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TROISIÈME PARTIE TOME II :
PREMIÈRES APPROCHES DE L’ENSEMBLE
COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD. 1)
Le mieux est peut-être de considérer assez paradoxalement il est vrai, que la traduction la plus appropriée de la première partie de la chahada serait « Il n’y a de Dieu qu’Allah » *, mais que ce qui a posé le plus de problèmes fut ce qui a été ajouté à savoir « Mahomet est son prophète » (au lieu de « Jésus est le Messie »).
Peut-être aussi de considérer que c’est cette partie-là de la chahada qui a importé le plus à l’époque, vu ses conséquences concrètes (Pierre de La Crau).
* Là on passe de l’hénothéisme à la monolâtrie.
1) « Humane Imposture » in « Toland, Christianity not mysterious ». La plupart de nos traductions des versets du Coran sont tirées du site internet Le Coran annoté du sceptique.
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TROISIÈME PARTIE TOME II :
PREMIÈRES APPROCHES DE L’ENSEMBLE
COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD. 1)
Le mieux est peut-être de considérer assez paradoxalement il est vrai, que la traduction la plus appropriée de la première partie de la chahada serait « Il n’y a de Dieu qu’Allah » *, mais que ce qui a posé le plus de problèmes fut ce qui a été ajouté à savoir « Mahomet est son prophète » (au lieu de « Jésus est le Messie »).
Peut-être aussi de considérer que c’est cette partie-là de la chahada qui a importé le plus à l’époque, vu ses conséquences concrètes (Pierre de La Crau).
* Là on passe de l’hénothéisme à la monolâtrie.
1) « Humane Imposture » in « Toland, Christianity not mysterious ». La plupart de nos traductions des versets du Coran sont tirées du site internet Le Coran annoté du sceptique.
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ODE AUX TRÈS-SACHANTS.
La moitié du malheur de l’Humanité vient du fait que, il y a plusieurs milliers d’années, quelque part au Moyen-Orient, des peuples de par leur langue ont conçu la spiritualité ou la mystique……
— Non comme une quête de sens, d’espoir ou de libération avec les concepts qui s’y rattachent (distinction opposition ou différence entre matière et esprit, éthique, discipline personnelle, philanthropie, vie après la vie, méditation, quête du Graal, pratiques…).
— Mais comme une loi (DIN) gigantesque et protéiforme devant régir la vie quotidienne des hommes avec tout ce que cela implique.
Des obligations ou des interdits que tout un chacun doit respecter jour et nuit. Des infractions ou des contraventions à cette multitude d’interdits quand ils ne sont pas suivis à la lettre. Des jugements quand une ou plusieurs de ces lois sont violées.
Des condamnations. Pour les coupables.
Des non-lieux ou des relaxes pour les innocents APPELÉS JUSTES…
CETTE CONFUSION ENTRE LE NUMINEUX ET LE RELIGIEUX PUIS ENTRE LE SACRE ET LE PROFANE NOUS POURRIT LA VIE DEPUIS 4000 ANS VIA ISRAËL ET SURTOUT LES NOUVEAUX ISRAËL QUE VEULENT ÊTRE LE CHRISTIANISME ET L’ISLAM.
Le principe de base de notre Ollotouta nous a été donné, il y a longtemps déjà, par notre maître à tous en ce domaine ; le grand barde gaélique fondateur de la Libre-pensée moderne, que l’on évoque habituellement sous le nom anglicisé de John Toland. Il ne peut pas y avoir par définition de choses contraires à la Raison dans de Saintes Écritures émanant vraiment du Divin.
S’il y en a, il s’agit alors, soit d’erreurs, soit de mensonges !
Ou il n’y a aucun mystère, ou alors il ne s’agit en aucune façon d’une révélation divine !
Il n’y a aucun moyen terme…Nous ne reconnaissons pas d’autre orthodoxie que celle de la Vérité car, où qu’elle soit en ce monde, doit également se tenir, nous en sommes totalement convaincus, l’Église de Dieu, et pas celle de telle ou telle faction humaine… Nous sommes par conséquent partisans de ne faire aucun quartier à l’erreur sous quelque prétexte que ce soit, chaque fois que nous aurons la possibilité ou l’occasion de l’exposer sous ses vraies couleurs.
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1696. Le christianisme sans mystère.
1702. Vindicius Liberus. Réponse de John Toland aux détracteurs de son « christianisme sans mystère ».
1704. Lettres à Serena contenant l’origine de l’idolâtrie et les raisons du paganisme, l’histoire de la doctrine de l’immortalité de l’âme chez les païens, etc. (Version baron d’Holbach, un philosophe allemand).
1705. Le vrai socinianisme * en tant qu’exemple de débat courtois en matière de théologie *.
Précédé de l’Indifférence dans les disputes, recommandée par un panthéiste à un ami orthodoxe.
1709. Adeisidaemon ou l’homme sans superstition. Les origines juives.
1712. Lettre contre le papisme, et en particulier contre le fait d’admettre l’autorité des Pères ou des Conciles dans les controverses religieuses, par Sophie Charlotte de Prusse.
1714. Défense des juifs, victimes des préjugés antisémites, et plaidoyer pour leur naturalisation.
1718. Le destin de Rome, des papes, et la fameuse prophétie de saint Malachie, archevêque d’Armagh au treizième siècle.
Nazarenus ou le christianisme juif, goy, et mahométan (version d’Holbach), contenant :
I. L’histoire de l’ancien évangile de Barnabé, ainsi que le moderne évangile apocryphe des mahométans, attribué à ce même apôtre.
II. Le projet original du christianisme expliqué par l’histoire des Nazaréens, résolvant du même coup diverses polémiques à propos de cette divine (mais si hautement pervertie) institution.
III. L’analyse d’un manuscrit des quatre Évangiles irlandais avec un résumé de l’ancien christianisme d’Irlande et de ce que fut la réalité des culdées (un ordre mi-laïc, mi-religieux opposé aux deux derniers évêques de Worcester).
1720. Pantheisticon, sive formula celebrandae sodalitatis socraticae.
Tetradymus.
I. Hodegus. La colonne de feu et de nuée qui a guidé les israélites dans le désert n’était pas un miracle, mais, comme le relate précisément l’Exode, une pratique également connue des autres nations ; et dans ces contrées non seulement utile, mais même nécessaire.
Il. Clidophorus.
III. Hypatie ou l’histoire de la plus belle, de la plus vertueuse, de la plus instruite, de la plus accomplie des femmes ; qui fut lapidée par le clergé d’Alexandrie, afin de satisfaire l’orgueil, l’ambition, voire la cruauté, de l’archevêque Cyrille, communément, mais très improprement, appelé saint Cyrille.
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1726. Histoire critique de la religion celte, contenant un aperçu sur les druides, ou les prêtres et les juges, sur les vates, ou les devins et médecins, et enfin sur les bardes, ou les poètes ; des anciens Bretons, Irlandais ou Écossais. Avec en plus l’histoire d’Abaris l’hyperboréen, prêtre du soleil.
Un spécimen de la langue armoricaine (dictionnaire breton, irlandais, latin).
1726. Compte-rendu du livre de Giordano Bruno, sur l’infini de l’univers et la pluralité des mondes, traduit de l’édition italienne.
1751. Le Panthéisticon ou le mode de célébration de la société socratique. S. Paterson Londres. Traduction du livre publié en 1720.
« Le Druidisme » est une revue indépendante (indépendante de toute association religieuse ou politique) et qui n’a qu’un seul but : la recherche théorique ou fondamentale en matière de néopaganisme. La double question à laquelle essaie de répondre cette revue d’études théoriques pourrait se résumer ainsi :
« Que pourrait être ou que devrait être, un néo-druidisme actuel, moderne et contemporain ? »
Le « Druidisme » est une revue néopaïenne, strictement néopaïenne, héritière de tous les mouvements authentiques (c’est-à-dire non chrétiens) qui se sont succédé depuis deux mille ans, l’héritière indirecte, mais l’héritière, quand même !
À propos de notre tradition de référence ou de notre filiation intellectuelle soulignons que si les « poètes » du royaume de Domnall mac Muirchertach Ua Néill avaient toujours les imbas forosnai, les teimn laegda ainsi que les dichetal do chennaib, à leur répertoire ((cf. la conclusion de l’histoire du pillage du château de Maelmilscothach, d’Urard Mac Coisé, un poète mort au XIe siècle), ils étaient peut-être déjà chrétiens quand même depuis plusieurs générations. Il est vrai que ces pratiques (imbas forosnai, teimn…) étaient formellement interdites par l’Église, mais qui sait, il y a eu peut-être des accommodements analogues à ceux des astrologues ou alchimistes du Moyen-âge.
Quoi qu’il en soit notre « Druidisme » est aussi une volonté, la volonté de se rapprocher, au maximum, du druidisme antique, tel qu’il fut (scientifiquement parlant). La volonté aussi néanmoins de moderniser ce druidisme, un retour total au druidisme antique étant exclu (il serait de toute façon impossible).
Exemples de modernisation de ce druidisme païen.
— Abandon aux associations laïques du côté culturel (médecine, poésie, mathématique, etc.). Principe de séparation de l’Église et de l’État.
— Spécialisation par contre dans la spiritualité celtique, ou païenne en général, l’histoire de la religion, la philosophie et la métapsychique (dite aujourd’hui parapsychologie).
— Utilisation dans certains cas du vocabulaire actuel (Église, religion, baptême, et ainsi de suite).
Un juste milieu est évidemment à trouver entre un retour total au druidisme antique (fondamentalisme ou intégrisme) et une modernisation radicale trop révolutionnaire (plus de saie).
L’AAP (athée agnostique panthéiste) celte ayant accepté d’être l’avocat du paganisme celtique antique et de cosigner cette petite bibliothèque **, dont il n’est que le rassembleur, le druide Hesunertus (Pierre de La Crau), ne se considère pas comme l’auteur de cet ouvrage collectif. Mais comme le simple porte-parole de l’équipe l’ayant composé. Pour ce qui est des autres sources de cet essai sur le druidisme, voir les remerciements de la bibliographie.
* Les sociniens, puisque c’est ainsi qu’ils furent appelés par la suite, désiraient plus que tout restaurer le vrai christianisme qu’enseigne la Bible. Ils considéraient que la Réforme n’avait fait disparaître qu’une partie de la corruption et du formalisme, présents dans les Églises, tout en laissant subsister le mauvais fond : les enseignements non bibliques (ce qui est très discutable d’ailleurs).
** Ce petit camminus est néanmoins important aussi pour les jeunes… de 7 à 77 ans ! Mantalon siron esi.
1) Do ratath tra do Mael Milscothach iartain cech ni dobrethaigsid suide sin etir ecnaide 7 fileda 7 brithemna la taeb ogaisic a crech 7 is amlaidsin ro ordaigset do tabairt a cach ollamain ina einech 7 ina sa[ru]gad acht cotissad de imus forosnad [di]chetal do chollaib cend 7 tenm laida .i. comenclainn fri rig Temrach do acht co ti de intreide sin FINIT.
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PROLOGUE.
Le fait est qu’il n’existe pas de témoignage archéologique, épigraphique ou numismatique pertinent datant de l’époque de Mahomet, pas plus qu’il n’y a de références à sa personne dans les sources non musulmanes datant de la période antérieure à 632.
Pour une fois ne commençons donc pas par le commencement, mais par la fin ou plus exactement par l’étape qui a suivi et qui est attestée par des témoignages autres que la légende ou l’hagiographie musulmane, en premier lieu par le texte chrétien apologétique de l’an 634, d’origine nord-africaine, intitulé Doctrina Jacobi nuper baptizati (« Doctrine de Jacob, depuis peu baptisé ») qui ne prouve rien en ce qui concerne Mahomet lui-même, mais qui prouve qu’en 634 de notre ère il y avait des hommes et des femmes se revendiquant de son nom et ne se reconnaissant pas dans le judéo-christianisme.
N.B. Le terme Agarènes ou Hagarènes désigne, dans la Bible hébraïque, un peuple non israélite, descendant d’Abraham par Agar, servante égyptienne de Sarah, et plus tard dans le langage littéraire byzantin les musulmans, mais Agarènes peut désigner, dans la littérature byzantine, tous les peuples musulmans, y compris les non arabes comme les Turcs.
Pour Michael Cook (Hagarisme ou la naissance du monde islamique, Presses universitaires de Cambridge1977) ; six indices marquent en effet le début de l’islam et du Coran : l’apparition d’un terme arabe à côté du mot araméen pour désigner les compagnons de Mahomet (mouhadjiroun au lieu de mahgrayé) ; la fin du travail en commun entre « juifs » et Arabes, et la collecte des matériaux du Coran.
Il y a en plus les trois indices indiqués par Patricia Crone.
Ces indices sont la destruction et la reconstruction de mosquées pour changer de qibla, des conflits politiques centrés sur les thèmes du mahdi et de l’imamat, les tentatives pour imposer un texte standard du Coran.
Puisqu’à l’époque du premier islam, le mahdi était le Christ, ces conflits politiques devaient concerner le rôle du christ, et, donc, l’effacement du rôle joué par le judéo-christianisme.
Le changement de qibla relève de la même catégorie, ainsi que l’imposition d’un texte standard pour le Coran.
L’évolution de la profession de foi musulmane, la chahada, porte d’ailleurs les traces d’une formulation qui a changé avec le temps.
Les homélies pseudo-clémentines sont un long texte, écrit pour l’essentiel vers 135, en vingt livres, qui relatent les controverses d’alors du point de vue des judéo-chrétiens et des gnostiques. Il présente une version primitive de la profession de foi des judéo-chrétiens et des gnostiques 1).
« Je témoigne que Dieu est un, et il n’y a pas de Dieu excepté lui ».
La formule est identique au début de la chahada initiale de l’islam.
Les premiers disciples de Mahomet témoignaient en effet de leur croyance en disant : « Je témoigne qu’il n’y a de Dieu que Dieu, et qu’il n’a pas d’associé ». Cette formule a pu être reconstituée à partir de graffiti et des premières épigraphes arabes non officielles, presque toujours gravées sur pierre. Elle a été formulée à une époque où n’existaient ni le terme de musulman ni celui d’islam, et où Mahomet n’était pas présenté comme un prophète.
Beit Shean est une ville très ancienne, fondée probablement vers 3000 avant notre ère, dans la vallée du Jourdain, à vingt-cinq kilomètres au sud du lac de Tibériade. Elle contient une mosaïque, datée de 738 ou 739, qui porte le même texte que celui du Dôme du Rocher : « Il n’y a de Dieu que Dieu, il n’a pas d’associé, Mahomet est son prophète ».
Entre 690 et 735, il y a donc eu deux attestations ou deux types de chahada : « Je témoigne qu’il n’y a de Dieu que Dieu, et qu’il n’a pas d’associé. Mahomet est son prophète » ; mais aussi : « Je témoigne qu’il n’y a de Dieu que Dieu, et qu’il n’a pas d’associé. Le Christ est son prophète ».
Sur le même Dôme du Rocher, d’autres inscriptions figurent en effet à l’intérieur.
— Sur la face sud, c’est : « Mahomet est le serviteur de Dieu et son messager ».
— Sur la face nord, il y a : « Ô, Dieu, penche-toi sur ton messager ainsi que sur ton serviteur Jésus, fils de Marie ».
— Sur la face est, il s’agit d’une citation du chapitre 4, versets 170 et 171 : « Le Messie, Jésus, fils de Marie, est seulement le Prophète de Dieu ».
La précision « seulement » est une récusation du christianisme. Il y a ainsi deux affirmations, « Jésus est son prophète et son serviteur ». « Mahomet est son prophète et son serviteur ».
À cette époque il y a donc eu deux chahadas, l’une fondée sur Jésus, l’autre sur Mahomet.
N.B. La forme actuelle de la chahada est : « Il n’y a de Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète ».
Ainsi, entre la chahada primitive, sans référence à Mahomet, identique à celle des judéo-chrétiens ou des gnostiques, et celle d’aujourd’hui, il y en a eu apparemment une forme intermédiaire, en trois propositions, qui ajoutait Mahomet à la formule primitive.
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Dans les papyrus, les pièces de monnaie, les tombes, les inscriptions et les textes musulmans, les mentions de Mahomet comme prophète se font donc progressivement plus nombreuses, alors que celles qui concernent Jésus comme Messie se raréfient et disparaissent. Après 735, un siècle après sa mort, Mahomet seul est mentionné.
Le passage de la chahada à trois termes à l’actuelle chahada à deux termes.
En une cinquantaine d’années, de 690 à 740 environ donc, en même temps que l’effacement de Jésus ; l’attestation de croyance musulmane à trois propositions s’est simplifiée pour n’en retenir que deux : « il n’y a de Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète ».
La raison probable en est que la pensée arabe s’exprime volontiers en des termes binaires, soit symétriques ou opposés, soit conséquences l’un de l’autre, soit complémentaires. La chahada intermédiaire était une formule ternaire, forme étrangère à la culture traditionnelle, et donc peu apte à devenir un slogan ou un signe de ralliement. L’affirmation du dieu unique, fondamentale, devait être conservée. Mahomet messager de Dieu et transmetteur du Coran, était le cœur de la nouvelle version. Le troisième terme pouvait donc être éliminé. La précision « Il n’a pas d’associé » n’était plus aussi indispensable, d’autant plus que cette formule pouvait être considérée comme une conséquence de l’affirmation de l’unicité divine. C’est donc ce terme qui a été occulté, donnant ainsi naissance à la chahada que nous connaissons aujourd’hui.
N.B. Avertissement au lecteur. Attention, nous ne présentons ici l’hypothèse de l’hagarisme que dans le but d’inciter notre public à s’affranchir des idées reçues, afin de se faire sa propre opinion à propos de la naissance de l’islam. La thèse de Patricia Crone et Michaël Cook peut se résumer ainsi. Des juifs installés dans la région après la chute de Jérusalem ont manipulé ou instrumentalisé des tribus arabes locales en s’appuyant sur une prétendue origine commune remontant au mythique Abraham ; afin de reconquérir la Terre-Sainte et Jérusalem. D’où l’apparition d’Arabes qui judaïsaient, ou judaïsants ; voire judéo-chrétiens. L’échec de cette tentative (mal documenté par Crone et Cook) aurait suscité une dérive plus arabocentrée : une religion nationale arabe dont la fondation aurait été attribuée à un prophète désigné sous le nom de « le Loué » (Mouhammad) présenté comme un nouveau Moïse. Retenons de tout cela qu’il y eut au départ de l’islam ou du moins très tôt, une tendance à se placer dans le droit-fil d’Abraham, mais aussi de Jésus.
D’autres auteurs évoquent l’hypothèse selon laquelle le Coran aurait consisté au départ en plusieurs livres, Osman n’en ayant conservé qu’un. Nous avons par exemple le témoignage d’un moine chrétien qui distingue entre le Coran et le premier chapitre révélé à Médine, le chapitre de la vache, al baqara, comme sources de droit.
Dans d’autres documents, on nous dit que Hadjaj (661 – 714), le gouverneur d’Irak, avait recueilli et détruit tous les écrits des premiers musulmans. Il est vrai que le Coran manque cruellement de structure d’ensemble, et qu’il est fréquemment obscur ou sans pertinence, aussi bien dans la langue que dans le contenu, superficiel dans sa façon de relier des matériaux disparates ; et coutumier de la répétition de passages entiers dans de différentes versions. Sur ce fondement, on peut donc soutenir de façon plausible qu’il est le produit de l’édition tardive et imparfaite de matériaux provenant d’une pluralité de traditions.
Comme le Nouveau Testament chrétien, le Coran que nous connaissons actuellement n’est qu’une construction purement humaine, bâtie au fur et à mesure des besoins, épurée ou modifiée selon les circonstances. Par exemple par l’invention des versets dits nassikh ou abrogeant (abrogeant des versets dits mansoukh ou abrogés).
Ainsi que nous l’avons vu, des preuves abondantes, tirées des hadiths et des commentaires musulmans, attestent qu’il existait de nombreuses variantes de lecture entre les copies du Coran faites par les compagnons de Mahomet. Ce qui va à l’encontre de l’affirmation fréquemment avancée par les musulmans selon laquelle le texte actuel du Coran ne serait en quelque sorte que la fidèle photocopie d’un original divin.
Coran et hadiths sont par conséquent des textes suspects, des textes qui furent « adaptés » aux ambitions des califes et des imams. Les califes préconisèrent par exemple très tôt d’avoir recours à des « lectures » du Coran se fondant sur la tradition orale plutôt que sur le texte écrit.
Même en scriptio plena 2), le sens du Coran est souvent obscur. L’introduction des signes diacritiques, des voyelles, et les interprétations qui s’efforcent de donner un sens au texte ainsi complété ont été proposées par des grammairiens, des commentateurs et des lexicographes perses, plus de deux siècles après la mort de Mahomet.
Les conjectures qui proposent un sens ont été formées essentiellement par Tabari, en 896, près de trois cents ans après la mort de Mahomet.
Les érudits perses ont fondé leurs travaux sur des réflexions et des conjectures, sans se référer à une tradition venue des origines : ils ne disposaient pas d’une telle tradition. Il y a eu par conséquent une rupture dans la transmission.
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Ces érudits n’avaient qu’une connaissance indirecte de la langue arabe, et ne connaissaient rien du milieu ni de la culture dans lesquels les textes du Coran s’étaient formés.
Pour en revenir à la vie même de Mahomet, de nombreux détails sont « problématiques » tels par exemple les miracles qu’on lui attribue ou qui jalonnent son épopée : le miracle de la lune scindée en deux (Coran 54, 1-2), le miracle de l’araignée et des deux colombes, l’eau qu’il fait jaillir pour ses 1500 compagnons (Rapporté dans Sahih Al-Boukhari, 3576, et Sahih Muslim, 1856), son voyage nocturne à Jérusalem monté sur son cheval magique Bourak suivi de son ascension au Ciel (isra et miraj) etc. À en croire les thuriféraires de l’islam à cet égard (pitoyable rivalité ou pathétique jalousie) Mahomet bat à plate couture le héros du roman initiatique appelé « Évangile » (Yehoshouha Bar Youssef pour l’État-Civil).
Bowersock, Glen Warren, Peter Robert Lamont Brown et Oleg Grabar pensent que ces nombreux détails entourant la vie de Mahomet représentent surtout une tradition narrative en évolution constante qui est susceptible de s’être développée oralement pendant une très longue période avant d’être consignée par écrit sous une forme relativement fixe. Dans l’idéal, on aimerait être en mesure de contrôler ces récits grâce à des témoignages contemporains.
1. Homélies pseudo-clémentines, 17, 15 et 16.
2. Écriture incluant les lettres voyelles habituellement omises.
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LE PROBLÈME DES SOURCES DONC
(PAS CELLE DE ZEM ZEM).
Quoi de plus impie, que de faire Dieu complice d’un mensonge ? Ou que celui qui dit : « j’ai reçu de Dieu une révélation » alors que rien ne lui a été révélé (Le saint Coran chapitre 6, verset 93).
La vie de Mahomet a été narrée tardivement, un siècle environ après sa mort, au début de la période abbasside, par un dénommé Ibn Ichaq ben Yassar ben Khiyar (707-773) né à Médine. Ibn Ichaq recueillit ses informations auprès des descendants des parents ou des amis de Mahomet ensuite il rédigea un ouvrage appelé Sira nabaouiya ou Sirat al Rassoul Dieu (biographie de l’envoyé de Dieu). Le texte original écrit par Ibn Ichaq ayant été perdu, il ne nous reste plus que la recension qu’en fit un dénommé Ibn Hicham, quelques années plus tard.
Les historiens modernes considèrent tous que, pour l’époque de Mahomet, avec l’ouvrage d’Ibn Ichaq, celui de Tabari est aussi incontournable. Médecin, mathématicien, Tabari se fonde sur la citation de témoignages, dont le fil ininterrompu (isnad) remonte au témoin privilégié. Nous n’en avons conservé que le dixième environ, sous forme d’un résumé.
Il a écrit ses Chroniques quelques années avant sa mort. Elles furent traduites en persan quelques années plus tard par le Vizir Bal'ami, mais en une version amputée des chaînes de transmetteurs et autorités sur lesquelles Tabari s’appuyait. Cette traduction persane acquit une renommée considérable, fut à son tour traduite en turc, et remplaça peu à peu l’original dont il n’existe plus que quelques fragments. La version arabe actuelle est en réalité fondée sur le texte du traducteur persan Bal'ami. Par rapport au livre d’Ibn Ichaq, celui de Tabari est plus facile à lire pour un lecteur moderne, car il est beaucoup plus court et, comme le précise Zotenberg, réécrit à la façon moderne (la lecture des chaînes de transmetteurs dans Ibn Ichaq est fastidieuse pour le lecteur profane). Par contre, pour un historien moderne, la source que constitue l’ouvrage d’Ibn Ichaq ne souffre pas du passage par une traduction intermédiaire (en persan pour Tabari), permet un travail de recoupement grâce aux très nombreuses chaînes de transmetteurs, et offre un volume de documents beaucoup plus important. Selon Hermann Kortenberg, les principaux historiens ont puisé dans la Chronique de Tabari et pour l’histoire des Omeyyades, elle reste la source la plus importante de nos connaissances.
La Sira ou biographie de Mahomet par In Ichaq. Le manuscrit d’Ibn Ichaq est aujourd’hui perdu, une copie complète a probablement subsisté jusqu’au premier tiers du XIIIe siècle. La Sira d’Ibn Ichaq est plus connue sous l’appellation de Sira d’Ibn Hicham, car le texte d’Ibn Ichaq ayant été perdu, il n’est plus connu aujourd’hui que par la reconstitution ultérieure qu’en a faite Ibn Hicham, qui a bien précisé tout au long de son ouvrage ce qui était d’Ibn Ichaq (« Ibn Ichaq dit : ») et ce qu’il ajoutait lui-même (« Ibn Hicham dit : »). Selon Abdourrahman Badaoui la presque totalité de ses notes porte sur la généalogie et la philologie et Ibn Hicham a très peu ajouté sur les récits historiques. L’immense majorité du contenu historique est d’Ibn Ichaq : l’appellation de Sira d’Ibn Hicham est donc abusive, sinon fautive. Il a par contre retranché, beaucoup semble-t-il. De son propre aveu il a enlevé tout ce qui était avant Ismaël, les récits où il n’est pas question de Mahomet, ce qui ne touche pas à l’objet du livre ou qui ne l’explique pas, les vers et les poèmes « qu’aucun savant en poésie ne connaît », il élimine des passages en les remplaçant par « Il ne sied pas d’en parler, la mention nuit à certaines personnes, al-Baqqaï ne nous recommande pas de rapporter », etc. Fondée sur dix-sept manuscrits, l’édition de référence de la Sira d’Ibn Ichaq/Ibn Hicham est celle de Ferdinand Wüstenfeld parue en 1858-1859 (tome 1 contenant le texte arabe d’Ibn Ichaq et d’Ibn Hicham) et 1860 (tome 2 contenant une introduction, des notes critiques et des index), et la traduction de référence la plus courante est celle d’Alfred Guillaume, publiée aux presses universitaires d’Oxford en 1955.
Précisons que ces sources, malgré leur évident manque de fiabilité historique, demeurent incontournables, car si on les ignorait, l’histoire de la naissance de l’Islam tiendrait en deux phrases. N’oublions pas néanmoins que la biographie de Mahomet d’Ibn-Ichaq a surtout été écrite pour légitimer le pouvoir en place au moment de sa rédaction, c’est-à-dire la dynastie des Omeyyades. À tout le moins il est évident que rien dans cette Sira écrite par Ibn-Ichaq ne devait embarrasser ou gêner le calife régnant à l’époque.
Selon le grand spécialiste français Alfred Louis de Prémare, il faut relire complètement ces sources d’origine islamique sur lesquelles on s’appuyait jusqu’à présent, pour les intégrer dans une perspective plus ouverte (il existe des écrits non musulmans décrivant la période et permettant de mieux comprendre le corpus islamique qui a subi de longues transformations ultérieurement à ces événements) dans la mesure où bien des données peuvent être douteuses (on dispose de plus d’un million et demi de hadiths souvent contradictoires) ; la Vie de Mahomet d’Ibn Hicham en particulier, qui est une commande califale très politique, et qui remplace celle d’Ibn Ichaq qui s’est perdue, n’est pas
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fiable, en tout cas pas vérifiable. Toute vie de Mahomet n’est donc jamais qu’un tissu de conjectures, ne l’oublions pas !
L’essentiel de la tradition s’est construit au cours de la période abbasside, au IXe siècle, quand l’islam tente de revenir sur ses origines, trop évanescentes, pour mieux affronter les autres doctrines. Dès lors, il ne reste plus qu’à inventer. La chance de l’historien réside dans la quantité gigantesque de textes produits sur le sujet. Parfois difficiles d’accès, ils recèlent souvent des récits erratiques, des commentaires mal contrôlés, des renseignements involontaires, que la censure de la tradition n’a pas su éliminer.
L’historiographie ou l’hagiographie construite autour du personnage de Mahomet, majoritairement par des Persans convertis à l’islam, continue donc à guider nos contemporains en la matière ; mais un fait massif demeure : les plus anciennes sources musulmanes datées que nous possédions sur l’histoire des débuts de l’islam, ne remontent pas à moins de deux siècles des événements qu’elles prétendent raconter ; et les quelques sources non musulmanes (chrétiennes ou juives) contemporaines des faits nous en présentent une vue sensiblement différente. Henri Lammens a même été jusqu’à rejeter toute la biographie de Mahomet, comme n’étant rien de plus qu’une exégèse conjecturale et tendancieuse de quelques passages du Coran à contenu biographique, inventée ou élaborée par les générations de croyants postérieures.
Considérons les sources non musulmanes justement. Des textes en grec, latin, hébreu, arménien, géorgien, syriaque et persan, ont été récemment retrouvés puis traduits. Ces documents donnent sur les débuts de l’islam des informations datant de 10 à 30 ans après les faits (trente ans pour l’Histoire d’Héraclius par Sébéos) et non 200 comme la plupart des textes musulmans, et parfois même sont contemporains des événements décrits.
Sophrone, Patriarche de Jérusalem (décédé en 639).
[Dans une lettre synodale sans date, Sophrone donne une longue liste d’hérétiques et demande, dans sa formule d’adieu, que Dieu puisse accorder ce qui suit à « nos plus nobles empereurs adorateurs du Christ »].
Un sceptre fort et vigoureux pour briser l’orgueil de tous ces barbares, et surtout des Sarrasins qui, à cause de nos péchés, se sont dressés contre nous de façon inattendue et ravagent tout animés d’un dessein cruel et sauvage, avec une audace sacrilège et impie. Plus que jamais, par conséquent, nous supplions Votre Sainteté d’adresser d’urgentes requêtes au Christ afin que, les recevant favorablement venant de vous, il puisse rapidement étouffer leur insolence folle et livrer ces viles créatures, comme auparavant, afin qu’elle serve de marchepieds aux empereurs que Dieu nous a donnés.
[Les commentaires suivants sont datés de décembre 634.]
À cause de nos innombrables péchés et graves fautes, nous ne pouvons pas voir cela et nous ne pouvons pas nous rendre à Bethléem par la route. Contrairement à nos plus chers désirs, nous sommes en effet bien malgré nous obligés de rester chez nous, non pas empêchés par des liens physiques, mais par la crainte des Sarrasins. (Sermon de Noël, 506 [page 70]).
L’armée à la fois des Philistins et maintenant des Sarrasins athées a capturé la divine Bethléem et nous empêche de passer, nous menaçant de massacre et d’anéantissement si nous quittons la ville sainte et osons approcher notre bien-aimée et sacrée Bethléem. (Sermon de Noël, 507 [page 70]).
[6 décembre 636 ou 637.]
Les circonstances actuelles me forcent à penser différemment à propos de la vie que nous avons menée, car pourquoi tant de guerres sont-elles menées parmi nous ? Pourquoi les incursions barbares abondent-elles ? Pourquoi les troupes de Sarrasins nous attaquent-elles ? Pourquoi tant de destruction et de pillages ? Pourquoi y a-t-il de sang humain sans cesse versé ? Pourquoi les oiseaux du ciel dévorent-ils les corps humains ? Pourquoi les églises ont-elles été détruites ? Pourquoi la croix est-elle raillée ? Pourquoi le Christ, qui est le dispensateur de toute grâce et de toutes nos félicités, est-il accablé de blasphèmes venant de ces bouches païennes (ethnikois tois stomasi) au point de nous crier avec raison : « À cause de vous mon nom est devenu un objet de blasphèmes parmi les païens », car c’est la pire des abominables choses terribles qui nous arrivent. C’est pourquoi les Sarrasins ivres de vengeance et la haine de Dieu chevillée au corps, cette abomination des abominations que les prophètes nous avaient clairement annoncée, envahissent les lieux qui ne leur sont pas permis, pillent les villes, dévastent les champs, incendient les villages, incendient les saintes églises, mettent sens dessus dessous les monastères les plus sacrés, s’opposer aux armées byzantines qui se dressent contre eux, et, au combat, s’emparent des trophées [de la guerre] et accumulent victoire sur victoire. Ils sont en outre de plus en plus remontés contre nous et multiplient leurs blasphèmes contre le Christ et l’Église, prononcent d’abominables blasphèmes contre Dieu. Ces combattants qui font la guerre à Dieu se vantent de l’emporter sur tous leurs adversaires, imitant assidûment et sans retenue leur chef, qui est en réalité le diable, en imitant l’orgueil à cause duquel il
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a été expulsé du ciel et s’est vu attribuer le royaume des ombres (Saint Baptême, 166-167 [pp. 72-73]).
[Dans une œuvre composée à l’origine par Jean Moschus (mort en 619), mais développée par Sophrone (mort vers 639), que l’on trouve seulement dans un supplément à la traduction géorgienne, l’entrée suivante apparaît, à propos d’une construction que la tradition date de 638, soit peu de temps après la prise de Jérusalem vers 637. Elle figure dans une partie concernant Sophrone d’après son contemporain, l’archidiacre Théodore, et a peut-être été couchée par écrit vers 670.]
Les Sarrasins athées sont entrés dans la sainte cité du Christ notre Seigneur, Jérusalem, avec la permission de Dieu et en punition de nos fautes, qui sont considérables et se sont rendus immédiatement en toute hâte au lieu-dit le Capitole. Ils sont venus avec des hommes, certains contraints et forcés, d’autres venus de leur propre chef, afin de déblayer ce lieu et d’y édifier cette chose maudite, destinée à abriter leurs prières et qu’ils appellent une mosquée (midzgitha). (Pratum spirituale, 100-102 [page 63]).
L’évêque des Bagration, dans sa vie d’Héraclius, nous décrit Mahomet comme établissant une communauté incluant à la fois les Ismaélites (les Arabes) et les juifs, avec pour plate-forme commune l’origine abrahamique.
On sait très peu de choses de la vie de Sébéos. Ses dates de naissance et de mort sont inconnues, mais les historiens s’accordent à dire qu’il a vécu au VIIe siècle. Il fréquente la cour de Khosro II de Perse, puis participe au quatrième concile de Dvin en 645 en tant qu’« Évêque des Bagratouni » ou « Bagration ». Il aurait rédigé une Histoire d’Héraclius, mais la paternité de cette œuvre est remise en cause.
En tout cas, voici ce que nous rapporte le chapitre XXX de ladite Histoire d’Héraclius écrite vers l’an 661.
« Je parlerai ici du descendant d’Abraham, non du fils libre, mais de celui qui naquit de l’esclave et en qui se réalisa véritablement cette parole de Dieu : « Sa main [sera] contre tous, et la main de tous [sera] contre lui [Genèse, 16,11-12] ».
À cette époque, des juifs des douze tribus vinrent et se rassemblèrent dans la ville d’Édesse. Lorsqu’ils virent que l’armée perse s’était retirée, mais avait laissé la ville en paix, ils fermèrent les portes, s’y fortifièrent, et n’y laissèrent pas entrer les troupes du royaume romain. L’empereur grec Héraclius donna donc l’ordre de l’assiéger. Les juifs reconnaissant qu’ils ne pouvaient pas résister, firent des propositions de paix à l’empereur, ouvrirent les portes de la ville, et vinrent se présenter devant lui. Héraclius leur ordonna de repartir et de rentrer chacun chez soi. Ils se mirent en route, prirent le chemin du désert et arrivèrent en Arabie, chez les enfants d’Ismaël. Ils les appelèrent à leur secours et leur firent savoir qu’ils étaient parents, d’après l’Ancien Testament. Bien que ceux-ci crussent volontiers à cette parenté rapprochée, les juifs néanmoins ne purent convaincre toute la masse de leur peuple, parce que leurs cultes étaient différents.
À cette époque, il y avait un des enfants d’Ismaël du nom de Mahomet, c’était un marchand important [thankangar] ; il se présentait comme agissant sur l’ordre de Dieu, en prédicateur, et leur apprit à connaître le Dieu d’Abraham ; car il était très instruit dans l’histoire de Moïse. Comme l’ordre venait d’en haut, ils se rallièrent tous, sur l’autorité d’un seul, à l’unité de Loi et, abandonnant les cultes vains, retournèrent au dieu vivant qui s’était révélé à leur père Abraham. Mahomet leur prescrivit de ne manger la chair d’aucun animal mort [naturellement], de ne pas boire de vin, de ne pas mentir et de ne pas forniquer.
Il ajoutait : « Dieu a promis par serment ce pays à Abraham et à sa postérité après lui, pour l’éternité ; il a tenu sa promesse du temps où il aimait Israël. Or vous, vous êtes ses fils et Dieu réalise en vous la promesse faite à Abraham et à sa postérité. Aimez donc seulement le dieu d’Abraham 1), allez vous emparer de cette terre, que Dieu a donnée à votre père, et personne ne pourra vous résister dans ce combat, car Dieu est avec vous…
Tout ce qui restait des peuples enfants d’Israël vint s’unir à eux et ils formèrent une grande armée. Puis ils envoyèrent une ambassade à l’empereur des Grecs, disant : « Dieu a donné en héritage ce pays [i kaluats zharhangut’ean] à notre père Abraham et à sa postérité après lui ; nous sommes les enfants d’Abraham ; tu as depuis assez longtemps possédé notre pays ; rends-le-nous pacifiquement, et nous n’envahirons pas ton royaume ; sinon, nous te reprendrons avec intérêt [tokosiwk’ pahanjests’uk’ i ken zkalealn] ce dont tu t’es emparé ».
L’empereur refusa et, sans leur donner de réponse satisfaisante, leur fit savoir : « Ce pays est à moi ; ton héritage à toi c’est le désert [k’oy vichak zharhangut’ean anapatn]. ; retournes-y en paix ». Puis il se mit à lever des troupes, environ 70 000 hommes, qu’il plaça sous le commandement d’un de ses fidèles eunuques, et leur ordonna de se rendre en Arabie ; tout en leur demandant de ne pas livrer bataille contre eux, mais de se tenir sur la défensive, jusqu’à ce qu’il eût réuni d’autres troupes pour les renforcer » (allusion à la bataille de Mou’tah en 629, Coran 30, 1-4 ?)
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Que penser de ce récit de Sébéos assez contradictoire en lui-même ??
Mahomet y apparaît comme un orateur ou un chef se présentant à ses interlocuteurs comme un prédicateur ; qui parle non pas en exposant des révélations prétendument rapportées par l’ange Gabriel, mais en rappelant à des juifs le Dieu d’Abraham et l’histoire de Moïse ! Il se présente donc lui-même comme une sorte de juif, mais pas un juif traditionnel, car « leurs cultes étaient différents ». Mahomet, ce négociant ismaélite (arabe), chef de l’oasis est « très instruit et à l’aise avec l’histoire de Moïse ». Il prescrit la morale élémentaire – ne pas mentir et ne pas forniquer – un interdit juif sur les bêtes mortes, et un autre, la prohibition du vin. C’est un orateur de talent, car il convainc les juifs venus d’Édesse de se rallier à sa religion, et de se placer tous sous son autorité, en les persuadant qu’ils n’abandonneraient pas le judaïsme en adhérant à sa Réforme. Ce qui montre à quel point la confusion était encore possible à l’époque.
Il importe d’ailleurs de rappeler ici que Mahomet n’a jamais prétendu fonder ou apporter une nouvelle religion. Qu’il a au contraire toujours prétendu n’intervenir que pour rappeler une antique religion ancestrale (la vraie selon lui évidemment) oubliée.
Avec évidemment deux cas différents.
Quand il s’adressait à des judéo-chrétiens, Mahomet se contentait d’affirmer qu’il venait rectifier certains de leurs oublis ou certaines de leurs erreurs, voire des falsifications délibérées.
Mais il ne pouvait qu’en aller tout autrement quand il s’adressait à des païens.
Là, Mahomet devait tout leur apprendre et les persuader d’abord que la véritable religion de leurs ancêtres avait été celle d’Abraham d’Isaac et de Jacob ; mais qu’elle avait ensuite été complètement dénaturée ou oblitérée, d’où une chute coupable dans le paganisme.
Quant aux nouvelles révélations divines dont Mahomet se faisait l’intermédiaire, elles n’étaient destinées qu’à l’aider dans sa mission.
Le mot de « musulman » apparaît pour la première fois sur le Dôme du rocher, en 691, il entre dans l’usage officiel vers 720, il est utilisé sur une monnaie pour la première fois en 768, et sur papyrus en 775 seulement. La recherche linguistique montre que les termes islam et musulman ne viennent pas de l’arabe, mais de l’araméen.
Mahomet n’était donc pas musulman, puisque le mot de musulman, comme celui d’islam, n’apparaît pour la première fois dans l’empire islamique qu’en 691, sur le Dôme du rocher, soit soixante ans après la mort de Mahomet ; et il a mis si longtemps à s’imposer qu’il ne figure dans les documents non musulmans que cent cinquante ans après la mort du fondateur.
Si l’on en croit Michael Cook et Patricia Crone, ses adeptes, pendant la vie de Mahomet et au moins les dix ans qui ont suivi la mort de leur chef, se désignaient sous le nom de mahgrayé, un mot qui appartient à la langue syriaque et qui a pour équivalent arabe mouhadjiroun. Son usage a été exclusif au moins jusqu’en 644. Ce terme est attesté dès 640 en syriaque, et en 642 en grec sous la forme magaritai, dérivée du syriaque.
Le sens de ce terme est assez incertain, et la notion d’émigration qu’il évoque est peut-être à prendre au sens métaphorique (les convertis, les dissidents, ceux qui se retirent au désert, ceux qui ne se retrouvent pas dans la société qui les entoure, ceux qui vivent entre eux, ou à part…)
Un des premiers exemples de l’emploi du terme « mahgrayé » en syriaque pour désigner les musulmans se trouve dans l’ouvrage appelé « le livre des Califes » qui s’arrête à l’année 724. Il utilise le mot « tayyayé » pour évoquer les musulmans, à l’exception d’un passage où il est dit que l’empire fondé par Mahomet est dû aux Mahgrayé. Ce passage en effet semble venir d’une source beaucoup plus ancienne et proche des débuts de la conquête.
En 639 ainsi que nous avons eu l’occasion de le voir eut lieu une controverse entre le patriarche jacobite Jean I d’Antioche et l’émir ? gouverneur d’Homs, en Syrie, ancien compagnon de Mahomet.
Dans sa traduction de 1915 l’abbé François Nau précise qu’il s’agissait d’Amrou ibn al As le futur conquérant de l’Egypte et que le débat eut lieu le 9 mai 639.
Le patriarche a rédigé un compte rendu de cette discussion qu’il a fait parvenir à différents responsables chrétiens de la région assez inquiets de la tournure des événements et cet écrit nous est parvenu.
L’émir, très antichrétien, s’efforça de convaincre le patriarche de se rallier à la religion de l’armée arabe, et d’entraîner avec lui ses ouailles. Il est remarquable que, dans tout le cours de la controverse, pas une fois l’émir ne mentionne ni le Coran, ni Mahomet, ni l’islam. Son but était de convaincre le patriarche que le Christ était, certes, un prophète, mais non pas Dieu lui-même.
« Puisque que nous vous savons dans le souci et la crainte à cause de nous, au sujet de l’affaire pour laquelle nous avons été appelés en cette région, avec notre bienheureux père honoré de Dieu, notre patriarche, nous faisons savoir à Votre Charité que le neuf de ce mois de mai, le jour du saint dimanche, nous nous sommes rendus auprès de l’illustre général émir.
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Le bienheureux père de notre assemblée a été interrogé par lui pour savoir s’il n’y a qu’un seul et même évangile sans aucune différence, qui est reconnu par tous ceux qui sont chrétiens et qui portent ce nom partout dans le monde.
Le bienheureux lui répondit qu’il est un et le même chez les Grecs, les Romains, les Syriens, les Égyptiens, les Couchites, les hindous, les Arméniens, les Perses et tous les autres peuples.
Il lui demanda encore : « Pourquoi, puisque l’Évangile est un, la foi est-elle différente ? »
Et le bienheureux répondit : « De même que la Loi (Torah) est une et la même, et qu’elle est acceptée par nous autres chrétiens et par vous Mahgrayé, et par les juifs et par les samaritains, mais que chaque peuple est divisé pour ce qui est de la foi ; il en est de même pour la foi de l’Évangile, chaque hérésie le comprend et l’interprète de manière différente, et non comme nous ».
Là aussi, les compagnons de Mahomet ont pour livre sacré non le Coran, mais la Thora, ils sont appelés mahgrayés apparemment et non pas musulmans.
Ce terme est un mot syriaque dont la traduction en arabe est mouhadjir, qui signifie exode, ou émigration, peut-être au sens métaphorique du terme (dissidence, sécession, vie à part). Le silence du gouverneur d’Homs sur Mahomet incite à penser qu’avant cette date, 639, Mahomet n’avait jamais prétendu être un prophète ni n’avait encore été présenté de cette manière.
Autrement dit, ceux qui allaient devenir les musulmans ne puisaient pas encore leurs références doctrinales dans le Coran, ne considéraient pas Mahomet comme un prophète, ses idées ou ses paroles n’étaient pas une référence doctrinale ; et ils ne portaient pas le nom de musulmans, mais celui d’émigrés, non pas en arabe, qui plus est, mais en syriaque : mahgrayé. L’islam n’existait pas encore.
Jacques d’Édesse (mort en 708) trois quarts de siècle après la mort de Mahomet, a écrit une lettre à Jean le Stylite dans laquelle il donne aussi aux musulmans leur premier nom, mahgrayé.
« Que le Messie soit de descendance davidique… tout le monde le professe, les juifs, les mahgrayés, ainsi que les chrétiens… Les mahgrayé aussi, bien qu’ils ne sachent ni ne souhaitent dire que ce vrai Messie, qui est venu et est reconnu par les chrétiens, est Dieu et fils de Dieu, confessent néanmoins fermement qu’il est le vrai Messie qui devait venir, et qui fut prédit par les prophètes. Sur ce point, il n’y a pas de dispute avec nous ».
Dix à quinze ans après la mort de Mahomet, le terme mahgrayé a été traduit par mouhadjiroun, ce qui signifie « émigrés » en arabe, et dans le demi-siècle qui suivit, dans l’usage courant, les convertis de Mahomet ont porté les deux noms. Dans tous les documents officiels musulmans, jusque vers 720, le seul terme utilisé fut mouhadjiroun. Le terme mouslimoum, dont nous avons fait musulmans, apparaît vers 720 dans les textes officiels musulmans, et vers 775 dans les textes chrétiens.
Plus convaincante à propos des véritables origines de l’islam est l’étrange utilisation du terme « sabéen » dans le Coran et les débuts de l’islam, presque utilisé comme synonyme de musulman. Il existe trois sortes de Sabéens qu’il ne faut pas confondre.
— Les sabéens du pays de Saba (Yémen).
— Les sabéens de Haran (actuelle Turquie). Un syncrétisme païen.
— Les sabéens mandéens qui étaient, et sont encore (en Irak) un groupe d’inspiration judéo-chrétienne et gnostique dont le rite principal est le baptême.
Ce sont eux qui sont évoqués dans le Coran, en termes assez favorables d’ailleurs.
Chapitre 2, verset 62 : « Ceux qui ont cru, les juifs, les nassara et les sabéens, quiconque a cru en Dieu et au Jour dernier et fait une œuvre vertueuse, auront leur récompense auprès de leur Seigneur. Ils n’ont rien à craindre ».
Chapitre 5, verset 69 : « Ceux qui ont cru, les juifs, les nassara, et les sabéens, quiconque a cru en Dieu et au Jour dernier et fait preuve de vertu, ils n’auront rien à craindre ».
Chapitre 22, verset 17 : « Ceux qui ont cru, les juifs, les nassara, et les sabéens, les magiens * et les associateurs, Dieu décidera parmi eux le jour de la résurrection. Dieu est témoin de toute chose ».
La seule façon d’expliquer cette place d’honneur attribuée par Mahomet aux Sabéens en question est d’admettre qu’il leur a fait des emprunts comparables à ceux qu’il a faits au Judaïsme et au Christianisme, hypothèse qui s’impose d’autant plus que les contemporains de Mahomet découvraient, entre ce sabéisme et l’islam naissant des analogies si fortes que Mahomet et ses premiers disciples furent parfois qualifiés de sabéens. Wellhausen a supposé que c’est au sabéisme qu’ont été empruntées les ablutions qui précèdent chacune des prières journalières du musulman. Les ablutions n’ayant dans aucune des sectes énumérées la forme particulière qu’elles ont dans l’Islam, il est à croire que les sabéens du Coran constituaient une secte gnostique, distincte des précédentes, et par ailleurs inconnue. Ces sabéens particuliers auraient disparu de bonne heure, absorbés par l’Islam.
Bref, une image totalement inattendue de Mahomet ou des débuts de l’islam en émerge. Le chroniqueur arménien des années 660, l’évêque Sébéos, dans sa vie d’Héraclius, nous décrit
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Mahomet comme établissant une communauté incluant à la fois les Ismaélites (les Arabes) et les juifs, avec pour plate-forme commune l’origine abrahamique.
Bien qu’il n’y ait aucun doute sur le fait qu’un homme appelé…… a existé, qu’il a été commerçant, que quelque chose de significatif est arrivé en 622 ; il n’est fait aucune mention de La Mecque, et la mention du Coran ne fait aucune apparition avant les dernières années du septième siècle.
* Les magiens sont les zoroastriens ou mazdéens.
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LES ASBAB AL NOUZOUL OU CIRCONSTANCES DE LA RÉVÉLATION.
Quoi de plus impie, que de faire Dieu complice d’un mensonge ? Ou que celui qui dit « j’ai reçu une révélation » alors que rien ne lui a été révélé. (Le saint Coran chapitre 6, verset 93).
Nous estimons pour notre part qu’il est temps de prendre les hommes pour des citoyens responsables devant avoir accès à des informations pertinentes. À partir de là, le doute, l’esprit critique, la réflexion et le travail scientifique pourront être mis en œuvre. Sans un véritable effort de diffusion de ces faits, il ne pourra y avoir aucun dialogue possible entre les cultures et les religions. L’ignorance est le terreau du mensonge, de la manipulation et de l’hypocrisie. Nous autres, « très-sachants » tolandiens d’aujourd’hui, comme ceux du temps de Lucien de Samosate, nous avons exactement le même point de vue en la matière que le site internet intitulé « Le Coran annoté du sceptique » : mieux connaître Mahomet et le premier islam grâce aux méthodes historiques modernes ». Un site historique au sens scientifique du terme et regroupant un grand nombre de travaux ayant complètement renouvelé nos connaissances sur les premières années de l’islam.
Les principaux historiens à l’origine de ce projet sont…
Patricia Crone de l’université de Princeton.
Michael Cook de l’université de Londres.
Christoph Luxenberg de l’université de Nimègue aux Pays-Bas.
Sans oublier bien sûr Alfred-Louis de Prémare, de l’université d’Aix-en-Provence, ainsi qu’Édouard-Marie Gallez, de l’université de Strasbourg. Mes correspondants français insistent beaucoup à leur sujet.
Ces avancées dans la recherche historique ont permis de fonder plusieurs constats solides, dont cet opuscule ne prétend nullement se faire le découvreur, mais seulement un rapporteur parmi d’autres.
Ci-dessous un résumé de la philosophie animant ce site internet, à consulter impérativement.
Elle montre que l’islam est fondé sur un système politico-religieux construit, en deux siècles pour l’essentiel, par de très nombreuses personnes, sous le contrôle global des califes, à partir des idées messianiques et millénaristes judéo-chrétiennes. Cet ensemble assez hétéroclite s’est maintenu pendant quatorze siècles à l’abri d’un pouvoir qui interdisait l’application de la raison au Coran et à l’islam ; réprimait ou massacrait les dissidents, détruisait les documents discordants, « fermait les portes de l’interprétation ». C’est le calife Hakim qui a interdit en 1029 de pratiquer l’ijtihad. Depuis cette date, dans tout le Dar al islam (en terre d’islam), toute nouvelle proposition d’interprétation (bida) est interdite. Il n’est permis que de répéter ce qui a déjà été dit. Cet interdit est effectivement appliqué, jusqu’à aujourd’hui. Les tentatives pour le contourner sont réprimées par la violence, et ne sont pas prises en compte par les musulmans quand elles sont faites dans les pays libres.
Or toutes ces protections sont en train de tomber. Les outils scientifiques existent, les chercheurs sont nombreux, la répression islamique ne peut s’exercer que dans le Dar al islam (en terre d’islam). Dans le monde développé, l’islam est impuissant à interdire ou même ralentir les recherches.
En ces trois domaines, l’islam, fondé sur l’Oumma qui impose le primat du collectif sur la personne, est étranger au monde moderne.
Enfin, dans sa relation aux non-musulmans, l’islam, depuis mille ans, divise le monde entre Dar al islam, terre de la soumission à l’islam, et Dar al harb, terres de guerre ; autrement dit les pays où l’islam n’est pas la religion dominante ; il fonde ainsi son rapport aux autres sur la force, non sur l’amour ni même sur le respect : on n’aime ni ne respecte ceux que l’on prétend contraindre.
On entend souvent dire que l’islam est une religion comme les autres, c’est-à-dire, selon le dictionnaire, « un ensemble de croyances ou de pratiques ayant pour objet le rapport des hommes avec le divin ou le sacré ». L’islam est en effet une religion, mais il est aussi autre chose. L’islam est à la fois din, dounya, daoula, religion, société, État. Le Coran contient en effet un grand nombre de dispositions civiles : le statut des femmes, celui des dhimmis, les lois qui interdisent à un musulman de changer de religion, celles qui interdisent aux non-musulmans d’exprimer publiquement leur foi, etc. Ces dispositions et bien d’autres forment l’ossature d’une société. Vidiadhar Surajprasad Naipaul a été prix Nobel de littérature en 2001. Il a voyagé dans des pays musulmans non arabes, en Indonésie, en Iran, au Pakistan et en Malaisie. Ces pays contiennent environ 40 % de tous les musulmans du monde, deux fois plus nombreux que tous les Arabes réunis. V. S. Naipaul a publié ses observations dans deux livres, Crépuscule sur l’Islam en 1981 et Jusqu’au bout de la foi en 1998. Voici ce que l’on peut y lire : « Aucune colonisation n’a été aussi absolue que celle qui s’est installée avec la croyance arabe… C’était un article de foi, et devant elle tout était faux, malavisé, hérétique ; il n’y avait pas de place dans le cœur ou l’esprit de ces croyants pour leur passé pré mahométan ». En Indonésie et en Malaisie, l’architecture de tradition locale est maintenant remplacée par une architecture arabe pour les lieux de culte, parce que les Malais et les Indonésiens eux-mêmes considèrent que leur propre architecture n’est pas suffisamment islamique.
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L’affrontement décisif a lieu dans la tête des musulmans, non entre eux et le reste du monde. Il ressemble plus à une guerre civile à l’intérieur de chaque personne qu’à une guerre extérieure. Le monde moderne n’assiège pas l’islam, il a déjà commencé à envahir l’intériorité de chaque musulmane, de chaque musulman.
Une musulmane, un musulman ne peuvent rejeter la modernité qu’en récusant leur propre rationalité, leur propre liberté, leur propre affectivité, le développement de leur propre individualité. Certains acceptent de payer ce prix, d’autres non. Toutes et tous sont aujourd’hui devant un choix, rester dans un système figé depuis plus d’un millénaire, fabriqué par le pouvoir des califes il y a quatorze siècles pour servir d’idéologie à un empire fondé sur la force armée ; ou rejoindre les valeurs de l’Humanité en marche et participer à la construction du futur.
Nous avons aussi exactement le même point de vue en la matière que le site internet « Islam : Documents ». Islam : Documents, présente au public de toutes les cultures, une base de données de centaines de documents sur les origines de l’islam, son histoire et sa situation actuelle. Nous reconnaissons bien volontiers avoir eu maints problèmes avec son français, nous en demandons humblement pardon aux descendants de Vercingétorix, mais nous pensons néanmoins avoir réussi à nous en sortir. Ouf !
Pour comprendre la science des circonstances de la révélation (asbab al nouzoul) et de l’abrogé ou abrogeant (al nassik oua al mansoukh) il est important de connaître les quatre sciences suivantes :
Le clair et l’équivoque : (al mohkem/al moutachabih).
Le médinois et le mecquois.
Le particulier et le général.
La correspondance entre les versets.
L’al nassik oua al mansoukh peut être défini comme étant l’opération qui consiste à abroger un précepte par le biais d’un argument religieux et le remplacer avec une autre prescription. Afin de mieux comprendre le pourquoi de ce genre d’abrogation, il est important de rappeler que le Coran a été révélé par étape, en fonction des événements et des conditions qui prévalaient à l’époque de Mahomet (sallallâhou alayhi wa sallam), et ce, afin de faciliter aux premiers musulmans la transition entre leurs habitudes et leurs pratiques antéislamiques et la noble voie apportée par le Coran. Cette révélation graduelle avait donc pour objectif de former le caractère des nouveaux musulmans, afin de les préparer à accepter les préceptes divins qui étaient révélés de façon successive. C’est ainsi que tout au long de la période de la Révélation, avec l’évolution des conditions de vie, de la mentalité et du contexte, certains commandements révélés étaient abrogés pour être remplacés par des commandements plus en phase avec la nouvelle situation des musulmans.
Au sein de l’islam, l’enjeu consiste à déterminer quels versets sont abrogés et lesquels ne le sont pas. En théorie, les plus récents abrogent les plus anciens traitant du même sujet, le dernier révélé donnant la conclusion de l’enchaînement des versets. Cependant, l’ordre des versets tel que retranscrit dans le Coran n’est pas l’ordre chronologique de leur révélation. Dans cette perspective, le débat sur l’ordre de la révélation des versets devient un enjeu majeur.
Un premier ensemble de données sur la biographie de Mahomet sera donc constitué par ce que l’on appelle en arabe les « asbab al-nouzoul » ou « circonstances de la révélation ».
Le Coran est un corpus dont les rares indications historiques ne sont qu’allusives : aucun cadre narratif ne précise de qui ni de quoi il s’agit.
II fallait donc fournir aux textes coraniques le cadre narratif qui leur faisait défaut et pouvoir dire que c’était en telle et telle circonstance que tel passage du Coran, tel chapitre, tel verset était « descendu » sur le prophète. D’où le nom d’asbab al-nouzoul, littéralement « causes occasionnelles de la descente » des versets coraniques, plus habituellement traduit par « circonstances de la révélation ».
On retrouve d’ailleurs un peu le même phénomène avec le Nouveau Testament, et certains passages des évangiles ; qui ont visiblement été introduits dans le texte original afin de justifier des prises de position ultérieures en matière de rituels ou d’organisation. Voir notre essai sur ou plus exactement contre, le christianisme.
Les biographes anciens de Mahomet vivaient à une époque trop éloignée de son temps pour avoir de vraies données ; loin d’être objectifs, ces éléments reposaient sur de la fiction tendancieuse ; bien plus, leur but n’était même pas de connaître les choses telles qu’elles s’étaient passées réellement, mais de construire une vision idéale du passé. Sur le canevas vide des versets du Coran qui avaient besoin d’être expliqués, les érudits ont brodé avec une grande hardiesse des scènes adaptées aux désirs ou aux idéaux de leur groupe particulier.
« La Sira » ou « Vie de Mahomet » a pour substrat des allusions ou des expressions contenues dans le Coran, avec toutefois le correctif que ce substrat n’est ni toujours identique, ni toujours aussi ferme ; en sorte que le midrash qui se fonde sur lui varie également de sens et d’allure, selon la date des
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passages coraniques invoqués. Sur le sens du mot midrash, voir notre essai sur le judaïsme ou contre le christianisme.
La Sira ne serait donc qu’une sorte de gigantesque midrash, à l’image des commentaires narratifs de la tradition exégétique juive sur les textes bibliques. De toute manière, c’est « un sens » qu’elle veut délivrer aux hommes, et « l’Histoire » doit se plier à ce sens. Ce n’est donc pas un document d’histoire proprement dit, mais au mieux une histoire interprétée ; c’est « l’histoire islamique du salut », dira John Wansbrough. Des détails de la vie de Mahomet ont été inventés pour soutenir des doctrines juridiques.
Ainsi que nous avons pu le voir, les éléments les plus anciens que nous possédons sur la vie de Mahomet ont été compilés par Ibn Ichaq en 750, en d’autres termes, cent ans après sa mort. La question de l’authenticité se pose d’autant plus que la forme originale du travail d’Ibn Ichaq est perdue ; et n’est disponible que par morceaux dans une recension plus tardive opérée par Ibn Hicham (mort en 834, soit deux cents ans après la mort de Mahomet). Les nombreux événements historiques censés avoir été la cause de certaines révélations (par exemple, la bataille de Badr), doivent très probablement certaines de leurs caractéristiques, occasionnellement leur existence même, au Coran. Il est clair que les conteurs ont été les premiers à inventer le contexte historique de certains versets particuliers. Le problème est que la plupart de leurs informations sont contradictoires. Un peu comme dans le cas de Jésus, plus on s’éloigne de la date des faits, plus on a de détails ou de précisions. Ouaqidi (mort en 823), qui écrivit des années après Ibn Ichaq (mort en 768) donne toujours des dates, noms et localisations précises, là où Ibn Ichaq n’en a pas ; des récits de ce qui a déclenché l’expédition, des informations diverses pour donner de la couleur à l’événement. Il n’est pas étonnant dans ces conditions que les érudits aiment beaucoup Ouaqidi : où trouver ailleurs des informations aussi merveilleusement précises sur tout ce que l’on souhaite savoir ? Mais, vu que ces informations étaient toutes inconnues d’Ibn Ichaq, leur valeur est douteuse à l’extrême. Et si les informations fausses se sont accumulées à ce train-là entre Ibn Ichaq et Ouaqidi, il est difficile de e pas en conclure qu’encore plus [d’informations fausses] ont dû s’accumuler au cours des trois générations séparant Ibn Ichaq de Mahomet.
Il existe d’autres éléments concernant la vie de Mahomet, tout aussi peu fiables : les hadiths, car là également, ils furent recensés très tardivement, 100 ou 200 ans après les faits ; et l’on peut légitimement émettre de sérieux doutes sur l’authenticité ou l’honnêteté de nombre d’entre eux. En général, les hadiths ne sont pas des sources fiables, car ils ont été mis par écrit deux siècles et demi après les faits ; et durant ce laps de temps les califes ont eu tout loisir d’intervenir de toutes les manières possibles pour en altérer ou modifier le contenu.
Les hadiths sont des « dits », « propos », ou « récits », attribués à Mahomet, recueillis par un isnad (témoin auditif) et qui seraient parvenus par voie orale avant d’être consignés dans des livres nommés Sahih (l’authentique, le digne de foi) ou Sounnan. Il existe des hadiths qualifiés de qods c’est-à-dire de sacrés ou de divins. Ce terme désigne des hadiths rapportés par Mahomet, mais qui sont directement attribués à Dieu ; ils se distinguent ainsi des hadiths traditionnels attribués à Mahomet lui-même.
Les hadiths sont classés de la manière suivante :
— Sahih : un hadith authentique est dit sahih (digne de foi) lorsqu’il obtient l’adhésion de tous les spécialistes de la Tradition (mouhadditoun).
— Hassan : un hadith peut être dit hassan (bon).
— Dhaïf : un hadith peut être dit dhaïf (faible). Dans ce cas, il est généralement apocryphe.
— Forgé de toute pièce : un hadith peut être dit mawdhou (inventé) quand il ne possède aucune chaîne de transmetteurs (isnad) même faible.
Ces deux dernières catégories constituent ce que les érudits musulmans appellent les hadiths irrecevables (mardoud).
Il y a six principaux recueils de hadiths chez les sunnites, deux d’entre eux sont considérés comme étant excellents, on les appelle d’ailleurs les deux sahih. Les plus connus sont ceux qui suivent ci-dessous.
— Le sahih d’Al-Boukhari (810-870). Recueil de 2602 hadiths (9082 avec les répétitions).
— Le sahih de Muslim (819-875).
— Le recueil de Malik Ibn Anas (712-795). Fondateur de l’École (Madhhab) malékite. L’al-Mouwatta.
— Le recueil d’Ahmad ibn Hanbal, fondateur de l’École (madhhab) Hanbalite. Un musnad.
— Le recueil d’Abou Daoud (817-889) : Kitab as-Sunnan.
— Le recueil d’Ibn Madja (824-887). Sounan Ibn Madja.
— Le recueil d’At-Tirmizi (824-893). Sounan At-Tirmizi.
— Le recueil d’Al-Nassai (830-916).
— Le recueil des chaféites et hanafites : Michkat Chérif.
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Les chiites ont, eux aussi, leurs recueils de hadiths plus tardifs, recueillant notamment les paroles des imams de la lignée de Mahomet par Ali et Fatima.
— Le recueil de Yaqoub al-Kolaïni (864-941).
— Le recueil de Sadouq Ibn Babouyeh (918-991).
— Le recueil d’al-Hassan al-Toussi (995-1067).
Notons enfin que les ibadites (dissidence des kharidjites) reconnaissent bon nombre de hadiths sunnites. Cependant, le principal recueil accepté par ces derniers est le suivant ci-dessous.
— L’al-Jami’i al-Sahih, contenant à peine 1005 hadiths.
Ainsi que nous avons pu le voir, il existe donc six grandes compilations de hadiths, six recueils « corrects » ou authentiques de traditions, acceptées par les musulmans sunnites. Le sahih de Boukhari al-Jouti (810 – 870), le sahih de Muslim (819 – 875), les sounnan de Tirmizi, les sounnan d’Abou Daoud, les sounnan de Nassaï, les sounnan d’Ibn Majda. Mais il existe aussi d’autres sources faisant autorité ou régulièrement consultées par les érudits musulmans. Parmi celles-ci figurent Ibn Hanbal (780 – 855) et l’imam Malik (712 – 795). Ils ont chacun donné naissance à une École juridique (Madhab) encore suivie de nos jours par une grande partie des musulmans sunnites.
Boukhari est le plus célèbre compilateur de hadiths, celui dont l’autorité est la plus grande. Il apprit par cœur, dit-on, 200 000 hadiths, parmi lesquels 2700 lui parurent authentiques. Il établit son recueil à partir de traditions orales et le publia deux cent cinquante ans après la mort de Mahomet. Ce recueil est si prestigieux que c’est un des deux livres sur lequel un musulman peut poser la main afin de prêter serment. L’autre livre étant le Coran.
Le recueil de Boukhari contient un peu moins de 8000 hadiths, dont beaucoup sont identiques, transmis par plusieurs chaînes de témoins différentes. Il existe 2762 hadiths différents, ou près de 4000 si l’on compte comme différents des textes qui ne présentent que des différences minimes.
Juste après cet auteur se trouve Muslim, auteur d’un autre recueil de hadiths. Ces deux recueils sont déclarés sahih, ce qui signifie solides, authentiques. En dehors de ces deux recueils, aucun autre livre musulman ne s’est vu attribuer ce qualificatif.
Les sahih de Boukhari et de Muslim sont réputés excellents, mais il est bon de rappeler que toutes ces sources sont effectivement très tardives et que l’on peut donc avoir de sérieux doutes à leur sujet. Boukhari est mort 238 années après Mahomet, tandis que Nassaï, lui, est mort plus de 280 ans après !
Résumé de la thèse de Joseph Schacht à ce sujet : les isnad [chaînes de transmetteurs] remontant directement à Mahomet n’ont commencé à être largement utilisés que vers l’époque de la révolution abbasside, moitié du VIIIe siècle. Ironiquement, plus un isnad semble élaboré ou formellement correct, plus il est probable qu’il soit faux. En général, conclut-il, aucun hadith existant ne peut de source sûre être attribué à Mahomet, bien que certains d’entre eux puissent quand même être enracinés dans son enseignement. Les arguments de Schacht sont étayés par une formidable liste de références, qui ne peuvent pas être écartées facilement.
Ignace Goldziher (1850-1921) de son côté a démontré qu’un grand nombre de hadiths, acceptés même dans les recueils musulmans les plus rigoureusement critiques, étaient des faux de la fin du VIIIe et du IXe siècle ; et en conséquence, que les isnad [chaînes de transmetteurs] qui les étayaient, devaient être, eux aussi, totalement fictifs. Or si les isnad des hadiths sont suspects, alors les isnad attachés aux éléments historiques doivent l’être aussi. Comme l’a dit Goldziher lui-même, « Toute connaissance intime du vaste fonds des hadiths, suscite une prudence sceptique ». Il considère la majeure partie des hadiths comme étant le résultat du développement religieux, historique et social, de l’islam, au cours de deux premiers siècles. Les hadiths seraient sans utilité en tant que base pour l’histoire scientifique, et peuvent seulement servir à l’étude des tendances de la communauté musulmane des débuts.
Les Hadiths étaient fabriqués même pour les détails rituels les plus triviaux. Sous les Abbassides, la fabrication de hadiths s’est multipliée, avec pour but exprès de prouver la légitimité de leur propre clan contre celui des partisans d’Ali. Les conteurs gagnaient leur vie en inventant des hadiths divertissants, que les masses crédules acceptaient avec une facilité confondante. Or pour attirer les foules, les conteurs ne reculaient devant rien. La manipulation des hadiths s’est rabaissée très tôt au niveau d’une économie : les voyages [à la recherche des hadiths] par exemple.
Les traditions de hadiths étaient formulées de façon polémique dans le but de réfuter une doctrine ou une pratique contraire. Schacht appelle d’ailleurs ces traditions des « contre traditions ». Les doctrines, dans cette atmosphère polémique, étaient fréquemment projetées en arrière, vers des autorités plus hautes : les traditions des successeurs de Mahomet devenaient des traditions des compagnons de Mahomet, et les traditions des compagnons des traditions de Mahomet lui-même.
Beaucoup de musulmans sont d’ailleurs conscients du fait que les faux abondent en ce domaine. Même les six recueils soi-disant authentiques de hadiths, compilés par Boukhari et les autres, ne sont
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pas aussi rigoureux que l’on aurait pu l’espérer. Les six ont des critères variables pour considérer un hadith comme authentique ou non ; et l’on a tort de penser que l’autorité canonique des recueils de Boukhari et Muslim est due au caractère exclusivement correct de leur contenu, ou au résultat d’investigations érudites. Même un critique du dixième siècle a souligné la faiblesse de deux cents des traditions incorporées dans leur travail.
Arrêtons là ce jeu de massacre ! On l’a compris, on peut donc dire de la vie de Mahomet ce que le Français Renan a écrit de la biographie de Jésus : « Si l’on s’astreint, en écrivant la vie de Jésus, à n’avancer que des choses certaines, il faudra se borner à quelques lignes ».
Afin quand même d’offrir à nos lecteurs avides d’en savoir un peu plus que quelques lignes squelettiques sur le sujet, disons-le donc tout nettement ; nous allons quand même nous risquer à essayer de nous servir, mais avec la plus grande prudence :
— Du Coran.
— De la Sira (biographie) de Mahomet due aux plumes (calames) d’Ibn Ichaq puis d’Ibn Hicham, Tabari, et autres.
— De certains hadiths de Boukhari, Muslim, etc.
— De quelques autres ouvrages à tendance historique ou encyclopédique tel le livre d’Ibn Kalbi, intitulé Kitab al-Asnam, ou celui intitulé Mouroudj adh dhahab, d’al Massoudi.
Les informations sur la vie de Mahomet ne manquent donc pas, mais elles sont quasiment toutes musulmanes, et marquées par des traits apologétiques ou théologiques postérieurs. Le Français Renan croyait que la vie de Mahomet, contrairement à celle de Jésus, s’était déroulée à la pleine lumière de l’Histoire. C’était une illusion née du caractère très détaillé de la biographie traditionnelle de Mahomet (Sira), mais que ne justifie en aucune façon l’étude critique des sources.
La première de ces sources étant le Coran ainsi que nous l’avons vu.
La seconde étant constituée par une série de textes qui entrent dans le genre de la Sira (de la vie de Mahomet) et des maghazi (« campagnes militaires » de Mahomet ou des premiers musulmans).
Il faut y ajouter aussi les commentaires coraniques qui donnent des informations, elles aussi souvent sujettes à caution, sur les circonstances de la révélation de certains chapitres ou versets coraniques : les asbab al-nouzoul.
Hormis le Coran, tous ces textes, même s’ils comportent un fond ancien de traditions, ont été recueillis et rédigés, dans le meilleur des cas, au VIIIe ou au IXe siècle. Tous exigent du chercheur le recours à la critique interne. On a exactement le même problème avec les quatre évangiles et les débuts du christianisme : la plupart des documents, y compris les quatre évangiles justement, ayant été rédigés au bas mot plusieurs dizaines d’années après les événements ; et non par des témoins directs, mais par des croyants de la seconde génération.
L’historien qui se penche un tant soit peu sur la biographie de Mahomet en fait, est donc très rapidement confronté à un étrange phénomène, celui des doublets. Un certain nombre d’épisodes nous sont en effet rapportés de façon si différente selon les sources que nombre d’auteurs en arrivent à les considérer comme des événements distincts et séparés ; quoique fort semblables, quant au fond, voire pour ce qui est des détails. À moins bien sûr que ce ne soit le contraire. Cela dit, encore une fois, allons-y, et commençons par le commencement, la période préislamique ; celle-ci outre ses mérites intrinsèques, ayant le mérite d’éclairer l’avènement de l’islam !
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CITER UN BLASPHÈME N’EST PAS BLASPHÉMER (proverbe persan)
OU
COMMENT PARLER OBJECTIVEMENT DE MAHOMET ?
Mahamet ou Mahomet (voir ci-dessous, forme passée par le latin ou le turc, de l’arabe Mouhammad, « le Loué », « celui qui fait l’objet de louanges », est en effet une figure qui semble d’une historicité parfaitement confirmée. Dans les milieux musulmans, il s’agit d’une évidence qui ne souffre aucun doute. Aujourd’hui, cela conduit certains (les salafistes) à vouloir vivre, se vêtir, se restaurer, soigner sa barbe ou se brosser les dents ; comme ils pensent que le Mahomet l’a fait au début du VIIe siècle en Arabie, dans sa ville d’origine La Mecque ou, plus tard, dans sa cité d’exil : Yathrib/Médine.
La force de l’évidence est tellement puissante que, conjuguée à la faiblesse de l’enjeu – puisqu’il s’agit d’une croyance des « autres » — ; les non-musulmans, y compris dans les milieux de l’enseignement, ne se posent guère de questions sur l’historicité de Mahomet ; ou sur tout ce que la tradition musulmane d’hier et d’aujourd’hui narre à son sujet, en de prolixes récits. On ne se soucie guère de remarquer qu’il s’agit en fait, non d’un personnage accessible à l’appréciation historique directe, mais d’une figure à la construction de laquelle chaque génération musulmane a aussi apporté sa pierre. L’accumulation presque sédimentaire des récits agglomérés tournant autour de cet homme est passionnante à étudier. En tant que tels ces récits relèvent sans aucun doute d’une approche historique. Mais du point de vue des sciences humaines actuelles, ils parlent moins du Mahomet de l’Histoire que de celui des générations qui ont produit ces représentations et ces reconstructions. Chacune se projette en son prophète et s’en approprie la figure, tout en croyant dire la vérité du personnage. D’un point de vue social et religieux, il s’agit d’une illusion, nécessaire peut-être, mais d’une illusion quand même.
La psychologie sociale ou l’anthropologie contemporaine sont tout à fait en mesure de décrypter ces attitudes collectives. Elles n’ont d’ailleurs rien d’original. Aussi étranger que l’islam puisse apparaître parfois dans nos sociétés occidentales, culturellement – et même en dépit d’elles-mêmes – toujours très imprégnées de christianisme, il n’en relève pas moins de la catégorie des religions comme les autres.
Alors, n’écrivons plus à propos de Mahomet que « vers 610, premières visions : premières révélations transmises par l’Ange Gabriel ! » Ni, à propos d’Abraham, que « c’est l’ancêtre du Prophète qui descend de lui par Ismaël ».
Dans un cas comme dans l’autre, il y a manifestement un glissement grave du légendaire et du mythique à l’historique.
Ces légendes religieuses colonisent subrepticement le territoire de l’Histoire, sans que l’on n’y prenne garde. Il est devenu par conséquent urgent de nous interroger sur la notion de fait historique. Ce que l’on nous dit d’une figure fondatrice comme celle de Mahomet, dans une tradition religieuse d’un millénaire et demi, est-ce directement de l’Histoire ? Certainement pas ! On nous raconte des histoires qui représentent une figure à laquelle des croyants cherchent à s’identifier.
Quant aux historiens d’aujourd’hui, qui s’intéressent à la même figure, malheur à ceux qui croient pouvoir faire l’économie d’une remise en contexte du personnage qu’ils étudient. En se servant des récits mythiques que colportent (pour leur propre usage, et non pour le nôtre) des auteurs impliqués dans la défense et l’illustration de leur religion. On ne s’arrange pas avec le mythe. On l’identifie et on l’étudie comme tel. Un point, c’est tout !
En ce qui concerne les débuts de l’islam, l’histoire historique d’aujourd’hui et sa discipline sœur, l’anthropologie, sont tellement absentes ; aussi bien de la représentation musulmane – à qui l’on ne saurait en faire grief, même si on le déplore – que de la représentation savante ou semi-savante ; qu’il est facile de se laisser piéger par la masse presque inépuisable des récits traditionnels sur la naissance de l’islam et Mahomet.
Les sources arabes médiévales dont nous disposons, et sur lesquelles nous travaillons, ne véhiculent pas directement de l’Histoire, même si elles s’efforcent de se rendre crédibles et peuvent produire un effet de réel (cas de toute fiction réussie). Ce sont des représentations de l’Histoire qui répondent à des impératifs propres à leurs auteurs et à leur époque. Ces ouvrages qui servent de base aux travaux des spécialistes arabisants d’aujourd’hui ne nous parlent pas au-delà des siècles. Ils se parlent à eux-mêmes et à leurs contemporains. Ils répondent à des questions que l’on se posait en leur temps, et pas aux nôtres.
Où est donc le Mahomet de l’Histoire dont on peut supposer – supposer seulement – qu’il a existé ? Il demeure à découvrir. Homme de son temps et de sa société, l’Arabie occidentale du début du VIIe siècle, c’est encore un personnage presque inconnu et tout entier à reconstruire. Quant au chef religieux tel que l’ont représenté les sociétés musulmanes qui se sont succédé dans le temps, dans
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des milieux et des contextes très variés ; ses diverses figures sont, elles aussi, à découvrir, chacune pour elle-même. Tout comme le Coran, le personnage de Mahomet a fait l’objet de multiples lectures dont chacune avait ses raisons, que justement l’historien et l’anthropologue d’aujourd’hui doivent tenter de démêler. Les hypothèses à proposer sont à construire en fonction des documents et des sources disponibles uniquement. Il faut d’ailleurs s’attendre à ce que les réponses demeurent partielles, tout comme il en va de ces statues mutilées ou de ces tessons que les archéologues mettent au jour sous les tells du Proche-Orient. Au contraire du théologien ou de l’apologiste, historien et anthropologue ne sont pas tenus à un quelconque devoir de réponse s’ils manquent d’éléments pour en fournir une satisfaisante.
Alors, comment enseigner cette absence que le discours historique est fort loin de combler ? Face à un trop-plein de légendes qui passent à tort pour de l’Histoire, il faut tenter de faire la part des choses. Le Mahomet des premiers temps est loin d’être le prophète triomphant et la figure-modèle des visions postérieures. Mais ce recul nécessaire est d’autant plus malaisé à mettre en œuvre que l’on s’attaque, non pas aux Anciens dont la croyance est révolue, mais à un milieu toujours bien vivant ; qui défend ses représentations et ses croyances, et qui veut en faire une vérité intemporelle et absolue. 1)
La naïveté de la foi découverte et vécue par des jeunes [de 7 à 77 ans comme on dit] peut les rendre totalement hermétiques à la perception nécessairement relativiste d’une approche historique. Cette forme de nombrilisme d’un « je crois donc je sais donc je dis vrai » ne peut être contrée que par des stratégies très délicates à mettre en œuvre. Elles impliquent des connaissances précises et approfondies. Elles passent en dernier ressort par le recours direct à la langue des textes concernés, ce qui n’est pas à la portée de tout un chacun. Il ne s’agit pas de défaire le croire, mais de le confronter à d’autres qui ont cru autrement. 2)
À tout le moins et malgré les difficultés ou les incertitudes, faut-il prendre conscience de la nature et de l’ampleur du problème. Les débuts de l’islam et le personnage de Mahomet appartiennent encore largement à une terra incognita. Ce que l’on croit savoir doit être soumis aux critères de la recherche anthropologique et historique. Pour accéder à la couche première d’une réalité historique vraisemblable, il faut dans une certaine mesure désislamiser Mahomet, voire le Coran lui-même. Une surestimation de l’islamité de la première période conduit en effet à effacer les contextes primitifs, et à déshumaniser son histoire.
Ainsi pourrait-on poser l’hypothèse d’une phase protomusulmane qui répondrait à l’âge sociologiquement tribal de l’islam, tel qu’il s’est développé en Arabie même, du vivant de Mahomet puis quelques décennies après.
Il est clair en effet que, dès lors qu’à la faveur des grandes conquêtes, l’islam a migré hors de son habitat traditionnel pour se constituer en empire, les conditions religieuses et sociologiques ne furent plus de même nature. C’est en grande partie, dans une rupture avec ses origines et sur les terres de conversion du Proche-Orient et d’Iran ; que naquit et se développa la religion musulmane, que s’instituèrent ses dogmes, et que se dessina la figure de Mahomet. L’approche historique prend ainsi le contre-pied de la vision religieuse traditionnelle, qui inscrit la représentation de son histoire dans une relation de fidélité ou de continuité sans faille avec son passé fondateur.
1) Voir l’utilisation qui est faite aujourd’hui de l’antiracisme pour, avec la complicité active ou passive par non-application des lois – des autorités politiques – faire taire toute critique radicale de l’islam.
2) Tel devrait être l’esprit de l’enseignement du fait religieux, et rien d’autre.
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DOCUMENT 1 : LA POSITION DE L’ÉGLISE SUR MAHOMET AU 13e SIÈCLE.
(Entrée consacrée au pape saint Pélage dans la légende dorée de Jacques de Voragine).
Après la mort de Phocas et sous le règne d’Héraclius, vers l’an du Seigneur 610, Mahomet, faux prophète et magicien, séduisit les Agaréniens ou ismaélites, autrement dit Sarrasins, de la manière suivante, d’après ce qu’on lit dans son histoire et dans une chronique :
Un clerc très fameux 1) ; n’ayant pu obtenir à la cour romaine les honneurs auxquels il prétendait, se retira furieux aux pays d’outre-mer, et, par ses fourberies, il gagna une multitude innombrable de monde. Rencontrant Mahomet, il lui dit qu’il voulait le mettre lui-même à la tête de ce peuple.
Il nourrit une colombe avec différentes sortes de grains, qu’il plaçait dans les oreilles de Mahomet. La colombe se tenait sur les épaules de celui-ci, prenait sa nourriture dans ses oreilles, et elle y était si bien habituée, qu’aussitôt qu’elle voyait Mahomet, elle sautait sur ses épaules et lui mettait le bec dans l’oreille. Or, le clerc dont il vient d’être parlé, réunissant le peuple, dit qu’il voulait établir à sa tête celui que l’Esprit-Saint désignerait en se montrant sous la forme d’un pigeon ou d’une colombe.
À l’instant, il lâcha l’oiseau sans qu’on s’en aperçût ; celui-ci s’envola sur les épaules de Mahomet, placé au milieu de la foule ; et lui mit le bec dans l’oreille. À cette vue, le peuple crut que l’Esprit-Saint descendait sur Mahomet et lui apportait dans l’oreille les paroles de Dieu. Ce fut ainsi que ce séducteur trompa les Sarrasins. Ils s’attachèrent à lui, et firent invasion dans le royaume de Perse et dans l’empire d’Orient, jusqu’à Alexandrie.
Voilà ce qu’on dit vulgairement, mais le récit qu’on va lire est plus certain. Mahomet, en rédigeant ses lois ; prétendait faussement les avoir reçues du Saint-Esprit, qui souvent venait voler sur lui, sous l’apparence d’une colombe, à la vue du peuple. Dans ces lois, il inséra quelques récits des premiers âges, tirés de l’Ancien et du Nouveau-Testament. Car, comme il faisait le commerce dans sa jeunesse, en allant avec ses chameaux en Égypte et en Palestine, il avait souvent des rapports avec les chrétiens et les juifs, qui lui firent connaître l’un et l’autre Testament.
De là, le rite qu’observent les Sarrasins comme les juifs, de se circoncire et de ne point manger de viande de porc. Mahomet, voulant assigner une cause à cette défense, dit qu’après le déluge, le porc fut procréé de la fiente du chameau, et que c’était pour cela qu’un peuple pur devait s’en abstenir, comme d’un animal immonde. Ils sont aussi d’accord avec les chrétiens, en ce qu’ils croient en un seul Dieu tout-puissant et créateur de toutes choses.
Ce faux prophète avança encore, en mêlant le vrai avec le faux, que Moïse fut un grand prophète ; mais que le Christ est plus grand, que c’est le premier des prophètes, qu’il est né de la vierge Marie, par la vertu de Dieu et sans la coopération de l’homme. II dit encore, dans son Alcoran, que Jésus-Christ, étant encore enfant, créa des oiseaux du limon de la terre ; mais à tout cela, il mêla du poison en disant que Jésus-Christ n’avait pas réellement souffert, et qu’il n’était point vraiment ressuscité ; que ce fut un autre homme qui lui ressemblait qui avait souffert à sa place sur la croix !
Une dame, nommée Cadijan, qui était à la tête d’une province nommée Corocanica, voyant cet homme admis dans la société des juifs et des Sarrasins, et protégé par eux, crut que la majesté divine était cachée en lui. Comme elle était veuve, elle le prit pour mari ; ce fut ainsi que Mahomet obtint la principauté de toute cette province. Par ses prestiges, il enchanta non seulement cette femme, mais encore les juifs et les Sarrasins, au point qu’il prétendit publiquement être le Messie annoncé par la Loi. Par la suite, Mahomet eut de fréquentes attaques d’épilepsie. Cadijan, qui s’en aperçut, s’attristait d’avoir épousé un homme impur et atteint de cette maladie. Pour calmer sa femme, Mahomet la flattait en lui disant : « Je vois souvent l’esprit de Dieu et il s’entretient avec moi, mais comme je ne puis supporter la splendeur de son visage, je tombe alors en transe ». Sa femme et les autres crurent qu’il en était ainsi.
On lit autre part que celui qui instruisit Mahomet fut un moine, nommé Sergius, qui, ayant été chassé de son monastère pour avoir embrassé l’erreur de Nestorius, vint en Arabie et s’attacha ensuite à Mahomet. Bien qu’on lise ailleurs que c’était un archidiacre demeurant dans les environs d’Antioche et, dit-on, de la secte des jacobites ; qui recommandent la circoncision, et qui assurent que le Christ n’était pas Dieu, mais seulement un homme juste et saint, conçu du Saint-Esprit et né d’une vierge. Toutes choses que les Sarrasins croient et affirment. Ce Sergius enseigna, dit-on, à Mahomet, bien des choses du nouveau et de l’Ancien Testament.
Mahomet, orphelin de père et de mère, passa les années de son enfance sous la tutelle de son oncle, et fut attaché longtemps, ainsi que toute sa nation, au culte des idoles des Arabes. « Tu as été orphelin et je t’ai pris sous ma protection. Tu es resté longtemps dans l’erreur de l’idolâtrie et je t’en ai retiré ; tu étais pauvre et je t’ai enrichi ». La nation arabe, ainsi que Mahomet, adoraient Vénus, et c’est là l’origine du grand respect des Sarrasins pour le vendredi, comme les juifs pour le samedi et les chrétiens pour le dimanche. Mahomet, devenu maître des richesses de Cadijan, songea ensuite à
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usurper le royaume des Arabes ; mais comme il prévoyait ne pouvoir réussir par la violence et que, surtout, il était méprisé par ceux de sa tribu qui jouissaient d’un plus grand crédit que lui ; alors il se fit passer pour prophète, afin d’attirer au moins par une sainteté simulée ceux qu’il ne pouvait subjuguer par la force. Ce fut ainsi que Mahomet obtint d’être le chef de toute cette nation : et tous crurent en lui, soit de bon gré, soit par crainte du glaive. Ce dernier récit est plus exact que celui où il est question de la colombe, et c’est celui auquel il faut s’en tenir.
Comme ce Sergius était moine, il voulut que les Sarrasins se servissent de l’habit monacal, c’est-à-dire de la coule sans le capuchon ; et qu’à l’exemple des moines, ils fissent beaucoup de génuflexions, à heures fixes, et aussi des prières. Et parce que les juifs priaient tournés vers l’occident et les chrétiens vers l’orient, il voulut que les siens priassent tournés vers le midi, pratique encore en usage chez les Sarrasins. Mahomet promulgua un grand nombre de lois que lui enseigna Sergius, qui les avait trouvées dans la loi de Moïse. Les Sarrasins se lavent donc souvent, mais principalement quand ils doivent prier ; ils se nettoient les parties secrètes, les mains, les bras, la figure, la bouche, et tous les membres du corps, afin de pouvoir prier avec plus de pureté. En priant, ils confessent un seul Dieu, qui n’a ni égal ni semblable, et ils reconnaissent que Mahomet donc est son prophète. Dans l’année, ils jeûnent un mois entier, ils mangent seulement pendant la nuit, mais jamais le jour ; en sorte que, depuis l’instant du jour où ils peuvent distinguer le noir du blanc jusqu’au coucher du soleil, personne n’ose manger, ni boire, ni se salir en ayant des relations avec sa femme. Après le coucher du soleil et jusqu’à l’aube du jour suivant, il leur est permis de manger, de boire et d’avoir des relations avec leurs femmes : cependant, les infirmes n’y sont pas tenus. Ils sont obligés de venir visiter la maison de Dieu qui est à La Mecque, et de l’y adorer ; d’en faire le tour avec des vêtements qui ne sont point cousus, et de jeter entre leurs jambes des pierres pour lapider le diable. Cette maison construite, disent-ils, par Adam, aurait servi de lieu de prière au patriarche Abraham et à Ismaël ; elle aurait ensuite été donnée à Mahomet ainsi qu’à tous ses sectaires. Ils peuvent manger toutes sortes de chairs, à l’exception du porc, du sang et des animaux qui n’ont pas été tués de main d’homme. Il leur est permis d’avoir quatre femmes légitimes à la fois, et de répudier chacune d’elles jusqu’à trois fois, ou de la reprendre, de manière cependant à ne pas dépasser quatre fois. Ils peuvent avoir autant de femmes achetées ou captives qu’ils veulent, et il leur est permis de les vendre à volonté, à moins qu’elles ne soient devenues enceintes de leurs œuvres. Il leur est aussi accordé de prendre des épouses de leur famille, afin que leur race s’augmente, et qu’ils resserrent, entre eux, le lien de l’amitié. Quand ils réclament une propriété, il suffit que le demandeur prouve par témoins et que l’accusé affirme son innocence par serment. Celui qui est surpris en flagrant délit d’adultère est lapidé avec sa complice ; celui qui a forniqué avec une autre est condamné à recevoir quatre-vingts coups de bâton.
Mahomet prétendit que le Seigneur lui avait permis, par l’entremise de l’Esprit de Dieu, d’approcher des femmes des autres, afin d’engendrer des hommes de vertu et des prophètes. Un sien serviteur avait une belle femme à laquelle il avait interdit de parler à son maître, un jour qu’il la trouva causant avec ce dernier, il la répudia sur-le-champ. Mahomet la prit et la mit au nombre de ses autres femmes : mais dans la crainte d’exciter les murmures du peuple, il fabriqua une charte qu’il prétendit lui avoir été apportée du ciel ; et par laquelle il était déclaré que quand quelqu’un répudie une femme, celle-ci devient l’épouse de celui qui l’a recueillie, observance qui est encore aujourd’hui une loi chez les Sarrasins. [Question de la rédaction : s’agit-il d’une allusion à la belle femme de Zaïd, le fils adoptif de Mahomet ?] Le voleur surpris une première et une seconde fois est frappé de coups ; la troisième fois, il a la main coupée, et la quatrième fois, on lui enlève le pied. Il leur est commandé de ne jamais boire de vin.
Dieu a promis, assure-t-il, à ceux qui observent ces pratiques et les autres commandements, le paradis ; c’est-à-dire, un jardin de délices arrosé par des eaux courantes, où ils auront éternellement un siège, sans être exposés ni au chaud, ni au froid, et où ils seront nourris de toutes sortes de mets. Tout ce qu’ils demanderont, ils le trouveront à l’instant devant eux. Ils seront revêtus d’habits de soie de toute couleur, ils seront unis à des vierges admirables de beauté ou de charme, et ils nageront dans les délices. Des anges se promèneront comme des échansons, avec des vases d’or et d’argent ; dans les vases d’or, ils auront du lait, dans les vases d’argent du vin, en disant : « Mangez donc et buvez donc joyeusement ».
Mahomet avance qu’au paradis se trouvent trois fleuves ; l’un de lait, l’autre de miel, et le troisième d’un vin exquis aromatisé ; qu’on y voit des anges de toute beauté, mais aussi d’une telle taille que, de l’œil d’un ange à l’autre, il y a l’espace d’une journée de marche. Mais, disent-ils, à ceux qui ne croient pas en Dieu et en Mahomet son prophète, est réservé un enfer où il y aura des peines sans fin. Quels que soient les péchés qu’un homme a commis, si, au jour de sa mort, il a cru en Dieu et en Mahomet, ils prétendent qu’il sera sauvé par son intercession au jour du jugement Dernier.
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Les Sarrasins affirment que ce faux messie a possédé l’esprit de prophétie par excellence, et ils proclament qu’il a eu des anges pour le favoriser ou le garder. Ils ajoutent que, avant de créer le ciel et la terre, Dieu avait le nom de Mahomet en lui, et que si Mahomet n’eût pas dû venir au monde, il n’y aurait eu ni ciel, ni terre, ni paradis. Ils ont l’audace de dire que la lune vint un jour le trouver, qu’il la scinda en deux et en réunit ensuite les parties 2)
Ils prétendent encore qu’on lui servit un jour du poison dans de la viande d’agneau ; mais que l’agneau l’aurait mis en garde en lui disant : « Fais attention, ne mange pas de ma chair, car il y a du poison dedans » 3). Il mourut pourtant, plusieurs années après, empoisonné. (Entrée consacrée au pape saint Pélage dans la légende dorée de Jacques de Voragine).
1) Le moine nestorien Sergius ou Bahira d’après les versions. Mais ce n’est qu’une hypothèse. Il est certain que les bribes de connaissance du christianisme oriental de l’époque dont fait preuve Mahomet devaient bien venir de quelque part, mais pourquoi une seule source humaine et pas plusieurs ? En outre ce qui est gênant dans toute cette histoire c’est…
— dans les sources chrétiennes leur évidente hostilité a priori.
— dans les sources musulmanes leur goût du merveilleux et du miracle.
2) Coran chapitre 54, verset 1. Sans doute une éclipse.
3) Hadiths relatifs à la prise de Khaïbar en 628.
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DOCUMENT N° 2 : LE POINT DE VUE DE L’ÉGLISE DE JÉSUS CHRIST
DES SAINTS DES DERNIERS JOURS SUR MAHOMET.
Par James Toronto, professeur assistant d’études islamiques et de religion comparée, à l’Université Brigham Young.
Quelle doit être l’attitude d’un saint des derniers jours vis-à-vis des autres religions qui affirment avoir des prophètes, des Écritures, des visions, ou des miracles ?
« Respectez les opinions et les sentiments des autres. Reconnaissez leurs vertus ; ne cherchez pas leurs défauts. Cherchez les points forts et les vertus, et vous trouverez la force et les vertus qui vous aideront dans votre propre vie. LA GLOIRE DE DIEU, C’EST L’INTELLIGENCE ! » (sic.)
B. H. Roberts (1857-1933) a également parlé de ce point de doctrine. L’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, est établie pour l’instruction des hommes, et c’est l’un des moyens que Dieu utilise pour faire connaître la vérité ; mais il ne se limite pas à cette institution pour accomplir cette tâche, il n’est limité ni en temps ni en lieu. Dieu suscite ici et là, parmi les enfants des hommes, des sages et des prophètes qui sont de leur propre langue et de leur propre nationalité, et qui parlent aux hommes de façon à ce qu’ils comprennent… Les grands maîtres sont tous des serviteurs de Dieu ; dans tous les pays et à toutes les époques. Ce sont des hommes inspirés, choisis pour instruire les enfants de Dieu, selon les conditions dans lesquelles ils vivent.
L’accent que le président Hinckley met sur le développement de la compréhension entre personnes de religions différentes est basé sur les principes fondamentaux de l’Évangile que Jésus-Christ, les prophètes des temps anciens, et les prophètes modernes, ont enseignés. L’humilité, la charité, le respect de la vérité de tout temps et la conscience que Dieu aime tous ses enfants. Le Sauveur a répété à plusieurs reprises que notre Père céleste se soucie infiniment du bien-être de chacun de ses fils et de chacune de ses filles, comme dans la parabole de la brebis perdue (voir Luc 15). Dans la parabole du bon Samaritain, il a enseigné que l’une des clés pour être un vrai disciple est de traiter autrui avec gentillesse et compassion, malgré les différences politiques, ethniques ou religieuses (voir Luc 10, 25-37). Il a dénoncé l’intolérance et la rivalité entre les groupes religieux et la tendance à se vanter de ses propres vertus ou à rabaisser la spiritualité des autres. Dans sa parabole à l’adresse de ceux qui se flattent d’être justes et qui méprisent les autres ; Jésus a condamné l’orgueil du pharisien qui priait ainsi : « Mon Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes » ; et il a loué l’humilité du fonctionnaire publicain qui disait : « Mon Dieu, aie pitié du pauvre pécheur que je suis » (voir Luc 18, 9-14).
[N.D.L.R. Reconnaissons à James Toronto, pour commencer son hagiographie, d’avoir effectivement choisi un des meilleurs logia (singulier logion) attribués au personnage de Jésus ; la parabole où il affirme préférer les humbles mortels conscients de leurs limites aux saints orgueilleux imbus d’eux-mêmes.
Car ce ne sont pas ceux, ou celles, qui parlent de Dieu tous les jours, vont à l’église tous les dimanches, et transforment leur domicile privé – domicile privé au demeurant également celui de leur conjoint – ; en sanctuaire aux murs tapissés d’images pieuses, qui sont les meilleurs. L’humble mortel sans prétention qui essaie tant bien que mal de vivre en homme digne de ce nom, mais en n’allant à la messe qu’une fois par an (voire moins) ; vaut mieux qu’une bigote sûre de son bon droit et de sa part de paradis après la mort. Il nous semble aussi enfin que cette leçon d’humilité aurait pu être utilement méditée par les musulmans, et cela en commençant par Mahomet].
Contrairement au stéréotype occidental qui considère que Mahomet figure l’ennemi par excellence des chrétiens, les sources musulmanes nous le décrivent comme un homme modeste, bienveillant, doté d’humour, généreux, et qui avait des goûts très simples. Il souriait souvent (mais on dit par contre qu’il riait rarement). Un hadith bien connu attribue à Mahomet les paroles suivantes : « Si vous saviez ce que je sais, vous pleureriez beaucoup et vous ririez peu ». L’histoire suivante illustre bien son humour : « Un jour une dame d’un âge assez avancé vint le voir pour lui demander si les vieilles femmes allaient aussi au Paradis. Non, répondit-il, il n’y a pas de vieilles au Paradis ! » Voyant son visage soudainement assombri par le chagrin, il ajouta en souriant : « Il n’y a pas de vieilles femmes au Paradis, car elles sont toutes métamorphosées après y être arrivées, là-haut il n’y a que de la jeunesse pour tous ».
Mahomet dispensait toujours de sages conseils à ses disciples. Un homme lui demanda un jour par exemple s’il fallait qu’il attache son chameau, puisqu’il mettait toute sa confiance en l’aide et en la protection de Dieu ? Mahomet répondit : « Attache-le d’abord, et ensuite fais confiance à Dieu ». Certains récits tendent à montrer que la famille de Mahomet fut pauvre et avait souvent faim. Elle ne
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pouvait parfois manger que du pain sec. Sa déclaration faqri fakhri : « Ma pauvreté est ma fierté », montre qu’il tirait du plaisir des choses simples. Les ascètes musulmans par la suite ont fait de cette maxime leur devise. Mahomet avait une tendresse particulière pour les enfants et permettait à ses deux petits-fils de monter sur son dos lorsqu’il faisait sa prière. Un homme l’a un jour critiqué d’avoir embrassé son petit-fils, Hassan, en lui disant : « J’ai dix garçons et je ne les ai jamais embrassés ». Mahomet répondit : « Celui qui ne montre pas de miséricorde ne recevra pas de miséricorde ». 1)
Dans son dernier discours à la mosquée de Yathrib/Médine, le jour de sa mort, Mahomet fit preuve de beaucoup d’humilité ou de magnanimité en faisant ses adieux à sa communauté, après plus de trente ans de sacrifice pour elle. « Si j’ai blessé l’honneur de quelqu’un, je suis prêt à répondre de cela. Si j’ai injustement infligé des souffrances physiques à quelqu’un, j’accepte d’en payer le prix. Si je dois quelque chose à quelqu’un, voilà mes biens, qu’il se serve ! Que personne ne se dise : « J’ai peur de l’inimitié ou de la rancœur du messager de Dieu ». Je ne garde rancune à personne. Ces choses répugnent à ma nature et à mon tempérament. Je les abhorre ». 2)
Pour les musulmans l’enfer ne saurait être éternel, et ce, grâce aux pouvoirs d’intercession de Mahomet. Aucun musulman ne restera en enfer éternellement, quelle que soit la gravité de ses fautes et ceci, grâce à Mahomet.
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Ce concept de la non-éternité des peines de l’enfer est une très curieuse idée qui ressemble beaucoup à celle des druides sur le sujet. Pour eux l’enfer n’existait pas ou du moins ne pouvait être qu’un état de l’être, provisoire, destiné à certains individus, avant leur réincarnation sur cette Terre.
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Voici ce que déclare T. P. Hughes dans son entrée sur le mot « intercession » (arabe Shafa’ah) relevée dans son Dictionnaire de l’islam.
Les traditions attribuent à Mahomet la déclaration suivante. « Celui qui, du fond de son cœur et sans la moindre hypocrisie, aura déclaré : il n’y a pas d’autre dieu que Dieu, celui-là aura le bonheur de pouvoir compter sur mon intercession le jour du jugement dernier ».
« Il y aura, le jour du Jugement dernier, trois catégories d’intercesseurs : les prophètes, les initiés, les martyrs » (Mishkat al-Massabih, livre 33, chapitre 12).
« J’intercéderai pour ceux qui auront commis de grands péchés ».
D’après les sunnites, l’intercession de Mahomet lui-même est donc particulièrement réservée à ceux qui ont commis de grands péchés (ahl ou’l kabair), afin de supprimer la sanction encourue ; mais les Moutazilites, eux, prétendent que l’intercession de Mahomet a pour but d’augmenter la récompense, non de supprimer le châtiment (Sharh-i Afouwaqif p. 588).
Les musulmans pieux s’efforcent donc de suivre l’exemple donné par Mahomet dans tous les aspects de la vie : la façon de s’habiller, les soins de toilette, les bonnes manières à table, les rituels religieux, et la bienveillance envers autrui.
Les sources musulmanes ont multiplié les charismes, voire les miracles qui ont eu lieu autour de sa personne dès le berceau (comme dans le cas de Jésus). Bien que le Coran fasse de lui un mortel comme les autres, avec le temps il est devenu l’objet d’un véritable culte idolâtre, ayant ses propres reliques (son manteau, ses sandales…).
La troisième grande fête traditionnelle musulmane est en effet le mouloud /maoulid [al-maoulid an-nabaouiya] la fête qui commémore sa naissance. Ce Noël musulman est célébré pendant la quinzaine qui précède le jour anniversaire proprement dit, le 12e jour du mois de rabi al aoual, troisième mois du calendrier musulman. En Égypte par exemple, des processions ont alors lieu dans les rues des villes et des villages, à grand renfort de tambours et de tambourins. On confectionne des gâteaux à base de miel ainsi que diverses sucreries colorées de rose ou de vert. Au Maroc, la fête du mouloud fut introduite en 1292, par le sultan Abou Yacoub Youssouf an-Nasr. Aujourd’hui, la fête du mouloud est fériée. Ce n’est pas une fête canonique, elle est même considérée comme hérétique en Arabie saoudite par certains intégristes musulmans.
Des documents historiques relatés par le biais de chaînes de rapporteurs continues remontant aux sources authentiques datant l’époque du Prophète (que la Paix ainsi que la bénédiction de Dieu soient sur lui) et ses Compagnons – que Dieu soit satisfait d’eux — ; ont enregistré les moindres détails de la jeunesse du Prophète (que la paix ainsi que la bénédiction de Dieu soient sur lui) et les événements qu’il a connus durant son enfance et sa jeunesse.
Mahomet (en arabe « le loué » celui « qui fait l’objet de louanges ») est né en 570 à La Mecque au nord-ouest de la péninsule Arabique.
Interrogé sur lui-même, le Prophète (saws) dira un jour : « Je suis l’accomplissement du vœu formulé par mon père Abraham et l’heureuse annonce faite par Jésus. Et ma mère quand elle fut enceinte de moi, un jour a vu jaillir d’elle une grande lumière ». Contrairement aux autres femmes, Amina ne ressentit rien des douleurs qui accompagnent habituellement les femmes lors de leur grossesse. Le
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Prophète (saws) naquit en s’appuyant sur ses mains et en levant la tête au ciel. Il était déjà circoncis et son cordon ombilical était déjà coupé, les anges eux-mêmes le lavèrent et le marquèrent du sceau des prophètes sur le dos, entre les épaules (Cheikh Salman AI-Qadah) 3).
Origine du prénom.
Un jour que le grand-père de l’enfant, Abd el-Mouttalib, était en voyage en Syrie, accompagné de trois autres hommes, ils rencontrèrent en route un rabbin qui leur demanda de quelle ville de la péninsule arabe ils venaient. Quand il sut qu’ils venaient de La Mecque, il leur répondit que de leur ville sortirait un jour un prophète, et qu’il s’appellerait Mahomet. Espérant chacun qu’il s’agisse d’un membre de leur famille, ils décidèrent donc tous de donner ce nom à leur prochain fils ou petit-fils qui naîtrait ; et notamment Abd El-Mouttalib pour son petit-fils (né d’Abdallah son fils et d’Amina sa belle-fille).
Les références musulmanes indiquent qu’après sa naissance, son allaitement fut assuré par une certaine Halima As Sa’diya ; car les grandes familles mecquoises avaient pour habitude alors de confier leurs enfants aux femmes des Bédouins, afin qu’elles les allaitent dans le désert, qu’ils s’imprègnent de leur éloquence, et grandissent dans la nature.
Ces références nous rapportent aussi les signes apparus à la nourrice et son époux après qu’ils eurent accueilli le nouveau-né chez eux. Leur situation passa de la misère à l’aisance ; leur brebis jusque-là plutôt chétive se métamorphosa en une remarquable laitière, et Halima elle-même avait désormais des seins débordants de lait. On raconte aussi que l’âne de la nourrice devint le plus rapide de la caravane, et que sa chamelle commença de donner du lait en quantité plus que suffisante pour toute la famille. Mahomet ne téta qu’un seul des seins de sa nourrice et laissa toujours l’autre à son frère de lait ; les moutons et les brebis qu’Halima ramenait au bercail étaient toujours rassasiés de leur pâturage, alors que cet endroit ne donnait en général rien aux autres animaux.
[Ce qu’en déduisent les théologiens musulmans. Cela prouve que Mahomet, conformément à son nom de Mouhammad, était bien celui qui est protégé par Dieu. Et cette bénédiction divine suivait l’enfant partout où il allait].
Le jeune Mahomet se comportait néanmoins comme tous les autres enfants de son âge. On rapporte qu’un jour, pour une raison que les narrateurs ne mentionnent pas, il mordit l’épaule de Chaïma, sa sœur de lait, avec une telle vigueur que la trace lui en resta toute sa vie. Mais elle n’eut pas à le regretter ! Plus tard en effet, lors d’une expédition, l’armée du Prophète fit un certain nombre de prisonniers, parmi eux il y avait Chaïma, sa sœur de lait justement. Lorsqu’elle rappela ensuite à Mahomet l’incident qui avait eu lieu, en lui montrant la marque restée sur son épaule, elle fut alors aussitôt traitée par lui avec tous les égards dus à une sœur par le sang.
Sa mère mourut alors qu’il avait à peine six ans.
Devenu donc orphelin très tôt, Mahomet vécut ensuite dans la pauvreté durant toute sa jeunesse. Il gardait des animaux pour d’autres membres de sa famille ou des voisins, ce qui lui donnait le temps d’être seul pour méditer sur les grandes questions de la vie.
À La Mecque, Mahomet acquit rapidement la réputation d’être un arbitre et un conciliateur, de toute confiance, comme le montre le récit suivant. « Les Couraïchites [la tribu de Mahomet] ayant décidé de reconstruire la Kaaba [le temple de la ville] en replaçant les pierres au-dessus des fondations ; ils voulurent placer la pierre noire dans l’un des angles, mais n’arrivèrent pas à se mettre d’accord sur celui qui aurait l’honneur de le faire. Et ils se seraient violemment disputés à ce propos si un jeune homme [Mahomet], qu’ils admiraient tous et en qui, par conséquent, ils avaient confiance, n’était pas passé par là. Ils [lui] demandèrent de régler le litige.
Mahomet leur répondit d’étendre un grand manteau sur le sol et d’y placer la pierre noire au centre. Puis il demanda à un homme de chacun des quatre clans qui se disputaient l’honneur de poser cette pierre, de tenir un coin du manteau. De cette façon, ils eurent tous l’honneur de porter la pierre ».
Khadidja connaissait sa réputation de garçon honnête et travailleur, et c’est elle qui l’a demandé en mariage. C’était une veuve qui avait 15 ans de plus que lui et avait fait fortune dans le commerce caravanier.
Ce mariage fut un mariage heureux. Quatre filles et deux garçons en naquirent. Durant les quinze années qui suivirent, Mahomet s’employa donc à gérer l’entreprise familiale avec Khadidja et à élever leurs enfants.
Anecdotes diverses (hadiths) révélatrices du caractère de Mahomet.
Abou Daoud nous rapporte qu’un Mecquois nommé Abdallah ibn Abi’l-Hamsa, un jour avait demandé à Mahomet de l’attendre dans une rue de la ville, puis, l’ayant oublié, ne s’en était rappelé que le surlendemain. Il courut au lieu de rendez-vous et y trouva encore Mahomet qui l’attendait. Légende ou réalité ??
Un autre Mecquois, Qais ibn as-Saïd, rapporte qu’il fut en rapport commercial avec Mahomet pendant un certain temps, et qu’il n’eut jamais de meilleurs partenaires. « Si je lui confiais quelque chose lors de son voyage, il ne rentrait pas chez lui avant de m’avoir scrupuleusement réglé ce qu’il me devait.
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Par contre, s’il me confiait quelque chose lors de mon voyage, à mon retour, alors que tous mes autres clients me demandaient des nouvelles de leurs propres affaires, Mahomet, lui, me demandait d’abord des nouvelles de ma santé à moi et si tout allait bien ».
Un commerçant de la tribu des Zoubaïd vint un jour vendre quelque chose à La Mecque. Amir ibn Hicham surnommé plus tard Abou Djahl – au sujet duquel nous aurons d’ailleurs, plus tard, maints incidents à relater – défendit aux autres commerçants de négocier avec lui, et lui offrit, lui, par contre, pour sa marchandise, un prix dérisoirement bas. L’influence d’Amir ibn Hicham était telle alors à La Mecque que personne n’osa offrir un meilleur prix pour ce qu’il avait à vendre. Le Zoubaïdite consterné se rendit alors chez Mahomet qui lui prit sa marchandise au prix voulu par lui (au prix demandé par le propriétaire), mais il eut ensuite bien sûr une vive altercation avec Amir ibn Hicham, dont la mauvaise humeur était proverbiale. Cet incident fut le premier d’une longue série qui allait les éloigner l’un de l’autre, au point de rendre impossible toute réconciliation.
Le même Amir ibn Hicham un jour quelque chose à un homme de la tribu d’Irach, et ne voulut pas payer ce qui était convenu. Le vendeur se rendit devant la Kaaba, et commença de s’en plaindre devant tout le monde. Un mauvais plaisant suggéra donc à l’Irachite d’en parler à Mahomet, qui était présent, tout en ajoutant que lui seul pourrait arranger son affaire avec Amir ibn Hicham. Ce n’était qu’une moquerie, les mauvais rapports entre le futur prophète et Amir ibn Hicham étant déjà devenus proverbiaux. L’Irachite, qui l’ignorait, se rendit donc auprès de Mahomet, et lui demanda de l’aider. Mahomet se leva aussitôt et, en compagnie de l’Irachite, se rendit chez Amir ibn Hischam.
Après avoir demandé la raison de cette visite, Amir ibn Hicham paya aussitôt ce qu’il devait au vendeur.
Plus tard, il raconta donc à ses amis, surpris d’un tel comportement, que quand Mahomet avait frappé à sa porte, toute sa maison avait tremblé sur ses fondations ; et qu’il avait vu derrière lui un chameau géant, fou furieux et comme enragé, l’écume à la bouche. « Si j’avais tardé un seul instant à payer ce que je devais, ce chameau géant m’aurait dévoré », aurait-il alors ajouté.
Note de la rédaction. Nous sommes quand même un peu étonnés de la réaction d’Amir ibn Hicham qui, dans l’épisode du miracle de la lune, apparaît au contraire comme un sceptique rationaliste très lucide. Il attribue ce que les Mecquois croyaient voir à une forme d’hallucination collective semblable à celle plus tard de Fatima au Portugal en 1917, ou d’hypnose localisée. Voir chapitre 54, verset 1. Le Coran est très bref sur le sujet, mais les hadiths de la tradition postérieure nous en disent plus sur ce prodige. Une éclipse ?
L’évolution des conditions économiques, sociales et politiques, de l’Arabie du temps de Mahomet, suscitait un profond état d’insatisfaction.
Le rôle grandissant de l’argent, notamment à La Mecque, provoquait des déséquilibres sociaux qui ébranlaient les valeurs tribales. Il semble en effet que La Mecque soit alors devenue un véritable paradis fiscal pour les brasseurs d’affaires. Chez les nobles familles arabes, pour qui seules comptent la généalogie sans faille et la fierté du nom, la richesse est insolente. On peut donc comprendre qu’au début du VIe siècle, un Arabe de La Mecque se soit senti « appelé » à réformer cette société où la veuve et l’orphelin étaient spoliés, le faible dépouillé, le pauvre méprisé ou humilié.
Halima, sa vieille nourrice, était très heureuse de voir que Mahomet avait une belle épouse, un riche foyer, ainsi que tout ce qu’il fallait pour une vie convenable. Sa belle-fille la traitait avec beaucoup d’égards. Souhaïl nous dit en effet que, lorsque Halima vint voir Mahomet après son mariage, Khadidja lui donna plusieurs chamelles. D’après Ibn Saad, Halima vint aussi un jour se plaindre de la sécheresse auprès de Khadidja, et cette fois elle en obtint 40 moutons, plus un chameau.
Mahomet se retirait souvent dans le désert pour prier, méditer ou y adorer Dieu. Il était mécontent de la corruption, de l’idolâtrie, et des injustices sociales qui sévissaient à La Mecque. Il était en quête d’une vérité supérieure qui lui apporterait, à lui et à son peuple, la paix, la justice, et le bien-être spirituel. Comme un certain nombre de Couraïchites de son temps, et notamment son grand-père Abd el Mouttalib, ou à l’exemple de certains ascètes chrétiens ; Mahomet avait en effet depuis longtemps pris l’habitude de se retirer dans une caverne proche, sur le mont Hira, située à cinq kilomètres de La Mecque (aujourd’hui la Montagne de la lumière, le Djebel Nour) ; pour y calmer son esprit tourmenté ou y méditer. Quand il revenait de cette retraite, il se rendait d’abord à la Kaaba, pour faire les sept cercles rituels autour de son temple, avant de rentrer chez lui.
« Le Messager de Dieu avait l’habitude de faire retraite à Hira dans la solitude la plus complète durant un mois chaque année. Cette pratique, connue sous le nom d’al-tahannouth, c’est-à-dire « dévotion pieuse », faisait partie des usages couraïchites avant la venue de l’Islam « (Ibn Kathir, Al Sira al-Nabaouiya, tome 1, page 282).
Pendant que le Messager de Dieu demeurait là pour un mois, il nourrissait tous les pauvres qui venaient à lui. Quand cette période d’un mois de recueillement était finie, la première chose qu’il
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faisait était d’aller à la Ka’ba, faire les 7 circumambulations autour avant de continuer vers sa propre maison.
« Quand le Messager de Dieu avait terminé sa période de recueillement dans la solitude, il se rendait d’abord à la Ka’ba pour y faire les circumambulations autour. C’est là qu’il rencontra un jour Ouaraqa b. Naoufal qui faisait lui aussi ses circumambulations, et Ouaraqa lui demanda : O mon neveu, raconte-moi ce que tu as vu et entendu » (pp.292-293).
En 610 de notre ère, à l’âge de quarante ans, sa quête et sa préparation spirituelles atteignirent leur apogée. Si l’on en croit la tradition musulmane, alors que Mahomet priait ou méditait un soir sur le mont Hira, l’archange Gabriel lui apparut pour lui délivrer un message de la part Dieu (en arabe Dieu) 4). À trois reprises, l’ange ordonna donc à Mahomet : « Récite : au nom du Seigneur qui a créé, qui a créé l’homme d’une goutte de sang. Répète : Le Seigneur est le Très Généreux, qui a enseigné par la plume, qui a enseigné à l’Homme ce qu’il ne savait pas » (Coran, chapitre 96, versets 1-5).
Mahomet a déclaré ensuite avoir reçu pendant vingt-deux ans (de 610 donc à son décès survenu en 632) des messages venant de Dieu, par le truchement de l’ange Gabriel, des fragments qu’il a mémorisés puis récités à ses disciples. Les musulmans appellent l’ensemble de ces récitations de la pensée ou de la volonté de Dieu : al Coran (la récitation).
Il n’y a eu aucun témoin de cette première apparition de l’Esprit de Dieu, mais plus tard, quand cela se reproduisit encore ; il y en eut, car pendant les vingt-trois ans qui suivirent, un nombre plus ou moins grand de ses fidèles purent parfois l’observer.
Les prêches enflammés de Mahomet contre l’idolâtrie, le polythéisme, l’infanticide des filles, et la corruption religieuse ou sociale de son temps, soulevèrent une vive émotion à La Mecque.
Ce message fut rejeté aussitôt et sa communauté de jeunes convertis, essentiellement constituée de quelques membres de sa famille et de quelques amis proches, fut frappée d’ostracisme, persécutée, voire même torturée dans certains cas.
NDLR. La tradition musulmane ne donne que quelques noms, essentiellement des esclaves d’origine chrétienne, dont un cas mortel (les propriétaires essayaient de ne pas trop abîmer la marchandise). Mahomet quant à lui ne fut pas inquiété vu son statut social.
Un certain nombre d’habitants de la ville voisine et rivale de Yathrib/Médine demandèrent alors à Mahomet de venir régler les disputes qui ruinaient leur ville. Mahomet y vit l’occasion de soulager les souffrances de ses disciples, et accepta cette proposition. Il fit d’abord s’en aller ses disciples puis il partit lui-même enfin, dans cette ville, qui allait dorénavant s’appeler Madinat an-Nabi (la Ville du Prophète) autrement dit Médine.
Dès que le départ du Prophète fut signalé, les Couraïchites se lancèrent à sa poursuite. Ses traces aboutissaient à une grotte. Dieu allait-il livrer son dernier prophète à cette horde d’assassins ? Après le passage d’Abou Bakr et de Mahomet, une araignée avait immédiatement tissé sa toile sur l’entrée de la grotte, et une colombe y avait pondu des œufs qu’elle couvait. Quoi de plus faible qu’une toile d’araignée ou une colombe qui couve ses œufs ? Avec si peu de choses, Dieu troubla les Couraïchites. Les traces de pas menaient à cette grotte, mais visiblement, elle était vide (puisqu’une colombe s’était nichée juste là, et que la toile d’araignée prouvait clairement que personne n’y était entré depuis un bon moment !). Plus bas, caché dans la grotte, Abou Bakr dit à Mahomet – que les salutations de Dieu et ses bénédictions soient sur lui – : « Qu’un seul d’entre eux regarde sous ses pieds, alors il nous apercevra ». Mais le Prophète de répondre : « Que penser de deux [personnes] dont Dieu est le troisième ? »
D’après al-Halabi (voir en effet l’As Sira Al Halabiyah) le Prophète aurait dit également à son fidèle Abou Bakr : « Sais-tu ce qui arriverait, s’ils venaient à rentrer dans cette grotte ? » « Qu’arriverait-il ? » Regarde ! Et Abou Bakr vit alors la mer avec un bateau dessus. « S’ils rentrent dans la grotte, nous sortirons par là », aurait ajouté le Prophète afin de rassurer son compagnon !
On trouve une allusion à cette situation dans le Coran, chapitre 9, verset 40. « Dieu l’a secouru lorsque les incroyants l’ont expulsé, lui, et le deuxième des deux, le jour où ils se sont cachés dans la caverne et qu’il a rassuré son compagnon en lui disant : ne crains rien, Dieu est avec nous. Dieu a fait descendre sur lui sa Puissance et l’a soutenu à l’aide de forces invisibles ».
Le Prophète et Abou Bakr retrouvèrent leur guide, Abdoullah Ibn Ouraïqit, et le berger d’Abou Bakr, Amir Ibn Fouhaïrah, puis ils continuèrent leur route. Ils passèrent à proximité de la tente d’une femme appelée Oumm Ma’bad AI Khouza’iyah. Les voyageurs étaient alors à bout de vivres. Ils demandèrent à Oumm Ma’bad de leur vendre de quoi tenir le reste du trajet. Mais la femme, gênée, leur répondit : « Par Dieu, si j’avais quelque chose à vous donner, je l’aurais déjà fait depuis longtemps et gratuitement ». Le Prophète aperçut alors dans un coin une vieille chèvre efflanquée.
« Et cette chèvre ??????? » demanda-t-il. « Elle ne peut plus donner de lait ! » Le saint Prophète posa sa main sur l’animal qui retrouva d’un seul coup toute sa vigueur. Puis, il toucha son pis qui fut rempli de lait. Mahomet prit du lait de la chèvre et commença par en offrir à ses compagnons. Ensuite,
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il en offrit à Oumm Ma’bad, en remplit un bol qu’il laissa pour Abou Ma’bad (son mari) et fut le dernier à en prendre. Puis les voyageurs poursuivirent leur chemin. Quand Abou Ma’bad fut de retour, il fut très étonné de voir ce bol de lait, car il savait que leur chèvre n’en avait plus depuis des mois. La femme lui raconta ce qui s’était passé en lui décrivant Mahomet soigneusement et il s’exclama : « C’est l’homme que les Couraïchites veulent assassiner ».
Oumm Maabad et Abou Maabad embrassèrent l’islam par la suite.
LES HADITHS ATTRIBUENT (JUSQU’À LA NAUSÉE) BEAUCOUP D’AUTRES MIRACLES À MAHOMET ; EN VOICI QUELQUES-UNS.
Raconté par Jaber.
Lors du siège de Médine [en 627], alors que nous étions en train de creuser la tranchée, nous butâmes sur un rocher. Mahomet en fut informé aussitôt et nous répondit : « Je vais descendre pour voir ». Il se leva donc, une pierre attachée au ventre, tellement il avait faim, car nous n’avions rien eu à manger depuis trois jours. Mahomet prit la pioche et en frappa le rocher, qui se désintégra d’un seul coup. Ayant vu à quel point le Prophète était affamé, je demandais alors à rentrer chez moi, et cette autorisation me fut accordée. Je demandai à ma femme : as-tu quelque chose à manger pour lui ? » « Un peu d’orge et une chèvre ». Je tuai la chèvre et moulus l’orge. Nous plaçâmes la viande dans la marmite, puis j’allai retrouver le Prophète après que la pâte eut levé dans le pétrin et que la marmite soit presque à point. Je lui dis : « J’ai un modeste repas préparé par ma femme à t’offrir. Viens chez moi, ô Messager de Dieu ! Avec une ou deux personnes ». Le Prophète me demanda : « Quelle est la quantité de nourriture qui a été préparée ? » « Un peu de pain et de la chèvre ». Il me répondit : « Cela ira ! Dis à ta femme de ne pas retirer la marmite du feu ni le pain du four jusqu’à ce que l’on arrive » et il cria ensuite à ceux qui travaillaient à la tranchée : « Jaber nous a préparé à manger, allons chez lui ! ».
Je courus alors crier à ma femme : « Le Prophète arrive pour manger avec des mouhadjiroun, des ansar, et d’autres encore, qu’allons-nous faire ? ». « Est-ce qu’il sait ce qu’il y a vraiment à manger ? » Oui ! répondis-je ! Alors, laissons à Dieu et à Son Messager le soin d’arranger la situation ! Mahomet arriva et dit à ses hommes (300 d’après certains) : « Entrez tranquillement » ; puis il se mit à rompre le pain et à mettre la viande sur les tranches de pain, mais marmite et four se remplissaient au fur et à mesure qu’il puisait dedans. Il distribua de la nourriture à ses compagnons en rompant ainsi le pain et en prenant de la viande dans la marmite, jusqu’à ce que tous eussent mangé à satiété. Il y eut même des restes. Ensuite il dit à ma femme : « Manges-en et offres-en, car les gens ont faim » (Boukhari tome 5, livre 59, hadith 427).
Note de la rédaction : Diable ! Ceci ressemble quand même beaucoup au miracle de la multiplication des pains que l’on trouve dans les quatre Évangiles (Mathieu 14-16) ; miracle qui était lui-même un plagiat de la multiplication de l’huile et de la farine par le prophète Élie dans la Torah (1 Rois, 17,12).
Le miracle d’Houdeïbiya (628).
Le miracle du puits tari a été rapporté par Bara b. Azib dans Boukhari et par Salama b. Akoua dans Muslim.
Barra b. Azib.
« Il y n’avait plus d’eau dans le puits de Houdeïbiya ; même pas une goutte. Le prophète Mahomet fut informé de la situation. Le prophète s’approcha du puits et s’est assis à côté. Il demanda un pot rempli d’un peu d’eau. Après avoir fait ses ablutions avec l’eau qu’on lui apporta, il se rinça la bouche et pria en silence. Puis il versa dans le puits l’eau dont il s’était servi pour faire ses ablutions et se rincer la bouche. Après cela tout le monde patienta. Ensuite il y eut de l’eau dans le puits. Les musulmans et leurs animaux purent s’y abreuver. Il y avait 1400 personnes ».
Salama b. Akoua.
« Nous sommes arrivés à Houdeïbiya sous le commandement du prophète Mahomet. Il y avait une centaine de soldats dans chacune des quatorze troupes. Il y avait aussi cinquante moutons qui avaient besoin d’être abreuvés, mais le puits n’avait plus assez d’eau même pour eux. Le prophète Mahomet s’est assis à côté du puits (PSL) et a prié. Après qu’il eut versé dans le puits l’eau qu’il avait utilisée pour se rincer la bouche, le niveau d’eau du puits a augmenté. Nous avons tous abreuvé nos animaux et nous avons eu de l’eau pour nous ».
NDLR. Les deux détails qui expliquent tout sautent aux yeux dans les « sources » en question.
Primo le puits n’était pas définitivement et complètement tari, le niveau était très bas, comme si une autre troupe s’y était abreuvée juste avant.
Secundo sur ordre de Mahomet tout le monde a attendu (le temps que le puits se remplisse de nouveau ?).
Quelque temps après, Mahomet put retourner à La Mecque, où l’on adopta progressivement ses enseignements.
Parmi les miracles qui eurent lieu lors de la bataille de Tabouk, on relate celui-ci.
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« Nous sommes restés sans eau pendant l’expédition de Tabouk. Il y en eut même qui tuèrent leurs chameaux et vidèrent leurs organes internes pour avoir de l’eau. Abou Bakr (RAA) demanda au Messager de Dieu de prier pour avoir de la pluie. Le Messager de Dieu leva les mains ; les nuages se sont amassés et il a tellement plu que nous avons rempli tous nos récipients. Ensuite, la pluie s’est arrêtée. Quand nous nous sommes retournés et avons regardé au loin, nous nous sommes aperçus que la pluie n’était pas allée au-delà du campement ».
NDLR. Une averse très localisée donc ! Comme souvent !
Le raid contre Tabouk donna également lieu à un autre miracle.
Rapporté par de nombreuses chaînes de transmetteurs allant d’Omar b. al-Khattab, Abou Horaïra, Salama b. Akoua, Abu' Amrat al-Ansari.
L’armée manqua de nourriture pendant l’expédition de Tabouk. Ils en parlèrent au noble Prophète (PSL), et il leur répondit : « Apportez toute la nourriture qui reste dans vos sacoches ». Chacun apporta des dattes et les mit sur un tapis. Il y en eut au maximum quatre poignées.
Puis, le Noble Messager (PSL) annonça : « Que chacun amène sa gamelle ! » Ils se pressèrent autour de lui et personne n’eut l’assiette vide, toutes furent remplies. Il y eut même des restes.
Un des compagnons ayant assisté à ce miracle a même déclaré plus tard : « même si le monde entier était venu, il y aurait eu assez de nourriture ».
[Auto plagiat : voir le chapitre sur la bataille du Fossé – Khandaq – en 627. L’écœurant plagiat d’un plagiat de l’évangile plagiant l’Ancien Testament = un plagiat de la Bible au cube donc !].
Les hagiographes de Mahomet nous parlent également de son extrême sobriété ainsi que de ses privations, il fut parfois obligé de se « serrer la ceinture » comme on dit un peu familièrement, notamment lors du siège de Yathrib/Médine en 627, ainsi que nous avons pu le voir. Mahomet cultivait son jardin de ses propres mains, il raccommodait ses habits [que faisaient donc ses nombreuses épouses ?]. Il se passait parfois des mois sans que l’on fasse du feu chez lui ; le pain d’orge, le lait ainsi que les dattes, étaient souvent sa seule nourriture. 5)
En 632, à l’âge de soixante-deux ans, Mahomet mourut de façon inattendue après une courte fièvre. Son nom et sa contribution au progrès de l’Humanité ont été sujets à maintes controverses en Occident. Au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, les historiens non musulmans sont néanmoins devenus plus objectifs et plus élogieux à son sujet ; et ils reconnaissent que l’œuvre de Mahomet (dans les domaines politique et religieux) justifie qu’on lui attribue une place éminente parmi ceux qui ont eu le plus d’influence sur l’Histoire.
CE QU’ENSEIGNAIT MAHOMET.
« Lorsque tu donnes un déjeuner ou un dîner ne convie ni tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni des voisins riches ; lorsque tu donnes un festin, au contraire invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles. Et tu seras heureux alors, puisqu’ils n’auront pas de quoi te rendre la pareille » (Luc 14,12-14).
Les paroles de Mahomet enseignent clairement la pratique de la charité.
Le Coran stipule clairement que ce sont la charité ainsi que la compassion, non l’observance machinale des rituels, qui déterminent notre dignité aux yeux de Dieu (chapitre 2, verset 177). 6)
Pour illustrer la façon dont Mahomet enseignait ainsi que son rôle capital dans la vie musulmane, voici quelques-unes des paroles que l’on a conservées de son enseignement.
« Sourire à autrui est aussi un acte de charité ».
« Celui qui dort l’estomac plein en sachant que son voisin a faim [n’est pas un vrai croyant] ».
« La charité met fin au péché comme l’eau éteint le feu »7).
« Aucun d’entre vous ne sera un vrai croyant tant qu’il ne souhaitera pas pour son frère ce qu’il souhaite pour lui-même ».
« On doit pratiquer la charité de toutes les façons possibles et tous les jours que Dieu fait : agir équitablement est un acte de charité ; aider un homme à monter sur sa monture, ou hisser ses affaires sur sa monture est un acte de charité, dire une bonne parole est un acte de charité ; les pas que l’on fait pour aller prier sont des actes de charité, enlever un objet dangereux de la route est un acte de charité ». Les musulmans considèrent que le but du jeûne est double : livrer son âme à Dieu, et favoriser la compassion envers les pauvres de la communauté, afin de prendre soin d’eux. En terre d’islam, le jeûne et l’aumône vont de pair, le renoncement à soi ne peut être complet sans le don de soi aux autres.
James A. Toronto, professeur assistant d’études islamiques et de religion comparée à l’Université Brigham Young. WWW. IDUMEA. ORG. LA GLOIRE DE DIEU, C’EST L’INTELLIGENCE. BEATI PAUPERES SPIRITU !
NOTES
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1 On trouve ces anecdotes au sujet de la personnalité de Mahomet dans « Et Mahomet est son prophète, le culte du Prophète dans la piété musulmane » d’Annemarie Schimmel, (1985), p. 46-49.
2 « La vie du prophète », Ja’far Qasimi, dans « Spiritualité musulmane », édité par Seyyed Hossein Nasr (1991), p. 92.
3 Déjà circoncis avant même de naître, qui peut le croire ? (À part le cheikh Salman AI Qadah évidemment.) Quant au sceau des prophètes… en syriaque le mot implique seulement que Mahomet confirme le message des prophètes qui l’ont précédé. À moins qu’il ne s’agisse d’un emprunt au Manichéisme (Mani, mort sous la torture à Gundishapour dans le Khouzistan iranien, en 276 se voulait le dernier des prophètes).
4 Allah est la contraction d’al-ilah, qui signifie : « le Dieu ». C’est le mot utilisé par les musulmans et les chrétiens arabes pour désigner Dieu. Les saints des derniers jours, arabophones, utilisent couramment ce mot, il est employé dans les Écritures et par l’Église dans les régions de langue arabe.
5 Mais peut-être faut-il y voir tout simplement la manière habituelle de vivre des Arabes de son époque, ou les privations inséparables d’une vie active et aventureuse. Quand on fait la guerre ou quand on est en expédition dans le désert, on ne peut guère festoyer.
6 À propos de cette infériorité morale ou éthique et donc spirituelle, patente, de l’islam intégriste, voir ce que nous avons déjà écrit à ce sujet dans notre opuscule précédent.
N’oublions pas que les très-sachants de la druidiaction condamnaient plus sévèrement le meurtre d’un étranger, donc du fidèle d’une autre religion, que l’assassinat d’un des leurs. Du moins à en croire Nicolas de Damas : « Chez eux on est frappé d’une peine plus rigoureuse pour le meurtre d’un étranger que pour celui d’un concitoyen : dans le premier cas la mort, dans le second l’exil seulement » (Fragment Nº XLIV, 41, d’après Stobée).
Et ne parlons même pas de la parabole du bon Samaritain (Luc 10, 29-37). L’islam recommande-t-il aussi clairement bonté ou charité envers les incroyants, envers les polythéistes, envers les mécréants, les athées, ou les adeptes d’autres religions ??? À notre connaissance non ! II n’y a en effet, du moins à notre connaissance, aucun équivalent musulman de la sourate du bon samaritain ou de la coutume rapportée par Nicolas de Damas, la sourate du bon samaritain ou son équivalent l’extraordinaire coutume rapportée par Nicolas de Damas n’existe pas en terre d’islam. Car c’est sans conteste, avec la sourate sur la femme adultère, une des indépassables, vraiment indépassables (un tel idéal est même presque impossible à atteindre par les pauvres humains englués dans leurs préjugés que nous sommes) supériorités (morales) du christianisme (authentique) sur l’islam. Répétons-le encore une fois, car repetere ars docendi : il n’y a pas d’équivalent de la parabole du bon Samaritain ou de la femme adultère dans le Coran ni dans les hadiths non plus d’ailleurs.
Les deux autres supériorités morales du christianisme théorique voire des très-sachants de la druidiaction théorique par rapport à l’islam lui aussi théorique, étant la fidélité à l’esprit plutôt qu’à la lettre d’un précepte divin, et la nécessaire distinction à faire entre spiritualité privée ou personnelle et vie sociale ou politique.
Pour ce qui est du fait de privilégier l’esprit à la lettre, la méfiance des très-sachants de la druidiaction envers toute mise par écrit des choses importantes étant bien connue (« Ils estiment qu’il serait sacrilège de consigner la matière de leur enseignement par écrit, alors que pour tout le reste en général, pour les comptes privés ainsi que publics, ils utilisent les caractères grecs » d’après César, B.G., VI, 14) ; nous nous contenterons ici de donner les références de la formulation de ce principe dans les quatre évangiles.
Évangile selon Saint Marc 2, 23-28. Un jour de sabbat, Jésus marchait à travers les champs de blé ; ses disciples, chemin faisant, se mirent à cueillir des épis. Les pharisiens lui disaient : « Regarde ce qu’ils font le jour du sabbat ! Cela n’est pas permis ». Jésus leur répond : « N’avez-vous jamais lu ce que fit David, lorsqu’il fut dans le besoin et qu’il eut faim, lui et ses compagnons ? Au temps du grand prêtre Abiathar, il entra dans la maison de Dieu et mangea les pains de l’offrande que seuls les prêtres peuvent manger, ensuite il en donna aussi à ses compagnons. » Il leur disait encore : « C’est le sabbat qui a été fait pour l’Homme, et non pas l’Homme pour le sabbat ».
Quant à la nécessaire distinction à faire entre spiritualité privée ou personnelle et vie sociale ou politique, nous pourrions ici évidemment, arrivés à ce point de notre exposé, pasticher les quatre évangiles en écrivant : il faut rendre à César ce qui est à César, et à Boadicée (ou Ambiorix ou Vercingétorix voire Arminius…) ce qui est à Boadicée (ou Ambiorix ou Vercingétorix ou Arminius…)
Plus sérieusement et plus modestement nous nous contenterons de rappeler que les très-sachants de la druidiaction d’alors faisaient bien la distinction entre les sacrifices publics qui n’étaient que rarement à participation obligatoire, ou de type oenach (en Irlande) et les sacrifices privés, qui devaient être fort nombreux puisque ces barbares étaient admodum dedita religionibus : très adonnés aux choses de la religion. N.B. La phrase exacte de César est « Illi rebus diuinis intersunt, sacrificia publica ac priuata procurant » (B.G. Livre VI, 13).
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Pour ce qui est de la formulation de ce principe dans le christianisme, en voici les références : Évangile selon Matthieu, 22, 21. « Rendez à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu ».
C’est là une des incontestables supériorités morales du christianisme théorique, par rapport à l’islam, même théorique
Nous ne sommes en aucune façon chrétiens, mais nous nous permettrons néanmoins de faire remarquer ici que cette parabole sépare nettement la religion ou la spiritualité de la politique ou du pouvoir temporel et c’est sans conteste avec la sourate sur la femme adultère (que celui qui n’a jamais péché lance la première pierre) ; une des indépassables, vraiment indépassables (un tel idéal est même presque impossible à atteindre par les pauvres humains englués dans leurs préjugés que nous sommes) supériorités (morales) du christianisme authentique ; sur l’islam. Mais puisque l’Église (de Jésus-Christ et des Saints des Derniers Jours, etc. Etc.) nous dit le contraire !
7 Notre ami James (Toronto) a trouvé ces trois premiers hadiths dans « al-Arba’in al-Naouaouiya » [Naouaoui’s Forty Hadith] (1976), p. 56, 88, 98, et noté les deux autres à l’occasion de conversations avec des connaissances ou des amis musulmans.
LE SEUL PROBLÈME, MAIS IL EST DE TAILLE, C’EST QUE RIEN NE PROUVE LA VÉRACITÉ DE TOUTES CES ANECDOTES (HADITHS) FAISANT INTERVENIR MAHOMET. DE TOUTE FAÇON, POURQUOI LES HADITHS LE MONTRANT SOUS UN JOUR AUSSI AIMABLE SERAIENT-ILS VÉRIDIQUES ET LES HADITHS LE DÉPEIGNANT COMME UN HOMME CRUEL, LIBIDINEUX, PÉDOPHILE, ET SANS SCRUPULE, FAUX ? Il EST VRAI QU’IL N’Y A GUÈRE DE HADITHS DE CE GENRE !
COMME LE DIT NÉANMOINS LE SAINT CORAN LUI-MÊME : 6, 93 : « Quoi de plus impie, que de faire Dieu complice d’un mensonge ? Que de s’attribuer des révélations que l’on n’a point eues ? »
« Méditent-ils donc vraiment le Coran ? Si celui-ci venait d’un autre que Dieu, ils y trouveraient de nombreuses contradictions ». (Le saint Coran, chapitre 4, verset 82.)
QUE NOS AMIS MORMONS OU MUSULMANS VEUILLENT BIEN NOUS INDIQUER QUEL EST LE CRITÈRE MÉTHODOLOGIQUE PERMETTANT DE DISTINGUER, À COUP SÛR, LES HADITHS AUTHENTIQUES DES FAUX, EN CE QUI CONCERNE MAHOMET. Conclusion inévitable : toute analyse d’un système étranger ne peut être produite que par des laïcs. Pierre de La Crau.
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DOCUMENT N° 3.
Ci-dessous un exemple de site internet idolâtrant Mahomet ainsi que le Coran et contenant tellement de mensonges ou de contrevérités à propos des hadiths ; que l’on se demande s’il est vraiment pertinent pour notre société de continuer à laisser se diffuser un tel lavage de cerveau, éhonté (supervisé par le cheikh Salman Al-Qadah) ; et constituant une aussi incroyable insulte à la science historique, voire à la Science tout court, donc à l’Humanité !
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Particularités de la biographie du Prophète.
Premièrement : L’authenticité. Par le biais de chaînes de transmetteurs humains continues (isnad), constituées de personnes honnêtes et dignes de confiance ayant partagé avec le Messager (que la paix ainsi que la bénédiction de Dieu soient sur lui) des moments de sa vie ; puis de disciples des Compagnons (Tabioun) ayant vécu avec ces derniers, ayant entendu d’eux diverses anecdotes. Ces Compagnons donc, ont vécu avec le Prophète (que la paix ainsi que la bénédiction de Dieu soient sur lui) et ont participé à l’élaboration de sa biographie ; beaucoup d’entre eux ne sont morts que très longtemps après le décès du Prophète (que la paix ainsi que la bénédiction de Dieu soient sur lui) et ont vécu avec leurs disciples pendant de nombreuses années.
Certains de ces compagnons vécurent jusqu’en l’an 100 de l’hégire [721 Anno Domini] et même un peu au-delà, comme Amir Abou Al Toufaïl ibn Ouazilah décédé en l’an 101 [722 Anno Domini]. Mahmoud ibn Al Rabi en l’an 99 [720 de notre ère]. Abdoullah ibn Bisr Al Maziniy en l’an 96 [717 Anno Domini]. Anas ibn Malik en l’an 93 [714 Anno Domini]. Que Dieu soit satisfait d’eux !
La compilation de la Sunna ou tradition a commencé officiellement sous le règne d’Omar ibn Abdoul Aziz – que Dieu lui accorde la miséricorde – et ce dernier mourut en l’an 101 [722 Anno Domini].
Il est donc certain que la continuité de la transmission de la Sunna et de la biographie du Prophète ne s’est jamais interrompue ; et qu’il n’y a jamais eu de passage à vide [de solution de continuité] entre la compilation de la Sunna et l’enseignement du Messager (que la paix ainsi que la bénédiction de Dieu soient sur lui), puis des Compagnons, puis des disciples des Compagnons.
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COMMENTAIRE DE PIERRE DE LA CRAU : SUR LE CARACTÈRE PROFONDÉMENT DOUTEUX ET INAUTHENTIQUE DE CES CHAÎNES DE TRANSMETTEURS APPELÉES ISNAD, ET SUR LE CARACTÈRE FALLACIEUX DE LA PLUPART DES CENTAINES DE MILLIERS (1 600 000 ?) HADITHS DE LA SOUNNA.
D’après l’ex-recteur de l’Université de Téhéran du temps du chah, seuls 40 seraient en fait authentiques.
FIN DE LA REMISE EN PERSPECTIVE, AU NOM DU DEVOIR DE VÉRITÉ, DE PIERRE DE LA CRAU.
Nous n’insisterons jamais assez sur notre volonté de ne pas être les hommes d’un livre (du Livre), mais d’au moins douze, comme les Fénianes d’Irlande, notre religion à nous n’étant que la religion de la vérité.
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Deuxièmement : la compilation de la biographie du Prophète a eu lieu de bonne heure. La compilation de la Sunna commença en même temps que celle de la biographie du Prophète, très tôt, du vivant du Messager (que la paix ainsi que la bénédiction de Dieu soient sur lui) ; et cela par le biais de la rédaction des hadiths ayant trait aux événements qui eurent lieu à son époque. Par exemple, le début de sa mission prophétique, le début de la Révélation ; ce qu’il a enduré à La Mecque avant son émigration vers Médine et avant cela, l’émigration de certains de ses Compagnons vers l’Abyssinie, ses épouses, ses expéditions militaires et ses voyages ; et bien d’autres choses encore, qui ont un rapport avec sa personne et son comportement dans la vie. Toutes ces choses sont enregistrées dans la Sounna et ses livres.
Quant à la compilation complète de la biographie du Prophète, elle commença, elle, à l’époque de Mouawiya ibn Abou Soufiane – que Dieu soit satisfait de lui — ; lorsqu’Abdoullah ibn Abbas – que Dieu soit satisfait de lui – décédé en l’an 68 – [689 Anno Domini] enseigna à ses élèves la généalogie du Prophète (que la paix ainsi que la bénédiction de Dieu soient sur lui) ainsi que ses expéditions militaires ; et que ses élèves la notèrent par écrit. Abdoullah ibn Amr ibn Al As – que Dieu soit satisfait de lui – décédé en l’an 63 [684 Anno Domini] – fit la même chose ; de même qu’Al Barra ibn Azib – que Dieu soit satisfait de lui ! – décédé en l’an 74 [695 Anno Domini] — ; il enseignait à ses élèves les expéditions militaires [maghazi] du Messager de Dieu (que la paix ainsi que la bénédiction de Dieu
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soient sur lui). [NDLR Sous la dénomination de maghazi ces pieux docteurs de la Croyance rangent d’ailleurs aussi les pogroms contre les juifs survenus à Yathrib/Médine].
Dès l’époque des Tabioun – ceux qui ont vécu avec les compagnons, et ont appris auprès de ces derniers – on a commencé à écrire des livres sur la biographie du Prophète ; exemple le livre d’Ouroua ibn Az-Zoubeïr ibn Al Aouam – décédé en l’an 93 [714 Anno Domini] – c’était le fils de l’illustre Compagnon appelé Az-Zoubeïr ibn Al Aouam – que Dieu soit satisfait de lui –. Il écrivit un livre intitulé « Les expéditions militaires [maghazi] du Messager de Dieu » (que la paix ainsi que la bénédiction de Dieu soient sur lui).
Les principaux livres écrits par les disciples des Compagnons sont : le livre d’Abane ibn Osman ibn Affane – décédé en l’an 105 [726 Anno Domini] – le fils du calife du Messager de Dieu (que la paix ainsi que la bénédiction de Dieu soient sur lui). Il acheva son livre sur la biographie du Prophète et les expéditions militaires avant l’an 83 [704 Anno Domini] ; ensuite le livre d’Ouahb ibn Mounabbih – décédé en l’an 110 [731 Anno Domini] – une partie de son livre intitulé « Les expéditions militaires » (Al Maghazi) se trouve dans la ville d’Heidelberg en Allemagne. De même que Moussa ibn Ouqbah – décédé en l’an 141 [762 Anno Domini] – et il existe également un exemplaire de son livre (Al Maghazi) à la bibliothèque de Berlin en Allemagne ; tous ont vécu avec les Compagnons et tenaient d’eux ces informations.
Les deux livres les plus complets sur la biographie du Prophète (que la paix ainsi que la bénédiction de Dieu soient sur lui) sont : As-Siyar oua-al Maghazi de Mouhammad ibn Ichaq – décédé en l’an 151 [772 Anno Domini] — ; et As-Sira Nabaouiya d’Ibn Hicham – décédé en l’an 213 [834 Anno Domini] — ; ces deux auteurs ont tous les deux vécu avec des Compagnons du Prophète et ont appris d’eux ce qu’ils ont relaté.
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RAPPELONS POURTANT UNE FOIS ENCORE LES ÉVIDENCES !
À propos d’Ibn Ichaq et Ibn Hicham. Ces éléments que nous possédons sur la vie de Mahomet ont été rassemblés par Ibn Ichaq en 750, en d’autres termes, cent ans après sa mort. La question de l’authenticité demeure d’autant plus critique que la forme originale du travail d’Ibn Ichaq est perdue ; et n’est disponible que par morceaux dans la recension plus tardive encore opérée par Ibn Hicham, décédé en 834, deux cents ans après la mort de Mahomet. Les nombreux événements historiques censés avoir été la cause de certaines révélations (par exemple, la bataille de Badr), doivent très probablement certaines de leurs caractéristiques, occasionnellement leur existence même, au Coran. Il est clair que les conteurs ont été les premiers à inventer le contexte historique de certains versets du Coran. La plupart de leurs informations sont contradictoires. Un peu comme dans le cas de Jésus, plus on s’éloigne de la date des faits, plus on a de détails ou de précisions.
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Troisièmement l’intégralité et la clarté.
Les détails de la biographie du Prophète (que la paix ainsi que la bénédiction de Dieu soient sur lui) sont établis de manière intégrale et claire depuis le mariage entre son père Abdallah et sa mère Amina bint Ouahb jusqu’à sa naissance, et le début de sa mission ; avec tout ce qu’il a vécu avant cela, de la diffusion de son message jusqu’à son décès. Toute personne qui veut connaître les détails de la vie du Messager (que la paix ainsi que la bénédiction de Dieu soient sur lui) peut y parvenir aisément, et à partir de nombreux livres de référence dont le contenu est vérifiable et les détails historiques authentifiés de manière scientifique.
Le Messager (que la paix ainsi que la bénédiction de Dieu soient sur lui) comme l’a dit l’un des critiques occidentaux – « est le seul qui est né sous la lumière ». [Il s’agit du Français Ernest Renan. Pourquoi ne pas le nommer ? On l’a connu effectivement mieux inspiré. Cette illusion vient du caractère très détaillé de la biographie traditionnelle de Mahomet]. Les livres de la Sounna ou traitant de la biographie du Prophète contiennent, ainsi que notre noble Coran, tous les détails de la vie publique et privée du Prophète (que la paix ainsi que la bénédiction de Dieu soient sur lui).
Nous connaissons avec précision la description de son aspect, de son caractère et de ses mœurs. Nous connaissons par exemple la couleur de sa peau, la forme de son nez ou de ses fosses nasales, la forme de sa bouche et de ses dents, la couleur de ses cheveux, sa taille, sa démarche et sa manière de s’asseoir, sa manière de parler ou de rire, sa nourriture préférée, sa manière de manger, de boire, voire ses rapports conjugaux, son comportement vis-à-vis de ses épouses. Mieux que cela, les vestiges et les restes de sa maison, ainsi que la tombe dans laquelle il fut enterré, sont toujours visibles. Il est possible de s’assurer de tous les caractères qu’on lui attribue par le biais des outils scientifiques modernes. La biographie du Prophète (que la paix ainsi que la bénédiction de Dieu soient sur lui) a bénéficié d’une préservation et d’une sauvegarde telles qu’on n’en a jamais vues auparavant, et telles qu’on n’en aura jamais pour quiconque après lui. Ces trois particularités nous donnent la certitude absolue que cette biographie est bien la biographie du dernier des prophètes,
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Mahomet fils d’Abdoullah (que la paix ainsi que la bénédiction de Dieu soient sur lui) ; et nous donnent la certitude scientifiquement fondée qu’il est bien le dernier messager envoyé par Dieu à l’Humanité tout entière.
NDLR, on pourrait, certes, rire de tout ceci, mais vu les conséquences dramatiques pour notre espèce d’un tel délire ; on se demande si la liberté d’avoir des opinions et de diffuser de fausses bonnes nouvelles (de faux évangiles) ne devrait pas aussi avoir des limites. Notre conclusion sera donc celle que nous enseigne le saint Coran lui-même.
« Quoi de plus impie, que de faire Dieu complice d’un mensonge ? Ou que celui qui dit « j’ai reçu une révélation » alors que rien ne lui a été révélé ». (Le saint Coran chapitre 6, verset 93).
« Méditent-ils donc vraiment le Coran ? Si celui-ci venait d’un autre que Dieu, ils y trouveraient de nombreuses contradictions ». (Le saint Coran, chapitre 4, verset 82).
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DOCUMENT N° 4.
En 1718 John Toland eut à se prononcer sur l’affaire de l’évangile de Barnabé, un ouvrage décrivant la vie de Jésus et qui aurait été rédigé par son disciple Barnabé. Les deux manuscrits les plus anciens, écrits en italien et espagnol, ont été datés de la fin du XVIe siècle, mais du texte espagnol il ne subsiste qu’une copie du XVIIIe. Le manuscrit écrit en italien comprend 222 chapitres, dont l’essentiel décrit le ministère de Jésus.
Sous plusieurs aspects, mais non tous, il est conforme à l’idée que se font les musulmans de la Bible. Cet évangile est considéré par la majorité des érudits (dont des chrétiens et quelques musulmans) comme une fraude pieuse, tardive et pseudépigraphique. Quelques-uns cependant, pensent qu’il pourrait contenir des restes d’un travail apocryphe précédent, élaboré pour se conformer à l’islam. On ne doit pas confondre cet ouvrage avec les « Épîtres selon Barnabé », qui ont probablement été rédigées au deuxième siècle. Il n’y a aucun lien entre les deux livres, que ce soit dans le style, le contenu ou l’histoire, sinon leur attribution supposée à Barnabé. En ce qui concerne la circoncision, les deux auteurs adoptent un point de vue totalement différent : alors que « l’épître » rejette les pratiques juives, « l’évangile », lui, est pour les pratiques musulmanes. On ne doit pas non plus le confondre avec « les Actes de Barnabé » qui racontent l’histoire des voyages de Barnabé, son martyre et son enterrement. On pense que ce dernier a été composé à Chypre un peu après 431.
L’évangile de Barnabé contient des anachronismes qui rendent impossible sa rédaction avant le XIVe siècle. Parmi ces anachronismes, on peut citer une monnaie dont parle le texte en le présentant comme une monnaie de la Palestine du temps de Jésus, alors qu’il s’agit d’une monnaie de l’Espagne musulmane (le « denarius », divisible en « minuti »). Autre exemple, ce pseudo-évangile parle de « barons » un titre médiéval qui n’avait pas cours au premier siècle. Il contient également des erreurs géographiques interdisant qu’il ait été rédigé par quelqu’un connaissant la Palestine ; il décrit par exemple un voyage en bateau vers une ville située… à l’intérieur des terres.
Prologue.
Barnabé, apôtre de Jésus le Nazaréen appelé le Christ, à tous ceux qui habitent sur la Terre, paix et consolation.
Très chers, le grand et admirable Dieu nous a visités, il y a quelques années, en la personne de son prophète Jésus-Christ, car nous étions en grand manque de doctrine et de miracles. C’est pourquoi beaucoup, trompés par Satan, sous couvert de pitié, prêchent une doctrine blasphématoire : ils appellent Jésus fils de Dieu, rejettent la circoncision, alliance de Dieu pour les siècles des siècles, et autorisent toutes sortes d’aliments impurs. Paul lui-même est dans l’erreur, et je n’en parle pas sans douleur. En conséquence, je vous rapporte cette vérité que j’ai vue et entendue en fréquentant Jésus, afin que vous soyez sauvés, que vous ne soyez pas trompés par Satan, et que vous ne périssiez pas terrassés par le jugement de Dieu. Gardez-vous de quiconque vous prêche une doctrine nouvelle opposée à ce que je vous écris, afin que vous soyez sauvés à jamais. Que le grand Dieu soit avec vous et vous garde de Satan et de tout mal ! Amen.
Chapitre I.
Il y a quelques années, une vierge appelée Marie, de la race de David, de la tribu de Juda, reçut la visite de l’ange Gabriel envoyé par Dieu. Cette vierge vivait en toute sainteté, sans aucun scandale, sans reproche, dans la prière et les jeûnes. Un jour qu’elle était seule, l’ange Gabriel entra dans sa chambre et la salua en ces termes : « Que Dieu soit avec toi, Marie ! »
À la vue de l’ange, la vierge prit peur. Celui-ci la réconforta en disant : « Ne crains rien, Marie, car tu es agréable à Dieu. Il t’a choisie pour être la mère d’un prophète qu’il enverra au peuple d’Israël afin qu’ils marchent dans sa Loi d’un cœur sincère ».
Chapitre 220. Jésus répondit : « Barnabé, crois-moi, Dieu punit tout péché, aussi petit qu’il soit, par une grande peine, car il est offensé par le péché. Aussi, comme ma mère, mes fidèles, et mes disciples, m’aimaient un peu d’amour terrestre, le Dieu juste a voulu punir cet amour par la douleur présente, pour qu’il ne soit pas châtié dans les flammes de l’enfer. Quant à moi, je fus innocent dans le monde, mais comme les hommes m’ont appelé Dieu et fils de Dieu ; Dieu a voulu, pour que je ne sois pas raillé par les démons le jour du jugement dernier, que les hommes me bafouent dans ce monde par la faute de Judas ; en faisant croire à chacun que c’était moi qui étais mort sur la croix. Aussi cette dérision durera-t-elle jusqu’à la venue de Mahomet, le Messager de Dieu. En venant dans ce monde, il détournera de ladite tromperie tous ceux qui croiront à la loi de Dieu ».
Puis Jésus ajouta : « Tu es juste, Seigneur notre Dieu, car à toi seul appartiennent honneur et gloire sans fin ! »
Chapitre 222.
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Jésus parti, les disciples se divisèrent selon les régions. La vérité, haïe par Satan, fut persécutée par le mensonge, comme cela se passe encore aujourd’hui. Quelques fort méchants hommes, en effet, se prétendant ses disciples, prêchaient que Jésus était mort sans ressusciter ; d’autres prêchaient que Jésus était vraiment mort et ressuscité. D’autres, et parmi eux se trouve Paul, trompé lui aussi par le Démon, prêchaient et prêchent encore aujourd’hui, que Jésus est le fils de Dieu. Quant à nous, nous prêchons à ceux qui craignent Dieu tout ce qu’il a écrit pour qu’ils soient sauvés le jour du jugement de Dieu. Amen !
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DOCUMENT N° 5.
Le dictionnaire biographique général
Contenant un compte historique et critique de la vie et des écrits des personnes les plus éminentes dans chaque nation ; en particulier les Britanniques et les Irlandais ; des premiers récits à l’heure actuelle.
UNE NOUVELLE ÉDITION,
Révisée et complétée par
Alexander Chalmers, F. S. A.
1812 – 1817.
Mahomet, ou Mohammed, fondateur de l’imposture religieuse appelée Mahométanisme, naquit en l’an 569, à la Mecque, ville d’Arabie, dans la tribu des Couraïchites, qui était considérée comme la plus noble de tout ce pays ; et descendait en ligne directe de Pher Couraïch, son fondateur. Pourtant, au début de sa vie, il se retrouva dans une très mauvaise passe ; car son père mourut avant qu’il ait deux ans, et comme son grand-père vivait encore, toute la puissance et la richesse de la famille passèrent entre les mains de ses oncles, principalement Abou Talib. Abou Talib, après la mort de son père, fut la figure dominante de La Mecque durant toute sa longue vie ; et c’est surtout grâce à sa protection que Mahomet, lorsqu’il commença de répandre son imposture, put résister à tous ses adversaires, pour pouvoir, après sa mort, établir son propre pouvoir à travers toute l’Arabie.
Après la mort de son père il continua d’être élevé par sa mère jusqu’à l’âge de huit ans, puis elle mourut elle aussi, il fut alors conduit dans la maison de son grand-père, qui, à sa mort, survenue l’année suivante, le confia aux soins de son oncle Abou Talib, afin qu’il l’élève. Abu Talib, étant marchand, lui apprit son métier, et, dès qu’il fut assez âgé, l’envoya en Syrie avec ses chameaux ; emploi qu’il a continué d’assurer sous la direction de son oncle jusqu’à ses 25 ans. L’un des principaux marchands de la ville était alors en train de mourir, et sa veuve, dont le nom était Cadiga, cherchant un agent pour gérer son fonds de commerce, demanda à Mahomet d’entrer à son service. Il accepta et s’acquitta de ses fonctions à Damas et dans d’autres lieux pendant trois ans. Il s’acquitta de cette charge de façon si satisfaisante que, vers la vingt-huitième année de sa vie, elle se donna à lui en mariage, bien qu’elle eût douze ans de plus que lui. De l’état d’employé, il était maintenant passé à celui de maître de sa personne et de sa fortune ; et, se retrouvant à égalité de richesse avec les plus importants citoyens de la ville, il commença de nourrir l’ambition d’en devenir le souverain.
Parmi les divers moyens d’y parvenir, aucun ne lui sembla plus apte que l’imposture qu’il diffusa ensuite avec tant de succès et tant de rouerie dans le monde. Le commerce au long cours qu’il faisait avec l’Égypte, la Palestine et la Syrie, lui avait fait découvrir les chrétiens et les juifs, et lui donna l’occasion d’observer avec empressement les diverses sectes entre lesquelles les chrétiens d’Orient s’étaient alors misérablement divisés, en s’engageant les uns contre les autres. Il en conclut que rien ne serait plus susceptible de lui valoir le solide soutien qu’il lui fallait pour atteindre ses fins, que l’invention d’une nouvelle religion. Pour cela il procéda néanmoins sans se hâter, car ce n’est qu’à l’âge de trente-huit ans qu’il commença de mettre en œuvre ses desseins. Il abandonna son mode de vie antérieur, que l’on dit avoir été passablement licencieux et détestable ; et, affectant la vie d’un ermite, prit l’habitude de partir chaque matin faire retraite dans une caverne isolée près de La Mecque, appelée la Grotte de Hira ; et il restait toute la journée, en s’abîmant, prétendait-il, en prières, jeûnes et saintes méditations. Il continua ainsi pendant deux ans, au cours desquels il gagna à sa cause sa femme Cadiga, qui fut sa première adepte, en feignant d’avoir eu des visions et d’avoir entendu des voix durant sa retraite. On peut remarquer, observe le docteur Prideaux, que Mahomet commença cette imposture à peu près en même temps que l’évêque de Rome, en vertu d’une concession du tyran Phocas, usurpa le titre de pasteur universel. Phocas avait concédé ce titre en 606, et Mahomet prit l’habitude de se retirer dans sa caverne la même année pour mettre au point cette tromperie qu’il commença de diffuser à La Mecque en 608.
