ne le cache pas, on l’appelle à se repentir. S’il ne se rétracte pas, il est tué.
L’aglabite Ibrahim II (875 – 902) n’a donc pas enfreint le rite malékite, devenu dominant à son époque, en faisant périr les ibadites du djebel Nefoussa en Libye 1). Après leur avoir enjoint de se convertir, il prit part à leur exécution en les attachant lui-même de ses mains. Ce totalitarisme théologique a de quoi faire envie à tous les théoriciens de la violence révolutionnaire, quelles que soient les époques, et à ceux qui justifient les purges en tout temps et en tous lieux. Voilà quelques exemples de la violence politique et de sa justification au nom de la religion, toujours en application du fameux verset 110 du chapitre 3. Vous formez la meilleure des communautés, vous ordonnez ce qui est bien et vous interdisez ce qui est mal.
Les azraqites, l’imam Al Aouza’i, l’imam Malik, Ibn Yacine ou Ibn Toumert, et les gens de leur espèce, étaient tous de bonne foi en appliquant à la lettre ce verset du Coran ! Qui peut douter de la sincérité et de la piété d’un Malik ? C’est donc là que gît le problème, au niveau des convictions qui peuvent se transformer en appel à la violence ; lorsque l’homme perd le sens de ses limites. Nous ne doutons pas un seul instant de la sincérité de Sayyid Qoutb envers ce qu’il croyait être la vérité. Mais ce genre de sincérité, dans une société qui n’accepte ni le dialogue ni le pluralisme, ni le droit à la différence 1), fondé sur la reconnaissance des limites inhérentes à la nature humaine ; suscite des tensions qui dépassent vite le cadre de l’affrontement rationnel propre à éclairer le chemin de la vérité ; pour dégénérer en terrorisme intellectuel, voire même tout simplement physique. On en arrive au totalitarisme qui tue à la fois l’esprit et le corps.
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L’historien ne peut jamais analyser l’actualité, c’est le travail des sciences sociales. Mais son analyse est utile à ces disciplines.
Chacun se sert de l’islam à ses propres fins, telle est la réalité de l’islam politique, qui souffre de la tendance à brimer voire à réprimer, ou des démons du totalitarisme, qui engendrent à leur tour clandestinité ainsi que terrorisme. Tout cela en fait a des racines profondes dans notre histoire, se reflète dans notre imaginaire, et flotte dans notre conscience individuelle ou collective. L’historien peut nous aider dans une large mesure à nous débarrasser de ces sédiments cachés en nous-mêmes ; et qui nous empêchent de fonder nos sociétés sur le dialogue ou le respect mutuel, pour que le bien soit vraiment le bien.
Les musulmans ont beaucoup souffert dans le passé de l’utilisation de l’islam à des fins politiques ; ils se sont soumis aux uns, opposés aux autres, ont utilisé la religion comme tremplin pour le pouvoir, l’enfourchant comme une monture qu’ils éperonnaient à coups d’anathèmes, et ont pris toutes sortes de chemins périlleux. Allons-nous éternellement demeurer dans cette situation ? Où allons-nous enfin tirer les leçons de l’Histoire et rompre avec ce qui nous a conduits à l’exclusion mutuelle ou à l’appel au meurtre, au nom de la révolution et de la dissuasion ? Est-il pensable de lire encore aujourd’hui dans « L’hebdomadaire des musulmans », journal à grand tirage édité à Londres, sous la plume d’un docteur du nom d’Al Adwe ; « Il faut appliquer les peines légales pour l’apostasie afin de fermer la porte aux satans », c’est-à-dire aux athées selon ses critères ; et « le discours sur la liberté de religion est déterminé par ce qu’en pensent les Oulémas eux-mêmes ». Voilà où se situe le danger, qui met en péril les libertés les plus sacrées. Ces Oulémas sont en effet ceux qui, aujourd’hui encore, considèrent qu’il faut tuer l’apostat. Vive, dans ce cas, les tribunaux de l’Inquisition et les potences de Salem ! Où sont les droits de l’Homme les plus élémentaires ? Ceux qui sont menacés dans leur vie n’ont-ils pas le droit d’essayer, par tous les moyens que dicte l’urgence de la situation, d’empêcher leurs bourreaux d’accéder au pouvoir ? Qui pourrait les blâmer de tenter de sauver leur peau avant que la menace ne passe à l’acte, avant de sentir se resserrer autour de leur cou la corde de la potence ?
Et quand la tactique dicte à certains des propos conciliants, n’est-ce pas une précaution à mettre au compte de la dissimulation et du retrait temporaire en attendant des jours meilleurs ; suivant les conseils de ceux qui, au début de notre histoire, ont théorisé sur la violence et la clandestinité [taqiya] ?
Tant qu’il n’y aura pas de révolution de nos mentalités se traduisant par un changement radical de notre façon de penser, on ne pourra qu’avoir des doutes et continuer à se poser des questions.
Le devoir de commander le bien (verset 110 du chapitre 3 : vous formez la meilleure des communautés, vous ordonnez ce qui est bien et vous interdisez ce qui est mal) s’applique différemment selon les circonstances. Chaque génération et chaque époque a ses critères, et l’équilibre n’est pas facile à trouver. La vie en société requiert des concessions équitables et des ajustements permanents. La règle en toutes circonstances est de rechercher la coexistence pacifique sur la base du respect mutuel, afin que puissent s’épanouir les ressources cachées dans l’homme, en tout homme. Tous constituant la famille de Dieu 1) [N.D.L.R. Y compris les athées].
De nos jours, le musulman exerce ce devoir de commander le bien que lui prescrit le Coran au moyen de sa carte d’électeur. Parmi les programmes qu’on lui propose, il choisit celui qui lui paraît le meilleur et le plus proche de ses convictions. Rien ne l’empêche par ailleurs de faire le bien ni de militer pour le droit par la plume, la langue ou le bon exemple, et de rendre témoignage de la façon qui lui plaît, tout en respectant autrui. La liberté demeure la propriété de tous, sans distinction, et toute liberté s’arrête là où commence celle des autres. Cela signifie que, dans des sociétés pluralistes, fondées sur la liberté ainsi que sur le droit légitime à la différence 1) ; le musulman doit au maximum, si le bien commun ou la nécessité l’exigent, se contenter de condamner dans son cœur, ce qui heurte ses convictions, quand elles sont en contradiction avec celles d’autrui. « Dieu n’impose à chaque homme que ce qu’il peut porter. Le bien qu’il aura accompli lui reviendra, ainsi que le mal qu’il aura fait. Seigneur, ne nous punis pas pour des fautes commises par oubli ou par erreur, ne nous charge pas de ce que nous ne pouvons pas porter. Au contraire, efface nos fautes, et pardonne-nous ! Fais-nous miséricorde ! » (2, 286) *.
Mohamed Talbi, professeur émérite d’arabe, spécialiste de l’histoire musulmane médiévale, ancien doyen de l’université de Tunis. Plaidoyer pour un islam moderne.
* NDLR Ces versets ressemblent beaucoup au « ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du mal » de la prière chrétienne correspondante. Dommage qu’ils soient suivis par un appel à la guerre tout ce qu’il y a de plus clair : « Donne-nous la victoire sur les infidèles ! »
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1) Ces courageux Berbères ont profité de l’effondrement de l’État central après l’assassinat du colonel Khadafi en 2011, sous le coup des bombardements franco-anglais, pour faire renaître leur langue et leur culture (amazigh). Très bien, vive la biodiversité humaine ! Vive le natio-ethnisme ! Non à l’arabisation forcée !
TRENTE-SEPTIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
Dieu est assez grand pour se défendre tout seul.
Une parole (ou un acte) n’est pas blasphématoire dans l’absolu. Son caractère blasphématoire et la gravité de ce blasphème ne peuvent être évalués que par rapport à ce que défend une religion.
Un blasphème conscient trahit, aux yeux des institutions religieuses, une volonté d’agression délibérée contre Dieu.
À ce titre, un État théocratique peut être conduit à lutter contre le blasphème, tandis qu’un État laïc peut le sanctionner, mais indépendamment de toute considération religieuse, afin de préserver la paix sociale (si nécessaire).
Une religion conduit toujours à délimiter un domaine sacré exclusif du domaine profane. La protection de ce domaine sacré se caractérise par un système d’interdits. Par rapport à ces interdits, la société, lorsqu’il s’agit d’une société théocratique, peut intervenir pour « protéger Dieu » ou pour « protéger les pratiquants ». Dans les États à religion officielle, lorsque le fait religieux est au centre fondateur de la société, la loi protège la religion. Dans ce contexte, le blasphème peut être un crime, parce qu’il s’attaque au fondement même de l’ordre social.
Le dieu d’amour tout de clémence et de miséricorde voue aux gémonies et à l’enfer toutes sortes d’êtres humains et appelle à combattre parfois jusqu’à la mort beaucoup d’individus (kafir koufar par exemple) dès ici-bas, mais il est vrai que Dieu a oublié dans sa grande sagesse (voir la notion de coran incréé) de donner une définition précise de ce qu’est la diffamation de son culte ou le blasphème.
Abreuver d’insultes (sabb) Dieu, Mahomet, ou toute partie de la révélation divine constitue un crime dans la loi religieuse musulmane, assimilable au blasphème. Dans la tradition chrétienne, le blasphème désigne à proprement parler les moqueries ou le crime de lèse-majesté envers Dieu. Il n’y a pas d’équivalent exact au blasphème dans la tradition islamique, bien que l’expression coranique « paroles d’infidélité » (kali mat al-kouru) soit assez proche. Du point de vue de la loi musulmane, le blasphème peut être défini comme toute expression verbale donnant lieu à soupçon d’apostasie (riddah). En termes théologiques, le blasphème recoupe souvent l’infidélité (koufr), qui est le rejet délibéré de Dieu et de la révélation ; en ce sens, exprimer des opinions religieuses en désaccord avec les vues musulmanes standard peut être considéré comme blasphématoire. Le blasphème peut également être considéré comme l’équivalent de l’hérésie (zandaqah), terme persan préislamique utilisé par référence aux enseignements révolutionnaires de Mani et de Mazdak ; en ce sens, cela peut désigner toute expression publique d’enseignements jugés dangereux pour l’État. Aussi, pour décrire le concept islamique de blasphème est-il nécessaire d’y inclure non seulement les termes insultants pour Dieu, Mahomet et la révélation, mais aussi les positions théologiques et même les aphorismes mystiques soupçonnés.
Mircéa Eliade dans son encyclopédie de la religion définit ainsi la notion de blasphème dans l’islam : l’expression du dénigrement (istikhfaf), mépris (ihanah), dédain (haqarah) pour Dieu, les Prophètes, le Coran, les anges ou les sciences religieuses traditionnelles basées sur la révélation.
Un des dogmes de l’islam est qu’Adam a été musulman, Abraham également, et Jésus aussi, le mot musulman ayant aussi le sens de « soumis à Dieu ». La religion musulmane est donc dans la nature
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humaine, tout homme naît musulman * et seules différentes circonstances font qu’il se retrouve juif chrétien bouddhiste hindouiste parsi païen… ou agnostique, voire athée.
Dans l’Islam, le blasphème se confond donc avec l’infidélité, définie comme étant le rejet délibéré de Dieu et de la révélation. En ce sens, l’expression d’idées religieuses qui ne sont pas conformes avec les buts islamiques habituels relève du blasphème. Celui-ci peut aussi être défini comme l’équivalent de l’hérésie et, en ce sens, il est entendu comme l’expression publique d’enseignements dangereux pour la société.
En 1982, le général et dictateur pakistanais Muhammad Zia-ul-Haq introduit dans le Code pénal la section 295B punissant « la profanation, etc. du Saint Coran » par une peine d’emprisonnement perpétuelle. En 1986, la section 295C a été ajoutée. Elle est ainsi formulée : « Toute personne qui par écrit ou par oral, ou par représentation visible, ou au moyen de toute forme d’imputation ou insinuation, directe ou indirecte, souille le nom du saint prophète (la paix soit sur lui) sera punie de mort, ou d’emprisonnement à vie, et sera également redevable d’une amende ».
N.B. Il est vrai que, dans les articles 298 et 295-A, les autres religions reçoivent également une protection légale, mais seulement au titre de l’interdiction des insultes et outrages contre le sentiment religieux. Cette protection est donc sans aucune commune mesure avec celle dont bénéficie l’Islam, et c’est de la taqiya que de laisser entendre le contraire, que de faire comme si c’était le contraire.
En France le rattachement de l’Alsace et la Moselle en 1918 a réintroduit la notion de blasphème dans le droit français, via l’incorporation de l’article 166 du Code pénal allemand. En Alsace et en Moselle, il n’y a pas en effet de séparation entre l’Église et l’État. Les articles 166 et 167 du Code pénal local punissent le blasphème et l’entrave à l’exercice des cultes de 3 ans d’emprisonnement au maximum.
Par ailleurs, la loi française de séparation des Églises et de l’État ne s’applique pas en Guyane française. La Guyane (alors colonie) a été exclue du champ de cette loi à cause d’une opposition d’une partie des hommes politiques locaux. Elle n’est pas non plus sous le régime du Concordat, mais sous celui de l’ordonnance royale de Charles X du 27 août 1828, qui organise les institutions politiques de la Guyane. Or cette ordonnance ne reconnaît que le culte catholique.
Dans les faits, la loi contre les blasphèmes est donc une arme répressive donnée à la religion d’État et aux groupes islamistes contre les non-musulmans. L’imprécision de ses éléments constitutifs rend cette incrimination totalement arbitraire. Cette infraction, telle que prévue dans le droit pénal pakistanais, n’exige pas d’élément intentionnel, pas plus qu’elle n’exige d’autre preuve qu’un simple témoignage, la personne accusée étant immédiatement placée en détention avec les conséquences sociales que cela comporte notamment pour sa famille. Cette disposition contre toute offense envers l’Islam se révèle être ainsi, ni plus ni moins, qu’un instrument d’oppression.
Dans les pays musulmans, les lois sur le blasphème qui protègent l’Islam contre sa diffamation servent à protéger la religion dominante, mais servent aussi à condamner au silence les adeptes de minorités religieuses. Le CEDJ a recueilli un échantillon d’incidents récents concernant des accusations de « diffamation de religions » dans divers pays. Ces faits portent sur diverses infractions au civil et au pénal, dont des incidents de blasphème, diffamation, apostasie, écrits diffamatoires, calomnie et discours de haine, mais ils ont en commun un même dénominateur : pour toutes ces personnes, les accusations étaient fondées sur leurs propos ou leurs opinions. Aucun incident ne portait sur une diffamation visant une personne ni sur une incitation à la haine ou à la violence à l’encontre d’un individu ou d’un groupe. Nous ne citerons qu’un seul exemple tiré du Pakistan, où Jagdeesh Kumar, un hindou de 22 ans, a été battu à mort par des collègues ouvriers dans une usine pour avoir, selon les allégations, commis un crime de blasphème, passible de la peine capitale dans le pays en question. Les trois ouvriers auteurs de cette attaque mortelle ont été arrêtés puis accusés non pas d’avoir commis un meurtre, mais plutôt d’avoir « manqué à informer la police de l’occurrence d’un blasphème ». À Islamabad, un militant pour les droits de l’homme a déclaré : « Il n’y a pas un seul cas de meurtre d’une personne pour blasphème où le meurtrier ait eu à répondre de son crime. En fait, de tels meurtriers sont traités en héros dans les commissariats de police. Les officiers de police qui honorent ouvertement de tels meurtriers n’ont jamais été jugés pour leurs actions illicites et répréhensibles ».
Le blasphème défini par les théologiens peut être de trois sortes.
C’est un simple irrespect lorsqu’il est entièrement fait de mépris ou d’indignation à l’égard de Dieu.
C’est une imprécation quand il s’agit d’exprimer une malédiction envers l’Être suprême telle que « débarrassons-nous de Dieu ».
C’est une hérésie lorsque l’insulte contient une déclaration contre la foi, telle que « Dieu est cruel et injuste », ou encore « Dieu est la plus merveilleuse création de l’Homme ».
Peuvent être, par exemple, considérés comme des blasphèmes.
— Nier un attribut divin, voire l’existence du dieu en question.
— S’approprier un attribut ou un objet consacré.
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— Pénétrer dans certains lieux.
— Injurier ou abîmer une représentation du dieu.
— Inversement, le représenter sous forme d’une image d’une statue ou d’une icône quand la religion dans le cadre de laquelle c’est fait l’interdit, et a fortiori sous forme de caricature.
— Mentir, se parjurer.
Cas particulier de l’islam. Ont été considérés comme des blasphèmes les faits suivants.
— Dire du mal de Dieu.
— Imputer des fautes morales à Mahomet.
— Manquer de respect envers un prophète mentionné dans le Coran ou un membre de la famille de Mahomet.
— Prétendre soi-même être un prophète ou un messager de Dieu.
— Spéculer sur ce que Mahomet aurait fait s’il était encore vivant (Nigéria).
— Représenter Mahomet ou tout autre prophète ou faire un film mettant en scène Mahomet.
— Écrire le nom de Mahomet dans les toilettes.
— Appeler un ours en peluche Mahomet (Soudan).
Invoquer le nom de Dieu en commettant un acte interdit.
— Parler contre des chefs ou guides de l’islam.
— Imputer des fautes à l’islam.
— Dire que l’islam est une religion arabe, que prier cinq fois par jour n’est pas nécessaire, et que le Coran contient des mensonges.
— Croire en la transmigration des âmes ou à la réincarnation ou ne pas croire en la vie après la mort (Indonésie).
— Imputer une faute à une croyance ou une pratique adoptée par la communauté musulmane.
— Maudire les prophètes ou les anges ou leur imputer une faute.
— Exprimer un point de vue athée ou laïc ou diffuser de tels points de vue.
— User des mêmes termes que les musulmans sans être musulman soi-même (Malaisie).
— Prier pour que les musulmans changent (Indonésie).
— Ne pas respecter les règles du ramadan.
— Réciter une prière musulmane dans une langue autre que l’arabe (Indonésie).
— Consommer de l’alcool.
— Jouer à des jeux de hasard.
— Se trouver seul avec des personnes de l’autre sexe qui ne sont pas des parents biologiques.
— S’amuser des coutumes musulmanes (Bangladesh).
— Publier une traduction non officielle du Coran (Afghanistan).
— Pratiquer le yoga (Malaisie).
— Regarder un film ou écouter de la musique (Somalie).
— Se maquiller à la télévision (Iran).
— Critiquer les écoles religieuses musulmanes.
— Porter des vêtements juifs ou zoroastriens.
— Soutenir que les actes interdits ne sont pas interdits.
— Dire des choses interdites.
— Participer à des fêtes religieuses non musulmanes.
— Toucher un Coran quand on n’est pas musulman (Nigeria).
— Abîmer un Coran ou tout autre livre important pour l’islam (un recueil de hadiths) par exemple (Pakistan).
— Cracher contre le mur d’une mosquée (Pakistan).
Ouf ! Qui a parlé d’idolâtrie ???
La variabilité de l’importance du blasphème en droit tient surtout au contexte social. Quelle que soit la religion concernée, le recours à cette notion (pour justifier une action quelconque) n’est possible que si le sentiment religieux qui a été heurté est suffisamment fort. Dans certaines sociétés, beaucoup même, il est possible d’outrager Ahoura Mazda Zoroastre Lug Jupiter Taranis Aton, le disque solaire, Brahma, Vishnou, Shiva ou Krishna, etc. sans risquer d’être poursuivi. Ce sont des dieux dont le législateur et le juge ne se préoccupent pas parce qu’ils n’ont pas ou n’ont plus assez de fidèles.
Dans le cas où il y a suffisamment de fidèles pour peser dans la vie de la société, par exemple quand ce sentiment est majoritaire, et dans les sociétés caractérisées par un fort degré d’autoritarisme et d’extrémisme religieux, des autorités qui décrètent qu’il y a blasphème lancent l’accusation et peuvent ainsi justifier aux yeux des croyants les exécutions ou les persécutions qui s’ensuivent. Dans ces cas, le problème de « protection des communautés » s’inverse, et devient celui de la protection des minorités persécutées.
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Dans le cas où il y a suffisamment de fidèles pour peser dans la vie de la société, lorsque l’État ne se fonde pas ou plus sur la religion, mais sur un droit non divin, le blasphème peut alors être considéré comme un préjudice pour les fidèles en tant que citoyens protégés par la loi qui les autorise à posséder leurs propres croyances. Le blasphème peut engager la responsabilité civile de celui qui le profère, lequel peut se trouver condamné s’il contrevient au droit de libre croyance.
LE PROSÉLYTISME NON MUSULMAN ET LE BLASPHÈME.
Le prosélytisme non musulman est donc évidemment associé à l’apostasie en terres d’islam (c’est une incitation à l’apostasie) et encourt les mêmes peines.
Quelques exemples.
Le 11 mars 859, Euloge, archevêque de Tolède, est fouetté puis décapité à Cordoue pour avoir recueilli Léocritia, jeune musulmane devenue chrétienne. Elle-même sera décapitée quelques jours après.
En 1220, cinq franciscains envoyés par Saint François d’Assise viennent prêcher le christianisme au Maroc. Le sultan Abou Yacoub les fait torturer pendant toute une nuit (ils sont roulés sur du verre pilé), et leur tranche la tête le lendemain matin. Le 30 septembre 1227, nouvelle expédition de sept franciscains qui débarquent au Maroc, à Ceuta. Ils commencent à prêcher, sont aussitôt arrêtés et passent une semaine en prison. Ayant refusé de se convertir à l’Islam, ils sont décapités tous les sept.
En 1240, l’Irlandais ou Écossais Sérapion, parti libérer contre rançon des esclaves chrétiens à Alger, prend l’initiative d’y prêcher. Il est condamné à mort par le bey d’Alger, qui recommande de le faire beaucoup souffrir. Aussi le bourreau imagina-t-il, parmi diverses tortures, de ne lui couper que la moitié du cou.
*Alors que chacun sait que l’âme est naturellement païenne, c’est-à-dire ouverte, variable flottante changeante plurielle. Bref caractérisée par ce que l’on appelle les « états d’âme » justement.
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TRENTE-HUITIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LE DROIT DE CHANGER DE RELIGION OU APOSTASIE *
Cyrus le Grand a établi l’empire achéménide vers 550 avant l’ère vulgaire instaura une politique générale de liberté religieuse dans tout l’empire, en la faisant graver sur des cylindres.
Article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948. « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion : ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites »
La liberté religieuse implique le droit de croire ou de ne pas croire, le droit d’enseigner sa religion à autrui pour les amener à changer de religion, et le droit de pratiquer une religion ou de ne pas la pratiquer : la liberté de culte. Ceci doit être possible sans aucune conséquence juridique que ce soit sur le plan du droit de la famille, du droit des successions ou du droit public : accès au travail et à la fonction publique, droit de séjour dans un pays, etc. ».
CORAN.
Dieu est clément et miséricordieux [Saint Coran. Chapitre 1 verset 1] Nulle contrainte en matière de religion [Saint Coran chapitre 2, verset 256].
Jusque-là pas de problème tout va bien, mais les choses se gâtent après !
Saint Coran chapitre 5, verset 3 : « Aujourd’hui j’ai rendu votre religion parfaite, j’ai parachevé ma grâce sur vous, j’agrée l’islam comme étant votre religion ».
Alors que les musulmans encouragent les adeptes des autres religions à se convertir à l’islam, des mesures pénales et civiles sont prises contre celui qui abandonne l’islam.
Saint Coran chapitre 9, verset 74.
« Ils sont devenus incroyants après avoir été soumis [à Dieu]… Dieu les châtiera d’une peine douloureuse en ce monde… et ils ne trouveront sur terre ni ami ni défenseur ! »
À l’exception de ce verset qui ne précise pas de quelle peine il doit s’agir (à part qu’elle doit être douloureuse), le Coran ne prévoit pas de châtiment précis contre l’apostat bien qu’en parlant à plusieurs reprises en utilisant soit le terme koufr (mécréance), soit le terme riddah (apostasie avec sécession).
Les hadiths remontant à Mahomet sont en revanche plus explicites.
Deux hadiths sont considérés par certains théologiens musulmans comme allant dans le sens d’une application de la peine de mort * en cas d’apostasie :
« Celui qui change de religion, tuez-le ». Ce hadith attribué à Ibn Abbas est rapporté par Boukhari (tome 9, livre 84, hadith N° 57), mais n’est pas repris par Muslim dans son Sahih.
N.B. Ibn Abbas n’avait que 13 ans à la mort de Mahomet, mais ça ne prouve pas pour autant qu’il se soit trompé ou qu’il ait menti.
Hadith d’Ibn Massoud : « Le sang d’un musulman qui atteste qu’il n’y a de dieu que Dieu et que je suis le Messager de Dieu est illicite sauf dans trois cas : le fornicateur déjà marié, l’homicide volontaire et l’apostat qui abandonne la Communauté » (Sounan Abou Daoud 4352).
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Les légistes classiques (madhhab) considèrent néanmoins qu’un apostat masculin doit être exécuté (par décapitation au sabre chez nos amis d’Arabie saoudite), mais lui laissent un délai de réflexion de trois jours alors que pour la femme apostate, selon certains oulémas hanéfites, la sentence prévue est la prison à vie, mais une libération est possible si elle décide de retourner à l’islam.
L’apostasie a aussi des conséquences civiles : interdiction ou dissolution du mariage, enlèvement des enfants et privation du droit de succession sauf en faveur de ses éventuels héritiers musulmans. C’est par exemple notamment le traitement qui est fréquemment réservé aux bahaïs quand ils ne sont pas considérés comme hérétiques.
En Iran depuis 1979, les 350 000 bahaïs sont considérés comme des « infidèles non protégés ** (…) des non-personnes [qui] n’ont ni droits ni protection », indique la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) dans son rapport de 2003. Leur religion étant postérieure à l’islam, elle n’est à ce titre pas considérée comme une religion par le régime.
Ils n’ont pas le droit de percevoir de retraite, d’inscrire un nom sur la tombe de leurs défunts, d’hériter, de se réunir pour pratiquer leur religion, leurs lieux sacrés et leurs cimetières sont détruits. Les biens de nombreux bahá’is sont confisqués. Des pressions sont exercées sur les employeurs pour licencier les salariés bahá’is.
En Égypte les 2000 bahaïs ont obtenu le droit, par le tribunal de première instance d’Alexandrie, d’inscrire leur confession sur leur carte d’identité, mais ce droit leur a été enlevé par la Cour suprême administrative égyptienne en décembre 2006. Les bahaïs sont obligés soit de choisir entre les trois religions officiellement reconnues (christianisme, islam et judaïsme) soit de renoncer à leur carte d’identité, ce qui les prive alors de la plupart des droits du citoyen égyptien……………
L’article 11 de la constitution fédérale de Malaisie garantit à chacun le droit de choisir sa religion, mais l’article 3 dispose que l’islam est la religion officielle et qu’on ne doit pas en prêcher une autre aux musulmans. La majeure partie des États ont adopté la Loi de contrôle et de restriction qui prévoit une amende ou une peine d’un an de prison pour ceux qui induisent un musulman à changer de religion. La critique de l’islam est considérée par la loi comme un acte de sédition (loi héritée de la période coloniale). Il est donc très difficile aux musulmans (essentiellement les Malais, considérés comme musulmans de naissance) d’abandonner leur religion, car ils doivent pour cela faire entériner leur choix par un tribunal religieux musulman, seule juridiction compétente en la matière depuis 1988. Or la demande est presque toujours refusée, et une peine peut être imposée pouvant aller jusqu’à la prison ou l’enfermement dans un camp de « réhabilitation » jusqu’au renoncement à leur projet d’officialisation (de leur apostasie).
* Le point de vue traditionnel estime qu’un musulman qui renie sa religion sous la contrainte n’est pas un apostat. Coran chapitre 16, verset 106 : « Quiconque a renié Dieu après avoir cru – sauf celui qui y a été contraint alors que son cœur demeure plein de la sérénité de la foi – ceux qui ouvrent délibérément leur cœur à la mécréance sur eux s’abattra la colère de Dieu et ils auront un châtiment épouvantable ». Le problème est que ce verset bien compréhensible dans ce contexte est également utilisé dans un sens plus large pour fonder la taqiya y compris en un sens offensif (une initiative et non une réaction individuelle de légitime défense).
** Ne bénéficiant pas de la dhimmitude réservée aux gens du Livre (juifs chrétiens sabéens mandéens zoroastriens).
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TRENTE-NEUVIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
HYPOCRITES OU HÉRÉTIQUES EN TERRES D’ISLAM.
Saint Coran chapitre 5, verset 3 : « Aujourd’hui j’ai rendu votre religion parfaite, j’ai parachevé ma grâce sur vous, j’ai agréé l’islam comme religion pour vous ».
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, mais repetere ars docendi ; les musulmans « orthodoxes » situés les plus bas dans l’échelle des valeurs sont les modérés qualifiés d’hypocrites. En arabe théologique mounafiqoun (mounafiq singulier).
Le terme désignait à l’origine les habitants de Yathrib / Médine qui avaient accueilli et donné asile à Mahomet ainsi qu’aux quelques dizaines de musulmans qui l’avaient suivi dans son exil loin de leur ville natale de La Mecque. Mais qui furent ensuite progressivement surpris déçus ou irrités par le comportement de ces premiers musulmans qui se conduisaient comme en pays conquis. Alors qu’ils n’avaient accepté que du bout des lèvres l’accession au pouvoir de Mahomet dans leur ville. Leur chef emblématique était un homme appelé Abdoullah bin Oubaye, une figure importante qui pensait devenir un jour le prince de la ville.
Il devait y avoir parmi eux des polythéistes païens, mais aussi peut-être des judéo-chrétiens. Participant à des opérations militaires offensives, surtout à cause du butin. En arabe théologique, le terme mounafiquoun désigne aujourd’hui ceux qui n’ont de musulman que le nom, qui ne sont pas de vrais musulmans, qui ne respectent pas toutes les règles de la théocratie musulmane (verset 8, chapitre 63 : le pouvoir appartient à Dieu à son prophète et à ses croyants).
Il y a tellement d’allusions aux « hypocrites » ou « mounafiquoun » dans le Coran, que l’on peut dresser un vrai portrait-robot de cet adversaire omniprésent. Ces Médinois appelés hypocrites ou « mounafiqoun » sont vilipendés à outrance dans le Coran et la tradition musulmane ; qui englobent sous ce nom les croyants jugés trop mous et pas assez agressifs (surtout au moment des combats), simples opportunistes ou supposés, adeptes sans énergie qui ne veulent pas rompre avec les infidèles, traîtres ; ou des gens sincères qui déplaisent au chef, ou tout simplement ne soutiennent pas l’autocratie. Un chapitre porte d’ailleurs leur nom, le chapitre N° 63, le chapitre appelé « mounafiqoun » justement. C’est un chapitre souvent récité le vendredi et l’un des cinq chapitres les plus populaires. Il est aussi particulièrement violent, car un appel au meurtre y est lancé, sans ambiguïté. Verset 4 du chapitre 63 : « Ce sont des ennemis, prenez garde à eux, que Dieu les confonde, ils sont stupides. »
Le Coran promet les punitions les plus sévères à ceux qui n’adhéreraient qu’à une partie des lois divines et non aux autres, ce qui par définition au passage exclut donc tout Islam soi-disant « modéré ».
Chapitre 2, verset 85 : « Croyez-vous à une certaine partie du livre en restant incrédule envers une autre ? ».
Chapitre 66, verset 9 : « Ô prophète, combats les incroyants et les hypocrites, sois dur envers eux, leur demeure finale sera l’enfer ! »
Le Coran assimile donc clairement les éléments modérés de la population à des hypocrites dont il faut se méfier voire qu’il faut combattre résolument.
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Versets 91 du chapitre 4. « Vous trouverez d’autres personnes [hypocrites] qui désirent vivre tranquillement avec vous et tranquillement avec les leurs… S’ils ne vous laissent pas tranquilles et ne baissent pas les bras, emparez-vous d’eux e tuez les partout où vous les verrez, nous vous donnons tout pouvoir sur eux ».
Verset 141, chapitre 4. « Ils épient le moindre de vos faits et gestes… Si Dieu vous accorde une victoire, ils disent : n’étions-nous pas avec vous ?
Si les infidèles ont l’avantage, ils disent : « N’est-ce pas nous qui étions les plus forts et qui vous avons défendu contre les croyants ? ».
Chapitre 33.
Versets 60 : « Si les hypocrites, ceux dont le cœur est malade, ceux qui alarment la ville, n’arrêtent pas, nous vous lancerons contre eux, et ils ne resteront pas longtemps vos voisins ».
Versets 61 : « Ils sont maudits, partout là où vous les trouverez tuez les sans pitié ».
Chapitre 63 versets 1 à 8. Quand les hypocrites viennent à toi (Ô Mahomet), ils disent : nous attestons que tu es le prophète de Dieu… C’est parce qu’ils ont d’abord cru puis sont devenus incroyants, mais leurs cœurs ont été scellés de sorte qu’ils ne comprennent rien ».
La cible privilégiée de la future Inquisition musulmane sera donc plutôt constituée par les « faux » musulmans soupçonnés de zandaqa.
Sandaya. Ce terme d’origine persane désignait de façon très vague tout ce qui répugnait gravement à l’orthodoxie religieuse : les libres-penseurs les athées les impies les mécréants les libertins les hypocrites les perfides et…
Il finira en l’occurrence par être résumé dans la notion « d’hérésie ».
Mais n’oublions pas qu’avant d’acquérir cette signification simple et dans un contexte différent et plus complexe, celui de l’élaboration d’une orthodoxie et d’une orthopraxie musulmanes, le terme de zandaqa (dont l’adepte est appelé « zindiq », plur. : « zanadiq » ou « zanadiqa ») a été utilisé pour désigner un ensemble de personnalités dont les doctrines ou les comportements furent jugés suffisamment préjudiciables pour motiver, parfois, leur élimination physique.
La zandaqa ne recouvrait pas une réalité très homogène et ceux qui furent reconnus comme zanadiq l’ont été pour des raisons multiples relevant certes toutes du religieux, mais du religieux entendu au sens le plus large. Les déviances doctrinales (par rapport à la manière dont l' « unicité divine », le Taouhid était entendue par les théologiens de l’époque), éthico légales (par rapport à la Loi révélée, la charia, telle qu’interprétée par les légistes) et politiques (par rapport aux fondements de la légitimité du califat abbasside fraîchement établi) furent autant d’attributs de la zandaqa de sorte que ce sont des penseurs, des poètes, des libertins et des opposants politiques qui furent persécutés par l’inquisition instituée par le calife al-Mahdi(775-785) et perpétuée jusqu’à la fin du siècle. Le zindiq représentait en somme « l’ennemi de l’intérieur », celui qui, adepte d’une religion non agréée (le manichéisme, le daïsanisme de Bardesane, etc.) ou « faux » musulman, vivait dans « la demeure de l’islam » (Dar al Islam) tout en défendant des doctrines (le dualisme, la négation de la prophétie, etc.) ou des attitudes spirituelles (le scepticisme, le matérialisme, etc.) ou en adoptant des comportements (la consommation de vin, la pédophilie, etc.) réputés saper l’islam dans ses fondations mêmes.
Les zanadiq non musulmans (« Les zindiqs du milieu religieux non musulman ») étaient surtout des manichéens, des disciples de Bardesane * (daïsaniyya, daïsanites ou disanites) et de Marcion * que l’on considérait comme constituant « une seule famille christianisante » et non comme des adeptes du mazdéisme.
Différentes sensibilités politico-religieuses ont donc très tôt divisé l’islam. La première agression contre une mosquée a d’ailleurs été le fait de musulmans et à la demande de Mahomet lui-même. C’est ce qui est relaté dans le chapitre 9, verset 107 du Coran : « Ceux qui ont édifié une mosquée nuisible et impie pour semer la division entre les croyants et en faire un lieu d’embuscade… n’y vas jamais, etc. »
On manque néanmoins de renseignements suffisants sur cette affaire de la mosquée de la discorde (Masjid al-Dirar) pour comprendre ce qui s’est alors vraiment passé : une église construite à Médine par un moine chrétien nommé Abou Amir al-Rahib ? Le lieu de culte d’un mouvement plus ou moins chrétien nestorien rival de l’islam dans le genre de celui de Moussaïlima dans la Yamama plus tard en 632, qui appelait dieu Ar Rhaman au lieu d’Allah?) Règlements de compte entre religions d’amour toujours et religions de clémence et miséricorde ?
On ne sait pas exactement quelle était la religion d’Abou Amir al-Rahib au moment des faits.
Voici ce que relate Ibn Hicham à ce propos (Conduite du Messager de Dieu 411-3).
Il y avait avec lui un homme des Aous à qui les Aous obéissaient, Abou Amir. C’était un ascète du temps de la Djahiliya et il portait des vêtements de laine brute, on l’appelait le moine. Ces deux hommes furent maudits malgré leur rang élevé et blessés. (…) Abou Amir refusa obstinément de croire et abandonna les siens quand ils se tournèrent vers l’Islam et l’apôtre de Dieu, en partant à La
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Mecque avec dix disciples (…) Mais avant de partir à La Mecque, Abou Amir alla trouver l’apôtre de Dieu pour lui demander de quelle religion il était le porteur.
— La hanifiya, la religion d’Abraham.
« Voilà ce que je suis », dit Abou Amir.
— Non c’est faux !
— Si c’est vrai ! Mais toi, Mahomet, tu as introduit dans la hanifiya des choses qui n’y figuraient pas.
« C’est faux ! Avec moi elle est pure et intacte ! »
« Dieu fasse que celui qui ment meure solitaire, vagabond et fugitif ! »
Et ce fut ce qui arriva à l’ennemi de Dieu.
Une autre tradition musulmane le voit finir ses jours en tant que moine à la cour de l’empereur chrétien byzantin Héraclius.
Nous passerons sur le chapitre des guerres dites de la Ridda qui nous semblent avoir été surtout des guerres de conquête ou des rébellions contre le paiement de l’impôt que de véritables hérésies ou apostasies.
Cet aspect est évident dans le cas de la confédération des Banou Hanifa qui, sous la direction de Moussaïlima, regroupe des tribus monothéistes plus anciennes honorant un Dieu qu’elles nomment Al-Rahman, le Miséricordieux. Cette appellation d’étymologie araméenne a conduit nombre de chercheurs à penser qu’il s’agissait là de groupes chrétiens monophysites pré-nicéens.
Et nous en viendrons directement à la bataille de Siffine en 657.
Elle opposera les partisans d’Ali, gendre et cousin de Mahomet, éphémère quatrième calife, aux partisans de Mouawiya, fils d’Abou Soufiane (ennemi juré de Mahomet) rival d’Ali.
Les deux camps décident d’arrêter les hostilités et de recourir à un arbitrage. Certains partisans d’Ali qui sont contre l’arbitrage, considérant qu’Ali était choisi par Dieu pour être calife et qu’il ne devait pas lui désobéir, s’en séparent et seront appelés kharidjites.
Ceux qui restent fidèles au calife Ali (souvent des Persans d’ailleurs, ce qui explique certaines de leurs particularités) deviendront les chiites.
En revanche, les hommes de Mouawiya seront à l’origine de l’orthodoxie sunnite…
Les premiers moutakallimins (philosophes) du kalam furent recrutés par Hounaïn ibn Ichaq pour la Maison de la sagesse sous les califes abbassides de Bagdad. Ils ont collecté, traduit et synthétisé tout ce que le génie des autres cultures (grecque, indienne, iranienne) avait pu produire, avant d’entreprendre les commentaires sur ces œuvres et jeter les bases de la philosophie musulmane au IXe siècle et Xe siècle. Elle influencera plusieurs écoles de pensée ultérieures (madhhabs).
Bien qu’inspirée par la méthode de raisonnement rationaliste de la philosophie antique (falsafa), le kalam s’en différencie sur plusieurs points, en particulier la nature de Dieu et celle de l’âme.
Aristote cherche à démontrer l’Unité de Dieu, mais il considère qu’il ne peut être le créateur de l’univers. La connaissance de Dieu n’est alors qu’une extension de la connaissance de l’univers et par conséquent elle n’a nul besoin d’être le fruit d’une révélation ou prophétie. Elle peut être le fruit de la seule raison et de la seule connaissance. Or cela est contraire aux enseignements du Coran, qui insiste beaucoup sur l’idée de révélation de Dieu faite aux hommes.
Les philosophes péripatéticiens de la Grèce antique pensaient que l’âme était seulement une aptitude et une capacité naturelle, qui pouvait atteindre d’une façon passive la perfection. Cette capacité pouvait, à force de vertu et par la connaissance, être qualifiée pour une union avec l’intellect et ensuite seulement être unie à Dieu. Pour admettre cette théorie, il est nécessaire de nier l’immortalité de l’âme. Ce point choque naturellement les moutakallimins ou philosophes du Kalam.
Pour ces raisons d’opposition à la falsafa, les moutakallimins ont, avant toute chose, dû établir un système philosophique qui démontrait la création de la matière et ont adopté à cette fin, la théorie des atomes énoncée par Démocrite d’Abdère. Les atomes ont été créés par Dieu et sont créés à chaque fois qu’Il le désire. Les corps naissent ou meurent par l’agrégation ou la dislocation de ces atomes. Cependant cette théorie ne règle pas les objections philosophiques à la création de l’Univers : si on suppose que Dieu commence « Son Œuvre » à une date définie par « Sa Volonté » et pour un « objectif précis », on doit admettre qu’il (Dieu) était imparfait avant son accomplissement ou avant d’atteindre « Son Objectif ».
La création du monde étant admise il était simple de montrer la nécessité du Créateur, Dieu unique, omnipotent et omniscient.
L’argument cosmologique du « kalam » a été revalorisé à partir de la fin des années 1970 par le philosophe William Lane Craig. La nouvelle formulation proposée par Craig peut se résumer ainsi :
Tout ce qui commence à exister a une cause.
L’univers a commencé à exister.
Donc l’univers a une cause.
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Note de la rédaction : cette théorie n’a évidemment rien à objecter à l’affirmation que l’univers a toujours existé, surtout si l’on ajoute « sous une forme ou sous une autre ».
La théologie du kalam forme un corpus théologique tentant de répondre aux questions suivantes :
— L’homme est-il libre de ses actes ou tout est-il voulu par Dieu ?
— Le Coran parle d’un Verbe de Dieu. Cette Parole est-elle créée ou incréée ? Est-elle Dieu ?
— Dieu a-t-il des attributs : Parole, Sagesse, Miséricorde ?
— Le texte du Coran est-il explicite dans tous les cas ou fait-il aussi appel à l’allégorie, à la métaphore ?
— Comment surmonter les contradictions opposant bon nombre de versets coraniques ?
Le XIIe siècle voit l’apothéose de la philosophie pure et le déclin du kalam, plus tard. Cette suprême exaltation de la philosophie doit être attribuée, pour une large part au persan Al-Ghazali et au juif Juda Halevi. En émettant des critiques, ils ont produit par réaction un courant favorable à la philosophie par une mise en cause des concepts et en rendant leurs théories plus logiques et plus claires. Ibn Badjah et Averroès ont produit parmi les plus belles œuvres de la pensée islamique. Averroès clôt le débat par son œuvre d’une grande hardiesse. La fureur des orthodoxes est en effet telle que le débat n’est plus possible. Les orthodoxes s’en prennent sans distinction à tous les philosophes et font brûler leurs livres. Le débat se poursuivra, mais en occident. Les madhhabs considèrent donc toujours aujourd’hui, avec beaucoup de circonspection, tout ce qui vient du kalam, sans pour autant le rejeter complètement. Ces diverses écoles distinguent donc…
Le kalam « blâmable », le kalam dit « des gens de passion » le kalam qualifié d’innovation dangereuse (bidah).
Le kalam conforme au Coran et à la sounna, éclaircissant les vérités fondamentales lorsqu’apparaît une controverse.
Ce dernier kalam est louable.
Sur la base des thèmes ci-dessus définis, cette théologie spéculative se divisera donc en plusieurs écoles…
— Hachouiya : l’école hachouiya, ou « matérialiste » soutient qu’il faut prendre au pied de la lettre les versets anthropomorphiques du Coran. Dieu a ainsi des capacités corporelles, lui qui « siège sur un trône » et qui « en descend ». Cette tendance littéraliste fut prépondérante au début de l’Islam.
— Zahirite : l’école zahirite, fondée au IXe siècle par Daoud, et principalement représentée par Ibn Hazm (mort en 1064), insiste, elle aussi, sur le sens littéral des versets coraniques, quoiqu’elle refuse l’interprétation anthropomorphique de l’école précédente. Il s’agit donc d’affirmer la simplicité du Coran, de soutenir le sens « apparent » (Zahir) de ses versets, sans toutefois faire de concession à la doctrine chrétienne de l’incarnation. Ibn Hazm s’en prendra donc explicitement au dogme chrétien en pensant défendre le Coran (Kitab al-fisal, XIe siècle).
— Jabarite : cette école regroupe les partisans de la contrainte divine. Elle reçut le soutien et l’aval de la puissance califale omeyyade.
— Maturidite : école fondée par al-Maturidi (944) et ayant cherché un compromis entre la raison et la Loi, acceptant la spéculation théologique sans nier l’obligation faite de croire.
— Acharite. En réponse au mou’tazilisme, une madhab islamique qui s’opposait à la vue de l’islam des orthodoxes de l’époque, Abu al-Hasan al-Ash'ari, initialement lui-même mou’tazilite, a développé la méthode dite « Ilm-al-Kalam », fondée sur la dialectique grecque. Cette école, fondée par Al-Achari (956), l’a emporté sur la précédente, en instituant la primauté de la Loi sur la raison. Elle impose une vision implacable du volontarisme divin, réduisant ainsi à rien l’importance de la liberté humaine. Conclusion fermée sur elle-même de toutes les grandes questions théologiques qui ont fermentées en Islam, l’ach'arisme est la réponse la plus restrictive que l’on pouvait donner à propos de la foi : « il faut croire parce que cela est écrit ! » cf. latin credo quia absurdum.
— Qadarite : école inverse fondée dès le VIIe siècle par Ma'bad al-Jouhani, qui fut sans doute disciple d’un chrétien irakien, tandis que Ghaïlân, un autre représentant du qadarisme, était, lui, un ancien chrétien converti à l’Islam. L’école qadarite (qui « limite le Qadar »), donc, s’oppose, au nom de la justice de Dieu, à ce que les actes humains soient prédéterminés. Là encore, on retrouve une problématique chrétienne du sens de la liberté, impliquant désobéissance, mérite et jugement divin des hommes. Les membres de cette école furent pourchassés et exécutés sous les Califes Omeyyades, dont l’autorité reposait sur le fait même que ce qui est est voulu par Dieu.
Cependant, et ce même en ce qui concerne la doctrine ach'arite, le Kalam demeure suspect aux yeux des musulmans intransigeants, et en particulier pour les hanbalites, défenseurs d’un strict juridisme.
— Le mou’tazilisme. C’est dans le cadre de cette formation de la théologie musulmane majoritaire, qui allait se cristalliser peu à peu sous forme du sunnisme, que naîtra le mou'tazilisme ou motazilisme. À la fin du califat omeyyade (vers 750), un élève, Ouasil ibn Atâ, fut renvoyé de l’école de Al-Hassan al-Basrî. Il créa dès lors sa propre école à Bassorah et systématisa les opinions les plus radicales de
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mouvements antérieurs, particulièrement celle des qadarites. Cette nouvelle école fut appelée moutazilite. Par la suite, les partisans du moutazilisme se nommèrent eux-mêmes Ahl al-adl oua al-taouhîd : « gens de la justice et du strict monothéisme » (d’après la théologie qu’ils adoptèrent). Ouasil ibn Ata mourut en 749. Autres grands noms du mou’tazilisme Amr ben Oubaïd (762), Abou-l-Houdhaïl (840), an-Nazzam (845).
La même période voit également se développer différentes hétérodoxies au sein de l’islam, qui subit également un certain nombre d’attaques athées, comme celles de l’apostat Ibn al-Raouandi (911).
À en croire la tradition musulmane, le calife Omar avait créé sous son règne une police des mœurs à vocation d’abord commerciale, la Hisba, dont il aurait confié la responsabilité à une femme d’ailleurs. Cette institution remonte en réalité à plus haut, dans le temps, peut-être à l’agoranome byzantin.
Quoi qu’il en soit le calife Al-Mansour (754-775) modifia cette Hisba pour l’élargir et au début du règne du calife Al-Mahdi (775-785) apparut le premier muhtasib dont la mission consistait à traquer les apostats et autres hérétiques.
De nombreux juristes préféraient en effet les pécheurs et les infidèles aux hérétiques, car ces derniers présentaient selon eux un « danger plus pernicieux, parce que plus subtil et diffus, que celui de la franche impiété ». Ce fut notamment le cas du père de l’école chaféite, Chafi'i, pour qui il fallait combattre les « apostats »/rebelles avant de faire le petit djihad aux infidèles du Dar al-harb. Le principe est tiré d’une parole attribuée à Mahomet dans laquelle ce dernier enjoint à Ali de mener contre les dissidents un combat similaire à celui mené [contre les mécréants] conformément à la Prédication. Ce précepte convenait aux dirigeants musulmans, dont le réalisme politique les a souvent amenés à s’allier aux mécréants pour lutter contre leurs adversaires musulmans.
Le troisième calife abbasside eut donc une politique religieuse assez rigoureuse : il poursuivit les dualistes. Pouvaient être accusés de dualisme les convertis zoroastriens, surtout chez les Persans, mais aussi les soufis. Al-Mahdi déclara que le calife n’était pas seulement un souverain, mais qu’il était de son devoir de définir l’orthodoxie religieuse afin de maintenir la cohésion de la communauté des croyants (oumma).
Curieusement néanmoins furent déclarés comme hérétiques (zindiqs) les opposants du calife comme le prouve a contrario l’impunité accordée par le calife Haroun ar-Rachid (786-809) à un hérétique notoire comme Abou al-Atahiya tandis qu’il évinçait la puissante famille des Barmécides à l’aide de cette accusation.
En 827, le mou’tazilisme devient la croyance officielle à la cour du califat abbasside, après avoir été officiellement embrassé par le calife Al-Ma'moun. Il restera la doctrine officielle sous ses 2 successeurs. Les mou'tazilites poussèrent à l’extrême les thèses qadarites sur le libre arbitre, entrant ainsi en rébellion ouverte contre le pouvoir des Califes. Ils n’hésitèrent pas à lire les philosophes grecs et à développer des argumentations fondées sur la raison et la logique pour « discuter » avec les théologiens d’autres religions. Ils condamnèrent par ailleurs, tout recours aux attributs de Dieu pour définir ou exprimer les actions divines, faisant prendre de la sorte à l’Islam une orientation définitive et extrêmement limitative de la définition de l’Unicité de Dieu. Mais, pour leur dernière grande thèse, celle de la création du Coran (il s’agissait, une fois encore, de nier l’attribut de la Parole en Dieu), les mou'tazilites ne furent pas suivi par l’évolution ultérieure de la pensée théologique de l’Islam, puisqu’aujourd’hui, l’orthodoxie prêche un Coran incréé, Verbe de Dieu.
Une persécution (la Mihna) sera même organisée entre 833 et 848 contre les collectionneurs de hadiths qui n’adhéraient pas au mutazilisme. La Mihna force les non-adhérents à renoncer ouvertement à la doctrine affirmant que le Coran est éternel et à accepter que celui-ci ait été créé. Le zèle des mou’tazilites ira jusqu’à refuser de faire libérer les prisonniers musulmans tombés aux mains des Byzantins, s’ils professaient le caractère incréé du Coran.
Une nette résistance de l’opinion à ces persécutions est rapportée par les chroniqueurs. De fait, la Mihna est sans doute en partie la cause de l’échec final du mutazilisme.
Cependant des oppositions se firent entendre à la fin du IXe siècle par la madhhab acharite fondée par Abou-l-Hasan Al-Achari, ancien mou’tazilite lui-même, puis par l’école maturidite. Le calife al-Mutaouakkil abandonna en 847 le mutazilisme et revint à la doctrine traditionnelle, qui était en train de donner naissance au sunnisme.
Le mutazilisme fut interdit, ses livres brûlés, et on ne connaît plus sa doctrine que par les textes des théologiens qui l’ont attaqué. Le mou’tazilisme retrouvera un certain lustre néanmoins sous le protectorat des émirs chiites Bouyides, aux Xe et XIe siècles, où il sera de nouveau enseigné. Ensuite il sera de nouveau écarté à l’arrivée des Turcs seldjoukides. Mais à partir du milieu du XIe siècle, la théologie sunnite orthodoxe l’emportera définitivement et le mou’tazilisme disparaîtra définitivement cette fois-ci entre le XIe et le XIIIe siècle.
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* Marcion et Bardesane furent des théologiens chrétiens gnostiques rejetés par l’orthodoxie NAISSANTE.
QUARANTIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LA PRISON OU LA MORT : LA SANCTION DES HÉRÉSIES EN TERRE D’ISLAM (Dar al islam).
L’examen de quelques cas de personnalités musulmanes accusées de zandaqa montre, premièrement, qu’elles faisaient souvent partie de l’entourage des princes, et, deuxièmement, que telle fut dans bien des cas la cause inavouée, mais la plus immédiate de leur persécution ou de leur exécution.
Les controverses théologiques indiquent à nouveau combien l’appellation de « zandaqa » couvrait de multiples réalités. Toutes pourtant avaient en commun de ruiner l’un ou l’autre volet de la doctrine alors orthodoxe du taouhid, de l’unicité divine. L’épistémologie strictement sensorielle (auquel est, en islam, est rattaché le nom des « soumaniyya ») adoptée par certains zanadiq s’opposait à l’intelligibilité supposée de l’existence d’un Dieu unique, la mise en évidence de contradictions dans le Coran remettait en cause l’idée de la sagesse et de la bonté divines ; le caractère adventice du monde et sa création ex nihilo étaient contestés ; Mahomet enfin, était au mieux considéré comme un habile stratège politique, rien ne venant prouver la réalité de sa qualité de « Messager de Dieu ». Ce scepticisme, qui doutait plus qu’il ne niait, était en désaccord fondamental avec l’optimisme confiant et, pourrait-on dire, coranique, des théologiens musulmans et ceux-ci, dans leurs controverses avec la zandaqa, déterminèrent en quelque sorte les limites tolérables de la critique religieuse en islam. Ces limites, formelles (en tant qu’elles concernent des attitudes spirituelles) autant que matérielles (en tant qu’elles affectent les doctrines), ne s’estomperont pas ; plus tard, mais c’est une autre histoire, elles auront des effets franchement négatifs sur la vitalité de la pensée critique en islam.
La zandaqa fut encore accusée de corrompre l’islam « de l’intérieur » en falsifiant ou en inventant des dires, des hadiths, attribués au prophète Mahomet. Ici apparaît l’idée qu’il convient de protéger l’islam contre un groupe d’ennemis « naturels », en l’occurrence les zanadiq, dont la secrète raison d’être est de lui nuire. Il devenait ainsi impossible de clairement définir ces ennemis puisqu’ils étaient réputés avancer « masqués » au sein de la communauté et œuvrer secrètement à sa perte. Qu’un complot satanique au sens strict du terme menace l’islam et les croyants est une autre idée qui fera long feu : elle est aujourd’hui plus vivante que jamais.
Malgré la rareté des informations sur leur architecture, il faut enfin penser que les prisons constituaient un élément marquant du paysage urbain. Elles étaient souvent érigées le long de grands axes, comme à Samarra, où la « grande prison » longeait la rue principale. Seul élément architectural évoqué de manière récurrente, les hautes murailles qui les entouraient – particulièrement imposantes dans le cas de la Moutbaq – devaient impressionner les masses. Elles n’étaient pas seulement destinées à empêcher les évasions ; elles marquaient la puissance coercitive de l’État au cœur de la ville – raison pour laquelle elles furent souvent une des premières cibles de la populace lors des émeutes urbaines. Un tel rôle symbolique se manifesta tout particulièrement lors de l’exécution du grand mystique soufi Mansour al-Halladj en 922 : tandis que le reste de son corps était incinéré, sa tête, ses mains et ses pieds furent exposés sur les remparts de la nouvelle prison. En 924, certains de ses disciples furent à leur tour arrêtés et Nazouk, le Préfet de police de Bagdad, leur fit subir un sort comparable : leurs corps furent crucifiés sur la rive orientale et leurs têtes exhibées sur les murailles
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d’une des prisons. Comme les palais et les mosquées – auxquelles les premières étaient souvent associées –, les hauts murs des prisons rappelaient au quotidien que le salut du peuple dépendait aussi de sa soumission à l’ordre social et politique.
Le cas d’Ibn al-Mouqaffa est le plus caractéristique des aberrations criminelles de cette inquisition musulmane, car de deux choses l’une : soit Ibn al-Mouqaffa fut bel et bien un musulman sincère – ce qui n’est pas impossible –, soit Ibn al-Mouqaffa ne présentait pas vraiment les traits d’un musulman irréprochable aux yeux de ses contemporains. Mais ce n’était surtout pas un hérétique.
Quant à Ibn Abi l-Aouja, autre grand zindiq pour la tradition musulmane (un cryptomanichéen ?) le trait le plus saillant de sa personnalité fut peut-être son « indépendance d’esprit », mais on a par ailleurs aussi des raisons de penser qu’il était dahrite, c’est-à-dire « matérialiste athée ».
Il existe un autre groupe de personnalités reconnues comme zindiqs : les libertins surtout représentés par les poètes (Bashshar b. Bourd, Abou Nouwas…). Comme on s’en serait douté, ce sont principalement l' « hétéropraxie » des libertins, leur désobéissance affichée et assumée à la Loi révélée et leur hédonisme polymorphe qui firent scandale. Ces comportements « hors-la-Loi » furent considérés comme la traduction pratique de leur « mécréance » (koufr) et c’est à ce titre qu’ils furent comptés parmi les zanadiq : athées niant la vie future, ils furent rapidement taxés de cryptomanichéens.
N.B. Autres exemples de zindiq très connus : Abou Al-Ala Al-Ma'ari (973-1057), Ibn Arabi (1165-1240). Incroyable, mais vrai, ce grand philosophe métaphysicien est effectivement considéré comme hérétique par l’orthodoxie officielle de l’islam.
Par contre le rapprochement traditionnel entre le mouvement intellectuel et littéraire anti-arabe appelé shou’oubisme et la zandaqa ne paraît pas résister à l’analyse par contre. On peut néanmoins ajouter à cette liste le cas plus que jamais d’actualité des bahaïs. Le Bahaïsme est la religion des disciples de Baha Allah, inspirée du Babisme, doctrine perse du XVIIIe siècle. Ses adeptes sont au nombre de 7 millions à travers le monde. C’est un syncrétisme de différents rites, tous les 19 jours on y fait la lecture de passages de la Bible, des Évangiles et du Coran. Tous les ans, les croyants jeûnent du 2 au 21 mars. Parti de Perse, le Bahaïsme est aujourd’hui très présent en Inde, en Afrique et aux États-Unis. Son temple de New Delhi est célèbre pour son architecture en forme de lotus géant. Ils ne sont pas considérés comme musulmans et sont donc même parfois considérés comme apostats.
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QUARANTE ET UNIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LA BRIGADE DES MOEURS (HISBA).
Saint Coran chapitre 3, verset 104 : « Puissiez-vous former une communauté dont les membres appellent les hommes au bien : leur ordonnent ce qui est convenable et leur interdisent ce qui est blâmable ! »
Saint Coran chapitre 5, verset 3 : « Aujourd’hui j’ai rendu votre religion parfaite, j’ai parachevé ma grâce sur vous, j’agrée l’islam comme étant votre religion ».
