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JUDAÏSME CHRISTIANISME ET ISLAM.
LES 3 IMPOSTURES HUMAINES *
QUI ONT ABUSÉ LE MONDE.
(Notes sur Moïse Jésus et Mahomet).
PREMIÈRE PARTIE : JUDAÏSME ET MOYEN ORIENT.
* « Humane imposture » in « Toland, Christianity not mysterious. »
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AVERTISSEMENT SAINT CORAN CHAPITRE 9, VERSET 30.
« Les Juifs disent : Esdras est le fils de Dieu, et les chrétiens disent : Le Messie est le fils de Dieu. C’est ce qu’ils disent de leur propre bouche. Ils disent la même chose que les incroyants d’avant. Dieu (en personne) est contre eux. Ils sont youfakouna » !
Précisions sémantiques.
Esdras. Ce sont les traducteurs ou musulmans actuels qui transcrivent le nom arabe Ouzaïr, Esdras. Rien ne prouve qu’il s’agisse du secrétaire aux affaires juives de l’Empire perse mentionné dans le livre de la Bible portant son nom.
Si c’est le cas, il faut rappeler ici que les juifs n’en ont jamais fait un fils de Dieu. La bible n’en fait même pas un prophète. C’est un juif pieux envoyé à Jérusalem en – 458 avec un premier groupe de volontaires pour réorganiser l’État juif ayant pour capitale Jérusalem. Ensuite il disparaît pour réapparaître en -448 à l’occasion d’une première lecture de la nouvelle loi juive (différente de celle des Samaritains restés sur place).
Seuls quelques courants spéculatifs juifs en font un nouveau Moïse.
À propos du mot arabe « youfakouna » qui essentialise ou caractérise donc, les juifs et les chrétiens, d’après la sourate 9, verset 30, et qui est souvent rendu dans les traductions comme quelque chose du genre « les juifs et les chrétiens… ne comprennent rien » !
Ils sont…
— Ensorcelés.
— Pervertis.
— Pervers.
— Dans l’erreur.
— Aberrants.
C’est un dérivé du verbe afaka, du moins si l’on en croit le tome 1 du livre de Muhammad Mohar Ali intitulé « traduction mot à mot du Coran ».
Mais le terme youfakouna n’implique pas une simple ignorance, il suggère plutôt une intelligence dévoyée, ou qu’on empêche de fonctionner normalement.
Et le « on » en question est à prendre au sens fort : cela peut être aussi bien Dieu que le diable.
Étant athées nous écarterons néanmoins cette hypothèse et nous opterons pour un empêchement plus naturel.
« Les juifs et les chrétiens… sont naturellement dans l’incapacité de voir, de savoir, de comprendre ! »
Du point de vue de la philosophie « La foi des juifs et des chrétiens… n’a rien à voir avec la raison ! »
Plus crûment « les juifs et les chrétiens sont cons ! »
Bref en résumé « Les juifs et les chrétiens… sont mongoliens ». Ou aliénés.
Mais on pourrait en dire autant des musulmans. Contrairement *aux religions de la nature, saisonnière et cyclique, ou du dieu des philosophes ; ou aux quêtes du Graal individuelles, les monolâtries de masse que sont le judaïsme le christianisme et l’islam, prétendent en le chantant sur tous les tons ; reposer sur des fondements historiques, sur des personnages ayant réellement, sur des révélations qui leur auraient été faites.
Or les progrès de la science historique et de ses sciences auxiliaires (voir les travaux d’Israël Finkelstein de Thomas Römer et de leurs collègues) ont montré que la lignée Abraham Isaac Jacob ou Moïse et l’exode… N’ONT RIEN D’HISTORIQUE.
Des bribes d’histoire n’apparaissent dans la Bible qu’avec David et Salomon. Cette imposture humaine n’aurait guère d’importance si toutes leurs constructions intellectuelles ultérieures n’avaient pas pour seule justification les révélations faites à ces 3 (ou 4) personnes.
Ce qui a pour conséquence qu’un dialogue entre Bouddha et Platon ou le dieu des philosophes est possible **; mais qu’avec le dieu d’Abraham d’Isaac et de Jacob ou de Mahomet on ne peut pas discuter, on ne peut que « credere obbedire combattere » (croire, obéir, combattre).
D’où une catastrophe sans précédent pour l’humanité !
Le judaïsme est donc une imposture, humaine ou divine, le christianisme une imposture au carré, l’islam une imposture au cube, chacun ajoutant sa couche d’imposture à celle de ses prédécesseurs. UN VRAI DÉSASTRE !
* Ou infiniment plus.
** Et d’ailleurs il a eu lieu, au Gandhara et dans l’Empire Kouchan, ce qui a donné le mahayana.
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PROLOGUE.
Destiné, comme l’aurait dit John Toland, aux croyants sincères plus préoccupés de vérité que d’opinions surannées ou intéressées…
La grande force du druidisme est qu’il reconnaît la part de vérité de toute religion, si faible soit-elle. Cet empressement à reconnaître la vérité, quelles que soient les sources dont elle provient, est une de ses caractéristiques.
Or la vérité c’est que, n’en déplaise à certains, la croyance en Dieu n’implique pas automatiquement la fraternité humaine, l’harmonie avec la nature, la concorde.
À moins bien sûr, comme les intellectuels ou journalistes français d’aujourd’hui, de considérer.
a) Que la religion d’amour, toujours, a été la première religion de l’Humanité !
b) Que les dieux de la guerre aztèques ou les sacrifices humains celtiques ne faisaient pas partie de leur religion !
Et inversement, mutatis mutandis, l’athéisme ou l’agnosticisme n’entraînent pas inéluctablement la violence, ou la non-humanité ; pour la bonne et simple raison que même les animaux ont une éthologie et ont des règles de vie en commun (parade nuptiale, instinct maternel…).
Expliquer la religion, c’est expliquer un type particulier d’épidémie mentale (cf. ; d’Holbach la contagion sacrée) qui conduit à développer (à partir d’informations variables) des idées et des concepts religieux assez semblables ; [car] il n’est pas du tout évident que le surnaturel rende le monde « plus confortable ». Bien au contraire : un monde religieux est souvent plus terrifiant qu’un monde sans religion.
L’Histoire, la vraie, l’histoire scientifique, c’est le discours dont les récits rendent bien la réalité des faits… Car il y a trois manières principales de la déformer.
— La première est de ne pas parler des faits gênants.
— La deuxième est de surtout parler des faits arrangeants (quand il y en a).
— La troisième est de les inventer quand il n’y en a pas.
Soit en y insérant des faits ou des paroles plausibles, possibles, mais n’ayant jamais existé.
Soit en y insérant des faits ou des paroles merveilleux, mais incroyables.
Tout catéchisme, tout livre sacré appris par cœur, ne peut qu’inculquer aux enfants, par l’image et la répétition, la croyance simpliste en son Dieu ou le Démiurge. Un catéchisme ou un livre appris par cœur n’est pas une explication, mais une affirmation. En faire apprendre un aux enfants est une pratique qui revient à assurer la primauté de la foi sur la raison et à briser tout jugement critique en ce domaine. Que l’on soit prêtre ou journaliste.
Offrir plus tard aux enfants devenus grands, une explication plus rationnelle, ne peut suffire à réparer les dégâts de ce véritable viol des consciences, effectué du temps de leur jeunesse.
La vérité ne réside pas dans l’exactitude historique des faits racontés, mais dans l’adéquation entre les faits racontés et la foi confessée prétendent certains. Autrement dit une vérité entièrement subjective, c’est le moins que l’on puisse dire !
Mais est-il intellectuellement honnête de prêcher d’enseigner ou simplement de laisser croire, ne serait-ce qu’à un seul de ses fidèles, et fut-il le dernier, en ce qui concerne des questions aussi importantes que celle de nos origines ; quelque chose de reconnu maintenant comme inexact par nos plus grands scientifiques ?
Mini-dictionnaire pour débutant : « Dire la vérité, c’est dire ce qui s’est vraiment passé, c’est ne pas inventer ».
La vérité, c’est ce qui sert à désigner une chose objectivement conforme aux faits, ou du moins à un principe certain, genre 2 + 2 = 4. Ce qui caractérise ce genre de vérités, les vérités factuelles ou scientifiques, c’est leur caractère objectif.
Quand il s’agit de choses plus subjectives, par exemple, des sentiments éprouvés, on parle alors de sincérité. Mais cela est évidemment beaucoup plus difficile à vérifier.
Quand le responsable d’un accident reconnaît les faits, mais déclare : « Je ne l’ai pas fait consciemment ou exprès », lui seul le sait.
On admet généralement que les mots « vrais » et « vérité » peuvent être également employés pour autre chose que des relations objectives, fidèles, complètes et exhaustives, des faits (et dits). Une image ou une œuvre de fiction peut, par exemple, contenir une part de vérité, ou peut à sa façon exprimer une vérité (au sens large du terme).
Il n’en reste pas moins que ces vérités non factuelles et non scientifiques sont extrêmement subjectives et ne sont en aucune façon assimilables à des vérités objectives. Elles ne sont pas conformes à la réalité au sens strict du terme et les auteurs de ces œuvres de fiction, destinées à promouvoir des vérités si subjectives, ont le devoir moral de le reconnaître d’emblée. Ils ont la
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responsabilité de ne laisser subsister à ce sujet aucune ambiguïté quant aux faits, ou aux détails, de la réalité matérielle à laquelle ils se réfèrent pour en dégager leur vérité. Laisser entendre qu’un récit est objectivement conforme à la réalité factuelle, même tronquée, alors qu’il ne s’agit que d’une image, ou que ceci fut écrit uniquement afin de faire le lien avec autre chose (midrash) ; c’est abuser des notions de vrai ou de vérité et c’est induire en erreur, au moyen d’une attitude s’apparentant à celle du… mensonge !
Ainsi que l’a très bien écrit John Toland dans l’ouvrage de jeunesse qui l’a rendu célèbre, « les défenseurs de la vérité pour la vérité ont toujours été une poignée par rapport au nombre des partisans de l’Erreur », le principe directeur de cette étude sera donc simple, il nous a été fourni et il y a longtemps déjà, par notre maître à tous en ce domaine ; le grand barde gaélique fondateur de la Libre-pensée moderne que nous venons d’évoquer sous son nom anglicisé. Il ne peut pas y avoir par définition de chose contraire à la Raison dans de Saintes Écritures émanant vraiment du divin. S’il y en a, alors il s’agit soit d’erreurs, soit de mensonges. Ou il n’y a aucun mystère, ou alors il ne s’agit en aucune façon d’une révélation divine. Il n’y a aucun moyen terme ! Je ne reconnais d’autre orthodoxie que celle de la Vérité, car, où qu’elle soit, doit également se tenir, j’en suis totalement convaincu, l’Église de Dieu, pas celle de telle ou telle faction humaine voire politique… Je suis par conséquent partisan de ne faire aucun quartier à l’erreur, sous quelque prétexte que ce soit, chaque fois que j’aurai la possibilité ou l’occasion de l’exposer sous ses vraies couleurs. Y aller par quatre chemins, tout minimiser ou tout relativiser, rendrait mon travail moins efficace… Car quand les gens s’aperçoivent qu’ils ont été abusés sur certains points de la religion, ils sont alors prêts à la remettre en question dans sa totalité… Ce sont ces contradictions et ces mystères pesant, sans raison, sur la Religion, qui font que tant de gens deviennent seulement déistes, voire athées (résumé de la pensée de John Toland à ce propos). On ne saurait mieux dire !
La survivance des religions juive, catholique, orthodoxe, réformée ou musulmane, a empêché jusqu’à nos jours toute étude à la fois mythologique et historique de ces textes, vu les tabous qui y ont été attachés.
Or une proposition incompréhensible, ou absurde, n’en devient pas plus respectable parce qu’elle est antique, ou inconnue, ou écrite à l’origine en latin, en grec, voire en hébreu…
Ainsi que l’a très bien écrit John Toland (le christianisme sans mystère), la Raison est un des seuls moyens par lesquels nous pouvons distinguer les oracles et les volontés de Dieu, des impostures ou des traditions purement humaines. Qui nous révèle quelque chose, c’est-à-dire qui nous parle de quelque chose que nous ne connaissions pas auparavant, doit utiliser des mots compréhensibles et la chose doit être possible.
Cette règle vaut, quel que soit l’auteur de ladite révélation, Dieu ou un homme. Si nous tenons pour fou quelqu’un qui nous demande d’acquiescer à quelque chose de manifestement incroyable, comment pouvons-nous oser attribuer de façon blasphématoire au plus parfait des êtres ce qui est considéré comme une terre quand il s’agit de l’un d’entre nous ? Quant aux relations incompréhensibles de certains événements, nous ne pouvons y croire, qu’elles soient révélées par Dieu ou par un homme, car croyance, rejet ou approbation et autres manifestations de notre entendement, ne peuvent s’appliquer qu’aux idées que nous nous faisons des choses. Il s’ensuit que ce qui est révélé, que ce soit par Dieu ou par un homme, doit également être intelligible et possible, car les deux révélations concordent jusque-là. Nous sommes en droit d’attendre le même degré de clarté de la part de Dieu ou d’un homme (résumé de la pensée de John Toland à ce sujet).
Seule une étude débarrassée de tout préjugé théologique peut donc dégager la signification de ces textes, qu’il convient d’aborder à l’égal des mythologies grecque, suméro-babylonienne ou druidique ; car Bible et Coran ne sont en fait qu’une vaste compilation de matériaux divers et en aucune façon la parole d’un Dieu ou démiurge qui n’existe pas ou du moins qui ne saurait exister de la façon dont il nous est décrit.
À propos de leur dieu des contradictions surgissent chaque fois que l’on se pose le problème de son omnipotence ou de son omniscience. Certains pensent échapper au problème en parlant de contradictions seulement apparentes, dans les vérités révélées par Dieu à ses prophètes. Voir le cas des versets sataniques dans le Coran.
D’où la célèbre réponse de Toland : nous ne pouvons percevoir ses Révélations autrement que par leur conformité avec les idées que nous nous faisons naturellement de lui. En bref avec notre sens commun… Que veulent-ils donc dire au juste en parlant d’idées « cohérentes entre elles, mais pas avec notre sens commun ? » Le mot quatre se dirait-il cinq au Ciel ? Dans ce cas, il n’y a que le nom qui change et pas la chose qui, elle, reste toujours identique. Et comme nous ne pouvons rien connaître de ce monde que par l’intermédiaire de notre sens commun, comment pouvons-nous jamais être sûrs de la prétendue cohérence entre ces contradictions apparentes et la théologie du monde à venir… ?
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C’est se tromper soi-même et tromper les autres que de demander d’acquiescer à des choses contradictoires parce que Dieu, dit-on, peut tout, et que ceux qui affirment le contraire limitent son pouvoir…
Toute contradiction est en fait synonyme d’impossibilité, et cette idée nous renvoie en définitive à celle de chose ne pouvant exister, de pur néant, nous l’avons amplement démontré.
Dire par exemple qu’une chose est à la fois étendue et pas étendue, ou ronde et carrée à la fois, revient à ne rien dire du tout ; car ces idées s’annulent l’une l’autre et ne peuvent aller ensemble pour caractériser le même objet. Croire en la divinité des Écritures ou dans le sens de tel ou tel de ses passages, sans preuve rationnelle, sans qu’il y ait une cohérence évidente dans tout cela ; est une naïveté condamnable ou une opinion téméraire née des prédispositions naturelles à l’ignorance, mais plus généralement cultivées à des fins très intéressées. On ne doit pas suivre d’autre règle dans l’interprétation des Écritures que celle qui est communément admise pour les autres livres (toujours selon John Toland).
Halte au racisme antiathée ou antiagnostique donc ! Il est temps de dire non à ce racisme bête et méchant de la part des croyants à l’encontre de l’athéisme ou de l’agnosticisme.
Est-il honnête de prêcher ou d’enseigner ou simplement de laisser croire, ne serait-ce qu’à un seul de ses fidèles, et fût-il le dernier ; que le fondement de toute morale se trouve dans la Bible, dans le Décalogue, et en aucune façon dans le Code d’Hammourabi, le Bouddhisme ou les Védas ? Ma réponse à moi est non ! Pour comparaison, le décalogue égyptien, beaucoup moins grossier, est en fait lui composé de 42 péchés énumérés en creux ou a contrario dans ce qu’on appelle la confession négative, qui conclut le jugement des âmes dans la salle des deux Maât selon la religion égyptienne.
Comme le reconnaissent eux-mêmes certains croyants à propos de la Bible, les hommes, y compris ceux qui sont élus par Dieu (on se demande bien pourquoi) y apparaissent tels qu’ils sont et le péché s’y étale sans cesse. Il existe par exemple dans la Genèse 3 cas de femmes présentées par un mari comme étant sa sœur, dans le pays où il se rend, afin de s’attirer les bonnes grâces des princes du lieu.
Abraham * en Égypte (Genèse 12,13).
Abraham * toujours, mais à Guérar (Genèse 20,2).
Isaac, toujours à Guérar (Genèse 26, 7).
Rien à voir avec de la prostitution et du proxénétisme (profane), mais quand même !
Autre cas : l’adultère criminel du roi David et l’assassinat du guerrier aryen, Hittite plus précisément, nommé Urié, relaté en 2 Samuel 11, 2 à 17.
* Réponse des croyants genre témoins de Jéhovah ou d’Allah : « il ne faisait que se défendre, car il était menacé ».
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DES RELIGIONS EN GENERAL.
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GENÈSE VRAIE DE L’APPARITION DE LA VIE ET DE L’HUMANITÉ.
Explosion de l’œuf cosmique, de serpent cosmique, à l’origine de notre monde : 14 milliards d’années.
Qu’y avait-il avant, le néant un autre univers ou Dieu, impossible de savoir !
Formation de la terre : 5 milliards d’années.
Les terrains les plus anciens de notre planète ne recèlent aucune trace de vie ; la vie n’a donc pas toujours existé sur la Terre ; elle est née de la matière. Plus le terrain est récent, plus le fossile est compliqué. La vie se transforme donc sans cesse du moment qu’elle en a le temps et il n’y a aucune raison de penser que cette transformation, que l’on appelle évolution, a cessé.
Il y a environ 400 millions d’années, la vie est sortie du « placenta aquatique » pour se développer lentement sur la terre ferme, par mutations sélectives. Il y a 165 millions d’années a commencé l’ère des dinosaures : certains étaient végétariens d’autres de redoutables carnivores !
Mais à la fin du Crétacé, les dinosaures disparurent de notre planète, après y avoir régné 100 millions d’années.
— 7 millions d’années. Environ.
En Afrique, c’est l’époque où s’est faite la séparation entre les grands singes et les humains.
Les singes ont gardé leurs pouces raides, tandis que les premiers humanoïdes pouvaient le replier pour saisir les aliments ou chasser.
— 7 M : Sahelanthropus tchadensis.
— 6 M : Tugenensis.
— 5, 5 M : Ardipithecus ramidus kadabba.
— 4,5 M : Ardipithecus ramidus ramidus.
— 4 M : Australopithecus anamensis.
— 3, 5 M : Australopithecus afarensis.
Un squelette féminin a été trouvé en Éthiopie près de la rivière asséchée appelée Aouach. Les savants l’ont appelé « Lucy ». C’est actuellement le premier squelette humain à posséder de petites jambes articulées sur un large bassin horizontal, ce qui lui permettait de courir en se tenant debout sur ses deux jambes. Ce détail la différencie de nos cousins les singes proconsuls, qui ont gardé un petit bassin étroit remontant verticalement. L’âge de Lucy est d’environ 3,5 millions d’années !
Australopithecus baheng bazali. On a trouvé un contemporain masculin à Lucy, nommé Abel, dont les ossements ont été mis à jour dans le nord du Tchad. L’endroit où furent retrouvés les ossements d’Abel démontre que l’homme pouvait s’adapter aussi à d’autres milieux que la brousse.
— 3 M : Australopithecus africanus, Australopithecus garhi.
— 2 M : Homo habilis.
— 1, 5 M : Paranthropus robustus.
— 1 M : Homo erectus.
L’Homo australopithecus marche debout puis vient l’Homo habilis. Le volume du cerveau augmente et l’Homo erectus apparaît. L’homme crée les premiers outils. À partir de là, il va progressivement envahir la Terre entière.
Vers – 950 000 ans avant notre ère des groupes d’hominiens d’environ dix personnes chacun, franchissent le détroit de Gibraltar (encore soudé à l’Europe) et remontent jusqu’au sud de la France. Ces Homo Erectus se sont installés dans le département français des Alpes-Maritimes, précisément à l’endroit où commençait la banquise suscitée par la glaciation de Güntz.
— 600 000 avant notre ère. Époque à partir de laquelle on sait avec certitude que l’homme (à Chou-kou-tien : Chine) sait domestiquer le feu.
— 300 00 avant notre ère. Homo neanderthalensis. Asie occidentale, centrale, Sibérie, et Europe. L’homme de Néandertal était roux et avait la peau claire. Les conditions de sa disparition au profit de l’homo sapiens restent mystérieuses. Au grand dam des Blancs (quelle honte) un certain nombre des gènes de cet homme primitif et cannibale se retrouvent dans les populations européennes dans les veines desquelles donc coulent quelques gouttes de sang ne faisant pas partie de notre espèce qui est celle des homo sapiens ou homme moderne je le rappelle.
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APPARITION DE LA RELIGION.
Contrairement au présupposé de base dans les religions juive, chrétienne, ou musulmane ; la religion n’a pas commencé par une révélation-apparition, ou des commandements, de Dieu ou du Démiurge, à un premier Homme initial créé à partir de zéro ou presque (un peu de terre ou une côte : Adam et Ève), un premier couple humain qui l’aurait ensuite oublié ou trahi ; mais a eu des débuts très progressifs beaucoup plus diffus. Ce qui change tout et rend l’anthropologie juive, chrétienne, ou musulmane, complètement et gravement erronée, dès le départ, dès ses fondements.
— 100 000. Premières sépultures. Elles sont néandertaliennes (- 60 000 à Shanidar au Kurdistan : une tombe fleurie). En France certains indices évoquent également un culte de l’ours (grotte du Regourdou en Dordogne).
Ainsi sont vraisemblablement nées les premières religions, puisque le culte des morts est un des tout premiers signes religieux. On a trouvé des tombes datant de l’an – 33 000 avant notre ère, évoquant la chasse et la vie quotidienne de l’homme de Néandertal ; qui ensevelissait déjà ses compagnons dans des fosses, en y ajoutant de la nourriture et des armes, pour permettre au mort d’accomplir son « grand voyage dans l’au-delà ». Ces signes sont les éléments précurseurs d’une croyance en une autre vie après la mort. Ce que confirment également des dessins trouvés dans les cavernes du paléolithique du sud-ouest de la France âgés d’environ 25 000 ans ; qui prouvent qu’un culte était déjà célébré dans des grottes en l’honneur de la déesse-ou-démone-mère, source de vie et de protection. La plus vieille statue d’une femme (probablement une déesse-ou-démone, ou une fée si l’on préfère ce terme) est celle de Brassempouy dans le département français des Landes, dont l’âge remonte à – 22 000 ans avant notre ère.
L’unité de la communauté, identifiée à un dieu-ou-démon ou à un totem, se constitue à travers les échanges de femmes et de biens (dons ou potlatch) ; dans le respect minutieux des rituels et des traditions qui maintiennent l’ordre du monde ; équilibre fragile rétabli à coups de sacrifices, de danses, de prières, de formules. La conceptualité originelle (la pensée sauvage) est classificatrice avec un dualisme systématique (homme/animal, homme/femme, vie/mort, terre/ciel, réalité/rêve), mais la triade, dépassement du dualisme, est aussi fréquemment attestée dans ces croyances et pensées archaïques.
Bien qu’impliquant l’existence d’un seigneur des animaux auquel ils doivent le renouvellement de leur subsistance ; il n’y a pas chez ces premiers humains l’idée d’un être, qui serait par rapport à leur « moi » quelque chose de radicalement autre et supérieur (Dieu ou le Démiurge). Plutôt l’idée que la nature est comme un ensemble de forces à la disposition de l’homme (manger un animal, c’est prendre sa force). Une très grande diversité dans le vécu existe cependant entre les hommes qui vivent de la cueillette et les chasseurs. Entre les nomades et les sédentaires, les habitants des zones chaudes et les peuplades qui subissent la glaciation (avec sans doute dans ce cas la focalisation sur la fécondité : Vénus et Vierge noire). Mais il faut garder présent à l’esprit que, à la différence d’aujourd’hui, ces populations étaient alors très peu nombreuses et dispersées, ce qui ne permettait pas vraiment l’élaboration de traditions complexes et durables, sauf exception ; comme en témoigne l’art pariétal très localisé de Lascaux.
Les pratiques magiques ne se limiteront évidemment pas à la préhistoire. L’identification de chaque chaîne de causes à une volonté, un génie ou un dieu-ou-démon, se perpétuera dans les divers polythéismes, mais organisée dans un ordre plus hiérarchisé qui tendra à s’unifier. Et se perpétuera même aussi dans la monolâtrie hébraïque des débuts du récit biblique (les élohim, etc. les peuples de la Bible, choisis ou pas choisis en fait, sont tous polythéistes au mieux hénothéistes jusqu’au retour des juifs de Babylone au 5e siècle avant notre ère, libérés par Cyrus le grand. Il aura fallu en effet le choc de la déportation à Babylone et la fréquentation de ses immenses bibliothèques pour que certains des membres de l’élite juive de Jérusalem en exil comprennent qu’il n’y a qu’un Dieu et qu’il vaut pour tous les peuples de la Terre, leur spécificité étant de penser que ce Dieu unique ne se comporte pas avec eux comme avec tes autres hommes (cf. les notions d’am nichvar, segullah, ou mahallah).
— 10 000 avant notre ère. Environ.
La fin de l’époque glaciaire change complètement le climat et le paysage. La raréfaction de la faune oblige les chasseurs à s’installer sur les rivages des lacs ou sur les littoraux, et à vivre de la pêche. C’est aussi l’époque de la domestication du mouton, puis du bouc, du porc et du chien. Au Proche-Orient, c’est le début de l’agriculture néolithique (à Jéricho et à Mureybet). Des villages se constituent qui prépareront les véritables débuts de la Civilisation et de l’Histoire, puisque la diffusion de l’agriculture et de l’élevage se fera à partir de ce territoire ; mondialisant, en même temps que leur nouvelle religion, les plantes et les animaux que les hommes y avaient domestiqués.
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L’agriculture a fixé les nomades (d’où augmentation locale de la population), elle est devenue autant religieuse qu’économique, et ce sont les récurrences annuelles des phases de la vie laborieuse qui ont engendré les dates des fêtes religieuses.
Il ne faut pas sous-estimer la nouveauté radicale de cette attitude religieuse, qui va en effet aboutir à des sanctuaires pour les dieu-ou-démons, par rapport à l’idéologie fétichiste des chasseurs-cueilleurs.
Les divinités de la phase précédente sont toujours présentes, mais la pratique de l’agriculture changera radicalement la représentation du monde ; en privilégiant les cycles de la nature (du levant au couchant, de la génération à la corruption, de la graine à la plante, du printemps à l’hiver). Ce sera le règne de l’éternel retour, le mythe de la résurrection, la régénérescence, la valorisation de la stabilité, des prédictions (oracles), de la fertilité. Les notions d’incarnation et de transmigration des âme/esprits ont leurs racines dans l’expérience du cultivateur.
Cette problématique pousse les théologiens à faire descendre les dieu-ou-démons sur Terre pour mourir, ressusciter, puis transmettre la vertu de la résurrection aux hommes. Qui pourront donc accéder à une vie éternelle dans une sorte de paradis après leur mort. Le « Sôter » c’est-à-dire le sauveur (en grec) était à chaque fois tué par les hommes après avoir subi une Passion. Un certain nombre de jours après sa mort (il descendait d’abord aux enfers pour montrer qu’il était le maître de la mort) il ressuscitait afin de retourner dans le monde des dieu-ou-démons.
Chaque religion élabore un récit qui raconte la vie et les sermons de son sauveur. La mort de Mardouk, dieu-ou-démon suméro-babylonien, était célébrée entre le 15 et le 20 mars. Idem pour Adonis, Ishtar, Sérapis, Cybèle, Mithra, Déméter, Ahoura Mazda… On donne à ces dieu-ou-démons sauveurs le titre générique de « seigneur » (kyrios en grec).
Ces conceptions d’agriculteur constituent encore le fond de toutes les religions actuelles. La relative stabilité des conditions de vie depuis cette époque explique l’unité de ces superstitions. Les croyances se perpétuent souvent au-delà des conditions qui les ont engendrées, car la croyance se soutient de la tradition. Et des traditions locales préhistoriques se sont d’ailleurs conservées jusqu’à nos jours, en se combinant à des croyances nouvelles.
La solution donnée par le mythe sumérien est que les hommes n’échappent à la destruction qu’à la condition de servir les dieu-ou-démons, de travailler pour eux, à leur place (à la place de la nature) pour leur offrir des sacrifices. Cette notion nouvelle de dette originelle envers quelqu’un, de culpabilité, suscitera un rapport de soumission dans lequel l’homme ayant perdu sa « liberté » naturelle devra la racheter par le travail. La dette envers le sauveur et maître, instaurateur de l’ordre, sera fondatrice, de ces religions.
À la différence de la tradition sumérienne et cananéenne, qui fait du travail le service des dieu-ou-démons, le prix de la vie et de l’accès au savoir ; dans la mythologie biblique le travail devient par contre une punition, conséquence du savoir, voire surtout de la liberté ou de la révolte de l’homme. Mais, dans le fond, cela revient au même !
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L’HISTOIRE SCIENTIFIQUE.
L’Histoire (la vraie) des civilisations et religions du Proche ou du Moyen-Orient.
Le texte qui suit contient sans doute des erreurs, mais il ne prétend nullement être dicté ou même seulement inspiré, fût-ce partiellement, par Dieu ou le Démiurge. Ces erreurs seront rectifiées au fur et à mesure des progrès de la science historique.
Ainsi que l’a très bien vu John Toland dans son christianisme sans mystère, le propre de la civilisation est d’accumuler les connaissances ; et de ne jamais être en situation, sauf en ce qui concerne le mental de chacun évidemment, de devoir tout redécouvrir, en recommençant à zéro. Les derniers venus profitent non seulement de tout ce qu’ont accumulé leurs prédécesseurs, mais y ajoutent aussi leurs propres observations. (Citation de mémoire).
On a souvent trop tendance à isoler les Hébreux, puis les juifs, de leur contexte proche-oriental, sous prétexte de leur rôle ultérieur dans le monde. Ils sont au contraire parfaitement intégrés à leur époque et coexistent avec leurs voisins, selon les mêmes règles religieuses qu’eux. L’écrasante source documentaire qu’est la Bible déforme notre vision de la situation : les Hébreux ont commencé par être hénothéistes avant de finir monolâtres : ils ne niaient pas l’existence des autres dieux. Il faudra attendre la première déportation à Babylone en – 597 pour que les élites juives de Jérusalem fréquent les bibliothèques de cette première grande civilisation et réalisent peu à peu que leur dieu ne pouvait qu’être aussi le dieu de tous ces pays de tous ces peuples.
Vu le lieu et la date (- 571 à Tel Abib en Chaldée quelque part sur les rives du Kébar près de Nippour), la vision de la Merkaba ou Gloire de Dieu d’Ezechiel est à cet égard significative tout comme celle du culte rendu à Tanmouz dans le temple évoqué d’ailleurs. On se demande bien ce qui a pu être pris pour le chariot de Dieu par Ezechiel ? Quand même pas un vaisseau extraterrestre ! Les Chaldéens étant de remarquables astronomes je pencherai plutôt pour un instrument d’observation du type astrolabe GÉANT, en train d’être déplacé, ou pas. Les fameuses roues qui ont tant fait couler d’encre formaient peut-être une sorte d’astrolabe, thèse développée par Luigi Chiarini dans son « Fragment d’astronomie chaldéenne » sorti en 1831.
Ce traducteur professionnel avait en tout cas une haute idée de la science des uns et des autres.
“Ézéchiel qui… se distingue entre tous les écrivains sacrés, autant par son génie que par son instruction, a dû emprunter au peuple qui le tenait en esclavage, tout ce que ses arts et ses sciences lui offraient de remarquable, et le mêler aux traditions qu’il tenait de ses pères et aux connaissances qu’il devait à son éducation. Nous le voyons en effet fixer d’abord l’époque de sa mission, d’après la chronologie chaldéenne et celle de l’histoire des rois de la Judée et en appeler plus loin à la manière dont les savants babyloniens notaient leurs observations célestes, et traçaient le plan d’une ville ou la carte d’un pays entier, sur des briques cuites. La science des astres, qui florissait de son temps en Chaldée plus que partout ailleurs, dut frapper de bonne heure son imagination ».
Enfin bref peu importe, revenons à notre bref panorama des grandes religions de la région durant l’antiquité.
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LES ANCIENS ARYENS.
Le mot aryen est la forme actuelle dans notre langue du mot sanscrit (langue autrefois parlée dans le sous-continent indien) Arya (libre, noble) et désigne historiquement ceux des locuteurs de langues indo-européennes qui ont diffusé ces langues vers l’Asie, notamment vers les territoires de l’Iran et de l’Inde actuels…
— 7500. Quelque part dans les steppes du sud de la Russie (d’après l’hypothèse civilisation de Yamna ou des kourganes).
La religion de ces éleveurs nomades nous est en partie rendue accessible par ce que nous savons des religions indo-européennes, bien que beaucoup plus tardives, et qui se retrouve de l’Iran à l’Inde (sans oublier les Scythes, les Celtes, les Slaves). Ces peuples nomades devaient protéger leurs biens, objets de convoitise, à moins qu’ils n’aient vécu de rapines comme les premiers Grecs (d’après Thucydide) ou les premiers Romains. Ils formaient donc une classe de guerriers. La prépondérance de l’homme dans cette organisation, ainsi que l’attention portée par ces populations aux problèmes de la reproduction, s’exprimeront dans une religion patriarcale et un culte des héros. L’unité de la vie et de la mort (si la mort sort de la vie, la vie, en revanche, sort de la mort) est affirmée dans des cérémonies phalliques. Les initiations guerrières, les rites du Soma ou de l’Ambroisie, donnent aux guerriers l’espoir de l’immortalité. Les sacrifices évoluent de leur fonction magique à un ritualisme formaliste qui se réduit à affirmer l’unité de la communauté. Il devait y avoir aussi des banquets à cet effet. Le banquet restera d’ailleurs chez les Grecs ou les Celtes le principal rite de communion « devogdonion ».
L’âge du bronze – 5000. La rupture de l’Hellespont et l’inondation de la Mer Noire (–5500) ont accéléré la diffusion de l’agriculture en provoquant des migrations de populations. L’essor des techniques, et surtout celles du fer plus tard, accentuant la spécialisation, donnera naissance à de nouvelles conceptions bien différenciées des initiations chamaniques et guerrières. Mais, de l’âge du bronze à l’âge du fer (le fer reste un secret hittite de – 3 500 à – 1100) la valorisation du combattant (dieu-ou-démon ou héros) ira en s’accentuant. Ce qui entraînera les guerres des cités mésopotamiennes, puis les invasions indo-européennes et le brigandage, le nomadisme fournissant la logistique des guerres de mouvement, surtout après la domestication du cheval et l’invention du char. La structure égalitaire des premiers villages fait place à une hiérarchisation de plus en plus marquée, se reflétant dans l’idéologie tripartite (Prêtres, Guerriers et Producteurs) dominée par la fonction sacerdotale d’un Dieu ou Démiurge souverain.
On ne peut considérer cette religion comme une religion de l’écrit (ce qu’elle est devenue plus tard), car elle s’y refusait à l’origine (interdit de l’écriture pour la religion comme chez les Celtes ou les Scythes). Elle se voulait plutôt fondée sur la révélation, l’extase (Soma), l’initiation, la transmission orale, avant d’être recueillie en livres (les gâthas et le reste de l’Avesta).
Nous connaissons par les anciens Védas la religion des premiers Aryens avant leur division entre Indiens et Iraniens (et Mitanniens en Palestine vers – 1600). Cette religion indo-européenne se caractérise par la dualité des dieux (Devas et Asouras) ainsi que par la dualité du premier d’entre eux (Varouna roi et mage) combinées avec la représentation de trois fonctions (Guerriers, Prêtres, Travailleurs) ; et se préoccupe surtout de l’efficacité des sacrifices. Cette tradition remonte au-delà du IIIe millénaire, aux éleveurs nomades de l’âge du bronze. Il faut compter aussi avec la culture locale préhistorique de Jézireh (Nord Syrie/Irak), remontant à – 9 000 et consacrée aux aigles ou aux rapaces ; mais surtout avec la religion hittite (Indo-européens primitifs détachés de leur religion d’origine et tendant à un syncrétisme monothéiste avec Shamash).
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LA PERSE.
« HUMATA HUKHTA HUVARHTA : BIEN PENSER, BIEN PARLER ET BIEN FAIRE ». (D’après nos frères en paganisme appelés guèbres ou parsis, Ahoura Mazda en effet donnait à ses Aryens cette triple consigne).
La Perse ayant été conquise par des tribus aryennes, on ne sera pas surpris d’y rencontrer les mêmes dieu-ou-démons que ceux du panthéon de la période védique indienne, à la fois bénéfiques et effrayants. Mais contrairement aux vues hindoues qui croient en la réincarnation et aux cycles des vies terrestres, la religion perse, elle, n’admet pas cette théorie ni la crémation des corps ; qu’elle préfère déposer dans des « tours de silence » pour servir de nourriture aux vautours (cf. Les parsis).
Le culte primitif, très proche de la nature, était souvent célébré en plein air, sur une montagne, par des mages chargés de garder le feu sacré.
Le mont Elbourz était considéré comme la montagne cosmique d’où partait la voie qui menait les âme/esprits au Ciel, là où l’on retrouvait l’âne aux neuf bouches avec six yeux, et les dix poissons, chargés de garder l’arbre Gaokerena ; dont le jus des fruits donnait un élixir d’immortalité convoité…
Le culte de la nature à cette époque c’est également Vayou le dieu-ou-démon du vent, qui avait formé l’océan cosmique au pied de cette montagne sacrée en y rassemblant les pluies représentées par le dieu-ou-démon de l’eau, Tishtrya.
À l’origine le dieu-ou-démon ZURVAN AKARANA (le temps infini) se plaignit de n’avoir pas de fils. Il offrit un sacrifice au Créateur qui lui accorda deux jumeaux : le premier fut AHOURA MAZDA qui devint le dieu de la vérité ainsi que de la lumière, le second fut nommé AHRIMAN (la pensée destructrice).
Comme dans la religion védique, le dieu-ou-démon du feu ATAR (fils d’Ahoura Mazda/Ohrmazd) avait une grande importance ; c’est lui qui transmettait les sacrifices aux dieux, ce qui leur permettait d’avoir la force de combattre les puissances du mal et des ténèbres.
Le dieu-ou-démon de la guerre s’appelait VERETHRAGNA (comme Vishnou). On lui reconnut dix avatars ou interventions sur Terre sous un aspect matériel. Il devint ainsi successivement une tempête, un taureau aux cornes d’or, un cheval blanc, un verrat impétueux, un chameau, un adolescent de quinze ans, un corbeau, un bélier, un cerf agressif et un homme avec une épée d’or.
L’élément féminin du panthéon était représenté par la belle et noble déesse-ou-démone, ou fée, appelée Anâhita voire Ahourani, qui tirait des fruits d’un troisième arbre sacré situé dans les sources limpides de l’océan cosmique, une liqueur aux pouvoirs hallucinogènes ; l’HAOMA (équivalant au SOMA indien) dont l’absorption devait procurer l’immortalité !
Le premier homme, Gayomart naquit de la sueur d’Ohrmazd. Il mourut trente jours plus tard, mais de sa dépouille sortit un couple humain : Mashya et Mashyoi. Ils eurent sept couples d’enfants et donnèrent ainsi naissance aux quinze peuplades qui (selon la Perse antique) peuplaient la terre.
La réforme de Zoroastre, peut-être inspirée des Hittites, consista en une réduction de la multiplicité des dieu-ou-démons à l’unicité d’Ahoura Mazda (Asoura/Varouna/Ouranos) le seigneur éternel, omniscient, sage, bon, juste. Les autres divinités furent conservées, mais sous forme d’archanges, d’émanations d’Ahoura Mazda, dont notamment le Saint-Esprit : Spenta Mainyu (le Malin, le Négateur, Angra Mainyou/Ahra Mainnyou, constituant un cas à part). Ce que les hindous appellent vyouha, et les musulmans du chirk (pour le condamner).
La Réforme de Zoroastre ou Zarathoustra (Zerdousht en kurde, Zartosht ou Zardosht en farsi actuel), fondateur du premier monothéisme ÉTHIQUE UNIVERSEL. Nous disons bien ÉTHIQUE, afin de le distinguer de celui d’Akhénaton/Akhenaten. On l’appelle le MAZDÉISME.
Il est difficile, étant donné l’époque et l’importance du personnage, source de nombreuses affabulations, de donner des dates et des lieux précis à son sujet. On suppose qu’il est né au nord de l’Iran, mais certaines traditions le font naître à Balkh dans le nord de ce qui est aujourd’hui l’Afghanistan. On connaît quelques bribes de sa vie, à travers les hymnes de l’Avesta, rédigés dans une langue indo-iranienne archaïque, l’avestique, vieille de plus de 2 500 ans. Celle-ci se montre très proche des textes védiques indiens du Rig Veda, où l’on retrouve le même type de grammaire. On connaît aussi la vie de ce grand prophète au travers d’une tradition qui nous en rapporte un récit épique, tel un scénario exemplaire empli d’événements surnaturels et de miracles.
On considère donc généralement Zoroastre comme un personnage historique, mais les dates à son sujet sont très discutées. La version la plus courante considère qu’il naquit aux alentours de l’an – 1000 dans une famille sacerdotale, mais beaucoup d’autres supputations le font naître plus tôt, et certaines le font vivre seulement vers – 600 avant notre ère.
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On sait qu’il était prêtre, c’est d’ailleurs le seul grand prophète à l’avoir été dans toute l’histoire des religions. Il était marié et avait des enfants.
À l’âge de trente ans, il eut apparemment une première vision, qui l’incita à prêcher un nouveau message.
En raison du caractère très démocratique, au niveau moral, de ce dernier, il fut persécuté et dut fuir. Ces nouvelles idées n’étaient pas du goût du clergé en place et des princes régnants. Les notions de justice et de conscience personnelle de Zoroastre heurtaient profondément les coutumes et les mentalités de ces vieilles familles. Il lui fallut donc dix ans avant de trouver un premier disciple, son cousin.
Un roitelet local, Vishtaspa, séduit par cette réforme religieuse lui offrit sa protection. Sa réussite est donc un peu comparable à celle de Martin Luther qui, sans la protection du prince Frédéric de Saxe, aurait fini comme Jan Hus : brûlé vif sur un bûcher de l’Inquisition catholique !
L’intervention de Zoroastre contre les « hommes de proie » pour régénérer et réinterpréter la tradition, préfigure celle de Jésus, mais plus encore celle de Mahomet, car il se présenta, lui aussi, comme un simple interprète du Dieu dont il transmettait la révélation. Il s’agit, en fait, d’une remise en question de la tradition, ou de sa rationalisation, comme le seront, à la même époque, les Brâhmana et les Upanishad indiens.
Zoroastre n’a jamais prétendu être un prophète, il s’est contenté d’indiquer des pistes de réflexion et au début sa doctrine s’est transmise oralement, comme beaucoup d’autres. Puis lorsqu’un alphabet adéquat fut trouvé, un ensemble de textes sacrés fut rédigé : l’Avesta ou Zend-Avesta. Mais, du texte initial, seul le quart seulement est parvenu jusqu’à nous. Les manuscrits ont été perdus ou détruits, une première fois lors de l’invasion d’Alexandre le Grand, qui fit brûler la bibliothèque du palais de Persépolis, et une seconde fois lors de l’invasion arabe au VIIe siècle. Malgré tout l’équivalent d’un millier de pages est quand même arrivé jusqu’à notre époque.
En 1723, un parsi de Surate en Inde offrit un manuscrit à un marchand anglais, qui le fit parvenir à la bibliothèque bodléienne d’Oxford : l’Europe apprit ainsi que le livre de Zoroastre n’était pas perdu. Encore fallait-il l’avoir tout entier sous la main, puis le comprendre. Ce fut l’œuvre du Français Anquetil-Duperron (1731-1805), le Champollion des études iraniennes. Anquetil traverse à grand-peine et à grand risque une Inde déchirée par la guerre franco-anglaise, puis, jouant habilement des rivalités qui agitent la communauté parsie de Surate, il vainc les réticences, se fait montrer les manuscrits, expliquer leur écriture et leur langue. De retour au pays le 15 mai 1762, il dispose de cent quatre-vingts manuscrits rédigés dans une langue ancienne difficile à interpréter.
L’analyse de ces documents lui prendra dix ans.
Il s’agissait en réalité d’extraits ou de morceaux choisis rassemblés pour les besoins de la cause, en deux anthologies liturgiques distinctes.
La première anthologie était le récitatif d’un long sacrifice associant, du moins dans sa version maximale, trois livres appelés : Yasna, Vispard et Vidêvdâd ou Vendidad.
La seconde anthologie rassemblait des hymnes sacrificiels consacrés à d’autres dieu-ou-démons qu’Ahoura Mazda (Yashts) assortie de quelques prières à usage plus privé (Xorda Avesta).
C’est dans la partie appelée Yasna que se trouvaient, insérés dans le corps même du texte, les 17 chants ou hymnes attribués à Zoroastre lui-même, appelés gathas. Les interprétations de ces poèmes sont très divergentes, tantôt biographiques, tantôt cosmogoniques et eschatologiques, ce qui s’explique par la forme archaïque et résolument littéraire de la langue, ensuite par le fait que le contexte culturel est pratiquement inconnu. Tous ces hymnes invoquent une triade, le Seigneur sage, la Justice et la Bonne Pensée, et certains sont restés célèbres chez les parsis ; tels les gathas de « l’Âme du Bœuf », ou « du mariage » (celui de la fille cadette de Zoroastre en l’occurrence).
L’enseignement de Zoroastre ne se limitait pas à ces 17 hymnes, mais ce sont les seuls qui sont parvenus jusqu’à nous. Ils devaient servir d’aide à la mémoire à une époque où l’écriture était peu connue et ils sont donc maintenant au cœur du culte guèbre (persan), ou parsi. Au cours des siècles, cet enseignement s’est néanmoins enrichi d’explications doctrinales diverses.
Le Yasna (72 chapitres) est donc un rituel du sacrifice, où l’on invoque tous les dieu-ou-démons du panthéon mazdéen. C’est dans cette partie du Zend-Avesta comme nous l’avons vu que l’on retrouve les 17 hymnes attribués à Zoroastre.
Le Vendidãd ou Videvdãt (« loi contre les démons ou les mauvais esprits ») est un recueil de prescriptions rituelles et juridiques ne datant que de la chute de la dynastie des Achéménides, c’est-à-dire probablement du IIIe siècle avant notre ère. Origine probable : le milieu des « mages perses » (l’ancienne caste des prêtres mèdes donc).
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« Le chien à lui seul a huit caractères, celui d’un prêtre, celui d’un guerrier, celui d’un laboureur. Celui d’un musicien, d’un voleur, d’un loup-garou, d’une courtisane et d’un enfant. Il mange le surplus comme le prêtre, il marche en avant comme un guerrier, il est vigilant et ne dort qu’à demi comme un laboureur. Il aime chanter comme un musicien, il aime les ténèbres comme un voleur, il rôde dans la nuit comme un loup-garou, il blesse qui s’approche comme une courtisane, il dort comme un enfant ».
Les yashts sont un recueil de 21 hymnes en vers en l’honneur des anciens dieu-ou-démons iraniens. Reprenant des fragments de mythes ou de légendes connus sous une forme plus tardive et plus complète dans la littérature en moyen persan, ou dans des textes arabes et persans de la période islamique. Le dixième yasht par exemple est tout entier consacré à la glorification de Mithra.
Le Khorda Avesta ou Petit Avesta est un livre de prières.
En l’état actuel des bases dont on dispose, on peut donc dégager du Zend-Avesta les caractères suivants.
Dieu est inconnaissable Essence, même par les entités qui l’assistent (éons). L’univers offre à l’Homme l’un des aspects connaissables de la création. Cet univers est à la fois physique et métaphysique (cf. le Bitos des druides). Dans cet univers (Bitos chez les Celtes donc), il y a la Terre des hommes, qui est également physique et métaphysique. Comme dans le cas de Jésus, on y relate la tentation de Zoroastre à qui Angra-Mainyou aurait offert, un jour, la domination du monde ; en échange de l’abandon de sa mission.
L’enseignement de Zoroastre se ramène à une triade revenant comme un leitmotiv dans les hymnes appelés gathas : Houmata, Houkhta, Houvarshta (« Bonnes Pensées, Bonnes Paroles, Bonnes Actions »).
La vie dans l’univers est fondée sur le principe : action/réaction. Si en société, les gens s’adonnent à la bonté, ils récolteront de la bonté. S’ils se livrent à la méchanceté, ils seront cernés par le mal.
Dieu, aussi appelé le Seigneur Sage (Ahoura-Mazda) est le créateur de toutes choses et il est d’une débordante générosité. Le mal lui est étranger. Ce mal est le fait de l’Esprit Destructeur (Angra Mainyou), violent et négatif, qui règne sur les enfers et, donc, est l’ennemi de Dieu. Il n’est nullement un ange déchu (ce qui aurait pour conséquence, en dernier ressort, de mettre en cause la responsabilité de Dieu dans l’apparition du Mal). Dieu a créé le monde et les hommes pour l’aider dans son combat contre le Mal.
Dieu a aussi créé de nombreux êtres célestes intermédiaires, les Amesha Spentas ou Généreux Immortels, qui représentent des entités abstraites. Bonne pensée (Vohou Manah), Piété (Armaïti), Ordre cosmique (Asha Vahishta), Pouvoir (Kshathra), Santé (Haurvatat) et Immortalité (Amererat).
Chacun de ces Généreux Immortels doit protéger l’une des six choses constituant la Bonne Création de Dieu : le bétail, le feu, la terre, le ciel, l’eau et les plantes. De la même façon, chacune de ces créations doit représenter un Généreux Immortel lors des cérémonies.
Ce sont en fait des idéaux auxquels tout homme juste doit aspirer. En participant à la puissance de Dieu, en menant une vie pieuse et ordonnée, l’Homme peut accéder à l’immortalité. Dieu (Ahoura Mazda) jadis a créé l’homme en le dotant du libre arbitre afin qu’il puisse toujours choisir ce qu’il doit faire. Tout homme est donc en quelque sorte un ouvrier de Dieu l’aidant à transfigurer le monde, Ahoura Mazda est son ami.
La « bonté » est quelque chose comme une lumière qui vient du fond de soi, elle est inhérente à l’homme. Mais il y a en tout homme deux tendances : l’une qui le porte au Bien, l’autre qui le porte au Mal. Ce que propose Zoroastre, c’est de toujours choisir le côté du bien, mais il n’y a pas d’obligation en la matière. Le trait le plus marquant de l’enseignement de Zoroastre est en effet son insistance sur la liberté religieuse personnelle. À tout être humain appartient le choix du bien ou du mal. L’homme sera jugé en fonction du choix qu’il aura fait, quel que soit son statut social. (Ce nouveau principe lui valut à l’époque de nombreux ennuis avec le clergé et les princes en place ; qui se réservaient en quelque sorte le paradis).
Le fravahr (grosso modo un être humain avec des ailes déployées à hauteur de la taille) est un des symboles de la doctrine de Zoroastre. C’est l’âme/esprit de l’homme préexistant à sa naissance et qui perdure après sa mort : une sorte d’équivalent du carma hindouiste. Chaque personne répond de ses actes en vertu de la nature de son « Fravahr ».
Pour le zoroastrisme, la nature humaine a deux faces, l’une matérielle, l’autre spirituelle, toutes deux venant de Dieu. D’où l’idée de deux jugements distincts que l’homme devra affronter.
Un premier jugement se situe après la mort physique. L’âme conduite par sa daena (son esprit représenté sous les traits d’une belle jeune fille) vers le pont appelé Chinvat, le pont du jugement. Là, les pensées, les paroles, et les actions, sont pesées. Si le Bien l’emporte sur le Mal, l’esprit de
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l’homme conduit son âme au Ciel. Si le Mal l’emporte, il la conduit en un enfer appelé la Maison du Mensonge. Ce premier jugement est un jugement qui n’est pas physique, car le corps reste sur terre.
Le deuxième jugement aura lieu lors de la résurrection et sera un jugement du corps. L’homme retournera une nouvelle fois au ciel ou en enfer, pour y être récompensé ou châtié, mais physiquement cette fois-ci. Chacun, corps et âme, alors ainsi purgé, pourra rejoindre Dieu, dans toute la perfection de son être purifié, sa destinée dernière étant d’être à ses côtés.
Les zoroastriens admettent par conséquent une vie après la mort et un jugement des âme/esprits ; tout être humain étant jugé selon ses mérites.
Mais un jour l’Enfer lui-même sera purifié puis le royaume de Dieu s’installera sur Terre. Il existe donc toujours une possibilité de rédemption, même pour les plus « méchants ». L’enfer des zoroastriens est plutôt un purgatoire où l’on attend sa résurrection.
Mais celle-ci surviendra seulement à la fin des temps, avec l’avènement d’une sorte de messie appelé « Saoshyant », qui rétablira la justice par une régénération du monde (erdathe en termes druidiques).
Nombre des préceptes de Zoroastre sur la morale et les liens qui unissent les hommes sont toujours d’actualité, alors que la plupart des autres religions, à l’exception du druidisme, ne leur ont guère accordé d’importance.
— L’égalité des hommes et des femmes a par exemple été maintes fois soulignée dans les hymnes (et réalisée dans l’histoire de la Perse antique par l’accession au pouvoir de princesses telles que Pourandokht).
— Cette doctrine met aussi l’accent sur l’importance du travail personnel et rejette toute idée de vivre aux crochets d’autrui, a fortiori de voler le bien d’autrui. Chacun doit vivre de ses efforts.
— L’idolâtrie est prohibée. Et même le fait d’accorder trop d’importance à des sanctuaires ou à des temples. Dieu ne réside pas dans des constructions de bois ou de pierre, mais dans les cœurs et les esprits.
— Aucune oppression ne peut être admise et si nécessaire il faut se soulever pour l’éliminer. Esclavage et soumission sont prohibés.
— Aucun mal ne doit être commis à l’égard des animaux et leur sacrifice doit être considéré comme un crime. (Zoroastre a donc condamné les rites et les sacrifices traditionnels offerts aux dieu-ou-démons par les Perses, mais il a par contre gardé le culte du feu, non en tant que dieu-ou-démon ayant une vie propre, mais en tant qu’aspect d’Ahoura Mazda.)
Le rituel du feu sacro-saint est au centre de toute cérémonie de bénédiction (jashan). Le feu est le propre fils d’Ahoura Mazda. Il doit toujours rester à l’abri des regards et de la lumière, aussi est-il conservé dans des temples (afargans) où les prêtres alimentent le foyer en bois de santal ; tout en veillant à ce que les flammes ne s’éteignent jamais (cf. noïba Brigitte de Kildare et la Minerve de Bath).
Les rites sont assez légers : prier cinq fois par jour pour se rappeler que la droiture est une bonne chose, que le bien est une bonne chose ; faire une fête une fois par mois, plus cinq jours pour préparer le Nouvel An. En se purifiant, et prenant son repas avec nappe, nourriture, pains et fleurs.
Cyrus le Grand et la plupart des souverains de la Perse antique ont toujours refusé d’imposer une religion. Ils laissaient au contraire les peuples qu’ils avaient conquis libres de pratiquer les cultes de leur choix. Après la conquête de Babylone, la charte que Cyrus octroya à ses nouveaux sujets stipule : « J’ai renvoyé dans les villes d’Assur et de Suse… les dieux qui avaient vécu là et j’ai fait bâtir pour eux des sanctuaires. Sur ordre de Mardouk le grand seigneur, je les ai rendus sains et saufs à leur emplacement sacré dans les sanctuaires qui leur plaisent. Puissent tous les dieux que j’ai rendus à leurs sanctuaires, chaque jour devant Mardouk et Nabou, demander une longue vie pour moi, et mentionner mes bonnes actions, et dire à Mardouk mon seigneur : « le roi Cyrus te respecte et Cambyse son fils…… les populations de Babylone appellent tes bénédictions sur mon règne et j’ai permis à toutes les contrées de vivre en paix ».
C’est ainsi que cet empereur perse mit fin à l’exil des juifs et libéra Jérusalem de la domination babylonienne, voire encouragea la construction du Second Temple. Des passages de la Bible évoquant cette période (le 3e livre d’Esdras) on peut déduire le schéma suivant.
En – 520 certaines personnalités de la communauté juive en exil à Babylone ont été envoyées en mission à Jérusalem par Cyrus le grand pour reconstruire repeupler et administrer cet avant-poste de l’empire poste qui faisait face aux forces égyptiennes stationnées non loin (Péluse au nord-est du delta du Nil).
Ils prennent donc la tête d’une caravane de 50 000 personnes ne parlant plus l’hébreu, mais l’araméen.
— Dans le rôle du prêtre devenu grand prêtre ipso facto on trouve un dénommé Josué.
— Dans le rôle de satrape ou gouverneur, on trouve d’abord Sheshbatsar. Il ramène à Jérusalem ce que Nabuchodonosor avait pris au Temple.
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Ensuite Zorobabel, petit-fils du dernier roi de Judée.
Mais il s’agit peut-être du même personnage.
Ensuite Néhémie. Muni des pleins pouvoirs ou presque (tirshatha) par l’empereur perse en place à l’époque.
Mais n’oublions pas que tous ces gouverneurs de la Yehoud Medinata ou province de Yehoud doivent composer avec les satrapes voisins, et notamment le gouverneur perse de Samarie dont Jérusalem dépendant avant le retour des exilés.
Et tenir compte de l’opposition des descendants du peuple juif resté sur place au moment de l’exode, que l’on appelle les Samaritains, mais qui eux se considèrent tout simplement comme les seuls vrais juifs non contaminés par les hérésies ou nouveautés babyloniennes.
— Pour clore le tout, dans un rôle ne correspondant à aucun titre officiel, Esdras. Devait être en Babylonie une sorte de secrétaire d’État aux affaires juives (il est qualifié de scribe). Après une longue absence (peut-être était-il reparti en Perse) on le retrouve à Jérusalem en – 444 chargés de faire la lecture publique de la Torah. Il sera donc aussi le fondateur du futur sanhédrin, car il fallait en permanence alors à l’époque vu le passage de l’hébreu à l’araméen, faire des explications de texte de la Torah.
Certaines composantes du judaïsme ont par conséquent vraisemblablement été empruntées aux zoroastriens.
L’influence de la religion iranienne sur les juifs, et donc postérieurement sur les chrétiens, a été en effet considérable : le Sauveur, la Providence, la Résurrection des morts, l’Enfer, le Paradis, les anges et les démons, la liste est longue ! Mais il y a surtout notre conception de Dieu en tant que père, ainsi que ce combat millénaire du bien contre le mal, qui ruine les représentations cycliques agricoles, et fonde un temps linéaire. La grande différence réside dans la positivité joyeuse de la religion iranienne, rejetant les mortifications, ce qui justifiait aux yeux de Nietzsche le retour à Zarathoustra, c’est-à-dire le rejet de la culpabilité juive, de sa conscience malheureuse. Mais c’est pourtant Zoroastre qui a introduit la religion de la morale : vouloir le bien, la justice et le respect de la parole donnée !
La plupart des textes de l’Ancien Testament traitant de la vie après la mort appartiennent à la période de domination perse en Palestine. Ils ne sont attestés dans les écrits juifs que postérieurement à la captivité de Babylone (597 à 538 avant notre ère). Période durant laquelle les élites juives, en exil ou de retour de cet exil, sont entrées en contact avec les autres grandes religions de cette partie du monde.
Le zoroastrisme primitif plus communément appelé MAZDÉISME s’efforça d’éliminer les entités négatives qu’il assimila à des démons (voir la partie du Zend-Avesta appelée Vendidad ou Videvdat) et adora UN Dieu Supérieur. Par la suite sa doctrine se diversifia par réintroduction de plusieurs anciens dieu-ou-démons et même un jour de Zoroastre lui-même, divinisé (phénomène fréquent dans les religions. Voir le cas d’Imhotep en Égypte).
D’où les dilemmes postérieurs à propos du véritable enseignement de Zoroastre. Pour Martin Haug par exemple, puisque l’Avesta commence par les hymnes appelés gâthâs, le mazdéisme commence par le monothéisme. Celui-ci est l’œuvre d’une personnalité historique exceptionnelle, mais ses disciples l’ont laissé « se dégrader » soit en dualisme (zourvanisme) soit en polythéisme hiérarchisé.
Le dualisme qui devait se renforcer dans le zourvanisme (opposition d’Ormuzd et Ahriman, le premier étant une déformation d’Ahoura Mazda et le second d’Angra Mainyu/Arya-Man, dieu-ou-démon des guerriers aryens et des ancêtres) ; est une conséquence de la dogmatisation de la vérité, du choix binaire que le Vrai Dieu, la Vraie Religion, substitue au polythéisme multiforme. En rejetant les anciens dieux-devas-lumineux comme démons démiurges, et en condamnant aussi bien les anciens débordements du sacrifice que l’ivresse guerrière du Soma ou les orgies agricoles.
Les fondements du zourvanisme sont pourtant eux aussi contenus dans l’enseignement de Zoroastre lui-même, puisqu’il reconnaît que le Bon et le Mauvais Esprit étaient jumeaux à l’origine. Les Achéménides se sont posé la question de savoir qui était leur père. Certains pensaient que c’était l’Espace (Thouasha en avestique), d’autres que c’était le Temps (Zourvan). La seconde opinion s’est imposée et les Sassanides l’ont adoptée dès le début de leur dynastie. Le zourvanisme est donc une doctrine philosophique issue du zoroastrisme, mais qui s’est imprégnée de mythes. On raconte que Zourvan, le dieu-ou-démon primitif, faisait des sacrifices dans l’espoir d’obtenir un fils. Comme il n’obtint rien durant un millier d’années, il eut des doutes sur leur utilité. Le fils tant espéré arriva enfin. Ce fut Ahoura Mazda, dont le nom était prononcé Ohrmazd à l’époque sassanide. Mais les doutes de Zourvan dotèrent Ohrmazd d’un jumeau, Ahriman (Angra Maïnyou).
Les Iraniens considèrent soit que Zourvan a seul donné naissance aux jumeaux, soit que c’est sa femme Khouashkhouarrik qui les a mis au monde. Ahriman sortit le premier. Son père lui demanda : « Qui es-tu ? » Ahriman lui répondit qu’il était son fils, mais Zourvan répliqua : « Mon fils a une odeur
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suave, il est lumineux, et toi, tu es ténébreux et puant ». Ohrmazd s’étant à son tour présenté, comme il avait une odeur suave, Zourvan le reconnut donc pour fils.
Mais puisqu’Ahriman était sorti le premier, il put dominer le monde et Ohrmazd fut obligé de lutter contre lui. On pensait alors que sa victoire devrait avoir lieu 9 000 ans plus tard.
Les zourvanistes ont donc une conception pessimiste du monde. Contrairement à Zoroastre d’ailleurs ; ils attribuent une nature mauvaise aux femmes.
La théologie zourvaniste est connue par des textes comme le Boundahishn et par des témoignages d’Arabes. Zourvan est aussi associé à une tétrade : Ashoqar « celui qui rend viril », Frashoqar « celui qui rend éclatant », Zaroqar « celui qui rend vieux » et Zourvan qui regroupe ces trois aspects puisqu’il comprend la puberté, la maturité ainsi que la vieillesse. Parfois aussi, on lui donne deux aspects, qui sont le Temps illimité (Zurvan akanara) et le Temps à la longue durée (Zurvan daregho-khvadhata) correspondant à une période de 12 000 ans.
Le manichéisme, prolongation, partielle (puisqu’il s’agit aussi d’une variété de christianisme), du zourvanisme, et de son fatalisme, prit parti contre l’unité première en accentuant le dualisme du Diable et du Bon Dieu. Il concurrença le christianisme à ses débuts (Augustin) et influença gnostiques, bougres et cathares.
Mais revenons à nos moutons. De toute façon, l’invasion musulmane mit fin au zoroastrisme orthodoxe ou hérétique, et la majorité des Iraniens habitant l’ex-empire sassanide se convertirent. Mais certaines composantes de l’islam ont vraisemblablement été elles aussi empruntées aux zoroastriens. Notamment le refus du prêt à intérêt, assimilé à de l’usure. On peut lire en effet dans le chapitre 138 du Livre I d’Hérodote, parlant des Perses : «… Ils ne trouvent rien de si honteux que de mentir, et, après le mensonge, que de contracter des dettes ; et cela pour plusieurs raisons, mais surtout parce que, disent-ils, celui qui a des dettes ment nécessairement ».
Plusieurs auteurs et penseurs musulmans, tel Sohravardi (1155-1191), initiateur du courant des « Ishraqiyoun », ont tenté d’intégrer Zoroastre dans la lignée prophétique abrahamique, mais en vain.
Aujourd’hui il n’y a plus de zoroastriens au sens strict du terme ! Divers éléments de cette religion survivent néanmoins dans le parsisme, un développement autonome du zoroastrisme, aujourd’hui surtout implanté en Inde.
Au Xe siècle, avec l’exil en Inde d’un certain nombre de zoroastriens justement, suite à l’islamisation de leur pays, une intense activité littéraire eut lieu. Elle était destinée à encourager et à instruire les fidèles, et fut consignée dans la langue de l’époque, le pahlavi. L’Avesta était alors conservé dans une langue qui n’était plus comprise que des prêtres érudits. On en fit donc des traductions et des commentaires destinés à défendre la foi zoroastrienne face aux autres doctrines, musulmane, chrétienne, et hindoue. D’où le Zend-Avesta.
Le combat cosmique entre Asa « La Vérité » (pahlavi : Ahlaw) et Drouj « Le Mensonge » (pahlavi : Drouz) est à la base de toute existence. C’est un paradigme comparable au combat entre le « bien » et le « mal », « l’ombre » et la « lumière ».
Les deux forces en présence sont aussi appelées Ahoura Mazda (Ohrmazd), ou Dieu, et Angra Mainyou (Ahriman). Autrement dit le Bien et le Mal.
Ahoura Mazda et Angra Mainyou, ou en moyen persan Ohrmazd et Ahriman, se livrent sur la Terre à une bataille sans merci et perpétuelle. Le monde matériel est bon, car créé par Dieu. Le mal avec ses conséquences la violence, le chaos, la volonté de détruire, le malheur, les maladies… est l’œuvre d’un esprit mauvais totalement indépendant, Ahriman (Angra Mainyou). Il ne sert qu’à nuire à la perfection divine. Angra Maïnyou s’est employé à susciter le chaos dans une création au départ bien ordonnée. La terre qui était plane s’est vue ébranlée par la création de montagnes et de vallées, la fumée a perturbé le feu… l’Homme et le taureau primordiaux meurent. Mais en mourant, le taureau donne naissance au bétail et l’Homme primordial donne naissance à une plante dont les feuilles, en poussant, forment le premier couple humain. Le mal a échoué dans son œuvre d’anéantissement ! Angra Maïnyou est alors pris à son propre piège et livre bataille. Durant 3000 ans les forces seront équilibrées, mais alors naîtra Zoroastre qui, ayant eu la révélation, fera pencher la balance du côté du bien. Un nouveau combat de 3 000 ans s’engagera au cours duquel devront naître trois sauveurs, destinés chacun à détruire une partie du mal. Le troisième ressuscitera les morts et les présentera au jugement dernier. Mais même les plus mauvais ne séjourneront qu’un temps en enfer, car la Terre retournera un jour à son état paradisiaque originel, Ahriman ayant perdu tout son pouvoir. Ce ne sera pas la fin du monde, car cela impliquerait la fin de la création de Dieu, mais une rénovation de la création.
Bref, pour les zoroastriens le monde est fondamentalement bon, quoiqu’encore soumis aux attaques du mal, et un jour il reviendra donc à sa perfection originale.
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LE CULTE DE MITHRA.
Mithra est une divinité indo-iranienne dont on peut faire remonter l’origine au second millénaire avant notre ère. Son nom est mentionné pour la première fois dans un traité entre les Hittites et les Mitanniens, signé vers – 1400. En Inde, Mithra figurait dans les hymnes védiques comme dieu-ou-démon de la lumière, associé à Varouna. Dans l’Avesta iranien, il est un dieu-ou-démon bénéfique, collaborateur d’Ahoura Mazda, et reçoit le surnom de « juge des âmes ». La réintroduction postérieure de Mithra (dieu-ou-démon garant des contrats) dans la religion iranienne ne constitue pas néanmoins un retour au polythéisme, ni même au dualisme (Varouna/Mitra, Loi/Contrat) ; mais préfigure plutôt la trinité chrétienne, l’unité du père et du fils, au ciel et sur la terre.
Dans la Perse achéménide, la religion officielle était le zoroastrisme, qui postulait l’existence d’un dieu unique, Ahoura Mazda. C’est l’unique divinité mentionnée dans les inscriptions conservées de l’époque de Darius 1er (– 521 – 485 avant notre ère). Il existe pourtant une inscription conservée à Suse, datant de l’époque d’Artaxerxès II (– 404 – 358 avant notre ère), sur laquelle est représenté Mithra aux côtés d’Ahoura Mazda et d’une autre déité appelée Anahite.
Il est possible que son culte soit arrivé dans l’Empire romain depuis l’Iran grâce à la diffusion du zoroastrisme dont il serait une forme d’hérésie. Cependant, les études actuelles tendent plutôt à considérer que l’on ne peut pas admettre un lien de parenté direct entre ce Mitra indo-iranien et le mithraïsme, du fait de l’utilisation de la forme grecque « Mithra » au lieu de « Mitra » pour le différencier.
Au sens strict du terme, le mithraïsme ou culte de Mithra est un culte à mystères, apparu vraisemblablement durant le IIe siècle avant notre ère, dans la partie orientale de la Méditerranée. À la fin du IIIe siècle, un syncrétisme se produisit entre la religion mithriaque et certains cultes solaires de provenance orientale également, qui se cristallisa dans la nouvelle religion du Sol Invictus ou « soleil invaincu ». Cette religion devint officielle dans l’Empire en 274 grâce à l’empereur Aurélien, qui érigea à Rome un splendide temple dédié à la nouvelle divinité ; et créa un corps de clergé d’État pour en assurer le culte, dont le dirigeant s’appelait pontifex solis invicti. Aurélien attribuait au Sol Invictus ses victoires en Orient. Ce syncrétisme cependant ne sonna pas la fin du mithraïsme qui continua à exister. Un grand nombre des sénateurs de l’époque pratiquaient à la fois le mithraïsme et la religion du Sol Invictus.
Il y eut quelques essais destinés à redonner vie au culte de Mithra effectués par Julien « l’apostat » (361-363) et par l’usurpateur Eugène (392-394), mais ils n’eurent pas beaucoup de succès. Le mithraïsme fut formellement interdit en 391 ainsi d’ailleurs que tous les autres cultes païens, mais sa pratique clandestine se maintint quelques décennies. Il survécut jusqu’au début du Ve siècle dans quelques régions des Alpes et revint à la vie, mais de manière éphémère, dans les régions orientales de l’Empire qui avaient vu son apparition. Il eut un rôle important dans le développement du manichéisme, religion qui fut également en compétition avec le christianisme.
Les informations, plutôt fragmentaires, qui existent sur le culte de Mithra, concernent sa pratique durant le Bas-Empire romain. C’était un culte à mystères, de type initiatique, fondé sur la transmission orale et un rituel de comrunos à comrunos, d’initié à initié, mais non sur des écritures sacrées. C’est pourquoi la documentation écrite concernant le culte de Mithra est pratiquement inexistante. L’étude de cette religion est par conséquent principalement fondée sur l’iconographie.
Le culte de Mithra s’exerçait dans des temples appelés mithraeum (pluriel mithraea). Ces endroits étaient au départ des grottes naturelles, ou plus tard des constructions artificielles les imitant, obscures et dépourvues de fenêtres. Ils étaient exigus : la plupart ne pouvaient pas accueillir plus de quarante personnes.
On a pu découvrir des mithraea dans beaucoup des provinces de l’Empire romain. Certains furent convertis en cryptes enfouies sous des églises chrétiennes. On en a découvert dans des lieux aussi éloignés les uns des autres que dans le nord de l’Angleterre ou la Palestine.
Franz Cumont, auteur d’une étude sur la religion de Mithra, interprète le taurobole à la lumière de la mythologie iranienne. Il relie cette image à des textes se référant au sacrifice d’un taureau par Ahriman, le dieu-ou-démon du mal. Des restes sanglants du taureau vont naître plus tard tous les êtres. Selon l’hypothèse de Cumont, Mithra aurait été ensuite substitué à Ahriman dans ce rapport mythique, et c’est sous cette forme qu’il serait ensuite arrivé en Méditerranée orientale.
Pour les fidèles, le sacrifice du taureau avait sans doute un caractère salutaire, et la participation aux mystères garantissait l’immortalité.
En ce qui concerne la reconstitution des rituels mithriaques, on ne peut compter que sur les textes des Pères de l’Église qui critiquent le culte de Mithra, et sur l’iconographie retrouvée dans les mithraea.
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La langue utilisée dans les rituels était le grec, mélangé de quelques formules en persan (certainement incompréhensibles pour la majorité des fidèles), puis le latin s’y est progressivement introduit.
Il semble que le rite principal de la religion mithriaque ait été un banquet rituel de communion « devogdonion », que l’on peut rapprocher de l’eucharistie. Selon le témoignage du chrétien Justin, les aliments offerts durant le banquet étaient du pain et de l’eau ; mais les découvertes archéologiques montrent que c’était plutôt du pain et du vin, comme dans le rituel chrétien. D’autres rites devaient être en relation avec la cérémonie d’initiation. Grâce à Tertullien, on connaît le rituel de l’initiation du « Soldat » (Miles) : le candidat était « baptisé » (probablement par immersion), il était ensuite marqué au fer rouge et enfin on le mettait à l’épreuve avec le « rite de la couronne ».
Bref !
* Mithra se serait incarné sur Terre un… 25 décembre !
* Il serait né d’une vierge devant des bergers qui assistèrent à sa naissance !
* Il était considéré comme « la Voie, la Vérité et la Lumière ».
* Il était considéré comme « le Rédempteur, le Sauveur, le Messie ».
* Son jour sacré était le dimanche, le « jour du soleil ».
* Après sa mort, il serait monté au ciel où il aurait été accueilli par Apollon.
* Son culte comprenait un baptême.
* Les prêtres de Mithra célébraient l’office divin avec du pain et du vin puis mettaient du miel sur la langue de leurs adeptes.
N.B. Il semblerait que la Franc-maçonnerie se soit inspirée de certains rites et mythes d’origine mithriaque. Certains ont aussi pensé que le culte Mithra avait inspiré la religion chrétienne.
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L’INDE.
L’hindouisme est le plus vieil ensemble de religions du monde, son origine remonte à la civilisation de l’Indus qui naquit vers 2500 avant notre ère. Nous mettons religions au pluriel, car il y a en réalité le shivaïsme le vishnouisme le shaktisme le tantrisme…
Ci-dessous leurs points communs selon la définition de la Cour suprême de 1966.
Est considéré comme hindou celui qui…
— Accepte les Védas comme la plus haute autorité sur les sujets religieux et philosophiques et s’efforce de vivre en accord avec le dharma.
— Comprend que la Vérité comporte plusieurs apparences.
— Reconnait comme valides les 6 systèmes philosophiques (darshanas) et la croyance dans les cycles du monde (yougas).
— Accepte la croyance dans la préexistence des êtres et la renaissance.
— Reconnait que les moyens d’accéder au Salut sont multiples.
— Reconnait que le culte des idoles n’est pas une obligation.
Avec plus de 1 milliard de fidèles, l’hindouisme est actuellement la troisième religion la plus répandue, après le christianisme comptant environ 2,2 milliards de fidèles, et l’islam avec 1,35 milliard. À l’inverse des autres principales religions, l’hindouisme n’a pas été fondé par un prophète et ne dépend pas d’un dogme central. L’hérésie n’existe donc pas. C’est une religion dynamique, un ensemble de concepts philosophiques issus d’une tradition remontant à la protohistoire indienne, dotée d’une extraordinaire capacité à assimiler les croyances, et les philosophies, sans les opposer. L’hindouisme a beaucoup évolué au cours du temps, passant du védisme aryen polythéiste, au brahmanisme triadique. L’hindouisme ancien dépassait le simple cadre religieux, au-delà du syncrétisme théologique, l’hindouisme était un support pour toutes les sciences ; le droit, la politique, l’architecture, l’astrologie, la philosophie, la médecine, etc., comme tant d’autres savoirs qui avaient en commun le substrat religieux.
Faute de place, nous ne pouvons guère nous étendre sur le sujet, notre essai n’étant pas consacré à l’hindouisme. Nous nous contenterons donc de citer ici un petit texte illustrant à merveille, du moins selon nous, cette admirable philosophie.
Une vieille légende hindoue raconte en effet qu’il y eut un temps où tous les hommes étaient des dieu-ou-démons. Mais ils abusèrent tellement de leur divinité que Brahma, le maître des dieu-ou-démons, décida de leur ôter le pouvoir divin et de le cacher en un endroit où il leur serait impossible de le retrouver. Le grand problème fut donc de lui trouver une cachette.
Lorsque les dieu-ou-démons mineurs furent convoqués à un Grand Conseil pour résoudre ce problème, ils proposèrent ceci : « Cachons la divinité de l’Homme au plus profond de la terre.
Mais Brahma répondit…
— Non, cela ne suffit pas, car l’Homme creusera et la trouvera.
Alors les Dieu-ou-démons répliquèrent :
— Dans ce cas, jetons leur divinité dans le plus profond des océans.
Mais Brahma répondit à nouveau :
— Non, car tôt ou tard l’Homme apprendra aussi à plonger au plus profond des mers, il explorera les océans, et il la trouvera.
Alors, les Dieu-ou-démons de conclure :
— Nous ne savons où la cacher, car il ne semble pas exister sur terre où dans la mer d’endroit que l’Homme ne puisse atteindre un jour.
Alors Brahma décida ceci :
— Voici ce que nous ferons de la divinité de l’Homme. Nous la cacherons au plus profond de lui-même, car c’est le seul endroit où il ne pensera jamais à chercher.
Depuis ce temps-là, conclut la légende, l’Homme a fait le tour de la Terre, il a exploré, escaladé, plongé et creusé, à la recherche de quelque chose qui se trouve en lui.
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L’ÉGYPTE.
— 3100 avant notre ère : naissance de la première dynastie de la civilisation égyptienne (qui durera jusqu’en -333).
Ce qui ne fut pas donné à Sumer, la durée, fut l’élément de l’Égypte, longtemps protégée des envahisseurs pendant que les autres civilisations disparaissaient régulièrement. L’autre élément déterminant étant, bien sûr, le Nil. Le véritable pouvoir est aux mains des prêtres qui gardent la tradition millénaire et sont les garants de l’ordre cosmique, de l’exécution scrupuleuse des rites et de la dévotion aux dieu-ou-démons. L’immortalité, attribuée primitivement au Pharaon comme fils de Dieu ou du Démiurge, intermédiaire avec le divin, se démocratisera, en assurant ainsi une continuité que la mort ne peut interrompre.
La religion égyptienne est la religion des mystères par excellence (Maspero). L’Égypte, c’est le pays du syncrétisme, de la création de nouveaux dieux ou démons par juxtaposition de qualités primaires qui s’unissent sans se confondre ; comme les deux rives du Nil, ou bien les deux royaumes de la Haute (Sud/Seth) et de la Basse (Nord/Horus) Égypte (le Pharaon est deux fois roi).
Un dénommé Imhotep a joué un rôle décisif dans ce processus.
D’où venait cet homme au génie exceptionnel dont le nom signifie « Celui qui vient en paix » ? (de Sumer ? ? ?) Nul ne sait exactement.
Ce qui est certain par contre, c’est qu’il a joué un rôle considérable dans l’évolution des conceptions religieuses à partir de la IIIe dynastie.
Imhotep possède tout à la fois : les mathématiques, la carte des étoiles, l’art de guérir, de momifier les morts, l’architecture, l’art des plans, le calcul des masses, l’art de tailler des pierres énormes et de les déplacer ; il connaît le moyen d’obturer des galeries avec du sable et bien d’autres choses encore…
Mais il apprit surtout aux Égyptiens l’alphabet par l’image (hiéroglyphes) que Champollion déchiffrera 4 500 ans après ses premières inscriptions !
Imhotep se rendit un jour à la cour du roi Djoser à Abydos. À partir de là, les choses s’enchaîneront très vite. Le roi abandonne sa capitale et même son mastaba mortuaire déjà à moitié construit à Bet Khallaf près d’Abydos. Ce tombeau calqué sur ceux des précédents rois apparaît minuscule par rapport à l’énorme complexe funéraire qui sera construit à Saqqarah ! Subjugué par ses thèses et ses déclarations, le roi l’aurait alors investi des plus hautes fonctions du royaume, celles de vizir ou « Premier ministre et grand prêtre » chef du clergé et des médecins de l’époque, qui cumulaient les deux professions.
On a trop tendance à ne considérer que l’énorme travail d’architecte et de professeur en médecine d’Imhotep ! Mais son plus grand travail fut d’ordre spirituel.
Au Nouvel Empire les prêtres continuèrent d’assimiler le Dieu-ou-démon Unique d’Imhotep au grand Amon, maître de tous les dieu-ou-démons de l’ancienne Égypte. En particulier lors de la mort du berger du peuple, le pharaon, qui aspire à devenir un Osiris et une étoile.
Osiris était considéré comme un dieu-ou-démon sauveur en Égypte parce qu’il avait été ressuscité des morts par Anubis, du moins si l’on en croit la mythologie égyptienne.
Durant presque deux millénaires, Imhotep a été considéré comme un guide par des générations entières d’Égyptiens, qui ont davantage retenu ses écrits et ses conseils que le culte de sa personnalité. Mais à partir de la période dite du Bas-Empire et un peu comme dans le cas de Zoroastre, on verra fleurir des épitaphes et des inscriptions à la gloire de sa nouvelle divinité dans pratiquement tous les plus grands temples d’Égypte. Karnak, Edfou, Philae… où un temple lui sera même consacré près de celui d’Isis, et également en Nubie jusqu’au Soudan… Seuls subsistent ces quelques messages du Bas-Empire qui par leur répétition nous donnent un petit aperçu de la grandeur de ce simple mortel dont la renommée traversa des millénaires ; pour aboutir (contre sa volonté) à sa déification (aujourd’hui on dirait sa sanctification) en tant que guérisseur.
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LES LIVRES DES MORTS : DES LIVRES OPTIMISTES.
Le grand spécialiste au XIXe siècle de la littérature irlandaise, d’Arbois de Jubainville, a, de façon très curieuse, cité dans un de ses livres (le tome premier de son étude sur le droit celtique) une très étonnante et très flatteuse analyse de la religion égyptienne.
La voici.
« En Égypte dès les temps les plus anciens où nous puissions remonter, nous voyons établie la notion de justice divine dans l’autre vie, et celle de la justice royale dans celle-ci. Le livre des morts, dont nous avons des exemplaires écrits au sixième, peut-être même au septième siècle avant notre ère, nous donne le texte officiel du plaidoyer que le mort, arrivant devant le juge suprême, devait lui adresser. Le mort ne devait pas seulement établir qu’il s’était acquitté de ses obligations envers les dieux, il fallait qu’il eût aussi rempli ses devoirs envers les hommes.
« Je n’ai pas fait contre les hommes, » disait-il « acte de ruse ni de tromperie, je n’ai pas opprimé les veuves, je n’ai pas menti devant le tribunal…je n’ai laissé jeûner personne, je n’ai pas faitcouler de larmes, je n’ai pas tué, il n’a été commis par mon ordre aucun assassinat… je n’ai pas faussé la mesure du blé, je n’ai pas trompé de la largeur du doigt sur l’aunage, je n’ai pas anticipé sur le champ voisin, je n’ai fait tort àpersonne en pesant à la balance, je n’ai pas privé de lait la bouche du nourrisson ».
Le tribunal que le grand dieu Osiris préside et devant qui les âmes des morts comparaissent est représenté par un monument figuré du quatorzième ou du quinzième siècle avant Jésus-Christ ; c’est la cour de justice idéale dont les juges de ce monde ne sont que de chétifs imitateurs, et dont la conception n’a pénétré que bien plus tard chez les Grecs.
Les Égyptiens avaient en ce monde un tribunal suprême, qui jugeait sur procédure écrite et sans plaidoirie. C’était ce tribunal qui punissait les meurtriers ; il remonte à la même date que le livre des morts. La vengeance privée était interdite en Égypte dès cette époque reculée. « Je n’ai pas tué, » dit le mort, quand au seuil de l’autre vie il se trouve en face du tribunal redoutable qui doit décider de son sort. Il dit d’une façon absolue : « Je n’ai pas tué, » il ne dit point : « Je n’ai pas tué injustement ». 1)
La loi mosaïque, qui a sans doute subi l’influence du droit égyptien, est cependant l’expression d’une civilisation bien moins avancée : le parent le plus proche est le « vengeur (du sang ; » il tue licitement le meurtrier involontaire qui s’aventure hors territoire d’une ville d’asile (Nombres XXXV, verset 27) ; il tue le meurtrier volontaire après avoir prouvé par témoins le meurtre devant le juge. La loi chrétienne du pardon – inconciliable avec la loi primitive qui impose au parent le plus proche du mort le devoir de tuer l’assassin, – n’a pu voir le jour que dans une société où le « vengeur du sang » était le magistrat, et où, sauf exception due soit au droit privé de légitime défense, soit au droit public (la guerre) le bourreau seul tuait licitement.
Ci-dessous quelques autres extraits de ces livres cités par Gaston Maspéro, Docteur en droit civil et membre du Collège Royal d’Oxford, membre de l’Institut (cf. son histoire ancienne des peuples de l’Orient).
« Hommage à vous, Seigneur de Vérité et de Justice ! Hommage à toi, Dieu grand, Seigneur de Vérité et de Justice ! Je suis venu vers toi, ô mon maître ; je me présente à toi pour contempler tes perfections ! Car je te connais, je connais ton nom et les noms des quarante-deux divinités qui sont avec toi dans la salle de la Vérité et de la Justice, vivant des débris des pécheurs et se gorgeant de leur sang, le jour où se pèsent les paroles par-devant Osiris à la voix juste : Esprit double, seigneur de la Vérité et de la Justice est ton nom. Moi, certes, je vous connais, seigneurs de la Vérité et de la Justice ; je vous ai apporté la vérité, j’ai détruit pour vous le mensonge. Je n’ai commis aucune fraude contre les hommes !
Je n’ai pas tourmenté la veuve ! Je n’ai pas menti dans le tribunal ! Je ne connais pas la mauvaise Foi ! Je n’ai fait aucune chose défendue ! Je n’ai pas fait exécuter à un chef de travailleurs, chaque jour, plus de travaux qu’il n’en devait faire !… Je n’ai pas été négligent ! Je n’ai pas été oisif ! Je n’ai pas failli ! Je n’ai pas défailli ! Je n’ai pas fait ce qui était abominable aux dieux !
Je n’ai pas desservi l’esclave auprès de son maître ! Je n’ai pas affamé ! Je n’ai pas fait pleurer ! Je n’ai point tué ! Je n’ai pas ordonné le meurtre par trahison ! Je n’ai commis de fraude envers personne ! Je n’ai point détourné les pains des temples ! Je n’ai point distrait les gâteaux d’offrande des dieux ! Je n’ai pas enlevé les provisions ou les bandelettes des morts !…
Je n’ai pas fait de gains frauduleux au moyen des poids du plateau de la balance ! Je n’ai pas faussé l’équilibre de la balance ! Je n’ai pas enlevé le lait de la bouche des nourrissons ! Je n’ai point chassé les bestiaux sacrés sur leurs herbages ! Je n’ai pas pris au filet les oiseaux divins ! Je n’ai pas pêché les poissons sacrés dans leurs étangs ! Je n’ai pas repoussé l’eau en sa saison ! Je n’ai pas coupé un bras d’eau sur son passage ! Je n’ai pas éteint le feu sacré en son heure ! Je n’ai pas violé le cycle
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divin dans ses offrandes choisies ! Je n’ai pas repoussé les bœufs des propriétés divines ! Je n’ai pas repoussé de dieu dans sa procession ! Je suis pur ! Je suis pur ! Je suis pur ! »
« Salut à vous, dieux qui êtes dans la salle de la Vérité et de la Justice, qui n’avez point le mensonge en votre sein, mais vivez de vérité dans Onom et en nourrissez votre cœur, par-devant le Seigneur Dieu qui habite en son disque solaire. Délivrez-moi de Typhon qui se nourrit d’entrailles, ô magistrats, en ce jour du jugement suprême ; donnez au défunt de venir à vous, lui qui n’a point péché, qui n’a ni menti, ni fait le mal, qui n’a commis nul crime, qui n’a point rendu de faux témoignage, qui n’a rien fait contre lui-même, mais vit de vérité et se nourrit de justice. Il a [semé partout] la joie ; ce qu’il a fait, les hommes en parlent et les dieux s’en réjouissent. Il s’est concilié Dieu par son amour ; il a donné des pains à l’affamé, de l’eau à l’altéré, des vêtements au nu ; il a donné une barque à qui était arrêté dans son voyage ; il a offert des sacrifices aux Dieux, des repas funéraires aux défunts. Délivrez-le de lui-même ! Protégez-le contre lui-même (variante), ne parlez pas contre lui, par-devant le Seigneur des morts, car sa bouche est pure et ses deux mains sont pures !
Les rouleaux de papyrus que les Égyptiens mettaient dans la tombe de leurs défunts témoignent donc d’une éthique extraordinairement élevée.
De tous les peuples de l’Antiquité, aucun si ce n’est les Celtes, n’a manifesté pour le mystère de la mort un intérêt si passionné. Penchés sur cette énigme depuis l’aube de sa civilisation, cherchant des solutions, organisant toute sa vie politique, sociale et religieuse, en fonction de ce problème.
Il est évident que les peuples de la vallée du Nil crurent sans réserve que la mort leur ouvrait les portes d’une nouvelle vie bien avant la fondation (vers 3100 avant notre ère) de l’empire des pharaons.
Ce privilège mystérieux fut néanmoins d’abord réservé aux rois, en témoignent les textes des pyramides des Ve et VIe dynasties (2500 avant notre ère). La pyramide était le symbole clé de Rê et les pharaons qui firent bâtir Kheops, Khephren et Mykérinos, se comportèrent en fidèles zélés du dieu-ou-démon-soleil. De tous ces monuments solaires, celui d’Unes est le premier à se voir tapisser d’un catalogue d’instructions comprenant incantations, hymnes, prières… Visant à assurer au souverain défunt une seconde vie heureuse, analogue quant à son contenu à ce que seront, mille ans plus tard, les Livres des Morts.
La tradition littéraire liée aux rites mortuaires évolua au fur et à mesure que le régime se faisait plus « libéral ». Désormais accessible aux moins fortunés, le concours des scribes devait profiter à la popularité du culte d’Osiris, aux dépens de celui de Rê, le dieu-ou-démon-soleil ; qui réservait ses bienfaits dans l’au-delà aux seuls rois, considérés comme des demi-dieu-ou-démons, investis des mêmes pouvoirs magiques que les divinités dont ils se réclamaient. Avec l’écroulement (entre 2250 et 2050 avant notre ère) d’un pouvoir jusque-là très centralisé, apparurent des manuscrits dont la clientèle se recruta parmi les nobles et les notables qui n’avaient pas les moyens de s’offrir une pyramide. Les parents du mort commandaient à des scribes une sélection de textes plus ou moins abondante. Cette sélection de textes se limitait, le plus souvent, à un rouleau de trois ou quatre mètres.
Le plus copieux que nous possédions, le papyrus de Turin, compte environ cent soixante « chapitres ».
Enfin vinrent les Livres des Morts, plus populaires parce que meilleur marché.
Nous possédons aujourd’hui quelque 190 fragments de ces textes, de dimensions et de valeurs très inégales. Richard Lepsius en donna la première édition en 1842, sous le nom de « Livre des Morts ». Quoiqu’inexacte, cette appellation fut adoptée par l’égyptologie officielle.
Les papyrus d’Ani, d’Hounefer et d’Anhaï.
Nul ne sait exactement comment le papyrus d’Ani fut déposé dans une tombe. Ce qui est sûr, c’est que, lorsque ce long document fut déroulé, il se trouvait dans un excellent état de conservation.
Ani était un scribe royal, attaché au service des maîtres de la cité, commis à la comptabilité des revenus divins et directeur des greniers des seigneurs d’Abydos. Son épouse, Thouthou, portait le titre de Dame de la Maison et cantatrice d’Amon-Rê, c’est-à-dire qu’elle comptait parmi les prêtresses affectées à la célébration des offices religieux. Hounefer, lui, occupait un poste de surveillant au palais du roi Séti 1er.
Anhaï enfin, elle aussi, était cantatrice du « collège » consacré au dieu-ou-démon Amon-Rê.
Avec ses quelque 24 m de long, le papyrus d’Ani est le plus grand ouvrage de l’ère thébaine que nous connaissons. Celui d’Hounefer ne mesure guère plus de 5,50 m et les litanies destinées au dénommé Anhaï, 1 m de moins. Nombreux furent les papyrus qui furent perdus du fait de l’emplacement qu’on leur avait affecté auprès des momies. Ceux qui se trouvaient dans les tombeaux d’Anhaï et d’Hounefer furent préservés parce qu’on les avait glissés dans la cavité ménagée à l’intérieur d’une statuette.
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Ce qui constitue le caractère spécifique, et unique, de ces Livres des Morts égyptiens, c’est la singulière et surprenante intervention dedans d’un Osiris à la fois présent et absent.
Nous rencontrons aussi très souvent dans ces livres la mention de l’œil divin d’Horus (parfois dénommé « Œil de Râ », ou « Œil de Toum »). C’était une image vision des plus prenantes. Son équivalent sur le plan terrestre était le disque solaire. L’œil d’Horus, émanation d’Horus, était une divinité puissante qui vengeait la justice bafouée.
La littérature funèbre, telle qu’elle apparaît dans ce Livre des Morts, révèle la confiance avec laquelle est considérée la vie dans l’au-delà ; après que le cœur de l’homme aura été soupesé, à son avantage, sur la balance symbolique que représente la plume de Maat. Alors, il connaîtra la félicité des Champs Élysée et Ré l’emmènera dans sa céleste croisière… Mais dans le cas contraire, on ne nous dit pas un mot de l’éventualité de son séjour en enfer ! Rien non plus quant aux règles qui président à l’évaluation du poids de l’âme/esprit, comparé à celui de la plume divine… Ammout elle-même (le monstre mangeur des morts), semble bien inoffensive ; elle se contente de s’asseoir près de la balance à côté du scribe-dieu-ou-démon Thot et d’attendre le résultat de l’opération !
Le défunt comparait devant une sorte de tribunal (la salle de vérité-justice) présidé, nominalement, par Osiris. Il est amené par Horus ou Anubis devant un aréopage divin de 42 juges. La déesse-ou-démone, ou fée, de la vérité-justice, Maat, est évidemment présente, mais ne prend pas part aux débats. Thot fait office de greffier.
Le postulant jure à ces 42 dieu-ou-démons, n’avoir jamais fait de mal à personne et récite sa célèbre « confession négative » ou « protestation d’innocence ».
Autrement dit, il énumère les péchés les fautes ou les crimes… qu’il n’a pas commis !
Ci-dessous le texte complet de cette protestation d’innocence ou confession négative du Papyrus de Nou, écrite bien des siècles avant le Code d’Hammourabi à Moïse (le décalogue).
« Salut, grand dieu, Seigneur de Vérité et de Justice, Maître puissant !
Voici que j’arrive devant toi ! Laisse-moi donc contempler ta rayonnante beauté !
Je connais ton Nom magique et ceux des quarante-deux divinités qui, dans la vaste Salle de Vérité-Justice, t’entourent. Le jour où l’on fait le compte des péchés devant Osiris ; le sang des pécheurs leur sert de nourriture.
Je porte dans mon cœur la Vérité et la Justice, car j’en ai arraché le Mal.
Je n’ai pas substitué l’Injustice à la Justice.
Je n’ai pas commis de crime.
Je n’ai pas fait travailler pour moi avec excès.
Je n’ai pas privé l’indigent de sa subsistance.
Je n’ai pas commis d’acte exécré des dieux.
Je n’ai pas permis qu’un serviteur fût maltraité par son maître.
Je n’ai pas fait souffrir autrui.
Je n’ai pas provoqué de famine.
Je n’ai pas fait pleurer les hommes mes semblables.
Je n’ai ni tué ni ordonné de meurtre.
Je n’ai pas provoqué de maladie parmi les hommes.
Je n’ai pas dérobé les offrandes dans les temples.
Je n’ai pas volé les pains des dieux.
Je n’ai pas dérobé les offrandes destinées aux Esprits Sanctifiés.
Je n’ai pas diminué la ration de l’offrande.
Je n’ai pas essayé d’augmenter mes domaines en usant des moyens illicites
Ni d’anticiper sur les champs d’autrui.
Je n’ai pas manipulé les poids de la balance ni son fléau.
Je n’ai pas enlevé le lait de la bouche de l’enfant.
Je ne me suis pas emparé du bétail dans les pacages.
Je n’ai pas obstrué les eaux au moment où elles devaient couler.
Je n’ai pas détruit les barrages établis sur les eaux courantes.
Je n’ai pas éteint la flamme d’un feu qui devait brûler.
Je n’ai pas violé les règles sur les offrandes de viande.
Je n’ai pas pris possession du bétail appartenant aux temples des dieux.
Je n’ai pas empêché un dieu de se manifester.
Je suis innocent ! Je suis innocent ! Je suis innocent ! Je suis innocent !
J’ai été purifié comme l’a été le grand Phénix ».
Si, à la suite de cette épreuve, le défunt était condamné, il devait demeurer (pour combien de temps ? Nous l’ignorons) dans le royaume de Douat. Si par contre il était absous et déclaré « juste », et les
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papyrus qui accompagnent les morts n’envisagent pas d’autres éventualités, il devenait un iakhou (un Esprit Sanctifié).
À partir de ce moment, une nouvelle vie, une vie divine, commençait pour lui. Il devenait libre de ses actes, d’une liberté absolue. Il pouvait parcourir à son gré le Ciel, la Terre et le Monde inférieur ; réconforter les damnés, apporter son secours aux désespérés, visiter les Champs de la Paix et les Champs des Bienheureux (le Paradis), s’asseoir dans la barque de Ré, naviguer sur l’Océan céleste, déjouer les ruses et les pièges des démons, converser d’égal à égal avec toutes les divinités, visiter les étoiles les plus éloignées, se transformer, à volonté, en oiseau, en fleur, en serpent…
Note sur les cultes d’Isis d’Osiris et d’Horus en Égypte.
Massey, Kolpaktchy et le bien mystérieux Lloyd Graham « Désillusions et mythes de la Bible » ont écrit à son sujet des choses troublantes. (El Osiris = El Azarus = Lazare). En ce qui nous concerne, nous nous en tiendrons à ce qui est sûr et reconnu.
Osiris est le nom grec d’un dieu-ou-démon de la mythologie égyptienne. La traduction de ce nom présente des difficultés et plusieurs hypothèses ont été proposées.
Son nom égyptien est Ousir ou Asir ; on l’appelait aussi Ounen-néfer (« L’éternellement beau ») ou Khenty-imentyou (« Celui qui est à la tête des Occidentaux », c’est-à-dire des défunts).
La légende fait d’Osiris et d’Isis, son épouse, des rois bienfaiteurs. Osiris aurait enseigné aux humains les rudiments de l’agriculture et de la pêche, tandis qu’Isis leur aurait appris le tissage et la médecine. Le frère d’Osiris, Seth, lui, régnait sur les contrées désertiques et hostiles ainsi que sur les terres étrangères. Jaloux de son frère, il projeta donc de l’assassiner. Osiris mourut noyé. Seth dépeça son corps en quatorze (ou seize) morceaux qu’il dispersa dans le Nil. Isis retrouva les lambeaux du corps de son bien-aimé, sauf le phallus, avalé par un poisson. Elle le reconstitua en argile, puis elle entreprit de rassembler le corps meurtri de son défunt mari, avec l’aide de sa sœur Nephtys. Lorsqu’il fut ranimé, temporairement par Isis, qui lui insuffla la vie, Osiris put ainsi la féconder et elle lui donna un fils, Horus, que les Grecs appelleront Harpocrate, ou Harsiésis (Horus fils d’Isis).
Il s’agit donc d’une des plus anciennes divinités égyptiennes, le dieu-ou-démon-faucon hr, dont le nom signifie Celui qui est au-dessus ou Celui qui est lointain. Horus est un dieu-ou-démon à multiples facettes, au point que l’on s’est demandé si le nom ne désignait pas en fait des divinités distinctes.
Pour venger la mort de son père Osiris, Horus affronte son oncle Seth, le bat et reçoit le trône d’Égypte en héritage. Il est donc par là même le premier des pharaons. Sa légitimité sera néanmoins sans cesse contestée par Seth. Lors du combat qui l’oppose à Seth, Horus perd son œil gauche, qui est reconstitué par Thot. Appelé Oudjat, cet œil, que les Égyptiens portèrent sous forme d’amulette, possédait des vertus magiques et prophylactiques.
À l’opposé donc de Seth, qui représente la violence et le chaos, Horus incarne l’ordre et, tout comme pharaon, il est l’un des garants de l’harmonie universelle. Cependant, il ne faut pas réduire la théologie complexe des Égyptiens à une conception dualiste du Bien et du Mal, car, dans un autre mythe, Seth se retrouve être l’auxiliaire indispensable de Rê dans son combat contre le serpent Apophis. Bien et mal sont des aspects complémentaires de la création, tous deux présents en toute divinité.
Isis est le nom grec d’Aset (ou Iset), la déesse-ou-démone, ou fée, protectrice et salvatrice, de la mythologie égyptienne. Elle est vraisemblablement l’héritière d’une déesse-ou-démone-mère préhistorique, vénérée dans le delta, où, d’après le mythe, elle aurait élevé le petit Horus. À la fin de la Ve dynastie, elle est mentionnée dans les textes des Pyramides, où elle préserve le roi défunt de la putréfaction. À l’époque gréco-romaine, elle devint une déesse-ou-démone, universelle, invoquée aussi bien en Égypte que dans le bassin méditerranéen ou au-delà.
Dans le mythe osirien, elle est l’épouse et la sœur exemplaire qui, grâce à ses pouvoirs magiques et avec l’aide de sa sœur Nephtys, réussit à ressusciter Osiris, son frère et époux : le temps d’une union d’où naîtra le dieu-ou-démon Horus.
En tant que magicienne ayant ramené Osiris à la vie, elle est donc déesse-ou-démone, guérisseuse et protectrice, des enfants. Les malades portaient parfois des amulettes à son effigie.
En tant que mère d’Horus, elle est dispensatrice de la vie et déesse-ou-démone, ou fée donc, tutélaire, veillant sur son enfant. Dans ce rôle, elle est d’ailleurs souvent représentée en Isis lactans à l’époque romaine, c’est-à-dire en Isis portant l’enfant Horus dans ses bras et lui donnant le sein. La Vierge allaitant le Christ n’est certainement pas sans rapport avec cette iconographie.
Fondement de la tradition occidentale, l’influence de l’Égypte n’a cessé de se faire sentir à travers les mystères d’Isis, les écrits de l’Hermès Trismégiste, l’alchimie. Les hiéroglyphes représentant la langue perdue étaient censés détenir le secret de la révélation originelle, jusqu’à leur déchiffrement par Champollion, qui devait tant décevoir cet espoir insensé. Car de Khepri-Ré-Atoum, ou Osiris-Horus-Ré (le mystère céleste du retour cyclique, le saint sépulcre d’Abydos) à Ptah (le mystère terrestre de l’incarnation, la création par le verbe) ; et Amon (le vide médian qui sépare, le caché, le non
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manifesté, l’âme/esprit du monde, le souffle, le Mana) ; c’est, dès avant Akhénaton et le syncrétisme du nouvel empire (malgré son échec), le mystère de l’unité du dissemblable.
1) Comme on le retrouve si souvent dans l’Ancien Testament ou dans le Coran. Voir par exemple le verset 32 du chapitre 5. « Quiconque tue quelqu’un, c’est comme s’il avait tué l’Humanité ». Ce verset est très intéressant. Mais il faut le lire en entier : « À cause de cela [le crime de Caïn], nous avons prescrit aux enfants d’Israël que quiconque tuerait quelqu’un – non pour venger une victime [c’est-à-dire en vertu de la loi du talion] ou pour avoir semé la corruption sur terre – ce sera comme s’il avait tué toute l’Humanité ». Ce qui change tout c’est la mention ou la réserve : « à moins que ce soit pour venger quelqu’un ou pour avoir semé la corruption sur terre ».
Ces mots enlèvent le caractère absolu de l’interdiction du meurtre ; ils suggèrent même qu’il est licite ou nécessaire de tuer pour défendre l’ordre voulu par Dieu sur terre. Certes, on peut se demander s’ils n’ont pas été ajoutés par après (ils viennent mal dans le texte). Mais comme c’est ce texte qui fait aujourd’hui autorité, ce verset ne peut donc que recevoir la signification suivante : le meurtre est un mal sauf s’il s’agit de venger un meurtre ou l’honneur bafoué de Dieu sur terre (c’est-à-dire en définitive l’honneur… de l’Islam). Le meurtre est licite dans ce cas.
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LE MONOTHÉISME ÉGYPTIEN.
Un monothéisme à ne pas confondre avec celui de Zoroastre à 4000 kilomètres plus à l’est et quelques siècles plus tard. Ce monothéisme sera exclusif et intolérant. Celui de Zoroastre sera inclusif (il gardera les anciens dieux, mais en changeant leurs rôles) et plus pacifiste.
Nous en savons maintenant beaucoup plus que nos prédécesseurs sur l’Égypte ou sur les origines de la religion de Moïse ; et le temps est venu de mettre un terme à l’imposture de leurs héritiers spirituels (ou soi-disant tels : juifs, chrétiens et musulmans). La Bible n’a pas inventé le monothéisme !
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le voir, le mazdéisme, religion de la Perse entre le IIe et le Ier millénaire avant notre ère, était polythéiste. Mais Ahoura Mazda, la principale divinité, a peu à peu accaparé tous les pouvoirs des autres dieux qui, bien qu’existant dans le panthéon, n’étaient plus vénérés : c’est ce que l’on appelle de l’hénothéisme ou quasi monothéisme.
Vers 700 avant notre ère ce mazdéisme, réformé par le prophète Zoroastre, devint monothéiste sous le nom de zoroastrisme
Le culte solaire du dieu Aton, imposé par le pharaon Akhénaton durant son règne, au XIVe siècle avant notre ère, fut aussi un hénothéisme. Mais une forme d’hénothéisme dans lequel Aton, le dieu dominant, comme le dieu de la Bible, n’acceptait pas que les dieux mineurs aient aussi un culte.
Les religions qui prônent le culte d’un dieu unique ont souvent été en effet, dans un premier temps, polythéistes : elles admettaient en fait l’existence de plusieurs dieux. Un pour leurs fidèles, d’autres pour les autres communautés.
Dans l’Antiquité, le terme de dieu était en effet d’acception très générale. On l’appliquait couramment aux éléments naturels comme la mer déchaînée, les vents violents, les éclairs, un volcan en éruption, voire à la venue d’hommes ayant des caractéristiques ou des pouvoirs inconnus (exemple Imhotep, Zoroastre). Chez les Égyptiens, il était également courant d’assimiler le nom d’un dieu à une cité, à celui d’un homme célèbre ou d’un animal emblématique de la région… Même si ultérieurement on changeait le nom et le culte de la ville, le nom du dieu local subsistait, même si l’on en avait oublié depuis longtemps l’origine ! À partir de la IIIe dynastie, Ptah devint le grand Dieu ou Démiurge créateur universel. Il était toujours accompagné du dieu-ou-démon de la sagesse, Thot, devenu le dieu-ou-démon de la vérité qui se manifeste en toutes choses par une permanente aspiration à la perfection.
Atoum-Rê, Ptah et Sokar, se fondirent lentement dans le symbole d’un dieu-ou-démon composite et créateur unique depuis les origines, auquel s’ajouta au Nouvel Empire une cinquième entité : Amon, le dieu-ou-démon caché de Thèbes.
Cette réforme en douceur de la théologie se fit sans violence, les temples de chaque région évoluèrent doucement vers les nouveaux cultes sans rejeter leurs anciennes divinités. Certaines disparurent peu à peu, d’autres perdirent progressivement de leur importance.
L’exemple des Égyptiens est d’autant plus intéressant que hormis l’exemple historique du mazdéen ou déjà zoroastrien Cyrus, libérateur de Babylone, et donc des juifs, la plupart des réformes religieuses ont abouti à des massacres, à des tortures, et à de terribles répressions !
Les grands égyptologues ne s’y sont pas trompés, dès la fin du XIXe siècle, ils ont trouvé dans la religion égyptienne une tendance plus monothéiste que polythéiste.
Conférence sur la religion des anciens Égyptiens, par M. le vicomte Emmanuel de Rougé, 14 avril 1869.
« L’homme, a dit un grand philosophe, est un animal religieux… aussi suis-je assuré de vous intéresser en vous parlant de la religion des Égyptiens… nous ne nous arrêterons pas à tout ce polythéisme chargé de personnages allégoriques et de symboles… j’ai donc exploré les textes sacrés, les hymnes et les prières funéraires…… personne n’a contredit le sens fondamental des principaux passages à l’aide desquels nous pouvons établir ce que l’Égypte antique a enseigné sur Dieu… J’ai dit Dieu et non les dieux.
Premier caractère : c’est l’unité la plus énergiquement exprimée : Dieu un, seul, unique, pas d’autres avec lui. Il est le seul vivant en vérité. Tu es un, et des millions d’êtres sortent de toi. Il a tout fait, et seul il n’a pas été fait…
C’est toujours la même doctrine qui revient sous des noms différents. Une idée y domine : celle d’un Dieu un et primordial, c’est toujours et partout une substance qui existe par elle-même et un Dieu inaccessible. Mais – première déviation – la religion, dès le commencement des temps historiques, passe au sabéisme. Le soleil, considéré d’abord comme la lumière visible, symbole de la lumière idéale, est bientôt pris pour la manifestation du dieu lui-même ; sa naissance chaque matin est attribuée à sa propre énergie intime. C’est la première application de la doctrine de l’émanation…
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Mais au milieu de tous ces dieux nouveaux qu’elle produit, l’idée de l’unité persiste : toujours à Thèbes on adorera Ammon, dieu caché, père des dieux et des hommes, avec Ammon-Râ (dieu soleil), première forme où apparaît la matérialisation de l’idée divine.
La seconde cause de déviation est un mystère qui fait honneur à l’esprit théologique des Égyptiens : Dieu existe par lui-même ; c’est le seul être gui n’ait pas été engendré. Ils conçoivent Dieu comme la cause active, la source perpétuelle de sa propre existence ; il s’engendre lui-même perpétuellement. Dieu se faisant Dieu et s’engendrant perpétuellement lui-même, de là l’idée d’avoir considéré Dieu sous deux faces : le père et le fils. Dans la plupart des hymnes, on rencontre cette idée de l’être double qui s’engendre lui-même.
Nonobstant les différences de détails avec Emmanuel de Rougé, on retrouve exactement la même appréciation de la religion égyptienne dans la traduction et l’analyse qu’Eugène Gerbault a faites en 1873 du plus long et plus complet des Hymnes à Ammon-Râ, transcrit sur un papyrus conservé au musée du Boulaq au Caire.
Traduction et commentaires parus dans le volume 25 de la Revue archéologique nouvelle série.
Ci-dessous ce qu’écrit Eugène Grébaud.
« Pour concilier avec la multiplicité des formes divines le monothéisme incontestable 1) de la religion égyptienne, d’illustres savants ont……
Loin d’être un obstacle au monothéisme, la plénitude des qualités divines et l’indépendance attribuées à chaque dieu en deviennent au contraire la conséquence naturelle. C’est le même dieu, toujours identique à lui – même dans les développements de son action…
Pour le rédacteur de notre hymne, les dieux ou manifestations divines ne sont pas autre chose que la parole de Dieu : Sa parole devient les dieux. Lorsqu’il émet sa parole, les dieux se produisent.
Or cette parole, par laquelle Dieu se manifeste, est la Vérité (ma, Vrai et Bien)…
En résumé, d’après mon interprétation, le rédacteur de notre hymne appartient à une école qui conçoit les dieux de l’Égypte comme les rôles successifs du Dieu un et éternel, auteur et providence de tout ce qui existe. Ce Dieu vivificateur, qui éclaire les corps et les intelligences, se manifeste dans l’ordre physique par la Lumière, et dans l’ordre moral par son Verbe le Vrai et le Bien » (Eugène Grébaud).
Le célèbre égyptologue Érik Hornung dans son livre intitulé « Les dieux de l’Égypte, l’Un et le Multiple » (1986) reprend exactement l’analyse développée par Grébaud puisqu’il y écrit noir sur blanc par exemple, ce qui suit.
« Nous devons comprendre l’unicité et la multiplicité comme des propositions complémentaires, dont les véritables valeurs dans le cadre d’une logique de vérité multiple ne s’excluent pas mutuellement l’une l’autre, mais contribuent toutes ensemble à manifester la vérité dans sa totalité : dieu est unique dans l’adoration et la révélation, mais il est multiple dans la nature et la manifestation ».
« Le grand nombre de dieux est en lui-même un aspect de leur diversité. L’essence du dieu primordial est qu’au début il est un et qu’ensuite avec la création et la diversité qu’elle apporte, il se fait multiple. Au Nouvel Empire « celui, qui s’est transformé en millions » est une épithète commune du créateur explicitant cette caractéristique ».
Atoum, Rê, Ptah, Amon, Neith (rien à voir avec le dieu-ou-démon celte du même nom), Isis et Osiris, ne sont que les représentants locaux et temporaires du Grand Dieu ou Démiurge Éternel qui régit l’Univers. Toutes ces divinités, qui correspondent à des époques et à des lieux différents, en sont le reflet.
Le premier vrai monothéisme au mauvais sens du terme d’ailleurs comme toujours, de la région, sera néanmoins celui d’Akhénaton.
Neferkheperourè Amenhotep (Aménophis IV – 1730 – 1354), voué par ses parents à Rê ainsi qu’Amon, fut en effet le premier souverain à décider d’instaurer le culte d’un dieu-ou-démon unique, Aton ; symbolisé par le disque solaire (précédemment nommé Rê puis Amon-Rê).
L’œil frontal de Rê (ou troisième œil du dieu-ou-démon) symbolisait pour les Égyptiens la puissance universelle du dieu-ou-démon caché. Comme Ré, ce grand dieu-ou-démon invisible chassait les ténèbres et créait la vie chaque matin.
Le tout probablement en accord avec son épouse Néfertiti. Son origine aryenne (hittite ?) la prédisposait en effet tout particulièrement à de telles conceptions religieuses (le polythéisme égyptien devait être sans intérêt pour elle). Neferkheperourè Amenhotep décida donc de ne plus se vouer qu’à un seul dieu-ou-démon, Aton, tenu pour essentiellement positif. Pour bien marquer la coupure avec son passé, il changea de nom et s’appela désormais Akh’n Aton. Afin de se consacrer aux choses de la nouvelle religion, il abandonna aussi à son gendre S’menkharé la gestion des affaires laïques.
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N.B. Ce premier monothéisme fut, hélas, de type exclusif (ce dont la Bible sut se souvenir) et non de type inclusif ou tolérant (moniste).
Les statues représentatives des dévotions polythéistes ne furent pas détruites, preuve d’une certaine tolérance ! La dispersion du clergé d’Amon, elle, fut un acte avant tout politique ; tout comme l’abolition des sacrifices. Source d’influence et de profits pour tout clergé ainsi que nous le verrons dans le cas des vrais commandements du vrai dieu de la vraie religion révélée à son vrai peuple par Moïse. Et leur remplacement par des offrandes de fleurs à l’extérieur des temples.
Tout cela ne fut pas sans influence, c’est le moins que l’on puisse dire, sur les idées religieuses du futur peuple juif même s’il n’est jamais sorti de Chanaan, et contribua évidemment à préparer son évolution. Certains spécialistes comme C.S. Lewis ont reconnu dans le Psaume 104 de David de longs passages, traduits en hébreu, d’un cantique à Aton, retrouvé Tell el Amarna, et peut-être composé par Akhénaton lui-même. En tout cas même si ce dernier n’a pas forcément rédigé lui-même ce texte, il reprend les termes de textes antérieurs à la gloire d’Osiris ou d’Amon.
N.B. Miriam Lichtheim a réfuté tout lien de filiation avec le psaume 104 en expliquant que les ressemblances étaient plus le résultat d’une similarité vaguement générique (champ lexical par exemple ; nature religieuse du texte ; description poétique de la nature) entre les hymnes égyptiens et les psaumes bibliques. En somme nous serions là face au même phénomène qui a pu faire croire à l’existence d’une tradition primordiale.
1) Le rédacteur de notre hymne affirme sa foi monothéiste en termes aussi clairs qu’il est possible. Son Dieu est le « Un unique qui n’a pas de second » ; c’est la « Forme unique, auteur de toutes les formes, », etc. celui qui est « Un dans son rôle comme avec les dieux » (oua her sep-f ma m-ma noutéroou). Il est impossible d’exprimer plus énergiquement que non seulement le dieu est un dans son rôle de personne divine, mais que tous les dieux de l’Égypte ne sont que les dénominations d’un même Dieu……
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LE GRAND HYMNE EN L’HONNEUR D’ATON.
Tu apparais merveilleusement à l’horizon du ciel
Vivant Aton, commencement de la vie.
Tu es gracieux, et grand et brilles au-dessus de tous les pays du monde,
Comme tu es Rê, tu atteins leurs extrémités
Bien que tu sois juste devant eux les hommes ne savent pas où tu vas.
Quand tu disparais derrière l’horizon occidental
La terre plonge comme dans l’obscurité de la mort.
Les ténèbres forment son linceul et la terre s’endort,
À l’aube quand tu te lèves à l’horizon
Tu chasses les ténèbres et dispenses tes rayons.
Arbres et plantes s’épanouissent
Les oiseaux s’envolent de leurs nids
Les poissons dans la rivière bondissent devant toi
Ô dieu unique, qui n’a pas son pareil !
Tu as créé le monde à ton gré
Chacun y a sa part de nourriture et un temps pour vivre.
Leurs langues sont différentes
Et leurs natures également ;
Leurs peaux ne sont pas les mêmes
(Mais) à tous ces pays étrangers lointains tu dispenses (aussi) la vie
Car tu as placé un Nil dans les cieux
Afin qu’il descende également sur eux et que ses flots recouvrent leurs montagnes,
Comme la grande mer verte
Afin d’arroser les jardins de leurs cités.
Ton plan a été parfait, O Seigneur d’éternité
Le Nil dans les cieux est pour les peuples étrangers
Ainsi que pour les quadrupèdes qui hantent les déserts
Et le vrai Nil qui sourd du sol pour l’Égypte.
Tes rayons nourrissent les prairies.
Tu as pris des millions de formes.
Car tu es l’Aton (le soleil) du jour sur la terre…
Tu as ta place dans mon cœur
Personne d’autre ne te connaît mieux que moi
En dehors de Neer-kheperou-Re
Car tu l’as instruit de tes plans et nourri de ta force.
N.B. Il semble qu’Akhénaton ait été renversé par l’ancien clergé et le général Paatonheb (futur Horemheb) puis séquestré jusqu’à sa mort, survenue quelques années plus tard.
Il fut remplacé par son second gendre, mari de sa fille cadette, le jeune Toutankhaton, rebaptisé pour la circonstance Toutankhamon (–1354 – 1345) et l’ancien culte polythéiste égyptien honni par Néfertiti fut rétabli.
P.S. La cosmogonie égyptienne est assez complexe, et ce du fait même qu’il y en avait plusieurs en réalité, la plus répandue étant la cosmogonie héliopolitaine centrée sur le dieu soleil sous toutes ses formes. Or un passage de l’enseignement ou de l’instruction pour Mérikaré, rédigé vers -2050 fait nettement de ce dieu soleil et vis-à-vis de l’espèce humaine en tout cas, un dieu créateur, ou démiurge ; et ce avant même Abraham voire Moïse. Ce texte est en quelque sorte le testament du Pharaon Khéti III pour son fils. Connu par un papyrus hiératique publié par Golénischeff… Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg (Papyrus 1116 A).
Ci-dessous la citation en question. « Les hommes, troupeau de Dieu, ont été bien pourvus. Le dieu-soleil a fait le ciel et la terre à leur intention… Il a fait l’air pour vivifier leurs narines, car ils sont les images issues de ses chairs. Il brille dans le ciel, il fait pour eux la végétation et les animaux, les oiseaux et les poissons pour les nourrir… »
On ne saurait faire plus créationniste. Ce sont les Témoins de Jéhovah qui vont être contents.
Notons au passage que ce texte est remarquable, empreint d’une grande philosophie, ce qui en fait un bel exemple de ce qu’il est convenu d’appeler la littérature de sagesse.
« L’homme qui a marché sur la terre conformément à la Maati partira. Tout comme celui dont la vie était remplie de plaisir mourra ».
On ne trouve pas mieux dans le Livre de l’Ecclésiaste ou Qohelet (2,5).
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LES SUMÉRIENS.
Née entre 3500 et 3000 avant notre ère, la civilisation sumérienne est le fruit de la lente évolution de populations non sémites installées sur les terres de basse Mésopotamie (sud de l’Irak) depuis la fin du VIe millénaire. Établies sur les rives du Tigre et de l’Euphrate, celles-ci se groupent en petits villages tels Éridou (Abou-Shahrein), Our (Tell Mouqqayar), Ourouk (Warka), tell El-Obeïd ou tell el-Oueili.
La civilisation d’Obeïd
Les Obeïdiens pratiquent l’hydroagriculture, cultivent l’orge et le blé, connaissent le palmier dattier, élèvent des bovidés, des porcins, des capridés et pratiquent la pêche. Ils produisent une céramique artisanale faite de vases et d’ustensiles peints de motifs géométriques ou figuratifs. Ils réalisent également avec de l’argile de petites figurines anthropomorphes mesurant de 15 à 20 cm de hauteur et dont les têtes coiffées de bitume présentent un aspect reptilien très prononcé. Ne disposant pas de ressources métalliques, ils utilisent des faucilles en terre cuite munies de quartz ainsi que des houes en pierre. Leurs contacts avec le monde extérieur se limitent à une modeste importation d’obsidiennes et de bitume.
La basse Mésopotamie étant autant dépourvue de bois de charpente que de pierre de bonne qualité, ses habitants utilisent des matériaux locaux : terre, roseaux et probablement bois de palmier. Dans le domaine de l’architecture, on leur attribue l’invention de l’arc, du dôme, de la colonne et même de la voûte en berceau. À Éridou et à tell el-Oueili, l’archéologie a révélé une architecture uniforme, des tombes et des mobiliers funéraires peu différenciés.
La civilisation néolithique d’Obeïd dure pendant près d’un millénaire puis se métamorphose.
Les fouilles d’Éridou et de tell el-Oueili permettent de saisir ses premiers signes d’évolution de la civilisation aux environs de la fin du Ve millénaire. Auparavant uniforme, l’architecture commence à se différencier. De grandes bâtisses à plan tripartite, qui pourraient être des temples, sont érigées. De même, d’importantes terrasses en brique sont réalisées, ouvrages probablement destinés à un usage collectif. Même si ces changements demeurent limités, ils traduisent vraisemblablement la naissance d’une hiérarchisation sociale au sein de ces premières communautés villageoises de la basse Mésopotamie.
Au début du IVe millénaire, l’ampleur du changement est telle que les archéologues n’hésitent pas à y voir le point de départ d’une nouvelle étape civilisationnelle. Celle-ci, appelée période d’Ourouk (3750-3150), prolonge et accentue la tendance précédente à l’urbanisation et confirme le passage graduel de la communauté domestique à une organisation sociale plus complexe. Les villages, auparavant de dimensions réduites, deviennent peu à peu d’importantes agglomérations. Par ailleurs, sur tous les sites du Sud mésopotamien, la céramique peinte de la période d’Obeïd cède la place à une production monochrome d’écuelles réalisées à la main à partir de moules qui en permettent la fabrication en série.
En architecture, l’évolution amorcée à l’époque précédente semble s’accentuer. Sur le site d’Ourouk, on a découvert les ruines de grands bâtiments dépassant parfois 70 m de long et qui semblent dériver des structures tripartites de la civilisation d’Obeïd. Leurs façades agrémentées de saillies et de creux portent des décors mosaïqués. De nouvelles techniques architecturales font leur apparition : on emploie ainsi le parpaing, sorte de brique à base de gypse. Les artisans utilisent des mortiers et réalisent des mosaïques murales à partir de cônes d’argile ou de pierre. La conception de l’espace bâti suit désormais des règles précises. Le périmètre urbain est souvent inscrit dans des remparts en brique crue, l’habitat est plus dense et mieux ordonné. En lien avec cet aménagement de l’espace, la société elle-même commence à se hiérarchiser.
Dans l’iconographie sumérienne apparaît alors un personnage barbu et coiffé d’un diadème, figurant tantôt un guerrier terrassant ses ennemis, tantôt un ministre du culte. Les archéologues y voient le chef unique de la cité, une sorte de « roi-prêtre ». C’est alors que se développent de véritables méthodes de gestion. Ainsi, en prélude à l’écriture, des calculi, jetons en terre cuite, sont utilisés à des fins comptables. La métallurgie, autre témoin de la vitalité de la basse Mésopotamie, connaît également de notables améliorations. Les artisans mettent au point les premiers alliages volontaires et, outre le cuivre importé de la péninsule d’Oman, ils utilisent le plomb, l’argent et l’or. De la même façon, l’innovation gagne l’agriculture. Vers l’Ourouk récent (3500-3100), on adopte un araire-semoir, dont l’utilisation vise vraisemblablement à augmenter les surfaces emblavées.
Les changements se poursuivent à l’époque suivante (3150-2900), dite d’Ourouk III, ou de Djemdet-Nasr, du nom d’un site à une quinzaine de kilomètres au nord-est de Babylone. Les sites, jusque-là dispersés, ont tendance à se regrouper le long des cours d’eau, et de nombreux villages disparaissent au profit d’agglomérations plus grandes et mieux structurées. Cette urbanisation s’accompagne d’une
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plus grande stratification de la société sumérienne. Du point de vue de la civilisation matérielle, l’époque de Djemdet-Nasr est celle de la mise au point d’un nouveau type de céramique, à décor trichrome fait de motifs géométriques. L’usage de l’écriture commence à se généraliser, et les cylindres-sceaux servant à signer les documents remplacent les simples cachets. La hiérarchisation sociale, commencée à l’époque d’Ourouk I, semble se cristalliser et des « classes » se dessinent, telles celles des prêtres, des scribes, des artisans et des soldats. C’est dans ce contexte de bouillonnement culturel et de changements économiques et sociaux que commence à s’épanouir la civilisation sumérienne.
À l’aube du IIIe millénaire, la basse Mésopotamie se divise en autant de territoires qu’il y a de cités importantes. Celles-ci rayonnent chacune sur une périphérie composée de petites bourgades et constituent de multiples unités indépendantes, sortes de capitales qui fonctionnent à l’image des cités-États. On y trouve un pouvoir central, à détenteur unique, autour duquel gravitent des prêtres, des officiers et des administrateurs. Leurs chefs portent les titres de roi (lougal), de prince (ensi), ou encore, comme à Ourouk, celui de seigneur (en). Le système politique sumérien des cités-États prévaut de 2900 à 2340 avant notre ère. Cette période longue de plus de six siècles est appelée par les archéologues la période protodynastique, ou encore la période des Dynasties archaïques.
Cependant, le schéma politique d’une royauté bien établie n’est peut-être pas constant pendant toute la période sumérienne. La plus ancienne des inscriptions royales – celle d’Enmebaragesi, roi de Kish – date de 2700. Au-delà, ni l’archéologie ni l’épigraphie ne permettent d’éclairer la période de formation de la royauté. L’interrogation porte encore sur la façon dont le pouvoir, vraisemblablement de nature théocratique à l’époque d’Ourouk, a fini par échoir à des souverains. Tout porte à croire que, au début du IIIe millénaire, sans que l’on sache trop comment, le chef religieux (grand prêtre ou prêtre-roi) partage le pouvoir avec un chef séculier. Celui-ci, souverain, veille toutefois à s’assurer une légitimité religieuse et agit en tant que mandataire du dieu principal de la cité. Dépossédé du pouvoir politique, le temple n’en garde pas moins une grande importance économique.
À Girsou, les archives du temple de la déesse Baba (vers 2500-2400) nous apprennent que les sanctuaires avaient gardé la haute main sur l’économie de la cité. Sur les 4 500 ha de terres cultivables qu’ils gèrent, le quart sert aux besoins propres du culte. Les trois quarts restants sont subdivisés en champs : les uns sont destinés à l’entretien du personnel, tandis que les autres sont affermés ou parfois attribués pour ce qui est de l’usufruit à quelques catégories de dignitaires, fonctionnaires et employés. Le temple garde une partie de ces revenus pour les années de disette et en échange une autre contre des matières premières importées. Il en redistribue, enfin, une troisième partie sous forme de rations à la population, mais aussi au souverain et à sa famille, aux artisans, aux militaires, aux fonctionnaires et à divers autres agents de l’État.
Afin de mener à bien une telle tâche, le temple dispose d’une véritable administration avec comptables et « bureaucrates ». Les archives de Girsou nous renseignent ainsi sur la précision et la complexité des règles de gestion adoptées par l’administration religieuse. Sous l’autorité d’un prêtre administrateur (shanga), des scribes, des superviseurs (ougoula), des contremaitres (nou-banda), des intendants (agrig) et des administrateurs (mashkim) veillent à la bonne marche des exploitations.
Ce système hybride où cohabitent un pouvoir politique dévolu à des séculiers et un pouvoir économique contrôlé par le temple a-t-il prévalu dans toutes les cités sumériennes ? Des contrats en provenance de Shourouppak (aujourd’hui Tell Fara) donnent une tout autre image de la répartition foncière dans la cité : il semble que les particuliers pouvaient y acquérir des champs et les exploiter eux-mêmes sans intervention aucune du temple. Cela signifie-t-il que, contrairement au sud, le centre et le nord du pays de Sumer connaissaient la propriété privée ? Nul ne le sait, mais ce qui peut être tenu pour certain et dont l’archéologie et l’épigraphie témoignent de façon évidente, c’est que temple et palais ont cohabité tout au long de la période sumérienne.
Cependant, nous savons encore très peu de choses de la nature et de la réalité des rapports entre le politique et le monde du divin. Il est probable qu’à un moment ou à un autre, dans telle ou telle cité-État, il y eut compétition entre ces deux formes de pouvoir. À Lagash, par exemple, les inscriptions d’Ourouinimgina expliquent qu’au temps du roi Lougalanda, le temple vit ses biens spoliés par le souverain.
Comme toutes les histoires politiques, celle de Sumer fut une succession de conflits armés qui opposaient les principautés les unes aux autres ou, plus rarement, les unissaient face à un ennemi commun. Les Sumériens excellèrent dans l’art de la guerre. Ils furent les premiers à disposer de troupes organisées et à élaborer de véritables techniques militaires. En général, leurs conflits avec les voisins obéissaient à des motifs économiques : besoins de matières premières, incidents liés au tracé des frontières, problèmes de partage de l’eau… La gloire, les ambitions personnelles des rois, voire la religion, provoquèrent aussi des rivalités.
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Il semble que la première guerre soit celle qui opposa, vers 2680 avant notre ère, Enmebaragesi de Kish, à ses voisins élamites (Sud-ouest de l’actuel Iran). Peu après, vers 2600 avant notre ère, un autre Kishien, l’ensi Ouhoub, fait inscrire sur un vase dédié au dieu Zababa qu’il est le vainqueur de Hamazi, ville située au nord de la rivière Diyala. Vers 2550 avant notre ère, Kish se distingue encore. Cette fois-ci, son souverain, Mesilim, étend son autorité sur les villes de Lagash et d’Adab. L’hégémonie kishienne doit cependant céder à celle d’Our. Ce port fluvial, situé sur l’Euphrate, connaît son premier apogée sous le règne de Mesanepada. Celui-ci fait main basse sur Nippour, prend Kish et se rend maître de la plus grande partie de la basse Mésopotamie. Son influence semble s’étendre jusqu’à Mari, sur le haut Tigre.
Au XXVe siècle avant notre ère, ce sera au tour de Lagash de connaître la gloire. Son roi, Eannatoum, aurait vaincu les Élamites et pris Mari, Our, Ourouk et Kish. Un de ses exploits sur lequel nous sommes bien informés se rapporte à un conflit frontalier avec la cité d’Oumma. Oumma se vengera plus tard, sous le règne de Lougal-zagesi. Celui-ci conquiert Lagash, Ourouk, Our, Kish et parvient, pour la première fois dans l’histoire mésopotamienne, à unifier tout le pays de Sumer.
Dans un pays principalement constitué d’eau, de limon et d’argile, l’économie sumérienne, comme au temps de la civilisation d’Obeïd, s’est entièrement constituée autour de l’hydroagriculture et de l’élevage. Irrigués par des canaux dérivés des fleuves Tigre et Euphrate, les sols alluvionnaires de la basse Mésopotamie se prêtent fort bien à la céréaliculture. Outre l’engrain (espèce de blé), présent dès le Ve millénaire avant notre ère, les Sumériens cultivent le blé amidonnier, le blé dur et surtout l’orge. À côté des céréales, les textes mentionnent les cultures de pois, les fèves, le concombre, l’ail, l’oignon, le poireau, les dattes et font état d’élevages bovin et ovin. Ce complexe agropastoral assure aux Sumériens des surplus exportables ou du moins échangeables contre des produits étrangers.
De nombreuses tablettes font état d’importations sumériennes de bois, d’or, de cuivre, d’argent, d’étain, de lapis-lazuli et d’autres pierres précieuses. De récentes découvertes archéologiques sont venues confirmer cette ouverture sur l’extérieur du monde sumérien. La découverte de céramique protodynastique dans les cairns d’Abqaïq (dans l’actuelle Arabie saoudite) à Tarout et à Hili (aujourd’hui dans les Émirats arabes unis) atteste les relations entretenues entre Sumer et les pays du Golfe.
De nombreux vases en chlorite, en stéatite, en albâtre, découverts dans les sites mésopotamiens, semblent provenir d’Iran, des côtes d’Arabie et peut-être même d’Égypte. La lazurite, hautement prisée lors de l’époque protodynastique, était selon toute vraisemblance importée du Badakhchan, sur le territoire du Tadjikistan actuel. Les données de l’archéologie viennent étayer également l’hypothèse de contacts et d’échanges avec les cités de la vallée de l’Indus. Sceaux et perles harappéens ont été trouvés en basse Mésopotamie. De même, on aurait découvert des bijoux de facture sumérienne à Mohenjo-Daro.
Les matériaux importés sont utilisés dans la fabrication de biens de prestige destinés à une élite urbaine de plus en plus prépondérante. Pour répondre à des besoins nés de la différenciation de la société, les artisans mettent au point de nouvelles techniques. Dans le domaine de la métallurgie, leur capacité d’innovation fut telle qu’ils surclassèrent tous leurs contemporains. Cette suprématie se traduit à la fois par la maîtrise des procédés d’alliage et par celles des techniques de fabrication. La première, confirmée par les recherches archéométriques, repose sur la multiplication des alliages volontaires : binaires (cuivre-arsenic et cuivre-plomb), ternaires (cuivre-arsenic-étain) et même quaternaires (cuivre-arsenic-étain-plomb). Du point de vue des techniques, la variété des procédés (martelage, moulage, fonte à la cire perdue) permit la fabrication d’une large gamme de produits : des armes, des outils, des statuettes, des figurines, des vases, etc.
Les Sumériens furent aussi d’excellents orfèvres. Ils maîtrisaient les techniques d’incision, de gravure, de cloisonné et de repoussé. On leur doit l’invention de deux techniques remarquables : le filigrane et la granulation. Auparavant inconnue, la fabrication de fils et de grains d’or permit aux orfèvres sumériens de confectionner des bijoux d’une beauté remarquable. Parmi les pièces exhumées, pour la plupart dans les tombes royales d’Our, certaines sont de véritables chefs-d’œuvre. Ainsi en est-il d’un poignard en or emmanché d’une poignée en lapis-lazuli sertie de clous d’or, de son fourreau à décor en granulation et en filigrane, d’un casque dit « du roi Meskalamdug » et de bien d’autres objets aujourd’hui déposés dans les musées de Bagdad, de Philadelphie et de Londres. Les artisans sumériens exprimèrent également leur créativité sur des matériaux moins nobles. Ainsi, parmi les œuvres d’arts mineurs, on trouve des plaques de coquilles gravées de dessins dont les traits étaient remplis d’une pâte noire ou rouge. Encastrées dans des tables de jeu ou dans les tables d’harmonie des lyres, elles faisaient office de mosaïque. Ces productions artisanales répondaient aux besoins ordinaires de la société sumérienne.
En matière d’architecture, l’innovation consiste dans l’utilisation d’une brique planoconvexe (une face plate, l’autre bombée) séchée au soleil et appareillée en arête de poisson. De même, l’habitude fut
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prise de dresser les sanctuaires sur des plates-formes. Les temples à plan tripartite furent progressivement remplacés par des bâtiments à cour centrale entourée de nombreuses pièces. À Khafadje, à El-Obeïd et à Lagash furent construits des sanctuaires inscrits dans des enceintes ovoïdes. Des changements affectèrent aussi la glyptique.
De nouveaux thèmes devinrent alors prépondérants dans l’iconographie des cylindres-sceaux : des banquets rituels et des scènes de combat où figuraient des monstres, parfois des êtres hybrides (aigle léontocéphale, taureau androcéphale, homme-taureau). La période protodynastique voit aussi l’évolution de l’art céramique. Les statues, anguleuses et fort stylisées au début de la période protodynastique, s’humanisent ensuite et deviennent plus réalistes. Les Sumériens se distinguent également dans l’art du bas-relief. Cependant, les bas-reliefs sumériens les plus répandus semblent avoir été de petites plaques calcaires carrées, percées d’un trou central et servant vraisemblablement de bases aux offrandes que les fidèles déposaient dans les temples. Ces pièces, conformément à leur destination, représentent des scènes de piété et mentionnent les dédicaces des adorateurs.
Après le règne de Lougal-zagesi, qui dure vingt-cinq années, la basse Mésopotamie tout entière tombe entre les mains du Sémite Sargon d’Akkad (2340 avant notre ère). Dès lors, les cités-États sumériennes font place à un nouveau système politique caractérisé par l’émergence de véritables États unifiés et appuyés sur des administrations centralisées. Ce changement marque, pour sûr, la prééminence de l’élément sémite akkadien. Toutefois, il faut se garder d’y voir le signe d’une subite modification de la composition ethnique de la région. Les Sémites y étaient largement représentés vers 2500, et les tablettes d’Abou-Salabikh, signées dès cette époque par des scribes portant des noms sémitiques, semblent bien le confirmer.
Vers la fin du IIIe millénaire, après le long règne de Naram-Sin (2254-2218 avant notre ère), petit-fils de Sargon, les Sumériens d’Our bâtissent un royaume néosumérien (2110-2004), qui disparaît sous les coups des envahisseurs amorrites et élamites. Cette période, qui prolonge la civilisation sumérienne, sort du cadre d’une définition stricte de la civilisation protodynastique. Politiquement, socialement, elle consacre une rupture avec l’ancien monde sumérien. La ville d’Our est détruite en 2004 avant notre ère.
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L’HISTOIRE COMMENCE À SUMER.
Les Sumériens ont créé la première grande civilisation humaine. Les Sumériens ont inventé l’écriture, les bateaux, l’art de bâtir avec des briques, la roue, l’école, la justice, la monnaie, les impôts.
Les Sumériens ont légué à l’Humanité les concepts de loi, de gouvernement et de vie urbaine. On leur doit également un système astronomique et mathématique qui permet de diviser le temps et l’espace en degrés. Ce qui allait, plus tard, aboutir à nos heures, nos minutes (ce sont eux qui ont inventé le système sexagésimal de l’heure, de la minute et de la seconde) et à nos unités de mesure linéaire.
N’oublions pas non plus la poterie et l’utilisation de la roue pour le transport. Ces deux bonds en avant dans le domaine de la vie quotidienne sont d’origine sumérienne.
Tout comme les premiers rudiments de médecine vraisemblablement.
Le berceau de la civilisation en effet n’est pas le Sinaï de Moïse, mais la Mésopotamie des Sumériens. Écrire, dire, ou laisser entendre, que le Code d’Hammourabi de Moïse (les dix commandements) constitue le premier code moral de l’Histoire, donc que les êtres humains avant ne pouvaient que vivre comme des bêtes ; est une contrevérité raciste qu’on ne peut laisser passer. Le décalogue de Moïse s’adresse aux hommes à la 2e personne du singulier et ne s’adresse nullement à l’Humanité tout entière, mais seulement à son peuple. Sinon il s’agit des 7 lois de Noé. Tu ne tueras point, oui, mais ce qui est interdit c’est l’assassinat individuel et crapuleux, non la peine de mort ou la guerre. Caïn est coupable de meurtre, il a tué son frère, mais Josué est un héros, dans la Bible il extermine les Cananéens par milliers. Ce que veut dire le décalogue, c’est : tu ne tueras point… Un coreligionnaire ! Un membre de ton peuple. Par contre tu pourras tuer outre-mont, derrière la dune, les faux frères idolâtres, les apostats, les sorcières, et, bien sûr, les Philistins.
C’est du moins l’interprétation qu’en font encore aujourd’hui certains rabbins comme Isaac Shakira et Yosef Elitzour de la colonie juive de Yitzhar en Cisjordanie. Nous y reviendrons dans notre chapitre sur le judaïsme orthodoxe et la guerre.
Pour comparaison, le décalogue égyptien, beaucoup moins grossier, est en fait lui composé de 42 péchés énumérés en creux ou a contrario dans ce qu’on appelle la confession négative, qui conclut le jugement des âmes dans la salle des deux Maât selon la religion égyptienne.
La civilisation sumérienne, elle, avait donc élaboré une morale complexe dont on a retrouvé un ultime écho gravé dans la pierre deux cents ans avant le légendaire ou mythique Moïse : le Code d’Hammourabi justement, une stèle trouvée à Suse où elle avait été transportée durant l’Antiquité. De nombreux éléments de ce code sont en effet d’origine sumérienne, Hammourabi n’ayant fait qu’entériner des usages bien antérieurs à son règne et remontant aux Sumériens.
Proverbes sumériens.
Un lion captura un jour une chèvre sans défense : « laisse-moi partir et je te donnerai une de mes sœurs brebis en échange ! ». Si tu veux que je te laisse partir, dis-moi au moins ton nom ». La chèvre lui répondit : « Tu ne connais pas mon nom ? » Je m’appelle « Je t’ai relâchée » ! Quand le lion arriva devant l’enclos, il l’appela « Je t’ai relâchée ! Je t’ai relâchée ». Alors la chèvre lui répondit : « Tu as bien fait, mais il n’y a aucune brebis ici ».
« Donne-moi ! » est toujours ce que dit un roi.
Dans la vie on ne doit pas contribuer au mal en disant des mensonges
Laissez les pauvres mourir, ne les laissez pas vivre. Quand ils ont du pain, ils ne trouvent pas de sel. Quand ils trouvent du sel, ils n’ont pas de pain. Quand ils trouvent de la viande, ils n’ont pas de condiment. Quand ils ont des condiments, ils ne trouvent pas de viande.
Mate le chien, mais cajole le chiot !
La langue sumérienne est inclassable. Le lion leur était inconnu (ils l’appelaient gros chien : our mah) et ils attachaient beaucoup d’importance au bétail dans leur comptabilité (avaient-ils pratiqué l’élevage avant de s’installer en Basse Mésopotamie ?)
L’économie sumérienne reposait sur un système de taxation des villages en fonction de leurs surplus agricoles. Cette taxation avait été mise en place pour aider les classes dirigeantes des villes dans leur programme de travaux publics, notamment ceux qui sont consacrés à l’irrigation.
Ce qui caractérise l’organisation politique sumérienne, c’est sa structuration « à la grecque ». En effet, tout comme beaucoup plus tard la Grèce antique, le pays de Sumer était subdivisé en zones d’influence regroupées autour de quelques villes phares, telles qu’Our, Ourouk, Kis, Eridou, Lagash, etc. qui se développèrent rapidement. La société sumérienne était une société où les villages se concentraient autour de villes plus grandes.
Chacune de ces villes possédait sa propre ziggourat. Celle-ci abritait des administrations gouvernementales, ainsi qu’un temple. Ce dernier se situait au dernier étage, c’est-à-dire sur la plus
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haute plate-forme de la ziggourat. Ce type de ziggourat suscitait bien évidemment la jalousie des peuples qui n’en avaient pas (voir le célèbre récit de la Tour de Babel dans la Bible). La ziggourat d’Eridu date de 3 000 ans avant notre ère.
En règle générale, ces villes étaient dirigées par un conseil de sénateurs ou de guerriers. Ce conseil se trouvait sous la direction d’un chef. Ce chef faisait aussi office de prêtre. Plus tard ces chefs deviendront des rois qui seront considérés comme les vice-régents du dieu-ou-démon principal de la cité.
Nous savons par le Code d’Hammourabi (sur la partie inférieure est en effet gravée une jurisprudence concernant les devoirs et les droits des médecins) que les chirurgiens de cette époque remettaient fort adroitement en place les membres brisés ; et qu’ils n’hésitaient pas à tenter de graves opérations dont dépendait parfois la vie même de leurs patients. Mais nous ignorons presque tout de leur méthode. Leur art, en effet, s’il exigeait de sérieuses connaissances anatomiques, n’était pas une science s’apprenant dans les livres.
C’était par l’expérience clinique que le jeune médecin s’initiait aux secrets opératoires de son maître.
La question du traitement chirurgical de la cataracte est encore discutée. Le problème vient de l’interprétation d’un terme médical utilisé dans deux articles du code en question.
Article 215 : « Si un médecin, traitant un homme libre pour une grave affection au moyen du bistouri réussit à le guérir, ou bien si, en ouvrant le nakaptou au moyen d’un couteau tranchant, il lui guérit son œil, il recevra dix sicles d’argent ».
N.B. Cette somme correspond à 84 grammes d’argent. Mais les honoraires sont proportionnels à la qualité du patient. S’il appartient à une classe un peu inférieure, il ne paie que cinq sicles.
Article 218 : « Si un médecin, traitant un homme libre pour une grave affection au moyen du bistouri, provoque la mort de cet homme, ou bien si, en ouvrant le nakaptou au moyen du couteau tranchant, il lui fait perdre son œil ; on coupera la main du médecin ».
Le terme « nakaptou » a donné lieu à des interprétations différentes. On l’a traduit tantôt par cataracte tantôt par taie, puis par dacryocystite. Un autre spécialiste de la question pense plutôt à l’arcade sourcilière ou à une tuméfaction périoculaire, ou orbitaire, incisée, voire enlevée.
Il semble néanmoins établi qu’il s’agissait de la cataracte. D’autant plus que le texte d’une tablette (malheureusement brisée) dit ceci : « Si l’œil droit ou gauche d’un homme est recouvert d’une ombre, avec le couteau tranchant… »
La tablette s’interrompt à cet endroit, mais l’indication de l’opération est certaine.
Ainsi que nous avons pu le voir, LA grande invention sumérienne par excellence est l’Écriture.
C’est en effet au milieu du IVe millénaire avant notre ère qu’apparut chez eux une écriture pictographique qui évoluera rapidement vers l’écriture cunéiforme.
L’invention de l’écriture s’est faite avec l’essor du commerce. Ce n’est plus seulement une nouvelle étape, mais un changement d’échelle, car si la population avait déjà été multipliée par dix au début du néolithique, c’est un nouvel accroissement de facteur 10 qui accompagnera les véritables débuts de la civilisation. Avec des villes de plus de 10 000 habitants, une hiérarchisation de la société, la division du travail et des fonctions, la spécialisation, l’artisanat.
Si l’Histoire commence à Sumer, c’est aussi parce que la satisfaction des besoins vitaux est indispensable pour que l’esprit, délivré de l’immédiat, s’élève à la réflexion sur soi, au-delà de son animalité. Les périodes de progrès sont souvent celles de prospérité.
L’écriture est le produit de la communication, de l’échange. Elle est d’abord chiffre, contrat et très vite source de pouvoir. La loi écrite protège de l’arbitraire du caprice du souverain. Elle s’expose à la durée donc implique l’existence d’une caste de spécialistes (scribes et prêtres) qui en rationalisent la lettre.
L’astrologie qui prédit (éclipses, etc.), mais tire son savoir de l’écriture du passé, établit enfin solidement que le réel est bien rationnel, la loi du destin s’appliquant même aux dieu-ou-démons qui ne peuvent en changer le cours. Il n’y a aucune coïncidence dans le fait qu’il y aura ensuite traditionnellement 12 patriarches 12 tribus d’Israël 12 travaux d’Hercule 12 disciples de Jésus ; 12 étant le nombre classique des maisons astrologiques, ou mois, selon les Sumériens, et ne correspondant évidemment à aucune réalité historique.
Les Sumériens ont dominé cette région du monde en ce qui concerne la religion. On leur doit les noms de beaucoup de dieu-ou-démons et une partie importante du rituel de leurs cultes.
La mort de Mardouk était célébrée entre le quinze et le vingt mars. Sa passion était racontée dans une sorte d’évangile. Capturé par ses ennemis, il était conduit sur une montagne et après avoir mis sur sa tête une couronne de feuilles d’acanthe, on lui faisait un procès qui se terminait par sa condamnation à mort. Ses ennemis, pour être sûrs qu’il était vraiment mort, le perçaient avec une lance.
Doumouzi est un dieu-ou-démon sumérien, attesté déjà vers 3500 avant notre ère. À Ourouk, Doumouzi était associé au bourgeon du palmier dattier. Son principal mythe était celui d’une jeune
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divinité mourante. Tammouz est son nom en akkadien. Il avait un mois à lui dans le calendrier akkadien, dont le nom est passé dans le calendrier juif (Tammouz).
La cosmogonie sumérienne sera sans cesse reprise par de nombreuses religions postérieures (notamment par les Hébreux. Voir les 11 premiers chapitres de la Genèse). La langue sumérienne, devenue langue sacrée (en même temps que diplomatique) inaugurera la tradition d’une révélation par l’écrit. Prolongeant l’ancienne religion prennent alors forme l’articulation de l’éternité, du temps et de la génération, la succession des dieu-ou-démons, leur hiérarchie (la royauté) ainsi que la revendication de la justice. La trinité Anu (An = le ciel), Enlil (l’air), Enki/Ea (la terre) se substitue à la mère des dieu-ou-démons (Tianmat ? Belit-ili ?), mais conserve le taureau Mardouk ainsi que Doumouzi.
On retrouve chez les Sumériens le thème de la descente aux enfers, ainsi que la création de l’Humanité à partir du mélange d’un peu d’argile avec de l’esprit (sang) d’un dieu-ou-démon sacrifié.
C’est en effet pour leurs mythes de la création du monde et de la naissance de la civilisation que les Sumériens sont les plus connus. On leur doit, par exemple, l’idée d’une époque héroïque où la perfection humaine (les pouvoirs préternaturels de l’Homme) laissa la place à l’échec. L’Éden, paisible retraite rurale où l’homme vit heureux parmi les bêtes sauvages, apparaît par exemple dans l’épopée de Gilgamesh.
La Bible a emprunté de nombreux passages aux Sumériens, comme le thème du paradis terrestre ou jardin d’Éden décrit dans le poème « Enki et Ninhoursag » où l’Éden hébraïque et le Dilmoun sumérien ne font qu’un. Mêmes souffrances, même péché originel à l’origine du Mal : la première femme qui, poussée par un serpent à désobéir au dieu-ou-démon créateur, convainc son compagnon de manger le fruit de l’arbre interdit (légende recopiée telle quelle dans la Bible).
Illustration possible : « le sceau de la tentation » British Museum, Londres. Le sceau cylindrique d’Adam et Eve, également appelé « sceau de la tentation », est un petit cylindre de pierre d’origine néo-sumérienne, datant d’environ 2200 à 2100 avant notre ère. Il représente deux personnages assis, un arbre et un serpent.
Ce poème (Enki et Ninhoursag) explique d’ailleurs au passage la bizarre histoire de la côte d’Adam ayant donné Ève : c’est là où est le mal d’Enki. L’histoire de la côte vient du jeu de mots sumérien « ti » (« côte » et « faire vivre »).
Mais la version hébraïque de ce mythe imposera une vision dramatique du paradis perdu, imputant à la désobéissance de la créature cette déchéance du genre humain.
L’autre grand apport culturel de ce peuple sur le plan des mythes fondateurs est sans aucun doute la notion de déluge universel. Ce sont les Sumériens qui ont en effet conçu les premiers le mythe du déluge avec Ziousoudra ou Shourouppak (le Noé sumérien).
Ce mythe a ensuite été repris par les Babyloniens : Dieu ou le Démiurge prévient Outnapishtim et lui conseille de construire un bateau pour sauver un certain nombre d’animaux. Ensuite tombe une pluie torrentielle pendant sept jours, puis le bateau accoste sur le mont Nishir. Outnapishtim lâche une colombe et, peu après, une hirondelle, mais les oiseaux reviennent. Finalement, il lâche un corbeau qui ne revient plus.
Toutes ces histoires ont été reprises dans la Bible ainsi que beaucoup d’autres.
Une large partie du matériel biblique est donc d’origine sumérienne ou akkadienne (les 11 premiers chapitres de la Genèse, en fait tout jusqu’aux légendes du cycle des patriarches et d’Abraham) et plus globalement babylonienne (chérubins, décalogue d’Hammourabi, baptême et autres).
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L’HISTOIRE SAINTE COMMENCE À SUMER.
Les Sumériens ont rédigé des textes dits sapientiaux (à l’exemple de l’Ancien Testament) dont le meilleur exemple est celui des Instructions de Shourouppak, qui a connu un grand succès. Des textes sapientiaux d’une grande qualité ont été élaborés dans le milieu des temples de la Babylonie de la fin du IIe millénaire. Ils questionnent les rapports entre dieux et humains, notamment autour du constat que les personnes se comportant bien sont parfois frappées par le malheur, de manière injuste, alors que selon l’idéologie cela ne devrait pas arriver. Ils en viennent à constater que les volontés divines sont incompréhensibles pour les hommes. Ces œuvres sont le Monologue du juste souffrant, et deux dialogues, la Théodicée babylonienne et le Dialogue du pessimisme, qui s’apparente à un texte sarcastique.
Les textes dits sapientiaux ont néanmoins une vocation avant tout morale. Il s’agit de dispenser des préceptes conformes à la sagesse mésopotamienne. On peut donc classer les nombreux recueils de proverbes qui nous sont parvenus dans ce genre. Dans un style proche, de petites fables mettant en scène des animaux (chacun ayant un caractère stéréotypé) sont également porteuses de préceptes moraux.
SITUATION LINGUISTIQUE EN MÉSOPOTAMIE DE – 5000 à -1000.
— VIe millénaire avant notre ère : le proto-euphratéen : substrat difficile à déterminer. Certains noms de métier de rivière ou d’anthroponymes.
— IVe millénaire avant notre ère : le sumérien, langue inclassable. C’est un isolat linguistique.
— Fin du IIIe millénaire avant notre ère : le sumérien commence à décliner, mais il gardera un statut de langue intellectuelle longtemps après avoir cessé d’être parlé (comme le latin dans l’Europe médiévale et moderne), mais ne servit plus à la création d’œuvres littéraires majeures (à la différence du latin dans l’Europe médiévale et moderne).
— XXe siècle avant notre ère : Une langue sémitique, l’akkadien, remplace peu à peu le sumérien.
Les nouvelles productions littéraires seront pour la plupart en akkadien, mais des versions bilingues sumérien-akkadien de plusieurs mythes circulent.
LES FOUILLES D’OUR EN CHALDÉE.
Visité au XVIIe siècle par le voyageur italien Pietro della Valle qui y ramassa quelques briques et autres objets portant une inscription, Tell al-Muqayyar est sondé pour la première fois en 1854 par le consul britannique de Bassora, J. E. Taylor, pour le compte du British Museum. À partir d’inscriptions que Taylor y avait trouvées, le site fut identifié par Henry Rawlinson comme étant celui de la cité antique d’Our, très vite rapprochée du lieu d’origine d’Abraham selon la Bible.
Quelques archéologues de l’Université de Pennsylvanie y firent un certain nombre de fouilles par la suite.
Le site fut sondé en 1918 par R. Campbell Thompson à la demande du British Museum. L’année suivante, H. R. Hall y effectua des fouilles en même temps que sur les sites voisins d’Eridu et d’El Obeïd.
En 1922, une opération conjointe du British Museum et de l’Université de Pennsylvanie organisa de nouvelles fouilles du site. La direction en fut confiée à l’archéologue britannique Léonard Woolley, qui y mena douze campagnes successives jusqu’en 1934, date à laquelle il fut décidé d’interrompre les opérations pour procéder aux travaux de publication. Woolley fut notamment assisté par son compatriote Max Mallowan de 1925 à 1931.
Les monuments principaux du quartier sacré de la cité furent dégagés et l’une des découvertes archéologiques les plus spectaculaires pour un site du Proche-Orient ancien effectuée, celle du cimetière royal et du luxueux mobilier archéologique qu’il abritait.
Les résultats des fouilles furent progressivement publiés sur une trentaine d’années, dans deux séries différentes, une pour les fouilles archéologiques proprement dites et une pour les tablettes couvertes d’écriture cunéiforme, une écriture parfaitement déchiffrée depuis 1857, pendant que Woolley lui de son côté publiait plusieurs ouvrages de vulgarisation sur ses découvertes.
LES FOUILLES D’OUROUK.
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Le site d’Ourouk a été localisé au milieu du XIXe siècle, grâce à ses ruines restées imposantes malgré le sable qui les recouvrait, par le géologue anglais William Kennett Loftus. Il entreprend les premières fouilles en 1849 et en 1853. Walter Andrae y effectue quelques prospections en 1902. À partir de 1912, les fouilles du site sont réalisées sous la responsabilité de la Deutsche Orient-Gesellschaft (DOG, « Société orientale allemande ») une société scientifique fondée en 1898 à Berlin, suite à l’intérêt manifesté à partir de la fin du XIXe siècle pour les découvertes concernant les « pays de la Bible ».
La première campagne, dirigée par Julius Jordan et Conrad Preusser, se concentre surtout sur le secteur de l’Eanna, tout en explorant les restes des murailles qui ceignaient la cité. Elle dure jusqu’en 1913.
Jordan revint à Warka en 1928, toujours pour le compte de la DOG, mais en association avec la Notgemeinschaft der Deutschen Wissenschaft (NG, « Association d’urgence de la science allemande »). Il y reste une dizaine d’années, avant de laisser la place à Arnold Nöldeke, puis Ernst Heinrich jusqu’en 1941. Les vestiges des époques récentes sont délaissés, pour explorer les niveaux anciens de l’Eanna. Les archéologues effectuent un sondage du sol en 1931, pour mieux cerner les différentes époques et reconstituent le plan général de la cité. Ils dégagent les deux secteurs principaux, l’Eanna et le Bit Resh, et y trouvent de nombreuses tablettes d’argile couvertes d’écritures cunéiformes datant de différentes époques depuis les débuts de l’écriture jusqu’à la fin de la civilisation mésopotamienne. Les premières seront publiées par l’épigraphiste Adam Falkenstein.
Interrompues en 1941, les fouilles d’Uruk seront poursuivies par différentes équipes sous l’égide de l’Institut allemand d’archéologie, dirigées successivement par Heinrich Jacob Lenzen, Jürgen Schmidt et depuis 1980 Rainer Michael Boehmer. De 1982 à 1984, un sondage sera réalisé sur toute la surface du site. Les recherches sur place cessent en 1989. Trente-neuf campagnes avaient alors été menées.
Les résultats des fouilles d’Ourouk, dont les tablettes exhumées du site, seront publiés en deux séries successives.
— Ausgrabungen der Deutschen Forschungsgemeinschaft in Uruk (ADFU), 17 vol., 1912-1985.
— Ausgrabungen in Uruk-Warka, Endberichte (AUWE), 24 vol. 1987-2003.
LES FOUILLES DE BABYLONE.
Malgré quelques confusions possibles avec les sites voisins de Birs Nimroud (Borsippa) et Aqar Quf (Dour-Kurigalzou) où les ruines des ziggourats rappelaient la Tour de Babel, l’emplacement du site de Babylone ne fut jamais réellement perdu, une partie de celui-ci conservant son ancien nom, Babil. Plusieurs voyageurs venus d’Europe visitèrent ses ruines : Benjamin de Tudèle au XIIe siècle, Pietro della Valle au XVIIe siècle, et au XVIIIe siècle l’abbé de Beauchamp, un diplomate français.
Le premier à y effectuer un travail vraiment scientifique fut le Britannique Claudius James Rich, qui établit au début du XIXe siècle la première cartographie du site, un travail de pionnier dans l’exploration scientifique de la Mésopotamie. Plusieurs de ses compatriotes le suivirent sur place, notamment Austen Henry Layard en 1850 et Henry Rawlinson en 1854, deux des principaux découvreurs de capitales assyriennes. Mais ils y restèrent peu de temps, car le site de Babylone livrait moins de découvertes spectaculaires que ceux du nord de la Mésopotamie. Ce qui explique d’ailleurs pourquoi il resta en marge des principales fouilles de cette période.
En 1852, des Français entreprirent des fouilles sur le site, dirigés par Fulgence Fresnel assisté de Jules Oppert et de Félix Thomas. Les maigres découvertes (des sépultures avant tout), qu’ils accomplirent au cours de fouilles menées dans un contexte difficile, ne purent être rapatriées en France en 1855, car le convoi fluvial les transportant (qui transportait surtout des bas-reliefs assyriens) fut attaqué dans le sud de l’Irak (le Chatt el Arab) par des tribus hostiles et coula.
Le site de Babylone fut régulièrement parcouru par des fouilleurs dans la seconde moitié du XIXe siècle après ces premiers chantiers.
En 1862, le consul français Pacifique-Henri Delaporte y trouva une tombe parthe richement dotée en mobilier archéologique qui fut expédié au Musée du Louvre. Des habitants de la région qui jusqu’alors ramassaient surtout des briques sur place gardèrent alors également les objets anciens qu’ils y trouvaient pour les revendre sur les marchés voisins.
Des fouilles, organisées par des équipes britanniques, dirigées par Hormouzd Rassam dans les années 1870, réussirent néanmoins à rapporter plusieurs objets de choix au British Museum, notamment le cylindre de Cyrus.
Ces fouilles britanniques reprirent de temps en temps sur fond de scandale lié à des soupçons de collusion entre fouilleurs clandestins et Rassam, avant que les Allemands ne s’intéressent également à Babylone à partir de 1897.
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LES FOUILLES DE NIPPOUR.
Le site archéologique de Nouffar sera est repéré par certains des principaux redécouvreurs britanniques des anciens sites mésopotamiens du XIXe siècle : Henry Rawlinson, Austen Henry Layard et William Kennett Loftus.
Les premiers travaux de fouilles sur le site sont entrepris par une équipe d’archéologues de l’Université de Pennsylvanie en 1888, la « Babylonian Expedition », financée par un fonds collecté pour l’occasion auprès de donateurs privés. Nippur est d’ailleurs le premier site mésopotamien fouillé par des archéologues venus des États-Unis. Les premières campagnes sont dirigées par John P. Peters, John Henry Haynes et Hermann Hilprecht, et durent jusqu’en 1900. Ces fouilles se concentrent d’abord sur la zone sacrée du tell oriental, puis sur Tablet Hill, au sud du même tell, ainsi qu’au sud-ouest du tell ouest.
Ces campagnes seront avant tout l’occasion de faire une véritable moisson de tablettes cunéiformes (plus de 30 000)
La publication des découvertes sera faite dans la série des Babylonian Expedition (BE) et dans celle des Publications of the Babylonian Section (PBS). Les trouvailles de cette période seront réparties entre l’Université de Pennsylvanie, et le Musée impérial de Constantinople (aujourd’hui le Musée archéologique d’Istamboul). Une troisième partie sera conservée par Hilprecht et léguée à sa mort à l’Université d’Iéna.
Après une interruption de près d’un demi-siècle, les fouilles reprendront en 1948 sous la direction de Donald E. McCown (en 1948 et 1951-52) et de Richard C. Haines (en 1949-50 et de 1953 à 1962). Les deux chercheurs dirigent une équipe de fouilleurs de l’Université de Chicago associée à l’Institut oriental de Chicago ainsi qu’à l’Université de Pennsylvanie (la « Joint Expedition »).
Les fouilles se concentrent à nouveau sur Tablet Hill et la zone des temples, dégageant notamment le temple d’Inanna et le Temple Nord. Après 1962 la direction des fouilles incombe à l’Université de Chicago seule avec James E. Knudstad (campagnes en 1964-65 et 1966-67), qui entreprend d’explorer la forteresse d’époque parthe et dresse un plan du site.
LES FOUILLES DE NINIVE.
Le site du tell de Kuyunjik, situé juste en face de la ville actuelle de Mossoul, était depuis longtemps connu pour être l’emplacement probable de l’antique Ninive. C’est pour cette raison que lorsque l’explorateur anglais Claudius James Rich se rendit en Irak à la recherche des anciens sites de la Mésopotamie en 1820, il fit une halte en ce lieu, dont il dressa les plans, découvrant au passage quelques sculptures. C’est le premier Européen à avoir retrouvé les traces de Ninive, mais il ne s’agissait pas encore de faire des fouilles.
Les premières prospections sur Kuyunjik furent peu fructueuses, et il fallut un certain temps avant de confirmer l’identification de ce tell comme étant l’acropole de l’ancienne grande capitale assyrienne.
La redécouverte de Ninive fut l’objectif principal des pionniers de l’archéologie du Proche-Orient ancien lorsqu’ils commencèrent à fouiller les sites de l’ancienne Assyrie, en raison de son prestige et de celui des grands rois assyriens dont les noms étaient encore connus par une grande partie de la population de pays comme la Grande-Bretagne ou la France, en raison du poids important de la culture biblique, ce qui explique pourquoi leurs découvertes furent très suivies.
Proches de la grande ville de Mossoul et situés dans un lieu nommé « Ninouwa » par la population locale qui gardait le souvenir de l’ancienne capitale assyrienne, les tells de Nebi Younous (site qu’il s’avéra impossible de fouiller en raison de son caractère sacré) puis de Kuyunjik furent logiquement, en 1842, la première destination du consul français local, Paul-Émile Botta, lorsqu’il tenta de retrouver Ninive. Mais, alors qu’il se trouvait sur le bon emplacement, ses trouvailles furent maigres, et il douta d’être sur le site désiré ; il se déplaça donc de quelques kilomètres plus au nord, à Khorsabad, où les ruines étaient plus apparentes. Il dégagea des monuments dont il pensa quelque temps qu’il s’agissait bien des ruines de Ninive, avant qu’on ne mette en évidence le fait qu’il s’agît de Dour-Sharroukin.
Peu de temps après, en 1847, son ami le jeune archéologue anglais A. H. Layard, qui travaillait déjà sur le site de Nimroud, qu’il pensait de son côté être Ninive, mais qui était en réalité Kalkhou, supervisa les fouilles de Kuyunjik après ses résultats concluants sur son premier site. Après avoir révélé à Londres ses premières découvertes (effectuées surtout à Nimroud), il revint en 1849 à Kuyunjik pour y effectuer des fouilles plus ambitieuses, avec son assistant Hormouzd Rassam. Ils découvrirent le palais de Sennachérib et des centaines de mètres de reliefs sculptés, notamment ceux relatant la prise de Lakish, et une campagne d’Assourbanipal en Élam, ainsi que le premier lot de
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tablettes cunéiformes de Ninive, comprenant une partie de la « Bibliothèque d’Assourbanipal » et des archives des rois assyriens. Ces trouvailles furent envoyées au British Museum, où elles se trouvent actuellement. Avec ces découvertes, il devint progressivement évident que le site de Kuyunjik correspondait à l’antique Ninive, les autres capitales assyriennes ayant également été identifiées dans ces mêmes années grâce au début du déchiffrement de l’akkadien cunéiforme.
Layard quitta par la suite les chantiers de fouilles de Mésopotamie pour se lancer dans une carrière de diplomate, et Henry Rawlinson prit les commandes des expéditions britanniques dans la région. Ce dernier laissa les Français explorer la partie nord du tell de Kuyunjik, alors que le reste était attribué à Rassam, qui s’accommodait peu de cette situation. Il fouilla en secret la partie nord du tell en décembre 1853, et tomba sur une partie du palais nord d’Assourbanipal, où furent mis au jour de nouveaux bas-reliefs, notamment les scènes de chasse au lion de ce roi, ses campagnes contre l’Élam et les Arabes, puis la deuxième partie des tablettes de la Bibliothèque d’Assourbanipal et des archives royales. Ces trouvailles furent donc envoyées à Londres au nez et à la barbe des archéologues français, qui en gardèrent une profonde rancœur contre Rassam.
En 1854, le chantier britannique fut fermé faute de crédits. William Kenneth Loftus reprit ensuite les fouilles du palais d’Assourbanipal d’où les Français avaient été évincés à la suite des découvertes de Rassam, et trouva d’autres bas-reliefs. Ses fouilles sont mal connues, car elles ont été publiées plus d’un siècle plus tard. Les bas-reliefs découverts à ce moment, ainsi que d’autres bas-reliefs de Ninive laissés par Rawlinson aux Français ou vendus au musée de Berlin furent perdus lors d’un naufrage sur le Chatt-el-Arab en mai 1855, accident qui survint à la suite d’une attaque d’un convoi fluvial dirigé par les Français qui y transportaient aussi une grande partie de sculptures provenant de Khorsabad.
LA BIBLIOTHÈQUE D’ASSOURBANIPAL.
La Bibliothèque royale qui porte le nom d’Assourbanipal (-668-627) – le dernier grand roi de l’Assyrie antique –, est une collection de près de vingt-cinq mille tablettes d’argile (la plupart fragmentées) et de fragments contenant toutes sortes de textes du VIIe siècle avant notre ère, principalement rédigés en akkadien cunéiforme. Cette collection est d’une valeur inestimable, car elle représente le fonds de textes littéraires le plus important de la civilisation mésopotamienne. À cause d’un traitement peu soigné du British Museum, une importante partie de la bibliothèque est irréparablement mélangée, empêchant les experts de discerner et reconstruire de nombreux textes authentiques, bien que certains soient restés intacts.
La plus grande partie des textes provenant de la collection personnelle du roi Assourbanipal, l’ensemble du corpus lui a été attribué, mais en fait ces textes constituent un tout disparate, car ils proviennent d’endroits différents du même site.
Assourbanipal, qui avait reçu une éducation de scribe et écrivait en akkadien et en sumérien, avait voulu fonder une bibliothèque qui serve à conserver les textes de toute la connaissance scientifique de son époque et qui serve également d’archives à tous les textes officiels. Il s’intéressait aussi à la façon – indispensable dans l’esprit de l’époque – de communiquer avec les dieux pour bien administrer son royaume et comment prédire l’avenir, ce qui est révélé par les tablettes traitant d’astrologie ou de la façon d’interpréter les entrailles des animaux sacrifiés. Une quantité importante de tablettes traite de prédictions, de présages, de prophéties et de rituels magiques ou cultuels, ainsi que de mythologie. Il envoyait des scribes aux quatre coins du royaume pour rapporter des textes babyloniens et sumériens.
La collection du roi comporte également quantité de textes médicaux, à caractère magique pour la plupart, mais aussi des tablettes traitant de mathématiques, de philosophie ou de philologie. Des textes épiques ou mythiques, comme l’Épopée de Gilgamesh ou l’Enuma Elish revêtent une importance fondamentale pour la compréhension de la civilisation assyrienne. On trouve également des prières, des textes de chants, des documents juridiques (régimes matrimoniaux, divorces, procès, etc.) dont le code d’Hammourabi, des notes administratives ou économiques (contrats, fixation des redevances, organisation de l’agriculture, etc.), des missives, des travaux astronomiques et historiques, des textes à caractère politique, des listes de souverains et des poèmes.
Les textes sont principalement rédigés dans le dialecte assyro-babylonien de la langue akkadienne ou en sumérien. Nombre d’entre eux sont à la fois rédigés en akkadien et en sumérien, y compris les glossaires et les textes à caractère encyclopédique. Un texte devait en principe donner lieu à six copies, ce qui facilite à notre époque le travail de déchiffrage.
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Au cours des âges, l’ancienne capitale d’Assourbanipal tombe en ruines sous les coups des Mèdes et des Babyloniens. La bibliothèque n’est pas pillée, comme il arrive normalement dans de telles circonstances, mais se trouve ensevelie sous les ruines des palais royaux où elle avait été répartie.
L’archéologue anglais Austen Henry Layard en découvre la plus grande partie en 1849 sous les ruines du palais du nord-ouest, au bord de l’Euphrate. L’acolyte de Layard, Hormouz Rassam, découvre la seconde partie, trois ans plus tard, dans la partie opposée du palais. L’ensemble des pièces découvertes est déposé au British Museum, permettant ainsi aux savants du monde entier de les étudier « de première main ». En effet, la civilisation assyrienne n’était connue auparavant que par les textes d’Hérodote et d’autres historiens grecs qui avaient disposé de sources perses.
Le philologue George Smith alors en poste de 1873 à 1874, traduisit en 1872 à partir des premières tablettes ramenées de Ninive un récit relatant une partie du mythe du Déluge issu de l’Épopée de Gilgamesh, et qui eut un grand retentissement en démontrant que la Bible s’était inspirée d’un texte plus ancien. Smith fut financé par le Daily Telegraph pour retrouver une partie manquante du récit du Déluge, entreprise rapidement couronnée de succès. Mais il fut emporté peu après par une maladie contractée dans le nord de l’Irak.
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LA LITTÉRATURE MÉSOPOTAMIENNE.
Les milliers de tablettes en cunéiforme découvertes depuis le 19e siècle dans cette région du monde ont donc permis de se faire une idée plus précise des idées religieuses qu’avaient les hommes de l’époque.
Il n’y a pas vraiment d’unicité dans le style littéraire des textes mythologiques. Comme souvent dans la littérature mésopotamienne les textes longs comprennent plusieurs « genres » aux yeux des lecteurs modernes : des passages narratifs, des dialogues, des louanges à la gloire de la divinité concernée par le texte. Dans la classification littéraire de la Mésopotamie antique (qui apparaît notamment dans les colophons des tablettes), les récits que l’on considère comme mythologiques sont souvent désignés comme relevant du genre des prières et des chants, qui est du reste le seul à avoir fait l’objet d’une véritable distinction en plusieurs genres dans le milieu des lettrés mésopotamiens, sans doute en fonction de la façon dont ils étaient chantés et mis en musique. Certains d’entre eux sont présentés comme des « chants » (chir en sumérien, zamarou en akkadien), par exemple le Lougal-e et l’Atrahasis, d’autres comme des types particuliers de chants sumériens : la Mort de Doumouzi est par exemple une lamentation au tambourin (ér-sem-ma), Doumouzi et Enkimdou est un chant dialogué (bal-bal-e), le Voyage de Ninourta à Eridou est un « chant long » (shir-gida), etc.