À l’âge d’environ quarante ans Mahomet commença d’assumer l’allure d’un Apôtre de Dieu, et sous cette apparence à poursuivre le dessein qu’il avait eu le temps d’élaborer ; mais pendant quatre ans néanmoins réserva ses idées à ceux en qui il avait le plus confiance ou croyait les plus susceptibles de gagner à sa cause. Quand il eut fait quelques disciples, dont quelques-uns faisaient même partie des principaux citoyens de la ville, il commença de les rendre publiques dans La Mecque, alors qu’il était dans sa quarante-quatrième année, et à se déclarer ouvertement prophète envoyé par Dieu afin de les sortir de l’erreur du paganisme et leur enseigner la vraie religion. Il fut accueilli avec dérision et mépris lors de sa première apparition et traité par les gens de sorcier, magicien, menteur, imposteur et
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conteur de fables, ce dont il se plaint fréquemment dans le Coran ; de sorte que la première année il fit peu ou pas de progrès. Mais en persévérant dans son dessein avec adresse, il fit ensuite tant de prosélytes, que, la cinquième année de sa prétendue mission, son parti s’élevait à trente-neuf membres, lui-même étant le quarantième. Et les gens commençaient à s’inquiéter des progrès qu’il faisait.
Ceux qui tenaient à l’idolâtrie de leurs ancêtres s’élevèrent contre lui afin de le combattre comme un ennemi de leurs dieux, et un innovateur dangereux pour leur religion. D’autres, qui voyaient plus loin dans ses desseins, pensèrent qu’il était temps d’y mettre fin afin de conserver le pouvoir auquel ils pensaient qu’il aspirait : et tous complotèrent donc ensemble contre lui, et envisagèrent même le passer au fil d’épée. Mais Abou Talib, son oncle, battit en brèche leurs dessins ; et par son autorité, en tant que chef de la tribu, le préserva de beaucoup d’autres tentatives du même genre ; car bien qu’Abou Talib lui-même soit resté fidèle au paganisme de ses ancêtres, il avait pourtant tant d’affection pour cet imposteur, qui était de sa famille, qu’il avait élevé, et recueilli sous son toit, qu’il protégea sans réserve Mahomet, aussi longtemps qu’il vécut. Les principaux arguments, que Mahomet utilisait pour faire croire à son imposture, consistaient en promesses et menaces, toutes susceptibles de toucher le vulgaire. Ses promesses concernaient surtout le Paradis, qu’il dépeignait avec beaucoup d’habileté au goût des Arabes, car, étant situés dans la zone torride, ils étaient, de par la nature de leur climat, aussi bien que de par la corruption de leurs mœurs, adonnés à l’amour des femmes ; et la chaleur brûlante ou la sécheresse de leur pays, faisant des rivières, des eaux rafraîchissantes, aux jardins ombragés, aux fruits agréables, des plus rafraîchissants et des plus délicieux pour eux, ils étaient susceptibles de fonder leurs plus grandes aspirations dans des choses de ce genre. Pour cette raison, il fit de toutes ces caractéristiques les joies du paradis ; qu’il leur promet abondamment dans de nombreux endroits du Coran. Inversement il décrivait les châtiments de l’enfer, dont il menaçait tous ceux qui ne voulaient pas croire en lui, comme faits des tourments qui leur semblaient les plus affligeants et les plus pénibles ; comme le fait « de ne boire que de l’eau bouillante et puante, de ne respirer que de l’air brûlant, des choses terribles en Arabie ; de rester pris pour l’éternité dans un feu perpétuel, un brasier brûlant au possible, entouré d’une fumée noire et âcre, comme un chaudron, etc. « et, pour ne rien omettre de ce qui pouvait attiser leurs craintes, il les terrorisait en les menaçant de peines très graves en cette vie. Pour cela il parlait en toutes circonstances des terribles calamités qui s’étaient abattues sur ceux qui n’avaient pas écouté les prophètes envoyés avant lui ; comment le vieux monde avait été détruit par l’eau, pour ne pas avoir écouté la prédication de Noé ; comment Sodome avait été consumée par le feu du ciel, pour ne pas avoir écouté Lot quand il leur avait été envoyé ; et comment les Égyptiens furent punis pour avoir méprisé Moïse : car il admettait la divinité de l’Ancien et du Nouveau Testament, et que Moïse et Jésus-Christ avaient été des prophètes envoyés de Dieu ; mais alléguait que les Juifs et les chrétiens avaient corrompu ces livres sacrés, et qu’il avait été envoyé pour les purifier de ces corruptions, afin pour restaurer la loi de Dieu dans toute sa pureté originelle. Raison pour laquelle, la plupart des passages qu’il reprend de l’Ancien et du Nouveau Testament, apparaissent dans le Coran sous une forme différente que celle que nous trouvons dans ces livres sacrés.
Mahomet prétendit recevoir toutes ses révélations de la part de l’ange Gabriel, qui, dit-il, était envoyé par Dieu, pour les lui communiquer tout exprès. Il était sujet, dit-on, à des crises d’épilepsie, et chaque fois qu’il en avait une, il prétendait que c’était une transe, et que c’est l’ange Gabriel venait avec de nouvelles révélations de la part de Dieu. Ces révélations il les a arrangées en plusieurs chapitres ; qui composent le Coran, la Bible des mahométans. L’original de ce livre figure, ainsi qu’il l’a enseigné à ses disciples, dans les archives du ciel ; et l’ange Gabriel lui en apportait la copie, chapitre par chapitre, quand l’occasion exigeait qu’elles soient connues du peuple ; c’est-à-dire, aussi souvent que toute nouvelle mesure devait être prise, toute objection contre lui ou sa religion réfutée, toute difficulté résolue, tout mécontentement de son peuple calmé, toute offense lavée, ou toute autre chose de ce genre nécessaire à la poursuite de son grand projet, il recourait constamment à l’ange Gabriel pour avoir de nouvelles révélations ; et ensuite apparaissaient des ajouts au Coran, servant ses desseins. Mais ce qui le déroutait le plus, c’est que ses opposants exigeaient de voir un miracle de sa part ; car, disaient-ils, Moïse et Jésus, et les autres prophètes, à en croire ta propre doctrine, faisaient des miracles pour prouver qu’ils étaient missionnés par Dieu ; et donc, si tu es prophète, et plus grand que tous ceux qui ont été envoyés avant toi, ainsi que tu te vantes de l’être, fais des miracles semblables afin de nous le prouver ». Cette objection il essayait de l’éluder par plusieurs types de réponses ; « Que Dieu avait envoyé Moïse et Jésus avec des miracles, et pourtant que les hommes ne leur avaient pas obéi, donc qu’il l’avait maintenant envoyé lui en dernier lieu sans miracle, pour les contraindre à faire sa volonté par la force de son épée ». D’où cette doctrine universelle des mahométans, que leur religion doit être répandue par l’épée et que tous les vrais musulmans sont tenus de se battre pour cela. Il a même été dit qu’il est de coutume chez eux pour leurs prêcheurs,
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pendant qu’ils délivrent leurs sermons, d’avoir une épée nue placée par-devers eux, afin de montrer que les doctrines qu’ils enseignent doivent être défendues et diffusées par l’épée. On dit néanmoins que Mahomet a cependant fait un certain nombre de miracles comme :"qu’il a scindé la lune en deux ; que les arbres sont allés à sa rencontre, etc. & c. « mais ceux qui les rapportent ne sont que des auteurs considérés comme des conteurs de fables et de légendes : leurs docteurs les plus savants récusent chacun d’entre eux, tous ; et quand on leur demande comment, sans ces miracles, ils peuvent prouver sa mission, ils répondent d’une même voix que c’est le Coran lui-même qui constitue le plus grand des miracles ; car que Mahomet, qui était illettré, qui ne savait ni écrire ni lire, ou qu’aucun autre homme, de par sa seule science, puisse composer un tel livre, est, à leur avis, impossible. Mahomet lui-même insiste souvent là-dessus, en mettant au défi en plusieurs endroits du Coran, hommes et diables, même en unissant leur savoir-faire, de composer quelque chose qui l’égale, ne serait-ce qu’en partie. De tout cela ils concluent, et ainsi qu’ils pensent, sans erreur possible, que ce livre ne saurait venir de nul autre que Dieu lui-même ; et que Mahomet, de qui ils l’ont reçu, fut le messager mandaté pour leur faire parvenir. Que le Coran, quant au style et au langage, est l’arbitre de toute élégance dans la langue arabe, et que Mahomet était bien en vérité ce qu’il prétendait être, un homme fruste et illettré, sont des points dont on convient de tous les côtés. Une question se pose donc chez ceux qui ne sont pas si sûrs que ce livre a été apporté du ciel par l’ange Gabriel, à l’aide de qui le livre a-t-il été compilé, et l’imposture élaborée ? Il y a d’autant plus de raisons de se le demander que ce livre contient lui-même beaucoup de particularités des religions juive et chrétienne, tellement qu’il en faut nécessairement en supposer que leurs auteurs étaient versés dans les deux ; Mahomet, qui fut élevé comme idolâtre et vécut ainsi pendant les quarante premières années de sa vie, au milieu d’un peuple totalement illettré, car telle était sa tribu par principe et par profession, on ne peut pas supposer qu’il en ait été l’auteur : mais ce n’est pas une question à laquelle il est si facile de répondre, parce que la nature de la chose exigeait qu’elle soit accomplie en secret. En outre, la scène de cette imposture s’étendant sur au moins six cents kilomètres en Arabie, au milieu de nations barbares, qui toutes l’ont embrassée immédiatement, et n’ont permis à aucune autre religion de se développer en leur sein, ceux qui avaient le plus intérêt à découvrir cette fraude ne pouvaient y enquêter comme il le fallait.
Que Mahomet a composé le Coran avec l’aide d’autres personnes était une chose bien connue à La Mecque, quand il y dévoila pour la première fois son imposture ; et ses adversaires lui en ont souvent fait le reproche, ainsi qu’il s’en plaint lui-même plus d’une fois. Dans le vingt-cinquième chapitre du Coran, ses propres mots sont : « Ils disent que le Coran n’est qu’un mensonge de ta propre invention, et que d’autres t’ont aidé à le composer ». Un passage du seizième chapitre pointe notamment du doigt l’un de ceux qui étaient alors considérés comme ayant été la principale main ayant œuvré dans cette affaire : « Je sais qu’ils diront qu’un homme lui a enseigné le Coran ; mais celui qu’ils voient dans ce rôle est Perse et parle le persan. Or le Coran est en langue arabe, plein de savoir et d’éloquence ». La personne à laquelle il est fait allusion ici était un Abdia Ben Salon, un Juif persan, dont le nom a ensuite été changé en en Abdollah Ebn Salem, pour le faire correspondre à du dialecte arabe ; et presque tous ceux qui ont écrit à propos de cette imposture l’ont mentionné comme étant le maître d’œuvre engagé par Mahomet pour la mettre en forme : car c’était un homme habile, versé dans ce qu’enseignaient les Juifs ; et c’est pourquoi Mahomet semble avoir reçu de lui qu’il a pris des rites et des coutumes des Juifs pour le greffer sur sa religion à lui. Outre ce juif, l’imposteur reçut de l’aide d’un moine chrétien : et les nombreux détails du Coran, relatifs à la religion chrétienne, prouvent clairement qu’il bénéficia d’une telle aide. C’était un moine de Syrie, de la secte des nestoriens. Le nom qu’il avait dans son monastère, et qu’il a conservé depuis chez les écrivains occidentaux, est Sergius, bien que Bahira fut celui qu’il reçut plus tard en Arabie, et sous lequel il a été depuis lors mentionné en Orient, par tous ceux qui écrivent à son sujet ou parlent de lui. Mahomet, comme il est dit, avait fait la connaissance de ce Bahira, lors d’un de ses voyages en Syrie, soit à Bosra ou à Jérusalem : et ayant beaucoup apprécié ce qu’il lui avait appris sur plusieurs des points où il avait désiré être informé, noua une amitié particulière avec lui ; de sorte que Bahira, après avoir été excommunié pour un grand crime commis par lui, chassé de son monastère, se réfugia à La Mecque, fut hébergé dans sa maison et devint son assistant pour ce qui est de la mise en forme de son imposture, et le resta même après cela ; jusqu’à ce que Mahomet, comme il a été rapporté, n’ayant pas d’autre moyen de s’assurer de son silence, le fasse mettre à mort.
Beaucoup d’autres détails ont été relevés par certains anciens auteurs, à la fois quant à la composition du Coran, et aussi quant à la façon dont il fut diffusé pour commencer ; à savoir que l’imposteur avait appris à un taureau à l’apporter sur ses cornes les assemblées, comme s’il lui venait de la part de Dieu ; qu’il dressait des pigeons afin qu’ils lui roucoulent dans les oreilles, pour faire croire que le Saint-Esprit s’entretenait avec lui ; des histoires qui n’ont aucun fondement, bien qu’elles aient été cautionnées par de grands savants. Grotius en particulier, dans la partie de son livre intitulé
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« De veritate, & c. » qui contient une réfutation du mahométisme, raconte l’histoire du pigeon ; à propos de laquelle le célèbre orientaliste Pococke, qui avait entrepris d’écrire une version arabe de cette performance, demanda à Grotius, « Où il avait pris cette histoire, chez les Arabes ou les chrétiens ? » Ce à quoi Grotius répondit qu’il ne l’avait pas trouvée chez un auteur arabe, mais dépendait entièrement de l’autorité des auteurs chrétiens pour ce qui est de la véracité de cette histoire ». Pococke jugea donc préférable de l’omettre dans sa version à lui, de peur que nous ne nous exposions nous-mêmes au mépris des Arabes, pour ne pas être capables de distinguer la religion de Mahomet d’après les contes et les fictions que ses ennemis ont inventés à son sujet ; et en prétendant confesser le Coran, sans connaître le fondement sur lequel repose son autorité.
La huitième année de sa prétendue mission, son parti se développant à La Mecque, la ville prit un décret par lequel il était interdit de se rallier à sa cause. Cela ne l’affecta pas beaucoup néanmoins, tant que son oncle Abou Talib vécut pour le protéger : mais il mourut deux ans après, et le gouvernement de la ville étant alors tombé entre les mains de ses ennemis, l’interdiction fut renouvelée, et un arrêt mis à la poursuite de son entreprise à La Mecque. Mahomet, voyant toutes ses espérances s’effondrer à La Mecque, commença de songer à s’établir ailleurs ; et comme son oncle Abbas habitait la plupart du temps à Taïf, ville située à une centaine de lieues de la Mecque vers l’est, et que c’était un homme puissant et en vue, il s’y rendit sous sa protection pour y diffuser son imposture. Mais, après un mois de séjour dans la ville, se trouvant dans l’incapacité de faire un seul converti, il retourna à la Mecque, résolu à attendre les autres occasions que le temps et la chance pourraient lui offrir. Sa femme Cadiga étant maintenant morte, après avoir vécu avec lui vingt-deux ans, il prit deux autres femmes pour la remplacer, Aysha, fille d’Aboubkr, et Saouda, fille de Zama ; en leur ajoutant un peu après une troisième, appelée Haphsa, la fille d’Omar ; et en devenant ainsi le gendre de trois des principaux hommes de son parti, il renforça considérablement sa stature.
La douzième année de sa prétendue mission est placée l’esra, c’est-à-dire son fameux voyage nocturne de la Mecque à Jérusalem, et de là au ciel ; dont il nous parle au dix-septième chapitre du Coran ; car comme le peuple le pressait de faire des miracles afin de prouver qu’il était bien missionné, et qu’il se trouvait dans l’incapacité de tout feindre, pour résoudre le problème, il inventa l’histoire de son ascension au ciel. L’histoire, racontée dans le Coran et crue par les mahométans, est celle-ci. Une nuit, alors qu’il était allongé dans son lit avec sa femme préférée Aysha, il entendit frapper à sa porte ; sur ce il se levant, il y trouva l’ange Gabriel, avec soixante-dix paires d’ailes déployées sur chacun de ses flancs, plus blanches que la neige, et plus claires que le cristal, et l’animal nommé Alborak se tenait à ses côtés, la bête sur laquelle dit-on, les prophètes avaient l’habitude de monter quand ils étaient transportés d’un lieu à un autre pour exécuter un ordre de Dieu.
Mahomet le décrit comme étant une créature blanche comme le lait, et d’une nature mixte, mi – âne mi-mule, et d’une taille située entre les deux, mais d’une rapidité si extraordinaire qu’elle égalait la foudre elle-même.
Dès que Mahomet parut à la porte, l’ange Gabriel l’embrassa aimablement, le salua au nom de Dieu, et lui apprit qu’il avait été envoyé pour l’amener à Dieu dans les cieux où il devait assister à des mystères qu’il n’était permis à aucun autre homme de voir. Il le pria alors de monter sur Alborak ; mais l’animal, restée oisif et au repos depuis l’époque de Christ, devint si rétif et nerveux, qu’il ne resta pas debout sur ses pattes, afin que Mahomet ne pas puisse le monter, jusqu’à ce que finalement il soit forcé de l’amadouer, en lui promettant une place au paradis. Quand il fut fermement assis sur lui, l’ange Gabriel ouvrit la voie, la bride de la bête à la main, et transporta le prophète de La Mecque à Jérusalem, en un clin d’œil. À son arrivée, tous les prophètes et les saints défunts apparurent à la porte du temple pour le saluer ; et de là, l’assistant dans l’oratoire principal, lui demandèrent de prier pour eux, puis se retirèrent. Après cela, Mahomet sortit du temple en compagnie de l’ange Gabriel, et trouva une échelle de lumière qui les attendait et à laque ils montèrent immédiatement, laissant Alborak attaché à un rocher jusqu’à leur retour.
À leur arrivée au premier ciel, l’ange frappa à la porte ; et, déclinant son identité au portier de son identité, l’informa qu’il amenait Mahomet l’ami de Dieu : il fut immédiatement admis. Ce premier ciel, nous dit-on, était tout d’argent pur ; de là il voyait les étoiles suspendues par des chaînes d’or, toutes aussi grandes comme le mont Noho, près de La Mecque, en Arabie. En entrant, il tomba sur un vieil homme tout décrépit, qui, paraît-il, était notre premier père, Adam ; et comme il s’avançait, il découvrit une multitude d’anges de toutes les formes ; en forme d’oiseaux, de bêtes et d’hommes. Nous ne devons pas oublier d’observer qu’Adam eut le pieux réflexe d’embrasser immédiatement le prophète, en rendant grâce à Dieu d’avoir un si grand fils ; puis se recommanda à ses prières. De ce premier ciel, nous dit l’imposteur, il monta dans le second, qui était à la distance de cinq cents ans de voyage au-dessus ; et cette distance fut celle qu’il dut franchir pour atteindre chacun des sept cieux, l’un au-dessus de l’autre. Là les portes s’ouvrant toutes seules devant lui comme auparavant, en entrant il rencontré Noé, qui, se réjouissant beaucoup de le voir, se recommanda à ses prières. Ce ciel était
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tout d’or pur, et il y avait deux fois plus d’anges que dans les premiers ; car il nous dit que le nombre des anges dans chaque ciel augmentait à mesure qu’il avançait. De ce second ciel, il monta dans le troisième, qui était fait de pierres précieuses, là il rencontra Abraham, qui se recommanda aussi à ses prières ; Joseph, fils de Jacob, fit de même au quatrième ciel, qui était tout d’émeraude ; Moïse dans le cinquième, qui était tout en diamant ; et Jean-le-Baptiste dans le sixième, qui était fait d’escarboucle : de là monta au septième ciel, qui était tout de lumière divine, et là il y retrouva Jésus-Christ. On observe cependant il modifie sa narration, car il ne dit pas que Jésus-Christ s’est alors recommandé à ses prières, mais qu’il se recommanda lui-même aux prières de Jésus-Christ.
L’ange Gabriel l’ayant amené jusque-là, l’informa qu’il ne lui était plus permis d’aller plus loin ; et donc lui demanda de faire le reste du chemin menant au trône de Dieu par lui-même. Il le fit avec beaucoup de peine, traversant maints endroits rudes et dangereux, jusqu’à ce qu’il arrive en un lieu d’où il entendait une voix, lui disant : « Ô, Mahomet, salue ton Créateur », il monta plus haut encore et parvint en un endroit où il vit un grand flux de lumière, si brillante, que ses yeux ne purent la supporter. C’était, semble-t-il, la demeure du Tout-Puissant, où se trouvait son trône ; sur le côté droit duquel, dit-il, le nom de Dieu et le sien étaient écrits en arabe : « La ellah ellallah Mohammed rasul Allah », c’est-à-dire : « Il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah, et Mahomet est son prophète », ce qui est à ce jour le credo des mahométans. S’étant approché de la présence divine, il nous apprend que Dieu entreprit une conversation familière avec lui, lui révéla de nombreux mystères cachés, lui fit comprendre la totalité de sa loi, lui donna beaucoup de choses concernant ses docteurs de la Loi ; et en conclusion, lui accorda plusieurs privilèges le plaçant au-dessus du reste de l’humanité. Il retourna ensuite sur ses pas et trouva l’ange Gabriel qui l’attendait à l’endroit où il l’avait laissé. L’ange le ramena en redescendant les sept cieux, qu’ils avaient traversés et le replaça de nouveau sur la bête Alborak, qui se tenait attachée au rocher près de Jérusalem. Puis il le reconduisit à La Mecque, de la même manière qu’il l’avait amené en ce lieu ; et tout cela en l’espace d’un dixième de nuit.
Quand il raconta aux gens le lendemain matin cette histoire invraisemblable en prétendant que la chose avait eu lieu, il fut accueilli par eux comme il le méritait, par un tollé ; et l’imposture ne fut jamais en plus grand danger d’être complètement balayée qu’avec cette fable ridicule. Mais, si ridicule que puisse paraître cette histoire, Mahomet y avait un autre intérêt que de seulement raconter aux gens une de ses miraculeuses aventures. Jusque-là, il ne leur avait donné que le Coran, qui était sa loi écrite ; et avait prétendu n’être rien de plus que le messager de Dieu en le diffusant, tel qu’il lui avait été communiqué par l’ange Gabriel. Mais maintenant, ayant appris de son ami Abdalla, que les Juifs, outre la loi écrite dictée par Dieu lui-même, avaient aussi une autre loi, appelée loi orale, donnée avec elle, comme ils le prétendent, à Moïse, sur la montagne ; et comprenant que cette loi, qui avait son fondement dans les paroles et les prescriptions de Moïse, était en grande vénération chez eux tout comme l’autre ; il avait l’intention dorénavant de fonder son autorité de la même façon, et de faire passer tous ses dits et ses prescriptions pour des oracles chez les musulmans, comme on le faisait chez les juifs avec ceux que l’on prétendait venir de Moïse ; et c’est pour cela surtout qu’il inventa cette histoire de montée au ciel.
L’histoire, cependant, quels que soient les avantages qu’il pouvait en retirer, lorsque l’imposture devint avérée, fut jugée sur l’instant si grossièrement ridicule, qu’elle occasionna la révolte de beaucoup de ses disciples et rendit désormais impossible plus longtemps son séjour à La Mecque. Mais ce qu’il perdit en crédit à la Mecque, il le gagna à Médine, alors appelée Yathreb, une ville située à 270 kilomètres au nord-ouest de La Mecque ; qui était habitée, d’une par des Juifs, et d’autre part par des chrétiens hérétiques. Ces deux partis n’étant pas d’accord, les querelles des diverses factions s’exacerbèrent tellement chez eux qu’un des partis, exaspéré par l’autre, prit contact avec Mahomet. Il nous est ainsi rapporté que dans la treizième année de sa prétendue mission, soixante-treize hommes et deux femmes allèrent le rencontrer. Il retint douze d’entre eux un certain temps avec lui à La Mecque, afin de les instruire dans sa nouvelle religion ; puis il les renvoya à Yathreb, comme si c’étaient ses douze apôtres, afin de la répandre dans cette ville. Ils y travaillèrent tellement et avec un tel succès, qu’en peu de temps ils attirèrent à elle la plus grande partie des habitants. Mahomet en étant informé il résolut d’y aller aussitôt, estimant qu’il devenait dangereux de continuer plus longtemps à La Mecque.
Le 12 du mois, que les Arabes appellent Rabia, c’est-à-dire le 24 septembre, il arriva à Yathreb et y fut reçu avec des acclamations par le parti qui l’y avait appelé. On suppose que ce parti était celui des chrétiens, et cette supposition est confirmée par ce qu’il dit de chacun de ces deux partis dans le cinquième chapitre du Coran, qui est l’un des premiers rendus publics après sa venue à Yathreb. Ses paroles sont celles-ci : « Tu trouveras que les Juifs sont de très grands ennemis des vrais croyants, et que les chrétiens ont une grande inclination et une grande amitié envers eux ». Ce qui nous montre dans quel état déplorable les nombreuses divisions et folies régnant alors dans les églises d’Orient avaient plongé la religion chrétienne, quand ceux qui la professaient pouvaient si facilement la
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déserter au bénéfice de cette grossière imposture qu’un barbare illettré leur proposait. Lors de sa première venue à Yathreb, il logea dans la maison de Chalid Abou Job, l’un des chefs du parti qui l’y avait appelé, jusqu’à ce qu’il se soit construit une maison. Ce qu’il entreprit de faire aussitôt, et il érigea en même temps une mosquée, pour y pratiquer la religion qu’il venait d’inventer ; et s’étant ainsi installé dans cette ville, il y resta jusqu’au moment de sa mort. C’est avec cette fuite de Mahomet, l’Hégire, qui est l’ère des mahométans, que commence le comput de leur calendrier : Hégire, en langue arabe, signifiant fuite. Il fut d’abord institué par Omar, le troisième empereur des Sarrasins, et commence le 16 juillet, de l’an 622. Le jour où Mahomet quitta La Mecque était le premier jour de Rabia ; et il est arriva à Médine le 12 du même mois, c’est-à-dire le 24e jour de notre mois septembre ; mais l’Hégire commence deux mois plus tôt, depuis le premier jour du mois de Moharram : car, étant donné que c’était le premier mois de l’année arabe, Omar ne changera rien à cela, mais avança le comput de cinquante-neuf jours, afin de pouvoir faire commencer son ère avec le début de l’année au cours de laquelle s’est produite la fuite de l’imposteur, d’où elle tire son nom.
La première chose que Mahomet fit après s’être installé à Médine fut de marier sa fille Fatima à son cousin Ali. C’était l’unique survivante des six enfants qu’il avait eus avec Cadiga sa première épouse ; et de fait le seul enfant qu’il avait, malgré la multitude des épouses qui lui ont survécu. Ayant maintenant atteint l’objectif qu’il visait depuis longtemps c’est-à-dire d’avoir une ville à ses ordres, il entra dans un schéma de pensée entièrement nouveau. Jusque-là, il n’avait fait que prêcher sa religion pendant treize ans ; durant les dix dernières années de son existence, il sortit l’épée et se battit pour elle. Il avait longtemps été tourné en dérision et déboussolé à La Mecque par des questions, des objections, et des disputes à propos de ce qu’il avait prêché, qui le réduisaient souvent au silence ; mais il ne laissa plus désormais aucune place à la contestation, en disant à ses disciples que sa religion devait être répandue, non en disputant, mais en combattant. Il leur commanda de s’armer et de tuer par l’épée tous ceux qui ne l’embrasseraient pas, à moins qu’ils ne se soumettent à un tribut annuel pour racheter leurs vies : et conformément à cette injonction, à ce jour encore, tous ceux qui vivent sous un gouvernement mahométan, et ne sont pas de leur religion, paient une taxe annuelle en guise de pénalité pour leur infidélité ; et sont punis de mort s’ils contredisent ou s’opposent à toute doctrine enseignée par Mahomet. Après avoir suffisamment insufflé cette doctrine à ses disciples, il a ensuite procédé à sa mise en pratique et après avoir levé son étendard, il les appela tous à venir le rejoindre en armes. Ses premières expéditions furent dirigées contre les caravanes marchandes, entre la Mecque et la Syrie, qu’il attaqua avec des succès divers ; et si l’on excepte l’établissement et l’ajustement de quelques détails relatifs à son grand projet, à l’occasion ; il passa tout son temps durant les deux premières années qui suivirent sa fuite, en expéditions prédatrices contre ses voisins, en vol, en pillage et en élimination de tous ceux qui vivaient près de Médine sans embrasser sa religion.
Durant la troisième année de l’hégire, A.D. 624, il fit la guerre aux tribus arabes qui étaient de religion juive autour de lui ; et après s’être emparé de leurs forteresses, et les avoir réduits en son pouvoir, il les vendit tous comme esclaves, et partagea leurs biens entre ses serviteurs. Mais la bataille d’Ohoud, qui se déroula vers la fin de cette même année, aurait pu lui être fatale ; car son oncle Hamza, qui portait l’étendard, fut tué, lui-même grièvement blessé, et n’en réchappa que grâce à l’aide d’un de ses compagnons. Cette défaite donna lieu à de nombreuses contestations, certains demandant comment il pouvait se faire qu’un prophète de Dieu puisse être désarçonné par des infidèles durant une bataille et d’autres déplorant la perte de leurs amis et de leurs relations, morts au combat. Pour répondre aux premiers, il attribua la cause de son désarçonnement aux péchés de certains musulmans qui le suivaient ; et déclara que c’est pour cette raison que Dieu les avait laissé se faire désarçonner, afin que l’on distingue le bien du mal, et que l’on distingue les vrais croyants de ceux qui ne l’étaient pas. Pour apaiser les récriminations des derniers, il élabore sa doctrine du destin et de la prédestination ; en leur expliquant que ceux qui ont été tués dans la bataille, même s’ils étaient restés chez eux dans leurs maisons, seraient néanmoins morts à ce moment-là, la vie de chaque homme étant prédéterminée par Dieu ; mais, comme ils sont morts en combattant pour la foi, ils ont gagné l’avantage de la couronne du martyre, et les récompenses qui leur étaient dues au Paradis ; les deux doctrines servaient si bien son but, qu’il s’en servit après en toutes occasions. Ce furent aussi les concepts favoris des mahométans depuis lors, en vigueur surtout durant les guerres ; où rien ne peut mieux prédisposer à la vaillance au combat que l’idée bien arrêtée que, quels que soient les dangers auxquels ils s’exposent, ils ne peuvent mourir plus tôt ou plus tard que Dieu ne l’a voulu, voire qu’au cas où ce moment prédestiné serait venu, ils mourraient en martyrs pour leur religion, et que leur récompense serait d’aller au paradis.
Dans la quatrième année de l’hégire, A.D. 625, il fit la guerre aux Nadirites, une tribu d’Arabes juifs du voisinage ; et la même année, il livra la bataille de Beder, ainsi que beaucoup d’autres escarmouches avec ceux qui refusaient de se soumettre : en tout cela il eut parfois de francs succès parfois des
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succès plus mitigés. Mais un jour que son armée était à l’étranger à l’occasion de ces expéditions, quelques-uns de ses principaux lieutenants jouant et buvant outre mesure, ils se querellèrent et causèrent un tel trouble chez les autres, qu’ils faillirent mettre en danger tous ses plans ; aussi, par conséquent, afin de prévenir de tels méfaits à l’avenir, il décida d’interdire l’usage du vin et des jeux de hasard.
Durant les cinquième et sixième années, il s’engagea dans diverses guerres, et soumit plusieurs tribus d’Arabes. Après avoir obtenu tant de succès, étant devenu beaucoup plus fort, il marcha avec son armée contre La Mecque, et livra une bataille non loin, mais qui eut pour résultat qu’aucun des deux camps ne l’emporta vraiment, et ils acceptèrent donc une trêve de dix ans. À condition que tous ceux qui, à La Mecque, étaient pour Mahomet, puissent être libres de le rejoindre ; et inversement que tous ceux qui étaient du côté de Mahomet, mais préféraient le quitter, puisent être libres de rentrer à La Mecque. Confirmé dans son autorité par cette trêve, Mahomet fit dès lors figure de roi et fut salué comme tel par les chefs de son armée.
Ayant ainsi conclu cette trêve avec les gens de La Mecque, et obtenu ainsi le libre accès pour chacun des siens désireux de pénétrer dans la ville, il leur ordonna d’y faire des pèlerinages, qui ont depuis lors été observés, avec beaucoup de superstition, par ses disciples une fois par an ; et s’étant établi ainsi arrogé une souveraineté à laquelle il aspirait depuis longtemps, il en prit tous les insignes ; mais toujours en gardant le caractère sacré de souverain pontife de sa religion, ainsi que le pouvoir royal dont il avait été investi.
Il transmit les deux à ses successeurs, qui, sous le titre de Califes, régnèrent après lui : de sorte que, à l’instar des princes juifs de la race des Maccabées, ils étaient à la fois rois et grands prêtres de leur peuple.
Lors de la septième année de l’hégire, A.D. 628, l’imposteur lança son armée contre Caibar, une ville habitée par des Arabes de religion juive et, après les avoir mis en déroute, il assiégea leur ville et la prit d’assaut. Après être entré dans la ville, il s’installa dans la maison de Hareth, l’un des principaux chefs du lieu, dont la fille Zaïnob, en préparant une épaule de mouton pour son dîner, l’empoisonna. Ici ceux qui veulent à tout prix attribuer des miracles à Mahomet, nous disent que l’épaule de mouton lui parla, et lui apprit qu’elle était empoisonnée ; mais, si ce fut bien le cas, c’était, semble-t-il, trop tard pour le sauver ; car Basher, un de ses compagnons, ayant commencé par en manger trop goulûment, tomba raide mort sur place ; et quoique Mahomet n’ait pas tout de suite connu le même sort, parce que, n’ayant pas apprécié le goût de cette pièce de viande, il en avait recraché ce qu’il avait en bouche, il en avait pris néanmoins assez pour aven ressentir les effets fatals ; car il ne put jamais s’en rétablir complètement et, au bout de trois ans, mourut des conséquences de ce repas. On demanda à la femme de chambre pourquoi elle avait fait cela, et elle répondit : « qu’elle avait l’intention de voir s’il était vraiment prophète ou non : car s’il était prophète, dit-elle, il saurait certainement que la viande était empoisonnée et par conséquent n’en subirait aucun mal ; mais, s’il n’était pas prophète, elle pensait qu’elle rendrait alors service au monde en le débarrassant de ce si odieux tyran ».
Après cela il fit passer sous sa coupe d’autres villes appartenant aux Arabes juifs, et ayant ainsi accru ses forces par ces conquêtes jusqu’à avoir à sa disposition une armée de 10.000 hommes, il résolut de se rendre maître de La Mecque. Pour cela, après prétexté que les gens de La Mecque avaient rompu la trêve, il marcha par surprise sur eux, avant qu’ils n’aient pris conscience de ses sombres desseins : étant dans la totale incapacité de préparer une solide défense contre ses assauts, ils se trouvèrent dans l’obligation de se rendre sans combat. Dès que les Arabes voisins entendirent que Mahomet s’était rendu maître de La Mecque, plusieurs autres tribus s’opposèrent à lui, et lors de la première rencontre, son armée fut mise en déroute, bien que très supérieure en nombre ; mais l’imposteur, ayant rassemblé ses forces éparpillées, les réunit de nouveau en un corps d’armée opérationnel, fit preuve de plus de prudence dans le second affrontement et infligea à ses ennemis une défaite totale, il leur prit leurs bagages, leurs femmes et leurs enfants, ainsi que tous leurs biens.
Après cela, son pouvoir s’étant beaucoup accru, sa renommée terrifia tellement les autres Arabes, qui n’avaient pas encore senti le poids de ses armes, que tous se soumirent à lui. De sorte que cette année-là, dixième de l’Hégire, et 631e de notre Seigneur, sa puissance et sa religion furent toutes deux solidement établies dans toute l’Arabie.
Il passa le reste de l’année à envoyer des lieutenants dans toutes ses provinces, pour gouverner en son nom, raser les temples païens et les restes de l’idolâtrie arabe, et à établir sa religion à la place. Vers la fin, il fit un pèlerinage à La Mecque, où de toute l’Arabie accoururent de grandes foules, qu’il instruisit dans sa loi, puis il s’en retourna à Médine. Ce pèlerinage est appelé, par ses disciples, le pèlerinage de la vénération, car c’est le dernier qu’il fit : en effet, peu après son retour à Médine, il commença à décliner chaque jour un peu plus, à cause de ce poison qu’il avait avalé trois ans plus tôt à Caibar. Il ne s’en était jamais complètement débarrassé et il finit par tellement miner sa santé que le 28e jour de Saphar, deuxième mois de leur année, il dut s’aliter ; et que, le 12e jour du mois suivant, il
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mourut après treize jours d’agonie. Durant sa maladie, il se plaignit beaucoup des mesures qu’il avait prises à Caibar ; et disait à ceux qui venaient lui rendre visite qu’il en éprouvait les tourments dans son propre corps depuis lors : de sorte que, malgré l’intimité qu’il prétendait avoir avec l’ange Gabriel et les continuelles révélations qu’il avait reçues de sa part, il ne put éviter de mourir des conséquences du piège concocté par une fille.
Il a été enterré à l’endroit où il est mort, c’est-à-dire dans la chambre de sa femme préférée, à Médine. Ainsi finit la vie de ce célèbre imposteur, qui avait soixante-trois ans le jour de sa mort, selon le calcul arabe, ce qui ne fait que soixante et une de nos années. Durant vingt-trois ans, il assuma le rôle de prophète, dont treize ans passés à la Mecque et dix à Médine, période durant laquelle, grâce à son habileté et à son sens de la stratégie, il s’éleva des plus modestes débuts jusqu’à une telle puissance qu’il fut en en mesure d’accomplir l’une des plus grandes révolutions qui se soient jamais produites dans le monde. Cette révolution donna immédiatement naissance à un empire qui, en quatre-vingts ans, étendit sa domination sur plus de royaumes et de pays que l’Empire romain ne put en dominer en mille huit cents ans.
Mahomet était un homme d’une bonne taille et d’un bel aspect, et se voyait bien en nouvel Abraham. Il avait un esprit pénétrant et sagace, et était versé dans tous les arts qui sont nécessaires pour diriger l’humanité. Dans la première partie de sa vie, il s’avéra haineux et libidineux, se complaisant dans les rapines, le pillage et les effusions de sang, conformément à l’usage des Arabes, qui ont généralement suivi ce genre de vie. Les mahométans néanmoins voudraient nous persuader que ce fut un saint dès ses quatre ans ; car, disent-ils, l’ange Gabriel le sépara de ses petits camarades alors qu’il jouait avec eux ; et, le conduisant à l’écart, lui ouvrit la poitrine, lui ôta le cœur et en arracha le caillot de sang noir, dans lequel ils croyaient que se cachaient les fomes peccati ; de sorte qu’il n’en eut plus jamais après. Ceci est contredit, néanmoins par deux passions qui prédominèrent en lui, l’ambition et la convoitise. Les cours qu’il a suivis pour gagner son empire montrent abondamment le premier ; et la multitude des femmes avec lesquelles il a eu des relations prouve le dernier. Tant que Cadiga vécut (jusqu’à ses cinquante ans), il ne semble pas avoir eu d’autre femme ; car, comme elle était l’origine et le fondement de sa fortune et de sa grandeur, il est probable qu’il n’osa pas lui déplaire en lui imposant une autre femme. Mais elle ne fut pas tantôt morte qu’il en multiplia le nombre sans compter le fait qu’il avait plusieurs concubines. Ceux qui lui en attribuent le moins, reconnaissent qu’il s’est marié quinze fois, mais d’autres estiment qu’il en eut 21, dont cinq moururent avant lui, six dont il divorça et dix qui étaient encore vivantes à sa mort.
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LA PERSONNALITÉ DE MAHOMET PAR JEAN-PIERRE MARTIN.
AVERTISSEMENT AU LECTEUR DE LA PART DES GENS AYANT LU PLUSIEURS LIVRES.
Un des principes théologiques les plus importants dans l’islam est celui de la perfection de Mahomet (isma).
Cette isma de Mahomet excède jusqu’à la nausée le principe de l’infaillibilité pontificale des catholiques. L’isma implique que Mahomet a été préservé de tout péché ou de toute erreur, en bref qu’il fut parfait. À partir du début de son ministère public pour certains musulmans, dès sa naissance pour d’autres, comme Jésus conçu sans péché par Marie [singulière conception de la nature]. Sa perfection excède jusqu’à la nausée celle de Jésus dont les chrétiens admettent QU’IL FUT AUSSI UN HOMME, RIEN QU’UN HOMME (principe de la double nature) avec ses moments de doutes de colère ou de faiblesse. Le dogme de l’isma est une insulte à la nature humaine, un véritable blasphème contre Dieu, ayant tout de l’idolâtrie et rend immoral l’islam intégriste n’ayant rien à voir avec la raison, répudiant la raison, donc anti-mou’tazlilite.
NOTRE PRINCIPALE SOURCE D’INFORMATION EN CE DOMAINE BIEN QUE DOUTEUSE À L’INFINI, SERA DONC CELLE DE LA TRADITION MUSULMANE AUTREMENT DIT LES HADITHS.
Les hadiths ne présentent pas la vie de Mahomet dans son développement chronologique, naturel, historique, comme les sira (les biographies du prophète). Chacun d’entre eux rapporte simplement un acte singulier de la vie quotidienne de Mahomet, ou cite une parole de lui. La vie de Mahomet y est donc découpée en une myriade d’instants. Le Musnad d’Ibn Hanbal contient par exemple 29 000 hadiths, c’est-à-dire 29 000 instants de la vie quotidienne de Mahomet, qui ont valeur de paradigme pour la communauté musulmane. Chaque instant de la vie de Mahomet, même dans ses activités les plus humbles et les plus intimes (manger, aller au lit, relations sexuelles) ; a valeur d’exemple ou de norme parce que, pour l’islam, sa vie s’est passée en totale conformité avec la parole de Dieu et sa volonté. Chaque instant de la vie de Mahomet, pris un à un, est donc un vivant commentaire de la Parole divine. Il est comme la cristallisation dans le domaine du visible et du charnel de la volonté immatérielle de Dieu, et cependant transcrite dans son Livre. Tout acte de la vie quotidienne doit être subordonné à l’exemple de Mahomet, qui en est le modèle idéal, pour être agréé de Dieu.
La vie du Prophète ramène aux temps premiers. Mahomet n’a-t-il pas dit dans son discours d’adieu : oua inna z-zamana qadi stadara ka hayatihi yaouma khalaqa Llahou s-samaouatioua l-arda ; (« Le temps a terminé son cycle et il est comme le jour où Dieu a créé les cieux et la terre ») ? (Ibn Hicham, Sira, vol. IV, p. 275). Mahomet fixe le modèle archétypal des activités fondamentales de la vie, comme le héros civilisateur des religions archaïques. Le héros civilisateur se meut dans un espace primordial, mythique. C’est ce qui se passe dans la tradition islamique, mutatis mutandis. La vie de Mahomet y est sacralisée, voire mythologisée. Elle se meut dans un espace-temps flottant, non localisé, très vague. Très peu de hadiths fournissent des indications historiques ou géographiques précises. Le chapitre 4 de Boukhari comporte 111 hadiths. Seuls 14 sur ces 111 hadiths font allusion, et encore de manière très floue, à une localisation historique ou géographique.
Sur la naissance et l’enfance du futur prophète de l’islam, on ne sait pratiquement rien. Pourtant, les biographies musulmanes, ou non musulmanes d’ailleurs, relatent toutes avec force détails sa naissance, miraculeuse, et son enfance remplie de prodiges. Il s’agit en fait de reconstructions réalisées deux siècles plus tard, à l’époque des califes abbassides, au IXe siècle, pour grandir le personnage et l’auréoler de gloire. La réalité fut sans doute beaucoup moins glorieuse. Le Coran ne dit-il pas simplement, dans son chapitre 93 : « Ne t’a-t-il pas trouvé orphelin ? Ne t’a-t-il pas trouvé pauvre ? »
Une relecture critique des sources musulmanes permet néanmoins de dégager quelques-unes des causes PROBABLES qui ont, peut-être, conduit, progressivement, l’homme Mahomet, à la certitude d’avoir été choisi pour accomplir une mission divine.
Et tout d’abord le fait (vraisemblable) que sa famille ayant fait partie des gardiens du temple de La Mecque, Mahomet a donc baigné dans le surnaturel dès sa plus tendre enfance.
La personnalité de Mahomet a même peut-être été influencée par le destin de son propre père, mort prématurément, et qui tout petit faillit être victime d’un sacrifice humain. Mahomet a évoqué cette histoire en déclarant un jour : « Je suis le fils de deux immolés » en faisant ainsi allusion au mythe du sacrifice d’Abraham sur son fils (Ismaël d’après la tradition musulmane) ; et au sacrifice humain auquel échappa de justesse son propre père. D’après certains chroniqueurs en effet, le père de Mahomet aurait failli être sacrifié sur l’autel d’un des couples divins régnant sur la Kaaba d’alors, Assaf et Naïla.
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Le grand-père de Mahomet, Abd el Mouttalib, avait en effet juré de sacrifier un de ses fils s’il pouvait en avoir dix. Lorsqu’il eut ses dix fils, il tira donc au sort l’un d’entre eux pour savoir lequel constituerait l’offrande à vouer aux dieux ; et le sort tomba sur Abdallah (le père de Mahomet) ? Il reprit le tirage, et le sort désigna encore Abdallah. Abd el Mouttalib prit alors l’enfant et l’amena au pied des statues afin de l’égorger comme Abraham avait voulu le faire avec son fils en son temps.
Note de David Abbasi à ce sujet. « Le défi du sacrifice du fils d’Abraham m’a toujours paru (et me paraît encore) inexplicable ; comment un homme peut-il s’égarer à ce point ? Abraham justifie sa décision par un ordre divin en prétendant que Dieu lui-même le lui a demandé, afin de le mettre à l’épreuve. Or on ne saurait admettre que Dieu (omniscient et puissant) ignore à ce point la volonté et l’intention des hommes qu’il ait besoin de les mettre à l’épreuve. Si Dieu est omniscient et savant, il sait alors parfaitement dans quelle mesure il peut compter sur l’obéissance de ses enfants ! Pourquoi donc l’éprouver ? Dieu, qui sait tout sur tout, n’a pas besoin de faire passer un examen à sa créature » (Siyavash AVESTA).
Mais revenons à nos moutons.
Les Couraïchites s’écrièrent : « Abd el Mouttalib ! Que veux-tu faire ? »
« Lui trancher la gorge », leur répondit-il.
Mais ils s’y opposèrent.
Abd el Mouttalib eut alors recours à une voyante pour trouver une solution. Elle lui répondit de procéder à un nouveau tirage au sort, que si c’était toujours Abdallah qui était désigné, de le remplacer alors par dix chameaux, puis de recommencer ainsi en ajoutant dix chameaux à chaque fois que le sort désignerait encore Abdallah. Le tirage ne s’arrêta de désigner Abdallah que lorsqu’il y eut ainsi 100 chameaux à sacrifier. Abd el Mouttalib les immola donc à la place du père de Mahomet.
Les événements de sa petite enfance auront une importance capitale sur la destinée de Mahomet, ils marqueront par conséquent la morale sociale du Coran.
Mahomet fut très rapidement mis en nourrice par sa mère, mais dans les heures qui suivirent sa naissance ce sont sans doute des concubines de la famille qui lui ont donné le sein. Les hadiths nous apprennent en effet que ce fut une esclave de son oncle Abou Lahab, qui s’en est alors occupée.
Mahomet chez Halima et les Beni Saad.
Les familles de La Mecque avaient pour coutume de confier leurs enfants à des nourrices qui vivaient à l’extérieur de la ville, dans le désert. Celles-ci les emmenaient chez elles jusqu’à un certain âge et les allaitaient.
Plusieurs raisons expliquent cette pratique.
— Nationalisme linguistique classique (refus du métissage, etc.) Lors des pèlerinages, les gens affluaient de différentes régions, d’où le mélange de différentes langues, ce qui pouvait corrompre l’arabe. Or les Arabes attachaient beaucoup d’importance à la pureté de leur langue. Le Coran s’en fait d’ailleurs parfois l’écho et Mahomet lui-même semble avoir partagé ce racisme ou cette peur du métissage ? Linguistique ? : « Je suis celui d’entre vous qui parle le mieux l’arabe, je suis Couraïchite et fus mis en nourrice chez les Beni Saad ».
— Entraînement et aguerrissement des enfants par une vie « à la dure » en dehors de La Mecque. Une vie au grand air loin des maladies de la ville.
Le clan des Saad ibn Bakr, une branche de la tribu des Haouazine, se rendit à La Mecque. Dans cette tribu vivait une nourrice nommée Halima. Le clan arriva en retard en ville et les femmes n’eurent donc à élever que les enfants les plus pauvres des classes dirigeantes de La Mecque d’alors.
La vie chez une nourrice nomade ne pouvait être que simple, très simple : la tribu passait les saisons en divers endroits ; les enfants surveillaient les troupeaux dans les pâturages, et jouaient ensemble ; les femmes ramassaient le bois pour la cuisine, entretenaient leurs foyers, et filaient. On se contentait souvent de dattes et de lait ; on mangeait parfois des légumes, de la viande, et, lors des foires ou des visites aux « grandes villes », comme La Mecque, quelques friandises. Il pouvait y avoir des razzias et des guerres entre tribus, mais nos sources n’en mentionnent aucune concernant la tribu d’Halima. Il paraît que la santé de l’enfant était très délicate. Chaque fois qu’il venait à La Mecque, avec sa nourrice, pour revoir sa mère et son grand-père, il souffrait du changement d’air ; et c’est pour cette raison, dit-on, que son séjour chez la nourrice fut prolongé au-delà de l’ordinaire.
Une grande foire avait lieu chaque année dans la région, à Oukaz (est de La Mecque). On y rencontrait quelquefois Halima et son nourrisson ; et l’on rapporte même qu’Halima demanda un jour à un astrologue-devin de la tribu d’Houdhaïl, qui exerçait son métier à la foire, de prédire le destin de l’enfant (Ibn sad, 1/1, p 98).
Mahomet enfant était nerveux et d’un tempérament fiévreux, à tel point qu’un médecin autrichien, Aloys Sprenger (1813-1893) a cru pouvoir expliquer les révélations du prophète couraïchite par des crises d’épilepsie ou d’hystérie (Aloys Sprenger, Das Leben und die Lehre des Mohammad, I-III, Berlin, 1869, deuxième édition, I, p. 207-268).
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Bien avant Hippocrate, le « haut-mal » était déjà considéré comme une intrusion du sacré dans l’esprit d’une personne. Une sorte de possession soudaine, bénéfique aux yeux des Grecs anciens, maléfiques pour les Celtes (bacuceos). Certains spécialistes pensent que Mahomet souffrait d’épilepsie du lobe temporal droit. En phase aiguë de la pathologie, l’individu entend des voix et il est sujet à des hallucinations lumineuses. Quand cette pathologie surgit dans un cerveau éduqué depuis l’enfance à la religion comme Mahomet, ces impressions physiologiques peuvent être interprétées ou vécues comme des expériences mystiques, et donner lieu à des conversions ou à des actions retentissantes. Que l’on pense à saint Paul sur le chemin de Damas !
LA PREMIÈRE CRISE D’ÉPILEPSIE DE MAHOMET.
Alors que Mahomet avait quatre ou cinq ans, il se passa un événement qu’a rapporté Halima elle-même.
Quelques mois environ après notre retour, alors qu’il gardait les moutons avec son frère de lait, derrière les tentes ; celui-ci vint nous dire en courant : le Couraïchite vient d’être saisi par deux hommes tout habillés de blanc, qui l’ont mis à terre et lui ont ouvert la poitrine.
Nous accourûmes. Il était debout et très pâle. Je le serrai dans mes bras, et mon mari fit de même. Interrogé, l’enfant raconta que deux anges étaient venus de la part de Dieu, avaient ouvert sa poitrine, retiré son cœur, enlevé la partie appartenant à Satan ; et remis le reste après l’avoir lavé avec de l’eau céleste, dont il sentait encore la fraîcheur. Les anges s’en étaient ensuite allés au ciel.
Certains musulmans (les moutazilites par exemple) estiment que ce miracle n’est pas à prendre au premier degré, qu’il ne s’agit en fait que d’une image, d’une métaphore.
Ce qu’en déduisent les autres théologiens musulmans.
La rencontre avec les anges n’est pas symbolique, mais bien réelle et le cœur de Mahomet a bien été lavé, nettoyé, purifié, par les anges. Le nier n’est pas fondé, car Anas, un des compagnons de Mahomet, a raconté dans un hadith rapporté par Boukhari, qu’il avait vu la cicatrice qui en avait résulté. Nier cet événement est également très dangereux, car cela tend à rejeter le côté miraculeux et divin de l’action de Mahomet sur Terre et à en faire seulement un homme d’exception, alors qu’il fut réellement envoyé par Dieu. Accepter une telle lecture de la Sira pourrait, de proche en proche, conduire à une remise en cause de tous les autres miracles musulmans, y compris le plus grand d’entre tous les miracles du monde : le Coran lui-même (Muhammad Saïd Ramadan Al-Bouti « Fiqh As Sira »).
Peu après cet événement, le mari de la nourrice, Al-Harith, confia donc à sa femme qu’il valait peut-être mieux rendre Mahomet à sa mère.
— Halima, me dit mon mari, je crains que l’enfant ne soit atteint de quelque mal. Ramenons-le chez sa mère avant que son état ne s’aggrave.
Ce que nous fîmes.
— Qu’est-ce qui t’amène, aimable nourrice ? me demanda sa mère. Tu ne veux plus t’en occuper ?
— Notre enfant a maintenant l’âge voulu et mon devoir est rempli, lui dis-je. Mais il lui arrive des choses étranges, c’est pourquoi je préfère te le ramener.
— Qu’y a-t-il donc ? me demanda-t-elle. Réponds-moi sans détour.
Elle ne se contenta pas de faux-fuyants et je dus lui avouer toute la vérité.
— Crains-tu que ce soient de mauvais esprits ?
— Oui ! lui répondis-je.
— Alors tu peux me le laisser et repartir en paix.
C’est ainsi que prit fin cette période de l’existence de Mahomet ; sa vie chez les Beni Saad, sa mise en nourrice chez eux, dura deux ans. On en a peut-être un lointain écho dans le verset 233 du chapitre Nº 2 du Coran.
Faut-il placer à la même époque l’incident suivant, qui semble avoir eu quelque portée ? Baladhuri (1, § 263.) rapporte qu’un jour une violente querelle s’éleva entre Abou Talib et son frère Abou Lahab. Ce dernier jeta son frère à terre, s’assit sur sa poitrine, et le gifla. Le jeune Mahomet courut aider Abou Talib, et bouscula donc Abou Lahab. Abou Talib se releva et s’élança sur son frère Abou Lahab ; à son tour, il s’assit sur sa poitrine et couvrit son visage de soufflets. Abou Lahab s’adressa peu après à Mahomet en lui disant : « Moi aussi je suis ton oncle comme Abou Talib ; pourquoi est-ce lui que tu as aidé, mais pas moi ? »
D’autres incidents du même type vinrent plus tard élargir le fossé entre l’oncle et le neveu.
Depuis des générations, les Mecquois voyageaient à l’étranger, en territoires chrétiens et zoroastriens ; et des étrangers passaient par La Mecque. Il n’y avait ni prêtres ni moines à La Mecque, mais plusieurs chrétiens, esclaves, y demeuraient. La Française Anne-Marie Delcambre pense même que le célèbre Nestorius aurait un temps séjourné à La Mecque. Ce qui reste à démontrer. Ce qui est plus certain, c’est son bref séjour à Pétra.
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Les contacts avec les civilisations voisines, essentiellement byzantine et perse sassanide, ainsi que la présence de minorités chrétiennes et juives, faisaient que certains remettaient en question la religion arabe traditionnelle. Les Arabes ne souhaitaient pourtant pas être soumis aux deux grands de l’époque, les Byzantins et les Perses, qui incarnaient des civilisations supérieures. L’Arabe qui relèvera ce défi, nous le connaissons aujourd’hui sous le nom de Mahomet. Il était intelligent et on ne peut plus réaliste (dans le chapitre 22, versets 39 à 41, il accepte par exemple le principe de la guerre défensive).
Il est difficile de dire aujourd’hui si l’art d’écrire et de lire, répandu récemment dans la péninsule Arabique, était connu de Mahomet. Mahomet dans le Coran est souvent qualifié d’oummi. Ceux qui interprètent ce mot arabe comme signifiant analphabète se trompent gravement. Au temps du paganisme, cet adjectif désignait simplement tous ceux qui n’étaient pas des « gens du Livre », par opposition aux juifs, aux chrétiens, aux zoroastriens, et aux sabéens, etc. qui eux, eurent tous leurs livres.
On appelait donc oummiyin en fait, les tribus ou les peuplades ignorantes et primitives, dépourvues de prophètes du dieu d’Abraham, d’Isaac, et de Jacob.
Le terme était donc simplement l’équivalent arabe de la notion de goïm de Gentils ou de « gens des nations » par rapport au judaïsme. C’est pour cette raison que l’on trouve dans les versets 157 à 158 du chapitre 7 du Coran : « Ceux qui suivent le prophète oummi………… Aussi croyez en Dieu et en son envoyé le prophète oummi ».
« Être oummi » ne signifiait pas être analphabète, mais dépourvu de l’érudition (que l’on trouve dans les livres) ; et ce qualificatif n’était pas seulement attribué à Mahomet, mais aussi à toute sa tribu, ou à d’autres tribus, également sans religion ni livre. Le soin avec lequel les Arabes cultivaient la poésie et la grammaire ne permet pas de leur refuser toute culture intellectuelle, et l’on peut conclure de certains passages du Coran que Mahomet lui-même avait quelque connaissance de l’art d’écrire. Il se servait néanmoins habituellement de secrétaires qui écrivaient sous sa dictée ; son cousin Ali, Osman, Zaïd, fils de Haritha, Mouawyia, Oubaï…
Mahomet enfant semble avoir connu une certaine gêne. L’orphelin dut travailler très tôt pour alléger les charges de l’oncle qui l’avait recueilli. Plus tard, il accompagnera ses caravanes, et deviendra donc chamelier. Dans la bonne société arabe de l’époque, aucun notable ne trayait lui-même les chamelles et ne se plaçait comme intendant, c’est-à-dire en réalité serviteur, chez une « patronne » ; c’est pourtant ce que fit Mahomet en entrant au service d’une riche veuve appelée Khadidja, qui avait fait fortune dans le commerce caravanier, et n’était plus très jeune. Elle avait près de quarante ans et ne resta probablement pas insensible à ce jeune homme alors âgé de vingt-cinq à vingt-neuf ans. Qu’elle n’ait pas été totalement étrangère à un certain judaïsme ou à un certain judéo-christianisme – voire à un christianisme hérétique – est également vraisemblable. La tradition musulmane, pour sa part, préférera reporter cette connaissance des Écritures de la première épouse de Mahomet sur un soi-disant cousin de Khadidja, Ouaraqa, fils de Naoufal, dont elle fait un hanif, c’est-à-dire un monothéiste ni juif ni chrétien. Il semble bien en fait que Ouaraqa ait été tout simplement un chrétien nestorien.
Le mariage eut lieu en l’an 595. Il permit à Mahomet de devenir riche. En l’espace de dix ans, Khadidja donna naissance à une demi-douzaine d’enfants. Le premier fut un fils, Qasim, mais il mourut alors qu’il commençait à peine à marcher. Qasim naquit probablement quelques mois plus tard, en 596. D’après Ibn Hazin (p. 38), Khadidja commença par appeler son fils aîné du nom de ses ancêtres, Abd al-Ouzza (ce qui signifiait : adorateur de la déesse al-Ouzza) ; mais comme Mahomet n’aimait pas de tels noms, il le changea en Qasim (ce qui veut dire : « Celui qui distribue, qui fait la charité »).
Si de Khadidja il eut quatre filles, les fils qu’elle lui donna, par contre, moururent tous en bas âge, et cela lui valut les sarcasmes d’un milieu machiste dans lequel ne point avoir de descendance mâle était une honte (chapitre 108, verset 3 : celui qui t’insulte et non toi qui est sans postérité, sous entendue mâle).
Certains avancent que ce verset prouve donc que Mahomet n’adorait pas le vrai dieu de l’univers, mais sa contrefaçon, puisqu’il n’a jamais eu de descendance mâle. En réalité, il s’agit d’une allusion au fait que, dans la société arabe de l’époque, n’avoir que des filles était assimilé à de la stérilité. Mahomet sera donc traité d’abtar, littéralement « à la queue coupée », c’est-à-dire d’impuissant. On qualifiait ainsi l’homme sans descendance, l’esclave et l’âne châtré.
Mahomet a incorporé dans sa version de la religion du Dieu d’Abraham, d’Isaac, et de Jacob, qui en contenait déjà beaucoup (certains remontant aux Sumériens) des croyances et des rites païens, en particulier dans les cérémonies du pèlerinage à La Mecque. [CE QUI EN SOI NE CONSTITUE NULLEMENT UN CRIME. OSONS LE DIRE, LES PAÏENS FURENT DES HOMMES ET RIEN DE CE QUI EST HUMAIN NE DOIT NOUS ÊTRE ÉTRANGER. LE VÉRITABLE CRIME CONTRE L’ESPRIT ENCORE UNE FOIS, C’EST DE SOUTENIR QUE TOUT CECI VIENT DE DIEU].
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Les hadiths montrent bien que Mahomet lui-même [tout comme le Jésus des Évangiles] a partagé avec ses contemporains d’innombrables superstitions, qui remontaient au paganisme de sa jeunesse évidemment.
Exemples de quelques superstitions musulmanes ridicules.
Boukhari, tome 7, 747.
La chaussure à mettre ou à enlever en premier ?
Mahomet : « Lorsque vous vous chaussez, mettez en premier votre chaussure droite et lorsque vous vous déchaussez, enlevez en premier la chaussure gauche ».
Boukhari, tome 2, 158. Les éclipses.
Mahomet : « Le soleil et la lune sont deux signes de Dieu. Dieu s’en sert pour effrayer ses adorateurs ».
Bien d’autres gestes, le chant du muezzin, l’élévation des mains, ont une origine animiste, ils étaient souvent accomplis afin d’écarter les esprits du mal. L’islam a conservé de nombreuses coutumes des Arabes païens et notamment celles-ci : la polygamie, l’esclavage, la répudiation (la répudiation et non le divorce), la circoncision.
LES AUTRES SOURCES DU CORAN.
Ses voyages en Syrie où il rencontra des chrétiens et sans doute même des moines, ses contacts avec les juifs et les chrétiens de La Mecque, et surtout de Yathrib/Médine ou d’ailleurs en Arabie ; ont été pour Mahomet autant d’occasions de s’imprégner d’informations diverses émanant de ces milieux. Les récits sur ces contacts baignent, certes, dans une atmosphère très apologétique, puisqu’ils mettent en scène souvent des personnages reconnaissant d’emblée en lui la marque de la prophétie (ce qui est plus que suspect) ; mais il y a trop de matériaux dans le Coran et dans la tradition musulmane postérieure à ce sujet pour que l’on puisse rejeter tout cela en bloc, et nier l’existence de telles sources du Coran.
Dans le Coran les allusions ou les reprises de thèmes judéo-chrétiens (Adam et Ève, Noé, etc.) sont innombrables, et les rites empruntés au paganisme le sont tout autant. Évidemment, du point de vue des musulmans pieux, le Coran passant chez eux pour avoir été révélé directement par Dieu, ou par l’archange Gabriel à Mahomet, il ne saurait être question de parler d’influence et de sources. Il en va tout autrement aux yeux des hommes ou des femmes qui, comme nous, ne recherchent que la vérité.
Maxime de Tyr au second siècle de notre ère : « Les Arabes rendent hommage à je ne sais quel dieu, qu’ils représentent par une pierre quadrangulaire [la Kaaba] ».
Les Arabes païens avaient plusieurs divinités. Ces divinités étaient matérialisées par des pierres, dont la plus importante de toutes était appelée la Pierre noire. La Pierre noire (une météorite) était placée dans une construction de forme cubique (la Kaaba), près d’un puits sacré (le puits de Zemzem), le tout inséré dans une enceinte sacrée (haram). Le culte consistait surtout en une circumambulation tout autour. Ces rites seront conservés par Mahomet (dont le grand-père gardait ce sanctuaire et qui avait été impressionné par ses cérémonies).
En lançant ses premières expéditions contre les empires romain-byzantin ou perse, Mahomet pensait-il à soumettre ou convertir leurs populations ? Ou simplement soumettre et convertir les Arabes lakhmides et ghassanides qui gardaient les frontières de ces deux empires ? Avait-il une vision universelle ou arabe de la religion qu’il venait de fonder ?
Pèlerinage à La Mecque et choix de l’arabe comme langue élue, ainsi que divers autres indices, tendent à montrer que Mahomet n’eut pas vraiment, au début du moins, une vision universelle.
Alors qu’à l’origine, il ne se voyait probablement pas comme un prophète universel, mais se concevait uniquement comme révélant sa religion en arabe à des Arabes ; l’effet des conquêtes et la richesse du butin amassé le conduisirent, lui et ses conseillers, à destiner aussi son message à des non-Arabes, et à vouloir les soumettre au joug de l’islam.
Le dessein secret de toute la vie « religieuse » de Mahomet resta néanmoins de revenir en seigneur et maître, en vainqueur, dans les sanctuaires païens qui l’avaient impressionné tout au long de sa jeunesse ; en particulier le petit temple mecquois de la Kaaba, ainsi que les autres « lieux saints » de La Mecque d’alors (Safa et Maroua). Malgré les dénégations de la tradition musulmane postérieure, aveuglée par la croyance en la perfection du Prophète (isma), qui fut établie peu à peu, Mahomet devait certainement au début partager les croyances communes à son milieu.
Ce fut peut-être un prophète caractérisé par une totale isma (perfection) comme le veut l’idolâtrie s’étant attachée à sa personne (et qui ne fait pas honneur à l’islam d’ailleurs) ; mais ce fut aussi un homme, et en tant qu’homme, il n’était pas au-dessus des faiblesses humaines.
Critiques adressées à Mahomet par ses voix, c’est-à-dire par lui-même, ou ses contemporains, ou les deux à la fois (avec le Coran, on ne sait jamais très bien).
Chapitre Nº 3, verset 60 : Ne sois pas, toi-même, de ceux qui doutent.
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Chapitre Nº 6, verset 52. Ne repousse pas ceux qui prient matin et soir le Seigneur, et qui recherchent sa face.
Chapitre Nº 10, verset 94 : Si tu doutes de nos révélations (et n’arrives pas à les saisir), vas demander à ceux qui savent lire et qui ont lu le Livre avant toi.
Chapitre Nº 15, verset 97 : Nous savons bien que tu es inquiet de leurs propos.
Chapitre Nº 20, verset 114 : Ne te hâte pas de réciter avant que la révélation ne soit finie et dis-toi plutôt constamment Seigneur, accrois ma connaissance !
Chapitre Nº 33, verset 1 : ô Prophète ! Crains Dieu et n’obéis ni aux renégats ni aux hypocrites (quels renégats, quels hypocrites ?).
Chapitre N° 80, verset 1 : il s’est renfrogné puis s’est détourné parce que l’aveugle est venu à lui ; quant à celui qui est riche, tu l’abordes avec empressement et peu importe s’il ne se purifie pas.
On retrouve l’expression « Non je ne jurerai pas », dans plusieurs chapitres du Coran. Le chapitre 75 par exemple. Il est usuel de l’interpréter ainsi : « Ce que je dis est tellement certain que je peux m’abstenir de l’affirmer par serment ».
Ceci étant dit, Mahomet jure aussi justement souvent, sur la lune et les étoiles. Cela n’a rien d’étonnant, si l’on se rappelle que son clan avait la garde du temple qui renfermait la pierre noire, idole des païens d’Arabie.
Ibn al-Kalbi (Kitab al-Asnam, entrée Al Ouzza, p. 17) rapporte que Mahomet aurait lui-même un jour sacrifié un mouton blanc devant une idole représentant Al Ouzza ; l’animal lui avait sans doute été fourni par ses tantes.
« J’ai offert un mouton blanc à Al Ouzza quand je pratiquais encore la religion de mon peuple ».
Boukhari tome 5, livre 58, hadith numéro 169, cité aussi par Souhaïli, 1, 146-147, ajoute qu’un jour Mahomet rencontra Zaïd ibn Amr près de Baldah ; et que l’un des deux – le narrateur n’est pas sûr duquel – proposa à manger à l’autre de la viande d’un animal offert en sacrifice ; mais qu’il lui fut répondu : je ne mange rien de ce qui a été offert en sacrifice aux idoles.
Boukhari est plus clair ailleurs (tome 7, livre 67, hadith numéro 407 et il précise que c’est Mahomet qui avait offert de cette viande, à Zaïd Ibn Amr ; et que c’est donc Zaïd qui a refusé de manger de la viande des animaux sacrifiés sur ces autels de pierre (ansabs).
Dans son commentaire du même hadith, Qastallani (lrchad, 8, 277) cite Abou Yala, al-Bazzar et d’autres, pour en conclure que ce fut l’affranchi de Mahomet, Zaïd ibn Haritha, qui avait égorgé le mouton sur cet autel dédié aux idoles ; et que c’est Zaïd Ibn Amr, qui passait par là, qui avait refusé d’en manger en répondant : je ne mange pas de ce sur quoi l’on n’a pas prononcé le nom de Dieu.
Pour plus de détails voir notre cahier précédent pages 128-129 et la monographie d’Alfred Guillaume publiée en 1960 dans le bulletin des études sémitiques (Presses universitaires de Manchester) portant sur la version Younous ibn Boukair de la vie de Mahomet selon Ibn Ichaq.
Jusqu’à quarante ans à peu près, Mahomet crut donc à la religion de ses ancêtres, et fut même sans doute un adepte du culte des djinns. Un des versets cités dans le Coran mérite d’être mentionné à ce sujet, car il fait penser plus à un culte païen astral qu’au dieu des philosophes (monothéisme philosophique et réfléchi).
Chapitre 53, verset 49 : « Il est le seigneur de Sirius, c’est lui qui a jadis anéanti les anciens peuples des Ad et des Thamoud », etc., etc. Voir aussi chapitre 7, Verset 184. Chapitre 34, verset 41.
Mahomet fut d’ailleurs aussi certainement influencé par la manière de faire des anciens devins arabes (kahin), que l’on disait inspirés par les djinns, et leur obscure expression en prose rythmée, mais aussi rimée (sadj), avec leurs mystérieux serments fondés sur les phénomènes naturels – sur les étoiles par exemple — ; dont certaines formes se retrouvent d’ailleurs dans le Coran (chapitres 53,1 ; 100, 1-5).
Mahomet a sans doute fini par s’autosuggestionner (ou par se convaincre) inconsciemment que ses idées étaient d’inspiration surnaturelle ; et comme il était apparemment épileptique, il en résulta des transes au cours desquelles, un peu comme Jeanne d’Arc après la mort de sa sœur, ou Abraham, il crut entendre des voix. Au Moyen-âge, en Orient aussi bien qu’en Occident, les épileptiques étaient considérés comme possédés par un esprit.
Ces vers parmi les plus anciens du Coran ressemblent d’ailleurs aussi à ceux des poètes païens (appelés sahir) qui passaient pour être également possédés par des esprits. De là le fait que Mahomet dut se défendre constamment par la suite, dans le Coran, d’être un poète ou un kâhin. De telles accusations étaient en effet très plausibles.
La tradition musulmane considère que certains versets coraniques (chapitre 44, versets 1-4 ; chapitre 97, versets 1 à 5 ; chapitre 2, verset 185) indiquent que Mahomet aurait soudain ressenti en lui « un appel prophétique ». Vers l’âge de quarante ans donc, en 609 d’après la chronologie officielle, Mahomet aurait eu quelque chose comme une vision ou une hallucination, et aurait entendu la voix d’un esprit lui ordonnant de prêcher. Mais les détails qui sont donnés par l’histoire musulmane sur les
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circonstances de cette Révélation, et sur la manière dont les révélations qui ont suivi se sont effectuées, relèvent du légendaire, et non de l’historique.
Dieu n’existant pas, du moins certainement pas à la façon du Dieu d’Abraham, d’Isaac, et de Jacob, une quelconque révélation de sa splendeur est par définition impossible ; mais ce qui est possible, par contre, ce sont des impressions physiologiques dues à son épilepsie. En phase aiguë de la pathologie, le malade en effet entend des voix ou est sujet à des hallucinations lumineuses. Mais la question qui se pose est : qui parle quand Mahomet entend cette voix résonner en lui ? (Même dilemme avec Abraham ou Jeanne d’Arc). Dans les chapitres du Coran les plus anciens, rien n’indique qui parle, ni l’origine de ces révélations.
Les premières « vraies » visions de Mahomet eurent donc lieu chez lui, sinon certains détails de la tradition ne s’expliqueraient pas et notamment celui où son épouse Khadidja lui passe une couverture (sourate 74).
Ce détail est incompatible avec un séjour dans la grotte de Hira qui était située à 5 km de La Mecque quand même.
Il s’agit de ce qu’Aïcha appelle les rêves véridiques ou ru’ya sadiqa.
Boukhari tome 1 livre 1 hadith numéro 3.
Aïcha (la mère des fidèles croyants) a rapporté ceci : le commencement de l’inspiration divine pour l’Apôtre de Dieu eut la forme de rêves qui devenaient lumineux et véridiques comme la lumière du jour, ensuite l’amour de la solitude lui fut conféré.
Boukhari tome 4, livre 54, hadith numéro 429.
Malik bin Sasaa a rapporté ce qui suit : Le Prophète a dit : « J’étais à la maison à mi-chemin entre le sommeil et l’éveil (un ange me reconnut) comme l’homme allongé entre deux hommes. Une vasque d’or pleine de sagesse et de foi me fut apportée et mon corps fut ouvert de la gorge jusqu’à la partie basse de l’abdomen et mon ventre fut lavé avec l’eau de Zem-Zem et (mon cœur) rempli de sagesse et de foi. Al-Bouraq, un animal blanc, plus petit qu’une mule et plus grand qu’un âne me fut apporté et je partis avec Gabriel… » (voir sourate 17).
Bouhkari tome 1 livre 8, hadith numéro 45.
Rapporté par Abou Horaïra : Le Prophète a dit : « La nuit dernière un ifrite de la race des djinns est venu et a essayé d’interrompre mes prières, mais Dieu n’a permis de le vaincre au combat. Je voulais l’attacher à un des piliers de la mosquée pour que chacun d’entre vous puisse le voir le lendemain matin, mais je me suis rappelé la phrase de mon frère Salomon (comme il est dit dans le Coran) : « Mon Seigneur ! Pardonne-moi et accorde-moi un royaume tel qu’il n’appartienne à personne d’autre après moi (38,35) ». Le sous-narrateur Rauh a ajouté : « ce démon fut renvoyé humilié ».
Boukhari tome 1 livre 1 hadith numéro 2.
Aïcha (la mère des fidèles croyants fidèles) a rapporté ce qui suit :
Al-Harith bin Hicham a demandé à l’Apôtre de Dieu « O Apôtre de Dieu ! Comment la Divine Inspiration t’est-elle révélée ? » L’Apôtre de Dieu répondit, « Parfois cela me vient comme la sonnerie d’une cloche, cette forme d’inspiration est la plus dure de toutes et ensuite ça passe une fois que j’ai compris ce que signifie cette inspiration. Parfois l’Ange apparaît sous la forme d’un homme et me parle et je le comprends quoi qu’il me dise » « Aïcha ajouta : j’ai vu le Prophète inspiré de la sorte par Dieu un jour où il faisait très froid et j’ai remarqué que de la sueur qui coulait de son front ».
NDLR. Après une éclipse de quelques années, ce mode de révélation (le rêve) redeviendra de nouveau prépondérant. Dans les dernières années de sa vie, les révélations seront supposées se faire le plus simplement du monde : pendant son sommeil.
Une autre série de traditions donne comme cadre aux visions de Mahomet une grotte du djebel El Nour, Hira, située à 5 km de La Mecque.
En compagnie de membres de sa famille (sa femme Khadidja par exemple), et suivant à cet égard une coutume bien établie chez ses compatriotes (tahannout en arabe) ; il se retirait aussi en ce lieu comme certains ermites chrétiens, sur les hauteurs surplombant la ville.
Les musulmans s’ils font volontiers état de ces visions ayant pour cadre cette caverne appelée Hira, n’insistent guère par contre sur le caractère éminemment païen (ou chrétien ?) de ces retraites du type Tahannout.
Boukhari tome 1 livre 1 hadith numéro 3.
Il prit l’habitude de s’isoler dans la grotte de Hira pour prier de façon continue plusieurs jours de suite tant que ne lui était pas revenu le désir de revoir sa famille. Il prenait avec lui de la nourriture pour son séjour puis revenait chez Khadidja se réapprovisionner. La Vérité descendit soudain sur lui alors qu’il était dans cette caverne d’Hira. L’ange lui apparut et lui demanda de lire. Le Prophète répondit : « Je ne sais pas lire ». Le Prophète ajouta ensuite : « Alors l’ange me saisit à bras le corps et me serra si fort que je crus en mourir. Puis il me relâcha et me demanda de nouveau de lire et je répondis encore : « Je ne sais pas lire ». Il m’attrapa de nouveau et me serra de nouveau si fort que je n’en
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pouvais plus. Puis il me relâcha et me demanda à nouveau de lire et je répondis encore une fois : « Je ne sais pas comment lire (ou que dois-je lire) ? » Alors il m’attrapa pour la troisième fois et me serra encore plus fort puis me relâcha en disant : « Lis au nom de ton Seigneur, qui a créé (tout ce qui existe) et a créé l’homme à partir d’un caillot de sang. Lis ! Ton Seigneur est le Plus Généreux. » (Coran, Sourate 96, versets 1,2,3).
Note de la rédaction. On remarquera que la troisième fois Mahomet ne prétend plus ne pas savoir lire, mais demande seulement QUOI LIRE.
Ensuite l’Apôtre de Dieu rentra ainsi inspiré par Dieu et le cœur battant très fort. Ses muscles entre le cou et les épaules tremblèrent [détail omis par certaines versions] jusqu’à ce qu’il retrouve Khadidja bint Khouwaïlid et lui dise : « Couvre-moi ! Couvre-moi ! » Ils le recouvrirent alors (d’une couverture) jusqu’à ce que sa peur soit passée et alors il lui raconta ce qui s’était passé en ajoutant : « Tout ça me fait très peur ! »
(Khadidja conduisit Mahomet chez son cousin Ouaraqa bin Naoufal bin Assad bin Abdoul Ouzza qui…… reconnut alors l’ange Gabriel.)
Et ensuite Dieu révéla les Saints Versets suivants : (Coran 74.1-5) « Ô toi ! Qui est emmitouflé dans un manteau ! Lève-toi et avertis…, et fuis les idoles. »
Après cela les révélations commencèrent d’arriver avec force, fréquemment et régulièrement.
Selon Tabari, après la célèbre nuit du décret survenue en 609 (la nuit où d’après d’autres traditions l’Esprit de Dieu serait apparu à Mahomet pour la première fois) ; ce dernier redescendit en ville retrouver Khadidja son épouse et lui confia : j’ai peur d’être en train de devenir un possédé (madjnoun).
Pourquoi ? lui demanda-t-elle.
Parce que j’ai tous les symptômes des madjanin (des possédés), j’entends des voix, qui sortent de chaque pierre de chaque colline ; et, la nuit, je vois en songe un être de lumière immense qui se présente à moi, une créature dont la tête touche le sommet du ciel et les pieds, la terre ; je ne sais pas ce que c’est, mais ça vient sur moi chaque fois.
Au dire de Mahomet lui-même, cet esprit lui apparaissait sous des formes différentes selon les occasions : quelquefois comme un homme, quelquefois comme un être céleste avec des ailes, et quelquefois encore sous d’autres formes plus ou moins étranges.
Essai d’analyse rationnelle de la part d’un Féniane ayant lu plusieurs livres et non un seul.
Mahomet apparemment sait ce que c’est qu’un madjnoun ou « endjinné ». Il a sans doute aussi déjà eu l’occasion d’en voir ? et il en connaît les caractéristiques. Voilà pourquoi il croit voir un djinn comparable à ceux des Mille et une nuits. Ceci évidemment était impensable pour son épouse, la respectable Khadidja, et elle fera tout pour faire évoluer cette situation dans un autre sens ; en répétant partout, aux voisins, aux proches, et bien sûr à Mahomet lui-même, qu’il ne pouvait s’agir que de l’archange Gabriel envoyé par le Dieu d’Abraham, d’Isaac, et de Jacob.
D’où ce chapitre du Coran, dû probablement à son influence, le chapitre 68 : « Noun ! Par la plume et par ce qu’ils écrivent, grâce à Dieu, tu n’es pas un possédé ! »
Bref, en résumé : Mahomet se croit madjnoun, endjinné ou possédé, et tout le monde ou presque à part Khadidja, pense la même chose à La Mecque (chapitre 68, verset 51 : « Il est sûrement possédé ! »)
L’émergence de Mahomet en tant que réformateur religieux s’est donc faite peu à peu sous l’effet de diverses influences, externes (ses contacts et ses relations) ou internes (son épilepsie), mais aussi de périodes de retraite et de réflexion. Le Coran nous a laissé un tableau assez saisissant du rejet de Mahomet par sa propre société, lorsqu’il entreprit de prêcher ce qu’il entendait, ou croyait avoir entendu (comme Jeanne d’Arc) : la risée générale accueille ses propos. Comme pour Jésus en Palestine (du moins si l’on en croit les 4 évangiles) on répondit à ses visions par des rires et des sarcasmes.
Les gens de La Mecque pensent qu’il puise ses informations auprès d’un étranger (chapitre 16, verset 103). Pour eux, il parle comme un devin, un sorcier, un poète, et son message ressemble trop aux « histoires » des juifs et des chrétiens pour être authentique. L’annonce de la résurrection des corps après la mort, lui vaut d’être considéré comme un madjnoun, un homme dont l’esprit est possédé par un djinn. Chapitre 37, verset 16 : « Lorsque nous serons morts et que nous ne serons que poussière, serons-nous ressuscités, nous et nos ancêtres également ? » Même Abou Talib son oncle [celui qui l’a recueilli après la mort de ses parents] refusera jusqu’au bout d’adhérer à ce message.
La diffusion du Coran a, en effet, paradoxalement, pour commencer, un résultat contraire à celui qui était attendu (17, 41) : « Nous avons exposé tout ceci dans ce Coran pour que les hommes réfléchissent, mais cela ne fait qu’augmenter leur aversion ». Voir aussi le chapitre 16, verset 24. « Quand on leur demande, qu’est-ce que Dieu a envoyé ? Ils répondent : des fables du temps jadis ».
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[N.D.L.R. Allusion à la Bible vraisemblablement]. Chapitre 37 versets 14 et 15 : « Quand ils voient un miracle, ils en rient et disent : ce n’est que de la magie ».
Il ne faut pas oublier que Mahomet fut avant tout un pragmatique (menteur ou faussaire dit le texte, chapitre 16, verset 101 : « Quand nous modifions par un verset la teneur d’un autre, ils disent que tu es un menteur ; mais ce sont des ignorants et ils ne savent pas ! Dieu seul connaît la vérité »).
La prière se faisait d’abord en direction de Jérusalem. Mais frustré par le manque de coopération des juifs et réalisant qu’il ne serait jamais accepté par eux comme messie ; Mahomet eut alors fort à propos une vision lui ordonnant de changer la qibla (l’orientation) de la prière (chapitre 2, 142 et suivants) et de se tourner désormais vers la Kaaba de La Mecque pour la faire. D’autres traces de ce « pragmatisme » de Mahomet figurent ailleurs dans le Coran. Mahomet ira même jusqu’à prétendre que la synthèse humaniste et tolérante qu’il avait tenté de faire prévaloir au tout début de son engagement ; (Dieu, mais aussi les trois déesses Al Ouzza, Lat, et Manat, assimilées à des anges de sexe féminin) avait été inspirée par Satan. Il fait dire à Dieu ou plus exactement à l’Esprit qui lui apparaît : « Nous n’avons jamais envoyé avant toi de prophète ou d’apôtre sans que le démon n’intervienne dans leurs désirs, mais Dieu abroge ce que suggère Satan » (le chapitre du Hadj – du pèlerinage à La Mecque – le chapitre 22, verset 52).
Mahomet sourit et le calife exécute, disent les Allemands. Au début, à La Mecque, Mahomet prêcha une religion relativement pacifique, axant son message sur la foi et sur la rédemption. Cette phase de modération correspondait-elle vraiment à ce qu’il pensait ? On peut se le demander, car dès son arrivée à Yathrib/Médine, Mahomet fit assassiner par ses partisans un certain nombre d’opposants politiques bien connus, le tout dans des conditions d’une cruauté parfois insoutenable.
Des hadiths de Boukhari nous rapportent comment Mahomet répondait à qui lui posait des questions gênantes.
« J’ai entendu le Prophète dire un jour : Dieu déteste trois choses chez vous.
1. Les vaines discussions (discussion inutile).
2. Le gaspillage (par prodigalité).
3. Et poser trop de questions (sur des sujets religieux délicats) ». (Tome 2, livre 24, Nº 555).
« Sur ce le Prophète se mit en colère, ses joues et sa figure devinrent toutes rouges » (tome 1 livre 3, N° 91).
« Le Prophète fut un jour interrogé à propos de choses qu’il n’aimait guère, et comme l’homme insistait, le Prophète se mit en colère » (tome 1 livre 3 Nº 92).
Les premiers musulmans ayant suivi Mahomet à Yathrib/Médine (les mouhadjiroun) hésitaient à faire la guerre à leurs familles restées dans le camp mecquois, ce qui irritait profondément Mahomet. Il reçut fort opportunément les révélations suivantes à ce sujet : « Le combat vous est prescrit, et vous l’avez en aversion, mais il est possible d’avoir de l’aversion pour une chose et qu’elle soit pourtant un bien » (chapitre 2, 216).
« Si vous ne vous lancez pas au combat, Dieu vous infligera un douloureux châtiment, il vous remplacera par une autre communauté » (chapitre 9, verset 39).
Ces versets du Coran ont servi de base à l’établissement de la théorie de l’obligation de faire la « guerre » (sainte), Djihad.
Notre religion à nous n’étant qu’une religion de la vérité, et comme nous ne sommes pas des gens d’un seul livre, nous nous permettons de conseiller à nos fidèles lecteurs de se pencher un peu sur celui-ci, chapitre 33, verset 36 : « Lorsque Dieu et son prophète ont pris une décision, il ne convient ni à un croyant ni à une croyante de maintenir son choix sur cette affaire. Celui qui désobéit à Dieu et à son prophète s’égare totalement et manifestement ». (Allez hop circulez il n’y a rien à voir !)
Une des caractéristiques de Mahomet demeure qu’en de nombreuses circonstances, il n’a jamais ordonné clairement ce qu’il fallait faire, mais a demandé, ou a suggéré seulement, à ses fidèles, de le faire.
Avec après, suivant les cas, justification a posteriori par une révélation divine, ou non.
On rapporta par exemple un jour au prophète des propos insultants à son égard, tenus par le prince de Yathrib/Médine, Ibn Oubbaye, qui n’avait qu’accepté que du bout des lèvres de s’allier à Mahomet. Omar lui suggéra : « Demande à notre fidèle Abbad Ibn Bichr de le tuer ! » Mais Mahomet s’exclama : « Comment ça Omar ? Les gens diront alors que Mahomet tue ses hôtes ! »
Ibn Oubbaye nia de toute façon avoir tenu les propos insultants en question, serment à l’appui. Les Médinois le soutinrent et Mahomet passa l’éponge.
Mais plus tard Ibn Oubbaye se comporta de telle façon que cette fois-là même les Médinois le désapprouvèrent. Mahomet dit alors à Omar : « si je l’avais fait tuer, le jour où tu me l’as conseillé, les notables médinois en auraient tremblé de rage. Et maintenant si je le leur demandais de le faire eux-mêmes, ils l’exécuteraient sans hésiter ».
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Autre exemple, la bataille de Nakhla en 623. Cette expédition ne fut en effet jamais formellement demandée par Mahomet, qui l’a même condamnée dans un premier temps, vu le scandale qu’elle suscita.
Il violait en effet toutes les règles en vigueur à l’époque, bien que s’expliquant très bien, vu les conditions socio-économiques des exilés mecquois installés à Yathrib/Médine ; mais il fut par la suite légitimé par une vision divine qu’eut fort opportunément Mahomet, peu de temps après (chapitre 2, verset 217).
En 627, lors de la bataille dite du fossé, Mahomet affrontera les Mecquois : grâce à un fossé creusé autour de Yathrib/Médine, ses hommes vaincront sans avoir vraiment combattu ; et ce sera au tour de la troisième et dernière tribu juive de la ville, celle des Banou Qouraïza, d’être accusée de trahison. L’accusation étant purement militaire et politique, les règles tribales traditionnelles seront pour la dernière fois respectées : ce sera le responsable en titre de cette tribu juive, un prince arabe converti à l’islam et mourant, nommé Sa’d bin Mou’adh, qui sera chargé de décider de leur culpabilité. Les hommes seront décapités puis jetés dans des fosses communes creusées par les musulmans ; les femmes et les enfants seront vendus comme esclaves. Et après le carnage Mahomet prendra comme esclave sexuelle une des rescapées, appelée Rayhana.
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APERÇU SUR LA LANGUE ARABE POUR COMMENCER.
Le protosémitique est la langue afro-asiatique dont sont issues les diverses langues sémitiques tels l’hébreu ou l’arabe.
Les langues sémitiques se caractérisent, entre autres, par la prédominance de racines trilitères et par l’usage de consonnes laryngales, gutturales et emphatiques.
Le protosémitique était probablement parlé dans la péninsule Arabique. L’idée de placer là le foyer originaire des Sémites est basée sur le fait que les tribus cananéennes, araméennes et arabes sont considérées comme originaires de la péninsule arabique. Les Akkadiens en sont probablement également originaires. Les Akkadiens sont les Sémites ayant laissé les traces écrites connues les plus anciennes, datées au carbone 14 du XXIIIe siècle avant notre ère. Les plus vieilles inscriptions en (pré-) protocananéen sont datées au carbone 14 de 1800 avant notre ère. Le protosémitique était probablement parlé au quatrième millénaire avant notre ère. Il s’agit donc approximativement d’un contemporain de l’indo-européen commun.
Les langues sémitiques sont un groupe de langues parlées dès l’Antiquité au Moyen-Orient, au Proche-Orient et en Afrique du Nord. Ces langues sont qualifiées de « sémitiques » depuis 1781, d’après le nom biblique de Sem, fils de Noé. Elles forment une des branches de la famille des langues chamito-sémitiques (dites aussi afro-asiatiques), répandues de la moitié nord de l’Afrique jusqu’au Moyen-Orient. L’origine et la direction de l’expansion géographique de ces langues restent incertaines, de l’Asie vers l’Afrique ou de l’Afrique vers l’Asie.
Des langues sémitiques archaïques telles l’akkadien et l’ougaritique sont attestées depuis plus de quatre millénaires. Les plus anciens documents akkadiens, en écriture cunéiforme, datent de la seconde moitié du troisième millénaire avant notre ère et l’archéologie découvre d’autres documents akkadiens ultérieurs jusqu’au début de notre ère.
Les langues sémitiques contemporaines les plus parlées sont l’arabe (plus de 450 millions de locuteurs), l’amharique (27 millions), l’hébreu (8 millions), le tigrina (6,75 millions). Elles constituent aujourd’hui, avec le maltais (400 000 locuteurs), les seules langues sémitiques officielles bien que d’autres langues utilisées en Éthiopie, en Érythrée, à Djibouti et en Somalie, ainsi que les divers parlers néo-araméens du Moyen-Orient, se rattachent à cette famille.
L’expression du temps a – dans toute langue – deux pôles : l’action et la manière dont l’action est accomplie. Le temps et l’aspect. De fait, dans chaque langue, l’expression verbale est un mélange de ces deux pôles. Telle langue insistera davantage sur le temps de l’action, tandis que telle autre langue exprimera plus fortement la manière dont l’action est perçue.
Chaque langue a ses propres moyens pour exprimer le temps. Les comparer serait une tâche immense qu’il ne saurait être question d’aborder ici. Bornons-nous à l’expression de la temporalité propre à la grammaire de l’hébreu ancien – la langue de la bible hébraïque – mais les autres langues de la même famille linguistique (les langues sémitiques) ont une manière semblable ou analogue d’exprimer la temporalité. Là où les langues indo-européennes comme le latin le grec le celte l’anglais le français l’allemand, etc.) distinguent présent, passé et futur, les langues sémitiques anciennes ont une opposition de type : accompli et inaccompli ou « parfait » et « imparfait », c’est-à-dire : fini (ponctuel) et « en train de se faire » (duratif).
Ainsi, le temps d’une action était moins exprimé que la manière dont l’action était accomplie.
De là, évidemment, de nombreuses difficultés de traduction. C’est qu’une langue n’est pas simplement un lexique et une grammaire : c’est une manière de sentir et de penser, une manière particulière d’appréhender la réalité. Naturellement, le vocabulaire transcrit un découpage particulier. Chaque langue opère son propre découpage. Mais, plus encore, l’expression du temps marque – dans chaque famille de langues – une approche originale et spécifique.
Contrairement aux langues indo-européennes, l’arabe n’a pas de système grammatical bien défini en ce qui concerne le temps des verbes. Certains auteurs, comme Haywood & Nahmad (1962), ont par conséquent caractérisé l’arabe et les autres langues sémitiques comme étant des langues « déficientes » à cet égard (page 440). On doit cependant préciser que l’arabe n’est déficient que dans son expression morphologique du temps, et non dans sa capacité à exprimer et communiquer des informations relatives au temps.
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Comme l’explique Koffi (2015), « toutes les langues humaines sont conscientes du temps, mais toutes les langues ne l’expriment pas de façon grammaticale. L’hébreu classique et de nombreuses langues africaines n’ont pas de temps morphologiquement exprimé » (page 170).
L’arabe partage cette caractéristique avec sa langue sémitique sœur, l’hébreu.
L’appréciation un peu cavalière de Haywood et Nahmad sur la capacité de la langue arabe à communiquer des informations temporelles peut également s’expliquer à la lumière d’une autre considération, à savoir que les questions de temps, d’aspect et de construction ont bénéficié d’une attention relativement limitée dans la grammaire arabe classique.
En dépit de sa tradition grammaticale vaste et sophistiquée en place depuis plus d’un millénaire (Ryding 2005, XVII), la catégorisation détaillée des temps et de leur construction brille par son absence dans les œuvres majeures de la Grammaire arabe.
La citation de Ziadeh & Winder (1957) ci-dessous traduit bien la façon la plus courante de comprendre le verbe arabe par rapport au temps et à l’aspect.
« On notera que les verbes arabes n’ont que deux temps, parfaits et imparfaits. En réalité, ce ne sont même pas des temps, car la distinction entre eux n’est pas fondamentalement celle du temps. Ils indiquent seulement si l’action est achevée ou non. Le parfait traduit l’action accomplie, et l’imparfait l’action toujours en cours [sic], indépendamment du temps. Le parfait arabe équivaut généralement au passé indo-européen et l’imparfait au présent ou futur indo-européen, mais les équivalents exacts ne sont donnés que par le contexte ».
L’ÉCRITURE ARABE.
Un abjad, ou alphabet consonantique est un alphabet ne notant que des consonnes (ou notant principalement les consonnes), comme en arabe ou en hébreu.
Les voyelles des mots ne sont rendues qu’à la lecture ou bien par des signes auxiliaires d’emploi rare, principalement des diacritiques. On parle donc pour de tels systèmes d’écriture d’une scriptio defectiva, « écriture défective » : la graphie est en effet la plupart du temps incomplète et nécessite du lecteur qu’il connaisse déjà un mot donné pour le lire correctement.
La majorité des écritures notant des langues sémitiques sont des abjads, pour des raisons liées à la structure morphophonologique de ces langues, dans lesquelles il est possible, en connaissant les règles de grammaire idoines, de déduire la place et le timbre des voyelles. Les voyelles longues des abjads sont cependant souvent notées au moyen de matres lectionis (consonnes jouant un rôle vocalique), ce qui fait qu’il n’existe que peu d’abjads « purs ».
N.B. Dans les abjads, il est fréquent que les lettres changent plus ou moins de forme selon leur place dans le mot.
Un signe diacritique est un signe accompagnant une lettre ou un graphème. Par rapport au graphème, le signe diacritique peut être placé au-dessus, au-dessous, dans ou à travers, après, devant ou tout autour.
Son but est de modifier la valeur phonétique de la lettre (ou du graphème) ; éviter une ambiguïté entre des homographes ; permettre une lecture plus précise.
En écriture arabe, où les voyelles ne sont pas écrites, les diacritiques servent à affiner la lecture.
Les points diacritiques sont par exemple des signes graphiques permettant de distinguer entre elles nombre de consonnes de la langue arabe. L’absence de ces points est une cause énorme d’ambiguïtés, un « t » par exemple pouvant être lu aussi bien comme un « b », un « y », un « th /t » ou encore un « n ».
Par comparaison, c’est beaucoup plus rarement le cas en araméen.
L’alphabet arabe, par certains aspects, se rapproche parfois plus de l’alphabet que de l’abjad. Et l’histoire montre que cet abjad ne s’est pas toujours écrit comme on le lit actuellement.
On considère généralement que l’alphabet arabe est un dérivé de l’alphabet araméen dans sa variante nabatéenne ou bien syriaque, lui-même descendant de l’alphabet phénicien (alphabet qui, entre autres, donne naissance à l’alphabet hébreu, à l’alphabet grec et, partant, au cyrillique, aux lettres latines, etc.).
Il semble que l’emprunt de l’alphabet nabatéen par les Arabes se soit déroulé comme suit :
VIe-Ve siècles avant notre ère, installation de tribus nord-sémitiques et fondation d’un royaume centré autour de Pétra, en Jordanie actuelle ; le peuple en question, nommé maintenant Nabatéens parle vraisemblablement une forme d’arabe.
Au IIe siècle de notre ère, premières attestations du nabatéen. La langue écrite se présente comme un araméen (langue de communication et de commerce) teinté d’arabismes. Les Nabatéens n’écrivent donc pas leur propre langue. La graphie est celle de l’alphabet araméen qui continue d’évoluer.
La graphie se sépare en deux variantes : l’une destinée aux inscriptions (dite « nabatéen monumental ») et l’autre, plus cursive et dont les lettres se joignent, pour le papyrus ; c’est cette
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variante cursive qui, influençant de plus en plus la graphie monumentale, pourrait avoir donné naissance à l’alphabet arabe.
La langue arabe remplace à l’écrit la langue araméenne ; la dernière inscription en nabatéen (araméen arabisant) date du IVe siècle.
La première attestation d’un texte en alphabet arabe remonterait à 512 de notre ère. Il s’agit d’une dédicace trilingue (grec, syriaque, arabe) trouvée à Zabad, en Syrie. Le modèle utilisé ne comprend que vingt-deux caractères dont seuls quinze ont un tracé différent, servant à noter vingt-huit phonèmes. La langue ainsi transcrite est de l’arabe nabatéen.
Le modèle nabatéen (si l’on considère qu’il s’agit bien du modèle de départ) était déjà, à force d’évolutions, caractérisé par de nombreux caractères devenus fortuitement semblables. Évoluant à partir d’une cursive, le prototype de l’alphabet arabe accentue encore plus ces ressemblances. À cela s’ajoute que si le nabatéen comprend vingt-deux phonèmes, l’arabe en a vingt-huit ; ainsi, parmi les vingt-deux lettres héritées, sept sont ambiguës et six phonèmes n’ont pas de lettre spéciale : il a donc fallu utiliser des lettres préexistantes, devenues de fait ambivalentes.
C’est au VIIe siècle justement que l’on prit conscience des limites d’un tel alphabet trop ambigu et ne comprenant pas assez de signes pour les sons propres à la langue arabe : le modèle araméen possède moins de phonèmes que l’arabe et l’écriture des origines a donc dû désigner par une même lettre plusieurs phonèmes. De vingt-deux signes, l’alphabet dut passer à vingt-huit.
On créa donc de nouvelles lettres, simples variantes des anciennes, que l’on distingua par des points sus-, sous – ou inscrits et que l’on plaça à la fin de l’alphabet.
L’utilisation de tels diacritiques – qu’ils servent soit à distinguer des lettres déjà présentes soit à en créer de nouvelles est vraisemblablement une imitation du syriaque et du nabatéen.
C’est chez les Arabes chrétiens de Hira-Coufa que l’on a imaginé la plus belle écriture arabe, le coufique, qui devint l’écriture des anciens Corans. Et c’est chez eux que l’on a imaginé les premiers points diacritiques. C’est ainsi qu’Osman (644-654), avec l’aide des scribes syriens envoyés par Mou’aouiya, a pu éditer le 1er Coran. Osman avait des liens de parenté avec les chrétiens de Syrie par l’intermédiaire d’une de ses femmes, Naïla, qui était de la tribu chrétienne des Kalb. Le père de son épouse était aussi chrétien. Dès lors, l’arabe avait son écriture et devint très structuré.
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EXAMEN CLINIQUE DU CORAN.
Ci-après divers textes de Pierre de La Crau sur le même sujet, retrouvés par ses héritiers, puis insérés à cet endroit.
Le Coran est soi-disant prétendument et théoriquement un recueil des enseignements de Mahomet dispensés au début du VIIe siècle. Le refus de Mahomet et/ou de ses successeurs, de procéder à un regroupement thématique de tous ces versets (nous disons bien versets, mais non chapitres, car il est évident que nombre de chapitres sont constitués de versets d’époques différentes) a été catastrophique. Tout n’est pas à jeter dans ce livre, il ne manque pas de conseils judicieux ou de saines maximes, empreintes de bon sens voire de générosité, et il y a même des versets d’une grande force poétique. Mais tout ceci a été haché menu et dilué dans un flot de versets n’ayant rien à voir les uns avec les autres, mis bout à bout sans raison et parfois sans fil conducteur ; ce qui nous a donné un ensemble incohérent, mais alors vraiment incohérent. Le résultat de cet épouvantable méli-mélo ne brille ni par sa profondeur philosophique ni par son humanisme. Voir les propos haineux à l’encontre des incroyants, la violence physique qu’il prône à leur égard, ainsi que le traitement humiliant réservé aux femmes. La structure du texte n’est qu’une litanie de menaces, de répétitions et d’injonctions, destinée à marteler ou soumettre le croyant à une morale guerrière et discriminatoire. Le Coran visionnaire et poétique n’est que pure imagination.
Il est évident que les nombreuses invectives accusations ou malédictions figurant dans ce texte constituent en creux et a contrario une sorte d’auto portrait, ou de portrait alternatif, de son ou ses véritables auteurs.
Le Coran permet en effet de présenter avec précision toute la gamme des interprétations de ce discours ou de ces comportements faites alors par les habitants de La Mecque. C’est une façon de donner indirectement la parole à un groupe jamais entendu, passé sous silence, ou constamment dénigré par le discours musulman traditionnel : les opposants les adversaires les sceptiques les tenants d’autres spiritualités les intellectuels de l’époque ; rebaptisés hypocrites, mécréants, ignorants, chrétiens, et ainsi de suite…
Les auteurs musulmans n’hésitent jamais en effet à dresser la liste de tous les reproches faits à Mahomet, sans penser que les faits rapportés puissent avoir une quelconque réalité. Pourtant, ce sont ces discours, si l’on y réfléchit bien, qui reflètent l’opinion de la majorité des Mecquois d’alors.
Un fou diseur de bonne aventure et vaticinateur un poète (ce qui n’est pas un compliment à cette époque).
Coran 52, 29-30.
Tu n’es, par la grâce de ton Seigneur, ni un fou ni un diseur de bonne aventure ! C’est un poète, diront-ils ! Nous attendons pour lui les vicissitudes du trépas !
Coran 69, 40-43.
Ce n’est pas la parole d’un poète, vous en doutez ? Ce n’est pas la parole d’un vaticinateur, c’est une révélation du Seigneur des Mondes.
Un imposteur.
Mahomet sera évidemment accusé de ne pas être sincère dans sa prédication : les faux prophètes ont été légion en Orient, usant de leur apostolat pour acquérir du bien et du pouvoir. Il est bien entendu impossible de juger d’emblée sur ce point, qui a très tôt été sujet à polémiques. Les chrétiens orientaux notamment ont vite repéré que le personnage, sa vie privée ainsi que son expression, étaient le point faible de la doctrine musulmane. C’est un moyen aussi de remettre en cause la révélation coranique elle-même.
Les témoignages sont nombreux sur cette question de l’escroquerie spirituelle : les Couraïchites devaient avoir des preuves, ou des éléments de comparaison avec d’autres prédicateurs, juifs ou chrétiens.
Un menteur, un escroc.
Coran 67, 9.
Oui, un avertisseur est venu à nous, mais nous avons crié au mensonge et nous avons dit : Dieu n’a rien à voir là-dedans.
Coran 10, 37.
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Le Coran n’a pas été inventé par un autre que Dieu, il confirme seulement ce qui existait avant lui ; l’explication du livre écrit par le Seigneur des Mondes et qui ne fait pas place au doute. S’ils disent : « Il l’a inventé », réponds-leur : apportez donc un chapitre semblable à celui-là et invoquez qui vous pourrez en dehors de Dieu, si vous dites la vérité. Bien au contraire, ils ont traité de mensonge ce qu’ils ne comprennent pas, et dont l’explication leur échappe. Ceux qui ont vécu avant eux criaient déjà au mensonge de la même façon.
Coran 35, 4 et 23.
S’ils te traitent de menteur, dis-toi que bien des prophètes avant toi ont été traités de menteurs.
Coran 83, 10-12.
Malheur alors à ceux qui auront crié au mensonge et traité de mensonge le jour du jugement dernier !
Seul le qualifie de mensonge le criminel couvert de péchés, qui, lorsqu’on lui révèle nos versets, s’écrie : ce sont des histoires du temps jadis !
Coran 16,101.
Quand nous substituons un verset à un autre verset, Dieu sait très bien ce qu’il fait, mais ils disent : tu n’es qu’un faussaire !
Coran 30, 58.
Nous avons proposé aux hommes, dans cette prédication, toutes sortes d’exemples, mais quand tu leur apportes un signe, les mécréants disent : toi et les tiens, vous n’êtes que des escrocs !
Un copieur.
Coran 25, 4.
Les incrédules disent : ceci n’est qu’un mensonge qu’il a inventé, un autre peuple l’a aidé, ils se sont rendus coupables d’injustice et de mensonge ; ils disent : ce sont des contes de jadis que l’on écrit pour lui, et on les lui dicte matin et soir.
Coran 27, 68.
Ce ne sont que des histoires de jadis.
Coran16, 24 et 103.
Et quand on leur demande : qu’a fait descendre votre Seigneur ? Ils répondent : des fables du temps jadis……………………………
Nous savons ce qu’ils disent : ce n’est qu’un mortel qui l’instruit ! Mais celui auquel ils pensent parle une langue étrangère, alors que ceci est en pur arabe.
Un sorcier ou un charlatan.
Autre type d’argumentation, qui replace Mahomet dans le contexte païen, et qui lui enlève le bénéfice de la révélation, en lui conservant celui de la voyance et de la magie. Certains des Couraïchites croient à la magie, et pour ces Couraïchites-là, Mahomet apparaît comme un sorcier ou un magicien.
Coran 46, 7-8.
Lorsqu’on leur lit nos versets, ils disent de la vérité au moment où elle leur parvient : c’est évidemment de la magie ! Ou bien ils disent : il l’a inventé ! réponds-leur : si je l’ai inventé, vous ne pourrez pas me protéger de la colère de Dieu.
Coran 38, 4.
Ils s’étonnent que vienne à eux un avertisseur issu de leur peuple, et ces mécréants disent : c’est un sorcier, un charlatan !
Coran 43, 30.
Quand la vérité est venue à eux, ils ont dit : c’est de la magie nous n’y croyons pas !
Coran 21 :3.
Les impies tiennent des conciliabules : qui est-il celui-ci, sinon un mortel comme vous ?
Eh quoi ! Succomberez-vous à la sorcellerie alors que vous voyez clair ?
Coran10 : 2.
Les mécréants disent : c’est un sorcier !
Un malade mental ensorcelé.
Comme l’accusation est assez gênante, le Coran ne développe pas trop le thème. La démence n’est pas un défaut en soi, dans un système archaïque de pensée, ce serait même plutôt un avantage, qui dans ce cas réintègre Mahomet dans le cadre de la religion traditionnelle.
Coran 25, 8.
Les impies disent : vous ne faites que suivre un homme ensorcelé.
Coran 17, 47.
Nous savons très bien ce qu’ils cherchent quand ils tendent l’oreille vers toi ou qu’ils tiennent des conciliabules, les impies disent : vous ne faites que suivre un homme ensorcelé.
Coran 81, 15-23.
Je le jure par les planètes qui glissent et qui passent, par la nuit quand elle s’étend, par l’aube quand elle exhale son souffle, ceci est la parole d’un authentique messager… Votre compatriote n’est pas un
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possédé, il l’a vu l’horizon lumineux, il n’est pas avare du mystère, ceci n’est pas la parole d’un démon maudit, où allez-vous donc ?
La définition de la prédication par elle-même se fait par la négative, ce qui est le signe qu’il y a une forte opposition à ce que martèle Mahomet.
Coran 53, 1-18.
Par l’étoile quand elle disparaît ! Votre compatriote n’est pas égaré ! Il n’est pas dans l’erreur. Il ne parle pas de par sa propre initiative. C’est seulement une révélation qui lui a été transmise, le puissant, le fort, la lui a fait connaître ; celui qui possède la force s’est tenu majestueusement alors qu’il se trouvait à l’horizon supérieur, puis il s’approcha et demeura là comme suspendu dans les airs. Il était à une distance de deux portées d’arc ou moins, et il révéla donc à son serviteur, ce qu’il lui a montré. Son cœur n’a rien inventé, il l’a vu ; allez-vous donc élever des doutes sur ce qu’il a vu de ses propres yeux ?
Il avait déjà vu le même être près du jujubier qui borne le séjour des délices auprès duquel se trouve le jardin de la demeure éternelle, au moment où le jujubier était enveloppé par ce qui le couvrait. Sa vue a soutenu l’éclat de la magnificence divine.
Il a vu les plus grands signes de son Seigneur.
Le pouvoir créateur sur les éléments est un des attributs traditionnels de Dieu, et les musulmans ne se privent pas d’avoir recours à cet argument. Le Coran affirme de façon répétée que Dieu a droit de vie et de mort sur la Terre entière et, en particulier, qu’il gère lui-même l’approvisionnement des hommes en eau. (7, 57) : « C’est lui qui déchaîne les vents, qui préfigurent sa miséricorde. Lorsqu’ils portent de lourds nuages, nous les poussons vers une terre morte ; nous en faisons tomber l’eau avec laquelle nous faisons croître toutes sortes de fruits ».
Voir aussi les chapitres 15, verset 22 et 24, verset 43.
L’ultime demeure des croyants (le Paradis) fait miroiter une hydrographie bucolique (13, 35) : « Voici quel est le jardin promis à ceux qui craignent Dieu : les ruisseaux y coulent, ses fruits et ses ombrages sont inépuisables ». Dieu étant à l’origine de toutes choses, il s’est chargé du dur labeur initial (21, 30). « Les mécréants ne voient-ils pas que les cieux et la terre formaient jadis une masse compacte, et que nous les avons ensuite séparés, puis que nous avons créé toute chose vivante à partir de l’eau ? »
Dieu créateur, mais aussi Dieu agronome (22, 5) : « Vois cette terre désertique, dès que nous y faisons descendre de l’eau, elle remue, elle gonfle, elle fait pousser toutes sortes de belles espèces de plantes ».
Voir aussi le chapitre 22, verset 63, et le chapitre 25 versets 48 et 49. Les prières pour la pluie sont naturellement bien fondées puisque (42, 28) : « C’est lui qui fait tomber l’ondée lorsque les hommes sont désespérés » et (71, 10-12) : « Implorez le pardon de votre seigneur, il est celui qui ne cesse de pardonner. Il vous enverra du ciel des pluies abondantes ».
Et pour faire taire les sceptiques, rien de mieux que de leur demander (56, 68) : « Avez-vous bien regardé l’eau que vous buvez ? Est-ce vous qui la faites descendre des nuages ou bien nous [Dieu] ? »
Difficile d’être plus puéril, mais enfin…… !
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LES ÉVANGILES DE L’ISLAM : LES HADITHS OU ANECDOTES CONCERNANT LA VIE DE MAHOMET (IL EN EXISTERAIT DES CENTAINES DE MILLIERS).
Car le fondement de toutes les aberrations de l’islam (traditionnel) ce sont surtout les 1 600 000 hadiths recueillis par la tradition (d’après l’ex-recteur de l’Université de Téhéran, seuls 40 seraient en fait authentiques). Les obscurités du Coran ont amené au fil des siècles les musulmans à compléter leur instruction en se référant aux faits concernant la vie du Prophète : la Sira (la vie de Mahomet, composée au VIIIe siècle) et les hadiths. Outre le Coran et la Sira, l’autre source de la religion musulmane est en effet constituée par les hadiths.
Le hadith, peut-être plus encore que le Coran, est la brique fondamentale de la théologie et de la pensée islamiques. On trouvera donc non seulement des hadiths dans les recueils de hadiths, mais dans tout ouvrage à caractère religieux musulman : théologie spéculative (kalam), mystique (tassawouf), éthique et droit (fiqh), savoir-vivre (adab). Ces hadiths apocryphes ont été recueillis par un certain nombre d’imams ou d’érudits dans des collections dont les plus connues sont appelées « sahih » ou « sounnan ».
Il y a deux types principaux de hadiths, ceux du prophète et ceux de ses compagnons. Les hadiths peuvent être verbaux, c’est-à-dire rapportant des paroles de Mahomet. Le hadith peut aussi rapporter des faits et gestes seulement. Selon Omar par exemple, Mahomet récitait chaque nuit des quantités de prières. Le hadith peut enfin faire état de l’approbation tacite par Mahomet de certains propos ou de l’approbation implicite de certaines actions. Il pouvait arriver par exemple que des gens évoquent devant lui des choses datant d’avant leur conversion. Si Mahomet les écoutait sans rien dire ou sans montrer sa désapprobation, son silence signifiait une approbation (qui ne dit mot consent). Font donc partie des hadiths non seulement ce que Mahomet a fait ou dit, mais même ses silences ou ce qu’il a laissé faire en sa présence, sans le condamner formellement. DE TELS HADITHS PEUVENT DONC NOUS AMENER TRÈS LOIN.
Il peut par exemple arriver que la Sunna contienne des éléments ne relevant ni du Coran ni de Mahomet, mais de coutumes arabes préislamiques. L’essentiel de cette Sounna est néanmoins constitué par l’ensemble des faits et dires de Mahomet, ce sont ces recueils de « dits » de Mahomet (hadiths) ou d’exemples tirés de sa vie (Sira) que l’on nomme la Tradition par excellence : la Sounna. D’où d’ailleurs souvent une certaine confusion entre les deux, entre la Sounna (la Tradition avec une majuscule) et les hadiths (les traditions particulières de telle ou telle anecdote).
Pour la rédaction de ces hadiths, on fit appel aux témoins oculaires des « gens du banc » (ahl al-souffa), ces hommes avec qui Mahomet conversait de temps e temps, assis sur le banc qui faisait le tour de la mosquée jouxtant ses appartements ; puis, ceux-ci ayant disparu, on se référa aux « coutumes du temps du prophète ».
À ces souvenirs sans grand intérêt, vinrent peu à peu s’ajouter un nombre considérable de prétendus souvenirs, ou « dires » ; (sur plus de 200 000 anecdotes, on a fini par n’en retenir que 7 225 qui n’en demeurent pas moins douteuses) ; et de fables en tout genre. On attribua même des « miracles » à Mahomet.
Un voyage éclair La Mecque-Jérusalem et retour sur une monture fantastique nommée Bouraq par exemple ainsi qu’une ascension au ciel. Au cours des premières années de la dynastie omeyyade, beaucoup de musulmans étaient totalement ignorants du rituel et de la doctrine. Les souverains eux-mêmes avaient peu d’enthousiasme pour la religion et méprisaient généralement les hommes pieux et les ascètes. Le résultat fut qu’apparut alors toute une classe d’individus qui fabriqua sans honte des traditions supplémentaires pour le bien de la communauté, en les faisant remonter à Mahomet. Ils s’opposaient aux Omeyyades sans Dieu, mais n’osaient pas le dire ouvertement, si bien qu’ils inventèrent de nouvelles traditions liées à la famille de Mahomet, faisant ainsi indirectement allégeance aux partisans d’Ali.
Ignaz Goldziher : « Le pouvoir lui-même n’était pas en reste. S’il voulait qu’une opinion soit reconnue et que l’opposition soit réduite au silence, lui aussi devait savoir comment découvrir un hadith qui convienne à ses buts. Il fallait qu’il fasse ce que ses opposants faisaient : inventer des hadiths à son tour ».
L’influence des autorités sur l’invention, la dissémination, ou la disparition des traditions a commencé très tôt.
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Le mou’tazilite Ibn Abi l-Hadid (1190-1258) dans son ouvrage intitulé Sharh Nahj al-Balagha a même écrit que Mou'aouiya avait incité un certain nombre de compagnons à raconter des hadiths critiquant Ali, parmi lesquels Abou Horaïra, Amr Ibn As, Moughira Ibn Shou'ba et Ouroua Ibn Zoubaïr.
Dans certaines lettres à ses agents, Mou'aouiya écrivait : « Les hadiths concernant les vertus d’Othman doivent être plus nombreux dans vos cités, dès que vous aurez reçu ma lettre, exhortez les gens à parler des qualités des compagnons et des califes, et à narrer des hadiths contredisant tout hadith rapporté à propos des vertus d’Abou Tourab (Ali). »
Ceci est clairement une incitation officielle à encourager la naissance et la propagation de hadiths dirigés contre Ali, et à retenir ou à supprimer ceux qui étaient en sa faveur. Les Omeyyades et leurs partisans n’avaient aucun scrupule à promouvoir des mensonges tendancieux sous couvert de religion, et ils étaient seulement préoccupés de trouver des autorités pieuses d’accord pour couvrir de leur autorité de telles falsifications. Celles-ci ne manquèrent jamais à l’appel. À la fin du IXe siècle, al-Chafi fit prévaloir la thèse fondamentale des « traditionalistes » en droit islamique. Pour lui, la sounna ne devait pas être la pratique « idéalisée » telle que le voulaient les « docteurs de la Foi ». La Sounna devait au contraire essentiellement s’identifier au contenu des « traditions » remontant à Mahomet, et ce, même si une telle tradition n’était transmise que par une seule personne à chaque génération ; (ce qui la rendait très suspecte – et pour cause – aux yeux des « docteurs » issus de ces Écoles). Sa thèse était que les « traditions du prophète » (la sounna du prophète) devaient primer sur les « traditions » des Écoles de docteurs. Ces Écoles commencèrent donc par opposer une vive résistance à cette « nouveauté », mais elles se retrouvèrent sans défense face à l’agressivité des « traditionalistes ». Elles furent donc ainsi contraintes elles aussi à s’intéresser aux « traditions » produites (et généralement inventées de toutes pièces) par leurs opposants.
Les hadiths de Mahomet furent évidemment l’objet d’une attention toute particulière de la part de ses fidèles. De son vivant même, une grande partie de ses compagnons les mémorisa, sans être toutefois autorisés, à l’exception de quelques-uns d’entre eux, à les mettre par écrit. Cette interdiction était justifiée par la volonté d’éviter toute confusion entre la révélation divine elle-même (les versets du Coran) et le hadith, dans le cas, où, par exemple, ils seraient transcrits ensemble sur un même matériau. Certains comme Salman al Farisi craignaient aussi de voir les musulmans s’intéresser plus à la vie de Mahomet lui-même (la sounna) qu’au saint Coran révélé par Dieu. Ce n’est qu’à la fin du VIIe siècle, sous le califat d’Omar Ibn Abdelaziz, qu’ordre fut donné de recueillir tous les hadiths de Mahomet (sunna) dont les sommes décisives ne furent néanmoins compilées qu’au IXe siècle ; et les musulmans s’attachèrent dès lors à la vie de Mahomet au point de l’idolâtrer.
L’enjeu du récit de sa vie est donc considérable. Mahomet est devenu le modèle absolu à imiter en tout et les craintes de Salman al Farisi de voir un jour la sounna (les traditions concernant la vie de Mahomet) l’emporter sur les saintes Écritures du Coran, se sont réalisées.
Cette décision a été d’une importance capitale pour l’islam. Elle a tué l’esprit critique et favorisé l’imitation servile (le taqlid). On en voit les conséquences dans l’attitude des intégristes d’aujourd’hui, qui réduisent leur croyance au mimétisme le plus stupide. Ils portent avec ostentation la barbe et une robe blanche comme le Mahomet qu’ils imaginent. Ils voilent leurs femmes et ressuscitent les traditions les plus barbares de l’Arabie (la lapidation?) Ces dits, faits, et gestes, réels, ou prétendus, de Mahomet, ont permis à l’islam d’élaborer en de nombreux domaines toute une dogmatique, nouvelle et peut-être inconnue du Coran originel ; car Mahomet, contrairement à ce que l’on pense généralement, n’a pas toujours prétendu être un exemple à imiter par tous. Dans certains cas, il s’est même octroyé des privilèges. Coran 33, 50 : « Ô Prophète ! Il t’est permis d’épouser les femmes que tu auras dotées, les captives que Dieu a fait tomber entre tes mains, les filles de tes oncles et de tes tantes maternels et paternels qui ont pris la fuite avec toi ; et toute femme fidèle qui livrera son cœur au Prophète, si le Prophète veut l’épouser. Ceci est un privilège qui t’est accordé par rapport aux autres croyants ».
Telle est l’origine historique de la « fiction littéraire » découlant des « hadiths », mais ces « dires » constituent encore, de nos jours, le fondement du « code de vie » de la plupart des musulmans.
Selon al-Chafi, le Coran lui-même devait être interprété à la lumière des « traditions » et non l’inverse. Le consensus des « docteurs » ne lui convenant pas, il se raccrocha donc à l’idée selon laquelle la communauté des musulmans ne pouvait tomber d’accord sur une erreur. Cette thèse spécieuse était suffisamment vague pour justifier le but qu’il poursuivait. Un tel concept ne laissait aucune place à l’exercice discrétionnaire de l’opinion personnelle. Toujours selon la thèse d’al-Chafi, le raisonnement humain devait se réduire à faire des « déductions correctes » et à tirer des « conclusions systématiques » des « traditions ». En fait, il instaurait une véritable dictature intellectuelle, une dictature bien plus rigide, bien plus implacable, que ne le furent le nazisme ou le stalinisme.
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En se ralliant aux thèses « traditionalistes », al-Chafi tentait de couper l’Islam de toute forme de développement naturel et continu. En cela il copiait les rabbins les plus obtus et les plus conservateurs, ceux-là mêmes qui sont à la tête des mouvements juifs dits « ultra-orthodoxes ».
La sounna – telle qu’elle nous est parvenue – n’a donc en fait pas grand-chose à voir avec la vie réelle de Mahomet. Mais elle a eu pour effet pervers d’interdire l’introduction de « nouveautés » ou « d’innovation » (bi’da) dans la pratique de l’islam. La stricte observation de la sounna est d’ailleurs considérée comme le signe de l’orthodoxie islamique, du moins évidemment chez les musulmans sunnites (majoritaires).
Bien plus encore que le Coran, la sunna demeure la citadelle du conformisme musulman. Elle empêche toute forme de réformisme et confine les musulmans dans un anachronisme qui les sépare un peu plus, chaque année, du reste du monde.
Le recueil de tous ces hadiths a évidemment permis de les classer puis de les étudier. Les théologiens musulmans s’étant consacrés à ce labeur titanesque ont pour nom Boukhari, Muslim, Tirmizi, Ibn Majda, Nissai, Abou Daoud. Mais il fallut aussi un travail considérable pour en dégager le sens et la portée morale juridique : les tafsir ou commentaires d’un docteur (comme pour le Talmud).
On concède généralement que la critique des traditions telle qu’elle est pratiquée par les érudits mahométans, est inadéquate et que, bien que de nombreux faux aient pu être éliminés par elle ; ce corpus classique comporte encore de très nombreuses traditions, qui ne peuvent être authentiques. Tout effort pour extraire de cette masse, souvent contradictoire, un noyau authentique par « intuition historique » a échoué.
Ignace Goldziher (1850-1921), dans un autre de ses travaux fondamentaux, a non seulement formulé sa « prudence sceptique » quant aux traditions contenues même dans les recueils classiques [les recueils de Boukhari, Muslim, et autres] ; mais il a montré que la grande majorité des traditions dites du prophète sont en réalité des documents. Et des documents non pas de l’époque à laquelle elles prétendent appartenir, mais des différentes phases de développement doctrinal ayant eu lieu au cours des premiers siècles de l’islam. Cette découverte est devenue la pierre angulaire de toute investigation sérieuse en ce qui concerne les hadiths.
Le livre de Joseph Schacht confirme les résultats de Goldziher, et va même au-delà de ceux-ci. Une très grande quantité de traditions dans les recueils classiques et les autres ont été mises en circulation seulement après l’époque de Chafi [Chafi est le fondateur d’une École juridique très importante qui porte son nom. Il est mort en 820] ; le premier corpus de traditions juridiques remontant au Prophète apparaît vers le milieu du huitième siècle, par opposition à des traditions légèrement plus vieilles des compagnons et autres autorités, et à la tradition des anciennes Écoles juridiques. Les traditions des compagnons et des autres autorités ont connu le même processus de croissance, et doivent donc être considérées à la même lumière que les traditions du Prophète. L’étude des isnad montre une très nette tendance à progresser à reculons, et à revendiquer une autorité toujours plus haute, jusqu’à Mahomet lui-même.
Joseph Schacht (1902-1969) prouve, par exemple, qu’une tradition n’existait en aucune façon à une époque donnée en montrant qu’elle n’était pas alors utilisée comme argument dans une controverse qui aurait pourtant dû y faire impérativement référence si elle avait existé à l’époque. Exemple le Fiqh Akbar 1. Le Fiqh Akbar 1 est le plus ancien document juridique musulman, écrit vers 750, plus d’un siècle après la mort de Mahomet. Il présente les vues de l’orthodoxie islamique sur les questions qui se posaient alors en matière juridique. Or il ne contient aucune référence au Coran, alors qu’aujourd’hui le droit musulman est tout entier fondé sur lui. En 750, le Coran avait déjà depuis longtemps acquis une autorité considérable dans l’islam. Pourquoi donc ce silence ? Il semble impensable, si le Coran avait alors existé au sens où on l’entend actuellement, qu’aucune référence n’y ait été faite. La raison la plus probable est donc que les 800 versets fixant des règles juridiques, qui se trouvent dans le Coran d’aujourd’hui, étaient absents des Corans de 750 ?????????????????
Pour Schacht par conséquent, toute tradition juridique du Prophète doit donc être tenue pour inauthentique jusqu’à preuve du contraire, et être considérée comme la simple expression, sous forme de fiction, d’une doctrine juridique formulée à une date ultérieure.
Schacht critique aussi les isnad (chaînes) qui étaient souvent mis ensemble sans vérification. Ainsi trouvons-nous un certain nombre de noms différents dans des isnad par ailleurs identiques. Schacht a démontré qu’on ne peut pas faire remonter l’origine du droit islamique au-delà d’un siècle environ après la mort de Mahomet. Le droit islamique ne dérive pas directement du Coran, mais s’est développé à partir d’une pratique populaire et administrative, sous les Omeyyades, et cette pratique divergeait souvent des intentions voire des termes explicites du Coran. Les normes dérivées du Coran ne furent introduites dans le droit islamique que dans un second temps.
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C’est ainsi qu’après quelques générations, l’interprétation du Coran s’est trouvée définitivement figée. Il ne s’agit plus d’interpréter en fonction du contexte ou du but recherché par Dieu, mais en fonction de ce qui a été concrètement révélé au travers du prophète. S’aventurer à expliquer ou à commenter un hadith est tout aussi grave que d’essayer de dégager le sens d’un verset coranique sans avoir la culture générale et la science des religions (comparées) nécessaires. Les nombreuses et consternantes aberrations en ce domaine, dues au manque d’intelligence (au manque d’esprit critique) ou à l’ignorance en général des autres peuples ou cultures ; ont fait que les musulmans pratiquants ont été les premiers à fournir eux-mêmes les verges avec lesquelles ils sont régulièrement étrillés par les gens bêtes et méchants ; c’est-à-dire par ceux qui ne sont ni journalistes, ni hommes politiques responsables, ni rabbins, ni pasteurs, ni curés, ni intellectuels, ni docteurs.
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LA FORMATION DES SAINTES ÉCRITURES MUSULMANES.
John Wansbrough, en deux livres importants bien que formidablement difficiles, Études coraniques : Sources et méthodes d’interprétation des Écritures (1977) et Le milieu sectaire : Matière et composition de l’histoire du salut dans l’islam (1978) ; a cru pouvoir démontrer que le Coran et les hadiths étaient nés en réalité de controverses entre sectes s’étalant sur une longue période (peut-être deux siècles). Au-delà, il a démontré que la doctrine musulmane en général, et même la figure de Mahomet lui-même, étaient moulées sur des prototypes juifs rabbiniques. Celui de Moïse par exemple.
Ces documents, qui constituent le cœur de la sounna (« tradition »), ont été hissés au statut de source du droit, l’exemple donné par Mahomet, par la parole ou l’action, ayant force de loi en l’absence de réponse claire du Coran. Plus profondément même, ils ont servi à interpréter le Coran. Ils jouent dans l’économie de l’islam le même rôle que les Évangiles dans le christianisme.
On ne peut pas parler de la formation du Coran, sans parler de l’ensemble des écritures islamiques durant cette même période. En effet, si nous nous plaçons dans la perspective de l’histoire des textes, les deux corpus d’écritures aujourd’hui canoniques pour les musulmans ; le Coran et les Hadiths sont nés ensemble, bien que la mise en forme des grands corpus de hadiths soit postérieure à celle du corpus coranique.
Par ailleurs, le Coran n’est pas la seule source de référence canonique en matière de charia, celle-ci couvrant les différents champs de la vie concrète de la communauté musulmane : droit privé, droit pénal, statut personnel, etc. Il y a aussi les Hadiths, l’ensemble des traditions remontant au prophète de l’islam, appelé sounna, c’est-à-dire « pratique normative ». À titre d’exemple, l’obligation des cinq prières quotidiennes n’est pas tant définie par le Coran que par les hadiths. De même, pour comprendre les controverses actuelles sur le voile islamique, il ne faut pas se référer seulement au Coran ; mais aussi à un célèbre hadith (logion) attribué au prophète de l’islam, et disant que, de la femme, on ne doit voir que le visage et les mains. En ce qui concerne la lapidation des adultères, cette peine ne se trouve pas dans le Coran, mais dans la Sounna.
PRINCIPES DE BASE DE NOTRE ÉTUDE DU CORAN : l’ISLAM N’EST PAS TOUT ENTIER DANS LE CORAN. IL Y A EU DES DÉVELOPPEMENTS THÉOLOGIQUES ULTÉRIEURS, SUITE À SON EXPANSION EN TERRITOIRES CHRÉTIENS OU PERSES. ET RÉCIPROQUEMENT, LE CORAN N’EST PAS PASSÉ EN TOTALITÉ DANS LA LOI ISLAMIQUE. CERTAINES DE SES PRESCRIPTIONS FURENT TRÈS TÔT ABANDONNÉES, VOIRE JAMAIS APPLIQUÉES.
Le terme « corpus » appliqué au Coran est un peu paradoxal, dans la mesure où les musulmans refusent généralement ce terme, car le Coran est pour eux un texte sacré descendu du Ciel et non une œuvre qui serait le produit d’un montage humain.
Et pourtant, la tradition islamique elle-même parle de « rassemblement », de « collecte », de textes recueillis après la mort du Prophète. Au fond, le terme « corpus » ne dit pas autre chose et l’on peut l’employer même si certains musulmans d’aujourd’hui ne s’en satisfont pas. En effet, la simple lecture du Coran montre bien ce caractère de rassemblement de textes fragmentaires, souvent juxtaposés, souvent sans véritable continuité de l’un à l’autre, même si leur juxtaposition finale peut obéir à une certaine intention.
Que le terme « corpus » puisse être appliqué aux hadiths est encore plus évident. Plusieurs des grands corpus canoniques du IXe siècle sont intitulés j’ami, « celui qui rassemble », et leurs unités littéraires en sont des fragments discontinus, même lorsqu’elles sont classées par thèmes.
On peut donc dire, aussi bien pour le Coran que pour les hadiths, que ces corpus non seulement ont été « rassemblés », mais aussi qu’ils ont fait l’objet d’une activité rédactionnelle ainsi que d’une élaboration, et donc qu’ils ont une histoire. Or, pour comprendre cette histoire, il faut l’envisager sous trois aspects : il s’agit d’un processus sur une longue période, dans un espace élargi, fruit d’un travail collectif.
Pour les musulmans, la totalité du Coran a été révélée (le terme propre est « descendue ») pendant la carrière de Mahomet, entre 610 et 632. Dans un premier temps, la recherche orientaliste moderne a généralement repris ce schéma, classant les différents chapitres (sourates) du Coran comme ayant
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été révélés successivement à La Mecque puis à Médine. Les manuels scolaires français 1) reprennent d’ailleurs généralement ce type de raisonnement, certains vont même jusqu’à écrire, par exemple : « En 610, le Coran fut révélé à Muhammad par l’ange Gabriel ». Cette perspective, outre l’utilisation d’un langage proprement confessionnel tout sauf objectif et respectueux de l’opinion des autres ; ne tient pas compte du travail rédactionnel qui s’est étendu bien après la mort du prophète de l’islam, et dont la tradition musulmane nous donne de multiples témoignages.
De même, il faut savoir que la constitution du corpus s’est faite dans un espace plus large que celui de La Mecque et de Médine, qui s’étendait du Hedjaz et du Yémen à la Mésopotamie. En effet, nous avons affaire à un processus qui commence à Médine, mais qui continue après la conquête en Syrie et en Mésopotamie notamment, où se constituent des codex concurrents de celui de Médine.
Il s’agit par conséquent d’une période longue : il faut compter environ un siècle pour l’établissement d’une vulgate officielle du Coran, et un siècle de plus pour celui des grands corpus canoniques de hadiths.
Il s’agit également d’un travail collectif, qui prendra en compte l’œuvre de scribes dont la tradition islamique atteste l’existence et nous donne les noms. On y parle des secrétaires qui entourent Mahomet, dont certains sont d’ex-juifs qui ont adhéré à la nouvelle croyance ; tel autre est d’origine éthiopienne ou byzantine, à côté d’Arabes de la Péninsule, du Nord ou du Sud. Certaines traditions laissent penser que Mahomet reçoit ses révélations du Ciel, mais aussi de ses secrétaires ! ? Après la mort du fondateur, le travail de constitution du corpus se poursuit, non seulement à Médine, mais aussi dans les nouveaux centres créés par la conquête. C’est le cas de la nouvelle agglomération de Koufa en Irak, qui verra l’établissement d’un codex coranique concurrent de celui de Médine. Les récits traditionnels évoquent aussi des codex concurrents au Yémen et en Syrie. Les musulmans des premières générations, racontant comment s’était constitué le Coran, le faisaient avec beaucoup de liberté voire de réalisme, et paraissaient donc moins rigides que beaucoup de musulmans d’aujourd’hui à ce sujet.
L’intervention du pouvoir politique.
Durant toute cette période, le rôle de l’autorité politique dans ce processus a été considérable. Tous les grands califes ont été impliqués dans la mise en place de ces écritures. Ils constituent des commissions pour le rassemblement et la mise au point des textes, contrôlent la diffusion des textes sélectionnés, répriment les dissidents, et détruisent les versions concurrentes. Tout cela obéit à une visée politique : sauvegarder l’unité d’une communauté, déjà déchirée par les dissensions, autour d’un pouvoir unique et autour de textes contrôlés. En effet, le calife est par définition « successeur » du Prophète et se trouve investi d’une double fonction de chef religieux et politique de la communauté. La nostalgie d’une alliance idéale entre le politique et le religieux anime d’ailleurs toujours l’utopie musulmane.
Le rapport entre le Coran et les hadiths.
Ces deux termes ont aujourd’hui une signification technique bien définie dans la communauté musulmane : le Coran est considéré par les musulmans comme la parole de Dieu, le livre saint, et sa fonction dominante est d’ordre liturgique ; les Hadiths sont l’ensemble des traditions attribuées au prophète Mahomet, ils sont considérés comme l’une des sources de la pratique normative de la communauté.
Lorsque nous nous plaçons sur le terrain de l’histoire des textes, et en particulier sur celui de la formation des écritures islamiques ; nous sommes obligés de prendre en considération un ensemble d’informations qui laissent entrevoir au départ une certaine indécision entre les deux termes, coran et hadith, et les réalités qu’ils recouvrent. Les conclusions que nous pouvons alors en tirer relèvent du domaine des hypothèses fructueuses de la recherche. Le chercheur doit d’abord prendre en compte la grande diversité des sources islamiques à sa disposition. Il peut y relever de nombreux indices qui témoignent de cette indécision initiale. En voici quelques exemples. Un transmetteur de traditions déclare : « J’ai recueilli de l’envoyé de Dieu beaucoup de Coran » et il évoque en fait des textes appartenant aujourd’hui aux Hadiths. Autre exemple : le premier calife omeyyade Mou’awiya voulant contrer des opposants qui refusent l’exclusivité des Couraïchites 2) à prétendre au califat ; déclare : « Il y a des gens qui transmettent des hadiths qui ne sont pas dans le livre de Dieu et qui ne sont pas rapportés de l’envoyé de Dieu ». L’affirmation que le pouvoir politique est réservé aux Couraïchites est une parole attribuée à Mahomet par les corpus canoniques de hadiths, mais elle ne figure pas dans le Coran. Dans un ouvrage de controverse chiite, attribué à un auteur du milieu du VIIIe siècle, nous trouvons par deux fois un extrait du Coran actuel commençant par « Mahomet a dit ». Or, pour un pieux musulman, c’est Dieu ou plus exactement l’archange Gabriel qui parle dans le Coran et non Mahomet. On pourrait citer d’autres exemples de ce genre.
Le mot « Coran » était au départ un nom commun dont nous retrouvons l’origine dans la langue syriaque où il signifie « lecture » d’une Écriture sainte dans un cadre liturgique. Ceci donne à penser
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que les paroles ou les textes retenus pour constituer le corpus coranique étaient en grande partie destinés à une récitation liturgique. Dans la littérature islamique primitive, on trouve plutôt l’expression « Livre/Écriture de Dieu » pour désigner ce que nous appelons aujourd’hui le Coran. Le mot hadith, au départ, a le sens très général de « relation, rapport, récit », et l’on peut dire qu’avec son sens technique de « paroles » transmises de Mahomet, il a gardé son sens originel.
Il nous faut également replacer les saintes Écritures musulmanes dans leur environnement culturel.
Sans sous-estimer les éléments de la culture arabe de la Péninsule dont on retrouve l’écho dans le Coran, il faut bien constater que l’islam s’inscrit dans la ligne des traditions religieuses juives et chrétiennes. Mais il ne faut pas non plus ignorer l’influence d’éléments d’origine zoroastrienne. Le domaine arabe étendu de la Péninsule aux rives de l’Euphrate était largement traversé par tous ces courants. Qu’il s’agisse de Mahomet, des rédacteurs du Coran, ou des prédicateurs, tout au long de ce premier siècle de l’islam, tous puisent largement dans la culture ambiante. Dans les textes du Coran, nous trouvons une reformulation de thèmes bibliques à l’usage de la nouvelle communauté. Il faut entendre le terme « biblique » au sens large en y incluant, du côté juif, toute la littérature de commentaires qui entoure la Bible : Targoum, Midrash, Talmud, et du côté chrétien, des Évangiles apocryphes aussi bien que des thèmes de la prédication patristique orientale. Contrairement à l’usage chrétien des écritures juives antérieures (la mention de références aux sources du genre : « comme il est écrit dans le livre du prophète Isaïe », etc., etc.), les écritures islamiques ne citent jamais leurs sources. Dans le Coran, tout est présenté comme une parole directe de Dieu, même lorsqu’il s’agit d’un emprunt évident. Il en est de même dans les hadiths où le réemploi de telle parabole évangélique ou de tel récit des traditions juives est souvent présenté comme une parole de Mahomet en personne ; et ce n’est pas la moindre des impostures intellectuelles, de cette religion. Ajoutons que ces emprunts sont souvent utilisés dans un cadre polémique contre les juifs et les chrétiens, et retournés contre eux. Ce procédé s’inscrit dans un contexte général où les différentes communautés religieuses bataillaient à coups de citations scripturaires : juifs contre chrétiens, nestoriens contre jacobites, chrétiens contre juifs ou manichéens, et ainsi de suite. Les premiers musulmans d’alors, en constituant leurs propres écritures, sont entrés tout naturellement dans ce mode de relation conflictuel très général.
1) Il faut prendre garde à ne pas confondre le plan de l’Histoire et celui de « l’Histoire sainte ». Un manuel d’histoire, lorsqu’il traite des débuts de l’islam, n’a pas à reprendre à son compte les expressions d’un langage confessionnel. Cela s’applique aussi bien à l’histoire des Hébreux qu’à la vie de Jésus. Cependant, il faut se ménager la possibilité de rendre compte du contenu culturel et religieux en disant : « Les musulmans croient que, la Tradition musulmane rapporte que ».
Prenons l’exemple du mot « révélation ». Il est employé couramment pour désigner la prédication de Mahomet alors qu’il implique déjà un acte de croyance de la part de celui qui l’utilise. Cet usage devrait être banni du cadre d’un enseignement objectif du fait religieux.
2) Les Couraïchites sont la tribu de Mahomet.
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AVERTISSEMENT AU LECTEUR (de notre bref essai).
« Méditent-ils donc vraiment le Coran ? Si celui-ci venait d’un autre que Dieu, ils y trouveraient de nombreuses contradictions ». (Le saint Coran, chapitre 4, verset 82).
« Si tu vois des incroyants commencer une conversation sur nos enseignements, éloigne-toi d’eux jusqu’à ce qu’ils abordent un autre sujet. Le Diable peut te faire oublier ce précepte, mais dès que tu t’en ressouviendras, éloigne-toi des impies ». (Le saint Coran chapitre 6, verset 68).
« Quoi de plus impie que de faire Dieu complice d’un mensonge ? Ou que celui qui dit « j’ai reçu une révélation », alors que rien ne lui a été révélé » (Le saint Coran chapitre 6, verset 93).
Al tanzil, « la descente », c’est par ce mot que les nomades des tribus d’Arabie désignent à la fois la révélation coranique et l’averse brutale qui fait reverdir la terre en quelques heures. Le Coran est la « parole de Dieu » descendue sur la terre comme une pluie bienfaisante, à peine retouchée depuis ses origines. Ce conditionnement idéologique, fondé sur l’idolâtrie de la personne même de Mahomet ; justifie le véritable culte que les musulmans vouent aujourd’hui à ce recueil de 6 000 ou 7 000 versets passablement hétéroclites, qui est devenu un véritable tabou. La raison théologique a pris le pas sur la raison historique, voire même sur la Raison tout court, et les faits historiques qui contredisaient cette idée ont été peu à peu éliminés, rendant ainsi toute étude scientifique ou rationnelle de ce recueil, presque impossible.
Le Coran a ainsi un statut particulier. Pour les musulmans, l’équivalent chrétien du Coran, ce n’est pas l’Évangile ou la Bible, qui ne sont que des livres, c’est le Christ lui-même, parce qu’il est coéternel au Père.
Plusieurs versets du Coran lui-même affirment qu’il reproduit un original qu’en son langage fleuri l’arabe archaïque appelle « la mère du livre ». Pour les érudits musulmans actuels, cette mère du livre est l’exemplaire initial, rédigé par Dieu, avant la fondation du monde, sur une table (tte) d’argile gardée au Paradis.
Pour les musulmans, le Coran n’est pas un objet de ce monde, mais un texte antérieur à ce monde, éternel comme Dieu, et à cet égard presque l’égal de Dieu.
Avant que le monde ne soit créé, le Coran était déjà présent, ce que la théologie musulmane exprime en disant que le Coran est incréé. Le Coran est donc écrit en arabe, depuis avant la fondation du monde, parce que Dieu parle arabe avec les anges au Paradis. Un peu comme les très-sachants de Diodore de Sicile (Livre V, 31) parlaient la même langue que les dieux puisqu’ils étaient homophonon.
Il n’a pas varié d’une seule lettre depuis qu’il a été mis par écrit, et sa langue est si somptueusement poétique qu’elle est inimitable.
Le Coran n’est donc pas un livre au sens où les Occidentaux entendent habituellement ce terme. Sa dénomination arabe « al coran » qui signifie « la récitation » (ou « la dictée », selon que l’on se place du côté de celui qui parle ou du côté de celui qui écoute).
Ce texte est l’objet chez les musulmans d’un véritable culte (une idolâtrie de plus). Un hadith (Mishkat al Massabih 3, p. 664) précise : « Le Coran est la plus grande des merveilles du monde… Ce livre dépasse tout dans le monde, de l’avis unanime des hommes instruits, en ce qui concerne la langue, les idéaux, la rhétorique, la philosophie et la solidité des lois ou des règlements pour l’Humanité ».
Note de la rédaction. Il va de soi, nous qui ne sommes pas homme d’un seul livre, mais de plusieurs (12 comme dans le cas des Fénianes si l’on veut du symbole) ; que nous ne sommes nullement d’accord avec ce jugement de valeur sur le Coran, qui est au contraire, selon nous, une véritable catastrophe culturelle pour l’Humanité, un vrai désastre, une véritable insulte à l’intelligence humaine !
Les musulmans révèrent le Coran avec un respect qui confine à l’idolâtrie et la superstition. C’est le Saint des Saints. Il ne doit jamais être posé sous d’autres livres, mais toujours au sommet de ceux-ci, on ne peut pas boire ou fumer tandis qu’on le lit à voix haute, et on doit l’écouter en silence. Il peut aussi servir de talisman contre la maladie et les catastrophes.
À l’exception des mou’tazilites (cas sur lequel nous reviendrons*), les musulmans considèrent que ces révélations et ces textes ne sortent pas d’un cerveau humain même inspiré (par Dieu) ; mais sont
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seulement extraits ou décalqués d’une sorte de matrice céleste éternelle (un livre ?) rédigée en arabe dont l’archange Gabriel n’a fait que transmettre des bribes sans en modifier un seul iota.
Le Coran n’est donc pas que le « livre » fondateur de l’islam, mais aussi, et surtout, selon les musulmans, un ensemble de sons émanant directement de Dieu (ce qui explique qu’il soit systématiquement enseigné en arabe dans les « écoles » coraniques).
Note de la rédaction. Cette thèse est attribuée à Ibn Hanbal, qui vécut de 780 à 855. Ladite thèse n’a pu être proposée au plus tôt qu’en 805 environ, quand Ibn Hanbal a eu un prestige suffisant. De 813 à 847, les mou’tazilites, protégés par les califes, soutinrent même la thèse contraire. En 827, devenus puissants, ils firent carrément interdire la thèse du Coran incréé. Mais en 847, les mou’tazilites furent massacrés, ensuite les thèses d’Ibn Hanbal eurent de nouveau droit de cité. C’est donc après 847 seulement que la thèse du Coran incréé put se répandre. Elle a été généralisée vers 950, largement sous l’influence d’Abou Hassan Ali al Achari, qui vécut de 880 environ à 935. Les versets qui la mentionnent contiennent des mots d’origine araméenne caractérisée. Du moins d’après Christophe Luxenberg.
*L’École mou’tazilite, triomphante au tournant des VIIIe et IXe siècles (sous le califat d’Haroun Al Rachid) fut éliminée au IXe (dommage !)
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LES SCRIBES DU CORAN.
42 d’après la tradition musulmane dont certains comme Abdullah ibn Abi Sarh, ont été jusqu’à modifier le texte dicté par Mahomet avant de s’enfuir et d’autres comme Zaïd ibn Thabit ont joué un rôle contesté dans la mise en forme ou en ordre des notes en question sous le règne d’Abou Bakr.
Première remarque.
À en croire la légende musulmane, ce sont des gens sans moyens qui auraient pris en notes les révélations de Mahomet, en quelque sorte à titre privé. Bien que pauvres, ils savaient lire et même écrire, l’arabe. Or les régions où des gens pauvres savaient lire voire écrire l’arabe sont connues par l’histoire de l’écriture arabe et par l’épigraphie. Et le seul endroit, où, au début du septième siècle, la langue arabe écrite était suffisamment connue et pratiquée pour que de petites gens puissent, eux aussi, s’en servir, correspond au Nord de la péninsule Arabique : la Jordanie, la Syrie, la Palestine, le Néguev.
Les scribes qui, selon l’histoire musulmane traditionnelle, ont pris en note les discours de Mahomet pendant les dix premières années de l’islam, sont supposés avoir vécu à La Mecque, dans le Hedjaz, au centre de l’Arabie, mais les spécialistes s’accordent sur le fait qu’en ce lieu, à cette époque, et jusqu’à preuve du contraire, personne ou presque ne savait alors écrire. Dont acte. Ce n’est pas à nous, barbares druides d’Extrême-Occident, de trancher de telles querelles.
Deuxième remarque.
Les premiers scribes du Coran, selon l’histoire musulmane traditionnelle, étaient des gens modestes avons-nous dit. Le parchemin, vieux alors de deux mille ans, était passé dans l’usage courant huit siècles avant l’islam, mais n’était donc pas à la portée de leur bourse. Mahomet, toujours selon l’histoire musulmane traditionnelle, s’intéressait d’ailleurs si peu au destin de ses discours, qu’il n’a pas jugé utile de fournir du parchemin ou du papyrus à ses auditeurs prenant des notes. Pourtant, il est dit avoir été, à La Mecque, l’époux d’une commerçante très à l’aise financièrement parlant, et, à Yathrib/Médine, il avait même les moyens de financer des armées. Il était donc assez riche pour payer du matériel de copie. Or il ne l’a pas fait, ni à La Mecque ni à Yathrib/Médine, d’où l’usage de pierres plates, d’ossements de chameaux ou d’âne, voire de stipes de palmier, d’après la légende islamique.
N.B. Il ne s’agit que de simples remarques de la part des barbares druides d’Extrême-Occident que nous sommes.
La mise par écrit du Coran.
L’écriture arabe a été créée à partir du nabatéen 1) et du syriaque 2), par des moines chrétiens, à Anbar, sur la rive gauche de l’Euphrate, à une soixantaine de kilomètres de Bagdad, vers l’an 400 ; soit environ deux siècles et demi avant l’islam. Les inventeurs de cet alphabet d’alors étaient des Chaldéens, descendants des Babyloniens, une ethnie non arabe, parlant une variante de l’araméen. Ils ont mis leur talent et leur science au service de la langue arabe parlée par les tribus arabes, essentiellement les Lakhmides, qui nomadisaient sur leur territoire. Cette écriture est passée ensuite à Hira, sur la rive droite, d’où elle s’est progressivement répandue dans la partie nord du Proche-Orient, où nomadisaient d’autres tribus arabes, puis en Jordanie et en Syrie. La première inscription arabe, dans une écriture appelée coufique, date du quatrième siècle, et se trouve dans le sud de la Jordanie. Elle est unique pour l’époque. On n’en a retrouvé aucune datant du cinquième siècle. Au sixième siècle par contre, les inscriptions se multiplient, d’abord dans le nord de la Jordanie et le nord-ouest de la Syrie, puis dans le reste de la Syrie, la Jordanie, la Palestine et le Néguev. L’écriture arabe y était connue et pratiquée au début de l’islam, au VIIe siècle.
Ainsi que nous avons pu le voir, il existait alors un royaume arabe, celui des Ghassanes, qui couvrait la Jordanie et une partie de l’ouest de la Syrie. Ces Arabes étaient chrétiens, alliés plus ou moins fidèles des Byzantins. Au sixième siècle, la totalité des inscriptions ne se trouve que dans ce royaume, sur ses marges, et dans les monastères de Hira en Mésopotamie.
En ce même sixième siècle, et aussi au début du septième, les épigraphes n’ont trouvé aucune inscription dans le Hedjaz, la région où se trouve La Mecque ; ni en aucun autre lieu de l’Arabie
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centrale, ni en arabe, ni en une autre langue. Les toutes premières, extrêmement rares, sont datées l’une de 20 ans après la mort de Mahomet, l’autre de 40 ans, puis enfin de 60. Il faut attendre un bon siècle avant qu’elles ne se multiplient.
L’alphabet arabe à l’époque de Mahomet ne faisait pas la différence entre certaines consonnes : il n’y avait que seize lettres pour vingt-huit consonnes et semi-voyelles. Sur ces seize signes, six seulement avaient une seule signification. Les autres en avaient plusieurs, jusqu’à quatre pour un signe unique signifiant b, t, j ou n.
Cette écriture est dite scriptio defectiva (écriture défective, incomplète). Elle est indéchiffrable, et ne peut servir que d’aide-mémoire à ceux qui connaissent déjà le texte. Le Coran a été primitivement écrit en scriptio defectiva.
On a retrouvé quelques Corans complets, en scriptio defectiva, datés de 780 ou 790 environ, dont le sens est imprécis ; ainsi que de rares fragments, datés entre 700 et 725, encore à l’étude, dont on ne peut rien conclure aujourd’hui.
Essayons d’imaginer ce que représente une écriture sans voyelle. Prenons par exemple la phrase « le son est bon ». Si l’on supprime les voyelles. Il nous reste : « l sn st bn ».
Avec de l’exercice, on finit par s’habituer à la chose et, dans un contexte donné, chacun restitue intuitivement les voyelles pour que la phrase ait un sens. En vocalisant différemment ces mêmes consonnes, on pourra néanmoins obtenir quelque chose de très différent. Tout mouchaf ou Coran écrit de cette époque peut être lu différemment suivant les voyelles brèves qu’on y suppose entre les consonnes. Ce qui entraîne évidemment beaucoup d’incertitude à propos du sens.
Le problème se complique du fait qu’en arabe, certaines lettres s’écrivent exactement de la même façon, et que seuls les points portés au-dessus ou au-dessous de la lettre en précisent la prononciation. Une des lettres de l’alphabet arabe avec un point au-dessus se lit par exemple « n » ; avec deux points au-dessus « t », avec trois points au-dessus « th » ; avec un point au-dessous « b », et avec deux points au-dessous « y ».
Une source de variantes provient donc de l’écriture arabe de la première époque, avant l’emploi généralisé des points diacritiques. Il est possible de lire un mot comme un verbe actif ou passif, comme masculin ou féminin, et le contexte admet parfois plusieurs possibilités. Les variantes de lecture se comptent par centaines. En fait, il y en a des milliers. Arthur Jeffery a établi la liste de toutes les variantes qu’il a trouvées ; plus de 1700 d’entre elles sont attribuées à Ibn Massoud. Dans 99,9 % des cas, et à l’image de celui qui est évoqué plus haut, ces variantes n’ont que peu d’incidence sur le texte.
Il en existe toutefois quelques-unes qui posent de sérieux problèmes. Exemple le chapitre Nº 5 (le chapitre de la table servie) verset 60 : « Dois-je vous dire que votre sort auprès de Dieu sera pire que cela ? Dieu a transformé en singes et en porcs ceux qu’il a maudits, ceux contre lesquels s’est courroucé et a donc adoré les idoles ».
Le texte arabe peut en effet signifier littéralement que Dieu a donc adoré les idoles (AI-Taghout). En effet, à cause de ces maudits points-voyelles, le mot « Dieu » est le sujet du verbe « adorer ». Il y a par conséquent un problème quelque part.
Ci-dessous les différentes lectures proposées par Ibn Massoud.
Oua man abadou al taghouta.
Oua abadata al taghouti.
Oua oubada al taghoutou.
Oua abouda al taghoutou.
Oua oubouda al taghouti.
Oua oubidati al taghoutou.
Oubbada al taghouta.
Pour ceux qui ne comprennent pas la langue maternelle de Dieu c’est-à-dire l’arabe, nous pouvons préciser que ces différentes lectures proposées par Ibn Massoud peuvent se classer en trois groupes. Le verbe est considéré comme un pluriel de sorte que ce sont les singes et les porcs qui « adorent les (idoles) Taghout » ; ou bien, le verbe est considéré comme étant au passif, de sorte que ce sont « les Taghout qui sont adorés » par les singes et les porcs ; ou encore, enfin, le mot abada est considéré comme un nom qui ferait des singes et des porcs les « esclaves » ou les « adorateurs des Taghout ».
Seule la première lecture a retenu l’attention des érudits et le verset devient alors dans leurs versions «… Dieu a transformé en singes et en porcs ceux… et qui ont adoré les idoles (al-Taghout).
Des points et divers signes, appelés diacritiques, placés sur ou sous les lettres, ont ensuite permis de faire la différence entre les diverses consonnes représentées par une même lettre. Plus tard encore, on a indiqué les voyelles.
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Les premiers signes diacritiques sont apparus plus de soixante ans après la mort de Mahomet, mais presque un siècle de plus a été nécessaire à des grammairiens perses pour mettre au point le système actuel.
L’écriture avec signes diacritiques et voyelles est dite scriptio plena (écriture pleine et complète). Elle peut être lue par des lecteurs qui en ignorent le sens, mais selon la manière dont on ajoute aux écrits primitifs des signes diacritiques et des voyelles, pour passer de la scriptio defectiva dont nous venons de traiter, à la scriptio plena, le sens peut varier.
Une forme intermédiaire, avec signes diacritiques, mais sans voyelle, a été utilisée pour la première fois en 694, par le gouverneur al Hadjaj, et s’est heurtée à une vive résistance. Aucun des exemplaires d’al Hadjaj n’est parvenu jusqu’à aujourd’hui, ni en original, ni en copie.
La scriptio plena fut généralisée vers 850, et, sous forme de copies successives, des exemplaires de Coran datant de cette époque nous sont parvenus. C’est donc à ce moment-là, plus de deux siècles après la mort de Mahomet, que le texte actuel du Coran a été définitivement fixé.
Ces premières conjectures n’ont pas suffi : le texte est devenu lisible, mais environ 30 % du Coran ne peut être compris, en raison de mots ou de formes grammaticales étrangères à l’arabe habituel. De nouvelles conjectures ont donc été formulées par des érudits perses ignorant la culture arabe, afin de donner un sens à ces passages restés obscurs. Il a fallu onze siècles pour former, mais aussi discuter ces nouvelles conjectures, et ce n’est qu’en 1923 que les érudits en question se sont mis à peu près d’accord sur une édition, celle du Caire. Il a donc fallu 1300 ans pour la mettre au point. C’est sous cette forme que le Coran est publié de nos jours. Il s’agit d’une traduction en arabe classique d’un texte qui est incompréhensible sous sa forme originale.
Ce livre est un recueil de 6229 (ou 6236) versets, mais une tradition remontant à Ibn Abbas en dénombre 6616). Verset se dit aya en arabe, mot qui signifie « preuve ». Preuve que ce que dit Mahomet est vrai. Évidemment, ce n’est nullement le cas et ces versets ne prouvent rien du tout, à part peut-être le fait que Mahomet avait beaucoup d’imagination ou une très bonne mémoire, mais peu d’esprit critique ; (le chapitre de l’éléphant, le chapitre numéro 105, est par exemple un souvenir d’enfance de Mahomet, les belles histoires que lui racontait son grand-père Abd el Mouttalib le soir à la veillée).
Ibn al-Arabi lui-même a reconnu que la question du nombre des versets constitue une des difficultés majeures de toute étude un tant soit peu sérieuse du Coran ; car il en est qui sont longs, alors que d’autres sont courts, et certains qui se terminent à la fin d’une phrase alors que d’autres s’arrêtent en plein milieu.
Ces versets sont regroupés en 114 chapitres appelés sourates. Ce mot, d’origine incertaine, signifierait primitivement « révélation », puis « réunion de plusieurs révélations » ou « fragments de révélation ». L’ordre des chapitres n’a été fixé que très tardivement, probablement à l’époque omeyyade et cet ordre a d’ailleurs beaucoup changé dans le temps. Les titres des chapitres n’ont pas nécessairement de rapport direct avec leur contenu : il s’agit simplement d’étiquettes.
Dernière précision à propos des versets.
De nombreux chapitres, à commencer par le premier, la fatiha, sont introduits ou commencent par les mots « Au nom de Dieu, qui fait miséricorde, qui est miséricordieux ».
Certains éditeurs considèrent que cette phrase ou ce membre de phrase, ainsi mis en exergue, constitue aussi un verset – à part entière, le verset numéro 1 donc du chapitre en question ; d’autres qu’il ne s’agit que d’une citation mise en exergue et ne faisant pas partie du texte même du chapitre. Il peut donc parfois exister un certain décalage dans la numérotation des versets suivant les auteurs.
1. Les Nabatéens habitaient une région dont la capitale était Pétra, aujourd’hui en Jordanie.
2. Le syriaque est la variante d’araméen parlé à Édesse.
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LE RECUEIL DES TEXTES CORANIQUES (LES DIVERSES COLLECTIONS DU CORAN).
Les documents qui constituent le Coran ont commencé à être collectés après la mort de Mahomet, à une date difficile à préciser.
Sur cette opération de recueil, les traditions musulmanes sont nombreuses et divergentes. Leur analyse, ainsi que des documents non islamiques, conduisent à placer la date de ces premières collectes dix à quinze ans après la mort de Mahomet.
On aurait pu s’attendre à ce que les secrétaires de Mahomet prennent en note de façon systématique les paroles de Gabriel récitées par leur maître. D’autant plus qu’elles étaient précédées ou accompagnées à chaque fois de diverses manifestations physiques assez spectaculaires. Ce ne fut pas le cas, puisque les traditions musulmanes indiquent que les deux secrétaires qui ont procédé à ces collectes, après la mort de Mahomet ; ont dû rechercher les notes prises par d’autres sur des pierres plates, des omoplates de chameaux ou d’ânes, des nervures de feuilles de palmier. Cette indifférence au Coran dans les années qui ont suivi la mort de Mahomet surprend. Les érudits de l’islam l’expliquent en disant qu’un si grand nombre de disciples savaient le Coran par cœur qu’il n’était pas nécessaire de prendre des notes. Mais ces disciples savaient le texte fort mal, puisque des dissensions violentes, risquant de dégénérer en guerre civile, éclataient parmi les récitants, aux dires du général Houdhaïfa ; qui demanda donc au calife Osman de rédiger un texte de référence approuvé par l’autorité politique 1). Le Coran pourtant devait être unique, puisqu’il était censé venir directement de Dieu. Il était donc impératif d’unifier tous ces textes. Il fallut pour cela des compromis et des adaptations. Les exemples précédents et les évocations de Corans multiples en sont quelques indices, mais bien d’autres remaniements ont dû avoir été effectués, sans laisser de traces repérables aujourd’hui. Les preuves de remaniements qui subsistent sont celles qui ont échappé à la vigilance des califes, ou à leur pouvoir, quand elles étaient trop largement diffusées pour être éliminées.