Le terme arabe, mais non coranique de hissa (littéralement, demander des comptes) désigne, d’un côté, l’obligation pour chaque musulman « d’ordonner le bien et d’interdire le mal » (amrbi-l-ma'roufoua-nahi 'an al-mounkar, Coran 3,104 et passim) et, de l’autre, l’office du mouhtasib, inspecteur des marchés et gardien de l’ordre public. Le bien est constitué par la réalisation ou la défense des droits de Dieu (houqouq Allâh) ; et le gardien de ces droits (le mouhtasib) n’attend de récompense que de Dieu dans l’au-delà
À l’origine, la hisba était chargée de vérifier la conformité du déroulement des affaires économiques et commerciales, des poids et mesures, ainsi que la légalité des contrats, en référence à la charia. Sa fondation au IXe siècle, sous la gouvernance du calife Omar, s’appuie sur un verset qui donne une liste de bonne conduite (en définissant certains interdits majeurs) :
« Et ne vous approchez des biens de l’orphelin que de la plus belle manière, jusqu’à ce qu’il ait atteint sa majorité. Et donnez la juste mesure et le bon poids, en toute justice. Nous n’imposons à une âme que selon sa capacité. Et quand vous parlez, soyez équitables même s’il s’agit d’un proche parent. Et remplissez votre engagement envers Dieu. Voilà ce qu’Il vous enjoint » (Saint Coran chapitre 6, verset 152). Son premier responsable fut d’ailleurs peut-être une femme, Shifa. La hisba ou Hisbah (calcul ; vérification) est donc un moyen de rechercher une conformité intégrale avec les lois divines.
Les spécialistes traitent longuement de la question de savoir si l’agoranome grec ou l’aedilis latin sont à l’origine de cet office. Si Stern (1970, p. 26) et Foster (1977) ne voient aucun lien entre les institutions antiques et islamiques, Floor (1980, p. 122 sqq.), et avant lui Sperber (1969 et 1970) ont bien montré le développement continu de l’office et de son nom depuis l’Antiquité jusqu’aux temps islamiques.
D’après Schacht (1957, p. 207), c’est à l’époque abbasside que cet office fut « islamisé » et on le légitima en recourant au verset coranique susmentionné. La tradition fait également référence à cet office dans plusieurs hadiths.
Au début du règne du calife Al-Mahdi (775-785) apparut le premier mouhtasib, ou contrôleur des prix ; chargé de hisba, dont la mission consistait en outre à préserver la morale publique, la foi ainsi qu’à protéger les musulmans contre les charlatans et les escrocs. Les premiers textes sur la hisba ont été rédigés au cours du XIe siècle par Maouardi (mort en 1058) et Ghazali (mort en 1111). Cette branche de la littérature arabe s’intéresse aux aspects pratiques de la charge du mouhtasib, offrant de longues taxinomies de marchandises et de leurs qualités, de professions et de tout ce qui y est lié.
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Telle est la charge principale du mouhtasib, appelé aussi sahib al-souk (seigneur du marché) : le contrôle des poids et mesures, des prix et de la qualité. Il réglemente aussi les aspects des pratiques médicales, pharmaceutiques.
Les pouvoirs de la hisba se sont ensuite étendus, jusqu’à toucher tous les aspects de la vie sociale des musulmans. Il a par exemple servi à traquer les apostats et ceux considérés comme hérétiques. En fonction de sa personnalité et des circonstances, le mouhtasib surveillait en effet aussi l’accomplissement de la prière, l’utilisation correcte des mosquées, la morale et l’ordre publics dans les rues, les places et les bains, ainsi que l’exécution des règles concernant les dhimmî, les juifs et les chrétiens. La surveillance de la propreté et de l’entretien des rues et des trottoirs était aussi de son ressort.
Il est souvent difficile de distinguer la hisba des offices voisins, comme ceux de cadi ou de chef de la police (shourta). Le mouhtasib avait en effet le droit de juger et de punir dans tous les cas n’exigeant pas qu’une preuve soit administrée ou quand le délit était flagrant. Ses compétences ne dépassaient pas les limites de la ville. Il était investi par le gouverneur ou le cadi et cette investiture faisait l’objet d’une proclamation publique. Théoriquement, outre ses qualités morales et ses connaissances juridiques (le mouhtasib était souvent en même temps juriste, faqîh), on exigeait généralement aussi de lui une expérience professionnelle (comme marchand, par exemple).
Cette institution devint donc aussi une sorte de milice servant les intérêts du calife. Par exemple, étaient déclarés apostats les opposants du calife comme le prouve l’impunité accordée par le calife Haroun ar-Rachid (786-809) à Abou al-Atahiya tandis qu’il évinçait la puissante famille des Barmécides à l’aide de cette accusation. On peut donc considérer que dans ces cas, la hisba s’est révélée un instrument de répression politique sous couvert de crime contre Dieu ou contre la société.
Le droit islamique accorde à tout citoyen le droit de saisir la justice pour dénoncer un fait contraire à ses yeux à l’intérêt général.
En Égypte avec Hassan El-Banna, fondateur des Frères musulmans, la hisba se transforme en une police des mœurs ; elle se dote d’une milice et favorise la délation. L’acte de délation peut être dressé par n’importe quel délateur, s’érigeant ainsi en cheikh (érudit). Elle enquête dans la vie privée des gens, contrôle les pratiques et les observances canoniques. Sous l’influence de Ahmed Rifaat, elle se met à punir les femmes qui ne s’habillent pas selon les critères islamiques en vigueur. Cette dérive de la hisba a connu une notoriété certaine, en atteignant des intellectuels.
Plusieurs affaires de censure religieuse ont été déclenchées par des personnes qui se sont estimées agressées dans leur foi par une œuvre ou… par la vie privée de son auteur, convaincu « d’apostasie ».
Avant 1955, la jurisprudence égyptienne avait établi les principes suivants en matière de hisba.
La hisba est l’accomplissement de ce qui compte pour Dieu. Elle est une des obligations qui sont remplies si une seule personne s’en acquitte (fard kifaya). Elle provient d’une autorité légitime par principe (ouilaya shar'iyya asliyya).
La requête en hisba ne demande ni permission (idhn), ni autorisation (tafouid) du tuteur légal (ouali al-ami).
La requête en hisba appartient aux droits de Dieu (houqouq Allah).
Devant le tribunal, une requête en hisba ne peut être entendue qu’après présentation d’une demande.
La requête en hisba est obligatoire pour toutes les offenses contre les droits de Dieu.
C’est la notion de « droits de Dieu » (houqouq Allah) qui constitue le concept central de cette requête. Ces droits fondent la légitimité de la hisba.
On entend par « droits de Dieu » les droits dont le bénéfice revient à tous les hommes et non seulement à certaines personnes précises. Il faut cependant distinguer dans les « droits de Dieu » ceux qui concernent principalement les hommes et ceux qui concernent principalement Dieu. Pour ce qui est de l’atteinte aux droits relevant de la première catégorie, une requête en hisba est impossible, la victime (maqdhouf) – par exemple dans un cas de faux témoignage pour adultère (qadhf) – subissant ici un dommage particulier. Pour ce qui est de l’atteinte aux droits relevant de la seconde catégorie – par exemple, des punitions coraniques (houdoud), comme la sanction de l’adultère –, une requête en hisba est ici possible et même recommandée.
En d’autres termes, à l’inverse de la notion de « droits de l’être humain (houqouq al-ibad) », qui concerne les requêtes d’individus agissant isolément et à titre privé contre d’autres individus, les droits de Dieu recouvrent les requêtes formulées au nom de l’État et de la religion contre des personnes juridiques privées. Les droits de l’homme sont guidés par l’idée de transversalité entre individus égaux. Les droits de Dieu sont, au contraire, absolus et indivisibles. Ils représentent des intérêts publics (massalih amma).
Lorsque les talibans eurent établi leur pouvoir sur la majeure partie de l’Afghanistan (1994/95-2001), ils instituèrent une direction, bientôt élevée au rang de ministère, semblable au Comité pour la
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promotion des vertus et la prévention du vice saoudien ; des mouhtasib étaient chargés de faire respecter les prescriptions de la sounnah dans les zones qu’ils contrôlaient.
Au Nigéria, dans les États fédéraux qui ont promulgué la loi islamique, existent des comités d’hisbah. Ces hisbah appliquent violemment et mal la charia, enfonçant encore plus les pauvres dans la misère. Un rapport de l’ONU relève les applications violentes, parfois envers des non-musulmans, dans l’illégalité la plus complète et en violation des droits de l’homme. Cette violence entraîne un armement des communautés non musulmanes afin d’y résister. De plus, l’existence de ces hisbah donne une image exagérément rétrograde du Nigéria. Cette application, les contraintes qu’elle impose (comme la non-mixité dans les transports qui empêche les femmes d’utiliser les taxis-motos conduits par des hommes) et les peurs qu’elle suscite poussent également au départ des personnels de santé et d’enseignement ou des humanitaires chrétiens. D’autant que tout le Coran n’est pas appliqué : l’aumône obligatoire due par les riches n’est pas acquittée par exemple.
Les hisbas sont particulièrement actives dans la cité de Kano. Elles sont en partie responsables de la violence interreligieuse qui ensanglante ce pays.
CONCLUSION.
La hisba ne doit surtout pas être confondue avec l’inquisition musulmane qui a sévi durant quelques années (de 828 - 848) à l’instigation des mutazilites.
La hisba a deux acceptions : l’une large qui consiste « à ordonner ce qui est bien quand cela est manifestement négligé et à interdire le mal quand il est fait ouvertement ». Tout musulman se doit d’interdire le mal et de prescrire le bien, mais, dans un État organisé, il n’est pas possible d’abandonner cette mission aux initiatives privées : c’est pourquoi elle sera confiée à un magistrat spécial, le mouhtasib.
Dans son acception plus étroite, la hisba consiste dans la surveillance du commerce : contrôle des marchés et des transactions, répression des fraudes, vérification des poids et mesures, surveillance des corporations. On a souvent considéré que le rôle économique du mouhtasib, étant un aspect de sa fonction générale de censure des mœurs, a peu à peu pris le pas sur ses autres attributions, car, de plus en plus, au fil des siècles, il a constitué l’essentiel de sa charge ; ou, en d’autres termes, que l’évolution de la fonction s’est faite de sa définition générale à la fonction plus restreinte de contrôle des marchés. Cependant, bien que la genèse de la hisba soit obscure, on sait que le terme hisba, ainsi que celui de mouhtasib n’existaient pas dans les débuts de l’islam. L’appellation apparaît en Orient vers le règne d’Al Mamoun et se répand plus tard au Maghreb puis en Espagne. Par contre la fonction existait déjà, mais son titulaire était appelé sahib es souq. Cette appellation conduit à penser que les attributions essentielles sinon exclusives du sahib es souq portaient sur le contrôle des marchés et qu’il pourrait bien s’agir d’une fonction plus ancienne conservée puis islamisée en confiant à son titulaire la mission coranique de prescription du bien et d’interdiction du mal et en lui donnant le titre de mouhtasib.
Dans la pratique, il semble que l’aspect étroit de la fonction a, le plus souvent, pris le pas sur l’aspect général de censure des mœurs, et que l’essentiel des activités du mouhtasib ait été consacré au contrôle des transactions. Cependant, l’aspect général reste de première importance puisque c’est celui qui confère à l’institution son caractère religieux.
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QUARANTE-DEUXIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LA HISBA DE NOUVEAU.
Ainsi que nous l’avons vu précédemment, Hisba est un terme arabe ayant deux sens, un sens large et un sens plus étroit.
Au sens large cela désigne le devoir de tout bon musulman d’ordonner le bien et d’interdire le mal. Principe énoncé dans les versets coraniques 3,104 et 3,110.et comme chacun sait OU DEVRAIT LE SAVOIR le Coran s’impose à tous (houjjatoun 'ala al-jami'), et constitue la première source du droit musulman. Cela découle du fait qu’il provient de Dieu.
Les origines de la Hisba restent néanmoins assez nébuleuses.
Le terme hisba, ainsi que celui de mouhtasib n’existaient pas au début dans l’islam.
S’il fait peu de doute que des administrations judiciaires préislamiques existaient dans des villes importantes comme La Mecque ou Yathrib, afin de régler les disputes, soit par l’intervention d’un arbitre (hakim) ou en ayant recours à un devin (kahin), parler de « mouhtasib », et de hisba du vivant même de Mahomet est un anachronisme. Mieux vaut parler de gardiens de souk (amil al souk) ou de maîtres de souk (sahib al souk), aux fonctions alors considérées comme purement séculières, sans obligation religieuse. Il est probable que leurs responsabilités premières étaient le contrôle des poids et mesures, vu les nombreux hadiths et versets coraniques à ce sujet, dont une sourate sur les fraudeurs, ce qui laisse à penser que le problème était alors endémique.
L’appellation apparaît en Orient vers le règne d’Al Mamoun (9e siècle) et se répand plus tard au Maghreb et en Espagne. Par contre la fonction existait déjà, mais son titulaire s’appelait sahib es souq.
Historiquement parlant l’origine de la hisba remonte donc plutôt au début de la période abbasside, c’est-à-dire vers la fin du VIIIe siècle, et consiste d’abord avant tout en une islamisation des institutions byzantines existantes. L’institution de l’Empire byzantin régulant les marchés et autres échanges commerciaux dont la vérification des poids et mesures, ainsi que le contrôle des affaires religieuses, était alors appelée agoranomos (du grec « public » et « règle »), et ses membres étaient appelés logistes. Les juifs traduisaient d’ailleurs ces termes en bal-a-souk et hasban : ce dernier terme est sans doute la probable origine du mot arabe hisba.
La Hisba s’occupait donc à l’origine surtout de questions économiques et commerciales et ce n’est que par la suite qu’elle s’est concentrée sur les questions religieuses ou de mœurs. La hisba géra les mosquées et fut responsable de la bonne morale religieuse, y compris celle des dhimmis, chrétiens ou juifs, qui étaient tenus de porter des marques distinctives.
L’immense et ultra dangereuse différence entre l’islam et les autres religions, et qui change tout, c’est par conséquent que l’islam touche beaucoup plus d’aspects de la vie privée ou personnelle (nourriture hygiène adoptions mariages héritage métiers finances, etc.) que les autres religions (à l’exception du judaïsme ultra-orthodoxe des Haredim qui lui ressemble beaucoup du fait de l’arrivée à Yathrib de Mahomet en 622).
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C’est en quelque sorte le plus abouti des systèmes totalitaires.
Pour ce qui est du nombre de victimes par contre les points comparaison seraient peut-être plutôt à rechercher du côté de la Gestapo [nous ne parlons pas ici de la Shoah qui, de la Shoah par balles des Einsatzgruppen aux chambres à gaz, a fait entre 5 millions (Raoul Hilbert) et 6 millions (chiffre symbolique) de morts, et qui plus est morts dans des conditions atroces : les malheureux ont en effet vécu l’enfer sur terre], car contrairement aux idées reçues, la Gestapo ne fut pas une police omniprésente et omnipotente (Chris. McNab, The SS : 1923–1945. Amber Books Ltd. 209. Page 163).
L’image d’Épinal (sic) de la Gestapo ayant des yeux et des oreilles partout et faisant régner la terreur sur la société allemande est rejetée par de nombreux historiens qui considèrent que c’est un mythe inventé après la guerre afin d’oblitérer la complicité généralisée de la société allemande de cette époque.
Detlev Peukert, Robert Gellately, Reinhard Mann, Inge Marssolek, René Otto, Klaus-Michael Mallamann et Paul Gerhard, en étudiant de façon concrète ce que faisaient les bureaux locaux, ont montré que la Gestapo dépendait presque entièrement des dénonciations des Allemands ordinaires, et ont récusé la théorie du « Big Brother » qui avait cours antérieurement.
Sur les 84 cas de Rassenschande (« souillure raciale » – relations sexuelles avec des non-Aryens) ayant fait l’objet d’une procédure à Würzbourg, 45 (54 %) l’ont été en réponse à des dénonciations venant de citoyens ordinaires, deux (2 %) suite à des informations fournies par d’autres ministères, 20 (24 %), suite à des informations obtenues lors d’interrogatoires menés sur d’autres questions, quatre (5 %), suite des informations provenant des organisations (nazies) du NSDAP, deux (2 %) lors des « évaluations politiques » et 11 (13 %) n’ont aucune source répertoriée alors qu’aucune n’avait fait l’objet d’une procédure lancée par les propres « observations » de la Gestapo…
Eric Johnson (Terreur nazie : la Gestapo, les Juifs et les Allemands ordinaires. New York 1999) remarque que la terreur nazie était une terreur sélective, visant particulièrement les opposants politiques, les dissidents idéologiques (clergé et organisations religieuses), les criminels de droit commun, Les Tziganes et les Roms, les personnes handicapées, les homosexuels et surtout les juifs. Ce constat est également soutenu par l’historien Richard Evans qui déclare que « la violence et l’intimidation ont rarement touché la vie de la majorité des Allemands ordinaires. La dénonciation était l’exception, pas la règle ».
Mais l’implication des Allemands ordinaires dans les dénonciations ne doit pas exonérer pour autant la Gestapo de toute responsabilité. Comme le dit clairement Evans, « … ce n’était pas le peuple allemand ordinaire qui se livrait à la surveillance, c’était la Gestapo ; rien n’arrivait tant que la Gestapo n’avait pas reçu de dénonciations, et la poursuite par la Gestapo de ces déviances et dissidence était la seule chose qui donnait un poids dramatique aux dénonciations. » L’efficacité de la Gestapo résidait dans sa capacité à « projeter » cette toute-puissance… ils se sont appuyés sur cette coopération de la population allemande en utilisant à leur avantage ces dénonciations ; et en s’avérant à la fin un organe de terreur puissant, impitoyable et efficace, au service d’un régime qui semblait partout. Mais l’efficacité de la Gestapo, bien que facilitée par les dénonciations et l’œil soupçonneux des Allemands ordinaires, résulte davantage de la coordination et de la coopération au sein des divers organes de police en Allemagne, de l’aide des SS et du soutien fourni par les diverses organisations du parti nazi ; tous ensemble formant ce réseau organisé de persécution des ennemis ou prétendus tels, du régime.
À comparer au nombre des victimes de l’Inquisition médiévale exécutées par le pouvoir séculier qui à l’époque savait ce qu’il avait à faire en cas de condamnation par l’Église. Selon les chiffres des sentences de Bernard Gui, inquisiteur à Toulouse pendant 15 ans, de 1308 à 1323, sur 633 sentences, seules 40 personnes sont remises au bras séculier, donc au bûcher (l’Inquisition qui ne peut en théorie pratiquer la peine de mort envoie le condamné à la justice laïque). Dès la fin du XIIIe siècle, le bûcher est de plus en plus exceptionnel ; il est aussi le signe de l’échec de l’Église, incapable de ramener les âmes perdues.
Pour ce qui est du nombre des victimes la comparaison entre Hisba et Inquisition est difficile pour deux raisons.
La première raison est qu’il y a eu quatre Inquisitions différentes.
— L’Inquisition médiévale, introduite devant les tribunaux ecclésiastiques par le pape Grégoire IX en 1231.
— L’Inquisition espagnole, inféodée à la couronne d’Espagne, fondée en 1478 et supprimée en 1834, et l’Inquisition portugaise, lesquelles opéraient aussi dans les colonies de ces pays ;
— L’Inquisition romaine (Congrégation de l’Inquisition romaine et universelle), fondée en 1542, remplacée par la Sacrée Congrégation du Saint-Office en 1908.
La deuxième raison est que dans l’imaginaire collectif l’Inquisition a fait des millions de morts ce qui n’est pas le cas de la Hisba.
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On nous a aussi reproché d’avoir comparé la Hisba ou police des mœurs islamique à la Guépéou et aux goulags soviétiques.
Il importe à cet égard de distinguer deux choses différentes, le nombre des victimes et les raisons de leur incarcération ou mise à mort.
D’après Alexandre Zinoviev en effet de nombreuses personnes furent envoyées au Goulag pour des faits que l’on pourrait qualifier d’anecdotiques, absurdes et sans intérêt (avoir posé une veste sur un buste de Lénine parce qu’il n’y avait pas de porte-manteau dans la pièce, ou avoir enveloppé du poisson dans un journal représentant Staline), voire sans accusation motivée, simplement parce que les sections locales de la Tchéka-GPU-NKVD avaient un « plan d’arrestations » à tenir.
Nombre des victimes de 1917 à 1991, 18 millions de zeks (détenus), 3 millions de morts.
20 Décembre 1917 création de la Tchéka qui deviendra en 1922 la Guépéou (Guépéou pas Gestapo)
Raymond Duguet en 1927 diffuse hors de Russie les premiers témoignages dans son ouvrage consacré aux îles Solovki. Le travail était payé en nourriture :800 g de pain et 80 g de viande pour les éléments les plus robustes ; 400 g de pain et 40 g de viande pour les moins valides. Exécutions d’une balle dans la nuque.
Taux de mortalité à la Kolyma de 1937 à 1938 10 % des zeks.
Importantes différences avec la Hisba par contre.
La Hisba n’a pas pour but comme le goulag d’avoir une main d’œuvre gratuite en nombre, quasiment réduite à l’état d’esclave.
La Hisba n’a pas pour but d’éloigner les opposants, mais de punir les comportements jugés déviants ou hérétiques (point commun avec l’Inquisition).
Donc pas de camps immenses pour les condamnés à de longues ou lourdes peines, souvent mortelles (travail forcé).
La prison n’est qu’un séjour temporaire avant exécution des sentences.
Les peines appliquées sont celles de la sharia.
En Syrie et en Irak sous Daesh par exemple des coups de fouet pour le port de chaussures colorées, ou encore l’exécution par crucifixion pour consommation de drogue. N.B. Au Nigéria les hisbas ont été particulièrement actives dans la ville de Kano. Elles sont en partie responsables de la violence interreligieuse qui a fait 10 000 morts entre 1999 et 2004.
Le consensus contemporain dans la communauté musulmane est que la hisba, comme principe est un devoir collectif (far’d al-kifaya), lequel est accompli par délégation à des autorités compétentes.
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QUARANTE-TROISIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
Il y eut en réalité une double Inquisition (Hisba de 629 ? à aujourd’hui, Mihna de 833 à 847 ou plus ?)
La Hisba était une police des mœurs destinée à ordonner le bien ou interdire le mal selon l’islam c’est-à-dire à sanctionner toute violation de la morale musulmane, essentiellement pour ce qui est du commerce au début, puis des mœurs par la suite ; la Mihna fut un moment de cette Institution qui vit ses compétences élargies à la lutte contre certaines hérésies.
L’INQUISITION MUSULMANE OU MIHNA.
La prise de pouvoir par les Abbassides, en 750, changea l’assise de l’autorité califale. En apparence rien ne changeait fondamentalement dans « l’idéologie impériale » des califes, telle qu’elle avait été construite par les Omeyyades. La fonction législative et ordonnatrice revenait toujours, et tout aussi légitimement, au calife au nom de sa connaissance intime du vrai dessein divin. Mais une autre source de pouvoir commençait d’émerger : la tradition concrétisée par des centaines de milliers d’anecdotes (hadiths) rapportant les paroles ainsi que les faits et gestes de Mahomet, voire ses silences ou ses non-réactions. Et donc les spécialistes en hadiths.
C’est à partir des années 720 que l’on date les premières occurrences d’éléments de tradition prophétique en usage parmi les croyants. Dès lors, l’intrusion de cette « tradition nouvelle » devint massive et les récits prescripteurs commencèrent à se figer, jusqu’à prendre la forme que l’on connut ensuite, et jusqu’à aujourd’hui.
Quant à la propagation de ces récits, elle se fit bientôt sous le mode de la « chaîne de transmission » (silsila). Tel hadîth devait sa validité de la solidité de la chaîne de ses transmetteurs jusqu’au moment de sa fixation comme unité du corpus de la tradition. Mais nous devons considérer comme acquis que les maillons communs à de nombreuses chaînes de transmission de hadiths furent les véritables inventeurs de ces récits prescripteurs. *
Face à la mise en place de ce qui constituerait bientôt un groupe au statut social bien déterminé, celui des oulémas, à la mise en forme d’un langage qui leur devenait commun, et après un siècle omeyyade marqué par l’affirmation de l’autorité califale, les Abbassides commencèrent par afficher la tranquillité de ceux à qui le sang – ils étaient du même sang que Mahomet – accordait une légitimité, en quelque sorte, naturelle. Légitimité du sang qui semblait prendre le pas sur la légitimité de fonction (de Calife, de Commandeur des croyants, d’initiateur de l’ordre divin parmi les croyants). Mais ce n’était peut-être là qu’une apparence.
De fait, les califes abbassides, les gouverneurs et les émirs, s’entourèrent volontiers de jurisconsultes et théologiens, mais la relation de complicité qu’ils entretenaient avec ceux-ci ne signifiait pas, loin s’en fallait, qu’il y eût renoncement à la prééminence du califat. C’est que la légitimité naturelle (du sang) pouvait fort bien s’accommoder de la légitimité des gens du savoir, et réciproquement : leur rapport était oblique, la nature des uns ne faisait pas nécessairement face à la fonction des autres. Elle ne lui faisait face que si, ostensiblement, le discours de la légitimité de nature alimentait la revendication des prérogatives de la fonction.
Ce qui se produisit avec la Mihna, la première vraie grande Inquisition du monde « moderne ».
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Les principaux acteurs en furent le calife al-Ma’moun (qui régna de 813 à 833) et le collectionneur de hadiths Ahmad ibn Hanbal (780-855), mais le conflit avait des racines plus profondes.
Al-Mahdi (746-785).
Muhammad al-Mahdi ben Abd Dieu al-Mansour ou Al-Mahdi troisième calife abbasside naquit en 746. Il succéda à son père Al-Mansour comme calife en 775. Il mourut le 4 août 785.
Il fut proclamé calife alors que son père al-Mansour était encore sur son lit de mort (775). Mais son successeur désigné aurait dû être son oncle Issa. Cet oncle avait été évincé par al-Mansour au profit d’Al-Mahdi. Al-Mahdi commença par proposer d’importantes sommes d’argent afin qu’il renonce à son droit de succession. Après diverses manœuvres Al-Mahdi obtint ce qu’il désirait : Isa renonça à son droit de succession.
Al-Mahdi poursuivit la mise en place de l’administration abbasside en créant de nouveaux ministères (diwan) : celui de la guerre, de la justice et des finances. Les juges (cadi) furent rémunérés et certaines lois contre les non-Arabes furent abolies.
Le calife Al-Mansour (754-775) avait modifié la Hisba ou surveillance des marchés pour l’élargir et au début du règne du calife Al-Mahdi (775-785) apparut le premier mouhtasib dont la mission consistait à traquer les apostats et autres hérétiques.
Mais son califat fut également celui du développement de la civilisation musulmane à Bagdad grâce à une ouverture sur la sagesse antique et le début de l’âge d’or de la civilisation islamique classique. Al-Mahdi fut en effet à l’origine de la grande entreprise de traduction des classiques grecs en arabe via le syriaque. Ce fut d’ailleurs pour la traduction des Topiques d’Aristote qu’al-Mahdi se rapprocha de Timothée, le catholicos de l’église nestorienne.
Les Barmécides qui avaient fourni des vizirs depuis le règne d’Abou al-Abbas As-Saffah, dirigèrent ces nouveaux ministères. Al-Mahdi construisit des routes, instaura un système postal et fit la guerre aux Byzantins. L’usage du papier, à la place du parchemin ou du papyrus, se généralisa. Des rues entières de Bagdad se consacrèrent au commerce du papier et des livres.
Ainsi que nous avons pu le voir précédemment, Al-Mahdi maintint une politique religieuse assez rigoureuse, il poursuivit les dualistes. Pouvaient être accusés de dualisme les convertis zoroastriens, surtout chez les Persans, mais aussi les soufis. Al-Mahdi déclara que le calife n’était pas seulement un souverain, mais qu’il était de son devoir de définir l’orthodoxie religieuse afin de maintenir la cohésion de la communauté des croyants (Oumma). Ce qui sera lourd de conséquences sous le règne de Al-Ma'moun.
Al-Ma’moun (786-833). Devient calife en 813.
C’est pour apprendre à distinguer les paroles justes des billevesées humaines que le calife Al-Ma'moun donnera une impulsion décisive à la maison de la sagesse. Celle-ci avait été fondée par son père Haroun ar-Rachid, mais en tant que bibliothèque alors à l’usage exclusif du prince. Sous Al-Ma'moun, cette bibliothèque s’ouvrira à l’élite savante.
Le règne d’Al-Ma'moun fut une grande réussite sur le plan culturel. Il s’est particulièrement intéressé au travail des savants, surtout de ceux qui connaissaient le grec. Il avait réuni à Bagdad des savants de toutes les croyances, qu’il traitait magnifiquement et avec la plus complète tolérance. Il a fait venir de Byzance des manuscrits, il posa comme condition de paix avec l’Empire byzantin la remise d’une copie de l’Almageste de Claude Ptolémée.
Féru d’astronomie, il créa en 829, dans le quartier le plus élevé de Bagdad, près de la porte Chamassiya, le premier observatoire permanent au monde, l’Observatoire de Bagdad, permettant à ses astronomes, qui avaient traduit le Traité d’astronomie du grec Hipparque, ainsi que son catalogue d’étoiles, de surveiller méthodiquement le mouvement des planètes. Il mena deux expériences astronomiques destinées à déterminer la distance d’un degré de latitude terrestre. En reconnaissance pour ces travaux, un cratère lunaire porte son nom : Almanon.
De son séjour en Asie centrale, il avait ramené avec lui les trois fils de Moussa ben Chakir, ancien brigand, devenu astronome et compagnon du futur calife. À la mort de leur père, il fit donner aux trois frères dont il était devenu le tuteur, Muhammad, Ahmad et Hassan, une solide formation dans les sciences appliquées et leur octroya une fortune considérable pour fonder en 832 et diriger à Bagdad la Maison de la sagesse : Baït al-Hikma.
Le grand mathématicien Abou Ja’far Muhammad ben Moussa al-Khaouarizmi a passé la plus grande partie de sa vie à Bagdad, sous le patronage du calife Al-Ma'moun. Il traduisit en arabe, avec ses collègues, les manuscrits grecs de Byzance réunis dans la bibliothèque fondée par le calife au sein de la Maison de la Sagesse, et étudia, à partir de ceux-ci la géométrie, l’algèbre et l’astronomie.
Une histoire célèbre raconte comment Al-Ma'moun vit un jour Aristote en rêve. Il en existe plusieurs versions.
Al-Ma'moun à Aristote : Qu’est-ce que le Bien ?
Aristote : Ce qui est dans l’esprit.
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Al-Ma'moun : Qu’y a-t-il d’autre de bien ?
Aristote : Ce qui est dans la loi.
Al-Ma'moun : Et quoi encore ?
Aristote : La volonté du peuple.
Al-Ma'moun : Et quoi encore ?
Aristote : plus rien.
On s’est souvent interrogé sur la raison de l’activisme religieux du calife al-Ma’moûn. Le plus simple est de penser qu’il était lui-même à titre personnel assez rationaliste. L’homme était savant, versé dans les questions de fondement du droit ; son confident était le mou'tazilite Ahmad ibn Abi Dou’ad, et l’on sait que le mou'tazilisme, dans son effort de conceptualisation théologique, de construction doctrinale du monothéisme absolu, avait affirmé le caractère créé du Coran. Al-Ma’moun subissait-il l’influence du mou'tazilisme ? Avait-il une vision plus personnelle de ce qu’était la vérité en matière de croyance ? La deuxième de ses motivations a peut-être été bien sûr d’accroître son emprise sur le clergé ainsi que sur les affaires religieuses (comme le fit de son côté l’empereur romain Constantin avec le christianisme quelques siècles plus tôt).
Ce qui est certain c’est qu’en 828 al-Ma’moun institua un tribunal inquisitorial chargé du contrôle de l’orthodoxie religieuse : la Mihna. Cette inquisition fut essentiellement dirigée contre les fouqaha (théologiens) et les mouhaddithoun (collectionneurs de hadiths).
Au début de l’année 833, al-Ma’moun était à Raqqa, sur l’Euphrate, en Syrie. Il décida d’écrire à Ichaq ibn Ibrahim, son représentant à Bagdad, et d’interroger les cadis de la cité sur la question de la création ou pas, du Coran.
La lettre disait en substance ceci : la religion de Dieu doit, en droit, être accomplie en tout point et la vraie croyance doit triompher ; en particulier, la croyance au fait que le Coran est créé, car il est dit dans le Texte même : « Nous vous avons fait un livre, en arabe afin que vous puissiez comprendre » (43,3) ; les gens de peu (al-amma) trompent les croyants quand ils prétendent que le Coran est pré-éternel (qadim awoual), ou incréé ; ces vulgaires croient faire lien avec la sounna et se disent ainsi les hommes de la vraie religion, de la vérité du droit, alors qu’ils ne sont que des incroyants parlant « langue du diable »…
Une autre lettre d’al-Ma’moun arriva enjoignant de lui envoyer sept traditionnistes éminents. Ce qui fut fait. Les traditionnistes, ayant accepté de professer la création du Coran, purent rentrer chez eux.
De semblables lettres furent expédiées en Égypte, en Syrie.
À Bagdad, où de nouveaux traditionnistes et jurisconsultes étaient interrogés – rudement parfois, d’où le nom que l’on donna à l’événement, mihna, « épreuve » –, il y eut quelque résistance : deux hommes, Ahmad ibn Hanbal et Muhammad ibn Nouh, professèrent que le Coran était incréé.
Enchaînés, ils furent envoyés à Tarsous, où se trouvait désormais al-Ma’moun, au retour d’une campagne guerrière contre Byzance. Mais la nouvelle de la mort du calife arriva : on les renvoya à Bagdad. Muhammad ibn Nouh s’éteignit en chemin ; arrivé à Bagdad, Ahmad ibn Hanbal fut jeté en prison.
Ahmad ibn Hanbal représentait ce que pourrait appeler la fonction aboutie du traditionnisme. Un traditionnisme rigoureux, un littéralisme de tous les instants, sans faille, qui se voulait totalisant, épuisant, en quelque sorte, la totalité de ce qui faisait son objet : la connaissance des fondations de l’ordre donné à ce monde.
Le Calife al-Ma’moun était l’opposé naturel d’Ibn Hanbal. Revenons un instant à la première lettre qu’il écrivit à Ishaq ibn Ibrahim. La manière d’avancer ses idées sur la nature du Coran est significative. Nous avons vu qu’il s’attaquait violemment aux traditionnistes, à ceux qui, se disant les transmetteurs de la sounna, proclamaient être les modèles des vrais croyants et revendiquaient les prérogatives de la capacité à distinguer entre le vrai et le faux, entre le juste et l’injuste. Mais la manière dont il introduisait ses virulentes attaques est significative de l’autorité qu’il pensait avoir pour, précisément, savoir reconnaître le vrai du faux, le juste de l’injuste…… La suite de la lettre est introduite par une formule définitive : « le commandeur des croyants sait que… ». Avec superbe, al-Ma’moun affirmait, de façon ultime, la raison du califat en ce qui concernait le salut des vrais croyants.
Les sanctions imposées par la Mihna devinrent de plus en plus difficiles à supporter pour les oulémas qui s’unirent pour s’y opposer.
Le frère d’al-Ma’moun, al Mou'tacim (833-842), lui succéda.
Le nouveau calife, qui était pourtant prêt à mettre fin à cette inquisition fut convaincu par le cadi mou'tazilite, Ahmad ibn Abi Dou'ad, qui fit valoir combien il pourrait être dangereux, pour l’autorité de l’État, de paraître abdiquer une position officiellement affirmée.
Ibn Hanbal fut donc convoqué à comparaître, devant le calife. Il reçut une sévère flagellation, puis fut autorisé à regagner son domicile, après un emprisonnement qui avait duré en tout deux ans et demi.
Avait-il enfin cédé et déclaré que le Coran était créé, comme beaucoup d’historiographes l’ont cru ?
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Avait-il, au contraire, été relâché sous la pression de la foule de Bagdad qui le supportait ? La vraie raison importe peu ici.
Ce qui est certain c’est que durant tout le reste du règne d’al Mou'tacim, Ibn Hanbal mena une vie retirée, tout en continuant à dispenser des cours conformes à la tradition des hadiths.
La Mihna dura encore, mais de plus en plus molle. Al-Ouathiq (842-847), fils d’al-Mou`tacim, avait d’autres soucis, comme le mouvement de sécession d’Ahmad ibn al-Aghlab en Ifriqiyya (l’actuelle Tunisie). Et al-Moutaouakkil, frère d’al-Ouathiq, mit fin à la Mihna dès son arrivée au pouvoir en 848.
Peu après, les derniers lettrés emprisonnés furent libérés, les « martyrs » réhabilités. La doctrine du Coran incréé s’imposa, définitivement, dans l’empire. Le pouvoir religieux des califes sortit donc diminué de cette crise, et ce au profit de celui des oulémas. La tradition des hadiths s’installa au pouvoir et s’érigea en idéologie dominante à son tour.
Les savants, théologiens et historiographes, qui majoritairement étaient dans les rangs de l’opposition, dénièrent même bientôt toute autorité religieuse active aux califes, les privant ainsi de la légitimité du titre d’imam.
L’important pour nous donc est de constater que c’est grâce à cette crise que les grandes écoles juridiques de l’islam (madhhab) se sont vraiment affirmées, et qu’Ibn Hanbal s’est notamment illustré durant cette période pour son opposition au moutazilisme. Le mou’tazilisme fut dès lors identifié non point au rationalisme qu’il enseignait, mais à la terreur qu’il pratiqua une fois au pouvoir **. Et Ibn Hanbal qui personnifia la résistance à cette terreur devint le symbole de l’orthodoxie.
* Les recueils de hadiths ont presque tous été compilés au moins 150 ans après la mort de Mahomet, dans le but de sauvegarder et répertorier les actes de celui-ci. Beaucoup des ouvrages rédigés par les compagnons de Mahomet se sont perdus dans les ouvrages postérieurs, dont certains figurent dans le corpus de ces derniers en leur intégralité. L’al-Mouwatta de l’imam Malik (715-795) et l’al-Mousnad d’Ahmed ben Hanbal (780-855) comptent parmi les ouvrages les plus anciens qui nous sont parvenus intégralement.
** « De même que les camps de la mort et les génocides sont une tache qui souillera éternellement l’idéal national-socialiste, la Mihna est une tache éternelle sur l’honneur du mou’tazilisme qui fait qu’on ne pourra plus y souscrire malgré toutes les qualités positives développées par ailleurs par ce courant rationaliste ou libre penseur » (Pierre de La Crau).
La Moutbaq fut la principale prison de Bagdad pendant plus d’un siècle. Les califes al Rachid et al-Ma’moun y envoyèrent des prisonniers politiques comme le prédicateur Muhammad b. al-Laït ou encore des révoltés alides.
Citée dès 762-63 par al-Tabari, l’année même de la fondation de Bagdad, elle fut implantée à l’intérieur de la « Ville ronde » d’al-Mansour. Le Strange la localise à l’extrémité du quartier Sud, entre les portes de Basra et de Koufa. Selon al-Ya’qoubi, cette prison se dressait dans une rue à laquelle elle donna son nom (sikkat al-Moutbaq, « rue de la Moutbaq »).
La Moutbaq n’apparaît pas comme un simple cachot, mais comme une prison abritant, derrière ses hauts murs, une série de puits où les détenus étaient descendus au bout d’une corde. Ils y vivaient dans un noir absolu et perdaient toute notion du temps.
Cette prison accueillit peut-être, au fil des années, divers genres de criminels. Mais à l’origine au moins, elle semblait destinée à des prisonniers politiques ayant participé à des complots ou à des révoltes.
L’incarcération s’y substituait ainsi à une condamnation à mort, lorsque la culpabilité n’était pas établie avec certitude ou qu’une exécution eût été politiquement mal venue. De fait, le condamné était comme enterré vivant, dans des conditions de survie extrêmes. La principale description vient d’al-Tabari.
D’autres récits viennent le confirmer : selon al-Isfahani, des Alides incarcérés dans la Moutbaq sous al-Mansour ne pouvaient distinguer le jour et la nuit ni savoir les heures de prière. Leur seul repère temporel était fourni par l’un d’entre eux – Ali b. al-Hassan b. al-Hassan, mort en prison en 763 –, qui récitait le Coran en boucle. Cette prison était donc une oubliette au sens propre, où le calife se débarrassait de ceux dont il ne souhaitait plus jamais entendre parler. Son appellation était symbolique : dérivé de la racine b. q impliquant l’idée de « couvrir, fermer », la Moutbaq s’apparentait à un « couvercle » refermé à tout jamais sur le détenu. Sorte de Tour de Londres, elle servait à impressionner les masses et alimentait la peur du pouvoir : lorsqu’en 850-51 al-Mutaouakkil fit raser le tombeau d’Hussein à Kerbala et interdit de s’y rendre, un subordonné du Préfet de police cria aux alentours : « Toute personne qui sera trouvée auprès de sa tombe sera envoyée à la Moutbaq ! » L’annonce suffit pour que les chiites s’enfuient et ne reviennent plus de sitôt. Mais si les oubliettes de la Moutbaq étaient aptes à frapper les esprits, des formes d’emprisonnement moins sévères y semblaient pratiquées en parallèle : en 825-26, une mutinerie s’y déclara, au cours de laquelle des
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détenus barricadèrent la porte principale de la prison. Visiblement ceux-ci ne croupissaient pas au fond d’un puits.
La « prison des zindiqs » (habs al-zanadiqa) qu’al-Tabari mentionne sous al-Amin, réservée aux personnes accusées de crypto-manichéisme comme Abou Nouwas, n’était peut-être pas une prison à part entière, mais un quartier spécifique à l’intérieur de la Moutbaq.
QUARANTE-QUATRIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
DE L’EMPRUNT À LA CONTROVERSE : LE DIALOGUE AVEC LES AUTRES RELIGIONS.
Là encore, rappelons-le encore une fois, nous ne parlerons pas ici du vrai islam, qui est le vôtre, à savoir le soufisme des derviches tourneurs, ou le moutazilisme, qui ne sont qu’amour calme et volupté, mais du faux islam qui s’appuie sur les versets non abrogés du Coran et sur la vie non rêvée d’un certain Mahomet fils d’Amina (sira et hadiths).
Le véritable islam n’approuve pas les actions des talibans, le véritable islam n’a rien à voir avec les petits djihadistes.
Mais dans le faux islam de tous ces faux prophètes, le dialogue interreligieux va du refus de discuter justement à la violence pure et simple.
L’islam est le plus parfait des systèmes totalitaires puisqu’il s’occupe de tout y compris des moindres détails de nos vies, et qu’il interdit de discuter ses principes voir de le quitter (peine de mort ou lourdes peines pour les apostats).
L’islam est peut-être le plus perfectionné des systèmes totalitaires puisque son dieu (sa conception de Dieu) interdit toute confrontation critique (et pacifique) avec les autres systèmes religieux, ou non religieux.
Chapitre 4, verset 140 « Dans le Livre, Il vous a déjà révélé ceci : lorsque vous entendez qu’on renie les versets (le Coran) de Dieu et qu’on s’en moque, ne vous asseyez point avec ceux-là jusqu’à ce qu’ils entreprennent une autre conversation. Sinon, vous serez comme eux. Dieu rassemblera tous les hypocrites et les mécréants en Enfer ».
Et
Chapitre 6, verset 68 : « Quand tu vois ceux qui pataugent dans des discussions à propos de Nos versets, éloigne-toi d’eux jusqu’à ce qu’ils entament une autre discussion. Et si le Diable te fait oublier ceci, alors, dès que tu t’en souviens éloigne-toi de ces pervers ».
Verset 28, chapitre 3. « Que les croyants ne prennent pas pour amis des incrédules de préférence aux croyants. Celui qui agirait ainsi n’aurait rien à attendre de Dieu à moins que ces gens-là ne constituent un danger pour vous.
Verset 51, chapitre 5. « Ô vous qui croyez ! Ne prenez pas pour amis les juifs et les chrétiens, ils sont amis les uns des autres ».
Verset 35, chapitre 47. « Ne faiblissez pas ! Ne faites pas la paix quand vous êtes les plus forts. Dieu est avec vous : il ne vous privera pas de la récompense due à vos œuvres ».
Voilà pourquoi il est si important de permettre le débat et la critique du faux islam à travers le monde. Le débat intellectuel honnête et sans concession iréniste (des idiots utiles que Jean-Pierre Péroncel-Hugoz appelait en son temps, 1983, les Turcs de profession) est indispensable au désarmement des religions et donc à l’établissement de la paix dans le monde.
Ainsi que nous avons eu l’occasion de le voir, les visions initiales du jeune Mahomet (40 ans) furent enracinées dans le terreau culturel païen mecquois de son temps.
Coran 53, 1-18.
« Par l’étoile quand elle disparaît ! Votre compatriote n’est pas égaré ! Il n’est pas dans l’erreur. Il ne parle pas de par sa propre impulsion. C’est seulement une révélation qui lui a été transmise, le
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puissant, le fort, la lui a fait connaître ; celui qui possède la force s’est tenu majestueusement alors qu’il se trouvait à l’horizon supérieur, puis il s’approcha et demeura là comme suspendu dans les airs. Il était à une distance de deux portées d’arc ou moins, et il révéla donc à son serviteur ce qu’il lui a révélé. Son cœur n’a rien inventé, il l’a vu ; allez-vous donc élever des doutes sur ce qu’il vu de ses propres yeux ?
Il avait déjà vu le même être supérieur près du jujubier qui borne le séjour des délices, auprès duquel se trouve le jardin de la demeure éternelle, au moment où le jujubier était enveloppé par ce qui le couvrait.
Sa vue a soutenu l’éclat de la magnificence divine.
Il a vu les plus grands signes de son Seigneur.
Avez-vous considéré al Lat al-Ouzza, et l’autre, Manat, la troisième ? »
Coran 81, 15-23.
« Non ! Je le jure par les planètes ! […] Votre compatriote n’est pas possédé !
Il l’a vu à l’horizon lumineux, il n’est pas avare de l’inconnaissable, ce n’est pas la parole d’un démon maudit, où allez-vous donc ? Ceci n’est qu’un rappel adressé aux mondes pour celui d’entre vous qui veut suivre le droit chemin. Mais vous ne le voudrez que si Dieu le veut, lui, le seigneur des mondes ».
Sous l’influence de sa femme Khadidja qui était plus ou moins chrétienne (elle avait un cousin Ouaraka Ibn Naoufal qui était incontestablement chrétien, peut-être nestorien, à tout le moins un hanif), Mahomet et son entourage empruntèrent peu à peu, mais de plus massivement à la littérature judéo-chrétienne circulant alors en Arabie ou sur ses confins (Irak Syrie Jordanie).
Un hadith d’Aïcha donne les détails suivants.
« Khadidja l’a ensuite conduit chez son cousin Ouaraqa bin Naoufal ben Assad ben Abdoul Ouzza, qui, avant l’Islam, était devenu chrétien (nazara) et avait l’habitude d’écrire en lettres hébraïques. Il écrivait à partir de l’évangile en hébreu autant que Dieu voulait qu’il écrive. C’était un vieil homme et il avait perdu la vue. Khadidja lui demanda, « Écoute l’histoire de ton neveu, O mon cousin ! » Ouaraqa demanda : « Ô, mon neveu, qu’avez-vous vu ? L’apôtre de Dieu décrivit tout ce qu’il avait vu. Ouaraqa conclut : « C’était le même qui gardait les secrets que Dieu avait confiés à Moïse (l’ange Gabriel). J’aimerais être jeune et pouvoir vivre jusqu’au moment où ton peuple te chassera. L’apôtre de Dieu demanda : « Ils vont me chasser ? » Ouaraqa répondit par l’affirmative et ajouta : « Quiconque est venu avec quelque chose de semblable à ce que tu viens de rapporter a été traité avec hostilité, et si je pouvais rester en vie jusqu’au jour où tu serais expulsé, je te soutiendrais de toutes mes forces. » Mais quelques jours plus tard, Ouraqa mourut et l’Inspiration divine s’arrêta également pendant un certain temps.
L’Évangile en question, puisque le terme est au singulier, ne peut être que celui des judéo-chrétiens. Ceci est confirmé par la phrase précédente : Ouaraqa était devenu Nazara.
Muslim, compilateur de l’un des six recueils principaux, très célèbre, mais moins que celui d’Al Boukhari, cite le même hadith, avec cependant une différence significative :
« Il écrivait le Livre arabe. Il écrivait de l’Injil (Évangile) en arabe ce que Dieu voulait qu’il écrivît » (Livre 1, hadith 301).
Si le même Évangile est dans un cas en hébreu, dans l’autre en arabe, on peut en déduire que Ouaraqa traduisait en arabe l’Évangile en hébreu des judéo-chrétiens.
Une des conséquences inattendues du dogme du Coran incréé réside dans la légitimité islamique « post-biblique » qu’il donne à la Bible. En effet, au fil de son texte, le Coran reprend parfois, mais avec de très fortes altérations quelques épisodes sélectionnés de la Bible. Le caractère sacré intouchable du Coran fait donc de ces apports bibliques LA NOUVELLE BIBLE qu’il est impossible et interdit aux musulmans de comparer avec la Bible elle-même.
La seule source biblique sûre et autorisée devient… le Coran et rien que le Coran. Tout musulman lettré se dit et se croit un spécialiste de la Bible et accepte volontiers de dialoguer avec un chrétien sur la Bible, à la seule condition qu’on en parle sur la base des révélations coraniques.
La Bible telle que connue des chrétiens est balayée en trois phrases par les pieux musulmans « ces textes ne sont pas fiables… seul le Coran dit LA vérité sur la Bible ».
Pour résumer, il n’est pas permis à un érudit musulman de considérer la Bible des juifs ou des chrétiens, ni même de l’étudier.
Le « bon » texte qui fait foi est un sous-ensemble du Coran et la Bible n’est donc étudiable qu’à travers ce que Mahomet en a révélé à l’humanité. C’est ce texte-là qui fait foi.
Point de vue traditionnel des Églises.
Une des particularités du Coran est qu’il s’approprie et islamise toute une série de personnages bibliques : Abraham, Isaac, Jacob, Noé, David, Salomon, Job, Joseph, Moïse, Aaron, Zacharie, Jean-Baptiste, Jésus, Élie, Ismaël, Élisée, Jonas et Loth y sont mentionnés (voir par exemple la sourate 6, versets 83 à 86), mais en tant que musulmans. La sourate 3, 67, quant à elle, dit explicitement :
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« Abraham n’était ni juif ni chrétien. Il était entièrement soumis à Dieu (= musulman) ». Le texte joue sur le double sens du mot muslim, qui signifie « soumis » et aussi « musulman ». Cette particularité de la langue arabe permet au Coran d’islamiser toutes les grandes figures de la Bible et d’opérer un véritable renversement de la chronologie traditionnelle des religions. Le Coran « accueille » Jésus, Moïse et les prophètes hébreux d’une façon particulière : il les accueille, après en avoir fait des musulmans.
L’islam « avale » ou englobe tout ce qui le précède et transforme a posteriori toute une série de personnages bibliques en musulmans. Pour un familier de la Bible, les figures bibliques citées dans le Coran nous paraissent à la fois identifiables et déformées. Abraham n’est pas Ibrahim ni Moïse Moussa. Quand Mahomet lia le nom d’Allah aux mythes du Judaïsme et du Christianisme, ce fut pour l’Islam une manière de les revendiquer comme siens. À la lumière des événements qui suivirent, l’allégation selon laquelle l’islam est la religion originelle et tous les prophètes précédents déjà des musulmans peut être considérée comme une tentative de s’approprier le sacré ou l’autorité des autres religions. L’effet produit est de priver le christianisme et le judaïsme réels de leur authenticité.
Autre trait caractéristique du Coran : tout en reprenant de nombreux récits bibliques (qu’il transforme ou simplifie parfois), il affirme que les juifs et les chrétiens ont falsifié leurs textes. Comme ils ont refusé de reconnaître le caractère prophétique de Mahomet, ils sont accusés d’avoir été infidèles à ce que Dieu leur avait transmis et d’avoir falsifié le « message » que Dieu avait déjà fait « descendre » pour eux. Cette accusation de falsification à l’encontre des « gens du livre » est répétée à de nombreuses reprises dans le Coran (chapitres 2, 59 ; 2, 75 ; 2, 79 ; 3, 70-71 ; 4, 46 ; 5, 13 ; 5, 41). La falsification (tahrif) des Écritures est considérée par l’islam comme une forme extrêmement grave de « corruption » ou de « forfaiture » (fassad), qui peut être sanctionnée par la peine de mort. Le Coran considère donc les deux Testaments actuels, l’Ancien et le Nouveau, comme faux et falsifiés ; il prétend restituer les textes authentiques, les textes tels qu’ils existaient avant leur falsification par les juifs et les chrétiens.
Un autre Jésus.
Nos amis chrétiens sont parfois impressionnés par la place que tient Jésus dans le Coran. Mais ce n’est pas celui auquel ils ont donné leur foi. Le Jésus du Coran répète ce qu’avaient annoncé les prophètes antérieurs, Adam, Abraham, Lot, etc. : en effet, tous les prophètes ont le même savoir et proclament le même message, qui est l’islam. Tous sont musulmans. Jésus est envoyé pour prêcher l’unicité de Dieu. Il répète qu’il n’est pas un « associateur ». « Ne dites pas Trois ». Il n’est pas le fils de Dieu, mais une simple créature.
Le Jésus du Coran n’a pas grand-chose à voir avec celui des chrétiens. Son message était l’islam pur, la soumission à Dieu (sourate 3, 84) ; il a reçu sa révélation de l’islam sous la forme d’un livre, l’Injil ou « Évangile » (sourate 5, 46) ; sa mère, Maryam, était la sœur d’Aaron et de Moïse (sourate 19, 28) ; il a annoncé la venue de Mahomet (sourate 61, 6) ; il n’a pas été tué ni crucifié, et ceux qui affirment le contraire mentent (sourate 4, 157) ; le jour de la résurrection, Issa-Jésus lui-même témoignera contre les juifs et les chrétiens qui croient en sa mort (sourate 4, 159).
Comme il est pour l’islam inconcevable qu’un envoyé de Dieu soit vaincu, Jésus n’est pas mort sur la croix. Un sosie lui a été substitué. Cette christologie, du point de vue chrétien catholique orthodoxe ou réformé, présente des marques mélangées de nestorianisme et de docétisme. Le Jésus du Coran est un musulman qui appelle ses propres adeptes à rejeter leur idolâtrie et accuse les chrétiens d’avoir manipulé les Écritures.
Il est donc erroné de dire que l’Issa (Jésus) du Coran ne fait qu’un avec le Jésus des Évangiles. Ce Jésus, réduit dans le Coran à un prophète purement humain, ne peut que choquer un vrai chrétien (trinitariste c’est-à-dire catholique orthodoxe ou réformé), puisque ce statut est en discordance totale avec ce que lui enseigne sa foi.
Dans le Coran, Jésus est le seul prophète qui soit présenté comme n’étant pas d’accord avec les doctrines de sa communauté. La sourate 5, au verset 116, est une véritable gifle pour les chrétiens, dont les croyances sont rejetées sans même être formulées correctement : rappelez-vous quand Dieu demanda : « O Jésus, fils de Marie, est-ce toi qui as dit aux hommes : prenez-nous moi et ma mère comme divinités en dessous de Dieu ? » Jésus répondit : « Gloire à Toi, il n’appartient pas de dire ce qui n’est pas une vérité ».
En d’autres termes, le Jésus-Issa du Coran répudie ses adeptes, les chrétiens, en les accusant d’avoir faussé les Écritures. Il entend se séparer des croyances perverties de ses partisans ! En fait, ce qui est un comble, c’est que, dans le Coran, Jésus accuse lui-même ses adeptes – les chrétiens – de lui prêter des paroles qu’il n’aurait jamais prononcées. On croit rêver ! Le Coran refuse un Christ crucifié, comme il refuse un Christ ressuscité : pour lui, Jésus n’est qu’un prophète, ni plus ni moins honoré que les autres. Le Jésus des Évangiles est le fondement sur lequel le christianisme s’est développé.
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En l’islamisant et en en faisant un prophète musulman qui aurait prêché le Coran, l’islam détruit le christianisme et s’approprie son histoire. Il agit de même envers le judaïsme.
Fausse accusation.
Dans le Coran, les chrétiens sont appelés « associateurs ». Pour l’islam en effet, le christianisme n’est pas une vraie monolâtrie à cause de la Trinité, laquelle consisterait à « associer » Dieu, Jésus et… Marie. Inutile de préciser que le christianisme n’a jamais envisagé la Trinité de cette manière, et qu’il s’agit là d’une déformation saugrenue d’un de ses dogmes majeurs. Quoiqu’il en soit, les « associateurs » se rendent coupables d’un péché irrémissible, le seul qui soit impardonnable. Sourate 4, 116 : « Dieu ne pardonne pas qu’Il lui soit donné des Associés, alors qu’il pardonne, à qui Il veut, les péchés autres que ceux-là ». Les chrétiens sont des mouchrikoun, c’est-à-dire des individus coupables de shirk (« associationnisme »).
À l’accusation de falsification des Écritures (tahrif), le Coran ajoute donc celle, plus grave encore aux yeux de l’islam, de « l’association à Dieu d’une ou plusieurs autres entités » (shirk). La doctrine de la Trinité est de la mécréance, du polythéisme, et un sort douloureux attend ceux qui y croient (sourate 5, 73). Les « associateurs » sont (avec les juifs) « les ennemis les plus acharnés des croyants » (sourate 5, 82). Cette corruption ne concerne pas ce que les hommes ont fait des Écritures données par Dieu, mais ce qu’ils disent de Dieu lui-même. Dans l’ordre de la corruption, le tahrif est élevé, mais avec le chirk, on touche à l’inexpiable : cette faute est la plus grave qui se puisse imaginer selon le Coran.
La vraie Bible n’est pas connue du Coran. On y fait seulement mention de la Torah (les 5 premiers livres de la Bible) et de l’Évangile (au singulier). Pour les musulmans, la Vérité étant le Coran révélé par Dieu, les divergences ne peuvent qu’être attribuées aux altérations apportées par les juifs et les chrétiens à ces textes de la Torah et de l’Évangile. Le Coran est débarrassé, du fait de son origine divine, de toutes les erreurs que Juifs et chrétiens ont pu introduire.
Tous les Livres annonçant le Dieu unique aux hommes ont un seul et même contenu. Ainsi, la Torah donnée à Moïse et le livre de l’Évangile remis à Jésus contiennent le même message qui fut livré ultérieurement par Dieu à Mahomet dans le Coran. La Parole de Dieu incréée et éternelle ne peut changer. C’est substantiellement la même révélation qui se répète. Si les Écritures antérieures diffèrent du Coran, on considère qu’elles ont été altérées par ceux qui les ont reçues ou transmises.
Dans le Coran, certains personnages bibliques (Adam, Abraham, Moïse, Jésus) sont considérés comme d’authentiques prophètes antérieurs à l’islam. Ils sont décrits selon l’image de Mahomet et vivent dans un environnement de païens pratiquant des cultes polythéistes comme à la Mecque ou ressemblent aux juifs de Médine qui rejetèrent la « Révélation coranique ». C’est la présentation d’un monde statique où l’Histoire prend un caractère répétitif.