Les mythes mésopotamiens connus, dont l’éventuel aspect oral nous échappe, relèvent du domaine de la production littéraire des scribes mésopotamiens. Cette dernière a diverses spécificités. D’abord, les textes que l’on considère comme relevant du domaine des « belles-lettres » (mythes et épopées essentiellement) ne constituent qu’un nombre très limité de textes en quantité par rapport aux textes « techniques » utilisés par le clergé (hymnes et prières religieux, traités de divination, d’exorcisme, etc.) ou les ouvrages lexicographiques.
Ensuite, ces textes sont surtout connus par des copies effectuées dans le cadre de l’apprentissage scolaire de jeunes scribes, notamment dans les écoles de Nippour et d’Our du début du IIe millénaire avant notre ère ; documentant l’essentiel de ce qui est connu de la littérature sumérienne. Ce n’est qu’au Ier millénaire avant notre ère que se développent des bibliothèques à proprement parler, dans des palais (« Bibliothèque d’Assourbanipal » à Ninive), des temples (à Kalkhou, Sippar notamment) ou dans les résidences de membres du clergé (à Sultantepe par exemple). Dans tous les cas, les mythes sont en faible quantité dans leurs lieux de trouvaille ; la célébrité des bibliothèques de Ninive est certes due en grande partie aux textes mythologiques et épiques qui y ont été exhumés au XIXe siècle, mais il ne s’agit que d’une quarantaine de textes sur les trois dizaines de milliers de tablettes qui en proviennent.
Les conditions d’élaboration de ces œuvres sont donc mal connues, de même que leurs auteurs, comme il est de mise pour la littérature mésopotamienne en général. Du reste, il est difficile de parler d’un seul auteur, car les œuvres que l’on connaît sont généralement composites, l’aboutissement de plusieurs travaux de réécriture et de réédition plus ou moins profonds, qui font qu’on dispose de plusieurs versions d’une œuvre au cours du temps, avec la modification de certains passages, voire de sections entières, ou parfois des modifications du sens de l’œuvre. À partir de la seconde moitié du IIe millénaire avant notre ère, les scribes de Babylonie ont cependant procédé à la « canonisation » de plusieurs œuvres majeures, ce qui leur a donné une version stable, qui est celle qui se retrouve dans les bibliothèques du Ier millénaire.
CONTENU DE CES MYTHES.
S’il y a une diversité de présentations dans les détails, si on s’en tient aux généralités les anciens Mésopotamiens ont eu une vision du cosmos reprenant les principes suivants.
L’univers est constitué du Ciel et de la Terre, et également d’autres ensembles, l’Abîme, monde aquatique situé sous Terre, et des Enfers, situés également sous Terre.
L’univers est régi par les dieux, qui assurent l’ordre, fixent les destinées ; les principaux dieux dirigeaient une partie du cosmos.
Les hommes sont destinés à servir les dieux par leur travail, leur fournissant de la nourriture, des boissons et plus largement tout ce qui sert à les entretenir par le biais du culte ; les dieux principaux guident la vie humaine, lui offrant savoirs et techniques, et décidant de ses destinées.
Les mythes de création, généralement considérés comme le socle des systèmes mythologiques antiques, expliquent comment cette cosmologie s’est mise en place. Ceux de Mésopotamie présentent un profil très diversifié, car il n’y avait pas de tradition unifiée, mais la coexistence de
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plusieurs récits, généralement exposés de façon confuse dans des textes qui n’abordent ce sujet que de façon secondaire, comprenant un passage mythologique : introductions d’hymnes ou de chansons, joutes littéraires très prisées des savants sumériens opposant deux entités constituant le monde, ou dans des listes divines, ainsi que dans d’autres types de textes. La coexistence de ces différentes traditions cosmogoniques a été interprétée assez tôt comme le reflet de la division politique qui a été de mise dans le Sud mésopotamien durant la majeure partie du IIIe millénaire avant notre ère et de l’activité des « théologiens » des plus importants centres religieux du Sud mésopotamien (avant tout Eridou, qui était peut-être le plus ancien centre religieux sumérien, et Nippour, qui gagna la primauté) durant ce millénaire et les premiers siècles du suivant.
Le seul mythe de création ancien développé dans un récit est Enki et Ninmah, relatant la création de l’homme. Ce n’est qu’à partir du IIe millénaire avant notre ère avec l’Atrahasis puis l’Épopée de la Création, que les scribes du royaume de Babylone élaborèrent des récits offrant une vision cohérente de la création des dieux, du monde et de l’humanité. Les récits de création antérieurs sont donc reconstitués par les chercheurs modernes par la comparaison de différents textes de nature diverse, connus par peu d’exemplaires (souvent un seul), mais il est possible de dégager une vue d’ensemble des éléments qu’ils évoquent.
Les mythes cosmogoniques mésopotamiens qui traitent de la naissance de l’univers le font à plusieurs reprises par un récit de la séparation du Ciel et de la Terre. Dans le récit épique sumérien de Gilgamesh, Enkidou et les Enfers, le Ciel et la Terre sont les enfants de la déesse primordiale Nammu, et ils sont séparés, An prenant pour lui le Ciel tandis que la Terre revient à Enlil. Dans la tradition de Nippur, c’était Enlil, le dieu souverain, qui était l’acteur de la séparation (par exemple dans le Chant de la houe, composition scolaire hétéroclite). Dans l’introduction du mythe Enki et Ninmah, la séparation est évoquée sans qu’on mentionne qui la provoque. D’autres textes enfin se contentent d’évoquer la création du monde sans même parler d’une séparation du Ciel et de la Terre se contentant de la mettre à l’actif de la grande triade divine sumérienne : An, Enlil et Enki. L’Épopée de la Création babylonienne présente quant à elle une formation du monde en plusieurs étapes, la principale mise en ordre étant faite par Mardouk à partir de la dépouille de la déesse primordiale Tiamat (voir plus bas).
La création de l’homme.
La création de l’homme ne se comprend pas sans leur fonction, qui est voulue par les dieux : les servir, avant tout en travaillant pour leur entretien alimentaire. Mais cette création en elle-même ne saurait suffire, il faut fournir un cadre institutionnel, naturel, culturel et technique à cette création pour lui permettre de jouer son rôle.
La création de l’être humain est le thème principal du mythe Enki et Ninmah. Celui-ci débute par la création du monde et le peuplement initial de la Terre par les dieux, qui s’unissent et prolifèrent, jusqu’à devoir produire leur propre nourriture pour survivre, ce qui les déplaît au plus haut point. Ils s’en plaignent donc auprès de la déesse Namma, qui sollicite son fils Enki pour qu’il élabore des substituts aux dieux qui travailleraient à leur place et à leur profit. Enki confectionna un moule, puis le donna à sa mère afin qu’elle y place de l’argile formant les êtres humains, qui prirent vie grâce à l’aide d’un groupe de déesses au premier rang desquelles se trouvait Ninmah, qui leur assigne leur destin de travailler pour les dieux. La façon exacte dont les hommes prennent vie n’est pas connue, le texte parvenu jusqu’à nos jours étant fragmentaire à l’endroit où cela est peut-être évoqué.
Il semble qu’il ait coexisté avec la tradition faisant d’Enki le créateur de l’homme une autre qui attribuait cette action à Enlil. Le Chant de la houe, qui semble renvoyer à un fonds mythologique de Nippur, raconte ainsi que ce dieu créa l’homme en prenant de l’argile avec la houe (sujet principal du texte) pour le placer dans un moule d’où sortit le premier des hommes.
Un autre mythe daté du début du IIe millénaire avant notre ère, en version bilingue akkadien-sumérien, fait également d’Enlil le créateur des hommes, nés grâce au sang de deux divinités exécutées. Le rôle du sang divin comme animateur des humains formés à partir de figurines d’argile confectionnées par les dieux se retrouve dans les versions de la création de l’homme présentes dans l’Atrahasis et l’Épopée de la Création. Dans le premier cas, c’est Éa qui le crée grâce au sacrifice du dieu nommé Wê, tandis que dans le second c’est l’œuvre de Mardouk, qui sacrifie le dieu Qingou, un de ceux qu’il a vaincus lors de son combat contre Tiamat. La Genèse d’Eridu devait également relater les origines de l’humanité dans sa version originale, mais cette partie est perdue.
Le mythe du Déluge occupe une place à part dans la tradition mythologique mésopotamienne en raison de sa résonance dans la tradition occidentale, pour laquelle il renvoie au récit biblique. Comme pour bien d’autres mythes originels, il se décline en différentes versions, très similaires, ce qui rend plausible le fait que le texte le plus ancien ait servi d’inspiration aux autres. En l’état actuel des connaissances, cette première mouture serait celle de l’Atrahasis, récit en akkadien remontant au moins au XVIIIe siècle avant notre ère, où il prend place dans une vaste composition relatant
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également la création du monde et de l’homme. La catastrophe est entraînée par la volonté d’Enlil, roi des dieux, excédé comme beaucoup de ses semblables par la prolifération des hommes et le vacarme qu’elle provoque. Il déchaîne d’abord contre eux une épidémie puis une sécheresse provoquant une famine afin de réduire leur nombre, en vain. Il décide donc d’une solution sans retour : l’anéantissement par le Déluge. Éa décide alors de protéger l’être humain, sa création, en prévenant le plus sage de ses dévots, Atrahasis (le « Supersage »), qui construit suivant ses instructions une arche permettant de sauver son espèce et les autres. L’orage et les précipitations déclenchés par Enlil durant sept jours et sept nuits inondent la totalité de la Terre, décimant les humains, seuls le Supersage et ses proches survivent. Une fois les eaux parties, le Supersage pose le pied sur le sol et offre un sacrifice aux dieux, qui ont eu le temps de se repentir de la catastrophe. Enlil entre d’abord en fureur en voyant que ses plans ont été contrecarrés par Éa, mais après un plaidoyer de ce dernier il se ravise, à la condition que les humains soient désormais confrontés à la mort et à l’infertilité, jusqu’alors inconnues, de façon à éviter toute surpopulation.
La civilisation mésopotamienne est souvent présentée sous un aspect duel, comme composée de deux grands groupes de populations.
Premier groupe les Sumériens, vivant dans l’extrême Sud de la Mésopotamie et parlant une langue sans parenté connue, ont joué un rôle déterminant dans les périodes archaïques, posant les bases de la civilisation mésopotamienne avant de disparaître quelque part entre la fin du IIIe millénaire et le début du IIe millénaire, toujours avant notre ère.
Second groupe, des populations parlant une langue sémitique, que l’on qualifie d'« Akkadiens » quand il s’agit des périodes anciennes durant lesquelles ils cohabitent avec les Sumériens dans le sud de la Mésopotamie. À partir de la seconde moitié du IIe millénaire avant notre ère ils seront divisés en deux grands royaumes, Babylone au sud et l’Assyrie au nord.
Les mythes sumériens sont plus nombreux, et généralement considérés comme reflétant un état plus ancien de la religion mésopotamienne, qui a gardé une influence déterminante sur la suite, les scribes akkadiens (surtout babyloniens) ayant puisé dans cette matière pour élaborer leurs propres mythes. Les thèmes sont similaires, les dieux sont pour la plupart les mêmes, parfois avec des noms différents (Enki/Eao, Inanna/Ishtar, Nana/Sin) ou sont des nouveaux venus comme Nergal et surtout Mardouk. Il peut s’agir d’adaptations fortement remaniées comme dans le cas de la version akkadienne de la Descente d’Ishtar aux Enfers. Les compositions babyloniennes comme l’Atrahasis et l’Épopée de la Création (ou l’Épopée de Gilgamesh dans la catégorie épique) se caractérisent par une plus grande ambition, donnant une vision plus large et cohérente du monde et du destin des hommes en combinant plusieurs thèmes mythologiques généralement issus du fonds mythologique archaïque.
La situation est cependant complexe et ne peut être généralisée à tous les mythes. Peu de mythes sont connus pour les périodes archaïques, durant lesquelles le sumérien était encore une langue vivante, car les tablettes de ces époques sont très fragmentaires et difficiles à comprendre. La plupart des mythes « sumériens », qui sont connus sont en fait issus d’un contexte dans lequel le sumérien était manifestement une langue morte ou en passe de le devenir, et était surtout pratiquée dans le milieu des lettrés. C’est le cas par exemple des nombreuses tablettes des premiers siècles du IIe millénaire avant notre ère, trouvées dans les cités de l’antique pays de Sumer, où les traditions lettrées de ce pays étaient encore vivaces. Il est souvent difficile de savoir l’origine exacte de ces mythes, s’ils sont issus de mythes sumériens plus anciens ou sont des créations plus récentes.
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LES SÉMITES ORGANISÉS EN CITÉS ÉTATS.
Vers 2700 avant notre ère des tribus sémites s’installent progressivement à Sumer. Les Sumériens disparaissent progressivement, absorbés par ces Sémites sortis d’Arabie, les Akkadiens, plus nombreux et plus vigoureux.
Vers – 2500 les Akkadiens s’imposent à la population. La notion d’empire voit le jour. On ne parlera plus alors le sumérien : l’akkadien, puis l’assyro-babylonien, le remplaceront.
Religion et croyances sumériennes survécurent cependant, et la langue sumérienne resta pendant longtemps la langue de la science, des affaires, du droit, ainsi que la langue sacrée de la religion des prêtres de Babylone (ce fut en quelque sorte leur latin à eux).
En tant que langue littéraire, elle resta en usage jusqu’à la disparition définitive de l’écriture cunéiforme.
La religion mésopotamienne ultérieure fut donc suméro-akkadienne et apparentée aux autres peuples sémites de la région : Cananéens, Phéniciens, Hébreux, Araméens, Arabes…
— 2371 avant notre ère.
Celui qui deviendra le grand roi mésopotamien Sargon est retrouvé peu de temps après sa naissance, abandonné dans un panier flottant sur l’Euphrate, et sera élevé par le jardinier Akki, puis deviendra l’échanson du roi de Kis, grâce à l’intervention de la déesse-ou-démone Ishtar.
Cette histoire sera reprise dans la Bible pour Moïse : c’est bien entendu et dans les deux cas (Sargon et Moïse) une légende.
— 2340 – 2284. Sargon devient le roi incontesté de la région du Moyen Euphrate et fonde la ville d’Akkad. Conquérant par tempérament, il étend son pouvoir du golfe persique à la Méditerranée. Ne se contentant pas d’être le représentant des dieu-ou-démons, il prétend être l’égal de ceux-ci. L’empire qu’il avait érigé s’effondre vers 2200.
Sous le règne d’Hammourabi (–1792 – 1750), Babylone connaît alors son premier apogée. C’est le centre politique de l’empire mésopotamien méridional. Cela durera de – 1894 à – 1594. Hammourabi fait construire des temples pour les dieu-ou-démons, creuser des canaux d’irrigation, et favorise l’essor du commerce et de l’industrie (de l’époque.) Contrairement à Sargon, il ne se prend pas pour un dieu-ou-démon et applique une politique de bon père de famille en souhaitant avant tout que la paix règne, ainsi que la justice sociale (une sorte de roi Salomon !)
La première des morales. 150 ou 200 ans avant les dix commandements de Moïse, le « décalogue » d’Hammourabi.
Rédigé en caractères cunéiformes et en langue babylonienne, il contient, intercalé entre un prologue glorieux et un épilogue chargé de malédictions pour les violateurs, le texte de près de trois cents lois. N.B. En fait 282 commandements et non 10. Ce décalogue n’était pas simpliste.
Peu de monuments nous sont parvenus de l’époque d’Hammourabi, qui représente pourtant un sommet dans la civilisation de l’Asie occidentale. À bien des égards, le plus remarquable est le Code d’Hammourabi. Gravé sur un bloc de diorite pour le temple de Sippar, il fut pris comme trophée, au cours d’invasions en Babylonie, par le roi d’Élam, Shoutrouk-Nakhounté et transporté dans sa capitale ; où les fouilles modernes de Suse en 1902 l’ont exhumé.
Ce bloc de diorite noire gravé a la forme d’une stèle, arrondie au sommet, et a une hauteur totale de 2,25 m.
Dans sa partie supérieure, un bas-relief montre le roi debout, une main levée, coiffé d’une calotte ronde, vêtu d’une longue étoffe : il se tient devant Shamash, le dieu-ou-démon du Soleil et de la Justice, assis sur son trône.
Toute la partie inférieure du bloc est occupée par la gravure d’un long texte tripartite qui commence par un prologue où Hammourabi dit sa gloire et énumère ses conquêtes.
La partie suivante, strictement législative, se compose de 282 « articles » répartis en matières qui se succèdent dans un ordre pour le moins déroutant. On trouve ainsi, à la suite les uns des autres ; des chapitres consacrés au faux témoignage, au vol, aux domaines royaux, au travail agricole, aux locaux d’habitation, au commerce, aux dépôts et dettes, à la femme et à la famille, aux coups et blessures, et ainsi de suite.
Un épilogue clôt le document par une sorte de testament dans lequel Hammourabi invite ses successeurs à suivre son exemple et à observer les mêmes principes d’équité et de justice.
Bien que les pays de Sumer et d’Akkad n’aient pas manqué de « textes » législatifs antérieurs à celui d’Hammourabi ; le code qui porte son nom représente un système de réglementation étonnant dans la mesure où il pourrait, à quelques exceptions près, s’appliquer aux principales catégories de n’importe quelle législation moderne. Droit public, droit privé ainsi que droit pénal y sont successivement abordés. Un certain ordre peut se reconnaître dans la succession de ces articles de loi : charmes et
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sorts, espèces de vols, condition et obligations des fonctionnaires, cultures, contrats commerciaux, famille, coups et blessures, médecins, architectes et bateliers, animaux, esclaves et propriété rurale.
Ainsi que nous l’avons dit ce n’est pas la plus ancienne législation mésopotamienne connue, car ce texte le plus souvent, ne fait que rappeler ce qui était déjà obligatoire depuis longtemps dans le pays. Le Code d’Hammourabi ne fait que reprendre les règles de la tradition sumérienne, qui s’appliqueront à la société babylonienne, sous une forme plus ou moins renouvelée.
Le Code d’Hammourabi détermine pour un certain nombre de situations les peines encourues.
Il existe toute une gradation des dommages-intérêts. Les recours à la peine de mort et à la loi du talion sont strictement réglementés. Les délits moins graves sont punis d’une amende.
La paix publique est assurée par la répression du brigandage. Les délégués du roi, en particulier les officiers, font l’objet, tant pour leurs personnes que pour leurs biens, d’une protection particulière. Une protection analogue est accordée aux propriétés du roi et des dieu-ou-démons. En matière de droit privé, la loi définit avec précision les droits de la femme et s’attache à la défendre contre l’arbitraire.
Le Code d’Hammourabi apparaît donc comme une étape juridique majeure, mais rien ne permet d’affirmer qu’elle soit le fait de ce monarque, et il ne constitue pas en soi un corpus exhaustif. Ce code est cependant demeuré célèbre pour sa longueur et l’élégance de son style. Il semble couronner un long et glorieux règne et servit de modèle littéraire dans les écoles de scribes pendant plus de mille ans.
La législation sociale.
C’est la partie la plus originale, de l’œuvre juridique d’Hammourabi. Elle comporte deux éléments essentiels : la fixation des salaires et la reconnaissance de la responsabilité professionnelle.
L’État intervient directement pour tarifer les honoraires, salaires ou prix de location suivant les cas. Les honoraires des médecins ou vétérinaires varient selon que les soins donnés s’adressent à un homme libre, à un esclave ou à des animaux. La loi tarife officiellement la journée de travail, les prix payables soit en nature soit en espèces variant selon le travail effectué.
La loi introduit le principe fondamental de la responsabilité professionnelle. Sont ainsi personnellement responsables ; le médecin – qui cause la mort de son malade ou le rend invalide – l’architecte qui a construit une maison – lorsque cette maison en s’écroulant provoque la mort du propriétaire – ; l’homme qui, ayant pris en location un animal de travail, le fait, ou le laisse mourir ; et enfin le batelier qui, par sa faute, cause le naufrage de l’embarcation dont il a la charge.
« Si un homme a loué sa barque à un batelier et qu’il l’a par négligence, coulée ou perdue, il la remplacera à son propriétaire ».
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MYTHOLOGIE ET PANTHÉON.
La création du monde a d’abord été imaginée en termes de procréation et non de fabrication. Sous le nom d’Inanna chez les Sumériens (Ishtar chez les Akkadiens) la Déesse-ou-démone Mère en formait la figure centrale, avant d’être refoulée dans les civilisations patriarcales au rang de divinité infernale et maléfique.
Le chaos dans le mythe hébreu de la Genèse est appelé Tohu-Bohu. Le Bohu (ou Béhémot) est un monstre terrestre et le Tohu (Téhom) un monstre marin. Son nom est à rapprocher du nom de la Déesse-ou-démone Mère babylonienne, Tiamat.
Mardouk, Baal, El ou les Élohim, commencent donc toujours par combattre l’eau, identifiée par les Hébreux à un monstre : Léviathan, Rahab, le grand Dragon.
La créatrice qu’ils supplantent est une déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère, de la fécondité, c’est-à-dire une déesse-ou-démone ou fée, de l’eau.
Bien que la déesse-ou-démone, ou fée, Inanna puis Astarté (Ashérah), ait encore été vénérée par les Hébreux avant que l’ultra-sexisme du culte de YHWH ne la frappe de malédiction, la femme reste nettement, dans le récit biblique de la Création, symbole de désordre.
Le mythe de la création « directe » par Dieu ou le Démiurge, du premier homme, avec de l’argile, est attesté dans l’épopée d’Atra Hasis, datée de 1635 avant notre ère.
En voici le résumé.
Avant l’apparition de l’homme sur la terre, le monde des Élohim (dieux) est à l’image de l’Humanité. Il existe une hiérarchie : les grands dieu-ou-démons et les jeunes dieu-ou-démons. Les jeunes dieu-ou-démons sont chargés de travailler comme des esclaves. Un jour ils se révoltent, brûlent leurs instruments et se mettent en grève.
Le grand dieu-ou-démon Enki comprend la détresse des jeunes dieu-ou-démons et décide de créer l’homme pour supporter le labeur qui était jusqu’alors le leur.
« Enki prit la parole,
Et dit aux grands dieux :
Puisque Belet-ili, la sage-femme, est là,
Qu’elle nous fabrique un homme, un être humain,
Et qu’il assume ce fardeau !
Laissez-moi décréter une purification, un bain de lustration.
Les premier, septième, et quinzième jours du mois,
Qu’on abatte un dieu
Que Nintou mélange de l’argile avec sa chair et son sang
Qu’homme et dieu soient bien mélangés dans cette argile.
De la chair de ce dieu laissons l’esprit subsister…
Ils sacrifièrent Aw-ilou……
Ensuite Nintou mélangea de l’argile à sa chair et à son sang.
De la chair du dieu l’esprit subsista ».
Le mythe suméro-babylonien est donc intellectuellement plus honnête que le mythe biblique, l’homme n’a pas été créé on ne sait pourquoi (par amour disent les chrétiens), mais afin de travailler pour les dieux (pour adorer et prier Dieu disent les chrétiens).
Dans la Genèse babylonienne que l’on appelle I’Enuma Elish, où le Dieu El remporte la victoire sur la Déesse-ou-démone Mère Tiamat, la déesse-ou-démone, ou fée, Arourou, se sert aussi de sang, du sang d’El, pétri avec de l’argile, pour former l’Homme. En voici le résumé.
Arourou, déesse-ou-démone, ou fée, de l’amour, façonne avec de l’argile un homme appelé Enkidou, qui vit en osmose avec la nature, recherchant la compagnie des gazelles, et jouant avec les dauphins. Une prostituée sacrée envoyée par Gilgamesh parvient à l’éloigner de son milieu naturel, l’attire à la cour des dieu-ou-démons (des Élohim) et le civilise. Dès lors les créatures sauvages l’éviteront. Gilgamesh, dont Enkidou est devenu entre-temps le frère de sang, essaiera de lui procurer l’herbe de vie. Il la découvrira, mais un serpent la lui volera et condamnera ainsi Enkidou à rester mortel.
Le mythe du Paradis terrestre perdu est donc attesté dans cette Épopée datant d’environ – 2000, autrement dit plusieurs siècles avant la mise par écrit de la première partie de la Bible, le
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Pentateuque ; qui aurait été à en croire la tradition, juive d’abord, puis aussi chrétienne, écrit par Moïse, ou Josué, c’est-à-dire entre -1400 et – 1250 (c’est une fourchette). Nous n’en dirons pas plus si ce n’est que pour préciser que pour ce qui est de l’épopée babylonienne en question nous parlons bien de la date de sa composition, pas de celle des événements, supposés, qu’elle relate…
La différence avec le récit biblique c’est que la vie est symbolisée dans ce récit par du sang divin ou par l’esprit d’un dieu et non par un souffle, même divin lui aussi. Ce qui est comme reconnaître une sorte de parenté entre l’Homme et les Élohim ou les dieux-ou-démons. (Ne dit-on pas couramment que l’Homme est mi-ange mi-bête ?)
L’autre grand apport des Babyloniens, est d’avoir contribué comme nous l’avons déjà vu, à transmettre à notre folklore la notion de déluge universel qu’ils tenaient des Sumériens.
Épopée de Gilgamesh : onzième tablette. Outnapichtim répondit à Gilgamesh en ces termes : « Gilgamesh, je voudrais te révéler une chose cachée, je vais te dire le secret des dieux […] Laisse tes richesses, occupe-toi de ce qui vit, renonce aux possessions, sauve ce qui vit, fais monter à l’intérieur du bateau un rejeton de tout être vivant. Quant au bateau que tu construiras, que ses dimensions se correspondent entre elles : égales en seront la largeur et la longueur ; et mets-le à la mer […] Tout ce que j’avais comme êtres vivants, je l’en chargeai, je fis monter sur le bateau les parents et les familles, les animaux domestiques et sauvages et les Justes […] Pendant six jours et six nuits, le vent souffla, l’orage et la tempête submergèrent le pays […]. C’est au mont Niçir que le bateau accosta. Le mont Niçir retint le bateau et ne le laissa plus bouger […] Quand arriva le septième jour, je fis sortir une colombe et la laissai aller : la colombe s’en alla, s’élança, mais aucun perchoir ne lui apparaissant, elle fit demi-tour. Je fis sortir une hirondelle et la laissai aller, l’hirondelle s’en alla, s’élança, mais aucun perchoir ne lui apparaissant, elle fit demi-tour, alors je fis sortir le corbeau et le laissai aller ; le corbeau s’en alla et, voyant les eaux s’écouler ; il se posa pour manger, voligea ici et là et ne fit point demi-tour. Alors je fis tout sortir aux quatre vents, et j’offris un sacrifice, je fis une libation au sommet de la montagne. Je disposais en vis-à-vis sept et sept récipients, au creux desquels je versai acore, cèdre et encens : les dieu-ou-démons en flairèrent la bonne odeur ».
Les archéologues ont trouvé en Asie Mineure des traductions de l’épopée de Gilgamesh en hourrite et en hittite, ce qui prouve que le texte a été traduit et pastiché un peu partout ; et que la similitude avec la Bible n’est donc pas le fruit du hasard.
Chez les Sémites occidentaux, à Ougarit par exemple, en Syrie, le grand dieu-ou-démon supérieur El était entouré de fils ou d’étoiles. La ville d’Ougarit abritait également les temples de Baal et de Dagon, et probablement d’autres. Les grands temples, possédant des troupeaux et des dépôts d’huile ou de vin, ont évidemment laissé plus de traces que les petits sanctuaires des cultes populaires. Le roi et la reine présidaient au culte d’État et participaient activement aux rituels, aux fêtes ou aux prières, pour assurer la protection de la ville. Les fonctionnaires religieux appelés qdshm (ce qui correspond à l’hébreu kaddish) et les prêtres appelés khnm (ce qui correspond à l’hébreu cohen) étaient préposés aux temples et aux cérémonies du culte.
La mythologie ougaritique s’occupe essentiellement des conflits de souveraineté entre El et Baal, et entre celui-ci et ses adversaires. Parmi ces conflits, l’un des plus connus est le combat entre Baal et la divinité aquatique Yamm, représentée tantôt comme un être humain, tantôt comme un monstre marin. Encouragé par son père El, Yamm s’apprête à chasser Baal de son trône, mais celui-ci, à l’aide d’armes magiques fabriquées par Kothar le forgeron divin, finira par emporter le duel. Le combat rappelle évidemment la défaite du monstre marin Tiamat vaincu par le dieu-ou-démon mésopotamien Mardouk, selon la quatrième tablette de la Genèse babylonienne appelée Enuma Elish ; ainsi que la victoire de Yhwh sur la mer dans certains Psaumes et dans Job 26,5 -13.
Le culte cananéen, tel que l’on peut le reconstituer d’après les figurines de métal et de terre cuite, se concentrait sur des couples divins. El et Ashérah ou Astarté, souverains de l’autre monde, Baal et Anath leurs enfants, souverains de ce monde ci. Chez les Hébreux l’expression « béné Élohim » désignait aussi le grand dieu-ou-démon cananéen entouré de ses fils, les autres dieu-ou-démons.
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PREMIER AVERTISSEMENT AUX LECTEURS.
La religion des anciens Hébreux TELS QU’ILS APPARAISSENT DANS LA BIBLE n’est évidemment pas un monothéisme, mais un hénothéisme. Et encore ! La Bible nous montre à maintes reprises pour les maudire les ridiculiser ou les stigmatiser, des Hébreux ou des juifs adorant d’autres dieux.
Les anciens Hébreux TELS QUE DÉCRITS DANS LA BIBLE croyaient bien entendu en l’existence d’autres dieux que leur dieu tribal à eux.
Ils croyaient en l’existence d’autant de dieux (élohim) qu’il y avait de peuples. Un dieu pour chaque peuple (= les élohim).
Deutéronome 32, 8 : « Quand le Très-Haut (Eliôn) donna aux nations leur patrimoine, quand il sépara les fils de l’Homme, il fixa le territoire des peuples suivant le nombre des fils d’Israël ».
Autres manuscrits ou versions anciennes : « Quand le Très-Haut (Eliôn) donna aux nations leur patrimoine, quand il sépara les fils de l’Homme, il fixa le territoire des peuples suivant le nombre des fils de Dieu »
La Septante dit : « suivant le nombre des anges » et les manuscrits de Qumran : « suivant le nombre des fils de Dieu ».
Ces deux formulations différentes de la fin du verset 8 suggèrent l’existence d’autres divinités dont les Massorètes ont gommé la mention.
Il existe plusieurs mentions d’Ashéra, la parèdre associée à Yahvé : des inscriptions de Kountillet Ajroud (Sinaï) et datant du 8e siècle avant notre ère disent : « Je vous ai bénis par Yahvé de Samarie et son Ashéra » ou « Je vous ai bénis par Yahvé notre gardien et son Ashéra »
On a aussi la mention « Yahvé et son Ashera » sur une inscription datant des environs de l’an 600 avant notre ère, trouvée dans la région de la Shfelah (royaume de Juda).
La seule chose c’est que certains de ces Hébreux exigeaient des membres de leur peuple qu’ils n’adorent que leur dieu à eux (= monolâtrie).
Le plus grave des crimes était en effet pour eux d’adorer un autre dieu que celui de leur tribu. Exode 20,3 : Tu n’auras pas d’autre Dieu devant ma face.
Notons à ce sujet que les 5 premiers livres ou Torah ou Pentateuque de la Bible n’ont rien d’historique, ce ne sont que des légendes au sens étymologique du terme (ce qu’il faut lire).
Notons également que la science historique ou l’archéologie sont très sceptiques sur la suite et notamment l’histoire de la conquête de la Terre Promise. Le premier de ses personnages ayant réellement existé étant apparemment le grand ou petit roi appelé David (et par conséquent son fils Salomon, un demi-juif né de sa liaison avec une princesse probablement hittite donc aryenne nommée Bethsabée). Là aussi entouré de toute une nuée de légendes.
Il faudra l’exil à Babylone pour que les intellectuels de leur dernière tribu subsistante, celle de Juda, admettent peu à peu l’idée qu’il ne pouvait y avoir qu’un seul dieu régnant sur l’univers ; et que le dieu qui veillait sur leur peuple devait aussi par conséquent régner sur les autres. Qu’il ne pouvait que s’agir d’un seul et même dieu, valable pour tout le monde.
Toute la question devint alors pour eux « Que doit faire ce dieu unique vis-à-vis des autres peuples ? » La réponse apportée à cette question notamment par l’eschatologie juive ne fut d’ailleurs jamais très homogène.
Notons enfin que la dernière évolution des idées qui aboutira au judaïsme actuel fut celle qui survint à la suite d’un événement historique quelque peu similaire à cet exil à Babylone, la fin de l’État juif semi-indépendant toléré par les Romains jusqu’en l’an 70 de notre ère, épisode communément appelé « Destruction du second Temple ».
Elle fut le fait du grand rabbin pharisien Yohanan ben Zakkaï installé à Yabné. L’écrasement de la dernière révolte juive, celle de Bar Kochba, et la destruction de sa capitale Jérusalem, en 135, fit de cette école rabbinique pharisienne de Yabneh la seule source de légitimité religieuse possible de la diaspora juive qui s’ensuivit.
Mais revenons maintenant à la religion des anciens Hébreux.
L’histoire des Hébreux et donc de leur religion ou de leurs religions AU PLURIEL n’est historiquement assurée qu’à partir de ce qu’il est convenu d’appeler la « Conquête de la terre promise » et de son archéologie (qui ne montre d’ailleurs aucune rupture entre la civilisation cananéenne et celle des Hébreux).
La population israélite en Canaan voit ensuite sa principale concentration se déplacer plus au nord, dans la région de Sichem-Tirça. Tell el-Far'ah (Tirça), est inoccupée à l’âge du Fer I. À l’époque de transition du Fer I récent au Fer II A ancien (de -950 environ jusque vers -900), elle n’est occupée que sur une étendue relativement petite (1ha dans la couche VII a, secteur ouest, sur un monticule) et
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n’est pas fortifiée. Cependant, étant donné le nombre relativement élevé de sceaux qui ont été mis au jour (dans la couche VII a, c’est-à-dire dans la période considérée), on peut y supposer l’existence d’un appareil bureaucratique. Tirça, présentée comme la capitale d’Israël à ses débuts dans le texte biblique, sert effectivement, semble-t-il, à l’époque, de capitale du Royaume des Omrides. Quant à l’étendue du territoire que cet appareil administratif contrôle, un certain parallèle existe avec celui couvert par la coalition autour de Sichem à l’époque des Lettres d’Amarna. Dans les deux cas, il faut noter que le territoire contrôlé est vaste alors que, pourtant, il n’est gouverné qu’à partir d’une petite cité, sans aucune architecture monumentale, sans fortifications et sans centre administratif développé. Un tel système, paradoxal, n’est pourtant pas exceptionnel : il est même assez constant à cette époque (on le trouve notamment à Sichem au Bronze récent, et à Gabaon 1) ou Gibéa à l’Âge du Fer I récent). On peut y songer quant à l’organisation de Jérusalem, site dans lequel les fouilles n’ont mis au jour, pour cette époque, aucune architecture monumentale, aucune fortification d’importance, ni aucune trace d’appareil administratif. Puis l’influence de Tirça déclinera progressivement et sera remplacée par celle de Samarie, la cité d’Omri, avec une fonction administrative importante, un palais, une vaste esplanade et un grand mur en casemates. L’archéologie montrera alors l’organisation d’un État véritable, avec des constructions monumentales et une administration centralisée.
L’histoire de ce peuple est jalonnée de scissions, de guerres civiles et de défaites face à ses puissants voisins du sud ou du nord. À partir du VI siècle avant notre ère, le royaume d’Israël perd son indépendance. Il est intégré dans différents empires (babylonien, perse, grec séleucide, romain). Il sera rayé de la carte après une défaite catastrophique, lors d’une révolte contre les Romains en 70.
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LES HÉBREUX MYTHIQUES.
Commençons par la réalité de terrain. Ainsi que nous avons eu l’occasion de le voir avec Israël Finkelstein et Thomas Römer, Abraham n’est pas le premier patriarche de référence ce serait plutôt Jacob (à tout le moins pour les 10 tribus du nord) et le séjour en Égypte suivi d’un exode de quarante ans dans le désert n’a jamais eu lieu. Les premiers habitants du royaume d’Israël et de Juda sont des Cananéens ayant connu une évolution cultuelle et culturelle les ayant séparés des populations environnantes autour de moins mil avant notre ère (non-consommation de porc).
Parmi les populations en question il y a lieu de mentionner les Phéniciens et les Philistins dans les cités côtières de Gaza Ascalon Ashdod Eqrôn.
Les ancêtres des Israélites semblent avoir été des pasteurs nomadisant sur les hautes terres de Samarie Galilée et Judée. L’absence d’écriture caractéristique ne permet pas d’en dire plus.
L’évolution des conceptions de dieu a, bien entendu, suivi l’évolution sociale et politique des peuples en question. Il s’agissait d’époques différentes et parfois de peuples différents qui se revendiquaient tous du peuple hébreu. Ce peuple est passé sur cette longue période du nomadisme à la sédentarité, de l’élevage à l’agriculture et de l’ethnisme à l’État… Ceux qui croient que la religion ne s’en est pas trouvée modifiée se trompent. D’ailleurs, il n’y a jamais eu une seule religion des Hébreux, mais plusieurs, suivant les régions.
Yahvé, El et Adonaï sont les trois principaux noms du Dieu des textes bibliques et sont des dieux différents à l’origine.
Le dieu Yahvé des Israélites et Madianites était en fait un dieu adoré par de nombreux Sémites : la plus ancienne référence est un texte d’Ougarit, datant du 14e siècle avant notre ère, et qui dit que le dieu EL avait un fils appelé YaW. Mais il est possible que ce YaW ne soit qu’une déformation de YaM, le dieu de la mer des Cananéens.
À cette époque existait dans le sud de la Jordanie, en Transjordanie, une zone semi-aride faite de déserts et d’oasis, où vivait un peuple de Bédouins, les Shassous. De surcroît, ce lieu est très connu de la première parte de la Bible, le Pentateuque, puisque c’est ici, que le texte inventé sous le règne du roi Josias (-639 -609) et faussement attribué à Moïse (première imposture) place le pays de Madian, que ce pseudo-Moïse aurait rencontré le dieu des Hébreux sous la forme d’un buisson ardent et qu’il lui aurait trouvé un nom en faisant un jeu de mots sur la racine h-y-h signifiant ???? les avis divergent,
Julius Wellhausen suggère « celui qui souffle, celui qui fait venir le vent », le tout prononcé Yah Yaho Yahvé etc. Yhwh = je suis, étant une autre « innovation » théologique du temps de Josias, fondée sur un jeu de mots avec la vieille racine sémitique signifiant “être, exister” en hébreu. Le prouve a contrario l’exploitation des papyrus trouvés lors des fouilles de la colonie militaire juive égyptienne d’Éléphantine près d’Assouan. Le tétragramme y est inconnu, on n’y connaît que le trigramme Y H W, Yaho y a une parèdre (Anath) et deux autres dieux Herem Bethel, et Asham Bethel, sont d’ailleurs adorés dans leur temple.
Or, il est intéressant de relever que les Égyptiens désignaient ce même pays de Madian comme étant le « pays de YHW » (prononcé Yahwou ou Yahou). Ces Bédouins Shassous adoraient en effet eux aussi un dieu du nom de YHW. Pas besoin de faire de la linguistique pour remarquer que ce nom ressemble étrangement à celui de Yahvé qui s’écrit en hébreu, ne l’oublions pas, YHW ou YHWH.
Yahweh est donc une divinité ouest-sémitique du Proche-Orient ancien. Elle est plus particulièrement privilégiée par certains des anciens Israélites. Par les inscriptions, on connaît ainsi un Yahweh du Sud, un Yahweh de Samarie et un Yahweh de Jérusalem. Ce Yahweh est fréquemment mentionné avec son Ashéra c’est-à-dire sa déesse parèdre.
Dans la Bible hébraïque que l’on connaît aujourd’hui, YHVH est présenté comme le dieu national des Enfants d’Israël, mais le passage du Yahweh, dieu d’un panthéon polythéiste à un dieu unique définissant le monothéisme, ne s’est pas fait d’un seul coup sur le mont Sinaï. Il fut l’objet d’un long conflit à l’intérieur même du peuple d’Israël entre le monothéisme et le polythéisme.
La Bible actuelle relate sans le vouloir et en quelque sorte à son corps défendant les allées et venues incessantes entre les deux.
Il est devenu classique depuis Jean Astruc (1684-1766) de distinguer dans le texte qui est parvenu jusqu’à nous 4 types de récits, le yahviste et l’élohiste mais aussi ajoute-t-on aujourd’hui le deutéronomiste et le sacerdotal. Pour nous en tenir aux deux premiers que Jean Astruc a identifiés, n’oublions pas qu’Élohim est un pluriel désignant « plusieurs dieux » et c’est une conception de la divinité suprême toute différente de celle qui met en avant le dieu du Sinaï et son trigramme ou tétragramme.
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Nous avons déjà vu avec les papyrus des Juifs d’Éléphantine que le culte de Yahweh cohabitait encore avec d’autres cultes au 4e siècle avant notre ère, mais il en va de même avec la mise au jour d’inscriptions à Kountillet Ajroud et de Khirbet el Qom qui mentionnent l’adoration d’autres dieux en même temps que Yahweh chez le peuple hébreu.
Même en ne tenant compte que du faux ou de la réécriture du temps de Josias force est donc de constater que la théologie de ces pseudo anciens Hébreux est en effet « hénothéiste », c’est-à-dire au mieux que l’on ne rendait un culte qu’à Yahvé seul, tout en admettant que d’autres Dieux existaient pour les autres peuples.
André Lemaire écrira même en ne partant pourtant que du texte actuel QUI EST UNE FORGERIE ainsi que nous l’avons dit… :
Les patriarches (XIX-XVIII siècle avant notre ère) sont des polythéistes, adorant concurremment un dieu El local et des dieux claniques. Leur culte, qui se prolongera jusqu’au VIIIe siècle avant notre ère, est marqué par la présence d’un sanctuaire à ciel ouvert, d’un arbre sacré, d’une stèle et d’un autel. C’est avec Moïse (XIIIe siècle avant notre ère) qu’apparaît le yahwisme d’origine madianite, aniconique et monolâtre. Les premières attestations du tétragramme datent de la fin du IXe siècle (stèles de Mesha et de Tell Dan), voire du XIVe siècle (avant notre ère), sur la liste d’un temple d’Aménophis III. Yahwé fait ici figure de dieu guerrier de la montagne et de l’orage. Il n’est d’ailleurs pas sans rappeler Baal. Son culte comporte des prières (surtout des bénédictions), des sacrifices (de communion), un autel, des stèles et un buisson sacré.
Du règne de David à celui de Jéhu (Xe-IXe siècle av. J.-C.), se développe une politique d’assimilation des dieux locaux (en particulier El) à Yahvé. La monolâtrie (ou hénothéisme) s’affirme, de même que le lien particulier unissant Yahvé à Israël, comme le montre la métaphore conjugale. Avec le schisme consacrant la rupture entre les royaumes du Nord et du Sud (-931), le culte de Baal connaît un renouveau, favorisé par le prestige économique et culturel des Phéniciens puis Yéhu élimine le culte de Baal et à partir d’Élie, les prophètes n’auront de cesse de proclamer l’extra-territorialité de l’action de Yahwé.
La quatrième période, couvrant les règnes séparant Ézéchias de Josias (VIII-VIIe siècle avant notre ère), est marquée par une politique religieuse inverse de déracinement des cultes yahvistes locaux : les sanctuaires locaux sont supprimés au profit du Temple de Jérusalem, les arbres sacrés et les stèles disparaissent au profit d’un aniconisme désormais « vide ».
Il faudra attendre l’exil babylonien (586-538 avant notre ère) pour assister à l’émergence du monothéisme au sens strict, c’est-à-dire d’un mouvement de pensée conscient de lui-même, comme en témoignent différents passages du Deutéro-Isaïe (Livre d’Isaïe XLIII, 10-11 ; XLIX, 6,8).
R. Debray écrit : « Le monothéisme est une création de l’exil, de la déportation babylonienne qui est bien plus tardive ». De ce moment de défaite face aux Babyloniens date la destruction du premier Temple de Jérusalem (-586.). Même si les Perses, vainqueurs des Babyloniens en -539, autorisent la reconstruction du Temple et accordent une large autonomie religieuse aux Hébreux, la religion se transforme profondément. Elle devient alors ce que l’on appelle précisément aujourd’hui un monothéisme véritable.
1) Lieu d’un miracle impossible qui fait insulte à l’intelligence et au sens moral des générations entières y ayant cru. Josué 10,12. Un miracle à peine digne du druide Mog Ruith dans les Imtheachta Moighi Ruith (il s’éborgna un œil en tuant un veau dans la neige des Alpes et devint aveugle de l’autre œil en arrêtant le soleil pendant deux jours à Darbri, de sorte que de deux jours il fit une seule journée. Livre de Ballymote 265 b65 et YBL 190 a10).
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DEUXIÈME AVERTISSEMENT AUX LECTEURS
LA RELIGION DES VRAIS ANCÊTRES DU PEUPLE JUIF, ANTIQUE.
Notre seule source d’information sur la ou les religions hébraïque (s) AU SENS HABITUEL DU TERME est donc la Bible, ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes, car à cet égard l’ancien testament ressemble plus à un mythe fondateur ou de fondation qu’à une chronique historique. Tautologie : notre seule source d’information sur ces Hébreux anhistoriques ou mythiques étant donc la Bible, nous dirons donc ci-dessous néanmoins quelques mots de ces Hébreux bibliques ainsi définis. N’oublions pas néanmoins que la Bible de Jérusalem n’est pas « le » texte de la religion de tous les Hébreux, c’est seulement le texte des religieux de la région désertique du sud, de Juda, ce qui est beaucoup plus restrictif : cela exclut les Hébreux de l’État du Nord (Israël) et les Samaritains.
La partie de la Bible attribuée à Moïse est une imposture, la plus grande imposture religieuse de tous les temps même, et Moïse un imposteur (en tant que personnage historique ayant réellement existé).
Il n’existe aucune trace des Hébreux de la Bible dans l’archéologie égyptienne. Aucune trace archéologique ne permet d’affirmer que les Hébreux auraient massivement quitté l’Égypte en traversant le Sinaï. Les traces archéologiques en Canaan montrent qu’ils ne s’y sont pas installés par une conquête militaire express, éliminant massivement les Cananéens. Aucune trace archéologique ne permet d’affirmer que les Hébreux auraient été esclaves en Égypte, les fouilles en Égypte montrent d’ailleurs que l’esclavage stricto sensu n’existait pas : les hommes non libres gardaient le droit d’ester (se présenter devant un tribunal comme demandeur ou comme défendeur) et de tester (énoncer sa volonté testamentaire). Les ouvriers de Deir el-Médineh, bâtisseurs de la Vallée des Rois n’étaient pas des esclaves, mais des petits fonctionnaires bénéficiant d’un logement individuel et du droit de grève. Désolé Hollywood.
Répétons-le encore une fois, à la différence de Bouddha (et peut-être du grand rabbin nazaréen Jésus) Moïse n’a jamais existé et les trois religions de masse (Judaïsme christianisme islam) fondées sur sa pseudorévélation sont donc autant d’impostures. En tant que personnage historique ayant réellement existé Moïse n’est qu’un imposteur.
L’archéologie a démenti toute cette partie de la Bible. Nous n’avons par exemple aucune trace d’une communauté proto-israélite ou pré-israélite en Égypte antérieurement à l’exil babylonien. La première trace archéologique d’une communauté judéenne en Égypte est très tardive et se situe dans l’île d’Éléphantine (durant la domination perse). Cette communauté est bien connue grâce aux nombreux papyrus araméens qui ont été trouvés à Éléphantine.
Ces découvertes sont évidemment mal accueillies, surtout pour des raisons politiques et l’archéologue israélien Zeev Herzog est au cœur d’une intense controverse depuis qu’il a écrit son premier article remettant en cause cette partie de la Bible.
Les découvertes archéologiques des dernières années lui donnent pourtant raison : il n’y a pas eu d’exode d’Égypte, Josué n’a pas fait tomber les murs de Jéricho et Salomon ne régnait que sur un petit territoire. Mais ces vérités choquent, parce qu’elles s’attaquent aux mythes fondateurs de l’État d’Israël.
Les fouilles archéologiques montrent que les murailles de la forteresse cananéenne de Jéricho ne se sont pas abattues en quelques jours, au son des trompettes de Josué, car elles sont en fait tombées en ruine sur une bien plus longue période. Quant aux vraies origines du premier État juif, elles remontent au IXe siècle avant notre ère, quand deux groupes de bergers ont fondé les royaumes rivaux de Judée et d’Israël.
Mais cette dernière affirmation est contestée, d’autres archéologues soutenant qu’à défaut d’être somptueux, l’État sur lequel ont régné David et Salomon était substantiel.
Quoi qu’il en soit ce chapitre concernera donc la sédentarisation et l’origine des premiers Israélites qui s’installent au début du premier Âge du fer (-1200 à -1000) dans les montagnes de la vallée du Jourdain, une population dont l’une des caractéristiques est de ne pas consommer de porc et qui est appelée Israël sur la stèle de Merenptah en -1200.
Les installations se développent progressivement à partir des contreforts qui dominent le Jourdain, il s’agit à l’origine de populations nomades qui peuplent le territoire de Canaan au Bronze récent. Loin des grands axes de communication sur lesquels se situent les cités-États, les Hautes Terres de Cisjordanie n’étaient donc peuplées au Bronze récent (-1550 -1200), que de nomades ou semi-nomades.
Une première vague d’implantations au Bronze ancien (-3500, -2200) sera suivie d’un abandon de la plupart des sites au Bronze intermédiaire (-2200, -2000), puis une seconde vague d’implantations au Bronze moyen (-2000, -1550) sera suivie à nouveau d’un abandon de la plupart des sites au Bronze récent (-1550, -1150). La troisième vague d’implantation s’effectue par conséquent sur un territoire pratiquement déserté.
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Les prospections archéologiques menées depuis 1990 sur les Hautes Terres de Canaan montrent, au début de l’Âge du fer, la sédentarisation de petites communautés de nomades qui commencent probablement à cultiver des céréales, sédentarisation marquée ensuite par l’apparition de petits villages.
Cette sédentarisation peut avoir débuté à la fin du Bronze récent (fin XIIIe siècle ou début XIIe siècle avant notre ère), s’être amplifiée au Fer ancien (fin XIIe siècle à milieu XIe siècle) pour culminer à la fin du Fer I (fin du XIe siècle et première moitié du Xe siècle). Selon Finkelstein (La Bible dévoilée), on observe sur les Hautes Terres centrales au Fer récent près de 250 sites occupant une superficie de 220 hectares contre 30 sites occupant une superficie totale de 50 hectares au Bronze récent. À raison de 200 habitants par hectare (densité communément acceptée), cette population des Hautes Terres s’évalue à 45 000 habitants. W. Dever compte, lui, 12.000 personnes vers -1200, 55.000 au XIIe siècle et 75.000 au XIe siècle. Cette sédentarisation s’observe principalement dans les collines centrales, mais aussi en Transjordanie (220 sites au début du Fer contre une trentaine à la fin du Bronze) et dans le Néguev. Au XIe siècle avant notre ère, elle se continue en Galilée (Hazor XII, Dan VI).
La plupart des premières zones d’occupation datant des débuts du Fer I sont situées à l’est (côté Jourdain), ce qui permet aux habitants de faire paître leurs troupeaux de chèvres et de moutons tout en commençant la culture du blé ou de l’orge. Les implantations s’étendent ensuite à l’ouest, moins propice à l’élevage, mais plus propice à la culture de l’olivier ou de la vigne. Dès le début, le développement est beaucoup plus rapide dans la moitié nord, plus arrosée et traversée par les voies de communication, que dans la moitié sud, sèche et peu accessible. Commençant sous la forme de petites communautés rurales, cette dernière vague se développe graduellement en un système de petits villages, de bourgades de dimensions moyennes, pour atteindre les vallées et former de grandes cités.
Les premiers petits villages, qu’on peut observer lorsque les habitations ultérieures n’ont pas détruit les ruines, sont organisés en ovale, à la manière des campements bédouins, témoignant d’une origine nomade : Izbet Sartah, Beer-Sheba, Tel Esdar. Par la suite, certaines grandes bourgades comme Jérusalem seront fortifiées. Au Bronze moyen, on trouve déjà d’imposantes fortifications sur certains sites : Silo par exemple.
Cette population utilise de nombreux silos, des citernes et des terrassements agricoles font leur apparition, montrant l’évolution agraire accompagnant la sédentarisation.
La question se pose de la continuité de cette période avec la suivante, le Fer II (à partir d’environ -1000). De tous les sites du Fer I, seuls cinq présentent une activité continue du Fer I au Fer II : Jérusalem, Béthel, Gibéon, Tell el-Foul et Tell er-Roumeideh. Cet abandon pourrait être dû à une stratégie économique et à la peur des Philistins ou correspondre à l’augmentation de la population urbaine des basses terres et des villes côtières. En fait, la plupart des sites sont abandonnés à un moment, de façon temporaire ou définitive, mais d’autres sites se développent et on constate une évolution géographique de l’ensemble de la population des Israélites sur Canaan. Cette vague d’implantations se poursuit de façon continue au Fer II A (lorsque se constituent les Royaumes d’Israël et de Juda). La population sera mixte, constituée pour partie d’Israélites et pour partie de Cananéens.
Traits caractéristiques.
L’absence d’élevage et de consommation de porc reste le plus déterminant : contrairement à leurs voisins, les premiers Israélites n’élèvent pas de porcs et ne mangent pas de viande de porc, ce qui permet à l’archéologie de les suivre à la trace, par l’analyse des déchets (os). Ce critère n’est cependant pas absolu. Selon Lidar Sapir-Hen : « En pays philistin de l’Âge du Fer I l’importante présence de porcs caractérise les principaux sites urbains, alors que la situation dans les zones d’habitat plus réduit et dans les zones rurales semble être différente. Cette dichotomie entre les secteurs urbains et ruraux ne s’explique pas par l’existence de meilleures conditions économiques dans les villes, car l’existence de porcs en plus grand nombre va de pair avec un statut économique moins favorisé. Inversement cela peut venir de l’origine ethnique des habitants : un pourcentage plus élevé de populations d’origine égéenne dans les centres urbains, mais un pourcentage plus important de populations d’origine locale dans les zones rurales, bien que la consommation de porcs n’ait jamais été un marqueur ethnique du comportement des Égéens. Dans les hautes terres, il y a une évidente réticence à développer l’élevage du porc, mais c’est la même chose ou presque que le schéma général que l’on trouve sur les sites des basses plaines. Il est donc difficile d’utiliser la présence ou l’absence de porcs comme indicateur de l’identité ethnique. Par conséquent lier la consommation de porc ou son absence au processus de différenciation culturelle entre les Philistins et les « autres » est assez hasardeux »(cf. L’élevage du porc dans l’Israël de l’Âge du fer). L’élevage impose des
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contraintes et les populations nomades, par exemple, privilégient l’élevage des chèvres et des moutons dont les troupeaux peuvent se déplacer rapidement.
À l’époque du Fer I, les installations sont très simples et il n’y a pas de monuments, ni de bâtiments publics, ni de fortifications. Elles ressemblent aux campements nomades en cercles. Les sépultures sont rudimentaires.
Les poteries sont simplistes et très utilitaristes et continuent le style de l’âge du bronze. Un type de poterie est typiquement associé à ces sites, ce sont les jarres à colliers, ou pithoi. Ces poteries se différencient de celle des voisins directs (Cananéens puis Philistins) par l’absence de décoration et un style simpliste, qui selon Avraham Faust, reflète une dimension égalitariste et peut-être des prescriptions religieuses.
Pour résumer, il s’agit d’une population sédentaire non urbaine répartie en petites communautés d’une douzaine de personnes formant une société égalitaire essayant de vivre dans les conditions difficiles des forêts montagnardes et des régions semi-arides. Pour Amihai Mazar la structure socio-économique de cette population correspond à ce que décrivent les textes bibliques de la période des Juges.
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LES DIFFÉRENTES RELIGIONS EN PRÉSENCE DANS LA RÉGION.
Du polythéisme à l’hénothéisme ou à la monolâtrie en passant par l’idolâtrie (adoration du mana) on trouve un peu de tout dans la région à l’époque, à part le vrai monothéisme, celui qui se trouve excellemment décrit dans la Bhagavad Gita et qui peut se définir ainsi : Bhagavad Gita 9, 23-29. « Toute oblation qu’avec foi l’homme sacrifie aux dieux est en fait destinée à moi seul, ô fils de Kounti, mais offerte sans le savoir, car je suis l’unique bénéficiaire et l’unique objet des sacrifices. Que l’on m’offre, avec amour et dévotion, une feuille, une fleur, un fruit, de l’eau, cette offrande, je l’accepte. Je n’envie, je ne favorise personne, envers tous je suis impartial. Mais quiconque me sert avec dévotion vit en moi et je suis son ami ».
Répétons-le encore une fois, s’il y a une conception du divin qui brille par son absence à l’époque dans la région c’est le vrai monothéisme. On trouve à la rigueur dans la région des hénothéismes ou des monolâtries.
L’histoire des Hébreux et donc de leur religion ou de leurs religions AU PLURIEL n’est historiquement assurée qu’à partir de ce qu’il est convenu d’appeler la « Conquête de la terre promise » et de son archéologie (qui ne montre d’ailleurs aucune rupture entre la civilisation cananéenne et celle des Hébreux). Nous mettons donc le mot conquête entre guillemets, car il n’y a jamais eu d’invasion militaire du territoire de Canaan par une armée d’Hébreux organisée sur le modèle des armées égyptiennes ou mésopotamiennes.
Pour en parler, certains historiens préfèrent donc utiliser les termes de « premiers israélites » ou « proto-israélites ». En ce qui nous concerne et afin d’éviter toute équivoque, nous parlerons des ancêtres des juifs de l’Antiquité.
Vers l’an 2025, certains textes font état d’un peuple jusque-là inconnu qui dit vénérer un dieu tout aussi inconnu que lui, « Assour ». Le dieu et le peuple ont conclu une alliance à ce point étroite que ce peuple se définit par l’appellation d’« Assyriens » : les fidèles du dieu Assour, et qu’il a donné le nom de son dieu à sa capitale : « Assour ». Un peu plus tard, dans la même région, les Babyloniens adoptent pour dieu protecteur « Mardouk ». Or, aussi bien les inscriptions que les vestiges de sanctuaires prouvent que ces deux peuples vénéraient en même temps d’autres divinités. Nous avons donc affaire à une forme de polythéisme que nous nommons aujourd’hui, d’un terme qui n’est pas encore dans les dictionnaires, la « monolâtrie ». La monolâtrie est le culte rendu à un dieu de préférence aux autres, sans nier pour autant l’existence des autres dieux, dont certains ont un rapport privilégié, eux aussi, avec d’autres peuples. Les ancêtres des juifs de l’Antiquité n’ont donc dû en fait qu’imiter ce qu’ils voyaient pratiquer autour d’eux en liant leur sort à un dieu aussi obscur que Mardouk ou Assour, mais dont ils attendaient la même protection : on espère toujours en effet qu’un dieu inconnu ou marginal pourra se consacrer entièrement à vous, alors qu’un dieu célèbre, sollicité par beaucoup d’autres peuples, risquerait de vous négliger ou de donner sa préférence à d’autres.
La civilisation des Hébreux d’alors est très similaire à celle des Cananéens et leur langue, bien que contenant quelques mots sumériens ou assyriens (saris par exemple, qui vient de l’assyrien sha-reshi : officier, chef) présente de nombreuses similitudes avec le cananéen. Les pratiques de deuil religieux (se raser les cheveux et la barbe) continuent celles des Cananéens. Tant sur les sites cananéens à l’Âge du bronze que sur des sites de l’époque israélite à l’Âge du fer, au nord comme au sud, divers objets de cultes ont été découverts : des déesses de la fertilité, des compagnes de Dieu (culte de la déesse Ashéra) et des représentations animales de divinités. Selon Amihai Mazar qui en a retrouvé un bel exemplaire venant des collines du nord, « dans la religion cananéenne, le taureau était à la fois le symbole d’El, le premier dieu du panthéon, et de Baal de dieu de l’orage ».
Il en ressort donc que ces populations n’avaient pas de religion différente des autres peuples de Canaan.
Nous connaissons relativement bien la mythologie des Cananéens grâce à la découverte des tablettes de la bibliothèque d’Ougarit (Ras Shamra, au nord de la Syrie). Cette mythologie était aussi épanouie que celle des Grecs. Une analyse allégorique et esthétique de leurs épopées donne l’impression que les anciens Cananéens s’efforçaient de chanter les merveilles de la nature, la virilité des hommes et de la foudre, la fécondité des femmes et des terres labourées.
Il est vrai que les peuples de la région considéraient la sexualité comme une fonction aussi naturelle que la nutrition ou le sommeil, et n’avaient donc aucun complexe ni tabou à son égard. Ils s’en servaient d’ailleurs également pour les besoins du culte (prostitution sacrée).
Mais le propos semble néanmoins d’un positivisme quelque peu excessif. Les choses n’étaient pas aussi simples si l’on en croit le texte quelque peu inquiet de la prière cananéenne qui suit.
« Que le cœur en fureur de mon Seigneur s’apaise,
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Que le dieu, je ne sais lequel, s’apaise,
Que la déesse, je ne sais laquelle, s’apaise,
Que le dieu qui, dans sa colère, s’est détourné de moi, s’apaise,
Que la déesse qui, dans sa colère, s’est détournée de moi, s’apaise.
La faute que j’ai dû commettre, je ne la connais pas,
J’ai dû enfreindre sans le savoir la volonté de mon dieu,
J’ai dû toucher sans le savoir ce que réprouve ma déesse.
La chose interdite que j’ai mangée, je ne la connais pas ;
L’endroit interdit où j’ai mis le pied je ne le connais pas ;
Bien que constamment à la recherche de secours personne ne me prend par la main ;
Quand je pleure, on ne vient pas à mes côtés.
Je me lamente, mais personne ne m’entend ;
Je suis tourmenté ; je suis accablé, je ne vois plus rien.
O mon dieu, le compatissant, je t’adresse cette prière ;
J’embrasse tes pieds O ma déesse, je rampe devant toi.
L’Homme est aveugle ; il ne connaît rien ;
Il ne sait même pas s’il commet un péché ou fait une bonne action.
O mon seigneur, ne rejette pas ton serviteur ;
Il se noie dans les eaux d’un marais, tend lui la main.
Le péché que j’ai commis, transforme-le en bien ;
La faute que j’ai commise, laisse le vent l’emporter ;
Efface mes fautes et je chanterai tes louanges.
Puisse ton cœur, comme le cœur d’une vraie mère, avoir pitié de moi ».
Petite question maintenant.
Ces « idolâtres » des temps bibliques croyaient-ils que les idoles qu’ils adoraient étaient de véritables dieux ou esprits, ou les considéraient-ils seulement comme des représentations de ces dieux ou esprits ?
Yehezkel Kaufman affirme que dans certains passages, quelques auteurs bibliques avaient déjà bien compris que les idolâtres vénéraient non pas les idoles elles-mêmes, mais des dieux ou des esprits dont l’existence était indépendante des idoles. Par exemple, dans un passage de 1 Rois 18 :27, le prophète hébreu Élie défie les prêtres de Baal au sommet du Mont Carmel de faire que leur dieu accomplisse un miracle, après qu’ils ont tenté de convaincre les juifs de s’adonner à l’idolâtrie. Les prêtres païens implorèrent leur dieu sans avoir recours à une idole, ce qui pour Kaufman, indique que Baal n’était pas une idole, mais plutôt une des divinités polythéistes qui pouvaient être adorées par l’intermédiaire d’une idole ; il pense toutefois qu’en règle générale les auteurs bibliques interprétaient bien l’idolâtrie sous sa forme la plus littérale : selon eux en effet, la plupart des idolâtres croyaient véritablement que leurs idoles étaient des dieux.
Les auteurs bibliques ont donc péché par orgueil ou racisme en commettant l’immense erreur de supposer que toute idolâtrie était de ce type, alors que les idoles n’étaient le plus souvent que des représentations de dieux. Kaufman écrit que « Nous pouvons peut-être dire que la Bible ne perçoit le paganisme qu’à son plus bas niveau, le niveau de la croyance au mana… les prophètes ignorent ce que nous savons du vrai paganisme (c.-à-d., sa mythologie élaborée sur les origines et exploits des dieux et leur soumission ultime à un réservoir métadivin de puissances impersonnelles représentant le Destin ou la Nécessité.) La condamnation prononcée par les auteurs bibliques est centrée sur le sarcasme du fétichisme. Esaïe 41.23-24 : « Faites seulement quelque chose de bien ou de mal, que nous puissions en être stupéfiés ou terrorisés. O vous les idoles, vous n’êtes rien et n’avez aucun pouvoir ».
CONCLUSION.
Comme ces populations qui occupent les hautes terres du Fer I deviendront l’Israël du Xe siècle, il y a donc une continuité de population évidente et il n’est pas utile de parler de proto-israélites comme le fait W. Dever.
Les découvertes archéologiques décrivent la sédentarisation au Fer I (vers -1200) de groupes tribaux qui suivaient auparavant un mode de vie pastoral nomade ou semi-nomade. Du fait de ce nomadisme, il n’y a pas de preuves archéologiques de l’existence de cette population préalablement à sa sédentarisation. Les populations nomades laissent peu, voire aucune trace archéologique, à moins d’être mentionnées dans des textes anciens. Au Bronze récent (environ -1550 à -1200), Amenhotep III (environ -1391 / -1390 à -1353 / -1352) puis Amenhotep IV (-1355/-1353 à -1338/-1337), qui exercent leur pouvoir sur Canaan, entretiennent avec les gouverneurs des cités-États de Canaan une abondante correspondance : ce courrier diplomatique provenant de Canaan constitue la majorité des
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Lettres d’Amarna (-1391 à -1337). Il décrit de façon précise le rôle des Égyptiens, des Cananéens et des marginaux. Ces marginaux sont, selon, Anne E. Killebrew, « des Apirou et des Shasou ». Les Apirou, notamment, sont mentionnés de multiples fois dans ces lettres. La stèle du pharaon Mérenptah, datée de -1207, cite enfin le pays de Canaan et une population nommée Israël parmi les vaincus. C’est la seule fois que ce nom apparaît en Égypte à cette époque. L’inscription précise qu’il s’agit d’hommes et de femmes qui n’habitent pas dans une ville, autrement dit un groupe nomade ou semi-nomade. Tout au moins une population qui n’est pas liée à un État ou une cité-État, habitant la région environ un demi-siècle avant la sédentarisation constatée.
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LE CAS DE JÉRUSALEM.
D’après les archéologues Jérusalem fut fondée au milieu du IVe millénaire avant notre ère sur les collines de Sion, toutes proches de la Cisjordanie. À cette époque elle possédait une taille très modeste, une grosse bourgade analogue à celles dont la région était parsemée. On peut douter très fortement que ce rocher soit exactement celui où Abraham monta pour sacrifier son fils, la région étant remplie de lieux similaires. Il a fallu attendre le XIXe siècle avant notre ère pour qu’une trace écrite de cette Jérusalem antique soit découverte.
Le nom de Jérusalem est attesté dans des documents égyptiens du IIe millénaire avant notre ère (les lettres d’Amarna). On a en effet retrouvé six textes, sous forme de tablettes gravées en cunéiforme akkadien, et mentionnant le nom d’Abdi-Héba (où l’on reconnaît le nom de la déesse Hourrite Hébat) ; gouverneur d’une petite cité cananéenne du XIVe siècle avant notre ère appelée Ouroushalim (ville de Shalem. Shalem était un dieu de l’époque) ainsi que le nom du pharaon Akhénaton, dont il était le sujet. Cette inscription fait mention de plusieurs appels à l’aide, envoyés à Akhénaton pour défendre la ville contre des tribus de nomades appelés Hapirou. La dénomination d’Hapirou n’est pas sans rappeler le nom que les Égyptiens donnaient aux anciens Hébreux.
Elle n’aurait été à l’époque qu’un regroupement de bâtisses dispersées, centre d’une région si restreinte qu’on devrait parler de fief plutôt que de royaume, selon Zeev Herzog.
Mythes et légendes étiologiques juives.
Une légende étiologique est une légende inventée pour expliquer un phénomène naturel ou une situation.
La partie Tanakh de la Bible contient le seul texte ancien survivant connu recourant au terme Jébuséen pour parler des habitants préisraélites de Jérusalem. Dans le Tableau des Nations figurant dans Genèse 10, les Jébusites sont assimilés à une tribu cananéenne, classée en troisième position dans les peuples cananéens, entre les Hittites et les Amorites. Édouard Lipinski, professeur d’études orientales et slaves à l’Université Catholique de Louvain, les a identifiés au peuple appelé Yabousi'oum dans une lettre cunéiforme trouvée dans les archives de Mari, en Syrie. D’après Ézéchiel 16,3, Jérusalem a été fondée par les Amorites et les Hittites et Josué 15, 63 tout comme Juges 1, 21 reconnaît que les Jébuséens qui vivaient à Jérusalem continuèrent d’y habiter.
Si l’on en croit la Genèse, le roi de Jérusalem du temps d’Abraham était un roi-prêtre appelé Melchisédek.
Un autre roi de Jérusalem nommé Adonisédek est mentionné comme ayant été vaincu par Josué (Josué 10, 1-3).
Les radicaux Melk et Adon signifient respectivement roi et seigneur et Zedek est sans doute un nom de divinité.
Si l’on en croit les livres de Samuel, autour de l’an mil avant notre ère les Jébuséens contrôlaient toujours la plus importante des forteresses du pays à savoir Jébus (Jérusalem). Les récits traditionnels de la prise de cette forteresse par une attaque-surprise menée par Joab sont peu vraisemblables, l’approvisionnement en eau de la forteresse ayant bien évidemment été sécurisé au maximum (il s’agissait d’une des parties les plus fortifiées).
Les livres des rois relatent qu’après que Jérusalem fut devenue israélite, les Jébuséens survivants furent réduits en servitude par Salomon, mais comme certains archéologues pensent maintenant que les Israélites furent simplement une des cultures de la société cananéenne, il est possible que ce ne soit qu’une explication étiologique à l’existence de serfs dans Jérusalem plutôt qu’une explication historique. On ignore ce que sont devenus finalement ces Jébusites, mais il semble logique de penser qu’ils ont été assimilés par les Israélites. Si l’on en croit « l’hypothèse jébusite » néanmoins, les Jébuséens auraient survécu et constitué un groupe important dans le royaume de Juda, incluant des notables tels que le prêtre Zadok, le prophète Nathan et Bethsabée, la reine mère de Salomon. Selon cette hypothèse, après la disgrâce d’une faction rivale dans la lutte pour la succession, la famille de Zadok serait devenue le seul clergé autorisé à officier dans Jérusalem, de sorte que c’est une famille jébusite qui aurait constitué le seul clergé de Jérusalem pendant plusieurs siècles.
NB 1. Julius Wellhausen est le premier à avoir épousé la théorie selon laquelle El Elyon était un ancien dieu de Salem (c’est-à-dire Jérusalem) qui, après la conquête de David vers l’an 1000, fut assimilé à Yahvé et que les prêtres zadokites de Jérusalem étaient ou prétendaient descendre de Melchisédek.
N.B 2. Les spécialistes appellent l’étiologie une sorte d’histoire ou de contes complètement inventés afin de répondre à la question de savoir quand et par quoi concernant divers sujets, en l’absence de tout document historique ou scientifique. N.B. On donne le nom d’étiologie à un genre de récit ou de
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contes inventés de toute pièce afin de répondre aux qui quand où quoi comment concernant différents sujets, en l’absence de tout document historique ou scientifique.
Un autre Jébuséen resté célèbre est celui qui aurait vendu au roi David l’aire de battage du blé destinée à devenir le cœur du temple de Jérusalem. Son nom était Araunah (Adonijah ? Ornan dans le livre des Chroniques ?), ce qui signifie seigneur (Aryen) en Hittite. Un des premiers grands prêtres du temple ayant porté le nom de Sadoc (à l’origine des sadducéens) il y a gros à parier qu’il s’agissait d’un jébuséen dont on a fait plus tard et contre toute vraisemblance historique un descendant d’Aaron. Le temple de Jérusalem n’aurait donc été à l’origine qu’un agrandissement du sanctuaire consacré au dieu Sédek.
L’histoire même d’Israël et Juda montre qu’il y avait d’ailleurs d’autres temples que celui de Jérusalem. Il y avait par exemple aussi les bama. Pluriel bamôt. Tertres sacrés ou tumulus.
Les Cananéens, mais aussi les anciens Hébreux, utilisaient EN EFFET des sanctuaires généralement aménagés sur de petites hauteurs pour vénérer les divinités locales ou les conceptions locales d’une plus grande divinité, presque unique. Ces sanctuaires étaient composés d’un autel, d’une stèle et d’un poteau ou arbre sacré (ashéra). Les arbres étaient en effet souvent associés à ce type de sanctuaire « écologique » avant la lettre, les transformant ainsi en véritables bosquets sacrés. Le théocrate Josias en fera raser une grande partie (2 rois 23, 5 à 15 et 19 à 20).
L’histoire même d’Israël et Juda montre par conséquent qu’il n’y eut aucun monothéisme authentique dans la région (du moins jusqu’à l’époque du protectorat de l’empereur aryen Cyrus).
On adorait en effet aussi dans la région Baal, le grand dieu-ou-démon cananéen de l’orage, de la fertilité, donc de l’agriculture. Baal est le dieu-ou-démon sauveur de la nature et de sa fécondité.
— Dieu-ou-démon de l’eau douce, il lutte contre Yam, dieu-ou-démon de l’eau salée, du désordre, du chaos.
— Dieu-ou-démon de la vie également, il lutte contre Môt, dieu de la mort. Môt fait que le soleil brûle tout, mais Baal arrose sans relâche.
— Baal meurt en juin et la nature se dessèche. Il ressuscite en automne, tue Môt et reprend son activité créatrice.
Le pluriel baalim renvoie sans doute aux conceptions locales de ce grand dieu-ou-démon pancananéen. Sur son culte voir Juges, 2,11 à 17 ; 3, 7.
Le culte de Baal, essentiellement religieux, est sans connotation éthique. Le fidèle de Baal s’implique dans l’action du dieu-ou-démon qui agit indépendamment de lui. Certains passages de la Torah ont gardé la trace des caractéristiques traditionnelles de Baal que les auteurs bibliques ont pensé pouvoir attribuer à Dieu. Exemple, Psaume 89,10.
Tu règnes sur la mer qui déferle ;
Quand ses vagues se soulèvent, tu les apaises.
Tu as écrasé Rahab comme un cadavre.
Sans oublier :
— Astarté, Ashérah, ou Ishtar, nom sémite de la grande déesse-ou-démone, ou fée, appelée Inanna, des Sumériens. C’était l’épouse ou la parèdre (shakti dit-on dans l’hindouisme) du grand dieu-ou-démon masculin de l’époque et, en tant que telle, mère des différents baalim ou élohim. C’est aussi une divinité de la guerre. Elle a des attributs marins. Sa fusion avec une puissante déesse-ou-démone, ou fée, de l’amour (Anat), en fait une personnalité complexe : une divinité féminine de la guerre, mais aussi de l’amour et de la fécondité, associée au culte des étoiles (sur son culte voir Juges 2,13 et 3,7). Par transport de sens (métaphore), le mot a fini par désigner les arbres ou les poteaux de bois dressés en son honneur.
— Kemosh, le dieu unique des Moabites (grand rival de Yhwh : Juges 11, 24).
— Dagon (le dieu-ou-démon à la fois unique et multiple des Aryens de la région : les Philistins).
Le mot dagon signifie poisson. Il faut probablement se représenter sa statue avec une tête et une poitrine humaines, la partie inférieure du corps ayant la forme d’un poisson, ce qui fait un peu penser aux vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomore en irlandais, Andernas sur le Continent. Ou aux sirènes du Moyen-âge.
Les Philistins font partie des Peuples de la Mer. Les noms de ces peuples se rapprochent de ceux des tribus du monde égéen. La langue des Philistins est certainement apparentée à celles que l’on parlait en Grèce et à l’ouest de l’Asie Mineure. Le texte biblique donne par exemple aux princes des villes philistines le titre de sérèn (singulier) ou seranim (pluriel, voir 1 S 5, 8 ; 6, 4 et 16), alors que roi se dit mélèk en hébreu. Il s’agit donc sans doute ici de la retranscription, en hébreu du mot tyrannos (tyran), terme grec désignant un chef qui exerce le pouvoir d’une manière absolue.
— Milkom et Moloch, des dieu-ou-démons ammonites (1 Rois 11, 1-8, 2 Rois 23,13).
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— Yah, Yahou, Yahvé, Yhwh, etc., etc. Nom d’origine païenne madianite correspondant, par jeu de mots, à une vieille racine sémite signifiant en hébreu : être, exister (YHWH). Ce dieu-ou-démon est donc évidemment à l’origine un dieu-ou-démon topique, celui du pays de Madian (un volcan ? Voir Exode 18, 5). À Baal les terres cultivées, à Yah ou Yahou le désert. Un grand sanctuaire lui fut très tôt associé dans le Nord, à Bethel, lieu d’abord voué au dieu-ou-démon d’Abraham et surtout de Jacob. (Genèse, 35, 1 à 15 et 12, 8). Il y restera très longtemps en activité. Sa parèdre (shakti dit-on dans l’hindouisme) deviendra Ashérah dans les strates les plus anciennes de la Bible.
— Tammouz (Doumouzi en Mésopotamie). Voir livre d’Ezechiel 8.14. Divinité de la première végétation (d’origine akkadienne) dont la disparition en été au moment des grosses chaleurs, avant son retour (résurrection) au printemps, donnait lieu chaque année à une sorte de grand deuil collectif ou national.
— Étaient aussi adorées si l’on en croit les sources (Esaïe 65,11) une divinité phénicienne de la fortune appelée Gad et une appelée Meni.
— Bien d’autres entités surhumaines étaient d’ailleurs également craintes et honorées dans cette région du monde. Les séraphins et les chérubins par exemple.
— Les chérubins semblent être des entités de forme semi-animale, à deux ou quatre faces, ayant pour fonction de protéger. Ils sont issus des taureaux ailés du paganisme suméro-babylonien (les fameux keroubîm).
Le culte des mânes des ancêtres (dieux-ou-démons pénates appelés teraphim) partis dans l’au-delà sombre et lugubre du Shéol, était en outre également pratiqué par les Hébreux. Ces mânes des ancêtres partis dans le royaume des ombres étaient représentés par de petites statuettes domestiques servant aussi à la divination (on consultait avec, les âme/esprits des morts). Jacob et sa femme Laban : Genèse 31, 19-35 ; David et sa femme Mikal : I Samuel, 19-13.
Notons au passage qu’il a existé dans l’Antiquité des peuples ou des hommes doutant radicalement d’un tel genre de survie de l’individu après la mort.
Exemple les scolies bernoises commentant la Pharsale de Lucain.
Hermann Usener. Scholia in Lucani bellum civile/Commenta Bernensia. Liber I (1869).
454 : « Manes esse, non dicunt : ils ne disent pas que les Mânes existent ».
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CHRONOLOGIE THÉORIQUEMENT COMMUNE À TOUS LES HÉBREUX DE LA PALESTINE DE CE TEMPS.
— 1250 avant notre ère. Pays de Canaan, province égyptienne.
— 1200 avant notre ère. Les Philistins (qui donneront leur nom à la Palestine) s’établissent le long de la plaine littorale de Canaan. Apparition des nazirs (de l’hébreu sanctifié, consacré) : des sortes de moines-soldats. Le mot nazir désigne des hommes spécialement consacrés au dieu d’Israël et soumis à des règles très strictes en matière d’alimentation ou d’hygiène. Le nazir est quelqu’un qui s’est volontairement retiré du reste de la société (Nombres 6, 2) qui prétend à la sainteté parce que se vouant à une parfaite observance de la Loi qui sera plus tard, bien plus tard, attribuée à Moïse. Le nazir ne doit pas se couper les cheveux et ne doit pas boire de boisson alcoolisée. Le cas le plus célèbre est celui de Samson (Juges 13), mais Samuel en a peut-être été un aussi.
— 1208. Première mention du peuple d’Israël. Il s’agit d’une stèle, la stèle de Mérenptah, où est mentionné pour la première fois ce peuple (à la suite d’autres comme les Hittites et les Cananéens). Les différentes traductions sont en accord sur le sens général du texte.
Le Hatti est pacifié.
Canaan est dépouillé de tout ce qu’il avait de mauvais.
Ascalon a été vaincu.
Gezer est saisie.
Yenoam devient comme si elle n’avait jamais existé.
Israël est détruit, sa semence même n’est plus.
La mention d’Israël se trouve à la 27e ligne (l’avant-dernière), dans une liste des peuples de Canaan vaincus par Mérenptah. Elle est constituée de hiéroglyphes à valeur phonétique que Flinders Petrie interprète comme israr et des hiéroglyphes à valeur déterminative désignant des peuples étrangers. Il ne s’agit donc pas de la mention d’un État ni d’une ville, mais d’un peuple.
— 1030. Instauration de la royauté par un petit seigneur de ces tribus, Saül, avec la caution des prêtres et des religieux.
— 1020. Après élimination du fils de Saül, David s’empare d’Ouroushalim (Jérusalem) et devient le roi de cette petite cité. La stèle araméenne en basalte du IXe siècle découverte à Tel Dan en Galilée comporte une inscription évoquant vraisemblablement ce roi (presque deux cents ans après son règne, il est vrai). Il s’agit de l’expression « maison de David » ou « cité de David ». Cette stèle, ainsi que celle de Kourkh parlant d’Achab, avancent les chiffres de 2000 chars et 2000 cavaliers pour l’armée israélite. Il s’agit pourtant d’après Israël Finkelstein et Neil Asher Silbermann, d’un royaume sans aucune puissance économique ni militaire et d’une grande pauvreté culturelle : pas d’architecture monumentale ou autre ; pas d’art décoratif grandiose, pas même un mur droit.
Jérusalem à l’époque n’était pas aussi puissante et splendide que le texte de la Bible le laisse entendre bien évidemment. La Jérusalem du Xe siècle avant notre ère n’est guère qu’un gros village. En matière de démographie et selon les calculs de population qui s’appliquent à cette époque, on trouve 5 000 habitants éparpillés entre Jérusalem, Hébron et une vingtaine de villages de Juda, sans compter quelques groupes épars de semi-nomades. Un pays largement rural, donc, et qui n’a laissé aucune trace de documents, d’inscriptions, aucun signe de l’alphabétisation minimale qu’aurait nécessité le fonctionnement d’une monarchie digne de ce nom. (Résumé des travaux d’Israël Finkelstein et Neil Asher Silbermann à ce sujet intitulés La Bible dévoilée).
— 950 les Hébreux adoptent l’écriture phénicienne. Apparition du métier de scribe. Ils sont attachés aux palais de ces hommes politiques afin de tout noter pour eux. Mais ils consignaient aussi (sans doute de leur proche chef) les événements majeurs de leur règne (2 S 8,17 ; 20,25 ; 1 R 4,3).
— 931 le grand schisme. Le manque de psychologie élémentaire de Roboam divise la confédération. 10 des 12 tribus refusent de le reconnaître comme roi et constituent a contrario le royaume d’Israël. Le petit reste, composé des tribus de Juda et Siméon, constituera le royaume du Sud, celui de Juda (avec toujours Jérusalem comme capitale).
Cette division en deux royaumes rivaux un au nord et l’autre au sud a peut-être eu des causes religieuses. Les figures divines d’El et de Yahvé ainsi que leur culte par conséquent, étaient connues partout dans le royaume de Salomon, mais El était mieux représenté dans la partie nord, et Yahvé dans la partie sud, pour différentes raisons. Des contacts plus anciens plus nombreux et plus importants avec les Bédouins Shasous de Yhwh pour ce qui est de la partie sud peut-être.
À la veille de la scission entre le nord et le sud, entre la Samarie et la Judée, nous aurions donc eu la situation suivante.
Une religion polythéiste, mais centrée sur El nettement majoritaire dans les dix tribus du Nord.
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Un culte et une religion de YHWH nettement majoritaire, presque exclusive, dans les deux autres tribus, Juda et Benjamin
Resterait à expliquer le rôle joué par les Shasous de Yhwh dans le processus. L’installation dans le territoire de plusieurs de leurs membres, influents. Ou nombreux. Ou alors une acculturation. Suite à des conversions ?
Pour plus de détails, lire l’excellent livre de Thomas Römer intitulé « L’invention de Dieu ».
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LE ROYAUME D’ISRAËL.
Le royaume d’Israël, celui qui est situé au nord, sur les terres plus riches de Samarie et Galilée, à ne surtout pas confondre avec celui des Hébreux de Judée ; est le premier à s’être développé de façon notable (alors que la Judée, elle, restait presque encore inculte). Il finit même d’ailleurs par échapper au contrôle égyptien.
Le grand dieu-ou-démon de ce royaume du Nord était sans doute El (pluriel Élohim), Yah, Yahou, Yahvé, Yhwh, etc., etc. étant celui du royaume de Juda situé plus au sud, autour de Jérusalem.
— 931. Jéroboam. Prend comme capitale Tirsa. C’est à Béthel et à Dan et non à Jérusalem que se situent les temples de cet Israël-là, qui pratiquait le culte du taureau ou du veau, d’or (on y sacrifiait rituellement des bovins).
— 885. Accession d’Omri au trône d’Israël.
— 880. Construction de la ville nouvelle de Samarie pour lui servir de capitale.
— 874. Achab roi d’Israël. Apogée du royaume.
Par prudence, tolérance, politique, amour (de sa femme) ou agnosticisme, ce grand roi, passablement en avance sur son temps, assistait aussi à des cérémonies religieuses (traitées d’ordures, shiqoutsim en hébreu) autres que celles du culte de Yahou (1 Rois, 21 à 26). Il aide notamment à la construction de temples en l’honneur de Baal.
— 841. Coup d’État sanglant de Jéhu qui devient roi d’Israël à la place d’Achab. En ce qui concerne la religion, il commencera par poursuivre la prudente politique de tolérance de son prédécesseur (2 Rois, 10, 29 à 31).
— 790. Jéroboam II. Nous pouvons trouver enfin la totalité des critères constituant un État : l’alphabétisation généralisée, l’administration, la spécialisation de la production économique et la maintenance d’une armée professionnelle. Profitant de la faiblesse de la Syrie, Jéroboam II repousse les frontières de son royaume et retrouve celles des dix tribus d’origine.
— 750. Menahem, roi d’Israël, vaincu, devient vassal tributaire de l’Assyrien Tiglat-Phalazar III.
— 741. Bref interrègne de Peqahyah. Poursuite de la politique de laïcité ouverte, c’est le moins que l’on puisse dire, et de respect de toutes les religions.
— 740. Péqah fait assassiner Peqahyah et lui succède.
— 739. Guerre syro-ephraïmite. À la demande du roi de Juda, Achaz, attaque du roi assyrien Tiglat Phalazar III sur Israël. Péqah est vaincu. Une partie du royaume est dévastée, mais Samarie échappe à l’occupation.
— 731. Hoshéa est fait roi de ce qui reste d’Israël par Tiglat Phalazar.
— 724. Hoshéa est fait prisonnier par le roi d’Assyrie Salmanasar V.
— 722. Salmanasar V et Sargon II envahissent de nouveau Israël et prennent sa capitale Samarie. Ce qui laissera ainsi le champ libre à sa petite rivale du Sud, Jérusalem.
Une partie de la population est déportée à Ninive, conformément aux pratiques de l’époque dans cette région du monde (il faudra l’Aryen Cyrus le grand pour y mettre fin).
Exode qui sera sans retour pour de nombreux Hébreux du royaume du nord dont les dix tribus finiront par s’assimiler aux autres peuples, tandis que d’autres iront s’expatrier dans divers pays d’Orient afin d’échapper à l’esclavage assyrien.
Note de la Rédaction.
Les textes bibliques composés après le retour d’Exil par les descendants de l’élite judéenne déportée à Babylone en – 587 nous montrent qu’en Judée il était alors resté une bonne partie de la population (en fait tout le petit peuple). Il n’y a donc aucune raison de penser qu’il n’en fut pas de même pour le royaume du nord en – 721. Une partie importante de la population est restée sur place.
Notre propos n’étant pas de prendre position pour, ou contre, les Samaritains, contentons-nous de conclure ainsi à leur propos.
L’histoire de la Samarie sera caractérisée jusqu’au bout (–731) et même au-delà, par une grande tolérance religieuse, ou plus exactement par une grande liberté de culte.
Y coexisteront la religion de Yhwh, mais aussi bien d’autres. Celles des dieu-ou-démons appelés Benôt, Nergal et Ashima, Nivhaz, Tartaq, Adrammélek et Anammélek (2 rois 17, 30-34).
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LE ROYAUME JUDÉEN.
— 931. Règne de Roboam.
— 912 à – 871. Règne d’Asa.
— 776. Ozias ou Azarias. La Judée continue de bénéficier d’une certaine liberté de pensée religieuse (2 rois, 15,4).
— 736. Achaz.
— 735. Début de la guerre syro-éphraïmite. Israël et la Syrie envahissent la Judée.
Achaz demande à Tiglat Phalazar III de l’aide et en signe d’allégeance rapproche le culte qu’il rend (à Yhwh ?) de celui qui est pratiqué à Damas (2 Rois 16, 7 à 78) ; en ce qui concerne le temple (de modèle syrien, c’est-à-dire rectangulaire) l’autel et les sacrifices divinatoires… Liberté de culte donc totale sous le règne de ce roi qui, par prudence ou diplomatie, participe aussi officiellement aux cérémonies des autres religions (notamment les sacrifices).
— 716. Ézéchias.
La chute du royaume d’Israël fait la fortune de Juda. La destruction des villes du nord comme Hatzor amène un flux de populations cultivées vers les villes du Sud et surtout à l’ouest de Jérusalem, qui fait « un grand bond en avant ».
Grâce à ce regroupement, Jérusalem devient l’unique capitale du royaume hébreu. Le roi Ézéchias fait édifier des remparts tout autour de la ville, englobant ainsi les nouveaux arrivants afin de les protéger des attaques assyriennes. La ville se dote de la sorte d’une superficie bien plus conséquente en comparaison des cités alentour, mais encore bien réduite par rapport à la grande capitale assyrienne : Ninive.
En même temps que cette extraordinaire transformation sociale, vers la fin du VIIIe siècle avant notre ère, se développe une lutte religieuse intense, dont la conséquence directe sera l’émergence de la Bible. L’unification religieuse autour de « Yahou l’unique » et centrée sur le temple de Jérusalem, a en effet des raisons à l’évidence politiques. Ce n’est pas encore pourtant un vrai monothéisme, mais bien plutôt le culte rendu à un dieu-ou-démon exclusif et jaloux.
Ézéchias interdit les religions et les cultes autres que ceux de Yhwh, fait fermer les bamot, sanctuaires traditionnels des buttes comportant stèles, bois sacrés, et autels, et concentre le culte sur le temple de Jérusalem.
— 700. Ézéchias se rebelle contre ses suzerains et se joint à une coalition antiassyrienne menée par l’Égypte, afin d’obtenir son indépendance. Le calcul s’avérera désastreux et provoquera la riposte de Sennachérib en 701. Malgré les efforts défensifs déployés, l’attaque assyrienne sera un coup dur. La ville de Lakish en Judée est entièrement détruite, la population des campagnes déportée, et Jérusalem assiégée. Mais les Assyriens feront demi-tour (épidémie dans le camp ou querelle de palais à Ninive les obligeant à rentrer de toute urgence). Ézéchias, échaudé, préférera néanmoins se soumettre.
— 699. Manassé.
— 645. Amôn.
Retour au respect de toutes les religions, au partage, à l’agnosticisme.
La plus grande tolérance religieuse (une laïcité ouverte avant la lettre) règne en Judée et avec Manassé, tout comme avec Amôn, la prospérité tout comme le polythéisme (la liberté religieuse) reviennent.
Ces deux rois multiplient les autels où les pierres levées en l’honneur des baals, ou de leurs parèdres, les ashéras ; ce que nos amis hindous appellent les shaktis (2 Chroniques, 33). Et c’est ainsi que Yahvé se verra, lui aussi, doter d’une telle ashéra.
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LE VÉRITABLE AUTEUR DE LA BIBLE.
Josias (hébreu Yoshiyyahou), fils et successeur d’Amon, 16e roi de Juda de -639 à -609, année où il est tué par le pharaon Néchao II à Megiddo. Il est le père de trois rois qui lui succédèrent sur le trône de Juda : Joachaz, Joaqim et Sédécias. Il est contemporain des prophètes Jérémie et Sophonie, et est considéré comme un « nouveau » David.
D’après le Deuxième Livre des Rois, pendant la dix-huitième année de son règne, Josias ordonne que l’on répare les dégradations subies par le Temple de Salomon. À cette occasion, le grand prêtre Helkias déclarera (comme par hasard) avoir trouvé un exemplaire du « livre de la Loi » dans le
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Temple (voir 2 Rois 22-8). Après en avoir entendu la lecture, Josias pleure et envoie consulter son Dieu, car il estime que, depuis longtemps, son royaume ne vit pas selon la Loi divine.
Ses serviteurs s’adressent alors à la prophétesse Houldah. Elle répond que Dieu a effectivement condamné le royaume de Juda, mais Josias, qui a bien réagi au rappel de la Loi, n’assistera pas à ce malheur. Josias organise alors une lecture publique du livre au Temple de Salomon, puis ordonne d’éradiquer tout culte qui n’est pas le sien dans le royaume.
Pour cela, il s’attaquera même aux prêtres aux lieux de cultes et aux statues. Cette persécution constitue ce que l’on appellera plus tard la réforme (révolution aurait été un terme plus judicieux) de Josias. Il s’en prendra notamment au culte de Baal principale divinité de son ex-puissant rival du nord, vaincu par Sargon II roi d’Assyrie en -722, le royaume d’Israël stricto sensu.
Et d’abord à son symbole, le taureau ou veau, sur toutes les terres de l’ex-royaume d’Israël que l’effondrement rapide de l’empire néo-assyrien après la mort d’Assourbanipal (guerres civiles, soulèvement des Mèdes et des Babyloniens) lui avait permis de récupérer.
C’est ainsi que Josias redevenu virtuellement indépendant à ce moment-là, put faire démolir le sanctuaire de Béthel et son célèbre veau d’or.
Il ordonna ensuite à toutes les populations dépendant de son autorité ressuscitée de célébrer chaque année la fête de Pessah à Jérusalem.
LA RÉFORME RELIGIEUSE DE JOSIAS.
Le mystérieux « livre de la Loi » opportunément redécouvert lors des travaux de restauration du temple doit correspondre à ce que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de Pentateuque. Reste à savoir s’il était bien dû à Moïse (ce qui serait étonnant) et complet.
On a le choix entre trois hypothèses.
Texte authentiquement de Moïse et complet.
Texte authentiquement de Moïse, mais embryonnaire
Le Deutéronome par exemple. Une première version du Deutéronome.
Texte inventé pour les besoins de la cause.
Quoi qu’il en soit ce qui est certain c’est que Josias fait de ce Livre la base de sa réforme de la religion juive et de l’éradication des bamoth ou « hauts lieux » (semble-t-il des sanctuaires installés sur des hauteurs) et de divinités entourant YHWH.
Cette réforme religieuse est présentée par la Bible actuelle comme un retour au monothéisme originel partiellement oublié par les israélites. À l’inverse, bon nombre d’historiens considèrent Josias comme le véritable créateur du monothéisme hébraïque moderne, ayant imposé une vision de YHWH comme dieu unique, et non plus seulement comme dieu suprême des israélites. Dans cette hypothèse, Josias n’est pas le créateur de cette vision (qui se dessine dans les sources plus anciennes dites du yahviste et dans l’élohiste de l’hypothèse documentaire), mais son porte-parole dans le combat théologique l’opposant à la tendance élohiste.
Le polythéisme israélite est en effet bien attesté avant Josias. « Les inscriptions datant du VIIIe siècle, trouvées sur le site de Kountillet Ajroud, dans le nord-est du Sinaï […] font apparemment référence à la déesse Ashérah comme étant l’épouse de Yahvé ». On trouve aussi la mention « YHWH et son épouse Ashéra » sur une inscription datant de la monarchie tardive (vers -600) dans la région de la Shefelah (royaume de Juda).
SUS AUX AUTRES DIEUX.
Le texte actuel nous présente Josias comme luttant contre ces cultes : il « ordonna […] de retirer du sanctuaire de YHWH tous les objets de culte qui avaient été faits pour Baal, pour Ashéra et pour toute l’armée du ciel […]. Il supprima les faux prêtres que les rois de Juda avaient installés et qui sacrifiaient […] à Baal, au soleil, à la lune, aux constellations et à toute l’armée du ciel. […] Il démolit la demeure des prostituées sacrées, qui était dans le temple de YHWH4 ».
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LE CONTRE EXEMPLE DU TEMPLE JUIF D’ÉLÉPHANTINE DANS LE SUD DE L’ÉGYPTE UNE GÉNÉRATION PLUS TARD AU VIe SIÈCLE AVANT NOTRE ÈRE.
La communauté juive revenue à Jérusalem en – 459 afin d’y monter la garde pour le compte de l’Empire perse n’a pas été la première à se retrouver dans cette situation, à savoir être officiellement au service d’un empire étranger après la prise de la ville en -597.
En -587 un certain nombre de familles juives était déjà parties dans le sud de l’Égypte pour se mettre au service des armées du pharaon Apriès stationnées dans la région pour surveiller la frontière.
Il est difficile savoir quand cette garnison juive s’est installée sur l’île d’Éléphantine alors appelée Yeb.
Les papyrus stipulent seulement que ce fut « avant Cambyse » ce qui nous ramènerait alors à Cyrus le grand, mais c’est impossible, Cyrus n’ayant jamais conquis l’Égypte.
Par contre après la conquête de l’Égypte par ses troupes son fils Cambyse aurait alors enrôlé cette garnison juive au service de sa cause, et elle aurait dès lors collaboré avec les autorités perses achéménides. Ce que leur reprocheront les Égyptiens quand ils auront reconquis leur indépendance.
L’immense intérêt pour l’histoire de cette colonie juive d’Éléphantine tient non au nombre de ses membres, mais au nombre de papyrus, 175, les concernant ou venant d’eux qu’on y a découvert à l’occasion des fouilles archéologiques de leurs quartiers dans l’île.
Ces documents rédigés en araméen traitent un peu de tous les sujets et nous fournissent donc des informations très précieuses voire fondamentales dans le domaine du judaïsme religieux.
Il y avait par exemple un temple et un prêtre à Éléphantine.
Trois autres dieux étaient aussi adorés dans le temple, Herem Bethel, Asham Bethel et. Anat Bethel ou Anat Yahou.
Le groupe de lettre symbolisant le nom de Yahvé est symbolisé par trois lettres, Y H W, et constitue donc un trigramme, alors qu’il y en a quatre dans le tétragramme que nous connaissons de nos jours.
Édités par Cowley en 1932 puis par Grelot en 19721, ces papyri ont fait l’objet de diverses études dont, récemment, un livre détaillé de Joseph Mélèze-Modrzejewski.
On y apprend par exemple que les juifs revenus à Jérusalem prirent contact avec eux quelques années après leur retour de Babylone.
Un document, appelé le « papyrus pascal », daté de -419 ou -418, en atteste. Il s’agit d’une lettre adressée à Yédonyah, le neveu de Mibtahyah, par Hananyah (peut-être le frère de Néhémie ou l’un de ses collaborateurs). Cette lettre demande qu’à Éléphantine soit désormais respectée, pour la célébration de Pâques et de la fête des Azymes, la date fixe du 15 au 21 du mois de Nissan comme à Jérusalem, et non plus une date locale liée au début des moissons.
On ignore comment fut accueillie cette tentative de la part de la communauté de Jérusalem d’aligner les pratiques religieuses sur les idées qu’ils avaient ramenées de Babylone.
RETOUR À JÉRUSALEM 30 ANS PLUS TÔT.
Après avoir installé Yahvé – et lui tout seul – dans le temple de Jérusalem, Josias a poursuivi sa révolution dans le reste de son royaume.
— Il interdit de brûler de l’encens pour Baal.
— Et de sacrifier des enfants au dieu Molek (qui n’était peut-être rien d’autre qu’une manifestation du dieu du royaume défunt d’Israël auquel avaient été offerts des sacrifices humains pour obtenir la victoire).
— Il fait couper les poteaux sacrés, symboles de la déesse Adhéra (une divinité féminine qui était fréquemment associée à Yahvé).
— Il fait égorger les prêtres des « faux dieux » sur leurs autels, avant de souiller les lieux consacrés à la déesse Astarté
— Josias ne limite pas son épuration religieuse aux frontières traditionnelles de son royaume : il l’étend vers le Nord, jusqu’à Béthel, où le très détesté roi Jéroboam Ier avait bâti un temple devenu le rival de celui de Jérusalem.
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Sur ces ruines fumantes – après avoir, en quelque sorte, brûlé le veau d’or de son époque –, Josias révolutionne le rituel, et pose les principes fondamentaux du monothéisme biblique, qui se résument au culte exclusif d’un seul Dieu en un seul lieu (celui de Yahvé à Jérusalem), à l’observance nationale des fêtes principales de l’année juive (comme la Pâque et les Tabernacles), et il y ajoute enfin une série de réglementations diverses.
Réécriture de l’histoire.
Ce premier « Deutéronome » fut complété par les scribes du roi. Ils ont rassemblé et refondu certaines des traditions les plus précieuses d’Israël. Ils ont combiné les récits des patriarches Abraham, Isaac et Jacob, en les situant dans un contexte ressemblant à celui du VIIe siècle avant notre ère (ils ont, par exemple, fait apparaître des chameaux, un anachronisme qui les trahit, NDLR.). Et ils ont mis l’accent sur Moïse qui résiste à un pharaon autoritaire dont l’empire ressemblait comme deux gouttes d’eau, dans ses détails géographiques, à celui de Psammétique Ier, le souverain menaçant qui règne sur l’Égypte à l’époque du roi Josias
Compilateurs d’anciennes traditions, les auteurs de ce premier « Deutéronome » ont aussi ajouté un nouveau chapitre à la saga, un épisode qu’ils ont inventé de toutes pièces. C’est « Le Livre de Josué » qui raconte la conquête militaire de Canaan, et la bataille de Jéricho, où le peuple d’Israël fait sept fois le tour de la ville assiégée en portant l’Arche d’alliance, en attendant que Dieu foudroie les murailles ennemies.
Le Livre de Josué est atypique. Il est l’un des seuls textes bibliques à prétendre que le peuple d’Israël a pris possession du pays « manu militari ». Ailleurs dans la Bible, on raconte plus simplement que Yahvé a trouvé le peuple dans le désert, et qu’il l’a conduit sur ces terres, sans combattre les autochtones.
Livre de Josué Livre de Josué et après ? Quid des autres Prophètes (Neviim) et des autres écrits (ketouvim) ?
On peut penser qu’un bon nombre de ces ouvrages seront introduits dans le canon après le retour de l’exil à Babylone, peut-être par Néhémie, mais plus vraisemblablement par Esdras qui faisait des lectures publiques sur les places de Jérusalem et…
a) Devait bien choisir des textes pour cela.
b) Devait faire des explications de textes.
c) Se retrouva ainsi à l’origine de la grande assemblée ancêtre du Sanhédrin.
d) Est considéré comme un second Moïse par certains intellectuels du judaïsme.
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RÉSUMÉ DES ÉPISODES PRÉCÉDENTS.
— 622. Josias. Théocratie. Manassé ainsi qu’Amon seront bien évidemment dénigrés par ce dernier. Révolution religieuse et montée en puissance du royaume de Juda. Josias profite en effet de la défaite de son grand concurrent du Nord pour étendre son territoire au sud de la Samarie, jusqu’au célèbre temple de Bethel, dont il fera massacrer les prêtres (2 Rois 23). Bonjour, la tolérance ! Retour du racisme religieux (« redécouverte » de la loi de Moïse. 2 Chroniques 34 et 2 Rois 22, 8 à 10). Josias interdit les cultes autres que le sien.
— 609. Vassal de l’Assyrie, le roi Josias doit affronter l’Égypte de Nékho. Il est vaincu et tué à Megiddo. Joachaz lui succède. Trois mois à peine plus tard, Nékho le convoque à Ribla et l’envoie, chargé de chaînes, en Égypte. Il le remplace sur le trône de Juda par son frère Joaquim, dont il fait son vassal évidemment.
— 605. Le pharaon Nékho est battu à Karkemish par Nabuchodonosor et la région passe sous le contrôle de Babylone. Le calendrier babylonien commence à s’introduire en Judée.
Joaquim se révolte et refuse de payer le tribut. Son fils Joïaquin lui succède en – 597.
— 597. Nabuchodonosor II perd patience contre son vassal. Il attaque le royaume de Juda, prend Jérusalem, emmène en captivité le roi Joïaquin et sa famille, et ordonne la déportation de plusieurs milliers de juifs choisis parmi les membres de la haute société du royaume (de Juda. Entre 4 000 et 8 000 personnes sans doute, surtout des nobles et des membres du clergé). Il met ensuite en place sur le trône un oncle de Joïaquin, Sédécias.
— 597 – 587 à Jérusalem : Sédécias. Reprise du culte. (2 Chron. 29, 30 à 36). Mais Sédécias ne sait pas gérer la situation, se laisse déborder par les habitants, et se joint à une ligue formée contre Babylone par l’Égypte. Son refus de payer le tribut dû aux Babyloniens déclenchera la guerre qui sera fatale à la ville.
— 588. Nabuchodonosor II refait le siège de Jérusalem, et ce pendant deux ans. Sédécias tente de s’enfuir, mais sera fait prisonnier. Nabuchodonosor II fait tuer ses fils en représailles, et lui fait
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également crever les yeux puis le déporte en captivité à Babylone. Après quoi il fait raser Jérusalem. La ville est détruite et son temple aussi. Nabuchodonosor emporte même les chandeliers. Jérusalem passe sous administration babylonienne.
L’événement met fin à la dynastie des rois issus de David. À partir de là, le terme « mashia » ne désignera plus qu’un hypothétique retour au pouvoir de sa lignée.
Beaucoup d’habitants de cette ville n’ayant plus d’abri suivent les Babyloniens de leur propre initiative et sans être réellement prisonniers. D’autres s’enfuiront (à nouveau) dans les pays alentour pour échapper à l’esclavage et à cette troisième déportation. Par exemple en Égypte.
La riche documentation, constituée de papyrus en araméen trouvée dans l’île d’Éléphantine, juste après la première cataracte du Nil, nous renseigne de façon détaillée sur la vie d’une communauté juive installée à Éléphantine et à Syène (aujourd’hui Assouan). Il s’agit de militaires qui vivent, avec leur famille, dans la garnison chargée de surveiller la frontière sud de l’Égypte. Ces papyrus ne permettent pas de savoir précisément à quelle date ces soldats judéens viennent s’installer en Égypte, mais il semble que ce soit au moment de l’Exil à Babylone. La communauté a construit, autrefois, avant Cambyse selon les papyrus, un Temple avec holocauste, encensement et oblation.
Ces documents sont extrêmement précieux, car ils nous fournissent quantité de renseignements sur la vie quotidienne de ces juifs, qui sont les seuls dont nous ayons une trace objective et sûre en Égypte. Grâce à eux nous savons tout par exemple, de la vie de Mibtahyah, née vers – 475, mariée à 15 ans et décédée vers – 430 à l’âge de 45 ans.
On notera le caractère très moderne de la législation sur la femme dans l’Égypte antique, ainsi que l’absence totale de racisme ou de xénophobie antijuifs dans la population égyptienne (les mariages mixtes sont courants à Éléphantine) comme dans les tribunaux égyptiens. Enfin du moins à Éléphantine.
L’existence du Temple d’Éléphantine pose un double problème religieux, vis-à-vis du culte juif d’une part (le principe deutéronomique du monopole du culte à Jérusalem n’est pas respecté), et vis-à-vis du culte égyptien d’autre part. Le culte de Khnoum, dieu-ou-démon bélier d’Éléphantine, dieu-ou-démon-potier des enfants à naître, s’accommode mal du sacrifice des béliers de l’holocauste. Vers – 410 une révolte, détruira le temple qui sera reconstruit, mais nous perdons la trace de cette communauté, la seule communauté juive historiquement attestée en Égypte, rappelons-le, en – 399, avec l’expulsion des Perses par les Égyptiens. Traduction complète de ces papyrus sur le site web de K. C. Hanson.
Ils prouvent que cinq siècles avant notre ère c’est-à-dire au moment de la déportation à Babylone (dans un autre temple que celui de Jérusalem) des Judéens adoraient un dieu-ou-démon nommé Yahou et deux divinités féminines, dont une s’appelait Aneth.
Tous ces documents (Éléphantine, Hermopolis) sont d’autant plus fondamentaux qu’ils nous permettent enfin d’avoir un point de vue autre que celui de la Bible sur la vraie religion des juifs de l’époque. Car s’en tenir seulement à la Bible pour avoir une idée objective de la vraie religion des Judéens de l’époque c’est évidemment tourner en rond.
Car des lettres de commerçants judéens trouvées à Hermopolis témoignent aussi du culte de « Anat-Yahô », où Yahô est associé à la déesse-ou-démone, ou fée, appelée Aneth, ce qui est d’autant moins monothéiste que beaucoup d’autres divinités sont mêlées à leurs bénédictions.
Le vrai panthéon judéen de cette époque, d’avant l’exil à Babylone, est finalement très bien résumé au début du livre de Job (1,6) : il y a Yhwh, ses fils ou serviteurs les Élohim et le grand Satan.
Yhwh étant le dieu-ou-démon (unique ?) de la Judée (dont le temple de Jérusalem était le centre spirituel) aussi prêché ou adoré, mais avec moins de succès apparemment, en Samarie et en Galilée.
À ce stade, ce n’est pourtant toujours qu’une monolâtrie et non un dieu de philosophes, un dieu-ou-démon tribal jaloux, sectaire et cruel, vengeur et guerrier ; le dieu-ou-démon d’un peuple dont l’unité fait problème (opposition des royaumes de Juda et d’Israël, de la Judée, de la Samarie ; ou de la Galilée). Même au temps des rois le culte d’État de Yhwh (qui n’est pas le dieu des philosophes encore une fois rappelons-le) n’arrivera pas à s’imposer complètement.
— 587. La Judée se vide en partie de ses habitants. Les autres restent en tant que vassaux de Babylone. Dans le Nord le petit peuple, laissé sur place pour travailler la terre, sera désigné ensuite (par les rapatriés de retour au pays) sous le nom de Samaritains, à cause de leur début d’assyrianisation. (Comme si les familles déportées à Babylone n’avaient pas été, elles aussi, plus ou moins influencées par sa civilisation ou sa population : mariages mixtes, et ainsi de suite.)
— 586. Godolias (Guedalyah). Fils du scribe en chef du roi Josias. Est fait gouverneur par Nabuchodonosor.
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Les Judéens qui restent seront administrés par lui. Mitspa, au nord de Jérusalem, devient la capitale de cette nouvelle province babylonienne. Godolias sera rapidement victime d’une sanglante révolution de palais qui contraindra aussi le prophète Jérémie à fuir en Égypte, par peur des représailles.
La déportation en Babylonie durera cinquante ans. En – 560. Amel Mardouk (nom qui veut dire « serviteur de Mardouk ») le roi de Babylone fils de Nabuchodonosor gracie le roi Joïaquin qui est relâché. Joïaquin restera néanmoins assigné à résidence dans la cité où il vivra paisiblement jusqu’à sa mort, entretenu par ses vainqueurs.
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LES DÉPORTATIONS À BABYLONE.
Note sur les deux déportations : celle qui affecta une partie de la population du royaume du Nord et celle qui concerna une partie de la population du royaume du Sud (Jérusalem).
En – 722 Samarie la capitale du royaume du nord (Israël) est prise par Sargon II et sa population ou du moins une partie est déportée en divers endroits d’Assyrie donnant ainsi naissance à la légende des dix tribus perdues d’Israël. Mais si certaines tribus d’Israël ne sont pas revenues de déportation, ce fut sans doute parce qu’elles préférèrent rester en Mésopotamie.
La tribu de Dan, par exemple. Elle adorait des statuettes plus ou moins adaptées au culte de Yahou (Juges 18, 30-31). Le culte de Yahou n’était en réalité qu’un des nombreux cultes pratiqués par les tribus juives de cette époque, mais comme ne revinrent à Jérusalem, après la déportation à Babylone, que les purs et durs de son culte ; ce fut donc lui qui occupa la première place dans l’esprit des prêtres qui composèrent ensuite la Bible (Néhémie, Esdras et ainsi de suite).
Ces derniers idéalisèrent le règne de Josias (-622, le temps de l’indépendance) et en firent rétroactivement un âge d’or perdu. (Deutéronome 30. Ces paroles ne sont évidemment pas de Moïse lui-même, mais ont été mises dans sa bouche par des intellectuels juifs postexiliques de retour de Babylone). Si les juifs avaient été vaincus, c’était parce que Yahou avait choisi de se joindre aux autres dieu-ou-démons, ses frères, pour les punir et les châtier.
Ces exilés-là, à la différence de ceux des autres tribus, garderont donc intact le sentiment de leur identité nationale ainsi qu’une partie de leurs rites religieux centrés autour de Yahou. Cinquante ans, ce n’est pas une période assez longue pour les perdre complètement par assimilation. Mais ils se nourriront largement de la civilisation babylonienne, qui est la plus avancée de l’époque, au point que leur religion sera rendue méconnaissable pour leurs compatriotes restés sur place, les Samaritains ou les populations semblables des environs de Jérusalem. L’expérience de l’exil instituant la domination des prêtres et mettant les élites en contact avec de nombreuses bibliothèques, accentue l’élaboration d’un corpus destiné à préserver la singularité et l’unité des exilés. Il ne s’agit toujours pas de l’élargissement de la foi judaïque, qui reste pratiquement réservée aux circoncis et aux élus de Yahou, mais de la naissance, en Babylonie, de nouvelles formes d’idées. Inspirées des principes fondamentaux que les Judéens découvrent au contact de ces cultures étrangères et de leurs bibliothèques.
Les sectateurs de Yahou déportés à Babylone n’étaient pas monothéistes au sens strict du terme, puisque leur croyance n’était pas fondée sur des prémisses philosophiques. Yahou n’était pas le dieu des philosophes. L’exil à Babylone fut donc un véritable choc des civilisations pour eux.
La conquête de l’empire babylonien par le grand roi aryen Cyrus et sa prudente politique de tolérance religieuse tous azimuts quelques dizaines d’années plus tard changera complètement la donne.
L’édit de Cyrus libérant ou plus exactement renvoyant pour d’évidentes raisons politiques certains juifs à Jérusalem après sa victoire en – 538 nous a été partiellement conservé par Esdras.
Il va de soi que le grand Cyrus n’était ni monothéiste ni monolâtre et que le dieu des Juifs n’était pour lui qu’un dieu parmi d’autres. Toute cette partie de la Bible et plus précisément du livre d’Esdras n’est donc due qu’au racisme ou à l’orgueil des disciples d’Esdras ou à la volonté de complaire à leur nouveau maître et n’est absolument pas objective.
Il s’agissait en fait pour Cyrus, outre son évident souci de ne se fâcher avec aucun dieu, d’installer à Jérusalem et face à l’éternel danger égyptien, une population entièrement acquise à sa cause.
Que Cyrus ait voulu aider et encourager ce processus ressort clairement du début même du texte du livre d’Esdras et notamment de son 4e verset. Le voici.
« Qu’à tous les rescapés, partout, la population des lieux où ils résident apporte une aide en argent, en or, en équipement et en montures, en même temps que des offrandes de dévotion pour le Temple du dieu qui est à Jérusalem ».
Malgré un aussi éminent patronage, il n’y eut pas foule et encore moins de moyens matériels mis à la disposition de cette poignée de « pionniers ». La preuve le mythe des dix tribus perdues.
La plus grande partie des déportés dont le sort s’était peu à peu grandement amélioré depuis qu’Amel Mardouk (Evil Merodach) le fils de Nabuchodonosor avait gracié le roi Joïaquin et qui s’étaient bien intégrés au sein de cet empire cosmopolite (nombreux mariages mixtes) préférèrent rester. Peu désireux de tenter l’aventure du retour dans une ville ruinée et sans défense, ils préférèrent demeurer au cœur de ce gigantesque empire. Certains y avaient même atteint des postes de haute responsabilité.
D’où le Talmud dit « de Babylone ».
Mais ils entendent bien évidemment continuer à peser de tout leur poids sur les destinées de la partie de leur communauté revenue à Jérusalem.
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Suite à cette décision officielle du grand Cyrus, un petit groupe de sectateurs de Yahou entreprend donc de revenir à Jérusalem.
La ville est en ruine et ne dispose plus de murailles pour la protéger. Dans un premier temps, seul l’autel du Temple pourra être remis en service. Sous l’impulsion d’Aggée et Zacharie, les responsables dudit groupe nommés par Cyrus, le prêtre Josué et le prince Zorobabel entreprendront de reconstruire le Temple. Les travaux commenceront en 520 et seront achevés en 515.
Ainsi que nous avons eu l’occasion de le voir, le gros problème ce sont les juifs qui sont restés sur place que ce soit dans le nord ou dans le sud autour de Jérusalem et qui ne sont pas partis en déportation. Entre les deux groupes, les réactions racistes se multiplieront.
Les déportés de retour à Jérusalem faisaient partie de l’élite. C’étaient des princes, des prêtres, des scribes et des savants. Ils considèrent donc avec une certaine condescendance ceux qui sont restés sur place, et qui, faute de chefs et de prêtres, n’ont pas évolué dans le même sens qu’eux.
Inversement beaucoup de ceux qui étaient restés voient d’un mauvais œil le retour de ces déportés arrogants et se prévalant de l’autorité de l’empereur perse, suspects en outre d’avoir été contaminés par leur contact avec les païens de Babylone. La théologie des nouveaux venus a en effet beaucoup évolué pendant l’exil et apparaît incompréhensible, voire même hérétique, à ceux qui pensent avoir gardé l’authentique judaïsme de leurs pères.
De plus, Jérusalem fait désormais partie de la circonscription administrative de Samarie ce qui n’arrange pas les choses, car le gouverneur de ce district accepte mal que l’on empiète sur son domaine d’autorité.
En ce qui concerne la question controversée des Samaritains, voici ce que l’on peut en dire.
La thèse dominante chez les historiens est plutôt que 80 % des habitants de l’ancien royaume de Samarie sont bien restés sur place lors des déportations ayant affecté leur pays, et sont devenus les Samaritains (au sens religieux du terme) cités par le Livre des rois.
Dans cette optique, les 10 tribus d’Israël mystérieusement disparues ne seraient qu’un mythe inventé pour justifier l’exclusion des Samaritains de la communauté israélite : on ne rompait pas avec d’autres Israélites, on constatait seulement leur disparition et leur remplacement par des étrangers. Un point c’est tout.
Les raisons de cette rupture définitive seraient principalement :
— La question du monopole du temple du Mont Garizim ou de celui de Jérusalem, en matière de culte.
— La place de la Torah orale (plus tard compilée dans la Mishna la Gémara puis le Talmud) chez les Judéens, et refusée par les Samaritains.
L’étude précédemment citée tente d’apporter un éclairage par la génétique. Ses auteurs penchent finalement en faveur d’une approche mixte entre remplacement et continuité : les caractéristiques génétiques samaritaines correspondent à un sous-groupe des prêtres juifs cohanim d’origine qui n’est pas parti en exil quand les Assyriens ont conquis le royaume du Nord, mais qui ont épousé des Assyriennes et des femmes exilées réinstallées à partir d’autres terres conquises.
Mais laissons de côté ces pénibles et nauséabondes considérations racistes juives ou samaritaines et revenons au fait déterminant.
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PÉRIODE PERSE ET ACHÈVEMENT DE LA BIBLE JUIVE.
Les deux prédécesseurs de Cyrus II le grand, les rois Astyage et son père Cyaxare, se feront connaître pour les faits d’armes suivants…
— Assassinats, bains de sang, monceaux de têtes coupées à l’entrée des fortifications.
— Prisonniers empalés ou écorchés vifs.
— Cadavres atrocement mutilés laissés en pâture aux bêtes sauvages et aux vautours.
— Acharnement sur les femmes et les vieillards et réduction en esclavage des filles et garçons après leur avoir fait subir les pires outrages !
— 546. Cyrus II le Grand conquiert l’Asie Mineure et bat Crésus roi de Lydie dont il annexe le royaume. Crésus était devenu riche grâce aux pépites d’or que l’on trouvait dans le Pactole, la rivière qui traversait Sardes sa capitale. Comme Cyrus avait condamné Crésus au bûcher, celui-ci lui fit remarquer : la plupart des gens ont fait de moi l’homme le plus heureux du monde, « mais personne ne peut être considéré comme heureux avant d’avoir vécu sa fin ». Cyrus le gracia et en fit son ami.
— 540. Cyrus avait une très grande réputation de sagesse et de respect auprès des populations étrangères ! Cette réputation l’avait même précédé avant qu’il n’entre en Babylonie, car Gobryas, le gouverneur de Gutium, chef des armées de Nabonide, qui avait reçu le commandement des troupes devant arrêter l’avancée des Perses ; mit tout simplement son armée à la disposition de Cyrus le Grand ! La ville de Sippar, où Nabonide avait son quartier général, fut prise le quatorzième jour sans combat comme fut également prise, deux jours plus, tard Babylone, sans l’effusion d’une seule goutte de sang !
Mieux, Cyrus ordonna de mettre jusqu’à la fin du mois des gardes autour des portes des temples pour qu’à aucun moment il n’y ait d’interruption des célébrations et des prières. C’est ainsi, souligne le graveur de tablettes de l’époque, que Cyrus entra dans Babylone, où le peuple l’attendait avec joie et fut salué sur son passage par une foule en liesse.
Conclusion du cylindre de Cyrus.
« De Babylone à Assur et de Suse…………… jusqu’au pays de Gutium, les lieux sacrés de l’autre côté du Tigre, dont les sanctuaires avaient été abandonnés depuis longtemps, j’ai renvoyé chez elles les images des dieux qui demeuraient ici à Babylone et je les ai rendus à leurs demeures de toujours. J’ai rassemblé tous leurs habitants et les ai renvoyés chez eux. En outre sur ordre de Mardouk le grand seigneur, j’ai réinstallé chez eux, dans d’agréables demeures, les dieux de Sumer et d’Akkad, que Nabonide, à la grande fureur du seigneur des dieux, avait ramenés à Babylone ».
Puissent tous les dieux que j’ai rendus à leurs sanctuaires demander quotidiennement à Bel et Nebo que je vive longtemps et intercéder pour mon bien-être. Puissent-ils dire à Mardouk mon seigneur : « quant à Cyrus, le roi qui te révères, et Cambyse son fils [lacune]…… le peuple de Babylone bénit ma royauté, et j’ai ramené la paix partout.
Cyrus II le Grand se fait donc reconnaître comme roi, mais n’annexe pas le pays et se concilie les populations soumises en leur restituant leurs divinités.
— 539 par conséquent. Fin de la déportation en Babylonie.
Ce retour d’exil est commenté diversement dans Esaïe (44 et suivants) Aggée, Esdras et Néhémie.
Leurs livres présentent de toute façon la réalité telle qu’ont voulu la voir les Juifs revenus d’Exil, et non telle qu’elle fut (d’où une certaine schizophrénie, qui traversera les siècles).
Au total il s’est sans doute agi du retour en Judée de plusieurs dizaines de milliers de personnes, 60 000 peut-être, en trois vagues successives. La description de leur retour dans le pays, de la reconstruction des remparts, des maisons et du temple, est criante de vérité, comme aussi ce drame : la répudiation des femmes étrangères et la ségrégation de la première vraie communauté juive… Il s’agit bien ici de la naissance du judaïsme pur et dur.
— 538. Cyrus ayant libéré les Judéens de leur captivité pour aussi contrer les visées de l’Égypte sur la région, il en renvoie une partie (30 000 ? Les adeptes du culte exclusif de Yahweh, avec leurs femmes et leurs enfants) afin de reconstruire Jérusalem et y vivre sous son protectorat. Avec un gouverneur nommé par lui pour y appliquer son décret faisant de la loi de Moïse la loi de cette Jérusalem reconstruite ainsi que de la région alentour : Sheshbatsar.
— 538 toujours et si ce n’est pas le même personnage, Sheshbatsar, qu’avant, mais bien quelqu’un de différent (il y a en effet un doute) ; Zorobabel, petit-fils du dernier roi de Juda, Joïakin, et donc descendant de David, est nommé satrape (gouverneur) de Jérusalem et de Judée, commissaire au rapatriement des Judéens dans le pays. Son nom signifie « héritier de Babylone » en akkadien. Les autorités perses lui confient la responsabilité de l’administration de la police et de l’armée. Adoption de la langue araméenne et du calendrier officiel de l’Empire perse, ainsi que du calendrier luni-solaire
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babylonien aux mois ayant des noms et non des numéros. Consécration du nouvel autel en l’honneur de Yhwh.
— 522. Réformes administratives en série dans l’Empire perse. Darius met en place de nouvelles institutions (langue calendrier…), mais poursuit la même politique que son prédécesseur : aide et soutien à la renaissance religieuse juive, en échange d’une collaboration politique sans faille. Débuts de l’influence grecque. Des marchands et des colons s’installent en Palestine et commencent à commercer avec les populations de la région. 24e jour du 9e mois de la 2e année du règne de Darius, pose de la première pierre du Second Temple par Zorobabel.
— 515. Consécration du second temple, ce qui fera de nouveau de celui-ci le centre officiel du culte de Yhwh.
Josué, petit-fils du dernier prêtre ayant administré le Temple avant sa destruction, et donc lointain héritier d’une longue lignée sacerdotale remontant au temps du roi David (Sadoc), est nommé grand prêtre. Ses descendants dirigeront le Temple jusqu’à ce que les Maccabées fondent la dynastie hasmonéenne vers – 140.
— 457. Le gouvernement perse (Artaxerxès) demande à l’aristocratie sacerdotale du second temple de Jérusalem de mettre au point de nouvelles lois nationales (Esdras chapitre VII, 12 à 20).
Le grand-prêtre Esdras fait du Pentateuque le livre normatif par excellence, et forge ce nouveau coutumier local (la Torah) sur un modèle proche du Code d’Hammourabi, mais en rejetant les distinctions de castes. Il remanie le Deutéronome et tout ce qui précède, et attribue aussi au Moïse de Josias ces diverses modifications. Le texte sera solennellement entreposé dans le nouveau temple de Jérusalem. Il réorganise aussi le culte aux frais du trésor public perse (Esdras chapitre VII, 20). Les prêtres deviennent le centre du pouvoir à Jérusalem. De nouveaux textes prophétiques quelque peu schizophréniques sont rédigés. La grandeur de la Jérusalem exaltée par ces textes ne correspond pas évidemment à la situation réelle de la ville à l’époque, mais à un classique mécanisme de compensation relevant de la psychanalyse la plus élémentaire.
On aboutit ainsi à une sorte de gouvernement bicéphale pour la Judée.
Le pouvoir législatif et judiciaire appartient au grand prêtre, secondé par le sanhédrin, le pouvoir exécutif appartient au satrape nommé par les Perses.
— 444. Néhémie est nommé satrape de Jérusalem par l’empereur perse Artaxerxès 1er et relève les murailles de la ville.
— 425. Deuxième mission de Néhémie à Jérusalem.
— 350. Sous Artaxerxès III, la Judée est reconnue comme un État théocratique autonome, ayant sa propre monnaie, et une vie religieuse indépendante (grands prêtres, Sanhédrin). Mais toujours sous influence perse.
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PÉRIODE HELLÉNISTIQUE ET ROMAINE.
— 334. Alexandre le Grand franchit le Bosphore, traverse l’Asie Mineure, la Syrie.
— 332. Il s’empare de Tyr, massacre 8 000 de ses habitants et en fait vendre 30 000 comme esclaves. Puis il marche sur l’Égypte et y est accueilli en libérateur. Il entre dans le temple du dieu-ou-démon Ammon et obtient son approbation. Il se fera d’ailleurs un peu plus tard reconnaître par tous comme « Fils de Dieu », un exemple qui sera suivi par les empereurs de Rome.
Fondation d’Alexandrie.
Passage d’Alexandre à Jérusalem, qui devient un protectorat grec administré par les grands prêtres.
À l’époque certains juifs se demandaient même si Alexandre n’était pas le messie. Alexandre traverse la Mésopotamie, saisit à Suse l’immense trésor du roi Darius, continue à travers la Perse, l’Afghanistan, le Pakistan, et ne s’arrête que devant l’Indus. Les temples et les colonnades grecs surgissent partout, jusque dans les sables d’Afghanistan.
Un universalisme nouveau s’ouvre sous l’influence de la pensée des philosophes Platon, Aristote, Diogène. Dans tous les pays traversés, Alexandre organisait de grands jeux de type grec, avec des démonstrations de gymnastique, des concours littéraires et musicaux. Il s’habillait personnellement avec les costumes locaux et recherchait la sympathie des populations.
— 331. Alexandre appelle des juifs à Alexandrie. Ptolémée en envoie en Cyrénaïque et à peu près en même temps Séleucos en installe à Antioche.
— 320. La région passe sous la domination gréco-égyptienne de la dynastie des Lagides.
— 285. Les textes sacrés juifs font l’objet, à Alexandrie, en Égypte, d’une traduction en langue grecque, dite des Septante (selon la légende en effet, soixante-dix traducteurs y auraient travaillé jour et nuit, séparément). Le travail prendra en fait plus de deux siècles et comprendra plusieurs ajouts.
La septante traduit parfois un texte hébreu différent de celui qui est conservé dans la Bible juive. Ou bien elle introduit certaines variantes dans le texte original, de façon à s’adapter à la mentalité des lecteurs marqués par la culture grecque. Elle conservera aussi quelques textes dont l’original hébreu avait été perdu et, surtout, en ajoutera de nouveaux, directement écrits en grec. Les livres deutérocanoniques que sont par exemple l’Esther grec et le Daniel grec. L’initiative suscitera la réprobation des milieux intégristes juifs. La traduction de la Bible en grec aura pourtant une importance décisive, car elle permettra la diffusion de cette tradition dans tout le bassin méditerranéen, où les Judéens formaient déjà une nombreuse diaspora (qui prendra encore de l’ampleur plus tard).
— 180. La région passe sous la domination gréco-syrienne de la dynastie des Séleucides.
— 175. Règne d’Antiochos IV Épiphane. Onias III Grand-prêtre du Temple. Jason (de son vrai nom Joshua) lui succède. L’hellénisation progresse. D’après Toland et son célèbre christianisme sans mystère, les rabbins, divisés à l’époque en diverses sectes stoïcienne, platonicienne ou pythagoricienne, et autres ; ont alors, en usant d’une incroyable liberté dans l’allégorie, accommodé les Écritures aux plus incroyables spéculations d’un certain nombre de leurs maîtres. Et ils ont fait croire au peuple qui n’entendait rien à la Kabbale que c’était d’insondables mystères, lui enseignant ainsi à suivre des rites païens. John Toland exagère un peu et confond Kabbale et Talmud, mais ce qui est certain, c’est que de nombreux Judéens s’intègrent alors dans le monde grec et renoncent à la circoncision.
D’où une forte réaction xénophobe en sens contraire de certains milieux religieux. Le grand-prêtre de l’époque, Ménélaüs, est même obligé de s’élever contre une Loi « qui enseigne la haine du genre humain, défend de s’asseoir à la table des étrangers ou de leur marquer de la bienveillance » (BERNARD Lazare).
— 175 toujours. Onias III déchu de ses fonctions de grand-prêtre. Son fils réfugié en Égypte bâtira un nouveau Temple, à Léontopolis, avec l’aide du roi Ptolémée VI. Avec celui de l’île d’Éléphantine le temple de Leontopolis, aujourd’hui Tell el-Yahoudiya, la « colline des Juifs », dans la partie orientale du delta du Nil, est donc le deuxième exemple connu à défier, cette fois-ci en toute connaissance de cause, le principe du monopole reconnu au Temple de Jérusalem en matière de culte. L’expérience connaîtra un succès mitigé.
Onias IV, à la tête de ses soldats judéens, demande protection au roi d’Égypte. Il fuit son pays en proie à une grande agitation politique depuis l’assassinat de son père, Onias III, par le roi syrien Antiochos Épiphane. Onias IV est un militaire de grande valeur et l’armée judéenne est restée fidèle à l’Égypte. Pour le remercier de cette fidélité, Ptolémée lui accorde le droit de s’installer sur le site de Léontopolis, voué à la déesse Sekhmet.
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Onias donne à sa capitale un essor important et y construit un magnifique temple copié sur celui de Jérusalem. Le nom actuel de Tell el-Yahoudiya, « la butte aux Juifs », confirme l’importance de cette communauté dont les maisons d’habitation, situées à côté du temple, sont défendues par un rempart. D’autres demeures sont construites à l’extérieur, dans les palmeraies.
Quant au temple, défendu par un château, il est accessible par une longue rampe partant de l’extérieur de l’enceinte pour aboutir à un parvis qui dessert les deux édifices. Le temple de Yahvé, composé de cours et de salles en enfilade, est enfermé dans son temenos (enceinte sacrée qui protège le temple). Il est fait de pierres à bossages et couronné de merlons agrémentés d’un décor à rosettes. À l’extrémité des remparts, une porte fortifiée s’ouvre sur la campagne et sur les champs.
À l’est de la ville se trouve la nécropole dont les tombes sont creusées dans le sol rocheux. Les stèles et les épitaphes retrouvées sur le site attestent également l’importance de la présence juive dans la cité. Dans les tombes, les corps, conformément à la loi judaïque, ne sont pas embaumés. Cette colonie fortement hellénisée et cultivée semble avoir joué un grand rôle dans cette région du Delta, les savants juifs faisant partie de l’élite intellectuelle de l’époque.
Le temple d’Onias fonctionnera jusqu’en l’an 73 date à laquelle, à la suite de la grande révolte des Juifs palestiniens des années 66 à 70, il est fermé sur les ordres de l’empereur romain Vespasien.
— 167. Interruption du culte à Jérusalem. Antiochos IV Épiphane détruit le temple, choqué par la pornographie de celui-ci. Les chérubins figurant dans le premier temple étaient à l’origine deux figures féminines, mais ils y avaient été remplacés par l’image de deux chérubins accouplés, dont l’un était mâle et l’autre femelle. En décembre, il fait donc ériger à la place de l’autel anciennement dédié aux holocaustes dans le temple, un nouvel autel, dédié à Zeus olympien cette fois-ci. On rapproche Yahweh du Theos Hypsistos grec. Ce qui importait pour les philosophes de l’époque, c’était d’adorer le vrai Dieu-ou-démon. Qu’on l’appelle Zeus, Yahweh, El ou Baal, n’avait pas d’importance pour eux.
La révolte des Zélotes et des Maccabées qui s’ensuivra mettra évidemment fin à cet œcuménisme avant la lettre, car elle s’élève contre cette tentative d’hellénisation (par suppression de l’ancien culte et du pouvoir religieux). La révolte des Maccabées constituera littéralement la religion du Livre (le zèle contre la Loi a créé le zèle pour la Loi ; apparition des assidéens), véritable parti pris pour la lettre, sacralisée, contre la banalisation de l’écrit. Le tragique destin des Maccabées donnera aussi naissance dans le pays à une nouvelle idée, celle de la mort rédemptrice. C’est en effet lors de la révolte des Maccabées contre cette hellénisation et la passivité sadducéenne qu’apparut l’idée d’un messie national doublé d’un messie spirituel, le salut national s’accordant avec le salut individuel. Ce qui n’empêchera pas d’ailleurs la pénétration de la philosophie grecque platonisante (surtout à Alexandrie avec Philon) de continuer.
— 164. Libération de Jérusalem par les Maccabées. Judas Maccabée purifie le temple et le restaure.
— 160. Jonathan grand prêtre.
— 142. Simon, son frère, en tant que grand-prêtre, se retrouve à la tête d’un État juif presque indépendant et devient ethnarque des juifs.
Fondation de la secte des esséniens (résultat de l’éclatement de la congrégation des assidéens) près de la Mer Morte.
— 134. Jean Hyrcan 1er fils de Simon lui succède.
— 128. Jean Hyrcan fait détruire le sanctuaire des Samaritains sur le mont Garizim.
— 104 à – 103. Aristobule 1er son fils lui succède. Il prend également le titre de roi qu’il cumulera avec son rôle de grand-prêtre, et Jérusalem sera dès lors administrée par toute une série de rois-prêtres.
— 103 à – 76. Les pharisiens déclarent impures les fréquentations entre juifs et Grecs. Et comme ils lui reprochaient d’être un Grec habillé à la juive, de déshonorer la grande prêtrise en la cumulant avec le rôle de chef de guerre (de roi) ; Alexandre Jannée en fait pendre ou crucifier 800 après avoir fait égorger devant eux leurs femmes et leurs enfants.
— 76 à – 69. Salomé Alexandra.
— 69 à – 63. Aristobule II.
— 63 à – 64. Hyrcan II.
— 64. Pompée s’empare de Jérusalem. La Syrie et la Judée deviennent province romaine. Les Romains nomment les rois et interviennent dans le choix des grands-prêtres.
— 61. Pompée ramène à Rome de nombreux esclaves judéens, affranchis par la suite.
— 60. Le Maître des Justes essénien a douze disciples (lui aussi), il passe pour le Messie descendant de David, mais il est persécuté par les autorités juives officielles, arrêté, torturé et exécuté.
— 40. Hérode le Grand, fils de l’Iduméen Antipater, s’empare du trône de Jérusalem.
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— 37. Il est confirmé par Rome en tant que roi allié des Romains pour ce qui est de la Judée, de la Samarie et de la Galilée.
— 20. Naissance de Philon d’Alexandrie (– 20 à + 65). Ce fut un intellectuel qui s’occupa tout particulièrement de religion et de philosophie. Il s’efforça notamment d’unir le judaïsme et l’hellénisme. Il constitua ainsi une doctrine platonicienne du « Verbe » ou « Logos », ayant beaucoup d’affinité avec celle de l’évangile dit de Jean. Philon a écrit cinquante volumes où il cite tous les événements, tous les grands personnages de son temps et de son pays, sans même oublier Pilate, mais sans mentionner Jésus. Il connaît et décrit avec force détails la secte des esséniens, qui vivait aux environs de Jérusalem et sur les rives du Jourdain.
— 4. Mort du roi des Juifs Hérode le Grand, censé régner à la naissance de Jésus selon Matthieu (2, 1). Son royaume est divisé en trois tétrarchies.
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An I. Puisque telle est la référence officielle (choisie au VIe siècle) du calendrier chrétien. C’est en réalité la date de naissance du mythe Jésus de Nazareth, choisie par le moine Denys le Petit d’après Luc qui affirme que J.-C. a eu trente ans la quinzième année du principat de Tibère. Ce qui néanmoins contredit Matthieu (Hérode) et Luc (Quirinus).
Quoi qu’il en soit, ce premier siècle de notre ère est une époque où les apparitions d’anges, les songes prémonitoires, et les voix célestes, sont fréquents, du moins si l’on en croit les légendes et les mythes du temps. De nombreux imposteurs ou prestidigitateurs… prenaient le titre de Messie (Christos/Chrestos en grec). Dans la province romaine de Galilée, les esséniens annoncent la venue prochaine d’un sauveur, puis la fin du monde.
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+6. Révolte de Judas le Galiléen. Varus crucifie 6 000 juifs devant Jérusalem. Un messie essénien nommé Ménahem est mis à mort par les Romains. Anne, grand prêtre. Quirinus, gouverneur de Syrie, entre en fonction (censé gouverner à la naissance de Jésus selon Luc 2, 2. Cette erreur de date témoigne de la méconnaissance des rédacteurs des évangiles en ce domaine : ils n’ont pas vécu ces événements).
L’empereur romain Octavien occupe définitivement la Palestine, dépose Archéaleos, le fils d’Hérode, du trône de Jérusalem (il sera exilé en Gaule) afin d’y mettre à sa place un certain Copponius (qui n’est pas juif). Pour les croyants, cette substitution représente l’accomplissement de la prophétie de Jacob : Genèse 49,10 : « Le sceptre ne s’éloignera point de Juda ni le bâton de commandement d’entre ses pieds, jusqu’à ce que vienne le Schilo (le Messie), et que les peuples lui obéissent ». En d’autres termes : « Quand le schilo (le messie) sera venu, alors le sceptre et le bâton de commandement s’éloigneront de Juda ».
La conséquence de cette réalisation apparente de la prophétie est que des messies commencèrent alors à surgir d’un peu partout. Ils étaient considérés par les Romains comme de dangereux agitateurs et arrêtés par eux, comme Theudas, Dosithée de Samarie, Jean de Gamala, Simon. La prise en compte de cette prophétie par les auteurs des évangiles a conduit Matthieu à situer la naissance de Jésus sous Hérode en – 4 et Luc sous Quirinius en + 6. Cette contradiction, gênante, n’a toujours pas été résolue.
+18. Caïphe (gendre d’Anne) grand prêtre.
+26. Ponce Pilate préfet. Ne réside pas à Jérusalem où il ne vient que de temps en temps, mais à Césarée, une ville nouvelle. Début de la prédication de Jean-Baptiste.
+35. La première des persécutions antichrétiennes. Exécution d’Étienne pour hérésie.
+37. Ponce Pilate exilé à Vienne en Gaule.
+39. Révolte juive à Alexandrie. Hérode Antipas exilé à Lugdunum Convenarum dans les Pyrénées. Une cité dédiée au dieu-ou-démon Lug. Ironie de l’histoire pour un juif pratiquant ?
+66. Révolte de la Judée contre l’occupant romain. En représailles, les légions romaines pillent et crucifient des milliers de juifs (5 000 par jour ?). Un des pires désastres de l’histoire du judaïsme. Lors du siège de Jérusalem par Titus, les juifs, divisés en trois camps, passèrent plus de temps à se massacrer entre eux (zélotes, partisans du roi Hérode, parti du Temple), qu’à affronter les soldats romains.
+70. Prise de Jérusalem et incendie du Temple.
Les troupes romaines s’emparèrent de la cité, rasèrent Jérusalem et détruisirent le Temple, mettant fin à quatre années de guerre entre les juifs révoltés et l’autorité romaine. La ruine du Temple entraîna la cessation du culte sacrificiel et des pèlerinages. Une dispersion générale s’ensuivit.
Le danger de dissolution dans le milieu ambiant qui menaçait le judaïsme privé de son Temple fut très vite combattu grâce aux initiatives prises par un vieux rabbin pharisien de Jérusalem, Jochanan ben Zakkaï. Il s’était retrouvé enfermé dans la ville assiégée par l’armée romaine, bien qu’opposé au
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soulèvement contre Rome. Sa légende nous raconte qu’il s’évada de la ville dans un cercueil, en feignant d’être mort. Parvenu dans le camp romain, il demanda la faveur de pouvoir établir une école rabbinique dans les territoires occupés, afin d’y enseigner sa doctrine, qui faisait une grande place à l’obéissance aux autorités civiles. Il fut donc autorisé à s’établir à Jamnia/Yabneh, localité située à une quarantaine de kilomètres au nord-ouest de Jérusalem, dans la plaine côtière.
Les sources rabbiniques attribuent donc à un groupe de déserteurs le mérite d’avoir établi un nouveau judaïsme, sans armes ni soldat.
Josèphe (Guerre 4, 444) nous fournit une autre version et une autre version plus vraisemblable : les Romains décidèrent d’interner à la périphérie de la Judée, ou même loin d’elle, tous ceux qui se rendaient volontairement. Quoi qu’il en soit, ce serait donc avec l’accord des Romains, et sous leurs yeux, que ce groupe de sages aurait posé les fondements du judaïsme rabbinique.
+80. Yochanan décide de commencer le recueil des traditions à respecter, en compagnie des dénommés Hillel et Shammaï. Les Shammaïtes allèrent jusqu’à proposer une séparation complète entre juifs et païens.
L’École de Jamnia/Yabneh, connut un grand succès et s’efforça de rendre au nouveau judaïsme un centre religieux digne de ce nom. C’est en tout cas de cette période que date la liste officielle (canon) des livres devant faire autorité dans le judaïsme. Certains textes furent retenus après de longs et houleux débats, d’autres écartés, car considérés comme en aucune façon inspirés par Dieu, malgré leur valeur intrinsèque. Ce qui consacra d’ailleurs la séparation entre juifs et chrétiens, ces derniers s’appuyant sur d’autres écrits et devenant ainsi schismatiques par rapport au judaïsme majoritaire. Comme Jochanan ben Zakkaï était pharisien, ce sont donc des idées pharisiennes qui furent, par ce canal, proposées aux synagogues. Elles y trouvèrent un accueil de plus en plus favorable. On peut donc dire que le rabbinisme a repris une grande partie des idéaux du pharisaïsme. Au point qu’on l’a souvent considéré comme une pure et simple continuation du pharisaïsme de l’époque du Second Temple. Ce processus qui durera plusieurs décennies, malgré l’opposition des hillélites, aboutira néanmoins à fixer les dix-huit bénédictions de la Amidah, dont la douzième, la birkat ha minim, s’en prend aux apostats et aux nosrim ; les nosrim n’étant d’ailleurs, au départ, que les juifs ayant abandonné leur religion pour se convertir au christianisme.
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BRÈVE ANALYSE DE LA PREMIÈRE GUERRE JUDEO-ROMAINE DE 66.
Plus d’un siècle après la mise en place de la domination romaine sur la Palestine a lieu une insurrection généralisée des Juifs judéens contre le pouvoir romain. De cet événement, entré dans l’Histoire sous le nom de « première guerre judéoromaine » ou de « Grande Révolte juive », on a surtout retenu la destruction du Temple de Jérusalem par Titus, qui provoqua un traumatisme dans l’esprit du peuple juif. Mais il est également important de comprendre pourquoi et comment a eu lieu cette révolte, ce qui permet d’expliquer aussi la brutalité de la réaction romaine. En réalité, l’hostilité à Rome est latente en Judée depuis la conquête, et se trouve renforcée et encouragée par l’activisme du parti zélote au début du premier siècle de notre ère. L’insurrection de 66 est donc un mouvement à la fois nationaliste et religieux, dans le but de parvenir à l’indépendance nationale. Mais la répression romaine, menée par le futur empereur Titus à partir de 69, va resserrer l’emprise de Rome sur le pays et laisser la Judée dévastée, tout en supprimant l’un des piliers identitaires du judaïsme judéen aussi bien que diasporique par la destruction du Temple, en 70.
La conquête de la Syrie par Pompée entre 64 et 63 avant notre ère ouvre une nouvelle période de l’histoire de la Palestine en inaugurant l’ère de la domination de Rome sur cette partie du monde.
Dans les premières décennies du pouvoir romain sur la Palestine, la Judée conserve une relative autonomie : les Romains, comme souvent dans les nouvelles provinces, laissent en place les institutions traditionnelles – notamment le Sanhédrin, assemblée législative et tribunal suprême de Judée – et reconnaît même de temps en temps des rois de Judée – le plus célèbre étant Hérode le Grand (-37-4 avant notre ère.). Toutefois, la Judée sort alors d’une assez longue période d’indépendance, correspondant au règne de la dynastie hasmonéenne qui s’était imposée après la révolte des Maccabées, en 152 avant notre ère., et voit donc d’un mauvais œil l’établissement d’un nouveau pouvoir étranger sur son territoire. De plus, la conquête romaine repose le problème déjà rencontré un siècle plus tôt et qui avait provoqué la révolte maccabéenne : celui de la spécificité du peuple juif au sein d’un monde très vaste qui tend à s’harmoniser de plus en plus. Elle fait ainsi ressurgir les divisions anciennes entre juifs « traditionalistes » et juifs « hellénisés », d’autant que le pouvoir juif maintenu n’est confié qu’à cette dernière catégorie : la haine suscitée par le très hellénisé Hérode, qui fait construire hippodromes, aqueducs, stades, amphithéâtres, et va jusqu’à changer le nom de certaines villes – la Tour de Straton devient ainsi Césarée – en est un témoignage révélateur. Les juifs judéens, porteurs d’une histoire spécifique qui a forgé l’unité d’un peuple pour qui la religion est aussi un fondement identitaire, sont profondément attachés au maintien de leurs traditions, de leur culte et de leurs institutions et craignent de se voir « avalés » au sein d’un Empire romain immensément vaste et à vocation universelle, présent physiquement en Judée à travers la personne du procurateur et les garnisons stationnées dans les grandes villes.
Cette hostilité latente est connue des Romains, comme le montre le fait que le procurateur, résidant habituellement à Césarée, se rende à Jérusalem avec ses troupes les jours de fêtes juives pour prévenir une éventuelle émeute. Elle s’amplifie à partir du début du premier siècle sous l’influence du parti zélote, fondé par Juda le Galiléen en l’an 6 de notre ère. Lorsqu’il orchestre une première révolte à l’occasion du recensement ordonné par le procurateur Coponius, en promouvant l’idée que Dieu étant « le seul chef et le seul maître », obéir à des maîtres mortels et qui plus est, païens, est une infamie à la limite du blasphème. Après sa crucifixion par les Romains, ses fils font perdurer ses idées, développent un vaste réseau à travers tout le pays et encouragent la résistance et l’hostilité à Rome sous toutes ses formes. Le but affiché est la conquête de l’indépendance nationale.
L’agitation anti-romaine devient endémique en Judée dans les années 50 sous le double effet de l’activisme zélote et du renforcement de l’autorité romaine suite aux nombreux soulèvements armés. Elle prend de l’ampleur en 66, sous le gouvernement du procurateur Gestius Florus pour deux raisons : d’une part, la mort de Juifs dans des affrontements entre populations juive et non juive à Césarée sans que les Romains n’interviennent ; d’autre part, la décision du procurateur de prélever sur le trésor du Temple une somme correspondant au montant des impôts dus par les Juifs. Une émeute éclate alors à Jérusalem et, pour la première fois, s’étend à l’ensemble du pays : la révolte devient un soulèvement populaire général, qui prend de court les autorités romaines présentes sur place et qui seront vaincues à la bataille de Beth-Horon en 66. Dès lors, le pays entre officiellement en guerre. Quelques tentatives de médiation, notamment de la part du roi de Chalcis Hérode Agrippa II soutenu par les notables et les pharisiens, échouent : il s’agit véritablement d’une insurrection populaire. Les révoltés proclament à Jérusalem l’indépendance de l’État juif, tuent le grand prêtre proromain Ananias, suppriment les sacrifices à l’empereur (institués par Hérode) et frappent des monnaies portant l’inscription « An I de la Liberté ». Toutefois, très vite, des dissensions refont surface au sein du peuple juif révolté : au nouveau gouvernement de Jérusalem, à dominante pharisienne et
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modérée, s’opposent rapidement des chefs charismatiques qui poursuivent la lutte armée dans le reste du pays – notamment Jean de Giscala, en Galilée, et Siméon bar Ghiora, proche des zélotes. Ils refusent un quelconque apaisement, craignant de redevenir un « faux État » contrôlé en réalité par l’occupant, comme sous Hérode, et cherchent par la même occasion à réinstituer un strict respect des obligations religieuses. Siméon bar Ghiora est même, d’après Flavius Josèphe, « obéi comme un roi » par ses soldats, probablement en raison de prétentions messianiques qu’il aurait eues. Ces différentes factions s’affrontent à plusieurs reprises, transformant la révolte nationaliste en une guerre civile : d’abord en 68, lorsque, la Galilée ayant été reconquise par Vespasien, les Galiléens de Jean de Giscala et leurs compagnons zélotes prennent le pouvoir à Jérusalem, renversant les pharisiens et multipliant les provocations à l’encontre du Sanhédrin. En avril 69, la faction sacerdotale de Jérusalem rappelle donc Siméon bar Ghiora – évincé au début de la révolte – pour lutter contre les zélotes et la faction de Giscala. Entre rivalités personnelles et désaccords politiques, les Juifs de Palestine parviennent cependant à trouver un accord sur la défense de Jérusalem au printemps 70, alors que les légions romaines menées par le fils du nouvel empereur, Titus, assiègent déjà la Ville.
Malgré la gravité de la situation, les Juifs ne s’entendent toujours pas et Jean profite de ce qu’Éléazar laisse les pèlerins venir au Temple célébrer la Pâque, pour y introduire ses hommes et s’en emparer, éliminant ainsi Éléazar.
Titus fait alors aplanir le terrain au pied des remparts de façon à en faciliter l’approche et construire des tours roulantes qui permettent à son armée de s’attaquer au nouveau rempart de la ville neuve, le moins haut des murs d’enceinte, situé au nord de Jérusalem. Le 25 mai 70, les troupes romaines peuvent le franchir, puis, cinq jours plus tard, le 30 mai, s’emparer du second rempart et de la ville neuve jusqu’au pied de la forteresse Antonia, tenue par Jean de Gischala.
Jérusalem possédait des provisions pour tenir le siège durant des années. Cependant, pour « motiver » les habitants au combat, les zélotes incendièrent ces provisions. La famine commence donc à faire ses ravages et, malgré cela, la guerre civile continue alors dans Jérusalem où les zélotes se livrent toujours à de nombreuses exécutions sommaires, particulièrement parmi les prêtres.
Le 20 juillet, les Romains réussissent à percer une brèche dans le rempart, pour se retrouver devant un nouveau rempart qui avait été construit à la hâte par les assiégés. Les Romains s’emparent ensuite de la tour Antonia qui est rasée.
Une fois encore, Titus dépêche Josèphe à Jean de Gischala pour lui demander de se rendre, de « cesser de souiller le sanctuaire et d’offenser Dieu » tout en l’autorisant à reprendre les sacrifices. Si Jean ne l’entend pas, d’autres parmi les notables choisissent de fuir la ville.
De la tour Antonia, les Romains construisent une rampe d’accès à l’esplanade du Temple et progressent malgré la résistance des Juifs qui, pour les repousser, mettent le feu aux différents portiques qui entourent le Temple. En ce moment de la fin du siège quand les sacrifices quotidiens avaient cessé dans le Temple, la famine atteint en ville son point culminant. Josèphe cite un cas de cannibalisme où une mère cuit et dévore son bébé.
Les combats redoublent d’intensité dans les derniers jours d’août 70. Finalement, le 29 août quand les Romains s’approchent du Temple, un légionnaire jette un brandon dans le Temple qui s’embrase, et malgré les ordres de Titus, les Romains ne peuvent éteindre l’incendie.
La destruction du Temple ne donne pas le contrôle de la ville aux Romains. Une fois encore, selon Josèphe, Titus s’adresse aux Juifs, et plus particulièrement à Simon et à Jean, et exige leur reddition en échange de la vie sauve. Mais comme ceux-ci posent leurs conditions et demandent à pouvoir fuir au désert, Titus ordonne de prendre et piller la ville à laquelle les Romains donnent l’assaut le 25 septembre en massacrant la population et en incendiant la ville. Simon bar Giora et Jean de Gischala sont faits prisonniers.
La ville est rasée, seuls en subsistent ce qui constitue aujourd’hui le mur occidental et les tours Hippicus, Mariamme et Phasaël appelée aujourd’hui la tour de David.
Selon Flavius Josèphe, le nombre de prisonniers de guerre s’élève à 97 000 et le nombre de morts pendant le siège à 1 100 000, ce qui peut paraître exagéré même s’il faut se rappeler que le siège a commencé peu avant la Pâque, fête de pèlerinage où les Juifs avaient l’habitude de se rendre à Jérusalem. 700 prisonniers, dont Simon bar Giora et Jean de Gischala, sont emmenés à Rome pour le triomphe de Titus. Jean de Gischala meurt en prison et Simon bar Giora est exécuté après le triomphe.
La chute de Jérusalem ne marque pas tout à fait la fin de la guerre, car quelques places fortes restent aux mains des Juifs. Titus charge un légat, Lucilius Bassus, de réduire les dernières poches de résistance. Hérodion, palais-forteresse non loin de Bethléem, où est enterré Hérode, tombe rapidement, suivie de Machéronte, sur la rive est de la mer Morte. Mais il faudra attendre 3 ans pour que le successeur de Lucilius Bassus, Flavius Silva puisse s’emparer de Massada, autre palais-
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forteresse du roi Hérode, situé sur un piton au-dessus de la Mer morte, où les défenseurs, sous la conduite du sicaire Éléazar ben Yaïr, se suicident avec femmes et enfants pour éviter de se rendre.
Une brutale répression s’abat alors sur les Juifs de Palestine, qui retrouvent un pays dévasté par les combats, voient l’autorité de Rome se renforcer lorsque Vespasien, en 70, fait de la Judée une province impériale proprétorienne séparée de la province de Syrie, et surtout perdent l’une de leurs composantes identitaires principales avec la destruction du Temple. La chute de ce lieu, centre de la vie religieuse des Juifs de Judée comme de Diaspora, signifie aussi la disparition du judaïsme politique, c’est-à-dire de l’État juif des Hasmonéens ; il faut attendre 1948 pour voir de nouveau exister un État juif. Le Sanhédrin et la fonction de grand prêtre disparaissent avec le Temple. Le pays tout juste reconquis est enlevé aux Juifs pour être annexé à l’ager publicus, c’est-à-dire qu’il devient la propriété du peuple romain ; en 72, Vespasien ordonne l’affermage des terres individuelles comme domaine particulier de l’empereur, dont il laisse uniquement l’usufruit aux paysans non expulsés. Les Juifs en tant que peuple sont aussi, suite à cette révolte, soumis à une relative persécution pendant quelques années : de nombreux Juifs de la Diaspora sont arrêtés à travers tout l’Empire romain et réduits en esclavage, et un nouvel impôt réservé aux Juifs, le fiscus judaicus, affecté au temple de Jupiter Capitolin, est créé.
La Grande Révolte juive a aussi pour conséquence d’amener le judaïsme à se reconfigurer, notamment autour des pharisiens, seul mouvement juif sorti à peu près intact de la guerre civile. La destruction du Temple et la surveillance romaine instituée à Jérusalem les amènent à choisir comme nouveau centre religieux et culturel la ville de Jamnia, où ils fondent une école rabbinique et un grand conseil, le Beth-Dîn, qui remplace le Sanhédrin, surtout pour ce qui est des fonctions judiciaires et religieuses. C’est cette branche qui donnera naissance au judaïsme rabbinique.
La Grande Révolte juive est donc un événement déterminant de l’histoire du judaïsme, qui ouvre une période difficile pour les Juifs judéens tandis que le judaïsme diasporique prend de plus en plus d’envergure sur les plans culturel et théologique. Elle est commémorée dans la tradition juive par le jeûne du 9 avril, et le Mur des Lamentations, à Jérusalem, rappelle la destruction de la ville par Titus. Moment douloureux qui fait disparaître la possibilité de l’indépendance nationale, il inaugure le temps de la domination pharisienne qui a largement contribué à former la théologie juive actuelle.
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LA AMIDA OU CHMONÉ ESSRÉ.
La Amida, Tefilat HaAmidah, ou « prière debout », aussi appelée Chmoné Essré « Les dix-huit », en référence au nombre initial des bénédictions constitutives (il y en a maintenant dix-neuf) est la prière centrale de la liturgie juive. Cette prière figure, entre autres dans le Siddur, le livre traditionnel de prière juive traditionnel. En tant que prière du judaïsme, elle vient juste après la Hamazon Birkat. La Amida est la seule prière qui est simplement appelée tefila, (« prière ») dans la littérature rabbinique.
Peu d’essré ou demandes pour les malheureuses victimes d’un génocide tsunami ou tremblement de terre à l’autre bout du monde ; par contre beaucoup de manifestations ou affirmations réitérées d’un puissant ethnocentrisme : « pardonne-nous, guéris-nous, sauve-nous, épargne-nous, aie pitié de nous, etc. ». Il s’agit en effet d’une série de 18 (chone) bénédictions (essré) auxquelles a été rajoutée une 19e « bénédiction », en fait plutôt une malédiction, la numéro douze, appelée birkat haMinim.
Ci-dessous en résumé les principaux thèmes de cette prière dont il existe de nombreuses variantes (pas facile de s’y retrouver).
1. Béni sois-tu ô Seigneur notre Dieu, le Dieu de nos pères, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le créateur de toutes choses, qui se souvient des bonnes actions des patriarches et par amour enverra un rédempteur aux enfants de leurs enfants. Béni sois-tu, ô Seigneur, le bouclier d’Abraham.
2. Tu ressuscites les morts, tu as le pouvoir de sauver. Béni sois-tu, Seigneur, qui fait revivre les morts.
3. [Le lecteur] Nous sanctifions ton nom dans ce monde comme il est sanctifié au plus haut des cieux.
[L’assemblée des fidèles] « Saint, saint, saint est le seigneur dieu des armées ; la terre est remplie de sa gloire ».
4. Accorde-nous la faveur de te connaître, béni sois-tu, ô Seigneur, gracieux donateur de toute connaissance.
5. Fais-nous revenir à toi. Béni sois-tu ô Seigneur, qui se réjouit de toute repentance.
6. Pardonne-nous, ô notre Père, car nous avons péché…
7. Regarde notre affliction et plaide notre cause… Béni sois-tu ô Seigneur, rédempteur d’Israël.
8. Guéris-nous, ô Seigneur, et nous serons guéris ; sauve-nous et nous serons sauvés… Béni sois-tu ô Seigneur, guérisseur des maux de son bien aimé peuple d’Israël.
9. Bénis pour nous l’année qui vient, ô Seigneur notre Dieu, ainsi que toutes ses productions, pour notre plus grand bien-être. Béni sois-tu, ô Seigneur, qui bénit chaque année.
10. Fais résonner pour notre liberté le grand shofar, lever la bannière pour rassembler les exilés, et nous faire venir des quatre coins de la terre. Béni sois-tu Seigneur, qui rassemble la diaspora du peuple d’Israël.
11. Restaure nos juges de jadis, et nos conseillers… Règne seul sur nous, ô Seigneur… Béni sois-tu Seigneur roi qui aime les justes et la justice.
12. POUR LA DESTRUCTION DES APOSTATS ET DES ENNEMIS DE DIEU :
Qu’il n’y ait pas d’espoir pour les calomniateurs, et que le mal disparaisse instantanément. Puissent tous tes ennemis être vite abattus… Béni sois-tu Seigneur, qui écrase les ennemis.
13. Que ta compassion rejaillisse, ô Seigneur notre Dieu, sur les justes, les pieux, les anciens de ton peuple la maison d’Israël, le reste de leurs savants, leurs prosélytes, et nous. Accorde une bonne récompense à tous ceux qui croient en ton nom. Règle notre sort sur eux à jamais, afin que nous ne regrettions jamais d’avoir placé notre confiance en toi. Béni sois-tu ô Seigneur, soutien et asile des justes.
14. Fais revenir en grâce Jérusalem ta ville, et demeure en elle ainsi que tu nous l’as promis. Reconstruis-la bientôt et de suite pour l’éternité, et ramènes-y rapidement le trône de David. Béni sois-tu ô Seigneur, qui reconstruit Jérusalem.
15. Fais vite revenir en grâce un héritier de ton serviteur David, et qu’il soit exalté par ton pouvoir salvateur, car nous attendons toute la journée que vienne ton salut. Béni sois-tu ô Seigneur, qui fait prospérer notre salut.
16. Écoute notre voix, ô Seigneur notre Dieu ; épargne-nous aie pitié de nous. Reçois notre prière avec miséricorde et favorablement, ne nous renvoie pas les mains vides, et entends les prières de ton peuple d’Israël avec compassion. Béni sois-tu ô Seigneur, qui entend cette prière.
17. Agrée ô Seigneur notre Dieu, ton peuple d’Israël et ses prières. Restaure le service du saint des saints de ton Temple et reçois favorablement à la fois les offrandes qu’Israël brûle pour toi et leurs
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prières et fais que nos yeux voient ton retour en grâce à Sion. Béni sois-tu Seigneur, qui rétablit sa divine présence à Sion.
18. Nous te rendons grâce d’être le Seigneur notre Dieu, Dieu de nos pères pour toujours et à jamais. Tu as été pour chaque génération le rocher de nos vies, le bouclier de notre salut. Béni sois-tu ô Seigneur, dont le nom est Miséricorde, et à qui il convient de rendre grâce.
19. Donne-nous la paix, la prospérité, la grâce, la bonté ainsi que la miséricorde, pour nous et pour tout ton peuple d’Israël. Bénis sois-tu ô Seigneur, qui accorde à son peuple d’Israël la bénédiction de la paix.
Passons sur l’indécrottable ethnocentrisme qui caractérise cette prière (nous… nous… nous…) et sur l’habituel et trop humain égoïsme des demandes n° 16 et 19 et arrêtons-nous sur le cas de la prière N° 12, la birkat haMinim qui est souvent traduite par « Bénédiction des hérétiques ». Une bénédiction à condition évidemment de ne pas faire partie des gens qui sont visés par elle.
La Birkat haMinim a été améliorée ou composée vers la fin du Ier siècle, époque à partir de laquelle sa récitation est devenue obligatoire. C’est une imprécation à l’encontre des minim (« hérétiques ») des peroushim et des malshinim, appelant à leur prompte disparition. Dans l’une de ses variantes du IIIe siècle, elle vise plus particulièrement les notsrim.
Les peroushim en question ne sont évidemment pas les pharisiens.
Quant à malshinim c’est un mot hébreu signifiant « dénonciateurs, délateurs).
Mais qui sont les Minim ??? Le terme « minim » est utilisé dans le Talmud pour désigner toutes sortes de dissidents à l’orthodoxie pharisienne, par exemple ceux qui prétendaient accorder aux Dix Commandements une prééminence sur le reste de la Torah. Si, au XIIe siècle, Moïse Maïmonide en énumère cinq sortes dans son Michné Torah, le Talmud de Jérusalem lui affirme l’existence de vingt-quatre sortes de minim.
Le fait que les différentes versions du Talmud insistent sur l’obligation pour tout juif de prononcer cette douzième « bénédiction » montre bien qu’il s’agissait d’exercer une forte pression morale sur tout juif enclin à suivre quelques-uns des groupes désormais qualifiés de minima.
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CAUSES ET RAISONS DE L’APPARITION DE LA BIRKAT HAMINIM DANS LA CHMONÉ ESSRÉ
(LES DIX-HUIT BÉNÉDICTIONS).
D’aucuns, et en particulier la critique chrétienne, ont longtemps prétendu que ce terme visait spécifiquement les chrétiens. Il apparaît qu’il désignait alors tout hérétique ou dissident aux yeux de l’école talmudique en question.
À partir d’une date inconnue, mais située après la destruction du Temple (70) et probablement après 90, la Birkat haMinim va explicitement viser les notsrim en plus des minim. Mais plutôt que de conclure, comme l’ont fait les Pères de l’Église, que cela prouvait l’hostilité des juifs vis-à-vis des chrétiens, il convient d’analyser les étapes, les modalités et les raisons de cette séparation.
N.B. François Blanchetière estime que cette mesure ne s’est imposée que fort progressivement parce que les rabbis pharisiens de Yavné étaient loin de contrôler l’ensemble du judaïsme palestinien et a fortiori le judaïsme de la diaspora.
La Birkat haMinim est donc bien entendu un ajout qu’explique le contexte d’alors : les relations de plus en plus tendues entre juifs orthodoxes et chrétiens.
Autant que l’on puisse en juger d’après la tradition juive, vers 90-95, le grand rabbin de l’École de Yavné en Palestine, Gamaliel II aurait voulu réactiver le texte de la Birkat haMinim alors tombé en désuétude.
La version la plus simple de cette malédiction est celle qui figure dans les écrits « palestiniens » de la gueniza ou « poubelle sacrée » du Caire.
« Que les apostats n’aient plus aucun espoir ; que ce pouvoir de malheur disparaisse rapidement de nos jours, que les notsrim et les minim aillent sur l’heure à leur perte, qu’ils soient effacés du livre de vie et qu’ils ne soient pas mentionnés parmi les justes. Béni soit le Seigneur qui courbe les méchants ».
Dans la littérature [juive] de Palestine, tant à l’époque des Tannaïm qu’à celle des Amoraïm, le terme min était utilisé pour désigner des juifs sectaires, c’est-à-dire des opposants au judaïsme pharisien ou tannaïte, mais jamais des non-juifs, alors que dans la littérature de Babylonie ce terme était utilisé pour désigner parfois des non-juifs.
Un passage du traité Berakhot mentionne que la « bénédiction » des minim fut alors fusionnée avec celle des peroushim (« séparés, dissidents »). Bref, la 12e bénédiction, dite aujourd’hui « des minim », existait donc antérieurement à cette refonte.
Sa reformulation a contribué ainsi, et c’était là sans doute le but, à créer une orthodoxie dans le judaïsme qui, avant l’époque de Yavné, était composé de multiples tendances et mouvements. Les « hérétiques », quels qu’ils soient, étant désormais placés devant le choix soit de se maudire eux-mêmes en disant amen à la fin de la prière, ou de ne plus venir à la synagogue.
À partir d’une date inconnue, mais située après la destruction du Temple (70) et probablement après 90, la Birkat haMinim va explicitement viser les notsrim en plus des minim.
Selon des témoignages des IIIe et IVe siècles, et notamment ceux de Pères de l’Église, cette malédiction aurait donc particulièrement visé les « chrétiens » d’origine juive, les nazôréens, appelés notsrim en hébreu. « Notsrim » est en effet la forme plurielle de « nazôréens » en hébreu (grec nazôraioi), comme Yeshou ha-Notsri est la forme hébraïque de Jésus le Nazôréen (grec Iesous ho Nazôraios) et Matthieu, 23, 13-32, aurait été une réponse à la fois polémique et ironique à cette Birkat haMinim.
En réalité le terme notsrim désigne tout type possible de « sectaire », sachant qu’alors chaque école talmudique pouvait en excommunier une autre.
+90. Grâce à Jochanan ben Zakkaï, puis à ses continuateurs, les synagogues de Palestine et de la diaspora restent unies en se ralliant à une interprétation pharisienne de la Loi et de l’Écriture. Le tout au prix de l’élimination des nombreuses tendances centrifuges, jusqu’alors tolérées, et du retour à des traductions au littéralisme destiné à supplanter la version des Septante (compromise par l’usage qu’en faisaient les chrétiens).
Comme les autres partis du judaïsme palestinien avaient été détruits par la guerre (sadducéens, zélotes et esséniens), ce fut par conséquent une forme pharisienne de la religion juive, centrée sur le texte sacré, qui se répandit alors dans la Diaspora.
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Vers 90, semble-t-il, cette réforme s’était imposée à peu près partout, et les dissidents, à commencer par les disciples de Jean-Baptiste et de Jésus, contraints de quitter les synagogues qui leur avaient jusqu’alors fait une place en leur sein. L’adoption par eux de nouvelles écritures de référence actera la séparation.
+131. Rabbi Aquiba est le dernier à proclamer « Messie » un chef militaire, Simon, surnommé par lui Bar Kochba.
+134. À l’issue d’une guerre de trois ans les juifs sont écrasés par Hadrien, Jérusalem est rasée. 600 000 morts d’après Tacite.
+135. Les juifs sont interdits de séjour à Jérusalem rebaptisée Ælia Capitolina. Installation du premier évêque chrétien d’origine non juive. La nation juive disparaît de l’Histoire (palestinienne). Dispersion des juifs un peu partout dans le monde antique (Jérusalem leur étant désormais interdite). Commentaires talmudiques de la Torah et observation des rites deviennent le seul fondement de la communauté juive. L’espérance messianique abandonne ses prétentions terrestres au profit d’une mystique de la Loi et du Texte, redevenu obscur, et qu’il faut sans cesse réinterpréter (Michna et Guemara, Kabale). La dernière version connue et mondialement diffusée de cette religion s’appellera le « judaïsme » du nom du pays, Juda, où elle a été fondée et s’est développée autour de la hiérarchie religieuse juive de Jérusalem. Ce peuple n’aura pas une base raciale, biologique, mais un fondement sectaire, se constituant uniquement de la loi commune qui fait autorité, et acceptant jusqu’au XIIe siècle au moins la conversion de nombreux étrangers (Ashkénazes). Le judaïsme moderne commence.
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LES DIFFÉRENTS COURANTS DU JUDAÏSME AUX PREMIERS SIÈCLES.
Il y avait des colonies juives un peu partout en Asie Mineure et plusieurs dizaines de milliers de juifs vivaient à Rome. Les juifs de Mésopotamie, ceux d’Égypte aussi, étaient plus nombreux que ceux de Palestine. Ce peuple, privé de toute unité politique, était très divisé sur le plan culturel, les uns parlant araméen, les autres grec. Même en Palestine, où l’araméen dominait, les juifs étaient éparpillés en groupes très divergents. Les membres de ces groupes ne représentaient qu’une minorité et semblent avoir éprouvé un profond mépris pour la majorité de la population, considérée par eux comme trop tiède dans la pratique de la religion mosaïque.
La thémoura, sur la base d’un tableau de permutation, permet de remplacer une lettre hébraïque par une autre, afin de faire apparaître un sens différent. Un texte hébreu a donc toujours deux sens, un sens exotérique normal et un sens ésotérique fondé sur la kabbale.
La gématrie met en jeu les chiffres attribués aux lettres de l’alphabet, hébreu évidemment (issu de l’alphabet araméen, lui-même issu… de l’alphabet phénicien ?)
La notarique est la méthode par laquelle on groupe les initiales, les médiales ou les finales de plusieurs mots, pour en former un ou plusieurs autres.
De telles pirouettes verbales justifient souvent ce que l’on appelle en hébreu les midrashim, c’est-à-dire des rapprochements, artificiels et forcés, l’imagination poétique aidant, entre situations pourtant très différentes. En quelque sorte des portraits-robots. Les Midrashim étaient écrits en hébreu ou en araméen. Il s’agit de textes divers, réflexion et commentaire, ou autres travaux sur les textes bibliques juifs. Ils ne doivent évidemment pas être confondus avec des copies, des extraits ou des citations, de la Bible juive, mais certains d’entre eux, beaucoup, ont été ensuite intégrés dans le corpus de textes chrétiens connu sous le nom d’évangiles.
La Bible n’étant de fait qu’une compilation de genres littéraires très divers et contenant des contradictions ; la Bible n’étant qu’un syncrétisme plus ou moins bien réussi (des mythes suméro – babyloniens aux mythes perses en passant par ceux d’Égypte, de Madian ou d’ailleurs) ; il n’est pas un seul de ses textes qui n’ait alimenté une masse considérable d’interprétations aussi divergentes que péremptoires. Cette hétérogénéité des sources (la Bible ayant en outre été remaniée de nombreuses fois au cours des siècles) est à l’origine d’innombrables exégèses ou commentaires.
L’idée d’un sauveur délégué par Dieu pour aider les hommes (le Messie, en grec Christos) a pénétré très tôt dans le judaïsme puisqu’on la retrouve dans le samaritanisme sous le nom de taheb. Le taheb doit revenir sur terre pour mettre un terme à l’actuelle période de déchéance dite Fanouta. Nouveau Moïse il vivra 120 ans et fondera un nouveau royaume marqué comme la première fois par la faveur divine (Rahouta). Il durera des siècles.
Cette idée devait donc circuler dans le peuple juif D’AVANT L’EXIL A BABYLONE. Vraisemblablement en provenance de l’Égypte ou de la Perse.