La confiance aveugle dans la mémoire des premiers adeptes, raison invoquée par les théologiens musulmans actuels pour expliquer cette absence de notes, n’est peut-être pas la cause de la négligence de Mahomet lui-même ni des califes avant Osman.
Les plus anciennes attestations musulmanes sur l’existence du Coran datent de 690 à 700, et les plus anciennes descriptions musulmanes de son mode de formation datent de 750.
Les attestations sur les multiples collectes des Corans et sur le tri ou la destruction des versions refusées, se prolongent bien au-delà de la si mal connue période initiale, et continuent pendant la période historique suivante, mieux documentée 2).
Les traditions qui attribuent le premier recueil à Osman n’apparaissent que vers 830, soit deux siècles après la mort de Mahomet. Leur date les rend pour le moins incertaines, en particulier sur ce qu’a fait Osman exactement.
Ces collectes multiples et tardives impliquent que les premiers musulmans ne considéraient nullement le Coran comme venu de Dieu ni transmis par l’archange Gabriel. Si ce texte avait eu sans conteste une telle origine, il aurait été si précieux que ses collectes n’auraient été ni tardives ni multiples. La dictée de Gabriel aurait été dès le début prise en note avec le plus grand soin.
Mais il est vrai qu’il y a des versets qui ne peuvent avoir Dieu ou l’archange Gabriel pour locuteur.
Il existe en effet un certain nombre de passages qui ne peuvent en aucun cas être attribués à Dieu, et qui sont de toute évidence de Mahomet. À commencer par le premier chapitre (1, 1-7) la Fatiha qui dit « Au nom de Dieu, Celui qui fait miséricorde, le Miséricordieux. Louange à Dieu, Seigneur des Mondes, le Clément, le Miséricordieux, le maître du Jour du jugement. C’est Toi que nous adorons, c’est Toi dont nous implorons le secours. Dirige-nous dans le droit chemin : le chemin de ceux que Tu as comblés de bienfaits ; et non le chemin de ceux qui encourent Ta colère, ni celui de ceux qui se sont égarés ».
Il n’est pas nécessaire d’être grand clerc pour réaliser que ces paroles sont adressées à Dieu et ne sont en aucune façon une révélation que Dieu donne à Mahomet ; c’est une prière que Mahomet adresse à son Dieu, pour lui demander secours et assistance, et non un message émanant de Lui.
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Une prière égoïste et simpliste comme la plupart des prières, et vraisemblablement d’origine juive. Ou chrétienne (même s’il est psychologiquement impossible de prier pour ses ennemis, désolé Jésus). Voire païenne.
Pour Ibn Massoud d’ailleurs, les chapitres 113 et 114 ne faisaient pas non plus partie du Coran à l’origine puisqu’ils contiennent les paroles : « Je cherche la protection du Seigneur ».
C’est encore plus évident dans le chapitre 6, 104 : « Qui est clairvoyant l’est pour lui-même, qui est aveugle l’est à son détriment, je ne suis pas votre gardien ».
« Je ne suis pas votre gardien… » est-ce vraiment Dieu qui parle ou bien Mahomet ?
Et dans ce même chapitre N° 6, au verset 114, celui qui parle ne peut encore être que Mahomet et non Dieu ou son esprit, c’est évident vu le texte.
« Chercherais-je un autre juge que Dieu ? C’est lui qui a fait descendre sur vous le Livre exposé intelligiblement ».
On pourrait aussi citer le chapitre 111 dont les propos cachent mal la rancœur de Mahomet envers son oncle et adversaire Abou Lahab, de même qu’envers l’épouse de ce dernier. S’ils sont indignes d’un prophète, ils le sont encore moins d’un Dieu omniscient et omnipotent. Abou Lahab était un sceptique qui niait déjà le caractère divin de la prédication de Mahomet.
À en croire la Tradition musulmane, le Coran n’a pas été écrit par Mahomet ; or sa syntaxe implique pourtant qu’un certain nombre de versets ne peuvent être prononcés que par des humains. Il en est par exemple ainsi des bénédictions et des malédictions.
Contre les juifs et les chrétiens (chapitre 9, verset 30) : « Que Dieu les anéantisse ! Ils sont tellement youfakouna ! »
À propos du mot arabe « youfakouna » qui essentialise ou caractérise donc, les juifs et les chrétiens, d’après la sourate 9, verset 30 et qui est souvent rendu dans les traductions comme quelque chose du genre « les juifs et les chrétiens… ne comprennent rien ».
Ils sont…
— Ensorcelés.
— Pervertis.
— Pervers.
— Dans l’erreur.
— Aberrants.
C’est un dérivé du verbe affala, du moins si l’on en croit le tome 1 du livre de Muhammad Mohar Ali intitulé « traduction mot à mot du Coran ».
Mais le terme youfakouna n’implique pas une simple ignorance, il suggère plutôt une intelligence dévoyée, ou qu’on empêche de fonctionner normalement.
Et le « on » en question est à prendre au sens fort : cela peut être aussi bien Dieu que le diable.
Étant athées nous écarterons néanmoins cette hypothèse et nous opterons pour un empêchement plus naturel.
« Les juifs et les chrétiens… sont naturellement dans l’incapacité de voir, de savoir, de comprendre ! »
Comme le dit le verset 171 du chapitre 2, « ils sont comme le bétail qui n’entend que confusément les sons et les cris qu’on leur adresse et qui, sourd, muet et aveugle, est incapable d’en comprendre le sens ».
Philosophiquement parlant « La foi des juifs et des chrétiens… n’a rien à voir avec la raison ! »
Plus crûment « les juifs et les chrétiens sont cons ! »
Bref en résumé « Les juifs et les chrétiens… sont mongoliens ». Ou aliénés.
Et il y en a d’autres comme ça, contre les juifs, les hypocrites (les contradicteurs), les incrédules, le démon.
Il y a aussi des bénédictions concernant Dieu lui-même et que l’on ne peut décemment lui attribuer, sauf à méconnaître sa modestie naturelle : « Béni soit Dieu, le meilleur des Créateurs ! » (Chapitre 23, verset 14).
Ce verset du Coran implique donc ici qu’il y aurait plusieurs créateurs, parmi lesquels le meilleur serait Dieu.
Il y a encore d’autres bénédictions de Dieu envers lui-même. Il est clair qu’une telle syntaxe implique que le locuteur est humain : Dieu ne peut s’invoquer en personne pour se prier de détruire ses ennemis, ou pour obtenir qu’il se bénisse lui-même. Devant de telles aberrations, Toland doit se retourner dans sa tombe.
Ces versets ne sont que quelques exemples parmi beaucoup d’autres.
La plus fameuse sourate, la Fatiha, qui commence le Coran, proclame par exemple : « Au nom de Dieu… C’est toi que nous adorons, c’est toi de qui nous implorons le secours… ».
Il est manifeste ici que c’est un fidèle qui parle, et non Dieu lui-même.
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Les érudits de l’islam proposent une solution simple (à la Témoin de Jéhovah) : il suffit d’ajouter « dis ! » avant ces proclamations, pour qu’elles puissent être attribuées à Dieu. Ce ne serait donc plus dans ce cas l’adepte qui s’exprimerait, mais Dieu qui indiquerait les paroles qu’il veut entendre prononcer par les fidèles.
Et de fait, c’est effectivement souvent le cas. Le mot « dis ! », en tête de verset ou de paragraphe, figure 236 fois dans le Coran, plus encore 73 fois sous des formes voisines, par exemple : « Dis aux incrédules ! » ou « Dis à ceux qui argumentent contre toi ! » ; voire encore, à six reprises, après une question de pure forme : « Réponds ! ».
Il aurait fallu cependant alors introduire ces mots près de 500 fois dans le texte, pour pouvoir attribuer à Dieu tout ce qui vient clairement d’auteurs humains, ce qui n’est pas le cas.
Mais le fait est que certains auditeurs ont pris des notes. Il peut y avoir à cela bien des raisons tout à fait matérielles. Les succès militaires et le charisme de Mahomet suffisaient à rendre ses discours mémorables sans avoir à invoquer d’autres motivations.
La seule chose historiquement sûre est que, environ quinze ans après la mort de Mahomet, le calife a décidé de recueillir ce qu’il pouvait trouver pour compiler ces différents fragments en un seul et même livre.
Afin de trancher, une large partie des autorités opta pour un ordre théoriquement neutre : l’ordre décroissant de longueur. Certains chapitres sont néanmoins parfois suivis d’un chapitre plus long. Dans l’édition d’Osman, les chapitres ont par conséquent été arbitrairement classés en fonction de leur longueur, et non par ordre chronologique. On trouve d’abord les plus longues et, à la fin, les plus courtes, à l’exception de la première, la Fatiha (l’ouverture) qui ne contient que sept versets en l’occurrence, et qui sert d’introduction, mais aussi de prière ou de bénédiction.
Les fragments retenus ont donc été classés par ordre de longueur décroissante, sans aucun souci ni de logique, ni de datation, ni de sujet abordé. Le classement des fragments par ordre de longueur décroissante ne facilite ni la compréhension de l’ensemble ni la visibilité du plan.
Ce classement aberrant conduit à d’innombrables difficultés. L’une d’entre elles est que les mêmes thèmes sont traités dans des fragments dispersés, 29 pour l’histoire de Noé, 37 pour celle d’Abraham, etc.
Les érudits musulmans ont donc établi une datation fondée sur des conjectures, mais l’absence de chronologie dans le Coran rend ces conjectures incertaines.
On peut se demander si ce désordre résulte d’une incapacité des rédacteurs, de leur indifférence à la logique, ou d’une volonté délibérée. Dans ce dernier cas, il faudrait en identifier l’intention. Une présomption que ce désordre fut peut-être voulu est que certains Corans anciens, aujourd’hui détruits, plaçaient les sourates dans un ordre différent du Coran actuel. On ne sait si cet ordre était logique, mais il ne pouvait pas être par longueur décroissante comme celui d’aujourd’hui, puisqu’il en différait [Souyouti, Itqan et Ibn al-Nadim, Fihrist].
La destruction des parties refusées ainsi que l’usage de la violence contre leurs détenteurs et leurs diffuseurs, attestés dans l’histoire des Corans, font présumer que ces parties contenaient aussi des informations à faire disparaître.
La destruction par les califes de ces documents originaux relatifs au Coran a été faite ouvertement, et elle est relatée dans les documents historiques musulmans. Ont été ainsi détruites les toutes premières notes prises par les auditeurs de Mahomet sur des supports de fortune ainsi que les notes d’Hafsa, une des épouses de Mahomet. Les Corans considérés comme dissidents ont été détruits par le gouverneur Hadjaj en 692. Les notes de Fatima, la fille de Mahomet, ont disparu, ainsi que de nombreux documents cités dans des écrits ultérieurs, mais dont on ne retrouve rien.
À première vue, détruire les textes de Mahomet rassemblés par l’une de ses épouses ou une de ses filles est un acte intolérable pour des musulmans. Il dut sans doute y avoir de bonnes raisons pour cela. Peut-être y avait-il dedans trop de textes identifiables comme juifs ou judéo-chrétiens, notamment des extraits de la Thora. Rappelons que Mahomet, d’après l’évêque Sébéos et son histoire d’Héraclius, était « instruit et à l’aise avec l’histoire de Moïse ».
Une traduction du Coran a été faite en syriaque au douzième siècle, par Denys Bar Salibi, évêque d’Amid (mort en 1171), dans son traité « Contre les musulmans » conservé dans la collection Mingana. Ce traité contre les mahométans est divisé en trois discours (maimré), subdivisés en trente chapitres. Le dernier discours, comprenant les chapitres 25-30, est entièrement composé de citations du Coran, traduites en syriaque.
Le texte que Barsalibi a traduit était ancien et ne comportait pas toutes les modifications introduites du temps des califes. Cette traduction montre que les Corans primitifs différaient de l’actuel, et portaient des traces plus nettes de leur origine judéo-chrétienne.
Le verset 171, du chapitre 4, était ainsi rédigé : « Le Messie, fils de Marie, est l’apôtre de Dieu, sa parole et son esprit, qu’il a envoyé en Marie, croyez donc en Dieu et en son Messie ».
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Dans la version actuelle du Coran, la fin est devenue : « Croyez donc en Dieu et en ses messagers ».
Dans le texte primitif, traduit par l’évêque d’Amid, le messager de Dieu est donc encore le Christ, comme chez les judéo-chrétiens. Dans le Coran revu et corrigé par l’évolution ultérieure de l’islam, l’expression « son Messie » a été remplacée par « ses messagers », au pluriel, ce qui laisse une place à Mahomet. Or après la phrase précédente au singulier, ne faisant état que du Messie, la suivante au pluriel dans le Coran traditionnel est illogique.
La même conclusion que précédemment s’impose : ces versets ont été rédigés après que Mahomet fut devenu un prophète transmetteur du Coran, donc après 686.
Marouane Ibn al Hakam, cousin d’Osman et gouverneur de Médine sous Mou’aouiya, entre 660 et 680, s’employait, suivant les uns à collecter, suivant les autres à détruire, les textes rassemblés par Hafsa. Il faut donc peut-être comprendre qu’il faisait les deux. Abd al Malik, calife au début du huitième siècle, prétendait avoir, lui aussi, collecté le Coran : mais en réalité en y ajoutant de nouveaux versets.
On composa par conséquent des Corans alternatifs en choisissant parmi les documents disponibles.
Parmi ceux-ci on peut citer le Coran d’Ibn Massoud et celui d’Achari.
Andrew Rippin. Les premiers musulmans ont insisté sur l’origine et la nature divine du Coran et ont loué son mode de révélation par comparaison avec celui des écritures précédentes, mais ils ont fait une distinction entre le Coran céleste et le texte « terrestre » réel possédé par les croyants le mouchaf, écrit en rasm. En fait, ils ont considéré le texte coranique en leur possession, connu sous le nom de « codex d’Osmanien » comme imparfait et incomplet.
Cette distinction entre les deux versions du Coran, l’une céleste et l’autre figurant e codex d’Osman apparaît clairement établie dans certaines traditions traitant de l’histoire du texte coranique, et décrivant la manière dont les révélations coraniques ont été compilées en une version complète du Coran du vivant de Mahomet. À en croire ces traditions, les diverses révélations ont été réunies vers la fin de la période d’activité prophétique de Mahomet et la tâche de rassembler le livre entier ne fut achevée que longtemps après.
Le processus aurait commencé avec la mise au point d’une version annuelle des révélations durant le mois de Ramadan, et se serait achevé avec la mise au point d’une version définitive et complète peu de temps avant la mort de Mahomet (voir Burton 1977 : 192-5).
Cette version finale du Coran, revue et corrigée par l’ange Gabriel, n’était pas cependant destinée à devenir le texte figurant chez les croyants, à savoir la version canonique officielle éditée conformément à la tradition acceptée sous le règne du calife Osman. Des traditions se ramifiant à l’infini établirent plutôt un lien ininterrompu entre la version telle qu’elle fut révélée du vivant de Mahomet et la version « pré-osmanienne » du compagnon Abd Allah b. Massoud (mort en 652 ou 653), une personnalité hautement respectée faisant autorité en matière de Coran. L’affirmation que la version d’Abd Allah b. Massoud est celle du texte original révélé se devine dans la tradition de Koufa selon laquelle Abd Allah b. Massoud était là lorsque la version finale du Coran fut révélée à Mahomet. Motivation sous-jacente de ces traditions venant principalement de Koufa est très claire : il s’agit de remplacer le codex Osmanien par une version alternative du Coran, à savoir celle d’Ibn Massoud, qui représentait le texte original et authentique remontant à Mahomet. De manière assez surprenante, cette position, qui mettait en doute la fiabilité et le caractère sacré du Codex Osmanien, ne fut pas rejetée d’emblée. Elle fut acceptée dans certains milieux durant les premiers temps de l’islam, qui ont même été jusqu’à diffuser une tradition selon laquelle Mahomet lui-même semblait contredire le statut du Code Osmanien. Il est dit avoir déclaré : « Qui veut lire le Coran dans toute la pureté de sa révélation doit lire la version d’Ibn Oumm Abd », c’est-à-dire la version d’Ibn Massoud (Ibn Abi Shayba 1989 : VII, 184 ; II, 209, Burton 1977 : 193).
Cette préférence des gens de Koufa pour la version de Massoud en tant que texte coranique authentique de la révélation s’accompagnait de vigoureuses expressions d’une certaine désapprobation envers Zaïd b. Thabit, qui était considéré comme étant inapte à compiler et éditer le Coran, à la fois parce qu’il était plus jeune qu’Ibn Massoud et à cause de ses humbles origines (voir aussi Goldziher 1920, 10, Jeffery 1937, 20, Lecker 1997, 261-2). Les traditions en question soulignent qu’Ibn Massoud connaissait déjà soixante-dix chapitres du Coran ou plus venant de Mahomet alors que Zaïd b. Thabit était encore un petit garçon avec deux papillotes ou même juste une graine dans les reins de son père infidèle. Ainsi, dans une tradition, il est rapporté que Abd Allah b. Massoud a donné un sermon dans lequel il a dit : « J’ai appris de la bouche même du prophète soixante-dix sourates quand Zayd b. Thabit était encore un jeunot avec des papillotes de chaque côté et jouait encore avec les enfants » (Ibn Hanbal 1895 : I, 411). Dans une autre tradition, Zaïd n’est pas mentionné par son nom, mais Abd Allah b. Massoud est dit avoir posé la question : « Pourquoi ne lisez-vous pas [le Coran] selon la version d’untel ? » Question à laquelle il aurait lui-même répondu : « J’ai récité soixante-dix sourates devant le prophète et il m’a dit que je faisais bien, à une époque où
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celui dont tu aimerais que je récite la version était encore une graine dans les reins d’un infidèle » (Ibn Shabba 1979 : III, 1006). L’expression la plus nette de l’opposition à Zaïd b. Thabit et la version du Coran qu’il a éditée se trouvent dans une tradition dans laquelle Ibn Massoud rejette le codex Osmanien en raison des origines juives de Zaïd (Ibn Shabba 1979, III, 1008, Lecker 1997, 260).
L’affirmation dans les traditions pro-Ibn Massoud que le codex Osmanien est incomplet est fondée sur ce que les traditions canoniques nous disent à propos de la façon dont le Coran a été compilé. Ces traditions, connues sous le nom de « collecte du Coran » (jam al-Quran), ont été analysées de manière approfondie par Nöldeke (1909-1938, II, 11-27, 47-62, Burton 1977, 141, -2, 225-40) et de nombreux autres érudits qui ont tenté de reconstruire l’histoire du texte coranique en utilisant les matériaux disponibles ».
Quoi qu’il en soit ce qui fut rassemblé puis publié par le calife Osman a pris le nom de Coran ; et jusqu’à aujourd’hui les musulmans n’utilisent pas son nom sans le qualifier systématiquement de karim (noble), hakim (plein de sagesse), majid (glorieux), azim (très grand), etc. ; mais il existe des appellations alternatives : kitab (livre) – kalam (parole) – nour (lumière) – zikr (avertissement) – souhouf (feuilles) – fourqane (mot qui qualifie aussi la Torah), et autres noms de ce genre. Chacun de ces termes aurait pu être le nom du livre saint de l’islam, mais « Coran » (récitation) est devenu le plus connu.
Le texte du Coran mentionne le mot Coran des dizaines de fois. Mais comment se fait-il que ce terme ne soit pas associé à celui de révélation ? N’est-il donc pas la troisième et la meilleure des révélations ?
La même question se pose à propos de ce qui a été donné à Moïse et à Jésus (Coran 2,53 ; 57,27), c’est-à-dire la Thora et l’Évangile. Il n’est fait nulle mention de « ce qui a été donné à Mahomet ». Même question encore avec « la parabole qui les concerne dans la Thora et celle qui les concerne dans l’Évangile » (Évangile au singulier). Dans ces passages, le mot comme le concept de Coran est absent.
Simple interrogation des barbares druides d’Occident que nous sommes.
La thèse musulmane traditionnelle fait dériver ce terme de la racine qara, qui en arabe signifie, entre autres, lire, réciter ou proclamer, car Mahomet le récitait à ses auditeurs après l’avoir entendu proclamer par l’archange Gabriel.
Christophe Luxenberg a étudié les vocalisations les plus anciennes de ce mot. Elles montrent que Coran ne peut en aucun cas dériver de la racine arabe qara, mais vient de l’araméen qeryân qui signifie lectionnaire : une collection d’extraits de livres sacrés, faite pour un usage liturgique. Avant d’être définitivement démontrée par Luxenberg, cette origine avait déjà été envisagée par Nödelke ; et ses arguments avaient si bien convaincu que l’encyclopédie du Coran, dans son article Kuran, considère que l’origine de Coran se trouve dans le syro-araméen Keryana (une autre orthographe de qeryane), qui signifie « Lecture des Écritures, employée dans la liturgie ».
L’étymologie arabe qara est donc une réinterprétation tardive, de même nature que les précédentes.
Premières conclusions.
Il semble qu’au cours du huitième siècle, soit un siècle et quelques années après la mort de Mahomet, l’essentiel était fait quant aux fondations théologiques. L’achèvement de ce travail est indiqué par trois faits.
— La généralisation de la scriptio plena, l’écriture pleine et entière, vers 850, qui a définitivement fixé le texte du Coran.
— Les cent et quelques versets prononcés par des locuteurs humains ne peuvent en effet avoir été ajoutés que pendant la période ou la thèse du Coran incréé a été interdite, donc après 827.
— Enfin, c’est sur une période de 200 ans que s’étale la disparition des documents originaux. Il est logique de penser que la destruction des archives a cessé quand, la confection du Coran étant achevée donc la nouvelle théologie s’étant mise en place, il n’a plus été nécessaire de cacher les traces du travail de fabrication.
De 850 à l’an mil environ, pendant un siècle et demi encore, il y a eu des procès contre les érudits réfractaires détenant des textes non conformes. Puis, avec la disparition des derniers documents anciens, ces procès sont devenus de plus en plus rares.
Ci-dessous le jugement d’un philosophe CHRÉTIEN arabe sur le Coran, Al-Kindi (nom complet Abd al-Masih ibn Ichaq al-Kindi). Il a vécu à l’époque (vers 825) où les califes et leurs scribes élaboraient encore le Coran. Bien qu’il n’ait pas eu accès aux documents non musulmans sur Mahomet ou les mouhadjiroun, voici le jugement qu’il a pu porter sur ce travail.
« La conclusion de tout ceci (les diverses rédactions du Coran) est évidente à qui a lu ces écrits et a vu comment, dans ce livre, les récits sont assemblés n’importe comment et mélangés ; il est évident que diverses mains – nombreuses – s’y sont mises et ont provoqué des incohérences, ajoutant ou
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enlevant ce qui leur plaisait ou déplaisait. Est-ce donc là les conditions d’une Révélation envoyée du Ciel ? » (Rissalat al-Kindi).
L’unité du Coran réside seulement dans le fait que l’ensemble a en principe été rapporté, par fragments, durant une vingtaine d’années. Et par un seul homme, Mahomet, qui affirma que tout lui venait de Dieu par l’intermédiaire d’une créature surnaturelle (qu’il était le seul à voir et à entendre) afin de rétablir la « vraie religion » ; déjà révélée dans la Torah puis les évangiles, mais pervertie par certains juifs ou certains chrétiens. Mahomet, qui connaissait assez bien la première partie de la Bible (la Torah ou Pentateuque) et un peu le Nouveau Testament, surtout dans ses versions apocryphes et gnostiques (docétisme) ou judéo-chrétiennes de type messianique ; a en effet toujours soutenu qu’il recevait ses révélations de la parole de Dieu par le truchement de cet esprit mystérieux (que la tradition ultérieure a assimilé à l’archange Gabriel, mais postérieurement aux faits).
1) Boukhari, Sahih, Livre 66 (des vertus du Coran), chapitre 3.
2) Ibn Abou Daoud al-Sijistani, Kitab al-masahif (le livre des manuscrits du Coran)
3) Ibn Chabba, Tarikh al-Madina al-Mounaouara, Histoire de Médine, la cité radieuse.
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LE PREMIER MOUCHAF.
1. Le Coran est un texte. C’est un texte dont on parle beaucoup depuis quelque temps, mais que très peu de gens, hormis les musulmans pratiquants, et encore, connaissent. Et pourtant, il date du VIIe siècle de notre ère.
2. L’étude du Coran doit être soumise aux mêmes règles d’analyse ou d’exégèse que celles que l’on applique aux autres textes : grammaire, syntaxe, contexte littéraire, contexte historique et contexte culturel, etc.
3. Une de ces règles est que, quand un livre se réfère à quelque chose sans donner d’explication ; cela signifie que le ou les auteur (s) de ce livre considère (nt) que ceux qui le liront ou l’entendront réciter… sauront de quoi il s’agit.
4. Le Coran se réfère à des dieux, à des peuples, à des lieux, et à des choses, qui ne sont définis ni expliqués nulle part, à l’exception du Coran lui-même.
5. Le ou les auteur (s) du Coran supposent donc que tout le monde en savait déjà suffisamment à ce propos et qu’aucune explication supplémentaire n’était nécessaire.
6. On ne peut comprendre certains passages du Coran sans recourir au contexte historique et culturel de l’Arabie préislamique. Exemple le chapitre « Il s’est renfrogné » (chapitre numéro 80) et le chapitre de l’éléphant (chapitre 105).
7. Les érudits se servent de l’histoire de l’Arabie préislamique pour expliquer le contenu du Coran. Les récits que l’on trouve dans le Coran sont tirés des légendes ou des mythes arabes de l’époque, des juifs, des Perses ou des chrétiens, en d’autres termes, ils viennent des hommes de cette Terre et en aucune façon du Ciel. Leur origine ce n’est pas Dieu, mais de simples humains.
Note de la rédaction. On peut d’ailleurs dire exactement la même chose des religions juive et chrétienne. Les premiers chapitres de la Bible n’ont pas été révélés par Dieu, mais empruntés à la mythologie sumérienne. Ils ne viennent pas du Ciel, mais de la Terre, et le reste est à l’avenant (voir notre essai sur le judaïsme).
Gerd-Rüdiger Puin, de l’université de Sarrebruck, se demande si des sources préislamiques ne pourraient pas être intervenues dans l’élaboration du Coran. Le Coran tel que nous le connaissons est en effet un texte issu de différentes traditions orales, et il ne fut mis par écrit que plusieurs années après la mort de Mahomet. Ce texte est essentiellement composé de fables ou de mythes, mêlant les noms, les dates, les événements, et les lieux, du corpus biblique ou de l’histoire arabe, en une œuvre de fiction très composite. Ces histoires (les 7 dormeurs de la caverne, la chamelle, les hommes transformés en singes ou le voyage de nuit à Jérusalem de Mahomet sur sa monture magique appelée Bouraq) ne sont que des reprises de récits préexistants.
Les matériaux du Coran.
Une part de ces matériaux sont des fragments déformés de la Thora : le Coran contient quelque 6 000 versets, parmi lesquels 502 concernent Moïse, 245 Abraham, 131 Noé, d’autres Adam, Loth, Israël, etc. Au total, un quart du Coran est formé de matériaux venus de la Thora ou de l’Évangile (des apocryphes surtout, Hébreux, etc.).
CE QUI PROUVE AU PASSAGE QUE CELA DEVAIT ÊTRE PARLANT POUR UNE PARTIE DES HOMMES OU DES FEMMES VISES PAR CE GENRE DE RÉCIT, DONC QU’IL Y AVAIT AUTOUR DE MAHOMET DE NOMBREUX AUDITEURS SOIT JUIFS SOIT CHRÉTIENS OU LES DEUX A LA FOIS.
Un huitième du Coran (800 versets) concerne les règles religieuses et sociales qui structurent les sociétés musulmanes.
Les légendes arabes, telles celles de Chou’aïb, Salih, Houd, en forment environ deux pour cent.
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Des légendes juives, tel le voyage de Moïse, ou perse, telle celle de Dhou al Qarnaïn (le Roman d’Alexandre le Grand) font ensemble de l’ordre d’un pour cent. Le reste est formé de discours de motivation incitant à la guerre, d’exhortations, de fragments d’hymnes, de discours polémiques, etc.
Un exemple de discours de motivation
Le chapitre 12, qui porte le nom de Joseph, en est une excellente illustration. L’étude détaillée de la séquence des versets montre qu’elle n’est nullement un récit destiné à instruire des hommes ou des femmes qui ne connaîtraient pas cette histoire ; mais une évocation destinée à des gens qui en ont déjà entendu parler. Des commentaires entrecoupent le récit et le suivent, pour servir aux fins de l’orateur.
Ordinairement, lorsqu’un livre sacré rapporte une légende ou un mythe, il le fait de façon suivie. Ensuite, des théologiens ou des juristes étudient ce récit, et rédigent des commentaires ou en donnent des interprétations. Or dans cet exemple, l’histoire est apparemment déjà connue des auditeurs. Et puisqu’il s’agit d’un texte sacré, les auditeurs la tiennent donc d’un autre livre sacré, différent et antérieur au Coran. C’est d’ailleurs ce que dit explicitement le locuteur du Coran après avoir achevé son récit 1). « Ceci n’est pas un conte imaginaire, c’est la confirmation de quelque chose qui existait avant ».
Divers commentaires interrompent le récit 2) : « Il y a là en Joseph et ses frères des signes pour ceux qui posent des questions ».
Ceux qui posent des questions ce sont ceux qui ne sont toujours pas convaincus par les prêches de Mahomet, toujours pas convaincus par l’islam. Ils feraient bien de voir dans ce récit que, lorsqu’un homme parle en étant investi de l’autorité de Dieu, que ce soit Joseph ou l’orateur, alors les auditeurs qui le contestent subissent toujours d’effroyables châtiments.
Autre commentaire 3) : « Dieu est souverain dans son commandement, mais la plupart des hommes ne savent rien ».
Or la volonté de Dieu, comme le rappelle plus de vingt fois le Coran, c’est que les hommes obéissent à ceux qui parlent en son nom.
Les dix derniers versets du chapitre sont un commentaire ; dans lequel l’orateur déclare qu’il ne demande pas d’argent à ses auditeurs, mais que ceux-ci doivent lui obéir, que personne ne doit le traiter de menteur ; que Dieu sauve qui lui plaît, notamment ceux qui parlent en son nom, donc l’orateur lui-même ; et qu’il punit de la pire façon les hommes qui contredisent les messagers de Dieu. Ceux qui ont un brin d’intelligence doivent donc suivre l’enseignement qui vient de leur être donné.
Bref, c’est un discours prononcé par un locuteur humain. Il a sans doute été prononcé de son vivant par Mahomet, avant 632, et inclus dans la collecte d’Osman, vers 650.
1) Chapitre 12, verset 111.
2) Chapitre 12, verset 7.
3) Chapitre 12, verset 21.
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LE CORAN ET LA MYTHOLOGIE.
Mahomet a beaucoup utilisé les contes et légendes de son temps, la mythologie de sa tribu ou des peuples voisins (voir l’histoire des Ad et des Thamoud par exemple). Le Coran a notamment emprunté ses djinns (mot arabe signifiant « génies ») au paganisme arabe antique. Le Coran lui-même, d’ailleurs le reconnaît : chapitre 25, verset 5 : « Ils disent que ce sont des histoires de nos aïeux qu’il se fait écrire et dicter du matin jusqu’au soir ». Seul le chapitre 105 (les oiseaux « Ababil » qui mettent en fuite des étrangers attaquant La Mecque montés sur des éléphants de guerre, en leur lançant des pierres d’argile) a peut-être un fond de vérité.
Nous disons bien « peut-être », car il y a matière à débat.
La sourate 105 ne parle ni d’Abraha, ni de son fils, ni du Négus, ni du temple, ni des Couraïchites ni de La Mecque ni des Éthiopiens.
Abraha est un personnage historique, un souverain du Yémen du 6e siècle.
D’après Alfred-Louis de Prémare, les données fournies par les sources littéraires externes et les inscriptions, et qui concernent l’intervention éthiopienne au Yémen [vers 529-530], le règne de Soumouyafa Asoua [± 530-±535] et la prise de pouvoir d’Abraha [± 535] sont les suivantes.
À l’époque de la guerre byzantino-perse de 527, à la suite du massacre des chrétiens de Nadjran par le roi himyarite juif Yousouf As‘ar [= Dhou Nouwas dans les traditions arabes], le roi d’Éthiopie, qui est chrétien, intervient au Yémen.
Youssouf et ses troupes sont défaits et Youssouf s’enfuit, ou trouve la mort.
Le Négus installe sur place un nouveau roi yéménite, un chrétien, Soumouyafa Assou [Esimiphaios chez Procope], de qui il exige un tribut annuel, puis il se retire.
Vers 535, une rébellion militaire au Yémen porte au pouvoir un militaire du nom d’Abramos [=Abraha], qui est chrétien. C’est l’ancien esclave [doulos] d’un Byzantin installé pour affaires dans la région d’Adoulis (sur la Mer Rouge, en Érythrée actuelle).
Abramos/Abraha se rend indépendant de l’allégeance éthiopienne.
Le Négus Kalêb essaie sans succès de réduire la rébellion d’Abraha. Celui-ci acceptera de payer tribut à son successeur. La Chronographie de Jean Malalas, cependant, ne mentionne pas le règne de Soumouyafa Assoua; Abraha aurait été placé directement sur le trône par les Éthiopiens, immédiatement après la mort du roi himyarite persécuteur des chrétiens de Nadjran.
L’une des campagnes d’Abraha en Arabie centrale (celle de 552) est attestée par une inscription sudarabique trouvée à Mouraïgan. Mouraïgan est situé à quelque 400 km au sud-sud-est de La Mecque, et à quelque 200 km au nord-nord-ouest de Nadjran. L'inscription précise la date de l’expédition (662 du calendrier himyarite = 552 de notre ère), et indique que ce fut la quatrième, en avril, « lorsque tous les B. ‘Amir se révoltèrent ». De son côté, Procope parle, lui aussi, de la marche d’Abraha vers le Nord, laquelle serait restée sans suite véritable en dépit des efforts de l’empereur Justinien pour le pousser à attaquer la Perse. L’inscription de Mouraïgan RY 506, semble indiquer deux et même trois corps expéditionnaires dans le même mouvement : l’un mené par Abraha contre les Ma’add à Haliban, les deux autres envoyés par Abraha et menés respectivement par les Kinda dans la vallée de Dou-Marh, et par les Mourad et les Sa’d dans la vallée de Touraban.
Abraha semble donc avoir été un roi marquant dans l’histoire de l’Arabie à la fin de l’ère himyarite : évoqué par les chroniques contemporaines, son nom et le mémorial de certaines de ses actions ou réalisations sont inscrits sur la pierre ; les réminiscences de son règne sont présentes dans la littérature arabe. Cet ensemble fait de lui un acteur connu et bien réel de l’histoire de la Péninsule arabe au 6e siècle de notre ère.
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Le récit concernant la prise de pouvoir d’Abraha au Yémen est connu le plus généralement par les versions qu’en donnent respectivement Ibn Hicham, Ibn al-Kalbi et Tabari, où elles sont situées dans le cadre d’un ensemble traitant de l’attaque de la Mecque et de la sourate 105 [al-Fil].
Mais il en existe d’autres et notamment le récit qui figure dans le Kitab al Aghani (livre des chansons) d’Abou-l-Faradj al Isfahani. Abou-l-Faradj n’est pas lié par le souci d’une exégèse de la sourate 105 et d’un autre côté ses sources semblent essentiellement yéménites.
Chez Tabari comme chez Ibn Ichaq et Ibn Hicham, les relations sur le règne d’Abraha après l’élimination de son prédécesseur s’achèvent par un récit sur l’expédition de l’éléphant, mais il n’y a rien de tel chez d’Abou-l-Faradj al Isfahani et ce silence d’Abou-l-Faradj sur l’attaque supposée de la Ka‘ba par Abraha semble bien intentionnel. Notre auteur a fait le choix de mettre en valeur les gloires du Yémen préislamique.
Ce qu’en déduisent les gens de plusieurs (12 par exemple comme chez les Fénianes, un chiffre symbolique) LIVRES.
Une banale histoire de chars arrêtés par une attaque aérienne comme lors de la guerre du Golfe ? Mahomet aurait eu la vision ou la prescience des ravages d’une attaque aérienne américaine sur des blindés irakiens, et aurait transcrit cette vision futuriste avec les moyens linguistiques de son temps. Ah oui, il est vrai que ça n’existait pas encore à l’époque.
Ou alors, il s’agit d’une allusion à l’utilisation de frondes. La traduction du terme arabe – hadjaratin sijil – par « pierre d’argile » n’est pas très sûre.
Mahomet a peut-être tout simplement pris un peu trop au sérieux les belles histoires que son grand-père Al Mouttalib lui racontait le soir à la veillée au coin du feu. Ce qui est embêtant quand même, c’est de croire au père Noël à quarante ans. Mais rien ne prouve que ces versets soient bien de Mahomet. Ils ont très bien pu avoir été insérés après sa mort, par les mains pieuses de quelque musulman de la première génération, plus crédule.
Le Coran se réfère bien entendu aussi fréquemment à la mythologie juive ou chrétienne, puisque l’islam repose tout entier sur le postulat que Dieu a bien parlé aux hommes par l’intermédiaire du message biblique, tant juif que chrétien.
Certaines chroniques rapportent que Dieu aurait eu 124 000 prophètes (les Témoins de Jéhovah, eux ; parlent de 144 000 Élus), mais que seuls 316 d’entre eux auraient eu le privilège d’être des apôtres, l’archange Gabriel leur ayant transmis des directives divines à ce sujet.
Vraiment obéir au vrai Dieu suffisait pour être musulman aux yeux de Mahomet (qui ne s’est jamais beaucoup appesanti par contre sur ce qu’il fallait entendre par « vraiment obéir » ou « vrai » dieu).
Mahomet n’ayant jamais prétendu fonder une nouvelle religion l’islam naissant se réfère par conséquent et de façon positive, bien que ce soit toujours de façon fantaisiste ou erronée, aux livres révélés antérieurement la « Taourat » (Thora), les « Zabour » (psaumes), « l’Injil » (l’Évangile). Mahomet cite tous les grands hommes mentionnés dans ces livres : Adam, Noé/Nouh, Abraham/Ibrahim, Moïse/Moussa, Jean-Baptiste/Yahya et Jésus/Issa. Parmi ces prophètes, seuls certains envoyés de Dieu ont été autorisés à promulguer une nouvelle religion. Ils sont six ou sept selon que l’on compte ou non David : Adam, Noé/Nouh, Abraham/lbrahim, Moïse/Moussa, Jésus/Issa. Mais l’islam affirme aussi que les messages authentiques envoyés par Dieu à ces hommes ont été par la suite complètement déformés, altérés, censurés, ou mutilés, par les juifs et les chrétiens. Ce qui est d’ailleurs parfaitement exact en un sens. Voir nos essais sur le judaïsme et sur le christianisme. Mahomet enfin est le « sceau de tous ces prophètes ». Aucune autre révélation ni évolution ne seront plus possibles par la suite après lui. Notion empruntée au manichéisme.
Plusieurs autres personnages sont également évoqués dans le Coran : Jacob/Yac’oub, Joseph/Youssouf, Job/Ayoub et David/Daoud.
Le Coran mentionne même Aaron, Salomon, Jonas, Zacharie, Ismaël et Agar (la servante d’Abraham) sauvés du désert par l’eau du puits de Zem-Zem, l’eau qui murmure, près de la Kaaba, et enfin Marie.
Chapitre 3, versets 45 à 49. Les anges dirent : ô, Marie, Dieu t’annonce la bonne nouvelle d’un Verbe émanant de lui, son nom est le Messie, Jésus, fils de Marie, illustre en ce monde et dans la vie future ; il est au nombre de ceux qui sont proches de Dieu. Dès le berceau il parlera aux hommes comme un vieux sage, et il sera au nombre des Justes.
Elle répondit : mon Seigneur, comment aurais-je un fils ? Nul homme ne m’a jamais touchée ». La suite est plus obscure et vient sans doute de l’évangile de l’enfance de Thomas – un apocryphe – une allusion à des oiseaux d’argile que Jésus aurait miraculeusement animés… Le reste (du verset 49) nous ramène en terrain connu : guérison des aveugles, des lépreux, et résurrection des morts par Jésus.
L’islam envisage même aussi un retour de Jésus sur Terre (qui osera prétendre après ça que l’islam ne doit rien au christianisme ?) précédé par la venue d’un messie appelé le Mahdi.
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Ce sont deux personnes distinctes, mais elles travailleront ensemble (encore que les traditions, sur ce point, comportent quelques contradictions) pour combattre le mal et instaurer la justice. Le Mahdi en ce qui le concerne ira de La Mecque à Damas. Il ne vaincra pas le faux messie (l’antéchrist) appelé Dadjal, (arabe : al-massih ad-dadjal, le faux Messie), l’antéchrist ; que certains assimilent à la bête (arabe : dabba, « bête ») apocalyptique du Coran, appelée l’espionne par la tradition (arabe : jassasa, espionne) (22, 82) ; car c’est Jésus qui est censé venir à bout de ce faux messie. Ensuite, Jésus et le Mahdi resteront sur terre pendant quelques années.
MYTHE CHRÉTIEN REPRIS PAR L’ISLAM.
Le chapitre de la caverne, le chapitre N°18 versets 9 à 26.
Il s’agit d’un vieux mythe chrétien sur d’imaginaires ou très exagérées persécutions.
La version la plus ancienne en Occident est celle qui figure dans le DE GLORIA MARTYRUM de Grégoire de Tours (6e siècle) qui prétend la tenir d’un traducteur syriaque.
Ci-dessous un résumé de la version en anglo-normand du 13e siècle de Chardri (anagramme de Richard). Un résumé, car Chardri brode beaucoup.
Ne voil pas en fables d’Ovide,
Seinnurs, mestre mun estuide,
Ne ja, sachez, ne parlerum
Ne de Tristram ne de Galerun ;
Ne de Renard ne de Hersente
Ne voil pas mettre m’entente,
Mes voil de Deu e sa vertu,
Ki est pussant e tutjurz fu,
E de ses seinz, les Set Dormanz,
Ke tant furent resplendisanz
Devant la face Jesu Crist.
Car si cum il est escrit
Vus en dirrai la verité
De chef en chef cum ad esté.
Un empereur esteit pussant
En Costentinoble la grant ;
Decius fu icil numez,
Orgeillus e pussant assez,
Mes de la lei fu mescreant,
Car en Apolin e en Tervagant
Aveit tute se entente mise.
Ce qui nous donne dans notre jargon d’aujourd’hui.
Messeigneurs, je ne vais pas m’employer ici à raconter les fables d’Ovide, ni même, vous devez le savoir, à parler de Tristan ou de Galeron. Je ne veux pas non plus m’attarder sur les histoires de Renard ou d’Hersente 1) je vais plutôt vous parler de Dieu et de sa vertu, qui est puissant et a toujours été, et de ses saints, les Sept Dormeurs, qui ont été si resplendissants devant la face de Jésus-Christ. Je vous dirai la vérité, telle qu’elle est écrite ; point par point comme cela se produisit. Il était une fois un puissant empereur de Constantinople la grande ; nommé Dèce, il était très orgueilleux et puissant, mais en ce qui concerne la religion il était mécréant, car il mettait toute sa foi en Apollon et Tervagant 2).
1) Personnages du Roman de Renart.
2) Survivance du Tarvos Trigaranos celte.
Bref les sept dormants étaient originaires d’Éphèse. L’empereur Dèce qui persécutait les chrétiens étant venu dans cette ville, fit construire des temples dans l’enceinte de la cité, afin que tous se réunissent à lui pour sacrifier aux idoles. Il avait alors ordonné que l’on cherchât tous les chrétiens ; et
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quand ils avaient été pris, il les forçait à sacrifier ou à mourir. L’ami reniait son ami, le père son fils, et le fils son père.
Se trouvaient alors dans cette ville sept chrétiens, qui furent saisis d’une grande douleur en voyant ce qui se passait. Maximien, Malchus, Marcien, Denys, Jean, Sérapion et Constantin. Comme c’étaient les premiers officiers du palais, mais qu’ils méprisaient les sacrifices offerts aux idoles, ils restaient cachés dans leur maison, se livrant aux jeûnes et aux oraisons. Mis en accusation et traduits devant Dèce ; on leur accorda le temps de venir à résipiscence et ils furent relâchés, jusqu’au retour de l’empereur. Ils distribuèrent leur patrimoine aux pauvres, et prirent la résolution de se retirer sur le mont Célion, où ils décidèrent de rester cachés.
L’un d’eux, Malchus, se procurait ce qui leur était nécessaire, et chaque fois qu’il entrait dans la ville, il se déguisait en mendiant à cet effet.
Quand Dèce fut revenu dans Éphèse, il ordonna de les chercher pour les obliger à sacrifier aux dieux. Malchus revint trouver ses compagnons et leur faire part de la colère de l’empereur. Malchus leur présenta les pains qu’il avait rapportés, afin que, fortifiés par cette nourriture, ils en devinssent plus braves pour le combat. Ensuite, après leur repas du soir, ils s’assirent et s’entretinrent avec tristesse et avec larmes dans les yeux, puis, par la volonté de Dieu, s’endormirent. Quand vint le matin, on les chercha et on ne put les trouver. Dèce ordonna de faire comparaître leurs parents qu’il menaça de mort. Leurs parents les accusèrent (comme les autres) et se plaignirent de ce qu’ils avaient distribué leurs richesses aux pauvres. Dèce fit boucher avec des pierres l’entrée de la caverne afin qu’ils y mourussent de faim et de misère. On exécuta ses ordres et deux chrétiens, Théodore et Rufin, écrivirent la relation de leur martyre, qu’ils placèrent entre les pierres. Quand Dèce, et toute la génération qui vivait alors eurent disparu de cette terre, trois cent soixante-douze ans après, la trentième année de l’empire de Théodose se propagea l’hérésie de ceux qui niaient la résurrection des morts. Théodose, qui était un empereur très chrétien, fut rempli de tristesse de voir la foi si indignement attaquée. Dieu, dans sa miséricorde, voulut le consoler et affermir l’espérance en la résurrection des morts ; il ouvrit les trésors de sa tendresse et ressuscita les sept martyrs, comme ci-dessous.
Il inspira en effet à un citoyen d’Éphèse l’idée de faire, sur le mont Célion, des étables pour ses bergers. Les maçons ayant ouvert la grotte, les saints se levèrent en pensant qu’ils n’avaient dormi qu’une nuit, mais, se rappelant leur tristesse de la veille, ils demandèrent à Malchus ce que Dèce avait décrété à leur égard. Malchus répondit : comme je vous l’ai dit à tous hier soir, on nous a cherchés pour nous contraindre à sacrifier aux idoles. Maximien répondit : « Et Dieu sait que nous ne sacrifierons point ». Après avoir encouragé ses compagnons, il demanda donc à Malchus de descendre en ville pour acheter du pain, tout en lui recommandant de leur communiquer à son retour les ordonnances de l’empereur.
Malchus prit cinq pièces de bronze et sortit de la caverne. Alors qu’il arrivait, non sans appréhension, à la porte de la ville, il fut très étonné de voir une croix au-dessus de toutes les portes, et de trouver la ville changée ; il se signa en pensant qu’il rêvait. Il se rassure donc, dissimule son visage et pénètre dans la ville.
Comme il entrait chez le boulanger, il entendit que l’on parlait de Jésus, et il en fut stupéfait : « Qu’est ceci, pensa-t-il ? Hier personne n’osait prononcer ce nom, et aujourd’hui voilà qu’ils se confessent tous chrétiens ? Ce n’est pas là la ville d’Éphèse, c’est une autre ville ».
On lui répondit que c’était bien Éphèse.
Le boulanger remarqua non sans étonnement que Malchus payait son pain en se servant de pièces n’ayant plus cours depuis longtemps, et crut qu’il avait trouvé un trésor. Voyant qu’il se taisait, ils lui jetèrent une corde au cou, et le traînèrent par les rues jusqu’au centre de la ville. Tout le monde s’assemblait autour de lui, et le regardait avec étonnement. Malchus, lui, regardait au milieu de la foule en cherchant un de ses parents (il les croyait encore en vie), et, ne trouvant personne, il était comme hébété. Le fait parvint aux oreilles de saint Martin et du proconsul Antipater, nouvellement arrivé dans la ville. L’évêque et le proconsul, surpris de voir cet argent ; lui demandèrent où il avait trouvé ce trésor inconnu.
Il répondit qu’il n’avait rien trouvé du tout, et qu’il avait eu ces deniers de la bourse de ses parents. Le proconsul lui dit alors : « Fais venir tes parents, qu’ils répondent de toi ». Quand il eut cité leurs noms, personne ne les connaissant, on crut qu’il mentait. « Comment te croire, dit le proconsul ? Tu prétends que cet argent vient de tes parents, et l’inscription a plus de 377 ans ; elle date des premiers temps de l’empereur Dèce, comment tes parents auraient-ils pu vivre à cette époque, alors que tu es si jeune ? Tu veux tromper les savants et les vieillards d’Éphèse ?
Alors Malchus se jeta brutalement à leurs pieds en disant : « Pour Dieu, mes seigneurs, dites-moi ce que je vous demande, et je vous dirai ce qui est. Où est l’empereur Dèce maintenant ? » L’évêque lui répondit : « Mon fils, il n’y a plus aujourd’hui ici-bas d’empereur s’appelant Dèce ; il y a longtemps qu’il
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est mort ». Malchus leur répondit alors : « Suivez-moi, je vous montrerai mes compagnons, et vous les croirez. Tout ce que je sais, c’est que nous avons fui quand Dèce est venu à Éphèse ; et, hier soir encore, je l’ai vu entrer dans cette ville, si tant est que ce soit Éphèse ».
L’évêque ayant réfléchi, dit alors au proconsul : « C’est peut-être une vision que Dieu veut nous révéler par l’intermédiaire de ce jeune homme ». Ils le suivirent donc, accompagnés d’une grande foule. Malchus pénétra le premier là où étaient ses compagnons, l’évêque, qui entra derrière lui, trouva entre les pierres la relation de leur martyre scellée de deux sceaux d’argent. Il assembla le peuple, la lut, et en voyant les saints de Dieu assis dans la caverne, le visage frais comme des roses, tous se prosternèrent devant eux en glorifiant Dieu. L’évêque et le proconsul envoyèrent aussitôt quelqu’un prier l’empereur de venir voir ce miracle. L’empereur vint de Constantinople à Éphèse en rendant gloire à Dieu.
Les saints n’eurent pas plutôt vu l’empereur que leur visage s’illumina comme le soleil. Il se prosterna devant eux en glorifiant Dieu, se leva, les embrassa et pleura en disant : « Je vous vois, comme si je voyais le Seigneur ressuscitant Lazare. Saint Maximien lui répondit alors : « C’est pour vous que Dieu nous a ressuscités avant le jour de la grande résurrection, afin que vous croyiez à la résurrection des morts ; car nous sommes vraiment ressuscités et nous vivons, de même que l’enfant dans le sein de sa mère vit sans ressentir de lésion, de même, nous aussi, nous avons été vivants, reposant, dormant et n’éprouvant aucune sensation ».
Ayant dit ces mots, les sept hommes inclinèrent alors la tête, s’endormirent et rendirent l’âme, ainsi que Dieu l’avait décidé.
L’empereur ordonna de faire des cercueils en or pour eux, mais ils lui apparurent et lui dirent que, puisque jusque-là ils avaient reposé sur de la terre, et qu’ils avaient ressuscité de dessus la terre, alors il fallait les y laisser ; jusqu’à ce que le Seigneur les ressuscitât encore une fois, mais définitivement cette fois-ci.
Qu’ils aient dormi 362 ans, comme on le dit, est néanmoins chose fort douteuse, puisqu’ils ressuscitèrent en l’an 478 et que Dèce a régné seulement un an et trois mois, en l’an 270 ; ils n’ont donc dormi que deux cent huit ans.
La relativité du temps qui passe différemment suivant les observateurs, est aussi évoquée par la légende irlandaise de Bran fils de Fébal, dont K. Meyer et Nutt ont donné une très belle édition.
Quand Bran revient chez lui et qu’il annonce à tout le monde qu’il est Bran, fils de Fébal, les habitants du pays lui répondent que ce personnage est mort depuis longtemps ; mais que le récit de son départ au pays des fées s’est transmis après lui.
SUR LA RÉALITÉ DES PERSÉCUTIONS SUBIES PAR LES PREMIERS CHRÉTIENS VOIR NOTRE OUVRAGE PRÉCÉDENT SUR, OU PLUS PRÉCISÉMENT CONTRE, LE CHRISTIANISME.
Le Coran, tout comme l’hagiographie irlandaise, a beaucoup emprunté à la mythologie païenne de son temps, avons-nous dit. Le prouvent également les versets de ce livre sur l’homme à deux cornes – ou la fable du peuple des Yajuj et des Majuj (Gog et Magog : les Géants et les Pygmées ?). Que le diable m’emporte s’il s’agit bien d’Alexandre le Grand ! Car si c’est bien le cas cela veut donc dire que Dieu a béni et encouragé un abominable païen, qui se disait fils de dieu ou dieu lui-même. On ne va quand même pas prétendre qu’Alexandre fut un pieux adorateur du Dieu d’Abraham, d’Isaac, et de Jacob, quand même, non ?? Le moins que l’on puisse dire c’est que les versets se rapportant à cet illustre héros (DHOU AL-QARNAÏIN) ne sont pas suffisamment clairs en eux-mêmes pour en saisir parfaitement la portée historique et la morale qui s’en dégage. Qui par exemple dans ce texte est désigné par le mot « Dieu » ou par le pronom « Nous » ?
Gabriel ou le dieu d’Abraham, d’Isaac, et de Jacob ? Pas Alexandre quand même !
Chapitre Nº 18 versets 83-100.
Ils t’interrogent sur Dhou-Qarnaïn (l’homme au casque à deux cornes). Dis-leur ceci : « Je vais vous raconter une histoire à son sujet ».
Un jour que nous avions affermi sa puissance sur la Terre et que nous l’avions comblé de toutes sortes de bienfaits, il arriva au pays où le soleil disparaît. Il put y voir que le soleil se couchait dans une source d’eau bouillante, et il trouva des hommes auprès de cette source. Nous lui dîmes alors : « Ô Dhou al Qarnaïn, tu peux, ou châtier ce peuple ou te montrer au contraire bienveillant avec lui ».
Dieu dit : Nous punirons celui qui ne fait pas partie des Justes, il sera par conséquent ramené vers son Seigneur qui le frappera d’un terrible châtiment.
Quant à celui qui croit vraiment et qui accomplit de bonnes actions, une très belle récompense l’attend et nous lui donnerons des ordres faciles à exécuter.
Il suivit ensuite un autre chemin. Quand il eut atteint l’endroit où le soleil apparaît, il vit que le soleil se levait sur un peuple auquel nous n’avions pas donné d’abri pour s’en protéger.
Il en a vraiment été ainsi, car nous savons bien tout ce qu’il a pu faire ou conquérir ????????????
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Il suivit un autre chemin et atteignit un pays situé entre deux digues. Il trouva derrière un peuple qui pouvait à peine comprendre une parole [NDLR. Forcément, s’ils parlaient une autre langue !]
Ils dirent : Ô Dhou al Qarnaïn, Gog et Magog sèment le trouble sur Terre. Veux-tu qu’on te paie pour construire un mur nous séparant d’eux ?
Dhou al Qarnaïn répondit : La force que le Seigneur m’a donnée sera plus puissante qu’eux. Aidez-moi et je construirai un rempart entre vous et eux. Apportez-moi des lingots de fer jusqu’à ce que l’espace compris entre ces deux montagnes soit barré !
Il ajouta ensuite : soufflez sur le feu jusqu’à ce qu’une immense flamme en surgisse !
Apportez-moi de l’airain en fusion, je le verserai dessus.
Les Ya’jouj et les Ma’jouj se montrèrent ensuite incapables d’escalader ce rempart ou d’y faire une brèche.
Dhou al Qarnaïn : « Ceci est une grâce du Seigneur ! Mais un jour il abattra ce mur, il l’a promis, et le Seigneur tient toujours ses promesses. Ce jour-là, nous laisserons les hommes courir dans tous les sens et fondre les uns sur les autres comme des vagues ».
Ces versets du Coran, visiblement empruntés au roman d’Alexandre, impliquent donc clairement que le peuple des Gog et Magog (les Ya’jouj et les Ma’jouj) existe bien (toujours) quelque part sur Terre ; et que la barrière construite par Alexandre-Dhou al Qarnaïn nous en protège encore. Ibn Kathir pense que la destruction de cette barrière protectrice aura lieu après la venue du Massih ad dadjal (l’antéchrist ?).
Note de la rédaction : si l’on en croit le texte du Coran, Dhou al Qarnaïn a fait un voyage aller-retour entre le couchant et le levant ; et cela démontre bien que Dieu, l’archange Gabriel, ou Mahomet (bref l’esprit qui parle dans ce texte) croyait que la Terre est plate ; ce qu’implique bien l’idée que le lieu où se « couche » le soleil et le lieu où il se « lève » sont des régions géographiques déterminées. Bien entendu, nous savons aujourd’hui que la Terre est ronde, et qu’il n’y a donc pas de région fixe pour le coucher ou le lever du soleil. Cette erreur démontre par conséquent que ce texte ne peut pas avoir Dieu comme origine, mais qu’il est, comme la Bible, d’origine humaine, et donc tributaire de la connaissance ou de l’ignorance, caractéristique de son époque. Ne serait-il pas plus simple de reconnaître que cette histoire n’est qu’un tissu de fadaises (des mythes disent les savants) ? En tout cas elle ne fait pas honneur à Mahomet, ni au Coran ni à l’islam.
À en croire certains hadiths, cette sourate aurait été révélée à Mahomet suite à une question piège mise au point par les rabbins de Médine pour le compte des adversaires mecquois du prophète de l’Islam. Piège dans lequel serait tombé effectivement Mahomet puisque, après 15 jours de délai (le temps de se documenter sans doute) il aurait répondu, mais de façon non historique et qui plus est à une question de toute façon concernant une figure NON BIBLIQUE. La preuve était donc faite que Mahomet n’avait rien à voir avec la lignée des prophètes juifs ou bibliques, mais était un imposteur.
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LES AUTRES MIRACLES DU CORAN.
Ci-dessous l’analyse de Youssouf Ali à ce sujet.
Chapitre Nº 2.
Verset 060 : mythologie juive.
Verset 065 : légende juive.
Verset 125 : paganisme arabe.
Verset 158 : paganisme arabe.
Verset 189 : paganisme arabe.
Verset 194 : paganisme arabe.
Verset 196 : paganisme arabe.
Verset 197 : paganisme arabe.
Verset 198 : paganisme arabe.
Verset 200 : paganisme arabe.
Verset 259 : légende juive ou chrétienne.
Chapitre Nº 3, verset 49 : apocryphe chrétien.
Chapitre Nº 7.
Verset 65 : légende arabe du peuple des Ad.
Verset 73 : légende arabe du peuple des Thamoud.
Verset 85 : légende arabe du pays de Madian.
Chapitre Nº 11, verset 59 : légende arabe du peuple des Ad.
Chapitre Nº 18.
Verset 9 : apocryphe chrétien. Voir l’évangile de l’enfance de Thomas. Jésus faisant voler des oiseaux de terre glaise. Ce n’est pas parce que cette histoire a été transposée dans le Coran qu’elle est devenue crédible pour autant.
Verset 110 : source persane ??
Chapitre Nº 74, verset 32 : paganisme arabe.
Certains propos équivoques de Mahomet, jetés au milieu des siens, et propagés par des partisans zélés, ont peut-être donné naissance au récit absurde de certains prodiges ; comme l’ascension au Ciel de Mahomet, la lune fendue en deux, et une foule d’autres, que les musulmans comptent pourtant parmi leurs articles de foi.
Chapitre 9, verset 40. « Dieu a fait descendre sur lui sa force divine (shakina), il l’a soutenu avec des armées invisibles ».
Allusion au miracle de l’araignée qui, par sa toile, a protégé Mahomet dans la caverne où il s’était caché pour échapper aux Mecquois ; (la toile d’araignée tissée juste après l’entrée de Mahomet dans la caverne a fait croire aux poursuivants que personne n’avait pu passer récemment à cet endroit.). Les hadiths mentionnent également l’intervention ce jour-là d’une colombe couvant ses œufs.
Chapitre 17, verset 1 : l’isra ou voyage nocturne. Mahomet fait en une nuit le voyage aller (et retour) de la mosquée située à La Mecque à une autre mosquée beaucoup plus éloignée (assimilée plus tard à celle de Jérusalem, à tort d’ailleurs). Ce verset demeurant avare de détails, les traditions postérieures préciseront que Mahomet cette nuit-là, aurait effectué le voyage sur une monture ailée, comme Pégase, appelé Bouraq par la légende musulmane, qui lui attribuera une tête de femme (bonjour la symbolique !) Les traditions ultérieures ajouteront d’autres détails.
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Le Miraj. Mahomet monte jusqu’au septième ciel, à l’invitation de l’ange Gabriel. Le départ a lieu à Jérusalem (à l’emplacement actuel de la mosquée El-Aqsa). Au premier ciel, il rencontre Adam. Au deuxième ciel, il voit Jésus et saint Jean, dans le troisième, il y a Joseph, dans le quatrième, Idriss ; dans le cinquième, Aaron, dans le sixième ciel, il trouve Moïse et dans le septième, Abraham. Plus haut il y a Dieu, mais aucun homme ne peut l’apercevoir. On l’entend seulement écrire.
Chapitre 54, verset 1 : la lune se coupe en deux. Le Coran est très bref sur le sujet, mais les hadiths de la tradition postérieure nous en disent plus sur les circonstances de ce prodige. Parmi les compagnons de Mahomet qui ont narré le récit de ce miracle, on trouve Ali ainsi qu’Ibn Massoud, Ibn Omar, Joubaïr Ibn Motam, Anas Ibn Malik, Abdoullah Ibn Abbas, Houdhaïfah Ibn Al-Yaman (et bien d’autres).
Les Mecquois demandèrent un jour à Mahomet de leur prouver qu’il était bien envoyé par Dieu. Ceci eut lieu cinq ans avant l’Hégire en présence d’AI-Oualid Ibn Al-Moghira, Amr ibn Hicham (surnommé plus tard Abou Jahl), Al-As Ibn Ouael, AI-Asouad ibn Al-Mouttalib, Nadr Ibn AI Harith et d’autres habitants de La Mecque. Ils dirent à Mahomet : « Si ce que tu dis est vrai, alors scinde la lune en deux moitiés ! » Mahomet implora Dieu et la lune se sépara en deux moitiés, l’une en amont de la montagne et l’autre en aval ! Ce phénomène se produisit le jour de la pleine lune, et dura de l’après-midi à la nuit.
Les païens s’exclamèrent : « Mahomet nous a ensorcelés ». L’un d’entre eux, Amr ibn Hicham [un esprit assez rationnel apparemment] leur dit alors : « Il nous a hypnotisés, mais il ne peut pas hypnotiser le monde entier. Demandez donc aux voyageurs qui arrivent de loin s’ils ont aussi aperçu ce que vous avez vu, si oui, alors il aura fait ses preuves, sinon, cela voudra dire que ce que vous avez eu sous les yeux n’est qu’une illusion ». Les Mecquois suivirent ce conseil, mais les voyageurs arrivant à La Mecque corroborèrent le récit du miracle. Les Mecquois en tirèrent donc la conclusion que c’était vraiment là « une magie exceptionnelle ! »
Chapitre 94. Allusion au fait qu’à l’âge de six ans, Mahomet aurait été « visité » par deux anges qui lui auraient ouvert la poitrine (des anges chirurgiens ?). Ils auraient ensuite lavé son cœur (pour le purifier de toute souillure) avant de le remettre en place (ce qui implique évidemment que le cœur de cet enfant de six ans était déjà « souillé » !).
Chapitre 105. Des oiseaux « Ababil » mettent en fuite des étrangers attaquant La Mecque montés sur des éléphants de guerre, en leur lançant des pierres d’argile (des balles de fronde ? ?) Hypothèse la plus rationnelle, la réminiscence d’un passage du Troisième livre des Maccabées (6,17), les éléphants seraient ceux de Ptolémée IV d’Égypte.
Voir également l’allusion à la nuit d’Al Qadr – chapitre 97 – moment où les « décrets divins » et les événements courants sont réglés pour l’année à venir. Il s’agit sans doute d’un emprunt aux anciennes légendes préislamiques. On est ici dans le domaine des histoires « merveilleuses » liées aux divinités censées régir le monde. Le tout augmenté de quelques considérations strictement personnelles de Mahomet.
Dans le Coran même, Mahomet affirme que Dieu lui parlait par l’intermédiaire d’un « esprit » (qu’il présentera plus tard comme étant l’archange Gabriel).
Le Coran (Quran = « récitation ») regroupe donc les paroles divines qui auraient été communiquées à Mahomet par cet esprit pendant vingt-trois ans.
Mahomet a-t-il bien tout compris, n’a-t-il rien oublié de cette révélation ? Sont évidemment des questions que l’on peut légitimement se poser. La réponse figure dans le chapitre 6, verset 38 : nous n’avons rien négligé dans ce livre.
Le Coran a néanmoins été révélé à Mahomet par fragments. « Nous avons fragmenté le Coran pour que tu ne le récites aux hommes que peu à peu, mais nous l’avons révélé » (chapitre 17, verset 107). Le Coran n’a donc pas été composé par Mahomet, qui savait à peine lire ni même écrire (quelques mots et son nom, mais nous reviendrons sur ce point, car il est très controversé et ne dépend que du sens que l’on accorde au mot arabe « oummi ») il a été récité par lui, par fragments, au gré des circonstances, afin d’apporter telle ou telle précision, de l’âge d’environ quarante ans jusqu’à sa mort, survenue à l’âge d’une soixantaine d’années, en 632 de notre ère.
Le Coran est considéré comme la « sainte parole de Dieu » transmise au « prophète » par le « communicateur » habituel du « Tout Puissant » en la matière, assimilé plus tard à l’archange Gabriel. Pour les vrais musulmans, le Coran est la parole même de Dieu (dont la langue maternelle est par conséquent l’arabe). Ils doivent respecter ce texte « à la lettre » sans chercher à y découvrir un « sens caché » (ésotérisme) et sans jamais le modifier. Le Coran est éternel et immuable.
D’abord répandu oralement par les premiers partisans de Mahomet, le Coran ne sera transcrit qu’après sa mort survenue en l’an 632. Du moins si l’on en croit la légende musulmane.
Certains pensent qu’il a dû commencer à être diffusé au moins partiellement, avant, c’est-à-dire du vivant même de Mahomet, pour certaines parties.
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Chapitre 98 versets 2 et 3. « Un envoyé de Dieu récite des feuilles saintes où figurent des prescriptions immuables ».
L’expression « feuille saintes ou pures » est claire, et ne peut en aucun cas concerner les tables de la Loi célestes. Cette phrase du Coran implique donc la cohabitation ou la coexistence de deux éléments bien distincts :
1 Mahomet récitant les paroles de Dieu transmises par la créature qui apparaît dans ses hallucinations, mais aussi…
2 Des feuilles où sont notées un certain nombre de choses (des prescriptions immuables).
Il est raisonnable de penser que les toutes premières hallucinations auditives de Mahomet en matière de religion ne furent pas notées par écrit, car il n’avait alors ni fidèles ni disciples. Ces textes de la première époque n’étaient en outre ni très longs ni nombreux, ce qui permettait à Mahomet de ne pas les oublier. Il les reprenait d’ailleurs souvent dans ses prières ou dans ses conversations. « Chaque année au mois de ramadan, le prophète récitait à l’ange Gabriel la partie de la tablette d’argile céleste descendue de la table bien gardée (al-Iawh al-mahfouz) qui lui avait été révélée. Il la récitait ensuite devant ses compagnons, et on la faisait réciter devant lui. La dernière année Gabriel la lui fit répéter par deux fois et le prophète comprit qu’il allait bientôt mourir ».
Légende bien sûr, mais n’empêche, elle est révélatrice d’une certaine réalité. Par contre, plus tard, passée la période des débuts, et dès 615 au moins, les fidèles lettrés (il y en aura jusqu’à 29) prendront l’habitude de noter les versets par écrit ; car à partir de cette date, soit cinq ans après la première révélation, des traces d’écriture existent. De cela, on en est sûr, car c’est de cette époque que date la conversion du futur calife Omar, séduit par la lecture du chapitre 20.
Faute de papier (il n’est pas encore diffusé en terre d’islam), tous les matériaux sont bons : morceaux de parchemin, cuir tanné, tablettes de bois, omoplates de chameaux, morceaux de poterie, nervures médianes de dattiers… Les versets seront rangés puis classés au fur et à mesure, Mahomet précisant l’emplacement des versets dans les chapitres, et l’ordre des chapitres dans l’ensemble du Livre.
Les théologiens musulmans expliquent (est-on obligé de les croire ?) que certains chapitres furent révélés à Mahomet d’un coup, mais d’autres progressivement ; d’autres chapitres étant alors entamés dans l’intervalle. Même chose chez les chrétiens avec l’action du Saint-Esprit dans les cœurs. (Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?).
Par ce double contrôle oral, mais aussi écrit, Mahomet s’assure de la conservation de l’intégralité du texte. Les mémoires défaillantes sont suppléées par les textes écrits, et inversement, les erreurs de copie sont corrigées grâce à la mémorisation du texte.
Il recommandait en effet que les fidèles apprennent ce texte par cœur ; ce qu’ils firent, soit dans sa totalité, soit en partie seulement et l’existence de ces « Ha fizoun » connaissant par cœur la totalité ou du moins une partie du Coran lui permit de se diffuser largement. Cette parole prétendument divine est en effet souvent versifiée, ce qui facilite la mémorisation et la psalmodie.
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LA LANGUE DU CORAN JUSTEMENT.
Le Coran a été révélé en arabe pour être compris, à l’origine, par un peuple arabe : « Oui, nous avons fait un Coran rédigé en arabe ! Peut-être comprendrez-vous maintenant ? » (Chapitre 43, verset 3). C’est une révélation « en langue arabe claire » (chapitre 26, verset 195). Pour les musulmans, il n’est donc pas de langue plus respectable que celle-là, car c’est celle que Dieu a choisie pour parler aux hommes…
N’importe qui peut en dire autant et à ce compte-là le responsable ayant commis ce modeste essai pourrait très bien écrire à ses amis écossais, gallois, irlandais, mais aussi galiciens, suisses, ou auvergnats…*
« Vous êtes une langue élue choisie entre toutes (72 pour Fenius Farsaid en Irlande), un peuple sacerdotal tout entier voué aux choses de la religion » (« admodum dedita religionibus » en latin. César. Commentaires. Livre VI, 16 -18).
Le thème de la langue élue comme celui du paradis après la mort est un thème universel, on le retrouve aussi chez les Barbares d’Occident.
Diodore de Sicile (6, 31) l’a d’ailleurs mentionné en toutes lettres « ils parlent pour ainsi dire, la même langue que les dieux » (ils sont « homophonon »). Voir aussi le témoignage de Lucien.
« Ce qui me parut le plus insolite, c’est que le peintre, ne sachant où placer le commencement des chaînettes, puisque la main droite du dieu tenait déjà la massue et la gauche, l’arc ; les a donc accrochées à sa langue, et a fait tirer par elles les hommes qui le suivent. Cet Héraclès vieillard attirait beaucoup d’hommes, tous attachés par les oreilles : il se retournait en arrière et regardait ceux qui le suivaient d’un air souriant. Je ne savais pas quoi en penser et commençais à me sentir mal à l’aise quand un homme qui était là m’adressa la parole en un grec admirable et qui plus est, outre le fait qu’il était très versé dans leur savoir national, en faisant preuve d’une grande connaissance du nôtre. Il me dit : Noble étranger, je vois que cette fresque vous déroute, aussi laissez-moi vous aider à résoudre cette énigme. Nous autres Celtes nous n’associons pas l’éloquence à Hermès, mais avec le puissant Héraclès et nous pensons que Héraclès devenu sage, a, par son éloquence, accompli tous ses exploits ».
Question : laquelle des soixante-douze langues primordiales fut-elle révélée en premier par Fenius Farsaid ? Réponse : ce n’est pas difficile : la langue celtique (gaélique en Irlande).
Question : quelle est la raison pour laquelle on peut dire que le celtique est une langue élue ?
Réponse : ce n’est pas difficile : parce qu’il a été mis au point par Fenius Farsaid (à partir des 72 langues primordiales).
Question : le celtique existait-il avant d’être ainsi choisi ?
Réponse : oui, puisque les 72 premières langues du monde ne s’expliquent pas autrement. Tout son obscur existant dans les autres langues a sa place en Celte d’où sa clarté qui surpasse de loin celle de toutes les autres langues.
Répétons-le encore une fois, contrairement à tout ce que l’on a pu dire de bêtement raciste à propos du supposé caractère « barbare » de cet idiome, le Celte a été une grande langue de civilisation. Le juriste romain Ulpien a même reconnu dans ses « digestes » que les documents fiduciaires en langue celte pouvaient être aussi valables que ceux qui étaient rédigés en latin ou en grec. Le celte n’a donc pas été une langue « barbare » et il a constitué la langue mère originelle de plus de la moitié de l’Europe, à un moment donné. Le celtique est le seul substrat (mal connu d’ailleurs) dont les linguistes sont en mesure d’étudier les effets sur les langues postérieures.
Les Celtes apparaissaient alors comme un peuple chéri des dieux (gesta dei per Gallos en quelque sorte) ; ou au contraire comme de sombres titans démoniaques en guerre contre les dieux de la terre
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entière, si l’on en croit les légendes grecques, passablement contradictoires il est vrai à propos des Hyperboréens. Une langue élue et non une race, car, redisons-le encore une fois ; dans l’histoire antique, la langue est le seul signe ou la seule marque de ce que nous appelons aujourd’hui la nationalité, en dehors de la langue, il est impossible de mettre au point un autre critère d’identification. La langue demeure, malgré des difficultés de détail, le principal sinon le seul critère dont nous disposons pour déterminer la nationalité d’une ethnie ou d’un individu, avec ses auxiliaires précieux et fragiles que sont l’anthroponymie et la toponymie. Mais revenons à notre sujet !
* Ainsi qu’à tout vrai Celte par l’esprit évidemment, ne soyons pas bêtement racistes, s’en tenir aux Celtes de corps ne suffisant pas !
CORAN ET KOINÈ.
Avant de poursuivre notre chapitre sur la langue du Coran, il convient de dire deux mots de ce qu’on appelle une koinè en linguistique.
La koinè est une langue supra dialectale consciemment élaborée afin de remplir des fonctions plus élevées ou plus utilitaires que les idiomes ayant connu une évolution naturelle et remplissant des fonctions simples et quotidiennes.
Par extension, le terme de koinè désigne une variante autonome d’une langue formée de la combinaison de divers dialectes mutuellement intelligibles utilisés par la population d’un territoire donné, et qui se superpose à leur usage.
La koinè est une langue aboutie et souvent pensée (d’où sa capacité à servir la littérature) et non un langage disparate créé à seule fin utilitaire. Il est donc difficile de reconnaître l’origine géographique d’auteurs de textes écrits dans une koinè.
La koinè peut être seulement écrite (littérature, textes administratifs, textes de droit, etc.) mais aussi orale. Dans certains cas, elle peut couvrir tous les domaines d’activités, de la vie familière aux arts, aux sciences, et à l’administration des États.
L’usage d’une koinè peut dépasser la zone géographique d’origine de la langue et servir de langue véhiculaire entre locuteurs de langues maternelles différentes, mais une koinè possède en plus la propriété essentielle d’être un mélange de langues ou de dialectes en situation de contact, amenant le développement d’une variété nouvelle. Comme le dit Trudgill (1986 : 107-8), une koinè est un dialecte historiquement issu d’un mélange, mais devenu stable qui contient des éléments des différents dialectes qui sont entrés dans la composition, mais aussi des formes interdialectales qui n’étaient présentes dans aucune. Autrement dit mélange dialectal, nivellement et stabilisation.
Deux exemples avant de passer au cas qui nous préoccupe.
La langue véhiculaire du monde grec ancien. Elle était issue principalement du grec ionien-attique dans lequel avaient pénétré des formes d’autres dialectes.
L’ancien français ou langue d’oïl (Oïl = Oui).
La période qui s’étend de la fin du XIe au début du XIVe siècle correspond à une période de rayonnement du français médiéval.
La koinè écrite.
Diverses hypothèses ont été élaborées pour rendre compte du fait que le système graphique de l’ancien français est beaucoup moins sujet à la variation qu’on n’aurait pu le croire. Pour la zone de la langue d’oïl au moins, tous les textes étaient censés se conformer à une norme écrite suprarégionale qui n’admettait qu’un nombre limité de régionalismes. Cette norme ne reposait sur aucun dialecte parlé, mais existait sur le seul plan visuel comme une « scripta ».
On aurait sélectionné dès le IXe siècle des variantes phonétiques et morphologiques dans plusieurs traditions d’écriture de la France du Nord, pour en faire une langue écrite plus ou moins standardisée qui devait faciliter la diffusion de textes littéraires et même de documents officiels. Tout en admettant une certaine latitude dans son application, cette koinè écrite aurait été bien implantée comme norme déjà avant le XIIe siècle, tant dans l’administration royale que chez les auteurs littéraires.
L’érudit florentin Brunetto Latini écrit en langue d’oïl son Livre du Trésor, vers 1265, et s’en explique en déclarant que c’est là la « parlure la plus délectable et plus commune à toutes gens ». Le chroniqueur vénitien Martino Canal assure, à la fin du XIIIe siècle, que « la lengue franceise cort parmi le monde et est la plus delitable à lire et à oïr que nule autre » et Marco Polo écrit en prison le récit de ses aventures en Chine directement en langue d’oïl ou du moins le fait consigner en français par un de ses compagnons de cellule Rustichello de Pise.
La koinè orale.
Pour ce qui est du français elle proviendrait de l’installation à Paris au XIIe siècle d’hommes et de femmes venant de régions avoisinantes : Normandie Picardie Champagne.
LE PROBLÈME FRANCO-FRANÇAIS EST DONC LE HIATUS ENTRE CES DEUX KOINÈS, LA KOINÈ ÉCRITE ET LA KOINÈ ORALE.
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Venons-en maintenant à la langue du Coran.
Ce qui frappe d’emblée c’est qu’elle ne relève ni du dialecte arabe mecquois ni du dialecte arabe médinois mais qu’elle s’apparente par sa structure grammaticale de la koinè poétique ou littéraire d’avant l’Islam.
L’arabe du Coran apparaît en effet, non pas comme une langue usuelle, mais plutôt comme un niveau de langue très élaboré, en raison de ses rythmes, de ses formules, de son vocabulaire, de ses images brèves du style dans son ensemble. Il suffit de lire le Coran de près, pour s’apercevoir qu’il contient en fait plusieurs styles selon les sourates : style imagé de scènes apocalyptiques, polémique dans la lutte contre les polythéistes, juridique concernant les règles la vie quotidienne, lyrique pour les prières et la foi. Personne n’ayant justement utilisé ces « niveaux » de langue au quotidien, les sémitologues et philologues modernes pensent, aujourd’hui, que cette langue connue des poètes et devins était en fait commune à d’autres tribus et différait par certains traits linguistiques des parlers quotidiens.
Ajoutons que la Mecque avait des contacts avec la ville de Hîra, en Irak, qui était un siège épiscopal dès 410 et que selon certaines sources musulmanes, les habitants de Tâ’ef et les Couraïchites avaient appris « l’art d’écrire » des chrétiens de cette ville ».
Cette langue commune, appelée koinè, était précisément celle dans laquelle s’exprimaient naturellement les poètes et qui leur permettait de se faire 66comprendre par le plus grand nombre de tribus.
La langue du Coran, en raison de sa forme particulière de prose poétique, diffère certes de cette koinè, mais elle s’en rapproche par sa structure et sa syntaxe.
Pour ce qui est du vocabulaire par contre il y a eu de nombreux emprunts, par exemple au syro-araméen, la grande langue de culture ou liturgique à l’époque dans cette région du monde.
Un exemple la sourate 108 qui est très ambiguë et traduite ainsi par Régis Blachère, mais toujours incontestablement obscure :
« En vérité, Nous t’avons donné l’Abondance. Prie donc en l’honneur de ton Seigneur et sacrifie ! en vérité, celui qui te hait se trouve être le déshérité ».
Les exégètes musulmans y voient une merveille, mais la lecture syro-araméenne de Luxenberg nous donne quand même un texte plus plausible : « Nous t’avons donné [la vertu] de la persévérance ; prie donc ton Seigneur et persiste [dans la prière] ; ton adversaire [Satan] est [alors]le vaincu. »
Claude Gilliot hasarde l’hypothèse qu’il s’agirait là d’une réminiscence de la première épître de Pierre 5, 8-9, d’après le texte de la Peshitta (traduction syriaque de la Bible) ». Pourquoi pas ?
Ce qui est certain en tout cas c’est que Zeïd Ibn Thâbit, principal collaborateur dans la rédaction de la révélation coranique, avait été à l’école (juive) de Médine et qu’il connaissait l’araméen, le syriaque ou l’hébreu selon les versions.
Et qu’un autre secrétaire de Mahomet, Abdallah ibn Sa'd ibn Abi Sarh s’est vanté d’avoir écrit ce qu’il voulait et pas ce que lui dictait Mahomet.
L’Asbab Al-Nouzoul d’Al-Ouahidi.
Les raisons de la révélation du verset (93) de la sourate (6).
Ce verset a été révélé à propos d’Abd Allah ibn Sa'd ibn Abi Sarh. Cet homme avait déclaré sa foi en l’Islam et donc le Messager de Dieu, que Dieu le bénisse et lui donne la paix, l’appela un jour pour lui faire écrire quelque chose. Lorsque les versets concernant les croyants furent révélés (en vérité, Nous avons créé l’homme à partir d’un extrait de terre humide…) [23 :12-14], le Prophète les lui dicta. Lorsqu’il arriva à « Nous l’avons ensuite transformé en une tout autre création », Abd Allah exprima son étonnement devant cette précision de la création de l’homme en disant « Que Dieu soit béni, le meilleur des créateurs ! »
Le Messager de Dieu (Dieu le bénit et lui donne la paix) a dit : « C’est aussi ce qui m’a été révélé ».
À ce moment-là, le doute s’insinua dans l’esprit d’Abd Allah. Il se dit : « Si Mahomet fit vrai, alors moi aussi j’ai été inspiré tout comme lui ; et s’il ment, j’ai dit exactement la même chose ». L’homme a ensuite renoncé à l’Islam.
« Dans la tradition des anciens grammairiens, les sources de l’arabe « littéraire » ou « classique » sont parfaitement claires et admettent qu’elles ont à la fois engendré la poésie préislamique et le Coran. On doit ainsi rectifier la théorie islamique sur un point essentiel : la langue du Coran n’a pas comme base le dialecte de la Mecque, mais l’idiome des poésies « préislamiques ». Ce dernier est une koinè qui s’étend sur une vaste aire géographique, dépassant probablement les limites de l’aire arabe… L’arabe du coran est donc celui utilisé par la poésie préislamique…
Le Coran répudiant tel ou tel dialecte au sens strict du terme, a choisi, pour une transmission à la fois intelligible et noble, le langage qui était utilisé par les poètes préislamiques, sorte de koinè littéraire, peut être à l’origine dialecte d’une région limitée, promu en tout cas, dès avant l’Islam, au rang de langage poétique, commun, dont l’aire d’extension pousse, de l’Arabie centrale et orientale, très loin vers le nord, jusqu’en marges steppiques de Syrie et de Mésopotamie… On pense que le nomadisme
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a permis le passage de cette langue d’une contrée à une autre non seulement dans la zone de l’Arabiyya, mais en outre jusqu’en Syrie et Mésopotamie, à la cour des Ghassanides en Damascène et à celle des Lakhmides à Hîra. Elle était utilisée par les poètes du Hedjaz (cf. les 7 Mou’allaqat de la Kaaba)… Ayant reçu la sanction du Coran, cet arabe deviendra l’arabe classique ou « littéraire » comme on l’appelle aujourd’hui » (Synergies n° 2 – 2009 pp. 63-78 Mansour Sayah, Racha Nagem, Henda Zaghouani-Dhaoua).
NOTES SUR LE PUR ARABE AYANT SERVI À COMPOSER LE CORAN.
Dans cet ouvrage écrit en pur arabe depuis toute éternité, les mots étrangers abondent, issus notamment de langues dites « orientales » : araméen, hébreu, éthiopien, persan. Il existe aussi un nombre conséquent de termes issus des langues latines et grecques, donc des territoires de l’Empire byzantin. Ce vocabulaire est le fruit des fréquents échanges commerciaux ayant eu lieu entre ces différentes cultures ou civilisations. La Mecque et l’Arabie sont des zones de transit privilégiées.
À l’évidence, une telle présence, si manifeste, est un démenti sans égal contredisant l’inanité du mythe raciste du Coran écrit en « pur arabe ».
Le vocabulaire grec.
Diabolos (Diable) > IBLIS.
Drakhmè (drachme) > DARAHIM.
Euuangelia (Évangile) > INGIL.
Hodos (route) > HUDA (voie du salut).
Hyakinthos (Jacynthe) > YAQUT.
Kalamos (roseau) > KALAM (stylet).
Khartès (papier) > QIRTAS (rouleau de parchemin).
Khronon (temps) > QURUN (siècles).
Kleida (clé) > MAQALID.
Magos (mage, mazdéen) > MAJUS.
Margaritès (corail) > MARGAN.
Pyrgos (tour, fort) > BURUJ.
Rhègma (déchirure) > RAQIM (gouffre).
Séma (signe) > SIMIYA.
Tekhnè (art) > ATQAN (fabriquer avec art).
Xestès (mesure) > QIST (équité).
Xestès (mesure) > QASTAS (mesure).
Ziggigeris (gingembre) > ZANJABIL.
Zôgraphia (tableau) > ZUKHRUF.
Le vocabulaire latin.
Camisia (chemise) > QAMIS.
Castrum (château) > QASR.
Centenarium (poids de cent livres) > QINTAR.
Cupa (coupe) > AKWABUN (cratère).
Denarius (denier) > DINAR.
Historia (Histoire) > USTURA (légende, histoire ancienne).
Palatium (palais) > BALAD.
Romani (Romains) > RUM.
Sigillium (sceau) > SIJJIL.
Stratum (rue) > SIRATA (voie).
Des mots importants et structurants pour la perspective religieuse islamique sont issus de l’hébreu, de l’araméen et du syro-araméen dit syriaque, voire de l’éthiopien et du persan. Des mots, certes, et pas des moindres : Quran (Coran), salat (prière), sourate (chapitre), jahannam (géhenne) ou firdaous (paradis)… Le mot mouchaf (codex), qui deviendra usuel pour désigner le corpus coranique, est un mot éthiopien, déjà repéré comme tel par les philologues arabes anciens, comme bien d’autres de ceux qu’ils appelaient les termes « arabisés » du Coran. Le mot tur (montagne) est un mot syriaque. C’est par lui que commencent deux chapitres (95 et 56) sous la forme de serments évoquant respectivement le Sinaï et le mont du Temple à Jérusalem. Le mot safara (scribes), qui désigne les docteurs des Écritures saintes antérieures, est l’arabisation des soferim juifs (chapitre 80, 15). « Qintar » (chapitre 3, 14) est d’origine byzantine ; « souradiq » (18, 29 fumée épaisse), d’origine persane, « soundous » (18, 31 soie), d’origine persane.
Qu’y aurait-il d’étonnant d’ailleurs à l’utilisation par Mahomet de mots d’origine étrangère quand on sait que, de par son métier, il était en contact avec des populations diverses (Perses, Byzantins, Abyssins, etc.) ; et que les emprunts de mots étrangers sont on ne peut plus courants dans l’histoire des langues. Pour nommer des idées ou des concepts ayant commencé à pénétrer dans le monde
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arabe, il est naturel que l’on ait employé le mot d’origine. Ce qui contredit quelque peu évidemment et encore une fois, la grossière thèse raciste selon laquelle la langue de Dieu serait du pur arabe. Un tel racisme linguistique est aussi inadmissible que la notion de peuple élu. Quel crime contre l’Esprit ! Comme si Dieu avait besoin d’une langue quelconque pour communiquer avec les êtres humains.
Qu’un homme comme Mahomet de son vivant ait eu besoin d’une langue bien déterminée pour communiquer avec d’autres hommes, cela est normal ; mais que Dieu (un pur esprit ou un ange) ait besoin d’une langue pour se faire comprendre est une insulte anthropomorphique à la toute-puissance de ce dernier.
On considère que c’est le premier livre en prose de la langue arabe bien que la plupart des versets (« ayat » en arabe) soient écrits de manière à rimer (la forme extérieure des chapitres rappelle le style des devins païens).
Le Coran est en effet la plupart du temps écrit en vers et les exigences des règles de la poésie arabe (cadence, assonances, allitérations, répétitions et retours de phrases) ; ont sans aucun doute à maintes reprises mis dans la bouche de Mahomet des mots différents de ceux qu’il aurait spontanément utilisés s’il n’y avait pas eu cette nécessité.
La difficulté de comprendre exactement certains termes a, bien entendu, nourri nombre de polémiques et de doutes.
Il s’agit de toute façon d’une langue incapable de préciser si les verbes sont conjugués à la seconde ou à la troisième personne, à l’actif ou au passif.
Ibn Abbas : « La poésie est l’archive des Arabes. Aussi, quand on ne comprend pas le sens d’un mot employé par le Coran, on se réfère à leur poésie et on en recherche le sens ». Et il citait parfois un vers de la poésie antéislamique où ce mot avait été utilisé. Le bon arabe clair et net qu’évoque le Coran (16,103 ; 26,195 ; 41, 44), est vraisemblablement plus une allusion à la « koinè poétique » de la poésie arabe classique, telle qu’elle était en usage à La Mecque (cf. les 7 Mou’allaqat de la Kaaba) qu’au seul dialecte de la tribu de Mahomet (les Couraïchites) dans l’état où il existait au début du VIIe siècle. C’est l’arabe du Coran, au vocabulaire d’une très grande richesse, qui a donné naissance à l’arabe classique, non le contraire ! Cet arabe classique finira d’ailleurs par supplanter la koinè de la poésie arabe antéislamique elle-même. Exactement de la même façon dont Luther, par sa traduction de la Bible, a contribué à l’émergence de l’allemand.
Christophe Luxenberg est le pseudonyme d’un philologue allemand analyste du Coran. Il est l’auteur de Die Syro-Aramäische Lesart des Koran : Ein Beitrag zur Entschlüsselung der Koransprache (Lecture syro-araméenne du Coran : une contribution pour décoder la langue du Coran), publiée en 2000. Il s’agit d’une étude philologique dans laquelle un certain nombre d’hypothèses sont passées au crible, dont il ressort que les sources du Coran proviendraient de l’adoption de lectionnaires syriaques destinés à évangéliser l’Arabie.
À l’aide de sa méthodologie, qui consiste à vérifier rigoureusement si les termes arabes n’ont pas un équivalent syriaque, Luxenberg indique que certains passages coraniques sont mal traduits. L’expression « sceau des prophètes » signifierait par exemple seulement « témoin des prophètes ».
Les versets sur les houris sont particulièrement difficiles à comprendre. Le point de départ des commentateurs musulmans est le sens du mot houri. Les houris sont les filles de joie que le paradis musulman met au service sexuel des heureux élus ; et cette conjecture sert de fil conducteur pour mettre les signes diacritiques et les voyelles, ou pour chercher sur cette base la solution de tous les problèmes de ces versets.
Les commentateurs, parmi lesquels le plus respecté par les musulmans est Tabari, ont dû déployer des trésors de subtilité ou d’imagination pour trouver, dans le cadre qu’ils avaient choisi, un sens compréhensible à ces versets ; et plus encore pour que le sens proposé soit cohérent d’un verset à l’autre.
Malgré tant d’efforts, le résultat n’est pas particulièrement convaincant.
Exemple : les houris sont dites « kawa’eb ou gonflées » (chapitre 78, verset 33). Cela signifierait-il qu’elles sont obèses ? Ce serait triste pour les heureux élus. Une conjecture de traducteur musulman fournit une solution : il faut sous-entendre « gonflées quant aux seins », ce qui signifierait qu’elles ont de gros seins. Les traducteurs, gênés par cette précision anatomique, traduisent « houri à la poitrine arrondie ». Mais même cette expression plus décente choque certains. Une nouvelle conjecture vient résoudre la difficulté : comme les adolescentes ont tendance à avoir des seins en pommes, « seins gonflés » signifie « seins d’adolescentes ». Du coup, l’expression « houris kawa’eb ou gonflées » nous est traduite le plus souvent par « houri adolescente ».
Christophe Luxenberg pense que le mot houri du Coran vient en réalité de la racine araméenne hour, qui signifie grappe de raisin, ou vin par métonymie. Dans le paradis musulman, c’est donc le vin, non les filles, qui est « rouge comme le rubis, rouge comme le corail », et les filles n’ont pas de grands yeux blancs, mais les grappes de raisin ont de gros grains blancs. Ce ne sont pas les seins des filles
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qui sont gonflés, mais les grappes qui sont gonflées de suc. Le vin et la vigne étaient, pour les judéo-chrétiens, des symboles de la vie éternelle, d’où leur place éminente dans la description du paradis.
Le détail des arguments de Luxenberg est trop complexe pour être résumé ici. Retenons que sa recherche dans la grammaire et le vocabulaire araméen résout une bonne partie des problèmes de ces versets de façon simple ; sans avoir à imaginer des interprétations par des allégories, ou par des hypothèses ad hoc sur ce qu’aurait pu être le dialecte de La Mecque ou l’arabe du paradis ; ou encore par des explications qui prétendent que blanc signifie noir, ou par des sous-entendus qui conduisent à dire que blanc signifie jeune fille, et gonflée « adolescente ».
Reste à savoir pourquoi les commentateurs musulmans ont choisi de partir de la racine perse, et imaginé des arguments très spécieux pour justifier ensuite des interprétations qui puissent être cohérentes avec ce premier choix. Cela donne l’impression que c’étaient des obsédés sexuels, préoccupés de ce dont parle le Coran dans leur interprétation ; la virginité à répétition des filles du paradis, la taille de leurs seins, leur fidélité à celui des heureux élus auquel elles sont attribuées, etc., toutes choses fort peu dignes d’un livre sacré.
Quant à la date, l’interprétation sexuelle de ce terme de « houri » est attestée par le hadith rapporté par Boukhari, vers 870 ; « Leur aspect étonne le regard, tant sont tranchés le noir et le blanc de leurs yeux » (le livre du djihad, chapitre 6) ; et par le commentaire de Tabari, en 896. Elle s’est donc formée avant ces dates, durant la période où le Coran, la doctrine et l’histoire du premier islam étaient en période d’élaboration. Cette interprétation est donc tardive, presque trois siècles après Mahomet.
Telle est du moins la thèse de Christoph Luxenberg que nous livrons ici à nos lecteurs, sous toutes réserves. Ce n’est pas à nous, barbares druides d’Occident, de trancher toutes ces querelles entre spécialistes.
En raison du caractère révolutionnaire de ses thèses, l’auteur a dû adopter un pseudonyme pour éviter les affrontements avec les factions islamiques intégristes, ouvertement en désaccord avec le fait que l’on puisse tenter ce genre d’étude scientifique du Coran.
Luxenberg remarque que le Coran présente souvent une langue très ambiguë et même parfois inexplicable. Il affirme que même des savants musulmans trouvent que certains passages sont ardus à comprendre et ont rédigé de nombreux commentaires dans le but d’expliquer ces passages difficiles.
Luxenberg reproche au monde académique occidental travaillant sur le Coran, d’avoir une approche timide et servile du texte, approche trop souvent adossée à des travaux de musulmans plus exégètes qu’objectifs, et de ce fait, souvent biaisée.
Luxenberg affirme que les savants devraient recommencer leurs études, en ignorant les vieux commentaires islamiques et en utilisant seulement des méthodes linguistiques et historiques récentes. Son argument est que Mahomet prêchait des concepts qui étaient nouveaux pour ses auditeurs arabes ; ces concepts, Mahomet les aurait lui-même trouvés au cours de conversations avec des Arabes juifs et chrétiens, ou via les chrétiens de Syrie (si l’on admet qu’il a voyagé). Donc si un mot (ou une phrase) du Coran semble inintelligible en arabe, ou ne saurait avoir de sens qu’après des conjectures tirées par les cheveux ; ce mot (ou cette phrase) pourrait faire sens – dit Luxenberg – en regardant du côté de l’araméen et du syriaque.
Il affirme aussi que le Coran est fondé sur des textes antérieurs, en particulier sur des lectionnaires utilisés dans les églises chrétiennes de Syrie ; et que ce fut le travail de plusieurs générations d’avoir adapté ces textes, pour donner le Coran que nous connaissons aujourd’hui.
Au commencement du IIIe siècle, les chrétiens de Syrie ne se contentaient pas d’envoyer leurs missions évangéliques dans les pays limitrophes, comme l’Arménie ou la Perse. Ils allaient jusque dans des contrées éloignées, jusqu’aux confins de la Chine et la côte ouest de l’Inde, en plus de la totalité de la Péninsule Arabique, jusqu’au Yémen et l’Éthiopie. Il est ainsi plus probable que, en vue de porter le message chrétien aux peuples arabes, ils aient utilisé, entre autres langues, la langue des Bédouins, c’est-à-dire l’arabe. Afin de répandre les Évangiles, il leur fut nécessaire d’utiliser un mélange de langues. Mais à une époque où l’arabe était un ensemble de dialectes qui n’avaient pas de forme écrite ; les missionnaires n’avaient pas d’autre choix que de recourir à leur propre langue littéraire et à leur propre culture, c’est-à-dire au syro-araméen.
Luxenberg conclut de ce travail sur le Coran que celui-ci est PARTIELLEMENT dérivé d’un lectionnaire syro-araméen, contenant des hymnes et des extraits de la Bible, utilisés dans les offices liturgiques chrétiens. Ce lectionnaire aurait été traduit en arabe, dans une intention missionnaire. Il ne s’agissait pas d’inaugurer une nouvelle religion, mais d’en répandre une plus ancienne.
Luxenberg n’a pas « corrigé » la totalité du Coran selon ces thèses. Il fonde ses conclusions sur ce qu’il croit être un échantillon représentatif de passages difficiles.
Luxenberg affirme par exemple ainsi que nous avons pu le voir plus haut, que le passage de la sourate 33, qui est traduit habituellement par « sceau des prophètes » signifie en réalité « témoin des
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prophètes ». Par cette lecture, Mahomet n’est plus le plus grand des prophètes, celui qui en clôt la lignée, mais seulement un témoin de ces prophètes qui vinrent avant lui.
À l’époque de Mahomet, l’arabe n’était pas une langue de culture ni une langue internationale. Depuis plus de mille ans, dans tout le Proche-Orient, la langue de culture était l’araméen. Les lettrés arabes, peu nombreux, parlaient en arabe et écrivaient en araméen. La situation était comparable à celle de l’Europe à la même époque, où les lettrés parlaient dans leur langue vernaculaire, mais par contre écrivaient en latin. Les difficultés du Coran s’éclairent si l’on cherche le sens à partir de l’araméen. Le Coran n’est pas écrit en arabe pur, mais en un arabe aussi chargé d’araméen que, par exemple, l’anglais ou l’allemand est chargé de latin.
Neuf versets du Coran déclarent que c’est un livre clair 1). Cela n’empêche pas un dixième verset de dire que le Coran contient des versets ambigus (sourate 3 verse 7).
« C’est lui qui a fait descendre sur toi le livre. On y trouve des versets clairs – la Mère du Livre – et d’autres, ambigus ».
Cette traduction, conforme à la tradition musulmane, est fondée uniquement sur des textes arabes. En utilisant les racines araméennes, Christophe Luxenberg arrive à un autre résultat : « Ceci est le livre qui a été envoyé sur toi. Une partie est formée de versets précis, qui sont identiques au livre d’origine, une autre partie est de sens comparable ».
La traduction de Luxenberg lève donc la contradiction. Il n’est plus question d’un livre clair contenant des versets obscurs, mais d’un livre formé d’une part de citations directes, d’autre part de paraphrases. Et, de fait, dans le Coran actuel, 90 % des matériaux issus de la Thora ou de l’Évangile sont des paraphrases, non des citations précises. Ceci montre que « la mère du livre » (oumm al kitab) n’est pas un original incréé coéternel à Dieu, la tablette d’argile gardée au Ciel (lawh mahfouz), ce qui est chronologiquement impossible, mais la Thora et l’Évangile ; d’où certains chrétiens avaient tiré des citations et des paraphrases pour former un lectionnaire à l’usage des convertis arabes.
La date de rédaction du premier lectionnaire
D’après les traditions musulmanes, c’est Osman, qui, vers 650, a commencé à élaborer le Coran, par recueil des notes de fortunes prises par des auditeurs de Mahomet.
Mais le premier lectionnaire a dû être composé bien plus tôt. Ouaraka, le cousin de Khadidja, était le principal traducteur des textes judéo-chrétiens en arabe, et Mahomet se fondait sur ces traductions, puisque sa proclamation s’est arrêtée à la mort de Ouaraka, selon certains auteurs.
Boukhari ajoute en effet cette indication 2) : « Mais lorsque Ouaraqa fut décédé, la révélation s’arrêta quelque temps ». On peut donc en déduire que le lectionnaire en question a été formé par des traductions ou des paraphrases dues à Ouaraqa.
Ce premier lectionnaire, portant le nom de « Coran », a été formé du vivant de Mahomet, probablement entre 620 et 630. Ensuite, après la mort de Mahomet, quand les musulmans ont voulu effacer le souvenir de leur initiateur Ouaraqa et s’appuyer un livre sacré purement arabe ; ils ont pris pour base le lectionnaire existant et lui ont adjoint divers discours de Mahomet, incitant à la guerre, polémiquant, ou exhortant, puis au fil du temps, bien d’autres éléments.
D’après le nombre des versets du Coran issus de la Bible, le lectionnaire initial avait un volume d’environ un quart du Coran actuel.
Le lectionnaire initial a donc été transformé pour devenir le livre fondateur de l’islam. Le processus commença durant le califat d’Osman, mais sa réalisation s’étala sur un peu plus de deux siècles, pendant lesquels la réécriture du Coran se poursuivit, ainsi que la destruction des documents discordants ou l’exécution des témoins gênants. Les 14 califes omeyyades firent sans doute l’essentiel, les 10 premiers califes abbassides complétèrent le travail en détruisant les derniers documents discordants. La qualité de leur travail d’occultation est indiquée par le fait qu’aucun document original datant du premier siècle après la mort de Mahomet n’a subsisté, et presque aucun datant du second siècle.
1) Chapitre 5, verset 15. Chapitre 12, verset 1. Chapitre 15, verset 1. Chapitre 26, verset 2. Chapitre 27, verset 1. Chapitre 28, verset 2. Chapitre 36, verset 69. Chapitre 43, verset 2. Chapitre 44, verset 2.
2) Al-Boukhari, Tome 1, livre 1, hadith N° 3.
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LE PROBLÈME DES TRADUCTIONS.
La volonté du ou des auteurs du Coran était claire au départ : se faire entendre et comprendre des habitants de La Mecque ou de Yathrib/Médine, donc par des humains ; pas par des martiens ou des extra-terrestres.
Ha, Mim.
Pour avoir un Livre clair !
Oui, nous vous avons fait une révélation en arabe !
Peut-être comprendrez-vous maintenant ? (Chapitre 43 versets 2-3).
Une Révélation en langue arabe claire.
(Chapitre 26, verset 195.)
Le Coran était fait pour être compris des habitants de La Mecque et de Médine, le proclamer en arabe était évidemment la seule façon d’y parvenir.
Les courants conservateurs prétendent que le Coran ne peut exister qu’en arabe et qu’il ne peut pas et ne doit pas, être traduit. Cette affirmation est souvent ressentie comme une volonté d’arabisation plus que d’islamisation par les populations non arabophones. De la même façon, le sermon de la prière du vendredi ne pourrait être fait qu’en arabe. Devant l’évidente inutilité de faire un discours dans une langue que personne ne comprend dans l’assemblée, il a fallu faire un compromis. Les imams font deux fois le même discours, un premier dans la langue vernaculaire et, souvent sous une forme abrégée, un deuxième en arabe littéraire.
La tradition musulmane veut que le Coran soit lu et commenté dans la langue du prophète.
Il n’en est rien dans la pratique évidemment puisque Mahomet lui-même parlait un dialecte assez différent de la langue qui sert actuellement à l’enseignement du Coran. Mahomet parlait le dialecte du Hedjaz et plus précisément le couraïchite, un sous-dialecte de l’arabe du Hedjaz, alors que le Coran, lui, est écrit en arabe classique ou littéraire. Dans de très nombreuses régions du monde, imams et marabouts persistent néanmoins à le faire apprendre par cœur à de jeunes enfants qui ne connaissent même pas cette langue. Ils apprennent à le réciter sans rien en comprendre. Outre le Coran, ces jeunes musulmans doivent mémoriser puis réciter une quantité impressionnante de récits et commentaires plus ou moins historiques, ou légendaires, relatifs à Mahomet ainsi qu’aux traditions musulmanes. Les pédagogues soulignent l’effet désastreux d’un tel effort de mémorisation qui, d’une part, laisse peu de place pour apprendre autre chose et, d’autre part, se fait toujours évidemment aux dépens de l’esprit critique.
Imams et marabouts peuvent commenter le texte à leur manière puisque leurs élèves sont dans l’impossibilité de traduire eux-mêmes le texte de base. De toute façon, seule une infime minorité d’érudits maîtrise suffisamment l’arabe du VIIe siècle pour pouvoir comprendre le Coran et en saisir les subtilités.
S’il existe des nuances dans les traductions du Coran c’est, ainsi que nous l’avons vu, parce que l’arabe archaïque que parlait Mahomet était une langue imparfaite sur le plan de l’écriture ; et, de ce fait, sujet à des interprétations selon les traducteurs. Il ne faut toutefois pas trop se formaliser de ces différences, qui n’affectent pas le sens global du texte.
De toute façon, le Coran ne comporte pas de formules ésotériques comme certains textes bibliques (par exemple l’Apocalypse de Jean). Ce n’est pas un « texte à clés » ni une histoire, mais seulement une suite d’affirmations, d’exhortations, d’allusions à la Bible ou aux Évangiles, d’interdictions, de descriptions, de recommandations…
Du vivant de Mahomet Salman Farsi (le Persan) fit une traduction de la Fatiha, le premier chapitre, afin qu’elle soit utilisée par ses compatriotes lors de la prière.
Le propre frère du quatrième calife, Djaafar Abou Talib, traduisit quelques versets parlant de Jésus et Marie, lors de son entrevue avec le Négus (première ou deuxième émigration en Abyssinie).
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Une traduction en berbère fut faite vers 754, mais elle fut retirée de la circulation afin d’arabiser l’Afrique du Nord. Une traduction plus complète en persan fut faite en 956.
Une traduction en latin datant de 1143 fut publiée en 1543, juste après la chute de Constantinople.
Mais ce sont les Turcs qui, les premiers, ont décidé de transgresser massivement la tradition, en traduisant le Coran dans leur langue.
Lors de la fondation de la République, le gouvernement d’Ankara décida en effet de traduire le livre en turc, afin de le mettre à la portée de chacun.
Le Coran a donc été maintenant traduit dans presque toutes les langues.
Dont bien entendu dans la nôtre.
Les traductions en anglais étant par définition multiples vu la situation internationale, il y en a évidemment d’excellentes, en tout cas largement suffisantes pour un chercheur.
Les traductions françaises sont de qualité variable. Nombre de celles sur lesquelles nous avons eu l’occasion de nous pencher laissent à désirer.
Prenons un exemple.
Il est écrit dans le Coran au verset 68 du chapitre 6 (selon la numérotation de la traduction d’Albert de Biberstein-Kasimirski, qui fait autorité pour les francophones) en arabe ; comme tous les musulmans du monde apprennent à le réciter par cœur dans les écoles coraniques :
« Quand tu vois des gens occupés à discuter de nos signes, écarte-toi d’eux jusqu’à ce qu’ils discutent d’autre chose. Le Démon pourra, certes, te faire oublier cette prescription, mais dès que tu t’en ressouviendras, ne t’assieds plus en compagnie de ces injustes ».
Ce verset contrevient aux lois tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, et qui stipulent clairement que toute discrimination ou incitation à la haine fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion, est interdite ; mais le problème est ailleurs.
En ce qui me concerne j’ai trouvé de ce verset au moins quatre traductions différentes, dont certaines très nébuleuses ou passablement édulcorées. Traduttore tradittore dit-on souvent, d’autres ajoutent que Satan a depuis toujours un secteur réservé aux traducteurs dans son royaume infernal.
Il ne faut toutefois pas ergoter sur ces détails de traduction puisque, de toute façon, nous ne disposons pas des textes originaux. C’est donc le sens global des versets qui importe, pas leur traduction littérale.
En général, les bons traducteurs ont le réflexe d’indiquer, par des renvois de bas de page, les nuances qui peuvent exister entre la traduction littérale et le sens usuel de certains mots.
Nous nous devons néanmoins de mettre en garde nos lecteurs contre l’incroyable cécité affligeant certains de ces traducteurs, même quand ils rendent assez bien compte du sens général du texte. L’homme étant ce qu’il est, c’est-à-dire fait pour être schizophrène, illogique ou hémiplégique du cerveau (même les hommes intelligents et instruits ont souvent un domaine où instruction et intelligence cessent de fonctionner) ; certains traducteurs trouvent le moyen de tirer de leur lecture du Coran de très surprenantes et paradoxales conclusions à propos de Dieu, et plus précisément du dieu d’Abraham d’Isaac et de Jacob.
N.B. Les musulmans qui contestent les études du Coran faites par des personnes qui, comme nous, ne parlant pas arabe, lisent le Coran dans une traduction devraient s’abstenir eux-mêmes de parler du Coran ; ils sont incapables de le lire dans le texte original, sans voyelles ni points diacritiques, et sans l’aide des conjectures. L’édition du Coran utilisée aujourd’hui est celle du Caire, publiée en 1926, par l’université Al Azhar. Il a fallu treize siècles pour y arriver. Les 30 % du texte incompréhensibles ou incertains sont « interprétés » par des méthodes dont quelques exemples ont été indiqués, « les houris aux yeux noirs », « les houris adolescentes », ou « les jeunes filles blanches quant au blanc des yeux ». Les musulmans qui croient lire un texte proclamé par Mahomet lisent en fait une traduction conjecturale en arabe classique.
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LES REMANIEMENTS DU TEXTE
(PAR DÉMEMBREMENT OU NON DE CHAPITRES DÉJÀ EXISTANTS).
À en croire la tradition musulmane, l’archange Gabriel dictait les versets sacrés à Mahomet et lui indiquait lui-même l’endroit où ils devaient être insérés dans tel ou tel chapitre du Coran. Divers spécialistes sont d’avis que cette légende a été élaborée pour légitimer a posteriori le travail de composition, manifestement arbitraire, des chapitres coraniques, à partir de textes révélés ayant eu à l’origine une unité thématique.
Bell et Watt ont examiné attentivement beaucoup d’amendements et de révisions, et pensent que l’irrégularité du style coranique prouve qu’il y a eu un très grand nombre d’altérations dans le Coran.
À côté des points déjà remarqués (rimes hachées, ainsi que locutions de rime non tissées dans la trame du passage) on trouve des changements brutaux de rime comme suit.
— La répétition du même mot ou de la même locution de rime dans des versets avoisinants.
— L’intrusion d’un sujet accessoire dans un passage par ailleurs homogène.
— Un traitement différent du même sujet dans des versets voisins, souvent avec la répétition de mots ou de locutions.
— Des ruptures dans les constructions grammaticales, ce qui fait naître des difficultés dans l’exégèse.
— Des changements brutaux dans la longueur des versets.
— Des changements soudains de la situation dramatique, avec des changements de pronoms du singulier au pluriel, de la deuxième à la troisième personne, et ainsi de suite.
— La juxtaposition de passages de date différente, avec l’intrusion de locutions transférées au sein de versets antérieurs.
— La juxtaposition de déclarations apparemment contraires.
Exemple, le pharaon à la poursuite des Hébreux. Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le voir, il est sauvé dans certains versets 1), noyé dans d’autres 2). Le changement des faits allégués montre que ces strates ont été accumulées sur une période suffisamment longue pour que la cohérence ne puisse plus être maintenue ; à cause vraisemblablement de la mort des premiers rédacteurs ou de la perte de leur souvenir avant l’intervention des rédacteurs suivants.
Pour mémoire le chrétien Al-Kindi (nom complet Abou Yousouf Yaqoub Abd al Masih Ibn Ichaq al-Kindi. À ne pas confondre avec l’Arabe, philosophe musulman, du même nom) écrivant aux alentours de l’an 830, critiquait le Coran dans les mêmes termes rappelons-le.
« La conclusion de tout ceci (les diverses rédactions du Coran) est évidente à qui a lu ces écrits et a vu comment, dans ce livre, les récits sont assemblés n’importe comment et mélangés ; il est évident que diverses mains – nombreuses – s’y sont mises et ont provoqué des incohérences, ajoutant ou enlevant ce qui leur plaisait ou déplaisait. Est-ce donc là les conditions d’une Révélation envoyée du Ciel ? » (Rissalat al-Kindi.)
Les chapitres les plus longs sont vraisemblablement des synthèses artificielles dues à un long travail de réflexion de la part de Mahomet en collaboration avec ses secrétaires.
Mais inversement, les chapitres les plus courts ont de fortes chances de faire partie de celles spontanément venues à l’esprit de Mahomet lors de ses hallucinations, visions ou révélations.
À moins bien sûr qu’ils ne résultent d’un démembrement de chapitres plus longs.
LES REMANIEMENTS OPÉRÉS PAR MAHOMET LUI-MÊME.
Certaines des histoires du Coran sont extrêmement longues ; par exemple, le récit de Joseph. Un chapitre entier de 111 versets. Est-il vraiment possible que Mahomet s’en soit souvenu exactement comme il lui avait été révélé ? La mémoire de ses compagnons était-elle vraiment si infaillible ? Ont-ils toujours bien compris ce qu’il disait ?
Un des arguments souvent avancés par les musulmans pour expliquer leur idolâtrie du Coran est la mémoire quasi parfaite qu’auraient eue Mahomet ou ses compagnons.
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Cet argument nous laisse songeurs et nous nous demandons si ces musulmans connaissent vraiment leur propre tradition (les hadiths de la sounna).
Sahih Muslim livre 004 hadith numéro 1182.
« Ibn Sirin a rapporté qu’Abou Horaïra lui a dit : Le Messager de Dieu (que la paix soit sur lui) dirigea un jour une des deux prières du soir, Zouhr ou Asr, et nous fit ses salutations après deux rakates et ensuite partit s’appuyer sur une poutre de bois qui était placée dans la direction de la Qibla dans la mosquée, comme s’il était en colère. Abou Bakr et Omar étaient là et ils avaient trop peur de lui parler aussi les gens sortirent-ils en toute hâte (en se disant) : La prière a été raccourcie. Mais parmi eux il y avait un homme appelé Dhou’l – Yadaïn qui lui demanda : Messager de Dieu, la prière a-t-elle été raccourcie ou s’agit-il d’un oubli ? Le Messager de Dieu (que la paix soit sur lui) a regardé à droite et à gauche et a demandé : que veut dire Dhou'I-Yadaïn ? Il lui fut répondu : Il a raison. Tu n’as fait que deux rakates. Il a alors récité deux rakates de plus puis nous a salué ».
Sahih Muslim livre 004, hadith N° 1720 et 1721.
« Aïcha : Le Prophète entendit quelqu’un réciter le Coran une nuit dans la mosquée et dit : « Que Dieu lui fasse miséricorde ! Car il m’a rappelé tel et tel verset de tel chapitre ».
Il est donc clair que Mahomet avait une mémoire normale et nullement infaillible ou extraordinaire.
Sahin Boukhari tome 6, livre 61, hadith numéro 550.
D’après Abdullah : le Prophète a dit un jour : « C’est une mauvaise chose que certains d’entre vous disent, 'J’ai oublié tel et tel verset du Coran,', car c’est Dieu qui vous les a fait oublier. Il faut donc continuer à réciter le Coran, car il s’échappe du cœur des hommes plus vite qu’un chameau ».
Le Coran lui-même n’a été (en principe) retranscrit qu’après la mort de Mahomet ; mais il fut sans doute le premier à le remanier, comme tend à le prouver l’affaire des versets sataniques ou des versets sur la lapidation pour cause d’adultère. Certains chapitres ont, en effet, vraisemblablement été revus et corrigés par Mahomet lui-même afin de tenir compte d’événements POSTÉRIEURS à leur rédaction, ou de les mettre à jour.
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L’HISTOIRE DES GRUES : LA QISSAT AL GHARANIQ (LES VERSETS SATANIQUES)
UNE PARTIE DU CORAN SUPPRIMÉE PAR MAHOMET LUI-MÊME.
Les versets ont été consignés dans les premières versions du Coran (celles qui ont été détruites sur ordre du calife Osman), mais ont quand même fait l’objet d’une transmission orale au sein de plusieurs branches « hérétiques » de l’islam.
Outre les versets de La Mecque et les versets dits de Médine, il existe en effet aussi une troisième catégorie de versets, les versets retirés par la suite.
Cas notamment des versets dits sataniques, car ayant été soufflés par Satan déguisé en archange Gabriel et non par l’archange Gabriel en personne. Certains versets du Coran suggèrent en effet que Satan a pu intervenir dans le processus de la révélation divine.
Chapitre 22, verset 52. « Nous n’avons jamais envoyé, avant toi, aucun messager ni prophète qui n’ait récité (ce qui lui a été révélé) sans que le Diable essaie d’intervenir. Mais Dieu abroge toujours ce que le Diable suggère, et Dieu confirme toujours ses versets. Dieu sait tout et il est très sage ».
Ces versets reconnaissent donc que le Diable peut souffler aux prophètes des versets… disons criminels et gravement erronés. D’ailleurs Abraham lui-même n’a-t-il pas, par moments, par exemple, et pour ne citer que lui, été plus inspiré par le Diable que par Dieu. En tout cas, c’est ce que les autorités catholiques (l’évêque Cauchon) ont insinué à propos de Jeanne d’Arc.
Le commentaire de ce verset par Al-Tabari soutient que les versets 19 et 20 du chapitre 53 sont ce qui reste des manœuvres du grand Satan.
19. Avez-vous vu Al-Lât et Al-Ouzza ?
20. Et l’autre, la troisième, Manât ?
(Note de la rédaction :Al-Ouzza et Manat étaient les principales déesses de l’Arabie préislamique ; elles avaient leur statue en forme de triple grue dans la Kaaba et dans d’autres sanctuaires, par exemple en Galatie ???).
La première version de la révélation reçue par Mahomet aurait été la suivante.
— 19 : Avez-vous vu Al-Lat et Al-Ouzza
— 20 : Et l’autre, la troisième, Manât ?
— 20 bis : ce sont de sublimes grues (déesses),
— 20 ter : dont l’intercession est à réclamer.
Au moment où Mahomet aurait récité ceci, au beau milieu de la Kaaba, tous, y compris ses premiers fidèles, se seraient alors prosternés devant la représentation desdites déesses ; et ce n’est que plus tard que l’esprit de Dieu aurait révélé que ces versets venaient, non de lui, mais de Satan ayant revêtu son apparence. Note de la rédaction : en d’autres termes et pour faire plus simple, la situation ayant évolué, Mahomet lui-même est revenu sur ces déclarations.
Les deux derniers versets :
— 20 bis : ce sont de sublimes déesses,
— 20 ter : dont l’intercession est à implorer ;
ont donc été retirés par Mahomet en personne, et ce, malgré les très vives protestations de la part de la population de La Mecque.
— 19 : Avez-vous vu Al-Lât et Al-Ouzza ?
— 20 : Et l’autre, la troisième, Manât ?
— 20 bis : ce sont de sublimes déesses,
— 20 ter : dont l’intercession est à réclamer.
Ces versets prouvent que Mahomet a un moment été tenté de proposer un compromis aux habitants de La Mecque en acceptant comme intermédiaires entre Dieu et les hommes cette triade de déesses arabes : les filles de Dieu nommées Lat, Ouzza et Manat.
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Ces deux derniers versets auraient donc été supprimés par Mahomet lui-même qui les aurait remplacés par les versets suivants, qui changent tout évidemment : les versets 23 à 28.
En réalité, ce ne sont que des noms
Que vous et vos pères leur avez donnés !
Dieu ne leur a accordé aucun pouvoir.
Ils suivent une simple conjecture.
Ceux qui ne croient pas en la vie future
Donnent aux anges des noms de femmes.
Ces nouveaux versets scandalisèrent les pieux habitants de La Mecque qui reprochèrent alors à Mahomet de dire n’importe quoi. C’est en tout cas ce à quoi fait irrésistiblement penser le début du chapitre (le chapitre 53 donc) qui commence ainsi : « J’en jure par l’étoile qui disparaît, votre compatriote n’est pas égaré ; il n’est pas dans l’erreur, il ne parle pas de par sa propre initiative. Ce n’est qu’une révélation qui lui a été transmise. Le puissant, le fort (l’esprit assimilé plus tard à l’archange Gabriel) la lui a fait connaître. Celui qui possède la force [l’esprit identifié par la suite à Gabriel] s’est tenu majestueusement… », etc. Puis, plus loin : « Son cœur n’a rien inventé, il l’a vu. Allez-vous donc élever des doutes sur ce qu’il a vu ? »
Passons sur le fait que le prophète jure sur une étoile (comme le dernier des païens) et que ce chapitre indique clairement que les habitants de La Mecque le prenaient alors pour un fou (un égaré).
Il semble donc bien acquis qu’au début Mahomet a tenté de gagner des adeptes parmi les Couraïchites en maintenant, en dessous du dieu supérieur Dieu, les divinités secondaires du sanctuaire mecquois… Le choix opéré, à l’époque, par Mahomet n’était d’ailleurs pas dénué d’une certaine pertinence, car ces trois grues, tout comme les déesses druidiques correspondantes, Banuta, Ériu et Votala en Irlande, symbolisaient sans aucun doute la souveraineté du pays.
La triade doit être comprise non comme la marque de capacités arithmétiques limitées, mais comme une manifestation de la multiplicité en tant que notion subordonnée à l’unité. La triplicité représente la totalité (le passé, le présent, l’avenir ; le ciel, l’air et la terre ; la thèse, l’antithèse et la synthèse, etc.).
AUTRES EXEMPLES DE VERSETS SUPPRIMÉS OU MODIFIÉS PAR MAHOMET LUI-MÊME.
Le chapitre 33 (« al Ahzab ») était, selon une tradition assez ancienne, beaucoup plus long à l’origine que celui que nous avons aujourd’hui à notre disposition.
Il a donc dû être amputé d’une de ses parties.
Ce passage était vraisemblablement une longue attaque ou diatribe contre les Couraïchites, devenue gênante ou sans objet après la réconciliation de Mahomet avec sa tribu.
Le chapitre 3 nous offre par contre un exemple d’ajout effectué par Mahomet lui-même.
Le texte initial prônait la création de l’oumma (dans la ville de Yathrib/Médine).
Le premier ajout (verset 103) est destiné à rappeler aux alliés ansar l’accord portant création de cette oumma.
Le second ajout (verset 110) est destiné à remonter le moral des fidèles face à la situation qui a précédé (ou suivi) la bataille d’Ouhoud (la défection des juifs dans la lutte contre la coalition assiégeant l’oasis).
De nombreux versets datant de la période passée à Yathrib/Médine ont d’ailleurs aussi été ajoutés afin d’essayer de convaincre les juifs de l’authenticité de la mission de Mahomet.
Il est évident que certains versets n’ont pas été inspirés comme ceux qui furent révélés lors des crises d’épilepsie de Mahomet ; mais ont été ajoutés sciemment, et en toute connaissance de cause, sans aucune inspiration surnaturelle, au gré des circonstances de la vie du prophète, pour justifier par exemple ses amours extraconjugales. Voir le chapitre 66 versets 1 à 5, suite à la découverte (par ses épouses légitimes) de son aventure avec l’esclave chrétienne copte appelée Marie.
Bon nombre des révélations de la Vérité Divine éternelle musulmane sont en effet assez curieusement liées aux problèmes pratiques ponctuels survenus dans la vie privée de Mahomet.
Ce qui est dramatique dans tout cela, c’est que des choses si graves, si décisives, pour l’Humanité (deux milliards de musulmans aujourd’hui) ne sont pourtant pas censées être de simples paroles humaines, et par conséquent faillibles ; mais des paroles émanant de la bouche même de l’esprit de Dieu, donc valables partout et pour toujours.
Trois cas de figure par conséquent…
— Ou il s’agit de versets introduits après la mort de Mahomet.
— Ou il s’agit de versets introduits du vivant même de Mahomet par lui-même, ou du moins avec son accord, mais sans aucune intervention divine.
— Ou il s’agit quand même, horresco referens, de versets révélés par l’esprit de Dieu, mais reprenant des idées exprimées par de simples mortels, que ce soit Mahomet ou certains des premiers musulmans.
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Ce qui, dans ce cas, jetterait un bien curieux éclairage sur la façon d’œuvrer du célèbre archange (le Saint-Esprit diraient les chrétiens). Ce qui, dans ce cas, jetterait un bien curieux éclairage sur la façon dont peut être élaboré un message divin.
VERSETS DUS À DES PROCHES DE MAHOMET.
Certains versets du Coran, de style persan, seraient la traduction de gathas zoroastriens, Mahomet en l’occurrence ayant dicté ces textes-là précisément à un esclave d’origine perse.
On n’insistera jamais assez sur le rôle des scribes secrétaires qui travaillaient pour Mahomet. La tradition leur accorde une grande importance dans la mise en forme du Coran. Un personnage comme Abdallah ibn Abou Sahr, qui finira par apostasier l’islam, se flatta même un jour d’avoir écrit « très miséricordieux » et « qui pardonne toujours », là où Mahomet lui avait dicté « plein de sagesse » et « tout puissant ».
Une partie des versets du Coran est donc issue de réflexions ou de propos, non de Dieu ou du Saint-Esprit musulman (assimilé plus tard à l’archange Gabriel), mais de disciples de Mahomet comme Omar, Ali ou Hamza.
Certains hadiths sont très clairs à ce sujet.
Sahih Boukhari tome 6, livre 60, hadith numéro 10.
Omar a déclaré un jour : « Je suis tombé d’accord avec Dieu sur trois choses », ou « Mon Seigneur a été d’accord avec moi sur trois choses » : J’ai dit : O Apôtre de Dieu, que dirais-tu de prendre la station d’Abraham comme lieu de prière. J’ai dit aussi : O Apôtre de Dieu, des gens bien et moins bien viennent te voir, ordonne aux Mères des croyants de se couvrir de voiles. » C’est ainsi que les versets divins d’Al-Hijab (c’est-à-dire du voile des femmes) ont été révélés.
Sahih Boukhari 6, 60, 313.
Ibn Omar a rapporté qu’Omar a dit un jour : mon seigneur a été d’accord avec (mes jugements) en trois occasions. Dans le cas de la Station d’Abraham, dans le cas du port du voile et dans le cas des prisonniers de Badr.
Aucune révélation n’avait été faite à ce sujet, jusqu’à ce qu’Omar ait suivi les femmes de Mahomet. Pourquoi Omar a-t-il fait ça ? Comment savait-il (ou du moins soupçonnait-il) que cela « marcherait ». Pourquoi Dieu se préoccupe-t-il à ce point des toilettes qu’il a révélé un verset concernant toutes les musulmanes qui vivront à jamais après cela ?
Comment le Coran peut-il être un texte qui existait avant qu’ait commencé le monde, si Dieu suit ce que lui suggèrent des contemporains de Mahomet pour ce qui est de son contenu ? Si Mahomet n’est qu’un messager, rapportant la parole de Dieu, pourquoi Omar a-t-il demandé à Mahomet la révélation du hidjab (voile) ? Pourquoi n’a-t-il pas simplement prié Dieu pour lui demander directement ?
L’explication que l’on en donne communément est que Dieu attendait qu’Omar fasse cela pour que cette révélation circonstancielle puisse être faite. Cela n’est mentionné nulle part néanmoins, rien ne le prouve par conséquent. En outre Omar dit bien qu’il y a pensé le premier et que Dieu ensuite « tomba d’accord avec lui ».
Le verset 14 du chapitre 23 (béni soit Dieu, le meilleur des créateurs) est vraisemblablement dû aussi à Omar. Ainsi que le verset 98 du chapitre 2.
Idem pour le verset 16 du chapitre 24 (l’adultère d’Aïcha la femme du prophète). Mais d’autres attribuent ce verset à Zaïd, à Abou Ayoub, ou à un certain Sad Ibn Mou’azh.
Le verset 140 du chapitre 3 serait dû à une femme ayant appris que Mahomet avait échappé à la mort à Ouhoud (bataille d’Ouhoud 624). Et le verset 144 à un dénommé Mous’ab ibn Umaïr.
Le jour de la bataille d’Ohoud, il portait l’étendard musulman quand sa main droite fut coupée, il prit l’étendard dans sa main gauche, et dit : Mahomet n’est qu’un prophète parmi d’autres. Tournerez-vous les talons s’il doit mourir ou être tué ?? Sa main gauche fut également coupée ; alors, il appuya l’étendard sur sa poitrine et répéta cette parole jusqu’à sa mort. Les mots qu’il répétait chaque fois qu’il était frappé furent révélés plus tard à Mahomet, et, complétés, sont devenus des versets du Coran.
VERSETS OUBLIÉS (VOLONTAIREMENT ?)
D’après le fils du second calife Omar ibn al-Khattab, le texte actuel du Coran serait incomplet, car une grande partie de son texte aurait disparu.
Abdoullah b. Omar aurait en effet déclaré : « Que nul d’entre vous ne dise : Je possède la totalité du Coran. Qu’en sait-il ? UNE GRANDE PARTIE DU CORAN A EN EFFET DISPARU. Qu’il dise plutôt : « Je possède ce qui en est resté » (Jalal al Din Abdoul Rahman Ibn Bakr al Souyouti, al-Itqan al-Quran, Halabi, Le Caire, 1935, tome 2, page 25).
Les chiites mentionnent trois autres sources sunnites qui évoquent ce hadith d’Abdullah ibn Umar.
Le Tafsir Dur e Manthur tome 1, p. 106.
Le Tafsir Itqan (en Ourdou), tome 2, p. 64.
Le Tafsir Ruh al-Mani, tome 1, p. 25.
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Certains sunnites prétendent que ce n’est pas ce que voulait dire Ibn Omar. Ils soutiennent que le mot « disparu » utilisé par Ibn Omar, à savoir « zahab », signifie en réalité abrogation. Ils prétendent que ce qu’Ibn Omar voulait dire, c’est qu’une grande partie du Coran a été abrogée.
Malheureusement pour eux cette explication ne traite pas vraiment du problème, mais soulève au contraire d’importants problèmes majeurs.
En premier lieu, pourquoi Dieu a-t-il pris la peine de révéler une grande partie du Coran céleste à Mahomet alors qu’il savait très bien qu’il finirait par l’en enlever complètement sans laisser de trace ?
Deuxièmement, le Coran prétend que Dieu remplace toujours les textes abrogés par des textes similaires ou meilleurs :
« Dès que nous abrogeons un verset ou dès que nous le faisons oublier, nous le remplaçons par un autre, meilleur ou semblable. Ne sais-tu pas que Dieu est tout puissant ? » (S. 2, 106).
Troisièmement, les savants musulmans hésitent sur le nombre de versets réellement abrogés ou remplacés.
Peuvent-ils avoir la l’obligeance de signaler les versets ayant remplacé ceux qui ont été abrogés ? Peuvent-ils, pour chaque verset ou chapitre qui a été effacé du Coran, nous donner la liste exacte des passages du Coran les ayant abrogés ?
L’existence même de certains hadiths (comme ceux sur la lapidation) prouve qu’il y a eu des paroles de Mahomet aussi inspirées par Dieu ou son Saint-Esprit (l’archange Gabriel ? ? ? ?), mais ne figurant nullement dans le canon actuel en la matière, le codex d’Osman. Il suffit de se plonger un peu dans les hadiths pour comprendre immédiatement que le Coran canonique actuel (celui d’Osman) diffère du message d’origine ; si tant est qu’il y en ait jamais eu un (le discours de l’Esprit qui apparaissait à Mahomet lors de ses visions était en effet susceptible d’évoluer sensiblement, et certains de ses versets pouvaient en abroger d’autres).
Sahih Muslim livre tome 3, livre 5, hadith N° 2286.
« Abou Harb ben Abou al-Assouad rapporte qu’un dénommé Abou Moussa al-Achari fut un jour envoyé chez ceux qui récitaient le Coran, à Bassora. Ils étaient trois cents. Ils récitèrent le Coran et Abou Moussa al-Achari les complimenta en leur disant : « Vous êtes les meilleurs de Bassora. Continuez, mais que votre récitation n’endurcisse pas vos cœurs comme elle l’a fait pour d’autres, avant vous ».
Nous avions alors l’habitude de réciter un chapitre qui ressemblait par sa longueur et sa sévérité au chapitre al Bara’at [NDLR Il s’agit du chapitre du repentir, le chapitre Nº 9, appelé aussi Taoubah], mais je l’ai oublié à l’exception de ce passage dont je me rappelle. « S’il y avait deux vallées pleines de richesses pour le fils d’Adam, il en désirerait encore une troisième, mais rien ne remplirait son estomac si ce n’est de la poussière ».
Et nous récitions également un chapitre qui semblait être un moussabbihat *, que j’ai aussi oublié, mais dont je me rappelle le passage suivant : « Ô vous les croyants ! Pourquoi récitez-vous ce que vous ne mettez pas en pratique ? » (Chapitre 61, verset 2 de l’actuel Coran) et aussi : « Au cou de chaque homme, nous avons attaché son jugement. Le Jour de la Résurrection, nous le lui mettrons sous le nez pour qu’il le lise » (chapitre 17, verset 13 de l’actuel Coran).
Ce hadith mentionne donc un verset parlant de « deux vallées pleines de richesses » et se trouvant dans un chapitre, qui, pour ce qui est de sa longueur, était semblable au chapitre al Bara’at (At-Taoubah).
Or il n’y a dans le canon coranique actuel aucun chapitre contenant un verset proclamant : « S’il y avait deux vallées pleines de richesses pour le fils d’Adam, il en désirerait une troisième, etc., etc. ». Ce qui implique donc qu’il manque un tel chapitre dans le codex d’Osman.
Autre problème. Ce hadith (le hadith N° 2286 du livre 5 du Sahih Muslim) stipule qu’un chapitre de type moussabbihat * contiendrait les versets suivants :
« Ô vous les croyants ! Pourquoi récitez-vous ce que vous ne mettez pas en pratique ? » et « Au cou de chaque homme, nous avons attaché son jugement. Le Jour de la Résurrection, nous le lui mettrons sous le nez pour qu’il le lise ».
On retrouve, certes, le premier verset, dans le chapitre 61, 2 de l’actuel Coran, et le deuxième verset dans le chapitre 17, 13, mais il n’existe aucun chapitre du Coran actuel comprenant ces deux versets à la fois.
Cela signifie donc que dans le codex d’Osman (qui est le canon actuel de l’islam) certains chapitres ont été démembrés, que certains versets ont été disjoints ; pour être insérés en d’autres endroits que celui où ils se trouvaient à l’origine ; ou alors qu’il manque encore un chapitre.
Sahih Muslim. Tome 2, livre 4, hadith Nº 1433.
« Dieu le Très-Haut et le Très-Grand a révélé (un verset) concernant ceux qui avaient été tués à Bir Maouna, et nous l’avons récité, jusqu’à ce qu’il ait été abrogé plus tard. Le verset commençait ainsi :
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« Annoncez à notre peuple, la bonne nouvelle que nous avons rencontré notre Seigneur, qu’il a été satisfait de nous, et que nous avons été récompensés par lui » (Anas ben Malik).
Encore un verset ne faisant plus partie du canon actuel de l’islam.
Sahih Muslim. Livre 8, hadith Nº 3421.
« Aïcha nous a rapporté qu’il avait été révélé dans le Saint Coran que dix tétées d’allaitement suffisaient à rendre frères et sœurs (de lait) et à interdire un mariage ; puis que ce verset a fait l’objet d’une abrogation et a été remplacé par un autre verset parlant de cinq tétées d’allaitement seulement. Ensuite l’Apôtre de Dieu est mort, mais c’est ce qui se trouvait en son temps dans le saint Coran ».
Le problème est que ni l’un ni l’autre, de ces versets, ne se trouve dans le Coran actuel.
Sahih Muslim livre 004 hadith 1316.
« Abou Younous, l’affranchi d’Aïcha a rapporté ce qui suit. Aïcha m’a ordonné de faire une copie du Coran pour elle et m’a dit : Quand tu arriveras au verset : « Soyez assidus aux prières et notamment à la prière de midi » (2, 238), dis-le moi, aussi quand ce fut le cas je lui ai dit et elle m’a dicté le texte suivant. Soyez assidu aux prières notamment à la prière de midi et à celle de l’après-midi et tenez-vous debout par soumission à Dieu. Aïcha a ajouté : c’est ce que j’ai entendu de la bouche du Messager de Dieu (que la paix soit sur lui) ».
Ce hadith nous a donc conservé l’état originel du verset sur les prières (salats) du temps de Mahomet. « Soyez assidus aux prières, à la prière de midi ET À LA PRIÈRE DE L’APRÈS-MIDI, et tenez-vous debout pour prier Dieu humblement », etc. Or dans le texte canonique actuel (chapitre 2, 238), cette prière de l’après-midi, la Salat Al Asr, n’est pas mentionnée.
Cela prouve bien encore une fois que des mots, des versets, ou des chapitres entiers, manquent au Coran d’aujourd’hui.
Autre autorité en matière de Coran, Abdoullah Ibn Massoud.
Il n’y a aucun chapitre du Livre de Dieu dont je ne sache à quel endroit il figure ; et il n’y a aucun verset dont je ne sache, à quel endroit il s’insère (Sahih Boukhari, tome 6, Livre 61, N° 524).
Or Ibn Massoud omet néanmoins également trois chapitres figurant pourtant dans le canon actuel.
Le premier est la Fatiha. Massoud la considérait comme une simple prière, et non comme un chapitre, mais les deux derniers sont les chapitres 113 et 114.
Pour ce qui est de la Fatiha, Ibn Massoud a raison, puisque le texte coranique lui-même distingue cette fatiha du Coran proprement dit. Chapitre 15, verset 87 : nous t’avons donné sept versets à répéter, mais aussi le Coran.
Plus « embêtant » est le fait que Massoud n’a pas retenu les deux derniers chapitres (113 et 114).
Pour Ibn Hadjar al-Asqalani (voir son commentaire sur le Sahih Al-Boukhari) Massoud n’aurait pas inclus ces chapitres dans son Coran ; car Mahomet lui-même ne les aurait considérées que comme des incantations (des loricas en quelque sorte, aurait pu dire saint Patrice).
Pour As-Souyouti (Al-Itqan fi Ouloum al Quran, p. 186) Massoud n’aurait pas inclus ces chapitres dans son Coran ; car à ses yeux rien ne devait figurer dans le mouchaf (le texte du Coran créé ou terrestre) sans ordre exprès du prophète… et il n’avait pas entendu que cela ait été un jour commandé.
Certains chiites de toute façon ont dans leur Coran deux chapitres de plus, les chapitres intitulés al-Oualaya (le saint) et an-Nouraïn ; chapitres qui, d’après eux, figuraient primitivement dans le texte, mais en auraient été par la suite exclus afin de nuire au gendre du prophète, Ali.
Chapitre du saint (al oualaya).
« Croyez au prophète et au ouali, que nous vous avons envoyés pour vous guider sur le droit chemin.
Un prophète et un ouali, l’un et l’autre, je suis celui qui sait tout, le Sage.
Ceux qui remplissent leur pacte envers Dieu auront vraiment des jardins de plaisir.
Quant à ceux qui rejettent nos preuves lorsqu’elles leur sont récitées,
Ils auront une place peu enviable en Enfer, le Jour du jugement dernier on leur demandera : où sont les impies qui ont renié les messagers.
Or il les a vraiment et réellement mandatés, Dieu leur donnera la victoire dans un proche avenir. Glorifie les louanges de ton Seigneur, Ali est au nombre de ces témoins ».
Ce chapitre du Coran est cité dans l’ouvrage intitulé Dabestan e Mazaheb écrit en farsi (perse) au 17e siècle. Ce livre a été imprimé plusieurs fois en Iran. Ses détracteurs sunnites soutiennent qu’il s’agit de faux d’origine zoroastrienne.
Pour conclure sur la question des versets manquants du Coran, passons la parole à Arthur Jeffery citant Abou Oubaïd Qasim bin Salam (770-838) et son livre Kitab Fada'il al-Qur'an)
Sur les versets manquants dans le Coran (Le monde musulman, volume 28, page 62). Qu’un grand nombre de proclamations relativement authentiques ne soient plus incluses dans l’actuel Coran est certain.
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Abou Oubaïd al-Qasim b. Sallam (770-838), qui a étudié à la fois sous les célèbres maîtres des écoles de Koufa et de Bassora, était le fils d’un esclave grec, et bien que né à la périphérie de l’empire musulman, devint ensuite un célèbre professeur de Bagdad, connu également en tant que philologue, juriste et maître faisant autorité dans les sciences coraniques. En raison de sa date précoce et de la réputation dont il a joui auprès des auteurs postérieurs, son chapitre sur les versets manquants du Coran mérite donc d’être traduit ici…
Ibn Abi Maryam nous a rapporté………… qu’Aïcha aurait dit : « On avait l’habitude de réciter le chapitre al-Ahzab (33) du temps du Prophète en deux cents versets, mais quand Osman a publié les codex il a été incapable d’en trouver plus que ce qu’il y en a dedans aujourd’hui » !
Isma'il b. Ibrahim et Isma'i b. Ja'far nous ont rapporté…… Oubai b. Ka'b m’a dit : « O Zirr, combien de versets comptais-tu (ou lisais-tu) dans le chapitre al-Ahzab ? » « Soixante-douze ou soixante-treize », répondis-je. Il me rétorqua : « Pourtant, il était égal en longueur au chapitre al-Baqara (2), et nous avions l’habitude d’y lire le verset de lapidation. » Je lui ai demandé : « Et que disait ce verset de lapidation ? » Il m’a répondu : « Si un homme et une femme adultes commettent un adultère, on les lapide sans hésiter, en guise d’avertissement de la part de Die, car Dieu est puissant et sage.
Abdallah b. Salih nous a rapporté……… que Khaliya avait dit : L’Apôtre avait l’habitude de nous réciter le verset de la lapidation : « Si un homme et une femme adultes commettent l’adultère, lapidez-les sans hésiter pour les récompenser de leur plaisir (illicite) ».
Hachem nous a raconté – j’ai entendu dire par az-Zouhri… qu’Omar a dit un jour dans son prêche : « Certaines personnes demandent ce que c’est que cette histoire de lapidation ? Il n’y a rien dans le livre de Dieu à ce sujet sauf une flagellation », alors que l’Apôtre a lapidé et que nous avons lapidé avec lui. Par Dieu, si ce n’était qu’on dirait alors qu’Omar a rajouté quelque chose dans le livre de Dieu, je l’aurais volontiers écrit aussi, exactement comme il nous a été révélé.
Hachem nous a raconté………… qu’Omar qui a dit : « Je voulais en effet écrire en marge du codex : Omar b. al-Khattab et Abd ar-Rahman b. Aouf attestent que l’Apôtre de Dieu a lapidé et nous aussi nous avons lapidé ».
Abdallah b. Salih nous a rapporté……… qu’Abou Ouaqid al-Laïthi qui a déclaré : « Quand l’apôtre de Dieu avait une révélation, nous allons le trouver et il nous répétait ce qui lui avait été révélé. Je suis allé un jour le trouver et il m’a dit : que Dieu soit béni et glorifié : « Nous avons envoyé aux hommes maintes richesses pour qu’ils prient et fassent l’aumône, mais si l’homme en avait une vallée (pleine) il en voudrait une seconde, et s’il en avait une seconde il voudrait encore leur en ajouter une troisième. Rien ne rassasiera vraiment le fils d’Adam, excepté la poussière.
Hajjaj nous a relaté…… J’ai entendu le Messager de Dieu ça, mais je ne sais pas si c’est du Coran ou pas ». »
Abou Oubaïd a déclaré : les hourouf que nous avons mentionnés dans ces passages font partie des variantes que les savants n’ont pas pris la peine de transmettre, en expliquant qu’elles étaient identiques à ce qui figure sur les pages (du Coran), car ils avaient l’habitude de les réciter durant les prières. Aussi ne considéraient-ils pas comme un incroyant quiconque les rejetait, même si elles étaient récitées dans les prières, car ils ne considéraient comme incroyants que ceux qui rejetaient ce qui figurait sur les pages de l’imam qu’Osman avait fait rédiger avec l’accord des Mouhadjiroun et des Ansar.
Bref, une centaine de versets auraient donc été retirés : les « versets sataniques » comme nous avons pu le voir, mais également, par exemple, des versets prescrivant la lapidation pour adultère ainsi que quelques autres.
L’orthodoxie musulmane soutient pourtant que le Coran d’Osman contient toutes les révélations délivrées à la Communauté, préservées fidèlement, sans modification ni variation, et que l’acceptation du canon d’Osman fut universelle dès sa diffusion.
* Chapitres moussabbihat. Groupe de 5 chapitres commençant de la même façon, les chapitres 57, 59, 61, 62, et 64.
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AUTRE VERSET VRAIMENT SATANIQUE CELUI-LÀ, MAIS AYANT AUSSI ÉTÉ RETIRÉ DU CORAN HEUREUSEMENT : CELUI QUI AVAIT ÉTÉ RÉVÉLÉ SUR LA LAPIDATION.
Il y a eu au départ dans le Coran, à un moment donné, des versets (divins bien entendu) prescrivant la lapidation des adultères. Il en reste le souvenir dans certains hadiths.
Sahih Boukhari. Tome 8, livre 82, hadith Nº 817.
« Dans ce que Dieu a révélé, il y avait le verset du radjam (la lapidation des époux (homme et femme) qui ont des rapports sexuels illégaux, et nous avons récité ce verset. L’Apôtre de Dieu a pratiqué la lapidation et nous l’avons fait après lui, mais j’ai peur qu’à la longue quelqu’un ne finisse par dire : « Par Dieu, nous ne trouvons pas ce verset du radjam (lapidation) dans Le Livre de Dieu », « et qu’ainsi on s’égare en délaissant un devoir que Dieu a révélé et que la punition du radjam ou lapidation ne soit plus infligée aux époux (homme et femme), qui commettent l’adultère, si la preuve requise est administrée ou s’il y a grossesse ou aveu. Nous avons ensuite récité parmi les versets du Livre de Dieu : « Ne prétendez pas être les enfants d’autres hommes que vos pères, car c’est de l’incrédulité ou ingratitude de votre part que de prétendre être la progéniture d’un autre que celui qui est votre véritable père, etc. »
Ce hadith mentionne donc un verset (à propos de la lapidation), qui ne se retrouve pas dans le Coran canonique actuel.
Sahih Muslim livre 017 hadith numéro 4206.
« Le Saint Prophète a confié l’enfant à l’un des musulmans présents et a ensuite prononcé le jugement. Elle a été placée dans un fossé jusqu’à hauteur de la poitrine et il a commandé aux personnes présentes de la lapider. Khaled b Oualid s’est avancé avec une pierre qu’il lui a jeté sur la tête, mais du sang gicla sur le visage de Khaled qui l’injuria. L’apôtre de Dieu (que la paix soit sur lui) entendit les insultes (celles de Khaled) proférées sur la malheureuse. Il dit à Khaled : « Ne sois pas méchant. Par celui qui tient ma vie entre ses mains, elle s’est tellement repentie que si un collecteur d’impôts indu s’était repenti de la même façon, il aurait été pardonné. Ensuite il donna des ordres à son sujet, puis il pria pour elle et on l’enterra ».
D’après la Charia les pierres ne doivent pas être grosses au point de tuer du premier coup ou presque, ni trop petites sinon la mort ne peut pas s’ensuivre.
Dieu merci, ce verset sur la lapidation pour cause d’adultère, infiniment plus satanique que celui qui a été reçu du Diable sur les déesses et qui a tant défrayé la chronique musulmane ; ne figure plus dans le texte canonique actuel du Coran, la lapidation ayant été remplacée par la flagellation. Il est néanmoins, hélas, toujours appliqué par bon nombre de défenseurs de la charia.
L’ex-catholique premier au catéchisme que je suis, fera néanmoins remarquer que l’attitude du personnage des quatre évangiles appelé Jésus, fait preuve néanmoins d’infiniment plus de grandeur à propos de la femme adultère, et cette grandeur tient en deux mots…
— Que celui qui n’a jamais péché lance la première pierre (sans commentaire) !
— Va et ne pèche plus ! (le Nazaréen n’approuve quand même pas le comportement de cette femme au point de lui conseiller de continuer, il réaffirme donc qu’à ses yeux il y a eu faute).
— Mais, retour à la case départ : que celui qui n’a jamais péché lance la première pierre (sans commentaire).
Là au moins il y a vraiment religion d’amour, d’une si grande élévation morale que l’on peut se demander si c’est vraiment bien en milieu juif traditionnel que ce logion a pu apparaître. Le moins que l’on puisse dire en effet c’est qu’il ne fait pas très orthodoxe (fin du tafsir à ce sujet de Pierre de La Crau, volontairement répété à cet endroit).
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VERSETS AJOUTÉS PLUS TARD.
Conclusion : les érudits musulmans des premières années étaient plus flexibles que ceux d’aujourd’hui notamment chez les sunnites et réalisaient que des parties entières du Coran étaient perdues, perverties, ou qu’il y avait plusieurs milliers de variantes rendant impossible de parler d’un seul Coran.
Mais si nous admettons qu’il y a eu des omissions, alors pourquoi pas des adjonctions ? L’authenticité de bien des versets dans le Coran a été remise en question par les musulmans eux-mêmes. Beaucoup de kharidjites, c’est-à-dire des disciples d’Ali aux premiers temps de l’islam, trouvaient par exemple que le chapitre relatant l’histoire de Joseph (sourate 12) était un conte érotique offensant et n’appartenant pas au Coran.
On se trouve une nouvelle fois devant la conjecture qu’il existait une sorte de réservoir de textes judéo-chrétiens, remontant aux origines, dans lesquels les rédacteurs puisaient pour ajouter des versets selon les nécessités du moment. Un tel réservoir, formé à une époque où Dieu n’était pas encore considéré comme l’auteur direct du Coran, n’était donc pas rédigé de façon à présenter Dieu comme le locuteur de ces proclamations. Les rédacteurs des diverses strates du Coran y ont puisé une partie de leurs matériaux.
La plupart des spécialistes pensent qu’il y a eu des interpolations dans le Coran.
Certaines de ces interpolations sont assez innocentes et n’ont été ajoutées que pour aider à la compréhension de certains mots rares nécessitant une explication.
Plus sérieuses sont les interpolations d’un caractère dogmatique ou politique, qui semblent avoir été ajoutées pour justifier l’élévation d’Osman au rang de calife à la place d’Ali. Mais il y a aussi certains versets qui ont été ajoutés dans l’intérêt de la rime, ou pour relier ensemble de courts passages n’ayant aucun rapport entre eux.
Le Coran a donc été remanié par les successeurs de Mahomet.
Puisqu’il n’est pas impossible que certains versets aient été introduits dans le Coran par le calife Osman ; c’est donc vraisemblablement de cette époque que date l’ajout au texte primitif, dans le chapitre 75, des versets 16 et suivants, puisqu’ils parlent de lecture et non de récitation.
« N’agite point ta langue en lisant le Coran comme si tu voulais en hâter la révélation, c’est à nous qu’il appartient de le rassembler et de le lire ».
Ces versets ne peuvent en aucune façon être la transcription de ce qu’aurait pu dire Mahomet puisque nous savons que ses « révélations » constituaient un enseignement purement oral.
Il n’est donc pas possible que Mahomet de son vivant ait pu parler de « lecture du Coran », et ces versets du chapitre 75, comme d’autres, ne peuvent donc qu’être apocryphes.
Seule la mention « N’agite point ta langue en récitant le Coran… » Pourrait être ici acceptable, pas celle qui implique la lecture d’un livre qui n’existait pas du vivant de Mahomet.
Idem pour le verset 23 du chapitre 39.
« Dieu a fait descendre le plus beau des récits, un Livre dont les parties se ressemblent et se répètent. À leur lecture la peau de ceux qui redoutent le Seigneur frissonne, etc., etc. ».
Il n’est pas impossible que ce verset soit lui aussi apocryphe (afin par exemple de justifier, a posteriori, les nombreuses répétitions émaillant le Coran).
Et c’est sans doute aussi de cette époque que datent les légendes hadiths ou autres, relatant les différents miracles ayant affecté la vie de Mahomet.
Notamment bien sûr, son voyage-éclair sur une monture fantastique au visage de femme et avec des ailes, de la « Mosquée sacrée » de La Mecque, à la « Mosquée Très Éloignée » d’El Aqsa, ou « Mosquée céleste ».
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Mais aussi le chapitre 94. À l’âge de six ans, Mahomet aurait été « visité » par deux anges qui lui auraient ouvert la poitrine pour en purifier le cœur, avant de le remettre en place, lavé de toute souillure.
Et le chapitre 9, verset 40. Mahomet s’étant caché dans une caverne pour fuir les Mecquois en se rendant à Yathrib/Médine, une toile d’araignée tissée juste après le passage de Mahomet fait croire aux poursuivants que personne n’a pu passer à cet endroit récemment.
Ces interpolations sont des ajouts au texte original dus à des mains « pieuses » comme on dit dans le christianisme pour caractériser ses innombrables élucubrations, à propos de martyrs comme les sept Dormants d’Éphèse, et même des apôtres ou de leur prophète Issa.
À moins encore, bien sûr, que ces versets soient vraiment bien de la bouche même de l’esprit de Dieu qui apparaissait à Mahomet, une hypothèse qu’on ne peut exclure avec certitude quand on est croyant.
Que penser aussi du verset 16 du chapitre 64 (la duperie réciproque) ? Que vient-il faire dans un chapitre censé avoir été révélé à La Mecque ?
Ces versets ont fort bien pu être dictés par Abou Bakr, Omar ou Osman.
La datation des strates du Coran.
Ainsi que nous avons eu l’occasion de le voir, la toute première strate, portant le nom de Coran, est le lectionnaire formé du vivant de Mahomet, avant 632 donc, à partir de traductions ou de paraphrases de la Thora et de l’Évangile. Elle forme à peu près un quart du Coran actuel.
Environ la moitié du Coran actuel est formée de discours collectés par Osman vers 650, mais prononcés par Mahomet avant sa mort en 632.
Les versets qui comportent les mots islam ou musulmans datent d’après 691, car ces mots ont été introduits quand ces termes ont été créés pour remplacer ceux de mahgrayés ou de mouhadjiroun.
Les interpolations qui introduisent Mahomet dans le Coran datent d’après le moment où Mahomet est devenu un prophète, donc de toute façon après 686, date de la toute première mention du rôle prophétique de Mahomet ; et probablement bien plus tard, car vers 720 son rôle prophétique n’était toujours pas universellement accepté en terres d’islam 1). Pour la même raison, il faut dater de cette époque le verset qui en fait un modèle à imiter, et ceux qui décrivent justement les actes qu’il faut imiter ; le mariage avec la femme de son fils adoptif, la part de butin qui revient à Mahomet, et qui ensuite revient au calife puisque ce dernier imite Mahomet, le changement de qibla, etc.
Les 300 et quelques « dis ! » ont été ajoutés entre 800 et 827.
Les 100 et quelques versets où les « dis ! » manquent ont (peut-être) été introduits après 827 et avant la fixation définitive du Coran, intervenue vers 850.
Les privilèges mentionnés par certains versets du Coran ou certains hadiths.
Les califes omeyyades et abbassides pratiquaient l’accaparement du butin, s’attribuaient d’innombrables concubines, des épouses impubères, et même les épouses de leurs propres fils. Comment justifier de pareils actes ? Il existe une bonne solution. Un verset du Coran affirme que le Prophète est un modèle pour tous les temps et tous les hommes. Tout ce que Mahomet a fait dans ces conditions est donc bon et doit être imité. Il suffit par conséquent d’inventer un hadith ou un verset du Coran disant que Mahomet a lui-même agi ainsi, pour que le devoir d’imitation conduise les califes omeyyades et abbassides, puis leur cour, puis tous les musulmans, à agir de même. Il est significatif que les versets qui ordonnent à Mahomet de prendre pour lui Zaïnob, l’épouse de son fils adoptif Zaïd 2), déclarent que Mahomet doit se saisir de cette femme afin que les générations futures sachent qu’un tel acte est permis). La mainmise des califes sur le texte du Coran les a peut-être conduits à attribuer à Mahomet des actes contestables qu’il n’a peut-être pas accomplis.
1) Ainsi que l’a bien montré Hela Ouardi de l’université de Tunis El Manar (les derniers jours de Mahomet) la quasi-idolâtrie entourant la personne même de Mahomet est de toute évidence très tardive. Les recherches sur les papyrus et les épigraphes les plus anciens de l’histoire de l’islam, qui ont fait des progrès considérables ces dernières années, livrent dans ce sens des informations parfois spectaculaires. L’étude des premiers graffitis de l’islam montre que le nom de Mahomet ne figure sur aucun des écrits les plus anciens qu’on a découverts en Arabie. La plus ancienne mention date de l’an 121 de l’hégire, 738-739 de l’ère chrétienne, et figure dans une prière qui l’associe à Abraham : Amin rabb Muhammad oua Ibrahim (Amen, Seigneur de Muhammad et d’Abraham). Par ailleurs, dans les plus anciens documents sur papyrus, il est attesté que les premiers récits datent au moins du début du VIIIe siècle. Seul un fragment de papyrus de huit lignes datant de cette période est parvenu jusqu’à nous ; dans ce document découvert à Hirbet el-Mird (nord-ouest de la mer Morte) et contenant quelques détails sur la bataille de Badr (première victoire des musulmans contre les « mécréants » de La Mecque en 624), le nom de Mahomet est mentionné deux fois, mais, fait étrange, il n’est pas
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accompagné de la formule de bénédiction habituelle : Salla llahou alayhi oua sallam (Que les prières et les louanges de Dieu soient avec lui).
Pour Hela Ouardi cela prouve que la personne même de Mahomet était donc loin d’être idolâtrée par les premières générations de musulman comme Omar Osman ou Mou’aouiya. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer le traitement subi par ses descendants directs qui sont tous morts assassinés ou dans des conditions obscures. Pour Hela Ouardi cette situation expliquerait même a contrario l’obsession du blasphème chez les musulmans aujourd’hui. Pour elle c’est ce sentiment de culpabilité fortement implanté dans l’impensé historique des musulmans qui expliquerait le déchaînement de passion que suscite encore aujourd’hui la moindre atteinte à cette icône ou image d’Épinal.
2) Chapitre 33, verset 37.
LES VARIANTES DU CORAN.
Malgré l’ordre donné par Osman détruire tous les textes autres que le sien, il est évident que les autres codes survécurent. Ainsi que le dit Charles J. Adams, on doit insister sur le fait que, loin d’être un texte unique transmis tel quel depuis l’époque de Mahomet ; ce sont littéralement des milliers de lectures diverses de versets particuliers qui furent connues au cours des trois premiers siècles de l’ère musulmane. Ces variantes affectèrent même le codex osmanien, ce qui rend difficile la connaissance de ce qu’a pu être sa forme réelle à l’origine.
Certains musulmans préférèrent d’ailleurs depuis longtemps des versions autres que celle d’Osman, par exemple, celles d’Abou Moussa, d’Abd Allah Ibn Massoud, ou d’Oubbaye ibn Ka’b Ibn Ouarraq, les origines du Coran.
Les principales questions appelant des réponses sont :
1. Comment le Coran est-il parvenu à nous ? [compilation et transmission]
2. Quand a-t-il été écrit et par qui ?
3. Quelles sont les sources du Coran ? [origine des histoires, des légendes et des principes]
4. Qu’est-ce que le Coran ? [Comment détermine-t-on son authenticité?]
Trois livres ont été écrits (au quatrième siècle de l’ère musulmane), par Ibn al-Anbari, Ibn Achta, et Ibn Abi Dawoud, chacun intitulé Kitab al-Masahif, chacun discutant de ce que l’on savait alors des codex disparus
Les deux premiers nous sont perdus et connus seulement par des citations ; le troisième a survécu.
Ibn Abi Dawoud est le troisième des principaux collectionneurs de hadith. Il fait référence à quinze codex primaires et treize codex secondaires (les derniers étaient principalement basés sur le codex primaire de Massoud).
— Codex d’Ibn Massoud (mort en 33) (pp. 126-129).
Ibn Massoudi était un converti de la première heure. Il a participé à l’exil en Abyssinie et à Médine, aux batailles de Badr et Ouhud en 624 et 625, fut personnellement au service de Mahomet et avait appris soixante-dix sourates de la bouche même de Mahomet. Ce fut l'un des premiers enseignants de l’Islam, et Mahomet lui-même le recommandait pour sa connaissance du Coran.
Il a publié un codex qui était utilisé à Koufa, et dont de nombreuses copies furent faites. Il avait refusé avec indignation de renoncer à son codex en arguant qu’il était plus précis que celui de Zaïd ibn Thabit. Son codex n’incluait pas les chapitres 1, 113 et 114, car il ne les considérait pas comme faisant partie du Coran, bien qu’en connaissant et en proposant des variantes. L’ordre de ses sourates différait aussi de celui du codex officiel d’Osman.
— Codex d’Oubaye B. Ka'b (décédé en 29 ou 34) (pp. 129-131)
Ibn Ka'b était l’un des Ansar (musulmans de Médine et non venus de La Mecque). Ce fut un des secrétaires de Mahomet à Médine et il aurait, dit-on, été un des quatre instructeurs recommandés par Mahomet. Son codex resta le plus connu en Syrie même après la normalisation. Il semble avoir été impliqué dans la mise au point du texte d’Osman, mais la tradition n’est pas claire à ce sujet. Il semble avoir connu le même nombre de sourates que la version autorisée, bien que leur ordre ait été différent. Son codex personnel n’a jamais eu la popularité de celui d’Ibn Massoud, et il fut détruit très tôt par Osman.
— Codex d’Ali (mort en 40) (pp. 132-134)
Ali était le gendre de Mahomet et aurait commencé à compiler un codex immédiatement après sa mort. Il fut tellement absorbé par cette tâche qu’il en négligea de prêter allégeance à Abou Bakr.
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Certains disent qu’il avait accès à des documents coraniques « cachés ». L’ordre des chapitres d’Ali différait de celui d’Osman, il est donc difficile de savoir s’il y avait du texte en moins ou en plus. Ali a néanmoins accepté la recension d’Osman et brûlé son propre codex. Il est difficile de savoir si les variantes que l’on attribue au Coran d’Ali concernaient le texte original ou étaient dues en fait à ses interprétations du codex d’Osman.
Nous savons très bien que les nombreuses variantes dont venons de parler ci-dessus ne changent pas grand-chose aux lignes générales du message de Mahomet.