Des commentateurs du Coran ont présenté la Torah comme le plus ancien texte du monothéisme. Son origine divine est authentique, mais elle a été corrompue par l’introduction de légendes païennes égyptiennes et phéniciennes qui cependant n’ont pas altéré l’essentiel de son message qui est la foi au Dieu unique conforme à la révélation coranique. Malheureusement, affirment ces commentateurs, des apports humains étrangers à la Révélation divine initiale l’ont altérée : un visage trop humain donné à Dieu qui crée l’homme à son image et lui donne la maîtrise sur la terre et les êtres vivants, parti pris systématique en faveur des Hébreux même lorsqu’ils se comportent en enfants ingrats et capricieux, anéantissement par Dieu de leurs ennemis, rôle de chef de l’armée qu’on fait jouer à Dieu abrité sous une tente dressée au milieu du camp et rôle d’intendant qui se préoccupe de leur ravitaillement au désert (la Manne).
Quant aux évangiles, d’une façon habituelle, les musulmans pensent que le « prophète » Mahomet est annoncé dans l’Évangile, en citant le mot « Paraclet » de l’Évangile de Jean qui le désignerait. Selon les musulmans, l’Évangile primitif (Idjil) révélé par Dieu serait une annonce du message coranique destinée à l’ensemble de l’humanité arrivée à l’âge de la maturité spirituelle.
Les docteurs de la foi musulmane soutiennent (note de la rédaction : à juste titre d’ailleurs) que les évangiles ont été rédigés vers la fin du 1er siècle par des scribes d’époques et de milieux divers n’ayant pas été témoins directs de la vie de Jésus. Ces scribes soutiennent les thèses de la Trinité, de la divinité de Jésus, de l’Incarnation et du péché originel.
Certains d’entre eux reprochent à l’Apôtre Paul d’être le principal falsificateur de l’Évangile tel qu’il a été donné à Jésus et de la foi au Dieu Unique telle que l’a reçue Abraham.
D’autres commentateurs musulmans pensent que la reconnaissance des quatre évangiles par les différentes églises serait tardive et postérieure au Concile de Nicée (4e siècle) et au concile de Chalcédoine (5e siècle) où fut définie la doctrine officielle de l’Église concernant la nature divine du Christ.
La plus étonnante des proclamations de cette « nouvelle » religion est sans aucun doute celle qui figure au beau milieu du Dôme du Rocher improprement appelé Mosquée d’Omar, à Jérusalem, sur
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l’arcade octogonale, mais à l’intérieur de la coupole, et se lisant de la gauche vers la droite (l’autre est sans intérêt).
Cette inscription, datée de 692-4, est la première d’envergure qui soit clairement et apparemment musulmane. C’est le premier document issu de ce nouveau mouvement. Le texte semble très antichrétien, au sens où on l’entend habituellement. Il s’insurge contre la trinité, critique l’idée que le Christ ait une nature divine, etc.
Il n’y existe peut-être qu’une seule allusion précise à Mahomet (nous disons bien peut-être) et qu’une seule mention du terme islam (mais là aussi peut-être ; nous allons y revenir).
Par contre Jésus est mentionné 3 fois et Marie 2 fois (la formule Jésus fils de Marie est en effet répétée deux fois).
Et nullement pour y être dénigré. Seule sa divinité est niée, mais sa qualité de prophète, de verbe de Dieu, sa naissance du fait de l’opération du Saint-Esprit, ainsi que sa résurrection d’entre les morts, y sont reconnues.
L’autre inscription notable figure sur la même arcade octogonale, mais du côté extérieur et se lit de la droite vers la gauche. Mahomet (enfin peut-être ainsi que nous l’avons dit précédemment) y est mentionné 5 fois (en tant que prophète) et là cette fois-ci plus aucune allusion à Jésus.
Ladite inscription se conclut en revanche par la mention du prince ayant fait construire le monument, à savoir Abd al Malik (remplacé ultérieurement par le nom d’Al-Mamoun).
Le pourquoi de nos réserves maintenant.
Le nom de Mahomet. Le problème est qu’en arabe il s’agit au départ d’un nom commun (Mouhammadoun), signifiant quelque chose comme « celui qui est attendu, désiré, convoité) ».
N.B. Le terme arabe mouhammadoun apparaît…
— Dans le verset 144 du chapitre 3.
— Dans le verset 40 du chapitre 33.
— Dans le verset 2 du chapitre 47.
— Et enfin dans le verset 29 du chapitre 48.
Dans le verset 144 du chapitre 3 par exemple il est associé à une sorte d’oracle médiateur entre Dieu et son peuple. Dans le verset 40 du chapitre33, peut très bien avoir le sens général de « prophète ou messie ». Verset 2 du chapitre 47, et verset 29 du chapitre 48 idem.
Une sorte de Messie donc. Mais ce nom (Mahomet) apparaît en réalité si peu (4 fois ?) dans le Coran, beaucoup moins que celui de Jésus, que certains ont été jusqu’à penser que sa véritable appellation d’origine fut sans doute Amin (puisque sa mère s’appelait Amina). Et historiquement parlant il est en effet attesté que le fondateur de cette religion était souvent qualifié ainsi : Amin (ce qui signifie « le fidèle » en arabe).
Islam est un terme technique qui ne signifie rien d’autre que soumission. Sous-entendu à Dieu.
Bref on a tout simplement l’irrésistible impression qu’il s’agit d’un texte écrit par des chrétiens, mais ne reconnaissant pas la divinité de Jésus. Reconnaissant qu’il a été un grand prophète, qu’il a été le Messie attendu, mais pas dieu lui-même. Et Dieu sait justement que des chrétiens de cette obédience il y en avait à l’époque dans cette région du monde.
Passons maintenant à un autre document concernant toujours l’islam, mais très différent. Il s’agit donc d’une tout autre approche.
Au nom de Dieu clément et miséricordieux. Il n’y a de dieu que Dieu. Il n’a pas d’associé. À lui appartiennent la souveraineté ainsi que la gloire. Il fait vivre et fait mourir. Il a pouvoir sur toutes choses. Mouhammadoun est le serviteur de Dieu et son apôtre.
Dieu et ses anges bénissent le prophète. Ô vous qui croyez ! Demandez qu’il soit béni et sauvé. Que la bénédiction de Dieu soit sur lui, que la paix soit avec lui, et que Dieu l’ait en sa sainte garde. Ô gens du Livre, n’exagérez pas dans votre religion ! Ne dites sur Dieu rien d’autre que la vérité ! Le Messie Jésus fils de Marie ne fut qu’un apôtre de Dieu, son Verbe mis en Marie, un esprit émanant de lui. Aussi croyez en Dieu et en ses apôtres et ne dites pas « trois » ! Arrêtez ça, cela vaudra mieux pour vous ! Loin de sa transcendance est l’idée qu’il puisse avoir un fils ! Tout ce qui est dans les Cieux et tout ce qui est sur Terre lui appartient. Et Dieu se suffit à lui-même pour ce qui est de se défendre. Ni le Messie ni les anges les plus proches n’ont jamais trouvé indigne d’être des serviteurs de Dieu. Ceux qui refusent son service et sont pétris d’orgueil, il les fera tous venir à lui. Ô, Dieu, bénis ton apôtre et ton serviteur Jésus fils de Marie. Que la paix soit avec lui le jour où il naquit, le jour où il mourut, et le jour où il sera rappelé d’entre les morts. Ainsi fut Jésus, fils de Marie, telle est la vérité pour ceux qui en douteraient. Il ne convenait point à Dieu de se donner un fils. Gloire à lui ! Quand il veut quelque chose, il lui suffit de dire « sois » et elle est. Dieu est mon seigneur et donc votre seigneur. Aussi servez-le. Tel est le droit chemin. Dieu (lui-même) témoigne qu’il n’est d’autre Dieu que lui. Ainsi que les anges et les hommes (également). Comme il maintient à juste titre sa création, il n’y a d’autre Dieu que lui, le tout puissant, l’omniscient ! La vraie religion aux yeux de Dieu c’est la
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soumission. Ceux qui ont (jadis) reçu le Livre ne se sont opposés entre eux qu’après que cette révélation leur fut parvenue, par le biais de manquements parmi eux (à cette soumission). Qui ne suit pas fidèlement les révélations de Dieu, Dieu est prompt à s’en apercevoir.
Le drame personnel de Mahomet, c’est qu’il ne fut accepté comme prophète ni par la communauté païenne de La Mecque qui ne connaissait que des poètes plus ou moins possédés ou inspirés par un djinn ni par les juifs de Médine ni par les judéo-chrétiens malgré ses efforts. Le dialogue tourna donc rapidement au dialogue de sourds.
D’où le fait, capital pour l’histoire de l’Orient et de l’Occident, que la notion de dialogue entre les religions est évidemment inconnue de la théologie islamique. Ce serait reconnaître qu’il peut y avoir dans les autres religions, y compris païennes, une part de vérité. DIFFÉRENTE.
Ou ces vérités figurent déjà dans le Coran, ou elles ne figurent pas dans le Coran, ce qui est par définition impossible dans la théologie musulmane.
Mahomet a insisté tout au long de sa vie sur le fait que le Coran qu’il récitait n’était que le rappel d’une vérité éternelle et incréée, consubstantielle à Dieu, un peu comme le verbe ou Logos des chrétiens, le Coran incréé. Et que cette vérité éternelle avait réponse à tout. Que tout y était prévu. Que toute question avait sa réponse dans le Coran. Alors comment peut-on vouloir changer une vérité éternelle et immuable sans se contredire ?
Verset 85, chapitre 3. « Le culte de celui qui recherche une religion en dehors de la soumission – à Dieu – n’est pas accepté ».
Verset 110, chapitre 3. « Vous formez la meilleure communauté suscitée pour les hommes ».
Verset 3, chapitre 5. « Aujourd’hui j’ai rendu votre religion parfaite ».
Verset 33, chapitre 9. « C’est Dieu qui a envoyé son prophète avec la Direction et la religion vraie pour la faire prévaloir sur toute autre religion ».
Verset 55, chapitre 24. « Dieu a promis à ceux d’entre vous qui croient et qui accomplissent des œuvres bonnes d’en faire ses lieutenants sur la terre. »
Verset 9, chapitre 61. “C’est lui qui a envoyé son prophète avec la Direction, la religion vraie, pour la placer au-dessus de toute autre religion”.
« Dans le Livre, il vous a déjà révélé ceci : lorsque vous entendez qu’on renie la révélation de Dieu et qu’on s’en moque, ne vous asseyez point avec eux jusqu’à ce qu’ils entreprennent une autre conversation. Sinon vous serez comme eux. Dieu assurément rassemblera tous les mécréants et les hypocrites en enfer » (Verset 140, chapitre 4).
« Quand tu vois ceux qui pataugent dans des discussions à propos de Nos versets, éloigne-toi d’eux jusqu’à ce qu’ils entament une autre discussion. Et si le Diable te le fait oublier, alors, dès que tu t’en souviens ne reste pas avec ces pervers » (Verset 68, chapitre 6).
Et…
« Les démons inspirent à leurs suppôts de discuter avec vous. Si vous les écoutiez, vous deviendriez polythéistes » (verset 121, chapitre 6).
Du fait que Mahomet est très rapidement devenu chef d’État et donc que l’islam est très rapidement parvenu au pouvoir dans certaines régions du monde, la théologie musulmane a réparti la Terre en trois zones géographiques distinctes.
La principale des discriminations opérée par la religion musulmane étant la division de l’Humanité entre musulmans et non musulmans, ce qui est sûr c’est qu’il s’ensuit donc une coupure géographique du monde entre terre d’islam (Dar al islam) et terre à conquérir : Dar al Harb. Verset 28, chapitre 3. « Que les croyants ne prennent pas pour amis des incrédules de préférence aux croyants. Celui qui agirait ainsi n’aurait rien à attendre de Dieu à moins que ces gens-là ne constituent un danger pour vous ».
Verset 51, chapitre 5. « Ô vous qui croyez ! Ne prenez pas pour amis les juifs et les chrétiens, ils sont amis les uns des autres ».
Il s’agit de deux univers irréductibles, incompatibles, l’un étant destiné à disparaître devant l’autre. Il existe des versets du Coran le stipulant en toutes lettres.
Verset 41, chapitre 13. « Ne voient-ils pas que nous intervenons dans les pays infidèles pour en diminuer l’étendue ? »
Verset 44 du chapitre 21 idem.
Soyons honnêtes et reconnaissons qu’il existe un troisième type de territoire appelé Terres avec lesquelles un traité de paix a été signé (Dar al Ahd) ou Terres de trêve : Dar al Sulh. Le problème est qu’il n’existe pas de définition très précise de ces notions ni d’autorité centrale pour les faire respecter puisque la Oumma ou communauté des croyants ignore ce genre d’institutions, le califat ayant été aboli en 1924.
Sont généralement considérés comme Terres de paix ou de trêve (Dar al-Ahd ou Dar al Sulh) les pays qui accordent aux musulmans les droits qui sont refusés aux non-musulmans en terres d’Islam (Dar al
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Islam). C’est-à-dire le droit de pratiquer librement leur religion et de faire du prosélytisme, en échange de la renonciation de leur part à toute violence. Par pratique libre de la religion, il faut entendre évidemment l’application de la charia et des tribunaux islamiques pour ce faire au sein de la communauté musulmane.
N.B. De toute façon les docteurs de l’Islam considèrent qu’il s’agit là de phases transitoires avant conversion complète de la population non musulmane du pays concerné.
Et d’autres, se fondant sur l’exemple de la trêve conclue par Mahomet avec les habitants de sa ville natale (La Mecque) considèrent qu’aucune trêve ne saurait durer plus de dix ans.
Les rapports entre l’islam et les autres religions ne peuvent donc qu’être conflictuels, au mieux en état de trêve temporaire (l’exemple même de la trêve signée par Mahomet avec ses compatriotes mecquois montrant qu’aucune trêve ne saurait durer plus de dix ans). Le but ultime étant que l’Humanité entière, que la Terre entière, soit un jour musulmane. Verset 28 chapitre3 « Que les croyants ne prennent pas pour amis des incrédules de préférence aux croyants. Celui qui agirait ainsi n’aurait rien à attendre de Dieu. À moins que ces gens-là ne constituent un danger pour vous… le retour final sera en Dieu ».
NDLR. Le mot arabe traduit par « amis » est aouliyaa qui signifie à la fois protecteur, tuteur, aide.
Les versets 39-40 du chapitre 8 sont aussi fort clairs à ce propos. « Combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de « Fitna » et que le culte soit uniquement rendu à Dieu ».
Fitna est un terme arabe difficile à traduire, mettons « trouble, opposition, différend ». Ce qui suit en explicite évidemment le sens.
Afin de bien comprendre la notion de petit djihad, il y a lieu de revenir sur deux de ses éléments, les ghazi et les chahid.
Le ghazi c’est celui qui tue des infidèles. Le chahid c’est celui qui meurt au combat (contre les infidèles) en professant la chahadah c’est-à-dire qu’il n’y a de Dieu qu’Allah et que Mahomet est son prophète.
Que le petit djihad est le plus grand devoir d’un musulman est dit dans les hadiths indubitablement et sans aucune possibilité d’ambiguïté. Selon l’Imam Muslim en effet, « Il a été rapporté sur la foi d’Abou Horaïra que le Messager de Dieu a dit : celui qui est mort, mais n’a pas combattu sur le sentier de Dieu ni n’a exprimé le désir (ou la volonté) de faire le petit djihad est mort de la mort des hypocrites " (Sahih Muslim, n ° 4696).
Il y a même des hadiths décrivant de façon explicite la façon dont un moudjahid (combattant) peut être considéré comme ghazi ou mort en chahid.
« Quel est le genre de mort héroïque le plus grand lors d’un djihad ? Réponse du messager de Dieu : quand un combattant de la foi fait gicler le sang d’un infidèle, il doit (avant de tomber mort) couper les jarrets du cheval de l’infidèle » (Michkat N° 4530).
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QUARANTE-CINQUIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
RAPPELS SÉMANTIQUES. NASARA = CHRÉTIEN ?
Le terme nasara est habituellement traduit par « chrétiens » quand on parle du Coran. On peut néanmoins douter de la pertinence de ce terme, car on sait maintenant qu’il y avait encore des judéo-chrétiens de cette tendance en Transjordanie du temps de Mahomet.
Dans le Coran, le terme de « nasara » apparaît dix fois après le terme de yahoud (juifs) ; à cette place, il ne peut logiquement signifier que « chrétiens » – ce qui répond à la théologie islamique qui présente les uns et les autres sous un même chapeau (celui des juifs et des chrétiens qui ont respectivement reçu une révélation, mais qui l’auraient déformée).
Cependant, dans les autres occurrences de ce terme (sans proximité avec celui de yahoud), sa signification apparaît autre – et manifestement pas celle de « chrétiens ». D’ailleurs, de nombreux traducteurs rendent alors le terme par Nazaréens. Le même terme aurait donc deux significations ?
Car il s’agit bien de deux sens différents : les chrétiens ne se sont jamais appelés nazaréens, sauf durant les dix premières années (ce sont des chrétiens non apostoliques et très opposés à la tradition des apôtres qui se sont approprié ce nom).
Cette divergence de sens est-elle l’explication de la contradiction qui apparaît, dans le chapitre 5, entre un verset où les nasara apparaissent comme des alliés-amis des vrais croyants (les musulmans) et un autre verset où ce sont des ennemis de ces mêmes vrais croyants ? Cette explication avait échappé longtemps aux chercheurs jusqu’à ce que le Père Antoine Moussali en trouve la clef.
Pour beaucoup, il s’agit encore d’une découverte dont on parle peu, sans doute parce qu’elle malmène un dogme : celui de l’intangibilité du texte coranique. Or, dans son histoire, celui-ci a subi des manipulations, dont l’une, précisément dans le chapitre 5, est décelable à l’oreille.
Une contradiction formelle existe en effet entre le v.82 et le v.51 du chapitre 5 à propos des nasara.
« Ô vous les croyants ! Ne prenez pas pour « amis » (oualy, allié) les juifs et les nasârâ : ils sont « amis » les uns des autres » (5 : 51).
Alors qu’on lit plus loin.
« Tu trouveras que les « amis » les plus proches des croyants sont ceux qui disent : Nous sommes nasara » (5,82).
La contradiction est si forte que dans ce dernier verset, « nasara » est rendu par « Nazaréens » par beaucoup de traducteurs, tandis qu’ils le traduisent par « Chrétiens » au verset 51.
Le problème doit se situer au verset 5 : 51, qui est particulièrement absurde. Comment peut-on prétendre que les juifs et les chrétiens sont amis ou alliés « les uns des autres » ?
En fait, si là le terme « nasara » signifie « chrétiens », c’est simplement parce qu’il est placé après celui de yahoud (juifs) et qu’il est mis en parallèle avec lui. Mais cette situation, qui crée une absurdité dans la suite du verset, est-elle originelle ?
Une difficulté technique doit attirer notre attention. La psalmodie du passage laisse apparaître une rupture de rythme et un déséquilibre qui disparaissent si l’on omet « et les nasara » (oua n-nasara). Le texte équilibré est alors le suivant :
« Ô vous les croyants ! Ne prenez pas pour amis les juifs : ils sont amis les uns des autres » (5 : 51).
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Le verset redevient clair, sensé et cohérent. Et la contradiction avec le verset 82 disparaît. Cela fait donc trois raisons convergentes indiquant qu’il s’agit d’un ajout. Au point de vue de la science exégétique, cette conclusion ne laisse pas de place au doute.
Or, un tel ajout impliquant le terme de nasara n’est pas unique.
Sur les 14 occurrences du mot (dont une au singulier, nasrâni, en 3,7), 4 sont originelles et 10 ont été rajoutées. En chacun de ces 10 cas, ce terme apparaît après celui de yahou (ou yahoudi au singulier en 3,67) ; il s’agit chaque fois d’ajouts.
Exemples : et /ou [les] nasara (perceptibles à l’audition). Chapitres 2,111 (ou n.) ; 2,113 (avec la suite : et les n. disent, les juifs ne sont pas dans le vrai) ; 2,120 (et les n.) ; 2,135 (ou n.) ; 2,140 (ou n.) ; 5,18 (et les n.).
Au verset 2,135, l’introduction de « ou nasara » après « soyez juifs » apparaît spécialement absurde ; elle conduit à lire que les « fils d’Abraham » recommandent d’être « juifs ou chrétiens » ! Sans l’ajout, le verset redevient sensé : « Ils (les fils d’Abraham, cf. 2,33) ont dit : Soyez juifs (houd, c’est-à-dire « d’ethnie juive »), vous serez sur la bonne voie. Dis : Non, [suivez] la religion (millah) d’Abraham, en hanif-s » (2,135).
La polémique coranique est fine : ce qui sauve n’est pas le fait d’être juif, mais de croire comme Abraham.
Ce verset 2,135 doit être mis en relation avec un autre qui lui est proche, 3, 67 qui doit être débarrassé lui aussi de son ajout (« et pas un nasranî »), ce qui nous donne alors : « Abraham ne fut pas un juif, mais au contraire un hanif soumis (muslim) » (3,67).
Ces deux versets 2,135 et 3, 67 veulent dire qu’Abraham n’était pas juif puisqu’il est lui-même le père des juifs, et que ceux-ci, tout en se prévalant de ce qu’ils sont, n’ont pas été fidèles à la religion de ce père soumis à Dieu (muslim). Une telle idée est présente dans les évangiles (par exemple en Matthieu 3, 9 et Luc 3,8) ; mais ici s’ajoute une dose d’ironie, car Abraham est donné en modèle du hanif.
Il faut comprendre le cadre de ces polémiques antijudaïques que l’on trouve un peu partout dans le Coran, un cadre qui est évidemment antérieur au texte coranique. Dans les Talmud-s, le terme hanef désigne un hérétique et équivaut à min. En présentant Abraham comme un « hérétique soumis », ces deux versets coraniques retournent contre le judaïsme rabbinique la condamnation de ceux qu’il considère comme hérétiques – et en particulier de ceux que la tradition patristique connaît sous le nom de Nazaréens précisément – : si nous sommes des hérétiques, disent ceux-ci, alors Abraham l’était avant nous, les hérétiques infidèles, c’est vous !
On ne peut pas comprendre les polémiques du Coran sans connaître leur soubassement hébraïque et leur contexte judéo-araméen si présents dans la pensée des véritables promoteurs-inventeurs de l’islam. Le texte coranique, dûment analysé, révèle bien des secrets – et pas seulement des histoires d’interpolations ou autres manipulations subies.
Il révèle notamment le fait que, s’il parle des chrétiens, ce n’est originellement pas sous l’appellation de nasara (que les chrétiens n’ont d’ailleurs jamais portée).
Et s’il paraît les désigner aujourd’hui sous cette appellation (que les musulmans utilisent à la place de masihiyoun qui signifie vraiment « chrétiens » en arabe et que les chrétiens arabes utilisent depuis le temps des apôtres), c’est pour une raison impérieuse : faire disparaître le souvenir des vrais nasara–nazaréens en allant jusqu’à réattribuer à d’autres leur nom.
MOUCHRIKOUN-ASSOCIATEURS.
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire précédemment, mais repetere ars docendi, le mot chirk est généralement rendu par les termes « idolâtrie », « polythéisme » ou « association religieuse » et ceux qui se rendent coupables d’un tel « péché » (anges djinns, etc.) sont appelés mouchrikoun.
Le terme mouchrikoun est habituellement traduit par « personnes qui pratiquent le chirk » c’est-à-dire qui, comme nous, subordonnent à l’être suprême d’autres entités qui lui sont fréquemment associées.
On peut néanmoins douter de la pertinence du terme quand on sait que ce reproche est également fréquemment adressé aux chrétiens trinitaristes. Jean de Damas, qui a fréquenté la cour du Calife, témoigne explicitement que ce vocable de mouchrikoun désignait bien les chrétiens (trinitaristes). « Ils nous appellent associateurs, car, affirment-ils, nous introduisons un associé aux côtés de Dieu, en disant que le Christ est le Fils de Dieu et qu’il est Dieu » ; et d’après son témoignage, ce terme ne signifie nullement idolâtres.
Le chirk est le seul péché qui, s’il n’est pas suivi d’un repentir terrestre, ne peut être pardonné par Dieu. La concurrence est toujours difficile à admettre et nous sommes bien avec toute cette histoire de Dieu jaloux aux antipodes du vrai monothéisme philosophique et réfléchi tel qu’il est très bien exprimé par la Bhagavad Gita.
« Même ceux qui rendent un culte à d’autres dieux que moi, et qui leur sacrifient avec ferveur, me rendent aussi par là même hommage, ô fils de Kounti, bien que ce soit en dehors des règles. Car je
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suis le seul véritable bénéficiaire et seul seigneur de tout sacrifice même s’ils l’ignorent en vérité. Qui m’offre avec dévotion ne serait-ce qu’une feuille, une fleur, un fruit, de l’eau, cette offrande faite d’une âme pure eh bien je l’accepte. Car je suis le même pour tous et personne n’est spécialement haï ou élu par moi. Mais ceux qui m’aiment avec dévotion demeurent en moi et moi je suis en eux » (Bhagavad Gita, dialogue entre le dieu Krishna/Vishnou et le prince Arjouna).
Le terme mouchrikoun a d’abord été utilisé – conjointement avec kouffar, signifiant « mécréants » – dans la tradition musulmane pour désigner les Arabes païens du Hedjaz au début de l’islam. Cette expression est fréquemment utilisée dans le Coran pour désigner les opposants aux musulmans, qui sont accusés de pratiquer le chirk qui est considéré comme un péché. Mais il est aussi fréquemment utilisé pour désigner des chrétiens trinitaristes.
Coran chapitres 29, versets 61-63 ; 31, verset 25, 39, verset 38.
« Si tu les interroges : qui a créé les cieux et la terre ? Ils te répondront : c’est Dieu ! »
La question est : qui sont ces non-musulmans qui reconnaissent pourtant Dieu pour créateur de ce Monde ?
Coran chapitre 6, verset 23.
« Ils répondront : Par Dieu notre Seigneur ! Nous n’étions pas des polythéistes ! »
La question est : qui sont ces non-musulmans que l’auteur accuse d’être des polythéistes et qui se défendent de l’être ?
N.B. Une telle polémique antitrinitaire est très présente dans le Coran ; voir aussi 6,41 et 136 ; 10,12 et 22 ; 16,38 et 54 ; 23,86-89 ; 31,32 ; 43,87.
QUARANTE-SIXIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
L’ESSENTIALISATION DES NON-MUSULMANS. DANS LE CORAN.
Chapitre 3, 118 : O croyants ! n’ayez de liens d’amitié qu’entre vous ; les infidèles ne manqueraient pas de vous corrompre : ils désirent votre perte. Leur haine perce dans leurs paroles ; mais ce que leurs cœurs recèlent est pire encore. »
Chapitre 4, 89 : « Ils aimeraient vous voir mécréants, comme ils le sont eux-mêmes ! Ne prenez donc pas d’alliés parmi eux, jusqu’à ce qu’ils émigrent dans le sentier de Dieu. S’ils se détournent, alors saisissez-les, et tuez-les où que vous les trouviez ; et ne prenez parmi eux ni allié ni défenseurs. »
Chapitre 4, 144 : « Ô croyants ! ne prenez point les infidèles pour amis de préférence aux croyants ».
Chapitre 4,160 : « C’est à cause des iniquités des Juifs que nous leur avons interdit les bonnes nourritures qui leur étaient licites jusque-là, et aussi à cause…… de ce qu’ils prennent des intérêts usuraires – qui leur étaient pourtant interdits – et parce qu’ils mangent illégalement les biens des gens. À ceux d’entre eux qui sont mécréants nous avons préparé un châtiment douloureux. »
Note de la rédaction : les musulmans ont, eux aussi, des interdits alimentaires, alors qu’en penser ?
Chapitre 5, 57 : « O croyants ! Ne prenez point pour amis ceux qui ont reçu le Livre avant vous ».
Chapitre 5, 64 : « Les mains de Dieu sont fermées, disent les juifs… qu’ils soient maudits pour prix de leurs blasphèmes ».
Chapitre 8, verset 55 : « Les pires des êtres, aux yeux de Dieu, sont les incroyants qui s’entêtent à ne pas croire…»
Chapitre 9, verset 30 : « Que Dieu les anéantisse ils sont tellement stupides ! ».
NDLR. Et ça, si ce n’est pas Dieu qui l’a dit, c’est au moins Mahomet.
Chapitre 48, verset 29 : « Mahomet est l’envoyé de Dieu ; ses compagnons sont violents envers les infidèles et compatissants entre eux. »
Chapitre 63, verset 4 : « Ce sont vos ennemis. Méfiez-vous d’eux ! Que Dieu les confonde ! Ils sont si stupides ! »
L’ESSENTIALISATION DES NON-MUSULMANS DANS LES HADITHS.
Un hadith stipule : « l’incroyance est une communauté », en d’autres termes, « les infidèles forment une seule et même nation », exprimant ainsi que les distinctions entre différents types de non-musulmans sont insignifiantes par rapport à ce qui sépare musulman et non-musulman (même distinction qu’entre juifs et goïm donc) aux yeux des vrais musulmans.
Les juristes distinguent deux catégories de non-musulmans, les kouffar et les ahl al-kitab (Gens du livre).
Dans la tradition musulmane, le Monde est donc divisé en deux parties : Dar al-Islam, la « Maison de la paix » et Dar al-Harb, la « Maison de la guerre ». Dar al-Islam et ses termes associés ne figurent pas dans les textes fondamentaux de l’Islam qui sont le Coran ou les Hadiths : ce sont des déductions de juristes.
En terre d’Islam, les êtres humains sont classés selon leur sexe, mais aussi selon leur appartenance religieuse.
On y distingue quatre groupes principaux.
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Les musulmans : ce sont les citoyens à part entière. On peut être musulman par naissance ou par conversion.
Les adeptes des religions monothéistes ou monolâtres, appelés paradoxalement Gens du Livre, car s’il est bien une religion méritant ce qualificatif c’est plutôt l’islam qui est la religion du Livre par excellence. Ce sont les juifs (et les samaritains), les chrétiens (plus ou moins), les sabéens mandéens (aujourd’hui presque disparus) et les zoroastriens (les parsis, plus que quelques dizaines de milliers).
Les adeptes des religions polythéistes ou non reconnues, comme les bahaïs.
Les apostats : ce sont les musulmans qui abandonnent l’islam pour adhérer à l’un des deux groupes susmentionnés ou qui adoptent des positions jugées par les autorités musulmanes comme contraires à l’islam.
Cette dernière catégorie est la plus défavorisée.
En matière de mariage mixte, le droit musulman classique peut être résumé comme suit.
Un musulman peut épouser n’importe quelle femme, quelle que soit sa religion, à condition qu’elle ne soit ni polythéiste ni membre d’une communauté non reconnue ni apostate. Les chi'ites cependant interdisent aussi le mariage d’un musulman avec une non-musulmane, fût-elle des « Gens du Livre » c’est-à-dire juive ou chrétienne.
Par contre tout non-musulman qui épouse une musulmane agit contrairement au droit, son mariage est donc considéré comme nul, et il perd la « protection » politique de l’État (dhimmah).
— Le mariage des polythéistes et des groupes non reconnus est interdit.
En cas de conversion à l’islam.
Si c’est l’homme qui devient musulman, il peut garder sa femme non musulmane, à la condition qu’elle ne soit ni polythéiste, ni membre d’une communauté non reconnue ni apostate.
Si c’est la femme qui devient musulmane, son mari non musulman ne peut continuer à vivre avec elle que s’il se convertit à son tour à l’islam.
— En cas d’abandon de l’islam : l’apostat ne peut se marier, et s’il apostasie après le mariage, celui-ci est dissous.
Le droit musulman interdit la succession entre les musulmans et les non-musulmans, dans les deux sens. L’apostat qui quitte l’islam ne peut hériter de personne et seuls ses héritiers musulmans peuvent l’hériter. Ce qui signifie que dans le cas de la conversion à l’islam comme dans le cas de l’abandon de l’islam, seuls les héritiers musulmans peuvent bénéficier de sa succession alors que les héritiers non musulmans en sont privés.
N.B. Un couple musulman ou dont un conjoint est musulman ne peut pas choisir la religion de ses enfants, lesquels doivent être obligatoirement musulmans.
Le caractère obligatoire du petit djihad explique la vision dichotomique du monde vu par l’islam, qui oppose le royaume de l’islam au royaume de la guerre. Le premier, dar al-Islam, est le « royaume de la soumission », le monde où la charia prévaut ; le second, dar al-Harb (le royaume de la guerre), est le monde non islamique. La lutte continue jusqu’à ce que le royaume de l’islam soumette le monde non islamique – et c’est une situation qui persiste encore aujourd’hui. Ibn Khaldoun (décédé en 1406), célèbre historien et philosophe musulman, exprime clairement cette division dans ses prolégomènes (Muqadimmah).
« Dans la communauté musulmane, la guerre sainte est un devoir religieux en raison du caractère universel de la mission des musulmans et de l’obligation de convertir tout le monde à l’islam, par la persuasion ou par la force. Les autres groupes religieux n’avaient pas de mission universelle (faux en ce qui concerne au moins le christianisme), et le djihad n’était pas pour eux un devoir religieux, sauf pour se défendre. Mais en ce qui concerne l’islam les personnes chargées des affaires religieuses…… sont dans l’obligation de prendre le pouvoir sur les autres nations ».
Dar al-Harb (arabe / domaine de la guerre) est le terme qui, dans le reste de l’histoire islamique, sert à décrire les sociétés non islamiques. Dar al-Harb désigne donc traditionnellement les terres administrées par des gouvernements non musulmans. Les habitants du Dar al-Harb sont appelés harbi. Dans la théologie islamique et ses interprétations légales, la finalité de l’islam est de régner aussi dans ces territoires.
Saint Coran chapitre 9, verset 29. « Combattez ceux des gens du Livre qui ne croient ni en Dieu ni au Jour dernier, qui n’interdisent pas ce que Dieu et son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu’à ce qu’ils versent la capitation par leurs propres mains, après s’être humiliés ».
Il importe donc pour l’islam définir la conduite possible des musulmans vis-à-vis de ces régions ou dans ces régions aussi longtemps que les habitants du Dar al-Harb refusent de reconnaître la souveraineté de l’islam.
Dar al-Ahd (arabe « terre de trêve », on rencontre aussi le terme Dar al-Suhl comme équivalent). D’après d’anciens ouvrages traitant de la chari'a, un territoire régi par les lois de l’islam peut repousser
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l’échéance d’une guerre avec un territoire voisin non islamisé pour une période de dix ans. Cette idée se fonde sur la convention de Houdaïbiya passée avec la cité de La Mecque par Mahomet en 628. Cette durée de dix ans est dite plusieurs fois renouvelable. Cette période est alors appelée mouwada'a (relations sans heurts) ». Ces termes ont surtout été utilisés pour décrire la relation que l’Empire ottoman avait avec ses provinces chrétiennes tributaires. Cette notion de pays de trêve fut alors étayée par deux arguments généralement admis par la théologie musulmane classique : les musulmans sont trop faibles pour remporter une victoire, les infidèles monnayent par un tribut la cessation des hostilités. Mais ces derniers alors étaient tenus de ne pas enrayer la progression de l’islam dans leur pays.
Actuellement, le mot désigne les gouvernements non musulmans qui ont des accords d’armistice ou de paix avec des gouvernements musulmans. Le statut actuel du pays non musulman en question peut changer de celui d’égalité reconnue à celui d’état tributaire.
Dar al-Islam (littéralement Maison de la soumission – à Dieu – et/ou de la paix) est un terme utilisé pour désigner les terres sous gouvernement(s) musulmans.
Certains auteurs pensent que qualifier un pays ou un lieu comme Dar al-Islam ou Dar al-Harb ne dépend que de la sécurité religieuse assurée ou pas du croyant sur le plan juridique. Cela signifie que si un musulman peut pratiquer l’islam librement, il peut alors être considéré comme vivant dans un pays appartenant au Dar al-Islam, même s’il vit dans un pays non musulman. Les théologiens musulmans affirment que les cinq appels à la prière quotidiens doivent être effectués pour qu’une zone soit considérée comme Dar al-Islam. De ce point de vue Les États-Unis ou le Royaume-Uni peuvent est considérés comme appartenant au Dar al Islam.
LA KAFIRITUDE.
La kafiritude (devoir des kafirs ou kouffar c’est-à-dire des païens ou des athées).
On peut lire dans le chapitre 18, verset 29 : « Croit qui veut et croit comme un kafir qui veut ». Le verset continue longuement en décrivant longuement le feu gigantesque que Dieu a préparé pour ceux qui font le mauvais choix (en particulier le choix de croire comme un kafir), tandis que les versets 30 et 31 décrivent les délicieuses récompenses célestes qui attendent ceux qui font le bon choix. Le côté fataliste de ces affirmations fonde effectivement une certaine tolérance à l’égard de « ceux qui ne croient pas », assurément, mais une tolérance dénuée de tout respect puisque Dieu les a déjà condamnés. À la limite, ces versets expriment plutôt du mépris, au nom de Dieu.
Soyons donc clairs. Il ressort des textes du Coran des hadiths et de la biographie hypothétique de Mahomet qu’au début de l’islam certaines populations avaient clairement le droit de rester en vie tout en continuant à célébrer leur culte, bien que de façon restrictive et en tant que citoyens en quelque sorte de seconde zone (payant un impôt spécifique, etc.). Il s’agissait des juifs (sauf au début ou plus exactement lors de la période médinoise) des chrétiens, des sabéens, certains experts ajoutent même les mazdéens.
D’autres n’avaient le choix qu’entre la conversion (à l’islam bien entendu) ou la mort.
LA DHIMMITUDE.
Traditionnellement, en terre d’Islam (dar al islam) le non-musulman juif ou chrétien * a le statut de Dhimmi.
Ainsi que nous avons eu l’occasion de le voir, les juristes distinguent deux catégories de non-musulmans, les kouffar et les ahl al-kitab (Gens du livre). Ces derniers peuvent « bénéficier » du statut de dhimmi. Un dhimmi (terme arabe habituellement traduit par « allié » ou « protégé ») est, selon le droit musulman, un non-musulman ayant conclu, avec les musulmans, un traité de reddition (dhimma) déterminant ses droits et devoirs.
À partir des années 630, les cavaliers arabes commencèrent à conquérir d’immenses territoires, allant de l’Irak au Maghreb. Ceux-ci étaient habités par des populations chrétiennes, hindouistes, juives, animistes et mazdéennes. Dans les premiers temps après leur conquête, comme les musulmans ne représentaient qu’une infime partie de la population, ils durent donc s’assurer de la collaboration ou, au moins, de la passivité des peuples dominés. Omar, calife de 634 à 644 fut le premier à devoir prendre des décisions à ce sujet. Elles le furent sans doute au coup par coup. Ces décisions ponctuelles peu à peu rassemblées finirent par aboutir à ce que l’on appelle le pacte d’Omar, un contrat indéfiniment reconduit, la dhimma, à condition que les bénéficiaires, les dhimmi respectent la domination de l’islam. C’est donc un pacte social inégalitaire.
Le concept de dhimma qui s’applique aux juifs et aux chrétiens stipule un comportement de soumission envers les musulmans. Les dhimmi doivent respecter toute une série d’interdictions : ne pas porter d’arme, ne pas chevaucher un cheval, ne pas construire de nouveaux lieux de culte, ne pas élever la voix lors des cérémonies ou ne pas ressembler aux musulmans dans leur habillement. Toutefois, les dhimmi conservent leurs droits internes et peuvent toujours avoir recours à leurs tribunaux. Le droit de résidence des juifs n’était pas limité en principe, mais il reste que le séjour dans
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les villes saintes leur était interdit. Certains juifs finissent donc par disparaître de la péninsule arabe à l’exception du Yémen.
Une étape supplémentaire est franchie lorsque les conquérants arabes s’enracinent dans leurs conquêtes et que le contact avec les dhimmi devient permanent. Il leur est alors interdit de construire des maisons plus hautes que celles des musulmans, de prendre des noms et des titres arabes, d’étudier le Coran et de vendre du vin aux vrais croyants. Ils ne peuvent pas non plus faire partie de la fonction publique, ce qui ne les empêche pas de conserver ou de conquérir, notamment en Égypte et en Espagne, une place importante dans la haute administration et plus particulièrement dans les finances.
QUARANTE-SEPTIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
ÉTUDE D’UN CAS CONCRET : ÊTRE UN « PROTÉGÉ » DES MUSULMANS DANS L’ISLAM DE CORDOUE. Par Clémence Hélou Matar.
Ceux qui ne se convertissent pas à l’islam reçoivent donc ainsi que nous venons de le voir le statut de dhimmi * en échange d’une imposition spéciale (la djizya et le kharadj **) leur garantissant par ailleurs la protection de leur vie, de leurs biens, ainsi qu’une liberté de culte sous condition.
Dhimma est le mot arabe qui désigne ce régime juridique auquel sont soumis les dhimmis et l’expression « Ahl adh-dhimma » désigne la communauté des dhimmis.
Le terme dhimmi s’applique essentiellement aux « gens du livre » (Ahl al-kitab), qui, dans le champ de la gouvernance islamique, moyennant l’acquittement d’un impôt de capitation (djizya), d’un impôt foncier (kharadj), d’une certaine incapacité juridique et du respect de certaines règles édictées dans un « pacte » conclu avec les autorités, se voient accorder une liberté de culte restreinte, une dispense de certaines obligations que les musulmans sont tenus de faire (comme l’aumône obligatoire appelée zakat ou servir dans l’armée) ainsi que la garantie de sécurité pour leur personne et pour leurs biens. En échange, certaines contraintes sont imposées, comme l’interdiction de construire de nouveaux lieux de culte ou l’interdiction du prosélytisme.
Contre le paiement d’un impôt individuel (djizya) servant de caution, les sujets juifs, samaritains, chrétiens (dont les nestoriens), et sabéens mandéens [mais aussi, en orient, zoroastriens et en Inde, les hindous d’un État musulman] peuvent exercer leur religion moyennant les termes d’un « pacte » passé avec les autorités, à l’instar du pacte d’Omar premier du genre établi suppose-t-on au VIIe siècle par le calife Omar pour les chrétiens de Syrie. Il semblerait en fait que ce document soit une compilation de dispositions élaborées progressivement dont certaines pourraient remonter à Umar ben Abd al-Aziz (717-720). L’ensemble de ces règles théoriques sera mis en œuvre de façon plus ou moins stricte ou brutale selon les périodes et les lieux.
Remarques. Les droits du dhimmi sont des droits concédés, c’est-à-dire qu’ils peuvent être annulés de manière unilatérale par les autorités musulmanes. Ces droits à la vie et à la sécurité sont monnayables, il doit payer une capitation coranique, la djizya. L’essayiste Bat Ye'or, qui a inventé le néologisme de « dhimmitude » voit dans le rachat de ces droits une indissociable condition obligatoire d’humiliation, d’infériorité et de vulnérabilité extrême.
Il est interdit au dhimmi de faire du prosélytisme. Certaines lois musulmanes lui sont aussi imposées comme l’interdiction du blasphème envers la foi islamique, la consommation d’alcool, la consommation de viande de porc. Certaines obligations étaient destinées aux dhimmis afin que ces non-musulmans soient facilement distingués en public des musulmans, les souverains musulmans ont souvent interdit aux dhimmis de porter certains types d’habits, et les ont obligés à mettre des vêtements reconnaissables, généralement de couleur vive. Les historiens citent le Pacte d’Umar II dans lequel les dhimmis et plus particulièrement les chrétiens sont supposés accepter une obligation de « toujours s’habiller de la même façon quel que soit l’endroit où ils se trouvent, et… de mettre la zounar (large ceinture) autour de leur taille ». Al-Naouaoui impose aux dhimmis le port d’un habit jaune et d’une ceinture, ainsi que d’un anneau métallique à l’intérieur des bains publics.
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Les lois sur l’habillement des dhimmis ont varié fréquemment pour obéir aux caprices des souverains. Bien que l’origine de telles lois soit généralement attribuée à Umar Ier, la réflexion historique suggère que ce sont les califes abbassides qui ont inauguré cette pratique. En 850, le calife Jafar al-Moutawakkil impose aux chrétiens et aux juifs de porter une ceinture en tissu (zounnah) et une sorte de châle ou de foulard appelé taïlasine (les chrétiens étaient déjà obligés de porter la ceinture). Il impose aussi qu’ils portent une clochette dans les bains publics. Au XIe siècle, le calife fatimide Al-Hakim bi-Amr Dieu exige que les chrétiens portent une croix en bois d’un demi-mètre de long autour du cou et que les Juifs portent un agneau en bois. À la fin du XIIe siècle, le calife almohade, Abou Yousouf Yaqoub al-Mansour impose aux Juifs du Maghreb de porter des vêtements bleu foncé avec de longues manches et un chapeau en forme de selle. Son petit-fils Abou Muhammad al-Adil, après de nombreuses réclamations des Juifs, desserre les contraintes et accepte les vêtements et les turbans jaunes. Au XVIe siècle, les Juifs du Maghreb ne sont autorisés qu’à porter des sandales faites en jonc et des turbans ou chapeaux noirs avec un petit morceau de tissu rouge.
Les sultans de l’Empire ottoman continueront à réglementer les habits de leurs sujets non musulmans. En 1577, Mourad III publie un firman interdisant aux juifs et aux chrétiens de porter des habits, des turbans et des sandales. En 1580, il change d’idée et restreint l’interdiction précédente aux turbans, mais impose aux dhimmis de porter des chaussures noires. Les juifs devaient porter des chapeaux rouges et les chrétiens des noirs. Constatant en 1730 que certains musulmans prenaient l’habitude de porter des chapeaux identiques à ceux des juifs, Mahmoud Ier ordonne que l’on pende les contrevenants. Moustafa III aide personnellement à l’application de ses décrets concernant l’habillement. En 1758, il se promène incognito à Istamboul et ordonne la décapitation d’un Juif et d’un Arménien habillés avec des vêtements interdits. Le dernier décret ottoman ordonnant des habits différents pour les dhimmis a été promulgué en 1837 par Mahmud II. Le port d’habits discriminatoires n’était pas appliqué dans les provinces ottomanes à majorité chrétienne, telles que la Grèce et les Balkans.
En 822, au début du règne d’Abd ar-Rahman, l’émir de Cordoue, les recettes annuelles prélevées sur la population dhimmi s’élevaient à six cent mille dinars et trente ans plus tard elles atteignaient cinq millions et demi de dinars.
Lorsqu’une résistance populaire apparaissait ou menaçait d’apparaître, le pouvoir musulman organisait à volonté et en toute bonne conscience – puisqu’obéissant à des ordres divins – des massacres, des transferts et des déportations, de population. Toute tentative de rébellion était donc étouffée dès lors que le tissu social était déchiré.
Les autorités religieuses, évêques, prêtres ou rabbins, absorbés par leurs problèmes paroissiaux et leurs disputes doctrinales et théologiques n’encourageaient pas leurs ouailles à la révolte. Ils prélevaient la djizia pour le pouvoir musulman et s’efforçaient de maintenir la paix car les autorités musulmanes les rendaient responsables de tout problème et les punissaient en conséquence.
Toute tentative du dhimmi d’échapper à son « humiliations » autrement que par la conversion à l’islam, ou toute manifestation d’esprit critique ou d’indépendance, entraînait la perte de « protection » et en fait l’obligation pour le musulman de le combattre et le tuer sous peine de fâcher Dieu.
Du fait du désarmement de la population, toute tentative de révolte était vouée à l’échec et se terminait par d’impitoyables tueries et des prises d’esclaves.
En 805, pour mettre fin à des troubles à Cordoue, le gouvernement fit exécuter 72 personnes et fit clouer leurs cadavres sur des croix le long du chemin longeant le Guadalquivir. Vers 807, à Tolède pour mettre un terme à l’opposition des notables, mouladis, de la ville, l’émir les invita tous à une réception et les fit exécuter.
L’humiliation des dhimmis a pris les formes les plus diverses. Cloches, schofars, bannières, croix, tout signe visible ou audible de leur foi leur était proscrit et ils avaient une obligation de discrétion dans la pratique de leur culte ou l’enterrement de leurs morts. Leur infériorisation se manifestait également entre autres par des vêtements distinctifs et l’interdiction d’avoir des maisons plus hautes que celles des musulmans.
La monte à cheval (cheval = animal noble) était également interdite aux « protégés » qui devaient céder le passage lorsqu’ils croisaient à pied un musulman ou s’ils étaient à dos d’âne descendre de leur monture.
Au XVIIIe siècle, le roi Frédéric V du Danemark (1723-1766) envoya une expédition dirigée par le Danois Carsten Niebuhr étudier l’Arabie. C. Niebuhr a raconté qu’en 1761, au cours du séjour de son équipe au Caire, un médecin français y fut mutilé pour n’être pas descendu assez vite de son âne en croisant un seigneur musulman. Le simple passage de non-musulmans (impurs) à proximité des mosquées, de certaines maisons, ou de certains quartiers était considéré comme une profanation.
La dhimma s’appuie sur le chapitre 9, verset 29 du Coran.
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« Combattez ceux des Gens du Livre qui ne croient ni en Dieu ni au Jour dernier, qui n’interdisent pas ce que Dieu et Son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu’à ce qu’ils versent la capitation par leurs propres mains, après s’être humiliés » (après s’être humiliés).
Lorsqu’il venait payer ses impôts, le dhimmi devait donc se tenir debout à l’endroit le plus bas, se présenter tête basse, être traité avec dédain. Il fallait lui faire sentir que c’était lui faire une grâce que d’accepter de lui cette djizya, l’humiliation pouvant être complétée par des soufflets ou des coups de bâton.
L’ouléma Muhammad al-Majlissi (mort en 1699) a conseillé de maintenir les dhimmis dans la peur et le doute en ne leur permettant pas de connaître le montant de la djizya, de sorte que, le jour du paiement, ils se présentent avec tout leur argent et comptent jusqu’à ce qu’il leur soit dit de s’arrêter.
En Espagne au XIIe siècle, les obligations d’un inspecteur musulman de l’ordre public consistaient entre autres, à veiller à la parfaite ségrégation des sexes, à l’assiduité à la mosquée et surtout à ce que les juifs portent bien un signe qui permette de les identifier. L’inspecteur devait également s’assurer que les musulmans ne souhaitent pas la paix (salam) aux juifs et aux chrétiens qui, étant le parti du diable, devaient être haïs et isolés.
La précarité de la situation des non-musulmans, même lorsque leurs services leur permettaient d’atteindre une situation relativement élevée, est illustrée par les massacres en Espagne de près de cinq mille juifs à la suite de la perte de faveur et du meurtre en 1066 de Joseph fils de Samuel ibn Naghrela connu en hébreu comme Samuel ha-Naguid (993 – 1056).
Dans les pays sous domination musulmane, les indigènes devenus musulmans, qui retournaient à leur foi d’origine furent toujours exécutés. Ainsi, la fille d’Ibn Hafsoun, descendant du dernier comte de la principauté autonome de Rhonda en Espagne, qui était revenue au christianisme et était entrée dans un couvent à Cordoue, en fut extraite, condamnée pour apostasie et égorgée en 937.
Aux XIIe et XIIIe siècles, les intégristes Almoravides (al mourabitoun, c’est-à-dire ceux qui gardent les frontières des territoires musulmans), puis les Almohades (al mouahiddoun ou ceux qui œuvrent au service de l’unicité divine), venus d’Afrique du Nord soutenir le pouvoir musulman en Espagne, contraignirent de nombreux juifs et chrétiens à se convertir.
Les inquisiteurs musulmans chargés de contrôler la sincérité des nouveaux convertis retiraient les enfants de leurs familles et les confiaient à des musulmans. Pour leur échapper, le grand savant juif Maïmonide feignit une conversion à l’islam, puis se réfugia en Égypte. En 1148, les juifs furent renvoyés d’Espagne par les musulmans dans des conditions que l’on retrouvera lors des expulsions organisées par le pouvoir royal espagnol en 1492.
Le dhimmi n’avait aucun poids juridique face à un musulman contre lequel sa parole au tribunal était irrecevable en cas de conflit.
L’accusation de blasphème contre l’islam était (est toujours) en terre d’islam le moyen le plus simple de faire condamner à mort quelqu’un. Sous une apparence de noble défense du sacré, c’est également le moyen le plus sournois de museler et détruire la liberté et la vérité. Des voyageurs européens ont signalé au XVIIIe siècle qu’en pays musulmans, leur parole n’ayant aucune valeur, ils avaient été contraints de payer des sommes importantes à des commerçants qui les accusaient d’avoir insulté l’islam.
L’humiliation des non-musulmans et la multiplication des agressions à leur encontre à tout instant de la vie quotidienne étaient facilitées par les vêtements distinctifs qu’ils devaient porter, permettant de les reconnaître au premier abord.
Les vêtements distinctifs des dhimmis servaient également à les contrôler financièrement. Ils pouvaient être arrêtés dans les rues et devaient toujours pouvoir produire la preuve qu’ils avaient payé leur djizya. Au Yémen, les juifs furent contraints de porter des vêtements particuliers jusqu’à leur départ pour Israël en 1948.
L’exploitation des dhimmis fut un souci constant des autorités musulmanes au cours des siècles. On la retrouve en 1576 dans la correspondance du sultan Mehmet III demandant au gouverneur de la ville de Safed d’envoyer des familles juives à Chypre pour l’enrichir. La réponse du gouverneur qui souhaitait garder ses familles juives, car le trésor de Damas souffrirait de grandes pertes si elles partaient, est éloquente.
Dans l’Espagne sous domination musulmane, pour pallier le manque à gagner résultant des conversions d’indigènes, les autorités musulmanes décidèrent de continuer à faire payer le Kharadj aux convertis en distinguant les musulmans de la première heure ainsi que leurs descendants des convertis plus récents, les « moualladouns ».
La ségrégation et la haine entretenues entre musulmans, non-musulmans et nouveaux musulmans, arabes et non arabes, dans la population, en Espagne, y ont souvent entraîné des éruptions de violence spontanée. En 891, lorsque le corps arabe originaire du Yémen qui constituait la garnison de
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Séville se souleva, les soldats déchaînés massacrèrent aussi bien les dhimmis que les convertis moualladouns dont les vieux musulmans mettaient en doute la sincérité. Un poète arabe du IXe siècle célébra ces massacres en se félicitant de la mise à mort des nouveaux musulmans, esclaves et fils d’esclaves.
Conclusion de Clémence Hélou Matar. L’histoire prouve donc qu’il est vital de refuser d’entrer dans le jeu des islamistes qui tentent actuellement d’imposer partout une ségrégation entre les musulmans et les non-musulmans et de remettre en question les traditions et la culture de leur pays d’accueil.
* Statut étendu pour diverses raisons et dans diverses circonstances aux sabéens (de Harran), aux nestoriens (chrétiens) aux samaritains (juifs), mais aussi, en orient aux zoroastriens. Inde, les hindous d’un État musulman pouvaient aussi pratiquer leur religion, mais surtout pour des raisons fiscales apparemment (cela rapportait à l’État).
** Le kharadj portait sur les terres et non sur les individus.
QUARANTE-HUITIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
ISLAM DE CORDOUE ET AUBERGE ANDALOUSE.
Un certain nombre d’intellectuels français (ou allemands) de la chaîne de télévision ARTE, essaient depuis quelques décennies de nous faire accroire que l’islam de Cordoue est le modèle même de société idéale à laquelle tout homme sensé doit aspirer.
Comme nous ne comprenons pas très bien (faute d’intelligence sans doute) en quoi l’islam de Cordoue serait préférable à l’abbaye de Thélème de Rabelais, à l’Utopia de Thomas More, à la République de Platon, voire à l’autre monde des légendes druidiques (Hyperborée, Tir na nOg, Mag Mell, etc.) voire même encore aux Droits de l’Homme.
Penchons-nous de nouveau sur cet âge d’or de l’islam (quelque chose nous a peut-être échappé) appelé CONVIVENCIA en espagnol.
Et commençons tout d’abord par noter qu’aucune place n’y est prévue…
— Pour les croyants d’autres religions que celle du Livre.
— Pour les agnostiques.
— Pour les athées.
« Parler, comme l’on fait et le font encore quelques historiens d’occasion, d’une civilisation et d’une société « des trois cultures », musulmane, juive et chrétienne ; est signe d’ignorance ou de supercherie, les deux ensemble généralement » (J. Heers in « Négriers en terre d’islam »).
La notion de CONVIVENCIA est utilisée par certains intellectuels européens (voir encore récemment en France le reportage de la chaîne de télévision allemande ARTEtv intitulé en anglais dans le texte « Islam is love » pour désigner les rapports entre chrétiens juifs et musulmans dans l’Espagne médiévale c’est-à-dire de 711 à 1492 (année de la « découverte » de l’Amérique par Christophe Colomb) symbolisés par la ville de Cordoue chez certains auteurs par exemple Roger Garaudy qui a écrit tout un livre à ce sujet en 1987. La chaîne de télévision susmentionnée fait de cette Cordoue musulmane un phare de la science et de la tolérance, un havre de coexistence pacifique mutuellement enrichissante, patrie d’un islam modéré et tolérant, une société ouverte où auraient vécu en harmonie chrétiens, juifs et musulmans.
Rappelons néanmoins qu’au départ ce terme espagnol n’a aucune connotation spécialement positive, et n’est en rien spécifique aux relations interconfessionnelles. La convivencia, originelle n’est ni positive ni heureuse en soi, elle implique et englobe également les, les résistances, les rejets…
Si l’on en croit le chœur quasiment unanime des historiens, qu’ils soient pour ou qu’ils soient contre, la convivencia, en tant que terme et concept, aurait été inventée par le philologue espagnol Américo Castro, dans son ouvrage fondamental paru en 1948, España en su Historia, cristianos, moros y judíos.
Or l’idée centrale de Castro, malgré ce que suggère le sous-titre de son ouvrage, n’est pas tant de parler de chrétiens, de juifs et de musulmans que d’écrire une « biographie de l’Espagne ».
L’AUBERGE ANDALOUSE (Naissance d’un mythe). Il y a le mythe, et il y a les faits historiques. Si effectivement eut lieu une véritable effervescence intellectuelle multiculturelle à Tolède et à Cordoue,
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l’occupation musulmane de l’Espagne fut néanmoins perpétuellement émaillée d’exactions et de discriminations dues au statut de dhimmi des vaincus, de pillages et de persécutions.
En 817 une révolte de convertis par la force à Cordoue provoqua l’expulsion des habitants.
En 850, le prêtre Perfectus (Parfait) fut décapité sur la place publique pour blasphème.
Parfait ou Perfectus était né à Cordoue, alors que la région était encore sous le contrôle des Maures et du califat omeyyade. Moine ordonné prêtre, il officiait à la basilique Saint-Aciscle. En 850 Parfait fut mis au défi par deux musulmans, de dire qui était le plus grand prophète, de Jésus ou de Mahomet.
Au début, il préféra ne pas répondre, afin de ne pas les provoquer, mais ils insistèrent pour qu’il leur donnât une réponse, en promettant de le protéger des représailles. Il leur répondit alors en arabe que Mahomet lui semblait être un faux prophète et un homme immoral pour avoir séduit l’épouse de son fils adoptif (Zenob, épouse de Zaïd. Voir Coran 33, 37). Les musulmans respectèrent leur promesse et le laissèrent partir, mais quelques jours plus tard, certains d’entre eux changèrent d’avis et le firent arrêter.
Ils demandèrent à des amis de s’en emparer (afin de ne pas être parjures) et le firent juger. Parfait fut convaincu de blasphème par le tribunal islamique et fut exécuté. La légende ajoute que ses derniers mots furent pour bénir le Christ et condamner Mahomet ainsi que son Coran.
Mais le châtiment imposé au saint homme n’a pas les conséquences espérées par les musulmans, bien au contraire : le nombre des martyrs s’accroît. Pas moins de quarante-huit notables de Cordoue, tous chrétiens, s’offrent en sacrifice. À partir de ce moment-là se déclenche une véritable vague de condamnations à mort qu’il est difficile de quantifier.