Mais à propos de ce Messie sauveur de l’Humanité, ou seulement des croyants, deux thèses vont rapidement s’affronter.
Pour les uns ce sauveur ne doit être qu’un simple mortel, bien que guidé inspiré et secouru par Dieu pour venir en aide à son peuple. Conception samaritaine et juive orthodoxe du messie.
Pour les autres ce sauveur ne doit avoir que l’apparence d’un homme, car ce sera en réalité un être de nature purement spirituelle, une sorte d’ange. Conception gnostique.de l’ange-messie ou angelos christos.
Cette idée, qui apparaîtra donc avant l’ère chrétienne, dominera toute la pensée du christianisme naissant (Marcion) jusqu’à l’apparition, au IIIe siècle, d’un courant résolument hostile qui dotera bien ce messie d’un corps d’homme pour justifier la crucifixion (Irénée et Tertullien).
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LES SAMARITAINS.
Peuple de la région de Samarie, au nord de l’actuel Israël.
Le problème quand on parle des Samaritains est que l’on se heurte très rapidement à des notions ou des images très différentes, voire contradictoires.
La première série est ce que l’on pourrait appeler les Samaritains des Quatre évangiles, série qui a sa cohérence, mais une cohérence peut être due au seul fait qu’on en parle dans le Nouveau Testament.
La deuxième série ce sont les Samaritains tels qu’ils apparaissent dans les témoignages fournis par cette micro communauté religieuse (800 personnes) elle-même : les derniers vrais Hébreux ou Israélites descendants des tribus d’Ephraïm et de Manassé.
La troisième façon de voir les choses est celle fournie par le judaïsme actuel qui en parle d’ailleurs sous le nom de Shomronim ou Kouthim dans le Talmud, ce sont des métis d’Hébreux et d’étrangers non juifs installés en Samarie après la chute du royaume du nord appelé pour tout compliquer « Israël » et qui ont tout mélangé au point de vue religieux (paganisme Moïse, etc.)
Essayons maintenant de voir les choses de plus haut afin de dégager un portrait pouvant expliquer l’apparition de ces trois séries de témoignages différents, chacun ayant ses propres problèmes et nous pensons ici aux Samaritains ou Samaritaines d’ailleurs qui apparaissent dans le Nouveau-Testament chrétien……
Le culte d’Anat Yaho devenu plus tard Yhwh l’unique, emprunté aux païens du pays de Madian, était plus solidement implanté dans le Sud, en Judée, dont la capitale temporelle et spirituelle était Jérusalem, que dans les régions du Nord, Samarie et Galilée. Alors que les nebiim et autres illuminés de Judée n’en finissaient pas d’exalter la grandeur de Yhwh ; la Samarie, elle, avait gardé un Dieu à la fois unique (El) et multiple (Élohim), le culte d’Astarté, et des divinités agraires, voire quelques autres ; assimilées à des divinités étrangères par les rapatriés judéens revenant de leur Exil à Babylone en – 538 (Benoth, Nergal et Ashima, Nivhaz, Tartaq, Adrammélek et Anammélek, d’après 2 rois 17, 30-34). Ces Samaritains étaient les descendants des tribus d’Ephraïm et de Manassé restées sur place après la déportation des autres Hébreux à Babylone. Leur temple, dont celui de Jérusalem était le grand rival, était situé sur le mont Garizim.
Les Judéens rentrés de Babylone étant devenus très différents de ceux qui étaient partis en exil cinquante ans plus tôt, leur retour ne put donc aboutir à une réunification des deux peuples désormais séparés.
Alors que les juifs de Judée, sadducéens et pharisiens, feront de la foi en leur Dieu ou Démiurge unique le gage du salut qu’il apportera à leur peuple ; les juifs samaritains, souvent moins hostiles à l’hellénisation de leur pays, accorderont plus d’importance à la femme, à l’individu, et à la connaissance (Simon de Samarie et plus précisément de Gitton mort à Rome vers l’an 65).
LA RELIGION OFFICIELLE (LA RELIGION D’ÉTAT).
Les sadducéens (de l’hébreu Tsedouqim. De Sadoc dernier prêtre « aryen » de Jérusalem). IIe siècle avant notre ère – Ier siècle après.
Le groupe le plus imbu de ses privilèges, composé de familles sacerdotales exerçant leurs fonctions au Temple de Jérusalem et descendants des derniers prêtres païens hittites de Jérusalem (Sadoc). Les dons offerts au Temple et les sacrifices d’animaux dont le sang plaît à YHWH (la légende sur les mobiles du meurtre d’Abel par Caïn n’a été inventée que pour justifier cette pratique) les avaient considérablement enrichis. Ce groupe très conservateur était pourtant celui qui était le plus ouvert aux influences hellénistiques.
Il n’existe pas à proprement parler de théologie sadducéenne en dehors d’une cosmogonie fixée par la Genèse.
À leurs yeux, la célébration régulière du culte dans le sanctuaire choisi par Dieu suffisait. II était donc essentiel que les responsables du Temple et de sa gestion restent en relations étroites avec les autorités politiques, pour que celles-ci respectent et protègent la vie cultuelle, y compris les pèlerinages. Les autres aspects de la Loi étaient compris avant tout comme des règles rituelles destinées à préserver la pureté du peuple en vue du culte. L’interprétation morale et sociale des commandements ne leur semblait guère justifiée. D’ailleurs, les sadducéens n’acceptaient que partiellement l’autorité des écrits des prophètes, et ne considéraient que le Pentateuque comme véritable Écriture sainte.
Pour les sadducéens, dont le pouvoir temporel s’exerçait grâce au fonctionnement du Temple et des sacrifices qui s’y accomplissaient, le culte était donc comme un appareil gouvernemental. Disons qu’il s’agissait de prêtres fonctionnaires, un peu comme au Vatican romain actuellement.
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Théologiens juifs littéralistes et conservateurs, les sadducéens n’acceptent pas la tradition orale et l’exégèse plus libre ou plus intellectuelle des pharisiens. Ils ne croient ni à l’immortalité de l’âme ni à la résurrection des corps. L’âme ne survit en aucune façon à la mort du corps et disparaît avec lui. La notion de salut individuel n’existe donc pas. Ou plus exactement il se confond avec le salut du peuple élu que Dieu reconnaît aux juifs en tant que nation.
Mais les règles de conduite fixées par le Deutéronome sont souvent contournées par les prêtres du temple de Jérusalem, ainsi que par ceux qui offrent des sacrifices à YHWH. Nombre de prophètes rappellent donc que de tels manquements suscitent la colère de Dieu. Le caractère très largement désacralisé des prêtres sadducéens est impliqué par l’accusation d’épicurisme que profèrent à leur égard les pharisiens, ainsi que par les propos attribués au nouveau Josué (Jésus).
Le rôle reconnu à la femme semble être plus important chez les sadducéens que chez les pharisiens, les esséno-baptistes, ou les protochrétiens.
Le sadducéisme ne néglige pas le soin qu’il est licite d’apporter à sa jouissance et à ses libertés.
Contre cet épicurisme sadducéen se dresseront les mouvements ascétiques, sortes d’intégrismes pour qui le seul sacrifice agréable à Dieu est l’immolation des désirs au nom de la foi et de la ferveur religieuse. Ce courant se prolongera dans l’essénisme, et le baptisme.
Les mouvements de piété religieuse qui raniment contre les sadducéens une foi en YHWH dont ils auraient démérité (on sait très peu de choses sur eux en réalité) feront de la Palestine de cette époque un terrain d’élection pour la religiosité en quête d’un messie devant restaurer Israël dans son obéissance à Yaweh.
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LES AUTRES COURANTS. GNOSE ET DUALISME.
Le mot « gnose » (« gnôsis » en grec) veut dire « connaissance ». Mais il ne s’agit pas ici d’un simple savoir. De manière assez générale, ceux que l’on appelle « gnostiques » formaient des groupes ou des Écoles qui pensaient détenir une connaissance révélée, à la fois salvatrice et secrète. Intellectuels ayant plus u moins étudié la philosophie, les gnostiques recherchaient cette « connaissance » avec d’évidentes préoccupations mystiques ou religieuses. Le gnosticisme est une doctrine philosophico-religieuse dont les membres recherchaient la plus complète connaissance de Dieu possible. Pour la gnose le salut réside d’abord dans cette connaissance et ensuite seulement dans une certaine morale.
Les gnostiques ont une place à part dans l’histoire de la pensée. Très libres avec les textes sacrés, ils ne furent ni des philosophes ni des prêtres. Ils n’en ont pas moins eu, à leur époque, une grande influence, vu le combat acharné que leur livrera plus tard le futur christianisme officiel, dès le IIe siècle.
Le gnosticisme se rattache au mouvement général de syncrétisme qui voulait fondre ensemble les divers systèmes philosophiques ou religieux du paganisme. Doctrine de « délivrance » par la connaissance, donc réservée aux seuls comrunos (initiés), le gnosticisme s’apparente aux « mystères » secrets des Grecs ou des Orientaux. Le monde spirituel émane d’un principe premier (Dieu) par l’intermédiaire d’êtres abstraits, les éons, mot grec qui signifie temps, éternité ou puissance. Quant à la matière, comme chez les philosophes grecs, elle demeure inintelligible, inexplicable : c’est un scandale pour la pensée. Elle provient soit d’une erreur, soit d’une chute du dernier éon spirituel. Elle est donc essentiellement mauvaise, comme le prétendront d’ailleurs ensuite les manichéens. Mais une rédemption, avec retour au principe premier, peut rétablir l’harmonie perdue.
Les origines lointaines du gnosticisme sont très mal connues. Il s’agit d’un phénomène antérieur aux débuts du christianisme et qui suscite encore bien des interrogations. Au XIXe siècle, on pensait que ces tendances trouvaient leur source, soit dans la philosophie grecque, soit dans la religion de l’ancien Iran. Aujourd’hui, tout en reconnaissant l’importance possible des sources grecques ou orientales, on est plus circonspect et plus nuancé.
Il semble que l’on puisse parler au début d’une gnose irano-babylonienne, mais il y eut aussi très tôt une gnose égyptienne, ou alexandrine.
Le groupe égyptien offre des doctrines plus variées et plus ambitieuses ; il trouve à Alexandrie un milieu favorable, de culture philosophique plus profonde qu’en Syrie, et une liberté d’enseignement beaucoup plus grande. Se rattache en effet à cette gnose toute la littérature hermétique, qui, pour être généralement plus tardive en Égypte qu’on ne l’a cru, n’en a pas moins dû avoir, en ce pays, des origines très lointaines.
Lorsque l’on recherche les sources de certaines spéculations, par exemple le personnage de l’Homme primordial, ou du Fils « monogène », du Fils unique, on relève des analogies avec d’autres systèmes. On a la trace, en d’autres milieux, des milieux philosophiques par exemple, notamment à Alexandrie, et bien avant le Christianisme, de spéculations quelque peu semblables ; qui pourraient venir de l’Iran ou de certains mouvements philosophiques, et dont le but est de répondre aux questions fondamentales que Théodote a formulées bien avant nous.
Qui étions-nous ? Que sommes-nous devenus ??
Où étions-nous ? Où avons-nous été jetés ??
Vers quel but nous hâtons-nous ? De quoi sommes-nous rachetés ??
Qu’est-ce que la génération ? Et la régénération ??
La réponse à ces questions est justement le contenu de la gnose.
Le courant gnostique juif défendra l’idée qu’il existe deux dieux, un Dieu mauvais créateur du monde raté qui est le nôtre (le démiurge), et un Dieu bon supérieur, inconnaissable et inaccessible.
Les gnostiques juifs se sont distingués par leur réinterprétation de la Genèse, particulièrement des chapitres I à IV (mythe de la création et de la chute). Il existe plusieurs versions de leur notion cosmogonique d’émanation, variantes dans lesquelles on retrouve nombre d’éléments communs.
L’incertitude originelle entre El, forme de Dieu au singulier, et Élohim la forme au pluriel, n’a pu en effet que susciter maintes et maintes spéculations mettant en cause la monolâtrie de l’orthodoxie juive, qu’elle soit sadducéenne ou pharisienne.
Ce gnosticisme juif se distingue de la philosophie grecque, et par son point de départ, qui n’est pas la pure raison, et par sa forme, qui est une mythologie symbolique. Il diffère aussi de la sagesse orientale…
La création selon le mythe suméro-babylonien, même revu et corrigé par les intellectuels juifs en exil à Babylone, n’en reste pas moins totalement illogique ; et le démiurge qui en a pris l’initiative n’est au
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fond dans cette fable qu’un être fantasque et cruel (ne nous soumets pas à la tentation n’est-ce pas ? Répète encore inlassablement la prière chrétienne appelée le « Notre Père »).
Il n’y a rien à attendre du premier, et ni le péché, ni son absolution, n’ont de sens, puisque, cause du mal, sa justice n’est qu’une cynique prétention.
Le dualisme, objet d’horreur pour toute religion d’État, fatalement monolâtre, va se développer chez les Hébreux en tant que contestation du monolithisme social à partir de deux réflexions de base.
Dieu n’est pas unique puisqu’il est, en tant qu’Élohim, plusieurs divinités (Élohim est en effet un pluriel).
Une partie de ces divinités de type ange a été amenée à se soulever contre son autorité, et il les a précipitées, comme Adam, dans l’état de déchéance qu’est l’état terrestre.
Ce courant de pensée, dualiste en fait, va donc ainsi que nous l’avons vu, soutenir qu’il existe deux dieux.
L’un de nature mauvaise, le démiurge, a créé un monde mauvais et complètement raté. Il s’agit du dieu créateur de la Bible ou de l’archange déchu appelé Lucifer, Satan, etc.
L’autre, d’une parfaite bonté, est un dieu supérieur étranger au monde, inconnaissable et inaccessible, situé hors de toute atteinte et de toute connaissance. Ce n’est en aucun cas le Dieu mentionné par la Bible comme ayant créé ce monde.
Cette idée d’un Dieu bon, situé hors du monde, et d’un Dieu mauvais, créateur et maître de l’univers, incite évidemment à concevoir une multitude d’intermédiaires. Les anges bénéfiques et les messies sauveurs ; genre Seth, Caïn, le nouvel Adam, le serpent Naas, Sophia la Sagesse (version grecque de l’Achamoth juive ou Chokhmah, c’est-à-dire de l’esprit, le mot rouha étant féminin en hébreu), ou Prunikos, Jésus, Melchisédech, ou encore l’homme-dieu de Simon le Magicien ; (alors que les vrais juifs, eux, seront toujours hostiles à cette idée).
Il peut arriver en effet qu’une émanation de ce Dieu de bonté se détache de lui, et descende sur Terre afin d’apporter aux hommes la lumière consolatrice d’un au-delà auquel ils peuvent accéder en renonçant au monde mauvais et cruel. Un messie s’incarne alors sous une apparence humaine, puis, mourant à son enveloppe terrestre, remonte siéger à la droite de Dieu. Ceci ressemble beaucoup évidemment aux futures idées de certains chrétiens sur le sujet.
LES GNOSTIQUES HÉDONISTES.
Appelés ainsi parce qu’ils ne rejettent pas systématiquement les plaisirs et considèrent la sexualité comme naturelle, ce qui les fait passer bien entendu pour dépravés aux yeux de ceux qui considèrent au contraire que la « chair » est source de tout péché. À l’inverse des gnostiques chrétiens, les gnostiques hédonistes ne prônent pas le martyre. Le philosophe Simon le Magicien, un contemporain de Jésus, passe pour en avoir été l’initiateur, mais c’est sans doute inexact.
SIMON DE SAMARIE OU LE MAGE ET LE SIMONISME.
Philosophe samaritain des premières années de notre ère mort à Rome vers l’an 65.
Une série de fragments du IIe siècle cités dans les Philosophumena d’Hippolyte et regroupés sous le nom d’Apophasis Mégalé ou « Grande Révélation » lui est attribuée, mais certains historiens estiment qu’Hippolyte nous décrit là plutôt une version postérieure et plus développée du simonisme. Selon eux, les doctrines originales étaient plus simples, plus proches de l’image qu’en donnent Justin le Martyr et Irénée.
Tenons-nous-en pour l’instant aux fragments que nous a conservés Hippolyte (Philosophumena).
Son système ne correspondait pas à une religion au sens strict du terme et était même passablement irréligieux. Les fragments qui se sont conservés de son œuvre donnent à penser qu’il identifie Dieu à un flux de vie incréé et que devient pareil à Dieu celui qui prend conscience en lui d’une telle présence.
Ce grand philosophe samaritain ne faisait pas de la Genèse une lecture littérale, mais l’interprétait comme une description de la conception de l’enfant dans le ventre de la mère.
Son enseignement, sans être athée, relevait plus de la philosophie que de la religion, une sorte de nietzschéisme où la volonté de vivre aurait supplanté la volonté de puissance. Chez Simon le magicien, la Foi n’est en effet qu’un phénomène de possession, un sentiment de puissance que l’on peut traduire par le mot polynésien « mana » (voir sa notion de Mégalé Dynamis, ou Grande Puissance, en grec).
Sa cosmologie, telle qu’elle se dégage des extraits cités, pour les dénigrer, par les premiers chrétiens, révèle un penseur soucieux de rationalité ; mais soucieux aussi de trouver pour l’Homme une voie libératrice fondée sur sa conception de la descente de l’âme/esprit dans la matière. Une pesanteur de l’âme/esprit qu’il assimile à de l’amour.
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Lorsqu’on lit la Bible et surtout la Genèse, on y apprend que Yahvé, Jéhovah ou Élohim, bref que le Dieu-ou-démon des juifs, est l’auteur de ce monde.
Or ce Dieu-ou-démon à quoi passe-t-il son temps ? À s’acharner sur l’Homme et sur l’espèce humaine. Il crée Adam puis Ève, les place dans le Paradis, mais pour leur interdire aussitôt l’essentiel : la connaissance du Bien et du Mal. Après quoi, une fois le premier couple humain chassé du Paradis, il ne cesse de traquer leurs descendants, de multiplier pour eux les interdits, de menacer l’espèce humaine de ses foudres, jusqu’au jour où, par le Déluge, il l’anéantira. Mais cela ne lui suffit pas et il répandra de nouveau le feu, le sang et les calamités, sur la seconde humanité descendant de Noé. C’est un dieu-ou-démon « justicier » c’est-à-dire un dieu qui punit toute violation des lois dont certaines incompréhensibles ou scandaleuses, qu’il a lui-même édictées, qui les punit lui-même parfois, un tyran cosmique dont l’autoritarisme intransigeant indispose les anges eux-mêmes (exemple Lucifer), et qui n’intervient sur Terre que pour contrecarrer l’évolution humaine. En raisonnant ainsi, Simon ne met ni en doute ni en cause les raisons de ce comportement agressif ; mais il constate simplement que cette image d’un Dieu-ou-démon vengeur, acharné contre l’espèce humaine, est incompatible avec celle d’un Dieu bon, ami de l’homme, créateur de la vie. Il en conclut donc – puisque ce monde et cette Humanité, dont l’histoire s’inaugure dans le crime et le sang, sont l’œuvre évidente du dieu-ou-démon des juifs – ; que ce dernier n’est pas le vrai Dieu de l’humanité, mais un faux dieu, ou un démiurge, un démiurge sadique et pervers ; que la Bible décrit bien d’ailleurs comme un être vindicatif, coléreux, jaloux, susceptible et méchant.
Simon de Samarie fut en son temps un prophète aussi célèbre que Jésus. Il attirait les foules, on l’écoutait et on le suivait.
Nous avons de sa fin deux versions, sans doute toutes aussi fausses et mensongères l’une que l’autre.
Dans l’une de ces versions, saint Pierre, jaloux de le voir réussir à voler, l’assassine en le faisant s’écraser au sol par des prières.
Dans la seconde, mis au défi de ressusciter comme Jésus au bout de trois jours, il se fait enterrer vivant au pied d’un arbre, mais n’en ressort pas.
On peut douter de la véracité de cette haineuse propagande chrétienne (la prière de saint Pierre pour faire mourir ce grand philosophe concurrent peut quand même difficilement être assimilée à de l’amour) ; car de nombreuses personnes continuèrent à méditer ou à suivre son enseignement (les simoniens).
LES ADAMITES OU ADAMIENS.
Ainsi que nous l’avons vu, il a toujours existé dans le judaïsme un courant gnostique refusant de reconnaître, dans la création de ce monde de bruit et de fureur, l’œuvre d’un Dieu bon et sensé. Un monde si mauvais qu’il n’a pu que susciter la révolte du serpent de la Genèse, qui viendra ensuite à l’aide d’Adam et Ève, mais subira, lui aussi, la colère du tyran divin.
Il a donc existé dans la Palestine de ce temps-là un courant de pensée pour lequel le sauveur devait être une réincarnation d’Adam revenant volontairement sur Terre afin de sauver les âmes de ses descendants, et les mener vers la lumière.
Cette idée sera récupérée par le courant chrétien paulinien, ou à tout le moins par son disciple Marcion : ils tiennent tous les deux en effet Jésus pour un second Adam, apportant le salut par son expiation exemplaire.
LES SÉTHIENS OU ONOLATRES.
Pour les séthiens le Messie fils de l’Homme devait être une réincarnation, non pas d’Adam, mais du fils d’Adam et Ève, nommé Seth, volontairement redescendu sur Terre afin de sauver les âmes et les mener vers la lumière. Leur figure principale était un dieu à tête d’âne, symbole de la sagesse. D’où le célèbre graffiti d’Alexamenos (il représente un homme en prière devant un crucifié à tête d’âne).
Ce graffito découvert dans le palais impérial de Rome et datant du 2e siècle n’avait donc rien de spécialement insultant. Le culte de l’âne ou onolâtrie était effectivement pratiqué à cette époque, et ce avant même le christianisme. Dans l’Égypte ancienne, l’animal était même représenté sous les traits du dieu Seth et âne se dit « Yahou » en égyptien. D’où le jeu de mot avec Seth fils d’Adam.
Tacite attribue aux juifs un culte de l’âne et en donne d’ailleurs la raison selon lui (Histoires Livre V chapitre 3). Des juifs ce reproche passa évidemment sur la tête des chrétiens puisque les premiers chrétiens étaient juifs.
LES CAÏNITES OU NICOLAÏTES. SELON TERTULLIEN.
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Ne nous sont connus que par des sources chrétiennes. Qui leur attribue évidemment fort logiquement comme texte sacré un évangile apocryphe de Judas, datant du second siècle, et qui est incontestablement gnostique.
Accordaient un rôle important à une Mère Céleste, créatrice du démiurge lui-même.
Pour les caïnites, le rédempteur fils de l’Homme devait être une réincarnation du fils d’Adam et Ève nommé Caïn, ce qui les faisait passer pour dépravés.
Si on les considère bien comme des nicolaïtes alors on a plus d’information sur eux, mais s’agit-il bien des mêmes hommes ? L’imposante et fascinante somme non de Thomas d’Aquin, mais de Raoul Vaneigem notre auteur belge préféré (Résistance, etc.) n’en dit guère plus.
LES NAASSÈNES (appelés aussi Ophites ou Pérates).
Plus radicaux encore, et pour qui le sauveur attendu ne devait donc être, ni Adam ni un des fils du premier homme (Seth ou Caïn), mais carrément le serpent de la Genèse (nahash en hébreu) sont les naassènes ophites ou pérates. Hippolyte nous a conservé un fragment de leur doctrine, fondée sur la notion d’incarnation et de triade (eau-feu-terre).
Cette secte, vraisemblablement d’origine samaritaine (pour eux en effet les juifs sont un peuple qui a été élu, non par le vrai bon Dieu, mais par le mauvais, appelé par eux Ialdabaoth Yaldabaoth Jaldabaoth) ; et qui s’est perpétuée sous le nom d’ophites jusqu’au IVe siècle ; attribue au serpent, avatar de la Déesse-ou-démone Mère, une fonction de création et de rédemption.
La création d’un monde mauvais a révolté le serpent de la Genèse. En venant à l’aide d’Adam et d’Ève, il a subi, lui aussi, la colère du Dieu-ou-démon responsable de tout ce gâchis.
Les naassènes refusent donc de considérer comme bon le Dieu-ou-démon qui a chassé Ève et Adam du paradis terrestre parce que le serpent leur a révélé la connaissance DU BIEN ET DU MAL. Ces gnostiques considèrent par conséquent au contraire le serpent comme le véritable rédempteur de l’Humanité ; puisqu’il a voulu, par une initiative de type vraiment prométhéen, révéler aux hommes le lien entre la connaissance (la gnose) et l’épanouissement, notamment sexuel, qui forment, dans leur unité, l’état édénique.
Les ophites ou naassènes allaient jusqu’à rendre un véritable culte au serpent.
Une de leurs branches, christianisée, identifiera le serpent crucifié à Jésus-Christ, d’où la figuration, parfois d’un serpent crucifié, dans leurs documents. Pour mémoire chez les Séthiens c’était un âne, un homme à tête d’âne.
Pour eux, le dieu-ou-démon des juifs, Ialdabaoth (Fils du chaos ??) est un être borné tout autant qu’égoïste, père d’Ophiomorphos (le démon en forme de serpent de la matière la plus vile). Il commande à six autres anges maléfiques… La matière entre en rapport avec la lumière par Achamoth ou Chokhmah, c’est-à-dire l’esprit, le mot rouha étant féminin en hébreu, Achamoth mère de Jaldabaoth donc. Lorsqu’Achamoth descendit dans le chaos, le serpent l’éleva, par la désobéissance, à la liberté et à la science. La théorie des éons se complique encore un peu plus chez eux, car ils forment alors, avec le Père éternel, une sainte quaternité ou une sainte tétrade (1 + 1 + 1 + 1 = 1).
Les naassènes ou pérates ou ophites devenus chrétiens, semblent avoir eu des affinités avec les rédacteurs de l’Évangile selon Jean.
LES ESSÉNIENS.
Nom grec des « Hommes de la Communauté » ou « fils » de Sadok, baptistes et messianistes.
Un certain nombre de prêtres (peut-être assidéens) font sécession dès le IIe siècle avant notre ère, dans des circonstances qui nous sont mal connues, mais sans doute en réaction à l’évolution du grand prêtre Maccabée de l’époque : Jonathan.
Scandalisés par les abus qu’ils constataient dans la vie du Temple, par les compromissions du haut clergé avec les autorités politiques les plus diverses, par les concessions faites à l’esprit du temps, en matière de calendrier liturgique en particulier ; ces religieux s’étaient retirés dans le désert de Judée, non loin de la Mer Morte, et y menaient une vie ascétique ; dont les découvertes de Qumran nous donnent une idée bien plus précise que ce que nous savions jusque-là. Organisés en un véritable ordre monastique à la discipline rigoureuse, obsédés par la nécessité de préserver leur pureté rituelle, les esséniens refusaient de s’associer au culte du Temple devenu à leurs yeux illégitime. Ils consacraient tous leurs efforts à la méditation des Écritures, dans lesquelles ils incluaient les écrits des prophètes. Même si une mouvance essénienne semble avoir existé dans les principales villes de Palestine, en particulier à Jérusalem ; un tel mouvement était fondamentalement sectaire et s’isolait de la masse de la population juive, que ses spéculations eschatologiques et messianiques
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dépassaient ou que son austérité rebutait. Pourtant, son abondante production littéraire lui a assuré un rayonnement étendu, jusque dans la diaspora. Les esséniens ont vraisemblablement eu un peu partout diverses communautés. Il y en a eu en Judée, à Samarie, en Galilée, en Syrie (Damas y a peut-être été un de leurs hauts lieux), en Égypte (Philon les y décrit sous le nom de Thérapeutes) et sans doute aussi dans toute la diaspora.
Certaines croyances samaritaines ont peut-être influencé la doctrine essénienne.
En tout cas la découverte des manuscrits esséniens de Qumran dits « manuscrits de la mer Morte » en 1947, nous en donne une assez bonne idée. Ces manuscrits avaient traversé deux mille ans d’Histoire dans des jarres, elles-mêmes dissimulées dans des grottes. Malgré le temps qui avait dévoré les contours des rouleaux, on a réussi à reconstituer des textes et des fragments de texte.
À noter : ces manuscrits qui datent grosso modo de – 200 à + 63 de notre ère, et qui ont été découverts à quatre ou à cinq km de l’endroit supposé du baptême de Jésus, ne le citent jamais.
Les esséniens accordaient une grande importance aux commentaires et aux exégèses du texte biblique d’où vraisemblablement la circulation dans leurs communautés de nombreux midrashim, c’est-à-dire, en hébreu, des sortes de portraits-robots du messie à venir.
On trouve par exemple dans les Chants du Serviteur (qui figurent dans le Livre d’Esaïe et ont inspiré les hymnes qumrâniens) la phrase suivante : « Le Serviteur fut percé à cause de nos rébellions, broyé à cause de nos iniquités… Il s’est chargé du péché de beaucoup et a intercédé pour les pécheurs » (Esaïe, 53, 5-12).
Pour les esséniens leur Maître de Justice sera donc le Serviteur en question, persécuté par le prêtre impie, maltraité, supplicié, trahi par les siens. Même si ce n’est pas tout à fait ainsi que les choses se sont passées en réalité.
Les œuvres personnelles dues aux esséniens ou à tout le moins très lues dans leur communauté peuvent se classer en deux catégories différentes.
Dans la première catégorie, on trouve des textes véhiculant une pensée très orthodoxe, exigeant le respect des règles allant jusqu’au moindre détail. Le rouleau du temple énonce les sacrifices (13, 9), les exigences, et réclame de la part des moines un respect de la loi très rigoureux. Cette même règle entraîne, en cas de non-respect, des punitions très strictes, allant de la défense de parler pendant un certain laps de temps, jusqu’au bannissement plusieurs années.
Dans la deuxième catégorie, on a par contre des manuscrits supportant une pensée plus étonnante, mettant l’accent sur les points essentiels de la religion. Ce sont des compositions originales. On y trouve les principales idées fondatrices du christianisme : la circoncision prônée est par exemple celle du cœur et non du corps (Règle de la Communauté 5, 5, Commentaire d’Habacuc 11,13), ce qui sera un leitmotiv de saint Paul. Ces manuscrits recèlent également d’autres sentences si typiques du christianisme que l’on a l’impression que ce sont des brouillons d’épîtres ou d’évangiles.
Le rouleau 4Q521 cite par exemple la résurrection.
D’autres mentionnent la crucifixion, les « pauvres en esprit ». Les esséniens attendent la venue d’un Messie, la Rédemption et la survenue du « Royaume ». La fin des temps est proche où viendra un monde parfait. Ils se disent « fils de la lumière » et croient au « Saint-Esprit ». Les Évangiles ont donc beaucoup emprunté aux écrits des esséniens : « Il honorera les hommes pieux du haut du trône de son éternel royaume, libérera les captifs, ouvrira les yeux des aveugles… Il guérira ceux qui sont grièvement blessés, ressuscitera les morts, apportera de bonnes nouvelles aux pauvres ». Tels sont quelques-uns des thèmes retrouvés dans leurs textes.
De même pour les Béatitudes. Le rouleau 4Q525, rédigé vers – 150 (un exemple parmi d’autres) présente des ressemblances frappantes avec l’évangile de Matthieu 5, 3-12 qui relate l’histoire d’un Jésus pourtant né bien plus tard en principe !!
Citons également le rouleau 4Qbeat : « Heureux l’homme qui a atteint la sagesse – qui marche dans la loi du Très-Haut – heureux celui qui dit la vérité avec un cœur pur – et ne calomnie pas avec sa langue… Heureux ceux qui la cherchent [la sagesse] avec des mains pures – et qui ne la recherchent point avec un cœur fourbe… ».
De tels exemples montrent que le message ultérieur que l’on retrouvera dans les Évangiles est le résultat d’une réflexion midrashique continue élaborée en milieu essénien ou du moins dans un milieu rendu sensible à leurs thèmes de prédilection.
Dans les textes de Qumran en effet le messie selon les esséniens doit être « celui qui libère les captifs, rend la vue aux aveugles, redresse celui qui est tordu… Et le Seigneur accomplira par lui des choses glorieuses qui n’ont jamais été, car il guérira les blessés, ressuscitera les morts et apportera de bonnes nouvelles aux pauvres » (4Q521 fragment 2 : Apocalypse messianique).
Les « Bonnes Nouvelles », c’est ce que l’on appelle l’évangile en grec. Quant à la nouvelle « alliance » dont certains textes parlent par ailleurs, ce n’est rien d’autre que la notion de Nouveau
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Testament, qui sera aussi celle du chrétien Marcion plus tard. Et les points communs ne s’arrêtent pas à ces simples affinités philosophiques.
Les chrétiens pensent que Jésus doit revenir lors de l’Apocalypse et dans l’Évangile selon Jean l’intervention du Christ est à nouveau annoncée : il sera le dernier pasteur de l’Humanité. Or un tel personnage est aussi mentionné par les esséniens dans le manuscrit 4Q534-536.
Quatre manuscrits, le document de Damas, le Pesher d’Habacuc, le Pesher des psaumes et le Pesher de Michée évoquent un personnage central, mais que l’on a du mal à cerner vu l’état des textes et que l’on désigne sous l’appellation Moreh ha-tsedeq. Ce maître semble voir été un personnage historique ayant réellement vécu et avoir connu une fin tragique à une date là aussi difficile à déterminer surtout s’il y a plusieurs maîtres de justice et non un seul.
Certains textes découverts à Qumran contiennent donc une « christologie » avant la lettre se rapportant au Maître de Justice, ce christ des esséniens, crucifié par le prêtre impie, et dont le retour doit coïncider avec la fin des temps.
Comme les esséniens considèrent en outre que l’âme est immortelle, pour l’auteur, de ces textes il y aura donc aussi résurrection de tous les justes, qui seront alors récompensés de leur vertu, dans la nouvelle Jérusalem.
Les Hymnes à la gloire du Maître des Justes essénien ne présentent pas explicitement ses souffrances comme ce qui rachètera le péché des autres hommes, mais c’est incontestablement une doctrine fondamentale dans la secte. Leur christ à eux fut comme nous l’avons vu, exécuté vers – ? avant notre ère, mais les esséniens attendent son retour « et les temps sont proches ».
Les esséniens croient aussi en la notion avant la lettre d’Antéchrist ou d’anti-christ.
Leur doctrine semble – et cela en absolue opposition avec l’orthodoxie juive de Judée – marquée par un certain dualisme, disons un dualisme mitigé, celui que l’on devine dans les Évangiles et les Épîtres de Jacques et Jean. L’essénisme va par conséquent postuler l’existence d’un Dieu bon, mandant d’un sauveur porteur de la Bonne Nouvelle (Évangile) et d’un Dieu mauvais, démiurge, créateur de l’univers.
Organisation matérielle
Le maître des Justes fut un grand fondateur d’Églises. « Et tu as bâti sur un rocher les fondations [de ma Qahal, terme hébreu pour le grec ekklesia donc église] » dit l’hymne N° 14 de Qumran (1QH14). Formule que reprendra l’équipe de chrétiens de la deuxième génération ayant élaboré l’Évangile attribué à Matthieu (16,18) par l’intermédiaire d’un jeu de mots avec la calvitie de Simon-Pierre – il avait le crâne chauve comme un caillou – ; faussement attribué, après coup, à Jésus lui-même (tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai ma Qahal = Église).
Les communautés esséniennes rassemblent les fidèles sous l’autorité d’un inspecteur, secondé par des anciens, presbuteroi, ou presbytres = prêtres donc, en grec.
Comme chez les pharisiens, les premières places chez eux sont en effet réservées aux anciens. L’un d’eux est « l’inspecteur ». Il est appelé à se comporter comme un berger. C’est d’ailleurs le titre qu’utilise le texte judéo-chrétien attribué à Hermas, « le pasteur », écrit vers 150. L’inspecteur ou pasteur est aussi désigné par les termes d’origine grecque : archonte ou épiscope (évêque). « En tous lieux où il y aura dix personnes de la Communauté, lit-on aussi dans le manuel de discipline ou Règle de la communauté, des esséniens, que ne manque pas parmi eux un homme qui soit prêtre. Et que chacun, selon son rang, s’asseye devant lui ».
Les esséniens accordaient également une grande importance au banquet sacré, au cours duquel le pain et l’eau (ou le vin) étaient offerts en partage, ou en gage de commensalité, aux membres de la communauté. Un repas en l’honneur du Maître des Justes dont ils attendaient le retour. La symbolique chrétienne en fera la Cène.
Il ne pouvait être question, pour les esséniens, de révoquer les rituels de circoncision et de sabbat, de la religiosité juive, mais ils rejetaient néanmoins les sacrifices traditionnels offerts au temple de Jérusalem par la caste sacerdotale au pouvoir ; ils estimaient que le seul sacrifice agréable à Dieu était celui auquel l’individu consent, à l’exemple de leur Maître crucifié vers ?
Le baptême n’est pas spécifiquement chrétien. L’orthodoxie juive a toujours eu recours au baptême. Les convertis étaient circoncis puis plongés dans un bain qui les purifiait.
Mais chez les esséniens le baptême était déjà un véritable rite de passage, une conversion à une autre vie, tournée vers le renoncement. On a découvert à Qumran un grand nombre de piscines à l’usage des néophytes choisissant de rallier la communauté.
Jochanaan dit Jean le baptiste, a dû être un des leurs (du moins au début).
Les esséniens par contre excommuniaient les coupables de faute grave selon eux (blasphème, hérésie), la chose est mentionnée en toutes lettres dans le Manuel de discipline ou Règle de la Communauté, c’est-à-dire concrètement les chassaient de leur communauté.
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Pour les esséniens, les mauvais penchants, la prédisposition au péché, sont en chaque homme, c’est la « chair ». Ils n’accordent au plaisir des sens que l’exercice rudimentaire de la fonction nutritive et reproductrice. Avec l’essénisme (et le baptisme qui s’ensuivra), la peur de la femme et de l’amour physique atteindra ce paroxysme que l’on retrouve souvent dans les mouvements intégristes. Le courant essénien fait de l’abstinence et de la continence, ou prohibition de toute relation sexuelle, la condition par laquelle l’homme impur accède à la sainteté. Société sans argent ni amours, les esséniens exigent une chasteté absolue, et ne tolèrent l’accouplement que dans le but de procréer, pour perpétuer le groupe. Le Christianisme s’en souviendra.
Arrivés dans la région de la mer Morte (à Qumran) au IIe siècle avant notre ère, ainsi que nous l’avons vu ; les esséniens en furent délogés par les Romains entre 66 et 70 de notre ère, lors de l’écrasement de la révolte des Judéens contre l’Empire romain.
Certains, appelés par dérision en hébreu les ebbyonim ou ébionites (« les mendiants », écrit excellemment John Toland dans son Nazarenus de 1710) étaient partisans de la pauvreté volontaire, tout comme les nazaréens (dont Jochanaan dit Jean le baptiste fut une des figures les plus marquantes ; mais les apôtres Jacques et Simon-Pierre en firent aussi partie).
Ce courant radical de l’essénisme (on trouve en effet dans les manuscrits de la Mer Morte des allusions très claires aux ebbyonim) ; est donc à l’origine, via le Baptiste, un de leurs dissidents, des mouvements chrétiens appelés également et tout comme eux, plus tard, ébionites ou nazaréens.
Prônant l’ascétisme, la chasteté et la pauvreté volontaire, les esséniens formaient une dissidence du judaïsme, hostile aux pharisiens, stigmatisés par eux pour leur laxisme, et aux sadducéens, auxquels ils reprochaient leurs richesses.
L’idée de s’organiser en une communauté faite de fidèles renonçant à la possession des biens matériels remonte aux esséniens qui en furent les premiers inspirateurs.
L’essénisme de la première moitié du 1er siècle était sans doute divisé en plusieurs tendances.
Il y avait des pacifistes, mais aussi des membres, ou à tout le moins des sympathisants, de la guérilla zélote, en lutte contre les Romains et les juifs collaborant avec eux (des rouleaux esséniens ont été retrouvés à Massada).
Les esséniens vivaient en communauté, ils observaient la chasteté, ils n’avaient aucune femme. Ils pratiquaient la bénédiction du pain et du vin (Manuel de Discipline ou Règle de la communauté) ; ils se baptisaient ; ils s’interdisaient toute nourriture animale sauf le poisson.
Tout cela ressemble fort aux pratiques chrétiennes de l’Antiquité.
Il y a donc déjà en cette fin de premier siècle avant notre ère une bifurcation vers le quasi-christianisme.
Entre la fin de l’essénisme et le début du christianisme, il y a une coïncidence si troublante que d’aucuns pensent que certains esséniens, dès lors qu’ils cessèrent d’être officiellement appelés « esséniens », furent considérés comme « chrétiens ».
Certains nient ou minimisent totalement les ressemblances et les coïncidences, et veulent y voir seulement des juifs ultra-orthodoxes, n’ayant aucun rapport avec les premiers chrétiens.
D’autres comme le grand barde irlandais John Toland veulent voir dans ces esséniens les premiers chrétiens, et faire purement et simplement du Jésus des Évangiles un ultime écho du « Maître des Justes » de cette secte, exécuté vers…… avant J.-C. en tout cas.
D’autres enfin pensent que cette identification avec le « Maître des Justes » essénien conviendrait mieux au premier pape de l’Église judéo-chrétienne : Jacques, le frère de Jésus.
Les barbares druides d’Occident que nous sommes n’ont en aucune façon à entrer dans ces querelles byzantines. À chacun de se faire une opinion dans cette quête du Graal.
Ce qui est certain, c’est que nombre d’aspects de l’essénisme frappent particulièrement par leur ressemblance avec le christianisme, et que l’on ne peut décemment prétendre que c’est dû au simple hasard. Il y a eu au minimum influence de l’essénisme sur les premiers fondateurs du christianisme et notamment Jochanaan, dit Jean le baptiste.
Le plus plausible en effet est que ce Jean a été un dissident de l’essénisme, et que c’est donc l’essénisme qui expliquerait le passage du judaïsme au christianisme.
LES ÉBIONITES.
On trouve dans les manuscrits de la Mer Morte des allusions aux ebbionyim ou pauvres, en hébreu. « Mendiants » dit excellemment John Toland dans son Nazarenus de 1710. Il s’agit peut-être d’une secte particulière de l’essénisme, ou à mi-chemin entre les esséniens et les protochrétiens, pratiquant la pauvreté volontaire.
Il semble en effet, comme nous l’avons vu, qu’il ait existé au sein de l’essénisme un courant radical attaché à ce type de vie.
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Le grand barde gaélique John Toland fait des ébionites ou nazaréens des judéo-chrétiens (des chrétiens d’entre les juifs écrit textuellement John Toland), mais vu le plan adopté pour notre ouvrage nous reparlerons de tout ceci dans notre opuscule sur ou plus exactement contre, le christianisme).
LES NAZORÉENS.
Afin d’éviter toute confusion avec la ville de Nazareth qui n’existait pas en tant que telle du temps de Jésus, nous ne reprendrons pas ici le terme de nazaréens utilisé par Toland dans son édition de 1710, mais nous utiliserons à la place celui de nazoréens qui nous semble plus judicieux.
En réalité et contrairement à ce qu’affirme John Toland, nazir (ou nazirite ou nazarite) signifie simplement « consacré » ou « séparé ». C’est le nom donné aux juifs qui faisaient vœu d’ascétisme, conformément au Livre des Nombres (6,1-21). La figure la plus représentative du naziréat dans la Bible est Samson. Au début de notre ère, chez les juifs, ces prescriptions, bien que semblant peu suivies (numériquement parlant) sont toujours en vigueur et ceux qui les suivent, le font avec zèle.
Dans toutes familles pieuses (et la plupart l’étaient), un des enfants devait être nazir. Était nazir en général le premier enfant né (fille ou garçon). Il l’était pour une période, plus ou moins longue, à vrai dire tant qu’il n’avait pas révoqué ce vœu. Si l’aîné refusait ou ne pouvait, le suivant prenait la relève et ainsi de suite. Car ce vœu impliquait de nombreuses obligations : se vêtir de blanc, n’absorber ni vin ni viande, ne pas porter de cuir, ne se couper ni cheveux ni ongles, ne pas forniquer, ne pas commettre de violence ni en actes ni en paroles, etc. Cette prescription particulièrement contraignante pour des gens jeunes ou même d’âge mûr (surtout sur la durée) ; semble avoir régressé, au cours des siècles, au rang de simple coutume, plus ou moins délaissée au fil du temps (pour prendre un exemple, un peu comme aujourd’hui les processions religieuses). Jean le Baptiste fut sans aucun doute l’un d’entre eux.
Le terme hébreu nazir donne « naziraios » en grec puis « nazoréen » puis « nazaréen ». La secte est attestée selon un écrit de Pline l’Ancien dès les années – 50 (livre V, Histoire Naturelle). Il s’agissait peut-être là aussi d’un mouvement proche de l’essénisme.
Vers – 100 avant notre ère, les nazoréens travaillent sur la Bible hébraïque et arrivent à en extraire un midrash proto – chrétien c’est-à-dire un portrait-robot du sauveur ou messie qui doit venir sauver Israël (voire l’Humanité ?). Leur production de textes est copieuse et circule partout. Ils sont les protochrétiens primitifs (hors christianisme). Ces écrits serviront à la rédaction des évangiles. Le christianisme originel sera parfois désigné par les juifs orthodoxes (sadducéens) ou pharisiens, comme l’hérésie des nazoréens. Lorsque le terme de nazôréen, appliqué aux premiers chrétiens (voir Jean 19,19) aura cessé d’être compris au IVe siècle, il sera écrit nazaréen, et senti comme voulant dire « originaire d’une ville nommée Nazareth », ce qui change tout.
La forme grecque nazoraios est de façon explicite appliquée aux chrétiens en la personne du premier d’entre eux dans certains textes. Notamment dans Jean 18, 7 ; 19,19 : Jésus le nazoréen, roi des juifs. Nazoréen est aussi la forme utilisée par Pierre lui-même à propos de Jésus dans les Actes des apôtres (2, 22 ; 3, 6 ; 4,10). Elle figure également dans Matthieu (2, 23 ; 26, 71) ; Luc (18, 37) ainsi que dans Actes 6,14 ; 26, 9 ; 24, 5. Au pluriel cette fois-ci : la secte des nazoréens.
Saint Paul en Actes 24, 5, est en effet considéré comme un des meneurs de ce mouvement par le grand-prêtre des juifs de Jérusalem-Césarée, Ananias.
Cet épisode fait partie de ceux qui ont été le plus occultés par les générations chrétiennes ultérieures, à commencer par le terme même de nazOraios (nazOréen) qui fut très rapidement travesti en nazAréen.
Une de leurs branches judéo-chrétiennes (les chrétiens d’entre les Juifs écrit John Toland dans la version 1710 de son Nazarenus) a perduré jusqu’au IVe siècle de notre ère sous le nom d’elkasaites, en continuant à se revendiquer de Jacques et de Pierre.
LE MOUVEMENT DE JOCHANAAN DIT JEAN LE BAPTISTE.
Une des figures majeures du mouvement nazoréen est l’énigmatique Jean le baptiste, personnage historiquement attesté dans la littérature non chrétienne (un passage des Antiquités juives de l’historien Flavius Josèphe, ouvrage achevé vers 93-94 de notre ère) ; mais aussi dans plusieurs passages du Nouveau Testament.
S’il bénéficiait de l’admiration du « petit peuple » (il passait pour une réincarnation d’Élie), il était également redouté par les autorités spirituelles et politiques. Outre les Évangiles canoniques, la littérature juive (Flavius Josèphe) confirme le danger que représentait le « Baptiste » pour la caste sacerdotale qui régentait le Temple à l’époque.
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Les origines du baptiste sont controversées. Les Évangiles le présentent comme fils du prêtre Zacharie officiant au Temple (appartenant donc à la classe sadducéenne) et d’Élisabeth, la tante de Marie, mère de Jésus. Ainsi, toujours selon les chrétiens, Jésus et le baptiste seraient parents, « cousins » en quelque sorte. Si le baptiste est d’ascendance aristocratique par son père Zacharie (prêtrise attestée dans un texte le citant comme membre du clergé du Temple), il est probable alors que celui-ci était en rupture avec son milieu social et religieux d’origine.
Jochanaan naquit quelques années avant notre ère et se retira au désert aux environs de l’an 25 pour répondre à un appel d’en haut et y mener une vie ascétique.
Dans des circonstances qui nous échappent, il acquit une réputation extraordinaire et attira dans le désert de Judée des foules considérables, auxquelles il se mit à annoncer l’imminence de la Visite de Dieu à Israël. Jean appelait ses auditeurs à la repentance immédiate et leur offrait, comme gage du pardon que Dieu leur garantissait en retour, un bain purificateur dans le Jourdain. Ce « baptême » devait être suivi d’une réforme de la conduite de ceux qui l’avaient reçu.
Le baptême ne signifiait pas pour Jochanaan la remise des péchés, mais un acte de foi, un engagement dans une vie de pénitence, chargée de préparer le règne de Dieu.
Ainsi que nous avons pu le voir, Jochanaan a très certainement fait partie de la tendance ébionite de la « Communauté des Purs » autrement dit des esséniens, et adhéré à leur conception d’un clergé « dissident » du Temple, illégitime à leurs yeux. Jean a largement utilisé leurs pratiques baptismales en des lieux presque identiques, mais selon une vision plus universaliste du baptême, puisqu’il invitait tous les gens d’Israël au repentir et au « retournement » de leur vie afin d’accueillir le Messie qui devait venir. En cela, il y a fort à parier que le baptiste fut en rupture avec la Communauté, et qu’il en avait été exclu pour son refus de partager les convictions « élitistes » du mouvement essénien…
Moins sectaire que les pharisiens, les sadducéens, les zélotes, ou les esséniens, Jean lançait à tout le peuple juif de Palestine un appel à la repentance et au baptême, permettant à chacun de bénéficier du pardon divin. Bref, il rassemblait tout le peuple devant Dieu. Mais il ne s’agit pas d’un conflit entre une religion nouvelle et le judaïsme. Un Réveil populaire au sein du judaïsme palestinien s’en prend énergiquement aux prétentions sectaires des groupes dirigeants juifs. Voilà tout !
Il y a eu autour de lui toute une agitation qu’attisaient les révoltes endémiques.
Autour de Jean s’étaient en effet rassemblées beaucoup de personnes qui, à l’entendre parler, étaient gagnées par la plus grande excitation (FLAVIUS Josèphe. Antiquités juives. XVIII, 116-118).
L’idée réitérée par Jean le Baptiste, comme plus tard les millénaristes, que la fin des temps était imminente, unissait dans une même déréliction le goût de la pénitence, du martyre, et de la purification in extremis.
Jochanaan baptisait au gué de Bethabarra (Aenon selon Jean) sur le Jourdain, à quelques kilomètres de Qumran.
À la mort du baptiste – exécuté au début des années trente à l’instigation d’Hérode Antipas, le Tétrarque de Galilée – son cadavre fut inhumé par ses disciples à Machéronte, et son mouvement éclatera. Certains restèrent indépendants. Bien qu’ignoré de la tradition talmudique, Jean-Baptiste a une place dans le Coran qui le vénère comme un très grand prophète dont la mosquée des Omeyyades à Damas prétend abriter la tombe. (Il y aurait alors eu dans ce cas transfert du corps de Machéronte à Damas).
LES DIFFÉRENTS MOUVEMENTS BAPTISTES.
Au 1er siècle de notre ère existait par exemple en Samarie un mouvement baptiste dont le prophète, Dusion, Dosthion ou Dostan (en grec Dosithée) se voulait disciple de Jean le Baptiste, qu’il considérait comme le vrai Messie. Ils ne se nourrissaient que des fruits de la terre et vivaient dans des grottes ou cavernes. Dosithée niait la résurrection des corps, la destruction future du monde, le jugement dernier, l’existence des anges.
Il y a quelques années encore les mandéens (qui s’appellent eux-mêmes nasorayé, autrement dit nazoréens) et qui considèrent Jean-Baptiste, connu par des traditions qui ne viennent pas du Nouveau Testament, comme leur prophète-fondateur ; procédaient encore à des baptêmes dans l’Euphrate, en Irak et en Syrie.
Il en reste, dispersés au sud de l’Irak, dans les zones marécageuses du Chatt-el-Arab, débordant sur l’Iran (province du Khouzistan), trois ou quatre cents. Les mandéens parlent un dialecte araméen oriental archaïque qui leur est propre.
Les mandéens connaissent, aujourd’hui encore, un sacerdoce héréditaire à trois degrés : acolytes (ou diacres), prêtres et grands prêtres. Le baptême est leur rite essentiel qui peut être renouvelé et qui est toujours conféré dans une eau courante, ou des points d’eau vive, comme le faisaient Jean (le
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baptiste) et les disciples qui lui ont succédé. Après la consécration de l’eau, le catéchumène y est plongé trois fois. Le prêtre serre ensuite la main du baptisé en signe de communion, puis le marque d’une onction d’huile consacrée, avant de le faire communier à l’aide d’un morceau de pain consacré et d’une coupe d’eau. Les mandéens baptisent les mourants et les morts pour protéger leurs âmes dans leur ascension vers la lumière.
Ils ne sont nullement chrétiens et leur sont même hostiles puisqu’ils considèrent Jésus comme un faux disciple et les chrétiens comme des hérétiques dissidents du mouvement initié par Jean.
Le livre sacré de ce mandéisme, que la tradition rattache à saint Jean-Baptiste, est pourtant très gnostique, et cela est assez étonnant, mais témoigne d’une évolution générale des idées dans cette partie du monde.
LES HELLÉNISTES ET LA SEPTANTE.
Lorsqu’ils étudient la culture juive des deux premiers siècles avant notre ère, et spécialement l’attitude des juifs à l’égard de la Bible, les historiens ont l’habitude de distinguer deux grandes tendances. Les juifs plus ou moins fraîchement émigrés de leur patrie d’origine, et pénétrés d’influence grecque, et les juifs demeurés en Palestine, dont la civilisation avait été, à ce titre, davantage préservée des contaminations occidentales. Les uns et les autres se penchaient sur la Bible avec autant de zèle et de vénération, mais leur exégèse accusait d’importantes différences, surtout dans l’usage de l’interprétation allégorique. En effet, les seconds ne pratiquaient pas ou peu l’exégèse allégorique. C’est que la mentalité rabbinique est peu encline à l’allégorie : les rabbins ne cherchent nullement à dégager de la Bible un système de sagesse qui lui reste étranger ; ils ne l’étudient que pour acquérir la science de la parole divine et pour en déduire toutes les prescriptions juridiques qu’elle recèle. Or l’esprit juridique met en fuite l’esprit poétique inhérent et nécessaire à l’allégorie. Il n’en va pas de même du judaïsme alexandrin où une allégorie souvent débridée était de règle. Celle-ci pouvait être aussi bien morale que physique.
Une influence grecque semble être à la base de ce mode d’exégèse. Plusieurs indices le montrent : le fait que seuls les juifs entrés en contact avec la civilisation hellénique pratiquent cette exégèse allégorique, la présence, chez les allégoristes juifs, d’une notable connaissance de la pensée grecque… Mais il y a, de cette influence déterminante de l’allégorie grecque sur l’allégorie juive, des indices plus éloquents et plus positifs. En effet, plusieurs juifs alexandrins ont eux-mêmes pris soin de noter la parenté qui relie l’exégèse figurée qu’ils donnent de leurs textes sacrés, au traitement allégorique que les Grecs appliquaient à leurs premiers poètes. On constate alors deux nuances. Certains juifs hellénisés rapprochent leurs propres mystères des mythes grecs, leur allégorie de l’allégorie grecque, pour conclure que c’est à eux-mêmes que revient la gloire de la découverte et aux Grecs la honte du plagiat. D’autres auteurs maintiennent le rapprochement entre leur propre exégèse allégorique de la Bible, et l’interprétation grecque d’Homère et d’Hésiode, sans prétendre avoir été les initiateurs de la Grèce. À vrai dire, ils ne professent pas davantage en avoir été les initiés. Mais leur familiarité avec les mythes grecs classiques, la démarche spontanée par laquelle ils les évoquent chaque fois que l’Écriture présente avec eux quelque analogie ; pour tout dire l’impression qu’ils donnent de croire à l’existence d’un vieux fonds mythique commun qui aurait reçu une double formulation, homéro-hésiodique et biblique ; toutes ces raisons conduisent à penser que leur interprétation allégorique a été influencée, pour ne pas dire suscitée, par le procédé littéraire grec, qu’ils ne pouvaient pas ignorer. Le but que ces auteurs poursuivaient en amalgamant le récit biblique avec des épisodes tirés des poèmes homériques et hésiodiques, était naturellement de se concilier les lecteurs grecs ; en leur montrant que la Genèse n’est pas l’histoire d’un peuple imaginaire, ni même d’un monde à part ; mais que les plus incroyables chapitres, tels ceux du déluge et de la tour de Babel, se laissent recouper par les données mythiques de la Grèce. Pour achever de capter l’attention bienveillante des Grecs, le plus sûr évidemment était de transposer à la Bible la méthode allégorique qu’ils prenaient tant de plaisir à voir appliquer à leurs poètes.
Une autre forme de lecture est celle qui s’attache aux signes, non pas d’abord dans leur relation avec un signifié, mais dans leur matérialité même, en tant que signifiants. Nous classerons sous cette rubrique divers procédés. Le plus ancien, et qui ne joue pas uniquement sur le signifiant d’ailleurs, est l’étymologie, qui va chercher le « vrai » sens d’un mot dans les profondeurs de l’origine ou dans une autre langue vue comme originelle. Il s’agit avec ce procédé de faire la preuve par le langage, preuve formelle s’il en est.
On peut aussi considérer les mots comme dépositaires d’un savoir qui ne se révèle qu’après transposition des lettres dans leur valeur numérique. Le grec Héliodore, qui vivait au IIIe siècle de notre ère, nous apprend ainsi que si l’on remplace chacune des lettres du nom du Nil (No) par le chiffre correspondant (les Grecs notaient les chiffres au moyen de lettres de l’alphabet) ; on obtient 365, ce qui est le nombre de jours que compte une année. La gématrie peut donc faire apparaître le
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sens caché d’un texte. Cette recherche de coïncidences lumineuses apparaîtra d’autant plus justifiée qu’elle sera appliquée à des textes sacrés auxquels on suppose une cohérence divine, capable d’englober toutes les dimensions du texte. Elle constituera un des aspects importants de l’interprétation de l’Écriture dans la tradition talmudique ou chez les Pères de l’Église, plus tard.
La Septante.
Traduction de la Bible juive en langue grecque, qui aurait été réalisée, selon la tradition, par 70 (ou 72) lettrés juifs d’Alexandrie.
Nombre d’immigrants juifs ne connaissaient plus l’hébreu, et souhaitaient lire leurs textes sacrés dans la langue de leurs transactions commerciales, l’araméen demeurant leur langue quotidienne. Une traduction unifiée fut donc probablement faite à la demande du souverain lagide Ptolémée, soucieux de connaître les règles des divers peuples qui lui étaient assujettis, dans le cadre d’une réorganisation de son royaume.
La traduction de la Septante au IIIe siècle avant notre ère a donc été marquée par le passage d’une langue sémitique, avec ses glissements de sens par allitération et ses particularismes de temps verbaux (l’hébreu ne connaît pas les temps, passé, présent, futur, mais connaît des aspects c’est-à-dire la différence entre ce qu’on appelle « l’accompli » parfois « le parfait » et « l’inaccompli » parfois « l’imparfait », l’accompli peut correspondre à un présent qui garde la mémoire d’un passé et qui a de quoi perdurer., l’inaccompli peut désigner quelque chose qui a commencé, quelque chose qui commence, quelque chose qui est en voie d’advenir ou de finir, et donc il peut se traduire aussi bien par un passé que par un imparfait, un présent ou un futur) ; par le passage donc à une langue de type indo-européen, fondé plus sur une logique rationnelle que sur la vertu analogique des sons, des images, ou des procédés kabbalistiques.
Derrière les questions de sémantique, il y a les différences de structures de la pensée ou de son expression chez les Hébreux et chez les Grecs. Un même mot prononcé dans ces deux univers culturels peut avoir un sens radicalement différent. D’où parfois d’irréductibles divergences.
La version des Septante entre dans une vision d’abord dépouillée de son caractère d’écriture juive sacrée et rencontrant parfois la mythologie grecque, à laquelle l’assimilent certains syncrétismes, puis de nouveau sacralisée lorsque le judéo-christianisme subira une hellénisation qui aboutira au christianisme. La Traduction latine ou Vulgate l’éloignera encore plus de son origine, mais lui gardera son caractère de vérité révélée et intangible.
Or elle contient de très nombreuses erreurs de traduction, lourdes de conséquences.
L’Occident, et cela en est presque comique, possède l’extrême particularité de reposer, jusque dans ses mentalités, ses modes de sentir, de penser, de juger, et d’agir, mais, peut-être aussi surtout d’imaginer ; sur une langue à laquelle il n’a jamais eu accès, sinon marginalement, que par des traductions : l’hébreu. Et le christianisme, noyau et foyer de cet inconfort, assume et développe presque à plaisir tous les aspects de ce paradoxe. Issu de deux corpus ne lui appartenant pas, le juif d’abord, puis celui que recueille Byzance, il les remplace par un troisième, latin celui-là : plus de bible hébraïque, judaïque, plus de Septante, mais une traduction-adaptation des deux. Et l’on assiste alors à l’inouï : la mise en place de tout un édifice idéologique et fantasmatique dont les fondations ont été acquises sur un marché d’occasion ou de seconde main ; (par le biais d’une traduction ou d’une traduction de traduction pour ce qui est du Nouveau Testament.)
Quelques exemples d’erreurs de traduction commises par la Septante.
Genèse 14, 13.
Le texte hébreu qualifie Abraham d’Hébreu.
Or la traduction de la Septante en fait « un émigré ».
Ce n’est pas du tout la même chose, mais les Pères de l’Église et les évêques d’aujourd’hui ont bâti sur ce terme toutes sortes de spéculations.
Esaïe 28, 9-11.
Le texte hébreu est une suite de syllabes, peut-être des mots apocopés, que la plupart des exégètes modernes préfèrent ne pas traduire :
« Çaw laçaw, çaw laçaw, qaw lagaw, qaw laqaw, ze’eyr sham, ze’eyr sham ».
Ceux qui tentent de traduire proposent en général quelque chose comme ceci :
« Ordre sur ordre, ordre sur ordre, règle sur règle, règle sur règle, un peu par ici, un peu par-là ».
Dans la version des Septante cela donne :
« Reçois épreuve sur épreuve, espérance sur espérance, encore un peu, encore un peu !! » Origène a fondé là-dessus toute une théorie à propos des martyrs.
En Juges 15,16-19, Samson tue ses ennemis avec une « mâchoire » d’âne. Le nom de « mâchoire » fut par la suite donné au lieu de cette victoire : Lechi.
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Normalement on n’aurait pas dû traduire ce nom, devenu nom propre, c’est pourtant ce qu’ont fait les Septante et cela nous a donné, au lieu de « Dieu ouvrit le creux qui est situé à Lechi et de l’eau en sortit ». « Dieu ouvrit la blessure dans la mâchoire et de l’eau en sortit ».
L’interprétation allégorique, à valeur spirituelle, qu’en donneront les Pères (la mâchoire préfigure les ossements des saints, etc.) frôle donc le ridicule.
L’assimilation de Jésus au soleil qui se lève vient de la traduction du mot hébreu çèmah (littéralement ce qui lève, le germe) par le terme grec anatolé, qui veut dire « levant », mais au sens « d’endroit où le soleil se lève = Orient ».
En Esaïe 45, 23 b, alors que le texte hébreu se ponctue (intellectuellement) ainsi :
«… et toute langue prêtera serment.
En YHVVH seul, etc., etc. »
Le point nécessaire à la compréhension, ayant été omis par les Septante, cela devient pour eux
«… et toute langue prêtera serment en YHVVH seul… ».
Note de la rédaction. En ce qui concerne les différents noms de Dieu – et, donc, ses différentes conceptions – la traduction des Septante a parachevé l’unification et, donc, la confusion ; en traduisant par un seul et même mot grec, theos (deus ensuite dans la Vulgate en latin) ces différents niveaux de la réalité divine. Et tout ce qui s’en est ensuivi (théologie, etc.) a donc reposé sur ce double ou triple ou quadruple malentendu.
Idem avec le terme hébreu malak qui signifie envoyé.
Mais il y a envoyé et envoyé : les envoyés de Dieu qui participent peu ou prou de sa nature, et les envoyés des simples princes de ce monde.
Or dans les deux cas, la Septante a traduit par « aggelos » d’où une certaine confusion entre les vrais « anges » et les simples ambassadeurs des princes de ce monde.
Il est impossible d’estimer très précisément le rôle que tout ceci a pu jouer dans la formation du christianisme, mais il dut être considérable.
Les juifs alexandrins se sont notamment livrés à un extraordinaire travail d’adaptation (de falsification dit BERNARD Lazare) des textes propres à devenir un appui pour leur cause. Des vers d’Eschyle, de Sophocle, d’Euripide, de prétendus oracles d’Orphée, conservés dans Aristobule et les Stromata de Clément d’Alexandrie, célébrèrent ainsi le dieu unique et le sabbat au grand étonnement des païens. Des historiens furent aussi falsifiés. Bien plus, on leur attribua des œuvres entières, et c’est ainsi que l’on mit sous le nom d’Hécatée d’Abdère une histoire des juifs bien peu historique. La plus importante de ces inventions fut celle des oracles sibyllins, fabriqués de toutes pièces par les juifs d’Alexandrie, et qui annonçaient un temps futur où devait advenir le règne du dieu unique… Les juifs prétendirent même ramener à eux la littérature et la philosophie grecques. Dans un commentaire sur le Pentateuque que nous a conservé Eusèbe, Aristobule s’efforça de démontrer que les idées de Platon ou d’Aristote venaient d’une vieille version grecque du Pentateuque.
Philon d’Alexandrie, à peu près contemporain de l’ère chrétienne, a pratiqué sur une grande échelle l’interprétation allégorique de l’Ancien Testament ; soit qu’il ait produit des exégèses nouvelles, soit qu’il ait simplement repris et amplifié celles qui avaient déjà cours dans le milieu judéo-hellénistique. Selon Philon, le recours à l’allégorie s’impose lorsque le sens littéral du texte sacré, à lui seul, présente une difficulté insoluble, une ineptie, une contradiction et surtout une affirmation indigne de Dieu (il n’en manque pas dans la Bible effectivement). On peut remarquer que cette règle philonienne n’est que la transposition d’un principe stoïcien dont la meilleure formulation est due au pseudo-Héraclite, selon lequel l’allégorie est l’indispensable antidote des textes homériques qui, sans elle, ne seraient qu’impiété. Il faut d’ailleurs remarquer à quel point Philon connaît l’exégèse allégorique que les Grecs donnaient de leurs principaux mythes, soit, le plus souvent, qu’il y acquiesce et la reprenne à son compte, soit qu’il la rejette. En outre, il produit, de passages d’Homère et d’Hésiode, diverses interprétations allégoriques dont il semble bien être l’inventeur. Il voue aux poètes des premiers siècles la plus grande admiration, il les défend contre l’accusation d’impiété, il estime que le plus sûr moyen de justifier cette admiration, comme d’assurer cette défense ; est de mettre en valeur, par l’allégorie, l’enseignement dissimulé dans leurs poèmes. Mais Philon ne se borne pas à interpréter ces mythes grecs selon des schémas stoïciens classiques, ni même à en proposer des utilisations inédites. Il les entremêle aux récits bibliques. L’intimité de Philon avec la culture grecque est si profonde et son désir de donner du message juif une présentation propre à séduire le lecteur hellénistique si puissant, qu’il en vient presque à dissoudre la spécificité de la révélation mosaïque. À la fondre avec les données légendaires d’Homère, dans un unique fonds mythique universel, que seule peut sauver l’interprétation allégorique.
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LES PHARISIENS.
Ancêtres directs du judaïsme d’aujourd’hui vu la disparition du Temple qui a suivi.
Eux aussi, comme nous avons pu le voir, attendent le Messie (Christos/Chrestos en grec) qui doit les libérer de l’Empire romain.
Apparus en Palestine dès avant la fin du IIe siècle avant notre ère, les pharisiens n’avaient renoncé que peu à peu à imposer la Loi de Moïse à toute la société palestinienne. Nous connaissons mal leur histoire et leurs idées d’avant la ruine du Temple, en 70. Mais il est clair que, faute de pouvoir rendre à la Loi mosaïque sa place éminente dans l’organisation de la société ; les pharisiens avaient entrepris de faire de la Torah une loi morale proposée à chaque juif soucieux d’obéir à la volonté divine. Ils rassemblaient donc en une fraternité les personnes désireuses d’y conformer leur vie. Dans ce double dessein, ils faisaient des commandements une interprétation applicable à la vie quotidienne de chacun. Ce grand effort de sérieux moral et rituel leur valait une certaine admiration de la masse de la population juive de Palestine. Mais il comportait un dédain très visible à l’égard du peuple du pays, considéré par les pharisiens comme négligeant ses devoirs religieux et moraux. Gens de villes, comme les puritains du XVIIIe siècle, les pharisiens méprisaient volontiers les paysans, qu’ils jugeaient enfermés dans la superstition et le laxisme moral. Bref, eux aussi avaient une attitude sectaire.
Le pharisaïsme, avec son angélologie et son au-delà paradisiaque ou infernal, ne dépasse pas un stade théologique rudimentaire, à une exception près.
Alors que le parti sadducéen, formé par les fonctionnaires sacerdotaux, attachés à conserver leurs privilèges, sous quelque régime que tombe Israël, ne se soucie guère de résurrection ou de salut, le parti rival, celui des pharisiens, lui, professe une idée nouvelle. Chacun, après un dernier jugement, recouvrera son enveloppe charnelle dans l’au-delà. Sur ce point, les chrétiens sont donc de parfaits pharisiens.
Les pharisiens sont en effet les seuls, dans le Judaïsme de l’époque, à imaginer à la fois une survie de l’âme et une résurrection des corps ; en un lieu paradisiaque, où les Justes sont récompensés de leur zèle et de leurs souffrances sur Terre (ou iront en enfer évidemment).
Le Pharisaïsme en Palestine et dans la diaspora n’est pas la première religion à démocratiser la réincarnation conjointe des corps et des âmes, les justes et les injustes, quel que soit leur rang social ; puisque le druidisme à l’autre bout de l’Empire romain professait également cette doctrine. « Une de leurs doctrines s’est répandue dans le peuple, à savoir que les âme/esprits sont immortelles et qu’il y a une autre vie chez les morts » (Pomponius Mela. Dans son livre intitulé en latin De chorographia 3, 2).
« La même âme/esprit gouverne un corps dans un autre monde ». (Lucain. Dans son livre intitulé en latin « Pharsalia » ou « Bellum civile », I, 450-458).
Le pharisaïsme est seulement la première religion à avoir placé derrière tout ceci une redoutable alternative, celle du salut céleste ou de la damnation éternelle, et à avoir accordé une importance essentielle à la rétribution finale des actions.
Les pharisiens ont en effet opté pour la transformation d’une Loi sociale impraticable en une Loi morale proposée à chaque membre du peuple.
Ils croient en un au-delà où chaque homme, convoqué après sa mort à un Jugement dernier, est jugé selon ses mérites et voué au paradis ou à l’enfer. Idée totalement absente des autres croyances en la réincarnation des âmes après la mort. Cette croyance implique que les Églises pharisiennes (appelées synagogues), lieux à la fois cultuels et sociaux, perpétueront jusqu’au-delà de la mort des fidèles leur rôle de protection et de contrôle.
En multipliant dans la Diaspora les synagogues où s’est imposée leur doctrine, les pharisiens construiront en quelque sorte une religion sans État et bientôt, après l’écrasement des Juifs par Hadrien en 135, une religion sans nation.
LES ZÉLOTES.
Les zélotes, en lutte contre l’occupation romaine, assimilent Rome à une capitale de la débauche, « La Grande Prostituée » dont parle l’apocalypse attribuée à Jean.
Ils avaient avec le reste de la population juive de Palestine les rapports que toute organisation terroriste entretient avec le milieu où elle baigne. Ces hommes qui, à l’instar du prêtre Pinhas (Nombres 25, 6 à 13), se substituaient aux autorités défaillantes, pour éliminer par la violence les contrevenants à la Loi ; cherchaient à imposer au peuple une observance plus complète des commandements, tout en se rendant populaires par leurs actes de résistance antiromaine. On peut les comparer aux groupes qui, en pays d’islam, s’efforcent d’imposer la « charia » comme base du droit. Forcément voués au secret ainsi qu’à une discipline rigoureuse, pour échapper à la répression,
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ils pensaient agir au bénéfice de tous, mais vivaient nécessairement à l’écart, dans des cercles restreints dont les contacts avec la masse du peuple étaient rares.
CONCLUSION.
Tandis que se multiplient, ainsi que nous l’avons vu, les querelles sur la personnalité du Sauveur qui doit venir ou revenir, les divers courants messianiques – adamien, séthien, naassène, caïnite, essénien, nazoréen, helléniste, pharisien, etc. forment des Ekklésiai ou Églises rivales (hébreu Qahal communauté). Chacun tente de se légitimer en établissant sa filiation avec le « vrai » messie à venir, l’oint du Seigneur, que le grec traduit par Chrestos ou Christos.
Chacun de ces prophètes ou illuminés se veut l’élu de Dieu, choisi par lui pour révéler aux ignorants le véritable sens de textes dont la profondeur avait jusque-là échappé aux précédentes exégèses.
On assiste de la sorte à des transpositions successives de formules et d’expressions revues et corrigées à la lumière de l’époque.
À l’instar d’Osée, d’Ézéchiel, de Jérémie, qui habillaient de nouvelles formes les objurgations et lamentations du passé, les adamiens, les séthiens, les caïnites, les naassènes, les nazoréens, les hellénistes, les pharisiens et les esséniens (tout comme les judéo-chrétiens après eux) ; adaptent à leur préoccupation messianique les textes de la Bible où ils perçoivent littéralement (au besoin en les réécrivant : midrashim) les prémices de ce qu’ils annoncent.
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LE PHÉNOMÈNE DE LA DIASPORA SELON SHLOMO SAND.
Tout le monde croit savoir, sans l’ombre d’un doute, que le peuple juif existe depuis qu’il a reçu la Torah dans le Sinaï, et qu’il en est le descendant direct et exclusif. Chacun se persuade que ce peuple, sorti d’Égypte, s’est fixé sur la « terre promise », où fut édifié le glorieux royaume de David et de Salomon, partagé ensuite en royaumes de Juda et d’Israël. De même, nul n’ignore qu’il a connu l’exil à deux reprises : après la destruction du premier temple, au VIe siècle avant notre ère, puis à la suite de celle du second temple, en l’an 70.
S’ensuivit pour lui une errance de près de deux mille ans : ses tribulations le menèrent au Yémen, au Maroc, en Espagne, en Allemagne, en Pologne et jusqu’au fin fond de la Russie ; mais il parvint toujours à préserver les liens du sang entre ses communautés éloignées. Ainsi, son unité ne fut-elle pas altérée. À la fin du XIXe siècle, les conditions mûrirent pour son retour dans l’antique patrie.
Mais la Bible peut-elle être considérée comme un livre d’histoire ? Les premiers historiens juifs modernes, comme Isaak Markus Jost ou Leopold Zunz, dans la première moitié du XIXe siècle, ne la percevaient pas ainsi. À leurs yeux, l’Ancien Testament se présentait surtout comme un livre de théologie constitutif des communautés religieuses juives après la destruction du premier temple. Il a fallu attendre la seconde moitié du même siècle pour trouver des historiens, en premier lieu Heinrich Graetz, porteurs d’une vision « nationale » de la Bible. Ils ont transformé le départ d’Abraham pour Canaan, la sortie d’Égypte ou encore le royaume unifié de David et Salomon, en récits d’un passé authentiquement national.
Les découvertes de la « nouvelle archéologie » contredisent la possibilité d’un grand exode au XIIIe siècle avant notre ère. De même, Moïse n’a pas pu faire sortir les Hébreux d’Égypte et les conduire vers la « terre promise » pour la bonne et simple raison qu’à l’époque celle-ci… était aux mains des Égyptiens. On ne trouve d’ailleurs aucune trace d’une révolte d’esclaves dans l’empire des pharaons ni d’une conquête rapide du pays de Canaan par un élément étranger.
Il n’existe pas non plus de signe ou de souvenir du somptueux royaume de David et de Salomon. Les découvertes de la décennie écoulée montrent l’existence, à l’époque, de deux petits royaumes : Israël, le plus puissant, et Juda, la future Judée. Les habitants de cette dernière ne subirent pas non plus d’exil au VIe siècle avant notre ère : seules ses élites politiques et intellectuelles durent s’installer à Babylone. De cette rencontre décisive avec les cultes perses naîtra le monothéisme juif.
De même, il a été longtemps admis que les tragiques événements de l’an 70 (la fin de la rébellion contre Rome, la chute de Massada en 72, l’atroce répression qui s’en était suivie de la part des Romains de Titus et notamment la destruction du second temple de Jérusalem) ; avaient sonné le début de la fin du peuple juif dans la région. Selon l’historien de l’époque Flavius Josèphe, des centaines de milliers de juifs auraient péri durant le siège de Jérusalem et ailleurs dans le pays, et plusieurs milliers auraient été réduits en esclavage.
Le coup de grâce ayant été porté en 135 avec l’écrasement à Bétar au sud-ouest de Jérusalem, de la dernière révolte juive menée par Simon Bar Kokhba (reconnu Messie et roi d’Israël par le rabbi Akiba) ; et la destruction de Jérusalem tout entière cette fois-ci. Suite à cette défaite de Bar Kokhba, Jérusalem fut rasée, interdite aux juifs, et une nouvelle ville romaine, Ælia Capitolina, bâtie sur son site. Devenu empereur, Hadrien renomma la Provincia Iudaea Syria Palaestina, d’après les Philistins, et ce nom existe d’ailleurs encore de nos jours puisque l’entité politique et nationale concurrente d’Israël se nomme Palestine.
Conclusion logique : tous les juifs d’Europe ou d’Afrique du Nord seraient peu ou prou issus de ces deux exils forcés.
L’historien autrichien Shlomo Sand (né à Linz en 1946) a récemment remis en cause cette idée reçue dans son ouvrage « quand et comment le peuple juif fut inventé ».
L’exil de l’an 70 de notre ère a-t-il, lui, effectivement eu lieu ? Paradoxalement, cet « événement fondateur » dans l’histoire des juifs, d’où la diaspora tire son origine, n’a pas donné matière au moindre ouvrage de recherche. Et pour une raison bien prosaïque : les Romains n’ont jamais exilé de peuple sur le flanc oriental de la Méditerranée.
Selon Shlomo Sand en effet la Diaspora n’est pas née de l’expulsion des Hébreux de Palestine, mais de conversions successives en Afrique du Nord, en Europe du Sud et au Proche-Orient. Il affirme que l’existence des diasporas de Méditerranée et d’Europe centrale est le résultat de conversions au judaïsme. Pour lui, l’exil du peuple juif est un mythe, né d’une reconstruction a posteriori, sans fondement historique.
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Ce qui sous-tend la thèse de Shlomo Sand, c’est que le peuple juif n’a jamais existé en tant que « peuple race » partageant une origine commune ; mais qu’il est une multitude bigarrée de groupes humains qui, à des moments différents de l’Histoire, ont adopté la religion juive.
D’après Sand, chez certains penseurs sionistes, cette conception mythique des juifs comme peuple ancien aboutit même à une pensée raciste.
Cas par exemple de Jabotinsky fondateur de l’Irgoun et de sa muraille d’acier
Depuis les années 1970, en Israël, une succession de recherches « scientifiques » s’efforce de démontrer, par tous les moyens, la proximité génétique des juifs du monde entier. L’histoire du fameux chromosome d’Abraham fait partie de ces fantasmes racistes.
Mais quand donc la notion de nation juive a-t-elle été inventée ?
Réponse de Shlomo Sand. Dans l’Allemagne du XIXe siècle, à un certain moment, des intellectuels d’origine juive, influencés par le caractère « völkisch » 1) du nationalisme allemand ; se sont donné pour mission de fabriquer rétrospectivement un peuple, le leur, avec l’idée de créer une nation juive moderne. Ce n’est qu’à partir d’Heinrich Graetz que des intellectuels juifs commenceront à esquisser une histoire du judaïsme en tant qu’histoire d’un peuple ; qui avait un caractère national stricto sensu au départ, puis qui est devenu un peuple errant et qui finalement a fait demi-tour pour revenir dans sa patrie d’origine.
Ainsi que nous l’avons vu plus haut, un des grands penseurs sionistes, Ze’ev Vladimir Jabotinsky, né en Ukraine le 18 octobre 1880, a publié en 1923 un texte fondamental à ce sujet. Le cœur de sa réflexion est la résistance arabe au sionisme, qui pour lui ne pourra que s’amplifier avec la colonisation juive. Quelle réponse le sionisme doit-il y apporter ?
« Sur le plan émotionnel, j’éprouve à l’égard des Arabes les mêmes sentiments qu’envers les autres peuples : une indifférence polie. Sur un plan politique […] je considère qu’il est absolument impossible d’expulser de quelque manière que ce soit les Arabes de Palestine, où vivront toujours deux peuples ».
Mais il ne faut pas se faire d’illusions : « Les Arabes de Palestine n’accepteront jamais la transformation de la Palestine arabe en un pays à majorité juive. […] Que le lecteur passe en revue tous les exemples de colonisation dans d’autres contrées. Il n’en trouvera pas un seul où elle se soit faite avec l’accord des indigènes ».
Jabotinsky se moque de ceux qui prendraient les Arabes pour des « imbéciles que l’on peut escroquer. […] Ils sont aussi fins psychologues que nous. On peut leur raconter ce que l’on voudra, ils lisent aussi bien dans notre cœur que nous dans le leur ».
Ceux qui croient possible un accord avec les Arabes, croient que ceux-ci donneront leur pays aux juifs en échange de la promesse de l’égalité et d’une amélioration de leur niveau de vie. Pour Jabotinsky, c’est ridicule, et ils ont au fond un « mépris » fondamental pour les Arabes. Ils ne voient finalement en eux qu’« une populace avide, disposée à vendre sa patrie pour une bonne ligne de chemin de fer ».
Le sionisme devra donc s’imposer grâce à une « Muraille d’Acier ». On retrouve ici le thème de la légion juive, qui est au cœur de l’analyse politique de Jabotinsky : le sionisme devra s’imposer par la force.
Vouloir bâtir un rapport de force sur le terrain n’est pas spécifique à Jabotinsky. Les sionistes de toute obédience perçoivent l’immigration juive et la Haganah comme les outils de ce rapport de force. La spécificité de Jabotinsky réside dans la brutalité avec laquelle il pose le problème, et dans son insistance sur le volet militaire du rapport de force à créer.
Pour Sand, l’exil du peuple juif est en fait, à l’origine, un mythe chrétien, qui décrivait cette dispersion comme une punition divine frappant les juifs pour avoir repoussé le message divin.
« Je me suis mis à chercher des livres étudiant l’envoi en exil – événement fondateur dans l’Histoire juive, presque comme le génocide ; mais à mon grand étonnement, j’ai découvert qu’il n’y avait pas de littérature à ce sujet. La raison en est que personne n’a exilé un peuple de cette terre. Les Romains n’ont pas déporté de peuples et ils n’auraient pas pu le faire même s’ils l’avaient voulu. Ils n’avaient ni trains ni camions pour déporter des populations entières. Pareille logistique n’a pas existé avant le XXe siècle ».
À défaut d’un exil depuis la Palestine romanisée, d’où viennent alors les nombreux juifs qui peuplent le pourtour de la Méditerranée dès l’Antiquité ? Comment expliquer l’apparition de millions de juifs tout autour de la Méditerranée au IIe et au IIIe siècle ?
Le peuple juif ne s’est pas disséminé, c’est la religion juive qui s’est propagée. Le judaïsme était une religion prosélytiste. Contrairement à une opinion répandue, il y avait dans le judaïsme ancien une grande soif de convertir. Les Hasmonéens furent les premiers à commencer à susciter une foule de juifs par conversions massives, sous l’influence de l’hellénisme. Ce sont les conversions, depuis la révolte des Hasmonéens jusqu’à celle de Bar Kochba, qui ont préparé le terrain à la diffusion massive, plus tard, du christianisme. Après le triomphe du christianisme au IVe siècle, le mouvement de
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conversion a été arrêté dans le monde chrétien et il y a eu par conséquent une chute brutale du nombre de juifs. On peut supposer que beaucoup de juifs apparus autour de la mer Méditerranée sont devenus chrétiens. Mais le judaïsme a commencé alors à se diffuser vers d’autres régions païennes – par exemple vers le Yémen et le nord de l’Afrique. Voir ci-dessous le célèbre exemple de la reine berbère Dahya Al-Kahina. Si le judaïsme n’avait pas été de l’avant à ce moment-là, et continué à faire des prosélytes dans le monde païen, il serait resté une religion totalement marginale, voire aurait disparu.
À lire également sur le sujet et notamment sur l’hypothèse Khazare le livre d’Arthur Koestler intitulé « la treizième tribu ». Arthur Koestler fut certes un militant communiste acharné, mais c’était avant qu’on ne découvre l’horreur des camps de travail (goulag) en Sibérie. Le communisme était jusque-là un idéal capable d’enthousiasmer la jeunesse.
1. Völkisch. Terme allemand difficilement traduisible et se situant quelque part entre le nationalisme, et le racisme au sens strict du terme.
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EXEMPLES DE PROSÉLYTISME JUIF.
Les écrits de Flavius Josèphe ne constituent pas le seul témoignage de l’ardeur prosélytiste des juifs. D’Horace à Sénèque, de Juvénal à Tacite, bien des écrivains latins en expriment la critique. La Mishna et le Talmud autorisent cette pratique de la conversion – même si, face à la pression montante du christianisme, les sages de la tradition talmudique exprimeront plus tard des réserves à son sujet.
Partant de ce royaume judéo-hellénique, le judaïsme essaima dans tout le Proche-Orient et sur le pourtour méditerranéen. Au premier siècle de notre ère apparut, dans l’actuel Kurdistan, le royaume juif d’Adiabène. L’Adiabène (de l’araméen Hadyab) était un ancien royaume de Mésopotamie dont la capitale était Arbèles (moderne Erbil dans le Kurdistan irakien).
Ses souverains se convertirent au judaïsme au 1er siècle. La reine d’Adiabène à l’époque de la conversion au judaïsme, Hélène, s’installa même à Jérusalem et fit construire des palais pour elle et pour son fils Monobaze dans la partie nord de la cité de David, au sud du mont du Temple. Lors de la conquête romaine de la Judée et de la Samarie (68 – 67 avant notre ère), seule l’Adiabène envoya des provisions et des troupes pour secourir la Galilée assiégée. Selon le Talmud, Hélène et Monobaze donnèrent des fonds importants pour le Temple. Or l’Adiabène ne sera pas le dernier royaume à se « judaïser » : d’autres en feront autant par la suite.
Dahia Al-Kahina qui dirigea les Berbères de l’Aurès, en Afrique du Nord. Bien qu’elle fût juive, peu d’Israéliens ont entendu parler de cette femme exceptionnelle qui, au septième siècle de notre ère, a unifié plusieurs tribus berbères et a même repoussé l’armée musulmane qui envahissait le nord de l’Afrique. La raison en est peut-être que Dahia Al-Kahina était née d’une tribu berbère convertie semble-t-il plusieurs générations avant sa naissance, vers le VIe siècle.
D’après Shlomo Sand, la tribu de cette reine ainsi que quelques autres tribus d’Afrique du Nord converties au judaïsme seraient à l’origine du judaïsme séfarade.
« Je me suis demandé comment des communautés juives importantes avaient pu apparaître en Espagne. Je me suis alors rappelé que Tariq Ibn-Ziyad, le commandant suprême des musulmans qui envahirent l’Espagne, était Berbère et que la majorité de ses soldats étaient aussi des Berbères. Le royaume berbère juif de Dahia Al-Kahina n’avait alors été vaincu que quinze ans plus tôt. Il y a d’ailleurs plusieurs sources chrétiennes déclarant que beaucoup des envahisseurs étaient des convertis au judaïsme. La source originelle de la grande communauté juive d’Espagne, ce sont donc ces soldats berbères convertis au judaïsme ».
Mais cet auteur va même plus loin. Ce seraient non seulement les juifs d’Afrique du Nord qui descendraient pour la plupart de païens convertis ; mais aussi les juifs yéménites (vestiges du royaume himyarite, dans la péninsule Arabique, qui s’était converti au judaïsme au quatrième siècle) et les Juifs ashkénazes d’Europe de l’Est (des réfugiés du royaume khazar au nord du Caucase converti au huitième siècle).
Shlomo Sand revisite l’hypothèse d’Arthur Koestler, déjà avancée par des historiens du XIXe et du XXe siècle, selon laquelle les Khazars convertis au judaïsme seraient l’origine principale des communautés juives d’Europe de l’Est. « Au début du XXe siècle, il y a une forte concentration de juifs en Europe de l’Est : trois millions de juifs, rien qu’en Pologne », dit-il ; « l’historiographie classique prétend qu’ils tirent leur origine de la communauté juive, plus ancienne, d’Allemagne ; mais cette historiographie ne parvient pas à expliquer comment le peu de juifs venus d’Europe occidentale – de Mayence et de Worms – a pu donner le peuple yiddish d’Europe de l’Est. Les juifs d’Europe de l’Est sont un mélange de Khazars et de Slaves repoussés vers l’Ouest ».
Au dire de Sand, l’apport démographique le plus décisif à la population juive dans le monde s’est donc produit à la suite de la conversion du royaume khazar ; vaste empire établi au Moyen-âge dans les steppes bordant la Volga et qui, au plus fort de son pouvoir, dominait depuis la Géorgie actuelle jusqu’à Kiev. Au VIIIe siècle, les rois khazars ont adopté la religion juive et ont fait de l’hébreu la langue de leur royaume. À partir du Xe siècle, le royaume s’est affaibli et au XIIIe siècle, il a été totalement vaincu par des envahisseurs mongols, le sort de ses habitants juifs se perd alors dans les brumes.
Le Ribal (Rabbi Isaac Baer Levinsohn) disait déjà en 1828 que l’ancienne langue des juifs n’était pas le yiddish. Même Ben Zion Dinour, père de l’historiographie israélienne, ne craignait pas encore de décrire les Khazars comme étant l’origine des juifs d’Europe de l’Est, et peignait la Khazarie comme la « mère des diasporas » en Europe de l’Est. Mais depuis environ 1967, celui qui parle des Khazars
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comme ancêtres des juifs d’Europe de l’Est est considéré comme bizarre ou comme un doux rêveur » 1).
Pourquoi, selon vous, l’idée d’une origine khazar est-elle si menaçante pour Israël ?
« Il est clair que la crainte est de voir contester le droit historique sur cette région du monde. Révéler que les juifs ne viennent pas de Judée paraît réduire la légitimité de notre présence ici. Depuis le début de la période de décolonisation, les colons ne peuvent plus dire simplement : « Nous sommes venus, nous avons vaincu et maintenant nous sommes ici » – comme l’ont dit les Américains, les Blancs en Afrique du Sud et les Australiens. Il y a une peur très profonde que ne soit remis en cause notre droit à l’existence ».
Cette crainte n’est-elle pas fondée ?
« Non. Je ne pense pas que le mythe historique de l’exil et de l’errance soit la source de notre légitimité à être ici. Dès lors, cela m’est égal de penser que je suis d’origine khazare. Je ne crains pas cet ébranlement de notre existence, parce que je pense que le caractère de l’État d’Israël menace beaucoup plus gravement son existence. Ce qui pourra fonder notre existence ici, ce ne sont pas des droits historiques mythologiques, mais le fait que nous commencerons à établir ici une société ouverte, une société de l’ensemble des citoyens israéliens ».
En fait, vous affirmez qu’il n’y a pas de peuple juif ?
« Je ne reconnais pas de peuple juif international. Je reconnais un « peuple yiddish » qui existait en Europe de l’Est, qui n’est certes pas une nation, mais où il est possible de voir une civilisation yiddish avec une culture populaire moderne. Je pense que le nationalisme juif s’est épanoui sur le terreau de ce « peuple yiddish ». Je reconnais également l’existence d’une nation israélienne, et je ne lui conteste pas son droit à la souveraineté ».
Les juifs ont toujours formé des communautés religieuses, constituées le plus souvent par conversion, dans diverses régions du monde. Elles ne représentent donc pas un « ethnos » porteur d’une même origine unique et qui se serait déplacé au fil d’une errance de vingt siècles. Or cette conception historique constitue la base de la politique identitaire de l’État d’Israël, et c’est bien là que le bât blesse ! Elle donne lieu en effet à une définition essentialiste et ethnocentriste du judaïsme, alimentant une ségrégation qui maintient à l’écart les juifs des non-juifs – Arabes comme immigrants russes ou travailleurs immigrés.
Israël, soixante ans après sa fondation, refuse de se concevoir comme une république existant pour ses citoyens. Près d’un quart d’entre eux ne sont pas considérés comme des juifs et, selon l’esprit de ses lois, cet État n’est pas le leur. En revanche, Israël se présente toujours comme l’État des juifs du monde entier, même s’il ne s’agit plus de réfugiés persécutés, mais de citoyens de plein droit vivant en pleine égalité dans les pays où ils résident. Autrement dit, une ethnocratie sans frontières justifie la sévère discrimination qu’elle pratique à l’encontre d’une partie de ses citoyens en invoquant le mythe de la nation éternelle, reconstituée pour se rassembler sur la terre de ses ancêtres.
Le corollaire obligé d’un tel révisionnisme est évidemment que les Palestiniens tant chrétiens que musulmans sont en grande partie des descendants plus directs de l’ancienne population juive de Judée que les actuels Israéliens.
« Aucune population n’est restée pure tout au long d’une période de milliers d’années. Mais les chances que les Palestiniens soient des descendants de l’ancien peuple de Judée sont beaucoup plus élevées que les chances que vous et moi en soyons. Les premiers sionistes, jusqu’à l’insurrection arabe [de 1936-1939], savaient qu’il n’y avait pas eu d’exil et que les Palestiniens étaient les descendants des habitants du pays. Ils savaient que des paysans ne s’en vont pas tant qu’on ne les chasse pas.
À l’exception des prisonniers réduits en esclavage, les habitants de Judée continuèrent de vivre sur leurs terres, même après la destruction du second temple.
Une partie d’entre eux se convertit au christianisme au IVe siècle, et une autre se rallia à l’islam lors de la conquête arabe au VIIe siècle. La plupart des penseurs sionistes n’en ignoraient rien : ainsi, Yitzhak Ben Zvi, futur président de l’État d’Israël, tout comme David Ben Gourion, fondateur de l’État, l’ont-ils écrit jusqu’en 1929, année de la grande révolte palestinienne. Tous deux mentionnent à plusieurs reprises le fait que les paysans de Palestine sont les descendants des habitants de l’antique Judée. « Yitzhak Ben Zvi, le second président de l’État d’Israël, a écrit en 1929 que « la grande majorité des fellahs ne tirent pas leur origine des envahisseurs arabes, mais d’avant cela, des fellahs juifs qui étaient la majorité constitutive du pays ».
Si le mythe du sionisme est celui du peuple juif revenu d’exil sur sa terre, que sera le mythe de l’État que vous imaginez ?
« Un mythe d’avenir est préférable selon moi à des mythologies du passé et du repli sur soi. Chez les Américains, et aujourd’hui chez les Européens aussi, ce qui justifie l’existence d’une nation, c’est la promesse d’une société ouverte, avancée et opulente. Les matériaux israéliens existent, mais il faut
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leur ajouter, par exemple, des fêtes rassemblant tous les Israéliens. Réduire quelque peu les jours de commémoration et ajouter des journées consacrées à l’avenir. Mais même aussi, par exemple, ajouter une heure pour commémorer la « Nakba », entre le Jour du Souvenir et la Journée de l’Indépendance ».
D’après Shlomo Sand. Professeur à l’université de Tel-Aviv.
1. Mais si les juifs d’Europe de l’Est ne sont pas venus d’Allemagne, pourquoi, donc, parlaient-ils le yiddish, qui est une langue germanique ? Réponse de Sand à cette objection. « Les juifs formaient, à l’Est, une couche sociale dépendant de la bourgeoisie allemande et c’est pour cela qu’ils ont adopté des mots allemands. Je m’appuie ici sur les recherches du linguiste Paul Wechsler, de l’Université de Tel-Aviv, qui a démontré qu’il n’y avait pas de lien étymologique entre la langue juive allemande du Moyen-âge et le yiddish ».
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LA THÈSE PLUS TRADITIONNELLE DE BERNARD Lazare.
La déportation à Babylone ne fut pas également dure pour tous et nombre de juifs préférèrent demeurer dans ce pays (sur l’intégration des Judéens dans l’empire babylonien, voir le cas de Zorobabel et du Talmud de Babylone justement). Pour le reste ci-dessous quelques notes glanées dans l’ouvrage de BERNARD Lazare.
Né en 1865 à Nîmes au sein d’une riche famille juive, BERNARD Lazare mourut en 1903. Contrairement à ce qu’il avait formellement demandé, deux rabbins récitèrent la prière juive appelée kaddich sur la tombe de cet athée ; et en 1983 une vilaine histoire opposa Mireille Cherchevsky (Carole Landrel) lointaine héritière de BERNARD Lazare, à son nouvel éditeur lors de la réimpression du livre. Pour l’aider, la Française Françoise Giroud et un ancien combattant de la Libération de Paris allèrent même jusqu’à prétendre que BERNARD Lazare était mort sans testament.
BERNARD Lazare, qui voit pourtant la culture juive comme cause essentielle de « l’antisémitisme », ne s’arrête guère qu’à la volonté des juifs de rester séparés. En exergue de son ouvrage (les premières lignes du chapitre) il écrit : « Partout où les juifs se sont établis… partout s’est développé l’antisémitisme ou plutôt l’antijudaïsme […] Si cette hostilité, cette répugnance même, ne s’était développée vis-à-vis des juifs qu’en un temps et en un pays, il serait facile de démêler les causes restreintes de ces colères ; mais cette race (sic) a été, au contraire, en butte à la haine de tous les peuples au milieu desquels elle s’est établie. Il faut donc, puisque les ennemis des juifs appartenaient aux races (re-sic) les plus diverses ; qu’ils vivaient dans des contrées fort éloignées les unes des autres, qu’ils étaient régis par des lois différentes, gouvernés par des principes opposés, qu’ils n’avaient ni les mêmes mœurs ni les mêmes coutumes ; qu’ils étaient animés d’esprits dissemblables ne leur permettant pas de juger également de toutes choses ; il faut donc que les causes de l’antisémitisme aient toujours résidé en Israël même et non chez ceux qui le combattirent ».
N.B. Outre les réserves ou condamnations à faire sur l’utilisation du terme race, il est à noter que BERNARD Lazare n’a pas plus insisté dans son analyse sur les conséquences dévastatrices de la notion de peuple élu (am segulla ou am nahalla).
EXTRAITS.
Ils obtinrent partout à Alexandrie, à Antioche, dans l’Asie Mineure, dans les villes grecques de l’Ionie, de garder leur autonomie nationale et de s’administrer, formèrent dans presque toutes les villes des associations corporatives à la tête desquelles était placé un ethnarque ou un patriarche qui exerçait sur eux, avec l’aide d’un collège d’anciens et d’un tribunal particulier, l’autorité civile et la justice. Les synagogues furent de « vraies petites républiques »…………
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Toutes les synagogues étaient reliées les unes aux autres, en une vaste association fédérative qui étendit son réseau sur le monde antique, à partir de l’expansion macédonienne et hellénique ; elles s’envoyaient réciproquement des messagers, se tenaient mutuellement au courant des événements dont la connaissance leur était utile. Dans chaque cité, le Juif était aidé par la communauté, il était accueilli fraternellement lorsqu’il arrivait comme immigrant et colon, on le secourait et on le secondait. On lui permettait de s’établir et il bénéficiait du travail de l’association qui mettait à sa disposition toutes ses ressources ; il n’arrivait pas comme un étranger qui va entreprendre une difficile conquête, mais comme un homme bien armé, ayant à côté de lui des protecteurs, des amis et des frères. Par toute l’Asie Mineure, par les Îles par la Cyrénaïque par l’Égypte, le juif pouvait voyager en sécurité, il était en tous lieux traité en hôte, et il venait droit à la maison de prière où il trouvait un accueil bienveillant. Les Juifs esséniens ne procédaient pas autrement dans leur propagande…
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À Rome, à Alexandrie, à Antioche, en Cyrénaïque les juifs eurent toute liberté en ce domaine. Ils n’étaient pas tenus de se présenter au tribunal le samedi ; ils pouvaient même avoir leurs propres tribunaux spéciaux, et n’étaient pas soumis aux lois de l’empire ; lorsque la distribution des céréales avait lieu un samedi, leur part était mise de côté jusqu’au lendemain ; ils pouvaient être décurions, en étant exemptés des pratiques contraires à leur religion ; ils jouissaient d’une complète autonomie, comme à Alexandrie où ils avaient leurs propres chefs, leur propre sénat, leur ethnarque, et ils n’étaient pas soumis aux autorités municipales non juives…
Le juif qui suivait ces préceptes s’isolait donc du reste de l’humanité ; retranché derrière les barrières érigées autour de la Torah par Esdras et les premiers scribes, plus tard par les pharisiens et les talmudistes successeurs d’Esdras, déformateurs du Mosaïsme primitif et ennemis des prophètes. Il s’isolait non seulement en refusant de se soumettre aux coutumes qui liaient les habitants des pays où il s’était installé, mais aussi en évitant tout rapport avec les habitants eux-mêmes. À son insociabilité, le juif ajoutait l’exclusivisme.
À Alexandrie, ils étaient assez nombreux. Selon Philo, Alexandrie était divisée en cinq quartiers. Deux étaient habités par les juifs. Les privilèges qui leur étaient accordés par César étaient gravés sur une colonne et gardés par eux précieusement. Ils avaient leur propre Sénat qui était seul compétent pour les affaires juives, et ils étaient jugés par un ethnarque. Ils étaient armateurs, commerçants, agriculteurs, et la plupart très riches ; la somptuosité de leurs monuments et de leurs synagogues en témoignait. Les Ptolémées en firent les fermiers généraux de leurs revenus ; ce fut l’une des causes de la haine populaire contre eux.
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Dès la première année de notre ère, les juifs eurent à Rome une colonie puissante et riche. Si l’on peut se fier à Valère Maxime, ils étaient arrivés dans la ville vers 139 avant l’ère vulgaire sous les consulats de Popilius Loenus et de Caïus Calpurnius.
Ce qui certain c’est qu’en 160 avant l’ère commune, une ambassade de Judas Macchabée parvint à Rome pour négocier une alliance avec la République contre les Syriens et que ; d’autres ambassades suivirent en -143 et -139.
L’installation des Juifs à Rome date probablement de cette époque. Sous Pompée, ils vinrent en grand nombre, et dès 58 avant l’ère commune leur agglomération était déjà considérable. Turbulents et redoutables, ils jouèrent un rôle politique important. César s’est servi de leur soutien pendant les guerres civiles et les combla de faveurs ; il les exempta même du service militaire. Sous Auguste, les distributions gratuites de blé étaient reportées pour eux lorsqu’elles tombaient un samedi. L’empereur leur donna le droit de collecter le didrachme qui « était envoyé en Palestine, et il ordonna que le sacrifice perpétuel d’un taureau et de deux agneaux soit offert en son nom au Temple de Jérusalem. Lorsque Tibère devint empereur, il y avait à Rome 20 000 Juifs organisés en collèges et en sodalités.
…………
L’esprit prosélyte des Juifs est attesté par tous les historiens, et Philon a remarqué à juste titre : « Nos coutumes gagnent et convertissent les barbares et les Hellènes, le continent et les îles, l’Orient et l’Occident, l’Europe et l’Asie, le monde entier, de bout en bout ».
Les anciennes nations sur le déclin étaient profondément attirées par le judaïsme, par son dogme de l’unité divine, par sa morale et beaucoup de pauvres gens étaient attirés par les privilèges qu’on leur avait accordés. Ces prosélytes étaient divisés en deux grandes classes : ceux qui acceptaient la circoncision et entraient donc dans la communauté juive, devenant ainsi des étrangers à leur propre famille, et ceux qui, sans remplir les conditions requises pour l’admission dans la communauté, se rassemblaient néanmoins autour d’elle.
Ces conversions, généralement par la persuasion et parfois par la force, comme lorsque les riches juifs convertissaient leurs esclaves, ne pouvaient qu’engendrer des réactions. C’est là la cause principale, qui, avec les diverses causes secondaires précédemment évoquées, à savoir la richesse des Juifs, leur influence politique, leur condition privilégiée, a suscité des manifestations antijuives à Rome. La plupart des écrivains romains et grecs depuis Cicéron témoignent de cet état d’esprit. Cicéron lui-même… les craignait, et l’on peut voir dans certains passages de son Pro Flacco, qu’il n’osait guère en parler, tant ils étaient nombreux autour de lui et sur la place publique. « Tu sais quelle est la multitude de ces juifs, quelle est leur union, leur entente, leur savoir-faire et leur empire sur la foule des assemblées. » Néanmoins il ne put s’empêcher de dire un jour. « Il faut combattre leurs superstitions barbares » et il leur reprocha d’être une nation « adonnée à la suspicion et à la calomnie ».
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Tacite. « Ceux qui embrassent leur foi subissent la circoncision, et la première instruction qu’ils reçoivent est de mépriser les dieux, de renoncer à leur pays, d’oublier père, mère et enfants… Les juifs considèrent comme profane tout ce qui est tenu pour sacré chez nous ».
Sénèque. « Les Romains ont adopté le sabbat. Cette abominable nation est parvenue à répandre ses usages dans le monde entier ».
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Contre-lai No 1.
Les notes de BERNARD Lazare étant totalement insuffisantes à ce sujet, voici que nous nous permettrons de dire à propos de la diaspora juive dans cette partie du monde.
Un certain nombre de juifs étaient cependant restés en Palestine ; puisque l’Histoire a retenu dans ses annales le massacre de chrétiens, perpétré en 614, au réservoir de Mamilla, non loin de la porte dite de Jaffa, par des juifs alliés des Perses sassanides (lors de leur conquête du pays). Si nous comprenons bien ce que nous en dit Israël Shamir sur son site internet.
Lorsque Jérusalem s’est rendue aux Perses en 614, des milliers de chrétiens se sont retrouvés prisonniers de guerre et ont été conduits, tel un troupeau mené à l’abattoir, tout près du réservoir de Mamilla. L’archéologue Ronny Reich précise : « Ils ont probablement été vendus au plus offrant. [À en croire certaines sources en effet] les captifs chrétiens du réservoir de Mamilla auraient été achetés par des juifs et mis à mort sur-le-champ ». Témoin oculaire, Stratège de Saint-Sabas nous donne un compte rendu encore plus explicite : « Les juifs ont payé une grasse rançon aux soldats perses pour s’emparer des chrétiens, et les ont massacrés avec délectation au réservoir de Mamilla qui débordait de sang ». Rien qu’à Jérusalem, les juifs auraient massacré 66 000 chrétiens palestiniens. Quelques jours plus tard, ayant réalisé l’ampleur du massacre, les soldats perses empêchèrent les juifs de poursuivre leur génocide. Ronny Reich n’a pas cherché à imputer les massacres aux Perses, comme cela se fait couramment aujourd’hui. Il admet en effet que l’empire sassanide ne reposait pas sur des principes religieux et était effectivement enclin à la tolérance en matière de culte. Il est évident que ce brave homme aurait quelques difficultés à publier des articles dans le New York Times (Israël Shamir).
Il y eut des juifs tout au long de la route commerciale allant de la Palestine au Yémen.
Il y en avait en effet dans certaines villes d’Arabie centrale (là où est né l’islam) d’importantes communautés. Deux des oasis autour de Yathrib/Médine étaient occupées par des tribus juives : Taïma, Khaïbar. Dans ces oasis, les juifs étaient agriculteurs.
D’où venaient-ils ? Certains juifs ont pu s’installer en Arabie assez tôt, dès le VIe siècle avant notre ère, lors de l’Exil à Babylone. D’autres sont venus plus tard, fuyant les légions romaines qui, en 70, sous le commandement de Titus, se sont emparées de Jérusalem, ainsi que nous l’avons vu. Parmi ces réfugiés, il y eut sans doute aussi des esséniens, ayant abandonné le site de Qumran, et des judéo-chrétiens.
À Yathrib/Médine, il y avait trois (ou peut-être quatre) tribus juives : les Banou Qouraïza, les Banou-Nadir et les Banou Qaïnouqa.
À l’origine la ville de Yathrib (la future Médine) semble même avoir été une ville juive. Les quelques Arabes qui habitaient là dépendaient des juifs. Ils étaient leurs vassaux. Par la suite deux grandes tribus arabes s’y installèrent ; les Aous et les Khazradj. Au début, elles furent entièrement sous la dépendance des tribus juives. À l’époque de l’Hégire (622), cette dépendance avait cessé, et les deux communautés semblaient être sur un pied d’égalité.
Il y eut aussi au Yémen une importante communauté juive qui subsista jusqu’en 1948, date à laquelle elle émigra en Israël. C’était alors la plus importante communauté juive du monde arabe. L’influence de la population juive fut en continuelle progression au cours du IVe et du Ve siècle dans cette région du monde ; mais d’après Heinrich Graëtz, le Yémen ne devint vraiment juif que sous le règne de Zorah Dhou-Nowas (520 – 530), le plus jeune fils ou petit-fils d’Abou Kariba. Dhou-Nowas, qui, dans son zèle pour la religion juive, ajouta à son nom celui de Yossouf (Joseph), était indigné de l’oppression qui pesait sur ses coreligionnaires de l’Empire byzantin, et il résolut d’user de représailles envers l’empereur de Constantinople. Pour venger sur les chrétiens de son royaume les mauvais traitements que leurs coreligionnaires infligeaient aux juifs dans divers États, il leur imposa de lourdes taxes. Les faits furent complètement dénaturés, le châtiment de quelques rebelles devint une persécution contre les chrétiens, et les morts, dont on exagérait le nombre, furent élevés au rang de martyrs. Un évêque syrien, Siméon, qui était alors en route pour l’Arabie du Nord, ajouta foi à tous ces bruits ; et écrivit à un de ses collègues, qui demeurait tout près de l’Arabie, d’ameuter les chrétiens contre ce roi juif et de pousser le négus (roi) de l’Éthiopie à lui déclarer la guerre.
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Il n’était pas nécessaire d’exciter Elesbaa contre Dhou-Nowas ; depuis longtemps en effet il voyait avec déplaisir la couronne du royaume himyarite sur la tête d’un juif. Aussi saisit-il avec empressement l’occasion. Il équipa une flotte considérable, à laquelle vinrent se joindre plusieurs vaisseaux byzantins que le collègue de Justin 1er, Justinien, amena d’Égypte, et une armée nombreuse traversa la mer Rouge pour pénétrer dans le Yémen. Dhou-Nowas essaya de s’opposer à la marche des envahisseurs. Mais, que pouvaient ses faibles troupes contre les nombreuses légions du roi d’Éthiopie ? À la première rencontre, Dhou-Nowas fut battu, et la ville de Zafara (Dhafar) fut prise avec les trésors et la femme du chef himyarite. Quand il se vit perdu, Dhou-Nowas se précipita du haut d’un rocher dans la mer (vers 530). Les Éthiopiens mirent tout à feu et à sang, ils pillèrent, tuèrent et emmenèrent les survivants comme prisonniers. Les juifs surtout eurent à subir la fureur du vainqueur, et des milliers d’entre eux furent massacrés, en expiation de la mort des « martyrs » du Nedjran. Telle fut la fin du royaume judéo-himyarite, qui, comme on peut le voir, n’eut qu’une durée éphémère.
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RETOUR A L’ANALYSE DE BERNARD Lazare.
HAUT MOYEN ÂGE.
L’Espagne a failli devenir juive, plus d’une fois et…… La conquête wisigothe ne changea rien à leur condition et les Wisigoths ariens se sont limités à persécuter les catholiques. Les Juifs jouissaient des mêmes droits civils et politiques que les conquérants ; ils s’enrôlent dans leurs armées et la frontière pyrénéenne est gardée par des troupes juives. Avec la conversion du roi Reccarède, tout changea ; le clergé triomphant multiplie les persécutions et les vexations contre les Juifs, et à partir de ce moment-là (589 de l’ère vulgaire), leur existence devint plus précaire.
À peu près à la même époque, une ère meilleure s’annonça pour eux en France. Ils avaient établi des colonies prospères en Gaule à l’époque de la République romaine ou de César, et ils s’étaient développés en bénéficiant de tous les privilèges de la citoyenneté romaine. L’arrivée des Burgondes et des Francs ne changea pas leur condition, et les envahisseurs les traitèrent comme les Gaulois. Leur histoire fut soumise aux mêmes aléas et fluctuations qu’en Italie et en Espagne. Libres sous la domination païenne ou arienne, ils furent persécutés dès que l’orthodoxie devint dominante. Sigismond, roi des Burgondes, après sa conversion au catholicisme, promulgua des lois contre eux qui furent confirmées par ses successeurs. Les Francs, ignorant l’existence même des Juifs, suivaient l’avis des évêques en ce qui les concernait.
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Ce n’est que vers la fin du VIIIe siècle que l’activité des Juifs d’Occident fut de nouveau florissante. Protégés en Espagne par les khalifes, soutenus par Charlemagne qui laisse les lois mérovingiennes tomber en désuétude, ils développent leurs activités qui jusqu’alors se concentrait principalement sur la vente d’esclaves. Pour cela, ils étaient, en effet, particulièrement favorisés par les circonstances puisque leurs diverses communautés étaient en communication les unes avec les autres et restaient toujours unies par le lien religieux qui les rattachait toutes au centre théologique Babylonien dont elles considéraient dépendre jusqu’au déclin de l’exilarcat. Ils bénéficiaient ainsi de très grandes facilités dans l’import-export grâce auquel ils amassèrent des fortunes considérables, si l’on en croit les diatribes d’Agobard, et plus tard celles de Rigord, qui, malgré leur exagération concernant les biens des juifs, ne doivent pas pour autant être entièrement rejetées comme indignes de toute créance. En ce qui concerne la richesse des Juifs, surtout de France et d’Espagne, nous avons en effet les témoignages des chroniqueurs et des Juifs eux-mêmes, dont plusieurs ont reprochaient à leurs coreligionnaires de consacrer aux biens de ce monde beaucoup plus de temps qu’au culte de Jéhovah. « Au lieu de calculer la valeur numérique du nom de Dieu », dit le Cabaliste Aboulafia « les Juifs préfèrent compter leurs richesses ».
À mesure qu’on avance on voit, en effet, grandir chez les Juifs cette préoccupation de la richesse, et se concentrer toute leur activité pratique dans un commerce spécial : je veux parler du commerce de l’or. Ici, il est besoin d’insister. On a dit souvent, on répète encore que ce sont les sociétés chrétiennes qui ont contraint les Juifs à cette fonction de prêteur et d’usurier qu’ils ont remplie pendant fort longtemps : c’est là la thèse des philosémites. D’autre part, les antisémites assurent que les Juifs avaient de naturelles et immémoriales dispositions au commerce et à la finance et qu’ils ne firent jamais que suivre leur penchant normal, sans que jamais rien ne leur fût imposé. Il y a dans ces deux assertions une part de vérité et une part d’erreur…
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L’usure des feneratores romains n’avait pas de borne, pas plus que leur mauvaise foi ; ils étaient encouragés par la loi très dure au débiteur, digne fille de cette loi des Douze Tables qui reconnaissait au créancier le droit de couper des morceaux de chair sur le corps vivant de l’emprunteur insolvable. À Rome, l’or était le maître absolu, et Juvénal pouvait parler de la « Sanctissima divitiarum majestas ». Quant aux Grecs, ils étaient les plus habiles et les plus hardis des spéculateurs ; rivaux des Phéniciens dans le commerce des esclaves, dans la piraterie, ils connaissaient la pratique de la lettre de change et de l’assurance maritime, et Solon ayant autorisé l’usure, ils ne s’en privaient guère.
Les Juifs, en tant que peuple, ne se distinguèrent en rien des autres peuples, et s’ils furent d’abord une nation de pasteurs et d’agriculteurs ils en arrivèrent, par une évolution toute naturelle, à constituer parmi eux d’autres classes. En s’adonnant au commerce, après leur dispersion, ils suivirent une loi générale qui est applicable à tous les colons. En effet, sauf les cas où il va défricher une terre vierge, l’émigré ne peut être qu’artisan ou négociant, car il n’y a que la nécessité ou l’appât du gain qui le puisse contraindre à quitter le sol natal. Les Juifs donc, en arrivant dans les cités occidentales, n’agirent pas autrement que les Hollandais ou les Anglais fondant leurs comptoirs néanmoins, ils en vinrent assez vite à se spécialiser dans ce commerce de l’or qu’on leur a si vivement reproché depuis, et au quatorzième siècle c’est avant tout une tribu de changeurs et de prêteurs : ils sont devenus les banquiers du monde.
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L’église n’avait aucun pouvoir moral sur eux, elle ne pouvait pas leur interdire, au nom de la doctrine et du dogme, de s’engager dans l’échange d’argent et la banque. C’est ainsi, qu’une conception religieuse des fonctions du capital et de l’intérêt, mais aussi un système social contraire ont conduit les Juifs du Moyen Âge à adopter une profession critiquée, mais rendue nécessaire ; et ils n’étaient pas bien sûr la cause des abus de cette usure, dont la société était seule responsable.
S’ils ne cultivaient pas la terre, s’ils n’étaient pas agriculteurs, ce n’est pas parce qu’ils n’en possédaient pas, comme on l’a souvent dit ; les lois restrictives concernant le droit de propriété des Juifs ne sont venues qu’à une date postérieure à leur installation. Ils possédaient donc des biens, mais faisaient cultiver leurs domaines par des esclaves, car leur patriotisme obstiné leur interdisait de défricher des terres étrangères. Ce patriotisme, les vertus qu’ils attachaient à la sainteté de leur patrie palestinienne, l’illusion qu’ils entretenaient en eux de la restauration de cette patrie et cette foi si particulière qui les faisait se considérer comme des exilés devant revoir un jour la ville sainte, tout cela les poussait plus que tout autre étranger ou colon à se lancer dans le commerce. Et en tant que commerçants, ils étaient destinés à devenir des usuriers, compte tenu des conditions que les lois leur avaient imposées et des conditions qu’ils s’étaient eux-mêmes imposées.
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De plus, menacés perpétuellement d’expulsion, toujours campés, astreints à être des nomades, les Juifs durent parer aux éventualités redoutables de l’exil. Ils eurent besoin de transformer leur avoir, de façon à le rendre facilement réalisable, de lui donner par conséquent une forme mobilière, aussi furent-ils les plus actifs à développer la valeur argent, à la considérer comme marchandise : d’où le prêt et, pour remédier aux confiscations périodiques et inévitables, l’usure.
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Une série de défenses leur interdirent en outre toute industrie et tout commerce, sauf celui du bric-à-brac, et de la friperie. Tous ceux qui échappèrent à cette obligation le purent en vertu de privilèges particuliers qu’ils payèrent le plus souvent fort cher.
Ce n’est pas tout cependant ; d’autres causes plus intimes s’ajoutèrent à celles que je viens d’énumérer, et toutes concoururent à rejeter de plus en plus le Juif en dehors de la société, à l’enfermer dans le ghetto, à l’immobiliser derrière le comptoir où il pesait l’or.
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Quant à la masse des Juifs, elle était entièrement tombée sous le joug des obscurantistes. Elle était désormais séparée du monde, tout horizon lui était fermé ; elle n’avait plus, pour alimenter son esprit, que les futiles commentaires talmudiques, les discussions oiseuses et médiocres sur la loi…
Désormais, le Juif ne pensa plus. Et quel besoin avait-il de penser, puisqu’il avait un code minutieux, précis, œuvre de légistes casuistes, qui pouvait répondre à toutes les questions qu’il était licite de poser ? Car on interdisait au croyant de s’enquérir des problèmes que n’indiquait pas ce code : le Talmud. Dans le Talmud, le Juif trouvait tout prévu ; les sentiments, les émotions, quels qu’ils fussent, étaient marqués ; des prières, des formules toutes faites permettaient de les manifester. Le livre ne laissait place ni à la raison ni à la liberté, d’autant qu’on en proscrivait presque, en l’enseignant, la partie légendaire et la partie gnomique pour insister sur la législation et le rituel. Par une telle éducation, le Juif ne perdit pas seulement toute spontanéité, toute intellectualité : il vit diminuer et
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s’affaiblir sa moralité. Les talmudistes tenant compte seulement des actes, actes extérieurs accomplis machinalement, et non d’un but moral, restreignirent d’autant l’âme juive ; et, entre le culte et la religion qu’ils préconisèrent et le système chinois du moulin à prières, il n’y a que la différence qui sépare la complexité de la simplicité. Si, par la tyrannie qu’ils exercèrent sur leur troupeau, ils développèrent chez chacun l’ingéniosité et l’esprit de ruse nécessaires pour échapper au filet qui saisissait impitoyablement, ils accrurent le positivisme naturel des Juifs en leur présentant comme unique idéal un bonheur matériel et personnel, bonheur que l’on pouvait atteindre sur la terre si on savait s’astreindre aux mille lois culturelles. Pour gagner ce bonheur égoïste, le Juif, que les pratiques recommandées délivraient de tout souci, de toute inquiétude, était fatalement conduit à rechercher l’or, car, étant données les conditions sociales qui le régissaient, comme elles régissaient tous les hommes de cette époque, l’or seul pouvait lui procurer les satisfactions que concevait sa cervelle bornée et rétrécie. Ainsi par lui-même et par ceux qui l’entourèrent, par ses lois propres et par celles qui lui furent imposées, par sa nature artificielle et par les circonstances, le Juif fut dirigé vers l’or ; il fut préparé à être le changeur, le prêteur, l’usurier, celui qui capte le métal, d’abord pour les jouissances qu’il peut procurer, puis pour l’unique bonheur de sa possession ; celui qui, avide, saisit l’or, et, avare, immobilise. Le Juif devenu tel, l’antijudaïsme se compliqua, les causes sociales se mêlèrent aux causes religieuses, et la combinaison de ces causes explique l’intensité et la gravité des persécutions qu’Israël eut à subir.
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Quand se leva l’aube du seizième siècle, quand le premier souffle de liberté passa sur le monde, les Juifs n’étaient plus qu’un peuple de captifs et d’esclaves. Enfermés dans les ghettos dont leurs mains imbéciles avaient contribué à épaissir les murailles, ils étaient retirés de la société des hommes et pour la plupart ils vivaient dans un état de lamentable et navrante abjection. Comme ils avaient eux-mêmes fermé toutes les portes, obstrué toutes les fenêtres par où ils auraient pu recevoir air et lumière, leur intellect s’était atrophié.
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Partout en Europe, les Juifs ont joui de la plus grande tranquillité au cours du XVIIIe siècle. Il n’y a qu’en Pologne où ils se débrouillèrent mal pour avoir trop bien vécu. Ils y avaient été prospères jusqu’au milieu du XVIIe siècle. Riches, puissants, ils avaient vécu sur un pied d’égalité avec les chrétiens, traités comme les gens au milieu desquels ils vivaient ; mais ils ne pouvaient s’empêcher de se livrer à leur commerce habituel, à leurs vices, à leur passion pour l’or. Dominés par les talmudistes, ils n’ont pas réussi à produire autre chose que des commentateurs du Talmud. Ils étaient percepteurs d’impôts, distillateurs de spiritueux, intendants seigneuriaux. C’étaient les alliés des nobles… et lorsque les Cosaques d’Ukraine et de Petite Russie s’étaient soulevés, sous Chmielnicki, contre la tyrannie polonaise, les Juifs furent les premiers à être massacrés. On dit que plus de 100 000 d’entre eux ont été tués en dix ans, mais autant de catholiques et surtout de jésuites. Ailleurs ils prospéraient. Dans l’Empire ottoman, ils étaient simplement soumis à l’impôt sur les étrangers (ou dhimmis ?) et à aucune autre réglementation restrictive, mais nulle part ailleurs leur prospérité n’était aussi grande qu’aux Pays-Bas et en Angleterre. Les marranes fuyant l’Inquisition espagnole s’étaient installés aux Pays-Bas en 1593, et de là, avaient établi une colonie à Hambourg, puis, plus tard, sous Cromwell, une en Angleterre, d’où ils avaient été bannis pendant des siècles et où Menasse-ben-Israël les avait ramenés. Les Hollandais, un peuple aussi pratique et circonspect que les Anglais, utilisèrent le génie commercial des Juifs et le mirent au service de leur propre enrichissement. En France, Henri II avait autorisé les Juifs portugais à s’installer à Bordeaux, où, grâce aux privilèges accordés, confirmés également par Henri III, Louis XIV, Louis XV et Louis XVI, ils acquirent une grande richesse dans le commerce maritime.
ÉPOQUE MODERNE.
Le décret de 1791 libéra tous ces parias d’une séculaire servitude ; il rompait tous les liens dont les lois les avaient chargés ; il les arrachait aux ghettos de toute sorte où ils étaient emprisonnés ; de bétail qu’ils étaient, il en faisait des hommes. Mais s’il pouvait ainsi les rendre à la liberté, s’il lui était possible d’abolir en un jour l’œuvre législative des siècles, il ne pouvait défaire leur œuvre morale, et il était surtout impuissant à briser les chaînes que les Juifs eux-mêmes s’étaient forgées. Les Juifs étaient émancipés légalement, ils ne l’étaient pas moralement ; ils gardaient leurs mœurs, leurs coutumes et leurs préjugés, préjugés que conservaient aussi leurs concitoyens des autres confessions. Ils étaient heureux d’échapper à leur abjection, mais ils regardaient autour d’eux avec défiance, et soupçonnaient même leurs libérateurs.
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Les événements leur furent très favorables. Ils furent en Alsace, par exemple, les auxiliaires des paysans à qui ils prêtèrent à gros intérêts les capitaux nécessaires à l’acquisition des biens nationaux. Avant la révolution ils étaient déjà dans cette province les usuriers naturels, ceux qui étaient chargés de la haine et du mépris ; après la révolution, ces mêmes paysans qui jadis fabriquaient de fausses quittances pour échapper aux griffes de leurs créanciers firent appel à eux. Grâce aux Juifs alsaciens, la nouvelle propriété se constitua en Alsace, mais ils prétendirent en tirer profit, largement, usurairement. Les emprunteurs protestèrent … Napoléon les écouta et, pendant un an, il suspendit l’exécution des jugements rendus au bénéfice des usuriers juifs du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et des provinces rhénanes. Là ne se borna pas son œuvre. Dans les considérants du décret suspensif du 30 mai 1806, il montrait qu’il ne regardait pas les mesures répressives comme suffisantes, et qu’il fallait faire disparaître la source du mal.
« Ces circonstances, y disait-il, nous ont fait en même temps considérer combien il était urgent de ranimer, parmi ceux qui professent la religion juive dans les pays soumis à notre obéissance, les sentiments de morale civile qui, malheureusement, ont été amortis chez un trop grand nombre d’entre eux par l’état d’abaissement dans lequel ils ont trop longtemps langui……… Pour raviver ces sentiments, ou plutôt pour les faire naître, il voulut plier la religion juive à sa discipline, la hiérarchiser comme il avait hiérarchisé le reste de la nation, la conformer au plan général. Étant premier consul, il avait négligé de s’occuper du culte juif, il voulut réparer cet oubli et il convoqua une assemblée de notables juifs dont le rôle devait être de « délibérer sur les moyens d’améliorer la nation juive et de répandre parmi ses membres le goût des arts et des métiers utiles », et d’organiser administrativement le Judaïsme. Un questionnaire fut distribué aux notables Juifs et après qu’il y eut été répondu, l’Empereur réunit un Grand Sanhédrin chargé de conférer aux réponses de la première assemblée une autorité religieuse. Le Sanhédrin déclara que la loi mosaïque contenait des dispositions religieuses obligatoires et des dispositions politiques, ces dernières concernaient le peuple d’Israël lorsqu’il était un peuple autonome, et elles avaient perdu leur valeur depuis que les Juifs étaient répandus parmi les nations ; il défendit de faire, à l’avenir, distinction entre Juifs et chrétiens en ce qui concernait les prêts, et il interdit toute usure.
Ces déclarations montraient que les notables Juifs, appartenant pour la plupart à cette minorité dont j’ai parlé, savaient s’accommoder au nouvel état de choses, mais elles ne pouvaient en rien faire préjuger des dispositions de la masse………… Pour croire qu’un synode a le pouvoir d’imposer l’amour du prochain, ou d’interdire l’usure qu’un état social facilite, il fallait la candeur de légiste de Napoléon. L’interdiction impériale faite aux Juifs de fournir des remplaçants pour leur service militaire, cela dans le but de les mieux pénétrer de la grandeur de leurs devoirs civiques, dut avoir la même influence que les prescriptions synodales. De même en fut-il du décret du 17 mars 1808 qui défendait aux Juifs de faire du commerce sans patente nominative délivrée par le préfet et de prendre hypothèque sans autorisation ; en outre, défense était faite aux Juifs de s’établir en Alsace et dans les pays rhénans, et aux Juifs alsaciens de venir dans d’autres départements sinon pour s’y adonner à l’agriculture. Ces décrets, rendus pour dix ans, ne rendirent pas un seul Juif agriculteur, et si quelques-uns devinrent chauvins, l’obligation où ils étaient de passer par l’armée n’y fut pour rien. Ce furent les dernières lois restrictives en France ; l’assimilation légale s’acheva en 1830, lorsque Laffitte fit inscrire le culte juif au budget. C’était l’écroulement définitif de l’état chrétien, bien que l’état laïque ne fût pas complètement constitué. En 1839 le dernier vestige des antiques séparations entre Juifs et chrétiens disparut avec l’abolition du serment More Judaico. L’assimilation morale ne fut pas aussi complète.
Les Juifs émancipés pénétrèrent dans les nations comme des étrangers, et il n’en pouvait être autrement, nous l’avons vu, puisque depuis des siècles ils formaient un peuple parmi les peuples, un peuple spécial conservant ses caractères grâce à des rites stricts et précis, grâce aussi à une législation qui le tenait à l’écart et servait à le perpétuer.
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Avec la suprématie de la noblesse disparut la suprématie du capital foncier, et la suprématie de la bourgeoisie amena la suprématie du capital industriel et agioteur. L’émancipation du Juif est liée à l’histoire de la prépondérance de ce capital industriel. Tant que le capital foncier détint le pouvoir politique, le Juif fut privé de tout droit ; le jour où le pouvoir politique passa au capital industriel, le Juif fut libéré et cela était fatal. Dans la lutte qu’elle avait entreprise, la bourgeoisie avait besoin d’auxiliaires ; le Juif fut pour elle un aide précieux, un aide qu’elle avait intérêt à délivrer. Dès la Révolution, le Juif et le bourgeois marchèrent ensemble, ensemble ils soutinrent Napoléon….
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Les Juifs établis en Roumanie, c’est-à-dire dans les pays moldo-valaques, depuis le seizième siècle, ne vinrent en masse qu’aux débuts de ce siècle, et par suite de l’émigration hongroise et russe, ils sont désormais au nombre de trois cent mille. Durant de fort longues années, ils vécurent tranquilles. Ils dépendaient naturellement des boyards qui avaient dans le pays la prépondérance, et ils leur affermaient la vente des spiritueux, dont ces seigneurs avaient le monopole. Comme ils étaient nécessaires aux nobles, comme collecteurs de taxes, agents fiscaux et intermédiaires de toutes sortes, ces derniers étaient plutôt portés à leur accorder des privilèges, et ils n’avaient à redouter que l’excès des superstitions ou des colères populaires. La persécution officielle contre les Juifs ne commença qu’en 1856, lorsque la Roumanie se donna un régime représentatif et qu’ainsi le pouvoir tomba aux mains de la classe bourgeoise.
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La question nationale et la question religieuse ne font qu’une en Russie, le tzar étant à la fois chef temporel et chef spirituel, César et Pape ; mais on donne plus d’importance à la foi qu’à la race, et la preuve c’est que tout Juif qui consent à se convertir n’est point expulsé. Au contraire, on encourage le Juif à venir à l’orthodoxie.
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Contre-lai N° 2.
Traduction personnelle et Compléments.
Tout enfant israélite, dès quatorze ans, pouvait abjurer contre le gré de ses parents : un converti marié se trouvait dégagé des liens qui l’unissaient à sa femme et à ses enfants, une convertie rompait par le fait de sa conversion les engagements matrimoniaux, mais les conjoints non convertis étaient toujours considérés comme mariés. Enfin les convertis adultes recevaient lors de leur abjuration une somme de quinze à trente roubles, et les convertis enfants une somme de sept à quinze roubles. Pour engager encore les Juifs à venir à la religion grecque, on supprima les écoles rabbiniques ; on restreignit le nombre des synagogues – la synagogue de Moscou fut fermée en 1892 comme chose indécente – on défendit même aux Juifs de se réunir pour prier.
Jusqu’en 1920, la situation des juifs en Russie, vis-à-vis du peuple, fut absolument la même qu’au Moyen Âge. Le paysan et l’ouvrier russes étaient aussi misérables que les juifs. À une différence près quand même ; les ouvriers, eux, n’étaient pas systématiquement persécutés en tant que tels. Pour le reste, les juifs se trouvaient dans la même situation qu’un grand nombre de Russes orthodoxes, que l’état social et économique de la Russie obligeait à tout pour simplement survivre.
Dans les villes des territoires juifs (shtetls), les juifs étaient majoritaires, mais leurs conditions d’existence y étaient effroyables. Entassés dans des demeures malsaines où ils vivaient en la pire des pauvretés, ravagés par une misère sans nom et réduits au chômage ou à l’exploitation, aux salaires de misère, se multipliant sans cesse à cause de leur dénuement même ; ces malheureux agonisaient lentement et étaient voués à tous les choléras, à tous les typhus, à toutes les pestes.
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L’antijudaïsme, d’abord religieux, est devenu économique, ou plutôt, les causes religieuses, autrefois dominantes dans l’antijudaïsme, ont été subordonnées aux causes économiques et sociales.
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Cet antisémitisme se manifeste depuis les débuts de la finance et de l’industrialisation juives. Si l’on n’en trouve que des traces chez Fourier et Proudhon, qui se sont contentés d’énoncer le rôle du juif comme intermédiaire, bourreau et non-producteur, il a donné vie à des hommes comme Toussenel…
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Certains juifs et philosophes modernes ont rejeté avec horreur ces aphorismes et axiomes qui étaient des aphorismes et axiomes nationaux. Ils disent que les invectives contre les goyim, les Minim, étaient dirigées contre les Romains, les Grecs, les apostats juifs, mais qu’elles n’ont jamais été dirigées contre les chrétiens. Il y a beaucoup de vérité dans ces affirmations, mais il y a aussi beaucoup d’erreurs.
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Parmi les Juifs qui reçoivent l’éducation talmudique, et c’est encore la majorité des Juifs, en Russie, en Pologne, en Galicie, en Hongrie, en Bohême, dans l’Orient, parmi ces Juifs l’idée de nationalité est encore aussi vivante qu’au Moyen Âge. Ils forment encore un peuple à part, peuple fixe, rigide, figé par les rites scrupuleusement suivis, par les coutumes constantes et par les mœurs, hostile à toute nouveauté, à tout changement, rebelle aux efforts tentés pour le détalmudiser. En 1854, des rabbins anathématisèrent les écoles d’Orient, fondées par des Juifs français, et où on apprenait les sciences profanes ; en 1856 à Jérusalem, on lança l’anathème contre l’école fondée par le docteur Franckel ; en Russie, en Galicie, des sectes, telles que celle des Néo-Hassidim, s’opposent encore à toutes les tentatives faites pour civiliser les Juifs. Dans tous ces pays, une minorité seulement échappe à l’esprit
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talmudique, mais la masse persiste dans son isolement et, aussi grands que soient son abjection et son abaissement, elle se tient toujours pour le peuple choisi, la nation divine…
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Les Juifs occidentaux sont encore des Juifs. Ils sont des Juifs, parce qu’ils ont gardé vivace et vivante leur conscience nationale ; ils croient toujours qu’ils sont une nation, et croyant cela, ils se conservent. Quand le Juif cesse d’avoir la conscience de sa nationalité, il disparaît ; tant qu’il a cette conscience, il permane. Il n’a plus de foi religieuse, il ne pratique plus, il est irréligieux, il est quelquefois athée, mais il permane parce qu’il a la croyance à sa race. Il a gardé son orgueil national, il s’imagine toujours être une individualité supérieure, un être différent de ceux qui l’entourent, et cette conviction l’empêche de s’assimiler, car, étant toujours exclusif, il refuse en général de se mêler par le mariage aux peuples qui l’entourent. Le moderne judaïsme prétend n’être plus qu’une confession religieuse ; mais il est encore en réalité un ethno, puisqu’il croit l’être, puisqu’il a gardé ses préjugés, son égoïsme, et sa vanité de peuple, croyance, préjugés, égoïsme et vanité qui le font apparaître comme étranger aux peuples dans le sein desquels il subsiste, et ici nous touchons à une des causes les plus profondes de l’antisémitisme. L’antisémitisme est une des façons dont se manifeste le principe des nationalités…
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En effet, bien que souvent extrêmement chauvins, les Juifs sont d’essence cosmopolite ; ils sont l’élément cosmopolite de la famille humaine, dit Schœffle. Cela est fort juste, car ils possédèrent toujours au plus haut point cette extrême facilité d’adaptation, signe du cosmopolitisme. À leur arrivée dans la Terre Promise, ils adoptèrent la langue de Chanaan, après soixante-dix ans passés en Babylonie, ils eurent oublié l’hébreu et rentrèrent à Jérusalem en parlant un jargon araméen ou chaldaïque ; au Ier siècle avant et après l’ère chrétienne, la langue hellénique pénétra les juiveries. Dispersés, les Juifs devinrent fatalement cosmopolites…
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Durant toutes ces années, leurs banquiers, leurs industriels, leurs poètes, leurs écrivains, leurs tribuns, mus par des idées bien différentes d’ailleurs, concoururent au même but. « On les vit, dit Crétineau-Joly, barbe inculte et le dos voûté, l’œil ardent, parcourir en tous sens ces malheureuses contrées. Ce n’était pas la soif du luxe qui, contrairement à leurs habitudes, leur prêtait une pareille activité.
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Beaucoup de Juifs affiliés à l’Internationale jouèrent plus tard un rôle pendant la Commune où ils retrouvèrent d’autres coreligionnaires…
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Contre-lai N° 3.
Karl Marx. Dans son essai intitulé « La Question juive ». « Le juif ne peut avoir à l’égard de l’État qu’une attitude de juif, c’est-à-dire d’étranger ! À la nationalité véritable, il oppose sa nationalité chimérique, et à la loi, sa loi illusoire ; il se croit en droit de se séparer du reste de l’Humanité ; par principe, il ne prend aucune part au mouvement historique et attend impatiemment un avenir qui n’a rien de commun avec l’avenir général de l’Homme ; car il se considère comme un membre du peuple juif et le peuple juif comme le peuple élu ».
À quel titre, juifs, demandez-vous donc l’émancipation ? »
D’après Bauer la seule solution était que le juif renonce à l’essentiel du Judaïsme et n’en conserve que des traditions folkloriques ou familiales. [Et le monde entier aussi : catholiques, protestants, orthodoxes, etc. ajouterons-nous. Note de la rédaction].
Certains Israéliens se plaisent à penser qu’ils doivent leur suprématie socio-économique à leur supériorité intellectuelle. Ils ne doivent en réalité leur avance qu’au fait qu’ils sont originaires d’une Europe leur ayant dispensé toutes sortes de formations. La preuve, c’est que l’on n’a jamais pu en dire autant des communautés juives nord-africaines ou orientales (Maroc, Éthiopie, Yémen).
L’obscurantisme talmudique a en effet perduré au vingtième siècle dans certains pays, notamment orientaux, et seule une minorité, par l’accès aux universités puis au développement intellectuel qui en a résulté, a pu échapper aux préjugés des juifs religieux orthodoxes ; toujours plongés dans une aliénation dont seule une instruction vigoureusement non cléricale pourrait les sauver.
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RETOUR AU TEXTE DE BERNARD Lazare.
J’ai donc très brièvement esquissé l’histoire révolutionnaire des Juifs, ou du moins ai-je tenté d’indiquer comment on pourrait l’entreprendre ; j’ai fait voir comment ils procédèrent idéologiquement et activement, comment ils furent de ceux qui préparent la révolution par la pensée, et de ceux qui la traduisent en acte. On m’objectera qu’en devenant révolutionnaire, le Juif devient le plus souvent athée et qu’ainsi il cesse d’être juif. Ce n’est que d’une certaine façon, en ce sens surtout que les enfants du Juif révolutionnaire se fondent dans la population qui les entoure, et que, par conséquent, les Juifs révolutionnaires s’assimilent plus facilement ; mais en général les Juifs, même révolutionnaires, ont gardé l’esprit juif, et s’ils ont abandonné toute religion et toute foi, ils n’en ont pas moins subi, ataviquement et éducativement, l’influence nationale juive. Cela est surtout vrai pour les révolutionnaires israélites qui vécurent dans la première moitié de ce siècle, et dont Henri Heine et Karl Marx nous offrent deux bons modèles. Heine, que l’on considéra en France comme un Allemand, et à qui en Allemagne, on reprocha d’être Français, fut avant tout Juif. C’est parce qu’il fut juif qu’il célébra Napoléon et qu’il eut pour le César l’enthousiasme des israélites allemands, libérés par la volonté impériale. Son ironie, son désenchantement sont semblables au désenchantement et à l’ironie de l’Ecclésiaste ; il a, comme le Kohélet, l’amour de la vie et des joies de la terre, et, avant d’être abattu par la maladie et la douleur, il tenait la mort pour le pire des maux. Le mysticisme de Heine vient de l’antique Job, et la seule philosophie qui l’attira jamais réellement fut le panthéisme, la doctrine naturelle au Juif métaphysicien qui spécule sur l’unité de Dieu et la transforme en l’unité de substance. Enfin son sensualisme, ce sensualisme triste et voluptueux de l’Intermezzo, est purement oriental, et on en trouverait les origines dans le Cantique des Cantiques. Il en est de même pour Marx.
Ce descendant d’une lignée de rabbins et de docteurs hérita de toute la force logique de ses ancêtres ; il fut un talmudiste lucide et clair, que n’embarrassèrent pas les minuties niaises de la pratique, un talmudiste qui fit de la sociologie et appliqua ses qualités natives d’exégète à la critique de l’économie politique. Il fut animé de ce vieux matérialisme hébraïque qui rêva perpétuellement d’un paradis réalisé sur la terre et repoussa toujours la lointaine et problématique espérance d’un éden après la mort ; mais il ne fut pas qu’un logicien, il fut aussi un révolté, un agitateur, un âpre polémiste, et il prit son don du sarcasme et de l’invective, là où Heine l’avait pris : aux sources juives.……………
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On l’avait quitté à la veille de 1789 humble, minable, objet de mépris pour tous, offert aux insultes et aux avanies ; on le retrouva après la tempête affranchi, libéré de toute contrainte et, d’esclave, devenu maître. Cette rapide ascension choqua ; on fut offusqué par cette richesse que le Juif avait acquis le droit d’étaler, et on se souvient du vieux grief des pères, du grief de l’antijudaïsme social : l’or du Juif est conquis sur le chrétien ; il est conquis par le dol, la fraude, la déprédation, par tous les moyens et principalement par les moyens condamnables. C’est ce que j’appellerai le grief moral de l’antisémitisme, il se résume ainsi : le Juif est plus malhonnête que le chrétien ; il est dépourvu de tous scrupules, étranger à la loyauté et à la franchise.
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Quand les murailles de ses ghettos s’écroulèrent, ce Juif, tel que l’avaient fait le Talmud et les conditions civiles, législatives et sociales, ne changea pas brusquement. Au lendemain de la révolution, il vécut absolument comme la veille, il ne modifia pas ses coutumes, ses habitudes, et surtout son esprit, aussi promptement qu’on modifia sa situation, affranchi, il garda son âme d’esclave…
À mesure que les peuples devinrent plus hostiles aux israélites, à mesure que s’aggravèrent pour eux les législations, à mesure que la persécution grandit, cette solidarité augmenta. Les procès parallèles, l’un extérieur, l’autre intérieur, qui aboutirent à parquer Israël dans l’étroite enceinte de ses juiveries, renforcèrent son esprit d’association. Retirés du monde, les Juifs augmentèrent la force des liens qui les unissaient, la vie commune accrut leur désir et leur besoin de fraternité : les ghettos développèrent l’associationnisme juif. D’ailleurs les synagogues avaient gardé leur autorité. Si les Juifs étaient soumis aux dures lois édictées par les royaumes et les empires, ils avaient un gouvernement propre, des conseils d’anciens, des tribunaux aux décisions desquels ils se soumettaient, et leurs synodes généraux défendaient même, sous peine d’anathème, à un israélite de traduire un coreligionnaire devant un tribunal chrétien. Tout les poussa à s’unir pendant ces siècles du Moyen-âge, si atroces et
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si épouvantables pour eux. Isolés, ils eussent souffert davantage ; en s’aidant mutuellement, ils purent se défendre plus facilement, ils purent éviter les calamités qui les menaçaient sans cesse…
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Au onzième siècle le synode rabbinique de Worms défendit à un propriétaire israélite de louer « à un non-israélite, ou à un israélite, une maison occupée par un coreligionnaire, sans le consentement de ce dernier » et un synode du douzième siècle interdit à un Juif, sous peine d’anathème, de traduire un coreligionnaire devant un tribunal chrétien. La communauté juive, le Kahal, était armée contre ceux qui manquaient au devoir de la solidarité ; elle les frappait d’anathème et prononçait contre eux le Cherem-Hakahal…
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Les siècles, l’action des lois hostiles, l’influence des prescriptions religieuses, le besoin de la défense individuelle, accrurent donc, chez les Juifs, le sentiment de la solidarité. De nos jours encore, dans les pays où les Juifs sont sous un régime d’exception, l’organisation puissante du Kahal subsiste. Quant aux Juifs émancipés, ils ont rompu les cadres étroits des anciennes synagogues, ils ont abandonné la législation des communautés d’antan, mais ils n’ont pas désappris la solidarité. Après en avoir acquis le sens, après l’avoir conservé par l’habitude, ils n’ont pu le perdre même en perdant la foi, car c’était devenu chez eux un instinct social, et les instincts sociaux, lentement formés, sont lents à disparaître.
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Tout Juif trouvera, lorsqu’il la demandera, cette assistance de ses coreligionnaires, à condition qu’on le sente dévoué à la collectivité juive, car, s’il paraît hostile, il ne recueillera que l’hostilité. Le Juif, même lorsqu’il a quitté la synagogue, fait encore partie de la franc-maçonnerie juive, de la coterie juive, si l’on veut. Constitués en un corps solidaire, les Juifs se font place plus facilement dans la société actuelle, relâchée et désunie. Les millions de chrétiens par lesquels ils sont entourés pratiqueraient l’appui mutuel au lieu de la lutte égoïste, que l’influence du Juif serait immédiatement anéantie, mais ils ne la pratiquent pas et le Juif doit, sinon dominer, c’est le terme des antisémites, avoir le maximum des avantages sociaux, et exercer cette sorte de suprématie contre laquelle proteste l’antisémitisme, sans pouvoir, pour cela, l’abolir, car elle dépend non seulement de la classe bourgeoise juive, mais aussi de la classe bourgeoise chrétienne……
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Si on a toujours présents à l’esprit cette idée de la solidarité juive et ce fait que les Juifs sont une minorité organisée, on en conclura que l’antisémitisme est en partie une lutte entre les riches, un combat entre les détenteurs du capital. C’est en effet le chrétien riche, le capitaliste, le commerçant, l’industriel, le financier qui sont lésés par les Juifs, et non les prolétaires, qui ne subissent pas le patronat juif plus durement que le patronat catholique, au contraire, car là, c’est le nombre des patrons qui importe, et ce ne sont pas les Juifs qui sont le nombre. Voilà ce qui explique pourquoi l’antisémitisme est une opinion bourgeoise, et pourquoi il est si peu répandu, sinon à l’état de vague préjugé, dans le peuple et dans la classe ouvrière.
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Contre-lai N°4.
N’oublions pas que BERNARD Lazare écrivait avant la création de l’État d’Israël. Ceci n’est donc plus vrai que des écoles de juifs ultra-orthodoxes comme ceux de Mea Sharim.
Voici par exemple ce que la députée israélienne, Shulamit Aloni, a déclaré à la presse à propos du judaïsme des rabbins et des colons juifs, dans l’un des débats les plus retentissants qu’a connus la Knesset. À l’époque où l’homme voyage sur la lune, les écoles religieuses continuent à enseigner que le monde a été créé en six jours. De quels droits vous posez-vous en maîtres du judaïsme ? Est-ce par votre érudition ? Il faut moins apprendre pour être ordonné rabbin que pour le baccalauréat, mais les rabbins se posent en dictateurs. Malheur au pays où un médecin est traduit en justice parce qu’il a sauvé des vies humaines en transplantant des reins (citation de mémoire).
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HOMMAGE À MAREK EDELMAN : HONTE À VLADIMIR JABOTINSKY 1).
« Nous nous imaginions que tout ce que nous avions connu – la guerre, le génocide, les chambres à gaz – allait influencer l’Histoire et la marche du monde vers la paix », a déclaré Marek Edelman dans une entrevue accordée en 2003 au journal le Soir de Bruxelles. « Or il suffit de rappeler le Cambodge, le Rwanda, l’ex-Yougoslavie, pour comprendre que les hommes sont incurables. Le nationalisme, le chauvinisme, le martyre de certaines minorités, auxquels nous assistons sans réagir, c’est la victoire posthume de Hitler ».
Interrogé sur son rapport à la Pologne, il répondit : « Nous avions rêvé d’un monde meilleur et d’une Pologne meilleure, sans antisémitisme ni racisme. Hélas ! les rêves ne se réalisent jamais. Les juifs sont partis et les antisémites sont restés ».
La biographie d’Edelman n’est qu’une succession de drames. Un an avant sa naissance à Varsovie, en janvier 1919, douze de ses oncles avaient été alors exécutés pour cause d’opposition socialiste à la dictature léniniste. Ses parents avaient dû fuir la Russie soviétique pour la nouvelle Pologne indépendante. Alors qu’il avait six ans, son père mourut. Comme lui, sa mère était une militante du Bund 2) : Union générale des travailleurs juifs, le grand parti juif socialiste et non sioniste d’Europe orientale, un parti farouchement opposé à la renaissance hébraïque en Palestine.
Début 1942, les informations sur l’existence des chambres à gaz avaient fini par filtrer dans le ghetto. Les responsables des mouvements de jeunesse des différents partis juifs de Pologne avaient alors décidé de tomber les armes à la main. « Nous avions honte de la soumission des Juifs de Chelmno, du fait qu’ils n’avaient même pas tenté de se défendre. Nous n’avons pas voulu que le ghetto de Varsovie réagisse de la même façon » rappelle Edelman dans son livre (2002). Mais les juifs n’étaient pas parvenus à obtenir des armes de leurs camarades polonais. Ces derniers ne pouvant pas croire que les juifs allaient se soulever, ils n’avaient pas voulu gaspiller le peu d’armes dont ils disposaient. Fin juillet 1942, les dirigeants des mouvements de jeunesse juifs avaient donc mis sur pied l’Organisation juive de combat (OJC) et leurs premières actions avaient visé la police juive du ghetto, dont les membres avaient multiplié les exactions.
La police juive avait « aidé », en chargeant des quantités incroyables d’argent, d’or ou d’objets de valeur par « tête » pour avoir une chance d’échapper.
[N’est-il pas logique que des Juifs fassent tout pour survivre ? demande Eilat Nadav.
Ça, c’est votre philosophie d’Israélienne, assène Marek, celle qui consiste à penser que l’on peut tuer vingt Arabes pourvu qu’un Juif reste en vie 3). Chez moi, il n’y a de place ni pour un peuple élu ni pour une Terre promise].
« C’étaient des traîtres. Ils n’étaient pas obligés de collaborer avec les nazis, mais ils pensaient que c’était une bonne manière de gagner de l’argent et de sauver leur peau »4).
Les Allemands avaient autorisé l’ouverture d’un dispensaire dans le ghetto afin de traiter les cas urgents, mais il s’agissait en fait pour eux d’y pratiquer une sélection en amont et d’envoyer les malades dans les camps d’extermination. Marek Edelman a profité de l’occasion pour se faire engager comme infirmier afin de recruter ceux qu’il jugeait aptes à rejoindre la résistance. N’a-t-il pas l’impression d’avoir contribué à sa façon à envoyer 400 000 personnes à la mort ? « Je ne ressens aucune culpabilité, seulement un chagrin immense ».
Dans l’ombre de la mort, les gens s’efforçaient de vivre comme si de rien n’était : les rabbins célébraient des mariages pour que les couples envoyés à la mort meurent mariés. En octobre 1942, plus des trois quarts des 400 000 juifs du ghetto de Varsovie avaient déjà été déportés puis exterminés. Parmi les survivants, 30 000 personnes travaillaient comme esclaves dans les usines allemandes, et 30 000 autres se cachaient dans les souterrains.
Regroupant la plupart des organisations juives de gauche, l’Organisation juive de combat (OJC) de l’époque avait élu à sa tête Mordechai Anielewicz, un dirigeant de l’Hashomer Hatzaïr [La Jeune Garde, mouvement sioniste socialiste, dont le Meretz est l’héritier]. Son bras droit était Antek Cukierman, responsable du mouvement sioniste He’haloutz ; le chef des renseignements était Marek Edelman, responsable du Bund ; enfin, l’émissaire auprès de la partie « aryenne » [non-juive] de Varsovie, était Jurek « Arieh » Wilner. Le Betar [mouvement de jeunesse de la droite nationaliste juive] ne s’était quant à lui pas intégré à l’Organisation juive de combat, et avait conservé sa propre organisation clandestine : l’Organisation militaire juive.
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Le chapitre final de la liquidation du ghetto de Varsovie s’ouvrit la veille du jour de Pâques, le 19 avril 1943. Quand les Allemands pénétrèrent dans le ghetto, ils se heurtèrent à une forte résistance de la part de combattants qui tiraient des appartements déserts. Les Allemands commencèrent alors à incendier les immeubles les uns après les autres, et les abris dans lesquels s’étaient réfugiés de nombreux civils se transformèrent en pièges géants. Le 8 mai 1943 donc, Anielewicz et plusieurs dizaines de combattants de l’Organisation juive de combat (OJC) s’étaient repliés dans le quartier général du 18, rue Mila, cerné par des unités spéciales composées d’Allemands et d’Ukrainiens. Après deux heures de combat, les Allemands comprirent qu’ils ne réussiraient jamais à s’emparer du bunker, et ils y lancèrent des bonbonnes de gaz. La plupart des combattants préférèrent se suicider. Anielewicz abattit sa compagne, Mira, et se tira une balle dans la tête. Lutek Rotblat abattit sa mère et sa sœur et retourna l’arme contre lui-même. Une combattante se tira sept balles dans le cœur.
Aujourd’hui encore, Edelman ne cache pas son malaise face à ce suicide collectif. « Un chef n’a pas le droit de se suicider. Il doit se battre jusqu’au bout. D’autant qu’il était possible de fuir le ghetto, malgré les barrages. La preuve, c’est que nous sommes quinze à être parvenus à prendre la fuite. L’idée du suicide collectif n’est pas venue d’Anielewicz, mais de Jurek Wilner. Peu de temps auparavant, Jurek était revenu d’une mission dans un camp de concentration. Se faisant passer pour un Aryen, il y avait néanmoins vécu des choses atroces et avait failli perdre l’usage de ses jambes. Sans l’aide d’Henrik Grabowski, un socialiste polonais qui finançait la résistance juive, il serait mort en déportation. Jurek était diminué physiquement et moralement. Lorsqu’est arrivé le moment le plus difficile, il n’a pas vu d’autre issue que la mort ».
Il n’en reste pas moins que le suicide d’Anielewicz et de ses compagnons s’est rapidement intégré dans la mémoire collective du jeune Israël. Perçu comme un Massada du XXe siècle [les Juifs assiégés par les Romains dans la forteresse de Massada s’étaient suicidés collectivement], il a donné naissance à des slogans comme « Nous n’irons pas comme des agneaux à l’abattoir » et « La liberté ou la mort ». Mais, pour Marek Edelman, le suicide collectif du 18, rue Mila n’est qu’un accès d’hystérie collective. Il n’a pas de mots assez durs contre ceux qu’il appelle les « professionnels de la mémoire » et qu’il accuse de glorifier une « éthique trop israélienne » à son goût. Ce n’est sans doute pas un hasard si le cinéaste français Claude Lanzmann a choisi de ne pas l’évoquer ou de ne pas lui donner la parole dans son film sur la Shoah, en dépit du fait qu’Edelman a joué un rôle déterminant dans l’insurrection du ghetto, et qu’il a été le premier à l’évoquer dans un livre publié au sortir de la guerre. En même temps et toujours en s’opposant aux sionistes, Edelman considère que « ceux qui ne se sont pas soulevés sont tout autant des héros que ceux qui ont pris les armes. Celui qui a choisi de ne pas laisser sa mère monter seule dans les convois de la mort a fait preuve d’autant d’héroïsme que celui qui est mort les armes à la main ».
Quand on lui demande si l’insurrection, vouée à l’échec, n’était pas un suicide collectif, la réponse fuse. « En nous soulevant, nous avons rappelé notre appartenance au genre humain. En prenant les armes contre ceux qui voulaient nous anéantir, nous nous sommes raccrochés à la vie et nous sommes devenus des hommes libres. La meilleure preuve en est que beaucoup de combattants de l’Organisation juive de combat ont pu fuir le ghetto après la bataille. Ceux qui sont tombés par la suite, ce fut en combattant avec les partisans polonais ».
Les quelques centaines d’insurgés n’ont-ils pas risqué la vie des 60 000 Juifs encore présents dans le ghetto ? « Non, le dilemme n’existait pas. Nous étions tous condamnés à mort, quoi qu’il advienne. Nous savions que tous ceux qui étaient envoyés à Auschwitz ou à Treblinka étaient voués à la chambre à gaz ».
C’est sur le soutien reçu du monde extérieur que Marek Edelman se montre le plus amer. Pas seulement donc envers le gouvernement polonais en exil, mais surtout envers les juifs de Palestine. « L’Organisation juive de combat de l’époque avait informé Ignacy Szwarcbart [dirigeant sioniste et député polonais en exil] et le gouvernement polonais de Londres. Le Mossad savait aussi ce qui se passait ici. Ses agents se sont pourtant contentés d’évacuer les gens disposant d’argent, et encore, jamais pendant la guerre, et uniquement vers la Palestine. Le fondement de l’idéologie de Ben Gourion et des siens, c’était la rupture avec la diaspora [juive]. Il en était arrivé à refuser de s’exprimer dans sa langue maternelle, le yiddish [langue germanique mêlée de slavismes et d’hébraïsmes], la langue des 11 millions de Juifs d’Europe et d’Amérique ». Ben Gourion avait en effet déclaré, lors d’une réunion de responsables du Mapaï [le Parti ouvrier d’Israël, ancêtre du Parti travailliste], le 8 décembre 1942 : « Le désastre du judaïsme européen n’est pas directement mon affaire » [cité aussi par Tom Segev dans Le Septième million. Les Israéliens et le génocide]. Pour Marek Edelman, ces propos sont ceux d’un dirigeant qui était prêt à sacrifier un million de juifs, du moment qu’un État juif en sortirait. « Il n’aurait pas pu évidemment sauver des millions d’entre nous, mais certainement des
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milliers. Or il n’a pas bougé. Ici, personne n’aimait Ben Gourion, pas même les plus fervents sionistes ».
En 1943, Edelman a échappé aux flammes du ghetto en compagnie de Simcha Rotem, en gagnant par les égouts le côté aryen de Varsovie. En août 1944, Antek Cukierman, Simcha Rotem, ainsi que les derniers combattants de l’Organisation juive de combat (ZOB), ont rejoint la résistance polonaise. La guerre finie, Edelman a terminé ses études de médecine en Pologne, un pays qu’il considère comme sa seule patrie. Ses propos deviennent encore plus crus. « Si l’État d’Israël a été créé, c’est grâce à un accord passé entre la Grande-Bretagne, les États-Unis et l’URSS. Pas pour expier les six millions 5) de juifs assassinés en Europe, mais pour se partager des comptoirs au Moyen-Orient » 6).
Quant à l’identité juive de l’État d’Israël, Edelman en doute et il estime que c’est surtout une culture moyen-orientale qui prédomine en son sein. « De quel peuple juif parle-t-on ? Israël s’est coupé de Yitzkhok Laybush Peretz [écrivain et poète yiddish, 1852-1915], de Chagall, du yiddish. Israël s’est construit sur la destruction de cette immense culture juive multiséculaire qui s’était épanouie entre la Vistule et le Don. La culture israélienne, ce n’est pas la culture juive ». Comment, dans ces conditions, Edelman explique-t-il que les rescapés juifs ne soient pas restés, comme lui, en Pologne ? « Ils ont eu peur. Ils ont voulu placer un océan immense entre la Russie et eux. Mais seule une minorité de juifs a émigré en Israël : l’écrasante majorité s’est exilée au Canada et aux États-Unis ».
La vision du monde d’Edelman est un pur produit du Bund. Avant la guerre, le Bund croyait en la possibilité d’édifier une société socialiste juive en Pologne. Partisan d’une autonomie culturelle juive, il s’opposait à l’émigration des juifs d’Europe vers le Proche-Orient ou vers le continent américain. Plus que l’indifférence des sionistes de Palestine, la conception bundiste, en militant contre l’émigration des juifs vers cette région du monde, n’a-t-elle pas livré ces derniers à leurs bourreaux nazis ? « Seuls ceux qui n’avaient nulle part où aller sont partis pour la Palestine. Avant la guerre, des millions d’autres juifs avaient émigré en Argentine, en Amérique ou en Australie, et c’est ça qui les a sauvés. Je ne parle pas des Haloutzim [pionniers], qui étaient un petit groupe plein de détermination ».
Comme il fallait s’y attendre, beaucoup d’Israéliens ont été scandalisés par une initiative qui, émanant du héros du ghetto de Varsovie, ne pouvait qu’assimiler les insurgés juifs aux kamikazes palestiniens.
Eilat Nadav du Yediot Aharonot, traduction de l’hébreu publiée dans Courrier International, 13 avril 2006.
1) Né en Ukraine le 18 octobre 1880 et décédé le 4 août 1940, fondateur de la Légion juive durant la Première Guerre mondiale. Il fonda en 1925 le mouvement Révisionniste, le principal parti de la droite nationaliste sioniste, qui réclamait un État juif sur les deux rives du fleuve Jourdain, intégrant aussi la Transjordanie, l’actuelle Jordanie. Opposés à la gauche qui domine alors le mouvement, lui et son parti quittent l’Organisation sioniste mondiale en 1935. Il sera le principal inspirateur politique de l’organisation armée clandestine sioniste, l’Irgoun.
2) De la fin du XIXe siècle au génocide, les bourgades juives d’Europe orientale sont frappées de plein fouet par la modernisation industrielle, l’explosion de l’antisémitisme, et l’émigration (quatre millions de juifs fuient vers l’Europe de l’Ouest et l’Amérique). C’est dans ce contexte qu’est fondé à Vilnius, en 1897, le Bund, Union générale juive des travailleurs de Lituanie, de Pologne et de Russie. Social-démocrate, le Bund est combattu par les communistes bolcheviques et ses cadres seront éliminés sous Staline. Partisan de la doïkeyt (en yiddish « l’ici-tude », c’est-à-dire le refus de fuir) et d’une autonomie culturelle en Russie et en Pologne, le Bund s’oppose à l’émigration et à l’implantation juives en Palestine prônées par les militants sionistes. Ce puissant mouvement politique n’a pas survécu à l’extermination de sa base sociale par l’Allemagne nazie et ses alliés.
3) Là Marek Edelman exagère. Ne soyons pas bêtement chrétiens. La légitime défense n’est peut-être pas une obligation morale, mais c’est un droit.
4) Le rôle des Judenräte, entre l’organisation de la survie et l’application des directives allemandes, fait l’objet de nombreux débats. Ils étaient un rouage de la machine bureaucratique nazie, même si les membres de leurs directions n’étaient en aucune façon à la solde de l’occupant. La police juive était haïe parce que souvent brutale et incluant des éléments douteux. À Varsovie, elle était chargée de conduire les juifs à l’Umschlagplatz (d’où partaient les trains vers Treblinka), et traquait les gens dans leurs cachettes pour remplir les quotas de déportation imposés par les Allemands. Au sein même de l’Administration, privilèges et corruption se manifestaient, d’autant que dans un premier temps ses membres furent protégés des déportations, même s’ils ont tous été ensuite, police comprise, exterminés à leur tour. Le débat sur la participation aux Conseils a donc divisé les organisations
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juives. Il s’est cristallisé surtout dans les grandes villes comme Lodz, où le dirigeant du Judenrat était haï, et Varsovie. À Varsovie, l’Organisation juive de Combat (OJC) considérait que ces structures constituaient un obstacle à la résistance, en s’opposant à toute action collective, et qu’elles étaient objectivement des instruments de trahison qui aidaient de leurs propres mains les Allemands. Des actions furent donc menées contre la police juive et contre certains membres des Judenräte les plus compromis. Les exécutions étaient rendues publiques. Lorsque, le 22 juillet 1942, les Allemands décident la liquidation du ghetto de Varsovie (tous les juifs « improductifs », c’est-à-dire ne travaillant pas dans les entreprises allemandes, seront « réinstallés » à l’Est, à l’exception des employés du Judenrat et de l’Aide mutuelle juive), ils demandent au Judenrat de signer l’avis qui en informera la population, comme l’étaient tous les précédents ordres des Allemands adressés aux habitants du ghetto. Le Judenrat est chargé de l’organisation technique de cette déportation. Adam Czerniakow, son président (il était déjà un dirigeant reconnu de la Communauté avant-guerre) refuse de signer. Mais l’affiche sera quand même apposée (sans sa signature). Le deuxième jour de la grande rafle, le 23 juillet 1942, il se suicidera, en laissant une lettre : « On exige de moi de tuer de mes propres mains les enfants de mon peuple. Il ne me reste que la mort ». Marek Edelman commenta ainsi, en 1945, ce suicide : « Il savait parfaitement que la prétendue déportation à l’Est signifiait la mort de centaines de milliers de juifs dans les chambres à gaz, et ne voulait pas en être responsable. N’ayant pas le pouvoir de s’y opposer, il préféra disparaître. Nous avons pensé qu’il n’avait pas le droit de faire cela, que son devoir en tant qu’unique personnalité jouissant d’une autorité dans le ghetto, était d’avertir toute la population juive de la réalité puis de dissoudre toutes les institutions, surtout la police juive qui avait été instituée par le Conseil juif et lui était subordonnée ».
Tout le problème en fait de la « collaboration » dans de telles circonstances est là. Nous sommes de l’avis d’Edelman, et c’est d’ailleurs ce qu’aurait dû faire l’État français de son côté, à l’époque : se dissoudre et laisser les nazis faire directement eux-mêmes le « sale boulot ».
Plus tard en 1977 Marek Edelman ajoutera qu’il ne reprochait qu’une seule chose à Czerniakow, qu’il ait fait de sa mort une affaire personnelle. « Il fallait mourir dans un feu d’artifice ».
La publication du journal d’Adam Czerniakow a conduit à nuancer certains jugements sur le Judenrat.
5) Un peu excessif peut-être, de la part de Marek Edelman. Quant au chiffre avancé pour le nombre de victimes de ce massacre collectif inouï, il est évidemment symbolique, on peut penser qu’il se situe en fait dans une fourchette allant de 5 100 000 à 5 800 000 morts.
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NOUVEL ET ULTIME AVERTISSEMENT AU LECTEUR.
En matière de religion, il y a (entre autres, car il y a aussi la différence /opposition entre pure spiritualité méditation conviction personnelle et mode de vie) en matière de religion donc il y a une alternative majeure.
— La première catégorie est celle des religions ethniques, c’est-à-dire celles se transmettant de parent à enfants, de père en fils, ou d’ailleurs plus souvent de mère en fils, ou fille. La notion de conversion y est inconnue. Elles ne connaissent que des évolutions. Lentes par définition. Ce fut évidemment le cas de toutes les premières religions de l’humanité.
— La deuxième catégorie est celle des religions trans ethniques, fondées sur une démarche individuelle, personnelle, librement choisie, un peu comme l’adhésion à telle ou telle association fraternité ou confrérie. La conversion y est donc admise par définition
— Comme toujours il y a aussi bien sûr une troisième catégorie, celle qui mélange plus ou moins les deux autres, en quantité et en importance variable suivant les époques et les circonstances.
Un excellent exemple de religion ethnique nous est fourni par le cas des Parsis. Un groupe religieux issu du zoroastrisme. 100 000 fidèles essentiellement en Inde, 14 000 aux États-Unis… On est de religion parsie parce que l’on est né parsi.
Le cas des Samaritains d’Israël est moins clair, car vu la faiblesse de leurs effectifs (800 personnes) et la consanguinité qui en a découlé ils ont récemment accepté que les épouses soient des converties.
Du côté des religions non ethniques, deux grands exemples viennent immédiatement à l’esprit : le christianisme et l’islam. Pour la bonne et simple raison que ces deux religions, après un moment d’hésitation, ne se sont ensuite fondées que sur des conversions, souvent forcées d’ailleurs il faut bien le reconnaître.
L’empereur romain Théodose 1er décrète à Thessalonique en 380, après avoir simplement commencé par interdire la fréquentation des temples païens et les sacrifices traditionnels « que tous les peuples que régit la modération de Notre Clémence s’engagent (latin versari) dans cette religion que le divin Pierre Apôtre a donnée aux Romains « (Code Théodosien 16.1.2)
Le roi franc Charlemagne (pas encore empereur) interdit à Paderborn en 785 la pratique des cultes païens (capitulaire De Partibus Saxoniae). Le tout sous peine de mort évidemment et pour cela une simple dénonciation pourra suffire.
Le judaïsme est un exemple de la troisième catégorie de religion.
La religion à l’origine du judaïsme est bien au départ une religion ethnique puisqu’elle celle d’un peuple bien particulier (Israël) pratiquant l’endogamie
Mais il y a eu des cas avérés de conversion dès l’antiquité et la théorie rabbinique actuelle prévoit bien la possibilité de se convertir notamment pour cause de mariage.
Les exigences sont nombreuses et varient encore beaucoup. Le judaïsme réformé les a considérablement assouplies, le judaïsme orthodoxe non.
Le judaïsme orthodoxe, tel qu’il s’est structuré autour du Talmud, a codifié le processus de conversion.
Les motifs de l’impétrant doivent être testés afin de refuser les candidats qui souhaitent se convertir par intérêt.
Le candidat doit prouver sa connaissance de la Torah et s’engager devant un Beth Din (tribunal) à pratiquer toutes les Mitzvot (613).
Après acceptation, le candidat doit être circoncis puis s’immerger dans un bain rituel en présence du tribunal. Il prend alors un nom juif et sera ensuite désigné par ce nom suivi de la mention Ben Avraham Avinou (« fils de notre patriarche Abraham ») dans le rituel.
De nos jours, le candidat à la conversion doit suivre un programme d’étude du judaïsme et s’intégrer à une synagogue. Le processus prend d’une à plusieurs années en fonction de la « qualité » du candidat et de l’exigence du ou des rabbins qui animent la conversion.
Le converti possède alors exactement les mêmes devoirs et droits qu’un Juif de naissance, sauf l’interdiction pour une convertie d’épouser un Cohen (prêtre).
CETTE OPTIQUE PARTIELLEMENT ETHNIQUE DE LA RELIGION JUIVE, ENTRETENUE D’AILLEURS PAR CERTAINS MYTHES OU CERTAINES SENSIBILITÉS RELIGIEUSES ACTUELLES (VOIR LES NAUSÉABONDS DÉLIRES SUR LE CHROMOSOME D’ABRAHAM ET LES FALACHAS) A EU POUR RÉSULTAT QU’ON SE HEURTE PARTOUT ET CONSTAMMENT Â CET ASPECT DES CHOSES DANS LE MONDE ARABE Y COMPRIS JUSQUE DANS CETTE ÉTUDE.
Afin de ne laisser subsister aucun doute à ce sujet l’auteur de cette compilation croit donc utile de préciser ce qui suit…
1) L’auteur de cette compilation est à titre personnel par principe en faveur d’un État unique où pourraient vivre en harmonie juifs musulmans chrétiens… et athées.
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2) L’auteur de cette compilation est par contre bien conscient du fait que les esprits ne sont pas mûrs pour cela au Moyen-Orient.
3) L’auteur de cette compilation pense notamment qu’on ne peut écarter le risque… qu’un retour prématuré du peuple juif à une position minoritaire en Palestine………… lui soit immédiatement préjudiciable et puisse même finir en drame.
4) L’auteur de cette compilation ne peut donc que prier (œuvrer) afin que les esprits évoluent et soient un jour mûrs pour accepter sans arrière-pensée une telle coexistence pacifique dans cette partie de notre vaisseau spatial commun, la terre.
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LA FONDATION DE L’ÉTAT D’ISRAËL.
Loi du retour (1950). Article 1. Droit à l’immigration. Tout Juif a le droit d’immigrer en Israël.
Loi du retour (2006). Article 4.B. Définition. Pour les besoins de la présente loi, un « Juif » désigne une personne née d’une mère juive ou convertie au judaïsme et qui n’est pas membre d’une autre religion.
Théodore Herzl, avant de fonder le mouvement sioniste, a songé un certain temps à résoudre la « question juive », c’est-à-dire l’éternelle hostilité antijuive, par la conversion massive des juifs de son pays, l’Autriche-Hongrie, au christianisme. Pour lui, qui était parfaitement assimilé, comme l’étaient alors nombre de juifs du monde germanique, le judaïsme, en tant que tradition religieuse et culturelle, n’était plus porteur de valeurs spécifiques à conserver. Il ne représentait guère qu’un certain handicap héréditaire. N’obtenant pas du Sultan de Turquie l’autorisation de s’implanter en Palestine, il envisagea par exemple une installation en Ouganda, sous la protection de l’Empire britannique. L’Argentine, le Birobidjan russe, le nord du Sinaï, la Mésopotamie, furent également des localisations discutées.
Ce que pensaient ces premiers sionistes, c’est qu’un État juif en Palestine :
— Serait un État laïc et démocratique, par neutralisation de la dimension religieuse.
— Ferait disparaître l’hostilité antijuive, avec la modernisation de l’existence juive.
— Assurerait définitivement la sécurité à tous les juifs.
— Permettrait aux Arabes de jouir des bienfaits techniques et sociaux apportés par les juifs, lesquels en retour seraient bien accueillis…
Pour Jabotinsky, l’autre grand théoricien de la fondation de l’État d’Israël, par contre, il devait s’agir de toute autre chose. Dans sa lettre sur l’Autonomie, il aborde la question du « sang » et défend l’idée qu’il est impossible à un homme de s’assimiler à un peuple dont le sang est différent du sien. Pour être assimilé, il faudrait qu’il change son corps. Il ne peut donc pas y avoir d’assimilation. Nous n’autoriserons pas de choses du genre des mariages mixtes parce que la préservation de notre intégrité nationale est impossible autrement que par le maintien de la pureté de la race ; et à cet effet nous aurons ce territoire dont notre peuple constituera la population racialement pure. Tel est en gros, en très gros, ce que pensait Jabotinsky.