Ce qu’elles prouvent par contre, si besoin était, c’est que le canon actuel (le Coran d’Osman)
NE SAURAIT EN AUCUN CAS ÊTRE L’EXACTE PAROLE DE DIEU (S’IL EXISTE).
De toute façon, on ne voit pas pourquoi l’arabe serait la langue maternelle de Dieu de toute éternité. Dieu, s’il existe, n’a pas besoin d’une langue particulière pour communiquer avec les humains, et les hommes qui relaient son message peuvent, et même doivent le faire, dans toutes sortes de langues. Cette idée de Coran incréé n’existant de tout temps qu’en langue arabe, est une dangereuse folie raciste (une psychose une névrose diraient les mou’tazilites ???) tout à fait comparable à la mortelle notion de peuple élu dans le judaïsme. Toutes les deux ont constitué de véritables catastrophes culturelles pour l’Humanité.
Quoi qu’en disent les fanatiques de l’islam (l’intégrisme rend bête), il y a donc eu des variantes ou des interpolations dans le texte du Coran. Al Baïdaoui en signale quelques-unes dans son commentaire sur les passages suivants : les chapitres 3, 100 ; 6, 91 ; 19, 35 ; 28, 48 ; et 33, 6.
Mouhammad Hamidoullah classe ces variantes en quatre groupes :
1 Les variantes dues à une erreur de copie d’un scribe. Ces variantes sont facilement décelables par simple comparaison avec d’autres copies du Coran.
2 Les variantes dues aux notes explicatives marginales. Le style du Coran exigeait parfois que les compagnons de Mahomet lui demandent des explications ; ils notaient alors ces explications en marge de leurs copies personnelles pour ne pas les oublier, et il est arrivé parfois, évidemment, que les copistes confondent le texte et le commentaire, en recopiant les écrits originaux ; voir l’ordre bien connu d’Omar qui interdisait formellement d’ajouter le commentaire aux copies du Coran (même problème pour les évangiles).
3 Les variantes dues à la permission accordée par Mahomet lui-même de réciter le texte sacré en d’autres dialectes que celui qui était en usage à La Mecque. Mahomet tolérait en effet des variantes dialectales, même pour le texte du Coran. Il disait volontiers : Gabriel m’a permis jusqu’à sept lectures différentes du Coran. Tout en gardant pour lui et pour ses concitoyens une certaine façon de lire, il autorisait les membres de diverses tribus à remplacer certains mots par leurs équivalents mieux connus chez eux. Lorsque le dialecte mecquois prit le dessus dans la génération suivante, le calife Osman jugea utile d’ordonner que l’on renonçât dorénavant aux différences autorisées par Mahomet lui-même, car, dit Tabari, elles n’étaient pas obligatoires, mais seulement permises. Il y eut donc des copies confectionnées par des « provinciaux » et conservées chez leurs descendants ».
4 Les variantes dues à l’absence, pendant les 150 ou 200 premières années de l’islam, des points-voyelles dans les copies manuscrites du Coran, et à l’absence de signes diacritiques pour différencier la prononciation des lettres écrites de manière identique.
Les différences entre le codex d’Oubaye, le codex d’Ibn Massoud, et le codex d’Osman (qui constitue le canon actuel pour ce qui est du message coranique) portent aussi sur le contenu des chapitres.
Quelques exemples.
Chapitre 5, verset 89 : texte canonique actuel : « Un jeûne de trois jours ».
Version ibn Massoud : « Un jeûne de trois jours SUCCESSIFS ».
Chapitre 6, verset 153 : texte canonique actuel : « Tel est en toute droiture mon chemin » (Oua anna haathaa siraatii).
Version ibn Massoud : « Tel est le chemin de Votre Seigneur » (Oua haathaa siraatou rabbakoum).
Chapitre 33, verset 6 : texte canonique actuel : « Le prophète est plus proche des croyants qu’ils ne le sont les uns des autres ; et ses épouses sont leurs mères ».
Version ibn Massoud : « Le prophète est plus proche des croyants qu’ils ne le sont les uns des autres ; il est leur père et ses épouses sont leurs mères ».
Version d’Oubaye : « Le prophète est plus proche des croyants qu’ils ne le sont les uns des autres, il est un père pour eux et ses épouses sont leurs mères ».
Le qualificatif de « père » attribué à Mahomet lui-même est absent du Coran canonique d’Osman, mais présent dans le Coran d’ibn Massoud et d’Oubaye b. Ka’b.
Des « variantes » de ce genre, il y en a par centaines ! Les données, chez les auteurs classiques, se contredisent néanmoins souvent : les uns disent que le Coran d’un tel avait cette addition, les autres le nient.
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Il est évident que le Coran n’a été mis par écrit que sous le calife Abd al-Malik (685 – 705) à Damas, à l’aube du VIIIe siècle. Lorsque l’islam est devenu justement une civilisation de l’écriture. Avec les Omeyyades, la religion de Mahomet bascule dans un autre monde. Elle accompagne le développement d’un État dans lequel l’écriture devient prédominante. Un « Coran musulman » est ainsi mis par écrit, à partir de fragments d’oralité conservés dans les mémoires. La tradition musulmane, dans les siècles qui suivront, couvrira de tout un luxe de détails les origines de l’islam, et reconstituera un passé fictif. Si nous prenons par exemple la figure de l’ange Gabriel, le messager de la révélation, si présent dans la tradition post coranique, nous constatons qu’elle est en fait presque absente du Coran. Elle ne fait l’objet que de trois mentions, et qui plus est dans des passages tardifs.
Sous l’influence du grand lettré coranique Abou Bakr Ibn Moudjahid (mort en 936), il y eut alors une codification définitive du système des consonnes ; et une limite imposée aux variations des voyelles utilisées dans le texte, dont le résultat fut l’acceptation de seulement sept systèmes différents. Mais d’autres érudits acceptaient dix lectures, et d’autres douze ou quatorze.
Certaines de ces lectures « ultérieures » présentent des divergences importantes par rapport à l’interprétation officielle. Comme quoi, la « parole de Dieu » est bien loin d’être entendue de la même façon par tous les musulmans.
Les sept systèmes proposés par Ibn Moudjahid offraient quatorze possibilités, puisque chacune des sept lectures était retracée à travers deux différents transmetteurs, c’est-à-dire :
1 Nafi de Médine via Ouarch et Qaloun.
2 Ibn Kathir de La Mecque par l’intermédiaire d’al-Bazzi et de Qounboul.
3 Ibn Amir de Damas via Hicham et Ibn Dakouan.
4 Abou Amr de Bassora par l’intermédiaire d’al-Douri et d’al-Soussi.
5 Asim de Koufa par l’intermédiaire d’Hafs et d’Abou Bakr.
6 Hamza de Koufa via Khalaf et Khallad.
7 Al-Kisaï de Koufa via al Douri et Aboul Harith.
Soit sept versions (légèrement différents suivant les systèmes de vocalisation ou de ponctuation retenus), mais ces différences minimes entraînaient bien évidemment d’importantes divergences d’interprétation entre Écoles.
Elles conservèrent longtemps une certaine primauté, car elles ne divergeaient que sur des aspects jugés « secondaires » par les califes.
Finalement, trois systèmes prévalurent, celui d’Ouarch (mort en 812) remontant à Nafi de Médine, celui d’Hafs (mort en 805) remontant au dénommé Asim de Koufa, et celui d’al-Douri (mort en 860) remontant au dénommé Abou Amr de Bassora. Dans l’islam moderne, deux versions semblent être en usage : celle d’Asim de Koufa, par l’intermédiaire d’Hafs, à laquelle fut donnée une sorte de sceau quasiment officiel du fait de son adoption par l’édition égyptienne du Coran au début du XXe siècle (l’édition cairote) ; et celle de Nafi d’après Ouarch, qui est en usage dans les parties de l’Afrique autres que l’Égypte.
La première version officielle du Coran daterait donc du calife omeyyade Abd al-Malik, car elle aurait consisté beaucoup plus qu’en une simple homogénéisation de l’orthographe sous la férule d’al-Hadjaj, gouverneur d’Irak. L’organisation en chapitres (sourates) et les titres des chapitres datent d’ailleurs vraisemblablement de cette époque.
John Wansbrough lui aussi pense que le Coran ne fut pas achevé (du moins dans sa forme définitive) avant le neuvième siècle. La dérivation du droit islamique à partir des écritures fut un phénomène du neuvième siècle. Wansbrough pense par conséquent que le Coran est plutôt le produit d’un développement organique de traditions originellement indépendantes au cours d’une longue période de transmission.
S’il existe actuellement des variantes dans le texte, elles ne concernent que les voyelles et proviennent de « lecteurs » qui prononçaient différemment ; puisque les points diacritiques ou distinctifs et les voyelles brèves ou les signes voyelles, ne furent inventés qu’après le début de la prédication de Mahomet.
Malgré l’homogénéisation de l’orthographe effectuée à l’initiative du gouverneur de l’Irak, al-Hadjaj, sous le règne du calife Abd al-Malik, les querelles concernant l’authenticité du texte ne s’apaisèrent qu’au Xe, après divers schismes et massacres. Les chiites, la plus importante divergence au sein de l’islam estiment toujours que les versets concernant Ali ont été supprimés par les hommes du calife imposteur…
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RAPPORTS ENTRE CORAN ET HISTOIRE DES DÉBUTS DE L’ISLAM.
L’examen du Coran lui-même nous montre bien que ce livre est un corpus, une compilation de traditions fragmentaires et souvent hétérogènes ; dont certaines peuvent être anciennes, mais dont d’autres portent la marque de son histoire éditoriale, bien au-delà du califat d’Osman.
Le nom de Mahomet n’apparaît que quatre fois dans le Coran : deux fois pour affirmer qu’il est l’envoyé de Dieu, une fois pour dire que le Coran est « descendu » sur lui ; et une fois pour dire, dans un contexte particulier concernant une allusion à l’un de ses mariages contesté, qu’il est le sceau des prophètes. C’est même le seul cas où, à côté de Mahomet, apparaît le nom de l’un de ses compagnons, Zaïd. Mis à part ce Zaïd, dont on nous parlera aussi ailleurs que dans le Coran ; rien n’est dit, dans celui-ci, sur les grands « Compagnons » historiques figurant dans toute biographie de Mahomet comme étant, à ses côtés, des sortes de cofondateurs de l’islam : Abou-Bakr, Omar, Osman, Ali, et beaucoup d’autres. Rien sur ceux qui auraient donc été ses scribes, ses familiers. Plusieurs fois, il est fait allusion à certaines de ses épouses, mais de façon très contournée, sans jamais qu’aucun nom ne soit donné. S’il fallait nous appuyer uniquement sur le Coran, nous serions bien en peine de savoir de qui dans ce cas il s’agit, ni surtout, de quoi il retourne.
Le nom de La Mecque n’apparaît qu’une fois (48, 24) à propos d’un événement sur lequel, à s’en tenir au texte, on se demande bien de quoi il s’agit exactement. Le nom des Couraïchites, la tribu mecquoise de Mahomet, apparaît une fois seulement ; dans un petit texte archaïque et tronqué, difficile à situer dans un contexte précis, où il n’est même pas indiqué que c’était la tribu de Mahomet ainsi des principaux compagnons fondateurs ; ce texte de quelques lignes, qui constitue actuellement le chapitre 106, a fait couler beaucoup d’encre et user de beaucoup d’imagination sur son interprétation possible.
Nous avons deux allusions à deux expéditions militaires : une bataille à Badr (3,123) ; une bataille à Houneïn (9, 25) ; à chaque fois pour dire que Dieu a aidé les musulmans.
Le nom de la ville de l’Hégire, Yathrib (la future Médine), figure une seule fois (33,13-14), apparemment dans un contexte difficile (dissension et guerre), mais l’indication en est purement allusive. C’est bien maigre quand on sait l’importance de l’hégire à Yathrib, qui fut l’an 1 de l’ère islamique. Le nom de « Médine » (al-madina, littéralement « la ville » ; mais il existe d’autres étymologies possibles : Medinta, en araméen ; Modin, du nom du village biblique, point de départ de la révolte des Maccabées, etc.) ; ce nom donc apparaît trois fois. Si toutefois il s’agit bien de la ville du prophète, c’est-à-dire Yathrib, c’est, chaque fois, dans des indications purement allusives, sans qu’aucune précision ne soit donnée sur le contexte. Si le mot peut désigner Médine, on peut néanmoins se demander, parfois, s’il s’agit de la cité-oasis du temps de Mahomet (33, 60 ; 9, 101 et 120).
De plus, si nous parcourons les textes faisant allusion à des événements, ou à des controverses, nous en ressortons généralement avec la question suivante : qui parle à qui, de qui ou de quoi, et dans quelles circonstances de temps ou de lieu ? Il n’existe aucun cadre narratif, faut-il fictif, qui puisse nous aider à y voir un peu plus clair ; et c’est là un des grands handicaps du Coran par rapport aux Évangiles qui ont, eux, un cadre chronologique, même s’il est tout sauf authentique. Qui sont « les Fils d’Israël » ? Ceux de l’ancien temps ou ceux des débuts de l’islam ? Et en quels temps de ces débuts ? Les juifs, les chrétiens, les hypocrites : qui sont-ils, à quels moments, et en quels lieux ? « Les infidèles disent »… qui sont ces infidèles ?
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Arrivé à ce point de notre exposé, il convient de « tordre le cou » à deux idées préconçues que les musulmans brandissent comme autant de « preuves » du caractère divin du Coran et du fait que Mahomet fut vraiment envoyé par Dieu.
1) Si le Coran avait été sciemment inventé par Mahomet, il n’aurait pas pu y croire lui-même avec autant de ferveur pendant plus de vingt ans.
2) Le Coran n’a pas pu être écrit par Mahomet parce qu’aucun homme n’a jamais écrit un livre dans un tel style et dans de telles circonstances.
Il est bien évident que si l’on est victime de troubles psychiatriques provoquant des hallucinations, qu’elles soient visuelles ou auditives (voire les deux ensemble) ; on sera réellement persuadé que l’on est en contact direct avec Dieu ou l’un de ses messagers !
Existe-t-il un homme ayant fondé une religion avec un livre, ayant cru pendant plus de vingt ans avec ferveur en ce qu’il disait, mais… dont on aurait réussi à démontrer que ce livre était un mensonge inventé de toutes pièces ?
Existe-t-il un homme ayant écrit un livre en un style nouveau et à nul autre pareil, livre qu’il revendique comme étant la parole de Dieu lui ayant été dictée dans des circonstances surnaturelles ?
Eh bien la réponse à ces deux questions est… OUI !
Et non seulement la réponse est oui, mais en plus ce prophète est contemporain et toujours bien vivant ! Le chauvinisme des Français sera satisfait puisque non content d’être contemporain et en vie, ce prophète est Français.
Le prophète ayant fondé une religion en écrivant un livre, ayant cru avec ferveur pendant plus de vingt ans dans ce qu’il disait ; mais dont on a réussi à démontrer que son livre était un mensonge inventé de toutes pièces, se nomme Claude Vorilhon. Il se fait appeler Raël.
Il a défrayé la chronique, début 2002, en affirmant être à l’origine de la naissance du premier clone humain. Sa religion, la religion raëlienne, est officiellement reconnue par le gouvernement du Canada. Or il est démontré que le livre fondateur du mouvement raëlien, « Le livre qui dit la vérité », paru en 1973 est le plagiat d’un ouvrage de la fin des années soixante.
Les musulmans de base n’ont pas le droit d’analyser ce texte qu’ils doivent se contenter de réciter par bribes en en laissant l’interprétation aux imams, mollahs et autres ayatollahs (qui seuls connaissent l’ensemble du Coran par cœur) ; et dont ils doivent suivre les consignes sous peine de sanctions de la part de leur communauté.
N’étant ni musulman ni de base, nous allons nous y risquer.
Si la Bible peut, à la limite, se lire comme une sorte de roman historique, le Coran, pour sa part, est un livre sans aucun plan logique. Comme a dit un jour le Français Michel Houellebecq à l’occasion d’un procès antiraciste retentissant intenté contre lui, quand on lit réellement le Coran, on est effondré, effondré…
Le Coran est inimitable. Chez les musulmans non arabophones, ce genre de discours ressemble plus à un acte de foi qu’à une véritable appréciation faite en connaissance de cause. Mahomet a commencé par être en butte à la risée générale, obligé de fuir les quolibets. Jamais un homme n’a été aussi raillé qu’il le fut. Il a donc dû constamment se défendre et défendre ses idées. Le texte que nous connaissons aujourd’hui a gardé de nombreuses traces de cette situation : critiques, insultes, et objections, des opposants, y sont souvent mentionnées (pour mieux être réfutées ou retournées bien sûr). Le Coran n’est pas un texte empreint d’une grande sérénité philosophique, mais un texte marqué du sceau de la polémique.
Ce texte est loin d’être limpide et l’embrouillamini de ses idées demeure difficilement égalable.
D’un point de vue littéraire, le Coran a peu de mérite. Déclamation, répétition, puérilité, manque de logique et de cohérence frappent le lecteur non préparé à chaque instant. Il est humiliant pour l’intelligence humaine de penser que cette médiocre littérature a été le sujet d’innombrables commentaires, et que des millions d’hommes perdent toujours du temps à l’absorber. Comme code religieux, moral, civil et politique (car chez les musulmans, il est la source de toute loi et de toute science), le Coran pèche par l’insuffisance et l’obscurité ; comme monument intellectuel du peuple qui l’adopta et du siècle qui le produisit, il est de médiocre valeur, et ne saurait soutenir la comparaison avec aucun des livres sacrés que nous a légués l’Antiquité.
Ses chapitres peuvent aborder un nombre important de sujets, apparemment sans aucun rapport entre eux. Un même sujet étant traité dans divers chapitres, sous des aspects différents, voire même parfois contradictoires. Les chapitres n’ont pas vraiment de cohésion thématique (sauf les plus courts, qui ne comptent parfois que trois versets, cf. chapitre 108). Ils sont simplement classés dans le Coran par longueur décroissante (à part la première). Le plan du Coran n’est donc ni chronologique ni thématique, puisque son seul souci est de présenter les chapitres dans un ordre qui peut en faciliter l’apprentissage par cœur. Se convertir à l’islam n’est donc pas une preuve d’intelligence ou de réflexion, mais la preuve d’une grande capacité à retenir ce que l’on vous fait réciter par cœur.
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Oui, décidément, même « si les hommes et les djinns s’unissaient pour produire quelque chose de comparable, ils ne produiraient rien qui lui ressemble, même s’ils s’aidaient mutuellement » (17, 88).
Le Coran se compose, avons-nous dit, de 114 chapitres écrits en prose rimée, appelés sourates. De tailles inégales ces chapitres ont été rangés d’après leur longueur, les plus courts étant rejetés à la fin du livre. Chacun est divisé en versets (ayat), et a reçu un nom tiré d’un verset ou d’un épisode qui s’y trouve raconté.
Analyser le Coran tel qu’il est composé actuellement serait donc aberrant. Il est nécessaire pour cela de regrouper les chapitres.
— Soit par thème.
— Soit en rétablissant les chapitres selon un ordre à peu près chronologique. Ce qui revient, à peu de chose près, à lire ce livre en partant de la fin.
Diverses tentatives plus ou moins concordantes ont été faites pour reconstituer l’ordre chronologique. Celui-ci fait apparaître des correspondances éclairantes avec des événements de la vie de Mahomet, tels qu’ils sont rapportés par la sounna. Des interprétations nouvelles de certains passages obscurs ont pu ainsi être avancées.
Chaque chapitre et chaque verset doivent être replacés dans le cadre historique dans lequel il a été révélé.
Pour comprendre et interpréter le Coran, il vaut mieux en effet connaître la petite histoire de chaque verset. Isoler le Coran de son contexte historique, et des traditions ou légendes qui l’entourent n’a guère de sens. Il est impératif de les situer dans le cadre de la vie de Mahomet (sira). Ceci permet de combler les vides du texte, de mieux comprendre les allusions ou même les versets « ambigus ».
Il n’est pas possible évidemment de retrouver un ordre dont on puisse assurer à 100 % qu’il est l’ordre chronologique d’origine ; d’autant qu’il semblerait que certains versets donnés à Yathrib/Médine aient été incorporés dans d’autres donnés à La Mecque, et inversement !
Toutefois, quel que soit l’ordre chronologique que l’on puisse proposer pour les chapitres, il est préférable pour ce qui est de la compréhension du texte à l’ordre officiel actuel, destiné uniquement à sa mémorisation.
Le Coran demeure néanmoins un texte difficile à lire, car le découpage des phrases en vers en perturbe la lecture ; et fatigue rapidement le lecteur qui doit, en permanence, faire de l’aller-retour dans le texte, afin de dégager les phrases complètes de la succession des versets.
C’est cependant un exercice indispensable si l’on veut mettre en évidence les idées, parfois très différentes et contradictoires, qui sont énoncées dans ces 114 chapitres.
En tête du livre, formant le premier chapitre, on peut lire une prière qui n’a rien de strictement musulman.
C’est une invocation en sept versets, une louange à Dieu qui pourrait aussi bien être juive ou chrétienne : la Fatiha.
AU NOM DE DIEU,
QUI FAIT MISÉRICORDE
QUI EST MISÉRICORDIEUX.
LOUANGE À DIEU
LE SEIGNEUR DES MONDES,
QUI FAIT MISÉRICORDE,
QUI EST MISÉRICORDIEUX,
LE MAÎTRE DU JOUR DU JUGEMENT DERNIER.
C’EST TOI QUE NOUS ADORONS
C’EST TOI DONT NOUS IMPLORONS L’AIDE.
GUIDE-NOUS DANS LE DROIT CHEMIN
LE CHEMIN DE CEUX QUE TU COMBLES DE TES BIENFAITS
ET NON LE CHEMIN DE CEUX QUI ENCOURENT TA COLÈRE
NI CELUI DE CEUX QUI S’ÉGARENT.
On peut grosso modo répartir les versets de ce livre en deux catégories : les versets révélés par Mahomet alors qu’il vivait encore à La Mecque, les versets mecquois (makki), et les versets révélés par Mahomet à Yathrib/Médine, les versets médinois (madani). Par convention, les savants qualifient en effet de mecquois le Coran révélé avant l’hégire, et de médinois, ce qui en fut révélé après l’hégire, par référence aux villes de La Mecque et de Médine.
Les chapitres mecquois représentent environ 19/30e du Coran, alors que les chapitres médinois représentent 11/30e, sur un total de 114. Quatre-vingt-deux sont de La Mecque à l’unanimité, vingt sont de Médine à l’unanimité, douze chapitres font l’objet de divergences. Dans le Coran « officiel », les chapitres de La Mecque – au nombre de quatre-vingt-dix – et ceux de Médine (vingt-quatre) se retrouvent mélangés sans autre ordonnance que le nombre de versets. Dans certains cas, des versets
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de la période médinoise se retrouvent accolés à d’autres, plus anciens (d’époque mecquoise). Ce classement bizarre donne au Coran un aspect peu attractif, et il est difficile de rattacher les chapitres aux événements qui ont marqué la vie de Mahomet. Il semble aussi établi que pas mal de « révélations » ne figurent plus désormais dans le Coran « officiel », notamment les versets dits « sataniques », ceux qui évoquaient la lapidation des adultères (Dieu merci !), etc.
Les versets de La Mecque, antérieurs à l’Hégire, sont généralement plus courts et situés le plus souvent à la fin du Coran.
Ceux de Médine, postérieurs à l’Hégire, sont généralement plus longs et situés au début. Ils se différencient par des changements de style et de vocabulaire.
La Révélation faite à La Mecque se présente souvent comme une violente diatribe contre des adversaires mecquois qui accusent Mahomet d’être un sorcier, un devin, possédé par les djinns, vendu aux religions étrangères. Afin de convaincre sa famille, ses oncles, les membres de sa tribu, ou les autres mecquois, Mahomet fait appel aux récits parlant d’envoyés de Dieu n’ayant pas été bien reçus par leurs peuples. Dans les chapitres de la première période, Mahomet se défend donc avec véhémence d’être un devin possédé par un djinn. Il y apparaît comme un simple messager de Dieu et pas encore comme un prophète.
L’idée maîtresse de Mahomet ne fut néanmoins pas la proclamation du monothéisme, mais l’annonce de l’approche imminente du Jugement dernier ; où Dieu récompensera les Justes (les gentils et intelligents) et punira les injustes (ceux qui sont bêtes et méchants), une idée très probablement empruntée aux chrétiens.
L’exemple de la punition du peuple de Saba (34,15-17) est une illustration de cette menace. Le texte coranique voit en effet dans l’usure du barrage de Marib sur le Dhana, un châtiment de Dieu. À l’époque des débuts de l’islam, plus de soixante-dix ans après, ce barrage n’était effectivement plus en usage, et avait été repris par le désert. Le Coran ne donne donc aucune information historique sur ce que Mahomet a pu voir de ses vestiges. Le but de ces versets du Coran est uniquement d’annoncer le châtiment apocalyptique destiné aux mécréants ou aux incroyants selon lui.
Saba et Marib ne sont que des exemples appropriés à cette annonce, comme bien d’autres sur les anciens peuples disparus, les Ad, les Thamoud, etc.
Gustave Weill et Théodore Nöldeke ont distingué trois groupes dans les chapitres révélés à La Mecque.
Dans le premier groupe, les versets, courts et très rythmés, contiennent des exhortations à la fois simples et fortes, dont le sens est souvent obscur, ou des allusions peu claires. Nombre de ces serments se fondent sur des phénomènes de la nature divinisés. Par l’étoile qui se lève ou qui disparaît dans le ciel, et ainsi de suite.
D’autres, plus énigmatiques, adjurent les hommes de songer à leur salut. Le chapitre 96 est considéré comme le plus ancien d’entre eux. Ce groupe de chapitres correspond aux quatre premières années de la mission de Mahomet.
Les chapitres du deuxième groupe sont plus calmes. Les serments tendent à disparaître pour faire place à la formule : « Ceci est une révélation de Dieu » ou à la formule « Dis ! » adressée par le Saint-Esprit musulman (assimilé plus tard à l’archange Gabriel) à Mahomet ; qui la répétera donc dans ses récitations, malgré l’absurdité de la situation. L’annonce du Jugement dernier cède la place à la monolâtrie et Mahomet finit par rompre totalement avec la philosophie religieuse de ses compatriotes. Les chapitres s’allongent. On y trouve quelques indications, encore assez vagues, des règles de conduite ou des rites, et des allusions aux prophètes qui ont précédé Mahomet. Ce groupe correspond aux cinquième et sixième années de la mission.
Ces légendes relatives aux prophètes ayant précédé Mahomet se multiplient dans le troisième groupe de chapitres mecquois. Elles comprennent 1500 versets environ et ont pour but de montrer que les hommes ayant jadis refusé d’écouter les prophètes furent frappés par Dieu. Les formules de serment ont disparu complètement. Dieu s’y retrouve souvent désigné par le mot ar-Rahmân (« le miséricordieux »), terme qui disparaît des chapitres postérieurs, peut-être à cause de son utilisation par le grand prophète concurrent de la Yamama, Moussaïlima. Ce groupe correspond à la fin de la sixième année de la mission.
Les révélations de Médine revêtent un autre ton, plus juridique. Elles mettent en scène non plus un simple messager de Dieu, un peu marginal, mais un grand prophète qui a politiquement triomphé ; un prophète à qui n’obéissent pas toujours ses partisans néanmoins, et qui a bien du mal avec ses femmes, imposées par stratégie tribale ou épousées par inclination, voire par simple besoin. La partie médinoise, bien qu’ayant nettement moins de chapitres (entre 20 et 30) est pourtant la plus importante, car les chapitres y sont très longs (il s’agit d’organiser dans les moindres détails la vie de la communauté). C’est par elles que commence le Coran, même si chronologiquement parlant elles
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viennent après. Les chapitres médinois vont approximativement du chapitre Nº 2 au chapitre Nº 65 (avec un certain nombre d’exceptions, de taille, il est vrai).
Ces chapitres rompent totalement avec la période précédente : Mahomet n’étant plus dans l’opposition, mais au pouvoir, notre texte abandonne l’argumentation. Les Mecquois ne sont plus des compatriotes dans l’erreur, mais des ennemis qu’il faut combattre, vaincre et convertir, de gré ou de force.
Outre des invectives et des appels au combat contre les infidèles, les chapitres de Médine définissent donc avec précision les normes sociales qui doivent être respectées par tous, croyants et incroyants. Les 24 chapitres de cette période sont souvent très longs, en particulier les chapitres 2 à 5, et les versets qui les composent comportent parfois plus de 10 lignes.
C’est ainsi que le Coran finira par recouvrir l’ensemble du droit et liera indissolublement et irrévocablement religion et politique en terres d’islam.
Tout comme dans le cas des juifs, la spiritualité deviendra une Loi, une loi d’inspiration divine ; et Dieu rendra son Jugement dernier en fonction de cette Loi qu’il a fait connaître aux hommes, et dont nul ne pourra dire qu’il l’ignorait, du moins en principe.
« Religion » se dit en arabe « din », d’une vieille racine sémitique qui a le sens de « jugement ». Ce sens est encore celui du mot dans le premier chapitre du Coran : yaoumi al-din, le « Jour du jugement [dernier] ».
Note de la rédaction. Certains théologiens musulmans admettent néanmoins qu’il y a des cas où des hommes pourront, de bonne foi, objecter qu’ils ignoraient ladite Loi.
À côté de pensées se voulant philosophiques figurent des récits bibliques, évangéliques ou anciens, des allusions aux connaissances humaines DE L’ÉPOQUE ; des prescriptions morales ou hygiéniques (jusqu’où Dieu ne va-t-il pas se nicher ?). 500 versets regroupent les réglementations religieuses, civiles et pénales.
On relève dans le Coran beaucoup de versets contradictoires (notamment au sujet du « châtiment » réservé aux mécréants), des répétitions insupportables (l’histoire de Moïse et Pharaon répétée une vingtaine de fois).
Gabriel-Mahomet, lui-même, reconnaît que certains versets ne sont pas explicites, mais symboliques ou imagés (figuratifs : chapitre 3, verset 7) ; et même qu’ils annulent parfois d’autres versets (chapitre 2 le verset 106, dit de l’abrogeant-abrogé, « quand nous abrogeons un verset ou que nous le faisons oublier, nous le remplaçons toujours par un autre, semblable ou meilleur. Dieu peut tout ! »)
Certains versets du Coran sont contradictoires avons-nous dit. Celui-ci établit la liberté de conscience et de culte et fait très païen, très laïcité ouverte ou positive 1) : « Pas de contrainte en religion ».
Un autre l’interdit, en imposant la peine de mort à tous ceux qui ne croient pas ou plus en l’islam 2) :
« Tuez-les partout là où vous les trouverez » (Chapitre 4, versets 89 à 91).
La contradiction est résolue par la géniale ou basique idée d’abrogation 3) : quand deux versets sont contradictoires, le dernier en date annule et remplace le précédent ; ce qui est élémentaire, mais pourquoi diable Dieu n’a-t-il pas été capable de s’exprimer avec les précautions oratoires nécessaires dès le début ?
Le problème est que la datation établie par les érudits de l’islam, et admise aujourd’hui universellement dans cette religion ; fait de tous les versets modérés, sans aucune exception, des versets frappés d’abrogation ; et de tous les versets plus violents, également sans aucune exception, des versets abrogeant.
N.B. Ces contradictions impliquent donc une rédaction par strates successives, une première modérée, une seconde violente, le principe de l’abrogation rétablissant une certaine cohérence. C’est la thèse des érudits musulmans, qui attribuent la première strate à la période mecquoise, la seconde à la médinoise.
Ce qui est certain en tout cas c’est que la notion musulmane d’abrogation, de versets abrogés ou abrogeant, mansoukh ou nassikh ; rend inévitable l’idée qu’il existe au moins deux strates de composition dans le Coran. Il est probable que la strate violente a été introduite en raison d’un changement de politique, et que les versets introduisant la notion d’abrogation ont été introduits plus tard encore ; pour répondre à ceux qui récusaient les versets violents au nom des versets modérés de la période initiale.
Premier exemple.
— Un des versets caractéristiques du bon apôtre de la période mecquoise est celui qui se résume comme suit.
« Ayez votre religion et moi la mienne » (autrement dit laïcité ouverte et positive, que chacun fasse ce qu’il veut). Chapitre 109.
— Les versets caractéristiques du nouveau Moïse de la période médinoise s’énoncent ainsi. « Combattre durant une trêve est un péché grave, mais écarter les hommes du droit chemin de Dieu,
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être impie envers lui et la Mosquée sacrée, en chasser ses habitants, tout cela est plus grave encore aux yeux de Dieu » (chapitre 2, verset 217).
« Mettez-vous en campagne militaire par groupe ou bien allez-y en masse… Pourquoi ne combattez-vous pas sur le sentier de Dieu… combattez les suppôts de Satan… la vie dans l’Autre-Monde est meilleure pour celui qui craint Dieu » (chapitre 4 versets 71 à 77).
Deuxième exemple.
Les versets suivants du Coran mettent le vin ou le moût en relation avec la plus haute spiritualité.
Chapitre 16, verset 67.
« Du fruit du palmier dattier ou de la vigne, vous tirez une liqueur enivrante, et un excellent aliment. Ce sont des signes pour ceux qui entendent ».
NDLR. Certaines Écoles théologiques autorisent donc toujours la consommation de moût de dattes (le nabid, connu bien avant l’islam).
Chapitre 47, verset 15.
« Dans les jardins promis à ceux qui craignent Dieu, coulent des fleuves d’eau pure et incorruptible, des fleuves de lait dont le goût ne s’altère jamais ainsi que des fleuves de vin délicieux ».
Chapitre 83, versets 24-28.
« Ils boiront d’un vin exquis et bouché
Le cachet en sera du musc.
Que ceux qui désirent ce bonheur s’efforcent de le mériter.
Ce vin sera mêlé à de l’eau du Tasnim.
Une eau qui est bue par ceux qui sont proches de Dieu ».
L’interdiction du vin et de l’alcool ne fut par conséquent que partielle au début : chapitre 4, verset 43.
« Ne priez point lorsque vous êtes en état d’ivresse ; attendez de savoir ce que vous dites. Ne priez point avant de vous être lavés. Lorsque vous serez malades, ou en voyage, et que vous aurez satisfait vos besoins naturels, ou que vous aurez eu des relations avec une femme, frottez-vous le visage et les mains avec de la poussière faute d’eau. Dieu est indulgent et miséricordieux, etc. »
L’interdit portait donc seulement sur l’abus de la consommation, sur le fait qu’un croyant ne peut prier en étant ivre.
Par contre, les versets postérieurs sont de toute évidence à l’origine de l’interdiction du vin et de l’alcool dans l’islam. Ils contredisent les versets d’avant.
Chapitre 2, verset 219.
« Ils t’interrogeront sur le vin et les jeux de hasard ; dis-leur que le péché qui s’y trouve est plus grand que leur utilité… »
Chapitre 5, versets 90-91.
« Les boissons fortes, les jeux de hasard, les dolmens et la bélomancie (azlam = divination par les flèches) sont une abomination inventée par Satan ».
Le célèbre Abou Mihjan fut d’ailleurs emprisonné (puis exilé) par le calife Omar, pour avoir écrit : « Quand je serai mort, enterrez-moi près d’une vigne, que mes os soient nourris de sa sève. Ne m’enterrez pas dans une plaine, car je crains de ne pouvoir profiter du vin quand je serai mort. Ami, donne-moi du vin à boire, bien que je sache ce que Dieu a révélé à propos de la boisson. Donne-moi du vin pur pour rendre mon péché encore plus grave, car ce n’est que quand il est pur que le péché alors est assuré. Bien que le vin soit devenu rare, que nous en ayons été privés, que l’islam nous en ait sevrés, malgré tout je bois et à grands traits. Je le bois pur et de temps à autre je deviens gai. À mes côtés chante une jeune fille mutine. Quelquefois elle chante à voix haute, quelquefois doucement, et gazouille comme les oiseaux du jardin » (Abou Mihjan).
1) Chapitre 2, verset 256.
2) Chapitre 4, versets 89 à 91.
3) Chapitre 2, verset 106. Chapitre 16, versets 101 à 103.
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CONCLUSION SUR LE CORAN.
(Les quatre phases traditionnelles de l’élaboration du Coran).
— Révélation à Mahomet par fragments étalés entre 610 et 632. Mahomet était-il illettré ? La question a longtemps divisé les orientalistes. La plupart des musulmans le tiennent pour certain, dans une perspective apologétique. Mais l’épithète d’oummi, attribuée à Mahomet dans le Coran (verset 157 du chapitre Nº 7, Al Araf) : « Le prophète oummi qu’ils trouvent mentionné chez eux dans la Torah et l’Évangile » ; ne signifie pas « qui ne sait pas lire », mais « qui ne fait pas partie des gens du Livre ». Prophète oummi veut donc dire : « Prophète envoyé aux oummiyin (pluriel d’oummi) » c’est-à-dire aux Arabes qui ne connaissent pas les saintes Écritures. En tant que commerçant Mahomet devait sans doute savoir lire ainsi qu’écrire, au moins quelques mots. Il semble néanmoins certain que Mahomet n’a pas écrit lui-même le Coran. La tradition islamique nous le représente plutôt dictant les chapitres, au fur et à mesure de leur révélation, à ses proches, qui les gardent en mémoire ; ou à des scribes, qui écrivent sur « des morceaux de cuir, des tessons de poterie, des nervures de palmes voire des omoplates de chameau ».
Trois mises en forme successives (ou « collectes ») du texte coranique auraient eu lieu après la mort de Mahomet.
— Pour que le texte sacré ne s’efface pas des mémoires, le premier calife Abou Bakr (632 à 634) aurait chargé Zaïd ibn Thabit, un secrétaire de Mahomet, de rassembler par écrit tous les fragments de la révélation ; ceux qui étaient consignés sur des supports matériels et ceux qui étaient gravés dans la mémoire des premiers compagnons.
— Une deuxième collecte aurait eu lieu sous le calife Osman (644 à 656). Frappé par les divergences dans la récitation du Coran, celui-ci aurait décidé de fixer une fois pour toutes une vulgate officielle, à partir des « feuilles » d’Abou Bakr. Puis il aurait donné l’ordre de brûler ou de détruire tous les manuscrits et matériaux antérieurs. Le calife fit réaliser des copies de sa vulgate et les expédia dans les principales villes de l’Empire : à La Mecque, Bassora, Koufa et Damas. Mais l’écriture hedjazienne d’alors, trop imparfaite, ne permet pas d’empêcher des divergences de lecture. Au mieux, elle offre un support minimal, acceptable par les différents lecteurs. En outre, aucun de ces Corans d’Osman n’a été retrouvé.
Il n’existe que trois ou quatre exemplaires du Coran datant du VIIe siècle.
Celui qui est conservé à la bibliothèque de Tachkent, en Ouzbékistan.
Celui qui est conservé au musée de Topkapi, à Istamboul.
Celui qui est conservé à la Bibliothèque nationale de Londres (le manuscrit de Ma’il).
Celui qui a été découvert à Sanaa au Yémen par le philologue allemand Gerd-Rüdiger Puin. (Le manuscrit daterait de 680 environ).
— Une dernière mise en forme aurait été ordonnée par al-Hadjaj, gouverneur d’Irak, sous le règne du calife omeyyade Abd-al-Malik (685 à 705). Elle aurait consisté en une homogénéisation de l’orthographe, mais fut en réalité beaucoup plus évidemment.
Les progrès de la critique historique ont permis d’affiner quelque peu cette première esquisse et permettent maintenant de distinguer 4 phases outre la prédication de Mahomet lui-même évidemment.
RÉSUMÉ.
Première étape, à la demande du premier calife Abou Bakr, aiguillonné en cela par le futur deuxième calife, Omar (il leur fallait une « DIN » à appliquer) : la rédaction de Zaïd ibn Thabit (632-644).
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Zayd, aidé d’autres scribes, effectue un premier travail de recension des prédications auprès des différents témoins et à des notes qu’ils avaient pu écrire. Il rédige une première série de versets. Une commission d’anciens compagnons de Mahomet fut convoquée, ce qui laisse à penser qu’un certain consensus sur le contenu dû émerger entre eux. Le rôle de l’omniprésent Zaïd ainsi que sa personnalité seront néanmoins fortement critiqués par d’autres secrétaires de Mahomet comme Abdullah Ibn Massoud, un converti de la première heure, installé à Koufa en 639 et défenseur d’un texte alternatif portant son nom.
Une compilation des écrits de Zayd ibn Thabit échoua entre les mains de Hafsa la fille d’Abou Bakr, codex qu’elle aurait obtenu soit directement de son père soit par sa garde personnelle. Vu les événements qui suivirent on n’en a gardé aucune trace et on en ignore presque tout (le gouverneur de Médine Marwan ibn al-Hakam la fit détruire en 665).
Deuxième étape la censure du troisième calife Osman (644-656).
La contestation du travail de Zaïd ibn Thabit par certains des anciens avait eu pour résultat la circulation de versions différentes du Coran. En outre les signes diacritiques ne figuraient pas dans la compilation supervisée par Zaïd. Non seulement les différentes factions musulmanes de Syrie et d’Irak se disputaient sur le contenu des compilations, mais aussi sur la prononciation des mots et les interprétations possibles des textes. Osman entreprit donc un travail systématique d’uniformisation du Coran afin qu’il n’y ait qu’un et un seul code civil et pénal divin dans son califat.
(DIN).
Osman se fit donc envoyer la copie de Hafsa et demanda toujours au même Zayd ibn Thabit de lui rédiger un nouveau Coran à partir de ce premier codex.
Des années après la première commission, Zayd convoqua à nouveau les compagnons de Mahomet toujours en vie munis des fragments de notes qui leur restaient. Un Coran entièrement favorable à Uthman fut donc ainsi établi par Zayd, le codex dit Al mashaf al Uthmani. Son écriture fut encore de type rasm c’est-à-dire sans tous les signes diacritiques nécessaires (des points) pour lever les ambiguïtés (ce qui sera fait au 8e siècle).
Les sourates furent rangées de la plus longue à la plus courte sans respecter la moindre chronologie entre les sourates et à l’intérieur des sourates, les versets se succédant souvent en dépit du bon sens et de tout lien logique. C’est cette structure narrative qui constitue donc la base du Coran actuel, car Osman imposa sa nouvelle version du Coran, à travers la communauté et fit détruire la majorité des autres versions que la sienne, la détention d’un exemplaire autre que celui d’Osman étant puni de mort, notamment les Corans d’Ali, le gendre de Mahomet, de celui d’Oubai ibn Kab et de celui d’ibn Massoud.
Plusieurs siècles plus tard, les chiites furent contraints par la force des choses de se résoudre à la version du Coran d’Osman, l’ensemble de leurs copies ayant été brûlées.
Troisième étape : les modifications opérées sous le règne du cinquième calife Abd al Malik ibn Marouane (685-705) par le gouverneur Al Hajjaj ibn Youssouf.
Mais le texte d’Osman n’était encore qu’un aide-mémoire écrit, car l’écriture arabe de cette époque restait défectueuse, et une mémorisation des sons restait nécessaire pour déchiffrer le Coran. Des divergences de lectures continuèrent donc de se manifester, d’autant plus que les Corans parallèles au Coran d’Osman n’étaient pas encore tous détruits.
Le rôle du cinquième calife Abd al Malik ibn Marouane et de son gouverneur Al Hajjaj ibn Youssouf dans la rédaction de l’actuel Coran reste très flou. Ce gouverneur, sanguinaire et cruel, mais également considéré comme un très grand poète, serait intervenu directement dans la rédaction. Il aurait non seulement ajouté d’autres signes diacritiques, mais également modifié l’ordre des versets et des sourates, voire ajouté d’autres. Il établit donc sa propre version et ordonnera une nouvelle « collecte ». Le Coran d’Osman revu et corrigé par Al Hajjaj ibn Youssouf fut envoyé dans toutes les provinces du pays, et les autres copies détruites.
L’élaboration des sources scripturaires de l’islam aurait été réalisée sous le règne du cinquième calife omeyyade, Abd al-Malik, entre 685 et 705 soit au cours de la seconde moitié du Ier siècle de l’Hégire. À cet égard, je vous renvoie aux excellents travaux du regretté Alfred-Louis de Prémare. De façon tout à fait similaire avec le christianisme devenu la religion de l’empire sous Constantin, ce calife, pour des raisons politiques tenant à la légitimation de son empire, aurait établi, entre autres lois, le Coran « officiel » que nous connaissons aujourd’hui, en essayant d’éliminer les autres versions. C’est Abd al Malik ibn Marouane qui a en outre commencé à promouvoir l’image du Prophète dont les premières mentions officielles remontent à son règne. Le corpus de Hadith, des dits de Muhammad, trouve son origine dans l’entourage de ce calife. C’est lui qui fait également de l’arabe la nouvelle langue de l’administration de l’empire. Par ailleurs, le mot même de « musulman » remonterait au règne d’Abd al-Malik : avant lui, les fidèles de Muhammad se disaient des « croyants » (muslimoun) ou des « émigrants » (mouhadjiroun).
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Quatrième étape : l’établissement définitif du dogme du Coran incréé et des différentes lectures actuelles du Coran (durant les VIIIe et IXe siècles, et ce, jusqu’au début Xe siècle)
Le tourant décisif se produira sous le califat d’al-Mutaouakkil, grand persécuteur de mou’tazilites, de chi’ites, de chrétiens et de juifs, lorsque le dogme du Coran comme parole incréée de Dieu fut officialisé. Depuis cette époque, c’est un dogme dans le sunnisme. Pour les musulmans sunnites (le cas des mystiques sunnites est différent), Dieu se manifeste à travers Sa Parole faite Livre. En revanche, le point de vue chi’ite se rapproche de celui des chrétiens puisqu’ils considèrent le texte du Coran comme un « guide silencieux, muet » tandis que l’imam est appelé « Coran parlant », c’est-à-dire le Verbe vivant de Dieu.
C’est d’ailleurs à cette époque que le Coran s’imposera comme source du droit musulman, car auparavant il était surtout considéré comme un texte liturgique. Exemple le Fiqh Akbar 1. Ainsi que nous l’avons déjà dit, le Fiqh Akbar 1 est le plus ancien document juridique musulman, écrit vers 750, plus d’un siècle après la mort de Mahomet. Il présente les vues de l’orthodoxie islamique sur les questions qui se posaient alors en matière juridique. Or il ne contient aucune référence au Coran, alors qu’aujourd’hui le droit musulman est tout entier fondé sur lui.
Schacht considère qu’avant cela le droit en tant que tel se trouvait en dehors du domaine de la religion, et tant qu’il n’y avait pas d’objections ni religieuses ni morales aux transactions spécifiques et aux façons d’agir, les aspects techniques du droit furent indifférents aux musulmans. Non seulement le droit coutumier des Arabes, modifié et complété (par le Coran), survivait largement, mais encore les musulmans n’hésitaient pas à adopter les institutions et pratiques juridiques, commerciales et administratives des territoires conquis et même leurs concepts et maximes juridiques, autant qu’ils étaient compatibles avec les exigences des nouvelles idées religieuses en voie de sacralisation. AUTREMENT DIT LES PREMIERS CALIFES ET LEURS HOMMES S’INTÉRESSAIENT PEU AU CORAN OU À L’ISLAM TEL QU’ON LES VOIT AUJOURD’HUI. CELA N’EST VENU QU’APRÈS.
MAIS REVENONS À L’ÉLABORATION PROPREMENT DITE DU TEXTE EN QUESTION JUSTEMENT.
Les travaux de Christophe Luxenberg ont récemment renouvelé l’état du problème. Il est certain maintenant que le texte que nous avons aujourd’hui entre les mains sous le titre de Coran a une histoire, complexe et laborieuse, et qu’il ne s’agit nullement d’une mise par écrit des visions ou des révélations de Mahomet. La frontière entre ces visions ou révélations de Mahomet en tant que prophète, et ce que l’on appelle notamment les hadiths, est loin d’être étanche. Elle est poreuse, et à tout prendre, en un sens, on peut dire que le Coran n’est qu’un premier recueil, primitif, de hadiths.
Énoncée ainsi la chose peut sembler excessive et elle l’est, mais elle n’est pas dénuée d’une certaine vérité.
Origine et date du Coran d’après les Couraïchites de La Mecque.
Mahomet, Coran 25,4. « Ils disent : ceci n’est qu’un mensonge qu’il a inventé, un autre peuple l’a aidé pour cela… Ce sont des contes d’anciens que l’on écrit pour lui, on les lui dicte matin et soir ».
Quelques allusions décrivent les moyens par lesquels les dires de Mahomet furent conservés. Mais deviner la part de ce qui aurait été écrit immédiatement, ou bien gardé dans les mémoires est chose encore bien difficile. On sait seulement que la mise en forme générale a été très tardive, et que les moyens pour y accéder ont été divers et aventureux.
Muslim, Hadiths 17, 4192.
« Un jour, la révélation descendit sur lui, et il ressentit la même violence. Quand ce fut terminé, il se sentit apaisé puis il dit : prends-en note ! »
Mais nous devons rester méfiants devant ce « plus court chemin » de la parole au texte, effectué grâce à l’aide d’une sorte de sténographie.
La tradition musulmane fait une place de choix aux circonstances qui ont amené à la mise en forme et à l’écrit de la masse des révélations.
Dans l’Arabie du VIIe siècle, la notion d’authenticité littérale n’a pas le sens que nous lui donnons aujourd’hui. Le couple prophète/scribe est le cadre originel habituel de la pratique scripturaire orientale : chacun remplit sa fonction, et le produit de leur collaboration n’en est que plus authentique. À Médine Mahomet aurait eu jusqu’à 42 scribes ou secrétaires, ex païens ou chrétiens, voire juifs.
Le plus emblématique d’entre eux est sans aucun doute Abdoullah ibn Sa‘d ibn Abi Sarh.
Abdoullah ibn Sa‘d ibn Abi Sarh fut l’un des compagnons de Mahomet, et pendant quelque temps scribe et secrétaire du Prophète. Il écrivait le Coran pour Mahomet a ensuite reconnu que ce dernier inventait des versets. C’était un homme instruit et il suggérait souvent à Mahomet une meilleure formulation. Il quitta ensuite le service de Mahomet voire celui de l’Islam. Il partit pour La Mecque, où il raconta tout à tout le monde. Abdullah raconta par qu’il écrivait par exemple « miséricordieux » et « qui absout » quand Mahomet disait : « sage » et « fort » (aziz-> alim).
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Mahomet décida donc de le faire mettre à mort bien qu’ayant promis auparavant de ne faire exécuter personne à La Mecque. Lorsque la ville fut prise par l’Armada musulmane, Mahomet décréta une amnistie générale, à six exceptions près (dix sur la liste que l’on trouve dans la Tabaqat d’Ibn Sa’d, tome 2, page 168). Même si Abdoullah n’avait commis aucun crime, il figurait néanmoins sur cette liste. Il fut arrêté (il s’était réfugié dans la maison d’Othman, qui était son frère de lait), et grâce à l’intervention d’Othman, bien qu’ayant été traîné devant Mahomet (qui resta longtemps silencieux), il fut épargné. Ibn Ichaq (Sirah, p. 550) nous rapporte qu’il fut alors demandé à Mahomet pourquoi il avait laissé partir Abdoullah. Mahomet aurait répondu : « J’espérais que l’un d’entre vous le décapite ».
Questions maintenant.
1) Pourquoi Mahomet a-t-il accepté si facilement de la part de Sahr des additions aussi flagrantes à ses « révélations » ?
2) Si Mahomet acceptait si facilement les additions de Sarh, n’aurait-il pas pu accepter aussi des apports venant de ses autres scribes afin de les insérer dans le Coran ?
Les érudits modernes ont en effet montré qu’il y avait beaucoup de ruptures de style et de transitions forcées dans le Coran (pour plus de détails sur les défauts textuels et stylistiques du Coran, voir Bell).
3) Puisque Mahomet appréciait les modifications opérées par Sarh, Sahr n’aurait-il pas pu faire de même avec d’autres histoires pour embellir le Coran ? Lorsqu’on examine bien la composition du Coran, on y trouve en effet beaucoup d’histoires empruntées à d’autres sources religieuses : l’Ancien Testament, le Nouveau Testament, d’autres œuvres du Judaïsme (la Michna, des commentaires midrashiques comme on en trouve dans les pirqué de Rabbi Eliezer……) des légendes religieuses préislamiques, etc.
4) Si ces histoires concernant Sarh n’étaient que des inventions, pourquoi tant d’auteurs musulmans y ont-ils ajouté des précisions ?
Parmi les différents secrétaires ayant pris ces notes, il y eut aussi le juif Zaïd ibn Thabet.
Abdallah ibn Massoud. « « J’ai appris de la bouche même du prophète soixante-dix sourates quand Zayd b. Thabit était encore un jeunot avec des papillotes chaque côté et jouait encore avec les enfants » (Ibn Hanbal 1895 : I, 411).
Boukhari tome 4, livre 52, hadith numéro 85.
« J’ai vu un jour Marouane bin Al-Hakam assis dans la mosquée. Je me suis avancé vers lui et je me suis assis à ses côtés. Il nous a dit que Zaïd bin Thabet lui avait raconté que l’apôtre de Dieu lui avait dicté le verset divin : « Les croyants qui restent assis (chez eux) et ceux qui luttent et combattent pour la cause de Dieu en risquant leurs biens et leur vie ne sont pas égaux (4.95). Zaïd a ajouté… Dieu a fait cette révélation à Son Apôtre alors que sa cuisse était sur la mienne et elle devint si lourde pour moi que j’ai craint que ma cuisse n’en soit cassée ».
Boukhari tome 6, Livre 61, hadith numéro 509.
Rapporté par Zaid bin Thabet. J’ai commencé à chercher le Coran et à le rassembler à partir ce qui figurait sur des nervures de palme, des pierres blanches plates, mais aussi dans la mémoire des hommes qui le connaissaient par cœur, jusqu’à ce que je trouve le dernier Verset de la Sourate At-Tauba (le repentir) avec Abi Khouzaïma Al-Ansari, un verset que je n’ai trouvé chez personne d’autre… les manuscrits (copie) du Coran sont ensuite restés chez Abou Bakr jusqu’à ce qu’il meurt, puis chez Omar jusqu’à la fin de sa vie, puis chez Hafsa, la fille d’Omar.
Dans son Itqan, Al-Souyouti a discuté du nombre de témoins et a cité ce qui suit du Kitab al-Masahif d’Ibn Achta : « Les gens allaient trouver Zaïd ibn Thabet et il ne notait un verset que s’il y avait deux témoins dignes de foi. Même si la fin de la sourate al-Baraa n’a été trouvée qu’avec Khouzaïma ibn Thabit, il a dit : Écris-le, pour le messager de Dieu, paix et bénédiction sur lui, comme s’il cela venait du témoignage de deux hommes, même si, Omar ayant rapporté le verset sur la lapidation ce dernier ne fut pas retenu, parce qu’il en était seul témoin (Ibn Achta dans Al-Souyouti tome 1, 58).
Boukhari, tome 4, livre 52, hadith numéro 62.
Zaïd ibn Thabit a dit : « Quand le Coran fut compilé à partir de divers manuscrits, il manqua un des versets de la Sourate Al-Ahzab que j’entendais réciter par l’apôtre de Dieu, mais que je ne retrouvai qu’avec Khouzaïma bin Thabjt Al-Ansari, dont le témoignage était considéré par l’apôtre de Dieu comme valant celui de deux hommes ».
On peut se poser une question maintenant : les versets (9 : 128-129) ont été acceptés sur la foi d’un seul témoin, mais ce ne fut pas le cas du verset sur la lapidation rapporté par Omar. Pourquoi en fut-il ainsi ? Pour quelle raison le prophète a-t-il considéré que le témoignage de Khouzaïma valait celui de deux hommes ? Khouzaïma était-il plus intègre qu’Omar ?
Autre secrétaire juif.
Muslim, livre 38, hadith numéro 6693.
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Il y avait quelqu’un qui faisait partie des Banou Nadjar, et qui récitait les sourates al Baqarah et al Imran, il avait coutume de recopier les révélations pour l’apôtre de Dieu (la paix soit sur lui). Mais il s’est enfui comme rebelle et a rejoint les gens du Livre.
Secrétaire chrétien.
Boukhari tome 4, livre 56, hadith numéro 814.
Rapporté par Anas. Un chrétien s’était converti à l’islam, il lisait le chapitre al Baqara et al Imran et il écrivait (les révélations) pour le prophète. Plus tard, il est revenu au christianisme et a dit : Mahomet ne sait rien d’autre que ce que j’ai noté pour lui. Ensuite, Dieu l’a fait mourir et les gens l’ont enterré. Mais le matin, ils virent que la terre avait rejeté son corps. Alors, ils pensèrent que ce qui lui était arrivé n’avait pas été causé par des êtres humains, et ils laissèrent son corps sur le sol.
La tradition musulmane évoque donc l’histoire un peu chaotique d’une mise par écrit à la hâte et sur des supports de fortune, le tout recueilli quelques mois tout juste à peine après la mort de Mahomet. Les divergences entre lecteurs-récitateurs (par cœur), voire le risque de disparition violente des derniers d’entre eux, durant la guerre civile ayant éclaté après la mort de Mahomet, auraient rendu nécessaire une fixation par écrit. Une commission réunie par le calife Osman aurait alors établi un texte définitif envoyé aux principales bases des conquérants à l’extérieur de l’Arabie (Bassora Koufa, etc.), les autres versions étant brûlées.
Le texte a néanmoins connu des évolutions au fil du temps, cela est évident. Le texte actuel du Coran n’est pas celui dont les fidèles croient qu’il a été révélé à Mahomet. Pour certains auteurs comme John Wansbrough, le Coran n’a atteint la forme canonique que nous lui connaissons que deux siècles après la mort de Mahomet, soit sous la dynastie des califes abbassides. II importe à cet égard de bien réaliser la distance qui sépare le contexte dans lequel écrivaient historiens et commentateurs abbassides, de celui dans lequel le Coran a été écrit. Entre le VIIe et le IXe siècle, la situation des Arabes a en effet changé de façon radicale, et avant tout grâce à l’islam justement. La conquête est le seul fait historique objectif, cette conquête est un fait, que nul ne peut nier. Elle a rapidement étendu l’islam arabe primitif à d’autres civilisations, notamment perse, mazdéenne, ou chrétienne. Et les Arabes sont très rapidement devenus plus qu’ultra-minoritaires dans leur propre empire. Ce qui fut une bénédiction pour ceux qui firent l’histoire des débuts de l’islam, fut un malheur pour ceux qui l’écrivirent ; et les musulmans ne se penchèrent vraiment sur leur passé qu’à partir du IXe siècle, soit deux siècles après les événements. Et surtout, après des changements d’une ampleur considérable.
Politiquement, d’abord : deux révolutions, celles qui amenèrent au pouvoir les deux dynasties : omeyyade (661), puis abbasside (750). Sans compter le passage, à l’intérieur de la première, des Soufianides aux Marouanides (685), occasion d’un tournant capital. L’Empire fut désormais administré en arabe, et non plus dans la langue des peuples conquis et par les familles de fonctionnaires déjà en place. Il eut sa monnaie propre, sans image et avec une inscription islamique. Il revendiqua une identité religieuse forte, symbolisée par le Dôme du rocher, à Jérusalem (691). Toutes ces évolutions historiques ont arraché les musulmans au contexte d’origine dans lequel le Coran avait été rédigé. Les grammairiens et commentateurs du Coran ne sont plus des Arabes du Hedjaz, mais des Persans vivant à Bagdad. Ils n’ont aucune idée de la société ni du système juridique de l’Arabie d’avant l’islam. Et ils ne connaissent pas d’autre langue sémitique que l’arabe.
Or les méthodes modernes exigent, entre autres approches, de prendre en compte l’étude des langues voisines, dans ce cas le syro-araméen de l’est, le syro-araméen de l’ouest, l’hébreu, et dans une moindre mesure le perse et l’amharique. Mais les érudits musulmans s’y refusent, parce que leur théologie exige de rester dans un cadre autoréférent, c’est-à-dire limité aux seuls textes musulmans. Dès lors qu’il n’est établi qu’à l’intérieur de ce cadre restreint, le consensus approximatif des érudits musulmans actuels est scientifiquement irrecevable. Il est pourtant à l’origine des conjectures généralement admises, et du choix des voyelles et des points diacritiques qui cherchent à rendre ces conjectures acceptables. Toutes les traductions aujourd’hui disponibles sont fondées sur ces conjectures.
Il est certain en outre que la tradition ne rend compte que d’une partie des témoignages, et que ces témoignages se contredisent les uns les autres. Ils divergent notamment quant à l’identité des personnes ayant effectué la collecte des textes, de celles chez qui ces textes étaient en dépôt, ainsi que sur la nature de ceux-ci, recueil ou feuilles séparées.
Il semble bien en outre que la distinction entre le Coran Livre de Dieu d’une part, et d’autre part les propos attribués à Mahomet (hadiths), ne se soit mise en place que progressivement ; et que la frontière entre les deux a été longtemps poreuse.
Le Coran et certains hadiths, parmi les plus anciens ou les plus authentiques, seraient comme deux cristallisations d’un même magma, le livre de Dieu n’étant considéré à l’origine que comme une sélection des propos de Mahomet. Le Coran est un ensemble de hadiths choisis pour la récitation
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publique et la mise au point de ce livre semble avoir constitué pour une grande part en cette composition sélective.
C’est cette indécision initiale qui explique, par exemple, pourquoi l’on retrouve dans le Coran des prescriptions figurant dans les hadiths, mais sous une forme telle qu’elles ne sont compréhensibles que dans un contexte postérieur à la vie de Mahomet. Voir le cas de la trêve à observer durant les mois sacrés. L’islam étant alors en pleine expansion militaire, le texte du Coran apparaît comme bien en phase avec cette nouvelle situation de fait (il ne s’appesantit plus beaucoup sur ce problème de trêve) ; alors que le sermon de l’adieu (632) rapporté par les hadiths deux siècles plus tard, lui, insiste beaucoup plus sur ce point (voir plus haut). Il y a donc là visiblement un décalage chronologique, et en un sens plutôt paradoxal. Les allusions faites à la chose dans le Coran témoignent d’une situation plus récente que celles qui sont évoquées par le discours d’adieu consigné par les hadiths (les guerres de conquête). Et ce sont donc les préoccupations du sermon de l’adieu qui semblent plus anciennes que le texte du Coran lui-même. Conclusion inévitable : le texte du Coran a dû être allégé, ou atténué, par les premières personnes ayant eu à le diffuser.
Ce qui pose du coup la question du véritable auteur du Coran. Pour les musulmans pieux, cet auteur ne peut être que Dieu et lui seul, et en aucun cas Mahomet, qui n’a fait que recevoir passivement une dictée surnaturelle. Les non-musulmans ont coutume de parler de Mahomet comme de l’auteur réel, éventuellement inspiré.
Les traditions anciennes contiennent cependant des éléments suggérant un travail collectif, non seulement de recueil des révélations, mais même dans la rédaction de certains passages. Un grand rôle semble, par exemple, avoir été joué par le futur calife Omar, dont le fils aurait dit : « Jami d’at-Tirmzii tome 6, livre 46, hadith 3682. Il a été rapporté par Nafi qui le tenait d’Ibn' Omar, que le Messager de Dieu (la paix soit sur lui) a dit : « Dieu a effectivement mis la vérité dans la bouche et dans l’entendement d’Omar… Rien ne se produisait sans que les gens n’en parlent ni qu’Omar en parle »… sauf que le Coran était révélé conformément à ce qu’Omar avait dit ».
Un examen attentif de la tradition permet en effet de trouver de nombreux documents attestant qu’Omar, un de deux lieutenants de Mahomet, agit et parle presque comme le prophète lui aussi. Dans quelques cas, c’est même lui qui a le dernier mot sur Mahomet. Voir l’affaire du voile. L’islam, qui n’est pas à ce moment un vrai monothéisme, ne serait donc pas non plus issu d’un seul personnage, mais de deux ?
Le hadith suivant semble en effet suggérer que Dieu fut d’accord avec Omar sur trois choses.
Sahih Boukhari, tome 1 livre 8, hadith numéro 395.
« Mon Seigneur a été d’accord avec moi dans trois choses :
— 1. J’ai dit : Ô Messager de Dieu, je souhaite que nous prenions la place d’Abraham comme lieu de prière (pour certaines de nos prières). Et c’est ainsi que vint l’Inspiration divine : et prenez la station d’Abraham comme lieu de prière (2,125).
— 2. Et en ce qui concerne le (verset) du voile des femmes, j’ai dit : O Messager de Dieu, je voudrais que tu ordonnes à tes femmes de se protéger des hommes parce qu’il y en a de bons comme de mauvais qui leur parlent. C’est ainsi que le verset du voile fut révélé.
— 3. Un jour que les épouses du Prophète faisaient front commun contre lui et que je leur avais dit : Il se pourrait très bien s’il vous répudiait toutes que son Seigneur vous remplace par des femmes mieux que vous. Ce verset (66,5) fut donc révélé ».
La science de la datation des textes (la philologie) ne s’est pas encore pleinement appliquée au Coran, et tout reste à faire en ce domaine (alors que pour ce qui est de la Bible le travail est déjà bien avancé).
Le problème de la transcription et de l’alphabet utilisé.
L’authenticité du message islamique nous est affirmée par les interprètes et les commentateurs du IXe siècle. Or, ce sont précisément ces commentateurs qui ont mis la dernière main au texte définitif du Coran. Comment ne pas se poser des questions quand on pense que les signes diacritiques n’ont été ajoutés au texte qu’à partir du Xe siècle ; surtout quand on sait que dans certains cas le sens d’un mot change radicalement selon qu’on lui affecte la consonne d’un a, d’un u ou d’un i ?
L’écriture hedjazienne originelle (celle du temps de Mahomet) est dite « défective ». Elle ignore la notation des voyelles brèves, qui n’apparaîtra que bien plus tard. Mais surtout, elle ne comporte pas de signes diacritiques : ces points situés au-dessus ou au-dessous des lettres, qui permettent de différencier par exemple le « b », le « n », le « y » et le « t ». Souvent aussi, la voyelle longue alif fait défaut. Ainsi, le mot ql sans alif peut se traduire par « dis ! » ou « il disait ».
On suppose d’habitude qu’une tradition orale continue permettait de dissiper les malentendus. Luxenberg a montré qu’il n’en est rien : l’existence d’une tradition de ce genre rendrait, au contraire, incompréhensibles, bien des hadiths dans lesquels Mahomet donne son aval à plusieurs lectures différentes (ahrouf).
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Il est donc évident que le contexte de la formation du Coran est celui d’une culture de l’écrit, nous ne sommes plus ici dans un univers de traditions orales, mais dans un univers de scribes.
On ne sait pas vraiment sur l’initiative de qui, quand, et dans quelles circonstances précises, furent établies les règles de ponctuation et de vocalisation, car plusieurs traditions contradictoires existent sur ce sujet.
Les auteurs musulmans ont recueilli des volumes entiers de « lectures » possibles de certains mots, mais ce n’est que par exception qu’ils en modifient le sens. Le même signe pouvant noter les deux voyelles longues a et i ; rien n’empêche de prononcer certains noms propres coraniques de la même façon que leurs équivalents bibliques : Abraham et Satan, comme le faisait déjà Ibn Massoud, au lieu d’Ibrahim et Shaïtan.
Il existe d’ailleurs un passage du Coran comportant un titre, au début du récit. Les compilateurs de l’époque d’Osman ont sans doute oublié de le biffer. Le voici. Coran 19, 1-3 : K H Y A S. Récit de la miséricorde de ton seigneur envers son serviteur Zacharie.
ÉLÉMENTS DE THÉOLOGIE.
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ANTHROPOMORPHISMES ET CRÉATURES INTERMÉDIAIRES, PUÉRILS, MALGRÉ LE TAOUHID.
Par le mou’tazilite de service 1).
Nombre de versets du Coran font référence aux anges (malaïka) en tant qu’intermédiaires (enfin dans le meilleur des cas) entre Dieu et les Hommes. Les musulmans prétendent que ces anges ne sont pas des créatures intermédiaires, car ils ne font qu’exécuter les ordres de Dieu (qui apparemment ne peut pas agir sans intermédiaire et directement dans l’ordre du monde). Il en est pourtant un qui a désobéi à l’un de ces ordres émanant de Dieu.
Saint Coran chapitre 2, verset 34.
« Lorsque nous avons dit aux anges : prosternez-vous devant Adam, ils se prosternèrent à l’exception d’Iblis qui refusa et se gonfla d’orgueil, il était au nombre des incrédules (mina al kafirina) ».
Il est vrai que son appartenance au monde des anges (déchus) est contestée et que certains musulmans comme Ibn Kathir vont pour cela jusqu’à falsifier cette sourate en y remplaçant le mot « incrédules » par « djinns » (mina aljinni), mais ce n’est pas à nous barbares druides d’Occident de dire aux musulmans pieux ce qu’il faut penser des créatures intermédiaires entre l’homme (la femme surtout d’ailleurs) et l’être supérieur.
Dieu ou Mahomet en tout cas semble néanmoins assez agacé que certains les voient comme étant de sexe féminin.
Mahomet chapitre 17, 40.
« Eh quoi ! Votre Seigneur vous donnerait des fils et lui se serait seulement donné des anges du sexe féminin ? Vous dites là une monstruosité ! »
Mahomet, chapitre 43, 19.
« Ils considèrent les anges comme des femelles. Ont-ils été témoins de leur création » ?
Mahomet chapitre 53, 26-29.
« Que d’anges dans les cieux dont l’intercession sera inutile, sinon après que Dieu l’aura permise. Dieu seul peut rendre leur intercession utile, et il n’accorde cette faveur qu’à ceux qu’il aime. Ceux qui ne croient pas en la vie après la mort donnent aux anges des noms de femme. Ce sont des ignorants, ils suivent en ce domaine une simple conjecture, et une conjecture n’est pas la vérité ».
Mais tant qu’à donner dans l’anthropomorphisme pourquoi pas des anges de sexe féminin d’ailleurs comme dans certains paganismes ? Dans l’Irlande du Moyen-âge on voyait bien les anges (banshee) comme étant de sexe féminin. Simple question.
Les anges sont donc des êtres spirituels, mentionnés à de nombreuses reprises dans le Coran et les autres documents annexes (hadiths). Contrairement aux djinns, ils ne sont pas d’origine arabe : c’est un apport extérieur évident (juif, chrétien, voire perse). Les plus importants ont un nom.
Ces anges font de l’espionnage pour Dieu.
Chapitre 13, 11 : « Des anges sont attachés aux pas de l’Homme, devant lui et derrière : ils le protègent ».
Chapitre 43, 80.
« Nos envoyés placés auprès d’eux consignent tout par écrit ».
Chapitre 50, 17-18.
« Lorsque les deux anges envoyés à la rencontre de l’homme sont assis à sa droite et à sa gauche et qu’ils recueillent ses propos ».
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Ces anges torturent les morts dans leur tombe 1).
Chapitre 8, verset 50.
Si tu pouvais voir les anges emporter les incrédules les frapper au visage et dans le dos en leur disant : « goûtez au châtiment du feu ! »
Chapitre 47, verset 27.
Que feront-ils lorsque les anges les rappelleront et les frapperont au visage et dans le dos ?
NDLR. Les mou’tazilites musulmans, à la différence des chrétiens, ne croyaient pas qu’un mort puisse aller en enfer avant le jugement dernier afin d’y subir d’éternels tourments 1).
Ces anges ont quatre chefs.
— L’archange Gabriel, chargé de communiquer les ordres de Dieu aux prophètes tels que Noé, David, Salomon, Abraham, Moïse…
Mahomet, chapitre 2, 97-98.
« Qui est l’ennemi de Gabriel – c’est lui qui a fait descendre sur ton cœur, avec la permission de Dieu, le Livre qui confirme ce qui était avant lui. Celui qui est l’ennemi de Dieu, de ses anges, de ses prophètes, de Gabriel et de Michel ».
Mahomet, Coran 66, 4.
« Sachez que Dieu est son maître et qu’il a pour soutien Gabriel ainsi que tout croyant sincère ». (Il s’agit là aussi d’un chapitre médinois, et ne datant donc pas des débuts de l’islam mecquois).
— L’archange Michel, qui commande aux éléments (nuages, pluie).
— L’archange [Israfil], gardien de la trompette céleste qui doit retentir à la fin des siècles pour le Jugement dernier.
— L’archange Azraël, chargé de conduire les âmes des mourants jusque devant leur juge.
Mais il en existe d’autres : Nekir et Mounkir 1), Jabarout et Malakout, Malik.
Ils sont inférieurs aux hommes puisqu’ils se sont prosternés devant le premier d’entre eux, d’après la tradition musulmane (bien obligés d’ailleurs puisque Dieu le leur avait ordonné). Un seul, Lucifer (lblis) ayant refusé, il fut métamorphosé en Diable ou Satan (Shaïtan) et expulsé du paradis avec les siens.
Mais il existe aussi des anges intervenant sur le terrain en masse, comme dans les batailles (celle de Badr notamment).
Les démons.
Les figures néfastes et maudites abondent dans le texte du Coran. Leur statut n’est pas toujours bien défini, et l’insistance sur ces forces du mal peut rapprocher la doctrine musulmane de celle de Mani, très influente dans la région sur tous les types de croyances.
Parmi les anges déchus, il faut citer Harout et Marout, et si ce n’est pas Esdras, Uzaïr ou Ozaïr 2).
Mahomet chapitre 2, 102.
« Salomon n’était pas un non-croyant, mais les démons, eux, étaient mécréants ; ils enseignent aux hommes la sorcellerie et ce qui a été révélé à Babylone aux anges Hârout et Marout ».
Note de la rédaction : Harout correspond à Haurvata dans le mazdéisme perse des zoroastriens, et Marout à Amerata.
Sahih Boukhari, tome 2, livre 21, hadith numéro 245.
Rapporté par Abdoullah : Quelqu’un fut un jour dénoncé pour avoir continué à dormir jusqu’au matin et ne pas s’être levé pour la prière. Le Prophète a répondu : « Satan lui a uriné dans les oreilles. »
Satan est le nom générique du Diable, d’origine araméenne (Shaïtan). Il est à ce moment-là considéré comme celui qui pervertit les hommes. Il représente dans la tradition le danger pour tout musulman (y compris Mahomet) de la tentation, du mal, de la déchéance, et son intervention est soupçonnée à tout instant. La crainte de sa présence suscite de multiples réactions superstitieuses.
Iblis.
C’est la figure classique de l’ange déchu, ennemi de la divinité. Ce nom propre est issu du grec de la Septante « Diabolos », « celui qui divise ». Dans certains autres versets du Coran, il relève de la catégorie des djinns. (Mahomet, Coran 15, 27 à 42.) Le thème très anthropomorphique de « l’ange déchu » est ici très développé.
Le mot ifrit que l’on trouve dans le Coran (27, 39) est d’origine pahlavie. L’emprunt se serait fait bien avant Mahomet, car les Arabes païens (animistes) avaient déjà une vague notion de ces êtres de l’ombre, partout présents et cependant nulle part distinctement perçus : les djinns. Le mot djinn signifie probablement caché, voilé, ou obscur. Les djinns sont la personnification de ce qui est mystérieux dans la nature, son côté hostile et indompté. Ils étaient craints des Arabes païens, et ce n’est qu’avec l’avènement de l’islam qu’ils commencèrent à être considérés, de temps à autre, comme bienveillants.
Pour les Arabes païens, les djinns étaient invisibles, mais pouvaient revêtir divers aspects, tel celui d’un serpent, d’un lézard ou d’un scorpion. Si un djinn s’emparait d’un homme, il le rendait fou. Mahomet lui-même, élevé dans la religion de son temps, continua toute sa vie à croire aux esprits 3). Le professeur Duncan Black Macdonald a d’ailleurs établi un parallèle surprenant entre la façon dont
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le Coran fut révélé à Mahomet pour la première fois, et la façon dont un de ses proches, appelé Hassan Ibn Thabit, devint, lui aussi, inspiré ou poète.
« Hassan ibn Thabet était l’un des disciples de Mahomet et, peut-être, le seul poète à être de ses compagnons ».
Mahomet en général était hostile à la poésie ; les poètes étaient en majorité contre lui ; mais Hassan soutenait sa cause avec des sortes de poèmes et s’avérait particulièrement utile pour répliquer aux attaques satiriques et injurieuses. Mais cet Hassan alors qu’il était encore jeune avait été initié à la poésie par une djinnesse. Elle l’avait rencontré dans une des rues de Médine, avait sauté sur lui, l’avait terrassé et forcé à dire trois vers de poésie. Il devint ensuite poète, et ses vers lui vinrent comme à d’autres poètes arabes, de l’inspiration directe des djinns. Il se réfère lui-même à ses « frères djinns » qui composent pour lui des vers et raconte comment des vers lui ont été envoyés du ciel durant la nuit. Ce qui est curieux c’est que l’expression qu’il utilise est exactement celle utilisée par Mahomet pour qualifier « la descente », c’est-à-dire la révélation, du Coran. L’histoire raconte que Mahomet avait l’habitude de lui faire installer une chaire dans la mosquée et qu’il s’y mettait à côté avec une joie évidente, tandis qu’Hassan en lançait des piques contre ses ennemis. Ce fut l’une des rares occasions où Mahomet semble avoir toléré la poésie, et un des commentaires de sa part qu’on a rapporté est significatif, « Dieu aide Hassan avec l’Esprit-Saint tant qu’il défend ou exalte l’Apôtre de Dieu. » Mahomet a donc attribué à Hassan le même genre d’inspiration qu’il avait lui-même. Un autre point à observer est l’étroit parallèle qu’il y a entre les termes utilisés dans l’histoire de l’initiation de Hassan et celle de la première révélation faite à Mahomet. Tout comme Hassan a été renversé par la djinnesse et que des vers ont été comme expulsés de sa bouche, les premiers mots de la prophétie ont été arrachés de la bouche de Mahomet par l’ange Gabriel. Et les ressemblances vont encore plus loin. L’ange Gabriel est considéré comme le compagnon (qarin) de Mahomet, comme si c’était le djinn accompagnant un poète, et le même mot nafatha, « souffler sur », est utilisé pour parler d’un enchanteur, ou d’un djinn inspirant un poète et de Gabriel révélant les sourates à Mahomet. Ce fut bien sûr le cauchemar des premières années de Mahomet – une crainte de ses proches et une accusation de ses ennemis – à savoir qu’il n’était qu’un poète possédé par un djinn ; ce cauchemar lui dicta son attitude à l’égard des poètes et de la poésie en général, et il est très clair que ces accusations et ces craintes ont existé. À savoir qu’il n’était qu’un poète à l’antique façon des Arabes, sans habileté de vers, mais tout entier tourné vers le côté prophétique de la poésie. Ajoutez à cela un étrange mélange de conceptions juives et chrétiennes, et vous avez la clé du personnage (Source : Duncan B. Macdonald, L’attitude des Sémites envers le monde invisible, la prophétie comme phénomène sémite et notamment chez les Arabes).
Contrairement à ce que répètent les docteurs en théologie musulmane, leur description ou conception de Dieu est néanmoins pleine d’anthropomorphismes (beaucoup plus que dans certaines sensibilités païennes). Dire de Dieu qu’il est personnel, clément et miséricordieux, étant déjà un anthropomorphisme. Physique : il [Dieu] est de sexe masculin (pourquoi pas une déesse) et aussi moral. Le Dieu des vrais philosophes, lui, est au-delà de la clémence ou de la miséricorde. Il Est indicible.
1) Résumé de certaines idées des Mou'tazilites.
A. Négation de l’existence de punitions et de récompense infligées aux morts encore dans la tombe et de l’interrogatoire mené par les anges Mounkir et Nékir.
D. Ils nient également l’existence des Anges scribes (kiramaen katibine). La raison qu’ils donnent pour cela est que Dieu est parfaitement conscient des actions accomplies par ses serviteurs. La présence des Anges scribes n’aurait été indispensable que si Dieu n’avait pas eu une connaissance directe de leurs actions.
2) Esdras était un prêtre juif du 5e siècle avant notre ère, hyper raciste (anti samaritain), mandaté par le grand empereur aryen Cyrus pour organiser le rapatriement des juifs volontaires à Jérusalem. Véritable auteur de la Bible juive d’après Spinoza.
3) Avicenne (Ibn Sina) a probablement été le premier philosophe musulman à rejeter catégoriquement la possibilité même de l’existence des djinns.
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ÉLÉMENTS DIVERS DE LA THÉOLOGIE MUSULMANE.
Le sujet demeure inévitable et prête à de multiples controverses. Mais il est toujours bon de rappeler que, si l’Arabie n’est, à ce moment-là, qu’à la périphérie de phénomènes historiques majeurs ; la religion qui s’y forme n’a d’autres moyens de se construire qu’en puisant dans le fonds doctrinal, mythique, et rituel, des autres cultures.
Au lieu de traiter la question globalement, traitons un par un des éléments exogènes présents dans la religion musulmane, et prioritairement dans le Coran ; qui ne sont ni issus du fonds culturel arabe, ni de Dieu ; et notamment des nombreuses légendes, qui circulaient alors dans tout l’Orient.
Mahomet a entendu, reproduit, déformé, travesti, adapté, de nombreuses traditions présentes, de La Mecque à la Syrie de cette époque. Il les a entendues en langue étrangère, par bribes, de manière superficielle, sans toujours en comprendre les tenants et les aboutissants.
L’épopée légendaire d’Alexandre en Asie centrale.
La figure d’Alexandre le Grand figure dans le Coran, sous le nom de Bi-Cornu (Dhou al Qarnaïn), ce qui ne laisse pas d’étonner. Il est vu comme fils d’Amon (d’où les cornes). Sa présence dans ces versets coraniques est le gage d’une popularité que peu de personnages historiques peuvent égaler.
C’est par le biais de ces récits merveilleux (le roman d’Alexandre) que Mahomet en a eu connaissance. Le fait que le Macédonien soit perçu ici comme un des prophètes ou héros de l’islam pose néanmoins quelques problèmes.
Mahomet, chapitre 18, 83-97.
Et ils t’interrogeront sur Dhou al Qarnaïn.
Réponds : je vais vous rapporter une histoire que l’on raconte à son sujet.
Suit effectivement après 15 jours de recherche (le temps que Dieu trouve la réponse à cette question piège 1) des rabbins de Médine ou que l’ange Gabriel se documente) une histoire incroyable et digne d’un film fantastique de série B, mais qui ne fait guère honneur à l’islam.
1) Et dans ce piège tendu par les rabbins de Médine Mahomet est tombé, PUISQUE ALEXANDRE LE GRAND N’A RIEN À VOIR AVEC L’HIISTOIRE BIBLIQUE ET LES PROPHÈTES D’ISRAËL.
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LES DIFFÉRENTS NOMS OU ATTRIBUTS DE DIEU.
Tout comme la fille du célèbre roi irlandais Cunocavaros avait un nom ou surnom Noichrothach signifiant plusieurs formes en une, et le dieu de la Bible aussi (Élohim, el elyon, el shaddaï, Adonaï, Jéhovah, Yhwh, le tétragramme…) ; il existe dans la théologie musulmane une liste officielle de 99 noms de Dieu, la plupart n’étant bien entendu que des attributs, mais d’autres posent plus de problèmes, car ils semblent bien désigner une entité sensiblement différente de Dieu.
À l’origine, le rabb est le seigneur d’un lieu : la puissance qui domine un endroit et en fait un sanctuaire. Ce nom est aussi donné aux prêtres en Arabie du sud, ce qui confirme l’origine anthropomorphique de la formule. Or rabb est le mot qu’emploie Mahomet au début du Coran, bien plus que « Dieu ». D’où toute la série des « raab » ci-dessous.
Rabb al hadhal beït : seigneur de la maison.
Rabb al Ka ‘ba : seigneur de la Kaaba.
Rabb al falaqi : seigneur de l’aube.
Rabb al alamin : seigneur des mondes.
Etc. Etc.
Et enfin le Rahman adoré par un autre prophète, concurrent de Mahomet, Moussaïlima, mort dans des conditions obscures (il a abandonné la forteresse où il était en sécurité pour se réfugier dans sa Kaaba à lui, le hadiqa ar-Rahman). Moussaïlima prônait une sorte de christianisme monophysite guerrier dans toute l’Arabie centrale (Yamama).
Moussaïlima fut contemporain de Mahomet. Son nom indique qu’il était membre de la confédération tribale des Bani Hanifa qui était plus ou moins christianisée, ou du moins sensible aux influences chrétiennes. Il était appelé par ses nombreux fidèles « Le miséricordieux de la Yamama ».
Sa Mecque à lui était un haram ou enclave sacrée du Yamama, appelé l’enclos d’Ar-Rahman (hadiqa ar-rahman), qu’il avait pris avant la conquête de La Mecque par Mahomet. Ce qui lui permettait ainsi de contrôler une vaste zone de l’est de l’Arabie, plus grande que celle tenue par Mahomet à l’époque d’ailleurs.
Moussaïlima ne niait pas la mission prophétique de Mahomet, il le considérait comme le grand prophète de la confédération tribale des Couraïchites de la Mecque, mais souhaitait seulement arriver avec lui à une sorte de partage des rôles, Mahomet s’occupant des régions de La Mecque et Yathrib/Médine, lui s’occupant du centre et de l’est de l’Arabie.
En 633 les musulmans désireux de mettre un terme à ce christianisme monophysite pré-nicéen qui s’opposait à leur extension vers l’est, investirent son bastion de la Yamama (le haram d’Ar-Rahman) et Moussaïlima mourut dans sa Kaaba à lui à l’occasion des derniers combats, l’arme à la main (oui, c’est là qu’il avait préféré se retirer pour protéger le sanctuaire plutôt que dans sa forteresse située non loin, une erreur qui lui fut fatale apparemment).
Tous les fidèles de Moussaïlimah ne devinrent pas aussitôt de « bons » musulmans. Dix ou vingt ans plus tard, l’homme qui avait porté son message à Mahomet ainsi que quelques autres d’ailleurs furent dénoncés comme étant toujours de ses disciples et donc mis à mort.
NB. Nos frères musulmans pardonneront j’espère que nous nous n’accordions guère de crédit aux insultes dont ils abreuvent le malheureux vaincu (c’est le B-A BA du métier d’historien objectif) et que nous nous efforcions au contraire de redresser toutes les informations partiales ou biaisées dont il a été victime depuis sa défaite (malheur aux vaincus disait Brennus), notre seule religion n’étant pas celle du dieu unique, mais de la vérité, factuelle au moins. Ce qu’il y a dans le cœur des hommes ses créatures, Dieu seul le sait à notre avis, et on le lui laisse d’ailleurs.
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Gageons que si Moussaïlima l’avait emporté, le nombre des hadiths à la gloire de sa personne égalerait celui des hadiths idolâtrant Mahomet (isma), qu’il n’en manquerait pas pour présenter Mahomet comme un pauvre menteur jaloux prêt à tout pour établir sa suprématie, et que sa Kaaba à lui (son hadiqa ar-Rahman) ne serait pas devenue un enclos de la mort (hadiqa al-maout), mais au contraire un grand centre de pèlerinage, toujours vivant.
Ce qui nous frappe néanmoins et de prime abord c’est la ressemblance des carrières des deux prophètes (le vrai et le faux ainsi qu’un grand nombre de points communs entre leurs pratiques religieuses… la réception de la révélation par l’intermédiaire de l’archange Gabriel, la possession de pouvoirs miraculeux, la guérison de malades, et surtout l’usage du langage du sadj (prose arabe rimée utilisée depuis toujours par les devins et autres personnages sacrés de l’Arabie afin d’exprimer les révélations reçues de manière surnaturelle). Notons enfin par ailleurs qu’al Rahman, le Dieu de Moussaïlima, est devenu un des noms les plus utilisés pour désigner Dieu dans le Coran. Quelle étrange revanche du vaincu ! Ce qui nous ramène à notre point de départ.
L’ABROGEANT ET L’ABROGÉ DANS LE CORAN
(OU LA MANIPULATION DU CORAN)
Par l’abbé Zakaria Boutros.
Pourquoi revenir sur cette règle de l’abrogation, dont avons-nous déjà parlé précédemment ? Parce que la règle de l’abrogation a des conséquences pratiques, concrètes.
Ci-dessous par exemple quelques versets mansoukh ou abrogés (en fait tous des versets mecquois, quand Mahomet se trouvait dans l’opposition).
1). Chapitre 2, verset 256 : « Pas de contrainte en religion ».
2) Chapitre 3, verset 20 : « S’ils se détournent, ton devoir est seulement de transmettre le message ».
3) Chapitre 4, verset 63 : « Éloigne-vous d’eux, mais exhorte-les ».
4) Chapitre 4, verset 81 : « Éloigne-toi d’eux et mets ta confiance en Dieu ».
5) Chapitre 5, verset 13 : « Pardonne-leur et oublie leurs méfaits ».
6) Chapitre 6, verset 107 : « Nous ne t’avons pas fait leur gardien et nous ne t’avons pas chargé de t’occuper de leurs affaires. »
7) Chapitre 7, verset 199 : « Pardonne, ordonne le bien et détourne-toi des sots ».
8) Chapitre 8, verset 61 : « Mais s’ils inclinent à la paix, fais de même ».
9) Chapitre 10, verset 99 : « Est-ce à toi de contraindre les hommes à croire ? »
10) Chapitre 13, verset 40 : « Ton devoir est seulement de transmettre le Message le reste nous appartient. »
11) Chapitre 15, verset 85 « Oublie leurs fautes en les pardonnant gracieusement ».
12) Chapitre 20, verset 130 : « Supporte patiemment ce qu’ils disent ».
13) Chapitre 35, verset 23 : « Tu n’es qu’un avertisseur ».
14) Chapitre 41, verset 34 « Oppose la bonne action à la mauvaise ».
15) Chapitre 70, verset 5 : « Sois patient et noblement patient ».
16) Chapitre 73, verset 10 : « Supporte patiemment ce qu’ils disent, et éloigne-toi poliment ».
17) Chapitre 88, verset 22 : « Tu n’es pas chargé de les surveiller ».
18) Chapitre 109, verset 6 : « À vous votre religion, et à moi la mienne. »
Pourquoi revenir sur le sujet ? Parce que la théorie de l’abrogation dans la religion musulmane est fondamentale, et qu’il est impossible de comprendre un croyant pratiquant convaincu de cette religion sans avoir une connaissance approfondie de cette doctrine qui est aussi importante que la pratique de la taqiya. On peut en effet comprendre dans un sens donné tel ou tel passage du Coran et en faire un précepte de vie alors qu’il a été abrogé par un autre verset.
Il existe dans le Coran des textes totalement contradictoires et le Coran le reconnaît du reste lui-même, cas unique ou presque parmi nos livres sacrés (ceux de l’espèce humaine), et c’est d’ailleurs un excellent exemple de ce qu’est la psychologie collective de l’islam. « S’il y avait dans le Coran autre chose que ce qui est de Dieu, ils y découvriraient beaucoup de contradictions » (chapitre 4 « Les femmes », verset 82).
Le phénomène avait déjà été bien perçu par les Couraïchites de La Mecque de cette époque, restés sceptiques vis-à-vis de Mahomet ou faisant partie de ses opposants, puisqu’ils disaient : « Ne voyez-vous pas que Mahomet donne un commandement à ses fidèles puis l’annule et leur enjoint de faire autrement ? Il dit une chose aujourd’hui, et le lendemain, il l’annule »… c’est d’ailleurs aussi ce que lui objectaient les juifs de Yatrib/Médine (Saïd El-Kemny, page 568 de son livre intitulé Islameyat (Les questions que pose l’islam).
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Certains témoignages donnent d’ailleurs à penser que Mahomet a peut-être été le premier à utiliser la notion d’abrogation.
Saïd El-Kemny (dans son livre intitulé Islameyat, p.589) nous rapporte en effet ce qu’en a dit El-Zahry à ce sujet.
« Abou-Imama m’a raconté… qu’un groupe de compagnons du prophète (PSL) lui avait déclaré que l’un d’eux se réveilla au milieu de la nuit pour réciter un chapitre du Coran qu’il avait appris par cœur, mais il ne put se souvenir d’aucun de ces versets sauf : « Au nom de Dieu, le clément, le miséricordieux ». Aussi alla-t-il voir le prophète (PSL) pour l’interroger sur ce chapitre, et d’autres vinrent avec lui pour cela. Tous l’interrogeaient. Mais il resta silencieux pendant une heure puis leur fit cette réponse : « Ils ont été abrogés hier » (cf. Jamal Ed-Din Ibn El-Jaouzy : Les abrogés du Coran, p.589).
La difficulté a été résolue par les exégètes et théologiens musulmans. La notion d’abrogeant et d’abrogé dans le Coran se trouve en effet dans les versets suivants.
Chapitre 2 (« La vache »), verset 106 : « Quand nous abrogeons un verset ou que nous le faisons oublier, nous en fournissons un meilleur ou un semblable ! »
Chapitre 16 (« Les abeilles »), verset 101 : « Quand nous remplaçons un verset par un autre – et Dieu sait mieux que quiconque ce qu’il fait entendre – ils disent : « Tu n’es qu’un menteur ». Mais la plupart d’entre eux ignorent ce qu’il faut savoir.
Chapitre 13 (« Le tonnerre »), verset 39 : « Dieu efface ce qu’il veut ou confirme ce qu’il veut ; c’est auprès de lui qu’est La Mère (l’origine) du Livre ».
Chapitre 22 (« Le pèlerinage »), verset 52 : « Dieu annule ce que Satan met (dans Le Livre) ».
Quand deux versets se contredisent, le verset révélé en dernier abroge donc (supprime) le verset révélé en premier. D’où l’importance en islam de savoir si un verset peut être considéré comme mecquois, c’est-à-dire révélé à Mahomet lors de sa vie à La Mecque, ou médinois, c’est-à-dire révélé à Mahomet à la fin de sa vie alors qu’il gouvernait Yathrib/Médine. Ce principe fondé sur la chronologie relève du bon sens élémentaire, ce bon sens élémentaire qui fait tant défaut de nos jours en Occident.
Naskh, an-naskh, annulation, abrogation, est donc l’expression technique désignant le principe selon lequel des visions de Mahomet en abrogent (ou en modifient) d’autres. Le verset abrogé dans ce cas est appelé « mansoukh », celui qui abroge est appelé « nassikh ». Le verset abrogé (mansoukh) n’est pas considéré comme erroné, mais comme dépassé ou ne correspondant plus à la situation, en bref subordonné au verset abrogeant (nassikh) considéré, lui, comme plus adéquat. Il est fait référence à ce principe dans le Coran même, dans les versets 106 du chapitre 2, 39 du chapitre 13, 101 du chapitre 16 et 52 du chapitre 22. L’important pour qui veut comprendre l’islam (qui ne veut pas mourir idiot) est donc de bien voir quels sont les versets qui ont été abrogés de la sorte et quels sont ceux qui, dès lors, doivent être appliqués. Le problème est que la datation établie par les érudits de l’islam, et admise aujourd’hui universellement dans cette religion ; fait de tous les versets tolérants et modérés, sans aucune exception (ceux de La Mecque), des versets frappés d’abrogation, et de tous les versets plus intolérants, plus violents, voire bellicistes, également sans aucune exception (ceux de Médine), des versets abrogeant. (Pierre de la Crau-religion. com – 2003-2005).
POINT DE VUE D’UN MUSULMAN PIEUX *.
La pratique de l’abrogation est un point fort du saint Coran, conférant à un texte absolu une pédagogie adaptée à la relativité de la condition humaine. On trouve beaucoup de versets contradictoires dans le Coran. Cette ambivalence permet aux musulmans d’adopter leur propre « guidance divine », en fonction de leurs inclinations. Ceux qui aiment la tolérance peuvent citer des extraits du saint Coran qui font appel à la tolérance, et les impatients peuvent en citer d’autres. Tout le monde peut ainsi trouver ce qu’il veut dans ce merveilleux livre, ce qui prouve donc bien qu’il constitue à lui seul UNE TOTALITÉ, le miracle du CORAN, c’est ça !
Le portail-religion. com – 2003-2005.
Ibn Kathir a mentionné dans son exégèse (Tafsir 1re partie, page 104) d’après ibn-Garir un commentaire sur le verset (quel que soit le verset que nous abrogeons…) : cela signifie transformer le licite en illicite et l’illicite en licite, le permis en inadmissible et l’inadmissible en permis.
Il existe donc plusieurs catégories de versets abrogés.
Première catégorie. Les versets qui sont conservés dans le texte même du Coran, mais qui n’ont plus aucune valeur normative. Autrement dit de tels versets sont considérés comme invalides et leur enseignement sans valeur, bien que figurant toujours dans le Coran.
Deuxième catégorie. Les versets abrogés tant dans leurs préceptes que dans leur calligraphie ou leur récitation. Autrement dit ce sont des versets qui ont disparu bien qu’ayant été révélés à Mahomet. Ils ne figurent plus dans le Coran, mais sont seulement évoqués par certains hadiths. Il existe donc pour
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les théologiens musulmans des versets qui ont disparu du Coran, et ne sont donc plus jamais lus, mais qui gardent néanmoins toute leur valeur normative.
Exemple : la lapidation de l’homme et de la femme adultères.
Le type même d’un verset abrogé retiré du Coran, mais dont la validité demeure d’après Saïd El-Kemny et bien d’autres.
Il a existé en effet dans le Coran, du moins à en croire les hadiths évidemment, puisque ces versets ne figurent plus dans le texte actuel.
Témoignage de la tante d’Imama Ibn-Sahl : « Le prophète de Dieu (PSL) nous a récité le verset de la lapidation : « L’homme et la femme adultères, tue-les ». Or ce verset n’existe plus dans le Coran (As Souyouti, La perfection dans les enseignements du Coran, 2e partie, p.26).
Saïd El-Kemny mentionne aussi les références de cette affaire : Ibn-Kathir, le début et la fin, chapitre 7, p.83, et Abdul-Mohsen Sharaf Al-Din Al-Mosawy : AL-Nas Wa l Ijtihad, page 259.
Omar ben El-Khatab a dit : « Dieu a envoyé Mahomet (PSL) nous rappeler la vérité, et il lui a donné un livre. Parmi les versets révélés se trouve celui de la lapidation. Aussi l’avons-nous appris, compris et appliqué. Le prophète (PSL) a eu l’occasion de lapider un couple adultère, et nous lui avons prêté la main ». Voici le verset de la lapidation tel qu’il est rapporté par Omar : « L’homme et la femme, s’ils ont commis l’adultère, lapide-les ». Omar confirme cela en disant : « J’étais sur le point d’écrire cela de ma propre main, mais je ne l’ai pas fait de peur que l’on puisse dire que j’avais pris la liberté d’écrire quelque chose de ma main dans le livre de Dieu ».
On peut évidemment se demander ce que cette histoire vient faire dans notre affaire des versets abrogeant et abrogés ?
Eh, bien ! Tout simplement parce qu’Omar se fonde sur le verset suivant, bien qu’abrogé : « L’homme adultère, et la femme adultère, s’ils ont commis l’adultère, lapide-les », bien qu’il ne soit pas dans le Coran. C’est un dramatique exemple de verset à la calligraphie inexistante, mais dont la validité demeure néanmoins en droit islamique, même si Omar a triché dans l’application de ce verset en poussant un homme à faire un faux témoignage pour pouvoir acquitter l’accusé.
D’après Saïd El-Kemny dans son ouvrage Islameyat (Les questions posées par l’islam) p.572, tiré du livre d’Ibn El-Jaouzy (Les abrogeant dans le Coran, p.35).
Sahih Boukhari. Tome 8, livre 82, hadith Nº 817.
D’après Ibn Abbas… Omar prit place sur la chaire et quand les appelants à la prière eurent fini, Omar se leva et après avoir glorifié et loué Dieu comme il le méritait, il a déclaré : « Maintenant, je vais vous dire… dans ce que Dieu a révélé, était le verset de la Radjam (la lapidation des époux, mari et femme) qui ont des rapports sexuels illégaux, nous avons récité ce verset l’avons compris et mémorisé. Le Messager de Dieu a pratiqué ce châtiment de la lapidation et nous l’avons fait après lui. Mais j’ai peur qu’après un certain temps quelqu’un dise : « Par Dieu, nous ne trouvons pas le verset de la radjam dans le Livre de Dieu », et qu’ainsi ils s’égarent en délaissant un devoir que Dieu a révélé. Or le châtiment de la radjam doit être infligé à toute personne mariée (homme et femme), qui commet l’adultère, si les preuves requises sont administrées, s’il y a grossesse ou aveu. Et puis nous avions l’habitude de réciter parmi les Versets du Livre de Dieu : ne prétendez pas être les enfants d’autres hommes que vos pères, car c’est faire preuve d’impiété (d’ingratitude) que de prétendre être la descendance d’un autre que votre vrai père. Et le Messager de Dieu a dit : 'Ne me révérez pas excessivement comme l’a été Jésus, fils de Marie, mais…… »
Sahih Muslim tome 4, livre 17, hadith numéro 4206.
Il (le Saint Prophète) a confié l’enfant à l’une des musulmanes et a ensuite prononcé la sentence. Puis elle a été enterrée dans une fosse jusqu’à la poitrine et il a demandé qu’on la lapide. Khaled b Oualid s’est avancé avec une pierre qu’il lui a jeté à la tête, mais du sang a giclé sur le visage de Khaled qui l’a insulté. L’apôtre de Dieu (que la paix soit sur lui) a entendu la malédiction (de Khaled) à l’encontre de la malheureuse. Là-dessus, il (le Saint Prophète) s’est exclamé : Khaled, sois gentil. Par celui qui tient ma vie entre ses mains elle s’est tellement repentie que même si un collecteur d’impôts inique s’était repenti de la sorte, il aurait été pardonné. Puis, donnant des ordres à son sujet, il pria pour elle et elle fut enterrée ».
Dieu ou Diable merci, ce verset divin a été abrogé voire carrément retiré du Livre saint.
Autre exemple, mais diamétralement opposé, de verset retiré du Coran : l’adulte qui tète le sein d’une femme.
L’adulte qui suce le sein est en vérité une bien curieuse histoire. Saïd el-Kemny rapporte à son propos : l’adulte au sein est un autre exemple de ces versets qui ont disparu du Coran, et dont on cherche vainement la trace bien qu’ils soient encore valides.
D’après Aïcha le verset qui mentionnait primitivement dix tétées a été remplacé par un verset parlant de cinq tétées, qu’ils récitaient alors avec le Coran. C’est aussi ce que confirme l’imam Abou-Djafar
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Anl-Nahhas dans son livre sur les versets abrogeant ou abrogés dans lequel il rapporte notamment qu’Aïcha donc a toujours admis la réalité du verset « l’adulte au sein ».
Ibn Al-Djaouzi a raconté cette histoire de « l’adulte au sein » dans son livre (Les abrogés du Coran p.37). Aïcha aurait déclaré : « Le verset de « l’adulte au sein » était sous mon lit. Quand le prophète (PSL) est tombé malade, nous nous sommes donné beaucoup de mal pour le retrouver. Mais une chèvre l’avait mangé. Puis le prophète est mort. Ce verset se trouve dans la récitation du Coran ».
Aïcha elle-même a parlé en termes assez crus de cette étrange histoire d’adulte tétant. Abou-Djafar An-Nahhas en fait mention dans son livre (Versets abrogeant et versets abrogés – p.124) en ces termes : Sahla, la fille de Sohil, vint voir le prophète (PSL) pour lui dire : « j’ai remarqué que mon époux (Abou Hozifa) est fâché dès qu’il voit Salim (un de leurs serviteurs) venir vers moi ». Le prophète (PSL) lui répondit alors : « Dis-lui que tu l’allaites-le, afin de l’amener à se considérer comme ton propre fils, ainsi tu ne seras pas obligée de coucher avec lui, et de cette façon ton mari ne sera plus jamais jaloux de lui !!! »).
Elle répondit : « Comment oserais-je donner le sein à un homme adulte ? » Et le prophète lui rétorqua : « Je sais bien que c’est un homme adulte ».
L’histoire raconte que Sahla est revenue voir le prophète (après avoir suivi ses conseils) pour lui dire : « Ô vrai prophète de Dieu, je n’ai jamais vu une telle expression de colère sur le visage de mon mari ».
Aïcha connaissait tout cela, et Orowa nous dit qu’elle (Aïcha) demanda donc à sa sœur Oum-Khaltoum, et aux filles de son frère de donner le sein aux hommes, et qu’elle-même souhaitait qu’on les laisse venir jusqu’à elle.
Troisième catégorie. Il existe enfin des versets du Coran qui ont été abrogés tant dans leurs préceptes que dans la lettre, la calligraphie ou la récitation et dont l’existence n’est mentionnée que par certaines traditions. Autrement dit ces passages ont été retirés du Coran et n’ont plus de valeurs normatives comme dans le cas des fameux versets sataniques.
Aboubakar El-Razy à propos de ces versets dont les préceptes et la récitation ont été abrogés : Dieu les a fait oublier, c’est la raison pour laquelle ils ont disparu des mémoires des croyants, afin qu’ils ne les récitent ni ne les écrivent dans le Coran ; de sorte qu’avec le temps ils finissent par totalement disparaître (voir Djalal Al-Din Al Souyouti : la perfection dans la science du Coran partie 2, page 26). La question est alors : pourquoi Dieu a-t-il donné ces versets s’il veut les faire oublier ?
Ce commentaire d’Abou-Bakar El-Razy est une très bonne illustration de ce qu’est la psychologie collective de l’islam.
Sur les 114 chapitres du Coran, on estime à environ 70 sur 114 le nombre de chapitres du Coran concernés. 25 contiennent à la fois des versets abrogeant et des versets abrogés, 6 seulement des versets abrogeant et 40 seulement des versets abrogés. Les estimations du nombre de ces versets abrogés vont de 150 à 550 (d’après le Père Zakaria BOUTROS, extrapolant à partir de données fournies par le Cheikh Ibrahim Al-Ibiary dans son livre intitulé : l’histoire du Coran, p.168).
De nombreux docteurs de l’islam se sont aussi accordés pour répartir les versets abrogeant et les versets abrogés selon les différentes catégories suivantes. Passivité à l’égard de l’agression, autorisation de répliquer contre les agresseurs, ordre de combattre les agresseurs, ordre de combattre tous les non-musulmans, qu’ils commettent des agressions ou non. La force des musulmans étant le seul paramètre à prendre en compte pour cela.
Ci-dessous au contraire quelques exemples de versets nasikh ou abrogeant (des versets médinois, quand Mahomet dirigeait la Cité).
Chapitre 47, verset 4.
« Lorsque vous rencontrez (au combat) les mécréants, frappez-les au cou. Puis, quand vous les aurez dominés, enchaînez-les solidement. Ensuite, ce sera soit la libération gratuite, soit la rançon, jusqu’à ce que la guerre dépose ses fardeaux. Il en est ainsi, car si Dieu le voulait, Il se vengerait Lui-même, mais c’est pour vous éprouver les uns par les autres. Et à ceux qui seront tués dans le chemin de Dieu, Il ne rendra jamais vaines leurs actions [ils seront récompensés dans l’autre monde] ».
Chapitre 4, verset 89. « S’ils se détournent, saisissez-les, tuez-les partout là vous les trouverez ».
Le plus important des versets abrogeant est celui que l’on appelle « le verset de l’épée » (ayat as-seïf).
Coran, chapitre 9, verset 5.
Tuez les associateurs où que vous les trouviez. Capturez-les, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade. Si ensuite ils se repentent, accomplissent la prière et paient la zakat, alors laissez-les aller librement, car Dieu est clément et miséricordieux.
Tafsir de Pierre de La Crau.
Le verbe arabe utilisé (fa-ouq'toulou) signifie clairement tuer.
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Le terme « associateur » en terres d’islam, désigne toute personne associant d’autres dieux à « Dieu », en clair les païens, polythéistes ou hénothéistes, donc y compris les druidisants, sans oublier les wiccans, ainsi que les chrétiens admettant la notion de Sainte Trinité (Dieu le Père Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit ainsi soit-il).
Les savants musulmans comme Ibn Salama (décédé en 1020) sont d’accord pour penser que ce verset du Coran abroge quelque 124 versets plus pacifiques de La Mecque, ainsi d’ailleurs que « tous les versets du Coran qui ordonnent ou impliquent moins qu’une offensive totale contre les non-croyants ».
Mais on cite également à cet égard le verset suivant.
Coran, chapitre 9, verset 29.
Tuez ceux qui ne croient ni en Dieu ni au Jour dernier, qui n’interdisent pas ce que Dieu et son prophète ont interdit et qui ne professent pas la vraie religion, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu’à ce qu’ils versent la djizya directement de leurs propres mains, après s’être humiliés.
Tafsir de Pierre de La Crau.
Donc les juifs et les chrétiens. Le verbe arabe utilisé (l’impératif de qatala, le même verbe que celui qui a été employé au verset 5, qatilu en l’occurrence) se réfère à la notion de combat, mais au sens très fort du terme, impliquant éventuellement la mort.
Sur ce dernier verset, Zakaria Boutros mentionne pour nous l’exégèse de l’imam Al-Nasfy et celle de l’Imam Ibn Kathir.
1) Al-Nasfy a spécifié dans son exégèse, partie 2, pages 177,178 : « Combattre ceux qui ne croient pas en Dieu, ceux qui ne reconnaissent pas la vraie religion : c’est-à-dire ne croient pas en l’Islam, qui est la religion de la vérité… « parmi les gens de l’Écriture (allusion à ceux qui ont précédé, Juifs et chrétiens)… « jusqu’à ce qu’ils paient la djizyah, (un tribut payé par les non-musulmans vivant dans un État musulman), c’est-à-dire comme sanction de de leur incrédulité… et se sentent subjugués. »
Cela veut dire qu’ils paieront en étant humilié, qu’on doit apporter la djizyah, (tribut), seul, à pied, sans venir sur une monture et en la remettant soi-même, debout alors que le receveur sera assis, et lui mettra un collier de fer autour du col ou de son habit en lui disant « paie la djizya (tribut), O dhoumi (juif ou chrétien) » tout en le secouant et en lui giflant la nuque.
2) Ibn Kathir a précisé (volume deux, pages 135, 136) en commentant ce verset : « Combattre contre ceux qui ne croient pas en Dieu »…………… ce noble verset a d’abord été révélé pour combattre les gens des Écritures… puisque le prophète de Dieu a ordonné de combattre les gens des deux Écritures, les Juifs et les Chrétiens, en la neuvième année de l’Hégire…
« Jusqu’à ce qu’ils paient la djizya (tribut), en se soumettant sans réserve » c’est-à-dire « après avoir été vaincus et soumis » et « qu’ils se sentent subjugués »… c’est-à-dire en étant humiliés, méprisés et abaissés, il n’est donc pas permis de soutenir les gens de la dhimma (les Juifs et chrétiens) ni de les monter contre les musulmans, puisqu’ils sont humiliés, inférieurs, faibles et misérables. Ainsi qu’il est dit dans le Sahih de Muslim : « Ne saluez pas les premiers les juifs ni les chrétiens, si vous croisez l’un d’entre eux sur votre chemin, forcez le à vous laisser le haut du pavé » puisque le commandeur (amir) des croyants Omar Ben Al-Khatab, (Que Dieu soit satisfait de lui) leur a imposé ces conditions bien connues en les humiliant en les ridiculisant et en les conquérant…
Sahih Muslim. Le livre des salutations Livre 39, hadith 16.
Chapitre : L’interdiction de dire bonjour en premier aux gens du Livre, et comment leur répondre.
Abou Horaïra a rapporté que le Messager de Dieu a dit « Ne saluez pas les juifs ni les chrétiens avant qu’ils ne vous saluent et lorsque vous rencontrez l’un d’entre eux sur les routes, forcez le à vous laisser la partie centrale ».
* Très bonne illustration de la psychologie collective de l’islam.
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RÉSUMÉ LES VERSETS ABROGÉS OU ABROGEANT.
AL NASSIKH OUA L MANSOUKH.
Le Coran est un texte erratique, abscons, antiscientifique, et débordant de contradictions.
Il donne lieu à de multiples interprétations qui tiennent à son élaboration progressive dans le contexte mouvementé de la vie de Mahomet (guerres et trêves, alliances et ruptures) ; ainsi qu’à sa rédaction en une langue que seule comprend aujourd’hui une minorité d’érudits.
Le Coran établit ce qui est bien et ce qui est mal : plus prosaïquement, il détaille de façon précise les règles de vie en société, y compris le droit de la guerre, le droit commercial, le droit familial, et l’hygiène. Il ne s’agit donc jamais de recourir à la réflexion personnelle (tafkir) qui est déjà de l’hérésie, ou à une morale quelconque. C’est bien, parce que le Coran le dit, et c’est mal parce que le Coran le dit aussi, et tant pis si cela choque ! Ce qui importe, c’est la soumission à la volonté divine (le grand Jaurès doit s’en retourner dans sa tombe !).
Le Coran prescrit de se soumettre à Dieu (se soumettre se dit aslama en arabe ; de ce mot dérivent l’islam, nom de la religion fondée par Mahomet, ainsi que celui de musulman, appellation courante des fidèles de Mahomet).
L’islam est une religion de soumission absolue à une divinité. La « prière » musulmane n’est d’ailleurs pas une prière au sens latin et occidental du terme. Le musulman n’oserait pas se permettre de prier Dieu, de lui demander quoi que ce soit. Il se prosterne, il « adore », il se soumet (à la prétendue « volonté divine »).
Une telle conception, imperméable à toute évolution, n’est pas sans poser d’énormes problèmes dans un contexte social et historique devenu fort différent. L’islam n’est pas l’islamisme, les musulmans et surtout les musulmanes, en sont les premières victimes. Tout comme les juifs sont les premières victimes de l’aliénation qu’est le judaïsme.
Dans la plupart des cas, les versets, considérés isolément, n’ont aucun sens en eux-mêmes. On peut dès lors leur faire dire n’importe quoi, car le texte regorge de nombreuses contradictions.
Tout comme dans la Bible juive (Ancien Testament) à tout texte disant « blanc », on peut trouver des passages correspondants affirmant le « noir », ou d’autres encore qui le recommandent seulement. Et inversement.
Ce que les théologiens de l’islam appellent les versets abrogeant (nassikh) et les versets abrogés (mansoukh).
Tout comme dans le cas de la Bible juive ou Torah, il arrive donc souvent que des musulmans, comme les judéo-chrétiens, ne citent que les passages « blancs » relatifs à un sujet, en ne tenant aucun compte des versets, disons plus sombres, se rapportant au même thème.
Ou alors les versets disant « noir » seront donnés comme étant la « vérité » (immuable) et ceux qui prônent le « blanc » seront considérés comme une « autre vérité », mais datée, voire dépassée.
On entend souvent des musulmans prétendre que le Coran ne peut être compris que par des musulmans. Certains vont encore plus loin, en affirmant que seuls les « imams » peuvent le comprendre et le commenter.
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De telles affirmations sont fallacieuses et ne résistent donc pas à une analyse sérieuse. Elles ne servent qu’à dénier tout droit même théorique, à des non-musulmans, d’étudier le Coran, et de l’analyser, à plus forte raison, de le critiquer.
Le fait de dénier aux non-musulmans le droit d’étudier le Coran est inacceptable ; puisque ce livre contient justement un nombre considérable de versets qui ne sont rien d’autre que des commentaires des Arabes mahométans vis-à-vis de la Thora ou du Nouveau Testament.
Nombreux en effet sont les versets du Coran, constituant des attaques en règle contre les autres religions, qui constituaient la base des croyances des peuples du Moyen-Orient à l’époque où Mahomet a eu ses « hallucinations ». Le Coran est un ouvrage violemment anti athée, anti agnostique, anti païen, anti philosophie, mais aussi anti juif.
Or si le Coran a été retranscrit, c’est bien précisément pour pouvoir être lu par des individus qui, a priori, n’en connaissaient pas le sens, non ? Il suffit de savoir lire pour comprendre le sens des chapitres et des versets qui, selon la Loi coranique, doivent être considérés tels qu’ils sont rédigés. L’exégèse coranique est relativement facile et relève du simple bon sens. Un chrétien, un bouddhiste, un druide d’Uderzo ou à la façon de John Toland, ou même un athée – s’il sait lire – peut donc comprendre le Coran de la même manière qu’un homme né en terre islamique. Mais il sera beaucoup plus objectif vis-à-vis du texte. Il ne sera en aucune façon aveuglé par les « traditions » comme le sont les musulmans « de naissance ».
LE PROBLÈME DES CONTRADICTIONS DU CORAN.
Mahomet a toujours été très, comment dire ??? Eh bien mettons « très pragmatique » (faussaire ou menteur sont plutôt les termes utilisés par ses adversaires dans le saint Coran lui-même, mais enfin). Disons qu’il mettait souvent lui-même en pratique le futur principe musulman de l’abrogation, sur ordre divin, bien entendu.
Certains versets du Coran sont donc contradictoires.
EXEMPLE.
Les versets sur le vin. Ils se contredisent et sans l’ordre chronologique, il est difficile de savoir lesquels doivent finalement être appliqués.
Chapitre 16, verset 67. La vigne et le palmier, d’où vous retirez une boisson enivrante et une nourriture agréable. II y a dans cela des signes pour ceux qui entendent.
Donc vin et moût de datte sont autorisés.
Chapitre 4, verset 43. Ne priez point lorsque vous êtes ivres [c’est un minimum effectivement] : attendez de pouvoir comprendre les paroles que vous prononcez.
Donc ce qui est condamné c’est l’excès d’alcool, l’ivresse.
Chapitre 2, verset 219. Le vin et le jeu. L’un et l’autre sont un mal. Les hommes y cherchent des avantages, mais le mal est plus grave que l’avantage n’y est grand.
Chapitre 5, verset 90. Le vin, les jeux de hasard, les tables de pierre (ansab), et le sort par les flèches (bélomancie) sont une abomination inventée par Satan ; abstenez-vous-en, et vous vivrez heureux.
AUTRES EXEMPLES.
Les versets qui prêchent la tolérance (période mecquoise) sont, dans une large mesure, contredits par les versets qui prônent la violence et l’intolérance (versets révélés à Médine).
Le verset de l’épée ou ayat as-seïf (le chapitre 9, verset 5 : « Tuez les infidèles, partout là où vous les trouverez ») contredit par exemple les 124 versets mecquois prêchant plus ou moins la tolérance et dont voici un très bon exemple ; le chapitre 109 consacré au problème que constituent les non-croyants, et qui fait partie des tout premiers chapitres mecquois. Ce chapitre, en 6 versets, stipule expressément : « Ô infidèles, je n’adore pas ce que vous adorez, vous n’adorez pas ce que j’adore. Ayez votre religion, moi j’ai la mienne » (autrement dit laïcité ouverte et positive, que chacun fasse ce qu’il veut).
Ce beau programme mecquois caractérisé par la tolérance et la laïcité ouverte ou positive, et qui effectivement constituait un très bon début ; est malheureusement maintes fois contredit par de nombreux versets postérieurs nassikh, comme ceux du chapitre Nº 10 cité plus haut (le verset numéro 5).
Chapitre 2, verset 217. « Combattre durant une trêve est un péché grave, mais écarter les hommes du droit chemin de Dieu, être impie envers lui et la Mosquée sacrée, en chasser ses habitants, tout cela est plus grave encore aux yeux de Dieu ».
Chapitre 4 versets 71 à 77. « Mettez-vous en campagne militaire par petits groupes ou bien allez-y en masse. Pourquoi ne combattez-vous pas sur le sentier de Dieu ? Combattez les suppôts de Satan, la vie dans l’Autre-Monde est meilleure pour celui qui craint Dieu ».
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Or les versets postérieurs annulent logiquement les versets plus anciens dits « mansoukh », lorsqu’ils sont impossibles à mettre en œuvre simultanément. Le problème fondamental en terres d’islam en cas de contradiction est donc de savoir quel est le verset révélé en dernier, puisque le Coran ne classe pas les versets chronologiquement, mais par taille (du chapitre le plus grand au plus petit).
TAQIYA.
Les gens gentils et intelligents, qui font l’opinion dans notre pays (pasteurs, rabbins, curés, avocats, médecins, architectes, écrivains, et journalistes ou hommes politiques « responsables » évidemment) ne savent plus très bien ce qu’est une secte aujourd’hui ; ne savent plus très bien la différence qu’il peut y avoir entre culturel et cultuel. Volons à leur secours en leur proposant la définition suivante : la secte, c’est le groupe que l’on ne peut quitter après y être entré, sauf dans un cercueil*.
« Dans certaines circonstances données, mais seulement dans ses circonstances, toute agglomération d’hommes possède des caractères nouveaux fort différents de ceux de chacun des individus qui la composent. La personnalité consciente s’évanouit, les sentiments et les idées de toutes les unités sont orientés dans une même direction. Il se forme alors une âme collective, transitoire sans doute, mais présentant des caractères très nets. Elle forme un seul être » (Gustave Le Bon, Psychologie des foules). Il existe donc des psychologies collectives, celle des foules organisées, structurées, mais il importe de distinguer. La psychologie collective du nazisme en tant que foule organisée ou structurée n’était pas celle des membres du parti nazi qui va de Hitler à Schindler) la psychologie collective du judaïsme n’est pas celle du christianisme et les deux diffèrent de la psychologie collective du paganisme d’il y a deux mille ans dans cette partie du monde.
On rétorquera en affirmant que le Coran proclame une religion de tolérance, et l’on invoquera pour cela les versets suivants. « À vous votre religion, à moi la mienne » (109, 6) ou « pas de contrainte en religion » (2, 256), mais ces versets n’ont que l’apparence de la tolérance, au regard de l’ordre de tuer ceux qui changent de religion. « S’ils se détournent, saisissez-les, tuez-les, partout où vous les trouverez » (4, 89).
La question qui se pose dès lors à nos autorités morales et politiques est de savoir si elles sont disposées à protéger les citoyens contre tout danger. Le Français Michel Lelong ** et la chaîne de télévision allemande ARTE citent souvent les versets du Coran constituant des appels à la paix ou à la concorde entre « croyants » ; mais en oubliant de rappeler que, dans la bouche de Mahomet, comme dans tout le Coran d’ailleurs, le terme « croyant » ne se réfère qu’aux seuls vrais croyants selon lui, c’est-à-dire les musulmans ! Les versets 9-10, tout comme le verset 11, du chapitre 49, pour ne citer qu’eux, ne concernent en rien la paix entre les religions et les peuples de confession différente !
Le fait d’utiliser ces versets comme un arbre cachant la forêt, prouve à quel point l’abbé Michel Lelong ** et ARTE sont ? sont ? Là encore, les mots nous manquent pour qualifier objectivement le mal que peut entraîner un tel discours. (Car à ce point-là, ça ne peut même plus être de la bêtise !). Ce genre de « traducteur automatique du Coran » contribue en réalité à fausser gravement l’image que l’on doit se faire de la religion musulmane, aux yeux de ceux qui sont officiellement gentils et intelligents. Et Dieu sait qu’il y en a aux commandes de notre pays ! (NDLR. Il s’agit d’une classification des individus dans laquelle ne rentrent, ni ceux qui sont gentils et bêtes, ou méchants et intelligents, voire bêtes et méchants, comme nous).
La taqiya est un principe islamique tiré d’un passage du Coran (chapitre 16, verset 106) qui autorise le musulman vivant dans un milieu hostile à dissimuler ses croyances, ou à manifester certaines formes
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d’allégeance envers les kouffars ; voire dans certains cas extrêmes, comme la torture, à prononcer des paroles de koufr si on l’exige de lui, car Dieu pardonne ce qui est dit ou accompli sous la contrainte. On est là aux antipodes du fanatisme des premiers martyrs du christianisme qui préféraient mourir (voir crise donatiste du 4e siècle en Afrique du Nord).
Voici ce que dit précisément ce verset du Coran : « Quiconque renie Dieu après avoir cru, sauf celui qui a été contraint de le faire alors que son cœur demeure plein de la sérénité de la croyance, la colère de Dieu sera sur lui » (Coran, 16, 106).
Autrement dit, celui qui est contraint d’en venir à cette extrémité, alors que son cœur demeure plein de la sérénité de la foi musulmane, ne commet pas un péché en reniant ainsi en apparence sa croyance. Ce qui, somme toute, est quand même plus sensé que le goût immodéré du martyre, de certains chrétiens, refusant de prêter serment à l’empereur, ou d’offrir un sacrifice en son honneur (voir Tertullien et notre essai sur le christianisme).
Le verset 28 du chapitre 3 du Coran est souvent considéré comme un autre passage du Coran préconisant la dissimulation envers les non-musulmans ou des hérétiques.
Coran, chapitre 3, verset 28. « Que les croyants ne prennent point pour alliés des infidèles plutôt que des croyants. Ceux qui le feraient ne doivent rien espérer de la part de Dieu, à moins que vous n’ayez à craindre quelque chose de leur part ».
Al-Tabari nous donne la signification de la sourate 3 : 28 dans le Tafsir suivant : « Si vous (les musulmans) êtes sous leur autorité (l’autorité des infidèles), et que vous craignez pour vous-mêmes, faites preuve de loyauté envers eux, en paroles, tout en nourrissant une forte animosité intérieure pour eux… Dieu a interdit aux croyants d’être amis ou intimes avec les infidèles de préférence aux croyants – sauf quand les infidèles ont autorité sur eux. Dans un tel cas de figure, qu’ils agissent amicalement envers eux. »
Un autre érudit musulman de renom, Ibn Kathir a également écrit le commentaire suivant sur la signification de la sourate 3 : 28 : « Ô vous qui croyez ! Ne prenez pas les Juifs et les chrétiens comme des amis, ils ne sont qu’amis les uns des autres. Et quiconque se lie d’amitié avec eux, alors certainement, devient l’un d’entre eux » (Sourate 5 : 51). Dieu a ensuite dit : « À moins que vous craigniez vraiment quelque chose de leur part », c’est-à-dire excepté ceux qui, dans certaines régions ou à certains moments, craignent pour leur sécurité face aux mécréants. Dans ce cas, ces croyants sont autorisés à manifester de l’amitié envers les mécréants extérieurement (mais jamais intérieurement) ».
Abou Ad-Darda a écrit : « Sourions à certaines personnes alors que nos cœurs les maudissent ». Et Al Hassan : « Pratiquer la taqiya est acceptable tant que ne sera pas venu le jour du jugement » (Tafsir d’ Ibn Kathir sur la sourate 3,28).
L’importance fondamentale de la Taqiya dans l’Islam est également reconnue dans une autre source islamique faisant autorité et connue sous le nom d’Al-Taqiyya Fi Al-Islam : « La taqiyya est d’une importance fondamentale dans l’Islam. Pratiquement chaque secte islamique l’accepte et la pratique. Nous pouvons aller jusqu’à dire que la pratique de la taqiya est courante dans l’islam, et que les quelques sectes qui ne la pratiquent pas s’écartent du courant dominant… la taqiya est très répandue en politique, surtout à l’époque moderne ».
À en croire le commandement de Dieu consigné dans la sourate 3 : 28, nous pouvons donc déduire de tout cela que les musulmans sont autorisés à mentir et à agir de manière trompeuse envers les non-musulmans. Et cette conclusion est corroborée par les Tafsirs d’éminents érudits musulmans. Le Coran enseigne qu’il est permis aux musulmans de littéralement nier leur foi afin de se protéger.
Les règles et les limites de la taqiya ont été clairement définies par les fouqaha (les juristes de l’islam). La taqiya telle qu’elle est conçue pose néanmoins toute une série de problèmes du point de vue de la morale.
Abou'Abdoullah al-Qourtoubi (1214-1273) et Mouhyi'd-Din ibn al-Arabi (1165-1240), ont par exemple étendu aux actions elles-mêmes le principe de la taqiya en se fondant sur comportement de Mahomet lui-même à Médine en ce qui concerne notamment de l’assassinat « politique » du malheureux Kaab ibn Achraf (voir notre chapitre du tome trois portant sur le sujet : les intellectuels nommés Abou Afak, Asma Bint Marouane, Ibn Sounaïna et enfin Sallam Abou Rafi).
L’autre assassinat politique de l’époque le plus connu est en effet sans conteste celui de Kaab Ibn Achraf, un des grands poètes arabophones de son temps. Achraf était un homme de la tribu de Taïy, sa mère une Banou Nadir. Il était donc à demi juif. Il désapprouvait en outre l’exécution d’une partie des prisonniers après la bataille de Badr, et adressait des poèmes érotiques ou galants aux femmes de certains des disciples de Mahomet. Car le vrai crime de Kaab fut peut-être d’avoir accompagné quelques-unes de ses satires par des vers taquinant les femmes en question (dont celles de Mahomet ? ??). Les non-musulmans de Yathrib/Médine se délectaient de ses poèmes répandus dans toute la ville. Mahomet ordonna néanmoins son assassinat, mais là aussi de manière détournée, en
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s’exclamant : « Qui donc me délivrera de Kaab Ibn Achraf ? » Le désir exprimé par Mahomet fut reçu comme un ordre par plusieurs musulmans, dont le propre frère de lait du poète.
Ibn Hicham, la vie de Mahomet par A. Guillaume.
Kaab se mit à fulminer contre l’apôtre de Dieu, à réciter des vers où il pleurait les Couraïchites qui avaient été jetés dans le puits après avoir été tués à Badr.
« La meule de Badr a broyé jusqu’au sang ces malheureux […]
Combien d’hommes nobles et beaux, secours des pauvres,
Ont été massacrés, généreux quand les étoiles ne donnaient pas de pluie,
Qui portaient les fardeaux de leurs frères… »
Puis Kaab s’en retourna dans Médine et composa des poèmes érotiques sur des musulmanes. Pour être à la mode et parler comme aujourd’hui en France on dirait que le malheureux harcelait sexuellement les musulmanes dans la rue et ne respectait pas les femmes.
L’épisode, largement développé par Ibn Ichaq, est insoutenable de cruauté d’horreur et de sadisme. Ci-dessous ce qu’en dit Tabari, Histoire des Prophètes et des Rois.
« Le Prophète demanda un jour : « Qui me débarrassera d’Ibn al-Achraf ? »
Muhammad b. Maslamah répondit : « Je vais te débarrasser de lui, O Messager de Dieu, je vais le tuer. »
« Alors, faites-le dit-il, si vous le pouvez ».
Muhammad b. Maslamah repartit et resta trois jours, presque sans boire ni manger. Le Messager de Dieu en entendit parler, le fit venir, et lui demanda : « Pourquoi délaisses-tu nourriture et boisson ? »
« Ô Messager de Dieu, répondit-il, je t’ai promis quelque chose, mais je ne sais pas si je pourrai le faire ou non ».
« Tout ce que je vous demande c’est d’essayer », répondit-il
« O Messager de Dieu," dit-il, nous devrons mentir pour cela ».
« Dites ce que vous voulez » répondit-il « Vous êtes absous d’avance ».
Muhammad B. Maslamah, Silkan B. Salamah B. Ouaqsh, connu sous le nom d’Abou Na'ilah, et le frère adoptif de Ka'b,' Abbad ben Bishr ben Ouaqsh… échafaudèrent un plan pour le tuer… Avant de tous se retrouver chez Ibn al-Ashraf, ils envoyèrent en avant-garde Silkan b Salamah Abou Na'ilah, et ils devisèrent ensemble pendant un moment, en se récitant mutuellement des vers……
Une nuit de pleine lune ils se rendirent tous au pied de la forteresse de Ka'b et Abou Na'ilah le héla.
Il venait de se marier, mais il se couvrit en hâte d’une couverture et se leva. Sa femme en prit un bout et lui cria : « Tu es un soldat, et un homme de guerre ne sort pas de chez lui à une heure comme celle-ci.
Il lui rétorqua : « C’est Abou Na'ilah, s’il m’avait trouvé en train de dormir, il ne m’aurait pas réveillé ».
« Par Dieu » répliqua-t-elle « rien qu’au son de sa voix je sens qu’il a de mauvaises intentions ! »
Ka'b lui répondit : « Même appelé au combat un homme courageux répond ».
Il descendit de sa chambre et ils parlèrent ensemble. Puis ils lui demandèrent : « Veux-tu qu’on aille à Shi'b al-Ajouz, Ibn al-Achraf, afin que nous puissions y passer le reste de la nuit à bavarder ? »
« Si vous voulez » leur répondit-ii.
Ils se mirent alors en route tous ensemble et marchèrent pendant un moment.
Puis Abou Na'ilah passa sa main dans les cheveux de ses temples, la huma et dit : « Je n’ai jamais connu de parfum aussi approprié pour sentir bon que ce soir ».
« Puis il marcha un moment et refit la même chose, de sorte que Ka'b relâcha sa garde. Il marcha encore un moment, et refit la même chose, saisissant alors les cheveux des deux tempes cette fois-ci.
Puis il s’écria : « Maintenant, frappez l’ennemi de Dieu ! »
Leurs épées s’abattirent sur lui, mais en vain.
Muhammad b. Maslamah a déclara plus tard : « Quand j’ai vu que nos épées ne servaient à rien, je me suis souvenu d’un long et mince poignard que j’avais dans mon fourreau, et je l’ai saisi. L’ennemi de Dieu cria si fort que de la lumière s’alluma dans toutes les maisons fortes autour de nous.
J’ai alors plongé le poignard dans sa poitrine si fort qu’il atteignait son bas-ventre, et l’ennemi de Dieu tomba
Al-Harith b. Aous b. Mou'adh avait été blessé à la tête ou à la jambe, touché par une de nos épées. Nous sommes partis en passant par le quartier des Banou Oumayyah b. Zayd et celui des Banou Quraïza……, Comme al-Harith b. Aous traînait derrière nous, en saignant abondamment, alors nous l’attendîmes un moment, et il nous rattrapa en suivant nos pas.
Nous l’avons mené chez le Messager de Dieu à la fin de la nuit. Il était debout en prière, nous l’avons salué, et il est sorti à notre rencontre. Nous lui avons dit que l’ennemi de Dieu avait été tué, il a craché sur la blessure de notre compagnon, et nous sommes rentrés chez nous.
Le lendemain matin, les Juifs étaient tous terrorisés du fait de notre attaque contre l’ennemi de Dieu, et il n’y avait pas un Juif en ville qui ne craignit pour sa vie.
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Le Messager de Dieu dit alors : « Tuez tout juif qui tombera entre vos mains ». Mouhayissah b. Mas'oud tomba sur Ibn Sounaïna, un des marchands juifs qui était en étroite relation avec eux et avait l’habitude de faire du commercer avec eux, et le tua.
Houwayissa b. Mas'oud (son frère) à l’époque n’avait pas encore embrassé l’Islam, c’était le frère aîné de Mouhayissah, et quand (ce dernier) eut tué (le Juif), il se mit à le battre : « Maudit sois-tu, tu l’as vraiment tué, tu t’es pourtant bien engraissé avec ses richesses ».
Mouhayyisah a répliqué : je lui ai dit : « Par Dieu, si celui qui m’a ordonné de le tuer m’avait ordonné de te tuer toi, je t’aurais coupé la tête ».
Et, par Dieu, ce fut le début de l’acceptation de l’Islam par Houwayissa. Il me demanda : « Si Mahomet t’avait ordonné de me tuer, tu l’aurais fait ? » Et j’ai répondu : « Oui, par Dieu, s’il m’avait ordonné de te tuer, je t’aurai coupé la tête ».
« Par Dieu », m’a-t-il répondu, « une religion qui te conduit à ça est en effet une merveille ».
C’est le moins que l’on puisse dire. Ce qui choque dans ce triste fait divers c’est qu’on n’était pas en guerre.
Car il va de soi que tromper l’ennemi pendant une guerre relève du simple bon sens, mais une telle dissimulation pose néanmoins toute une série de dilemmes éthiques. D’après Abou'Abdoullah al-qourtoubi et Mouhyi'd-Din Ibn Al-Arabi, les musulmans ont donc le droit de se comporter comme des infidèles et même pire – par exemple en se prosternant devant des idoles ou des croix et en les adorant, en faisant de faux témoignages et même en révélant à l’ennemi infidèle les faiblesses de leurs frères musulmans – tant qu’ils ne vont pas jusqu’à tuer eux-mêmes personnellement un musulman :
Nous n’approuvons pas le fanatisme des premiers martyrs chrétiens comme Polycarpe de Smyrne ou saintes Perpétue et Félicité de Carthage ; et nous ne faisons pas partie de ceux qui condamnent bêtement le principe musulman de la taqiya, car nous distinguons soigneusement deux situations très différentes dans ce cas : la défense et le prosélytisme.
Toute manœuvre de dissimulation est légitime s’il s’agit de se défendre ou de se préserver, si la vie (et les biens ?) sont vraiment menacés (dans le cas où l’on dirait la vérité). Chez les chiites, la taqiya est d’ailleurs un principe qui les guide en permanence dès qu’ils sont confrontés à quelqu’un qui ne partage pas leurs croyances.
Il pourrait d’ailleurs très bien y avoir une taqiya druidique ou néopaïenne dans de semblables cas, l’héroïsme du martyre (kission) n’étant aucunement exigé de tout un chacun, en cas de persécution religieuse, seulement des combattants volontaires ou des militaires professionnels.
Par contre nous condamnons fermement le recours à la dissimulation appelée taqiya si ni la vie ni les biens du croyant ne sont en cause, quand il s’agit simplement de prosélytisme ou de djihad non militaire. Recourir à une tromperie non de façon défensive, mais de façon active, alors que rien ne menace votre vie ou vos biens, afin de convaincre des incroyants et de faciliter les conversions, est contraire à la Reda c’est-à-dire aux principes de base de toute éthique druidique un tant soit peu cohérente.
* Jean le Damascène (676-749) a jadis qualifié l’islam de 101e secte chrétienne.
** L’abbé Michel Lelong n’est pas l’abbé Zakaria Boutros.
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PÉCHÉS ET PECCADILLES.
Disons-le tout de suite, l’islam est très comparable au christianisme sur un point, l’importance accordée à la Foi plus qu’aux œuvres, même s’il ne faut pas négliger l’importance du ritualisme dans cette religion.
Le péché originel par excellence si l’on peut dire, est le fait de ne pas totalement adhérer au principe du monothéisme absolu dit Taoufik.
L’admission intellectuelle consciente et en toute connaissance de cause d’intermédiaires entre l’homme et l’être supérieur, qualifiée d’associationnisme ou chirk, est, en terres d’Islam, le seul péché réellement impardonnable.
Le Coran condamne les « mécréants » ainsi que les « faux croyants », nommés les « hypocrites », mais pas spécifiquement les agnostiques.
Concrètement, l’histoire de la théologie musulmane est en réalité jalonnée de doutes comme le mou’tazilisme.
Au VIe siècle, Burzoe, ministre du roi sassanide Chosroês Ier, exprime ses doutes concernant la vérité des religions de son époque, soupçonnant leurs enseignements d’être vides de sens, et considérant les croyants comme les victimes d’une illusion.
Cette pensée a influencé très tôt l’Islam, initiant une tradition de libre-pensée et de littérature sceptique qui a conduit au scepticisme des missionnaires ismaéliens, ainsi qu’à celui de Al-Ghazali au XIe – XIIe siècle. Cependant, le doute, en Islam, ne porte pas sur l’existence même de Dieu, mais sur la définition d’une pratique de son culte sur Terre. Si comme le pensent des théologiens de plusieurs religions et quelques philosophes comme Platon ou Plotin le sentiment du dieu unique est inné en la nature humaine, il n’y a pas besoin de preuve de son existence ; les révélations ne concernent alors que les modalités du culte à lui rendre, par gratitude d’abord, et accessoirement pour obtenir une éventuelle rédemption dans la vie éternelle.
Toutefois, il reste possible que, dans la recherche intellectuelle de Dieu, le doute quant à son existence même soit temporairement toléré par l’islam (soit dans le cadre de la pensée spéculative, soit dans un moment de désarroi), mais la condition reste d’aboutir, finalement, au monothéisme définitif, et donc la reconnaissance soumise à Dieu par le biais des enseignements attribués à Mahomet son prophète. De ce fait, ce sont plus particulièrement l’athéisme et l’agnosticisme définitif par principe, l’athéisme dit « fort » c’est-à-dire le refus inébranlable de reconnaître Dieu, qui sont absolument condamnés.
Telles sont les nuances que l’on retrouve dans les débats de haut niveau mais il suffit de voir les visages haineux de certains musulmans pakistanais manifestant contre ce qu’ils appellent un blasphème pour se rendre compte que sur le terrain en pays d’Islam on est loin de ces débats académiques.
Cela tient aux conditions d’émergence propres à l’Islam. Si Mahomet comme Jésus avait vécu en milieu monothéiste, il n’aurait pas réagi ainsi. Mais voilà, pour le plus grand malheur du monde il est né dans une famille polythéiste et s’est donc posé en s’opposant, à l’extrême vu son caractère personnel, à ce type de partage de la sphère des forces qui dépassent l’homme (tout en admettant
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djinns anges et démons néanmoins pour répondre à l’éternel constat du mal dans la création d’un dieu tout puissant et tout de bonté).
Concrètement, cette idée a néanmoins été reprise par les théologiens musulmans rationalistes (il y en a eu, les mou’tazilites par exemple) sous la forme d’un « agnosticisme religieux », qui affirme l’existence d’un fossé infranchissable entre Dieu et sa création qu’il transcende, rendant impossible toute prédiction ou connaissance à son sujet. En cela, ils rejoignent partiellement l’agnosticisme fort ou de principe qui préconise de délaisser totalement les réflexions sur le divin. Cet agnosticisme partiel, en rappelant les limites conceptuelles humaines, s’accorde sur ce point avec les religions dites de la révélation. En effet, la révélation ne se définit pas comme un phénomène objectif librement observable par tous, mais comme une « confidence » divine seulement adressée à une minorité très restreinte d’humains ayant la chance d’être élus pour recevoir des révélations inaccessibles humainement, par la grâce de Dieu. Hors de la révélation, personne n’a le droit dans cette optique d’affirmer – a fortiori imposer – quelque interprétation que ce soit concernant des questionnements dépassant en principe l’entendement humain ; de sorte que l’on ne peut rien attendre de l’analyse scientifique et rationnelle de ces sujets (agnosticisme de principe).
Note des enfants de Pierre de La Crau. En réalité notre père hésitait entre athéisme (vis-à-vis du Dieu d’Abraham d’Isaac et de Jacob) agnosticisme fort et panthéisme. C’était son triangle des Bermudes personnel.
Les sept péchés capitaux selon l’islam d’aujourd’hui maintenant (énoncés par Mahomet dans un hadith) sont les suivants.
1 Le polythéisme et l’idolâtrie.
2 La magie.
3 Le meurtre d’un musulman.
4 Le refus de mener la guerre sainte au nom de Dieu.
5 La spoliation des orphelins.
6 L’usure.
7 La calomnie à l’encontre des femmes mariées.
N.B. À cause de l’accusation d’adultère portée contre Aïcha, l’épouse favorite de Mahomet. Quatre-vingts coups de fouet, quasiment autant que l’adultère lui-même, qui en vaut cent.
Sur l’écologie, le réchauffement climatique, la disparition des espèces animales, la conquête de l’espace, le problème des sources d’énergie dans le monde, les manipulations génétiques, l’explosion démographique, les maladies nouvelles ; et tant d’autres problèmes cruciaux pour l’avenir de notre planète et de l’Humanité par contre, RIEN !
Mais détaillons un peu tout ceci.
Les oulémas distinguent grands péchés (kaba’ir, qui généralement ne sont effacés que par le repentir) et petits péchés (sagha’ir, qui sont aussi pardonnés par l’accomplissement de bonnes œuvres).
Le recensement des grands péchés demeure un sujet de désaccord entre théologiens (certains en dénombrent sept, d’autres soixante-dix). Mais l’opinion la plus admise est que tout péché pour lequel un châtiment (ici-bas ou dans l’au-delà) aura été mentionné explicitement dans le Coran ou les hadiths constitue un grand péché. Il est ainsi généralement admis que les péchés kaba’ir sont : le meurtre, le vol, la fornication, la fausse accusation de fornication (il faut quatre témoins oculaires), la consommation d’alcool ou de nourriture impure (porc) ; et la fuite devant une armée d’ennemis lors d’une guerre.
Mais le premier de ces péchés, le plus grave, et qui est en quelque sorte un péché mortel, est d’abord et avant tout le péché qualifié de « koufr », qui consiste à croire en des choses situées aux antipodes du « credo » musulman ou taouhid. Cas par exemple aujourd’hui aussi bien de nos amis de la Wicca que de nos frères indiens. Ou Hindous.
Avec le chirk, on touche à l’inexpiable : cette faute est la plus grave qui se puisse imaginer selon le Coran.
Il commande de verser le sang, le meurtre étant la punition des infidèles coupables du péché le plus grave : « Tuez-les où que vous les rencontriez ; chassez-les d’où ils vous ont chassés : la fitna (dissidence) associer à Dieu d’autres entités surnaturelles est plus grave que le meurtre » (Chapitre 2, 191). « Dieu ne pardonne pas qu’on lui donne un associé. Il pardonne à qui lui plaît quand il s’agit d’un péché moins grave, mais quiconque donne à Dieu un associé commet un énorme péché » (chapitre 4, 48). Les « associateurs » sont (avec les juifs) « les ennemis les plus acharnés des croyants » (chapitre 5, 82).
Il existe trois types de taouhid et donc trois façons de le violer, chacune constituant, néanmoins, un péché mortel.
Le Taouhid Ar-Rouboubiya (l’unicité de la seigneurie ou de la gestion des événements).
Le Taouhid Al-Oulouhiya (l’unicité dans l’adoration).
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Le Taouhid Al-Asma oua-s-sifat (l’unicité des noms et attributs).
Dans l’usage coranique, l’homme à qui le message d’un prophète qui lui était destiné sera parvenu, et qui a choisi de ne pas y donner suite, est dit « kâfir » autrement dit « celui qui est dans le koufr ». Le Coran utilise le terme de « koufr » aussi bien à propos du fait de ne pas reconnaître l’unicité de l’Être supérieur, qu’à propos du fait de reconnaître son unicité ; mais pas le caractère prophétique d’un de ses envoyés : voir Coran 4,150-151, 3, 32. Depuis l’époque de Mahomet donc, est considéré comme « kâfir » ou « dans le koufr » tout homme qui a eu connaissance de son message, mais a choisi de ne pas y adhérer ; (soit parce qu’il n’a pas été convaincu de sa véracité, soit parce que, bien que convaincu au fond de lui-même, il a, pour une raison ou une autre, refusé de le reconnaître et d’y adhérer).
« Kooufr » est un terme dont le sens étymologique est « voiler » ce qui désigne tout simplement le fait de ne pas être musulman. Soit on est musulman et alors on a les croyances que Dieu agrée ; soit on n’est pas musulman, et on est « kâfir ».
C’est pourquoi le Coran utilise ces termes « kufr » et « kâfir » aussi bien à propos des polythéistes (« mouchrikoun ») que des Gens du Livre (« ahl oul-kitab ») : voir Coran 2, 105 ; 98, 6. Ces termes s’appliquent également aux athées (« dahriyoun »).
La catégorie « gens du Livre » désigne les juifs et les chrétiens non trinitaires, ceux qui considèrent Jésus seulement comme un prophète (ou comme le Messie). Pour ce qui est des chrétiens croyant à la Trinité (le Père, le Fils, et le Saint-Esprit), les avis des docteurs de la Loi musulmans divergent. Pour certains ils ne font pas partie des Gens du Livre, pour d’autres si (en fonction de leur degré de conscience).
Au sein du « kufr », il y a en effet des degrés différents : il y a « des voiles plus épais que d’autres » : « koufr aghlaz min koufr ». Il y a des « koufr » qui ont de plus nombreux points en commun avec l' « iman » c’est-à-dire avec la vraie croyance, que d’autres.
Lorsqu’ils étaient encore à La Mecque et que la guerre faisait rage en Asie Mineure entre les Byzantins d’Héraclius et les Perses de Chosroês II, Mahomet ainsi que ses Compagnons souhaitaient la victoire des Byzantins chrétiens sur les Perses ; alors que les Mecquois païens, eux, souhaitaient l’inverse. Ibn Abbas précise que cela était dû au fait que les Perses étaient, comme les Mecquois, polythéistes (rapporté par at-Tirmizi, nº 3193, voir aussi nº 3194).
Ibn Taïmiyia conclut : celui qui adhère à une religion du Livre (« ahl al-kitab ») est plus proche de la vérité que celui qui est polythéiste (« al-mouchrikin »). Et celui qui est polythéiste (« al-mouchrik billah ») est plus proche de la vérité que celui qui est athée (« al-mouattil al-Djahid »).
À propos des Gens du Livre, Ar-Razi écrit pour sa part que le « koufr » des chrétiens trinitaires est plus épais (« aghlaz ») que celui des juifs. Ces derniers divergent à propos de la reconnaissance de Jésus et de Mahomet comme prophètes de Dieu, et les premiers divergent à propos de la reconnaissance de Mahomet, certes, mais aussi de la conception même du monothéisme. Cependant, souligne ar-Razi, les chrétiens ont de grandes qualités de cœur, notamment un certain détachement par rapport à ce monde et un dévouement pour autrui qu’ils appellent : « charité » ; ce qui, d’une façon différente, rejoint ce que Dieu agrée pour les hommes, et qu’il a rappelé dans son message.
Un chrétien ayant eu connaissance du message de Mahomet en son temps, mais ayant choisi en son âme et conscience de ne pas y adhérer, est « kâfir » (même s’il est unitarien et non adepte de la notion de Sainte-Trinité) ; c’est-à-dire qu’il s’est voilé la face par rapport à la croyance que Dieu agrée. Les chrétiens non unitariens font acte de chirk akbar, c’est-à-dire qu’ils associent clairement d’autres divinités à l’Être supérieur qu’est Dieu, comme l’a dit le verset coranique évoqué (9, 31).
Et les chrétiens qui pratiquent le culte des saints pratiquent effectivement une forme de chirk comparable à celle des païens polythéistes (« ces saints doivent intercéder pour les pécheurs auprès de Dieu »). Ils ne peuvent relier cette invocation des saints au monothéisme pur, qu’en faisant une subtile distinction entre « culte de latrie » – réservé à Dieu – et « culte de dulie » – pouvant être pratiqué vis-à-vis des saints.
Le fait est que les chrétiens sont demeurés très attachés à la croyance en certains messagers de Dieu – tels qu’Abraham, Moïse et Jésus – et à des Écritures dont une partie importante est d’origine divine ; fait contrepoids à leurs actes de chirk, et ils sont donc considérés comme Gens du Livre, non comme polythéistes, par un grand nombre de docteurs de la Loi musulmans. Ibn Taïmiya : il n’y a pas, dans la religion originelle des Gens du Livre, de chirk), mais les chrétiens y ont introduit du chirk. Le prophète n’a pas dit des Gens du Livre qu’ils étaient « polythéistes » (« mouchrik »), mais a seulement dit qu’ils avaient associé d’autres divinités à l’Être supérieur (« chirk »), en employant pour cela un verbe. Ils ne sont donc pas sur les positions du pur monothéisme, mais ne sont pas non plus semblables aux polythéistes qui adorent les idoles et traitent de menteurs (tous) les envoyés de Dieu.
Le fait d’associer d’autres divinités à l’Être supérieur chez les philosophes arabes païens.
Ibn oul-Qayim : « Les idolâtres arabes reconnaissaient l’unicité divine en ce qui concerne la gestion des événements (« taouhid ar-rouboubiya ») et l’idée que Dieu est le seul créateur de ce monde ; ils disaient que s’ils adoraient des entités distinctes de son être, c’était pour qu’elles les rapprochent de Lui ». « Ils ne
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sont jamais allés jusqu’à dire qu’il y avait deux créateurs du monde, l’un du bien l’autre du mal, comme les zoroastriens ».
Le fait d’associer d’autres divinités à l’Être supérieur chez les zoroastriens justement.
Il y a une différence entre les zoroastriens et les chrétiens s’adonnant au culte des saints. Les chrétiens pratiquent un chirk semblable à celui des polythéistes arabes d’avant la venue de l’islam, tandis que les zoroastriens, eux, pratiquent une forme de chirk plus grave encore. Ils croient en deux divinités créatrices et gérant, toutes deux au même niveau, les affaires de l’univers : non pas seulement Ahoura Mazda, mais aussi Ahriman. Leur attachement à un Livre d’origine céleste n’est pas suffisant pour faire que, à l’instar des chrétiens, ils soient, malgré la présence de chirk akbar, considérés comme Gens du Livre. De plus, il semble que leurs Écritures n’aient pu être préservées à un niveau de fidélité semblable à celles des chrétiens. Si les zoroastriens ont, eux aussi, des Écritures, ils ont un trop fort « penchant » pour le polythéisme.
Tout cela fait donc que, à cause du fait qu’ils sont attachés à un Livre, dont une partie est d’origine céleste, les zoroastriens ont quand même été, dans un des versets du Coran, distingués des polythéistes : Coran 22,17 ; mais, d’un autre côté, à cause du fait que leur chirk est encore plus profond que celui des Arabes païens, ils ne sont pas non plus inclus dans la catégorie des Gens du Livre.
Le petit djihad, en islam, est la Guerre Sainte contre les « infidèles », et aussi, plus largement, l’effort collectif fait par les musulmans pour faire triompher les préceptes de leur religion.
Le djihad est une obligation pour tout bon musulman. Pour être honnête, reconnaissons néanmoins que les théologiens musulmans ont très rapidement distingué deux types d’obligation quant au djihad.
Le djihad obligatoire pour la collectivité prise dans son ensemble et pas forcément pour l’individu. Concerne la diffusion de l’islam dans le monde. Fard kifaya.
Le djihad obligatoire pour les individus. En cas de guerre défensive. Fard aïn.
« O Prophète ! Lutte contre les infidèles et les hypocrites, et sois dur avec eux, leur demeure sera l’enfer » (Saint Coran (66, 9).
« Allez-y légèrement ou lourdement armé, et pour la cause de Dieu payez de votre personne et de vos biens c’est mieux pour vous » (Saint Coran (9,41).
Ces versets, ces chapitres, existent, et ils sont répétés des centaines de millions de fois : chaque fois qu’un enfant apprend le Coran par cœur.
Des pans entiers du Coran sont rédigés pour inciter les hommes au combat, et tous les moyens sont bons pour cela : terreur du Jugement dernier et de l’enfer, perspective de butin, faveur divine, etc.
L’effort déployé donne la mesure du peu d’envie de combattre des Arabes bédouins ou « hypocrites ».
Chapitre 2, verset 216 : « Le combat vous est prescrit alors qu’il vous est désagréable. Or, il se peut que vous ayez de l’aversion pour une chose alors que c’est un bien. Et il se peut que vous aimiez une chose alors qu’elle est mauvaise. Dieu seul sait tout cela, vous, vous ne savez pas ! »
De très nombreux versets du Coran prescrivent aux musulmans de combattre les infidèles, jusqu’à ce qu’ils paient le tribut (la djizya) prévu pour les chrétiens et les juifs, et ce, après avoir été publiquement humiliés ; jusqu’à ce qu’ils se convertissent, s’en aillent, ou soient tous tués, pour les autres, ceux qui associent d’autres entités à l’Être supérieur, ou qui versent dans le matérialisme athée.
Chapitre 9, verset 29 : « Combattez ceux qui ne croient ni en Dieu, ni au Jour du jugement dernier, qui ne déclarent pas illicite ce que Dieu et son envoyé ont déclaré illicite, qui ne pratiquent point la religion de Vérité. Pour ce qui est des gens du Livre, combattez-les jusqu’à ce qu’ils paient le tribut [la djizya] après avoir été humiliés ». Ce verset, et plusieurs autres, sont ceux auxquels se réfèrent les imams, lorsqu’ils jugent venu le moment d’appeler leurs fidèles à la Guerre sainte. Ci-dessous quelques autres extraits de ces versets guerriers.
Chapitre 2, versets 191 à 193 : « Tuez-les où que vous les rencontriez ; chassez-les d’où ils vous ont chassés : la fitna (sédition contre Dieu) est plus grave que le meurtre. Mais ne les combattez pas près de la Mosquée sacrée, à moins qu’ils n’aient commencé les premiers. S’ils vous y combattent, tuez-les donc. C’est tout ce que méritent les mécréants. S’ils cessent, sachez alors que Dieu est celui qui pardonne, il est miséricordieux ».
Chapitre 9, verset 123 : « Ô vous qui croyez ! Combattez ceux des mécréants qui sont près de vous ; soyez durs envers eux. Et sachez que Dieu est avec ceux qui le craignent ».
Ces versets sont à méditer par tous ceux qui s’imaginent que seuls quelques fanatiques mènent le combat contre les « infidèles ». Non seulement ces hommes ne sont pas des fanatiques, mais ce sont au contraire de bons musulmans, puisqu’ils suivent les préceptes de leur religion ; en outre, ils savent entraîner derrière eux ceux des musulmans qui paraissent modérés : le Coran le leur ordonne.
La société musulmane est une société guerrière, où la caste des soldats (accessible à tous) est privilégiée. Le Coran glorifie les guerriers qui luttent « dans le sentier de Dieu », c’est-à-dire les armes à la main pour répandre l’islam. Par exception au principe que les musulmans ne sont que des frères (chapitre 49, verset 10) ces guerriers de Dieu sont supérieurs à ceux qui ne combattent pas.
Chapitre 4, versets 95 et 96 : « Les croyants qui s’abstiennent de combattre (à part ceux qui sont infirmes) et ceux qui combattent dans le chemin de Dieu avec leurs biens et leurs personnes ne sont pas égaux ! Dieu préfère ceux qui combattent avec leurs biens et leurs personnes à ceux qui s’abstiennent de combattre. Dieu a promis à tous d’excellentes choses, mais Dieu préfère les combattants aux non-
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combattants et il leur réserve une récompense sans limites, il les élève auprès de lui de plusieurs degrés en leur accordant pardon et miséricorde ».
La nécessité de n’obéir qu’aux prescriptions de Dieu et en aucune façon à un pouvoir autre (sauf s’il se conforme à la Charia, et veille lui-même à son application) réside dans la notion même d’islam. Étymologiquement parlant celui-ci signifie en effet « soumission » (à Dieu).
Pour l’islam, le monde se divise donc en deux : le Dar al-islam et le Dar al-Harb.
Le Dar al-islam est le « territoire de l’islam ». Il correspond à toutes les parties du monde où le pouvoir politique appartient à des musulmans. Le Dar al-Harb est le « territoire de la guerre ». Il correspond à tout le reste, c’est-à-dire à toutes les contrées où le pouvoir politique n’appartient pas à des musulmans (même si des musulmans y vivent).
Le fait déterminant pour distinguer le Dar al-islam du Dar al-Harb n’est pas la présence majoritaire ou non des musulmans, mais la question de savoir s’ils détiennent le pouvoir politique ou non. Même s’ils sont 1 % de la population, on est en Dar al-islam si ce 1 % a le pouvoir ; même s’ils sont 80 % de la population, on est en Dar al-Harb s’ils n’ont pas le pouvoir politique.
Précisons, pour finir sur cette distinction entre Dar al-islam et Dar al-Harb, qu’il existe une modalité particulière de ce dernier : le Dar al-sulh. Le Dar al-sulh (territoire de trêve) est un sous-ensemble du Dar al-Harb (territoire de la guerre).
Si pour l’islam le monde se divise entre Dar al-islam et Dar al-Harb, socialement parlant et comme avec la notion juive de peuple élu (juifs et non-juifs ou goïm) il se divise entre deux catégories d’hommes ; les musulmans et les autres, les « infidèles ».
L’ensemble des musulmans du monde forme l’Oumma, la grande communauté, censée être supérieure à toutes les autres : chapitre 3, verset 110 : « Vous êtes la meilleure communauté que l’on ait faite pour les hommes ».
Parmi les croyants, il ne doit en principe être fait aucune distinction : « Les croyants ne sont que des frères » (Chapitre 49, verset 10). En revanche, parmi les infidèles, ainsi que nous l’avons vu, l’islam fait une fondamentale distinction entre les « Gens du Livre » et les « Associateurs ».
Les gens du Livre sont les infidèles qui croient en une révélation divine – autre que l’islam – contenue dans un livre. Autrement dit les chrétiens et les juifs (éventuellement aussi les zoroastriens).
Les Associateurs sont ceux qui raccrochent à l’Être supérieur qu’est Dieu d’autres entités : ce sont donc les hénothéistes ou les polythéistes, bref les païens. Les athées eux-mêmes y sont assimilés, faute de mieux.
Pour l’islam, ces hénothéistes polythéistes ou athées sont encore plus dans le péché que les Gens du Livre, car ces derniers sont monolâtres, comme les musulmans. Le fait d’associer à Dieu d’autres entités constitue le pire péché qui soit pour l’islam, il est mortel par définition.
Le sort des athées ou des païens (bouddhistes, hindouistes, shintoïstes, et autres) est donc, soit la conversion à l’islam, soit l’expulsion, soit la mort. Au reste, le Coran a prévu un châtiment particulier pour ceux qui, en plus, se seraient opposés à l’islam : chapitre 5, verset 33. « La récompense de ceux qui font la guerre à Dieu et à son messager, et qui s’efforcent de semer la corruption sur la terre ; c’est qu’ils soient tués, ou crucifiés, ou que soient coupées leur main et leur jambe opposée, ou qu’ils soient expulsés du pays. Ce sera pour eux l’ignominie dès ici-bas ; et dans l’au-delà, il y aura pour eux un terrible châtiment ».
L’islam n’est pas une spiritualité fondée sur la coexistence pacifique des religions (comme le paganisme philosophique ou réfléchi de type dieu des philosophes d’Occident) ou ayant pour but de l’organiser (comma la laïcité), car son but est que (le plus rapidement possible) il n’y ait qu’un seul culte rendu à la divinité (une oumma un dar al islam un commandeur des croyants puis la charia seule *).
Ainsi que nous avons pu le voir, la guerre sainte y est un devoir et un moyen normal de propagation du message divin. C’est ce qui se dégage de l’étude des textes mêmes de l’islam (Coran hadith sira), donc de sa vraie nature. Ce ne sont pas les musulmans que l’on nomme islamistes (taliban et autres d’Al Quaïda ou Daesh) et que l’on présente comme des extrémistes, qui pervertissent le message de l’islam ; car ce sont en fait tout simplement de vrais musulmans qui appliquent ledit message à la lettre. Les orthodoxes (c’est-à-dire ceux qui sont dans la « droite ligne » du message de Dieu) ce sont eux, et ce sont les musulmans dits modérés qui pratiquent mal leur religion.
Tous ceux qui connaissent bien les textes mêmes de l’islam savent que la violence et le fanatisme viennent directement de ses textes sacrés (Coran, Sunna, Sira) et non de la folie des islamistes ; qui se contentent de suivre ce qu’ils croient être la parole de Dieu et qu’ils martèlent autour d’eux ; si bien que ceux des musulmans qui veulent rester humains ne peuvent l’être qu’en entrant peu ou prou en contradiction avec nombre des préceptes impératifs, et très clairs, de leur religion, autrement dit en reniant une partie de celle-ci.
Certaines personnes et notamment certains journalistes comme ceux de la chaîne de télévision franco-allemande ARTE fondent leur chimérique espoir d’un islam modéré sur la possibilité d’une autre interprétation des textes du Coran et des hadiths de la Sunna. Mais leur espoir est vain pour deux raisons.
La première est que l’on ne peut interpréter de cent manières différentes un texte fort clair en soi.