Entre le 3 et le 25 juin 851, les musulmans exécutent un laïc et onze moines. Le 25 novembre, sont mises à mort deux sœurs, Nunila et Alodia. Trois jours plus tard, la vierge Flora (fille d’un musulman et d’une chrétienne) et la religieuse Maria.
Essayons de comprendre afin d’éviter que ce genre de situation ne se reproduise au pays des droits de l’Homme, car c’est bien parti pour, vu la médiocrité intellectuelle et morale de la classe journalistique.
BIBLIOTHÈQUE DES RESSOURCES IBÉRIQUES EN LIGNE LINE. Martyrs chrétiens dans l’Espagne musulmane. Kenneth Baxter Wolf. Les martyrs de Cordoue. « Qui étaient ces martyrs qui ont tant inquiété les émirs ? Qu’est-ce qui a motivé cette explosion de suicides antimusulmans ? Il est difficile de répondre à ces questions vu les limites de nos sources. Le seul martyr ayant laissé une trace écrite fut Euloge et comme nous le verrons il y a tout lieu de croire qu’il n’était pas représentatif du groupe dans son ensemble. Pour l’essentiel, ce que nous savons des autres martyrs, c’est ce qu’Euloge a choisi de rapporter à leur sujet. Bien qu’il soit risqué de s’appuyer sur une martyrologie qui, fidèle à son genre, fait de ses protagonistes de véritables héros1), nous pouvons faire confiance à Euloge au moins pour identifier les martyrs et nous informer des circonstances entourant leur mort » qui n’a rien à voir avec celle des martyrs » de type musulmans (chahid, la traduction par « martyr » induit d’ailleurs en erreur, volontairement – taqiya ?-ou pas, les locuteurs de langues européennes), mais ressemble plutôt à une sorte de folie suicidaire 1).
Paul Alvare condamne la « tiédeur » de la plupart des chrétiens espagnols et le recours à la dissimulation (car la taqiya chrétienne ou simulatio en latin ne se justifie que s’il s’agit s’assurer la multorum salus, pas simplement sa sauvegarde personnelle), il exalte l’ardeur ou le zèle du prophète Élie et des martyrs.
Comme Alvare de Cordoue, qui a composé l’Indiculus luminosus en 854, la Vita Eulogii peu après le martyre de son ami en 859 et plusieurs épîtres, Euloge défend les martyrs volontaires contre leurs détracteurs chrétiens dans son Liber apologeticus sanctorum martyrum, écrit en 857 : il souligne le besoin de protéger, de sauvegarder, y compris par le martyre et la polémique contre Mahomet, l’identité de la minorité chrétienne d’Espagne par rapport à la domination musulmane, qui favorisait l’acculturation arabe des chrétiens espagnols et aussi la conversion de plusieurs d’entre eux à l’Islam
Le clergé officiel mozarabe, qui cherchait à établir des relations cordiales avec les dominateurs en adoptant en particulier la langue arabe pour garantir la continuité de la communauté chrétienne, n’approuve pas cette attitude, qui radicalisait la lutte entre chrétiens et musulmans en provoquant une forte réaction de ces derniers.
Il s’agit d’une situation partiellement comparable aux tensions qui divisaient les chrétiens à l’époque des anciennes « persécutions » : on peut rappeler la question des lapsi, ces chrétiens qui avaient sacrifié aux dieux de l’Empire pour éviter la mort.
Même situation d’ailleurs dans les États communistes après la dernière guerre mondiale : aux groupes disposés à une sorte d’accommodement avec le pouvoir et la culture dominante s’opposaient des groupes radicaux et intransigeants qui refusaient toute compromission et qui étaient accusés par leurs adversaires d’adopter une attitude « suicidaire ».
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Il s’agit en outre dans certains cas, d’individus issus de familles « mixtes » qui ont choisi le christianisme et qu’on pouvait donc accuser, selon la législation islamique, d’« apostasie » comme Flore, fille d’une chrétienne et d’un musulman, donc juridiquement musulmane, accusée par son frère et martyrisée en 851, ou Marie, fille d’un père chrétien et d’une musulmane convertie, ou encore Adulphus, Alodia, Aurea, Aurelius, Leocritia, Liliosa, Nathalia/Sabigotho, etc.
Alors que les missionnaires martyrisés en évangélisant les païens, frisons, normands, slaves, sont généralement des moines ou des clercs, à Cordoue il y a beaucoup de martyrs parmi les laïcs et les femmes. On entrevoit aussi quelques exemples de double conversion : Félix, d’origine chrétienne, avait professé la foi musulmane avant de se rétracter ; Witesindus, issu d’une famille chrétienne, d’abord converti à l’islam, retourne ensuite au christianisme.
On peut d’ailleurs penser que ces hommes et ces femmes étaient convaincus que la fin du monde était proche et qu’ils ont donc agi ainsi parce qu’ils attendaient l’apocalypse.
Quoi qu’il en soit cette épidémie de martyres provoqua un profond malaise tant à Cordoue que parmi les chrétiens sous domination musulmane.
L’émir Abd Al Rahman II convoque un concile en 852. Il veut obliger les évêques à condamner la recherche volontaire du martyre. Il ne peut l’obtenir. Le concile déconseille le martyre, mais se refuse à en formuler une condamnation claire et nette. Les martyres vont donc se multiplier. L’agitation se poursuit aussi à Tolède. Les chrétiens de cette ville mènent même des offensives contre la vallée du Guadalquivir. En représailles, les Maures intensifient la répression, les persécutions et les conversions forcées.
En 900 sera prise une mesure radicale : l’interdiction pour les chrétiens de Cordoue de construire de nouvelles églises.
« Les Almoravides étaient parvenus à rétablir à leur profit l’unité d’Al-Andalous qui connut sous leur domination de profondes transformations. La très relative « tolérance » dont avaient bénéficié les chrétiens mozarabes, et les juifs, à l’époque omeyyade, disparut rapidement. Les juifs de Lucena durent ainsi verser une grosse somme d’argent pour échapper à la conversion, et de nombreuses églises chrétiennes furent détruites » (Philippe Conrad. L’Espagne sous la domination almoravide et almohade).
En 976, après l’invasion almoravide, le « calife » Almanzor (Al Mansour), met en place au pied de la Sierra Nevada une véritable Inquisition officielle et entreprend d’expurger toutes les bibliothèques du califat ; y compris celle d’Al-Hakam II, essentiellement composée d’ouvrages accumulés par les Wisigoths, qui seront brûlés en un gigantesque autodafé.
En 1010 débute le massacre de centaines de juifs autour de Cordoue, qui se prolongera trois ans.
L’année 1066 sera marquée par le massacre de milliers de juifs à Grenade.
En 1102, la population chrétienne de Valence dut fuir vers l’Espagne du Nord récemment reconquise, pour échapper aux persécutions.
En 1125 l’expédition conduite jusqu’à Grenade par Alphonse d’Aragon, combinée avec un soulèvement des Mozarabes locaux (chrétiens de langue arabe), entraîne, lors de la retraite du Batailleur, le départ de dix mille d’entre eux vers le nord ; les chrétiens demeurés sur place sont en majorité déportés en Afrique du Nord pour y être installés près de Meknès et de Salé, où l’interdiction de pratiquer leur religion entraîne la disparition rapide de ces communautés (Philippe Conrad. L’Espagne sous la domination almoravide et almohade).
En 1146, ce fut un autre exode, celui des chrétiens de Séville, fuyant l’invasion de l’Espagne par les Almohades, des Berbères islamisés, mais radicaux, provoquant expulsion des juifs ou conversions forcées.
Ces Almohades en 1184, imposent des signes distinctifs aux chrétiens et aux juifs, et en 1270 a lieu la ségrégation généralisée des juifs en Andalousie.
De cet ensemble de lois organisant la dhimmitude, la pire est sans doute le rituel imposé par la conclusion du verset 29 du chapitre 9 du Coran 2) pour le paiement de la capitation (djizya), tel qu’il est décrit dans un manuscrit arabe conservé à la bibliothèque de l’Escurial ; pour les dhimmi qui vivent non dans une zone ou ville autonome, mais dans le Dar al-Islam, comme membre d’une communauté infidèle dans un quartier urbain, dans un faubourg ou à la campagne. Ce paiement a lieu à jour fixe, une fois par mois, en public. Les musulmans qui assistent à cette séance ont le droit de bousculer ou rudoyer l’infidèle qui vient « faire acte de soumission » en payant son tribut personnel ; ils crient effectivement à cet « impie » : « Oh ! Ennemi de Dieu, paye la capitation ! » C’est une sorte de spectacle. Chacun de ceux qui doivent payer cet impôt est tenu de se présenter personnellement, et ne peut envoyer quelqu’un à sa place. Il doit donc entrer dans la pièce où se trouve le percepteur musulman, qui se tient normalement assis à l’orientale, sur une natte ou un tapis ; il doit rester debout devant lui ; puis, puis lui tendre son argent. Ce cérémonial s’applique d’une manière assez enjouée, voire non dénuée d’une certaine camaraderie condescendante. Il n’en est pas moins humiliant 2).
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Églises et chapelles doivent être constamment ouvertes, de jour comme de nuit ; les voyageurs musulmans qui le désirent doivent y être logés ou nourris durant trois jours. À l’intérieur d’une église, on ne doit sonner cloches et clochettes que très doucement, « en faisant le moins de bruit possible », et il est interdit de « trop élever la voix » en priant, surtout si un musulman se trouve dans l’édifice. Aucune croix ne doit être placée à l’extérieur d’un bâtiment. Quand les prêtres se rendent au domicile d’un mourant ou d’un malade, ils ne doivent transporter d’une manière visible ni croix ni Évangiles, s’ils passent par des rues ou des chemins que des musulmans peuvent fréquenter. Lors des cortèges funèbres qui ne peuvent jamais être pompeux, les prières n’ont pas être dites à haute voix, et les cierges allumés sont prohibés dans les rues où vivent des musulmans. En aucune circonstance et sous aucun prétexte, des processions chrétiennes ne peuvent passer dans des rues musulmanes ni dans les souks, avec des statues, des palmes, des cierges ou des chandelles. D’aucune manière, un « polythéiste » ne doit tenter de propager ses erreurs religieuses auprès des musulmans. D’ailleurs, un mahométan qui devient chrétien est immédiatement condamné à mort, même si c’est un ancien chrétien qui s’était seulement à titre provisoire converti à l’islam. Est aussi passible de la peine de mort tout chrétien, homme ou femme, qui nie la divinité de Dieu en prétendant que Jésus aussi est Dieu, en disant de Mahomet qu’il est un faux prophète, en dénigrant le Coran, ou en blasphémant. Toute une série de prescriptions variées régit ainsi les rapports entre infidèles et croyants. Le plus grave est qu’elles suscitent parfois la haine et la violence contre les dhimmis « protégés ». Il arrive, ici ou là, qu’une foule musulmane, où les nouveaux convertis se distinguent par leur arrogance, insulte et trouble des célébrations du culte chrétien, surtout les enterrements ; au passage de ces cortèges funèbres, s’élèvent parfois des cris passionnés dictés par l’aversion : « Dieu ! Ne sois pas miséricordieux envers ces infidèles ! » Les plus excités lancent des pierres et des immondices vers le brancard mortuaire et vers les prêtres. Quand ceux-ci se déplacent sans être en groupe, ils sont parfois pris à partie par la populace, surtout par les enfants, qui s’amusent à leur jeter des pierres, en chantant quelque couplet burlesque tournant la croix en dérision. (Charles Emmanuel Dufourcq. La vie quotidienne dans l’Europe médiévale sous domination arabe).
Hormis cela, oui, on peut trouver des périodes de calme relatif qui permirent une cohabitation apaisée à condition de se soumettre à la pax islamica…
Allons plus loin Messieurs d’Arte ! Il est vrai qu’il y a eu, jadis, un « âge d’or » de l’islam, comme il y a eu un « âge d’or » des civilisations précolombiennes d’Amérique du Nord. Les islamistes se gargarisent de cette « richesse culturelle de l’islam » en oubliant de préciser que la civilisation arabo-musulmane fut une capitalisation qui avait emprunté beaucoup de choses à des cultures non arabes (comme les civilisations perse mésopotamienne, grecque, voire indienne ou chinoise, par exemple),
Une étape essentielle dans la construction du mythe de la convivencia fut la controverse qui opposa Américo Castro à un autre géant de l’historiographie espagnole, Claudio Sanchez Albornoz.
Les deux auteurs s’opposèrent de façon virulente sur la définition de l’identité espagnole. Castro, prenant le contre-pied du courant historiographique majoritaire, affirma que l’Espagne était née au cours du Moyen Âge, de la coexistence et de la fusion des éléments chrétiens, juifs et musulmans. Sanchez Albornoz édifia sa propre théorie en opposition radicale à celle de Castro, vouant son œuvre de 1957, España, un Enigma historica (qu’il alla jusqu’à désigner comme un « Anticastro ») à le contredire. Pour l’ancien ministre en exil, l’identité espagnole se construisit à travers la présence romaine puis wisigothique sur le sol ibérique. En ce sens, le Moyen Âge ne fut pas le moment de la naissance de l’Espagne, mais de sa consolidation à travers l’épreuve de la Reconquista. Chrétiens, juifs et musulmans ne fusionnèrent jamais, bien au contraire.
Pourtant de nombreux points communs unissaient les deux intellectuels par-delà leurs désaccords. Pour chacun d’entre eux en effet, la coexistence des chrétiens, juifs et musulmans n’est que l’écume d’enjeux à leurs yeux bien plus amples et profonds. Et pour les deux finalement, la réponse se trouve dans la présence des musulmans, et des juifs dans une moindre mesure.
Sánchez Albornoz, manifestement révolté par les théories de Castro, et soucieux de défendre au mieux l’« âme espagnole », prétendit résumer les propos de son adversaire en lui prêtant l’idée selon laquelle « la simple convivencia de voisinage entre chrétiens espagnols et Espagnols musulmans produisit une symbiose », critique qu’il réitère à plusieurs reprises dans son ouvrage, martelant que « la convivencia pacifique était impossible » tout en prenant soin bien souvent de mettre le terme en italique ou entre guillemets. C’est donc Sanchez Albornoz qui, porté par son courroux, attribua à Castro ce concept irénique et lui donna une centralité qu’il n’avait pas initialement. En ce sens, la polémique entre les deux auteurs fut bien le moment fondateur du mythe de la convivencia.
Suite à l’affrontement entre les deux historiens espagnols, le terme de convivencia s’est peu à peu imposé dans la production historiographique. Il fut dans un premier temps investi par des chercheurs non-espagnols, ce qui eut au moins deux conséquences fondamentales. Tout d’abord le débat sur l’hispanidad n’eut jamais qu’un écho très limité en dehors d’Espagne et de ce fait le terme (ou plus
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largement l’idée) de convivencia s’inséra dans des problématiques qui lui étaient originellement étrangères. En outre, ce dernier, s’il est couramment utilisé en espagnol pour désigner le simple fait de « vivre-ensemble », n’a pas d’équivalent strict dans de nombreuses langues et nécessite donc le recours à un néologisme ou à une périphrase. De nombreux historiens anglophones décidèrent donc de l’adopter tel quel dans leur propre langue, stratégie tout à la fois commode, mais aussi fort propice à sa transformation en concept soumis à toutes sortes d’utilisations idéologiques plus ou moins conscientes et affirmées.
C’est, semble-t-il, aux États-Unis que le terme a été le plus rapidement érigé en concept.
Dans une société marquée par les interrogations sur les minorités, le « multiculturalisme » et la « question raciale », les travaux des historiens suivent les interrogations de leur époque en même temps qu’ils les nourrissent. Dès lors, la convivencia hispanique médiévale put acquérir valeur de modèle à suivre, favorisant les simplifications et raccourcis.
Des utilisations similaires du terme se retrouvent en Europe et particulièrement en France, où la question multiculturelle est également sensible.
Alors que le terme de convivencia ne désigne au départ en espagnol qu’un « vivre-ensemble » qui n’est pas en soi harmonieux, ses nombreux usages depuis plus d’un demi-siècle l’ont érigé peu à peu en véritable concept, au travers de nombreuses polémiques entre historiens, mais aussi plus largement du fait d’un grand nombre d’appropriations idéologiques parfois totalement contradictoires. La diffusion du concept hors des sphères proprement universitaires aboutit même à faire de la convivencia une période (par ailleurs vaguement située dans le temps et l’espace), au même titre que la Renaissance ou la Réforme.
LA CONVIVENCIA ET L’ISLAM DE CORDOUE À L’ÉPREUVE DES FAITS (ANTITHÈSE).
RECONQUISTA.
Des choses surprenantes sont actuellement écrites à propos du phénomène de la Reconquista espagnole.
Exemple.
Cher Monsieur d’Arte vous vous lamentez sur le « génocide » commis à l’encontre des musulmans. Vous omettez bien entendu de nous rappeler comment les arabo-musulmans se sont comportés dans leur conquête de la Tamazgha et de l’Espagne.
RECONQUISTA, pour mémoire, signifie simplement : reprendre ce que l’on vous a pris… par la force.
Quant à la conversion des Amazighs, elle s’est faite par la force à la pointe du sabre, mais certainement pas par une adhésion spontanée.
Aujourd’hui nombreux sont ceux qui n’adhèrent pas vraiment à l’islam, mais se déclarent musulmans par crainte du châtiment promis aux apostats (la mort). Si les tribunaux de l’Inquisition n’existent plus, ceux des fanatiques arabo-musulmans sèment toujours la terreur.
Reconquérir n’est pas changer les choses, mais au contraire les rétablir. J’espère que les Berbères méditeront sur ce mot.
VIVE LA RECONQUISTA, VIVE LA TAMAZGHA LIBRE. Idir, le 7 octobre 2008.
La bataille de Covadonga est racontée par des textes de la fin du IXe siècle, rédigés par des Mozarabes réfugiés dans le nord de la péninsule ibérique : les chroniques mozarabes justement. Selon ces textes, de nobles wisigoths élisent comme capitaine un dénommé Pélage (Pelayo, né en 681, élu en 718, mort en 737), fils de Favila ; un ancien dignitaire de la cour du roi Egica (687-700), qui fixe sa capitale à Cangas de Onís, et prend la tête d’un soulèvement contre les musulmans.
Cette bataille ayant eu lieu à une époque reculée, il est difficile de faire la part du vrai, de l’inventé ou de l’enjolivé, dans les différentes versions. Disons qu’une expédition punitive musulmane s’est laissée entraîner en terrain défavorable (une zone montagneuse), et qu’elle a ensuite essuyé de très lourdes pertes en poursuivant sans grand résultat les rebelles chrétiens en fuite.
Date : Été 722.
Lieu : Pics d’Europe, Cordillère Cantabrique.
Issue : victoire asturienne.
Belligérants : Royaume des Asturies contre Califat omeyyade.
Commandants : Pélage le conquérant pour les chrétiens, Mounouza et Al Qama pour les musulmans.
Forces en présence : 300 hommes pour les chrétiens, 800 hommes pour les musulmans.
Pertes : 289 morts du côté chrétien, 600 morts du côté musulman.
Il importe donc en ce qui concerne le phénomène de la Reconquista en Espagne de bien voir les différences.
Causes profondes de la Reconquista européenne.
a) La fragmentation en communautés différentes (musulmans, juifs, chrétiens) de la société espagnole, du fait de l’application des lois de la charia par l’islam (ce qui empêcha le métissage total).
b) Les crimes contre l’Humanité du vizir Al Mansour.
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De 977, date de son premier exploit guerrier, à sa mort, Al Mansour mènera une bonne cinquantaine d’expéditions militaires victorieuses au nom de Dieu (Djihad). Victorieux du roi de Léon, Ramire III, en 978, il relance la guerre sainte (980). Dans son royaume d’Andalousie, Al Mansour maltraite et persécute les descendants des Romains ou des Wisigoths qui ne se sont pas encore convertis à l’islam (on les appelle les « mozarabes » : ceux qui ressemblent à des Arabes, mais sans en être vraiment). Cette intolérance religieuse aura des conséquences funestes pour le califat de Cordoue : les réfugiés mozarabes déplacés apportent les connaissances techniques du califat, et vont déclencher le rattrapage technologique de l’Occident chrétien. Les anciens États de la marche espagnole vont se muer en puissances pouvant rivaliser en tout point avec le califat. Profitant des désordres qui règnent en Andalousie à l’époque, ils vont mener la Reconquista. Les États « chrétiens » bénéficient du soutien de la population dans les territoires repris (l’instauration de la religion catholique obligatoire n’aura lieu qu’au XVIe siècle).
La différence qui saute aux yeux donc entre la situation européenne et la situation nord-africaine, c’est le nombre des musulmans implantés sur les territoires en jeu : quelques dizaines de milliers dans un cas, des millions dans l’autre. Et aussi le fait que cette reconquête bénéficiait du soutien de la population en général. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui (c’est même le contraire !) Un conseil amical aussi : allez donc plus loin que le christianisme des Tertullien ou des Augustin, et n’hésitez pas en ce qui vous concerne, comme les sabéens de Harrane, à remonter carrément à vos racines païennes antérieures. Enfin bonne chance quand même, et tenez bon, car il n’y a que l’espoir qui fait vivre.
N.B. Sur l’éviction des mudéjars et des morisques, survenue après la fin de la Reconquista, voir pages précédentes.
Il ne faut pas néanmoins surestimer le rôle de la religion dans les débuts de cette reconquête. L’exemple même du légendaire Cid Campéador en est la preuve, même si Hollywood Espagne et France (ah, Corneille, Corneille) ont écrit beaucoup de bêtises à son sujet.
Rodrigue Díaz de Vivar (1043-1099 environ) était un noble castillan et un chef militaire. Les Maures l’appelaient le Cid et les chrétiens, Campeador, le champion. Né à Vivar, près de Burgos. Après sa mort, il est devenu le héros du plus grand poème épique médiéval espagnol, El Cantar de Mio Cid.
Membre de la petite noblesse le Cid fut élevé à la cour du roi Ferdinand le Grand et servit son fils Sanche II de Léon et Castille. Il fut élevé au rang de commandant et porte-étendard royal (armiger regis) de Castille après l’accession au trône de Sanche en 1065. Rodrigue poursuivit les campagnes militaires castillanes contre les frères de Sanche, Alphonse VI de Léon et Garcia II de Galice, ainsi que dans les royaumes musulmans d’Al-Andalous. Après que les conspirateurs eurent assassiné Sanche en 1072, Rodrigue se retrouva dans une situation difficile. Puisque Sanche n’avait pas d’enfant, le trône passa à son frère Alphonse. Rodrigue perdit son rang au sein de la nouvelle cour qui le tint à l’écart et s’en méfia. Finalement, en 1081, il fut banni.
Le Cid se mit au service des rois musulmans de Saragosse, qu’il défendit contre leurs ennemis héréditaires, l’Aragon et le comté de Barcelone. Il retrouva là sa réputation de stratège et de formidable chef militaire. Il battit à plusieurs reprises les souverains musulmans de Lérida et leurs alliés chrétiens, et triompha d’une grande armée chrétienne commandée par le roi Sanche Ramírez d’Aragon. En 1086, un corps expéditionnaire d’Almoravides d’Afrique du Nord infligea une sévère défaite à la Castille, obligeant ainsi Alphonse à surmonter le ressentiment qu’il nourrissait contre Le Cid. Les offres qui lui furent faites pour qu’il reprenne du service dans les rangs chrétiens durent donc être attrayantes puisque Rodrigue se retrouva bientôt à combattre pour son ancien Seigneur. Au cours des années qui suivirent néanmoins le Cid jeta son dévolu sur la ville-royaume de Valence, et opéra plus ou moins indépendamment d’Alphonse tout en soutenant politiquement les Banou Houd ainsi que d’autres dynasties musulmanes opposées aux Almoravides. Il accrut alors progressivement son emprise sur Valence ; et le prince musulman al-Qader devint son vassal en 1092. Lorsque les Almoravides eurent fomenté un soulèvement qui se termina par la mort d’al-Qader, le Cid répondit en assiégeant la ville. Valence tomba finalement en 1094, et le Cid y établit une principauté indépendante à son profit. Les dernières années du Cid furent consacrées à la lutte contre les Berbères Almoravides. Il leur infligea leur première défaite majeure en 1094, dans les plaines de la Huerta, devant Valence, et continua de leur résister jusqu’à sa mort. Après la mort du Cid en 1099, sa femme, Chimène lui succéda sur le trône de Valence, mais fut contrainte de livrer la principauté aux Almoravides en 1102.
Rois chrétiens et musulmans fraternellement unis pour se battre continuellement contre d’autres rois chrétiens et musulmans, autrement dit la guerre de tous contre tous au service du plus offrant, c’est peut-être ça finalement l’idéal philosophique et démocratique des journalistes franco-allemand d’Arte, mais ce n’est pas le nôtre. Nous lui préférons le siècle des Lumières et les droits de l’Homme.
Et puisque nous en sommes à la Reconquista, rappelons que les croisades n’eurent pas pour but de convertir les infidèles (ce à quoi vise le djihad), mais de rétablir le libre accès à Jérusalem.
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Après la reconquête byzantine réalisée en Orient sous l’impulsion des empereurs macédoniens, mais brutalement arrêtée par l’irruption des Turcs seldjoukides ; les croisades menées en Terre sainte par les Latins s’inscrivent en effet dans ce contexte général de réveil d’un Occident qui, confronté depuis trois siècles à la pression musulmane ; reprend l’initiative afin de rendre à la chrétienté les terres qu’elle a perdues. À un moment où des régions entières ne sont encore que superficiellement acquises à la religion mahométane, et où subsistent en terre d’islam d’importantes minorités chrétiennes.
Parmi les épisodes peu connus de ces croisades, il faut citer l’expédition menée par Renaud de Châtillon, car il s’en fallut de peu qu’il ne réussisse à faire flotter sa bannière sur La Mecque, sans doute vers 1190. Hollywood (Le royaume des Cieux, sorti en 2005 à Montréal, un film émaillé d’erreurs historiques et notamment d’anachronismes, Ridley Scott plaçant ses propres idées dans la bouche de certains personnages qui auraient été très étonnés de s’entendre parler ainsi) ; a récemment brossé un portrait, peu flatteur, de Renaud de Châtillon. L’expédition dont Renaud de Châtillon a été le maître d’œuvre et qui, pour d’aucuns, était vouée à l’échec, a pourtant failli réussir, malgré ses faibles moyens. Si les Francs avaient pu être mieux renseignés sur leur position géographique, ils ne se seraient pas attardés le long de la côte et n’auraient pas été surpris par la flotte égyptienne. Une fois entrés dans La Mecque, ils auraient pu soutenir un long siège et imposer de lourdes pertes aux musulmans, sans parler de la honte qu’ils leur auraient infligée. Pensez donc ! La Kaaba à l’ombre de la croix ! Si les hommes de Renaud étaient entrés dans La Mecque, le cours de l’Histoire aurait pu être changé. La colère et la révolte qui en auraient été la conséquence auraient pu entraîner un revirement chez les musulmans. Mais on ne refait pas l’Histoire avec des « si ».
CONVIVENCIA ET ISLAM DE CORDOUE LA SYNTHÈSE.
La plupart des chercheurs appellent à une « démystification » d’Al Andalus, notamment à l’abandon du concept de convivencia, devant la difficulté à donner un contenu à cette notion aux contours flous. Comme le résument Manuela Marín et Joseph Pérez « le mythe de l’“Espagne des trois cultures”, amplement utilisé comme élément de propagande, est si loin de la réalité historique, qu’il ne peut que générer de nouveaux éléments de confusion ».
Nous ne pouvons donc que mettre en garde les esprits libres contre ces manipulations ou distorsions de l’Histoire et nous ne pouvons que rejoindre (à la nage) les ilots de résistance qui sonnent le tocsin face à ce danger.
Certains auteurs présentent la période historique qui va de la conquête de l’Hispanie par les Omeyyades, à partir de 711, jusqu’à l’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492 après la fin de la Reconquista, comme un « pluralisme stabilisé » dans lequel des échanges et dialogues auraient enrichi des groupes d’obédience différente, ayant des rapports essentiellement pacifiques, c’est cette conjonction qui aurait favorisé le développement culturel de la péninsule. Ce qui est partiellement vrai, car cette cohabitation a induit de nouvelles formes culturelles à tous les niveaux de la société et marque profondément l’histoire de l’Espagne par les périodes importantes durant laquelle elle perdure. La langue arabe est un vecteur majeur de transmission et d’enrichissement de la connaissance pour l’Occident « grâce aux traductions en latin et en langues romanes qui seront à l’origine de la renaissance médiévale du XIIe siècle et qui culmineront dans le déploiement scientifique de la Renaissance avec un R majuscule.
Mais sur ce substrat historique se sont développés des mythes contemporains, à portée politique, très critiqués pour leur manque d’objectivité et de rigueur. En Espagne même, le concept de Convivencia a été continuellement interrogé (David Nirenberg dans son essai intitulé « Violence et minorités au Moyen Âge » brosse même le portrait d’un Aragon médiéval où n’existe ni mentalité persécutrice ni cohabitation pacifique) ou fait l’objet de récupérations politiques, tant dans sa version limitée à Al Andalus comme dans sa version étendue à toutes les Espagnes médiévales.
Les études plus récentes en effet soulignent la forte variabilité des régimes et des situations dans le temps, un grand dynamisme des populations et des conversions massives régulières. Les sociétés sont organisées par la juxtaposition de communautés religieuses souvent rivales, autonomes et inégalitaires. Les frictions, les tensions et les suspicions sont nombreuses, exacerbées par les conversions, par la crainte de l’hybridation religieuse et du métissage. La Convivencia entre chrétiens, juifs et musulmans, est plutôt une « nécessité inconfortable » qui va de pair avec l’absence de principes juridiques déclarés, absence dont les conséquences sont toujours néfastes.
Une des raisons qui a poussé à l’abandon du concept de Convivencia par les historiens est sa proximité chez le public du XXIe siècle avec des notions contemporaines, générant des confusions et des incompréhensions, car la notion même d'« intégration » est étrangère à la pensée médiévale. Elle est vue en effet comme un risque d’affaiblissement de la foi de chacun, de syncrétisme voire de schisme. La Convivencia sert à délimiter des catégories sociales et non à les faire évoluer. Les communautés vivent juxtaposées et combattent fermement – et parfois violemment – toute tentative
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d’intégration : le mariage entre membres de confessions distinctes est impossible et les rapports sexuels sont punis de mort.
L’historicité d’un âge d’or culturel est aujourd’hui considérée globalement comme un mythe dépendant d’extrapolations ou d’une documentation trop peu fiable. Si Al Andalus est, à son apogée sous Abd al Rahman III, une civilisation opulente, pacifique sur ses frontières, pour Michel del Castillo par contre cette convivencia reste un mythe aussi faux que son contraire, celui du fanatisme islamique.
David Nirenberg (Communities of violence, Persecution of Minorities in the Middle Ages. Princeton 1996) pense par contre que la violence était un aspect central et systémique de la coexistence entre majorité et minorité dans l’Espagne médiévale et que la coexistence était en partie basée sur de telles violences.
Serafín Fanjul dénonce le « mythe d’Al-Ándalous » et notamment la mystification de la pensée islamique développée au XIXe siècle par le romantisme littéraire qui tend à représenter une facette de l’histoire de l’Espagne d’une manière erronée. Cette mystification de la société maure n’est qu’une reprise du discours eurocentrique, celui du « Bon sauvage » et celui du « Paradis perdu ». Cet auteur démystifie l’idéalisation du passé islamique, autrement dit des Arabes supérieurs, raffinés et cultivés succombant aux chrétiens barbares, ignorants et maladroits. Il montre que cette image idéalisée d’une Espagne multiculturelle, terre de tolérance et de vie en commun entre trois cultures et trois religions monothéistes est, pour une très large part, historiquement fausse.
Pour Eduardo Manzano Moreno, la convivencia, comme concept historique affirmant la tolérance multiconfessionnelle à l’apogée de la domination musulmane, durant le Califat omeyyade (929-1031) n’est pas évidente. Les quelques éléments historiques qui sont parvenus de cette période décrivent surtout des Califes très attentifs à l’orthodoxie religieuse, harcelant les disciples du philosophe Ibn Masarra, prévenant toute infiltration chiite, et Almanzor faisant détruire des livres d’astronomie et des livres controversés de sa bibliothèque. Quant aux relations avec les juifs et les chrétiens, trop peu de documents nous sont parvenus pour en tirer des généralités. Bien qu’Al-Andalus soit l’une des sociétés islamiques médiévales les mieux connues, à la fois par les écrits, à la fois par l’archéologie, nous ignorons presque tout de la population juive, son organisation, sa dynamique sociale. Nous n’avons d’informations que sur une poignée de personnes, principalement sur Hasday ibn Ishaq ibn Shaprut qui ne nous permettent pas de dire s’il s’agissait d’un cas exceptionnel ou commun dans le Califat. Les informations concernant les chrétiens ne sont guère plus étendues. Elles indiquent que Recemundo, Évêque d’Elvira était au service du Calife comme ambassadeur et intermédiaire avec Juan de Gorze, et, pour le reste des habitants, elles permettent seulement de déduire que cette période a été plus calme que la précédente qui fut marquée par des vagues de martyrs. Enfin, la mention de ces deux personnages n’est pas liée à leur religion, mais à leur présence à la cour.
Il conclut son article en expliquant que les concepts de tolérance et de convivencia sont inopérants en tant qu’outils historiques : « ils impliquent des concepts politiques employés par divers agents, dans des circonstances différentes, avec des objets [politiques] très différents ». Si la société médiévale ibérique est de nature multiconfessionnelle, il est impossible de comprendre cette société en adoptant un point de vue statique. Il existe un large spectre de situations, de contacts et d’interactions, dépendant de lieux et d’époques. Plus difficile encore, dans le cadre des débats contemporains, les « platitudes » associées à la convivencia supposent un difficile glissement sémantique du cultuel vers le culturel, en étudiant sous l’angle interculturel l’Islam, le Christianisme et le Judaïsme qui sont avant tout des religions. Par ailleurs, il estime que Cordoue a été à l’origine de la confluence de cultures aux traditions très différentes, situation qui a provoqué des frictions avec ceux qui ne respectaient pas les interdits des autres religions, tels les insolents vers du poète Al Ramadi (mort en 1012) « J’ai baisé mon aimé devant un prêtre, et j’ai bu des verres du vin qu’il avait sanctifié », mais que cette diversité a facilité la réception et la traduction d’ouvrages scientifiques aux provenances variées.
Pour Bruno Soravia, ce sont essentiellement les universitaires américains qui idéalisent la Convivencia et en font une période de tolérance et de transmission fluide des savoirs et des arts entre les mondes arabes et européens. Cette idéalisation procède d’une récupération à contre-pied de la littérature nationaliste dans une interprétation qui oppose Al Andalus aux nationalismes mesquins des royaumes chrétiens du nord comme symbole d’une globalisation bienfaisante. Il attribue cette approche à une méconnaissance politique et sociale d’Al Andalus et de ses personnages dont la cause première est l’ignorance générale des textes – récents ou anciens – rédigés dans d’autres langues que l’anglais, notamment l’abondante littérature en espagnol, en arabe et en français.
En introduction de son article « Al Andalus au miroir du multiculturalisme » il se plaint même de la difficulté à considérer simplement Al Andalus comme une partie de l’histoire du monde islamique classique et qu’il soit devenu commun de l’interpréter de manière singulièrement acritique, avec les yeux du présent.
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Plus marxiste que ses critiques socialistes peut-être Eduardo Moreno Manzano attribue moins cette richesse culturelle et artistique d’Al Andalus à une hypothétique « convivencia » qu’à une augmentation de la production économique en soulignant que le Califat était alors et de loin le plus puissant système politique en Europe depuis la chute de l’Empire romain. À son apogée sous Almanzor, Al Andalus était en effet doté d’une administration centralisée, d’une armée et d’une marine puissante ; et son état et sa population étaient relativement riches grâce au développement de l’agriculture, de l’irrigation, d’une industrie et d’un commerce florissants. Manzano Moreno en veut d’ailleurs pour preuve l’immense trésor accumulé par les Omeyyades grâce à leur système fiscal.
CONCLUSION.
Il existe différentes approches pour expliquer les interactions entre religions durant ces siècles, mais la plus répandue depuis le XXIe siècle est d’étudier l’Espagne médiévale en considérant que les interactions entre les religions étaient polymorphes, variables selon les lieux et les situations, et que les coopérations ou conflits sont différents aspects d’une même réalité qui doivent être étudiés conjointement.
Pour Christine Mazzoli-Guintard, il n’y eut ni convivencia, ni cohabitation armée, mais des réalités très différentes selon les groupes sociaux considérés, sous la pression constante d’un pouvoir cherchant la coexistence dans l’évitement.
Pour Francisco Márquez Villanueva il n’y eut convivencia que parce que la cohabitation entre les chrétiens, les Maures et les Juifs constitua toujours une nécessité imposée par les faits sans jamais parvenir à être encadrée par de véritables principes juridiques déclarés. La gestion de ces principes s’avérait impossible à l’intérieur des paramètres de la pensée médiévale, ils ne purent être formulés qu’avec la période des Lumières et la Révolution.
1) À ce sujet (Polycarpe de Smyrne, Perpétue de Carthage, Blandine de Lyon, etc.), voir nos cahiers de notes précédents sur, ou plus exactement contre, le christianisme.
2) Saint Coran, chapitre 9, verset 29 : « Combattez ceux à qui les saintes Écritures ont été révélées, qui ne croient pas en Dieu ni à la fin du monde ; ceux qui ne déclarent pas illicite ce que Dieu et son Prophète ont déclaré illicite ; ceux, qui parmi les gens du Livre, ne pratiquent pas la vraie religion. Combattez-les jusque à ce qu’ils payent directement et personnellement leur tribut, après s’être humiliés (saghirouna) ».
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QUARANTE-NEUVIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LA IKRATA FI D-DINI : PAS DE CONTRAINTE EN RELIGION.
Nous avons souvent cité dans nos diverses études le précepte qui s’énonce ainsi « La ikrata fi d-dini » : « Pas de contrainte en matière de religion » (Saint Coran Chapitre 2, verset 56), car il reflétait bien, semble-t-il, ce qu’il faut penser en la matière (de notre point de vue de néo païen conséquent du moins) et parce que les quatre mots formant le début de ce verset, sont toujours cités dès qu’il est question de « tolérance » en rapport avec l’islam et le Coran.
La traduction habituelle en est en effet celle que nous avons commencé par indiquer : « Pas de contrainte en matière de religion » Or la traduction exacte est : « Pas de contrainte dans la religion ».
Mais quelle religion ? La religion en général ? Ce quart de verset est-il une invitation au respect envers ceux qui professent d’autres convictions religieuses ? Cette interprétation est-elle vraiment bien expressément toujours enseignée dans les universités islamiques, si influentes de nos jours ? Celle-ci peut-elle se fonder sur la tradition, ou s’appuyer sur la mise en lumière d’un sens textuel ?
D’autres versets à propos de la tolérance en matière de religion doivent être également examinés, ce qui est d’autant plus faisable qu’ils ne sont pas très nombreux parmi les 6226 que compte le Coran.
La phrase en quatre mots « Pas de (lâ) contrainte (ikrah) dans (fi) la religion (ad-din) » ne présente pas un sens immédiatement évident. Si le texte avait voulu désigner le fait religieux universel compris à l’occidentale (« Pas de contrainte en [matière de] religion »), le mot din n’est pas le plus adéquat au regard du vocabulaire coranique lui-même. Dans le Coran, le terme de millah signifie justement religion-doctrine en général, et celui de ibadah désigne la religion en tant que service divin d’adoration : ils conviendraient très bien.
Al Tabari souligne que le mot arabe utilisé pour « religion » dans le verset est al-din. L’article arabe défini attaché au mot din signifie qu’il s’agit uniquement d’une référence à l’Islam.
Enfin, selon d’autres, ce verset a été abrogé, car il a été révélé avant que le combat contre les associateurs ne soit imposé [selon le principe que des versets postérieurs abrogent des versets « descendus » antérieurement].
Le plus pertinent est de considérer que ce verset a été révélé à propos de certaines catégories de croyants : les gens des deux livres, les mazdéens (majous) et tous ceux qui professent une religion différente de l’Islam, mais desquels la capitation peut être acceptée. La tradition musulmane rapporte que Mahomet contraignit en effet certaines catégories de populations à embrasser l’Islam, qu’il n’acceptait aucune autre profession de foi de leur part, et qu’il les condamnait à mort s’ils refusaient ; c’était le cas des Arabes païens et d’autres semblables.
Il n’y a pas à contraindre ou faire entrer de force dans la religion musulmane quelqu’un dont il est licite d’accepter la capitation dans la mesure où il acquitte cette capitation et agrée le statut [d’infériorité] que lui confère l’Islam.
En clair, il ne convient pas de contraindre les juifs et les chrétiens à devenir musulmans, mais bien de les soumettre, la domination politique islamique devant s’exercer particulièrement par un impôt spécial qu’ils devront payer et qui leur vaudra d’être « tolérés ». En quelque sorte, cet impôt, payé par individu, confère le droit de vivre dans la société musulmane, ou plus exactement le droit de vivre tout simplement.
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Il s’agit donc bien d’une tolérance par rapport à un mal : les juifs et les chrétiens sont des maux, mais ils deviennent tolérables s’ils rapportent de l’argent et constituent des citoyens de seconde zone – les dhimmis.
Au demeurant, Dieu n’oblige pas à réduire en esclavage les non-musulmans : « Dieu ne vous interdit pas d’être bons et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus à mort en matière de religion et ne vous ont pas chassés de vos foyers » (Saint Coran chapitre 60, verset 8).
Permission est donc donnée d’être bon et équitable. Si on ne l’est pas, c’est bien également. Ainsi, quelles que soient les nuances, il paraît difficile de regarder les quatre mots La ikrata fi d-dini autrement qu’à la manière de Tabari : « Pas de contrainte dans la religion MUSULMANE ».
Cette formule est néanmoins à sens unique : il faut laisser la liberté à un non-musulman d’embrasser l’islam, mais rien n’est dit de la démarche inverse où un musulman choisirait de renoncer à sa religion.
Ceci dit, certaines fatoua-s récentes émises dans les Émirats arabes ont édicté que celui qui renonce à l’islam n’a pas seulement quinze jours pour y revenir (avant d’être tué), mais toute sa vie, ce qui est une manière élégante de contourner le principe et de renvoyer la vengeance de Dieu à un monde meilleur. Mais une telle subtilité a-t-elle une chance d’être reçue par la multitude des gens simples et dans un contexte de tensions exacerbées ?
Une petite digression s’impose ici concernant les mots de ce verset. Il n’est pas évident tout que le mot din signifiait religion dans le feuillet primitif qui devint un jour le chapitre 2 (car le Coran est une compilation d’écrits divers dont les visions ou les dires de Mahomet ne constituent qu’une partie). Quel était exactement le sens primitif du mot din ?
Dans le premier chapitre, le sens de religion ne convient manifestement pas : Dieu y est dit « malik yaoumi d-dini », ce qui signifie non pas « Maître du Jour de la religion », mais bien « Maître du Jour du Jugement dernier » comme Tabari l’indique lui-même.
La racine sémitique din est en rapport avec ce qui est dû (en arabe, on a précisément ce sens dans le mot basé sur cette racine, daïn, dette) ou avec le fait de rendre ce qui est dû c’est-à-dire la justice (connotation prédominante dans les 38 occurrences de l’hébreu biblique, ce qui donne surtout les sens de jugement et de juge). Ce qui est dû en toute justice à Dieu, c’est évidemment le culte ; de cette manière, on a pu glisser tardivement du sens de culte à celui de religion (ce dernier terme ne recouvrant pas que le culte).
Quant au mot ikrah, sa signification est inséparable de celle de la racine krh, c’est-à-dire partager en deux ou, au sens figuré, diviser intérieurement, troubler. On retrouve ce sens dans l’arabe karata, affliger (t et h ont une équivalence originelle). Le verbe kariha, détester, semble être ainsi un doublet artificiel d’où dérive notre forme causative ikrah, le fait de faire détester, d’où est extraite par glissement l’idée de contrainte. Mais le sens originel d’ikrah serait plutôt le fait de causer un trouble intérieur.
Le fameux verset 256 du chapitre 2 prend alors un tout autre sens beaucoup plus cohérent : « [Pour le croyant, il ne doit y avoir] aucune de cause de trouble dans le culte, car le bon chemin se distingue de l’errance, etc. »
Du reste, il apparaît que le sens premier de la racine krh reste sous-jacent dans les diverses occurrences coraniques, quelle que soit leur forme verbale. Par exemple dans le verset 216 du même chapitre 2, le mot kourh signifie plutôt trouble ou source d’hésitation que contrainte ou désagrément : « On vous a prescrit le combat à mort (qitalou), ce qui est pour vous un trouble (kourhoun) ».
« Pas de problème dans le culte à rendre à Dieu. Le bon chemin se distingue en effet de l’errance… Dieu est le saint Patron de ceux qui croient : il les fait passer des ténèbres à la lumière. Mais ceux qui agissent en kafir ont pour patrons les taghouts : ceux-ci les font passer de la lumière aux ténèbres ».
Les vrais croyants qui rendent à Dieu un culte sont sur le bon chemin de lumière, tandis que les autres sont dans l’errance : ils sont voués aux démons et aux ténèbres. Le texte est clair.
Parmi les autres versets parfois cités pour prouver cette tolérance, il arrive que l’on cite le beau verset du chapitre 9, le numéro 6 qui rappelle le devoir d’hospitalité, même vis-à-vis d’un associateur (c’est-à-dire un païen ou certains chrétiens).
« Si un associateur te demande asile, donne-lui asile de sorte qu’il entende la parole de Dieu… ce sont vraiment des gens qui ne savent pas ».
Ce verset est positif. Ou plutôt le serait s’il n’y avait pas le verset précédent qui stipule : « Tuez (qtoulou) les associateurs où que vous les trouviez… [mais s’ils] s’acquittent de l’aumône obligatoire, laissez-leur le champ libre ».
Il faut mentionner encore le verset 32 du chapitre 5, cité habituellement de manière raccourcie : « Quiconque tue un homme, c’est comme s’il avait tué tous les hommes ».
Ce verset est très intéressant. Mais il faut le lire en entier : « À cause de cela [le crime de Caïn], nous avons prescrit pour les enfants d’Israël que quiconque tue une personne – à moins que ce soit pour cause de prix du sang [c’est-à-dire en vertu de la loi du talion] ou pour cause de désordre sur la terre
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[car il est licite d’éliminer ceux qui s’opposent à Dieu] – [ce sera] comme s’il avait tué tous les hommes ».
Ce qui change tout c’est la mention ou la réserve : « à moins que ce pour cause de prix du sang ou pour cause de désordre sur la terre ».
Ces mots enlèvent le caractère absolu de l’interdiction du meurtre ; ils suggèrent même qu’il est licite ou nécessaire de tuer pour défendre l’ordre voulu par Dieu sur terre. Certes, on peut se demander s’ils n’ont pas été ajoutés par après (ils viennent mal dans le texte). Mais comme c’est le texte actuel qui fait autorité, ce verset ne peut que recevoir la signification suivante : le meurtre est un mal sauf s’il s’agit de se venger (spécialement en cas d’homicide) ou de venger l’honneur de Dieu sur terre (c’est-à-dire l’honneur… de l’Islam). Le meurtre est donc licite dans ces deux cas.
Concluons sans faux-fuyants : aucun passage du Coran ne permet de fonder autre chose qu’une tolérance islamique, refusant tout respect aux non-musulmans. Ce qui est compréhensible : le respect des personnes suppose toujours une certaine égalité devant Dieu. Ceci est impensable et expressément nié (par exemple dans le chapitre 6 verset 165). Dieu lui-même est dit placer ses fidèles au-dessus des autres et leur enseigner à mépriser les non-musulmans, qui ne possèdent au mieux qu’un droit provisoire d’exister avant d’aller en Enfer.
Tel est le message du Coran tel qu’il se présente aujourd’hui. Il n’est pas possible de dire autre chose, sinon dans le but de tromper ceux qui ne le connaissent pas (la taqiya).
CINQUANTIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
COMPARAISON ENTRE JÉSUS ET MAHOMET.
Passons sur les histoires de polygamie de divorce imposé de privilège pour ce qui est du nombre d’épouses (plus que les quatre autorisées à tout bon musulman) et autres coucheries de Mahomet ayant suscité la fureur des épouses légitimes (voir à ce sujet notre chapitre sur Mahomet et ses femmes).
Dieu est amour (clémence et miséricorde), mais quand même ! Comment peut-on penser que l’être des êtres quel que soit le nom qu’on lui donne (Taouhid Dieu ou Allah) peut s’abaisser au point de s’occuper directement des coucheries ou des problèmes conjugaux de Mahomet ??
De minimis non curat praetor. Dieu ne s’occupe pas directement des choses secondaires ou subalternes. Le destin les causes secondes ou la divine providence cela sert à cela.
Comment peut-on se faire de l’être des êtres ou du Taouhid, de Dieu ou d’Allah, une idée aussi basse ???
N.B. Comment savons-nous cela ? Parce que Dieu dans le Coran intervient constamment pour défendre son « prophète ». Si le nazaréen Jésus avait été aussi bien défendu jamais il n’aurait fini crucifié pour tentative de rébellion zélote contre les autorités romaines (il est vrai que pour le Coran qui se fait ici l’écho de diverses doctrines hérétiques gnostiques ou judéo-chrétiennes, il n’a pas vraiment été crucifié).
Nous en viendrons donc directement aux épisodes un peu moins croustillants de sa vie, ceux où le sang a coulé, afin de voir s’il s’agit bien de cas de légitime défense ou d’œuvres de justice conformes au principe qui nous est cher « Intud i ngeindtleacht gnim olc mad indechur » et qui a été rapporté à saint Patrice dans le Senchus Mor : « il y a renforcement de la cohésion sociale (dans le cas des sociétés païennes en tout cas) quand une mauvaise action ne reste pas impunie ».
La principale différence entre Yehoshoua bar Yosef de Jérusalem et Mahomet fils d’Amina de La Mecque, est que le premier, Jésus, a, au début et pour commencer, même si cela a mal fini pour lui (tentative de coup d’État avortée) seulement œuvré comme réformateur, qui plus est dans un milieu déjà largement travaillé par de tels appels et dont une partie était déjà prête à l’entendre (les esséniens, le nazoréens, le mouvement de Jean-Baptiste…)
Alors que le second, Mahomet, a dès le départ heurté de plein fouet la quasi-totalité de son auditoire naturel. Que ce soit pour commencer en tant que visionnaire halluciné à l’esprit dérangé ou possédé par les esprits (djinn) ou en diffusant par la suite de façon active et offensive, les thèmes chrétiens les plus étrangers à la mentalité de ses contemporains comme ceux du jugement dernier et de la fin des Temps.
Bref, Jésus est un réformateur qui a fini seul et abandonné de tous, mais ce ne fut pas le cas au départ. Au départ son mouvement ne fut qu’un des nombreux courants qui agitaient son peuple. Il a d’ailleurs concédé lui-même qu’il ne voulait pas abolir la loi de Moïse, mais l’accomplir.
Alors que Mahomet a très rapidement prêché, pire qu’au sein du désert, dans un milieu totalement complètement et à 100 % hostile, un message étranger à l’esprit des siens, avant de finir par leur imposer ses idées par la force.
Cela se ressent bien d’un bout à l’autre du Coran. Mahomet parlant de lui à la troisième personne, l’atmosphère y est constamment à l’autojustification permanente.
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CINQUANTE ET UNIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
VU LEUR IMPORTANCE, REDONNONS ICI ÉGALEMENT IN EXTENSO LES PLUS CONNUS DES VERSETS DU CORAN PRÔNANT LE PETIT DJIHAD.
Rappel. Là encore cher lecteur nous ne parlerons pas du grand djihad qui est la lutte à mener contre soi-même, comme dans le soufisme, mais du petit djihad.
— Le verset de l’épée.
Le verset 5 du chapitre 9 révélé à Yathrib/Médine en 631 (à Médine, donc abrogeant toutes celles de La Mecque allant en sens contraire) est dit « verset de l’épée ».
Et comme une des caractéristiques du Coran est sa non-contextualisation (il est incréé), on ne sait pas si le commandement qu’il contient a une valeur universelle et intemporelle, c’est-à-dire s’il est encore valable aujourd’hui, ou s’il doit être considéré comme ayant visé uniquement les païens de l’époque en Arabie et plus précisément de La Mecque.
Ce verset, dit verset de l’épée, s’énonce comme suit……
Chapitre 9, verset 5 : « Tuez les polythéistes (mouchrikoun) là où vous les trouverez… Si ensuite ils se repentent, disent la prière et acquittent la zakat, alors laissez-leur la voie libre, car Dieu est clément et miséricordieux » (disent la prière et acquittent la zakat… autrement dit s’ils se convertissent). Le sens de cette formule a été clairement explicité par les hadiths postérieurs.
Ad-Dahhak bin Mouzahim : « ce verset a abrogé tout accord de paix entre le prophète et les idolâtres quels qu’ils soient, tout traité et toute clause en ce sens ».
Al Aoufi ajoute qu’Ibn Abbas l’a ainsi commenté : « Aucun idolâtre ne peut plus bénéficier d’un traité de paix ou d’un sauf-conduit depuis que la sourate 9 a été révélée ».
— Le verset du combat.
Le verset 29 du chapitre 9 est appelé verset du combat.
Que dit ce verset 29 du chapitre 9 ?
« Combattez ceux qui ne croient ni en Dieu ni au Jour dernier et les gens du Livre qui n’interdisent pas ce que Dieu et son messager ont interdit ou ne professent pas la religion de la vérité, jusqu’à ce qu’ils versent personnellement leur tribut après avoir été humiliés (saghirouna) ».
Ce verset révélé en 631 abroge donc également toutes les dispositions antérieures autorisant une attitude plus douce envers les polythéistes, les juifs, les chrétiens, les sabéens/mandéens et les zoroastriens. Ce verset en effet ne fait plus de différence entre les idolâtres et les monolâtres.
— Le verset du petit djihad.
Le verset 4 du chapitre 47 est appelé « verset du petit djihad » : il abroge tous les versets antérieurs prônant la paix.
Que dit en effet ce « verset du petit djihad » ?
« Lorsque vous rencontrez (au combat) les incroyants, frappez-les au cou. Puis, quand vous les avez dominés, enchaînez-les solidement. Ensuite, c’est soit la libération gratuite, soit la rançon, jusqu’à ce que la guerre dépose ses fardeaux. Il en est ainsi, car si Dieu le voulait, il se vengerait lui-même, mais c’est pour vous éprouver les uns par les autres. Et ceux qui seront tués dans le chemin de Dieu, il ne rendra jamais vaines leurs actions ».
Rappelons à ce sujet puisqu’il est question a contrario de christianisme, et pour clore le débat que, contrairement à une légende savamment et hypocritement entretenue par les chrétiens, le grand rabbi
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nazaréen n’a jamais condamné tout usage de la violence, il a seulement limité celle-ci au domaine du symbole, afin de souligner un désaccord ou une désapprobation. Il n’y a donc entre la conception chrétienne et la conception musulmane du petit djihad qu’une différence de degré.
Saint Luc 22, 47. Comme il parlait encore survient une bande. À sa tête marchait le nommé Judas, l’un des douze, qui s’approcha de Jésus pour lui donner un baiser. Jésus lui dit : « Judas, c’est par un baiser que tu livres le Fils de l’homme ! » Voyant ce qui allait arriver, les compagnons de Jésus lui demandèrent : « Seigneur, faut-il frapper du glaive ? » Et l’un d’eux frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l’oreille droite. Mais Jésus prit la parole et dit « laissez ; cela suffit » et, lui touchant l’oreille, il le guérit.
Tafsir.
1) L’évangile de Jean nous donne l’identité du compagnon de Jésus ayant tiré l’épée pour le défendre, il s’agissait de saint Pierre.
2) Le grand rabbi nazaréen Jésus a donc accepté l’usage de la violence en cas de légitime défense, mais à un niveau symbolique et comme dans certaines catégories de duel avec arrêt au premier sang versé.
3) Quant à la fameuse phrase « Tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive » mentionnée par saint Matthieu ; ce n’est pas une malédiction ou une condamnation, mais un simple constat de bon sens. Du genre « qui roule trop vite et ivre mourra un jour dans un accident de voiture ».
CINQUANTE-DEUXIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LE PETIT DJIHAD DU POINT DE VUE DE LA RELIGION MUSULMANE
(enfin du moins d’après Ibn Khaldoun.)
« Le mot djihad a plusieurs sens qui se sont agglutinés au cours de l’histoire, et sa traduction est matière à controverse. Son sens dans le Coran offre aussi des difficultés puisqu’à l’interprétation des oulémas de l’époque classique, pour qui djihad signifie guerre sainte offensive, s’oppose celle des réformistes et des intellectuels occidentaux (journalistes femmes politiques acteurs sportifs évêques…) pour qui djihad signifie guerre défensive ou guerre juste. Le sens de djihad comme guerre sainte offensive a dominé la tradition juridique et la qualification de djihad a fini par s’étendre même aux diverses répressions contre des hérétiques, des rebelles ou des brigands, cela à une époque tardive toutefois chez les sunnites. À ce sens guerrier, on oppose un sens spirituel, suivant le hadith bien connu évoquant le petit et le grand djihad. Ce sens spirituel a été explicité surtout par Al-Mouhasîbî et les Ikhouân as-safâ. Alfred Morabia (1931-1986) a souligné que la distinction entre les sens du djihad tendait à s’effacer dans l’esprit musulman : le véritable mystique, soucieux de combattre les passions qui sont en lui, finit toujours, en raison du devoir de commander le bien et d’interdire le mal, par combattre le mal en dehors de lui, dans son entourage. Cette curatelle du prochain, cette hisba *, en direction des musulmans, débouche naturellement sur la guerre, soit contre les rebelles, les brigands et les hérétiques, soit contre les infidèles. Le mourâbit, ascète, prédicateur et guerrier incarne bien ainsi la totalité des sens du mot djihad (Morabia, le djihad dans l’Islam médiéval chap. IX).
L’armée innombrable des pseudo-philosophes de l’islam justifie le recours à la guerre sainte par le fait que l’islam serait la seule religion à avoir une vocation universelle.
En fait de religion leur référence favorite, ibn Khaldoun, semble d’ailleurs n’en connaître que trois DANS LE PASSAGE CITÉ.
Prolégomènes ou Mouqaddimah chapitre 3,31.
« Pour la communauté musulmane, la guerre sainte est un devoir religieux, en raison de l’universalisme de la mission (musulmane) et (de l’obligation de) convertir tout le monde à l’Islam, soit par la persuasion, soit par la force. Par conséquent, le califat et l’autorité royale sont unis dans (l’islam), de sorte que la personne responsable peut consacrer la force disponible à ces deux choses en même temps.
Les autres groupes religieux n’ont pas de mission universelle, et la guerre sainte n’est pas un devoir religieux pour eux, sauf à des fins de défense. Il en résulte que le responsable des affaires religieuses dans les (autres groupes religieux) n’est pas du tout concerné par… Ils sont simplement tenus d’établir leur religion parmi leur propre (peuple) ».
Passons sur le cas du judaïsme.
Pour ce qui est du christianisme cette erreur est sans doute due comme d’habitude à l’ignorance CAR LE CHRISTIANISME S’EST BEL ET BIEN DONNÉ POUR MISSION DE CONVERTIR L’HUMANITÉ TOUT ENTIÈRE.
La preuve ci-dessous.
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Évangile selon Matthieu 28, 19. « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. »
Évangile selon Marc 16,15. Puis il leur dit : « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ».