Chez les juifs du XIXe siècle, voire du début du XXe, il est en effet très souvent question de la « race juive ». Les juifs eux-mêmes se disent appartenir à la race juive et même encore aujourd’hui la façon dont les juifs conçoivent le plus souvent la judéité (par la mère) est d’ordre biologique. Tel est le défi à relever par les hommes de bonne volonté d’aujourd’hui.
L’ÉTAT D’ISRAËL AUJOURD’HUI.
Il y a longtemps, très longtemps, un célèbre poète de la dynastie des Song, Su Shi (1037-1101) escalada le Mont Lushan. Il en découvrit toutes les splendeurs sauf une fois arrivé au sommet, à cause du brouillard. D’où son célèbre poème.
La montagne apparaît sous différents angles,
De loin ou de près, haut et bas varient.
Le vrai visage du mont Lu reste inconnu
À celui qui s’y trouve.
Conclusion : Se tenir proche d’une montagne vous empêche de voir la montagne. En d’autres termes, quand on est sur une montagne, on ne peut la voir en entier, et on passe à côté de sa beauté.
Enfin quand la montagne est belle et si elle est belle évidemment belle, aurait pu préciser Jean Ferrat (une chanson admirable des années 1960), mais le même raisonnement vaut si elle est moche, couverte de détritus laissés par les touristes, défigurée par le béton les routes inutiles et les stations de ski.
Plus près de chez nous il y a aussi le proverbe qui nous parle de L’ARBRE QUI CACHE LA FORÊT. Autre biais cognitif bien connu. Ou le même.
Conclusion. Les détails font perdre de vue l’ensemble. Si on se met trop près d’un arbre quelconque (le détail) on ne voit plus les autres arbres de la forêt (l’ensemble).
Faire appel à l’émotion en ne parlant que des victimes (israéliennes, palestiniennes ?) et jamais du coupable par peur de stigmatiser ou de faire de l’amalgame, déclencher des chasses à l’homme déplacées ou se trompant de cibles ; est certes un louable souci, mais ce sophisme NE PEUT…
— Que rendre impossible l’arrestation du coupable ou du moins la retarder considérablement ; et donc lui laisser le temps de faire encore d’autres victimes ; si un tel aveuglement n’est dû qu’à un excès de
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compassion pour les victimes. Or les victimes ne devraient être que le doigt vengeur ou accusateur pointant dans la direction du coupable. Mais voilà, comme le dit Confucius, quand le sage montre la lune du doigt, les imbéciles regardent le doigt !
— Et si c’est volontaire, cela revient purement et simplement à de la complicité.
Le judaïsme pur et dur ou sionisme religieux * est une idéologie religieuse comparable à un tueur en série dont il convient de dresser le portrait-robot si on veut réussir à le mettre hors d’état de nuire.
Et pour cela évidemment la typologie des victimes (qui sont les premières victimes ? Les Arabes ou les Juifs eux-mêmes) a certes de l’importance ; mais cette empathie pour les premières victimes ne doit pas faire oublier aux spécialistes du profilage des idéologies religieuses criminelles que nous sommes ; que ce qui importe en fin de compte au bout du bout : C’EST D’IDENTIFIER ET DE METTRE HORS D’ÉTAT DE NUIRE… le coupable !
*C’est-à-dire certains versets de la partie Ancien Testament de la Bible ou Tanakh suivis littéralement pour ne pas dire aveuglément, en tout cas sans interprétation nous amenant loin du sens initial ou traditionnel ; le tout systématisé explicité et justifié par certains théoriciens du Grand Israël ou certains rabbins ultra-orthodoxes. Dieu, ou plus exactement une certaine idée de Dieu, a toujours été le plus grand des communs diviseurs de l’Humanité.
L’État d’Israël repose sur trois données fondamentales et conjointes du judaïsme.
— Une donnée d’ordre religieux : le mythe biblique de la « Terre promise » à un « Peuple élu ».
— Une donnée d’ordre scripturaire : les textes exaltant la nation juive.
— Une donnée d’ordre juridique : la loi établissant la transmission héréditaire de la judéité. Loi du retour (2006). Article 4.B. Définition. Pour les besoins de la présente loi, un « Juif » désigne une personne née d’une mère juive ou convertie au judaïsme et qui n’est pas membre d’une autre religion.
Loi fondamentale de l’État d’Israël 19 juillet 2018.
1. Principes de base
A. La Terre D’Israël est la patrie historique du peuple juif, dans laquelle l’État d’Israël a été créé.
B. L’État D’Israël est le foyer national du peuple juif, dans lequel il remplit son droit naturel, culturel, religieux et historique à l’autodétermination.
C. Le droit d’exercer l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est unique au peuple juif.
2. Les symboles de l’état.
A. Le nom de l’état est « Israël ».
B. Le drapeau de l’état est blanc avec deux bandes bleues près des bords et une étoile bleue de David au centre.
C. L’emblème de l’état est une ménorah à sept branches avec des feuilles d’olive des deux côtés et le mot « Israël » en dessous.
D. L’hymne de l’état est « Hatikvah. »
E. Les détails concernant les symboles de l’état seront déterminés par la loi.
3. La capitale de l’État.
Jérusalem, complète et unie, est la capitale d’Israël.
4. Langue.
A. La langue de l’état est l’hébreu.
B. La langue arabe a un statut particulier dans l’état ; la réglementation de l’utilisation de l’arabe dans les institutions de l’état ou par celles-ci sera fixée par la loi.
C. Cette clause ne porte pas atteinte au statut donné à la langue arabe avant l’entrée en vigueur de cette loi.
5. Rassemblement des exilés.
L’État sera ouvert pour l’immigration juive et le rassemblement des exilés
6. Lien avec le peuple juif.
A. L’état s’efforce d’assurer la sécurité des membres du peuple juif en difficulté ou en captivité en raison de leur judéité ou de leur citoyenneté.
B. L’État agit au sein de la diaspora pour renforcer l’affinité entre l’état et les membres du peuple juif.
C. L’État agit pour préserver le patrimoine culturel, historique et religieux du peuple juif parmi les juifs de la diaspora.
7. Colonie juive.
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L’État considère le développement de la colonisation juive comme une valeur nationale et agira pour encourager et promouvoir sa création et sa consolidation.
8. Calendrier officiel.
Le calendrier hébreu est le calendrier officiel de l’état et à côté de lui le calendrier grégorien sera utilisé comme calendrier officiel. L’utilisation du calendrier hébreu et du calendrier grégorien sera déterminée par la loi.
9. Jour de l’indépendance et jours de commémoration.
A. Le jour de l’indépendance est la fête nationale officielle de l’état.
B. Le jour commémoratif pour les morts dans les guerres d’Israël et le jour du Souvenir de l’holocauste et de l’héroïsme sont des journées officielles de l’état.
10. Jours de repos et de sabbat.
Le Sabbat et les festivals d’Israël sont les jours de repos établis dans l’état ; les non-juifs ont le droit de maintenir des jours de repos sur leurs sabbats et festivals ; les détails de cette question seront déterminés par la loi.
11. Immutabilité.
Cette loi fondamentale ne peut être modifiée que par une autre loi fondamentale adoptée par la majorité des membres de la Knesset.
Malgré l’influence de son fondateur et de ses premiers théoriciens, tous très éloignés du judaïsme en tant que religion avec ses dogmes et ses pratiques, et qui n’avaient guère pour souci que la protection des juifs ; on peut dire que le sionisme a progressivement abandonné – avec l’entrée en scène des religieux – tous les éléments respectueux des non-juifs qu’il intégrait à l’origine. Pour ne garder pratiquement, depuis la création d’Israël et depuis la guerre de 1967, que le contenu potentiellement dangereux du judaïsme.
Avant 1947 il y avait, dans le discours des sionistes, un « État d’Israël ». Depuis la guerre de 1967, il s’agit de la « Terre d’Israël » (Eretz Israël) ; qui n’est pas une simple terre comme les autres », mais la terre que Dieu a donnée à Israël ; un peuple qui n’est pas comme les autres. Le premier concept n’était que politique, le second est national et religieux.
Alors que ce sont des juifs parmi les plus religieux qui se sont opposés à l’idéologie sioniste dès sa naissance, et pendant la première moitié du XXe siècle, au nom de la vocation spirituelle du judaïsme ; ce sont maintenant les juifs religieux, d’Israël et d’ailleurs, qui sont en effet les plus acharnés à soutenir l’État israélien, avec sa dimension territoriale et nationaliste. Et à témoigner de leur haine vis-à-vis des juifs qui pensent différemment, ou des non-juifs.
Donnée de plus en plus insupportable parmi bien d’autres à beaucoup d’Israéliens, ce sont les rabbins (les « hommes en noir ») qui décident ; de la nationalité, du mariage (bien entendu, tout mariage d’un juif avec une non-juive ou vice-versa est impossible…) du divorce, des enterrements, des conversions, du contenu de l’enseignement. Qui surveillent strictement le sabbat, qui veillent à l’observance de la cacherout (lois religieuses alimentaires) dans l’armée, les institutions d’État ou les avions. Alors que 22 000 couples se marient religieusement chaque année, 20 000 vont aussi se marier dans un consulat à l’étranger, ou vivre en concubinage, puisque le mariage civil n’existe pas. Tout ce qui concerne le mariage ou le divorce des juifs en Israël, nationaux ou résidents, relève en effet exclusivement de la compétence des tribunaux rabbiniques. Les mariages et divorces des juifs s’effectuent, en Israël, en vertu de la loi établie par la Torah ».
Un des derniers grands philosophes français, André Neher, analyse ainsi la gageure à relever pour tous les non-racistes conséquents de bonne volonté. Enfin du moins si nous l’avons bien compris. Nous reconnaissons bien volontiers ne pas maîtriser aussi bien qu’il le faudrait la langue de Molière.
« L’homme juif est plus qu’un simple être humain au sens banalement terrestre et technique du terme. La mission du Juif métaphysique, mais enraciné dans le physique, est la suivante : sensibiliser l’Histoire. L’humanité serait amorphe si le juif n’était pas omniprésent, partout, comme un cœur impulsant la sève divine dans l’organisme social. Sa mission est de mesurer le temps. Sur le cadran solaire des différents âges de l’Humanité, le juif montre l’heure éternelle de Dieu. Il exerce une fonction de mise en garde… nimbé d’une auréole prophétique, illuminé par le regard divin continuellement jeté sur lui, isolé dans l’étude et la pratique de la loi, droit debout dans la prière silencieuse qui l’abstrait du monde entier à l’exception de Jérusalem vers laquelle il se tourne corps et âme, le Juif est néanmoins un ouvrier de la surface de la Terre, adapté aux rythmes du temps humain et prêt à prendre les armes pour la défense du droit, etc. ».
Fin de cette excellente description de la psychose des sociopathes ultra-orthodoxes de Mea Shamir.
Mais où les non-juifs sont-ils, dans ce cas, autorisés à vivre, au sein de l’État juif ? La réponse est que, dans la plupart des lieux, ils n’ont purement et simplement pas le droit d’y vivre. La majorité des
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terres en Israël appartiennent à l’État qui les a soumis aux règlements interdisant à un non-juif d’y vivre. Il lui est interdit d’y construire une maison, d’y louer un appartement, d’y ouvrir un magasin, bref il lui est interdit d’y vivre. Cela est d’autant plus cruel que la plupart des terres à propos desquelles ces lois ségrégationnistes sont entrées en vigueur appartiennent à ces mêmes Palestiniens que l’on définit officiellement en Israël comme non-juifs, et leur ont été arrachées. Ils sont ainsi privés, même en tant que citoyens de L’État juif, du droit de jouir des terres de leur État. Il existe en Israël des villes entières comme Nazareth-Illith, Hatzor, Arad, Mitzphen-Ramon, Ramath-Eshkol (voir plus haut) où la loi interdit formellement aux non-juifs d’habiter. Dans la Rome antique, les étrangers non plus n’avaient pas le droit de cité… Mais il s’agissait de non-citoyens ! En Israël, la discrimination porte sur des citoyens. L’État d’Israël publie tous les ans un « Annuaire statistique d’Israël ». Dans cet annuaire, il est presque impossible de trouver des statistiques concernant les Israéliens. On ne trouve que des statistiques concernant les juifs et les non-juifs. Par exemple, il n’existe pas en Israël de statistiques sur la mortalité des Israéliens, mais des statistiques sur la mortalité des « juifs » et des « non-juifs ». Ainsi, lorsque l’État d’Israël enquête officiellement sur la mortalité infantile, il n’enquête pas sur la mortalité des enfants israéliens. Il y a des nourrissons juifs et des nourrissons non-juifs, qui, même statistiquement ne sont jamais confondus. Et si, dans certains cas, on les associe, on n’écrit pas alors « Israéliens », mais « Total ». Comme s’il s’agissait d’additionner des espèces différentes. Non seulement il n’existe pas d’Israéliens en Israël, mais les animaux et les plantes elles-mêmes sont divisés en juifs et non-juifs. Officiellement l’État d’Israël recense et classifie les vaches et les moutons, les tomates ou le blé, en « juifs » et « non-juifs ».
Mais de « I’État juif » qu’est Israël – formé des territoires attribués par les Nations-Unies aux sionistes et de ceux qui ont été annexés d’autorité ou par conquête militaire – on peut cependant retenir les données suivantes. Les non-juifs sont au nombre d’environ 2,5 millions (sur 10 millions d’Israéliens). Ce sont avant tout des Arabes musulmans avec un petit nombre d’Arabes chrétiens et de Druzes. Citoyens israéliens, ils ont le droit de vote et jouissent de certaines libertés, mais leurs droits sociaux et civiques ne sont néanmoins que partiels. Nombre de fonctions leur sont absolument interdites. Alors qu’ils représentent 25 % de la population, ils occupent à peine 2 % des emplois du service public et, pour la plupart, des emplois subalternes. On peut noter qu’ils furent soumis jusqu’en 1966 à un gouvernement militaire impitoyable, qui les astreignait à des permis de déplacement, au couvre-feu et aux assignations à résidence. Mesures destinées notamment à la confiscation de leurs terres au profit de la propriété juive. Si les discriminations dont ils sont l’objet se sont affaiblies avec le temps, ils sont néanmoins voués inexorablement à n’être, dans un État « juif », que des citoyens de seconde zone ; des guérim (singulier guer), des « résidents sur la terre d’Israël », des étrangers que l’on tolère dans la condescendance ou la suspicion.
Ce qui fut le cas d’Abraham d’ailleurs si l’on en croit Genèse 23, 4, et de David dans certains psaumes. Les intéressés apprécieront !
L’éducation est l’un des secteurs où les disparités entre les deux communautés sont les plus évidentes.
Comme l’État d’Israël actuel repose sur une discrimination fondamentale entre les juifs et les Arabes et, d’une manière générale, entre les juifs et les non-juifs, Israël ne sera jamais l’État de ses citoyens. Les non-juifs y seront toujours des étrangers.
L’État d’Israël d’aujourd’hui, c’est le « sang » plus le « sol », plus » Dieu ». La notion, avec ses sources scripturaires, est autrement précise et plus exclusive. En Israël le racisme antiarabe n’est que la forme, appliquée localement à un territoire précis, du racisme « anti goy ». Comment ce communautarisme spécifique du judaïsme qui, au nom de la filiation et de par la Loi ; sépare en Israël les juifs des non-juifs des juifs, qui n’admet que la juxtaposition de deux communautés avec la domination institutionnelle de l’une d’entre elles, qui exclut toute assimilation, toute intégration de la communauté minoritaire par la communauté majoritaire ; pourrait-il ne pas engendrer racisme chez les juifs et contre racisme réactionnel chez les Palestiniens ?
Menahem Barash, dans le quotidien Yediot Aharonot, en 1974, et à propos des Palestiniens, qu’il assimile sans doute à des Philistins, ce qui est ridicule, même si le nom de Palestine vient bien de celui des Philistins, en parle comme d’une peste dont les juifs devraient se débarrasser à la façon de Josué.
Il parle en effet avec beaucoup d’admiration des enseignements du Rabbin Moshe Ben-Zion Ushpizai de Ramat Gan, qui citait des textes bibliques et leur commentaire traditionnel pour expliquer comment l’Israël devrait faire avec les Palestiniens. « Avec un scalpel tranchant et une logique percutante », ce rabbin cite les écritures des « plus grands sages » pour éclairer les commandements, toujours valables aujourd’hui, quant à la manière « d’entrer en possession de la terre » qui a été promise par Dieu à Abraham. Nous devons suivre les doctrines de Josué, explique-t-il, en se rapportant aux textes génocidaires qui figurent dans le livre de Josué et ailleurs. « Le commandement biblique est de
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conquérir la terre d’Israël dans les frontières qui y sont précisées, d’en prendre possession et de la coloniser ». « Il est défendu » « de l’abandonner aux étrangers » (aux Gentils). « Il n’y a pas de place dans ce pays pour le peuple de l’Israël et pour d’autres nations. La signification pratique de [ce commandement] de posséder la terre est l’expulsion des autres peuples qui vivent sur elle » et qui essaient d’empêcher les Juifs du monde entier « de s’installer sur notre terre. » C’est « une Guerre Sainte, qui est commandée dans la Bible » et on doit lutter contre les Palestiniens, les Syriens, les Égyptiens, ou n’importe qui d’autre dans le monde » s’opposant à ce commandement divin. Il ne peut y avoir aucun compromis, aucun Traité de paix, aucune négociation avec « les peuples qui habitent cette terre. » « Vous les détruirez, vous ne conclurez aucun accord avec eux, vous n’aurez aucune pitié pour eux, vous ne vous marierez pas avec eux, » stipule la loi divine. Celui qui se tient au travers de notre route doit être annihilé, continue ce rabbin avec sa « logique percutante, » nombreuses citations d’autorités traditionnelles à l’appui.
La référence aux Philistins est évidemment ridicule. Les textes bibliques et quelques inscriptions assyriennes et babyloniennes nous renseignent sur certaines activités militaires des Philistins, sur leurs alliances et leurs défaites. Ils occupaient Gaza, Ashdod, Ascalon, Éqrôn et Gat (cf. Goliath), soit la côte méridionale de la Palestine (à laquelle ils ont donné leur nom). Il est probable qu’à l’origine les Philistins furent établis dans cette région par Ramsès III pour garder sa frontière. Dans un premier temps, l’avantage appartint aux Philistins qui remportèrent des victoires (prise de Silo, victoire de Guilboa), avant de finir par être contenus. Les bas-reliefs de Medinet Habou donnent une image physique de ces peuples : ils sont représentés comme des hommes de haute taille, aisément identifiables par leur curieuse coiffure de plumes dressées, maintenue par une jugulaire. Ils voyageaient sur des bateaux à proue et poupe en forme de tête d’oiseau, ou sur des chariots à roues pleines, traînés par des bœufs.
Le récit de l’héroïque victoire de David abattant Goliath avec sa fronde est évidemment une légende non à cause de la portée d’une telle arme, mais à cause de la mise en scène biblique qui nous montre le jeune David affrontant personnellement Goliath alors que ce dernier est évidemment tombé sous les coups de certains guerriers du jeune chef de guerre (une embuscade d’Elhanan d’après 2Sa 21 :19).
Maintenant que faut-il entendre par le mot « géant » ? La taille de l’adversaire de David, donnée dans l’écriture pour à peu près trois mètres, a été aujourd’hui ramenée à deux depuis que l’on a consulté les manuscrits de la mer Morte.
Goliath est dit être de la cité philistine de Gath. Ce lieu a fait l’objet de fouilles sous la direction d’Aren Maeir. Le plus étonnant, c’est que les squelettes que l’on a exhumés à Tel-es-Shafi sont particulièrement grands. Il a déjà été exhumé sept spécimens de taille exceptionnelle, dont le plus grand atteint un mètre quatre-vingt-dix.
Quant à la fronde, il ne faut effectivement nullement en sous-estimer la portée. Contrairement à une flèche, une balle de fronde n’a pas besoin de percer une armure pour provoquer des lésions. La portée d’une fronde est estimée à 200 m, elle était meurtrière à 70 m.
En Irlande, dans le récit intitulé Aided Óenfir Aífe (La Mort violente du fils unique d’Aifé), Conall Cernach est ridiculisé par Conla, le fils de Cúchulainn, âgé de sept ans. Alors que l’enfant débarque en Irlande (en provenance d’Écosse), Conall part à sa rencontre pour lui demander qui il est, mais il reçoit aussitôt une pierre de fronde qui le fait tomber et se retrouve pieds et poings liés.
Nous savons que les Philistins ont été des alliés des Égyptiens contre Nabuchodonosor au tournant du VIe siècle avant notre ère ; mais ce dernier ne semble avoir fait qu’une bouchée de ces ennemis qui ne pouvaient faire le poids devant l’imposante armée babylonienne. Nabuchodonosor leur a réservé le même sort qu’aux israélites et aux autres peuples conquis : il en a déporté les dirigeants et les classes les plus riches ; il a saccagé leurs villes. Il ne sera plus jamais fait mention des Philistins par la suite. Les principales villes qui furent jadis occupées par les Philistins deviendront des villes occupées par des Phéniciens pour ensuite accéder au statut de villes hellénistiques. Reste-t-il aujourd’hui des descendants des Philistins ?? La chose est peu probable. Comme plusieurs civilisations anciennes, ils se sont éteints, laissant la place à de nouvelles puissances qui, par leur politique expansionniste, assimileront ce qui pouvait rester de leurs prédécesseurs.
Mais revenons à notre époque et aux intifadas. En matière d’information, il existe des règles non écrites que les journalistes qui ne veulent pas d’ennuis, en Israël comme ailleurs, se doivent de suivre.
— Quand un juif israélien est tué, il convient de détailler sa biographie : âge, nom et prénom, profession, situation familiale, pays d’origine s’il s’agit d’un immigrant, croyance s’il est pratiquant… D’inclure des photographies suggestives prises sur le lieu du drame, avec le corps, le sang… Et, si la victime est un enfant, de parler de son école, de ses parents, de ses amis, bref d’obtenir des témoignages.
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— Quand des Palestiniens (ou des Arabes israéliens) sont tués, il convient non seulement d’éviter toute personnalisation pour qu’ils restent sans nom ni visage, mais d’utiliser le terme « abattus » et non « tués ». Exemple : « Au cours d’affrontements, un soldat israélien a été tué, trois Palestiniens abattus ».
— Civil. Il n’y a de « civils » que chez les juifs. Quand un colon armé est tué, c’est toujours un « civil » qui est tué. Les civils palestiniens tués ne sont pas des « civils », mais des Palestiniens. Tout court !
L’assimilation des juifs aux Israéliens (ou aux sionistes), semée à tout vent par nombre de religieux et de personnalités, est aujourd’hui la plus grave faute qui puisse être commise à l’encontre de la communauté juive dans son ensemble. Comment cette assimilation confusion, cet enrôlement systématique, indépendamment des convictions personnelles des individus, pourrait-il contribuer à faire du judaïsme une religion, par exemple comme le bouddhisme ?
D’où une légitime exaspération devant cette vague déferlante qui submerge tout discours sur le conflit israélo-palestinien depuis des années. Y compris des hommes de bonne volonté catalogués comme juifs de par leur ascendance (et qui ne songent nullement à le nier) devant cette vague de terrorisme intellectuel. Qui charrie les sophismes, les paralogismes, et les mensonges les plus grossiers, en quantité démesurée. Qui veut imposer à tous une image idéale et intouchable du juif en soi, avec des excès de narcissisme ethnocentrique dont on a du mal à trouver des exemples plus forcés, qui débouchent sur l’apologie des pratiques les plus condamnables.
— Cette vague étalée sur des millions de colonnes et de pages imprimées qui répandent sans arrêt des visions fausses des événements et des structures du passé ou du présent, persuadant des millions d’ignorants ou d’incompétents. – Cet effort quotidien – non seulement par les textes écrits, mais par les menaces, les manœuvres souterraines et autres – pour contraindre juifs (y compris ceux qui le sont surtout au sens hitlérien du mot) et non-juifs ; à adopter, à soutenir, cette idéologie, à s’enthousiasmer pour elle.
— Cette double inconscience ainsi répandue et imposée chez des milliers d’intellectuels et autres, des plus exigeants sur d’autres plans, qui pardonnent et masquent chez des juifs tant d’attitudes ou de comportements violemment condamnés chez les autres.
Les partis israéliens résolument racistes sont souvent dirigés par des religieux, personnes dont la qualité de « représentants légitimes » du judaïsme ne saurait pourtant être contestée.
Le mouvement hassidique Habad, mouvement qui a pris un extraordinaire essor dans le monde juif et particulièrement dans l’État moderne d’Israël, où il se range à l’extrême droite de l’échiquier politique ; a par exemple été fondé par Chnéour Zalman (1745-1813) qui comparait les âmes/esprits des nations non-juives à celles des porcs, les juifs ayant, seuls, une âme divine.
Face à de tels propos, Moshé Zimmermann (chef du département d’études germaniques à l’université de Jérusalem) n’hésite pas d’ailleurs à parler de judéonazisme populaire sévissant parmi les juifs d’Israël et de certains pays anglo-saxons. « Il y a un secteur entier de la population juive que je définis, sans hésitation, comme une copie des nazis allemands. Regardez les enfants des colons d’Hébron, ils ressemblent exactement à la jeunesse hitlérienne. Depuis leur enfance, on les imprègne de l’idée que tout Arabe est mauvais, et que tous les non-juifs sont contre nous. On leur a lavé le cerveau dès l’enfance en leur inculquant que les Arabes sont tous mauvais ou plus ou moins antisémites, en en faisant ainsi des paranoïaques et de racistes, exactement comme les jeunesses hitlériennes ».
Hannah Arendt écrit plus sobrement : « L’hostilité générale des non-juifs est considérée comme un fait inaltérable et éternel de l’histoire juive […]. Cette attitude est pur racisme chauvin et il est évident que cette division entre les juifs et tous les autres peuples – tenus pour ennemis – ne diffère pas des autres théories de la race des seigneurs » (Écrits juifs).
En créant l’État d’Israël après le génocide nazi, les Nations-Unies avaient une intention tout à fait louable : la sécurité des juifs. Mais, par une terrible ironie du sort, ce sont les juifs d’Israël qui, depuis plus de soixante-dix ans, sont les seuls juifs du monde à vivre en permanence dans la tension, le doute, l’angoisse et l’insécurité ; à subir la guerre, à porter des armes et à appliquer l’infernale loi du talion, à naviguer entre la peur et la rage et à rêver d’exil.
Qu’Israël soit devenu ce concentré de haine d’ordre racial et de violence est dans la logique des choses. Parmi toutes les grandes religions de masse, seul le judaïsme – en totale opposition avec une partie de lui-même : l’option universaliste de certains de ses penseurs des derniers siècles – a consubstantiellement cette tare d’avoir inventé et promu deux « genres » humains. Les Élus et les Autres, les juifs et les goïm, les non-juifs… Tous les ingrédients sont réunis, en Israël, pour que s’épanouissent dans les esprits et dans les faits ; et une hostilité des juifs envers les non-juifs – hostilité à laquelle va répondre une hostilité réactionnelle des non-juifs envers les juifs – et une hostilité des juifs entre eux. Ainsi se développent et s’amplifient avec le temps les haines intercommunautaires et les violences. Entre religieux et laïcs, faucons et colombes, ultranationalistes
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et internationalistes, fondamentalistes et libéraux, fascistes et socialistes, séfarades et ashkénazes… Tandis que l’Israélien moyen vit dans une tension permanente, les affrontements ne sont pas que verbaux. Depuis 1990 les incendies de voitures et d’appartements appartenant à des représentants de la gauche israélienne, ou les menaces de mort qui leur sont adressées, ainsi qu’à nombre d’écrivains, ont inauguré une « guerre des cultures ».
Celle-ci est telle que le Premier ministre Yitzhak Rabin en est mort – après que des malédictions religieuses eurent été appelées sur lui – tué par un de ses compatriotes, Yigal Amir, considéré par toute une communauté comme « envoyé de Dieu ».
Cet assassinat fut vraisemblablement légitimé par le décret religieux de certains rabbins extrémistes qui avaient désigné Rabin comme rodef (persécuteur) ou comme moser (dénonciateur, c’est-à-dire celui qui livre des juifs à un pouvoir étranger). Ce qui justifiait donc selon eux sa mise à mort. « Rabin sera chassé par le feu et dans le sang », hurlait d’ailleurs la foule quelque temps avant son assassinat. Les menaces de mort pesant sur nombre de personnes et émanant notamment des haredim (ces « craignant Dieu » qui, selon les statistiques, font peur à 70 % des Israéliens) sont telles, que les 14 juges de la Cour suprême sont placés sous protection policière permanente.
Compte tenu de la haine développée par une partie notable de la droite israélienne, à l’encontre de ceux qui se montrent prêts à rétrocéder quelques pouces de terrain aux Arabes ; une guerre civile n’est pas à exclure malgré le puissant tabou pesant sur le meurtre d’un juif.
En dehors de la peur assez généralisée, il n’y a plus guère que l’antagonisme envers les Arabes qui puisse réunir quelque peu les juifs d’accord avec cette politique. Encore que les nuances soient grandes entre les partisans d’un certain respect et ceux qui, voulant expulser les Palestiniens jusqu’au dernier, défilent en hurlant « Mort aux Arabes ! » Et n’hésitent pas à promouvoir la violence, voire le meurtre, ou à approuver ostensiblement les assassins.
Quant à l’hostilité antijuive, loin de disparaître comme le pensaient les promoteurs du sionisme politique (tels Léon Pinsker et Théodore Herzl), elle s’aggrave chaque jour par un processus de généralisation parfaitement abusif, mais, hélas, terriblement humain.
Le sionisme est sans doute l’unique exemple d’un mouvement d’inspiration initialement pacifique – la sécurité des juifs – se transformant progressivement, de par sa logique interne, en un mouvement de plus en plus agressif ; pour aboutir, comme le prévoyait Hannah Arendt dès 1948 (voir plus haut), au pays le plus militariste et le plus militarisé du monde.
Après la capitulation des laïcs devant les religieux, le Sionisme a en effet eu pour conséquences ce qui suit.
— L’extension du racisme anti-arabe chez les juifs.
— L’apparition du racisme antijuif chez les Arabes, et son aggravation en Occident.
— L’exclusion de toute une population non-juive au nom d’une donnée de la mythologie hébraïque datant de trente siècles.
— L’émergence de la violence physique, au sein du judaïsme qui, jusque-là, en était pratiquement indemne.
— L’abandon par le judaïsme de sa vocation spirituelle au bénéfice d’une entreprise territoriale étroitement nationaliste.
— La transformation de frères et de fils de persécutés en persécuteurs.
— L’irruption en Israël de pogroms dirigés, non plus contre des juifs (suivant la définition classique des dictionnaires), mais contre des non-juifs.
Bref, en soixante ans, on est passé de celui qui défile en colonne les mains en l’air, à celui qui fait défiler en colonne les mains en l’air.
L’État d’Israël est une société de ghetto tout à fait classique.
— Par sa motivation : la protection vis-à-vis des non-juifs vus comme potentiellement hostiles.
— Par son inspiration biblique (avec le mythe de l’Élection divine et de la Terre promise) et par la Loi du sang véhiculant implicitement la notion de « race ».
— Par le type de société engendré : une société se considérant comme une élite, violente à l’égard des non-juifs ;
— Par l’hostilité réactionnelle, voire le racisme, des non-juifs environnants.
Elle diffère des ghettos précédents par le fait qu’elle concerne toute une région, que sa violence – morale et physique – a évolué dans sa forme ; et qu’elle a été créée, avec l’appui d’une communauté de nations travaillée par de puissants groupes de pression. En tout premier lieu la puissante Christian Coalition, avec ses deux millions de membres et ses quinze à dix-huit millions de sympathisants, qui, par l’intermédiaire des Christian Friends of Israeli Communities, apporte à Israël un puissant soutien. À la fois d’ordre politique (en soutenant avec conviction que toute la Palestine historique appartient aux juifs en vertu du droit divin), économique (en finançant notamment les colonies) et psychologique (en se faisant les avocats inconditionnels d’Israël).
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Deux raisons essentielles expliquent en effet l’attitude de nombreux chrétiens face à Israël n. D’une part leur adhésion au mythe de l’Alliance divine, mythe qu’ils ont adopté et intégré comme une donnée fondamentale de leur doctrine. C’est particulièrement le cas des chrétiens millénaristes, des mormons, des évangélistes, des baptistes, des pentecôtistes… ils voient la naissance de l’État d’Israël et son expansion territoriale comme une étape nécessaire aux projets de Dieu pour l’Humanité. Avec, in fine, la conversion des juifs au christianisme et le retour de Jésus dans toute sa gloire (la parousie). D’autre part leur responsabilité dans le génocide hitlérien après leur hostilité antijuive traditionnelle (c’est particulièrement le cas des catholiques).
MAIS C’EST QUOI UNE RELIGION FINALEMENT ?
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S’il ne faut pas faire entrer dans la définition de la religion des éléments qui ne se retrouvent qu’en certaines formes religieuses déterminées, quelle que soit d’ailleurs l’importance que peuvent prendre les formes en question, exemple l’ethnocentrisme, il faut cependant lui donner aussi quelque précision et un contenu positif.
Il importe néanmoins pour autant de ne pas la réduire à un facteur unique, qui, bien que présent partout, n’est jamais seul présent et ne prend toute sa signification et sa valeur que par son association avec d’autres sentiments et d’autres concepts. Exemple les prières.
Une des plus acceptables définitions de la religion est celle qui a été fournie par le grand historien belge Eugène Goblet d’Alviella en 1892 :
« Par religion, j’entends la façon dont l’homme réalise ses rapports avec les puissances surhumaines et mystérieuses dont il croit dépendre ».
À quoi Serge Odra rajoute.
« Mais ce serait ne pas avoir de l’état d’âme du non civilisé vis-à-vis de ses dieux une idée très exacte que de se le représenter comme aspirant en toutes circonstances à vivre avec eux en une étroite communion. En bien des cas, son plus cher désir, c’est de les tenir à distance, d’obtenir d’eux qu’ils n’interviennent pas dans sa vie, qu’ils ne troublent point par l’exercice arbitraire de leur volonté les sûrs effets que doivent produire sur les événements naturels et sociaux les rites magiques, accomplis suivant des règles, dont l’utilité et l’efficacité semblent à ses yeux se vérifier chaque jour par l’expérience. Et lors même qu’il a conclu avec certains des êtres surhumains qui l’entourent une alliance, un pacte qui les assujettit envers lui, et lui envers eux, à des obligations réciproques, lors même qu’il tente de faire aussi étroite, aussi intime que possible cette artificielle parenté avec ses dieux, il est un grand nombre de personnages, investis des mêmes dons et de la même puissance, à l’égard desquels il n’a pas de devoirs définis, qui ne lui accordent nulle protection et dont il cherche à se concilier la bienveillante neutralité ou qu’il tente de contraindre par des incantations et des charmes à une entière inaction envers lui. Ces êtres divins, son seul souci est de les tenir hors d’état de lui nuire et, cependant, dans les sentiments qu’il éprouve envers eux figurent indéniablement des éléments de même nature que les émotions dont s’accompagnent les sacrifices qu’il accomplit pour ses protecteurs, les prières qu’il leur adresse. Son attitude envers les dieux, qui ne sont pas ses dieux, est une attitude religieuse, et néanmoins, il n’aspire pas à s’unir à eux, il ne le conçoit même point comme possible, il souhaite les éloigner de lui ; mais ce n’est pas seulement de la crainte qu’il ressent en leur présence, c’est une sorte de respect pour le caractère auguste dont ils sont revêtus, pour la puissance indéfinie qui émane de leur personne.
C’est une raison analogue qui nous oblige à écarter la plupart des définitions de la religion proposées par les théologiens. Elles admettent presque toutes en effet la présence dans le sentiment religieux d’un élément éthique qui en est souvent absent, et elles assignent comme origine à cette prière, où l’homme se tourne vers en haut pour demander aide et secours, la conscience du péché, conscience bien obscure et presque exclusivement sociale aux périodes les plus anciennes de l’histoire qu’il nous soit donné d’atteindre. L’émotion religieuse a sa source dans l’individu même, si large qu’il faille faire la part de la suggestion collective, exercée en un même groupe par tous les membres qui le composent sur chacun d’entre eux, mais la morale est œuvre sociale et exclusivement sociale. La notion d’obligation est implantée du dehors dans la conscience, elle est la forme que prend dans l’âme individuelle l’obscure perception des infrangibles liens qui unissent, les uns aux autres les membres d’un même corps social.
On pourrait aussi accepter, en l’amendant quelque peu, la manière de voir qu’exprimait Jean-Marie Guyau dans son livre sur l’irréligion de l’avenir (1887) :
« L’homme devient vraiment religieux, lorsqu’il superpose à la société humaine, où il vit, une autre société plus puissante et plus élevée, une société universelle et pour ainsi dire cosmique ».
« Le lien religieux, dit-il en un autre passage, a été conçu ex analogia societatis humanae : on a d’abord étendu les relations des hommes entre eux, tantôt amis, tantôt ennemis, à l’explication des faits physiques et des forces naturelles, puis à l’explication métaphysique du monde, de sa production, de sa conservation et de son gouvernement ; enfin on a universalisé les lois sociologiques et l’on s’est représenté l’état de paix ou de guerre, qui règne entre les hommes, entre les familles, les tribus et les nations, comme existant aussi entre les volontés qu’on plaçait sous les forces naturelles et au-delà de ces forces. Une sociologie mythique ou mystique conçue comme contenant le secret de toutes choses, tel est le fond de toutes les religions… ».
Cette affirmation de la possibilité pour l’homme d’entrer en relation avec des êtres surhumains dont la puissance dépasse la sienne et dont l’action se fait ou peut se faire sentir dans la direction de sa propre vie et suscite tous les événements de la nature se retrouve, en effet, dans toutes les religions,
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sauf en certains types aberrants, comme le bouddhisme primitif, et encore faut-il dire que même ici la conception courante est remplacée par des conceptions connexes et très analogues.
Ainsi que nous l’avons dit plus haut, toute définition de la religion est, en raison même de la nature particulière des phénomènes religieux, arbitraire et partielle, et l’on ne peut réussir à donner de l’ensemble d’actes, de concepts, d’images et de sentiments organiquement unis, que l’on comprend sous ce vocable, une idée d’une exactitude suffisante, qu’en indiquant en une esquisse rapide comment s’est constituée l’activité religieuse et quelles formes diverses elle a successivement revêtues ».
Serge Jodra. Dont nous saluons Imago Mundi, son encyclopédie libre en ligne.
Une religion est donc un ensemble de réflexes ou de comportements (peur de la mort, sentiment de supériorité, intolérance, ou leurs contraires, la certitude d’avoir une vie meilleure après la mort, la modestie et l’humilité, etc.) qui se transmettent de génération en génération au moyen (ou accompagnés de) de croyances diverses (dogmes, doctrines) d’ordre métaphysique et non scientifique, touchant à la place de l’homme dans le monde, sa nature, son origine ou sa destinée, le comportement qu’il doit adopter dans sa vie. Le tout accompagné de pratiques tout aussi diverses et variées (rites, etc.).
Le comportement qu’il doit adopter dans la vie… Le comportement qu’il doit adopter dans la vie…
Dès que l’on sort de la simple pression d’un certain conformisme pour passer à la menace ou à la contrainte sous peine de sanctions diverses en ce monde, on entre dans le domaine de l’inacceptable.
En dehors de certains – ismes bien connus, les idées, voire a fortiori les idéologies, les modes, n’ont pas d’existence propre. Elles n’ont ni naissance ni croissance ni déclin ni mort ni autre adynamique intrinsèque pouvant être étudiées.
La mode étant ainsi au nihilisme dans les médias (car c’est ainsi que je préfère appeler l’existentialisme aveugle qui fait fureur actuellement dans notre pays) il ne manquera donc pas d’observateurs pour objecter que :
a) Il existe autant de religions ou d’idéologies ainsi définies que d’individus
b) Les religions ou les idéologies ainsi définies, c’est-à-dire communes à plus d’un individu, n’existent pas.
d) Le judaïsme existe, mais il n’est qu’amour paix et volupté. Le judaïsme existe, mais il n’est que… les mêmes placent en général à cet endroit tout ce qui leur semble positif et hautement louable.
e) Il n’existe pas un judaïsme, mais des judaïsmes…
f) Le judaïsme n’existe pas.
En ce qui nous concerne, nous sommes essentialistes en matière de religion ou d’absence de religion, mais d’un essentialisme modéré qui n’exclut pas une certaine forme d’existentialisme. La surface d’un triangle est-elle fonction de sa base “ou” de sa hauteur ? Des deux, et dans des proportions ne dépendant que du triangle particulier considéré. Il en va de même des hommes. Chrétien, juif, musulman, bouddhiste, hindouiste ou athée, sont des catégories humaines pertinentes. Les hommes et les femmes élevés selon ces principes ont bien des réflexes conditionnés en commun qui contribuent à déterminer leur surface, mais ils sont évidemment aussi le résultat d’une histoire personnelle, d’une destinée, de diverses prédispositions génétiques à telle ou telle maladie, etc. qui font que chacun, à l’intérieur desdites catégories générales en question (musulman juif athée chrétien bouddhiste païen…) est une personne unique, une personne individualisée bien particulière.
En ce qui nous concerne nous admettons donc qu’il existe des hommes et des femmes que l’on peut regrouper ou distinguer des autres en fonction de leurs réflexes ou de leurs comportements dans la vie (peur de la mort, sentiment de supériorité, intolérance, ou leurs contraires, la certitude d’avoir une vie meilleure après la mort, la modestie et l’humilité, etc.) qui se transmettent de génération en génération au moyen (ou accompagnés) de croyances diverses (dogmes, doctrines) d’ordre métaphysique et non scientifique, touchant à la place de l’homme dans le monde, sa nature, son origine ou sa destinée, le comportement qu’il doit adopter dans sa vie. Le tout accompagné de pratiques tout aussi diverses et variées (rites, etc.).
Tout en distinguant à l’intérieur de ces ensembles, des sous-ensembles (ce que les orthodoxies quand orthodoxie il y a – car ce n’est pas le cas dans les religions païennes par exemple – qualifient généralement d’hérésies).
Et tout en reconnaissant humblement que nous ne savons où mettre dans ce classement un certain nombre de cas limites (où mettre les juifs athées, les chrétiens non trinitaristes ne croyant pas que Jésus est dieu, les moutazilites ne croyant pas au caractère divin du Coran, les Druzes, et le bouddhisme est-il d’ailleurs une religion ???
Toujours en ce qui nous concerne nous admettrons donc plus précisément qu’il existe des femmes et des hommes
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a) Croyant en l’existence, non du Dieu des philosophes (déisme ?), mais d’un dieu unique créateur de ce monde et de l’Homme (le démiurge ?)
b) Croyant avoir été élus par cette entité pour être son peuple à lui.
c) Se référant à des personnages mythiques appelés Abraham ou Moïse.
d) Accordant beaucoup d’importance à un livre appelé la Torah (partie Ancien Testament de la Bible).
e) Croyant au retour un jour d’un homme exceptionnel devant assurer leur gloire (le messie) collective, etc.
f) Croyant en une future résurrection des morts et en un jugement dernier.
g) Croyant en une sorte de nouveau paradis terrestre à venir autour de Jérusalem.
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KANT ET LE JUDAÏSME.
Il est vrai que d’après Kant (la religion dans les limites de la simple raison), le judaïsme n’est pas une vraie religion.
Ci-dessous son raisonnement.
La croyance juive n’est pas autre chose, dans son institution originaire, qu’un ensemble de lois simplement statutaires sur lequel se basait une constitution civile ; les compléments moraux qui alors même ou dans la suite lui furent ajoutés ne font point partie en effet, c’est une chose incontestable, du Judaïsme comme tel. En vérité le Judaïsme n’est point une religion ; on n’y peut voir que l’association d’un certain nombre d’hommes, qui, appartenant à une race particulière, avaient constitué non une Église, mais un État régi par de simples lois politiques ; cet État devait être même purement temporel, de sorte que, si le revers des temps parvenait à le morceler, il demeurât toujours au Judaïsme cette foi politique (qui lui appartient essentiellement) qu’un jour on en verrait le rétablissement (lors de la venue du Messie). La théocratie qui est à la base de cette constitution politique (sous la forme visible d’une aristocratie de prêtres ou de chefs qui disaient recevoir immédiatement de Dieu leurs instructions), ni par suite le nom de Dieu qui, en réalité, n’est ici honoré que comme un régent temporel qui n’a ni la prétention de régner sur les consciences, ni celle d’avoir de la conscience, ne sauraient la changer en constitution religieuse. La preuve qu’elle n’a pas dû être quelque chose de tel est de la plus grande évidence.
Premièrement, toutes les prescriptions sont de telle nature qu’une constitution politique peut, elle aussi, les conserver et les imposer comme lois de contrainte, puisqu’elles sont relatives exclusivement à des actions extérieures, et bien que les dix commandements, même sans le secours d’une promulgation, aient déjà, en tant que moraux, leur valeur devant la raison, cette législation n’exige pas qu’on joigne à leur observation l' intention morale (dont le Christianisme fera plus tard l’œuvre essentielle), mais ne vise tout simplement que l’observation extérieure. C’est là d’ailleurs ce que met en lumière l’observation qui suit.
Deuxièmement, toutes les conséquences de l’accomplissement ou de la transgression de ces commandements, toutes les récompenses et tous les châtiments n’étaient que d’ordre temporel, chacun pouvant sur cette terre recevoir le prix de ses œuvres, et ne répondaient pas à des concepts moraux, puisque la postérité, elle aussi, devait avoir sa part de faveurs ou de peines pour des faits ou pour des méfaits auxquels elle n’avait pris aucune part active, ce qui sans aucun doute, dans une constitution politique, est un moyen prudent de se concilier l’obéissance, mais serait contraire à toute équité dans une constitution morale.
Comme sans la croyance à une vie future on ne peut concevoir aucune religion, le Judaïsme, en tant que tel, pris dans sa pureté, ne contient donc pas de foi religieuse. C’est ce qui sera confirmé par l’observation suivante. Il est difficile, en effet, de douter que les Juifs, comme les autres peuples, même les plus grossiers, n’aient eu une croyance à une vie future, par conséquent un ciel et un enfer, car cette croyance, en vertu de la disposition morale universelle dans la nature humaine, s’impose d’elle-même à tous. C’est donc sûrement à dessein que le législateur de ce peuple, bien qu’on nous le représente comme Dieu même, n’a pas voulu tenir le moindre compte de la vie future, ce qui montre bien que son intention n’était que de fonder un État politique et non pas un État moral ; quant à parler, dans cet état, de récompenses et de châtiments qui ne sauraient être visibles au cours de cette vie, c’eût été là, par hypothèse, un procédé tout à fait inconséquent et très maladroit. Dans la suite, les Juifs, on ne peut en douter, se sont fait, chacun pour lui-même, une certaine foi religieuse qu’ils mêlaient aux articles de leur foi statutaire, mais cette croyance supplémentaire n’a jamais, toutefois, fait partie intégrante de la législation du Judaïsme.
Troisièmement, le Judaïsme, au lieu d’être une époque du développement de l’Église universelle ou d’avoir lui-même, en son temps, constitué l’Église universelle, excluait au contraire de sa communauté toute l’espèce humaine, se considérant comme un peuple particulièrement élu de Jéhovah et ennemi de tous les autres peuples, par suite en butte aux hostilités de chacun. Au reste, il ne faut point surfaire l’honneur qui revient à ce peuple de s’être donné pour souverain maître un Dieu unique qu’aucune image visible ne saurait représenter. Car la doctrine religieuse de la plupart des autres peuples se trouve avoir le même objet (darauf gleichfalls hinausging) et ne devient suspecte de polythéisme que par la vénération de certaines puissances divines, dieux secondaires subordonnés à ce Maître absolu. En effet, un Dieu qui veut simplement l’obéissance à des commandements qui ne requièrent point une amélioration de l’intention morale n’est pas à proprement parler l’Être moral dont le concept est nécessaire pour une religion. Cette religion se trouverait plutôt dans une croyance à de nombreux êtres invisibles et puissants – en admettant qu’un peuple les conçût de telle manière que,
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malgré la diversité de leurs départements, ils s’accordent tous cependant à ne placer leur complaisance qu’en ceux qui s’attachent de tout leur cœur à la vertu – que dans la croyance à un Être unique, mais qui ferait du culte mécanique la principale affaire.
Il est vrai que le judaïsme ne traite guère du destin de l’âme après la mort et que son eschatologie ne nous entraîne pas davantage dans un autre monde, si ce n’est pour ce qui est de la résurrection des morts, car la gloire de la Jérusalem à venir reste bien terrestre et bien humaine (trop humaine).
Suivre Kant à la lettre nous amènerait néanmoins à ne pas traiter du judaïsme dans notre brève approche druidique des religions et à ne l’envisager que sous l’angle de la politique. Ce que nous ferons certes dans notre chapitre sur L’État d’Israël, mais en attendant, et n’en déplaise à Kant, nous commencerons par traiter du judaïsme ancien ainsi qu’une religion, COMME UNE AUTRE, COMME BEAUCOUP D’AUTRES dans la catégorie hénothéisme ou monolâtrie.
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RAPPEL.
Thomas Aikenhead (28 mars 1676, 8 janvier 1697). Étudiant écossais d’Édimbourg, fut la dernière personne à être pendue pour blasphème en Grande-Bretagne. En France, ce fut le chevalier François-Jean Lefebvre de La Barre quelque quatre-vingt-dix ans plus tard ainsi que nous allons le voir.
Thomas Aikenhead fut inculpé en décembre 1696 sous le chef d’accusation suivant (en résumé)…
L’accusé a soutenu à plusieurs reprises dans diverses conversations que la théologie était un tissu d’absurdités grossières, pour partie tirée de la doctrine morale des philosophes, et pour partie de fictions poétiques ou d’autres chimères tout aussi extravagantes. Il a tourné en ridicule les saintes Écritures, traité de fables à l’instar de celles d’Ésope le livre d’Esdras dans l’Ancien Testament ; s’est moqué du Christ en prétendant qu’il avait appris l’art de la prestidigitation en Égypte, ce qui lui aurait permis d’exécuter les tours de magie que l’on a considéré plus tard comme des miracles. Il a qualifié le Nouveau Testament d’histoire de l’imposteur appelé le Christ ; soutenu que Moïse fut un plus grand magicien et un meilleur politicien que lui, qu’il préférait Mahomet ; en outre que les Saintes Écritures étaient truffées de tant de folies, d’absurdités ou de contradictions, qu’il était sidéré par le fait que le monde entier a pu être berné si longtemps par une telle imbécillité. Il a renié le mystère de la Sainte Trinité, ne le jugeant même pas digne d’être réfuté, enfin il s’est moqué du mystère de l’incarnation du Christ. Il a aussi assuré que le christianisme aurait totalement disparu en 1800.
Aikenhead fut également inculpé pour avoir déclaré un jour : « Je voudrais être dans ce lieu qu’Esdras appelle l’Enfer, afin de pouvoir m’y réchauffer ». Cette déclaration de sa part fut faite en passant devant l’église de Tron Kirk, alors qu’il rentrait d’une nuit de beuverie avec des camarades de classe.
L’accusation fut soutenue par James Stewart (le grand-père du futur grand économiste jacobite James Denham-Steuart) qui demanda la peine de mort afin de servir d’exemple à ceux qui seraient tentés d’exprimer de semblables opinions à l’avenir. Aikenhead se rétracta au cours de l’audience et implora la clémence du tribunal, mais en vain, et il fut condamné à mort par pendaison. Le matin du 8 janvier 1697, Thomas écrivit à ses amis : « Les hommes ont un penchant insatiable pour la recherche de la vérité, être toujours à sa recherche ainsi qu’un trésor enfoui est inné en eux… » Sur l’échafaud il réitéra aussi sa conviction que les lois morales avaient une origine humaine et non pas divine.
Thomas Babington Macaulay a dit un jour de la mort d’Aikenhead que « ce jour-là, la foule des prêcheurs entourant ce pauvre garçon, au pied de la potence, a certainement insulté le Ciel de prières encore plus blasphématoires que tout ce qu’il avait pu dire ».
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RAPPEL.
François-Jean Lefebvre de La Barre(12 septembre 1746, 1er juillet 1766).
Le chevalier François-Jean Lefebvre de La Barre, né le 12 septembre 1746 au château de Férolles-en-Brie, exécuté à Abbeville le 1er juillet 1766, est au même titre que l’Écossais Thomas Aikenhead en 1697, une victime de l’intolérance religieuse au siècle des Lumières dans une affaire où s’investiront les philosophes des Lumières au nom de la tolérance religieuse.
L’affaire commence suite à la dégradation, découverte le 9 août 1765, de la statue du Christ s’élevant sur le pont neuf d’Abbeville. Cette statue avait été tailladée à plusieurs endroits par « un instrument tranchant » qui, comme l’écrivit l’huissier du roi, provoqua ainsi à la jambe droite « trois coupures de plus d’un pouce de longueur chacune et profonde de quatre lignes » et « deux coupures à côté de l’estomac ». L’émotion dans la cité picarde est immense, car, selon l’Église catholique, par ce geste, c’est Dieu, et non pas seulement son symbole, qui est frappé. Ainsi, signe de la gravité de ce blasphème, l’évêque d’Amiens lui-même, Mgr Louis-François-Gabriel d’Orléans de La Motte mène, pieds nus, la cérémonie « d’expiation » pour réparer ce sacrilège, en présence de tous les dignitaires de la région.
Qui a commis ce blasphème ? Les rumeurs vont bon train, mais, faute de preuve, il faut recourir à une enquête très poussée pour punir un tel blasphème. Les curés incitaient même à la délation lors des messes du dimanche. Finalement, l’enquête est menée par Duval de Soicour, lieutenant de police d’Abbeville, qui s’implique avec acharnement, n’hésitant pas à fournir de fausses accusations et de faux témoignages, et par le lieutenant du tribunal local Belleval, qui est un ennemi personnel du chevalier de La Barre, depuis que sa tante, l’abbesse de Willancourt, a repoussé ses avances.
Intimidées, les personnes interrogées accusent le chevalier de La Barre et deux « complices », Gaillard d’Etallonde et Moisnel, d’avoir chanté deux chansons libertines irrespectueuses à l’égard de la religion et d’être passés devant une procession en juillet 1765 sans enlever leur couvre-chef. Pire, les trois hommes par défi refusent de s’agenouiller lors du passage de cette même procession. Après dénonciation, une perquisition menée au domicile de La Barre conduit à la découverte de trois livres interdits (dont le Dictionnaire philosophique de Voltaire et des livres érotiques) qui achève de le discréditer en dépit d’un solide alibi. Par malheur pour de La Barre, l’évêque d’Amiens et les notables locaux (encouragés par d’influents dévots attachés à la tradition) souhaitaient faire de ce cas un véritable exemple.
Pensant être innocenté grâce aux relations de sa famille, le chevalier de La Barre ne prépare pas sa fuite et il est arrêté le 1er octobre 1765 à l’abbaye de Longvillers, malgré le remarquable plaidoyer du journaliste et avocat Linguet ainsi que la défense des amis de l’abbesse de Willancourt devant le parlement de Paris, la condamnation aux galères obtenue en première instance (au tribunal de l’élection concernée) est commuée en condamnation à mort. Le roi de France lui-même est sollicité, mais peu convaincu par les arguments des défenseurs du chevalier, il lui refuse sa grâce malgré l’intervention de l’évêque d’Amiens.
Le chevalier de La Barre est donc condamné, à subir la torture ordinaire et extraordinaire pour dénoncer ses complices, à avoir le poing et la langue coupés, à être décapité et brûlé avec l’exemplaire du Dictionnaire philosophique cloué sur le torse. Cette sentence pour blasphème est exécutée le 1er juillet 1766 à Abbeville par cinq bourreaux spécialement envoyés de Paris (dont le bourreau Sanson qui lui tranchera la tête). « Je ne croyais pas que l’on pût faire mourir un gentilhomme pour si peu de chose » auraient été ses dernières paroles.
Il fut, par la suite, établi que la dégradation du crucifix à l’origine de l’affaire du chevalier de la Barre aurait été causée par l’accident d’une charrette chargée de bois. Le chevalier de la Barre était dans sa chambre la nuit de la dégradation du crucifix. Cette condamnation était de toute façon privée de base légale même dans la France de l’époque ; la Déclaration du 30 juillet 1666 sur le blasphème ne prévoyant pas la peine de mort.
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NOMS DE DIEU.
Nous appliquerons ici dans ce bref essai la méthode d’analyse mise en œuvre jusque-là dans notre étude des légendes irlandaises et développées dans nos nombreux contre-lais (pas de jaloux !).
Ethné Aitencaithrech dans la tradition irlandaise signifie « aux cheveux couleur d’ajonc ». Cette Ethné Aitencaithrech ne peut qu’être un autre nom de Mugain, l’épouse de Cunocavaros/Conchobar.
Ethné Inguba ne peut qu’être un autre nom d’Aemer l’épouse (l’épouse légitime et non une maîtresse comme le traduit Eugène O’Curry, abusé par la différence de nom) du Hésus Cuchulainn dont le nom le plus connu apparaît dans la deuxième partie du récit, une deuxième partie ayant vraisemblablement constitué un épisode distinct à l’origine, avant d’être réuni sous le même en-tête par on ne sait quel barde ou moine copiste. Ce qui compte ce sont les grandes lignes de l’histoire, pas les détails. Que le roi Cunocavaros/Conchobar et son neveu notre légendaire héros le Hésus Cuchulainn, aient eu des maîtresses, n’est pas un péché mortel chez nous, tout au plus une faute, même si la suite du récit nous montre qu’il vaut peut-être mieux éviter de telles « fautes » justement, car dans cette histoire 1), il faut bien le reconnaître, le Hésus Cuchulainn a été plutôt lamentable.
De toute façon une telle variation de noms est moins grave que celles affectant le nom de Dieu dans la Bible ou ses différentes appellations dans le Coran.
On trouve en effet dans la Bible, par ordre alphabétique, car chronologiquement apparaît d’abord le pluriel Élohim :
Adonaï, El, Eloah, Élohim, El Elyon, El Shaddaï, El Olam, El Haï, El Roi, El Elohe Israel, El Guibor, Sabbaoth, Yah, Yhwh, toutes ces différences de noms signent une pluralité de dieux ou de conceptions de Dieu différentes, ultérieurement synthétisés ou fondus en un seul symbole, le tétragramme ; ce qui n’a pas manqué de donner naissance évidemment à un dieu à la personnalité multiple, assez composite, voire contradictoire.
Quelle est l’origine de ces différents noms de l’être supérieur dans la Bible ?
Si des versions plus récentes de l’Ancien Testament appellent Dieu Élohim, des versions de dixième ou neuvième siècle avant notre ère l’appellent Yahvé.
Si le texte plus récent démarre en disant qu’Élohim créa le ciel et la terre, un texte yahviste, plus ancien, ne parle plus de création du ciel et de la terre, mais d’un désert que dieu (Yahvé) rendit fertile par un flot qui montait du sol. Yahvé « planta le jardin d’Éden » dans la haute Mésopotamie, pays de Sham. C’est le fameux jardin d’Eve et Adam… C’est là que sa soif de connaissance amena Yahvé à punir l’homme en le contraignant à travailler. Ce mythe plus ancien (celui du désert humidifié) semble avoir pris son origine dans une région désertique où habitaient les Sémites avant de rejoindre la haute Mésopotamie… C’est sous Yahvé que Caïn qui cultivait le sol a tué Abel pasteur de petit bétail. Et Yahvé punit l’homme une deuxième fois pour ce crime. Et l’une des punitions fut le déluge. Une autre punition de Yahvé fut la multiplication des langues, empêchant les peuples de se comprendre. Yahvé va devenir le dieu d’Abraham et pourtant, à la même époque, il y a dans la même région un autre dieu, El, des Cananéens et les deux s’assimilent mutuellement et coexistent pacifiquement d’abord.
Depuis la découverte à Ougarit en Syrie de toute une série de tablettes comportant des textes en écriture cunéiforme classique ou locale datant du 14e siècle avant notre ère, on en sait plus sur la mythologie des peuples de cette religion et notamment sur rapports entre Baal et El. On a même d’ailleurs pu reconstituer tout un cycle de Baal.
Les textes ougaritiques constituent une riche ressource pour comprendre le royaume d’Ougarit, situé sur la côte syrienne, à la fin de l’âge du bronze. Le site a permis d’obtenir environ deux mille tablettes en ougaritique, la langue sémitique occidentale de cette ville-état, et environ vingt-cinq cents tablettes en akkadien, la lingua franca de l’époque, ainsi que de nombreux textes écrits dans sept autres langues. Ceux-ci révèlent un centre commercial cosmopolite opérant dans l’ombre de deux grandes puissances du bassin méditerranéen oriental, les Égyptiens et les Hittites.
Les textes ougaritiques laissent apparaître d’innombrables parallèles littéraires ou religieux avec la littérature biblique. Ces parallèles sont si riches et, dans certains cas, si spécifiques qu’il est évident que les textes ougaritiques ne se contentent pas de fournir des parallèles, mais qu’ils appartiennent à une matrice culturelle commune ou qui se recoupe avec la Bible hébraïque. La littérature ougaritique n’a que quelques décennies de plus que la date théorique ou prétendue des plus anciens textes bibliques, mais la majeure partie de la littérature biblique lui est quand même postérieure de plusieurs siècles. Contrairement au centre côtier et cosmopolite d’Ougarit, le cœur de l’ancien Israël se trouvait dans de l’intérieur des terres, et beaucoup plus au sud. Mais malgré ces importantes différences, la
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littérature ougaritique et la littérature biblique ne doivent pas être comprises comme représentant des cultures entièrement différentes, mais comme des littératures qui se recoupent.
Vu l’importance du sujet, quelques mots sur la religion ougaritique ne seront pas de trop.
La religion ougaritique connaît de nombreux dieux, que l’on peut retrouver dans d’autres royaumes du Levant et du Moyen-Orient contemporain. Ils constituent tous ensemble une véritable société divine, que l’on voit évoluer dans la mythologie. Le dieu qui occupe la position de souverain divin dans les textes religieux d’Ougarit est El (Ilu), dont le nom signifie littéralement « Dieu ». C’est le père des autres divinités ougaritéennes. Il est possible qu’il faille en fait voir sous ce nom une épithète du très ancien dieu Dagan, divinité agricole très vénérée par les peuples ouest-sémitiques depuis des temps reculés. Dans les textes mythologiques, El se fait supplanter par le dieu Baal, divinité de l’orage. Son nom, signifiant « le Seigneur », est une épithète du grand dieu de l’orage ouest-sémitique (Adad, Addu, Hadad, et le hourrite Teshoub) traditionnellement le dieu principal des panthéons syro-anatoliens. Baal est aussi à rapprocher du Bel akkadien. Les deux divinités féminines principales sont Ashtart (Astarté), parèdre de Baal, déesse de l’amour, représentant la planète Vénus, correspondant à la déesse mésopotamienne Ishtar, et Anat, la sœur de Baal. Une autre déesse a occupé une position importante est Ashérat, parèdre d’El. Parmi les divinités secondaires, on mentionnera Khotar/Khasis, dieu des artisans et de la magie, ou encore Shapash, déesse du soleil, ainsi que les deux adversaires de Baal dans les récits mythologiques, Yam, la Mer, et Moth, la mort.
Ces dieux sont les maîtres des hommes, qui doivent accomplir leur culte, qui consiste à pourvoir leurs besoins quotidiens grâce aux sacrifices. Les textes mythologiques montrent que l’action des dieux peut être bonne ou mauvaise pour les hommes. Par leur piété, ces derniers pouvaient espérer infléchir les décisions divines. Ce bon comportement devait s’accompagner d’une bonne conduite morale approuvée par les dieux, mais on n’en trouve pas d’expression claire dans les textes. La prière, la divination ou encore certains rituels pouvaient permettre aux humains d’espérer comprendre les actions divines et de les faire pencher en leur faveur.
Le principal acteur du culte est le roi, intermédiaire privilégié entre le monde humain et le monde divin. Il est censé être choisi par les dieux, et être le représentant de ceux-ci ici-bas. Il doit donc faire preuve de justice et d’équité. Le roi occupe une place particulière : c’est le seul qui soit mentionné dans les textes comme accomplissant des sacrifices sanglants. Son rôle est donc primordial. À sa mort, il est divinisé, et intègre la liste des ancêtres de la dynastie faisant l’objet d’un culte funéraire.
Les textes administratifs nous montrent qu’il existait également tout un clergé, évoluant dans l’entourage du roi, et travaillant dans les temples. Le prêtre de base est appelé khnm (cf. les kôhen/kôhânim de la Bible hébraïque). Il existe un grand prêtre (rb khnm). On trouvait également d’autres prêtres dont la fonction précise n’est pas toujours définie (qdšm, kmrm, mqm lm). Le culte nécessitait en plus la présence de porteurs d’offrandes, chanteurs, musiciens, de spécialistes de la divination. Le culte ougaritique pouvait faire appel à des prêtresses (khnt, qdsht).
Les récits patriarcaux des Hébreux multiplient les références à El qui est suivi d’un qualificatif : El de la montagne, El de l’éternité, El Roi (El qui me voit), etc. La maison de dieu s’appelle beth-el. Les Hébreux adoptent les pierres dressées des Cananéens. Il y a symbiose des deux civilisations. Plus tard, la référence au yahwisme, né au sein d’un peuple de pasteurs nomadisant dans le désert, servira ensuite aux prêtres jébusites non juifs, de Jérusalem, pour revenir sur ces influences cananéennes comme les pierres dressées.
L’histoire de Moïse, du buisson ardent, du choix du peuple élu et de sa sortie de captivité en Égypte, les dix plaies d’Égypte, la traversée de la Mer Rouge, tout cela revient à nouveau à Yahvé. Le premier Yahvé n’est donc pas un dieu unique, mais le dieu d’une ethnie qui admet parfaitement que les autres ethnies aient d’autres dieux (hénothéisme).
À l’époque des deux royaumes, Yahvé n’est probablement pas le seul Dieu pour les Hébreux. Le prophète biblique, Michée, qui a vécu à Jérusalem au 8e siècle avant notre ère, était très conscient de cette situation : « Tous les peuples marchent chacun au nom de son dieu, et nous, nous marchons au nom de Yahvé, notre dieu, pour toujours et à jamais » (Michée, 4, 5). Il n’empêche que les israélites, à l’exemple des Assyriens et des Babyloniens, avaient d’autres dieux, notamment Baal, et même une déesse, compagne de Yahvé, Ashéra, comme en témoigne la Bible, si on la lit sans verres déformants, et comme le confirment des inscriptions découvertes récemment à Kountillet Ajroud en Israël, qui parlent de « Yahvé et son Ashéra ».
Un poème du Deutéronome (32, 8 et suivant) comme ce passage du Livre de Michée (4, 5) atteste de cette forme de monolâtrie polythéiste pour laquelle chaque peuple a son propre Dieu national reconnaissant les divinités des peuples voisins. On trouve une tradition monolâtre assez similaire au judaïsme yahviste de cette période dans le royaume de Moab avec le dieu Kamosh, et la concurrence
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entre le populaire dieu Baal et Yahvé pourrait expliquer la virulence des textes vétérotestamentaires à l’encontre du premier.
CONCLUSION. Entre le Xe et VIIe siècle avant notre ère à Jérusalem le dieu ethnique Yahvé n’est qu’une divinité assurant la sécurité et la fertilité à son peuple par l’intermédiaire de son roi.
Certains indices épigraphiques laissent supposer par ailleurs que Yahvé était peut-être honoré avec une déesse parèdre d’origine ougaritique nommée Ashéra, mais sans qu’on sache avec certitude – les chercheurs en débattent encore – s’il s’agit de cette déesse ou d’un attribut, le terme biblique ashéra désignant également un arbre sacré. Il existe en effet dans la terminologie biblique officielle et bien-pensante un nom commun hébreu similaire ou presque, ashéra au singulier ashérim au pluriel, voire ashérot, désignant soit un arbre soit un poteau, sacrés.
Mais comme il est acquis par ailleurs que la sulfureuse déesse pouvait être représentée ou symbolisée aussi bien sous la forme d’une femme (par exemple les mains soutenant leur poitrine) que d’un arbre voire par un poteau sacré comme chez les Celtes antiques, nous ne sommes guère plus avancés que dans les cas d’interpretatio romana ou celtica.
Qu’avait en tête l’hébreu du 10e siècle avant notre ère quand il se présentait sans mauvaise intention à son égard devant ce genre d’Ashéra ? Ne voyait-il devant lui qu’un simple poteau de bois ou avait-il en tête la déesse ?
Pour en revenir au petit dieu topique du Sinaï, Yahvé, le plus simple est d’admettre que les Hébreux de l’Antiquité n’ont donc fait qu’imiter ce qu’ils voyaient pratiquer autour d’eux en faisant le pari de lier leur sort à un dieu aussi obscur que Mardouk ou Assour à leurs débuts, mais dont ils attendaient la même protection : on espère qu’un dieu inconnu ou marginal pourra se consacrer entièrement à vous, alors qu’un dieu célèbre, sollicité par beaucoup de peuples, risquerait de vous négliger ou de donner sa préférence à d’autres.
1) La maladie de langueur de Cuchulainn et l’unique jalousie d’Aemer. En gaélique Serglige Con Culainn ocus Óenét Emire. Dans cette légende deux anges de sexe féminin viennent sous forme d’oiseau contacter le demi-dieu Cuchulainn de la part de la déesse Wanda/Fand. L’adultère finira mal !
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L’HISTOIRE RÊVÉE (« OU RÉVÉLÉE) OU FANTASMÉE DES HÉBREUX.
Rappel : nous appliquerons ici dans ce bref essai la méthode d’analyse utilisée dans notre étude des légendes irlandaises et développée dans nos nombreux contre-lais (pas de jaloux !).
Comme il semble bien archéologiquement parlant que les Hébreux d’avant la déportation n’aient été qu’une subdivision de la société cananéenne ayant évolué sur place, certains archéologues cohérents avec eux-mêmes pensent donc que le Livre de Josué serait en fait complètement inventé, qu’il s’agirait d’une compilation de divers récits de différentes batailles n’ayant aucun lien entre elles, ayant eu lieu à des époques différentes (sur au moins 200 ans) et avec des antagonistes différents, qui plus est amplifiées par la mémoire collective ou la tradition orale. Et c’est tant mieux, car le Livre de Josué contient des récits de massacres indignes d’avoir été attribués à la volonté de Dieu, indignes d’avoir été soumis à l’approbation voire même à la simple méditation, de la postérité, de tant de générations humaines, pendant des siècles.
Cette NON-HISTOIRE indéfiniment lue répétée scrutée ayant contribué à forger toute une série de réflexes conditionnés déclenchés par un certain nombre de mots clés (Dieu, Loi goïm, païens, péché, etc.…) transmis de génération en génération, de façon beaucoup plus directe que la fabrique du consentement chère à l’ami Noam Chomsky et relevant plutôt de la manipulation mentale ; nous en dirons donc quelques mots, mais à la façon dont on parle D’UNE OEUVRE DE FICTION, de ses qualités, de ses points faibles, de sa morale, etc.… COMME LE METROPOLIS DE FRITZ LANG CONVOI DE FEMMES OU MANON DES SOURCES.
LA MYTHOLOGIE LOCALE AVANT LA DÉPORTATION À BABYLONE.
L’évolution des conceptions de Dieu a, bien entendu, suivi l’évolution sociale et politique des peuples en question. Il n’y a jamais eu nulle part de religion immuable. La notion de religion immuable est, comme la notion de religion primordiale, un pur fantasme. Il s’agissait d’époques différentes et parfois de peuples différents. Ceux qui croient que la religion ne s’en est pas trouvée modifiée se trompent. D’ailleurs, il n’y a jamais eu une seule religion des Hébreux, mais plusieurs, suivant les régions (royaume de Juda/Royaume d’Israël par exemple).
« El », dieu des pasteurs nomades d’une région allant de la haute Mésopotamie à la côte palestinienne, était le chef du panthéon des dieux (Élohim) cananéens et des Sémites occidentaux. On l’appelle taureau, puissant, roi, père des années, père des hommes. Il est représenté comme un sage barbu sur un trône, habillé d’une longue robe, coiffé d’une tiare avec des cornes. Il a deux femmes Ashérat et Anat, l’étoile du matin et l’étoile du soir. Sa puissance est contestée par son fils, Baal/Hadad, dieu agraire du Haut et Moyen Euphrate au troisième millénaire. Cette contestation de Baal/Hadad illustre vraisemblablement la puissance croissante de l’agriculture face à l’élevage (dans la Bible, le fameux Caïn qu’as-tu fait de ton frère Abel). Etc., etc. Fin de notre brève introduction sur la vraie religion de l’antique Canaan.
LA MYTHOLOGIE BIBLIQUE POST EXILIQUE.
Mais ces Élohim justement eh bien on les retrouve dans la Bible. Néanmoins, si le texte plus récent démarre bien en disant que les Élohim créèrent le ciel et la terre (Genèse 1), un texte yahviste, plus ancien même s’il vient après (Genèse 2,4b) ne parle pas de création du ciel et de la terre, mais d’un désert que Dieu (Yahvé) rendit fertile par un flot qui montait du sol. Yahvé « planta le jardin d’Éden » dans la haute Mésopotamie, entre le Tigre et l’Euphrate. C’est le fameux jardin d’Eve et Adam… mais sa soif de connaissance amena Yahvé à punir l’homme en le contraignant à travailler.
Ce mythe plus ancien (celui du désert humidifié) semble donc avoir son origine dans une région désertique où habitaient les Sémites avant de rejoindre la haute Mésopotamie… C’est sous Yahvé que Caïn qui cultivait le sol a tué Abel pasteur de petit bétail. Et Yahvé punit l’homme une deuxième fois pour ce crime… L’une des punitions fut le déluge. Une autre punition de Yahvé fut la multiplication des langues, empêchant les peuples de se comprendre.
Les recherches archéologiques récentes montrent que les textes de la Bible, comme la grande saga des patriarches, d’Abraham et Isaac aux fils de Jacob, n’ont aucun fondement historique.
Les récits bibliques sont à ranger parmi les différentes mythologies nationales que compte notre planète, et n’ont pas plus de fondement historique que le Lebar na Gabala Eiréann relatant les différents peuplements d’Irlande. La plupart de ces textes en outre, ont été maintes fois réécrits au cours des siècles, adaptés aux polémiques et aux événements du temps.
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D’après la Bible, Abraham reçut de Dieu ou du Démiurge l’ordre de rejoindre le pays de Canaan avec les siens, puis de sacrifier son fils Isaac.
Le plus piquant de tous les paradoxes pour ceux qui se veulent les héritiers (même seulement spirituels) d’Abraham, est que cette filiation est sans doute parfaitement imaginaire (un mythe de plus), car il n’y a eu ni Abraham ni Isaac ni Jacob ! Le décor biblique de la vie d’Abraham ne correspond pas à son époque supposée, mais plutôt à celle d’Esdras et de Néhémie, ou d’un peu avant (Josias ?).
Yahvé va devenir le dieu d’Abraham et pourtant, à la même époque, il y a déjà dans la même région un autre dieu, El. Les deux s’assimilent mutuellement et coexistent pacifiquement d’abord. Une synthèse s’opère dans les textes. Les récits patriarcaux des Hébreux multiplient les références à El qui est suivi d’un qualificatif : El de la montagne (shaddaï), El de l’éternité (olam), El le roi (melek), El le Très-Haut (Elyon), etc. La maison de dieu s’appelle beth-el. Mais Adonaï, qui signifie seigneur et père, est aussi l’un des noms du dieu des Hébreux.
Il y a symbiose des deux civilisations. Plus tard, la référence au yahwisme, né dans un peuple de pasteurs nomades du désert, servira ensuite aux prêtres de Jérusalem à revenir sur ces influences cananéennes comme les pierres dressées.
Il n’y a pas eu de Moïse (dont la naissance, « sauvé des eaux », est calquée sur l’origine légendaire de Sargon) il n’y a donc pas eu non plus de peuple venu d’Égypte sous sa conduite ; (il y a peut-être eu des Cananéens captifs en Égypte lorsque Ramsès a détruit Avaris, capitale des Hyksos, mais cela n’a pas grand-chose à voir avec la question, sinon quelques vieilles légendes peut-être.)
Les sites mentionnés dans l’Exode ont certes bien existé. Certains étaient connus et furent apparemment occupés, mais bien après le temps présumé de l’Exode, bien après l’émergence du royaume de Juda, quand les textes du récit biblique furent composés pour la première fois.
Les fouilles nous fournissent les preuves de l’importance de la présence égyptienne dans tout le pays de Canaan au cours du XIIIe siècle avant notre ère. Or l’on imagine mal les garnisons égyptiennes chargées de la sécurité du pays se tourner les pouces pendant qu’une horde de réfugiés, de surcroît échappés d’Égypte, répandrait la terreur à travers toute la province.
Moïse, l’Exode, la conquête de Canaan, sont des légendes qui n’ont aucune réalité historique.
Le récit de la sortie d’Égypte est fictif et l’Exode ne correspond à aucune donnée archéologique fiable. S’il n’y a pas pu avoir de conquête de la terre promise à l’époque, c’est d’ailleurs parce qu’il n’y avait en fait encore rien à conquérir avant le Xe siècle. Le sud de la Palestine ne possédait presque aucune ville et Jérusalem n’était qu’un hameau minuscule. Aucun peuple n’a pu venir conquérir le pays de Juda qui restera encore longtemps sous-développé, rural et clairsemé.
Des lieux bibliques de grande importance comme Beer-Sheva ou Édom n’existaient pas du temps de l’Exode, et aucun roi ne se trouvait à Édom pour affronter les israélites.
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LA VÉRITABLE HISTOIRE DU PEUPLE JUIF. ANTIQUE.
A) LE PAYS DE CANAAN ÉGYPTIEN (-1500 – 1200).
L’expansion Hyksos est stoppée par la reconquête du pharaon Amosis qui s’empare d’Avaris (vers 1525), puis de Sharuhen. L’Égypte établit bientôt son protectorat sur tout le Levant à la suite des campagnes victorieuses de Toutmosis et III (1479-1423). Pendant plus de trois siècles, la civilisation cananéenne est marquée par une domination égyptienne, directe ou indirecte, suivant qu’il s’agit de villes de garnison égyptiennes, comme Gaza et Bet-Shéan (avec ses temples et ses stèles), ou de cités-États ayant gardé une certaine autonomie locale, avec un roi à leur tête. La situation politique de cette époque, la soumission officielle au pharaon et les rivalités entre les roitelets locaux nous sont bien connues par les tablettes cunéiformes d’El-Amarna dont la documentation s’étale sur une bonne partie du XIVe siècle ; elle comporte quelques lettres du pharaon en vue d’acquérir personnel et marchandises et, surtout, de nombreuses lettres des roitelets ou gouverneurs locaux. On a ainsi des témoignages contemporains concernant les villes d’Akka/Akko, Akshaph, Ammiya, Ascalon, Ayyalôn… tandis que Tyr, Sidon et Beyrouth sont mentionnées, au XIIIe siècle, dans des documents alphabétiques ou akkadiens trouvés à Ougarit.
Du fait de la pax aegyptiaca, les villes se contentent des fortifications du bronze moyen tandis que des temples, parfois bâtis sur le modèle égyptien ou en l’honneur d’une divinité égyptienne, sont construits à Hazor, Megiddo, Bet-Shéan et Lakish. À cette époque, profitant du développement du commerce international, les élites locales accumulent pouvoir et richesse, avec nombre d’objets en or et en ivoire, tandis que la population rurale diminue et tente parfois d’échapper au contrôle des polices, locale et égyptienne – ainsi se développe le mouvement des Habirou dans les montagnes et collines de l’intérieur. Les révoltes locales entraînent régulièrement des répressions égyptiennes, telle l’expédition militaire de Merneptah, vers 1210, à la suite de laquelle le pharaon se vante de s’être emparé d’Ascalon, Gézer et Yenoam et d’avoir défait le peuple d’Israël. L’akkadien cunéiforme reste l’écriture diplomatique habituelle, même dans les relations avec le pharaon ; cependant, l’administration égyptienne utilise aussi sa propre écriture, comme en témoignent quelques ostraca hiératiques (ostraca singulier ostracon : tesson de poterie servant de cahier de brouillon).
Cette civilisation très inégalitaire s’écroulera assez brusquement du fait de l’invasion des Peuples de la Mer vers 1185-1180, au début du règne de Ramsès III qui l’arrête sur terre et sur mer aux portes de l’Égypte. Sous la suzeraineté nominale de l’Égypte, différents « peuples de la mer » s’établissent sur la côte méditerranéenne : les Philistins (entre Gaza et Jaffa), les Tjekker/Sikuli (dans la région de Dor), les Shardanes (dans la région d’Akkô). Plus au nord, le sort des villes phéniciennes reste mal connu. Finalement le contrôle de l’Égypte cesse totalement sous le règne de Ramsès VI, vers 1140 avant notre ère.
B) L’INVASION DES PEUPLES DE LA MER ET LA RÉSISTANCE CANAANITE (-1200-1000).
Le livre des juges semble regrouper des récits des traditions et des chroniques diverses et variées sans qu’il y ait toujours forcément un rapport direct avec la naissance de l’ancien Israël.
L’Encyclopédie juive soupçonne même le juge Samgar de ne pas être hébreu, mais hittite. Il est dit fils d’Anath, mais Anath, est une déesse cananéenne. La formule « fils d’Anath » pourrait donc avoir été une sorte d’invocation à cette déité.
Ces « juges » ne jugent pas à proprement parler (bien que shophetim signifie juges, de shafat, juger, en hébreu), mais ils ont un rôle d’administrateurs et de gouverneurs pour une tribu donnée ou un groupe de tribus.
À Carthage il s’agit des suffètes et là on en sait plus.
Il s’agit de deux magistrats chargés du pouvoir exécutif à Carthage et dans les villes colonisées par l’empire punique, comme Cadix par exemple. Aristote compare les suffètes aux rois de Sparte et Polybe aux consuls romains. Comme ces derniers, ils sont nommés pour un an, mais leurs pouvoirs peuvent être indéfiniment reconduits ; alors qu’il est d’usage à Rome de ne pas briguer le consulat plus de deux fois de suite. Les suffètes prennent part aux délibérations du sénat carthaginois et, en cas de conflit entre eux et celui-ci, l’affaire est portée devant le peuple qui tranche en votant. Choisis généralement parmi les familles nobles de Carthage, les suffètes commandent primitivement les armées, la flotte et les généraux. Les Barcides, et en particulier Hannibal, occupèrent les fonctions de suffètes pendant plus de vingt années consécutives. Pourtant, les suffètes, dès la première guerre
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punique, perdent une grande partie de leurs pouvoirs discrétionnaires. Leurs attributions deviennent essentiellement civiles. Ils sont dépossédés de la direction des affaires militaires, de la guerre et de la défense, même si, occasionnellement, ils peuvent être, comme le fut Hannibal, placés à la tête des armées. Plusieurs auteurs latins ont fait remarquer à quel point cette séparation des pouvoirs civils et militaires peut être considérée, dans l’Antiquité, comme une originalité de la constitution carthaginoise, voire comme une supériorité sur la constitution romaine *. Cette séparation des pouvoirs empêche les généraux de se lancer dans l’aventure d’un coup d’État. Sage institution que celle des suffètes, beaucoup plus démocratique qu’on a pu le dire, et qui place en comparaison la République romaine dans le camp des régimes autoritaires.
* C’était aussi le cas du vergobret chez les Éduens, il lui était interdit de sortir du territoire national, donc de conduire une armée partie en expédition.
Mais revenons à nos Shophetim à nous.
Le Livre des Juges occupe une place singulière puisqu’il décrit une période transitoire menant à l’avènement de la royauté. Ce corpus s’insère dans l’ensemble plus vaste des livres dits « historiques » (Josué, Livres de Samuel, Livres des Rois) qui se clôt sur la chute du Royaume de Juda.
Depuis 1943 et les travaux de l’historien et théologien allemand Martin Noth (Deuteronomistischen Geschichtswerk) la critique historique pense que les parties les plus anciennes du Deutéronome sont l’œuvre d’un seul homme ou à tout le moins d’une École qui aurait composé une « Histoire d’Israël » à partir de documents épars.
Ces matériaux dateraient du 8e siècle et seraient principalement issus du Royaume du Nord.
Leur hypothèse est que, ayant dû fuir dans le royaume du Sud sous le règne du roi Josias (-640-609) et ensuite partir lui aussi en exil à Babylone (-597-538) le deutéronomiste ou son École auraient poursuivi l’œuvre en retravaillant le premier jet du Deutéronome et en lui ajoutant des chapitres introductifs ou conclusifs, autrement dit les trois autres livres dits « historiques » ; ainsi qu’une histoire de Juda, le tout à l’aide de fragments divers ou en remaniant des récits parfois fort anciens d’origine diverse.
Vu les tragédies survenues le nouveau parti pris de ces deutéronomistes fut d’ignorer désormais tout ce qui était roi, royauté, ou, pouvoir héréditaire.
Mais malgré les efforts du rédacteur pour effacer toute ressemblance des Juges, avec les rois, c’est bien sous des traits royaux qu’ils apparaîtront, dans les récits, pour la bonne et simple raison qu’ils exerçaient bien de fait les deux fonctions royales par excellence que sont rendre la justice, mais aussi, et surtout, faire la guerre.
Tout se passe en effet comme si le deutéronomiste réfugié sur les terres du roi Josias et ne disposant que.de sources lacunaires concernant les chefs tribaux d’avant l’unification ayant eu lieu avec Saul, et refusant par principe de les présenter comme des rois, des petits rois, mais des rois quand même ; n’avait pu s’empêcher de reconnaître qu’ils exerçaient néanmoins les deux fonctions, principales de tout roi, à savoir rendre la justice, mais aussi mener les guerriers au combat.
Saül apparaît sur la scène politique au – XIe siècle, époque particulièrement douloureuse pour les tribus israélites. Celles-ci étaient soumises, dans presque toute la Cisjordanie, à la domination des Philistins. Les voisins d’Israël étaient donc incités à s’agrandir à son détriment. Les Ammonites, vaincus par Jephté, occupèrent Galaad et traversèrent le Yabboq en direction du nord, puis s’attaquèrent à la ville de Yabès, fondation de Manassé. Les tribus de Cisjordanie étaient trop affaiblies par le contrôle philistin pour porter secours à leurs sœurs au-delà du Jourdain. Tel est le contexte dans lequel Saül, sous l’inspiration de Samuel (I Sam., IX, 1-X, 16), fut choisi pour la royauté. En sa qualité de « chef » désigné, il rassembla des troupes de toutes les tribus. L’occupation philistine n’ayant pas empêché cette levée en masse, la victoire fut éclatante contre Ammon, et Yabès fut débloquée.
C) LES VÉRITABLES ORIGINES DU RÉCIT BIBLIQUE.
Seize ans après la parution de l’ouvrage La Bible dévoilée (2001), le bibliste Thomas Römer, professeur au Collège de France et l’archéologue Israël Finkelstein ont co-signé en 2019 un livre intitulé « Aux origines de la Torah » qui affine et précise les acquis du précédent.
Notamment à partir des fouilles archéologiques menées à Qiriath-Jearim sur un site très intéressant évoqué dans la Bible lorsque l’arche d’Alliance revient des Philistins et avant qu’elle ne soit menée à
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Jérusalem par David. Un mur important y a été découvert, trop restreint pour être celui d’une ville, mais suffisamment important pour être celui d’un sanctuaire ce qui change tout.
Le récit biblique étiologique aurait eu pour fonction de légitimer ce sanctuaire et résulterait de la volonté de Jéroboam II d’agrandir son royaume en l’unifiant à Juda. Cf I. Finkelstein, Th. Römer et al. « Fouilles à Qiriath-Jearim. Jérusalem, 2017.
Unification qui n’aura lieu qu’après le désastre de -720.
Finkelstein souligne en effet dans cet ouvrage qu’il y a deux mythes à dépasser définitivement.
— Premier mythe : le récit biblique depuis les patriarches jusqu’à Néhémie serait une description véridique et linéaire de l’histoire de la nation hébraïque.
— Deuxième mythe : les épisodes de l’histoire de l’Israël antique seraient uniques dans les chroniques du Levant.
Or tout a dépendu des conditions géographiques et climatiques et fut en lien avec ce qui s’est passé dans le Proche-Orient ancien et la méditerranée orientale. Exemple l’arche d’alliance.
Quelles sont les données issues de l’archéologie ?
Jusqu’en 720, il y a deux royaumes : le royaume du Nord, Israël, capitale Samarie ; le royaume de Sud, Juda, capitale Jérusalem.
L’archéologie comme les sources extrabibliques montrent que le royaume d’Israël fut le plus puissant des deux, il connut un essor démographique, économique et militaire bien avant Juda. Israël occupait les terres les plus fertiles, et contrôlait les grandes routes commerciales, il était en relation avec les régions voisines et la côte méditerranéenne. On évalue que la population des deux royaumes est dans un rapport de 25/1 au Fer I et au milieu du VIIIe siècle de 4/1. Juda ne se développe qu’à la fin du IXe siècle, et ne devient prospère qu’à la fin du VIIIe siècle. En 720, Samarie est prise par les Assyriens et Jérusalem passe d’une superficie de moins de 10 hectares à plus de 60 hectares. Les traditions du nord sont probablement arrivées en Juda avec les Israélites (du nord) dans les années qui ont suivi la conquête d’Israël par les Assyriens en 720.
« Idéologiquement et théologiquement, l’histoire biblique commence en 720, au moment de la chute du royaume du Nord. Juda et Israël, deux royaumes très différents en termes d’environnement et de types de population, avaient toutefois des caractéristiques communes du point de vue de la langue, de la culture matérielle et du culte. Après la chute d’Israël et la migration de nombreux Israélites du nord vers Jérusalem et Juda, le profil démographique de Juda se modifia radicalement, les Nord Israélites devenant une large fraction de la population du royaume. Se considérant désormais comme l’héritier et le préservateur de la tradition commune aux deux royaumes, Juda s’appropria le nom devenu vacant d’Israël, pour décrire la nation unifiée sous son égide. C’est à ce moment-là que l’idéologie panisraélite se développa pour la première fois, promouvant deux messages : tous les Israélites devront accepter la royauté de la dynastie davidique et admettre la primauté de Jérusalem et de son temple. »
La plupart des matériaux anciens viennent néanmoins du royaume du Nord.
Ces traditions ont été d’abord transmises oralement puis se sont « stratifiées » au cours de siècles, et ont absorbé des éléments plus tardifs, des additions. Comme exemple, il donne le récit de David en 1 Samuel.
a – Le cœur du récit nous décrit David comme le chef d’une bande de mercenaires, opérant dans la zone aride de Juda, au sud d’Hébron, et à la frontière de la ville de Gath. Ceci représente une phase dans l’histoire de la région, sans doute 2e moitié du IX siècle.
b – Les descriptions de guerres sont le reflet de réalités plus tardives, lorsque les royaumes et les armées se sont renforcés.
c – La troisième strate fait référence aux Philistins, avec une terminologie deutéronomiste : donc elle ne peut pas être plus ancienne que le VIIe siècle.
On suppose que ces histoires ont été préservées par une transmission orale dans les sanctuaires régionaux ; le cycle de Jacob peut avoir été conservé au temple de Penouel, le récit de l’Exode à Samarie… Si on peut raisonnablement fixer l’époque à partir de laquelle la mise par écrit a été possible, il est difficile de situer jusqu’à quelle date ces textes ont été retouchés, réécrits… C’est cette question de la datation des textes qu’aborde T. Römer dans le 2e chapitre du livre.
Le Pentateuque – la Torah – est difficile à dater parce qu’il ne donne pas de détails historiques : par exemple, le pharaon dans l’Exode ne porte pas de nom, ni celui que rencontre Abraham ou Joseph… Le pharaon est ici l’incarnation de la puissance égyptienne et de ses dieux face au Dieu d’Israël et non un personnage historique. On pourrait penser à l’analyse linguistique pour dater les textes, mais
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là encore il n’y a pas de preuve : on ne sait pas si l’hébreu biblique était réellement une langue parlée, il y a des variations dialectales, des variations entre langue parlée et langue écrite… un texte récent peut très bien être écrit dans un hébreu plus archaïque… L’hébreu biblique est une langue littéraire qui perdura dans le milieu des scribes.
Pour Thomas Römer la date la plus assurée pour les textes du Pentateuque est la période perse. Plus on recule dans le temps, plus les datations sont compliquées et hypothétiques. Mais pour les textes les plus anciens, une 1re édition au VIIe siècle avant notre ère paraît plausible.
Les histoires liées à Jacob et au territoire furent probablement mémorisées dans le sanctuaire du dieu El à Penouel. Les réalités de la strate la plus ancienne devraient être datées de la fin du XIe ou du Xe siècle, lorsque se forma la frontière d’occupation (et non politique) entre Israélites et Araméens. À cette période Jacob n’était pas encore l’ancêtre d’Israël. Mais dans ce cas comment comprendre l’association de Jacob avec Bethel, situé plus au sud ? Cette tradition peut dater de la première moitié du VIII siècle avant notre ère, quand Bethel était un temple important du royaume du Nord. L’institutionnalisation du lien entre Jacob et Bethel peut se situer sous le règne de Jéroboam II (788-747) qui réorganisa le culte et le royaume. C’est probablement sous son règne que fut mise par écrit la tradition sur Jacob, à Bethel, et qu’elle devient un mythe pour tout Israël. Ce récit, probablement compilé dans la 1re moitié du VIII siècle à Bethel, atteignit Juda après 722, et fut repris par les rédacteurs de la tradition liée à Abraham et Isaac. Le récit sur Jacob fut retravaillé à différentes époques, par exemple, la présentation des enfants de Jacob comme les 12 tribus d’Israël est une construction tardive. ! À l’origine, les traditions sur Jacob furent cantonnées dans la partie méridionale du royaume du Nord, entre Sichem et Bethel. Quelles étaient les traditions entre Sichem et la vallée de Jezréel, Samarie et ses environs ? Il semble que le royaume du Nord possédait deux récits d’origine : le cycle de Jacob d’une part, le récit de l’Exode et du séjour au désert d’autre part. Jacob le héros local du Galaad était alors vénéré à Bethel, tandis que l’Exode était célébré au sanctuaire de Samarie. Et ces deux traditions furent probablement mises par écrit dans ces deux temples.
D) ROYAUME DE JUDA.
La population du Sud avait au moins un sanctuaire central et des récits d’ancêtres, et on peut imaginer, après 722, mais avant 586, une fusion des récits de Jacob et d’Abraham, dans la ligne de l’idéologie « pan-israélite » qui pourrait avoir vu le jour sous le règne de Josias.
Il est plausible qu’il y ait eu une deuxième figure ancestrale dans le sud, vénérée dans un sanctuaire à Beer-Sheva. Isaac dut devenir le fils d’Abraham assez tôt, comme l’atteste le texte Gn 18, avec le jeu de mots sur le rire de Sara. Gn 18 suppose qu’Abraham n’avait pas encore de fils. On aurait donc soit 2 traditions différentes, soit l’une est une addition postérieure.
Après 720, l’arrivée de la population du Nord en Juda rendit nécessaire le renforcement de l’unité de cette nation par la création d’une histoire commune, mêlant les traditions du Nord et du Sud. Le règne de Josias paraît une période propice pour une telle entreprise. Cette fusion délibérée se fit sous forme écrite, la fin du VIIe siècle et le VIe siècle avant notre ère sont caractérisés par une utilisation étendue de l’écrit dans l’administration et la correspondance. Dans cette histoire unifiée, la chronologie fut inversée, Jacob fut subordonné à Abraham et Isaac, les héros du Nord étant systématiquement dévalorisés dans l’histoire unifiée.
Finkelstein aborde évidemment en archéologue la question de l’Exode, en examinant les noms de lieux qui apparaissent dans la liste des étapes dans les livres de l’Exode, des Nombres et du Deutéronome. La liste des itinéraires appartient à des rédactions tardives du Pentateuque, mais elles sont sans doute fondées sur des sources antérieures. L’archéologie montre que ces sites sont tous en déclin à l’époque perse, et l’auteur en déduit que les scribes de cette époque ne pouvaient pas avoir une véritable connaissance du désert, les itinéraires mentionnés se fondent sur des sources plus anciennes que l’époque perse. À partir de ce constat, I. Finkelstein va remonter dans le temps d’étape en étape.
Avant 720 : quelle est l’origine de l’importante tradition de l’Exode dans le royaume du nord, qu’on trouve dans les livres d’Osée et d’Ezéchiel ? Le site de Kountillet-Ajroud, qui date du règne de Jéroboam II (788- 747) donne des éléments de réponse. Au IX siècle, une route du commerce arabe passe à travers les terres. Le commerce est dominé par Gath et Damas, mais avec l’expansion de l’Assyrie, le royaume du Nord qui est son allié et vassal, contrôle les territoires auparavant gouvernés par Damas, y compris peut-être Juda. Les découvertes de Koutillet-Ajroud indiquent que dans la 1re
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moitié du VIII siècle les habitants du royaume du Nord, marchands et membres de l’administration, fréquentèrent Kountillet-Ajroud, le Darb el Ghazza et l’extrémité du Golfe d’Aqaba. Ils ont pu recueillir des connaissances sur le désert « profond » entre l’extrémité du golfe d’Aqaba et la côte méditerranéenne.
Des biblistes ont proposé des hypothèses sur les racines de la tradition de l’Exode, en remontant au XIIIe siècle. Mais, d’après Finkelstein, ces théories n’expliquent pas pourquoi cette tradition fut préservée et promue dans le royaume de Nord, les terres basses du Sud seraient une région plus propice, où jusqu’au XII siècle l’oppression était la plus forte, et dans le Nord dans les vallées de Megiddo et Beth-Shéan et non dans les hautes terres. « Il faut chercher un élément de mémoire spécifiquement lié aux hautes terres du Nord et qui soit chronologiquement plus proche de l’époque d’Amos et Osée. »
Finkelstein évoque la campagne militaire du pharaon Sheshonq 1er (947-924 avant notre) qui entraina le déclin de de la première entité territoriale Nord Israélite dans la région de Gabaon-Gibéa. Cette entité fut remplacée par le royaume de Nord dont le centre se trouvait au début dans la région de Sichem-Tirça. La version de la septante de 1 Rois 12 fait allusion à une possible implication égyptienne dans l’histoire de Jéroboam 1er. Le récit de l’Exode aurait-il eu une fonction de mythe fondateur ou d’Action de grâce pour le règne de Jéroboam 1er ? Ces mémoires peuvent avoir été intégrées à des traditions plus anciennes relatives à la délivrance du joug égyptien par Yhwh qui, elles, étaient originaires des Basses-Terres
N.B. Le plus ancien récit d’Exode 3 débutait par une description de la situation des Hébreux en Égypte et par la naissance de Moïse et son adoption par la fille du Pharaon. Cette naissance, cet abandon et adoption sont proches du récit de la naissance, de l’abandon et de l’adoption de Sargon 1er, fondateur légendaire de l’empire assyrien. Cette histoire de Sargon 1er a été rédigée sous Sargon II, par conséquent l’histoire de Moïse ne peut pas être datée avant le VII siècle avant notre ère. Exode 2 ne présuppose aucune connaissance de Moïse, de son nom, de ses origines… il est donc tentant de considérer la première mise par écrit du récit sur Moïse comme une réaction à l’idéologie royale néo-assyrienne développée à la cour de Josias. Si un contexte du VIIe siècle est plausible, on peut supposer que l’insertion de Moïse dans ce récit et sa construction comme figure royale sont liées à la réécriture en Juda d’une tradition plus ancienne en provenance du Nord.
E) CONCLUSION.
De -1200 à 1000 sur les ruines de la civilisation cananéenne de Palestine, vont donc s’organiser peu à peu deux entités politiques et culturelles différentes : les Philistins, sur la côte, et les israélites, à l’intérieur. Après de nombreux affrontements sanglants dans la deuxième moitié du XIe siècle, les Philistins se replient sur leur pentapole (Gaza, Ascalon, Ashdod, Éqrôn et Gat) et les israélites de David contrôlent le reste de la Palestine, aussi bien les villes « cananéennes » de Megiddo, Taanak et Bet-Shéan que les régions de Dor et d’Akkô.
Cette nouvelle organisation politique entraîne le développement des différents dialectes « cananéens » avec une évolution particulière de l’écriture alphabétique : phénicienne, hébraïque, philistine et même ammonite, moabite et édomite en Transjordanie. Ces diverses régions intègrent plus ou moins l’héritage de la civilisation cananéenne. Si la culture et la religion israélites se montrent très réservées vis-à-vis de cet héritage, les Philistins s’y révèlent plus ouverts, comme le montrent leur onomastique, en majorité ouest-sémitique, et les traditions bibliques sur les divinités de leurs sanctuaires. Cependant, même en ces deux domaines, des inscriptions récemment découvertes révèlent qu’ils gardent aussi leurs traditions propres, originaires de l’Égée.
En fait, ce sont les cités phéniciennes qui sont les véritables héritières de la civilisation cananéenne. N’ayant pas ou guère souffert de l’invasion des peuples de la mer, elles mettent l’accent sur le commerce maritime vers l’Égypte tout en affirmant leur indépendance et leur prospérité qui se manifestera au IXe siècle par le mariage de Jézabel, fille du roi de Tyr Ithobaal, avec Achab, roi d’Israël (874-853), puis par la fondation de Carthage, en 814. Cette civilisation commerciale reste célèbre par la qualité de ses constructions et par son art s’inspirant souvent de motifs égyptiens, que l’on retrouve aussi sur les sceaux et les ivoires de Samarie au VIIIe siècle.
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Les juifs sont donc des Cananéens. Rien ne les différencie, sinon d’être d’abord plus frustes peut-être, mais plus orgueilleux, et d’habiter des terres hautes plus pauvres que celles des plaines.
Si l’on en croit la Bible, le nabi ou illuminé nommé Samuel donna un premier roi au peuple sous le nom de Saül, puis David lui succéda et conquit la cité jébuséenne nommée Ouroushalim (Jérusalem).
Il n’y a aucun inconvénient à croire en l’historicité d’un David qui gagne la « royauté » grâce à l’exploit d’un de ses capitaines (El Hanan) terrassant le géant d’une bande rivale avec sa fronde (ce qui donne d’ailleurs la mesure de l’importance de son royaume !)
De nombreuses fouilles se sont succédé à l’emplacement présumé de la ville, qui n’ont pas vraiment apporté grand-chose à sa compréhension archéologique. La seule affirmation que l’on peut déduire de ces fouilles est qu’il y a bien eu un village fortifié aux alentours de l’an 1000 avant notre ère à cet endroit. Mais rien n’a pu confirmer que Jérusalem était bien le centre stratégique des Hébreux du temps, et les fouilles n’ont apporté aucune preuve de la grandeur de la cité à cette époque.
David achèvera de coloniser le pays en guerroyant contre les Philistins du littoral et contre tous les autres Hébreux, contre les Amalécites et les Édomites du Néguev, puis les Ammonites et les Moabites de Transjordanie ; qui furent tour à tour vaincus et victimes de massacres dignes des génocides nazis ou S. S : 1 Samuel, 27, 9 ; 2 Samuel 8, 2 ; 12, 31 ; 1 Chroniques 20, 3.
Note de la rédaction : il importe à cet égard de faire preuve du plus sévère des révisionnismes. Les massacres en question n’ont sans doute jamais eu cette ampleur.
Ce qui est consternant par contre c’est que de telles idées n’aient pas été vivement condamnées par les religions attachées à ce Livre.
S’il n’y a eu ni patriarches, ni Moïse, ni Exode, ni conquête de Canaan, ni monarchie unifiée et prospère après David et Salomon ; nous devons en conclure que l’Israël biblique, tel que nous le décrivent les cinq livres de Moïse (Pentateuque), ainsi que les livres de Josué, des Juges et de Samuel, n’a jamais existé.
Il est beaucoup plus raisonnable de rapporter à d’autres rois les édifices monumentaux attribués à Salomon.
Tout n’est pas faux dans les légendes de cette première Bible, mais l’archéologie démontre que l’empire salomonien est une pure invention de l’époque de Josias. Il n’y a aucune trace de premier Temple !!
Même si certains faits peuvent être historiques, dont une bonne part des noms de rois, toute l’histoire est arrangée pour servir les intérêts politiques de Josias ou des Perses après lui. Impossible de s’y retrouver vraiment, tout comme dans la légende du roi des Bretons nommé Arthur par exemple. De nombreuses indications de lieux ou de peuples montrent à l’évidence que ces textes sont une reconstruction tardive faisant référence à des villes beaucoup plus récentes (comme Hébron) tout en ignorant les réelles grandes villes de l’époque comme Hatzor. TOUT CECI N’EST DONC QU’UNE IMPOSTURE AU SENS STRICT DU TERME.
Après les déportations mésopotamiennes, le mélange des langues, et la déstabilisation des cultes, qui en résulta ; l’empereur aryen Cyrus se fera le libérateur de tous ces peuples, à qui, par conséquent, il rendra « leurs dieux et leurs terres », constituant ainsi le premier véritable empire regroupant des nations différentes, mais unies dans leurs différences.
L’idéologie de la première Bible ira dans le sens de l’intérêt de cet empire qui veut faire des juifs un poste avancé contre ses ennemis.
Tout ce que l’on a pu dire à propos de l’immutabilité et de la permanence de la Bible (ou de la parole de Dieu ou de l’inspiration divine) n’est donc qu’une imposture ; les traces d’évolution et de manipulation de ses textes sont nombreuses. Des ouvrages anonymes ont par exemple été attribués, fictivement, à des personnages rendus célèbres par la Tradition. Exemple Moïse qui n’a pas pu écrire le Pentateuque.
Les scribes hébreux n’ont commencé à exister et à tenir des archives qu’au temps du roi David (et de Salomon ? ? 1010 à 933 avant notre ère). Et le bilan intellectuel ou philosophique de la période immédiatement précédente, celle de la littérature orale, est donc assez mince : quelques poèmes ou textes de loi (pour mémoire les Vedas hindous, eux, avec leurs milliers de vers, remontent au XIVe siècle avant notre ère).
Au Xe et au IXe siècle avant notre ère se constituent deux Écoles théologiques, celle des Élohim et celle de YHWH. Leur fusion plus ou moins réussie ; (la Bible comporte deux récits différents de la Création : le récit élohimiste – Genèse 1, 2 à 4 – où l’être supérieur est désigné par la bizarre appellation plurielle « les Élohim » et le récit yahviste où il est appelé Yhwh – Genèse 2, 4 à 24 –) ; constituera les 5 premiers livres de la Bible (le Pentateuque).
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Les scribes mettront aussi par écrit les traditions folkloriques concernant le héros de légende appelé Abraham. Ce sera le temps des premiers psaumes et premiers recueils. Puis viendra le temps de la déportation en Babylonie.
Les VIIIe et VIIe siècles avant notre ère furent l’âge d’or des prophètes : de longues diatribes sont rassemblées par leurs disciples, et manipulées par eux, pour leur donner après coup l’apparence de prophéties réussies.
Les anciennes traditions juridiques donnent naissance au Deutéronome (VIIe siècle) puis aux autres livres de la Loi juive.
Quand on étudie la formation des mythes, on peut aisément y discerner ou caractériser une configuration-type, constamment répétée au cours de l’Histoire. Chaque fois qu’une culture dominante succède à celles qui l’ont précédée, elle diffame les divinités antérieures ou bien en fait des démons.
Le processus se retrouve de manière particulièrement significative dans la Bible, notamment quand elle parle d’Astarté. Bien que passant aux yeux des croyants pour résumer en elle toute l’histoire passée de l’univers ; la « parole omnisciente de Dieu » (la Bible) fait à peine mention des milliers d’années au cours desquelles la grande déesse-ou-démone, la fée par excellence si l’on préfère, fut connue et adorée dans la région, et seulement pour la dénigrer ou prétendre convertir ses adorateurs à la vraie foi. Mais en dépit de tous les efforts accomplis pour effacer de l’Histoire la mémoire de la grande déesse-ou-démone parèdre (shakti disent les hindouistes) de YHWH (Astaroth Astarté, Ashéra) ; la permanence de son culte transparaît au travers de la plume du copiste de 1 Rois 11, 5, « Salomon est allé auprès d’Astarté, la déesse-ou-démone, des Sidoniens, et Milcom le haïssable dieu des Ammonites » ; et de Juges 3, « les Israélites firent le mal aux yeux du Seigneur en servant Baal et Ashera ».
En matière de culte le peuple hébreu a également subi l’influence de la religion et des écrits égyptiens.
Mais son hénothéisme monolâtre a aussi une origine akkadienne ou aryenne (le dieu-ou-démon Shamash sur son char ou Ahoura Mazda pour Zoroastre). Disons qu’il s’agit d’une religion monolâtre inspirée de l’Iran plus que de l’Égypte et qui renie officiellement (ou partiellement) les croyances locales traditionnelles (le Veau d’or). Une concession sera néanmoins faite à ce culte du dieu-ou-démon de la fertilité, les autels consacrés à Yhwh seront des autels à cornes de taureaux (plus précisément à quatre cornes).
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RAPPEL : DE L’IMPOSTURE OU DE L’ALTÉRATION DES TEXTES AYANT SERVI POUR LA COMPOSITION DE LA TORAH.
La critique radicale est une branche de la philologie. Elle étudie les origines et les sources d’un texte. La critique radicale s’applique à tous les « textes fondateurs », qu’il s’agisse de l’Iliade ou de l’Odyssée, de la Bible, du Coran ou du Tao Te King attribué à Lao Tseu. En Occident, ce travail connut une certaine notoriété en raison des conséquences théologico-politiques qu’il eut sur le christianisme.
La critique radicale se concentre en particulier sur les sources ayant contribué au document et détermine qui en était l’auteur, la date et le lieu de composition du texte. Elle s’intéresse aussi aux sources externes des textes. On oppose la critique des sources ou critique radicale à la critique textuelle, qui tente d’établir la version originale d’un texte ou les divers textes intermédiaires qui s’en rapprochent.
À l’origine, ce terme de critique radicale fut utilisé pour évoquer les travaux d’un groupe de chercheurs biblistes allemands habitant Tübingen [Friedrich Schleiermacher (1768-1834) ; David Strauss (1808-1874) ; Ludwig Feuerbach (1804-1872)] qui commencèrent vers la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle à analyser les archives historiques du Moyen-Orient afin d’y chercher une confirmation indépendante des événements relatés dans la Bible.
Ces idées, développées en Allemagne par Graf et Wellhausen, ont voyagé en Angleterre avec Coleridge et plus encore avec les traductions anglaises par George Eliot de la vie de Jésus de Strauss (1846), et de l’essence du christianisme de Feuerbach (1854). La Vie de Jésus (1863), par Ernest Renan (1823-1892), continuait la même tradition.
Trois ans avant la parution de la Vie de Jésus, les théologiens libéraux anglicans avaient commencé le processus d’intégration de cette critique historique dans le domaine de la doctrine chrétienne avec Essays and Reviews (1860). Avec les travaux de chercheurs ou de théologiens comme Rudolf Bultmann, la critique radicale de la Bible a été employée pour en quelque sorte la débarrasser des mythes qui la polluent.
Ce type de travaux est ressenti comme une menace par certains courants chrétiens parmi les plus traditionnels ainsi que par les courants du judaïsme qui veulent absolument trouver dans la Bible les fondements historiques d’Israël.
Les chercheurs juifs et chrétiens libéraux répondent en précisant que la foi en Dieu n’a rien à voir avec le fait de croire qu’un certain texte, en l’occurrence la Bible ou les Évangiles, a plus d’un auteur. De plus, ils soulignent le raisonnement circulaire qui consiste à employer des affirmations bibliques pour « prouver » l’authenticité ou l’historicité de la Bible.
Ainsi que nous l’avons dit, la Bible hébraïque (ou Tanakh) comprend…
— La Torah (constituée de la Torah écrite – ou Loi de Moïse, que l’on retrouve dans l’Ancien Testament des chrétiens, plus précisément dans ce qui est appelé le Pentateuque : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome – ; et de la Torah orale, composée de la Michna (recueil de la tradition orale de la Torah) et de la Guémara (recueil d’interprétations de la Michna). Le tout appelé Talmud.
— Les Neviim (« Les Prophètes »).
— Les Kétouvim (« Les Écrits » ou « Hagiographes »).
La Bible (chrétienne) comprend…
— L’Ancien Testament (dont le « Pentateuque », qui correspond à la Torah écrite, et une grande partie des livres des Prophètes et des Écrits).
— Le Nouveau Testament (dont les quatre Évangiles canoniques : selon Mathieu, Marc, Luc et Jean = les Actes des apôtres les lettres de Paul le livre de l’Apocalypse).
Dans le Coran, les termes suivants sont employés pour désigner les différentes parties de la Bible… :
1. Tawrat – la Torah, les cinq premiers livres de la Bible.
2. Zabur – les Psaumes.
3. Injil – l’Évangile.
4. Sahaïf – les livres des Prophètes.
La Torah, les Psaumes et le Sahaïf sont appelés les Écritures saintes des juifs, que les chrétiens appellent l’Ancien Testament. L’Évangile est appelé l’Écriture sainte des chrétiens que les chrétiens appellent le Nouveau Testament. Le Coran affirme que toutes ces Écritures furent révélées par Dieu : « Il a fait descendre sur toi le Livre, en toute vérité ; celui-ci déclare véridique ce qui était avant lui. Il a fait descendre la Torah et l’Évangile » (Coran 3, 3-4).
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Mahomet se heurtera donc rapidement aux chefs religieux juifs qui l’accuseront d’avoir bien peu de connaissances bibliques.
En revanche il reprochera aux juifs d’avoir altéré les révélations divines dont ils étaient les dépositaires. Le principe de la chose étant extrêmement simple : tout ce qui, dans la Bible diffère de l’islam, ou contredit l’islam, provient d’une falsification.
1. Sourates et versets du Coran accusant les juifs et les moines chrétiens d’avoir altéré la parole de Dieu.
[2, 75] La vache (Al-Baqarah).
Espérez-vous [O croyants] que de pareilles gens partageront avec vous la foi ? Alors qu’un certain nombre d’entre eux, après avoir entendu la Torah, l’ont sciemment falsifiée ?
[2, 79] La vache (Al-Baqarah).
Malheur, donc, à ceux qui de leurs propres mains, composent un livre, puis le présentent comme venant de Dieu pour en tirer un vil profit ! – Malheur à eux, donc, à cause de ce que leurs mains ont écrit !
[3, 78] La famille d’Imran (Al-Imran).
Et il y en a parmi eux qui roulent leur langue en lisant le Livre afin de vous faire croire que cela provient du Livre, alors que ce n’est point du Livre ; et ils disent : « Ceci vient de Dieu », alors que cela ne vient pas de Dieu. Ils profèrent sciemment des mensonges.
2. Il existe aussi de nombreux versets du Coran prenant le contre-pied de certains passages de la Torah ou des évangiles.
Exemple Genèse 2, 2. « Dieu acheva au septième jour son œuvre, qu’il avait faite : et il se reposa donc au septième jour de l’œuvre, qu’il avait faite ».
Sourate Qaf N° 50, verset 38. « En effet, nous avons créé les cieux et la terre et ce qui existe entre eux en six jours, mais sans éprouver la moindre fatigue ».
Ce verset a donc pour objet de répondre à la Torah qui prétend que Dieu s’est reposé le septième jour.
C’est toujours au nom d’un passé imaginé de toutes pièces sur des faits historiques banals que l’égocentrisme religieux oppose les hommes dans une lutte fratricide. L’archéologie a donc un rôle primordial à jouer dans le processus de paix au Proche-Orient. Elle contribue à discréditer le fanatisme religieux des monothéismes et amène une plus claire compréhension du passé où la vérité des faits éclipse la vanité des mythes.
L’archéologie n’a pas démontré, loin de là, que la chronique biblique est véridique dans tous ses détails. Il est aujourd’hui évident qu’un grand nombre d’événements de l’histoire biblique ne se sont déroulés, ni au lieu indiqué ni de la manière dont ils sont rapportés. Bien plus, certains des épisodes les plus célèbres de la Bible n’ont tout simplement jamais eu lieu.
La Bible n’est qu’une compilation. Les récits de la Genèse procèdent en fait de plusieurs sources différentes. Les 11 premiers chapitres sont par exemple d’origine sumérienne.
Des savants comme Jon D. Levenson y ont décelé plusieurs conceptions de la création qu’il n’est possible de comprendre que par comparaison avec les mythes babyloniens ou cananéens ayant inspiré les vrais auteurs de la Bible (ce qui est significatif, ce sont les différences).
La Genèse refuse par exemple l’idée que l’Homme puisse être mi-ange mi-bête, c’est-à-dire un mélange de divin et de bassement matériel ; comme dans les mythes suméro-babyloniens, où l’Homme naît d’un mélange de poussière animé par du sang de dieu-ou-démon ; elle insiste sur le fait que l’Homme n’a été créé qu’à l’image de Dieu-ou-du-démiurge (ce qui est d’ailleurs encore plus anthropomorphique, car cela implique évidemment que Dieu ou le Démiurge est aussi à l’image de l’Homme).
Note de la Rédaction. Cet état d’esprit hostile à la notion d’Homme-Dieu subsistera aussi dans le christianisme, de l’ébionisme primitif aux Réformés en passant par les unitariens.
La Bible comporte donc deux récits de la création. Le premier qui est en fait paradoxalement le plus récent relève de la tradition dite sacerdotale, le second, qui est pourtant le plus archaïque, de la tradition dite « yahviste ».
Le récit sacerdotal est ainsi appelé parce que l’on suppose que son auteur est un prêtre qui l’écrivit en exil à Babylone (entre 587 et 538 avant notre ère). Malgré un ton presque liturgique, ce récit est polémique. Il veut d’abord répondre aux récits babyloniens de la création montrant que l’Homme est à la fois mi-ange, mi-bête (de la poussière ou de l’argile animée par du sang de dieu-ou-démon) ; afin de lui substituer une coupure plus radicale entre Humanité et Divinité.
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La religion hébraïque si on peut en parler au singulier, car le pluriel pourrait se défendre fut d’abord transmise oralement et de façon double (le royaume d’Israël au nord, le royaume de Juda au sud). Jusqu’au temps du roi Josias (VIe siècle avant notre ère) où l’on a commencé à compiler pêle-mêle mythes, légendes, itinéraires de caravanes, anecdotes familiales, listes généalogiques, origines des noms de lieux (aussi fantaisistes que celles du Moyen Âge irlandais), etc.
Il est donc plus logique dans ces conditions d’assimiler le récit des pères fondateurs (Abraham, Isaac, Jacob) à une forme de légende destinée à donner un arrière-plan mythique plus solide aux prétentions du royaume de Juda. Ce récit des origines apparaît comme un assemblage de plusieurs légendes empruntées aux peuples de la région, associées à diverses coutumes, où se sont rajoutées les préoccupations guerrières des chefs militaires de l’époque.
La modernité a commencé au XVIIIe siècle avec la critique de la Bible et des Écritures.
Les chercheurs relisent aujourd’hui de manière critique les premiers livres de la Bible en tant qu’ouvrage ancien (puisque l’on date les plus anciens récits des alentours de l’an – 1000 et les plus récents des environs de l’an – 500).
Les premiers livres de la Bible présentent le royaume des Hébreux comme un royaume souverain, uni en un seul peuple, réuni dans une seule capitale, et sous la protection d’un seul dieu-ou-démon, Yahvé.
D’après les récentes découvertes de deux chercheurs israéliens (Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman La Bible dévoilée), tout ceci n’est qu’une histoire racontée dans le but de servir les ambitions territoriales et religieuses du royaume de Juda au VIIe siècle. Ce sont des récits légendaires, amplifiés, enjolivés, pour servir le projet du roi Josias : réconcilier les deux royaumes israélites et s’imposer face aux grands empires régionaux, l’Assyrie, l’Égypte, la Mésopotamie. Les textes bibliques n’ont pas été inspirés par Dieu ni écrits par Moïse, ils procèdent de plusieurs rédacteurs les accommodant selon les querelles et les problèmes de leur temps.
Le corpus de textes que nous allons brièvement survoler ci-dessous n’a évidemment pas été composé à l’époque des faits qu’ils sont censés relater, mais bien plus tard, au VIIe siècle, sous le règne du roi Josias. Rédigé par des lettrés de la cour de Jérusalem il a surtout des objectifs théologiques et politiques. Sur le plan religieux, c’est pour les sujets du royaume de Juda l’obligation de croire en un dieu-ou-démon unique, dans un lieu unique, le temple de Jérusalem, dans une seule capitale, Jérusalem, sous un seul roi descendant de la dynastie de David. Au plan politique, c’est à ce moment-là, entre 630 et 609 avant notre ère, que le petit royaume de Juda va s’affirmer face au puissant empire égyptien qui le menace. Ce corpus a un aspect concret exposant les buts, les besoins et les objectifs, de la lignée royale. Notons néanmoins qu’un certain nombre de textes et non des moindres, ont été rédigés ou retouchés après le retour d’exil en Babylonie, soit au VIe siècle avant notre ère.
« Cette guerre fut terrible et bien cruelle, et si Dieu ne l’avait commandée, on ne pourrait qu’accuser Moïse d’injustice et de brigandage ». Dom Antoine Augustin Calmet dictionnaire de la Bible. À propos de la guerre « sainte » contre les malheureux Madianites. Tout le problème est là en effet ! Si Dieu n’a pas commandé une telle horreur, alors cette guerre menée par les Hébreux ne fut que crime et génocide. La question est donc : « Dieu a-t-il pu commander » une telle abomination ? Si Dieu n’est que pur amour ou s’il n’existe pas, ce qui revient peut-être au même, la réponse à cette question ne peut donc être que non et l’on se doit donc de considérer Moïse comme un homme cruel, injuste, un terrible brigand. Un peu comme Mahomet bien des siècles plus tard d’ailleurs.
On trouve d’ailleurs le même genre de raisonnement (au regard de la simple morale humaine universelle, c’est abominable, mais comme c’est ou c’était la volonté de Dieu alors… on peut en faire l’apologie, avec le verset 82 de la sourate 4 du Coran qui stipule : « Si cela venait d’un autre que Dieu, on y trouverait de nombreuses contradictions ».
Credo quia absurdum donc ! Le fils de Dieu est mort : il faut le croire, parce que cela est insensé. Le fils de Dieu mort est ressuscité : cela est certain, parce que cela est impossible.
Mais si Dieu n’a pas commandé de telles horreurs, alors les guerres ou les djihads menés par les premiers musulmans ne furent que crime et pillages, voire génocides, là aussi, et Mahomet ne fut, comme Moïse ou Josué, qu’un homme cruel, injuste, un terrible brigand…
Bible juive (Ancien Testament) et Coran contiennent nombre d’horreurs qui n’ont d’autre justification que d’avoir été ordonnées par Dieu. Ôtez-leur cette caution et alors elles redeviennent ce qu’elles ont toujours été : une horrible tyrannie, des injustices, des génocides, des crimes, un crime contre l’esprit, une offense à l’intelligence humaine et à la dignité de l’Homme.
Les jugements de valeur que nous serons amenés ici ou là à émettre ne porteront pas néanmoins sur des événements ou des massacres s’étant réellement déroulés, par exemple lors de la conquête de la Terre promise sous le commandement de Josué ; mais sur le fait que ces fantasmes dignes d’un Hitler ont été glorifiés, justifiés ou excusés, par des générations entières de théologiens et d’exégètes. Bien sûr, pour être convaincu, il faut se donner la peine d’aller voir dans le détail. Contredire ce qui est
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tenu pour vrai depuis des millénaires est bien difficile, l’homme se laisse si facilement séduire par les histoires merveilleuses.
Le Livre de Josué parle d’une conquête facile.
Le Livre des juges évoque, lui, au contraire, une conquête difficile.
Alors, qui croire ?
En l’état actuel, le livre de Josué apparaît comme un ouvrage très composite. Depuis longtemps, les exégètes s’accordent à y voir davantage une compilation de passages d’origines diverses plutôt qu’un récit suivi. À ces grands blocs se rattachent des traditions indépendantes, pour certaines très anciennes (sur le dénommé Caleb par ex.) Le travail final de mise en forme du livre semble avoir été effectué en grande partie par l’école deutéronomiste. Les ultimes retouches du livre sont à situer à la fin de l’exil à Babylone (– 538) ou dans l’immédiate suite du retour d’exil.
En fait, l’entrée des Hébreux en Terre promise a été un long processus qui n’était pas encore achevé deux siècles après son commencement. Si le livre de Josué parle beaucoup de prises de villes qui sont ensuite réduites en cendres après que leurs habitants ont été exterminés, ce n’est vraisemblablement pas ainsi que les choses se sont passées. La plupart des clans hébreux ont été progressivement assimilés aux populations cananéennes sans que ces dernières soient massacrées (la ville de Jéricho était en ruine plusieurs dizaines d’années avant que les Hébreux n’apparaissent en Canaan par exemple). Le livre des Juges qui couvre la période entre l’entrée en Canaan et la période royale ne fait pas état de ces massacres, qui n’appartiennent qu’aux récits de guerre sacrée ; mais montre au contraire la difficile installation de ces tribus nomades dans un territoire déjà bien occupé et défendu par ses habitants visiblement pas au courant que leur terre avait été donnée.
L’écriture sacrée du judaïsme est donc la Torah nebi’im we ketuvim (en abrégé Tanakh), « la Loi, les Prophètes et les Écrits » ; et, comme l’indique ce titre, elle est composée de trois sections fondamentales. La Torah proprement dite ou Pentateuque (les cinq écrits), les Prophètes, et les autres textes.
La religion juive affirme que les cinq livres de la Loi, Torah, ou Pentateuque, ont été dictés par Dieu à Moïse.
Dès l’époque talmudique (de 135 à 500 de notre ère), de nombreux érudits ont mis en doute l’attribution de ces textes à Moïse. Ils avaient notamment remarqué que Moïse ne pouvait pas être l’auteur du Deutéronome puisque ce texte relate sa propre mort ainsi que des événements postérieurs à celle-ci. À la fin du XVIIe siècle, Spinoza considéra, lui aussi, que la Torah ou le Pentateuque n’était pas l’œuvre de Moïse, mais plutôt celle du scribe nommé Esdras. Cette thèse valut à Spinoza d’être excommunié de la synagogue – portugaise – d’Amsterdam, mais elle continue d’être le fondement de la critique biblique moderne.
« Ne suffit-il pas du simple sens commun pour juger qu’un livre comme le Deutéronome qui commence par ces mots : « Voici les paroles que prononça Moïse au-delà du Jourdain, » ne peut être que d’un faussaire maladroit, puisque le même livre assure que Moïse ne passa jamais le Jourdain ? La réponse d’Abbadie, que l’on peut entendre en deçà par au-delà, n’est-elle pas ridicule ? Doit-on croire un prédicateur mort fou en Irlande, plutôt que Newton ? » (Le grand philosophe français aujourd’hui bien oublié dans son propre pays, Voltaire, in « Examen des saintes Écritures par Milord Bolingbroke », ouvrage également connu sous le titre « le tombeau du fanatisme ».
Moïse ne peut donc pas être l’auteur de ces textes puisque leur rédaction et leur remaniement s’échelonnent sur plusieurs siècles. Ces livres législatifs ont été en réalité rédigés 700 ou 800 ans après l’époque où Moïse est censé avoir vécu.
La partie la plus ancienne de la Torah ou Pentateuque date du Xe siècle avant notre ère, la dernière partie des autres Écrits ou Ketuvim ne date que du IIe siècle avant notre ère.
La Loi, Torah ou Pentateuque, comprend la Genèse (Bereshit), l’Exode (Shemot), le Lévitique (Vayikra), les Nombres (Bemidbar) et le Deutéronome (Devarim).
De nos jours la théorie dominante est celle qui est dite « de l’hypothèse documentaire » selon laquelle la Torah ou Pentateuque aurait été rédigée par quatre personnes différentes, ce qui expliquerait les doublons dont ce texte est truffé.
J ou Jahviste qui utilise pour désigner son dieu-ou-démon les lettres YHWH (Xe siècle avant notre ère).
E ou Élohiste, qui utilise pour cela le nom (pluriel) d’Élohim (VIIIe siècle).
D qui est à la base de la rédaction d’une partie du Deutéronome (622 avant notre ère).
P, un groupe de prêtres, qui est la base du lévitique, voire de certaines parties d’autres écrits.
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Or la diversité des sources implique aussi une diversité des conceptions de DIEU ET DES MYTHES DE FONDATION DU COSMOS OU DE L’HOMME.
On décèle dans tous ces textes des traces de polythéisme ou à tout le moins de culte divers de dieu-ou-démons différents.
— El, le Père selon la religion cananéenne, avec son épouse Ashéra et leurs enfants, devenu le Dieu pluriel Élohim.
— Yahou/Yhwh le grand dieu-ou-démon des païens de Madian.
Ainsi que diverses apologies de ce qu’il est convenu d’appeler des crimes contre l’Humanité (génocide, etc.) ; heureusement plus imaginaires que réels. Il est quand même consternant de voir qu’il s’est trouvé (et se trouve encore ?) des hommes ou des femmes pour les légitimer, les excuser, les comprendre. Il suffit de naviguer un peu sur les sites internet pour s’en apercevoir (celui du rabbi Ken Spiro en est un très bon exemple).
Les textes qui suivent (et qui constituent la Torah) sont donc une altération ou une falsification d’éléments antérieurs, certains très anciens, sortis de leur contexte et cousus ensemble par des prêtres ou des scribes juifs au service de leurs autorités politiques.
Le cas du Pentateuque ou cinq premiers livres de la Bible hébraïque.
Les premières approches.
Bien que Philon d’Alexandrie (De Vita Mosis 1 § 84) n’attribue à Moïse que la composition et la rédaction partielles du Pentateuque, les traditions anciennes, juive et chrétienne, lui en attribuent en général la composition et la rédaction totales. Le récit de la mort de Moïse et de son enterrement par Dieu, en Deutéronome 34, pose cependant un problème logique.
Une première réponse fut que Josué, le successeur de Moïse, aurait continué le travail laissé inachevé par Moïse (Talmud de Babylone, traité Baba Bathra, 14 b).
Issac ibn Yasush au XIe siècle et Abraham ibn Ezra au XIIe siècle, dressèrent des listes de post mosaïca du même genre. Exemples.
Genèse 36, 31 nécessite d’avoir passé l’époque de la monarchie.
Nombres 22, 1 désigne la Transjordanie (les plaines de Moab en face de Jéricho) comme étant un pays situé au-delà du Jourdain, ce qui implique que l’auteur de ce texte habite déjà Canaan ; or, Moïse est supposé ne pas y être entré de son vivant.
Etc.
Par la suite Spinoza dans son Traité théologico-politique (1670) remarquera qu’il y avait une certaine unité entre le Pentateuque et les Livres historiques de Josué à Rois, et en conclut donc que le Pentateuque ne pouvait avoir été écrit par Moïse. Il penchait plutôt pour Esdras, après la fin du Royaume de Juda. Le débat ne s’amplifia qu’au XVIIIe siècle.
Henning Bernhard Witter (1683-1715) et Jean Astruc (1684-1766), après avoir repéré un certain nombre de ruptures logiques du récit ou observé un certain nombre de doublons pour d’autres, élaborent chacun de leur côté une théorie des sources différentes du Pentateuque. Astruc publie en 1753, des Conjectures sur livre de la Genèse. Il en repère 12 et particulièrement…
Le texte A où Dieu est désigné par le vocable Élohim.
Le texte B où Dieu est désigné par les lettres YHWH.
Cet ouvrage sera évidemment considéré comme attaquant le Pentateuque.
Dans l’ensemble, la théorie des sources du Pentateuque répond à trois modèles d’explication :
— L’hypothèse des compléments : un tout petit noyau central aurait été réécrit et aurait reçu divers compléments par de multiples auteurs. La Torah originelle n’était qu’un écrit assez court, contenant les paroles de Dieu ou du Démiurge, descendues sur Moïse durant sa retraite sur le Mont Sinaï (hypothèse musulmane). Mais ce modèle ne put s’imposer et fut rejeté dès le XIXe siècle, car il ne rendait compte ni des nombreuses trames parallèles ni des unités rédactionnelles.
— L’hypothèse des fragments : un grand nombre de textes narratifs et législatifs épars ou isolés, sans continuité narrative, sont réunis par plusieurs rédacteurs qui leur donnent un cadre chronologique.
— Les hypothèses documentaires. Plusieurs trames narratives d’époques et de lieux de rédaction différents racontent la même intrigue avec des perspectives idéologiques et théologiques différentes, réunies par des rédacteurs successifs.
Le système de Graff-Wellhausen conteste notamment la rédaction du Pentateuque par Moïse en montrant qu’il se compose d’une compilation de traditions théologiques différentes et plus anciennes.
D’après des théories récentes, aussi bien linguistiques qu’archéologiques, la structure globale des textes de la Bible hébraïque aurait été compilée au temps du roi Josias, au VIIe siècle avant notre ère. Bien que la matière première soit issue d’écrits plus anciens ; la mise en forme définitive s’étendrait du 1er siècle avant l’ère commune au IVe siècle pour la partie Nouveau Testament.
Pour ce qui concerne l’Exode et le séjour au Désert pendant quarante ans, la fouille des lieux (supposés correspondre à ceux qui sont cités dans la Bible) n’a pas abouti.
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En revanche, après la séparation du Royaume de David en deux, dans la seconde moitié du IXe siècle, le résultat des fouilles correspond bien à la chronologie biblique.
Note manuscrite retrouvée par les héritiers de Pierre de La Crau.
Actuellement un consensus croissant se fait autour de l’idée que les récits concernant les patriarches et Moïse n’étaient pas liés, avant la rédaction du code sacerdotal.
Il va de soi que si nous sommes, nous aussi convaincus, que les textes composant la Torah résultent d’un montage ou une censure de documents divers antérieurs, ce n’est pas du tout par les mêmes raisons que nos amis musulmans. Il s’agit simplement de notre habituelle propension à une critique radicale des choses. La critique radicale moderne vient juste de débuter pour ce qui est du Coran. Les questions des chercheurs remettent en cause certaines des affirmations traditionnelles au sujet de sa composition et de son contenu ; et montrent que le Coran incorpore des matériaux de la Bible hébraïque, du Nouveau Testament voire du Roman d’Alexandre (sourate 18), et que le texte du Coran s’est développé sur une période d’un siècle.
On retrouve dans le Coran des emprunts, à la théologie juive et chrétienne, ainsi qu’à la morale générale de l’Humanité, et des préceptes de l’ancienne société arabe.
Pour résumer, le Coran, qui contient des extraits de cette Bible déjà elle-même falsifiée ; comprend également des textes inspirés de la pensée ou des désirs personnels de Mahomet, des traditions et des mœurs du paganisme arabe, des légendes, des fables et des idées de l’époque. Quant à l’existence d’un archétype céleste de l’Écriture sainte dont le Coran aurait été tiré (dogme du Coran incréé) ; c’est une croyance que nous ne pouvons admettre, car le Coran contient des textes sur la polygamie, la répudiation, la guerre sainte, la vie conjugale de Mahomet, de son harem ou du commérage de ses épouses…
Alors est-il la Parole de Dieu ou est-il une parole de Dieu ? Ou contient-il une partie de la Parole de Dieu ? Certains auteurs l’ont intitulé : la « contrefaçon suprême du diable ».
En ce qui nous concerne, nous nous demandons seulement que penser de la falsification d’un document déjà issu lui-même d’une falsification ? Une imposture au carré ?
Fin de la note manuscrite retrouvée par les enfants de Pierre de La Crau.
CONCLUSION ET SURCONCLUSION.
La religion juive étant une religion se croyant révélée qui a en outre décrété Dieu unique et inconnaissable (ce qui n’est pas totalement faux) elle n’a donc jamais dépassé le stade des commentaires de la Torah (Michna) et des commentaires des commentaires de la Torah (Guémara ou Pilpoul) ou celui de la pratique des 613 commandements religieux (mitsvoth). Pour mémoire cf. la place que la théologie juive accorde aux non juifs et au sort de l’âme après la mort.
La Bible est en effet un ensemble très disparate, très peu homogène (que fait l’Ecclésiaste dans tout ça ?) et l’on peut trouver sur n’importe quel sujet des passages aux points de vue très différents, voire opposés ; car il n’existe aucun grand texte biblique qui ne soit ambigu. C’est une véritable « auberge espagnole » où l’on ne trouve que ce que l’on y apporte.
La survivance des religions juive, catholique, orthodoxe et réformée, a empêché jusqu’à aujourd’hui une étude à la fois mythologique et historique de la Bible, en raison du halo de sacré qui y est attaché. Seule une étude libérée de toute emprise théologique peut dégager la signification de textes qu’il convient d’aborder à l’égal des mythologies grecque, assyro-babylonienne, ou druidique, car la Bible n’est en fait qu’une vaste compilation de matériaux divers.
La Bible n’est qu’une bibliothèque dont les livres… ou les chapitres… appartiennent à toutes sortes de genres littéraires différents. Les nombreux auteurs ayant contribué à produire ce texte y ont rajouté des propos qu’ils estimaient nécessaires à leur temps. Par exemple un nombre considérable de lois obscures (613 mitzvoth qui ne peuvent se passer d’explications, vu leurs lacunes ou leurs contradictions) ou un amas d’absurdités pathogènes, au moins en ce qui concerne la morale universelle (les textes sacrés que les juifs attribuaient aux divers illuminés nebiim ou autres témoins de Jéhovah). Certains passages (liste de noms, mesures du temple, descriptions poétiques, etc.) n’impliquent d’ailleurs aucune vérité transcendantale c’est-à-dire concernant notre genre de vie, ou notre salut.
La position des judéo-chrétiens est actuellement, la suivante. Tout n’est pas vrai dans la Bible, mais par contre elle contient toutes les vérités nécessaires à notre salut (5 % du texte ? ? ? ?).
Même s’il faut parfois des siècles de réflexion inspirée par la divine Providence (ou l’Esprit saint) pour les « découvrir » et pour s’apercevoir que le sens contenu dans ces énoncés de la foi…
a) Dépend pour une grande part de la portée sémantique de la langue employée, à une certaine époque, et dans certaines circonstances.
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b) Qu’il arrive en outre que la vérité dogmatique soit d’abord exprimée d’une manière incomplète – pas fausse cependant – et que, plus tard, elle soit signifiée plus intégralement ou plus complètement.
c) Que ces énoncés ont une intention limitée à certaines questions à résoudre, ou certaines erreurs à rejeter.
d) Que les vérités à enseigner sont énoncées en des termes qui portent la trace de conceptions d’une époque donnée, et doivent donc être en permanence reformulées, de manière à présenter plus clairement la même signification.
Si nous comprenons bien, le prêtre auteur de ce brillant euphémisme en arrive presque à dire que l’on n’est jamais trop sûr de ce qu’il faut penser de tel ou tel dogme, et qu’il faut par conséquent constamment les reformuler.
Or comme l’a très bien vu le grand barde irlandais John Toland dans son célèbre ouvrage intitulé « le Christianisme sans mystère » : la vérité devrait toujours être la même.
Pourquoi donc dans ces conditions ne pas faire plus simple en reconnaissant franchement qu’il n’y a pas plus d’inspiration que de révélation divines dans ces textes ? La partie Ancien Testament de la Bible ou Bible juive véhicule un certain nombre d’idées, mais c’est à la Raison, et non à la Foi, de déterminer si elles peuvent être acceptées. Une vraie religion doit être raisonnable et compréhensible… Ce qui a été révélé doit être aussi bien compris que toute autre chose dans le monde, la révélation n’étant qu’un moyen de nous informer, seule l’évidence de l’idée devant ensuite nous persuader de sa justesse.
Ainsi que nous avons eu l’occasion de le dire, il n’y a que peu de rapports entre la vérité historique scientifiquement prouvée et le tableau que nous en brossent les 5 premiers livres de la Bible. Les scribes ayant composé cette œuvre de propagande sous le règne du petit roi de Jérusalem appelé Josias, au 7e siècle avant notre ère, ont quand même dû pour cela utiliser un certain nombre de croyances, d’idées reçues ayant cours à leur époque, de matériaux, légende, traditions, ou chroniques.
SURCONCLUSION : Il est donc grand temps de soutenir à cet égard le plus sévère des révisionnismes religieux. Il est temps de voir enfin le dieu-ou-démiurge de cette monolâtrie pour ce qu’il est : une création de l’Homme à son image. La Bible tout comme le Coran d’ailleurs transmet des idées humainement conditionnées, voire dangereuses pour la santé mentale des individus.
Cet état d’esprit monganien n’a d’ailleurs jamais été complètement étranger à nos latitudes. Un jésuite ayant un jour déclaré, lors de la Commune de Paris, pour répondre à une question du procureur Raoul Rigault lui demandant où l’on pouvait le trouver, que Dieu était partout et nulle part à la fois ; ce dernier nota : « En état de vagabondage, au service d’un maître qui a disparu ».
Notre seule source d’information sur la ou les religions hébraïque (s) AU SENS HABITUEL DU TERME est donc la Bible, ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes, car à cet égard l’Ancien Testament ressemble plus à un mythe fondateur ou de fondation qu’à une chronique historique. Tautologie : notre seule source d’information sur ces Hébreux « an-historiques ou mythiques » étant donc la Bible, nous dirons donc ci-dessous quelques mots de ces Hébreux bibliques ainsi définis. N’oublions pas néanmoins que la Bible de Jérusalem n’est pas « le » texte de la religion de tous les Hébreux, c’est seulement le texte des religieux du sud, du royaume de Juda, ce qui est beaucoup plus restrictif : cela exclut les Hébreux de l’Israël antique (l’État du Nord) et les Samaritains.
Mais venons-en donc au texte biblique proprement dit.
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LA LOI, LES GRANDS PROPHÈTES, LES PETITS PROPHÈTES,
ET LES AUTRES ÉCRITS.
PREMIÈRE PARTIE SUIVANT NOTRE DÉCOUPAGE À NOUS.
PRENONS PAR EXEMPLE LE CAS DU DEUTÉRONOME, QUI SEMBLE BIEN ÊTRE LE PLUS ANCIEN DES LIVRES DE LA BIBLE, quel que soit son auteur, un homme seul ou une équipe, que nous désignerons par ailleurs pour la commodité du raisonnement dans ce qui suit sous le nom de « Deutéronomiste ».
Vu les similitudes stylistiques ou théologiques ce deutéronomiste ou cette École deutéronomiste aurait…
— certes écrit ou remanié les parties les plus anciennes du Deutéronome
— Mais aurait aussi écrit tout ou partie des livres de Josué, Juges, 1 et 2 Samuel, 1 et 2 Rois, 1 et 2 Chroniques.
Le Deutéronome est en effet un livre qui a une place double :
Il est considéré comme la conclusion du Pentateuque, mais il est aussi l’introduction aux livres historiques, et en particulier du Livre de Josué.
Cette double position a entraîné de nombreux débats. Certains chercheurs, privilégiant sa position comme livre du Pentateuque, proposèrent d’y inclure également le livre de Josué, d’autres privilégièrent sa position comme introduction à Josué, proposèrent de l’exclure du Pentateuque.
Dès Spinoza en effet il est apparu que certains textes du Deutéronome annonçant la possibilité de la destruction de Jérusalem faisaient curieusement échos au courroux divin signalé dans les livres postérieurs. Au 19e siècle l’existence de thèmes communs sera donc reconnue.
Martin Noth sera le premier en 1942 à essayer d’en donner une explication cohérente. Il explique les similitudes entre le Deutéronome et les livres historiques par l’existence d’une histoire deutéronomiste rédigée par un auteur unique, le Deutéronomiste. Outre son activité rédactionnelle, cet auteur a intégré différentes traditions anciennes, parfois même en contradiction avec ses propres thèses.
Son document ou Histoire deutéronomiste irait de Deutéronome 1-3 le prologue originel à 2 Rois 25 qui décrit la réhabilitation de Yoyakim en exil. L’ensemble aurait donc été rédigé après – 562.
Le but en aurait été d’expliquer la chute d’Israël et la déportation par une désobéissance à Yhwh et donc une punition divine.
De nombreuses modifications à la théorie de Martin Noth ont été proposées. Deux écoles concurrentes se sont détachées.
Le Modèle des deux blocs qui eut, et a encore dans ses versions modernes, la faveur des exégètes anglo-saxons et la position de l’école de Göttingen qui a la faveur des exégètes allemands ou français. Outre ces deux développements majeurs, il convient également par simple honnêteté de rappeler l’existence d’arguments rejetant l’existence même d’une histoire deutéronomiste.
La théorie de Martin Noth avait des faiblesses, dans la mesure où elle laissait certains éléments sans réponses.
Tout d’abord, elle n’expliquait pas les deux visions opposées de la royauté présentées dans les textes deutéronomistes : une vision flamboyante de la monarchie tout d’abord, une vision négative lui faisant porter la responsabilité de l’exil ensuite.
De plus, des ajouts ont été faits à l’histoire deutéronomiste originale et il était possible que ces ajouts n’aient pas été indépendants les uns des autres, mais résultent d’un dessein unique.
La théorie des deux blocs. Frank Moore Cross suivi par l’école exégétique anglo-saxonne, propose un nouveau modèle expliquant l’Histoire deutéronomiste actuelle par une rédaction en deux blocs.
Tout d’abord une première rédaction des événements faite durant le règne de Josias et présentant ce dernier comme un modèle ayant rétabli le culte dans sa forme pure, un culte essentiellement adultéré par le roi Jéroboam. Puis un deuxième auteur (désigné sous l’abréviation Dtr2) complète l’histoire durant l’exil en expliquant ce dernier par la vengeance divine devant l’échec des successeurs de Josias.
Pour Cross, le deuxième deutéronomiste n’avait quasiment pas modifié le premier bloc, mais ses successeurs ont trouvé diverses mentions en rapport avec l’exil dans le bloc initial et les attribuent naturellement à des modifications faites par le second auteur.
Cette hypothèse, appelée modèle des deux blocs ou théorie crossienne compte aujourd’hui encore de nombreux adeptes.
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La théorie des couches successives.
Cette modification de la théorie de Noth sera présentée en 1971 par Rudolf Smend, un juriste allemand spécialiste en droit canonique, fils d’un célèbre théologien du 19e siècle.
Rudolf Smend explique lui aussi la présence de nombreux passages apparemment ajoutés à l’Histoire deutéronomiste initiale par une seconde rédaction orientée, mais dans le but de mettre l’accent sur l’obéissance à la loi cette fois-ci. Ce deuxième rédacteur aurait retravaillé l’ouvrage initial à la fin de l’exil ou dans les années qui suivirent.
Le théologien allemand contemporain Walter Dietrich a supposé un troisième rédacteur, le Deutéronomiste prophétique, ayant modifié le texte en ajoutant dans l’Histoire deutéronomiste divers ajouts mettant l’accent sur les prophètes comme Élie ou Élisée.
De nombreux chercheurs anglo-saxons penchent toujours pour le modèle des deux blocs. Différentes variantes ont été développées en ce qui concerne l’étendue de ces deux blocs. Certains y ajoutent un troisième Deutéronomiste, se rapprochant, mais avec une terminologie différente, de la position de l’école de Göttingen.
Négation de l’histoire deutéronomiste.
Différents auteurs ont également remis en cause l’existence même d’une Histoire deutéronomiste, c’est-à-dire l’existence d’une œuvre cohérente allant de Deutéronome 1-3 le prologue originel à 2 Rois 25.
Certains exégètes, comme le théologien suisse Konrad Schmidt, estiment par exemple que les textes deutéronomistes présents dans les livres historiques ne résultent pas d’une volonté éditoriale cohérente ainsi que le suppose l’hypothèse deutéronomiste.
— Il aurait existé avant l’exil un texte historique racontant la période Moïse-Josué.
— Après la prise de Jérusalem en -587 un récit retraçant la vie des rois d’Israël et de Juda aurait été constitué et aurait formé ensuite les livres de Samuel et les livres des Rois.
Lorsque le Pentateuque aurait été rassemblé avec Moïse comme figure centrale, un deuxième ensemble historique aurait été créé reprenant les livres de Josué et ceux des Rois.
Malgré l’absence de consensus sur une théorie complète parmi les exégètes, plusieurs points sont néanmoins admis par la grande majorité d’entre eux.
Tout d’abord tous reconnaissent l’existence de textes deutéronomistes dans les Prophètes antérieurs.
Les rédacteurs deutéronomistes avaient connaissance de textes néo-assyriens. Il y a, par exemple, de grandes similitudes entre les malédictions du Traité d’Asarhaddon (-672) et celles de Deutéronome 28 (brrr…). Cela ne signifie cependant pas pour autant que ces textes datent de cette époque, ceux-ci semblant plutôt présupposer la chute du royaume de Juda (-586).
L’essentiel des textes deutéronomistes a pour but l’explication et la justification de l’exil, lors de la période babylonienne.
À l’époque perse, plusieurs textes deutéronomistes ont été revisités dans une optique plus légaliste.
Enfin, le travail rédactionnel a perduré durant l’époque hellénistique.
L’exégète germano-suisse Thomas Römer dans son livre intitulé « La première histoire d’Israël. L’École deutéronomiste à l’œuvre » soutient le compromis suivant.
Une première phase rédactionnelle de cette histoire eut lieu durant la période assyrienne (chapitre 4), subtile imbrication d’une production littéraire (projet des scribes judéens) et de la propagande royale (réforme cultuelle de Josias). Mais il faut moins parler ici de rédaction historiographique continue que de « pièces d’archives » ayant subi, dans leurs thèmes et leur écriture, l’influence de la littérature néo-assyrienne (VIIe siècle). Cette école de scribes a donc transposé sur le règne de Josias des pièces inspirées de l’épigraphie d’un empire assyrien qui fut objet de terreur et modèle pour toute la région (noyau du Deutéronome : cadre théologique ; récits de Jos 1-15 : conquête ; récit de l’ascension de David : légitimation de la dynastie davidique ; premières ébauches d’une histoire des rois culminant avec Josias).
Une deuxième phase (chapitre 5) débute à la période néo-babylonienne, appellation que Th. Römer juge préférable à celle de « période exilique », parce que le concept de période liée à l’exil est précisément un des thèmes de la rédaction deutéronomiste. Cette deuxième phase (VIe siècle) cherche notamment à expliquer l’échec d’un roi précédemment présenté comme le modèle de la royauté. C’est probablement ce deutéronomiste exilique qui est le mieux connu et a profondément orienté les axes théologiques de l’histoire qui lui est attribuée (on rejoint ici les grands traits de l’hypothèse de M. Noth).
Enfin, la troisième phase (chapitre 6) concerne le développement ultime de la rédaction deutéronomiste lors de la période perse (Ve siècle – voir R. Smend et W. Dietrich). Elle met
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notamment l’accent sur l’élection d’Israël et une vision ségrégationniste du peuple, restreint aux exilés de – 597 (Dt 7 ; Dt 9,1-6) comme dans certaines rédactions du livre d’Ézéchiel (Ez 11,14-21 ; 33,23-29) dont elle s’inspire en partie et fait des exilés de 587 les seuls responsables de la catastrophe (Ez 14,21-23). On lui doit aussi un strict monothéisme (Dt 4 ou Dt 26,12-15), et le rôle positif joué par la Diaspora juive : ainsi, la réhabilitation finale de Joiakîn en 2 R 25,27-30 use des conventions littéraires des « romans de Diaspora » qu’on retrouve dans les histoires d’Esther et Mardochée, de Joseph (Gn 37-45), ou de la première partie de Daniel (Dn 2-6). En ce contexte, la Torah déborde le cadre du pays pour devenir une « patrie portative » qu’on inscrit sur les montants de toute maison juive (Dt 6, 6-9).
De cet auteur (Thomas Römer), nous conseillons également l’excellent livre intitulé « L’invention de Dieu ». Tout est dit dans le titre, mais il faut le dévorer jusqu’au bout quand même (Yahvé est arrivé en Israël dans les bagages d’une tribu de bédouins Shasous de yhwh une région montagneuse située, située… près de Pétra en Jordanie ???).
POUR SIMPLIFIER ET EN CE QUI NOUS CONCERNE, NOUS COMMENCERONS DONC AINSI QUE NOUS L’AVONS DIT NOTRE RAPIDE SURVOL DE LA BIBLIOTHÈQUE QU’EST LA BIBLE… PAR LE DEUTÉRONOME (IL FAUT BIEN COMMENCER QUELQUE PART).
Ci-dessous son texte en résumé, très résumé (la portée morale du message destiné à nous rendre meilleurs et à sauver nos âmes est quand même limitée. Tout comme dans le cas de ce qui suit d’ailleurs et qui a peut-être le même auteur ainsi que nous venons de le voir. Le livre des Juges nous montre par exemple un jeune chef (Sardane des peuples de la mer ?) nommé Siséra, lâchement assassiné pendant qu’il dormait par son hôtesse. Cela fera rire la juge Débora alors qu’à l’époque violer les lois de l’hospitalité était un des plus grands crimes possibles et que de toute façon la victoire était passée du côté des israélites. Le cantique de Déborah fait donc preuve en l’occurrence d’une haine de l’ennemi devenue inutile et qui n’aurait pu se justifier qu’avant la bataille, pas à ce moment-là. Mais le dieu de Déborah s’en est repu alors que dire, sinon que l’humanité n’a que faire de tels dieux !…
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DEUTÉRONOME.
Le Deutéronome reprend une bonne partie des récits de l’Exode. Cette 2e loi, elle aussi attribuée à Moïse, est la même que celle prétendument révélée au Sinaï, mais adaptée à la réalité de la vie du temps de Josias (VIIe siècle avant notre ère).
Ce texte en effet n’est pas toujours vraiment fait pour la vie dans le désert. On y indique par exemple comment le roi doit être choisi et comment il doit gouverner. On y fait mention de villes et de villages, d’agriculture, de culte et de liturgie, au lieu choisi par Yhwh, pour qu’y demeure son nom [Jérusalem]. Il a donc été écrit longtemps après Moïse et ne peut être de lui.
1, 28. Des géants (Anafi) habitent des villes touchant presque le ciel… Science-fiction futuriste !
2,10 à 37. Les Eimim sont des géants… auparavant demeuraient les géants Anaqim, les Zombies Refaïm (les Refaïm aussi sont des géants) les troglodytes Horites… quant aux Horim, les fils d’Ésaü les ont déshérités ou exterminés. Ils habitent à leur place, comme Israël a fait, etc. Légendes dignes d’un mauvais film d’horreur !
3, 1 à 22. N’ayez pas peur… c’est votre Dieu lui-même qui combat.
4, 28. Peut-on en déduire que le vrai Dieu, lui, peut manger ou sentir ??
14, 22 à 29. Institution de la dîme (impôt ecclésiastique).
16,1 à 2. Centralisation à Jérusalem de la fête de Pâque qui était avant surtout familiale. Ce passage prouve bien que le texte a été rédigé du temps du roi Josias et non par le mythique Moïse.
19, 21. Rappel de la loi du talion.
20,16. « Mais dans les villes de ces peuples dont l’Éternel, ton Dieu, te donne le pays pour héritage, tu ne laisseras la vie à rien de ce qui respire ».
Quel est donc ce Dieu qui commande d’exterminer les hommes, les femmes et les enfants… ?
26. 2 à 13. Piqûre de rappel sur la dîme en tant qu’impôt ecclésiastique.
28. Ce chapitre du Deutéronome ressemble étrangement au texte des adês ou serments de fidélités que le roi d’Assyrie Assarhaddon fit jurer en 672 avant notre ère à tous ses vassaux.ou gouverneurs. On en a retrouvé des copies sur tablette en argile, écrites en caractère cunéiforme un peu partout.
En tout cas la même mentalité y est à l’œuvre
Les adês précisaient d’abord l’objet du traité et le nom ou la qualité des contractants : le roi d’Assyrie d’un côté, ses vassaux ou ses représentants de l’autre. Ces derniers juraient pour tous ceux dont ils avaient la charge.
Les traités mentionnaient ensuite la liste des dieux garants avant de détailler tous les cas où le prince héritier pourrait être en danger. Suivaient les malédictions qui ne manqueraient pas de s’abattre si le
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serment venait à être brisé. Puis venait la déclaration solennelle du serment qui commençait ainsi : Puissent les dieux être nos témoins, nous ne nous rebellerons pas contre Assarhaddon, notre roi, roi d’Assyrie, ni contre Assourbanipal, le prince héritier.
Enfin, le texte s’achevait par de nouvelles malédictions, puis par la date et le colophon.
34, 5. La mise en terre de Moïse. Sachant que c’est lui qui est censé avoir écrit ce récit, cela soulève un léger problème.
------------------------------- ---------------------------------------------------------- -------------------------------------- ------Ici commence la 2e partie de la Bible juive : les prophètes. Nebiim ou autres illuminés genre Témoins de Jéhovah. Un ensemble de récits disparates évoquant de vagues événements historiques.
À cette époque, le pays de Canaan était une province égyptienne. Pourtant nulle trace d’Égyptiens dans le récit. Aucune trace de bataille dans les (nombreuses) archives égyptiennes de l’époque. Les forteresses décrites par Josué n’existaient pas encore !! Le Livre de Josué ne remonte en aucune façon à la prétendue installation des Hébreux en Canaan. C’est vraisemblablement un document de propagande mis en circulation sous l’impulsion du roi Josias, afin de répondre aux soucis les plus pressants du Royaume de Juda du VIIe siècle avant notre ère. Retravaillé ensuite deux cents ans plus tard, lors du retour de la déportation en Babylonie.
Ce livre reflète la volonté des clans de Rapatriés de retrouver la situation de partage territorial entre tribus… ayant prévalu avant l’Exil, ainsi que diverses revendications territoriales des uns ou des autres.
Comme il semble bien archéologiquement parlant qu’en définitive les Hébreux ne sont qu’une subdivision de la société cananéenne ayant évolué sur place, certains archéologues cohérents avec eux-mêmes pensent donc que le Livre de Josué sur la conquête de la Terre promise serait en fait complètement inventé, ou plutôt qu’il s’agirait d’une compilation de divers récits de nombreuses batailles n’ayant aucun lien entre elles, ayant eu lieu à des époques différentes (sur au moins 200 ans) et avec des antagonistes différents, qui plus est amplifiées par la mémoire collective ou la tradition orale. Et c’est tant mieux, car le Livre de Josué contient des récits de massacres indignes d’avoir été attribués à la volonté de Dieu, indignes d’avoir été soumis l’approbation voire même à la simple méditation, de la postérité, de tant de générations humaines, pendant des siècles. Mais cela nous l’avons déjà dit.
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LE LIVRE DE JOSUÉ DONC.
1, 4. Du désert jusqu’au Liban que voici… ce pays étant situé à plus de 100 km, Josué devait avoir une sacrément bonne vue.
1,14 et 15. Le pays que vous a donné Moïse au-delà du Jourdain. Comme Josué parle en étant toujours sur la rive orientale du Jourdain, s’agissant des tribus de Ruben, Gad et Manassé, il y a donc erreur. Il aurait fallu écrire « En deçà du Jourdain », car ces trois tribus restèrent sur la rive orientale du fleuve. Cet autre détail montre que le véritable auteur du récit habitait déjà et depuis longtemps la Terre promise, car Josué ainsi que ses hommes sont censés ne pas y avoir encore mis les pieds à ce moment-là.
3,16. La traversée du Jourdain. Fable copiée sur le prétendu miracle de la Mer Rouge !
5,13 à 15. Vision digne du film le plus fantastique, mettant en scène les exploits d’un héros mythique comme le Hésus appelé Cuchulainn en Irlande. Le chef des armées de Dieu en personne (Lug ? ?) apparaît à Josué.
6, 21 à 26. Génocide des habitants de Jéricho.
6, 5. Le récit relatant la prise la ville de Jéricho (dont les murailles d’enceinte se seraient écroulées au son des trompettes de guerre) est donc un faux. Il ne s’est agi en aucun cas d’une place fortifiée encore en activité, prise de vive force par des assiégeants, mais vraisemblablement d’une cérémonie rituelle et symbolique. À l’époque citée par la Bible, Jéricho n’était pas encore ou n’était plus, fortifiée !!
8, 24 à 26. Génocide des habitants d’Aï.
8,30 à 35. Ajout évident et invraisemblable en pleine guerre. Il s’agit de montrer que tous ces massacres constituent bien une guerre sainte conduite par Dieu.
10,1. Dieu fait tomber une pluie de pierres sur les Amorites. Les armes de destruction massive ne datent pas d’hier. Cf la légende de La Crau et d’Hercule en France.
10,13. Le Soleil arrête sa course au-dessus de Gabaon pour permettre à Josué de parachever sa victoire. Idiot évidemment, et pour une raison très simple : ce n’est pas le Soleil qui tourne autour de la Terre, mais la Terre qui tourne sur elle-même. Le scribe inspiré par Dieu pour raconter ceci a perdu incontestablement une occasion de se taire.
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10 (20 à 43) 11 et 19 (51). Génocide des habitants de Jérusalem (eh oui) des habitants d’Hébron, Yarmout, Lakish, Eglôn, etc., etc. Tels sont les héritages distribués par le prêtre Éléazar, Josué, et les chefs de famille, aux tribus des israélites, par tirage au sort, devant Dieu.
22,19. Anachronisme. En principe, Jérusalem n’a pas encore été conquise.
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JUGES. (Hébreu shopetim, suffètes.) Là encore, il s’agit d’un amalgame de traditions diverses fondues en un seul texte ultérieurement, plus de six siècles après la date supposée des événements, lors du retour de l’Exil à Babylone. L’Israël de ce livre est donc très antidaté.
1. Ce chapitre purement politique et guerrier évoque des luttes très localisées et désordonnées, sans plan d’ensemble, personne à l’époque n’ayant une idée de ce qu’il allait sortir de tout ça. En résumé de petits seigneurs, hébreux ou autres (exemple Shamgar, Juges, 3, 31, qui n’est pas Hébreu) en lutte les uns contre les autres. Le rédacteur final de ce livre a fait comme si ces éléments divers et très circonscrits concernaient l’ensemble du peuple hébreu de l’époque ; mais rappelons encore une fois que ces suffètes, en réalité de petits seigneurs, n’ont eu qu’une activité très limitée, consistant essentiellement à conquérir, défendre ou gouverner, leur microterritoire. Ce qui contraste sérieusement avec la guerre apparemment menée par Josué dans le livre précédent.
2. Changement de ton. Vision religieuse des choses.
3, 7. Les israélites agissent mal aux yeux du Seigneur en servant Baal et Astaroth. Les vilains !
5, 1 à 31. Le cantique de Déborah n’est qu’une longue apologie de la guerre et de la vengeance, eh oui, un appel à la mobilisation et à la guerre ; à la guerre menée par Dieu contre les peuples se battant pour défendre leur terre et leur liberté. Autres Sémites de Palestine ou Aryens comme les Philistins.
5, 23. Dieu a curieusement besoin d’aide.
8, 5. Insertion en cet endroit du récit biblique d’une autre tradition. Les rois madianites ne s’appellent plus Orev et Zeev, mais Sévah et Tsalmounna.
8, 27. Gédéon trouve normal de faire une statue de Yhwh. Note critique du scribe rapportant cette tradition, six siècles après.
9, 29. Erreur de temps ou de grammaire dans le texte hébreu. Abimélek n’est pas là et ne peut donc entendre quoi que ce soit.
13. À l’époque des Juges, le peuple d’Israël était soumis par les Philistins, ce qui n’empêcha pas Samson d’aller « prendre une femme » chez ces derniers. À partir de ce moment-là, les événements s’enchaînent. Lors du festin de mariage, Samson met au défi une trentaine de convives de résoudre une énigme de son cru, et comme ils n’y parviennent pas, il les tue. Le père de la mariée ayant mal pris la chose (ça se conçoit) reprend sa fille. Ce qui ne fut pas du goût de Samson qui brûla donc la récolte des Philistins. Riposte de ceux-ci qui montèrent en Juda (Judée) pour y capturer Samson. Mais celui-ci, disposant d’une force herculéenne, ne se laisse pas faire et « trouvant une mâchoire d’âne fraîche, il tendit la main, la saisit et en abattit mille hommes ». Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il y a dans ce récit beaucoup de choses qui ne doivent pas être prises à la lettre.
13, 25. Samson est pris de tremblements, sans doute de nature épileptique.
Les deux grands récits de la fin (le chapitre XVII et les chapitres XVIII à XXI) ne sont que des annexes ou des digressions, n’ayant rien à voir.
17. Même chose que pour Gédéon. Le dénommé Mikayehou fait une statue de Yhwh et lui voue un véritable culte assuré par un lévite.
19. Insoutenable !
19,18. Mention d’un temple de Yhwh au fin fond de la montagne d’Ephraïm, entretenu par un lévite au comportement bien peu édifiant.
21,1 et 5. Le texte du serment diffère. Oubli ou erreur du scribe ayant essayé de fusionner les différentes traditions orales sur le sujet.
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SAMUEL
La division en deux tomes de ce livre n’est pas d’origine. Son texte définitif date grosso modo du retour de déportation en Babylonie, soit du VIe siècle avant notre ère. L’amalgame de différents écrits ayant été plus ou moins réussi, on y retrouve de nombreuses divergences, répétitions, ou dissonances, voire des doublons. L’institution de la royauté y est par exemple présentée deux fois, et de manière différente. Il en est de même du rejet de Saül par David, ainsi que de l’histoire de David s’enfuyant de la cour de Saül ou épargnant Saül. Le récit de la mort de ce dernier, par lequel commence le second livre, comporte de nombreuses différences avec celui de 1 S. 31.
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On notera également que le récit de cette mort est suivi par un chant funèbre dans lequel David célèbre la mort au combat de Saül et Jonathan. Le caractère composite de l’œuvre interdit de l’attribuer à un seul auteur.
1 Samuel.
2, 22. « On lui rapporta qu’ils couchaient avec des femmes qui se retrouvaient à l’entrée de la tente de la rencontre (avec Dieu) ». Mention absente de la traduction grecque de la Septante et qui a donc dû être ajoutée tardivement
6,13 à 19. Contradiction et incohérence. Regarder l’arche d’alliance entraîne la mort dans un cas et pas dans l’autre.
10, 24 à 25. Instauration de la royauté.
11,14 à 15. Instauration de la royauté. (Bis repetita.)
13,1. Le scribe ayant procédé à la synthèse, un peu forcée, de toutes ces légendes sur le grand chef (Saül), a laissé en blanc l’âge du capitaine. Il y a une place de libre prévue pour ça, mais rien de marqué. Curieux !
14,32. Basse sorcellerie de l’armée des Hébreux qui sacrifient aux âmes des morts.
17,54. David ramène la tête de Goliath à Jérusalem. Sur la coutume des têtes coupées dans l’Antiquité, voir Posidonios et Diodore de Sicile. Seul problème : ce n’est que plus tard que Jérusalem a été conquise (par lui d’ailleurs).
27,6. Roi de Juda. Or à l’époque où les faits sont censés se dérouler il n’y avait pas encore eu séparation entre royaume de Juda et royaume d’Israël, cette scission n’étant intervenue qu’en – 931.
28, 7 à 25. Saül évoque l’âme/esprit ou le fantôme de Samuel. Inspiré du poème sumérien où l’on voit l’ombre d’Enkidou sortir des enfers et se jeter dans les bras de Gilgamesh. Il s’agit là d’une bien curieuse histoire de sorcière, ou de voyante, que nous ne résistons pas au plaisir de citer plus longuement.
« Samuel étant mort ; tout Israël en avait fait son deuil, et on l’avait enseveli à Rama, dans sa ville. Saül avait expulsé du pays les nécromants, ceux qui évoquaient les morts et les devins.
Les Philistins, qui s’étaient regroupés, vinrent camper à Chounam. Saül rassembla tout Israël et ils campèrent à Guilboa. Lorsque Saül vit le camp philistin, il prit peur et son cœur trembla.
Saül consulta Yahweh, mais Yahweh ne lui répondit ni par des songes, ni par les sorts, ni par les prophètes.
Saül dit alors à ses serviteurs :
« Trouvez-moi une nécromancienne, que j’aille chez elle et que je la consulte ».
Ses serviteurs lui répondirent :
« Il y a une nécromancienne à Endor ».
Saül se déguisa et endossa d’autres vêtements, puis partit avec deux hommes à lui, et ils arrivèrent de nuit chez la femme. Saül lui demanda :
« Je t’en prie, fais-moi dire l’avenir par un revenant et évoque pour moi celui que je t’indiquerai ».
La femme lui répondit :
« Voyons, tu sais toi-même ce qu’a fait Saül, comment il a chassé du pays ceux qui évoquent les âme/esprits et les devins. Pourquoi me tends-tu un piège destiné à me faire condamner à mort ? »
Saül lui fit alors la promesse suivante :
« Aussi vrai que Yahweh est vivant, dit-il, tu n’encourras aucun blâme pour cela ».
La femme demanda :
« Qui faut-il évoquer pour toi ? »
Il répondit : « Évoque-moi Samuel ».
Alors la femme évoqua Samuel, et elle poussa un grand cri quand il apparut, elle dit à Saül :
« Pourquoi m’as-tu trompée ? Tu es Saül n’est-ce pas ? »
Le roi lui dit :
« Ne crains rien et dis-moi plutôt ce que tu vois ! »
La femme répondit à Saül :
« Je vois un spectre qui monte de terre ».
Saül lui demanda :
« Quelle apparence a-t-il ? »
Et la femme répondit :
« C’est un vieillard… il est drapé dans un manteau ».
Alors Saül sut que c’était Samuel, et s’inclinant face contre terre, il se prosterna.
Samuel dit à Saül :
« Pour quelle raison as-tu troublé mon repos en m’évoquant ? »
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« C’est, répondit Saül, que je suis dans une grande angoisse : les Philistins me font la guerre et Dieu s’est détourné de moi ; il ne me répond plus, ni par les prophètes ni en songe. Alors je t’ai appelé, afin que tu me dises ce que je dois faire ».
Samuel lui répondit :
« Pourquoi me consulter alors que Yahweh s’est détourné de toi et qu’il est devenu ton adversaire ? Yahweh t’a fait comme il t’avait dit, par mon entremise : il a arraché la royauté de ta main et l’a donnée à ton compagnon David ; parce que tu ne lui as pas obéi et que tu n’as pas satisfait l’ardeur de sa colère contre Amaleq. C’est pour cela que Yahweh t’a traité de la sorte aujourd’hui. Et Yahweh livrera, en même temps que toi ton peuple, aux mains des Philistins. Demain, toi et tes fils, vous m’aurez rejoint et tout le camp d’Israël aussi ; Yahweh vous livrera aux mains des Philistins ».
Sans commentaire !
2 Samuel. À l’origine 1 et 2 Samuel ne formaient qu’un seul et même livre comme nous l’avons vu.
6,16 à 22. David joue de la musique et danse nu devant Dieu et les hommes.
8,1 à 5. « Après cela David battit les Philistins et les humilia, et il enleva de la main des Philistins les rênes de leur capitale. Il battit les Moabites, et il les mesura avec un cordeau, en les faisant coucher par terre ; il en mesura deux cordeaux pour les livrer à la mort, et un plein cordeau pour leur laisser la vie. Et les Moabites furent assujettis à David, ils lui payèrent un tribut. David battit Hadadézer, fils de Rehob, roi de Tsoba, quand ce dernier voulut rétablir sa domination sur le fleuve de l’Euphrate. David lui prit mille sept cents cavaliers et vingt mille fantassins ; il coupa les jarrets à tous les chevaux de trait, et ne conserva que cent attelages. Les Syriens de Damas vinrent au secours d’Hadadézer, mais David battit vingt-deux mille Syriens. David installa des garnisons dans la région de Damas. Les Syriens furent assujettis à David, ils lui payèrent un tribut. L’Éternel protégeait David partout où il allait ».
Les archéologues confirment l’existence de David, dont le nom est inscrit sur la stèle de Tel Dan, mais ils affirment qu’à cette époque son royaume est non alphabétisé, que sa capitale Jérusalem encore un petit village de montagne, de 1 000 habitants. Ce qui rend le reste du récit fortement improbable. L’Israël de ces deux livres est largement inventé. Il faudra attendre – 700 pour constater un développement foudroyant de Jérusalem, dont l’étendue passera de six à soixante-quinze hectares en quelques décennies, et la population de 1 000 à 12 000 habitants. Ces chiffres sont extrapolés à partir du relevé de la position des tombes et de leur datation. Mais vers – 1000, la population vivant sur la partie sud des hautes terres (étendue géographique correspondant à Juda) est estimée à 5 000 habitants. Il s’agit d’une population rurale modeste. Il n’est pas vraisemblable qu’elle ait pu contribuer à la formation d’une armée aussi importante sous David.
15,7. Erreur ! Quatre ans et non quarante ans.
16, 21. David avait un harem.
21, 6 à 9. David livre sept des fils de Saül à leurs pires ennemis (les Gabaonites) pour qu’on les offre en sacrifice humain à Dieu. (Humain, trop humain !)
22,1. Ce chant n’est visiblement pas de David. Il correspond au psaume numéro 18, mais avec des différences notables.
24, 9. La distinction entre Israël et Juda est anachronique puisque la scission entre les deux royaumes n’interviendra que plus tard. De toute façon, les chiffres de ce recensement diffèrent de ceux de 1 Chronique 21,5.
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LIVRE DES ROIS.
À l’origine 1 et 2 Rois ne formaient qu’un seul livre. Sa rédaction s’est étalée sur trois siècles. Les parties les plus anciennes remontent au IXe siècle avant notre ère et les parties les plus récentes au – VIIe siècle, ou après le retour de déportation à Babylone. Comme en plus les auteurs ont voulu faire deux histoires bien distinctes, une pour les rois du Nord (Israël) et une pour les rois du Sud (Juda), le tout est assez embrouillé.
L’ensemble traite néanmoins de l’histoire du royaume de Juda pendant quatre siècles, depuis les derniers jours du roi David jusqu’à l’exil à Babylone (plus précisément jusqu’à la libération du dernier roi de Juda : Joïaquin). C’est probablement de cette époque (entre 560 et 538 avant notre ère) que date, sous sa forme actuelle, le livre des rois. Il fut sans doute rédigé pour faire connaître aux exilés les causes et les circonstances de leurs malheurs, et les inciter à garder l’espoir d’une prochaine libération. L’auteur décrit des événements dont il a été le témoin. Pour ce qui est du passé, ainsi que nous l’avons dit, il s’appuie sur la tradition et aussi sur des documents écrits aujourd’hui disparus, mais qui constituaient une source d’informations abondantes, vivantes et très précises. Ces archives ont été sans aucun doute mises à la disposition de l’auteur qui n’a retenu que ce qu’il a voulu et rien d’autre.
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Le prouvent ici et là, ainsi que nous l’avons déjà vu, les nombreuses mentions du genre : « Le reste est inscrit dans les annales des rois d’Israël », « le reste est inscrit dans les annales des rois de Juda », etc., etc.
1 Rois. David et Salomon. Leur existence est probable quoique moins certaine pour ce qui est de Salomon, mais la réalité historique n’a rien à voir avec la version décrite dans la Bible.
1, 34. Les remparts de Jérusalem sous le roi Salomon… Jérusalem est, certes, une cité très ancienne, mais sous le règne supposé de Salomon, ce n’était encore qu’un petit village sans fortification.
5, 6. 40 000 paires de chevaux pour ses chars. Ce chiffre diffère du chapitre XX verset 26. Les stèles araméennes de Kourkh et Tell Dan en Galilée donnent les chiffres de 2000 chars et 2000 cavaliers.
5, 27 à 30. Contradiction avec 9, 22.
8,1 à 9. Le texte a été actualisé après le retour de déportation en Babylonie (– 538) par ajout des précisions suivantes : Sion, septième mois, le lieu très saint…
9, 22. Salomon n’a pas asservi son peuple… Contradiction avec le chapitre V, versets 27 à 30.
10, 26. 1400 chars. Chiffre plus vraisemblable que le chapitre V, verset 6.