Lorsque le Coran prévoit en toutes lettres qu’un mari doit battre sa femme qui refuse de lui obéir (« les hommes ont autorité sur les femmes en vertu de la préférence que Dieu leur a donnée sur elles, et à cause des dépenses qu’ils font pour assurer leur entretien. Admonestez celles dont vous craignez l’infidélité ; enfermez-les dans des chambres à part, et frappez-les ». Chapitre 4, verset 34) ou qu’il faut couper la main
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du voleur (« coupez les mains du voleur et de la voleuse », chapitre 5, verset 38) ; de quelque manière que l’on tourne ces versets, on ne peut leur faire dire le contraire de ce qui est clairement stipulé dans leur texte.
Et l’on peut encore moins, naturellement, changer ces textes, les réformer, puisqu’ils sont censés être la parole de Dieu. Or nul homme ne peut prétendre juger mieux que Dieu de ce qui est juste. Le faire serait d’ailleurs, pour les musulmans, commettre un horrible blasphème. Lorsque quelque part dans le monde, des musulmans modérés entrent en conflit avec des musulmans durs, ce sont toujours ces derniers qui au final l’emportent. D’une part parce qu’ils se montrent les plus agressifs, mais aussi et surtout, d’autre part, parce qu’ils ont pour eux la légitimité des textes non abrogés du Coran et de la Sunna ; grâce à laquelle ils ne peuvent qu’emporter l’adhésion de la majorité des populations qui voit toujours dans ces textes la parole de Dieu (ce qu’elle n’est pourtant pas !)
Seconde raison enfin ! La réaction ou absence de réaction de la rue musulmane en terres d’islam… Il suffit de voir pour en être persuadé, la réaction spontanée de nombre de musulmans le soir du 11 septembre 2001. Il suffit de voir également, passées ces premières réactions spontanées, l’absence de condamnation formelle de ces attentats meurtriers par la majorité des musulmans ; et même les tentatives d’excuses et de justification de ces actes barbares au nom d’une prétendue culpabilité des États-Unis.
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Note de la rédaction. Un ami musulman a insisté pour nous faire insérer ici son point de vue sur le sujet. Par respect pour sa naïveté, nous y accédons.
Il est nécessaire pour les musulmans de ne pas se tromper dans la désignation des idées auxquelles ils ont à faire face. À l’instar des compagnons du Prophète à La Mecque, ils doivent raisonner en termes, d’une part, de proximité de croyances et de valeurs, et, d’autre part, de plus grande amitié des uns ou des autres à leur égard.
Il faut raisonner en termes de « plus ou moins grande proximité de croyances ». Ainsi, lorsque des gens dont les parents et les grands-parents étaient musulmans deviennent chrétiens parce qu’ils manquent de connaissances par rapport aux critiques des missionnaires ; il s’agit bien, du point de vue musulman, d’un abandon de l' « iman » ou vraie foi, pour le « koufr ». Nous ne pouvons pas empêcher ces gens d’agir ainsi, mais cela nous attriste terriblement. Par contre, lorsque des gens dont les parents et les grands-parents étaient chrétiens – et croyaient en Dieu, même en admettant les notions d’Incarnation et de Trinité – deviennent athées ; c’est quitter un « koufr » pour un « koufr aghlaz minh » autrement dit un koufr encore pire.
Lequel des deux a des croyances plus proches de l’islam : l’adepte du christianisme, même post nicéen, ou l’adepte de l’athéisme matérialiste ? En tant que musulmans, nous nous attristons de voir qu’une partie conséquente des populations d’Occident est en train d’abandonner graduellement le christianisme – y compris et surtout au niveau de la croyance en Dieu et en un jugement dernier après la mort – pour tomber dans l’agnosticisme ou l’athéisme.
Il fut un temps où le Prophète (que la paix soit avec lui) fit une trêve avec les polythéistes de La Mecque qui n’eurent désormais plus la possibilité morale de l’attaquer. La trêve signée, le Prophète put aller régler le problème des juifs de Khaïbar, dont les habitants, pourtant Gens du Livre, lui avaient résisté un an auparavant, et ne semblaient pas être sur le point de s’arrêter, bien au contraire.
Note de la rédaction. À propos de ce problème juif, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Notre ami français en l’occurrence, est tout simplement, du moins, nous semble-t-il, en train de parler du pogrom antisémite effectué contre les juifs de cette région, et des actes de barbarie qui s’en sont ensuivis. Fin de la note de la rédaction.
Ici le Prophète signe une trêve avec ceux qui n’ont plus la possibilité de le combattre, mais sont polythéistes ; là il part en guerre contre ceux qui n’arrêtent pas de lui résister bien que faisant partie des Gens du Livre.
Nous pouvons établir un autre parallèle avec notre situation d’aujourd’hui. Si, au niveau des croyances, le christianisme est plus proche de la foi musulmane que l’athéisme, il arrive que certains polythéistes, voire même certains athées, soient plus proches, mais cette fois au niveau des relations avec les musulmans, que certains chrétiens. Le fait est que certains d’entre ces derniers sont malheureusement animés d’un véritable esprit de croisade, tandis qu’il existe des polythéistes qui n’ont aucun sentiment de haine particulier vis-à-vis de l’islam (j’en connais personnellement plusieurs). Il est aussi des athées qui n’ont rien contre l’islam et qui disent : « L’islam est une religion en laquelle certains humains croient toujours ; parce qu’ils n’ont pas encore su s’en débarrasser, comme nous l’avons fait par rapport au christianisme. Libre à eux de continuer dans cette voie : à eux leurs croyances, à nous notre non-croyance. Et tant pis pour eux : ils ne savent pas ce qu’ils perdent ».
Dans certains pays, il vaut d’ailleurs mieux, pour des musulmans, être voisins d’athées de ce genre – qui considèrent l’islam comme un fait purement sociologique et anthropologique, mais ont des rapports humains amicaux avec les musulmans — ; que de gens affiliés à des groupuscules intégristes chrétiens, qui clament haut et fort que Mahomet fut un Antéchrist, et que l’éradication de l’islam doit être une priorité absolue.
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* Cette disparition du pouvoir politique remplacé par le seul règne de la Loi (religieuse) est ce qui différencie l’islam des autres dictatures, religieuses de type un dieu un peuple une terre, ou politiques de type nazisme ou socialisme dans un seul pays (Staline).
L’APOSTASIE DANS L’ISLAM.
Autrement dit le fait de choisir une autre religion OU DE NE PLUS CROIRE.
Un bien « grand mot » pour parler de la liberté religieuse c’est-à-dire de suivre la religion de son choix, après en avoir éventuellement changé, comme l’ont Abraham et Moïse dans les divers mythes les mettant en scène.
Oui, car Abraham Moïse et Mahomet ont bien commencé par abandonner la religion de leurs pères, non ?
Le point de vue de la tradition musulmane est simple. Dieu nous a ordonné d’être musulmans et nul ne devient musulman par hasard. Pour devenir musulman il faut prononcer la chahada en toute connaissance de cause.
L’apostasie en terre d’islam (arabe : riddah, ou irtidad, recul, régression, retour en arrière) est communément définie comme le fait pour un musulman d’abandonner consciemment l’islam que ce soit au travers de ses paroles ou de ses actes. Cela comprend l’acte de conversion à une autre religion ou le fait de devenir athée ou agnostique.
La règle générale est la suivante.
Toute croyance, tout acte ou toute parole qui équivaut à se moquer de Dieu, des Livres révélés par Dieu, des Prophètes envoyés par Dieu, des anges de Dieu, des rites ou des symboles de l’Islam, la religion agréée par Dieu (comme le pèlerinage ou les mosquées), de la promesse de Dieu (du Paradis) ou de sa menace (du châtiment de l’enfer) est de la mécréance.
Exemple d’apostasie par la croyance.
L’apostasie par la croyance c’est par exemple… :
— Croire que Dieu est impuissant ou ignorant,
— Croire que Dieu est un corps, une lumière ou une âme.
— Croire que consommer de l’alcool est autorisé par Dieu ou que le vol est autorisé par Dieu.
— Croire que Dieu n’a pas rendu obligatoires les 5 prières, le jeûne du mois de Ramadan, la zakat ou le pèlerinage.
Contredire l’Islam par les actes. Certains actes en effet font sortir de l’Islam.
Par exemple brûler le Coran ou jeter des feuilles de théologie musulmane délibérément.
Contredire l’Islam par une parole
Par exemple nier l’existence de Dieu.
Le mot arabe pour « apostat » est mourtadd, qui désigne celui qui tourne le dos à l’islam. Les mots irtidad et ridda désignent tous deux l’apostasie. Ridda semble surtout utilisé pour définir l’apostasie qui transforme la foi musulmane en incroyance (koufr en arabe) tandis qu’irtidad renvoie au passage de l’islam à une autre religion. Une personne née de parents musulmans, mais qui, plus tard, abandonne l’islam, est appelée mourtadd fitri – le terme fitri voulant dire naturel, mais aussi instinctif, congénital, natal, inné. Celui qui se convertit à l’islam, mais qui l’abandonne par la suite est un mourtadd milli, du mot milla qui désigne la communauté religieuse. Le mourtadd fitri peut être également considéré comme quelqu’un d’anormal, de dénaturé, qui renverse le cours naturel des choses, et dont l’apostasie constitue un acte volontaire et obstiné de trahison envers Dieu et les vrais croyants ; ainsi
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qu’une désertion perfide de la communauté. Le mourtadd milli quant à lui est un traître à la communauté musulmane, qui se rend coupable d’un acte de sécession aussi brutal que violent. Tout démenti apporté à quelque principe que ce soit des croyances musulmanes est considéré comme une apostasie en puissance.
Selon la doctrine juridique classique, l’apostasie de l’Islam comprend non seulement la renonciation explicite à la foi islamique (que ce soit pour une autre religion ou n’importe quelle forme d’irréligiosité : déisme, agnosticisme, athéisme, antithéisme, etc.), mais aussi tout acte ou toute parole qui implique la mécréance, comme le fait de nier un « principe ou une croyance fondamentale » de l’islam. Les jurisconsultes musulmans n’ont pas formulé de règles générales pour établir la mécréance, mais ont plutôt dressé des listes, parfois longues, de paroles et d’actes qui relèvent, selon eux, de l’apostasie. N.B. Les règles relatives à l’apostasie ne concernent pas bien sûr les personnes qui ont été contraintes de prononcer des paroles ou d’effectuer des actes de mécréance pour préserver leurs vies (taqiyyah ou kitman = pas de crise des lapsi en Islam).
Si l’islam prône et encourage les conversions… à l’islam, il n’en va pas du tout de même en sens inverse.
La conversion à une autre religion est aussi grave que le péché majeur aux yeux de l’islam, qu’est l’incroyance ou le chirk (paganisme), même quand on se convertit à une des religions officiellement reconnues par le pacte de dhimmitude comme le judaïsme le christianisme le zoroastrisme le sabéisme de type mandéen, cela équivaut en terres d’islam (Dar al Islam) à revenir au paganisme diabolique et pervers, originel. Dit autrement, le musulman converti à une de ces religions du livre ne bénéficie d’aucune des garanties même uniquement théoriques du statut de dhimmi. Son appartenance à la catégorie d’hommes ou de femmes ayant le droit de vivre en terres d’Islam N’EST PAS RECONNUE (ce serait trop facile).
Les trois cas d’exécution d’un musulman.
La vie des musulmans vaut plus que celle des infidèles. C’est pourquoi le meurtre des musulmans est interdit par plusieurs prescriptions particulières issues du Coran.
Chapitre 4, verset 93. « Celui qui tue volontairement un croyant aura la Géhenne pour rétribution… Dieu le maudit, il lui a préparé un terrible châtiment ».
Du Coran et de la Sounna, c’est-à-dire de la vie de Mahomet, rapportée sous forme de courts récits (les hadiths) ; dont il faut rappeler une fois de plus ici que leur valeur juridique est aussi élevée, pour les musulmans, que celle d’un verset du Coran, dès lors qu’ils sont considérés comme authentiques. En voici quelques-uns à ce sujet.
« Si toutes les créatures de la terre et des cieux s’unissaient pour tuer un croyant, Dieu les enverrait tous en Enfer » Hadith rapporté par Tirmizi, Diyat 8, 1398).
« Dieu admet plus facilement la disparition de tout l’univers, que la mort d’un seul musulman » (Hadith rapporté par Muslim).
« Aux yeux de Dieu, tuer un croyant est pire que la fin du monde » (Hadith rapporté par Nassaï).
Cette interdiction est levée, bien sûr, dans les trois cas où la charia prévoit la peine de mort, même pour un musulman.
1) La loi du Talion. Si un musulman a commis un meurtre, on doit lui appliquer la loi du talion (œil pour œil, dent pour dent) et donc le tuer (chapitre 2, verset 179). Cette exécution pourra être mise en œuvre par un membre de la famille de la victime (chapitre 17, verset 33). Et c’est d’ailleurs précisément ce que des images plusieurs fois diffusées sur les chaînes de télévision au mois de septembre 2001 ont montré. L’égorgement par un membre de la famille de la victime, et sous l’égide des talibans, d’un Afghan ayant commis un meurtre. Encore une fois, on voit là que les talibans, loin de déformer le message de l’islam, l’appliquent au contraire à la lettre.
2) L’adultère. Un homme ou une femme ayant commis de façon certaine l’adultère subit comme châtiment, la mort. (La simple fornication, ou débauche sexuelle est aussi lourdement punie : « Frappez la débauchée ainsi que le débauché, de cent coups de fouet chacun, n’ayez aucune indulgence envers eux. Et qu’un groupe de croyants soit témoins de leur châtiment » (chapitre 24, verset 2).
3) Enfin l’apostasie comme nous venons de le voir. Un musulman n’a pas le droit de sortir de l’islam. Le reniement de sa religion par un musulman (apostasie) est puni de mort. C’est pour cette raison que sont menacés d’exécution à tout moment des hommes comme Salman Rushdie (l’auteur du livre intitulé « Les versets sataniques », jugé blasphématoire par des musulmans) ; ou comme le Pakistanais Ibn Ouarraq, auteur de « Pourquoi je ne suis plus musulman ».
Ces trois cas d’exécution de musulmans résultent autant du Coran que de la Sunna, au travers de plusieurs hadiths comme celui-ci. « Il n’est pas licite de répandre le sang d’un musulman ; sauf dans l’un de ces trois cas : une personne mariée qui commet l’adultère, une vie humaine pour une vie
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humaine, et celui qui abandonne sa religion en se séparant de la Communauté » (hadith rapporté par Boukhari et Muslim).
BASES SCRIPTURAIRES.
Dans le Coran
Plusieurs versets parlent de l’apostasie, et bien que condamnée moralement, aucune sanction terrestre n’est préconisée.
Coran chapitre 2, verset 256 : « Pas de contrainte en religion… ». Cette citation est devenue aujourd’hui la plus célèbre du Coran, puisque très médiatisée, dans la presse, à la radio, à la télévision [même le pape Benoît XVI a cité ce verset, dans son fameux discours de Ratisbonne, le 12 septembre 2006].
Comment comprendre cette fameuse formule sur la contrainte en religion, puisque tant de versets coraniques appellent à contrainte en matière religieuse ?
Chapitre 9, verset 29. « Tuez ceux qui ne croient pas en Dieu ni au Dernier Jour [ça, c’est pour les athées, francs-maçons et libres penseurs], et qui n’interdisent pas ce que Dieu et Son Apôtre [Mahomet] ont interdit [ça, c’est pour tous ceux qui notamment consomment du vin et mangent de la viande de porc], et quiconque ne pratique pas la religion de la vérité [c’est-à-dire l’islam, selon le Coran], parmi ceux qui ont reçu le Livre [ça, ce sont les juifs et les chrétiens] jusqu’à ce qu’ils aient payé le tribut de leurs (propres) mains en ayant été humiliés ».
Chapitre 2, verset 193. « Combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de sédition [fitna] et que le culte de Dieu soit rétabli ».
Les musulmans qui rabâchent sans cesse ce verset « Pas de contrainte en religion… » afin de prouver que l’islam est tolérant sont soit des islamistes pratiquant la taqiya, soit des idiots utiles de l’islam, car le verset en question est abrogé par ceux qui suivent.
Coran chapitre 4.
Verset 89.
Ils souhaitent tant vous voir perdre votre foi comme ils l’ont eux-mêmes perdue, afin que vous soyez tous semblables. N’établissez donc pas de liens avec eux, tant qu’ils ne se seront pas engagés résolument dans la voie de Dieu. Mais s’ils se détournent (apostasient), saisissez-les et tuez-les où que vous les trouviez !
Verset 90.
À l’exception de ceux qui rejoignent un clan avec lequel vous avez conclu un pacte, ou ceux qui viennent à vous, le cœur meurtri, ne sachant s’ils doivent combattre contre vous dans ce cas ou contre leur propre clan. Or, si Dieu l’avait voulu, Il les aurait poussés contre vous et ils vous auraient attaqués. Si, donc, ces gens-là se tiennent à l’écart, et au lieu de vous attaquer vous offrent la paix, Dieu ne vous donne plus aucun droit de les inquiéter.
Le Coran prévoit donc des exceptions à la règle générale de la peine de mort pour les apostats, mais il est malgré tout très loin de respirer l’amour et la tolérance à leur égard. L’enfer, donc les pires souffrances éternelles, leur est promis, et le ton à leur égard est extrêmement dur.
Chapitre 2, verset 217. Ils t’interrogent aussi sur le mois sacré, s’il y est permis de combattre. Réponds-leur : « Certes, combattre en ce mois est un vrai sacrilège ! Mais détourner les gens de la voie de Dieu, renier Dieu, éloigner les fidèles de la Mosquée sacrée, chasser de son enceinte ceux qui l’habitent est un sacrilège bien plus grave encore auprès de Dieu, car la sédition [fitna] est plus grave que la guerre ». Les infidèles ne cesseront de vous combattre tant qu’ils ne vous auront pas détournés de votre foi, si toutefois ils réussissent à le faire. Or, ceux d’entre vous qui renieront leur foi et mourront en état d’infidélité perdront à jamais le bénéfice de leurs œuvres dans cette vie et dans la vie future, et seront voués au châtiment du Feu.
Chapitre 3, verset 90. Mais pour ceux qui, après avoir cru, renient leur foi et se complaisent dans leur impiété, jamais leur repentir ne sera en l’occurrence accepté. Ce sont ceux-là les vrais égarés.
Chapitre 4, verset 137. Ceux qui, après avoir cru, renient leur foi, puis la retrouvent pour la perdre à nouveau et s’enfermer dans l’impiété, Dieu ne leur pardonnera jamais ni ne les remettra dans la bonne voie.
Chapitre 16, verset 106. Quiconque renie Dieu après avoir cru – à moins d’y être contraint tout en demeurant fidèle intérieurement à sa foi – ainsi que ceux qui ouvrent délibérément leur cœur à l’impiété, ceux-là, la colère de Dieu s’abattra sur eux et ils seront voués à un terrible châtiment.
Diverses sourates évoquent donc l’apostasie, mais sans mentionner de sanction en ce monde.
Par contre il n’en va pas de même pour les hadiths.
De nombreux hadiths demandent ou impliquent la peine de mort.
Sahih Muslim Livre 28, hadith 34.
Le livre des serrments, Mouharbin, Qasas (vengeance) et Diyat (prix du sang).
Chapitre : quand est-il permis de verser le sang d’un musulman.
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Abdoullah (b. Massoud) a rapporté que le Messager de Dieu avait dit : « Il n’est pas permis d’ôter la vie à un musulman qui atteste qu’il n’y a pas d’autre dieu qu’Allah, et que je suis le Messager d’Allah, sauf dans un des trois cas suivants : l’adultère d’une personne mariée, une vie pour une vie, et le déserteur de sa Din (religion), abandonnant sa communauté.
Sahih de Boukhari tome 9, livre 83, hadith numéro 17.
D’après Abdoullah. L’apôtre de Dieu a dit : « Le sang d’un musulman qui confesse que nul n’a le droit d’être adoré sauf Dieu et que je suis son apôtre, ne peut être versé que dans trois cas : en cas de meurtre, pour une personne mariée qui a des rapports sexuels illégaux et pour celui qui délaisse l’Islam (apostasie) et laisse musulmans ».
Sahih de Boukhari tome 9, livre 84, hadith numéro 57.
D’après Ikrima : Certains Zanadiqa (athées) ont été traînés devant Ali qui les a fait brûler. Ibn Abbas en fut informé, mais il s’exclama « Si j’avais été à sa place, je ne les aurais pas brûlés, puisque l’apôtre de Dieu a dit : « n’inflige à personne le châtiment de Dieu ». Je les aurais tués conformément à la déclaration de l’apôtre de Dieu, « Celui qui abandonne la religion musulmane tue-le ».
Sahih de Boukhari tome 6, livre 61, hadith numéro 577.
D’après Ali. J’ai entendu le prophète dire : « À la fin des temps apparaîtront de jeunes gens aux idées folles. Ils parleront bien, mais ils sortiront de l’islam comme une flèche dévie de sa trajectoire, leur foi ne dépassera pas leur gorge. Ainsi, partout là où vous les trouvez, tuez-les, il y aura une récompense pour ceux qui les tueront au jour de la résurrection ».
Fiqh de l’apostasie
Toutes les Écoles juridiques musulmanes considèrent que l’apostasie doit être punie de la peine de mort en se basant sur les hadiths réputés authentiques de Boukhari, car ceux-ci offrent un avis de droit parfaitement clair sur la peine précise, contrairement au Coran, qui énumère surtout les raisons de haïr les apostats.
La seule différence notable entre ces Écoles réside dans le statut du crime en question. La plupart lui donnent le statut de hadd, c’est-à-dire de crime contre Dieu, ce qui rend sa peine absolument indiscutable (la mort), tandis que les écoles chiite et hanafite ne lui donnent pas ce statut, elles souhaitent moduler la peine. Ces deux Écoles disent ainsi notamment que les femmes ne doivent pas être exécutées, mais emprisonnées puis battues régulièrement (à l’heure de chaque prière chez les chiites, tous les trois jours chez les hanafites) jusqu’à qu’elles se repentent et redeviennent musulmanes ou en meurent. Tout est dans la nuance.
Sanctions civiles
En Islam, l’apostasie a traditionnellement été considérée à la fois comme un crime d’ordre religieux et d’ordre civil ; la peine pour le premier inclut la peine capitale ou la prison, tandis que le second est passible de sanctions civiles. Par conséquent, dans tous les madhahib de l’islam :
— Les biens de l’apostat sont saisis et distribués à ses parents musulmans.
Dans le cas où toute la famille aurait apostasié ou s’il n’y avait pas de parents musulmans survivants reconnus par la charia, les biens de l’apostat seront saisis par l’État islamique.
— Le mariage de l’apostat est annulé (faskh).
— Les enfants lui sont retirés et deviennent pupilles de l’État (islamique).
Notes manuscrites de Pierre de La Crau retrouvées par ses enfants et insérées par eux à cet endroit.
La notion d’apostasie a disparu du monde occidental, où l’on peut parfaitement évoquer au grand jour l’idée de renoncer aux croyances chrétiennes ou devenir un chrétien non pratiquant. Et bien évidemment, il n’existe pas de sanctions pénales à l’encontre des personnes désireuses d’embrasser une autre religion.
Dans les pays islamiques, par contre, la conséquence de cette revendication frôle la mort pure et simple.
Al-Chafi, fondateur de l’une des quatre Écoles orthodoxes de la Loi dans l’islam sunnite, interprète le chapitre Nº 2, verset 217 du Coran comme une recommandation de la peine de mort à l’encontre des apostats.
« Ceux qui, parmi vous, s’écartent de leur religion et qui meurent incroyants : voilà ceux dont les actions seront vaines en ce monde et dans la vie future ; voilà ceux qui finiront en Enfer ; ils y brûleront éternellement ». Al-Thalabi et al-Khazan tombent d’accord à ce propos et, dans son commentaire sur ce point, Al-Razi affirme aussi que l’apostat doit être mis à mort.
L’islam, comme toutes les législations de toutes les civilisations avant lui, a interdit le meurtre. Chapitre 5, verset 32 : « Si quelqu’un tue un homme non coupable de meurtre ni de corruption, ce sera comme s’il avait tué tous les hommes ».
Ce verset fait partie de ceux qui sont souvent cités par ceux qui veulent rassurer les Occidentaux, en présentant l’islam comme moins violent qu’il ne l’est réellement. Après les attentats du 11 septembre 2001, un imam a même fait inscrire ce verset en grosses lettres sur le devant de sa mosquée.
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Cependant, ces imams qui veulent rassurer omettent toujours soigneusement de préciser deux choses.
Tout d’abord, ils citent volontiers le verset 32 ci-dessus, mais jamais le verset qui vient juste après, le verset 33 de ce même chapitre Nº 5. « Voici la récompense de ceux qui font la guerre à Dieu et à son messager, qui s’efforcent de semer la corruption sur la terre ; ils seront tués ou crucifiés ou bien leur main droite et leur pied gauche seront coupés, ou bien ils seront expulsés du pays ».
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, l’écrasante majorité des fouqaha sunnites et chiites s’accordaient à dire que l’apostasie était un crime, un péché et un acte de trahison passible de la peine de mort, généralement après une période d’attente pour permettre à l’apostat de se repentir et de retourner à l’islam.
En 2014, les lois de divers pays à majorité musulmane prescrivaient toujours pour l’apostat (arabe mourtadd) des peines allant de l’emprisonnement à l’exécution. Dans certains pays, les tribunaux de la charia se servent du Code civil pour dissoudre le mariage de l’apostat et le priver de ses droits à la garde des enfants (en) ou à l’héritage. Ces dernières années, trois États internationalement reconnus ont exécuté quatre personnes pour apostasie de l’islam : le Soudan en 1985, l’Iran en 1989 et 1998 et l’Arabie saoudite en 1992. En 2013, l’apostasie de l’islam était couverte par les lois pénales de 23 pays à majorité musulmane. Selon un sondage du Pew Resarci Center, mené entre 2008 et 2012, la proportion de musulmans soutenant la peine capitale pour l’apostat allait de 0,4 % au Kazakhstan à 78,2 % en Afghanistan.
LES GUERRES DE LA RIDDAH.
Ridda signifie rejet, mais reste à savoir ce que rejetaient ceux qui firent l’objet des guerres dites de ridda racontées dans la littérature des expéditions (al-Assouâd al-Ansî, Talîha ibn Khouwaïli, Moussaïlima al-kadhdhâb et la prophétesse Sadjah).
Commençons tout d’abord par être clairs.
Les seules régions vraiment plus ou moins musulmanes à la mort de Mahomet étaient les villes de Médine, La Mecque et Taef. En gros le Hedjaz ou côte nord-ouest de la péninsule arabique.
Les autres régions d’Arabie n’avaient fait que conclure avec Mahomet des accords d’alliance ou de soumission, et il ne s’était donc agi pour elles que de politique.
Bon nombre de Bédouins avaient signé ces accords contraints par un rapport de force largement favorable aux musulmans.
D’autres avaient signé pour des raisons économiques.
D’autres parce qu’ils étaient fascinés la puissance musulmane.
D’autres parce qu’ils avaient tout simplement suivi leur chef.
Le paiement de l’aumône musulmane obligatoire, la zakat, semble avoir joué un rôle.
Deux mots de chacun maintenant.et du déroulement des opérations.
Al Assouad al Ansi (630) dans le sud (Yémen). D’après la Tradition musulmane, al-Assouad n’était qu’un devin (kahin), prétendant parler au nom d’Allah ou d’al-Rahman et pratiquant la prestidigitation. Il s’agit là de données tendancieuses, sans doute développées tardivement par les théologiens musulmans, comme nous le verrons. Selon toute vraisemblance, le monothéisme d’al-Assouad était d’inspiration juive. Au Yémen, le polythéisme, rejeté officiellement depuis près de deux siècles et demi, n’avait plus qu’une place très marginale, et les sources indiquent explicitement qu’al-Assouad agissait au nom du Dieu unique.
W. Montgomery Watt observe à juste titre que son monothéisme dérive probablement du Christianisme ou du Judaïsme existant au Yémen, et non de l’Islam, car on n’a jamais dit qu’il était devenu musulman.
Toulaïha (630) dans le sud. La Tradition donne deux images difficilement conciliables du personnage. D’un côté, elle présente Toulaïha comme un grand chef tribal, avec toutes les qualités requises, chef de guerre courageux, devin (kahin), poète, orateur, compositeur de prose rimée et érudit en généalogie. D’un autre, elle stigmatise l’opposant à Mahomet en le présentant comme un opportuniste et un imitateur ridicule. Dans ce registre, la conversion de Toulaïha à l’islam en 9 de l’ère hégirienne (631) paraît fort douteuse. Elle rappelle celle, encore plus invraisemblable, de Moussaïlima. Il s’agit de montrer que le faux prophète, quand il rencontre Mahomet ne peut que s’incliner devant la vraie foi, mais qu’il est doublement pervers, puisque, désormais éclairé, il persiste dans l’erreur. On peut supposer que le portrait flatteur et les anecdotes favorables viennent de traditions transmises et diffusées par la famille et la tribu de Toulaïha, tandis que les attaques ont pour origine des adversaires politiques et religieux.
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Deux indices donnent à penser que la doctrine de Toulaïha s’inspirait davantage du judaïsme que du christianisme. Toulaïha recevait ses révélations de Dhou-Noun, « l’(Homme) à la baleine », un surnom de Jonas.
Le deuxième indice est qu’on lui décernait parfois le titre « Seigneur de Khaïbar », importante oasis juive du Hedjaz septentrional.
N.B. Les partisans de Toulaïha n’étaient pas nécessairement mus par des considérations religieuses. Une source indique qu’ils cherchaient avant tout à ne plus payer l’impôt à l’État musulman.
Rappelons tout d’abord qu’il y avait des chrétiens dans la région. Un poème de Labid ben Rabia y mentionne des simandres, des sortes de xylophones pour appeler les fidèles à la prière, ce qui implique donc la présence dans la région d’établissements chrétiens. Le roi de la région Haoudha b. Ali était en outre lui aussi vraisemblablement chrétien. Le prince Haoudha b. Ali étant mort en 630 Moussaïlima lui succède et devient donc alors chef de la tribu des Hanifa.
De quand datait sa vocation ?
Plusieurs éléments donnent à penser que la carrière de Moussaïlima a débuté avant celle de Mahomet.
Il y a tout d’abord le fait que plusieurs traditions le font vivre très vieux. Une tradition un peu tirée par les cheveux affirme même que Moussaïlima a adopté le nom de Rahman avant la naissance du père de Muhammad, « Abdallah ».
Que d’autres signalent qu’il faisait déjà l’objet de controverses avant même l’émigration de Mahomet à Yathrib/Médine. Mahomet à La Mecque fut en effet accusé par certains de ses opposants de s’inspirer d’un homme de la Yamama appelé al-Rahman.
Al Baghaoui, Tafsir sourate 25, verset 60.
(Et quand on leur dit) aux gens de La Mecque (Prosternez-vous devant le Tout Miséricordieux) soumettez-vous au Tout Miséricordieux en professant l’unicité divine, de Dieu (ils disent : « Qui est donc ce Tout Miséricordieux ?) nous ne connaissons personne de ce nom à part Moussaïlima le menteur ?
Les Mecquois envoyèrent alors une délégation aux juifs de Yathrib pour en savoir plus sur lui et si l’on en croit le livre intitulé Thimar al-qouloub d’Abd al Malik b. Muhammad al-Tha’alibi, « Quand le prophète arriva à Médine, il trouva les gens parlant de Moussaïlima, citant ses paroles et se référant à ce que les Banou Hanifa disaient de lui » (page 146 n° 207).
Les révélations des prophètes rivaux de Mahomet ne nous ont pas été conservées, à l’exception de quelques fragments attribués à Moussaïlima.
Il se moquait d’ailleurs dans son Coran à lui de l’invraisemblable chapitre dit de l’éléphant (sourate 105), si l’on en croit divers auteurs.
« L’éléphant, qu’est-ce qu’un éléphant, qui peut te dire ce qu’est un éléphant ?
Il a une pauvre queue, et une longue trompe, c’est une partie insignifiante de la création de ton Dieu ».
Ibn Kathir mentionne un autre verset de Moussaïlima, présenté comme étant une réplique chapitre 103 du Coran (même schéma métrique) : O daman des rochers (ouabr) O daman des rochers, tu n’es que deux oreilles et un tronc, et le reste de ton corps creuse et fouit.
N.B. On peut douter de l’objectivité de l’information vu le contexte.
Ce que l’on a pu sauvegarder des fragments du Coran de Moussaïlima nous montre néanmoins qu’outre la prose bien entendu il recourait lui aussi beaucoup et tout comme le Coran de la période mecquoise de son concurrent Mahomet aux versets de type sadj’ des kahana (devins) ou des shou’ara (poètes : singulier sha’ir).
Il invoque les prodiges de l’univers, le soleil ; les ténèbres de la nuit ; les phénomènes météorologiques : la pluie – les animaux familiers, effrayants ou étranges, le loup ; le bouquetin ; le bélier et la brebis ; l’éléphant ; – les fruits et les plantes les plus remarquables, les grenades ; le raisin ; le basilic ; les plantes amères ; – les matières précieuses, l’argent ; le verre ; l’or ; la soie ; – les merveilles de l’humanité : la femme enceinte.
Pour ce qui est de l’idéal de vie, disons que Moussaïlima essayait de fonder une société idéale assez rigoureuse au point de vue des mœurs (pas de vin, plus de relations sexuelles après la naissance d’un garçon).
Christian ROBIN. Moussaïlima tente de créer une communauté idéale, installée dans un espace jouissant de protections divines particulières (haram). Il y installe de petites collectivités rurales nommées « hameaux des alliés ».
Le but est d’éradiquer l’iniquité et de protéger le faible et l’opprimé. Les traditionnistes musulmans se plaisent à souligner l’échec du projet.
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Moussaïlima contraint de rechercher des alliés engagea des négociations avec Sadjah, Sadjah se fait prier en déclarant que Dieu n’a jamais accordé la prophétie à Rabia (dont dépendent les Banou Hanifa, la tribu de Moussaïlima), mais seulement à Mudar (à savoir la confédération tribale à laquelle se rattachent Tamim et Couraïchites, les tribus de Sadjah et de Mahomet). Elle accepte finalement, quand Moussaïlima lui offre en outre la récolte d’une année de la Yamama.
Les fidèles de Rahman écrasèrent deux armées de combattants d’Allah avant d’être à leur tour vaincus, mais non anéantis lors de la bataille de l’enclos ou haram d’Ar Rahman en 632 (hadiqa al maout en arabe).
Sadjah enfin dans le nord. La prophétesse des Tamim, grande confédération tribale dont le territoire s’étend à quelques centaines de kilomètres au nord d’al-Hajr (aujourd’hui al-Riyad) dont l’activité se déploie surtout parmi les tribus christianisantes d’Arabie du Nord-Est, originaire par sa mère de la tribu la plus christianisée d’Arabie, celle des Taghlib. Elle est donc chrétienne ou, pour le moins, bien informée sur le christianisme. Sadjah aura une carrière plutôt brève. Elle apparaît peu après la mort de Mahomet en 11 de l’ère hégirienne (632–633), à la tête d’une coalition tribale qui veut attaquer Médine. La bataille qui est engagée à la suite d’une révélation se termine par un désastre. Elle décide alors de rejoindre Moussaïlima. Une source rapporte que les deux prophètes reconnaissent la légitimité de leurs missions respectives et décident de réunir leurs partisans et leurs intérêts temporels en scellant leur accord par un mariage symbolique.
ESCHATOLOGIE INDIVIDUELLE ET COLLECTIVE.
Bases scripturaires le Coran.
Chapitre 35, verset 33.
Chapitre 36, verset 56.
Chapitre 37, verset 42, 48.
Chapitre 38, verset 51.
Chapitre 47, verset 15.
Chapitre 55, verset 52, 56, 68, 70, 72, 74.
Chapitre 56, verset 11-38
Chapitre 78, verset 33.
Etc. Etc. Etc.
Ces chapitres du Coran dessinent les contours d’une doctrine simpliste. Le Coran décrit en effet de façon très détaillée le paradis et les plaisirs qui attendent les croyants (du moins les hommes).
En cela ils sont très semblables aux contes et légendes celtiques sur l’autre-monde (aucun mystère là-dedans, sinon une commune nature humaine) étant donné que ce qui nous est resté de cette immense littérature orale ce sont les légendes destinées aux nobles et aux guerriers. Les paysans et les druides devaient avoir leurs propres légendes à ce sujet ; mais les druides étaient une infime minorité, qui plus est vaincue par le christianisme, et les paysans sans importance sociale. Ne sont donc parvenues jusqu’à nous que les légendes concernant le paradis des guerriers. Ce qui nous ramène à l’Islam.
Chaque bienheureux aura en récompense « des houris que ni homme ni djinn n’ont jamais touchées avant lui » (chapitre 55, 72-74).
Le texte sacré s’étend également sur « le feu de la Géhenne » qui attend les non-croyants (chapitre 35, 36).
Là les druides étaient moins catégoriques.
Scolies bernoises commentant la Pharsale de Lucain.
Hermann Usener. Scholia in Lucani bellum civile/Commenta Bernensia. Liber I (1869).
451 « Les druides nient que les âmes puissent périr
[Driadae negant interire animas]
OU ALLER EN ENFER »
[aut contagione inferorum adfici] et
454 « Ils ne disent pas que les Mânes existent
[Manes esse, non dicunt].
Pour le reste les musulmans, comme les chrétiens, admettent un jugement particulier et un jugement général.
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LE PREMIER JUGEMENT DE L’ÂME.
Aussitôt après qu’une personne adulte a été étendue dans le sépulcre, que la fosse a été couverte et fermée, et que le peuple qui a assisté à l’inhumation s’est retiré, l’âme, séparée du corps, y rentre et le ranime. Il vient deux anges, l’un noir, l’autre bleu ; appelés Mounkir et Nékir, qui interrogent le défunt sur sa foi, et lui demandent quel est son seigneur, son prophète, sa religion, sa qibla, les bonnes œuvres qu’il a faites, etc.
Si le défunt répond d’une manière satisfaisante, il reçoit aussitôt l’assurance de la béatitude éternelle, et son âme entre en jouissance des prémices de la félicité ; sinon, des anges noirs lui annoncent sa damnation éternelle, et le frappent sans cesse avec des massues ardentes.
Le résultat de cet interrogatoire est consigné dans un livre qui sera reproduit au Jugement général.
LE JUGEMENT DERNIER.
Ce dernier aura lieu quelque part au pays de Sham (Syrie). L’ange Gabriel tiendra une balance réelle et véritable, dont les plateaux seront plus larges que la superficie des cieux ; les œuvres des humains y seront pesées par la puissance de Dieu, et avec une telle précision, que la balance fera connaître jusqu’aux atomes, afin qu’il puisse s’ensuivre une connaissance précise et une parfaite justice. Le livre des bonnes œuvres sera déposé sur le plateau de la lumière, plus brillant que les étoiles et le livre des mauvaises actions jeté sur le plateau des ténèbres, qui est d’un aspect horrible ; le fléau de la balance montrera instantanément lequel des deux l’emporte et à quel point. Après cet examen de la balance, tous les corps iront passer sur un pont jeté au-dessus du feu éternel, dont la largeur est plus étroite que le cheveu le plus fin, et le tablier plus aigu que le fil d’un rasoir ; il est impossible d’y tenir sans le secours de la main toute-puissante de Dieu.
Les infidèles et les méchants y trembleront dès le premier pas, et tomberont ainsi dans l’enfer ; mais Dieu affermira le pied des et ils traverseront ce pont avec la rapidité de l’oiseau qui fend les airs et entreront au paradis.
Il y a aussi des musulmans qui disent qu’à la fin des temps Dieu partagera les humains non pas en deux groupes, mais en trois : les bons, les méchants et les faibles, c’est-à-dire ceux qui auront hésité entre le bien et le mal ; que Dieu ne demandera aucun compte aux bons ; et qu’il les recevra sans examen dans le séjour céleste ; que pour les faibles ; il comptera avec eux bénignement et miséricordieusement ; mais que pour les méchants, il exigera un compte exhaustif et rigoureux de leurs iniquités.
Leurs livres enseignent que le principal sujet sur lequel rouleront les questions sera la foi et de la révélation.
Dieu interrogera les fidèles à propos de leurs prophètes, c’est-à-dire sur la vérité de leur mission et sur la nature de leur doctrine.
Il interrogera les infidèles sur leurs infidélités, et leur demandera pourquoi ils ont accusé de mensonge ses envoyés.
Il interrogera les hérétiques sur la succession de leurs maîtres spirituels et sur la tradition, leur reprochant d’avoir rejeté les véritables successeurs du prophète et le vrai sens de la révélation.
Ils ajoutent que ceux-là seuls qui auront vécu dans la vraie religion (c’est-à-dire l’Islam) seront interrogés, sur leurs œuvres.
L’opinion commune est que Dieu prononcera lui-même la sentence. Il y a pourtant des auteurs musulmans qui pensent que ce serait faire injure à la bonté de Dieu de croire qu’il puisse condamner à l’enfer de sa propre bouche ; que Dieu n’enverra personne aux enfers, mais que l’enfer attirera et engloutira de lui-même ses proies.
Une opinion très commune chez les musulmans est aussi de croire que Mahomet interviendra en qualité d’intercesseur pour tous les peuples qui auront embrassé sa doctrine, soit afin de leur obtenir le paradis ou une plus grande gloire dans l’éternité, soit afin d’adoucir et de faire abréger les tourments de ceux qui auront mal vécu.
Les Iraniens étant chiites associent à ce rôle d’intercesseur Ali et les autres imams issus de sa lignée, ils intercéderont notamment pour les chiites évidemment. Ils assurent même que l’intervention de Fatima, fille unique de Mahomet et épouse d’Ali, sera très efficace ce jour-là. Dans un ouvrage chiite (Les séances de Haïdari 1845), elle est souvent appelée la Reine du jugement dernier.
NDLR. Ce qui fait beaucoup penser au christianisme. Le thème du pont de Chinvat qui est une métaphore d’origine zoroastrienne se retrouve même également dans certaines visions irlandaises médiévales (Fis Adamnaïn ou Vision d’Adomnan).
Comme quoi les idées sur l’au-delà et les dieux n’ont pas attendu le monde moderne pour circuler. Cette eschatologie est donc commune aux trois religions de masse révélées : toutes, elles tendent à la fin de ce monde et à la certitude de l’arrivée d’un nouveau. À l’évidence, même si ce dogme, essentiel et incontournable, est aujourd’hui abordé loin du grand public, il n’a pas pour autant disparu.
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Des trois, l’islam est la religion plus touchée par cette folie, l’exemple récent de l’État islamique qui a sévi en Irak et en Syrie dans la deuxième décennie du 21e siècle en est la preuve. Ses écrits regorgent de descriptions apocalyptiques rédigées pour impressionner, surtout les esprits les plus faibles.
La fin des temps.
Mahomet, Coran 81, 1-4, 12-14.
Quand le soleil sera obscurci,
Quand les étoiles seront ternies,
Quand les montagnes se seront mises en marche,
Quand les chamelles pleines de dix mois seront négligées,
Quand la fournaise sera préparée,
Quand le paradis se sera rapproché,
Toute âme saura ce qu’elle devra présenter.
Le jugement dernier.
Mahomet, Coran 80, 33-42.
Et quand viendra le fracas,
Le jour où l’homme fuira son frère,
Sa mère son père,
Sa compagne et ses fils ;
Alors à chaque homme suffira ce qui le concerne,
Certains visages seront rayonnants,
Souriants et joyeux,
Tandis que d’autres seront couverts de poussière,
Et recouverts de ténèbres.
ENFER PARADIS ET LIMBES OU PURGATOIRE (AL ARAF).
L’éternel binôme Paradis/Enfer. Les textes musulmans sont prodigues en représentation de ces deux milieux proposés aux hommes (et aux djinns). L’influence là encore est juive et surtout chrétienne, mais adaptée à un public arabe, vivant dans un milieu désertique. Mahomet a usé de toutes les ressources de son imaginaire et de son talent pour construire les représentations les plus complètes et efficaces possibles de ces deux milieux antithétiques. Les descriptions, mentions ou allusions en sont innombrables. Ici, le public visé apparemment est fondamentalement masculin, si l’on considère les délices qui sont promis aux heureux élus. Il est aussi et surtout constitué de guerriers aussi crédules que zélés dans leur ouvrage. Toute la rhétorique de l’enfer s’est construite autour de l’image du feu, et celle du paradis, autour de l’élément liquide, et déploie donc à partir de là une vaste gamme d’atrocités ou de voluptés. L’effet en est d’autant plus puissant sur l’auditoire. La distinction binaire entre élus et damnés reste récurrente, mécanique, mais terriblement efficace.
Une autre croyance, issue du millénarisme judéo-chrétien de type messianiste puisque le judaïsme orthodoxe n’avait rien de tel 1) est en effet passée dans l’islam : le paradis qui attend les élus après leur mort est conçu à l’image de la société terrestre, parfaite après la victoire des Justes. Les plaisirs de la table promis par les judéo-chrétiens dans leur paradis deviennent dans l’islam des fleuves de lait, de miel, de vin ou d’eau pure, ainsi que des fruits délicieux. Quant aux plaisirs de la chair, ils sont abondamment détaillés.
Les religieux musulmans, en Occident, mais non en terres d’islam, disent qu’il faut entendre ces descriptions au sens métaphorique. Si c’était le cas, pourquoi un tel luxe de détails sensuels ?
Chaque musulman est pourvu d’une ou plusieurs houris (jusqu’à 70 pour les plus méritants). Chaque houri est amoureuse de celui auquel elle est attribuée, elles ont toutes le même âge pour qu’aucun musulman ne soit jaloux d’un autre et elles sont toutes adolescentes, ou sont pourvues de gros seins (suivant les traductions). Elles sont cloîtrées sous leur tente pour qu’aucune n’ait la tentation de regarder un autre musulman que celui auquel elle est attribuée. De toute façon, la houri d’un musulman n’en regarde jamais un autre. Elle passe sa vie éternelle couchée sur un lit pour que le musulman qui entre sous sa tente puisse plus vite passer à l’action. (Certains traducteurs traduisent siège au lieu de lit, par pudeur. En fait, il s’agit d’un lit. Un siège serait d’ailleurs malcommode pour l’activité de la houri). Avant d’être attribuée à un musulman, elle n’a été touchée ni par un homme ni par un djinn. Elle est perpétuellement vierge, pour que le musulman ait le plaisir de la déflorer chaque fois.
Ces versets sont écrits dans un langage particulièrement difficile à comprendre, et de plus les premiers Corans étaient en scriptio defectiva, une écriture si primitive que son seul usage était de servir d’aide-mémoire à ceux qui connaissaient déjà le texte par cœur. Pour ceux qui ne le
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connaissent pas, cette écriture est le plus souvent indéchiffrable. Le déchiffrement de ces versets a été proposé plus de deux cents ans après la mort de Mahomet, par des grammairiens qui en ignoraient le sens, et qui ont fait des conjectures. La conception hypersexualisée présentée ci-dessus est celle qui a droit de cité dans tout le Dar al islam (en pays musulman). Le consensus étant un critère de vérité dans cette religion, une telle conception a force de loi.
D’autres textes zoroastriens ressemblent aussi à ceux de l’islam en ce qui concerne leur idée du Paradis.
Un des fragments du Zend-Avesta, intitulé le Hadhokht Nask, nous décrit par exemple le destin d’une âme/esprit après la mort.
L’âme/esprit du Juste passe trois nuits près du cadavre et à la fin de la troisième nuit, l’âme/esprit voit sa composante proprement âme (daena) sous la forme d’une splendide demoiselle, une ravissante jeune vierge de quinze ans. Elle a été transfigurée en récompense de ses bonnes actions. Ensuite ils vont tous deux au ciel. Cette vision ressemble à l’histoire hindoue des Apsarasas, qui sont décrites comme de « séduisantes nymphes célestes habitant le paradis d’Indra » et qui souvent servent de danseuses aux dieu-ou-démons, mais qui accueillent également l’âme/esprit dans les cieux. Elles sont au paradis d’Indra les récompenses offertes aux héros qui sont tombés à la bataille.
Certains récits hindous évoquent également la conception musulmane du paradis, avec ses scènes pittoresques et voluptueuses de houris ou de vierges, qui ont tant scandalisé les premiers commentateurs chrétiens. Au Paradis, ces jeunes filles sont offertes aux guerriers qui ont péri en combattant pour l’islam.
De nombreux termes utilisés dans le Coran pour décrire le Paradis sont d’ailleurs clairement d’origine perse : ibriq, aiguière, pot à eau ; ara’ik, lit ou divan. Le mot arabe « houri » vierge vient peut-être aussi du persan « hour », blancheur, utilisé de façon métaphorique pour désigner une beauté à la peau très claire. [Voir aussi tout ce que nous avons écrit sur la conception celtique du Vindomagos dans notre essai sur le druidisme, et notamment sur l’équation : blanc = beau, mais ce n’est pas à nous, barbares druides d’Occident, de trancher].
Le spécialiste allemand Christophe Luxenberg en fait un mot syriaque signifiant « raison » ce qui est beaucoup moins excitant.
On trouve dans des textes pahlavi que chaque recoin du Paradis ressemble à un jardin au printemps dans lequel il y aurait toutes sortes de fleurs et d’arbres. Cela nous rappelle la vision musulmane du Jardin des délices (chapitre 56, 12-39 ; 76, 12-22 ; 55, 46, et suivants). « Mais pour ceux qui craignent le Seigneur, il y a deux jardins [?] plantés d’arbres ombragés [?] chacun est arrosé par une source qui coule [?] chacun porte toutes sortes de fruits, deux par deux ».
Les auteurs chrétiens se sont penchés très tôt sur les thèmes eschatologiques développés par Mahomet. Ils en ont retenu, avec grande rigueur et souvent ironie, les aspects les plus scabreux. Un peu comme si de vieux névrosés se mettaient à considérer l’œuvre d’un jeune psychotique.
Théophane le Confessseur (760-818).
« Il enseignait à ce sujet que celui qui tuait un ennemi ou était tué par un ennemi allait au paradis et que ce paradis consistait en nourriture charnelle ainsi qu’en relation avec des femmes ; qu’il y avait une rivière de vin, de miel, et de lait, mais aussi que les femmes n’étaient pas comme celles d’ici-bas, que les relations sexuelles duraient longtemps, et que le plaisir était continu ».
Agapios de Hierapolis (10e siècle).
« Mahomet a ordonné à sa communauté de croire aux prophètes et aux messagers, à ce que Dieu a fait descendre sur eux, et de croire dans le Christ, fils de Marie – en disant que c’était l’apôtre de Dieu, Son Verbe, Son Serviteur, et Son Esprit – et en l’Évangile, ainsi qu’au Paradis…… Il leur a dit qu’il y avait au paradis de quoi manger, boire, se marier, des torrents de vin, de lait et de miel, les houris des yeux noirs qui n’avaient jamais été touchés ni par des hommes ni par des djinns ».
Visions infernales.
Dans le Coran et dans les hadiths en effet, l’incontestable talent de Mahomet ou de ses continuateurs se déploie sur le sujet. Le livre abonde en descriptions d’atrocité destinées à un grand nombre de personnes, mécréants, apostats, « hypocrites », juifs, chrétiens, païens. À en croire Mahomet, l’enfer sera vite plein.
De nombreux passages du Coran nous décrivent précisément l’enfer.
Chapitre 15, versets 43 à 44 : « Et l’Enfer sera sûrement leur lieu de rendez-vous à tous il a sept portes 2) ; et chaque porte en a sa part prédéterminée ».
Chapitre 39, verset 71 : « Et ceux qui auront été mécréants seront conduits par groupes en Enfer. Puis quand ils y parviendront, ses portes s’ouvriront et ses gardiens leur diront : « Des messagers de chez vous ne sont-ils pas venus vous réciter les versets de votre Seigneur et vous avertir de ce rendez-vous ? » Ils répondront : si, mais…»
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Chapitre 78, versets 21 à 26 : « L’Enfer demeure aux aguets, refuge pour les transgresseurs. Ils y demeureront pendant les siècles des siècles ils n’y goûteront ni fraîcheur ni breuvage, hormis une eau bouillante en guise de rétribution (de leurs actions) ».
Cet Enfer, appelé Jahannam ou Géhenne, a donc sept portes 2) et il est principalement destiné aux mécréants.
Les appellations des différents niveaux de la demeure de la perdition sont toutes citées dans le Coran, mais dispersées dans plusieurs chapitres et des dizaines de versets selon leur contenu. Leur ordre est peut-être celui qui suit, du plus haut degré (châtiment léger) au plus bas (châtiment maximum) selon Al-Dahhak (8e siècle).
1) Un feu pour les musulmans pécheurs.
2) Un purgatoire pour les chrétiens pécheurs.
3) Un purgatoire pour les juifs pécheurs.
4) Un feu ardent pour les renégats.
5) Un lieu pour les sorcières et les diseuses de bonne aventure.
6) Une fournaise pour les mécréants.
7) Un abîme sans fond pour les hypocrites, comme le Pharaon et ceux qui sont restés mécréants même après le miracle de la table opéré par Jésus ou les musulmans qui sont extérieurement croyants, mais intérieurement infidèles.
Il existe dans la tradition musulmane un lieu intermédiaire mi-limbes mi-purgatoire appelé Al Araf (chapitre 7, versets 46-49). Le jour du jugement dernier, l’ensemble des humains seront ressuscités par Dieu et se tiendront debout et nus sur Terre.
Ceux dont le poids des bonnes œuvres sera plus grand que celui des mauvaises iront aux paradis et ceux dont les mauvaises actions seront plus lourdes que les bonnes iront en Enfer. Ceux dont les bonnes et mauvaises actions auront un poids équivalent se retrouveront sur Al-Araf, mot dont le sens est difficile à déterminer. Un équivalent arabe du pont de Chinvat dans le zoroastrisme ?
Ce n’est pas à nous autres druides d’expliquer aux adeptes de cette religion de masse ce que cette image signifie étant donné que pour nous l’enfer n’existe pas (ailleurs que sur Terre, par moments : Shoah par balles, esclavage, etc.).
1) Pour le judaïsme orthodoxe en effet il devait s’agir d’une simple restauration terrestre et en ce monde de la gloire d’Israël, œuvre d’un messie guerrier.
2) Pour mémoire l’enfer de Dante lui comptera 9 portes.
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MODE D’EMPLOI DES BOUTEILLES À OXYGENE.
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DOCUMENT 6.
Il y a eu heureusement des hommes pour sauver l’honneur de l’humanité.
En voici deux exemples.
Paul Heinrich Dietrich von Holbach (en français Paul Thiry, baron d’Holbach) né le 8 décembre 1723 à Edesheim et mort le 21 janvier 1789 à Paris.
Savant reconnu, d’Holbach est membre des académies de Berlin (1752), de Mannheim (1766), de Saint-Pétersbourg (1780), entre autres.
À partir de 1760, il commence à rédiger des ouvrages philosophiques, souvent sous un nom d’emprunt ou sous celui d’un mort pour éviter les ennuis avec le pouvoir.
Certains de ses ouvrages ont été revus et corrigés par Diderot, c’est le cas du Système de la nature que Diderot annotera ensuite et complétera par un dernier chapitre intitulé Abrégé du code de la nature.
La publication de son Système de la nature eut un énorme retentissement : le gouvernement le défère au Parlement qui condamne le livre, le 18 août 1770, à être brûlé au pied du grand escalier du palais. La Contagion sacrée est aussi brûlée, en même temps que quatre autres de ses ouvrages. De nombreux livres seront ensuite publiés pour réfuter les thèses du Système de la nature.
Mais si on remonte un peu dans le temps il y a aussi Ibn al-Raouandi (827 – 911) un sceptique médiéval d’origine persane. Selon un autre poète sceptique al-Ma’arri, Ibn al-Raouandi se serait adressé ainsi à Dieu (il visait l’islam et la religion en général) :« Tu donnes à l’homme les moyens de vivre comme le ferait un vieux pingre. Un homme eut-il fait un tel partage, nous lui aurions assurément dit : « Tu nous as escroqués. »
Ibn al-Raouandi était ami et élève d’Abou Issa al-Ouarraq, un « Zindiq » manichéen. Ils auraient été chassés ensemble de l’école moutazilite. Aucun de ses livres ne lui a survécu, les seules traces de ceux-ci se trouvent dans les livres critiques lui répondant ou dans les écrits d’admirateurs. Son ouvrage le plus célèbre est « Kitab al-zoumourroud » (Livre de l’émeraude).
Vers 851-852 Ibn al-Raouandi devient proche des chiites, puis se rapproche des manichéens, des juifs et peut-être aussi des chrétiens ; mais ce qu’on retient le plus de lui c’est son athéisme.
Certains le considèrent comme un hérétique chiite, un mou’tazilite devenu dément, un aristotélicien (disciple d’Aristote) ou un athée radical.
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DOCUMENT 7.
Al-Khayyat résume ainsi son livre le plus connu
« Parmi ses livres il y a celui connu sous le nom de Kitab al-Zoumourroud, dans lequel [Ibn al-Raouandi] mentionne les signes miraculeux (ayat) des prophètes, la paix soit sur eux, tels que les signes d’Abraham, de Moïse, de Jésus et de Mohammed, que Dieu les bénisse. Il conteste la réalité de ces signes miraculeux et affirme qu’il s’agit de tours frauduleux (makhariq) et que les personnes qui les ont exécutés sont des magiciens ou des menteurs, que le Coran est le discours d’un être malavisé (kalam ghaïr hakim), et qu’il contient des contradictions, des erreurs ainsi que des absurdités. Il y a inclus un chapitre intitulé : « Contre les Muhammadiens en particulier », c’est-à-dire la communauté de Muhammad ».
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DOCUMENT 8.
Conte oriental. À quelque distance de Bagdad, un derviche, renommé pour sa sainteté, passait des jours tranquilles dans une solitude agréable. Les habitants d’alentour, pour avoir part à ses prières, s’empressaient chaque jour à lui porter des provisions et des présents. Le saint homme ne cessait de rendre grâces à Dieu des bienfaits dont sa Providence le comblait. « Ô Dieu ! disait-il, que ta tendresse est ineffable pour tes serviteurs. Qu’ai-je fait pour mériter les biens dont ta libéralité m’accable ? Ô monarque des cieux ! Ô père de la nature ! quelles louanges pourraient dignement célébrer ta munificence et tes soins paternels ! Ô Dieu ! que tes bontés sont grandes pour les enfants des hommes ! »
Pénétré de reconnaissance, notre ermite fit le vœu d’entreprendre pour la septième fois le pèlerinage de la Mecque. La guerre qui subsistait alors entre les Persans et les Turcs ne put lui faire différer l’exécution de sa pieuse entreprise. Plein de confiance en Dieu, il se met en voyage ; sous la sauvegarde inviolable d’un habit respecté, il traverse sans obstacle les détachements ennemis. Loin d’être molesté, il reçoit à chaque pas des marques de la vénération des soldats des deux partis. À la fin, accablé de lassitude, il se voit obligé de chercher un asile contre les rayons d’un soleil brûlant ; il le trouve sous l’ombrage frais d’un groupe de palmiers dont un ruisseau limpide arrosait les racines. Dans ce lieu solitaire, dont la paix n’était troublée que par le murmure des eaux et le ramage des oiseaux, l’homme de Dieu rencontra non seulement une retraite enchantée, mais encore un repas délicieux : il n’a qu’à étendre la main pour cueillir des dattes et d’autres fruits agréables, le ruisseau lui fournit le moyen de se désaltérer. Bientôt un gazon vert l’invite à prendre un doux repos ; à son réveil il fait l’ablution sacrée et dans un transport d’allégresse il s’écrie : Ô Dieu ! que tes bontés sont grandes pour les enfants des hommes ! Bien repu, rafraîchi, plein de force et de gaîté, notre saint poursuit sa route ; elle le conduit quelque temps au travers d’une contrée riante qui n’offre à ses yeux que des coteaux fleuris, des prairies émaillées, des arbres chargés de fruits. Attendri par ce spectacle, il ne cesse d’adorer la main riche et libérale de la Providence qui se montre partout occupée du bonheur de la race humaine. Parvenu un peu plus loin, il trouve quelques montagnes assez rudes à franchir, mais une fois arrivé à leur sommet, un spectacle hideux se présente tout à coup à ses regards, son âme en est consternée. Il découvre une vaste plaine, entièrement désolée par le fer et la flamme ; il la mesure des yeux et la voit couverte de plus de cent mille cadavres, restes déplorables d’une bataille sanglante qui depuis peu de jours s’était livrée dans ces lieux. Les aigles, les vautours, les corbeaux et les loups dévoraient à l’envi les corps morts dont la terre était jonchée. Cette vue plonge notre pèlerin dans une sombre rêverie : le ciel par une faveur spéciale, lui avait donné de comprendre le langage des bêtes.
Il entendit un loup, gorgé de chair humaine qui, dans l’excès de sa joie, s’écriait : Ô Dieu ! que tes bontés sont grandes pour les enfants des loups ! Ta sagesse prévoyante a soin d’envoyer des
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vertiges à ces hommes détestables, si dangereux pour nous. Par un effet de ta Providence qui veille sur tes créatures, ces destructeurs de notre espèce s’égorgent les uns les autres et nous fournissent des repas somptueux. Ô Dieu que tes bontés sont grandes pour les enfants des loups !
DOCUMENT 9.
Apologue. Il est un vaste empire gouverné par un Monarque dont la conduite bizarre est très propre à confondre les esprits de ses sujets. Il veut être connu, chéri, respecté, obéi, mais il ne se montre jamais et tout conspire à rendre incertaines les notions que l’on pourrait se former sur son compte. Les peuples soumis à sa puissance n’ont sur le caractère et les lois de leur souverain invisible que les idées que leur en donnent ses ministres ; ceux-ci conviennent pourtant qu’ils n’ont eux-mêmes aucune idée de leur maître, que ses voies sont impénétrables, que ses vues et ses qualités sont totalement incompréhensibles. D’ailleurs ces ministres ne sont nullement d’accord entre eux sur les ordres qu’ils prétendent émanés du souverain dont ils se disent les organes ; ils les annoncent diversement à chaque province de l’empire ; ils se décrient les uns les autres et se traitent mutuellement d’imposteurs et de faussaires ; les édits et les ordonnances qu’ils se chargent de promulguer sont obscurs ; ce sont des énigmes peu faites pour être entendues ou devinées par les sujets pour l’instruction desquels on les a destinées. Les lois du Monarque caché ont besoin d’interprètes, mais ceux qui les expliquent sont toujours en dispute entre eux sur la vraie façon de les entendre. Bien plus, ils ne sont pas d’accord avec eux-mêmes, tout ce qu’ils racontent de leur prince caché n’est qu’un tissu de contradictions, ils n’en disent pas un seul mot qui sur le champ ne se trouve démenti. On le dit souverainement bon, cependant il n’est personne qui ne se plaigne de ses décrets. On le suppose infiniment sage et dans son administration tout paraît contrarier la raison et le bon sens. On vante sa justice et les meilleurs de ses sujets sont communément les moins favorisés. On assure qu’il voit tout et sa présence ne remédie à rien. Il est, dit-on, ami de l’ordre et tout dans ses états est dans la confusion et le désordre. Il fait tout par lui-même et les événements répondent rarement à ses projets. Il prévoit tout, mais il ne fait rien prévenir. Il souffre impatiemment qu’on l’offense et pourtant il met chacun à portée de l’offenser. On admire son savoir, ses perfections dans ses ouvrages ; cependant ses ouvrages, remplis d’imperfections, sont de peu de durée. Il est continuellement occupé à faire, à défaire, puis à réparer ce qu’il a fait, sans jamais avoir lieu d’être content de sa besogne. Dans toutes ses entreprises, il ne se propose que sa propre gloire, mais il ne parvient point à être glorifié. Il ne travaille qu’au bien-être de ses sujets et ses sujets pour la plupart manquent du nécessaire. Ceux qu’il semble favoriser sont pour l’ordinaire les moins satisfaits de leur sort ; on les voit presque tous perpétuellement révoltés contre un maître dont ils ne cessent d’admirer la grandeur, de vanter la sagesse, d’adorer la bonté, de craindre la justice, de révérer les ordres qu’ils ne suivent jamais. Cet empire, c’est le monde ; le monarque, c’est Dieu ses sujets sont les hommes.
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DOCUMENT 10.
Les paragraphes 136 à 139 du chef-d’œuvre de d’Holbach, LE BON SENS, paru en 1772.
Vous me répétez sans cesse que les vérités de la religion sont au-dessus de la raison. Mais ne convenez-vous pas, dès lors, que ces vérités ne sont point faites pour des êtres raisonnables ? Prétendre que la raison peut nous tromper, c’est nous dire que la vérité peut être fausse, que l’utile peut nous être nuisible. La raison est-elle autre chose que la connaissance de l’utile et du vrai ? D’ailleurs, comme nous n’avons pour nous conduire en cette vie que notre raison plus ou moins exercée, que notre raison telle qu’elle est et nos sens tels qu’ils sont, dire que la raison est un guide infidèle et que nos sens sont trompeurs, c’est nous dire que nos erreurs sont nécessaires, que notre ignorance est invincible et que sans une injustice extrême Dieu ne peut nous punir d’avoir suivi les seuls guides qu’il ait voulu nous donner. Prétendre que nous sommes obligés de croire des choses qui sont au-dessus de notre raison, c’est une assertion aussi ridicule que de dire que Dieu exige que sans ailes nous nous élevions dans les airs. Assurer qu’il est des objets sur lesquels il n’est pas permis de consulter sa raison, c’est nous dire que dans l’affaire la plus intéressante pour nous, il ne faut consulter que l’imagination ou qu’il est à propos de n’agir qu’au hasard. Nos Docteurs nous disent que nous devons sacrifier notre raison à Dieu. Mais quels motifs pouvons-nous avoir de sacrifier notre raison à un être qui ne nous fait que des présents inutiles, dont il ne prétend pas que nous fassions usage ? Quelle confiance pouvons-nous prendre dans un Dieu qui, suivant nos Docteurs eux-mêmes, est assez malin pour endurcir les cœurs, pour frapper d’aveuglement, pour nous tendre des pièges, pour nous induire en tentation ? Enfin quelle confiance pouvons-nous prendre dans les ministres de ce Dieu qui, pour nous guider plus commodément, nous ordonnent de tenir les yeux fermés ?
137. Les hommes se persuadent que la Religion est la chose du monde la plus sérieuse pour eux, tandis que c’est la chose qu’ils se permettent le moins d’examiner par eux-mêmes. S’agit-il de l’acquisition d’une charge, d’une terre ou d’une maison, d’un placement d’argent, d’une transaction ou d’un contrat quelconque ? Vous voyez chacun examiner tout avec soin, prendre les précautions les plus grandes, peser tous les mots d’un écrit, se mettre en garde contre toute surprise. Il n’en est pas de même pour la Religion ; chacun la prend au hasard et la croit sur parole, sans se donner la peine de rien examiner. Deux causes semblent concourir pour entretenir dans les hommes la négligence et l’incurie qu’ils montrent lorsqu’il s’agit d’examiner leurs opinions religieuses. La première, c’est le désespoir de percer l’obscurité nécessaire dont toute Religion est entourée, même dans ses premiers principes : elle n’est propre qu’à rebuter des esprits paresseux qui, n’y voyant qu’un chaos, la jugent impossible à démêler. La seconde, c’est que chacun se promet bien de ne point se laisser trop gêner par les préceptes sévères, que tout le monde admire dans la Théorie et que très peu de personnes s’embarrassent de pratiquer à la rigueur. Bien des gens ont leur Religion comme de vieux titres de famille, que jamais ils ne se sont donné la peine d’éplucher, mais qu’ils mettent dans leurs archives pour y recourir au besoin.
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138. Les disciples de Pythagore ajoutaient une foi implicite à la doctrine de leur maître : il l’a dit ! Était pour eux la solution de tous les problèmes. Les hommes pour la plupart se conduisent avec aussi peu de raison…
La foi soulage la faiblesse de l’esprit humain, pour qui l’application est communément un travail très pénible : il est bien plus commode de s’en rapporter à d’autres que d’examiner soi-même. L’examen, étant lent et difficile, déplaît également aux ignorants stupides et aux esprits ardents : voilà, sans doute, pourquoi la foi trouve tant de partisans sur la terre. Moins les hommes ont de lumières et de raison, plus ils montrent de zèle pour leur Religion…
Une ignorance profonde, une crédulité sans bornes, une tête très faible, une imagination emportée, voilà les matériaux avec lesquels se font les dévots, les zélés, les fanatiques et les saints…
139. La Religion est une affaire d’usage et de mode ; il faut faire comme les autres. Mais parmi tant de religions que nous voyons dans le monde, laquelle doit-on choisir ? Cet examen serait trop pénible et trop long ; il faut donc s’en tenir à la Religion de ses pères, à celle de son pays, à celle du Prince, qui, ayant la force en main, doit être la meilleure…
Le Christianisme, sorti du Judaïsme, très humble dans son origine obscure, devint puissant et cruel sous les empereurs chrétiens qui, poussés d’un saint zèle, le répandirent merveilleusement dans leur empire par le fer et par le feu et l’élevèrent sur les ruines du Paganisme renversé. Mahomet et ses successeurs, secondés par la Providence ou par leurs armes victorieuses, parvinrent en peu de temps à faire disparaître la Religion chrétienne d’une partie de l’Asie, de l’Afrique et de l’Europe même ; l’Évangile fut forcé pour lors de céder à l’Alcoran. Dans toutes les factions ou sectes qui pendant un grand nombre de siècles ont déchiré les chrétiens, la raison du plus fort fut toujours la meilleure…
DOCUMENT 11.
Journal officiel, 12 février 1895.
Dans la forme de société qui a précédé la nôtre, il y avait au moins concordance entre les idées et les faits, entre les choses et les mots : il y avait une hiérarchie sociale comme il y avait une hiérarchie religieuse correspondante ; il y avait une résignation sociale et une résignation religieuse ; il y avait une échelle de la création, au sommet de laquelle étaient les puissances supérieures et Dieu, comme il y avait une échelle de la société, au sommet de laquelle étaient le noble, le prêtre et le roi ; et il n’y avait ni tromperie ni équivoque : le serf savait qu’il était devant Dieu l’égal du noble ; mais il savait aussi que, de par l’ordre du même Dieu, tant qu’il serait sur la terre, il serait un serf. Il n’y avait aucune hypocrisie sociale.
Ce qui, au contraire, caractérise la société présente, ce qui fait qu’elle est incapable à jamais de s’enseigner elle-même et de se formuler elle-même en une règle morale, c’est qu’il y a partout en elle une contradiction essentielle entre les faits et les paroles. Aujourd’hui, il n’y a pas une seule grande parole qui ait son sens vrai, plein et loyal : fraternité, – et le combat est partout ; égalité, – et toutes les disproportions vont s’amplifiant ; liberté, – et les faibles sont livrés à tous les jeux de la force ; propriété, c’est-à-dire rapport étroit et personnel de l’homme et de la chose, de l’homme et d’une portion de la nature transformée par lui, utilisée par lui, – et voilà que la propriété devient de plus en plus une fiction monstrueuse qui livre à quelques hommes des forces naturelles dont ils ne savent même pas la loi, et des forces humaines dont ils ne savent même pas le nom ! Oui, partout le creux, l’hypocrisie des paroles. Il y a plus d’un siècle, Diderot pressentait ces faussetés prochaines, lorsqu’il disait dans une de ses pensées révolutionnaires : « Avoir des esclaves n’est rien ; mais ce qui est intolérable, c’est d’avoir des esclaves en les appelant des citoyens ! »…
Mais ce qu’il faut sauvegarder avant tout, ce qui est le bien inestimable conquis par l’homme à travers tous les préjugés, toutes les souffrances et tous les combats, c’est l’ idée qu’il n’y a pas de vérité sacrée *, c’est-à-dire interdite à la pleine investigation de l’homme ; c’est cette idée que ce qu’il y a de plus grand dans le monde, c’est la liberté souveraine de l’esprit ; c’est cette idée qu’aucune puissance ou intérieure ou extérieure, aucun pouvoir et aucun dogme ne doit limiter le perpétuel effort et la perpétuelle recherche de la raison humaine ; cette idée que l’humanité dans l’univers est une grande commission d’enquête dont aucune intervention gouvernementale, aucune intrigue céleste ou terrestre ne doit jamais restreindre ou fausser les opérations ; cette idée que toute vérité qui ne vient pas de nous est un mensonge ; que, jusque dans les adhésions que nous donnons, notre sens critique doit rester toujours en éveil et qu’une révolte secrète doit se mêler à toutes nos affirmations et à toutes nos pensées ; que si l’idée même de Dieu prenait une forme palpable, si Dieu lui-même se dressait, visible, sur les multitudes, le premier devoir de l’homme serait de refuser l’obéissance et de
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le traiter comme l’égal avec qui l’on discute, mais non comme le maître que l’on subit ! Voilà ce qui est le sens et la grandeur et la beauté de notre enseignement laïque dans son principe, et bien étranges sont ceux qui viennent demander à la raison d’abdiquer, sous prétexte qu’elle n’a pas ou qu’elle n’aura même jamais la vérité totale ; bien étranges ceux qui, sous prétexte que notre démarche est incertaine et trébuchante, veulent nous paralyser, nous jeter dans la pleine nuit, par désespoir de n’avoir pas la pleine clarté (Jean Jaurès).
LE CORAN ET LA SCIENCE.
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ET TOUT D’ABORD QUI A « INVENTÉ » LA SCIENCE ?
L’Islam a eu aussi son âge d’or de la science ayant précédé la Révolution scientifique européenne et y avant contribué. Du huitième au treizième siècle, l’empire musulman devint en effet une véritable plaque tournante, réunissant des idées venant des Indes, de Grèce ou de Chine et les perfectionnant. Des savants renommés comme Ibn-Sina (Avicenne), Ibn-Rushd (Averroès), Farabi, Ibn al-Haïtham (Al Hazen), Khayyam, al-Kindi et Al-Razi, ont innové en optique, médecine, chimie, mathématiques, et astronomie, ouvrant ainsi la voie à la Renaissance européenne. Des savants musulmans, juifs et chrétiens ont travaillé côte à côte pour traduire les connaissances venues du monde entier en arabe et en persan, faisant de Bagdad, de Cordoue et du Caire des centres intellectuels mondiaux. Ces savants ont puisé dans les travaux d’Aristote, d’Euclide, de Platon et des philosophes indiens et chinois. Une grande partie de la Renaissance européenne s’est construite grâce à des savants arabes comme Avicenne et Averroès, ainsi que sur des textes de l’Antiquité grecque récupérés par le truchement du monde musulman.
De la même manière que certains intégristes hindous prétendent que tout ce qui existe dans la science vient des Indes, certains télévangélistes de l’Islam nous présentent tout ce qui est important dans la science comme venant de du monde musulman. L’âge d’or de l’islam fut effectivement un maillon essentiel dans un processus graduel de découverte incluant la Grèce antique, l’Égypte, l’Inde, la Chine, Rome, l’Europe et le monde moderne. Il est stupide d’essayer de « revendiquer » la science comme apanage d’une religion particulière. Le Docteur Abdous Salam, premier lauréat du prix Nobel de la Science, a écrit un jour : « Il n’y a qu’une science universelle ; ses problèmes et ses modalités sont internationaux et il n’y a pas de science islamique pas plus qu’il n’y a de science hindoue, ni de science juive, ni de science confucéenne, ni de science chrétienne.
Les Télévangélistes de l’Islam comme Zakir Naïk revendiquent pour l’Islam toutes les inventions qui ont marqué le monde des cartes au savon, du café au chiffre zéro. Le chiffre zéro est un bon exemple. Puisque les Arabes ont introduit le concept de zéro en Europe, le système de numérotation moderne est désormais connu en Europe sous le nom de « chiffres arabes ». Mais les Arabes eux-mêmes ont emprunté ce concept à l’Inde. La première trace écrite du système de numérotation hindou-arabe n’est pas un ouvrage original, mais la traduction d’un livre indien, le Brahmasphoutasiddhanta, écrit en 628. Al-Khwarizmi et al-Kindi n’ont fait que vulgariser la méthode indienne.
De même, bien que le mot « algèbre » vienne de l’arabe al-jabr, son origine remonte aux anciens Babyloniens. La trigonométrie n’a pas été inventée par Omar Khayyam comme certains le prétendent, mais c’était une branche des mathématiques remontant à 4000 ans. Les algorithmes ont d’abord été utilisés par les anciens Babyloniens, Euclide et Ératosthène, puis développés par Al-Kindi.
Le télévangéliste de l’islam qu’est Zakir Naïk affirme que les premiers à avoir dessiné une carte du monde furent les musulmans. Il fait sans doute référence à la carte de 1513 de Piri Reis, qui ne représente qu’une petite étape dans l’élaboration progressive de la carte du monde de Ptolémée à la
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cartographie moderne. Et apparemment, Naïk n’a jamais entendu parler de Ptolémée, le savant grec qui a dessiné la première carte du monde connue cinq cents ans avant l’Islam.
Jabir ibn Hayyan passe pour avoir « inventé » la distillation en l’an 800. En fait, Aristote a mentionné le processus et Pline l’Ancien (mort en 79) a parlé d’une sorte d’alambic primitif, utilisé pour effectuer la distillation. De plus, au IIIe siècle, Maria la Juive, comme on l’appelait, avait apparemment développé un précurseur des modernes distillateurs d’alcool. Les Égyptiens recouraient d’ailleurs au procédé de la distillation au 3e siècle pour produire de l’alcool. Ce que Jabir a fait fut d’inventer un nouveau type d’alambic – et non découvrir le processus de la distillation. Que la terre est ronde n’a pas été découvert par les savants arabes mais par les anciens Grecs. Aristote a fourni des preuves de cette théorie au 4e siècle. Ératosthène ne s’est trompé que de 800 km dans son calcul des dimensions de la terre, effectué en 250. Le mythe de la terre plate était largement répandu avant que ne commence son exploration, mais vers le1er siècle de notre ère Pline déclara que presque tout le monde était d’accord pour dire que la Terre était ronde.
Poudre à canon. Un musée scientifique musulman itinérant au Royaume-Uni a affirmé, bien que les Chinois aient inventé la poudre de salpêtre et l’aient utilisée dans leurs feux d’artifice, que ce sont les Arabes qui surent les premiers le purifier pour fabriquer du nitrate de potassium à des fins militaires.
Ce qui est étrange à cet égard, c’est que le salpêtre est déjà du nitrate de potassium ! Les Arabes ont peut-être réussi à produire une forme plus pure de salpêtre. En réalité la poudre à canon a été mise au point en Chine autour du 7e siècle et elle est arrivée en Occident soit par la route de la soie soit par l’intermédiaire des Mongols. En tout cas, les Chinois utilisaient déjà des fusées en tant qu’armes au 11e siècle – longtemps avant qu’une autre utilisation de ce genre ne soit enregistrée dans l’Histoire. Le premier aéroplane opérationnel a été attribué à Abbas ibn Firnas pour avoir effectué un vol plané relativement bien réussi en 875. Il existe néanmoins des comptes rendus chinois parlant de planeurs habités datant de 500 avant notre ère et de parachutes opérationnels il y a vingt et un siècles. Le premier avion doit être attribué à Clément Ader (14 octobre 1897, premier décollage motorisé – mais non contrôlé – d’un engin plus lourd que l’air).
Les tapis, les chèques et les moulins à vent ont également précédé l’Islam et sont apparus en Perse ou en Asie centrale. Certains ont affirmé que les jardins d’ornementation furent inventés par les Arabes, mais c’est ignorer les antiques jardins suspendus de Babylone et les jardins des anciens Grecs et Romains. Le café a été introduit par les Abbassides, mais importé d’Éthiopie, où les hommes de ses tribus avaient l’habitude de mâcher cette graine afin de rester en forme durant leurs expéditions cynégétiques.
Pour conclure, il importe de souligner à nouveau que l’âge d’or de l’Islam a joué un rôle précieux dans le progrès de l’humanité, mais qu’il a à la fois contribué et dépendu d’autres grandes civilisations déjà existantes à l’époque.
Ces réalisations (dans les premiers siècles de l’histoire de l’Islam) ont coïncidé avec la plus grande des ouvertures d’esprit et avec la coopération avec d’autres civilisations comme la civilisation grecque et indienne. C’était une époque où les érudits musulmans étudiaient et assimilaient les grandes œuvres des autres civilisations, interagissant avec leurs savants et assimilant leurs philosophies. Les plus grands savants de l’histoire musulmane comme Ibn Sina et Ibn Rush étaient fascinés par les traditions des autres civilisations, et pour cela furent d’ailleurs condamnés comme hérétiques par le clergé musulman. Al-Ghazali a fait une cinglante critique des plus grands savants de cette période pour leur fascination envers les savants grecs « non-musulmans » plutôt qu’envers le Coran. Les œuvres d’Al-Haïtham ont été brûlées par les clercs à cause de leurs travaux d’astronomie et Ibn Rushd a été banni pour son attitude non orthodoxe envers la philosophie. [Au passage, les premiers commentateurs du Coran de cet âge d’or de l’islam, faisant autorité, tels que Tabari, Qounoubi, Razi, Ibn Taymiyya et Qoutb, avaient une très haute opinion des saintes Écritures chrétiennes et juives, et affirmaient que le véritable enseignement coranique confirmait l’intégrité textuelle globale de l’Injil et de la Taourat, et que Jésus pourrait bien avoir été crucifié puis avoir ressuscité comme l’enseigne l’Injil.]
C’est finalement l’opinion d’Al-Ghazali qui l’a emporté et le clergé a fustigé toutes les sciences extérieures comme ignorance ou « Djahiliyya » voire tentation du Diable et a exigé que les savants n’étudient que des matières « purement » islamiques. Cet imam a présenté les mathématiques et la médecine comme étant Fard el Kefaya ; c’est-à-dire qu’il les a explicitement considérées comme secondaire par rapport à la religion : ilm. Cet état d’esprit se retrouve aujourd’hui chez les intégristes Bucailleistes comme Zakir Naïk qui ne rêvent de trouver de la science que dans le Coran et l’histoire de l’Islam, tout en dénigrant les fidèles d’autres religions. L’ironie de l’histoire étant que, bien qu’ils se revendiquent ouvertement de cet âge d’or de l’Islam, c’est justement leur état d’esprit qui a mis fin à son ouverture d’esprit et a conduit à son déclin.
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Un bon exemple de cette opposition aux idées et aux sciences venues de l’extérieur nous est fourni par la réaction de l’Islam médiéval envers l’invention de l’imprimerie. Peu après l’invention de l’imprimerie moderne par Gutenberg, le sultan Bajazet II l’a interdite dans l’Empire ottoman, en 1485 et aucune imprimerie ne put s’établir dans le monde arabe durant trois cent cinquante ans. Les seules imprimeries du Proche-Orient furent donc celles des chrétiens et des juifs. Cette interdiction s’avéra par conséquent désastreuse pour le développement de la science et de la technologie dans le monde arabe.
FOI ET RAISON EN ISLAM.
Saint Coran chapitre 6, verset 68 : « Quand tu vois des gens plongés dans la discussion au sujet de nos signes, écarte-toi d’eux jusqu’à ce qu’ils discutent d’autre chose. Et si le Diable te fait oublier cette prescription, lève-toi pour t’en éloigner dès que tu t’en souviendras… »
César livre VI chapitre XIV : « ils discutent et transmettent à la jeunesse beaucoup d’éléments concernant les étoiles et leurs mouvements, l’étendue de ce monde et de notre terre, la nature des choses, le pouvoir et la majesté des dieux immortels ».
Lucain livre I. « À vous seuls il est donné de connaître, comme de les ignorer, les dieux et les puissances célestes ».
La question que nous évoquerons ici est celle de la latitude offerte à la raison face à un écrit : jusqu’où peut-elle aller pour comprendre ce document à la lumière du contexte ?
Petit tour d’horizon (très simplifié), de quelques grandes tendances apparues à ce propos, hier et aujourd’hui, dans l’aire de la civilisation musulmane.
1. La libre-pensée (« zandaqa »).
Le terme zandaqa désigne en Perse, les doctrines hétérodoxes, ou ceux qui adhèrent aux religions antérieures à l’islam : mazdéisme, zoroastrisme, manichéisme, et par extension toutes sortes de libres-penseurs matérialistes, s’exprimant par la poésie le plus souvent, y compris les athées.
Seront condamnés sous ce chef d’accusation :
— Ibn Al Mouqaffa (mort en 760).
— Bachar Ibn Bourd (mort en 785).
— Abou Nouwas (mort en 810).
— AI Moutanabbi (mort en 965).
— Mansour Al Halladj (mutilé puis brûlé vif en 922).
— Al Maari (mort en 1057).
— Al Souhraouardi (mort en 1191).
Ainsi que quelques oulémas dont le fondateur de la charia lui-même, Ibn Hanbal (qui fut embastillé en 833) quand le calife Al Ma’moun instaurera le mou’tazilisme comme religion d’État.
Le terme « zandaqa » s’est mis ensuite à désigner aussi celui qui se dit musulman, mais déclare ne pas avoir besoin de se référer au Coran. L’islam a eu aussi en effet ses rationalistes (une infime minorité, il est vrai) ; des rationalistes estimant que le Coran fut reçu par un homme d’une époque et d’une culture données ; donc qu’il doit être interprété à la lumière de l’intelligence humaine ou des connaissances actuelles.
2. Le mou’tazilisme.
Au IXe et au Xe siècle, une nouvelle École va émerger, l’École moutazilite, continuatrice de la tendance qadarite, et professant essentiellement le libre arbitre de l’être humain. Les moutazilites
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n’ont pas craint, par exemple, de lire les philosophes grecs, et de développer des argumentations fondées sur la raison et la logique, pour « dialoguer » avec les théologiens d’autres religions. Parmi les thèses soutenues par les moutazilites, retenons celles-ci.
— Le taouhid (l’essence de Dieu). Al-Achari expose la conception moutazilite de Dieu, en soulignant qu’elle suppose la non-existence d’attributs dans l’essence divine. Dieu est inaccessible et transcendant (Taouhid). Dieu est unique, nul n’est semblable à lui ; il n’est ni corps, ni individu, ni substance, ni accident. Il est au-delà du temps. Il ne peut habiter dans un lieu ou dans un être ; il n’est l’objet d’aucun attribut ou de qualification s’appliquant à des créatures. Il n’est ni conditionné, ni déterminé, ni engendrant, ni engendré. Il est au-delà de la perception des sens. Les yeux ne le voient pas, le regard ne l’atteint pas, les imaginations ne le comprennent pas. Il est une chose, mais non comme les autres choses ; il est omniscient, tout puissant, mais son omniscience et sa toute-puissance ne sont comparables à rien de créé. Il a créé le monde sans archétype préétabli et sans auxiliaire.
Le Coran n’est pas un attribut divin, il est donc créé par Dieu. Dire que le Coran est la Parole divine incréée qui se manifeste dans le temps sous la forme d’un discours en arabe équivaut à dire ce que les chrétiens pensent de l’Incarnation ; à savoir que le Christ est la Parole divine incréée, incarnée dans sa chair. La controverse n’apparaît pas au niveau de la Parole divine elle-même, mais au niveau de la modalité de sa manifestation. La Parole divine s’est faite chair dans le Christ pour les chrétiens, elle est simplement énonciatrice dans le Coran.
— Al-adl (la justice divine).
Dieu ne peut vouloir que le bien et donc ne veut ni ne commande le mal. C’est l’Homme qui crée lui-même ses actes et il est donc responsable du mal, sinon, l’idée de récompense et de châtiment dans l’au-delà serait vidée de tout son sens. Comment expliquer les passages du Coran qui affirment la Machi’a divine (la Volonté foncière de Dieu), c’est-à-dire le fait que tout ce qui nous arrive est écrit à l’avance dans un registre céleste ? Pour les mou’tazilites, cette machi’a exprime seulement la connaissance divine elle-même, c’est-à-dire le dessein éternel et le génie créateur de Dieu. Mais elle n’implique pas des actes de volition (irada) ni des actes de commandement (amr). L’objet de la machi’a est l’être, et non l’acte.
— Les promesses pour l’au-delà (oua’d et oua’id).
Le croyant qui meurt sans repentance en état de péché majeur est voué à l’enfer éternel. La conception mou’tazilite est axée sur la justice et très peu sur la miséricorde de Dieu. Le pécheur resté fidèle à Dieu et le pécheur infidèle ne sont néanmoins pas traités de la même manière, car Dieu a promis une récompense aux croyants et un châtiment aux incroyants.
— La situation intermédiaire (al-manzila baïn al-manzilataïn).
Durant sa vie, le pécheur (fasiq) n’est ni réellement croyant (mou’min) ni vraiment impie (kafir). Il faut donc d’abord distinguer les fautes légères (sagha’ir) des fautes graves (kaba’ir). Les premières n’entraînent pas l’exclusion du pécheur sauf s’il récidive. Dans les secondes il faut encore distinguer elles qui ressortissent à l’infidélité (koufr, le kafir est un infidèle au sens absolu) et les autres qui, tout en excluant le pécheur de la communauté, n’en font pas pour autant un infidèle.
— L’impératif moral (al-amr bi’l-ma’rouf).
Il faut mettre en pratique les principes de justice non seulement à titre personnel, mais aussi à l’échelle de la communauté, dans les comportements sociaux. Chaque musulman a le devoir de commander le bien par la langue et même par la force du bâton (mais jamais par le sang).
La tendance mou’tazilite se veut néanmoins musulmane, et elle s’opposa d’ailleurs elle aussi à la libre-pensée « zandaqa » évoquée plus haut. Pour Ibn Taïmiyya, elle n’est pas sortie de la communauté (« lam yakfour »), mais elle n’est pas conforme à l’authenticité sunnite des compagnons du Prophète.
Le mou’tazilisme est la plus importante École de théologie spéculative (kalam) de l’islam.
Le point de vue des musulmans modernistes.
Cette tendance correspond globalement aujourd’hui à ce que fut la tendance moutazilite hier. Les textes du Coran et de la Sunna sont toujours considérés comme des références, mais c’est la tradition rationnelle préétablie qui sert de prisme à travers lequel ils sont lus et compris. Les mou’tazilites percevaient les données de l’islam à travers leur tradition rationaliste, ne croyaient pas en la pesée des actions dans l’au-delà, et faisaient une interprétation forcée des textes parlant de cette pesée. Certains musulmans perçoivent de même aujourd’hui l’islam à travers la formation qu’ils ont reçue. « Les versets parlant du voile de la musulmane sont authentiques et nous y croyons », disent-ils, mais le droit musulman permet une prise en compte du contexte. Le port du voile fait partie des choses liées au contexte d’hier. Il n’est plus nécessaire aujourd’hui.
Le point de vue des musulmans pieux.
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La plupart de ceux qui raisonnent ainsi ne le font pas parce qu’ils réfutent les textes de l’islam. Ils se basent sur un principe vrai – « le droit musulman permet une prise en compte du contexte » – mais ne savent pas en quel domaine il est possible de modifier une règle en fonction du contexte, et où cela n’est pas possible. Et s’ils agissent ainsi, ce n’est pas par refus des règles essentielles de l’islam ; mais c’est parce que, s’ils ont acquis une formation poussée en pensée occidentale, ils n’ont en revanche pas reçu de formation assez poussée en théologie musulmane. Ils perçoivent l’islam à travers le prisme de leur formation, et se réfèrent, certes, aux sources, mais en les lisant à travers la grille de lecture occidentale. Les termes « religieux », « cultuel », « civil », « droit », par exemple, ne sont pas compris par eux selon le sens qu’ils ont en islam, mais selon la signification qu’ils ont en Occident. Ceux qui ont acquis une formation plus poussée en théologie islamique doivent convaincre ces frères par une prédication adaptée.
La question qui se pose aujourd’hui est la latitude qu’il est possible d’offrir à la raison dans la lecture qu’elle fait des écritures, et dans sa prise en compte du contexte. Comme nous l’avons vu ci-dessus, trois grandes tendances peuvent aujourd’hui être distinguées à ce sujet : le Réformisme moderniste, le Réformisme dans le cadre de l’authenticité, et le Traditionalisme. Les médias s’intéressent beaucoup à la tendance du réformisme moderniste, car il s’agit d’une pensée qui a intégré les schémas de pensée occidentaux ; et qui désire, pour les pays musulmans, un islam à l’image de ce qu’est devenu le christianisme dans les pays occidentaux. Mais la majorité des musulmanes et des musulmans de ces États islamiques n’entendent pas verser dans la tendance moderniste, qui correspond en gros actuellement à ce que la tendance mou’tazilite fut jadis. La majorité de ces musulmanes et de ces musulmans veut au contraire s’orienter à la lumière de ce dont ils sont sûrs que cela plaît à Dieu.
MÉTEMPSYCOSE ET MÉTAMORPHOSE DANS LA RELIGION MUSULMANE.
Quelques définitions pour commencer.
« N’est-il pas bien naturel que toutes les métamorphoses dont la terre est couverte aient fait concevoir en Orient, où l’on a tout imaginé, que nos âme/esprits passaient d’un corps à un autre ? Un point presque imperceptible devient peu à peu un ver, ce ver devient papillon ; un gland se transforme en chêne, un œuf en oiseau ; l’eau devient nuage et tonnerre ; le bois se change en feu et en cendre ; tout paraît enfin métamorphosé dans la nature. On attribua bientôt aux âmes, que l’on regardait comme des figures légères, ce que l’on voyait sensiblement dans des corps plus grossiers. L’idée de la métempsycose est peut-être le plus ancien dogme connu de l’univers, et il règne encore dans une grande partie de l’Inde et de la Chine.
Il est encore très naturel que toutes les métamorphoses dont nous sommes les témoins aient produit ces anciennes fables qu’Ovide a recueillies dans son admirable ouvrage. Les juifs mêmes ont eu aussi leurs métamorphoses. Si Niobé fut changée en marbre, Édith, femme de Loth, fut changée en statue de sel. Si Eurydice resta dans les enfers pour avoir regardé derrière elle, c’est aussi pour la même indiscrétion que cette femme de Loth fut privée de la nature humaine. Le bourg qu’habitaient Baucis et Philémon en Phrygie fut changé en un lac ; la même chose arrive à Sodome. Les filles d’Anius changeaient l’eau en huile ; nous avons dans l’Écriture une métamorphose à peu près semblable, mais plus vraie en même temps que plus sacrée. Cadmus fut changé en serpent ; et la verge d’Aaron devint serpent elle aussi.
Les dieux très souvent se changeaient en hommes ; les juifs n’ont jamais vu les anges que sous la forme humaine : les anges mangèrent chez Abraham. Paul, dans son Épître aux Corinthiens, écrit que l’ange de Satan lui a donné des soufflets : Angelos Satana me colaphisei ». (Dictionnaire philosophique).
L’idée de métamorphose d’êtres humains en animaux a influencé les lois alimentaires musulmanes.
Les sources musulmanes anciennes font référence à la transformation de chrétiens 1) ou de pécheurs musulmans 2) en singes et en porcs. Dans le cas des chrétiens et des musulmans, cela ne se trouve pas dans le Coran lui-même – comme pour les juifs – mais dans des textes glosant ou commentant le Coran.
Ces croyances existaient déjà dans l’Arabie préislamique. Il était alors communément admis, aussi bien chez les Arabes que dans d’autres peuples [et notamment les Hébreux par exemple. NDLR] que des êtres humains pouvaient être transformés en animaux, en statues, ou en étoiles, par une action surnaturelle – correspondant généralement à un châtiment divin. 3)
En Afrique du Nord, sous la dynastie musulmane des Aghlabides (du IXe au XIe siècle), les juifs eurent l’obligation de porter une pièce de tissu représentant un singe au niveau de leur épaule ; tandis
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que les chrétiens, eux, devaient arborer une image de porc. Ces représentations devaient [aussi] figurer sur les portes d’entrée de leurs habitations. En Espagne, les juifs étaient qualifiés de « singes » et les chrétiens de « cochons et chiens » par les musulmans [surtout en temps de guerre ou de conflit. N.D.L.R].
Les juifs sont souvent assimilés dans le discours religieux, éducatif, et public, musulman, à des « descendants de singes et de porcs » (sermon du cheik d’Al-Azhar, Mohammed Saïyid Al-Tantaoui, principale autorité du monde musulman sunnite, en avril 2002).
Cette forme très particulière de spiritualité a bien évidemment sa source dans les textes fondamentaux du Coran, dans des hadiths (traditions sur la vie de Mahomet) ; ainsi que dans les plus fiables compilations de traditions rassemblées par Al-Boukhari et Muslim [tous deux évoquant également des métamorphoses en souris et en lézard]. La littérature arabe ancienne (adab) mentionne d’ailleurs également la transformation de juifs en autres animaux 3).
Mais revenons à notre Coran.
Chapitre 2, verset 65. « Ceux des vôtres qui ont transgressé le sabbat, nous leur avons dit : soyez d’abjects singes ! ».
Chapitre 5, verset 60. « Dieu a transformé en singes et en porcs certains d’entre eux ».
Chapitre 7, verset 166. « Nous leur avons dit quand ils se rebellèrent contre nos interdits : soyez d’ignobles singes ! »
Le spiritualiste athée que je suis ne peut s’empêcher, arrivé à cet endroit de notre essai sur l’islam, de citer le hadith que certaines traditions ont attribué à un rabbin d’il y a 2000 ans.
Il advint qu’un jour de sabbat il passa au travers des moissons, et ses disciples se mirent à se frayer un chemin en arrachant les épis. Les pharisiens lui dirent : « Regarde ! Pourquoi font-ils le jour du sabbat ce qui n’est pas permis ? »
Il leur répondit : « N’avez-vous jamais lu ce que fit David, lorsqu’il fut dans le besoin et qu’il eut faim, lui et ses compagnons ; comment il entra dans la demeure de Dieu, au temps du grand prêtre Abiathar, et mangea les pains d’oblation qu’il n’est permis qu’aux prêtres de consommer, puis en donna aussi à ses compagnons ? »
« Le sabbat lui-même a été fait pour l’Homme, et non l’Homme pour le sabbat ».
Il entra de nouveau dans une synagogue, et il y avait là un homme qui avait la main desséchée.
Tous l’épiaient pour voir s’il allait le guérir le jour du sabbat, afin de l’en accuser aussitôt après.
Il dit à l’homme qui avait la main desséchée : « lève-toi, là, au milieu ».
Et il leur demanda : « Est-il permis, le jour du sabbat, de faire du bien plutôt que de faire du mal, de sauver une vie plutôt que de la tuer ? »
Promenant alors sur eux un regard de colère, navré de l’endurcissement, de leur cœur, il dit à l’homme : « Étends la main ». Il l’étendit et sa main fut remise en état (Marc 2, 23-28 ; 3, 1-5).
Toutes ces histoires de juif ne respectant pas le jour du sabbat n’ont donc aucune espèce d’intérêt, à part celui de bien nous montrer l’étrange conception de Dieu qu’ont les monolâtres, juifs ou musulmans.
La plupart des commentateurs prennent cette histoire au pied de la lettre et soutiennent que les juifs ont vraiment été changés en singes et en porcs, comme le dit le Coran. Seul Moudjahid (Moudjahid Ben Jaber Al-Makki, décédé entre 718 et 722) affirme que les juifs n’ont pas été véritablement transformés, mais il explique que cette métamorphose est une simple métaphore comme dans l’adage coranique sur les juifs devenus comme « un âne chargé de livres » (62,5). D’après Moudjahid ce n’est pas leur forme extérieure qui a changé, mais plutôt cœur [et leur âme en est donc venue à ressembler à celle des singes]. Mais si l’on en croit les autres commentateurs, Moudjahid est bien seul de son avis.
L’explication la plus courante de la transformation de juifs en singes et en porcs attribue en effet ce phénomène au non-respect du sabbat.
Les Juifs qui ont été transformés en animaux sont généralement identifiés comme étant des habitants du village d’Iliya, situé sur la côte de la mer Rouge. Le commentaire du Coran raconte comment Dieu a fait apparaître de grandes écoles de poissons le samedi et disparaître avant la tombée de la nuit, afin d’éprouver la foi et l’obéissance des Juifs à ses commandements. C’était trop dur à supporter et ils ont trouvèrent donc des moyens de contourner l’interdiction divine de pêcher samedi. Ibn Abbas, un cousin de Mahomet et l’un des premiers commentateurs du Coran, a écrit qu’un juif a secrètement attrapé un poisson le samedi, l’a attaché avec un fil, et l’a jeté dans l’eau après avoir attaché le fil à un piquet. Fiché dans le sol. Le jour suivant, il a remonté le poisson et l’a mangé. Quand il a vu qu’il n’était pas puni, il a recommencé le samedi suivant, et le samedi après aussi. Finalement, les voisins ont remarqué l’odeur du poisson de sa cuisine et ont commencé à suivre son exemple. Ils continuèrent ainsi pendant longtemps à manger en secret, et Dieu ne s’est pas empressé de les punir,
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mais quand ils ont commencé à pêcher ouvertement et à vendre leurs prises interdites sur les marchés, alors ils le furent.
Al-Tabari mentionne un autre subterfuge pour contourner l’interdiction. Un juif qui avait besoin de poisson a creusé un bassin relié par un canal à la mer. Le samedi, il a ouvert le chenal pour que les vagues poussent le poisson dans la piscine. Le dimanche suivant, l’homme a fait cuise son poisson. Les voisins ont senti l’arôme du poisson cuisiné, ont suivi son exemple, et il est vite devenu normal pour les juifs de manger du poisson pêché le samedi. Quand les sages les mirent en garde, ils prétendirent qu’ils pêchaient le dimanche, quand ils prenaient le poisson dans le bassin, et pas le samedi, quand ils ouvraient le canal.
Tous les juifs n’ont pas agi de la même manière. Les commentateurs du Coran identifient trois groupes : certains des juifs ont péché et violé le précepte divin de ne pas pêcher le samedi ; certains ont mis en garde les pécheurs contre le châtiment de Dieu et leur ont demandé de ne plus continuer à faire ça. Les autres se sont tus ; bien qu’ils n’aient pas mangé du poisson que les fautifs avaient attrapé le samedi, mais ils n’ont pas non plus empêché les coupables de transgresser [le commandement divin].
Vu la situation, et puisque les coupables refusaient d’arrêter leur transgression, ceux qui observaient le précepte divin décidèrent de ne plus vivre dans le même village que les impies et construisirent un mur de séparation entre eux. Un jour, on ne vit pas ceux qui vivaient de ce péché sortir de chez eux. Ceux qui observaient le précepte divin escaladèrent le mur et allèrent voir dans les maisons, mais les trouvèrent verrouillées. Après avoir ouvert les portes, ils virent que tout le monde – hommes, femmes et enfants – avait été transformé en singes. « Ils s’étaient enfermés le soir chez eux à l’heure de se coucher, mais s’étaient réveillés singes le lendemain ». Le commentateur du Coran andalou du 13e siècle, Al-Qourtoubi, raconte que les singes reconnaissaient leurs proches restés humains, s’en approchaient, reniflaient leurs vêtements et pleuraient. Les hommes, en revanche, ne purent identifier leurs proches, mais leur dirent : « Ne vous avions-nous pas interdit [de violer la parole de Dieu] ? Les singes hochèrent la tête en signe d’assentiment. Selon certains commentateurs, les jeunes du village étaient devenus des singes tandis que les personnes âgées étaient devenues des porcs.
Dans sa thèse de doctorat « Les fils d’Israël dans le Coran et dans la tradition des hadiths musulmans », le cheikh Mouhammad Sayyid Tantaoui explique la transformation des juifs en singes et en porcs dans le Coran d’une autre manière. Dans son explication du verset 5, 60, Tantawi dit que les juifs avaient demandé à Mahomet à quels prophètes il croyait. Il avait alors cité Abraham, Ismaël, Isaac, Jacob, les tribus sic], Moïse et Jésus, et déclaré qu’il ne faisait pas de différence entre eux. Mais pour ce qui est de Jésus, les Juifs avaient nié sa prophétie en disant : « Nous ne croyons pas en Jésus ni en quelqu’un qui croit en Lui [c’est-à-dire Mahomet], et nous ne pensons pas que notre religion est pire que la vôtre. Le Coran a donc souligné ainsi l’erreur préjudiciable de la religion des Juifs : « Dieu a transformé en singes et en porcs ceux qu’il a maudits et contre lesquels il s’est mis en colère ».
Dans une série d’articles parus dans le mensuel du Hamas, Falastine al-Mouslima, à propos de la façon dont Dieu a puni les juifs, dont un chapitre a été consacré à la punition consistant à les transformer en animaux. L’auteur de la série, Ibrahim Al-Ali, reprend l’approche de la plupart des commentateurs du Coran, en expliquant que ce changement fut réellement physique. Il précise : « Dieu n’a infligé ce châtiment à nulle autre nation que celle des juifs : ce que signifie cette punition c’est le changement réel de l’image du juif et son passage complet de la condition humaine à la condition bestiale – un véritable changement de son apparence humaine devenue dès lors semblable à celle de vrais singes, cochons, souris et lézards… La transformation fut réelle, car il n’est pas impossible que Dieu tout puissant, qui a créé l’homme dans sa forme humaine actuelle, puise changer le juif en animal… » 4).
Ibn Kathir, commentateur du Coran au XIVe siècle, explique que chaque action a sa propre sanction : les juifs ont comploté pour pouvoir pêcher le jour de sabbat, en préparant hameçons et filets. Leurs subterfuges leur donnaient une apparence d’intégrité, alors que leur âme ou leur esprit était tout autre, la sanction a donc été à la mesure de leurs actes 5).
Le chercheur jordanien Sallah Al-Khaledi développe la même idée : « La raison de cette transformation est que Dieu voulait en faire des êtres humains vivant comme des hommes dignes de ce nom, en actualisant leur humanité de la meilleure façon possible. Mais en se rebellant contre les décrets de Dieu, ils ont rejeté la grâce divine, et abandonné ainsi leur humanité, ainsi que leur honneur, pour devenir spirituellement des animaux. Dieu les a donc physiquement transformés en singes, en en faisant de véritables bêtes, afin que leur identité physique et leur identité spirituelle concordent ».
Al-Qurtubi a relevé deux approches chez les clercs à ce sujet. La première fait des singes des descendants d’Israël. Les partisans de cette première approche se fondent sur des hadiths qui
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racontent que Mahomet a mis en garde contre les méfaits pouvant être occasionnés par la consommation de certains animaux comme les souris et les lézards ; car c’étaient peut-être des enfants d’Israël métamorphosés.
La deuxième approche pense que les juifs transformés en singes n’ont pas eu de descendance, et que les singes et porcs actuels descendent d’animaux formés avant. Ibn Abbas, par exemple, soutenait que les êtres ainsi métamorphosés avaient une durée de vie limitée à trois jours et ne mangeaient, ni ne buvaient, ni ne se reproduisaient.
Ibrahim Al-Ali affirme (dans Falastine al-Mouslima) que les juifs transformés en singes, porcs, lézards, et souris, ont aussi été frappés de stérilité. Il ajoute toutefois que « l’extinction des juifs punis par une telle transformation ne signifie pas que leur châtiment a touché à sa fin. Cette punition a laissé sa trace sur l’âme ou l’esprit des juifs qui sont venus après : ce qui a profondément affecté leurs manières et leur comportement ».
La théorie de l’évolution a été élaborée par les juifs pour effacer la honte et le déshonneur de cette punition.
« Étant donné que les juifs se sentaient honteux du châtiment qui leur a été infligé, châtiment qui en faisait les frères des singes et des porcs ; ils ont tenté de se disculper en méprisant l’espèce humaine au point d’affirmer que l’Homme est d’origine animale et qu’il descend du singe (théorie du singe juif Darwin) ».
NDLR EST-IL BESOIN ICI DE RAPPELER QUE LE PRINCIPE DE L’ÉVOLUTION DES ESPÈCES EST AUJOURD’HUI ENCORE LE MEILLEUR FACTEUR EXPLICATIF POUVANT ÊTRE APPORTÉ À DE NOMBREUX PHÉNOMÈNES ; ET QUE LE DARWINISME CORRIGÉ EN NÉO-DARWINISME EN EST UNE TRÈS BONNE THÉORISATION.
1 Voir les commentaires du chapitre 5 versets 112-115, du célèbre Al-Tabari (Xe siècle). Al-Tabari explique que les apôtres ont été transformés en singes et en porcs ou, selon une autre version, uniquement en porcs, parce qu’ils n’ont pas obéi aux ordres divins ; et cela, en dépit du miracle faisant descendre des cieux, à leur demande, une table chargée de victuailles.
2 Les musulmans étaient également menacés d’être transformés en singes et en porcs. Pour les Juifs et les chrétiens, cette punition était du passé, mais pour les musulmans, elle serait infligée le Jour du jugement dernier. Dans son article « Les singes, les porcs et l’identité islamique », U. Rubin indique que les musulmans menacés d’être transformés en animaux n’étaient pas des pécheurs ordinaires, mais ceux dont le péché avait une nature juive ou chrétienne. L’évocation d’une punition liée au sort des juifs et des chrétiens visait à combattre l’influence juive et chrétienne dans la société musulmane. L’identité musulmane étant fondée sur l’unité et la moralité ; tout musulman faisant comme les juifs ou les chrétiens constituait une menace pour elle.
3 Dans son traité du Livre des Animaux du IXe siècle, le plus grand de ces auteurs, Al-Jahiz écrit que l’on pense généralement que le guépard, l’anguille, la fourmi blanche, la souris et le lézard étaient à l’origine des juifs. Il mentionne la tradition racontant comment un sage a vu un jour un homme mangeant un lézard et lui a dit : « Sache que tu viens de manger un des cheikhs des fils d’Israël ». Il ne dit pas pourquoi ils ont été transformés en animaux, mais il ajoute que la preuve de ceci est que « le pied du lézard ressemble à la main humaine ».
4 Falastine Al-Mouslima (Londres), septembre 1996, pp. 54-55.
5 Ismaël Ben Amer Ibn Kathir (mort en 1373).
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BUCCAILLEISME.
Foi et science sont des modes de connaissance différents. De même qu’il serait ridicule, dans une discussion scientifique, de vouloir prouver sa thèse par un serment prenant Dieu à témoin, de même est-il ridicule dans le domaine de la foi de vouloir prouver un dogme à l’aide d’une vérité scientifique. Ce que s’efforce de faire le bucailleisme.
Assez ironiquement, c’est un médecin français non musulman qui a inspiré cette tendance. Maurice Bucaille, après avoir été embauché comme médecin de famille du roi Fayçal d’Arabie saoudite, publia en 1976 un livre intitulé La Bible, le Coran et la Science, dans lequel il affirmait que le Coran était conforme à la Science, contrairement à la Bible. Un politicien yéménite nommé Cheikh Abdoul Majid Zindani a ensuite fondé une « Commission sur les signes scientifiques dans le Coran et la Sounna », bien dotée, basée en Arabie Saoudite, et qui est devenue le principal vecteur du Bucaillisme dans le monde.
Zindani était un ami et mentor d’Oussama Ben Laden, qui fut l’un des premiers adeptes du Bucailleisme et finança même ses « recherches » Oussama ben Laden a même fait partie des principaux « mécènes » ayant financé le manuel co-écrit par Zindani sur l’embryologie.
D’après le Wall Street Journal, le Bucailleisme est « en un sens l’équivalent musulman du créationnisme chrétien », bien que « alors que le créationnisme rejette une grande partie de la science moderne, le Bucailleisme lui l’embrasse tout entière ».
« Après confrontation des données scientifiques avec les énoncés des Écritures, j’ai présenté dans la première édition de ce livre en 1976 des conclusions qui constituèrent initialement pour moi une immense surprise : le Coran ne contient assurément aucune proposition en contradiction avec les connaissances les mieux établies de notre temps et il ne laissait aucune place aux idées de l’époque sur les sujets traités. Mais, bien plus, un grand nombre de faits qui ne seront découverts qu’à l’époque moderne y sont évoqués, à telle enseigne que le 9 novembre 1976 je pus présenter à l’Académie de Médecine une communication… Les constatations de l’homme moderne sur l’absence d’erreurs scientifiques sont en harmonie complète avec les conceptions des Exégètes musulmans sur le caractère révélé du Coran, considération qui implique qu’Allah [Dieu] ne pouvait exprimer une idée inexacte… Pour le Coran il n’y a pas opposition, mais harmonie entre l’Écriture et les connaissances modernes, harmonie humainement inexplicable ».
En dehors des milieux religieux, le Bucailleisme n’a rencontré que dédain. Un critique a même exhumé une parodie humoristique « découvrant » des miracles scientifiques cachés similaires dans
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les géorgiques de Virgile. Utilisant un raisonnement identique à celui de Bucaille et de Naïk, il a isolé découverte scientifique après découverte scientifique dans les premières lignes du poème.
Depuis la publication de La Bible, du Coran et de la Science en 1976, les Bucaillistes défendent l’idée que le Coran est d’origine divine, en affirmant qu’il contient des faits scientifiquement corrects.
Ci-dessous un des exemples couramment donnés par de Zakir Naïk dans son livre intitulé : Le Coran et la science moderne : compatibles ou incompatibles ? Publié en 2001 par les éditions Darussalam.
LA LUMIÈRE DE LA LUNE EST DE LA LUMIÈRE RÉFLÉCHIE : Les premières civilisations pensaient que la lune émettait sa propre lumière. La science explique maintenant que la lumière de la lune n’est que de la lumière réfléchie. Or ce fait a été mentionné dans le Coran il y a 1400 ans, dans le verset : « Béni soit celui qui a fait des constellations dans les cieux, et y a placé un luminaire ainsi qu’une lune qui éclaire. » (Al-Coran 25, 61.)
Le mot arabe pour soleil dans le Coran est sham. Il est également appelé siraaj… Le mot arabe pour lune est qamar et elle est décrite dans le Coran comme étant mounir c’est-à-dire un corps qui donne de la nour autrement dit de la lumière réfléchie… Ceci prouve donc que le Coran reconnaît la différence qu’il y a entre la nature de la lumière du soleil et celle de la lune.
Le problème dans l’argument de Naïk est que nour signifie simplement « lumière » ; il n’y a absolument aucune connotation de « réflexion » dans ce mot, quel que soit le dictionnaire ou lexique arabe consulté. Si, pour les besoins du raisonnement, nous adoptons les nouvelles définitions de Naïk, comme Dieu a l’attribut d’an-Nour, il doit être simplement une « lumière réfléchie », tandis que Mahomet, qui est qualifié « de lampe (siraj) répandant la lumière » dans la sourate 33, 46 serait la source originale de toute lumière. On frôle le blasphème.
En outre, il était déjà connu au moins mille ans avant Mahomet que la lumière de la lune était de la lumière du soleil. Quand Aristote (384-322 avant notre ère) discuta de la forme de la Terre, il en prouva la sphéricité en notant que lors d’une éclipse de Lune, on peut y voir l’ombre de la Terre dessus. Et des siècles avant Mahomet (psl), les juifs savaient que la lune « empruntait sa lumière » au soleil (Philon, 1er siècle) ; que « la lumière de la lune doit dériver de la lumière du soleil » (Midrach Hagadol, milieu du 1er siècle).
Naïk a tenté d’échapper à cette conclusion inévitable en divisant Dieu en deux composantes : 1) une lumière de siraj, et 2) une niche ou « réflecteur » qui reflète « Dieu composante 1 » et produit la nour (naouzoubillah !).
Il échafaude cette idée bizarre en réinterprétant le verset de la lampe (24,35). Mais son interprétation contredit totalement celle des sahaba (Ibn Abbas, Ibn Massoud, Oubaye bin Ka'b, etc.), qui ont tous bien interprété la niche et le verre comme étant le cœur du croyant dans lequel brûle la lumière de la foi. Aucun des sahabas n’a jamais eu l’audace de diviser Dieu en deux parties distinctes, une partie de Dieu étant une mèche brûlante et l’autre partie une la niche réfléchissante. Le tafsir de Zakir Naïk est grotesque et son idée blasphématoire.
D’un autre côté, Naïk prétend que la Thora enseigne à tort que la lune émet de la lumière : Dieu aurait fait deux luminaires, le plus grand pour le jour et le plus petit pour la nuit. Il fit également les étoiles. Dieu les a placés dans l’espace pour éclairer la terre, pour présider au jour et à la nuit et pour séparer la lumière des ténèbres (Genèse 1, 16-18).
L’argument de Naïk est ridicule, car il est parfaitement admissible d’appeler la lune « lumière », le verset ne la qualifie nulle part de « source de lumière ». À ce compte-là on pourrait tout aussi bien critiquer les modernes qui utilisent l’expression « clair de lune ». Le mot hébreu « lumière » (ma’or) signifie à la fois la lumière directe et réfléchie (Proverbes 15,30). Et Ézéchiel 32, 7-8 ainsi que Matthieu 24,29 suggèrent que la lumière de la lune dépend de la lumière primaire du soleil.
Le Coran contient aussi une description quelque peu problématique de la lune, car il dit qu’il y a sept cieux superposés, le plus bas contenant les étoiles (bien que nous sachions maintenant que les étoiles sont partout dans le cosmos). La sourate Nouh 71, 15-16, place néanmoins la lune au milieu de ces sept cieux, ce qui la localise dans l’espace beaucoup plus loin que les étoiles les plus proches des cieux inférieurs.
De semblables affirmations ont été assénées à propos des trous noirs, de l’embryologie, de la géologie et de l’astronomie.
Le Dr Zakir Naïk voit un miracle de connaissance scientifique avant l’heure dans le passage suivant : « Et devant Salomon se rassembla son armée – des djinns des hommes et des oiseaux, tous bien alignés. Ensuite, quand ils arrivèrent dans la vallée des fourmis, l’une d’entre elles s’écria : O fourmis, rentrez chez vous, de peur que Salomon et son armée ne vous écrasent sans le savoir » [Al-Coran 27, 17-18].
« Jadis certaines personnes se seraient sans doute moquées du Coran, en l’assimilant à un livre de contes de fées dans lequel les fourmis parlent et se communiquent des messages sophistiqués. Ces
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derniers temps cependant, la recherche scientifique nous a révélé plusieurs faits allant dans ce sens, qui n’étaient pas connus auparavant de l’humanité » (Zakir Naïk).
Naïk ne cite pas le contexte plus large de ce passage, dans lequel Salomon discute aussi de politique et de théologie avec une huppe et un djinn Ifrit.
Au passage, le récit biblique ne nous montre pas Salomon en train de parler avec des fourmis, des huppes et des Ifrits, mais en ces termes : « Il décrit la vie végétale, du cèdre du Liban à l’hysope qui pousse hors des murs. Il a parlé aussi des animaux et des oiseaux, des reptiles et des poissons. Des hommes de toutes les nations virent écouter la science de Salomon, envoyés par les rois du monde, qui avaient entendu parler de sa sagesse » (1 Rois 5, 13-14).
NDLR. Deviner que les fourmis communiquent n’est que du bon sens, quelque chose qu’un gamin de dix ans assez curieux peut comprendre tout seul.
Zakir Naïk allègue que la Bible parle d’une création en 6 jours littéralement de 24 heures alors que le Coran enseignerait symboliquement une création en six âges, ce qui est faux.
Le problème avec le Bucailleisme est qu’il dépeint Dieu comme incapable d’être clair d’emblée. Par exemple, si Dieu avait eu l’intention de nous faire savoir la forme de la terre, pourquoi n’a-t-il pas simplement inspiré un verset disant : « N’avez-vous pas considéré que nous n’avons pas fait la terre plate, mais ronde et tournant autour du soleil ? » Et si Dieu avait voulu prédire la télévision, il aurait pu dire clairement : « les hommes pourront un jour regarder des images dans des boîtes dans leurs logements ». Ailleurs, Dieu parle très clairement !
Nomanul Haq (Université de l’État de Pennsylvanie) est un des principaux critiques du Bucaillisme. Il attribue l’avènement du Bucaillisme à un « profond complexe d’infériorité » chez les musulmans, humiliés par la colonisation européenne et aspirant à reconquérir la gloire perdue des sciences du monde arabo-musulman.
Le célèbre spécialiste en physique théorique musulman du Pakistan appelé Parvez Hoodbhoy a même écrit : « le problème avec de telles revendications de propriété est qu’elles n’expliquent pas pourquoi la mécanique quantique, la génétique moléculaire, etc., ont dû attendre d’être découvertes ailleurs. Aucune raison n’est donnée pour expliquer que les antibiotiques, l’aspirine, la machine à vapeur, l’électricité, les avions ou les ordinateurs n’ont pas été inventés par les musulmans. Se poser de telles questions est même considéré comme offensant ».
Abu Ammar Yasir Qadhi, conférencier renommé diplômé de Yale : « il n’y a pas d’allusions scientifiques enfouies dans chaque troisième verset du Coran, attendant d’être exhumées par un musulman zélé et imaginatif ! » (Introduction aux sciences du Coran).
Taner Edis, philosophe et physicien turc : « Chercher de la Science dans le Coran [Bucailleisme] est pathétique…
Et en ce qui concerne la notion même de « Science musulmane », le Dr Abdous Salam, physicien pakistanais et prix Nobel, a écrit un jour : « Il n’y a qu’une seule science, universelle ; ses problèmes et ses façons de faire sont internationaux et il n’y a pas plus de science musulmane qu’il n’y a de science juive, hindoue, confucéenne, chrétienne ».
ET EN CE QUI NOUS CONCERNE, COMMENÇONS PAR RAPPELER QUE LE CORAN SE RÉFÈRE ENCORE AU VIEUX MYTHE SUMÉRIEN DE LA CRÉATION DIRECTE DE L’HOMME PAR DIEU À PARTIR D’ARGILE.
Partie scientifique du Coran chapitre 6, 2.
« C’est Lui qui vous a créés avec de l’argile ; puis vous a fixé un terme, car il y a un terme fixé auprès de Lui. Pourtant, vous doutez encore ! »
Partie scientifique du Coran chapitre 6, 98.
« Et c’est Lui qui vous a créés à partir d’un seul homme (Adam), réceptacle et un lieu de dépôt (pour vous). Nous en avons exposé les preuves pour ceux qui comprennent ».
Inutile de préciser que l’on sait très bien maintenant que l’homme n’est pas apparu ainsi.
AVERTISSEMENT SUR CE QUI SUIT.
NOTRE PROPOS ICI N’EST NULLEMENT DE NOUS MOQUER DE LA CONCEPTION DU MONDE ADMETTANT L’EXISTENCE ENTRE L’HOMME ET L’ÊTRE SUPÉRIEUR, QUEL QUE SOIT SON NOM (DIEU LE DESTIN LE DHARMA ALLAH JÉHOVAH LE TÉTRAGRAMME, ETC.) D’ÊTRES INTERMÉDIAIRES (QUELS QUE SOIENT LEURS NOMS : DIEUX ANGES DÉMONS ESPRITS, ETC.)
IL IMPORTE ÉGALEMENT ICI DE RAPPELER QUE LES RATIONALISTES MUSULMANS QUE FURENT LES MOUTAZILITES ET A LEUR SUITE LE PHILOSOPHE ET MÉDECIN AVICENNE AINSI QU’IBN KHALDOUN Y VOYAIENT PLUTÔT DES ALLÉGORIES.
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LES DJINNS.
Le Coran mentionne les djinns de nombreuses fois. En voici quelques exemples.
Chapitre 72. Al Jinn.
« Il m’a été révélé qu’un groupe de djinns prêtèrent l’oreille, puis dirent : « Nous avons certes entendu une Lecture [le Coran] merveilleuse, qui guide vers la droiture. Nous y avons cru, et nous n’associerons jamais personne à notre Seigneur. En vérité notre Seigneur – que Sa grandeur soit exaltée – ne S’est donné ni compagne ni enfant ! Notre insensé [Iblis] disait des extravagances contre Dieu. Et nous pensions que ni les humains ni les djinns ne sauraient jamais proférer de mensonge contre Dieu. Or, il y avait parmi les humains, des hommes qui cherchaient protection auprès des djinns, mais cela ne fît qu’accroître leur détresse. Et ils avaient pensé comme vous avez pensé que Dieu ne ressusciterait jamais personne. Nous avions frôlé le ciel et Nous l’avions trouvé plein d’une forte garde et de bolides.
Nous y prenions place pour écouter. Mais quiconque prête l’oreille maintenant, trouve contre lui un bolide aux aguets. Nous ne savons pas si on veut du mal aux habitants de la terre ou si leur Seigneur veut les mettre sur le droit chemin. Il y a parmi nous des vertueux et [d’autre] qui le sont moins : nous étions divisés en différentes sectes. Nous pensions bien que nous ne saurions jamais réduire Dieu à l’impuissance sur la terre et que nous ne saurions jamais le réduire à l’impuissance en nous enfuyant. Et lorsque nous avons entendu le guide [le Coran], nous y avons cru, et quiconque croit en son Seigneur ne craint alors ni diminution de récompense ni oppression. Il y a parmi nous certains qui se sont soumis [à Dieu = qui sont devenus musulmans] les musulmans, et il y en a qui sont restés injustes [qui ont dévié]. Et ceux qui se sont soumis à Dieu sont ceux qui cherchaient le droit chemin. Quant aux mécréants formeront le combustible de l’Enfer, etc. etc. »
Chapitre 18, verset 50.
« Et lorsque Nous dîmes aux Anges : « Prosternez-vous devant Adam », ils se prosternèrent, excepté Iblis qui était du nombre des djinns et qui se révolta contre le commandement de son seigneur. Allez-vous cependant le prendre, ainsi que sa descendance, pour alliés en dehors de Moi, alors qu’ils vous sont ennemis ? »
Chapitre 55, verset 74.
« Qu’avant eux aucun homme ou djinn n’a déflorées ».
Etc., etc.
Les djinns et le Coran donc.
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Si l’on s’en tient au Coran, la description suivante peut être proposée. Les djinns ont de commun avec les hommes d’avoir été créés pour adorer Dieu, d’avoir eu des prophètes, de pouvoir être des tentateurs, même pour les prophètes et, s’ils se sont égarés de subir le châtiment et d’aller en enfer. Ils sont mortels. Les djinns ne sont donc que des créations de Dieu. On ne saurait les considérer comme égaux ou participant directement de sa transcendance. Ils ont été créés de feu subtil, sans fumée et cela avant les hommes qui eux l’ont été en limon et argile. À moins qu’il ne s’agisse de métaphore, les djinns ont un cœur, des yeux et des oreilles. Leur force est supérieure à celle des hommes ainsi que leur vitesse de déplacement qui peut être quasiment instantanée. Ils peuvent produire des objets concrets au regard humain ; c’est ainsi qu’ils ont travaillé pour Salomon.
Il a pu se trouver que des djinns aient abusé des hommes et que ces derniers aient même adoré des djinns. Entre eux, les relations sexuelles sont possibles. Leur association reste impuissante devant la volonté de Dieu. Les djinns ne peuvent connaître l’inconnaissable même si certains d’entre eux ont écouté le Coran et se sont convertis.
Les djinns et les Hadiths.
À notre connaissance la synthèse la plus conséquente sur les propos tenus sur les djinns est celle de Toufik Fahd. Premiers habitants de la terre, mais ayant fait le mal, les djinns furent chassés par une armée d’anges. Refoulés ils furent cantonnés dans certains endroits, notamment les régions désertiques ou inhabitées, les bosquets, les fourrés et plus généralement les lieux non fréquentés par les hommes. Cela ne fut pas sans cependant quelques conflits ; avec les hommes, mais aussi entre eux. Bilal, compagnon du Prophète, rapporte que l’ayant un jour suivi avec de l’eau alors que le Prophète s’isolait, il entendit des paroles qu’il ne comprenait pas. Le prophète l’expliqua en disant qu’il avait arbitré entre des djinns musulmans et des djinns associateurs (païens) au sujet d’une zone d’habitation. Un autre conflit est rapporté, cette fois entre une tribu d’hommes et une tribu de djinns. Un homme ayant tué un djinn, les djinns tuèrent des hommes et ces derniers tuèrent tous les scorpions, serpents, insectes jusqu’à ce que les djinns demandent la paix.
Un hadith relate ces paroles du Prophète : « Dieu créa les djinns en trois catégories ; la première est faite de serpents, de scorpions et de reptiles ; la deuxième ressemble au vent dans l’atmosphère ; la troisième ressemble aux hommes et est susceptible de récompense et de châtiment. » Il a été raconté qu’une femme est venue voir le Prophète pour lui demander de délivrer son fils d’un djinn « qui le terrasse matin et soir ». Le Prophète passa la main sur la poitrine de l’enfant qui vomit alors un petit animal.
La tradition relate que le Prophète a indiqué que les os servaient de nourriture aux djinns musulmans. Il est aussi rapporté que les djinns se nourrissent d’odeurs. Les djinns sont invisibles, mais certains animaux peuvent les voir, notamment les chiens et les ânes. Nous avons vu qu’ils peuvent cependant prendre des formes diverses. Parmi celles-ci la forme de serpent est fréquente. En témoigne cette histoire citée par Fahd. « Des pèlerins trouvèrent un jour un serpent qui se tordait dans la poussière ; il ne tarda pas à mourir. L’un deux prit un chiffon, l’en enveloppa, creusa la terre et l’y ensevelit. Arrivés à La Mecque un homme vint à leur rencontre pour leur demander : « lequel d’entre vous s’est occupé d’Amr ben Jabir ? – Nous ne savons pas qui c’est, répondirent-ils. Qui, reprit l’homme, s’est occupé du serpent (jann) ? Que Dieu le récompense pour nous, c’était le dernier des neuf djinns qui ont entendu le Coran de la bouche même du Prophète ».
Un autre hadith rapporte l’histoire d’un djinn qui fréquentait la femme d’un homme en prenant la forme de ce dernier. Un jour le djinn l’amena au seuil du premier ciel. Là, l’homme entendit une voix, qui disait : « Il n’y a de pouvoir et de force qu’en Dieu. Ce que Dieu veut se produit ; ce qu’il ne veut pas n’arrive pas ». De retour sur terre, l’homme (un Persan) récita ce qu’il avait entendu, et le djinn brûla jusqu’à devenir cendre.
Commentaires.
Les éléments connus à partir des hadiths sont beaucoup plus nombreux et plus précis que ceux révélés par le Coran. On verra ultérieurement que ceux qui sont véhiculés dans la culture populaire sont encore plus détaillés. Tous témoignent cependant d’un monde invisible et caché, comme d’ailleurs la racine du mot l’indique (jenna), coexistant avec celui des humains et dont les destins se croisent parfois.
Ces deux mondes se ressemblent en partie étrangement ; comme les humains, les djinns vivent en société, se querellent, ont des relations sexuelles (ce qui les distingue des anges et des démons), mangent, boivent, s’allient et se font la guerre, ont des croyances diverses, etc. Les différences sont aussi frappantes par leurs symétries inversées ; les hommes habitent les villes, les djinns les lieux désertiques ou abandonnés ou ceux pour lesquels les hommes ont peu d’attrait, voire de la répugnance, ruines, égouts, toilettes, etc. Les hommes mangent la chair, les djinns se nourrissent d’os. Les hommes sont lourds et lents, les djinns sont plutôt aériens et rapides. Les djinns paraissent peupler les domaines de l’inconnu, de l’inexploré ou de l’abandonné, du mystérieux et de l’inavouable,
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le côté obscur des choses. C’est là que les hommes et les djinns se rencontrent, dans les zones incertaines, dans les sentiments ambigus, dans les lieux où rôdent le malheur et la mort. Au-delà des craintes qu’ils suscitent, les djinns donnent aux hommes du sens à leurs peurs et à leurs incompréhensions. D’une certaine manière ils peuvent être parfois nos compagnons d’infortune.
De la même manière, le monde des djinns et celui des humains ne sont pas pensés comme séparés, étanches. Au contraire, il serait peut-être plus juste de dire qu’il s’agit du même monde, mais habité par les uns ou les autres à des niveaux différents. Dans l’invisible lui-même, les représentations culturelles ne différencient pas toujours aussi nettement les djinns d’autres entités comme les anges, les ghoual (ogres mâles : goules, ogres femelles : ghula), les ifrit, les marid, les shayatines. Ces derniers sont cependant généralement conçus comme plus proches des démons et appartenant au groupe d’Iblis. Ce dernier correspond certainement un peu plus au Diable des chrétiens malgré la proximité phonétique avec shaïtân et Satan.
Existe-t-il des mâles et des femelles parmi les djinns ?
Lorsque Mahomet entrait dans les lieux d’aisance, il récitait l’invocation suivante : « Ô Seigneur, je demande protection auprès de Toi contre les démons mâles et les démons femelles » (Hadith transmis par Anas et rapporté par Boukhari et Muslim.)
Ceci montre clairement qu’il existe des mâles et des femelles parmi les djinns.
Est-ce que les djinns ont des rapports sexuels et une progéniture ?
Saint Coran chapitre 55, verset 74 : « Qu’avant eux aucun homme ou djinn n’a déflorées ».
Saint Coran chapitre 18, verset 50 : « Prosternez-vous devant Adam », ils se prosternèrent, excepté Iblis qui était du nombre des djinns et qui se révolta contre le commandement de son seigneur. Allez-vous cependant le prendre, ainsi que sa descendance, pour alliés en dehors de Moi, alors qu’ils vous sont ennemis ? »
Le premier verset montre que les djinns ont la capacité de déflorer des vierges donc d’avoir des rapports sexuels. Le second montre que les djinns ont une descendance issue de ces rapports sexuels d’une part et d’autre part il prouve clairement qu’Iblis est un djinn et non un ange comme certains le prétendent.
De manière générale, l’alliance entre l’homme et le djinn donne un pouvoir immense à celui ou ceux qui y participent, humain ou djinn. Le djinn peut aussi s’opposer à l’homme, ce qui représente un des deux cas, dans le bien ou le mal, mais ils peuvent tous les deux, deux à deux ou à plusieurs, créer des forces gigantesques en se complétant mutuellement, là aussi, dans le bien comme dans le mal. Dans ces conditions, ou l’homme soumet le djinn, par la volonté de Dieu, dans le sens du bien, ou seul par sa science (que Dieu lui a donné). Il est dans le mal lorsque les objectifs poursuivis sont contraires aux lois morales et spirituelles imposées par Dieu, ou lorsqu’il ne reconnaît pas que sa science lui a été donnée par Dieu. Généralement les deux choses sont liées. Le Coran considère que l’homme est supérieur au djinn. Les mystiques ont analysé très en profondeur ces notions, et ils disent qu’elles appartiennent au monde du secret. Ce qui signifie que les découvertes essentielles sur ces questions ne doivent pas être divulguées, car elles peuvent être utilisées par des adeptes du malin.
La religion des djinns.
Les djinns sont sur ce point comme les êtres humains. Ils peuvent être chrétiens, juifs, ou musulmans [et donc aussi matérialistes athées si nous comprenons bien le raisonnement, les pauvres ! Note de l’éditeur].
Les musulmans parmi les djinns sont tout comme les musulmans parmi les hommes ; certains sont pieux, d’autres sont des pervers, d’autres encore suivent la Sounna du Prophète tandis que d’autres innovent de façon condamnable. Et « Il y a parmi nous des vertueux et d’autres qui le sont moins ; nous étions divisés en différentes sectes » (chapitre 72, verset 11).
Les savants sont unanimes sur l’entrée en enfer des djinns mécréant. L’Imam Ibn Taïmiyya a bien établi que les savants sont à l’unanimité d’avis que les djinns mécréants seront punis du feu de l’enfer et l’avis le plus prépondérant sur le sort des djinns croyants est qu’ils iront au paradis.
CONCLUSION.
Avec les anges (malaïka) et les démons (shayatine) les djinns forment une sorte de triptyque des entités non humaines, généralement invisibles, mais pouvant être perçues dans certaines conditions particulières. À vrai dire les lignes de démarcation entre ces entités sont parfois estompées ou ambiguës. Les djinns ne sont pas des démons, mais il peut cependant arriver qu’ils soient traités ainsi s’ils ont fait du mal. Ainsi Iblis, dont l’équivalent hébreu et chrétien est plutôt Satan, est-il compté parmi les djinns dans le verset 50 de la sourate 18 alors qu’il est compté parmi les anges dans le verset 34 de la sourate 2. Iblis que de nombreux auteurs rapprochent du diabolos grec ancêtre linguistique du Diable chrétien. De la même manière, on sait que certaines confréries, les Gnaoua par exemple, utilisent le mot mlouk comme équivalent à djinn alors que l’on peut y reconnaître la même racine (m.l.k.) que celle des anges.
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L’UNIVERS DES DJINNS SELON ALFRED JAY.
(Nos corps invisibles, cerveau et réalités, Entre lune et terre.).
Zakariya ibn Muhammad ibn Mahmoud Abu Yahya al-Qazouini, célèbre cosmographe et médecin musulman persan du XIIIe siècle, affirme que les djinns « sont des animaux aériens, avec des corps transparents qui peuvent prendre diverses formes ».
Si nous faisons abstraction du folklore et des superstitions dans lesquels s’est embourbée la science des djinns pendant plus d’un millénaire, nous verrons qu’il y a probablement un noyau de vérité.
Génie est une traduction anglaise du terme arabe « jinn ». Le mot anglais vient du français « génie », qui signifiait esprit qui du latin « genius », qui désignait une sorte d’ange gardien personnel assigné à chacun dès la naissance. L’Islam enseigne qu’il existe trois principales formes de vie intelligentes : les anges, les djinns et les humains. Les anges sont faits de lumière. Le cinquante-cinquième chapitre du Coran déclare que les djinns sont faits de « feu sans fumée » et que les êtres humains sont faits d’argile (comme celle utilisée dans la poterie). En termes modernes, les êtres humains sont faits de carbone ou d’eau, les djinns à base de plasma et les anges sont des formes de vie photoniques. Les djinns ont été créés avant les humains et semblent avoir subi une forme d’évolution darwinienne.
Les musulmans croient que les djinns ont le pouvoir de voler et de changer de taille en s’adaptant à tout espace possible. Il est intéressant de noter que les représentations populaires des « génies » nous montrent souvent un géant dont le corps se rétrécit en vortex et qui, malgré sa taille, est capable de tenir dans la lampe d’Aladdin ou dans une petite bouteille.
On pense également que les djinns sont capables de changer de forme et peuvent donc apparaître aux humains comme des serpents, des scorpions, du bétail, des ânes, des oiseaux et d’autres animaux.
Certains auteurs pensent que les djinns sont en fait des formes de vie plasmatiques, par exemple, le Dr Ibrahim B. Syed, professeur de médecine clinique à l’Université de Louisville.
Ce concept de plasma est relativement moderne. Le mot « plasma » a été inventé par Irving Langmuir vers 1929 et la physique moderne du plasma n’a commencé qu’au XXe siècle. Il y a mille ans, ce concept n’existait pas. Mais le terme « feu sans fumée » implique bien cette idée. Des lampes fluorescentes et des enseignes au néon (qui sont composées de plasma) auraient été probablement décrites comme « feu sans fumée » ou « feu ne dégageant pas de fumée » il y a mille ans.
Les djinns ne peuvent pas voir distinctement les êtres humains, mais les voient seulement comme des images floues. Néanmoins, tout comme les humains, certains djinns peuvent voir mieux que d’autres ou avoir des sens plus développés, ce qui leur permet ainsi d’accéder de façon intermittente au
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monde humain (tout comme certains humains ont un accès intermittent au monde des djinns). Il ne serait pas surprenant que ces djinns soient considérés comme des « sujets psi » dans leur propre monde – puisque faisant partie des rares individus capables de communiquer avec cette espèce étrange appelée « hommes ». La majorité des djinns considèrent probablement les humains comme des fantômes vivant sur une Terre parallèle.
Comme les êtres humains, les djinns ont des responsabilités (carrières, vie de famille, etc.). De nombreux djinns ont accepté la mission et le message de Mahomet quand ils ont entendu le Saint Coran lu par le Prophète récitant la « Fajr salah » à Okaz. Les musulmans pensent également que les djinns, tout comme les humains, sont affiliés à différentes religions et se subdivisent en différents groupes, sectes et cultes tout comme les musulmans, les chrétiens, les juifs et même les athées, chez les êtres humains. Ils auraient leurs propres mosquées, églises et temples – comme l’ont rapporté certaines personnes qui ont vécu des expériences de mort imminente. En d’autres termes, les djinns vivent en sociétés, communautés et systèmes politiques, et sont étonnamment similaires aux humains. Leur civilisation à base de plasma a probablement une histoire plus longue que la nôtre.
Tout être humain se voit assigner un djinn personnel appelé « qarine ». Le qarine du Prophète Mahomet se serait converti et serait devenu un « bon » djinn musulman en écoutant une récitation du Coran parce que, entre autres choses, c’était « beau ». Cela prouve que certains arguments peuvent convaincre les djinns de changer de comportement et que ce sont des formes de vie intelligentes ayant le sens de la moralité et même du beau.
Les musulmans croient que les djinns seront récompensés s’ils se conduisent comme des Justes et punis pour leur méchanceté, tout comme les humains. Les djinns, comme les humains, seront jugés le jour du jugement et iront au paradis ou en enfer selon la qualité morale de la vie qu’ils auront vécue. Ce sont donc bien évidemment des êtres pensants ayant leur libre arbitre. Ils auraient donc aussi une conscience.
Les djinns ne forment qu’une catégorie des formes de vie composée de « feux sans fumée » selon l’Islam. Les autres étant les Janns, les shaïtans, les Ifrits et les Marids. Certains auteurs pensent que les djinns sont une forme évoluée des Jann. Le processus d’évolution (darwinienne) serait donc aussi vraisemblablement à l’œuvre chez les djinns.
NDLR. Le but de cet article est de fournir une perspective historique sur la façon dont certaines catégories de formes de vie plasmatiques ont été conçues par les musulmans à travers leur littérature sacrée.
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AHMAD CHAMLOU (1925-2000).
Quelle étrange époque vivons-nous
Celui qui, nuitamment, martèle à notre porte
Est venu en meurtrier de la lampe,
La lumière, on l’enfouit au fond d’une arrière-cour
Et voici que viennent les bouchers
Veillant à tout passage.
Ils apportent la planche et les hachoirs en sang.
Et ils équarrissent le sourire sur les lèvres
Et les chants sur la bouche.
La joie, on l’enfouit au fond d’une arrière-cour
Les canaris sont couchés sur la braise,
Brûlante de jasmin et de lys,
Quelle étrange époque vivons-nous, ma toute gracieuse
lblis est triomphant,
Ivre, attablé au banquet de nos deuils,
Dieu on l’enfouit au fond d’une arrière-cour.
DE LA NATURE D’IBLIS.
Savoir si cet Iblis est un ange ou un djinn reste un mystère. Les commentateurs et penseurs de l’islam ont maintes fois tenté de définir cet étrange personnage. Si l’exégète mou’tazilite Az-Zamakhchari (mort en 1144) affirmait qu’Iblis n’était rien d’autre qu’un djinn ; d’autres penseurs, tels le cadi chaféite Al-Baïdaoui (mort en 1286) ont tenté de montrer qu’il avait en réalité une double nature, d’ange et de djinn.
Le problème est que le Coran nous présente Iblis comme un être créé de feu (tout comme les djinns) et que les hadiths décrivent les anges (mala’ika) comme des êtres de lumière. La question par conséquent est de savoir pour quelles raisons et dans quelle mesure Iblis s’est senti concerné par un ordre divin explicitement donné aux anges et non aux djinns.
Beaucoup de savants docteurs de la foi islamique estiment qu’Iblis était un djinn élevé au rang d’ange pour sa loyauté envers Dieu, sa bravoure et sa combativité. L’historien At-Tabarî (mort en 923) le présente dans sa Chronique comme un djinn dévoué à la cause divine, qui s’est vu remettre le commandement de la Terre avant l’arrivée de l’Homme. Ce qui expliquerait dans une certaine mesure
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sa présence lors de la création de l’être humain, et le fait qu’il ait été concerné par l’ordre divin de se prosterner devant lui.
D’autres théologiens musulmans ont tenté de démontrer la nécessité d’un Ordre universel établi par Dieu et concernant le statut de ses créatures. Ils affirment que les anges, étant des êtres impeccables, totalement dévoués à leur Seigneur, ils ne sauraient s’élever contre ce dernier. L’exigence de cohérence établie par cet Ordre universel est telle qu’il faut néanmoins admettre la nécessité d’avoir, au sein même de la communauté des anges, une créature désobéissante ; préfigurant la peccabilité de certains d’entre eux, et donc le début de l’Humanité.
Cette théorie, très peu développée dans la tradition classique, puise ses origines dans la théologie chrétienne où le diable apparaît comme un ange déchu.
À l’heure actuelle, aucune réponse ne satisfait les différentes Écoles de pensée si ce n’est de croire tout simplement qu’Iblis ne saurait être autre chose qu’un djinn.
AL SHAÏTAN ET LA PRÉDESTINATION.
Iblis devenu al shaïtan, la question se pose alors de savoir quelle est sa part de responsabilité dans les actes humains, et quelle place il tient dans le système dualiste qui caractérise l’islam.
Présenté comme l’Ennemi (Al 'adou), le Lapidé (Al-Radjim), l’Idole par excellence (Taghout) qu’adorent les Mecquois à travers le culte de la trinité de déesses nommées Allat (al-Lat), Al-Ouzza et Manat ; Al Shaïtan est la personnification du Mal, mais il n’en est pas le maître absolu.
Certains penseurs ont vu dans l’épisode de la Création le point de départ de la responsabilisation de l’Homme dans ses actes. Tout comme Dieu a insufflé de son esprit à Adam, le shaïtan, en tentant celui-ci, lui a insufflé de son propre souffle maléfique. Ce qui fait que le mal est désormais en l’Homme, et non plus seulement inspiré par le shaïtan.
Chapitre 4, verset 79. « Tout bien qui s’applique à toi vient de Dieu, et tout mal qui t’atteint vient de toi-même ».
De la même façon, le shaïtan ne se présente donc pas, dans le Coran, comme le maître de l’Enfer, mais bien au contraire, comme seulement l’un de ses habitants. Il n’est pas le Seigneur du Mal par excellence, mais simplement son premier agent. Ce qui laisse l’Homme à son libre arbitre et au choix d’aller vers les Ténèbres ou vers la Lumière.
Cette conception du rôle du shaïtan a été bien expliquée par Thomas d’Aquin. « Occasionnellement et indirectement, le diable est bien la cause de tous nos péchés, puisque c’est lui qui a induit le premier homme à faire le mal ; et qu’à la suite de ce premier péché, la nature humaine a été tellement viciée, que nous sommes tous maintenant enclins au mal. Mais ce n’est pas le diable qui est directement et personnellement la cause de toutes les fautes des hommes ».
Le shaïtan étant assimilé à un djinn, le commandement de ces créatures lui est attribué pour autant qu’elles aient un esprit maléfique dès leur origine. Pour le jurisconsulte hanbalite Ibn Taïmiyya (mort en 1328), le shaïtan est même le premier djinn à l’origine des autres, tout comme Adam est le premier homme à l’origine des êtres humains.
Dictionnaire élémentaire de l’islam.
L’islam admet l’existence des djinns, esprits invisibles, qui, comme les hommes, ont été créés pour adorer Dieu : « Je n’ai créé les djinns et les hommes que pour qu’ils m’adorent » (chapitre 51, verset 56). « Les djinns, nous les avions créés, auparavant, du feu de la fournaise ardente » (chapitre 15, verset 27). « Ils ont été créés de feu clair » (chapitre 55, verset 15). Ils ont des yeux, des oreilles et un cœur ; il est écrit à propos de ceux d’entre eux qui sont maléfiques : « Ils ont des cœurs avec lesquels ils ne comprennent rien ; ils ont des yeux avec lesquels ils ne voient pas, ils ont des oreilles avec lesquelles ils n’entendent pas ». Il existe des djinns femelles, mais aussi des djinns mâles, capables par conséquent [comme les dusios/duses des druides gaulois] de s’accoupler avec des humaines ; du moins si l’on en croit le chapitre 55, verset 56, qui évoque « celles dont les regards sont chastes et que ni hommes ni djinns n’ont jamais touchées avant eux ».
Il y a de bons et de mauvais djinns. Au même titre que les hommes, ils mourront et seront ressuscités, puis rassemblés le jour du jugement dernier. L’armée d’Iblis, elle, sera précipitée dans le Feu : « Ô assemblées des djinns et des hommes ! Des prophètes ne vous ont-ils pas aussi été envoyés ? » (Chapitre 6, verset 130.) « Je remplirai la Géhenne de djinns et d’hommes » (chapitre 11, verset 119).
D’autres djinns sont au contraire soumis à Dieu. Il y a même parmi eux des prédicateurs. Ils iront au paradis comme ceux qui écoutèrent la récitation du Coran faite par le Prophète à son retour de Taïf (où il était allé prêcher, vainement, la bonne parole aux habitants de cette ville, et demander par la même occasion leur aide). « Nous avons amené devant toi une troupe de djinns pour qu’ils écoutent le Coran et qu’ils soient présents puis, quand ce fut terminé, ils retournèrent prêcher auprès des leurs » (chapitre 46, verset 29).
Les djinns ont en effet leur propre communauté. Ils peuplent les lieux où il y a de l’eau, des endroits inhabités, des maisons en ruines, et tout autre endroit désert. La croyance populaire leur attribue
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apparemment une certaine corporéité ; ils peuvent se présenter sous forme d’animaux ou d’êtres humains.
Certains djinns exercent sournoisement leur rôle néfaste auprès des hommes comme ils l’avaient jadis exercé aussi auprès des prophètes. Ils forgeaient des mensonges qu’ils susurraient aux envoyés de Dieu en les enveloppant d’un joli langage. « Nous avons suscité, à chaque prophète, un ennemi : des hommes démoniaques et des djinns qui se suggèrent les uns aux autres le clinquant de paroles trompeuses » (chapitre 6, verset 112).
Un peu comme les druides celtes, les Arabes païens admettaient l’existence des djinns, mais en les associant à leur Dieu créateur. Ils voyaient en eux des fils ou des filles du Seigneur : « Ils ont attribué à Dieu les djinns comme associés, mais c’est lui qui a créé les djinns. Ils ont imaginé, dans leur ignorance, que Dieu a des fils et des filles » (chapitre 6, verset 100).
Iblis était considéré comme un frère de Dieu, et les anges des enfants nés de démons femelles s’étant unies au Seigneur. « Ils établissent une parenté entre lui et les djinns, mais les djinns savent qu’ils seront réprouvés » (chapitre 37, verset 158).
Les mou’tazilites modernes considèrent que les djinns sont une allusion à l’existence des microbes. De telles idées ne sont pas partagées par la majorité de l’opinion musulmane, laquelle, pour se soustraire à l’influence de ces démons, préconise de chercher refuge auprès de Dieu ; en récitant les deux chapitres suivants : « Je cherche la protection du Seigneur de l’aube contre le mal qu’il a créé ; contre le mal de l’obscurité lorsqu’elle s’étend ; contre le mal des méchantes sorcières ; contre le mal de l’envieux, lorsqu’il jette un sort » (chapitre 113). « Je cherche la protection du Seigneur des hommes, Roi des hommes, Dieu des hommes, contre le mal du tentateur qui se dérobe furtivement ; contre celui qui souffle le mal dans le cœur des hommes, qu’il soit au nombre des djinns ou des hommes » (chapitre 114).
Les djinns qui ont un nom propre sont d’importances inégales selon les confréries. Au Maroc, Aïcha Quendicha (Kendicha), aussi nommée populairement Lalla Aïcha, Aïcha soudaniya, Aicha l’gnaouia, qu’au moins une personne dans chaque famille a rencontrée, nous est décrite comme une femme fascinante, mais aussi terrifiante. Vêtue de somptueuses toilettes, elle peut cependant cacher des seins pendants et des pieds de chamelle (ou de chèvre, ou de mule). Séductrice inlassable, malheur à celui qui couche avec elle sans avoir découvert son identité ou s’être protégé en plantant un couteau dans la terre ; elle détourne quantité d’hommes qui sont ainsi voués au célibat ou, s’ils sont mariés, voient leur vie conjugale frappée par la mésentente, l’impuissance, la maladie, la stérilité. Westermarck l’associait à la déesse Astarté ou Ishtar, et faisait même le rapprochement alors entre Qendicha et qedecha, la prostituée sacrée du Proche-Orient de l’Antiquité.
De telles suppositions sont en pratique invérifiables, mais quand bien même seraient-elles prouvées, que cela n’expliquerait rien. Un culte ou plus simplement une représentation culturelle ne peuvent s’importer puis perdurer que s’ils coïncident avec des éléments préexistants de la société d’accueil. Aïcha Quendicha est une figure complexe, qui condense non seulement les fantasmes masculins, mais aussi les fantasmes féminins ; de la mère phallique et castratrice, en tant que sorcière, à la maîtresse idéale en tant que beauté fatale, celle dans laquelle on se perd. Elle peut aussi représenter la rivale invisible. Son époux « officiel », le djinn Hamou Qiyou, est un peu effacé malgré ses affinités avec les abattoirs, le sang et les bouchers.
Les travaux portant sur les confréries Gnaoua, les Dilala, les Hamadcha ou les Issaoua, laissent entrevoir des sortes de tableaux de correspondances mettant en relation tel ou tel djinn (ayant un nom propre) avec un jour de la semaine, une couleur, un air de musique, une plante, un parfum ; voire telle ou telle caractéristique se manifestant par exemple durant les possessions rituelles, ou repérable dans les symptômes des patients. Au flou des représentations populaires s’opposent la précision et la rigueur de ces savoirs institués. De multiples variations sont néanmoins manifestes selon les diverses confréries et/ou selon les régions.
Les interlocuteurs « standard » distinguent en général la personne seulement battue par un djinn (madroub) de celle qui est vraiment possédée (mamlouk), mais cette distinction est souvent recouverte par le terme générique de madjnoun, lequel ne renvoie pas nécessairement au registre pathologique.
Il peut aussi signifier quelque chose comme l’inspiration, par exemple celle du poète, ou celle du saint.
Les djinns peuvent frapper, habiter, posséder, endosser. Les termes associés sont respectivement : madroub, maskoun, mamlouk et malbous.
Josep Lluis Dieste, à partir d’une approche plus linguistique et sur des terrains variés (campagnes, villes, migration), propose les catégories suivantes :
— Ensorcelé : machour.
— Battus : madroub (frappé en général) ; matrouch (giflé).
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— Possédés : mamlouk mais aussi maskoun (habité), maktouf (ravi) [Santé et rituels au Maroc. Josep Lluis Dieste].
COURRIER DES LECTEURS.
Ligue nationale des musulmans de France, B.P. 39, 91 103, Corbeil-Essonnes CEDEX. France.
« Le salut réside dans l’invocation du nom de Dieu, puisque les traditions authentiques rapportent que le Prophète (P.S.L.) prononçait la formule « au nom de Dieu » et mentionnait Dieu en toutes circonstances ; comme au moment de manger, de boire, de monter sur son cheval, de se déshabiller, de cohabiter avec ses épouses, etc.
Ibn Taïmiya (Majmou al Fataoua 19/42) : « Quand des djinns agressent des humains, on doit leur expliquer le jugement de Dieu et de Son Messager, leur en administrer la preuve, leur ordonner le bien et leur interdire le mal, comme on le fait avec les humains, car Dieu a dit : Nous n’avons jamais puni (un peuple) avant de (lui) avoir envoyé un Messager » (Coran, 17, 15).
« Si l’ordre, l’interdiction, et l’explication ne s’avèrent pas suffisants, il est alors permis de leur tenir un langage sévère, voire de les menacer ou de les injurier ; comme l’a fait le Messager de Dieu en face de Satan, qui essayait de lui lancer à la figure une étoile filante » (Boukhari).
On peut également recourir à la lecture du Coran, à celle du verset du Trône en particulier ; à propos duquel le Prophète (P.S.L.) a dit : « Quiconque le récite sera gardé par Dieu, et Satan ne pourra pas s’approcher de lui » (Boukhari) ainsi qu’à la récitation des deux prières de protection (les chapitres 113 et 114).
Quant à l’intervention du psychiatre qui ne tient pas compte de ce que nous avons dit plus haut dans le traitement des crises d’épilepsie, elle est inutile. Louange à Dieu, Seigneur de l’univers !
Ligue nationale des musulmans de France, B.P. 39, 91 103, Corbeil-Essonnes CEDEX.
COMMENTAIRE DE PIERRE DE LA CRAU : AU SECOURS ! COMMENT UN TEL OBSCURANTISME PEUT-IL ÊTRE ENCORE POSSIBLE AUJOURD’HUI SUR CETTE PLANÈTE ? ENVOYEZ TOUT DE SUITE UN PSYCHIATRE À L’UNION NATIONALE DES MUSULMANS DE FRANCE, DE TOUTE URGENCE !
MAGIE NOIRE ET MAGIE BLANCHE EN TERRES D’ISLAM.
Les grands répertoires bio-bibliographiques classiques de l’aire de l’islam, anciens comme modernes, l’attestent : le « savoir magique », entendu ici dans un sens extensif, englobant magie, sorcellerie, astrologie, et techniques divinatoires, occupe une place loin d’être marginale dans la civilisation musulmane. Il s’y est développé et a historiquement cheminé à côté des sciences religieuses (nagliya-s) ou des sciences profanes (aqliyy-s) sans que cela implique toujours un conflit frontal avec les unes ou les autres. Bien qu’une véritable sociologie historique de la connaissance dans l’aire musulmane reste encore à faire, nous savons, grâce aux recherches existantes, qu’il y eut constamment « infiltration » pour ne pas dire « interpénétration » entre divers modes de rationalité ; dans les grandes opérations explicatives de la nature, du monde et du destin des hommes qui s’y accomplit. Une composante d’importance en a été ce que l’on appelle génériquement, peut-être restrictivement, les « sciences occultes », et plus encore les modes dits « populaires », non savants, de représentation et d’interprétation de l’univers et de son devenir. Pour autant, ce type de savoir et les enjeux cognitifs et symboliques qu’il implique, comme cela est resté longtemps vrai de l’hagiographie aussi, ont été jusque-là relativement écartés de l’investigation historique (à tout le moins « historienne ») ; aussi bien celle de l’orientalisme positiviste que celle des intellectuels musulmans rationalistes ou réformistes modernes.
Comme on l’a suggéré, un bon témoignage de l’étendue, voire à certains moments historiques de la pertinence, du savoir magique dans la culture de l’islam ; est donné par les répertoires bien connus d’Ibn al-Nadim (Fihrisit, Xe siècle) ou de Hadji Khalifa (Kashf az-zounoun, XVIIe) où de larges sections y sont consacrées. Pour ce qui est de l’histoire et de la philosophie de la connaissance, Ibn Khaldoun (mort en 1406) donne une des analyses les plus révélatrices du rôle de la magie en islam. Analyse qui interdit de considérer les savoirs qu’elle constitue et plus encore les pratiques qui s’y enracinent, comme totalement et radicalement coupés des autres modes de connaissance ; notamment ceux qui sont fondés sur une certaine aptitude spirituelle, l’expérience, mystique ou hagiographique par exemple. Ibn Khaldoun lui-même s’est préoccupé du problème que nous considérons ici comme central, celui de la frontière construite, ou à construire, entre magie et religion, pour en reprendre la désignation sociologique classique ; dans un contexte où la croyance en la réalité et en la puissance d’êtres invisibles et supérieurs rend impossible une démarcation absolue entre connaissances traditionnelles, rationnelles, et connaissances ésotériques, non fondées sur la raison. En islam la notion de « mystère inconnaissable » de la création (ghaïb), telle qu’elle est voulue et régie par Dieu
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seul, est une notion décisive. Le champ de savoir et d’action qui en est le corollaire est un champ nécessairement transversal, où interviennent à la fois, et pas toujours concurremment, divers types d’acteurs ; prophètes (y compris antérieurs à l’islam et à Mahomet), imam-s chiites, saints, mystiques spéculatifs, théologiens, philosophes rationalisants et magiciens.
Jann et Shayatines : étiologie et sihr. Dans le milieu natif de l’islam, et donc pour le prophète et dans le Coran, le sihr (la magie) est une réalité cognitive et empirique incontestable ; dont, pourrait-on dire, il ne s’agit, depuis la Révélation instaurant l’islam, que de circonscrire le champ de vérité ou de légitimité. D’où ce paradoxe fondamental et comme inaugural du système religieux islamique : la magie est réelle (haqq), mais peut être fausse (batil) ; réelle dans ses manifestations phénoménologiques et empiriques ; fausse dans ses fondements ontologiques et axiologiques.
L’arrière-plan de cette conception paradoxale tient du surnaturalisme préislamique que l’islam, en ce domaine comme en beaucoup d’autres, a largement reconduit, en se l’appropriant et en l’adaptant.
Une série de récits et de descriptions objectives donne, dans le texte coranique, une sorte d’étiologie explicative de la réalité du savoir et de la puissance magiques. En voici un résumé.
Lors de la création de l’Homme par Dieu, Iblis, être supra-naturel dont la nature est controversée (ange déchu ou djinn rebelle ?) a refusé de reconnaître sa prééminence en désobéissant à l’ordre divin de se prosterner devant Adam (chapitre 17, 61 et sq.) ; et de ce fait a été expulsé de la sphère céleste avec une partie des anges qui l’ont suivi. Depuis, l’univers des puissances immatérielles se divise en deux catégories : les uns, les anges, sont obéissants et fidèles à Dieu, propices à l’Homme qu’ils contribuent à guider vers lui ; les autres, les démons rebelles et hostiles à l’Homme, cherchent constamment à l’en éloigner ou à le corrompre, notamment par leur sihr, entendu littéralement ici comme séduction maligne et enchanteresse. Ce sont les procédés de cet « ensorcellement » qui constituent dans la cosmogonie musulmane le corps des pratiques magiques. Ces êtres, jan (ou selon la transcription passée dans la langue courante : djinn), Shayatines, Shaïtan et lblis en particulier, tirent leur savoir et, donc, leur pouvoir, d’une sorte d’opération frauduleuse. Ils avaient coutume de s’asseoir aux portes du Ciel le plus proche de Dieu et d’écouter de cet endroit la foule céleste. Des fragments du « savoir céleste » qui leur en parvenaient, ils tiraient des moyens de puissance qu’ils transmettaient à certains hommes (les kahin d’avant l’islam, les sahir) (chapitre 37, 6 sq.). Ainsi des deux anges déchus, Harout et Marout, qui ont enseigné la magie aux Babyloniens (chapitre Nº 2, verset 102) 1). Mais des anges protecteurs en faction chassent constamment ces êtres maléfiques à coups d’étoiles filantes.
D’autres versets, trop nombreux pour être tous cités ici (notamment 21, 81 sq. ; 27, 15-45 ; 34, 10 sq. 38, 29 sq.) soulignent assez explicitement les enjeux liés à l’existence et à la réalité paradoxale de la magie pour la nouvelle religion qu’est l’islam.
Il y est notamment affirmé que ce savoir-pouvoir magique connaît une limite fondamentale : l’omniscience et l’omnipotence de Dieu qui interdit aux djinns l’accès au mystère suprême justement (34, 14). Bien plus, à ce que ces esprits captent frauduleusement du Ciel, et qui est « vrai », il est indiqué qu’ils ajoutent, en le communiquant aux hommes, des « affabulations » au pouvoir « ensorceleur » ; aussi les djinns sont-ils à l’origine des « mensonges de tous les imposteurs » (affak), « poètes » (sha’ir) et faux prophètes de l’Arabie d’avant l’islam (26, 224).