En fait l’erreur d’Ibn Khaldoun et des pseudo intellectuels qui lui emboitent le pas et de confondre la fin et les moyens.
Pour ce qui est de la fin, le christianisme a bien vocation à convertir la terre entière à sa conception de la religion.
Pour ce qui est des moyens par contre SON TEXTE FONDATEUR EXCLUT EFFECTIVEMENT LE RECOURS À LA GUERRE.
ET C’EST LÀ QUE SE TROUVE TOUTE LA DIFFÉRENCE AVEC L’ISLAM que revendique ibn Khaldoun sans honte, mais clairement : il en fait bien une obligation religieuse des musulmans.
LE PETIT DJIHAD. DU POINT DE VUE NON DE LA RELIGION MUSULMANE, MAIS DU DROIT MUSULMAN.
VERSETS HISTORIQUEMENT DATÉS OU OBSOLÈTES.
(Concernent la région de La Mecque avant 629)
2, 190 : « Combattez dans le chemin de Dieu ceux qui luttent contre vous, ne soyez pas transgresseurs (mou’tadîn) (agresseurs ?), Dieu n’aime pas les transgresseurs ».
2,191 : « Tuez-les partout où vous les rencontrerez ; chassez-les des lieux où ils vous ont chassés, la sédition (fitna) (persécution ?) est pire que le meurtre. »
2,192 : « Ne les combattez pas auprès de la Mosquée sacrée, à moins qu’ils ne luttent contre vous en ce lieu même. S’ils vous combattent, tuez-les : telle est la rétribution des incrédules ».
2, 193 : « Combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de sédition et que le culte de Dieu soit rétabli. S’ils s’arrêtent, cessez de combattre, sauf contre ceux qui sont injustes. »
8, 39 : « Combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de sédition, que le culte soit rendu à Dieu dans sa totalité. S’ils cessent le combat, qu’ils sachent que Dieu voit parfaitement ce qu’ils font. »
8, 67 : « Il n’appartient pas à un Prophète de faire des captifs, tant que, sur la terre, il n’a pas complètement vaincu les incrédules. Vous voulez les biens de ce monde, Dieu veut, pour vous, la vie future. Dieu est puissant et juste. »
9, 5 : « Après que les mois sacrés se seront écoulés, tuez les polythéistes, partout où vous les trouverez ; capturez-les, assiégez-les, dressez-leur des embuscades. Mais s’ils se repentent s’acquittent de la prière, s’ils font l’aumône, laissez-les libres, Dieu est celui qui pardonne, il est miséricordieux. »
9, 6 : « Si un polythéiste cherche asile auprès de toi, accueille-le pour lui permettre d’entendre la parole de Dieu ; fais-le ensuite parvenir dans son lieu sûr, car ce sont des gens qui ne savent pas. »
9, 7 : « Comment existerait-il un pacte, admis par Dieu et son Prophète, avec les polythéistes, autres que ceux avec lesquels vous avez déjà conclu un pacte auprès de la Mosquée sacrée ? Aussi longtemps qu’ils seront sincères avec vous, soyez sincères avec eux. Dieu aime ceux qui le craignent. »
22, 40 : « et à ceux qui ont été chassés injustement de leurs maisons pour avoir dit seulement « Notre Seigneur est Dieu ! » Si Dieu n’avait pas repoussé certains hommes par d’autres, des ermitages auraient été démolis, ainsi que des synagogues, des oratoires ou des mosquées où le nom de Dieu est souvent invoqué. Oui, Dieu sauvera ceux qui l’assistent. Dieu est en vérité fort et puissant ».
« Il y a unanimité chez les musulmans par contre pour dire que le Coran s’impose à tous (houdjatoun ala al-jami), et qu’il constitue la première source du droit musulman. Cela découle du fait qu’il provient de Dieu ».
VERSETS DÉFENSIFS TOUJOURS EN VIGUEUR.
22, 39 : « Toute autorisation (de se défendre) est donnée à ceux qui ont été attaqués (combattus) parce qu’ils ont été injustement opprimés – Dieu est puissant pour les secourir- »
22, 41 : « (toute autorisation de se défendre est donnée) à ceux qui, si nous leur accordons le pouvoir sur la terre, s’acquittent de la prière, font l’aumône, ordonnent ce qui convenable et interdisent ce qui est blâmable. La fin de toute chose appartient à Dieu. »
VERSETS « OFFENSIFS » TOUJOURS EN VIGUEUR.
N.B. Pour la majorité des écoles musulmanes, les chrétiens TRINITARISTES sont polythéistes.
1, 194 : « Soyez hostiles envers quiconque vous est hostile, dans la mesure où il vous est hostile… »
4,89 : « … Ne prenez aucun protecteur parmi eux (les hypocrites), jusqu’à ce qu’ils émigrent dans le chemin de Dieu. S’ils se détournent, saisissez-les, tuez-les partout où vous les trouverez. Ne prenez ni protecteur, ni défenseur parmi eux,
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4, 90 : à l’exception de ceux qui sont les alliés d’un peuple avec lequel vous avez conclu un pacte, ou de ceux qui viennent à vous le cœur serré d’avoir à combattre contre vous ou à combattre contre leur propre peuple… S’ils se tiennent à l’écart, s’ils ne combattent pas contre vous, s’ils vous offrent la paix, Dieu ne vous donne plus alors aucune raison de lutter contre eux ».
4, 91 : « « Vous trouverez d’autres gens qui désirent la paix avec vous et la paix avec votre propre peuple. Chaque fois qu’ils sont poussés à la révolte, ils y retombent en masse. S’ils se retirent loin de vous, s’ils ne vous offrent pas la paix, s’ils ne déposent pas leurs armes, saisissez-les, tuez-les partout où vous les trouverez. Nous vous donnons pouvoir sur eux ! »
9, 29 : « Combattez ceux qui ne croient pas en Dieu et au jour dernier ; ceux qui ne déclarent pas illicite ce que Dieu et le Prophète ont déclaré illicite ; ceux qui, parmi les gens du Livre, ne pratiquent pas la vraie religion. Combattez-les, jusqu’à ce qu’ils paient directement le tribut, et ils seront humiliés ».
9, 36 : « Combattez les polythéistes totalement, comme ils vous combattent totalement… » (qui abrogerait 9, 29 pour ce qui concerne les polythéistes).
9, 123 : « Combattez ceux des incrédules qui sont près de vous. Qu’ils vous trouvent durs. »
25, 52 : « Ne te soumets donc pas aux incrédules ; lutte contre eux, avec force, avec ceci (= au moyen du Coran). »
22, 78 : « Combattez pour Dieu, car il a droit à la lutte que les croyants mènent pour lui. »
Dans les traités classiques de droit musulman, le petit djihad est bien une guerre faite avec des armes contre des mécréants bien concrets, et non une lutte spirituelle. Le petit djihad est de plus un devoir obligatoire qui est donc nécessairement bon et saint. D’où la traduction de « guerre sainte » que l’on utilise souvent. Elle indispose les réformistes et les intellectuels occidentaux (journalistes femmes politiques acteurs sportifs évêques…) qui y voient une réduction injuste des sens du mot djihad. Mais il y a toujours un décalage entre le sens des mots dans le droit et leur sens par ailleurs.
On peut d’abord remarquer que le fiqh distingue toujours les guerres contre les musulmans des autres.
Les guerres contre les musulmans ressortent de la lutte contre la rébellion (baghî) ou contre le brigandage (mouhâraba) et les traités accordent à chacune des deux situations des développements en droit pénal (chapitre des houdoûd).
Mais contre les incroyants ? Existe-t-il des guerres contre eux qui ne peuvent recevoir la qualification de petit djihad ? Toute activité guerrière est-elle automatiquement un petit djihad dès l’instant où les ennemis des musulmans sont des non-musulmans ? Qu’est-ce qui définit le petit djihad ? Est-ce la religion de l’ennemi, ou autre chose, les dispositions internes du musulman, la niyya, l’intention ?
Ces problèmes sont à rattacher à la définition même du petit djihad et à ses buts…
I. LE BUT DU DJIHAD À L’ÉPOQUE DES CONQUÊTES.
Tel qu’il a été compris par Mahomet (A) et ses contemporains et successeurs (B), c’est-à-dire le sens historiquement attesté par la pratique ou par d’autres indices.
A. Le Coran et le Prophète
À la Mecque Mahomet interdisait la violence. Le Coran lui recommandait de s’armer de patience et d’accorder un délai aux mécréants (73, 10-11 et 25, 56). Il ne devait pas user de contrainte à leur égard (10, 99-100 par exemple). Le combat qu’il devait accomplir était surtout prédication (25, 52 ; 16, 125).
À Médine par contre il l’autorisa au nom de la légitime défense, voire même de la liberté religieuse. En effet le texte de référence (22, 39-41) implique que, sans autorisation de se défendre, les religions divines seraient condamnées à disparaître. L’idée de réciprocité est aussi tout à fait implicite. Par la suite, cette défense fut même conçue de manière plus large.
Mahomet est-il donc passé du djihad défensif au djihad offensif ? On pourrait dire que la question dépend de deux autres, savoir si l’on admet la doctrine de l’abrogé (mansoukh) et de l’abrogeant (nassikh), et si oui, du classement chronologique des différents textes. Mais cette façon de poser le problème ressort de cette recherche du « vrai sens » que nous avons écartée. Pour l’historien, la question est plus simple et on proposera plusieurs conclusions.
— Pour le Coran, les vrais prophètes sont avant tout des combattants (3, 146) et la victoire est le signe de la faveur divine (8, 10 = 3, 126 ; 3, 148). Il y a une cohérence entre cette manière de penser et celle existante dans le monde païen, tous se rejoignant dans le “seul pensable” antique : le sort des cultes et des dieux se joue d’abord dans la guerre.
— La problématique est nettement défensive dans un certain nombre de versets coraniques, les plus anciens (sourate 22 et 2). Même si l’on ne se fonde pas sur les Sîra du Prophète, écrites tardivement, elles ont un fond de vérité historique, mais on doit admettre que la pratique de Mahomet semble avoir conçu cette défensive de manière large, puisqu’elle inclut l’élimination des juifs de Yathrib/Médine et de divers opposants politiques.
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— La problématique est nettement plus offensive dans la sourate 9, la dernière en date. On verra que selon la vision classique, le verset 9, 29 exprime la théorie du djihad offensif et abroge tous les autres, d’où son nom « verset de l’épée ». Mais il est certain, même si l’on récuse les détails donnés par la Tradition, que la pratique de Mahomet devient alors offensive puisqu’il étend ses entreprises à tous les Arabes de la péninsule ce qui l’entraîne à affronter les Byzantins.
Alfred Morabia écrit (Le petit djihad dans l’Islam médiéval Paris 1993) : « Le Coran n’offre pas de réponse franche à ce que nous serions en droit de considérer comme les questions essentielles : quand, sur quelles bases, selon quelles modalités, en vertu de quels objectifs, et surtout en quelles contrées les musulmans peuvent-ils ou doivent-ils prendre l’initiative des combats ? ». Ainsi pour le but du petit djihad, il est dit que c’est la conversion (8, 39 ; 9, 5) ou la soumission (9, 29) des incroyants, mais il peut n’être aussi que la demande de cessation des combats de la part de l’infidèle (2, 192,193 ; 4, 91, 94 ; 8, 39, 61).
B. Les Compagnons de Mahomet et leurs Successeurs
La pensée des contemporains et successeurs du Prophète se trouve consignée en principe dans le hadith. Malheureusement il en est plus de faux que de vrais et tous les compilateurs de traditions ont eu fort à faire pour composer des recueils plausibles. Même actuellement on est bien en peine de proposer la moindre datation. Le recueil le plus ancien, celui de l’imam Mâlik (mort vers 795), Al-Mouwatta’, est déjà fort tardif puisqu’il date au mieux de la fin du VIIIe siècle.
Ce texte ne comporte rien d’explicite sur les buts du djihad. On y trouve cependant la formule « djihâd fî sabîli Llâh » qui est fréquente, et une fois l’ordre « Razziez au nom de Dieu… » (t. 1, p 298). L’atmosphère de l’ensemble est très pieuse. Le martyre semble le motif quasi unique des combattants. Les musulmans les plus pieux, les plus désireux de combattre sont valorisés. La fraude dans le butin est plusieurs fois condamnée : le djihad est donc bien une question de piété, et non une bonne affaire. Un hadith oppose le djihad et le mépris des biens de ce monde (quelques dattes !). Il est immédiatement suivi d’un dire d’un des Compagnons qui distingue les bonnes et mauvaises expéditions, mais malgré le contexte, il est difficile d’y voir la condamnation des guerres offensives ou des guerres de profit.
On imagine mal qu’une tradition défensive ait pu coexister avec les conquêtes sans laisser de traces plus évidentes.
Dans la Sîra d’Ibn Hishâm, on trouve nettement établie la doctrine du petit djihad offensif. La vision des conquêtes qui est rapportée (au moment où le Prophète frappe le rocher en creusant la tranchée avant la bataille du même nom), montre que la Sîra est postérieure aux conquêtes et qu’elle cherche à les justifier, ainsi d’ailleurs que la plupart des dispositions du droit musulman classique (Morabia, p 147-157). Les hadiths sont tardifs (Morabia p. 157-175), ou à tout le moins contemporains de la formation du droit musulman, et tous « viennent accentuer le caractère belliqueux qu’avait pris la Prédication dans les dernières années de l’apostolat mohammédien ou exalter le rôle conquérant des Arabes… » (Morabia p 159). Eux aussi, comme le Coran, insistent sur le désintéressement du combattant.
Mais si les textes sont difficiles à rapporter au VIIe siècle, la pratique de cette époque est bien connue, c’est la conquête arabe. L’interprétation des contemporains du Prophète est nettement offensive. Ils n’ont pas eu « d’états d’âme » et sont partis à la conquête de la Perse et du bassin méditerranéen. À notre connaissance, aucune tradition, aucun écho ne vient contester la légitimité de ces entreprises au nom d’un djihad défensif ou d’une trahison de la pensée de Mahomet. Commencée par les califes râchidoûn, la phase de conquêtes s’est poursuivie sous les Omeyyades. Il est probable que parmi les combattants, tous n’avaient pas que des intentions religieuses et que, pour certains, l’appât du gain a dû jouer un rôle non négligeable.
II. LE BUT DU PETIT DJIHAD À L’ÉPOQUE CLASSIQUE (VIIIe – XVIIIe).
À partir des Abbassides, les frontières de l’Empire musulman se stabilisent. Cette phase de l’histoire islamique devrait être appelée phase de guerre de position. Ce n’est pas à proprement parler une phase défensive, puisque les guerres sont continuelles et que l’initiative des conflits change constamment de camp.
C’est au début de cette phase que la doctrine du petit djihad offensif se constitue (au VIIIe siècle) alors que la phase historique qui lui correspond est passée (Morabia, p 184). Ce décalage entre la pratique et la théorie semble de règle. Au IXe siècle s’explicitent les doctrines du djihad spirituel, du djihad de ribât, des expéditions d’été et de la course qui correspondent mieux à la guerre de position. Mais ces nouvelles doctrines s’agglutinent à la précédente, celle du petit djihad offensif.
Pourtant on dispose de textes nombreux à datation certaine. Explorons d’abord les chapitres consacrés au petit djihad (A), avant de chercher d’autres éclairages sur la conversion de l’infidèle (B), et sur les guerres non canoniques (C).
A. But du petit djihad d’après les traités
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Dans la Moudaouana de Sahnoûn (mort en. 854) le thème de la nécessité de la da‘oua (appel à la conversion / reddition) apparaît (t 3, p 2). Selon Abd ar-Rahmân ibn al-Qâsim, Mâlik aurait dit : « Je n’ai pas vu qu’on ait combattu les associateurs sans qu’on les ait invités à l’islam. » À la question de Sahnoûn de savoir s’il en est de même soit que les musulmans attaquent soit qu’ils soient attaqués, Al-Qâsim répond « Je n’ai pas posé la question à Mâlik, mais pour moi les deux situations sont identiques ». La raison de cet appel est de faire savoir aux ennemis « ce à quoi on les invite (l’islam), leur état de haine et d’inimitié à l’égard de la religion (l’islam) et de ses adeptes, leur longue opposition aux armées (musulmanes) et leur combat (contre elles)… » C’est presque une esquisse de justification par la défensive. L’appel « enlève le doute et justifie le petit djihad », précise plus loin le texte. Une déclaration très nette se trouve p 31 : « On ne combat les gens que pour qu’ils quittent la mécréance pour entrer dans l’islam ». Selon Sahnoûn, le but du petit djihad est donc la conversion des mécréants. La plupart des textes malékites adopteront cette position.
Ibn Ruchd le jeune (Averroès) (ob. 1189) a consacré un paragraphe spécial à la question « Pourquoi ils sont combattus » (Bidâya, livre du djihad, 1re section, § 7). Il constate l’unanimité des docteurs sur le but poursuivi relativement aux gens du Livre : la conversion ou le paiement de la djizya. Le Coran (9, 29) ne permet pas de divergences à ce sujet. Les divergences existent quant aux polythéistes, mais elles ne portent pas sur la nature du but du petit djihad, elles portent sur la question de savoir s’ils peuvent être admis au statut de dhimmî. Ibn Ruchd signale que Mâlik était d’avis qu’ils le pouvaient : pour lui la mécréance, fût-elle polythéiste, n’était pas un motif de mort [réf. nécessaire].
Dans la Bidaya, le but du petit djihad est aussi évoqué à propos des promesses de gratification (nafal) (2e section, § 3, question 3). Mâlik est présenté comme détestant cette pratique au nom du but du petit djihad : « On ne vise dans l’attaque que la face de Dieu Très Haut et l’exaltation de sa Parole. Si l’imam promet une gratification avant la guerre, il est à craindre que le sang ne soit versé pour le droit d’un autre que Dieu ». Ce texte confirme la réticence des juristes malékites envers les opérations ne visant que le profit et donne une définition du petit djihad très proche de celle qui deviendra celle de l’école.
C’est Ibn Arafa (ob. 1400) qui établira cette définition, dans ses Houdoûd : « Le petit djihâd est le combat d’un musulman contre un infidèle qui n’est pas l’objet d’un pacte, pour promouvoir la parole de Dieu (li-’i‘lâ’i kalimati-Llâh)… » Le commentaire d’Ar-Rasâ (ob. 1489) souligne que combattre un musulman n’est pas du petit djihad, et, dit le cheikh (Ibn Arafa), il en est de même pour (le combat contre) le dhimmî qui rompt son contrat ; ce qui est dit de ce contrat se généralise aux autres contrats, comme l’amân (vie sauve en cas de reddition).
NB. 1/ L’imam Mâlik aurait donc été un partisan de la guerre défensive, mais ses continuateurs, en particulier Sahnoûn et Ibn Far‘oûn, ont adopté le point de vue chaféite de la guerre offensive permanente.
2/ Ce changement de doctrine s’est fait sous l’influence du chaféisme certes, mais plus encore sous la pression des événements, les expéditions de Sicile, la course maritime (qarsana), la lutte contre le chiisme fatimide…
3/ Ce changement a affecté non seulement le but du petit djihad, mais en a durci ses différents aspects : la déclaration de guerre est devenue facultative, les zoroastriens furent exclus du bénéfice du statut de dhimmî, les permissions légales de destruction au cours des opérations furent étendues, le meurtre des femmes pendant les opérations fut autorisé, les peines contre le fraudeur de butin furent allégées, ce qui aurait conduit à une permission implicite de la course visant le butin seul qui devenait petit djihad tout comme la répression des hétérodoxes.
4/ De ce fait l’humanisme de Mâlik fut perverti.
B. Le sort des prisonniers indique bien que le but du petit djihad est la conversion des polythéistes (conversion forcée, sous peine de mort) et la soumission des autres au statut de dhimmî. Ce statut révèle aussi le but véritable du petit djihad. Les traités tardifs précisent qu’il doit être humiliant. Ad-Dirdîr écrit, dans le commentaire de Khalîl, qu’on n’accepte pas la djizya des mains d’un mandataire, mais chacun doit venir en personne, pour son humiliation, peut-être cela causera-t-il son entrée dans l’islam. » (t. 2, p 202). Et de fait les masses se sont converties, pour des motifs divers, souvent de convenance et d’intérêt : qu’on se souvienne les conversions en masse sous Umar II, pour ne pas payer le kharadj et le refus du calife de dispenser les nouveaux convertis de l’impôt, les uns et les autres rivalisant dans l’amour des biens de ce monde. Mais le droit musulman était parvenu à son but.
Dira-t-on que le but du petit djihad n’est pas la conversion, mais seulement l’extension de l’État islamique ? C’est seulement renvoyer le problème. Sans entrer dans la question du califat, on sera d’accord pour dire que depuis Ibn Khaldoun et Ibn Taïmiya, la seule chose unanimement exigée du souverain c’est qu’il applique la charia. On doit ajouter que vis-à-vis des musulmans qui seraient tentés de quitter l’islam, le droit islamique prévoit un hadd spécial, qui est la mort du mourtadd (apostat). Il ne saurait être question que les communautés protégées s’accroissent aux dépens de
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l’islam, encore moins le nombre des libres penseurs (zanâdiq) ou des polythéistes. Dans la conception classique, la liberté religieuse est à proprement parler une tolérance, et une tolérance provisoire.
C. La paix, en tant que telle ne fait pas l’objet de développements, mais seulement la trêve. « La guerre est l’état permanent et normal des musulmans » écrivait Du Caurroy en 1851 (cité par Louis Mercier**, p 40). On ne trouve rien concernant les buts du petit djihad dans les textes sur la trêve, ils ne font que souligner le caractère permanent du petit djihad. La guerre ne cesse véritablement qu’avec la capitulation des forces opposées.
CONCLUSION.
En droit musulman on a trois situations. Les guerres faites à l’encontre des musulmans sont qualifiées sans hésitation de rébellion ou de brigandage et elles sont punies. Celles qui sont faites à l’encontre des non-musulmans ayant conclu un pacte sont réprouvées et qualifiées de trahison (khiyâna), mais non punies. Et un acte illicite commis à l’encontre de ceux qui ne sont pas objets de ces pactes n’est pas sanctionné, qu’il s’agisse de meurtre, de vol, ou de prêt à intérêt. Les mécréants sans pacte n’ont pas d’immunité (içma). Ces actes doivent donner lieu à une demande de pardon auprès de Dieu (Louis Mercier**, p 69), mais la loi ne prévoit aucune sanction. Il s’ensuit alors que les actes de guerre contre les harbiyîn sont tolérés. Le statut juridique de telles opérations n’est pas en fait abordé dans les traités.
La pratique, on le sait n’a pas été gênée par le devoir de demander pardon à Dieu, que ce soit pour la course ou pour les razzias d’esclaves, même en cas de pacte. C’est le prince qui décidait des sanctions à imposer à ceux qui passaient outre à ses ordres.
* L’Islam a en réalité connu UNE DOUBLE INQUISITION (Hisba de 629 ? à aujourd’hui, Mihna de 833 à 847 ou plus ?) La Hisba était une police des mœurs destinée à ordonner le bien ou interdire le mal selon l’islam c’est-à-dire à sanctionner toute violation de la morale musulmane, essentiellement pour ce qui est du commerce au début, puis des mœurs par la suite. La Mihna fut une extension de compétence de cette dernière destinée à lutter contre certaines hérésies.
** L’ornement des âmes et la devise des habitants d’el Andalus, traité de guerre sainte islamique.
Avec introduction du traducteur Louis Mercier. Paris 1939. Il s’agit d’un texte à tendance mystique visant à convaincre les musulmans andalous de l’opportunité de reprendre le métier des armes. Son auteur Abou l-Hasan Ali b. Abd al-Rahman al-Fazari al-Andalousi, lettré et écrivain grenadin de la seconde moitié du XIVe siècle, réprouve l’avidité, et cite un hadîth (qu’on ne trouve pas ailleurs) où le Prophète, critiquant un homme avide de s’emparer d’un âne comme butin, aurait dit de lui : « il a combattu dans la voie de l’âne !
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CINQUANTE-TROISIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
L’ENCADREMENT ÉTHIQUE DE LA VIOLENCE DANS LE CORAN ET LES HADITHS.
De nombreux versets du Coran nous assurent que le dieu d’amour (clément et miséricordieux) n’oubliera pas d’infliger dans l’autre monde toutes les souffrances les abjections et les humiliations possibles aux âmes d’un certain nombre d’êtres humains décédés (bref l’enfer).
Nous ne traiterons pas ici de ce sujet (de la notion d’enfer dans l’islam), mais de ce que le dieu clément et miséricordieux ordonne à ses fidèles de faire concrètement sur cette terre vis-à-vis d’un certain nombre d’autres êtres humains, de leur vivant si l’on peut dire.
Chapitre 2, verset 216 : « Le combat jusqu’à la mort vous est prescrit et cependant vous l’avez en aversion. Mais peut-être avez-vous de l’aversion pour ce qui est un bien pour vous et de l’attirance pour ce qui est un mal pour vous ».
Chapitre 4, verset 74 : « Qu’ils combattent donc dans le chemin de Dieu, ceux qui vendent la vie présente contre l’ultime. Et quiconque combat dans le chemin de Dieu, tué ou vainqueur, nous lui accorderons bientôt une énorme récompense ».
Chapitre 5, verset 33 : « La seule chose que méritent ceux qui font la guerre à Dieu et à son messager et qui s’efforcent de semer la corruption sur terre, c’est qu’ils soient tués, ou crucifiés, ou qu’ils aient un pied d’un côté et une main de l’autre, ou qu’ils soient expulsés du pays : voilà pour eux l’ignominie qui les attend ici-bas ; et dans l’au-delà il y aura pour eux une peine encore plus terrible ».
Chapitre 8, verset 17 : « Vous ne les avez pas tués. C’est Dieu qui les a tués. Lorsque tu portes un coup, ce n’est pas toi qui le portes, mais Dieu qui éprouve ainsi les Croyants par une belle épreuve. Dieu entend et sait tout ».
Chapitre 8, verset 39 : « Combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’affrontements religieux (guerre civile, désordre civil) et qu’il n’y ait pas d’autre religion que celle de Dieu. S’ils cessent, Dieu s’en apercevra ».
Chapitre 8, verset 67 : « Aucun Prophète n’a pu faire de prisonniers sans avoir procédé à des massacres sur la terre. Vous recherchez les biens de ce monde alors que Dieu veut vous faire gagner le Paradis. Dieu est puissant et sage ».
Chapitre 9, verset 5 : « Lorsque les mois de trêve sacrée seront terminés, tuez les non-croyants partout où vous les trouverez. Faites-les prisonniers ! Assiégez-les ! Tendez-leur des embuscades ! S’ils font amende honorable, célèbrent l’office de la prière et paient la dîme, laissez-les poursuivre leur chemin ! Dieu est clément et miséricordieux ».
Chapitre 9, verset 29 : « Combattez ceux qui, bien qu’ayant reçu les saintes Écritures ne croient pas en Dieu, au jour dernier, qui ne tiennent pas pour illicite ce que Dieu et son messager ont déclaré illicite, et ne pratiquent pas la religion de la vérité (?), jusqu’à ce qu’ils paient, humiliés, de leurs propres mains, le tribut ».
Chapitre 9, verset 111 : « Dieu a acheté aux Croyants leur personne et leurs biens contre le Paradis qui leur est réservé. Ils combattront au service de Dieu, tueront et seront tués. C’est là une promesse
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certaine dont Dieu s’est imposé la réalisation dans la Torah, l’Évangile et le Coran. Et qui est plus fidèle dans ses engagements que Dieu ? »
Chapitre 9, verset 123 : « O croyants ! Combattez les non-croyants qui sont près de vous. Qu’ils trouvent en vous de la rudesse ! Et sachez que Dieu est avec ceux qui accomplissent leur devoir [envers lui] ».
Chapitre 47, verset 4 : « Lors donc que vous rencontrez ceux qui sont incroyants, alors frappez-les au cou. Puis quand vous l’avez emporté, alors attachez-les solidement ».
Chapitre 47, verset 35 : « Ne faiblissez pas et ne demandez pas la paix quand vous êtes les plus forts et que Dieu est avec vous ! Il ne vous privera pas de la récompense de vos œuvres ».
La chronique de Tabari (838-923) rassemble de nombreux « hadiths » concernant Mahomet. Certains d’entre eux montrent que les musulmans pieux n’étaient en rien choqués par son comportement guerrier voire faisaient remonter jusqu’à lui la doctrine du martyre des guerriers morts au combat.
Voici par exemple ce que rapporte Tabari à propos de la bataille de Badr (624).
« Le Messager de Dieu se rendit auprès de ses hommes pour les exhorter au combat, il promit à tous qu’ils pourraient garder tout le butin qu’il ferait et ajouta : Par celui entre les mains duquel repose l’âme de Mahomet, celui qui se bat contre eux aujourd’hui et trouve la mort, en combattant résolument, et en s’en remettant à Dieu, en allant de l’avant sans reculer, alors Dieu le fera entrer au Paradis. Oumar b. Al Humam, le frère de Banu Salimah, qui avait des dattes dans la main et les mangeait, s’exclama : « Parfait ! Tout ce qui reste entre moi et le Paradis c’est de mourir des mains de ces gens-là ! » Ensuite il jeta les dattes par terre, sortit son épée et partit combattre jusqu’à ce qu’il tombe raide mort en récitant les vers suivants… ».
Ces paroles « divines » seront constamment reprises au cours des siècles par les commentateurs et les théologiens de l’islam. Exemples : Sahih Muslim (20,4678).
Il a été rapporté sous l’autorité de Jabir qu’un homme a demandé un jour : Messager de Dieu, où irai-je si je suis tué ? Il a répondu : au Paradis. Tout homme doit laisser tomber les dattes qu’il a dans la main et combattre jusqu’à ce qu’il soit tué (c’est-à-dire qu’il ne doit pas attendre d’avoir fini ses dattes).
Que disent les hadiths à propos du petit du djihad ? L’information la plus importante qu’ils contiennent est que Mahomet au cours de ses dix années de séjour à Médine, a lancé jusqu’à 82 petits djihads dont il dirigea personnellement 26. Ces 26 petits djihads sont appelés ghazouahs ce qui signifie qu’il est devenu un ghazi après avoir tué des kouffar et en être sorti victorieux. Les hadiths nous apprennent aussi que la plupart de ces ghazouahs avaient toutes les caractéristiques du coup de main où l’on tombe sur l’ennemi sans crier gare. Les hadiths nous fournissent également des détails sur les immenses richesses et les multitudes d’hommes de femmes et d’enfants, capturés à l’occasion de ces ghazouahs. Avant d’avoir une idée de ce ghanimah (pillage), il importe de réaliser à quel point les Révélations coraniques concernant le petit djihad sont confirmées par les hadiths.
La théorie musulmane traditionnelle est que ces petits djihads ne furent que défensifs : il s’agissait pour les musulmans de se défendre ou de défendre les leurs, qui étaient persécutés, battus et mis à mort (référence).
Afin d’y voir enfin plus clair et déterminer s’il s’agit de taqiya ou pas, Marie-Thérèse Urvoy en 2007 a fait une analyse détaillée de l’usage du mot djihad dans le Coran.
Elle relève qu’il y a 41 occurrences de la racine de ce mot dans le Coran, dont six correspondant à des sens particuliers (« serment solennel », cinq fois, et « trouver le nécessaire » une fois).
Dans 16 occurrences, le terme issu de cette racine apparaît dans un sens vague et imprécis de mener combat pour Dieu, avec une unique référence explicitement non violente.
Aux versets (29,8 ; 31,15) le mot issu de cette racine traduit « l’idée négative de faire pression sur des enfants désirant devenir strictement monothéistes ».
Marie-Thérèse Urvoy précise qu’il y a six occurrences (9,41 et 88 ; 49, 15 ; 61,11…) signifiant nettement l’idée de « mener le combat avec ses biens et en personne », et souligne que des passages coraniques ont recours à d’autres termes n’usant pas de la même racine qui incitent au combat, comme (9,41) « lancez-vous légers et lourds » (9, 86) « l’exemption », ou encore « l’opposition aux non combattants » (« al-qa'idoun=ceux qui restent assis ») dans (4,95). Et finalement elle termine en citant une dernière formulation coranique dans ce cadre d’analyse. Combat contre les infidèles, et être dur contre eux » apparaissent deux fois (9,73 ; 66,99).
Marie-Thérèse Urvoy en conclut donc qu’on ne saurait opposer le djihad au qital (combat). Qu’il y ait, dans les 18 occurrences où le sens reste vague, possibilité de greffer la théorie du djihad majeur contre soi-même, on peut l’admettre. Mais il est illégitime d’affirmer que le djihad coranique est uniquement spirituel.
En revanche, l’on peut dire que dans le texte de la période mecquoise, l’emploi du terme djihad et ses dérivés, semble désigner plutôt une guerre spirituelle, à savoir : respecter la consigne de résister à l’impiété environnante. Le mot d’ordre suprême est alors de tenir ferme. Ce qui reste compatible avec
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les menaces contre les infidèles, qui se réaliseront dans la période médinoise… Par ailleurs, qualifier le combat de petit djihad ne signifie pas son élimination, et l’histoire islamique a connu nombre de soufis effectuant un service militaire dans les ermitages-forteresses appelés ribat.
Dans son ouvrage intitulé Mouqaddimah, le philosophe, théologien islamique et juriste musulman du XIVe siècle, Ibn Khaldoun divise le djihad en quatre catégories :
I) Le djihad du cœur : la lutte contre le moi intérieur.
II) Le djihad de la langue.
III) Le djihad de la main.
IV) Le djihad de l’épée.
Le plus connu des sens du mot djihad est le djihad par l’épée dit « petit djihad ». C’est de lui que nous allons traiter aujourd’hui dans ce forage en quelque sorte géo-théologique.
Dar al-Islam (littéralement Maison de la soumission – à Dieu – et/ou de la paix) est un terme utilisé pour désigner les terres sous gouvernement(s) musulmans.
Dar al-Harb (arabe domaine de la guerre) est le terme qui, dans l’histoire islamique ultérieure, sert à désigner les sociétés non islamiques.
Les fondateurs des écoles juridiques musulmanes ont eu des opinions différentes concernant les relations entre les deux domaines.
Al-Chafi'i (767-820) a théorisé la doctrine selon laquelle le petit djihad doit être une guerre permanente contre les non-croyants et non pas seulement lorsque ceux-ci entrent en conflit avec l’islam. Ceci en se fondant sur un verset du saint Coran : « Tuez les polythéistes partout où vous les trouverez » (chapitre 9, verset 5).
Lorsque la situation du monde musulman s’est modifiée à partir du Xe siècle, des oulémas ont affirmé que la chari'a n’obligeait personne à s’acquitter personnellement du devoir de petit djihad, sauf si le domaine de l’islam était menacé par des forces étrangères. Ibn Ruchd/Averroès par exemple, en tant que Cadi, écrit dans son Bidayat-il Moujtahid, que certains ont considéré le djihad par l’épée comme n’étant pas une obligation et d’autres comme une obligation éternelle (Fard aïn) pour tous les musulmans, mais que la majorité soutient que le djihad armé n’est pas une obligation pour tous les musulmans pris individuellement, seule une armée levée par le commandeur des Croyants est obligée de participer à ce type de guerre.
Il faut noter enfin que pour nombre de tendances chiites, le petit djihad offensif est interdit jusqu’à l’avènement du Mahdi.
Djihad mineur et lutte armée.
C’est le seul établi par le fiqh (droit musulman) qui le définit comme un effort et un devoir collectifs. La guerre sainte n’a pas été incluse dans les obligations religieuses de l’islam, sauf pour les kharidjites qui ont élevé le petit djihad au rang de sixième pilier de l’islam.
Le djihad mineur peut être mené contre les infidèles (kouffar) ou contre des factions de musulmans considérés comme opposantes et révoltées.
Le djihad contre les non-musulmans peut être de deux types, défensif ou offensif.
1) Le petit djihad défensif.
Consiste à expulser les païens polythéistes ou assimilés (les athées certains chrétiens par exemple*) d’une terre d’islam et c’est un Fard aïn, un devoir obligatoire pour tous ! C’est la plus importante des obligations.
Les circonstances nécessaires pour que le petit djihad armé devienne une obligation pour chaque musulman (Fard aïn et non fard kifaya) sont néanmoins les suivantes.
Quand les non-musulmans entrent ou envahissent une terre musulmane.
Quand les lignes de front commencent à se rapprocher.
Quand l’imam appelle une personne ou un peuple à se lancer dans la bataille.
Quand les non-musulmans capturent et emprisonnent un groupe de musulmans.
Concernant la première condition, les pieux prédécesseurs, ceux qui leur ont succédé, les savants des quatre écoles de fiqh (Maliki, Hanafi, Chafi'i et Hanbali), les rapporteurs de Hadith (mouhaddithine) et les commentateurs du Coran (moufassirine) sont unanimes à dire (Ijma) qu’à toutes les époques islamiques, le djihad mineur pouvait devenir fard aïn pour les musulmans du monde entier quand il s’agissait de païens polythéistes ou assimilés (les athées certains chrétiens *) qui pénétraient en terre musulmane.
Aussi (lors d’une invasion), les enfants du pays devront y participer sans la permission des parents, les femmes sans la permission de leurs maris et les élèves (Taleb) sans la permission de leurs enseignants. Et, si les musulmans du pays ne peuvent pas expulser ces païens polythéistes ou assimilés à cause du manque de forces, ou pour toute autre raison, alors le Fard aïn (l’obligation) se transmet aux musulmans voisins jusqu’à devenir si nécessaire et de proche en proche un fard aïn pour tous les musulmans de la Terre.
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Le cheikh Ibn Taïmiya dit à ce sujet : « À propos du djihad défensif, visant à repousser un agresseur, c’est le plus simple des types de petit djihad. Il y a unanimité à son sujet, il est obligatoire de protéger la religion et ce qui est sacré. La première obligation après la Foi est l’expulsion de l’agresseur qui s’en prend à la religion et aux affaires temporelles. Aucune exigence particulière comme l’approvisionnement ou le transport n’est requise et on combat en se servant de tout ce qui est immédiatement disponible ».
École Hanafite.
Ibn Aabidin : « Le petit djihad devient un devoir obligatoire (Fard aïn) si l’ennemi attaque une des frontières des musulmans. Son obligation incombe également aux autres pays musulmans voisins qui sont les plus proches du pays attaqué. Pour ceux qui sont loin, c’est un devoir facultatif (Fard kifaya) ».
École Malékite.
Le malékite Ibrahim Ad-Doussouqi (1246-1288) a écrit dans ses commentaires (volume 2 page 174) : « le petit djihad devient Fard Aïn (obligatoire) quand l’ennemi attaque par surprise ». Ad-Doussouqi ajoute : « partout là où cela se produit, le petit djihad y devient immédiatement Fard Aïn (obligatoire) pour tout le monde, même les femmes, les esclaves et les enfants, et ils doivent se lancer dans la bataille même si leurs tuteurs, maris, chefs ou maîtres, le leur interdisent ».
École chaféite.
Il est dit dans le Nihayatou-l-Mahtaj de Ramli : « s’ils s’approchent d’un de nos pays et que la distance entre eux et nous devient inférieure à la distance permettant de raccourcir la prière (prière de voyage 55 km), alors les gens de ce territoire doivent le défendre et cela devient un devoir obligatoire (Fard Aïn) même pour les gens pour qui il n’y a d’habitude aucune obligation de participer au petit djihad ; à savoir les pauvres, les enfants, les esclaves, le débiteur et les femmes ».
École hanbalite.
Dans El Moughni, Ibn El Qadamah a écrit : « Le petit djihad devient obligatoire (Fard 'Aïn) dans les trois cas suivants.
1) Si les deux camps se rencontrent et s’approchent l’un de l’autre.
2) Si les kouffar autrement dits les païens polythéistes ou assimilés (les athées ou certains chrétiens *) pénètrent en terre musulmane, le petit djihad devient Fard aïn (obligatoire) pour ses habitants.
3) Si l’Imam appelle à marcher sus à l’ennemi alors il est obligatoire d’obéir.
Tafsir d’Ibn Kathir. « Dans ce verset (2, 216), Dieu a rendu obligatoire pour les musulmans de se battre en petit djihad contre l’ennemi qui s’en prend à l’Islam. Az-Zouhri a dit : « Le petit djihad est exigé de chacun, qu’il participe aux combats ou qu’il reste à l’arrière ». Qui reste à l’arrière doit apporter son soutien, si le soutien est justifié, fournir de l’aide, si nécessaire, et marcher sus à l’ennemi si on lui ordonne de le faire, si ce n’est pas nécessaire, il peut rester à l’arrière.
Quiconque meurt sans avoir combattu (pour la cause de Dieu) ni avoir sincèrement envisagé de le faire, mourra de la mort de la Djahiliyyah (ère de l’ignorance préislamique).
Le jour d’Al-Fath (conquête de la Mecque), le Prophète a déclaré : il n’y a plus d’Hégire (migration de La Mecque à Médine) après cette victoire, mais seulement le djihad et les bonnes intentions. Si on vous demande de marcher sus à l’ennemi, alors mettez-vous en marche.
La déclaration de Dieu : (… bien que vous ne l’aimiez pas) signifie : « Le combat est difficile et vous pèse ». En effet, le combat tel qu’il est décrit dans ce verset implique d’être tué, ou blessé, en luttant contre l’ennemi, et d’endurer la difficulté de la route. Dieu a alors déclaré : (… il se peut que vous n’aimiez pas une chose qui est bonne pour vous), ce qui veut dire que combat est suivi d’une victoire, d’une domination sur l’ennemi, de la prise de ses terres, de son argent et de sa progéniture. Dieu continue : (… et que vous aimez une chose qui est mauvaise pour vous).
Ce verset a un sens général. On peut désirer quelque chose, qui en réalité n’est pas bonne ni bénéfique, comme s’abstenir de faire le djihad, car cela peut permettre à l’ennemi de s’emparer de la terre et du gouvernement. Puis, Dieu a dit : (Dieu sait, mais vous non) ce qui signifie qu’il sait mieux que vous comment les choses finiront par se terminer, et ce dont vous bénéficierez dans cette vie et dans l’autre. Par conséquent, obéissez-lui et suivez ses ordres, afin que vous puissiez être bien dirigés.
Tafsir d’Ibn Kathir. « Soufiane Ath-Thaouri a rapporté, chose qu’il tenait de son père… ce verset (9 : 41) (mettez-vous en route que vous soyez légèrement ou lourdement armé)… a fait le commentaire suivant (sur ce verset), « Que vous soyez vieux ou jeune, Dieu n’accorde d’excuse à personne… » Un homme s’est alors avancé, il était gros, il s’en est plaint et a demandé la permission de rester à l’arrière arrière, mais le Prophète refusa, d’où ce verset.
2) Le Djihad offensif (lorsque le non-musulman est attaqué sur son propre territoire).
Il est intéressant de noter que le djihad expansionniste est vu comme une entreprise altruiste. Cette manière de voir les choses est ancienne : peu après la mort de Mahomet (634), lorsque les
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combattants du petit djihad sont sortis de la péninsule arabique, un chef perse qui devait être rapidement soumis demanda aux envahisseurs musulmans ce qu’ils voulaient. Leur réponse mémorable fut la suivante :
« Dieu nous a envoyés et conduits ici pour nous permettre de libérer ceux qui le désirent de la servitude aux puissants de la Terre et d’en faire des serviteurs de Dieu, pour changer leur pauvreté en richesse et les libérer de la tyrannie et du chaos des [fausses] religions et les amener à la justice de l’islam. Il nous a envoyés pour apporter sa religion à toutes ses créatures et les appeler à l’islam. Ceux qui accepteront cela de nous seront saufs, et nous les laisserons en paix ; mais ceux qui refuseront, nous les combattrons jusqu’à ce que nous ayons accompli la promesse de Dieu » (Hugh Kennedy. Les grandes conquêtes arabes. Page 112).
Mille quatre cents ans plus tard – en mars 2009 – l’expert juridique saoudien Basem Alem faisait publiquement écho à cette vision des choses : « En tant que membre de la vraie religion, j’ai davantage le droit d’envahir [les autres] pour imposer un certain mode de vie [conforme à la charia], dont l’histoire a montré que c’est la meilleure et la plus juste de toutes les civilisations. Telle est la vraie signification du petit djihad offensif. Lorsque nous lançons le djihad, ce n’est pas pour convertir les gens à l’islam, mais pour les libérer du sombre esclavage dans lequel ils vivent ».
Avis de certains musulmans sur le sujet (pas de tous heureusement).
Dans ce type de djihad, les non-musulmans ne se réunissent pas pour envahir les terres d’Islam. Le combat devient alors un Fard Kifaya nécessitant d’envoyer une armée au moins une fois par an pour « terroriser » les ennemis de Dieu. Lever puis faire sortir des unités armées en Dar al-Harb (territoire non musulman) de temps en temps chaque année constitue un devoir des fidèles. Il est de la responsabilité de la population musulmane d’y contribuer ; si aucune armée n’est levée puis envoyée au combat pour cela, tout musulman se retrouve alors en état de péché.
Certains auteurs mentionnent que ce type de djihad est essentiel pour le maintien du paiement de la djizya et des spécialistes du fiqh ou jurisprudence musulmane sont également d’avis qu’il est obligatoire de le faire en recourant à tous les moyens disponibles, jusqu’à ce qu’il ne reste que des musulmans ou des gens qui se soumettent à l’Islam.
Traités et trêves.
Comme le petit djihad demeure une obligation aussi longtemps que demeurera l’islam, ou tant qu’il n’y aura pas eu en fait unification du monde entier sous la férule de l’islam, la paix avec les « infidèles » ne peut donc être, tout au moins théoriquement, qu’une succession de trêves temporaires.
Le caractère perpétuel du petit djihad est souligné par le fait que, sur la base du traité de Houdaïbiya (628) signé pour 10 ans entre Mahomet et ses adversaires Couraïchites de La Mecque, la plupart des juristes sont tombés d’accord pour estimer que dix ans représentent la durée maximale pendant laquelle les musulmans peuvent vivre en paix avec les infidèles ; une fois le traité expiré, il convient de réexaminer la situation. D’après l’exemple de Mahomet qui a rompu le traité au bout de deux ans (en prétextant une infraction des Couraïchites), l’unique fonction de la trêve est de donner aux musulmans affaiblis le temps nécessaire pour se regrouper avant de reprendre l’offensive : « Par nature même, les traités doivent être de durée temporaire, parce qu’en théorie juridique musulmane, les relations normales entre territoires musulmans et non musulmans (Dar al Harb) ne sont pas pacifiques, mais conflictuelles ». De ce fait, « les fouqaha [juristes] sont d’accord pour estimer que les trêves illimitées sont illégitimes si les musulmans ont les forces nécessaires pour repartir à l’offensive contre eux [les non-musulmans] ».
Même si la charia ordonne aux musulmans de respecter les traités, ils ont une voie pour échapper à cette contrainte, une voie qui laisse la porte ouverte aux abus : si les musulmans pensent – même sans preuves sérieuses – que leurs adversaires sont sur le point de rompre le traité, ils peuvent prendre les devants en le dénonçant les premiers. Qui plus est, certaines écoles juridiques islamiques, comme celle des hanafites, affirment que les chefs musulmans ont le droit d’abroger les traités pour le simple motif que cela paraît avantageux pour l’islam. Voir les hadiths canoniques suivants : « Si vous prêtez un jour serment de faire quelque chose et découvrez par la suite que quelque chose d’autre est mieux, alors dénoncez votre serment et faites ce qui est le mieux » (Sahih Boukhari. Tome 9, livre 89, numéro 260 : rapporté par Abdour-Rahman bin Samoura). Et qu’y a-t-il de mieux, de plus altruiste, que de faire régner la parole de Dieu en lançant un petit djihad chaque fois que possible ?
* Les chrétiens trinitaristes c’est-à-dire en gros les catholiques réformés orthodoxes et autres.
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CINQUANTE-QUATRIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
LA JUSTIFICATION ÉTHIQUE DE LA FORCE.
Le christianisme est muet sur la question et c’est là un de ses plus grands points faibles, car il laisse ainsi la porte ouverte à tous les abus (torture, génocide, et ainsi de suite…). Et il va de soi qu’en ce domaine les diverses Conventions de Genève ou la Croix Rouge ne sauraient être assimilées à du droit canonique catholique ou chrétien : même des athées peuvent y souscrire.
La non-violence absolue du jaïnisme ne peut qu’encourager l’injustice, n’oublions pas d’ailleurs que Gandhi n’a pas été le seul artisan de l’indépendance indienne. L’activisme d’hommes comme Subhas Chandra Bose, du style « England’s Difficulty, Ireland’s Opportunity », a également joué un grand rôle dans la décision anglaise de se retirer des Indes.
L’immense supériorité morale de l’islam par rapport au christianisme est donc en effet de s’être lancé dans une tentative d’encadrement éthique conforme à son génie juridique de l’usage de la force et de violence dans les relations entre états.
Entre la morale un peu trop don quichottesque du Fir Fer ou droits des combattants dans le druidisme et le rien du tout du christianisme en ce domaine, l’islam occupe un juste milieu évidemment perfectible, mais c’est une première tentative, notable, de domestication de la violence.
« Le droit sans la force n’est rien, la force sans le droit n’est qu’un crime » et le christianisme absolu en ce domaine ne mène qu’à une impasse.
Pour en revenir au sujet qui nous préoccupe notons tout d’abord que le sens même du mot djihad offre des difficultés en raison des gloses et des interprétations postérieures. Le choix des concepts et le sens qu’on leur attribue posent un problème en ce qu’ils nous parviennent déjà interprétés et que l’usage qui en est fait peut être conditionné par l’attitude profonde des auteurs par rapport à la question du petit djihad et, de façon plus large, par rapport à l’islam. Les idées et les préjugés ethnocentriques, a priori et a posteriori, qui figent la religion musulmane dans une conception fixe et unique, représentent un obstacle. À cet égard, et sachant qu’il existe du point de vue théologique orthodoxe un seul islam, nous insistons pour faire la distinction entre……
1) L’islam populaire et traditionnel – ou plutôt les islams populaires et traditionnels, différents d’une culture et d’une région à l’autre, voire d’un individu à un autre, et notamment suivant les cercles médiatiques ou intellectuels occidentaux européens concernés (la chaîne de télévision Arte par exemple).
2) L’islam intégriste et spiritualiste.
3) L’islam radical, ou islamisme, qui, partageant le puritanisme moral de l’intégrisme, théorise l’islam et cherche, à travers l’activisme, à opérer un changement politiquement radical de la société.
Un lecteur attentif ne peut manquer de remarquer les versets contradictoires du Coran, notamment la façon dont les versets de paix et de tolérance se retrouvent quasiment côte à côte avec des versets de violence et d’intolérance. Les oulémas furent embarrassés, au départ, pour décider à partir de quels versets codifier l’ordre universel : celui qui affirme qu’il ne saurait y avoir de contrainte en
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matière de religion (2, 256), ou celui qui ordonne aux croyants de combattre tous les non-musulmans jusqu’à leur conversion, ou au moins jusqu’à leur soumission à l’islam (8 :39, 9 :5, 9 :29) ?
Pour résoudre ce dilemme, les commentateurs ont développé la doctrine de l’abrogation, qui, en gros, stipule, quand il y a contradiction, que les versets révélés à Mahomet en dernier prennent le pas sur ceux formulés au début de sa vie. C’est ainsi que, pour déterminer quel verset abroge quel autre, une science théologique consacrée à la chronologie des versets du Coran a été créée (on l’appelle an-Nasikh oua'l Mansoukh – ce qui abroge et ce qui est abrogé).
Alors que rien de tel n’existe dans le Coran des chrétiens qui a été subdivisé par les avocats du christianisme ayant suivi un ou deux générations après (le temps de faire le tri, le temps que tout se décante) en parties autonomes et indépendantes les unes des autres : enfance et vie cachée, vie publique, prédication, passion et résurrection, etc.…
La partie prédication étant elle-même subdivisée en chapitres autonomes et indépendants les uns des autres.
Pourquoi donc une telle différence entre le Coran des chrétiens et le Coran des musulmans ?
Dans le cas du Coran des chrétiens, l’explication est simple.
Le christianisme n’est devenu religion officielle que très tardivement et ses avocats n’ont pu convaincre le tribunal de l’histoire des peuples que par la seule force de leur verbe et de leur discours, de leur plaidoyer très structuré, genre paradoxes de Zénon, en commençant par le monde juif puis en s’élargissant aux cercles païens judaïsés ou craignant Dieu voire de proche en proche aux païens tout court comme Montan.
Or il en est allé différemment dans le cas de l’islam. Mahomet n’est pas mort crucifié par les Romains dans d’atroces souffrances pour avoir voulu prendre le pouvoir (ce fut du moins l’accusation qui fut utilisée contre Jésus), mais crucifié dans son lit, empoisonné par des juifs dit-on. APRÈS AVOIR PRIS LE POUVOIR DANS TOUTE LA MOITIÉ OUEST DE LA PÉNINSULE ARABE.
Mais pourquoi précisément y aurait-il contradiction ? La réponse classique est que, dans les premières années de l’islam, Mahomet et sa communauté étant largement inférieurs en nombre aux infidèles avec lesquels ils étaient en concurrence et qui vivaient avec eux à la Mecque, un message de coexistence pacifique était de rigueur. Cependant, après l’exil des musulmans à Médine, en 622, et le développement de leur force guerrière, les versets les incitant à l’offensive leur furent progressivement « révélés », c’est-à-dire en principe envoyés par Dieu, à mesure que la puissance des musulmans augmentait.
Dans les textes juridiques, ces versets sont classés en différentes catégories : passivité face à l’agression ; permission de répliquer face à des agresseurs ; commandement incitant à combattre les agresseurs ; commandement incitant à combattre tous les non-musulmans qu’ils aient été initialement agresseurs ou pas. Le développement de la puissance musulmane est la seule variable fournie pour expliquer ces changements graduels de politique.
D’autres érudits renforcent cette conception en soulignant que sur une période de 22 ans, le Coran a été révélé petit à petit et a d’abord privilégié des versets ne réclamant pas d’action et restant de nature spirituelle avant de passer ensuite à des prescriptions et des injonctions réclamant de diffuser la foi par le petit djihad et la conquête, et ce de manière à ne pas rebuter les premiers convertis musulmans face aux devoirs qui sont ceux de l’islam, et éviter qu’ils ne soient découragés par les obligations importantes qui n’apparaîtront que dans les versets plus tardifs.
Le petit djihad ou siyar est étudié dans presque tous les traités de droit musulman. Il a été aussi souvent abordé dans les ouvrages consacrés au califat ou à des problèmes politiques généraux, comme ceux d’Abou Youssouf, d’al-Maouardi, d’Ibn Taymiya ou d’Ibn Khaldoun. La matière a fait aussi l’objet de traités spécialisés, comme ceux d’ach-Chaïbani et de Sarakhsi.
Le répertoire des textes classiques sur le petit djihad est très large et souvent redondant. Les traités sur le sujet existent sous forme de commentaires et de discussions et, même s’ils n’ont pas été rassemblés dans un corpus spécifique, ils constituent ensemble la doctrine.
La doctrine du petit djihad a été fixée bien plus tôt que le Droit des nations musulman dont elle fait partie, soit dans la seconde moitié du XIIIe siècle, et son élaboration se fit parallèlement au grand mouvement d’expansion de l’islam, notamment aux guerres contre les empires byzantin et sassanide. Les juristes-théologiens classiques ont fait des nombreuses campagnes conduites par Mahomet contre La Mecque et d’autres régions d’Arabie, puis contre les Byzantins, un précédent au nom duquel les expéditions guerrières (maghazi) seront légitimées par la religion. Pour les théologiens les « guerres saintes » deviennent intrinsèques à l’Histoire et font désormais partie du culte qui doit être rendu à Dieu (Morabia, p. 200). « Les auteurs classiques ont, pour différentes raisons, détaché les règles coraniques de leur justification historique ainsi que de leur contexte et les ont transposées à tous les autres cas ».
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Dans les traités classiques de droit musulman, le petit djihad est donc une guerre faite avec des armes contre des mécréants bien concrets, et non une lutte spirituelle. La formule djihad al-asghar n’est pas employée à notre connaissance dans ces textes, on y emploie le mot djihad tout court.
À l’interprétation des fouqaha de l’époque classique, pour qui petit djihad signifie guerre sainte offensive, s’oppose celle des réformistes pour qui petit djihad signifie guerre sainte défensive ou guerre juste et nombreux sont les hadiths qui placent le petit djihad très haut dans la hiérarchie des devoirs religieux, avant même le pèlerinage ou la prière. D’où la traduction de « guerre sainte » que l’on utilise fréquemment pour en parler
Le plus ancien recueil de hadiths, celui de l’imam Malik, l’Al-Mouwatta ne comporte rien d’explicite sur les buts du petit djihad. On y trouve cependant la formule « djihad fi sabili Allah » qui est fréquente, et une fois l’ordre « Razziez au nom de Dieu… » (t. 1, p. 298.) L’atmosphère de l’ensemble est très pieuse. Le martyre semble le motif quasi unique des combattants. Les musulmans les plus pieux, les plus désireux de combattre sont valorisés. La fraude dans le butin est plusieurs fois condamnée : le petit djihad est donc bien une question de piété, et non l’occasion de réaliser de bonnes affaires. Un hadith oppose le djihad et le mépris des biens de ce monde (quelques dattes !). Il est immédiatement suivi du dire d’un des Compagnons qui distingue les bonnes et mauvaises expéditions, mais malgré le contexte, il est difficile d’y voir la condamnation des guerres offensives ou des guerres de profit.
Dans la Sira d’Ibn Hicham, on trouve nettement établie la doctrine du djihad al-talab oua'l-ibtida ou petit djihad offensif. La vision des conquêtes qui est rapportée (au moment où le Prophète frappe le rocher en creusant la tranchée avant la bataille du même nom), montre que la Sira est postérieure aux conquêtes et qu’elle cherche à les justifier, ainsi d’ailleurs que la plupart des dispositions du droit musulman classique.
Indépendamment de tous les faits avérés, il est bon de noter pour l’intelligence du phénomène que l’expansionnisme petit djihadiste est considéré comme un acte altruiste, car le bien suprême de l’humanité réside dans son accord avec la loi de Dieu.
But de l’État islamique dans le petit djihad. Il faut distinguer les buts collectifs, ceux qu’assume l’État islamique, des buts individuels.
Alors que le petit djihad défensif est une obligation individuelle (fard aïn), qui exige la mobilisation de tous les fidèles sans exception, le petit djihad offensif lui est une obligation collective (fard kifaya) qui incombe à la communauté dans son ensemble. Cela signifie concrètement que s’il y a un nombre suffisant de guerriers, les autres personnes aptes à prendre part aux combats en sont dispensées. Il y a une large majorité sur cette question.
Le combattant doit avoir une intention droite, celle de combattre l’infidèle et non pas celle de faire du butin ou obtenir la gloire. Cette obligation est religieuse et les morts musulmans sont des martyrs assurés d’aller au paradis.
Ce combattant doit remplir un certain nombre de conditions. Il doit être de sexe masculin, musulman, pubère, sain d’esprit, libre (non-esclave), exempt de défauts (non-handicapé, non malade), enfin capable de subvenir à ses dépenses d’entretien en campagne (Coran 9, 91). Cette dernière condition est omise chez les hanéfites qui insistent sur une autre : le combattant ne doit pas laisser de dettes exigibles sans la permission de son créancier, ce que les autres rites ne considèrent pas comme obligatoire, mais seulement recommandé. Les jeunes gens doivent avoir l’autorisation de leurs parents, mais il y a des divergences quand les parents ne sont pas musulmans. Les non-combattants doivent assister les guerriers, par leur argent notamment (Coran 4, 95 ; 9, 41).