11, 5. Salomon, prudent, voue également un culte à la puissante Astarté, la grande déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère, des Phéniciens (Sidoniens) et Milkom, le grand dieu des Ammonites, traité d’abomination par ce texte (bonjour le racisme anti religion ammonite) !!
15,11 à 13. Le roi de Juda Asa continue le racisme anti religion cananéenne de David et persécute les cultes autres que le sien.
15,13. Maaka, grand-mère d’Asa, roi de Juda, développe chez les juifs le culte féministe d’Astarté/Ashéra.
16, 34. Afin de protéger sa capitale (Jéricho), le roi Hiel immole deux de ses fils.
17,17. Début d’un nouveau texte sur Élie, nabi ou illuminé judéen du IXe siècle avant notre ère, opposé à la liberté de culte instaurée par Jézabel femme d’Achab, en faveur du dieu-ou-démon cananéen Baal.
19,1. Élie persécute manu militari les autres prophètes desservant d’autres dieux apparemment, vu la suite (voir le texte du serment de Jézabel).
19, 2. Laïcisme de Jézabel qui admet tous les cultes.
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Afin d’apporter notre pierre à la lutte contre le racisme et par esprit de justice envers les simples fidèles de ce dieu, « partisans ouvriers et paysans », la blanche hermine « une troupe de marins d’ouvriers de paysans » qui sont aussi nos ancêtres, quelques mots ici pour expliquer quelles étaient les raisons qu’ils avaient de prier Baal. Baal est en fait un nom commun aux langues sémitiques signifiant quelque chose comme seigneur maître propriétaire.
Le nom d’Hannibal, le célèbre général carthaginois qui aurait pu prendre Rome, signifie d’ailleurs « qui a la faveur de Baal ».
Sur le plan cultuel, c’était l’appellation générique d’un dieu, accompagnée d’un qualificatif qui révèle quel aspect du dieu en question était visé. Baal Marqod, dieu des danses sacrées ; Baal Shamen, dieu du ciel ; Baal Bek, le Baal solaire et surtout, Baal Hammon, le terrible dieu des Carthaginois. Ainsi, chaque région avait-elle son dieu, son Baal local.
Pour les Cananéens c’était le dieu du soleil et de l’orage ainsi que celui de la fertilité (en rapport avec la pluie de l’orage et le soleil, tous deux nécessaires à la croissance des plantes).
Baal est de loin le théonyme vétérotestamentaire le plus mentionné après YHWH (Jah, le Seigneur) ou Élohim, avec près de 90 occurrences.
Dans la Bible, il n’a aucune identité précise, mais rassemble toutes les divinités qui pourraient détourner le peuple du culte de Yahvé
De la même façon, « Astarté » rassemble les divinités se référant à Ishtar, la déesse de Babylone.
Dans le Livre des Juges, de nombreuses histoires commencent par : le peuple de Dieu « se détourna du Seigneur et adora les Baals ainsi que les Astartés. »
À tel point d’ailleurs que certains passages bibliques décrivent leur Dieu comme on pouvait décrire Baal à l’époque. Il chevauche les nuées (Deutéronome 33, 26), c’est un dieu des orages et des tempêtes (Psaume 29) il habite sur une montagne, apporte la pluie la fertilité les récoltes……
…… Pour plus de détail, voir à ce sujet le livre de Thomas Römer intitulé « obscur » Dieu.
À ce culte est associé la prêtrise, et des sanctuaires de colline, appelés hauts lieux (bamoth). À l’intérieur se trouvaient des icônes et statues de Baal, et à l’extérieur des colonnes de pierre
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(probablement les symboles phalliques de Baal), des poteaux sacrés qui représentaient Ishtar, et des autels à encens. Ce culte était associé aussi à certains corps célestes (soleil, étoiles).
D’après la Bible, des prostitués, mâles et femelles, servaient sexuellement sur les hauts lieux et certains passages bibliques rapportent parmi les rituels chaldéens des sacrifices d’enfants pour obtenir les faveurs de la divinité. On peut par exemple lire dans le livre de Jérémie (19 :5) : « Ils ont bâti des hauts lieux à Baal, pour brûler leurs enfants au feu en holocaustes à Baal : ce que je n’avais ni ordonné ni prescrit, ce qui ne m’était pas venu à l’esprit ».
La formule est curieuse.
Les sources extrabibliques ne sont néanmoins pas très probantes sur le sujet.
Bref, ce dont témoignent surtout ces textes bibliques c’est qu’à partir du 9e siècle avant notre ère, les fous de Yahvé, les nabis ou autres visionnaires de ce type, mèneront une lutte sans merci contre le culte rendu aux aspects de la grande divinité moyen-orientale qu’incarnaient les baals.
Pourquoi tant de haine ?
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2 Rois : Les rois, Jéhu, Joachaz, Joas, Jéroboam, Zacharie, Menahem et Osée, ont bien existé. Le roi de Moab a bien existé, même si son histoire a été enjolivée. Samarie, le palais, les Omrides aussi, qui ont construit des tunnels d’alimentation en eau pour alimenter les villes comme Megiddo. La destruction du temple de Jérusalem a bien eu lieu (en – 586).
1, 2. Baal qualifié de Baal Zeboul, ce qui veut dire « prince baal » ou peut-être « baal du lieu ». Ridiculisé en Baal Zeboub (prince des mouches) par les sectateurs de la monolâtrie yahviste.
2,11. Après avoir transmis ses pouvoirs à son disciple Élisée ; Élie monte enfin au ciel sur un char et des chevaux de feu… Bon débarras !
3,19. « Vous frapperez toutes les villes fortes et toutes les villes d’élite, vous abattrez tous les bons arbres, vous boucherez toutes les sources, et vous ruinerez avec des pierres tous les meilleurs champs ». Mais quel est donc ce dieu qui ordonne de semer une telle désolation ?? Voir plus haut la remarque de Dom Antoine Augustin Calmet.
3, 9. Roi d’Édom. Anachronisme ! Il n’y a pas encore de roi d’Édom à cette époque.
3, 26 à 27. Le sacrifice humain fait par le roi de Moab atteint son but ! La colère de Dieu s’abat sur Israël !
10, 16 à 31. Guerre de religion ? Ce passage est assez bizarre.
a) Le nouveau roi feint de se convertir à la religion baalite.
b) Ensuite il la persécute et transforme ses temples en latrines.
c) Mais le rédacteur affirme après (versets 29 à 31) qu’il n’en a rien été.
Alors, que croire ? Il est vrai que les politiques sont coutumiers de tels retournements.
17,12. Les autres religions sont qualifiées d’ordures (shiqoutsim ou idoles).
17, 32 à 34. Évidente allusion aux Samaritains rejetés comme hérétiques par les déportés de Babylonie après – 538.
18,14. 300 talents d’argent pour le tribut. Les annales assyriennes donnent le chiffre plus vraisemblable de 800 talents d’argent.
22, 8. Le livre de la Loi… allusion à un embryon de Deutéronome.
22, 20. Inhumé dans la paix… Encore une prophétie ratée. Voir un peu plus loin. Josias mourra tué à Megiddo en – 609. À moins de considérer que mourir assassiné c’est avoir une mort paisible, il y a un problème !
23, 4. Josias condamne au bûcher les nécromanciens, les devins, les pénates, et les tertres sacrés (assimilés à des crottes : shiqoutsim).
« Le roi (Josias) ordonna… de faire sortir du temple de Yahweh tous les objets que l’on avait fabriqués pour Baal et pour Astarté et pour toute l’armée des cieux. On les brûla hors de Jérusalem, dans les champs du Cédron, et l’on en porta les cendres à Béthel. Il chassa les prêtres des idoles, établis par les rois de Juda, qui brûlaient de l’encens sur les hauts lieux dans les villes de Juda et aux environs de Jérusalem ; et ceux qui offraient de l’encens à Baal, au Soleil, à la Lune, aux signes du zodiaque et à toute l’armée du ciel. Il fit sortir l’ashéra de la maison de Yahwé, hors de Jérusalem… Il le brûla dans la vallée du Cédron, il le réduisit en poussière et il jeta cette poussière sur les sépulcres des enfants du peuple. Il abattit les maisons des prostitués sacrées, qui étaient dans la maison de Yahweh et où les femmes tissaient des voiles pour Astarté. Il fit venir tous les prêtres des villes de Juda, et il souilla tous les hauts lieux où les prêtres avaient brûlé de l’encens, depuis Gabaa jusqu’à Bersabée. Il détruisit les hauts lieux des portes, celui qui était à l’entrée de la porte de Josué, gouverneur de la ville, et celui qui était à gauche de la porte de la ville. Toutefois, les prêtres des hauts lieux ne montaient point à l’autel de Yahweh, à Jérusalem, mais mangeaient des pains sans levain au milieu de leurs frères.
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Il souilla le Topheth, dans la vallée des fils d’Ennom, afin que personne ne fît passer son fils ou sa fille par le feu pour Moloch. Il fit disparaître les chevaux que les rois de Juda avaient consacrés au soleil à l’entrée de la maison de Yahweh, près de la chambre de l’eunuque Nathan-Mélech, qui était dans les dépendances ; et il livra au feu le char du Soleil. Les autels qui étaient sur la terrasse de la chambre haute d’Achaz, qu’avaient fait les rois de Juda, ainsi que les autels qu’avait faits Manassé dans les deux parvis de la maison de Yahwé ; le roi les détruisit, les enleva de là et en jeta la poussière dans le torrent du Cédron… Le roi balaya également les nécromanciens, les devins, les téraphim, les idoles et toutes les abominations (shiqoutsim) rdures que l’on voyait au pays de Juda et à Jérusalem ; afin d’accomplir les paroles de la Loi écrites dans le Livre que le prêtre Hilqiyahou avait trouvé dans la Maison de Yahweh [et que l’on avait donc attribué à un certain Moïse ainsi que nous l’avons vu. Note de la rédaction].
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Les prophètes.
Les prophètes ne mentionnent jamais les événements fondateurs rapportés dans la Genèse et l’Exode : Adam et Ève, Noé, les Patriarches, la sortie d’Égypte avec Moïse, le don de la Loi au Sinaï, les quarante ans au désert. On remarquera notamment dans leurs livres :
— L’absence du cycle deutéronomiste : alliance, désobéissance, châtiment, repentance, salut.
— L’absence de l’idée que la sortie d’Égypte est fondatrice de l’identité du Peuple.
— L’absence de la promesse d’une descendance nombreuse et du don de la terre à Israël.
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ESAÏE. Recueil d’oracles attribués à un nabi ou illuminé du VIIIe siècle (–740 – 700) appelé ainsi.
La rédaction de ce livre s’est étalée sur au moins trois siècles. Esaïe commente l’actualité politique et religieuse de son temps.
La première partie de sa vie publique (–739 – 732) commence par l’illumination qui s’emparera de lui au sanctuaire de Jérusalem (chapitre VI).
Esaïe s’adresse surtout à la Samarie du VIIIe siècle avant notre ère ; il annonce la venue imminente d’un sauveur, sans que l’on puisse préciser s’il parlait d’un nouveau fils du roi ou peut-être de son propre fils. Il ne faisait pas allusion au Jésus qui devait naître huit cents ans plus tard, mais ces paroles ont été reprises dans différents midrashim le concernant. L’alliance entre la Samarie et la Syrie renverra Esaïe à ses chères études dans le désert. On relève dans son livre des disparités et des incohérences, même sur le plan strictement historique. Il y a en effet deux ou trois parties bien différentes dans ce livre.
— Du chapitre 1 au chapitre 33, il s’agit du texte authentique d’Esaïe. À quelques exceptions près. Les chapitres 24-27 et 34-35 (la petite apocalypse, Sion) ont été rajoutés au texte initial après le retour de déportation à Babylone en – 538. Tout comme l’appendice historique que constituent les chapitres 36 à 39.
Du chapitre 40 au chapitre 55 ou 66, il s’agit d’une œuvre anonyme et collective ; qui nous fait faire un bond de deux siècles environ, de l’époque royale (– VIIe siècle) à celle de la déportation à Babylone, où vit son auteur, vers 550 ou 540 avant notre ère. Babylone y remplace l’Assyrie, on y parle des Perses, des Mèdes et de Cyrus (chapitres 41, 44, 45).
Les illuminés de l’École d’Esaïe continuèrent en effet d’écrire deux cents ans après sa mort et leurs textes furent intégrés dans le livre attribué à cet auteur.
— Du chapitre 56 à 66 pour certains spécialistes un troisième « Esaïe », écrit au moment du retour d’exil (juste avant ou juste après).
PREMIÈRE PARTIE.
2,4. « Il sera le juge des nations, l’arbitre d’un grand nombre de peuples. De leurs glaives, ils forgeront des houes, et de leurs lances des serpes. Une nation ne tirera plus l’épée contre une autre, et l’on n’apprendra plus la guerre ». Encore une prédiction ratée ! Des milliers d’années plus tard, toujours des guerres (dont beaucoup sont des guerres de religion).
6, 1. Première illumination d’Esaïe au sanctuaire de Jérusalem vers – 740 – 730. Le nabi voit le trône de Dieu entouré d’anges à six ailes (des séraphins).
7,14. Ici s’est longtemps greffée une des nombreuses falsifications de la Bible juive, opérées par les chrétiens. Pour augmenter le nombre de prophéties réalisées par la vie de Jésus, le terme hébreu signifiant « jeune femme » a souvent été remplacé par celui de « vierge », afin d’y rendre possible une allusion à Marie.
7,17. Par le roi d’Assyrie… mots ajoutés au texte initial, car c’est un anachronisme.
11,6 à 9 « Le loup habitera ainsi avec l’agneau, et la panthère se couchera aussi avec le chevreau ; le veau, le lionceau, et le bétail que l’on engraisse, seront ensemble, et un petit enfant les conduira. La vache et l’ourse auront un même pâturage, leurs petits un même gîte ; et le lion, comme le bœuf,
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mangera de la paille. Le nourrisson s’ébattra sur l’antre de la vipère, et l’enfant sevré mettra la main dans le repaire du basilic. Il ne se fera ni tort ni dommage sur ma sainte montagne, car la terre sera remplie de la connaissance de l’Éternel, comme le fond de la mer par les eaux qui le couvrent ».
Encore une prédiction ratée ! À peu près 3000 ans plus tard, toujours rien…
21, 9. Babel (Babylone) ne tombera que bien longtemps après la période où ce discours est censé avoir été tenu, preuve donc qu’il a été en fait écrit après, au moins en ce qui concerne ce passage.
24,1. « La face de la Terre » ! Comme si la Terre était plate !
DEUXIÈME PARTIE.
42,1 ; 49,1 ; 50,4 ; 52,13. Quatre poèmes mentionnant un mystérieux serviteur de Dieu. À qui l’auteur pensait-il en rédigeant ces écrits, nul ne sait ?
63, 3 à 6. Appel à la haine, au meurtre et au racisme (antiarabe ? ?)
65,11-12. Encore un appel à un racisme anti culte de Gad ou de Meni (en hébreu), à l’intolérance religieuse, à la conversion forcée ou par la terreur, au culte d’un dieu-ou-démon particulier, bien particulier : le dieu du royaume de Juda et surtout de Jérusalem, Yaho/Yahweh.
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JÉRÉMIE. De – 605 à – 586. Date de l’assassinat de Godolias, gouverneur de ce qui reste du royaume de Juda placé sous protectorat babylonien. Jérémie s’enfuira en Égypte, accompagné de son secrétaire Baruch.
Dans le livre publié sous son nom, la critique reconnaît trois genres distincts : les paroles écrites ou dictées par le prophète, des fragments biographiques peut-être rédigés par son secrétaire Baruch, et des compléments ajoutés par les derniers rédacteurs.
5, 31. Tout d’un coup un éclair de lucidité. Les prophéties ne sont que des mensonges et les prêtres donnent l’exemple (sic !) en tendant la main aux subventions.
10,11. Verset rédigé en araméen et ajouté au texte central après le retour d’exil à Babylone (au – VIe ou – Ve siècle).
26. Raconte la même histoire que le chapitre VII, mais dans un contexte légèrement différent.
31, 34. « Plus jamais un homme ne devra enseigner son voisin ou son frère, en disant : sache ce qu’est Yhwh ! Car tous me connaîtront, du plus petit au plus grand. Sentence de Yhwh. Oui, je pardonnerai leur iniquité et leur faute, je les oublierai ».
Autre bel exemple de prophétie ratée ! 2500 ans après il est toujours nécessaire (pour certains) d’enseigner Yhwh à l’Humanité, au grand dam de ce Dieu-ou-démon.
39,14. Jérémie est laissé libre et reste chez lui sur place avec le petit peuple de Judée (tous les juifs n’ont pas été déportés).
40,1. Jérémie fait, lui aussi, partie des captifs enchaînés pour être déportés en Babylonie avec les riches notables.
40, 4. Retour à la case départ. Jérémie est laissé libre et reste avec le petit peuple judéen demeuré sur place sous la direction d’un gouverneur nommé par le roi de Babylone, le scribe nommé Guedalyah.
41, 9. Les cadavres des hommes qu’il avait frappés par la main de Guedalyah… Erreur ! C’est impossible, Guedalyah ayant été tué quelques lignes avant (verset 2).
48, 9. Donnez une plume (ou une fleur ?) à Moab et il disparaîtra… Aucun sens ! Sans doute une très ancienne erreur de traduction. Le sens général demeure néanmoins très clair : vengeance, vengeance et encore vengeance, tuer, tuer et encore tuer, détruire, interdire.
49, 36 « Quatre vents des quatre coins de l’horizon ». Pour ce nabi inspiré de Dieu, la Terre était donc une table plate et carrée (ou rectangulaire).
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Ézéchiel. Nabi ou illuminé membre d’une grande famille sacerdotale déportée à Babylone. Malgré l’ambiguïté de certains versets à ce sujet, il est certain qu’Ézéchiel a fait partie des Judéens déplacés en – 597 ou – 587.
Témoin de Jéhovah, Ézéchiel commence par avoir, sur les bords du canal ou fleuve Kebar, une vision du trône céleste de Dieu, dressé sur un char fantastique entouré d’anges de type chérubins ; c’est-à-dire des taureaux ailés analogues à ceux qui veillaient à l’entrée des temples sumériens (les fameux kéroubim). (Ézéchiel 1, 4 à 28). Il y a de nombreux mots incompréhensibles (les roues du char sont des astrolabes ?) et des doublons.
Dieu ou le Démiurge lui aurait accordé de vivre des expériences mystérieuses. Dans l’une d’elles (37, 1 à 10), il obtient le pouvoir de faire repousser la chair sur des squelettes et de les rendre ainsi à la vie. Très fort !
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Tout essai de datation de son œuvre est compliqué par le fait qu’il faut distinguer entre le temps où a vécu l’auteur et celui où a été finalement rédigé l’ouvrage qui porte son nom ; car ce texte est plus l’œuvre d’une École de pensée que celle d’un seul homme. Cette École est à l’origine d’une théologie que l’on peut qualifier de sacerdotale aaronide, et qui culminera juste après le retour de déportation.
13. S’en prend aux prophètes. Très bien ! Bravo !
14,14. Noé, Daniel, et Job. Le Daniel en question n’est évidemment pas celui qui a donné son nom au livre de Daniel, mais le Daniel de la légende d’Achat à Ras-Chamra.
38 et 39. Gog du pays de Magog. Pure légende que ce Gog, pas plus sérieuse que les légendes du type Curoi en Irlande ou Gargan (tua) en France. Se retrouve également dans le Coran.
39,11. Une tombe en Israël, dans la vallée des passants… Incohérence. Cette vallée est située non en Israël, mais à l’est du Jourdain.
48. L’idée générale de ce chapitre est très claire et explique bien des manipulations de textes ayant eu lieu après le retour de déportation en Babylonie en – 538. Il s’agit, pour les clans de rapatriés, de procéder à un nouveau partage du pays, tout en tenant compte de l’évolution de la situation après cinquante ans d’absence.
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OSÉE. – 750. Un contemporain de la chute du royaume du Nord. Nous livre sa version du règne de Jéroboam II sur le pays. Les harangues d’Osée figurent parmi les plus violentes jamais proférées par des témoins de Jéhovah (nebiim) contre la liberté de culte et de pensée, assimilée à de la prostitution ; qui régnait alors dans le royaume du Nord en Samarie, mais aussi plus moins dans celui du Sud (à Jérusalem et en Judée). Certains auteurs trouvent chez ce prophète la trace du meurtre de Moïse par les Juifs eux-mêmes.
4,14. Allusion à la prostitution sacrée. La femme du prophète Osée était d’ailleurs elle-même une prostituée sacrée du culte cananéen de la fécondité (cf. Osée 1, 2 ; 4,13-14). Pour les Cananéens évidemment il ne s’agissait pas d’une prostitution au sens moderne de ce mot chez nous. Aucune notion de péché ou d’impureté n’étant attachée à la force de vie qu’est la sexualité.
Il existait, à Babylone une coutume qu’Hérodote réprouve violemment. La plus honteuse des lois de Babylone est celle qui oblige toutes les femmes du pays à se rendre une fois dans leur vie au temple d’Aphrodite pour s’y livrer à un inconnu […] Les femmes sont assises dans l’enceinte sacrée, la tête ceinte d’une corde, toujours nombreuses, car si les unes se retirent, il en vient d’autres. Ainsi, les femmes n’ont-elles pas le droit de retourner chez elles avant qu’un homme ne les ait choisies, en leur jetant quelque argent sur les genoux, et en prononçant ces mots : « J’invoque la déesse Mylitta ». Cette divinité nommée aussi Astarté ou Isthar, déesse-ou-démone, ou fée, de l’amour, et de la guerre, est une des plus grandes divinités de Babylone. « Quelle que soit la somme offerte, continue Hérodote, la femme ne refuse jamais : elle n’en a pas le droit et cet argent est sacré. Elle suit le premier qui lui jette de l’argent et ne peut repousser personne ». Les plus belles se retrouvent donc vite libres et peuvent retourner chez elles, mais il en est qui restent dans le temple trois ou quatre ans, sans pouvoir satisfaire à cette obligation.
Hérodote nous signale une coutume analogue en quelques endroits de l’île de Chypre. Nous savons que les temples d’Aphrodite, à Paphos et à Amathonte, abritaient des courtisanes sacrées, sans pouvoir toutefois affirmer que la même loi y était en vigueur. Quel sens faut-il donner à cette coutume ?? Peut-être s’agit-il d’un acte de consécration de la virginité à la divinité ; peut-être aussi faut-il y voir un acte de défloration rituelle, pratiqué dans la plupart des sociétés primitives, où la virginité était considérée avec mépris, car c’était une preuve d’insociabilité. Sur la côte de Malabar, les jeunes filles ne pouvaient trouver de mari tant qu’elles restaient vierges : verser le sang d’un membre de la tribu étant interdit par un tabou.
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JOËL. – 400 ou – 350. Message ouvertement nationaliste compensant inconsciemment le dénuement et la pauvreté de la Judée d’après l’Exil.
3,1. Comme le montre la suite, et comme souvent dans la Bible, ne renvoie qu’au seul peuple de Juda et ne signifie nullement « l’Humanité tout entière ».
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AMOS. Début du VIIIe siècle avant notre ère (– 790 – 739 ? ?). Premier des illuminés (nebiim) à proclamer le jour de Yhwh. Judéen issu du royaume du Sud, Amos nous livre sa vision du règne de Jéroboam II sur le royaume du Nord. Les oracles et les visions d’Amos ont dû être collectés et mis en ordre par des disciples, ce qui fait qu’il y a peu d’additions ultérieures, contrairement à d’autres œuvres du même type.
Les diatribes contre les Judéens (2, 4, 5) ont dû néanmoins être ajoutées un siècle plus tard et l’annonce dans les derniers versets (9, 11 à 15) d’un salut par-delà les châtiments, est une addition encore plus tardive.
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Abdias. Ce long cri de haine contre les voisins arabes d’Édom date peut-être d’avant la déportation en Babylonie en – 587, mais les versets de la fin (19 à 21) ont été rajoutés après le retour des Rapatriés (soixante à soixante-dix ans après).
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JONAS. Il était une fois un homme appelé Jonas… L’histoire de Jonas avalé par une baleine ou un poisson géant n’est évidemment pas une histoire vraie. Ce n’est qu’une fable. Ce livre est caractéristique d’un nouvel état d’esprit. Dieu est considéré pour la première fois comme aussi créateur de la mer.
1. 9. Les personnages sont tous païens à part Jonas.
N.B. Le port de Tharsis ou Tartessos, but du voyage de Jonas, est une ville ayant vraiment existé dans le sud-ouest de la péninsule ibérique à l’embouchure du Bétis (Cadix). Elle était célèbre pour ses richesses. Un de ses rois, le Celte Argantonios, a laissé dans les annales de la navigation grecque le souvenir d’un homme immensément généreux. (Les Samiens en avaient rapporté une cargaison d’argent restée légendaire). Pour ce qui est de la Bible, voir 1 Rois 10, 22.
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MICHÉE. Royaume de Juda fin du VIIIe siècle avant notre ère. Cet illuminé (nabi ou témoin de Jéhovah) commente l’actualité politique et religieuse du royaume de Juda et de Jérusalem.
Il a été le contemporain de la fin tragique du royaume hébreu du Nord, et de l’exil forcé en Assyrie de nombreux habitants de Samarie, après l’attaque déclenchée par Teglat-Phalasar III en – 732. D’où ces harangues.
Les chapitres 4 et 5 ont été ajoutés après. Annoncent ce que sera l’après « Jour de Yhwh ». Le châtiment des nations et le règne de Sion. Première apparition donc d’un début d’universalisme dans la monolâtrie juive. « Yahvé sera le Juge des peuples et l’Arbitre des nations. De leurs épées, ils forgeront des socs et de leurs lances des faucilles. Les nations ne lèveront plus l’épée l’une contre l’autre et plus jamais on n’apprendra la guerre ! » (4, 3). Mais cet universalisme est encore assez élémentaire. Toutes les nations du monde sont invitées à se réunir dans la paix, mais c’est encore le dieu-ou-démon particulier des Hébreux qui règne sur le royaume à venir, royaume dont la capitale est Jérusalem avec son Temple reconstruit et plus beau que jamais.
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NAHOUM. Chute de Ninive. – 615 – 612.
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HABACUC. – 615 – 597. Habacuc est un nom akkadien.
La deuxième partie de son œuvre, chapitre 2, 5 à 20, est composée de cinq imprécations contre Babylone.
1, 2. Vengeance vengeance et encore vengeance.
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SOPHONIE. La première partie, qui évoque le règne de Josias, est peut-être due au prophète lui-même, et a sans doute été rédigée avant – 622. Elle annonce le jour de Yhwh (1,1 à 2, 3).
La deuxième partie a été écrite à Babylone, durant l’exil, par un autre auteur, qui s’est appuyé sur le texte primitif de Sophonie, mais y a ajouté le sien. Contient de violentes diatribes (2, 4 à 3, 8) contre les voisins d’Israël. Cet illuminé (nabi) prédit la gloire à venir de son dieu-ou-démon Yaho/Yahweh et de son peuple.
1, 4 à 6. Menaces adressées pêle-mêle à la religion baalite, l’astrologie et l’athéisme.
1, 8. Condamnation des modes vestimentaires venant d’ailleurs.
1,14 à 22. Le jour de Yhwh. Vengeance, mort, et destruction.
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AGGÉE. An II du règne de Darius 1er. Soit – 520 avant notre ère. On entre enfin dans l’Histoire, la vraie !
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ZACHARIE. – 520 – 518. 4e année du règne de Darius.
Les chapitres 9 à 14 ont été ajoutés au texte primitif par celui des disciples de Zacharie qui a diffusé le premier son œuvre. Cette deuxième partie du livre débute par un thème classique, celui du châtiment des non-juifs (des nations).
1,7. Référence à deux calendriers différents, le calendrier lunaire de la religion hébraïque avec des mois numérotés, le calendrier luni-solaire de l’administration babylonienne, puis perse, avec des mois ayant un nom.
1,12. Considérations astrologiques. Si l’on en croit l’inscription assyrienne d’Assarhaddon, une colère des dieux cesse au bout de 70 années, lunaires. Cela correspond donc parfaitement, ô miracle, au délai nécessaire pour entreprendre la reconstruction du Temple.
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6, 8. Il doit s’agir des Judéens en exil à Babylone au VIe siècle avant notre ère, et qui ont tous en eux une parcelle du souffle divin (Ruah).
8, 22. Le monde entier vient à Jérusalem faire allégeance aux lois de Yhwh et suivre le peuple juif.
12, 12 à 14. Séparation sexiste.
13, 2 à 7. Longue diatribe contre les prophètes parlant au nom de Yahou/Yhwh. ENFIN !
13, 9. Dieu tue un tiers des Judéens.
14,16. Le monde entier vient célébrer la fête juive de Soukkot.
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MALACHIE. – 460. Malachie n’est pas un nom propre, mais un nom commun signifiant « envoyé, émissaire ». Ce livre est donc en réalité anonyme.
1, 3. Yhwh n’éprouve que de la haine envers Ésaü et lui préfère Jacob ! Le ton est donné.
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3e et dernière partie de la Bible juive : les autres Écrits (Ketoubim), une collection d’inclassables.
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Le livre des Psaumes.
À pendant des siècles été attribué à David ou aux autres auteurs mentionnés dans les suscriptions. Bien entendu, il n’en était rien. Dieu y est en effet beaucoup plus souvent désigné par l’appellation d’Élohim (210 fois) que par celle de Yhwh (45 fois). Beaucoup de ces textes sont donc plus anciens et remontent pour certains à la civilisation égyptienne, mais ont été adaptés aux diverses époques qu’ils ont traversées.
22, 2. « Mon dieu, mon dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Tiens, c’est bizarre, c’est la phrase qu’a attribuée Matthieu (27,46) à l’homme que l’on a crucifié sur le mont Golgotha vers 30 ou 40 de notre ère.
38, 1-9. Non, Yhwh, ne me punis pas dans ta fureur, rien ne sera préservé de ma chair à cause de cette colère… plaies pourries et purulentes, reins en feu, rien de préservé de ma chair.
74. Yahvé brise le crâne de Léviathan, exactement comme Mardouk fend celui de Tianmat dans l’épopée sumérienne puis babylonienne.
82. Des traces de l’Enuma Elish babylonienne et des récits ougaritiques.
105. Les versets 1 à 15 sont repris dans 1 Chroniques 16, 8 à 22.
136, 2. Yhwh donc est le dieu des dieux, le maître des maîtres.
137,9. « Broyer sur le roc les nourrissons de Babylone ». Crimes de guerre ou contre l’Humanité ?
139, 19 à 22. « Dieu ! Si tu voulais bien massacrer l’infidèle ! Hommes sanguinaires, éloignez-vous de moi… Seigneur, comment ne pas haïr ceux qui te combattent ? Je les hais d’une haine parfaite, ils sont devenus mes propres ennemis ».
143, 12. « Par ta fidélité, tu extermineras mes ennemis et tu feras périr tous mes adversaires, car je suis ton serviteur ».
149, 2-7. « Qu’Israël se réjouisse en son Créateur, que les enfants de Sion se réjouissent en leur Roi. Qu’ils chantent pour la joie sur leurs couchettes ! Que les louanges élevées vers Dieu ne quittent pas leurs gorges et que les sabres à deux pointes ne quittent pas leurs mains, afin de faire descendre la vengeance dévastatrice sur les nations et le châtiment sur les peuples ».
Ce qui est frappant dans le texte de ces chants xénophobes, ce sont leurs limites mêmes, les appels à la vengeance, par exemple, leurs perspectives peu tournées vers l’au-delà.
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Le Livre de Job. Récit sans doute composé au Xe siècle avant notre ère, mais constamment réécrit jusqu’au troisième siècle. Il s’agit d’un très ancien roman populaire.
Le thème de Job découle directement des tablettes sumériennes de Nippour. Il est frappant de voir que le Livre de Job utilise presque littéralement les termes du Poème de la Création (Enuma Elish) décrivant le combat de Mardouk contre Kingou. Kingou, lui aussi, vacille sur ses jambes à la vue de Mardouk. De telles analogies ne peuvent être le fait du hasard et l’on devine ici une même tradition, voire la permanence de visions identiques, sensibles jusqu’au moindre détail. Job n’est d’ailleurs ni Judéen ni israélite, il est Iduméen, autrement dit « Arabe ». Elihou est le seul héros de ce roman à être indubitablement d’origine juive.
N.B. Le livre de Job est un des rares livres de cette bibliothèque, avec l’Ecclésiaste et le cantique des cantiques, digne d’être emporté avec soi sur une île déserte.
Provoqué par le grand Satan, Dieu permet que Job soit accablé de malheurs divers.
Ce dieu n’est d’ailleurs vraisemblablement pas le Yhwh d’Abraham d’Isaac et de Jacob, ou plus exactement de Moïse, car il est appelé Shaddaï ou Eloah (noms divins d’origine sémitique).
Job est un héros de roman tragique de la trempe des Prométhée, Ulysse, Œdipe ou Sisyphe.
La fin est évidemment un peu facile et n’apporte rien de plus au problème de l’existence du Mal.
Le récit primitif est constitué par le texte en prose des chapitres 1, 2, puis 42, versets 7 à 17.
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Lors de l’exil à Babylone, on a intercalé au milieu de ce très ancien conte de longs dialogues poétiques, constituant maintenant l’essentiel du livre (les chapitres 3 à 42, 6). À l’exception des chapitres 28, 32, et 37, qui ont été rajoutés encore après.
1, 6. Les fils de Dieu prennent place devant Yhwh, le grand Satan se glisse parmi eux.
7,1. Le terme « enosh » (mortel) pour désigner l’être humain, fait vraiment très païen.
7, 20. Dieu est assimilé à un gendarme céleste.
28. Exemple de poème ajouté au texte primitif de ce conte.
31, 35. Que Shaddaï me réponde ! Job interpelle Dieu.
32 à 37. Monologue d’Elihou. Ces chapitres ont dû être rajoutés.
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Proverbes.
Compilation de plusieurs recueils différents. Les premiers mots de cette longue série de sentences, parfois discutables, les attribuent au mythique Salomon. Ce qui est évidemment faux. Le Recueil remonte peut-être au VIe siècle avant notre ère (Exil à Babylone). L’auteur s’adresse à son fils selon un procédé classique chez les Égyptiens et les Mésopotamiens. Il s’agit d’un recueil composite aux enseignements d’ailleurs parfois contradictoires. Folie et Sagesse y sont personnifiées, la sagesse sous les traits d’une femme étrangère. La femme étrangère a toujours été un thème central de ce genre de littérature, y compris dans les conseils du scribe égyptien Ani. Une femme étrangère ou une sœur.
La littérature amoureuse du Proche-Orient d’alors et notamment d’Égypte évidemment, où les Pharaons pouvaient se marier avec leur sœur, fait souvent usage des termes frère et sœur pour désigner des amants. Bien qu’écrits en hébreu, ces proverbes sont dépourvus de tout caractère national (iste).
Les adages sont pour une part d’origine mésopotamienne (inspirés des proverbes sumériens des tablettes de Nippour) ou égyptienne.
Le deuxième recueil comporte un certain nombre de doublons par rapport au premier.
1, 20 à 21. La sagesse crie dehors, s’égosille sur les places, appelle par-dessus les bruits, crie aux portes de la ville.
On n’est pas loin de la Prunikos ou fille publique chère aux gnostiques.
2, 5. Le respect de Yhwh… et l’intelligence des Élohim.
22,17 à 23,11. Inspiré de l’enseignement du sage égyptien Aménémopé via sans doute une traduction cananéenne, cette région du monde ayant été pendant longtemps soumise à l’influence égyptienne.
31, 27. La fin du livre des proverbes confirme la personnification de la sagesse, Tsofiyya en hébreu, et annonce son assimilation à la Sophia grecque, voire à la Prunikos des gnostiques.
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Ruth. Petite histoire n’ayant rien d’historique. Sans doute composée après le retour d’exil vers – 500. Beaucoup de mots sont d’origine récente et viennent de l’araméen.
2, 5. À qui est cette femme ?? Dans certaines cultures la femme appartient toujours à quelqu’un : père, mari, frère, etc.
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Le cantique des cantiques.
Également attribué au mythique roi Salomon par les premiers mots du texte.
À moins que Salomon n’ait été que le destinataire de ce poème. Le Cantique des cantiques n’est pas un chant destiné à célébrer les noces de Dieu et de ses fidèles, mais un (admirable) poème consacré aux beautés de l’amour, strictement humain, entre un homme et une femme.
Le Cantique des cantiques n’est qu’un poème strictement profane où l’on serait bien en peine de trouver le nom de Dieu, ou son tétragramme, à l’exception du chapitre 8 verset 6, où il apparaît dans l’expression « flamme de Yah ». Sébastien Castellion a été poursuivi par Calvin au XVIe siècle en Suisse, notre chère Suisse alémanique, pour l’avoir dit, mais tant pis, répétons-le avec lui !
Il s’agit en réalité d’une suite empruntée au chant sumérien du mariage sacré. Même style, mêmes thèmes, détails, vocabulaires, mêmes personnages, monologues, dialogues, même langage fleuri et redondant. Voir par exemple le chant d’amour de Shou-Sin au chapitre 21. Shou-Sin qui ressemble fort au roi Salomon dont l’existence est possible, sans être assurée, mais dont le règne n’a rien à voir avec celui qui est décrit dans la Bible.
Le Cantique des cantiques est le 2e livre de cette bibliothèque, méritant d’être emporté avec soi sur une île déserte ! C’est un magnifique dialogue amoureux entre une femme et un homme, un peu comme on en trouve dans la littérature égyptienne antique.
2,1. Le lys des vallées. Mot d’origine persane, Shoshannah (nom de la ville de Suse). Ou peut-être finalement de l’égyptien ssn = lotus. A donné notre moderne Suzanne.
8, 6. Shalehevet-yah. Flamme de Yah.
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L’Ecclésiaste. L’auteur de l’Ecclésiaste se présente comme « fils de David, roi de Jérusalem » autrement dit Salomon. Ce qui est faux évidemment !
En réalité il a été composé dans un hébreu proche de l’araméen par un auteur visiblement athée vers – 300 ou – 200, sous la domination des Ptolémées, une époque où beaucoup de Judéens s’hellénisent.
On retrouve dans ce texte certaines expressions de la littérature ougaritique ou phénicienne.
L’Ecclésiaste s’inscrit dans une longue et large tradition de sages qui en Mésopotamie, en Égypte et dans le monde hellénistique, n’ont cessé depuis des siècles d’opposer les faits aux constructions de l’esprit. La fin, 12, 9 à 14, a été rajoutée au texte primitif de l’auteur de ce chef-d’œuvre, troisième livre à éventuellement emporter avec soi sur une île déserte.
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Lamentations. La tradition a attribué ces poèmes à Jérémie, mais en réalité nul ne sait exactement qui les a composés. Il s’agit en tout cas d’une adaptation de la « Lamentation sur la destruction de Nippour », un texte sumérien.
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Esther. La première rédaction remonte peut-être au Ve ou au IVe siècle avant notre ère, durant la période perse. Les chrétiens y ajouteront de nombreux passages en grec.
Peu de religion dans ce texte. Le nom de Dieu n’y figure pas. Le livre raconte l’histoire d’une jeune juive, la belle Esther, que patronne son oncle Mardochée ; maîtresse ou concubine d’un empereur aryen de Perse nommé Ahashvérosh (Xerxès ou Artaxerxès pour les Grecs, Assuérus pour les Romains) après la disgrâce et l’éviction de la reine Vashti. Mardochée découvre un complot dirigé contre le roi et le sauve. Mais le ministre Haman, jaloux de Mardochée, essaie de perdre les juifs. Esther intervient, dénonce Haman et sauve son peuple. Après cette intrigue et ce bien invraisemblable complot, Mardochée arrive à faire éliminer le Premier ministre de l’empereur aryen, Haman, et à faire exécuter ses partisans, après l’avoir publiquement humilié. Mardochée prend la place de Haman. Les juifs se vengent de leurs ennemis.
L’étonnante promotion d’Esther et de Mardochée, son oncle, est bien improbable, dans le contexte de l’époque, tout comme l’histoire du complot. Seul le caractère général correspond à la réalité perse du Ve siècle avant notre ère. Pour le reste, les invraisemblances sont trop nombreuses pour accorder une quelconque valeur historique aux événements racontés.
Fête de six mois dans tout l’empire, accession d’étrangers aux plus hautes fonctions, usage dans les décrets royaux de plusieurs langues au lieu de l’araméen, seule langue officielle, autorisation par le roi de laisser massacrer ses sujets… En outre, les personnages, à l’exception peut-être de Xerxès, ne sont que des stéréotypes. De toute évidence, le livre d’Esther est une fiction, un conte dont le but est de dramatiser au maximum. Le livre d’Esther est plus un roman historique que de l’histoire même romancée. N.B. Selon Hérodote, la femme d’Ahashvérosh ne s’appelait ni Vashti ni Esther, mais Amestris.
2, 5. Un juif du nom de Mardochée… ce nom est pourtant à rapprocher de celui du dieu-ou-démon babylonien Mardouk.
2, 6. Exilé de Jérusalem par Nabuchodonosor. Ce qui lui donnerait donc un âge de cent vingt ans ! Impossible !
2,7. Esther. Le nom d’Esther est issu de celui de la grande déesse-ou-démone, ou fée, babylonienne, Ishtar, Astarté, Astoreth (les Sumériens l’adoraient sous le nom d’Inanna, épouse de Doumouzi, le Tammouz de la Bible).
9,1 à 19. La vengeance des juifs. « Le 13e jour du mois d’Ader […] les juifs s’unirent dans leurs villes pour porter la main sur ceux qui cherchaient à leur faire du mal. Personne ne tenait devant eux, car leur terreur s’abattait sur tous (…) Les juifs frappèrent leurs ennemis à coups d’épée, tuant et anéantissant (…) Dans la citadelle de Suse, ils tuèrent cinq cents hommes plus les dix fils d’Haman (…) En province ils se rassemblèrent, se tenant sur le qui-vive, et obtinrent la paix de leurs ennemis en tuant 75 000 de ceux qui les détestaient. (…) C’est pourquoi les juifs font du 14 du mois d’Ader un jour de joie, de banquet, de fête ».
Ce récit est si écœurant que certains ont pensé qu’il s’agissait plutôt d’un conte oriental destiné à montrer que le bon roi aryen en question savait protéger et récompenser tous ses fidèles, même les juifs (ou destiné à expliquer la fête de Pourim, qui est une des plus xénophobes des fêtes juives, et pose tout le problème des guerres préventives. A-t-on le droit de se défendre avant même d’avoir été attaqué ?)
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— Livre de Daniel (autre illuminé témoin de Jéhovah !)
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Vraisemblablement composé vers – 164 avant notre ère, mais nous parlant d’un héros de l’exil à Babylone (– 587 – 538) à qui l’on attribue fictivement le nom de Daniel. La présence de deux langues (hébreu et araméen) dans ce texte montre que le livre est en réalité dû à plusieurs auteurs, et reflète la situation de la Judée d’après l’Exil : les Rapatriés ont adopté la langue des vainqueurs, l’araméen.
Le livre peut se diviser en deux grandes parties.
Le premier Daniel (chapitres 1 à 6) est composé de six récits nous racontant les exploits de Daniel et de ses compagnons à la cour de Nabuchodonosor. Les chapitres 2 à 7 sont en araméen.
Avec le second Daniel (chapitres 7 à 12) nous ne sommes plus à Babylone, mais en terre d’Israël. Cette partie de l’ouvrage est composée de quatre visions du genre apocalyptique et destinées au seul Daniel.
2, 32. La division de la statue en cinq parties (or, argent, bronze, fer et argile) est sans doute inspirée d’Hésiode (les travaux et les jours).
4, 31 à 34. Peut-on raisonnablement imaginer Nabuchodonosor reconnaissant que le dieu-ou-démon des Judéens est le dieu-ou-démon suprême ?
12, 1-2. « Période d’angoisse comme on n’en a jamais connue depuis la naissance d’une nation. Mais ton peuple et tous ceux qui ont été inscrits dans le livre sont épargnés. Parmi ceux qui dorment au pays de la poussière, beaucoup se réveillent, les uns pour la vie éternelle, et les autres pour la honte, pour l’horreur éternelle ».
Daniel est le premier nabi à évoquer la résurrection des morts, mais cette résurrection ne semble concerner que le peuple élu.
Différents passages en grec ont aussi été ajoutés, et ceci de très bonne heure, au texte primitif.
Cette littérature apocalyptique et extatique a eu un écho considérable dans les populations, et a engendré des prophètes et des messies de toutes sortes, qui entraîneront les foules derrière eux.
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Esdras et Néhémie.
Ne formaient au départ qu’un seul livre écrit en hébreu tardif, avec quelques passages en araméen, langue officielle de l’Empire perse (Esdras : 4, 9 à 6,18 ; 7,11 à 26).
Ce livre suppose connu de tous le calendrier babylonien (plus d’indication de correspondance avec la place des mois dans l’année) devenu calendrier officiel de l’Empire perse.
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ESDRAS.
Cet ensemble assez composite a été composé entre – 450 et – 400.
Le principal souci d’Esdras est de séparer des autres peuples le peuple consacré à Yhwh.
Son livre comporte deux parties. La première (chapitres 1 à 6) raconte la reprise du culte de Yahou/Yhwh à Jérusalem à l’époque de Cyrus et la restauration de l’ancien temple royal, lieu où trône le dieu-ou-démon souverain du pays : Yaho/Yhwh donc. La seconde partie de l’ouvrage (chapitres 7 à 10) décrit l’activité du prêtre, envoyé en mission à Jérusalem par le roi Artaxerxès, dans la septième année de son règne, soit en -457, semble-t-il… Son ordre de mission le présente comme la plus haute autorité juridictionnelle de l’ethnie. Envoyé inspecter la conformité des pratiques cultuelles et judiciaires mises en œuvre par les autorités de Jérusalem. Esdras a également pour mission de nommer, dans les régions situées à l’ouest de l’Euphrate, des juges chargés de la législation, dont il est le gardien.
1,1 à 3. Ces versets constituent la fin de 2 Chroniques (36, 22 à 23). Note de la rédaction : peut-on vraiment imaginer un seul instant que l’Aryen Cyrus ait pu reconnaître Yahou/Yhwh comme unique Dieu de tous les cieux ?? Yhwh donc, est vraisemblablement une addition au texte du décret-loi originel de Cyrus.
1,11. Les chiffres sont peu vraisemblables.
2, 59 à 63. Le racisme à l’état brut.
2, 63. Le tirshata : le gouverneur (en vieux perse).
4, 2. Le roi perse Artaxerxès suspend la reconstruction de Jérusalem.
7,12 à 26. Il s’agit de la lettre de mission d’Artaxerxès, rédigée en araméen, et accréditant Esdras dans sa mission à Jérusalem ainsi qu’en Judée.
9 et 10. Toujours la pureté raciale nécessaire à la perpétuation du Judaïsme. Les chapitres 9 et 10 d’Esdras sont parmi les plus pénibles de cette religion.
44, 9 à 14. Les lévites sont soumis aux prêtres du Temple.
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NÉHÉMIE.
Néhémie interdit les mariages mixtes, impose l’usage de l’hébreu, interdit les étrangers à Jérusalem.
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1,1. Le mois de Kislew… utilisation du calendrier babylonien, sans équivalence avec l’ancien calendrier hébraïque.
2,1. Nisân… idem !
2,10. Toviya. Lévite converti à la religion des Ammonites.
13, 23-24. Dans le cas des couples mixtes, c’est la langue du mari qui doit prédominer et non la langue maternelle.
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Les chroniques.
Les chroniques ne formaient à l’origine qu’un seul et même livre. Reviennent sur les livres de Samuel et des Rois. Il s’agit donc d’une relecture de la période royale effectuée entre – 400 et – 300 par des lévites, ou des proches de cette caste (d’où leur rôle dans ce livre évidemment). Ces textes semblent provenir de sources très diverses, dont certaines parfois très anciennes. L’auteur a soigneusement choisi les faits qu’il voulait rappeler, les a triés et les a recomposés pour en tirer une œuvre très personnelle.
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1 CHRONIQUES.
Le but de cette première partie est clairement un travail d’avocat. Il s’agit de prouver à tout prix que David a été un roi parfait. Ce même souci apologétique apparaît dans l’histoire des 21 successeurs de David. Il s’agit donc d’un livre historique, mais d’une histoire très orientée, à la mémoire sélective.
6, 33 à 38. Subordination des lévites « aux fils d’Aaron ». Relecture sacerdotale de cette relecture.
11 et 12. Le regroupement opéré autour du futur roi David n’est pas à sa place logique puisqu’il s’est effectué avant la mort de Saül et non après, ce qui est bien peu vraisemblable.
16, 8 à 22. Reprend les 15 premiers versets du psaume 105.
21, 25. Les chiffres de ce recensement diffèrent de ceux de 2 Samuel 24,9.
23, 27. Les lévites âgés de vingt ans au moins… contradiction avec le verset 3 (trente ans). Il s’agit d’un remaniement ultérieur d’origine sacerdotale (subordination des lévites aux fils d’Aaron).
24, 26. Manipulation des textes par ajout destiné à intégrer les descendants d’Aaron sans exception, dans le clergé de Jérusalem, en contradiction avec Ézéchiel 44,15, où sont mentionnés comme prêtres, non pas tous les descendants d’Aaron, mais les seuls descendants de Sadoc.
27,4. Commandée par Miqlot… sans doute une addition ultérieure.
2 CHRONIQUES.
11,13. Critique de Jéroboam. Assez injuste d’ailleurs, car la réalité est tout simplement que la politique du royaume du Nord, en matière de culte, différait de celle de Juda, même avant la centralisation opérée par Josias. À partir de ce chapitre, la Bible juive rejoint plus ou moins bien l’Histoire. Josias a bien existé. C’est d’ailleurs sous son règne, pour souder le peuple hébreu autour de Jérusalem, qu’a été inventée la première partie de la Bible, appelée Pentateuque ou Torah.
28,16. Manipulation des faits. La demande d’aide du roi Achaz était une conséquence obligée de l’attaque subie par lui.
28, 77. Achaz repose à l’écart des anciens rois d’Israël. Contradiction avec 2 Rois 16, 20, où il repose… avec !
29, 34. Plaidoyer juridicothéologique destiné à redorer quelque peu le blason d’une caste religieuse, reléguée au second rang depuis la réforme deutéronomiste de Josias et l’exil à Babylone : celle des lévites.
32,19. Enfin un peu de lucidité et de réalisme. Le Dieu-ou-démon d’Abraham d’Isaac et de Jacob, a été fait à l’image des hommes, les dieu-ou-démons ne sont que des créatures de l’Homme ! Oui, mais ce propos enfin objectif, réaliste et véridique, n’est tenu, hélas, que par des païens.
33, 6. Le roi d’Israël (royaume du Nord), Manassé, fait passer ses enfants par le feu du sacrifice.
36, 22 à 23. Reprise du Livre d’Esdras (1, 1 à 3).
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4e partie de l’Ancien Testament, la partie chrétienne : les Sepharim Hisoniim ou « deutérocanoniques ». Deutérocanonique en grec signifie « appartenant au second canon ».
La Septante nous a légué quelques textes dont l’original hébreu a été perdu et en a aussi ajouté de nouveaux, directement écrits en grec.
— Le livre d’Esther, le Livre de Daniel, le livre de Judith, l’histoire de Tobit, les 4 Livres des Maccabées.
— La Sagesse de Jésus ben Sira (dit aussi Ecclésiastique ou Siracide).
— La Sagesse de Salomon. Rédigé en grec vers – 100 avant notre ère par un juif alexandrin hellénisé. Attribué à Salomon alors que celui-ci a peut-être, nous disons bien peut-être, vécu huit cents ans plus tôt.
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— Le livre de Baruch. Recueil de textes très composite. Il est impossible que le tout soit dû à un seul auteur. Une lettre contenant une vive critique de la liberté de culte y a, par exemple, été textuellement attribuée à Jérémie. (6, 1 à 72.)
Il est aujourd’hui d’usage de considérer que la clôture du Canon juif fut le fait de l’académie établie à Jamnia (ou Jabné) après la chute de Jérusalem et la destruction du Temple, en l’an 70 de notre ère.
Les livres en question ne sont donc pas considérés comme faisant foi par les juifs orthodoxes. Ils sont par contre admis par les chrétiens et l’on y décèle une influence hellénistique très nette.
En résumé.
Le Livre d’Esther au sens large du terme a donc dans sa version chrétienne 6 passages de plus que la Bible juive ou Tanakh.
Le Livre de Daniel au sens large a donc dans sa version chrétienne un passage de plus que la Bible juive ou Tanakh.
Le Livre de Judith ne fait pas partie de la Bible hébraïque dite Tanakh.
Le Livre de Baruch ne fait pas partie de la Bible hébraïque dite Tanakh.
Le Livre de Tobit ne fait pas partie de la Bible hébraïque ou Tanakh.
Les livres des Macchabées ne font pas partie du Tanakh.
Le Livre de la Sagesse de Jésus ben Sira ne fait pas partie du Tanakh officiel ni de la Bible protestante.
Le Livre de la Sagesse de Salomon idem.
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CARTE DE VISITE DE LA « BIBLIOTHÈQUE » BIBLIQUE
(Dommage que celle d’Alexandrie n’ait pas eu cette chance !)
Arrivé à ce point de notre bref exposé, plaçons ici un bref rappel sur des documents qui ne pourront être examinés ci-dessous, puisqu’ils n’ont pas été repris dans leur intégralité ou ont été éliminés par les intellectuels juifs en question. Car la Torah actuelle est le résultat d’un choix ou d’une compilation effectué (e) après le retour de juifs de leur dernière grande déportation à Babylone ; celle qui eut lieu en l’an 587 avant notre ère et qui dura soixante-dix ans, ne l’oublions pas !
— Le Livre des guerres du Seigneur [Nombres 21,14]. « C’est pourquoi il est dit DANS LE LIVRE DES GUERRES DU SEIGNEUR : Waheb en Soufa, l’Arnon et ses gorges, etc. ».
— Le livre des Actes de Salomon [1 Rois 11, 41]. « Le reste des actions de Salomon, tout ce qu’il a fait, ainsi que sa sagesse, tout cela n’est-il pas écrit dans LE LIVRE DES ANNALES DE SALOMON ? »
— Le livre du Juste [Josué 10,13]. « Et le soleil s’arrêta, et la lune suspendit sa course, jusqu’à ce que la nation eût tiré vengeance de ses ennemis. Cela n’est-il pas écrit dans LE LIVRE DU JUSTE ? […] ».
— Les livres de Samuel, Nathan, et Gad [1 Chroniques 29, 29]. « Les actes du roi David, les premiers et les derniers, sont écrits dans LES ACTES DE SAMUEL LE VOYANT, dans CEUX DU PROPHÈTE NATHAN, et dans CEUX DE GAD LE VOYANT ».
— Le livre des chroniques des rois de Juda [2 Rois 24, 5]. « Le reste des actes de Joaquim, et tout ce qu’il a fait, sont écrits dans LE LIVRE DES CHONIQUES DES ROIS DE JUDA ».
Etc. Etc. D’autres mentions de ce genre existent dans la Bible. Ce qui montre bien au passage, qu’il n’y a nulle inspiration divine dans tout cela, mais seulement utilisation d’archives diverses.
Ainsi que nous avons eu l’occasion de le dire, i n’y a que peu de rapports entre la vérité historique scientifiquement prouvée et le tableau que nous en brossent les 5 premiers livres de la Bible. Les scribes ayant composé cette œuvre de propagande sous le règne du petit roi de Jérusalem appelé Josias, au 7e siècle avant notre ère, ont quand même dû pour cela utiliser un certain nombre de croyances, d’idées reçues ayant cours à leur époque, de matériaux, légende, traditions, ou chroniques.
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Pages de notes retrouvées barrées par les héritiers de Pierre de La Crau et insérées par eux à cet endroit pour clore le chapitre.
PREMIÈRE PARTIE SUIVANT LA TRADITION: LA LOI,
LES GRANDS PROPHÈTES, LES PETITS PROPHÈTES,
ET LES AUTRES ÉCRITS.
1re partie de la Bible : La Genèse. Sans aucun doute la partie de la Bible qui a fait le plus couler d’encre.
Dans cette partie de la Bible en effet la religion a commis l’erreur de se mêler des faits empiriques. Elle nous a ainsi gratifiés d’une longue liste d’affirmations précises et indiscutables, sur le cosmos et la biologie. Or chaque fois qu’elle a proposé une description de ce qui se passe dans le monde et que la science a pu aussi s’en mêler ; eh bien c’est la description du monde fournie par la science qui s’est révélée la plus proche de la vérité.
Quant à la notion de péché originel, elle est née d’une réflexion assez simpliste sur la condition humaine empruntée pour l’essentiel à la mythologie sumérienne.
Adam est en quelque sorte au départ le jardinier des Élohim sur terre, il est doté de grâce et son immortalité originelle, ainsi que son état de bonheur symbolisé par la vie dans le jardin d’Éden, dont il est le régent ; attestent les dons surnaturels que les Élohim lui ont accordés. Mais puisque tous les hommes meurent un jour ou l’autre, alors, c’est qu’il y a dû y avoir après, une grave faute d’Adam contre Dieu.
Ci-dessous quelques extraits de la version dite « Yahviste » du récit de la création de l’Humanité par Dieu.
Le Seigneur YHWH Élohim dit au Serpent : « Puisque tu as fait ça, tu seras la plus honnie de toutes les bêtes et de tous les êtres vivants. Tu ramperas sur le ventre et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. J’installerai l’inimitié entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance. Eux, ils te viseront la tête et toi tu leur viseras le talon ».
À la femme, il dit : « Je multiplierai ta peine et ta grossesse, tu enfanteras des fils dans la douleur. À ton homme sera attachée ta passion. Lui, il te gouvernera ».
Puis pour Adam l’homme de la terre il dit…
Tu as entendu la voix de la femme et mangé de l’arbre dont je t’avais dit : « Tu n’en mangeras pas ».
Maudite est la terre à cause de toi. C’est dans la peine que tu en tireras ta subsistance tous les jours de ta vie.
Elle fera germer pour toi carthames ou chardons : et tu mangeras de l’herbe des champs.
À la sueur de ton front, tu mangeras du pain.
Jusqu’à ton retour à la glèbe dont tu as été fait.
Oui, tu es poussière, à la poussière tu retourneras.
Adam l’homme de la terre appela sa femme Ève-la-vie, car elle était la mère de tout ce qui vit.
Le Seigneur YHWH Élohim fit à l’homme de la terre et à sa femme des robes de peau et les en revêtit.
Puis le Seigneur YHWH Élohim se dit : cet homme de la terre est devenu maintenant comme l’un d’entre nous pour ce qui est de connaître le bien et le mal. Qu’il ne tende pas en plus sa main pour prendre aussi de l’arbre de vie, en manger, et vivre éternellement.
Le Seigneur YHWH Élohim le renvoya donc du jardin d’Éden pour servir la terre dont il avait été fait. Il expulsa Adam l’Homme de la terre et plaça au levant du Jardin d’Éden les chérubins à l’épée tournoyante pour garder le chemin conduisant à l’arbre de vie.
Commentaires.
À travers ce mythe les judéo-chrétiens affirment la déchéance de l’Homme, qu’ils prétendent protéger contre lui-même. C’est évidemment là l’argument de tous les despotismes.
La légende biblique garde néanmoins les traces de l’Ève archaïque encore tout auréolée de ses pouvoirs bénéfiques suméro-babyloniens. Adam y appelle en effet sa compagne « Ève, Mère de tout ce qui vit ». L’acte de désobéissance attire sur Adam le courroux des Élohim jaloux qui le condamnent à un sort misérable lui et sa descendance.
Les Élohim étant, dans ce mythe, assimilés à un dieu-ou-démon créateur, ce singulier Dieu au pluriel est donc censé donner la vie, mais avoir aussi le droit de la reprendre, en y mettant fin quand il veut.
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À l’exception de quelques gnostiques ou hérétiques qui condamneront l’attitude de ce Dieu (les Élohim), en la jugeant inutilement cruelle, juifs chrétiens et musulmans s’accordent en général pour trouver cette punition relativement juste.
Il n’est dit nulle part dans le texte même que le tentateur représenté dans ce récit sous la forme d’un serpent est le Diable. Ce n’est d’ailleurs qu’après leur exil à Babylone, et sans doute sous l’effet de l’influence de la pensée suméro-babylonienne ; que les juifs ont en effet commencé à parler en termes divers de la présence objective dans le monde de cette force du mal (le Diable, Satan, Bélial).
C’est donc la mythologie biblique bien-pensante ULTÉRIEURE (voir par exemple l’Apocalypse de Jean 12, 9) ; qui identifiera ce serpent du jardin d’Éden à Satan (forme hébraïque) ou au Diable (forme issue du grec) déguisé, c’est-à-dire finalement à Lucifer. Celui-ci se serait révolté le sixième jour, n’admettant pas que Dieu ordonne à ses milices célestes d’adorer Adam. Dans ce dualisme qui ne veut pas dire son nom, le serpent joue donc le rôle de grand Tentateur.
Chez les juifs eux-mêmes en tout cas, ainsi que nous l’avons vu et que nous le verrons encore, la décision de ces Élohim n’a pas fait l’unanimité ; et les gnostiques naassènes, eux, préféreront au contraire rendre un culte à ce serpent (symbole du plaisir de la vie et de la connaissance).
Autres Commentaires sur la Genèse.
PARTIE EMPRUNTÉE À LA MYTHOLOGIE SUMÉRIENNE.
1, 1 à 27. Dieu commence par créer la terre, puis la lumière, puis les mers, puis les végétaux, puis les étoiles et la Lune, puis les animaux, puis l’homme et la femme. Le moins que l’on puisse dire c’est que les rédacteurs se sont trompés sur toute la ligne. On sait aujourd’hui que les étoiles (dont le Soleil) sont apparues en premier, puis la Terre et la Lune, puis les mers, puis les végétaux et les animaux, puis l’homme. La Genèse correspond à la vision des auteurs de l’époque, mais n’a rien à voir avec la réalité.
1, 31. Dieu a créé tout cela en six jours ! Il y a quelques milliers d’années (environ 6000 d’après les théologiens médiévaux. Voir Annales des Quatre Maîtres en Irlande). C’est très éloigné de la réalité, même en comptant large. On sait aujourd’hui qu’il a fallu des milliards d’années. D’abord pour la formation de l’univers, puis des étoiles comme le Soleil, des planètes comme la Terre, puis des mers et des océans ; la naissance de la vie qui n’a cessé de se complexifier (les fossiles le prouvent) et enfin l’Homme.
2, 7. « L’éternel Dieu forma l’homme avec de la poussière de la terre ». Tiré de la mythologie sumérienne qui, elle, parle d’argile.
2, 8. Le paradis terrestre de la Bible est « emprunté » au poème sumérien (rédigé vers – 2800) « Enki et Ninhursag ». L’Éden hébraïque et celui du mythe sumérien ne font peut-être qu’un : mêmes fleuves (le Tigre et l’Euphrate) même endroit, même souffrance, même péché originel.
2, 9. Le thème de l’arbre est emprunté à la mythologie mésopotamienne (voir la plante d’immortalité que Gilgamesh trouve et qu’un serpent lui vole).
2,14. Le genre humain serait donc né en Mésopotamie près de l’Euphrate. Comme par hasard là où ont vécu les rédacteurs supposés ou réels… Cette théorie égocentriste est battue en brèche par l’archéologie. On sait aujourd’hui que l’Homo sapiens est né en Afrique, sans doute dans l’Est. Ce qui est né en Mésopotamie, c’est la première civilisation. Ce n’est pas la même chose.
2, 21. L’histoire de la côte d’Adam est aussi « empruntée » au poème sumérien « Enki et Ninhursag ». Elle vient d’un jeu de mots en sumérien où « ti » signifie à la fois « côte » et « faire vivre », jeu de mots qui a perdu tout son sens en hébreu.
2, 22. La femme a été créée à partir d’une côte de l’homme. Faux !! On pourrait presque même affirmer l’inverse : tous les embryons naissent féminins et ne se différencient qu’au bout de quelques jours. Mais aujourd’hui encore, un certain nombre de gens sont persuadés que l’homme a une côte de moins que la femme !! Merci la Bible !
3, 2. Adam et Ève et le fruit défendu. Encore une fable recopiée à l’identique d’une ancienne légende sumérienne faisant dépendre l’origine du mal de la première femme qui, incitée par un serpent à désobéir au dieu-ou-démon créateur, convainc son compagnon de manger du fruit de l’arbre interdit.
La plus ancienne et la plus complète des légendes akkadiennes qui nous soit parvenue, l’épopée de Gilgamesh, dont la version sumérienne date du second millénaire avant notre ère, comporte en effet un épisode où le serpent joue un tel rôle.
Pour les sceptiques, se reporter au cylindre de la tentation qui se trouve au British Museum où l’on peut voir la femme, l’homme, le serpent et l’arbre.
Aujourd’hui plus personne de sérieux ne croit en la réalité historique de cette histoire.
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3, 20. Adam appelle sa compagne « Mère de tout ce qui vit ». C’est le titre jadis reconnu à la déesse-ou-démone, ou fée, appelée Arourou, déesse-ou-démone, ou fée, de l’amour dont la prêtresse, dans l’épopée de Gilgamesh, séduira le premier homme appelé Enkidou. Avec l’amour, elle lui conférera le savoir et la science. Ève agit de même à l’égard d’Adam, mais, chez les Hébreux, Dieu punit la femme pour cela.
3, 22. Ultime avatar de la croyance païenne sumérienne qui voulait que les dieu-ou-démons se réservent pour eux le bénéfice de l’immortalité.
4. Abel. La racine hbl a le sens de buée ou de vaines fumées. Abel est un homme sans intérêt qui ne parle pas beaucoup et dont la sainteté ne servira en fait à rien d’utile.
6, 2. Relations sexuelles entre dieu-ou-démons et humains (des femmes en l’occurrence). Constituent un thème universel. On le retrouve même dans la mythologie des très-sachants de la druidiaction (druidecht) malgré l’athéisme (avant la lettre) de certains d’entre eux.
6, 4. Les Néfilim sont des géants.
6, 8. Comme la plupart des principales figures bibliques, le personnage de Noé est également une figure mythique.
6,14. L’arche de Noé : cette fable est reprise à l’identique d’une légende sumérienne. Dans l’épopée de Gilgamesh, Outnapishtim reçoit également, avant que ne s’abatte un déluge, l’ordre de construire un « vaisseau » selon des mesures précises afin d’y mettre de la semence de tous les êtres vivants.
6,19. De tout ce qui vit, de toute chair, tu feras entrer dans l’arche un couple de chaque espèce. Contradiction avec 7, 2.
7, 2. « Tu prendras auprès de toi sept couples de tous les animaux ». Contradiction avec 6,19.
7,17. Le récit biblique du Déluge est fort connu, mais il est intéressant de le relire en même temps que les textes sumérien et akkadien, car on saisit mieux alors la filiation indiscutable qui relie la version de la Genèse à ses modèles antérieurs. L’historien chaldéen bien connu Bérose (IVe siècle avant notre ère) qui raconte une histoire de déluge très proche de la Genèse, dit l’avoir copiée d’après des tablettes qui existaient encore à son époque dans la bibliothèque de Ninive.
Note de la rédaction. La fable de Noé ressemble aussi, à bien des égards, au mythe grec de Deucalion, qui construisit une arche après que le déluge eut atteint le mont Parnasse. Des générations de chercheurs ont donc cherché et cherchent encore les vestiges de l’arche de Noé sur le mont Ararat, en vain !!
8,7. Le test du corbeau. Voir épopée de Gilgamesh.
8,19. Les estimations pour le nombre total d’espèces animales terrestres varient entre 2 et 30 millions. Mettons 5 millions d’espèces, cela veut dire que Noé a embarqué 10 millions d’animaux dans l’Arche (y compris les animaux qui, comme le kangourou, vivent uniquement au bout du monde). L’arche de Noé devait être vraiment très encombrée !! La Genèse ne précise pas comment ces animaux se sont nourris en débarquant sur une terre recouverte d’eau pendant plus d’un mois ; comment ont fait les carnivores pour ne pas dévorer leurs proies, comment le kangourou a gagné l’Australie, le puma, l’Amérique, certains marsupiaux Madagascar et les iguanes les Galapagos.
11,1. La tour de Babel. Thème emprunté à la mythologie mésopotamienne. La tour de Babel est une ziggourat.
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Fin de la partie empruntée aux mythes sumériens. Fin de la partie empruntée aux mythes sumériens. ----------------------------------- ----------------------------------------------------------------- ------------------ ---------------
11, 26. Insertion après cette première partie mythologique de la légende d’Abraham, afin de donner un « véritable ancêtre » au peuple hébreu, un ancêtre que l’on fait venir d’Our. Our était déjà renommée comme lieu de savoir d’une très haute antiquité ; mais son prestige augmenta considérablement dans toute la région lorsque, vers le milieu du VIe siècle avant notre ère, elle redevint un important centre religieux grâce au roi babylonien – ou chaldéen – Nabonide. Ainsi, le choix comme origine d’Abraham, de l’Our des Chaldéens, donna-t-il aux juifs à la fois distinction et ancienneté culturelle.
14. Texte très ancien que certains supposent avoir été composé d’abord en akkadien ou en cananéen.
15. Chapitre sans doute écrit avant l’exil à Babylone et inséré après coup, bien des siècles plus tard, dans le livre de la Genèse.
18, 2. Le thème des visiteurs mystérieux, dont la venue est liée à une future naissance, est un thème universel. Sa signification inconsciente et psychanalytique a été explicitement dévoilée dans la mythologie druidique irlandaise à propos de la triple conception de Cuchulainn. Le visiteur de l’enfant à naître est le véritable père, divin.
19,1. Les histoires de cités détruites par une colère divine constituent un thème universel puisqu’on les retrouve dans la mythologie indienne (en Inde la femme est transformée en pierre).
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La transformation en pierre se retrouve aussi dans la mythologie druidique (des légionnaires changés en pierres par saint Cornély à Carnac en France).
19,31 à 38. Les filles de Loth donnent naissance, à partir de la semence de leur père, à Moab et Ammon. Cette naissance incestueuse montre bien le mépris du peuple élu d’alors pour ces royaumes et ceux qui les habitent.
21, 32. Abraham rencontre Abimelek roi des Philistins. Mais les Philistins n’arriveront dans la région que mille ans plus tard. D’après l’interprétation d’une stèle du temple de Médinet-Habou (Égypte), ils feraient partie des Peuples de la Mer, une fédération de peuples dont la migration ébranla au XIIe siècle avant notre ère la Méditerranée orientale. Cette thèse n’est pas partagée par tous les historiens. Les Philistins viennent peut-être de Crète. Repoussés d’Égypte, ils s’installent sur la plaine côtière du sud du Pays de Canaan (de Gaza à Jaffa) vers – 1175 et fondent leurs principales villes le long du littoral, sur les sites actuels d’Ashdod, Ashkelon et Gaza. C’est ainsi que vers – 1150 et tout au long des siècles suivants, ils entreront en conflit avec un autre peuple nomade, venu par voie de terre : les Hébreux. Les relations entre les deux peuples ont probablement été changeantes, des périodes de guerre larvée alternant avec des périodes d’hostilité ouverte.
22. La Torah parle d’une montagne du pays de Moriyyah et en aucune façon de Jérusalem.
22, 2. Thème universel. Particulièrement célèbre est la très vieille légende grecque d’Athamas et de Prixos. Au moment où, sur la foi d’un oracle de Delphes, Athamas s’apprête à sacrifier son fils Prixos, au sommet d’une montagne, apparaît un bélier qui emporte le jeune homme. Ainsi délivré, le jeune homme offre le bélier en sacrifice à Zeus.
26,1. Idem. Isaac rencontre Abimélek roi des Philistins, pourtant ils n’arriveront dans la région qu’environ mille ans plus tard comme nous l’avons déjà vu. Cette histoire ne fait d’ailleurs nullement honneur à Isaac, le seul à bien agir en l’occurrence étant l’Aryen (Abimélek).
27. Les bénédictions d’Isaac ne sont ni plus ni moins que des formules magiques.
Il a suffi en effet de les prononcer pour que le bénéficiaire en soit définitivement transformé, alors même qu’il y avait pourtant erreur sur la personne (Ésaü/Jacob).
30. Drôles de mœurs ! Ce comportement, tout le monde le condamnerait s’il ne s’agissait pas de Jacob.
33, 20. El, dieu d’IsraEl.
47,11. Anachronisme. Ramsès n’était pas pharaon à l’époque supposée de Jacob.
49, 3 à 27. Proverbes tribaux ponctués de diverses formules magiques. Thème universel (voir la formule du serment chez les très-sachants de la druidiaction – druidecht – et les Teasgasc riog ou teasgasc an righ rédigés par le roi Cormac Mac Airt pour son successeur).
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EXODE.
Là aussi, le texte n’est pas homogène. La mise par écrit a peut-être commencé au VIIe siècle avant notre ère, à partir de matériaux divers (itinéraires de caravanes, étymologie de noms de lieux, etc.) ; mais la rédaction finale est assurément postérieure au retour de l’Exil (Ve siècle avant notre ère).
L’Israël qui se reflète dans ce livre est celui de la caste sacerdotale de l’époque.
L’exil babylonien et le retour des exilés sont projetés sur un mythique esclavage égyptien, permettant de justifier par la religion un antagonisme fondamental avec l’Égypte, conformément à la situation politique de l’époque.
La saga de l’Exode fit ainsi écho à leur propre situation de rapatriés. La sortie Égypte, sous la conduite de Moïse, ne doit plus être envisagée sous l’angle historique, mais comme une fiction littéraire, constitutive d’une idéologie politique et religieuse. Cette légende continue néanmoins de servir de référence à un certain nombre d’hommes ou de femmes luttant pour la libération de leur peuple. Qu’on en juge donc objectivement, objectivement et non subjectivement (pas avec les yeux de Juliette pour Roméo, ou de Chimène pour Rodrigue) et sur pièces.
2,1 à 3. Invention du personnage de Moïse. Le récit de la naissance de Moïse n’est pas sans rappeler celle du grand conquérant Sargon 1er d’Akkad, qui régna cinquante-cinq ans (–2334 – 2279) et se proclama « oint de Dieu ». Sa naissance est en effet décrite ainsi : « Ma mère, la grande prêtresse, m’a conçu, en secret elle me porta. Elle me déposa dans un panier de jonc, avec du bitume elle en scella le couvercle. Elle me déposa sur la rivière [l’Euphrate] de façon à ce que l’eau ne me recouvrît pas ».
Le nouveau-né sera ensuite recueilli et adopté par un jardinier nommé Akkis. La faveur de la déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère ce terme, appelée Ishtar, fera de lui un échanson à la cour de Kish puis un prince.
De nombreux détails de l’histoire de Moïse se retrouvent dans d’autres cultures, y compris jusqu’en Inde. Comme Moïse, Krishna a en effet été placé à sa naissance par Vasudeva dans un panier de roseaux, et découvert sur la rive du fleuve Yamuna par Nanda et Yashoda. Cf. Le Mahabharata.
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2, 5 à 10. La fille de Pharaon prend son bain dans la rivière. Or les princesses égyptiennes de l’époque se baignaient dans de luxueuses salles de bains alimentées par de l’eau filtrée, ou par de l’eau de pluie, surtout pas dans un fleuve boueux.
3, 21 à 22. « Ne partez pas les mains vides. Que chaque femme demande à sa voisine et à l’étrangère des objets d’argent, des objets d’or et des vêtements. Vous les mettrez sur vos fils et vos filles, vous en dépouillerez les Égyptiens ». Est-ce vraiment très moral ??
4,16. Moïse est présenté comme Dieu (travers bien humain et très fréquent, de Jésus aux empereurs romains).
4,26. Moïse se met en route et arrive à une halte où Dieu cherche à le faire mourir. Séphora prend un silex, coupe le prépuce sanglant de son fils, en touche le sexe de Moïse pour le guérir et dit « Oui, tu es pour moi l’époux de sang ». Et Dieu laissa Moïse… Que veut dire le charabia de cette basse magie ? ? Dieu peut-il vraiment agir ainsi ? ?
7,17. Les plaies d’Égypte sont une légende. Le thème de l’eau changée en sang est directement tiré du mythe sumérien « Inanna et Shukallituda ou le péché mortel du jardinier ».
9, 23. Comme chez les Celtes pour les druides, le tonnerre (Taran/Toran) était pareillement censé être la voix du dieu-ou-démon supérieur.
9, 27 « Pharaon fit appeler Moïse et Aaron, et leur dit : cette fois, j’ai péché ! » Que le plus puissant souverain de l’époque ait pu tenir un tel langage à un représentant des Habirou (des Hébreux) relève de la pure fiction !
12, 29. Afin de faciliter la sortie d’Égypte, Dieu ne trouve rien de mieux que de frapper des milliers et des milliers d’innocents « tout premier-né en terre d’Égypte depuis l’aîné de Pharaon jusqu’à l’aîné du captif en prison ».
12, 35. Sur ordre de Moïse les ancêtres des juifs sortent d’Égypte comme des voleurs. (En emportant objets en argent ou en or et habits.) D’où la réaction du Pharaon.
12, 37. Moïse quitte le pays avec 600 000 familles (sic). À l’époque, la frontière entre l’Égypte et Canaan était étroitement contrôlée et l’Égypte était au faîte de sa puissance. Compte tenu du rapport des forces au temps présumé de l’événement (vers 1300 avant notre ère) il est impossible d’imaginer la fuite hors d’Égypte de 600 000 esclaves hébreux ; qui auraient franchi des frontières alors puissamment gardées, et traversé le désert jusqu’à Canaan, malgré la présence de troupes égyptiennes. Les fouilles archéologiques le prouvent, y compris dans la région la plus proche du mont Sinaï, lieu supposé de la révélation à Moïse des Dix Commandements. De toute façon, si une horde d’Hébreux en fuite avait traversé les frontières fortifiées du territoire pharaonique, on en aurait retrouvé une trace écrite.
Or, dans les documents égyptiens pourtant surabondants qui décrivent l’époque du Nouvel Empire, en général, et celle du XIIIe siècle en particulier, on ne trouve pas la moindre référence à cet exode des Hébreux hors d’Égypte, pas même une suggestion.
Aucune trace des 600 000 familles (les 2/3 de la population de l’Égypte de l’époque) qui auraient traversé cette région ! Le papyrus Anastasi V rapporte que deux esclaves, qui s’étaient enfuis, furent recherchés ; et les Égyptiens, dont l’administration notait tout, n’auraient pas enregistré la fuite de plus d’un million de personnes !! Invraisemblable !
13,18. Les hypothétiques israélites en fuite traversent, non pas la Mer Rouge, mais une lagune située un peu au nord, dont le nom est « Mer des joncs » ou « Mer des roseaux ». Soûf en hébreu. Donc non pas une mer profonde, mais un simple marais ! Rien de miraculeux là-dedans, n’en déplaise à Hollywood et Walt Disney. La Mer Rouge qui s’ouvre pour laisser passer les Hébreux ce n’est que du cinéma !
13, 21 à 22. Sur cette fameuse colonne, voir l’étude de John Toland : I Hodegus. (La colonne de feu et de nuée n’était pas du tout un miracle, mais un moyen de se repérer aussi utilisé par les autres peuples de la région).
14,19. Idem.
14, 28 et 15,19. Pharaon, ses chevaux, ses chars et ses cavaliers, à la poursuite des Hébreux, périssent en mer. Or aucun pharaon n’a jamais péri en mer !!
16, 35. Vers – 1440 avant notre ère ces 600 000 familles auraient effectué un interminable périple dans le Sinaï pendant quarante ans, sans laisser la moindre trace ! Pas le moindre tesson de poterie, pas la moindre sépulture !! Ce n’est pourtant pas faute de les avoir cherchés. Tous les coins et recoins du Sinaï ont été fouillés. De plus, selon la tradition biblique, il se serait écoulé quatre cent quatre-vingts années entre la sortie de l’Égypte et la construction du Temple de Salomon, ce qui situe l’Exode entre -1450 et -1430. Mais la plupart des historiens identifient le pharaon en question avec Ramsès II (–1301 – 1234) !! Les dates ne concordent pas !
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18, 2 à 7. La femme de Moïse, Séphora, n’est pas partie avec lui en Égypte, mais a été répudiée et a été renvoyée chez son père, comme un vulgaire mouchoir jetable ; ce qui est en contradiction avec 4, 24 à 26, où elle semble l’accompagner dans son chemin vers le royaume de Pharaon.
19,16. Le peuple hébreu doit être comme le prêtre de Dieu.
20. Les dix commandements sont un résumé du code babylonien du roi Hammourabi (vers – 1800).
21, 23 à 25. La loi du talion. Humain. Trop humain !
22,17 à 19. Moïse croit dur comme fer au pouvoir de nuisance du diable et des démons, puisqu’il ordonne la mise à mort systématique des sorcières. Ainsi que des zoophiles pour faire bonne mesure.
N. D. L. R. On se demande si par « sorcières » il ne faut pas comprendre « fidèles d’une autre religion », vu le verset qui suit, le verset 19, et qui voue au herem toute personne participant à d’autres cultes.
23, 23 à 33. Mon messager marchera devant toi et te fera aller vers l’Amorite et le Hittite, le Périzzite et le Cananéen, le Hiwwite et l’habitant de Jérusalem, je les anéantirai.
L’opération « conquête de la Terre promise » est donc planifiée par Dieu et Moïse et il s’agit d’un génocide « nazir » par extermination ou déportation des Aryens, Hittites et Philistins ou Jébusites, des Amorites, des Périzzites, des Cananéens, des Hiwwites, etc.
25 à 31. Détails techniques concernant la tente sanctuaire voulue par Dieu (quelle utilité pour le salut de nos âmes aujourd’hui que tous ces rituels à suivre à la lettre ?)
31,18. L’histoire des tablettes divines rapportées de la montagne est plus que douteuse. Voir l’annexe sur les dix commandements.
32, 27. Moïse fait massacrer par les prêtres (les lévites) 3000 de ses opposants (proches, frères, ou compagnons).
35-39. Exécution des ordres donnés pour la construction de la tente sanctuaire. Des phrases entières sont reprises des chapitres précédents (2 à 31). Mais l’archéologie n’en a trouvé aucune trace.
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LÉVITIQUE.
Là aussi, ce livre n’a été achevé que bien après le retour de déportation en Babylonie, au Ve siècle avant notre ère. Il contient 247 des 613 commandements (mitzvoth) de la Bible juive.
1-17. Comme nous l’avons vu, les Hébreux sacrifiaient des animaux pour obtenir de leur dieu (les Élohim ou YHWH) la remise de leurs fautes. Le Lévitique décrit minutieusement les différents types de sacrifices que les Hébreux offraient (holocaustes, offrandes de nourriture, sacrifices pour les péchés, etc.). Plus de la moitié de ce livre (1-17) est consacrée aux prescriptions relatives à ces sacrifices. Quelle utilité aujourd’hui pour le salut de nos âmes ?
7, 20. Excommunication rituelle.
10,1. Moïse fait brûler vifs par Dieu deux partisans de la liberté de culte, Nada et Abiou. Plus exactement pour non-respect du rituel (basse magie ? ?)
15,18. Toute relation sexuelle rend impur.
16, 8 à 10. Une mystérieuse entité nommée Azazel (un démon ?) est quasiment placée sur le même plan que Yahweh puisqu’il lui faut aussi le sacrifice d’un bouc.
17-3. Qui tue un bœuf, une brebis, ou un chevreau, devant être consacré à Dieu (en fait destiné à faire vivre les lévites) est puni de mort.
19. Diverses règles sexuelles. Impureté de la femme en période de règles, condamnation de l’homosexualité, de la zoophilie. Les Cananéens sont des impurs, les immigrés doivent se plier aux lois du pays.
20,1 à 6. L’important n’étant apparemment pas la vie ou la mort des enfants en question, mais à qui ils sont voués dès leur plus jeune âge (prostitution sacrée ? ?) celui qui voue ses enfants au Dieu Moloch ou qui suit le culte de Moloch est condamné à mort.
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NOMBRES.
Reprend une partie notable des contes et légendes de l’Exode. Certains des lieux cités n’existaient pas encore à l’époque où ce livre est censé avoir été rédigé.
Là aussi œuvre composite, partiellement inspirée des archives de l’institution sacerdotale et achevée au – Ve siècle lors des missions d’Esdras et de Néhémie. La traversée du désert décrite dans ce livre est évidemment conçue comme une préfiguration de la déportation en Babylonie. Les rédacteurs de l’École sacerdotale complètent la législation cultuelle du lévitique, la modifient parfois (consécration de la subordination des lévites aux prêtres) et y intègrent différents autres éléments (itinéraires, données topographiques, lieux fréquentés par les tribus). D’où certaines contradictions d’ailleurs. Ils nous livrent une autre vision de l’Exode du peuple élu dans le désert, plutôt militariste et guerrière.
1, 20. Les chiffres donnés sont évidemment invraisemblables.
11, 1 à 3. Le peuple commençant à se lasser de sa politique, Moïse appelle le feu de Dieu contre lui.
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12. La sœur d’Aaron, Marie, ayant médit des coucheries de Moïse avec une étrangère, Dieu lui envoie la gale. Pratique ! Même cas de figure bien des siècles plus tard avec Mahomet.
13, 26. Qadesh. Le peuple élu y commence son périple dans le désert.
14, 29 à 35. Le peuple se plaignant à nouveau de la politique de Moïse, Dieu condamne tous les adultes de plus de vingt ans à périr dans le désert.
16, 27 à 35. Qorah, Datan et Avirâm, ainsi qu’une partie du peuple, s’étant révoltés contre Moïse, il les fait dévorer par le feu de Dieu (du Diable ? ?) ou engloutir par la terre. Ce chapitre est très composite et fourmille d’incohérences. Le texte final, résultat de plusieurs rédactions successives, compile deux traditions différentes. Une concernant une révolte des Rubénites avec Datan et Aviram. Une concernant la révolte du lévite Qorah et ses partisans.
Les premiers s’insurgent contre la tyrannie soi-disant théocratique (c’est bien commode) de Moïse. Ils périssent dans des sables mouvants.
Les seconds contre l’accaparement du sacerdoce par Aaron. Ils seront brûlés vifs.
17, 6 à 14. Nouvelle révolte populaire réprimée de la même façon : 14 700 morts.
19, 2. Sacrifice d’un bovin. Pratique universelle (voir le tarbfess des très-sachants de la druidiaction irlandais).
20,1. Le peuple élu repasse à Qadesh. On tourne en rond.
21, 5 à 9. Nouvelle révolte du peuple élu, mais réprimée de façon différente cette fois, et conclue par une première concession à la liberté de culte, celui du serpent d’airain.
Ce chapitre n’est qu’un exemple des superstitions idolâtres de l’époque. Qui peut en effet imaginer un seul instant qu’il suffit de regarder un caducée, un serpent de bronze fixé à une hampe, pour échapper à la mort, si la dose de venin a été mortelle ? ? ?
Voici pourtant ce que l’on trouve dans les Saintes Écritures dictées (ou inspirées ? ?) par Dieu.
« YHWH dit à Moïse : fais-toi un serpent ardent. Mets-le sur une bannière et quand celui qui aura été mordu le regardera, il vivra. Moïse fit donc un caducée (un serpent en bronze) et le fixa à une hampe, et lorsqu’un serpent mordait quelqu’un, celui qui regardait le caducée (le serpent de bronze) avait la vie sauve » (Nombres 21, 8 à 9). Bref, de la basse magie orientale où le serpent enroulé autour d’une hampe sert de baguette magique. Les précisions tendant à rappeler que c’est Dieu seul qui guérit ont dû être rajoutées après.
21,17. Le plus ancien morceau de poésie de la Torah : le chant du puits.
22, 28. L’ânesse de Balaam se met à parler. Est-ce Dieu possible ? Il est vrai qu’elle avait eu alors une vision (un ange lui barrant la route). Le personnage de Balaam est l’objet de diverses traditions nullement concordantes.
25,1 à 9. Bien que n’hésitant pas lui-même, et pour son compte personnel, à pratiquer les unions mixtes ou le métissage, Moïse interdit les mariages mixtes et les religions autres que la sienne. Il fait torturer 24 000 hommes s’étant rendus coupables de ce « crime » notamment grâce à l’aide de délateurs et d’un prêtre nommé Pinhas fils d’Éléazar (aujourd’hui on utiliserait plutôt des lettres anonymes pour dénoncer ces malheureux).
28-30. À la différence des textes antérieurs qui, suivant l’usage cananéen, faisaient commencer l’année à l’Automne et appelaient les mois par des noms, cette partie de la Torah fait commencer l’année au printemps comme dans la civilisation babylonienne. Ce qui prouve qu’elle a été remaniée bien après la date supposée des événements.
31. Moïse ordonne le génocide du peuple de son ex-femme et de son ex-beau-père, les Madianites, qui lui avaient pourtant donné leur Dieu-ou-démon. À l’exception des vierges (réservées à quel usage ? ?)
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PETITE QUESTION MAINTENANT : QU’EST-CE QU’UNE IDÉOLOGIE RELIGIEUSE ?
L’énorme et catastrophique malentendu pour les intellectuels et les médias occidentaux, est que le mot religion ne signifie pas la même chose pour tout le monde. Pour les ancêtres des Juifs actuels et les musulmans d’aujourd’hui, la religion c’était la loi. Din. Pour les Hébreux une loi tribale, pour les musulmans une loi universelle. Pour les païens d’esprit indo-européen comme Cyrus et particulièrement les Celtes, la religion c’était des événements sociaux et des fêtes (la loi en était distincte, raison pour laquelle le Christianisme, né de la conversion de tous ces peuples, à la différence de l’Islam, ne s’est pas impliqué directement dans la question des lois devant régir la société).
Pour les juifs d’aujourd’hui la religion est devenue ethnoculturelle, en dehors de la loi, et pour certains d’entre eux une question de nationalité. Idem pour les chrétiens syriaques, coptes, maronites, etc.
Pour les bouddhistes, les shintoïstes et les hindous, la religion est une philosophie. Aussi, quand un Indien parle de religion hindoue cela ne signifie donc pas la même chose dans l’esprit d’un pakistanais que dans celui d’un Indien, et cela n’est sans doute pas la même chose non plus pour un Iranien (Perse).
Il n’y a pas en ce domaine par conséquent de vrais dialogues puisqu’on ne parle pas de la même chose, mais des successions de monologues. Avec l’émergence de l’idée d’État-nation, les choses sont devenues encore plus compliquées. Quand un Arabe d’aujourd’hui parle de « juifs », il se réfère surtout à une question de croyances. Pour un Arabe d’aujourd’hui, tout comme pour les Européens du Moyen Âge (antisémitisme religieux et non racial), un juif converti n’est plus un juif. Mais pour un juif, un juif c’est quelqu’un dont la mère était juive (définition rabbinique traditionnelle). En outre tout cela s’est plus ou moins confondu avec l’idée d’État-nation et donc équivaut maintenant à une nationalité.
En Serbie en Croatie ou au Liban, la notion de religion signifie une chose en temps de paix et autre chose de très différent en temps de guerre. Pour les chrétiens orthodoxes et catholiques, la religion est surtout devenue une esthétique, une pompe et des rites.
« Au sens ordinaire, le mot foule représente une réunion d’individus quelconques, quels que soient leur nationalité, leur profession ou leur sexe, quels que soient aussi les hasards qui les rassemblent. Au point de vue psychologique, l’expression foule prend une signification tout autre. Dans certaines circonstances données, et seulement dans ces circonstances, une agglomération d’hommes possède des caractères nouveaux fort différents de ceux de chaque individu qui la compose. La personnalité consciente s’évanouit, les sentiments et les idées de toutes les unités sont orientés dans une même direction. Il se forme une âme collective, transitoire sans doute, mais présentant des caractères très nets. La collectivité devient alors ce que, faute d’une expression meilleure, j’appellerai une foule organisée, ou, si l’on préfère, une foule psychologique. Elle forme un seul être et se trouve soumise à la loi de l’unité mentale des foules.
L’évanouissement de la personnalité consciente et l’orientation des sentiments et des pensées dans un sens déterminé, qui sont les premiers traits de la foule en voie de s’organiser, n’impliquent pas toujours la présence simultanée de plusieurs individus sur un seul point. Des milliers d’individus séparés peuvent à certains moments, sous l’influence de certaines émotions violentes, un grand événement national par exemple, acquérir les caractères d’une foule psychologique…
Dès que la foule psychologique est formée, elle acquiert des caractères généraux provisoires, mais déterminables. À ces caractères généraux s’ajoutent des caractères particuliers, variables suivant les éléments dont la foule se compose et qui peuvent en modifier la structure mentale.
Les foules psychologiques sont donc susceptibles d’une classification…
Les foules homogènes comprennent : 1° les sectes ; 2° les castes ; 3° les classes.
La secte marque le premier degré dans l’organisation des foules homogènes. Elle comprend des individus d’éducation, de professions, de milieux parfois fort différents, n’ayant entre eux que le lien unique des croyances. Telles sont les sectes religieuses et politiques, par exemple…
Par le fait seul qu’il fait partie d’une foule organisée, l’homme descend de plusieurs degrés sur l’échelle de la civilisation. Isolé, c’était peut-être un individu cultivé, en foule c’est un barbare, c’est-à-
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dire un instinctif. Il a la spontanéité, la violence, la férocité, et aussi les enthousiasmes et les héroïsmes des êtres primitifs. Il tend à s’en rapprocher encore par la facilité avec laquelle il se laisse impressionner par des mots, des images qui sur chacun des individus isolés composant la foule, seraient tout à fait sans action et conduire à des actes contraires à ses intérêts les plus évidents et à ses habitudes les plus connues. L’individu en foule est un grain de sable au milieu d’autres grains de sable que le vent soulève à son gré.
Et c’est ainsi qu’on voit des jurys rendre des verdicts que désapprouverait chaque juré individuellement, des assemblées parlementaires adopter des lois et des mesures que réprouverait en particulier chacun des membres qui les composent. Pris séparément, les hommes de la Convention étaient des bourgeois éclairés, aux habitudes pacifiques. Réunis en foule, ils n’hésitaient pas à approuver les propositions les plus féroces, à envoyer à la guillotine les individus les plus manifestement innocents ; et, contrairement à tous leurs intérêts, à renoncer à leur inviolabilité et à se décimer eux-mêmes.
Et ce n’est pas seulement par ses actes que l’individu en foule diffère essentiellement de lui-même. Avant même qu’il ait perdu toute indépendance, ses idées et ses sentiments se sont transformés, et la transformation est profonde, au point de changer l’avare en prodigue, le sceptique en croyant, l’honnête homme en criminel, le poltron en héros… (Gustave Le Bon. Psychologie des foules).
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L’IDÉOLOGIE RELIGIEUSE JUIVE ANTIQUE ET SES CONSÉQUENCES
SELON MONETTE BOHRMAN.
Les conclusions avancées généralement mettent tous les griefs anti-juifs sur un même plan et, parmi eux, l’atheia est considérée comme dérivant de l’amixia. Il semble que notre approche ait mis en évidence non seulement que l’atheia et l’amixia des Juifs sont une réalité, mais que l’atheia (négation absolue de ce qui n’est pas le Dieu unique, des Juifs et qui se traduit par le rejet de l’idolâtrie) est au cœur du problème et qu’elle a pour conséquence l’amixia (se séparer des pratiques des Autres) ».
L’historienne des religions Monette Bohrmann (1934-2015) a consacré en 1994 une longue étude aux caractéristiques négatives découlant du culte juif selon les Grecs et selon les Romains. Publiée dans la collection « Dialogue d’Histoire ancienne » (pages 171-196).
La première de ces caractéristiques négatives selon elle serait bien l’amixia la seconde l’athéia.
Notre auteur passe en revue toute une série de témoignages tant bibliques que grecs ou romains (la liste est longue).
Amixia.
I – « [Moïse] institua un genre de vie contraire à l’humanité et à l’hospitalité » (Hécatée d’Abdère, Fragm. 13 Muller ; d’après Diodore XL, 3 trad. Th. Reinach, Textes… p. 17).
« Seule de toutes les nations, elle [la race juive] refusait d’avoir aucun rapport de société avec les autres peuples… [les Juifs] avaient perpétué chez eux la haine des hommes. C’est pourquoi ils avaient institué des lois toutes spéciales, comme de ne jamais s’asseoir à table avec un étranger et de ne montrer aucune bienveillance pour eux… Moïse… celui qui leur [les Juifs] avait imposé des lois contraires à l’humanité » (Posidonios d’Apamée, Fragm. 14, Muller d’après Diodore XXXIV, fr. 1, ibid. p. 56-59).
« Celui qui a eu, par hasard, pour père, un observateur du sabbat… élevé dans le mépris des lois romaines, il ne révère que la loi judaïque » (Juvénal, Sat. XIV 96-103, ibid., p. 292-293).
« Jamais ils [les Juifs] ne mangent, jamais ils ne couchent avec des étrangers, et cette race… s’abstient de tout commerce avec les femmes étrangères » (Tacite, Hist. V, 5, ibid., p. 307).
« [Les Juifs] s’enorgueillissent d’une sagesse supérieure et dédaignent la société des autres hommes » (Celse, Discours véritable, Origène V, 43, ibid., p. 168).
« Ces hommes se distinguent du reste de l’humanité par tout leur genre de vie » (Dion Cassius XXXVII, ibid., p. 182).
Atheia.
I – « Un certain Moïse… les exhorta à ne se montrer bienveillants pour personne… et à renverser tous les sanctuaires et autels des dieux qu’ils rencontreraient » (Lysimaque d’Alexandrie, fragm. 1 Muller, chez Josèphe, С Apion I, 34, ibid., p. 119).
« Tantôt il [Apollonios] nous injurie comme athées et misanthropes » (Apollonios Molon, C. Apion II, 14 §148, trad. Th. Reinach, Textes… p. 63).
« Ils [Posidonios et Apollonios] nous font crime de ne pas adorer les mêmes dieux que les autres peuples » (Apollonios Molon, C. Apion II, 7 §79, ibid. p. 62).
« La première instruction qu’on leur donne, c’est de mépriser les dieux, d’abjurer la patrie, d’oublier parents, frères, enfants » (Tacite, Hist. V, 5, ibid., p. 307).
« … cette nation à la fois pleine de superstition et ennemie des pratiques religieuses » (Tacite, Hist. V, 13, ibid., p. 321).
Monette Bohrmann en conclut donc ceci.
De la confrontation des sources, il ressort que l’amixia et l’atheia reprochées aux Juifs sont au cœur de la vision que les non-juifs ont des Juifs et qui plus est, que les Juifs ont d’eux-mêmes. Les Romains, pour leur part constatent que le genre de vie des Juifs se démarque radicalement du consensus commun aux autres peuples, qu’il est effectivement « contraire à l’humanité » et donc, de leur point de vue, les Juifs sont « misanthropes » ; les lois alimentaires leur interdisant la commensalité (ils « ne s’assoient jamais à table avec un étranger », « ne partagent pas avec leurs semblables la table »), les Juifs ne peuvent donc pas avoir de rapport de société normaux avec les autres peuples. Minoritaires, ils doivent se préserver de l’acculturation pour perdurer, traverser le
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temps, l’histoire (histoire se dit en hébreu toledot, c’est-à-dire les générations) : par conséquent « ils s’interdisent toute communication avec les étrangers », et s’abstiennent « de tout commerce avec les femmes étrangères » et restent distincts de l’humanité, et ce comportement relève effectivement de « règles qui sont une institution religieuse » (les préceptes de la Loi), puisque Dieu « a séparé » les Juifs des autres peuples, « pour être un peuple spécial » auquel il est « interdit de s’attacher à des dieux étrangers » pour les servir.
Le judaïsme se caractérise donc effectivement par une amixia qui ne peut que choquer, irriter le Romain ; celui-ci ne comprend pas que ses propres rites soient rejetés par d’autres qui pratiquent aussi des rites, que son respect profond pour la tradition ne soit pas partagé par d’autres qui respectent profondément leur propre tradition, et que soit rejetée enfin sa pietas, qui s’exprime par un devoir social que le Juif bafoue. Le refus d’intégration des Juifs est non seulement répréhensible (les juifs, organisés en politeuma sont l’élément asocial dans la cité), mais incompréhensible aux Romains fiers de l’être, apportant par la romanisation la culture aux Barbares, et qui, bien qu’étant les représentants de la plus grande puissance mondiale, ne refusent pas, eux, d’incorporer à leur propre culte les cultes locaux des territoires conquis (on ramène à Rome les dieux de Carthage ou l’Épona celtique). Rome, malgré sa grande puissance est tolérante et intègre les peuples moins puissants et conquis, alors que les Juifs sont une minorité qui la brave tout en revendiquant des privilèges, des droits de citoyenneté, sans jouer totalement le jeu de l’intégration, puisqu’ils réclament en même temps leur droit à la différence. Une anecdote du Talmud palestinien montre bien que les Juifs sont conscients de la disparité des deux cultures au point d’en faire l’explication des événements sous Trajan :
« II arriva qu’un fils lui [Trajan] naquit le 9 ab [anniversaire de la chute du Temple] et à ce moment-là les Juifs jeûnaient. Sa fille mourut pendant la fête des Maccabées et les Juifs allumaient précisément des lumières de la réjouissance [cf. Josèphe, A/. XII 325] ; la femme du souverain romain envoya à son mari un messager et lui fit dire : au lieu de vaincre les Barbares, viens soumettre les Juifs qui se révoltent contre toi » (Г./. Soucca V 1, 55b).
Même si les relations entre les Juifs et des Romains n’ont pas toujours été mauvaises (cf. le traité d’alliance en I Mac. 8, 17-20 et les privilèges dont les Juifs jouissaient depuis César), l’analyse de l’antagonisme de Rome et des Juifs débouche logiquement sur la constatation d’un antijudaïsme antique, voire sur ce que J. Isaac appelle « le thème de l’éternel antisémitisme » (Genèse de l’antisémitisme, p. 29), et la plupart des recherches concernant les rapports de Rome et des Juifs sont centrées sur ces thèmes. Considérant que ces conclusions sont un point acquis nous ne nous y attarderons pas, car elles ne sont que des retombées (hélas ! bien réelles et dont nous nous gardons bien de mésestimer l’importance) de ce que nous cherchons à définir…
EN CE QUI NOUS CONCERNE, NOUS DÉVELOPPERONS CETTE ANALYSE PAR D’AUTRES CONSIDÉRATIONS, CAR NOUS TENONS COMPTE DE L’INAUTHENTICITÉ DU PENTATEUQUE ET DU FAIT QU’ON ENTRE À PEU PRÈS DANS L’HISTOIRE QU’AVEC DAVID ET SALOMON.
VOIR CI-APRÈS.
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APERÇU DE L’IDÉOLOGIE RELIGIEUSE JUIVE DONC SELON NOUS.
N. D. L. R. Précision sémantique à propos du mot arabe « youfakouna » qui caractérise les juifs et les chrétiens d’après la sourate 9 verset 30 du Coran et qui est souvent rendu dans les traductions comme quelque chose du genre « les juifs et les chrétiens… ne comprennent pas ».
Ils sont
— ensorcelés, pervertis, pervers, dans l’erreur, aberrants.
Mais le terme n’implique pas une simple ignorance, il suggère plutôt une intelligence dévoyée, ou qu’on empêche de fonctionner normalement.
C’est un dérivé du verbe afaka, du moins si l’on en croit le tome 1 du livre de Muhammad Mohar Ali intitulé « traduction mot à mot du Coran ».
Et le « on » en question est à prendre au sens fort : cela peut être aussi bien Dieu que le diable.
Étant athées nous écarterons néanmoins cette hypothèse et nous opterons pour un empêchement plus naturel.
« Les juifs et les chrétiens… sont naturellement dans l’incapacité de voir, de savoir, de comprendre ! »
Du point de vue de la philosophie « La foi des juifs et des chrétiens… n’a rien à voir avec la raison ! »
Plus crûment « les juifs et les chrétiens sont cons ! »
Bref en résumé « Les juifs et les chrétiens… sont mongoliens ».
Il a existé marginalement une vraie théologie, au sens d’une rencontre entre les doctrines de la religion juive et la philosophie (antique), la Cabbale et le Zohar, mais la voie a été vite coupée ; en fait, au sens le plus strict on ne peut parler de théologie que pour le paganisme finissant et le druidisme. Le judaïsme ne se pose aucune des questions métaphysiques essentielles sur la nature de Dieu. Les sublimes spéculations n’ont aucun rapport avec l’Écriture dit Spinoza, en ce qui me concerne, je n’ai appris ni pu apprendre dans l’Écriture sacrée aucun des attributs éternels de Dieu. Et Moïse Mendelssohn d’ajouter dans son essai de 1783 intitulé « Jérusalem, pourvoir religieux et judaïsme » : « Le judaïsme ne prétend d’ailleurs nullement avoir eu la révélation exclusive des vérités éternelles indispensables à notre salut ou être doté d’une religion révélée au sens où ce terme est habituellement entendu. La religion révélée est une chose, la législation révélée en est une autre. La voix qui se fit entendre sur le Sinaï ce jour mémorable entre tous ne proclama pas : « Je suis l’Éternel, ton Dieu, l’être nécessaire et indépendant, omnipotent et omniscient, qui récompense les hommes dans une vie future selon leurs mérites ». C’est la religion universelle de l’humanité, et non le judaïsme… Les vérités éternelles, en revanche, dans la mesure où elles sont utiles au salut et à la félicité des hommes, sont enseignées par Dieu d’une manière plus appropriée à la divinité ; non par des sons ou des caractères écrits, compréhensibles ici ou là, par tel ou tel individu, mais par la création elle-même, et ses mécanismes internes, qui sont lisibles et compréhensibles pour tous les hommes… Tous les habitants de la terre sont destinés à la félicité ; et les moyens de l’atteindre sont aussi répandus que l’humanité elle-même, aussi charitablement dispensés que les moyens de se garder de la faim ou satisfaire les autres besoins naturels ».
Mendelssohn n’a quand même pas été jusqu’à douter du caractère miraculeux de la révélation divine par Moïse DES LOIS destinées au peuple d’Israël, et cet ultime tabou fait que la religion juive n’a donc jamais dépassé le stade des commentaires de la Torah et de la pratique des 613 commandements religieux (mitzvoth). Rien à voir donc avec le Dieu des philosophes genre Platon ou Plotin.
Certains courants du judaïsme croient à la transmigration des âmes. En 2011 un tribunal rabbinique ultra-orthodoxe de Jérusalem a condamné à mort par lapidation un chien errant accusé d’être la réincarnation d’un avocat laïque qui avait insulté les juges religieux 20 ans auparavant (cf. le site d’information Ynet).
Selon ce journal en ligne, le chien, de grande taille, avait pénétré dans le Tribunal rabbinique en charge des litiges économiques du quartier juif ultra-orthodoxe de Méa Shéarim à Jérusalem, effrayant juges et plaignants et refusant de quitter les lieux malgré les menaces. Un des juges présents se souvint brusquement que 20 ans plus tôt, le tribunal, insulté par un célèbre avocat laïque, avait maudit ce dernier, décédé depuis, et appelé sur lui la malédiction divine pour qu’il se réincarne en chien, considéré comme “impur” selon la Halacha, la stricte tradition religieuse juive.
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Dans la foulée, le juge en question a donc condamné à mort par lapidation l’animal, qui a toutefois réussi à échapper aux enfants du quartier, appelés à exécuter la sentence. Une association israélienne pour la défense des animaux a néanmoins porté plainte.
Le Zohar (Hébreu « Splendeur » ou « Lumière ») est l’œuvre fondamentale de la pensée mystique juive connue sous le nom de Cabbale. La Cabbale est la partie cachée de la Torah orale.
C’est un ensemble de livres comprenant des commentaires portant sur les aspects mystiques de la Torah (les cinq livres de Moïse) et des interprétations de la Bible, ainsi que des documents sur le mysticisme, la cosmogonie mythique et la psychologie. Il y a dans le Zohar des discussions sur la nature de Dieu, l’origine et la structure de l’univers, la nature de l’âme, la rédemption, la relation du Moi avec les Ténèbres et du « vrai moi » avec « La Lumière de Dieu » ainsi que les rapports entre « l’énergie universelle » et l’Homme. Son exégèse des saintes Écritures peut être considérée comme une forme ésotérique de la littérature rabbinique connue sous le nom de Midrash, qui réfléchit sur la Torah. Le Zohar est principalement écrit dans ce qui a été décrit comme étant une variété cryptée d’araméen. L’araméen, langue vernaculaire d’Israël dans la période du Second Temple (- 539 à – 70), est la langue d’origine d’une grande partie des livres de Daniel et d’Ezra, et la langue principale du Talmud.
Le Zohar est apparu en Espagne au 13e siècle, et a été publié par un écrivain juif appelé Moïse de Léon. Il attribuait cette œuvre à Simon bar Yochai (« Rashbi »), un rabbin du 2e siècle qui, selon la légende s’est caché dans une grotte pendant treize ans pour étudier la Torah et fut inspiré par le prophète Élie pour écrire le Zohar.
Comme mentionné ci-dessus, la raison d’être de la réincarnation ou de la transmigration des âmes dans le judaïsme est donnée dans le Zohar, dans un long passage appelé Saba d’Mishpatim. L’idée centrale est que la réincarnation, ou gilgoul 1), a deux objectifs : a) corriger les fautes ; b) atteindre des niveaux d’âme plus élevés. L’âme doit se réincarner à cause de ses péchés ou parce qu’elle n’a pas complètement satisfait aux obligations figurant dans la Torah et les mitsvot, ou pour aider quelqu’un (par exemple une épouse). À la limite une âme peut se réincarner uniquement pour intervenir dans la vie d’un individu, d’une famille ou d’une communauté. La mortalité infantile est souvent expliquée dans le Judaïsme d’obédience Cabbalistique comme un moyen d’apprendre aux parents une leçon faite sur mesure pour eux, ou parce que l’âme de cet enfant appartenait à un individu déjà presque saint à qui ne manquait qu’un peu d’expérience, une expérience qui ne pouvait être obtenue qu’en revenant sur terre pour un mois, six mois ou quelques années.
L’exposé de Rabbi Shimon Bar Yochai est plutôt long et complexe. La réincarnation était visiblement un sujet sérieux pour lui.
Pour mémoire ci-dessous la place que l’idéologie religieuse juive accorde aux cultes non juifs.
Shiqoutsim. « Ordures » euphémisme idole, est le terme hébreu utilisé pour désigner les autres religions, les autres cultes, les autres dieux.
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, toute la question est de savoir ce qu’adoraient ces pseudo-idolâtres.
Pour ce qui est des druides des Celtes en tout cas la réponse à cette question nous a déjà été fournie et depuis longtemps. « Ar baí cretim in óenDé oc Cormac. ar ro ráidseom na aidérad clocha ná crunnu acht no adérad intí dosroni & ropo chomsid ar cul na uli dúla »(Senchas na relec inso).
« Cormac croyait en un seul dieu. Il disait qu’il n’adorait ni les pierres ni les arbres, mais qu’il adorait seulement celui qui les avait faits et qui est le protecteur de tous les éléments » (Histoire des lieux d’inhumation).
Le plus simple serait évidemment de comparer l’analyse qui va suivre au profilage d’un criminel, mais comparer le travail qui va suivre au profilage d’un tueur en série ne serait pas exactement approprié puisque cela supposerait que ledit tueur en série existe vraiment. Précisons donc que dans ce qui suit, par Dieu nous entendrons le personnage surhumain tel qu’il ressort des écrits en question, et non tel qu’il est réellement, ce dont nous ne savons rien. Tout comme l’auteur d’un livre sur les sirènes ou les licornes ne croit pas forcément que ces créatures existent ou ont existé réellement.
Bref, outre le fait que le dieu de la Torah (quel qu’ait été son nom et donc sa conception d’origine : Élohim, El, Yaho, Yahou, et finalement le tétragramme Yhwh pour tout dire) est UN DIEU STRICTEMENT ETHNIQUE OU NATIONAL (ISTE) ET NON LE DIEU DES PHILOSOPHES OU LE DIEU DE TOUS LES ÊTRES HUMAINS, ce que nous avons eu maintes fois le regret de souligner avec vigueur…
1) Signalons au passage que, d’après le grand celtologue français Christian-Joseph Guyonvarc’h (Glossaire Les druides, en français très clair dans le texte et non en breton : « La tradition celtique ne contient aucune trace d’une croyance à la réincarnation » rien ne prouve que les druides antiques croyaient en la réincarnation systématique SUR TERRE des âmes après la mort, car il ne trouve, lui ;
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dans la littérature celtique, que des cas de métamorphoses temporaires ; DU VIVANT DE L’INDIVIDU et une réincarnation des individus après leur mort DANS UN AUTRE MONDE (dans un corps légèrement différent du précédent, immortel, glorieux, etc.).
LE CREDO JUIF (ANI MAANIN).
Le célèbre philosophe et théologien juif Moïse Maimonide (Espagne 1138 Égypte 1204) a considéré dans le chapitre 10 de son fameux traité Sanhédrin que les 13 principes qui vont suivre suffisaient à définir la foi juive.
Mais nous n’en passerons que quelques-uns au microscope ou au scalpel pour des raisons évidentes.
Beaucoup vont de soi pour un croyant (ce qui manque par contre c’est une définition précise) ou découlent implicitement les uns des autres.
En outre notre intention est de revenir sur certains d’entre eux dans le cadre de notre étude du Christianisme.
La croyance pharisienne en la résurrection des morts par exemple, qui soulève beaucoup de problèmes dans la mesure où il ne s’agit pas du thème bien connu d’une vie après la mort DANS UN CORPS TRANSFIGURÉ PAR UNE LUMIÈRE INTÉRIEURE DE TYPE LON LAITH OU LUAN LAITH.
Par contre nous développerons divers points ne figurant pas dans ce « crédo », mais qui nous semblent bien caractériser aussi le juif pieux et croyant par rapport à un bouddhiste ou un bolchévique athée (par exemple).
Soit qu’il s’agisse d’un « oubli » de la part de Ramban dû au fait qu’il écrivait en arabe, soit qu’il s’agisse là de l’indice témoin d’une grande évolution de la psyché juive depuis son époque et singulièrement depuis la création de l’État d’Israël. Ayons bien présent à l’esprit que le Guide des égarés a été écrit pour les Juifs « perplexes » justement, écartelés entre les données de l’Écriture et la rationalité philosophique, et qu’il a pour but justement d’exposer le judaïsme en termes de valeurs non juives, à tout le moins à établir une corrélation entre les valeurs juives et les valeurs générales.
Mais peu importe nous sommes là justement pour réparer de tels oublis du chapitre des treize principes.
Pour mémoire donc et dans l’ordre retenu par Maïmonide, tout en rappelant qu’ils furent très critiqués à l’époque (les rabbins Hasdaï Crescas et Joseph Albo par exemple se déchaînèrent contre) qu’une grande partie de la communauté juive des siècles suivants les ignora superbement et que Moïse Maïmonide lui-même semble en avoir fait autant (il n’en parle plus dans ses derniers ouvrages, le Mishna Torah et le guide des égarés).
* Selon Joseph Albon, la croyance en la venue du Messie n’était pas une croyance essentielle, et donc pas une partie intégrante du judaïsme.
Le Credo de Maïmonide donc.
1. Je crois d’une foi parfaite que le Créateur, loué soit Son Nom, est le Créateur et Guide de tout ce qui a été créé, et que Lui seul fit, et fait et fera sur toutes choses.
2. Je crois d’une foi parfaite que le Créateur, loué soit Son Nom, est Unique, d’une Unicité comme il n’en existe absolument nulle autre, et Lui seul est notre Dieu, Fut, Est et Sera.
3. Je crois d’une foi parfaite que le Créateur, loué soit Son Nom, n’est pas un corps, et qu’Il est libre de toutes les propriétés d’un corps et qu’absolument rien ne Lui ressemble.
4. Je crois d’une foi parfaite que le Créateur, loué soit Son Nom, est le Premier et qu’Il est le Dernier.
5. Je crois d’une foi parfaite que ce Créateur, loué soit Son Nom, est le seul qu’il convient de prier, et qu’il ne convient pas de prier un autre être que Lui.
6. Je crois d’une foi parfaite que toutes les paroles des prophètes sont vérité.
7. Je crois d’une foi parfaite que la prophétie de Moïse notre Maître, la paix soit sur lui, était vraie, et qu’il était père des prophètes, de ceux qui l’ont précédé et de ceux qui l’ont suivi.
8. Je crois d’une foi parfaite que la Torah qui se trouve maintenant dans nos mains, est celle donnée à Moïse notre Maître, la paix soit sur lui.
9. Je crois d’une foi parfaite que cette Torah ne changera jamais et que le Créateur, loué soit Son Nom, ne donnera pas d’autre Torah.
10. Je crois d’une foi parfaite que le Créateur, loué soit Son Nom, sait tout acte des hommes, et toutes leurs pensées ainsi qu’il est dit : « Lui qui forme leur cœur à tous, Qui comprend toutes leurs actions. »
11. Je crois d’une foi parfaite que le Créateur, loué soit Son Nom, rétribue bien ceux qui gardent Ses commandements, et punit ceux qui transgressent Ses commandements.
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12. Je crois d’une foi parfaite en la venue du Messie. Et même s’il tarde, malgré cela, j’attendrai chaque jour qu’il vienne.
13. Je crois d’une foi parfaite qu’il y aura une résurrection des morts, au moment qui plaira au Créateur, loué soit Son Nom, et Son souvenir sera exalté pour toujours et pour l’éternité des éternités.
DOGMES DE BASE…
1. CRÉATEUR DIRECT DE L’UNIVERS
(point numéro 1 des 13 articles de Foi de Moïse Maimonide).
Dimanche 23 octobre de l’an 4 004 avant notre ère (à 18 heures).
Date de naissance de l’Univers d’après l’archevêque d’Irlande James Ussher et la Bible. En 6 jours Dieu crée : le temps, l’espace, les galaxies, les étoiles, le Soleil, la Terre, les plantes, les animaux, et l’homme (à partir d’un peu d’argile ou de poussière).
Pour mémoire il existe des cosmogonies n’attribuant aucun commencement absolu à l’univers ou voyant l’actuel univers comme étant né d’un précédent univers s’étant effondré, celui-ci étant voué à faire de même pour à son tour donner naissance à un autre univers et ainsi de suite à l’infini. Quant à la naissance ainsi définie de notre monde actuel, elle varie selon ces religions (les chiffres astronomiques suggérés en ce domaine par les druides, des « longues vies » de plusieurs dizaines de milliers d’années, faisaient par exemple rire les Grecs, notamment Strabon. Et ne parlons pas des Indiens).
La théorie créationniste impute donc à un être mythique l’énergie dont il se dépossède.
Cette théorie a comme principe de base la création de l’Univers et de la Terre par un Dieu ou Démiurge tout puissant, le Dieu-ou-démon d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Lors des 5 premières journées, il a doté ce monde de plantes, d’animaux marins et terrestres, et finalement, le sixième jour, l’a peuplé avec un couple humain, finalité poursuivie par lui dès le début. La conséquence immédiate de cette idée, c’est que Dieu a créé les êtres vivants, et en particulier les humains, directement dans l’état où nous les observons actuellement. L’idée d’évolution est par conséquent absolument contraire au texte de la Bible.
N.B. On nous pardonnera, je l’espère, d’être sur ce point plus tolandiens que Toland, et d’être plutôt monganiens. En l’occurrence, l’Homme n’a pas été créé à partir d’un peu de terre (comme une terrine entre les mains d’un grand potier), mais à partir d’un animal déjà existant.
Que Dieu soit peut-être à l’origine de la lignée ayant donné cet animal, ne change rien au fait que l’on pouvait déjà parfaitement penser à cela (l’homme fait à partir d’un animal) dès l’époque de Toland ; et que notre grand druide irlandais ne s’était donc pas suffisamment affranchi lui-même alors de l’imagerie biblique pour en arriver à cette conclusion, pourtant beaucoup plus évidente. Comme quoi il ne suffit pas d’être Toland pour être tolandien.
Et la femme a été créée à partir d’une côte de l’homme… Aujourd’hui encore, un certain nombre de nos semblables demeurent persuadés que les hommes ont une côte en moins que les femmes… Mais en octobre 2002, le Vatican a néanmoins reconnu qu’Ève n’a jamais mangé de pomme. Ouf ! L’honneur est sauf !
Un autre postulat, cher aux théologiens créationnistes, est la réalité d’un déluge universel de type catastrophique, que Dieu ou le Démiurge aurait envoyé à l’Humanité pour la punir ; et dont seule une poignée de survivants aurait été sauvée grâce à une Arche contenant un couple de chaque espèce animale. Cette Arche est un des principaux sujets de recherche des créationnistes, qui vont jusqu’à organiser des expéditions archéologiques sur le mont Ararat, en Turquie, où l’Arche se serait échouée à la fin du déluge selon eux.
Les tenants du caractère matériellement véridique du livre de la Genèse ne tiennent jamais compte de trois faits importants.
1. La position des continents et leur dérive.
2. Les orogenèses anciennes.
3. Les variations climatiques.
Bref, les thèses créationnistes sur l’origine de l’Univers, de la Vie et de l’Homme, ne sont pas recevables scientifiquement parlant, et ne présentent aucun intérêt pour l’avancement des Sciences, mais s’y opposent au contraire.
Démiurge avons-nous dit à propos de ce dieu. Démiurge et interventionniste. Car le Dieu de la Bible est tout le contraire d’un deus otiosus ou du dieu des philosophes. Sa création étant visiblement ratée
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(ou disons pour le moins imparfaite) il n’arrête pas en effet d’intervenir dans l’histoire humaine, comme le montrent les quelques exemples ci-dessous.
JALOUX.
Bagad Gita 9, 23-29. « Toute oblation qu’avec foi l’homme sacrifie aux dieux est en fait destinée à moi seul, ô fils de Kounti, mais offerte sans le savoir, car je suis l’unique bénéficiaire et l’unique objet des sacrifices. Que l’on m’offre, avec amour et dévotion, une feuille, une fleur, un fruit, de l’eau, cette offrande, je l’accepte. Je n’envie, je ne favorise personne, envers tous je suis impartial. Mais quiconque me sert avec dévotion vit en moi et je suis son ami ».
Le judaïsme n’étant pas fondé sur de telles prémisses philosophiques (voir le point N° 5 des 13 articles de foi de Moïse Maïmonide), le terme monothéisme n’est pas celui qui lui convient avons-nous dit. Le dieu-ou-démon objet de ce culte monolâtre (monolâtre et non monothéiste), le dieu-ou-démon des débuts de la Bible, est un dieu-ou-démon anthropomorphe qui réagit comme un vulgaire mortel. La notion de jalousie amoureuse terriblement humaine, comme attribut divin de Dieu, est d’ailleurs souvent utilisée dans la Bible.
Exode. 20, 5 : « Je suis Yhwh ton dieu, un dieu jaloux, reportant la faute des pères sur les fils, sur la troisième et la quatrième génération… mais je suis bon jusqu’à la millième génération pour ceux qui m’aiment ».
Zacharie. 13, 9. Il criera mon nom, et moi je lui répondrai. Je dirai : mon peuple ! Et lui, il dira : « Yhwh mon dieu ».
Zacharie. 8, 2. « J’éprouve un amour jaloux pour Sion, je brûle de jalousie ».
Exode. 34, 14 à 16. « Tu ne te prosterneras pas devant un autre dieu, parce que Yhwh jaloux est son nom, c’est un dieu jaloux ! Ne fais pas alliance avec les habitants du pays, ils t’inviteraient à manger de la viande de leur sacrifice quand ils se prostitueront devant leurs dieux et leur feront des offrandes ».
Voilà donc comment est récompensée l’ouverture d’esprit des fidèles des autres religions envers le peuple élu. Ils invitent les Hébreux à s’associer à leurs joies et à leurs fêtes (les festins de viande offerts en l’honneur de leurs dieux) et voilà la réponse.
Ainsi que nous avons pu le voir, plusieurs passages de la Bible, associés à la monolâtrie et au pouvoir politique dans la société, font appel au herem ha qahal ou anathème, « massacre des ennemis sur ordre de Dieu (du Dieu d’amour ?) ».
Herem signifie en hébreu « immonde, abominable ». Il s’agit donc de purger la Qahal, l’Église (en hébreu) de ses éléments indésirables.
Lévitique. 10, 1 à 2 par exemple. Yaho brûle vifs deux partisans de la liberté de culte, Nadab et Abiou, israélites convertis à une autre religion.
Lévitique. 20, 1 à 6. L’important n’étant apparemment pas la vie ou la mort des enfants en question, mais à qui ils sont voués dès leur plus jeune âge, celui qui voue ses enfants au Dieu Moloch, ou qui suit le culte de Moloch (prostitution sacrée ? ?) est condamné à mort.
Nombres. 25, 1 à 9. Des israélites se laissant attirer par la religion moabite (celle de leurs femmes en fait) Yahou en fait périr 24 000.
Jérémie. 48,10. Maudit soit celui qui accomplirait trop négligemment la tâche de Dieu. Yhwh maudit celui qui prive son épée de sang.
Le Deutéronome insiste sur le sort qu’il convient de réserver aux croyants des autres religions, même s’ils sont membres de la famille. « Si ton frère, fils de ta mère, ou ton fils ou ta fille, ou la femme que tu serres contre ton cœur, ou ton prochain qui est comme toi-même, vient en cachette te faire cette proposition : « Allons servir d’autres dieux » ; – ces dieux que ni toi ni ton père ne connaissez, ces dieux des peuples proches ou lointains qui vous entourent d’un bout à l’autre du pays — ; tu n’accepteras pas, tu ne l’écouteras pas, tu ne t’attendriras pas sur lui, tu n’auras pas pitié, tu ne le défendras pas ; tu dois absolument au contraire le tuer. Ta main doit être la première à lui donner la mort, et la main de tout le peuple doit suivre ; tu le lapideras, et il mourra pour avoir cherché à t’entraîner loin du Seigneur ton Dieu » (Deutéronome. 13,6 à 11).
Au fait la tolérance religieuse, c’est quoi déjà ?
On retrouve ce racisme et ce fanatisme à l’œuvre dans l’action d’Asa roi de Juda vers – 912. « Asa fit ce qui était bon, ce qui était droit aux yeux de Yhwh, son dieu. Il renversa les autels étrangers, nivela les tertres sacrés, détruisit les stèles, coupa les ashéras » (2 Chroniques. 14, 1 à 4).
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On retrouve aussi le racisme et le fanatisme des nazirites dans l’action d’Élie, sorte de double de Moïse, lui aussi illuminé par une révélation reçue sur le Mont Horeb.
L’épisode central de son cycle de légendes se situe au mont Carmel où, devant tout le royaume du Nord rassemblé à l’occasion d’une fête, il s’en prend violemment aux autres religions ; et notamment à la religion baalite, pour essayer d’imposer la sienne. Élie, nabi ou illuminé juif du IXe siècle avant notre ère, s’opposera en effet à la liberté de culte revendiquée par les reines Jézabel, femme d’Achab, et Athalie, en faveur des dieu-ou-démons cananéens ou phéniciens (Premier livre des Rois. Chapitres 17 à 21, deuxième livre des Rois, chapitre 1).
Même chose pour l’action d’Élisée son successeur.
Les histoires à propos de cet illuminé (2 Rois. Chapitres 2 à 8, 15) ont d’abord été transmises oralement par un dénommé Guéhazi puis mises par écrit à la cour du roi d’Israël vers – 800 avant notre ère. Assez curieusement Élisée ira pourtant couronner roi l’Araméen Hazael (2 Rois. 8, 7 à 13).
Élisée aurait opéré des miracles de son vivant et des miracles auraient aussi eu lieu sur sa tombe (2 Rois. 13, 21). Voir également les harangues d’Osée s’en prenant aux baals de village.
On retrouvera cette intolérance religieuse dans la façon dont les juifs agiront avec le grand rabbi nazaréen Jésus et ses premiers disciples comme Étienne. Le seul moyen de régler les crises nées de la violence est celui du sacrifice du bouc émissaire. Il s’agit de sacrifier quelqu’un qui diffère du groupe et que le groupe pense être à l’origine de la violence, alors qu’il ne l’est pas plus que les autres en réalité évidemment. Dans ce sacrifice, le groupe se réconcilie momentanément. C’est ce que les juifs ont essayé de faire avec Jésus ou ses disciples.
Une prédiction insérée comme on dit en latin « post éventé » après coup évidemment, dans les évangiles, annonce que ceux qui croient en Jésus seront traînés devant les autorités dans les synagogues et battus » (Matthieu 10,17 ; 23 ; 34 ; Luc 12,11). Jean ne parle pas seulement de l’expulsion des chrétiens des synagogues, mais aussi de la mise à mort de chrétiens par des juifs, pour qui c’était là une manière de servir Dieu (16, 2). Faut-il entendre par là que de véritables exécutions eurent lieu, dont se rendirent responsables les autorités juives ? Ou bien cela veut-il dire que les chrétiens étaient dénoncés par les chefs religieux aux autorités romaines qui se chargeaient alors de l’exécution ? (Raymond E. Brown.) La prédication d’Étienne provoquera aussi une répression violente. Étienne mettait en effet en cause le culte judaïque et le rôle du Temple, en rappelant que le véritable culte se pratique dans les esprits et les cœurs, en toute sincérité.
L’indignation du Sanhédrin se traduira par la lapidation d’Étienne, et ce premier martyre se déroule entre 32 et 37, sous les yeux approbateurs de Saül, futur saint Paul.
Le retournement de ce dernier sera d’autant plus frappant que c’était non seulement un juif fervent, mais aussi un opposant actif à la nouvelle religion. Il reconnaît d’ailleurs dans ses lettres avoir été un persécuteur de ceux qui deviendront plus tard ses frères.
« Vous avez entendu parler de mon comportement naguère, dans le judaïsme, avec quelle frénésie je persécutais l’Église de Dieu et cherchais à la détruire » (Galates. 1,13). Le verbe « persécuter » dit bien qu’il ne se contentait pas de simples menaces verbales. De même, lorsqu’il utilise le terme de « zèle » à ce sujet (Philippiens. 3, 6).
Après une brève période d’accalmie, une nouvelle vague de persécution, en 42, atteignit cette fois-ci les chrétiens de culture hébraïque, et en particulier le groupe des douze. Elle sera le fait du roi Hérode Agrippa. Jacques le Majeur est mis à mort (42/44) les apôtres se dispersent.
Pour un juif du 1er siècle, les premiers chrétiens sont en effet des hérétiques : ils constituent un parti, un groupe, un peu sectaire, qui ne respecte pas la tradition (Actes 24, 5) : «… cet homme – Paul – est un chef de file de l’hairesis [secte] des Nazôréens… ». Et un peu plus loin (Actes 24. 14), Paul répond : « Je suis au service du Dieu de nos Pères selon une Voie qu’eux qualifient de secte ». Il confirme ainsi l’emploi péjoratif du mot hairesis et reconnaît que les premiers chrétiens ont été qualifiés ainsi par les juifs. Un peu plus loin encore, en Actes 28, 22 il est écrit : « nous savons bien, disent les juifs de Rome, que ta secte rencontre partout l’opposition… ».
En certains endroits, les juifs, en possession de droits ou privilèges acquis auprès de la législation romaine, s’ajoutèrent d’ailleurs aux autres citoyens des villes qui demandaient la condamnation des premiers chrétiens.
À Antioche, par exemple, il est plus que probable que les juifs réclamèrent, eux aussi, le jugement et l’exécution de Polycarpe. BERNARD Lazare affirme même qu’ils furent les plus acharnés pour ce qui est d’alimenter le bûcher de l’évêque.
Le dieu d’Abraham d’Isaac et de Jacob est en effet un dieu clivant, il n’est pas comme le dieu de la Baghavad Gita (9, 23-29) mentionné au début de ce chapitre ni comme le dieu des philosophes celtes. Ce dieu ou discours sur Dieu est le plus grand des communs diviseurs de l’Humanité.
Aujourd’hui encore en Israël beaucoup de juifs réprouvent, détestent ou haïssent toujours foncièrement, nombre de personnes de leur « lignée » s’opposant à leur conception du monde. Les
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menaces téléphoniques, les injures par courrier, ne proviennent pas d’antisémites venimeux, mais d’excellents juifs, ou du moins se voulant tels. Et l’on sait d’expérience qu’il peut s’agir d’une haine mortelle : c’est Yigal Amir le juif qui tue Yitzhak Rabin le juif (en 1995).
GUERRIER.
Les prophètes de la Bible décrivent avec jubilation les châtiments infligés aux contempteurs de leur dieu. Esaïe et Jérémie lui ont accolé le terme de Sabaoth, qui ne signifie pas dieu d’amour, loin de là, mais dieu-ou-démon de la force, dieu-ou-démon des armées. Plusieurs textes sacrés du judaïsme (voir par exemple Deut. 20) font d’ailleurs référence au herem, ou anathème : « massacre des ennemis sur ordre de Dieu (du Dieu d’amour ?) ». En quoi consiste réellement cet anathème, ou interdit ? Le terme hébreu herem semble plus précis que sa traduction grecque anathema. Il désigne la malédiction par laquelle une personne ou un objet doit être soit détruit, soit écarté en raison de son caractère sacré. Sa plus ancienne formulation en Exode 22, 18 « Tu ne laisseras pas en vie la sorcière. Tu mettras à mort le zoophile. Qui sacrifie aux dieux sera voué à l’anathème, sauf si c’est à YHWH » ; indique clairement qu’une telle sanction frappe en premier ceux qui ne suivent pas la même religion qu’il s’agisse d’individus (lévitique 27, 29) ou de villes (Deutéronome 13, 13-19).
Dans la pratique cependant, cet anathème ou herem semble surtout lié à la guerre sainte (Nombres 21, 1-3 ; Josué 6 ; Juges 1, 17 ; 1 Samuel 15).
1 Samuel. 15, 2 à 3. « Je vais punir Amalec de ce qu’il a fait à Israël en s’opposant à lui quand il remontait d’Égypte. Va maintenant, tu battras Amalec et vous anéantirez tout ce qui est à lui : tu n’auras pas pitié de lui et tu mettras à mort hommes et femmes, enfançons et nourrissons, bœufs et moutons, chameaux et ânes ».
Jérémie. 7, 20. « Ma colère se déverse sur ce lieu, sur les hommes et les bêtes, sur les arbres de la campagne et les fruits de la terre, c’est un feu qui ne s’éteint pas ».
Zacharie. 14, 3. Yhwh paraîtra et combattra ces nations comme il se bat un jour de corps-à-corps.
Psaume 139, 19-22. « Dieu ! Si seulement tu voulais bien massacrer l’infidèle !… Comment ne pas haïr ceux qui te combattent ? Je les hais d’une haine parfaite, ils sont devenus mes propres ennemis ».
Psaume 143, 12. « Par fidélité envers moi, tu extermineras mes ennemis et tu feras périr tous mes adversaires, car je suis ton serviteur ».
Psaume 149. « Qu’Israël se réjouisse en son Créateur, que les enfants de Sion se réjouissent en leur roi […] Qu’ils chantent de joie sur leurs couchettes ! Que les louanges élevées vers Dieu ne quittent pas leurs gorges et que les sabres à deux pointes ne quittent pas leurs mains, afin de faire descendre la vengeance dévastatrice sur les nations et le châtiment sur les peuples ».
2 Chroniques.14, 13. Terreur de Yhwh. Pillage. Razzia.
2 Chroniques. 20, 22. Yhwh tend un piège aux ennemis de son peuple. Les fils d’Ammon, Moab, etc.
Abdias. 1, 10 à 21. « Ésaü… à cause de ta violence contre ton frère Jacob, tu seras couvert de honte, et tu seras exterminé pour toujours… Car le jour de l’Éternel est proche, pour toutes les nations. Il te sera fait comme tu as fait, tes œuvres retomberont sur ta tête… Mais le salut se tiendra sur la montagne de Sion, elle sera sainte, et la maison de Jacob rentrera en possession de ses biens. La maison de Jacob sera un feu, la maison de Joseph une flamme ; et la maison d’Ésaü sera du chaume, qu’elles allumeront et consumeront. Il ne restera rien de la maison d’Ésaü, car l’Éternel a parlé ainsi. Des libérateurs monteront sur la montagne de Sion, pour juger la montagne d’Ésaü ; et l’Éternel régnera enfin ».
Yaho/Yahou/Yhwh n’est décidément pas tendre pour les opposants à son peuple. « La maison d’Ésaü »signifie les Édomites, mais au sens large.
Voir aussi Deutéronome 7, 1 à 5. Quand YHWH Adonaï Élohim te fera venir sur la terre vers laquelle tu te diriges pour en hériter, il délogera de devant toi de nombreuses nations.
Le Hittite, le Guirgashite, l’Amorrite, le Cana’anite, le Perizzite, le Hivite, le Jeboussite [de Jérusalem], sept peuples grands et vigoureux plus que toi.
YHWH Adonaï Élohim te les livrera et tu les frapperas.
Interdis-les d’interdit, ne conclus pas de pacte avec eux, ne les gracie pas.
Ne donne pas ta fille à son fils ; sa fille, ne la prends pas pour ton fils. Elle détournerait de moi ton fils et ils serviraient d’autres Élohim. Les narines de YHWH Adonaï brûleraient de colère contre vous et il t’exterminerait bien vite.
Vous leur ferez au contraire ainsi : vous démantèlerez leurs autels, vous briserez leurs stèles, vous broierez leurs ashéras (? ?) vous incinérerez leurs statues.
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Il en est qui voient dans tous ces massacres, ne respectant ni enfants ni femmes hormis les vierges… une manifestation de l’amour de Dieu (envers son peuple), de sa puissance. Dom Calmet a mieux posé le problème, la seule justification de tous ces crimes est qu’ils ont été ordonnés par Dieu.
« Cette guerre fut terrible et bien cruelle, et si Dieu ne l’avait commandée, on ne pourrait qu’accuser Moïse d’injustice et de brigandage ». Dom Augustin Calmet dictionnaire de la Bible. À propos de la guerre « sainte » (en fait de mitsvah) contre les malheureux Madianites.
En ce qui nous concerne, nous y voyons seulement, nous, agnostiques ou athées relativement au Dieu ou Démiurge de la Bible, une manifestation du mal pouvant régner sans partage dans certains esprits (l’homme est un loup pour l’homme) ou des imbécillités confondantes.
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IMPITOYABLE…
Le Dieu ou le Démiurge de la Bible ayant été, dans le mythe originel d’inspiration sumérienne, conçu comme un dieu-ou-démon créateur, ce singulier Dieu au pluriel (Élohim) est censé donner la vie ; et donc avoir, par conséquent, le droit inaliénable et imprescriptible d’en faire ce qu’il veut, comme il veut et quand il veut.
Les israélites considèrent YHWH comme un monarque céleste, un monarque exigeant une obéissance absolue à ses lois et à ses prescriptions. Les juifs sont des sujets de Yhwh. Il le dit d’ailleurs lui-même « c’est de moi que les enfants d’Israël sont esclaves » (Lévitique, 25, 55). Même situation dans l’islam d’ailleurs qui signifie littéralement « soumission à Dieu ».
Le mot liberté n’apparaît qu’une seule fois dans la Bible et il ne signifie nullement « liberté de choix », mais renvoie seulement au statut de l’homme qui n’est pas esclave.
Yaho/Yahou/Yhwh est à l’origine « le chef suprême du peuple judéen ». Il en est le maître tout puissant et redoutable, un roi unique, punissant férocement ceux qui se montrent rebelles à sa toute-puissance. C’est à lui que doit toujours avoir recours un juif, dans la bonne comme dans la mauvaise fortune.
N’en déplaise à nos amis du site internet de Port Saint-Nicolas, le Dieu de la Bible n’est pas un père Noël ; c’est un Dieu ou Démiurge on ne saurait plus versatile qui se trompe, qui se met en colère, qui regrette ce qu’il a fait ou voulait faire… et qui peut même se montrer méchant.
Voir par exemple Exode, 32,14. Yahweh regrette les méchancetés qu’il voulait faire à son peuple. Au point qu’il sera même par moments confondu avec Satan par ses propres fidèles.
En 1 Chroniques, 21,1, on attribue par exemple à Satan ce que 2 Samuel, 24, 1 attribue à Dieu.
Comment dans ces conditions justifier simultanément l’amour de Yahou/Yhwh envers son peuple et les malheurs dont il ne les a pas protégés ? Pourquoi en effet un peuple élu par le seul vrai dieu de l’univers devrait-il souffrir pour lui et à cause de lui ?? Pour quelle raison payer si cher une telle élection ? Que de souffrances subies au nom d’un dieu qui fait si grand cas des fruits (défendus) de son jardin, mais si peu de ses enfants ! Suivant une interprétation très courante dans le judaïsme – interprétation qui relève manifestement de la pensée magique – rebaptisée théologie de la rétribution par les chrétiens – les malheurs du peuple de Dieu contribuent à la rédemption de ses propres péchés, les responsables des malheurs en question n’étant que de simples instruments de sa volonté. Par exemple le roi d’Assyrie Sennachérib en 2 Rois, 18, 25. Le chef du mouvement orthodoxe israélien Shass en est même venu à dire que l’holocauste nazi était dû à une punition divine, parce que le peuple juif avait abandonné la Torah.
La mythologie juive unifiée autour du culte de YHWH reconnaît à son Dieu le droit de persécuter et maltraiter ou martyriser, ses fidèles, afin d’éprouver leur attachement (voir le livre de Job).
Comme si accabler ses propres créatures de maux et de revers, à seule fin d’en éprouver la foi et la constance, ne suffisait pas ; l’Homme a aussi le privilège, si l’on peut dire, dans cette façon de voir les choses, de pouvoir également être tenté par Satan (le Diable ou Lucifer).
Un tel système est évidemment bien pratique pour Dieu, car cette conception du monde justifie toujours ce qu’il fait, quoi que ce soit.
Si ce qui arrive à l’homme n’est pas très réjouissant, c’est :
— Soit une punition pour ses nombreux péchés. La maladie est par exemple une conséquence du péché. Les malades expient pour leurs péchés, voire même pour ceux de leurs parents (principe de la responsabilité collective).
— Soit une intervention du diable.
Lévitique. 26,16. Alors je ferai ceci, je sèmerai la terreur sur vous, la fièvre et la consomption, j’éteindrai vos yeux, je vous priverai de souffle.
Deutéronome. 28, 22 à 35. Yhwh te frappera d’anémies, fièvres, inflammations, brûlures, Yhwh t’accablera d’eczémas incurables, de tumeurs irrémédiables, de prurits incurables et de croûtes inguérissables !… Aux genoux, aux cuisses, mais aussi de la racine des cheveux à la plante du pied, Yhwh te couvrira d’eczémas purulents dont tu tenteras vainement de te débarrasser !
Nombres. 11, 1 à 3. Le peuple se plaignant de sa politique, Moïse appelle le feu de Dieu contre lui.
Nombres. 11, 32 à 34. Les Hébreux trouvent des cailles à manger dans le Sinaï. Dieu les punit. (On se demande bien pourquoi.)
Nombres. 12, 9 à 13. Yhwh fulmine. Il s’en va. La nuée quitte la tente. Miryam devient lépreuse comme de la neige.
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Nombres. 14, 29 à 35. Le peuple se plaignant de nouveau de ses conditions de vie dans le désert, Dieu condamne tous les adultes de plus de vingt ans à y périr.
2 Samuel. 24,1. Dieu monte David contre son peuple. N.B. En 1 Chroniques 21,1, on attribue ce rôle à Satan.
2 Rois.18, 25. Dieu ordonne au roi d’Assyrie Sennachérib de détruire la Judée. Passage rapproché de l’holocauste nazi par certains.
Esaïe. 38, 1. À cette époque Ezéchias fut atteint d’une maladie mortelle. Le prophète Esaïe, fils d’Amots, vint le voir et lui dit : ainsi a parlé Yhwh. Mets en ordre tes affaires…
Psaume 38, 3 à 9. Châtie-moi sans courroux, ô Yhwh, rien ne sera préservé de ma chair à cause de cette colère… mes reins sont en feu.
Psaume 94, 1. Yhwh dieu des vengeances.
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AUTRES DOGMES.
LA POSSIBILITÉ DE CONNAÎTRE LE FUTUR.
Rappelons à ce sujet quelle est la réponse de l’auteur de cette compilation, quelle est la réponse de l’ollotouta, à la question qui lui est souvent posée à propos des prédictions ou des prophéties d'événements absolument inattendus et imprévisibles, à savoir « est-il possible de connaître l’avenir » ? La réponse est la suivante.
« Un avenir peut être connu à travers ses causes, d'autant mieux qu'une intelligence est plus poussée. Par conséquent il peut se faire que des hommes particulièrement doués au point de vue conscience et au point de vue subconscience puissent arriver à percevoir de quelque manière, dans des causes encore difficiles à analyser, à percevoir et à deviner, des événements futurs.
Mais si un événement n'est absolument pas contenu dans ses causes, soit parce qu'il s'agit d'un acte pleinement libre, chose très rare, soit parce qu'il s'agit d'un événement qui suppose une concomitance de causes, une interférence de causes qu'il est absolument impossible de prévoir parce qu'elle est due au pur hasard, dans ce cas aucun être humain ne peut prévoir cet événement futur.
Par contre le fait d'avoir prévu et de craindre un événement, ou de le souhaiter, peut aussi contribuer à la réalisation de cet événement et par conséquent donner faussement l'impression d'une prévision qui a été simplement la cause éloignée, et très efficace, de l'événement en question ».
Appliqué au Monde de la Bible, la possibilité de connaître l’avenir ça s’appelle une prophétie, mais aussi un oracle ou de la nécromancie.
En dehors des prophètes bien connus, il y a dans la Bible une vingtaine de versets évoquant des pratiques destinées à connaître l’avenir (consultation des théraphim par exemple) dont un certain nombre ne semblent pas contestées quant à l’obtention de résultats. En voici quelques exemples (la question de leur efficacité réelle sera examinée à la fin dans la rubrique « prophéties non réalisées »
Lévitique 19 :26-31.
Vous ne mangerez rien avec du sang. Vous n’observerez ni les serpents ni les nuages pour en tirer des pronostics.
Nombres 22 :7.
Les anciens de Moab et les anciens de Madian partirent, ayant avec eux des présents pour le devin. Ils arrivèrent auprès de Balarama, et lui rapportèrent les paroles de Balak.
Deutéronome 18 :9-14.
Lorsque tu seras entré dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne, tu n’apprendras point à imiter les abominations de ces nations-là. Qu’on ne trouve chez toi personne qui fasse passer son fils ou sa fille par le feu, personne qui exerce le métier de devin, d’astrologue, d’augure, de magicien, d’enchanteur, personne qui consulte ceux qui évoquent les esprits ou disent la bonne aventure, personne qui interroge les morts.
Jérémie 27 :9.
Et vous, n’écoutez pas vos prophètes, vos devins, vos songeurs, vos astrologues, vos magiciens, qui vous disent : vous ne serez point asservis au roi de Babylone !
Ézéchiel 21 :21-23.
Car le roi de Babylone se tient au carrefour, à l’entrée des deux chemins, pour tirer des présages ; il secoue les flèches, il interroge les théraphim, il examine le foie. Le sort, qui est dans sa droite, désigne Jérusalem, où l’on devra dresser des béliers, commander le carnage, et pousser des cris de guerre ; on dressera des béliers contre les portes, on élèvera des terrasses, on formera des retranchements. Ils ne voient là que de vaines divinations, eux qui ont fait des serments. Mais lui, il se souvient de leur iniquité, en sorte qu’ils seront pris.
Michée 3 :6-7.
À cause de cela, vous aurez la nuit…, et plus de visions ! Vous aurez les ténèbres…, et plus d’oracles ! Le soleil se couchera sur ces prophètes, Le jour s’obscurcira sur eux. Les voyants seront confus, les devins rougiront, Tous se couvriront la barbe ; Car Dieu ne répondra pas.
Zacharie 10 :2.
Car les théraphim ont des paroles de néant, Les devins prophétisent des faussetés, Les songes mentent et consolent par la vanité. C’est pourquoi ils sont errants comme un troupeau, Ils sont malheureux parce qu’il n’y a point de pasteur.
NÉCROMANCIE.
Lévitique 20 :6.
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Si quelqu’un s’adresse aux morts et aux esprits, pour se prostituer après eux, je tournerai ma face contre cet homme, je le retrancherai du milieu de son peuple.
Ésaïe 8 :19.
Si l’on vous dit, Consultez ceux qui évoquent les morts et ceux qui prédisent l’avenir, Qui poussent des sifflements et des soupirs, Répondez : Un peuple ne consultera-t-il pas son Dieu ? S’adressera-t-il aux morts en faveur des vivants ?
Ésaïe 19 :3.
L’esprit de l’Égypte disparaîtra du milieu d’elle, Et j’anéantirai son conseil ; On consultera les idoles et les enchanteurs, Ceux qui évoquent les morts et ceux qui prédisent l’avenir.
ET ENFIN, LE CAS LE PLUS CÉLÈBRE ET LE PLUS SPECTACULAIRE (UN BON FILM D’HORREUR) LE PREMIER ROI D’ISRAËL.
1 Samuel 28 :7.
Et Saül dit à ses serviteurs : cherchez-moi une femme qui évoque les morts, et j’irai la consulter. Ses serviteurs lui dirent : Voici, à En Dor il y a une femme qui évoque les morts.
Pour ce qui est des prophètes officiels, trois noms sortent du lot Esaïe, Jérémie, Ézéchiel… mais le problème c’est que certains des événements annoncés ne se produisaient pas, et ce pratiquement de leur vivant parfois.
Événements prédits et non réalisés
Nous savons aujourd’hui que la conquête de Tyr par Nabuchodonosor, prophétisée par Ézéchiel, chapitres XXVI – XXVIII, n’a pas eu lieu.
Que Cyrus, lorsqu’il a pris Babylone en -539, n’a pas traité cette cité maudite avec la rigueur qu’avaient prédite Isaïe, chapitres XIII et XLVII, et Jérémie, chapitres L et LI, etc.
Les docteurs du Talmud, les exégètes et les théologiens juifs du Moyen Âge n’ignoraient pas que certaines prophéties ne se sont pas réalisées. Ci-dessous leurs explications
Au chapitre XI, verset 23 de Jérémie, Dieu annonce qu’il va faire fondre le malheur sur les habitants de la ville d’Anatot et qu’il n’y aura aucun reste parmi eux : ush’eriyt to tih’yeh lahem.
Or, dans Néhémie, VII. 27, on compte cent vingt-huit citoyens d’Anatot qui sont revenus de la captivité de Babylone. Les rabbins se sont aperçus de la contradiction entre ces deux textes et ils l’ont éliminée en expliquant que, les habitants d’Anatot ayant fait pénitence, le décret qui avait été pris contre eux a été abrogé.
Une théorie générale a été élaborée par Maïmonide dans l’Introduction à son Commentaire sur la
Mishna entre 1158 et 1168.
Elle est fondée sur les deux textes de base que les théologiens juifs du Moyen Âge ne cesseront de commenter.
— Le premier est la fameuse – réponse ; de Jérémie à Hananya ben Azzur (Jérémie, XXVIII ; 8-9).
« Les prophètes qui furent avant moi et avant toi depuis toujours ont prophétisé à de nombreux pays et à de grands royaumes la guerre, le malheur, et la peste. Le prophète qui prophétise la paix, c’est quand arrive la prédiction de ce prophète qu’il est reconnu prophète véritablement envoyé par. Dieu ».
— Le second est une réponse du Talmud de Babylone : « R. Johanan a également dit au nom de R. Jose : aucune parole de bénédiction issue de la bouche du Saint, béni soit-il, même si elle était conditionnelle, n’a jamais été annulée par Lui. Comment pouvons-nous le savoir ? Par notre maître Moïse. Car il est écrit… L’Éternel m’a dit : Je vois que ce peuple est un peuple au cou roide. Laisse-moi les détruire et effacer leur nom de dessous les cieux ; et je ferai de toi une nation plus puissante et plus nombreuse que ce peuple. Bien que Moïse ait prié pour que cela soit évité [la bénédiction] a quand même été annulée mais elle a néanmoins comblé ses enfants. » (Talmud de Babylone traité Berakhot, 7 a.)
D’après Maïmonide une prédiction de bonheur adressée à un prophète et le concernant lui-même peut ne pas s’accomplir, ses péchés pouvant en empêcher la réalisation ; mais une prophétie de bonheur communiquée par un prophète à un tiers se réalise toujours, sinon comment reconnaîtrait-on le prophète authentique ?
Quant à la prophétie de malheur, elle peut ne pas se réaliser, soit que les hommes visés par cette prédiction aient fait pénitence ; soit que Dieu diffère leur châtiment, soit qu’il leur accorde son pardon en raison des bonnes œuvres qu’ils auraient accomplies auparavant.
Lévi ben Gerson (Gersonide) (1288-1344) accepte la doctrine traditionnelle sur la prophétie de malheur qui peut ne pas se réaliser, mais il fait observer, contre Maïmonide, que certaines prophéties de bonheur, communiquées aux hommes par les prophètes peuvent ; elles aussi, ne pas se réaliser, ce qui l’amène à poser une nouvelle distinction entre les prophéties de bonheur. Les hommes peuvent recevoir un bien soit de la conjoncture astrale, qui ne prend jamais en considération leurs mérites, soit de la providence divine, lorsqu’ils sont arrivés à un certain niveau de perfection. L’annonce par le prophète d’un événement heureux déterminé par les astres doit toujours se réaliser. Il n’en est pas de
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même quand le prophète prédit un bonheur accordé par la providence particulière, car, les hommes étant toujours faillibles, ils peuvent avoir rompu les liens spéciaux qui les rattachaient à Dieu et se retrouver alors soumis à la loi commune du déterminisme astral. C’est ainsi que certaines promesses faites au peuple d’Israël ne se sont jamais accomplies. Elles étaient toutes suspendues à une condition : l’obéissance à la voix de Dieu. La condition n’ayant pas été remplie, la promesse est restée lettre morte. Parmi ces promesses non réalisées, Gersonide cite celle de Natan à David (II Samuel, VII, 10) : « Les scélérats ne continueront plus à opprimer [Israël] comme auparavant ».
RÉCAPITULONS.
Prédictions, prophéties et apocalypses.
a) Les prophéties au sens strict du terme.
Les prophéties valent ce qu’elles valent, c’est-à-dire pas grand-chose en dehors des coïncidences dues au simple hasard, ou à une bonne intuition. Coïncidences d’ailleurs fort rares par rapport à la quantité énorme de prophéties qui ne se sont jamais réalisées. Et c’est d’ailleurs ce qui rend « miraculeuses » les prophéties qui se réalisent… pour qui n’a pas été initié aux calculs de probabilités. L’histoire de l’Humanité ne compte plus les hurluberlus en tout genre qui prétendirent annoncer l’avenir en vertu de « révélations » plus ou moins divines.
Les « prophéties » se complaisent habituellement dans un « flou artistique » très commode. Quant à celles qui avaient le mérite d’être relativement claires (et surtout précises au niveau des dates), elles se sont toutes révélées fausses.
b) Les prophéties au sens large (admonestations, objurgations, et mises en garde).
Comme elles procèdent d’une parole divine directement dictée à un homme d’élection (proche, dans son enthousiasme, de la pythie grecque), elles ne souffrent d’aucune discussion.
La parole prophétique de Dieu appelle à la décision, provoque une crise, et conduit ainsi, de fait, à un partage entre ceux qui écoutent et ceux qui n’écoutent pas, entre élus et non élus, finalement entre sauvés et damnés. Dieu est le plus grand commun diviseur de l’Humanité. Ses choix sont toujours clivants.
c) Les apocalypses.
La vogue des apocalypses se situe entre – 200 et + 150. Elles expriment une conception pessimiste de l’Histoire qu’expliquent les revers successifs de l’État juif, annexé par les Babyloniens, les Perses, les Grecs, les Romains.
Note de la rédaction (sa troisième phase, celle du triomphe des Justes) ne se vérifiant jamais évidemment, le sens du mot apocalypse a fini par passer de celui de révélation à celui de cataclysme.
De toute façon, les rabbins eux-mêmes n’insistent plus trop sur ces différents moyens de connaître le futur. « Le déroulement de ces événements et les précisions que l’on peut leur apporter, ne constituent pas une donnée essentielle de notre foi. Nous ne devons pas nous investir dans l’étude des récits légendaires et des homélies de nos sages, relatifs à ces événements, ni en faire l’essentiel de nos recherches ; car ils n’amènent pas au respect révérenciel authentique de la divinité ni à son amour ». Ces commentaires montrent bien la mauvaise foi des autorités religieuses. Elles savent pertinemment que toutes ces élucubrations prophétiques ne peuvent être une preuve. Alors elles dissuadent les fidèles d’analyser de manière critique les textes. Toujours ce vieil argument des voies impénétrables du Seigneur, qui bloque toute réflexion.
Les prophéties restées les plus populaires sont sans conteste les centuries de Michel Nostradamus, médecin astrologue juif converti au christianisme. Ce sont aussi les plus ambiguës.
En fait, on peut leur faire dire n’importe quoi. Il suffit d’aller chez un bouquiniste pour trouver quantité d’interprétations divergentes, les plus savoureuses étant celles qui faisaient des prévisions pour les dix ou vingt années passées… qui ne se sont jamais produites ! Nostradamus est par exemple un personnage complexe. Il est donc normal que ses « prophéties » le soient également. Son style rédactionnel permet des interprétations très différentes d’un même quatrain, surtout dans le temps. Cela vaut pour les quatrains à propos de l’islam ; des guerres menées contre des nations islamiques et d’une invasion de l’Europe par les musulmans. Nous n’en avons fait mention qu’à titre anecdotique et il ne faut pas être troublé outre mesure des concordances qu’il est possible d’y déceler. Par exemple, le fait que la ville de Marseille soit indiquée comme point d’entrée de l’invasion mahométane en Europe n’a rien de « prophétique », Marseille est un port majeur de la Méditerranée depuis les Grecs… En fait, le génie de Nostradamus a été surtout, non d’avoir un quelconque don de prophétie ; mais d’avoir su magistralement rédiger, probablement de façon délibérée, un texte où l’on peut trouver tout et son contraire, du moment qu’on l’y cherche. Remarquons, soit dit en passant, que les centuries de Nostradamus sont en vers et que le style en est proprement « inimitable » tout comme le Coran.
Nous n’entendons donc pas donner plus d’importance à ces « prophéties », qu’elles soient judéo-chrétiennes ou islamiques. Nous nous sommes contentés de mettre en évidence quelques faits relevant du hasard ou de l’intuition, et probablement d’une combinaison des deux. Cela ne gêne
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d’ailleurs nullement les exégètes de Nostradamus qui, imperturbables, ressortent régulièrement un livre réinterprétant les prophéties pour les dix ans à venir puis préparent la version qui sortira de nouveau dix ans plus tard pour les dix années suivantes. Et ainsi de suite…
LE CARACTÈRE DIVIN OU SACRÉ DU TANAKH.
Ainsi que nous avons eu l’occasion de le voir plus haut, le grand Moïse Mendelssohn lui-même a hésité à s’affranchir de cet ultime tabou dans son Jérusalem de 1783. Il a concédé qu’il ne saurait y avoir de religion révélée, qu’il n’y avait de vraie religion que naturelle, mais quant à la Loi de Moïse l’Égyptien il a continué à soutenir qu’elle avait été révélée par Dieu lui-même personnellement. On se heurte donc là au même fondamental blocage psychologique et on ne saurait faire plus aliénant, qu’avec la notion de Coran incréé dans l’Islam. La Raison n’a plus sa place ici dans le débat, il s’agit en l’occurrence de Foi. Du mur de la Foi. C’est une régression de l’esprit !
« Le législateur fut Dieu, non pas Dieu en tant que Créateur et Conservateur de l’univers, mais Dieu en tant que Patron et Ami par alliance de leurs ancêtres, en tant que Libérateur, Fondateur et Guide, en tant que Roi et Chef de ce peuple ; et Il a donné à ces lois la sanction la plus solennelle qui soit, publiquement et d’une manière miraculeuse… c’est-à-dire qu’elles ont été rendues publiques par Dieu, par des mots et des écritures »,
La Torah est donc la loi fondamentale autour duquel le judaïsme s’articule : elle est la source de tous les commandements bibliques y compris dans le cadre du comportement. Elle est au centre du culte hebdomadaire : chaque Chabbat, une section est lue publiquement à la synagogue et les fidèles se disputent l’honneur d’en lire un paragraphe. La cérémonie de Bar-Mitsvah * est de même centrée sur la lecture de la Torah.
La Torah ou Torah (« instruction » ; en grec ancien Nomos « Loi ») est, selon la tradition du judaïsme, l’enseignement divin transmis par Dieu à Moïse sur le mont Sinaï et retransmis au travers de ses cinq livres.
Elle est donc composée de cinq livres, la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome. Elle contient, selon la tradition juive rabbinique, 613 commandements ou mitsvot, une dimension orale, ultérieurement compilée dans le Talmud et la littérature midrashique (enfin peut-être) contrairement à la tradition juive caraïte qui ne prend en compte que la Torah écrite.
La Torah est la première partie du Tanakh ou Bible hébraïque plus complète formée de 24 livres (où 36 suivant les critères retenus)
N.B. Le christianisme appelle Pentateuque ces livres traditionnellement attribués à Moïse, terme d’origine grecque qui signifie « Les cinq livres » justement.
Diverses théories ont fait surface pour expliquer l’origine de la Torah, dont la théorie des fragments et la théorie des compléments. Malgré leurs divergences, ces théories s’accordent toutefois sur le fait que la Torah est une collection de textes mis en commun par des scribes autour de la période de l’exil, avant et après. La publication de cette littérature de compromis, qui ne cherche pas à gommer les divergences des options théologiques, peut se comprendre comme la mise en place d’une matrice identitaire du judaïsme naissant, une réponse aux changements politiques, économiques et religieux auxquels celui-ci se trouvait confronté.
Pour ce qui est des croyants il en va tout autrement.
D’une manière générale, les tenants du judaïsme orthodoxe s’accordent sur l’origine entièrement (ou quasi entièrement) mosaïque et tout à fait divine de la Torah. La critique biblique radicale a peu de soutien chez les Juifs orthodoxes. La critique des livres bibliques hors la Torah (Neviim et Ketouvim) est tolérée, quoique vue d’un mauvais œil, mais l’appliquer à la Torah elle-même est considéré comme erroné, voire hérétique.
En revanche, le Judaïsme massorti (troisième voie entre le judaïsme réformé et le judaïsme orthodoxe) accepte la critique biblique en soulignant que si la Torah n’a pas été écrite dans sa totalité par Moïse elle est néanmoins d’origine divine, les scribes ayant été inspirés par Dieu. Une position semblable à celle du christianisme donc.
Ces cinq livres contiennent donc un système de lois et d’interdits, à la fois complet et ordonné (selon la tradition rabbinique, la Torah comporte 613 « commandements » distincts, positifs – « fais » – ou négatifs – « ne fais pas », chacun appelé mitzvah, « prescription »), ainsi qu’une description historique THÉORIQUE des débuts de ce qui deviendra EN PRINCIPE le Judaïsme.
Beaucoup de lois ne sont cependant pas directement mentionnées dans la Torah : elles en ont été déduites par exégèse et traditions orales, avant d’être compilées dans la Mishna, le Talmud (Mishna et Guémara) et d’autres traités moins souvent étudiés. Les caraïtes ne reconnaissant pas l’autorité des rabbanim (maîtres) du Talmud, ils ne suivent donc pas ces lois.
Deux « versions » du Talmud existent, le Talmud de Babylone et celui de Jérusalem, en réalité le résultat des compilations des discussions tenues dans les académies babyloniennes d’une part et
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galiléennes d’autre part. Le Talmud de Jérusalem ayant été terminé à la hâte, sous la pression des circonstances historiques, deux siècles avant celui de Babylone, c’est donc ce dernier qui fait autorité lorsque les deux se contredisent.
N.B. La Torah est la seule partie de la Bible hébraïque que les samaritains considèrent comme d’autorité divine, à l’exception peut-être du Livre de Josué. Tous les autres livres de la Bible juive sont refusés. Les samaritains refusent aussi la tradition orale juive (telle qu’exprimée dans la Mishna, puis la Gémara du Talmud). Le Pentateuque samaritain comporte environ 2 000 versets différents de la version massorétique.
La Bible samaritaine est rédigée en abjad ** samaritain, la forme primitive de l’alphabet hébreu, dite protocananéenne, que les Judéens ont abandonnée pour l’écriture carrée assyrienne. On considère cet alphabet comme fidèle à celui utilisé avant la captivité babylonienne.
* Rite de passage à l’âge adulte du point de vue religieux des adolescents juifs.
** Système d’écriture ne notant que les consonnes, ce qui peut entraîner certaines ambiguïtés parfois (peut renvoyer à des mots différents).
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LE CARACTÈRE DIVIN OU SACRE DES NEVIIM ET KETOUVIM
(des prophètes et des autres écrits).
Au sens strict du terme seule la Torah ou les 5 premiers livres de la Bible ont fait l’objet d’une révélation, mais les autres livres ont néanmoins une certaine valeur puisqu’ils ont été considérés comme sacrés par le canon juif qui s’est élaboré à la fin du 1er siècle en Palestine (à Jamnia ?)
En théologie juive et aussi chrétienne d’ailleurs la position de départ est celle de l’inerrance (isma en arabe) des prophètes tant en ce qui concerne la foi et la vie du croyant, qu’en ce qui concerne les détails relatifs aux thèmes scientifiques, historiques ou géographiques. Les auteurs ayant suivi la volonté de Dieu, celui-ci leur a évité toute erreur en ces domaines.
Pour le judaïsme, comme pour l’Église, il est donc bien évident que les prophètes ne peuvent pas proférer d’erreurs. L’inspiration divine, sous l’action de laquelle ils parlent, leur accorde ce que les théologiens appellent le privilège d’inerrance : ils ne peuvent pas se tromper. On trouve d’ailleurs la même commodité dans l’Islam sous le nom d’isma.
Ces auteurs ayant été inspirés par Dieu voire ayant écrit sous sa dictée, ces textes ne sauraient comporter d’erreurs. Si la Bible n’était que le fruit de l’imagination humaine, il n’y aurait aucune raison de croire en ses doctrines ni de suivre ses directives morales.
D’après Lévi ben Gerson (1288-1344), le prophète doit nécessairement être un philosophe (hâkhâm), mais il ne se distingue pas du simple philosophe en ce qu’il aurait accès à un ordre de vérités ; supranaturelles, qu’il pourrait seul appréhender. Ce qui pour le philosophe ordinaire est le résultat de la déduction ne peut lui être accordé dans une intuition, car, si tel était le cas, le philosophe serait supérieur au prophète, puisqu’il connaîtrait les choses par leurs causes, tandis, que le prophète en serait incapable : celui-ci aurait donc non pas une science, mais une opinion. Cependant le prophète est doué d’une faculté d’appréhension plus aiguë que le commun des philosophes, non pas parce qu’il est prophète, mais parce que, pour devenir prophète, il faut être un éminent philosophe. Moïse excepté ; les prophètes en tant que prophètes, sont essentiellement des instruments de la Providence chargés de sauver l’homme et de le ramener vers Dieu. Ils possèdent en propre le pouvoir d’appliquer à un cas particulier et contingent la loi générale de l’Être qu’ils contemplent ; en. Dieu et de révéler les événements » futurs. Voilà leur mission, fondamentale.
De nombreux intellectuels ont donc soutenu au cours des âges l’importance et la qualité des révélations divines chez les prophètes.
Juda Halévi par exemple (Espagne 1085 ? 1140 ?) a soutenu avec la vigueur la plus extrême la théorie de l’inspiration littérale des écrits prophétiques. Lorsqu’ils sont enveloppés par l’Esprit saint les prophètes prononcent des mots expressément, voulus par la divinité et il ne leur est pas possible d’en changer un seul.
Dans cette conception des choses, le prophète n’est plus qu’un instrument passif privé de toute initiative, dans le choix du sujet, bien sûr, mais aussi dans le choix de l’expression ; c’est un simple organe de la divinité qui transmet la parole de Dieu lui-même sans aucune accommodation humaine.
L’École de pensée juive, représentée par un Saadia Gaon (Égypte 882-942 Babylone) et un : Maïmonide (Espagne 1135-1204 Égypte) ne pouvait pas non plus admettre que le prophète fût susceptible de se tromper, dans les disciplines scientifiques. Elle voit en lui non seulement un guide – religieux et politique – mais aussi un philosophe-savant ; (au Moyen Âge c’est tout un) qui, sous une forme imagée, communique à toutes les catégories d’êtres humains des vérités scientifiques et. Métaphysiques. Les enseignements d’ordre spéculatif donnés par la Bible et les résultats de la recherche philosophico-scientifique ne peuvent, en aucune façon se contredire, puisque tous deux expriment essentiellement la ; même vérité divine, mais révélée par Dieu d’un seul ; coup et en bloc dans l’Écriture d’une part, et ; déposée en puissance dans la raison également divine du philosophe – savant, d’autre part.
En principe, Dieu aurait pu faire l’économie de la révélation ; puisqu’une patiente et méthodique recherche pouvait découvrir les vérités enseignées par la révélation. Mais en fait, ce n’était pas possible. Dieu ne pouvait pas laisser sans religion les hommes engagés dans la recherche philosophique, jusqu’au moment où ils auraient découvert la vérité ; il devait aussi tenir compte de la masse, dépourvue des capacités intellectuelles requises pour aborder la spéculation ; il lui fallait également se soucier de ceux ; parmi les hommes d’élite qui auraient entrepris d’atteindre la vérité par des moyens rationnels, mais que la mort aurait emportés au milieu de leurs recherches. Ne voulant priver ni les uns ni les autres de la possession de la vérité, il l’a transmise à tous les hommes par l’intermédiaire de ses prophètes.
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La confiance absolue de Maïmonide en l’infaillibilité des prophètes dans toutes les disciplines repose sur la conception qu’il se faisait de l’inspiration prophétique. Elle n’est accordée, selon lui, qu’à un intellect humain parvenu par ses propres moyens au sommet de l’intellection accessible à l’homme. C’est alors que le prophète, dans une intuition concentrant en elle de nombreuses opérations discursives, perçoit des choses qui lui étaient restées cachées dans son état préprophétique et contemple les essences dans leur réalité. Et pourtant – c’est là un point essentiel – tout intuitive que soit sa science, le prophète n’en a pas moins le sentiment.de l’avoir acquise à la suite d’un long : travail spéculatif, c’est dire qu’elle est susceptible d’être démontrée. Chez Maïmonide, il n’y a pas un domaine suprarationnel qui serait réservé au prophète ; le prophète est un superphilosophe.
Sous l’influence d’Averroès qu’elle a profondément subie la philosophie juive du XIVe siècle modifiera sensiblement la prophétologie de Maïmonide. Sans nier que le prophète doive atteindre un niveau élevé dans la spéculation, elle tendra néanmoins à réduire sa supériorité scientifico-philosophique sur le non-prophète et elle admettra ; difficilement qu’il puisse, parce que prophète, bénéficier de connaissances proprement scientifiques inaccessibles au simple savant, ou qu’il puisse brûler des étapes dans la découverte de la vérité. Que pour atteindre celle-ci il y ait une voie courte, la révélation, et une voie longue, la discursion normale, est inacceptable pour Averroès, puisque cette dernière serait inutile. Or, comme la science acquise au moyen de prémisses et de conclusions logiques est plus parfaite que toute science livrée en bloc dans une révélation, c’est donc celle-ci qui n’a pas sa raison d’être.
EXPLICATION DES ERREURS COMMISES PAR LES PROPHÈTES QUAND C’EST LE CAS.
Cette évolution de la prophétologie depuis Maïmonide jusqu’aux philosophes de la France méridionale du XIVe siècle permet d’expliquer selon nous pourquoi ces derniers ne se sentent plus acculés à l’allégorisation ; lorsque le texte biblique leur offre une théorie scientifique difficilement acceptable pour eux, alors que pour Maïmonide l’exégèse allégorique a raison de toutes les difficultés. Si l’inspiration prophétique ne peut pas de façon surnaturelle hisser le prophète au-dessus des connaissances acquises par la voie discursive, si dans le domaine purement scientifique il en est réduit à sa propre science, il peut donc avoir commis des erreurs dans ce domaine qui n’est plus essentiellement le sien.
Les prophètes ne sont pas omniscients, répondra Gersonide, le premier qui se soit préoccupé du problème. L’inspiration ne peut jaillir dans l’esprit du prophète que lorsqu’il a déjà concentré toute son attention sur un sujet et s’est intensément recueilli ; c’est alors qu’elle intervient pour illuminer tout ce champ de sa pensée, mais en laissant dans l’ombre les domaines que le prophète n’avait pas préalablement cultivés. S’il lui est arrivé de partager avec ses contemporains des croyances erronées (comme Abraham, par exemple) et de les tenir pour acquises, elles ne sauraient être redressées par l’inspiration. Lorsque dans ses Milhamot Hachem Gersonide enseigne l’infaillibilité totale du prophète, c’est dans l’exercice de la mission qui lui est véritablement propre : l’annonce des événements futurs.
Ce n’est pas sans une certaine hésitation que Joseph Ibn Caspi (1279-1340) se résout, pour sa part, à reconnaître l’erreur prophétique. S’il est avéré, cependant, que le prophète s’est trompé, on peut avancer l’idée que la faute ne porte pas sur l’essence même des choses. L’imagination, dont le prophète a besoin, a pu garder des impressions reçues, c’est-à-dire des croyances communément admises de son temps. À ce propos, Ibn Caspi cite, en les détournant de leur sens littéral, ces paroles de Maïmonide : « On sait que…… Explication dangereuse, s’il en fut !
Moïse de Narbonne, de son côté (1300 ? 1362), s’étonne – ce qui est étrange, vu qu’il connaissait l’œuvre de Gersonide et de Joseph Ibn Caspi – de ce que jamais personne, ni dans un livre ni dans une conversation avec lui, n’ait soulevé ce problème : comment les prophètes d’Israël ont-ils pu proférer une erreur ? Sa solution rappelle beaucoup celle de Gersonide. L’inspiration prophétique dit-il, ne communique jamais que des vérités, mais elle n’apporte pas forcément de lumière sur ce qui est hors sujet.
En fin de compte, si le prophète se trompe c’est qu’il n’a pas poussé le doute méthodique aussi loin que La Ramée ou Descartes !
Moïse de Narbonne accepte dans son sens littéral l’adage talmudique hâkhâm adif mi-nabi (le savant est supérieur au prophète) et il estime que la supériorité du savant sur le prophète tient au fait que le premier connaît par raison démonstrative tandis que le second matérialise les vérités en images. Précurseur en quelque sorte de Spinoza, Moïse de Narbonne pense que, pour se rapprocher de Dieu, le sage n’a pas besoin du don prophétique ; la preuve Salomon, car le chemin qui mène vers Dieu c’est la démonstration philosophique.
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De pareilles recherches sur les limites de l’inerrance prophétique, seule la philosophie juive à l’époque de son essor le plus audacieux pouvait se les permettre, mais elles ne seront pas poursuivies. C’est avec indignation qu’un Isaac Abrabanel (1437-1508), par exemple, rejettera l’imputation d’erreurs aux prophètes, et il s’exclamera : « Dieu nous préserve de pareilles croyances ! ». Lorsque plus tard, un Spinoza, après avoir abondamment puisé dans l’exégèse et la philosophie juives médiévales, écrira avec la hargne que l’on sait son Tractatus Theologico-Politicus, il aura déjà été exclu du judaïsme.
Ces nombreux problèmes ont donc conduit à plusieurs types de réactions doctrinales et à quatre formes d’inspiration différentes.