Il n’est pas utile ici d’insister sur ce pouvoir enchanteur du verbe, réalité que souligne très clairement le texte coranique et qu’analyseront les exégètes postérieurs 2). L’univers de la magie tel qu’on se le représente et même tel qu’on en a l’expérience, aussi bien avant qu’après l’instauration de l’islam, est un univers où le langage est créateur. Cela est, du reste, en parfaite adéquation avec les données cosmogoniques fondamentales de la culture religieuse islamique ; la création elle-même n’est-elle pas une question de « verbe divin », dit et suivi d’effet ? L’univers est peuplé d’êtres spirituels dotés d’une certaine puissance, bénéfique ou maléfique, qui se mettent à la disposition de certains hommes et passent à l’acte sous l’effet de leurs incantations, « paroles contraignantes » aux effets incontestés.
Il est par ailleurs significatif que la révélation prophétique elle-même, le Coran en témoigne, ait d’abord été reçue par ses destinataires mecquois comme relevant du sihr ; c’est-à-dire, pour la culture du moment et du lieu, de l’enchantement par le verbe, et, donc, procédant de la magie (khana, terme générique d’avant l’islam).
Mahomet fut d’abord en butte à des accusations significatives de ce point de vue. Il n’aurait été qu’un kahin (en Arabie de l’époque : officiant et/ou devin en rapport avec les djinns), donc possédé par un démon qui lui inspirait son message (madjnoun, mashour) ; son message aurait été du sihr (de la magie) ou de « l’extravagance onirique » (adghat ahlam) ; ou encore, et plus significativement, de la « poésie » à la puissance efficace : shi' r, dont il convient ici de noter l’assonance avec sihr, assonance qui est aussi une contiguïté sémantique.
Ce mode de réception du « Message », culturellement pertinent à l’époque, était pour le moins conforté par la manière tout aussi adaptée à l’idéologie dominante, dont Mahomet laissait se dire en
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lui la « révélation inspirée ». Procédé proche de ce qu’aujourd’hui nous appelons « la parole automatique », bien connu en Arabie antéislamique, et si familier au prophète que lui-même crut en reconnaître les effets dans les premiers signes qui se manifestaient en lui.
Karen Armstrong est sans équivoque à cet égard. « Mahomet fut lui-même horrifié de penser qu’il était peut-être devenu un de ces vulgaires kouhanes peu recommandables que les gens allaient voir quand ils avaient perdu un de leurs chameaux. Les kouhanes passaient pour être possédés par un djinn. Les poètes aussi croyaient aussi qu’ils pouvaient être possédés par un djinn personnel. Hassan ibn Thabet, un poète de Yathrib qui devint plus tard musulman, raconte que quand sa vocation poétique se manifesta, son djinn personnel lui apparut, le fit tomber par terre et fit sortir de force de sa bouche les paroles qu’il inspirait. C’était la seule forme d’inspiration que connaissait Mahomet, et la pensée qu’il pourrait être devenu lui-même madjnoun, possédé par un djinn, le désespéra tellement qu’il souhaita ne plus vivre. Il méprisait en effet méticuleusement les kahin, dont les oracles étaient généralement inintelligibles, du charabia incompréhensible, et fit toujours très attention de bien distinguer le Coran de la poésie arabe conventionnelle… mais une autre vision lui apparut, d’un être qu’il identifia plus tard avec l’ange Gabriel… Ce n’était pas un ange de la nature, mais plutôt une présence massive et omniprésente à laquelle il était impossible d’échapper… Mahomet avait donc fait l’expérience de la réalité numineuse, que les prophètes hébreux appelaient kadosh, la sainteté, la terrifiante altérité de Dieu… Mais contrairement à Isaïe ou Jérémie, Mahomet lui n’avait pas une tradition bien établie pour le soutenir. Cette expérience terrifiante semble l’avoir frappé de stupeur et l’avoir laissé dans un profond état de choc. Dans son angoisse, il se tourna alors instinctivement vers sa femme, Khadija et, etc.… (Karen Armstrong, Muhammad : un prophète pour notre temps, pp. 137-138.)
NDLR. Nous laissons bien volontiers à notre amie Karen Armstrong, l’entière responsabilité, dans les deux sens d’ailleurs, de son rapprochement entre kahin et kadosh, Mahomet et Jérémie ou Isaïe.
Formellement la structure est néanmoins identique.
Par la suite, Mahomet lui-même eut à subir en personne, au moins à une occasion, les effets d’un ensorcellement caractérisé (hallucinations et impuissance sexuelle) dû à un juif médinois ; et dont il ne sera délivré, quarante jours plus tard, dit la Tradition, que par l’intervention de deux anges apparus sous forme humaine. Les sira (« biographie du Prophète ») s’empareront de tous ces éléments pour en faire une thématique expurgée de cette tonalité magique pour le moins ambivalente.
Essence divine, essence magique, un problème de frontière. L’un des enjeux majeurs des exégèses successives qui tenteront d’expliciter le message coranique, même si elles demeurent contrastées dans leurs choix herméneutiques ou doctrinaux ; a été d’essayer d’introduire une démarcation stricte, entre l’univers de la « religion vraie » (« Révélation », attributs prophétiques et données canoniques corollaires), et celui de la « magie », séductrice, rusée, voire fausse.
Une série de récits coraniques est, croyons-nous, à considérer comme la matrice narrative à partir de laquelle se formeront les analyses dogmatiques et apologétiques ; distinctives de ce qui est prophétique, ou ses succédanés hagiographiques, donc d’essence divine, et ce qui est d’essence purement magique ; notamment les récits relatifs aux prophètes (an biyya, pluriel de naby) et « envoyés » (rassoul) antérieurs à Mahomet, ainsi qu’à leurs « preuves miraculeuses » (moujiza).
Ibrahim (Abraham) défiant Nemrod, Moussa (Moïse) et sa lutte contre les magiciens du pharaon, Souleïman (Salomon) et sa maîtrise sur la nature par l’intermédiaire de djinns subordonnés à ses entreprises, Yahya (Jean le baptiste) et les circonstances de sa naissance ; Issa (Jésus) qui dans certains apocryphes insuffle la vie à des oiseaux en argile.
L’objet de ces élaborations de divers ordres, théologique, juridique, philosophique, et même historiographique, est de définir la frontière ontologique à tracer entre des manifestations surnaturelles au plus haut point ambivalentes dans leur forme. Toutes sont cependant des ayat de Dieu, littéralement des « prodiges » ou « signes merveilleux » de son pouvoir. Cette frontière, telle qu’elle fut progressivement et, redisons-le, de façon contrastée, mise au point ; n’est pas d’abord à proprement parler de nature théologique, ni fondée sur le vocabulaire et les méthodes du kalam (théologie spéculative musulmane). Nous avons plus que des indices pour affirmer qu’elle a d’abord été formulée sur le terrain dogmatique et même juridique ; c’est-à-dire en termes de statuts légaux, licites (halal) ou illicites (haram), que l’on a cherché à distinguer formellement ; mais qui ont toujours comporté une zone intermédiaire que l’on pourrait dire d’irréductible ambivalence, donnée propre à la structure du système de pensée de l’islam (différent par exemple, en cela, du christianisme historique, qui a développé une tout autre attitude à l’égard de la magie et surtout de la sorcellerie).
Malgré les enjeux symboliques d’une telle fixation de sens et à cause de ce que nous appellerions des contraintes internes du système islamique, à la fois culturelles et structurales, le Coran ne donne pas une définition univoque, exclusive, du concept générique de sihr.
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De même, pour les quelques traditions du prophète, formelles et unanimement acceptées comme authentiques.
— « Les sept péchés capitaux : associer quelqu’un ou quelque chose à dieu, pratiquer la sorcellerie ; tuer sans justification un être dont la vie a été déclarée sacrée par Dieu ; pratiquer l’usure ; détourner les biens d’un orphelin ; fuir dans une bataille ; et calomnier des femmes chastes, innocentes et croyantes. "
— « Tuer tous les sorciers, car c’est le châtiment ordonné par Dieu ».
L’interdiction de certaines formes de magie se trouve d’emblée atténuée, pour le moins nuancée, par l’exemple de Mahomet lui-même (dont il convient de rappeler qu’il constitue, en islam, la seconde source de la Loi).
Au-delà des ambivalences du début de la prophétie de Mahomet, déjà signalées, la Tradition nous enseigne que ce dernier, tout comme son milieu, croyait, autorisait, voire même pratiquait lui aussi, des formes d’intervention magique. Essentiellement la rouqya 3), que l’on peut traduire par le sens étymologique de « charme (s) » ; et qui consiste en la prononciation incantatoire ou la confection écrite, sous forme de talisman, de formules magiques diverses, extraits coraniques connus pour leur vertu, noms spécifiques de Dieu, etc. ; efficaces pour le désenvoûtement, la protection contre le mauvais œil, ou encore la guérison de certaines affections d’origine naturelle, ou surnaturelle. Il allait même jusqu’à dire que la « bonne » rouqya pouvait modifier le destin décrété par Dieu (qadar) tout en en faisant partie 4) ; introduisant ainsi une notion décisive que l’on retrouvera comme centrale, éthique plus que théologique, le « bien (khaïr) », opposé au « mal (sharr) ». De nombreux autres exemples de ces pratiques prophétiques qui légitiment, existent, à la lisière du naturel (ici médical) et du magique ; que les sira ont érigées en un sous-genre très populaire et très en usage jusqu’à nos jours : la tibb an-nabaoui (la médecine du prophète).
Il est historiquement indéniable que cette ambivalence n’a pu être résorbée, disons contenue, que par l’élaboration progressive d’un critère et donc d’une frontière, de nature infra théologique, c’est-à-dire en définitive éthique, voire psychologique. Ce critère central est relatif non pas à la nature, mais à l’effet de l’acte magique, qu’il soit cognitif ou pratique, et à l’intention (niyya) qui génère cet effet. L’immense « jurisprudence » (fataoui, naouazil) qui s’est développée dans toute l’aire musulmane, avec plus ou moins d’extension, et qui est, en la matière comme en d’autres, un excellent révélateur des tensions entre la norme doctrinale et les pratiques ; montre combien les positions dogmatiques des « docteurs de la Loi » (fouqaha) oscillent toutes à partir de ce critère. Sans entrer dans les détails, qui du reste demeurent encore à sérier, on peut signaler, par exemple, que le grand maître acharite Jouwaïni (mort en 1085) est plus extensif, car admettant beaucoup plus de ces pratiques qu’un Ibn Khaldoun ; lequel distingue entre « magie naturelle » et « arts talismaniques » illicites 5), plus encore qu’un Ibn Taïmiya (mort en 1328).
Au centre de ce critère majeur du licite ou de l’illicite de l’acte magique, se trouve le caractère bénéfique ou maléfique de son objet ; et, par conséquent, l’intention de réaliser le bien ou le mal à l’endroit de son destinataire, autrui comme soi-même. Et c’est seulement à un niveau logique en quelque sorte supérieur qu’intervient donc un critère proprement théologique ; savoir si l’acte magique en question requiert ou non, dans son principe et dans son déploiement, explicitement ou implicitement, des éléments de chirk [association d’autres puissances au pouvoir de Dieu], c’est-à-dire une impiété caractérisée, un sacrilège. Mahomet inaugura donc lui – même une sorte de contrôle doctrinal sur le contenu des formules magiques qu’il estimait tolérables : montrez-moi vos rouqya – vos incantations – disait-il souvent à ses compagnons.
« Le Prophète a autorisé les incantations faites d’extraits du Coran et de supplications, tant qu’elles ne comportent pas de chirk 6), ou des mots dénués de sens. Muslim a rapporté dans son Sahih qu’Aouf bin Malik a dit un jour : Nous avions l’habitude d’utiliser des incantations durant l’ère préislamique, aussi avons demandé au Messager de Dieu : Quelle formule devrons-nous réciter maintenant pour cela ? Il répondit : Laissez-moi les écouter… Sa conclusion fut : il n’y a rien de mal dans une incantation tant qu’elle ne comporte pas de chirk. 6) ».
Pour résumer, voire schématiser le lieu commun islamique en la matière, un acte magique peut être considéré comme licite quand il ne vise pas au maléfice (premier niveau). Ou s’il consiste en techniques produites par des moyens « naturels » propres au magicien ou même obtenues par le recours à des forces supérieures comme les djinns par exemple ; sans que cela implique une atteinte caractérisée au dogme de l’unicité de Dieu omnipotent, dont la volonté seule est cause dernière de toute chose (deuxième niveau).
C’est là incontestablement de la magie blanche licite, dont relève par exemple la magie déployée au service du roi Salomon.
Le spectre des moyens que mobilise cette magie va des phénomènes physiques produits dans l’imagination de ses témoins (proches de la prestidigitation) ; aux phénomènes psychiques particuliers
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(l’amour, le rejet, la protection, etc.) générés par la seule force du magicien, qui est une puissance de son verbe. Une source majeure pour ce type de magie, toujours insuffisamment étudiée, surtout dans sa large diffusion attestée encore aujourd’hui dans l’aire musulmane, est le Ghayat al-hakim (« Le but du Sage ») de Maslama al-Majriti ; un Madrilène du Xe siècle, en latin Picatrix, à la fois ouvrage d’analyse et recueil de recettes magiques, assez généralement considérées comme licites.
Le même double critère joue pour déterminer ou disqualifier la magie illicite, la « magie noire » ou sorcellerie proprement dite d’origine démoniaque ; et qui remonte, selon la tradition, à lblis lui-même (ou à sa fille), puissance du mal et tentateur éternel, inséparable des hommes. Dans la magie licite ce qui agit en premier lieu c’est l’esprit de l’homme (le nafs, l’âme/esprit du magicien, note Ibn Khaldoun) ; sa sagacité, son adresse, ses dispositions personnelles et ses connaissances de la nature universelle, y compris celle des djinns ; sans que cela porte atteinte aux attributs divins fondamentaux. Dans la magie noire, illicite, l’acteur humain, le sahir, recourt à l’inspiration démoniaque et mobilise des forces surnaturelles orientées vers le maléfice (premier niveau) affectant donc en cela les dogmes de la croyance (deuxième niveau). Cela demande une technicité voire une disposition de l’âme/esprit qui ne s’obtient, disent les théologiens, repris en cela par les juristes, qu’au prix d’une compromission radicalement sacrilège avec les démons rebelles à Dieu et hostiles aux hommes.
Le Coran (2, 102) insiste bien sur ce donné en quelque sorte originel et disqualifiant, par exemple en indiquant que les agents humains de ces forces maléfiques sont toujours prévenus de l’impiété qu’impliquent leurs actes. Un jurisconsulte de l’importance d’Ibn Taïmiya 7) donne de nombreux exemples, frappants de réalisme didactique, des transactions que certains sorciers font avec les démons. Des conjurations incantatoires adressées aux démons, aux esprits des morts ou des planètes, contraignant ces forces à réaliser des desseins néfastes ou essentiellement impies, car invoquant d’autres que Dieu pour le déploiement de sa puissance et de ses effets.
Là encore se manifeste une certaine ambivalence : une marge reste ouverte pour du licite en matière d’action magique limite. Il est assez largement admis qu’adjurer ces démons et les subordonner au bien, au nom de Dieu, notamment pour des exorcismes, est loisible ; et, selon nos sources notamment hagiographiques, largement pratiqué par beaucoup de personnages charismatiques qui, dans les représentations comme dans les pratiques collectives de l’ensemble du monde musulman, fonctionnent en figures structurellement et fonctionnellement équivalentes à celles des « mystagogues » ; pour parler comme John Toland. C’est-à-dire des magiciens et des sorciers manipulateurs du surnaturel que l’islam admet comme partie intégrante, cosmogonique, théologique et même eschatologique, de son système.
Il appartint au dénommé al-Ghazali 8), mort en 1111, de donner, tout comme pour le soufisme, pensée spéculative et pratique spirituelle, une sorte de synthèse assez largement acceptée, donc définitive, sur la magie. Pour lui la magie est fondée sur la connaissance théorique et pratique de certaines propriétés des éléments, sublunaires et supérieurs. Conjointe à une disposition naturelle particulière du magicien, cette connaissance n’est pas en soi blâmable. Mais la pratique en est risquée, voire périlleuse, pour la vraie croyance, et donc, en terres d’islam, idéologiquement et politiquement menaçante également du point de vue du droit public ; elle comporte toujours, virtuellement, du maléfice, et elle est souvent dangereuse, quand elle n’est pas fondée en son principe sur une impiété qui la disqualifie par essence (du chirk notamment 6).
Ibn Khaldoun, au XIVe siècle 9), reprenant les uns et les autres, notamment le Razi exégète, ira plus loin dans l’analyse raisonnée des moyens de connaissance et des pratiques magiques et divinatoires ; auxquelles il dit lui-même croire pour en avoir personnellement éprouvé l’efficacité concrète. Pour lui, la force essentielle de la magie réside dans le nafs (« âme/esprit ») du magicien, mais elle ne lui est pas donnée d’emblée, à la différence des prophètes et des saints « aimés de Dieu » ; distinction ontologique et psychologique à laquelle Ibn Khaldoun accorde une importance théorique fondamentale. Le principe en action n’est pas le même : un magicien ne naît pas magicien, alors qu’un prophète ou un saint est prédestiné. Le magicien acquiert et développe sa puissance en asservissant des forces mystérieuses résidant dans les propriétés de certaines choses, de certains nombres ou lettres, ou dans des entités spirituelles supérieures. Alors qu’aux prophètes et aux saints, également producteurs de « prodiges extraordinaires », tout est donné par Dieu, sans recours externe et dans un dessein toujours bien ordonné. Les âme/esprits des prophètes sont capables de s’abstraire de la spiritualité humaine et leur ouahy, « révélation », procède de cette propriété : ils acquièrent une spiritualité angélique et accèdent à des parcelles de la connaissance divine par l’intermédiaire des anges. Ils obtiennent ainsi, tout comme certains saints, leurs quasi-substituts, le pouvoir d’influer sur l’univers physique. Ce pouvoir est d’essence divine, divinement dirigé, tourné dans ses effets sensibles vers Dieu et vers le Bien. Alors que le savoir et l’action du magicien sont d’une origine externe, virtuellement démoniaques et tournés vers le mal. Et c’est cela, qui est un principe
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fondamental, qui distingue radicalement, pour Ibn Khaldoun 10) le « miracle prophétique » (moujiza) ou le « prodige » d’un saint (karama) ; accordé à un messager de Dieu ou à l’un de ses aouliya (« proches », c’est-à-dire : saints) dans un dessein légitime et louable ; de l’acte magique qui n’est souvent qu’un « effet » de puissance. Vrai dans sa manifestation phénoménale, mais virtuellement faux dans son fondement, d’autant qu’il est mobilisable pour le mal.
Système religieux surnaturaliste dès son origine, et donc comportant des contraintes structurelles et culturelles fortes, aux conséquences décisives ; l’islam, comme ensemble de dogmes et de normes doctrinales, a, là aussi, en ce qui concerne la magie, toujours eu historiquement à composer avec les représentations et les pratiques qui lui préexistaient. Ou existaient, non pas nécessairement à sa marge, mais dans ses interstices mêmes (l’observation ethnographique en témoigne). Puis à voir s’élaborer progressivement, par toute une série d’oppositions, les jugements qui deviendront, de façon consensuelle, mais pas toujours, les siens. Il reste que pour l’univers de la magie comme connaissances diffusées ou pratiques attestées tout autant qu’incontestées, la religion musulmane connaît, dans son ambivalence constitutive, tout comme les autres religions de masse monolâtres, une difficulté sociologique universelle. Celle d’intégrer durablement à son dogme des moyens de penser ou d’agir sur l’univers qui appartiennent aux hommes, et qui ont leur spontanéité et leur dynamique propres.
1 Verset fondamental pour la conception de la magie telle qu’elle se développera ultérieurement dans la tradition islamique.
2 Surtout Fakhr ad-Din ar Razi, mort en 1209, dans son grand commentaire intitulé : Mafatih al-ghaïb, un commentateur de référence pour ce qui concerne les passages coraniques relatifs aux savoirs et aux pratiques magiques ; plus particulièrement et significativement dans les éditions populaires de son œuvre encore tirées aujourd’hui.
3 Rouqya, désigne le procédé, mais aussi l’objet physique ; pluriel rouqa
4 Ainsi que nous avons l’occasion de le voir, le mauvais œil existe vraiment [mais il y a moyen de le prévenir] dit un hadith attribué à Mahomet.
5 Nous dirions aujourd’hui : magie démoniaque, mobilisant des forces extérieures.
6 Conception du divin associant à l’être suprême d’autres entités comme les anges ou des dieux subalternes, voire des saints.
7 Voir ses Majmou al-Fatoua al-koubra, œuvres, consultations juridiques ou théologiques, épîtres ou opuscules, réunis en 34 volumes ; et où, très significativement, la matière « sihr » est traitée au tout début ; là où il développe sa théodicée orthodoxe et où il est question du taouhid (« unicité de Dieu ») ainsi que des attributs divins.
8 Dans son œuvre majeure : lhya ouloum ad-din.
9 Dans ses Mouqqadima (prolégomènes), surtout au chapitre 6, mais aussi dans son ouvrage plus spécifiquement écrit sur certaines de ces questions : Shifa as-sa’il li-tahdhib al-massa' il.
10 Au contraire d’un Avicenne, par exemple.
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ROQYA ET DOU’AS.
La doua est une prière non officielle et donc libre.
La roqya est une forme d’exorcisme ou de magie blanche propre à l’Islam. C’est un ensemble de méthodes spirituelles qui consiste à remédier aux maladies occultes, comme la possession, par la récitation de versets coraniques.
Le mot roqya provient du verbe raqa qui signifie s’élever. Ce terme s’utilisait dans l’Arabie préislamique pour désigner les paroles ou actes utilisés par ceux qui guérissent les maladies non naturelles. La roqya permet de lutter contre la magie noire (appelée sihr) et d’exorciser les possessions démoniaques. Elle consiste en la lecture de versets choisis du Coran. La récitation peut aussi servir à bénir de l’eau ou de l’huile qu’on utilisera comme boisson ou onction.
Dans la doctrine et le droit musulman, ces pratiques sont à la fois interdites et permises. Le Coran lui-même rappelle constamment que Mahomet a été considéré comme un sorcier par ses adversaires. Pour eux, cela devait être plus évident que de le considérer comme prophète. Et Mahomet agit parfois effectivement d’une façon très particulière, allant de la simple pratique superstitieuse à la magie de grand style, devant des publics nombreux, à l’instant des batailles notamment. Le jet de cailloux, de terre, de poussière, est une procédure apotropaïque ou divinatoire, typique des mentalités les plus archaïques. Ce type de paroles stupides est dû davantage à l’arriération générale des mentalités qu’à celle d’un seul homme. Mais le personnage de Mahomet a le dos large, et l’afflux de documents lui fait endosser une multitude de sottises sacralisées par le temps et l’usage. Ces documents sont sans doute largement postérieurs, mais ils indiquent bien que le public admet ces pratiques et l’existence du « mauvais œil ». La liste qui suit expose quelques situations où la magie, la sorcellerie, la manipulation de forces surnaturelles sont en cause, avec au cœur de tout cela Mahomet lui-même.
Transformation d’objets.
Ibn Ichaq. Oukkacha combattit jusqu’à ce que son sabre soit brisé dans sa main. Il alla voir l’apôtre qui lui donna un gourdin en lui disant de combattre avec. Quand il l’eut entre les mains, il le brandit, et celui-ci devint alors dans sa main une arme et il se battit avec jusqu’à ce que Dieu donne la victoire aux musulmans.
Mahomet guérisseur ou thaumaturge.
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Al-Bayhaqi (994-1066) a écrit, dans ouvrage intitulé Dala’il an noubouwouah (les signes de la prophétie) : « Abou Sad al-Malini nous a informés en citant… son grand-père Qatada ben al-Numan que son œil avait été blessé à Badr et que sa pupille tombait sur sa joue. Ils étaient sur le point de lui couper quand il eut l’idée d’en parler au Messager de Dieu qui leur demanda de ne rien en faire. Il dit alors une prière pour lui, mit sa main sur sa joue et plus personne ensuite ne put dire quel était l’œil qui avait été blessé ».
Jet de poussière.
Sahih Muslim, livre 019, hadith numéro 4392.
Le messager de Dieu descendit de sa mule, prit une poignée de poussière et la leur jeta dans la figure en disant : « Que leurs visages soient déformés » !
Ils s’enfuirent aussitôt, et Dieu le très haut, le glorieux, les défit, puis le messager de Dieu procéda au partage du butin entre les musulmans.
Jet de cailloux.
Muslim, Hadiths 19, 4385.
Alors, le messager de Dieu a pris des cailloux et les a jetés à la figure des infidèles. Il a dit ensuite : « Par le Seigneur, que les infidèles soient défaits » !
Boukhari, tome 7, livre 71, hadith numéro 637.
Al Asouad rapporte qu’il interrogea un jour Aïcha au sujet de l’emploi de la magie, contre les piqûres d’animaux venimeux (serpent ou scorpion). Le prophète, répondit-elle, en a autorisé l’emploi contre tous les animaux venimeux.
Boukahri, tome 7, livre 71, hadith numéro 632.
Abou Saïd Al Khoudri. Des compagnons du prophète étaient partis pour une expédition. Un soir qu’ils venaient de camper près d’une tribu d’Arabes bédouins, ils demandèrent l’hospitalité ; mais on refusa de la leur accorder. Comme le chef de cette tribu avait été mordu par un serpent (ou piqué par un scorpion) et que l’on avait vainement tout essayé pour le guérir, ils demandèrent (aux compagnons du Prophète) : « Avez-vous des médicaments avec vous ou quelqu’un qui sait faire des roqya ? » Les compagnons du Prophète rétorquèrent : « Vous refusez de nous héberger, nous ne nous occuperons donc pas de votre chef à moins d’être payés pour ça ». Ils acceptèrent donc de donner un troupeau de moutons en échange. L’un d’entre eux (un des compagnons du Prophète) commença de réciter la sourate-al-Fatiha et à faire de la salive puis il cracha (sur la morsure de serpent). Le patient fut guéri et son peuple leur amena les moutons, mais ils leur répondirent : « Nous ne les prendrons pas tant que nous n’aurons pas demandé au Prophète (si c’est licite ou pas ?) ». Après qu’ils lui eurent posé la question, il sourit et leur dit : « Comment savez-vous que la sourate al-Fatiha est un bon exorcisme (royal) ? Prenez (le troupeau de moutons) et donnez m’en une part ! »
Le mauvais œil.
Boukhari, tome 7, livre 72, hadith numéro 827.
L’envoyé de Dieu a dit un jour : le mauvais œil est un fait ! Et il a donc interdit les tatouages.
Prière talismanique.
Mahomet, Coran 113.
Je me réfugie auprès du Seigneur de l’aube contre le mal qu’il a créé, contre le mal de l’obscurité lorsqu’elle s’étend ; contre le mal de celles qui soufflent sur les nœuds, et contre le mal de l’envieux qui envie.
Paroles talismaniques.
Boukhari tome 6, livre 61, hadith numéro 535.
D’après Aïcha, quand l’envoyé de Dieu tomba malade, il récita les sourates 113 et 114. Et il soufflait sur sa main avec pulvérisation de salive. La maladie ayant fait des progrès, je les récitai pour lui et lui frottai le corps avec la main, espérant que cela lui ferait du bien.
Boukhari tome 6, livre 61, hadith numéro 536.
D’après Aïcha, chaque soir, au moment de se mettre au lit, le prophète joignait ses mains, soufflait dedans, et récitait les trois sourates « l’unicité divine », « L’aube », « Les hommes » (112,113, 114). Ensuite, il frottait ses mains sur toutes les parties du corps qu’il pouvait atteindre, commençant par la tête, puis la figure, et ensuite la partie antérieure du corps. Il faisait cela trois fois.
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L’ISLAM ET L’EXORCISME.
La littérature arabe et le Coran font abondamment allusion aux djinns : le chapitre 72 est intitulé « Les Djinns » ; le chapitre 6, verset 100 reproche aux Mecquois d’en faire des compagnons de Dieu ; le verset 128 du même chapitre précise qu’ils ont pu tromper les êtres humains, le verset 158 du chapitre 37 que les hommes les ont rattachés d’une façon ou d’une autre à Dieu. Le chapitre 55, verset 15 ajoute que Dieu les aurait créés d’un feu sans fumée. On retiendra donc que cette superstition est inscrite dans le Coran, que les djinns sont officiellement reconnus par l’islam et que toutes les conséquences de leur existence ont été étudiées par les musulmans pieux. « Leur statut légal [selon la Loi islamique] a été discuté sous chaque angle ; et leurs relations possibles avec l’Humanité, surtout en ce qui concerne le mariage et la propriété, ont été examinées ».
Ces superstitions primitives tinrent bon dans l’Arabie [musulmane], elles se répandirent même dans le reste du monde [musulman] et souvent se combinèrent avec d’autres superstitions, parfois bien plus complexes.
Avicenne (Ibn Sina) a probablement été le premier grand philosophe musulman à rejeter catégoriquement la possibilité même de leur existence.
Les rationalistes musulmans, et ils ont évidemment raison, comme nous allons le voir, niaient l’existence réelle des djinns. Les mou’tazilites, et à leur suite le philosophe et médecin Ibn Sina (connu en Occident sous le nom d’Avicenne) l’historien et sociologue Ibn Khaldoun, entre autres, y voyaient plutôt des allégories.
Cette croyance musulmane étant, hélas, génératrice, ainsi que nous l’avons vu, d’un certain nombre de maladies mentales, tous les musulmans n’étant pas mou’tazilites malheureusement, nous croyons bon d’en dire ici deux mots.
L’extrême codification attachée à ces phénomènes, même dans leurs aspects paroxystiques, par exemple de la transe ou de la possession, montre à l’évidence qu’il ne s’agit pas de simples chaos psychiques. Mais la notion musulmane ou coranique de djinns ne doit pas faire écran à d’autres représentations relatives à la maladie mentale, non seulement dans le monde arabo-berbère, mais aussi plus largement dans le monde islamique. Des médecins aussi célèbres qu’Avicenne (lbn Sîna)
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ou Rhazès (al Razi) n’étaient pas en effet arabes, mais iraniens. Il faut donc ici prendre en considération un monde qui va de Boukhara jusqu’à la Cordoue d’Averroès (lbn Rushd) en intégrant l’héritage grec, un monde qui fut pendant des siècles l’un des principaux vecteurs de la rationalité. Personne ne saurait oublier le rôle de transmission, d’élaboration, et d’influence, que les sciences arabes eurent sur le développement de la médecine dite aujourd’hui occidentale. La référence à des représentations de la maladie liées à la sphère surnaturelle ne doit pas occulter celles qui, depuis des siècles, se sont appuyées sur l’anatomie, la physiologie ou la pharmacologie.
À l’intérieur même du monde musulman, expression qu’il faut entendre ici comme on le ferait de celle de monde chrétien ; c’est-à-dire comme une sorte d’aire culturelle prédominante ne présumant pas d’une unité ou d’une homogénéité parfaite, même sur le seul plan du religieux ; il faut distinguer à ce sujet entre les références théologiques (le Coran et les hadiths), les savoirs particuliers des spécialistes (guérisseurs – fqihs) et les savoirs populaires. Ce sont là plusieurs niveaux dont les interrelations ne vont pas de soi. Entre le corpus théologique se référant au Coran et aux hadiths d’une part, et les représentations dites populaires d’autre part ; il y a en effet les savoirs expérimentaux et initiatiques des diverses confréries, telles les Gnaoua, les Djilala, les Hamadcha ou les Issaoua.
Ligue Nationale des musulmans de France. B. P. 39, 91 103 Corbeil-Essonnes CEDEX. France.
On a récemment soulevé la question de la possibilité pour des djinns d’accéder au corps humain, car cet accès en principe est impossible vu la différence des constitutions. L’homme a été en effet créé à partir d’argile [note de la rédaction : au secours ! Comment peut-on encore ignorer à ce point la réalité de l’évolution des espèces ?] et les djinns à partir de feu [Note de la rédaction : encore une fois au secours, au secours !] En outre, les démons ne peuvent que fomenter des intrigues, car Dieu ne leur a pas donné un pouvoir décisif sur l’Homme. Qu’en dites-vous ?
Réponse : Louange à Dieu !
La possibilité pour des djinns de pénétrer dans le corps humain est attestée.
1 Dans le Coran et dans la Sounna.
2 Par le consensus de la Communauté.
3 Mais aussi dans la réalité.
Seuls les moutazilites contestent cette possibilité, car pour eux, les arguments scientifiques l’emportent sur ceux qui sont tirés du Coran et de la Sunna.
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De son vrai nom Iblis, al Shaïtan – traduit par « Satan » – est la personnification du mal et de la tentation. Connu et reconnu en tant que tel par l’ensemble des religions, la nature du shaïtan reste mystérieuse.
Le nom de « saïtan » découle de la racine sh-t-n, qui signifie « détourner quelqu’un de son but ». Déjà usité dans l’Arabie préislamique, on retrouve un verbe à consonance identique en hébreu, que l’on traduit par « accuser, s’opposer à » fortement utilisé dans les écrits rabbiniques et d’une manière générale dans la tradition juive.
De nombreux commentateurs du Coran estiment que le shaïtan est une appellation postérieure à celle d’Iblis, et que les deux termes, même s’ils ont un tronc commun, ne renvoient nullement à la même signification.
Le nom d’Iblis apparaît régulièrement dans le récit de la Création. Ce nom d’origine grecque, « diabolos », est celui que l’on retrouve dans le récit de la Genèse traitant d’Adam et Ève, qui a connu de nombreuses versions grecques. La présence d’une telle appellation dans le Coran a pu quelque peu troubler les commentateurs classiques. La recherche archéologique a permis de comprendre la forte influence hellénistique et chrétienne dans l’Arabie préislamique, en Arabie du Nord notamment. Ce qui explique donc la présence et l’emploi de ce nom pour relater l’histoire de la Création dans le Coran.
Iblis est le personnage par lequel Dieu, selon le Coran, introduit la notion de Mal dans l’histoire de l’Humanité. Alors qu’il vient de créer l’Homme, il demande à ses anges de se prosterner devant sa nouvelle créature. Tous obéissent à l’exception d’Iblis qui s’enfle d’orgueil et rétorque à Dieu qu’il vaut plus que cette créature faite d’argile. Dieu le chasse donc du Paradis, mais avant cela, il accepte le pacte que lui propose Iblis, c’est-à-dire tenter les communautés humaines qui se succéderont sur la terre, à l’exception des serviteurs les plus fidèles.
Iblis se met dès lors en quête de son premier stratagème et incite Adam, installé avec sa femme dans le Jardin d’Éden, à goûter des fruits de l’Arbre de la connaissance du Bien et du Mal. Ce sera là le premier acte de tentation qui vaudra donc à Iblis l’appellation d’al shaïtan (satan).
Les commentateurs du Coran distinguent Iblis et le shaïtan en qualifiant le premier d’orgueilleux et de désobéissant, et le second de tentateur. Ce dernier se voit attribuer des légions de shayatin, des
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djinns devenus démons, voués à la mission unique qui revient au Diable : détourner l’Homme de sa destination initiale, le Paradis.
L’ISLAM ET LA SCIENCE MODERNE.
COSMOLOGIE : la Terre est-elle plate ou ronde ?
Avant Copernic, la plupart des civilisations pensaient que la terre était plus ou moins plate et soutenue par quelque chose dans l’espace. Les druides l’imaginaient par exemple comme un bouclier rond et bombé flottant sur un océan aux contours mal définis symbolisés par un serpent à, tête de bélier…
Aristote (384-322 avant notre ère) et Ptolémée (IIe siècle de notre ère) avaient néanmoins compris que la terre était sphérique et Aristarque (vers – 280) avait déterminé que la terre tournait autour du soleil.
« Ne voyez-vous pas comment Dieu fait passer la nuit dans le jour et le jour dans la nuit ? » (Coran 31,29.)
Le docteur Zakir Naïk explique que le verset ci-dessus enseigne miraculeusement que la terre ronde, car ce n’est que si la terre est ronde que le jour peut progressivement devenir la nuit. En fait, le Quran nous dit simplement ce que tout le monde sait, que le jour ne devient pas brusquement la nuit. À l’appui de sa revendication, Naïk cite le verset : « Et après cela Il a étendu la terre » (Coran 79,30).
Naïk fait ensuite ce qu’il fait souvent pour prouver son point de vue, il invente un nouveau « sens » pour les mots arabes. Des mots qui sont connus depuis des centaines d’années sont soudainement redéfinis sans autre raison que de prouver le miracle scientifique en question. Le terme clé de la sourate 79, 30 a toujours été traduit par « étalé ». Naïk avance néanmoins que le mot dahaha ne signifie pas « étaler », mais « œuf d’autruche », donc il traduit ce verset comme : « Et de la terre en outre il a fait un œuf ».
Avant Bucaille, aucun érudit arabe n’a jamais traduit le verset de cette façon ; y compris des savants comme Youssouf Ali, Pickthall, Shakir, Assad et Daoud qui ont consacré leur vie à traduire correctement ces versets. Qui devons-nous croire – des experts sérieux en arabe coranique, ou un télévangéliste financé par l’Arabie Saoudite comme Zakir Naïk ? Ainsi que l’a souligné Abdoul Rahman Lomax, cette réinterprétation en œuf du terme dahaha est un « non-sens », car la terre est l’exactement opposé d’un ovoïde ; elle est aplatie aux pôles (c’est un sphéroïde aplati aux pôles) plutôt qu’étirée (sphéroïde ayant un diamètre polaire plus grand).
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Plusieurs passages du Coran ont d’ailleurs toujours été historiquement interprétés comme indiquant une terre plate.
« Et la terre – Nous l’avons étendue (comme un tapis)… » (15,19).
« N’avons-nous pas disposé la terre comme un lit ? » (78, 6).
« N’ont-ils jamais observé le ciel au-dessus d’eux, et remarqué comment Nous l’avons construit et décoré, en ne laissant subsister aucune fissure dans sa voûte ? Nous avons étendu la terre et nous avons mis dessus des montagnes » (50, 6-7).
« Ne réfléchissent-ils jamais au ciel, comment il a été placé en hauteur ? Aux montagnes, comment elles ont été posées ? À la terre, comment a-t-elle été rendue plate ? » (88,18-20.)
Le tafsir du célèbre commentateur Al-Jalalaïn sur ce verset est le suivant : « Quant au mot soutihat, ’disposé à plat’, sa lecture littérale suggère que la terre est plate, ce qui est l’opinion de la plupart des docteurs de la Loi, et non une sphère comme le veulent les astronomes… »
L’éminent théologien chaféite égyptien qu’est Imam al-Souyouti a également enseigné que la terre était plate.
Les piliers supportant le ciel……………
Le Quran ne dit pas explicitement qu’il n’y a pas de piliers pour porter le ciel, nombre de versets stipulent seulement qu’ils ne sont pas visibles à l’œil humain.
« Dieu est celui qui a élevé les cieux sans piliers que vous puissiez voir… » (13, 2, et 31,10)
Le commentaire d’Ibn Kathir sur ce verset est le suivant : « Il y a des piliers, mais on ne peut pas les voir », d’après Ibn Abbas, Moujahid, Al-Hassan, Qatadah et plusieurs autres savants ».
À l’époque où les connaissances scientifiques (plus particulièrement celles qui concernaient les mécanismes de l’univers) en étaient encore à leurs balbutiements ; le principe d’économie ou de parcimonie penchait plutôt en faveur du religieux qui apportait des réponses simples à comprendre aux questions complexes que se posaient les hommes. La complexité en question était simplement renvoyée dans « l’autre monde », le monde divin des contes étiologiques. Des créatures non humaines ou surhumaines étaient à l’origine des phénomènes que l’homme constatait sans pouvoir se les expliquer. Les contes et légendes étiologiques apportaient une réponse aux innombrables « pourquoi » venant à l’esprit. C’était du paganisme philosophique et réfléchi avant la lettre (religion de douze livres comme chez les fénianes d’Irlande).
Avec l’avènement des religions du Livre (judaïsme, christianisme et islam), les réponses se sont trouvées confinées aux écrits et à leurs interprétations. Il est difficile de dire si c’est dû au manque de réactivité (ou de volonté) de la part des autorités religieuses, ou à l’extraordinaire rapidité du développement des sciences au Siècle des Lumières ; mais toujours est-il que le fossé entre les phénomènes scientifiquement observables, et les explications apportées par ces religions s’est élargi au point que la science est devenue plus éligible au principe d’économie d’Occam.
L’exemple le plus pertinent est la théorie de l’évolution : elle permet de rendre compte de la complexité des êtres vivants sans intervention extérieure, divine, sans « grand horloger » à la Voltaire pour régler l’impressionnante machine que constitue la biosphère.
Par ailleurs, l’anthropologie, l’ethnographie, et plus généralement toutes les sciences de l’Homme, permettent d’expliquer les concepts religieux sans recourir à une intervention divine, ces concepts et le culte acquérant alors une valeur essentiellement symbolique, didactique, et sociale. La science permet maintenant de construire une pensée aussi complète que la pensée religieuse, mais sans intervention de Dieu (x).
Mais le rasoir d’Occam n’est malheureusement pas un outil très incisif, car il ne donne pas de principe opératoire clair pour distinguer entre les hypothèses en fonction de leur complexité. Par ailleurs, si le principe du rasoir d’Occam est une méthodologie efficace pour obtenir une bonne théorie prédictive, il ne garantit aucunement la justesse d’un modèle explicatif. Cette nuance entre théorie prédictive et théorie explicative est bien mise en lumière par ce célèbre dialogue rapporté par Ian Stewart et Jack Cohen.
Napoléon : Monsieur de Laplace, je ne trouve pas mention de Dieu dans votre système ?
Laplace : Sire, je n’ai pas eu besoin de cette hypothèse.
D’autres savants ayant déploré que Laplace fasse l’économie d’une hypothèse qui avait justement « le mérite d’expliquer tout », Laplace répondit à l’Empereur : « L’hypothèse Dieu, Sire, explique tout en effet, mais ne permet pas de prédire quoi que ce soit. En tant que savant, je me dois de vous fournir des travaux permettant des prédictions ».
Pour ne pas perdre la face ni leurs fidèles, les religions ont alors adopté plusieurs attitudes.
— Encadrer très étroitement les esprits scientifiques pour qu’ils restent théologiquement corrects, éventuellement par la manière forte. Cette attitude, fréquente au Moyen-âge, et qui a trouvé son point d’orgue sous l’Inquisition avec le procès Galilée (condamné à se rétracter, il mourra quelques années plus tard, assigné à résidence), a heureusement disparu.
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— Refuser d’admettre les théories largement admises par la communauté scientifique, en adoptant une lecture littérale des écritures. Cette façon de penser existe encore aujourd’hui, la plus connue étant celle des créationnistes pour qui le monde a été créé par Dieu en six jours.
— Prendre un peu de recul, sauf pour l’essentiel, par rapport aux Écritures, qui ne doivent plus être interprétées au pied de la lettre. Les passages en contradiction avec la Science sont présentés comme des textes imagés, symboliques, métaphoriques, allégoriques, qu’il faut lire au sens figuré comme illustration du message divin. Cette attitude qui conduit à une sorte de grand écart schizophrénique, est la plus courante dans les religions de masse.
— Mettre en accord les Écritures avec la science. Comme les Écritures sont, par définition, intangibles, cela revient à les interpréter, à « découvrir » dans des textes sibyllins ou même anodins, des vérités scientifiques que Dieu aurait révélées aux hommes. Dit autrement, les Saintes Écritures seraient aussi et quand même des livres de science !!! Cette dernière attitude est appelée le concordisme.
Le Concordisme est une méthode de pensée qui consiste à rapprocher le dogme religieux de la science. 1) À chaque grande nouvelle découverte scientifique, les concordistes tentent de faire « concorder » justement, à tout prix, leurs textes sacrés, avec la science. La recherche de cohérence s’opère par de nouvelles interprétations des Écritures, le manque de précision de celles-ci étant attribué à l’état préscientifique de ceux qui les ont rédigées. Une variante, qui est appelée concordisme du « Dieu bouche-trou », consiste à faire appel au divin pour expliquer les lacunes des théories scientifiques, c’est aussi l’idée que la science peut conduire à la religion. Exemple : la création divine pour le Big-bang et la précision des constantes universelles.
Certains auteurs comme Denis Alexander distinguent trois types de concordisme.
Le concordisme de type A tente d’extraire des informations scientifiques de ses saintes Écritures. Une telle approche est très courante dans la communauté musulmane où elle est connue sous le nom de théorie du I`jaz `ilmiy (« contenu scientifique miraculeux »). On y soutient par exemple que la vitesse de la lumière peut être calculée à partir de certains versets du Coran, et que d’autres passages révèlent le code génétique et la deuxième loi de la thermodynamique. De telles approches semblent découler d’une perspective très moderniste dans laquelle la connaissance scientifique est tenue en haute estime et par conséquent les « livres saints » sont ipso facto censés contenir de telles connaissances. Il convient de noter que, dans tous les cas, cette dérivation des connaissances scientifiques à partir des textes religieux ne se produit qu’après la découverte scientifique en question, et pas avant.
Le concordisme de type B ne cherche pas à extraire de la science des passages en question, mais cherche plutôt à interpréter ces textes à la lumière de la science moderne.
Le concordisme de type C souligne que toute vérité est vérité de Dieu et qu’il est donc sain et bon pour la science ainsi que pour la théologie de s’engager dans un dialogue actif, cherchant si possible à permettre aux deux disciplines de se compléter l’une l’autre.
Le concordisme de type D consiste à dire que la science et la théologie ont leur propre légitimité en tant que méthode d’investigation, et qu’elles élaborent leurs propres modèles de réalité sans interférence mutuelle. Bref, pas de concordisme du tout !
De nos jours, c’est sans doute chez les intégristes musulmans que le concordisme est le plus actif. Un livre, « La Bible, le Coran et la Science : les Saintes Écritures examinées à la lumière des connaissances modernes », abrégé aujourd’hui en « Le Coran et la science moderne », connaît depuis 1976 beaucoup de succès auprès des étudiants. Il est devenu la référence du concordisme islamique. Son auteur, Maurice Bucaille, est un médecin français converti de l’islam (ce qui n’est pas une preuve d’intelligence avons-nous déjà remarqué, mais de foi des plus aveugles !). Bucaille essaie de montrer comment le Coran, malgré le vaste panorama des thèmes abordés, ne contient aucune contradiction avec la science. À l’inverse selon lui évidemment, la Bible contient « de monumentales erreurs scientifiques » (ce qui est totalement vrai d’ailleurs). Ce Français qui ne fait guère honneur à sa nation (il est vrai que la nation française n’existe plus) ; va même plus loin en prétendant que le Coran renferme des vérités scientifiques qui n’ont été découvertes que bien plus tard, ou même très récemment. Qui a pu les révéler à Mahomet (on met alors en avant le fait que c’était un simple berger oummi = analphabète ?), sinon Dieu lui-même ? On peut également citer l’ouvrage « Les miracles du Coran » d’Haroun Yahya (pseudonyme d’Adnan Oktar un « intellectuel » turc), qui va dans le même sens.
Quelques exemples.
Le Big-bang : chapitre 21, verset 30.
« Les infidèles ne voient-ils pas que les cieux et la terre formaient une masse compacte, et que nous les avons séparés ».
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Contre-lai Nº 1. Oui, mais la Terre est apparue plusieurs milliards d’années après le Big-bang. Et le mot « séparé » en outre n’est guère approprié pour décrire ce qui a suivi, et a donné notre planète.
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L’expansion de l’univers (après le Big-bang et encore de nos jours avec l’éloignement des galaxies).
Chapitre 51, verset 47.
« Nous avons bâti le ciel par l’effet de notre puissance, et nous l’avons étendu dans l’immensité ».
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Contre-lai Nº 2.
Autrement dit, le ciel est immense. L’Homme a pu y réfléchir depuis longtemps. Et les druides en leur temps bien avant Mahomet y avaient déjà pensé.
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La fin du monde : le trou noir ou l’implosion (Big-bang inversé).
Chapitre 21, verset 103.
« Le jour où Nous replierons le ciel comme on enroule le rouleau des livres. Tout comme Nous avons commencé la première création, ainsi Nous la répéterons ; c’est une promesse qui Nous incombe et Nous l’accomplirons ! »
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Contre-lai N° 3. Images déjà utilisées par le judaïsme et qui assimilent le monde à un livre (rouleau) que l’on referme quand l’histoire est finie. De toute façon, on n’en est pas encore là.
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Les orbites de la Terre, de la Lune et du Soleil.
Chapitre Anbiyâ 21, Verset 33.
« C’est Lui qui a créé la nuit et le jour, le Soleil et la Lune, chacun vogue sur son orbite ».
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Contre-lai Nº 4.
Le mouvement apparent du soleil et de la lune que n’importe quel être humain peut observer depuis la Terre. Les druides les premiers. Le Coran reste évidemment muet sur les mouvements de la Terre, qui sont beaucoup moins évidents, il a fallu des siècles avant de s’en apercevoir.
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Le rôle des montagnes : être des piliers qui lestent la Terre.
Chapitre 21, verset 31.
« Et Nous avons placé sur la Terre des montagnes afin qu’elle ne bouge pas ».
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Contre-lai Nº 5.
??????????? Les montagnes n’empêchent rien. Elles ne sont que le résultat de la rencontre de deux plaques tectoniques. En outre, elles ne pèsent guère plus lourd sur la terre qu’une miette de pain sur une table.
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Le rôle des montagnes : être des piliers qui empêchent le ciel de tomber.
Chapitre 78, verset 7.
« N’avons-nous pas étalé la terre comme un lit, et les montagnes comme des piquets ? »
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Contre-lai N° 6.
Même remarque que précédemment. C’est plutôt une métaphore poétique (comparaison avec une tente ??)
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Le mouvement des montagnes : la tectonique des plaques.
Chapitre 27, verset 88.
« Et tu verras les montagnes, que tu croyais figées, passer comme des nuages ».
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Contre-lai Nº 7.
Le vieux thème juif de l’apocalypse (le jour où la trompe sonnera) pour effrayer ou essayer de convaincre ceux qui ne croient pas en Dieu. De toute façon, ces mouvements de l’écorce terrestre ne concernent pas que les montagnes, mais aussi les plaines. Il aurait même été plus judicieux de dire que les montagnes se soulèvent de terre.
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Les origines aquatiques de la vie.
Chapitre 21, verset 30.
« Et fait toute chose vivante à partir d’eau ».
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Contre-lai Nº 8.
L’eau est indispensable à la vie. Ne plus donner d’eau à un homme ou à un animal, ne plus arroser une plante, c’est les condamner à mort. Constat élémentaire. Les druides avaient même été jusqu’à la diviniser, alors ??
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L’embryologie : l’appareil génital.
Chapitre 23, verset 13.
« Ensuite Nous en avons fait une goutte de semence dans un réceptacle sûr ».
------------- ------------------------------- ------------------------------------------ ---------------------------------------------- Contre-lai N° 9.
Le ventre de la mère, pour ceux qui croiraient que les enfants naissent dans les choux, dans les roses, ou sont apportés par des cigognes. Il manque de toute façon le deuxième élément essentiel dans le processus : l’ovule.
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Embryologie toujours : la nidation de l’œuf et le développement du fœtus.
Chapitre 23, verset 14.
« Puis de cette goutte nous avons fait un caillot de sang, puis de cette masse nous avons créé des os, puis nous avons revêtu les os de chair, produisant ainsi une autre création. Que béni soit Dieu le meilleur des créateurs ».
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Contre-lai Nº 10.
Maurice Bucaille et Keith L. Moore ont popularisé l’idée que le Coran avait miraculeusement prédit la découverte que l’embryon se développe par étapes :
Nous trouvons en effet les quatre étapes suivantes décrites dans le Coran.
1. Noutfa : sperme.
2. Alaqa : caillot.
3. Moudagha : lambeaux ou morceaux de chair.
4. Adaam : habillage des os avec des muscles.
Il est allégué puisque ces étapes n’ont été découvertes qu’au 19e siècle, que le Coran contenait donc une prédiction. Cependant, comme l’expression « caillot de sang » ne correspond pas au stade embryonnaire, Bucaille a réinventé le mot alaqa signifiant « quelque chose qui s’accroche » ou « substance semblable à une sangsue ».
Mais cette argumentation soulève beaucoup de problèmes.
Premièrement l’histoire indique que ces étapes n’étaient pas inconnues du temps de Mahomet. Les écrits d’Hippocrate, d’Aristote et de Galien indiquent tous les mêmes stades de développement : sperme, sang menstruel, chair, os, puis chair autour des os. Cette science grecque était bien connue dans les régions jouxtant l’Arabie, et un des compagnons (supposés) de Mahomet Harith ben Kalada avait étudié la médecine à Goundi-Shapour, aussi connaissait-il donc très bien cet enseignement médical d’Aristote, d’Hippocrate et de Galien.
Deuxièmement, le mot alaqa ne signifie nullement « sangsue », il signifie simplement « caillot », ce qui correspond aux étapes de l’embryologie selon les anciens Grecs, mais ne correspond pas à la description scientifique d’aujourd’hui. Ibn Sina (Avicenne) et Ibn Qayyim ont tous deux compris qu’alaqa désignait du sang coagulé, comme tous les traducteurs depuis quatorze cents ans jusqu’à aujourd’hui.
Troisièmement, l’embryologie moderne indique que la masse musculaire (phase 4 ci-dessus) apparaît avant que les os ne soient calcifiés. Les os ne sont donc pas « habillés de chair » ; ils commencent à émerger et à se solidifier dans la masse musculaire déjà existante.
Quatrièmement un hadith des sahih de Boukhari et de Muslim s’étend sur les stades de développement selon le Coran, en précisant que les trois premières étapes durent quarante jours. Or même le Dr Bucaille est forcé d’admettre que « Cette description du développement embryonnaire n’est pas en accord avec les données modernes. »
Cinquièmement. Zakir Naïk cite l’obstétricien américain Joe Leigh Simpson comme étant d’accord pour dire qu’il s’agit bien là d’un « miracle » [du Coran]. Mais le Docteur Simpson a ensuite parlé de ces commentaires sortis de leur contexte comme étant « stupides et embarrassants ».
Bref, difficile d’être plus imprécis pour parler de la fécondation d’un ovule par un spermatozoïde et de ce qui s’ensuit, un fœtus.
Ce ne sont donc que des explications vagues, approximatives, ou simplistes, qui sont une véritable insulte à l’intelligence humaine, à la culture, et à la civilisation, universelles.
Il y a aussi beaucoup de présupposés sur le sens dans lequel les mots sont utilisés, les concordistes 1) choisissant donc en général, systématiquement, le sens qui corrobore ce dont ils veulent faire la
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preuve, et non le sens habituel du mot en question. Ce qui n’est ni très scientifique, ni très objectif. On peut faire dire ce que l’on veut, surtout a posteriori, à un texte allégorique. Si Dieu existe, quel intérêt aurait-il eu à cacher à notre entendement de telles vérités ?? Question très tolandienne. Tout cela prêterait à sourire si de nombreux étudiants musulmans ne se laissaient pas séduire, fasciner, ou manipuler, par ces thèses plutôt hasardeuses, et qui ne font guère honneur à l’islam.
Ces manipulations reviennent à enfermer les musulmans dans leurs dogmes pour éviter que le constat de la réalité (scientifique ou pas) ne vienne contredire leurs croyances.
1) Le concordisme, dans sa forme chrétienne, est apparu au XIXe siècle, avec la réinterprétation des épisodes de la Création et du Déluge, visant à en faire une présentation scientifique de la géologie et de la paléontologie. Les « jours » de la Création doivent être, par exemple, compris comme des ères géologiques, etc.
ANTHROPOLOGIE ISLAMIQUE.
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HOUQOUQ ALLAH (ISLAM) ET HOUQOUQ AL-IBAD (DROIT DE L’HOMME).
Le premier des droits de Dieu est évidemment celui d’être adoré par l’Homme…………
La mystique musulmane est ce qui a conduit et conduit encore, un grand nombre de gens gentils et intelligents, à se convertir à cette religion. C’est un islam christianisé, « cristianizado », pour reprendre le titre d’un grand orientaliste espagnol, Asin Palacios. Mais comment parler de ce mysticisme sans évoquer Mansour Al-Halladj, né en 858, surnommé par certains le Christ de l’islam ? Il était né en Iran. Ce qu’il préconisait, c’était l’amour de Dieu jusqu’à l’extase. Un procès fut ouvert contre lui en 910. Incarcéré jusqu’en 922, date de sa mort, il fut alors conduit sur la place publique, des bourreaux lui coupèrent les mains et les pieds, puis le flagellèrent de cinq cents coups de fouet. Il fut mis en croix. Décapité, son corps fut arrosé de pétrole, brûlé, ensuite ses cendres dispersées. Sa tête fut exposée, fichée au sommet d’une lance, sur un pont du Tigre, deux jours durant. Le soufisme, mysticisme de l’islam, est violemment condamné par tous les intégrismes, qu’ils soient sunnites ou chiites. Le musulman sunnite a une répulsion instinctive pour le soufisme, qu’il voit comme un islam christianisé. L’Américain ou l’Européen islamophile 1) lui, par contre, est subjugué par le soufisme pour des raisons radicalement inverses à celle du musulman intégriste (pour qui le seul islam est celui qui s’appuie sur la loi !) En terre d’islam, le takfir, ou réflexion personnelle est déjà une hérésie.
La Déclaration islamique universelle des Droits de l’Homme, proclamée à l’UNESCO le 19 septembre 1981, et qui indique dans une note d’explication finale que le terme « loi » signifie la charia ; c’est-à-dire la totalité des ordonnances issues du Coran et de la Sunna (traditions), ainsi que toute autre loi déduite de ces deux sources par des méthodes jugées valables en jurisprudence islamique ; de même que la « Déclaration islamique des Droits de l’Homme en islam » du 5 août 1990, soumise également aux dispositions de la charia ; s’opposent irréductiblement à la conception des Droits de l’Homme, fondés sur le principe de l’égalité des sexes et des êtres humains.
Il faut donc oser le dire : il n’y a pas de droits de l’Homme en islam au sens où on l’entend en Occident, même pas de Fir Fer à la façon des Irlandais du Moyen-âge. Certains passages du Coran sont éloquents à ce sujet. Les musulmans formalistes (aussi appelés intégristes ou islamistes)
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prétendent que la piété commande une lecture littérale du Coran. Eux-mêmes portent la barbe et s’habillent pour ressembler à l’image qu’ils se font de Mahomet ! Ils imposent à leurs femmes de se voiler.
D’autres, mais très minoritaires, recommencent le même combat que les juifs ou les chrétiens de naguère pour sortir du Moyen-âge et revendiquent une adaptation à notre époque des pratiques religieuses. Ce n’est pas parce qu’Aïcha partagea le lit du prophète à neuf ans que l’on doit, comme le demandent les antiracistes dans certains pays ou en France, légaliser le mariage des fillettes à cet âge ! Ce n’est pas parce que le Coran accepte l’esclavage que l’on doit le maintenir au XXIe siècle ! »
En outre pour l’islam même l’Homme libre est esclave (abdi) serviteur de Dieu, et il n’a aucun droit par lui-même. Seul Dieu a des droits (Houqouq Allah), seul Dieu est seigneur (rabb). L’Homme, lui, n’a que des devoirs. L’Homme étant l’esclave de Dieu, le plus beau prénom pour lui est celui d’Abdallah (esclave de Dieu). L’Homme n’est pas, en lui-même, sujet à droits. Cette conception de l’Homme (sans rapport avec un dieu l’ayant créé) qui pourrait avoir des droits, simplement parce qu’il est Homme, est inconcevable et insupportable pour l’islam.
C’est le fait d’être croyant musulman qui lui donne le droit d’être respecté, pas le fait qu’il soit Homme. Qu’un athée, mécréant, pécheur, homosexuel, adultère, puisse avoir lui aussi des droits, qu’une femme puisse avoir les mêmes droits que l’homme, est impensable pour l’islam. En terre d’islam, même le croyant des autres religions n’a pas un statut identique à celui du musulman.
Étymologiquement parlant, l’Irtidad ou apostasie désigne un retour en arrière. L’irtidad, c’est le détournement délibéré, sans contrainte aucune, du musulman, adulte et conscient, de l’islam vers un non-islam.
En droit musulman, l’apostasie (l’irtidad) est donc punie de mort. Elle est rangée par le Coran dans les péchés mortels 2).
Chapitre 3, verset 90 : « Quant à ceux qui auront été mécréants après avoir été croyants, et qui ensuite se sont entêtés dans leur incrédulité : leur repentir ne sera jamais accepté ».
Chapitre 4, versets 137 : « Ceux qui auront cru puis seront devenus infidèles, et se seront entêtés dans leur infidélité, Dieu ne leur pardonnera pas ».
Chapitre 16, versets 106 : « Celui qui renie Dieu après avoir cru en lui, ceux dont le cœur s’est librement ouvert à l’impiété, le courroux de Dieu tombera sur eux et un terrible tourment les attend ».
En Occident, il est évident que démocratie rime avec laïcité. Il s’agit d’obéir non pas à une loi divine, mais aux lois de « la conscience et de la raison ». Peu importe les origines de cette morale laïque, qu’elle soit chrétienne sécularisée, gréco-romaine, bouddhiste ou un mélange indistinct et pour tout dire païen et polythéiste. Le citoyen laïc a une religion et cette religion, c’est la « religion civile laïque des États ». La place centrale n’est plus Dieu, mais l’Homme et la religion, elle, est une affaire de conscience individuelle. Or cela, pour l’islam, c’est la négation de la séparation des sexes, la négation de la distinction musulman/non-musulman, la négation de la distinction croyant/incroyant. C’est la négation de la distinction entre le Bien et le Mal, entre le Sacré et la Corruption, la négation de la distinction entre Dieu et le Diable. La démocratie et ses grands mots vont à l’encontre de la philosophie qui sous-tend l’islam.
D’après Maryam Namazie, militante anglaise ayant fondé à Londres en 2007 le conseil des ex-musulmans de Grande-Bretagne, le droit musulman est profondément inégalitaire. Le musulman est au-dessus du non-musulman, le croyant au-dessus de l’athée, l’homme au-dessus de la femme, l’homme libre au-dessus de l’esclave. Le droit musulman est contre la liberté. Sortir de l’islam ne fait pas partie des libertés reconnues par la société, en terre d’islam, changer de religion non plus. Il n’y a pas non plus de liberté en matière sexuelle ou dans le domaine du comportement. Il n’existe pas non plus de fraternité au sens occidental du terme. Le musulman est frère du croyant musulman, mais il ne se sent pas frère du chrétien, ou frère du juif. Encore moins frère d’un athée ou d’un impie.
Et quand l’Arabie saoudite interdit l’exercice des religions autres que l’islam sur son territoire, ce n’est que par application des propos d’Omar suivant lesquels (hadith) on ne saurait tolérer plusieurs religions en Arabie ! Le Vatican ne s’est pas opposé à la construction à Rome d’une grande mosquée financée par l’Arabie. À quand la réciprocité dans ce domaine et la construction à La Mecque d’une grande cathédrale financée par le pape ? Jusqu’à maintenant les autorités séoudiennes ont interdit, non seulement la construction d’églises, de temples, de synagogues, mais même la simple célébration d’un culte non musulman, y compris en privé, sous peine de prison !
Depuis le 11 septembre 2001, les gens gentils et intelligents (les journalistes de la chaîne de télévision franco-allemande Arte par exemple) répètent que ce n’est pas cela l’islam, que le Coran est un message de paix ou d’amour, qu’il s’agit là d’une dérive politique, d’une maladie ! Une mauvaise fièvre en quelque sorte ! Mais si le Coran était uniquement une parole de compassion, de douceur, et de pardon, valable pour tous et pour tous les temps, pourquoi ces versets autorisant le talion ou
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prescrivant le combat ? Pourquoi ces prescriptions sur l’amputation pour vol, la flagellation pour adultère ? Pourquoi cette autorisation de la polygamie, même accompagnée de mise en garde, pourquoi ces versets sur la répudiation, même si c’est le licite le plus haïssable ? Pourquoi cette différence de traitement faite entre l’homme et la femme dans l’héritage et le témoignage ? Pourquoi cette autorisation donnée à l’homme de frapper sa femme, même si c’est en dernier recours et de façon légère ? Pourquoi ce chapitre sur le butin et les dépouilles de guerre ? Pourquoi ce rappel du massacre de la troisième tribu juive de Médine ? Pourquoi ces versets contraignants sur la tenue vestimentaire des femmes ? Pourquoi le verset sur la menstruation qualifiée de souillure ? Pourquoi tous ces versets stigmatisant les juifs ? Pourquoi ces invectives contre ceux qui sèment la corruption sur la Terre ?
Si le Coran ne mentionnait rien de ce genre, si la vie de Mahomet ainsi que son comportement ne contenaient aucune trace d’appel à la vengeance ; bref, si le Coran, la Sounna (imitation de Mahomet) étaient au-dessus de tout soupçon concernant ce qui est reproché aux intégristes islamistes ; comment ces derniers pourraient-ils justifier l’imposition du voile à la femme, la polygamie, la peine de flagellation pour la femme adultère, l’amputation de la main pour vol ? Ces versets sont bien dans le Coran. Ils n’ont jamais été supprimés du texte et le musulman, même le plus modéré, peut les lire. Il est inexact, et surtout pas très judicieux, de laisser croire aux non-musulmans que ce sont là pures inventions, sans fondements religieux, de fanatiques musulmans, d’excités, de malades, de fous de Dieu ; et ceci en Iran, en Afghanistan, en Irak, en Syrie, en Arabie saoudite, au Soudan, au Pakistan…
Tafkir oual-Hijra (la malédiction ou la fuite). L’intolérance n’est pas un vain mot dans les États islamiques et cela pose, d’ailleurs, la question de la non-réciprocité, puisque l’islam est reconnu partout ; mais que ce n’est pas le cas des autres religions en terres d’islam (ce qui d’ailleurs, aux yeux des musulmans, prouve que seule leur religion a de l’importance).
Mais l’islam et la science me direz-vous ? L’islam se préoccupe beaucoup plus de technique que de science. Le monde islamique n’est plus créateur de science depuis le XVIIe siècle. L’a-t-il d’ailleurs vraiment été ? Il a surtout expérimenté les sciences théoriques, théorisées, en particulier par les Grecs. Ce sont les sciences grecques que développèrent les savants hellénisants de l’islam, grâce aux traductions effectuées par les chrétiens orientaux, souvent à partir du syriaque, mais parfois directement du grec. Quant à l’esprit scientifique qui aurait jadis rayonné dans les cités musulmanes, il relève en grande partie du mythe. Il caractérisait surtout une très petite élite fascinée par la philosophie grecque, et ces lettrés qui n’avaient que le mot d’Aristote à la bouche, étaient traités d’hérétiques ou vomis par le peuple et par les théologiens.
Le calife Al Ma’moun, dont la mère était Persane, qui avait encouragé le mouvement de traduction à Bagdad, et qui soutenait les mou’tazilites au point de pratiquer une véritable inquisition (Mihna), fut appelé « prince des mécréants ». La raison raisonnante ne s’est jamais vraiment épanouie en terres d’islam, elle est considérée comme une innovation blâmable (bida’a), une hérésie, et elle est totalement étrangère au message originel de l’islam. Les intellectuels musulmans qui n’arrivent pas à se consoler de la disparition de leur âge d’or oublient que cet âge d’or n’avait rien d’exclusivement musulman ; qu’il fut le fait du cosmopolitisme, d’apports étrangers dus à l’Inde, à la Perse, à la Chine ; et qu’il est une parfaite hérésie par rapport à l’islam originaire de La Mecque ou de Médine. Le célèbre mathématicien arabe Thabit Ibn Qurra Ibn Marouane al-Sabi al-Harrani (Harran 836 – Bagdad 901) était par exemple sabéen et un des plus célèbres astronomes de son temps, Al Battânî, aussi (né à Harrân vers 858).
Note de la rédaction. Il ne faut pas confondre ces sabéens de Harran avec les sabéens mandéens. Ce n’est que par « erreur » et bien que le calife Al Ma’moun n’ait pas été dupe, qu’ils furent reconnus comme faisant partie de la catégorie musulmane des « gens du Livre ».
1) De toute façon, il ne peut pas exister d’Américain (ou d’Européen) islamophobe, car être islamophobe ce n’est pas bien, et c’est donc interdit par la loi ou par notre Président.
2) Kafir (plur. koufar) désigne le mécréant, l’apostat et l’athée. Peut aussi désigner l’hérétique et toutes sortes de dissidents politiques.
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DIEU ET LES HOMMES.
Dans le Coran tout comme dans la Bible, Dieu se vante d’avoir fait disparaître des peuples entiers : les Ad, les Tamoud, le peuple de Loth, les Madianites. À chaque fois, Dieu pratique l’extermination totale, n’épargnant même pas les enfants !
7, 4 : Que de cités avons-nous détruites ! Notre rigueur s’est abattue sur elles durant leur sommeil ou durant leur sieste.
19, 74 : Et avant eux combien de générations avons-nous fait périr, qui les surpassaient en richesses et en beauté ?
20, 128 : Combien avons-nous fait périr avant eux de générations dans les demeures desquelles ils marchent maintenant ? Cela ne leur a-t-il pas servi de leçon ? Voilà des signes à méditer pour ceux qui ont de l’intelligence.
Un tel endoctrinement ne peut régner que sur des cerveaux malléables en quête d’une autorité qui les rassure et leur confère une suprématie compensatrice. Si le Coran ne brille pas par la pédagogie de ses enseignements, il a le mérite, et ne se prive pas de s’en vanter, de la clarté de ses intentions.
Une doctrine limpidement exposée avec des assertions aussi infantiles n’en est que plus aisément contestable. L’existence du mal est le principal, et suffisant, obstacle aux religions et à la notion d’un Dieu bon ordonnateur de l’univers. Se réfugier derrière le « mystère de Dieu » qui nous est inaccessible par définition, « Satan » ou le « libre arbitre » n’est qu’une abdication des religions devant leur incapacité à fournir une vision cohérente du monde. Conscient de cet obstacle, le Coran adopte une stratégie d’attaque où le croyant doit être maintenu dans le giron de la religion, par la crainte, la menace et l’endoctrinement, au moyen d’une litanie d’injonctions. Sans aucun appel à une réflexion plus large, la prière conformiste et routinière reste le meilleur moyen d’afficher l’affiliation de chacun à l’islam. Mais « Dieu » étant considéré comme le maître d’un univers agencé par lui-même, l’explication du mal reste un problème théologique, insurmontable pour les religions. Malgré quelques replâtrages maladroits faisant appel au Diable ou au libre arbitre, l’incohérence de ce Dieu tout puissant reste flagrante. Le Coran avoue cette faille divine dès le 2e chapitre, l’une des plus riches.
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Les infidèles s’avèrent apparemment hors d’atteinte des volontés divines (2, 6) : « Quant aux infidèles, il leur est égal que tu les avertisses ou non : ils ne croiront pas ». Mais le rédacteur se rattrape immédiatement après en affirmant que cette incrédulité justement est ce que veut Dieu lui-même (2, 7) : « Dieu a donc apposé un sceau sur leurs cœurs et sur leurs oreilles ; leurs yeux sont couverts d’un bandeau, et le châtiment le plus dur les attend ». Ce constat d’échec est répété (36, 10) : « Peu leur importe que tu les avertisses ou non ; ils ne croiront pas ».
Un gourou peut captiver ses fidèles en les éblouissant de promesses sucrées, mais aussi en les abreuvant de menaces apocalyptiques. Le Coran, comme l’Ancien Testament, choisit la voie guerrière, seul refuge des thèses absurdes. Il gratifie son lecteur d’un incroyable déversement de haine viscérale pour l’incroyant en (56, 40 à 61) s’enfonçant un peu plus encore dans la boue de sa morale discriminatoire. Une idéologie qui se résume dans une compilation de menaces, d’interdictions, accompagnée de la surveillance inquisitoriale de ses propres adeptes (hisba), montre son inaptitude à proposer une philosophie cohérente et porteuse d’espoir. Le bétail difficile à garder dans les cloîtres de la croyance voit la moindre incartade immanquablement punie (59, 4). « Dieu dans son châtiment est terrible envers quiconque se sépare de Dieu », pour maintenir le croyant dans le droit chemin de la prière (71, 28). « Seigneur, pardonne-moi, ainsi qu’à mes parents, aux fidèles qui entreront dans ma maison, aux hommes, aux femmes qui croient, et décuple le châtiment des pervers ? »
Pourtant, l’action de Dieu semble sans limites (50, 38) : « Nous avons créé les cieux et la terre, et tout l’espace qui les sépare, en six jours, sans éprouver la moindre fatigue ». Cette rhétorique s’apparente plus au rattrapage désespéré d’une situation absurde qu’à une vision cohérente du monde.
Dieu ayant « apposé un sceau sur leurs cœurs », il serait légitime de s’attendre à le voir libérer les hommes de cette cécité, mais la bonté divine du dieu coranique s’exprime par une tout autre voie (2, 10) : « Leur cœur est malade ?? Dieu aggravera cette maladie et un châtiment douloureux sera le prix de leur mensonge », voir aussi 2, 15 : « Dieu se moque bien d’eux et les fait persister dans leur rébellion, ils en perdent la tête ». Laisser perdurer une situation établie n’est pourtant pas la preuve d’une puissance particulière.
Dieu, malgré son universalité, n’est pas le seul acteur, mais doit affronter (ou éviter) Satan. Chacun prêchant pour sa paroisse, ce Dieu factice tente vainement de réunir ses ouailles (3, 175) : « Satan effraie ses suppôts ; ne les craignez point, mais craignez-moi, si vous êtes fidèles ». À défaut de rendre le monde bon, le Coran s’essaie pitoyablement à justifier l’état de la situation présente (5, 14). « Nous avons suscité parmi eux une hostilité et une haine qui dureront jusqu’au jour de la résurrection » [il est vrai que cela s’adresse apparemment à des chrétiens, mais quand même] ; et l’injonction du chapitre 5 verset 40 n’est pas plus convaincante : « Ignores-tu que Dieu est le roi des cieux et de la terre ? Il punit qui il veut et pardonne qui lui plaît ; il est tout puissant ».
Ces curieuses prises de position du Coran ne peuvent que suggérer que Dieu ne veut pas d’une Humanité entière adhérant à sa religion.
De la même manière (16, 93) : « Si Dieu avait voulu, il aurait fait de vous une seule communauté, mais il égare celui qu’il veut et guide qui lui plaît ». La compétition Dieu-Satan, signe de l’impuissance divine, reprend de nouveau en 19, 83 : « Ne vois-tu pas que nous avons lancé contre les mécréants des démons qui les confondent ? »
Il y a de quoi se perdre dans ce dédale incompréhensible où les incroyants sont autant que les croyants des marionnettes entre les mains de Dieu. L’incohérence de la théologie abrahamique à cet égard est flagrante.
L’absurdité atteint son comble lorsque l’on nous apprend que Dieu a souhaité l’incrédulité face aux miracles (7, 101) : « Dieu met un sceau sur le cœur des incroyants ». Est-ce là une théologie bien évidente ? De même, plus loin (7, 178) : « Celui que Dieu dirige est bien dirigé, celui que Dieu égare, est perdu ». Cela ressemble plutôt à une tautologie ! Plutôt que de soumettre l’incroyant à des faits miraculeux qui feraient voler en éclats son scepticisme, le Coran lui assène des prophéties menaçantes jamais vérifiées (13, 31). « Quand bien même le Coran ferait mouvoir les montagnes, quand bien même il partagerait la terre en deux et ferait parler les morts, ils ne croiraient pas… ignorent-ils pourtant que Dieu pourrait remettre sur la bonne voie toute l’Humanité s’il le voulait ? »
Note de la rédaction. L’auteur à qui nous empruntons cette analyse du Coran oublie néanmoins l’histoire du miracle de la lune. Il est vrai que ce dernier n’a pas convaincu, et que les compatriotes de Mahomet, qui apparemment avaient les pieds bien sur terre, notamment Amr ibn Hicham surnommé plus tard Abou Jahl par les musulmans, ont plutôt pensé qu’il s’agissait d’un cas d’hypnose ou d’hallucination collective.
Le point de vue des musulmans pieux.
Parmi les miracles les mieux documentés dont témoigne le Coran lui-même, citons la séparation en deux de la lune. « L’Heure approche et la lune s’est fendue », lit-on au verset 1 du chapitre 54 (intitulé
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« La Lune » justement). Outre l’attestation du Coran, la tradition islamique nous a transmis de nombreux autres témoignages de ce miracle. Il est fait état de ce phénomène astronomique dans toutes les compilations de hadiths, que ce soit chez Al-Boukhari, chez Muslim, ou chez d’autres. C’est aussi pourquoi il fait l’unanimité de tous les exégètes. Aucun autre Prophète avant Mahomet n’avait accompli un tel miracle.
De quoi s’agit-il ?
Un jour, les Mecquois demandèrent à Mahomet de leur prouver qu’il était bien envoyé par Dieu. Cela se passa cinq ans avant l’Hégire en présence d’Al-Oualid Ibn Al-Moughirah, d’Abou Jahl (Amr ibn Hicham), d’Al-As Ibn Ouael, d’Al-Assouad Ibn Al-Mouttalib, d’An-Nadr Ibn Al-Harith, et d’autres païens de La Mecque. Ils dirent à Mahomet : « Si ce que tu dis est vrai, alors scinde la lune en deux moitiés ! »
Mahomet s’adressa donc à Dieu afin qu’il lui accorde ce qu’ils avaient demandé. Alors la lune se scinda en deux moitiés, l’une au-delà de la montagne et l’autre en deçà ! Ce phénomène se produisit le quatorzième jour du mois lunaire, jour de la pleine lune, et dura « autant de temps qu’il y a entre l’après-midi et la nuit ». Abou Jahl (Amr ibn Hicham), dit alors : S’il nous a ensorcelés, il ne peut pas, en revanche, ensorceler de la même façon le monde entier. Demandons par conséquent aux voyageurs qui arrivent d’autres contrées s’ils ont aperçu aussi ce que nous avons vu. Les Mecquois suivirent ce conseil avisé, mais tous les voyageurs arrivant à La Mecque ne firent que corroborer le récit de ce miracle. Les Mecquois dirent alors : « C’est de la magie qui dure ! »
NDLR. On dirait aujourd’hui : une hallucination collective du genre de celle qui survint à Fatima le samedi 13 octobre 1917. Pendant une dizaine de minutes, le disque solaire aura un comportement étrange que l’on appela « la danse du soleil ». Mais revenons à nos moutons, c’est le cas de dire, puisque nos trois petits amis de Fatima étaient bergers.
LES GENS DU LIVRE (AHL AL-KITAB).
La plus perverse des inventions de la théologie musulmane est celle des « Gens du Livre ». Elle ne signifie pas que l’islam se reconnaît la valeur ou l’antériorité de leurs religions, mais qu’il a prévu pour les chrétiens, les juifs, les sabéens, et les zoroastriens une catégorie juridique spéciale donnant droit au statut de dhimmi ; c’est-à-dire, moyennant discrimination, de garder leur vie et leurs biens, au lieu de la mort ou de l’esclavage, auxquels sont promis les kafirs oummiyoun, ou païens, ou athées, ou agnostiques, ou laïcs (multi religions).
En terres d’islam, tout tourne autour de la notion coranique de « Gens du livre » (ahl al-kitab).
Il y a les gens qui en font partie et qui ont donc une place en terre d’islam, une petite place, un statut de citoyen de seconde zone, la dhimmitude, et les autres, les kafirs oummiyoun, qui n’y ont aucune place.
Une des spécificités de l’Islam c’est qu’il regroupe les juifs, les chrétiens, les mages zoroastriens ou mazdéens, ainsi qu’une autre communauté mal définie, les sabéens, dans une même catégorie religieuse appelée par lui « gens du Livre » par allusion au fait que ces communautés avaient ou ont encore d’ailleurs, des Écritures saintes, par opposition aux peuples n’ayant pas de textes sacrés au sens strict du terme (oummiyoun) ce qui était par exemple le cas des païens de La Mecque.
Qu’appelle-t-on les Gens du Livre ? Seulement les juifs et les chrétiens ? Ou bien aussi les adeptes de certaines autres religions ? Celui qui croit en l’existence d’un dieu unique, mais n’a pas encore choisi sa religion, autrement dit qui n’est pas athée, mais seulement agnostique, peut-il être aussi considéré comme faisant partie des gens du Livre mentionnés par le Coran ? ??
Le terme arabe kafir désigne au départ tout simplement le fait de ne pas croire que Mahomet fut le dernier prophète du dieu créateur unique, il concerne donc aussi bien les juifs ou les chrétiens que les païens d’Arabie. Le Coran d’ailleurs emploie ce terme à propos des Gens du Livre qui ont choisi de ne pas croire en Mahomet comme à propos des païens : Coran 2,105.
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Le Coran désigne l’absence consciente, voulue, et volontaire, d’une telle croyance, par le terme de « koufr » (mot qui signifie étymologiquement « voiler » ; il désigne tout simplement au départ le fait de ne pas être musulman), mais il emploie ce terme aussi à propos du fait de ne pas croire…
— En Dieu.
— Au message envoyé par son dernier prophète (Coran 48, 13).
— Et à propos du fait de ne pas croire en chacun des autres messagers envoyés par Dieu précédemment (4, 150-151).
Selon l’école hanafite, les Gens du Livre sont ceux qui remplissent les trois conditions suivantes.
1. Se réclamer d’une religion qui a été révélée par Dieu.
2. D’après la Fiqh as-sounna, tome 2 p. 382, les Docteurs de la Loi islamique considèrent à l’unanimité que les juifs, ainsi que les chrétiens, non adeptes de la notion de Trinité, font bien partie de ces « Gens du Livre » (« ahl al-kitab ») dont parle le Coran. Et qui sont concernés par les deux premières conditions que nous venons de voir : se référer à des Écritures ayant été à l’origine des Écritures laissées de façon authentique par un messager de Dieu.
3. Et ne pas être (re) devenus polythéistes.
Les avis divergents, par contre, à propos des chrétiens croyant à la Sainte-Trinité, des zoroastriens, des sabéens.
Les chrétiens croyants à la Trinité font-ils partie de la catégorie des Gens du Livre malgré leur croyance en la divinité de Jésus ?
La réponse à cette question dépend évidemment de la conception qu’ils se font de la nature dudit Jésus : divine ou simplement humaine, ou les deux associées en une seule et même personne.
Selon certains (mais il s’agit d’avis très isolés – tafarroud —) seuls peuvent être considérés comme faisant partie des « Gens du Livre » les chrétiens tenants Jésus comme un simple prophète ; et non comme réunissant à la fois en lui une nature divine et une nature humaine. Autrement dit les chrétiens ne croyant pas en la notion de Sainte-Trinité.
Quant aux autres, ceux qui croient en l’Incarnation et/ou en la Trinité, donc en la divinité de Jésus, ils ne font pas partie des Gens du Livre. Ou du moins, s’ils en font partie, un musulman n’a pas le droit d’épouser une femme partageant leur conception du rôle de Jésus. Abdoullah ibn Omar, à propos du mariage avec une juive ou une chrétienne, disait : « Dieu a interdit que les musulmans se marient avec une femme associant d’autres personnes à Dieu le Père. Or je ne connais pas d’association plus grande que le fait de dire que Jésus est Dieu, alors qu’il n’est qu’un serviteur des serviteurs de Dieu ». Rapporté par Al Boukhari, tome 7, livre 63, hadith numéro 209.
Un peu comme le pape, évêque, mais serviteur des serviteurs de Dieu donc. Cf le dernier Catéchisme de l’Église catholique (page 5, introduction).
Pour l’immense majorité, même si le chrétien croit que Jésus a une nature divine, c’est-à-dire même s’il est trinitaire, il continue néanmoins à faire partie des « Gens du Livre ». Cet avis est sans doute celui qui est le plus conforme au Coran. « Ô Gens du Livre, ne parlez plus de Trinité » (Coran 4,171).
Ce verset prouve que le Coran lui-même appelle toujours « Gens du livre » des chrétiens croyant à la Sainte-Trinité.
Ibn Hadjar qu’un de ses maîtres (Al-Baqillani) a un jour déduit du hadith numéro 6 tome 1 livre 1 de Boukhari (à propos d’une lettre qui aurait été envoyée à l’empereur Héraclius) la règle l’adage suivant lequel « quiconque croit en la religion du Peuple de l’Écriture (c’est-à-dire le judaïsme ou christianisme) doit être considéré comme l’un d’entre eux pour ce qui est des dispositions légales le mariage et la consommation des animaux abattus (sic, quel romantisme !) même s’ils sont entrés dans cette religion après qu’elle a été corrompue. La preuve en est qu’Héraclius et son peuple (les Romains) n’étaient pas des Banou Israël, mais qu’ils avaient accepté le christianisme après qu’il eut été corrompu et déformé (il ne ressemblait plus guère au message monothéiste original de Jésus). Malgré cela, le Prophète les a néanmoins traités comme des gens de l’Écriture, ce qui signifie qu’ils doivent être considérés comme tels. Cela invalide donc l’idée que « gens des Écritures » est une expression réservée aux enfants d’Israël ou à ceux dont les ancêtres ont embrassé le christianisme avant sa déformation (Fath Al Bari Tafsir sahih Boukhari chapitre 1 hadith 1-7).
Venons-en maintenant aux sabéens. Les sabéens sont-ils des Gens du Livre ?
Le Coran parle des sabéens (« as-Sabioun ») dans quelques versets : 2, 62 ; 5, 69 ; 22, 17. Qui sont donc ces mystérieux sabéens ? Ibn Kathir parle d’eux comme des hommes qui croyaient en un seul Dieu, et d’après certains c’est ce qui faisait que les païens mecquois traitaient Mahomet ainsi que ses Compagnons de « Sabioun » (Tafsir d’Ibn Kathir, commentaire du verset 2, 62).
Les sabéens font-ils partie des gens du Livre ou pas ? Les avis sont partagés.
Oui selon Abou Hanifa, pour lui les sabéens faisaient bien partie des Gens du Livre (Al-Hidaya, tome 2 p. 290).
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Non pour Abou Youssouf et Muhammad ibn Al-Hassan, pour eux les sabéens ne faisaient pas partie des Gens du Livre (Al-Hidaya, tome 2 p. 290, note de bas de page).
Ainsi que nous avons pu le voir selon l’École hanafite, pour faire partie des Gens du Livre il faut remplir les trois conditions suivantes.
1. Se réclamer d’une religion qui a été révélée par Dieu.
2. Se référer à des Écritures qui étaient à l’origine des Écritures laissées de façon authentique par un messager de Dieu.
3. Ne pas être (re) devenus polythéistes (Fiqh as-sounna, tome 2 p. 382).
Si désaccord il y a entre Abou Hanifa et ses deux élèves à propos des sabéens, ce n’est pas à cause d’une divergence à propos de cette définition ; mais à cause de l’incertitude de nos connaissances à propos de ce que furent réellement (fahm oul-ouaqi) les sabéens. D’après Abou Hanifa, les sabéens étaient monothéistes, d’après Abou Youssouf et Muhammad ibn Al-Hassan, ils étaient astrolâtres (voir Al-Hidaya, tome 2 p. 290, note de bas de page).
EN FAIT TOUT DÉPEND SI L’ON PARLE DES SABÉENS DE HARRAN (Turquie) OU DES SABÉENS MANDÉENS (Sud de l’Irak).
Les zoroastriens font-ils partie de la catégorie des Gens du Livre maintenant ?
Ibn Hazm et l’École zahirite, de même qu’Abou Thawr, sont d’avis que les zoroastriens sont effectivement des Gens du Livre. Ces savants ont recours pour cela au raisonnement suivant : seuls les Gens du Livre peuvent être traités en ahl adh-dhimma, et Mahomet n’a jamais conclu de tels contrats de dhimmitude avec des idolâtres. Or il a accepté les zoroastriens comme ahl adh-dhimma (voir notre chapitre ci-dessus consacré aux Sabéens).
Donc les zoroastriens sont bien des Gens du Livre.
Certains musulmans pensent même que Zoroastre a peut-être été, lui aussi, un prophète, envoyé par Dieu au monde iranien de l’Antiquité, en tout cas, que l’enseignement de Zoroastre était apparemment conforme à celui des vrais messagers de Dieu.
Par contre, pour d’autres (notamment les théologiens des Écoles hanafite, malikite, et hanbalite), même s’ils se réfèrent au message et au livre apportés par un réformateur ayant peut-être été, lui aussi, un prophète de Dieu ; les zoroastriens ne sauraient être considérés comme des Gens du Livre. Ils ont, au fil du temps, opéré tellement de changements par rapport à ce message originel, qu’il n’est plus possible de les considérer comme monothéistes. Ils croient en deux divinités, l’une du bien, Spenta Maïnyou, l’autre du mal, Ahriman ; et vouent un véritable culte au feu.
Seuls les Gens du Livre peuvent être traités en ahl adh-dhimma, et Mahomet n’a jamais conclu de tels contrats de dhimmitude avec des idolâtres. Or il a accepté les zoroastriens comme ahl adh-dhimma ».
À propos de cet argument, et donc du fait que le Prophète n’a jamais établi de contrat de dhimmitude avec des idolâtres, Ibn Qayyim pense que cela ne signifie pas pour autant qu’il était impossible de le faire. Si le Prophète ne l’a pas fait, c’est tout simplement parce que l’idée de ce type de contrat ne lui a été révélée que l’année de Tabouk, c’est-à-dire en l’an 630. Autrement dit à un moment où les Arabes idolâtres s’étaient déjà convertis à l’islam [pour certains] soit avaient déjà conclu d’autres types de traités avec le Prophète, pour d’autres.
Quant au hadith stipulant « « Suivez la même sunna (tradition) avec eux que celle que vous suivez pour les gens du Livre » (Mouwatta de Malik. Section 17, zakat, hadith numéro 43), s’il est authentique ; il prouve au contraire que les zoroastriens ne sont pas des Gens du Livre, puisqu’il est demandé d’agir avec eux comme on agit avec les Gens du Livre. Cela implique que zoroastriens et Gens du Livre sont deux entités différentes.
Ibn Abbas d’ailleurs, à propos de l’offensive des Byzantins contre les Perses au VIIe siècle, événement évoqué par le Coran dans le chapitre 30, 2-6, rapporte que les Mecquois souhaitaient la victoire des Perses, qui adoraient des statues comme eux ; alors que les musulmans, eux, souhaitaient celle des Byzantins, « qui étaient des Gens du Livre comme eux » (rapporté par At-Tirmizi, livre 44, hadith numéro 3193).
CONCLUSION D’ÉTAPE : CEUX QUI SONT PROCHES DU MESSAGE ORIGINEL DE ZOROASTRE FONT BIEN PARTIE DES GENS DU LIVRE, MAIS CEUX QUI SUIVENT UNE VOIE S’EN ÉTANT BEAUCOUP ÉLOIGNÉE, NON !
Ainsi que nous avons pu le voir, pour faire vraiment partie des Gens du Livre, il faut remplir les trois conditions suivantes.
1. Se réclamer d’une religion qui a été révélée par Dieu.
2. Se référer à des Écritures ayant été à l’origine des Écritures laissées de façon authentique par un messager de Dieu.
3. Ne pas être (re) devenus polythéistes (Fiqh as-sounna, tome 2 p. 382).
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C’est parce qu’ils ne remplissent pas, ou plus, cette troisième condition, que les zoroastriens ne sont pas tenus pour des Gens du Livre par certains.
Mais surgit alors ici une question. Comment se fait-il que les théologiens musulmans, qui pensent que les zoroastriens ont bien reçu des Écritures émanant de Dieu ; mais ne peuvent plus être considérés comme faisant partie des Gens du Livre, parce qu’ils sont devenus dualistes (un dieu du Bien Spenta Maïnyou et un dieu du Mal Ahriman) ; considèrent néanmoins les chrétiens comme faisant toujours partie de ces mêmes Gens du Livre ? Alors que ceux-ci se sont mis à croire en la nature divine de Jésus et en la Trinité, ce qui est du polythéisme également ? Pourquoi ces théologiens n’aboutissent-ils pas, eux, à la même conclusion en ce qui concerne les zoroastriens et les chrétiens ?
Parce que les chrétiens continuent à vouloir qu’il n’y ait qu’un seul Dieu.
Les trois personnes selon eux sont bien distinctes, mais ne forment qu’un seul Dieu. La toute-puissance de Dieu fait qu’il peut être Un en trois personnes. Ils croient en l’Incarnation, mais disent que c’est à cause de son omnipotence que le Dieu Unique a pu se faire chair en la personne de Jésus, en qui cohabitaient à la fois une nature humaine et une nature divine. Tout cela est bien compliqué, et les chrétiens appellent d’ailleurs eux-mêmes cela un « mystère », mais cela diffère néanmoins assez sensiblement du dualisme des zoroastriens passés ou présents pour qu’ils puissent continuer à être considérés comme faisant partie des Gens du Livre par les musulmans.
Note d’un homme de douze livres et non d’un seul.
Raisonnement intéressant ! À ce compte-là, on peut en dire autant des druides antiques qui, comme les zoroastriens d’origine, refusaient tout dualisme (un Mal distinct du Bien et en lutte contre lui), et croyaient aussi en un Être supérieur unique ; mais un Être supérieur unique dont la toute-puissance faisait qu’il pouvait être UN en plusieurs (les hypostases appelées Taran/Toran/Tuirean, ou Mabon/Maponos/Oengus, et même Lug. Bref, une sainte poly-unité avant la lettre !). L’omnipotence de cet Être supérieur faisant aussi qu’il ait pu se faire chair, d’où certains êtres exceptionnels en qui cohabitaient à la fois une nature humaine et une nature divine : le Hésus/Cuchulainn en Irlande par exemple, pour ne citer que lui.
CONCLUSION DÉFINITIVE : les Gens du Livre sont une partie de l’ensemble de ceux qui ne sont pas musulmans (« kafiroun ») à cause du fait qu’ils sont, eux aussi, plus ou moins monolâtres ; qu’ils se réfèrent à un ou plusieurs authentiques messagers de Dieu ayant précédé Mahomet ; qu’ils possèdent enfin eux aussi des Écritures issues de ces messagers de Dieu et contenant toujours certains enseignements authentiques. Le Coran reconnaît donc qu’ils ont un certain nombre de points communs avec les musulmans, et qu’il est donc permis au musulman d’épouser une femme faisant partie de leur communauté (mais pas le contraire bien entendu, les femmes musulmanes restant réservées aux musulmans).
L’agnostique, celui qui dit que Dieu existe peut-être, mais que l’on ne peut rien savoir de lui, et le déiste, celui qui croit en Dieu, mais ne se réfère au message d’aucun envoyé de Dieu particulier ; par contre, ne font pas partie de la catégorie musulmane des Gens du Livre.
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DIEU ET CEUX QUI NE CROIENT PAS (COMME IL FAUT).
Principale cible de cet ouvrage, l’infidèle a tous les vices habituellement attribués à l’ennemi. Il est faux, sournois, moqueur, méprisant, agressif, belliqueux, et naturellement adhère à d’autres mythes ou à aucun, c’est-à-dire qu’il n’admet pas l’autorité de Dieu. Le terme d’infidèle désigne tous les non-musulmans, qu’ils soient juifs, chrétiens, polythéistes ou non-croyants. Et la méfiance est de mise envers les convertis.
Dans le seul chapitre 2, le chapitre de « La vache », figurent plus de quarante versets s’en prenant à ceux qui ne croient pas en l’islam. Il s’agit des versets 7, 10, 13, 18, 27, 39, 59, 61, 65, 79, 81, 85, 88, 98, 104, 114, 119, 159, 161, 165, 167, 171, 174,178, 179, 191, 194, 206, 217, 221, 244,257, 270.
TRADUCTIONS DANS NOTRE LANGUE DONNÉES SOUS TOUTES RÉSERVES ; MAIS LE SENS GÉNÉRAL DE TOUS CES TERMES EST TRÈS CLAIR ET SANS ÉQUIVOQUE.
Châtiment terrible, douloureux, ignominieux, perdition, malheur, feu éternel, fournaise, géhenne, singes, fous, muets sourds et aveugles, personne ne doit les défendre, malédiction de Dieu, colère de Dieu, inimitié de Dieu, loi du talion, les chasser les tuer les combattre, etc., etc.……
D’emblée la page 2 du chapitre 2 donne le ton avec pas moins de 6 versets empreints de violence (7-10-13-18-24-27). La quarantaine de versets de cette sorte que l’on recense dans le chapitre, qui en contient 286, donnent le ratio moyen de 14 %, soit 1, 6 par page. Ce chapitre 2 est un flot de haine qui se déverse sur les infidèles, annonçant leur noyade et submergeant leurs cités. Un châtiment douloureux leur est réservé, parce qu’ils ont traité Mahomet de menteur, et un tel mal se soigne par le feu (2, 24). « Craignez le feu qui a pour aliment les hommes et les pierres, et qui a été préparé pour les mécréants ». Voir aussi le verset 39 : « Mais ceux qui ne croiront pas, qui traiteront nos signes de mensonges, seront livrés au feu éternel ». Les fidèles sont appelés à joindre leur malédiction à l’encontre des mécréants, à celle de leur Dieu (2, 159). « Que ceux qui dérobent à la connaissance des autres les miracles et la bonne direction que nous leur avons fait connaître après dans le livre soient maudits de Dieu, et de tous ceux qui savent maudire ». Voir aussi le verset 161 : « Ceux qui mourront mécréants seront frappés de la malédiction de Dieu, des anges, et de tous les hommes ». Et
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pour que les choses soient claires (2, 257) : « Les infidèles ont pour patron les faux dieux (Taghout : le terme est en réalité difficile à traduire) celui-ci les conduit de la lumière vers les ténèbres ». Cette haine divine est rappelée un peu plus loin (2, 276) : « Dieu n’aime ni l’impie ni l’infidèle ».
On aimerait croire que ce premier (puisque l’on ne compte pas la Fatiha), mais principal, chapitre, n’est pas représentatif de l’ensemble, et que le ton change dans ceux qui suivent. Or il n’en est rien, et l’on peut même se rendre compte que ce n’est pas le pire, que le livre entier visiblement est émaillé des mêmes menaces ; et que la verve pour en exprimer la violence ne cesse de s’amplifier [NDLR là encore les traductions varient suivant les auteurs, mais le sens général reste sans équivoque].
Qu’ils meurent de rage (3, 119), soient taillés en pièces ou culbutés (3, 127), anéantis (3,141) ; épouvantés (3, 151), il faut combattre les suppôts de Satan (4, 76), saisissez-les, tuez-les, partout là où vous les trouverez (4, 89-91). Leur seul salaire sera d’être tués, crucifiés, ou d’avoir une main et le pied opposé coupés (5, 33), âme pour âme, œil pour œil, nez pour nez, oreille pour oreille, dent pour dent, le talion pour les blessures (5, 45) ; ils auront droit aussi à une boisson brûlante et à l’enfer (6, 70), aux affres de la mort (6, 93) ; Dieu détruit les villes quand les habitants restent païens (6, 131), extermine ceux qui nient les signes ou les miracles (7, 72) ; frappez-les au cou, frappez-les aux jointures (8, 12), ce n’est pas vous qui les tuez, c’est Dieu (8, 17) ; les anges leur frapperont la face et la base du dos (8, 50), un prophète n’a pas à faire de prisonniers avant d’avoir vaincu (8, 67) ; les païens ne sont que souillure (9, 28) ; l’or et l’argent seront portés à incandescence dans le feu de la Géhenne pour leur marquer le front, les flancs et le dos (9, 35) ; à eux le carcan (13, 5), nous envahissons leur pays et en réduisons l’étendue de toutes parts (13, 41). Nous allons faire périr les injustes (les pécheurs ?) et vous installer à leur place sur cette terre (14, 13-14) ; la Géhenne guette l’insolent, il n’y boira que du pus, à petites gorgées qu’à grand-peine il avalera (14, 16-17) ; tu les verras enchaînés, dans des tuniques de poix et la figure en feu (14, 50) ; Dieu leur fera goûter à la faim et à la peur (16, 112) ; une eau comme du métal en fusion leur brûlera la face (18, 29) ; Dieu les moissonnera (21, 15) ; on taillera des vêtements de feu pour les mécréants, on leur versera de l’eau bouillante sur la tête, leurs entrailles et leur peau en seront consumées. Des fouets en fer ont été préparés pour eux ; chaque fois qu’ils voudront en sortir, poussés par la souffrance, ils y seront ramenés (22, 19-22). NDLR. Là on ne peut s’empêcher de penser aux visions sadomasochistes de l’enfer que l’on découvre dans la littérature irlandaise (de Saint Fursy à l’Élucidaire d’Honoré d’Autun, etc.… voir notre opuscule consacré au sujet).
L’infidèle apparaît, dans le chapitre 55, comme un esprit borné, à la négation systématique, où chaque verset du Coran est suivi de « Lequel des bienfaits de Dieu nierez-vous ??? ». Un procédé adroit pour assimiler l’incroyant à un personnage obtus et inguérissable.
Ce n’est plus seulement de la contrariété que l’on éprouve, au fur et à mesure que l’on progresse dans cet inventaire, impressionnant, mais de la consternation et de l’effroi. Le nombre de versets faisant preuve de violence est au bas mot de 550 pour l’ensemble du livre, auxquels s’ajoute une centaine d’autres versets moins outranciers, mais plutôt désobligeants pour ceux auxquels ils s’adressent. Ces quelque 650 versets plus ou moins violents donc, conduisent au ratio global de 10 % des 6235 versets du livre, soit 1, 8 en moyenne par page. Une telle fréquence confère au Coran un caractère très particulier.
Quelques exemples.
Le chapitre intitulé « Les femmes » le chapitre N° 4.
Verset 74 : « Que ceux qui ne pensent qu’à leur vie dans l’au-delà combattent dans le chemin de Dieu. Nous accorderons une récompense sans limites à celui qui combat dans le chemin de Dieu, qu’il soit tué ou qu’il soit victorieux ».
Verset 160 : « Nous avons interdit aux juifs d’excellentes nourritures qui leur étaient permises auparavant : à cause de leur prévarication ; parce qu’ils se sont souvent écartés du chemin de Dieu, parce qu’ils ont pratiqué l’usure qui leur était pourtant défendue, parce qu’ils ont mangé injustement le bien des autres. Nous avons préparé un châtiment douloureux pour ceux d’entre eux qui ne se sont pas convertis ».
Ceux qui pensent que l’islam est une religion d’amour comme d’autres se trompent lourdement, et pèchent autant par ignorance que par naïveté. Ils se rendent involontairement complices d’un épouvantable drame.
Le chapitre intitulé « La table servie », le chapitre N° 5.
Verset 17 : sont assurément infidèles ceux qui disent : « Dieu est le messie, fils de Marie ». Qui pourrait empêcher Dieu d’anéantir le Messie, fils de Marie, sa mère et jusqu’au dernier des hommes de la Terre ?
Verset 33. « Ceux qui font la guerre à Dieu et à son prophète ainsi que ceux qui sèment la corruption sur Terre seront tués ou crucifiés, ou bien leur main droite et leur pied gauche seront coupés, ou bien ils seront expulsés de leur pays ».
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Versets 60 : « Dieu a transformé en singes et en porcs ceux qu’il a maudits ; ceux contre lesquels il est courroucé, ainsi que ceux qui ont adoré les taghout ».
Rappel de la rédaction. Le terme taghout est difficile à traduire. Il désigne peut-être l’ensemble des divinités. Il semble également y avoir une erreur de syntaxe dans ce vers à propos du sujet du verbe « ont adoré ». Dieu aurait adoré les taghout ?
Le chapitre intitulé « le butin », le chapitre N°8.
Verset 12 : « Je vais jeter l’effroi dans le cœur des mécréants : frappez-les au cou ; frappez-les aux jointures ».
Versets 38-39 : « Dis aux incroyants que s’ils cessent, on leur pardonnera ce qui s’est passé. S’ils recommencent, qu’ils se rappellent alors l’exemple des Anciens ! Combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de fitna et que le culte soit rendu au vrai Dieu en sa totalité ».
Verset 65 : « Exhorte les croyants à combattre. Vingt combattants croyants vaincront deux cents infidèles. S’il s’en trouve cent, ils en vaincront mille ».
Le chapitre intitulé « Repentir », le chapitre N° 9.
Verset 5 : « Une fois les mois sacrés passés, tuez les polythéistes, partout là où vous les trouverez, capturez-les, assiégez-les, tendez-leur des embuscades ».
Note de la rédaction. Il s’agit là très nettement de versets conçus à l’origine pour s’appliquer aux païens de La Mecque des années 620 à 630. Mais qu’est-ce qui empêche de les appliquer par exemple aux Indiens d’aujourd’hui ?? En dehors des mois sacrés en question bien entendu. Et les chrétiens avec leur idée de trinité, eux aussi, sont en quelque sorte des trithéistes, donc des polythéistes. Serait-il légitime de s’en prendre à eux à partir du moment où ce n’est pas durant ces fameux mois sacrés, qui ont tant fait couler d’encre ?
Versets 29-30 : « Combattez (sic) ceux des gens du Livre qui ne croient pas en Dieu et au Jour du jugement dernier ; ceux qui ne déclarent pas illicite ce que Dieu et son Prophète ont déclaré illicite ; ceux, qui parmi les gens du livre, ne pratiquent pas la vraie religion. Combattez-les jusque-là ce qu’ils paient directement le tribut après s’être humiliés. Les juifs ont dit : Esdras est fils de Dieu ! Les chrétiens ont dit : le Messie est le fils de Dieu ! Telles sont les paroles qui sortent de leur bouche ; ils répètent ce que les mécréants disaient avant eux. Que Dieu les anéantisse ! Ils sont tellement stupides ! »
Note de la rédaction. La mention « après s’être humiliés » est importante. Elle implique non seulement que les non-musulmans de confession judéo-chrétienne doivent payer un impôt spécifique (appelé djizia), mais en outre qu’ils doivent le faire DANS DES CONDITIONS HUMILIANTES POUR EUX.
Quant à la stupidité, ce genre de propos ressemble beaucoup à l’histoire de l’homme se moquant de la paille dans l’œil de son prochain, alors qu’une poutre est dans le sien. Ou à l’histoire de l’hôpital qui se moque de la charité.
Rappelons également pour mémoire que la traduction du verbe arabe qatala par « combattre » (impératif qatilou) est un plaisant euphémisme pour dire « tuer ».
Verset 123 : « Ô vous qui croyez ! Attaquez ceux des infidèles qui vivent dans votre voisinage immédiat ! Soyez durs envers eux ; sachez que Dieu est avec ceux qui le craignent ».
Chapitre 31, verset 6 : « l’homme ignorant se procure des discours futiles faits pour égarer les gens et les faire sortir du droit chemin ».
Chapitre 36, verset 69 : « Nous ne lui avons pas enseigné la poésie, car cela ne lui convenait pas ».
Littérature et poésie n’ont donc guère les faveurs du Coran, et l’on comprend mieux le recours aux autodafés en terre musulmane.
Le chapitre intitulé « L’interdiction », le chapitre N° 66.
Verset 9 : « Combats les mécréants et les hypocrites. Sois dur envers eux. Que leur asile soit la géhenne ».
Un peu de fraîcheur pour se décrasser l’esprit maintenant.
Les vrais druides, eux, apparemment, tout comme Scot Érigène, ne croyaient pas en cette notion d’enfer.
Scolies bernoises commentant la Pharsale de Lucain.
Hermann Usener. Scholia in Lucani bellum civile/Commenta Bernensia. Liber I (1869).
451 « Les druides nient que les âmes puissent périr
[Driadae negant interire animas]
OU ALLER EN ENFER »
[aut contagione inferorum adfici] et
454 « Ils ne disent pas que les Mânes existent
[Manes esse, non dicunt].
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Le point N° 25 de la petite liste annexée au concile de Leptines en 743 sous le titre latin d’indiculus superstitionum paganiarum (évidemment ; il s’agit de condamner ou dénigrer tout cela) va d’ailleurs clairement dans ce sens : il évoque le fait d’imaginer que tout défunt est saint.
Et en 851, Jean Scot Érigène a aussi noté dans son « De la prédestination » : Dieu ne prévoit ni peines ni péchés : ce sont des fictions. Pour Érigène également, donc, l’enfer n’existe pas, ou alors il l’appelle le remords.
En ce qui nous concerne, nous refusons d’envisager, fût-ce une seule seconde, comme étant le suprême message de la sagesse suprême ; un texte qui stipule que les dénonciations abusives pour adultère seront punies de 80 coups de fouet, qu’une épouse de prophète convaincue d’adultère doit subir une peine double de celle d’une autre femme ; que le Prophète doit toucher 20 % du butin fait à la guerre sainte, etc., etc., etc.
Nous nous refusons d’ailleurs à considérer quoi que ce soit comme le dernier mot de Dieu (« ou sceau des prophéties »). Ou il n’existe pas et il n’y a pas de dernier mot du tout, ou il existe et c’est un blasphème que de prétendre lui couper la parole (= action du Saint-Esprit).
Enfin, nous refusons d’associer à Dieu un texte qui dit justement qu’on ne doit rien associer du tout à Dieu. Si Dieu existe, c’est lui qui a voulu qu’on ne puisse l’appréhender sans lui associer quelque chose (texte ou objet ou personne ou idée ou phénomène).
En outre de toute façon, contrairement à ce que l’on croit, ou fait semblant de croire en général, l’islam, ce n’est pas le Coran. Ou plus exactement l’islam ce n’est pas que le Coran, c’est aussi…
— Le fait que certains versets de ce livre ont été abrogés par d’autres (El Nassikh oua el mansoukh).
— La vie de Mahomet (en ce qu’elle peut avoir d’exemplaire, en vertu du principe de l’isma ou infaillibilité des prophètes : Mahomet en l’occurrence est un saint qui ne s’est jamais trompé).
— Ainsi que les centaines de milliers d’anecdotes (hadiths) à son sujet.
Ce qui change tout !
LES ZOROASTRIENS.
Un seul verset du Coran (22, 17) évoque les zoroastriens (majous). « Le jour de la résurrection, Dieu distinguera les uns des autres, les croyants, les juifs, les sabéens, les chrétiens, les magiens et les polythéistes ».
On ignore pour l’instant s’il s’agit bien d’une mention venant de Mahomet en personne (souvenir de rencontres directes de sa part ou de ouï-dire) ; ou s’il s’agit d’une interpolation effectuée après la mort de Mahomet par un musulman installé en territoire vassal de la Perse et ne voulant pas se priver de cette fructueuse source d’impôts (les zoroastriens devaient faire partie des classes supérieures de la population donc des plus riches, comparées aux Arabes païens).
Un hadith nous dit aussi que Mahomet lui-même aurait accepté l’impôt de dhimmitude (djizya) versé par les zoroastriens du Hajar (région d’Arabie saoudite située entre Riyad et le Qatar).
Abdou Rahman ibn Aouf a rapporté : Le Prophète, paix et bénédictions sur lui, a accepté le tribut des zoroastriens de Hajar.
Source : Sunan At-Tirmizi 187. Catégorie : Sahih (authentique) selon At-Tirmizi.
Mouwatta de Malik. Section 17 : zakat.
Hadith 42.
« J’ai entendu dire que le Messager de Dieu, que Dieu le bénisse et lui accorde la paix, a pris la djizya des magiens 1) de Bahreïn, qu’Omar ibn al-Khattab l’a prise des magiens 1) de Perse et qu’Osman ibn Affane l’a prise des Berbères. »
Hadith 43.
Omar ibn al-Khattab a mentionné les magiens 1) et a dit : « Je ne sais pas quoi faire à leur sujet ». Abd ar-Rahman ibn Aouf a répondu, « J’atteste que j’ai entendu le Messager de Dieu, que Dieu le bénisse et lui accorde la paix, dire : suivez la même sunna (tradition) avec eux que celle que vous suivez pour les gens du Livre ».
Hadith 46.
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Les gens de la Dhimma (les dhimmmis) et les magiens 1) n’ont pas à payer de zakat… C’est parce que la zakat est imposée aux musulmans pour les purifier et être redistribuée à leurs pauvres, tandis que la djizya est imposée aux gens du Livre pour les humilier.
Une lettre (sans doute apocryphe) attribuée à Mahomet nous raconte la même chose. À noter, dans cette lettre, Bahreïn est le nom donné à la région d’Arabie située entre les actuels Bahreïn et Koweït.
En 628 Mahomet aurait envoyé au gouverneur « perse » de Bahreïn, une lettre l’invitant à embrasser l’Islam. En réponse, Al-Moundhir bin Saoua écrivit la lettre ci-dessous.
« Au Messager de Dieu (que la paix soit sur lui) ! J’ai bien reçu on injonction. Avant cela, j’ai pris connaissance de la lettre que tu as envoyée au peuple de Bahreïn pour l’inviter à se convertir. L’Islam a séduit certains d’entre eux qui sont entrés dans le giron de la communauté, tandis que d’autres ne l’ont pas fait. Dans mon pays vivent des zoroastriens (majous) et des juifs, tu peux par conséquent me dire quel traitement je dois leur réserver ».
Réponse de Mahomet.
Au gouverneur de Bahreïn. Au nom de Dieu le Clément et le Miséricordieux : De Mahomet le Prophète de Dieu à Mounzer ben Saoua, que la paix soit sur toi !… J’accepte tes recommandations concernant le peuple de Bahreïn. Je pardonne les offenses des coupables. Tu peux donc également pardonner aux gens de Bahreïn qui veulent continuer à suivre leur foi juive ou zoroastrienne (majous), du moment qu’ils paient la djizya (Sultan Ahmed Qureshi, Lettres du Saint Prophète, Karachi 1983).
Est-ce possible ?
Il existe des mots empruntés au persan dans le Coran tels que firdaous (paradis). Des cultes iraniens existaient en Arabie préislamique du fait de la présence militaire sassanide le long du golfe Persique ou de l’Arabie du Sud et à cause des routes commerciales reliant le Hedjaz et l’Irak. Certains Arabes du nord-est de la péninsule s’étaient convertis au zoroastrisme et plusieurs temples zoroastriens ont été construits dans le Nejd. Certains des membres de la tribu de Banou Tamim s’étaient convertis à cette religion. Le zoroastrisme était aussi présent en Arabie orientale et des zoroastriens persans vivaient dans la région. Ils étaient connus sous le nom de « majous » à l’époque préislamique. Cette religion avait été introduite dans la région, y compris le Bahreïn moderne, durant la période de domination des empires persans dans la région à partir de 250 avant notre ère. À Bahreïn elle était surtout pratiquée par des colons perses. Le zoroastrisme était aussi pratiqué dans la région gouvernée par les Perses correspondant à l’actuel Oman. Les descendants d’Abna, les conquérants perses du Yémen étaient des adeptes du zoroastrisme. D’après Serjeant, les Baharnas seraient peut-être les descendants arabisés de convertis venant de la population originelle des anciens Perses (majous) ainsi que d’autres religions.
Nous devons bien à nos frères guèbres ou parsis quelques mots sur leur si dangereuse spiritualité (presque une monolâtrie, brrr !) quand elle tombe entre de mauvaises mains. Heureusement, comme le judaïsme, elle se transmet surtout de parents à enfants seulement.
Le fait est que l’influence du zoroastrisme perse sur l’Islam est évidente, notamment dans le nombre de prières quotidiennes que doit effectuer le fidèle musulman, ou encore la croyance eschatologique au mizan, ou plateau de balance sur lequel les âmes des morts sont jugées (Coran 21/47). D’ailleurs le Coran place les zoroastriens au même niveau que les juifs, les sabéens et les chrétiens.
Selon la tradition musulmane, l’âme du défunt doit emprunter un pont fin et tranchant comme une lame de rasoir pour accéder au paradis. Les justes le franchissent avec succès, les autres trébuchent et tombent en enfer. Cette idée se retrouve dans le zoroastrisme, et sa trace ressurgit même chez les hindous, du fait des influences croisées entre peuples perses et indiens.
Autre exemple, les houris 2) réservées aux guerriers supposés méritants de l’Islam, ou vierges célestes offertes à leurs fantasmes sexuels, suggèrent une origine zoroastrienne. Dans le zoroastrisme en effet, tout comme dans le druidisme, les anges gardiens (daena) sont de sexe féminin, et on imagine sans mal la confusion mentale qu’ont dû produire ces charmantes créatures dans l’esprit de barbares conquérants loin de leur foyer, en cette Mésopotamie heureuse où tout respire sexe et volupté…
Ce qui est intéressant dans l’histoire des religions, c’est de constater combien elles permettent de mieux connaître les sociétés dont elles émanent, autant dans leurs aspirations que dans leurs craintes. Tout aussi passionnant est de suivre leur développement et de découvrir les différentes influences qui au cours de leur évolution les ont plus ou moins déterminées.
La religion d’essence monothéiste la plus ancienne est le zoroastrisme ou mazdéisme avec lequel les Judéens vont être mis en contact à Babylone dès le Vie siècle avant notre ère et qui va influencer de plus en plus les orientations religieuses de l’époque.
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Zoroastre apparaît historiquement parlant comme le réformateur de la religion des Aryens, ce groupe d’Indo-Européens qui va s’installer et se sédentariser petit à petit dans l’Iran actuel ou les régions environnantes dès le XIIe siècle avant notre ère. À leur arrivée, ils semblaient être polythéistes avec d’importantes traditions magiques et des démons à craindre. L’ensemble de leur mythologie est proche de la tradition védique comme d’ailleurs celle de leurs cousins éloignés que sont les Hittites et les Hourrites du Mitanni qui les ont précédés au Moyen-Orient. Probablement né au nord-est de l’Iran, il est difficile de préciser à quelle époque a vécu Zoroastre. Les chercheurs avancent des dates qui vont du XIIe au VIIe siècle avant notre ère. La date la plus ancienne se base surtout sur l’idiome très archaïque utilisé dans les Gatha, recueil de la littérature avestique où Zoroastre s’exprime. D’après ces textes, il paraît s’adresser à des peuples qui s’occupent surtout d’élevage et pas vraiment d’agriculture, ce qui pourrait confirmer l’ancienneté de cette date. Zoroastre dans sa réforme, s’oppose aux rituels magiques omniprésents et aux sacrifices trop sanglants et violents. Il veut donner à la religion une signification morale et religieuse. Il dit parler au nom du dieu Ahoura Mazda, dieu de la lumière, symbolisé par le feu à qui il oppose un principe ennemi et dangereux, Ahriman. Ahoura Mazda donnera son nom au mazdéisme. Cette religion a un livre sacré, l’Avesta, attribué en grande partie à Zoroastre. Il est truffé de mots mystérieux qui semblent avoir été intentionnellement utilisés afin de prouver qu’il s’agit d’une révélation par Dieu lui-même. Nous sommes donc en présence de la première religion dite révélée. Le livre sacré est appelé « le livre de la révélation de la vérité ». Avec le zourvanisme qui sera un schisme, l’essentiel du message sera préservé, mais avec un lien plus étroit entre Ahoura Mazda et Ahriman puisqu’on se trouve en présence de jumeaux nés d’un même œuf cosmique.
À côté d’Ahoura Mazda, dieu bon et compatissant, existent des anges de lumière ou Amecha Spentas, et les Vazatou, sortes d’hypostases du dieu qui sont des réminiscences du culte védique. Parmi ces Vazatou, on retrouve Mithra, déjà invoqué par les Hurrites et les Hittites et dont l’importance grandissante va donner naissance au mithraïsme contemporain des débuts du christianisme. Ahriman, lui aussi, a des assistants, les Devas, les diables qui dans les monothéismes subséquents seront appelés Satan, Chaïtan, Iblis, Belzébuth, Lucifer, etc. Il est d’ailleurs intéressant de savoir que dans l’hindouisme, religion cousine, les Devis sont au contraire des dieux bienveillants.
Dans les Gâtha, recueil essentiel de l’Avesta, est affirmée l’immortalité de l’âme, une immortalité qui n’a rien à voir avec la géhenne ou le shéol judaïque, celui-ci étant similaire au séjour des morts décrit dans les textes akkadiens (descente d’Ishtar aux enfers). Dans l’eschatologie avestique, les âmes immortelles, après un passage discriminatoire, le pont Chinvat, qui correspond au jugement, seront dirigées vers l’enfer, le purgatoire ou le paradis (paradis vient du mot « paradesa », qui signifie « jardin » en vieux persan), séjour des bienheureux. La résurrection des corps est également promise à la fin des temps dans un monde délivré du mal.
Le jugement qui décide du sort des âmes est lié au fait que dans le mazdéisme, l’homme est totalement libre de choisir « le bien ou le mal ». Pour Zoroastre et contrairement aux religions dualistes ultérieures, il ne faut pas s’abstraire du monde, mais considérer celui-ci comme la sphère de combat de la lumière contre les ténèbres, et ce en accomplissant donc de bonnes actions.
L’homme, pour Zoroastre, est donc doué de libre arbitre et contrairement aux religions de l’époque, il n’est pas le jouet du destin, il peut choisir entre « la lumière et le mensonge ». Le code de morale est simple, seul est juste et bon l’homme qui ne fait pas à autrui ce qu’il ne juge pas convenir à lui-même. Il y a aussi une notion, nouvelle pour l’époque, d’intolérance, car pour Zoroastre, le pire des péchés est l’incroyance et l’apostasie. Comme dans le christianisme (d’une époque révolue) et dans l’islam, l’apostat doit être mis à mort.
Il est également intéressant de parler du salut des femmes dans la société zoroastrienne. Alors que dans la Perse achéménide de Cyrus, elles jouissaient d’une situation égalitaire, possédant des biens et les gérant, elles vont voir leur situation changer à partir de Darius, surtout dans les classes aisées. Il est très difficile de savoir si cela est dû au mazdéisme ou à l’influence sémitique, mais ce changement de condition préfigure la réclusion musulmane. Par contre, ce qui est imputable au mazdéisme, c’est la naissance d’un grand puritanisme sexuel. La fornication et l’adultère ne peuvent être pardonnés. L’onanisme est puni du fouet. Ce puritanisme inhabituel pour l’époque va se perpétuer en grande partie dans le monothéisme.
Le mazdéisme connaît l’existence d’un clergé, les mages, qui, comme dans le judaïsme, est le fait d’une tribu ; ceci est caractéristique d’un monde indo-européen qui divise les populations en castes
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aux fonctions sociales déterminées. Les mages, qui ne s’occupaient pas principalement de magie et de divination, développaient une haute spiritualité à ce point reconnue dans le Moyen-Orient de l’époque que les évangiles chrétiens ont cru bon de s’y référer comme témoins de la naissance de Jésus.
Le mazdéisme a également la notion d’un ordre cosmique. Le temps est divisé en douze millénaires avec quatre périodes de trois mille ans ; à la fin de la quatrième période, Zoroastre doit réapparaître sous la forme du « sauveur » qui amène le règne vainqueur d’Ahoura Mazda. Ceci peut expliquer en partie le côté millénariste du chi'isme duodécimain qui a pris, progressivement, la place du mazdéisme et qui se caractérise par l’attente du retour de l’Imam caché.
Sur le plan historique, la victoire des musulmans sur les Perses sassanides en 636 contribua à la mise en relation directe de l’Islam avec le zoroastrisme. À cette époque de cristallisation progressive du Coran dont la version définitive n’apparaît que bien plus tard, une pénétration des dogmes musulmans par les concepts zoroastriens s’est nécessairement effectuée. N’oublions pas que les musulmans ne s’étaient pas privés d’emprunter au judaïsme nombre de leurs croyances et rites, de sorte que leur réceptivité au zoroastrisme avait déjà un précédent.
Mais avec l’occupation de l’Iran, les envahisseurs musulmans vont heurter à un problème de taille : la présence massive d’une population nouvelle pour eux, mais porteuse de savoir-faire utiles et qui peuvent rapporter au fisc. D’où, sans doute, l’introduction à ce sujet d’un mot les concernant dans le Coran, dans un verset très tardif (22,17). Ce statut apparemment favorable à première vue, n’empêchera pas l’élimination rapide de l’essentiel de la population mazdéenne, par conversion ou expulsion (exil forcé en Inde des parsis). La tradition islamique, en effet, dans son ensemble, renversera vite la tendance, et se révélera très défavorable aux « mages ». Ci-dessous quelques extraits concernant les relations entretenues par l’islam avec les tenants du mazdéisme.
1) Nos sources utilisent le mot « magien » pour désigner les mazdéens fidèles de la religion de Zoroastre. Que nos lecteurs veuillent bien rectifier d’office.
2) Si le terme ne vient pas d’un mot syriaque signifiant raisin comme le pense Christophe Luxenberg.
LES SABÉENS 1)
Le mandéisme est une religion contemporaine, baptiste, monothéiste et gnostique qui ne compte plus que quelques milliers de membres.
À la base du système doctrinal des mandéens, il y a un dualisme opposant le « monde d’en haut » et le « monde d’en bas », le « lieu de la lumière » et le « lieu des ténèbres », ce qui n’empêche pas Dieu d’intervenir par la création, comme dans les récits bibliques. Création qui se poursuit par l’action permanente de la Divinité et sa révélation par « l’Envoyé céleste ». Selon la tradition mandéenne, Jean le baptiste est cet envoyé et leur principal prophète. Les mandéens vénèrent Adam, Abel, Seth, Enoch, Noé, Shem, Aram et surtout Jean-Baptiste.
C’est le dernier mouvement héritier des « Baptistes », dont l’existence est attestée dès la fin du Ier siècle dans de nombreux textes chrétiens 2) et chez Flavius Josèphe. Les mandéens sont membres du seul courant vraiment baptiste qui a persisté jusqu’à nos jours. Il est possible que ce courant soit un héritier du mouvement Elkasaïte. Toutefois, les mandéens ne semblent pas issus des Nazaréens qui ont reconnu Jésus comme Messie, mais justement d’un groupe baptiste qui a refusé cette reconnaissance.
Avant 2003 et le déclenchement de la guerre d’Irak, l’immense majorité des mandéens (environ 65 000) vivaient en Irak, particulièrement le long des cours inférieurs du Tigre et de l’Euphrate et près du Chatt-el-Arab (partie commune des fleuves Tigre et Euphrate), avec une minorité notable en Iran dans le Khouzistan. La plupart se sont depuis dispersés, en particulier en direction de l’Iran, mais aussi de la Syrie, de la Jordanie et de pays occidentaux. En Irak, ils sont en voie de disparition.
Le terme mandéen a un rapport avec la gnose (l’araméen manda signifie « connaissance », tout comme le grec gnosis). Les mandéens sont appelés manda'iyya en arabe.
Les plus anciens des manuscrits mandéens datent du XVIe siècle, mais l’analyse de leurs textes et notamment des listes de scribes les ayant recopiés permet de remonter jusqu’au IIe siècle.
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Selon leurs traditions, leur communauté se serait formée autour de Jean Baptiste, ils pourraient faire partie de ceux qui ne se sont pas ralliés à Jésus. Selon eux, et notamment le Haran-Gaouaïta, leur départ aurait eu lieu en 37-38.
Robert Eisenman, fait remarquer que cela suit de peu la répression que Ponce Pilate fait subir à un groupe de Samaritains qui se sont regroupés en prenant leurs armes sur le mont Garizim en suivant un homme dont Flavius Josèphe refuse de donner le nom, mais que certains Pères de l’Église appellent Dositheos (peut-être le Dosithée qui selon de nombreux auteurs chrétiens antiques, aurait tenté de succéder à Jean le baptiste après son exécution, car il était l’un de ses trente disciples).
Finalement c’est Simon le Mage qui aurait pris la tête des baptistes refusant de reconnaître Jésus comme Messie et qui avaient pu rester en Palestine. Leur départ de Judée pourrait aussi résulter de la terrible répression de la Révolte des Exilés connue sous le nom de guerre de Kitos (115-117) ou de la répression qui a suivi la défaite de la révolte de Bar Kokhba et la destruction de Jérusalem par les Romains en 135.
Selon la plupart des historiens, les mandéens ont migré depuis le Sud du Levant jusqu’à la Mésopotamie dans les premiers siècles de notre ère et sont d’origine préislamique. Ils sont sémites et parlent un dialecte oriental de l’araméen connu sous le nom de mandéen. Ils peuvent ainsi être liés aux « Nabatéens d’Irak », qui parlaient l’araméen et étaient des habitants autochtones préislamiques s’étant taillé des royaumes arabes lors de l’effondrement des royaumes séleucides (fin du IIe siècle avant notre ère) au sud de l’Irak et au nord (Mossoul, Erbil, Nisibe, Édesse, Harran).
Les mandéens semblent s’être établis dans le Nord de la Mésopotamie, mais la religion mandéenne a été principalement pratiquée autour du cours inférieur de l’Euphrate et du Tigre et des rivières qui entourent le Chatt-el-Arab, une partie du Sud de l’Irak et de la province iranienne du Khouzistan. Ils sont appelés sabéens par la population environnante et dans les écrits des auteurs islamiques. Ils font vraisemblablement partie de ceux qui sont appelés sabéens dans la littérature islamique dès le VIIIe siècle et qui selon ces auteurs habitent à Koutha (au sud de Ctésiphon et Séleucie), à Koufa (un peu plus au sud), dans la Characène, dans la ville de Mésène (ancienne Charax Spasinou sur le Chatt-el-Arab) et à Mossoul (actuel Kurdistan). Toutes ces villes d’Irak étaient situées au bord du Tigre ou de l’Euphrate et se trouvent dans l’espace où les mandéens vivaient encore avant l’invasion de l’Irak en 2003.
Les mandéens d’Irak étaient désignés sous le nom de sabéens, sabiens ou sabaya (« baptistes »), par la population environnante. Ce nom souligne l’importance prise dans cette « secte » par les rites du baptême. C’est aussi de cette troisième appellation que les auteurs musulmans contemporains se servent de préférence.
La première occurrence connue du terme sabéen figure au début du IIe siècle, dans le Livre d’Elkasaï qui est dédié aux Sobai par son auteur. Elle y désigne les baptistes auxquels ce livre est adressé. L’appellation sabéens est attestée dans les écrits d’auteurs musulmans dès le VIIIe siècle, pour désigner des groupes de « Baptistes » vivant le long des cours du Tigre et de l’Euphrate. À partir du Xe siècle, certains juristes musulmans s’interrogent pour savoir s’il faut les compter parmi les « Gens du Livre » (les Juifs, les Nazaréens et les sabéens), mentionnés dans le Coran, ce qui donnait le droit de pratiquer sa religion, moyennant le paiement d’un impôt spécial, la djizya. Toutefois, cette interrogation est surtout formulée à l’encontre des « sabéens de Harran (Carrhae en latin) » 3) qui vivaient plus à l’ouest (au sud d’Édesse, actuelle Urfa), alors que ce statut ne semble pas contesté aux sabéens du Chatt-el-Arab.
LE CORAN ET LES SABÉENS.
Mahomet, Coran 2, 62.
Ceux qui croient, ceux qui pratiquent le judaïsme, ceux qui sont chrétiens, ou sabéens, ceux qui croient en Dieu et au jour du jugement dernier, et accomplissent des œuvres pieuses ; seront récompensés par Dieu, ils n’auront rien à craindre, rien ne les affligera.
Mahomet, Coran 5, 69.
Ceux qui croient, ceux qui pratiquent le judaïsme, les sabéens, les chrétiens, ceux qui croient en Dieu et à la fin du monde et qui font le bien, ils n’auront plus rien à craindre, plus rien ne les affligera.
Mahomet, Coran 22, 17.
Le jour de la résurrection, Dieu distinguera les uns des autres, les croyants, les juifs, les sabéens, les chrétiens, les mages et les polythéistes.
Pourquoi tant de considération de la part de Mahomet pour ces mystérieux sabéens ? Une seule explication possible : parce qu’il devait se sentir relativement proche d’eux sur certains points. Mahomet a dû leur faire des emprunts comparables à ceux qu’il a faits au judaïsme et au christianisme ; une hypothèse qui s’impose d’autant plus que les contemporains de Mahomet virent entre le sabéisme et ses idées, des analogies si fortes que lui et ses premiers sectateurs furent souvent qualifiés de sabéens.
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Qui sont donc ces sabéens que Mahomet considère comme proches parents des sectateurs des religions révélées ? On ne peut le déterminer que par conjecture. Le mot paraît dériver de la racine saba’a qui équivaudrait à saba’a, « se plonger dans l’eau, se laver » ; il désignerait par conséquent une secte caractérisée par ses lustrations : tels les mandéens, les elkasaïtes ou les hémérobaptistes (secte juive proche des mandéens). Il ne semble pourtant pas qu’il s’agisse de l’un de ces groupes. Wellhausen a supposé que c’est au sabéisme qu’ont été empruntées les lustrations qui précèdent chacune des prières journalières du musulman. Mais les lustrations n’ayant, dans aucune des sectes en question, une forme comparable à celle qu’elles ont dans l’islam, les sabéens du Coran devaient constituer une secte gnostique, distincte des précédentes, inconnue de nos sources pour l’instant. Et ce sabéisme dut disparaître de bonne heure, sans doute absorbé par l’islam naissant justement. Sa proximité avec l’islam des origines est attestée par le fait que, au témoignage du grand dictionnaire encyclopédique de la langue arabe (Lisân al-arab), certains exprimaient leur conversion à l’islam par ces mots : « Nous sommes maintenant devenus des sabéens : sabi’nâ ! ».
1) Il y a trois sortes de sabéens à ne pas confondre.
— Les habitants du pays de la reine de Saba autrement dit le Yémen (païens puis juifs ou chrétiens).
— Les Sabéens de Harran (sud-est de la Turquie).
— Les sabéens ou mandéens une secte baptiste qui a fait forte impression sur Mahomet.
2) Les spécialistes de l’analyse des premiers textes chrétiens (Évangiles, Nouveau Testament) détectent d’ailleurs dans ces textes le fait que tous les partisans de Jean le baptiste ne se sont pas ralliés à Jésus.
3) Les Sabéens de langue syriaque de Harran vénéraient Hermès Trismégistes en tant que dieu du panthéon et inventeur du rituel sabéen, et ce culte païen est attesté jusqu’au IXe siècle. L’hermétisme des Sabéens réside dans le fait qu’ils ont prêché une philosophie hellénistique primitive, attribuée aux « trois Hermès » de Basse-Égypte, de Chaldée et de Haute-Égypte. Quoiqu’ils n’aient pas possédé un « Livre révélé », les sabéens de Harran ont utilisé la connexion prophétologique Hermès-Idrîs comme un moyen d’imposer la reconnaissance de leur culte en tant que religion du livre acceptée officiellement par l’État musulman. En ce sens, la doctrine apocalyptique sabéenne annonçait aux musulmans qu’Hermès reviendrait en tant que Mahdi, et qu’Agathodémon serait le juge désigné par la divinité pour présider le Jugement dernier.
LES SABÉENS DE HARRANE 1).
En 830, le calife Al Ma’amoun, s’approchant de Harran 1) s’aperçut que ses habitants n’étaient ni musulmans, ni juifs, ni chrétiens. Effrayés, ils s’adressèrent donc à un jurisconsulte musulman qui leur donna le salutaire conseil de se déclarer sabéens, afin de bénéficier de l’égalité de traitement établie par Mahomet entre cette secte, tombée dans l’oubli, et les juifs ou les chrétiens.
Le subterfuge réussit, même si Ma’amoun ne fut pas dupe, mais ses penchants mou’tazilites faisaient qu’il avait les idées larges et était curieux de tout.
Il transformera d’ailleurs sa bibliothèque personnelle en « Maison de la sagesse » (Baït al-Hikma) dont un des fleurons sera bientôt Thabit ibn Qurra qui traduira en arabe les 7 lois d’Hermès ou Kitab naouamis Harmas.
« Tout est Esprit, l’Univers est mental ».
« Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, ce qui est en bas est comme ce qui est en haut ».
« Rien ne repose ; tout remue ; tout vibre ».
« Tout est double, toute chose possède des pôles ; tout a deux extrêmes ; semblable et dissemblable ont la même signification ; les pôles opposés sont d’une nature identique, mais à des degrés différents ; les extrêmes coïncident ; toutes les vérités ne sont que des demi-vérités ; tous les paradoxes peuvent être conciliés ».
« Tout s’écoule, au-dedans et au-dehors ; toute chose a sa durée ; tout évolue puis dégénère ».
« Toute cause a son effet ; tout effet a sa cause ».
« Il y a un genre en toutes choses ; tout a ses principes masculin et féminin ».
Ci-dessous un extrait des écrits en syriaque de Thabit ibn Qurra par Grégoire Bar Hebraeus, un haut dignitaire de l’église syriaque orthodoxe du XIIIe siècle. Ibn Qurra y fait l’éloge du paganisme en tant que civilisation primordiale.
« Bien que beaucoup aient été conduits à errer du fait des tortures, nos pères, grâce à Dieu, ont supporté tout cela et continué à parler courageusement, et cette ville bénie (Harrane) n’a jamais été souillée par l’erreur de Nazareth. Nous sommes les ultimes héritiers et transmetteurs à nos héritiers du paganisme, qui fut en honneur dans ce monde. Heureux est celui qui porte ce fardeau avec espoir pour le plus grand bien du paganisme. Qui a fait que le monde est habité et couvert de villes, si ce n’est les hommes de bien et les rois du temps du paganisme ?
Qui a construit ces ports et ces canaux ? Qui a fait connaître les sciences occultes ? Sur qui s’est levée la divinité qui permet la divination et enseigne la connaissance des événements futurs, si ce
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n’est les sages du paganisme ? Ce sont eux qui ont découvert toutes ces choses, et en ont fait surgir le remède pour nos âmes, et qui ont fait miroiter leur rédemption. Ce sont eux également qui ont découvert les médicaments destinés aux corps. Ils ont rempli le monde de la sagesse de leur façon de vivre et de la sagesse qui est le commencement de l’excellence. Sans ces [fruits] du paganisme, le monde serait un lieu désert et inachevé, il aurait été plongé dans la misère ».
D’après Al Massoudi qui le cite longuement dans son Kitab Mouruj al dhahab, pp.247-248, le cadi musulman de Harrane, Ibn Aïchoun al Harrani, homme intelligent et instruit, qui mourut postérieurement à l’année 912, aurait composé un long poème sur les croyances des harraniens dits sabéens ; il y parle de leur dernier temple et de ses quatre souterrains, où s’élevaient des représentations des corps célestes ou les personnages supérieurs, ainsi que de leurs mystères. Il raconte que les sabéens faisaient descendre leurs jeunes enfants dans ces souterrains, et les conduisaient en face de ces statues. L’émotion de ces enfants se traduisait alors par une pâleur subite et d’autres altérations de leur visage, lorsqu’ils entendaient les sons étranges et les paroles inconnues qui semblaient sortir desdites statues ; grâce aux mécanismes et aux tubes acoustiques disposés à cet effet.
Des gardiens du temple, cachés derrière le mur, prononçaient différentes paroles ; et le son de leur voix, transmis par ces tubes et un appareil composé d’anches et de tuyaux, aboutissant à l’intérieur de ces statues creuses, ayant une forme humaine ; semblait sortir des statues elles-mêmes. Par ce stratagème, semblable à celui qu’employaient les Anciens, ils captaient la raison, s’assuraient l’obéissance des fidèles, et dominaient à la fois les communautés religieuses et les royaumes.
En 933, le cadi Al-Istakhri, mouhtasib ou chef de la police de Bagdad, demanda aux autorités l’extermination ou la conversion des sabéens de Harran qui disparaîtront donc petit à petit de l’histoire après la mort de leur dernier chef religieux, Houkaïm Ibn Issa Ibn Marouane (m. 944).
D’après Abou Hanifa, les sabéens étaient monothéistes, d’après Abou Youssouf et Muhammad ibn Al-Hassan, ils étaient astrolâtres (voir Al-Hidaya, tome 2 p. 290, note de bas de page).
Vu les informations contradictoires des auteurs musulmans à leur sujet, et notamment Al-Massoudi (kitab Mouroudj al dhahab et kitab al-tanbih) on peut penser que leur religion était conçue et pratiquée différemment suivant les milieux. Il y avait la religion populaire, au niveau intellectuel très contestable, décrite comme une superstition par les auteurs arabes, et il y avait une spiritualité de haut niveau de type philosophie néo-platonicienne. Autrement dit toute la différence qu’il peut y avoir entre astrologie et astronomie, entre herboristerie et médecine.
Ce dernier groupe, dont Thabit ibn Qurra était l’archétype, fut représenté après lui par Malik ibn Ouqboun et ses amis, qu’al-Massoudi rencontra en 943-944.
Ils montrèrent à Al Massoudi, gravées sur le heurtoir de la porte du lieu où se retrouvaient les sabéens, deux inscriptions, identifiées comme étant des citations de Platon, en langue syriaque, que son guide, Malik ibn Boubou, et d’autres ont traduites pour lui.
Celui qui se connaît lui-même devient dieu,
et
L’homme est une plante céleste.
Ce qui veut dire qu’il est comme un arbre inversé
dont la ou les racine (s) sont au ciel et les branches (dans) la terre.
Les Sabéens de Harrane se voyaient donc comme une force civilisatrice universelle d’origine immémoriale, antérieure et supérieure à la religion révélée à Abraham après qu’il eut quitté la ville, à Zoroastre aussi après son départ, au Christ, et à Mahomet, ils se voulaient plutôt les héritiers directs des Chinois, des Indiens, des Kayanides 3) iraniens, des Babyloniens, des Égyptiens du temps des pharaons et des anciens astrolâtres grecs. Leur prophète, Hermès, était à la fois iranien, babylonien et égyptien ; ses apôtres étaient Pythagore, Platon et Aristote, dont le message fut repris par Porphyre et Proclus. Pour faciliter leur astrolâtrie et leur vie terrestre, ils étudiaient donc l’astrologie (Ptolémée), l’astronomie (Ptolémée et Théon), l’alchimie et la médecine (Galien). Leur néoplatonisme ésotérique a influencé les alchimistes Jabir ibn Hayane et Ibn Ouahchiya ainsi que les ismaéliens, leur étude de la science grecque a fortement influencé le développement des balbutiements de la science en terre d’Islam. Comme Proclus, ils ont combiné heureusement la mystique et le rationnel, même si sont surtout leurs rituels grotesques qui ont focalisé une grande partie de l’attention de leurs contemporains et des enquêtes qu’on leur a consacrées.
1) Ex Carrhes, aujourd’hui sud-est de la Turquie.
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2) Note rajoutée par les héritiers de Pierre de La Crau. L’empire musulman du 8e siècle est en effet le seul exemple au monde d’empire bâti uniquement à coups de guerres défensives, les musulmans ayant été et étant encore la communauté religieuse la plus persécutée au monde, car la vérité dérange.
Des milliers de musulmans ont par exemple été obligés de franchir la mer rouge en 615 pour se réfugier en Éthiopie et Mahomet est mort dans d’atroces souffrances, empoisonné par une juive de Khaïbar. L’empire sassanide et l’Empire romain avaient conclu un accord secret pour attaquer les musulmans en profitant de la mort du prophète, et les Coptes d’Égypte aussi. Aujourd’hui encore d’ailleurs on expulse un peu partout des imams et on interdit le port de signes religieux musulmans pour les femmes.
3) Rois mythiques de Perse.
L’ISLAM ET LES JUIFS.
Le sujet demeure inévitable et prête à de multiples controverses. Mais il est toujours bon de rappeler que, si l’Arabie n’est, à ce moment-là, qu’à la périphérie de phénomènes historiques majeurs ; la religion qui s’y forme n’a d’autres moyens de se construire qu’en puisant dans le fonds doctrinal, mythique, et rituel, d’autres cultures. L’influence de la Perse sera d’ailleurs en ce domaine un autre facteur essentiel dans la construction de l’islam, bien au-delà de la vie de Mahomet. Elle est rendue manifeste dans le Coran et dans les légendes, par l’apparition de personnages merveilleux issus de ce riche fond culturel.
Au lieu de traiter la question globalement, traitons un par un des éléments exogènes présents dans la religion musulmane, et prioritairement dans le Coran ; qui ne sont ni issus du fonds culturel arabe, ni de Dieu bien entendu ; et notamment des nombreuses légendes, qui circulaient alors dans tout l’Orient.
Mahomet a entendu, reproduit, déformé, travesti, adapté, de nombreuses traditions présentes, de La Mecque à la Syrie de cette époque. Il les a entendues en langue étrangère, par bribes, de manière superficielle, sans comprendre la réalité des doctrines, et souvent de la part de chrétiens hétérodoxes. Inutile de chercher plus loin l’explication de la transformation de ces doctrines dans le Coran.
La tradition musulmane insiste sur l’existence, à Yathrib/Médine, de juifs dès le départ ou presque hostiles à l’islam.
Nous avons pourtant eu l’occasion de voir…
Q) que l’existence même de ces juifs en tant que juifs, au sens rabbinique du terme, est mise en doute par certains ; puisqu’il n’existe pas de trace matérielle de l’existence de ces tribus en dehors des documents relevant de la tradition musulmane.
B) Que leur hostilité envers l’islam est loin d’avoir été immédiate. Ils attendaient toujours le Messie annoncé.
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Il semble surréaliste aujourd’hui que des juifs et des musulmans aient pu collaborer un jour en bonne intelligence. Les discours de Mahomet, repris dans le Coran, ne traitent-ils pas les juifs de falsificateurs des Écritures 1), de singes 2), de porcs 3), de maudits par Dieu 4) ?
Trois questions doivent donc être abordées : en a-t-il toujours été de la sorte ; si non, sur quelles bases a pu s’établir la coexistence pacifique initiale, et pourquoi une telle situation a-t-elle pris fin ?
Les « juifs » qui s’entendirent si bien avec les musulmans initiaux étaient probablement des personnes qui se considéraient elles-mêmes comme de vrais juifs ; mais dont la religion était rejetée par les rabbins orthodoxes.
Reste la troisième question. Pourquoi les compagnons de Mahomet, quelques années après avoir accepté la religion juive ou judéo-chrétienne, et après la mort de Mahomet, ont-ils à ce point rejeté le judaïsme ?
LE CORAN ET LES JUIFS.
Chapitre 4, verset 160 : « Si nous avons interdit aux juifs d’excellentes nourritures qui leur étaient pourtant permises jusque-là : c’est à cause de leur prévarication ; parce qu’ils se sont souvent écartés du chemin de Dieu, parce qu’ils ont pratiqué l’usure, ce qui leur était pourtant défendu, parce qu’ils ont mangé injustement les biens d’autrui. Nous avons préparé un châtiment douloureux pour ceux d’entre eux qui ne se sont pas encore convertis ».
Chapitre 5, verset 64 : « Les juifs disent : la main de Dieu est fermée. Que leurs propres mains soient désormais fermées, elles aussi, et qu’ils soient maudits à cause de ces paroles ».
Certains savants pensent que Mahomet fut bien analphabète. D’autres sont convaincus du contraire. Il semble en effet peu probable, si l’on considère son origine sociale, que Mahomet n’ait pas reçu un minimum d’instruction. Il venait d’une famille respectable, et il est impensable qu’une riche veuve ait pu lui confier la gestion de ses biens s’il avait été incapable de lire ou écrire.
Tout dépend de la signification exacte du terme oummi pluriel oummiyoun dans ce contexte puisque Mahomet est à plusieurs reprises dans le Coran qualifié de prophète oummi ou de prophète des oummiyoun. Or il semble bien que ce ne soit que l’équivalent arabe du concept juif de goy pluriel goyim.
La première impression que ressent néanmoins tout lecteur du Coran, c’est que Mahomet a principalement reçu le matériau de son idéologie, et de ses pratiques, religieuses, des juifs du Hedjaz. Sur presque toutes les pages, on trouve, soit des épisodes de l’histoire hébraïque, soit des légendes familières aux juifs, soit des détails de la Loi et des usages rabbiniques ; ou encore des arguments qui affirment que l’islam est la foi d’Abraham et de Moïse.
Où et quand Mahomet a-t-il donc acquis ses connaissances de l’histoire, des lois, et des traditions, juives ?
Deux passages importants du Coran laissent entendre qu’il aurait eu un professeur étranger.
Dans le chapitre 25, verset 5, les opposants à son action lui reprochent d’accorder trop de crédit à de vieilles histoires qui lui ont été rapportées par un tiers. Mahomet ne renie pas son professeur terrestre, mais il insiste sur l’origine divine de son inspiration.
Dans le chapitre 16, verset 103, l’Esprit qui lui apparaît lui rapporte : « Nous savons qu’ils disent : c’est seulement un mortel qui l’a enseigné. Mais la langue de celui auquel ils pensent est étrangère, alors que ceci est du bon arabe ! »
Certains ont prétendu que ce mentor aurait pu être un rabbin. D’autres évidemment ont pensé à un Persan comme Salmane al Farisi. Dont on ne sait rien d’historiquement sûr.
De toute façon, pour ce qui est du judaïsme, Mahomet n’avait pas besoin de professeur. Il lui suffisait de se promener un peu dans certains quartiers de Yathrib/Médine. En outre, les Arabes qui étaient entrés en contact avec des communautés juives connaissaient déjà leurs coutumes. La poésie préislamique y fait d’ailleurs abondamment référence. Et les premiers chapitres du Coran montrent que Mahomet fut au départ positivement impressionné par les juifs et par leur religion ; qu’il fit tout son possible pour les séduire, en adoptant leurs pratiques (par exemple en choisissant la direction de Jérusalem pour la prière). Tout en essayant de les convaincre qu’il ne faisait que perpétuer la tradition de leurs prophètes.
Ce qui n’était pas le cas ainsi que le montrent de nombreuses erreurs ou contradictions du Coran à ce sujet. Prenons un exemple.
Dans le Coran, Myriam, sœur d’Aaron et de Moïse, fille d’Imran, est la même personne que Mariam, la mère de Jésus ; or mille deux cents ans séparent les deux personnages. Les noms se ressemblent, mais ne sont pas identiques. À l’époque de Moïse, les juifs parlaient hébreu, mais, douze siècles plus tard, le peuple avait abandonné cette langue et adopté une variante de l’araméen. L’hébreu était devenu une langue sacrée uniquement utilisée dans la liturgie et parlée par les prêtres, comme le latin au Moyen-âge. La sœur d’Aaron s’appelait Myriam, qui signifie « aimée de Dieu » en hébreu archaïque, alors que la mère de Jésus s’appelait Mariam, qui signifie « princesse » en araméen.
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Il y a nécessairement une raison au fait que le Coran confonde Mariam et Myriam.
Une explication populaire est que la sœur d’Aaron aurait vécu mille deux cents ans avant de se marier, en restant jeune et belle. Personne ne s’en est étonné, car Dieu voulait que personne ne s’en étonnât. Les milieux populaires ne sont pas toujours très rationnels, ils font ce qu’ils peuvent pour comprendre, mais l’islam ne se réduit pas à eux. Il y a aussi des docteurs et des érudits.
Ceux-ci proposent une explication plus acceptable : dans la manière de parler des Sémites, les mots « fille d’Imran » (chapitre 66, verset 12) peuvent signifier descendante d’Imran. Cette manière de voir les choses est tout à fait logique, mais il reste cependant des éléments qui ne rentrent pas dans le cadre de cette hypothèse. Marie, mère de Jésus, est dans le Coran la fille de l’épouse d’Imran (chapitre 3, verset 36), et l’on ne trouve dans aucun texte arabe l’expression « fille de la femme de X » pour dire descendante de X. De même, Marie est appelée dans le Coran « sœur d’Aaron » (chapitre 19, verset 28) et aucun texte arabe ne dit sœur de X pour dire descendante du père de X. Il reste aussi la différence entre Myriam et Mariam. La ressemblance des deux noms n’est en effet qu’approximative. Cela peut se comprendre, car en arabe le sens est essentiellement donné par les consonnes, qui sont les mêmes. Mais les voyelles y de Myriam et a de Mariam sont différentes, et, même dans l’alphabet primitif du début de l’islam, y et a ont des notations différentes.
Bref, les Juifs ne furent pas convaincus par les explications de Mahomet et l’attentisme initial se transforma rapidement en refus poli voire en hostilité pour toutes sortes d’autres raisons.
— Le « christianisme » de Mahomet.
— Son paganisme arabe (La Mecque).
— Ses nombreuses autres contradictions avec l’enseignement juif traditionnel.
— Sa vie privée parfois scandaleuse (ses mariages ses femmes l’adultère supposé d’Aïcha…).
— L’opportunisme de ses révélations (qui arrivaient toujours ou presque à point nommé).
— etc., etc.
LES JUDÉO-CHRÉTIENS.
Nous appellerons judéo-chrétiens dans ce chapitre les communautés juives reconnaissant Jésus comme le messie, mais n’allant pas jusqu’à l’assimiler à Dieu comme le font les chrétiens actuels qui sont pour l’essentiel trinitaires (croyant en la Sainte Trinité).
Les judéo-chrétiens dans le Coran 1).
« S’ils avaient observé la Thora et l’Évangile, et ce qui leur a été révélé par leur Seigneur, ils auraient certainement joui des biens du Ciel et de ceux de la Terre. Il existe parmi eux des gens modérés, mais beaucoup d’entre eux agissent mal ».
Il y a donc parmi ceux qui sont concernés par la Thora et l’Évangile des juifs et des chrétiens, qui « exagèrent ». Les premiers parce qu’ils rejettent totalement le Christ, allant ainsi trop loin dans la négation, les seconds parce qu’ils le tiennent pour Dieu, allant ainsi trop loin dans sa vénération. C’est pourquoi les uns et les autres ne jouissent pas des biens de la Terre et du Ciel. Cependant, il existe des modérés, ni trop négateurs comme les juifs, ni excessivement adonnés au culte de Jésus comme les chrétiens, lesquels « ne sont plus modérés » à son sujet, en le déclarant Dieu 2). Ces gens modérés, qui reconnaissent le Christ, mais comme un homme seulement, sont des judéo-chrétiens, des Nazaréens.
Un autre verset les concerne 3) : « Nous avons fait de vous une communauté humaine éloignée des extrêmes ».
Il ne s’agit pas des musulmans, comme l’affirment les docteurs de la croyance islamique, puisque ceux qui sont « éloignés des extrêmes » sont par définition des modérés. Or le verset précédemment cité montre que ces modérés sont des « Gens de la Thora et de l’Évangile », Évangile au singulier, autrement dit des judéo-chrétiens. Il est difficile de prétendre que l’expression « croyants modérés » puisse désigner un groupe dans un verset, et un groupe complètement différent dans un autre.
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Certains traducteurs s’éloignent des termes précis du texte arabe, qui sont « éloignés des extrêmes », et traduisent soit par « intermédiaires », interprétant ainsi ce mot comme signifiant que les musulmans sont des intermédiaires entre Dieu et les autres hommes ; ou parfois « musulmans modérés », comme si les musulmans convaincus étaient anti-djihad. Le terme modéré, dans le chapitre 4, verset 171, d’après le contexte qui cite la Thora et l’Évangile, signifie clairement que les extrêmes sont les juifs trop négateurs vis-à-vis de Jésus et les chrétiens trop engagés dans son adoration ; donc que les modérés sont les judéo-chrétiens, dont la théologie, s’écarte de ces extrêmes.
Il s’agit par conséquent ici d’un très bon exemple de l’incertitude des conjectures des érudits musulmans à propos de l’interprétation à faire du Coran. Pour les uns, ces modérés sont les musulmans intermédiaires entre Dieu et les non-musulmans, pour les autres ces modérés sont des anti-djihad. Autre dit, même pour les docteurs de la Loi musulmans, le sens exact du Coran peut être incertain.
Le terme coranique mouchrikoun (celui qui associe, sous-entendu : qui associe quelqu’un ou quelque chose à Dieu), ne signifie pas seulement idolâtre, ni polythéiste, comme le disent les commentateurs musulmans d’aujourd’hui, mais désigne également les chrétiens acceptant la notion de Sainte-Trinité.
Il y a en effet plusieurs raisons de penser que mouchrikoun signifie souvent chrétien, et non pas simplement polythéiste ou idolâtre.
La première est que l’attestation de Jean de Damas étudiée ci-dessous date d’un siècle après les faits, alors que les interprétations islamiques traditionnelles ne sont attestées que plus de deux siècles après. La seconde est l’analyse des versets du Coran, qui montre que dans ces versets le sens est bien « chrétien » au sens strict du terme.
Si l’on se réfère à l’ensemble du Coran, les appels à adorer un seul dieu sont réitérés 271 fois. Il y a des cas où il ne s’agit pas de chrétiens. Dans d’autres cas, il se peut qu’il s’agisse exclusivement de chrétiens, mais le contexte ne l’impose pas. Et enfin, ce contexte indique que dans 74 de ces cas, les personnes taxées de polythéisme sont bien exclusivement les chrétiens.
Ainsi que nous l’avons dit, la citation de Jean damascène montre qu’en 746, ce terme vise bien (aussi ?) les chrétiens 4). « Ils nous appellent hetairiastes (associateurs ?), car, affirment-ils, nous introduisons un associé au côté de Dieu, en disant que le Christ est fils de Dieu et Dieu en même temps ».
Et le verset suivant montre que les associateurs sont bien les chrétiens 5) :
Ceux qui disent : « Dieu est le Messie, fils de Marie » sont impies. Car le Messie a dit : « Ô fils d’Israël ! Adorez Dieu, mon Seigneur et votre Seigneur ». Dieu interdit le paradis à quiconque donne des associés à Dieu. Sa demeure sera dans ce cas le feu éternel. Il n’y aura personne pour défendre ces injustes ».
Il est donc parfaitement clair que, dans ce verset, les associateurs sont les chrétiens, car seuls les chrétiens affirment que le Messie, c’est-à-dire le Christ, est également Dieu. En tant qu’associateurs, ils sont considérés comme impies et voués au feu de l’enfer.
Dans le même chapitre, dix versets plus loin, le verset 82 stipule 6) : « Tu constateras que les hommes les plus hostiles aux croyants sont les juifs et ceux qui associent [quelqu’un ou quelque chose à Dieu]. Tu constateras que les hommes les plus proches des croyants par l’amitié sont ceux qui disent : oui, nous sommes nasara ».
On retrouve les associateurs, qui, comme au verset précédemment cité, sont parmi les plus hostiles aux musulmans, lesquels sont des Justes qui s’en iront au Paradis. Quant aux nasara, qui n’associent pas, ils sont si proches des musulmans qu’ils sont leurs meilleurs amis.
Ceci est cohérent, mais la tradition musulmane rend les choses contradictoires en prétendant que ce terme d’associateur (mouchrikoun), qui signifiait chrétien au verset 72, signifie maintenant idolâtre au verset 82. À cette première incohérence, elle en ajoute une seconde : les chrétiens, désignés par le vocable mouchrikoun, associateurs, au verset 72, sont maintenant appelés nasara au verset 82. Une troisième incohérence s’ajoute : au verset 72 les chrétiens sont d’abominables associateurs voués à l’enfer, au verset 82 ils deviennent si justes et respectables qu’ils sont les meilleurs amis des musulmans. Ces incohérences visent à cacher le sens véritable du verset 82 : les meilleurs amis des musulmans sont les judéo-chrétiens (nasara) et non les chrétiens.
La tentative de dissimuler la présence des judéo-chrétiens en prétendant que ce mot (nasara ou nazaréens) désigne simplement des chrétiens, est manifeste également au verset 51 du même chapitre : « Ô vous qui croyez ! Ne prenez pas pour amis les juifs NI LES NASARA (les nazaréens) ».
Compte tenu du contexte, le mot nasara ou nazaréen a bien ici le sens de chrétiens. Mais l’analyse exégétique montre que la mention « ni les nasara – nazaréens – » est une interpolation qui se trahit par une rupture du rythme, ainsi que l’a bien montré Antoine Moussali dans son livre intitulé « La croix et le croissant ».
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En dehors de la rupture de rythme, qu’il s’agit d’une interpolation est prouvé par le fait qu’elle introduit dans ce passage une incontestable incohérence. Au verset 82 les nazaréens sont les plus proches des musulmans par l’amitié, au verset 51 ils sont si détestables qu’ils sont comme les juifs.
Les autres mentions où nasara-nazaréen semble signifier chrétien sont également des interpolations, repérables par les mêmes ruptures de rythme, et les mêmes incohérences du contexte.
Joseph Azzi en a identifié un certain nombre.
Les textes concernant Ouaraqa ibn Naoufal le cousin de Khadidja montrent également que nasara ou nazaréen ne pouvait pas signifier chrétien au sens actuel du terme. Ouaraqa était nasara ou nazaréen. Il était, avec Mahomet, « un des chefs et des guides des Arabes » aux dires d’Al Halabi (traitant du mariage avec Khadidja). S’il avait été chrétien au sens actuel du terme, il aurait proclamé la divinité de Jésus-Christ, ce qui aurait fait de lui un « associateur ». Il lui aurait donc été impossible d’être un chef et un guide pour ceux qui vouaient les associateurs à l’enfer.
Ouaraqa n’était par conséquent pas chrétien, mais membre d’une église proche du judéo-christianisme, nestorienne peut-être.
Conclusion : la traduction de « nasara » par « chrétien » dissimule la présence des judéo-chrétiens dans le Coran, et entraîne les incohérences en question.
1) Chapitre 5, verset 66.
2) Chapitre 4, versets 171.
3) Chapitre 2, versets 143.
4) Jean de Damas, Traité. La 101e hérésie.
5) Chapitre 5, verset 72.
6) Chapitre 5, verset 82.
L’ATTITUDE DE MAHOMET VIS-À-VIS DES JUIFS ET DES CHRÉTIENS.
Ce gros chapitre de notre travail prend en compte une hypothèse de travail incontournable : considérer l’islam comme une forme de religion issue d’un milieu juif et chrétien, qu’il soit ou non un judéo-christianisme constitué, institutionnel.
Les systèmes religieux s’inventent peu et se copient beaucoup. Reste à en retrouver les traces.
Dans son Histoire islamique du salut Oxford 1978. John Wansbrough l’a fait en retrouvant dans le corpus coranique toutes les phrases types, récurrentes, les « formula » comme il dit, employées à titre d’emprunts venus d’ailleurs et qui servent à toute la littérature religieuse de l’époque, au caractère très polémique.
En ce sens le Coran est accumulation de concepts venus d’ailleurs ou de nulle part, raflés dans le désordre, et d’autant plus détectables pour l’historien. Ils sont, ces concepts, arrachés à leurs doctrines originelles et dépourvus de leurs sens primitifs. Une razzia de mots veufs, et d’idées orphelines.
L’islam commence donc comme une hérésie du christianisme, une secte, parmi d’autres, mais qui pour des raisons qui ne sont pas toutes élucidées, a connu plus de succès que les autres, et les a écrasées.
Nous nous efforcerons d’y distinguer ce qui apparaît comme chrétien dans les origines de l’islam, ce qui apparaît comme juif, et ce qui apparaît comme une synthèse déjà constituée entre les deux.
L’islam apparaît ainsi comme ce qu’il était à ses débuts, un petit mouvement eschatologique, luttant pour sa survie, maniant les instruments à sa disposition. Telle est du moins la manière dont Wansbrough voit la naissance de l’islam.
Insistons néanmoins sur le fait que la thèse présentée ici ne doit surtout pas être considérée comme le point de vue de chrétiens ou de juifs qui tentent de revendiquer et de récupérer une sorte de dette
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que leur devraient l’islam et les musulmans qui s’en réclament. La démarche qui est entreprise ici n’a rien de doctrinal ou clérical, et nous ne roulons pour aucune chapelle paroisse ou synagogue.
Le Coran mentionne à huit reprises les révélations. Dans sept cas sont alors indiqués « la Thora et l’Évangile » (l’Évangile au singulier). Le huitième mentionne « la Thora, l’Évangile et le Coran » (chapitre 9, verset 111), mais l’exégèse moderne montre que les mots « et le Coran » sont un ajout postérieur.
Selon l’islam officiel, il y aurait donc eu trois révélations : celle des juifs, celle des chrétiens, puis celle des musulmans, la dernière ; qui est aussi la meilleure, celle qui corrige les erreurs délibérément introduites dans les deux premières par certains juifs ou chrétiens.