Les fouqaha sont unanimes pour dire que l’obligation du petit djihad peut devenir individuelle en cas d’attaque-surprise de l’ennemi et s’imposer même à la femme sans l’autorisation du mari, à l’esclave sans l’autorisation de son maître et à l’enfant sans l’autorisation de son père. Le fidèle qui refuse de se joindre à ce petit djihad est sanctionné par l’absence d’hommage rendu à sa dépouille une fois qu’il est mort, ce qui constitue un châtiment post-mortem exceptionnel dans la Loi musulmane.
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CINQUANTE-CINQUIÈME FORAGE ALÉATOIRE DANS LE CORPUS MUSULMAN.
MANQUE D’ESPRIT CRITIQUE OU… ?
Il suffit de naviguer un peu sur internet pour voir à quel point les sites animés par des musulmans pieux… MANQUENT SOUVENT D’ESPRIT CRITIQUE… OU NE TIENNENT PAS COMPTE DES PROGRÈS DE LA SCIENCE, HISTORIQUE, OU AUTRE.
La fermeture des portes de l’Ijtihad, Insidad bab al Ijtihad en arabe, ordonnée par le calife al Qadir en 1019 (Rissala al Qadiriya) A CONSTITUÉ UN RECUL CIVILISATIONNEL SANS PRÉCÉDENT POUR L’HUMANITÉ, un crépuscule de la vieillesse avant l’heure où l’imagination est réduite, les facultés créatrices diminuées et la pensée ankylosée (Mohamed Charfi, Islam et liberté. Paris 1999).
Ce qui caractérise souvent une religion en effet, le Biblisme en était un très bon exemple avant le 17e siècle, c’est la pétition de principe c’est-à-dire le sophisme qui consiste à supposer prouvé ce qui est en question ou à définir un objet par le mot qui a besoin d’être défini.
Par exemple…
« Pourquoi l’opium fait-il dormir ? Parce qu’il a une vertu dormitive ».
Ou encore…
« L’avortement cause la mort injustifiée d’un être humain et ceci est un meurtre. Le meurtre est illégal. Donc, l’avortement est illégal ».
La conclusion est simplement une réécriture d’une partie des prémisses. Dans des cas plus difficiles, les prémisses sont la conséquence de la conclusion.
« Les serpents venimeux sont utiles, car sans eux on ne pourrait fabriquer le sérum immunisant contre leur venin ».
Il ne faut pas confondre la pétition de principe avec l’argument circulaire : l’argument circulaire est une pétition de principe, mais le contraire n’est pas (toujours) vrai.
On appelle argument circulaire un argument où une proposition A utilise pour sa justification une proposition B dans le même temps que la justification de la proposition B nécessite la validité de la proposition A.
Exemple : « Notre bureaucratie est un élément capital dans notre fonctionnement (proposition A), car elle génère de nombreux documents, qui je le rappelle, sont extrêmement précieux ! (proposition B) puisqu’utiles au fonctionnement convenable de notre glorieuse bureaucratie, si vitale ! »
L’argument circulaire est comique parce qu’évident dans des phrases courtes, ce type d’argumentation devient au contraire beaucoup plus difficile à déceler lorsque la boucle se rallonge et comporte plus de deux éléments. Car le « retour » saute moins aux yeux, alors qu’au contraire, toute la construction de l’argumentation semble (et est) localement et à chaque instant pertinente et logique.
Nous avons une parfaite illustration de ce type de raisonnement circulaire avec la notion de Coran incréé.
Idolâtrie (définition du dictionnaire) : adoration d’un objet physique à l’instar de Dieu, attachement ou dévotion immodérés envers quelque chose. Du latin médiéval idolatria, altération du latin tardif
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idololatria, du grec eidololatreia, d’eidolon idole + – latreia = – latrie. Premier usage connu : XIIIe siècle.
LA CASUISTIQUE MUSULMANE OU TAQIYA MAINTENANT.
Contrairement à la tradition chrétienne des origines, par exemple (voir le cas des lapsi martyrs ou confesseurs de la foi lors des « grandes » persécutions *), les musulmans qui étaient forcés de choisir entre renier l’islam (véritable) ou être persécutés (par exemple par des sunnites) recevaient du Coran lui-même le droit de mentir et de feindre l’apostasie.
Sous sa forme la plus connue, la taqiya est donc une pratique qui consiste à dissimuler son appartenance à un groupe religieux et à pratiquer en secret sa religion dans le but spécifique d’échapper à des persécutions.
La dissimulation peut être passive (en se cachant), ou aller jusqu’au stade actif (allant jusqu’à feindre les us et coutumes religieux des adversaires), car le Coran stipule expressément que ceux qui auront été contraints à l’apostasie seront pardonnés.
En se prévalant de ces versets et décrets divins, la taqiya est donc devenue un comportement historiquement adopté dans les minorités musulmanes réprimées chiites ou kharidjites, qui en ont largement usé face aux agressions de la majorité musulmane (le plus souvent sunnite). Il ne s’agit alors pas de renier l’islam, mais de cacher ses propres convictions à ses oppresseurs (qu’ils soient musulmans membres d’autres confessions musulmanes ou « infidèles »).
La taqiyya n’est pas, comme on le croit souvent, un phénomène limité au chiisme. Bien entendu, en tant que groupe minoritaire dispersé parmi leurs ennemis sunnites, les chiites ont historiquement eu davantage de raisons de se dissimuler. À l’inverse, l’islam sunnite a rapidement dominé de vastes empires qui s’étendaient de l’Espagne à la Chine. De ce fait, ses adeptes n’avaient de compte à rendre à personne, ils n’avaient à s’excuser de rien, et ils n’avaient pas à se cacher des infidèles mécréants (parmi les rares exceptions figurent l’Espagne et le Portugal pendant la Reconquista, époque où les sunnites ont effectivement dissimulé leur identité religieuse).
L’un des quelques livres consacrés au sujet, At-Taqiyya fi'l-Islam (La taqiya dans l’islam), montre très clairement que la taqiyya n’est pas limitée à la dissimulation des chiites menacés de persécution. Écrit par Sami Moukaram, ancien professeur d’études islamiques à l’université américaine de Beyrouth et auteur de quelque vingt-cinq livres sur l’islam, cet ouvrage met clairement en évidence l’omniprésence et le large domaine d’application de la taqiyya.
« La taqiya revêt dans l’islam une importance fondamentale. Pratiquement toutes les mouvances islamiques en admettent le principe et la pratiquent… On peut aller jusqu’à dire que la pratique de la taqiya est très majoritaire dans l’islam, et que les quelques confessions qui ne la pratiquent pas s’écartent de ce courant majoritaire… La taqiyya est notamment très présente dans la politique islamique, et particulièrement à l’époque moderne » (page 7).
LES FONDEMENTS CORANIQUES.
Quelques versets du Coran sont fréquemment cités pour justifier la taqiyya.
Saint Coran chapitre 2, verset 195. « Ne vous exposez pas de vous-mêmes à votre perte ».
Saint Coran chapitre 3, verset 28 : « Que les croyants ne prennent point pour alliés des infidèles plutôt que des croyants. Ceux qui le feraient ne doivent rien espérer de la part de Dieu, à moins que vous n’ayez à craindre quelque chose de leur côté ».
Saint Coran chapitre 4, verset 29. « Et ne vous tuez pas vous-mêmes. Dieu, en vérité, est miséricordieux envers vous ».
Et enfin…
Saint Coran chapitre 16, verset 106. « Celui qui renie Dieu après avoir cru – non pas celui qui subit une contrainte et dont le cœur reste paisible dans la foi – celui qui, délibérément, ouvre son cœur à l’incrédulité : la colère de Dieu est sur lui et un terrible châtiment l’atteindra. »
Passons sur le cas des deux versets qui condamnent le suicide au sens très large du terme puisque le second désapprouve même carrément toute attitude suicidaire. Reconnaissons d’ailleurs à tout être humain le droit de mentir pour sauver sa vie, ce n’est pas très glorieux certes, mais c’est bien humain et comme l’a dit un jour mon vieux maître Pierre Lance : « Enfants ne reprochez pas à vos pères de ne pas avoir été des héros LES HÉROS N’ONT PAS D’ENFANT ! » Primum survivere donc comme disaient les anciens et au niveau de l’individu c’est à chacun de voir en son âme et conscience. Qui peut par exemple blâmer les déportés dans les camps de la mort nazis qui ont accepté d’enterrer ou de brûler les corps de leurs frères assassinés… pour survivre ? En tout cas pas moi !
Reste le problème moral soulevé par le chapitre 3, verset 28 et le chapitre 16, verset 106.
Venons-en rapidement au cas le plus simple, un peu dans la lignée du premier (l’interdiction du suicide ou des attitudes suicidaires), le chapitre 16, verset 106. « Celui qui renie Dieu après avoir cru
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– non pas celui qui subit une contrainte et dont le cœur reste paisible dans la foi – celui qui, délibérément, ouvre son cœur à l’incrédulité : la colère de Dieu est sur lui et un terrible châtiment l’atteindra. »
Cette attitude défensive peut très bien se comprendre au départ. Elle fut d’ailleurs le plus souvent pratiquée par les chiites face à des autorités politico-religieuses sunnites.
La question morale est : doit-on étendre cette attitude même quand sa vie n’est pas en jeu, même quand ses biens ne sont pas en jeu ??? C’est-à-dire non plus sur un mode défensif, mais sur un mode offensif ???
Muhammad ibn Jarir at-Tabari (décédé en 923), auteur d’un commentaire classique du Coran qui fait autorité, explique de la manière suivante verset 28 du chapitre 3 du Coran :« Que les croyants ne prennent point pour alliés des infidèles plutôt que des croyants. Ceux qui le feraient ne doivent rien espérer de la part de Dieu, à moins que vous n’ayez à craindre quelque chose de leur côté ».
Si vous [les musulmans] vous trouvez sous leur [les non-musulmans] autorité et que vous craignez pour vous, comportez-vous loyalement avec eux en paroles tout en gardant en vous de l’animosité contre eux… [sachez que] Dieu a interdit aux croyants l’amitié ou l’intimité avec les infidèles plutôt qu’avec d’autres croyants – sauf quand les infidèles sont placés au-dessus d’eux [en termes d’autorité]. Si c’était le cas, qu’ils agissent amicalement envers eux tout en préservant leur religion.
Sur ce même verset 3,28 du Coran, Ibn Kathir (décédé en 1373), une autre autorité de premier plan sur le Coran, a écrit : « Quiconque, en quelque lieu et en quelque temps que ce soit, craint… qu’il lui soit fait du mal [par des non-musulmans] a le droit de se protéger par son attitude extérieure ».
À l’appui de cette interprétation, il cite un proche compagnon de Mahomet, Abou Darda, qui disait : « Sourions à la face de certaines personnes alors que notre cœur les maudit ».
D’autres savants musulmans de premier plan, comme Abou Abdoullah al-Qourtoubi (1214-1273) et Mouyi'd-Din ibn al-Arabi (1165-1240), ont étendu la taqiyya aux actions. Autrement dit, les musulmans ont le droit de se comporter comme des infidèles et même pire – par exemple en se prosternant devant des idoles ou des croix et en les adorant, en faisant de faux témoignages et même en révélant à l’ennemi infidèle les faiblesses de leurs frères musulmans – tant qu’ils ne vont pas jusqu’à vraiment tuer un musulman : « La taqiya, même pratiquée hors de toute contrainte, ne conduit pas à un état d’infidélité – même si elle conduit à un péché méritant le feu de l’enfer » (Moukaram, At-Taqiyya fi ‘l-Islam, pp. 30-7).. En d’autres termes ce n’est pas le plus impardonnable des péchés, c’est un péché grave, certes, mais il demeure néanmoins pardonnable, car Dieu est amour clémence et miséricorde.
Les notions de « maisons » ou de « divisions » du monde dans l’islam, telles que Dar al-Islam et Dar al-Harb, n’apparaissent pas dans le Coran.
Par contre dans la tradition musulmane, le monde est initialement divisé en seulement deux parties : Dar al-Islam ou « domaine de la soumission à Dieu » et Dar al-Harb, le « domaine de la guerre ».
« Dar al-Islam » désigne initialement les pays où s’applique la charia puis, par extension, ceux à majorité musulmane et/ou gouvernés par des musulmans, et qui devraient, selon les mouvements et les partis islamistes, être gouvernés selon la charia.
Quant au « Dar al-Harb », c’est le reste : les pays où l’Islam reste à apporter, le mot « Harb » signifiant « guerre » dans divers sens du terme, guerre militaire de conquête, mais aussi « guerre » par la langue aux autres cultes et croyances, c’est-à-dire effort prosélyte et missionnaire.
Ces termes ne figurent pas dans le Coran ou les Hadiths, mais apparaissent (en relation avec les conquêtes des Omeyyades, des Abbassides et des Ottomans) chez les théologiens qui définissent le « Dar al-Islam » comme l’ensemble des pays où l’on peut publiquement effectuer les cinq appels à la prière quotidiens, vivre selon les préceptes de l’Islam et élever des mosquées. Traditionnellement, dans ces territoires, le non-musulman a le statut de dhimmi (« protégés », mais des « protégés » qui doivent mériter cette protection en payant un impôt : la djizyia).
Les relations des États musulmans avec le reste du monde se complexifiant, d’autres appellations sont apparues qui ont abouti à une division du monde en trois. Dar al-Islam, Dar al-Koufr (ou Harb) et Dar al-Ahd (ou Suhl)
Le Dar al-Koufr, « domaine des infidèles » ou « domaine de l’incroyance ») est une expression qui sert à désigner les territoires où la charia s’est un jour appliquée, mais ne s’applique plus, comme dans le cas de la péninsule Ibérique après la Reconquista, ou de l’État d’Israël.
Le « Dar al-Koufr » est donc un territoire qui a fait partie (ou devrait faire partie) du « Dar al-Islam », mais a rejoint le « Dar al-Harb ».
Certains juristes et théologiens ont prôné le petit djihad défensif qui n’autorise à combattre les infidèles que si ceux-ci attaquent les premiers. Mais la plupart ont adopté le petit djihad offensif, qui prône la guerre dès que les circonstances sont favorables. Une position intermédiaire consiste à autoriser le djihad dans le but de récupérer des territoires musulmans perdus (Jérusalem, l’Andalousie, le Cachemire, la Palestine…), suivant le principe que tout acquis est irréversible aux
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frontières comme au cœur de l’islam : il n’est pas admis qu’un musulman se convertisse à une autre religion ni qu’une terre musulmane retourne à la mécréance, même si les musulmans y deviennent minoritaires.
Ce qui nous ramène à la question du djihad.
Concédons d’emblée que pour les esprits mystiques le terme a surtout un sens spirituel, mais il n’en demeure pas moins que ce n’est pas le cas de certaines sourates du Coran, trop nombreuses à notre goût, et qu’il faut, ainsi que l’a bien montré Alfred Morabia, tenir compte de la dynamique évolutive de ce concept dans la mentalité musulmane collective.
Pour Raymond Ibrahim (chrétien copte spécialiste de l’islam), la taqiya s’utilise essentiellement dans deux cas. Le plus connu est la situation où il s’agit de masquer son identité religieuse quand on craint une persécution. C’est l’usage historique de la taqiyya dans les communautés chiites, partout, et chaque fois que leurs rivaux sunnites étaient plus nombreux donc les menaçaient. À l’inverse, les musulmans sunnites, loin de souffrir de persécutions, et chaque fois qu’ils en ont eu la possibilité ont déclenché le djihad contre le royaume de la mécréance (Dar al Harb) ; et c’est là qu’ils ont déployé la taqiyya, non pas en tant que manœuvre de dissimulation, mais en tant que tromperie active. En fait, la tromperie, qui trouve son fondement dans la doctrine de l’islam, est souvent décrite comme égale – voire supérieure – à d’autres vertus militaires universelles comme le courage, la bravoure ou le sens du sacrifice.
Selon un manuel de droit arabe consacré au djihad par les quatre écoles juridiques d’Islam sunnite, « les oulémas s’accordent pour penser que la tromperie pendant la guerre est légitime… le mensonge est une forme d’art de la guerre ». De plus, selon Moukaram, cette tromperie est considérée comme un acte de taqiyya : « La taqiyya utilisée pour duper l’ennemi est autorisée ». Plusieurs oulémas estiment en effet que le mensonge fait partie intégrante de la conduite de la guerre : Ibn al-Arabi déclare que « dans les hadiths [paroles et actions de Mahomet], la pratique du mensonge à la guerre est bien décrite. D’ailleurs, il est présenté comme plus nécessaire que le courage ». Ibn al-Mounir (décédé en 1333) a écrit : « La guerre est le mensonge, c’est-à-dire que la guerre la plus complète et la plus parfaite qu’il soit possible de mener dans la guerre sainte est une guerre de tromperie et non d’affrontement, parce que celle-ci est intrinsèquement dangereuse et qu’il est possible d’atteindre la victoire par la tricherie sans subir soi-même de dommages ».
Cette notion musulmane selon laquelle la guerre est de toute façon un gigantesque mensonge en elle-même remonte à la Bataille de la tranchée (627), qui a opposé Mahomet et ses fidèles à plusieurs tribus non musulmanes connues sous le nom d’Al-Ahzab : les confédérés. L’un de ces confédérés, Na'im ibn Massoud, s’était rendu au camp des musulmans et converti à l’islam. Quand Mahomet s’aperçut que les Ahzab ou Confédérés ignoraient ladite conversion, il conseilla plutôt à Massoud de retourner chez les siens pour d’essayer d’amener les forces Ahzab à abandonner le siège. C’est là que Mahomet aurait fait sa mémorable déclaration : « Car la guerre est un mensonge ». Massoud rejoignit donc les Ahzab, qui ne savaient pas qu’il avait changé de camp, et commença de prodiguer intentionnellement de mauvais conseils à ses anciens proches et alliés. Il déploya aussi beaucoup d’efforts pour fomenter des querelles entre les diverses tribus jusqu’au jour où, ne se faisant plus du tout confiance, elles se séparèrent et levèrent de fait le siège imposé aux musulmans, sauvant ainsi l’islam encore embryonnaire d’une défaite qui lui aurait été fatale.
Que l’islam légitime le mensonge pendant la guerre n’a évidemment rien de bien étonnant.
Sun Tzu et Machiavel ont justifié le mensonge à la guerre. Tromper l’ennemi pendant une guerre relève du simple bon sens.
Il faut être bête comme ses pieds ou avoir un sens de l’honneur un peu trop exacerbé comme le grand roi irlandais Cunocavaros/Conchobar pour se jeter dans la gueule du loup et claironner y compris à ses pires ennemis l’endroit où l’on va établir son camp. Du coup évidemment ça n’a pas manqué l’affaire (la bataille de ros na Rig) aurait tourné au désastre si un super héros (le hésus Cuchulainn) n’était venu renverser la situation.
Le problème avec l’islam, c’est que la guerre contre les infidèles est une guerre qui doit durer, selon les termes mêmes du Saint Coran chapitre 8, verset 39 : « Combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’affrontements religieux (guerre civile, désordre civil) et qu’il n’y ait pas d’autre religion que celle de Dieu. S’ils cessent, Dieu s’en apercevra ».
Saint Coran chapitre 9, verset 29 : « Combattez ceux qui, bien qu’ayant reçu les saintes Écritures ne croient pas en Dieu, au jour dernier [fin du monde et jugement dernier], qui ne considèrent pas comme illicite ce que Dieu et son messager ont déclaré illicite, et ne pratiquent pas la religion de la vérité (?), jusqu’à ce qu’ils paient, humiliés, de leurs propres mains, le tribut [des dhimmis]».
N.B. Les quatre écoles sunnites de jurisprudence sont en effet d’accord pour considérer que « le djihad, c’est lorsque les musulmans font la guerre aux infidèles, après qu’ils les ont appelés à
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embrasser l’islam ou au moins à payer le tribut [djizya] et à vivre sous protectorat, et qu’ils ont refusé ».
La paix avec les nations non musulmanes n’est donc qu’une situation provisoire ; seul le hasard des circonstances peut la justifier temporairement ».
L’anecdote qui suit et qui figure dans toutes les vies anciennes de Mahomet illustre de manière plus convaincante encore la légitimité du mensonge aux infidèles. Le poète Ka'b ibn Achraf avait offensé Mahomet, qui s’était exclamé : « Qui va tuer cet homme qui a offensé Dieu et son prophète ? » Un jeune musulman qui s’appelait Muhammad ibn Maslama se porta volontaire à la condition d’être autorisé à mentir au poète pour pouvoir s’en approcher suffisamment. Mahomet accepta. Ibn Maslama donc alla voir Ka'b et se mis mit à dénigrer l’islam et son prophète. Il continua de la même manière jusqu’à devenir assez convaincant pour que Ka'b lui fasse confiance. Peu après, Ibn Maslama se présenta chez lui avec un autre musulman et, alors que Ka'b était sans méfiance, le tua (Ibn Ichaq, La Vie de Mahomet, Karachi : Oxford University Press, 1997, pp. 367-8).
Le problème (moral) de la pratique de l’abrogation (versets abrogeant versets abrogés).
Certes, d’autres écritures contiennent des contradictions, mais le Coran est le seul livre dont les commentateurs ont bâti une doctrine pour expliquer les très visibles différences voire contradictions qui apparaissent d’une injonction à l’autre. Aucun lecteur attentif ne peut manquer de remarquer les nombreux versets contradictoires du Coran, et plus précisément la manière dont des versets pacifiques et tolérants figurent pratiquement à côté de versets violents et intolérants. Les oulémas ont d’abord été déroutés quand il s’est agi de déterminer les versets à codifier : celui qui affirme qu’il n’y a pas de contrainte en religion (2, 256), ou ceux qui ordonnent aux croyants de combattre tous les non-musulmans jusqu’à obtenir leur conversion ou, au moins, leur soumission à l’islam (8, 39 ; 9,5 ; 9,29) ? Pour se tirer de cet embarras, les commentateurs ont mis au point la doctrine de l’abrogation, qui affirme pour l’essentiel qu’en cas de désaccord, les versets révélés plus tard dans la carrière de Mahomet prennent le pas sur les versets antérieurs. Pour savoir quels versets abrogeaient quels autres, il est apparu une science religieuse vouée à la chronologie des versets coraniques (on l’appelle an-Nasikh oua'l Mansoukh, l’abrogeant et l’abrogé).
Mais pourquoi y a-t-il des contradictions ?
L’explication des musulmans pieux est que, sur une période de vingt-deux ans, le Coran a été révélé par fragments, passant de versets passifs et spirituels à des prescriptions et injonctions de droit pour répandre la foi par le djihad et la conquête, et cela simplement pour permettre l’acclimatation des premiers convertis musulmans aux obligations de l’islam et éviter de les décourager dès le départ par les contraintes spectaculaires qui devaient être révélées dans des versets plus tardifs (auraient été hors contexte lorsque la guerre n’était pas envisageable dans les faits).
D’autres auteurs considèrent que, dans les premières années de l’islam, Mahomet et sa communauté étant bien moins nombreux que leurs adversaires infidèles alors qu’ils vivaient à côté d’eux à La Mecque, un message de paix et de coexistence était à l’ordre du jour. Mais, lorsque les musulmans ont émigré à Médine en 622 et ont acquis de la force militaire, les versets les incitant à passer à l’offensive ont peu à peu été « révélés » – en principe, envoyés par Dieu – toujours en accord avec les capacités (croissantes) de l’islam. Dans les textes juridiques, ces versets sont classés en 4 niveaux : passivité à l’égard de l’agression, autorisation de répliquer contre les agresseurs, ordres de combattre les agresseurs, ordres de combattre tous les non-musulmans, qu’ils commettent des agressions ou non. La force croissante des musulmans est le seul paramètre qui explique ce changement progressif de politique.
Certains savants musulmans comme Ibn Salama (décédé en 1020) sont d’accord pour penser que le verset 9, 5 du Coran, connu sous le nom de verset de l’épée (ayat as-saïf), a abrogé quelque 124 versets plus pacifiques de La Mecque, ainsi que « tous les versets du Coran qui ordonnent ou impliquent moins qu’une offensive totale contre les non-croyants ».
D’autres auteurs enfin considèrent qu’il n’y a ni versets abrogeant ni versets abrogés, que tous les versets gardent leur valeur propre, et que le seul problème est de savoir quand les mettre en œuvre.
La difficulté morale de cette interprétation est qu’il n’existe pas de critères précis et convaincants (comme ceux de la guerre juste en Occident par exemple) pour déterminer quand on peut considérer (par exemple) qu’une guerre est juste.
Ou alors doit-on considérer que ce qui suit en est un bon exemple ???????????
« Lorsque les musulmans sont faibles et en position de minorité, ils doivent prêcher et se comporter conformément à l’esprit des versets de La Mecque (paix et tolérance) ; quand ils sont forts, en revanche, ils doivent passer à l’offensive en se fondant sur les ordres formulés dans les versets de Médine (guerre et conquête) ».
Les vicissitudes de l’histoire islamique témoignent de cette dichotomie, qui est bien traduite par une notion répandue chez les musulmans et fondée sur un hadith : si c’est possible, le djihad doit être
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mené par la main (la force), et sinon, par la langue (le prêche) ; et si cela non plus n’est pas possible, par le cœur ou par les intentions.
QUELQUES EXEMPLES DE TAQIYA MODERNE.
Définitions de dictionnaire pour commencer.
L’euphémisme, du grec : « Euphemismos », du grec « phêmi » (« je parle ») et « eu » (« bien, heureusement »), est une figure de style qui consiste à atténuer ou adoucir une idée déplaisante en ayant recours à une litote ou une périphrase principalement. On parle aussi d' « euphémisme de bienséance » lorsqu’il y a déguisement d’idées désagréable. L’euphémisme vise principalement un effet d’atténuation de la réalité ; il a pour antonyme l’hyperbole.
L’apprentissage des exégèses fait aussi partie de la formation standard des imams et « les exégèses les plus fameuses sont traduites en de nombreuses langues, notamment en français, et se vendent bien », note Sami Aldeeb.
Mais venons-en maintenant au cas de Tariq Ramadan dont on ne sait s’il relève de l’exégèse destinée à noyer le poisson ou de l’euphémisme de la même eau.
Le verset : « Pas de contrainte en religion… » Coran 2/256 rayonne dans un espace éminemment exigeant et l’on aurait tort de faire l’économie des conditions de formation qu’il suppose ».
Nous ne croyons pas trahir sa pensée en traduisant, en termes peut-être plus accessibles, que ce verset ne s’applique qu’à des musulmans correctement formés, vivant dans un espace intégralement musulman.
LA IKRATA FI AD DINI.
En terres d’Islam « Nulle contrainte en religion » vraiment ? Vérifions…
Sami Aldeeb a examiné la question… et ses réponses.
Ce spécialiste du droit islamique nous propose une analyse de texte par le biais de dizaines d’exégètes dans un livre intitulé : « Nulle contrainte dans la religion : interprétation du verset coranique 2, 256 à travers les siècles ».
Voici d’abord ce verset dans son intégralité, traduit par l’auteur : « Nulle contrainte dans la religion ! La bonne direction s’est distinguée du fourvoiement. Quiconque mécroit aux idoles et croit en Dieu tient l’anse la plus sûre et incassable. Dieu est écouteur, connaisseur ».
Oui, d’accord, ce n’est pas un parler de cour de récré. Mais notre ami Aldeeb qui se meut sans problème dans les arcanes de la langue arabe est là pour nous guider.
Selon lui ce principe de non-contrainte représente un progrès par rapport au christianisme du VIIe siècle (voir le rôle d’Héraclius, dont acte), mais une régression si l’on considère la société arabe polythéiste qui acceptait toutes les religions.
Quoi qu’il en soit dans un État islamique cette maxime ne se traduit pas du tout comme la liberté de pratiquer la religion de son choix.
Ce texte, nous dit Aldeeb, est l’un des innombrables exemples de versets incompréhensibles et controversés. Il entre par ailleurs en contradiction avec le hadith (actes et paroles de Mahomet) : « Celui qui change de religion, tuez-le ! », prescription inscrite dans la charia et confirmée en 1996 encore dans un code pénal arabe unifié, adopté à l’unanimité par le Conseil des ministres arabes de la Justice, publié sur le site de la Ligue arabe.
Pour en revenir à notre verset, de nombreux exégètes ont fait chauffer leurs neurones afin que jaillisse la lumière. Sami Aldeeb en cite quelque 80, en arabe avec résumé et commentaire.
Les spécialistes se plongent dans les Hadiths afin de détecter ce qu’on appelle les causes de la révélation : asbab al nouzoul. Il s’agira pour nous en l’occurrence d’examiner dans quelles circonstances ce verset de « tolérance » a été révélé (via une longue chaîne de transmetteurs, isnad), puis d’en tirer les conclusions.
Six hadiths sont pris en compte. Dans l’un figurent des enfants allaités par des femmes juives, dans un autre deux fils convertis au christianisme par deux marchands syriens, dans un troisième l’esclave d’Omar Ouassak, etc.
Tous illustrent un exemple de contrainte – ou non – à la conversion.
Les principales conclusions des jurisconsultes peuvent se résumer ainsi :
1) « Nulle contrainte en religion » ne signifie pour aucun exégète le droit de quitter l’islam ou de ne pas pratiquer ses obligations (jeûne, prière, aumône, etc.) Les personnes nées musulmanes ont l’interdiction de changer de religion. L’apostasie est interdite.
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2) L’écrasante majorité des exégètes estiment que le sens général du verset (c’est-à-dire liberté absolue) a été abrogé par les versets qui prescrivent le combat contre les autres religions. Rappelons que la règle de l’abrogation a été imaginée pour éliminer les contradictions du Coran.
3) Le verset 2, 256 ne reste valable que dans le sens de la non-imposition de la conversion aux « gens du livre » (chrétiens et juifs principalement). Ils doivent choisir entre se convertir à l’islam ou conserver leur religion, mais en payant l’impôt spécial appelé djizya, ce qui est bien une contrainte d’ailleurs. S’ils refusent une ces deux options, ils sont mis à mort, l’alternative est simple.
4) Les polythéistes ou païens et peut-être les athées ou agnostiques n’ont le choix qu’entre la conversion ou la mort. « Ils doivent être éliminés de la surface de la Terre », ainsi que l’écrit un des exégètes modernes, commente Aldeeb. Cela explique pourquoi les musulmans ne semblent pas émus par le massacre de plus de 80 millions d’hindouistes entre 1000 et 1525 **, c’étaient des polythéistes. Et ces grands juristes de l’islam du VIIe siècle n’oublient rien dans leur quête de la Vérité. Ils stipulent par exemple qu’un polythéiste qui se convertit à une religion du livre (le judaïsme ou le christianisme) sera tout de même traité comme un polythéiste. Ce qui signifie qu’il doit soit se convertir à l’islam, soit mourir. Quant aux enfants des prisonniers juifs et chrétiens, ils seront convertis de force à l’islam.
5) Et enfin, cerise sur le gâteau, Al Tabari fait remarquer qu’il y a un article défini devant le mot religion (AL DIN, la formule exacte étant La ikrata fi ad-dini) et que l’article arabe défini attaché au mot din signifie qu’il s’agit uniquement d’une référence à l’Islam. Si le texte avait voulu désigner le fait religieux universel compris à l’occidentale (« Pas de contrainte en [matière de] religion »), le mot din n’était pas le plus adéquat au regard du vocabulaire coranique lui-même. Dans le Coran, le terme de millah signifie justement religion-doctrine en général, et celui de ibadah désigne la religion en tant que service divin d’adoration : ils auraient mieux convenu.
Les interprétations mentionnées n’empêchent nullement les exégètes modernes d’assimiler le principe « pas de contrainte en religion » à celui de la liberté religieuse garantie par les droits de l’homme. Or, on le constate, il lui est totalement contraire. Pas un seul pays musulman ne dispense de contraintes les adeptes des autres religions ou les athées, soit sur le plan civil, soit sur le plan pénal. Aucun de ces pays n’admet le principe de la liberté religieuse telle que formulée par exemple par l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme ***. Aucun de ces pays n’admet qu’un musulman puisse quitter sa religion en toute liberté. Celui qui le ferait est interdit de mariage, séparé de sa femme et de ses enfants, privé d’héritage, et peut se faire tuer impunément par un membre de sa famille au cas où l’État ne le punit pas de mort.
Au final, l’utilisation de ce verset par les imams et autres dévots musulmans n’est qu’un des multiples attrape-nigauds destinés à nous faire avaler la sainte tolérance coranique… Sachant que personne n’ira vérifier.
Concluons donc par une définition de dictionnaire.
La vérité est la qualité de ce qui est vrai. C’est la conformité de l’idée avec son objet, la conformité de ce que l’on dit ou pense avec ce qui est réel.
* Nous reviendrons sur la question des martyrs du premier christianisme dont le nombre a été beaucoup exagéré. Sans compter que dans bien des cas ces intégristes intolérants et agressifs vis-à-vis des autres cultes l’avaient bien cherché (trouble à l’ordre public, refus de prêter serment de fidélité à l’État, attitude suicidaire, etc.)
** Estimation du Professeur Kishori Saran Lal dans son livre « La Croissance de la Population musulmane dans l’Inde médiévale ».
*** La constitution suisse de notre ami Sami Aldeeb, tout comme les conventions internationales, ne fait pas de distinction entre « gens du livre » et adeptes d’autres croyances. Aucune contrainte ni aucune discrimination fondée sur la religion ne sont admises, y compris en matière matrimoniale ou successorale. Chacun peut choisir sa religion à partir de l’âge de raison. La liberté d’y adhérer ou de la quitter est complète. Voilà un véritable exemple de « nulle contrainte en religion ».
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CONCLUSION.
C’est entendu, Dieu est clément et miséricordieux [Saint Coran. Chapitre 1 verset 1] Nulle contrainte en religion [Saint Coran chapitre 2, verset 256].
Mais l’islam ce n’est pas ses hérésies ou ses minorités comme les soufis. L’islam ce n’est pas non plus le Coran (un anti-livre), l’islam c’est : le Coran + les hadiths+ la vie de Mahomet (isma)+ la réflexion des docteurs en droit musulmans (charia), + le fiqh. Voilà quels sont les cinq vrais piliers de l’islam.
Mais peut-être n’avons-nous pas compris la spiritualité profonde de cette religion d’amour (de clémence et de miséricorde).
Notre lanterne n’ayant guère été vraiment éclairée par tous ces coups de sonde lancés dans les profondeurs de l’Islam (puisque nous n’y comprenons toujours rien) le mieux sera donc peut-être de commencer par le commencement c’est-à-dire de se pencher un peu sur son histoire.
La part la plus importante des discussions possibles à partir du Coran revient finalement, pour les musulmans, à la délicate question de l’adaptation à l’époque moderne de règles formulées à une époque fort différente et dans un contexte très particulier : celui des citadins ou bédouins du désert d’Arabie autour du VIIe siècle.
Ce n’est pas du « sexe des anges » que l’on discute ici, il n’y a aucun arrière-plan métaphysique ou enjeu philosophique derrière les querelles et discussions qui alimentent le domaine intellectuel dans le monde islamique, mais des questions pratiques, la transposition du mode de vie affiché par Mahomet ou exigé par le Coran devenant de plus en plus incommode dans le monde moderne. De plus, même cette marge extrêmement limitée d’interprétation ou d’adaptation a été considérée comme épuisée pour l’essentiel dès le IXe siècle avec la fin du courant moutazilite. Pour comprendre ce phénomène, il importe de se pencher sur l’histoire du développement de la religion musulmane. Au cours des trois premiers siècles de l’Islam, les doctes musulmans pratiquèrent l’Ijtihad, « l’effort d’interprétation des textes sacrés », en utilisant la raison humaine, ce qui donna lieu à une intense créativité intellectuelle. Mais au XIIe siècle, sous la pression des nations conservatrices (Arabie, Iran, Mésopotamie, Syrie, Égypte), les portes de l’Ijtihad furent fermées. Cette vague intégriste teignit les rivages de l’Afrique du Nord et de l’Andalousie. La civilisation islamique ne se remit jamais de ce « suicide culturel », de ce couvre-feu imposé à l’esprit critique, en dépit du rayonnement de l’Empire mogol en Inde, de la dynastie Safavide en Iran et de la puissance de l’Empire ottoman. À la confrontation avec d’autres cultures (les mathématiques indiennes, la philosophie grecque et l’astronomie perse), les religions juive ou chrétienne, voire indo-européennes (zoroastrisme), succéda une lecture littérale du Coran, une interprétation rigoriste de la religion fermée à tout autre savoir.
Les musulmans se demandent comment nous pouvons être assez mauvais pour attaquer le Coran.
Eh bien la raison la voici (texte démarqué de ce que Robert G. Ingersol a écrit à propos de la Sainte Bible en 1894).
Ce livre a interrompu et arrêté la marche en avant de l’espèce humaine. Ce livre a empoisonné les sources du savoir et détourné les énergies de l’Homme. Ce livre est l’ennemi de la liberté, ce livre est
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le pire soutien de l’esclavage. Ce livre a semé la haine dans les familles et les nations, alimenté les guerres, et appauvri le monde. Ce livre a réduit en esclavage les femmes et les enfants. Ce livre a fait des écoles des foyers de diffusion de l’erreur ou de la haine de la science. Ce livre a rempli le monde de sectes haineuses, cruelles, ignorantes, et guerrières. Ce livre a enseigné aux hommes à tuer leur prochain pour le salut de leur âme. Ce livre a inventé l’Inquisition (Hisba/Mihna), construit les geôles dans lesquelles les meilleurs ou les plus malheureux ont pourri, forgé les chaînes qui ont meurtri leurs chairs, dressé les échafauds où ils moururent. Exemples, les zandaqua ibn al-Mouqaffa (mort en 760), Bashar Ibn Bourd (mort en 785), Abou Nouwas (mort en 810), Al Moutanabbi (mort en 965), Abou-l-Ala al-Maari (mort en 1057), Al Souhrawardi (1154-1191).
Ce livre a fait perdre la raison et l’esprit à des millions de personnes. Ce livre a rempli les pistes africaines ou les cales des marchands d’esclaves dans l’Océan indien et fait de la chair humaine une marchandise. Ce livre a aussi été le pilier central de l’échafaud qui a vu périr des hérétiques comme Mansour Al-Halladj en 922. Ce livre a rempli les corps des hommes et femmes de démons ou de djinns. Ce livre a pollué l’âme des hommes avec sa croyance en l’enfer et en des souffrances éternelles.
Saint Coran chapitre VI verset 68. « Si tu vois des non-croyants commencer une conversation sur nos enseignements, éloigne-toi d’eux jusqu’à ce qu’ils abordent un autre sujet. Le Diable peut te faire oublier ce précepte, mais dès que tu t’en ressouviendras, éloigne-toi d’eux ».
Ce livre fait de la crédulité une vertu, et de la recherche scientifique le plus grand des crimes. Ce livre place le guerrier ignorant et malpropre au-dessus du philosophe et du philanthrope. Nous combattons donc ce livre parce qu’il est l’ennemi de la liberté humaine, le plus grand obstacle sur la longue route du progrès humain.
Laissez-nous poser une question aux journalistes et aux intellectuels de notre pays : comment pouvez-vous être assez mauvais pour défendre ce livre ?
La première impression qui ressort de ces forages entrepris en terre d’islam (Dar al islam) est donc que « tant que l’islam persistera, la réconciliation de ses adeptes, même avec les juifs et les chrétiens, et plus encore avec le reste de l’Humanité (païens athées agnostiques), restera un problème insoluble » (James Lorimmer).
Le problème ontologique de l’islam, c’est précisément que sa conception radicale du « Dieu » est une impasse totale (formelle, logique, théologique, existentielle, etc.) et qu’elle est, comme séparation absolue, in-humaine autant que « in-divine », au sens propre. Même le Coran est en vérité « chose impossible » dans pareille optique. « Dieu », dans ce cadre, est un mot qui ne désigne plus rien qui se rapporte si peu que ce soit à ce qu’il signifie partout ailleurs, y compris pour les autres traditions “monothéistes”. Depuis la catastrophe de la fermeture des portes de l’Ijtihad au 11e siècle l’islam supprime tout rapport à la vie la plus vivante, veut imposer une “révélation” fixée, définitivement et à la virgule près, au sein du devenir humain. Il est d’une radicale simplicité, pour ne pas dire d’un simplisme effrayant, c’est-à-dire qu’il est dangereux, spécialement auprès des ignorants, et sans doute plus encore auprès des demi-cultivés.
Dans ces conditions on comprend que le R.P. Henri Boulad ait pu écrire que « L’islamisme c’est l’islam dans toute sa logique, dans toute sa rigueur. L’islamisme est présent dans l’islam comme le poussin dans l’œuf, comme le fruit dans la fleur, comme l’arbre dans la graine ». Bref l’islam est à l’islamisme ce que la mobilisation est à la guerre.
DIEU (VU SOUS LES TRAITS D’ALLAH) EST LE PLUS GRAND COMMUN DIVISEUR DE L’HUMANITÉ.
Guerre, razzia, conquête, soumission, maîtrise du monde entier et de la totalité de toute vie humaine sont consubstantielles à l’islam, car omniprésentes dans le Coran et dans la vie de Mahomet (Sira) qui l’éclaire à un degré, hélas, qu’on ne rencontre dans aucune autre « religion » au point qu’il faut s’interroger aussi sur ce terme, qui n’est sans doute pas le mieux adapté pour nommer correctement le phénomène entier de l’islam. Il existe en arabe les mots millah et ibadah qui signifient justement cela, mais le terme le plus souvent employé est « Din » qui signifie plutôt Loi.
Ce livre ne se moque pas de l’islam : ce qui se passe dans le monde autour de l’islam est trop grave pour en rire et les seuls appels au meurtre que vous trouverez ici sont ceux contenus dans certains versets du Coran.
ET MAINTENANT QUE CES QUELQUES VÉRITÉS SUR LA BIBLE DE L’ISLAM ONT ÉTÉ MARTELÉES, QUE FAIRE (COMME AURAIT PU DIRE LÉNINE) ?
L’islam qui doit légitimement être interpellé par l’Homme moderne n’est pas une race, mais une idéologie politico-religieuse au sens où l’entendait Gustave LE BON (dans son étude de la Psychologie des foules).
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La question de l’orthodoxie ne se pose pas seulement dans le monde chrétien du Moyen Âge. Elle s’exprime également dans le monde musulman à travers la notion d’ijtihad, terme au contenu complexe, mais qui signifie en gros recherche, effort de réflexion.
L’islam a connu une période florissante qui a vu un développement important de la pensée critique, alimenté notamment par la diffusion des traductions en arabe d’auteurs grecs. Cette période a subi un coup d’arrêt vers les XIe-XIIe siècles, qu’on désigne par l’expression « fermeture des portes de l’ijtihad ». Ce processus se passe justement au moment où on peut dire que les « portes de l’ijtihad » s’ouvrent dans l’Occident chrétien grâce à l’introduction de la pensée aristotélicienne, par le truchement de penseurs musulmans tels qu’Averroès.
La culture musulmane était alors d’une richesse incroyable dans tous les domaines : mathématiques, sciences de la nature, médecine, arts. Elle avait assimilé l’apport culturel du monde grec antique, mais aussi celui de l’Inde voire de la Chine. Lorsque les croisés arrivèrent en Terre sainte, ils apparurent – à juste titre – aux yeux des Arabes comme des barbares grossiers et ignorants.
Le résultat de cette fermeture des portes de l’Ijtihad est qu’on ne peut plus aujourd’hui être en même temps un vrai musulman, et un réformateur, c’est une contradiction dans les termes, un oxymore. N’oublions pas que le Coran promet les châtiments les plus sévères à ceux qui n’adhéreraient qu’à une partie de ces lois divines et pas aux autres, ce qui exclut par définition tout islam dit « modéré ».
Chapitre 2, verset 85 : « Croyez-vous donc à une certaine partie du Livre et restez-vous incrédule à l’égard d’une autre ? Quelle sera la rétribution de celui d’entre vous qui agit ainsi, sinon d’être humilié durant la vie de ce monde et d’être refoulé vers le châtiment le plus dur le jour de la résurrection ».
Mahomet a insisté tout au long de sa vie sur le fait que le Coran qu’il récitait n’était que le rappel d’une vérité éternelle et incréée, consubstantielle à Dieu, un peu comme le verbe ou Logos des chrétiens, le Coran incréé. Et que cette vérité éternelle avait réponse à tout. Que tout y était prévu. Que toute question avait sa réponse dans le Coran. Alors comment peut-on vouloir changer une vérité éternelle et immuable sans se contredire ?
Ces réformateurs continueront de vous dire que l’islam est une religion de paix et que le véritable islam n’approuve pas les actions des talibans, que le véritable islam n’a rien à voir avec les djihadistes, etc.
Ce déni est pathétique, car il n’y a pas besoin d’aller très loin pour voir si l’islam a quelque chose à voir avec les actes barbares de l’État islamique ou du califat qui s’est établi sur les rives de l’Euphrate ou du Tigre dans la deuxième décennie du XXe siècle. Il suffit de lire le Coran, les hadiths, ou de consulter la charia : les textes islamiques de base sont disponibles partout.
Voilà pourquoi il est si important de permettre le débat et la critique de l’islam à travers le monde. Le débat intellectuel honnête et sans concession bêtement iréniste est indispensable au désarmement de cette religion, de toutes les religions, et donc à l’établissement de la paix dans le monde.
Or les auteurs musulmans même les plus ouverts semblent incapables de sortir d’une perspective dualiste où, entre foi et raison, religion et politique, l’un doit nécessairement définir l’autre : on sera « intégriste » si on pense que c’est la foi qui domine la raison, la religion qui détermine la politique, et on sera « partisan d’un islam modéré » dans le cas contraire : tous étant d’accord sur la manière par laquelle on accomplit la volonté de Dieu, celle-ci étant interprétée par des « savants » puisant dans quatre ou cinq écoles de jurisprudence. Dans la mesure où c’est en dernière instance Dieu qui définit la loi, l’option « intégriste » et l’option « modérée » ne sont au fond que des degrés différents d’une même approche. La défaite du camp de la raison a empêché l’Islam de développer ses propres anticorps contre cette infection idéologique. Pourtant, des intellectuels musulmans sont prêts à reprendre le flambeau moutazilite. Mais ils sont généralement en exil, et le problème est que leurs idées sont davantage discutées en Occident qu’en terres d’Islam.
Citer un blasphème n’est pas blasphémer disait Bernard Lewis, mais passons sur les propos de Gérard Zwang qui sont par trop abrupts :« Coiffant les aspirations les plus viles, flattant les pulsions les plus archaïques, encourageant la paresse intellectuelle, l’intolérance, l’hypocrisie, la violence, prêchant un virilisme pathologique, justifiant les pires ignominies antiféministes, l’islam n’est ni une sagesse ni une civilisation (mode de vie), c’est un fléau ».
Ceux de James Lorimer sont à la fois plus modérés sur la forme et plus radicaux sur le fond. Ils exposent bien le problème. « Tant que l’islam persistera, la réconciliation de ses adeptes, même avec les juifs et les chrétiens, et plus encore avec le reste de l’humanité, restera un problème insoluble »
Or il y a 4 catégories de musulmans avec qui on peut espérer bâtir une cohabitation pacifique.
A) Les musulmans non pratiquants.
Ils sont très nombreux en occident. Ils ont renoncé à ce qui dans le Coran heurte de front la cohabitation avec les non musulmans. Ils se sont intégrés à nos sociétés ou aspirent à le faire, travaillent et vivent au milieu des autres sans grand problème. Ils conçoivent l’islam comme un fond culturel, un sentiment d’appartenance, un peu à la manière des Occidentaux non croyants qui ont
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« sécularisé » des valeurs et des coutumes d’origine chrétienne, voire préchrétienne comme le sapin de Noël. Ou comme les juifs de Yom Kippour. Ces musulmans peu ou pas pratiquants existent aussi dans les pays musulmans en plus ou moins grand nombre selon les lieux.
Il convient toutefois de savoir que certains musulmans à l’apparence pacifique mentent et pratiquent la taqiya ou le kirman pour mieux infiltrer le monde occidental dans un but djihadiste. Et d’autres musulmans, aujourd’hui pacifiques, peuvent être retournés demain par des éléments radicaux.
B) les musulmans dont la pratique est sélective.
De même que beaucoup de chrétiens ignorent l’Ancien Testament et ont une pratique limitée inspirée du Nouveau Testament, beaucoup de musulmans ignorent les versets violents et croient sincèrement que l’Islam n’est que tolérance et générosité. Ils ont été élevés comme ça et n’ont pas été contredits par ceux de leurs imams qui diffusent cette vision.
C) Les musulmans réformistes.
De nombreux musulmans souhaitent que l’Islam abandonne son idéologie politique dominatrice et violente pour devenir une religion plus compatible avec le reste du monde et tenant compte de la modernité, ce qui suppose une évolution de l’interprétation des textes. Ils pensent que le texte du Coran doit être compris dans le contexte des mœurs de l’époque, et qu’il faut remonter à l’intention profonde, indépendamment de ce contexte. Ils contournent ainsi l’argument des traditionalistes qui s’appuient sur la lettre d’un texte « dicté par Dieu » (« incréé »), puisqu’elle proclame la fidélité à ce texte. Il est à noter que cette démarche existe aussi chez les chrétiens. Il y a dans la Bible de nombreuses préconisations, soi-disant dictées par Dieu (Lévitique, etc.), que les chrétiens ont abandonnées.
Il y a déjà eu dans le passé des efforts de réinterprétation. Après une longue période de gel, il semble que cette mise à jour de la compréhension des textes fasse de nouveau l’objet de travaux chez divers groupes de lettrés et de religieux. À titre d’exemple un groupe de 25 érudits égyptiens, dont certains savants de l’université El-Azhar ont publié très récemment un document préconisant une réforme profonde de nombreux concepts incompatibles avec nos valeurs.
D) Les opposants.
Il existe aussi dans le monde musulman des gens qui s’opposent totalement à l’islam et en dénoncent sans ménagement la nature totalitaire, les pratiques barbares et son incapacité à évoluer. Ce sont souvent des femmes courageuses dont certaines sont devenues célèbres comme Ayaan Hirsi Ali, Ouafa Sultan, Taslima Nasreen, Irchad Manji, Veena Malik et bien d’autres. Ces opposants parlent, écrivent et montrent par leur exemple qu’il est possible d’échapper à la pesanteur de l’Islam. Ils encouragent l’Occident à la résistance. Ne les décevons pas. Le sort réservé aux femmes explique qu’elles soient nombreuses à prendre des risques.
Ce qui est certain par contre c’est que l’islam défini en tant que soumission à Dieu et à son prophète, ou plus exactement à une certaine idée de Dieu et des prophètes ; a déjà constitué en son temps une régression intellectuelle sans précédent dans l’histoire de la civilisation humaine ; et constitue d’ailleurs encore plus que jamais un éteignoir ou un étouffoir de la pensée humaine. Toute société qui vit selon ces règles (le Coran, les hadiths, la vie de Mahomet ou son imitation, et les remarques de certains érudits à la tête bien pleine sur les trois premiers points (autrement dit la charia) ; constitue une société totalitaire dont il est difficile de s’affranchir. Choisir l’islam, défendre l’islam, être indifférent, c’est prendre un aller simple pour une société où les droits de l’Homme ne sont rien face aux droits d’une certaine conception de Dieu (d’un dieu tout puissant et non du dieu des philosophes).
Choisir de vivre selon l’islam c’est donc prendre un billet sans retour pour une société totalitaire dont il sera très difficile de s’affranchir ou de sortir vu la profonde médiocrité intellectuelle et morale, depuis de nombreuses décennies, des élites occidentales (femmes et hommes politiques, ou autres faiseurs d’opinions dominantes tels les journalistes, les artistes, les écrivains, les évêques, et autres intellectuels de ce type).
L’islam n’étant pas une race puisque les races n’existent pas, mais une idéologie politico-religieuse comme celle définie par Gustave Le Bon, notre conclusion ne saurait par définition être raciste et ne vise qu’à dénoncer cette idéologie. Elle est destinée aux croyants et aux non-croyants de toutes couleurs. Elle ne soutient aucune spiritualité ni aucun parti en particulier. Elle n’est pas contre Dieu, mais contre une certaine idée de Dieu. Elle rejette l’intégrisme et non les croyants modérés qui en sont les premières victimes. Bref cette conclusion n’est pas obsédée par les questions raciales, elle n’est pas racialiste. La couleur de la peau elle s’en fiche. Jaune, rouge, rayé ou à petits pois, la seule chose qui importe à ses yeux c’est la couleur des idées, ou de l’absence d’idée, ce qui ramène alors aux personnalités brutes et intrinsèques des uns ou des autres (orgueilleux ? Sans-gêne ? Menteurs ? Voleurs ? Etc.…)
Par contre ce livre est islamophobe au sens étymologique du terme. La fascistophobie ou la naziphobie fut une saine et légitime réaction dans les années 1930 et ce livre émane bien de
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quelqu’un QUI A PEUR, QUI A PEUR POUR LUI ET POUR LES 7 MILLIARDS DE SES CONGÉNÈRES HUMAINS, NON DU SOUFISME NI DU MOUTAZILISME, MAIS D’UNE STRICTE APPLICATION DE LA CHARIA SUNNITE. QUI REDOUTE POUR LUI ET LES 7 MILLIARDS D’HABITANTS DE CETTE PLANÈTE UNE STRICTE APPLICATION DE LA CHARIA.
Aussi l’auteur de cet essai ne comprend-il pas les intellectuels européens pour qui la peur de la montée en puissance du nazislamisme ou fascisme devient une réaction à sans cesse dénoncer ridiculiser ou condamner.
L’islam intégral, en tant qu’idéologie religieuse et mode de vie en commun et non en tant que spiritualité individuelle de type soufisme ; est le plus parfait et le plus dangereux des totalitarismes, pour 9 raisons qui sont les 9 véritables piliers de l’islam.
— La première est que l’idéologie religieuse musulmane intégrale justement n’est pas une simple spiritualité intérieure, mais un code régissant tout, y compris la vie quotidienne des individus.
— La deuxième est qu’au sein d’une société non laïque ou non païenne, mais régie par l’islam intégral, aucune place n’est prévue pour les kouffar c’est-à-dire les êtres humains qui ne sont ni musulmans ni « gens d’un livre » (c’est-à-dire ni juifs, ni chrétiens non trinitaristes -99 % des chrétiens-, ni sabéens mandéens ni zoroastriens ou assimilés) ; ils n’ont ni droits ni statut et sont donc hors la loi. Seul l’imam Malik en ferait des dhimmis paraît-il, mais cet avis, s’il existe, est par trop tafarroud (« isolé »).
— La troisième est que les grandes lignes de l’islam ainsi conçu s’appliquent aussi aux non musulmans appartenant à la communauté dite des « gens du livre ». Ils ont une place et un statut dans la société musulmane intégrale ; mais en tant que citoyens de seconde zone. C’est la dhimmitude théorisée par le Pacte attribué à Omar, deuxième des califes ayant succédé à Mahomet.
— La quatrième raison est que l’islam prescrit au musulman pieux de ne pas discuter dialoguer ni remettre en question cette idéologie religieuse dont le livre saint doit être appris par cœur et sans esprit critique (lavage de cerveau) puisque fait uniquement d’extraits d’une Table de la loi céleste éternelle écrite en arabe et consubstantielle à Dieu (théorie du Coran incréé). Quant aux divergences ou contradictions avec les traditions antérieures les docteurs de cette loi « religieuse » totalitaire ont trouvé une explication on ne saurait faire plus péremptoire : ces divergences viennent du fait que les tenants des autres religions révélées antérieures ayant précédé l’islam ont falsifié les révélations qu’ils ont reçues…… Aucune discussion n’est donc possible, et tout peut se ramener à l’éternel combat manichéen du vrai et du faux, de Satan contre Dieu.
Dieu a dit : « Quand tu vois ceux qui pataugent dans des discussions à propos de Nos versets, éloigne-toi d’eux jusqu’à ce qu’ils entament une autre discussion. Et si le Diable te fait oublier, alors, dès que tu t’en souviens, ne reste pas avec ces pervers » (sourate 6, verset 68).
— La cinquième raison est qu’il est interdit sous peine de mort de cesser d’être musulman (apostasie).
— La sixième raison est que l’hérésie y est aussi punie de mort. Ainsi que Bernard Lewis l’a bien montré, en terre d’islam la notion même de bidah ou d’innovation est devenue suspecte, voire carrément blasphématoire.
— La septième raison est que le livre de référence de cette idéologie religieuse est censé contenir les bonnes réponses à toutes les questions possibles et imaginables que l’on peut se poser, qui plus est rédigées en un arabe insurpassable. Bref, le Coran a réponse à tout ! Pourquoi donc dans ces conditions aller voir ailleurs ?
— La huitième raison est que ce livre inculque aussi un sentiment de supériorité confinant à l’orgueil à ses adeptes en leur répétant noir sur blanc qu’ils constituent une race spirituelle supérieure élue par Dieu, la seule digne d’attention, et ayant tous les droits.
Verset 85, chapitre 3. « Le culte de celui qui recherche une religion en dehors de la soumission – à Dieu – n’est pas accepté ».
Verset 110, chapitre 3. « Vous formez la meilleure communauté suscitée pour les hommes : vous ordonnez ce qui est convenable, vous interdisez ce qui est blâmable ».
Verset 181, chapitre 7. « Il existe dans ce que nous avons créé une communauté dont les membres se dirigent selon la Vérité et qui ; grâce à celle-ci, observent la justice ».
Verset 9, chapitre 61. “C’est lui qui a envoyé son prophète avec la Direction, la religion vraie, pour la placer au-dessus de toute autre religion”.
Or la Mecque du temps de la Djahiliya était une société ouverte qui échangeait et commerçait avec les grandes civilisations de l’époque qu’étaient l’Empire romain d’Orient et l’Empire sassanide (influence de la culture perse, présence de chrétiens et de tribus judaïsantes, exposition dans la Kaaba d’œuvres d’art analogues aux célèbres bouddhas de Bamyan ou aux temples de Palmyre).
— La neuvième raison enfin est que toute remise en cause du livre de référence obligatoire ou de son auteur initial, Mahomet, y est passible de la peine de mort pour cause de blasphème. Il y a en effet
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unanimité chez les musulmans pour dire que le Coran s’impose à tous (houdjatoun ala al-jami), et qu’il constitue la première source du droit musulman. Cela découle du fait qu’il provient de Dieu.
Résultat final de ce verrouillage total de la pensée critique depuis la fermeture des portes de l’Ijthad : ce qui caractérise l’islam en temps qu’idéologie sociale et ce dès le Coran, c’est une quintuple hiérarchisation de la Société voire du monde (Dar al Harb dar al Islam dar al Koufr…)
L’islam est une idéologie arabe colonialiste et impériale engagée dans un combat cosmique pour conquérir la planète. « Les djihadistes divisent le monde en deux – le monde islamique et le monde non islamique. C’est l’ultime bataille entre ceux qui valorisent la liberté, la paix et l’humanité et ceux qui ne les valorisent pas » (Hossaïn Salahouddin, Bengladesh 1984 ?)
Contentons-nous de noter que dans nos modernes sociétés démocratiques, la Loi à quelques exceptions mineures près (peine de mort immigration appartenance à telle ou telle union d’États) est censée plus ou moins correspondre à la volonté des majorités de la population.
Or l’islam est une Loi et ne rien faire équivaut à laisser des milliards d’êtres humains vivre sous l’empire sclérosé d’une loi n’ayant rien à voir avec la raison telle qu’on la conçoit depuis le siècle des Lumières.
Et se convertir à l’islam serait retourner à une Loi fondée sur une Foi n’ayant rien à voir avec la raison telle qu’on la conçoit depuis le siècle des Lumières.