La théorie de la dictée affirme que Dieu est l’auteur des Écritures et que ses auteurs humains ne sont que des secrétaires qui l’ont mise par écrit sous sa dictée. Dieu a parlé et l’homme a écrit. On est là très près de l’islam orthodoxe où l’archange Gabriel lit à Mahomet des extraits d’un Coran incréé. Mais la théorie de la dictée n’explique que certaines parties du texte sacré, pas l’ensemble, ni même l’essentiel ajoute les mauvaises langues (cf. les versets sataniques).
La théorie de l’inspiration limitée, au contraire de celle de la dictée qui considère les Écritures comme l’œuvre de Dieu, avec une contribution humaine minimale, les considère d’abord comme une œuvre humaine, écrite avec seulement une aide divine limitée. Pour les tenants de cette théorie, Dieu a guidé les auteurs humains, tout en leur laissant la liberté de s’exprimer eux-mêmes à travers leur œuvre, ce qui rend possibles même les erreurs factuelles et historiques. Pour les croyants les erreurs doctrinales ont néanmoins été évitées.
Bien que les auteurs étudiés ci-dessus n’aient jamais complètement abandonné l’idée du prophète comme professeur de sciences physiques, ils n’en sont pas moins arrivés à des conclusions qui, sans être aussi élaborées, sont néanmoins très proches de celles, par exemple, d’un éminent exégète et théologien catholique contemporain qui écrit : « Le charisme de l’inspiration n’illumine pas toute la pensée du prophète et n’en corrige pas toutes les erreurs, au point d’en faire un omniscient ; il l’éclaire pour lui faire écrire tel livre, destiné à telle fin concrète, et garantit sa connaissance uniquement dans la mesure où elle intéresse son propos. Il gardera donc sur de nombreux points les erreurs de sa connaissance naturelle, et il se pourra, il sera même fatal, que ces erreurs transparaissent en maint endroit de son livre ; elles ne nuiront pourtant pas à son enseignement de vérité parce qu’elles ne font pas partie de cet enseignement formel… »
La dernière théorie, celle du christianisme biblique, est celle de la pleine inspiration verbale. L’adjectif plein signifie ici « complet » et verbal signifie « mot pour mot ». La théorie de la pleine inspiration verbale affirme que chaque mot de la Bible, pas seulement les idées et pensées qu’elle contient, vient de Dieu.
Cette École ajoute en outre que l’auteur n’écrit jamais de sa propre initiative, mais poussé par Dieu. Ils ont mis par écrit les paroles « inspirées » par Dieu, mais chacun a gardé son style. Les styles sont donc différents, mais les mots sont bien ceux que Dieu a voulus. C’est en gros la position de l’Église catholique actuelle.
Pour finir, la théorie néo-orthodoxe de l’inspiration met l’accent sur la transcendance de Dieu. La néo-orthodoxie enseigne que Dieu est si différent de nous que nous ne pouvons le connaître que par révélation directe. Cette idée de la transcendance divine nie toute forme de théologie naturelle (c. à d. la possibilité de connaître Dieu par sa création). Pour cette École de pensée, les mots des Écritures ne viennent pas de Dieu, mais sont des paroles faillibles d’hommes faillibles. La Bible n’est inspirée de Dieu que dans le sens où Dieu s’en sert parfois pour nous parler. Mais Dieu peut aussi nous parler au moyen d’autres livres, y compris de fiction.
PS. L’allégorie est aussi un moyen pour les croyants de se tirer d’affaire.
La vérité du croyant est que des vérités scientifiques figurent également dans le texte biblique, mais encore faut-il les en dégager. L’exégèse allégorique leur offre un bon moyen de le faire. La méthode allégorique a été préconisée et utilisée par Maïmonide ; parce qu’il avait la conviction que les Livres saints enseignent des vérités scientifiques et métaphysiques, et que l’enseignement de l’Écriture ne peut ; pas ne pas s’accorder avec les conclusions de la spéculation rationnelle. L’allégorie est, pour reprendre les mots de Maïmonide dans l’Introduction de son Guide des Égarés, la clé qui ouvre la compréhension de toutes les paroles prophétiques. C’est elle aussi qui permet d’éliminer les difficultés soulevées par certains versets bibliques dont le sens littéral s’oppose malencontreusement à certains résultats dûment établis par la science. Comme le dit Samuel Ibn Thibon (vers 1150- 1230) dans une formule lapidaire : « II vaut mieux forcer la lettre de l’Écriture que la nature ».
Là on est en plein concordisme !
Par contre ce n’est pas le cas de tous les croyants. Ces religions de masse ne sont quand même pas devenues des religions philosophiques et réfléchies comme dans le cas du Dieu des philosophes ou des druides grecs.
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Pour bien comprendre les implications de la notion de Révélation, il faut se mettre à la place d’un croyant convaincu. Pour lui, les textes bibliques ont été directement inspirés par Dieu aux Nevi’im leurs auteurs.
Le nabi est un Inspiré, un Voyant, un Prophète. Voir par exemple 1 Samuel, 9, 9, et 10, 5 à 12. Sous l’action du souffle divin – rouah – ces destinataires d’une révélation peuvent entrer en transe ou dans des états seconds. Le roi Saül fut l’un d’entre eux, si l’on en croit certains textes (I Samuel 19, 20 à 24).
Pour un croyant convaincu, les textes bibliques ont donc été directement inspirés par Dieu à leurs auteurs et ont été composés de manière quasi scientifique, notamment le Livre de la Genèse (ou le Coran pour les musulmans), qui décrit le commencement du Monde. Ces livres sont une révélation divine. Le moindre verset de n’importe lequel des Livres de la Bible, à tout le moins des cinq premiers, ne saurait être mis en doute de quelque façon que ce soit ; ce qui entraîne que la Bible doit être considérée comme le seul ouvrage de base digne de foi ; capable de donner une explication complète du monde qui nous entoure, de son origine et de son évolution, au cours du temps. Les événements du passé n’ont pu se dérouler que selon la chronologie biblique, qui est considérée comme une chronologie absolue. Singulière action de Dieu dans l’Histoire. L’Humanité actuelle a au moins 100 000 ans, un peu plus si l’on tient compte de l’apport des Néanderthaliens, mais la révélation ne se serait manifestée en son sein que de – 1800 à + 70 (École de Jamnia/Jabneh) ou + 100 environ (la mort du dernier apôtre) ? Et en une seule région du monde (tant pis pour les autres peuples !)
Schéma récapitulatif de la logique de la Révélation.
DIEU.
BIBLE (écrite sous influence divine). Coran aujourd’hui
Explication complète et suffisante du Monde.
Interprétation littérale de la Bible (du Coran).
Morale de vie.
N.B. Ce schéma donne une assez bonne idée de la démarche fondée sur la notion de Révélation : la Bible (le Coran) renferme tout ce qu’il faut savoir. Donc les sciences doivent confirmer les écrits bibliques. Si elles les infirment, elles sont nécessairement fausses, la seule vérité restant donnée par le verset x du chapitre y du livre z de la Révélation qu’est la Bible, prise à la lettre. Le conflit « Science contre Révélation » existe dans beaucoup de religions à des degrés divers. La Science et l’expérience deviennent ici des intrus, dès lors qu’elles contredisent ce schéma.
Une religion révélée s’apparente à un système axiomatique en ceci qu’elle ne peut tolérer que son fondement soit contesté. Les textes bibliques qui forment les canons juif, catholique, réformé ne sont pas tous les mêmes, mais pour chaque option religieuse, ils détiennent seuls la vérité que leur a conférée, par l’entremise de prophètes, la puissance divine.
Les vérités soi-disant révélées sont toujours dangereuses parce qu’elles sont des vérités imposées et, qu’excluant toute remise en cause, elles constituent un ferment permanent de fanatisme et d’intolérance.
Les fables sumériennes de la création du monde, bien que défendues pied à pied par les judéo-islamo-chrétiens qui soutiennent encore cinq ou six de ses thèmes de base (la création directe par Dieu ou le Démiurge de l’Homme à son image, etc.) ; après avoir peu à peu abandonné tout le reste, du moins dans les discours destinés à un public cultivé (pour les enfants ou les adultes de ce niveau, le discours reste toujours aussi bêtifiant je peux en attester personnellement) ; ont perdu toute crédibilité. En dépit de ces concessions de la théologie que l’on pourrait résumer ainsi : 95 % de ces textes (pris au sens littéral) émanent simplement des hommes de l’époque, mais 5 % de leur message (les notions essentielles) ont bien été inspirés par Dieu.
Ceux qui ne veulent pas avouer qu’ils peuvent croire à des choses en complète contradiction avec la Raison affirment tous qu’ils les ont trouvées dans l’Écriture sainte, afin de justifier toutes sortes d’absurdité, souligne John Toland. Mais en opposant ainsi une lumière à une autre, ils font incontestablement de Dieu le responsable de cette incertitude. Admettre, ne serait-ce qu’un instant, que la Raison puisse autoriser une chose et l’esprit divin une autre, nous plonge inévitablement dans le scepticisme, car nous ne savons jamais alors avec certitude à qui obéir et qui fait quoi ? (Bref résumé de la pensée de John Toland à ce sujet.)
Aujourd’hui encore, de nombreux chrétiens d’obédience évangélique affirment que la Bible et le Livre de la Genèse, en particulier, doivent être acceptés littéralement. Ils se regroupent sous l’étiquette de « créationnistes » ou « intégristes ». Leur interprétation des textes sacrés implique de considérer la Bible comme une compilation d’ouvrages à caractère scientifique. La gageure est tout aussi dramatique avec l’islam.
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Pour le bouddhisme par contre il n’y a pas de problème, que des solutions : vu son caractère très philosophique, un peu semblable au druidisme antique, cette « religion » intègre sans difficulté toute nouvelle découverte.
LE MESSIE OU SAUVEUR ENVOYÉ PAR DIEU.
Pour aider seulement les juifs et pas les autres êtres humains (les goïm). Pour la seule gloire et libération d’Israël et de Jérusalem, pas pour la plus grande gloire des autres pays et des autres peuples.
Le concept de Dieu est une idée assez abstraite, bien que profondément enracinée dans la psyché humaine. Le sauveur, lui, est un être bien réel, qui peut être touché, à la différence des dieu-ou-démons.
La notion de sauveur est par conséquent rassurante pour le fidèle. Le sauveur lui ressemble, il parle, c’est un humain, mais il a ce petit « plus » qui en fait un surhomme.
NB. D’où le fait évidemment que les juifs de l’époque n’ont pas pu reconnaître dans le grand rabbi nazoréen Jésus mort crucifié comme un esclave ce sauveur ou messie annoncé.
Le mythe du sauveur est vieux comme l’apparition de la conscience humaine. Les premiers Homo sapiens possédaient leurs sauveurs, les sauveurs à cette époque c’étaient les membres de la tribu qui rapportaient le plus de gibier, sauvant ainsi la tribu de la famine. Puis, lorsque la psyché humaine se complexifia, au fur et à mesure de son adaptation à son environnement, les sauveurs se révélèrent par leur bravoure au combat, ou en inventant des armes, des moyens de transport, des bâtiments, des lois voire des accords commerciaux. Ces héros qui faisaient partie de l’élite de chaque ethnie étaient par conséquent élevés au rang de sauveur. Le mythe du sauveur n’est donc pas le propre du judaïsme.
En tous lieux où des peuples vécurent dans l’espoir d’une vie meilleure, ils s’inventèrent des personnages imaginaires censés venir leur apporter la délivrance de leurs maux. Chez les bouddhistes, ce fut le culte du Bouddha Maitreya, qui viendra éclairer le monde, chez les musulmans le Mahdi, chez les chrétiens Jésus.
Le judaïsme a seulement hypertrophié ce concept mythologique pour le mettre au service de diverses ambitions territoriales, ou pour servir de bouée de sauvetage psychoaffective à un peuple « déraciné » vivant dans l’espoir de reconquérir son paradis terrestre perdu : la Jérusalem d’avant la déportation et la destruction par les Babyloniens au VIe siècle avant notre ère.
D’où évidemment l’idée que le sauveur devait aussi être un roi, et en tant que roi un homme entouré des honneurs dus à son rang. Le roi David fut considéré rétrospectivement comme le premier des messies dès lors qu’il vainquit les ennemis du royaume hébreu, ainsi qu’il est écrit dans les contes et légendes de la religion juive.
« Après cela, David battit les Philistins et les humilia, il enleva de la main des Philistins les rênes de Metheg Ammah leur capitale. Il battit les Moabites, et il les mesura avec un cordeau, en les faisant coucher par terre ; deux cordeaux pour ceux qui sont à tuer, un cordeau pour ceux qui sont à épargner. Les Moabites furent assujettis à David, et lui payèrent un tribut.
David battit Hadadézer, fils de Rehob, roi de Tsoba, lorsqu’il alla rétablir sa domination sur l’Euphrate. David lui prit mille sept cents cavaliers et vingt mille fantassins ; il coupa les jarrets à tous les chevaux de trait, et ne conserva que cent attelages. Les Syriens de Damas vinrent au secours d’Hadadézer, roi de Tsoba, mais David battit vingt-deux mille des leurs. David plaça des garnisons à Damas. Les Syriens furent assujettis à David, et lui payèrent un tribut. L’Éternel protégeait David partout où il allait » (2 Samuel, 8,1 à 5).
[Nous avons vu précédemment ce qu’il fallait plus sérieusement penser de l’étendue et de la puissance, réelles, du royaume davidique.]
Selon la Torah, pour qu’un homme soit qualifié de Messie, il faudra donc désormais qu’il soit également roi. Un roi, oint et couronné, à la façon d’agir royale, à la fonction spécifique, et investi de l’autorité de déclarer des guerres ou de les conduire, pour la plus grande gloire de Dieu et de son peuple (élu) évidemment.
Ce mythe du messie se renforça tout particulièrement après la destruction du second temple et la dispersion des juifs dans le monde. Partout où des juifs s’installèrent, ils véhiculèrent leur nostalgie d’un glorieux passé perdu, comme le culte du retour à Jérusalem grâce à un sauveur envoyé par Dieu. Ce Messie se lèvera, délivrera le peuple juif de la main des descendants d’Ésaü (le frère ennemi de Jacob dans la Bible) ; et rétablira le royaume davidique des temps glorieux. Il rebâtira le Temple de Jérusalem, et rassemblera en terre sainte les fils d’Israël exilés dans la diaspora.
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Les institutions légales redeviendront comme auparavant. Les sacrifices, ainsi que les différents cultes dédiés à Yahou/Yaho/Yhwh, les tribunaux rabbiniques, tout sera restauré.
Ce second messie selon les écrits sera donc un descendant du roi David, mais devra aussi en être le dernier.
Ci-dessous ce que Maïmonide en a dit dans son essai sur les 13 articles de Foi du Judaïsme (car la croyance en la venue future du messie est une des composantes du judaïsme, l’avant-dernière des 13 selon Maimonide) et il importe donc de savoir le reconnaître ! D’où cette définition de Maimonide, somme toute assez prudente (le rambam attend de voir le résultat final).
« Et s’il s’élève un Roi de la lignée de David, versé dans la Loi, adonné aux commandements comme David son aïeul, selon les préceptes de la Loi écrite et de la Loi orale, qui amène tout Israël à en suivre les chemins et à en fortifier les positions, et qui mène les guerres de Dieu, alors on présumera que c’est l’oint de Dieu. S’il réussit et reconstruit le Temple sacro-saint à son emplacement et rassemble toute la diaspora d’Israël, alors ce sera certainement l’oint de Dieu. Il entraînera le monde entier à servir tous ensemble le Seigneur ainsi qu’il est dit « alors je donnerai aux peuples un langage clair pour qu’ils invoquent le nom du Seigneur et le servent d’un même élan » (Sophonie 3, 9).
La liste des prétendus messies a hélas été longue et a toujours fini de façon tragique. En voici quelques-uns brièvement évoqués par BERNARD Lazare.
En 1666, les juifs d’Orient se soulevèrent à l’appel d’un dénommé Zabbatai Zevi de Smyrne, où Zabbatai avait proclamé sa messianité. Le mouvement gagna la Hollande et même l’Angleterre. Le même enthousiasme messianique se manifesta en 1755, lorsque Frank se présenta en Podolie (région des confins polono-ukrainiens) comme étant le nouveau Messie.
Autour de ces illuminés, de nombreuses sectes mystiques se formèrent, par exemple celle des Donmeh qui se rapprochaient des musulmans, ou celle des Trinitaires qui se rapprochaient du christianisme (conception d’un dieu à la fois un et triple).
Pendant de nombreuses années, le Rabbi Menahem Schneerson fut ainsi élevé au rang de Messie virtuel par une communauté d’intégristes appelées hassidim (Loubavitch). Ils créèrent autour de lui tout un univers mysticomessianique. Ils étaient certains qu’il était LE messie envoyé par Dieu, car il répondait à toutes les caractéristiques énoncées par les prophètes. Mais un jour il mourut (à un âge assez avancé d’ailleurs). Le soir de sa mort, les membres de la secte le veillèrent en attendant qu’il ressuscite.
Rien ne se passa, bien sûr, le pauvre homme étant mort et bien mort. La secte essaya de trouver des explications pour expliquer sa non-résurrection. Ils se consolèrent en pensant qu’il n’était pas le vrai Messie, que d’après la Torah le véritable messie devait triompher de toutes les nations ennemies, reconstruire le Temple et rassembler tous les juifs.
Dans le judaïsme, surtout dans sa branche messianique et intégriste ; celui qui ne croit pas au Messie, ou qui n’agit pas en vue de faire venir le Messie, non seulement renie l’enseignement des prophètes, mais surtout celui de la Torah et de Moïse ; puisqu’il est écrit dans le Pentateuque : « Alors l’Éternel ton Dieu ramènera tes captifs et aura pitié de toi, il te rassemblera du sein de tous les peuples chez lesquels l’Éternel, ton Dieu, t’aura dispersé. Quand bien même tu serais exilé à l’autre extrémité de la Terre, l’Éternel, ton Dieu, te rassemblera, il ira te chercher. L’Éternel, ton Dieu, te ramènera dans le pays que possédaient tes pères, et tu le posséderas de nouveau ; il te fera du bien, et te rendra plus nombreux que tes pères. (Deutéronome. 30, 3 à 5).
Le mythe du Messie permet aux maîtres du judaïsme (aux rabbins) de toujours avoir dans l’esprit des fidèles un anneau pour y accrocher leur chaîne, et les maintenir ainsi dans leur dépendance, en jouant sur leur désespoir ou leurs peurs. Tant qu’il y aura des désespérés, il y aura des prêtres ou des politiques pour les manipuler, afin d’assouvir leur soif de pouvoir. Le culte du sauveur, tout comme celui du peuple élu, est un concept fédérateur ethnocentriste très puissant, il se nourrit du désespoir des petites gens.
Notre conclusion à propos du Moré Névoukhim de Maïmonide sera donc la suivante. Il est plus simple en effet de se laisser guider par quelqu’un, que de se guider soi-même. Se guider soi-même demande du courage et de la volonté, cela demande une grande quantité d’énergie que peu de personnes ont la force de mettre en œuvre.
Répéter à quelqu’un tout au long de sa vie que le Sauveur va bientôt arriver, mais qu’en attendant il faut prier, mais aussi faire ce que dit le rabbin *, est simpliste, mais très efficace.
* Rabbins puisqu’il n’y a plus de prêtres dans le judaïsme depuis la destruction du second temple.
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LA FIN DES TEMPS (A’HARIT HAYANIM).
13e et dernier point du « crédo » de Moïse Maimonide.
Le christianisme s’étant sensiblement écarté du judaïsme en ce domaine il importe de rappeler que cette fin du monde selon le judaïsme s’apparente plus à une régénération de la terre actuelle, un peu à la façon du Ragnarök germanique (guerre de Gog et de Magog) qu’à un total retour au néant de ce dernier. Point commun néanmoins : la résurrection des morts pour qu’ils soient jugés (Yom Hadin) et enfin, suite à ce brutal processus de régénération de la Terre, la mise en place d’un nouveau monde terrestre pour l’éternité (Olam Haba).
Les livres prophétiques de la Bible parlent d’une catastrophe planétaire à laquelle seule échappera une Palestine destinée à devenir un nouveau Jardin d’Éden ; et où se reconstituera, dans une parfaite soumission à YHWH, le paradis que la désobéissance d’Adam et Ève a fait perdre. Mais d’abord viendra avant le jour de la colère de YHWH.
C’est un thème présent dans le courant prophétique, depuis Amos jusqu’à Malachie. L’origine de l’expression reste très discutée : théophanie cultuelle, fête du Nouvel An, guerre sainte, malédictions en cas de rupture d’alliance ? Sa signification dépend du contexte. Son sens général de jour de jugement divin paraît assez clair. Le jour de Yhwh désigne une intervention de Dieu dans l’Histoire, pour punir ses ennemis, que ceux-ci soient des étrangers ou, comme dans le cas d’Amos (Amos, 5, 18 à 20), des israélites coupables d’infidélité aux lois divines. Les textes les plus couramment cités sont Esaïe, 13, 6 ; Esdras, 13, 5 ; Amos, 5,18 à 20 ; Abdias 15, Sophonie, 1, 7 à 16.
La dimension eschatologique de l’expression, utilisée pour désigner la fin et l’au-delà de l’Histoire, est absente des textes les plus anciens. Dans le Livre de Joël, ce jour est-il passé ou à venir ? Dans la seconde partie certes, il s’agit d’un jour à venir, mais dans un avenir qui n’est pas encore eschatologique. Pour le peuple qui se repent en tout cas, le jour de Yhwh sera un jour de salut et, pour ses ennemis, un jour de jugement. N’oublions pas non plus les visions de cet autre illuminé témoin de Jéhovah (nabi) qu’est Zacharie. Il y en a sept pour commencer la première partie de son livre.
Zacharie, 8, 23, est saisissant de philosémitisme (antisémitisme et philosémitisme étant tous deux autres choses que de la pure objectivité). « Ils seront alors dix de toutes les langues et de toutes les nations, à saisir un juif par le pan du manteau et à dire : on vous suit, car maintenant on le sait, Dieu est avec vous ».
Le chapitre 14 est également intéressant. Après une catastrophe cosmique sans précédent (versets 4 à 8) doublée d’une guerre mondiale effroyable, tous les peuples de la Terre viendront célébrer la fête juive des cabanes (Soukkot). N. D. L. R. Autrement dit, la vie des autres humains, leurs peines, leurs souffrances et leurs joies, ne serviront qu’à justifier ou glorifier le peuple préféré de Yahvé, après la venue du Messie.
Bref ! Le soleil, la lune et les étoiles, sombreront dans les ténèbres, les cieux se replieront comme un livre (en forme de rouleau) que l’on referme. Alors sonnera l’heure du Jugement dernier qui lavera le peuple élu de ses impuretés passées et seront réduits à néant par l’action du Messie les élus dont la foi en leur Seigneur n’aura pas été assez ferme, ainsi que les goyim ou gentils, ennemis d’Israël.
Mais ceux qui feront partie des Justes survivront à la vengeance de YHWH, ils se rassembleront derrière le Messie et celui-ci rétablira la royauté. Tous s’installeront en Palestine avec YHWH et Jérusalem redeviendra le phare du monde entier. Ce sera une ère de paix ou d’harmonie universelles où toutes les nations se prosterneront devant Yahvé et son peuple. N. D. L. R. Ce fantasme est toujours un des piliers de l’État d’Israël actuel.
Le grand mystique juif Moshé Luzzatto (1706-1746) intégrera toutes ces données en écrivant dans son Derekh Hachem ou Voie de Dieu :
« Même si les juifs et les non-juifs semblent parfaitement identiques du point de vue des caractéristiques humaines, du point de vue de la Torah, ils sont tellement différents qu’ils peuvent être considérés comme deux espèces complètement différentes. »
Et plus loin à propos de la Palestine d’après la venue du messie : « Il n’y aura de place là-bas que pour Israël et on n’accordera aux Justes des autres nations qu’en raison de leur attachement pour… Ils seront dépendants d’Israël comme les vêtements dépendent du corps. Ils pourront acquérir les biens qui leur reviennent, mais rien de plus » Derek Hashem).
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En d’autres termes les non-juifs qui se seront efforcés de se rapprocher de Dieu en suivant les sept lois Noahides y auront également droit à une place, mais moindre. Parce qu’ils auront fait moins d’efforts pour se rapprocher de Dieu ici-bas (parce ce qu’ils auront suivi moins de mitsvoth).
Schopenhauer a montré que les concepts moraux, sociaux, et intellectuels, des Hébreux, sont à rejeter. Un dieu comme ce Jéhovah, qui, de son plein gré, car tel est son bon plaisir, et de gaieté de cœur, produit ce monde de misère et de lamentations, et qui en plus s’en félicite, voilà qui est de trop ! « Le judaïsme, la seule et unique religion purement monothéiste dès le départ et qui enseigne un Dieu vraiment créateur du ciel et de la terre, très logique avec lui-même, n’a pas de doctrine de l’immortalité de l’âme. Aussi ne prévoit-il ni récompense ni punition après la mort, mais seulement des punitions et des récompenses en ce monde, ce qui le distingue de toutes les autres religions (mais pas forcément à son avantage). Les deux religions qui sont issues du judaïsme sont en réalité devenues illogiques, car elles ont repris la notion immortalité de l’âme qu’elles avaient empruntée à d’autres doctrines, meilleures, tout en conservant le Dieu créateur. * La religion des Juifs telle qu’elle est présentée et enseignée dans la Genèse et dans les autres livres historiques jusqu’à la fin des Chroniques, est la plus grossière de toutes les religions, car c’est la seule qui n’a absolument aucune doctrine de l’immortalité de l’âme, pas même une trace infime. Quand il meurt, le roi, le héros ou le prophète, est enterré avec ses pères et voilà tout. Il n’y a aucune trace de vie après la mort ; toute idée de ce genre semble même être en réalité volontairement exclue, etc.…(Schopenhauer, dans son livre intitulé en quelque sorte en Germano-Grec « Parerga und paralipomena »).
Dühring a bien montré, lui aussi, ce côté dangereux de la conception sémite du divin et de la morale – nettement moins positive et heureuse pour l’Homme (un comble !) que les antiques conceptions des peuples barbares. (« Si vous savez ce que vous chantez, la mort est le milieu d’une longue vie. Les peuples qui regardent la Grande Ourse sont heureux dans leur erreur parce que la crainte de la mort, la plus grande des craintes, ne les émeut pas ». Lucain. Dans son livre intitulé en latin « De Bello Civili » I, 454-462).
Les goyim non-juifs qui ne sont pas satisfaits du destin que leur réserve la théologie juive peuvent évidemment s’imaginer trouver mieux dans le christianisme. Peine perdue, les deux jugements des âmes (un jugement particulier un jugement général) que connaît le christianisme ne valent guère mieux.
Notre mystique à nous c’est le grand druide anglo-irlandais John Toland qui enseigna au XVIIIe siècle qu’il est urgent de mettre fin à toutes ces superstitions, qui sont la cause de maints conflits meurtrissant notre monde (dernier en date le nazisme). Ces mythes ne sont entretenus que par des hommes qui préfèrent domestiquer leurs congénères plutôt que leur enseigner à penser par eux-mêmes. La libre-pensée étant par essence pure liberté, ces hommes ne le supportent pas. Notre devoir est donc de les pousser dans leurs derniers retranchements, afin que l’humain reprenne ce qui lui revient de droit : la liberté.
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1re AUTRE IDÉE BIEN HUMAINE ET MÊME BANALE ENTRANT DANS LA COMPOSITION DU JUDAÏSME : LA NOTION D’AM NICHVAR OU PLUS PRÉCISÉMENT
LA CERTITUDE D’ÊTRE LE PEUPLE PRÉFÉRÉ DE DIEU.
Principe de l’élection divine que l’on retrouve dans les images de l’am segulla ou de l’am nahalla (trésor, ou héritage, de Dieu) qui sont fréquemment utilisées pour qualifier le peuple d’Israël.
Ce que l’on appelle l’ethnocentrisme quand il s’agit des autres peuples. Claude Lévi-Strauss dans son essai de 1952 intitulé « Race et histoire » estime même que la notion d’humanité, englobant, sans distinction de race ou de civilisation, toutes les formes de l’espèce humaine, est d’apparition fort tardive, d’une part ; et d’autre part que le rejet hors de l’humanité de tous ceux trop différents pour en faire partie est, paradoxalement, un trait de comportement universel.
L’encyclopédie en ligne Wikipédia va même plus loin puisqu’elle ajoute que la même attitude mentale peut se rencontrer dans des groupes sociaux en position privilégiée comme l’aristocratie européenne. Metternich n’affirmait-il pas en 1815 qu’en Autriche, l’homme commence au baron ?
Ci-dessous quelques illustrations de cet ethnocentrisme juif.
BÉNÉDICTIONS DU MATIN (SHAHARIT).
Béni sois-tu, ô Seigneur notre Dieu, Roi de l’univers, qui n’as pas fait de moi un païen.
Béni sois-tu, ô Seigneur notre Dieu, Roi de l’univers, qui n’as pas fait de moi un esclave.
Les hommes disent :
Béni sois-tu, ô Seigneur notre Dieu, Roi de l’univers, qui n’as pas fait de moi une femme.
Les femmes disent :
Béni sois-tu, ô Seigneur notre Dieu, Roi de l’univers, qui as fait de moi selon ta volonté.
Béni sois-tu, ô Seigneur notre Dieu, Roi de l’univers, qui réponds à chacun de mes désirs.
Béni sois-tu, ô Seigneur notre Dieu, Roi de l’univers, qui as guidé les pas de l’homme.
Béni sois-tu, Seigneur notre Dieu, Roi de l’univers, qui as doté Israël de puissance.
Béni sois-tu, ô Seigneur notre Dieu, Roi de l’univers, qui as couronné de gloire Israël.
L’ethnocentrisme inhérent au judaïsme est structuré et développé à partir d’éléments religieux à la fois scripturaires et sacrés. C’est dire qu’il est « culturel » au sens le plus fort du terme.
Le prouve le destin d’Ismaël dans la Bible. Fils d’Abraham et de l’esclave égyptienne Hagar, né pendant la période d’infécondité de Sarah qui précède la naissance d’Isaac. Sarah fera jeter dehors la mère et le fils (Genèse 21). Car un des mythes, si ce n’est le mythe le plus puissant du judaïsme, est bien celui d’être le peuple élu de Dieu. C’est cette élection qui fait le juif, c’est envers elle qu’il se définit par rapport aux autres peuples. Cette différence est d’ailleurs revendiquée par les intégristes. La Torah est la première grande théorie racialiste de l’Histoire et le mythe biblique du peuple élu en est le fondement.
Si l’on peut en croire Malachie (1, 2-3), le Dieu des débuts de la Bible est un dieu qui ne s’occupe pas des autres (Dieu aime Jacob et il hait par contre Ésaü).
Kant, dès le XVIIIe siècle, avait parfaitement analysé ce phénomène singulier lié à l’idée d’Élection divine. Dans son ouvrage consacré au sujet, il parle du peuple élu par Jéhovah, et qui, hostile à tous les autres, est lui-même en butte à l’hostilité de tous. Cette Élection divine est un des éléments de « la prison juive ».
Le judaïsme orthodoxe se définit face aux autres et non avec les autres, et c’est cette tension entre le juif et le goy, cette différence, qui le galvanise. Le juif religieux ne peut se définir que par opposition aux autres peuples, et c’est à cause de cela qu’il se sent toujours opprimé. Sans ces concepts ethnocentristes, si ancrés, le peuple juif aurait été un peuple comme les autres, et aurait sûrement vécu plus heureux en se fondant dans la masse qu’en affirmant aussi égoïstement une différence sans aucun fondement scientifique. La Torah est la première grande théorie ségrégationniste de l’Histoire. Ce concept de « peuple élu » existait bien entendu plus ou moins dans toutes les cultures des peuplades de l’époque, mais les Hébreux, pour des raisons politico-guerrières, l’ont développé plus fortement que les autres. Les rois de l’époque exploitèrent cette idée dans le but de fédérer un peuple assailli de toute part par les nations voisines. Son efficacité a permis à leur royaume de subsister pendant de nombreuses années.
[N. D. L. R. Et il en va d’ailleurs toujours de même aujourd’hui].
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Il est normal pour un peuple d’entretenir des relations privilégiées avec ses dieux. Ce fut même une tautologie de le dire dans le cas des Celtes et de leurs druides. Ce qui est inacceptable par contre c’est de refuser cela aux autres, c’est la prétention d’être le peuple choisi par le seul Dieu existant, d’être le peuple choisi par le Dieu de l’univers comme unique dépositaire de ses volontés et de ses désirs ; le seul avec qui la Divinité ait fait une vraie alliance, le seul qui soit placé sous sa protection, le seul ayant droit à son amour, à sa bienveillance, à sa protection et à un avenir final glorieux.
Au moment où le serpent tenta Ève, il la corrompit de son venin et de sa puanteur, mais Israël, avec la révélation faite à Moïse, s’est délivré de ce mal et de cette mauvaise odeur ; alors que les autres nations, elles, ne purent s’en débarrasser.
Les autres hommes sont placés en dehors des Hébreux, ils n’auront droit que par pitié à la munificence divine à venir si l’on en croit l’eschatologie juive ; et les biens terrestres qui sont concédés aux autres nations, comme la Palestine par exemple, appartiennent en réalité à Israël. On trouve d’ailleurs exactement le même raisonnement dans l’islam : les biens terrestres appartiennent en réalité à Dieu et donc aux vrais musulmans en réalité, les infidèles n’en sont que des occupants temporaires (qu’on nous permette ici de penser que c’est peut-être exactement le contraire qui s’est produit. Les êtres humains païens étaient bien plus intéressants pour l’Humanité. Ils avaient un plus riche potentiel).
Le principe du culte unique de Yaho/Yahou/Yhwh à Jérusalem a été l’élément unificateur des tribus israélites, le ciment d’un peuple qui fut flatté par un discours l’élevant au rang de peuple « élu » de Dieu. Du seul dieu existant, du dieu de l’univers.
Sans tout ce discours autour de la notion de « peuple élu » les Hébreux n’auraient certainement pas réussi à maintenir un royaume, car leurs stratégies militaires et leurs technicités n’étaient pas les plus performantes de l’époque. C’est cette conviction d’être un peuple à part, galvanisé par la certitude d’avoir été élu par une force surnaturelle, qui les poussa à vivre, c’était leur seule raison d’être, sans cela leur royaume se serait effondré bien plus rapidement.
Notes retrouvées par les héritiers de Pierre de La Crau et insérées par eux à cet endroit.
Mais les Hébreux n’étaient pas les seuls à avoir développé ce concept de « peuple élu ». Toutes les nations possédaient un concept fédérateur, concept qui n’affirmait pas haut et fort une élection divine, mais qui la sous-tendait par d’autres conceptualisations ethnocentriques. Les Égyptiens pensaient par exemple descendre du dieu-ou-démon Ré, voire se considéraient aussi comme un peuple élu, mais par un autre dieu-ou-démon ; les Grecs se disaient descendants de Gaia la déesse-ou-démone-mère et fils de Zeus, pour les Romains c’était Jupiter et pour les Vikings, Odin. Les Celtes, eux, se disaient issus du Dieu de la Mort (antique illustration druidique de l’idée que l’Être vient du Néant) si l’on en croit cette citation de César. « Les Celtes se prétendent issus de Dis Pater, c’est, disent-ils, une tradition des druides. En raison de cette croyance, ils mesurent la durée non pas d’après le nombre des jours, mais d’après celui des nuits : les anniversaires de naissance, les débuts de mois et d’année, sont comptés en faisant commencer la journée avec la nuit » (B. G. 6,17-18).
Dis Pater n’est que l’interpretatio romana faite par César d’un personnage de légende dont le nom celtique nous est inconnu ; et que certains assimilent à un grand initié qu’ils rapprochent du Nemet Cornunnos, autre personnage bien connu de la mythologie druidique.
Les Grecs de toute façon les pensaient plutôt issus d’une sorte d’Hercule appelé Ogmios dans leur langue. Le concept d’élection divine était donc couramment utilisé à l’époque, c’était une façon de penser propre à cette période primitive de l’humanité. Les Hébreux, vu leur faible nombre, étaient obligés de créer un sentiment d’appartenance encore plus puissant et surtout plus guerrier. « Sache aujourd’hui que l’Éternel, ton Dieu, marchera lui-même devant toi comme un feu dévorant, c’est lui qui les détruira, qui les humiliera devant toi ; et tu les chasseras, tu les feras périr promptement, comme l’Éternel te l’a dit » (Deutéronome 9, 3). De telles paroles étaient nécessaires pour donner du courage à un peuple effrayé par des attaques de toutes parts. Il ne faut donc pas être particulièrement choqué par le principe de l’élection divine du peuple juif, ou d’un autre, mais là où gît le problème c’est dans la perpétuation de ce concept AU NIVEAU UNIVERSEL et en ce qui concerne le dieu de l’univers.
Y compris dans les deux autres monolâtries de masse modernes qui divisent toujours l’Humanité en deux camps, celui des fidèles qui seront sauvés donc iront au paradis et les autres, tous les autres, qui se retrouveront en enfer. [Extra Ecclesiam nulla salus. N. D. L. R.]. De tels concepts, un tel orgueil, ne sont-ils pas nuisibles autant pour le peuple qui les véhicule, que pour les autres ? Incompatibles avec une paix durable entre membres d’une même espèce ? Cette séparation entre « élus » et « non élus » n’est-elle pas superflue de nos jours ? La science nous a de nombreuses fois démontré notre unique identité, qui se nomme Humanité.
Malheureusement, ce concept est tellement implanté dans la culture juive que sans lui il n’y aurait plus de judaïsme. Si demain le peuple juif cessait de croire en son élection par Dieu, il n’aurait plus de raison de vivre en tant que tel.
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En fidèle interprète des nombreux textes du judaïsme, transmettant un tel état d’esprit, un tel délire interprétatif, le général Eitan, de la droite religieuse israélienne, a pu un jour écrire un jour (dans l’édition du 28 avril 2012 du Haaretz) que le Grand Israël c’est « l’État de Dieu ; les juifs sont l’âme de ce monde ; le peuple juif a pour mission de révéler l’image de Dieu sur Terre […] Un monde sans juifs est un monde de robots, un monde mort ; et l’État d’Israël est l’arche de Noé de l’avenir du monde. Sa tâche est de montrer à tous l’image de Dieu ».
* Racialisme. Obsession de l’hérédité biologique au détriment du principe de la filiation spirituelle.
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DEUXIÈME AUTRE IDÉE ENTRANT DANS LA COMPOSITION DU JUDAÏSME.
LA NOTION DE BERIT AUTREMENT DIT DE PACTE OU DE TRAITÉ, voire alliance.
…………………
Deuxième partie de notre réflexion sur le dogme de l’alliance dans le judaïsme : L’APPROCHE PSYCHOLOGIQUE.
Commençons par rappeler qu’à en croire le texte, en question ce qui n’est pas le cas de tout le monde, Dieu avait déjà conclu un embryon de pacte, un pacte a minima, avec Noé et ses descendants. La différence d’avec le pacte conclu avec Israël étant qu’Israël reçoit des commandements plus nombreux et plus précis que les Noahides.
Mais revenons au Bérit conclu avec Israël.
Cette idée somme toute assez banale à l’origine (on offre des sacrifices à un dieu pour obtenir soit sa neutralité soit son aide) dans le cas du judaïsme découle du postulat suivant qui n’a évidemment aucun sens pour un athée un bouddhiste, etc.
1°Le monde a été créé par une entité une et unique, éternelle, omnipotente, omnisciente, omniprésente, juste et miséricordieuse.
2° Cet être a de sa propre initiative contracté une alliance avec les ancêtres du peuple d’Israël en, promettant de traiter ce peuple comme son « trésor » pour autant que les enfants d’Israël respectent sa loi, qui comprend une composante cultuelle ainsi que des aspects civils, matrimoniaux et législatifs. L’adhésion à cette loi implique une manière de se comporter, de se vêtir, de se nourrir, etc. propre à ceux qui y adhèrent. ON RETROUVERA D’AILLEURS LA MÊME CHOSE AVEC L’ISLAM.
3°Le détail des dispositions de cette loi fondamentale soit 613 mitsvot, sont récapitulés dans les cinq premiers livres de la Bible hébraïque appelée Torah en hébreu et Pentateuque en grec, traditionnellement attribués à Moïse, d’où aussi son nom de « Loi de Moïse ».
4) Les membres du peuple ainsi élu qui observeront les 613 mitsvot de la Loi seront considérés comme des Justes et seront récompensés d’une façon ou d’une autre.
5) Les membres du peuple élu ne respecteront pas la Loi seront punis, tôt ou tard (la punition pouvant être en effet différée).
Ce traité ou pacte est a priori éternel.
Il ressort des textes que le choix en question fut le fait de Dieu et on peut donc se poser la question du degré d’adhésion à cette politique du peuple en question.
De quelle liberté en effet disposent les Juifs pour soutenir l’Alliance et, par voie de conséquence, pour la rejeter s’ils le veulent ? De quelle liberté disposent les Juifs une fois qu’ils ont accepté l’Alliance ?
La Torah, en tant que contenu de l’Alliance conclue par Dieu avec le peuple d’Israël, semble avoir été imposée au peuple, à l’époque où un dénommé Moïse régnait sur eux.
Avec cette Alliance, Dieu choisit Israël, et ce choix est entièrement libre – du moins, de la part de Dieu. Dieu n’était pas plus obligé de choisir Israël qu’il n’était obligé de créer le monde.
Mais Israël avait-il véritablement le choix de sa réponse à cette proposition ?
Israël a-t-il véritablement accepté la Torah ou la Torah a-t-elle en fait été acceptée pour lui sans son plein assentiment ? Existait-il d’autres possibilités ? La Torah est-elle simplement impérative, c’est-à-dire, directement imposée, ou correspond-elle aux desiderata du peuple qui aurait certainement choisi de l’accepter même en présence d’autres options. ? Et si ce n’est pas le cas, comment Israël a-t-il vécu l’obligation contractuelle telle qu’elle s’exprime dans son acceptation de la Torah en général et plus spécifiquement des commandements ?
Voir la Bible pour avoir les réponses, mais gnosticisme et christianisme seront aussi la réponse à ces questions.
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Première partie de notre réflexion sur le dogme de l’alliance dans le judaïsme. L’APPROCHE HISTORIQUE.
La notion d’alliance-OBLIGATION particulièrement développée dans le christianisme, à partir de celle ayant d’abord caractérisé le judaïsme, est une sorte d’hapax dans le monde des religions, exception faite de l’Islam évidemment, mais ce ne fut en fait que la transposition dans le domaine religieux des pratiques politiques de la région à l’époque.
L’épigraphiste Dominique Charpin l’a démontré de façon péremptoire dans son livre intitulé « Tu es de mon sang ».
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Et puisque nous avons parlé d’hapax, voici ce que dit notre auteur sur la terminologie hébraïque concernant cette alliance.
La Bible nous fournit deux récits différents, en Exode 19-24 et Deutéronome 5-10.
Dans Ex. 31 : 18 ou 32 : 15 on a la formule luhot ha’edût. Le mot edût correspond à l’akkadien adê qu’on trouve dans le serment de fidélité envers son fils Assourbanipal que le roi d’Assyrie Assarhaddon a fait prêter à ses vassaux en – 672.
Mais on trouve également par ailleurs le terme bérit pour désigner l’alliance avec Noé Abraham et Moïse.
Les récits d’alliance de Mari emploient la préposition birît, « entre », pour désigner une alliance établie entre deux parties.
COMPARAISON AVEC LES TRAITES HITTITES.
Les traités hittites qui nous ont été conservés constituent un premier élément de comparaison expliquant beaucoup des singularités de cette « bérit » ayant été conclue entre Dieu et Israël et donc de la théologie deutéronomiste de l’Alliance qui en a découlé.
G. E. Mendenhall a comparé les deux récits de l’alliance (Exode 19-24 et Deutéronome 5-10) avec les formulaires des traités hittites. Cette étude lui a révélé une structure très proche, comportant six éléments distinctifs : l’introduction du déclarant ; un préambule historique ; des clauses ; une déclaration relative au document écrit ; des témoins divins ; enfin, des malédictions et des bénédictions.
Introduction du déclarant.
Dans la plupart des traités hittites, les textes sont formulés comme des discours tenus par la « puissance supérieure » en faveur du roi de l’entité inférieure… Celui qui formule l’alliance parle à la première personne et commence par se définir avec son nom et son ou ses titres.
Remarquons que l’accord est dissymétrique, le « vassal » s’engageant alors que le « seigneur » lui n’agit pas réciproquement.
L’évocation du passé est beaucoup plus développée dans les traités hittites que dans la Bible. Mais dans les deux cas, elle fait de la partie inférieure l’obligé de son supérieur : ce dernier attend de la gratitude pour ce qu’il a déjà accompli et l’adhésion aux clauses de l’accord qu’il propose.
Dans la Bible, ces clauses forment notamment ce qu’on a appelé par la suite le Décalogue :
Dans le Proche-Orient ancien enfin, les traités comportaient systématiquement des malédictions ; celles-ci étaient parfois suivies de bénédictions, mais moins fréquemment.
Dans la Bible, un balancement inverse est observable en Deutéronome 28 :
Or donc, si tu obéis vraiment à la voix de Yahvé ton Dieu, en gardant et pratiquant tous ces commandements que je te prescris aujourd’hui, Yahvé ton Dieu t’élèvera au-dessus de toutes les nations de la terre. Toutes les bénédictions que voici t’adviendront et t’atteindront ; car tu auras obéi à la voix de Yahvé ton Dieu. (etc.)… Mais si tu n’obéis pas à la voix de Yahvé ton Dieu, ne gardant pas ses commandements et ses lois que je te prescris aujourd’hui, toutes les malédictions que voici t’adviendront et t’atteindront (etc.).
ET LA LISTE EN EST LONGUE.
COMPARAISON AVEC LES TRAITES NÉO ASSYRIENS.
Dans le cas des textes néo-assyriens, l’analogie est tellement plus poussée, en particulier en ce qui concerne les malédictions, qu’on peut même parler d’emprunt : la dépendance littéraire de la Bible à leur égard ne fait donc aucun doute.
Le rapprochement des malédictions de Deutéronome 28 avec le pacte d’Assarhaddon a été esquissé par D. Wiseman dans son édition du texte assyrien. Quelques parallèles suffisent pour s’en convaincre.
Traité de succession d’Assarhaddon SAA 02 006.
Que Sin, l’éclat du ciel et de la terre, vous revête de lèpre et vous interdise l’accès aux dieux et au roi. Errez dans le désert comme l’âne sauvage et la gazelle.
La liste de maladies incurables envoyées par Yhwh est assez proche :
Yhwh te frappera de furoncles d’Égypte, d’ulcère, de gale et de démangeaison, dont tu ne pourras guérir. (Deut. 28 : 27).
Traité de succession d’Assarhaddon SAA 02 006.
Si tu entends des propos hostiles inconvenants pas très jolis, ne semblant pas très bons pour Assourbanipal, le grand prince héritier désigné, fils d’Assarhaddon, roi d’Assyrie, ton seigneur, soit de la bouche de son ennemi ou de la bouche de son allié, soit de la bouche de ses frères ou de la bouche de ses oncles, de ses cousins, de sa famille, membres de la lignée de son père, ou de la bouche de tes frères, de tes fils, de tes filles, ou de la bouche d’un prophète, d’un médium, de
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quelqu’un qui consulte les oracles, ou de la bouche de tout être humain, tu ne le dissimuleras pas, mais tu iras le dire à Assourbanipal, le grand prince héritier désigné, fils d’Assarhaddon, roi d’Assyrie.
Si vous entrez en contact avec des insurgés, qu’ils soient peu ou beaucoup, et que vous entendez des propos favorables ou défavorables, vous le signalerez à Assourbanipal, le grand prince héritier désigné, fils d’Assarhaddon, roi d’Assyrie.
Vous ne prêterez pas de serment d’assistance mutuelle avec quiconque amènera des (statues de) dieux afin de conclure un traité devant des dieux, que ce soit en dressant une table, en buvant dans une coupe, en allumant un feu, en prenant de l’eau, ou de l’huile, mais tu iras en avertir Assourbanipal, le grand prince héritier désigné, fils d’Assarhaddon, roi d’Assyrie, ton seigneur, et tu saisiras et mettras à mort les auteurs de l’insurrection ainsi que leurs troupes.
La similitude avec ce qu’on trouve dans Deutéronome 13, où Dieu prend la place du futur roi d’Assyrie, est frappante :
Si apparaît parmi vous un extatique ou un visionnaire et qu’il te dise : « Suivons d’autres dieux et servons-les », tu ne tiendras pas compte des paroles de l’extatique ou du visionnaire, mais tu suivras Yhwh ton Dieu, tu ne craindras que lui, tu garderas ses seuls commandements, tu obéiras à sa voix, tu le serviras, tu t’en tiendras à lui. Et cet extatique ou visionnaire sera mis à mort pour avoir parlé de trahir Yhwh ton Dieu. Si quelqu’un t’entreprend secrètement, qu’il s’agisse de ton frère, du fils de la mère, de ton fils, de ta fille, de la femme de ton cœur, ou de l’ami que tu aimes comme toi-même, te disant : « Allons servir d’autres dieux », tu ne dois pas lui obéir ni le suivre. Ne lui montre ni pitié ni compassion et ne le cache pas, mais tue-le certainement. (Deut.13 : 2-10)
L’injonction de ne rien ajouter ni retrancher qui figure dans les deux textes est également très semblable. On trouve d’un côté :
Traité de succession d’Assarhaddon SAA 02 006.
Vous ne changerez ni n’altérerez aucune parole d’Assarhaddon, roi d’Assyrie.
Et de l’autre :
Tu dois diligemment observer tout ce que je te commande, ne lui ajoute ou ne lui retranche rien. (Deut.13 : 1)
La question est de savoir comment le ou les auteur(s) du Deutéronome ont pu avoir accès au texte du pacte de succession d’Assarhaddon. Les Annales d’Assarhaddon mentionnent le roi de Juda Manassé parmi les vassaux de l’empire. Dès lors, il est certain que Manassé a prêté un serment de fidélité à Assarhaddon, qu’il renouvela sans doute sous son successeur : dans les Annales d’Assourbanipal, Manassé figure en effet parmi les vingt-deux vassaux qui se rendirent à Ninive en -667 pour offrir leur tribut.
La découverte à Tell Tayinat d’un exemplaire du pacte d’Assarhaddon conservé dans un temple démontre que l’hypothèse qu’une tablette de ce genre ait été présente dans le temple de Jérusalem est tout à fait crédible. Et si l’on part dans cette direction, il est difficile de ne pas considérer le règne de Manassé (c. 687-642) comme le meilleur moment pour une telle exposition. La réutilisation du texte aurait pu avoir lieu sous le règne de Josias ; ses auteurs transformèrent un pacte avec le roi d’Assyrie en un pacte avec Yhwh. Savoir dans quelle mesure cette transformation a été motivée par des sentiments anti-assyriens reste un sujet de débat : en remplaçant le roi assyrien par Yhwh, ses auteurs auraient en quelque sorte retourné cet instrument de domination des Assyriens contre ceux qui l’avaient utilisé à leur égard.
Dominique Charpin remarque enfin fort justement que l’obligation de relire ce traité figure bien en toutes lettres dans le serment de fidélité que fait prêter Assarhaddon envers Assourbanipal son fils.
Version de Tell Tayinat SAA 02 015.
Tu garderas comme ton dieu cette tablette scellée du grand roi sur laquelle est écrit le traité concernant Assourbanipal, le grand prince héritier désigné, fils d’Assarhaddon, roi d’Assyrie, ton seigneur, qui est scellée du sceau d’Assur, roi des dieux, et qui se trouve devant toi.
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ÉPICLÈSES.* ET ATTRIBUTS OBJECTIFS OU NON PARADOXAUX
(comme tout puissant, omniscient, bon, père, juste, et ainsi de suite, attributs visiblement non justifiés comme l’Histoire l’a montré)
Le dieu d’Abraham d’Isaac et de Jacob…
Tel qu’il est décrit ou tel qu’il apparaît directement voire indirectement dans la partie Ancien Testament de la Bible…
Que ce soit avant ou après les exils à Babylone (- 597 – 538), mais surtout avant il est vrai…
Outre le fait qu’il n’est pas unique, ce que nous avons suffisamment démontré dans les parties précédentes de notre cahier de notes…
Point sur lequel nous ne reviendrons donc plus et pour lequel nous ferons par conséquent comme les plus sages des musulmans ** vis-à-vis des chrétiens croyants en la Sainte Trinité…
Car afin de simplifier nous ferons comme si et nous jouerons le jeu de l’unicité divine (taouhid) en ce qui les concerne…
Bien qu’une telle imposture suffise à elle seule à justifier la disqualification du message…
Le dieu d’Abraham d’Isaac et de Jacob donc ne peut que se voir qualifier comme suit (jaloux misogyne guerrier, etc.)…
Conformément à la petite liste d’adjectifs ou de qualificatifs que nous allons dérouler ci-dessous.
Épiclèses d’Apollon par exemple : alexicacos, hekatébolos, sauroctonos…
** Les plus sages des musulmans (0,01 %) tiennent compte du fait que les chrétiens trinitaires sont depuis toujours persuadés d’être monothéistes pour leur accorder le bénéfice de ne pas être assimilés à des associationnistes ou associateurs (chirk mouchrik mouchrikoun) ou des mécréants (koufr kafir koufar) et donc le droit de vivre. En dhimmis.
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LE PRIMAT DE L’HÉRÉDITÉ.
Le druidisme, le christianisme, l’islam, le bouddhisme… peuvent se définir comme des traditions spirituelles et plus précisément des traditions religieuses, liées aux relations avec une divinité. Le judaïsme, lui, représente bien une tradition de ce type, avec ses mythes de la Création, du Paradis terrestre, de l’Espoir messianique… Mais lui associe, comme nous l’avons vu maintes fois, une notion issue de la nuit des temps et relevant d’un tout autre ordre d’idées, la notion de « lignée d’Abraham ». Le judaïsme n’est pas une religion au sens courant du terme, mais une « religion race » ou une « culture-race ». Le juif n’est pas uniquement le dépositaire du message hébraïque originel, il est aussi, par le sang, par la généalogie, descendant d’Abraham. Pour Kant par exemple, et pour ne citer que lui, le judaïsme est une religion « ethnique ». Pire même en réalité : le judaïsme n’est pas en fait une religion ! »
Exode. 34, 16. Moïse reçoit un ordre de Dieu pour que son peuple n’épouse pas les filles des étrangers.
Nombres. 16, 40. « C’est un souvenir pour les enfants d’Israël, afin qu’aucun étranger à la race d’Aaron ne s’approche pour offrir du parfum devant l’Éternel ».
Nombres. 25, 6 à 9. Moïse interdit les mariages mixtes et les religions autres que la sienne. Il fait exécuter 1 000 ou 24 000 juifs s’étant rendus coupables de ce « crime ».
Deutéronome. 7, 3 à 4. « Tu ne t’allieras point par mariage avec eux (les Cananéens) tu ne donneras pas ta fille à leur fils, tu ne prendras pas leur fille pour ton fils ».
Josué. 23, 13. « Si vous alliez par mariage avec eux, s’ils pénétraient chez vous, sachez-le bien : le seigneur votre Dieu, ne continuera pas à déposséder ces nations pour vous. Elles deviendront pour vous un filet et un piège, un fouet sur vos flancs et des épines dans vos yeux, jusqu’à ce que vous disparaissiez de ce sol que vous a donné le seigneur votre Dieu ».
1 Rois. 11, 1 à 4. Amours et mariages mixtes sont associés à de la trahison religieuse (de l’apostasie).
Psaume XII, 8 : « Toi, l’Éternel, Tu nous garderas, Tu nous préserveras de cette engeance à jamais ».
Esdras déplore que « La nation sainte s’est mêlée avec les peuples des pays voisins » (9, 1-2) et ordonne la ségrégation « Concluons maintenant une alliance avec notre Dieu en vue de renvoyer tous ces femmes étrangères et leurs enfants » (Esdras, 10, 3).
Néhémie.13, 23 à 27 : « Les Judéens ont fait habiter chez eux des femmes d’Ashdod, d’Ammon, de Moab, et leurs fils pour moitié parlent la langue d’Ashdod, d’Ammon, de Moab, sans connaître la langue de la Judée. Alors je les poursuis et les maudis, je frappe quelques-uns d’entre eux, leur arrache les cheveux ; et les fais jurer par Dieu : ne donnez pas vos filles à leurs fils, et ne prenez pas femme parmi leurs filles, ni pour vos fils ni pour vous ».
Néhémie. 13, 30. « Je purifiai les prêtres et les lévites de tout élément étranger ».
Il existe également toute une série de textes défendant la notion de responsabilité collective.
Exode. 20, 5. « Moi le seigneur ton dieu je suis un dieu jaloux, reportant la faute des pères sur les fils, sur la troisième et sur la quatrième génération… ».
Nombres. 14,18. Yhwh punit la faute des pères sur les fils, jusqu’à la troisième et quatrième génération.
Note de la rédaction. Dans maints pays de telles idées, de tels textes, devraient bien évidemment tomber sous le coup des lois antiracistes. On peut néanmoins noter qu’à l’époque la transmission se faisait par le père. Le prouve la loi même du lévirat, en vertu de laquelle le frère d’un homme mort sans enfants doit lui assurer une descendance en couchant avec sa veuve.
Un changement radical s’est donc produit avec la période talmudique : les rabbins décidèrent que l’identité juive passerait par les femmes. Sans doute jugées comme plus dociles et dotées de moins d’esprit critique.
Alors que les adeptes de la plupart des religions n’ont guère entre eux que le lien d’une croyance et de pratiques communes, et que chacun peut prétendre à une telle adoption ; le judaïsme, lui, établit entre ses fidèles un lien particulier d’ordre héréditaire. Fait rare dans l’histoire de l’Humanité, la naissance est le vrai critère d’appartenance. La loi rabbinique établit, en effet, que le caractère juif est transmis par les femmes. La transmission de la judéité, selon la Loi juive, mais aussi nazie hélas, relève d’un principe biologique. Ce caractère est de plus indélébile, même en cas d’apostasie du judaïsme ou de mariage mixte (qui équivaut à une apostasie). Tout homme né juif reste juif selon le Talmud et l’histoire rabbinique. Le critère d’appartenance est binaire : on est juif ou l’on ne l’est pas.
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À noter qu’il en va de même pour l’Église, mais sur un tout autre plan, tout catholique reste catholique tant qu’il ne s’est pas fait radier officiellement du registre paroissial des baptêmes, et donc trahit s’il adhère à d’autres idées. Exemple Julien l’Apostat.
Alors que la notion de « juif » n’était à l’origine ni raciale, ni nationale, mais religieuse, une évolution s’est produite : la condition raciale (l’hérédité) devint nécessaire et suffisante pour être juif, la condition religieuse (la croyance) devint facultative. Nombre de juifs n’observent plus le shabbat, s’habillent comme tout le monde, les traits discriminants dont l’Histoire les avait affublés sont en train de disparaître sauf à Méa Shéarim ; et il ne reste plus que la « lignée d’Abraham » comme élément distinctif entre un juif et un non-juif. Cette hérédité qui se transmet par la femme malgré son statut inférieur à celui des hommes, ceux-ci se réservant la transmission du savoir et des valeurs du judaïsme.
L’identité par filiation s’est donc imposée à l’identité par adhésion. Une frontière a été établie que la volonté ne saurait franchir. On peut ajouter que cette notion de « lignée d’Abraham » présente dans le judaïsme est si prégnante qu’elle transcende les multiples ethnies « naturelles » que comporte la population juive (ashkénazes, séfarades, falachas, juifs russes, etc.).
N. D. L. R. Quand on sait par ailleurs que les juifs du Maghreb ne sont peut-être que des Berbères judaïsés à l’époque romaine, et les musulmans de Palestine des juifs convertis à l’islam dans les premiers temps de la conquête ; on peut mesurer à quel point sont stupides toutes ces notions de races, pures, élues, ou que sais-je encore ?
Face aux pratiques de nettoyage ethnique inspirées de la prétendue conquête de la Terre promise, par crainte de « l’altération de la lignée d’Abraham », mises en œuvre en Israël ; pureté qui fonctionne toujours à l’expulsion et à la destruction comme du temps de Josué ou de David ; Haim Cohen (qui fut juge à la Cour Suprême d’Israël) évoquera même un jour les lois nazies. L’amère ironie du sort a voulu que les mêmes thèses biologiques et racistes, élaborées par les nazis et qui ont inspiré les infamantes lois de Nuremberg, servent de base à la définition de la judaïcité au sein de l’État d’Israël.
La pression des rabbins a, certes, toujours existé, pour que l’ordre biblique de non-assimilation soit respecté, et qu’il n’y ait pas de mariage mixte ; mais elle s’est faite particulièrement insistante depuis la création de l’État d’Israël. Au point que la peur de l’exogamie est devenue une véritable obsession dans les milieux rabbiniques, dans les instances communautaires, et chez plus d’un juif ordinaire. Joseph Sitruk, le grand rabbin de France, a ainsi pu écrire en 1993 : « Je voudrais que les jeunes gens juifs n’épousent jamais que des jeunes filles juives ».
Si les incroyants ne respectent pas toujours cet ordre, il n’en est pas de même chez les croyants pour qui il s’agit d’un impératif absolu.
Le judaïsme actuel, en effet, non seulement ne fait aucun prosélytisme, mais pratique une dissuasion maximale auprès de tout candidat éventuel à la conversion. Ce rejet systématique est, bien entendu, l’élément premier du communautarisme, et va volontiers jusqu’à la ghettoïsation, cette donnée fondamentale du judaïsme médiéval.
La Loi fondamentale de l’État d’Israël admet des apports étrangers par conversion (est considérée comme juive une personne née d’une mère juive ou convertie) ; mais les conditions exigées concrètement par les rabbins sont telles – notamment celle de pratiquer les 613 commandements ou mitsvot de la Torah – que, sauf exception, un goy ne devient pas juif ; conformément d’ailleurs à l’idée majoritairement répandue selon laquelle « la volonté ne saurait suffire pour faire partie du peuple élu ».
Dans ce complexe de religion-race qu’est le judaïsme, c’est la dimension ethnique qui est primordiale, la filiation est nécessaire et suffisante pour définir le « juif », voire le « demi-juif » selon les nazis.
Alors que toutes les autres traditions religieuses intègrent des croyants plus ou moins « bons », dans la tradition judaïque, au contraire, la croyance est secondaire et accessoire, le critère héréditaire prépondérant. Il n’y a pas de bons ou de mauvais juifs, mais des juifs et des non-juifs. Au sens de la Loi juive, un agnostique, voire un opposant doctrinal, tel un chrétien dont la mère est juive, serait-il théologien protestant ou évêque catholique, reste juif. Il ne peut pas choisir de ne pas être juif.
Qu’une personne ignorant tout du judaïsme, de ses écrits, de sa doctrine, de son histoire familiale… et ne suivant ni ses rites ni ses traditions, puisse être reconnue comme « juive » sur la base du seul critère héréditaire, est, pour le pire comme pour le meilleur, une des caractéristiques fondamentales du judaïsme en tant que religion.
C’est ainsi, malencontreuse disposition de la tradition judaïque, que le nom ou le qualificatif de « juif » piégera à la fois ceux qui l’emploient, et ceux qui sont désignés ainsi. Les premiers peuvent être accusés de penser race ; – ne suffit-il pas la plupart du temps à un individu d’être né dans une famille où il y a des juifs pour être qualifié d’emblée de juif, indépendamment de toute croyance ou de toute culture, juive ? Les seconds peuvent se sentir méprisés d’être traités à partir de ce seul critère
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héréditaire, critère que l’on sait, de plus, être à la source des préjugés et stéréotypes antijuifs de l’époque moderne.
LE DOGME DE LA TERRE PROMISE.
Et pas par n’importe qui, mais par Dieu lui-même, le seul, le vrai, celui qui est le dieu de tout le monde.
Plusieurs peuples du Proche-Orient avaient reçu de leur dieu-ou-démon de semblables promesses.
En Égypte, sur la stèle poétique de Karnak, dressée par Thoutmosis III (au XVe siècle avant notre ère) pour célébrer ses victoires, le dieu-ou-démon Ammon déclare : « Je t’assigne, par décret, la terre de long en large ».
Dans le poème babylonien de la création (du XIe siècle avant notre ère), il est dit aussi que le dieu-ou-démon Mardouk fixe à chacun son domaine et qu’il ordonne, pour sceller son Alliance avec le peuple des Anounnakis de construire Babylone et son temple (« Construisez Babylone et son sanctuaire »).
Quant aux Hittites, ils célèbrent et chantent Ariniddou, la déesse-ou-démone, ou fée, solaire, d’Arinna, qui : « Veille sur le royaume des… et fixe les frontières du pays ».
De la même façon donc, les Judéens et leur dieu-ou-démon, Yaho/Yahou/Yhwh, ont élaboré, voici quelque trois mille ans, un contrat (l’Alliance) selon lequel, moyennant obéissance absolue, ils constitueraient son peuple privilégié et recevraient en échange une terre particulière.
La notion de Terre promise HA’ARETZ HAMUVTAKHAT occupe une place centrale dans la pensée juive.
C’est là évidemment le dogme religieux qui percute le plus le monde de la politique par définition.
Il existe en effet un certain nombre de passages dans le texte biblique où l’entité imaginaire appelée… appelée… Disons Dieu pour simplifier, accorde la terre de Canaan à divers de ses interlocuteurs ; Abraham Isaac Jacob Moïse, Josué, bref aux enfants d’Israël.
Nous disons bien « Terre de Canaan », car l’expression « Terre promise » n’existe nulle part dans nos textes. Et cette terre de Canaan elle n’était pas déserte ou habitée par une population clairsemée comme l’Australie du 18e siècle mais par des peuples ayant 3000 ans d’histoire, et à la pointe de la civilisation d’alors. Des villes comme Arad dans le Néguev ou Byblos au Liban, en relation commerciale avec l’Egypte, Hazor en relation avec Mari en Mésopotamie. On a même retrouvé des fragments de tablettes cunéiformes akkadiennes dans des villes puissamment fortifiées situées plus au sud comme Megiddo, Sichem, Silo, Lakish, Jaffa, Ascalon, Hébron. Ensuite ce sera le règne de la civilisation égyptienne avec Toutmosis I (-1504) qui durera jusqu’en -1140 avec Ramsès VI, période à laquelle entrent en scène des peuples comme les Shardanes ou les Peleset dont les liens avec les peuples locaux ne sont pas très clairs (Philistins, Hébreux ?) Les Philistins l’emportent au début sur les proto-israélites du fait de la supériorité de leur armement (chevaux chars et armement divers). Ils s’emparent même de l’Arche d’Alliance.
Tout le problème actuel porte sur l’interprétation de ces passages anciens, à la lumière des développements postérieurs.
La Bible hébraïque fait très fréquemment référence au don de la terre de Canaan à Abraham et à sa descendance. Pourtant, Abraham lui-même se désigne comme un étranger résidant en Canaan (Genèse 23,4), et achète un terrain pour enterrer sa femme au prix d’une somme rondelette versée à Efrôn le Hittite.
L’expression « Terre promise » renvoie donc au fait que le don à Abraham n’est pas immédiatement suivi de sa réalisation. En fait, la terre est davantage promise que donnée. Et si elle est donnée, elle reste simultanément à conquérir, c’est une terre qu’il faut à la fois recevoir et prendre. Dieu annonce qu’il chassera les Cananéens devant les israélites, mais selon d’autres textes et le récit du livre de Josué, les enfants d’Israël doivent combattre eux-mêmes pour entrer en possession de l’héritage promis.
Ce processus guerrier n’est pas nécessairement compris comme une obligation atemporelle ; certains sionistes religieux, au XXe siècle feront ainsi la différence entre l’obligation d’habiter le pays et celle de le conquérir par les armes, ne reconnaissant comme légitime que la négociation ou l’achat de terres.
La question de la réalisation de la promesse et de la possession du pays pose du même coup celle des frontières.
Nous n’aborderons pas ici la question des limites géographiques de cette terre promise, problème subalterne par excellence, mais la question de son principe.
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Les textes les plus anciens (Genèse 13,15 ; 17,8 ; Exode 32,13) semblent bien indiquer que ce don de la terre de Canaan aux enfants d’Israël EST IRRÉVOCABLE.
Jusqu’à la destruction du Premier Temple en 586 avant notre ère et l’exil du peuple juif en Babylonie, le peuple juif bénéficiait d’une souveraineté politique. Durant presque toute cette période, il disposait de son propre gouvernement. À ce titre, tout commandement de la Torah observé relevait du domaine politique public. D’une façon générale, les questions « religieuses » ou liturgiques étaient traitées par l’institution sacerdotale du Temple ; les questions « morales » ou civiles et criminelles étaient prises en charge par l’institution de la royauté.
Le peuple n’avait donc aucune réelle alternative au « judaïsme », quelle que soit sa dénomination. Il vivait sous une religion étatique unique. La seule alternative théologico-politique était l’exil individuel.
Tout cela changea néanmoins lorsque le peuple juif (dans sa totalité d’après la Bible) fut exilé. En Babylonie, il y avait une alternative, et de nombreux préférèrent donc rester (les fameuses tribus perdues d’Israël).
Après le retour de l’exil à Babylone se développera néanmoins l’idée que ce don (de la Terre promise) avait été conditionnel. L’historiographie biblique, de Josué à 2 Rois ou 2 Chroniques, peut être interprétée comme une tentative de rendre compte de la perte de la terre et du Temple, du fait d’une culpabilité d’ordre moral et/ou religieux, par l’infidélité du peuple et surtout de ses dirigeants vis-à-vis de l’alliance conclue entre Dieu et Israël, par exemple l’interdiction de se livrer à l’idolâtrie et aux crimes qui lui sont traditionnellement associés (meurtres, adultères, vols, parjures…). Le non-respect de ces conditions pouvait en effet entraîner la révocation de la donation.
Au moment du retour de l’Exil et durant la période du second Temple, les textes témoignent d’une focalisation sur le Temple et sur Jérusalem, et n’évoquent que rarement la terre et la promesse faite à Abraham. À l’inverse, il semble que la perte du Temple et de Jérusalem suite aux révoltes contre Rome de 66-73 et 132-135 ait paradoxalement contribué à revaloriser la terre comme élément de la relation entre Dieu et Israël, du moins dans les sources rabbiniques de Palestine.
Cette terre a un statut distinct, une forme de « sainteté », de par le rapport particulier qu’elle entretient avec Dieu, comme le souligne Deutéronome 11,11-12 : « Le pays dans lequel vous entrez pour en prendre possession est […] un pays dont l’Éternel, ton Dieu, prend soin et sur lequel l’Éternel, ton Dieu, a continuellement les yeux, du commencement à la fin de l’année. » C’est pourquoi certaines sources rabbiniques établiront par la suite un rapport d’analogie entre la terre choisie et élue par Dieu entre toutes, et le peuple choisi et élu par Dieu entre tous. Ce passage du Deutéronome contient comme le germe de la vision essentialiste et mystique de la terre d’Israël qui se développera par la suite dans certains courants du judaïsme, en particulier au Moyen Âge, par exemple chez Juda Halévi en Espagne (1075-1141).
Pour les juifs et toujours selon BERNARD Lazare, « Ce n’est donc qu’à Jérusalem seulement, et dans le pays donné par Dieu à leurs ancêtres, que les corps ressusciteront. Là, ceux qui ont cru à Yahvé, qui ont observé sa loi, obéi à sa parole, se réveilleront aux clameurs des ultimes clairons et paraîtront devant leur Seigneur. Ce n’est que là qu’ils pourront se relever à l’heure fixée, toute autre terre que celle arrosée par le Jourdain jaune étant une terre vile, pourrie par l’idolâtrie, privée de Dieu ».
Zeev Sternhell en conclut que le nationalisme juif n’éprouve aucune difficulté à refuser à autrui les droits élémentaires qu’avec une tranquillité d’esprit absolue, il exige pour lui-même. Confiant dans son bon droit à réclamer toute la terre de ses rois et de ses prophètes, le judaïsme ne peut concevoir qu’une autre légitimité puisse aussi exister au pays de la Bible.
LE COROLLAIRE IMMÉDIAT DU DOGME DE LA TERRE PROMISE.
La notion de guér, pluriel guérim, immigré ou étranger, résidant sur la terre d’Israël.
Genèse, 15, 18, associe les deux notions fondamentales de « lignée biologique » et de « Terre promise » en mettant dans la bouche de Yaho/Yhwh ces paroles : « J’ai octroyé à ta race ce territoire, du torrent de l’Égypte jusqu’au grand fleuve de l’Euphrate ». Les Hébreux ancêtres des Judéens avaient donc Dieu avec eux quand, emmenés par Josué, ils ont exterminé les populations de Canaan lors de la conquête de la Terre promise.
Exode. 33, 1 à 2. Ce Dieu ou le Démiurge de la Bible juive est un dieu-ou-démon de la guerre qui aide Israël à chasser les autres peuples de la Palestine.
23, 23 à 33 : le génocide par extermination ou déportation des Aryens, Hittites ou Philistins ou Jébusites, des Amorites, des Périzzites, des Cananéens, des Hiwwites, etc.
Deutéronome. Chapitre II, 12. « Les fils d’Ésaü ont déshérité et exterminé les Horim. Ils habitent à leur place, comme Israël a fait… »
Chapitre III, 22 «… c’est votre Dieu lui-même qui combat pour vous ».
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Chapitre VII, 1 à 24. « Quand le seigneur ton dieu te fera venir vers la terre dont tu viens prendre possession, il délogera de devant toi de nombreuses nations. Le Hittite, le Guirgashite, l’Amorrite, le Kena’anite, le Perizzite, le Hivite, le Jeboussite [de Jérusalem], sept peuples grands et vigoureux plus que toi. Le seigneur ton dieu te les livrera tu les frapperas et les anéantiras. Ne conclus pas de pacte avec eux, combats-les sans merci ».
Et enfin le livre de Josué.
Extermination finale :
— Des habitants de Jéricho (6, 21 à 26).
— Des habitants d’Aï (8, 24 à 26).
— Des habitants de Jérusalem (eh oui) d’Hébron, Yarmout, Lakish, Eglôn, etc., etc.
Chapitres 10 (20 à 43), et 19 (51).
Tels furent les lots attribués par Éléazar le prêtre, Josué, et les chefs de famille, aux tribus israélites, par tirage au sort, devant Dieu.
CONSTAT.
Le « sol », le « sang » (la lignée maternelle) et la référence biblique (la notion de terre promise) sont les trois piliers fondamentaux de l’État d’Israël actuel. Ce sont de riches ingrédients politiques puisés dans l’héritage religieux du judaïsme.
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LE RÔLE DE JÉRUSALEM (du monopole à la centralité).
Deutéronome 12, 11. Alors l’Éternel votre Dieu choisira un lieu pour y faire habiter son nom ; c’est là que vous apporterez tout ce que je vous ordonne : vos holocaustes, vos sacrifices, vos dîmes et vos offrandes prélevées sur le produit de votre travail et toutes les choses excellentes que vous offrirez à l’Éternel pour accomplir vos vœux.
Que ce lieu privilégié soit Jérusalem n’est précisé que dans les livres de Samuel et dans les livres des rois, à propos des règnes de David et de Salomon. Le seul problème est que ces livres ont été écrits plusieurs siècles après (après la date de rédaction du Deutéronome).
Pour les Samaritains, descendants des Hébreux n’ayant pas été déportés à Babylone (en gros le peuple des campagnes) ce lieu visé par le Deutéronome c’est le mont Garizim 880 mètres près de l’actuelle Naplouse.
Quatre passages de l’Ancien Testament accordent en effet un rôle privilégié au Mont Garizim.
Deutéronome, 11, 29 – Et lorsque l’Éternel, ton Dieu, t’aura fait entrer dans le pays dont tu vas prendre possession, tu prononceras la bénédiction sur la montagne de Garizim, et la malédiction sur la montagne d’Ebal.
Deutéronome, 27, 12 – Lorsque vous aurez passé le Jourdain, Siméon, Lévi, Juda, Issacar, Joseph et Benjamin, se tiendront sur le mont Garizim, pour bénir le peuple ;
Josué, 8, 33 – Tout Israël, ses anciens, ses officiers et ses juges, se tenait des deux côtés de l’arche, devant les sacrificateurs, les Lévites, qui portaient l’arche de l’alliance de l’Éternel ; les étrangers comme les enfants d’Israël étaient là, moitié du côté du mont Garizim, moitié du côté du mont Ebal, selon l’ordre qu’avait précédemment donné Moïse, serviteur de l’Éternel, de bénir le peuple d’Israël.
Juges, 9, 7 – Jotham en fut informé. Il alla se placer sur le sommet de la montagne de Garizim, et voici ce qu’il leur cria à haute voix : Écoutez-moi, habitants de Sichem, et que Dieu vous écoute !
Mais aucun de ces textes ne stipule expressément qu’il doit toujours en être ainsi et en toutes circonstances.
Les Samaritains n’ayant cessé de décliner depuis le retour des exilés de Babylone, jusqu’à frôler l’extinction complète de nos jours, la question est donc réglée et il est entendu partout où il y a des juifs que ce lieu de culte par définition du judaïsme c’est Jérusalem.
228
LA DÎME OU L’IMPÔT RELIGIEUX.
(Didrachme).
Tout culte a besoin de moyens matériels pour s’accomplir se perpétuer voire se développer.
Les offrandes et sacrifices obligatoires énumérés dans le Lévitique ou dans le Deutéronome ne sont pas présentés comme des impôts à proprement parler ; mais il s’agit bien entendu « d’impôts déguisés en offrandes ». Dieu est considéré comme le maître du peuple d’Israël, ses membres lui doivent donc une reconnaissance pratique, payée sous forme d’exigences de nature fiscale. Il s’agit d’affirmer à chaque instant sa soumission à Dieu : lors de la naissance d’un enfant ou du premier-né du bétail, lors des récoltes, lors d’un décès, etc. Dieu est aussi vu comme propriétaire de la terre ; les produits du sol sont dîmés en signe de reconnaissance pour les bienfaits divins et constituent une sorte de droit de fermage.
Le Deuxième livre des Rois garde le souvenir du sens initial du prélèvement : on y voit, en effet, un homme apporter ses prémices à Élisée et non aux prêtres. H.L. Ellison, interprétant cet épisode, écrit que l’homme a reconnu Élisée comme le seul vrai représentant de Dieu dans le pays ; il contrevient alors à la tradition, pour le motif que c’est à Dieu qu’il souhaite payer sa contribution. Le récipiendaire n’en est que le représentant ; c’est à la divinité qu’est supposé revenir le produit. À ses yeux Élisée est légitime pour cela, parce qu’il agit au nom de son dieu.
Pour ce qui est de la psychologie, le sacrifice d’Abraham sur Isaac ne diffère en rien des sacrifices humains pratiqués alors en Canaan, si ce n’est à la fin. Il est révélateur de la mentalité d’Abraham qui était prêt à pousser jusqu’au crime le désir de plaire à son dieu-ou-démon.
« Qui tue un bœuf une brebis ou un chevreau devant être consacré à Dieu (en fait destiné à nourrir les Lévites) sera puni de mort » (Lévitique, 17, 3).
En offrant aux divinités un peu de ce qu’elles accordent aux hommes – récolte, nouveau-né du troupeau, enfant, vie humaine – les religions anciennes espéraient éviter le courroux céleste et se concilier la bienveillance des êtres surnaturels qui gouvernent nos destinées.
Comme chez les Suméro-babyloniens (voir le mythe de la création de l’Homme chez eux) le sang eut donc un usage cultuel très important chez les Hébreux. Répandu sur l’autel lors des sacrifices, il était utilisé dans les rites de consécration (Exode. 29, 20).
Lors de l’alliance du Sinaï, la moitié du sang du sacrifice sera répandue sur le peuple et l’autre sur l’autel (quelle utilité pour le salut de nos âmes, aujourd’hui ?)
D’où le sort (rejeté et méprisé) réservé au malheureux Caïn qui n’avait, lui, que des végétaux à offrir.
Et la saine réaction d’Ésaïe, bien des générations plus tard, face à une religion si sanglante (1,13 à 17).
« Arrêtez de m’apporter des offrandes inutiles, leur fumée m’écœure.
Je suis excédé d’en être chargé. Je n’entends pas.
Vos mains sont pleines de sang, défendez plutôt la veuve et l’orphelin »…
REPÈRES CHRONOLOGIQUES.
A-Des origines à la royauté DANS LES TEXTES. Situation plutôt confuse. Théocratie ??? Des chefs de tribu ???
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B-Royauté. – 1040- 586. La lignée royale disparaîtra à Babylone vers – 560.
— Sur le plan religieux période dite du Premier temple – 960 -587. En fait il y a eu agrandissement d’un temple païen antérieur.
— Constat : il existe une autorité étatique, les rois et des grands-prêtres.
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C-Situation Postexilique.
Yehoud Medinata -537 – 323. Province perse.
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Province du royaume lagide des Ptolémées de – 323 à -201. Province du royaume séleucide de – 200 – 135.
Royauté Hasmonéenne de – 134 à – 63.
Le roi Hérode le Grand et l’ethnarque Hérode Archélaos de -37 à + 6.
La Judée province romaine de + 7 à + 324.
— Sur le plan religieux période dite du Second temple – 539 + 70.
— Constat : il existe des autorités civiles indépendantes ou pas (indépendantes de – 134 à – 63) et des grands prêtres.
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D – Destruction du temple de Jérusalem et Diaspora. +70 à…… 1948 ? Plus de Temple plus de grands-prêtres. Apparitions des rabbins.
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Si l’on en croit le texte sacré le roi Joas aurait veillé à ce que cet impôt tombé en désuétude soit de nouveau acquitté (2 Ch., 24,4-11), mais peut-être s’agit-il là, d’ailleurs, de l’origine de cette forme de prélèvement et non d’un rétablissement…
LA SITUATION APRÈS LE RETOUR DE DÉPORTATION.
— 538 à Jérusalem consécration d’un nouvel autel en l’honneur de Yhwh et commencement des travaux de reconstruction du Temple.
— 515 inauguration du nouveau Temple.
En l’absence de restauration de la royauté, il semble que la direction religieuse et politique de la nation juive au sein de l’Empire perse ait été alors confiée à un Kohen Gadol (grand-prêtre) et à Conseil des anciens (Sanhédrin).
Le texte sacré (Ne 10 ; 32-33) nous montre Néhémie prélever alors sur les juifs une capitation d’un tiers de sicle.
Pour le pouvoir central perse laisser la classe sacerdotale rebâtir le sanctuaire et lui permettre de recevoir des dîmes et offrandes obligatoires fut sans doute une façon « économique » d’asseoir sa domination sur ce peuple.
La chose va d’autant plus de soi quand le clergé s’occupe également de ce qui normalement relève de l’État, ce qui sera plusieurs fois le cas dans le judaïsme.
À son arrivée en – 332 Alexandre le Grand trouva une Jérusalem gouvernée par un Conseil des Anciens composé de trois factions rivales : d’influents patriciens juifs, des prêtres et des scribes.
Bien que son intention eût été de prendre la ville de Jérusalem et de la détruire avec son Temple afin de la punir du soutien à Darius de son grand-prêtre (Antiquités judaïques Livre XI, 317-319), Alexandre autorisa les Juifs à continuer de se gouverner eux-mêmes en échange de leur loyauté et du paiement d’un tribut. Les Lagides appliquèrent la politique d’Alexandre en autorisant les peuples qu’ils avaient conquis à se gouverner eux-mêmes.
À Jérusalem ce gouvernement traditionnel resta donc celui du grand-prêtre et de son sanhédrin.
Après sa nette victoire remportée en l’an – 200 à Panion au pied du Golan, sur l’armée de son rival (de 5 ans) Ptolémée V d’Égypte, le roi séleucide Antiochus III dit le grand, devenu maître de l’ensemble syrien et palestinien, accordera au peuple juif une charte très généreuse maintenant l’essentiel de son autonomie.
Le texte nous en a évidemment été rapporté par Flavius Josèphe. La ville de Jérusalem demeura donc une théocratie juive.
Les autres rois séleucides n’y changent rien et, à l’exception de trois ans de persécution sous Antiochos IV Épiphane, garantissent l’observation de la loi mosaïque à la ville sainte. Une ordonnance d’Antiochos III frappe même d’amendes les infractions à certaines prescriptions rituelles de la Torah.
Autour de Jérusalem le paiement au Temple d’un impôt ou dîme entrait naturellement dans le cadre de l’autonomie dont jouissait la nation juive pour s’administrer.
Ce versement se voulait égalitaire : « Tout homme compris dans le dénombrement, depuis l’âge de vingt ans et au-dessus, paiera le don prélevé pour l’Éternel. Soit un demi-sicle. Le riche ne paiera pas plus, et le pauvre ne paiera pas moins » (Ex 30,14-15).
Dieu ou Moïse aurait donc inventé la flat taxe. ?
N.B. Cet impôt destiné à financer le culte ne doit pas être néanmoins confondu avec ce que Moïse est censé avoir ordonné à propos des Égyptiens, et qui relève plutôt d’un classique esprit de vengeance.
Exode. 3, 21 à 22.
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« Ne partez pas les mains vides. Que chaque femme demande à sa voisine et à l’étrangère des objets d’argent, des objets d’or et des vêtements. Vous les mettrez sur vos fils et vos filles, vous en dépouillerez les Égyptiens ».
Les Hébreux sortiront donc d’Égypte comme des voleurs (Exode, 12, 35). D’où la réaction du pharaon évidemment (Poursuite, accrochages…).
Au cours de la période du Second Temple, la quotité a varié, mais le principe de l’égalité quelle que soit la richesse du contribuable a toujours été conservé.
Le nom de didrachme étant grec (une pièce de deux drachmes) cette appellation de la dîme due au Temple de Jérusalem doit remonter à la période hellénistique.
Si l’on en croit les calculs de Daniel Superbe, le didrachme versé chaque année ne représentait pas plus de deux journées de travail d’un ouvrier agricole. Sa faible valeur était compensée par le grand nombre des payeurs.
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LA SITUATION DANS LA DIASPORA.
Pour la Diaspora cela devait être un moyen d’affirmer de manière pratique ET VISIBLE son attachement à la « terre promise ». Ainsi que sa judéité ou son appartenance au peuple de Yhwh.
C’était d’ailleurs le sens même de cet impôt lorsqu’il avait été institué. Le livre de l’Exode l’attribue à Dieu lui-même en ces mots : « L’Éternel parla à Moïse et dit : lorsque tu compteras les enfants d’Israël pour en faire le dénombrement, chacun d’eux paiera à l’Éternel le rachat de sa personne, afin qu’ils ne soient frappés d’aucune plaie lors de ce dénombrement. Voici ce que donneront tous ceux qui seront compris dans le dénombrement : un demi-sicle […]. Ce sera pour les enfants d’Israël un souvenir devant l’Éternel pour le rachat de leurs personnes » (Ex 30,11-13 et 16).
On remarquera cependant que ce prélèvement n’avait pas, alors, vocation à devenir permanent : il ne s’agissait que du paiement effectué par les israélites que Moïse avait dénombrés, et destiné à l’entretien de la tente d’assignation (verset 15).
Les Juifs de la diaspora semblent avoir payé le didrachme aux autorités juives locales, dans les synagogues. D’après Jean Juster, il aurait été utilisé, dans un premier temps, pour subvenir aux besoins de la communauté locale ; seul le surplus était envoyé en Judée à l’occasion d’un pèlerinage, lors des grandes fêtes juives.
Ces transferts de fonds ont dû être importants, car plusieurs écrits romains en font mention. Citons notamment le cas fameux rapporté par Cicéron, dans son discours de défense de l’ancien propréteur d’Asie, Lucius Flaccus : « Comme, chaque année, il était d’habitude que l’or des Juifs fût exporté d’Italie et de toutes nos provinces vers Jérusalem, Flaccus, par un édit, interdit cette exportation vers l’Asie. Qui, juges, pourrait ne pas louer une telle mesure ? Avant et pendant mon consulat, le Sénat a interdit sévèrement d’exporter de l’or. […] On sait le compte de l’or, qui a été versé au Trésor Public » (Cicéron, Plaidoyer pour L. Flaccus, XXVIII).
Rome avait donc non seulement connaissance de ces versements, mais a même pu compter la somme versée par la province d’Asie en 59 avant notre ère.
Il s’agissait bien sûr d’une simple mesure protectionniste, mais elle fut très mal vue par la communauté juive de l’époque.
Flavius Josèphe mentionne plusieurs autres cas comparables au cours de la période tardo-républicaine.
En revanche, Jules César, lorsqu’il reconnaît au grand prêtre hasmonéen Hyrcan II les droits sur la fiscalité judéenne, inclut bien entendu dedans le demi-sicle. Il promet donc à l’ethnarque de respecter cet impôt et l’autonomie de sa perception. Rome admet le pouvoir du grand prêtre, considéré comme un souverain « ami ». L’impôt reste en place et garde son poids identitaire.
En 28 avant notre ère, Auguste lui-même, peut-être pour confirmer une décision de César, reprise localement par certains gouverneurs, affirme l’inviolabilité (asylie) de cette contribution ; il ordonne qu’on laisse ceux qui reçoivent « l’argent sacré » (khrèmata hiéra) pour l’envoyer à Jérusalem le faire où qu’ils soient.
Agrippa ajoute à ces édits le refus du droit d’asile à quiconque toucherait à l’argent des Juifs et vers 9 avant notre ère le proconsul d’Asie, Julius Antonius, promet une escorte pour ces sommes, qu’il nomme « des offrandes volontaires à la divinité ».
L’autorité romaine s’est donc d’abord montrée très réticente à voir tant d’argent quitter ses provinces, même après la conquête de la Judée par Pompée en 63 avant notre ère et César sera le premier à autoriser le paiement du didrachme, suivi par Auguste, qui le protège avec attention en rompant ainsi avec les mesures « protectionnistes » de la période républicaine.
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CONCLUSION.
Le didrachme est donc bien l’une des conséquences matérielles des conceptions théocratiques alors en vigueur en Judée. Le didrachme est présenté comme un ordre divin : il serait voulu par Dieu, perçu à la fois comme origine du pouvoir et destinataire de la contribution. C’est aussi un moyen pour obtenir les subsides nécessaires au bon fonctionnement du sanctuaire. Le didrachme oblige aussi chaque Juif à se positionner devant l’autorité sacerdotale, en choisissant, année après année, de le payer ou non.
Par l’égalité de son paiement, le didrachme signifiait certes, depuis son origine et encore au Ier siècle, l’égalité entre tous les Juifs, mais aussi l’attachement au temple de Jérusalem, voire la soumission à Dieu dans chaque instant de la vie du croyant.
Le judaïsme a instauré l’obligation pour chacun de verser aux instances religieuses la dixième partie de son revenu. (Deutéronome. 14, 22 à 29). Tout israélite doit donc la dîme pour les semences, les fruits, l’huile, les animaux. La tribu de Lévi, chargée des impôts, perçoit la dîme entière, et les prêtres la dîme de la dîme. Le Deutéronome en ajoute deux, l’une sur tous les revenus, payable à Jérusalem, l’autre pour les pauvres. Mais dès l’origine, cette dîme suscitera le mécontentement et la réprobation. Les collecteurs d’impôts qui forment la tribu de Lévi tomberont par exemple sous le coup d’un commun discrédit.
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AUTRE IDÉE ENTRANT DANS LA COMPOSITION DU JUDAÏSME (puisqu’une idéologie est toujours faite de plusieurs idées) : L’EXISTENCE D’ÊTRES INTERMÉDIAIRES ENTRE DIEU ET HUMAINS.
Les Cananéens avaient une sorte de trinité à 4 personnes : El, le Père, son épouse Ashérah ou Astarté, mère des dieu-ou-démons, leur fils Baal, et leur fille Anath, appelée la Vierge. Pour imposer le culte de YHWH (Yaho/Yahou) les Judéens l’assimileront à El et conserveront les créatures qui en sont les émanations sous la forme plurielle d’Élohim. La religion juive orthodoxe a fait, de ces entités, la cour céleste honorant YHWH. Ce que les hindous appellent vyouha et ce que les musulmans appelleront du chirk (pour le condamner).
Il en résulte une ambiguïté sur la personne du Dieu-ou-démon unique qui ne manquera donc pas d’engendrer, dans le judaïsme, et dans le judéo-christianisme après lui, des spéculations dualistes ou trinitaires à l’infini.
La Bible est en effet aussi remplie d’êtres appelés malak en hébreu, aggelos en grec, ange dans notre langue. Dits parfois fils de DIEU.
« Les fils de Dieu virent que les filles d’Adam étaient belles et ils se prirent des femmes parmi elles. Les Nephilim étaient sur terre en ce temps-là. De l’union des fils de Dieu et des filles d’Adam naquirent des enfants : les héros immortels ou de renom de cette époque » (Genèse.6,1-4).
Pour les juifs en effet il va de soi que l’ange se manifeste toujours sous des formes relevant du sexe masculin ; qu’il combatte avec Jacob, arrête le bras d’Abraham sur le point de sacrifier son fils, s’interpose entre le camp de l’Égypte et le camp d’Israël ; ou se propose de conduire le peuple élu vers la Terre promise.
Les anges font partie intégrante de la religion hébraïque. Pour les représenter en détail, les juifs ont eu aussi recours à l’imagerie religieuse sumérienne.
Après l’exil à Babylone (– 587 – 538) ils ont même utilisé les images religieuses aryennes de Perse pour en parler.
Les chérubins. Kéroubim. Singulier kéroub. L’étymologie akkadienne du mot nous renvoie à la notion de divinité inférieure jouant un rôle d’intercesseur auprès de divinités plus puissantes.
Le kéroub est un être mythique doté d’un buste d’homme et d’un corps de quadrupède ailé, synthétisant toutes les qualités des vivants : intelligence humaine, force des lions, vitesse des taureaux, indépendance des oiseaux.
Dans l’Ancien Testament les chérubins semblent être des entités, à deux ou quatre faces, et ayant pour fonction de protéger.
Ceux qui ont été placés par Dieu pour interdire aux Hommes tout retour dans le paradis terrestre (le Jardin d’Éden) seront dotés d’épées flamboyantes et tournoyantes (Genèse. 3, 24).
Dans le sanctuaire-tente du désert, deux statuettes en or représentant des chérubins surplombaient l’arche d’alliance (Exode. 37, 7 à 9).
Elle était toujours protégée par eux en 1 Rois 8, 6.
Dieu ou le Démiurge siège sur eux en 2 Samuel 6, 2 et 1 Chroniques 13, 6.
Les chérubins dont Ézéchiel affirme qu’ils portent le trône de la gloire de Dieu, sont des taureaux ailés analogues à ceux qui veillaient à l’entrée des temples sumériens. On s’est longtemps posé la question du sexe des anges. Il est vrai que les chérubins figurant dans le premier temple de Jérusalem étaient deux figures féminines, mais la tradition juive a depuis longtemps répondu qu’il y en avait aussi de mâles, puisque les deux chérubins qui leur succédèrent étaient accouplés ; au dire d’Antiochos IV Épiphane (– 175 – 164) qui, en détruisant le Temple, se moquera d’ailleurs de cette inspiration « pornographique ». On en sait moins par contre sur les séraphins (les serafim ou brûlants, de venin) dotés de SIX ailes (tant qu’à faire !). Ceux qui apparaissent dans le récit de la vocation d’Esaïe sont représentés avec des corps de serpents venimeux (Esaïe. 6, 2).
Sous David l’idéologie nationaliste du premier royaume hébreu a dans son discours légitimé le triomphe terrestre de Yaho/Yahou/YHWH, du moins tel qu’on l’espérait, par un triomphe céleste équivalent.
Les figures mythiques des autres nations [leurs dieu-ou-démons nationaux] ont été soumises, toujours dans cette idéologie religieuse, au dieu-ou-démon d’Israël, YHWH : elles ne devaient former que sa cour. Du moins dans l’esprit des rédacteurs successifs de la Bible évidemment ; et c’est ainsi que le
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destin historique de toutes les autres nations a été conçu par eux comme devant être dirigé par des entités angéliques [ou plus exactement divines] placées sous l’autorité suprême de Yaho/Yahou/YHWH.
Certains courants de la religion juive ultérieure (voir par exemple le livre apocryphe d’Hénoch) ont vu tous ces anges-élohim comme étant organisés sous la direction de chefs (4 ou 7 suivant les époques) appelés archanges. Michaël, Raphaël, Ouriel, Gabriel… la terminaison – El, qui désigne Dieu, indique les plus importants. Michaël (qui est comme Dieu) prince des anges, occupe le sommet de cette pyramide hiérarchique vu son nom. Je suis, dit-il, dans un des livres d’Hénoch, l’ange qui intercède pour la nation d’Israël, en sorte qu’elle ne soit point anéantie. Ce serait donc lui qui, au siècle dernier, serait intervenu à la fin des années quarante pour éviter que le génocide des juifs d’Europe, entrepris par le baptisé catholique Adolf Hitler, n’aille jusqu’à son terme ; et pour que l’État juif prenne enfin corps en Palestine.
Raphaël signifie « Dieu sauve ».
Ouriel signifie « Lumière de Dieu ».
Gabriel signifie « Dieu est ma force ».
Ce flot d’imagination a culminé avec le christianisme. Beaucoup plus détaillé qu’Hénoch, saint Paul, dans sa lettre aux Colossiens, évoque cinq catégories différentes d’anges (principautés, trônes, puissances, dominations, et vertus). Dans son Dictionnaire des anges, Gustav Davidson dénombrera un millier de créatures bénéfiques ou malfaisantes. Albert le Grand, lui, comptait 66 666 légions de 66 666 anges chacune, ce qui porterait alors leur total à 4 444 355 556. Enfoncés les 3000 anges de la bataille de Badr dans l’islam !
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DIABLES DÉMONS ET AUTRES ANTI DIEU.
Dualisme… Principe philosophico-religieux selon lequel s’opposent dans le monde deux forces antagonistes, le Bien contre le Mal, la Lumière contre les Ténèbres, le Dieu Bon contre le Méchant Diable, etc.
LE DIABLE.
La mythologie biblique bien-pensante identifie le Serpent du jardin d’Éden à Satan (forme hébraïque) ou au Diable (forme issue du grec) déguisé, c’est-à-dire à Lucifer. Celui-ci se serait révolté le sixième jour, n’admettant pas que Dieu eût ordonné à ses milices célestes d’adorer Adam. Dans ce dualisme qui ne veut pas dire son nom, il joue le rôle de grand Tentateur.
Mais il existe aussi d’autres créatures bibliques jouant également plus ou moins ce rôle.
LES MONSTRES.
Le Léviathan. Monstre du chaos primitif, symbole des forces hostiles, appartenant à la mythologie ougaritique ou phénicienne de Ras Sharma (le Lotan) ; et souvent représenté sous la forme d’un serpent ou d’un dragon à sept têtes symbolisant la mer déchaînée. En Job, 40,15, il est assimilé à un crocodile. Rahab est un autre nom du Léviathan. Cette figure mythologique du Mal, comparable à la Tianmat babylonienne, est associée elle aussi, et comme le Léviathan, à la mer déchaînée et aux monstres marins.
LES DÉMONS.
Azazel est une sorte de démon du désert (Lévitique.16, 8). La Septante traduit ce terme par apopompaios (« qui écarte les fléaux »). La Kabbale et le Midrash y voient la combinaison des noms de deux anges déchus « Ouza » et « Azaël », descendus sur Terre à l’époque de Tubal-Cain (Gn 4). Azazel serait alors un des noms de Satan. C’est ce que reprend l’hébreu moderne familier où : « Va à Azazel » signifie : « Va au diable ». Le rituel du bouc émissaire était une sorte d’exorcisme consistant à offrir un bouc au démon appelé Azazel afin de détourner de la collectivité la colère de Dieu.
Il existe aussi d’autres démons, à corps de bouc poilu, mais anonymes cette fois-ci, mentionnés en Lévitique, 17, 7. Lilith est un démon femelle qui hante les ruines la nuit. Voir par exemple Esaïe, 34,14. Le terme est emprunté à la mythologie babylonienne.
Bélial. Nom hébreu du dieu-ou-démon ougaritique de la mort (Môt).
Les Refaim, eux, sont des géants de Transjordanie plus ou moins associés à la mort (des fantômes ? ?)
L’ANTE-CHRIST.
Bien que surtout popularisé par l’apocalypse attribuée à Jean, ce concept remonte au moins au IIe siècle avant notre ère ; alors que sous Antiochos IV Épiphane, le pillage du Temple de Jérusalem et l’hellénisation forcée, avaient suscité la révolte de Mattathias Maccabée, et de son fils Juda.
L’Antéchrist relève toujours de la psychologie humaine la plus profonde et pour les juifs il est conçu comme exécutant les décisions de Bélial, avatar du dieu-ou-démon de la mort, du néant et du négatif, ougaritique.
Il servira donc de repoussoir à toute une longue série de messies voulant assurer le salut de la nation, du peuple juif, ou de la terre entière.
Mais ainsi que l’a très bien dit en son temps le Français Pierre-Joseph Proudhon en quelques phrases, que nous pensons pouvoir résumer ainsi (en cas d’erreur de compréhension de notre part, nous le faire savoir) ; « S’il est un être qui avant nous et plus que nous a mérité l’enfer, c’est Dieu. Les fautes dont nous lui demandons la remise, c’est lui qui nous les fait commettre ; les pièges dont nous le conjurons de nous délivrer, c’est lui qui nous les a tendus ; et le Satan qui nous assiège, ce Satan, c’est lui » (Pierre-Joseph Proudhon. Système des contradictions économiques ou philosophie de la misère).
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MISOGYNIE.
Il est évident que les dieu-ou-démons créateurs du monde ont été pensés par les premiers hommes comme étant au départ… des déesse-ou-démones ! Ou des fées, si l’on préfère !
Les premières spéculations humaines sur la naissance du monde et des hommes n’ont pu en effet qu’être élaborées en termes de procréation ou de maternité, divines.
Le culte de la Grande Déesse-ou-démone, c’est-à-dire du principe féminin, Créatrice de Vie ou Reine du Ciel, est probablement la plus ancienne forme de religion qui puisse être connue. Il fut l’objet d’une violente répression de la part des croyants sectateurs des mythes babyloniens puis bibliques, qui en effacèrent jusqu’au souvenir, afin de mieux faire prévaloir l’exclusivisme du « Notre Père ». L’ancien Israël tint la femme pour un être inférieur, conformément à la malédiction lancée sur elle par les Élohim dans la Genèse.
À la femme, il dit : « Je multiplierai, je multiplierai, ta peine et ta grossesse, tu enfanteras des fils dans la douleur. À ton homme sera attachée ta passion : il te gouvernera » (Genèse. 3, 16).
Il était par exemple interdit aux femmes de pénétrer en un lieu où avait été déposée, ne serait-ce qu’un moment, l’arche d’alliance avec Dieu : 2 Chroniques, 8,11.
Et une des plus anciennes prières juives à réciter chaque matin pour les pratiquants (hommes), la prière du Shaharit, est encore celle-ci : « Béni soit l’Éternel qui ne m’a pas fait femme ».
Quant aux femmes, elles, elles doivent simplement se contenter de remercier Dieu de les avoir faites comme elles sont. « Béni soit l’Éternel notre Dieu, roi de l’univers, qui m’a faite selon sa volonté ». Sans commentaire !
Voir ci-dessous.
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LA VOIX DU GHETTO.
Le haredi est, étymologiquement parlant, celui qui est « terrifié » à l’idée de violer une des 613 mitzvot du judaïsme.
Autrement dit et du point de vue athée, un malade mental qui se pourrit lui-même la vie. De minimis non curat druis. Dieu, S’IL EXISTE, NE PEUT PAS ÊTRE AUSSI……… Mais enfin BEATI PAUPERES SPIRITU nous traiterons donc dans ce chapitre de la façon dont cet aliéné peut pourrir la vie des autres, de ceux qui se contentent des 3 ou 4 lois noahides (sur 7) qui se défendent à savoir la première la cinquième et la sixième. Les autres sont des bouffonneries.
Précisons tout d’abord que les haredim ne se définissent pas eux-mêmes comme des ultra-orthodoxes, mais comme des juifs orthodoxes. Et ajoutons que la notion de « juifs orthodoxes » n’existait pas autrefois : il aurait fallu pour cela qu’il existe des « juifs hétérodoxes ». Or il n’y en avait pas. Ou du moins ils n’étaient pas assez nombreux (cas des karaïtes par exemple) pour qu’une dénomination spécifique leur soit attribuée.
Ces juifs ultra-orthodoxes ainsi définis donc, ceci dit sans vouloir les offenser, mais uniquement pour être compris du grand public, ne constituent pas un ensemble uniforme et comprennent en leur sein des hassidim, des mitnagdim, des séfarades, des mizrahim, etc.
Historiquement, l’ultraorthodoxie est ashkénaze. Il y a donc peu de haredim sépharades. Les communautés haredi respectent néanmoins les mêmes principes, chacune y apportant seulement ses quelques variantes.
Historique.
En Espagne dans le cadre de l’empire arabo-musulman et dans le sud de la France nous avons vu avec BERNARD Lazare quels furent les grands noms de la pensée juive qui essayèrent, mais en vain d’arracher le juif pieux à sa prison mentale. Sa bête noire à lui c’est le Talmud.
Au XIXe siècle, la modernité occidentale entraîna en Allemagne puis dans le reste de l’Europe de fortes évolutions du judaïsme. On vit en particulier apparaître dans la première moitié du XIXe siècle en Allemagne un « judaïsme réformé », qui entendit réviser la place du Talmud. A contrario le judaïsme qui ne suivait pas ce mouvement de pensée dut se définir comme gardien de la tradition religieuse et donc se voir attribuer la qualité d’orthodoxe.
Mais la question de la « modernisation » de la religion juive ne fut pas la seule à se poser. C’est la question de la modernisation des sociétés juives dans leur ensemble (structures sociales, structures de pouvoir, rapport à l’État) qui fut aussi soulevée et sur ces différents points, les réponses entre orthodoxes divergèrent.
Notons tout d’abord qu’il y eut un courant réformé ou assimilationniste estimant que le fait religieux juif devait rester purement privé. Par exemple Karl Marx. Rien à redire à cela.
Un autre courant se contenta d’une approche prudemment ouverte à la modernité technique et sociale. Les Juifs doivent aussi exister en tant que collectivité organisée. Et ils doivent refuser les aspects du monde moderne contraires aux 613 mitzvot (commandements) recensées par la tradition ou du moins rester proches de leurs valeurs, mais ils peuvent aussi participer à la vie de la société dans laquelle ils évoluent.
Dans un premier temps, les orthodoxes restèrent unis. Les orthodoxes modernes allemands et les conservateurs est européens fondèrent par exemple le parti Agoudat Israël en 1912 en Pologne. Ils sont à l’époque pénétrés des risques courus par les Juifs religieux en général dans le monde d’alors et rejettent ensemble le sionisme, l’assimilation, le socialisme, l’athéisme, etc. Mais dans l’entre-deux-guerres, les divergences entre orthodoxes « modernes », et conservateurs s’accentuèrent. Les orthodoxes « modernes » ont d’ailleurs quitté l’Agoudat Israël à cette époque.
Ne restera par conséquent dans l’Agoudat Israël que la sensibilité religieuse rejetant en bloc l’entrée dans les sociétés occidentales, considérées comme antinomiques dans leurs valeurs avec la tradition juive. Ce courant s’est surtout exprimé en Europe centrale et orientale. Il accepte certains aspects de la modernité technique, mais réfute presque tous les aspects de la « modernité » sociale ou politique : démocratie, égalité des sexes, etc. CE SONT LES HAREDIM.
Le monde haredi a aujourd’hui des spécificités nombreuses, tant vis-à-vis des non-juifs que des juifs laïcs et des juifs religieux orthodoxes « modernes ». Les orthodoxes « modernes » et les haredim ne
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diffèrent pas d’un point de vue théologique, mais dans leur mode de vie et leurs orientations politiques.
Deux principes fondamentaux sont appliqués dans le monde haredi : Daat Torah : « ce que dit la Torah », et Emounat Hakhamim : « la foi dans les sages ». Il s’agit d’un système de pensée unique sur lequel nous reviendrons plus en détail…
L’idéal des haredim reste une vie juive regroupée autour des rabbins, refusant beaucoup des aspects du monde moderne (la télévision est particulièrement rejetée), avec des quartiers séparés des non-juifs ou des Juifs laïcs. Physiquement, leurs vêtements noirs (les « hommes en noir » dit-on en Israël pour en parler) les font remarquer facilement. On n’est cependant pas en présence d’une attitude de rejet de la modernité aussi radicale que celle des amish : l’électricité, la voiture, l’ordinateur, l’avion, sont acceptés.
La vision fondamentale des haredim est que le monde qui les entoure est une source permanente de perversion. La télévision ou la publicité y sont une source d’images débauchées ou violentes. Les valeurs d’indépendance de l’individu, de relativisme idéologique, d’égalité des sexes ou des religions sont rejetées. Il est illusoire de croire, comme le font les juifs orthodoxes, qu’on peut vivre dans ce monde tout en respectant strictement les 613 mitzvot. La menace est permanente. Pour ne pas y succomber, il faut donc vivre en groupe, dans des quartiers à part, sous la stricte direction des rabbins.
Les haredim sont aujourd’hui surtout nombreux en Israël et aux États-Unis. On en trouve aussi des communautés relativement importantes en Grande-Bretagne et en Belgique principalement à Anvers, à Londres, mais aussi à Paris ou Zurich.
Ils sont aujourd’hui fortement implantés en Israël, où ils ont leurs quartiers (et même leurs villes), leurs partis politiques, leurs magasins et leurs écoles. En Israël, les principales communautés sont par ordre d’importance décroissante…
— L’agglomération de Jérusalem, où ils sont environ 200 000.
— Bnei Brak, une ville presque totalement ultra-orthodoxe de 200 000 habitants dans la banlieue de Tel-Aviv
— Ashdod, où plus de 50 000 haredim vivent au sud de Tel-Aviv
— Betar Illit et Modiin Illit des colonies israéliennes de Cisjordanie (Judée-Samarie), créées au milieu des années 1990 et situées à proximité de l’ancienne « ligne verte ». Elles comptent chacune plus de 50 000 habitants.
Depuis la fin du XIXe siècle, ils rejettent partiellement la modernité, que ce soit dans le domaine des mœurs ou des idéologies. Du fait de leur méfiance vis-à-vis des innovations sociales, les haredim vivent généralement en marge des sociétés laïques environnantes, même juives, dans leurs quartiers et sous la direction de leurs rabbins, seule source de pouvoir pleinement légitime à leurs yeux. C’est aussi le plus important groupe juif actuel affichant ses réticences face au sionisme, et même parfois son hostilité.
POSITION VIS-À-VIS DU SIONISME ET DE L’ÉTAT D’ISRAËL.
Les haredim rejettent originellement assez largement le sionisme, encore que ce rejet ait connu des évolutions. Selon une thèse historiquement dominante (mais pas exclusive) chez les religieux, Dieu a détruit les royaumes d’Israël et de Juda pour punir les Juifs, et seul son messie pourra recréer le royaume de David.
La vie en terre sainte est possible, mais toute tentative autonome de créer un État est une révolte contre Dieu. Le Talmud de Babylone (Massekhet Ketoubot 111a), dans son commentaire d’un verset assez obscur, mais répété 3 fois, du Cantique des cantiques (versets 2,7 ; 3,5 ; 8,4) déclare par exemple…
À quoi servent ces trois serments ?
Un, pour que les Juifs ne montent pas en Eretz Israël en masse, mais petit à petit.
L’autre, pour que le Saint, béni soit-il, adjure les Juifs de ne pas se rebeller contre la domination des nations du monde.
Et le dernier pour dire que le Saint, béni soit-il, a exhorté les nations du monde à ne pas trop soumettre les Juifs.
Euh…………………………………
Il s’agirait donc en gros, très gros, du volet juif des obligations de protection qu’implique la dhimma musulmane vis-à-vis des juifs. Un peu tiré par les cheveux quand même ! Peut-on jouer l’avenir d’une communauté sur d’aussi faibles indications ???
Enfin ce n’est pas notre problème ! si cette discussion nous donne l’occasion de rappeler encore une fois que nous sommes évidemment contre tout génocide cela va de soi, mais aussi, et là cela va
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moins de soi, pour le maintien de la biodiversité humaine physique mentale culturelle, notamment linguistique (toute langue est une façon de penser le monde).
Quoi qu’il en soit cette exégèse connue sous le nom « d’exégèse trois serments » est encore évoquée aujourd’hui par les Netourei Karta et les hassidim de Satmar (de Satu Mare en Roumanie), mais avec le temps les haredim ont fini (majoritairement du moins) par accepter l’État d’Israël. Les partis qui les représentent ont même des ministres. Mais le « culte » de l’État propre aux sionistes (même aux sionistes religieux) leur semble toujours être une idolâtrie condamnée par la Bible. D’où une attitude actuelle assez ambivalente faite d’acceptation et de réticence.
On peut aujourd’hui dénombrer quatre attitudes face au sionisme :
Une petite minorité, regroupée dans la Edah Haredit (centrée autour des hassidim de Satmar) et les Netourei Karta, est violemment antisioniste. Pour elle, le sionisme est toujours une rébellion contre Dieu, et doit donc être combattu. Le rejet est absolu. Ce rejet amène aussi au refus de l’hébreu moderne, considéré comme langue profane. L’hébreu doit rester une langue religieuse. À l’extrême inverse, on compte une petite minorité d’Haredi Tzioni qui se veulent à la fois haredim et sionistes religieux (généralement assez extrémistes d’ailleurs).
L’influent parti Shass, émanation des haredim séfarades, sans être historiquement Haredi Tzioni, a cependant annoncé en 2010 son ralliement officiel au sionisme et sa volonté d’adhérer à l’Organisation sioniste mondiale12.
Le courant dominant émet toujours des réserves sur le Sionisme, une idéologie qui même dans son versant religieux (incarné entre autres par le Parti National Religieux, une des principales expressions des orthodoxes « modernes ») implique de placer son espérance dans l’État et pas seulement en Dieu. Ce qui est une forme d’idolâtrie. Mais l’État juif suscite quand même un certain intérêt.
Une minorité assez importante de haredim s’est départie de cette réserve. On les retrouve aujourd’hui par exemple chez les hassidim de Loubavitch. Sans se rallier officiellement au sionisme, ils prennent de fait des positions très nationalistes. En outre, il est d’usage pour les hassidim de Loubavitch qui ont terminé leurs études religieuses d’effectuer leurs périodes de réserve dans l’armée israélienne.
LES RAPPORTS AVEC L’ARMÉE.
Les haredim n’ont pas de rapport positif à l’armée. La plupart à l’exception des Loubavitch refusent ainsi le service militaire, même dans l’armée israélienne.
HOMOSEXUALITÉ.
L’opposition à l’homosexualité génère en Israël des violences croissantes, liées à la visibilité montante de la communauté homosexuelle.
En 2005, un homosexuel a été poignardé par des haredim, en application d’un passage du Lévitique (20,13) punissant de mort l’homosexualité.
En novembre 2006, les manifestations violentes de haredim contre un défilé homosexuel à Jérusalem ont fait 860 000 dollars de dégâts.
STATUT DE LA FEMME.
La sexualité est particulièrement centrale dans le rejet par les haredim du monde moderne. La crainte de la tentation sexuelle est permanente. Non seulement la femme haredi doit avoir une tenue « pudique » (ce qui implique par exemple de cacher ses cheveux), mais toutes les femmes qui rentrent dans les quartiers haredi doivent théoriquement faire de même.
Les mariages se font jeunes, en général par l’entremise d’un marieur (Shadkhan), chargé de trouver et de proposer le meilleur parti. Avoir un maximum d’enfants est pour les haredim un commandement religieux important : « croissez et multipliez » (Genèse 1:28, 9:1,7). Sauf cas médicaux, les familles ont de 5 à 10 enfants (7 enfants par famille en moyenne en Israël en 2005).
La femme est sous l’autorité de son père jusqu’au mariage, puis celle de son mari. Ainsi, quand des conflits surviennent entre communautés haredim, ou lors des élections en Israël (voir plus bas), la femme doit suivre la communauté et le parti de son mari, non celui de son père.
La chasteté de la femme préoccupe énormément la société ultra-orthodoxe. Elle doit non seulement cacher ses cheveux, ses bras et ses jambes jusqu’à ses chevilles, mais même en présence de tiers, le moindre contact physique avec un homme qui n’est pas son mari lui est interdit. Selon la loi juive * (codifiée dans le Choulhan Arouk), elle ne doit d’ailleurs jamais se retrouver seule avec un homme autre que son mari (ou son père, grand-père, frère, fils, petit-fils, etc.). Il est également interdit à
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l’homme de se retrouver seul avec une femme autre que la sienne (ou l’une de ses proches parentes). Dans les années 1980, des passages piétons séparés pour les hommes et les femmes ont ainsi été créés dans certaines zones haredim, afin d’éviter les frôlements involontaires entre hommes et femmes sur les passages les plus fréquentés.
Fin 2007, à Jérusalem, ville avec une forte proportion de haredim, une trentaine de bus ont été aménagés pour permettre une séparation des sexes, les hommes ayant des places réservées à l’avant, et les femmes à l’arrière, tout mélange étant prohibé.
Toutes ces contraintes limitent fortement les capacités de sorties de la femme haredi, que ce soit pour les loisirs ou le travail.
En 2007, une enquête a montré que les hommes de la communauté ultra-orthodoxe consacrent la plupart de leur temps à l’étude religieuse et ne travaillent pas, la charge de gagner un revenu retombant sur les femmes. Ce travail est un facteur limité, mais réel de renforcement du poids de la femme haredi. Ce travail des femmes est néanmoins limité par deux facteurs.
Il n’est pas question d’accepter que la femme haredi travaille dans un milieu mixte hommes-femmes, ce qui réduit d’autant le nombre de postes accessibles.
Les grossesses fréquentes rebutent beaucoup d’employeurs.
Certains haredim considèrent néanmoins une telle évolution vers le travail des femmes comme un grave péché.
* Le Choulhan Arouk ou Shoulan Arouk est une sorte de charia juive écrite en 1563 par le talmudiste Joseph Caro (Espagne 1488 Turquie 1575).
MODE DE VIE.
L’étude des textes religieux dans une yechiva est l’objectif premier de tout homme haredi. Les haredim ont obtenu des financements d’État considérables pour leurs activités, ce qui permet à une forte proportion d’hommes adultes de consacrer tout leur temps à l’étude. En pratique, en particulier du fait d’une tendance à la diminution des aides étatiques, les statistiques montrent que la situation socio-économique contraint quand même bon nombre de haredim à travailler dans le secteur marchand. Néanmoins, plus de 70 % des ultra-orthodoxes hommes et environ 50 % des femmes sont sans emploi en diaspora, ces financements sont absents ou limités, et le temps passé à l’étude doit être rogné pour permettre un travail rémunérateur.
CROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE.
Aujourd’hui, en Israël et en diaspora, les haredim sont en croissance démographique assez rapide. Il y avait chez les Juifs israéliens 3 % de haredim déclarés en 1990, 5 % en 1999, 6 % en 2002 et 9 % en 2012. Ils représentent 25 % des enfants juifs d’Israël en 2006, d’après le bureau central des statistiques.
D’un point de vue socio-économique, leur refus (relatif) de l’éducation moderne et leur volonté de privilégier l’étude talmudique sur un travail dans le secteur marchand (surtout s’il est immergé dans le monde des laïcs) les amènent à des niveaux de vie assez modestes. Cette situation est particulièrement forte en Israël, où les communautés sont fermes sur ces points.
Mais malgré cette situation socio-économique, les haredim sont une population d’un grand dynamisme démographique. Les femmes se marient jeunes et ont 5 à 10 enfants (27 % des haredim israéliens déclarent vivre dans un logement surpeuplé, contre 2 % des juifs laïcs. De plus, certains orthodoxes glissent vers les pratiques ultra-orthodoxes, et certains Juifs traditionalistes, voire laïcs font Techouva (repentance) en devenant haredim.
Cette croissance parfois explosive entraîne des tensions avec les voisins. En effet, l’objectif des haredim est d’avoir des quartiers homogènes et relativement clos. Quand les haredim s’implantent en nombre dans un nouveau quartier, et c’est un mouvement permanent, ils tendent à y imposer leurs règles. Ainsi, à Jérusalem, « depuis quelques mois [texte écrit fin 2007], les membres d’une « patrouille de la pudeur » s’en prennent aussi aux femmes vêtues selon eux de façon « provocante », qui circulent dans les quartiers habités par les haredim (ultraorthodoxes) du nord de Jérusalem. La boutique de vêtements féminins Princesse, rue Méa Shéarim, reçoit régulièrement des visites de la patrouille. « Ils nous demandent de retirer de la vente des robes qu’ils jugent trop courtes, explique le patron. Si on veut faire affaire dans le quartier, il faut se plier aux règles : nos vêtements ne doivent rien laisser entrevoir de la peau, mis à part les mains et le visage. »
LES GHETTOS MODERNES.
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La volonté de contrôle social est une des raisons du choix des haredim de vivre dans des quartiers à part (souvent appelés ghettos en souvenir des anciens ghettos d’Europe orientale). Ils ont développé dans ces quartiers une société à part, avec ses magasins, ses écoles, ses institutions, ses journaux.
Pour éviter de trop nombreux conflits, les autorités israéliennes ont en effet accepté de créer de nouveaux quartiers ou de nouvelles villes spécialement pour les haredim, évitant ainsi une trop forte pression sur les quartiers « laïcs ». De nombreux quartiers de colonisation de Jérusalem-Est ont été créés à leurs bénéfices. Il a en été de même pour Bnei Brak, seconde ville haredi d’Israël, dans la banlieue de Tel-Aviv, ou pour l’importante colonie israélienne de Modiin Illit. Les Haredim représentent aujourd’hui 25 % de la population des implantations dans les territoires.
Cette croissance démographique et géographique rapide est parfois perçue (surtout à Jérusalem, où les haredim représentent presque le tiers de la population juive) comme une invasion par le voisinage. Régulièrement, le spectre d’une Jérusalem non sioniste (dominée par les Arabes et les haredim) ressurgit. De fait, en 2003, c’est un haredi, le rabbin Uri Lupolianski, qui a été élu maire de Jérusalem. Père de 12 enfants, considéré comme un modéré, il a cependant tenté d’interdire la Gay Pride de Jérusalem, mais a été débouté par la justice.
NIVEAU DE VIE.
On a vu que les haredim avaient des familles nombreuses, faisaient peu d’études « modernes » susceptibles de déboucher sur des emplois bien rémunérés, essayaient (surtout chez les hommes et en Israël) d’éviter un travail rémunéré pour se consacrer à l’étude religieuse. Ces trois phénomènes impliquent un niveau socio-économique assez défavorisé, surtout en Israël.
La croissance démographique rapide des haredim rend de plus en plus difficile le fait de ne compter que sur des fonds d’État qui ne sont pas extensibles à l’infini. On note donc une proportion croissante de haredim israéliens de sexe masculin qui occupent un emploi rémunéré (30 % en 2007).
En diaspora, le travail rémunéré est beaucoup plus répandu (faute de subventions), et les haredim y ont donc généralement un statut socio-économique plus favorable qu’en Israël. Néanmoins, le recensement national américain de 2008 place l’enclave haredi de Kiryas Joel, dans le comté d’Orange (État de New York), en tête du pays pour le taux de pauvreté. Avec un revenu moyen par foyer de 15 848 $, les deux tiers des habitants vivent sous le seuil de pauvreté et le pourcentage de résidents recevant une aide alimentaire de l’État est de 40 %28.
En Israël en 2005, les chiffres officiels indiquent que 21,3 % des haredim vivent en dessous du seuil de pauvreté. Les communautés israéliennes sont donc assez dépendantes des fonds éducatifs d’État, ainsi que des aides sociales de l’État Providence, ce qui renforce le rôle des partis politiques haredim (qui en répartissent certaines ou font pression pour les obtenir), et l’acceptation de fait de l’État sioniste, pourvoyeur de fonds.
POLITIQUE.
Certaines mitzvot ne peuvent pas facilement être respectées de façon individuelle. C’est le cas de l’interdiction de regarder des images de « stupre ». Or, celles-ci s’étalent sur les publicités murales ou les couvertures de magazines. D’où la tentative d’interdire toute femme dénudée sur ces supports (en Israël), au moins dans les quartiers haredim.
Il existe une tradition selon laquelle tout Juif est comptable du comportement des autres, ce qui fonde la punition collective de Dieu, détruisant l’Israël antique pour les manquements de certains. Le « bon comportement » des autres Juifs (les non-juifs ne sont pas concernés) intéresse donc aussi les haredim.
Certains chefs religieux, comme le Eliezer Shach, ont cependant parfois contesté les tentatives de coercition religieuse en Israël. Pour eux, elles amplifient le conflit avec les Juifs laïcs, elles n’empêchent pas ceux-ci de commettre leurs péchés dans le privé, et ne les sauvent donc pas de la punition divine. Enfin, demander à une Knesset comprenant des laïcs, des marxistes, des Arabes, de se prononcer sur la meilleure façon de suivre la loi religieuse juive n’est tout simplement pas sérieux.
Ce débat n’a jamais été vraiment tranché, mais la tendance à demander un renforcement de la législation religieuse en Israël est quand même dominante.
La société haredi n’est néanmoins pas fondamentalement intéressée par la politique, car la priorité doit aller au religieux. Cependant, pour préserver ses intérêts, elle a été amenée à créer des partis religieux (Agoudat Israël, à l’origine, puis le Shass et Degel HaTorah). L’Agoudat Israël fut d’abord actif en diaspora, mais lui et ses scissions le sont aujourd’hui essentiellement en Israël. Ces partis spécifiques, qui épousent les divisions internes au monde haredi israélien, ont une double fonction. D’un point de vue idéologique, il s’agit de pousser des lois contraignantes sur le respect des
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commandements et en général de défendre une vision religieuse du monde dans la sphère des institutions politiques. D’un point de vue pragmatique, il s’agit de défendre des intérêts des haredim, en particulier la collecte de fonds d’État pour le financement des familles nombreuses et des institutions religieuses. En dernière analyse, il s’agit de permettre à autant d’hommes que possible d’étudier au maximum, en perdant un minimum de temps dans des activités annexes, comme le travail rémunéré. La politique de réduction des aides sociales menée par le gouvernement israélien depuis 2001 a donc suscité de fortes oppositions.
SPÉCIFICITÉS.
Le monde haredi a de fortes spécificités.
Le séparatisme social (écoles spécifiques, magasins spécifiques), géographique (quartiers séparés, parfois physiquement fermés pendant le shabbat) et vestimentaire (vêtements noirs). Les orthodoxes « modernes » sont infiniment moins particularistes et n’ont par exemple ni quartiers réservés ni vêtements particuliers (à l’exception du port de la kippa et de vêtements « modestes » pour les femmes) ; des études religieuses extrêmement poussées. En Israël, les financements d’État des yechivot permettaient à une forte proportion de haredim d’étudier le Talmud toute leur vie, sans travail rémunéré. Aujourd’hui, les dons provenant essentiellement de l’étranger (États-Unis, France) financent les yeshivot. En effet, les aides de l’État ont considérablement diminué. Les orthodoxes « modernes » font par contre des études séculières et occupent des emplois dans les secteurs économiques classiques ; un rapport au sionisme allant d’une hostilité viscérale (très minoritaire), ou un simple rejet (minoritaire), à une vision positive (minoritaire), en passant par une neutralité intéressée, mais critique (majoritaire). Les orthodoxes « modernes » sont par contre aujourd’hui presque tous favorables au sionisme (ce qui n’était pas toujours le cas au début du XXe siècle).
Le refus des valeurs de la « modernité » sociale : mixité homme-femme, démocratie, « culte » de l’État, sexualité libérée. Dans ce domaine, les orthodoxes « modernes » sont plus ouverts, même si la liberté sexuelle est nettement rejetée. L’hostilité à la science. Pour les Haredim, le Talmud détient la vérité et ne saurait être contredit par une autre source de connaissance. Les sciences sont ainsi souvent considérées par les Haredim comme des menaces envers la foi orthodoxe. Chez les orthodoxes « modernes », la connaissance scientifique est plus acceptée, et il y a diverses tentatives de conciliation avec la foi.
En Israël, un statut socio-économique nettement inférieur à celui des orthodoxes « modernes ».
La vision extérieure des « hommes en noir » est donc souvent celle d’un groupe homogène et compact. Bien que globalement exacte, cette vision doit être nuancée : les haredim n’ont pas de direction commune, et sont traversés par de nombreux clivages ; la division entre mitnagdim ou lithuaniens et hassidim par exemple
VIOLENCES ANTI HAREDIM.
Les haredim suscitent régulièrement des réactions hostiles, particulièrement en Israël, tant du fait de leur politique de contraintes religieuses que de leurs différences visibles. Ces réactions peuvent aller jusqu’à la violence verbale ou physique. Ainsi, le sculpteur israélien Yigal Tumarkin…
Mais les cas d’agressions de juifs laïcs contre des haredim restent relativement isolés, ils sont néanmoins révélateurs d’une tension que la presse israélienne a baptisée le Kulturkampf (la guerre des cultures), du nom d’une campagne anticatholique lancée par Bismarck en Allemagne au XIXe siècle.
LES NON HAREDIM VUS PAR LES HAREDIM.
— Non-haredim non-juifs : la tradition juive orthodoxe indique que chaque peuple définit par lui-même son rapport à Dieu, mais que les Juifs ont un rôle spécial dans les projets de Dieu. Il n’est donc pas question de chercher à convertir les non-juifs (même si des conversions sont possibles à leur demande expresse). En définitive, les haredim sont assez indifférents à ce que pensent ou font les non-juifs. Compte tenu des persécutions passées, on note une certaine méfiance, et parfois une volonté de ne « pas provoquer les nations (goyim) ».
— Non-haredim juifs laïcs : l’idée générale est que le monde des Juifs laïcs est dangereux et corrompu., donc qu’il faut s’en séparer en vivant dans des quartiers réservés. Les haredim et les Juifs non religieux en Israël constituent aujourd’hui deux nations séparées. Cette situation ne pourra être changée que par la Techouva (repentance) de ceux qui se sont éloignés de la Torah. « En présence de Juifs non religieux, nous sommes enclins à nous comporter comme s’ils n’étaient même pas là ».
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Les hassidim de Loubavitch pratiquent néanmoins un prosélytisme intense chez les Juifs laïcs, alors que les autres communautés s’en tiennent plutôt à l’écart.
— Non-haredim juifs conservateurs (massortim) ou réformés : ces courants, apparus au XIXe siècle et aujourd’hui surtout puissants aux États-Unis, remettent partiellement en cause la Halakha (loi religieuse juive orthodoxe). Les haredim les considèrent comme juifs, quoique dangereusement éloignés de l’orthodoxie. Leurs rabbins ne sont pas reconnus, pas plus que leurs conversions. L’État d’Israël acceptant les conversions de ces rabbins si elles ont été effectuées hors d’Israël (mais ne les reconnaissant pas si elles ont eu lieu en Israël), on a donc des Israéliens reconnus comme Juifs par Israël, mais pas par les ultra-orthodoxes (ni même par les religieux orthodoxes « modernes », d’ailleurs). Un des combats politiques récurrents des partis haredim israéliens et des haredim américains depuis les années 1980 est ainsi de faire modifier la loi du retour israélienne, pour en exclure ces convertis – très peu nombreux dans la pratique. L’État s’est toujours refusé à une telle réforme, qui serait une déclaration de guerre contre le judaïsme américain dominé par ces courants progressistes.
— Non Haredim Falacha (Beta Israël Juifs d’Éthiopie) : Les haredim relevant du rav Yossef (Shass) les acceptent sans problème, l’ancien grand rabbin séfarade d’Israël les a reconnus comme Juifs en 1973. Les orthodoxes « modernes » les reconnaissent aussi comme pleinement juifs, mais d’autres groupes haredim sont beaucoup plus réticents. Certains ne les acceptent comme pleinement juifs qu’après une conversion accélérée par immersion dans un bain rituel (ce que les Beta Israël refusent en général).
— Non-Haredim samaritains et caraïtes : Quoique reconnus comme Juifs par Israël, du point de vue des haredim ce sont des groupes très hétérodoxes, totalement rejetés ; diverses accusations, parfois violentes, fleurissent contre eux : païens, cryptomusulmans, ennemis des juifs…
ET POUR FINIR LES HAREDIM VUS PAR LES NON-HAREDIM JUIFS LAÏCS.
Les haredim sont plus ou moins bien perçus par les juifs laïcs qui développent à leur égard des sentiments assez ambivalents… D’un côté, ils représentent une tradition à laquelle beaucoup de Juifs, même non pratiquants, restent attachés. Mais d’un autre côté, leur croissance démographique leur fait peur. Leur volonté de renforcer la coercition religieuse (en Israël au moins) est rejetée. Leur refus de faire leur service militaire est considéré comme un danger pour Israël. Leur assez large refus du travail, et leur demande de fonds étatiques (toujours en Israël) pour compenser ce refus sont souvent très mal perçus. On lit parfois des mots comme « parasitisme » ou « racket » dans la presse. Le parti Shinouï a ainsi basé son succès électoral de 2003 (15 sièges) sur une forte dénonciation des lois religieuses contraignantes et des aides financières aux haredim.
POINT DE VUE À LA ARTHUR KOESTLER.
Que des juifs aient pu penser que l’hostilité envers les juifs résultait non pas d’une différence de croyance ou de culture entre juifs et non-juifs, mais d’une différence de nature profonde ; permet de réaliser ce que la notion de peuple élu peut avoir de pervers.
Combien de temps faudra-t-il aux représentants du judaïsme ; pour qu’ils reconnaissent que cette notion – presque toujours péjorative – d’étranger, de guér, de goy, de personnage incomplet, inachevé, infirme, barbare, carencé par nature, voire impur, bref, d’autre par excellence, a contribué à un recul décisif du judaïsme par rapport au Moreh Ha Neboukhim ou guide des égarés d’un Moïse Maïmonide (pourtant toujours adepte de l’idée pharisienne de la résurrection des corps *) ou à la Haskalah d’un Moïse Mendelssohn (qui était pourtant profondément croyant et n’alla jamais jusqu’à remettre en cause le totem Moïse).
* À ne pas confondre avec la notion de corps glorieux c’est-à-dire d’être doté après la mort d’un corps régénéré, d’un corps idéal (bellissama pour les femmes par exemple) comme illuminé de l’intérieur par une lumière divine (luan laith lon laith lon gaile).
ISRAËL ET LA DIASPORA.
« La religion israélite (à la différence du christianisme, de l’Islam, du bouddhisme) suppose l’appartenance à une nation historique, à un peuple élu. Toutes les fêtes israélites commémorent des événements de l’histoire nationale : la sortie d’Égypte, la révolte des Macchabées, la mort de l’oppresseur Aman, la destruction du Temple. L’Ancien Testament est avant tout un livre d’histoire nationale, son credo est plus tribal qu’universel.
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Chaque prière, chaque rite, proclame l’appartenance à une ancienne race, ce qui place automatiquement les juifs en dehors du passé racial et historique, des peuples au milieu desquels ils vivent. La religion israélite, comme le montrent deux mille ans de tragédies, engendre nationalement et socialement sa ségrégation. Elle met le juif à part, elle invite à le mettre à part. Elle crée automatiquement des ghettos matériels et culturels. Elle a fait des juifs de la diaspora une pseudonation dépourvue de tous les attributs et privilèges de la nationalité, mollement rassemblée par un système de croyances traditionnelles fondées sur des postulats raciaux et historiques qui se révèlent illusoires… Dans la diaspora le judaïsme orthodoxe s’éteint, et c’est l’immense majorité des juifs éclairés ou agnostiques qui perpétuent le paradoxe en s’accrochant loyalement à leur statut pseudonational parce qu’ils se croient tenus de conserver la tradition juive.
Mais il n’est pas facile de définir ce que signifie cette expression de « tradition juive » pour la majorité cultivée qui rejette la doctrine du Peuple élu…
Après la destruction de Jérusalem, les juifs cessèrent d’avoir en propre une langue et une culture profane. Comme langue parlée l’hébreu avait déjà cédé la place à l’araméen avant l’ère chrétienne ; en Espagne les savants et les poètes juifs se servaient de l’arabe ; plus tard leurs successeurs écrivirent en allemand, en polonais, en russe, en anglais, en français. Des communautés juives se donnèrent des dialectes comme le yiddish et le ladino, dont aucun ne produisit d’œuvres comparables aux remarquables contributions juives à la littérature allemande, austro-hongroise ou américaine.
La principale activité littéraire spécifiquement juive de la diaspora s’exerça dans le domaine de la théologie. Mais le
Talmud, la Kabbale et les gros tomes d’exégèse biblique sont à peu près inconnus du public juif contemporain, bien qu’ils soient, encore une fois, les seules reliques d’une tradition spécialement juive (si l’on veut donner un sens concret à ce terme) au cours des deux derniers millénaires. Autrement dit, dans tout ce qu’a pu produire la diaspora il y a soit des œuvres qui ne sont pas particulièrement juives, soit des œuvres qui ne font pas partie d’une tradition vivante. Des juifs ont fourni à la culture de leurs pays-hôtes des contributions philosophiques, scientifiques ou artistiques, qui ne constituent ni un patrimoine culturel ni un ensemble de traditions autonome.
En somme, les juifs d’aujourd’hui n’ont pas de tradition culturelle en commun ils ont seulement des habitudes et des comportements qui, par transmission sociale, proviennent de l’expérience traumatisante du ghetto, ainsi que d’une religion qu’en général ils ne pratiquent pas, à laquelle ils ne croient plus, mais qui leur confère cependant un statut pseudonational.
Il est clair qu’à long terme (j’ai essayé de le montrer ailleurs) la solution du paradoxe ne peut être que l’émigration en Israël ou l’assimilation progressive aux pays hôtes. Avant l’holocauste nazi, ce dernier processus battait son plein ; et en 1975 on pouvait lire dans Time Magazine que les juifs américains « tendent de plus en plus à épouser hors de leur religion ; il y a presque un tiers de mariages mixtes ».
Et pourtant l’influence persistante du message racial et historique du judaïsme, bien qu’il soit fondé sur des illusions, sert de frein affectif puissant en faisant appel au loyalisme tribal. C’est dans ce contexte que le rôle joué par la treizième tribu dans l’histoire de leurs ancêtres peut concerner les juifs de la diaspora. Mais encore une fois il ne concerne pas les modernes Israéliens qui ont acquis une authentique identité nationale. Une des principales contributions à la connaissance de l’héritage khazar des juifs, qui sape la légende du peuple élu, est due à Abraham Poliak, professeur d’Histoire à l’université de Tel-Aviv et sans doute bon patriote : cela peut paraître symbolique. Il est peut-être significatif aussi que le « sabra » né en Israël représente physiquement et mentalement tout l’opposé du « juif typique » élevé dans le ghetto ». LA TREIZIÈME TRIBU : L’EMPIRE KHAZAR ET SON HÉRITAGE. Arthur Koestler, New York : Random House. 1976.
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le souligner, le mot race utilisé par Arthur Koestler dans son livre est à manipuler avec une extrême précaution et, répétons-le encore une fois : il n’y a plus de race pure depuis longtemps. Il n’existe que des ethnies humaines caractérisées par telle ou telle fréquence (d’apparition) génique.
Ce qui joue un rôle dans l’Histoire par contre ce sont les races « culturelles » ou plus précisément les conditionnements culturels. N’en déplaise à M. Adolf Hitler, à Moïse, ou aux religieux ultra-orthodoxes genre Eitan.
La dernière grande historienne du judaïsme, Esther Benbassa, est devenue très pessimiste ou du moins sans illusion à ce sujet. La phase actuelle, depuis 1945, est manifestement une phase qui s’accompagne d’une ghettoïsation accélérée, avec un redoutable retour de la religion, comme le montrent à l’évidence, non seulement l’État d’Israël, mais les divers pays, occidentaux notamment, où vivent des juifs. « Je rencontre de plus en plus de juifs qui me semblent vivre dans une sorte d’aquarium. Ils écoutent les radios juives, ils lisent la presse juive, ils vivent avec des juifs, ils vont voir des films juifs. L’auto-enfermement de certains orthodoxes, on le comprend. Le mode de vie, les règles diététiques imposent une certaine mise à distance. Là n’est pas le plus inquiétant ni le plus
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étonnant. Je parle des autres. Et l’on peut encore ajouter à cela le fait que les enfants juifs vont en grand nombre dans des écoles qui n’admettent – au mépris de l’esprit de la loi – qu’une proportion « infinitésimale » d’enfants non-juifs. En France, c’est pire, car la soi-disant patrie des droits de l’Homme allie en ce domaine l’inefficacité à l’hypocrisie. La Laïcité dont elle se vante y est devenue un vain mot, un hochet, un chiffon rouge que l’on agite sous le nez des taureaux que l’on veut réveiller. Dans ces établissements, nouveaux ghettos pour enfants et jeunes gens, dont les effectifs sont soumis à une forte croissance, et qui constituent un pôle communautariste sans précédent ; les quatre piliers de l’enseignement sont « apprendre à être juif, connaître l’hébreu, aimer Israël, s’ouvrir à la vie sociale ».
Rejetant à la fois l’assimilation des juifs dans les communautés de non-juifs (au nom du mythe de l’Élection divine) et l’assimilation des non-juifs dans les communautés de juifs (au nom de la loi du retour ou de la loi rabbinique sur la transmission par les femmes de la judéité) ; le judaïsme condamne les siens à passer de ghetto en ghetto, que ce ghetto soit territorial ou intellectuel. Voir le malheureux contre-exemple de l’actuel État d’Israël.
Le phénomène d’appartenance est très puissant au sein des minorités ethniques et religieuses de par le monde, cela fait partie de l’instinct grégaire. L’union fait la force dit le proverbe. L’instinct grégaire est propre à une certaine forme de pensée primordiale. Dès que l’espèce se sent menacée par un danger extérieur, ses membres sont attirés l’un vers l’autre pour se rassurer et se renforcer face à l’adversité. Même les animaux forment des coalitions entre sous-groupes lors d’une attaque qui menace le groupe entier. On remarque cela de manière très nette chez les primates. Normal me direz-vous puisque ce sont nos cousins.
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LA PRÉFÉRENCE NATIONALE OU LA LOGIQUE COMMUNAUTAIRE
(peuple élu/gentils goïm/guérim).
« Un peuple à part ne devant pas être compté avec les autres » (Nombres, 23, 9).
« Aucun étranger, incirconcis de cœur et incirconcis de chair, n’entrera dans mon sanctuaire, aucun étranger qui demeure au milieu des fils d’Israël » (Ezéchiel, 44, 9).
Les brefs sondages que nous venons d’effectuer au cœur du judaïsme actuel ont montré à quel point, effrayant d’ailleurs, un des points clés, la notion d’alliance, avait pu être démarqué du monde politique (de l’époque en plus, donc très primaire).
Que le modèle ayant inspiré les scribes du roi Josias (-639 – 609) ait été un traité hittite ou un traité néo-assyrien n’a que peu d’importance, ce qui compte c’est qu’il s’agit de vassalité et non d’un traité d’égal à égal comme l’aurait voulu Jean Jaurès (12 février 1895 Applaudissements). Et de la vassalité de type proche-oriental antique la théologie de l’alliance a gardé toutes les caractéristiques, y compris sa politique de la carotte et du bâton.
Le conditionnement des hommes est aussi de l’ordre de l’acquis : l’Homme n’est pas seulement un être « de nature » avec des comportements génétiquement déterminés, mais aussi un être « de culture ». Il peut en résulter des réalités très contrastées : le meilleur comme le pire.
En parlant de l’hostilité des juifs à l’égard des « non-juifs », Hannah Arendt a pu écrire dans la préface à la partie Antisémitisme de son livre consacré aux origines du Totalitarisme (Harvest New York 1958) :
« L’idée d’une continuité ininterrompue de persécutions, expulsions et massacres de la fin de l’Empire romain au Moyen Âge, et jusqu’à notre époque en passant par l’ère moderne, souvent sous-tendue par l’idée que l’antisémitisme moderne n’est qu’une version laïque des superstitions médiévales populaires n’est pas moins fausse (même si bien sûr elle est moins dangereuse) que la notion antisémite correspondante d’une société juive secrète ayant gouverné, ou aspirant à gouverner le monde depuis l’antiquité.
Historiquement parlant, le hiatus entre la fin du Moyen Âge et l’époque moderne en ce qui ce qui concerne l’histoire juive est encore plus marqué que le fossé entre l’Antiquité romaine et le Moyen Âge, ou que le gouffre – souvent considéré comme le plus important tournant de l’histoire juive – qui sépare la catastrophe des premières croisades médiévales des siècles précédents.
Car ce hiatus a duré près de deux siècles, du XVe à la fin du XVIe, au cours desquels les relations juifs/non-juifs furent à leur plus bas, ou « l’indifférence juive envers les conditions et les événements du monde extérieur » à son plus haut, et le judaïsme « plus que jamais un système de pensée fermé. "
Ce fut à ce moment que les Juifs, sans aucune interférence extérieure, commencèrent à penser « que la différence entre les Juifs et les autres nations n’était fondamentalement pas une question de croyance et de foi, mais de nature profonde…
L’histoire de l’antisémitisme, comme l’histoire de la haine des Juifs, fait partie intégrante de la longue et complexe histoire des relations entre juifs et non-juifs païens dans la diaspora. L’intérêt porté à cette histoire fut pratiquement non existant antérieurement au milieu du XIXe siècle, quand il coïncida avec la montée de l’antisémitisme, soit les pires conditions possibles pour établir des faits historiques.
Depuis lors, l’erreur commune de l’historiographie juive et non-juive – mais pour des raisons la plupart du temps diamétralement opposées – fut d’isoler les éléments hostiles figurant dans les sources chrétiennes et juives et de souligner toute la série de catastrophes, expulsions et massacres qui ont ponctué l’histoire juive tout comme les conflits armés et non armés, la guerre, la famine, et les épidémies de peste, ont ponctué l’histoire de l’Europe. Inutile d’ajouter que ce fut l’historiographie juive, avec son parti pris polémique et apologétique, qui entreprit de mettre en exergue la haine des juifs dans l’histoire chrétienne, et qu’il appartint aux antisémites de retracer l’histoire des faits pas si différents imputables aux anciennes autorités juives.
Lorsque cette tradition juive d’un antagonisme souvent violent à l’égard des chrétiens et des non-juifs fut exhumée, « le grand public juif fut non seulement indignés, mais véritablement étonné » tellement ses porte-parole avaient réussi à se convaincre eux-mêmes et tout un chacun du (non) fait que cette mise à l’écart des juifs était due exclusivement à l’hostilité des non-juifs et au manque de culture. Le judaïsme, et c’était alors une thèse principalement soutenue par les historiens juifs, a toujours été supérieur aux autres religions en ce qu’il était fondé sur l’égalité et la tolérance. Cette illusion allait de pair avec la conviction que le peuple juif avait toujours été passif, et avait toujours été l’objet des
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persécutions chrétiennes, qui était en fait un prolongement et une modernisation du vieux mythe du peuple élu et était vouée à finir en de nouvelles et souvent très complexes pratiques ségrégatives, destinées à maintenir l’ancienne dichotomie, constitue peut-être l’une de ces célèbres ironies du sort qui attendent toujours ceux qui, pour une raison ou une autre, essaient d’embellir et de manipuler les faits politiques et la documentation historique.
Car si les juifs avaient avec leurs voisins non-juifs des raisons communes de soutenir cette égalité nouvellement proclamée, c’était précisément à cause d’un passé mutuellement hostile prédéterminé par leur religion, aussi riche en chefs-d’œuvre culturels du plus haut niveau que prodigue en fanatisme et en grossières superstitions au niveau des masses incultes.
Deux facteurs très concrets ont joué un rôle décisif dans la propagation de ces dramatiques idées encore en cours dans présentations habituelles de l’histoire juive.
Nulle part et à aucun moment après la destruction du Temple les juifs n’ont eu leur propre territoire et leur propre
État ; ils ont toujours dépendu pour ce qui est de leur existence physique de la protection des autorités non juives, bien que certains moyens d’autodéfense, le droit de porter les armes par exemple, aient été attribués « aux Juifs en France et en Allemagne au XIIIe siècle. »
Cela ne signifie pas que les Juifs étaient toujours dépourvus de tout pouvoir, mais il est vrai que, face à tous ces accès de violence, quelles qu’en soient les raisons, les Juifs restaient non seulement vulnérables, mais aussi impuissants. De sorte qu’il était naturel, tout particulièrement dans les siècles de ghettoïsation complète qui ont précédé leur accession à l’égalité politique, que tous ces fréquents débordements de violence soient vécus par eux comme de simples répétitions.
Ces catastrophes étaient par ailleurs vues par la tradition juive comme un martyrologe, dont le fondement historique remontait aux premiers siècles de notre ère, lorsque Juifs et chrétiens défiaient ensemble la puissance de l’Empire romain, ainsi qu’au Moyen Âge quand la possibilité de se faire baptiser et d’échapper ainsi aux persécutions leur restait ouverte aux Juifs, même lorsque la cause de ces déchaînements de violence n’était pas religieuse, mais politique et économique.
Cette imbrication des faits a donné lieu à une illusion d’optique dont ont toujours été victimes depuis à la fois les historiens juifs et les historiens non juifs. L’historiographie « a jusqu’à présent plus traité de la séparation des chrétiens d’avec les juifs que de l’inverse, « oblitérant ainsi le fait autrement plus important que cette séparation volontaire des juifs d’avec le monde païen, et plus particulièrement d’avec le monde chrétien, a été beaucoup plus déterminante pour l’histoire juive que le mouvement inverse, pour la raison évidente que la survie même du peuple en tant qu’ entité ayant son identité propre dépendait de cette séparation volontaire et non pas, comme cela a été couramment affirmé, de l’hostilité des chrétiens et des non-juifs ».
Bref, la preuve s’il en était besoin que les juifs sont comme les autres, c’est qu’ils sont, comme les autres peuples, capables du pire comme du meilleur.
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ÉTHIQUE ET MORALE.
Pour ce qui est de l’éthique ou de la morale juive, il importe justement de distinguer deux niveaux.
Premier niveau, ce que le judaïsme attend de tout homme, qu’il soit juif ou pas, ce que l’on appelle les Sept Lois de Noé (Sheva mitzvot B'nei Noa'h), plus souvent appelées lois noahides voire lois noachiques.
Ce que les druides de l’Antiquité appelaient morale de type « Reda », mais qui dans le cas du druidisme avait au moins le mérite d’assurer à tous, celtes et non celtes, le salut des âmes dans l’autre monde, un autre monde meilleur, alors que dans le cas du judaïsme cette morale ne sert à rien aux non-juifs ou goïm pour deux raisons.
La première est que dans le judaïsme il n’est prévu de survie de l’âme après la mort, pour personne.
La deuxième est que lors du jugement général, appelé Jour de Yahvé ou Jugement de Yahvé dans les textes bibliques ; qui aura lieu après le retour du Messie, si le peuple juif et la Jérusalem de l’époque seront exaltés, glorifiés, ce ne sera pas le cas des non-juifs qui n’auront que l’insigne honneur de leur rendre hommage, d’y venir en ambassade avec des présents, etc.… un peu comme les trois rois mages en quelque sorte 1).
Et enfin ce que le judaïsme attend des juifs.
Les 7 lois de Noé sont une liste de sept impératifs moraux qui auraient été donnés par Dieu à Noé (selon la tradition juive).
Les voici selon le judaïsme orthodoxe
Obligation d’établir des tribunaux.
Interdiction de blasphémer.
Interdiction de l’idolâtrie.
Interdiction des unions illicites.
Interdiction de l’assassinat.
Interdiction du vol.
Interdiction de manger la chair arrachée à un animal vivant.
N.B. Le Lévitique (11.1 à 23) donne une liste exhaustive des animaux que l’on a ou pas le droit de manger. Parmi ceux que l’on n’a pas le droit de manger, il y a le lièvre et le porc, que les chrétiens mangent allègrement.
L’Exode et Le Lévitique contiennent des dizaines de directives détaillées sur le sacrifice des animaux afin d’honorer Dieu. Exemple Exode, 29.38 et suivants. Voici également ce que tu apprêteras sur l’autel chaque jour (c’est Dieu qui est censé parler à Moïse) : des agneaux âgés d’un an. 39. Le premier agneau, tu l’apprêteras au matin et le second agneau tu l’apprêteras au crépuscule. 40. En plus avec le premier agneau : un dixième d’epha de farine, pétrie dans un hîn d’huile vierge et une libation d’un quart de hîn de vin. 41. Quant au second agneau, tu l’apprêteras au crépuscule ; tu feras pour lui la même offrande que le matin et la même libation : parfum apaisant, mets consumé pour le Seigneur. 42. Tel sera l’holocauste perpétuel que vous ferez d’âge en âge, etc. »
Comparé au droit brehon d’Irlande LE BILAN EST DONC ASSEZ MAIGRE.
Si l’on met de côté la stupidité du fait de manger de la chair d’un animal vivant (que faire de l’infiniment petit, des microbes, des huîtres ?) ; restent 4 commandements intéressants par eux-mêmes, mais sans que soit détaillé comment les pratiquer : l’obligation de pratiquer la justice (d’avoir des tribunaux), l’interdiction des unions illicites, l’interdiction de l’assassinat, l’interdiction du vol ; et 2 commandements fort discutables : l’interdiction de l’idolâtrie, l’interdiction de blasphémer.
Il est évident qu’idolâtrie et blasphème vont de pair dans l’esprit des rédacteurs de ces textes, mais petite question maintenant.
Les idolâtres des temps bibliques croyaient-ils que les idoles qu’ils adoraient étaient de véritables dieux ou esprits, ou les considéraient-ils comme des représentations de ces dieux ou esprits ?
Yehezkel Kaufman affirme que dans certains passages, certains auteurs bibliques avaient déjà bien compris que les idolâtres vénéraient non pas les idoles elles-mêmes, mais des dieux et esprits dont l’existence était indépendante des idoles. Par exemple, dans un passage de 1 Rois 18:27, le prophète hébreu Élie défie les prêtres de Baal au sommet du Mont Carmel d’amener leur dieu à accomplir un miracle, après qu’ils ont tenté de convaincre les juifs de s’adonner à l’idolâtrie. Les prêtres païens implorèrent leur dieu sans avoir recours à une idole, ce qui pour Kaufman, indique que Baal n’était pas une idole, mais plutôt une des divinités qui pouvaient être adorées par l’intermédiaire d’une idole.
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Kaufman pense toutefois qu’en règle générale les auteurs bibliques interprétaient bien l’idolâtrie sous sa forme la plus littérale : selon eux donc la plupart des idolâtres croyaient véritablement que leurs idoles étaient des dieux.
Les auteurs bibliques auraient donc péché par orgueil en commettant l’immense erreur de supposer que toute idolâtrie était de ce type, alors que les idoles n’étaient le plus souvent que des représentations de dieux. Kaufman écrit que « Nous pouvons peut-être dire que la Bible ne perçoit le paganisme qu’à son plus bas niveau, le niveau de la croyance au mana… les prophètes ignorent ce que nous savons du vrai paganisme (c.-à-d., sa mythologie élaborée sur les origines et exploits des dieux et leur soumission ultime à un réservoir métadivin de puissances impersonnelles représentant le Destin ou la Nécessité.) La condamnation prononcée par les auteurs bibliques est centrée sur le sarcasme du fétichisme ».
Isaïe 41.23-24. (Yahvé s’adresse aux autres Dieux) : Faites seulement quelque chose de bien ou de mal, pour que nous puissions le voir et en avoir peur. Mais voilà, vous n’êtes rien et votre œuvre est le néant. Celui dont vous êtes les élus est un être abject.
Quant à la notion de vol il est clair qu’elle dépend complètement de la notion de propriété, personnelle ou collective, qui a beaucoup varié voire qui continue à beaucoup varier. Dans le domaine des droits d’auteur par exemple on est passé de l’absence totale de tels droits (les plus anciennes littératures sont généralement anonymes) à la tendance à placer de plus en plus de choses et de plus en plus longtemps sous droit d’auteur. Heureusement que celui a inventé le feu la roue voire le deux plus deux = quatre n’a pas eu l’idée d’interdire aux autres de copier ça ou de s’en inspirer, car on en serait encore à payer des milliards de petits sous à ses descendants. En attendant qu’un jour un quidam… voir la définition actuelle de l’auteur et de la justification des droits d’auteurs… se décrète aussi propriétaire inventeur de l’air que l’on respire voire de tout ce qui est vivant. En France il suffit d’ailleurs déjà de se proclamer propriétaire privé à titre EXCLUSIF d’un passage commun (sans titre de propriété à l’appui), POUR QUE LES TRIBUNAUX VOUS DONNENT RAISON (et tant pis pour les voisins qui ont besoin d’emprunter le passage commun pour entrer ou sortir de chez eux).
Plus important.
L’esclavage n’est pas recommandé dans l’Ancien Testament, mais il semble aller de soi 2). Deutéronome 15, 1-18 distingue entre les esclaves juifs et non juifs. Les esclaves juifs sont généreusement affranchis tous les sept ans sauf volonté contraire de l’esclave juif en question. Deutéronome 15 ,12 précise bien que cet affranchissement ne concerne que les esclaves juifs.
L’analyse des données montre que l’esclave hébreu vit plus un accident de parcours qu’une fatalité et que l’esclave étranger est traité… un peu comme partout ailleurs à l’époque, mieux que dans la civilisation gréco-romaine peut-être, mais assurément moins bien que dans le cadre des sociétés celtiques ou germaniques, voire égyptiennes. Car l’Égypte pharaonique ne connaît pas l’esclavage au sens gréco-romain du terme et la désignation de l’esclave égyptien est proche de celle de l’esclave celte à savoir « un prisonnier de guerre ». Le hiéroglyphe de ce que l’on traduit par esclave représente un pilon à côté de la représentation d’un homme ou d’une femme, et signifie « serviteur » ou servante ; le même outil accompagné du hiéroglyphe désignant le dieu signifie en effet « serviteur du dieu » (prêtre).
Pour ce qui est de la loi juive, l’esclave étranger est un bien comparable aux autres biens.
« Si [quelqu’un] dit : ma propriété sera léguée à x, les esclaves sont inclus [m. à m. sont appelés propriété » (Talmud de Babylone, Baba Bathra 150b). Dès les origines de l’époque biblique, l’esclavage est considéré comme un châtiment (« Maudit soit Canaan ! Qu’il soit l’esclave des esclaves de ses frères » Gen. IX 25), et comme une dégradation, conséquence d’un comportement immoral (« Cham, père de Canaan, vit la nudité de son père et alla dehors l’annoncer à ses deux frères » ibid. 22).
À l’époque hellénistique et romaine, les Juifs pouvaient acheter des esclaves aux marchés d’esclaves qui étaient d’ailleurs aux mains des Grecs ou des Romains.
Certains rabbins ont néanmoins enseigné qu’il était permis de se rendre au marché des idolâtres pour y acheter des esclaves ou des servantes, ou du bétail et Resch Lakisch ajoute qu’il n’est pas seulement permis d’acquérir des esclaves hébreux, mais aussi des esclaves païens, parce qu’on les rapproche ainsi de Dieu.
« Le R. Jeremiah au R. Zera : Il a été dit « Nous pouvons leur acheter du bétail, des serviteurs et des esclaves ». Cela concerne-t-il les esclaves juifs ou aussi les esclaves païens ?
Réponse. Il va de soi que cela ne s’applique qu’aux esclaves juifs, car si cela s’appliquait aussi aux esclaves païens à quoi cela pourrait-il être utile.
Quand Rabin est arrivé il a répondu au nom de R. Siméon b. Lakish : « Cela peut même s’appliquer à un esclave païen, car cela le place alors sous la protection de la Shekina (Talmud de Jérusalem. Avoda Zara, I 1-4).
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L’importation des esclaves se faisait souvent en détournant les lois du fisc romain : « Si, en passant la douane, une personne déclare « C’est mon fils, puis se rétracte et dit : « Il est mon esclave », il est crédible [par cette déclaration il pouvait avoir l’intention d’éviter la taxe des esclaves. Cependant si] il déclare : « il est mon esclave », puis se rétracte et dit « il est mon fils », il n’est pas crédible [si cette dernière affirmation était vraie, il n’aurait pas déclaré son fils, non taxable, comme esclave, qui lui relève de la taxe] » (Talmud de Babylone, Baba Bathra 127b).
L’acquisition se faisait soit par paiement comptant, soit par contrat ou encore par service de fait. Le maître faisait porter à l’esclave acquis un collier portant son cachet, ce qui indiquait son droit de propriété.
Voir les effrayantes arguties du Talmud de Babylone à ce sujet, les commentaires de commentaires (guémara) portant sur les termes oni et nimus (Talmud de Babylone Guittin 43b). Selon Ex. XXI, 32 le prix de l’esclave était de trente sicles (somme que recevait le propriétaire pour son esclave tué par les coups de cornes d’un bœuf). Cependant l’âge, le sexe, les capacités de l’esclave faisaient varier son prix.
L’esclave étranger n’est pas sur un pied d’égalité avec l’esclave juif (au statut temporaire et qui n’est pas la propriété du maître) : « Ton esclave ou ta servante, que tu veux avoir en propre, doit provenir des peuples qui vous entourent ; à ceux-là vous pouvez acheter esclaves et servantes. Vous pourrez en acheter encore parmi les enfants des étrangers qui viennent s’établir chez vous, et parmi leurs familles qui sont avec vous, qu’ils ont engendrées dans votre pays : ils pourront devenir votre propriété. Vous les laisserez en héritage à vos enfants après vous, comme une propriété ; vous les garderez comme esclaves à perpétuité. Mais à l’égard de vos frères, les enfants d’Israël, aucun de vous ne les traiter avec sur son frère » (Lév. 25, 44-45).
Il n’y a pas de mariage pour les esclaves étrangers, donc une famille ne peut se constituer légalement et la parenté n’existe pas. L’esclave (comme la femme) n’a pas le droit de témoigner et ne peut pas prêter serment (Talmud de Babylone, Baba Kamma 88). Josèphe, lorsqu’il décrit les lois de Moïse au peuple confirme cette interdiction « Les esclaves ne seront point reçus en témoignage, parce que la bassesse de leur condition leur abat le cœur, et que la crainte ou le profit peut les porter à déposer contre la vérité » (Antiquités judaïques IV 8).
Par contre, selon la législation juive, l’esclave lorsqu’il accepte la circoncision, est intégré dans la communauté juive et cette situation aboutit à son affranchissement (entre autres par son mariage avec une juive libre). Son intégration avait néanmoins des limites : il ne peut accéder ni à la royauté (« Celui que tu établiras à ta tête devra absolument être un roi choisi par le seigneur ton dieu : c’est au milieu de tes frères que tu prendras un roi pour l’établir à ta tête ; tu ne pourras pas mettre à ta tête un étranger qui ne serait pas ton frère » Deut. XVII 15) ni à la fonction de juge (« fonctions inaccessibles mêmes aux prosélytes et aux affranchis, sinon dans les procès civils du moins dans les procès criminels », comme le souligne Zadoc Kahn dans sa thèse intitulée « l’esclavage selon la Bible et le Talmud », Paris 1867, page 138.
Quant à la polygamie, elle n’est pas recommandée, mais elle n’est pas réprouvée non plus, comme le montre l’histoire de Jacob qui prend successivement pour femme Léa, puis Rachel (Genèse, 29.15 à 30).
Union illicite est donc un concept plutôt flou, se réduit-il à une simple prohibition de l’inceste entre parents biologiques au premier degré ?
Tu ne tueras point. Y a-t-il assassinat en cas de légitime défense, y a-t-il assassinat en cas de guerre (quand par exemple un soldat tue par surprise un ennemi??? Comme c’est souvent le cas dans l’Ancien Testament ou dans le Coran une telle interdiction (voir par exemple le verset 32 du chapitre 5 : « Quiconque tue quelqu’un, c’est comme s’il avait tué l’Humanité ») ; cette notion d’assassinat mérite elle aussi d’être précisée. Ce verset est donc très intéressant. Mais il faut le lire en entier : « À cause de cela [le crime de Caïn] Nous avons prescrit aux enfants d’Israël que quiconque tuerait quelqu’un – non pour venger une victime [c’est-à-dire en vertu de la loi du talion] ou pour avoir semé la corruption sur terre – ce sera comme s’il avait tué toute l’Humanité ». Ce qui change tout c’est la mention ou la réserve : « à moins que ce soit pour venger quelqu’un ou pour avoir semé la corruption sur terre ».
Ces mots suppriment le caractère absolu de l’interdiction du meurtre ; ils suggèrent même qu’il est licite ou nécessaire de tuer pour défendre l’ordre voulu par Dieu sur terre. Certes, on peut se demander s’ils n’ont pas été ajoutés par après (ils viennent mal dans le texte). Mais comme c’est ce texte qui fait aujourd’hui autorité, ce verset ne peut donc que recevoir la signification suivante : le meurtre est un mal sauf s’il s’agit de venger un meurtre ou l’honneur bafoué de Dieu sur terre (c’est-à-dire en définitive l’honneur… de l’Islam). Le meurtre est licite dans un tel cas.
L’extermination des peuples vaincus.
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Dans le livre des Nombres et dans le Deutéronome, Dieu recommande l’extermination d’une partie des peuples conquis par le peuple juif et qui ne partagent pas sa foi.
Exemple : Tu supprimeras tous les peuples que le seigneur ton dieu te livrera sans t’attendrir sur eux (Deutéronome 7,16).
Le Livre de Josué contient des récits de massacres indignes d’avoir été attribués à la volonté de Dieu, indignes d’avoir été soumis l’approbation voire même à la simple méditation, de la postérité, de tant de générations humaines, pendant des siècles.
La Bible ne contient donc pas que des vérités divines révélées ou inspirées, pour le salut de nos âmes. L’archéologie prouve de façon indubitable qu’aucun mouvement de population ne s’est produit à cette époque dans cette région du monde, malgré les efforts de nombreux biblistes et historiens pour démontrer le contraire. C’est une histoire inventée par les rédacteurs de la Bible pour souder leur nation. Le premier mensonge d’une longue série dans l’Ancien et le Nouveau Testament.
Autres massacres imaginaires ou réels cela revient au même, car en morale c’est l’intention qui compte, l’apologie d’un crime constitue elle aussi un crime, idem pour la tentative de sacrifice d’Abraham sur la personne de son fils Isaac qui constitue bel et bien subjectivement parlant un crime, dont la Bible se glorifie.
La liste comprend uniquement les cas où il y a un seul tueur où le nombre de victimes est précisé.
2 Rois 2, 22-23. Élie (avec l’aide de Dieu) envoie deux ours pour tuer 42 enfants qui s’étaient moqués de sa calvitie.
Juges 9, 5. Abimélech tue 69 de ses frères sur une pierre.
1 Samuel 22,18-19. Doëg l’Édomite tue 85 prêtres et tous les hommes, femmes, enfants, nourrissons, bœufs, ânes et moutons avec son épée.
2 Rois 1, 10-12. Élie (et Dieu) brûle 102 hommes.
1 Samuel 18, 25-27. David tue 200 Philistins pour acheter sa première femme avec leurs prépuces.
2 Samuel 23,18, 1 Chroniques 11, 20. Avishaï tue 300 hommes avec une lance.
1 Chroniques 11, 11. Le chef des capitaines de David tue 300 hommes (ou 800 dans 2 Samuel 23, 8) avec une lance.
1 Rois 18, 22-40. Élie tue 450 chefs religieux dans un concours de force magique (prières). 850 en comptant les prêtres des bosquets sacrés.
Juges 3,31 Shamgar tue 600 Philistins avec un aiguillon de bouvier.
Juges 15, 14-15. Samson tue 1000 hommes avec une mâchoire d’âne.
La peine de mort.
Le Lévitique (20.8 à 27) énumère des péchés qui entraînent la mise à mort. Ce sont encore des péchés pour les chrétiens d’aujourd’hui, mais ils n’entraînent plus la mise à mort.
Par exemple (20.10) : quand un homme commet l’adultère avec la femme de son prochain, ils seront mis à mort, l’homme adultère aussi bien que la femme adultère.
21.9 : si la fille d’un prêtre se déshonore en se prostituant, c’est son père qu’elle déshonore, elle sera brûlée.
On en trouve aussi dans l’Exode (31.14) : vous observerez le Sabbat, car pour vous, il est sacré. Qui le profanera sera mis à mort. Ceux qui travaillent ce jour-là seront éliminés.
Le bilan éthique du judaïsme est donc maigre.
Obligation enfin d’avoir des tribunaux pour connaître de tout cela.
La justice est une notion fort ancienne dans l’espèce humaine (voir le Code d’Hammourabi), mais qui a beaucoup varié au cours des âges et qui variera donc encore beaucoup, il suffit de voir l’évolution de certains courants de pensée nés au 18 ou au 19e siècle et qui en arrivent maintenant à soutenir parfois en toute bonne foi, l’exact opposé de leurs ancêtres spirituels des siècles précédents.
Répétons-le donc encore une fois, le bilan du judaïsme est assez maigre au niveau éthique universelle (Reda dans le druidisme).
1) Les goïm non-juifs qui ne sont pas satisfaits du destin que leur réserve la théologie juive peuvent toujours s’imaginer trouver mieux dans le christianisme, mais peine perdue, les deux jugements des âmes (un jugement particulier un jugement général) que connaît le christianisme ne valent guère mieux.
2) Voir par exemple Luc (12,37) : heureux ces esclaves que le maître en arrivant trouve en train de veiller.
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LA VÉRITABLE HISTOIRE DES DIX COMMANDEMENTS.
Vous avez sûrement vu ça au cinéma ou à la télévision, mais un petit rappel s’impose quand même ! Le scénario est le suivant. Après la sortie d’Égypte, Moïse et les Hébreux s’engagent dans le désert. Arrivé devant la montagne du Sinaï, Moïse y grimpe, seul et là, dans un déluge de feu, il reçoit de Dieu dix commandements gravés dans la pierre, que les Hébreux doivent respecter (s’ils ne veulent pas qu’il leur arrive des ennuis). Ces dix commandements sont un résumé destiné à faciliter la mémorisation des lois les plus importantes de la communauté, celles qui impliquent la peine de mort pour un membre du clan, quel qu’il soit. En somme, on aurait ici une sorte de première liste des « péchés mortels ».
La Torah nous rapporte que Moïse la reçut sur le Sinaï et la présenta au peuple, au cours d’une cérémonie solennelle, au pied de la montagne.
Mais le récit de l’Exode relatant cet épisode (19, 25) comporte une singularité qui ne peut qu’intriguer toute personne dotée d’un minimum de réflexion. Il y est écrit en effet que Moïse descendit de la montagne et prit la parole pour dire… pour dire… mais on ne sait pas quoi, car le récit s’interrompt justement à cet endroit. Et aussitôt après ce n’est plus Moïse qui est censé parler, mais Dieu lui-même, qui promulgue ainsi en personne les dix commandements (20, 1). Exactement comme si l’on avait remplacé à cet endroit un propos attribué à Moïse par un autre plus tardif, mais attribué à Dieu cette fois-ci.
Force est d’ailleurs de constater que ces commandements ne semblent pas vraiment correspondre au temps de Moïse, qui fut un temps de pérégrination à travers le désert et de vie nomade. On peut par conséquent supposer qu’ils furent plutôt établis à l’époque des Juges, vers l’an 1100 avant notre ère, soit quelque 150 ans après sa mort supposée.
En outre, la Bible répète que ces commandements (ces « paroles ») sont au nombre de 10 (Dt. 4,13 ; 10,4), mais lorsqu’on les compte, on en trouve non pas 10, mais… 12.
Les voici (Exode 20, 3-17) :
1. Tu n’auras pas d’autres dieux que moi (verset 3).
2. Tu ne feras aucune image sculptée, etc., etc. (verset 4).
3. Tu ne te prosterneras pas devant ces images ni ne leur rendras un culte, etc., etc. (verset 5).
4. Tu ne prononceras pas à tort le nom de Yahvé, ton Dieu (verset 7).
5. Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier (verset 8).
6. Honore ton père et ta mère (verset 12).
7. Tu ne tueras pas (verset 13).
8. Tu ne commettras pas d’adultère (verset 14).
9. Tu ne voleras pas (verset 15).
10. Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain (verset 16).
11. Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain (verset 17, a).
12. Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain ni son serviteur, etc., etc. (verset 17, b).
Il y a donc de quoi être intrigué.
Quel sens peut bien avoir en effet la défense de convoiter la « maison » du prochain, pour des hommes ou des femmes qui ne logent pas encore dans des maisons, mais sous des tentes ? Ce n’est qu’après leur « installation » en Terre promise que les Hébreux bâtiront des maisons en dur. Le commandement interdisant le faux témoignage suppose, quant à lui, l’existence de tribunaux, de juges et de procès légaux. Chose impossible durant la traversée du désert. Et quand est imposé le repos du sabbat, il est précisé : « Tu ne travailleras pas, ni toi, ni ton fils, ni ton esclave, homme ou femme ». Mais comment ces gens pouvaient-ils avoir des esclaves, alors qu’eux-mêmes étaient tous des fugitifs, récemment sortis d’Égypte ?
Tout cela donc, a conduit les historiens à penser que les dix commandements appartiennent en fait à une époque où le peuple est déjà installé en terre de Canaan, et possède une organisation incluant des normes morales ou juridiques, adaptées à une autre époque.
Hypothèses sur le processus ayant abouti à ce résultat.
À un moment donné, face à l’abondance des lois et à la nécessité de disposer d’un résumé où figureraient les crimes les plus graves, de nature à mettre en danger la vie de la communauté ; on se résolut à dresser une courte liste de ces derniers. Et dans ce but on chercha parmi les lois toutes celles qui incluaient la peine de mort, c’est-à-dire toutes celles qui se terminaient par la formule : « Ainsi tu feras disparaître le mal de ton sein ». La plupart de ces prescriptions se trouvaient d’ailleurs évidemment dans le Deutéronome, puisque ce livre, par définition (Deutéronome veut dire deuxième loi en grec) en était un recueil.
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Ci-après les prescriptions légales figurant de-ci de-là, isolément, dans le Deutéronome.
Dt. 13, 2-6. Si quelqu’un dit : « Allons suivre d’autres dieux » distincts de Yahvé, cet homme doit mourir. Ainsi tu feras disparaître le mal de ton sein.
Dt. 17, 2-7. Si un homme ou une femme a été servir d’autres dieux et se prosterner devant eux, ou devant le soleil, la lune et les étoiles, tu les lapideras jusqu’à ce que mort s’ensuive. Ainsi tu feras disparaître le mal de ton sein.
Dt. 17, 8-13. Si quelqu’un ne se conforme pas à ce qui lui est demandé, suite à un jugement au cours duquel il s’en est remis à Yahvé, etc. cet homme doit mourir. Ainsi tu feras disparaître le mal d’Israël.
Dt. 21,18-21. Si un homme a un fils rebelle qui refuse d’obéir à ses parents, on lapidera le coupable, jusqu’à ce que mort s’ensuive. Ainsi tu feras disparaître le mal de ton sein.
Dt. 19, 11-13. Si quelqu’un tue autrui, ce meurtrier doit être remis au vengeur du sang versé afin d’être mis à mort. Pas de pitié. Ainsi tu feras disparaître du sein d’Israël la culpabilité d’avoir versé le sang d’un innocent.
Dt. 22, 13-21. Si une jeune fille épouse un homme et qu’il s’avère ensuite qu’elle n’est pas vierge, on la lapidera jusqu’à ce que mort s’ensuive. Ainsi tu feras disparaître le mal de ton sein.
Dt. 24, 7. Si un israélite en enlève un autre, ce ravisseur doit mourir. Ainsi tu feras disparaître le mal de ton sein.