N.B. Les musulmans soutiennent qu’ils ont reçu, eux aussi, une révélation. Elle est conçue comme la transmission d’un texte préexistant. Dans cette transmission, le prophète ne joue aucun rôle actif. Il ne fait que recevoir quelque chose qu’il répète comme sous une dictée. À la différence de la Bible que les chrétiens disent « inspirée », le Coran est incréé. Il est la Parole incréée de Dieu.
La révélation juive est exprimée par l’ensemble des écrits juifs, la révélation chrétienne par l’ensemble du Nouveau Testament, la révélation musulmane par le Coran.
Les écrits sacrés juifs sont formés de la Thora qui contient cinq livres, des Prophètes (Samuel, Isaïe, Jérémie, Ézéchiel, Daniel, etc.) et des Autres Écrits (les Psaumes, la Sagesse, le Cantique des Cantiques, etc.) au total 42 livres.
La question est : pourquoi le Coran ne mentionne-t-il que les cinq livres de la Thora ?
La même question se pose pour le Nouveau Testament. Il y a quatre Évangiles et non un seul. Pourquoi l’Évangile au singulier ? Pourquoi donc avoir omis les Actes des Apôtres, l’Apocalypse de Jean, les Épîtres canoniques ?
La réponse est évidente : parce que l’influence judéo-chrétienne qui s’est principalement exercée sur Mahomet, fut celles de groupes juifs ou chrétiens dissidents, n’admettant pas la totalité de ces écrits canoniques, et n’en admettant qu’une partie.
Et, bien entendu, ce qu’annonçait Mahomet, n’était nullement une première venue du Messie, mais le retour de Jésus, élevé au Ciel depuis six siècles (Coran chapitre 4,157) ; le texte coranique indique clairement (onze fois) que le Messie, c’est Jésus-Issa 1).
Comme l’écrit Jacques d’Édesse (mort en 708) à Jean le stylite.
« Que le Messie descende de David, tout le monde le professe, les juifs, les mahgrayé [translittération araméenne de mouhadjiroun, le nom primitif des « musulmans »] et les chrétiens… Que le Messie est, de par sa chair, de la lignée de David… est donc professé par tous, juifs, mahgrayé et chrétiens, et considérés par eux comme quelque chose de fondamental… Les mahgrayé aussi… tous confessent fermement qu’il [Jésus] est le vrai messie qui devait venir et qui a été prédit par les prophètes ; à ce sujet, ils ne se disputent pas avec nous, mais plutôt avec les Juifs ».
Sauf que la « seconde venue » est annoncée par Mahomet dans une perspective guerrière et apocalyptique : « Je me suis renseigné et j’ai entendu dire de la bouche même de ceux qui l’avaient rencontré qu’il n’y avait rien de vrai dans ce soi-disant prophète, seulement l’effusion du sang des hommes. Il dit aussi qu’il a les clés du paradis, ce qui n’est pas croyable » (La Doctrina Jacobi est un texte anonyme du 7e, censé avoir été écrit en 634.).
Des discours eschatologiques et guerriers, Mahomet en tint certainement à Yathrib/Médine avant d’engager ses troupes dans la ou les tentatives de conquête de la Palestine (défaite de Mou’ta en 629) ; probablement même en développa-t-il dès son arrivée dans la ville-oasis en 622, comme la Chronographie de Théophane le Confesseur (début 9e siècle) le suggère.
« Il a enseigné à ses sujets que celui qui tue un ennemi ou est tué par un ennemi va au paradis ; et a dit que ce paradis consistait en repas et boissons charnels en en rapports sexuels avec des femmes, qu’il y coulait une rivière de vin, de miel, et de lait, et que les femmes n’étaient pas comme celles d’ici, mais qu’elles étaient différentes, et que les rapports sexuels avec duraient très longtemps et que le plaisir y était continu ; ainsi que beaucoup d’autres choses excessives et stupides… Au début de son avènement, les Juifs égarés pensèrent qu’il était le Messie attendu par eux, de sorte que certains de leurs dirigeants le rejoignirent et acceptèrent sa religion tout en abandonnant celle de Moïse ».
Ce qui trompe généralement les commentateurs de ces deux textes, c’est qu’ils tiennent pour impossible a priori le fait que Mahomet ait pu annoncer la venue ou le retour du Messie ; mais pourquoi Dieu aurait-il retiré Jésus-Issa de ce monde (Coran chapitre 4,157) en le gardant au Ciel, si ce n’était justement pour le renvoyer dès que les conditions le permettraient ?
À l’égard des tribus arabes chrétiennes, l’habileté de Mahomet ne fut pas moindre. On l’a bien oublié aujourd’hui : durant les premiers siècles, la perspective du retour du Messie-Jésus occupait une place importante dans l’espérance chrétienne, spécialement dans le monde sémitique. En outre, face à des
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interlocuteurs exclusivement arabes, Mahomet devait alors se permettre d’être plus critique envers les juifs rabbanites, voir à ce sujet les thèmes largement présents dans le Coran.
Bref, avec lui, les Arabes chrétiens pouvaient penser que Dieu lui avait peut-être inspiré un projet particulier, lié à l’imminence du retour du Messie.
Outre son caractère sacré, une des particularités du Coran est donc qu’il s’approprie et islamise toute une série de personnages bibliques. Abraham, Isaac, Jacob, Noé, David, Salomon, Job, Joseph, Moïse, Aaron, Zacharie, Jean-Baptiste, Jésus, Élie, Élisée, Ismaël, Jonas et Loth ; y sont mentionnés (voir par exemple la sourate 6, versets 83 à 86), mais en tant que musulmans. La sourate 3, 67, quant à elle, dit explicitement : « Abraham n’était ni juif ni chrétien. Il était entièrement soumis à Dieu (musulman) ». Comme le signalent notamment Anne-Marie et Daniel Sibony 2), le texte joue sur le double sens du mot muslim, qui signifie « soumis », mais aussi « musulman ». Cette particularité de la langue arabe permet au Coran d’islamiser toutes les grandes figures de la Bible et d’opérer un véritable renversement de la chronologie traditionnelle des religions. Le Coran « accueille » Jésus, Moïse et les prophètes hébreux d’une façon particulière : il les accueille, après en avoir fait des musulmans.
Ainsi l’islam « avale-t-il » ou englobe-t-il tout ce qui le précède, et transforme a posteriori toute une série de personnages bibliques en musulmans.
Pour un familier de la Bible, les personnages cités dans le Coran nous paraissent à la fois identifiables et déformés. Abraham n’est pas Ibrahim ni Moïse, Moussa.
Quand Mahomet lia le nom d’Allah aux mythes du judaïsme et du christianisme, ce fut pour l’islam une manière de les revendiquer comme siens. À la lumière des événements qui suivirent, l’allégation selon laquelle l’islam est la religion originelle de tous les prophètes précédents peut être considérée comme une tentative de s’approprier le récit des autres religions. Autrement dit, l’islam conserve les noms des figures phares du judaïsme et du christianisme, mais il en transforme le contenu, en les vidant de leur passé juif et chrétien.
Autre trait caractéristique du Coran : tout en reprenant de nombreux récits bibliques (qu’il transforme ou simplifie parfois), il affirme que les juifs et les chrétiens ont falsifié leurs textes. Comme ils ont refusé de reconnaître la prophétie de Mahomet, ils sont accusés d’avoir été infidèles à ce que Dieu leur avait transmis, et d’avoir falsifié le « message » que Dieu avait déjà fait « descendre » sur eux.
Cette accusation de falsification à l’encontre des « gens du livre » est répétée à de nombreuses reprises dans le Coran (chapitres 2, 59 ; 2, 75 ; 2, 79 ; 3, 70-71 ; 4, 46 ; 5, 13 ; 5, 41). La falsification (tahrif) des Écritures est considérée par l’islam comme une forme extrêmement grave de « corruption » ou de « forfaiture » (fassad), qui peut être sanctionnée par la peine de mort.
Le Coran considère donc les deux Testaments, la Thora et les Évangiles, comme faux et falsifiés ; il entend restituer les vraies Écritures, les textes authentiques, les textes tels qu’ils existaient avant leur falsification par les juifs et les chrétiens.
Les grands envoyés de Dieu, Moïse, David, Jésus, ont transmis tout aussi littéralement que Mahomet les livres qui leur ont été dictés, Thora, Psaumes, Évangile (au singulier). Adam, Seth, Abraham ont aussi produit des livres. Mais, le point est capital, ces livres réels ou imaginaires, ne sont pas tenus pour véridiques par l’islam, car leur texte a été selon lui falsifié. Juifs et chrétiens ont manipulé leurs écritures et gauchi leur sens.
De plus, le Coran contenant toute la vérité, quand bien même ils seraient authentiques, ils ne pourraient rien apporter de nouveau.
Résultat : les musulmans ne reconnaissent pas la valeur des documents de révélation antérieurs au leur. La vraie Thora, l’Évangile authentique, ne doivent pas être cherchés ailleurs que dans le Coran. Les vrais disciples de Jésus, ce sont les musulmans.
Il est par conséquent abusif de prétendre que le Coran reconnaît le caractère divin des Écritures antérieures.
La Thora et l’Évangile tels que les comprend le Coran étaient des textes similaires au sien, avant que les juifs et les chrétiens n’en fassent autre chose, notamment pour dissimuler l’annonce de la venue de Mahomet.
Selon la rhétorique coranique en effet, la Thora et « l’Évangile » (au singulier) que Dieu a « fait descendre », ne sont pas ceux auxquels juifs et chrétiens se réfèrent ; puisqu’entre-temps ces textes ont été falsifiés, par la main même de certains d’entre eux, le Coran ne reconnaît donc pas de caractère divin ou sacré aux textes antérieurs en tant que tels, mais il le reconnaît seulement aux Écritures que les juifs et les chrétiens auraient reçues avant qu’ils ne les falsifient. Les textes de la Bible ne sont par conséquent jamais lus en tant que tels dans les mosquées.
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Que le Coran rapporte de nombreuses histoires sur les personnages bibliques n’est donc pas sans lien avec le fait qu’il considère les deux Testaments comme faux et même falsifiés. Le Coran a vocation à restituer les vraies Écritures, tout simplement.
L’islam reconnaît aux prophètes bibliques une conduite morale sans reproche (Isma). En revanche, ceux qui se disent leurs disciples – qu’ils soient juifs ou chrétiens – sont des impies, des impurs, des faussaires.
1) Les neuf occurrences dont deux doubles où le Coran indique que le Messie-Masih, c’est Jésus, sont les suivantes : chapitre 3, 45 ; chapitre 4,157-171-172 ; chapitre 5, 17-72-75 ; chapitre 9, 30-31. De ces occurrences, quatre utilisent la formule « le Messie-Jésus » (al-masih Issa) : chapitre 3,45 ; 4,157-171 ; chapitre 5,17.
2) Selon Daniel Sibony et ses travaux : « Il n’y a pas de verset majeur du Coran dont on ne trouve le contenu dans la Bible ou le Talmud (hormis ceux qui parlent de Mahomet, puisqu’il est venu après ces textes) ». Il ajoute que « le Dieu du Coran, Allah, se veut le Dieu des juifs une fois qu’il a décidé de les rejeter pour toujours » ; et il émet l’hypothèse que « la haine du Coran contre les juifs est l’exacte contrepartie du fait qu’il a pris chez eux tout son contenu et qu’il ne le supporte pas ».
MAHOMET ET LES CROYANCES CHRÉTIENNES.
L’affirmation principale de Mahomet demeure l’exclusivisme du dieu de la Bible, celui des juifs et des chrétiens (2, 136). L’islam est une religion révélée par l’intermédiaire des prophètes bibliques et de Mahomet (45,16) et cette révélation a un caractère œcuménique (6, 90). Dieu est transcendant, non engendré, sans descendance, éternel (112). Il est créateur, étant tout-puissant (59, 24). Il a créé le monde en six jours et l’a soumis à l’Homme (16, 12 ; 31, 20) [anthropocentrisme donc !]
Les musulmans sont tenus de croire en l’existence des anges (2, 177), créés pour glorifier Dieu (16, 49). À certains, Dieu a confié la mission de porter la révélation divine en ce monde (48, 51) exemple, Gabriel et Michel (2, 97 ; 66, 4) et notamment à Marie (19,16 ; 3, 42).
Mais il y a des anges rebelles : les satans, c’est-à-dire, les adversaires. Le chapitre 7 versets 10 sqq. raconte la chute des anges et la tentation d’Adam [notons qu’Ève n’est jamais mentionnée]. Tout enfant, à sa naissance, est contaminé par le diable, mais l’Homme peut faire son salut en suivant la voie de Dieu. Par contre Mahomet croit également aux djinns, êtres mi-humains mi-démoniaques, inconnus de la tradition judéo-chrétienne (41, 25).
Le Jugement dernier constitue l’autre thème essentiel de la prédication de Mahomet (4,162). Il en donne une description conforme à la tradition apocalyptique juive, sans en fixer la date (69,13 ; 81,1-14). Dieu ressuscitera les hommes (80, 22) et les rassemblera (4, 172 ; 64, 9-10) ; tous leurs actes auront été enregistrés (17,13 ; 45, 29) ; les croyants seront à droite et les impies à gauche (56, 8-9). Les anges pourront intercéder en faveur des Justes (chapitre 53, verset 26) [Origène et les Églises monophysites admettaient ce type d’intercession]. Mahomet sera présent et témoignera contre les incroyants (4, 41).
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Un thème chrétien par excellence, efficace, même si souvent le vulgaire le comprend mal, le thème de la résurrection des morts est donc repris avec vigueur par Mahomet qui a intégré au Coran à ce sujet une légende populaire et simplette d’origine judéo-chrétienne, censée illustrer le thème de la résurrection, et, sans doute, inspirée par les ruines de certaines cités devant lesquelles il lui était arrivé de passer.
Mahomet, Coran 2, 259.
« Un jour qu’un homme passait devant une cité en ruine et déserte, il s’écria : comment Dieu la fera-t-il revivre maintenant ? Dieu le fit donc mourir cent ans ; puis le ressuscita et lui demanda : Combien de temps es-tu resté ainsi ? Un jour ou moins peut-être répondit-il ! Non, tu es resté cent ans. Mais regarde ta nourriture et ta boisson, elles sont toujours bonnes, regarde tes ossements, voilà comment nous les réunirons et les revêtirons de chair ».
Il y a là une curieuse adaptation de la tradition des sept Dormants d’Éphèse, une légende populaire chrétienne, répandue dans tout l’Orient. L’histoire de sept martyrs qui s’endorment dans une grotte près de la ville d’Éphèse pour échapper à une persécution, et qui se réveillent quelques centaines d’années après. Le long et célèbre chapitre intitulé « La Caverne » en garde également le souvenir. La légende (voir plus haut résumé de la version en anglo-normand du 13e siècle de Chardri) a notamment été répandue par les nestoriens, dont on sait l’influence sur la doctrine musulmane naissante.
Ce chapitre est important parce qu’il introduit la notion de résurrection dans la doctrine, qui dans ce cas, est clairement inspirée des écrits chrétiens. Le texte en est très populaire dans le public musulman : on y prêche plus l’espérance que la haine.
Mahomet, Coran 18, 9-15. « Les hommes de la caverne et de sa légende sont de tous nos signes le plus merveilleux. Quand les jeunes gens se réfugièrent dans la caverne, ils dirent… »
Thème chrétien de la résurrection des morts intégré aux images infernales, pour constituer le tableau de l’effroi suprême : le jugement par Dieu et le châtiment de tous les impies.
Mahomet, Coran 25, 3.
« Les impies ont pris, en plus de Dieu, des divinités qui ne sauraient rien créer, mais qui ont été créées, qui n’ont en elles-mêmes ni la faculté de nuire ni aucune utilité ; qui ne maîtrisent ni la vie, ni la mort, ni la résurrection ».
Mahomet, Coran 45, 24.
« Ils disent : il n’existe que cette vie d’ici-bas, nous vivons et nous mourrons. Seul le temps qui passe nous fait périr. Or de cela ils ne savent rien, ce ne sont que des suppositions de leur part. Quand on leur récite nos versets, leur seul argument consiste à dire : fais revenir nos pères si tu dis vrai ! »
L’enfer est une fournaise (56, 42-43 ; 69, 30-31), conformément à l’Ancien Testament, repris sur ce point par le Nouveau.
Mais le paradis est un jardin superbe où se déroule un éternel banquet ; les élus y jouissent de houris jeunes et vierges (56,12-23, 35-38). [On rencontrait des descriptions analogues – hormis les houris – chez Origène, Papias, saint Irénée ou sous la plume d’Éphrem le Syrien, dans un langage plus ou moins symbolique.]
MAHOMET ET LES GRANDES FIGURES DU CHRISTIANISME.
a) Personnages de l’Ancien Testament. Mahomet s’assimile aux prophètes en se considérant comme un envoyé de Dieu (en arabe : rassoul) et un répétiteur ou prophète (nabi) de la parole qui lui a été adressée par Dieu. Ce message, Mahomet le qualifie d’évangile ou de « bonne nouvelle » (27, 2). Les prophètes, dont Jésus est l’avant-dernier avant Mahomet, ont annoncé la Thora et l’Évangile, qui sont des messages véridiques (3, 3-4). Mahomet ne cite ni Esaïe, ni Jérémie, ni Ézéchiel, ni Daniel (on soupçonne ici une influence samaritaine, ou ébionite, car cette secte judéo-chrétienne ne prenait pas ces quatre prophètes en considération). Mahomet vénère Abraham père d’Ismaël, ancêtre des Arabes (16,120). Le Coran reprend l’histoire biblique de ce patriarche, en particulier le sacrifice de son fils dont la commémoration est la plus grande fête de l’islam : l’Aïd-el-Kébir. Abraham est le premier musulman (muslim = soumis à Dieu ; 3, 95). C’est lui et Ismaël qui ont fondé La Kaaba de La Mecque, et Abraham a demandé à Dieu d’envoyer un prophète dans cette ville (2, 129). Ce qui est, bien sûr, totalement inexact, est-il besoin de le rappeler ?
Repetere = ars docendi. Anima naturaliter pagana.
On ne peut pas exclure totalement évidemment.
Qu’Abraham ait vraiment existé.
Qu’il soit passé par la Mecque à un moment donné de son existence
Qu’il y ait construit la Kaaba.
Qu’il y ait répandu à partir de là le monothéisme philosophique et réfléchi le plus pur.
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Qu’il y ait eu ensuite une chute du niveau religieux telle que l’on peut considérer que succédèrent à ce hanafisme originel toutes sortes de paganisme.
Le plus simple et le plus conforme au principe du rasoir d’Occam est quand même de supposer que la religion originelle de l’humanité s’apparente plus au paganisme (animisme polythéisme hénothéisme, etc.) qu’au monothéisme rebaptisé si l’on peut dire « hanifisme ». Cet acharnement digne de la pire des méthodes Coué à vouloir à tout prix être reconnu comme un héritier légitime et direct de la religion juive et d’Abraham ; alors qu’il est évident que seuls certains détails du vernis islamique le sont, et que le fond est païen (la notion d’homme-dieu dans le christianisme, le rôle de la Kaaba dans l’Islam, etc.) EST PITOYABLE. C’est à la fois la manifestation hors du temps d’un incroyable racisme envers les autres religions doublé d’un TOUT aussi incroyable complexe d’infériorité. Sans parler d’une ignorance crasse de la science historique et des découvertes de l’archéologie (le début de la Bible jusqu’à l’épisode de la tour de Babel est emprunté aux mythes sumériens, Abraham est une légende, Moïse n’a pas existé, l’esclavage en Égypte non plus, etc.).
Car le Coran raconte aussi les grands épisodes de l’histoire de Moïse (dans lequel visiblement Mahomet se retrouve) (7,103-154 ; 20, 9-98 ; 28, 7).
b) Personnages du Nouveau Testament.
Sur l’enfance de Marie, le Coran adopte la ligne du Protévangile de Jacques. Avant même la naissance de Marie, sa mère qui l’attend voue à Dieu ce qu’elle porte en elle ; et par la suite elle place sa fille et la progéniture qui naîtra d’elle sous la protection de Dieu, afin de les préserver de Satan le lapidé (3, 35-36). L’enfance de Marie se déroule au « sanctuaire » (sans précision) où le vieux Zacharie s’occupe d’elle et la trouve toujours pourvue de nourriture. Dieu fait à Zacharie la grâce d’avoir un fils Jean (Yahya en arabe) (cf. 3, 38-41 et surtout 19, 1-15, qui rappelle le début de l’Évangile selon saint Luc, avec la stérilité antérieure de sa femme et le mutisme). Le Coran fait allusion au tirage au sort dont parle le Protévangile de Jacques pour savoir qui s’occupera de Marie devenue femme (3, 44).
L’Annonciation et la naissance de Jésus sont évoquées en deux passages différents. Un messager, l’Esprit de Dieu ayant pris forme humaine, vient trouver Marie : la tradition musulmane unanime voit dans cet esprit de Dieu l’archange Gabriel, car en arabe, l’Esprit, même lorsque les musulmans parlent de l’Esprit-Saint, est toujours une créature angélique. Le récit est fait d’un bout à l’autre pour souligner les miracles de Jésus, le premier étant évidemment celui de sa naissance virginale. L’insistance sur la virginité ainsi que sur la pureté de sa mère étant une manière de souligner ce miracle. Il sera « Un signe pour les hommes et une miséricorde de Dieu » (19, 21). Jésus nouveau-né se mettra aussitôt à parler. « Je suis un serviteur de Dieu. Il m’a remis I ’Écriture et m’a fait prophète ! Il m’a béni où que je sois, m’a prescrit la prière et l’aumône tant que je vivrai, ainsi que la piété filiale envers ma mère. Il ne m’a fait ni violent ni malheureux » (19, 30-34).
La naissance elle-même a lieu au pied d’un palmier dont Marie mangera miraculeusement les dattes et qui laissera sourdre un filet d’eau sur le sol (19, 23-26). Le cadre et le prodige sont les mêmes que lors de la fuite en Égypte, dans l’évangile apocryphe du pseudo-Matthieu. Le texte date de La Mecque et ne contient pas encore les indications plus précises que le Coran aura ensuite à Yathrib/Médine, sur les titres et la mission de Jésus.
L’autre récit commençant par l’Annonciation est en effet plus fourni. Marie est interpellée par les anges. Elle a été choisie entre toutes les femmes de l’univers et purifiée. Les titres de Jésus sont donnés : il est une parole de Dieu. Son nom est « le Messie, Jésus, fils de Marie » (3, 45). « Sa » parole (la parole ou le verbe de Dieu) et un esprit émanant de Lui (4, 171). Le mystère de Jésus est celui de la puissance créatrice de Dieu. Comme Adam, Jésus a été mis au monde sans père (3, 47 et 59). Sa mission est décrite, dans ce nouveau contexte, avec davantage de détails. Dieu lui enseignera l’Écriture, la Sagesse, la Thora, et l’Évangile. Il est envoyé aux Enfants d’Israël (et à eux seulement). Il déclare véridique la Thora qui était avant lui (selon la traduction que l’on adopte), déclare licite une partie de ce qui avait été déclaré illicite (3, 48-50). Il proclame que Dieu est son Seigneur et celui de ses disciples : qu’ils craignent donc Dieu et obéissent à son prophète, Jésus. Jésus accomplit des miracles. Il parle au berceau, donne la vie à des oiseaux d’argile (cf. l’évangile apocryphe du Pseudo Matthieu), guérit l’aveugle de naissance et le lépreux, ressuscite les morts, « avec la permission de Dieu », précise toujours le texte avec insistance. Il voit ce que ses disciples amassent en leurs demeures. Un passage décrit Jésus priant Dieu de faire descendre une table garnie, venant du ciel (5, 114). Est-ce une réminiscence de la multiplication des pains ou de l’Eucharistie ? Difficile de le savoir.
Lorsque l’opposition s’accrut, Jésus lança un appel à ses apôtres, décidés à le défendre ; le texte fait une brève allusion aux machinations des juifs et à Dieu qui les déjoue. Les apôtres sont désignés par un mot signifiant « les blancs ». Y aurait-il là une allusion au vêtement blanc des membres de certaines sectes baptistes ? (3, 52-54).
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La mort de Jésus dont parle le texte, ou son rappel à Dieu (peut-on lire également) ont fait problème (3, 55). Un verset tardif affirme que les juifs n’ont pas tué Jésus, ne l’ont pas crucifié, mais « ont été mis en présence d’une ressemblance » (pourrait-on dire, pour traduire deux mots arabes qui ont fait couler beaucoup d’encre). Comme dans le christianisme gnostique, la tradition musulmane a en effet toujours considéré qu’il y avait eu substitution de personne, un sosie métamorphosé en Jésus et crucifié à sa place. Le plan de salut de Dieu ne comporte aucune place pour la croix (4,157). Jésus a été seulement élevé au ciel par Dieu (3, 55).
Le Coran proteste vigoureusement contre l’idée selon laquelle Jésus serait plus qu’un homme (5, 17 et 72). Il refuse catégoriquement tout ce qui semblerait faire de Dieu le Père « le troisième d’une trinité » (5, 73). Et tout en présentant Marie comme une des deux femmes modèles (antithèse de la femme de Pharaon), exemples pour ceux qui croient (66, 11-12) ; il nie énergiquement que Jésus et Marie puissent être comme deux divinités à côté de Dieu : jamais Jésus n’a exigé cela de ses disciples (5,116). Par contre, Jésus annonce la venue de Mahomet (61, 6) du moins d’après le Coran. Les commentateurs musulmans citent en général à cet endroit le texte de l’évangile selon Jean parlant du Paraclet.
Le Coran loue les chrétiens qui ont des prêtres et des moines, mais le verset suivant montre que ce sont des chrétiens en train de se convertir à l’islam (5, 82-85). Par contre, il est sévère pour les moines et les rabbins qui thésaurisent et ne font pas de dépenses « dans la voie de Dieu » c’est-à-dire pour la cause de l’islam, ses pauvres et ses guerres à financer (9, 34-35).
c) Le personnage de Jésus.
Dans sa période médinoise, Mahomet qualifie Jésus de « parole de Dieu » (3, 39-45), « d’esprit de Dieu » (4, 171), « d’esprit de sainteté » (2, 87 et 253 ; 5,110). Par esprit (ruh), il faut entendre « souffle », car Jésus émane de l’esprit divin de l’ange Gabriel insufflé en Marie.
Neuf fois, Jésus est appelé al Massih : le Messie.
Mahomet reproche néanmoins aux chrétiens d’avoir commis des « erreurs » sur la personne de Jésus.
Première erreur : l’Incarnation. Dieu « n’a pas engendré et n’a pas été engendré » (112, 3). Sur la fin de sa vie, Mahomet attaquera même les chrétiens plus directement : ils ont dit « Le Messie est le fils de Dieu. Que Dieu les anéantisse » (9, 30).
Deuxième erreur : la Crucifixion (car il y a eu crucifixion bien sûr si l’on se fie au principe du rasoir d’Occam). Jésus n’est pas mort au sens où les hommes l’entendent ordinairement. Sitôt accomplie sa mission, Dieu l’a « élevé » à lui (3, 55 ; 5, 117). C’est un « sosie » que Dieu lui a substitué sur la croix, trompant ainsi les juifs et les premiers chrétiens (4,156-158). Mahomet a pu subir ici l’influence du docétisme, une tendance chrétienne du IIe siècle qui enseignait que Jésus avait seulement l’apparence d’un homme, et qui a inspiré les Actes de Jean, un apocryphe composé probablement dans la deuxième moitié du IIe siècle.
Ne croyant ni à l’Incarnation ni à la Crucifixion, Mahomet ne parle donc jamais de la Rédemption, d’autant plus qu’il n’admet pas vraiment non plus la notion hébraïque de péché originel.
Il est certain que Mahomet a fait une place à part à Jésus. L’islam, basé sur la séparation très nette entre Dieu et la création, fait exception pour Jésus, dont la nature, sans être divine, est par certains côtés, surhumaine.
Du reste, à son sujet, Mahomet a varié suivant les circonstances. Quand il s’est opposé aux juifs, il a insisté sur les privilèges particuliers de Jésus ; quand il a critiqué les chrétiens, il a mis l’accent sur la nature seulement humaine de Jésus. Mais Mahomet se déclare néanmoins annoncé par Jésus (cf. l’évocation du Paraclet dans l’évangile selon saint Jean). Tous deux sont donc des prophètes de la communauté universelle créée par Dieu.
d) La notion de Trinité.
La pensée de Mahomet est plus complexe sur ce point. Il faut reprendre un par un les versets du Coran qui en parlent, et dans l’ordre chronologique si possible.
Dans 4,171, Mahomet déclare : « Le Messie, Jésus fils de Marie, est un esprit émanant de lui. Ne dites point trois ». L’homme Jésus est donc un « verbe » et un « esprit » émanant de Dieu. Mahomet n’a jamais explicité cette affirmation ; et il demeure muet sur la troisième personne de la Trinité. Il ne reste ferme que sur la non-divinité de Jésus, prouvée par le fait qu’il mangeait (5, 73-75).
Dans 5,116, Mahomet s’en prend à une secte d’origine chrétienne pour qui la Trinité se composait de Dieu, Jésus et Marie. Cette croyance était voisine du trithéisme professé par l’école d’Édesse, et selon lequel, dans la triade Père-Fils-Esprit, chaque personne était une déité. L’initiateur de cet enseignement était un monophysite condamné par le Concile de Constantinople en 557. Marie a été assimilée à l’Esprit par des sectes gnostiques marianistes répandues en Arabie au IVe siècle et disparues quelque temps après. Origène, dans son commentaire de saint Jean, cite un « Évangile des
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Hébreux », écrit en araméen, selon lequel la mère de Jésus ne fait qu’un avec l’Esprit saint : cet évangile était surtout connu chez les ébionites.
C) L’évolution de Mahomet face au christianisme.
Il est possible que Mahomet enfant ait connu certaines régions où le christianisme était répandu, la Syrie par exemple, en compagnie de son oncle caravanier ; ou plus précisément après son mariage avec Khadidja, quand il partit lui-même sur les routes des caravanes mecquoises, où il put rencontrer des ermites (24, 35-36). Et lorsque Mahomet eut confié ses premières révélations à Khadidja, celle-ci l’emmena chez un de ses cousins, Ouaraqa ibn Naoufal, frère d’une femme qui avait eu des relations avec le père de Mahomet. Or Ouaraqa était un hanif, c’est-à-dire un homme « obéissant à Dieu » et qui connaissait très bien la Bible.
À La Mecque, Mahomet n’a jamais rien dit contre les chrétiens. À la fin de sa période mecquoise, il adopta la croyance en la virginité de Marie et proposa Jésus en exemple aux Mecquois (43, 57). Il annonça même que les divergences entre musulmans, juifs et chrétiens, s’effaceraient un jour, tous devant revenir à Dieu (21, 92-93).
Après l’Hégire à Médine en 622, Mahomet continua d’abord d’affirmer que les juifs et les chrétiens seraient sauvés comme les musulmans (2, 2-5). Mais il ne tarda guère à s’opposer aux juifs en insistant sur la virginité de Marie et le caractère exceptionnel de la nature de Jésus. Toutefois, dans les premiers mois de son séjour à Yathrib/Médine, il commença aussi à se méfier des chrétiens (2, 9).
En 631, Mahomet reçut à Yathrib/Médine une ambassade composée d’une soixantaine de chrétiens monophysites de Nadjdran, importante ville-oasis commerciale du Yémen, venus faire alliance avec lui. Parmi ces notables figuraient des théologiens et cette délégation était conduite par un évêque. Mahomet permit à l’un d’entre eux de célébrer la messe dans sa propre mosquée. Mais il ne fut pas convaincu par les arguments religieux de ses interlocuteurs. Il signa cependant avec eux un accord promettant de respecter leur liberté de culte en échange d’une aide financière.
Mahomet poursuivit sa polémique contre les juifs de Yathrib/Médine, qu’il finit par expulser à force de pogroms, prolongea ses attaques contre les chrétiens en les critiquant de plus en plus. Aux uns et aux autres, il reprocha de suivre des Écritures falsifiées (2, 75-146) ; il lui arriva même de vouer les chrétiens au feu de la Géhenne (5, 65 et 73 ; 98, 6). Mais, dans l’ensemble, il resta plus indulgent pour les chrétiens que pour les juifs (3, 55 ; 5, 102 ; 61, 4).
LA PLACE DE JÉSUS DANS L’ISLAM.
Les chrétiens peuvent sourire en constatant que le Coran a été composé à partir de légendes chrétiennes non canoniques, mais populaires, offrant une conception très superficielle et naïve de Jésus. L’allusion aux oiseaux d’argile est très instructive.
L’évangile (apocryphe) de l’enfance (2, 3-5).
Ce texte, écrit en arabe, a eu à l’époque une grande renommée dans tout l’Orient : il ne possède aucune valeur dans le dogme chrétien, mais reste très populaire de par son thème, et cela, jusqu’à La Mecque.
Alors qu’il était âgé de cinq ans, Jésus était en train de jouer près du gué d’un ruisseau. Il faisait couler de l’eau, en la dirigeant vers une flaque, afin de la rendre limpide. Ensuite, il en tira de l’argile et en façonna douze oiseaux. C’était le jour du sabbat et beaucoup d’enfants jouaient avec lui. Un juif le vit en train de se livrer à cette activité avec les enfants, et il alla trouver Joseph son père, pour accuser Jésus en disant :
— Il a fait de l’argile avec de l’eau et il en a façonné des oiseaux, alors que nous sommes le jour du sabbat où il n’est permis de rien faire.
Joseph, étant arrivé, le réprimanda en lui disant :
— Pourquoi fais-tu ce qu’il n’est pas permis de faire un jour de sabbat ?
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Mais, l’ayant entendu, Jésus frappa des mains et fit s’envoler les oiseaux d’argile en disant :
— Allez, envolez-vous mes amis et souvenez-vous de moi, vous qui êtes vivants.
Les passereaux s’envolèrent en poussant des cris. Ayant vu cela, le pharisien en fut étonné, il alla le raconter à ses amis.
Ce qui nous donne dans le Coran.
Mahomet, 3, 49.
Je viens à vous avec un signe de votre Seigneur. Je vais, pour vous, créer avec de l’argile, une manière d’oiseau ; j’y insufflerai la vie et ce seront des oiseaux, avec la permission de Dieu. Je guérirai l’aveugle et le lépreux. Je ferai revivre les morts, avec la permission de Dieu, etc. Etc.
Au début de la prédication de Mahomet (dans les premières années du VIe siècle donc) le christianisme dominait le Proche-Orient, mais sous diverses formes. Le monophysisme, considérant le Christ comme étant uniquement de nature divine, existait en Syrie, en Égypte, en Nubie, et en Éthiopie. Le nestorianisme, ne voyant au contraire dans le Christ rien qu’un homme, se rencontrait dans le Nord-Est de la Syrie et en Irak. En Arabie, on trouvait ces deux doctrines (condamnées par les conciles œcuméniques du VIe siècle). Une communauté monophysite, en relation avec l’Éthiopie, existait au Yémen ; des nestoriens, en rapport avec l’Empire perse, vivaient sur les côtes du golfe Persique. Il faut ajouter qu’il y avait aussi de puissantes communautés juives dans d’importantes oasis du Hedjaz. Et que parmi les Arabes polythéistes vivaient des ermites monothéistes, ni tout à fait juifs, ni tout à fait chrétiens (hanifs ?) Toutes ces tendances se côtoyaient grâce au commerce caravanier.
Mais pour les judéo-chrétiens ou les gnostiques, la mort du Christ posait un problème irrésolu : d’une part, d’après eux, il n’était pas mort en croix, ayant été remplacé par Simon de Cyrène ; d’autre part, ayant visité les enfers pour délivrer les Justes des temps passés, il était donc cependant bien trépassé. L’islam a hérité de la même contradiction : le Christ s’est fait remplacer sur la croix, donc il n’est pas mort 1), mais il a quand même annoncé sa mort, donc il est bien décédé 2).
Pour les judéo-chrétiens de type messianiste, Jésus n’était qu’un prophète, mais particulier, car lors de son baptême dans le Jourdain, il avait été « investi » par l’esprit d’un ange, ou du premier des archanges ; ce qui en faisait le Messie, chargé de conduire l’armée des Justes à la conquête du monde.
Les musulmans ont gardé l’idée qu’il n’était qu’un prophète au sein d’une longue lignée, à la suite de Noé, d’Abraham, de Loth, de Moïse, etc., mais précédant Chou’aïb, Salih, Houd, et Mahomet. Il est cependant exceptionnel : c’est lui qui, comme nous allons le voir, peu avant la fin des temps, doit aider le Mahdi à conduire les armées musulmanes à la conquête du monde. Jésus a donc ainsi, dans l’islam, un rôle à part, que même Mahomet ne peut assumer. Il n’y a aucune justification à ce statut spécial.
Le concept messianique de Mahdi est accepté par toutes les branches de l’islam. Il s’agit d’un personnage qui est censé apparaître un peu avant la fin des temps et le Jugement dernier. Il prendra les armes, conquerra la planète entière au nom de l’islam, établira le royaume millénariste de la justice et de l’abondance au profit des musulmans. D’après les sunnites, ce sera un homme ordinaire fils d’une femme ordinaire ; d’après les chiites, c’est le douzième descendant d’Ali, et il est déjà vivant, mais se cache depuis plus de douze cents ans, et il apparaîtra quand son temps sera venu.
Les sunnites disent que, peu après l’apparition du Mahdi, Jésus reviendra sur terre et combattra donc avec lui. Jésus et le Mahdi sont dans ce cas deux personnes différentes.
Il y a cependant une opinion divergente, celle d’Ibn Khaldoun, qui fut le plus grand des historiens, des géographes, et des philosophes de l’Histoire, en terre musulmane. Ibn Khaldoun cite Anas ibn Malik. Ce dernier a vécu de 612 à 709, ou 712 selon les sources. Il a été un des premiers compagnons de Mahomet. Il est d’ailleurs mentionné dans 128 hadiths appartenant aux deux sources les plus respectées des musulmans, les recueils de Boukhari et de Muslim. Il est le premier transmetteur de 2286 hadiths sur les 19 305 transmis par l’un des 13 transmetteurs de premier rang.
Or selon Anas ibn Malik, le Mahdi sera Jésus lui-même.
D’après la date à laquelle vécut Anas ibn Malik, la conception qui fait du Mahdi Jésus revenu sur terre est la plus ancienne. C’est seulement à une date ultérieure, quand la tradition d’Anas ibn Malik a été perdue de vue, que Jésus et le Mahdi sont devenus deux personnes différentes.
Pour les musulmans, Jésus, mentionné dans une cinquantaine de versets du Coran, est le donc Messie, un grand prophète, mais non le Fils de Dieu. Jésus a échappé à la crucifixion, un homme ordinaire, Simon de Cyrène, ayant été crucifié à sa place ; puis Dieu l’a élevé au Ciel, d’où il reviendra un jour, pour participer à la conquête de la Terre. La seule différence à cet égard entre judéo-chrétiens de type messianiste et musulmans d’aujourd’hui, est que, pour les premiers, Jésus prendra le commandement de l’armée des Justes ; alors que pour les seconds (à l’exception de l’opinion archaïque d’Ibn Khaldoun) il se bornera uniquement à aider le chef de cette armée, qui sera le Mahdi, « celui qui est guidé (par Dieu) ». La théologie islamique ne dit presque rien du Mahdi. Jésus doit
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revenir du Ciel pour l’assister, d’une manière indéterminée, à conquérir la Terre pour imposer universellement l’islam. Un point, c’est tout !
Al Boukhari est l’auteur islamique dont l’autorité est la plus grande. Rappelons que, pour prêter serment, un musulman doit poser la main soit sur le Coran, soit sur le recueil de hadiths de Boukhari, à l’exclusion de tout autre livre. Juste après cet auteur se trouve Muslim.
Les deux contiennent cette proclamation de Mahomet lui-même : « Par celui qui tient mon âme en sa main, la descente de Jésus, fils de Marie, est imminente » 3).
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, les érudits musulmans classent les hadiths en 4 catégories, bons, acceptables, faibles, faux. Ce hadith appartient à la première catégorie. Cette catégorie est elle-même divisée en six niveaux. Or ce hadith appartient au premier, le meilleur, car il figure de façon identique dans les recueils de Boukhari et de Muslim.
Il est donc remarquable, et très étonnant que ce ne soit pas Mahomet qui doive revenir du ciel pour la guerre finale imposant la société idéale selon l’islam à la terre entière, mais le Christ. Les musulmans disent que c’est Mahomet qui est le plus grand des prophètes, le dernier avant la fin des temps, le centre de leur religion, et pourtant, ce n’est pas lui qui est censé revenir du Ciel.
Jésus, malgré les quelque cinquante versets que le Coran lui consacre, ne joue aucun rôle dans les dévotions, ni dans l’enseignement ordinaire, ni dans les pratiques habituelles des musulmans, et c’est pourtant lui qui doit revenir pour la guerre finale. Il y a là visiblement à cet égard deux traditions différentes juxtaposées, mais il est visible qu’une des traditions fondatrices a été mise sous le boisseau ; comme le laissent pressentir, entre autres, la destruction des notes d’Hafsa et la disparition de celles d’Aïcha lors de la mise au point du Coran.
En ce qui concerne le rôle de Jésus dans la conquête finale de la terre, il y a un contraste frappant entre la précision de la théologie judéo-chrétienne de type messianiste, et le flou de la tradition musulmane. Pour les judéo-chrétiens de type messianiste, il y avait un certain nombre d’étapes bien spécifiques ; l’émigration des « aidants Dieu » au désert, la conquête de Jérusalem, la reconstruction du Temple, le retour du Christ, qui devient le général en chef des armées judéo-chrétiennes ; la guerre finale visant à imposer la société idéale selon les judéo-chrétiens de type messianiste à toute la Terre. Pour les musulmans actuels, le Mahdi est une personne indéterminée dont on ne sait rien, et Jésus revient pour l’aider on ne sait trop comment.
Dans l’islam initial, le Jésus était donc vraisemblablement conçu comme un Messie guerrier chargé de répandre l’islam, par la force des armes, sur la terre entière. C’était exactement la conception des judéo-chrétiens de type messianiste. Cette première conception a été recouverte par une seconde, qui confère au Mahdi le rôle de Jésus. Cependant, la présence de Jésus étant trop enracinée dans la tradition dont l’islam est issu, le retour du Christ est resté une idée islamique, devenue néanmoins contradictoire ; si c’est le Mahdi qui doit conquérir la Terre, le retour de Jésus devient sans objet.
Le concept de Mahdi est resté une idée puissante dans l’islam jusqu’à aujourd’hui. Le Mahdi est considéré comme un réformateur social rétablissant la pureté des origines, conduisant à une société parfaite, ce qui est la composante millénariste par excellence ; et comme un guerrier destiné à la conquête du monde, ce qui est la composante messianique.
Un certain nombre de chefs politiques musulmans ont d’ailleurs utilisé le prestige du mahdisme en se proclamant eux-mêmes Mahdi. Ces chefs musulmans qui se sont déclarés mahdis (le dernier en date étant un dénommé Muhammad Ahmad ibn Abd Allah, au Soudan, à la fin du XIXe siècle) imitaient les chefs juifs qui s’étaient proclamés Messie lors des guerres juives qui ont dévasté la Palestine de l’an -4 à +135. Il s’agit du même courant de pensée, utilisant les mêmes concepts de messianisme et de millénarisme.
Une troisième conception est néanmoins apparue dans l’islam, selon laquelle c’est l’ensemble des musulmans qui doit, par le djihad, effectuer cette conquête de la Terre pour y imposer la société idéale selon l’islam. C’est cette conception qui a finalement prévalu, et qui rend d’ailleurs sans objet les deux premières : l’apparition du Mahdi devient aussi inutile que le retour de Jésus.
La présence de Jésus et l’absence de Mahomet dans la guerre finale des musulmans, ainsi que le vague qui entoure ces idées dans l’islam ; sont des présomptions, en ce qui concerne Jésus, que les idées des compagnons de Mahomet en ce domaine, étaient très proches de celle des judéo-chrétiens de type messianiste ; et que celles-ci ont été occultées, sans pouvoir être totalement éliminées. Ce qui implique qu’à une époque assez primitive de l’islam, la théologie judéo-chrétienne jouait encore un grand rôle, et que, comme un très grand nombre d’adeptes la connaissaient, il était impossible de la faire entièrement disparaître.
1. Chapitre 4, verset 157.
2. Chapitre 19, verset 33.
3. Al Boukhari, Sahih, livre 60 (des prophètes) chapitre 49. « Par celui dans les mains duquel se trouve mon âme, assurément (Jésus), le fils de Marie descendra bientôt parmi vous pour juger les
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hommes (en tant que juste Souverain) ; il brisera la Croix et tuera les porcs et il n’y aura plus de djizya (c’est-à-dire de taxe prélevée sur les non-musulmans). L’argent sera en telle abondance pour que plus personne n’en voudra, et une seule prosternation devant Dieu (durant la prière) vaudra mieux que le monde entier avec tout ce qui s’y trouve ». Abou Horaïra a ajouté : « Si vous le souhaitez, vous pouvez réciter (ce verset du Livre Saint) : Et aucun des membres du Peuple des Écritures (juifs et chrétiens) ne doit croire en lui (autrement qu’en tant qu’apôtre de Dieu et simple être humain) avant sa mort ?????? Le jour du jugement dernier il témoignera contre eux ». Encore une belle bêtise !
ISLAM ET CHRISTIANISME.
Mahomet, Coran 16, 103.
Nous savons qu’ils disent : c’est seulement un mortel qui l’instruit ! Mais celui auquel ils pensent parle une langue étrangère, alors que ceci est en pur arabe.
Note de la Rédaction. On se perd en conjectures sur la nationalité de ce mystérieux étranger qui aurait beaucoup influencé Mahomet. Un moine chrétien appelé Sergius ? Un juif anonyme de Médine ? Certains pensent qu’il s’agit peut-être de Salman le Perse, un personnage assez mythique. De toute façon s’il s’agit de Salman, il avait été chrétien. La légende musulmane a aussi parlé des moines Bahira et Nastura, qui auraient découvert les signes d’une mission prophétique chez Mahomet encore enfant. La contre-histoire chrétienne, dès Jean damascène (vers 650 – 750), fait valoir effectivement que Mahomet aurait fréquenté un moine arien, qu’il ne nomme pas, et qui lui aurait tout soufflé.
Ainsi que nous avons pu le voir, dans le texte fondateur qu’est le Coran, les chrétiens seront d’abord considérés d’un œil favorable, peut-être parce que l’auteur les avait fréquentés durant sa jeunesse et en avait gardé un bon souvenir. Mais peu à peu les paroles deviendront plus aigres, et à la fin, la rupture sera consommée sur le plan doctrinal.
Une allusion au baptême ?
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Mahomet, Coran 2, 138.
L’onction de Dieu ?
Qui peut, mieux que Dieu, donner cette sibghat ? Nous sommes ses serviteurs.
Les moines.
Mahomet, Coran 3, 113.
Tous ne sont pas semblables. Il existe parmi les gens du Livre une communauté droite dont les membres récitent, durant la nuit, les versets divins. Ils se prosternent, ils croient en Dieu et à la fin du monde, ils ordonnent ce qui est convenable, ils interdisent ce qui est blâmable, ils s’empressent de faire le bien. Ceux-là font partie des saints, le bien qu’ils accomplissent leur sera compté, car Dieu reconnaît ceux qui le craignent.
Mahomet, Coran 5, 82.
Tu constateras que les hommes les plus proches des croyants par l’amitié sont ceux qui disent : « Oui, nous sommes chrétiens ! » Parce que l’on trouve parmi eux des prêtres et des moines qui ne se gonflent pas d’orgueil.
Mahomet, Coran 24, 36-8.
Cette lampe se trouve dans les maisons que Dieu a permis d’élever, où son nom est invoqué, où des hommes célèbrent ses louanges à l’aube et au crépuscule. Nul négoce et nul troc ne les distraient de la méditation ni de la prière, etc.
Mahomet, Coran 57, 27.
Ensuite nous leur avons donné comme successeurs nos autres apôtres, ainsi que Jésus fils de Marie ; nous leur avons donné l’Évangile et avons mis, dans les cœurs de ceux qui le suivent, la mansuétude, la pitié, ainsi que la vie monastique qu’ils ont instaurée ; – nous ne leur avions pas prescrit cela – poussés qu’ils sont par la recherche de l’agrément de Dieu ; ils ne les ont toutefois pas observées comme ils auraient dû le faire.
Mahomet développe dans sa prédication une christologie certes, mais dérivée du christianisme oriental, et plus particulièrement syrien, où percent, çà et là, des influences gnostiques, docètes ou monophysites. L’élaboration à laquelle il procède de ce nouveau personnage nommé avec insistance « Jésus fils de Marie » sert de fondement à la conception musulmane du Christ des chrétiens (un prophète musulman) et au christianisme (un islam incomplet ou fautif).
Le résultat pour la figure christique est simple : comme tous les prophètes, Jésus n’est qu’un esclave de Dieu. La figure de la Vierge est rabaissée sensiblement, et les chrétiens condamnés pour s’être livrés à une forme d’association religieuse c’est-à-dire pour avoir associé à l’Être supérieur d’autres divinités. Le dogme de la Trinité lui-même est aussi considéré comme une abomination, dénoncée rudement par Mahomet. Il considère que ce point central de la doctrine chrétienne est une forme de trithéisme, donc un polythéisme.
L’influence gnostique et même précisément docète. La négation des souffrances endurées par Jésus sur la croix.
Mahomet, Coran 4, 156-157.
Nous les avons punis parce que de manière blasphématoire ils ont proféré une horrible calomnie contre Marie, et parce qu’ils ont dit : oui, nous avons tué le Messie Jésus fils de Marie, le prophète de Dieu. Mais ils ne l’ont pas tué, ils ne l’ont pas crucifié, cela leur est seulement apparu ainsi.
Mahomet, Coran, 9, 31.
Ils ont pris leurs docteurs de la loi et leurs moines ainsi que le Messie, fils de Marie, comme Seigneurs, au lieu de Dieu.
Le rejet de la Trinité.
Mahomet, Coran 5, 73.
Ceux qui disent : « Dieu est le troisième d’une triade », blasphèment. Il n’y a de Dieu qu’un Dieu unique. S’ils ne renoncent pas à ce qu’ils disent, un terrible châtiment atteindra ceux d’entre eux qui sont incroyants.
L’intégration de Marie dans la Trinité.
Mahomet, Coran 5, 116.
Ô Jésus fils de Marie, est-ce toi qui as dit aux hommes : prenez-nous, moi et ma mère, comme divinités en dessous de Dieu !
Jésus répondit : gloire à toi ! Il ne m’a jamais appartenu de déclarer ce que je n’avais pas le droit de dire.
Nous l’avons vu, plusieurs versets du Coran font donc référence à des pratiques chrétiennes qui existaient à l’époque en Arabie. Le Coran alterne louanges et reproches, cite la Bible presque littéralement, ou cherche ses sources ailleurs, reprend des dogmes bien établis pour, soit les contredire, soit les déformer. Par le biais de cette réinterprétation du christianisme, l’islam est entré dans un débat religieux fondamental avec le christianisme historique, orthodoxe ou non.
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LES CHRÉTIENS CHRÉTIENS.
Les vigoureuses critiques antitrinitaires ou contre la notion de Sainte Trinité, du Coran, montrent bien que Mahomet n’a pas eu affaire qu’à des judéo-chrétiens, mais qu’il a eu affaire également, ou du moins qu’il en a entendu parler (et négativement) des chrétiens au sens habituel du terme, ancêtres des catholiques réformés ou orthodoxes.
On entend parfois dire que chrétiens et musulmans ont le même Dieu, ou bien que les différences qui existent entre eux ne sont pas essentielles ; et ne doivent pas masquer le fait qu’ils affirment les uns comme les autres l’existence d’un Dieu unique, même s’ils le nomment différemment. Dieu et Jéhovah seraient en quelque sorte des synonymes. De même il arrive que l’on entende affirmer que le christianisme et l’islam « partagent » Jésus, qu’il appartient aux deux religions.
Ce souci de rapprochement, cette recherche de points communs sont très louables : ils procèdent d’une volonté de fraternité ou de dialogue, et dénotent généralement chez ceux qui les expriment le vœu sincère de se montrer ouvert et tolérant. Mais sont-ils fondés sur une connaissance des textes et de l’Histoire ? Ces vœux ne sont-ils pas des vœux pieux ? Comment l’islam envisage-t-il ses rapports avec le christianisme au sens habituel du terme ? Plus particulièrement, comment le Coran, texte sacré des musulmans, considère-t-il les chrétiens d’aujourd’hui et leurs Écritures saintes ?
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Remarquons d’abord que les chrétiens et les musulmans n’envisagent pas du tout leurs textes sacrés de la même manière. Pour les premiers, il s’agit de textes révélés, pour les seconds d’un texte éternel, incréé, intouchable. Il s’agit là déjà d’une différence non négligeable.
Qu’en est-il de Jésus dans ce cas ? Les musulmans l’appellent « Issa » et disent reconnaître en lui un prophète. Mais de quel Jésus s’agit-il ?
Les chrétiens chrétiens sont en effet impressionnés par la place qu’occupe Jésus dans le Coran. Mais ce n’est pas celui auquel ils ont donné leur foi. Le Jésus du Coran répète ce qu’avaient annoncé les prophètes antérieurs, Adam, Abraham, Loth, etc. : en effet, tous les prophètes ont le même savoir, et proclament le même message, qui est l’islam. Tous sont musulmans. Jésus est envoyé pour prêcher l’unicité de Dieu. Il proteste qu’il n’est pas un « associateur » 1). « Ne dites pas trois ». Il n’est pas le fils de Dieu, mais une simple créature. Comme il est pour l’islam inconcevable qu’un envoyé de Dieu puisse être vaincu, Jésus n’est donc pas mort sur la croix. Un sosie lui a été substitué. Cette christologie, du point de vue des docteurs chrétiens d’aujourd’hui, présente des marques mélangées de nestorianisme et de docétisme.
Le Jésus du Coran est un musulman qui appelle ses propres adeptes à rejeter leur idolâtrie, et accuse les chrétiens d’avoir manipulé les Écritures.
Il est donc faux de dire que l’Issa du Coran ne fait qu’un avec le Jésus des Évangiles. Ce Jésus, réduit dans le Coran à n’être qu’un prophète purement humain, a un statut en discordance totale avec ce que relatent les Évangiles tels qu’ils sont interprétés en principe par les penseurs chrétiens ou les Pères de l’Église.
Dans le Coran, Jésus est le seul prophète qui soit présenté comme n’étant pas d’accord avec les doctrines de sa propre communauté. Le chapitre 5, au verset 116, est une véritable gifle pour les chrétiens chrétiens, dont les croyances sont rejetées sans même être formulées correctement : « Et rappelez-vous quand Dieu demanda : « Ô Jésus, fils de Marie, est-ce toi qui as dit aux hommes : prenez-nous ma mère et moi comme divinités en dessous de Dieu ? » Jésus répondit : « Gloire à Toi ! Il ne m’a jamais appartenu de proclamer ce qui n’était pas la vérité ».
En d’autres termes, le Jésus-Issa du Coran répudie ses propres adeptes, les chrétiens chrétiens, en les accusant d’avoir faussé les Écritures. Il entend se séparer des croyances perverties de ses partisans ! En fait, ce qui est un comble, c’est que, dans le Coran, Jésus accuse lui-même ses adeptes – les chrétiens – de lui prêter des paroles qu’il n’aurait jamais prononcées 2).
Le Coran refuse un Christ crucifié, comme il refuse un Christ ressuscité ; pour lui, Jésus n’est qu’un prophète, ni plus ni moins que les autres.
Issa dans le Coran apparaît hors de l’espace et du temps, sans référence à la Palestine. Sa mère, Marie, qui est la sœur d’Aaron 3), le met au monde sous un palmier. Ensuite Issa fait plusieurs miracles qui semblent tirés des évangiles dits apocryphes. Il annonce la venue future de Mahomet. Il sera le témoin par excellence le jour de la résurrection.
Le Jésus du Coran n’a donc pas grand-chose à voir avec celui des chrétiens au sens habituel du terme (catholiques orthodoxes réformés.) : selon le Coran, son message était l’islam pur, la soumission à Dieu (chapitre 3, 84) ; il a reçu sa révélation de l’islam sous la forme d’un livre, l’Injil ou « Évangile » (chapitre 5, 46) ; sa mère, Maryam, était la sœur d’Aaron et de Moïse (chapitre 19, 28) ; il a aussi annoncé la venue de Mahomet (chapitre 61, 6) ; il n’a été ni tué ni mis en croix, et ceux qui affirment le contraire mentent (chapitre 4, 157) ; le jour de la résurrection, Issa lui-même témoignera contre les juifs et les chrétiens qui croient en sa mort (chapitre 4, 159).
Le Jésus des Évangiles est la base sur laquelle le christianisme s’est développé. En l’islamisant et en en faisant un prophète musulman qui aurait prêché le Coran, l’islam ôte toute raison d’être au christianisme au sens habituel du terme (il agit de même envers le Judaïsme d’ailleurs).
Dans le Coran, les chrétiens sont appelés « associateurs » 1). Pour l’islam en effet, le christianisme n’est pas un véritable monothéisme à cause de la Trinité, laquelle consisterait à, en l’occurrence, « associer » Dieu, Jésus et Marie.
Inutile de préciser que le christianisme n’a jamais envisagé la Trinité de cette manière, et qu’il s’agit là d’une déformation d’un de ses dogmes majeurs.
Comme nous l’avons vu, l’Évangile des Hébreux était un des principaux textes liturgiques des judéo-chrétiens de type messianiste. Origène et saint Jérôme indépendamment, citent le verset ci-dessous tiré de l’Évangile en question.
Origène, Commentaire sur Jean, 2.6.
Si quelqu’un prête foi à l’Évangile des Hébreux, où le Sauveur lui-même dit : « Ma Mère, le Saint-Esprit m’a pris tout à l’heure par un de mes cheveux et m’a transporté sur le mont Tabor ».
Origène cite ce verset deux fois et Jérôme cinq fois.
Jérôme, Commentaire sur Esaïe, 11.9.
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Après avoir répété la citation, il ajoute : « Personne ne devrait s’en offenser, car « l’esprit » en hébreu est féminin, alors que dans notre langue [le latin] il est masculin et en grec neutre. En matière de divinité il n’y a pas de genre. »
Aphrahate cite un autre passage de l’Évangile des Hébreux : « aussi longtemps qu’un homme n’a pas pris femme, il aime Dieu, son père, et l’Esprit saint, sa mère, et n’a pas d’autre amour ».
Cette manière de parler explique la confusion de Dieu ou Mahomet : pour les judéo-chrétiens, la « mère de Jésus » était une métaphore qui désignait l’Esprit saint. Mahomet ignorant la métaphore prend les mots « mère de Jésus » au sens propre, et y voit Marie. Donc il imagine que Marie ferait partie de la Trinité en question, et en conclut qu’elle serait une déesse.
« Il n’engendre pas, n’est pas conçu, et n’est pas engendré » (Coran chapitre 112, 3).
Cette affirmation au départ n’était destinée qu’à contrer la philosophie religieuse des tribus de l’Arabie préislamique, selon laquelle Dieu avait trois hypostases, des anges de sexe féminin appelés al-Lat, al-Ouzza, et al-Manat (chapitre 53, 19) ; mais les musulmans l’appliquèrent aussi très rapidement à la personne de la Trinité que les chrétiens appellent Jésus-Christ.
L’incarnation représente en effet l’un des plus grands conflits doctrinaux pouvant exister entre les deux religions. En ce domaine le Coran se moque ouvertement de la foi chrétienne : « Les chrétiens disent : Le Messie est fils de Dieu. Que Dieu les anéantisse ! Ils sont tellement stupides » (chapitre 9, verset 30).
Quand les musulmans parlent de la Trinité (chrétienne), ils pensent à l’adoration polythéiste de trois dieux comme Taranis, la Morrigena, ou Hesus, chez les druides. Ils reprochent donc aux chrétiens de faire comme les païens, c’est-à-dire d’associer d’autres divinités au Dieu supérieur, et de commettre ainsi ce qu’ils appellent le péché d’association ou chirk, qui est considéré comme mortel chez eux.
« Dieu ne pardonne pas qu’on lui donne un associé. Il pardonne à qui lui plaît quand il s’agit d’un péché moins grave, mais quiconque donne à Dieu un associé commet un énorme péché » (chapitre 4, 48).
Le Coran s’est donc aussi élevé contre la notion de triade en rejetant toute possibilité d’être un homme-dieu (la divinité de Jésus). Jésus n’était qu’un homme, il n’est pas mort sur la croix, seule son apparence a été crucifiée (docétisme). À noter cependant ; même si certains chrétiens (les catholiques notamment) vouent un véritable culte (d’hyperdulie) à la Sainte-Vierge, ils n’en ont jamais fait pour autant une des personnes de leur triade divine. La troisième personne de la Sainte-Trinité chrétienne n’est pas la Vierge Marie, mais le Saint-Esprit.
Pour le Coran les « associateurs » se rendent coupables d’un péché irrémissible, le seul qui soit impardonnable. Chapitre 4, 116 : « Dieu ne pardonne pas qu’il lui soit donné des associés, alors qu’il pardonne, à qui lui plaît, les péchés autres que ceux-là ». Les chrétiens sont des mouchrikoun, c’est-à-dire des hommes coupables de chirk (« associationnisme »).
À l’accusation de falsification des Écritures (tahrif), le Coran ajoute donc celle, plus grave encore aux yeux des musulmans, d’association à Dieu d’autres entités (chirk). La doctrine de la Trinité ressortit au polythéisme, et un sort douloureux attend ceux qui croient en ce dogme (chapitre 5, 73). Les « associateurs » sont (avec les juifs) « les ennemis les plus acharnés des croyants » (chapitre 5, 82).
Cette corruption ne concerne pas ce que les hommes ont fait des Écritures données par Dieu, mais ce qu’ils disent de Dieu lui-même. Dans l’ordre de la corruption, le tahrif est élevé, mais avec le chirk, on touche à l’inexpiable : cette faute est la plus grave qui se puisse imaginer selon le Coran.
Au vu de tout ce qui précède, ces mots du père Antoine Moussali sonnent donc comme un avertissement. Il faut avoir l’humilité, mais aussi le courage de dire qu’entre le christianisme et l’islam, il n’y a pas, au plan théologique, de point commun de dialogue. Comment les chrétiens chrétiens peuvent-ils dialoguer avec une religion qui refuse énergiquement la Trinité, l’Incarnation, la Rédemption, bref tout ce qui constitue l’essence même du christianisme ?
On ne peut dialoguer que si les partenaires du dialogue recherché ont du respect l’un pour l’autre, si chacun connaît sa propre histoire et reconnaît celle de l’autre, si chacun est animé du souci de la vérité historique. Les chrétiens, de leur côté, ont intérêt à s’instruire davantage de leur religion, que très souvent ils connaissent mal, mais également de l’islam qu’ils connaissent encore plus mal. Lire le Coran est à la portée de tous, et c’est déjà un bon début. Afin de ne pas tout mélanger ni de se laisser berner par des formules pernicieuses, même si elles semblent conciliantes (« l’islam accueille Jésus », « Les chrétiens et les musulmans adorent le même Dieu ») ; il faut s’informer, se documenter sur l’islam, et ne pas se contenter des platitudes que l’on entend trop souvent ; « L’islam est une religion de paix ou de tolérance », « Le djihad signifie effort sur soi-même en vue d’un perfectionnement spirituel », « Les terroristes qui se revendiquent de l’islam n’ont absolument rien à voir avec l’islam », etc.
Concluons, avec Alain Besançon, tout en sachant que ce qu’il écrit s’applique aussi à la Belgique. L’installation de la religion du Coran s’est effectuée à petits pas et silencieusement. C’est tout
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récemment que nos concitoyens ont compris brusquement qu’elle posait un problème fort grave, puisqu’il s’agit, à terme, de la naissance sur leur territoire d’un autre pays, d’une autre civilisation. Surpris, ils réagissent de façon désordonnée, comme on l’a vu lors des discussions sur l’acceptation ou l’interdiction du voile musulman dans les écoles publiques. Ils ont l’excuse d’avoir été peu ou mal informés. Ils ont eu peur de tomber sous l’accusation d’intolérance religieuse, voire de racisme, bien qu’il ne s’agisse pas du tout de race, mais de religion.
S’ils étaient chrétiens, ils lisaient une littérature souvent écrite par des clercs très attachés à défendre les valeurs de l’islam, à souligner les points communs qu’ils perçoivent entre cette religion et la leur. Ces livres pouvaient être lus comme une propagande involontaire en faveur de l’islam. Il n’en a pas toujours été ainsi. Plusieurs grands auteurs classiques ont établi entre l’islam et le christianisme un constat d’incompatibilité théologique. Ainsi Jean damascène et Thomas d’Aquin.
Il faudrait veiller à expurger du discours chrétien contemporain des expressions aussi dangereuses que « les trois religions abrahamiques », « les trois religions révélées » et même « les trois religions monothéistes » (parce qu’il y en a bien d’autres). La plus fausse de ces expressions est « les trois religions du Livre ». Elle ne signifie pas que l’islam se réfère à la Bible, mais qu’il a prévu pour les chrétiens, les juifs, les sabéens, et les zoroastriens une catégorie juridique spéciale, « les gens du Livre », donnant droit au statut de dhimmi ; c’est-à-dire, moyennant discrimination, de garder leur vie et leurs biens, au lieu de la mort ou de l’esclavage, auxquels sont promis les kafirs, ou païens 4).
Que l’on emploie si facilement de telles expressions est le signe que le monde chrétien n’est plus capable de faire clairement la différence entre sa religion et l’islam 5).
Gédéon. Blogue-note le chantducoq. Bruxelles.
Jacques Ellul disait que, face à l’expansion de l’islam, « il ne faut pas réagir par un racisme, ni par une fermeture orthodoxe, ni par des persécutions ou la guerre. Il doit y avoir une réaction d’ordre spirituel et d’ordre psychologique (ne pas se laisser emporter par la mauvaise conscience) et une réaction d’ordre scientifique. Qu’en est-il au juste ? Qu’est-ce qui est exact ? La cruauté de la conquête musulmane ou bien la douceur, la bénignité du Coran ? Qu’est-ce qui est exact sur le plan de la doctrine et sur le plan de l’application, de la vie courante dans le monde musulman ? » 6)
Jacques Ellul a écrit : « On ne peut plus ouvrir un livre ou un journal, réformé ou catholique, sans y trouver de profondes études sur l’excellence de l’islam ; sur la nécessité de dialoguer avec lui, d’écouter ses questions, de prendre au sérieux ses revendications. C’est la joyeuse ouverture à l’islam, à la pensée, à la piété musulmane ».
Jacques Ellul reproche en effet aux chrétiens de se passionner pour ces pauvres musulmans alors que l’islam est une puissance colossale qui se sert de ses pauvres sans vergogne. Il reproche inversement aux musulmans leur esprit belliqueux qui, d’après lui, est inscrit au cœur même de leur religion.
Peu d’intellectuels ou de journalistes occidentaux ont souscrit à ces propos, et Jacques Ellul, malgré sa haute tenue philosophique et ses ouvrages sans nul doute de très grande valeur, est resté un homme seul dans ce combat contre le dialogue avec l’islam.
Mais d’autres voix se sont élevées, et je dirai là avec raison heureusement, contre une forme de dialogue qui évite toutes les interrogations essentielles, qui veut cacher les différences réelles, qui veut faire l’économie d’une confrontation réaliste.
Note de Pierre de La Crau. Notre ami R. Foehrlé, l’auteur de cette étude, est pasteur de l’Église de la Confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine (E.C.A.A.L.). Ce qu’il expose est le point de vue chrétien sur la question. En ce qui nous concerne, nous préférons être comme les Fénianes de la verte Erin, et ne pas nous en tenir à un seul livre. Voici donc ce que nous nous contenterons de dire en résumé du débat islam/christianisme.
Il s’agit du débat structurel dans lequel une religion plus tardive adresse certains reproches à une religion antérieure. Les arguments utilisés portent sur la légitimité du « schisme » de la nouvelle religion vis-à-vis de l’ancienne, et du statut à reconnaître à une « révélation » inconnue précédemment. Dans ce débat, la religion la plus ancienne s’en prend toujours à l’existence même de la nouvelle religion, de ses doctrines et de ses pratiques différentes. Afin de maintenir sa position, la religion ancienne se défend contre la plus récente en niant notamment le caractère révélé de la nouvelle croyance.
1) Quelqu’un qui associe à Dieu d’autres entités ou d’autres personnes, esprits, fils, filles, etc.
2) Ce qui n’est pas complètement faux d’ailleurs ! Voir notre analyse des évangiles, qui sont plus une plaidoirie d’avocat qu’un reportage pris sur le vif.
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3) Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, il s’agit là bien sûr d’une erreur de Dieu, ou de Mahomet. La mère du nazaréen est confondue avec une autre. Dans le Coran, Myriam, sœur d’Aaron et de Moïse, fille d’Imran, est la même personne que Mariam, la mère de Jésus. Or, mille deux cents ans séparent les deux personnages. Les noms se ressemblent, mais ne sont pas identiques. À l’époque de Moïse, les juifs parlaient hébreu, mais, douze siècles plus tard, le peuple avait abandonné cette langue et adopté une variante de l’araméen. L’hébreu était devenu alors une langue sacrée utilisée dans la liturgie et parlée par les prêtres, comme le latin au Moyen-âge. La sœur d’Aaron s’appelait Myriam, qui signifie « aimée de Dieu » en hébreu archaïque, alors que la mère de Jésus s’appelait Mariam, qui signifie « princesse » en araméen.
4) Comme nous, comme moi, qui ai compilé toutes ces informations.
5) N’est plus capable de voir un certain nombre de réalités, ou d’appeler les choses par leur nom, d’appeler un chat un chat. Mais laissons là la Belgique chère à notre ami Gédéon. Aujourd’hui aussi, plus c’est gros, moins un intellectuel français est capable de le voir ou de le reconnaître. La caractéristique de l’intellectuel français contemporain (journaliste, responsable politique, metteur en scène) c’est qu’il est capable de voir une mouche à des kilomètres, mais incapable de voir un éléphant sous son nez, une vache dans un couloir, ou la forêt derrière un arbre. Cette anomalie de la vision a un nom pour ce qui est du corps : la presbytie.
6) Jacques Ellul, islam et judéo-christianisme. 2004.
LES CONVERTIS DE FRAÎCHE DATE.
Précision sémantique pour commencer. En arabe le mot « converti » correspond à la notion de « client » telle qu’elle était comprise dans l’Antiquité, c’est-à-dire d’ancien esclave affranchi par son maître, MAIS QUI RESTE DONC SON OBLIGE. OU CELUI DE SA FAMILLE.
Avec le temps apparut donc une nouvelle catégorie de population : celle des non-Arabes convertis à l’islam. Ces convertis devaient d’abord être adoptés par un clan arabe, pour en devenir en quelque sorte l’ex-esclave, car la conversion était d’abord sociale, et nullement religieuse. Le converti (persan, sémite du Nord, chrétien, juif, copte ou berbère) devait solliciter son entrée dans une famille arabe.
En principe, ils devaient jouir des mêmes droits et des mêmes avantages que les Arabes, puisqu’il faisait partie de la communauté des croyants, l’oumma ; mais dans la pratique leur statut resta très inférieur à celui des musulmans de naissance, les « vieux musulmans », d’où parfois des révoltes de leur part contre le pouvoir en place et les notables. En Orient, ces musulmans de seconde zone sont appelés mouwallad, en Espagne mouladi (de l’arabe mouwalladoun) d’où plus tard l’inverse : les mudéjars. 1)
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Les musulmans de fraîche date furent assujettis à toutes sortes de restriction fiscale, sociale, politique, militaire, et autres. La conversion d’un village tout entier ou d’un quartier entraînant fiscalement parlant d’importantes pertes pour l’État musulman ; les maouali ou mouladi continueront souvent à être, eux aussi, soumis à l’impôt des dhimmis (la djizya en arabe), sous une forme ou sous une autre. La lutte pour l’égalité des droits entre musulmans fut donc l’un des principaux problèmes des premiers siècles de l’islam (voir Ibn Abd Rabbih 860-940). Un racisme d’autant plus stupide que l’islam n’est devenu alors une grande puissance qu’en adoptant les principes administratifs perses, la médecine indienne, et la philosophie hellénistique, ne l’oublions pas !
En Espagne, les révoltes de mouladi (convertis de fraîches dates) furent quasi permanentes contre les Arabo-Berbères immigrés qui s’étaient taillé de larges domaines exploités par les chrétiens, serfs ou esclaves. Les extorsions fiscales et les expropriations déclenchaient des foyers insurrectionnels continuels de mouladi et de mozarabes (chrétiens dhimmis) sur toute la péninsule Hispanique. Les chefs rebelles étaient alors exécutés par crucifixion et les insurgés massacrés à coups d’épée.
Note de la rédaction. Quant aux païens, aux idolâtres (sic) et aux athées, comme vous et moi, alors là c’est bien simple, rien n’est prévu dans l’univers musulman ; pas même le travail pour payer des impôts ou la rééducation par une citoyenneté de seconde zone (la dhimmitude réservée aux Gens du Livre). Vous n’avez le choix qu’entre la valise ou le cercueil (air antiraciste connu depuis la décolonisation. Dernier cas le Zimbabwe).
En 1970, le président bosniaque Alija lzetbegovic, auteur supposé de ce manifeste, a rappelé dans la Déclaration islamique (Islamska Deklaracija), rééditée à Sarajevo en 1990 (Johnstone citation de mémoire) : « II ne peut exister de paix ou de coexistence entre la croyance islamique et des institutions sociales ou politiques non islamiques ». Et dans sa conclusion, il rappela clairement que le mouvement islamique doit et peut prendre le pouvoir dès qu’il est moralement et numériquement capable de détruire le pouvoir non islamique existant.
L’occultation du djihad et de la dhimmitude en Occident a contribué à figer les conflits ethnoreligieux sans les résoudre. Seule une critique sereine de cet impérialisme musulman pourra déblayer un jour la voie vers une réconciliation avec les peuples qui en furent les victimes. Cette étape est indispensable pour obtenir la reconnaissance d’une légitimité nationale non islamique, démarche qui seule peut annuler le djihad. Ce domaine de réflexion n’a guère été abordé. L’oubli délibéré de l’Histoire ou pire, sa perversion par une conception erronée de la tolérance ou de l’antiracisme, ont libéré le retour vénéneux du passé. Dans l’ex-Yougoslavie ce refoulement de l’Histoire a même déclenché une guerre.
Les cinq siècles de coexistence harmonieuse et pacifique sous la domination islamique, invoqués par le président bosniaque Alija lzetbegovic, appartiennent au dogme théologique de la perfection de la charia et de la dhimma. Les Serbes orthodoxes, eux, considèrent ce régime comme celui des massacres, des pillages, de l’esclavage, des déportations, ou de l’exil des populations chrétiennes ; un régime justifiant l’usurpation des terres et le déni de leurs droits ; donc, le contraire d’une coexistence pacifique pluriethnique fondée sur un système de justice sociale et politique. Ainsi se heurtent deux conceptions de l’Histoire, celle des victimes dhimmies, et celle des vainqueurs (du djihad).
Dans leurs guerres séculaires d’émancipation ou de libération, les Serbes orthodoxes trouvèrent en leurs concitoyens musulmans les plus acharnés des adversaires, attachés à leurs privilèges religieux et à leur humiliante domination sur les chrétiens. Durant la Seconde Guerre mondiale, les forces de l’Axe envahirent la Yougoslavie et imposèrent un État croate nazi (Oustachi), auquel collaborèrent des musulmans bosniaques. Sous l’impulsion du mufti de Jérusalem, Amin al Husseini, ils formèrent des corps militaires, comme la 13e (Hanjar) Waffen SS Division.
Ces musulmans slaves participèrent activement à la politique des Croates oustachis et des nazis, dans le génocide de centaines de milliers de Serbes, juifs et Tziganes. Les atrocités commises choquèrent alors même les Allemands. Femmes, enfants, vieillards furent tués à coups de hache, empalés, enterrés vivants, suspendus à des crocs de boucher, ensevelis dans des fosses sous de la chaux vive après avoir été sauvagement mutilés.
Si nos dirigeants se décidaient enfin à appliquer les lois qui existent, si les groupes de pression tiers-mondistes et antiracistes cessaient de donner des espoirs fallacieux aux musulmans les plus intégristes ; les musulmans raisonnables et modérés, qui sont majoritaires, ne demanderaient qu’à vivre pacifiquement.
Note de la rédaction. « Il est vrai qu’une société multiraciale est par définition une société multi raciste et que le multi culturel ne pourra jamais qu’être un stade éphémère ou transitoire de société. Mais le principal problème vient du lent processus d’érosion dans les camps humanistes, démocrates ou républicains, sous les coups de l’antiracisme, ou plus exactement d’un antiracisme mal compris, sans
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réflexion et purement passionnel (la majorité des cas) ; des valeurs liées à la liberté et au respect des droits imprescriptibles de l’homme, de la femme ou de l’enfant. Trop d’antiracisme tue l’antiracisme ». Un non-racialiste convaincu : Pierre de La Crau.
1) Notre mouvement étant totalement non-racialiste (c’est-à-dire en aucune façon obsédé par les questions de race) c’est bien volontiers que nous dirons ici quelques mots à ce sujet.
Mudéjar est le nom donné aux musulmans d’Espagne devenus sujets des royaumes chrétiens après le XIe siècle, pendant la période de tolérance. Les mudéjars parlaient le castillan ; s’ils avaient oublié leur langue maternelle, cependant ils continuèrent d’écrire, mais avec les caractères arabes, d’où le terme Aljamiado.
La Reconquista, qui prend fin en 1492, avec la prise de Grenade, et l’annexion de la Castille, laisse sur le sol espagnol plusieurs centaines de milliers de musulmans. D’après les accords de reddition, les Maures grenadins sont autorisés à conserver leur religion : « Es asentado e acordado que ningún moro o mora no haga fuerza a que se torne cristiano ni cristiana » (« Il est décidé et accordé que l’on ne forcera aucun Maure ni Mauresse à devenir chrétien ou chrétienne… on devra suivre leur volonté à cet égard »).
Certains musulmans, conscients des difficultés de la cohabitation, préfèrent s’exiler ; d’autres vont rester.
Les accords de reddition seront plus ou moins respectés tant que dure l’influence de l’archevêque de Grenade, Hernando de Talavera. Mais un durcissement de l’Église s’opère sous l’influence du cardinal Francisco Jiménez de Cisneros, confesseur d’Isabelle II et archevêque de Tolède (1495). Les pressions fiscales et religieuses conduisent les mudéjars de Grenade à la révolte en 1499. Celle-ci s’étend rapidement aux montagnes alentour.
Après la reprise de contrôle par la couronne de Castille, les mudéjars de Grenade sont contraints à choisir entre la conversion au christianisme et l’exil. En 1502 Cisneros étend la mesure à tout le Royaume de Castille, avec le soutien implicite des Rois Catholiques. En 1526, en représailles à la révolte des Germanias du royaume de Valence, et pour remercier Dieu de l’issue favorable de la bataille de Pavie, Charles Quint ordonne par décret le baptême massif des musulmans de toute la Couronne d’Aragon. Bien que la validité de ces baptêmes soit discutée pendant des décennies, la pratique de l’islam devint dès lors officiellement prohibée dans l’ensemble des territoires espagnols. Les anciens musulmans restés dans la Péninsule et leurs descendants seront désignés sous le nom de morisques.
La répartition des morisques à l’intérieur de l’Espagne est assez irrégulière. D’une présence négligeable en Catalogne, ils représentent environ le huitième de la population de l’Aragon et le quart de la population du royaume de Valence, ils atteignent plus de 55 % dans le royaume de Grenade.
On trouve une noblesse morisque qui garde des titres, des charges et des richesses. Dans les municipalités où persiste une organisation traditionnelle (aljamas), la culture morisque est préservée grâce à la solidarité de tous. Majoritairement crypto-islamiques, les morisques se soumettent extérieurement aux traditions chrétiennes, mais conservent entre eux leur culture et leur tradition d’origine. Par décret passé en 1526, entre l’État et les municipalités morisques, celles-ci obtiennent, contre le versement d’une taxe de 40 000 ducats, l’éloignement du Saint-Office.
La cohabitation entre populations ne parlant pas la même langue et ne partageant pas la même culture devint difficile.
En 1535, sous la pression de Charles Quint, le pape Paul III instaure une condition dite de « pureté du sang » (limpieza de sangre). Toute personne désireuse d’accéder à certaines charges importantes en Espagne devait faire la preuve qu’elle ne possédait pas d’ancêtre juif ou musulman depuis au moins quatre générations. Cette condition deviendra une loi qui ne sera donc abrogée qu’en 1865.
Avec l’arrivée sur le trône de Philippe II, la situation des morisques devient plus précaire. Autour de Philippe II, deux Écoles s’affrontent : certains pensent que l’assimilation des morisques demande du temps, mais finira par aboutir. D’autres penchent plutôt pour une expulsion totale de cette population. Un programme d’expulsion et de reconquête de la terre est mis en place dès 1559. En 1567, des mesures sont prises pour faire perdre aux morisques leur identité culturelle : interdiction du voile, interdiction de la langue arabe, et destruction des textes arabes. Malgré les protestations de certains morisques, qui assurent le roi de leur fidélité, ces lois sont appliquées sans nuance.
Cependant, même répartis dans le reste de l’Espagne, même appauvris et dépossédés de leur terre, les morisques restent une épine dans le pied de l’Église espagnole. Philippe II désireux de s’allier les pays de l’Afrique du Nord contre Barberousse avait fait preuve d’une relative clémence. L’arrivée sur le trône de Philippe III précipite la fin de la population morisque. Sous l’influence du marquis de Denia et du duc de Lerme, Philippe III signe le 22 septembre 1609 le décret d’expulsion de tous les
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morisques d’Espagne. Ce décret, préparé par divers mouvements de troupes, est appliqué avec rapidité, mais aussi intransigeance.
Seules les femmes morisques mariées à de vieux chrétiens sont autorisées à rester. La déportation se fait dans des conditions épouvantables. Hommes, femmes, enfants se rendent à pied de l’intérieur des terres jusqu’aux côtes, contraints de payer eux-mêmes leur nourriture et leur eau. Ils sont ensuite embarqués dans des galères qui les déposent sur les côtes de l’Afrique du Nord. Le nombre de déportés sera si important que les autorités durent faire appel à des transporteurs privés, qui parfois n’attendent même pas d’arriver sur la côte pour débarquer les morisques. Certains auteurs prétendent que les pertes humaines résultant de cette déportation s’élevèrent à 75 %. Jaime Bleda, inquisiteur conseiller du duc de Lerma, signale par exemple que « Il est certain que des milliers de morisques qui quittèrent ce royaume de Valence, même pas le quart survécut ».
HÉRÉSIES ET ORTHODOXIE.
AU DÉBUT FURENT LES GROUPES D’OPPOSITION POLITICO-RELIGIEUX.
(Résumé de la thèse du Docteur Claude Gilliot).
Sectes (en arabe firaq, singulier firqa) : mouvements politico-religieux ou schismes grandis au sein de l’islam qui se distinguèrent de l’idéologie soutenue par le califat sunnite des Abbassides ; et qui firent l’objet, notamment au Xe et au XIIe siècle, de traités présentés aujourd’hui comme des traités d’hérésiographie ; parmi lesquels ceux d’al-Achari, d’Abou Mansour al-Baghdadi (mort en 1038), d’Ibn Hazm, et d’al-Chahrastani.
Utiliser à propos de ces « sectes » les termes d’hérésie et d’hérésiographie est en fait inexact, car ces mouvements aux opinions diverses, nés de rivalités internes et de dissensions, ne furent jamais condamnés par un magistère prétendant à l’orthodoxie. Les savants musulmans du Moyen-âge qui s’intéressèrent à la question se contentaient de les présenter dans leur diversité en justifiant leur entreprise par un hadith attribué à Mahomet : « Ma communauté se divisera en soixante-treize sectes. Toutes iront en enfer, à l’exception d’une seule ».
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Définir la « secte » qui sera sauvée en situant les autres par rapport à elle fut néanmoins l’objectif avoué d’un de ces auteurs (al Baghdadi), alors que les autres prétendaient seulement se livrer à de simples exposés descriptifs.
Les premiers essais pour créer une base commune, un « paradigme » musulman, qui eût résumé l’essentiel de ce qu’est censé être l’islam, sont venus de théologiens qui, plus tard, furent considérés comme déviationnistes. Tels les kharidjites 1), notamment ibadites 2), de Koufa et de Bassora, les mourji’ites 3) de Koufa ou de Bassora, et surtout des qadarites 4) et des moutazilites 5) sans oublier les diverses formes de chiisme. Abou Hanifa (mort en 767) notamment, se rangeait au nombre des « gens de la justice » (ahl al-adl), opposés aux « gens des innovations blâmables » (ahl al-bida) 6) ; il fut compté au nombre des mourji’ites en théologie, mais il n’en est pas moins considéré comme le fondateur de la première « École » juridique sunnite. N’oublions pas non plus le cas des « Haschischins ou Assassins » 7).
On aura compris déjà qu’il convient de renoncer à un schéma simpliste qui voudrait qu’à l’origine il y eut un islam orthodoxe, disons sunnite, censé être fidèle à l’enseignement et aux pratiques du prophète. Et qu’après, suite à des conflits et à des luttes, des sectes diverses seraient nées, qui auraient rompu cette belle unité, idyllique, mythique, dirons-nous.
Au commencement, n’étaient ni le sunnisme ni le chiisme, mais un islam qui se cherchait encore, et qui eût pu être par la suite tout entier sunnite ou tout simplement chiite, ou seulement kharidjite, ou autre encore ! Tout comme d’ailleurs le christianisme eût pu n’être que monophysite, ou arien, ou melkite, ou « catholique ».
Encore une fois, répétons-le, car repetere ars docendi, au début ne fut point une orthodoxie, mais un islam qui se cherchait par conséquent, et qui continua de le faire, surtout durant les quatre premiers siècles de l’ère musulmane. « L’orthodoxie » s’est constituée sur une période assez longue, et sur la base d’un consensus établi par les savants ès sciences religieuses en vue, avec la collaboration (ou parfois contre la volonté) des pouvoirs en place ; et ce, aussi bien dans les communautés chiites que sunnites.
Contrairement à une idée encore bien enracinée, au début de l’islam, il n’y eut pas le sunnisme ; création lente, et somme toute assez tardive, essentiellement survenue en réaction au mou’tazilisme, à la fin du VIIIe ou au début du IXe siècle, voire plus longtemps après encore.
Nous ne pouvons, dans le cadre de ce bref essai sur l’islam, entrer dans les détails, c’est pourquoi nous nous contenterons d’évoquer la première grande division (schisme) qui eut lieu (à propos de la succession de Mahomet).
— On sait, par exemple, que l’un des premiers convertis à l’islam, époux de l’une des filles du premier calife Abou Bakr, al Zoubaïr ibn al-Aouam, après l’assassinat du troisième calife (656), Osman ben Affane ; prit parti contre Ali et s’associa à Talha ibn Oubaïd Allah, lui aussi un des premiers convertis ; qui fut notamment de la commission ayant désigné Omar comme calife. Il espérait bien le devenir lui-même, et l’espéra de nouveau, visiblement, après l’assassinat d’Osman. Les partisans d’al-Zoubaïr, de Talha, et d’Aïcha, furent défaits par ceux d’Ali (chi’at Ali) lors de la bataille dite « du Chameau ». Le gouverneur de Damas, Mou’awiya, réclama vengeance pour le meurtre d’Osman, se fit proclamer calife, et entra donc en conflit ouvert avec Ali, le nouveau calife. Les troupes d’Ali et de Mou’awiya s’affrontèrent lors de la bataille de Siffin en 658. Les soldats d’Ali furent presque vainqueurs, mais ce dernier commit l’erreur d’accepter un arbitrage qui lui fut en définitive défavorable. Cela lui fut reproché par une fraction de ses partisans, qui se séparèrent alors de lui, d’où leur nom, les kharidjites.
— D’autres, semble-t-il, s’abstinrent de se prononcer, autrement dit de condamner Osman, Ali, al-Zoubaïr, Talha, Aïcha, et les autres ; c’est pourquoi l’on dit à leur sujet qu’ils « se sont retirés » (itazala) ou qu’ils ont « différé » leur jugement (arja’a) 8). Avec le temps, mais aussi avec de nouvelles divisions à l’intérieur de ces groupes, vont s’ajouter à cette première « séparation », ou, au contraire, « abstention », des thèses qui, en s’accumulant, finiront par produire divers corps de doctrine théologique, ou même parfois juridique. Toutefois, il n’y eut pas pour autant continuité doctrinale entre les débats initiaux, qui avaient le plus souvent leur origine dans des querelles « politiques » (ou dans des combats pour la succession au gouvernement de la communauté) et les corps de doctrines plus tardifs. C’est pourquoi, par conséquent, à l’appellation « sectes », on préférera celle de « groupes d’opposition politico-religieux ».
La tradition sur les sectes attribuée à Mahomet.
L’islam étant littéralement hanté par le principe de « l’unicité divine », et l’unité de la communauté devant refléter cette « unicité » de Dieu, les divisions à l’intérieur de la communauté ont toujours paru insupportables. En islam, il n’y a que la communauté qui compte, mais l’on ne pouvait ignorer qu’à la génération des Compagnons avait succédé une époque de schisme (furqa) et de « sectes » (firaq).
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On ne s’étonnera donc pas que l’on ait très tôt attribué à Mahomet lui-même le hadith suivant : « Les meilleurs de la communauté sont ceux qui appartiennent à la génération à laquelle je fus envoyé » 9).
Il convenait en effet que Mahomet, par une sorte de prescience divine, ait prévu les divisions à venir !
À la tradition précédemment citée se sont ajoutés d’autres hadiths, toujours attribués à Mahomet lui-même, et qui sont d’importance : « Les juifs se sont divisés en 71 ou 72 sectes, et ma communauté se divisera donc en 73 sectes ». Ou encore : « Les fils d’Israël se sont divisés en 72 sectes. Il en sera de même pour vous, et toutes ces sectes iront en enfer, sauf une ». Voire : « Les juifs se sont divisés en 71 ou 72 sectes ; les chrétiens en 71 ou 72 sectes. Ma communauté se divisera en 73 sectes ».
Dans le Coran, la notion d’opinion individuelle a une connotation très négative, car elle menace l’unité de la communauté : chapitre Nº 11 versets 118 : « Si le Seigneur l’avait voulu, il aurait rassemblé les hommes en une seule communauté. Mais ils ne cessent de diverger (ou de se dresser les uns contre les autres), à l’exception de ceux auxquels le Seigneur a fait miséricorde ». Très tôt cependant circula aussi une parole qui tentait de justifier des dissensions par ailleurs scandaleuses : « Les divergences des Compagnons de l’Envoyé de Dieu sont une preuve de la miséricorde [de Dieu] ». Cette maxime devint même un hadith attribué à Mahomet en personne : « Les divergences de ma communauté sont une preuve de la miséricorde [de Dieu] ».
Ce point de vue fut vigoureusement combattu par les mou’tazilites puisqu’eux prétendaient s’appuyer uniquement sur la raison. Pour le cadi mou’tazilite Abdel Jabbar par exemple (Xe siècle), si Dieu avait créé l’Homme pour la désunion, il l’aurait alors prédéterminé d’office à la damnation, ce qui n’est pas possible !
Des hérésiographes ont tenté de mettre de l’ordre dans l’exposition des divergences théologiques musulmanes. AI Chahrastani, entre autres, pour qui les différences des groupes théologiques islamiques en concurrence pouvaient être ramenées à quatre grands domaines.
1 Les attributs divins et la conception de l’unicité divine.
2 La justice divine et la Providence, en relation particulièrement avec la prédestination et le libre arbitre.
3 La promesse et la menace divines (eschatologie et jugement) et les questions afférentes de la vraie croyance et de la définition du vrai croyant.
4 La révélation, la mission prophétique, et le droit d’être le chef (imam) de la communauté musulmane.
C’est en fonction de ces quatre grands critères qu’AI-Chahrastani a essayé d’ordonner son livre, ou de classer les groupes religieux musulmans (mais aussi non musulmans) ; les qaraïtes, les moutazilites, les sifatiya (ceux qui reconnaissent à Dieu des attributs), les kharidjites (qui se définissaient comme les seuls vrais croyants) et les chiites. Puis il y a aussi ajouté les adeptes de la prédestination ou adeptes de la contrainte divine (jabriya), les mourji’ites ; et les ahl al-fourou (ceux qui traitent de questions dérivées ou qui sont en désaccord sur des jugements légaux ou sur les questions qui requièrent un effort de réflexion personnelle, ijtihad).
Qui est orthodoxe ? Les « gens du hadith », ceux qui rejettent la théologie spéculative et qui prétendent ne dire de Dieu que ce que le Coran et la tradition prophétique en reconnaissent ? La chose n’est pas si simple, car aussi bien des sunnites que des chiites les considèrent souvent aussi comme des adeptes de la prédestination. De très « pieux » transmetteurs de hadiths ont souvent été accusés d’être corporéistes (moujassima) autrement dit anthropomorphistes (moushabbiha), voire d’être des « littéralistes » (hachouiyya). Pourtant, ces « gens du hadith » se sont acquis une bonne réputation dans les milieux sunnites face aux défis politiques lancés par les chiites. C’est pour montrer sa loyauté aux « adhérents de la sunna et de la voie droite » (ahl al-sounna oua I-istiqama) ; que le théologien dialectique al-Achari (mort en 935) rédigera une profession de foi devant répondre à celle du hanbalite « littéraliste » al-Barbahari (mort en 941).
Le juriste hanbalite Ibn Taïmiya (mort en 1328) fut accusé à de nombreuses reprises d’être anthropomorphiste. N’était-il pas descendu un jour de sa chaire pour montrer « comment Dieu peut descendre du ciel ».
Les orthodoxes sont-ils les théologiens dialectiques acharites défenseurs de la sunna (doctrine et pratique de Mahomet de ses compagnons et des « pieux anciens ») ? On pourrait le penser, mais cela est bien trompeur.
Les Ayoubides travaillèrent ardemment à propager l’École juridique chaféite et à la favoriser aux dépens des autres ; c’est ce que fit par exemple Saladin (1169-1193). De plus, ils considéraient l’École théologique acharite comme la seule sounna qu’il convenait de suivre. Les acharites devinrent donc très puissants et en Égypte et en Syrie. Seuls les hanbalites, considérés ici à la fois comme un courant juridique et comme une École théologique opposée à la théologie spéculative, résistèrent à cet assaut. Saladin prit un édit qui devait être lu dans toutes les mosquées, aux termes duquel devait
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être puni quiconque abordait le problème des lettres et des sons ; autrement dit la question de savoir si les lettres ou/et la prononciation du Coran étaient créées ou incréées.
À Damas, à l’époque de l’Ayoubide al-Malik al-Adil Saïf al-Din (1196-1218), sans doute en 1199, le traditionniste Abd al-Ghani al-Maqdisi faillit même être condamné à mort ; pour avoir professé sur les attributs divins et sur le Coran, des opinions que réprouvaient les savants docteurs de la Loi qui recouraient à l’interprétation métaphorique. « Il était attaché à la sunna, selon la règle des Anciens. Il s’exprima sur les attributs de Dieu et sur le Coran d’une manière que réprouvaient ceux des savants qui étaient des partisans de l’interprétation allégorique. Ils le diffamèrent et ils insistèrent pour que l’on rendît licite son exécution ; mais les dirigeants kurdes intervinrent en sa faveur. Il partit en Égypte et y demeura sans s’y faire remarquer jusqu’à sa mort ». La cause de ce bannissement semble avoir été sa doctrine sur la possibilité pour Dieu de descendre sur terre, et sa doctrine sur les attributs divins. On l’accusa de « corporéisme » (c’est-à-dire d’anthropomorphisme en définitive). Selon Sibt Ibn al-Jaouzi, apparemment il y aurait eu accord unanime des docteurs de la Loi, musulmans, pour l’excommunier par une fatoua 10), mais Dhahabi le conteste. Ibn Rajab (mort le 14 juillet 1393) corrige également le point de vue de Sibt Ibn al-Jaouzi, en précisant que cette décision ne fut en réalité prise que par quelques maîtres acharites.
Historiquement parlant, l’orthodoxie s’est donc formée sur une période assez longue, et sur la base d’un certain consensus établi entre savants docteurs de la Loi sunnites et chiites, mais ce fut souvent, il est vrai, en réaction à certains « schismatiques ». Et le moyen le plus couramment utilisé pour constituer ce credo « orthodoxe » fut l’aide des politiques au pouvoir. Les théologiens musulmans de renom ayant réussi à gagner un ou plusieurs souverains à leur cause essayaient de faire éliminer leurs rivaux ; mais l’inverse put se produire aussi, à savoir que des souverains s’appuyaient sur un groupe de théologiens particulier pour faire reculer l’influence des autres.
Avant de tenter d’esquisser une approche du rapport entre l’orthodoxie et l’hétérodoxie en islam, disons maintenant quelques mots de la littérature hérésiographique ou mieux, doxographique, dans cette religion. De manière assez schématique, on peut en l’espèce distinguer trois types d’écrits, mais il s’agit d’une distinction qui tient plus à leurs titres qu’à leur contenu proprement dit, même si chacun d’entre eux a ses spécificités propres.
A) Il y a tout d’abord les écrits appelés Kitab al-maqalat : Livre [exposant] les [différentes] doctrines.
Les plus anciens ouvrages de ce type sont sans doute ceux des kharidjites Yaman b. Ri’ab (ou Rabab) (VIIIe siècle) et Abou Ali Yahya ben Kamil ben Talha, un ibadite (sous-groupe des kharidjites), contemporain du précédent.
Ensuite vient celui du chiite, qui fut aussi un temps mou’tazilite, Abou Issa al-Ouarraq (Xe siècle). Il fut le premier à développer certaines idées dont on peut se demander parfois s’il y adhérait vraiment. C’était un rationaliste pour qui les commandements divins, semble-t-il, pouvaient être déduits de la raison. Il faut dire qu’à l’époque la personne même du prophète (l’homme Mahomet) ne jouait encore qu’un rôle subalterne dans la religion musulmane.
Abou Issa al-Ouarraq pensait que si les grandes figures religieuses d’avant, comme Moïse, avaient eu recours aux artifices de la magie pour convaincre leurs interlocuteurs ; c’était uniquement parce que les hommes de l’époque y croyaient tous plus ou moins, mais qu’il n’y avait aucune raison que Mahomet en personne ait dû y faire appel lui aussi. Abou Issa al-Warraq exprimait aussi des doutes sur la théodicée moutazilite : si Dieu est vraiment bon, alors point n’est besoin qu’il châtie.
Il faut ajouter à la liste de ces auteurs un mou’tazilite bagdadien, Zourqan (mort en 891), qui se réfère à l’occasion à un ouvrage de Hicham ben al-Hakam (mort en 795 ou 796) ; un éminent représentant de la théologie spéculative (kalam) imamite (chiite) de son époque.
Un des plus célèbres Kitab al-Maqalat est celui du mou’tazilite Abou I-Qasim al-Balkhi dit al-Ka’bi (mort en 931), dont le texte a été retrouvé au Yémen et ensuite édité, en 1974.
L’ouvrage que l’on cite le plus est néanmoins celui du théologien dialectique sunnite, qui avait été auparavant mou’tazilite, Abou I-Hassan al-Achari (mort en 935) ; le « Kitab al-Maqalat al-islamiyyin oua khtilaf al-moussallin » [le « Livre exposant les doctrines des musulmans et les divergences des orants »].
B) Les Koutoub al-firaq [les livres des groupes, d’opposition politico-religieuse].
Le chiite duodécimain Abou l-Qassim Sa’d b. Abd Allah al-Ash’ari al-Qummi (mort le 7 août 913) composa un ouvrage qui fut édité, dans le titre duquel se trouvent les termes al-maqalat et al-firaq. Al-Maqalat oua l-firaq (Livre [exposant] les [différentes] doctrines des musulmans et des divers groupes).
À la même époque à peu près, un auteur d’une grande famille chiite, Aboul Qassim Housseïn ibn Rouh al-Naoubakhti, écrivit un livre sur le même sujet, qui a été aussi traduit. Le sunnite acharite, Abou Mansour al-Baghdadi (mort le 14 octobre 1037), a composé, pour sa part un ouvrage intitulé « al-Farq baïn aI-firaq » (la différence entre les sectes ou groupes religieux).
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C) Les ouvrages appelés Koutoub al-Milal oua al-nihal (Les religions et les sectes).
Il convient de mentionner en ce domaine la somme de l’Andalou, homme de lettres, théologien et juriste zahirite, Ibn Tlazm, intitulée : « Le Critère pour distinguer les adeptes des religions, les gens soumis à la passion et les confessions ».
Le grand classique qu’est l’ouvrage du théologien et philosophe de tendance acharite, mais avec des orientations et des opinions ismaéliennes prononcées, al-Chahrastani (mort en 1153), Kitab al–Milal oua al-Nihal, a fait l’objet d’une excellente traduction, savamment annotée, sous le titre de : « Les religions et les sectes ». Son auteur s’y montre un excellent connaisseur, non seulement de l’histoire des courants doctrinaux musulmans, mais même de celle des juifs, des chrétiens, des zoroastriens, des manichéens, etc. Son ouvrage nous permet d’ailleurs également de mieux connaître les diverses doctrines philosophiques des Anciens.
D’autres écrits relèvent peu ou prou des genres présentés ci-dessus, même si leurs titres suggèrent plus une réfutation qu’une exposition de la doctrine des groupes rivaux en présence ; cas entre autres du livre intitulé « Avertissement et réfutation des hommes de passion et d’innovation » d’Abou'l-Husseïn al-Malati (mort en 987).
Est-il besoin de préciser que tout traité de théologie musulmane contient aussi, plus ou moins, des réfutations des thèses théologiques adverses ? Il suffira pour s’en convaincre de consulter les ouvrages édités, ainsi que le gros commentaire coranique de celui qui est considéré comme le fondateur d’un autre courant de théologie spéculative sunnite, différent de celui d’al-Achari : Abou Mansour al-Matouridi (mort en 944). Ils abondent en informations sur les divers groupes religieux.
Enfin, même certains ouvrages des savants docteurs de la Loi, musulmans, les plus opposés à la théologie spéculative (Kalam) constituent également une précieuse source de connaissance de l’histoire des doctrines ; dans la mesure où ils conservent la trace des thèses théologiques disparues qu’ils réfutent, ou de certains textes perdus. Tel fut, par exemple, le juriste, traditioniste et polémiste hanbalite syrien, Ibn Taïmiya (mort le 26 sept. 1328), grand adversaire des théologiens dialectiques, des philosophes, de beaucoup de formes de soufisme, de la religion « populaire », etc. Certains de ses traités ou de ses décisions juridiques et théologiques (fatoua-s) et il y en a beaucoup, sont de véritables mines en ce domaine.
1) Ceux qui sont partis, du verbe arabe kharadj, sortir. Désignent les partisans d’Ali, de la première heure, mais l’ayant ensuite abandonné.
2) Secte kharidjite réunissant de nombreux musulmans non arabes, dont des Berbères.
3) Ceux qui réservent le jugement à Dieu. Seul Dieu peut juger, et jugera le jour du jugement dernier, ce qui est le vrai et le faux en Islam et personne ne peut juger qu’un autre est infidèle. Pour eux le libre arbitre est limité c’est-à-dire que l’homme est en partie contraint à ses actes. La foi suffit à sauver les pécheurs de l’enfer, la foi étant plus importante que les actes, que ce que les circonstances amènent à vivre. Ils s’opposent donc aux kharidjites.
4) Les qadarites furent appelés ainsi par leurs adversaires parce qu’ils professaient qu’il n’y a pas de prédestination, divine, des actes humains ; parce qu’ils étaient censés dire qu’il n’y a pas de qadar (de prédestination) des actes. Toutefois, dans certains textes, ce sont les adeptes de la prédestination qui sont au contraire qualifiés de qadarites, ou professant le qadar, autrement dit la prédétermination des actes humains. Quant aux mou4tazilites, adhérant, eux aussi, au libre arbitre, ils se sont donnés à voir dans la continuité des qadarites que pour mieux asseoir le principe de l’antiquité de leur doctrine face à leurs adversaires ; sans que leurs articles de foi se limitassent à ce seul principe théologique.
5) Les rationalistes de l’islam.
6) Un autre des péchés graves dans l’islam est en effet la bidah ou nouveauté (par rapport à la tradition, autrement dit l’hérésie). Le terme bidah, idée nouvelle (hérésie) désigne toute innovation en général. Dans le contexte religieux de l’islam sunnite, l’innovation est suspecte, car elle ne respecte pas les prescriptions de Dieu ou de Mahomet, mais détourne les croyants de la pratique religieuse telle qu’elle a été fixée. La révélation ayant pris fin avec la mort de Mahomet, aucun ajout à la religion ne peut être toléré.
« Voici mon chemin dans toute sa rectitude, suivez-le donc ; et ne suivez pas les sentiers qui vous écarteraient de sa voie ». Le Coran (6, 153).
Un hadith est plus explicite encore. Le Prophète a dit : « le Livre de Dieu véhicule le discours le plus vrai, et l’enseignement de Mahomet demeure le meilleur, les nouvelles pratiques sont donc les pires ».
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Ou encore : « Quiconque introduit dans notre religion quelque chose qui lui est incontestablement étranger, le verra rejeté » (Hadith rapporté par al-Boukhari tome 3, livre 49, sous le nº 861et par al-Muslim sous le nº 1718).
La commémoration de la naissance de Mahomet elle-même, la fête du Mouloud, est par exemple considérée par les oulémas séoudiens comme une hérésie condamnable, car elle ne fut ni instituée par le Prophète ni par ses compagnons. En conséquence de quoi ils voient dans cette pratique, à juste titre d’ailleurs, une imitation de la célébration chrétienne de la naissance du Christ : Noël.
7) Littéralement « amateurs de haschich ». Ce terme désigne, à l’origine, la secte ismaélienne des nizarites, qui a sévi en Syrie et en Perse pendant plus de deux siècles, et qui terrorisait, pillait ou assassinait, sans contrôle ni vergogne. Leur chef spirituel portait le nom de Hassan as-Sabbah, et il était surnommé le « Vieux de la Montagne » (né au milieu du XIe siècle et mort en 1124), dit également le « Maître d’Alamout ». II deviendra le « gourou » de cette Nouvelle Prédication (Daoua djadida), par la Preuve Tangible (Houdja) et utilisera le chanvre indien pour manipuler ses troupes ou les lancer dans des expéditions punitives contre les gouvernants de l’époque. Pour le vieux as-Sabbah, l’assassinat était la seule manière de faire triompher la vraie religion. Les Assassins ne regroupèrent cependant au maximum que quelques centaines d’hommes à qui l’on promettait un Éden bien plus illusoire que les paradis artificiels auxquels ils s’adonnaient.
8) Le terme désigne à l’origine le mouvement politico-religieux, constitué de partisans de « l’abstention » (irja) ; c’est-à-dire de ceux qui pensaient que les musulmans devaient s’abstenir de proclamer leur solidarité, ou leur réprobation, à l’égard d’Osman, d’Ali, de Talha et d’al-Zoubeïr. La dénomination engloba par suite ceux qui identifiaient la croyance à l’adhésion intérieure ou à la profession de foi, à l’exclusion des œuvres. Pour eux, les œuvres ne faisaient pas partie de la foi. Il est néanmoins difficile de voir une réelle continuité « doctrinale » entre ce que les auteurs musulmans appellent « la première mourjia » et ceux qui, par la suite, séparèrent les œuvres de la foi.
9) Ce hadith est bien sûr complètement faux, et jamais Mahomet n’a pu tenir de tels propos. Mais par la suite on a idolâtré Mahomet au point de lui attribuer toutes les pseudo-prophéties qui suivent. Comme s’il avait pu prévoir la suite des événements !
10) Certains savants musulmans allèrent voir le gouverneur de la citadelle et lui dirent : « Abd al-Ghani al-Maqdisi égare le peuple ; il professe l’assimilationnisme ». Ils lui reprochèrent encore diverses déclarations sur la question des lettres et des sons du Coran. Persister à voir dans l’essence même de Dieu la possibilité pour lui de descendre sur terre, c’est affirmer de Dieu qu’il peut se déplacer. Mais quant à la question des lettres et des sons, du Coran, ce qu’il dit n’est pas attesté chez Ibn Hanbal ; il a seulement dit que le Coran était la parole de Dieu, c’est-à-dire non créée. Le commandant de la citadelle ordonna donc que l’on brisât sa chaire, et il partit à Baalbek, puis en Égypte ; où les savants émirent à son sujet une décision juridique [fatoua] déclarant qu’il corrompait les croyances du peuple, qu’il professait l’anthropomorphisme, et par conséquent que l’on pouvait verser son sang. D’après Sibt ibn al-Jaouzi les docteurs de la Croyance furent tous d’accord avec cette fatoua.
LES DEUX INQUISITIONS MUSULMANES.
LA POLICE DES MŒURS OU HISBA.
Nous pouvons aussi faire remonter à Mahomet la police des mœurs appelée Hisba destinée à ordonner le bien ou interdire le mal selon l’islam c’est-à-dire à sanctionner toute violation de la morale musulmane (essentiellement pour ce qui est du commerce au début, puis des mœurs par la suite).
À ne pas confondre avec…
LA MIHNA (833-851).
En arabe Mihnat khalaq al-Quran « épreuve [concernant] la création du Coran »).
Il s’agit en fait d’une période de quinze ans où la Hisba aura vu ses compétences élargies sur décision du calife Al-Mamoun qui y introduisit une loi sur l’apostasie et, par ricochet, la version inquisitoriale de la hisba.
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LES PRÉCÉDENTS.
Au début du règne du calife Al-Mandi (775 – 785) apparut le premier mouhtasib, contrôleur des prix ; chargé de la hisba, dont la mission consistait à traquer les apostats et les autres hérétiques. Ce calife inventa une nouvelle dialectique en ce domaine, et ordonna de composer des livres de répliques à opposer aux athées ou aux hérétiques.
La répression des hérésies en islam (zindiq = hérétique) est un chapitre de l’histoire musulmane très peu connu en Occident. Pour l’islam, l’hérétique (=zindiq, plur. zanadiqa) doit être puni de mort, comme tout individu qui quitte la communauté islamique, l’oumma.
Le terme zindiq fut d’abord appliqué à ceux qui adhéraient aux doctrines dualistes inspirées des religions iraniennes, comme le manichéisme, tout en professant l’islam. Le zindiq était par conséquent un hérétique, coupable de zandaqa (hérésie). Cette expression fut plus tard employée pour désigner tous ceux qui s’écartaient de l’orthodoxie, ou dont les croyances étaient susceptibles de menacer l’ordre public.
Ces hérétiques appartiennent en général aux vieilles familles persanes assimilées par l’islam qui, suivant le même chemin que la chou’oubiya (une secte politico sociale à tendance nationaliste), trouvent un intérêt à la renaissance des traditions religieuses perses ; et qui, de ce point de vue, réagissent contre le caractère purement arabe du système musulman. Ensuite, ce sont des libres penseurs, qui s’érigent contre le despotisme du dogme islamique, et qui ne reconnaissent que la loi morale. Parmi ces derniers, il existe une sorte d’ascétisme monastique étranger à l’islam, qui s’explique par l’influence du bouddhisme.
Curieusement pourtant, ne furent déclarés tels, que les opposants au calife en place, ainsi que le prouve l’impunité accordée par Haroun al-Rachid (786 – 809) à un hérétique notoire comme Abou al-Atahiya ; alors qu’il évincera par contre la puissante famille des Barmécides en se servant de ce grief. On peut donc considérer que dans chacun de ces cas, la hisba s’est révélée être en réalité un instrument de répression politique, sous couvert de crime contre Dieu ou contre le peuple.
Le premier hérétique à avoir été mis à mort fut un dénommé Djab Ibn Dirham. Il fut exécuté vers 742. Il y en eut, hélas, bien d’autres : Ibn Al Mouqaffa (exécuté en 760), Ibn Abi-l-Aouja (exécuté en 772), Salih Abd Al-Qouddous (exécuté en 783), Hammad Ajrad. Ce ne sont que quelques noms. Bien d’autres encore furent victimes du totalitarisme islamique, et payèrent souvent de leur vie leur liberté de penser (cf. Athéisme et libre pensée dans le monde arabe. Philippe Zuckerman).
La notion de zindiq a fini par englober toutes sortes de libres penseurs, athées ou matérialistes. Averroès lui-même fut exilé pour hérésie, et ses livres brûlés en public à Cordoue (déjà ! Quand ils entendent le mot culture, ils sortent leur revolver !). Ce n’était pourtant pas un mauvais musulman. Il souscrivait à la déportation pour les chrétiens suspects de sympathie envers la Reconquista de leurs frères ; et de durs châtiments corporels pour les musulmans de fraîche date, considérés comme des sujets de seconde zone ou des musulmans inférieurs : les maouali ou mouladi (de l’arabe mouwalladun), gardant quelques habitudes « chrétiennes ».
LA MIHNA.
Les faits, d’après Christian DÉCOBERT (L’AUTORITÉ RELIGIEUSE AUX PREMIERS SIÈCLES DE L’ISLAM).
Al-Ma’moûn avait eu un règne difficile, à lutter d’abord contre son frère al-Amîn pour la suprématie sur le territoire impérial, à combattre les révoltes locales de populations soumises, en Syrie, Irak, Égypte, à contrôler les légitimistes `abbassides après son rapprochement avec le parti des `Alides. Au terme de ce règne mouvementé, l’unité de l’empire était cependant assurée, les révoltes avaient été réprimées, les légitimistes s’étaient assagis. Au début de l’année 833, al-Ma’moûn était à Raqqa, sur l’Euphrate. Il décida d’écrire à Ishâq ibn Ibrâhîm, son représentant à Bagdad, d’interroger les cadis de la cité sur la question de la création du Coran. La lettre disait en substance ceci : la religion de Dieu doit, en droit, être accomplie en tout point et la vraie croyance doit triompher ; en particulier, la croyance au fait que le Coran est créé, car il est dit dans le Texte même : « Nous en avons fait un Coran arabe » (XLIII, 3) ; les vulgaires (al-âmma trompent les croyants en prétendant que le Coran est prééternel (qadîmawoual), incréé ; ces vulgaires croient faire lien avec la sunna et se disent ainsi les gens de la vraie religion, de la vérité du droit, alors qu’ils ne sont que le peuple de l’incroyance, la « langue du diable »… Une autre lettre d’al-Ma’moûn arriva à Ishâq, lui enjoignant de lui envoyer sept traditionnistes (spécialistes des hadiths) éminents. Ce qui fut fait. Les traditionnistes, ayant accepté de professer que le Coran avant été créé, purent rentrer chez eux. De semblables lettres furent expédiées en Égypte, en Syrie.
L’AFFAIRE HANBAL.
À Bagdad, où de nouveaux traditionnistes et jurisconsultes étaient interrogés – rudement parfois, d’où le nom que l’on donna à l’événement, mihna « épreuve » –, il y eut quelque résistance : deux
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hommes, Ahmad ibn Hanbal et Muhammad ibn Noûh, déclarèrent que le Coran était incréé. Enchaînés, ils furent envoyés à Tartous, où se trouvait désormais al-Ma’moûn, au retour d’une campagne guerrière contre Byzance. Mais la nouvelle de la mort du calife arriva : on les renvoya à Bagdad. Muhammad ibn Noûh s’éteignit en chemin ; arrivé à Bagdad, Ahmad ibn Hanbal fut jeté en prison. Le frère d’al-Ma’moûn, al Mou’tasim (833-842), lui succéda. Bien que moins préoccupé qu’al-Ma’moûn de faire appliquer rigoureusement le dogme de la création du Coran, il maintint Ibn Hanbal en prison, et pour deux ans et demi. Ibn Hanbal fut flagellé, au terme de cette « épreuve » on le libéra : avait-il enfin cédé et déclaré que le Coran était créé, comme beaucoup d’historiographes l’ont cru ? Avait-il, au contraire, été relâché sous la pression de la foule de Bagdad qui le supportait ? La vraie raison importe peu ici. La Mihna dura encore, mais de plus en plus mollement. Al-Ouathîq (842-847), fils d’al-Mou’tasim, avait d’autres chats à fouetter, comme le mouvement de sécession d’Ahmad ibn al-Aghlab en Ifriqiyya (l’actuelle Tunisie). Et al-Moutaouakkil, frère d’al-Ouathîq, mit fin à l’épisode dès son arrivée au pouvoir, on ne parla plus du Coran. Les derniers lettrés emprisonnés furent libérés, les « martyrs » réhabilités. La doctrine de la nature incréée du Coran s’imposait, définitivement, dans l’Islam.
FIN DE LA MIHNA ET RETOUR À LA HISBA ORIGINELLE.
Les chercheurs attribuent la Mihna à l’association étroite d’al-Ma'moun avec les principaux Mou'tazilites de l’époque. Parmi les Mou'tazilites, al-Ma'moun nomma à des postes élevés au sein de son administration Ahmed ibn Abi Dou'ad, un Mou'tazilite éminent qui est par la suite devenu grand cadi. En raison des antécédents d’Ibn Abi Dou'ad en tant que chercheur des principes théologiques à travers l’argumentation rationnelle et de son plaidoyer vigoureux envers la Mihna sous les deux califes suivants, certains chercheurs ont conclu que son influence a finalement amené al-Ma'moun à agir et à mettre en œuvre la Mihna au cours de la dernière année de sa vie.
Mais ce ne fut peut-être qu’une conséquence de l’évolution des idées religieuses d’al-Mamoun.
D’autres chercheurs attribuent cette évolution intellectuelle d’al-Mamoun à ses penchants chiites. Il aurait en fait agi en imam.
Les récentes recherches sur la Mihna suggèrent qu’al-Ma'moun a peut-être tout simplement utilisé la question du Coran créé ou incréé comme une occasion pour réaffirmer l’autorité califale sur les questions religieuses.
L’abandon de cette politique vers 850 signera la fin des prétentions califales en matière d’orthodoxie religieuse et mettra donc fin à ce deuxième cas de persécution spécifiquement religieuse dans cette région du monde (5 siècles après celles de Dèce et Dioclétien). APPARITION D’ÉCOLES DE DROIT (RELIGIEUX) INDÉPENDANTES DE L’ÉTAT CENTRAL(MADAHIB) DONC DIVERSES. LES CALIFES SE DÉSINTÉRESSENT DE NOUVEAU DE L’ISLAM EN TANT QUE RELIGION.
LE PROBLÈME DE LA HISBA ET DE LA LAÏCITÉ.
Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.
Titre Ier : Principes. Article 1 « … restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public ».
Article 2. La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. En conséquence… »
Le problème est insoluble dans une construction politique s’interdisant par définition et constitutionnellement parlant toute immixtion dans le domaine religieux ; puisque l’islam n’est pas originellement et majoritairement (sunnisme et chiisme confondus) * UNE RELIGION (voir note ** en bas de page).
Au sens où on l’entend habituellement dans la pensée indo-européenne ou occidentale.
Et ce pour trois raisons.
Mais une façon de vivre voire une politique (notamment pour ce qui est des relations extérieures de la Communauté musulmane appelée Oumma).
La première est que Mahomet n’a jamais entendu fonder une religion, une nouvelle religion, mais réformer une religion préexistante (le judéo-christianisme). Autant qu’on puisse le savoir au travers du Coran des hadiths et de sa vie. Transmis par les générations qui l’ont suivi.
La meilleure des preuves est qu’il a autorisé les juifs et les chrétiens à pratiquer leur culte. Sous conditions (le statut de dhimmi c’est-à-dire de citoyen de seconde zone).
La deuxième de ces raisons est que Mahomet, s’il a commencé par être « dans l’opposition » à La Mecque, la cité de son enfance, est mort chef d’État, chef de la cité-État de Yathrib/Médine. L’islam n’a donc passé que fort peu de temps dans l’opposition (12 ans ?). À la différence du christianisme qui n’est devenu religion officielle en Arménie qu’en 301 ? c’est-à-dire trois siècles après. Il n’a d’ailleurs été légalisé dans le reste de l’Empire romain qu’en 313 et n’est devenu religion d’État qu’en 324.
La troisième de ces raisons enfin, et c’est sans doute une conséquence de la première, est que le christianisme, même si ce ne fut pas forcément ce que voulait son fondateur (voir sa condamnation
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par les autorités romaines pour s’être voulu « roi des juifs ») a dès le début, dès qu’il s’est séparé du judaïsme, soigneusement distingué le plan spirituel du plan temporel. Et différents passages des quatre évangiles étayent donc cette distinction. Le plus connu étant le fameux « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » (Matthieu 22, 21). Mais il en existe quelques autres (Matthieu 6, 1 à 18 : se retirer dans sa chambre pour prier, jeûner en secret, etc.).
La distinction entre spirituel et temporel existe donc depuis toujours, non dans l’ADN du judaïsme certes, mais dans l’ADN du christianisme.
Or il en a été tout autrement pour l’islam. À la différence de Jésus à Jérusalem, Mahomet, lui, à Yathrib/Médine, l’a rapidement emporté sur les juifs et les mounafiqoun, et il n’est pas mort crucifié, mais dans son lit comme Louis XIV en chef d’État respecté, voire craint, dans tout l’ouest de l’Arabie.
Quatre passages du Coran interdisent d’ailleurs toute distinction entre temporel et spirituel, ce sont les versets suivants, qui demandent aux musulmans d’interdire le mal et d’ordonner le bien (toujours selon le Coran) : 3,104 ; 3,110 ; 7,199 ; 9,71… C’est ce que l’on appelle la hissa, un devoir dont l’exécution peut être individuelle (fard al-'aïn) soit collective (fard al-kifaya) par délégation à des autorités compétentes.
En fait dans une construction politique s’interdisant par définition et constitutionnellement parlant toute immixtion dans le domaine religieux ; ce ne serait pas à l’État d’intervenir en changeant le contenu et le fond de la religion en question afin de l’adapter à ses exigences ; mais aux partis dans l’opposition et aux intellectuels voire à l’extrême limite aux enseignements du fait religieux dans les écoles, de la relativiser dans l’esprit de leurs concitoyens, en cultivant à son égard la plus vive des libres pensées athées ou agnostiques. Comme l’a fait jadis vis-à-vis du christianisme la philosophie des lumières d’antan par exemple. Or le problème et on y revient justement, c’est que dans notre pays l’immense majorité des intellectuels et des opposants politiques n’est nullement disposée à le faire, voire fait tout le contraire. C’est tout juste s’il ne faut pas s’excuser de ne pas être de ne plus être de ne jamais être, musulman ; de ne pas être séduit par l’islam, de ne pas envisager de se convertir. Je préfère le discours de Jean Jaurès sur l’idée de Dieu (12 février 1895 applaudissement).
Conclusion d’étape donc. Dans l’inconscient d’un arabophone de naissance, la religion c’est une loi, UNE DIN.
L’immense et ultra dangereuse différence entre l’islam et les autres religions, et qui change tout, c’est que l’islam touche beaucoup plus d’aspects de la vie privée ou personnelle (nourriture hygiène adoptions mariages héritage métiers finances, etc.) que les autres religions (à l’exception du judaïsme ultra-orthodoxe des Haredim, qui lui ressemble beaucoup du fait de l’arrivée à Yathrib de Mahomet en 622).
C’est en quelque sorte le plus abouti des systèmes totalitaires.
On nous a jadis reproché d’avoir comparé la Hisba ou police des mœurs islamiques à la Guépéou et aux goulags soviétiques (nombre des victimes de 1917 à 1991, 18 millions de zeks ou détenus, 3 millions de morts).
Mais il importe à cet égard de distinguer deux choses différentes, le nombre des victimes et les raisons de leur incarcération ou mise à mort.
20 Décembre 1917 création de la Tchéka qui deviendra en 1922 la Guépéou (Guépéou pas Gestapo)
Raymond Duguet en 1927 diffuse hors de Russie les premiers témoignages dans son ouvrage consacré aux îles Solovki. Le travail était payé en nourriture :800 g de pain et 80 g de viande pour les éléments les plus robustes ; 400 g de pain et 40 g de viande pour les moins valides. Exécutions d’une balle dans la nuque.
Taux de mortalité à la Kolyma de 1937 à 1938 10 % des zeks.
D’après Alexandre Zinoviev en effet de nombreuses personnes furent envoyées au Goulag pour des faits que l’on pourrait qualifier d’anecdotiques, absurdes et sans intérêt (avoir posé une veste sur un buste de Lénine parce qu’il n’y avait pas de porte-manteau dans la pièce, ou avoir enveloppé du poisson dans un journal représentant Staline), voire sans accusation motivée, simplement parce que les sections locales de la Tchéka-GPU-NKVD avaient un « plan d’arrestations » à tenir.
À comparer au nombre des victimes de l’Inquisition médiévale exécutées par le pouvoir séculier qui à l’époque savait ce qu’il avait à faire en cas de condamnation par l’Église. Selon les chiffres des sentences de Bernard Gui, inquisiteur à Toulouse pendant 15 ans, de 1308 à 1323, sur 633 sentences, seules 40 personnes sont remises au bras séculier, donc au bûcher (l’Inquisition qui ne peut en théorie pratiquer la peine de mort envoie le condamné à la justice laïque). Dès la fin du XIIIe siècle, le bûcher est de plus en plus exceptionnel ; il est aussi le signe de l’échec de l’Église, incapable de ramener les âmes perdues.
Pour ce qui est du nombre des victimes la comparaison entre Hisba et Inquisition est difficile pour deux raisons.
La première raison est qu’il y a eu quatre Inquisitions différentes.
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— L’Inquisition médiévale, introduite devant les tribunaux ecclésiastiques par le pape Grégoire IX en 1231 ;
— L’Inquisition espagnole, inféodée à la couronne d’Espagne, fondée en 1478 et supprimée en 1834, et l’Inquisition portugaise, inféodée à celle du Portugal, lesquelles opéraient aussi dans les colonies de ces pays ;
— L’Inquisition romaine (Congrégation de l’Inquisition romaine et universelle), fondée en 1542, remplacée par la Sacrée Congrégation du Saint-Office en 1908.
La deuxième raison est que dans l’imaginaire collectif l’Inquisition a fait des millions de morts ce qui n’est pas le cas de la Hisba.
--Par contre pour ce qui est du nombre de victimes justement les points comparaison seraient peut-être plutôt à rechercher du côté de la Gestapo [nous ne parlons pas ici de la Shoah qui, de la Shoah par balles des Einsatzgruppen aux chambres à gaz, a fait entre 5 millions (Raoul Hilberg) et 6 millions (chiffre symbolique) de morts, et qui plus est morts dans des conditions atroces : les malheureux ont en effet vécu l’enfer sur terre], car contrairement aux idées reçues, la Gestapo ne fut pas une police omniprésente et omnipotente (Chris. McNab, The SS : 1923–1945. Amber Books Ltd. Page 163).
L’image d’Épinal (sic) de la Gestapo ayant des yeux et des oreilles partout et faisant régner la terreur sur la société allemande est rejetée par de nombreux historiens qui considèrent que c’est un mythe inventé après la guerre afin d’oblitérer la complicité généralisée de la société allemande de cette époque.
Detlev Peukert, Robert Gellately, Reinhard Mann, Inge Marssolek, René Otto, Klaus-Michael Mallamann et Paul Gerhard, en étudiant de façon concrète ce que faisaient les bureaux locaux, ont montré que la Gestapo dépendait presque entièrement des dénonciations des Allemands ordinaires, et ont récusé la théorie du « Big Brother » qui avait cours antérieurement.
Sur les 84 cas de Rassenschande (« souillure raciale » – relations sexuelles avec des non-Aryens) ayant fait l’objet d’une procédure à Würzbourg…
45 (54 %) l’ont été en réponse à des dénonciations venant de citoyens ordinaires.
2 (2 %) suite à des informations fournies par d’autres ministères.
20 (24 %) suite à des informations fournies par la Gestapo.
*Le soufisme est un courant religieux ultra minoritaire plus ou moins considéré comme hérétique et n’est pas plus représentatif de l’islam que le Coran des mormons ou des Témoins de Jéhovah ne le sont du christianisme. Quant au moutazilisme n’en parlons plus, il a disparu au XIIe siècle avec la fermeture des portes de l’ijtihâd.
**Note sémantique. La notion de religion est difficile à cerner dans notre civilisation. Tout comme dans d’autres d’ailleurs, où on n’a pour le dire que des synonymes de tradition, coutume, etc.… Disons pour faciliter les choses que nous la définirons ici comme une spiritualité personnelle. La Transcendance qu’un individu peut reconnaître.
Or il n’en va pas de même dans les langues sémitiques où le terme pour désigner la religion est DIN ; littéralement LA LOI. Hébreux Din, Dat, Dini-kashrout = les lois de la kashrout= les lois alimentaires.
Le judaïsme c’est donc LA LOI DE MOÏSE.
Idem en arabe où Dîn peut désigner la pratique religieuse et la religion dans toute sa globalité.
En revanche dans le Coran quand l’islam est appelé « religion d’Abraham » le mot utilisé est milla et non dîn.
NDLR. Un des slogans du GIA algérien était al-islam din oua daoula, « l’islam est à la fois religion et État ».
ÉPITAPHE.
Le sang répandu, de Federico Garcia Lorca (traduit de l’espagnol).
Oh ! Mur blanc d’Espagne !
Oh ! Noir taureau de douleur !
Oh ! Sang dur d’Ignacio !
Oh ! Rossignol de ses veines !
Non ! Je ne veux pas le voir !
Il n’est pas de calice qui le contienne,
Ni d’hirondelles qui le boivent,
Ni givre de lumière qui le glace, ni chant, ni déluge de lis,
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Il n’est de cristal qui le couvre d’argent.
Non ! Je ne veux pas le voir !!
La plupart des crimes se soldent ainsi : nous connaissons la victime, mais le criminel reste inconnu.
Le phénomène est souvent dû à des biais cognitifs qui sont à notre cerveau ce que les taches de Mariotte sont à l’œil.
Proverbe chinois.
Il y a longtemps, très longtemps, un célèbre poète de la dynastie des Song, Sou Shi (1037-1101) escalada le mont Lushan. Il en découvrit toutes les splendeurs sauf après être arrivé au sommet, à cause du brouillard. D’où son célèbre poème.
La montagne apparaît sous différents angles,
De loin ou de près, haut et bas varient.
Le vrai visage du mont Lu reste inconnu
À celui qui s’y trouve.
Conclusion : Se tenir proche d’une montagne vous empêche de voir la montagne. Dit autrement quand on est sur une montagne, on ne peut la voir en entier, et on passe à côté de sa beauté.
Enfin quand la montagne est belle évidemment aurait pu préciser Jean Ferrat (une chanson admirable des années 1960), mais le même raisonnement marche si elle est moche, couverte de détritus laissés par les touristes, défigurée par le béton les routes inutiles et les stations de ski.
Plus près de chez nous, il y a aussi le proverbe qui nous parle de L’ARBRE QUI CACHE LA FORÊT. Une métaphore qui rappelle que, dans la vie, il arrive parfois qu’un détail capte notre attention et nous empêche de voir quelque chose de plus ample, de plus global. Les détails font perdre de vue l’ensemble. Si on colle à un arbre précis (les détails) on ne voit plus les autres arbres de la forêt (l’ensemble).
La victimologie primaire est une discipline multidisciplinaire où l’analyse de la victime s’étudie dans sa globalité, mais aussi dans ses dimensions individuelles afin de comprendre, prévenir, favoriser le rétablissement de la victime, tout comme de son entourage.
La victimologie secondaire a pour but d’identifier le ou les agresseurs afin de les mettre le plus rapidement possible hors d’état de nuire, le soigner ou le punir, faire ce qu’il faut pour que cela ne se reproduise pas.
En matière criminelle les détails n’ont alors qu’un seul intérêt, dresser un portrait-robot du criminel afin de pouvoir le mettre le plus rapidement possible hors d’état de nuire et l’arsenal technique employé par la police scientifique a pour but de répondre à trois questions principales :
Que s’est-il passé sur la scène de crime ?
Pourquoi ces événements se sont-ils produits ?
Quel type de personnes a pu commettre de tels gestes ?
Benjamin Mendelsohn (1900-1998) dans un article publié en 1937 dans la Revue de droit pénal et de criminologie a classé les victimes en 6 catégories dont seule la première a fait l’unanimité, de l’innocente, définie comme étant vraiment innocente ou s’étant trouvée à la mauvaise place au mauvais moment à 5 autres catégories, englobant la plupart des victimes, qui auraient plus ou moins contribué à leur propre victimisation. Cette notion a été très controversée et a mené à l’état statique dans lequel se trouve la victimologie aujourd’hui.
Pourquoi donc vouloir recueillir des données personnelles sur la victime si ce n’est pour tenter de majorer la responsabilité de la victime et minorer la culpabilité de l’agresseur dans le passage à l’acte ?
Mais il ne faut pas oublier qu’à la différence de la victimologie primaire, la victimologie secondaire, elle, en liaison avec la méthode de profilage déductive n’a de sens et d’utilité que dans la perspective d’une rapide mise hors d’état de nuire de l’agresseur et de son traitement afin d’éviter toute récidive.
Et pour cela évidemment la typologie des victimes (qui sont les premières victimes ? Les mécréants les chrétiens les musulmans eux-mêmes) a certes de l’importance ; mais cette empathie pour la première victime ne doit pas faire oublier aux spécialistes du profilage des idéologies religieuses criminelles que nous sommes ; que ce qui importe en fin de compte au bout du bout : C’EST D’IDENTIFIER ET DE METTRE HORS D’ÉTAT DE NUIRE… le coupable !
Faire appel à l’émotion en ne parlant que des victimes (musulmanes chrétiennes ou tout simplement athées ?) et jamais du coupable par peur de stigmatiser ou de faire de l’amalgame, déclencher des chasses à l’homme déplacées ou se trompant de cibles ; est certes un louable souci, mais ce sophisme NE PEUT…
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— Que rendre impossible l’arrestation du coupable ou du moins la retarder considérablement ; et donc lui laisser le temps de faire encore d’autres victimes. Or les victimes ne devraient être que le doigt vengeur ou accusateur pointant dans la direction du coupable.
Ci-dessous pour mémoire ce que devrait être la position véritablement monothéiste, exempte de toute hargne de tout ressentiment de tout complexe d’infériorité de toute jalousie de tout besoin de revanche, bref philosophique et réfléchie.
« Même ceux qui rendent un culte à d’autres dieux que moi, et qui leur sacrifient avec ferveur, me rendent aussi par là même hommage, ô fils de Kounti, bien que ce soit en dehors des règles. Car je suis le seul véritable bénéficiaire et seul seigneur de tout sacrifice même s’ils l’ignorent en vérité. Qui m’offre avec dévotion ne serait-ce qu’une feuille, une fleur, un fruit, de l’eau, cette offrande faite d’une âme pure eh bien je l’accepte. Car je suis le même pour tous et personne n’est spécialement haï ou élu par moi. Mais ceux qui m’aiment avec dévotion demeurent en moi et moi je suis en eux » (Bhagavad Gita, dialogue entre le dieu Krishna/Vishnou et le prince Arjouna).
Pierre de La Crau n’a rien découvert d’inédit ni d’inouï à propos des origines de ce mal. Dieu, ou plus exactement une certaine idée de Dieu, a toujours été le plus grand des communs diviseurs de l’Humanité
Plus précisément certains versets du Coran suivis littéralement pour ne pas dire aveuglément, en tout cas sans interprétation nous amenant loin du sens initial ou traditionnel ; le tout systématisé explicité et justifié par les nouveaux kharidjites, certains théoriciens du Djihad ou certains takfiristes (salafisme d’action).
Le danger extrême de tous ces islams politiques c’est que, comme leur ancêtre kharidjite, ils peuvent avoir un aspect séduisant, un idéal révolutionnaire bien en phase avec les idées qui travaillent nos sociétés (contestation des pouvoirs bourgeois en place, refus des compromis, anti racisme, etc.) pouvant attirer la jeunesse. Pour le kharidjisme en effet tous les hommes sont égaux et le chef de la communauté doit être le meilleur, « fût-il un esclave noir ». Si ce n’est pas le cas il doit être éliminé, comme Ali en 661.
Le livre de Pierre de La Crau ne contient donc aucun fait nouveau.
Tout est connu depuis longtemps, à part certains détails.
L’existence à l’époque de millions de chrétiens arabes dans ce qui allait devenir la Jordanie la Syrie ou l’Irak (ce sont même les chrétiens d’Hira qui ont mis au point l’écriture arabe) a permis de comprendre et d’apprécier sans équivoque dès cette époque les divers versets du Coran.
Les raisons pour lesquelles à de rares lucides et courageuses exceptions près, qui vont évidemment heureusement maintenant… se multiplier ; l’immense majorité de ceux qui savent (cocher la case : évêques journalistes hommes politiques abbés auteurs de livres curés sportifs artistes, etc.…) et qui n’ont qu’un seul défaut, leur pauvreté ou leur dénuement (car ils donnent tout aux SDF), mais à qui la volonté de résister avec courage comme en 1940, ne manque pas, n’a rien dit, ou dit le contraire, sont les suivantes……
Pour ce qui est des musulmans très pieux très croyants très pratiquants (nous ne parlons pas ici donc des « mauvais » musulmans, c’est-à-dire de ceux qui mangent et boivent un peu de tout, qui ne font pas leur prière tous les jours, etc., etc. en bref de l’équivalent des juifs de Kippour ou des chrétiens qui ne vont à l’église que pour se marier faire baptiser leurs rejetons ou enterrer leurs morts) IL Y LIEU DE DISTINGUER LES QUIÉTISTES DES TAKFIRISTES OU DJIHADISTES.
Tous deux sont des branches du SALAFISME c’est-à-dire de la mouvance la plus rigoriste de l’Islam sunnite.
Cette famille religieuse issue du sunnisme (la principale branche de l’islam) prône une pratique rigoriste de la religion, proche de ses premiers fidèles (le terme salafi désigne, en arabe, les « ancêtres », en l’occurrence les premiers compagnons de Mahomet).
Obéissance à la loi islamique (charia), refus de la mixité homme-femme et port du niqab (voile intégral) ou de l’abaya (manteau noir couvrant le corps) pour les femmes sont quelques-unes des caractéristiques communes au salafisme quiétiste et au takfirisme.
MAIS LES QUIÉTISTES sont pacifistes et ne cherchent pas à changer la loi, même s’ils n’en reconnaissent pas la légitimité.
Le problème est le salafisme peut constituer un sas vers le takfirisme. Un sas, parce que l’ultra-orthodoxie salafiste offre un terreau idéologique idéal pour une radicalisation de ses fidèles, et c’est souvent dans les cercles salafistes que les recruteurs takfiris opèrent. Certains imams sont par ailleurs susceptibles de jouer un double jeu, d’autant que la pratique de la taqiya (ruse, dissimulation) fait partie de l’arsenal takfiri.
LES TAKFIRISTES (ainsi appelés à cause de leur propension à jeter l’anathème, takfir, contre les autres musulmans) se distinguent par contre clairement des quiétistes par leur idéologie messianique
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(celle de l’avènement d’un nouveau califat et d’une apocalypse née d’une nouvelle guerre entre croisés et musulmans sur leur terre sainte) et donc leur appel aux armes.
C’est un islam à la fois fondamentaliste, non légaliste et violent. Les takfiris se réclament d’un islam ultra-orthodoxe dont les lois primeraient sur celles des pays laïques. Seule prévaut la charia, ou du moins une interprétation orientée des règles édictées dans le Coran.
Idéologie ultra-violente, le takfirisme ne distingue pas soldats et civils : seuls existent deux mondes, le dar al-Islam (la terre islamique, le califat) et le dar al-Harb (la terre en guerre, ou à conquérir). Le takfiri se décrit volontiers comme un « lion » (la métaphore date au moins de la fin des années 1990) et la communication des organisations takfiristes, comme Al-Qaida ou l’Etat islamique, repose sur la diffusion d’exécutions sanglantes, l’esthétisation de la guerre et l’intimidation des ennemis. Le concept historique de dar al-Sulh (la terre de la trêve, de la cohabitation) est écarté de la pensée takfirie qui par contre considère toute terre où l’on a jadis prié vers La Mecque comme terre de mécréance (Dar al kufr) devant être reconquise en vertu du principe que ce qui a été acquis par l’Islam reste acquis à l’Islam (irrédentisme islamique). La trêve dont elle bénéficie ne saurait donc être que temporaire, le but ultime restant que ce pays rebascule un jour et définitivement cette fois-ci dans le Dar al Islam.
Le takfiriste n’a pas pour seules cibles les chrétiens et les juifs. Il s’en prend également aux chiites et aux soufis, perçus comme des musulmans déviants. L’idéologie takfirie autorise également à prendre les armes contre d’autres musulmans sunnites si ceux-ci refusent la hijra (l’émigration en terre islamique) ou ne se soumettent pas à une certaine interprétation de la charia.
Le takfirisme idéalise la mort sacrificielle de celui qui s’est fondu parmi l’ennemi. Appelé inghimasi (« l’infiltré »), il porte une ceinture d’explosif sur lui et combat jusqu’à (se donner) la mort, « en martyr » (chahid).
Le père « spirituel » du takfirisme est Saïd Qoutb (1906-1966). Ce militant des Frères musulmans * est celui qui théorise lors d’un séjour en prison l’obligation du djihad armé contre les pouvoirs installés, qu’ils soient chrétiens ou musulmans, marquant un schisme au sein du salafisme.
C’est à lui que l’on doit l’idée que « le passage à la violence radicale peut être une obligation religieuse pour lutter contre l’autorité politique quand cette dernière a perdu ses racines musulmanes »,
Son idéologie s’est construite par strates à partir d’une relecture de plusieurs théologiens musulmans historiques radicaux, et notamment Ibn Tamiyya (1263-1328), un théologien syrien hanbalite radical, qui dans le contexte historique particulier des croisades, avait théorisé l’appel à la guerre sainte contre les non-musulmans. Grâce à ses prêches violents et simplistes [il avait] rencontré un véritable succès auprès des masses populaires.
Nous ne dénonçons donc et nous n’appelons donc à combattre ici que ces Takfiristes que nous stigmatisons ; mais pour ce qui est des quiétistes nous appelons à dialoguer, directement ou indirectement, mais fermement par le biais des contenus de notre enseignement du fait religieux DONT L’OBJECTIVITÉ ET LE CARACTÈRE SCIENTIFIQUES DOIVENT ÊTRE SANS CONCESSION. Quand j’étais enfant dans les années 1950 notre instituteur de campagne nous avait bien demandé de corriger la phrase « Jeanne d’Arc entendait des voix » par la phrase « Jeanne d’Arc croyait entendre des voix ».
Avec ceux qui pratiquent la taqiya (qui est aussi connue du sunnisme) comme les Frères musulmans, nous appelons à la plus grande prudence et à la plus grande méfiance ou lucidité dans les débats.
Et de même avec les musulmans chiites mutatis mutandis, car pour ce qui est des chiites, puisqu’ils ont un clergé, un compromis du même type que celui imposé aux juifs par Napoléon en 1806 pourrait être trouvé.
Réactions conseillées à nos lecteurs suivant les cas.
Mauvais musulmans (musulmans pas très croyants pas très pratiquants). No problem !
Salafistes. Dialogues directs ou indirects (via l’enseignement) fondés sur l’objectivité la science et l’histoire !
Takfiri. No pasaran !
Frères musulmans. Méfiance de Sioux et lucidité dans les débats. Or on en est loin vu l’abyssale médiocrité intellectuelle et morale des journalistes ou de la classe médiatico-politique d’aujourd’hui. Plutôt que d’apprendre à lutter contre le bon sens ou la révolte des peuples contre l’Empire les écoles de journalisme feraient mieux d’apprendre à combattre et débusquer la taqiya.
* La Société des Frères musulmans, raccourcie en Frères musulmans est une organisation transnationale islamique sunnite fondée en 1928 par Hassan el-Banna à Ismaïlia, dans le nord-est de l’Égypte. Composée d’un appareil militaire et d’une organisation ouverte, son objectif officiel est la renaissance islamique et la lutte non violente, contre « l’emprise laïque occidentale » et « l’imitation aveugle du modèle européen » en terre d’Islam.
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Le corpus doctrinal des Frères musulmans s’est constitué principalement avec les écrits de Sayyid Qoutb (1906-1966), considéré comme l’un des penseurs les plus importants de l’islamisme radical.
Les écrits de Sayyid Qoutb continuent d’avoir une forte influence sur les Frères musulmans – influence d’ailleurs croissante depuis la nouvelle donne géopolitique et la radicalisation islamiste du début du 21e siècle. Qutb passe pour l’un des inspirateurs idéologiques d’Al-Qaida : il est décrit comme « le père de l’extrémisme musulman », « le père du salafisme combattant ».
À bon entendeur, salut !
CE QUE PENSAIT MAHOMET DES FEMMES EN GÉNÉRAL.
D’une certaine manière, Mahomet était un « homme de la ville », un caravanier devenu commerçant, qui avait rompu avec les traditions des nomades. Après sa mort, certaines de ces traditions reprirent le dessus et supplantèrent les commandements mahométans. La plupart des conflits qui surgirent au cours du premier siècle de l’Hégire ne sont d’ailleurs que le reflet des rivalités qui existaient entre les Bédouins et la bourgeoisie citadine, celle-là même que Mahomet avait pu fréquenter après son riche mariage. Le problème se pose toujours actuellement. Le Coran avait autorisé la polygamie, mais ce qui était considéré primitivement par Mahomet comme une sorte de dérogation à l’usage, devint
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rapidement l’un des traits essentiels du code islamique régissant le mariage. Autrement dit, l’exception devint la règle.
Il en résulta une détérioration définitive de la position des femmes mariées dans la société arabo-musulmane. C’est ce qui apparaît très nettement si l’on prend la peine de la comparer avec ce qu’elle était dans la société préislamique.
Qu’elle soit reine (comme Achaït, épouse du pharaon Mentouhotep II) ou simple servante, la femme de l’Égypte antique est partout présente dans l’art. Elle apparaît comme un être qui participe à tous les aspects de la vie quotidienne, y compris les aspects politiques et religieux. Dans l’Égypte des pharaons, une égalité fondamentale régissait les rapports entre les sexes. Nombreux sont les historiens qui estiment que jamais une civilisation antique n’eut plus d’estime pour la femme que la civilisation égyptienne. Or depuis l’islamisation de l’Égypte, le statut de la femme est celui de toutes les femmes musulmanes.
Et pourtant, c’est grâce à une femme que l’islam a pu voir le jour ! Cette femme, ce fut Khadidja, la première épouse du prophète. Veuve et riche, elle permit au jeune Mahomet de se consacrer à sa vocation. Sans le savoir – et sans doute sans le vouloir – cette femme a contribué au malheur de son sexe en favorisant son ascension sociale et politique. Si ce n’était la gravité du sujet, les musulmanes d’aujourd’hui pourraient en rire.
Faits et gestes ou paroles de la vie de Mahomet posent donc problème, dans la mesure où la religion musulmane se fonde sur le Coran ; mais aussi sur les « dires ou anecdotes » (hadiths) qui tendent à présenter Mahomet comme parfait, comme un modèle de perfection à suivre (isma).
Sahih Boukhari Tome 9, Livre 88, hadith numéro 219.
Quand le prophète apprit que les Persans avaient de la fille de Chosroês leur reine (souveraine) il s’exclama : « Une nation qui prend une femme comme chef ne réussira jamais ».
Sahih Boukhari, tome 7, Livre 62, hadith numéro 33.
Le Prophète a dit : « Je n’ai laissé après moi aucune cause de tentation plus funeste que les femmes ».
Sahih Boukhari, tome 7, Livre 62, hadith numéro 126 : Le Prophète a dit : « j’ai regardé en enfer et j’ai pu constater que la majorité des damnés sont des femmes ».
Sahih Boukhari, tome 7, Livre 62, hadith numéro 133.
« Et pourquoi cela, ô Envoyé de Dieu ? ». « C’est, répondit-il, que vous multipliez les malédictions, et que vous êtes ingrates envers vos époux. Je n’ai vu parmi les êtres faibles en intelligence et en religion personne qui, mieux que l’une d’entre vous, puisse faire perdre l’esprit à un homme sensé ». « Et en quoi, reprirent-elles, ô Envoyé de Dieu, consiste le défaut de notre intelligence et de notre religion ? ». « Le témoignage de deux femmes équivaut à celui d’un homme ! Voilà pour le défaut de l’intelligence, répliqua le Prophète, et quand elles ont leurs règles, les femmes cessent de prier, mais aussi de jeûner ! Voilà pour ce qui est de la religion ».
Al-Tirmizi hadith 285 rapporté par Abou Horaïra.
Le Prophète (saws) a dit : s’il avait été permis que quelqu’un se prosterne devant une autre personne que Dieu, j’aurais ordonné que ce soit les femmes qui se prosternent devant leur mari.
Al-Tirmizi hadith 284 rapporté par Abou Ali Talq ibn Ali.
Le Prophète (saws) a dit : quand un homme demande à sa femme de venir pour le satisfaire, elle doit venir même si elle occupée à faire cuire du pain.
Al-Tirmizi hadith 286 rapporté par Oumm Salamah.
Le Prophète (saws) a dit : si une femme meurt pendant que son mari est satisfait d’elle, elle ira au paradis.
Al-Boukhari Tome 4, livre 54, hadith 460
Si un mari appelle sa femme à venir le rejoindre dans son lit et qu’elle refuse, et qu’il passe la nuit en colère, les anges la maudiront jusqu’au matin.
Les femmes sont à ce point méprisées ou rabaissées, qu’un verset du Coran enjoint aux hommes, au cas où leur épouse commettrait une grave erreur, de ne plus l’accepter dans leur lit et de la frapper (mais avec modération bien sûr).
« Les hommes ont autorité sur les femmes, en raison de la préséance que Dieu leur a accordé sur elles, et à cause des dépenses qu’ils font pour leur entretien. Les femmes vertueuses sont pieuses, elles gardent secret ce que Dieu seul sait.
Admonestez celles dont vous craignez l’infidélité ; reléguez-les dans des chambres à part et frappez-les. Mais ne leur cherchez plus querelle si elles vous obéissent. Dieu est grand (4,34).
La religion musulmane a transformé les femmes en esclaves et leur dénie toute humanité. Elles ne sont que des objets de consommation. Les femmes ne sont que des tas de chair destinés au plaisir des hommes. Et pour que leur plaisir soit plus grand, ces morceaux de chair doivent se présenter sous des formes diverses.
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Les femmes ne sont pas des êtres humains puisqu’elles sont un champ (« que vous pouvez labourer quand vous le voulez »). Fort de cette autorisation divine (accordée par le verset 223 du chapitre 2) Mahomet lui-même aurait ajouté « aucune femme ne peut avoir rempli ses devoirs envers Dieu tant qu’elle n’a pas rempli ceux envers son mari. S’il lui demande de venir même si elle se trouve sur un chameau, elle n’a pas le droit de refuser » (hadith cité par Taslima Nasreen). Cette version a été rapportée par Ibn Madjah et Al-Albani la qualifie de Sahih.
MAHOMET ET LES FEMMES.
Faits et gestes ou paroles de la vie de Mahomet posent problème, dans la mesure où la religion musulmane se fonde sur le Coran ; mais aussi sur les « dires ou anecdotes » (hadiths) qui tendent à présenter Mahomet comme parfait, comme un modèle de perfection à suivre (isma).
Si l’on en croit ses admiratrices en pâmoison devant lui (Sahih Boukhari, tome 6, livre 60, Hadith 311).
Sahih Boukhari, tome 6, livre 60, Hadith 311), ou ses courtisans, Mahomet avait une voix douce et très claire, et parlait si lentement que l’on pouvait compter les lettres des mots qu’il prononçait. Il prenait soin de ses cheveux et laissait pousser une jolie barbe, qu’il parfumait, ainsi que ses cheveux,
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qui souvent touchaient ses épaules. La partie supérieure de sa taille était longue, et lorsqu’il était assis en compagnie d’autres personnes, il était toujours plus grand que son entourage. Il était beau, et pour l’un de ses disciples « il était même plus beau que la lune de la quatorzième nuit ».
NB. Les chrétiens n’en ont jamais dit autant de leur messie pourtant fils de Dieu. Selon eux. Le Nouveau Testament est muet à ce sujet. Sauf après sa mort et sa résurrection.
Mahomet s’habillait toujours proprement voire même élégamment, et se mettait les meilleurs parfums. Mahomet disait d’ailleurs de lui-même qu’il avait choisi trois choses en ce monde : le parfum, la prière et les femmes. Une autre source de critiques permanente envers Mahomet fut en effet la question de ses femmes.
La société arabe païenne préislamique autorisait la polygamie, mais si nous comprenons bien, Mahomet se voulait le continuateur du message juif et chrétien, non le continuateur du message païen. Mahomet a d’ailleurs bien rejeté certaines coutumes païennes de l’époque, comme la bélomancie ou le recours à des flèches pour connaître le sort (chapitre 5, verset 90) ; et a même adopté au début les mœurs des juifs, ainsi que leurs interdits alimentaires (chapitre 5, verset 3). Or les juifs ne pratiquaient pas ou plus la polygamie. Mahomet a donc certainement eu conscience de se contredire lui-même en prônant cette situation, et son entourage d’origine arabe juive aussi. Tabari, dans sa chronique, signale que, en plus de ses quinze épouses reconnues par tous les auteurs ; il y a cinq autres épouses probables, cinq femmes qu’il n’a fait que convoiter, et enfin deux esclaves sexuelles dont l’une la Copte Marie lui donna un fils, Ibrahim, mort à l’âge de deux ans. Tabari note d’ailleurs dans le même récit que Mahomet laissa neuf veuves, en dépit de la règle du mariage en islam qui n’autorise que quatre épouses simultanées.
Mais commençons donc par le commencement, les femmes qu’il n’a pas eues.
MAHOMET ET LES FEMMES QU’IL N’A PAS EUES.
Contrairement à ce que répètent inlassablement les prêches, on n’ose plus dire chrétiens, du Français Lelong, ou de la chaîne de télévision allemande Arte, les femmes arabes n’étaient pas toutes systématiquement maltraitées avant Mahomet.
Il y avait aussi, alors, dans le pays, des chrétiens et des juifs, qui aimaient un peu mieux leurs filles, ou qui traitaient un peu mieux leurs épouses. Il suffit de se remémorer le cas de Khadija sa première épouse pour comprendre que les femmes de la société préislamique pouvaient être, à maints égards, mieux loties que les musulmanes d’aujourd’hui.
Quelques cas, d’après Tabari – Oumm Hani, une fille d’Abou Talib, une de ses cousines. Mahomet demanda sa main, mais elle refusa en prétextant qu’elle avait des enfants. – Zabaah, fille d’Amir : Mahomet demanda sa main à son fils Salama. Qui lui répondit qu’il devait demander l’avis de sa mère et le mariage n’eut pas lieu. Mahomet demanda également la main d’Oumm Habiba, une fille d’Abbas, mais Abbas prétexta qu’il était son frère de lait, et le mariage ne se fit pas. Mahomet demanda enfin en mariage Djamrah, la fille de Harass, mais son père prétexta qu’elle avait un défaut pour refuser.
MAHOMET ET LES FEMMES QU’IL A EUES.
Avant son entrée en politique, Mahomet n’avait eu que la riche Khadidja comme épouse, son aînée de quinze ans (sans doute par peur de tout perdre en cas de divorce ; car chez les Mecquois les biens de la femme restaient toujours sa pleine et entière propriété, même en cas de mariage). Mais il n’eut d’elle que trois garçons morts en bas âge, et quatre filles dont une, Fatima, vécut assez longtemps pour lui donner des petits-enfants : deux garçons, Hassan et Husseïn. Jusque-là il avait été monogame. Sans doute de peur de tout perdre et d’être ruiné en cas d’infidélité de sa part ainsi que nous l’avons vu, mais une fois Khadidja six pieds sous terre, tout changera.
Il est certain que cette descendance uniquement par les filles fut mal ressentie par Mahomet à titre personnel, et que, les premiers succès arrivant, il chercha à placer nombre d’épouses et de concubines dans son lit pour en avoir des héritiers mâles. Mahomet épousa donc ensuite, par politique ou par goût, nombre de femmes de sa tribu, issues des familles de ses principaux partisans mecquois. Deux mois tout juste après la mort de Khadidja, il commença par conséquent à se constituer un harem « politique ». Avec tout d’abord Aïcha, la fille de son plus fidèle ami, et premier successeur, Abou Bakr. Le mariage d’Aïcha est relaté dans les textes officiels de la tradition islamique. Mahomet l’épousa quelques mois environ avant son départ pour Yathrib/Médine, alors qu’il avait passé la cinquantaine, et elle six ans.
Sahih Boukhari, tome 5, livre 58, hadith numéro 234.
Aïcha : J’ai été promise au prophète alors que j’avais six ans. Nous nous sommes rendus à Médine et sommes restés dans la maison des Bani-al-Harith bin Khazradj. Ensuite je fus malade et mes cheveux tombèrent. Ils repoussèrent plus tard et ma mère, Oumm Rouman, est venue me trouver alors que je jouais à la balançoire avec certaines de mes amies. Elle m’a appelée, et je suis allée la voir, ne sachant pas ce qu’elle voulait faire avec moi. Elle m’a prise par la main et m’a fait me tenir à la porte de la maison. J’étais alors à bout de souffle, et quand ma respiration redevint normale elle prit de l’eau
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et me lava le visage et la tête avec. Puis elle m’emmena dans la maison. Là, j’ai vu des femmes Ansari [musulmanes de Médine] qui m’ont dit : « Meilleurs vœux que Dieu te bénisse et bonne chance ». Puis elle me laissa entre leurs mains et elles me préparèrent (pour le mariage). L’apôtre de Dieu est venu me chercher à l’improviste dans la matinée et ma mère m’a confiée à lui, j’avais alors neuf ans ».
Sahih Boukhari, tome 5, livre 58, hadith numéro 236.
D’après le père d’Hicham. Kadidja mourut trois ans avant que le prophète ne s’en aille à Médine. Il y resta seul deux ans et ensuite épousa Aïcha quand elle eut six ans et consomma son mariage quand elle eut neuf ans.
Sahih Boukhari tome 8, livre 73, hadith numéro 151.
Aïcha : « J’avais l’habitude de jouer à la poupée en présence du Prophète, et mes amies avaient l’habitude également de jouer avec moi. Quand l’apôtre de Dieu entrait, elles avaient l’habitude de se cacher, mais le Prophète les appelait à le rejoindre et venir jouer avec moi » (Fateh-al-Bari page 143, tome 13 : jouer avec une poupée ou des représentations semblables est interdit, mais c’était permis pour Aïcha à cette époque, car c’était une petite fille, n’ayant pas encore atteint l’âge de la puberté).
Sahih Boukhari, tome 1 livre 4, hadith numéro 229.
Aïcha : « J’avais l’habitude de laver les traces de sperme des vêtements du Prophète, et il avait l’habitude d’aller à la prière avec de l’eau encore dessus (des traces d’eau encore visibles) ».
Fateh Pierre de La Crau. Si Mahomet avait fondé sa religion de nos jours, les médias se seraient déchaînés contre lui en lui reprochant d’être un affreux pédophile, mais à l’époque cela ne choqua que quelques puritains pudibonds. Dans les pays appliquant la charia (l’Iran par exemple), cette histoire d’amour de Mahomet avec une fillette de neuf ans détermine même l’âge légal du mariage.
Mahomet a donc aussi renforcé sa position à l’égard d’un certain nombre de groupes tribaux par toute une série de mariages bien calculés, tout en satisfaisant son penchant pour les femmes et un appétit sexuel qu’il avait grand ; ce qui, aux yeux de la tradition musulmane, n’est nullement considéré comme un défaut. N’aurait-il pas déclaré que, parmi les quatre qualités dont Dieu lui avait fait don, figuraient la générosité, la « force violente » et la « fréquence du coït » ? Selon une autre version, il avait la potentia ad conjuctionem de quarante hommes, quarante, le chiffre de la perfection ! Ce qui est donc symbolique ! Mais les sources musulmanes nous disent néanmoins qu’il rencontrait d’ailleurs souvent chacune de ses épouses la même nuit. Pour quel résultat ?
Parmi elles il y eut Saouda, une forte femme qui avait laissé son mari en Éthiopie, mais qui était une bonne cuisinière, Hafsa, la fille d’Omar, Jouwaïriya, la fille du chef des Bani aI-Moustalaq (une prisonnière de guerre), et quelques veuves comme Oumm Salama.
Mahomet eut aussi des esclaves sexuelles (concubines) dont notamment une Noire prénommée Marie (une chrétienne copte d’Éthiopie) qui lui donna un garçon, Ibrahim (ce dernier ne vécut que quelques mois) ; et une jeune juive nommée Rayana ainsi que nous l’avons vu, après avoir fait exécuter son mari. En 628, il enleva une autre jeune juive de dix-sept ans, Safya, qu’il prit également pour concubine. En 639, après être rentré à La Mecque, afin de se réconcilier avec son clan, il prit encore une autre épouse, Meïmouna, la sœur de la femme de son oncle Abbas. Et même une autre femme, Oumm Habiba, fille du puissant Abou Soufiane, devenant ainsi le gendre de l’homme le plus riche de La Mecque.
Bon nombre des mariages de Mahomet ont donc été des mariages politiques, mais concernant le sexe, Mahomet ne connaissait ni règles ni contraintes. Certains de ses comportements dans ce domaine suscitèrent même la réprobation d’une partie de son entourage, et sa vie privée a eu par conséquent une grande influence sur plusieurs de ses idées, donc sur la révélation de l’islam au monde.
En effet, même si la plupart de ses mariages répondirent à un intérêt politique (afin de se ménager des alliances avec d’autres clans) ; son désir s’exprima en maintes occasions, comme l’illustre son aventure avec Zénob bint Khouzaïma, trente ans), la femme de son propre fils (adoptif) Zaïd ben Haritha. Un jour qu’il avait vu Zénob en train de faire sa toilette, Mahomet fut ébloui par sa beauté, et il eut envie d’elle. Mais encore prisonnier de ses scrupules petit-bourgeois, Mahomet en aurait d’abord parlé à Zénob, qui aurait trouvé que c’était une bonne idée ; puis à son fils adoptif, qui aurait accepté joyeusement (du moins d’après la tradition islamique) de se séparer de sa jeune et belle épouse, pour faire plaisir à son père adoptif.
Suite à cet épisode, qui fit beaucoup jaser, notamment les mounafikoun, Mahomet en l’espèce ayant toujours détesté les hypocrites, Dieu qui fait décidément bien les choses, lui ordonna officiellement de la prendre comme épouse ; afin de démontrer au monde entier qu’il ne faut pas confondre enfants adoptifs et enfants biologiques. Une opportune (!) révélation divine descendit donc du ciel pour abolir l’adoption et l’autoriser à épouser sa belle-fille : « Ô prophète ! Il t’est permis d’épouser les femmes que tu auras dotées, les captives que Dieu aura fait tomber entre tes mains, les filles de tes oncles et
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de tes tantes maternels et paternels qui ont pris la fuite avec toi ; et toute femme fidèle qui aura donné son cœur au prophète. C’est un privilège que nous t’accordons par rapport aux autres croyants ». (Chapitre 33, verset 50, mais il y a aussi les versets 2 à 37.)