Vu leur grande médiocrité intellectuelle et morale, depuis de nombreuses décennies ; les élites occidentales (femmes et hommes politiques, ou autres faiseurs d’opinions dominantes tels les journalistes, les artistes, les écrivains, les évêques, et autres intellectuels de ce type) ; s’en prennent en la matière aux symptômes et non aux causes.
La société occidentale qui a consacré tant d’énergie à combattre l’extrême droite à la fin du 20e siècle, comme les Coptes égyptiens du 7e siècle, n’a donc rien vu venir.
Occident et Orient (protestants contre catholiques ou sunnites contre chiites) ont trop longtemps été dévastés par les haines se réclamant de telle ou telle religion pour que l’on puisse soutenir une politique (au sens large du terme) ne pouvant qu’inévitablement ramener nos peuples à ce stade.
Or la seule solution pérenne en ce domaine ce n’est pas le combat militaire ou policier contre le terrorisme, mais le combat des idées. Il s’agit donc désormais, contre les guerres religieuses en herbe ou potentielles, de mener la plus implacable guerre des idées. Le XXIe siècle s’ouvre sur une lutte sans merci. D’un côté […] De l’autre, un monde musulman pieux, zélé, brutal, intolérant, violent, impérieux et conquérant, celui de Daesh, d’al Quaïda.
Ce n’est pas avec une politique à la Gribouille consistant à multiplier les imams dans les prisons ou les mosquées voire les prières de rue ; que l’on relèvera efficacement le défi du terrorisme islamiste. Matthieu 6, 5-6. « Et quand vous priez, n’imitez pas les hypocrites : ils aiment, pour faire leurs prières, à se camper dans les synagogues et les carrefours, afin qu’on les voie. En vérité, je vous le dis, ils ont déjà leur récompense. Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là dans le secret ».
L’homme est la mesure de toute chose disait Protagoras…… Ce qu’il faudrait plutôt c’est enseigner inlassablement les valeurs que sont le respect et la tolérance envers les kouffar du grand koufr (par exemple les yézidis en Irak) les mouchrikoun du grand chirk (certains chrétiens ou certains croyants ne relevant pas de la catégorie des gens d’un seul livre) ainsi que tout ce qui peut à tort être considéré comme taghout (la laïcité l’apostasie la liberté de conscience d’opinion et d’expression, et plus généralement d’ailleurs les droits de l’homme plutôt que les droits de Dieu ; ce qui inclut la liberté de dire ou d’écrire ce qui peut être considéré comme des blasphèmes par les uns ou comme simple critique de certaines idéologies ou comportement religieux, par les autres).
Critiquer même radicalement, en allant jusqu’à dire que Dieu n’existe pas et que Mahomet n’a donc jamais été son prophète, doit être parfaitement et paisiblement possible dans ce cadre, car cela fait légitimement partie des droits de l’Homme en question.
Ce qu’il faut pour cela c’est juste ne pas tenir compte de l’enveloppe charnelle des individus dont on critique ou condamne le comportement (si c’est un grand blond aux yeux bleus ou un petit noir aux yeux marron ou un extra-terrestre à pois), mais uniquement de l’idéologie religieuse qui les meut.
Et à propos du célèbre héros de la comtesse de Ségur, Gribouille. « Les défenseurs de l’islam doivent répéter INLASSABLEMENT ET EXPLICITEMENT que même dans un pays à majorité musulmane, ils admettent l’égalité des droits entre hommes et femmes ou entre musulmans et non musulmans. Un non-musulman doit pouvoir accéder aux plus hautes fonctions même en terre musulmane (Laïcité).
Commençons au moins par appliquer avec rigueur et justice nos lois, égales pour tous. Faisons régner partout l’ordre et la laïcité indispensables à l’état de droit. Respectons les droits fondamentaux qui sont le droit à la vie, à la liberté (notamment d’opinion et d’expression) à la propriété et à la sécurité. Cela devrait déjà régler de nombreux problèmes. Et si des lois nouvelles sont nécessaires pour faire face aux terribles dispositions du triptyque « Coran hadiths charia » rien n’empêche de les
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voter. Il est aberrant que des nations continuent à tolérer sur leur propre sol des pratiques qui sont en contradiction formelle avec leurs lois et qui font le malheur de milliards d’êtres humains ou pourrissent la vie des autres.
Il va donc de soi cher ami lecteur ou journaliste que nous n’avons pas critiqué ici le véritable islam qui est le vôtre ; mais le faux islam dont les 4 piliers ou Bible sont…
— Le Coran et ses versets abrogeant (nasikh) dont le célèbre verset de l’épée : le verset 29 du chapitre 9.
— Les hadiths (la sounna).
— La vie de Mahomet (sira) et son imitation.
— Les remarques de certains gratte-papier sur les trois premiers points (la charia)
Ceci dit le véritable islam demeure bien entendu toujours le vôtre (le soufisme le moutazilisme, etc.) Il n’a été question dans ce petit fascicule que du faux islam ; et ce faux islam est donc a contrario fondé sur les quatre piliers mentionnés, rappelons-le à toutes fins utiles ci-dessous.
— Le Coran et ses versets abrogeant (nasikh) dont le célèbre verset de l’épée : le verset 29 du chapitre IX.
— Les centaines de milliers de hadiths même si à peine quelques dizaines d’entre eux peuvent être authentiques.
— L’imitation de la vie (sira) de Mahomet.
— Les réflexions de certains auteurs sur ce qui précède (charia).
LOI ET DÉBATS.
Journal officiel, 12 février 1895.
« Dans la forme de société qui a précédé la nôtre, il y avait au moins concordance entre les idées et les faits, entre les choses et les mots : il y avait une hiérarchie sociale comme il y avait une hiérarchie religieuse correspondante ; il y avait une résignation sociale et une résignation religieuse ; il y avait une échelle de la création, au sommet de laquelle étaient les puissances supérieures et Dieu, comme il y avait une échelle de la société, au sommet de laquelle étaient le noble, le prêtre et le roi ; et il n’y avait ni tromperie ni équivoque : le serf savait qu’il était devant Dieu l’égal du noble ; mais il savait aussi que, de par l’ordre du même Dieu, tant qu’il serait sur la terre, il serait un serf. Il n’y avait aucune hypocrisie sociale.
Ce qui, au contraire, caractérise la société présente, ce qui fait qu’elle est incapable à jamais de s’enseigner elle-même et de se formuler elle-même en une règle morale, c’est qu’il y a partout en elle une contradiction essentielle entre les faits et les paroles. Aujourd’hui, il n’y a pas une seule grande parole qui ait son sens vrai, plein et loyal : fraternité, – et le combat est partout ; égalité, – et toutes les disproportions vont s’amplifiant ; liberté, – et les faibles sont livrés à tous les jeux de la force ; propriété, c’est-à-dire rapport étroit et personnel de l’homme et de la chose, de l’homme et d’une portion de la nature transformée par lui, utilisée par lui, – et voilà que la propriété devient de plus en plus une fiction monstrueuse qui livre à quelques hommes des forces naturelles dont ils ne savent même pas la loi, et des forces humaines dont ils ne savent même pas le nom ! Oui, partout le creux, l’hypocrisie des paroles. Il y a plus d’un siècle, Diderot pressentait ces faussetés prochaines, lorsqu’il disait dans une de ses pensées révolutionnaires : « Avoir des esclaves n’est rien ; mais ce qui est intolérable, c’est d’avoir des esclaves en les appelant des citoyens ! »…
Mais ce qu’il faut sauvegarder avant tout, ce qui est le bien inestimable conquis par l’homme à travers tous les préjugés, toutes les souffrances et tous les combats, c’est l’ idée qu’il n’y a pas de vérité sacrée, c’est-à-dire interdite à la pleine investigation de l’homme ; c’est cette idée que ce qu’il y a de plus grand dans le monde, c’est la liberté souveraine de l’esprit ; c’est cette idée qu’aucune puissance ou intérieure ou extérieure, aucun pouvoir et aucun dogme ne doit limiter le perpétuel effort et la perpétuelle recherche de la raison humaine ; cette idée que l’humanité dans l’univers est une grande commission d’enquête dont aucune intervention gouvernementale, aucune intrigue céleste ou terrestre ne doit jamais restreindre ou fausser les opérations ; cette idée que toute vérité qui ne vient pas de nous est un mensonge ; que, jusque dans les adhésions que nous donnons, notre sens critique doit rester toujours en éveil et qu’une révolte secrète doit se mêler à toutes nos affirmations et à toutes nos pensées ; que si l’idée même de Dieu prenait une forme palpable, si Dieu lui-même se dressait, visible, sur les multitudes, le premier devoir de l’homme serait de refuser l’obéissance et de le traiter comme l’égal avec qui l’on discute, mais non comme le maître que l’on subit. Voilà ce qui est le sens et la grandeur et la beauté de notre enseignement laïque dans son principe, et bien étranges
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sont ceux qui viennent demander à la raison d’abdiquer, sous prétexte qu’elle n’a pas ou qu’elle n’aura même jamais la vérité totale ; bien étranges ceux qui, sous prétexte que notre démarche est incertaine et trébuchante, veulent nous paralyser, nous jeter dans la pleine nuit, par désespoir de n’avoir pas la pleine clarté » (Applaudissements Jean Jaurès).
Mais la laïcité est, face à une idéologie politico-religieuse qui s’est donné pour but la soumission du monde à sa Loi ; en elle-même et par définition, inopérante.
On ne peut contrer les avancées d’une telle idéologie politico-religieuse qu’en substituant au moins momentanément à la pratique de la laïcité un combat des idées tous azimuts, de la crèche à l’école, mais aussi dans les médias, dans les tribunaux, et bien entendu au sein des cultes en question (surveillance des prêches, sanction automatique du non-respect des lois civiles, etc.).
Le retour à la laïcité ne pourra se faire qu’après la réussite de cette première phase, et donc dans un deuxième temps seulement. En attendant et à cet égard il y a lieu d’adopter un moratoire.
LA VICTIMOLOGIE DES KHARIDJITES.
La victimologie secondaire a pour but d’identifier le ou les agresseurs afin de les mettre le plus rapidement possible hors d’état de nuire, le soigner ou le punir, faire ce qu’il faut pour que cela ne se reproduise pas.
En matière criminelle les détails n’ont alors qu’un seul intérêt, dresser un portrait-robot du criminel afin de pouvoir le mettre le plus rapidement possible hors d’état de nuire et l’arsenal technique employé par la police scientifique a pour but de répondre à trois questions principales.
Que s’est-il passé sur la scène de crime ?
Pourquoi ces événements se sont-ils produits ?
Quel type de personnes a pu commettre de tels gestes ?
Benjamin Mendelsohn (1900-1998) dans un article publié en 1937 dans la Revue de droit pénal et de criminologie a classé les victimes en 6 catégories dont seule la première a fait l’unanimité de l’innocente, définie comme étant vraiment innocente ou s’étant trouvée à la mauvaise place au mauvais moment à 5 autres catégories, englobant la plupart des victimes, celles qui auraient contribué à leur propre victimisation. Cette notion a été très controversée et a mené à l’état statique dans lequel se trouve la victimologie aujourd’hui.
Pourquoi donc vouloir recueillir des données personnelles sur la victime si ce n’est pour tenter de majorer la responsabilité de la victime et minorer la culpabilité de l’agresseur dans le passage à l’acte ?
Mais il ne faut pas oublier qu’à la différence de la victimologie primaire, la victimologie secondaire, elle, en liaison avec la méthode de profilage déductive n’a de sens et d’utilité que dans la perspective d’une rapide mise hors d’état de nuire de l’agresseur et de son traitement afin d’éviter toute récidive.
Et pour cela évidemment la typologie des victimes (qui sont les premières victimes ? Les mécréants les chrétiens les musulmans eux-mêmes) a certes de l’importance ; mais cette empathie pour les premières victimes ne doit pas faire oublier aux spécialistes du profilage des idéologies religieuses criminelles que nous sommes ; que ce qui importe en fin de compte au bout du bout : C’EST D’IDENTIFIER ET DE METTRE HORS D’ÉTAT DE NUIRE… le coupable !
Faire appel à l’émotion en ne parlant que des victimes (musulmanes chrétiennes ou tout simplement athées ?) et jamais du coupable par peur de stigmatiser ou de faire de l’amalgame, déclencher des chasses à l’homme déplacées ou se trompant de cibles ; est certes un louable souci, mais ce sophisme NE PEUT…
— Que rendre impossible l’arrestation du coupable ou du moins la retarder considérablement ; et donc lui laisser le temps de faire encore d’autres victimes. Or les victimes ne devraient être que le doigt vengeur ou accusateur pointant dans la direction du coupable.
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Ci-dessous pour mémoire ce que devrait être la position véritablement monothéiste, exempte de toute hargne de tout ressentiment de tout complexe d’infériorité de toute jalousie de tout besoin de revanche, bref philosophique et réfléchie.
« Même ceux qui rendent un culte à d’autres dieux que moi, et qui leur sacrifient avec ferveur, me rendent aussi par là même hommage, ô fils de Kounti, bien que ce soit en dehors des règles. Car je suis le seul véritable bénéficiaire et seul seigneur de tout sacrifice même s’ils l’ignorent en vérité. Qui m’offre avec dévotion ne serait-ce qu’une feuille, une fleur, un fruit, de l’eau, cette offrande faite d’une âme pure eh bien je l’accepte. Car je suis le même pour tous et personne n’est spécialement haï ou élu par moi. Mais ceux qui m’aiment avec dévotion demeurent en moi et moi je suis en eux » (Bagad Gita 9 :23-29, dialogue entre le dieu Krishna/Vishnou et le prince Arjouna).
Pierre de La Crau n’a rien découvert d’inédit ni d’inouï à propos des origines de ce mal. Dieu, ou plus exactement une certaine idée de Dieu, a toujours été le plus grand des communs diviseurs de l’Humanité
Plus précisément certains versets du Coran suivis littéralement pour ne pas dire aveuglément, en tout cas sans interprétation nous amenant loin du sens initial ou traditionnel ; le tout systématisé explicité et justifié par les nouveaux kharidjites, certains théoriciens du petit djihad ou certains takfiristes (salafisme d’action)..
Le danger extrême de tous ces islams politiques c’est que, comme leur ancêtre kharidjite, ils peuvent avoir un aspect séduisant, un idéal révolutionnaire bien en phase avec les idées qui travaillent nos sociétés (contestation des pouvoirs bourgeois en place, refus des compromis, anti racisme, etc.) pouvant attirer la jeunesse. Pour le kharidjisme en effet tous les hommes sont égaux et le chef de la communauté doit être le meilleur, « fût-il un esclave noir ». Si ce n’est pas le cas il doit être éliminé, comme Ali en 661.
Le livre de Pierre de La Crau ne contient donc aucun fait nouveau.
Tout est connu depuis longtemps, à part certains détails.
L’existence à l’époque de millions de chrétiens arabes dans ce qui allait devenir la Jordanie la Syrie ou l’Irak (ce sont même les chrétiens de Hira qui ont mis au point l’écriture arabe), a permis de comprendre et d’apprécier sans équivoque dès cette époque les divers versets du Coran.
Les raisons pour lesquelles à de rares lucides et courageuses exceptions près, qui vont évidemment heureusement maintenant… se multiplier ; l’immense majorité de ceux qui savent (cocher la case : évêques journalistes hommes politiques abbés auteurs de livres curés sportifs artistes, etc.…) et qui n’ont qu’un seul défaut, leur pauvreté ou leur dénuement (car ils donnent tout aux SDF), mais à qui la volonté de résister avec courage comme en 1940, ne manque pas, n’a rien dit, ou dit le contraire, sont les suivantes……
Or l’immense et ultra dangereuse différence entre l’islam originel ou salafisme et les autres religions, et qui change tout, c’est que l’islam salafiste touche beaucoup plus d’aspects de la vie privée ou personnelle (nourriture hygiène adoptions mariages héritage métiers finances, etc.) que les autres religions (à l’exception du judaïsme ultra-orthodoxe des HAREDIM qui lui ressemble beaucoup du fait de l’installation à Yathrib/Médine de Mahomet en 622).
L’islam salafiste est en quelque sorte le plus abouti des systèmes totalitaires.
Pour ce qui est des musulmans très pieux très croyants très pratiquants (nous ne parlons pas ici donc des « mauvais » musulmans, c’est-à-dire de ceux qui mangent et boivent un peu de tout, qui ne font pas leurs 5 prières tous les jours, etc., etc. en bref de l’équivalent des juifs de Kippour ou des chrétiens qui ne vont à l’église que pour se marier faire baptiser leurs rejetons ou enterrer leurs morts) IL Y LIEU DE DISTINGUER LES QUIÉTISTES DES TAKFIRISTES OU DJIHADISTES.
Tous deux sont des branches du SALAFISME c’est-à-dire de la mouvance la plus rigoriste de l’Islam sunnite.
Cette famille religieuse issue du sunnisme (la principale branche de l’islam) prône une pratique rigoriste de la religion, proche de ses premiers fidèles (le terme salaf désigne, en arabe, les « ancêtres », en l’occurrence les premiers compagnons de Mahomet).
Obéissance à la loi islamique (charia), refus de la mixité homme-femme et port du niqab (voile intégral) ou de l’abaya (manteau noir couvrant le corps) pour les femmes sont quelques-unes des caractéristiques communes au salafisme quiétiste et au takfirisme.
MAIS LES QUIÉTISTES sont pacifistes et ne cherchent pas à changer la loi, même s’ils n’en reconnaissent pas la légitimité.
Le problème est le salafisme peut constituer un sas vers le takfirisme. Un sas, parce que l’ultra-orthodoxie salafiste offre un terreau idéologique idéal pour une radicalisation de ses fidèles, et c’est souvent dans les cercles salafistes que les recruteurs takfiris opèrent. Certains imams sont par ailleurs susceptibles de jouer un double jeu, d’autant que la pratique de la taqiya (ruse, dissimulation) fait partie de l’arsenal takfiri.
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LES TAKFIRISTES (ainsi appelés à cause de leur propension à jeter l’anathème, takfir, contre les autres musulmans) se distinguent par contre clairement des quiétistes par leur idéologie messianique (celle de l’avènement d’un nouveau califat et d’une apocalypse née d’une nouvelle guerre entre croisés et musulmans sur leur terre sainte) et donc leur appel aux armes.
C’est un islam à la fois fondamentaliste, non légaliste et violent. Les takfiris se réclament d’un islam ultra-orthodoxe dont les lois primeraient sur celles des pays laïques. Seule prévaut la charia, ou du moins une interprétation orientée des règles édictées dans le Coran.
Idéologie ultra-violente, le takfirisme ne distingue pas soldats et civils : seuls existent deux mondes, le dar al-Islam (la terre islamique, le califat) et le dar al-Harb (la terre en guerre, ou à conquérir). Le takfiri se décrit volontiers comme un « lion » (la métaphore date au moins de la fin des années 1990) et la communication des organisations takfiristes, comme Al-Qaida ou l’État islamique, repose sur la diffusion d’exécutions sanglantes, l’esthétisation de la guerre et l’intimidation des ennemis. Le concept historique de dar al-Suhl (la terre de la trêve, de la cohabitation) est écarté de la pensée takfirie qui par contre considère toute terre où l’on a jadis prié vers La Mecque comme terre de mécréance (dar al koufr) devant être reconquise en vertu du principe que ce qui a été acquis par l’Islam reste acquis à l’Islam (irrédentisme islamique). La trêve dont elle bénéficie ne saurait donc être que temporaire, le but ultime restant que ce pays rebascule un jour et définitivement cette fois-ci dans le Dar al Islam.
Le takfirisme n’a pas pour seules cibles les chrétiens et les juifs. Il s’en prend également aux chiites et aux soufis, perçus comme des musulmans déviants. L’idéologie takfirie autorise également à prendre les armes contre d’autres musulmans sunnites si ceux-ci refusent la hijra (l’émigration en terre islamique) ou ne se soumettent pas à une certaine interprétation de la charia.
Le takfirisme idéalise la mort sacrificielle de celui qui s’est fondu parmi l’ennemi. Appelé inghimasi (« l’infiltré »), il porte une ceinture d’explosif sur lui et combat jusqu’à (se donner) la mort, « en martyr » (chahid).
Le père « spirituel » du takfirisme est Saïd Qotb (1906-1966). Ce militant des Frères musulmans * est celui qui théorise lors d’un séjour en prison l’obligation du petit djihad armé contre les pouvoirs installés, qu’ils soient chrétiens ou musulmans, marquant un schisme au sein du salafisme.
C’est à lui que l’on doit l’idée que « le passage à la violence radicale peut être une obligation religieuse pour lutter contre l’autorité politique quand cette dernière a perdu ses racines musulmanes »,
Son idéologie s’est construite par strates à partir d’une relecture de plusieurs théologiens musulmans historiques radicaux, et notamment Ibn Tamiyya (1263-1328), un théologien syrien hanbalite radical, qui dans le contexte historique particulier des croisades, avait théorisé l’appel à la guerre sainte contre les non-musulmans. Grâce à ses prêches violents et simplistes, il avait rencontré un véritable succès auprès des masses populaires.
Nous ne dénonçons donc et nous n’appelons donc à combattre ici que ces Takfiristes (des kharidjites pratiquant la taqyia et le kirman) ; mais pour ce qui est des quiétistes nous appelons à dialoguer, directement ou indirectement, mais fermement par le biais des contenus de notre enseignement du fait religieux DONT L’OBJECTIVITÉ ET LE CARACTÈRE SCIENTIFIQUES DOIVENT ÊTRE SANS CONCESSION. Quand j’étais enfant dans les années 1950 notre instituteur de campagne nous avait bien demandé de corriger la phrase « Jeanne d’Arc entendait des voix » par la phrase « Jeanne d’Arc croyait entendre des voix ».
Avec ceux qui pratiquent la taqiya (qui est aussi connue du sunnisme) comme les Frères musulmans, nous appelons à la plus grande prudence et à la plus grande méfiance ou lucidité dans les débats.
Et de même avec les musulmans chiites mutatis mutandis, car pour ce qui est des chiites, puisqu’ils ont un clergé, un compromis du même type que celui imposé aux juifs par Napoléon en 1806 pourrait être trouvé.
Réactions conseillées à nos lecteurs suivant les cas.
Mauvais musulmans (musulmans pas très croyants pas très pratiquants). No problem !
Salafistes. Dialogues directs ou indirects (via l’enseignement) fondés sur l’objectivité la science et l’histoire !
Néo-kharidjites et Takfiri. No pasaran !
Frères musulmans. Méfiance de Sioux et lucidité dans les débats. Or on en est loin vu l’abyssale médiocrité intellectuelle et morale des journalistes ou de la classe médiatico-politique d’aujourd’hui. Plutôt que d’apprendre à lutter contre le bon sens ou la révolte des peuples contre l’Empire les écoles de journalisme feraient mieux d’apprendre à combattre et débusquer la taqiya ou le kirman.
* La Société des Frères musulmans, raccourcie en Frères musulmans est une organisation transnationale islamique sunnite fondée en 1928 par Hassan el-Banna à Ismaïlia, dans le nord-est de l’Égypte. Composée d’un appareil militaire et d’une organisation ouverte, son objectif officiel est la
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renaissance islamique et la lutte non violente, contre « l’emprise laïque occidentale » et « l’imitation aveugle du modèle européen » en terre d’Islam.
Le corpus doctrinal des Frères musulmans s’est constitué principalement avec les écrits de Saïd Qoutb (1906-1966), considéré comme l’un des penseurs les plus importants de l’islamisme radical.
Les écrits de Saï Qoutb continuent d’avoir une forte influence sur les Frères musulmans – influence d’ailleurs croissante depuis la nouvelle donne géopolitique et la radicalisation islamiste du début du 21e siècle. Qoutb passe pour l’un des inspirateurs idéologiques d’Al-Qaïda : il est décrit comme « le père de l’extrémisme musulman », « le père du salafisme combattant ».
À bon entendeur, salut !
ANNEXE N° 1.
DÉFINITION D’UNE IDÉOLOGIE RELIGIEUSE SELON GUSTAVE LE BON.
« Dans certaines circonstances données, une agglomération d’hommes possède des caractères nouveaux fort différents de ceux des individus composant cette agglomération. La personnalité consciente s’évanouit, les sentiments et les idées de toutes les unités sont orientés dans une même direction. Il se forme une âme collective, transitoire sans doute, mais présentant des caractères très nets. La collectivité est alors devenue ce que, faute d’une expression meilleure, j’appellerai une foule organisée, ou, si l’on préfère, une foule psychologique. Elle forme un seul être et se trouve soumise à la loi de l’unité mentale des foules…
L’évanouissement de la personnalité consciente et l’orientation des sentiments et des pensées dans un sens déterminé, qui sont les premiers traits de la foule en voie de s’organiser, n’impliquent pas toujours la présence simultanée de plusieurs individus sur un seul point. Des milliers d’individus séparés peuvent à certains moments, sous l’influence de certaines émotions violentes, un grand événement national par exemple, acquérir les caractères d’une foule psychologique…
Par le fait seul qu’il fait partie d’une foule organisée, l’homme descend de plusieurs degrés sur l’échelle de la civilisation. Isolé, c’était peut-être un individu cultivé, en foule c’est un barbare, c’est-à-dire un instinctif. Il a la spontanéité, la violence, la férocité, et aussi les enthousiasmes et les héroïsmes des êtres primitifs. Il tend à s’en rapprocher encore par la facilité avec laquelle il se laisse impressionner par des mots, des images [qui sur chacun des individus isolés composant la foule seraient tout à fait sans action] et conduire à des actes contraires à ses intérêts les plus évidents et à ses habitudes les plus connues. L’individu en foule est un grain de sable au milieu d’autres grains de sable que le vent soulève à son gré.
Et c’est ainsi qu’on voit des jurys rendre des verdicts que désapprouverait chaque juré individuellement, des assemblées parlementaires adopter des lois et des mesures que réprouverait en particulier chacun des membres qui les composent. Pris séparément, les hommes de la Convention étaient des bourgeois éclairés, aux habitudes pacifiques. Réunis en foule, ils n’hésitaient pas à approuver les propositions les plus féroces, à envoyer à la guillotine les individus les plus manifestement innocents ; et, contrairement à tous leurs intérêts, à renoncer à leur immunité et à se décimer eux-mêmes.
Ce n’est pas seulement par ses actes que l’individu en foule diffère essentiellement de lui-même. Avant même qu’il ait perdu toute indépendance, ses idées et ses sentiments se sont transformés, et la transformation est profonde, au point de changer l’avare en prodigue, le sceptique en croyant, l’honnête homme en criminel, le poltron en héros… (Gustave Le Bon Psychologie des foules.)
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L’anti racisme étant une chose trop importante pour être laissé aux seuls anti racistes auto proclamés (en ce qui me concerne, je suis seulement non raciste) les contrevérités à propos de ce qui précède, devraient être étouffées dans l’œuf dès qu’elles sortent de la sphère privée, notamment dès qu’elles sont relayées par des responsables religieux ou politiques comme Maxence Butte) ; afin de préserver la paix sociale et d’éviter radicalement de nouvelles guerres de religion.
En attendant toute démocratie se voulant efficace devrait interdire au moins symboliquement toute apologie même indirecte du na islamisme comme celle que l’on peut déduire des remarques d’un Tariq Ramadan et de sa taqiya…… ou du moins elle devrait être d’office publiée d’emblée avec le droit de réponse qu’elle mérite légitiment, ce qui éviterait les autodafés que Laurent Joffrin appelle de ses vœux dans de tels cas. Car si nous comprenons bien la réception du roman francophone de Houellebecq intitulé « Soumission » (paru en 2015) ; être contre le patriarcat, la polygamie, le port de la burqa, l’enfermement des femmes à la maison, et la conversion à l’islam… c’est d’après Laurent Joffrin ce directeur d’un grand journal français de référence : « un combat d’extrême droite ».
Cette stupidité n’est rendue dangereuse que par l’égo surdéveloppé de tous ces messieurs dames placés aux carrefours de l’information de nos sociétés (les médias par exemple). S’ils n’étaient que marins pêcheurs ou vachers, ils seraient moins dangereux.
N.B. Ceci n’est pas une approbation sans réserve de la vie et de l’œuvre du plus connu des écrivains français vivant à l’étranger. Il a en effet eu tort quand il a déclaré en 2001 que « la religion la plus con, c’est quand même l’islam » de ne pas suffisamment expliciter cette conclusion en l’étayant par une argumentation détaillée, ce que nous avons fait dans cet opuscule.
ANNEXE N° 2.
JACQUES ELLUL ET L’ISLAM.
Je dirais « oui » aisément, au bouddhisme, au brahmanisme, à l’animisme…, mais l’islam, c’est autre chose. L’islam est la seule religion au monde qui prétende imposer par la violence sa foi au monde entier.
Je sais qu’aussitôt on me répondra : « Le christianisme aussi ! »
Et l’on citera les croisades, les conquistadors, les Saxons de Charlemagne, etc. Eh bien il y a une différence radicale.
Lorsque les chrétiens agissaient par la violence et convertissaient par force, ils allaient à l’inverse de toute la Bible, et particulièrement des Évangiles. Ils faisaient le contraire des commandements de Jésus, alors que lorsque les musulmans conquièrent par la guerre des peuples qu’ils contraignent à l’Islam sous peine de mort, ils obéissent à l’ordre de Mahomet.
Le djihad est la première obligation du croyant musulman. Et le monde entier doit entrer, par tous les moyens, dans la communauté islamique.
Je sais que l’on objectera : « Mais ce ne sont que les “intégristes” qui veulent cette guerre. »
Malheureusement, au cours de l’histoire complexe de l’Islam, ce sont toujours les « intégristes », c’est-à-dire les fidèles à la lettre du Coran, qui l’ont emporté sur les courants musulmans modérés, sur les mystiques, etc.
Déclarer sérieusement que l’adhésion de « certains musulmans » à l’intégrisme islamique est le résultat d’une crise d’identité est une désastreuse interprétation.
L’intégrisme islamique en Iran, en Syrie, au Soudan, en Arabie Saoudite, maintenant en Algérie est-il une réaction à une crise d’identité ?
Non, l’intégrisme islamique est seulement le réveil de la conscience religieuse musulmane chez des hommes qui sont musulmans, mais devenus plus ou moins « tièdes ».
Le réveil farouche et orthodoxe de l’islam est un phénomène mondial. Il faut vivre dans la lune pour croire que l’on pourra « intégrer » des musulmans pacifiques et non conquérants. Il faut oublier ce qu’est la rémanence du sentiment religieux (ce que je ne puis développer ici). Il faut oublier la référence obligée au Coran. Il faut oublier que jamais pour un musulman l’État ne peut être laïc et la société sécularisée : c’est impensable pour l’islam.
Jacques Ellul.
Article paru dans l’hebdomadaire Réforme le 15 juillet 1989. Jacques Ellul a été reconnu par divers cercles académiques américains comme l’un des plus importants penseurs contemporains. De son vivant, il a publié plus de 600 articles et 48 livres, traduits dans une douzaine de langues.
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ANNEXE N° 3.
Preuves que les chrétiens ont falsifié leurs évangiles officiels.
Ainsi que l’écrivait en 1972 Bernard Lewis dans essai sur la race et la couleur en pays d’islam, « citer un blasphème n’est pas blasphémer ». Nous regrouperons ci-dessous à fins de comparaison les principales falsifications du Livre opérées par les premiers chrétiens dans leurs évangiles afin d’éloigner leurs compatriotes de la vraie religion. C’est édifiant ! Comment est-il possible de se tromper à ce point en croyant bien faire ? Ces falsifications de la révélation divine sont visibles et grossières, elles sautent aux yeux.
Falsification N° 1. Jean 8, 3 à 11.
Les scribes et les pharisiens lui amènent alors une femme surprise en adultère et, la plaçant bien en vue, ils disent Jésus : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Moïse nous a prescrit dans la Loi de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu ? » Ils disaient cela pour lui tendre un piège, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus, se baissant, se mit à écrire avec son doigt sur le sol. Comme ils insistaient, il se redressa et leur dit : « que celui de vous qui est sans péché lui jette la première pierre ! » Et se baissant de nouveau, il se remit à écrire sur le sol. À ces mots, ils se retirèrent un à un, à commencer par les plus vieux ; et Jésus resta seul avec la femme qui était toujours là. Alors, se redressant, il lui dit : « Femme, où sont-ils ? Personne ne t’a condamnée ? » « Personne Seigneur », répondit-elle. Moi non, lui dit Jésus, je ne te condamne pas. Va, désormais ne pèche plus ».
Note de la rédaction. La falsification de la révélation divine initiale est évidente. Dieu qui est juste ne peut pas rester sans rien faire face à tel exemple de fornication. Tout le monde sait que la femme doit être ou fouettée ou lapidée selon certains autres docteurs de la Loi.
Falsification N° 2. Luc, 6, 27.
Mais, je vous le dis, à vous qui m’écoutez : aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous maltraitent. À qui te frappe sur une joue, présente encore l’autre ; à qui t’enlève ton manteau, ne refuse pas ta tunique. Donne à quiconque te demande, et à qui te prend ton bien, ne le réclame pas. Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le semblablement pour eux. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quel gré vous en saura-t-on ? Car même les pécheurs en font autant. Et si vous prêtez à ceux dont vous espérez recevoir, quel gré vous en saura-t-on ? Même des pécheurs prêtent à des pécheurs pour en recevoir l’équivalent. Au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien attendre en retour. Votre récompense
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alors sera grande et vous serez les fils du Très-Haut, car il est bon, Lui, pour les ingrats et les méchants ».
Falsification N° 3. Luc, 10, 29 à 37.
Qui est mon prochain ? Jésus répondit : « un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et tomba au milieu de brigands qui après l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à demi mort. Un prêtre, par hasard, descendait par ce chemin ; il le vit, prit de l’autre côté de la route et passa. Pareillement un lévite, survenant en ce lieu, le vit, prit l’autre côté de la route et passa. Mais un Samaritain, qui était en voyage, arriva près de lui, le vit et fut touché de compassion. Il s’approcha, banda ses plaies, y versant de l’huile et du vin, puis le chargea sur sa propre monture, le conduisit à l’hôtellerie et prit soin de lui. Le lendemain, il tira deux deniers, les donna à l’hôtelier, en disant : ‘Aie soin de lui, et ce que tu auras dépensé en plus, c’est moi qui le paierai lors de mon retour ». Lequel de ces trois, à ton avis, s’est montré le prochain de l’homme tombé aux mains des brigands ? »
NDLR. Là aussi la falsification du Livre initial est évidente. Les Samaritains étaient des païens. Comment un païen pourrait-il agir ainsi envers un croyant ?
Falsification N° 4. Luc 22, 47.
Comme il parlait encore survient une bande. À sa tête marchait le nommé Judas, l’un des douze, qui s’approcha de Jésus pour lui donner un baiser. Jésus lui dit : « Judas, c’est par un baiser que tu livres le Fils de l’homme ! » Voyant ce qui allait arriver, les compagnons de Jésus lui demandèrent : « Seigneur, faut-il frapper du glaive ? » Et l’un d’eux frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l’oreille droite. Mais Jésus prit la parole et dit « laissez ; cela suffit » et, lui touchant l’oreille, il le guérit.
Falsification N° 5. Luc 23,33.
Arrivés au lieu-dit du Crâne, ils l’y crucifièrent ainsi que les malfaiteurs, l’un à droite et l’autre à gauche. Jésus, lui, disait : « Mon père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font ».
Falsification N° 6. Luc 15, 11 à 32.
Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : « Père, donne-moi la part de fortune qui me revient’. Et le père leur partagea son bien. Peu de jours après, le plus jeune fils, rassemblant tout son avoir, partit pour un pays lointain et y dissipa son bien dans une vie de prodigue.
Quand il eut tout dépensé, une grande famine survint en ce pays et il commença à sentir la privation. Il alla se mettre au service d’un des habitants de la contrée, qui l’envoya dans ses champs garder les cochons. Il aurait bien voulu se remplir le ventre des caroubles que mangeaient les cochons, mais personne ne lui en donnait. Rentrant alors en lui-même, il se dit : ‘Combien de journaliers de mon père ont du pain en abondance, et moi je suis ici à mourir de faim ! Je veux partir, retourner vers mon père et lui dire : Père, j’ai péché contre le Ciel et contre toi ; je ne mérite plus d’être appelé ton fils, traite-moi comme l’un de tes journaliers’. Il partit et s’en retourna vers son père.
Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut touché de compassion ; il courut se jeter à son cou et l’embrassa longuement. Le fils alors lui dit :’Père, j’ai péché contre le Ciel et contre toi, je ne mérite plus d’être appelé ton fils’.
Mais le père dit à ses serviteurs :’vite, apportez la plus belle robe et l’en revêtez, mettez-lui un anneau au doigt et des chaussures au pied. Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé.
NDLR. Là encore la falsification est évidente, car ces versets n’ont aucun sens !
Falsification N° 7. Luc 20, 20 à 26.
« Alors les pharisiens allèrent se concerter en vue de le surprendre en paroles, et ils lui envoient des espions jouant les justes pour lui dire : « Maître, nous savons que tu es franc et que tu enseignes la voie de Dieu avec franchise, sans te préoccuper de qui que ce soit, car tu ne regardes pas au rang des personnes. Dis-nous donc ton avis : est-il permis ou non de payer l’impôt à César ? » Mais Jésus connaissant leur perversité riposta : « Hypocrites ! Pourquoi me tendez-vous un piège ? Faites-moi voir l’argent de l’impôt ».
Ils lui présentèrent un denier. Et il leur dit : « De qui est l’effigie que voici ? Et la légende ? » « De César », répondent-ils. Alors il leur dit : « Rendez-donc à César ce qui est à César et à dieu ce qui est à Dieu ».
Falsification N° 8. Matthieu 20, 1 à 16.
« Il en va du royaume des Cieux comme d’un propriétaire qui sortit au point du jour afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne. Il convint avec eux d’un denier pour la journée et les envoya à sa vigne.
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Sorti vers la troisième heure, il en vit d’autres qui se tenaient, désœuvrés, sur la place, et leur dit : ‘Allez, vous aussi, à ma vigne, et je vous donnerai un salaire équitable’. Et ils y allèrent ; sorti de nouveau vers la sixième heure, puis vers la neuvième heure, il agit de même. Vers la onzième, il sortit encore, en trouva d’autres qui se tenaient là et leur dit : ‘Pourquoi restez-vous ici tout le jour sans travailler ?’ C’est que, lui disent-ils, personne ne nous embauchés’. Il leur dit : ‘Allez, vous aussi, à ma vigne’.
Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : ‘Appelle les ouvriers et remets à chacun son salaire, en remontant des derniers aux premiers’.
Ceux de la onzième heure vinrent donc et touchèrent un denier chacun. Les premiers, venant à leur tour, pensèrent qu’ils allaient toucher davantage ; mais c’est un denier chacun qu’ils touchèrent eux aussi. Tout en le recevant, ils murmuraient contre le propriétaire : ‘Ces derniers venus n’ont travaillé qu’une heure, et tu les as traités comme nous, qui avons porté le fardeau de la journée, avec sa chaleur’.
Alors il répliqua en disant à l’un d’eux : ‘Mon ami, je ne te lèse en rien : n’est-ce pas d’un denier que nous sommes convenus ? Prends ce qui te revient et va-t’en. Il me plaît de donner à ce dernier venu autant que toi : n’ai-je pas le droit de disposer de mes biens comme il me plaît ? ou faut-il que tu sois jaloux parce que je suis bon ? »
N.B. La falsification suprême. Comment Dieu peut-il ordonner d’être injuste ? Les ouvriers de la onzième heure ont travaillé moins, ils doivent donc être moins payés. C’est élémentaire. S’il ne fallait qu’un passage des évangiles pour prouver que les chrétiens ont falsifié la révélation divine, celui-ci suffirait.
Falsification N°9. Saint Matthieu 6, 5-6.
« Et quand vous priez, n’imitez pas les hypocrites : ils aiment, pour faire leurs prières, à se camper dans les synagogues et les carrefours, afin qu’on les voie. En vérité, je vous le dis, ils ont déjà leur récompense. Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là dans le secret ».
Le comble du comble ! Comment Dieu pourrait-il accepter d’être adoré ou prié comme si on en avait honte ?
Falsification N° 10. Matthieu 6, 16.
« Quand vous jeûnez, ne vous donnez pas un air sombre comme font les hypocrites : ils prennent une mine défaite pour qu’on voie bien qu’ils jeûnent. En vérité je vous le dis, ils ont déjà leur récompense. Pour toi, quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage, pour que ton jeûne soit connu, non des hommes, mais de ton Père qui est là, dans le secret ».
Autre falsification évidente qui nie le caractère sacré du ramadan.
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ANNEXE N°4.
ET ENFIN LA DERNIÈRE, MAIS NON LA MOINDRE, L’ÉVANGILE DE BARNABÉ.
Ce texte ne doit pas être confondu ni avec l’épître de Barnabé qui en diffère complètement ni avec les Actes de Barnabé.
Disons-le tout de suite, comme quoi la manipulation des textes ou la fraude pieuse n’est pas l’apanage du christianisme ; l’évangile de Barnabé est un faux pitoyable émanant de milieux musulmans, ou restés secrètement musulmans (ESPAGNOLS ?).
C’est évident, d’où le caractère assez grossier * de ce faux, sur lequel John Toland a eu le tort de ne pas assez insister dans son Nazarenus, induit en erreur par le fait qu’il n’avait en main que la traduction italienne. « J’en viens présentement à l’évangile des Turcs, qui vraisemblablement est le même livre… traduit en italien par quelque renegato » (en italien dans le texte).
La seule chose qui mérite d’être discutée donc, c’est le noyau initial, dont certains spécialistes qu’il peut remonter à des milieux judéo-chrétiens de Syrie-Palestine au 6e siècle.
Prologue.
Traduit du manuscrit italien du 15e siècle (le texte espagnol a une centaine de chapitres en moins).
Barnabé, apôtre de Jésus Nazaréen appelé Christ, à tous ceux qui habitent sur la terre, souhaite paix et consolation.
Très chers, le grand et admirable Dieu nous a visités, ces jours passés, par son Prophète Jésus Christ, en grande miséricorde de doctrine de doctrine et de miracles. C’est pourquoi beaucoup, trompés par Satan, sous couvert de pitié, prêchent une doctrine fort impie : ils appellent Jésus fils de Dieu, rejettent la circoncision, alliance de Dieu à jamais, et autorisent toute sorte d’aliments impurs. Parmi eux, Paul lui-même est dans l’erreur, et je n’en parle pas sans douleur.
En conséquence, je vous écris cette vérité que j’ai vue et entendue en fréquentant Jésus, afin que vous soyez sauvés, que vous ne soyez pas trompés par Satan et que vous ne périssiez pas dans le jugement de Dieu. Gardez-vous donc de quiconque vous prêche une doctrine nouvelle opposée à ce que je vous écris, pour que vous soyez sauvés à jamais. Que le grand Dieu soit avec vous et vous garde de Satan et de tout mal ! Amen.
39. Jean dit alors : « Tu as bien parlé, Maître, mais il nous reste encore à savoir comment l’homme pécha par orgueil. Jésus répondit : quand Dieu eut chassé Satan, et que l’ange Gabriel eut purifié cette masse de terre où Satan avait craché, Dieu créa tout ce qui vit, aussi bien les animaux qui volent que ceux qui marchent et ceux qui nagent, et il orna le monde de tout ce qu’il a.
Un jour, Satan s’approcha des portes du paradis et, voyant les chevaux manger de l’herbe, il leur annonça que, si cette masse de terre recevait une âme, ils en souffriraient beaucoup et qu’ils feraient bien de piétiner cette terre de façon qu’elle ne soit plus bonne à rien. Les chevaux s’ébrouèrent et se disposèrent avec fougue à ravager cette terre qui gisait parmi les lis et les roses.
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Alors Dieu donna le souffle au morceau de terre impure sur laquelle se trouvait le crachat de Satan que Gabriel avait enlevé de la masse, et il suscita le chien. Celui-ci en aboyant, remplit de peur les chevaux qui s’enfuirent. Puis Dieu donna l’âme à l’homme, tandis que tous les saints anges chantaient. : « Béni soit ton saint nom, ô Dieu notre Seigneur ».
Se dressant sur ses pieds, Adam vit, en l’air, une inscription brillante comme le soleil. Elle disait : « Il n’y a qu’un seul Dieu, et Muhammad est le Messager de Dieu ». Alors Adam ouvrit la bouche et dit : « Je te rends grâces, Seigneur mon Dieu, d’avoir daigné me créer, mais dis-moi, je t’en prie, que signifient ces paroles : Muhammad Messager de Dieu ? » Y a-t-il eu d’autres hommes avant moi ? » Dieu répondit alors : « Sois le bienvenu, ô, mon serviteur Adam ! Je te le dis, tu es le premier homme que j’ai créé. Celui que tu as vu est ton fils qui se tiendra prêt pendant bien des années à venir au monde. Il sera mon Messager. C’est pour lui que j’ai tout créé, Il donnera lumière au monde quand il viendra. Son âme se trouve dans une splendeur céleste ; elle y fut mise soixante mille ans avant que je fasse quoi que ce soit. Adam pria Dieu en disant : « Seigneur, inscris cela sur mes ongles » Dieu inscrivit alors cela sur les pouces du premier homme. Sur l’ongle de la main droite, il y avait : « Il n’y a qu’un seul Dieu » ; et sur l’ongle de la main gauche, il y avait : Muhammad est le Messager de Dieu ». Aussi, avec une affection paternelle, le premier homme baisa ces mots. Il se frotta les yeux et dit : « Béni soit le jour où tu viendras au monde ! »
Voyant que l’homme était seul, Dieu dit : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul ». Il le fit donc dormir. Lui ayant pris une côte du côté du cœur et ayant rempli cet endroit de chair, il fit de cette côte Ève et il la donna à Adam pour épouse. Il les fit tous deux maîtres du paradis et leur dit : « Voici, je vous donne tous les fruits à manger, sauf les pommes et le blé ». À leur sujet il dit : « Gardez-vous absolument de manger de ces fruits, car vous en deviendriez si impurs que je ne souffrirais pas que vous restiez ici. Je vous chasserais dehors et vous souffririez de grandes misères.
221… Tous s’y rendirent donc, excepté vingt-cinq des soixante-douze disciples qui, par crainte, avaient fui à Damas. Alors que tous se trouvaient en prière, à l’heure de midi, Jésus vint avec une grande foule d’anges qui bénissaient Dieu. Tous prirent peur en voyant la splendeur de son visage et tombèrent la face contre la terre. Les ayant relevés, Jésus les réconforta en disant : « Ne craignez pas, je suis votre Maître ! » Il en réprimanda beaucoup qui croyaient qu’il était mort et ressuscité : « Nous pensez-vous donc, moi et Dieu, pour des menteurs ? Dieu m’a donné de vivre jusqu’aux approches de la fin du monde comme je vous l’ai dit. Je vous le dis, je ne suis pas mort ; c’est le traître Judas qui est mort. Prenez garde, Satan fera tout pour vous tromper ! Efforcez-vous donc d’être mes témoins partout en Israël et dans le monde entier, témoins de ce que vous avez entendu et vu ! »
Cela dit, il pria Dieu pour le salut des fidèles et la conversion des pécheurs. La prière terminée, il embrassa sa mère et dit : « Sois en paix, ma mère, et repose-toi en Dieu, ton créateur et le mien ! » Puis il s’adressa aux disciples : « Que la grâce et la miséricorde de Dieu demeurent avec vous ! Alors, les quatre anges l’enlevèrent visiblement au ciel.
222. Jésus parti, les disciples se divisèrent selon les diverses régions. La vérité haïe par Satan fut persécutée par le mensonge, comme cela se passe encore aujourd’hui. Quelques mauvais hommes en effet se prétendant disciples prêchaient que Jésus était mort sans ressusciter ; d’autres prêchaient que Jésus était vraiment mort et ressuscité ; d’autres, et parmi eux se trouve Paul, trompé lui aussi, prêchaient et prêchent encore maintenant que Jésus est le fils de Dieu. Quant à nous, nous prêchons à ceux qui craignent Dieu tout ce qu’il a écrit pour qu’ils soient sauvés au jour du jugement de Dieu. Amen !
* Grossier, car ce texte dans son état actuel épouse exactement ce que beaucoup de musulmans pieux pensent de la personne de Jésus-Christ : ce n’est qu’un prophète, il n’a pas été crucifié et le texte va même jusqu’à mentionner Mahomet malgré les siècles d’anachronisme que cela suppose.
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ANNEXE N°5.
ÉLOGE DE L’INCROYANCE OU CONCLUSION SUR LES TROIS RELIGIONS DE MASSE.
1) Si les juifs chrétiens ou les musulmans, ont le droit, et personne ne songe à le leur contester, de dire tout le bien qu’ils pensent de leurs religions respectives et notamment de prétendre qu’elles ont été instituées par Dieu ; les incroyants doivent avoir le droit de dire tout le mal qu’ils en pensent, eux, et notamment d’affirmer que ces religions sont au contraire une véritable insulte à l’intelligence humaine.
2) Les croyances que les premiers ont le droit de présenter comme des vérités immuables et divines, les seconds doivent avoir le droit de les regarder comme un tissu de stupidités anachroniques et de le dire sans ménagement.
3) On ne pourrait leur demander de se taire ou, du moins d’avoir recours à la litote, que si les croyants eux-mêmes en faisaient autant.
4) Or, s’il est vrai que les chrétiens d’aujourd’hui tendent à être de moins en moins dogmatiques, au point que les incroyants sont de plus en plus souvent obligés de leur rappeler à quoi ils sont censés croire ; il n’en est pas de même des musulmans.
5) Et c’est sans doute ce qui fait qu’à la différence de la religion chrétienne, maintenant trop peu sûre d’elle-même pour être encore oppressive, la religion musulmane reste profondément aliénante pour les esprits libres.
6) Et c’est aussi pourquoi l’islamophobie reste pleinement justifiée, n’en déplaise à notre Président !
7) Les croyants disent volontiers qu’ils se sentent personnellement insultés lorsque l’on critique leurs croyances et à plus forte raison lorsqu’on les tourne en dérision.
8) Aussi, et on l’a vu encore tout récemment avec l’affaire des caricatures de Mahomet, beaucoup d’entre eux, les musulmans surtout, voudraient imposer « le respect universel des religions » à certaines exceptions près (paganisme idolâtrie animisme panthéisme, etc.) et en commençant par la leur évidemment et en finissant par celle des autres. Bref, le monde entier devrait respecter (se conformer à ?) leur religion, pour ne pas dire la suivre, voire pourquoi pas s’y convertir.
9) Certes, il est naturel que les croyants ne soient pas très heureux et qu’ils se sentent plus ou moins blessés dans leur amour-propre, lorsqu’on leur dit, comme l’a fait le baron d’Holbach, qu’ils croient en des stupidités ridicules.
10) Et, certes, l’incroyant qui leur dit cela n’entend pas rendre ainsi hommage à leur intelligence.
11) Mais devant l’absurdité de certaines croyances religieuses, la première réaction de l’incroyant est nécessairement de se poser des questions sur le quotient intellectuel des croyants.
12) Mais il ne pense pas pour autant que tous les croyants sont nécessairement des imbéciles, ni non plus d’ailleurs que tous les incroyants sont nécessairement intelligents.
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13) L’incroyant sait fort bien sait qu’au-delà de la simple paresse intellectuelle et du conformisme social qui les poussent à ne pas remettre en question les « vérités » qu’on leur a inculquées dans leur enfance ; les croyants sont généralement mûs par des mobiles que l’on peut comprendre, notamment le désir d’avoir des réponses à des questions auxquelles l’incroyant aimerait bien, lui aussi, pouvoir répondre.
14) Le désir de retrouver dans un autre monde les êtres que l’on a aimés ou d’y goûter des joies que l’on aurait apprécié de pouvoir goûter dans celui-ci.
15) C’est pourquoi les incroyants ont toujours su distinguer entre les personnes des croyants, qu’ils respectent (qui pourraient être leur mère ou leur femme), et leurs croyances, qu’ils ne peuvent que juger très sévèrement. Ils reconnaissent que les croyants ont souvent de grandes qualités humaines et même de grandes qualités intellectuelles, en dépit de l’absurdité de leurs croyances.
16) Et ils y ont d’autant plus de mérite que les croyants, eux, sont souvent peu enclins à leur rendre la pareille, et à faire une semblable distinction entre les personnes des incroyants et leurs opinions philosophiques.
17) Bien au contraire, les trois religions de masse monothéistes ont presque toujours mis en cause la personne même des incroyants ; par exemple en prétendant que leur incrédulité s’expliquait essentiellement, sur le plan intellectuel, par la sottise, ou à tout le moins par la paresse et la légèreté ; mais aussi, sur le plan moral, par un orgueil immodéré, qui leur faisait rejeter toute autorité. Ainsi que par une profonde dépravation ou le désir de s’adonner sans contrainte à tous leurs bas instincts, et à toutes leurs passions.
18) Aux yeux de la grande majorité des dévots, les incroyants ont toujours été à la fois des « insensés » et « des méchants », des « sots » et des « pervers ».
19) La Bible et plus encore le Coran abondent en injures envers les incroyants.
20) Le psalmiste traite les athées d’insensés. « L’insensé a dit en son cœur : Plus de Dieu ! » (Psaumes 14 et 53, verset 1). Il interpelle les « impies » en ces termes : « Hommes stupides entre tous, sachez-le ; esprits bornés, serez-vous un jour intelligents ? » (Psaume 94, verset 8).
21) Mahomet répète à satiété que seuls ceux qui sont « doués d’intelligence », seuls ceux qui « réfléchissent », sont capables de reconnaître et de comprendre les « signes » que Dieu a envoyés à son prophète (38, 29 ; 39, 9 ; 41,3 ; 45, 5). Ceux qui refusent de le faire sont des « sots » (2, 13), des « orgueilleux » (38, 2 ; 74, 23) et des « hommes dans l’erreur » (2, 92), le pire de l’humanité (98,6).
22) Quant aux auteurs chrétiens, qu’ils soient religieux ou laïques, ils ont déversé sur les incroyants de tels tombereaux d’expressions méprisantes et d’insultes, qu’il serait impossible de pouvoir toutes les recenser. Quiconque commencerait à s’atteler à cette tâche, aurait très rapidement de quoi faire un gros livre…
Notre ami René Pommier est un spécialiste de la littérature française du XVIIe siècle, et malheureusement sa conclusion est que les philosophes français de cette époque ont eu des réactions consternantes en ce domaine. En voici trois extraits, peu flatteurs pour l’amour-propre des Français, qui ne brillent guère par leur esprit en l’occurrence.
Si Pascal, qui a des amis libertins, se montre un peu plus compréhensif à leur égard ; il n’en pense pas moins, comme Bossuet, que ce sont des esprits superficiels, futiles, qui ne veulent pas se donner la peine de s’informer sérieusement ni de réfléchir vraiment. « Ils croient donc avoir fait de grands efforts pour s’instruire, lorsqu’ils ont employé quelques heures à la lecture d’un livre des Saintes Écritures, et qu’ils ont interrogé quelque ecclésiastique sur les vérités de la Foi. Après cela, ils se vantent d’avoir cherché sans succès dans les livres et parmi les hommes ». Pascal est persuadé qu’ils n’ont à opposer à la religion que des arguments simplistes et ridicules. « Faites leur rendre compte de leurs sentiments et des raisons qu’ils ont de douter de la religion : ils vous diront des choses si faibles et si basses qu’ils vous persuaderont du contraire ».
La Bruyère, lui aussi, pense que les incroyants sont ignorants et inaptes à toute réflexion véritable : « L’ignorance qui est leur caractère les rend incapables des principes les plus clairs et des raisonnements les mieux suivis ». Et il est, en outre, convaincu que les athées sont tous des êtres immoraux et dépravés. « Je voudrais voir un homme sobre, modéré, chaste, équitable, prononcer qu’il n’y a point de Dieu : il parlerait du moins de façon désintéressée ; mais un tel homme n’existe pas » !
Pour clore et couronner ce très bref échantillon des propos méprisants, injurieux, voire haineux, que les croyants ont tenus pendant tant de siècles à l’égard des incroyants ; je ne saurais sans doute mieux faire que de citer ces lignes de Paul Claudel implorant Dieu en ces termes : « Ne me perdez pas avec les Voltaire, les Renan, les Michelet, les Hugo, et tous les autres infâmes ! Leur âme est avec les chiens morts, leurs livres sont devenus fumier. Ils sont morts, et leur nom, même après leur mort, est un poison et une pourriture ».
Dans le « Guide de lecture » annexé au Catéchisme de l’Église catholique, on peut lire ceci : « Le refus de Dieu que professe l’athéisme et le refus de se prononcer à son sujet d’agnosticisme, même
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s’ils s’expliquent par divers motifs ; n’en traduisent pas moins un réel déficit dans l’exercice de l’intelligence ». Et lors de l’audience générale du mercredi 14 avril 1999 intitulée « la réponse chrétienne à l’athéisme moderne » donnée au Vatican ; Jean-Paul II n’a pas craint de reprendre, pour qualifier les athées, le terme même dont se servait le Psalmiste : « Le Psalmiste qualifie d’insensé celui qui se dit dans son cœur « Dieu n’existe pas » (Ps 14,1).
J’avoue ne guère savoir en quels termes les juifs religieux d’aujourd’hui parlent des incroyants. Mais je n’ai pas entendu dire qu’ils avaient renoncé à la fâcheuse habitude de commencer leur journée en remerciant Dieu de ne pas les avoir créés non-juifs. Il est vrai que certains juifs, un peu plus libéraux, préfèrent avoir recours à une formulation positive en remerciant Dieu, non plus de ne pas les avoir créés non-juifs, mais de les avoir faits juifs. Cela pourtant ne change rien, car cela revient toujours à dire que les juifs sont un peuple élu par rapport aux non-juifs, et donc à commencer sa journée en affichant son mépris pour les autres croyants, a fortiori, pour les incroyants, considérés comme des sous-hommes. Pour plus de détails sur la Birkat ha Minim voir notre cahier de notes sur le judaïsme.
Mais c’est, bien sûr, chez les musulmans que l’on rencontre aujourd’hui le plus de mépris, voire de haine pour les incroyants. Et comment pourrait-il en être autrement puisque ce mépris et cette haine sont exprimés d’une manière obsessionnelle tout au long du Coran ? J’ai assez souvent voyagé dans des pays musulmans, et j’ai entendu plusieurs fois des guides locaux qui, pour montrer leur largeur d’esprit et s’attirer la sympathie des touristes, déclaraient qu’ils sympathisaient volontiers avec des non-musulmans, chrétiens ou juifs. Mais ajoutaient aussitôt qu’il en allait tout autrement avec ceux qui n’avaient pas de religion : ceux-là, ils ne voulaient pas les connaître, ils ne voulaient avoir aucune relation avec eux, ils refusaient de les regarder comme des êtres humains.
Au total, c’est l’incroyant beaucoup plus que le croyant, qui serait fondé à se plaindre d’être l’objet du mépris et de la haine de ceux qui ne pensent pas comme lui. Et il n’est pas étonnant qu’il en soit ainsi. Car, si, comme je l’ai dit, l’incroyant peut comprendre assez facilement les raisons du croyant, ou du moins certaines d’entre elles, qui sont sans doute les plus importantes ; il n’en est pas de même pour le croyant qui a, au contraire, généralement beaucoup de peine à admettre les véritables raisons de l’incroyant, et demeure facilement porté à lui en prêter d’autres. Or les vraies raisons de l’incroyant ne sont autres que l’invraisemblance, l’extravagance, l’absurdité, ainsi que l’évidente fausseté des croyances religieuses. Pour le croyant, commencer seulement à comprendre les raisons de l’incroyant, c’est donc déjà commencer à douter. Pour pouvoir les comprendre vraiment et pleinement, il faudrait qu’il cessât tout à fait de croire. Les croyants ne commencent à respecter les incroyants que quand ils commencent à ne plus vraiment croire, que quand ils commencent à se dire tout au fond d’eux-mêmes que les incroyants pourraient bien avoir raison.