Dt. 19, 16-19. Si un faux témoin se lève contre un homme et l’accuse d’avoir commis un crime, tu lui feras ce qu’il attendait qu’on fasse à son frère. Ainsi tu feras disparaître le mal de ton sein.
Dt. 22, 22. Si l’on prend sur le fait un homme couchant avec une femme mariée, tous deux mourront. Ainsi tu feras disparaître le mal d’Israël.
Note de la Rédaction. Le seul des commandements qui ne figurait pas déjà pas dans le Deutéronome, est celui qui a trait au repos du sabbat. Sans doute parce qu’anciennement, n’étant pas considéré comme une matière suffisamment grave pour constituer un « péché mortel », il ne figurait pas dans la série des lois punies de la peine de mort. Mais plus tard, au retour d’exil, quand l’observance du sabbat devint un critère décisif, on l’ajouta donc à la liste.
Avec le temps, cette liste prit une telle importance parmi les Hébreux, que l’on en vint à l’attribuer à Moïse lui-même (autre imposture). On admettait alors comme certain en effet que Moïse avait été le législateur et l’organisateur de la vie légale du peuple. Dire que Moïse avait donné ces lois au Sinaï, c’était donc, d’une certaine façon, ne pas mentir, en tout cas rester dans le domaine du possible, voire du vraisemblable.
Notons enfin que les diverses religions du Livre ne sont pas tout à fait d’accord sur ce décalogue ; et que le catholicisme diffuse dans son enseignement un texte qui n’est pas reconnu, par exemple, par les biblistes forcenés que sont les Témoins de Jéhovah.
En outre, s’il y a bien dix commandements, comment les compter pour arriver à ce nombre ? De longue date, juifs et chrétiens ont débattu ce problème et proposé diverses manières de le résoudre.
Les premières tentatives furent celles du juif Philon d’Alexandrie et de l’historien Flavius Josèphe. Cette classification distingue quatre commandements relatifs à Dieu et six relatifs au prochain. Elle fut acceptée par plusieurs écrivains anciens, tels Origène, Tertullien et le taliban ou parabolanus chrétien Grégoire de Nazianze. Elle est aussi celle qu’adoptent actuellement les Réformés luthériens, calvinistes ou anglicans.
Mais le judaïsme officiel, lui, récusa la classification de Philon et de Flavius Josèphe. Quand les rabbins rédigèrent le Talmud, leur livre sacré, ils proposèrent une autre façon de répartir les commandements.
À partir du XVIe siècle, quand les catéchismes commencèrent à se répandre, on entrevit la nécessité de fixer les dix commandements dans la mémoire des populations ; afin de faciliter l’examen de conscience préparatoire à la confession, et de donner un stimulant à la vie spirituelle. Cependant, tel qu’ils étaient rédigés, ces commandements parurent quelque peu surannés, vu qu’ils se référaient à une époque où les israélites observaient encore une morale primitive.
Le Décalogue faisait par exemple mention d’autres dieux, puisqu’en ce temps-là, les israélites croyaient qu’il existait d’autres divinités pour les autres peuples ; il prohibait les images, alors que, dans le Nouveau Testament (Col 1,14), le Christ est présenté comme l’image du Dieu invisible, et qu’il est donc permis de se servir d’images pour exprimer sa foi. Il ordonnait de sanctifier le sabbat, alors que les chrétiens célébraient le dimanche, considéré par eux comme le jour du Seigneur.
L’Église décida donc d’élaborer un nouveau Décalogue pour son catéchisme. Elle avait d’ailleurs déjà agi dans le même sens, en excluant les sacrifices animaux, prescrits par l’Ancienne Loi, l’égorgement de brebis, la crémation de taurillons, et la sanglante immolation d’agneaux, qui devaient avoir lieu chaque jour au Temple.
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Pour comparaison, le décalogue égyptien, beaucoup moins grossier, est en fait lui composé de 42 péchés énumérés en creux ou a contrario dans ce qu’on appelle la confession négative, qui conclut le jugement des âmes dans la salle des deux Maât selon la religion égyptienne
LE TALMUD ET LES 613 COMMANDEMENTS (MITZVOTH) OU DE L’INFLUENCE DU TALMUD SUR LA PSYCHÉ JUIVE.
Ce que nous venons de voir fait partie de la Torah ou Loi de Moïse. Le temps passant il a fallu pour ceux qui s’en réclamaient éclaircir certains points ou répondre à certaines questions que ces divers versets pouvaient soulever. L’ensemble de ces commentaires de la Torah ou Loi de Moïse est appelé Talmud (Talmud signifie en hébreu enseignement ou répétition) et ces débats sont regroupés en deux principales catégories : la Michna et la Guémara.
La Michna rapporte les enseignements de maîtres appelés Tannaïm. La Guémara ou Talmud au sens strict est l’ensemble des discussions soulevées par la Michna chez les maîtres postérieurs, les Amoraim. Le Talmud au sens large est donc un commentaire de la Loi, de la Torah (la Michna) suivi d’un commentaire de ce commentaire (la Guémara).
Le Talmud est à l’origine fait de commentaires oraux, directs ou indirects, de la Bible, avons-nous dit. Ce fait, en apparence anodin, soulève de multiples problèmes, au premier rang desquels… la rédaction même de ce Livre. Sa mise par écrit. Cet ouvrage, transcription écrite de traditions orales, n’aurait jamais dû voir le jour. Une tradition orale a, par définition, vocation à rester orale, et donc à évoluer ! Voir à ce sujet la prudente sagesse de nos barbares druides d’Occident (l’écrit est dangereux et n’est pas à conseiller, seule la transmission orale possède la capacité de s’adapter en permanence au fil des générations).
Il existe deux principaux Talmuds, le Talmud dit de Babylone et celui dit de Palestine ou de Jérusalem.
Le judaïsme ne se fonde donc pas seulement sur la Torah (la partie Ancien Testament de la « Bible »), mais aussi sur cette double tradition orale.
Le Talmud de Babylone. Les juifs n’étant pas tous revenus de déportation il subsista donc à Babylone une importante communauté juive qui poursuivit son travail de réflexion sur place. La date de rédaction finale varie suivant les auteurs. Rabbi Abba bar Aybo, plus connu sous ses surnoms de Abba Arika, et surtout celui de Rav, est le rabbin babylonien du 3e siècle avant notre ère considéré comme le premier et le plus grand des Amoraim (docteurs du Talmud). Ses discussions avec son ami et contradicteur Samuel formèrent la base de ce qui deviendra le Talmud de Babylone. Son œuvre se situe à la période où le judaïsme unifie ses interprétations et pratiques religieuses, en rupture avec la diversité des sectes et écoles préexistantes. Cette unification religieuse se fait dans le cadre d’un judaïsme héritier du judaïsme pharisien.
Le Talmud palestinien lui a été achevé au 4e siècle à Sepphoris ou Césarée. Le caractère abrupt du texte ainsi que son mauvais état de conservation le rendirent de lecture difficile et il fut donc rapidement négligé. Quantité de ses feuillets furent irrémédiablement perdus. Cet état d’inachèvement du Talmud de Jérusalem est dû aux circonstances historiques, le christianisme étant devenu la religion officielle de l’Empire romain. Ses auteurs manquèrent donc de temps pour lui donner de la cohérence et l’améliorer. Et tout effort ultérieur sera réduit à néant lorsque Théodose II supprima l’institution du Patriarcat, destitua le Sanhédrin et interdit l’ordination formelle des Rabbanim. Le judaïsme demeura pourtant la seule religion autorisée dans l’Empire romain avec le christianisme, les cultes païens étant interdits à partir de 391.
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LE POINT DE VUE DE L’HISTORIEN ALLEMAND HEINRICH GRAETZ (Geschichte der Juden).
Les naissances ne se produisent pas sans souffrance, pas plus dans l’histoire que dans la nature. Pour se manifester, les grands phénomènes historiques détruisent nécessairement en partie les faits existants, ils dérangent les usages reçus et troublent la quiétude fondée sur de vieilles habitudes. Ces modifications, tout en étant douloureusement ressenties, exercent néanmoins une action bienfaisante, elles aident à dissiper les apparences devant la réalité.
La contradiction et la lutte servent de stimulant au progrès, elles sont nécessaires du triomphe de la vérité. Or, depuis des siècles, le judaïsme n’avait pas rencontré d’opposition chez ses propres adeptes ; aussi la vie religieuse était-elle comme pétrifiée.
Le christianisme paulinien et post-apostolique avait dirigé autrefois ses attaques contre la religion juive, il avait abrogé la loi, écarté le raisonnement et imposé la foi. De là, par réaction, dans le judaïsme, l’attachement étroit aux pratiques et le développement des subtilités religieuses. Le Talmud fut le produit de ce mouvement, il devint la seule autorité reconnue et fit oublier presque totalement la Bible.
Il est vrai qu’à l’origine, l’étude du Talmud contribua à fortifier et à éclairer l’esprit juif ; mais, plus tard, et surtout au Ier siècle des gaonim, elle n’était plus qu’un simple exercice de mémoire. Il fallait un violent courant d’air pour rafraîchir et assainir l’atmosphère qui enveloppait alors les écoles juives.
Les attaques dirigées contre le Talmud par les deux pseudomessies, Sérène et Abou-Isa, restèrent sans résultat, parce qu’il s’y mêlait des rêveries messianiques, et aussi parce qu’elles émanaient de personnes inconnues, sans grande valeur morale et sans autorité.
À la mort de l’exilarque Salomon, décédé (vers 761), apparemment sans laisser d’enfant, la dignité dont il avait été revêtu devait revenir à son neveu Anan ben David.
On sait peu de choses de cet homme, qui laissa une trace si profonde dans l’histoire juive. Anan refusait toute autorité religieuse à un grand nombre de prescriptions talmudiques, et ses tendances étaient sans doute connues des représentants des deux académies qui élisaient l’exilarque. Les deux gaonim de cette époque étaient, comme on sait, des frères ; l’un, Jehudaï l’aveugle, résidait à Sora (759-62), et l’autre, Dudaï (761-64), à Pumbadita.
Ces deux dignitaires, soutenus par leur Collège, s’opposèrent à l’élection d’Anan et ils élevèrent à la fonction ou dignité d’exilarque son plus jeune frère Hanania (ou Akunaï ?) Les partisans d’Anan essayèrent, mais en vain, de faire intervenir en sa faveur le khalife Aboug’afar Almanzour : Hanania fut maintenu dans sa dignité. La légende raconte qu’Anan aurait été calomnié par ses adversaires auprès du khalife, qui l’aurait fait jeter en prison.
Condamné à être pendu, il aurait déclaré, sur les conseils d’un musulman qui se trouvait avec lui en prison, qu’il n’appartenait pas à la même secte que son frère. Le khalife l’aurait alors remis en liberté et autorisé à émigrer avec ses partisans en Palestine.
La seule donnée certaine, c’est qu’Anan fut obligé de quitter sa patrie ou de se rendre en Palestine, et que, profondément irrité contre les gaonim, il tourna sa colère contre le Talmud et les talmudistes.
Désireux de ramener la vie religieuse à l’accomplissement des seules lois bibliques, il accusa les talmudistes d’avoir dénaturé le judaïsme en ajoutant des prescriptions à la Torah et aussi en en retranchant des lois obligatoires pour tous les temps.
Sa principale recommandation à ses disciples était d’étudier assidûment l’Écriture sainte. Anan, comme ces derniers, repoussa tout enseignement traditionnel pour s’en tenir strictement à l’Écriture (Mikra). De là, le nom de caraïsme ou acceptation de l’Écriture.
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Dans son zèle à combattre le Talmud, il composa un nouveau Talmud plus sévère que le premier ; sous son inspiration, la vie religieuse prit un caractère sombre, sans élévation et sans poésie. Les prières traditionnelles, dont quelques-unes remontaient à l’époque du second temple, furent proscrites, ainsi que les nouvelles compositions des Païtanim, elles furent remplacées par des textes tirés de la Bible. Comme, de son temps, les juifs avaient encore, dans les pays musulmans, leur juridiction particulière, il étendit ses réformes au droit civil juif. Il déclara que, contrairement au texte biblique, les fils et les filles devaient recevoir une part égale de l’héritage paternel ; il dénia, par contre, au mari le droit d’hériter de sa femme.
L’agitation créée par Anan donna une impulsion considérable à l’étude de la Bible, mais le temps n’était pas encore mûr et le réformateur lui-même n’était pas un esprit assez puissant pour produire une exégèse saine et indépendante. Le fondateur du caraïsme, qui raillait tant les arguties des talmudistes, avait recours, comme eux, à des interprétations forcées et à des subtilités pour justifier les pratiques qu’il établissait. En résumé, en repoussant la tradition, Anan donna à sa doctrine une base fragile et étroite et en écarta toute poésie et toute grandeur.
Anan et ses partisans s’en référaient, dans leur opposition au Talmud, au fondateur du christianisme. Selon eux, Jésus fut un homme pieux et juste, qui n’avait jamais eu l’intention de se faire reconnaître comme prophète et de substituer une autre religion au judaïsme ; son but était seulement de maintenir en vigueur les lois bibliques et d’abroger les pratiques instituées par les hommes. Ils considéraient aussi Mahomet comme un prophète, qui, pas plus que Jésus, n’avait voulu abolir la Torah.
Les partisans d’Anan prirent le nom d’ananites ou caraïtes (Karaïm, Karaïmen, Benê Mikra) et donnèrent à leurs adversaires le sobriquet de rabbanites, c’est-à-dire « qui croient aux autorités ».
L’animosité entre les deux partis fut, à l’origine, extrêmement violente, les chefs des deux académies excommunièrent naturellement et exclurent du judaïsme le novateur et ses adeptes. Ceux-ci, de leur côté, évitaient toute alliance, toute relation avec les rabbanites, ne s’asseyaient pas à leur table et ne leur rendaient pas visite le sabbat, parce que du point de vue des caraïtes, ils profanaient la sainteté de ce jour. Les rabbanites traitaient leurs adversaires d’hérétiques (minim, apikorsim), parlant contre eux du haut de la chaire et ne les admettant jamais à la prière. Les caraïtes ne ménageaient pas non plus leurs injures aux deux Écoles de Sora et de Pumbadita.
Ainsi, pour la troisième fois, la race juive était-elle divisée en deux partis ennemis. Rabbanites et caraïtes se combattaient comme autrefois Israël et Juda et, à l’époque du second temple, pharisiens et sadducéens. De nouveau, Jérusalem, si souvent témoin de déchirements intérieurs, devint le théâtre d’une lutte fratricide. Anan fut reconnu exilarque des caraïtes, et cette dignité devint héréditaire dans sa famille.
L’histoire impartiale ne ratifie pas ces louanges, elle ne reconnaît aucune supériorité intellectuelle au fondateur du Karaïsme, qui n’avait ni conceptions profondes ni connaissances philosophiques.
Attaché étroitement à la lettre de la Torah, il en était encore, entre autres, à cette croyance biblique que le sang était réellement le siège de l’âme. Il était aussi inconséquent dans son opposition au judaïsme talmudique, laissant subsister maintes pratiques qui, pas plus que d’autres qu’il avait dédaigneusement repoussées, n’étaient inscrites dans la Bible. – Après sa mort, son fils Saül lui succéda dans la dignité d’exilarque.
Le système religieux d’Anan ne tarda pas à subir des modifications. Ses disciples mêmes commencèrent déjà à s’écarter, sur certains points, des vues de leur maître, et, de génération en génération, il s’introduisit de nouveaux changements dans le caraïsme primitif.
Pour défendre leurs nouvelles réformes contre leurs propres coreligionnaires et contre les rabbanites, les successeurs d’Anan durent demander leurs arguments à la Bible. Aussi se livra-t-on, parmi les caraïtes, avec une grande ardeur à l’explication de la Torah. Ils devinrent grammairiens, massorètes, fixèrent la lecture des mots douteux et scrutèrent avec zèle le texte biblique.
Pendant que les caraïtes déployaient une activité littéraire très sérieuse, les rabbanites ne produisaient presque rien. On ne connaît qu’un seul auteur important de ce temps, Jehudaï, gaon de Sora, dont il a été déjà question et qui a aidé à excommunier Anan. Il a composé un recueil
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talmudique connu sous le nom de Résumé des pratiques religieuses (Halakhot Quetouot). L’auteur a indiqué sommairement et coordonné dans cet ouvrage les diverses prescriptions disséminées dans le Talmud. Ce recueil fut d’une utilité incontestable, il pénétra jusque dans les communautés juives les plus éloignées et servit de modèle aux travaux postérieurs de ce genre.
Le mouvement caraïte contribua à affaiblir l’autorité des exilarques. Avant Anan, les académies étaient subordonnées à l’exilarque, qui faisait ou ratifiait la nomination des chefs d’École. Quand les gaonim eurent réussi à écarter Anan de la fonction et de la dignité d’exilarque, ils eurent conscience de leur puissance et s’arrogèrent le privilège de nommer eux-mêmes les princes de l’exil. Aussi la dignité d’exilarque, qui était donc héréditaire depuis Bostanaï, devint-elle élective à partir de l’échec subi par Anan.
Comme il était à prévoir, les discussions religieuses entre intellectuels musulmans trouvèrent de l’écho chez les juifs d’Orient, les caraïtes suivirent la doctrine moutazilite (rationaliste), tandis que bien des rabbanites adoptèrent les idées des anthropomorphistes.
Le premier caraïte qui, à ce qu’on sache, appliqua au judaïsme le système des moutazilites, fut
Jehuda Judghan le Perse, de Hamadan (vers 800). D’après ses adversaires, il était, à l’origine, conducteur de chameaux. Se présentant comme le précurseur du Messie, il exposa sur l’être divin des pensées originales, qui étaient en contradiction avec les idées reçues ; déclara qu’il était défendu de se représenter Dieu sous une forme matérielle, parce que Dieu est au-dessus de toute créature ; et ajouta que les expressions de la Torah qui peuvent faire croire que Dieu a une forme ou des attributs doivent être prises au figuré. Selon lui enfin, il était aussi défendu d’admettre que Dieu, dans sa toute-puissance et sa prescience, détermine d’avance les actions humaines ; puisque Dieu est un être juste et qu’il récompense et punit, il faut nécessairement que l’homme soit libre de ses actes. Pour la pratique, Jehuda le Perse recommandait une vie ascétique, défendait de manger de la viande et de boire du vin, ordonnait de jeûner et de prier fréquemment. Ses partisans, connus sous le nom de judghanites, eurent une telle foi dans leur maître qu’ils ne crurent pas à sa mort, ils étaient convaincus qu’il reviendrait pour enseigner une nouvelle doctrine ; c’est ainsi que les chiites musulmans attendent le retour d’Ali. Un des disciples de Judghan, Mouschka, voulut propager les idées de son maître par les armes ; mais, parti de Hamadan avec ses fidèles, il fut arrêté et tué, probablement par les musulmans, avec dix-neuf de ses compagnons, aux environs de Koum (à l’est de Hamadan et au sud de Téhéran).
Jehuda Judghan cherchait surtout à introduire des mœurs ascétiques parmi les juifs, il fut plutôt un chef de secte qu’un philosophe religieux. Un autre caraïte de cette époque, Benjamin ben Mosé, de Nahavend (vers 800-820), se préoccupa, au contraire, de faire connaître à ses coreligionnaires la philosophie religieuse des mutazilites ; il n’était pas seulement choqué par les images matérielles sous lesquelles la Bible représente Dieu, il rejetait même la Création et la Révélation. Il lui semblait étrange que le pur esprit ait créé le monde et ait été en contact avec la matière, qu’il soit venu s’établir dans un espace limité, sur le Sinaï, et ait fait entendre des sons articulés. Pour concilier sa conception supérieure de l’Être divin avec la doctrine de la révélation, il émit une opinion, déjà exprimée avant lui ; selon laquelle Dieu n’a créé lui-même, directement, que le monde des esprits et les anges, le monde matériel a été créé par un des anges, Dieu n’est donc qu’indirectement le créateur de l’univers. De même, la révélation et les inspirations des prophètes ne viennent pas directement de Dieu, mais d’un ange. Les disciples de Benjamin Nahavendi furent, on ne sait pourquoi, considérés comme une secte particulière des caraïtes et désignés sous le nom de makarijites ou magharijites.
Si, par sa philosophie religieuse, Benjamin s’écarta bien loin de la conception que ses contemporains avaient du judaïsme, il se rapprocha, pour la pratique, de la doctrine des rabbanites, admettant un grand nombre de lois talmudiques et en en prônant l’accomplissement aux caraïtes. Il établit même chez les caraïtes une excommunication qui différait peu de l’excommunication rabbanite. Un accusé ne se présentait-il pas devant le tribunal ou refusait-il de se soumettre à la sentence prononcée contre lui, il était maudit pendant sept jours et puis excommunié. Aucun membre de la communauté ne pouvait alors communiquer avec lui, ni le saluer, ni s’approcher de lui, jusqu’à ce qu’il se soumette.
Persistait-il dans sa rébellion, on avait le droit de le livrer au bras séculier. Malgré ses concessions aux idées rabbanites, Benjamin n’en resta pas moins fidèle au principe caraïte de la liberté de l’interprétation biblique. Il n’admettait pas que l’on obéisse aveuglément à une autorité religieuse
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quelconque, mais voulait que chacun agisse selon ses propres convictions. Le libre examen est un devoir, dit-il, et l’erreur n’est pas un péché.
Les doctrines mutazilites, transplantées chez les juifs, furent combattues avec acharnement, comme chez les musulmans, par ceux qui s’en tenaient à la lettre du texte, croyaient réellement, comme le disait la Bible, que Dieu avait un pied, une main, s’asseyait et marchait ; et prenaient aussi à la lettre les explications haggadiques qui avaient été données de certains passages de la Torah pour les rendre compréhensibles à l’esprit de la foule. Ils finirent par représenter Dieu sous une forme absolument matérielle, mesurant sa taille en parasanges (1 parasange = 5 250 mètres) ; et parlant, à la façon des païens, de son œil droit et de son œil gauche, de ses lèvres inférieure et supérieure, de sa barbe et des autres parties de son corps.
Pour exalter la grandeur de Dieu, ils attribuaient à chacun de ses membres une longueur démesurée et croyaient avoir démontré suffisamment sa puissance en déclarant que l’ensemble de son corps dépasse en superficie la terre entière (Schiour-Komah). Ce Dieu étrange occupe dans le ciel un palais composé de sept salles (Hèkhalot), il se tient dans la salle la plus élevée, assis sur un trône de dimensions prodigieuses. Le palais est également habité par des myriades d’anges, dont le chef s’appelle Metatoron, qui n’est autre que Hénoch ou Henok, que Dieu a enlevé du milieu des hommes pour le transporter au ciel et le métamorphoser eu un feu flamboyant. Ils ne craignaient pas d’appeler Metatoron le petit Dieu.
Cette théorie ridicule, formée de divagations juives, chrétiennes et musulmanes, s’enveloppa d’un voile mystérieux et se présenta comme une révélation divine. Malgré son absurdité, elle trouva, des adeptes, qui s’intitulèrent hommes de la foi. Ceux-ci se vantaient de pouvoir jeter leurs regards dans le palais de Dieu ; et d’être en mesure, grâce à des formules de conjuration, à des invocations adressées à Dieu et aux anges, à la récitation de certaines litanies appuyée par des jeûnes et une vie ascétique, de faire des miracles. Pour accomplir leurs exploits, ils se servaient d’amulettes et de camées (kamêot) sur lesquels ils inscrivaient, au milieu de figures fantastiques, le nom de Dieu et des noms d’anges. Selon eux, tout homme pieux peut faire des miracles, pourvu qu’il sache employer les moyens nécessaires ; ils indiquaient ces moyens dans une foule d’écrits sur l’enseignement secret théorique et pratique, remplis, pour la plupart, d’extravagances, mais quelquefois animés d’un souffle vraiment poétique. On n’y trouve cependant que des indications vagues ; la vraie clé pour entrer dans le palais de Dieu et opérer des miracles n’est livrée qu’aux adeptes que les lignes de leur front et de leurs mains désignent comme dignes de posséder le secret magique.
Ce fut surtout en Palestine que ces élucubrations mystiques reçurent un chaleureux accueil, mais elles se répandirent également en Babylonie et y conquirent même une grande considération. Ainsi, quand, en 814, il devint nécessaire de nommer un chef pour l’École de Pumbadita, au lieu d’élever à cette dignité Mar-Akron (ben Samuel ?), un savant qui avait exercé la fonction de président de tribunal ; on en investit un vieillard, Joseph bar Abba, dont le principal mérite consistait dans son mysticisme et ses prétendues relations avec le prophète Élie. Un jour que ce Joseph bar Abba présidait une réunion publique, il s’écria soudainement : Faites place à l’ancien, qui entre ! Les regards de tous les assistants se dirigèrent vers la porte, et ceux qui étaient assis à la droite du chef d’école s’écartèrent de lui avec respect pour faire place au nouveau venu. Par cela même que l’on n’avait vu entrer personne, tous furent fermement convaincus que le prophète Élie venait de pénétrer au milieu d’eux pour assister, invisible, à la droite de Joseph, à la conférence religieuse ; et depuis ce moment, l’usage prévalut de ne plus occuper, à l’école de Pumbadita, la place qui avait été sanctifiée par la présence d’Élie. Le successeur de Joseph, Mar-Abraham ben Scherira (816-828), était également un mystique. On raconte de lui que, les jours où il n’y avait pas de vent, il savait deviner l’avenir d’après le bruissement des palmiers.
Le mysticisme n’exerça pas seul son action sur les écoles juives, on y rencontre aussi l’esprit réformateur et même les idées caraïtes, et ces tendances si opposées provoquèrent souvent parmi les savants des froissements et des querelles éclatant au grand jour chaque fois qu’il fallait pourvoir le poste d’Exilarque.
Dans le caraïsme également se produisirent des querelles et des déchirements, il s’y forma de nouvelles sectes qui s’éloignaient plus ou moins de la doctrine d’Anan. Mousa (ou Meswi) et Ismaël, d’Akbara (à l’est de Bagdad, à sept milles de cette ville), introduisirent, vers 833-842, des modifications, restées inconnues, dans la célébration du sabbat ; ils déclarèrent aussi que la défense
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du Pentateuque relative à la graisse des animaux ne s’appliquait qu’aux sacrifices, mais qu’autrement il était permis de manger la graisse. Vers la même époque, un autre caraïte, Abou-Amran Moïse le Perse, originaire de la ville de Safran et établi plus tard à Tiflis, en Arménie, apporta également des changements au caraïsme. Il établit les fêtes à de nouvelles dates, abolit tout calendrier, et décida que le mois commencerait, non pas à partir de l’apparition de la nouvelle lune, mais au moment où la lune entre dans son dernier quartier ; il niait aussi la résurrection des corps. (HEINRICH GRAETZ, Geschichte der Juden).
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LE POINT DE VUE (PLUS CRITIQUE) DE L’HISTORIEN FRANÇAIS BERNARD Lazare.
Comme l’a très bien écrit BERNARD Lazare, plus encore que la Bible, ce fut le Talmud qui fit l’unité des Juifs dispersés
CHAPITRE I.
Partout ils voulaient rester juifs, et partout ils obtenaient des privilèges leur permettant de fonder un État dans l’État. À la faveur de ces privilèges, de ces exemptions, de ces décharges d’impôts, ils se trouvaient rapidement dans une situation meilleure que les citoyens mêmes des villes dans lesquelles ils vivaient, ils avaient plus de facilité à trafiquer et à s’enrichir, et ainsi excitèrent-ils des jalousies et des haines.
Donc, l’attachement d’Israël à sa loi fut une des causes premières de sa réprobation, soit qu’il recueillît de cette loi même des bénéfices et des avantages susceptibles de provoquer l’envie, soit qu’il se targuât de l’excellence de sa Torah pour se considérer comme au-dessus et en dehors des autres peuples.
Si encore les israélites s’en fussent tenus au mosaïsme pur, nul doute qu’ils n’aient pu, à un moment donné de leur histoire, modifier ce mosaïsme de façon à ne laisser subsister que les préceptes religieux ou métaphysiques ; peut-être même, s’ils n’avaient eu comme livre sacré que la Bible, se seraient-ils fondus dans l’Église naissante, qui trouva ses premiers adeptes dans les sadducéens, les esséniens et les prosélytes juifs. Une chose empêcha cette fusion, et maintint les Hébreux parmi les peuples : ce fut l’élaboration du Talmud, la domination et l’autorité des docteurs qui enseignèrent une prétendue tradition, mais cette action des docteurs, sur laquelle nous reviendrons, fit aussi des Juifs les êtres farouches, peu sociables et orgueilleux dont Spinoza, qui les connaissait, a pu dire : « Cela n’est point étonnant qu’après avoir été dispersés durant tant d’années, ils aient persisté sans gouvernement, puisqu’ils se sont séparés de toutes les autres nations, à tel point qu’ils ont tourné contre eux la haine de tous les peuples, non seulement à cause de leurs rites extérieurs, contraires aux rites des autres nations, mais encore par le signe de la circoncision. »
Ainsi, disaient les docteurs, le but de l’homme sur la terre est la connaissance et la pratique de la Loi, et on ne la peut pleinement pratiquer qu’en se dérobant aux lois qui ne sont pas la véritable. Le Juif qui suivait ces préceptes s’isolait du reste des hommes ; il se retranchait derrière les haies qu’avaient élevées autour de la Torah Esdras et les premiers scribes, puis les pharisiens et les Talmudistes héritiers d’Esdras, réformateurs du mosaïsme primitif et ennemis des prophètes. Il ne s’isola pas seulement en refusant de se soumettre aux coutumes qui établissaient des liens entre les habitants des contrées où il était établi, mais aussi en repoussant toute relation avec ces habitants eux-mêmes. À son insociabilité, le Juif ajouta l’exclusivisme.
Sans la Loi, sans Israël pour la pratiquer, le monde ne serait pas, Dieu le ferait rentrer dans le néant ; et le monde ne connaîtra le bonheur que lorsqu’il sera soumis à l’empire universel de cette loi, c’est-à-dire à l’empire des Juifs. Par conséquent, le peuple juif est le peuple choisi par Dieu comme dépositaire de ses volontés et de ses désirs ; il est le seul avec qui la Divinité ait fait un pacte, il est l’élu du Seigneur. Au moment où le serpent tenta Eve, dit le Talmud, il la corrompit de son venin. Israël, en recevant la révélation du Sinaï se délivra du mal ; les autres nations n’en purent guérir. Aussi, si elles ont chacune leur ange gardien et leurs constellations protectrices, Israël est placé sous l’œil même de Jéhovah ; il est le fils préféré de l’Éternel, celui qui a seul droit à son amour, à sa bienveillance, à sa protection spéciale, et les autres hommes sont placés au-dessous des Hébreux ; ils n’ont droit que par pitié à la munificence divine, puisque, seules, les âmes des Juifs descendent du premier homme. Les biens qui sont délégués aux nations appartiennent en réalité à Israël, et nous voyons Jésus, lui-même, répondre à la femme grecque : « Il n’est pas bon de prendre le pain des enfants pour le jeter aux petits chiens. »
Cette foi en leur prédestination, à leur élection, développa chez les Juifs un orgueil immense. Ils en vinrent à regarder les non-juifs avec mépris et souvent avec haine, quand il se mêla à ces raisons théologiques des raisons patriotiques.
Lorsque la nationalité juive se trouva en péril, on vit, sous Jean Hyrcan, les pharisiens déclarer impur le sol des peuples étrangers, impures les fréquentations entre Juifs et Grecs. Plus tard, les Schamaïtes, en un Synode, proposèrent d’établir une séparation complète entre israélites et païens, et ils élaborèrent un recueil de défenses, appelé les Dix-huit choses, qui, malgré l’opposition des Hillélites, finit par prédominer. Aussi, dans les conseils d’Antiochus Sidétès, on commence à parler de
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l’insociabilité juive, c’est-à-dire « du parti pris de vivre exclusivement dans un milieu juif, en dehors de toute communication avec les idolâtres, et de l’ardent désir de rendre ces communications de plus en plus difficiles, sinon impossibles 1 "; et l’on voit, devant Antiochus Épiphane, le grand-prêtre Ménélaus accuser la loi « d’enseigner la haine du genre humain, de défendre de s’asseoir à la table des étrangers et de leur marquer de la bienveillance ».
Si ces prescriptions avaient perdu leur autorité quand disparurent les causes qui les avaient motivées, et en quelque sorte justifiées, le mal n’eût pas été grand ; mais on les voit reparaître dans le Talmud, et l’autorité des docteurs leur donna une sanction nouvelle.
Lorsque l’opposition entre les sadducéens et les pharisiens cessa, lorsque ces derniers furent vainqueurs, ces défenses prirent force de loi, elles furent enseignées, et ainsi servirent à développer, à exagérer l’exclusivisme des Juifs.
Une crainte encore, celle de la souillure, sépara les Juifs du monde et rendit plus rigoureux leur isolement. Sur la souillure, les pharisiens avaient des idées d’une rigueur extrême ; les défenses et les prescriptions de la Bible ne suffisaient pas, selon eux, à préserver l’homme du péché. Comme le moindre attouchement contaminait les vases des sacrifices, ils en vinrent à s’estimer souillés eux-mêmes par un contact étranger. De cette peur naquirent d’innombrables règles concernant la vie journalière : règles sur le vêtement, l’habitation, la nourriture, toutes promulguées dans le but d’éviter aux israélites la souillure et le sacrilège, et, encore une fois, toutes propres à être observées dans un État indépendant ou dans une cité, mais impossibles à suivre dans des pays étrangers ; car elles impliquaient la nécessité, pour ceux qui voulaient s’y astreindre, de fuir la société des non-juifs et par conséquent de vivre seuls, hostiles à tout rapprochement.
Les pharisiens et les Rabbanites allèrent plus loin même. Ils ne se contentèrent pas de vouloir préserver le corps, ils cherchèrent à sauvegarder l’esprit. L’expérience avait montré combien dangereuses étaient, pour ce qu’ils croyaient leur foi, les importations hellènes ou romaines. Les noms des grands-prêtres hellénisants : Jason, Ménélaus, etc., rappelaient aux Rabbanites les temps où le génie de la Grèce, conquérant une partie d’Israël, avait failli le vaincre. Ils savaient que le parti sadducéen, ami des Grecs, avait préparé les voies au Christianisme, comme les Alexandrins, du reste…
Et l’on peut dire que le véritable Mosaïsme, épuré et grandi par Isaïe, Jérémie et Ézéchiel, élargi, universellement encore par les judéo-hellénistes, aurait amené Israël au christianisme, si l’Esraïsme, le Pharaïsme et le Talmudisme n’avaient été là pour retenir la masse des Juifs dans les liens des strictes observances et des pratiques rituelles étroites.
Pour garder le peuple de Dieu, pour le mettre à l’abri des influences mauvaises, les docteurs exaltèrent leur loi au-dessus de toutes choses. Ils déclarèrent que sa seule étude devait plaire à l’israélite, et, comme la vie entière suffisait à peine à connaître et à approfondir toutes les subtilités et toute la casuistique de cette loi, ils interdirent de se livrer à l’étude des sciences profanes et des langues étrangères. « On n’estime pas parmi nous ceux qui apprennent plusieurs langues », disait déjà Josèphe ; on ne se contenta bientôt plus de les mésestimer, on les excommunia. Ces exclusions ne parurent pas suffisantes aux Rabbanites.
À défaut de Platon, le Juif n’avait-il pas la Bible, et ne saurait-il entendre la voix des prophètes ? Comme on ne pouvait proscrire le Livre, on le diminua, on le rendit tributaire du Talmud ; les docteurs déclarèrent : « La Loi est de l’eau, la Michna est du vin. » Et la lecture de la Bible fut considérée comme moins profitable, moins utile au salut que celle de la Michna.
Toutefois, les Rabbanites ne parvinrent pas à tuer du premier coup la curiosité d’Israël, il leur fallut des siècles pour cela, et ce ne fut qu’au XIVe siècle qu’ils furent victorieux. Après qu’Ibn Esra R. Bechaï, Maimonide, Bedarchi, Joseph Caspi, Lévi ben Gerson, Moïse de Narbonne, bien d’autres encore – tous ceux qui, fils de Philon et des Alexandrins, voulaient vivifier le Judaïsme par la philosophie étrangère – eurent disparu ; après que Ascher ben Jechiel eux poussé l’assemblée des rabbins de Barcelone à excommunier ceux qui s’occuperaient de science profane ; après que R. Schalem de Montpellier eut dénoncé aux dominicains le More Nebouchim, après que ce livre, la plus haute expression de la pensée de Maimonide, eut été brûlé, après cela les Rabbins triomphèrent.
Ils étaient arrivés à leur but. Ils avaient retranché Israël de la communauté des peuples ; ils en avaient fait un solitaire farouche rebelle à toute loi, hostile à toute fraternité, fermé à toute idée belle noble ou généreuse ; ils en avaient fait une nation misérable et petite aigrie par l’isolement, abêtie par une éducation étroite, démoralisée et corrompue par un injustifiable orgueil.
Avec cette transformation de l’esprit juif, avec la victoire des docteurs sectaires, coïncide le commencement des persécutions officielles. Jusqu’à cette époque, il n’y avait guère eu que des explosions de haines locales, mais non des vexations systématiques. Avec le triomphe des Rabbanites, on voit naître les ghettos, les expulsions et les massacres commencent. Les Juifs veulent
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vivre à part ; on se sépare d’eux. Ils détestent l’esprit des nations au milieu desquelles ils vivent : les nations les chassent. Ils brûlent le More : on brûle le Talmud, et on les brûle eux-mêmes.
Il semble que rien ne pouvait agir encore pour séparer complètement les Juifs du reste des hommes, et pour en faire un objet d’horreur et de réprobation. Une autre cause vint cependant s’ajouter à celles que nous venons d’exposer : ce fut l’indomptable et tenace patriotisme d’Israël.
Certes, tous les peuples furent attachés au sol sur lequel ils étaient nés. Vaincus, abattus par des conquérants, obligés à l’exil ou à l’esclavage, ils restèrent fidèles au doux souvenir de la cité saccagée ou de la patrie perdue ; mais aucun ne connut la patriotique exaltation des Juifs. C’est que le Grec dont la ville était détruite pouvait ailleurs reconstruire le foyer que bénissaient les ancêtres ; le Romain qui s’exilait amenait avec lui ses pénates : Athènes et Rome n’étaient pas la mystique patrie que fut Jérusalem.
Jérusalem était la gardienne du tabernacle qui recelait les paroles divines ; c’était la cité du Temple unique, le seul lieu du monde où l’on pût efficacement adorer Dieu et lui offrir des sacrifices. Ce ne fut que tard, fort tard, que des maisons de prière s’élevèrent dans d’autres villes de Judée, ou de Grèce, ou d’Italie ; encore, dans ces maisons, se bornait-on à des lectures de la Loi, à des discussions théologiques, et l’on ne connaissait la pompe de Jéhovah qu’à Jérusalem, le sanctuaire choisi. Quand, à Alexandrie, on bâtit un temple, il fut considéré comme hérétique…
C’est qu’à Jérusalem seulement, et dans le pays donné par Dieu aux ancêtres, les corps ressusciteraient. Là, ceux qui avaient cru à Iahveh, qui avaient observé sa loi, obéi à sa parole, se réveilleraient aux clameurs des ultimes clairons et paraîtraient devant leur Seigneur. Ce n’est que là qu’ils pourraient se relever à l’heure fixée, toute autre terre que celle arrosée par le Jourdain jaune étant une terre vile, pourrie par l’idolâtrie, privée de Dieu.
Dieu ne devait pas abandonner ses enfants, pensaient les pieux ; et de naïves légendes vinrent soutenir les exilés. Auprès de la tombe des Juifs morts en exil, disait-on, Jéhovah ouvre de longues cavernes, à travers lesquelles leurs cadavres roulent jusqu’en Palestine ; tandis que le païen qui meurt là-bas, près des collines consacrées, sort de la terre d’élection, car il n’est pas digne de rester là où la résurrection se fera.
Et cela ne leur suffisait pas. Ils ne se résignaient pas à n’aller à Jérusalem qu’en pèlerins lamentables, pleurant contre les murs écroulés à ce point insensibles dans leur douleur que quelques-uns se faisaient écraser par le sabot des chevaux, alors qu’en gémissant ils embrassaient la terre ; ils ne croyaient pas que Dieu, que la ville bienheureuse, les avaient abandonnés ; avec Juda Levita, ils s’écriaient : « Sion, as-tu oublié tes malheureux enfants qui gémissent dans l’esclavage ? »
Ils attendaient que leur Seigneur, de sa droite puissante, relevât les murailles tombées ; ils espéraient qu’un prophète, un élu les ramènerait dans la terre promise, et combien de fois les vit-on, au cours des siècles – eux à qui l’on reproche de trop s’attacher aux biens de ce monde – laisser leur maison, leur fortune, pour suivre un messie fallacieux qui s’offrait à les conduire et leur promettait le retour tant espéré ! Ils furent des milliers, ceux qu’entraînèrent après eux Serenus, Moïse de Crète, Alroï, et qui se laissèrent massacrer dans l’attente du jour heureux.
Chez les Talmudistes, ces sentiments d’exaltation populaire, ces mystiques héroïsmes se transformèrent. Les docteurs enseignèrent le rétablissement de l’Empire juif, et, pour que Jérusalem naquît de ses ruines, ils voulurent conserver pur le peuple d’Israël, l’empêcher de se mêler, le pénétrer de cette idée que partout il était exilé, au milieu d’ennemis qui le retenaient captif. Ils disaient à leurs élèves : « Ne cultive pas le sol étranger, tu cultiveras bientôt le tien ; ne t’attache à aucune terre, car ainsi tu serais infidèle au souvenir de ta patrie ; ne te soumets à aucun roi, puisque tu n’as de maître que le Seigneur du pays saint, Jéhovah ; ne te disperse pas au sein des nations, tu compromettrais ton salut et tu ne verrais pas luire le jour de la résurrection ; conserve-toi tel que tu sortis de ta maison, l’heure viendra où tu reverras les collines des aïeux, et ces collines seront alors le centre du monde, du monde qui te sera soumis. »…
Ce souci des intérêts mondains, qui marque un côté du caractère hébraïque, ne fut pas sans action sur la conduite des Juifs, surtout quand ils eurent quitté la Palestine ; et en les dirigeant dans certaines voies, à l’exclusion de tant d’autres, il provoqua contre eux de plus violentes et surtout de plus directes animosités.
L’âme du juif est double : elle est mystique et elle est positive. Son mysticisme va des théophanies du désert aux rêveries métaphysiques de la Cabbale ; son positivisme, son rationalisme plutôt, se manifeste autant dans les sentences de l’Ecclésiaste que dans les dispositions législatives des rabbins et les controverses dogmatiques des théologiens. Mais si le mysticisme aboutit à un Philon ou à un Spinoza, le rationalisme conduit à l’usurier, au peseur d’or ; il fait naître le négociant avide. Il est vrai que parfois les deux états d’esprit se juxtaposent, et l’israélite, comme cela est arrivé au Moyen Âge, peut faire deux parts de sa vie : l’une vouée au songe de l’absolu, l’autre au commerce le plus avisé…
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CHAPITRE V.
Pour préserver Israël des pernicieuses influences du dehors – pernicieuses, disait-on, pour l’intégrité de la foi – ses docteurs s’efforcèrent de l’astreindre à l’exclusive étude de la loi. Des efforts en ce sens furent faits dès l’époque des Machabées, au moment où les hellénisants constituaient un grand parti en Palestine. Vaincus d’abord, ou du moins peu écoutés, ceux qu’on appela plus tard les obscurantistes continuèrent leur besogne. Quand, au XIIe siècle, l’intolérance et le bigotisme juifs grandirent, quand l’exclusivisme s’accrut, la lutte entre partisans de la science profane et ses adversaires devint plus vive, elle s’exaspéra après la mort de Maïmonide et se dénoua par la victoire des obscurantistes.
Moïse Maïmonide avait dans ses œuvres, et notamment dans le More Neboukhim (Guide des Égarés) tenté de concilier la foi et la science. Aristotélicien convaincu, il avait voulu unir la philosophie péripatéticienne et le mosaïsme, et ses spéculations sur la nature de l’âme, sur son immortalité trouvèrent des défenseurs et des admirateurs ardents, des détracteurs farouches. En réalité les Maïmonistes étaient portés à négliger les pratiques rituelles, les cérémonies tatillonnes du culte : hardiment rationalistes, ils expliquaient allégoriquement les miracles bibliques comme avaient fait autrefois les disciples de Philon, et ils échappaient à la tyrannie des prescriptions religieuses. Ils prétendaient participer au mouvement intellectuel de leur temps et se mêler, sans abandonner leurs croyances, à la société au sein de laquelle ils vivaient. Leurs adversaires tenaient pour la pureté d’Israël, pour l’intégrité absolue de son culte, de ses rites et de ses croyances ; ils voyaient dans la philosophie et dans la science les plus funestes ennemis du Judaïsme, et affirmaient que si les Juifs ne se ressaisissaient, s’ils ne rejetaient loin d’eux tout ce qui n’était pas la Loi sainte, ils étaient destinés à périr et à se dissoudre parmi les nations.
En 1232, le rabbin Salomon de Montpellier lança l’anathème contre tous ceux qui liraient le More Neboukhim ou se livreraient aux études scientifiques et philosophiques. Ce fut le signal du combat. Il fut violent de part et d’autre, et on eut recours à toutes les armes. Les rabbins fanatiques en appelèrent au fanatisme des dominicains, ils dénoncèrent le Guide des Égarés et le firent brûler par l’inquisition. À l’instigation d’un docteur allemand, Asche ben Yehiel, un synode de trente rabbins réuni à Barcelone sous la présidence de Ben Adret, excommunia tous ceux qui avant vingt-cinq ans lisaient d’autres livres que la Bible et le Talmud.
L’excommunication contraire fut prononcée par Jacob Tibbon, qui à la tête de tous les rabbins provençaux, défendit hardiment la science condamnée. Tout fut vain : ces misérables Juifs, que le monde entier tourmentait pour leur foi, persécutèrent leurs coreligionnaires plus âprement, plus durement qu’on ne les avait jamais persécutés. Ceux qu’ils accusaient d’indifférence étaient voués aux pires supplices ; les blasphémateurs avaient la langue coupée ; les femmes juives qui avaient des relations avec des chrétiens étaient condamnées à être défigurées : on leur faisait l’ablation du nez.
Malgré cela, les partisans de Tibbon résistèrent ; si, pendant le XIVe et le XVe siècle, en Espagne, en France et en Italie, la pensée juive ne mourut pas complètement, c’est à eux qu’elle le dut. Encore tous ces hommes, comme Moïse de Narbonne et Lévy de Bagnols, comme Élie de Crète et Alemani, le maître de Pic de la Mirandole, étaient-ils des isolés, ainsi que plus tard Spinoza. Quant à la masse des Juifs, elle était entièrement tombée sous le joug des obscurantistes. Elle était désormais séparée du monde, tout horizon lui était fermé ; elle n’avait plus, pour alimenter son esprit, que les futiles commentaires talmudiques, les discussions oiseuses et médiocres sur la loi.
Désormais, le Juif ne pensa plus. Et quel besoin avait-il de penser, puisqu’il avait un code minutieux, précis, œuvre de légistes casuistes, qui pouvait répondre à toutes les questions qu’il était licite de poser ? Car on interdisait au croyant de s’enquérir des problèmes que n’indiquait pas ce code : le Talmud.
Dans le Talmud, le Juif trouvait tout prévu ; les sentiments, les émotions, quels qu’ils fussent, étaient marqués ; des prières, des formules toutes faites permettaient de les manifester. Le livre ne laissait place ni à la raison ni à la liberté, d’autant qu’on en proscrivait presque, en l’enseignant, la partie légendaire et la partie gnomique pour insister sur la législation et le rituel. Si, par la tyrannie qu’ils exercèrent sur leur troupeau, ils développèrent chez chacun l’ingéniosité et l’esprit de ruse nécessaires pour échapper au filet qui saisissait impitoyablement, ils accrurent le positivisme naturel des Juifs en leur présentant comme unique idéal un bonheur matériel et personnel, bonheur que l’on pouvait atteindre sur la terre si on savait s’astreindre aux mille lois culturelles. Pour gagner ce bonheur égoïste, le Juif, que les pratiques recommandées délivraient de tout souci, de toute inquiétude, était fatalement conduit à rechercher l’or, car, étant données les conditions sociales qui le régissaient, comme elles régissaient tous les hommes de cette époque, l’or seul pouvait lui procurer les satisfactions que concevait sa cervelle bornée et rétrécie. Ainsi par lui-même et par ceux qui l’entourèrent, par ses lois propres et par celles qui lui furent imposées, par sa nature artificielle et par les circonstances, le Juif fut dirigé vers l’or ; il fut préparé à être le changeur, le prêteur, l’usurier, celui
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qui capte le métal, d’abord pour les jouissances qu’il peut procurer, puis pour l’unique bonheur de sa possession ; celui qui, avide, saisit l’or, et, avare, l’immobilise. Le Juif devenu tel, l’antijudaïsme se compliqua, les causes sociales se mêlèrent aux causes religieuses, et la combinaison de ces causes explique l’intensité et la gravité des persécutions qu’Israël eut à subir.
En effet, les Lombards et les Caorsins, par exemple, furent en butte à l’animosité populaire ; ils furent haïs et méprisés, mais ils ne furent pas victimes de systématiques persécutions. Que les Juifs détinssent des richesses on le trouvait abominable, surtout à cause de leur qualité de Juifs. Contre le chrétien qui le spoliait et ne valait d’ailleurs ni plus ni moins que le Juif, le pauvre hère dépouillé ressentait moins de courroux qu’il n’en éprouvait contre le réprouvé israélite, ennemi de Dieu et des hommes. Le déicide, déjà objet d’horreur, étant devenu l’usurier, le collecteur de taxes, l’impitoyable Agent du fisc, l’horreur s’aggrava ; elle se compliqua de la haine des pressurés, des opprimés. Les esprits simples ne cherchèrent pas les causes réelles de leur détresse ; ils n’en virent que les causes efficientes. Or, le Juif était la cause efficiente de l’usure ; c’est lui qui, par les gros intérêts qu’il prenait, causait le dénuement, l’âpre et dure misère ; c’était donc sur le Juif que tombaient les inimitiés. Le peuple souffrant ne s’inquiétait guère des responsabilités ; il n’était pas économiste, ni raisonneur ; il constatait qu’une lourde main s’abattait sur lui : cette main était celle du Juif, il se ruait sur le Juif. Il ne se ruait pas que sur lui, et souvent, quand il était à bout de force et de patience, il frappait sur tous les riches indistinctement, tuant Juifs et chrétiens.
Les Pastoureaux détruisirent, en Gascogne, cent vingt communautés juives, mais ils ne mirent pas seulement à mal les Juifs, ils envahirent des châteaux, ils exterminèrent les nobles et ceux qui possédaient. Seulement, parmi les chrétiens, c’étaient les possesseurs qui subissaient les violences des révoltés, les pauvres étaient épargnés, parmi les Juifs, on exterminait pauvres et riches indistinctement, car ils étaient, avant tout crime, coupables d’être juifs.
CHAPITRE VI.
Depuis le XVIe siècle, loin de diminuer, la tyrannie talmudique s’était accrue. À cette époque Joseph Caro * avait rédigé le Schulchan Aruch, code talmudique qui – suivant d’ailleurs les traditions inculquées par les rabbanites – érigeait en lois les opinions doctorales. Jusqu’à notre temps, les Juifs d’Europe vécurent sous l’abominable oppression de ces pratiques. Les Juifs polonais, renchérissant encore sur Joseph Caro *, raffinèrent les subtilités déjà si grandes du Schulchan Aruch, auquel ils firent des additions, et ils instaurèrent dans l’enseignement dialectique la méthode du Pilpoul (des grains de poivre).
À mesure donc que le monde se faisait plus doux pour eux, les Juifs – du moins la masse – se retiraient en eux-mêmes, ils rétrécissaient leur prison, ils se liaient de liens plus étroits. Leur décrépitude était inouïe, leur affaissement intellectuel n’avait d’égal que leur abaissement moral ; ce peuple paraissait mort.
Cependant la réaction talmudique partit des Juifs eux-mêmes. Au Xe siècle, Mardochée Kolkos, de Venise, avait déjà publié un livre contre la Mischna ; au XVIIe siècle, Uriel Acosta combattit avec violence les rabbins, et Spinoza ne se montra pas pour eux très tendre. Mais l’antitalmudisme se manifesta surtout au XVIIIe siècle, d’abord parmi les mystiques, ainsi les Zoharites disciples de Frank qui se déclaraient les ennemis des docteurs de la loi. Toutefois ces adversaires des rabbanites étaient impuissants à tirer les Juifs de leur abjection.
Il fallut, pour commencer cette œuvre, qu’un homme, juif en même temps que philosophe, Moïse Mendelssohn, opposât au Talmud la Bible. Il la traduisit en allemand en 1779 : grande révolution ! C’était le premier coup porté à l’influence rabbinique. Aussi les talmudistes qui avaient jadis voulu assassiner Kolkos et Spinoza, attaquèrent-ils violemment Mendelssohn et interdirent sous peine d’excommunication la lecture de la Bible qu’il avait traduite.
Ces colères furent vaines. Mendelssohn fut suivi ; des jeunes gens, ses disciples, fondèrent un journal, le Meassef, qui défendait le nouveau judaïsme, essayait d’arracher les Juifs à leur ignorance et à leur avilissement, et préparait leur émancipation morale. Quant à l’émancipation politique, la philosophie humanitaire du XVIIIe siècle travaillait à la rendre possible. Si Voltaire fut un ardent judéophobe, les idées que lui et les encyclopédistes représentaient n’étaient pas hostiles aux Juifs, puisque c’étaient des idées de liberté et d’égalité universelle.
* Le Choulhan Arouk ou Shoulan Arouk est une sorte de charia juive écrite en 1563 par le talmudiste Joseph Caro (Espagne 1488 Turquie 1575).
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Note de Pierre de La Crau sur ce qui précède. Personnellement je suis plus dur que BERNARD Lazare en ce qui concerne la Bible ou Moïse et sa Loi (j’ai pour elle beaucoup moins d’indulgence) et même envers Maïmonide (j’ai moins d’admiration que lui pour son œuvre, car il reste fondamentalement créationniste). Par contre je suis moins sévère envers le Talmud. Saint Paul a eu des mots d’un antisémitisme inouï à propos des juifs dans les versets 15 et 16 du deuxième chapitre
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de sa première lettre aux Thessaloniciens. Ils ont mis à mort notre seigneur Jésus et les prophètes, la colère de Dieu * les a frappés.
Contre un tel racisme de la part des chrétiens, on trouva donc tout permis, on préconisa toutes les défenses. La littérature antipaïenne ou antichrétienne des juifs finit par devenir considérable et le Talmud se fit l’écho de toutes ces réactions passionnelles. Bernard Lazare le reconnaît d’ailleurs lui-même puisqu’il évoque lui aussi le problème des Minim (Minéens sous sa plume) et de la malédiction juive les concernant.
* La destruction de Jérusalem.
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CHAPITRE XI.
Lorsque Jérusalem se fut abîmée dans les flammes, les juifs eurent leurs exilarques, leurs nassis (patriarches) et leurs gaonim, ils eurent leurs Écoles de docteurs ; celle du Talmud de Jérusalem ou de Palestine celle du Talmud de Babylone puis l’École d’Égypte, enfin l’École d’Espagne.
La chaîne traditionnelle ne fut jamais brisée. Toujours, ils se considérèrent comme des exilés et se bercèrent de ce songe du rétablissement du royaume terrestre d’Israël. Tous les ans, à la veille de Pâques, ils psalmodièrent du plus profond de leur être, par trois fois, la phrase consacrée : « Lechana aba Ierouchalaïm » (l’année prochaine à Jérusalem). Ils gardèrent leur vieux patriotisme, leur chauvinisme même, ils se regardèrent, malgré les désastres, malgré les malheurs, malgré les avanies, malgré l’esclavage, comme le peuple élu, celui qui était supérieur à tous les peuples, ce qui est la caractéristique de tous les peuples chauvins, aussi bien des Allemands que des Français, que des Anglais actuels. Un moment, au début du Moyen Âge, le Juif fut en effet supérieur ; parce qu’il arriva au milieu de barbares enfants, lui l’héritier d’une civilisation déjà vieille, en possession d’une littérature, d’une philosophie, et surtout d’une expérience qui dut lui conférer un avantage. Il perdit cette supériorité, et au XIVe siècle même il devint d’une culture inférieure à la culture générale de ceux dont la classe correspondait à la sienne ; mais il garda précieusement l’idée de sa suprématie, il continua à regarder avec dédain, avec mépris, tous ceux qui étaient étrangers à sa Loi.
Son livre, le Talmud, animé d’un patriotisme étroit et farouche, le lui enseignait d’ailleurs. On a accusé ce livre d’être antisocial, et il y a du vrai dans cette accusation ; on a prétendu qu’il était l’œuvre légale et morale la plus abominable, et là on s’est trompé, car il n’est ni plus ni moins abominable que tous les codes particularistes et nationaux. S’il est antisocial, c’est en ce sens qu’il représenta, et qu’il représente, un esprit différent de celui des lois en vigueur dans les pays où les Juifs habitèrent, et que les Juifs voulurent suivre leur code avant de suivre celui auquel tout membre de la société était assujetti, et encore ne fut-il et n’est-il antisocial que relativement, la loi n’ayant pas toujours été uniforme, ni la coutume invariable dans toutes les parties des États.
À un moment de l’Histoire il parut fatalement antihumain, puisque, alors que tout changeait, il restait immuable. Les antisémites chrétiens en ont montré la brutalité, parce que cette brutalité les choquait directement, mais rabbi Simon ben Yochai disant : « Le meilleur des goïm, tue-le ! » ne fut pas plus féroce que saint Louis pensant que le moyen le plus recommandable de discuter avec un Juif était de lui bouter de la dague dans le ventre, ou que le Pape Urbain III écrivant dans une bulle : « Il est permis à tout le monde de tuer un excommunié quand on le fait pour un motif de zèle pour l’Église. »
Quelques Juifs modernes et quelques philosémites ont repoussé avec horreur ces aphorismes et ces axiomes qui ont été des aphorismes et des axiomes nationaux. Les invectives aux goïm, aux minim, furent, disent – ils, adressées aux Romains, aux Hellènes, aux Juifs apostats, jamais elles n’ont visé les chrétiens.
Il y a une grande part de vérité dans ces affirmations, une grande part d’erreur aussi.
Lorsque le judaïsme fut combattu par le christianisme naissant, toute la haine et toute la colère des sicaires, des patriotes, des pieux, se reversa sur les Juifs qui se convertissaient : sur les minim. En désertant la foi nationale, ils désertaient le combat contre Rome et contre l’étranger, ils étaient traîtres à la patrie, à la religion juive, ils se désintéressaient d’une lutte qui était vitale pour Israël ; groupés autour de leurs nouvelles églises, ils regardaient d’un œil indifférent la gloire de la nation s’écrouler, son autonomie disparaître, et non seulement ils ne combattaient pas contre la louve, mais encore ils énervaient les courages de ceux qui les écoutaient. C’est contre eux, contres ces antipatriotes que furent rédigées des formules de malédiction ; les Juifs les mirent au ban de leur société, il fut licite de les tuer, comme il était licite de tuer le « meilleur des goïm ». Dans toutes les périodes de luttes patriotiques, chez toutes les nations, on trouverait des exhortations semblables ; les proclamations des généraux, les appels aux armes des tribuns de tous les âges contiennent d’aussi odieuses formules. Quand les Français envahirent le Palatinat, par exemple, ce dut être une règle pour les Allemands, plus même, un devoir, que de dire : « Le meilleur des Français, tue-le ! »
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CHAPITRE XIV.
Le grief moral de l’antisémitisme se résume ainsi : le Juif est plus malhonnête que le chrétien ; il est dépourvu de tous scrupules, étranger à la loyauté et à la franchise.
Ce grief est-il fondé ? Il l’a été et il l’est encore dans tous les pays où le Juif est maintenu hors de la société, où il reçoit exclusivement l’éducation talmudique, où il est en butte aux persécutions, aux insultes, aux outrages, où l’on méconnaît en lui la dignité et l’autonomie de l’être humain. L’état moral du Juif a été fait par lui-même et par les circonstances extérieures, son âme a été pétrie par la loi qu’il s’est donnée et par la loi qu’on lui imposa. Or, il fut doublement esclave pendant des siècles : il fut le serf de la Torah et le serf de tous. Il fut un paria, mais un paria que ses docteurs et ses guides maintinrent dans une servitude plus étroite que l’antique servitude d’Égypte. Au-dehors, mille restrictions entravèrent sa marche, arrêtèrent son expansion, s’opposèrent à son activité ; il rencontra devant lui des codes ennemis, des réglementations dures ; au-dedans il se heurta à tout un système compliqué de défenses. Hors du ghetto il trouva la contrainte légale, dans le ghetto il trouva la contrainte talmudique. S’il tentait d’échapper à l’une, mille châtiments l’attendaient ; s’il voulait se soustraire à l’autre, il s’exposait au harem, à l’excommunication redoutable qui le laissait seul au monde. Il ne fallait pas songer à attaquer de front ces deux puissances, aussi le Juif essaya-t-il de triompher d’elles par la ruse et l’une et l’autre développèrent en lui l’instinct de cautèle. Il devint d’une ingéniosité rare, d’une peu commune subtilité ; sa finesse naturelle s’accrut, mais elle fut employée bassement : à tromper un dieu rigoriste et d’inflexibles souverains. Le Talmud et les législations antijuives corrompirent profondément le Juif. Conduit par ses docteurs d’une part, par les légistes étrangers de l’autre, par maintes causes sociales aussi, à l’exclusive pratique du commerce et de l’usure, le Juif fut avili ; la recherche de l’or, recherche poursuivie sans trêve, le dégrada, elle affaiblit en lui la conscience, elle l’abaissa, elle lui donna des habitudes de fourberie. Dans cette guerre que, pour vivre, il dut livrer au monde et à la loi civile et religieuse, il ne put sortir vainqueur que par l’intrigue, et ce misérable, voué aux humiliations, aux insultes, obligé de baisser la tête sous les coups, sous les avanies, sous les invectives ne put se venger de ses ennemis, de ses tortureurs, de ses bourreaux, que par l’astuce. Pour lui, le vol, la mauvaise foi, devinrent des armes, les seules armes dont il lui fut possible de se servir ; aussi il s’ingénia à les aiguiser, à les compliquer et à les dissimuler.
Quand les murailles de ses ghettos s’écroulèrent, ce Juif, tel que l’avaient fait le Talmud et les conditions civiles, législatives et sociales, ne changea pas brusquement. Au lendemain de la révolution, il vécut absolument comme la veille, il ne modifia pas ses coutumes, ses habitudes, et surtout son esprit, aussi promptement qu’on modifia sa situation, affranchi, il garda son âme d’esclave, cette âme qu’il perd tous les jours, en même temps que s’effacent un à un les souvenirs de son ancienne abjection ».
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DOCUMENT DE TRAVAIL
POUR COMPARAISON CI-DESSOUS QUELQUES EXTRAITS
DE L’ENSEIGNEMENT DU GRAND RABBI NAZORÉEN
YESHOUA BAR YOSEF (JESUS).
Jean 8, 3 à 11.
Les scribes et les pharisiens lui amènent alors une femme surprise en adultère et, la plaçant bien en vue, ils disent Jésus : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Moïse nous a prescrit dans la Loi de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu ? » Ils disaient cela pour lui tendre un piège, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus, se baissant, se mit à écrire avec son doigt sur le sol. Comme ils insistaient, il se redressa et leur dit : « que celui de vous qui est sans péché lui jette la première pierre ! » Et se baissant de nouveau, il se remit à écrire sur le sol. À ces mots, ils se retirèrent un à un, à commencer par les plus vieux ; et Jésus resta seul avec la femme qui était toujours là. Alors, se redressant, il lui dit : « Femme, où sont-ils ? Personne ne t’a condamnée ? » « Personne Seigneur », répondit-elle. Moi non, lui dit Jésus, je ne te condamne pas. Va, désormais ne pèche plus ».
Note de la rédaction. La falsification de la révélation divine initiale est évidente. Dieu qui est juste ne peut pas rester sans rien faire face à tel exemple de fornication. Tout le monde sait que la femme doit être ou fouettée ou lapidée selon certains autres docteurs de la Loi.
Luc, 6, 27.
Mais, je vous le dis, à vous qui m’écoutez : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous maltraitent. À qui te frappe sur une joue, présente encore l’autre ; à qui t’enlève ton manteau, ne refuse pas ta tunique. Donne à quiconque te demande, et à qui te prend ton bien, ne le réclame pas. Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le semblablement pour eux. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quel gré vous en saura-t-on ? Car même les pécheurs en font autant. Et si vous prêtez à ceux dont vous espérez recevoir, quel gré vous en saura-t-on ? Même des pécheurs prêtent à des pécheurs pour en recevoir l’équivalent. Au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien attendre en retour. Votre récompense alors sera grande et vous serez les fils du Très-Haut, car il est bon, Lui, pour les ingrats et les méchants ».
Luc, 10, 29 à 37.
Qui est mon prochain ? Jésus répondit : « un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et tomba au milieu de brigands qui après l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à demi-mort. Un prêtre, par hasard, descendait par ce chemin ; il le vit, prit de l’autre côté de la route et passa. Pareillement un lévite, survenant en ce lieu, le vit, prit l’autre côté de la route et passa. Mais un Samaritain, qui était en voyage, arriva près de lui, le vit et fut touché de compassion. Il s’approcha, banda ses plaies, y versant de l’huile et du vin, puis le chargea sur sa propre monture, le conduisit à l’hôtellerie et prit soin de lui. Le lendemain, il tira deux deniers, les donna à l’hôtelier, en disant : ‘Aie soin de lui, et ce que tu auras dépensé en plus, c’est moi qui le paierai lors de mon retour ». Lequel de ces trois, à ton avis, s’est montré le prochain de l’homme tombé aux mains des brigands ? »
N. D. L. R. Là aussi la falsification de l’enseignement initial est évidente. Les Samaritains étaient des païens. Comment un païen pourrait-il agir ainsi envers un croyant ?
Luc 22, 47.
Comme il parlait encore survient une bande. À sa tête marchait le nommé Judas, l’un des douze, qui s’approcha de Jésus pour lui donner un baiser. Jésus lui dit : « Judas, c’est par un baiser que tu livres le Fils de l’homme ! » Voyant ce qui allait arriver, les compagnons de Jésus lui demandèrent :
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« Seigneur, faut-il frapper du glaive ? » Et l’un d’eux frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l’oreille droite. Mais Jésus prit la parole et dit « laissez ; cela suffit » et, lui touchant l’oreille, il le guérit.
Luc 23,33.
Arrivés au lieu dit du Crâne, ils l’y crucifièrent ainsi que les malfaiteurs, l’un à droite et l’autre à gauche. Jésus, lui, disait : « Mon père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font ».
Luc 15, 11 à 32.
Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : « Père, donne-moi la part de fortune qui me revient’. Et le père leur partagea son bien. Peu de jours après, le plus jeune fils, rassemblant tout son avoir, partit pour un pays lointain et y dissipa son bien dans une vie de prodigue.
Quand il eut tout dépensé, une grande famine survint en ce pays et il commença à sentir la privation. Il alla se mettre au service d’un des habitants de la contrée, qui l’envoya dans ses champs garder les cochons. Il aurait bien voulu se remplir le ventre des caroubles que mangeaient les cochons, mais personne ne lui en donnait. Rentrant alors en lui-même, il se dit : ‘Combien de journaliers de mon père ont du pain en abondance, et moi je suis ici à mourir de faim ! Je veux partir, retourner vers mon père et lui dire : Père, j’ai péché contre le Ciel et contre toi ; je ne mérite plus d’être appelé ton fils, traite-moi comme l’un de tes journaliers’. Il partit et s’en retourna vers son père.
Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut touché de compassion ; il courut se jeter à son cou et l’embrassa longuement. Le fils alors lui dit :’Père, j’ai péché contre le Ciel et contre toi, je ne mérite plus d’être appelé ton fils’.
Mais le père dit à ses serviteurs :’Vite, apportez la plus belle robe et l’en revêtez, mettez-lui un anneau au doigt et des chaussures au pied. Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé.
N. D. L. R. Là encore la falsification est évidente, car ces versets n’ont aucun sens !
Luc 20, 20 à 26.
« Alors les pharisiens allèrent se concerter en vue de le surprendre en paroles, et ils lui envoient des espions jouant les justes pour lui dire : « Maître, nous savons que tu es franc et que tu enseignes la voie de Dieu avec franchise, sans te préoccuper de qui que ce soit, car tu ne regardes pas au rang des personnes. Dis-nous donc ton avis : est-il permis ou non de payer l’impôt à César ? » Mais Jésus connaissant leur perversité riposta : « Hypocrites ! Pourquoi me tendez-vous un piège ? Faites-moi voir l’argent de l’impôt ».
Ils lui présentèrent un denier. Et il leur dit : « De qui est l’effigie que voici ? Et la légende ? » « De César », répondent-ils. Alors il leur dit : « Rendez-donc à César ce qui est à César et à dieu ce qui est à Dieu ».
Matthieu 20, 1 à 16.
« Il en va du royaume des Cieux comme d’un propriétaire qui sortit au point du jour afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne. Il convint avec eux d’un denier pour la journée et les envoya à sa vigne. Sorti vers la troisième heure, il en vit d’autres qui se tenaient, désœuvrés, sur la place, et leur dit : ‘Allez, vous aussi, à ma vigne, et je vous donnerai un salaire équitable’. Et ils y allèrent. Sorti de nouveau vers la sixième heure, puis vers la neuvième heure, il agit de même. Vers la onzième, il sortit encore, en trouva d’autres qui se tenaient là et leur dit : ‘Pourquoi restez-vous ici tout le jour sans travailler ?’ C’est que, lui disent-ils, personne ne nous embauchés’. Il leur dit : ‘Allez, vous aussi, à ma vigne’.
Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : ‘Appelle les ouvriers et remets à chacun son salaire, en remontant des derniers aux premiers’.
Ceux de la onzième heure vinrent donc et touchèrent un denier chacun. Les premiers, venant à leur tour, pensèrent qu’ils allaient toucher davantage ; mais c’est un denier chacun qu’ils touchèrent eux aussi. Tout en le recevant, ils murmuraient contre le propriétaire : ‘Ces derniers venus n’ont travaillé qu’une heure, et tu les as traités comme nous, qui avons porté le fardeau de la journée, avec sa chaleur’.
Alors il répliqua en disant à l’un d’eux : ‘Mon ami, je ne te lèse en rien : n’est-ce pas d’un denier que nous sommes convenus ? Prends ce qui te revient et va-t’en. Il me plaît de donner à ce dernier venu autant que toi : n’ai-je pas le droit de disposer de mes biens comme il me plaît ? ou faut-il que tu sois jaloux parce que je suis bon ? »
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N.B. Comment Dieu peut-il ordonner d’être injuste ? Les ouvriers de la onzième heure ont travaillé moins, ils doivent donc être moins payés. C’est élémentaire.
Matthieu 6, 5-6.
« Et quand vous priez, n’imitez pas les hypocrites (arabe coranique mounafiqoun) : ils aiment, pour faire leurs prières, à se camper dans les synagogues et les carrefours, afin qu’on les voie. En vérité, je vous le dis, ils ont déjà leur récompense. Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là dans le secret ».
Le comble du comble ! Comment Dieu pourrait-il accepter d’être adoré ou prié comme si on en avait honte ?
Matthieu 6, 16.
« Quand vous jeûnez, ne vous donnez pas un air sombre comme font les hypocrites : ils prennent une mine défaite pour qu’on voie bien qu’ils jeûnent. En vérité je vous le dis, ils ont déjà leur récompense. Pour toi, quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage, pour que ton jeûne soit connu, non des hommes, mais de ton Père qui est là, dans le secret ».
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UNE RELIGION NI NATURELLE NI RÉVÉLÉE, MAIS ARTIFICIELLE ET SUPERFICIELLE.
Contrairement *aux religions de la nature, saisonnière et cyclique, ou du dieu des philosophes ; ou aux quêtes du Graal individuelles, le judaïsme prétend reposer sur des fondements historiques, sur des personnages ayant réellement, sur des révélations qui leur auraient été faites.
Or les progrès de la science historique et de ses sciences auxiliaires (voir les travaux d’Israël Finkelstein de Thomas Römer et de leurs collègues) ont montré que la lignée Abraham Isaac Jacob ou Moïse et l’exode… N’ONT RIEN D’HISTORIQUE.
Des bribes d’histoire n’apparaissent dans la Bible qu’avec David et Salomon. Cette imposture humaine n’aurait guère d’importance si toutes leurs constructions intellectuelles ultérieures n’avaient pas pour seule justification les révélations faites à ces 3 (ou 4) personnes.
Ce qui a pour conséquence qu’un dialogue entre Bouddha et Platon ou le dieu des philosophes est possible **; mais qu’avec le dieu d’Abraham d’Isaac et de Jacob on ne peut pas discuter, on ne peut que « credere obbedire combattere » (croire, obéir, combattre).
D’où une catastrophe sans précédent pour l’humanité !
Pourtant contrairement à ce que l’on pense généralement, et sans aucun doute pour des raisons religieuses à l’origine (le dogme de l’immutabilité ou de l’intangibilité de toute religion révélée, qui a laissé des traces dans notre inconscient collectif, voir le point N° 9 du « crédo » de Maïmonide) ; la religion hébraïque puis juive a connu, elle aussi, de nombreux et profonds changements.
* Ou infiniment plus.
** Et d’ailleurs il a eu lieu, au Gandhara et dans l’Empire Kouchan, ce qui a donné le mahayana.
LA RÉVOLUTION OU CONTRE-RÉVOLUTION DEUTÉRONOMISTE. Appelée aussi RÉFORME DE JOSIAS (2 Rois 23, versets 5,15 et 19 à 20).
La première de ces Réformes a sans doute été celle du roi Ézéchias. L’unification religieuse autour de « Yaho/Yahu/Yhwh » et centrée sur le temple de Jérusalem a eu des raisons à l’évidence politiques.
Ézéchias a tiré les conséquences logiques de l’effondrement du royaume du Nord et de l’installation à Jérusalem des prêtres et religieux réfugiés sur son territoire. Il interdit les religions et les cultes autres que ceux de Yhwh dans son pays. Fait fermer un certain nombre de sanctuaires traditionnels, de tertres comportant stèles, bois sacrés, et autels (bamoth), et centralise le culte à Jérusalem. Il ne s’agit pas encore de monothéisme pourtant, plutôt de monolâtrie (un dieu-ou-démon exclusif et jaloux), mais le résultat de cette Réforme au forceps est l’émergence du début de la Bible que nous connaissons. Et notamment du Pentateuque.
Ci-dessous ce que le professeur Dany R. Nocquet de l’université de théologie de Lausanne a conclu de son étude sur le sujet !
« La lecture proposée des différentes traditions territoriales et internationales que travaille le Pentateuque aboutit à mettre en évidence plusieurs indices intéressants quant à l’achèvement du Pentateuque.
La volonté d’ouverture et de dépassement concernant la représentation du lien au pays promis et concernant la relation à d’autres peuples reflète l’expérience des communautés de Samarie et de la diaspora de la fin du 5e siècle et du début du 4e siècle à l’époque perse. Cette vision centrifuge et décentralisée du salut que transmet le Pentateuque laisse penser que ce sont les milieux des communautés yahvistes de Samarie et de la diaspora qui sont responsables de l’élaboration de cet ensemble de textes relatifs à la territorialité et à l’internationalité. L’étude a mis en évidence la place éminemment stratégique des textes étudiés dans leur état final : ils encadrent le plus souvent des traditions plus anciennes.
L’encadrement des traditions narratives et législatives d’une partie du Pentateuque témoigne d’un travail éditorial de la Torah, travail qui provient très probablement des communautés de Samarie et de la diaspora.
Sur cette base, les milieux liés au temple du Garizim et à la diaspora ont contribué à la composition finale du Pentateuque (et de l’Hexateuque ?) en complétant le travail d’écriture sacerdotale, et celui de l’école de Sainteté, par leurs propres représentations de l’intervention salutaire de Yhwh……
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Ce travail d’édition fut réalisé en partie pour donner une autre perspective que la vision judéocentrée de l’histoire d’Israël et de l’intervention salutaire de Yhwh telles qu’elles sont présentées par l’histoire deutéronomiste. Pour cela, le Pentateuque, dans sa forme finale, a retravaillé les thèmes de la territorialité et des relations avec les autres peuples, et de manière subsidiaire la problématique des mariages exogames. En mettant à distance la centralité judéenne de la fin de l’époque monarchique, l’achèvement éditorial du Pentateuque reflète la situation politique et religieuse de la fin du 5e et du début du 4e siècle, selon laquelle la Samarie et l’Égypte sont demeurées des entités politiques régionales plus importantes que celle de Jérusalem. Au regard de l’histoire, il serait plus conforme de considérer le Pentateuque plus qu’un « document de compromis ». Le Pentateuque est le fruit d’une collaboration dans laquelle Samarie et la diaspora sont les communautés principalement porteuses de la finalisation du Pentateuque, alors que la communauté judéenne reste chancelante tout au long du 5e siècle… En raison de l’absence de la mention, sous une forme ou une autre, de la Judée ou de Jérusalem, en raison de l’importance de l’extériorité territoriale décrite positivement, et de la prise en compte des populations voisines tout autour de la Samarie et de la Judée, la Torah dans son achèvement apparaît comme une production samarienne et diasporique plus que judéenne.
Nombre des habitants de la région continuèrent cependant à adorer d’autres dieux que Yhwh. Jérémie, 11,13 « Parce qu’aussi nombreux que tes villes sont tes dieux, Juda, et autant que de rues à Jérusalem sont les autels qui brûlent l’encens pour Baal ». Voir aussi Jérémie, 8,19, Deutéronome 27,15 ; 30,17, etc.
Bien qu’antidatés, puisque Moïse n’a jamais existé, ces témoignages reflètent la réalité de la situation du temps du roi Josias.
La poursuite de la réforme centralisatrice commencée par Ézéchias entraînera le dépérissement des derniers sanctuaires locaux, et obligera les lévites à se replier sur le Temple royal central, où ils devront se soumettre aux prêtres de Jérusalem.
Après cette réunification quelque peu forcée des populations du royaume de Juda du Sud et d’Israël du Nord ; le roi de Juda (de 640 à 609 avant notre ère) lancera une vaste compilation des textes sacrés et des traditions littéraires ou folkloriques des deux royaumes ; dans le but d’unifier les deux peuples autour de lui, avec une seule capitale, la sienne, Jérusalem.
Comme certains empereurs romains plusieurs siècles après lui, en matière de religion Josias imposera ses idées, par la force, la terreur (divine bien sûr !) et l’Inquisition avant la lettre. Une nouvelle façon de célébrer Pâque se met donc en place : pèlerinage à Jérusalem, et non plus fête ne dépassant guère le cadre familial local (2 Rois 23, 23). Le roi Josias sera le premier vrai pionnier du judaïsme puisque c’est sous règne que l’on « redécouvre » fort opportunément le Deutéronome, ou plus vraisemblablement un embryon de Deutéronome, lors des travaux de rénovation du Temple en – 622 (2 Rois 22, 8). Ce livre sera publié par le roi, qui en fait lui-même une lecture solennelle.
Son style ressemble de façon frappante à celui des traités assyriens de vassalité du début du VIIe siècle avant notre ère, qui énuméraient les droits et les devoirs des peuples sujets envers leur suzerain (dans ce cas présent, Israël et Yahoo/Yaho/YHWH). Pour plus de détails voir plus haut notre chapitre sur l’alliance ou le pacte signé avec Dieu et la succession d’Assarhadon roi d’Assyrie.
Josias fait attribuer ces textes à un dénommé Moïse, mais il s’agit là sans doute d’un pseudonyme recouvrant plusieurs personnalités différentes, synthétisées en une seule par un collectif de scribes à son service. Afin de donner plus de poids aux prescriptions que Josias veut défendre ou imposer, le Deutéronome en viendra même à attribuer à cette personnalité fictive ou artificielle des expressions réservées en principe à Dieu : « grande terreur », etc. (Deutéronome 34,12.)
Ces textes décrivent un Dieu-ou-démon vindicatif, impitoyable, et assoiffé de sang, qui fait erreur sur erreur, mais passe son temps à tout recommencer.
Pour faire bonne mesure, on fera précéder le tout de récits sur l’apparition de l’Humanité (Adam et Ève) empruntés à l’idéologie dominante de l’époque en cette région du monde : la mythologie suméro-babylonienne. La Bible juive comporte deux récits différents de la Création. Le récit élohimiste (Genèse 1 à 2-3) qui est en fait le plus récent, où l’être supérieur est désigné par l’appellation plurielle « les Élohim » ; et le récit yahviste, le plus ancien, où il est nommé aussi Yhwh, très précisément Adonaï Yhwh Élohim (Genèse 2, 4 à 25). Adam y est au départ en quelque sorte le jardinier d’Adonaï Yhwh Élohim sur terre, il est doté de grâce et son immortalité originelle, ainsi que son état de bonheur, symbolisé par le paradis terrestre, dont il est le régent ; témoignent des dons surnaturels ou préternaturels qui lui ont été accordés. Mais le récit enchaîne ensuite sur la prétendue faute d’Adam et Ève contre Dieu.
Insertion également après, des nombreuses histoires concernant un héros légendaire nommé Abraham, et sa famille, afin de doter les Judéens du grand ancêtre qu’il leur fallait à cette époque-là.
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On peut considérer cette première ébauche de Bible comme une œuvre politico-religieuse stratégique. De la propagande ou des éléments de langage en quelque sorte au service d’une politique.
L’idée de Josias était simple : réconcilier les deux royaumes hébreux, ou du moins ce qu’il en restait, pour mieux résister aux grands empires régionaux, l’Assyrie, l’Égypte. Cette première ébauche de la Bible juive (de la Torah) fut donc d’abord une œuvre de propagande ayant pour but de renforcer l’unité nationale face aux menaces des empires voisins. Le but en était clair. Un royaume juif fort et unifié autour d’un Dieu-ou-démon unique et d’une capitale unique, Jérusalem, alors en pleine expansion démographique et économique. Un seul peuple (Juda), un seul roi, un seul Dieu-ou-démon (Yaho/Yahou/Yhwh). Cette épopée biblique servit la vision militaro-religieuse du roi de Juda et galvanisa son peuple, mais attisa la haine des autres nations à cause de son dangereux concept d’élection divine (am segulla am nahalla am nichvar).
L’invention des souffrances des Hébreux en Égypte justifia leur haine contre ce royaume, et de nombreux récits mirent en avant la laideur ou l’impureté des nations voisines afin de valoriser la pseudopureté dont les Hébreux se revendiquaient. Ils devinrent l’instrument d’une religion nouvelle.
Ce qui apparaît en effet clairement dans ce processus littéraire, c’est que l’enjeu essentiel du roi Josias était d’établir, à partir de Jérusalem, l’unité d’Israël (Nord) et de Juda (Sud) ; l’idée sous-jacente étant de légitimer le rattachement des restes d’Israël à son royaume. Pour le rendre définitif, Josias ira même jusqu’à détruire le temple hébreu rival de Bethel, afin de ne laisser subsister que celui de Jérusalem.
Note de la rédaction.
Porphyre de Tyr en son temps pensait déjà que cette « Loi » de Moïse était peut-être tout simplement quelque chose de réinventé du temps d’Esdras, après avoir été plus ou moins perdu. La Bible le reconnaît d’ailleurs presque elle-même. La loi de Moïse a été « redécouverte » (en fait plus ou moins réinventée) par un grand prêtre nommé Hilqiyyah (2 Chroniques 34 et 2 Rois 22, 8-10), à l’époque du dernier roi d’avant l’Exode, au VIIe siècle avant notre ère. L’histoire a cependant toutes les apparences d’une fable postexilique, ou d’une légende postbabylonienne ; destinée à faire croire que la religion du royaume de Juda, avant la catastrophe que fut la prise de Jérusalem par les armées de Nabuchodonosor, était bien la même que celle d’après l’Exil. Et non la sorte de laïcité très ouverte, à tous les cultes, qui y a effectivement régné au VIe siècle.
Le véritable traumatisme psychique que fut l’Exil à Babylone a été en effet à l’origine de nouveaux textes et de nouvelles manières de concevoir la divinité, issus d’Écoles de pensée différentes, voire contradictoires. De nouveaux genres littéraires ou philosophiques virent ainsi le jour : Jonas, Job ou l’Ecclésiaste. Et c’est alors seulement que prit naissance ce que l’on peut appeler le judaïsme. La confrontation avec la religion perse marquera durablement la religion juive, à la fois dans le sens du monothéisme de Zoroastre (Ahoura-Mazda, son char et ses anges célestes) et du fond dualiste de sa théologie (que l’on retrouvera chez les esséniens par exemple). Les sacrifices seront remis en cause au profit de l’intériorité, mais là où la religion perse est positive, rejetant toute mortification ; les Judéens, à cause de cet exil qui aura duré cinquante ans, vont y développer le concept quelque peu magique de la rétribution. Toute mauvaise action est, tôt ou tard, à temps ou à contretemps, punie par Dieu, et inversement, mutatis mutandis, pour ce qui est des bonnes actions. Voir le principe N° 11 du Credo de Maimonide.
Le retour en Judée a concerné plusieurs dizaines de milliers de personnes, au moins 60 000, en trois vagues successives. Mais les juifs qui reviennent de la déportation en Babylonie, pour vivre à Jérusalem sous protectorat perse, ne sont plus les mêmes.
Après la mort de Zorobabel, la famille davidique ne joue plus aucun rôle, et les prophètes illuminés céderont la place aux docteurs (de la Loi). Les lévites sont déclassés, mais ne seront plus clairement distingués des prêtres comme avant. Disons qu’ils seront considérés comme des prêtres, mais d’un rang inférieur.
Le clergé, dont l’importance s’était affirmée durant l’exil, et qui avait joué un rôle majeur parmi ceux qui étaient restés sur place, conserva son autorité. Voilà pourquoi, durant les décennies qui suivirent, la Judée fut gouvernée par un système dual, politiquement par des hauts-commissaires désignés par l’autorité perse, sans aucun lien avec la famille royale davidique ; religieusement par des prêtres. La monarchie ne jouant plus aucun rôle, le Temple devint donc le centre de l’identité du peuple de juif.
Tournant crucial dans l’Histoire, et profondes différences avec le culte des Hébreux restés au pays, les Samaritains. Leur Bible commence d’ailleurs à Abraham et s’arrête au Pentateuque, tout ce qui suit ayant été ramené par les Judéens rentrés de déportation selon eux. Dit autrement la Bible des Samaritains est celle qui avait cours avant la déportation et qui était due à la réforme religieuse du roi
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Josias. La Bible des Samaritains est celle d’avant l’exil à Babylone. Et dire que ce sont eux qui furent accusés de bâtardise d’hérésie ou de trahison !
La reprise en main de la région par les rapatriés, au nom de l’Empire perse, ne se fera pas sans problème. La Bible nous a néanmoins conservé le texte d’une lettre étonnamment explicite du roi Darius à son gouverneur rappelant les prescriptions rituelles (blé et sel, pour la fête des azymes, exigeant un pain sans levain, huile, vin) ; et se terminant par la formule : « C’est moi Darius qui ai donné cet ordre qu’il en soit fait ainsi ». (Esdras. 6, 6 à 12).
La promotion de cette nouvelle Loi par Esdras lui donnera un contenu précis et tatillon, là où la religion perse se contentait de l’opposition (de principe) du bien et du mal. L’importance de la Loi écrite, cet apport d’Esdras, sera lourde de conséquences, car la notion d’Écritures saintes nourrira toute la réflexion juive ultérieure (commentaires, jurisprudence) et donnera le Talmud ; inaugurant ainsi une religion de l’écriture qui sera imitée par le christianisme et l’islam.
Encore une fois, répétons-le, les textes bibliques n’ont été ni révélés par Dieu ni écrits par Moïse, ils ont été composés par plusieurs rédacteurs les accommodant selon les querelles et les problèmes de leur époque ; ce qui explique leurs nombreuses aberrations, contradictions, ou erreurs.
En ce qui concerne l’origine de l’univers, les Rapatriés ramèneront de leur exil le récit, à la pointe de la réflexion scientifique DE L’ÉPOQUE, trouvé par eux dans les bibliothèques mésopotamiennes ; et qu’ils placeront en tout début, avant l’autre, après l’avoir quelque peu modifié.
Ainsi que nous l’avons vu, le Livre de la Genèse comporte en effet deux récits différents de la Création. Celui par lequel commence la Bible d’aujourd’hui, le récit dit sacerdotal ou Élohimiste (Genèse 1 à 2-3) est pourtant le plus récent. Il a été écrit par des prêtres revenus de leur exil à Babylone au IVe siècle avant notre ère. Les dieu-ou-démons de la mythologie suméro-babylonienne y sont rendus par l’appellation plurielle « les Élohim ». Le récit élohimiste insiste sur l’idée que l’Homme n’a été créé qu’à l’image des Élohim.
Le récit yahviste, lui (le chapitre 2 de la Genèse) se définit par rapport aux récits babyloniens de la création, montrant que l’Homme est à la fois mi-ange mi-bête (de la poussière animée par du sang de dieu-ou-démon). Il est plus ancien bien que venant après puisqu’il date du Xe siècle avant notre ère environ. Au début, il n’y a que la terre sèche et stérile, car il n’y a eu aucune pluie. Dieu fait alors jaillir l’eau douce (sources et fleuves) ; l’homme et les animaux peuvent apparaître. La terre est une oasis au milieu du désert.
Il y a aussi deux récits de l’alliance entre Dieu et Abraham, deux annonces de la naissance d’Isaac.
Même chose en ce qui concerne le livre de l’Exode, écrit à Babylone ou après le retour de Babylone, à partir de documents déjà existants, mais retravaillés.
Le chapitre 14 est, par exemple, fait de deux textes différents, le récit dit yahviste et le récit dit sacerdotal ou élohimiste. Chacun des deux est en réalité un texte autonome qui a sa propre logique.
À noter.
— Le texte le plus récent, celui qui fut écrit par des prêtres rapatriés de Babylonie après – 538, est celui qui a une explication de type miraculeux pour la traversée de la Mer Rouge (comme fendue au couteau par un geste de Moïse) ; le plus ancien est celui qui a une explication de type plus naturaliste ou rationaliste (un fort vent d’est fait reculer la mer).
— La conclusion du yahviste est sur l’autorité de l’Éternel, alors que le sacerdotal y ajoute celle de Moïse.
— Le yahviste décrit une scène à laquelle l’Éternel participe directement, alors que le sacerdotal attribue toute l’action à Moïse, qui agit comme un prêtre (ce qui est une des raisons qui font penser que les véritables auteurs de ce texte sont bien des prêtres).
L’éditeur final qui a réuni ces deux récits a unifié les diverses dénominations de Dieu ou du Démiurge, qui est donc ici toujours appelé « l’Éternel ».
Mais il y a aussi dans ce même livre deux descriptions de la demeure sainte.
On a donc réécrit les anciennes légendes en supprimant ou en y rajoutant des passages entiers. C’est, sans doute aussi à cette époque, que fut ajouté au cycle d’Abraham le récit de Genèse 24, où il refuse de marier son fils Isaac avec une fille du pays de Canaan, mais envoie Éliézer lui chercher une épouse en Babylonie.
Et c’est aussi sans doute à cette époque qu’a été censuré ou supprimé le livre des guerres de Yhwh, mentionné dans Nombres 21,14, mais qui a depuis disparu.
Autre exemple de cette réécriture du travail initialement effectué sous Josias.
Nombres.
11, 6 à 9. La manne sert à faire des galettes (sans commentaire).
11, 31 à 34. Problème avec les cailles. 10 omers par personne soit environ 30 à 40 litres. Indigestion ?
Exode.
16, 12 à 13. Des cailles (sans commentaire.)
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16, 13 à 36. Problème avec la manne. 1 omer par personne soit environ 3 ou 4 litres. Elle pourrit.
Autre exemple.
D’après 2 Samuel (21, 19), le fameux Goliath n’a pas, par exemple, été tué par David et sa fronde (comme dans 1 Samuel 17, 49 à 51), mais par un de ses hommes, nommé Elhanan. Ce qui n’est pas du tout la même chose ! Il s’agit donc de récits qui ont été cousus ensemble à partir de souvenirs, de débris d’anciennes coutumes, de légendes sur la naissance des différents peuples de la région, ou de préoccupations suscitées par les conflits de l’époque.
Leur fusion plus ou moins bien réussie (on se contente parfois de faire simplement précéder le tétragramme Yhwh des mots Adonaï Élohim, afin de mettre tout le monde d’accord) constitue donc la Bible que nous connaissons aujourd’hui.
La refonte de la religion fut telle qu’il est téméraire, en l’état actuel de nos connaissances, de déterminer la part des innovations de Josias et celle d’Esdras dans la rédaction finale du Deutéronome. On surestime sans doute encore l’apport de Josias et l’on sous-estime encore vraisemblablement l’élément babylonien, qui est décisif dans sa constitution et son organisation étatique. Certes, on distingue littérairement deux versions du Deutéronome, correspondant à ce qui a pu être écrit avant ou après l’exil ; mais l’ensemble, fixé vers – 444 par Néhémie (le gouverneur nommé par Artaxerxès, le souverain perse), est une réécriture du passé ; un pur produit des luttes politiques et religieuses de ce temps, faisant écran aux réalités précédentes, comme en témoigne l’archéologie.
Les nouvelles fêtes juives feront désormais référence à de pseudoévénements historiques (comme les Égyptiens, dont les rites renouvellent la source créatrice présente dans l’événement originel) ; mais orientées cette fois-ci vers l’avenir – apocalypses, messianismes comme les Perses – plutôt que vers la restauration d’un paradis perdu. Il s’agira de la commémoration/répétition de mythes fondateurs et non plus du retour d’un événement cyclique, saisonnier, extérieur. D’où la suppression des rites de résurrection annuelle d’origine païenne comme ceux de Doumouzi-Tammouz.
La fête de Pourim (Esther 9, 21) sera aussi introduite dans le calendrier juif, mais dans une optique complètement différente de celle d’avant. Il est probable en effet qu’elle a son origine dans les fêtes du printemps communes à l’Orient ancien où, à l’occasion du renouvellement des saisons, on célébrait la victoire des forces du bien contre les forces du mal. Cette fête est étrangère à la tradition mosaïque et ne comporte aucune dimension liturgique. Quant à la fête nationaliste de Hanoukka, autre grande fête juive étrangère à la tradition mosaïque, elle n’apparaîtra qu’à l’époque grecque (1 Maccabées 4, 59) pour contrer (ou récupérer) les festivités du solstice d’hiver.
LES DEUX PRINCIPES (LE JUDAÏSME, EN TANT QUE SYSTÈME DE PENSÉE, UNIQUE).
DAAT TORAH (principe du Jacques a dit).
La religion des Hébreux du royaume de Juda la première religion de masse monothéiste (en fait hénothéiste/monolâtre. Cette religion n’étant pas fondée sur des prémisses philosophiques, le terme monothéisme n’est pas celui qui lui convient) ayant pu se structurer et se développer jusqu’à nos jours.
Le Judaïsme constitue donc en ce domaine une des impostures religieuses les plus intéressantes à observer.
Un passé historique riche en épisodes chargés de conflits et d’échanges socioculturels a fait du judaïsme une religion multiculturelle et cosmopolite. Le judaïsme tire ses racines de multiples religions. Influencé par l’Égypte sans y avoir jamais mis les pieds pour une grande partie de sa mystique, perse, babylonien ou autre pour le reste de sa religiosité.
Le judaïsme « originel » a su résoudre certaines contradictions théologiques inhérentes aux cultes de l’époque. Ce métissage religieux est bien entendu réfuté par les instances orthodoxes qui soutiennent au contraire la thèse de l’unicité métaphysique du peuple juif.
Le caractère essentiel de toute religion révélée est l’immutabilité. Voir point numéro 9 du « crédo » de Maïmonide. Dans sa prétention à la possession immuable de la vérité absolue, aucune religion de ce type ne peut donc admettre qu’elle se modifie au gré du temps qui passe et suit la marche des idées humaines dans leurs transformations successives. La vérité venue de Dieu est immuable. Le Judaïsme laisse donc entendre que sa religion, malgré les siècles, n’a pas subi de changements. Tel il a été révélé à Moïse, tel il s’est perpétué jusqu’à nos jours, à l’abri de l’influence des époques et des civilisations diverses. Point N° 7,8, et 9, des articles de foi de Maïmonide.
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Bien entendu, il n’en est rien, et nous ne nous priverons pas de le rappeler constamment dans ce livre ; mais nous ferons néanmoins comme si pour notre étude au microscope du judaïsme d’aujourd’hui. Ce qui est indéniable en effet c’est qu’un certain nombre de traditions issues de multiples cultes ont fini par façonner au fil du temps une réelle identité religieuse.
La Bible attribue la première fondation du judaïsme à Abraham (les archéologues sont maintenant persuadés du contraire) et les juifs ont donc revendiqué leur appartenance à une communauté sémitique nomade originelle. Ils auraient élaboré tout d’abord un culte rudimentaire, rendu aux divinités agraires de l’époque, et fondé sur une croyance sans écrit, mais avec des mythes fondateurs. Mais leur Dieu-ou-démon est aussi, et quoi qu’aient pu en dire les soi-disant prophètes, un baal, c’est-à-dire un dieu-ou-démon protecteur du sol, de la pluie, et de la fertilité (voir la fable de Noé et ses parallèles mésopotamiens. Genèse 6).
Le célèbre épisode du veau ou plus exactement du taureau d’or (Exode, 32, 7) montre bien cette persistance des cultes cananéens de la fertilité ; car, loin d’être complètement éradiqué, ce culte a au contraire survécu dans la forme des autels (ornés de cornes. Lévitique. 4, 18), le sacrifice de taureaux, et l’érection de stèles sacrées (Exode, 24, 4 et sqq.)
Ce qui reste à établir par contre c’est dans quelles conditions et à la suite de quelles circonstances (alliances mercenariat mariages ?) le [culte d’un] petit dieu topique, ou de l’orage et de la guerre, d’une famille de bédouins Shasous du sud de la Jordanie ou du Néguev ou du pays de Madian, a pu arriver et s’implanter en Judée voire en Samarie, initialement terres de Baal et de El. L’épisode de Sichem (Josué 24,1-28) n’est pas très clair à cet égard.
Je propose l’hypothèse suivante.
Au cours de leurs pérégrinations en direction du nord les sectateurs de Yaweh rencontrent à Sichem donc déjà installés sur la rive occidentale du Jourdain des Hébreux tenants de la religion dominante dans cette partie du monde à savoir El et sa cour céleste.
Il en sortira une confédération religieuse ayant pour centre Sichem (actuelle Naplouse) et ses deux hauts lieux, le mont Garizim et le Mont Ebal. Autrement dit une double amphictyonie.
Le texte biblique nous montre un Josué obtenant que Yahvé devienne le dieu officiel de la nouvelle confédération ainsi créée, mais on peut en douter. Cela ne fut sans doute que nominal. L’insistance de notre texte à prétendre le contraire est en effet très suspecte. Les membres de la confédération participeront ensuite pour leur propre compte ou en tant qu’alliés voire mercenaires aux différents conflits qui déchirent alors le pays de Canaan, mais toujours dans le camp opposé aux Philistins.
Après l’avènement du royaume de David, des lettrés du roi Josias mirent dans la bouche d’un dénommé Moïse les lois de leur époque qui leur semblaient des plus utiles.
Mais ainsi que l’a fait remarquer Spinoza lui-même, les lois révélées par Dieu à Moïse n’ont pas été autre chose en définitive que les lois du gouvernement des Hébreux… au VIIe siècle avant notre ère !
Tout le passé des Hébreux fut réinventé à cette époque afin de jeter les bases d’un royaume indépendant. Il fallait pour fédérer ce peuple une histoire commune le glorifiant, un passé unique, dans un royaume unifié, sous la protection d’un dieu-ou-démon « unique », dans une seule et même capitale (Jérusalem) dotée d’un temple « unique ».
Les différentes traditions orales concernant les Pères fondateurs (Abraham, Isaac, Jacob…) furent alors rapprochées de récits égyptiens parlant des Hapirou.
Les gouvernements qui suivirent le retour d’Exil en Babylonie modifièrent cette législation afin de fonder leur théocratie.
Le judaïsme, comme les autres traditions religieuses, entreprises humaines par excellence, contient, lui aussi, des éléments potentiellement pervers, qu’il s’agit de reconnaître, afin de mieux les désamorcer par un salutaire vaccin. On peut ajouter que, si la critique du judaïsme eût été inconvenante en des périodes comme celle de 1933-1945, elle apparaît aujourd’hui – où toute persécution des juifs par une idéologie étrangère est absolument exclue – comme particulièrement opportune. Devant la gravité extrême de la dérive « sioniste » du judaïsme, elle s’avère même particulièrement urgente.
Toute pensée, toute action est gouvernée par les textes sacrés. Il n’y a pas de combinaison possible avec une autre source d’inspiration, une autre philosophie. Et la loi religieuse n’est pas censée régir un domaine spécifique de la vie, mais la vie dans son intégralité.
La démocratie est un principe de fonctionnement qui met l’avis de la majorité au-dessus de Dieu. La démocratie ne gêne pas les juifs orthodoxes chez les non-juifs (qui sont libres de faire comme bon leur semble). Mais chez les Juifs, elle est une remise en cause manifeste du Daat Torah et du Emounat Hakhamim.
Deux principes fondamentaux sont en effet appliqués dans le Judaïsme : Daat Torah : « ce que dit la Torah », et Emounat Hakhamim : « foi dans les sages » (a priori ça c’est bien).
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Le premier principe Daat Torah signifie que la Torah doit être la source de toute législation, il ne saurait donc y avoir de Constitution.
En Israël le mouvement sioniste a accepté ce principe et a seulement mis en place des « lois fondamentales ». La distinction est symbolique, mais les haredim y tiennent.
DAAT TORAH avons-nous dit, mais aussi HAKHAMIM.
RÔLE DES HAKHAMIM.
Depuis la destruction du second temple de Jérusalem en 70 il n’y a plus de grand prêtre ni de prêtres tout court (cohen/cohanim) en activité. Il y a des descendants de cohen/cohanim mais ils n’ont plus de responsabilité cultuelle, le Temple de Jérusalem n’ayant pas été rebâti (le site est d’ailleurs actuellement occupé par une Mosquée encore plus intouchable). Les cohen/cohanim n’ont plus qu’un rôle honorifique.
Les synagogues ne sont pas initialement des mini temples, mais des lieux de prière ou d’étude.
Le hazzan (initialement un « superviseur ») est originellement responsable de la bonne tenue des offices, mais son rôle a évolué vers celui d’officiant de la prière voire simple chanteur équivalent du chantre dans la liturgie chrétienne. Il maîtrise par conséquent la cantillation liturgique des textes hébraïques et les arts vocaux, dirigeant la prière chantée de la synagogue.
Les rabbins ne sont pas de nouveaux prêtres, mais des spécialistes de la Torah. Du fait que le judaïsme est surtout une loi (la loi de Moïse), ce sont bien évidemment aussi des Docteurs de la Loi juive.
Chaque Juif pieux doit se donner un rabbin, qui guidera sa vie, dans les moindres détails (sic). De même, tout rabbin se réfère lui-même à son propre rabbin. En haut de la pyramide, on trouve les sommités, communément dénommées les « sages », ou « grands de la Torah ». Ils peuvent se distinguer par leur extrême érudition, qui fait d’eux les plus grands décisionnaires du droit rabbinique, ou bien par leur extrême piété, leur valant alors le titre de Sadik (littéralement « juste » ou « saints »). Ils sont souvent l’objet de ce qui ressemble à un culte de la personnalité, car « ils ont accès à la connaissance suprême » (resic).
N.B. Cette situation sans instance décisionnaire suprême peut néanmoins mener à des affrontements parfois virulents, voire physiquement violents, entre partisans de tel ou tel « grand rabbin », chacun étant persuadé de la supériorité absolue du point de vue de son « sage ».
Ces deux principes existent aussi chez les orthodoxes « modernes », mais le pouvoir du rabbin référent se limite surtout au domaine religieux dans ce cas, pas aux autres domaines (pour les haredim, tout est religieux et on a un peu le même problème avec l’islam radical pour qui tout ou presque est également religieux).
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CONCLUSION.
La religion des anciens Hébreux n’est évidemment pas un monothéisme, mais un hénothéisme exclusif et monolâtre.
Les anciens Hébreux croyaient bien entendu en l’existence d’autres dieux que leur dieu tribal à eux.
Ils croyaient en l’existence d’autant de dieux (anges ou élohim) qu’il y avait de peuples. Un dieu ou ange pour chaque peuple (= les élohim).
« Quand le Dieu Très-Haut a distribué les pays aux habitants de la terre, il a fixé les frontières des peuples. Il a confié chaque peuple à un être du ciel (Deutéronome 32, 8).
Deutéronome 32.8 : Quand le Très-Haut (Eliôn) donna aux nations leur patrimoine, quand il sépara les fils de l’homme, il fixa le territoire des peuples suivant le nombre des fils de Dieu. N.B. Le mot a été remplacé aujourd’hui par le nom d’Israël, mais l’ancienne formulation suggère l’existence d’autres divinités dont les Massorètes ont gommé la mention.
Il existe plusieurs mentions d’Ashéra, parèdre associée à Yahvé : des ostraca (ostraca singulier ostracon : tesson de poterie servant de cahier de brouillon) de Kountillet Ajroud, trouvés au Sinaï et datant du 8e siècle avant notre ère disent : « Je vous ai bénis par Yahvé de Samarie et son Ashérah » ou « Je vous ai béni par Yahvé notre gardien et son Ashérah ».
On trouve aussi la mention « Yahvé et son Ashéra » sur une inscription datant des environs de l’an 600 avant notre ère, dans la région de la Shefelah (royaume de Juda).
La seule chose c’est que certains de ces Hébreux exigeaient des membres de leur peuple qu’ils n’adorent que leur dieu à eux (= monolâtrie).
Le plus grave des crimes était en effet pour eux d’adorer un autre dieu que celui de leur tribu. Exode 20.3 : Tu n’auras pas d’autre Dieu devant ma face.
Notons à ce sujet que les 5 premiers livres ou Torah ou Pentateuque de la Bible n’ont rien d’historique, ce ne sont que des légendes au sens étymologique du terme (ce qu’il faut lire).
Notons également que la science historique ou l’archéologie sont très sceptiques sur la suite et notamment l’histoire de la conquête de la Terre promise. Le premier de ses personnages ayant réellement existé étant apparemment le grand ou petit roi appelle David (et donc son fils Salomon, un demi-juif né de sa liaison avec une princesse probablement hittite et donc aryenne nommée Bethsabée). Là aussi entouré de toute une nuée de légendes.
Il faudra l’exil à Babylone pour que les intellectuels de leurs tribus subsistantes, principalement celle de Juda, admettent peu à peu l’idée qu’il ne pouvait y avoir qu’un seul dieu régnant sur l’univers ; et que le dieu qui veillait sur leur peuple devait aussi par conséquent régner sur les autres. Qu’il ne pouvait que s’agir d’un seul et même dieu, valable pour tout le monde.
Toute la question devint alors pour eux « Que doit faire ce dieu unique vis-à-vis des autres peuples ? » La réponse apportée à cette question notamment par l’eschatologie juive ne fut d’ailleurs jamais très homogène.
Notons enfin que la dernière évolution des idées qui aboutira au judaïsme actuel fut celle qui survint à la suite d’un événement historique quelque peu similaire à cet exil à Babylone, la fin de l’État juif semi-indépendant toléré par les Romains jusqu’en l’an 70 de notre ère, épisode communément appelé « Destruction du second Temple ».
Elle fut le fait du grand rabbin pharisien Yohanan ben Zakkaï installé à Yabné/Jamnia. L’écrasement de la dernière révolte juive, celle de Bar Kochba, et la destruction de sa capitale Jérusalem, en 135, fit de cette école rabbinique pharisienne de Yabneh la seule source de légitimité religieuse possible de la diaspora juive qui s’ensuivit.
Ce qui frappe dans les livres attribués à Moïse par cette académie de Jamnia, c’est le silence absolu gardé par lui sur l’immortalité de l’âme et la vie future.
Comme dans presque toutes les cultures de l’époque, la conception juive de l’autre monde et du destin de l’âme/esprit après la mort, était lugubre. Les âme/esprits descendaient au Schéol. Tous, bons et méchants, y étaient également soumis. Ce Schéol était conçu par les Hébreux comme une fosse (Psaume 69, 16 ; 88, 7) un lieu de silence, d’oubli et d’obscurité (Psaume 88, 11 à 13). Les morts y menaient une existence larvaire et crépusculaire, privés de tout ce qui est désirable dans la vie, étrangers à toute relation avec Dieu. Ces conceptions de la vie dans l’au-delà étaient d’ailleurs fort semblables à celles des Grecs et des Romains. Les juifs antiques (les Hébreux) ne croyaient pas à une vraie vie après la mort, et ce n’est que tardivement, sous l’influence de la grande religion aryenne que fut le mazdéisme peut-être ; qu’ils admirent le concept d’immortalité de l’âme.
Seuls les Barbares d’Extrême Occident s’écartaient d’une telle conception, si l’on en croit les Scolies bernoises commentant la Pharsale de Lucain.
Hermann Usener. Scholia in Lucani bellum civile/Commenta Bernensia. Liber I (1869).
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451.« Les druides nient que les âmes puissent périr [Driadae negant interire animas]. OU ALLER EN ENFER [aut contagione inferorum adfici] ».
Il y a donc à ce sujet opposition radicale entre le juif et le « Barbare ». Il est difficile de trouver deux êtres plus dissemblables (en ce qui concerne le destin de l’âme).
« Une de leurs doctrines s’est répandue dans le peuple, à savoir que les âme/esprits sont immortelles et qu’il y a une autre vie chez les morts » (Pomponius Mela, dans son livre intitulé – en latin – De Chorographia 3, 2, 19).
Situation dans le monde juif, il y a 2000 ans ou plus.
Les sadducéens ne croyaient à aucune résurrection. La Bible reconnaît en effet que l’âme humaine n’est pas immortelle. « Les vivants se rendent compte qu’ils mourront ; mais quant aux morts, ils ne se rendent compte de rien du tout » (Ecclésiaste 9, 5). La Bible renferme également cette sévère mise en garde : « L’âme qui pèche mourra » (Ézéchiel 18, 4).
Les sectes esséniennes ne croyaient qu’à la résurrection de l’âme. Les pharisiens croyaient aussi bien à la résurrection de l’âme qu’à celle des morts.
Le judaïsme n’a d’ailleurs jamais très bien distingué l’âme du corps. Le judaïsme ne se pose aucune des questions métaphysiques essentielles sur l’Au-delà. La notion de salut individuel n’existe pas dans le judaïsme. Ou plus exactement elle se confond avec le salut terrestre global du peuple élu en tant que nation.
Chapitre onze
«……… Nulle religion autant que la religion juive ne fut plus pétrisseuse d’âme et d’esprit. Presque toutes les nations ont eu, à côté de leurs dogmes religieux, une philosophie, une morale, une littérature ; pour Israël la religion fut en même temps une éthique et une métaphysique, elle fut plus encore : elle fut une loi. Les israélites n’eurent pas une symbolique indépendance de leur législation, non, il y eut pour eux – après le retour de la seconde captivité – Yahvé et sa loi, inséparables l’un de l’autre. Pour faire partie de la nation, il fallut accepter non seulement son dieu, mais encore toutes les prescriptions légales qui émanaient de lui et avaient un caractère de sainteté. Le Juif n’eût eu que Yahvé, il est probable qu’il se fût évanoui au milieu des différents peuples qui l’avaient reçu, comme s’évanouirent les Phéniciens qui ne portaient avec eux que Melqarth ; mais le Juif avait mieux que son dieu : il avait sa Torah, sa loi, et c’est elle qui le conserva. Cette loi, non seulement il ne la perdit pas en perdant le territoire ancestral, mais, au contraire, il en renforça l’autorité ; il la développa, en augmenta la puissance et aussi la vertu. Quand Jérusalem eut été détruite, c’est la loi qui devint le lien d’Israël ; il vécut pour sa loi et par sa loi. Or cette loi était minutieuse et tatillonne, elle était la manifestation la plus parfaite de la religion rituelle, qu’était devenue la religion juive sous l’influence des docteurs, influence qu’on peut opposer au spiritualisme des prophètes dont Jésus continua la tradition.
Ces rites qui prévoyaient chaque acte de la vie, et que les talmudistes compliquèrent à l’infini, ces rites façonnèrent la cervelle du Juif, et partout, en toutes les contrées, ils la façonnèrent de la même manière. Les Juifs, bien que dispersés, pensaient de la même façon, à Séville et à New York, à Ancône et à Ratisbonne, à Troyes et à Prague ils avaient sur les êtres et les choses les mêmes sentiments et les mêmes idées ; ils regardaient avec les mêmes lunettes ; ils jugeaient d’après les principes semblables.
Le type juif s’est formé d’une façon analogue à celle dont se sont formés et se forment le type du médecin, le type de l’avocat, etc., types générés par l’identité de la fonction sociale et psychique. Le Juif est un type confessionnel ; tel qu’il est, c’est la loi et le Talmud qui l’ont fait ; plus forts que le sang ou que les variations climatériques, ils ont développé en lui des caractères, que l’imitation et l’hérédité ont perpétués…………
En Espagne, en France, en Italie, en Allemagne, en Pologne, la législation contre les Juifs fut identique, chose très explicable puisque ce fut, en tous ces pays, une législation inspirée par l’Église. Le Juif fut soumis aux mêmes restrictions, les mêmes barrières furent élevées devant lui, il fut régi par les mêmes lois. Il s’était déjà mis à part, on le mit à part ; il s’était efforcé de se distinguer, on le distingua, il s’était retiré dans sa demeure pour pouvoir accomplir librement ses rites, on l’enferma dans les ghettos. Le jour où le Juif fut emprisonné dans ses juiveries, ce jour-là il eut un territoire, et Israël vécut absolument comme un peuple qui aurait une patrie, il garda, dans ses quartiers spéciaux, ses coutumes, ses mœurs et ses habitudes séculaires, précieusement transmises par une éducation que dirigeaient en tous lieux les mêmes principes invariables.
Cette éducation ne conservait pas seulement les traditions, elle conservait la langue. Le Juif parlait la langue du pays qu’il habitait, mais il ne la parlait que parce qu’elle lui était nécessaire dans ses transactions ; rentré chez lui il se servait d’un hébreu corrompu, ou d’un jargon dont l’hébreu faisait la base. Lorsqu’il écrivait, il écrivait en hébreu…
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Donc, tous les Juifs eurent une religion, des mœurs, des habitudes, des coutumes pareilles, ils furent assujettis aux mêmes lois, civiles, religieuses, morales ou restrictives ; ils vécurent dans de semblables conditions ; ils eurent dans chaque ville un territoire, ils parlèrent la même langue, ils jouirent d’une littérature, ils spéculèrent sur les mêmes idées, idées persistantes et très anciennes. Cela déjà suffisait pour constituer une nation. Ils eurent mieux encore : ils eurent la conscience qu’ils étaient une nation, qu’ils n’avaient jamais cessé d’en être une. Quand ils quittèrent la Palestine, aux premiers siècles avant l’ère chrétienne, un lien toujours les relia à Jérusalem » (BERNARD Lazare).
Chapitre douze.
«……… Leur idéal n’étant pas de ceux qui se contentent d’espérance – ils ne l’avaient pas placé assez haut pour cela – ils ne pouvaient guère endormir leurs ambitions par des rêves et des fantômes.
Ils se croyaient en droit de demander des satisfactions immédiates et non des promesses lointaines. De là cette agitation constante des Juifs, qui se manifesta non seulement dans le prophétisme, dans le messianisme et dans le christianisme, qui en fut le suprême aboutissement, mais encore depuis la dispersion et alors d’une façon individuelle.
Les causes qui firent naître cette agitation, qui l’entretinrent et la perpétuèrent dans l’âme de quelques Juifs modernes, ne sont pas des causes extérieures, telles que la tyrannie effective d’un prince, d’un peuple, ou d’un code farouche ; ce sont des causes internes, c’est-à-dire qui tiennent à l’essence même de l’esprit hébraïque. À l’idée que les israélites se faisaient de Dieu, à leur conception de la vie et de la mort, il faut demander les raisons des sentiments de révolte dont ils furent animés. Pour Israël, la vie est un bienfait, l’existence que Dieu a donnée à l’homme est bonne ; vivre est en soi-même un bonheur. Par opposition, la mort est le seul mal qui puisse affliger l’homme, c’est la plus grande des calamités ; elle est si horrible et si épouvantable qu’être frappé par elle est le plus terrible des châtiments. « Que la mort me serve d’expiation », disait le mourant, car il ne pouvait concevoir de punition plus grave que celle qui consistait à mourir. L’unique récompense qu’ambitionnaient les pieux était que Yahvé les fît mourir rassasiés de jours, après des années passées dans l’abondance et la jubilation.
D’ailleurs, quelle autre récompense que celle-là eussent-ils attendue ? Ils ne croyaient pas à la vie future, et ce n’est que tardivement, sous l’influence du parsisme peut-être, qu’ils admirent l’immortalité de l’âme. Pour eux l’être finissait avec la vie, il s’endormait jusqu’au jour de la résurrection, il n’avait rien à espérer que de l’existence, et les peines qui menaçaient le vice, comme les satisfactions qui accompagnaient la vertu, étaient toutes de ce monde.
N’ayant aucun espoir de compensation future, le Juif ne pouvait se résigner aux malheurs de la vie ; ce n’est que fort tard qu’il put se consoler de ses maux en songeant aux béatitudes célestes. Aux fléaux qui l’atteignaient, il ne répondait ni par le fatalisme du musulman ni par la résignation du chrétien : il répondait par la révolte. Comme il était en possession d’un idéal concret, il voulait le réaliser et tout ce qui en retardait l’avènement provoquait sa colère.
Les peuples qui ont cru à l’au-delà, ceux qui se sont bercés de chimères douces et consolantes, et se sont laissés endormir par le songe de l’éternité… « La haine de l’injustice est singulièrement diminuée par l’assurance des compensations d’outre-tombe », dit Ernest Renan. Qu’importent en effet, pour ceux qui croient à une survie éternelle durant laquelle régnera l’immuable et souveraine équité, qu’importent les si brèves iniquités terrestres, dont la mort libère ? La foi en l’immortalité de l’âme est une conseillère de résignation ; cela est si vrai que l’on voit l’intransigeance judaïque s’apaiser à mesure que s’affirme en Israël le dogme de la pérennité.
Mais cette idée de la continuité et de la persistance de la personnalité ne contribua nullement à la formation de l’être moral chez les Juifs. Primitivement, ils ne partagèrent pas les espérances des pharisiens postérieurs ; après que Yahvé avait clos leurs paupières, ils n’attendaient plus que l’horreur du Schéol. Aussi l’important pour eux était la vie ; ils cherchaient à l’embellir de tous les bonheurs, et ces forcenés idéalistes, qui conçurent la pure idée du Dieu un, furent, par un saisissant et explicable contraste, les plus intraitables des sensualistes. Yahvé leur avait assigné sur la terre un certain nombre d’années ; il leur demandait, pendant cette existence, trop courte toujours au gré de l’Hébreu, un culte fidèle et scrupuleux ; en retour, l’Hébreu réclamait de son Seigneur des avantages positifs.
C’est l’idée de contrat qui domina toute la théologie d’Israël. Quand l’israélite remplissait ses engagements vis-à-vis de Yahvé, il exigeait la réciprocité. S’il se croyait lésé s’il jugeait que ses droits n’étaient pas respectés, il n’avait aucune bonne raison de temporiser, car la minute de bonheur qu’il perdait était une minute qu’on lui volait, et que jamais on ne pourrait lui rendre. Aussi tenait-il à l’exécution intégrale des réciproques obligations ; il voulait qu’entre lui et son Dieu fussent placées des balances justes ; il tenait une exacte comptabilité de ses devoirs et de ses droits, cette comptabilité était une part de la religion, et Spinoza a pu justement dire : « Les dogmes de la religion chez les Hébreux n’étaient pas des enseignements, mais des droits et des prescriptions : la piété c’était la justice, l’impiété c’était l’injustice et le crime. »
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L’homme que loue le Juif, ce n’est pas le saint, ce n’est pas le résigné, c’est le juste.
L’homme charitable n’existe pas pour ceux de Juda ; il ne peut être question de charité en Israël, mais seulement de justice : l’aumône n’est qu’une restitution. D’ailleurs, qu’a dit Yahvé ? Il a dit : « Vous aurez des balances justes, des poids justes, des épha justes et des hin justes »; il a dit encore : « Tu n’auras point égard à la personne du pauvre, et tu ne favoriseras pas la personne du grand, mais tu jugeras ton prochain selon la justice. »
De cette conception, aux âges primitifs d’Israël, sortit la loi du talion. Évidemment des esprits simples, pénétrés de l’idée de justice, devaient fatalement arriver : « Œil pour œil, dent pour dent. » C’est plus tard que s’adoucit la rigueur du code, quand on eut une compréhension plus exacte de ce que devait être l’équité.
Le Iahvéisme des prophètes reflète ces sentiments. Le Dieu qu’ils louent veut : « Que la droiture soit comme un courant d’eau, et la justice comme un courant intarissable » ; il dit : « Parce que moi, Yahvé, je fais charité, jugement et justice sur la terre ; c’est par là que je suis réjoui. » Connaître la justice, c’est connaître Dieu, et la justice devient une émanation de la divinité ; elle prend un caractère révélé. Pour Isaïe, Jérémie, Ézéchiel, elle fait partie du dogme, elle a été proclamée pendant les théophanies sinaïtes, et peu à peu naît cette idée : Israël doit réaliser la justice.
Au retour de Babylone, la population juive forma un noyau considérable de pauvres, justes, pieux, humbles, saints. Une grande partie des Psaumes sortit de ce milieu. Ces psaumes sont, pour la plupart, des diatribes violentes contre les riches ; ils symbolisent la lutte des ébionim contre les puissants. Quand les psalmistes parlent aux possesseurs, aux repus, ils disent volontiers, avec Amos : « Écoutez-moi, mangeurs de pauvres, grugeurs des faibles du pays », et dans tous ces poèmes, écrits entre l’exil de Babylone et les Macchabées (585 et 167), le pauvre est glorifié. Il est l’ami de Dieu, son prophète, son oint ; il est bon, ses mains sont pures ; il est intègre et juste ; il fait partie du troupeau dont Dieu est le berger.
Le riche est le méchant, c’est un homme de violence et de sang ; il est fourbe, perfide, orgueilleux, il fait le mal sans motif ; il est méprisable, car il exploite, opprime, persécute et dévore le pauvre. Mais son grand crime c’est qu’il ne rend pas la justice ; c’est qu’il a des juges corrompus qui condamnent a priori le pauvre.
Excités par les paroles de leurs poètes, les ébionim ne s’endormaient pas dans leur misère, ils ne se plaisaient pas dans leurs maux, ils ne se résignaient pas à la pauvreté. Au contraire, ils rêvaient au jour qui les vengerait des iniquités et des opprobres, au jour où le méchant serait abattu et le juste exalté : au jour du Messie.
Quand Jésus viendra, il répétera ce qu’ont dit les ébionim psalmistes il dira : « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés » ; il anathématisera les riches, et s’écriera : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume des cieux. » Sur ce point, la doctrine chrétienne sera purement juive, nullement hellénique, et c’est parmi les ébionim que Jésus trouvera ses premiers partisans.
Donc, la conception, que les Juifs se firent de la vie et de la mort fournit le premier élément à leur esprit révolutionnaire. Partant de cette idée que le bien, c’est-à-dire le juste, devait se réaliser non pas outre-tombe – puisqu’outre-tombe il y a le sommeil, jusqu’au jour de la résurrection du corps – mais pendant la vie, ils cherchèrent la justice et, ne la trouvant jamais, perpétuellement insatisfaits, ils s’agitèrent pour l’avoir ».
Note de la rédaction à propos de ce paradoxe de BERNARD Lazare.
Les deux livres, l’Ecclésiaste et le livre de Job, n’ont été inclus dans le canon juif qu’après bien des discussions. Pour différentes raisons d’ailleurs. Dieu n’apparaît presque pas dans l’Ecclésiaste et Job n’était pas juif. Le fait qu’ils aient été retenus par les rabbins à l’origine du judaïsme moderne prouve néanmoins que les juifs de l’époque s’y sont retrouvés aussi.
Le judaïsme a été la première religion d’État connue au monde. Mais il comporte une multitude de prescriptions (613 mitsvot) interdisant des comportements qui, en soi, la plupart du temps, n’ont rien de répréhensible aux yeux de la morale universelle.
Or il est important de savoir que pour les rabbins l’enseignement de la Torah, y compris ses lois et ses commandements, est le plus sacré des devoirs. Rien n’y peut être ajouté et rien ne peut en être retranché. Voir le point N° 9 du « crédo » de Maimonide. Même intransigeance en terre d’islam avec le dogme du Coran incréé.
Celui qui ajoute, retranche, ou change quoi que ce soit, ou bien qui dirait des mitsvot (commandements divins), qu’ils ne sont que des symboles, ne devant avoir aucun impact dans la réalité, est un apostat et un hérétique. Voir la querelle des rabbanites et des caraïtes. L’autorité morale de Moïse, législateur, nabi et presque dieu, a conféré aux dispositions judiciaires et gouvernementales du temps du roi Josias ou du retour d’Exil en Babylonie, la même autorité qu’à ses prétendus préceptes religieux ; c’est-à-dire celle d’une révélation divine.
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Le dieu-ou-démon de Moïse a dit « vous n’adorerez qu’un seul dieu », mais a prescrit aussi des règles d’hygiène ou de morale, tout comme dans le cas de Mahomet. Ces lois qui sont attribuées à Moïse sont un mélange de jurisprudence mésopotamienne style code d’Hammourabi, de coutumes tribales, ou de diverses règles concernant la pureté rituelle des prêtres (voir le Lévitique notamment).
Chacune de ces lois, qu’elle soit agraire, civile, prophylactique ou morale, bénéficie de la même autorité, de telle sorte que ces différents codes forment un tout unique, un faisceau rigoureux dont on ne peut rien retirer sous peine de sacrilège.
Chez les gentils païens, la séparation entre la doctrine religieuse venue des dieu-ou-démons et les lois civiles venant des législateurs humains (des lois qui peuvent être modifiées. Ce que l’homme a fait l’homme peut le défaire) a toujours été au contraire très nette.
Si les juifs avaient pu faire de même avec leur Torah, en distinguant les ordonnances religieuses des ordonnances civiles, bien des problèmes auraient pu être évités. Mais voilà, pour le juif pieux, toutes ont un caractère également sacré, et ces lois, les juifs ne voulurent pas les abandonner en entrant dans la communauté des nations. Elles restèrent pour eux des obligations religieuses (613), qu’ils s’étaient engagés à remplir. 613 mitsvot. Un sacré décalogue !
Les préceptes alimentaires des juifs sont très sélectifs : les herbivores sont purs, les carnivores sont impurs, etc. Il convient dans le judaïsme de s’abstenir de manger de la viande d’animaux tenus pour impurs, on se demande bien pourquoi d’ailleurs. La seule notion d’impureté indique assez que le domaine où de telles lois sont édictées est celui du sacré, et non, comme le soutiennent aujourd’hui quelques essais de justification rationnelle assez hypocrites, un louable souci d’hygiène alimentaire.
Ne pas manger de porc ou se confiner en méditations sabbatiques, à l’exclusion de toute autre occupation, est un acte de foi n’ayant rien à voir avec la Raison. Le porc, chez les Égyptiens, passait d’ailleurs déjà pour une bête impure. Si l’on en croit la description de l’Égypte que nous a laissée Hérodote (Ve siècle avant notre ère), quiconque dans ce pays en frôlait un au passage allait aussitôt se plonger dans le fleuve tout habillé afin de se purifier.
Sur la notion de souillure, les pharisiens eurent d’ailleurs des idées d’une rigueur extrême. Les défenses et les prescriptions de la Bible, et notamment du Lévitique, qui pourtant ne traite que de cela, ne suffisaient pas, selon eux, en effet, à préserver l’homme du péché.
Les animaux doivent être sains, tout comme les prêtres, tout comme l’homme. Les nains, les bossus, quiconque a une mauvaise vue, l’estropié, l’aveugle et le paralytique, ceux qui souffrent de maladies qui démangent, sont exclus de l’assemblée du Seigneur. Mais la pire des blessures est celle de l’homme qui a eu les testicules coupés ou écrasés. Les eunuques et les animaux castrés sont impurs par définition.
Comme le moindre attouchement contaminait les vases sacrificiels, les juifs ultra-orthodoxes en vinrent à s’estimer souillés eux-mêmes par tout contact étranger. De cette peur naquirent d’innombrables règles concernant la vie quotidienne : règles sur le vêtement, l’habitation, la nourriture, afin d’éviter la souillure et le sacrilège.
Autres notes de la rédaction.
A) Il a toujours existé un courant ascétique dans le judaïsme, lié au puritanisme que véhicule la religion de YHWH. Le mot amour (éros) n’apparaît qu’une fois dans la traduction grecque de la Bible, et avec une signification assez négative (Livre des Proverbes, 7,18).
Ce courant intégriste avant la lettre, pour qui le seul sacrifice agréable à Dieu est l’immolation des désirs au nom de la foi et de la ferveur religieuse ; se prolongera dans l’essénisme (qui témoigne en permanence ainsi que nous l’avons vu, de son horreur de la femme) le judéo-christianisme, et jusque dans les Écoles ultra-pauliniennes (Marcion, Tatien) ; ainsi que dans le montanisme des IIe ou IIIe siècles. Alors que le pharisaïsme, moins rigoriste, inspirera en ce domaine les Écoles pauliniennes modérées d’Irénée ou des Évangiles officiels.
Le judaïsme orthodoxe prône la crainte de YHWH, la pénitence et les sacrifices rituels, mais n’incite pas spécialement à sacrifier son existence. Son courant prophétique, par contre, nous donne de nombreux exemples d’illuminés dont l’exaltation vengeresse appelait sur eux les colères du pouvoir politique. Voir entre autres le cas de Jean-Baptiste.
Le judaïsme, comme toute religion, possède donc différents courants religieux, du plus souple au plus rigide. On peut qualifier de plus souples les courants libéraux et traditionalistes qui pratiquent le judaïsme comme une fête familiale, prétexte à un repas généreux et à des échanges chaleureux.
Mais il y a aussi les branches dures, très rigides, du judaïsme, un judaïsme comme le montre le cinéaste Amos Gitai dans son film Kadosch (Sacré) ; vivant donc en autarcie totale, se réfugiant dans une bulle idéologique afin de se protéger des réalités de la vie. On peut avoir une certaine compassion en voyant ces hommes, et surtout ces femmes, ainsi prisonniers de leurs peurs. Mais ne
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nous y trompons pas, sous la fausse modestie et les sourires révérencieux, se cache une idéologie meurtrière, un fanatisme virulent, qu’il faut à tout prix dénoncer.
Ce même fanatisme (voir les notions de din moser et din rodef) qui a endoctriné pendant des années Yigal Amir le meurtrier d’Isaac Rabin, façonne encore aujourd’hui par milliers les mêmes intégristes. En Israël, mais aussi aux États-Unis, chez les hassidim (Loubavitch) voire en Europe.
B) Un Dieu-ou-démon [comme celui d’Abraham, d’Isaac et de Jacob] qui exige de ses croyants de se mutiler pour les marquer comme on marque du bétail, est une figure à la morale très discutable. On peut comprendre que la circoncision masculine ou féminine, comme toute autre intervention chirurgicale, puisse être justifiée dans des cas spécifiques et sur indication médicale individuelle. Mais mutiler les enfants, garçons ou filles, tout en prétendant leur faire du bien, relève du cynisme et du fanatisme.
À cet effet, il n’existe aucune raison qui puisse justifier la distinction entre circoncision féminine et circoncision masculine. Le Docteur Zwang va encore plus loin. Il affirme que l’on ne pourra jamais mettre fin à la circoncision féminine tant que l’on continuera de pratiquer la circoncision masculine. Comment voulez-vous convaincre un Anglais (ou un Français ou un Allemand, etc.) de ne pas exciser sa fille si en même temps vous lui permettez de circoncire son fils ?
La religion a été un instrument pour justifier la circoncision masculine et féminine. Il faut donc démasquer son caractère irrationnel et dénoncer le rôle néfaste de certains milieux religieux qui la défendent ou qui refusent de la combattre. Dr. Sami A. ALDEEB ABOU-SAHLIEH. Webmaster@lemanlake.com.
La circoncision n’a pas été inventée par Abraham, puisque des dessins datant de la cinquième dynastie et montrant des prêtres en train de circoncire des adultes, prouvent qu’elle était déjà pratiquée dès l’adolescence, en Égypte, avant la naissance d’Abraham.
Mais certaines momies de pharaons ne portant pas la cicatrice, il faut croire qu’elle n’était pas obligatoire.
Dans le judaïsme la circoncision n’est pas seulement une pratique héritée d’un autre âge – malgré les tentatives de lui donner une justification médicale au siècle dernier – elle a aussi une signification précise. C’est le signe de l’Alliance éternelle d’un individu avec le dieu de la mythologie hébraïque. Le judaïsme va ainsi comporter, par rapport aux autres traditions religieuses, une dimension qui lui est pratiquement spécifique : la dimension raciale. Désormais cet enfant qui vient de naître en tant que juif ne sera plus – quelles que soient ses futures options spirituelles – tout à fait libre. Les séquelles de son sexe mutilé lui rappelleront chaque jour qu’il fait partie d’un « peuple » à part, qu’il n’est pas comme les autres (à moins évidemment qu’il ne se voie « normal » et les autres comme « anormaux »).
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ÉPILOGUE.
L’ego humain a toujours besoin d’être flatté pour vivre, car la vérité est souvent difficile à assumer. Telle est sans doute l’explication ultime de la persistance du thème de l’élection divine. Il sert de béquille à l’orgueil ou à l’amour-propre froissé.
On peut d’ailleurs également affirmer sans crainte de beaucoup se tromper que les peuples et les nations aussi ont besoin d’un minimum d’estime pour vivre heureux, et qu’inversement comme le dit très bien a le polémiste français Éric Zemmour, une nation constamment dénigrée vilipendée ou sans cesse couverte de crachats de toutes parts y compris en provenance de ses propres rangs, NE PEUT PLUS SE DÉVELOPPER, ET NE PEUT PLUS QUE SE RÉTRÉCIR SE RABOUGRIR…… PUIS S’EFFONDRER ! Et donc disparaître en appauvrissant d’autant la bio-diversité humaine ou le patrimoine culturel commun de l’humanité. Une attitude aussi bête et lâche, mais aussi facile il est vrai, aussi profondément négative, constitue donc sur le plan culturel l’équivalent d’un génocide.
L’ethnocentrisme, juif, ou autre, à cet égard, a par conséquent un rôle positif qu’on ne saurait rejeter a priori : CELUI D’AIDER A VIVRE (seuls les abus ou excès de cette légitime fierté sont condamnables).
À ceux qui déplorent le reflux actuel des religions, il faut redire combien, sous leurs formes traditionnelles au moins, elles continuent aujourd’hui à être à l’origine de la quasi-totalité des guerres et des conflits qui ensanglantent la planète.
Dieu ou plus exactement certaines conceptions de Dieu constituent le plus grand commun diviseur de l’Humanité. Toutes les traditions religieuses, tous les peuples, à l’instar des individus, sont porteurs de quelque psychose les incitant à développer des sentiments de supériorité dans un domaine ou dans un autre. Le judaïsme… (disons la très grande majorité des penseurs juifs) en méconnaissant largement sa réelle ascendance idéologique, mésopotamienne, cananéenne, et égyptienne ; en voyant dans la Bible l’alpha et l’oméga de la pensée humaine, en s’attribuant à la fois la découverte du « vrai dieu » et la parole de ce même vrai Dieu ; en se donnant pour vocation spécifique de montrer aux hommes rien moins que le chemin de la Vérité ainsi que de la Justice ; a trouvé une raison de se sentir supérieur. Et ce d’autant plus que ses mythes ont été légitimés par le christianisme et l’islam.
Si la vérité n’avait pas été dénaturée à ce point par l’orgueil des souverains et la sournoiserie des historiographes, le judaïsme se serait certainement essoufflé plus rapidement, et aurait laissé son peuple se fondre dans les autres nations. Mais compte tenu des principaux éléments constitutifs du judaïsme, le mythe de l’Alliance, la loi rabbinique instituant l’hérédité de la judéité ainsi que les données scripturaires, toute évolution ne pourra donc être que très lente.
Ainsi que nous l’avons vu tout au début de ce livre, à propos de la religion sumérienne, ou égyptienne, les mythes qui structurent les religions de masse connaissent toujours plusieurs phases avant de perdre leur caractère sacro-saint et leur capacité d’inspiration.
Or, en ce XXIe siècle, il est manifeste que le mythe ; pour les juifs religieux et nombre de chrétiens aussi d’ailleurs, en est encore à sa première phase. Yahvé demeure le dieu du monde, les juifs forment le Peuple élu, la Palestine est la Terre des juifs, le Messie reviendra sur cette Terre à Jérusalem. Seule une minorité, faite de juifs incroyants, a acquis une totale liberté vis-à-vis de ce mythe. C’est dire qu’il est loin d’avoir terminé son évolution. Seule l’émergence de pôles culturels et économiques mondiaux non chrétiens et non musulmans, comme ceux d’Extrême-Orient (l’Inde, la Chine, etc.) supplantant l’Occident, pourra y arriver. Encore que de Chine nous parvient une nouvelle consternante : la fulgurante expansion sur place du christianisme… À croire que la bêtise humaine est sans limites.
Certains juifs de la diaspora ont tout quitté pour se retrouver colons en territoire palestinien, avec comme stimulant des versets bibliques qui galvanisent. Ils sont prêts à mourir pour servir la cause divine un pistolet-mitrailleur Uzi à la main. Le conditionnement religieux est effrayant, leurs vies se fondent sur un passé absolutisé, et ce repli lamine toutes les valeurs de progrès dans l’éducation, les modes de vie, la condition de la femme. Pour ces fous de Dieu ou du Démiurge, la vie ne vaut la peine d’être vécue que dans l’attente du messie qui redonnera son entière souveraineté au peuple juif. Cet intégrisme a nombre de similitudes avec l’intégrisme islamique. Cet intégrisme rejette tout ce qui est étranger, c’est-à-dire le non-juif, mais aussi le juif accusé d’être déjudaïsé. Il a la volonté de peser sur la politique, et c’est ce qui le rend très dangereux. Les rabbins intégristes expliquent très sérieusement que l’Humanité étant entrée dans une période prémessianique ; pour préparer le peuple juif à son arrivée, il faut être présent dans ce qu’ils appellent, en référence à la Bible, la Judée et la Samarie. Ils apportent ainsi une justification religieuse au maintien dans les territoires occupés. Dans la jeunesse orthodoxe, la majorité est prête à se battre pour imposer un État complètement religieux.
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L’endoctrinement est perpétué, de la naissance à la mort. Les enfants, depuis l’âge de trois ans, sont conditionnés à un véritable ethnocentrisme destructeur. D’importants ravages psychologiques sont perpétrés sur la psyché de l’enfant, et bon nombre de déséquilibres les poussent à des actes violents par la suite. Les Bal Téchouvah (les repentis) sont aussi dangereux. Ces juifs qui, n’ayant pas reçu d’éducation religieuse, reviennent après une longue période de troubles identitaires, à la religion, croient trouver dans le judaïsme orthodoxe un soulagement à leurs névroses personnelles. Le problème psychique est alors occulté par l’étude des textes, et ils opèrent une forme de sublimation envers Dieu qui les pousse à se durcir dans un dogmatisme innommable, un égocentrisme affligeant, et une haine dévorante des Arabes. Le fondamentalisme juif est aussi dangereux pour les droits des Hommes et la démocratie que l’Islamisme. Les communautés orthodoxes gagnent sans cesse du terrain. À Paris s’est même récemment créé un tribunal rabbinique ultra-orthodoxe ; et les écoles religieuses fleurissent ou se consolident, la laïcité ne fait pas son travail, la loi française de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État, est constamment violée.
Les politiques se préoccupent plus de leur électorat que de l’avenir de la démocratie. En effet, bon nombre d’électeurs échangent des voix en contrepartie du financement de leurs édifices religieux. C’est inadmissible, il faut que le monde laïc se positionne rapidement contre ce problème majeur qui est en train de gangrener de l’intérieur les valeurs démocratiques. En aucun cas l’État ne doit privilégier la religion au bon fonctionnement de la société.
On nous demande souvent « mais quelle est donc votre position à vous, tolandiens d’aujourd’hui, à propos de la question juive ? » Eh bien la voici !
À la différence des juges de la Bible, pour les vrais très-sachants, il ne saurait y avoir de confusion entre la première fonction sacerdotale et la seconde fonction guerrière et politique. Druides et rois, chefs spirituels et chefs militaires, avaient un rôle bien séparé. Était considéré comme une faute majeure pour un très-sachant de la druidiaction (druidecht) le fait de s’emparer du pouvoir régalien. Cf le cas du très-sachant appelé Nédé en Irlande. Ce Nédé s’emparera de la royauté du Connaught, usurpation aggravée dans notre récit par l’utilisation du char du roi légitime, son oncle Caier, sa poursuite et sa mort. Il régnera pendant un an avant de trouver une mort symboliquement exemplaire (justice immanente. Pour plus de détails, voir le glossaire de Cormac).
Autre exemple de druide abusif qui sera finalement châtié purement et simplement par le pouvoir politique : Aithirne Ailgesach. Son surnom, ailgesach signifie « l’Exigeant ». Aithirne Ailgesach est le prototype même du très-sachant dévoyé, réputé pour exiger des choses impossibles et qui se venge en se servant de sa magie, notamment de la satire mortelle du glam dicinn. La réaction du roi Conchobar sera implacable : il rasera la forteresse de Dun Etair, et tuera le druide dévoyé.
Voici ce que nous pensons du problème du judaïsme, terme plus exact que celui de « problème » juif (ou alors il faut définir préalablement le mot… « problème »).
1. D’après Bauer la seule solution est que le juif renonce au judaïsme. Et le monde entier aussi, catholiques, protestants, orthodoxes, ou autres, ajouterons-nous (note de la Rédaction).
2. D’après Marx, aussi longtemps qu’il sera juif, l’essence limitée qui fait de lui un juif l’emportera toujours nécessairement sur l’essence humaine qui devrait, comme homme, le rattacher aux autres hommes ; et elle l’isolera de ce qui n’est pas juif… l’essence particulière qui le fait juif est sa véritable essence suprême, devant laquelle doit s’effacer l’essence de l’Homme. (Karl Marx. Dans son livre intitulé « La Question juive »).
3. D’après Pauline Bèbe, un rabbin libéral de sexe féminin ayant fait ses études au collège Léo Baeck « le judaïsme doit se soumettre à une morale universelle quitte à être modifié ». Car, ajoute-t-elle, tout système religieux qui ne met pas en pratique les notions de tolérance ou de morale, doit être transformé.
Le problème du judaïsme est qu’il se fonde sur un passé révolu, mais absolutisé, il est nostalgique, et il espère encore inspirer à ses fidèles le désir de revivre ce passé définitivement mort. Le judaïsme véhicule avec lui tout un fardeau idéologique passéiste. Sans cela il ne serait plus, et c’est la peur de n’être plus qui le paralyse ou l’endurcit dans ses croyances. Dilemme très cornélien. S’il n’a plus de « mission » divine à accomplir pour Dieu sur Terre, il n’a plus de raison d’être, son ego ne peut plus être soutenu par la valorisation d’une entité, parfaite et immortelle. Le judaïsme apparaît donc comme une religion un peu perdue dans ce monde où les échanges interculturels se multiplient, où les vieilles identités religieuses se fondent dans la masse, grâce à l’assimilation. Tous se mélangent, et vivent en paix malgré tout. Le judaïsme souhaiterait bien lui aussi faire partie de cette grande famille, mais pour cela il doit sacrifier ses rêves égocentriques et revenir à une certaine simplicité. Admettre humblement qu’il n’a pas plus de mission à accomplir que ses semblables.
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— Ce choix est impossible pour l’orthodoxie, cela signifierait la perte de tous ses privilèges.
— Se fondre dans la masse est difficile pour les Juifs libéraux, cela impliquerait la perte de leurs traditions.
— L’assimilation est faisable pour les juifs de Kippour dès lors qu’ils arriveront à se détacher de la possessivité et de la culpabilisation familiale.
Espérons que bon nombre de juifs prendront conscience de ces choses-là, afin que nous puissions tous tendre vers notre unique mission sur Terre : celle de vivre en paix, ensemble. Comme l’a dit un jour un grand mystique tibétain : « De loin je crus voir un animal. L’animal s’approcha et je compris que c’était un homme. Il s’approcha encore et je m’aperçus que c’était mon frère ».
Quand le judaïsme apercevra-t-il enfin les éléments hautement pervers qu’il véhicule depuis plus de trois millénaires, éléments qui font le malheur des siens et des « autres » ?
La valeur guide d’un combat non violent, non racialiste, et sans ennemi héréditaire, pour la réconciliation et la paix dans un État pluriethnique (unique de préférence), ne saurait être la religion du Livre, mais la laïcité ouverte et inclusive. Le trifonctionnalisme religieux doit être net.
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ANNEXE N° 1.
UNE INSULTE À L’INTELLIGENCE HUMAINE : LE COURANT CRÉATIONNISTE.
Le judaïsme offre un large éventail d’opinions sur la création, l’origine de la vie et le rôle de l’évolution dans celle-ci. Il y a néanmoins dans la Bible des erreurs historiques ou scientifiques, à tout le moins la trace de connaissances très limitées en ces domaines. La première étant de supposer une création ex nihilo, due à un Dieu tout puissant ayant décidé tout d’un coup de nous créer on se demande bien pourquoi nous qui ne lui avions rien demandé. Par amour répondent les chrétiens (Dieu a en en effet besoin d’amour pour exister), ce qui ne les empêche pas de soutenir que Dieu mettra fin à cette expérience de sa part (fin du monde fin des temps jugement dernier). Le plus sage est…
1) De prendre acte de l’existence. De la matière. De la vie.
2) De chercher à comprendre comment tout cela fonctionne.
3) Pour éventuellement intervenir dans son fonctionnement.
4) Et de laisser le reste à nos imaginations (athéisme agnosticisme panthéisme).
Il existe néanmoins un courant fondamentaliste hostile au transformisme, et qui s’en tient, en ce qui concerne la naissance de l’univers, au texte de la Genèse.
Pour les Haredim ou ultra-orthodoxes juifs la science n’a aucune valeur particulière. À la vérité scientifique tributaire, de ses axiomes et de sa méthode, ils opposent la « vérité absolue » à laquelle seule l’étude des textes sacrés permet d’accéder. On note une certaine hostilité, ou au moins un certain mépris, à l’égard de la science. Le journal ultra-orthodoxe Yaté Niman rappelle ainsi de nombreuses erreurs scientifiques, et conclut « pourquoi devrions-nous passer notre temps à étudier des « faits » dont la moitié seront regardés dans dix ans comme faux » ?
Mais les productions de la science, comme les machines ou les traitements médicaux, ne sont pas forcément rejetées.
Les inventions ou les concepts qui sont susceptibles de violer la loi religieuse juive sont par contre refusés : internet ou télévision (à cause de leurs images « indécentes »), théorie de l’évolution (qui s’oppose au créationnisme religieux). Ainsi, pour un des dirigeants du Shass (parti haredi séfarade) « une femme séfarade qui embrasse avec dévotion un rouleau de la Torah vaut mieux que cinquante professeurs qui enseignent que l’Homme descend du singe ».
Et le degré de rejet varie d’une communauté à une autre. Par exemple, le septième Rabbi de Loubavitch enseignait que l’avancée technologique était l’œuvre de la Providence divine, dans le but que les Juifs servent Dieu avec encore plus d’efficacité et dans des domaines jusqu’alors inaccessibles. De fait, il fut le premier instigateur de cours de Torah à la radio, à la télévision et même par satellite, dès les années 1980.
Les théologiens créationnistes cherchent à montrer que l’âge de l’Univers ne peut excéder dix mille ans et que la Terre a subi un déluge catastrophique il y a encore moins longtemps.
Nous allons donc examiner les idées créationnistes, en particulier sur l’âge de l’Univers et sur l’évolution des espèces, et montrer qu’elles ne sont pas recevables scientifiquement parlant, après examen approfondi.
À partir de la Genèse donc des mythes cosmogoniques sumériens et des autres livres, le Créationnisme essaie de décrire de manière rigoureuse comment les choses se sont déroulées depuis la Création du Monde. Certains croyants, surtout des théologiens et quelques scientifiques, souvent contestables et d’assez bas niveau d’ailleurs, se sont érigés en chercheurs créationnistes pour défendre scientifiquement leur point de vue. Ils affirment que, lors de la Création, Dieu aurait créé « les Cieux et la Terre » en six jours, passant de la création de l’inerte à celle du vivant et de celle des animaux à celle de l’Homme et de la Femme. Tous les humains descendent d’un couple unique et, de même, toutes les espèces animales descendent respectivement d’un unique couple par espèce, l’idée d’évolution tétant impitoyablement écartée par eux comme antibiblique. Cette théorie s’appelle en Biologie le Fixisme. Or le Fixisme n’est plus défendable actuellement. Il ne peut résister à une analyse un tant soit peu serrée, et est définitivement remplacé par la théorie de l’Évolution néodarwinienne, seule adaptée à donner une explication cohérente du monde vivant. Comme toute science, cette théorie progresse pas à pas, en se corrigeant et en se complétant, parmi les discussions, âpres ou fraternelles, qui constituent peu à peu le patrimoine civilisationnel de l’Humanité.
Utilisant la chronologie biblique, les chercheurs créationnistes effectuent un décompte temporel qui arrive à un âge de la Terre compris entre six mille ou douze mille ans selon les auteurs, avec des
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variantes plus longues dans le temps. De même, pour eux, au moins trois mille ans avant notre ère, un cataclysme à l’échelle planétaire, le déluge, aurait recouvert la Terre d’eau, et seuls un petit groupe d’humains et un couple de chaque espèce animale auraient survécu. Notons ici que, selon les ouvrages créationnistes, les dinosaures auraient disparu durant le déluge, car non sauvés par Noé, et auraient donc été contemporains des premiers hommes. Ayant établi à partir des textes bibliques la chronologie de l’évolution du monde, ces chercheurs se doivent évidemment de trouver des justifications expérimentales à ces déductions théorico-livresques.
Et c’est évidemment là que les gros problèmes apparaissent pour les créationnistes ; les théories scientifiques en Astrophysique, en Géologie, en Paléontologie et en Biologie, n’étant absolument pas en accord avec un âge aussi peu élevé de l’Univers et de la Terre ; avec un fixisme biologique immuable et un hypothétique déluge universel récent.
Les créationnistes prétendent, Genèse à l’appui, que la Terre et l’Univers n’ont pas plus de six mille à douze mille ans (selon les auteurs). En conséquence, nous ne devrions pas pouvoir observer d’objets situés à plus de dix mille années-lumière. En particulier, nous ne devrions pas voir toutes les galaxies supernovae extragalactiques qui ont explosé avant la naissance de l’Univers, et donc avant la Création divine, ainsi que les autres quasars qui sont plus éloignés. La brillante supernova découverte le 24 février 1987 dans le Grand Nuage de Magellan, à cent soixante-dix mille années-lumière, n’aurait, par exemple, jamais dû être observée ! Et pourtant, les astronomes détectent des objets situés jusqu’à douze milliards d’années-lumière, c’est-à-dire jusqu’à douze milliards d’années dans le passé. L’Univers a donc au moins douze milliards d’années d’existence et certainement pas dix mille ans, un objet ne pouvant émettre de lumière avant d’exister !! Rappelons pour mémoire que la vitesse de la lumière est finie et qu’un objet lointain est vu à une époque d’autant plus ancienne qu’il est plus éloigné de nous.
Certains créationnistes répondent à cet argument en affirmant que Dieu a créé l’Univers en le dotant d’une vieillesse apparente pouvant tromper les astronomes. C’est à notre humble avis se faire une curieuse idée de la morale divine. Dieu serait donc un être retors qui rechercherait l’embrouille en allant jusqu’à créer des rayonnements lumineux ne correspondant à aucun objet émetteur, et, donc, un film nous montrant des objets inexistants, uniquement pour induire en doute le croyant moyen ! Le Créationnisme nage ici en plein délire et n’explique absolument pas les faits observés, allant même jusqu’à s’opposer à eux.
Pour bien comprendre le mécanisme du raisonnement créationniste, nous allons citer quelques passages caractéristiques de cette littérature. Un ouvrage est pour cela très significatif : « Le Monde qui a péri » de J. C. Whitcomb Jr. (La Bible y est donnée comme un ouvrage scientifique de référence.)
À la page 25, nous lisons…
Question : comment les kangourous ont-ils pu voyager de l’Australie jusqu’à l’Arche de Noé ?? Réponse : ils n’ont pas eu à le faire. Un couple de chaque espèce d’animaux vivant sur terre ferme, y compris les kangourous, a dû vivre sur le continent où l’Arche fut construite. Ils ont pu ainsi rejoindre Noé par direction divine (Genèse 6, 20 ; 7,9) sans avoir à traverser les océans.
Question : comment les kangourous ont-ils pu atteindre l’Australie depuis le mont Ararat, après le déluge ?? Réponse : un grand pont terrestre reliait apparemment l’Asie et l’Australie dans la période ayant suivi immédiatement le déluge. De si grandes quantités d’eau furent bloquées dans les régions polaires que le niveau des océans était alors situé quelques centaines de mètres plus bas qu’il ne l’est aujourd’hui. La carte du fond de l’océan Pacifique montre le plateau continental peu profond qui s’étend actuellement encore de l’Indochine jusqu’en Australie ou presque.
Ces quelques extraits montrent fort bien le mode de pensée créationniste. Le chercheur créationniste est face à un rude travail : il doit arriver à concilier deux vues très dissemblables de l’Univers. Après un travail de bibliographie très important qui lui permet de bien connaître ce à quoi il s’attaque, c’est-à-dire les théories scientifiques non bibliques ; il doit essayer de prouver la fausseté de ces dernières avec des arguments en général assez faibles. Il faut reconnaître que ce travail n’est pas vraiment simple et place le chercheur créationniste dans la position d’ennemi des sciences, rôle inconfortable s’il en est ! Les scientifiques vont souvent le considérer comme un fixiste arriéré, placé là comme un fossile vivant, uniquement pour les empêcher de travailler tranquillement. Beaucoup de chrétiens ou de musulmans sont créationnistes par manque d’information, les idées scientifiques ayant souvent bien du mal à se diffuser dans ce genre de milieu ce qui fait le lit des superstitions les plus atterrantes !
Les milieux haredim sont par exemple relativement sensibles à la notion de malédictions. Des rabbins ont même un jour organisé une prière collective dans les locaux de la Sécurité sociale israélienne à Tel-Aviv afin de conjurer une malédiction prétendument jetée sur ses employés par des personnes privées d’allocations.
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En 1985, le ministre de l’Intérieur (du parti haredi Shass) a expliqué un dramatique accident dans lequel un train était entré en collision avec un bus scolaire par une vengeance de Dieu provoquée par la désacralisation du shabbat consécutive à une ouverture des cinémas le vendredi soir.
Et après la mort brutale en décembre 1989 de Zion Garmin, directeur adjoint du ministère des Cultes, une rumeur circulera comme quoi il aurait été maudit par trois fonctionnaires du ministère, et que même Itshak Kaddouri, le célèbre cabaliste de l’époque n’avait pas réussi à contrecarrer cette malédiction malgré ses incantations.
Je ne résisterai pas au plaisir enfin pour compléter le tableau de rappeler une célèbre anecdote déjà mentionnée plus haut et que voici.
En 2011 un tribunal rabbinique ultra-orthodoxe de Jérusalem a condamné à mort par lapidation un chien errant accusé d’être la réincarnation d’un avocat laïque qui avait insulté les juges religieux 20 ans auparavant (cf. le site d’information Ynet).
Selon ce journal en ligne, le chien, de grande taille, avait pénétré dans le Tribunal rabbinique en charge des litiges économiques du quartier juif ultra-orthodoxe de Méa Shéarim à Jérusalem, effrayant juges et plaignants et refusant de quitter les lieux malgré les menaces. Un des juges présents se souvint brusquement que 20 ans plus tôt, le tribunal, insulté par un célèbre avocat laïque, avait maudit ce dernier, décédé depuis, et appelé sur lui la malédiction divine pour qu’il se réincarne en chien, considéré comme “impur” selon la Halacha, la stricte tradition religieuse juive.
Dans la foulée, le juge en question a donc condamné à mort par lapidation l’animal, qui a toutefois réussi à échapper aux enfants du quartier, appelés à exécuter la sentence. Une association israélienne pour la défense des animaux a néanmoins porté plainte.
Soyons sérieux et revenons aux croyances de base par définition
Répétons-le encore une fois : la première femme par exemple, n’a pas été tirée de la côte d’un homme, et le diable ne lui est pas apparu sous la forme d’un serpent. Ces récits sont des légendes ! Les premiers chapitres de la Genèse ne sont pas ou ne sont plus, un récit historique scientifique valable de la création. Ces premiers chapitres de la Genèse ne constituent pas ou ne constituent plus, un exposé scientifique valide sur les origines de l’Homme.
Il s’agit de récits que leurs auteurs ont tirés des mythes suméro-babyloniens à ce sujet.
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ANNEXE N° 2
SUR L’ANTHROPOMORPHISME ET LES DIEUX PERSONNELS.
C’est bien inutilement que divers thuriféraires du grand Tétragramme s’en prennent, toujours assez lâchement d’ailleurs dans la Bible, à ce qu’ils appellent l’idolâtrie (les bamoth les ashéra Baal, etc.) et à ceux qu’ils appellent les idolâtres. Il eût été facile en effet déjà à l’époque (si tous ces textes n’avaient pas été écrits A POSTERIORI) de leur faire la réponse qu’opposera un jour un célèbre roi d’Irlande à leurs successeurs (car tous les « idolâtres » n’étaient pas de grossiers personnages).
Lebor na hUidre, Livre de la vache brune, fol. 50 b, page 127.
« Senchas na relec inso… Ar baí cretim in óenDé oc Cormac do réir rechta. Ar ro ráidseom na aidérad clocha ná crunnu acht no adérad intí dosroni & ropo chomsid ar cul na uli dúla.i. in t-óenDia nertchomsid ro crutaig na dúli is dó no chreitfed ».
« Cormac… disait qu’il n’adorait ni les pierres ni les arbres, mais qu’il adorait seulement celui qui les avait faits, le maître des éléments. Celui qui fait pousser les arbres… c’est-à-dire le Dieu Unique ».
En d’autres termes.
— Il n’y a pas d’autre dieu que Dieu, disent les prophètes ou le roi Josias. Vous sculptez un morceau de bois, et vous l’appelez dieu ou ashérah mais c’est toujours un morceau de bois.
— Oui, répond Cormac, c’est en effet toujours un morceau de bois. Mais l’arbre dont il provient a été créé par Dieu, de même en vérité que tous les dieux inférieurs. Mais, il les a créés pour être ses agents dans le monde, afin que nous puissions l’approcher à travers eux.
Dieu ou le Démiurge n’est pas une chose, mais ce par quoi et en quoi les choses existent, et se laissent comprendre. Il est nécessairement au-delà du personnel, mais aussi au-delà de son contraire, l’impersonnel.
Y a-t-il moyen d’éviter la surimposition, c’est-à-dire de donner de Dieu ou du Démiurge une représentation anthropomorphique ?
La question est difficile, mais il ne manque pas de tentatives en ce sens dans l’histoire de la philosophie. Dès l’instant où la réflexion intervient, l’intelligence devient sa propre lumière et sa propre autorité, et il n’est nullement nécessaire de faire intervenir l’appui d’une révélation quelconque. Voir le dieu des philosophes grecs ou des druides celtes que cite Clément d’Alexandrie dans ses Stromates (Livre I chapitre 15).
« Alexandre, dans son livre sur les symboles pythagoriciens, rapporte que Pythagore était un élève de Nazaratus l’Assyrien (quelques-uns pensent que c’est Ézéchiel, mais ce n’est pas le cas, comme cela va être démontré plus loin). En outre, il prétend également que Pythagore fut un élève des Galates et des brahmanes. Cléarque le péripatéticien nous dit qu’il a connu un juif qui…
C’est ainsi que la philosophie, un enseignement de la plus haute utilité, fut florissante parmi les barbares durant l’Antiquité, répandant ainsi ses lumières sur les nations. De là elle passa en Grèce. Au premier rang de ces philosophes il y eut les prophètes égyptiens, les Chaldéens chez les Assyriens, les druides chez les Celtes, les Samanéens chez les Bactriens, les philosophes des Celtes, et enfin les mages des Perses qui annoncèrent la naissance du Sauveur, et vinrent en Judée guidés par une étoile ».
Quel méli-mélo ! Ne parlons donc plus de druides ni de gymnosophistes, de dicastes galates ou de brahmanes, disons DES TRES-SACHANTS comme ça tout le monde comprendra.
Essence, Être, Substance, Infini, Éternité… Nulle trace d’une référence à des besoins humains permettant de dessiner un Dieu ou Démiurge sur commande. L’accent est alors mis sur le Vaste, l’Infini, joint à l’expansion éternelle et sans limites de l’Être. L’Englobant universel est impersonnel et il ne doit pas être regardé par le petit bout de la lorgnette de la personne humaine…
L’Éthique de Spinoza est un des premiers écrits modernes à avoir abordé de façon critique les versions anthropomorphiques de la représentation de Dieu ou du Démiurge. Le sujet est brièvement évoqué dans la scolie de la proposition XV, mais il est nettement plus développé dans l’appendice. « Il en est qui forgent un Dieu composé, comme un homme, d’un corps et d’une âme, et soumis aux passions ; combien ceux-là sont éloignés de la vraie connaissance de Dieu, les démonstrations précédentes suffisent à l’établir ». Dans l’appendice, la critique sera encore plus nette : les hommes ont des préjugés sur la nature de Dieu dont il convient de faire un examen sérieux.
Pourquoi le dieu d’Abraham d’Isaac et de Jacob, qui est tout puissant et omniscient, a-t-il pu, par exemple, créer un monde si mauvais qu’il soit obligé de le détruire un jour, pour sauver juste un petit nombre d’élus ? N’était-il pas assez puissant lui-même pour effacer d’un trait le péché originel ? Pourquoi donc a-t-il eu besoin, pour cela, d’envoyer son fils se faire crucifier ?? Pourquoi n’a-t-il pas
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empêché que se produise ce péché, s’il était vraiment omniscient ? Si Dieu est tout-puissant, comment est-il possible que sa volonté ne soit pas faite ?
Le problème étant insoluble, les tenants de cette religion du Livre ont dû se résigner à admettre que la Volonté de Dieu pouvait être contrecarrée. Il leur a donc fallu supposer cette idée étrange que Dieu peut ne pas obtenir ce qu’il veut. De même que l’Homme, perdu au milieu d’une Nature difficile, peut ne pas obtenir ce qu’il veut, on a supposé que Dieu lui aussi pouvait ne pas obtenir ce qu’il voulait. Mais comment des créatures de Dieu peuvent-elles contrecarrer la Volonté du Créateur ? Il faut évidemment d’abord supposer que lesdites créatures sont séparées de lui. Car si les créatures sont séparées du Créateur, et que Dieu cependant leur laisse le libre arbitre, il leur est possible de faire ce que Dieu ne veut pas qu’elles fassent. Le mythe biblique d’Adam et Ève en est une remarquable illustration. Dans le jardin d’Éden, Adam et Ève jouissaient de la Vie éternelle et de la communion avec Dieu. Mais Dieu y avait mis une condition qu’il fallait respecter. Ne pas toucher à l’arbre de la connaissance du bien et du mal. La mère de tous les vivants (Ève) goûta le fruit et désobéit. Ce n’était pas tout à fait sa faute, car elle fut tentée par le serpent. Le serpent est la représentation du diable, un ange déchu qui aurait osé vouloir être aussi grand que le Créateur. La Sanction divine à ce manquement ne pouvait donc que tomber, marquant ainsi la malédiction de la Faute, la déchirure de la Chute, la séparation radicale entre l’Homme et Dieu. Devait s’ensuivre la condamnation à ce tombereau de misères qu’est l’existence humaine. La Sanction se traduisait par la finitude devant aboutir à la mort. Désormais, la Faute était imprimée, ainsi qu’une tache indélébile, sur l’âme, avant même la naissance (péché originel).
Certaines théologies ont même été très catégoriques sur ce point. Cette tache sur l’âme, aucun acte ne peut l’effacer, même avec un repentir sincère. La grâce de Dieu seule le peut, mais attention, elle ne peut être obtenue que si l’homme vient vers Dieu de la bonne manière.
Dieu est très entêté, il ne prendra pas en considération la bonté, la générosité, encore faut-il venir à lui par le bon chemin, en professant la bonne religion. Alors seulement le Juste aura droit de s’asseoir à la droite du tout-puissant. (Et encore, ce n’est même pas gagné, car certaines théologies vont jusqu’à prétendre que Dieu a choisi par avance ses heureux élus !)
On ne plaisante pas avec la Volonté de Dieu. La conséquence, c’est évidemment, puisque c’est Dieu qui l’a voulu ainsi, qu’il faut, de la même manière, que les hommes se jugent les uns les autres ainsi, à l’aune de l’exigence posée par Dieu. On peut dupliquer à l’infini le Jugement. Il faudra toujours voir chez les autres avant tout l’imperfection. Ce qui est mauvais, les tendances mauvaises, la mauvaise sexualité, le mauvais parti politique, la mauvaise nationalité, la mauvaise religion, etc. Ils ont beau faire, les hommes ne seront jamais à la hauteur des exigences de Dieu. Les préjugés ont donc une justification théologique. C’est Dieu ou le Démiurge qui a commencé par préjuger chaque individu, c’est lui qui a imprimé la première tache d’imperfection sur son âme, et il est donc aisé de l’imiter ; de préjuger à notre tour de tout homme, avant même qu’il puisse faire ses preuves.
Comble d’infortune enfin, cette religion enseigne que Dieu détruira l’Homme s’il ne répond pas complètement à ses exigences. Le prodigieux moment de la Création est fini, maintenant l’univers ne fait plus que suivre son cours, et ce cours des choses est incertain ; car la Création menace à tout instant de retomber dans le Néant, dont elle est sortie (et où elle aurait peut-être mieux fait de rester ? !). L’homme doit trembler, il suffira d’une colère de Dieu pour que tout disparaisse. L’apocalypse est, pour certains croyants, imminente. Des signes de l’irritation de Dieu peuvent être trouvés partout, mais la mort ne sera un soulagement pour personne, car même si cette existence amère n’est qu’un passage, dans l’au-delà il y aura encore un Jugement.
L’âme sera évaluée puis devra recevoir la rétribution morale de ses actes. Des fleuves de pus et d’épines, les tourments de la Géhenne dans des enfers brûlants ou glacés, attendent pour l’éternité ceux qui auront été des fauteurs d’iniquité. Voir à ce sujet les terrifiantes aislingi ou visions médiévales irlandaises (l’aisling d’Adamnan, le Purgatoire de saint Patrice, etc.). Plus près de nous lire aussi le Coran à ce sujet. La rancune de Dieu est terrible et elle poursuivra partout même ceux qui auront osé ne pas croire en lui. La vie est comme une école où l’on peut, si l’on a bien travaillé, recevoir à la fin un prix. Seuls les justes auront droit à la récompense du paradis.
Tout cela n’est que discours de la peur ! Ce discours moralisant n’a même aucun rapport avec l’essence de toute vraie spiritualité, qui devrait être un chemin vers le Divin. Cela n’a aucun rapport avec le Divin. Ce n’est qu’une représentation strictement humaine d’hommes ou de femmes accomplissant, pour l’atteindre, ce qu’ils pensent être une ascèse nécessaire. L’erreur de départ, surimposer l’humain à la Nature divine, se développe dans toute une série d’illusions caractéristiques des religions de type révélé.
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ANNEXE N° 3.
ORIGINE ET DESTIN DE l’HUMANITÉ.
Il est indispensable de revenir sur nos croyances, et de prendre la mesure de notre débilité malgré la puissance terrifiante de notre Science (nous sommes des nains sur des épaules de géants). La seule attitude raisonnable face aux religions est donc d’en faire l’histoire.
Les grands thèmes de la Genèse, par exemple la création directe du monde par Dieu ainsi que le Déluge, sont empruntés à des conceptions mésopotamiennes très discutables.
Plus personne de sérieux ne croit à l’historicité d’Adam et Ève, de l’arche de Noé ou de l’histoire de la tour de Babel anéantie par Dieu.
L’histoire de Noé ou du déluge par exemple, a sa source dans un récit figurant sur la tablette XI de l’épopée de Gilgamesh, ce dernier étant d’ailleurs la copie « revue et corrigée » du récit sumérien de Nippour sur le même sujet.
Prendre les mythes au mot est une sorte de folie interprétative, de l’ordre de la paranoïa. Il est crucial pour la vérité religieuse et spirituelle de se détacher du sens historique et matériel en opposant les faits (de l’archéologie) au délire des textes ou de leurs interprétations.
« Une nouvelle utilisation de mythes anciens ».
Site internet de Port Saint-Nicolas (La Queue-en-Brie).
« Babyloniens et Égyptiens, eux aussi, avaient leurs mythes des origines, et la légende du déluge se retrouve ailleurs que dans la Bible à pareille époque. L’originalité de la Bible n’est pas dans les images employées !
Mais, dans le premier récit, le monothéisme juif se moque des idoles babyloniennes : le soleil et la lune ne sont plus des dieu-ou-démons et des déesse-ou-démones, ou des fées, mais de simples « luminaires » ! a). Quant au second récit, il prend ses distances par rapport à l’épopée babylonienne d’Atra-Hasis. Dans le récit babylonien, l’homme est créé pour soulager les dieu-ou-démons de leur peine. Dans la Bible, Dieu crée l’homme de façon désintéressée puis le constitue maître de la création. Dans un cas comme dans l’autre, l’homme est créé à partir de la terre et d’un élément divin. Mais, à Babylone, c’est avec le sang d’un dieu-ou-démon déchu et vaincu : dans sa nature même, l’homme est ainsi marqué par une sorte de malédiction originelle. Dans la Bible, il devient un être vivant quand Dieu lui insuffle sa propre haleine : c’est le souffle de Dieu qui l’anime ! Pessimisme d’un côté, optimisme de l’autre.
Enfin, dans le récit babylonien, les dieu-ou-démons décideront de détruire l’Humanité par le déluge, parce que celle-ci les trouble dans leur tranquillité. Le destin des hommes est décidé à partir de l’intérêt pour le moins égoïste des dieux. Dans la Bible, si Dieu se résout au déluge, c’est à cause de l’immoralité des hommes qui exige un jugement. Les hommes sont ainsi responsables de leur destin et non plus soumis aux caprices de la versatilité divine ».
Fin de la citation et début de notre commentaire.
Chers amis de Port Saint-Nicolas. Votre site porte bien son nom : vous croyez à saint Nicolas. Je concède ne pas manier aussi bien que vous la langue de Molière, mais pour ce qui est de celle de Voltaire je m’y connais. Chers très chers amis de Port Saint-Nicolas, connaissez-vous le sens de l’expression pourtant bien française s’énonçant ainsi : voir la paille dans l’œil de son voisin, alors que la poutre qui est dans le sien on ne la remarque pas !
a) Le soleil et la lune de simples luminaires…
Le progrès certes, est réel, mais ne change rien au défaut MAJEUR de cette conception du monde : le créationnisme.
Quant à ce que vous écrivez du second récit biblique, il faut être bien optimiste en effet pour voir dans cette création de l’Homme par Dieu un geste gratuit et totalement désintéressé ; CAR DANS LES DEUX CAS LE RÉSULTAT A ÉTÉ IDENTIQUE, VOIRE PIRE PEUT-ÊTRE.
En matière de versatilité divine, je pense aussi que votre Dieu doit s’y connaître, il suffit de lire un peu le texte de la Bible ; comme il est, et non comme vous, avec les yeux de Roméo pour Juliette, ou plus exactement, comment dites-vous déjà ?? Ah oui c’est ça : avec les yeux de Chimène pour Rodrigue.
Quant aux pessimistes savez-vous ce que l’on en dit par chez nous ? Les pessimistes sont des optimistes bien informés.
Il va de soi par contre, que nous sommes bien d’accord avec ce site internet français, pour reconnaître que le récit biblique a utilisé des mythes anciens afin d’élaborer son message à lui. Mais l’importance à attribuer aux innovations contenues dans la Bible (jusqu’à quel point y a-t-il eu en effet rupture avec la pensée religieuse sumérienne ?) leur caractérisation (positive ou négative, bonne ou catastrophique) et enfin leur paternité (à qui les attribuer ?) demeurent les principales pierres
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d’achoppement que l’on peut rencontrer dans tout dialogue un tant soit peu sérieux avec ceux qui prennent, hélas, ce livre, comme source d’inspiration (les héritiers spirituels d’Abraham).
Les intellectuels juifs auteurs du recueil de textes ayant donné la première partie de la Bible ont dû fréquenter les immenses bibliothèques de la Babylone du temps de l’Exil, et ils en ont rapporté beaucoup d’idées nouvelles ; du moins pour eux.
Le mythe du paradis terrestre perdu nous renvoie à la Mésopotamie du néolithique, celle qui a inventé l’agriculture, car l’Hidèqèl et le Pérat irriguant le jardin d’Éden biblique ne peuvent être que le Tigre et l’Euphrate.
Genèse 1,1 à 2, 4 et même Genèse 2, 4 à 3, 24 sont des variantes de vieux mythes sumériens ou babyloniens sur le rôle respectif des hommes et des dieu-ou-démons.
Il ne devait pas manquer en effet, dans la Babylone de jadis, de savants ou de lettrés, pour réfléchir à ces questions, et soucieux d’interpréter d’une façon un peu plus réfléchie leurs mythes populaires.
Est-ce à eux ou aux intellectuels juifs en exil que l’on doit les principales innovations de ce recueil de textes, et notamment celles du récit sacerdotal (Genèse 1,1 à 2, 4) ?
Nul ne sait pour l’instant, mais l’archéologie le démontrera un jour.
Ce qui est sûr par contre c’est que mythes bibliques et mythes suméro-babyloniens, du moins dans leur forme connue à ce jour, concordent toujours sur l’essentiel, la place réservée à l’Homme dans toute cette histoire. Il est voué à servir les dieux ou démons (les Élohim, les kéroubim à l’épée tournoyante et ainsi de suite… quels que soient leurs noms : Allah, Dieu et ses saints…) à la sueur de son front. N.B. Rappelons pour mémoire ainsi que nous le verrons ci-dessous, qu’il a existé des mythologies ayant une tout autre façon de concevoir les choses en ce domaine (hommes et dieux rivaux, égaux, ou alors parents, ancêtres, descendants…).
La caractéristique principale de ces textes bibliques, et notamment du récit sacerdotal nous dit-on, est qu’ils réagissent à la façon dont les Babyloniens voyaient alors les choses.
Certes, certes, mais jusqu’à quel point ?
Telle est la question, la première des questions, que l’on peut se poser.