Lorsque fut révélé le verset coranique permettant à Mahomet de retarder le tour de lit de l’épouse qui le voulait au profit d’une autre (chapitre 4, verset 128 ? sur proposition de Saouda), et lorsqu’il déclara que Dieu lui avait permis de se marier avec la femme de son fils adoptif ; Aïcha lui dit ironiquement…
Sahih Boukhari, tome 6, livre 60, Hadith 311.
« Je méprisais cordialement toutes ces femmes qui s’étaient données au Messager de Dieu et je me disais en moi-même : comment une femme peut-elle se donner à un homme ? Mais quand Dieu a révélé : tu peux décaler le tour de lit de celle que tu veux de tes femmes et recevoir celle que tu veux [Ndlr. L’esclave éthiopienne Marie ?] et recevoir celle dont tu as décalé temporairement le tour de lit ne sera pas non plus un péché pour toi (V.33, 51) ; j’ai dit (au Prophète) : je vois que ton Seigneur s’est hâté de combler tes vœux et tes désirs ».
Après avoir pris Zénob, l’épouse de Zaïd, son fils adoptif, chez lui, Mahomet l’a épousée, a organisé une fête, et a donné du mouton à manger à ses invités ; une fois le repas terminé Mahomet s’est levé pour que les invités sachent que la fête était finie et qu’ils devaient partir. Tout le monde est par conséquent sorti, sauf quelques-uns qui sont restés pour continuer à discuter avec Zénob. Mahomet sort donc lui-même pour leur faire comprendre qu’ils doivent partir, mais après être revenu, ayant constaté qu’ils étaient toujours en train de bavarder avec son épouse (ou ses épouses), le verset suivant lui fut alors révélé. « Ô vous les croyants, n’entrez jamais dans la demeure du Prophète sans y avoir été invité à venir manger et attendu que le repas soit préparé, puis retirez-vous après avoir mangé, ne perdez pas de temps à discuter » (chapitre 33, verset 53).
Le chapitre 66, 1-5, fut également révélé inopinément (!) pour permettre à Mahomet de délaisser ses épouses s’il le voulait, afin de coucher avec la très chrétienne Marie (l’esclave noire qu’on lui avait offerte en cadeau).
Tabarsi. Mahomet était chez Hafsa la fille d’Omar. Hafsa sortit rendre visite à ses parents. Mahomet alors amena son esclave chrétienne copte nommée Marie dans le lit d’Hafsa, et coucha donc avec elle. Cette Marie était un cadeau fait à Mahomet. Oui, en ce temps-là, et le fondateur de l’islam ne s’en est jamais offusqué apparemment, on pouvait offrir des êtres humains en cadeau, exactement comme si c’étaient des meubles ou des animaux. Lorsque Hafsa revint et apprit la chose, elle fit une scène au prophète de Dieu en lui reprochant d’avoir couché dans son propre lit avec une Noire sentant mauvais. Mahomet lui demanda pardon et céda son esclave sexuelle à Abou Bakr, mais fit promettre à son épouse de ne pas en parler aux autres. Or Hafsa ne tint pas sa promesse et en parla aux autres femmes. Jalouses (on les comprend, la polygamie n’a jamais été une situation enviable pour des femmes, il n’y a que Dieu et Mahomet pour croire le contraire) ; Aïcha la fille d’Abou Bakr, Hafsa la fille d’Omar, Asma la fille d’Osman, Oumm Habiba la fille d’Abou Soufiane et Zénob l’ex-femme de Zaïd, complotèrent. Afin que Mahomet ne couche plus avec ses concubines, et notamment avec la Noire chrétienne appelée Marie. Mahomet céda et leur promit de ne plus coucher avec. Puis il se ravisa et, le hasard faisant bien les choses, Dieu intervint encore une fois pour défendre son prophète contre ces harpies et ces mégères qui n’avaient rien compris.
D’où, donc, la fameuse directive divine Nº 66 versets 1-5 : Ô Prophète, pourquoi, pour faire plaisir à tes femmes, t’interdis-tu ce que Dieu t’a autorisé à faire ? Dieu est indulgent et miséricordieux, etc., etc.
Mahomet a donc eu au total entre quinze et vingt femmes officielles, qu’il épousera dans un climat de scandales et de rivalités attestés, ainsi que des dizaines d’esclaves sexuelles (de concubines), dont la majorité furent des prisonnières de guerre. Après chaque victoire, les musulmans s’emparaient en effet des biens des vaincus, mais se partageaient aussi leurs femmes et leurs filles. Même les mères de famille. Après la bataille, Mahomet en personne était le premier à choisir la femme qui lui plaisait, en jetant son manteau sur elle. La plupart des épouses ou des concubines que Mahomet ramena de ses expéditions étaient des femmes d’une grande beauté, dont il avait fait assassiner les maris, ou dont les époux étaient encore vivants ; mais dans ce cas-là la femme était quand même obligée de devenir son esclave sexuelle. À en croire Mohammad Ibn Jarir Tabari, le premier mari de la belle Safiya s’appelait Salam. Après la mort de celui-ci, et puisqu’elle était belle et bien bâtie, elle eut beaucoup de prétendants et se remaria avec un négociant juif nommé Kinana. Lors de son expédition contre les Banou Nadir à Khaïbar, Mahomet fit torturer puis décapiter ce Kinana, et lorsqu’il vit les prisonnières, il jeta son manteau sur Safiya, qui devint donc sa chose (Vie de Mahomet par A. Guillaume page 515).
Ce phénomène allant croissant et le nombre des esclaves sexuelles de Mahomet allant en augmentant sans cesse, Dieu dut, un moment donné, interdire à Mahomet de prendre de nouvelles « épouses », ou d’en changer.
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« Désormais il ne t’est plus permis de changer d’épouse ni de prendre d’autres femmes en dehors de tes esclaves, même si tu es séduit par la beauté de certaines d’entre elles » (chapitre 33, verset 52).
Ainsi que nous l’avons déjà vu, on ne sait jamais clairement avec le Coran, qui parle et à qui, mais dans ce cas-là, il semble bien assuré que c’est Dieu qui parlait.
Il existe trois chapitres et plus d’une centaine de versets relatifs à Mahomet ainsi qu’à son harem de pieuses et vertueuses épouses. Le chapitre Nº 4 intitulé les femmes justement, le Nº 33, le chapitre intitulé les factions, et le chapitre Nº 66, intitulé l’interdiction.
Phénomène fréquent dans le Coran, nombre de ses versets ne correspondent nullement à des commandements divins valables de toute éternité, mais à des problèmes beaucoup plus conjoncturels ou éphémères, ceux qu’affrontait alors Mahomet personnellement. Exemple le chapitre Nº 33.
LE STATUT DE LA FEMME DANS L’ISLAM.
Notons tout d’abord que s’il existe un chapitre tout entier du Coran consacré aux femmes, c’est-à-dire expliquant aux hommes musulmans comment traiter leurs femmes (le chapitre N°4 intitulé An-Nissa) ; il n’existe aucun chapitre symétrique ou réciproque, c’est-à-dire expliquant aux musulmanes comment traiter leurs hommes.
Le Coran, et non une interprétation abusive du Coran, comme le croient ou font mine de le croire, beaucoup de pseudo-intellectuels ou de pseudo-responsables ; considère que la femme est inférieure
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à l’homme, qu’elle doit être vertueuse, bonne épouse, toujours consentante à l’égard de son mari, en un mot, soumise.
Dans le Coran le sexe féminin est systématiquement associé au paganisme ou au démon.
Chapitre 4, 117 : « Ils ont pour divinités des déesses ; mais c’est Satan qui est l’objet de leur culte en réalité ».
Chapitre 53, 27 : « Ceux qui ne croient pas en la vie future donnent aux anges des noms de femmes ».
NDLR. Ils ne croient pas en la survie de l’âme/esprit après la mort, mais par contre ils croient en l’existence des anges. Curieux ! Mais pas impossible ! Voir la religion hébraïque primitive.
Les commentateurs musulmans se fondent sur certains versets du Coran pour montrer que la ruse, la tromperie, et la tricherie, sont intrinsèques à la nature féminine. Non seulement elle ne veut pas changer, mais elle est par nature incapable de changer : elle n’a pas le choix.
Chapitre 12, 23 : « Celle qui l’avait reçu dans sa maison s’éprit de lui [Joseph]. Elle ferma les portes et dit : « Je suis à toi ! » Que Dieu me protège ! répondit Joseph. Le maître m’a fait le meilleur des accueils, et ceux qui ne sont pas justes ne sont jamais heureux ».
Chapitre 12, 28-29 : « Quand il [le mari] vit la tunique déchirée par-derrière, il dit : « C’est bien là une de vos ruses de femmes ! Vos ruses sont vraiment grossières ! » « Joseph, ne pense plus à cela ! Et toi [femme], implore le pardon de ton péché ! »
Notons au passage que dans le Coran et donc en terre d’islam, une femme ne vaut que la moitié d’un homme.
Chapitre 2, 282.
« Demandez le témoignage de deux témoins. Si vous ne trouvez pas deux hommes, choisissez un homme et deux femmes ».
Rappelons enfin que le Coran s’adresse essentiellement aux hommes, car quand le texte s’adresse également aux croyantes cela est précisé.
Chapitre 2, 222 : « Ils t’interrogent sur les règles féminines. Dis : c’est une maladie, séparez-vous d’elles à ce moment-là, et ne les touchez pas avant qu’elles ne soient de nouveau pures ».
Chapitre 2, 228 : « Les femmes ont des droits équivalents à leurs obligations (oui !) et conformément à l’usage (aïe !) Les hommes sont néanmoins supérieurs. Dieu est puissant et juste ! (NDLR. Que vient faire Dieu là-dedans ?)
Chapitre 4, 34 : « Les hommes sont supérieurs aux femmes, parce que Dieu leur a donné la prééminence sur elles, et qu’ils les entretiennent. Les femmes doivent être obéissantes et taire les secrets de leur époux.
Admonestez celles dont vous craignez l’infidélité, qu’elles fassent chambre à part et frappez-les. Si elles vous obéissent, ne leur cherchez plus querelle. Dieu est grand et sublime » (NDLR. Encore une fois que vient faire Dieu là-dedans ?)
Le Coran permet aux musulmans d’avoir jusqu’à quatre épouses légitimes (chapitre 4, 3 : épousez comme il vous plaira, deux, trois, ou quatre femmes, mais si vous craignez de ne pas être équitables, prenez une seule femme ou vos prisonnières) ; non pas à condition d’être capables de les traiter de façon parfaitement équitable (seuls les gens gentils et intelligents lisent cela dans le texte), mais à condition d’avoir bonne conscience en ce domaine. Au présomptueux qui ne doute de rien et surtout pas de lui, tout est permis. De toute façon, la réalité a, encore une fois de plus, rattrapé la fiction des gens gentils et intelligents, puisque la polygamie A ÉTÉ PRATIQUÉE DE FACTO ET DEMEURE ENCORE PRATIQUÉE, PAR DES HOMMES, DONT PERSONNE NE CONTESTE L’ISLAM.
Les propagandistes chrétiens ou « de gauche » (ou « de droite », on ne sait plus très bien aujourd’hui) de l’islam ont beau se démener pour tenter de nous présenter un « prophète politiquement correct » (voir la dernière émission de la chaîne franco-allemande ARTE à ce sujet) ; l’Histoire et le Coran lui-même sont là pour les contredire.
Sahih Boukhari, tome 5, livre 58, hadith numéro 236.
D’après le père d’Hicham. Kadidja mourut trois ans avant que le prophète ne s’en aille à Médine. Il y resta seul deux ans et ensuite épousa Aïcha quand elle eut six ans et consomma son mariage quand elle eut neuf ans.
Au XXe siècle, Habib Bourguiba, le chef charismatique de l’indépendance tunisienne, a interdit la polygamie dans son pays ; en arguant du fait qu’aucun homme à l’exception de Mahomet (pour cause d’isma évidemment) ne pouvait faire preuve d’une réelle équité entre ses femmes. Cette interprétation du Coran n’a pas été imitée par les autres pays à majorité musulmane (Turquie mise à part) et la polygamie est officiellement acceptée chez eux.
La condition féminine fait partie des grands scandales engendrés par le Coran. La femme idéale selon le Coran est plus proche de l’esclave soumis que d’une personne apte à décider de sa vie (7, 189).
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« C’est lui qui vous a créés tous d’un seul homme, qui en a produit son épouse, afin qu’il habitât ensuite avec cette dernière. Elle porta d’abord un fardeau léger et marchait sans peine ».
On ne redira jamais assez la nocivité du mythe sumérien d’Adam et Ève.
La primauté de l’homme provient de son apparition première (4, 1) : « Ô hommes ! craignez le Seigneur qui vous a créés à partir d’un premier homme puis de ce dernier a tiré sa compagne ».
L’islam affirme certes que la femme doit être traitée « avec justice et respect », mais c’est un vœu pieux par définition puisqu’il est aussi dit dans le Coran que : « Les hommes ont la préséance sur les femmes. Par les dons qu’il leur a octroyés, Dieu les a élevés au-dessus » (4,34).
Ainsi que nous avons pu le voir, cette infériorité de la femme dans le Coran est largement confirmée par le droit islamique : son témoignage ne compte que pour la moitié de celui d’un homme (sauf dans les cas d’avortement, jugés spécifiquement féminins).
Cette même inégalité de traitement prévaut dans les successions (4, 176) : « Une part égale à celle de deux femmes revient à un homme ». Le mépris dans lequel sont tenues les femmes éclate dans cette équivalence. Comment peut-on traiter la femme « avec justice » et, dans le même temps, ramener son héritage à la moitié de celui d’un homme ?
VOILE ISLAMIQUE ET CORAN.
Notons tout d’abord qu’un tel habillement était aussi à l’origine prévu pour les chrétiennes si l’on en croit cette citation de saint Paul qui a le mérite de reconnaître que c’était bien une marque de sujétion en ce qui concerne les femmes.
Première épître aux Corinthiens, chapitre 14 verse 33 et chapitre 11, verset 7.
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« L’homme ne doit pas se couvrir la tête, puisqu’il est l’image et la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l’homme. En effet, l’homme n’a pas été tiré de la femme, mais la femme a été tirée de l’homme ; et l’homme n’a pas été créé à cause de la femme, mais la femme a été créée à cause de l’homme. C’est pourquoi la femme, à cause des anges ???? doit avoir sur la tête une marque de l’autorité dont elle dépend ».
En terres d’islam, le port du voile distingue la femme libre (hourra), des femmes de condition inférieure.
Les différents types de voiles islamiques. Plusieurs façons de porter le voile sont indiquées par Tabari et il existe beaucoup de sortes de voiles en fonction des pays et des traditions. En voici quelques-uns.
— Le hidjab, est le voile qui couvre les cheveux. On le trouve entre autres dans les pays du Maghreb.
— Le niqab, est un voile léger, posé sur le nez, qui ne dissimule que la partie inférieure du visage.
— La bourqa couvre tout le corps, de la tête aux pieds. Elle cache également le visage, la vue ne se fait que par une sorte de grille devant les yeux.
— Le tchador idem, mais le visage n’est pas masqué.
Phénomène fréquent avec le Coran, nombre de ses versets ne correspondent nullement à des commandements divins valables de toute éternité, mais à des problèmes beaucoup plus conjoncturels ou éphémères, ceux qu’affrontait alors Mahomet personnellement. Exemple le chapitre Nº 33. Vu le verset qui précède, le 55 (nul reproche à faire aux femmes du Prophète si elles paraissent dévoilées devant leurs pères, leurs fils, etc.) il est clair que le verset 59, le verset sur le voile islamique (« Ô, Prophète, dis à tes épouses et à tes filles et aux femmes des croyants de se couvrir, etc. ») fut d’abord révélé pour elles.
L’Esprit ayant cru judicieux d’ajouter « et aux femmes des croyants » les musulmans logiques avec eux-mêmes ont aussi raison de dire que ce verset s’applique également à toutes les musulmanes. Répétons-le donc : ces versets du Coran étaient à l’origine des révélations ne concernant que la vie privée du prophète, mais ils furent ensuite étendus à tous les croyants (Dieu doit être content).
Ce que dit précisément le Coran donc sur ce fichu voile islamique.
Chapitre 24.
Verset 31.
Dis aux croyantes de baisser les yeux et de ne pas être provocantes ; de ne pas faire montre de leurs appas, sauf ce qui en émerge, de rabattre leur khimar sur les échancrures de leurs vêtements. Elles ne laisseront voir leurs appas qu’à leur mari, à leurs enfants, à leurs pères, beaux-pères, fils, gendres, neveux de frères et de sœurs, aux femmes (de leur communauté), à leurs captives, à leurs eunuques, ou garçons encore ignorants de l’intimité des femmes. Qu’elles n’agitent point les pieds de manière à faire voir leurs appas cachés.
Verset 60.
Quant aux femmes qui n’enfantent plus, et qui n’espèrent plus pouvoir se marier, elles peuvent, sans inconvénient, ôter leurs vêtements, sans cependant montrer leurs appas ; mais si elles s’en abstiennent, cela vaudra mieux. Dieu entend et sait tout.
Chapitre 33.
Verset 53.
Quand vous demandez quelque chose aux épouses du prophète, faites-le derrière un hidjab, cela est plus correct pour vos cœurs et le leur.
Verset 59.
Prophète ! prescris à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants qu’elles « youdninent… leur… jalabihina… Ce sera la marque de leur vertu et un frein contre les propos des hommes. Dieu est indulgent et miséricordieux ».
Et la femme soumise devant fuir les regards masculins n’a pas non plus à espérer d’émancipation au paradis si l’on en croit la mythologie musulmane entourant les houris. Les femmes ne sont que des marchandises dont la valeur dépend de leur soumission à l’islam (60, 10). « Si vous les considérez comme des croyantes, ne les renvoyez pas vers les mécréants, elles ne sont plus faites pour eux, ils ne sont plus licites pour elles ».
Notes. Khimar, « fichu couvrant la tête ». Un hidjab c’est un voile au sens de rideau en général. Julbab : mot de la même famille que djellaba = « robe ».
Nous laissons aux monolâtres de l’islam ou du judéo-christianisme le soin de déterminer ce qu’impliquent exactement les expressions « rabattre leur khimar sur l’échancrure de leur vêtement » et « yudniner leur jalabihina ». Ce débat en ce qui nous concerne, nous autres barbares druides d’extrême occident, ne nous intéresse pas !
Notes de Pierre de La Crau retrouvées sur une page de cahier. Et insérées par ses enfants à cet endroit.
Voile : l’état du problème.
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Coran, chapitre 24, versets 30, 31.
« Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de rester chastes, de ne montrer de leurs appâts que ce qui en paraît généralement. Qu’elles rabattent leurs voiles sur leur poitrine ; et qu’elles ne montrent leurs appâts qu’à leurs maris, ou à leurs pères, ou aux pères de leurs maris, ou à leurs fils, ou aux fils de leurs maris, ou à leurs frères, ou aux fils de leurs frères, ou aux fils de leurs sœurs ».
Le mot généralement traduit par « voile » ici est le mot arabe « khimar » qui signifie « mante » ou « mantille ». Quant au terme rendu par « poitrine », il s’agit du terme arabe « jouyoub », que d’autres traducteurs rendent par décolleté, gorge, seins.
Coran, chapitre 33, verset 59.
« Ô Prophète ! Dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants, de resserrer ou rabattre sur elles leurs voiles : c’est pour elles le meilleur moyen de se faire connaître sans être offensées.
Le mot rendu par « voile » ici et dans beaucoup de traductions est le vocable arabe jalabibihinna, de jalabib qui est le féminin pluriel de jilbab (la djellaba maghrébine ou la gallabieh égyptienne), qui signifie donc « robe », « habit » (ou « châle » ?).
Les différents types de voiles islamiques.
Le mot hidjab désigne plus particulièrement le voile que certaines femmes musulmanes se placent sur la tête en laissant le visage apparent.
En Iran, il s’appelle tchador et ne cache pas le visage ni les vêtements de la femme.
Lorsque le visage est couvert, on parle de niqab, de burqa, voire de tchadri.
En Afghanistan, et dans certaines régions du Pakistan ou d’Inde, burqa ou tchadri cachent tout le corps, et ne laissent voir que le bas des jambes, couvertes d’un pantalon (la femme sous son voile est habillée d’un pantalon recouvert d’une robe tombant légèrement sous les genoux), à l’occasion ses bras et ses mains. On les appelle aussi voile intégral.
Nuances.
Le niqab laisse voir les yeux, laisse une fente pour les yeux.
La burqa ne laisse voir les yeux, si l’on peut dire, que derrière une sorte de grille.
Mais que diable ! Pourquoi Dieu n’a-t-il pas été plus clair ?
Le débat et les interprétations portent généralement sur les parties du corps à cacher, qui relèvent de l’interprétation du concept islamique d’aoura (les parties du corps à dissimuler au nom de la pudeur à la vue des autres, après la puberté).
Pour les femmes nubiles, il s’agit, pour la plupart des commentateurs, du corps entier, à l’exception, suivant les auteurs, des mains, des pieds.
Abou Hanifa est d’avis que les pieds de la femme ne sont nullement aoura tandis que Malik ibn Anas ou Ahmad Ibn Hanbal considèrent, eux, que les pieds de la femme doivent être cachés (en se basant sur des avis postérieurs à Mahomet).
Problème général : seules quelques dizaines de hadiths, sur les centaines de milliers rapportés par la tradition, sont peut-être authentiques, c’est-à-dire paroles, faits et gestes (ou absence de parole voire de réaction) de Mahomet.
Questions maintenant.
Que voulait faire comprendre Jonathan Swift avec son histoire de peuples se déchirant pour savoir s’il faut casser les œufs à la coque par le gros bout de la coquille, ou par le petit bout (Petits-boutiens et Gros-boutiens dans les voyages de Gulliver) ?
Quel est l’intérêt d’épiloguer à l’infini sur le sens de tel ou tel terme nécessairement divin dans la bouche de Mahomet (distinguer un vrai islam, magnifique et devant bien évidemment remporter tous les suffrages ; d’un faux qui serait, lui, à condamner fermement) ?
Et si on laissait un peu Dieu de côté, ou en dehors tout cela, en ne se fondant que sur le droit naturel (recht aicnid) de nos ancêtres et la liberté (qui s’arrête comme chacun sait où commence celle des autres) ? La vie des hommes n’en serait-elle pas facilitée ?
Une société n’a-t-elle pas le droit de s’opposer à certaines manifestations, incontestablement religieuses (par exemple les sacrifices humains 1), la nudité intégrale et volontaire autour de la Kaaba de La Mecque, etc.) si ces dernières heurtent trop de front certaines de ses valeurs ?
Un de mes lointains cousins du Canada me fait parvenir la mise au point suivante à propos du hidjab.
« Dans des villages égyptiens et dans d’autres pays arabes, certains activistes jetaient de l’acide au visage de femmes qui refusaient de porter le voile ; le lendemain, toutes les femmes du village étaient voilées ». Rachad Antonius, sociologue, lors du reportage « Le voile révélateur », TV5, 11 mars 2007.
Après les écoles, les tribunaux et les milieux du travail, les militants du hidjab partent maintenant à l’assaut des clubs sportifs. Deux nouveaux incidents se sont en effet produits ce printemps concernant le port de ce foulard dans des compétitions.
En quoi un simple bout de tissu sur la tête peut-il constituer un empêchement légitime de participer à un sport ?
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En fait, si ces musulmanes voilées (qui représentent entre 8 et 10 % des musulmanes) tiennent tant à ce voile, c’est justement parce que ce n’est pas qu’un simple bout de tissu. Pour tenter d’y voir clair, demandons-nous pourquoi le hidjab fait problème, alors que des tenues tout aussi spécifiques, comme les tenues indiennes ou africaines, ne semblent déranger personne. Même le voile de Benazir Bhutto, l’ex-présidente du Pakistan, ne suscitait aucune réaction hostile. Ce n’est donc pas la différence qui dérange [contrairement à ce qu’affirment les antiracistes], mais ce qui est alors exprimé par ce type spécifique de voile.
Tuer la beauté du monde…
Lorsqu’une musulmane choisit de porter le hidjab – et donc de cacher son cou, ses oreilles, et le moindre bout de cheveu – plutôt qu’un autre type de foulard, un simple bandeau ou un médaillon symbolique de l’islam ; elle ne fait pas qu’exprimer son identité musulmane, mais le choix d’un certain type d’islam, c’est-à-dire l’islam fondamentaliste ou intégriste. Elle franchit un pas qui la distingue des autres musulmanes, et indique qu’elle fait désormais passer sa religion avant toute autre considération.
Ce choix de vie ne regarde que l’individu concerné, mais, si le choix est fait en toute liberté, il faut accepter les contraintes qui vont avec. On n’a pas en l’occurrence à demander que l’ensemble de la société civile – allant des employeurs jusqu’aux clubs sportifs – ou les institutions publiques comme l’école et les hôpitaux, modifient leurs règles pour s’ajuster à ce choix.
Si j’entre dans une mosquée, je dois enlever mes chaussures ; de la même façon, les musulmans doivent accepter les règles du jeu en dehors de leur univers religieux.
Un linceul ensanglanté…
Mais il y a pire encore. Le hidjab a son histoire, et cette histoire n’est pas toujours rose ; elle est même plutôt rouge. La vague actuelle de revendications associées au hidjab vient de la révolution khomeyniste de 1979 en Iran. Le mouvement intégriste a par la suite gagné les pays du Nord de l’Afrique. Dans les années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix, c’est par milliers que les femmes iraniennes, égyptiennes, algériennes, et afghanes, ont été violées, défigurées au vitriol ou égorgées, pour ne pas avoir porté le voile. L’intégrisme musulman a ensuite débordé en Europe puis de ce côté-ci de l’Atlantique.
Le premier cas de hidjab à l’école s’est présenté en 1994 au Québec alors qu’au début des années quatre-vingt-dix on ne voyait aucun hidjab à Montréal, malgré le fait que 45 000 musulmans y vivaient déjà. Évidemment, l’immigration n’est plus la même.
Mais il faut savoir aussi qu’un pays comme la Turquie d’Atatürk, dont 99 % de la population est musulmane, ainsi que la Tunisie d’Habib Bourguiba, ont interdit le port du voile dans leurs institutions publiques. L’Iran du chah avait fait de même et des Égyptiennes ont aussi réclamé son interdiction. L’Algérie d’avant le Front islamique du salut, et la Palestine des années soixante-dix ne connaissaient pas ce type de voile.
On ne peut pas nous demander d’ignorer ou d’oublier cette réalité. Vu sous cet angle, le hidjab apparaît comme un linceul ; sa banalisation et son expansion consacrent la victoire des intégristes. Que certaines musulmanes le revendiquent au nom d’un certain « cheminement spirituel », ne change rien à ce fait.
Que l’on nous explique pourquoi le cheminement spirituel passe tout à coup dans la forme par le port de ce vêtement imposé. Si, par ailleurs, il s’agissait vraiment d’exprimer un cheminement spirituel, pourquoi ne serait-ce le lot que des femmes, et pourquoi l’impose-t-on aux non-musulmanes dans les États islamistes ?
Le hidjab est en fait un instrument de régulation du rapport entre les sexes. C’est le bout du fil de l’intégrisme religieux : tirez sur ce fil et tout le reste vient avec. Une société démocratique doit savoir fixer ses règles et ses limites et ne pas céder à ceux qui veulent faire prévaloir leurs principes religieux sur l’ensemble des règles de la vie sociale, et ceci au détriment des lois civiles laïques.
Daniel Baril. C.P. 32132. Succ. Saint-André. Montréal (Québec) H2L 4Y5.
L’islam a perpétué jusqu’à nos jours une vision archaïque, injuste et inégalitaire des droits (ou plutôt de l’absence de droits) de la femme. Pour un musulman de stricte observance, la femme n’est rien d’autre qu’une sorte d’esclave qui doit la plus totale obéissance à son « maître ».
La problématique du voile dans l’islam met en évidence le même type de comportement hypocrite, la même propension à jouer sur les mots ou à se référer à des usages locaux qui n’avaient rien de spécifiquement musulman à l’origine.
Le port du voile chez les femmes du Moyen-Orient découle en fait d’une très ancienne coutume. On en trouve la trace dans les lois instaurées par Teglath-Phalazar 1er, roi d’Assyrie au XIIe siècle avant notre ère (voir Essai sur le judaïsme).
L’article 40 de son code stipule qui devait ou ne devait pas être voilé.
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Les femmes mariées, les veuves et les femmes assyriennes ne doivent pas avoir la tête découverte quand elles sortent dans la rue. Les filles de bonne condition doivent être voilées, soit par un voile, une robe ou un [manteau] ; elles ne doivent pas avoir la tête découverte.
Une concubine dans la rue avec sa maîtresse doit être voilée. Une hiérodule qui s’est mariée doit être voilée dans la rue, mais une hiérodule célibataire doit avoir la tête découverte ; elle ne peut pas être voilée.
Une prostituée ne doit pas être voilée ; sa tête doit être découverte.
Tout homme qui voit une prostituée voilée doit l’appréhender, produire des témoins et l’amener à l’entrée du palais. Bien que ses bijoux ne puissent être saisis, celui qui l’a appréhendée peut néanmoins prendre ses vêtements. Elle sera fustigée (cinquante coups de canne) et on lui versera du bitume sur la tête.
Si un homme voit une prostituée voilée et la laisse partir plutôt que de l’amener à l’entrée du palais, il sera lui-même bastonné (50 coups de verge). Ses oreilles seront percées d’une corde attachée derrière lui, et il sera condamné à un mois de travaux forcés pour le roi.
Les filles esclaves ne doivent pas non plus être voilées. Tout homme qui voit une esclave voilée doit l’appréhender et l’amener à l’entrée du palais. Ses oreilles seront coupées, et l’homme qui l’aura appréhendée pourra prendre ses vêtements (G.R. Driver et J.C. Miles « Code législatif assyrien).
Saint Paul, dans la première de ses « Épîtres aux Corinthiens » (chapitre XI, versets 4 à 16), insiste d’ailleurs lui aussi sur la nécessité, pour la femme, de se couvrir quand elle prie ou prophétise. Et il ajoute : (comprenne qui pourra) « À cause des anges ».
La psychose musulmane sur le pouvoir de séduction des femmes (aoura) a son origine dans le chapitre 24, verset 31 (3 fois plus long que le verset consacré à la coquetterie masculine expédiée en 5 lignes) et a, depuis, donné lieu à une généralisation délirante.
Il faut d’ailleurs rappeler ici que le problème du voile (hidjab) et les versets que l’on trouve à ce sujet viennent des remarques, non de Dieu, mais d’Omar, et ne concernent au départ que les femmes de Mahomet. Comme Mahomet avait plusieurs femmes, Omar, qui était le père d’une d’entre elles, lui proposa que ses femmes se voilent. Avant cela Mahomet lui-même asseyait Aïcha sur ses épaules, ses beaux cheveux longs bien visibles de tous. Plus tard, lorsque surgit le problème des rapports d’Aïcha avec un autre homme (affaire du collier ou al-ifk) la question du voile se posa évidemment plus sérieusement.
Le voile ou hidjab fut d’abord prescrit dans le cas où l’on se rendait chez Mahomet (chapitre 33, 53 à 59) : « Ô prophète ! prescris à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants, d’abaisser un voile sur leur visage. Il sera la marque de leur vertu et un frein contre les propos des hommes… Si vous avez quelque demande à faire à ses femmes, faites-le à travers un voile ; c’est ainsi que vos cœurs et les leurs garderont leur pureté ».
Si l’on excepte les femmes âgées, les femmes franchement laides, et celles dont le comportement est entaché de masochisme (il y en a !) ; rares sont les musulmanes qui sont réellement attachées à ce type de vêtement, qui les transforme en autant de sacs anonymes. Elles ne portent ces vêtements dégradants que par obligation, et sous la contrainte des « traditions » imposées par les hommes. C’est particulièrement vrai dans les pays qui conservent encore un semblant de laïcité (Turquie Tunisie Algérie par exemple) et où le port des tenues « islamiques » n’est pas rendu obligatoire par la loi. Le port d’un voile ou d’un foulard n’étant rien d’autre qu’une coutume, dans de très nombreux pays musulmans, la femme ne masque d’ailleurs pas son visage. Certains peuples musulmans n’ont jamais jugé utile d’imposer le port d’un voile ou d’une tenue quelconque. Chez les Touaregs, c’est l’homme qui porte le voile tandis que la femme n’en a jamais porté.
Les musulmans qui obligent leurs femmes et leurs filles à porter le foulard ou le voile le font bien plus pour affirmer leur autorité (et leur jalousie maladive) que par respect d’une quelconque « loi divine ». Il n’y a rien de « révélé » dans tout cela. Chez les musulmans, le port d’un foulard, d’un voile, ou d’un tchador est, en réalité, une soumission de la femme à l’homme, et même en supposant qu’il existe, Dieu n’a rien à voir dans tout cela !
Foulard qui se limite à la couverture de la chevelure, tissu qui ne laisse que les yeux comme unique appel au secours, grilles infligées par les talibans, ou encore couverture complète du visage.
Officiellement un rempart contre les regards masculins, ce voile réduit au silence la moitié de la population.
Le mariage légal, tel qu’il se dégage du Coran, est un mélange subtil de règles juridiques et de coutumes préislamiques. C’est surtout, avec le concubinage, un moyen licite d’avoir des relations sexuelles sans commettre le péché de « zina ». Sur le plan du mariage, l’islam n’a jamais été une religion « égalitaire ».
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Au chapitre des « empêchements », le Coran diffère peu des autres législations de l’époque, mais introduit cependant une notion à lui. Celle qui interdit le mariage avec la sœur d’une femme déjà épousée officiellement et encore vivante. Mais l’islam autorise par contre un musulman à épouser une femme juive ou chrétienne, tout en interdisant évidemment à la femme musulmane de faire de même. Les juifs adoptaient naguère, et adoptent toujours, la même attitude discriminatoire. En outre, chez les juifs comme chez les musulmans, la femme ne participe pas au culte proprement dit. Elle n’en est que la spectatrice et la victime.
En droit islamique, le mariage peut avoir lieu si les deux conjoints sont pubères. Le Coran ne s’encombre pas de la notion de « majorité légale » qui, de toute façon, n’existait pas au VIIe siècle ! II permet, en outre, la pratique du djebr ou djibar, du mariage forcé. C’est-à-dire le droit pour un père de marier sa fille mineure et même encore enfant sans son consentement, et sans même lui en parler. Et dans ce cas même la puberté n’est plus une condition sine qua non. Le djebr n’est d’ailleurs pas une coutume spécifiquement islamique. Il existait bien avant l’islam et il était répandu dans la quasi-totalité de la Méditerranée orientale. Le Talmud des juifs accordait ce même droit au père. Notons encore que le consentement de la fille n’est requis – en droit islamique – que si elle est émancipée, déjà veuve ou divorcée. Elle peut néanmoins refuser d’être mariée à un fou, à un épileptique ou à un homme difforme. Il faut aussi rappeler que la loi coranique a décrété que la défloration était licite dès l’âge de neuf ans. Elle se fonde, une fois de plus, sur l’exemple de Mahomet qui, voulant épouser Aïcha, la déclara nubile à cet âge. Le mariage islamique implique la « cohabitation assidue » et l’entretien du ménage. Il impose à l’homme de nourrir ses femmes (elles peuvent manger tout ce qu’elles sont capables de consommer !) Le Coran permet à l’époux de « corriger par violences légères » (sic) l’épouse dont il aurait à se plaindre, mais lui recommande de s’abstenir des mauvais traitements et sévices graves.
Le machisme musulman ne se limite aucunement à établir une supériorité homme – femme seulement théorique, mais prône donc aussi la violence conjugale avec la plus grande clarté (4, 34) : « Réprimanderez celles dont vous craignez la désobéissance ; reléguez-les dans des lits à part, et battez-les ; mais dès qu’elles vous obéissent, ne leur cherchez plus querelle. Dieu est grand » [On se demande bien encore une fois que vient faire Dieu dans tout ça ? « Dieu », s’il existe, ne peut être à l’origine de tels préceptes]. Le mariage fécond est une obligation religieuse. La femme est le domestique de l’homme, mais elle doit aussi enfanter.
« La limitation des naissances est vue avec horreur par le musulman croyant. La femme musulmane doit d’abord être une génitrice de musulmans. C’est la famille musulmane nombreuse qui finira par redonner aux pays musulmans leur force, tandis que l’Occident décadent et stérile s’enlise avec sa population vieillissante, parquée dans des asiles, qui sont autant de véritables mouroirs. Et l’Occident finira par être vaincu par l’islam parce que ce dernier symbolise vitalité, la vie, et ceci, bien sûr, dans l’immobilisme de la tradition » (Anne-Marie Delcambre l’islam des interdits page1133).
Dans la société musulmane, le célibat est une sorte d’anomalie puisque l’homme a le droit de « posséder » quatre épouses (à l’exception, bien sûr, de Mahomet, qui s’arrogea le droit d’en avoir plus) ; ainsi qu’un nombre « illimité » de concubines esclaves (Mahomet en eut au moins onze). En cela le Coran ne faisait que confirmer les vieilles coutumes tribales, celles des peuples pour qui le nombre de descendants était source de prestige ; (sauf pour Mahomet toujours, qui n’eut qu’un fils et une fille malgré ses quinze femmes et ses nombreuses concubines).
À l’exemple du Prophète, les califes, les sultans, et autres « chefs » musulmans, s’accordèrent donc aussi souvent de nombreuses dérogations « religieuses », en ce domaine. Certains d’entre eux enfermèrent des centaines de femmes dans des « harems » (de l’arabe « haram » : tabou, chose sacrée, ou chose réservée) gardés par des hommes castrés (eunuques).
Parmi ces femmes, il n’était pas rare de trouver des non-musulmanes capturées lors de razzias. Les captives n’avaient la vie sauve que si elles acceptaient d’entrer dans le harem du vainqueur.
La « répudiation » – qui fait l’objet d’un certain nombre de versets du Coran – est un mode de dissolution du mariage commun à tous les peuples d’origine sémitique, très différent du divorce. Chez les israélites, le Deutéronome permet au mari de répudier sa femme sans (grandes) formalités. Cette coutume persista très longtemps chez les juifs, à tel point qu’en Europe le Grand Sanhédrin – réuni en 1807 sur ordre de Napoléon 1er – fut sommé de mettre fin à cette pratique qui permettait les mariages à répétition ; mais dans bon nombre de pays musulmans, l’homme peut toujours répudier quatre femmes sans avoir à se justifier. Chez les musulmans sunnites, le mari a en outre le droit de revenir sur sa décision, ce qui est bien pratique !
Insistons encore une fois auprès des journalistes, des intellectuels, et de tous les gens gentils et intelligents que compte notre pays, sur le fait que la répudiation n’est pas un divorce, et qu’il y a une différence fondamentale entre les deux. Ce que le mot répudiation implique c’est le renvoi de la femme par la seule volonté du mari, et il s’agit d’une manifestation de sa puissance. Pour la femme,
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par contre, cela équivaut à être jetée à la rue et à ne plus avoir aucune protection légale même minimale.
Le profond mépris pour les femmes qui anime les intégristes musulmans s’est souvent manifesté dans la vieille coutume bédouine du mariage « temporaire ». Appelé mut’a ou sigheh en Iran, il ne pouvait durer plus d’une heure et permettait, jadis, la satisfaction des besoins sexuels des hommes qui se trouvaient éloignés de leur (s) femme (s) : caravaniers, marchands, pèlerins. C’était, en réalité, une forme de prostitution déguisée. Aujourd’hui, et alors même que cette forme de relation (très) temporaire ne se justifie plus, le mu’tah ou sigheh permet les relations sexuelles hors mariage. Nous sommes, là encore, en présence d’un cas flagrant d’hypocrisie. Les relations avec des prostituées sont donc tolérées par les régimes islamiques les plus puritains si les « passes » ne durent pas plus d’une heure. D’où une recrudescence de la prostitution dans les pays musulmans où la misère sociale ne cesse de grandir d’année en année. Imitant le grand-père de leur « prophète », les musulmans s’arrogent des « dérogations » en jouant sur les mots et en se référant à des us et coutumes vieux de plus de quinze siècles. Ceux qui fréquentent des prostituées se retranchent derrière cette prétendue « autorisation coranique » que serait la bonne interprétation du verset 24 du chapitre 4. Comme les « séances » chez les putains durent rarement plus d’une heure, ils sont « en règle avec Dieu ». Ben voyons !
Les musulmans pouvant régner sur les femmes ou filles de leurs familles, ils sont évidemment portés à exploiter les femmes ne bénéficiant pas de la tutelle d’un homme ET MÊME PIRE.
C’est au Coran que se réfèrent certains musulmans commettants des crimes à faire pâlir d’envie Jack l’Éventreur ! La justice iranienne a fini par condamner à mort (et exécuter) un certain Saïd Hanaei ; ouvrier du bâtiment, âgé de trente-neuf ans (lors de son procès en octobre 2001) qui avait assassiné seize prostituées de la ville de Machad dans le nord de l’Iran.
Le « tueur en série » fut démasqué quand une de ses victimes parvint à s’échapper puis à trouver refuge dans un commissariat de police. Sa méthode était simple : il se faisait passer pour un client, attirait sa victime dans un coin, tranquille, la « consommait » puis l’étranglait avec son voile islamique ! Saïd Hanaei expliquera qu’il avait agi de la sorte parce qu’un homme avait abordé sa femme alors qu’elle traversait un quartier mal famé. Il l’avait prise pour une prostituée. Hanaei se serait alors senti souillé puis investi d’une mission divine : chasser les femmes « impures » de la ville sainte de Machad !
On est là devant un cas classique d’aliénation mentale puisant ses racines dans le mysticisme religieux. D’autres ont agi de même dans des pays catholiques ou puritains, ou encore dans des communautés juives. On notera d’ailleurs que des religieux iraniens ont réclamé la clémence pour lui, car selon eux, il n’avait jamais « versé de sang innocent ».
Or les prostituées qui furent massacrées par Hanaei n’avaient pas vraiment choisi ce métier (le plus vieux du monde). L’une d’elles n’avait que dix ans quand elle avait ensuite été contrainte au mariage (toujours le fâcheux précédent d’Aïcha !) Répudiée à vingt ans par son mari, elle avait ensuite été contrainte d’élever seule ses cinq enfants. La prostitution – sujet tabou au pays des ayatollahs – avait été l’unique issue pour cette femme qui avait été « légalement répudiée » avec ses enfants. Et c’est ce genre de mère courageuse que les religieux iraniens osent qualifier de « femme impure » ? Le salaud dans cette affaire, c’était le « pieux musulman » son mari oui ! Hanaei a bénéficié de nombreuses marques de sympathie lors de son arrestation et sa famille, très fière, vénère toujours sa mémoire comme celle d’un « saint homme » !
L’Inquisition iranienne ne considère pas comme un vrai dévot le musulman qui s’assied trop vite à la place encore chaude qu’une femme vient de quitter. Certains docteurs de la loi soutiennent même que la fornication peut s’effectuer par l’œil ou l’oreille. Diable !
Mais, assez curieusement, en Occident, l’immense majorité des gens gentils et intelligents ou vice-versa puisque c’est la même chose (et par là nous entendons tous ceux qui, à un titre ou à un autre, pasteurs, rabbins, curés, avocats, journalistes, hommes politiques, responsables, intellectuels, écrivains, médecins, cinéastes anti racistes, anti communistes, bref, tous ceux qui savent) ; assènent en même temps et d’une seule voix, aux pauvres (euh, aux riches par définition puisqu’eux sont altruistes et donc pauvres, et nous tous égoïstes et donc riches) ignorants que nous sommes, leur décision : « oui au Coran et aux mosquées, plus il y en aura plus les hommes seront libres et heureux ! »
Pouvons-nous essayer de rappeler à tous ces gens gentils et intelligents, qui nous expliquent inlassablement à la télévision ou ailleurs, à nous qui sommes bêtes et méchants, ou à tout le moins qui ne savons pas que, qui, etc. que la meilleure et la plus sage des conceptions de la laïcité est encore celle qui met toutes les religions sur un pied d’égalité, en les excluant radicalement du pouvoir politique ; et que l’on ne peut donc admettre d’exceptions qui avantageraient une quelconque religion par rapport aux autres. La religion c’est à la maison et dans les lieux de culte prévus pour cela, et pas
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dans l’espace public ! 2) Il n’y a pas à déroger sur ce principe, pas plus que sur les autres règles qui conditionnent le bon fonctionnement des sociétés modernes ; même par anti racisme, même par discrimination positive (comme s’il pouvait d’ailleurs exister des discriminations exclusivement positives et n’ayant pas automatiquement pour corollaires des discriminations négatives) ! Pour mémoire : l’apartheid du XXe siècle en Afrique du Sud n’a jamais été qu’une discrimination positive en faveur d’une minorité visible (celle des Blancs).
1) Qui a dit que les sacrifices de victimes humaines offertes aux dieux n’avaient rien à voir avec une quelconque religion ??
2) À titre personnel, nous sommes même contre la transmission aux enfants des idées de leurs parents en matière de religion. Qu’ils choisissent de croire, ou de ne pas croire, une fois arrivés à l’âge adulte. À la maison on ne doit parler de religion aux enfants que de façon neutre et objective.
CIRCONCISION, EXCISION, ET AUTRES MUTILATIONS.
La fitra 1) comprend cinq choses, y compris la circoncision. Abou Horaïra a dit : j’ai entendu le Prophète (paix et bénédictions de Dieu sur lui) dire : « La fitra 1) comprend cinq choses – ou cinq choses font partie de la fitra – la circoncision, le rasage du pubis, se tailler la moustache, se couper les ongles et se raser les poils des aisselles » (Boukhari 5891, Muslim 527).
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Si ce n’est pas mentionné spécifiquement ou si les pronoms n’indiquent pas un genre plutôt qu’un autre, un hadith est valable pour les deux sexes. Par conséquent le hadith ci-dessus est applicable aux hommes comme aux femmes.
Rapporté par Oumm Atiya al-Ansari : Une femme pratiquait la circoncision à Médine. Le Prophète (Salla Allah Oua Sallam) lui a dit : Ne coupe pas radicalement, car c’est mieux pour une femme et plus désirable pour un mari (Sounan Abu Dawoud 41 : 5251).
Or radicale ou pas radicale, l’excision est une mutilation de la femme. Et ne parlons pas de l’infibulation, et des déflorations au poignard !
Les Américains de Boston doivent-ils revenir au port de l’épée dans la rue comme au XVIIIe siècle, les Chinoises aux pieds bandés, les Allemandes à la ceinture de chasteté ? ? ? Non ! Alors de grâce (de grâce divine bien sûr) que l’on interdise enfin vraiment l’excision admise par Mahomet qui s’est contenté (si l’on peut dire) de recommander la modération en la matière (« n’opère pas radicalement »).
Au Mali, comme dans d’autres pays d’Afrique, les imams s’entendent pour perpétuer des pratiques honteuses, véritable mutilation allant à l’encontre des droits les plus élémentaires de la personne humaine. 80 % des femmes maliennes âgées de quinze à quarante-neuf ans sont encore excisées malgré les lois adoptées par le gouvernement. C’est la Ligue malienne des imams et des érudits pour la solidarité islamique (sic) qui est le plus directement opposée à la loi interdisant l’excision bien que, selon son porte-parole, l’excision soit « facultative dans la religion musulmane ». En d’autres termes, il s’agit d’une coutume, couverte par l’islam, qui s’applique « à la tête du client » sans aucune nécessité véritable. Encore un crime contre l’Humanité parmi tant d’autres, sous couvert de religion.
Un Dieu [comme celui d’Abraham, d’Isaac, et de Jacob] qui exige de ses croyants de se mutiler pour les marquer, par leur sexe, comme on marque du bétail, est un Dieu d’une morale douteuse. On peut comprendre que la circoncision masculine ou féminine, comme toute autre intervention médicale, puisse être justifiée dans des cas spécifiques, et sur indications médicales individuelles. Mais mutiler les enfants, garçons ou filles, en prétendant leur faire du bien, relève du fanatisme. Et en ce domaine, il n’existe aucune raison qui puisse justifier la distinction entre circoncision féminine et circoncision masculine. Le Docteur Zwang va encore plus loin. Il affirme : « On ne pourra jamais mettre fin à la circoncision féminine tant que l’on continuera de pratiquer la circoncision masculine. Comment voulez-vous convaincre quelqu’un de ne pas exciser sa fille si en même temps vous lui permettez de circoncire son fils ? »
La religion a été un instrument pour justifier la circoncision masculine et féminine. Il faudrait donc démasquer son caractère irrationnel, et dénoncer le rôle néfaste de certains milieux religieux antiracistes qui la défendent, ou qui refusent de la combattre.
Avis personnel de Pierre de La Crau. Nous ne sommes pas tout à fait d’accord avec Gérard Zwang. La circoncision est très différente de l’excision et il faut être un musulman vraiment très pieux pour oser mettre les deux sur le même plan, pour oser assimiler l’ablation du clitoris à l’ablation du prépuce. Vous avez dit taqiya comme quand on rebaptise divorce une répudiation ?
Le Coran est donc non seulement un instrument d’oppression envers les non-musulmans, mais aussi, paradoxalement, une machine infernale sévissant à l’encontre de ses propres adeptes.
Les maris ont, en terres d’islam, le droit de corriger leurs épouses, de leur arracher les enfants, ils peuvent les répudier en quelques minutes, et même à leur insu, en les déshéritant totalement au profit d’une plus jeune.
Outre ce droit de correction, d’enfermement, et de répudiation, ou de garde des enfants, réservés à l’époux ; il y a aussi infériorité juridique de la femme en matière de témoignage et d’héritage, avec même carrément exhérédation en cas d’épouse non musulmane.
C’est vis-à-vis des femmes que l’islam révèle son anachronisme et ses aspects les plus inégalitaires. Le Coran réduit la femme au rang de spectatrice et domestique de l’homme. Elle peut être échangée (« échanger une épouse contre une autre » est l’expression utilisée par le verset 20 du chapitre 4 du Coran) ou rejetée (répudiée) comme pour tout produit de consommation, courante ; elle est à la charge du mari au même titre que le bétail. Le maître peut disposer d’elle comme il l’entend et user de la force à son encontre. Parler ici de misogynie est trop faible pour exprimer le mépris et la soumission dont les femmes sont l’objet. L’adultère semble être une exclusivité féminine.
Le monde musulman est resté fidèle à ces préceptes préhistoriques. En donnant au Coran un caractère immuable, les musulmans perpétuent des us et coutumes qui n’ont plus cours dans les autres communautés depuis des siècles. En cela, ils sont rejoints par les juifs « ultra-orthodoxes » (Haredim), ceux-là mêmes qui constituent le noyau dur de la droite israélienne. On ne connaît que trop bien les méthodes fascisantes de cette droite extrémiste, belliqueuse et raciste. Des méthodes qui s’apparentent très directement à celles des factions islamistes les plus radicales. Ce sont ces
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fascistes religieux qui ont revendiqué (et obtenu !) des bus « kasher » (avec compartiments séparés pour les hommes et pour les femmes).
L’islam est porteur d’une conception fondamentalement inégalitaire des sexes. Dans bon nombre de communautés musulmanes, les hommes se sont arrogé le droit de vie ou de mort sur les femmes et les jeunes filles (les crimes d’honneur). Ce sont les hommes adultes (ou préadultes) qui « règnent en maîtres », et imposent leurs volontés aux femmes, aux jeunes filles, et aux enfants. L’islam ne donne pas de liberté à la femme ; les lois coraniques ne lui laissent aucune possibilité d’émancipation au sein de la société.
Quelques penseurs musulmans, apparemment plus révolutionnaires ou plus réformistes, admettent que les femmes ont le droit de travailler. Mais en examinant tout cela de plus près, ce que l’on constate c’est que les métiers auxquels ils pensent sont, par exemple, institutrices (pour filles) médecins et infirmières (pour femmes), etc. Aux dires de ces doctes penseurs, la femme peut exercer tous les métiers donc, exceptés :
1 Ceux qui sont incompatibles avec sa croyance, tels que curer les égouts, pêcher dans les lacs et les rivières (??)
2 Ceux qui sont incompatibles avec sa nature féminine : contrôleur, officier de police, danseuse (sic) ?
3 Ceux qu’elle est physiquement incapable d’effectuer, comme le travail en usine.
4 Ceux qui requièrent l’utilisation d’un cheval ou d’une bicyclette.
5 Et, naturellement, ceux qui requièrent l’usage de la raison : elle ne peut pas être magistrate ou imam. D’autres penseurs interdisent les emplois d’actrice, d’hôtesse de l’air ou de vendeuse.
Les arguments qui sont les plus fréquemment avancés pour justifier ces interdictions sont…
1 Sa nature féminine : elle est faite pour rester à la maison, répondre aux besoins sexuels de son époux, et s’occuper des enfants.
2 Ses facultés mentales limitées.
3 Ses faiblesses psychologiques en raison des menstruations, de la grossesse, et de l’enfantement.
Et si des femmes ont un certain rôle dans beaucoup de sociétés islamiques – où la religion constitue la barrière la plus redoutable à la libération de l’esprit, à la justesse du discernement, et à la liberté d’expression – c’est bien malgré l’islam qu’elles l’ont obtenu. Dans la plupart des pays où domine la loi coranique, les hommes peuvent, en toute impunité ou presque, assassiner leurs filles ou leurs sœurs ne se soumettant pas aux injonctions du Coran ; et notamment celles qui fréquentent des hommes, non musulmans, ou sans être mariées avec eux (crime d’honneur).
Reconnaissons néanmoins qu’il y a quelques métiers qui ne sont guère faits pour les femmes : mineur de fond, commando de marine le couteau entre les dents ! Par contre pourquoi pas une femme amirale ?
Et maintenant un peu de fraîcheur pour nous détendre et nous changer les idées, après toutes ces injustices du Coran à propos de la moitié de l’Humanité (l’autre moitié, du ciel disait Mao Tsé Toung). Ce que le célèbre Casanova a écrit sur les femmes, et ce, en un style infiniment plus élégant que celui du Coran, une élégance formelle qui ne fait d’ailleurs que refléter la grâce de ses idées à leur propos.
Conversation de Giacomo Casanova (traduit de l’italien).
« L’Amour est patient ; il est plein de bonté ; il pardonne tout ; il espère tout. L’amour ne périt jamais. Car les langues se tairont, les prophéties s’accompliront, et la connaissance disparaîtra. Demeurent la foi, l’espérance et l’Amour. Et le plus grand des trois, c’est l’Amour. Chaque homme est un infini de tendresse, même si lui-même l’ignore, qui aime pleurer de n’avoir vu le soleil afin de savoir qu’il lui reste des larmes. Pourtant, l’homme exerce une oppression sur la femme. Une véritable tyrannie qu’elle accepte uniquement parce qu’elle est meilleure, plus raisonnable, plus généreuse que lui.
Des qualités qui eussent dû lui valoir la suprématie, mais qui l’ont, au contraire, asservie et jetée à sa merci. Car l’homme est cent fois plus déraisonnable, plus cruel, et plus enclin à opprimer autrui. Mais celui qui ne médit jamais des femmes ne les aime pas vraiment. Pour les aimer, pour les comprendre, il faut avoir souffert par leur faute. Alors, et alors seulement, il pourra trouver le bonheur sur les lèvres de l’aimée ».
Note de la rédaction. Casanova exagère peut-être un peu.
Il est vrai que les femmes sont incontestablement les plus belles et les plus élégantes des créatures peuplant cette Terre, et que la plupart se sacrifient humblement et quotidiennement pour leurs maris et leurs enfants ; (il y a des exceptions, dans ce pays par exemple un père n’a qu’un droit : celui de payer. De continuer à rembourser – seul – les traites de la maison dont il a été expulsé par la justice, la boîte aux lettres de l’amant de sa femme ; ou de contribuer au financement de l’église locale, même s’il ne fait pas partie de ses ouailles) ; mais c’est quand même chez les hommes que l’on trouve le plus de vraies passions amoureuses, car l’homme est naturellement porté à l’excès apparemment. Voir la belle légende portugaise de la reine morte : Inès de Castro (1325-1355). Et dans le fond Orphée avait peut-être raison qui fait de l’Amour la première des forces du cosmos.
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1) L’état normal de l’être humain selon l’islam. Il fallait oser le dire, les musulmans pieux l’ont fait ! On est loin du recht aicnid de nos amis fénianes.
RÉSUMÉ.
Se convertir à l’islam est-il une preuve d’intelligence ?
Qu’est-ce qu’avoir de l’instruction ou un minimum de culture générale ?
Qu’est-ce que faire preuve d’un minimum d’intelligence ?
Qu’est-ce qu’être franc ???
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Qu’est-ce qu’avoir du courage ?
Qu’est-ce que mentir ou induire en erreur, volontairement ?
Qu’est-ce qu’un rideau de fumée pour des militaires ?
Qu’est-ce qu’être un ou une intellectuel (le) finalement ?
La condition féminine fait partie des plus grands scandales engendrés par le Coran. La hiérarchie entre femmes et hommes doit obéir à la règle machiste fort répandue (2, 228) : « Les hommes ont la prééminence sur leurs femmes ».
Coran 4, 34. « Les hommes ont autorité sur les femmes en vertu de la préférence que Dieu leur a jadis accordée sur elles, et à cause des dépenses qu’ils font pour assurer leur entretien. Les femmes vertueuses sont pieuses et discrètes ». Ou encore, sur la servitude à laquelle la femme est assignée, la femme idéale est plus proche de l’esclave soumis que d’une personne libre de décider de sa vie (7, 189) : « C’est lui qui vous a tous créés à partir d’un premier homme, dont il a tiré une épouse pour qu’il repose auprès d’elle. Après qu’il eut cohabité avec elle, cette dernière portait un fardeau léger avec lequel alors elle marchait sans peine ».
La femme est une possession du mâle dont il peut disposer comme bon lui semble ; tant en ce qui concerne l’épouse (2, 223 : « les femmes sont votre champ, labourez-le de la manière que vous l’entendrez, en ayant fait auparavant quelque acte de piété ») ; que les filles (2, 221) : « Ne donnez point vos filles aux polythéistes tant qu’ils ne se seront pas convertis ». Et comme tout bien de consommation est jeté lorsqu’il n’a plus les faveurs de l’utilisateur, la femme peut être répudiée avec la plus grande facilité ; la procédure est précisée dans les chapitres N° 2 (versets 229 à 231) et N° 65 (versets 1 à 4). Le mépris dans lequel sont tenues les femmes éclate dans l’équivalence « 1 homme = 2 femmes » lors du besoin de témoins dans le règlement d’un litige (2, 282) : « Demandez le témoignage de deux témoins choisis parmi vous ; si vous ne trouvez pas deux hommes, prenez un homme et deux femmes, si l’une des deux femmes se trompe, l’autre lui rappellera ce qu’elle aura oublié ». Cette même inégalité de traitement prévaut également dans les droits de succession (4, 11) : « Dieu vous commande, dans le partage de vos biens entre vos enfants, de donner au fils mâle la portion de deux filles ; s’il n’y a que des filles, et qu’elles sont plus de deux, elles auront les deux tiers de la succession ; s’il n’y en a qu’une seule, elle en recevra la moitié ». Voir aussi chapitre 4, verset 176. La polygamie est officiellement acceptée (4, 3) : « Épousez comme il vous plaira deux, trois, ou quatre femmes » et Mahomet montre l’exemple. Voir aussi le chapitre 33 versets 28 et 50. « Ô prophète, il t’est permis d’épouser les femmes que tu auras dotées, les captives que Dieu a fait tomber entre tes mains, les filles de tes oncles et de tes tantes maternels et paternels qui ont émigré avec toi ; ainsi que toute femme croyante qui se sera donnée au Prophète ».
Le machisme musulman ne se limite nullement à établir une supériorité homme/femme, mais prévoit aussi la réprimande violente et l’exprime avec la plus grande clarté (4, 34) : « Réprimandez celles dont vous craignez l’infidélité ; reléguez-les dans des chambres à part et frappez-les ! » Le Coran montre ici son vrai visage de religion rétrograde et agressive, qui ne survit que par la terreur qu’il inspire aux unes et par l’attribution d’une supériorité factice aux autres. De même au verset 15 : « Si vos femmes commettent l’action infâme (l’adultère), appelez quatre témoins. Si leurs témoignages concordent, enfermez-les dans des maisons jusqu’à leur mort, à moins que Dieu leur offre un moyen de salut ». La mort pour les femmes adultères, seul remède pour cet islam qui, par contre, n’envisage pas le cas de l’homme adultère. Autre exemple d’infidélité conjugale à la charge des épouses dans le chapitre 66 verset 10, avec toujours la mort comme issue. Appeler à la mort de l’autre n’est pas la marque d’une réflexion particulièrement élaborée.
En Arabie saoudite, dans la ville d’al-Shamli, située au nord du royaume, une veuve de nationalité syrienne, Khamisa Saouadi ; a été condamnée le 3 mars 2009 à 40 coups de fouet ainsi qu’à quatre mois de prison, suivis d’une expulsion définitive du pays. Son crime : avoir reçu chez elle le 21 avril 2008 deux jeunes hommes qui n’appartenaient pas à sa famille directe, en contravention avec les lois en vigueur.
Les deux jeunes Fahd al-Anzi et Hadiyan Bin Zein, ont été arrêtés au moment où ils sortaient de la maison par des agents de la police religieuse, les moutaoua, reconnaissables à leur barbe broussailleuse et à leur robe s’arrêtant au mollet. Ils ont, eux aussi, écopé d’une peine de prison et de coups de fouet.
Les deux « coupables » ont expliqué qu’ils faisaient les courses pour la vieille dame. L’un des deux, Fahd, est en outre le neveu du défunt mari de Khamisa. Mais la charia (la Loi islamique), c’est la charia, indiqua un avocat interrogé par la presse, Maître Ibrahim Zamazami. Certes, une femme de soixante-quinze ans « n’est pas en général considérée comme séduisante », reconnaît l’avocat « mais l’âge n’est pas une raison suffisante pour un acquittement ». En revanche, les charges pouvaient être
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abandonnées en appel si Khamisa avait bien été la nourrice de Fahd, comme celui-ci l’affirme, ce qui aurait fait de lui l’équivalent du fils de la vieille dame.
LE CORAN ET L’ESCLAVAGE.
Selon le Coran, Dieu a créé l’univers et y a mis chaque être à sa place. L’Humanité ainsi que les djinns ne furent créés que pour adorer Dieu. Aussi Dieu est le maître de l’homme, tandis que l’homme
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est l’esclave de Dieu (la racine ibad, les hommes, est la même que celle qui sert à former le mot esclave). Le péché par excellence de la créature humaine est de vouloir être l’égale de son Créateur.
Mais la hiérarchie des êtres ne s’arrête pas là. Dieu Tout-Puissant a voulu instaurer une inégalité parmi les hommes et vouloir introduire une égalité parfaite entre eux est donc d’un acte qui contrarie sa volonté.
Coran chapitre 16, verset 71. « Dieu a favorisé certains d’entre vous plus que d’autres dans la répartition de ses dons.
Que ceux qui ont été favorisés ne reversent pas ce qui leur a été accordé à leurs esclaves au point que ceux-ci deviennent leurs égaux. Nieront-ils les bienfaits de Dieu ? »
Coran chapitre 24, verset 31. « Dis aux croyantes de baisser les yeux et de ne pas être provocantes ; de ne pas faire montre de leurs appas, sauf ce qui en émerge, de rabattre leur khimar sur les échancrures de leurs vêtements. Elles ne laisseront voir leurs appas qu’à leur mari, à leurs enfants, à leurs pères, beaux-pères, fils, gendres, neveux de frères et de sœurs, aux femmes (de leur communauté), à leurs captives, à leurs serviteurs mâles incapables d’actes sexuels ».
Comment ne pas voir dans ces serviteurs des eunuques, c’est-à-dire des esclaves châtrés (sur lesquels on a pratiqué une ablation des testicules) devenus incapables de « besoins » sexuels ? Non seulement le Coran ne condamne pas la castration, mais ce passage semble la tolérer et la reconnaître comme pratique.
Coran chapitre 30, verset 28. « Il vous a proposé une parabole tirée de vous-même. Avez-vous, parmi vos esclaves, des associés qui partagent les biens que nous vous avons accordés en sorte que vous soyez tous égaux ? Les craignez-vous comme vous vous craignez mutuellement ? »
Une petite comptabilité, en fonction du droit à l’héritage, du témoignage et du droit sexuel, peut nous donner une idée approximative de la hiérarchie sociale selon le Coran et si l’on reconstruit donc la hiérarchie de la création selon les versets cités, on aboutit à une pyramide de statuts inégaux qui ressemble à la suivante…
Dieu.
L’homme libre / le djinn.
La femme libre
L’esclave, homme ou femme.
Le vocabulaire arabe est particulièrement riche pour désigner ces différentes catégories de sans-liberté : abd, abid, riqq, raqiq, djariya, djaouari (réservé aux esclaves femmes), ghoulam (réservés aux jeunes esclaves hommes), raqba (mot coranique qui signifie « nuque » ou « tête »), zandj ou assouad (noir, venant à signifier « esclave »), mamlouk (« possédé »), khaddam (serviteur domestique), etc. L’expression la plus générique qui les désigne toutes prend source dans le langage imagé du Coran : ma malakat aymanoukoum (« ce que votre droite a possédé »).
Le tableau ci-dessous nous montre donc que celui qui cumule le plus de privilèges est par conséquent l’homme libre, qui peut à la fois devenir maître, prétendre à une part complète d’héritage, au témoignage valide et aux droits sexuels à la fois sur ses épouses et ses captives. Celui, à l’opposé, qui cumule les désavantages, est bien entendu l’esclave, privé d’abord de liberté, ensuite, du témoignage, et des autres droits dont jouit son propriétaire, mais pouvant quand même prétendre (semble-t-il) à la moitié de l’héritage (clause à relativiser puisqu’il est lui-même la propriété de quelqu’un d’autre).
Différences hommes/femmes.
En matière d’héritage : en règle générale l’homme une part, la femme une demi-part (chapitre 4, verset 176).
En matière de témoignage : le témoignage de la femme vaut la moitié de celui d’un homme (sauf dans les affaires spécifiquement féminines). Chapitre 2, verset 282. Faites intervenir deux témoins ; à défaut de deux hommes, un homme et deux femmes, en sorte que si l’une d’elles s’égare, l’autre puisse lui rappeler.
Dans le domaine matrimonial : l’homme a droit d’avoir quatre épouses, la femme n’a droit qu’à un seul époux.
Droit sexuel sur les esclaves : l’homme a le droit d’user de toutes ses esclaves… La femme n’a le droit d’user d’aucun de ses esclaves mâles.
La femme semble donc se situer entre les deux : la valeur récurrente chez elle est ½, tandis que celle qui revient chez l’esclave est 0, alors que le maître se réserve le tout. Par ailleurs, l’esclave (surtout femme) est à vrai dire épousée, elle n’épouse pas : le croyant pauvre, qui ne peut payer une dot pour s’unir à une musulmane libre, est ainsi autorisé à s’unir à une captive ou esclave (chapitre 17, verset 25).
Dieu est maître de l’homme libre, qui est lui-même maître de l’esclave. Aussi, en vertu de cette inégalité rigoureusement instituée, l’esclave n’est pas concerné par l’héritage et son témoignage ne
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vaut rien. Seul l’homme libre a droit à ces privilèges, qui lui sont octroyés par le Seigneur comme autant de gratifications. À aucun moment du texte le Coran ne condamne ni n’abolit l’esclavage.
À en croire ces passages du Coran, une des manières de renier (djouhoud) le Maître de l’Univers consiste donc à ignorer cette inégalité. Le Miséricordieux n’a pas gratifié l’esclave et l’homme libre des mêmes dons, et cela est un ordre social voulu par Lui.
Coran, chapitre 2, verset 178. « Ô vous qui croyez ! La loi du Talion vous est prescrite en cas de meurtre : l’homme libre pour l’homme libre, l’esclave pour l’esclave, la femme pour la femme ».
En cas de meurtre, la valeur de la vie des êtres humains ne vaut donc pas la même chose selon le Coran. La Loi du Talion – la punition est identique à l’offense – qu’il prescrit veut que l’on ne compense pas la vie d’un homme libre par celle d’un esclave ou celle d’une femme parce que ces vies ne se valent pas. Au contraire, les croyants sont conviés à ne mesurer la vie d’un homme libre qu’avec celle d’un homme libre, celle d’un esclave qu’avec celle d’un autre esclave, celle d’une femme qu’avec celle d’une femme. Les statuts sont ainsi bien différenciés.
L’évolution des sociétés arabes et islamiques a montré que ces passages du Coran ont été largement utilisés pour fonder une horrible traite négrière orientale et un commerce d’esclaves chrétiens, mais aussi une importation permanente de femmes des quatre coins de la terre pour alimenter les harems et les désirs des états musulmans. Un crime contre l’Humanité qui a duré trois fois plus longtemps que celui qui fut légitimé en Occident par une bulle du Pape en 1452, au profit des Portugais, mais aussi touchant deux fois plus d’individus (17 millions ?). Le Coran donne donc une caution divine à l’inégalité puisqu’il légifère sur ce que doivent être les rapports de maître à esclave.
Les juristes ont fourni un cadre juridique au commerce d’esclaves destiné à le réglementer et à le légitimer. S’il n’y a pas de code spécifique à l’esclavage, les écrits des différents théologiens comportent souvent des sections et des sous-sections qui en traitent. Ainsi, l’imam al-Chafi emboîte-t-il le pas en l’occurrence à l’al Moudawouana de l’imam Sahnoun dans sa réglementation de l’achat et la vente des esclaves. Mais la dissémination de ces écrits dans des traités plus généraux rend invisible l’arsenal juridique dédié à la traite des êtres humains. De ce point de vue, il manque un manuel qui puisse réunir toutes les parties en un seul volume.
Le statut de l’esclave est ambigu, car il est tantôt traité comme un adami, un être humain (bonté, bienveillance envers lui sont de mise), tantôt comme une marchandise soumise aux lois du commerce.
Il est interdit en principe de réduire un musulman en esclavage. Le seul cas où un musulman peut être esclave est celui où il est né de parents eux-mêmes esclaves. Toutefois, un esclave qui devient musulman ne s’affranchit pas automatiquement pour autant. Une autre originalité de cette jurisprudence est qu’un esclave peut acheter lui-même sa propre liberté, à condition qu’il en ait les moyens et sous réserve de l’accord de son maître : il est dit alors moukatab. En revanche, il est moudabbar si son maître spécifie qu’à sa mort, l’esclave peut recouvrer la liberté. Un troisième statut fondé sur le Coran concerne les femmes. Une femme dite Oum oualad (mère d’un enfant mâle) est ipso facto affranchie à la mort de son maître. Sa descendance conserve un ouali (lien de clientèle) qui la lie à ses anciens maîtres.
Le fiqh (exégèse et jurisprudence musulmanes) a promu des règles rigoureuses quant au statut d’esclave. Par exemple, les peines qui s’appliquent à l’esclave sont de moitié réduites (ce qui peut paraître comme un avantage, s’il ne consacrait l’inégalité). Dans le domaine vestimentaire, les femmes esclaves n’ont pas le droit de paraître dans les tenues pudiques réservées aux musulmanes et sont, par suite de cette discrimination, dispensées du « voile » (ou de ce qui lui tient lieu). Des auteurs prestigieux ont rédigé des traités ou des textes qui enseignent comment acheter des esclaves au marché sans se faire avoir. Le grand Ibn Khaldoun a prodigué au début de la Mouqaddima (Introduction) quelques conseils succincts dans ce sens. Ibn Boutlane (mort en 1063) a écrit une Rissala fi chira al-raqiq oua taqlib al-abid (« Lettre sur l’achat des esclaves ») montrant quels critères il faut adopter pour éviter les pièges du marché et faire de « bonnes affaires » en matière d’achat d’esclaves alors que… le texte s’arrête ici, car la page suivante manque…
Les êtres humains placés sous la tutelle d’un maître sont toujours humiliés, privés de liberté, voire parfois traités avec une violence extrême, comme dans le cas de la castration (peu y survivent) ou de la possession sexuelle par le propriétaire (viols, et abus de tous genres). Les traversées du désert (pour les Africains) furent parfois de véritables génocides. Mais il est vrai qu’aucune société ne semble avoir eu le monopole de l’esclavage (ou de la clémence), les sociétés africaines pratiquaient elles-mêmes un esclavage intérieur et les Romains avaient réduit en esclavage de nombreux grands guerriers blonds aux yeux bleus, celtes ou germains comme les Cimbres et les Teutons.
Conclusion.
Les recommandations que le Coran adresse aux propriétaires d’esclaves, dans le sens de leur traitement humain et indulgent, sont indéniables. Cette démarche rappelle celle de Paul de Tarse
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concernant les relations entre esclaves et maîtres dans son épître aux Éphésiens (chapitre 6, versets 5 à 9) : Esclaves obéissez à vos maîtres d’ici-bas avec crainte et tremblement […] Et vous, maîtres, faites de même à leur égard. Laissez de côté la menace […].
L’exhortation des croyants à affranchir les esclaves, au point de présenter cette action comme une expiation des péchés du maître est probablement une innovation audacieuse par rapport aux codes régissant l’esclavage dans l’Arabie préislamique.
Il n’en demeure pas moins qu’un « mamlouk ou possédé » de cette époque est privé de liberté. Un statut strictement inférieur lui est réservé, qui le prive des droits élémentaires octroyés à un musulman normal. Des mesures destinées à le distinguer d’un simple musulman sont édictées par les juristes sur la base des versets cités. Le Coran donne sans ambages au maître des droits sexuels sur son esclave de sexe féminin.
RACISME, ESCLAVAGISME, ET CONTRE RACISME EN TERRES D’ISLAM.
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Rappelons avant toute chose comme nous venons juste de le voir, que la Bible, et notamment les quatre Évangiles, ne condamnent en aucune façon l’esclavage.
L’Ancien Testament prescrit seulement d’affranchir au bout de sept ans l’esclave israélite (sauf s’il est volontaire pour continuer de la sorte) et reste muet sur le cas des esclaves non israélites.
Il n’existe dans le Nouveau Testament aucun passage du genre : « Celui qui a des esclaves et qui ne les affranchit pas immédiatement ira en enfer ; ou n’ira pas au paradis, ou ne pourra pas me suivre, ou sera excommunié… » Pire même, saint Paul semble en admettre le principe, puisqu’il ne tient en aucune façon à son sujet des propos de ce genre, mais recommande seulement de bien traiter les esclaves, de les traiter en frères, etc. Eh bien il en va de même avec l’islam et les esclaves africains.
S’il est vrai que le Coran n’a en aucune façon aboli l’esclavage, il a néanmoins longuement insisté pour qu’on le traite humainement et avec bonté. L’ihssane (l’idéal) envers l’esclave est le même, nous dit le texte, que celui qui est recommandé envers les parents, les voisins et les orphelins. Le texte de la sourate des femmes est explicite.
Chapitre 4, verset 36. « Adorez Dieu ! Ne lui associez rien ! Vous devez user de bonté envers vos parents, vos proches, les orphelins, les pauvres, le client qui est votre allié et celui qui est étranger ; le compagnon qui est proche de vous, les voyageurs et les esclaves. Dieu n’aime pas celui qui est insolent et plein de gloriole ».
De même, les pouvoirs du maître ne sont pas illimités. Par exemple, il n’a pas le droit de contraindre son esclave à la prostitution. Mais en insistant sur ce traitement indulgent, le texte reconnaît aussi implicitement la légitimité de l’esclavage, ou de la forme très particulière d’esclavage que l’on pratiquait à son époque.
Cependant, une recommandation de taille, qui distingue le Coran en ce domaine, consiste en ce que le maître est encouragé (mais non obligé) à affranchir son esclave si celui-ci le lui demande.
Coran chapitre 24, verset 33. « Ceux qui ne trouvent pas à se marier rechercheront la continence jusqu’à ce que Dieu les enrichisse par sa faveur. Rédigez un contrat d’affranchissement pour ceux de vos esclaves qui le désirent si vous reconnaissez en eux des qualités et donnez – leur une part des biens que Dieu vous a accordés. Ne forcez pas vos femmes esclaves à se prostituer pour vous procurer les biens de la vie de ce monde alors qu’elles voudraient rester honnêtes.
Ainsi, l’affranchissement de l’esclave reste à l’entière discrétion de son propriétaire. C’est à ce dernier de juger si son serviteur a les qualités (ou la bonté) nécessaires à sa libération. Point de liberté donc si le maître n’est pas d’accord, et point de loi qui l’oblige à le faire. Au contraire, il y’en a une qui lui permet de maintenir son esclave dans la servitude. Ceci dit, l’exhortation à l’affranchissement est relayée par des moyens puissants et certains hadiths le présentent comme une action capable de compenser les plus grands péchés du croyant. Le Coran pousse même le propriétaire à dépenser de ses propres biens au bénéfice des esclaves en les libérant. Curieuse attitude qui maintient l’esclave dans un statut inférieur, qui réprouve l’égalité, mais qui pousse en même temps à son affranchissement et à son traitement humain, sans jamais décréter son abolition.
Seuls les esclaves musulmans des deux sexes sont autorisés à se marier légalement avec un homme libre. Les esclaves non-musulman(e)s ne peuvent évidemment contracter un mariage avec un(e) musulman(e). Cependant, le maître d’une esclave a le droit de la prendre sexuellement pour en jouir, sans être contraint à quoi que ce soit, même pas à la prendre comme épouse : Coran chapitre 70 versets 29-31. « À l’exception des hommes chastes, qui n’ont de rapports qu’avec leurs épouses et avec leurs esclaves [ou captives de guerre], ils ne sont donc pas blâmables, tandis que ceux qui en convoitent d’autres pèchent ».
Les principes de cette inégalité des êtres humains sont donc étayés par une répartition des privilèges accordés aux uns à l’exclusion des autres. Évidemment, un(e) esclave n’a aucun droit sur le corps de son maître, cela va de soi. Mais surtout, la femme du maître, contrairement à son mari qui peut jouir sexuellement de celles qui lui plaisent parmi les esclaves et les captives, n’a pas le droit de prendre sexuellement un esclave ou un captif. Ce privilège est celui de l’homme croyant, à qui vraisemblablement appartiennent et l’épouse, et l’esclave de sexe féminin, et l’esclave de sexe masculin.
Comme on ne peut jamais avoir une discussion sur l’esclavage en islam sans se voir objecter le cas de Bilal al-Habachi, esclave chrétien éthiopien d’abord possédé par Abou Bakr et affranchi par lui, qui choisit ensuite de servir le Prophète ; finissons donc par lui.
Mahomet s’attacha donc le service de Bilal, et en arrivant à Médine, il décida de faire de lui le premier muezzin de l’islam. Geste, certes, d’une grande portée symbolique. Mais comme on le verra, aussi important soit-il, cet acte n’est pas une abolition de l’esclavage. L’esclave noir Bilal ne fut pas affranchi par Mahomet à Médine, mais par son compagnon Abou Bakr à la Mecque. Mahomet n’a fait que le promouvoir à un rôle social distingué, du fait de sa qualité de musulman. Sa promotion sanctionne donc sa foi, pas sa qualité d’être humain dont un des droits inaliénables est la liberté.
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Pour en revenir à l’esclavage en terre d’islam proprement dit, notons que cette incroyable traite des noirs a commencé longtemps avant celle qui fut entreprise par les Occidentaux, qui ont été à bonne école apparemment (au VIIe siècle en ce qui concerne les Zandj, soit sept cents ans avant) ; et elle a fini bien longtemps après (1980 pour la Mauritanie). Encore a-t-il fallu le progrès des idées au XIXe siècle pour que les Européens arrivent peu à peu à mettre fin à ces pratiques ancestrales. Non sans heurts d’ailleurs.
Les Zandj, ainsi que beaucoup d’autres esclaves noirs originaires des côtes d’Afrique orientale (où on les avait capturés, achetés, ou obtenus des États soumis, à titre de tribut) ; furent importés en grand nombre au cœur de l’empire musulman à partir d’une date indéterminée. Leurs conditions de vie devaient être extrêmement dures, puisqu’en l’espace de trois siècles ils se révoltèrent à trois reprises.
Un premier soulèvement se produisit en 689-690, sous le gouvernement de Khaled ibn Abdallah, successeur de Moussaab ibn al-Zoubaïr. Il fut apparemment de faible importance, il s’agissait, semble-t-il, de petites bandes se livrant au pillage, qui furent dispersées sans grand mal par l’armée gouvernementale.
Les prisonniers furent décapités puis leurs cadavres pendus au gibet.
La seconde insurrection eut lieu cinq ans plus tard, en 694. Elle semble avoir été plus importante, et surtout mieux préparée. Les Zandj avaient cette fois-ci un chef, un certain Rabah (ou Riyah ?) surnommé « Shir Zandji » (« le Lion des Zandj »), et les autorités furent obligées de s’y prendre à deux reprises pour les écraser. Le caractère de cette révolte paraît avoir été complexe, mais les informations dont nous disposons sont assez maigres. Les renseignements que nous possédons sur ce mouvement ne nous permettent pas d’en déceler le véritable caractère ; certains pensent qu’il n’éclata pas spontanément, et que les Zandj avaient été travaillés par une certaine propagande.
Mais c’est bien entendu avant tout la troisième révolte des Zandj qui est la plus connue, car cette nouvelle révolte des esclaves secoua très fortement et pendant quinze années (entre 869 et 883) le bas Irak et le Khouzistan ; causant des dégâts matériels sans nombre et des dizaines (certaines sources parlent de centaines) de milliers de morts. Elle fut l’œuvre d’un personnage redoutable et apparemment sans scrupule, Ali ibn Mouhammad, surnommé « Sahib al-Zandj » (« le maître des Zandj »). « Révolutionnaire-type », d’ascendance obscure, mais ayant pu approcher les « hautes sphères » de son époque ; poète de talent, instruit, versé dans les sciences occultes, ayant adhéré à différentes doctrines et tenté plusieurs soulèvements (notamment au Bahreïn et à Bassora), il réussit à fomenter la plus grande insurrection d’esclaves de l’histoire du monde musulman.
Quatre raisons expliquent la réussite de son action et la longévité de cette révolte.
a) L’extrême misère de ces « troupeaux » d’esclaves. Les révoltés, selon Tabari [son tome 36 est notre principale source d’informations] étaient employés comme terrassiers, chargés de cultiver la Basse-Mésopotamie, d’enlever le limon, de l’entasser en monticules, afin de rendre ainsi cultivables les terres nitreuses du Chatt El-Arab ; groupés par chantiers de 500 à 5 000 travailleurs, parqués là, sans foyer ni espoir, avec, pour toute nourriture, quelques poignées de farine, de semoule et de dattes.
b) Le théâtre des opérations : propice à la guérilla.
c) La situation précaire du pouvoir de Bagdad (le pays à cette époque était secoué par l’anarchie dans sa partie centrale, et par de graves problèmes dans les provinces éloignées).
d) Les qualités personnelles (organisationnelles, guerrières et politiques) d’Ali ibn Mouhammad.
On distingue deux périodes dans cette insurrection.
— La première (869 – 879) est la période de l’expansion et de la réussite pour les insurgés, le pouvoir central n’étant pas en mesure, pour des raisons intérieures et extérieures, de les combattre efficacement.
Les révoltés s’organisent, se procurent des armes, et se fortifient dans des camps installés en des endroits inaccessibles, d’où ils lancent des expéditions. Après un grand nombre d’embuscades et de batailles qui tournent à leur avantage (car les esclaves libérés augmentent sans cesse « l’armée » des insurgés) ; ils s’emparent temporairement des principales villes du bas Irak et du Khouzistan (Abadan, Bassora, Ouasit, Djoubba, Ahouaz, etc.).
Les troupes abbassides réoccupent sans mal ces villes que les Zandj ont prises, pillées puis quittées. Mais elles sont incapables d’étouffer la révolte, ou d’infliger une défaite décisive à un ennemi présent partout et nulle part. Comme le pouvoir de Bagdad avait d’autres problèmes plus urgents à résoudre, la question des Zandj passa au second plan. Pendant ce temps, le « Maître des Zandj », solidement installé dans la région des canaux où se trouve sa « capitale », frappe sa propre monnaie, organise son « État » ; et tente, avec plus ou moins de succès, de se lier avec d’autres mouvements contemporains (tels ceux des chiites qarmates 1), et des saffarides de Yaq’oub ibn al-Laïth).
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— La seconde période (879 – 883) n’est qu’une lente agonie avant l’écrasement final. À cette époque, les Zandj deviennent le principal souci du calife de Bagdad, qui agit méthodiquement, nettoyant tout sur son passage, laissant les Zandj s’enfermer dans la région des canaux ; où ils subirent un siège en règle, dirigé par « le régent du califat », al-Mouwaffak, et son fils, Abou I-Abbas (le futur calife, al-Moutadid). Finalement, Ali ibn Mouhammad fut tué, ses plus proches compagnons et officiers faits prisonniers, puis transférés à Bagdad, où ils seront décapités deux ans plus tard ; mais certains membres de sa famille lui survivront encore quelque temps.
On pourrait conclure en disant que la révolte des Zandj fut une révolte politique (lutte pour le pouvoir) et sociale (amélioration des conditions de vie d’une classe particulière de la population), mais plusieurs points d’importance concernant cet extraordinaire événement mériteraient de longs développements. La personnalité du chef de la révolte, ses prétendues généalogies, son credo et son « idéologie », l’organisation politique et sociale du nouvel « État », ses relations avec les différentes classes de la population et avec d’autres mouvements contemporains.
Il y a lieu cependant d’insister sur un fait essentiel : si ce mouvement très particulier tient une place absolument à part, parmi les très nombreuses insurrections ayant eu lieu dans l’histoire du Moyen-âge musulman ; c’est parce qu’il a mis fin à l’unique essai, dans le monde musulman, de transformation de l’esclavage familial en esclavage colonial.
1) Ces révolutionnaires fondent une sorte de république communiste dans la région orientale de l’Arabie (Bahreïn) en 926 et iront jusqu’à prendre la Mecque et voler la pierre noire de la Kaaba en 930.
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ANNEXE 1.
RÉFLEXION À PROPOS DU MYTHE PAÏEN SUMÉRIEN D’ÈVE ET D’ADAM.
On ne soulignera jamais assez le danger qu’a pu, et que peut encore, constituer, pour certains esprits faibles même si parfois ils sont également brillants, le mythe sumérien d’Adam et Ève ; faits avec un peu de terre et de sang de petit dieu, afin d’être au service des grands (dieux) et travailler pour eux.
Contrairement à ce que font semblant de croire les pseudos démocrates, ou républicains, l’alliance de la monolâtrie (hénothéisme) et de sa révélation n’équivaut pas à un polythéisme sans révélation. Dans le monde antique, on savait fêter publiquement les dieux. On les voyait partout, avec une naïveté assez touchante. Taranis lançait la foudre. Bregsos (Bress) faisait pousser le blé. Le vent froid du nord était Circios. Il y avait des nymphes dans les sources et les rivières. Toute une cohorte de dieux et de demi-dieux comme Cuchulainn (Hésus sur le Continent). Tout cela, pour nous autres modernes, fait un peu imagination débridée ou délire poétique, mais les chamans très-sachant avaient indéniablement le sens du sacré. Leur polythéisme ne comportait pas de dogme. Il n’y avait donc pas de guerre sainte. On ne demandait pas d’acte de foi, mais seulement de respecter les rituels. De même, avant les invasions par l’islam et la disparition qui s’ensuivit de la caste entière des kchatriyas, l’Inde a vécu des millénaires en paix avec des milliers de religions différentes.
À la décharge de la religion, on peut tout de même reconnaître qu’il existe des religions moins dogmatiques, des religions fondées sur une théologie de l’humilité. Mais ce ne sont pas ces religions qui font problème aujourd’hui. L’idée de Dieu n’est pas neutre. Elle est devenue un problème parce que la religion est un problème, et on ne peut pas s’en débarrasser par un athéisme d’indifférence. Ce serait se voiler la face. À tout le moins, une théologie de l’humilité recommanderait au croyant d’avoir le courage d’admettre que certaines de nos croyances anciennes sur Dieu et sur la Vie ne sont plus valides. L’infaillibilité a fait assez couler de sang. Il faut accepter que nous ne sachions pas tout, qu’il y a eu des erreurs ou une ignorance basique à propos de Dieu. Devant la question de la nature de Dieu, il est même indispensable que le croyant puisse reconnaître qu’il y a des aspects de Dieu et de la Vie qui nous échappent.
La première erreur est de se servir constamment de Dieu comme d’argument justifiant tout et n’importe quoi ; ce qui amène invariablement à en formuler une image qui n’est que le reflet de nos désirs, et qui conduit tout droit dans ces conditions, à l’élaboration d’un Dieu moral. Mais le dieu moral a-t-il un vrai rapport avec Dieu, dans le sens où nous venons de le voir ? Peut-on, en partant d’une conception morale de Dieu, avoir une compréhension juste de ce vers quoi conduit le mystère du déploiement de sa Manifestation ? Peut-on, en partant d’un dieu moral, découvrir le vrai sens du sacré ? La présence au cœur de la subjectivité de la palpitation de la Vie absolue ? Peut-on, lesté d’une représentation moralisante de Dieu, ne serait-ce qu’approcher le Dieu cosmique ?
L’athéisme ne s’est pas trompé sur cette question, et c’est bien le dieu moral qui a toujours été la cible de ses critiques.
Nous avons tellement revêtu Dieu de caractéristiques humaines, que nous avons justifié par lui toutes nos attentes, nos désirs, nos espoirs, et nos exigences. À force de bondieuseries simplistes, de ferveur émotionnelle apprêtée, de marchandages en guise de prière, d’hypocrisies bigotes, nous avons fini par tuer le dieu moral que nous avions inventé pour notre propre complaisance. C’est la religion qui a fait de Dieu un mortel, en lui prêtant toutes les caractéristiques de l’homme, pour le mettre finalement sur un trône, et en faire un Dieu le Père. Substitut névrotique de nos attentes infantiles dira Freud.
Dieu, dans son essence, englobe l’éternité. Au sein de l’Être, les existences apparaissent dans le temps, se maintiennent, puis disparaissent. Prêter à Dieu une existence temporelle, semblable à l’existence humaine, c’est le considérer comme une chose jetée dans le Devenir. Le fait même de considérer que cette super-chose est une personne, qui se tient au-dessus des nuages pour juger des mortels, cautionner le pouvoir des uns et le malheur des autres, c’est continuer à développer la même erreur.
Il paraît que l’Homme a été fait à l’image de Dieu, mais ce que nous voyons d’abord, c’est que le Dieu des religions est le plus souvent fait à l’image de l’homme. La confusion que notre époque entretient au sujet de l’idée de Dieu est telle que la plupart des vrais penseurs de notre temps hésitent à se servir du mot. Le vocable Dieu est un terme dont la charge émotionnelle est puissante. Il condense les rivalités et les divisions des religions qui en revendiquent une révélation exclusive. Il est le drapeau que l’on brandit dans toutes les guerres pour justifier des atrocités. Il est le symbole suprême de l’argument d’autorité. D’un côté, on s’en sert pour interdire par avance toute réflexion. De l’autre, on a prêté à Dieu dans la religion tant d’intentions malignes et revanchardes, que le bon sens lui-même veut que l’on se détourne d’une idée si confuse.
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Dans notre monde postmoderne, où l’indifférence à l’égard de la religion est un état de fait, il reste que les mythes culturels qui lui sont rattachés continuent d’alimenter des croyances. On ne peut donc pas échapper à l’interrogation sur l’idée de Dieu. La question de Dieu concerne même l’incroyant qui se détourne de la religion, car le monde en tant que tel reste gouverné par des principes tirés de la religion. Contre toute attente, nous devons revenir sur l’idée de Dieu, pour l’examiner de plus près, voir ce que la religion en a fait aussi ; et nous demander si une bonne part des problèmes que nous rencontrons aujourd’hui ne sont pas liés intrinsèquement à cette représentation de Dieu que nous nous faisons ; représentation qui continue de régir de manière souterraine nos croyances actuelles.
Ce qu’enseigne le polythéisme, c’est une représentation des puissances de la Nature, qui maintient simultanément qu’il y a aussi un Absolu sous-jacent, une unité sous la diversité. Ce sont les pouvoirs cosmiques délégués qui sont appelés les dieux. La représentation de Dieu sous la forme d’un Créateur, que l’on trouve dans les religions sémitiques, est très différente. Elle ne peut pas être soutenue par une métaphysique de la Nature. Sankara en Inde, et Aristote en Grèce, critiquent sévèrement le concept de création ex nihilo, qui est justement central dans les religions du Livre. Le concept de Créateur suppose nécessairement, pour être défendu, dans ce cas, une Révélation, un Livre, pour figurer Dieu sous une forme personnelle, la Révélation étant la « parole de Dieu » adressée aux hommes.
Or il n’y a pas une, mais des révélations. Il y a la Bible, les Évangiles, le Coran, les Livres d’Hermès 1) les douze livres des Fénianes, le Livre des mormons, et d’autres.
Ce à quoi répondra le croyant : il n’y a qu’une seule religion véritable ! Et c’est précisément sur cette position que se structurent les religions de masse de notre époque. Pas toutes, certainement, mais les plus importantes en nombre
L’idée de Dieu que l’on rencontre dans la religion est en général inséparable du nom que la religion révélée lui donne. Élohim, Yahvé, le Seigneur Jésus, Jéhovah, Dieu, Dieu, etc. Cette idée en outre, est seulement le développement d’une interprétation de la Révélation. Pour être précis dans ces conditions, il faudrait dire « ce que le musulman entend par Dieu, c’est », « ce que le juif entend par Yahvé, c’est », bref, selon telle ou telle interprétation.
Le croyant admet qu’une seule religion est bonne, à partir de l’interprétation qui est la sienne, de ce qu’il croit être Dieu. Les autres, à la rigueur, ont peut-être de bonnes intentions, mais elles ne sont pas acceptables ; et le fidèle doit prendre garde de ne pas se laisser séduire par de « fausses croyances », qui ne sont pas la « Loi de dieu », de la « vraie croyance ».
La théologie révélée, interprète à partir de ladite Révélation le mystère de la nature de Dieu. Nous disons bien interprète, car les textes sacrés ne sauraient être lus de manière littérale. La lecture au premier degré fait apparaître trop d’invraisemblances, de propositions incompréhensibles, voire choquantes dans le contexte de notre mode de vie actuel. Les textes religieux ont été adressés à des peuples d’une époque donnée, ils ont été rédigés dans un contexte historique précis, dans le langage que les hommes d’autrefois pouvaient entendre. Pour maintenir l’idée qu’il y a malgré tout en eux une valeur absolue et non relative, il faut se livrer à une interprétation qui les remet dans le contexte actuel. Par principe, la religion suppose que l’on ne peut pas écouter directement la « parole de Dieu », mais seulement suivre l’interprétation de ses médiateurs, plus ou moins fidèles.
On appelle intégrisme une doctrine qui prône un retour rigoureux à la lettre des textes sacrés. L’intégriste croit que pour avancer dans la résolution des problèmes moraux que se pose l’Humanité, il faut revenir aux paroles originelles du texte sacré. L’interprétation rejoint alors ce que l’on pourrait nommer le littéralisme : il faudrait lire et appliquer le texte sacré à la lettre.
Mais le problème justement, comme aurait pu dire le grand druide irlandais (sic) John Toland, c’est qu’il y a toujours de fait un conflit des interprétations. Aussi faut-il décider de l’interprétation qui fait autorité. L’interprétation qui fait autorité sera donc celle des représentants de Dieu, des théologiens, des prêtres. Il est unanimement admis qu’eux au moins, savent de quoi ils parlent. Pour les autres, comme il n’existe pas de moyen de savoir, ils doivent les croire sur parole (dixit John Toland). Enfin, pour que la boucle soit bien fermée sur elle-même, et l’interprétation verrouillée, on accorde l’infaillibilité aux textes sacrés et l’autorité suprême à ceux qui sont en position de direction au sein de l’organisation religieuse. Ceux qui en sont les « directeurs de conscience ». On peut même aller encore plus loin : dans la théologie catholique, le Pape, quand il parle ex cathedra, « du haut de sa chaire », est dit ne pas pouvoir se tromper quand il aborde les questions de la morale et de la foi. Cela s’appelle l’infaillibilité pontificale. De même, dans l’islam, l’isma du prophète possède une autorité suprême, pour tout ce qui relève des questions morales et temporelles. La doctrine de l’infaillibilité ou isma signifie : « j’ai toujours raison !!! » Elle conduit directement au blâme de celui qui aurait un point de vue différent, et flatte l’orgueil de celui qui se trouve investi d’une position de pouvoir. Elle est, on ne saurait faire plus exactement, à l’opposé de l’humilité. Elle fonde par avance le désaccord et le
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conflit, puisqu’elle ne reconnaît pas, par principe, la possibilité d’un point de vue différent. Sur le terrain de la question de la nature de Dieu, elle distribue donc tout dialogue en : avoir raison/avoir tort. Ce qui démontre sans ambiguïté la naïveté des essais de dialogues interreligieux, et la contradiction interne des efforts de tout œcuménisme.
La conséquence en est que notre idée de Dieu est nécessairement une croyance ancienne, ou une idée ancienne, qui s’est maintenue. Il y a des millénaires que Dieu ne s’adresse plus aux hommes. La Révélation se situe toujours dans le passé. Dans la relation primitive de l’Homme avec une puissance supérieure, l’émotion du sacré avait la forme d’une crainte. Dieu devait se rencontrer dans une terreur sacrée. Cette forme reste encore largement inchangée. Au lieu qu’il y ait aujourd’hui toute une armée de dieux à devoir apaiser, il y a seulement un Dieu à calmer. Mais il n’est pas plus facile d’apaiser cette colère de Dieu. On peut la trouver partout. Chaque désastre qui apparaît sur la planète peut être interprété comme une punition envoyée par Dieu. Les théologiens l’ont fait autrefois avec le tremblement de terre de Lisbonne ; comme ils l’ont encore fait avec le génocide juif décidé à Wannsee en 1942, par les socialistes du parti national des travailleurs allemands (5,5 millions de victimes innocentes) ou avec le sida. Que l’Homme vive donc dans la crainte de Dieu ! Qu’il s’humilie devant le Tout-Puissant. Pour recevoir sa protection, qu’il se plie à sa Volonté ! La voix qui fait gronder les nuages, qui fait se soulever les océans, pleuvoir le sang et les sauterelles, est implacable, terrible et impérative. La religion enseigne depuis toujours que Dieu a besoin de quelque chose, et que l’homme à qui Dieu s’adresse a le devoir d’y répondre ; car c’est en cela que consiste son alliance avec Dieu, son allégeance, son obéissance et sa piété. Sinon sa malédiction retombera sur le pécheur. Pour être satisfait, Dieu veut que certaines choses arrivent, et que sa Volonté soit faite. Mais comment deviner sa volonté ? Elle est insondable. Et puis, si Dieu est le Tout-Puissant, comment serait-il possible que sa volonté ne soit pas faite ? Si Dieu est vraiment Dieu ? Ce serait en venir à croire en cette absurdité selon laquelle Dieu aurait des besoins. Dieu n’a pas de besoin, il est la Plénitude même, dans son débordement infini, comment pourrait-il avoir des besoins, lui qui est toutes choses ? Et comment admettre dès lors, l’idée tout aussi absurde, selon laquelle Dieu pourrait ne pas obtenir ce dont il a besoin ? Si rien ne s’oppose à lui ? Cela ne veut rien dire. Selon les propres mots de la religion, il est tout-puissant. Comment Dieu pourrait-il nous avoir séparés de lui parce que nous ne lui aurions pas donné ce dont il avait besoin ? Il n’existe rien qui puisse être en dehors de lui, et qui soit séparé de lui. Cela ne veut rien dire non plus. Comment pourrait-il avoir des exigences à satisfaire et auxquelles les humains devraient répondre ? Ce serait comme prétendre que la Plénitude n’est pas pleine, ou que Dieu n’est pas Dieu. Encore une fois, cela ne veut rien dire. Comment penser, enfin, dans ces conditions, que, mécontent, Dieu pourrait en venir à désirer détruire l’Homme si ce dernier ne répond pas en fait à ses exigences ? N’ayant pas de manque, il ne peut avoir d’exigence. Ce qui ne veut rien dire non plus. Ce ne sont que des erreurs à propos de Dieu, et rien de plus. Mais comme ces erreurs ont effectivement été répandues, comme elles sont même toujours largement maintenues, il en résulte qu’elles pèsent encore sur ce monde. Elles sont même à la racine des affrontements religieux qui ont lieu sur Terre. Ce qui n’est plus du tout de la spéculation. Les idées mènent le monde, mais il n’est pas nécessaire que ce soit des idées vraies. Il faut bien comprendre qu’en amont de nos comportements intolérants, il y a nécessairement des croyances qui les fondent. En amont des croyances, il y a les idéologies religieuses 2). L’intolérance religieuse renvoie à la représentation que l’Homme se fait de Dieu. Supposons que l’on veuille persuader quelqu’un d’aller tuer telle ou telle personne. Il ne fera pas sans raison. Pour cela, il faut lui inculquer la croyance qu’il doit le faire. En dernier ressort, l’argument suprême, c’est qu’il doit exécuter la volonté de Dieu ! Et c’est un dieu très particulier qui justifie le meurtre, le massacre ou le génocide.
Si Dieu est le Tout-Puissant, comment est-il possible que sa volonté ne soit pas faite ? Si Dieu est vraiment Dieu ? La question étant insoluble, il faut alors supposer que la Volonté de Dieu peut être contrecarrée. Il faut supposer cette idée étrange que Dieu peut ne pas obtenir ce dont il a besoin. Comme l’Homme, perdu au milieu d’une Nature difficile, peut ne pas obtenir ce dont il a besoin, on a supposé que Dieu pouvait être dans le même cas. Mais comment, donc, les créatures de Dieu peuvent-elles contrecarrer la volonté du Créateur ? Il faut nécessairement par avance supposer qu’elles sont séparées de lui. Si les créatures sont séparées du Créateur, et que Dieu cependant leur laisse le libre arbitre, il leur est possible alors, dans ce cas, de faire ce que Dieu ne veut pas qu’elles fassent.
Le mythe biblique d’Adam et Ève est une remarquable illustration de ce point. Dans le jardin d’Éden, Adam et Ève jouissaient de la Vie éternelle et de la communion avec Dieu. Mais Dieu y avait mis une condition, qu’il fallait respecter. Ne pas toucher à l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal. Ève goûta le fruit et désobéit. Ce n’était pas tout à fait de sa faute, elle fut tentée par le serpent. Le serpent est la représentation du Diable, un ange déchu qui aurait osé vouloir être aussi grand que le Créateur, ce que jamais Dieu ne pourra supporter. La sanction divine devait tomber immanquablement,
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consacrant ainsi la séparation radicale entre l’homme et Dieu. Devait s’ensuivre la condamnation à ce tombereau de misères qu’est l’existence humaine. La sanction se traduisait par la finitude promise à la mort. Désormais, la Faute était marquée comme une tache indélébile sur l’âme, avant même la naissance. Certaines théologies ont été très catégoriques sur ce point. Cette tache sur l’âme, aucune action ne peut l’effacer, même avec un repentir sincère. La grâce de Dieu seule le peut, mais attention, elle ne peut être obtenue que si l’homme vient à lui de la bonne manière. Dieu est très entêté, il ne prend pas en considération seulement la bonté ou la générosité, encore faut-il venir à lui par le bon chemin, en professant la bonne religion. Alors et alors seulement, le Juste aura le droit de s’asseoir à la droite du Tout-Puissant. (Et encore, ce n’est même pas gagné, car certaines théologies vont jusqu’à prétendre que Dieu a choisi par avance ses élus ! Le peuple juif ou seulement 144 000 personnes).
On ne plaisante jamais avec la Volonté de Dieu, il est entendu que Dieu a des besoins si importants qu’il exige que les humains, de leur position séparée, y répondent. La conséquence évidemment, puisque c’est Dieu qui l’a voulu ainsi, c’est qu’il faut de la même manière que les hommes se jugent les uns les autres, à l’aune de l’exigence posée initialement par Dieu. On peut dupliquer à l’infini le Jugement. Il faudra toujours voir chez les autres avant tout l’imperfection. Tout ce qui est mauvais : les tendances mauvaises, la mauvaise sexualité, le mauvais parti politique, la mauvaise nationalité, la mauvaise religion, etc. Ils ont beau faire, les hommes ne seront jamais à la hauteur des exigences de Dieu. Enfin, comble d’infortune, la religion enseigne que Dieu détruira l’Homme s’il ne répond pas à ses exigences. Le prodigieux spectacle de la Création en 6 jours est fini, maintenant l’univers ne fait plus que suivre son cours, et ce cours des choses est incertain ; car la Création menace à tout instant de retomber dans le Néant dont elle est sortie (et où elle aurait peut-être mieux fait de rester ? !). L’homme doit trembler, il suffira d’une colère de Dieu pour que tout disparaisse. La fin des temps est, pour certains croyants, imminente. Des signes de l’irritation de Dieu peuvent d’ailleurs être trouvés partout. Mais la mort ne sera un soulagement pour personne, car même si cette existence amère n’est qu’un passage, dans l’au-delà, il y aura encore le (premier ?) Jugement qui nous attend. L’âme sera évaluée puis elle devra recevoir la rétribution de ses actes. Des fleuves de pus et d’épines de zaqoum, les tourments de la Géhenne dans des enfers brûlants ou glacés, attendent pour l’éternité ceux qui auront été des fauteurs d’iniquité. La rancune de Dieu est terrible, et elle poursuivra partout ceux qui auront osé ne pas croire en lui. La vie est comme une école où l’on peut recevoir à la fin un prix. Mais seuls les justes auront droit à la récompense du paradis.
Tout cela n’est que discours de la peur, et ce discours moralisant n’a même aucun rapport avec le but de toute vraie religion.
1) Les Livres d’Hermès étaient les livres (toute une bibliothèque) dont se réclamaient les sabéens de Harran en Turquie.
2) Ensemble des idées relatives à Dieu qui se transmettent de génération en génération.
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ANNEXE 2.
LE SORT DES FIDÈLES DES AUTRES RELIGIONS DANS L’AU-DELÀ.
Pour l’islam, « tout homme naît dans la Fitra (c’est-à-dire musulman), mais c’est la famille qui le fait juif, chrétien ou zoroastrien » (Rapporté par Abou Horaïra). On est là aux antipodes du Recht Aicnid des Fénianes irlandais.
L’islam est l’identité naturelle de l’Homme. La conversion à l’islam est donc considérée comme naturelle, alors que tout abandon de l’islam est par contre considéré comme une perversion, une trahison par rapport à la nature première de l’Homme, la fitra. Celui qui sort de l’islam est un dénaturé, un pervers, car il est inconcevable d’abandonner la meilleure des religions ayant jamais existé.
Que spécifie par conséquent l’islam en ce qui concerne l’au-delà, pour qui s’en est tenu à une voie (Char') antérieure à la voie révélée de façon plus récente par Mahomet ?
Autrement dit que se passerait-il au cas où le message coranique ne serait pas parvenu à des humains qui en seraient par conséquent restés à une religion fondée sur un message antérieur (à celui de l’islam ?)
Note de la Rédaction : assez curieusement on retrouve la même problématique dans le nouveau catéchisme (1992) de l’Église Catholique. « Hors de l’Église point de salut ! Cette affirmation ne vise pas ceux qui, sans qu’il y aille de leur faute, ignorent le Christ et son Église. Ceux qui, sans faute de leur part, ignorent l’Évangile du Christ et son Église ; mais cherchent pourtant Dieu d’un cœur sincère et s’efforcent, sous l’influence de sa grâce, d’agir de façon à faire sa volonté, telle que leur conscience la leur révèle et la leur dicte ; ceux-là PEUVENT ARRIVER AU SALUT ÉTERNEL ».
EN CE QUI CONCERNE L’ISLAM VOICI LA RÉPONSE.
Puisque le message plus récent [le Coran] s’adressait aussi à lui, cet homme sera également tenu responsable dans l’au-delà, de sa position par rapport à lui.
Il peut s’en tenir au message le plus ancien en arguant que de toute façon, il a été, lui aussi, révélé par Dieu. Le Coran a justement, à propos de ces hommes, employé le terme « koufr » (Coran 4, 150-151), qui montre bien qu’il les considère également comme n’ayant plus la croyance que Dieu agrée. D’autant plus que le Coran affirme aussi que l’annonce de la venue du dernier messager figurait déjà dans les véritables Écritures bibliques non altérées (Coran 7 :157). Et que des allusions aux qualités de ses compagnons y figurent même également (Coran 48, 29). Le fait qu’ils se tourneraient pour prier vers la Kaaba de La Mecque était déjà connu des « hommes » (Coran 2, 150), c’est-à-dire, ici, de ceux qui étaient versés dans la connaissance des Écritures ; et des allusions au Coran existaient déjà dans les Saintes Écritures des Anciens (Coran 26, 196).
Note de la rédaction. Le Coran affirme effectivement que la venue de Mahomet, en tant que prophète pour toute l’Humanité, se trouve annoncée dans la Thora et dans l’Injil (l’Évangile) sous le nom de Hamed.
Chapitre 61, verset 6. Jésus fils de Marie dit : Ô Enfants d’Israël, je suis vraiment le Messager de Dieu [envoyé] vers vous, pour confirmer ce qui figure avant moi dans la Thora ; et annoncer la bonne nouvelle d’un Messager à venir après moi, dont le nom sera « Hamed ».
Et à l’appui de ce chapitre du Coran, les musulmans mettent en avant deux textes bibliques.
Le premier des deux est un passage du Deutéronome qui parle des vrais prophètes et des faux prophètes. Le voici. Deutéronome 18, 15 à 22.
« L’Éternel, ton Dieu, te suscitera du milieu de toi, d’entre tes frères, un prophète comme moi : vous l’écouterez ! Il répondra ainsi à la demande que tu fis à l’Éternel, ton Dieu, à Horeb, le jour de l’assemblée, quand tu disais :
Que je n’entende plus la voix de l’Éternel, mon Dieu ; et que je ne voie plus ce grand feu, afin de ne pas mourir.
L’Éternel me dit : ce qu’ils ont dit est bien. Je leur susciterai du milieu de leurs frères un prophète comme toi, je mettrai mes paroles dans sa bouche, et il leur dira tout ce que je lui commanderai. Et si quelqu’un n’écoute pas les paroles qu’il dira en mon nom, c’est moi qui lui en demanderai compte personnellement. Mais le prophète qui aura l’audace de dire en mon nom une parole que je ne lui aurai point commandé de proclamer, ou qui parlera au nom d’autres dieux, ce prophète-là sera puni de mort.
Peut-être diras-tu dans ton cœur maintenant : comment reconnaîtrons-nous la parole que l’Éternel n’aura point dite ? Quand ce que dira le prophète n’aura pas lieu et n’arrivera pas, alors ce sera là une parole que l’Éternel n’aura point dite. C’est de sa propre initiative que le prophète l’aura dite : n’aie donc pas peur de lui ».
Cette prophétie est reprise dans les Actes des Apôtres 3, 22 et 7, 37.
Ce qui est intéressant dans ce témoignage, c’est sa mise en garde contre les faux prophètes.
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Le second texte est un passage de l’évangile de Jean qui annonce la venue du Paraclet.
Le voici. Évangile selon Jean, 16, 7 à 15. « Cependant, je vous dis la vérité : il vaut mieux pour vous que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, le Paraclet (le défenseur) ne viendra pas vers vous ; mais, si je m’en vais, je vous l’enverrai. Quand il sera venu, il convaincra le monde en ce qui concerne le péché, la justice, et le jugement. Pour ce qui est du péché, parce qu’ils ne croient pas en moi ; en ce qui concerne la justice, parce que je vais au Père, et que vous ne me verrez plus ; en ce qui concerne le jugement, parce que le prince de ce monde est déjà condamné. J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pourrez pas les supporter maintenant. Quand le consolateur sera venu, l’Esprit de vérité vous guidera ; car il ne parlera pas de lui-même, mais répétera seulement tout ce qu’il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir. Il me glorifiera, parce qu’il prendra de ce qui est à moi, et vous l’annoncera. Tout ce que le Père a est à moi ; c’est pourquoi j’ai dit qu’il prendra de ce qui est à moi, et qu’il vous l’annoncera ».
Note de la rédaction. À chacun de penser ce qu’il veut d’une telle prophétie, au demeurant aussi vague qu’une prédiction d’astrologue pour l’année à venir. Toute la difficulté vient de l’interprétation du mot grec « parakletos ». Fin de la note de la rédaction.
Qu’en sera-t-il maintenant, dans l’au-delà, de l’homme auquel est parvenu un ancien message de Dieu, mais non le plus récent ? Deux cas possibles.
Premier cas. Cet ancien message a été conservé dans toute son authenticité, quant à ses fondements, c’est-à-dire en ce qui concerne les croyances. Cet homme ne sera responsable devant Dieu que par rapport à son adhésion à l’ancien message et à sa fidélité (au niveau des actes concrets) aux enseignements de cet ancien message. Dans l’autre vie, un tel homme ne sera, bien évidemment, pas responsable de sa non-adhésion au message de Dieu plus récent, puisque celui-ci ne lui était pas parvenu. C’est bien dans ce sens que Dieu a dit à Mahomet, ce qui suit : « Ce Coran a été révélé, afin que je vous avertisse par son moyen, vous et ceux auxquels il parviendra » (6, 19). L’homme à qui le Coran n’est pas parvenu ne peut donc pas, évidemment, être tenu pour responsable du fait qu’il n’a pas cru en lui.
Deuxième cas.
Des changements notoires sont intervenus dans cet ancien message. Qu’en sera-t-il alors, dans l’au-delà, dans ce cas, de l’homme qui, sur Terre, aura eu des croyances erronées, aura suivi de nouvelles pratiques erronées et/ou aura commis des actes interdits ; puisque c’est ce que lui aura enseigné la forme altérée de l’ancien message qui lui est parvenue ? Et qu’il n’avait pas eu connaissance du message venu après pour le restaurer dans son intégralité.
Il faut bien distinguer deux choses : le caractère de la croyance et de l’action erronée, en eux-mêmes ; et la sanction prévue à leur sujet dans l’au-delà.
Les croyances erronées tout comme les actes déviants de cet homme, constituent bien en eux-mêmes des « bid’a moudhallila »1), ou des « kabira » 2), voire même du « koufr »3) (si ses croyances sont trop éloignées de ce qui est juste) ; et ceci, même si cet homme n’avait pas eu connaissance des révélations venues après pour restaurer l’authentique message émanant de Dieu. Cependant, au-delà du caractère de ces croyances et de ces actes en eux-mêmes, qu’en sera-t-il au niveau de la sanction de cet homme dans l’au-delà ?
L’avis d’Ibn Taïmiya est que, bien que ses croyances et/ou ses actes aient été du koufr ou de la bid’a moudhallila, cet homme ne sera pas puni en conséquence par Dieu dans l’au-delà ; pour peu qu’il ait eu la sincère intention de suivre le message qui lui était parvenu, et qu’il n’ait pas manqué de chercher la vérité.
Le message plus récent, qui avait pour rôle de rétablir ce qui est juste, ne lui étant pas parvenu, l’acte en lui-même est donc bien du koufr ; mais la sanction prévue pour ce crime dans l’au-delà ne lui sera pas infligée, puisque cet homme n’avait pas été prévenu de son erreur ; et que le Coran (6,19) spécifie expressément : «… afin que je vous avertisse par ce moyen, vous et ceux auxquels il parviendra » (d’Al-jaouab as-sahih 1, 271).
Un autre passage du saint Coran est d’ailleurs encore plus explicite à ce sujet : le chapitre 5, verset 19. « Ô vous Gens du Livre ! Notre prophète est venu à vous pour vous instruire de tout cela, suite à une longue période d’interruption des prophéties, afin que nul d’entre vous ne puisse objecter, lors du Jugement dernier, que personne ne l’avait prévenu ».
Ce verset implique donc a contrario que celui qui est resté fidèle à la forme altérée d’un message antérieur, parce qu’il n’avait pas eu connaissance du message plus récent, venu restaurer le message authentique ; ne sera pas sanctionné en conséquence dans l’au-delà. Il aura la possibilité de se défendre en disant : je ne savais pas, aucun messager n’était venu nous le dire, etc.
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N’ayant pas eu accès à ce qui devait, de la part de Dieu, lui montrer, dans le message antérieur auquel il adhérait sincèrement jusqu’à présent, ce qui était juste, et ce qui avait été altéré ; ses mauvaises actions ne lui seront donc pas reprochées, il n’ira pas en enfer.
Ibn Taïmiya fait dépendre les choses de la bonne volonté du sujet. Le simple fait qu’il ait été animé de la volonté de rechercher la vérité ou de suivre ce que le messager (dont il avait eu l’enseignement) avait réellement dit ; suffit pour qu’il échappe à la rétribution de ses mauvaises actions dans l’au-delà, même si l’altération du message primitif est claire, et le fait d’associer d’autres personnes divines à Dieu le Père tout aussi évident.
Chah Oualioullah, lui, fait dépendre le cas de la nature même de la mauvaise action en question, et de l’altération. Si l’altération du message authentique envoyé jadis aux hommes par Dieu est évidente, alors il est absolument impossible que cette personne, malgré sa soi-disant bonne volonté, ne se soit pas aperçue qu’il y avait eu falsification du message.
Cet avis de Chah Oualioullah, relatif à la femme ou à l’homme à qui un ancien message est parvenu, sous une forme déviante, et qui n’a pas eu le message plus récent ; est très voisin de l’avis hanafite relatif à l’homme à qui aucun message du tout n’est parvenu. Certains savants de l’école hanafite pensent en effet que cet homme devra quand même rendre des comptes à Dieu pour ce qui est de sa croyance en son existence et en son unicité ; ainsi que pour ce qui est de ses actes non conformes à la morale universelle : interdiction du vol, du meurtre, etc.
En ce qui concerne l’unicité divine, l’avis de Chah Oualioullah [Houdjat Dieu al-Baligha, 1, 353 ; voir également 1, 339] distingue néanmoins deux cas.
— Si le paganisme ou le polythéisme de cette religion n’était pas évident (« chirk khafi ») et résultait d’une altération cachée (« tahrif moudhmar ») du message (cas des chrétiens par exemple), alors l’homme ne sera pas puni par Dieu, dans la mesure où il n’est pas évident pour tout un chacun de comprendre que de telles conceptions sont erronées.
— Si le paganisme ou le polythéisme de cette religion était clair (« chirk jar ») et que cet homme a quand même suivi ce qui était une altération évidente (« tahrif sarih ») du message originel ; alors il sera puni par Dieu dans l’au-delà.
1) Erreur mineure ne remettant pas en cause le fond de la croyance.
2) Erreur ou péché grave.
3) Péché mortel car fondamentalement contraire à la Foi dans ce qu’elle a de plus important.
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ANNEXE 3.
LA FEMME ARABE PAÏENNE : REINE CHEFFE GUERRIÈRE PRÊTRESSE.
Affirmer que partout dans le monde entier et en tout temps le statut de la femme avant l’islam fut la catastrophe que prétendent certains musulmans n’est ni plus ni moins qu’un mensonge raciste de plus. La réalité est que la situation des femmes variait beaucoup suivant les tribus et les lieux et que Mahomet n’a fait que l’uniformiser en en faisant une moyenne, mais plutôt tirée vers le bas.
Certains auteurs soutiennent que les femmes d’avant l’Islam étaient plus libres. Le montreraient le premier mariage de Mahomet, celui de ses parents, mais aussi d’autres éléments comme le fait qu’il y avait des déesses jouant un rôle important dans le panthéon mecquois d’avant l’islam 1) et ailleurs des inscriptions montrant une certaine indépendance religieuse les femmes. Des prêtresses sont attestées dans certains cultes avec les mêmes titres que les hommes.
L’historienne saoudienne Hatoun al-Fassi en s’appuyant sur du mobilier archéologique de l’ancien royaume nabatéen, constate que les femmes y avaient une personnalité juridique indépendante. Elle suggère aussi qu’elles ont perdu beaucoup de leurs droits avec l’arrivée du droit grec et romain, antérieurs à l’arrivée de l’Islam, qui a conservé beaucoup de leurs éléments.
L’amour libre préislamique chez les Bédouins (Ammien Marcellin, Histoire XIV 4-6).
« Leurs femmes sont des mercenaires engagées pour un temps par contrat, mais, pour qu’il y ait une apparence de mariage la future femme offre à son mari, à titre de dot, une lance et une tente, prête à le quitter au jour fixé si elle choisit de partir. Incroyable est chez ces peuples l’ardeur avec laquelle les deux sexes s’abandonnent aux choses l’amour. Pendant toute leur existence, ils sont si nomades que dès qu’une femme se marie à un endroit, elle accouche à autre, et elle élève ses enfants loin de là, sans qu’il lui soit permis de faire halte. »
Dans l’Arabie préislamique, la condition des femmes variait donc considérablement en fonction des lois et normes culturelles des tribus dans lesquelles elles vivaient. Dans la prospère région du sud de la péninsule arabique, par exemple, les conceptions religieuses du christianisme et du judaïsme étaient en vigueur prévalaient chez les Sabéens et les Himyarites. Ce pays avait d’ailleurs eu jadis une reine très connue, la célèbre reine de Saba nommée Balqis. Dans d’autres lieux tels que la Mecque, un ensemble de droits coutumiers prévalent. C’était aussi le cas parmi les Bédouins (habitants du désert), et ce code variait de tribu en tribu. Il n’y a donc pas de définition unique des rôles et des droits des femmes avant l’avènement de l’islam.
Quant à la femme arabe antique, libre et indépendante, on se souvient des reines arabes, décrites dans les chroniques assyriennes, de la reine de Saba, de la reine Zénobie 2), de la reine Mavia, Mawia, Mawai, ou Mawaiy, parfois dénommé Mania. Ce fut une reine-guerrière ayant régné sur une confédération d’Arabes semi-nomades, dans le sud de la Syrie, dans la seconde moitié du quatrième siècle. Considérée comme « la femme la plus puissante dans le monde arabe antique après la fin de Zénobie », si elle était évidemment arabe, elle était d’abord païenne. En 378, elle dirige ses troupes dans une rébellion contre la domination romaine, chevauchant à la tête de son armée de la Phénicie à la Palestine. Elle réussira à défaire les armées de Rome par son intelligence tactique.
Il s’agissait parfois simplement de femmes au fort tempérament. Mais on les retrouve aussi au combat, comme arbitre dans des concours de poésie (Oumm Joundah, femme du célèbre Imrou Al-Qaïs), comme devineresse, prêtresse, poétesse (Toumadir al Khansa, la plus célèbre), prophétesse, voir Sadjah 3) durant les guerres de la ridda de 632, ou femme politique gérant les affaires de la cité (Houbba bint Hulaïl et Atikah bint Mourrah à la Mecque).
Répétons-le encore une fois, le statut de la femme a ainsi beaucoup varié selon les régions et les époques, et les divers peuples, ethnies et tribus qui ont vécu en Arabie. Avant l’islam, les Arabes connaissaient par exemple de nombreux types de mariages différents. Une autre réminiscence de l’ancien matriarcat (sans père ni mari) est le mariage temporaire (al mout’a). D’origine préislamique, et encore pratiquée chez certains musulmans chiites, c’est un mariage oral, privé, temporaire, sans communauté de biens et avec dot symbolique.
Trois de ces divers types de mariage semblent être des intermédiaires entre le matriarcat sans père ni mari, et le patriarcat que l’on connaît (l’épouse n’ayant qu’un seul époux) : Nikah dhaouaq, Nikah tarjih, Nikah hidn.
Dans certaines tribus, les femmes étaient émancipées, même en comparaison avec les standards actuels. Dans certains cas, des femmes ont même occupé de hautes positions de pouvoir et
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d’autorité. Deux reines ont d’ailleurs régné à l’époque, Malika Asma et sa belle-fille Malika Ouroua (Daniel Shams).
L’avocate pakistanaise Sundas Hoorain décrit une société libérée sexuellement dans laquelle les hommes et les femmes pouvaient avoir de multiples partenaires ou contracter une relation monogame selon leur volonté. Elle en conclut que l’idée musulmane selon laquelle la monogamie est une invention postislamique est erronée et biaisée, et que les femmes avaient le droit de contracter un tel mariage avant l’islam. Elle décrit également une société dans laquelle la filiation était matrilinéaire et où les enfants étaient retenus par la mère et vivait avec la tribu de la mère, alors que dans la charia, les jeunes enfants restent avec leur mère jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de la puberté, puis doivent rester avec leur père. Sundas Hoorain soulève également le problème de l’infanticide de masse des filles et de la simultanéité de la polygamie généralisée. Elle se demande comment il était possible pour les hommes d’avoir de nombreuses femmes si tant de filles étaient tuées lorsqu’elles étaient enfants ou encore au stade du nourrisson. Le Coran explique que le statut de la femme arabe préislamique était inférieur, et raconte que les arabes païens enterraient vivantes les petites filles non désirées. Si cette pratique a pu être vraie chez leurs voisins perses et suméro-assyro-babyloniens (???) le statut social élevé de la première épouse de Mahomet semble contredire cette version. En effet, Khadidja était une riche commerçante indépendante, dirigeante d’une grande entreprise d’import-export de caravanes, où elle employait de nombreux hommes, dont Mahomet lui-même. La mère 4) du calife Mouaouiya 1er ainsi que Khounaas, la mère de Moussab Ibn Umaïr, étaient des négociantes ou commerçantes riches, libres d’embaucher des hommes. Khadidja n’était donc pas une exception.
Les historiens musulmans nous rapportent l’histoire de deux femmes extraordinaires, Oumm Qirfa et sa fille Salma.
Sources : Ibn Ichaq, Ibn Sa’d, Tabari.
En 628 Oumm Qirfa (Fatima bint Rabia Ben Bader Al Fazarri) était cheffe de la tribu des Banou Fasarah, de Ouadi al-Qourra. C’était une très vieille dame, un symbole de fierté, de statut social et de respect. Plus de 50 épées, reçues en cadeaux de chefs des tribus, pendaient dans sa maison. Elle avait 12 fils et une très belle fille. Zaïd, le fils adoptif de Mahomet, mena une expédition contre la tribu. Sous le commandement d’Oumm Qirfa, ses hommes défirent les assaillants. Beaucoup de musulmans furent tués, et Zayd lui-même blessé. Zaïd jura de se venger. Quand il fut rétabli, Mahomet l’envoya prendre sa revanche avec plus de troupes. La Sira d’Ibn Ichaq précise que Zayd fit mourir Oumm Qirfa « cruellement » (Zaïd ordonna à Qays ibn al-Moussahar de tuer Oumm Qirfa et il le fit cruellement). Tabari explique que ses jambes furent attachées par deux cordes et chaque corde tirée par un chameau jusqu’à ce qu’elle soit écartelée.
Devenue esclave sa fille Salma convainquit Aïcha de lui permettre d’aller trouver le reste de son peuple afin de le convertir à l’Islam. Mais une fois libérée elle visita les villes et villages et rassembla une forte armée. Elle représentait une telle menace pour les musulmans qu’Abou Bakr envoya son plus féroce général, Khaled Ibn Oualid, avec une importante armée, afin de la vaincre de la façon la plus lâche et la moins chevaleresque.
1) En arabe, la danse du ventre est appelée Raqs al sharqi (littéralement : danse orientale) et en turc Oryantal dansi qui a donné le terme de « danse orientale ». Elle est reconnue comme l’une des plus anciennes danses du monde, surtout dans les pays du Moyen-Orient (Liban, Égypte, Turquie, Grèce, Syrie, Irak) et du Maghreb. La danse du ventre, souvent considérée comme une forme de divertissement pour hommes, serait en fait une forme de danse ancienne qui reflète le corps comme une création de la nature et le temple de l’âme. C’était à l’origine une danse exécutée par les femmes en l’honneur de Celle qui donne la Vie, la Grande Mère. Les mouvements des hanches étaient censés assurer la naissance des générations futures et étaient exécutés afin de préparer à l’accouchement. Elle se développe particulièrement en Égypte au Xe siècle avec l’arrivée d’une population d’Inde. « Du temps des pharaons, les prêtresses sacrées faisaient tournoyer leur corps et onduler leur ventre afin que la déesse de l’amour et de la fécondité, vienne prendre possession d’elles ; ensuite la divinité qu’elles étaient devenues, s’offrait aux hommes ».
2)Septimia Bathzabbai, plus connue sous la forme latinisée Zénobie, était l’épouse d’Odénat, roi d’origine nabatéenne, à qui elle succéda après son assassinat vers 267 sur le trône de Tadmor (en langue sémitique originelle), Palmyre en grec. Elle prend ainsi la tête de l’éphémère Empire de Palmyre et, défaite par l’empereur romain Aurélien, elle est exilée à Rome.
3) De la tribu chrétienne des Banou Tamim.
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4) Hind bint Outbah.
ANNEXE 4.
ISLAM ET SENS DE LA VIE.
Par Rachad Khalifa (1935-1990).
Nous sommes dans ce monde parce que nous avons commis un crime horrible, et cette vie est notre chance de nous racheter, de dénoncer notre crime, et de rejoindre le royaume de Dieu.
Tout a commencé il y a plusieurs milliards d’années lorsqu’une querelle « s’éleva dans le monde des Cieux » [chapitre 38, verset 71]. Une des créatures haut gradées, Satan, se mit honteusement à prétendre que les pouvoirs que Dieu lui avait donnés le rendaient apte à être un dieu à côté du Très-Haut. Il a ainsi défié l’Autorité de Dieu. La prétention de Satan était non seulement un blasphème, mais elle était fausse également. Seul Dieu, et personne d’autre, possède les compétences et l’aptitude à être Dieu. À la suite du blasphème de Satan, une séparation se produisit dans le monde des Cieux et tous les êtres qui constituaient le royaume de Dieu furent répartis en quatre catégories.
1 Les anges : des créatures qui ont reconnu l’autorité absolue de Dieu.
2 Les animaux : des créatures qui se sont rebellées, mais qui ont, par la suite, accepté l’invitation de Dieu à se repentir.
3 Les djinns : des créatures qui ont pris le parti de Satan pour ce qui est de ses prétentions à être Dieu.
4 Les humains : des créatures qui n’ont pris aucun parti ; elles ne se sont pas rangées au côté de ceux qui adhéraient totalement à l’autorité de Dieu.
Les anges donc s’attendaient à ce que Dieu bannisse les créatures qui n’avaient pas soutenu son autorité [chapitre 2, verset 30]. Mais Dieu est Très Miséricordieux, il décida de nous donner une chance de racheter notre faute [chapitre 2, verset 30]. Dieu savait en effet que certaines créatures méritent d’avoir une seconde chance.
Si vous prétendez savoir piloter un avion, le meilleur moyen de vous mettre à l’épreuve est de vous donner un avion et de vous demander de le piloter. C’est exactement ce que Dieu a décidé de faire en réponse à la prétention de Satan. Dieu créa donc sept grands univers et informa les anges qu’il allait nommer Satan lui-même en tant que dieu sur le petit monde insignifiant appelé « Terre » [chapitre 2, verset 30]. Les récits coraniques concernant la nomination de Satan comme « dieu » temporaire [chapitre 36, verset 60] confirment ceux de la Bible.
La stratégie divine faisait appel à l’institution de la mort [chapitre 67 versets 1-2] et ensuite à l’envoi des humains et des djinns dans ce monde. De la sorte, ils recommenceraient tous sans préjugé aucun, et auraient donc l’entière liberté de respecter l’autorité absolue de Dieu, ou de suivre les théories polythéistes de Satan.
Avant de prendre sa décision, tout être humain reçoit un message de Dieu lui recommandant de respecter son autorité ainsi qu’un message de Satan l’incitant au contraire à suivre ses principes polythéistes.
Pour nous donner un avantage, le Miséricordieux rassembla les êtres humains devant lui, avant de les envoyer dans ce monde, et nous reconnûmes tous que c’était bien lui notre Seigneur et maître [chapitre 7, verset 172]. C’est pourquoi respecter l’autorité de Dieu est un instinct naturel qui fait partie de chaque être humain.
Ensuite, après la mise à mort des rebelles, les âmes des humains et des djinns furent placées dans un réceptacle cosmique adapté. Dieu créa les corps adéquats pour contenir les âmes des djinns et des hommes durant cette période d’essai. Le premier djinn fut créé à partir de feu et ce corps fut attribué à Satan [chapitre 15, verset 27]. Le premier corps humain fut créé à partir d’argile [chapitre 15, verset 26] et fut attribué à la première âme humaine. Les anges devaient servir les êtres humains, les protéger, leur amener du vent et de la pluie, leur procurer de la nourriture, etc., etc. Ceci est évoqué dans le Coran de manière allégorique : Le Seigneur demanda aux anges : « Prosternez-vous devant Adam ». Satan, bien sûr, refusa de faire quoi que ce soit pour servir les humains [2, 34 ; 7, 11 ; 17, 61 ; 18, 50 ; 20, 116].
Alors que le corps d’Adam était sur terre, sa véritable personne, son âme, fut admise au Paradis, dans le plus grand et le plus éloigné des univers. Dieu ordonna certaines choses au premier homme, symbolisées par le fruit de l’arbre défendu, et Satan fut désigné pour être son compagnon, afin d’avoir la possibilité de lui délivrer son message à lui. Vous connaissez la suite.
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Chaque fois qu’un être humain naît, une âme humaine, sortie du réceptacle cosmique des âmes, est désignée pour habiter le corps du nouveau-né. Dieu répartit les corps selon son savoir [chapitre 28, verset 68]. Chaque âme mérite un certain corps et vit sa vie d’une certaine manière. Seul Dieu sait quelles âmes sont bonnes et quelles âmes sont mauvaises. Et nos enfants nous sont donnés conformément à la stratégie divine.
L’âme d’un djinn est aussi attribuée au nouvel être humain afin de représenter le point de vue de Satan. Alors que le vrai corps de tout djinn est reproduit à partir de ses parents (djinn), l’esprit du djinn par contre, lui, est celui d’un individu à part entière. Les djinns sont les descendants de Satan [chapitre 7, verset 27, chapitre 18 verset 50]. Le djinn qui a été attribué à l’être humain reste avec lui de la naissance jusqu’à la mort, et servira de principal témoin le Jour du jugement dernier [chapitre 50, verset 23]. Un éternel débat se déroule donc dans nos têtes entre l’humain et le djinn, jusqu’à ce que tous deux s’accordent à suivre Dieu ou Satan.
Contrairement à ce que croient la plupart des gens, le « Péché Originel » ne correspond nullement à la désobéissance d’Adam mangeant du fruit de l’arbre défendu. Le véritable péché originel, ce fut notre incapacité à reconnaître l’autorité de Dieu dans cette grande querelle. Si l’être humain réussit à convaincre le djinn qui lui sert de compagnon de se racheter en dénonçant ce péché, et en reconnaissant l’autorité de Dieu, les deux pourront alors regagner le royaume éternel, le jour du jugement dernier. Mais si le djinn qui lui sert de compagnon réussit, au contraire, à convaincre l’humain de suivre les idées polythéistes de Satan, alors les deux seront exclus à jamais du royaume de Dieu.
La stratégie de Satan est de pousser les hommes à idolâtrer des êtres qui n’ont en fait de pouvoir sur rien, tel Mahomet [?] Jésus, Marie et les saints. Étant donné que nous sommes ici-bas justement à cause de nos tendances innées au polythéisme, la plupart d’entre nous constituent évidemment des proies faciles pour Satan.
L’incompétence de Satan lui-même en tant que Dieu est prouvée par la prédominance du chaos, des maladies, de la misère, et des guerres, dans son royaume. Les êtres humains qui dénoncent Satan, reconnaissent l’autorité absolue de Dieu et n’idolâtrent pas d’autres êtres humains tels que Jésus ou Mahomet ; sont automatiquement de nouveau placés sous la protection de Dieu : ils jouissent d’une vie parfaite dans ce monde et à jamais.
Parce que notre vie dans ce monde est une série d’épreuves conçues pour révéler nos véritables penchants, polythéistes ou pas, l’idolâtrie est donc le seul péché qui ne puisse être pardonné [chapitre 4, verset 48 et son doublet le verset 116]. Le monde a été conçu par Dieu pour que nous reconnaissions, soit son autorité absolue, soit les idées polythéistes de Satan [chapitre 67, verset 1-2]. Le jour et la nuit changent constamment pour mettre à l’épreuve notre volonté de suivre les lois de Dieu en observant la prière de l’aube et en jeûnant durant les jours les plus longs et les plus chauds. Seuls ceux qui sont absolument certains de l’autorité absolue de Dieu sont rachetés [chapitre 26, verset 89]. Rachad Khalifa.
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ANNEXE N° 5.
RENCONTRE AVEC UN DJINN (GÉNIE) EN ÉGYPTE PAR HANK WESSELMAN.
J’ai fait la rencontre de ce djinn dans un sanctuaire du grand temple funéraire de Médinet Habou près de la Vallée des Rois. Après ma première rencontre dans le temple, le 7 décembre 2009, je suis retourné dans ce sanctuaire lors d’un voyage chamanique le 8 décembre, où à cette occasion j’ai eu une conversation très inhabituelle avec le djinn.
Tout d’abord, je dois dire que ce dialogue n’était pas en anglais, ni en arabe, mais plutôt dans une modalité de communication non verbale qu’on pourrait appeler un échange de « pensée-sentiment ». Mon travail, comme toujours, a été de traduire et de reconstruire l’intégralité du contact après coup à partir des blocs d’informations dont je me souvenais et de les mettre par écrit.
À titre d’introduction, je peux vous dire que lors de la deuxième rencontre, le djinn apparut sous la forme de deux yeux désincarnés… et comme cela ne m’a pas repoussé, il a ensuite soigneusement choisi d’apparaître sous la forme d’une forme humanoïde brumeuse qui vacillait sur les bords, passant d’une forme vague à une autre avec des teintes pastels d’orange, de jaune et de vert, avec les zones centrales plus brillantes selon son humeur durant notre dialogue.
Mais même si sa forme éthérique était quelque peu diffuse, sa voix était tout à fait distincte, ce qui fait que je suis sûr de ce que je vais vous relater.
Après m’être identifié moi-même et avoir expliqué la raison de ma présence (durant ce voyage), j’ai dit que j’étais là la veille (et le djinn s’en souvenait), et que j’avais déjà été en contact avec un djinn en Éthiopie en 1995 et 1996, et en Égypte en 2003.
J’ai mentionné cela parce qu’après avoir su que j’avais été en contact avec les djinns, il est devenu plus respectueux, et même utile.
Sachant que les djinns peuvent être espiègles, j’ai fait en sorte qu’il dise son nom, et une fois que je contrôlais la situation il ne pouvait pas me mentir. Je précise cela pour mes lecteurs qui connaissent les djinns et savent à quel point il est délicat de traiter avec eux.
Au début, le djinn m’a dit qu’il venait d’un endroit dans le désert occidental (le nom de ce lieu ne me disait rien, et je n’ai pas pu le trouver sur une carte), et qu’il s’était attaché à un ancien voyageur de cette région qui était finalement arrivé en Égypte. Quand j’ai demandé « quand », le djinn ne semblait pas comprendre la question.
Quand son « hôte » humain est mort, le djinn avait décidé de rester près du Nil et il avait élu domicile à différents endroits, et dernièrement, il vivait dans ce sanctuaire, après que le temple eut été désensablé. Quand je lui ai demandé depuis combien de temps il était là, il semblait de nouveau ne pas comprendre la question.
(La confusion du djinn à propos du temps correspond à mon idée que le temps n’existe que lorsque nous sommes incarnés dans une forme physique et immergés dans le « Temps ». Quand nous avons une forme spirituelle, entre les vies, nous sommes alors dans « l’intemporel ». Et comme les djinns n’ont pas de forme physique, ils sont donc dans le domaine de l’intemporel, où n’existe que « l’instant présent »).
La conversation qui suit a-t-elle été influencée par mes propres intérêts et mes interprétations actuelles ? Sans aucun doute, car comme je suis un chercheur je lis beaucoup, mais les informations qui s’y trouvent sont pour le moins étonnantes, et parfois même hérétiques. Je soumets donc à votre examen la conversation que voici, notée peu de temps après les faits.
LA CONVERSATION (selon mes notes)…………………………………
HW : Est-ce que dieu paternel judéo-chrétien-islamique (Yahweh-Jéhovah-Dieu) est l’Originateur ?
Le dj : Non.
HW : Est-ce le créateur ?
Le dj : Non.
HW : Qui ou qu’est-ce que Yahweh-Jéhovah-Dieu ?
Le dj : Il est le séducteur en chef. Vous pourriez l’appeler le Seigneur Archonte selon la terminologie des Gnostikoi.
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(J’y ai réfléchi quelques instants, puis…)
HW : Qui ou qu’est-ce que le seigneur archonte ?
Le dj : Il est le parasite de l’esprit en chef qui sert l’adversaire de l’humanité et qui agit contre les humains depuis le début.
(Je réfléchis un long moment. Selon mes lectures, cela correspondrait aux informations des gnostiques de la Bibliothèque de Nag Hammadi découverte près de Dendérah en Égypte, des rouleaux datant du 4e siècle).
HW : Tu veux dire qu’il n’est pas le créateur comme l’affirment et le croient de nombreux humains ?
Le dj : Oui. Le séducteur en chef ne peut rien créer, bien qu’il affirme pouvoir le faire. Il est un archonte. Il ne peut qu’imiter.
HW : Pourquoi est-il si puissant et pourquoi les trois religions abrahamiques (judaïsme, christianisme et islam) le révèrent ?
Le dj : Elles ont toutes été trompées par le seigneur archonte. Il est le séducteur en chef et son pouvoir vient des personnes qu’il a trompées – celles qui croient qu’il est le créateur… qu’il est l’Originateur. Mais il ne l’est pas.
HW : Donc il n’est pas l’Originateur ?
Le dj : Correct. Il est le seigneur archonte.
HW : Est-ce que les archontes, les séducteurs, sont mauvais ?
Le dj : Non.
HW : Est-ce qu’ils agissent dans la polarité négative ? (Il m’a fallu du temps pour expliquer cela).
Le dj : Oui. Ils encouragent les humains à mal se comporter.
HW : Dans quel but ?
Le dj : C’est dans leur nature. Ils sont des séducteurs.
HW : Et quelle est la source du mal ?
Le dj : Les humains. Les archontes incitent les hommes à mal agir jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus se corriger. À ce moment-là, les humains créent le mal, car c’est leur nature. Ils sont des créateurs et ont été influencés par les séducteurs. Ils sont toujours influencés par les séducteurs.
HW : Donc le mal n’existait pas avant que les humains ne le créent ?
Le dj : C’est correct.
HW : Et est-ce que le Seigneur Archonte est mauvais ?
Le dj : Non. Il est le séducteur en chef qui agit contre l’humanité en tant qu’adversaire depuis le début.
HW : Est-ce la raison pour laquelle tant de guerres ont été menées au nom de la religion ? Est-ce la raison pour laquelle des millions de femmes ont été tuées par l’Église au Moyen-âge lors de la chasse aux sorcières ?
Le dj : Oui. Le dieu judéo-chrétien-islamique est le seigneur archonte. C’est son influence qui se manifestait chez les humains qui avaient des esprits tordus. Il fait toujours cela, ce qui engendre de grands malheurs.
HW : Tu veux dire qu’il a encore le pouvoir de le faire ?
Le dj : Le Seigneur Archonte n’a pas de pouvoir propre. Il n’est pas créateur. Il est un archonte. Les humains sont des créateurs et ils créent ce qu’ils veulent. Il les influence pour qu’ils choisissent ce que tu nommes la polarité négative, car telle est sa nature.
HW : Donc, le choix est finalement le nôtre ?
Le dj : C’est correct. Les humains peuvent créer le mal ou créer son contraire.
HW : Est-ce comme cela que nous devons traiter le problème du mal ?
Le dj : Je ne sais pas. C’est votre responsabilité en tant qu’humains. À mon avis, les humains ont créé le mal, et ils doivent désapprendre à le créer.
HW : Comment faire ?
Le dj : En créant le contraire du mal. Et en changeant vos pensées. Les archontes vivent dans vos pensées. Ils sont ce qu’on pourrait appeler des vampires psychiques qui se nourrissent de l’énergie de vos pensées et de vos émotions. Mais les humains auront toujours le pouvoir du libre arbitre, car les humains sont des créateurs, mais si les humains laissent les archontes influencer leur pensée, vous les humains faites le mauvais choix. Les séducteurs raffolent de la violence, de la guerre, de la cupidité, de l’illusion, de la compétition, du déni, de la corruption et du mensonge. Ils encouragent les humains à se réfugier dans ce que vous avez appelé la polarité négative. J’aime ce terme.
HW : Avons-nous créé les dieux ?
Le dj : Correct.
HW : Qui ou qu’est-ce que l’Originateur ?
Le dj : Personne ne sait. C’est le Grand Mystère.
HW : Où est l’Originateur ?
Le dj : Partout.
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HW : Alors il est le créateur ?
Le dj : Non. L’Originateur émane. Il ne crée pas intentionnellement. Ce sont les humains qui font ça.
HW : Pouvons-nous interagir avec l’Originateur ? Est-ce qu’il écoute nos prières ?
Le dj : Non. Il existe simplement. Il émane, car c’est sa nature.
HW : Donc l’Originateur n’est pas un Dieu ?
Le dj : Non. C’est l’Originateur.
(Je posai quelques autres questions.)
HW : Est-ce qu’il existe un dieu personnel qui écoute nos prières, agit de façon mystérieuse, etc., etc. ?
Le dj : Oui. Ce dieu personnel est votre propre âme… la partie immortelle de votre être qui ne meurt pas. Vous les humains l’avez créée durant le long voyage à travers l’éternité. Contrairement aux archontes, votre âme individuelle est un esprit réel qui vit toujours dans le monde de l’esprit. Elle fait partie du rêve, et, en tant que telle, elle rêve… toujours.
HW : Et quel est le rêve qu’elle rêve ?
Le dj : Le sien.
HW : Donc quand on prie un dieu tout puissant, on se prie en fait nous-mêmes ?
Le dj : Correct. Vous priez votre âme-être, votre soi supérieur, votre être divin. C’est comme cela que naissent les vrais dieux… Vous, les humains dotés d’une âme, êtes tous en train de devenir des êtres divins. Et quand vous rêvez, cette expérience est en réalité le rêve de votre âme supérieure.
HW : Est-ce que les djinns ont des soi divins ?
Le dj : Nous sommes des moi divins. Nous sommes des esprits. Et nous avons le libre arbitre.
Ainsi se termina cette conversation extraordinaire.
J’ajouterai la référence d’un livre pour ceux qui voudraient plus d’informations sur les vraies origines du christianisme, sur les gnostiques, et leur perception des archontes, et surtout du seigneur archonte qui s’appelait il y a 2000 ans Yaldabaôth.
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POSTFACE À LA JOHN TOLAND.
Les pseudo-druides à la filiation initiatique mirobolante (la fameuse et inénarrable tradition primordiale) s’étant multipliés depuis quelque temps ; il nous a paru nécessaire de mettre à la disposition de tout un chacun ces quelques notes, hâtivement rédigées un soir de novembre, afin de donner à nos lecteurs envie d’en savoir plus sur le vrai druidisme. Ce travail se veut honnête, mais en aucune façon neutre. Il s’est donné pour objectif de défendre ou de réhabiliter la cluto (renommée) de cette antique religion.
Rien ne remplace la méditation personnelle y compris sur les lais obscurs ou incompréhensibles parsemant ces livres et qui ont été insérés à dessein afin de vous obliger à réfléchir pour trouver votre propre voie. Ces livres ne sont pas des dogmes à suivre aveuglément et à la lettre. Ainsi que vous le savez sans doute, il faut se méfier comme de la peste de la lettre. La lettre tue, seul l’esprit vivifie. Rien ne remplace non plus l’expérience personnelle et c’est en cheminant que l’on trouve le chemin. Ne comptez donc que sur vos propres forces pour cette quête du Graal. Ce qui compte c’est l’attitude à adopter dans la vie et non les détails du dogme. Le druidisme a moins d’importance que la druidiaction. (Jean-Pierre Martin).
Ces quelques feuillets griffonnés à la va-vite ne sont néanmoins en aucune façon LES LIVRES À LIRE SUR LE SUJET, ils n’en sont qu’un pâle reflet. La seule bibliothèque druidique digne de ce nom n’est pas en effet composée de seulement 12 (ou 27) livres, mais de plusieurs centaines.
Les quelques opuscules constituant cette mini-bibliothèque ne constituent pas un approfondissement et ne sont que quelques manuels destinés aux écoliers du druidisme. Ces résumés simplifiés destinés aux cours primaires de druidisme seront remplacés par des cours d’un niveau quelque peu supérieur, pour ceux qui voudront vraiment l’étudier de façon plus pertinente.
Cette petite bibliothèque est par conséquent un premier essai d’adaptation (destinée aux jeunes adultes) des diverses réflexions sur le savoir et la vérité druidiques, auxquelles ont abouti les premiers résultats de la nouvelle laïcité positive et ouverte, mondiale, en train de s’instaurer.
À la différence du judaïsme, du christianisme, et de l’islam, qui fourmillent littéralement, à propos de l’Être supérieur, d’anthropomorphismes puérils pris au pied de la lettre (fondamentalisme) ; notre druidisme, lui, n’en utilisera que très peu, et s’en tiendra, en ce domaine, au minimum absolu.
Mais pour parler de Dieu-ou-Diable nous allons bien être obligés, nous aussi, d’utiliser un langage, et donc un certain nombre de ces anthropomorphismes. Ou alors il faudrait totalement renoncer à en discuter.
Ce premier rayon de notre future bibliothèque consacrée au sujet a pour objet de montrer avec précision l’harmonieuse authenticité de la volonté et du savoir néo-druidiques. De montrer à quel point ses grandes thèses actuelles ont des racines anciennes, car la Mythologie, c’est notre Bible à nous. Les adaptations de ce bref exposé, exigées par les différences de culture, d’âge, de maturité spirituelle, de situation sociale, etc. seront à faire par les druides concernés (les vellèdes et les autres ?).
À noter cependant. Important ! Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, ne sont pas (en vrac).
Une révélation divine. Une loi (toujours aussi divine). Une loi (profane ou laïque). Une loi (scientifique). Un dogme. Un Ordre ? Ce que je cherche surtout à faire partager c’est un état d’esprit, rien de plus. Ainsi que l’a très bien dit un jour notre vieux maître :
« NOTRE CIVILISATION N’A PAS LE CHOIX : CE SERA LE CELTISME OU CE SERA LA MORT » (P. Lance).
Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, sont. Du rêve. Une aventure. Un voyage. Une évasion. Un cri de révolte contre la laideur morale et matérielle de cette société.
Une tentative d’atteindre à l’universel en partant du particulier. Un défi. Un obstacle fécond à surmonter. Une incitation à la réflexion. Un guide pour l’action. Une carte. Un plan. Une boussole. Une étoile polaire ou l’étoile du berger là-haut dans la montagne. Un feu la nuit dans une clairière ?
Ce que le rassembleur de ce noyau de bibliothèque, Pierre de La Crau, n’est pas.
— Un dieu.
— Un demi-dieu.
— Un quart de dieu.
— Un petit saint.
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— Un philosophe (reconnu, officiel, et breveté ou patenté, comme ceux qui passent à la télévision. Sauf évidemment à prendre le terme en son sens originel, qui est celui d’amateur de sagesse et de savoir).
Ce qu’il est : un homme, et rien de ce qui est humain ne lui est donc étranger. Pierre de la Crau n’a aucun pouvoir surhumain ou exceptionnel. Rien de ce qu’il a dit écrit ou fait ne saurait avoir de valeur intemporelle. Tout au plus espère-t-il que son extrême lucidité à propos de notre société et de son idéologie dominante (voir ses philosophes officiels, ses journalistes, ses masses médias et le politiquement correct des bien-pensants) ; ainsi que son non-conformisme, et son franc-parler, alliés à un solide esprit de contradiction (qui lui ont d’ailleurs valu pas mal de déboires ou d’avanies) ; pourront être utiles.
La présente petite bibliothèque pour débutant « contient la dose d’humanité exigée par l’état actuel de la civilisation » (Henri Lizeray). Elle n’est d’ailleurs qu’un rassemblement de matériau attendant l’architecte ou le maçon ? ad hoc.
Prochainement paraîtra toute une série de fascicules approfondissant ces éléments de base. Cette présentation différente du savoir druidique préservera néanmoins l’unité et la profonde harmonie entre ces divers exposés d’une seule et même philosophie.
Cas des traductions dans une langue étrangère (espagnol, allemand, italien, polonais, etc.)
Les fautes d’orthographe de grammaire de style, ainsi que l’écriture des noms propres, pourront être corrigées. Toute autre amélioration du texte pourra également être apportée si nécessaire (par ajout suppression ou modification, de détails) ; Pierre de La Crau ayant toujours regretté de ne pouvoir atteindre à la perfection en ce domaine. Mais à condition de n’altérer ni trahir en rien la pensée de l’auteur de cette compilation raisonnée. Toute illustration sans légende peut être changée. De nouvelles illustrations peuvent être apportées. Mais les illustrations ayant une légende ne devront être qu’améliorées (par substitution d’une bonne photo à un mauvais croquis par exemple ?).
Il va de soi que le coordonnateur de cette rapide et sommaire compilation raisonnée, Pierre de La Crau, ne prétend nullement avoir inventé (ou découvert) lui-même, tout ceci ; qu’il ne prétend en aucune façon que ceci est le fruit de ses recherches personnelles (sur le terrain ou en bibliothèque). Ce qui suit est en effet essentiellement issu des excellents ouvrages ou sites internet référencés en bibliographie et dont la consultation directe est fortement recommandée. Nous n’insisterons jamais assez sur notre volonté de ne pas être les hommes d’un livre (du Livre), mais d’au moins douze, comme les Fénianes d’Irlande, pour d’évidentes raisons d’ouverture d’esprit, la vérité étant notre seule religion.
Encore une fois, répétons-le ; le coordonnateur de la mise par écrit de ces quelques notes hâtivement jetées sur le papier ne prétend nullement avoir passé sa vie dans la poussière des bibliothèques ; ou sur le terrain, dans la boue des fouilles archéologiques de sauvetage ; afin d’exhumer des témoignages inédits sur le passé de l’Irlande (ou du Pays de Galles ou des Indes ou de la Chine ?)
PIERRE DE LA CRAU NE SE VEUT DONC EN AUCUNE FAÇON L’AUTEUR DES TEXTES QUI PRÉCÈDENT.
IL N’ESSAIE NULLEMENT DE S’EN ATTRIBUER LES MÉRITES. Il n’en est que l’éditeur ou le compilateur. Il s’agit pour la plupart de documents diffusés sur internet à quelques exceptions près. IL EN REVENDIQUE PAR CONTRE TOUS LES DÉFAUTS ET TOUTES LES INSUFFISANCES. Pierre de La Crau ne revendique qu’une chose, les fautes erreurs ou imperfections diverses de ce livre. Lui seul est à blâmer dans ce cas. Mais il fait confiance à ses contemporains (la nature humaine étant ce qu’elle est) pour les lui signaler avec vigueur.
Note retrouvée par les héritiers de Pierre de La Crau et insérée par eux à cet endroit.
Par respect pour l’Humanité, afin de gagner du temps, et ne pas lui en faire perdre, je vais faciliter le travail de ceux qui tiennent absolument à être du bon côté de la barrière en combattant (héroïquement bien sûr) afin de sauver le monde de mes griffes (mes idées ou mes penchants, mes tendances).
À ces courageux et implacables détracteurs, dont la profondeur de réflexion digne d’un marquis de Vauvenargues n’a d’égale que l’ampleur de la culture générale, digne d’un Pic de la Mirandole, je dis…
Prenez une feuille de papier, de traitement de texte si vous préférez, mettez-y par ordre d’importance les 20 caractéristiques qui vous semblent les plus graves, les plus odieuses, les plus haïssables, dans l’histoire de l’Humanité, depuis les hommes préhistoriques et Nabuchodonosor, selon vous… ET DITES-VOUS BIEN QUE JE SUIS TOUT LE CONTRAIRE DE VOUS, CAR JE LES AI TOUTES !
On a toujours besoin de boucs émissaires ! Hérétique au Moyen-âge, sorcière à Salem au 17siècle, raciste au 20e siècle, lézard extraterrestre au 21e, je suis l’homme que vous aimerez haïr pour vous sentir supérieur.
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Je suis au choix et dans l’ordre d’importance que vous voulez : athée, sataniste, stupide, mongolien, raciste, bestial, homosexuel, pervers, communiste, nazi, menteur pathologique, voleur, suffisant, psychopathe, un monstre d’orgueil faussement modeste, et que sais-je encore, à vous de voir.
Voilà, je ne peux pas faire mieux (pour vous aider à sauver le monde).
[À la différence de mes contempteurs qui sont tous des gens bien, c’est-à-dire jeunes ou modernes et dynamiques, courageux, positifs, gentils, intelligents, instruits, ou du moins qui savent ; faisant preuve de beaucoup de recul dans leur méditation en profondeur sur les tendances lourdes de l’Histoire ; et sur le plan moral ou éthique : généreux, altruistes, mais pauvres évidemment, car donnant tout aux autres ; en outre profondément respectueux de la volonté de Dieu et de la Constitution…
Moi je suis un vieux réactionnaire ankylosé, conformiste, déconnecté de son temps, parano, schizophrène, incohérent, capricieux, jamais content, méchant, bête, n’ayant fait aucune étude ou du moins ignorant tout sur le sujet en question ; coutumier des jugements à l’emporte-pièce fondés sur des préjugés dénués de toute réflexion ; égoïste et riche ; suppôt de Satan et nazo-bolchévick ou stalino-hitlérien de nature. On disait hitléro-trotskiste quand j’étais jeune. En bref un criminel psychopathe dès le petit-déjeuner… ce qui me permet donc de penser ce que je veux, mes critiques aussi d’ailleurs, et d’essayer de le faire savoir à la cantonade].
Signé : le coordonnateur des travaux, Pierre de La Crau dit Hésunertus, chercheur en druidisme. Un homme à qui rien de ce qui est humain ne fut étranger. Chômeur, facteur, divorcé, sans domicile fixe, vagabond, contribuable, justiciable, électeur cocufié ? Un des huit milliards d’êtres humains ayant transité sur ce vaisseau spatial donc. Né sur la planète Terre le 13 janvier 1952.
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TABLE DES MATIÈRES.
Prologue
Le problème des sources
Les circonstances de la révélation
Comment parler objectivement de Mahomet
La position de l’Église au 13e siècle
Le point de vue de l’Église des Saints des Derniers Jours
Document N° 3 Point de vue d’un site musulman
Document N°4 L’évangile de Barnabé
Document N° 5 Dictionnaire biographique général
La personnalité de Mahomet par Jean-Pierre Martin
Aperçu sur la langue arabe
Examen clinique du Coran
Les hadiths
La formation des saintes Écritures
Avertissement au lecteur
Les scribes du Coran
Le recueil des textes coraniques
Le premier mouchaf
Le Coran et la mythologie
Mythes chrétiens
Autres miracles du Coran
La langue du Coran.
Le problème des traductions
Les remaniements du texte
Les versets sataniques
Autre verset satanique
Versets ajoutés
Les variantes
Le Coran et l’histoire des débuts de l’islam
Conclusion sur le Coran
-------- ---------------------------- -----------------------------------------------------------------
ÉLÉMENTS DE THÉOLOGIE
Anthropomorphismes puérils
Éléments divers
Les différents noms ou attributs de Dieu
Les manipulations
Résumé les versets abrogés ou abrogeant
Les contradictions
Taqiya
Péchés et peccadilles
L’apostasie
Les guerres de la Ridda
Eschatologie
Enfer paradis et Al Araf
--- ------------------------ --------------------------------------------------------- ----------------
MODE D’EMPLOI BOUTEILLE À OXYGÈNE
Documents 6,7,8,9,10,11.
---------- ---------------------- ---------------------------------------------------------------------
LE CORAN ET LA SCIENCE
Qui a inventé la science ?
Foi et raison
Métempsycose et métamorphose
Bucailleisme
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Les djinns
L’univers des djinns
Ahmad Chamlou
Magie noire et magie blanche
Roqya et dou’as
Islam et exorcisme
L’islam et la science moderne
------------------------------------------- -----------------------------------------------------------
ANTHROPOLOGIE ISLAMIQUE
Les droits de Dieu et les droits de l’Homme
Dieu et les hommes
Les Gens du Livre
Ceux qui ne croient pas (comme il faut)
Les zoroastriens
Les sabéens
Les juifs
Les judéo-chrétiens
L’attitude de Mahomet envers les juifs et les chrétiens
Mahomet et les croyances chrétiennes
Mahomet et les grandes figures du christianisme
La place de Jésus
Islam et christianisme
Les chrétiens chrétiens
Les convertis
Les hérétiques
Les deux inquisitions
Épitaphe
Ce que Mahomet pensait des femmes
Mahomet et les femmes
Le statut de la femme
Le voile islamique
L’excision
Résumé
L’esclavage
Esclavagisme et contre-racisme
------------------------ ------------------------------------------------------------------------------
ANNEXES
Réflexion à propos du mythe sumérien d’Adam et Ève
Le sort des fidèles des autres religions dans l’au-delà
La femme arabe païenne
Islam et sens de la vie
Rencontre avec un djinn ?
Postface à la John Toland
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DU MÊME AUTEUR.
1. Citations des auteurs antiques parlant des Celtes ou des druides.
2. Généralités liminaires diverses sur les Celtes.
3. Histoire du pacte avec les dieux tome 1.
4. La Bible du druidisme : histoire du pacte avec les dieux tome 2.
5. Histoire du pacte avec les dieux tome 3.
6. Histoire de la paix avec les dieux tome 4.
7. Histoire de la paix avec les dieux tome 5.
8. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 1.
9. Textes apocryphes irlandais.
10. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 2.
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11. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande Science qui illumine » tome 3.
12. Les cent voies du paganisme. Science et philosophie tome 1 (mythologie druidique).
13. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 2 (mythologie druidique).
14. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 3 (mythologie druidique).
15. Le grand Camminus : éléments de théologie druidique tome 1.
16. Le grand catéchisme : éléments de théologie druidique tome 2.
17. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 1.
18. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 2.
19. Mystagogie ou théâtre sacré des Celtes antiques.
20. Poèmes celtes.
21. Le génie du paganisme celte tome 1.
22. Le complexe de Roland.
23. Au pied de la lanterne des morts.
24. Les secrets du vieux druide de la forêt ménapienne.
25. Le génie du paganisme celte tome 2 (liberté réciprocité simplicité).
26. Rhétorique : la trahison des clercs).
27. Petit dictionnaire de théologie druidique tome 1.
28. Des philosophes antiques au druide irlandais.
29. Judaïsme christianisme et islam : première partie.
30. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 1.
31. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome2.
32. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 3.
33. Troisième partie tome 1 : Qu’est-ce que l’Islam ? Bref historique de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
34. Troisième partie tome 2 : Qu’est-ce que l’Islam ? Premières approches de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
35. Troisième partie tome 3 : Qu’est-ce que l’Islam ? Les 5 vrais piliers de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
36. Troisième partie tome 4 : Qu’est-ce que l’Islam ? Coups de sonde dans l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
37. Couiro anmenion ou Petit dictionnaire de théologie druidique tome 2.