L’incroyant peut, au contraire, comprendre très facilement les raisons du croyant, sans pour autant se sentir le moins du monde porté à le rejoindre. Il peut très bien comprendre que l’on puisse souhaiter avoir des réponses à des questions que l’on ne peut pas ne pas se poser ; sans pour autant être le moins du monde tenté de se rallier à celles que lui proposent les religions ou les sectes. Car, si forte que puisse être son envie d’avoir des réponses, il ne saurait considérer comme telles des absurdités manifestes. À Pascal qui ne craint pas de nous dire que « sans ce mystère incompréhensible [le péché originel] nous sommes incompréhensibles à nous-mêmes » ; Ernest Havet répond fort justement : « Un fait incompréhensible est encore un fait, mais une explication incompréhensible n’est plus du tout une explication ».
23) L’incroyant est trop conscient de l’impossibilité absolue de trouver la clef de l’énigme pour pouvoir seulement envisager d’adopter quelque solution que l’on puisse lui proposer ; quand bien même elle ne serait pas aussi évidemment dénuée de tout fondement que celles auxquelles les croyants se raccrochent.
24) Lorsque des témoins de Jéhovah ou d’Allah ou des membres d’une autre secte viennent sonner à ma porte pour m’expliquer qu’ils ont la vérité, eux, et pour proposer de m’en faire part ; je leur réponds que, si un jour quelqu’un l’avait vraiment trouvée, la nouvelle se serait répandue comme une traînée de poudre, elle aurait fait le tour du monde ; et ils ne seraient pas en train de faire du porte-à-porte pour annoncer une vérité qu’ils ne connaissent pas plus que ceux auxquels ils s’adressent.
25) Les incroyants ne demanderaient pas mieux que quelqu’un vienne leur apporter de vraies réponses à leurs interrogations.
26) Et c’est pourquoi quand les croyants leur disent qu’ils connaissent, eux, la solution, alors qu’ils n’ont à leur proposer qu’un grotesque assortiment de sornettes, qu’un fatras de fables et fariboles aussi rocambolesques qu’anachroniques ; ils peuvent, eux aussi, se sentir offensés, comme le serait un mendiant à qui l’on donnerait un bouton de culotte, ou un homme affamé à qui l’on offrirait du fromage en plâtre et du pain en bois.
27) Ils peuvent, eux aussi, être profondément irrités par des croyances et des pratiques qui, au-delà de ceux qui s’y livrent ou s’y adonnent, tendent à jeter le ridicule sur notre espèce tout entière.
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28) Pourtant, si les croyants ne peuvent pas se passer de croire qu’il y a une réponse et qu’ils la connaissent ; s’ils sont obligés, pour avaler les couleuvres que leurs religions respectives leur font ingurgiter, de se livrer à toutes sortes de contorsions et de gesticulations ; les incroyants, quelles que puissent être leur déception et leur irritation, ne songent aucunement à faire quoi que ce soit pour essayer de s’y opposer.
29) Que les croyants bêlent ! Qu’ils glapissent ! Qu’ils hululent à qui mieux mieux ! Qu’ils se dandinent ! Qu’ils se trémoussent ! Qu’ils entrent en transe ! Qu’ils s’agenouillent ! Qu’ils se prosternent en levant le derrière en l’air ! Qu’ils se livrent à toutes les grimaces, à toutes les simagrées, à toutes les pitreries qu’ils voudront ! Aucun incroyant ne songe à les en empêcher ! Qu’ils se flagellent se mortifient ou se couchent sur des planches à clous dans l’intimité de leur chambre ou de leur jardin à l’abri des regards indiscrets ! Aucun incroyant ne songe à les en empêcher !
30) Les incroyants leur contestent seulement le droit…
31) D’obliger autrui à en faire autant.
32) D’embarquer leurs enfants sur la même galère en les manipulant, en aliénant leur futur droit de choisir, en leur fermant à l’avance telle ou telle porte. Nous n’avons aucun droit en ce qui concerne nos enfants, nous n’avons que des devoirs. Nous n’avons pas des enfants, nous appartenons à nos enfants.
33) Et rien ne saurait excuser ni encore moins justifier les croyants ; lorsqu’ils prétendent contester le droit des incroyants à s’exprimer avec une entière liberté, mais une chose, au moins, devrait les empêcher, non seulement de le faire, mais même de l’envisager un seul instant ; la conscience de tous les abus, de toutes les violations des droits de l’Homme, de tous les crimes, de tous les massacres, qui ont été commis pendant tant de siècles au nom de leur dieu ; et qui dans le cas de l’islam sont encore commis tous les jours ici et là.
34) La seule pensée de tous les hérétiques et de tous les incroyants que l’Église a fait brûler après leur avoir coupé la langue, pour les empêcher de s’exprimer une dernière fois ; devrait lui interdire absolument, non pas de répondre, ou du moins d’essayer de le faire, à certaines critiques ou à certaines plaisanteries des incroyants, ce que ceux ces derniers admettent très volontiers ; mais de prétendre qu’ils n’avaient pas le droit de les faire.
35) Si certains hommes, si beaucoup d’hommes, si la majorité des hommes, ont besoin de croire à des fables comme une élection divine une résurrection ou l’isma d’un prophète et la nature incréée d’un livre sacré pour supporter notre condition humaine, hé bien qu’ils y croient ! S’ils ont besoin de proclamer leur foi, hé bien, qu’ils la proclament, pourvu bien sûr qu’ils respectent la liberté des autres. S’ils ont besoin, non seulement de penser que les incroyants sont des imbéciles, mais de le dire, hé bien qu’ils le disent ! Si cela peut les soulager de traiter les incroyants de tous les noms, hé bien qu’ils le fassent !
36) Mais qu’ils ne prétendent pas exiger que les incroyants respectent leurs croyances, qu’ils n’essaient pas de les obliger à se censurer eux-mêmes et à restreindre, si peu que ce soit, leur liberté d’opinion et d’expression ! Messieurs les croyants, un peu de décence s’il vous plaît !
37) Les incroyants respectent la croyance des croyants dans l’exacte mesure où les croyants respectent leur incroyance à eux. C’est le très païen principe basique de réciprocité. On ne peut décemment leur en demander plus. Le principe de réciprocité.
Ainsi que nous l’avons déjà signalé plus haut, René Pommier, qui a enseigné la littérature française du XVIIe siècle, est l’auteur de nombreux ouvrages dont plusieurs manifestent un irrespect jubilatoire des superstitions religieuses.
Ainsi que nous avons eu l’occasion de le dire, nous ne sommes d’accord qu’à 98 % avec une telle analyse du phénomène de la Croyance. Pour ce qui est de l’intelligence des croyants, nous sommes encore plus radicaux que lui et nous préférons nous en tenir à la comparaison ou à l’image suivante.
Tout être humain, serait-il le plus intelligent des hommes, a dans sa tête une zone de non-intelligence d’où sont exclues raison et réflexion. Un triangle des Bermudes ou du Diable dans lequel disparaissent bon sens ou esprit critique normal, ainsi que culture. Un peu comme une faille, d’une très faible largeur, certes, parfois, MAIS TOUJOURS D’UNE TRÈS GRANDE PROFONDEUR. Cette zone de non-intelligence du cerveau, analogue aux zones de non-droit de certains quartiers ou de certaines régions de certains pays, où ne règnent plus les lois de la logique ; peut concerner, suivant les individus, des domaines aussi divers que la sexualité, l’argent, l’orgueil, mais aussi la religion.
Oui, mais René Guénon m’objectera-t-on. Eh bien tant pis pour les adeptes de la Tradition primordiale, mon avis à moi est que se convertir à l’islam n’a jamais été une preuve d’intelligence ; sauf évidemment dans le cas des Toulaqua comme Abou Soufiane avant la prise de La Mecque en 630. Abou Soufiane, voilà au moins un musulman auquel on ne peut guère reprocher d’avoir idolâtré un simple mortel comme Mahomet. Car l’islam est la dernière des idolâtries, et l’objet de ce culte idolâtre qui est une véritable insulte à l’Être supérieur, s’appelle Mahomet.
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Il y a des gens intelligents, et très intelligents même, que la religion peut rendre bêtes, voire même très bêtes. À croire que l’être humain (ça doit être un défaut de fabrication) a besoin d’une telle soupape de sécurité pour ne pas exploser (sans quoi il se suiciderait ??) À croire qu’il est impossible à un être humain d’être à 100 % intelligent, à 100 % rationnel. Il lui faut un exutoire. Des moments de folie ! Un point aveugle comme dans le cas de la rétine de notre œil (il correspond à l’endroit où le nerf optique et les vaisseaux sanguins quittent l’œil).
Vous avez un doute quant à l’existence de ce point ? Alors, essayez ce test visuel et vous comprendrez.
+ O
Fermez votre œil gauche et fixez bien la croix, et uniquement la croix, approchez-vous à environ 30 cm, vous ne verrez plus la petite lunule. Si vous la voyez toujours, rapprochez-vous un peu ou éloignez-vous, il y aura un endroit précis où vous ne verrez plus la lunule.
De même : Fermez votre œil droit et fixez bien la lunule et uniquement la lunule, approchez-vous à environ 30 cm, vous ne verrez plus la croix. Si vous la voyez toujours, rapprochez-vous un peu ou éloignez-vous, il y aura un endroit précis où vous ne verrez plus la croix.
Eh bien en matière d’intelligence, il en va de même, tout être humain a son point aveugle, sa tache de Mariotte, et elle varie suivant les individus : sexualité, argent, athéisme ? Mais pour certains cela peut être la religion, la preuve !
Faire preuve d’esprit rationnel, c’est d’abord confronter la religion à ses nombreuses et vraiment extravagantes contradictions. Épicure et Spinoza ont dénoncé les conceptions ridicules et contraires à l’idée de perfection divine, que les religions entretiennent.
L’impie, se défendait déjà Épicure, n’est pas celui que l’on croit, mais celui qui se fait des dieux des idées aussi sottes et contraires à leur divinité. Le double préjugé anthropocentrique et anthropomorphique. Les hommes imaginent que les dieux, comme eux, agissent en fonction d’une fin, et que leur principale fin c’est l’Homme. Orgueil démesuré, besoin de lutter contre les terreurs de la vie ou la crainte de la mort ? Tout ce qui est incompatible avec la toute-puissance ou la bonté de Dieu, et avec la réunion des deux, est mis sur le compte des limites de notre intelligence : les voies de la divinité sont impénétrables.
Mais les pierres jetées par les intégristes juifs de Jérusalem, les Natureï Karta, sur les automobilistes juifs du samedi, ne sont ni symboliques ni en caoutchouc.
John Toland, l’intellectuel qui assez curieusement (cette celtomanie est vraiment stupide) a relancé le druidisme au XVIIIe siècle, a écrit un livre, sur, ou plus exactement contre (bourré d’idées explosives) le christianisme, qu’il voulait sans mystère ; mais tout ce qu’il a consigné dans son essai peut aussi, et doit aussi, s’appliquer à l’islam, mutatis mutandis. Toland y explique notamment que si l’on admet que nous sommes par nature incapables de bien raisonner ; alors nous ne sommes pas plus sujets à la damnation, en ne suivant pas les commandements de Dieu ; que ceux auxquels l’Évangile (ou le Coran) ne fut jamais annoncé le sont, en ne croyant pas au Christ (ou en Mahomet). Peut-on condamner celui qui ne croit pas en ce qu’ils ont dit s’il ne peut les comprendre ? Et comment ceux qui ne croient pas en Jésus ou en Mahomet pourraient-ils les suivre ? Dieu aurait mieux fait d’abréger nos spéculations afin de nous donner plus de temps pour mettre en pratique ce que nous comprenons, car, de deux choses l’une ; ou les apôtres ne pouvaient pas écrire de façon plus claire à propos de ces prétendus mystères, ou ils ont volontairement été obscurs.
S’ils n’ont pas voulu être plus clairs, alors ce n’est pas notre faute à nous, si nous ne les comprenons pas, et si nous ne les croyons pas. Et s’ils n’ont pas été capables d’être eux-mêmes plus clairs, alors ils doivent être les derniers à attendre que l’on ajoute créance à leurs déclarations.
Certains chrétiens ou certains islamistes affirment cependant que Dieu a le droit d’exiger de ses créatures qu’elles acquiescent, même à ce qu’elles ne peuvent comprendre ; mais dans quel but Dieu pourrait-il bien nous demander de croire à quelque chose que nous ne pouvons pas comprendre ? Si Foi ne signifie pas conviction rationnelle, nous ne pouvons pas donner à autrui une seule raison de partager notre espérance. Cette fameuse et admirable doctrine est sans aucun doute la source de toutes les plus incroyables absurdités qui furent jamais répandues chez les juifs, les chrétiens, ou les musulmans. Sans cette prétention, nous n’aurions jamais entendu parler de la Transsubstantiation ou des autres fables ridicules de ce genre, de l’Église de Rome. On n’aurait jamais eu à débattre de la consubstantiation ou impanation luthérienne, ni de la théorie de l’Ubiquité qui en a résulté, un peu comme un monstre en engendrant un autre. Et bien que les sociniens aient désavoué cette pratique ; à moins que je ne m’abuse, ni eux ni les ariens n’ont été capables de faire apparaître leur concept de « créature de Dieu ayant été élevée à son rang et digne d’adoration » ; plus logique que les extravagances des autres sectes concernant le Nazaréen.
Il est temps que les chrétiens reconnaissent aujourd’hui la relation pouvant exister entre leur propre langage sur le divin et celui de certains mythes du paganisme ; qu’ils renoncent à présenter révélation
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et mythologie, logos 1) et mythos 1), comme un combat entre l’erreur et la vérité ; car Pélage avait bien raison : l’histoire du péché originel n’est qu’un mythe suméro-babylonien 2). Cette idée, l’idée de péché, continue pourtant de régner dans les mentalités d’une grande partie du monde, en dépit de la déchristianisation ou de la déjudaïsation, qui n’ont pas permis de l’éradiquer. Quant à l’islam, n’en parlons même pas !
La mort de Jésus sur la croix, malgré tout le respect que l’on doit aussi à cette victime de l’impérialisme romain, le supplice en question étant vraiment atroce (voir le sort réservé aux esclaves révoltés ayant suivi Crixus et Spartacus) ; n’a pas eu plus d’effet pour le salut de l’Humanité que le supplice d’une mouche torturée avec une épingle. Le christianisme développe en effet plus d’énergie à enseigner la vertu de la douleur qu’à se battre pour améliorer le monde et alléger les déshérités de leurs peines.
Ainsi que Nietzsche l’a très bien fait remarquer, le christianisme est la pierre tombale qui pèse sur l’Homme et l’empêche de ressusciter. Cloué sur la croix, Jésus continue de mener à la mort physique ou intellectuelle, ceux qui persistent à l’adorer, depuis 2000 ans.
Je crois parce que je veux croire, c’est-à-dire parce que je suis d’humeur à croire, est le fin du fin de cette façon de voir les choses. Telle est du moins en résumé la thèse de John Toland à ce sujet (le christianisme sans mystère). Le christianisme reste une menace pour la Raison et la Libre-pensée (la libre expression des opinions). Par crainte de paraître moins savants qu’on pourrait le penser, les docteurs de la croyance musulmane, juive, ou chrétienne, glosent à l’infini sur les desseins secrets du Tout-Puissant. Le plus souvent il ne s’agit que du résultat d’impressions ou d’idées préconçues, qu’ils osent rarement corriger par des pensées plus libres ou faisant preuve de plus de maturité. Voulant être à tout prix spécialistes de la Loi sans rien comprendre de leurs propres discours ni de leurs affirmations, ils nous font la leçon. Et pourquoi s’en priveraient-ils d’ailleurs, car, à partir du moment où nous admettons ce principe, on ne voit plus très bien ce que l’on pourrait refuser de ce qui nous est dit au nom du Seigneur ? ?
Sous prétexte de fidélité à la Parole de Dieu, les pires folies ou les plus grands blasphèmes peuvent être déduits de la lettre de l’Écriture sainte. Par exemple que Dieu est sujet aux passions, qu’il est responsable du péché, que le Christ est un roc, qu’il est coupable de tous nos péchés, voire souillé par eux ; que nous sommes des brebis et non pas des hommes, que Mahomet lui-même est un saint ou un ange, etc.
Toutes ces religions reposent en effet sur l’ignorance, sur une ignorance généralisée ou sur l’ignorance de beaucoup de choses, et ne sont donc que des superstitions de secte ayant réussi 3).
Chrétiens, juifs, et musulmans parlent beaucoup de lutter contre ce qu’ils appellent les sectes, mais eux-mêmes en réalité en font partie. On répète que l’islam est tolérant. Est-ce à dire que les autres monolâtries ne le sont pas ? Que le christianisme est essentiellement amour, que le judaïsme a vocation à être universel. Tout cela est bien récent et, pour le moins, discutable. On ne peut pas dire que, jusqu’ici, les religions monoâtres (monolâtres, pas hénothéistes) aient eu un passé de tolérance. Par bonheur, il y a de plus en plus de chrétiens, de juifs, et de musulmans, tolérants ; ils y viennent à cause de l’air du temps, il faut s’en réjouir, comme pour la promotion des droits de l’Homme, mais, jusqu’ici, la tolérance ne fut pas une vertu vraiment religieuse. Une certaine attitude mentale, la philosophie qu’elle génère, dogmatique et exclusive, conduit généralement à des pratiques terrifiantes. Les fidèles de nos différentes religions abrahamiques le rappellent volontiers : le judaïsme, le christianisme, et l’islam ne sont pas de simples doctrines ; mais une conception de l’existence humaine totale et contraignante, dans son double rapport avec les autres hommes et avec l’univers. Si les conditions le permettent, on se dépêchera de rétablir l’unité perdue, avec violence s’il le faut, et bonne conscience en tout cas. L’intégrisme n’est que l’exaspération, l’éclatement au grand jour, d’une revendication latente, consubstantielle à toute monolâtrie.
Le premier des anticléricaux a peut-être été l’Irlandais appelé Mongan (au VIIe siècle). Voir la façon dont il se moque de l’évêque Tibraide dans le récit en gaélique intitulé « Compert Mongain ocus serc Duibe-Lacha do Mongan ». Cet état d’esprit monganien s’est heureusement maintenu tout au long des siècles sous nos latitudes. Ainsi que l’a fait remarquer John Toland en parlant des saintes Écritures, s’agit-il bien d’ailleurs de la Parole de Dieu dans tout cela ? ? ?
Notre réponse à nous sera plus catégorique que celle de notre illustre prédécesseur, le grand druide gaélique Sean Eoghain Ui Thuathallain, dit John Toland en anglais, puisqu’elle s’applique également au Coran.
Elle s’inspire plutôt de la radicalité de celle d’un Mongan, et elle est négative.
Tout au long de l’Histoire, l’Homme a vu ses croyances évoluer ou s’adapter. Il est passé de l’animisme à une forme plus « intellectuelle » de la pensée religieuse, avant que certains ne finissent par comprendre que rien, strictement rien, ne permet d’établir l’existence d’un dieu quelconque. Ce fut le début de la « pensée rationnelle ».
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Face à cette Humanité en marche, et prétendant la surplomber de toute sa hauteur, il y a la caste des prêtres. Une caste privilégiée qui, comme toutes les castes privilégiées, a lutté – ou lutte encore – pour conserver son pouvoir, ou ce qu’il en reste. Jadis omnipotente, la caste des prêtres chrétiens (curés, moines, pasteurs, popes) a dû céder beaucoup de terrain. Mais dans d’autres régions du monde, sous l’influence d’autres cultures, les prêtres ont parfois conservé un pouvoir spirituel et temporel important.
Le cas spécifique de l’islam est d’une nature plus complexe, compte tenu du fait qu’il n’existe pas de véritable clergé chez les musulmans sunnites (les plus nombreux). Il nous faut donc ici considérer comme « prêtres » tous les individus qui s’érigent en donneurs de leçons religieuses, en commentateurs du Coran, ou en prédicateurs. Cela concerne aussi bien les « enseignants » des écoles coraniques que les imams ou les mollahs. Ici, la « caste des prêtres » est diffuse, sans contours précis et sans tenue vestimentaire particulière. Elle n’en existe pas moins pour autant, et c’est elle qui tire les ficelles, de l’Arabie jusqu’au fond de l’Asie et de l’Afrique, jusqu’au cœur des nations occidentales.
Leur compétence ? Savoir réciter par cœur des histoires reproduisant plus ou moins bien celles de la Bible. Ces textes de la Bible n’étaient d’ailleurs déjà eux-mêmes qu’une compilation de traditions différentes ; celles de Sumer, celles de « Yahvé » puis YHWH/Adonaï, Dieu archaïque et jaloux, celle du cananéen « El », que l’on trouve dans Isra-el (signifiant celui qui a lutté contre Dieu) et, enfin, celle d’Élohim (tous les dieux !). Certains prétendent que c’est la preuve de l’authenticité de ce livre !
Heureusement, l’archéologie nous donne maintenant une idée plus précise de la façon dont les choses se sont réellement passées au-delà des récits fantastiques remaniés par les pouvoirs successifs.
La Bible est un ramassis de mythes mal ou parfois plus adroitement mélangés à quelques récits inspirés par des faits historiques, mais elle n’a rien de factuel ni de véridique. Pas plus la Torah que sa version chrétienne la Bible, avec les ajouts du Nouveau Testament, ou que leur version musulmane, qui en plus contient beaucoup d’éléments extra bibliques, mais pas plus divins (voir cahiers de notes à ce sujet) malgré ses prétentions contraires.
La religion du peuple juif, des chrétiens, et même l’islam (à travers son biblisme forcené, voire artificiel) est construite sur des mensonges. L’affirmer tombe, hélas, aujourd’hui sous le coup d’une interprétation bornée ou littéraliste des lois dites « anti racistes », car les chrétiens, les musulmans, et surtout les juifs orthodoxes (Haredim), ont toujours lutté contre la réalité historique. Mais celle-ci finit par s’imposer lentement sous l’impulsion des archéologues, que ce soit donc à Jérusalem ou à La Mecque. Doucement, mais sûrement.
Pour un être humain d’aujourd’hui normalement instruit (oui, c’est vrai qu’il faut un peu d’instruction pour cela) doué par la nature d’un peu d’esprit critique (juste la dose qu’il faut) libre de ses pensées ou bien dans sa tête (un minimum d’intelligence) un tel Dieu n’existe pas. C’est une évidence. C’est l’Homme qui a créé un tel Dieu (et d’abord les dieux), mais pas l’inverse.
Et c’est d’ailleurs heureux pour ce « Dieu ». Car si ce « Dieu » existait, s’il venait à se manifester, nous devrions le traduire immédiatement et séance tenante devant un tribunal international pour crimes contre l’Humanité !
Les antagonismes entre les hommes sont naturels. Avec la Civilisation beaucoup de ces antagonismes s’atténuent ou disparaissent, pour faire place dans l’idéal à la solidarité. Mais les antagonismes les plus irréductibles sont d’origine religieuse, car ils s’appuient sur des éléments qui ne se discutent pas, des éléments sacrés sur lesquels la raison n’a aucune prise.
Le plus grand assassin de toute l’histoire de l’Humanité, le « Hitler » qui a fait périr des centaines de millions d’êtres humains, est un « assassin virtuel ». Il n’a jamais existé ! Mais des millions d’hommes, de femmes, et d’enfants, mourront encore à cause de lui, voire pour lui, dans les années et les décennies à venir. Et ça, ce n’est pas du virtuel. C’est la triste réalité. Dieu s’est délecté des souffrances de Job.
Dieu n’existe pas, mais le Diable, lui, existe vraiment, et il a un nom : Homo sapiens ! Et dire que « sapiens » signifie « sage » en latin !
L’homme est un loup pour l’homme. C’est un prédateur qui ne recule devant rien pour s’octroyer la meilleure part du festin, malheur aux vaincus de la vie, et ça, ce n’est pas un prophète inspiré par Dieu qui l’a dit, puisque c’est un dénommé Brennus ; mais cela contient pourtant beaucoup plus de vérité que toutes les religions du monde.
Moïse, Jésus, Mahomet, ont prétendu être inspirés par Dieu pour mieux se faire obéir. Ils ne furent que des imposteurs, dont le pouvoir ne repose que sur le mariage de la crédulité, de l’ignorance, et du mensonge. Quant aux idées intéressantes de leurs œuvres, elles ont été puisées chez les Sumériens, chez Platon, dans la mythologie et dans le paganisme. (Note de la rédaction. Cette dernière
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affirmation est néanmoins à nuancer sérieusement : la greffe de philosophie grecque n’a pas eu que d’heureux résultats sur le christianisme, les Sumériens n’étaient pas des anges, etc.).
La vie de Mahomet s’est déroulée tout autrement que celle du Jésus des évangiles. L’existence terrestre du Jésus des Évangiles a été un échec, celle du Mahomet des hadiths un succès. C’est au début de sa carrière que Mahomet a connu les déceptions. Ensuite, Mahomet au contraire, a fondé à Yathrib/Médine un État, et a mené ensuite une guerre de soumission contre La Mecque, puis de conquête de l’Arabie. Son influence s’est fait sentir tout au long de l’histoire musulmane. Imiter sa conduite reste pour chaque musulman pieux l’objectif à devoir atteindre, et cela, dans des domaines extrêmement variés : dire telle prière à tel moment, commencer par le milieu de son assiette ou par le bord en mangeant, ne pas se servir de la main droite pour telle action, affranchir un esclave, aller aux toilettes, etc.
Le poids de la personnalité du fondateur de l’islam a été tel que les générations suivantes, après un temps de latence correspondant à la venue au pouvoir de ceux qui l’avaient vraiment connu, se sont empressées de recueillir avec minutie tous ses actes ; ses moindres paroles – même ses silences – ont fait l’objet d’interprétations ; pour les consigner systématiquement dans des recueils dont le poids dogmatique et juridique équivaut à celui du Coran. Les corpus de traditions du prophète considérées comme les plus authentiques sont les volumineux recueils d’al-Boukhari et de Muslim (IXe siècle). Tradition (Sounna) et Coran forment ainsi les deux « sources » de la religion musulmane.
Il serait facile de sortir de cette impasse si le Coran était considéré par les musulmans comme une œuvre purement humaine, due à un Mahomet peu ou prou inspiré par Dieu. Si l’on pouvait admettre en terre d’islam que Mahomet s’est simplement comporté en homme du VIIe siècle, et que ses actes répondaient aux exigences de son temps, qui n’est pas le nôtre. Car le musulman le plus rigoureux peut, lui aussi, a priori, reconnaître que les temps nouveaux exigent une modification de l’enseignement de l’homme Mahomet.
Mais voilà, le problème est que ce qui figure dans le Coran n’est pas supposé être de Mahomet. C’est censé venir de Dieu, par l’intermédiaire de l’archange Gabriel. Et une législation divine est en principe immuable. Or l’interprétation de la Loi repose largement sur la sounna, c’est-à-dire précisément sur les propos et la vie de Mahomet, qui entrent de ce fait dans la Loi, et en reçoivent une part de sa valeur d’immuable éternité. On se retrouve donc face à un blocage similaire à celui de la Bible, en pire même.
Le monde de l’islam est un monde de certitude d’où le doute est exclu, où le mystère est voulu par Dieu : la pensée reste ainsi à l’abri des grands chocs de l’Histoire. Le regard des musulmans sur le monde est borgne : l’islam ne voit pas ses propres abus, mais perçoit clairement ceux de l’Occident ou des « Barbares ». Paralysie de survie : pour conserver son identité culturelle, pour éviter une confrontation mortelle avec la réalité.
Freud s’est intéressé aux effets psychologiques de la monolâtrie sur l’individu. Le concept de création impute à un être mythique (Dieu) une énergie dont il se dépossède. Moins un être est créatif, et plus il éprouve le besoin de s’en remettre à une force supérieure (qui n’est jamais que sa propre force, mais niée par le renoncement). La tâche de consolation affective, exercée par la monolâtrie, prolonge l’enfance de l’individu, et l’empêche de développer sa maturité, autrement dit « l’infantilise ». La monolâtrie fait appel à l’image d’un Père tout puissant et protecteur. De même que l’enfant projette sur son père la toute-puissance de son désir narcissique (en termes de psychanalyse, le narcissisme est la fixation affective sur soi-même) qu’il imagine ainsi satisfait ; le croyant monolâtre cherche à calmer l’angoisse née de la frustration de ses désirs.
La consolation monolâtre construit un monde imaginaire, qui satisfait le désir humain de manière illusoire. Du même coup, elle retire à la réalité tout son poids et toute sa valeur.
L’analyse du monothéisme selon Freud va même plus loin. Pour Freud en effet, la monolâtrie fonctionne comme une névrose collective. Ainsi que l’a bien fait remarquer John Toland, l’objet de la Croyance doit être compréhensible pour tous si l’on doit croire en elle, sous peine d’être damné (celui qui aura cru ne sera pas damné) ; mais quelqu’un pourra-t-il être condamné pour ne pas avoir fait quelque chose d’impossible ?
L’obligation de croire à quelque chose suppose la possibilité de le comprendre. Contradiction et mystère ne sont que deux façons emphatiques de dire « chose n’existant pas ». La contradiction n’a pas de sens parce qu’elle s’exprime par des mots qui s’annulent les uns les autres, voir le cas des versets abrogés ou abrogeant du Coran (nassikh oua mansoukh), et le mystère aussi ; mais parce qu’il s’exprime, lui, par des mots n’ayant aucun sens du tout.
Les croyants victimes de cette maladie mentale ont fait de leur Être supérieur un Père à l’image du désir humain, désir toujours frustré sur cette Terre par un réel incontournable. Dans le cas du Coran ladite qualification de père est d’ailleurs attribuée à son prophète, mais indirectement (ses femmes sont dites « mères des croyants » même quand elles ont 10 ans comme Aïcha).
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Les monolâtres ont identifié l’Être supérieur à l’image de leurs désirs satisfaits : le monothéisme selon Freud est donc un mélange de narcissisme régressif et de maintien dans l’infantilisme.
Toute religion révélée n’appliquant pas vraiment le principe « nulle contrainte en matière de religion » (Coran chapitre 2, verset 256 ; chapitre 22, verset 78) s’apparente à un système axiomatique, elle ne peut tolérer que son fondement soit contesté. Les textes bibliques qui forment les canons juif, catholique, anglican, orthodoxe, Réformé, voire le Coran, ne sont pas identiques, mais pour leurs partisans, ils détiennent seuls la vérité que leur a conférée, par l’entremise des prophètes, la puissance divine.
On doit croire que les Écritures sont divines parce que les religieux en ont décidé ainsi, et les religieux ont autorité pour en décider ainsi parce qu’ils s’appuient justement sur les saintes Écritures.
Il est douteux qu’un tel pouvoir puisse vraiment être trouvé dans les passages allégués à cette intention, mais les religieux eux-mêmes (ceux qui sont concernés par cela en tout cas) l’affirment.
Ce cercle vicieux n’est-il pas le plus extraordinaire argument jamais inventé pour donner le vertige ou le tournis aux faibles d’esprit ? Il va de soi que ce que John Toland écrit de l’Église s’applique aussi à la Synagogue ou à la Mosquée. John Toland, ce réformateur des Très-sachants de son temps (qui en avaient vraiment besoin) et qui est à l’origine de la Libre Pensée moderne, a aussi écrit un ouvrage sur, ou plus exactement contre, Mahomet, assez judicieux. Les vérités soi-disant révélées sont toujours dangereuses parce que ce sont des vérités imposées, qui excluent toute remise en cause. Ce sont des ferments de fanatisme ou d’intolérance.
Ces Écritures sacrées s’effondrent quand elles sont confrontées aux progrès de l’Histoire qui les dévoile.
Aucune de ces sectes, après avoir jeté l’anathème sur toutes les autres, ne va jusqu’au bout de la remise en question des enseignements dont elles sont imprégnées, pourtant, comme elle, jusqu’au tréfonds d’elles-mêmes. Et à quelques détails près, quoiqu’elles s’en défendent, elles reprennent finalement l’essentiel des précédentes.
Les textes sumériens sont d’une simplicité « biblique » : l’Homme a été créé pour servir les dieux (chrétiens et musulmans disent : pour adorer Dieu).
Sans être au sens propre un robot, puisqu’on lui a donné une âme et la raison, il devra néanmoins, toute sa vie, travailler pour le compte des dieux, cultiver le sol, tailler les arbres, domestiquer les animaux. Et si les dieux lui ont donné les moyens de croître et de multiplier, ce n’est nullement pour qu’il s’adonne aux joies prohibées de la jouissance physique ; mais pour augmenter le nombre des hommes autrement dit des travailleurs et accroître ainsi la productivité des esclaves humains ! Parfaits ou imparfaits, l’homme et la femme ont désormais à acquitter des tâches pour lesquelles leur créateur les a conçus. Grâce à l’homme, les dieux peuvent donc envisager l’avenir avec sérénité. Les humains travaillent sur terre pour eux : ils n’auront plus, dans l’empyrée, qu’à se reposer de leur tâche créatrice et à surveiller la bonne marche de l’univers physique.
[NDLR Du moins avaient-ils envisagé les choses ainsi, mais, trois fois hélas pour eux ! elles se passèrent tout autrement. Car loin d’être reconnaissants, les humains firent preuve d’une totale ingratitude et prétendirent garder pour eux le fruit de leur labeur. Aussi les dieux durent-ils les éliminer puis recréer une autre Humanité, différente, plus soumise, autrement dit plus pieuse].
Comme l’a très bien vu notre maître à tous John Toland (dans son Christianisme sans mystère) quand on demande aux défenseurs de ces diverses et basiques idées religieuses d’expliquer les termes qu’ils utilisent (qui ne veulent communément rien dire) ; et pourquoi ils devraient reconnaître qu’ils sont peut-être dans l’erreur ; ils se montrent alors nerveux comme un commerçant un peu cher à qui l’on demande de revoir ses comptes. Il faut toujours, apprendre à penser ! Autrement dit Foi, mais aussi Raison ! Un des droits imprescriptibles de l’Homme est que son intelligence des êtres et des choses fasse l’objet d’une pédagogie ayant pour but de l’affiner, non de manœuvres destinées à en entraver l’usage. L’Humanité étant à la fois Histoire et Raison, le progrès des libertés dépend du progrès des connaissances et de l’assimilation du passé. Si l’on n’apprend pas à croire (les catéchismes ne sont pas des explications, mais des affirmations, les faire apprendre dès l’enfance est une pratique qui revient à, en fait, assurer la primauté de la croyance la plus aveugle sur la raison, ainsi qu’à briser tout jugement critique en ce domaine) ; une telle attitude est un crime contre l’Humanité. Le dogme est un crime contre l’Humanité. Il faut toujours apprendre à penser !
Les très sachants de l’antiquité pensaient parler la même langue que les dieux (ils pensaient être homophonon, Diodore de Sicile livre V chapitre XXXI), mais que veut dire exactement la notion de peuple élu ? Pourquoi Dieu, s’il existe, aurait-il choisi un seul peuple ou un seul homme et une seule période, très limitée (par rapport aux 100 000 ans de l’Homo Sapiens actuel) afin de s’adresser à l’Humanité ? L’Humanité actuelle a au moins 100 000 ans, mais la révélation ne se serait manifestée en son sein que de – 1800 à + 632 en passant par + 70 ou + 135, en une zone précise de notre planète ? (Pas de chance pour Bouddha !)
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Schopenhauer a montré que les concepts moraux, sociaux, et intellectuels, des Hébreux, sont à rejeter. Un dieu comme ce Jéhovah, qui, de son plein gré, car tel est son bon plaisir, et de gaieté de cœur, produit ce monde de misère et de lamentations, et qui en plus s’en félicite, voilà qui est de trop ! « Le judaïsme, la seule et unique religion purement monothéiste dès le départ et qui enseigne un Dieu vraiment créateur du ciel et de la terre, très logique avec lui-même, n’a pas de doctrine de l’immortalité de l’âme. Aussi ne prévoit-il ni récompense ni punition après la mort, mais seulement des punitions et des récompenses en ce monde, ce qui le distingue de toutes les autres religions (mais pas forcément à son avantage). Les deux religions qui sont issues du judaïsme sont en réalité devenues illogiques car elles ont repris la notion immortalité de l’âme qu’elles avaient empruntée à d’autres doctrines, meilleures, tout en conservant le Dieu créateur. * La religion des Juifs telle qu’elle est présentée et enseignée dans la Genèse et dans les autres livres historiques jusqu’à la fin des Chroniques, est la plus grossière de toutes les religions, car c’est la seule qui n’a absolument aucune doctrine de l’immortalité de l’âme, pas même une trace infime. Quand il meurt, le roi, le héros ou le prophète est enterré avec ses pères et voilà tout. Il n’y a aucune trace de vie après la mort ; toute idée de ce genre semble même être en réalité volontairement exclue, etc. » (Schopenhauer, dans son livre intitulé en quelque sorte en Germano-Grec « Parerga und paralipomena »).
Dühring a bien montré, lui aussi, ce côté dangereux de la conception sémite du divin et de la morale, nettement moins positive et heureuse pour l’Homme (un comble !) que les antiques conceptions des peuples barbares. (« Si vous savez ce que vous chantez, la mort est le milieu d’une longue vie. Les peuples qui regardent la Grande Ourse sont heureux dans leur erreur parce que la crainte de la mort, la plus grande des craintes, ne les émeut pas ». Lucain. Dans son livre intitulé en latin « De Bello Civili » I, 454-462).
Comment un homme, doté par la nature d’un cerveau et de facultés de raisonnement, peut-il accepter pareils non-sens ? Pourquoi Dieu a-t-il SI DÉSESPÉRÉMENT BESOIN D’ÊTRE CONNU ? Si Dieu désespère à ce point d’être connu, pourquoi ne pas se révéler lui-même à tous, de la même façon qu’il se révèle aux prophètes ou aux oracles ? Pourquoi joue-t-il à cache-cache, pour ensuite punir ceux qui ne le voient pas ?
Pourquoi les mots de la Bible [et du Coran] sont-ils à ce point opposés à la science, à la logique, et au bon sens ? Nous ne sommes pas des chèvres. Nous sommes des humains dotés d’un cerveau, et il nous revient de l’utiliser. Si Dieu ne veut plus qu’il y ait d’incroyants sur Terre, pourquoi ne transforme-t-il pas en croyants d’un seul coup [de sa baguette magique] la multitude des incroyants ; c’est-à-dire des athées ou des adeptes d’une autre croyance voire d’aucune ? Pourquoi n’apparaît-il pas lui-même en personne à tout le monde ?
Le Français Jaurès a beau dire [au Parlement le 11 février 1895] tout le monde croirait alors en lui et définitivement. Pourquoi laisse-t-il cette lourde tâche de la conversion des esprits à ses prophètes ou à ses hommes liges [Moïse, Josué, David, Torquemada, Mahomet] ?
1) Termes grecs signifiant respectivement : logos, logique, rationalité, et mythos, mythe, mythologie.
2) La création du monde a d’abord été imaginée en termes de procréation et non de fabrication plus ou moins ex nihilo. Les Déesses Mères en formaient la figure centrale, avant d’être rétrogradées (dans les civilisations patriarcales) au rang de divinités infernales et maléfiques. Mardouk, Baal, El ou les Élohim, commenceront toujours par combattre l’eau (identifiée par les Hébreux à un monstre – Léviathan, Rahab –) ; et la créatrice qu’ils supplantent est une déesse de la fécondité, c’est-à-dire une déesse de l’eau.
Le chaos dans le mythe hébreu de la Genèse est appelé Tohu-Bohu. Le Bohu (ou Béhémot) était un monstre terrestre et le Tohu (Téhom) un monstre marin dont le nom est à rapprocher de celui de la Déesse Mère babylonienne Tianmat. Bien que la déesse Astarté (Ashérah) soit encore plus ou moins vénérée par les Hébreux avant que l’ultracisme du culte de YHWH ne la frappe de malédiction, la femme chez eux symbolise toujours le désordre.
3) La religion chrétienne est très loin d’avoir toujours été un modèle d’angélisme. Mais, globalement, elle s’est affaiblie et elle est devenue moins virulente. Le christianisme n’a cependant pas renoncé à sa Mission, c’est-à-dire à convertir, ou à unifier, sous sa houlette, l’univers habité, en attendant mieux. Différentes Églises réformées ou pentecôtistes sont toujours très actives en ce domaine, que ce soit en Amérique ou en Afrique.
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ANNEXE N°6
Le taouhid bien compris n’implique pas une monolâtrie exclusive et intolérante de type deuxième troisième quatrième ou millième commandement mais une spiritualité bienveillante et philosophique analogue à celle que que l’on retrouve exprimée dans ce célèbre dialogue entre le dieu Krishna/Vishnou et le prince Arjouna.
« Même ceux qui rendent un culte à d’autres dieux que moi, et qui leur sacrifient avec ferveur, me rendent aussi par là même hommage, ô fils de Kounti, bien que ce soit en dehors des règles. Car je suis le seul véritable bénéficiaire et seul seigneur de tout sacrifice même s’ils l’ignorent en vérité. Qui m’offre avec dévotion ne serait-ce qu’une feuille, une fleur, un fruit, de l’eau, cette offrande faite d’une âme pure eh bien je l’accepte. Car je suis le même pour tous et personne n’est spécialement haï ou élu par moi. Mais ceux qui m’aiment avec dévotion demeurent en moi et moi je suis en eux » (Bhagavad Gita, dialogue entre le dieu Krishna/Vishnou et le prince Arjouna).
Je respecte donc les musulmans dans l’exacte mesure où ils me respectent moi qui suis panenthéiste le matin, panthéiste à midi, athée le soir et agnostique avant de me coucher. Et qui me suis fait l’avocat des causes perdues car tout le monde a le droit d’avoir un avocat.
Si un Soufi veut me respecter, alors moi aussi je le respecterai, pareillement. Si un taliban ne veut pas respecter le mécréant que je suis, alors je ne respecterai pas ce taliban ; ça s’appelle le principe de réciprocité et c’est vieux comme le monde, la loi du talion n'en est qu'une application particulière (particulièrement négative).
Le tout bien évidemment coloré par le fait que je suis né par hasard au sein d’une communauté nationale précise et pas dans une autre. Si j’avais été japonais par exemple, certaines de mes références culturelles auraient été tout autres.Si j’avais été japonais j’aurais composé des haïkus à la gloire des samourais. Mais en l’occurrence je ne suis pas japonais et je ne respecte l’islam que dans la mesure où il me respecte.Je ne respecte les musulmans que dans la mesure où ils me respectent (Pierre de La Crau).
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POSTFACE À LA JOHN TOLAND.
Les pseudo-druides à la filiation initiatique mirobolante (la fameuse et inénarrable tradition primordiale) s’étant multipliés depuis quelque temps ; il nous a paru nécessaire de mettre à la disposition de tout un chacun ces quelques notes, hâtivement rédigées un soir de novembre, afin de donner à nos lecteurs envie d’en savoir plus sur le vrai druidisme. Ce travail se veut honnête, mais en aucune façon neutre. Il s’est donné pour objectif de défendre ou de réhabiliter la cluto (renommée) de cette antique religion.
Rien ne remplace la méditation personnelle y compris sur les lais obscurs ou incompréhensibles parsemant ces livres et qui ont été insérés à dessein afin de vous obliger à réfléchir pour trouver votre propre voie. Ces livres ne sont pas des dogmes à suivre aveuglément et à la lettre. Ainsi que vous le savez sans doute, il faut se méfier comme de la peste de la lettre. La lettre tue, seul l’esprit vivifie. Rien ne remplace non plus l’expérience personnelle et c’est en cheminant que l’on trouve le chemin. Ne comptez donc que sur vos propres forces pour cette quête du Graal. Ce qui compte c’est l’attitude à adopter dans la vie et non les détails du dogme. Le druidisme a moins d’importance que la druidiaction (Jean-Pierre Martin).
Ces quelques feuillets griffonnés à la va-vite ne sont néanmoins en aucune façon LES LIVRES À LIRE SUR LE SUJET, ils n’en sont qu’un pâle reflet. La seule bibliothèque druidique digne de ce nom n’est pas en effet composée de seulement 12 (ou 27) livres, mais de plusieurs centaines.
Les quelques opuscules constituant cette mini-bibliothèque ne constituent pas un approfondissement et ne sont que quelques manuels destinés aux écoliers du druidisme. Ces résumés simplifiés destinés aux cours primaires de druidisme seront remplacés par des cours d’un niveau quelque peu supérieur, pour ceux qui voudront vraiment l’étudier de façon plus pertinente.
Cette petite bibliothèque est par conséquent un premier essai d’adaptation (destinée aux jeunes adultes) des diverses réflexions sur le savoir et la vérité druidiques, auxquelles ont abouti les premiers résultats de la nouvelle laïcité positive et ouverte, mondiale, en train de s’instaurer.
À la différence du judaïsme, du christianisme, et de l’islam, qui fourmillent littéralement, à propos de l’Être supérieur, d’anthropomorphismes puérils pris au pied de la lettre (fondamentalisme) ; notre druidisme, lui, n’en utilisera que très peu, et s’en tiendra, en ce domaine, au minimum absolu.
Mais pour parler de Dieu-ou-Diable nous allons bien être obligés, nous aussi, d’utiliser un langage, et donc un certain nombre de ces anthropomorphismes. Ou alors il faudrait totalement renoncer à en discuter.
Ce premier rayon de notre future bibliothèque consacrée au sujet a pour objet de montrer avec précision l’harmonieuse authenticité de la volonté et du savoir néo-druidiques. De montrer à quel point ses grandes thèses actuelles ont des racines anciennes, car la Mythologie, c’est notre Bible à nous. Les adaptations de ce bref exposé, exigées par les différences de culture, d’âge, de maturité spirituelle, de situation sociale, etc. seront à faire par les druides concernés (les vellèdes et les autres ?).
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À noter cependant. Important ! Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, ne sont pas (en vrac).
Une révélation divine. Une loi (toujours aussi divine). Une loi (profane ou laïque). Une loi (scientifique). Un dogme. Un Ordre ? Ce que je cherche surtout à faire partager c’est un état d’esprit, rien de plus. Ainsi que l’a très bien dit un jour notre vieux maître :
« NOTRE CIVILISATION N’A PAS LE CHOIX : CE SERA LE CELTISME OU CE SERA LA MORT » (P. Lance).
Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, sont. Du rêve. Une aventure. Un voyage. Une évasion. Un cri de révolte contre la laideur morale et matérielle de cette société.
Une tentative d’atteindre à l’universel en partant du particulier. Un défi. Un obstacle fécond à surmonter. Une incitation à la réflexion. Un guide pour l’action. Une carte. Un plan. Une boussole. Une étoile polaire ou l’étoile du berger là-haut dans la montagne. Un feu la nuit dans une clairière ?
Ce que le rassembleur de ce noyau de bibliothèque, Pierre de La Crau, n’est pas.
— Un dieu.
— Un demi-dieu.
— Un quart de dieu.
— Un petit saint.
— Un philosophe (reconnu, officiel, et breveté ou patenté, comme ceux qui passent à la télévision. Sauf évidemment à prendre le terme en son sens originel, qui est celui d’amateur de sagesse et de savoir).
Ce qu’il est : un homme, et rien de ce qui est humain ne lui est donc étranger. Pierre de la Crau n’a aucun pouvoir surhumain ou exceptionnel. Rien de ce qu’il a dit écrit ou fait ne saurait avoir de valeur intemporelle. Tout au plus espère-t-il que son extrême lucidité à propos de notre société et de son idéologie dominante (voir ses philosophes officiels, ses journalistes, ses masses médias et le politiquement correct des bien-pensants) ; ainsi que son non-conformisme, et son franc-parler, alliés à un solide esprit de contradiction (qui lui ont d’ailleurs valu pas mal de déboires ou d’avanies) ; pourront être utiles.
La présente petite bibliothèque pour débutant « contient la dose d’humanité exigée par l’état actuel de la civilisation » (Henri Lizeray). Elle n’est d’ailleurs qu’un rassemblement de matériau attendant l’architecte ou le maçon ? ad hoc.
Prochainement paraîtra toute une série de fascicules approfondissant ces éléments de base. Cette présentation différente du savoir druidique préservera néanmoins l’unité et la profonde harmonie entre ces divers exposés d’une seule et même philosophie.
Cas des traductions dans une langue étrangère (espagnol, allemand, italien, polonais, etc.)
Les fautes d’orthographe de grammaire de style, ainsi que l’écriture des noms propres, pourront être corrigées. Toute autre amélioration du texte pourra également être apportée si nécessaire (par ajout suppression ou modification, de détails) ; Pierre de La Crau ayant toujours regretté de ne pouvoir atteindre à la perfection en ce domaine. Mais à condition de n’altérer ni trahir en rien la pensée de l’auteur de cette compilation raisonnée. Toute illustration sans légende peut être changée. De nouvelles illustrations peuvent être apportées. Mais les illustrations ayant une légende ne devront être qu’améliorées (par substitution d’une bonne photo à un mauvais croquis par exemple ?).
Il va de soi que le coordonnateur de cette rapide et sommaire compilation raisonnée, Pierre de La Crau, ne prétend nullement avoir inventé (ou découvert) lui-même, tout ceci ; qu’il ne prétend en aucune façon que ceci est le fruit de ses recherches personnelles (sur le terrain ou en bibliothèque). Ce qui suit est en effet essentiellement issu des excellents ouvrages ou sites internet référencés en bibliographie et dont la consultation directe est fortement recommandée. Nous n’insisterons jamais assez sur notre volonté de ne pas être les hommes d’un livre (du Livre), mais d’au moins douze, comme les Fénianes d’Irlande, pour d’évidentes raisons d’ouverture d’esprit, la vérité étant notre seule religion.
Encore une fois, répétons-le ; le coordonnateur de la mise par écrit de ces quelques notes hâtivement jetées sur le papier ne prétend nullement avoir passé sa vie dans la poussière des bibliothèques ; ou sur le terrain, dans la boue des fouilles archéologiques de sauvetage ; afin d’exhumer des témoignages inédits sur le passé de l’Irlande (ou du Pays de Galles ou des Indes ou de la Chine ?)
PIERRE DE LA CRAU NE SE VEUT DONC EN AUCUNE FAÇON L’AUTEUR DES TEXTES QUI PRÉCÈDENT.
IL N’ESSAIE NULLEMENT DE S’EN ATTRIBUER LES MÉRITES. Il n’en est que l’éditeur ou le compilateur. Il s’agit pour la plupart de documents diffusés sur internet à quelques exceptions près. IL EN REVENDIQUE PAR CONTRE TOUS LES DÉFAUTS ET TOUTES LES INSUFFISANCES. Pierre de La Crau ne revendique qu’une chose, les fautes erreurs ou imperfections diverses de ce livre. Lui
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seul est à blâmer dans ce cas. Mais il fait confiance à ses contemporains (la nature humaine étant ce qu’elle est) pour les lui signaler avec vigueur.
Note retrouvée par les héritiers de Pierre de La Crau et insérée par eux à cet endroit.
Par respect pour l’Humanité, afin de gagner du temps, et ne pas lui en faire perdre, je vais faciliter le travail de ceux qui tiennent absolument à être du bon côté de la barrière en combattant (héroïquement bien sûr) afin de sauver le monde de mes griffes (mes idées ou mes penchants, mes tendances).
À ces courageux et implacables détracteurs, dont la profondeur de réflexion digne d’un marquis de Vauvenargues n’a d’égale que l’ampleur de la culture générale, digne d’un Pic de la Mirandole, je dis…
Prenez une feuille de papier, de traitement de texte si vous préférez, mettez-y par ordre d’importance les 20 caractéristiques qui vous semblent les plus graves, les plus odieuses, les plus haïssables, dans l’histoire de l’Humanité, depuis les hommes préhistoriques et Nabuchodonosor, selon vous… ET DITES-VOUS BIEN QUE JE SUIS TOUT LE CONTRAIRE DE VOUS, CAR JE LES AI TOUTES !
On a toujours besoin de boucs émissaires ! Hérétique au Moyen Âge, sorcière à Salem au 17siècle, raciste au 20e siècle, lézard extraterrestre au 21e, je suis l’homme que vous aimerez haïr pour vous sentir supérieur.
Je suis au choix et dans l’ordre d’importance que vous voulez : athée, sataniste, stupide, mongolien, raciste, bestial, homosexuel, pervers, communiste, nazi, menteur pathologique, voleur, suffisant, psychopathe, un monstre d’orgueil faussement modeste, et que sais-je encore, à vous de voir.
Voilà, je ne peux pas faire mieux (pour vous aider à sauver le monde).
[À la différence de mes contempteurs qui sont tous des gens bien, c’est-à-dire jeunes ou modernes et dynamiques, courageux, positifs, gentils, intelligents, instruits, ou du moins qui savent ; faisant preuve de beaucoup de recul dans leur méditation en profondeur sur les tendances lourdes de l’Histoire ; et sur le plan moral ou éthique : généreux, altruistes, mais pauvres évidemment, car donnant tout aux autres ; en outre profondément respectueux de la volonté de Dieu et de la Constitution…
Moi je suis un vieux réactionnaire ankylosé, conformiste, déconnecté de son temps, parano, schizophrène, incohérent, capricieux, jamais content, méchant, bête, n’ayant fait aucune étude ou du moins ignorant tout sur le sujet en question ; coutumier des jugements à l’emporte-pièce fondés sur des préjugés dénués de toute réflexion ; égoïste et riche ; suppôt de Satan et nazo-bolchévick ou stalino-hitlérien de nature. On disait hitléro-trotskiste quand j’étais jeune. En bref un criminel psychopathe dès le petit-déjeuner… ce qui me permet donc de penser ce que je veux, mes critiques aussi d’ailleurs, et d’essayer de le faire savoir à la cantonade].
Signé : le coordonnateur des travaux, Pierre de la Crau dit Hésunertus, chercheur en druidisme. Un homme à qui rien de ce qui est humain ne fut étranger. Chômeur, facteur, divorcé, sans domicile fixe, vagabond, contribuable, justiciable, électeur cocufié ? Un des huit milliards d’êtres humains ayant transité sur ce vaisseau spatial donc. Né sur la planète Terre le 13 janvier 1952.
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TABLE DES MATIÈRES.
60 chapitres sur l’Islam.
Citer un blasphème n’est pas blasphémer
Premier forage : les assassinats politiques
Deuxième forage
Troisième forage : l’expulsion des Banou Qaïnouqa (624)
Quatrième forage : la déportation des Banou al Nadir (625)
Cinquième forage : le massacre des Banou Qouraïza (627)
Sixième forage : la prise de Khaïbar (628)
Septième forage
Huitième forage : la marche triomphale sur La Mecque (630)
Neuvième forage : l’élaboration du Coran
Dixième forage : les problèmes de traduction
Onzième forage : le dogme du Coran incréé
Douzième forage : les contradictions
Treizième forage : le Coran selon d’autres auteurs
Quatorzième forage
Quinzième forage : le dogme de l’inimitabilité du Coran (i’djaz)
Seizième forage : le dogme de l’isma
Dix-septième forage : les premiers vrais contacts avec le monde chrétien
Dix-huitième forage : la Maison de la sagesse (Baït al-Hikma)
Dix-neuvième forage : révélation ou syncrétisme ?
Vingtième forage : les curiosités du Coran
Vingt et unième forage : les 7 différentes versions du Coran
Vingt-deuxième forage : la preuve que le Coran n’est pas…
Vingt-troisième forage : Coran et hadiths
Vingt-quatrième forage : la Sounna
Vingt-cinquième forage : la théocratie
Vingt-sixième forage : les 70 péchés visés par la Charia
Vingt-septième forage : De minimis non curat praetor
Vingt-huitième forage : intégrisme et archaïsme
Vingt neuvièmes forages : l’esclavage
Trentième forage
Trente et unième forage
Trente-deuxième forage : le Coran et les femmes
Trente-troisième forage : Mahomet et les femmes
Trente-quatrième forage : le scandale de la condition féminine
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Trente-cinquième forage
Trente-sixième forage : Islam et tolérance
Trente-septième forage
Trente-huitième forage : le droit de changer de religion
Trente-neuvième forage
Quarantième forage : le sort des hérétiques
Quarante et unième forage : la brigade des mœurs (Hisba)
Quarante-deuxième forage : la Hisba de nouveau
Quarante-troisième forage : l’Inquisition musulmane: la Mihna
Quarante-quatrième forage : le dialogue avec les autres religions
Quarante-cinquième forage : sémantique
Quarante-sixième forage
Quarante-septième forage : Islam de Cordoue un cas concret
Quarante-huitième forage : Islam de Cordoue et auberge espagnole
Quarante-neuvième forage : LA IKRATA FI D-DINI
Cinquantième forage : comparaison Jésus Mahomet
Cinquante et unième forage : versets du Coran prônant le petit djihad
Cinquante-deuxième forage : le petit djihad
Cinquante-troisième forage : éthique et violence
Cinquante-quatrième forage : éthique et force
Cinquante-cinquième forage : Esprit critique es-tu là ?
Conclusion
Loi et débats
Victimologie kharidjite
Annexe 1 : Gustave Le Bon
Annexe 2 : Jacques Ellul
Annexe 3 : Preuves que les chrétiens ont falsifié leurs évangiles officiels
Annexe 4 : John Toland et l’évangile de Barnabé
Annexe 5 : Éloge de l’incroyance
Annexe 6
Postface à la John Toland
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DU MÊME AUTEUR.
1. Citations des auteurs antiques parlant des Celtes ou des druides.
2. Généralités liminaires diverses sur les Celtes.
3. Histoire du pacte avec les dieux tome 1.
4. La Bible du druidisme : histoire du pacte avec les dieux tome 2.
5. Histoire du pacte avec les dieux tome 3.
6. Histoire de la paix avec les dieux tome 4.
7. Histoire de la paix avec les dieux tome 5.
8. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 1.
9. Textes apocryphes irlandais.
10. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 2.
11. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande Science qui illumine » tome 3.
12. Les cent voies du paganisme. Science et philosophie tome 1 (mythologie druidique).
13. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 2 (mythologie druidique).
14. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 3 (mythologie druidique).
15. Le grand Camminus : éléments de théologie druidique tome 1.
16. Le grand catéchisme : éléments de théologie druidique tome 2.
17. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 1.
18. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 2.
19. Mystagogie ou théâtre sacré des Celtes antiques.
20. Poèmes celtes.
21. Le génie du paganisme celte tome 1.
22. Le complexe de Roland.
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23. Au pied de la lanterne des morts.
24. Les secrets du vieux druide de la forêt ménapienne.
25. Le génie du paganisme celte tome 2 (liberté réciprocité simplicité).
26. Rhétorique : la trahison des clercs).
27. Petit dictionnaire de théologie druidique tome 1.
28. Des philosophes antiques au druide irlandais.
29. Judaïsme christianisme et islam : première partie.
30. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 1.
31. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome2.
32. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 3.
33. Troisième partie tome 1 : Qu’est-ce que l’Islam ? Bref historique de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
34. Troisième partie tome 2 : Qu’est-ce que l’Islam ? Premières approches de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
35. Troisième partie tome 3 : Qu’est-ce que l’Islam ? Les 5 vrais piliers de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
36. Troisième partie tome 4 : Qu’est-ce que l’Islam ? Coups de sonde dans l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
37. Couiro anmenion ou Petit dictionnaire de théologie druidique tome 2.