La seule innovation apparente du texte biblique sur la création et la place de l’Homme dans l’univers a été en effet de faire porter à l’Homme, ou plus exactement à la Femme en l’occurrence (Ève) la responsabilité de cette situation. L’Homme est voué à continuer à servir Dieu ou le Démiurge (les Élohim, les chérubins à l’épée tournoyante, etc.) et ce sera pour lui une situation loin d’être paradisiaque.
La deuxième question est celle-ci : l’innovation apportée par le texte biblique (la culpabilisation à outrance de l’Homme et de ses descendants, idée apparemment absente du mythe sumérien originel) ; a-t-elle été une bonne chose, un progrès décisif pour l’humanité, ou le contraire ?
À chacun de voir !
Question subsidiaire.
Les judéo-chrétiens et les musulmans font remonter à un être suprahumain l’inspiration ayant conduit à cette « rupture » avec la pensée religieuse dominante de l’époque (du moins dans cette partie du monde).
On peut en douter fortement, car la part de l’inspiration divine apparaît bien mince dans tout ça, encore une fois répétons-le !
La plupart des cosmogonies, notamment celles de Mésopotamie, des cités phéniciennes ou des terres bibliques, s’accordent sur l’essentiel. L’Homme n’est pas sur terre par hasard, il a été conçu et créé par l’assemblée des dieux, ou par Dieu, et ce, dans un but précis : servir les dieu-ou-démons ou adorer Dieu ou le Démiurge. Son rôle est donc d’offrir aux dieu-ou-démons les nourritures qu’ils attendent, ou à Dieu ou au Démiurge, les prières qu’il attend.
Mais il y a paganisme et paganisme !
Ce qui est consternant, c’est de voir que l’Humanité reste encore influencée par ce paganisme vieux de plus de 5 000 ans (sumérien et babylonien) repris par la Bible, un livre de plus en plus répandu en Chine.
La création directe des hommes par Dieu n’est qu’un mythe !
Il a existé des hommes avant l’Adam de la Bible. L’Adam de la Bible n’est qu’un symbole païen !
Et comme l’avait très bien vu Pélage en son temps, l’histoire du Péché originel n’est donc, elle aussi, qu’un mythe (toujours suméro-babylonien en l’occurrence).
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ANNEXE N° 4.
RELIGION ET MIRACLE.
Qu’est-ce qu’un miracle ? C’est un phénomène extraordinaire ! Mais cette notion varie avec le temps.
Le Mahàbhàrata, et le Ramayana, deux des livres les plus anciens de l’Inde, semblent par exemple parler d’explosions thermonucléaires avant l’heure, comparées à une colonne de 10 000 soleils ! Une seule explosion aurait réduit en cendres la race entière des Vrishnis et des Andakas.
Un projectile unique chargé de toute la puissance de l’Univers. Une colonne incandescente de fumée et de flammes, aussi brillante que dix mille soleils, s’éleva dans toute sa splendeur…
C’était une arme inconnue, un éclair d’acier, un gigantesque porteur de mort qui réduisit en cendres la race entière des Vrishnis et des Andhakas…
Les cadavres étaient tellement brûlés qu’ils en étaient méconnaissables. Leurs cheveux et les ongles étaient tombés ; la poterie avait éclaté sans cause apparente, et les oiseaux étaient devenus blancs. Au bout de quelques heures, toute la nourriture fut contaminée.
La destruction de l’armée ennemie par « l’éclair d’acier » (un nom certainement plus approprié que le « Gros Bonhomme » largué sur Nagasaki) est décrite dans l’extrait suivant de la Samsaptaka-Badha Parva du Drona Parva :
… Puis Vayu (la déité présidant à cette arme puissante) chassa au loin les foules de Samsaptakas et leurs destriers leurs éléphants leurs voitures ou leurs armes, comme si ce n’était que des feuilles mortes… emportées par le vent.
Il est encore fait référence à cette « Arme d’Agni » imparable même par les dieux eux-mêmes dans le Naryanasatra Mokshana Parva (Drona Parva).
Des météorites tombèrent du firmament… De lugubres ténèbres enveloppèrent tout d’un coup l’armée… des vents inquiétants se mirent à souffler… le soleil sembla faire demi-tour, l’univers, brûlé par la chaleur, parut saisi de fièvre. Les éléphants et les autres créatures terrestres, brûlés par l’énergie de cette arme, s’égaillèrent en courant… Les eaux mêmes étant devenues brûlantes, les animaux vivant dans cet élément commencèrent à cuire… les guerriers ennemis tombèrent comme des arbres brûlés par un feu dévorant – d’énormes éléphants brûlés par cette arme, tombèrent… en poussant des cris de rage… d’autres également atteints par ce feu brûlant coururent dans tous les sens comme au milieu d’un incendie de forêt, les chevaux… et les voitures (les chars) également, brûlés par l’énergie de cette arme semblèrent… comme la cime des arbres brûlés dans un feu de forêt…
… Des vents secs et violents et des averses de gravier tombèrent de tous côtés… Des météorites, une pluie de charbons ardents, s’abattirent sur la terre… le disque du Soleil… sembla être couvert de poussière à jamais…… Peu de temps après le roi Youdisthira entendit parler de cette destruction massive des Vrishnis causée par l’éclair d’acier…
Un extrait moins connu du Mausala Parva contient même la précision suivante :
Le roi complètement désemparé fit réduire cet éclair d’acier en une fine poudre. Des hommes furent ensuite utilisés pour la jeter dans la mer…………
L’engin correspond à la description d’une bombe atomique, mais les éléphants domestiqués (dressés pour la guerre) sont plutôt à situer entre – 3 000 et – 2000, et de même « les chars » supposent l’invention de la roue.
Est-ce un hasard si le principal dieu-ou-démon védique Indra était considéré comme le dieu-ou-démon de la foudre qui faisait s’écrouler les murs ?
Moïse et la traversée de la mer rouge, le buisson ardent, Josué à Gabaon ou Jéricho avec ses trompettes, c’est du pipi de chat à côté !
La Bible mentionne néanmoins d’autres phénomènes tout aussi étranges et bizarres.
Le nabi ou illuminé du nom d’Élie, après avoir marché 40 jours et 40 nuits, arrive au mont Horeb du Sinaï (1 Roi-19)… Après avoir transmis ses pouvoirs à son disciple Élisée, il se serait envolé dans le ciel emporté sur un char et des chevaux de feu… (2e Livre des rois, chap. 2). Le Livre (apocryphe) d’Hénoch évoque, lui aussi, de pareils enlèvements dans les cieux.
Mais ce qui semblait extraordinaire à un contemporain de Ramsès, de Vercingétorix ou de Jésus, peut nous paraître banal aujourd’hui. Notamment pour ce qui est des guérisons. La psychiatrie moderne explique ou provoque des guérisons qui auraient jadis semblé miraculeuses. Ce qui se vérifie
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notamment chez les sourds, les aveugles, les épileptiques et les paralytiques, souvent cités dans les témoignages antiques.
Il faut en outre souligner que la signification du terme varie d’une religion à une autre, voire même qu’il change au sein d’une même religion, en fonction du niveau culturel dans lequel le phénomène se manifeste. Les miracles peuvent alors sembler des événements « plus normaux », faisant partie du rapport quotidien entre homme et divinité. Il suffit de penser aux capacités des fakirs et des yogis, aux connaissances des chamans et des mystiques hindous, pour se rendre compte que l’univers des phénomènes miraculeux est vaste et sans limites.
Dans la tradition païenne antique, miracles et guérisons extraordinaires étaient très fréquents (de nombreux monuments furent érigés pour en attester) et ont créé un substrat de croyances qui a perduré, y compris jusqu’à nos jours.
Strabon nous rapporte que les temples antiques étaient remplis d’ex-voto décrivant des cas de guérison miraculeuse opérée par certains dieu-ou-démons et notamment celui de deux aveugles ayant recouvré la vue grâce à Alcide (Hercule) en présence d’une foule de témoins.
Zoroastre, à la demande d’un roi de l’époque, fit un jour pousser un arbre dans une cour, un arbre si énorme que l’on ne pouvait en mesurer le tronc avec une corde.
La Torah prête à Moïse une baguette magique (utilisée par les païens du pays de Madian) redoutable.
« Prends ce bâton dans ta main… Et Yhwh dit à Moïse : quand tu seras retourné en Égypte, regarde les prodiges que j’ai mis dans ta main, fais-le devant Pharaon. » (Exode 4,17 -21).
La Bible attribue également aux prêtres égyptiens des pouvoirs prodigieux.
Ils ne réussissaient, certes pas, du moins si l’on en croit ce mythe, à transformer la poussière en poux ; mais ils arrivaient néanmoins à transformer des bâtons en serpents, l’eau du Nil en sang, et à multiplier les grenouilles ou les crapauds (Exode chapitre VII).
Le miracle de la manne.
Nombres 11, 7. Le texte est très clair à ce sujet, il suffit de le lire objectivement et non en fou de Dieu. La manne est une exsudation de plantes du désert, semblable à de la graine de coriandre ou du bdellium, une sécrétion produite par les arbres et les arbustes de tamaris, lorsqu’ils sont attaqués par certaines cochenilles du Sinaï. Un voyageur européen frère Félix Fabri décrivit en 1480 ce pain du ciel qui tombe de bon matin et, comme la rosée ou la bruine, forme de nombreuses gouttes sur l’herbe, les pierres et les branches d’arbres.
« Les Arabes recueillent cette manne, et la vendent aux pèlerins. J’en ai personnellement vu et mangé beaucoup… la manne que l’on trouve de nos jours ne recouvre pas la surface de la terre, mais se forme sur les feuilles des plantes et les aspérités des pierres, comme la rosée… ce matin, nous avons mangé de cette excessivement douce rosée du désert avec plaisir. Arrivés au couvent de Sainte-Catherine, nous en avons acheté… »
Pas de quoi en faire tout un plat néanmoins !
Idem quant au miracle de la traversée de la Mer Rouge. Exode 7,11 à 8,14.
Il suffit de bien voir que le nom exact du lieu traversé à l’époque était « Mer des joncs » ou « Mer des roseaux » (Soûf. Exode 13,18, Deutéronome 11,4) et qu’il s’agissait donc non d’une mer profonde, mais d’une simple lagune. Ce qui n’est pas du tout la même chose !
Note de la rédaction.
ANALYSE OBJECTIVE RATIONNELLE ET SCIENTIFIQUE DU FAIT HISTORIQUE AYANT INSPIRÉ CETTE LÉGENDE et quel que soit le lieu ou l’époque où il s’est déroulé. Une escarmouche entre une patrouille égyptienne et un raid habirou ? Peu importe !
Un fort vent d’est ayant fait baisser le niveau des eaux les Hébreux, poursuivis par les Égyptiens, se sont risqués dans une zone marécageuse ou une lagune (une mer de roseaux, soûf en hébreu) pour s’y cacher.
Les Égyptiens les ont suivis, mais le vent ayant tourné dans la nuit, les eaux sont revenues à leur niveau habituel, ce qui les a contraints à rebrousser chemin, non sans peine.
Un certain nombre d’entre eux périrent corps et biens. Combien exactement ? Il est difficile de le dire (le « il n’en resta aucun » est un ajout postérieur). Les Hébreux en question ont attribué ce coup de chance qui leur a évité la capture (un caprice de la météo) à diverses interventions surnaturelles et ils ont ensuite repris leur route.
Mais de traversée de la mer, rouge, il n’y en a jamais eu, ce jour-là en tout cas !
Idem pour la colonne de feu et de nuée guidant les Hébreux dans leur marche. Ce n’était pas du tout un miracle, mais un simple moyen également utilisé par les autres peuples de la région pour ne pas se perdre dans le désert, en quelque sorte l’équivalent terrestre du phare pour les marins (John Toland. Tetradymus. 1720).
Krishna aux Indes (vers – 1400) a ramené à la vie deux garçons mordus par un serpent.
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La vie tout entière de Krishna, huitième incarnation du Vishnou des Védas hindous, est d’ailleurs en elle-même littéralement miraculeuse. Krishna serait né à Mathurâ, d’un cheveu noir de Vishnou, fils du prince Vasudeva et de Devakî. Mais il est aussitôt en butte aux persécutions du méchant roi nommé Kamsa. Ce Kamsa – comme Hérode – fait tuer tous les nouveau-nés, mais Krishna lui échappe quand même. Il lui envoie ensuite plusieurs démons pour le combattre, mais sans succès. Son frère Balarâma l’ayant retrouvé et rejoint, Krishna réalise, aidé de celui-ci, de nombreux miracles, afin de contrebalancer tous ces maléfices. Finalement, il décide de mettre fin aux embarras que lui cause Kamsa, le renverse et rétablit sur son trône le roi légitime leur grand-père. Mais Krishna et Balarâma devront ensuite défendre la cité contre les attaques du puissant roi Jarâsandha de Magadha, un parent de Kamsa.
Après dix-huit batailles indécises, il faudra l’intervention d’un héros du Mahâbhârata pour en finir. Les aventures de Krishna avec les gopi, des vachères, jeunes filles ou femmes mariées, de Vrindâvana, constituent le sujet de nombreuses histoires. L’une des plus célèbres, maintes fois illustrée par des miniatures, est l’épisode où, trouvant les gopi se baignant toutes nues dans un étang, il leur vole leurs vêtements et se réfugie au sommet d’un arbre ; ne daignant leur rendre leurs affaires que lorsqu’elles viennent les lui demander. (Les rapports de Krishna et des gopi symbolisent le principe divin auquel les âmes individuelles cherchent à s’unir pour obtenir la libération.)
Krishna s’oppose aussi aux dieu-ou-démons indo-européens, plus anciens, ce qui tend à confirmer son origine aborigène. Jeune homme, il persuade son beau-père et les autres vachers de Vrindâvana de ne plus vénérer le dieu-ou-démon Indra, dieu-ou-démon de la pluie et des moissons, mais à la place de faire des offrandes à la colline Govardhana et aux vaches sacrées. Le dieu-ou-démon, irrité de ne plus recevoir d’offrandes, déclenche un déluge, mais Krishna soulève la colline et permet ainsi aux habitants du village de se réfugier dessous.
Plus tard il participera, aux côtés d’Arjouna et des Pândava aussi, à la grande bataille évoquée par le Mahâbhârata (la partie de l’ouvrage intitulée Bhagavad-Gîta y décrit l’enseignement de Krishna).
Les dieu-ou-démons l’avertissent un jour qu’il doit partir avec tous les siens sinon sa lignée s’éteindra, mais alors qu’ils s’arrêtent en route, les hommes s’enivrent et des affrontements éclatent. Krishna et son frère Balarâma tentent de ramener le calme, sans succès. Ils pénètrent dans la forêt et entrent en méditation pour chercher une solution. Krishna est alors frappé par la flèche d’un chasseur aborigène nommé Jâras – Vieil âge – qui l’avait pris pour un daim. Atteint au talon, la seule partie vulnérable de son anatomie [comme Achille], il meurt et son corps, perdu, restera longtemps sans sépulture.
Idem pour Bouddha (vers – 600).
Le fondateur du bouddhisme se nommait en réalité Siddhartha Gautama ; Siddhartha est son nom personnel, son prénom en quelque sorte, Gautama probablement le nom de famille (gotta) de la femme qui l’a élevé. Il est encore appelé Çakiamouni (le sage des Çakias) en raison de son appartenance au clan des Sakya. Il aurait vécu aux environs du VIe siècle avant notre ère et serait mort vers quatre-vingts ans.
Les écritures bouddhistes concernant sa vie mélangent métaphysique et légende. La version légendaire de sa naissance indique qu’il serait né dans un bois sacré et que sa mère, dont le nom signifie « illusion » (Maya), aurait conçu Siddharta en songe, pénétrée par un éléphant blanc à six défenses. Sitôt né, l’enfant se serait mis debout et aurait « pris possession » de l’Univers en se tournant vers les points cardinaux, puis aurait fait sept pas vers le nord.
Sa mère meurt peu de temps après (sept jours après dit la légende) et Siddharta est élevé par Prajapati Gautami sa tante maternelle.
Les écritures bouddhistes qui évoquent la vie et le caractère de Bouddha, mentionnent son éducation achevée et sa formation dans les domaines appropriés à un aristocrate guerrier, tels les arts martiaux, la gestion des domaines agricoles, et la littérature ; mais également une compréhension profonde des idées religieuses et philosophiques de la culture de son temps. Siddhârta Gautama était un homme sportif, expert en arts martiaux comme la lutte et le tir à l’arc, qui pouvait parcourir des kilomètres et camper dans la nature sauvage.
Siddharta insistera sur le fait qu’il n’était ni un dieu ni le messager d’un dieu et que l’illumination n’était pas le résultat d’un processus ou d’un agent surnaturel ; mais plutôt le résultat d’une attention particulière à la nature de l’esprit humain, qui pouvait être découverte par n’importe qui.
Il voyagera, durant les quarante-cinq dernières années de sa vie, dans la région du Gange et de ses affluents et enseignera sa pratique en matière de méditation. Il fondera la communauté des moines et des religieuses bouddhistes (le sangha) pour perpétuer ses enseignements après sa disparition.
Plusieurs légendes racontent comment Mâra, démon de la mort, effrayé du pouvoir qu’il allait obtenir contre lui en délivrant les hommes de la peur de mourir, tentera de troubler sa méditation en lançant contre lui des hordes de démons effrayants ; ou des filles toutes plus séduisantes les unes que les autres.
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La tradition raconte aussi qu’il a un jour nourri 500 personnes avec un petit panier de gâteaux, qu’il s’est téléporté au Sri Lanka, etc.
Mais revenons au monde méditerranéen.
Pausanias rapporte qu’Esculape a ressuscité plusieurs personnes, dont un certain Hippolyte, et qu’un monument fut élevé pour en témoigner. Les ex-voto gravés sur les murs du temple de Sérapis portaient également les noms des personnes miraculeusement guéries ou opérées par lui.
Les miracles de la piscine de Bethesda, Bézatha, ou Bethsaïde.
Le mot araméen Bethesda peut se traduire par « maison de la grâce ». Cette piscine était située dans le quartier du Bézatha, au nord de l’esplanade du Temple. Sa source, le ruisseau de Bethesda, était une des plus importantes sources d’eau de la Jérusalem antique.
L’eau de la fontaine de Bethesda était connue depuis la plus haute antiquité (depuis les Jébuséens ?) pour ses guérisons miraculeuses ; puisque l’on a retrouvé, juste à côté, à l’est, une série de petits bains faisant partie d’une installation cultuelle dédiée à Sérapis, le dieu-ou-démon guérisseur (et située alors en dehors des murs de la ville).
La chose peut sembler étonnante aujourd’hui, mais le 1er siècle de notre ère a été riche en thaumaturges de toutes sortes.
Le plus connu est sans doute Apollonius de Tyane, mais il y a eu aussi le nazoréen Jésus évidemment (un peu avant, même si les premières collections complètes d’écrits le concernant sont quelque peu postérieures à celles qu’a utilisées Philostrate pour Apollonius).
Ce type de guérisseur trouve son terrain idéal dans des sociétés habitées par le doute, là où les points de repère ont tendance à s’effacer, remettant largement en cause les médecines traditionnelles considérées comme inefficaces. Surgit alors une forte personnalité, au charisme certain, ayant la capacité de proposer des solutions neuves intégrant la totalité de l’homme, corps, esprit, intelligence, société.
Au 1er siècle le plus célèbre est donc Apollonius de Tyane. On lui attribue une vingtaine de miracles, parmi lesquels une résurrection (rapportée en détail), cinq guérisons, quatre expulsions de démons et aussi six interventions sur une nature inanimée (portes verrouillées qui s’ouvrent ; mer qui se calme). Pour mémoire, rappelons celui qui fut opéré à Rome même. « Une jeune fille était morte juste avant son mariage. Son futur époux suivait le cercueil en se lamentant sur les noces qui n’avaient pas eu lieu, et toute la ville pleurait avec lui, car la jeune fille appartenait à une famille consulaire. Apollonios, qui était présent aux funérailles, dit alors : « Déposez le cercueil et je mettrai fin à vos pleurs sur cette jeune fille » et il demanda quel était son nom… II ne fit rien de plus qu’approcher sa main d’elle et murmurer secrètement quelques mots. Il la réveilla ainsi d’une mort apparente… Apollonios avait-il trouvé en elle une étincelle de vie qui avait échappé à ceux qui la soignaient, ou avait-il réchauffé et rappelé la vie qui s’était éteinte en elle ? La compréhension de ce fait est restée un mystère non seulement pour moi, mais pour tous ceux qui étaient présents ». (Philostrate, Vie d’Apollonius de Tyane, IV, 45.)
L’empereur Vespasien lui-même faisait des miracles.
« Durant les mois que Vespasien passa dans Alexandrie, pour attendre le retour des vents d’été et la saison où la mer devient sûre, plusieurs prodiges arrivèrent ; par où se manifestèrent la faveur du ciel et l’intérêt que les dieux semblaient prendre à ce prince. Un Alexandrin, homme du peuple, connu pour avoir perdu la vue, se jeta à ses genoux et implora en gémissant un remède à son mal. Il se disait envoyé par une révélation de Sérapis, la principale divinité de cette nation, et conjurait l’empereur de daigner lui humecter les joues et les yeux avec de la salive de sa bouche. Un autre, perclus de la main, demandait, sur la foi du même dieu, que cette main fût foulée par le pied de César. Vespasien les repoussa d’abord avec moquerie. Comme ils insistaient, le prince hésita : tantôt il craignait le reproche d’une crédule présomption, tantôt l’ardeur de leurs prières. Les flatteries des courtisans lui donnaient de la confiance. Il ordonna aux médecins d’examiner si le mal qui privait l’un de ses yeux, l’autre de son bras, pouvait être vaincu par des moyens humains. Les médecins, après divers raisonnements, répondirent que la force visuelle n’était pas détruite dans l’aveugle, et qu’elle reviendrait si l’on écartait l’obstacle ; et que la main de l’autre, jetée hors de sa position naturelle, pouvait y être rétablie par une salutaire pression. Que c’était peut-être la volonté des dieux, et qu’ils avaient peut-être choisi le prince pour instrument de leurs œuvres. Qu’après tout, si le remède opérait, la gloire en serait à César ; et s’il était vain, le ridicule en retomberait sur ces misérables. Vespasien, plein de l’idée que tout est possible à sa fortune, et ne voyant plus rien d’incroyable, prit un air satisfait, et, au milieu d’une foule attentive ou curieuse, exécuta ce qui avait été prescrit. À l’instant même la main paralysée fut rendue à ses fonctions, et le jour brilla dans les yeux de l’aveugle » (Tacite. Histoires IV 81).
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N.B. Quand un thaumaturge de l’époque guérit un aveugle, il mélange en effet de la boue avec sa salive, l’étend sur les yeux et dit : « Va te laver ». Les pauvres ne se lavaient guère en ce temps-là et une croûte se formait souvent autour de leurs yeux. On mélange de la salive avec du sable en guise d’abrasif, et l’on frotte donc l’œil avec. Tous les guérisseurs le savaient. Y compris le Jésus des Évangiles évidemment.
Les miracles étaient également tenus en grande considération par les philosophes grecs, certains s’en virent d’ailleurs attribuer un grand nombre, comme le néo-platonicien Plotin.
Les prêtres de la véritable Lourdes païenne qu’était devenue la cité de Grand dans les Vosges, à la fin de l’Antiquité, étaient connus pour leurs miracles dans tout l’Empire romain ; car c’est très certainement à Grand que fait allusion un passage de l’Alethia de l’orateur du Ve siècle nommé Claudius Marius Victor ; et mentionnant l’émigration de l’Apollon delphien chez les Leuques où il serait devenu guérisseur.
Nous savons aussi par l’historien grec Dion Cassius que l’empereur Caracalla (Marcus Aurelius Antoninus) ne cessait de visiter les temples des dieu-ou-démons qu’il considérait comme capables de lui apporter la « guérison du corps et de l’âme/esprit ». Or parmi eux est cité Grannus.
La vieille idée que toute maladie du corps est aussi une maladie de l’âme/esprit fait partie intégrante de la pensée de cette époque, comme de la pensée de bien d’autres peuples d’ailleurs ; qui n’ont pas attendu les progrès de la médecine et de la psychologie modernes pour s’apercevoir de l’existence de troubles psychosomatiques.
Un siècle plus tard, les prêtres guérisseurs de ce temple de Bélénos Grannos ont aussi très vite compris que Constantin aspirait à l’Empire, et ont donc soigneusement orienté en ce sens l’interprétation de son fameux rêve. Car le plus célèbre des « tarbfess » a eu lieu en 309 à Grand et ce n’est nullement à un futur roi qu’il s’appliqua, mais à un futur empereur.
« La fortune elle-même [interprétation romaine du Destin ou Tocade] réglait toute chose de telle façon que l’heureuse issue de tes affaires t’avertît de porter aux dieux immortels les offrandes que tu leur avais promises. Et que la nouvelle t’en parvînt à l’endroit où tu venais de t’écarter de la route pour te rendre au plus beau temple du monde, et même auprès du dieu qui demeure là, ainsi que tu as pu le voir. Car tu as vu, je crois, Constantin, ton protecteur Apollon [interprétation romaine de Bélénos Grannos] accompagné de la Victoire, t’offrir des couronnes de laurier dont chacune t’apportait le présage de trente années… Que dis-je : je crois ? Tu as vu de tes yeux, vu le dieu, et tu t’es reconnu sous les traits de celui à qui les chants divins des poètes avaient prédit qu’était destiné l’empire du monde » (Le Panégyrique de Constantin et l’origine du labarum ou chrisme constantinien). Voir aussi dans le même ordre d’idées, les ex-voto de Chamalières ou des sources de la déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère ce terme, Sequana, et la fabuleuse fontaine de santé de Glanum en Provence (ou celle des herbes du dieu-ou-démon Diancecht dans la seconde bataille de la plaine aux tumuli en Irlande).
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ANNEXE N° 5.
HYPOTHÈSES À PROPOS D’ABRAHAM ET DES HÉBREUX.
OU LES ANCIENS SÉMITES NOMADES.
SI L’ON ACCEPTE DE JOUER LE JEU DU TEXTE BIBLIQUE ACTUEL, JE RÉPÈTE,
SI L’ON ACCEPTE DE JOUER LE JEU DU TEXTE BIBLIQUE ACTUEL,
LE CADRE GÉNÉRAL ÉTANT HISTORIQUE IL EST VRAI,
IL N’Y A QUE LES PERSONNAGES D’ABRAHAM D’ISAAC ET DE JACOB
QUI FONT PROBLÈME.
Commençons par rappeler à cet égard le travail fondamental d’André Lemaire dont nous citerons ce bref entrefilet de son « Histoire du peuple hébreu » (Histoire du peuple hébreu 1982).
« Les origines du peuple hébreu ne sont pas directement accessibles à l’historien : aucun témoignage extérieur ne nous parle en effet d’Israël avant sa mention dans la stèle de l’an 5 du pharaon Méneptah (1207 avant notre ère), et la première rédaction de la geste des origines d’Israël, sous la forme d’une généalogie des patriarches Abraham, Isaac et Jacob-Israël, ne date probablement que de l’époque de la royauté unifiée sous David et Salomon, ou d’une époque plus tardive… »
ABRAHAM.
La légende fait naître Abraham à Our en Chaldée c’est-à-dire dans le sud de l’actuel Irak. Sans doute pour lui conférer un certain prestige, la ville d’Our ayant été jadis très importante, son souvenir était encore très présent dans les esprits de ceux qui mirent au point les détails de ce récit vers……
En tout cas le site d’Our était encore occupé au moment de l’arrivée en provenance de Jérusalem des Hébreux déportés par Nabuchodonosor au début du VIe siècle avant notre ère.
La deuxième piste est plus sérieuse.
JACOB.
Avec Jacob on entre en terrain plus sûr. Pour une raison très simple : LA BIBLE L’APPELLE ENSUITE… ISRAËL.
« Le cycle du patriarche Jacob, probablement d’abord indépendant de celui d’Abraham-Isaac ne lui a été rattaché que lorsque David est devenu roi d’Israël et de Juda… »
L’étude des traditions patriarcales nous montre qu’un certain nombre d’entre elles sont centrées sur la Haute Mésopotamie ou Djézireh en Arabe et plus précisément l’Aram-Naharayim un nom qui signifie en hébreu « le pays – Aram-des deux rivières » rivières dont l’une est assurément le coude de l’Euphrate DONC LA RÉGION AUTOUR DE HARRAN non loin de la frontière turco-syrienne.
Genèse 24 :10. Le serviteur prit dix chameaux parmi les chameaux de son seigneur, et il partit, ayant à sa disposition tous les biens de son seigneur. Il se leva, et alla en Mésopotamie [Aram Naharayim] à la ville de Nachor.
Les israélites conservèrent la mémoire qu’une partie de leurs ancêtres étaient des Araméens en répétant : « Mon père était un Araméen errant » (Deutéronome 26,5).
Une partie de la population habitait en effet dans des villes fortifiées contrôlant le territoire environnant et constituées en divers royaumes, mais une autre partie de la population araméenne était faite de semi-nomades faisant paître leurs troupeaux de petit bétail à la lisière des zones cultivées.
On peut donc affirmer à propos de ces tribus qu’il s’agissait de pasteurs parlant une langue sémitique originaires du pays d’Aram sur le haut Euphrate, au nord de l’actuelle Syrie
Ce sont des pasteurs vivant de leurs troupeaux et de leurs commerces. Regroupés en tribus, ils ont un sens très développé de la famille. Bien que nomades et dispersés, ils ont des croyances et des coutumes communes. Ils adorent le dieu El, représenté comme un vieillard, surnommé le Très-Haut ou l’Ancien des jours. Autour de lui gravitent des divinités diverses formant sa cour céleste.
Leur culte est simple. Ils adorent des menhirs sur des collines (les bétyles) symboles de la divinité, et se rendent régulièrement en pèlerinage dans des lieux saints.
Ils procèdent à des sacrifices de chameaux et de béliers, en l’honneur du dieu El, et aussi à des sacrifices humains. (Sur la psychologie de ces sacrifices, voir par exemple celui d’Isaac par Abraham). Ces tribus se réclamaient d’ancêtres communs, les patriarches. Le personnage d’Abraham n’a rien d’historique au sens strict du terme ; puisque jusqu’au XIIIe siècle avant notre ère, c’est-à-dire jusqu’à l’époque de Moïse, il ne peut s’agir, en ce qui le concerne, que de traditions orales. Certains en font un chef de clan influencé par les Hittites ou les Hourrites, en tout cas par des Indo-européens ; un peu comme les Hyksos, des Sémites encadrés par des Indo-européens (utilisant le char de combat) qui,
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au temps de l’empire iranien du Mitanni, envahiront l’Égypte vers – 1600. Ce qui reste évidemment à prouver.
Le départ d’Our du clan hébreu de Térah et de ses fils Nahor et Abram, correspond en tout cas, s’il a vraiment eu lieu, à un grand mouvement de reflux vers l’ouest des tribus sémites de culture akkadienne ; refoulées par la pression des Aryens Mitanni en Assyrie, ou la pression des Aryens Kassi en pays sumérien. Ce qui par contrecoup mit en mouvement les Sémites Amourou (les Amorrhéens de la Bible) en direction de l’Égypte. La prospérité de son delta attirait en effet les nomades du Moyen-Orient souffrant de disettes périodiques. Le seul élément de synchronisme que nous ayons pour situer tout ceci est la mention du roi Hammourabi de Sumer qui régna de – 1728 à – 1686 et de son vassal Koudour Lagmri, roi d’Élam, en Genèse 14. (Amraphèl roi de Shin’ar et Kedorla’omèr roi d’Eilàm.)
Un neveu d’Abraham appelé Loth, ayant été capturé par les armées d’Hammourabi lors de la prise de la ville de Sodome, et partant en exil à leur suite ; Abraham, grâce à une habile action de commando, aurait réussi à le délivrer lui et les siens. (Là encore, le conditionnel est de rigueur.)
Le clan d’Abraham devait avoir l’akkadien pour langue maternelle. Sa migration vers l’ouest du Croissant fertile le fit entrer en contact avec des Cananéens qui parlaient une langue sémitique proche. D’où son influence sur l’hébreu.
Comme cela se faisait beaucoup à l’époque, en Canaan, Abraham aurait tenté de sacrifier son fils Isaac pour plaire à son dieu-ou-démon (Genèse, 22, 1,19). Le conditionnel est toujours de rigueur.
Deuxièmement Isaac justement.
Apparemment un bon fils (trop) puis un bon père, malheureusement victime d’une cécité dont son fils cadet, Jacob, profita honteusement (pour voler le droit d’aînesse à son frère Ésaü).
Toujours si l’on en croit ces légendes évidemment.
Et enfin Jacob/Israël, présenté dans la Genèse (25 à 49) justement, comme un personnage usurpant sans scrupule le droit d’aînesse, et tenace dans sa volonté d’enrichissement.
Toujours si l’on en croit ces légendes.
Abraham, Isaac, Jacob… sont en réalité trois héros de légendes n’ayant vraisemblablement aucun lien de parenté à l’origine, et réunis en une seule lignée par les premiers scribes ayant concocté le texte biblique primitif.
Par syncrétisme de thèmes connus dans le royaume du nord (le cycle de Jacob, l’exode) ou dans le royaume du sud (Juda) : le cycle d’Abraham. Fusion opérée à Jérusalem à une date inconnue après la chute du royaume du nord (Israël) et de sa capitale Samarie.
Voici en effet ce qu’en dit le grand spécialiste de la question, Thomas Römer (le cycle d’Abraham : alliances, guerres et sacrifice scandaleux).
Nul doute que, des trois Patriarches, Jacob est la figure la plus ancienne. Il est clairement une figure du Nord et a été mis en troisième position dans la construction généalogique des ancêtres d’Israël pour laisser la primauté à Abraham, le Judéen. Il est en effet très plausible que les traditions de Jacob et d’Abraham aient d’abord existé d’une manière indépendante l’une de l’autre et qu’elles n’aient été mises ensemble qu’après la disparition du Royaume d’Israël en 722 avant notre ère.
L’origine nordiste du Patriarche Jacob se manifeste d’abord à partir des lieux avec lesquels il est mis en relation : Béthel, Galaad, Penuel, Mahanaim et Sichem. L’épisode de la fondation du sanctuaire de Béthel par Jacob en Gn 28, 10-22…
Relation entre les traditions sur Abraham et Isaac.
Il est plausible qu’il y ait eu une deuxième figure ancestrale dans le sud, vénérée dans un sanctuaire à Beer-Sheva.
Dans les textes hors du Pentateuque, Isaac n’est pas mentionné en dehors de l’expression « Yhwh, le Dieu d’Abraham, Isaac, Jacob », sauf dans Amos 7 et dans des écrits tardifs. En Amos 7, Isaac semble représenter le sud en opposition au nord. « Les hauts lieux d’Isaac seront dévastés, les sanctuaires d’Israël rasés ». Si ces deux versets proviennent d’une version préexilique d’Amos, ils attesteraient alors de l’existence d’un ancêtre sudiste nommé Isaac, suffisamment important pour représenter le sud. Isaac dut devenir le fils d’Abraham assez tôt, comme l’atteste le texte Gn 18, avec le jeu de mots sur le rire de Sara.
La recherche européenne a redécouvert depuis quelques décennies l’importance de l’époque perse où il faut situer la naissance du concept d’un Pentateuque. Il ne fait, en effet, guère de doute que le Penta – voire l’Hexateuque, n’existait pas avant cette période et que la « Torah de Moïse » voit le jour
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à une période où s’amorce la transformation de la religion israélito-judéenne en judaïsme. Depuis quelque temps, la recherche s’est également rendu compte que les « samaritains » ont dû jouer un rôle bien plus important dans la compilation et la publication du Pentateuque que la vision traditionnelle et très judéocentrée n’avait pu l’imaginer. Les fouilles sur le mont Garizim ont montré qu’y existait dès le Ve siècle avant notre ère un sanctuaire qui avait apparemment, comme Jérusalem, un statut de sanctuaire central, voire unique. Sur l’arrière-fond de cette découverte majeure, on comprend bien plus facilement pourquoi le Pentateuque ne précise jamais quel sera le lieu que Yhwh se choisira pour y habiter (Dt 12) ; il s’agit apparemment d’un compromis entre les représentants des deux centres religieux qui se garantissaient mutuellement la reconnaissance de leur culte sacrificiel tout en l’interdisant ensemble à d’autres, comme le montre le cas de la communauté d’Éléphantine. Lorsque les responsables du temple d’Éléphantine veulent reconstruire leur autel détruit, ceux-ci s’adressent à la fois aux autorités religieuses de Samarie et de Jérusalem, qui, toutes les deux, interdisent l’existence d’un autre autel en dehors du Garizim et du temple de Jérusalem.
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ANNEXE N° 6.
LA PÉRIODE ÉGYPTIENNE.
L’Archéologie et l’Histoire (la vraie, l’Histoire de type objectif et scientifique) ne nous apprenant rien sur les Hébreux de cette période ; les seuls juifs sur lesquels nous ayons des renseignements ont ceux d’Éléphantine (une garnison de mercenaires au service des monarques régnants sur l’Égypte), nous en sommes donc réduits à des probabilités ; car il va de soi que le texte biblique est à prendre avec la plus grande précaution.
Les millions de lecteurs pensant comme nous que ce qui suit n’est nullement prouvé ni établi, et on les comprend, peuvent se reporter directement à l’étape suivante. Celle du royaume de David.
Mais essayons néanmoins ensemble de voir si les grandes lignes du récit biblique sont au moins compatibles avec la science.
Le clan de Jacob se serait installé dans la région de Goshen au temps des Hèka Khasut (rois étrangers) autrement dit des Hyksos, probablement sous le règne d’Aouserrè Apopi (Apophis I) (–1613 – 1595).
C’est en effet un envahisseur Hyksos sémite comme lui qui, après avoir apparemment apprécié les services de Joseph (devenu vizir sous le nom de Tsaphnath Paneakh) a invité ses frères à venir s’installer dans l’Égypte qu’il venait de soumettre.
Il devait s’agir d’Aryens surtout Hourrites et/ou de Sémites Amourou, en majorité.
Ces Sémites exploitèrent la Basse-Égypte de – 1730 à – 1550.
Le grand vizir Joseph épousa Aseneith, fille d’un grand prêtre appelé Potiphar.
De ce mariage mixte naquirent au moins deux fils, Ephraïm et Manassé (des noms sans doute égyptiens).
L’occupation hyksos dura environ deux siècles, jusqu’à leur expulsion par le pharaon Ahmosis vers – 1550, mais les descendants de Joseph et de ses frères, plus ou moins métissés, restèrent néanmoins dans la région du delta du Nil appelée Goshen. Leur nombre est impossible à préciser. Il ne s’est peut-être agi que de quelques familles.
Lors des flottements consécutifs à la mort de Ramsès II, un politique égyptien ambitieux, Mosis ou Moses (= fils en égyptien) désireux d’avoir son État à lui ; aurait pour cela jeté son dévolu sur les Hébreux (si les Hébreux ont été un peuple choisi, ce fut d’abord par Moïse).
L’historien égyptien ptolémaïque Manéthon (cité par Philon) nous donne le premier nom de ce Moïse : Ousersif, le « voué à Osiris ».
Le petit Mosis ne fut pas contemporain du début du règne d’Akhénaton, mais, adopté par une fille ou petite fille de Ramsès II, fut contemporain de la fin du règne de celui-ci. (–1259 – 1299).
Le représentant du pharaon dans la région, pour calmer ses ambitions, avait peut-être commencé par lui faire conférer la fonction de « Grand scribe » du culte d’Osiris.
Moïse est le prototype même du théocrate s’occupant de politique, c’est-à-dire réglant la vie de son peuple, y compris dans les moindres détails. Il fut un redoutable tyran, utilisant la crainte permanente d’un « ogre ou gendarme céleste » répressif et quasi terroriste (Yahweh a dit…) pour annihiler toute opposition à ses projets.
C’est sous le règne du successeur d’Akhénaton, déjà bien âgé, Baenrè Merenptah (Merneptah) (– 1299 – 1220) qu’aurait eu lieu l’Exode des Hébreux accusés d’avoir collaboré avec les occupants hyksôs.
Yahweh… Ce théonyme était celui d’un petit dieu-ou-démon topique du pays de Madian (partie de l’Arabie saoudite riveraine du golfe d’Aqaba, à la frontière sud de la Jordanie).
Ce pays était en effet celui de son beau-père, Jéthro, appelé aussi Reouel ou Hobab, ce qui tendrait à montrer qu’il y a eu fusion de plusieurs traditions à son sujet. À moins qu’il ne s’agisse d’un personnage aussi artificiel et syncrétique que Moïse. Dont certains font un grand prêtre madianite.
De toute façon, Moïse répudia sa fille Tsippora (on est loin des contes de fées à la Walt Disney) dès que cette dernière eut cessé de lui être utile (ou de lui plaire). Voir Exode, 18, 2. Les femmes adorent ça. Elles trouvent cela « divin ».
Suivirent une quarantaine d’années de nomadisme dans la péninsule du Sinaï.
Cet Exode n’a dû concerner que quelques familles ainsi que leurs proches et leurs serviteurs. Tout au plus quelques centaines de personnes (comme dans le cas d’Éric le Rouge par exemple, et du Groenland) ; mais ces familles jouèrent plus tard un rôle crucial dans l’émergence du royaume de David, d’où l’exagération de leur nombre et le chauvinisme des légendes bibliques à ce sujet.
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La religion de l’ancien scribe du culte d’Osiris (ou d’Aton ?) n’était alors en aucune façon un monothéisme, mais un hénothéisme intolérant ou monolâtrie. (L’hénothéisme est le culte préférentiel accordé à une divinité sans pour autant nier qu’il en existe d’autres.)
On en trouve la trace dans de nombreux récits de l’Exode, des Nombres, du Lévitique, ou du Deutéronome. Voir par exemple le curieux passage où une mystérieuse entité nommée Azazel (un autre des Élohim ? ?) est quasiment placée sur le même plan que Yahweh. (Lévitique 16, 8 à 10). Ces passages ont dû échapper à la vigilance du groupe de travail qui, à un moment donné, a falsifié ou réécrit tous ces textes (cf. Esdras).
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ANNEXE Nº 7.
AUTRES HYPOTHÈSES SUR MOÏSE ET LE MONOTHÉISME.
Ainsi que nous l’avons dit, l’Archéologie et l’Histoire (la vraie, l’Histoire de type objectif et scientifique) ne nous disent rien sur les Hébreux de cette période ; mais nous apprennent par contre beaucoup de choses sur les Égyptiens et le pays de Canaan. Les fouilles nous fournissent les preuves flagrantes de l’importance de la présence égyptienne dans tout le pays de Canaan durant le XIIIe siècle avant notre ère. (Résumé du très gros travail d’Israël Finkelstein et de Neil Asher Silbermann sur le sujet intitulé La Bible dévoilée.)
Le personnage clé du judaïsme est donc Moïse, un homme sans nul doute très intelligent, qui fut élevé à la cour d’un gouverneur du pharaon avec tous les honneurs dus à un prince (si l’on en croit la Bible). Il n’eut donc aucun mal à manipuler un peuple de pauvres hères sans esprit critique comme celui des Hébreux.
Moïse avait bien retenu les leçons des prêtres égyptiens. Comme il est commode en effet de se retirer loin de la vue des curieux pour « entendre la voix de Dieu » et en rapporter des « tables » (sans doute préalablement gravées et déposées à l’endroit voulu par lui ou un de ses complices).
Ce noble scribe égyptien réussit ainsi à imposer le culte du « dieu-ou-démon unique » qui lui avait été inspiré par celui du pharaon Aménophis IV, plus connu sous le nom d’Akhénaton, mais rebaptisé par lui Yahou/Yaho/Yhwh.
Pour Freud, le monothéisme n’a donc pas été le fait des Hébreux, mais des Égyptiens, lors de la période dite de « la révolution amarnienne », à la fin de la XVIIe dynastie, soit entre 1375 et 1358 avant notre ère. Ce pharaon proscrivit l’ancienne religion de Ra et d’Osiris pour instaurer à sa place le plus pur monothéisme, avec des rituels en l’honneur du dieu-ou-démon unique éternel ATON, créateur de toute chose, qui se manifeste par l’éclat de la lumière solaire.
En guise de culte, chacun devait se comporter comme « vivant toujours en Maat », c’est-à-dire en suivant la vérité ainsi que la justice. Maat étant la seule déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère ce vocable – de la Vérité, de l’Ordre et de la Justice – de l’ancien panthéon égyptien, qu’ait conservée la religion d’Aton. Maat n’apparaissait d’ailleurs plus ici comme une déesse-ou-démone ou une fée, mais comme un principe directeur philosophique, régulant la vie et le destin des hommes. Ce qui relevait des pratiques de sorcellerie et de divination fut proscrit.
À la mort de ce pharaon, le clergé rétablit les anciens dieu-ou-démons, et il effaça tout ce qui pouvait rappeler l’hérésie d’Akhénaton. On ne retrouva les ruines portant les inscriptions de cette réforme qu’en 1875, et ce n’est donc qu’à partir de 1880 que cette première entreprise monothéiste fut connue.
Freud émet l’hypothèse que Moïse était un haut dignitaire, proche d’Akhénaton, et acquis à ses idées monothéistes. Il se serait enfui lors de l’effondrement de la religion d’Aton en emmenant un groupe de Sémites qu’il avait soumis lors d’une de ses campagnes contre les « Habirou ».
Voici donc pour Freud quelle fut la réalité de l’Exode !
Moïse aurait essayé de convertir ces Hébreux à la religion d’Aton, mais ce peuple « ayant la nuque raide » ne manquait aucune occasion de se tourner vers d’autres dieu-ou-démons : Baal, veaux d’or, Astarté (Ishtar en akkadien), etc. La Bible mentionne d’ailleurs plusieurs épisodes relatifs à de tels détournements et à de telles révoltes, que Moïse aurait réprimés dans le sang. Néanmoins il y en eut un qui se déroula autrement : Moïse fut tué, mais les Hébreux, sans chef, sans repère, errèrent pendant quarante ans. Ils adoptèrent alors le culte des divinités cananéennes ou des autres peuples avec lesquels ils fusionnèrent. Toujours selon Freud.
Seuls les lévites, qui étaient des Égyptiens, et qui devaient constituer la garde rapprochée de Moïse, continuèrent à proclamer les principes de la religion mosaïque ; jusqu’à ce que les prophètes reprennent le message d’Akhénaton, en incitant le peuple à n’adorer qu’un seul Dieu-ou-démon, et à vivre « en vérité comme en justice ».
Bien évidemment, la thèse de Freud fut violemment contestée par les rabbins et par les tenants de l’orthodoxie hébraïque. À ces travaux, nous devons joindre le témoignage de Flavius Josèphe, au 1er siècle de notre ère, qui, dans un traité contre un historien alexandrin nommé Apion ; se fait l’écho d’une tradition conservée par Manéthon, un prêtre égyptien qui vivait à Sebennitos au IIIe siècle avant notre ère. D’après cette tradition Moïse aurait été un prêtre égyptien, d’Héliopolis, appelé Osarsyph, qui aurait changé de religion et pris le nom de Moïse ; et aurait, contre l’avis d’un pharaon que Manéthon nomme Aménophis, fait sortir d’Égypte des Asiatiques lépreux. Mais pour les Égyptiens les étrangers étaient tous considérés comme impurs, et donc comme « lépreux ».
La description qu’Hérodote (Ve siècle avant notre ère) fait du comportement des Égyptiens laisse néanmoins perplexe.
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« Ils sont de beaucoup les plus religieux des hommes et observent scrupuleusement toutes les prescriptions de leur religion… Ni un homme ni une femme d’Égypte ne consentiraient à embrasser un Grec sur la bouche, pas plus qu’à user de couteaux, de broches ou de chaudrons, d’un Grec ; ou de manger de la viande, même pure, coupée à l’aide du couteau d’un Grec ».
« Au décès d’un proche, ils se laissent pousser la barbe et les cheveux ».
« Le porc, chez les Égyptiens, passe pour une bête impure : quiconque en frôle un va aussitôt se plonger dans le fleuve tout habillé afin de se purifier ».
« Ils pratiquent la circoncision pour des raisons d’hygiène… ».
La circoncision qui, selon la Bible, constitue l’acte par lequel s’effectue l’alliance du peuple élu avec Dieu, était donc connue et pratiquée par les Égyptiens et par d’autres peuples d’Orient.
En fuyant d’Égypte vers – 1250, les juifs garderont par conséquent ce rite qu’ils avaient adopté et qui signe l’appartenance à la communauté divine, prolongeant, peut-être, dans toute son abstraction (interdiction de représenter Aton) l’expérience religieuse synthétique d’Akhénaton.
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ANNEXE N° 8.
LES HÉBREUX ANTIQUES ONT-ILS INVENTÉ LE MONOTHÉISME ? LA RÉPONSE EST ÉVIDEMMENT NON !
C’est seulement la Bible élaborée à Jérusalem au 7e siècle avant notre ère qui le suggère, et encore ! Et cela dans des buts politiques et pas essentiellement religieux !
La seconde tentative connue d’imposer une religion du dieu unique a été en effet celle des prêtres de Juda au 7e siècle avant notre ère.
Cette région sud montagneuse et pauvre n’a connu qu’un développement tardif alors que l’État du nord, Israël, était depuis longtemps prospère. Ces deux régions ont vécu longtemps séparément, avec des mœurs différentes liées aux différences économiques et sociales. Beaucoup plus riche, Israël était beaucoup plus ouvert sur le monde extérieur avec lequel il commerçait. Les deux régions n’avaient pas le même dieu : Élohim au nord et Yahvé au sud. C’est l’invasion assyrienne qui envahit, occupe le nord et en déporte la population, qui a donné sa chance au sud (Jérusalem). Ce dernier a affirmé, au travers du texte biblique, que Dieu avait choisi le sud du fait des mœurs trop ouvertes du nord et de sa moindre rigueur religieuse. Juda a reçu un apport de populations israélites venues du nord et son développement s’est considérablement accru. D’où l’affirmation, au travers de la Bible, que Juda est le regroupement de tous les israélites et l’affirmation d’une religion se réduisant en fait à leur religion dont la caractéristique n’est pas le monothéisme, mais plutôt le rejet des autres dieux (TU N’ADORERAS PAS UN AUTRE DIEU DEVANT MA FACE) au profit du dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.
En fait cette religion évoluera beaucoup du dieu Suméro-Cannanéen El (le souffle, la voix, le nom d’Israël donné à Jacob signifiant celui qui a lutté contre El) à Yahvé (Dieu des volcans, guerrier et jaloux, résultat d’un compromis muet, symbolisé par l’Arche d’alliance, entre les clans du sud et les clans palestiniens à Sichem) puis Élohim (« Tous les dieux » mais suivi d’un singulier, contemporain des deux royaumes) avant de se fixer en YHWH/Adonaï après l’exil à Babylone sous l’influence de la religion perse et de son monothéisme.
Mais jusqu’à la grande réforme du roi Josias, à la fin du 7e siècle avant notre ère, il semble bien que Yahvé ait été associé à d’autres divinités qui lui étaient plus ou moins subordonnées
On se souvient que les descendants de ces Hébreux mythiques étaient alors divisés en deux royaumes : Israël et Juda. Israël, agricole, plus prospère, acceptait les dieux des peuples voisins avec lesquels il commerçait. Juda, centré sur l’élevage, affichait une prétention à plus de piété pour accuser son voisin du nord d’avoir rompu avec Dieu. Ce dieu unique a donc été imposé par un pouvoir unique, celui du roi de Jérusalem. Il est facile de comprendre qu’à un peuple unique (autoproclamé tel), il faut un roi unique et un dieu unique. Le roi Josias s’est donc efforcé d’éliminer toute autre mention que celle de Yahvé.
2 Rois 23,4 : le roi Josias ordonna de faire sortir du temple de Yahvé tous les objets qu’on avait faits en l’honneur de Baal, d’Ashéra et de toute l’armée des cieux.
Idem en 2 Rois 23,14-15.
Le Deutéronome – premier texte juif « monothéiste » même s’il ne nie pas encore les autres dieux – semble avoir été écrit vers 622 avant notre ère, quand le roi Josias voulut faire de Yahvé le seul Dieu de Juda et empêcher qu’il ne soit vénéré sous différentes autres formes comme cela semble être le cas à Samarie ou à Teman (Sud-est de Juda), dans l’idée de faire de Jérusalem le seul lieu saint légitime de la divinité nationale et du pouvoir royal le pouvoir unique du peuple juif. Ce n’est pourtant encore qu’une monolâtrie, celle d’un dieu tribal jaloux, sectaire et cruel, dieu unique d’un peuple dont l’unité est problématique (opposition des royaumes de Judas et d’Israël). On peut dire que ce Dieu se réduit à l’idée de l’unité de ce peuple, mais même au temps des rois, cette religion d’État ne s’impose pas à tous. La religion cananéenne persiste et impose ses représentations.
La consolidation définitive de la monolâtrie juive ou monothéisme exclusif sera liée à la crise de l’Exil. En 597 avant notre ère, l’armée babylonienne défait le Royaume de Juda, l’occupe et déporte en exil à Babylone la famille royale, l’intelligentsia et les classes supérieures. Dix ans plus tard, les Babyloniens ruinent Jérusalem et détruisent son Temple ; s’ensuit alors une seconde déportation qui semble cependant laisser sur place près de 85 % de la population, essentiellement rurale, les futurs Samaritains.
Ce n’est qu’après cette destruction du temple par Nabuchodonosor en -587 et la captivité babylonienne que va se constituer véritablement la tradition biblique attribuée à Moïse (Deutéronome), tout ce qui précède étant remanié. L’exil babylonien met en effet les rédacteurs judéens en contact avec les mythes mésopotamiens de la Création et du Déluge et les premiers livres de la Genèse présentent dès lors Yahvé comme la divinité créatrice de l’entièreté de l’univers. Le nom de Dieu est
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alors Élohim, ce qui indique une certaine tendance syncrétiste chez les auteurs sacerdotaux : en effet le terme peut se traduire par dieu ou dieux, suggérant que les dieux des autres peuples ne sont que des manifestations de Yahvé. Nous avons donc, pour résumer un peu, un judaïsme qui puise sa source dans divers polythéismes : Sumer (Irak) / Ougarit (Syrie) / Sinaï/ voire Iran (Zoroastrisme, cf. Shlomo Sand).
L’élaboration de la doctrine juive monothéiste a eu lieu dans un contexte propice à de telles idées : le roi babylonien Nabonide tente de faire du dieu lunaire Sin le dieu unique de son empire, en Grèce, les présocratiques défendent l’unicité de la divinité contre le panthéon et les successeurs achéménides de Cyrus II le Grand – considéré lui-même comme un messie de Yahvé – influencent le monothéisme judéen en faisant d’Ahoura Mazda le dieu officiel de l’empire.
C’est au sein de cette élite déportée et de sa descendance que l’on trouve donc la plupart des rédacteurs des textes vétérotestamentaires qui vont apporter la réponse du monothéisme au terrible choc et la profonde remise en question de la religion officielle engendrés par cette succession de catastrophes.
Après la destruction du royaume juif, il a fallu justifier que le peuple élu ait perdu son royaume. Tel est le but des intellectuels juifs qui expliquent que Dieu a puni son peuple pour son manque de piété. Le peuple retrouvera son pays et aura de nouveau un État à lui quand le Messie reviendra sur terre et, à la fin des temps, restaurera « le royaume de Dieu en Chanaan ».
Non seulement la défaite n’est pas due à un abandon par Yahvé, mais c’est au contraire l’occasion de le présenter comme seul et unique Dieu : dans les récits que les intellectuels judéens écrivent alors, la destruction de Jérusalem, loin d’être un signe de faiblesse de Yahvé montre la puissance de celui qui a instrumentalisé les Babyloniens pour punir ses rois et son peuple qui n’ont pas respecté ses commandements. Yahvé devient dès lors, au-delà de son peuple, le maître des ennemis de Juda.
Le monothéisme est véritablement né dans le judaïsme au retour de l’Exil de Babylone (- 538) lorsque Cyrus roi de Perse a envahi tout le moyen orient et a renvoyé libres les peuples déplacés comme Israël. L’existence – nouvelle – d’un roi unique et bienveillant pour quantité de peuples a suggéré l’idée qu’il en était de même dans l’univers. C’est à ce moment que naît l’idée qu’il n’existe qu’un seul Dieu, unique, pour tous les peuples.
Isaïe 41, 23-24. (Yahvé s’adresse aux autres Dieux) : Faites seulement quelque chose de bien ou de mal, pour que nous le voyions et le regardions ensemble. Mais voilà, vous n’êtes rien et votre œuvre n’est rien.
Mais comment appeler ce dieu unique ? Yahvé ? Adonaï ? Ou El ? Trois noms pour un dieu unique, il doit bien y avoir toute une histoire derrière cette bizarrerie ! Et trois noms qui sont mêlés dans le texte biblique, fait de bric et de broc de diverses origines et de diverses époques…
Trois noms et de multiples expressions : l’éternel, l’unique, le seigneur, celui qui est… El, Élohim, Sabaoth, Elon, Ehyeh, Adonaï, Jah, JHVH (ou Jéhovah) et El-Shaddai pour un seul texte, mais qui n’est pas le texte de tous les Hébreux (cf. les Samaritains).
Yahvé ? Adonaï ? Ou El Yahvé ? Les trois noms sont cités dans la Bible où il est surtout conseillé de ne pas discuter du nom de dieu…
« Ils discutent et transmettent à la jeunesse beaucoup d’éléments concernant les étoiles et leurs mouvements, l’étendue de ce monde et de notre terre, la nature des choses, le pouvoir et la majesté des dieux immortels » (César, BG, Livre VI, 14).
« Si tu vois des gens plongés dans des discussions à propos de nos signes, écarte-toi d’eux jusqu’à ce qu’ils discutent d’autre chose. Le démon te fera certainement oublier cette prescription, mais lorsque tu t’en souviendras, ne t’assieds plus en compagnie de ces misérables » (Saint Coran chapitre VI, verset 68).
Les Juifs eux s’imposent une interdiction de prononcer le Tétragramme, sans doute en relation avec le troisième commandement : « Tu n’invoqueras pas le Nom de YHWH ton Dieu en vain ».
L’expérience de l’exil instituant la domination des prêtres suscitera donc la constitution d’un corpus destiné à préserver la singularité et l’unité des exilés. Libérés en -538 par le Perse Cyrus pour s’opposer à l’Égypte, la reconstruction par eux du Temple détruit fait de celui-ci le centre du Judaïsme. C’est Néhémie (ancien dignitaire à la cour d’Artaxerxès Ier) qui rétablit Jérusalem (-444), tandis qu’Esdras le scribe fonde la Loi (Torah) sur l’écriture, préparant la constitution de la Bible, sur un modèle proche du Code d’Hammourabi. La confrontation à la religion iranienne marquera durablement la mystique juive à la fois dans le sens du monothéisme de Zarathoustra (Ahoura Mazda, son char et ses anges célestes) et du fond dualiste de leur théologie qu’on retrouve chez les esséniens par exemple. Les sacrifices seront remis en cause au profit de plus d’intériorité, mais là où la religion iranienne est positive, rejetant toute mortification, les Juifs vont accentuer dans la leur, leur conscience déchirée de l’altérité, de l’éloignement de Dieu (Paul Romains 5, 20 : la loi est intervenue pour que prolifère la faute, la Loi témoigne contre Israël). Le malheur extérieur doit devenir la douleur
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intérieure de l’homme : il doit se sentir comme la négation de lui-même, reconnaître que son malheur est celui de sa nature, qu’il est en lui-même ce qui est séparé et divisé.
Ce n’est pourtant qu’en -167, en réaction à l’hellénisation forcée d’Antiochus IV, que la révolte des Maccabées va constituer définitivement la religion du Livre (le zèle contre la Loi a créé le zèle pour la Loi), un parti pris pour la lettre sacrée contre la banalisation de l’écrit, ce qui n’empêchera pas d’ailleurs la pénétration de la philosophie grecque platonisante surtout à Alexandrie (Philon). La promotion de la Loi donne un contenu, là où la religion perse se contente de l’opposition du bien et du mal, ce contenu se réduisant d’ailleurs aux lois de la parole (bien parler, ne pas dire de mal). L’intervention d’une loi écrite, dans les rapports à l’autre et comme fondement de l’unité du peuple, va nourrir la réflexion juive sur le droit (commentaires, jurisprudence) qui forme le Midrash, inaugurant ainsi une religion de l’écriture qui sera imitée par le Christianisme, le Manichéisme, l’Islam, etc. Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire précédemment, mais repetere = ars docendi, en tant que religion de l’Histoire, des interventions divines, les fêtes juives font référence à des événements historiques (comme les Égyptiens, dont les rites renouvellent la source créatrice présente dans l’événement originel, mais orienté cette fois vers l’avenir – Apocalypses, messianismes comme les Perses – plutôt que vers la restauration d’un Paradis perdu). C’est la répétition de notre propre fondation, et non plus le retour d’un événement cyclique, saisonnier, extérieur (suppression des rites de résurrection païens). La religion juive se fonde, contrairement aux religions païennes, sur le rapport paradoxal de l’éternel transcendant et du temps historique constituant l’histoire sainte.
La dernière version connue et mondialement diffusée de cette religion s’appellera le “judaïsme” du nom du pays, Juda, où elle a été fondée et s’est développée autour de la hiérarchie religieuse juive de Jérusalem. Mais le Judaïsme moderne ne commence qu’à Yabné après la destruction du temple en 70, et surtout après la défaite de la dernière révolte juive en 135, la mort de son messie Bar Koziba/Bar Kokhba, la dispersion des juifs (Jérusalem leur est désormais interdite) et le transfert de l’académie de Yabné en Galilée près de Nazareth.
L’apparition de nouvelles écritures (le Nouveau Testament) séparera les judéo-chrétiens des autres juifs (sadducéens ou pharisiens) pour qui le commentaire talmudique de la Michnah et l’observation des rites deviennent réellement le seul fondement de la communauté (se substituant à l’arche d’alliance puis au Temple de Jérusalem) avec une espérance messianique abandonnant ses prétentions terrestres, au profit d’une mystique de la Loi et du Texte redevenu obscur * qu’il faut réinterpréter (Talmud + Cabbale).
Ce nouveau peuple juif n’aura pas une base raciale, biologique, mais un fondement sectaire, constitué uniquement de la loi commune qui fait autorité (rites, signes, séparation) et acceptant jusqu’au XIIe siècle au moins la conversion de nombreux étrangers (Ashkénazes).
* En fait il avait toujours été obscur vu les conditions et circonstances de son élaboration ou des élargissements de son canon (la multiplicité des sources entraînait des contradictions), mais chut, n’en parlons plus ! « La religion israélite fut une création originale du peuple d’Israël. Elle était absolument différente de tout ce que le monde païen connaissait ; sa vision monothéiste du monde n’a aucun antécédent dans le paganisme » (Yehezkel Kaufman 1889-1963).
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ANNEXE N° 9.
LA VÉRITÉ SUR LE PRÉTENDU MONOTHÉISME DES HÉBREUX.
Bhagavad Gita 9, 23-29. « Toute oblation qu’avec foi l’homme sacrifie aux dieux est en fait destinée à moi seul, ô fils de Kounti, mais offerte sans le savoir, car je suis l’unique bénéficiaire et l’unique objet des sacrifices. Que l’on m’offre, avec amour et dévotion, une feuille, une fleur, un fruit, de l’eau, cette offrande, je l’accepte. Je n’envie, je ne favorise personne, envers tous je suis impartial. Mais quiconque me sert avec dévotion vit en moi et je suis son ami ».
« La religion israélite fut une création originale du peuple d’Israël. Elle était absolument différente de tout ce que le monde païen connaissait ; sa vision monothéiste du monde n’a aucun antécédent dans le paganisme » (Yehezkel Kaufman 1889-1963).
Commençons tout d’abord par rappeler que, en histoire des religions, le monothéisme, croyance en l’existence d’un seul dieu-ou-démon dans l’univers, s’oppose au polythéisme, croyance en plusieurs dieu-ou-démons. Ces deux antonymes comportent une sorte de moyen terme, « l’hénothéisme », croyance en un dieu-ou-démon pour chaque groupe particulier, social ou ethnique, sans nier pour autant l’existence des autres dieu-ou-démons.
D’autres termes décrivent la pratique cultuelle. La monolâtrie est le culte d’une seule divinité, l’idolâtrie, l’adoration des « idoles », c’est-à-dire des images ou statues représentant ces divinités, etc.
On peut aussi décrire la religion en fonction du nom de la divinité adorée. C’est ainsi que, pour Israël, on parlera très souvent par exemple de yahwisme (de Yahou/Yaho/ou Yhwh, le tétragramme, le dieu de la tribu de Juda centré sur Jérusalem).
Rappelons aussi qu’il y a idolâtrie et idolâtrie ! Ainsi que le reconnaît Yehezkel Kaufman dans son livre sur la religion d’Israël des origines à l’exil en Babylonie (1960) ; les différents auteurs (humains) ayant participé à l’élaboration de la Bible ont commis l’erreur de penser (doux Jésus quel euphémisme !) que les idolâtres étaient tous convaincus que leurs idoles étaient vraiment des dieux ; alors qu’il est évident que, dans de nombreux cas, ces idoles n’étaient que des représentations (voir les simulacra ou arcana du druidisme par exemple). La Bible ne perçoit le paganisme qu’à son plus bas niveau, le niveau de la croyance au mana… Les prophètes ignorent ce que nous savons maintenant du vrai paganisme (c’est-à-dire sa mythologie élaborée sur les origines et les exploits des dieu-ou-démons, et leur soumission ultime à un réservoir métadivin de puissances impersonnelles représentant le Destin ou la Nécessité). La condamnation de l’idolâtrie, qui sera si souvent répétée dans la Bible, consistera le plus souvent en simples sarcasmes (le soi-disant prophète tourne en ridicule les cultes concurrents du sien) et non en analyses philosophiques bien convaincantes.
La religion de l’ancien Israël est souvent présentée, avons-nous dit, comme l’exemple type d’une religion monothéiste. Une analyse attentive des textes de la Bible et des données de l’archéologie révèle une histoire religieuse plus complexe.
Il est complètement erroné de croire que les Hébreux ont été les premiers monothéistes de l’Histoire. Les Hébreux sont en effet au contraire restés pendant très longtemps polythéistes. De plus, le monothéisme hébreu, quand il apparut, fut loin d’être universel, et Yahou/Yaho/Yhwh resta pendant longtemps avant tout le dieu-ou-démon des seuls Hébreux de la tribu de Juda et du sud d’Israël.
Le vrai monothéisme éthique universel est né en Perse avec Zoroastre et le vrai monothéisme religieux, lui, est né dans la vallée du Nil.
Les Textes des pyramides (– 3000) affirment de façon claire la réalité d’une puissance divine unique, inaccessible à l’esprit humain.
Formule 254 : grand dieu dont le nom est inconnu ».
Formule 456 : « Salut à toi, l’Unique ».
Hymne pour Aton : « Ô toi, le Dieu Unique, à part lequel il n’y en a pas d’autres ! »
Plus de deux mille ans avant la Bible, la conception d’un principe initial antérieur à la création existait déjà en Égypte (Théologie de Memphis). Plus de deux mille ans avant la Bible, une création du monde a été élaborée avec au moins autant de force poétique que celle qui figure dans la Bible. (Papyrus intitulé « Enseignement pour Mérikaré ». Et le Petit et le Grand Hymne d’Akhénaton développent à ce sujet les idées que l’on retrouvera plus tard dans la Bible.
On ne doit pas confondre le texte biblique avec un texte historique. Nombreux sont les textes bibliques incertains. Aucune comparaison avec les données sûres des textes hiéroglyphiques. La multiplicité des sources (yahviste, élohimiste… entraîne d’ailleurs des contradictions à l’intérieur même du texte biblique. Combien de passages de la Bible ont-ils été ainsi modifiés au gré des rois ou des empereurs qui dominèrent les Hébreux ? Le 2e concile du Vatican a d’ailleurs reconnu que l’Ancien Testament contenait des imperfections ou des données périmées…
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Il n’existe aucune preuve archéologique de l’existence des Hébreux, tels qu’ils sont décrits dans la Genèse et dans l’Exode. Jamais, malgré des siècles d’efforts, l’archéologie n’a trouvé le moindre élément concret susceptible de confirmer un événement précis du récit biblique originel. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir cherché ! De toutes les terres du globe, la Palestine est bien celle qui a été la plus fouillée et refouillée. En vain !!
Les origines du nom divin.
Les plus anciennes attestations épigraphiques du tétragramme, des quatre consonnes notant le nom propre du dieu-ou-démon d’Israël, YHWH, se trouvent sur la stèle de Mésha, roi de Moab (IXe siècle avant notre ère). Cette stèle évoque l’affrontement entre Moab et Israël, entre KAMOSH et YHWH (ligne 18). Selon Exode 3, 15, le nom propre du dieu-ou-démon d’Israël a été révélé à Moïse. « YHWH… m’a envoyé vers vous. C’est là mon nom à jamais ». La prononciation primitive du tétragramme (Yahou ? Yaho ?) est difficile à préciser, car, dès le IVe siècle avant notre ère, on évite de le prononcer en le remplaçant par un titre : Adonaï, « mon maître/seigneur », traduit par Kyrios dans le grec de la Septante.
Pouvons-nous préciser les origines de ce nom divin ? Le théonyme Yahweh n’est pas attesté dans l’onomastique cananéenne des lettres d’El-Amarna (XIVe siècle avant notre ère) et semble arriver en Cisjordanie en même temps que les israélites.
Une origine méridionale est évoquée dans plusieurs poèmes bibliques anciens.
« Yahweh est venu du Sinaï.
Pour eux, il s’est mis à briller de Séïr.
Il est apparu venant du mont Parân » (Deutéronome 33, 2).
« Yahweh, quand tu sortis de Séïr,
Quand tu marchas hors de la steppe d’Édom…
Les montagnes tremblèrent devant Yahweh, celui du Sinaï » (Juges 5, 4-5).
« Dieu vint de Témân,
Le Saint du mont Parân » (Habaquq 3, 3).
Ces toponymes permettent de situer approximativement l’origine de ce nom, et donc de cette conception du divin, dans les montagnes du Néguev central, ou du Sinaï oriental.
Selon Exode 3, 1, Yahweh s’y révéla donc à Moïse alors que ce dernier « faisait paître le troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madiân ». Nous ne savons presque rien sur Madiân, confédération nord arabe du XIIIe siècle avant notre ère. Cependant, cette tradition ancienne paraît crédible, car les Madianites sont devenus les ennemis des israélites avant de disparaître au début du Xe siècle.
Bien plus, cette tradition biblique ancienne peut être rapprochée de la mention des « Shosous (Bédouins) de YHW » figurant dans une liste d’Aménophis III à Soleb, liste recopiée à Amana-Ouest et à Aksha. Ce rapprochement est d’autant plus intrigant que l’expression « Shosous de YHW » évoque les « Shosous de Séïr » et le « pays des Shosous de la montagne de Séïr » attestés dans des inscriptions de Ramsès II (vers – 1279 – 1212).
Quelles seront les caractéristiques de ce premier yahwisme ?
Plusieurs poèmes présentent Yahweh, le dieu-ou-démon d’Israël, comme faisant partie d’une assemblée de dieux, d’un « panthéon » (cour céleste), impliquant donc un certain polythéisme (cf. Psaumes 82,1 ; 89, 6-8…) D’autres textes affirment que Yahweh est le dieu d’Israël, mais reconnaissent tout aussi clairement que les autres nations ont aussi leur dieu-ou-démon.
« Tous les peuples marchent chacun au nom de son dieu ; mais nous, nous marchons au nom de Yahweh notre Dieu, pour toujours et à jamais » (Michée 4, 5).
Selon cet ancien yahwisme par conséquent, chaque peuple a donc sa divinité nationale : Yahweh est le « dieu d’Israël » et Israël est le « peuple de Yahweh ». Ce lien particulier est exprimé par l’image du « mariage » et de « l’alliance » entre Yahweh et Israël. Il se retrouve dans le qualificatif de « jaloux » appliqué à Yahweh, et ce lien exclusif est souligné par les nombreuses interdictions faites à Israël de « servir » des divinités étrangères.
Alors monothéiste ou polythéiste ? La religion primitive de l’ancien Israël ne se laisse pas enfermer dans cette alternative. Comme elle n’est pas le fruit d’une réflexion philosophique ou théologique, le mot « hénothéiste » n’en traduit qu’un aspect limité. Il est plus clair de la reconnaître comme une monolâtrie : Israël ne doit rendre de culte qu’à un seul dieu, Yahweh, tout en admettant qu’il existe d’autres dieux pour les autres peuples.
Situer l’origine du monothéisme universel à la Bhagavad Gita chez les Hébreux est donc un mythe ou une imposture, à tout le moins une erreur.
Dans les langues sémitiques, une même racine, EL, désigne à la fois l’Être supérieur, inaccessible à l’Homme, et l’être divin, présent concrètement dans le monde, sous des formes diverses (cf. les Élohim, l’Incarnation et les anges dans le christianisme, Allah en Terre d’Islam). Le Dieu-ou-démon des Hébreux a donc d’abord commencé par être un dieu-ou-démon comme tant d’autres du panthéon
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local. Tous s’accordaient en effet à l’époque dans la région à croire en l’existence d’un dieu-ou-démon très haut (El Elyon) ayant des fils ou anges. À chacun de ses fils était attribué un peuple particulier (par exemple Dagon pour les Philistins, pour ne citer qu’eux).
« Quand le Très-Haut donna un héritage aux nations, quand il sépara les enfants des hommes, il fixa les limites des peuples d’après le nombre des fils de Dieu » (Deutéronome, 32 ,8). N.B. Le mot a été remplacé aujourd’hui par le nom d’Israël, mais l’ancienne formulation suggère l’existence d’autres déités dont les Massorètes ont supprimé la mention.
De plus, chaque dieu-ou-démon avait une parèdre, c’est-à-dire une contrepartie féminine, que l’on peut assimiler à une épouse (ce que l’on appelle une shakti dans l’hindouisme). Celle de Yahwé par exemple était Ashéra.
AVERTISSEMENT AU LECTEUR. Il VA DE SOI QUE NOUS NE TENONS AUCUN COMPTE DANS LES EXEMPLES QUI SUIVRONT DES ARGUMENTS DU GENRE :
« Oui, mais par dieux, il faut comprendre faux dieux… le mot faux est chaque fois sous-entendu, etc., etc. »
Ainsi que l’a très bien dit le grand poète syrien Aboul-Ala al-Maari (970-1059) : « Il y a deux sortes d’hommes sur terre, ceux qui ont un cerveau, mais pas de religion, et ceux qui ont une religion, mais pas de cerveau »).
DE TELS ARGUMENTS SONT IRRECEVABLES, SONT INDIGNES DU GENRE HUMAIN, INDIGNES DE TOUT HOMME AYANT SOUS LE CRÂNE QUELQUE CHOSE QUI RESSEMBLE UN TANT SOIT PEU À UN CERVEAU, INDIGNES DE TOUT HISTORIEN (SÉRIEUX) DES RELIGIONS… LE TEXTE BIBLIQUE EST TRÈS CLAIR : IL PARLE DE « DIEUX » ou « D’ANGES » UN POINT C’EST TOUT !
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PÉRIODE MYTHIQUE.
a) Époque de la Genèse.
Le mot Élohim n’est pas un singulier, mais un pluriel et signifie « les dieux ».
Lorsque Dieu (Yahvé ?) dit : « Faisons l’homme à notre image, comme à notre ressemblance » (Gn. 1, 26) il parle nécessairement à d’autres dieux (nous ne pensons pas qu’il s’agisse d’un pluriel de majesté, ni qu’il s’agisse d’une délibération de Dieu avec ses anges).
Abraham reçoit la bénédiction des mains de Melchisédech, le chef du sacerdoce, à qui lui et ses descendants paient la dîme : Melchisédech, roi de Shalem, apporta du pain et du vin ; il était prêtre d’El Elyôn. Il prononça cette bénédiction : « Béni soit Abram par El Elyôn qui créa ciel et terre, et loué soit El Elyôn qui a livré tes ennemis entre tes mains ». Puis Abram lui donna la dîme de tout. (Gn. 14, 18 à 20).
El Elyôn, est un nom composé dont chaque élément est attesté dans des divinités distinctes du panthéon phénicien. De toute façon le roi-prêtre Melchisédech a un nom cananéen.
Le polythéisme est constant à cette époque. (Gn. 31, 19, Gn. 31, 30, Gn. 31, 34). Jacob fils d’Isaac (Isaac, fils d’Abraham) dit à sa famille et à tous ceux qui étaient avec lui : « Ôtez les dieux étrangers qui sont au milieu de vous… » (Gn. 35, 2).
b) Époque de l’Exode.
Les Hébreux reconnaissent l’existence d’autres dieux et ils savent que beaucoup d’entre eux vénèrent d’autres dieux. (Ex. 18, 11, Ex. 20, 5, Ex. 34, 14.)
c) Époque des Nombres.
Les Hébreux adorent d’autres dieux. (Nb. 25, 1 à 9.)
d) Époque du Deutéronome.
Polythéisme encore : « Tu ne te prosterneras pas devant ces idoles… je suis un dieu jaloux » (Dt. 5, 8 à 9).
« Maudit soit l’homme qui fabriquera une idole ou une statue… et l’installera en cachette » (Dt. 27, 15).
Quelques aspects de ce yahwisme monolâtre ! Dès les origines mosaïques, il fut « aniconique », c’est-à-dire rejetant les représentations figurées de la divinité. Cet aniconisme admettait néanmoins l’évocation de la divinité par une pierre dressée, une stèle non taillée, un menhir, puisque les traditions bibliques anciennes décrivent les sanctuaires israélites comme constitués d’un « autel », d’une « stèle » et d’un « arbre sacré » (ashéra ?)
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Les légendes patriarcales mettent en évidence ces trois aspects : Jacob dresse une pierre comme stèle à Béthel (Genèse 28, 19 à 22) ; Abraham « plante un tamaris à Beersheba » (Genèse 21, 33) ; Isaac bâtit ensuite un autel (Genèse 26, 25) ; « Josué prend une grande pierre qu’il fait dresser sous le chêne, dans le sanctuaire de Yahweh » (Josué 24, 26). L’archéologie confirme ce culte des stèles, non seulement à l’époque du bronze moyen (Gézer, Sichem) ou récent (Hatzor), mais encore à l’époque royale israélite. On a ainsi retrouvé deux pierres dressées dans la cella du temple yahviste d’Arad (Néguev), tandis que les restes d’un grand autel à cornes, en pierre taillée, ont été mis au jour à Beersheba.
Le culte israélite ancien s’exprimait surtout à l’occasion de deux grandes fêtes de la pleine lune : celle du printemps (la Pâque, liée à l’Exode) et celle de l’automne (fête de la récolte). Elles étaient l’occasion d’un repas festif avec sacrifice d’un animal. Après l’installation en Canaan, elles seront célébrées dans divers sanctuaires locaux, en particulier à Silo.
L’alliance de Sichem (Jos. 24). Les clans hébreux « yahwistes » remontant vers le nord occupent la montagne d’Ephraïm. Ils rencontrent les B’nai Yakov, clan venu de Syrie, et concluent avec lui l’alliance de Sichem, pacte qui fonde une Confédération dominée par les B'nai Israël. L’unité proclamée est essentiellement religieuse, c’est une double amphictyonie (autour des monts Ebal et Garizim). Le récit actuel est fortement marqué de thèmes deutéronomistes, mais la tradition sous-jacente est sans doute ancienne. Josué propose Yahvé comme dieu à des groupes qui ne l’ont pas encore accepté (versets 14-15), bien qu’ils aient une origine commune avec le sien. Ils n’ont pas pris part à l’exode et ne connaissent pas le dieu-ou-démon du Sinaï. Entrés en contact avec le groupe de Josué parce que voisins du lieu de son implantation, ils ne se rallient au yahwisme que du bout des lèvres. Voire pas du tout ! Ces groupes ne sont autres que les tribus du Nord qui donneront plus tard le royaume d’Israël concurrent du royaume de Juda centré sur Jérusalem. L’auteur a généralisé l’événement et l’a étendu, comme le mouvement de la conquête lui-même, à toutes les tribus, ce qui ne fut sans doute pas le cas. Le yahwisme, dont le groupe mosaïque était porteur, s’est donc peu à peu étendu à d’autres groupes hébreux semblables. Tel est le sens de l’alliance de Sichem où Josué demande à d’autres immigrants de rejeter leurs dieux d’au-delà du fleuve et de ne reconnaître que Yahweh/Yahou/Yaho du Sinaï (Josué, 24) ; avec un minimum de règles cultuelles et sociales, probablement une forme primitive de Décalogue.
e) Époque de Josué (1220 à 1200 avant notre ère d’après la Bible).
Les recommandations de Josué (conduite à tenir au milieu des populations étrangères) prouvent ses craintes à l’égard de la liberté de culte chez les Hébreux. « Vous ne prononcerez pas le nom de leurs dieux, vous ne les invoquerez pas dans vos serments, vous ne les servirez pas et vous ne vous prosternerez pas devant eux » (Josué 23 ,7). « Si en effet vous transgressez l’alliance que Yahvé votre Dieu vous a imposée, si vous allez servir d’autres dieux, si vous vous prosternez devant eux ; alors la colère de Yahvé s’enflammera contre vous et vous disparaîtrez du pays qu’il vous a donné » (Josué 23, 16). « Si vous abandonnez Yahvé pour servir les dieux de l’étranger, il vous maltraitera à nouveau et vous anéantira après vous avoir fait du bien » (Josué 24, 20). « Alors, écartez les dieux de l’étranger qui sont au milieu de vous et inclinez votre cœur vers Yahvé, Dieu d’Israël » (Josué 24, 23). Mais malgré ses promesses (Josué 24, 21), le peuple servira d’autres dieux (voir époque des Juges qui suit).
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PÉRIODE PRÉHISTORIQUE.
Préhistorique, car il s’agit d’un méli-mélo sur deux cents ans de divers conflits microscopiques y compris ne concernant pas toujours les Hébreux.
f) Époque des Juges (1200 à 1025 avant notre ère d’après la Bible).
Les israélites renient Yahvé et servent toutes sortes de dieux. « Les israélites firent ce qui est mal aux yeux de Yahvé. Ils oublièrent Yahvé leur Dieu pour servir les Baals et les Ashéras. Alors la colère de Yahvé s’enflamma contre Israël… » (Jg 3, 7 à 8.) Les israélites ne servent plus Yahvé : « Ils servirent les Baals et les Astartés, ainsi que les dieux d’Aram et de Sidon, les dieux de Moab, ceux des Ammonites et des Philistins. Ils abandonnèrent Yahvé et ne le servirent plus. Alors la colère de Yahvé s’alluma contre Israël et il le livra aux mains des Philistins ou aux mains des Ammonites » (Jg 10, 6 à 7).
g) Époque de Samuel.
Même Saül, le roi d’Israël, désobéit à Yahvé. Entre Yahvé qui l’a élu et le peuple qui l’a acclamé et reconnu, Saül a cherché un compromis ; il a renoncé à exécuter à la lettre les ordres (criminels d’ailleurs) de Yahvé, et a laissé ses hommes prendre leur part du butin (1 Samuel 15). Yahvé rejette donc Saül pour qu’il ne soit plus roi d’Israël.
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Même David désavoue Yahvé. L’exécution de ce qui paraît un ordre divin (servant à quoi ? ? ?) sera pendant un bref instant considéré par lui, nouveau roi d’Israël, comme un péché. Pour se venger de cet instant d’hésitation ou de remords, Yahvé extermine soixante-dix mille hommes. (2 Samuel 24.)
Rappelons au passage à quel point ce roi est profondément amoral. Il met tout en œuvre pour se débarrasser d’Urié afin d’avoir Bethsabée sa femme. David fait chercher Bethsabée puis il couche avec elle (2 S 11, 3- 4). Elle devient enceinte (2 S 11, 5). David monte alors un piège machiavélique pour se débarrasser du mari de Bethsabée et Urié périt au combat (2 S 11, 14-17).
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PÉRIODE PLUS OU MOINS HISTORIQUE.
h) Époque des Rois (970 à 587 avant notre ère, de la mort de David à la seconde déportation en Babylonie).
Le roi Salomon lui-même est polythéiste. « Quand Salomon fut vieux, ses femmes détournèrent son cœur vers d’autres dieux et son cœur ne fut plus entièrement à Yahvé… » (1 R 11, 4 à 8.) Parmi ces autres dieux nous avons : Astarté (divinité des Sidoniens), Milkom (divinité des Ammonites), Kamosh (divinité des Moabites). Yahvé promet de se venger sur la descendance de Salomon. (1 R 11, 9 -13 et 1 R 11, 33). Le péril est grand pour le Yahwisme.
Après la mort de Salomon, schisme politique et religieux.
Roboam fils de Salomon sera roi de Juda et Jéroboam (fils de Nevat) roi d’Israël.
Jéroboam 1er roi d’Israël (– 931– 910) : « Il se fabriqua d’autres dieux, des idoles fondues ». « Il fit deux veaux d’or » (1 R 12, 28 et 1 R 14, 9).
Roboam roi de Juda (– 931 – 913) : « Juda fit ce qui est mal aux yeux de Yahvé et par les péchés qu’il commit provoqua sa jalousie plus que n’avaient fait leurs pères. Comme eux ils bâtirent à leur usage des hauts lieux, élevèrent des stèles et des poteaux sacrés… il y eut même des prostitués sacrés dans les temples du pays ; ils agirent en imitant les abominables pratiques des nations que Yahvé avait chassées… » (1 R 14, 22- 24.)
Note de la Rédaction. Des prostitués et non des prostituées… Il s’agit soit d’une erreur, soit d’une insulte destinée aux prêtres de ces temples. S’il s’agit de prostituées sacrées et non de prostitués sacrés, voici ce que l’on peut en dire. C’est un rôle symbolique qu’il faut accorder à cette prostitution, qui avait pour fonction d’honorer la déesse-ou-démone, ou fée, de la fécondité ainsi que de la vie. L’offrande de la femme, à une divinité masculine, était un don sacrificiel de soi. Cette divinité masculine était représentée par les prêtres ou des étrangers. La prostitution sacrée est à l’origine, liée aux cultes de la fécondité. Les prêtresses et les prêtres de la divinité doivent s’accoupler, afin de perpétuer selon les principes de la magie sympathique ou imitative la fertilité des terres et l’abondance du gibier. Ou alors des groupes de femmes et d’hommes liés aux sanctuaires apparaissent et s’unissent périodiquement aux prêtresses et aux prêtres, ou aux fidèles, afin de transmettre la puissance féconde. La femme du prophète Osée était d’ailleurs elle-même une prostituée sacrée (cf. Osée 1, 2 ; 4, 13-14).
Ambiya roi de Juda (– 913 – 911) : « Il imita les péchés que son père avait commis avant lui et son cœur ne fut pas tout entier à Yahvé… » (1 R 15, 3).
Asa roi de Juda (– 911 – 870) : «… Il enleva à sa mère la dignité de reine mère, car elle avait élevé une répugnante statue en l’honneur d’Ashéra » (1 R 15, 13).
Nadab roi d’Israël (– 910 – 909) : « Il fit ce qui déplaît à Yahvé : il imita la conduite de son père et le péché où celui-ci avait entraîné Israël » (1 R 15, 26). [Autrement dit, rendre un culte à d’autres dieux que Yahvé].
Basha roi d’Israël (– 909 – 886) : « Il fit ce qui déplaît à Yahvé, il imita la conduite de Jéroboam et le péché où il avait entraîné Israël » (1 R 15, 34). Là encore ce qui est visé par cette phrase c’est le fait de rendre un culte à d’autres dieux que Yahvé.
Éla roi d’Israël (– 886 – 885) : tout comme son père Basha, il a incité Israël, ce qui a irrité Yahvé, à rendre un culte à des idoles (1 R 16, 13).
Zimri roi d’Israël (– 885) : a péché en faisant ce qui déplaît à Yahvé (1 R 16, 19). Idem. Il s’agit de rendre un culte à d’autres dieux.
Omri roi d’Israël (– 885 – 874) : « Omri fit ce qui déplaît à Yahvé et fut en cela pire que ses devanciers » (1 R 16, 25 à 26). Même chose ! Un culte rendu à d’autres dieux !
Achab roi d’Israël (– 874 – 853) : il sert le dieu Baal et lui dresse un autel (1 R 16, 30 à 33).
Josaphat roi de Juda (– 870 – 848) : malgré sa bonne conduite au regard de Yahvé, «… les hauts lieux ne disparurent pas ; le peuple continua d’y offrir des sacrifices et de l’encens » (1 R 22, 43-44).
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Ochozias (fils d’Achab) roi d’Israël (– 853 – 852) : « Il rendit un culte à Baal et se prosterna devant lui, et il irrita Yahvé, Dieu d’Israël, tout comme l’avait fait son père » (1 R 22, 53). Blessé, il envoie des messagers consulter Baal Zéboub, autrement dit Baal Zeboul (Baal le Prince), dieu d’Eqrôn. (2 R 1, 2).
Joram (fils d’Achab) roi d’Israël (– 852 – 841) : « Il fit ce qui déplaît à Yahvé… » (2 R 3, 2). Conduite plus ambiguë néanmoins.
Joram (fils de Josaphat) roi de Juda (– 848 – 841) : «… Et il fit ce qui déplaît à Yahvé » (2 R 8 ,18). Polythéisme toujours !
Ochozias (fils de Joram) roi de Juda (– 841) : «… Et fit ce qui déplaît à Yahvé » (2 R 8, 27). Toujours la même chose. Avoir d’autres dieux que Yahvé !
Jéhu roi d’Israël (– 841 – 814) : il tend un ignoble piège aux fidèles de Baal (2 R 10,18), mais il ne suit pas fidèlement ni de tout cœur la loi de Yahvé. (2 R 10, 29 à 31), car il continue à vouer un culte aux veaux d’or de Béthel et de Dan.
Joas (fils d’Ochozias) roi de Juda (– 835 – 796) : «… Les hauts lieux ne disparurent pas et le peuple continua d’y offrir sacrifices et encens » (2 R 12,3).
Joachaz roi d’Israël (– 814 – 798) : « Il fit ce qui déplaît à Yahvé » (2 R 13, 2).
Joas (fils de Joachaz) roi d’Israël (– 798 – 783) : « Il fit ce qui déplaît à Yahvé » (2 R 13, 11).
Etc. Etc. Etc. Etc. Etc. Etc. Etc. Etc. Etc. Etc. Etc. Etc. Etc. Etc. Etc. Etc. Etc. Etc. Etc. Etc.
Et ainsi de suite jusqu’à la première déportation en Babylonie.
À noter : à plusieurs reprises, à propos de ces rois, figure une mention du type : « Le reste des actes de… tout ce qu’il a fait… figure dans le livre des annales des rois d’Israël… dans le livre des chroniques de Juda et ainsi de suite ».
Ce qui prouve que le rédacteur de ces notices s’est servi, pour son travail, de documents écrits préexistants. Exit l’inspiration divine ! Place à la sélection des informations comme dans le journalisme et les médias d’aujourd’hui !
Durant cette période, la personnalité de Yaho/Yahou/Yhwh dieu-ou-démon d’Israël s’enrichit par confrontation/assimilation des fonctions caractéristiques d’autres divinités. À l’origine, Yahweh était un dieu-ou-démon guerrier : Yahweh Sabaot, « Yahweh des armées », celui qui libère son peuple. C’était aussi un dieu-ou-démon de la montagne et de l’orage. En s’installant en Cisjordanie, il va absorber par syncrétisme les divinités ancestrales de la région. Et par là même, Yahweh assumera donc les fonctions que la population locale attribuait à El, plus particulièrement El Elyôn « Dieu Très-Haut », créateur du ciel et de la terre, comme le montre Genèse 14, 19 et 22.
Le yahwisme monolâtre de l’époque monarchique s’est néanmoins heurté au culte de plusieurs dieu-ou-démons étrangers. Ainsi, sous le règne d’Achab, le culte exclusif de Yahweh en Israël fut-il menacé par la diffusion de celui du Baal de Tyr. La réaction du prophète Élie se manifeste lors de la joute du mont Carmel, à la frontière entre Israël et le royaume phénicien de Tyr ; le peuple doit choisir son dieu : Yahweh ou Baal (1 Rois 18, 21).
La victoire de la magie « druidique » d’Élie ayant fait long feu, ayant été de courte durée (il fut obligé de s’enfuir), l’exclusivisme officiel du culte de Yahweh sera rétabli par le coup d’État de Jéhu en 841 (2 Rois 10, 27), suivi, en 835, par celui du prêtre Yehoyada contre Athalie, à Jérusalem.
Au VIIe siècle, la domination assyro-araméenne entraîne la diffusion du culte des astres, attesté dans la sigillographie et dans la Bible. Le roi Manassé lui-même « se prosterna devant toute l’armée des cieux qu’il servit et lui éleva des autels dans les deux parvis du temple de Yahweh » (2 Rois 21, 3-5). Cependant, après la disparition de la domination assyrienne, la réforme de Josias « supprima ceux qui brûlaient de l’encens en l’honneur du soleil, de la lune, des constellations et de toute l’armée des cieux » (2 Rois 23, 5).
L’hérésie pouvait aussi venir d’Israël lui-même, avec deux tendances : la sacralisation exagérée de certains objets cultuels et la diversité des sanctuaires traditionnels.
Assez naturellement, la stèle et l’arbre sacré des sanctuaires traditionnels en sont venus à être tellement sacralisés qu’ils en devinrent presque des hypostases divines (vyouha dans l’hindouisme). Dans les inscriptions paléohébraïques de la première moitié du VIIIe siècle, l’ashérah, c’est-à-dire l’arbre sacré du sanctuaire, est mentionnée à côté de Yahweh dans les formules de bénédiction. « Je vous bénis par Yahweh de Samarie et par son ashérah » (inscriptions sur le site de Kountillet Ajroud et Khirbet el Qôm).
Développement d’un strict aniconisme. 1)
Cette évolution provoqua une vive réaction des intégristes du culte de Yahou qui aboutira aux réformes religieuses d’Ézéchias (2 Rois 18, 4) et de Josias (2 Rois 23, 6), codifiées dans Deutéronome 16, 21.
« Tu ne te planteras pas d’ashérah, d’un arbre quelconque, auprès de l’autel de Yahweh ton Dieu ».
« Tu ne t’érigeras aucune stèle que hait Yahweh ton Dieu ».
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On aura ainsi à un aniconisme plus strict que celui qui caractérisait le culte de Yahweh à l’origine, où même la stèle et l’arbre sacré furent interdits. La bénédiction sacerdotale de Nombres 6, incisée sur deux amulettes en argent de Ketef Hinnom, vers 600 avant notre ère, n’invoquera désormais que Yahweh seul, et plus son ashérah.
En bref et en résumé. Évolution de la religion yahviste durant l’époque royale (XIe-VIe siècles avant notre ère).
Seule la construction du temple à Jérusalem officialisera le culte de Yahweh comme dieu-ou-démon national rassemblant Israël et Juda. Un moment concurrencé par le sanctuaire de Béthel et celui de Dan, dont on peut voir encore aujourd’hui quelques restes.
Le haut lieu (Bamah) israélite de Dan.
Le tertre de la cité biblique de Dan est situé au nord-est du pays, au pied du mont Hermon. Le Dan, l’une des sources du Jourdain, jaillit au pied de ce tertre, qui s’étend sur quelque 20 hectares.
Au nord du tertre, surplombant la source, s’élevait l’enceinte cultuelle de la cité israélite de Dan. L’existence d’un centre cultuel à Dan est attestée par le texte biblique : « Les enfants de Dan érigèrent l’idole à leur usage… » (Juges 18, 30). Le haut lieu de Dan fut développé par Jéroboam 1er, roi d’Israël à la fin du Xe siècle avant notre ère.
Dans deux cités, Jéroboam 1er fit édifier des autels portant un taureau en or : « Il en mit un à Béthel, et plaça l’autre à Dan… et le peuple alla jusqu’à Dan rendre hommage à l’un des veaux ». (1 Rois 12, 29-30)
Ce sanctuaire occupait une superficie d’environ 60 x 45 mètres. Dans la vaste cour intérieure, enclose d’une muraille le long de laquelle il y avait des salles, un autel avait été érigé. Il fut restauré au milieu du IXe siècle avant notre ère par Ahab, roi d’Israël, qui avait fait ériger là un gigantesque haut lieu de dix-huit mètres sur vingt. Les murs extérieurs de ce haut lieu étaient bâtis avec d’immenses pierres de taille comprenant, entre les assises, une rainure contenant à l’origine une poutre de bois.
Au début du VIIIe siècle avant notre ère, durant le règne de Jéroboam II, un monumental escalier fut ajouté au côté septentrional de ce haut lieu, et l’on y édifia un autel de moindres dimensions. Dans l’une des salles bordant la cour d’enceinte, on a découvert trois pelles de fer (de 54 cm de long) ; que l’on peut considérer comme identiques à celles utilisées dans le Temple de Jérusalem pour retirer les cendres de l’autel.
Ce haut lieu fut détruit lors de la conquête de la cité par le roi d’Assyrie, en 722 avant notre ère. Bien que restauré peu de temps après, il ne retrouva jamais son importance première.
Les portes de la cité, ainsi qu’une importante section du mur de la Dan israélite, ont été mises au jour sur le côté septentrional du tertre. La porte intérieure, la mieux préservée, fournit un bon exemple de l’agencement des portes des cités israélites de l’époque biblique. Elle se compose de quatre salles de garde, distribuées deux par deux de chaque côté d’une ruelle pavée. Le seuil, constitué d’une énorme pierre de basalte, comprend un butoir et les gonds sur lesquels reposaient jadis les lourdes portes de bois.
Devant cette porte, cinq pierres brutes (d’une hauteur maximale de 60 cm) ont été découvertes. C’étaient des matzevot (pierres dressées) marquant l’emplacement d’un lieu cultuel. On peut évoquer dans ce contexte les actions du roi Josias : « Il fit abattre les hauts lieux des portes, placés à l’entrée de la porte de Josué, gouverneur de la ville » (2 Rois 23, 8).
Les formules de bénédiction de Kountillet Ajroud mentionnant « Yahweh de Samarie » et « Yahweh de Téman » ; révèlent aussi que l’association du dieu-ou-démon Yahweh à ses divers sanctuaires (comme dans le cas des innombrables Notre-Dame du catholicisme) oblitère le fait qu’il devait s’agir en principe de la même divinité. Cette évolution de la religion populaire entraîna donc la critique des sanctuaires locaux par certains intégristes ; et aboutit à leur suppression officielle lors des réformes d’Ézéchias ou de Josias (cf. aussi Deutéronome 12, 2-5), ainsi que semblent l’attester les fouilles de Beersheba et d’Arad. Cette opposition au culte yahviste des divers sanctuaires locaux explique l’insistance du Deutéronome sur l’unicité de la divinité retenue pour être celle de la nation juive : « Yahweh notre dieu est un » (Deutéronome 6, 4). La centralisation du culte au temple de Jérusalem mit en valeur cette unité.
Le temple de Yahvé à Jérusalem, dont nous a peut-être été conservée une partie du mur de soutènement oriental ; rassemblera de nouveau Israéliens du Nord et Judéens du Sud pour les « fêtes de pèlerinage » après la chute du royaume du Nord en – 722.
La destruction de ce Temple en – 587, en supprimant ce dernier point d’ancrage du yahwisme ancien, conduira les juifs exilés à franchir une nouvelle étape ; aboutissant cette fois-ci enfin peut-être à un vrai monothéisme universel, déjà visible dans le Deutéro-Esaïe, vers – 550 – 539 (Esaïe 43, 10-11 ; 44, 6-8).
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C’est donc l’approfondissement de l’aniconisme dans le contexte de l’Exil babylonien qui semble avoir, et lui seul, permis le passage de la monolâtrie des origines mosaïques au monothéisme stricto sensu ; c’est-à-dire à l’idée que Yahweh est le seul Dieu ou Démiurge, dominant l’univers, bien qu’ayant toujours des préférés (voir la notion de peuple élu).
1. Attention ! Attention ! Lorsqu’il est imposé et aboutit à la suppression de toute représentation, l’aniconisme devient iconoclaste, cas par exemple des deux religions de masse dites abrahamiques et des deux périodes iconoclastes de l’Empire byzantin.
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ANNEXE N° 10.
L’AVENIR D’UNE PSYCHOSE (Die Zukunft einer Illusion.1927).
Ce qu’il y a de plus caractéristique dans l’interprétation psychanalytique de la religion n’est pas le fait qu’elle considère celle-ci comme une réponse à la détresse de l’adulte ; mais bien plutôt le fait qu’elle relie cette dernière à la détresse de l’enfant, et, par-là, au « complexe paternel », dont il a déjà été question dans Totem et Tabou de Freud. En d’autres termes, la religion est la répétition d’un phénomène infantile. C’est en cela qu’elle est névrotique.
Moïse et le Monothéisme, auquel Freud consacra les dernières années de sa vie, ne fait qu’appliquer au judaïsme les opinions antérieures de Freud sur les phénomènes religieux, comparables aux symptômes névrotiques individuels, ancrés dans le « complexe paternel ». Dans son « Moïse », cependant, Freud insiste davantage sur un aspect qui avait déjà été souligné dans « Totem et Tabou », c’est-à-dire le noyau historique, le noyau de vérité de la religion. Ce noyau historique consisterait en ce que Moïse, prince égyptien partageant la foi d’Akhénaton en un Dieu ou Démiurge unique, a été assassiné dans le désert. Ses assassins réussirent, grâce à leur rencontre avec un autre peuple adepte du culte d’un Dieu conquérant et assoiffé de sang, à refouler leur première religion, ainsi que le souvenir de leur meurtre et le souvenir du fondateur de leur religion. Apparut ensuite un phénomène bien connu en psychanalyse : le retour du refoulé, qui s’exprime dans les espoirs messianiques de la fin de l’exil. C’est le repentir du meurtre de Moïse qui a provoqué le fantasme du désir d’un Messie. C’est également le retour du refoulé qui, après une période de latence, fit que le judaïsme devint de plus en plus semblable à la religion de l’Égyptien Moïse ; et que le Dieu-ou-démon du judaïsme (Yaho/Yaho/Yhwh) devint de plus en plus semblable à l’ancien Dieu-ou-démon égyptien Aton.
Le retour du père primitif (refoulé) s’accompagne donc, chez les juifs, d’un retour du sentiment de culpabilité (refoulé) lié au meurtre du père. En somme, il y aurait, chez l’individu et dans tout un peuple, des traces mnésiques héréditaires ou phylogénétiques, qui feraient en sorte que des événements archaïques (comme le meurtre d’un père primitif, le « péché originel ») continuent d’agir.
Du coup, se justifie l’approche freudienne de la religion en général, et du judéo-christianisme en particulier, approche qui, depuis Totem et Tabou, assimile le phénomène social de la religion au phénomène individuel de la névrose et du délire.
Il est vrai que les Églises et les religions sont marquées par ce que Freud y a décelé. L’infantilisme, mais aussi le paternalisme et le maternalisme, rituels obsessionnels et illusion de sentiments sublimes, lois morales hypocrites, toutes choses vis-à-vis desquelles les « élites » peuvent prendre leur distance, mais qui accablent les plus culturellement démunis.
En fait, Freud substitue une mythologie à une autre mythologie. Aux mythes du Dieu créateur, du bonheur primitif, de la faute d’Adam et Ève, de l’intervention de Dieu dans l’Histoire humaine, Freud substitue les mythes du meurtre du père primitif, de la horde des frères, du meurtre de Moïse…
Nous pensons, avec beaucoup de psychanalystes freudiens, que l’hypothèse du meurtre du père primitif, de la horde des frères, de même que l’hypothèse du meurtre de Moïse au désert ; ne résiste pas au progrès de l’anthropologie, pas plus qu’ils ne résistent à la réflexion des psychanalystes. 1)
1. Quant au Dieu qui ne serait pas celui de la religion [judéo-chrétienne], au Dieu des philosophes grecs, Freud n’en pense pas grand bien non plus. Selon lui les philosophes étendent et élargissent tellement le sens des mots que ces derniers finissent par ne plus rien posséder de leur signification originelle. Ils appellent Dieu une vague abstraction qu’ils se sont fabriquée, puis se posent alors en déistes, en croyants, devant l’univers. Ils peuvent même se vanter d’avoir atteint à une conception de Dieu plus élevée, plus pure ; bien que leur Dieu ne soit plus, en réalité, qu’une ombre sans consistance, et n’ait plus rien de la personnalité puissante de la doctrine religieuse [judéo-islamo-chrétienne] primitive.
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ANNEXE N° 11.
LES DÉRIVES SECTAIRES.
Maudit soit celui qui ferait trop négligemment la tâche de Dieu. Maudit soit celui qui prive son épée de sang (Jérémie. 48,10).
Il convient ici de soulever le problème des sectes religieuses dans le judaïsme.
Les Haredim vivant dans les pays hors Israël ont normalement un travail (salarié ou profession libérale), et sont donc contraints par les réalités économiques d’accepter un certain degré d’ouverture au monde. Les sociologues ont noté que ceux qui émigraient en Israël (on en compte plusieurs dizaines de milliers sur les 30 dernières années) avaient parfois des tensions sur ce point avec les Haredim israéliens. Les hassidim de Loubavitch, également, montrent une certaine ouverture, et ne craignent pas d’apparaître à la télévision, tout comme les Haredim séfarades du Shass.
Beaucoup de courants Haredim israéliens (surtout ashkénazes) sont plus réservés. La modernité technique est acceptée. Mais la télévision, la mixité restent objets de méfiance ou de refus. Il a quand même été noté que l’éducation des jeunes filles s’était beaucoup développée dans ces groupes par rapport à la situation du début du XXe siècle.
Enfin, un troisième courant, très minoritaire, rejette largement cette modernité, et considère que les Haredim classiques sont devenus trop laxistes. Ces groupes sont surtout ceux de la Edah Haredit. L’éducation des filles y est par exemple volontairement maintenue à un niveau très primaire.
En conclusion. Si la méfiance à l’égard de la « modernité » fait consensus, le degré de cette méfiance est néanmoins variable. La méfiance commune face à la modernité (surtout sociale et politique) conduit à des prises de position allant d’assez larges accommodements à une hostilité farouche et c’est dans ce cas-là évidemment qu’on peut avoir des dérives sectaires.
Il importe donc de bien comprendre le soubassement idéologique des Haredim pour lutter efficacement contre de tels embrigadements. C’est un réel problème de société, qui peut un jour ou l’autre se révéler menaçant pour notre démocratie.
Il subsiste encore dans les pays démocratiques des individus obscurs qui sont persuadés de l’utilité de la restauration d’un régime théocratique. Ces hommes sont très dangereux, car ils manipulent les faibles par leurs paroles démagogiques. Ne croyons pas prétentieusement que la bataille contre l’obscurantisme religieux est terminée, ce serait une grave erreur ! Les obscurantistes de toutes les religions sont encore bien présents, les islamistes, les christianistes, et dans le cas qui nous intéresse présentement, les judaïstes ou sionistes religieux. L’orthodoxie juive est une menace silencieuse, mais elle est bien réelle. Les judaïstes profitent en effet de l’intérêt des médias et des autorités étatiques concernant le phénomène islamiste pour insidieusement propager leur enseignement.
Comme partout ailleurs il existe divers segments de marché. Pour se démarquer de la concurrence intégriste, les judaïstes préfèrent diffuser leurs enseignements le plus légalement du monde. Ils se servent de la laïcité, qui tolère la liberté de culte, pour créer des associations religieuses, en apparence normales. Ils profitent de la respectabilité du judaïsme, due à un passé tragique, et de la peur des médias d’être considéré comme antisémite, pour développer librement leurs sectes. En effet, peu de personnes osent s’attaquer au judaïsme de peur d’être traînées devant les tribunaux pour antisémitisme, ou incitation à la haine raciale, et les sectes intégristes bénéficient donc de cet avantage pour prospérer.
Parmi les sectes judaïstes les plus dangereuses répertoriées à ce jour, il y en a une qui devrait attirer toute notre attention, c’est celle des Loubavitch ou hassidim. La secte des Loubavitch comporte en son sein des ingénieurs, des informaticiens, des financiers. À l’image de l’Église de Scientologie, la secte est alimentée par des hommes haut placés. De profondes ramifications existent entre les groupes de pression financiers, américains, européens et israéliens, d’une puissance bien trop souvent sous-estimée par les pouvoirs publics. Les écoles Loubavitch sont autorisées, car leurs statuts correspondent aux critères établis par les États en ce qui concerne les écoles privées religieuses. Profitant de cela, ces écoles véhiculent librement en leur sein des idéologies extrémistes pernicieuses, comme le culte du peuple élu, la messianité du peuple juif, ainsi qu’une forme de haine d’autrui déguisée en dévotion envers Dieu. Les élèves de ces écoles sont soumis quotidiennement à un véritable conditionnement idéologique, qui façonne leurs esprits malléables, à une pensée unique
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et liberticide. Ils subissent un véritable lavage de cerveau, en commençant par les prières, véritables fléaux, et en continuant par l’étude de lois discriminantes, pour terminer en un mysticisme élaboré autour du culte du sauveur et un ethnocentrisme débordant. Les professeurs continuent à faire croire à l’enfant qu’il est un élu de Dieu et qu’il doit accomplir la volonté de Dieu sur Terre. Une forme de haine d’autrui est bien véhiculée, elle n’est pas explicite, mais elle est implicitement suggérée dans l’étude des textes sacrés, et les commentaires dogmatiques qu’en font les autorités religieuses pour asseoir leur pouvoir sur la communauté.
Ces sectes tentent par une propagande fallacieuse d’inviter le plus de personnes possible à venir étudier avec eux. Ils acceptent même les conversions pour cela, en partant du principe qu’il faut le plus d’âme/esprits possible pour étudier la Torah afin que le Messie vienne sur Terre ramener tout le peuple juif en terre sainte. Et détruire ses ennemis, comme il est écrit : « Ésaü… à cause de ta violence contre ton frère Jacob, tu seras couvert de honte, et tu seras exterminé pour toujours. Car le jour de l’Éternel est proche, pour toutes les nations ; il te sera fait comme tu as fait, tes œuvres retomberont sur ta tête. Mais le salut sera sur la montagne de Sion, elle sera sainte, et la maison de Jacob reprendra ses possessions. La maison de Jacob sera un feu, et la maison de Joseph une flamme ; mais la maison d’Ésaü sera du chaume, qu’elles allumeront et consumeront ; et il ne restera rien de la maison d’Ésaü, car l’Éternel a parlé. Des libérateurs monteront sur la montagne de Sion, pour juger la montagne d’Ésaü ; et à l’Éternel appartiendra le règne » (Abdias 1, 10 à 21).
Les enfants d’Ésaü représentent les ennemis du peuple juif. C’est une véritable bombe à retardement, car des Igal Amir potentiels sont ainsi formés dans ces écoles. Le lavage de cerveau est très puissamment utilisé, ce qui en fait des machines à pensée unique. Pour le moment, ne se sentant pas principalement menacées, ces sectes ne s’activent pas ouvertement, mais les individus qui œuvrent en leur sein ne sont en aucun cas différents des islamistes du 11 septembre 2001. Il faut dénoncer à tout prix ce type d’orthodoxie, que l’État surveille leurs agissements, et surtout sanctionne une telle éducation, qui va en réalité à l’encontre des valeurs propres à un régime démocratique. C’est une insulte aux droits universels des êtres humains.
Il est urgent de s’en préoccuper avant qu’il ne soit trop tard, pour qu’enfin nous puissions tous vivre ensemble sur cette planète. Et que les différences issues des peurs et des ignorances des Hommes ne puissent plus affaiblir les valeurs de paix et d’harmonie qui nous sont chères.
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ANNEXE N°12.
GUERRE ET PAIX VOÏNA Y MIR.
L’interdit : « Tu ne tueras point » s’applique uniquement « au cas du juif qui tue un autre juif » écrivent les rabbins Isaac Shapira et Yosef Elitzur de la colonie de Yitzhar en Cisjordanie. Les non-juifs sont « insensibles par nature » et les attaques contre eux « réfrènent leurs mauvais instincts », les nourrissons et les enfants des ennemis d’Israël peuvent être tués, car « il est évident qu’ils ne grandiront que pour nous nuire ».
Ces deux rabbins ayant jugé bon de se référer à Maimonide pour disserter sur la guerre, il nous a paru judicieux de revenir ici sur le sujet.
Rappelons que ce qui nous intéresse particulièrement dans ce livre, ce n’est pas ce que l’on peut en déduire pour les conflits actuels, mais la façon dont l’Ancien Testament ou Bible juive répondait à propos des guerres de l’Antiquité.
Le livre intitulé Torath Hamelekh (ou la Torah du roi) est une analyse des textes de la Torah concernant l’attitude halakhique adéquate en temps de guerre envers les goyim. Est-ce que tuer un civil du camp ennemi par exemple en temps de guerre est considéré comme un meurtre ? Qui doit-on épargner ou qui doit-on mettre à mort ? La question des prisonniers…
C’est surtout dans le Deutéronome, que se trouvent concentrées les premières conceptions de la guerre. La Bible désigne ainsi le Dieu d’Israël comme le guerrier par excellence (Exode), vaillant au combat (Psaumes), qui s’avance comme un héros, comme un guerrier (Isaïe) et marche à la tête de son armée (Psaumes). Les guerres d’Israël sont celles de Dieu ou du Démiurge, d’où la présence symbolique de l’arche d’Alliance, transportée sur le champ de bataille, du temps de Moise (Nombres) et, plus tard, pendant la période monarchique (Isaïe).
Les règles guerrières inscrites dans le Deutéronome sont amplifiées dans la partie du Talmud appelée Michnah :
Selon la Michnah, il existe trois catégories de guerre.
— Obligatoire en cas d’attaque de l’ennemi.
— Optionnelle, à visée politique exclusivement.
— Prescrite par Dieu et la Torah, dite aussi « de Mitsvah ».
— La première catégorie, surtout à l’époque de la rédaction du Talmud, limitée à la destruction d’Amaleq et des nations cananéennes, est obsolète pour le judaïsme libéral, toujours d’actualité pour le judaïsme ultra-orthodoxe des colonies juives en Cisjordanie apparemment.
— Les guerres optionnelles, menées pour élargir le territoire et repousser les frontières, ou encore améliorer son économie, ne pouvaient être décidées que par le roi, et avec le consentement du Sanhédrin.
— Les guerres prescrites par Dieu ou guerres de Mitsvahh sont ces fameuses guerres saintes où tous les interdits bibliques sont levés.
Les diverses tentatives de datation de la notion de guerre sainte, la font remonter à l’époque de l’installation en Palestine des tribus d’Israël contée dans les livres de Josué ou des juges.
Comme Dieu était censé être invincible, si son armée sur le terrain était vaincue, il ne pouvait s’agir que de la conséquence d’un manquement du peuple, même partiel, à l’Alliance. Par exemple, une incroyance quelconque. Et nombre d’efforts de l’élite religieuse pour comprendre la raison de ces défaites sont sans doute à l’origine de nombreuses prescriptions religieuses, aboutissant à un réseau serré de contraintes et d’interdits. La mise par écrit des traditions ou des légendes à ce sujet fut aussi une réinterprétation de l’Histoire d’Israël par les milieux prophétiques, qui précisément alors en donnent une image négative. On voit alors le thème de la guerre utilisé de deux manières.
— L’une positive, qui consiste à magnifier les combats anciens en montrant la présence de Yahvé au côté d’Israël victorieux (Exode, Deutéronome, Josué, Juges, Samuel). C’est le discours de Moise qui contient une véritable codification de la guerre.
— L’autre négative, expliquant les défaites contemporaines des royaumes hébraïques par la colère de Yahvé contre son peuple infidèle. Ce sont les imprécations des Prophètes.
Parmi les diverses prescriptions liées à la guerre dans la Bible figure le herem, qui consistait à jeter l’interdit sur certains ennemis et faire le vœu de les détruire entièrement, personnes et biens, en cas
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de victoire. Cette pratique se trouve plusieurs fois attestée. Ainsi dans Nombres : « Alors Israël fit ce vœu au Seigneur : si tu consens à livrer ce peuple entre mes mains, je vouerai ses villes à l’interdit », ou dans Josué à propos de Jéricho » (…) Le Deutéronome précise même les peuples pour lesquels il faut appliquer le herem : « Mais les villes de ces peuples-ci, que le Seigneur te donne en héritage, sont les seules où tu ne laisseras subsister aucun être vivant. En effet, tu voueras totalement à l’interdit le Hittite, l’Amorrite, le Cananéen, le Perizzite, le Hivvite et le Jebusite, comme le Seigneur ton Dieu te l’a ordonné, afin qu’ils ne vous apprennent jamais à vous comporter suivant leur manière abominable d’agir pour leurs dieux : vous commettriez un péché contre le Seigneur votre Dieu » (20,16-18).
C’est parallèlement, semble-t-il, à cette glorification, que la vision négative se propage, par l’activité des Prophètes. Cette nouvelle interprétation est organiquement liée à la précédente, puisque dans un cas comme dans l’autre, Yahvé/Yahu manifeste sa présence dans la guerre et qu’il châtie ceux qui se détournent de son culte.
Pourtant le ton pathétique qui retentit dans les oracles lancés (après coup évidemment) contre Israël évoque un plus haut sens moral que les cris de victoire des Hébreux massacrant leurs ennemis.
L’évolution de la société d’Israël vers une sédentarisation accrue, qui s’accompagne de l’abandon de certaines prescriptions (touchant l’alimentation par exemple, ou les temps obligatoires de prières) provoqua sans doute la colère d’abord d’une partie des élites religieuses, qui interprétèrent les défaites comme des châtiments contre les différents manquements. Comment, quand on croit au dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, ne pas lier l’imminence de la destruction des royaumes juifs du nord et du sud avec la colère de Yahvé qui veut punir l’infidélité de son peuple ?
Après la conquête romaine et la destruction de Jérusalem, c’est dans les différentes composantes de la diaspora juive que se développent les perceptions de la guerre… et de la paix.
L’établissement de l’État d’Israël changera bien entendu radicalement la donne, après l’holocauste nazi, mais pas pour toutes les communautés juives, qui réagissent très différemment.
La plupart des milieux orthodoxes ont considéré la guerre d’indépendance d’Israël (1948-1949) comme une guerre justifiée. Toutes les guerres ultérieures d’Israël ont reçu la même approbation, à l’exception de la guerre du Liban, en 1982, au sujet de laquelle l’opinion religieuse était divisée ; selon certaines autorités, il s’agissait d’une guerre optionnelle, menée pour des raisons qui dépassaient la légitime défense.
Les rabbins Itzhak Shapira et Yosef Elitzur ont compilé dans le Talmud et d’autres sources rabbiniques, notamment Maïmonide, les passages et les Lois afférentes aux conflits qui opposaient le peuple d’Israël aux Nations qui l’entouraient.
En ce qui concerne Maïmonide, ci-dessous les lois en question sur la dhimmitude ou la guerre.
Michné Torah : Hilkhot Melakhim. Lois des Rois et de leurs guerres.
Chapitre VI.
Partie dhimmitude des lois sur la guerre.
On ne fait pas la guerre à quiconque avant de lui avoir fait des propositions de paix, aussi bien pour une guerre facultative que pour une guerre sainte (de Mitsvah), ainsi qu’il est dit dans le Deutéronome (20,10) : « Lorsque tu t’avanceras vers une ville pour la combattre, tu feras une proposition de paix ».
S’ils ont accepté et ont adopté les sept lois ordonnées aux fils de Noé 1), on ne peut tuer aucun d’entre eux et ils sont soumis au tribut, comme il est dit également ibid. 11 : « Ils te seront redevables et te serviront ».
S’ils ont accepté de payer le tribut, mais pas l’assujettissement, ou qu’ils se sont soumis, mais refusent de payer le tribut, on ne pactise en aucune façon avec eux jusqu’à ce qu’ils acceptent ces deux choses-là.
La soumission qu’ils doivent accepter, c’est d’être au plus bas niveau, de ne pas s’élever au-dessus d’Israël, et de leur être dépendants. Ils ne pourront jamais être nommés à une fonction sur Israël.
Le tribut auquel ils se plient, c’est d’être à la disposition des travaux royaux, tant par leur personne que par leurs biens, comme la construction des murailles et la fortification des citadelles, la construction du palais du roi et les travaux semblables, ainsi qu’il est dit dans 1 Rois 9,15-22 : « Voici le compte-rendu de l’impôt levé par le roi Salomon pour construire la maison de Dieu, son palais, le quartier du Millo et la muraille de Jérusalem… et toutes les villes d’approvisionnement de Salomon… tout le peuple qui survivait d’entre les Amoréens… Salomon les avait asservis au tribut jusqu’à ce jour et d’entre les enfants d’Israël, aucun n’était asservi, car ils étaient les soldats, ses serviteurs, ses princes, et ses capitaines et les commandants de ses chars et de sa cavalerie ».
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Le roi leur pose comme condition de confisquer la moitié de leurs biens : soit leurs terres et il leur laisse les biens mobiliers, soit leurs biens mobiliers et il leur laisse leurs terres selon les conditions qu’il dicte.
Il est interdit de manquer à ce pacte après qu’ils ont fait la paix puis accepté les sept mitsvot (lois).
Fin de la partie dhimmitude de ces lois.
S’ils ont refusé ce pacte, ou qu’ils ont l’accepté sans prendre l’engagement de respecter les sept lois, on leur livre combat et on tue les hommes adultes, on capture leurs biens leurs femmes et leurs enfants…
Dans quelles circonstances agit-on ainsi ? Lors d’une guerre optionnelle de conquête au détriment des autres peuples. Des sept peuples ou Amalek qui refuseraient ces conditions de paix, on n’en laisse pas un seul ainsi qu’il est dit ibid. 20, 15-16…
D’où savons-nous que ces deux textes ne concernent que ceux qui auraient refusé d’accepter ces conditions ? Parce qu’il est écrit dans le livre de Josué 11,19-20 : « Et il n’y eut pas une ville pour faire la paix avec les enfants d’Israël à l’exception des Hivvites de Gabaon ; tout fut conquis par les armes. C’est de Dieu que leur provenait ce courage d’affronter les enfants d’Israël, afin qu’ils y soient exterminés ». Ce texte montre donc qu’on leur avait proposé une paix qu’ils avaient refusée.
……………
Lorsqu’on fait le siège d’une ville pour la prendre, on ne l’entoure pas des quatre côtés, mais de trois côtés, on laisse une sortie pour les fuyards et tous ceux qui veulent sauver leur vie, ainsi qu’il est écrit dans Nombres 31,17 : « Car ils menèrent le combat contre les Madianites selon les prescriptions données par Dieu à Moïse ».
Le texte même nous enseigne que Dieu avait édicté des règles à ce propos.
On ne coupe pas les arbres fruitiers autour de la ville, et on n’en détourne pas l’irrigation pour les assécher, ainsi qu’il est dit dans Deutéronome 20,19 : « Tu n’en détruiras pas les arbres », et celui qui les coupe subit la flagellation.
Ce n’est pas seulement lors d’un siège, mais en toutes circonstances, celui qui coupe un arbre fruitier dans un but destructeur, est flagellé.
Mais on peut le couper si cet arbre nuit à d’autres arbres, ou qu’il nuit au champ du voisin, ou si c’est un bois de valeur. La loi n’interdit que l’abattage qui serait un acte destructif…
…………………
Il est interdit de faire ses besoins naturels à l’intérieur du camp ou dans un endroit quelconque en plein champ et il est impératif de préparer un chemin réservé pour s’y libérer, ainsi qu’il est dit dans Deutéronome 23,13 : « Tu aménageras donc à l’extérieur du camp un lieu pour cela ».
De même, il est aussi prescrit que chacun ait une bêche parmi ses instruments de guerre et il ira donc avec vers ce lieu où il creusera un trou pour faire ses besoins, puis le recouvrira, ainsi qu’il est dit ibidem 14 : « Tu auras une bêche parmi tes armes ».
Notre commentaire : tant d’intelligence consacrée pour en arriver à justifier de telles aberrations musulmanes avant la lettre, c’est désespérant ! La religion rend fou. Le livre intitulé Torath Hamelekh (ou Torah du roi) des rabbins Itzhak Shapira et Yosef Elitzur reprend les règles religieuses prescrites en vue de la conquête de la terre promise dont le révérend Père Dom Augustin Calmet avait jadis écrit : « Cette guerre fut terrible et bien cruelle, et si Dieu ne l’avait commandée, on ne pourrait qu’accuser Moïse d’injustice et de brigandage ». Dom Antoine Augustin Calmet dictionnaire de la Bible. À propos de la guerre « sainte » (en fait de mitsvah) contre les malheureux Madianites.
Mais voilà, sans être totalement matérialiste athée, ce qui est certain et nous le revendiquons et nous en sommes fiers, c’est qu’en ce qui concerne le dieu d’Abraham d’Isaac et de Jacob, nous sommes totalement athées. Un tel dieu, un dieu comme celui dont le portrait se dégage de cette partie de la Bible, ne saurait exister.
Le Dieu des philosophes est un absolu impersonnel et théorique. Le Dieu des philosophes représente en général la cause première de l’univers et la perfection. Il ne détient son existence d’aucune autre source que de lui-même. Il n’est donc la résultante d’aucune révélation ni d’aucun acte de foi. Pour les philosophoi, Dieu est un principe abstrait que la raison, sous la forme du discours philosophique, tente de comprendre. Chaque philosophos insiste ainsi sur certains des attributs de Dieu, en fonction de la thèse qu’il entend défendre.
1) Interdiction de l’idolâtrie. Interdiction du meurtre. Interdiction du vol. Interdiction de l’inceste ? Interdiction de blasphémer. Interdiction de consommer la chair d’un animal vivant. Obligation de se doter de tribunaux et de lois régissant la cité.
En ce qui concerne le meurtre, le vol et l’inceste, nombre de peuples n’avaient pas en réalité attendu cette révélation pour les prohiber. Qui osera dire que chez les Sumériens par exemple, les règles de
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base de la vie sociale étaient : tu déféqueras n’importe où, tu tueras, tu voleras, et tu coucheras aussi avec ta sœur. Quant à l’Égypte, le tabou de l’inceste n’était levé qu’en ce qui concerne les pharaons. Par contre, s’agissant de l’idolâtrie et du blasphème, il va de soi que tout homme ayant une religion autre que celles des juifs (y compris les chrétiens ou les musulmans) pouvait être concerné par une telle accusation.
ANNEXE Nº 13.
JUIFS ET NON-JUIFS AUJOURD’HUI.
Ce texte a pour point de départ les réflexions partagées par quelques amis que préoccupait la difficulté, dans notre pays, de s’entendre entre juifs et non-juifs. Ils se sont interrogés sur le malaise, la blessure ressentie, à voir l’incompréhension persister : juifs éprouvant le sentiment d’être étranger parmi leurs concitoyens, non-juifs choqués de voir des juifs de ce pays se définir en face, voire contre eux.
L’objet du malaise à travers ses manifestations.
— L’antisémitisme répandu chez une grande partie de nos concitoyens d’origine arabe et l’aveuglement devant ces phénomènes, longtemps niés, ou jugés comme exprimant une solidarité avec les Palestiniens.
— La rupture entre les juifs et les non-juifs sur le conflit israélo-palestinien depuis l’échec du processus de paix.
[Note de la rédaction. Rappelons néanmoins que le peuple palestinien est, lui aussi, un peuple martyr, ayant droit à une patrie et à un État ; et qu’avoir un seul État démocratique pacifique et laïc, en Palestine, au lieu de deux, Israël et un État arabe cisjordanien, nécessairement rivaux voire antagonistes ; était ou reste encore un idéal non déshonorant].
Comprendre comment s’est produit l’éloignement, nommer les valeurs et les aspirations qui nous rendraient, juifs et non-juifs, heureux de vivre ensemble, dans le même pays, cela est-il possible ?
Les incompréhensions et même les sentiments hostiles qui nous affectent sévissent sur un fond d’incapacité historique, incapacité dont la pauvreté de notre réflexion sur l’extermination industrielle de masse perpétrée à partir de 1942 par les socialistes nationaux allemands nous semble la clé.
Le judaïsme s’est trouvé au centre de la redéfinition de l’existence commune, avec la prise en compte de cette extermination comme clé de voûte des systèmes de valeurs dominants (« Plus jamais ça ! ») ; mais sans qu’à la conscience difficilement acquise de cette extrémité réponde aucun projet. La mémoire du génocide des cinq millions de juifs dénombrés par les évaluations les plus sérieuses est une référence toute négative ; c’est un génocide sinon sans juif, du moins sans judaïsme ; un crime abominable et absurde, imputable à presque tout le monde, qui nous sert de repoussoir, mais dont nous ne pensons rien. C’est cet oubli, bien moins des faits que de leur sens, qui a fait que la mémoire de l’extermination est devenue une « mémoire négative », d’une négativité écrasante, avec des conséquences dont nous n’arrivons pas à nous dégager.
Comment, en effet, ne pas voir le lien direct entre le « nouvel antisémitisme » et la crise des identités nationales ? La vision émancipatrice de la Nation a cessé d’être le moteur de la culture occidentale, et le nationalisme est devenu un mal à combattre en toutes circonstances. Une ivresse postnationale qui se retourne aujourd’hui contre le peuple juif lui-même.
C’est donc en faisant un contresens tragique que certains juifs ont cru il y a peu à la possibilité d’une alliance entre l’affirmation identitaire juive et l’exaltation de l’Autre contre la Nation.
[Note de la rédaction. Rappelons en effet que si le chauvinisme doit être extirpé de nos réflexes ; le concept de nation rassemblant et fédérant en une même culture des ethnies toutes parentes, mais toutes différentes, unies par un minimum de valeurs de base : Histoire et destins communs, communauté de langue, de culture, etc. ; reste un idéal non déshonorant].
Cette incompatibilité n’est pas naturelle, mais conjoncturelle, nous sommes devant la réaction maladive à une situation d’impasse : accablement et rancœur contre des juifs parfois drapés dans un exceptionnalisme stérile. La réponse ne peut donc qu’être essentiellement de l’ordre de la créativité politique et morale.
Note de la rédaction. Nous reconnaissons humblement ne pas très bien comprendre ce que veut dire exactement l’expression « accablement et rancœur, etc. » sous la plume de ces intellectuels. Nous ne voyons pas en effet en quoi trouver stérile le fait de se draper dans une permanente exception, ce qui revient à croire que l’on n’est pas des humains comme les autres ; pourrait susciter des sentiments aussi forts que l’accablement et la rancœur contre les juifs alors qu’agacement et compassion suffisent largement. Mais il est vrai que nous ne sommes ni philosophes ni intellectuels. Et que la
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langue de Molière n’est pas toujours facile à comprendre même si nous nous y efforçons depuis quelques décennies.
ANNEXE N° 14.
RAPPEL À PROPOS DU NÉCESSAIRE NON-RACISME QUI DOIT MIEUX QUE MAÏMONIDE GUIDER TOUTE GRANDE IDÉE !
Que ce soit le judaïsme, l’antijudaïsme, le monothéisme, le polythéisme, l’athéisme, le néopaganisme !
Commençons tout d’abord par le commencement ! N’en déplaise aux mystiques, aux illuminés, ou aux ultra-orthodoxes du genre du général Eitan, les Hébreux n’ont pas été des extraterrestres installés sur Terre, et Abraham n’était pas pilote d’ovni ou de soucoupe volante.
C’étaient des êtres humains, comme les autres, appartenant à des familles de peuples connus, et partageant donc nécessairement avec eux leur civilisation.
S’il y a une langue sans équivalent connu sur terre, c’est le sumérien ! L’hébreu, lui, est une langue sémite comme les autres. La culture d’Abraham, Isaac ou Jacob (leurs concepts religieux, théologiques ou moraux) n’était qu’un lointain rameau de la civilisation mésopotamienne adapté au mode de vie plus rustique et moins urbain des tribus nomades de la région. (La grande innovation de la civilisation sumérienne fut en effet la ville). Rien ne prouve le caractère résolument novateur ou l’origine non humaine de leurs principaux concepts moraux, voire théologiques ; surtout pas le soi-disant monothéisme du prince égyptien que fut peut-être Moïse (s’il a bien existé) ; car la seule vraie révolution monothéiste de la région fut celle du pharaon Akhénaton, vers – 1730 – 1354 avant notre ère. Elle fut néanmoins non de type inclusif comme le dans le cas du dieu des philosophes grecs ou des druides celtes voire des dicastes galates, cités par Clément d’Alexandrie dans ses Stromates, mais de type exclusif donc en réalité monolâtre.
Répétons-le encore une fois : le chromosome d’Abraham n’existe pas ! Abraham, Isaac, et Jacob, s’ils ont existé, ne pouvaient qu’avoir la culture des hommes de leur temps ou de leur région ; seule la célébration du sabbat, peut-être, les distingua du reste de la population ; et encore, ce n’est même pas sûr !
Yehezkel Kaufman a donc complètement tort d’affirmer « La religion israélite fut une création originale du peuple d’Israël. Elle était absolument différente de tout ce que le monde païen connaissait ; sa vision monothéiste du monde n’a aucun antécédent dans le paganisme ».
Le préjugé racial ou ethnique est un préjugé universel. Philosémites et antisémites sont d’accord sur la doctrine, ils ne se séparent que lorsqu’il s’agit d’attribuer la suprématie.
Si l’antisémite reproche au juif de faire partie d’une nation étrangère et vile, l’ultra-orthodoxe juif, lui, par contre, s’accroche à son idée de nation élue par Dieu. Il attache à cette pseudonoblesse la plus haute importance, et maintenant encore il en ressent une grande fierté.
Il proteste contre les terroristes arabes qui voient en lui le représentant d’une nation étrangère campée sur leurs terres, mais il n’en garde pas moins au fond de lui-même cette conviction justifiant son droit à une terre promise.
Il est possible que les Troyens aient été des Sémites et alors ?
L’idée de la supériorité sémite n’est en aucune façon justifiée, pourtant il s’est trouvé des théoriciens pour l’affirmer. D’après eux les Sémites auraient été une race supérieure, la fleur de l’Humanité, et tout ce qu’il y avait de bien chez les Aryens en aurait donc été issu.
Ceci est une idée terriblement dangereuse, car elle contribue à entretenir la croyance en une hiérarchie des races. Voir à ce sujet l’ouvrage du Français Arthur de Gobineau sur l’inégalité (des civilisations).
Il y a, certes, des nations qui, dans certaines conditions particulières, ont fondé des empires plus puissants et des civilisations plus durables. Certains peuples se sont trouvés dans des conditions géographiques, climatiques et historiques, plus favorables que celles dont jouissaient les autres.
Mais les peuples qui ont compté le plus dans l’histoire religieuse de l’Humanité, nous l’avons vu, ne furent ni des Sémites ni des Aryens, mais les Sumériens et les Égyptiens.
CHAPITRE X.
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« … Les documents nous manquent pour déterminer l’ethnologie des Béné Israël nomades, mais il est probable que les douze tribus qui, selon les traditions, composaient ce peuple, n’appartenaient pas à une souche unique ; c’étaient sans doute des tribus hétérogènes, car, pas plus que les autres nations, la nation juive ne peut se vanter, en dépit de ses légendes, d’avoir été engendrée par un couple unique, et la conception courante qui représente la tribu hébraïque se divisant en sous-tribus n’est qu’une conception légendaire et traditionnelle, celle de la Genèse qu’ont acceptée, à tort, une partie des historiens des Hébreux… Plus tard, Gog et Magog, les Scythes, en venant sous Josias aux portes de Jérusalem, laissèrent peut-être leur trace en Israël. Mais c’est à partir de la première captivité que les mélanges augmentent. « Pendant la captivité de Babylone, dit Maïmonide, les israélites se mêlant à toutes sortes de races étrangères, eurent des enfants qui, grâce à ces alliances, formèrent une sorte de nouvelle confusion des langues », et cependant cette Babylonie, dans laquelle il existait des villes comme Mahouza, presque entièrement peuplée de Perses convertis au judaïsme, était considérée comme contenant des Juifs de plus pure race que les Juifs de Palestine. « Pour la pureté de la race, disait un vieux proverbe, la différence entre les Juifs des provinces romaines et ceux de la Judée est aussi sensible que la différence entre une pâte de médiocre qualité et une pâte de fleur de farine ; mais la Judée elle-même est comme une pâte médiocre, par rapport à la Babylonie…………
C’est que la Judée avait connu bien des vicissitudes. Elle avait toujours été un pays de passage pour Miçraïm et pour Assour (Égypte et Assyrie) ; puis quand les Juifs étaient revenus de captivité, ils s’étaient alliés avec les Samaritains, avec les Édomites et les Moabites ; après la conquête de l’Idumée, par Hyrcan, il y avait eu des alliances juives et iduméennes, et pendant la guerre avec Rome, les vainqueurs avaient, affirmait-on, engendré des fils. « Sommes-nous bien sûrs, disait mélancoliquement Rabbi Ulla à Juda ben Yehisquil, de ne pas descendre des païens qui, après la prise de Jérusalem, ont déshonoré les jeunes filles de Sion ? »
Mais ce qui favorisa le plus l’introduction du sang étranger dans la nation israélite, ce fut le prosélytisme. Les Juifs furent par excellence un peuple de propagandistes, et, à partir de la construction du second Temple, à partir de la dispersion surtout, leur zèle fut considérable. Ils furent bien ceux dont l’Évangile dit qu’ils couraient « la terre et la mer pour faire un prosélyte », et Rabbi Eliézer pouvait à bon droit s’écrier : « Pourquoi Dieu a-t-il disséminé Israël parmi les nations ? Pour lui recruter partout des prosélytes. » Les témoignages attestant cette ardeur prosélytique des Juifs abondent et, durant les premiers siècles avant l’ère chrétienne, le judaïsme se propagea avec la même puissance qui caractérisa plus tard le christianisme et l’islamisme. Rome, Alexandrie, Antioche, où presque tous les Juifs étaient des gentils convertis, Damas, Chypre furent des centres de fusion : je l’ai montré déjà. De plus, les conquérants Haschmonides obligèrent les Syriens vaincus à se faire circoncire ; des rois, entraînant leurs sujets avec eux, se convertirent, comme la famille royale de l’Adiabène, et, dans certains cantons de la Palestine même, la population fut très mêlée, ainsi en Galilée, dans ce « cercle des gentils » où devait naître Jésus…………
Dans l’Europe entière, les Juifs attirèrent à eux des prosélytes, rajeunissant ainsi leur sang par l’adjonction d’un sang nouveau. Ils convertirent en Espagne, où les successifs conciles de Tolède défendent les mariages mixtes, en Suisse où un décret du XIVe siècle condamne des jeunes filles à porter des chapeaux juifs pour avoir mis au monde des enfants de pères israélites ; en Pologne, au XVIe siècle, malgré les édits de Sigismond 1er, au dire de l’historien Bielski. Et non seulement, ils firent alliance en Europe avec les nations dites aryennes, mais encore avec les Ouro-Altaïques, avec les Touraniens ; là, l’infiltration fut plus considérable.
En 620 environ, ils convertirent une peuplade entière, peuplade dont le territoire se trouvait dans le voisinage d’Astrakan : les Khazars. La légende s’est emparée de ce fait qui émut beaucoup les Juifs d’Occident, mais il ne peut, malgré cela, être mis en doute. Isidore de Séville, contemporain de la chose, en parle, et plus tard, au Xe siècle, asdaï ibn Schaprout, ministre du calife Abd-el-Rhaman III, correspondit avec Joseph, dernier Chagan des Khazars, dont le royaume fut détruit par le prince Swiatilaw de Kiew. Les Khazars exercèrent une grande influence sur les tribus tatares voisines, celles des Poliane, des Séveriane et des Wiatitischi entre autres et firent parmi elles de nombreux prosélytes.
Au XIIe siècle, des peuples tatars du Caucase se convertissent encore au Judaïsme, ainsi que le rapporte le voyageur Pétahya de Ratisbonne. Au XIVe siècle, dans les hordes qui, ayant à leur tête un certain Mamaï, envahirent les contrées entourant le Caucase, se trouvaient de nombreux Juifs. Ce fut dans ce coin de l’Europe orientale que s’opéra activement la fusion des Juifs et des euroaltaïques, c’est là que le Sémite s’allia au Touranien et aujourd’hui encore, en étudiant les peuples du Caucase, on trouve les traces de ce mélange parmi les trente mille Juifs de ce pays et parmi les tribus qui les entourent.
Aussi, cette race juive, présentée par les Juifs et les antisémites comme la plus inattaquable, la plus homogène des races, est-elle fort diverse. Les anthropologistes pourraient tout d’abord la diviser en
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deux parties bien tranchées : les dolichocéphales et les brachycéphales. Au premier type appartiennent les Juifs Sephardim, Juifs espagnols et portugais, ainsi que la majeure partie des Juifs d’Italie et du Midi de la France ; au deuxième on peut rattacher les Juifs Askenazim, c’est-à-dire les Juifs polonais, russes et allemands…
En Afrique, on trouve des Juifs agriculteurs et nomades, alliés aux Kabyles et aux Berbères près de Sétif, de Guelma et de Biskra, aux frontières du Maroc, ils vont en caravane jusqu’à Tombouctou, et quelques-unes de leurs tribus, sur les confins du Sahara, sont des tribus noires, ainsi les Daggatouns, comme sont noirs les Falachas Juifs de l’Abyssinie. Dans l’Inde, on trouve des Juifs blancs à Bombay, et des Juifs noirs à Cochin, mais les Juifs blancs ont du sang mélanien. Ils s’établirent dans l’Inde au Ve siècle, après les persécutions du roi perse Phéroces qui les chassa de Bagdad ; toutefois, on rapporte leur établissement à une date plus reculée : à la venue des Juifs en Chine, c’est-à-dire avant Jésus. Quant aux Juifs de Chine, ils sont non seulement apparentés aux Chinois qui les entourent, mais encore ils ont adopté les pratiques de la religion de Confucius.
Donc le Juif a été incessamment transformé par les milieux différents dans lesquels il a séjourné. Il a changé parce que les langues diverses qu’il a parlées ont introduit en lui des notions différentes et opposées, il n’est pas resté tel qu’un peuple uni et homogène, au contraire, il est à présent le plus hétérogène de tous les peuples, celui qui présente les variétés les plus grandes, et cette prétendue race dont amis et ennemis s’accordent à vanter la stabilité et la résistance nous présente les types les plus multiples et les plus opposés, puisqu’ils vont du Juif blanc au Juif noir, en passant par le Juif jaune, sans parler encore des divisions secondaires, celles des Juifs aux cheveux blonds ou rouges, et celles des Juifs bruns, aux cheveux noirs.
Par conséquent, le grief ethnologique des antisémites ne s’appuie sur aucune base sérieuse et réelle. L’opposition des Aryens et des Sémites est factice ; il n’est pas vrai de dire que la race aryenne et la race sémitique sont des races pures, et que le Juif est un peuple un et invariable. Le sang sémite s’est mélangé au sang aryen et le sang aryen au sang sémite ; Aryens et Sémites ont tous deux reçu encore l’adjonction du sang touranien et du sang chamite, nègre ou négroïde, et dans la Babel de nationalités et de races qu’est actuellement le monde, la préoccupation de ceux qui cherchent à reconnaître dans leurs voisins quel est l’Aryen, le Touranien et le Sémite, est une préoccupation oiseuse.
… Nous avons dit qu’il n’y a pas de races, mais il existe des peuples et des nations ; ce qu’on appelle improprement une race n’est pas une unité ethnologique, mais c’est une unité historique, intellectuelle et morale. Les Juifs ne sont pas un ethno, mais ils sont une nationalité, ils sont de types variés, cela est vrai, mais quelle est la nation qui n’est pas diverse ? Ce qui fait un peuple, ce n’est pas l’unité d’origine, c’est l’unité de sentiments, de pensée, d’éthique…
CHAPITRE XI.
Il existe environ huit millions de Juifs, répandus sur la superficie du globe… Parmi ces Juifs figurent les Juifs bédouins qui vivent sur les confins du Sahara, les Daggatouns du désert, les Falachas de l’Abyssinie, les Juifs noirs de l’Inde, les Juifs mongoloïdes de Chine, les Juifs kalmouks et tatars du Caucase, les Juifs blonds de Bohême et d’Allemagne, les Juifs bruns du Portugal, du midi de la France, de l’Italie et de l’Orient, les Juifs dolichocéphales, les Juifs brachycéphales et sous-brachycéphales, tous Juifs que, d’après la section de leurs cheveux, d’après la forme de leur crâne, d’après la couleur de leur peau on pourrait classer, en vertu des meilleurs principes de l’ethnologie, dans quatre ou cinq races différentes, ainsi que nous le venons de montrer…………
Cependant, en procédant ainsi, nous aurons en réalité démontré que la race n’est pas une unité ethnologique, c’est-à-dire qu’aucun peuple ne descend de parents communs, et qu’aucune nation n’est formée par l’agrégation de cellules semblables. Mais nous n’aurons en aucune façon montré qu’il n’existe pas un peuple français, un peuple allemand, un peuple anglais, etc., et nous ne pourrions le faire, puisqu’il existe une littérature anglaise, une littérature allemande, une littérature française, toutes littératures différentes, exprimant de façon différente des sentiments communs il est vrai, mais dont la réaction objective et subjective n’est pas la même sur les divers individus qui en sont affectés, sentiments communs à la nature humaine, mais que chaque homme et chaque collectivité d’hommes ressent et exprime différemment. Nous avons dû repousser la notion anthropologique de la race, notion fausse et que nous verrons être la génératrice des pires opinions, des vanités les plus détestables et les moins justifiées, cette notion anthropologique qui tend à faire de chaque peuple une association de reclus orgueilleux et égoïstes, mais nous sommes obligés de constater l’existence d’unités historiques, c’est-à-dire de nations……
La religion a jadis été une des plus importantes forces qui contribuèrent à former les peuples. Il nous est impossible de nous représenter ce que furent Rome, Athènes ou Sparte, si nous négligeons les dieux de l’Olympe et ceux du Capitole ; il en est de même de Memphis et de Ninive, de Babylone et
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de Jérusalem, et que devient la société du Moyen Âge si nous faisons abstraction du christianisme ?………………
Il existe donc des nations. Ces nations peuvent parfois n’être pas constituées sous un même gouvernement, elles peuvent avoir perdu leur patrie, leur langue, mais tant que la conscience qu’elles ont d’elles-mêmes et de cette communauté de pensée et d’intérêts, qu’elles représentent par le décor fictif de la race, de la filiation, de l’origine, de la pureté du sang, tant que cette conscience n’a pas disparu, la nation persiste » (Bernard Lazare).
BERNARD Lazare utilise assez souvent le mot race en parlant des juifs.
Or il n’existe pas de race pure, et le terme même de « race » est à manipuler avec précaution. Les scientifiques préfèrent maintenant parler de populations et de fréquence génique. Nous devons refuser la notion de race pure, notion fausse, génératrice des vanités les moins justifiées, et tendant à faire de chaque nation une association de reclus égoïstes ou orgueilleux.
On peut pratiquement affirmer que les juifs d’aujourd’hui ne sont pas les descendants de ceux qui ont jadis quitté la Palestine. N’en déplaise au grand philosophe français Marek Halter, la lignée généalogique allant des Judéens de l’Antiquité aux Judéo-espagnols ou aux yiddishophones de la modernité, est aussi impérieuse que fantaisiste. L’idée d’un peuple génétiquement homogène ayant une continuité de plusieurs millénaires est un mythe. D’un point de vue ethnologique, le peuple juif actuel est le résultat d’un profond métissage. Il suffit de regarder les typologies extrêmement variées des juifs d’aujourd’hui. Du blond aux yeux bleus de Russie (Ashkénazim) descendant du royaume Khazar, jusqu’au Noir éthiopien (Félacha) soi-disant héritier de l’union du roi Salomon avec la reine de Saba. Il va sans dire, qu’au moins génétiquement parlant, les juifs ne sont sûrement pas issus d’une même souche, aussi biologiquement divine qu’elle puisse être. Voir à ce sujet les travaux de l’écrivain israélien Shlomo Sand.
Même remarque à propos du mot race pour Arthur Koestler selon qui chaque prière, chaque rite, proclame l’appartenance à une ancienne race, ce qui place automatiquement les juifs en dehors du passé historique des peuples au milieu desquels ils vivent. La religion israélite, comme le montrent deux mille ans de tragédies, engendre nationalement et socialement sa ségrégation. Elle met le juif à part, elle invite à le mettre à part. Elle crée automatiquement des ghettos matériels et culturels. Le mot race utilisé par Arthur Koestler est donc lui aussi à manipuler avec la plus grande précaution.
Il n’y a plus de race pure depuis longtemps ! Il n’existe que des ethnies humaines caractérisées par telle ou telle fréquence (d’apparition) génique. Ce qui compte ce sont les races spirituelles.
La religion israélite (à la différence du christianisme, de l’islam, du bouddhisme) suppose l’appartenance à une nation historique, à un peuple élu. Toutes les fêtes israélites commémorent des événements de l’histoire nationale : la sortie d’Égypte, la révolte des Macchabées, la mort de l’oppresseur Aman, la destruction du Temple. L’Ancien Testament est un livre d’histoire nationale et son credo est plus tribal qu’universel. Telle est, brièvement résumée, la position d’Arthur Koestler sur la question.
On peut par exemple être spirituellement sémite si l’on en croit le pape Pie XI, alors qu’être physiquement et biologiquement un pur descendant d’Abraham, ou d’Hercule, ou de Keltos, ou de qui sais-je encore, n’est qu’hypothèse mythique.
Diodore de Sicile. Bibliothèque historique. Livre V, XXIV.
« Héraclès, lors de son expédition contre Géryon, fonda Alésia. La fille du roi l’aperçut, et, admirant sa valeur et sa taille surhumaine, reçut de tout cœur, et avec l’agrément de ses parents, notre héros. De cette union naquit un fils qui fut nommé Galatès et qui surpassa ceux de sa nature par la vaillance de l’âme et du corps. Arrivé à l’âge d’homme et ayant hérité du royaume de ses pères, il conquit une grande partie des pays limitrophes et y accomplit de grands faits d’armes. Devenu célèbre par son courage, il donna son nom aux peuples rangés sous ses lois ».
Voir aussi Parthénios de Nicée. Histoires d’amour. XXX.
Ce livre se veut être une contribution à l’édifice humaniste d’une laïcité tolérante et inclusive, mais ferme.
Il est donc urgent, vu les conflits et les violences inutiles que causent les religions, aussi bien sur le plan international, qu’individuel (Dieu est le plus grand commun diviseur de l’Humanité), d’établir des bases solides pour comprendre ces phénomènes.
Cette compréhension doit être pacifique, elle doit être la base de la tolérance d’autrui par la compréhension de ses habitudes, de ses concepts et de ses espérances. Pour reprendre les propos des juges qui délibérèrent en faveur du grand écrivain francophone qu’est Michel Houellebecq ; le contenu de cet essai « ne renferme aucune volonté d’invective, de mépris ou d’outrage envers le groupe de personnes composé des adeptes de la religion considérée […] la critique des textes anciens n’est pas en elle-même constitutive d’une injure et ne peut en tout état de cause viser les
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pratiquants d’aujourd’hui. Cette critique n’est en aucun cas une atteinte aux droits fondamentaux de l’humain, elle se veut la critique d’un système de pensée ».
Ce livre s’adresse à tous, et en particulier aux femmes et aux hommes d’origine juive, afin de leur offrir une base de réflexion favorisant leur progressif déconditionnement religieux. Il s’adresse aussi aux femmes et aux hommes d’origine musulmane, chrétienne ou autre. Dans le but de mieux leur faire comprendre les processus psychologiques constituant le judaïsme puis, par extension, tous les phénomènes religieux. Et par là même leur permettre d’avoir une compréhension et une tolérance profonde envers leurs semblables, prisonniers d’idéologie religieuse. En espérant que la présente réflexion les amènera à se poser les mêmes questions vis-à-vis de leur religion.
L’existence même de la « Ligue Contre le Racisme et l’Antisémitisme » (LICRA) témoigne d’une erreur fondamentale à cet égard. La lutte contre le racisme ne peut être qu’unitaire et globale, sous peine d’un « effet boomerang » sur la communauté distinguée. Si on la divise ou fragmente, comme en témoignent les expressions devenues maintenant courantes dans les médias de « lutte contre le racisme et l’antisémitisme » ou « d’actes racistes et antisémites » ; expressions où deux types de racisme sont à la fois associés et distingués (celui envers les juifs pris pour référence et celui envers les non-juifs) ; alors le résultat de cette lutte antiraciste spécifique visant à protéger les seuls juifs ne pourra être que contraire aux efforts fébriles avec lesquels elle aura été menée. Cette action ne pourra avoir qu’un résultat contraire à celui qui est recherché quant au jugement et au comportement des non-juifs vis-à-vis de la communauté juive dans son ensemble. Car il n’y aura jamais qu’une seule lutte qui vaille, celle qui concerne le racisme envers « les autres », quels qu’ils soient.
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ANNEXE N° 15.
ANTISÉMITISME ANTIJUDAÏSME ANTISIONISME ET AUTRES – ISMES EN RAPPORT PAR BERNARD Lazare.
LES FAITS AVÉRÉS.
— Premier fait. Il a existé ou il existe encore des langues sémitiques. L’arabe l’hébreu l’araméen l’akkadien le babylonien le phénicien le punique, mais aussi en dans la corne de l’Afrique le guèze voire l’Amharique. Il s’agit là d’un fait massif incontournable et qui ne se discute pas.
— Deuxième fait. Toute langue correspondant à une façon de penser on peut donc en déduire que les hommes ou les femmes ayant pour langue maternelle une langue sémitique ont des réflexes conditionnés ou des biais cognitifs différents de ceux des locuteurs d’autres langues de nature très différente.
Ce fait n’est ni massif ni incontournable et se discute, car il est RELATIF. N’étant pas un linguiste professionnel je n’en citerai que deux cas : la notion de religion qui est assimilée à une loi (à suivre) : DIN. Les verbes qui ne sont pas employés selon le schéma passé présent futur, mais suivant le mode accompli inaccompli. NB. Ceci n’a d’importance que pour l’hébreu ancien, car l’hébreu moderne connaît les notions de présent et de futur pour ce qui est de la conjugaison des verbes.
— Antijudaïsme grec. Voir l’antijudaïsme romain,
— Antijudaïsme romain. La religion romaine étant polythéiste
a) Ne niait en aucune façon l’existence du dieu national des juifs.
b) Ne s’opposait en aucune façon à ce qu’il soit honoré.
Avec Jules César et Auguste le judaïsme devint même une religion légale, une religio licita.
Les choses avaient néanmoins mal commencé avant qu’un habile compromis ne soit trouvé.
a) Les juifs sont dispensés d’un certain nombre d’obligations trop contraires à leur conception de la piété.
b) Ils se voient reconnaître un certain nombre de privilèges.
c) Mais en échange ils acceptent de sacrifier en l’honneur des dieux et des empereurs (À L’EXTÉRIEUR DU TEMPLE DE JÉRUSALEM).
— Antijudaïsme chrétien. Jésus et les premiers chrétiens étant eux-mêmes juifs, il ne pouvait être question d’un antijudaïsme fondé sur la race dans le christianisme. Il finit rapidement par n’être même plus religieux, les autorités chrétiennes ayant vite renoncé à convertir les juifs. Par contre il fut marqué par une très grande violence dans le domaine culturel et souvent criminel au niveau individuel. La conversion au christianisme y mettait fin, mais avait alors un effet pervers. Le juif converti pouvait alors comme tout un chacun être accusé d’hérésie et être torturé ou brûlé vif.
— Sionisme originel. Utopie socialiste et humaniste ayant pour but de fonder quelque part dans le monde un État où les juifs pourraient enfin vivre heureux et en sécurité, en paix avec les autres peuples. Entre 1890 et 1948 seront même envisagés l’Argentine Madagascar l’Ouganda la Chine ou la Russie. Symbole de ce socialisme juif, le kibboutz.
— Sionisme religieux actuel. Dangereuse aliénation chrétienne ou juive fondée sur le triple postulat qu’il existe un dieu créateur de ce monde, que ce dieu créateur s’est choisi un peuple, et qu’il a pris aux autres une terre particulière pour la lui donner. NB. Les sionistes chrétiens ajoutent à ce triple postulat que le retour de cette terre à sa vocation divine initiale SELON LA BIBLE (Eretz Israël) entraînera de facto la parousie et le retour du Christ.
— Race au sens biologique et fantasmé du terme. Folie criminelle à la Lyssenko née au 18e siècle et ayant culminé au 20e avec la conférence de Wannsee qui décidera en 1942 l’extermination de millions de juifs (Shoah par balles des Einsatzgruppen sur le front de l’est, chambres à gaz, travail forcé, coups, tortures, maladie, malnutrition).
Raoul Hilberg 5,1 millions de morts. 6 millions est un chiffre symbolique (cité au procès de Nuremberg).
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NB. Le chromosome d’Abraham n’existe pas et n’a jamais existé ! Les races absolutisées ou fantasmées à ce point ne sont donc pas un fait avéré. Il n’existe que des fréquences géniques plus ou moins fortes suivant le degré d’endogamie ou d’isolement et donc des phénotypes en rapport.
— Antisémitisme économique. Diverses prescriptions religieuses bibliques ayant amené certaines professions à devenir des quasi-monopoles de professionnels de confession juive, ils sont accusés d’exploiter les populations non juives ou de s’enrichir à leur détriment. Voir Alphonse Toussenel « Les juifs rois de l’époque » et Édouard Drumont « la France juive ».
ANNEXE N°16.
JUIFS ET CHRÉTIENS SELON LE SAINT CORAN
CHAPITRE 9, VERSET 30.
« Les Juifs disent : Ezra est le fils de Dieu, et les chrétiens disent : Le Messie est le fils de Dieu. C’est ce qu’ils disent de leur propre bouche. Ils disent la même chose que les incroyants d’avant. Dieu (en personne) est contre eux. Ils sont youfakouna »
Précision sémantique à propos du mot arabe « youfakouna » qui essentialise ou caractérise donc, les juifs et les chrétiens, d’après la sourate 9, verset 30 et qui est souvent rendu dans les traductions comme quelque chose du genre « les juifs et les chrétiens… ne comprennent pas ».
Ils sont…
— Ensorcelés.
— Pervertis.
— Pervers.
— Dans l’erreur.
— Aberrants.
C’est un dérivé du verbe afaka, du moins si l’on en croit le tome 1 du livre de Muhammad Mohar Ali intitulé « traduction mot à mot du Coran ».
Mais le terme youfakouna n’implique pas une simple ignorance, il suggère plutôt une intelligence dévoyée, ou qu’on empêche de fonctionner normalement.
Et le « on » en question est à prendre au sens fort : cela peut être aussi bien Dieu que le diable.
Étant athées nous écarterons néanmoins cette hypothèse et nous opterons pour un empêchement plus naturel.
« Les juifs et les chrétiens… sont naturellement dans l’incapacité de voir, de savoir, de comprendre ! »
Pour ce qui est de la philosophie « La foi des juifs et des chrétiens… n’a rien à voir avec la raison ! »
Plus crûment « les juifs et les chrétiens sont cons ! »
Bref en résumé « Les juifs et les chrétiens… sont mongoliens ».
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POSTFACE À LA JOHN TOLAND.
Les pseudodruides à la filiation initiatique mirobolante (la fameuse et inénarrable tradition primordiale) s’étant multipliés depuis quelque temps ; il nous a paru nécessaire de mettre à la disposition de tout un chacun ces quelques notes, hâtivement rédigées un soir de novembre, afin de donner à nos lecteurs envie d’en savoir plus sur le vrai druidisme. Ce travail se veut honnête, mais en aucune façon neutre. Il s’est donné pour objectif de défendre ou de réhabiliter la cluto (renommée) de cette antique religion.
Rien ne remplace la méditation personnelle y compris sur les lais obscurs ou incompréhensibles parsemant ces livres et qui ont été insérés à dessein afin de vous obliger à réfléchir pour trouver votre propre voie. Ces livres ne sont pas des dogmes à suivre aveuglément et à la lettre. Ainsi que vous le savez, il faut se méfier comme de la peste de la lettre. La lettre tue, seul l’esprit vivifie. Rien ne remplace non plus l’expérience personnelle et c’est en cheminant que l’on trouve le chemin. Ne comptez donc que sur vos propres forces pour cette quête du Graal. Ce qui compte c’est l’attitude à adopter dans la vie et non les détails du dogme. Le druidisme a moins d’importance que la druidiaction (Jean-Pierre Martin).
Ces quelques feuillets griffonnés à la va-vite ne sont néanmoins en aucune façon LES LIVRES À LIRE SUR LE SUJET, ils n’en sont qu’un pâle reflet. La seule bibliothèque druidique digne de ce nom n’est pas en effet composée de seulement 12 (ou 27) livres, mais de plusieurs centaines.
Les quelques opuscules constituant cette mini-bibliothèque ne constituent pas un approfondissement et ne sont que quelques manuels destinés aux écoliers du druidisme. Ces résumés simplifiés destinés aux cours primaires de druidisme seront remplacés par des cours d’un niveau quelque peu supérieur, pour ceux qui voudront vraiment l’étudier de façon plus pertinente.
Cette petite bibliothèque est par conséquent un premier essai d’adaptation (destinée aux jeunes adultes) des diverses réflexions sur le savoir et la vérité druidiques, auxquelles ont abouti les premiers résultats de la nouvelle laïcité ouverte et positive, mondiale, en train de s’instaurer.
À la différence du judaïsme, du christianisme, et de l’islam, qui fourmillent littéralement, à propos de l’Être supérieur, d’anthropomorphismes puérils pris au pied de la lettre (un fondamentalisme connu sous le nom d’intégrisme dans le monde catholique) ; notre druidisme, lui, par contre, n’en utilisera que très peu, et s’en tiendra, en ce domaine, au minimum absolu.
Mais pour parler de Dieu ou Diable, nous allons bien être obligés, nous aussi, d’utiliser un langage, et donc un certain nombre de ces anthropomorphismes. Ou alors il faudrait totalement renoncer à en discuter.
Ce premier rayon de notre future bibliothèque consacrée au sujet a pour objet de montrer avec précision l’harmonieuse authenticité de la volonté et du savoir néo-druidiques. De montrer à quel point ses grandes thèses actuelles ont des racines anciennes, car la réflexion sur les Mythologies, c’est notre Bible à nous. Les adaptations de ce bref exposé, exigées par les différences de culture, d’âge, de maturité spirituelle, de situation sociale, etc. seront à faire par les druides concernés (vellèdes et autres ?)
À noter cependant. Important ! Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, ne sont pas (en vrac).
Une révélation divine. Une loi (toujours aussi divine). Une loi (profane ou laïque). Une loi (scientifique). Un dogme. Un Ordre ?
Ce que je cherche surtout à faire partager c’est un état d’esprit, rien de plus. Ainsi que l’a très bien dit un jour notre vieux maître :
« NOTRE CIVILISATION N’A PAS LE CHOIX : CE SERA LE CELTISME OU CE SERA LA MORT » (Pierre Lance).
Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, sont.
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Du rêve. Une aventure. Un voyage. Une évasion. Un cri de révolte contre la laideur morale et matérielle de cette société. Une tentative d’atteindre à l’universel en partant du particulier. Un défi. Un obstacle fécond à surmonter. Une incitation à la réflexion. Un guide pour l’action. Une carte. Un plan. Une boussole. Une étoile polaire ou l’étoile du berger là-haut dans la montagne. Un feu la nuit dans une clairière ?
Ce que le rassembleur de ce noyau de bibliothèque, Pierre de La Crau, n’est pas.
— Un dieu.
— Un demi-dieu.
— Un quart de dieu.
— Un petit saint.
— Un philosophe (reconnu, officiel, et breveté ou patenté, comme ceux qui passent à la télévision. Sauf évidemment à prendre le terme en son sens originel, qui est celui d’amateur en quête de sagesse et de savoir).
Ce qu’il est : un homme, et rien de ce qui est humain ne lui est donc étranger. Pierre de la Crau n’a aucun pouvoir surhumain ou exceptionnel. Rien de ce qu’il a dit écrit ou fait ne saurait avoir de valeur intemporelle. Tout au plus espère-t-il que son extrême lucidité à propos de notre société et de son idéologie dominante (voir ses philosophes officiels, ses journalistes, ses masses médias et la rectitude politique de ses bien-pensants, du moins sur ce qui est tenu pour l’essentiel) ; ainsi que son non-conformisme, et son franc-parler, alliés à un solide esprit de contradiction (qui lui ont d’ailleurs valu pas mal de déboires ou d’avanies) ; pourront être utiles.
La présente petite bibliothèque pour débutant « contient la dose d’humanité exigée par l’état actuel de la civilisation » (Henri Lizeray). Elle n’est d’ailleurs qu’un rassemblement de matériau attendant l’architecte ou le maçon ad hoc.
Prochainement paraîtra toute une série de fascicules approfondissant ces éléments de base. Cette présentation différente du savoir druidique préservera néanmoins l’unité et la profonde harmonie entre ces divers exposés d’un seul et même paganisme philosophique et bien réfléchi : une spiritualité digne de notre temps, une spiritualité pour notre temps.
Cas des traductions dans une langue étrangère (espagnol, allemand, italien, polonais, etc.)
Les fautes d’orthographe de grammaire de style, ainsi que dans l’écriture des noms propres peut-être, pourront être corrigées. Toute autre amélioration du texte pourra également être apportée si nécessaire (par ajout suppression ou modification, de détails) ; Pierre de La Crau ayant toujours regretté de ne pouvoir atteindre à la perfection en ce domaine. Mais à condition de n’altérer ni trahir en rien la pensée de l’auteur de cette compilation raisonnée. Toute illustration sans légende peut être changée. De nouvelles illustrations peuvent être apportées. Mais les illustrations ayant une légende ne devront être qu’améliorées (par substitution d’une bonne photo à un mauvais croquis par exemple ?)
Il va de soi que le coordonnateur de cette rapide et sommaire compilation raisonnée, Pierre de La Crau, ne prétend nullement avoir inventé (ou découvert) lui-même, tout ce qui précède ; qu’il ne prétend en aucune façon que ceci est le fruit de ses recherches personnelles (sur le terrain ou en bibliothèque). Ce qui précède est en effet essentiellement issu des excellents ouvrages ou sites internet référencés en bibliographie et dont la consultation directe est fortement recommandée. Nous n’insisterons jamais assez sur notre volonté de ne pas être les hommes d’un livre (du Livre), mais d’au moins douze, comme les Fénianes d’Irlande, pour d’évidentes raisons d’ouverture d’esprit, la vérité étant notre seule religion.
Encore une fois, répétons-le ; le coordonnateur de la mise par écrit de ces quelques notes hâtivement jetées sur le papier ne prétend nullement avoir passé sa vie dans la poussière des bibliothèques ; ou sur le terrain, dans la boue des fouilles archéologiques de sauvetage ; afin d’exhumer des témoignages inédits sur le passé de l’Irlande (ou du Pays de Galles ou des Indes ou de la Chine).
PIERRE DE LA CRAU NE SE VEUT DONC EN AUCUNE FAÇON L’AUTEUR DES TEXTES QUI PRÉCÈDENT.
IL N’ESSAIE NULLEMENT DE S’EN ATTRIBUER LES MÉRITES. Il n’en est que l’éditeur ou le compilateur. Il s’agit pour la plupart de documents diffusés sur internet à quelques exceptions près. IL EN REVENDIQUE PAR CONTRE TOUS LES DÉFAUTS ET TOUTES LES INSUFFISANCES. Pierre de La Crau ne revendique qu’une chose, les fautes erreurs ou imperfections diverses de ce livre. Lui seul est à blâmer dans ce cas. Mais il fait confiance à ses contemporains (la nature humaine étant ce qu’elle est) pour les lui signaler avec vigueur.
Note retrouvée par les héritiers de Pierre de La Crau et insérée par eux à cet endroit.
Par respect pour l’Humanité, afin de gagner du temps, et ne pas lui en faire perdre, je vais faciliter le travail de ceux qui tiennent absolument à être du bon côté de la barrière en combattant (héroïquement bien sûr) afin de sauver le monde de mes griffes (mes idées ou mes penchants, mes tendances).
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À ces courageux et implacables détracteurs, dont la profondeur de réflexion digne d’un marquis de Vauvenargues n’a d’égale que l’ampleur de la culture générale, digne d’un Pic de la Mirandole, je dis…
Prenez une feuille de papier, de traitement de texte si vous préférez, mettez-y par ordre d’importance les 20 caractéristiques qui vous semblent les plus graves, les plus odieuses, les plus haïssables, dans l’histoire de l’Humanité, depuis les hommes préhistoriques et Nabuchodonosor, selon vous… ET DITES-VOUS BIEN QUE JE SUIS TOUT LE CONTRAIRE DE VOUS, CAR JE LES AI TOUTES !
On a toujours besoin de boucs émissaires ! Hérétique au Moyen âge, sorcière à Salem au 17siècle, raciste au 20e siècle, lézard extraterrestre au 21e, je suis l’homme que vous aimerez haïr pour vous sentir supérieur.
Je suis au choix et dans l’ordre d’importance que vous voulez : athée, sataniste, stupide, mongolien, raciste, bestial, homosexuel, pervers, communiste, nazi, menteur pathologique, voleur, suffisant, psychopathe, un monstre d’orgueil faussement modeste, et que sais-je encore, à vous de voir.
Voilà, je ne peux pas faire mieux (pour vous aider à sauver le monde).
[À la différence de mes contempteurs qui sont tous des gens bien, tout le sel de la terre, c’est-à-dire jeunes ou modernes et dynamiques, courageux, positifs, gentils, intelligents, instruits, ou du moins qui savent ; en faisant preuve de beaucoup de recul dans leur méditation en profondeur sur les tendances lourdes de l’Histoire ; et sur le plan moral ou éthique : généreux, altruistes, mais pauvres évidemment, car donnant tout aux autres ; en outre profondément respectueux de la volonté de Dieu et de la Constitution ou de l’esprit des lois.
Moi je suis un vieux réactionnaire ankylosé, conformiste, déconnecté de son temps, parano, schizophrène, incohérent, capricieux, jamais satisfait ; un vilain, bête, n’ayant fait aucune étude ou du moins ignorant tout sur le sujet en question ; mon habitude ce sont les jugements à l’emporte-pièce fondés sur des préjugés dénués de toute réflexion ; égoïste et riche ; suppôt de Satan, nazo-bolchevick ou stalino-hitlérien de nature. On disait hitléro-trotskiste quand j’étais jeune. En bref un criminel psychopathe dès le petit-déjeuner… ce qui me permet donc de penser ce que je veux, mes critiques aussi d’ailleurs, et d’essayer de le faire savoir à tout le monde voire à la cantonade].
Signé : le coordonnateur des travaux, Pierre de la Crau dit Hésunertus, chercheur en druidisme. Un homme à qui rien de ce qui est humain ne fut étranger. Chômeur, facteur, divorcé, sans domicile fixe, vagabond, contribuable, justiciable, électeur cocufié ? Un des huit milliards d’êtres humains ayant transité sur ce vaisseau spatial donc. Né sur la planète Terre le 13 janvier 1952.
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BIBLIOGRAPHIE.
L’antisémitisme : son histoire et ses causes. BERNARD Lazare.
Né en 1865 à Nîmes au sein d’une riche famille juive, BERNARD Lazare mourut en 1903. Contrairement à ce qu’il avait formellement demandé, deux rabbins récitèrent la prière juive appelée kaddich sur la tombe de cet athée ; et en 1983 une vilaine histoire opposa Mireille Cherchevsky (Carole Landrel) lointaine héritière de BERNARD Lazare, à son nouvel éditeur lors de la réimpression du livre. Pour l’aider, la Française Françoise Giroud et un ancien combattant de la Libération de Paris allèrent même jusqu’à prétendre que BERNARD Lazare était mort sans testament.
BERNARD Lazare, qui voit pourtant la culture juive comme cause essentielle de « l’antisémitisme », ne s’arrête guère qu’à la volonté des juifs de rester séparés. Dans son ouvrage de la fin du XIXe siècle, il écrit : « Partout où les juifs se sont établis, partout s’est développé l’antisémitisme […] Si cette hostilité, cette répugnance même, ne s’était développée vis-à-vis des juifs qu’en un temps et en un pays, il serait facile de démêler les causes restreintes de ces colères ; mais cette race a été, au contraire, en butte à la haine de tous les peuples au milieu desquels elle s’est établie. Il faut donc, puisque les ennemis des juifs appartenaient aux races les plus diverses ; qu’ils vivaient dans des contrées fort éloignées les unes des autres, qu’ils étaient régis par des lois différentes, gouvernés par des principes opposés, qu’ils n’avaient ni les mêmes mœurs ni les mêmes coutumes ; qu’ils étaient animés d’esprits dissemblables ne leur permettant pas de juger également de toutes choses ; il faut donc que les causes de l’antisémitisme aient toujours résidé en Israël même et non chez ceux qui le combattirent ».
N.B. Outre les réserves ou condamnations à faire sur l’utilisation du terme race, il est à noter que BERNARD Lazare n’a pas plus insisté dans son analyse sur les conséquences dévastatrices de la notion de peuple élu.
TABLE DES MATIÈRES.
Avertissement Coranique
Prologue
DES RELIGIONS EN GÉNÉRAL
Genèse vraie de l’apparition de la vie et de l’Humanité
Apparition de la religion
-------------------- ----------------------------------------------------------------------------------
L’HISTOIRE SCIENTIFIQUE
Les anciens Aryens
La Perse
Le culte de Mithra
L’Inde
Égypte
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Les livres des mots, des livres optimistes
Le monothéisme égyptien
Le grand hymne en l’honneur d’Aton
Les Sumériens
L’Histoire commence à Sumer
L’Histoire sainte commence à Sumer
La littérature mésopotamienne
Les Sémites organisés en cités-États
Mythologie et panthéon
Premier avertissement aux lecteurs
Les Hébreux mythiques
Deuxième avertissement : la religion des ancêtres du peuple juif antique
Les différentes religions en présence dans la région
Chronologie théoriquement commune à tous les Hébreux
de la Palestine de ce temps
Le royaume d’Israël
Le royaume judéen
Les déportations à Babylone
Période perse et achèvement de la Bible
Période hellénistique et romaine
Brève analyse de la première guerre judéo-romaine
La amida ou chmoné essré
Causes et raisons de l’apparition de la birkat haminim
dans les dix-huit bénédictions
Les différents courants du judaïsme aux premiers siècles
Le phénomène de la Diaspora selon Shlomo Sand
Exemples de prosélytisme juif
Le phénomène de la Diaspora selon BERNARD Lazare
Hommage à Marek Edelman
Nouvel et ultime avertissement au lecteur
La fondation de l’État d’Israël
----------------------------------- -------------------------------------------------------------------
Mais qu’est-ce qu’une religion maintenant ?
Kant et le judaïsme
Rappels
----------------------- -------------------------------------------------------------------------------
Noms de Dieu
L’histoire rêvée, « révélée » ou fantasmée des Hébreux
La véritable histoire du peuple juif antique
A) Le Pays de Canaan égyptien
B) L’invasion des Peuples de la Mer et la résistance canaanite (-1200-1000)
C) Les véritables origines du récit biblique.
D) Royaume de Juda
E) Conclusion.
Rappel : De l’imposture ou de l’altération des textes ayant servi de matériau pour la composition de la Torah
1re partie suivant notre découpage à nous de la Loi les grands prophètes
les petits prophètes et les autres écrits
Carte de visite de la bibliothèque biblique
1re partie suivant la tradition « la Loi les grands prophètes
les petits prophètes et les autres écrits ».
Qu’est-ce qu’une idéologie religieuse ?
L’idéologie religieuse juive antique
Aperçu de l’idéologie religieuse juive selon nous
Le crédo juif
Dogmes
Créateur de l’univers
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Jaloux
Guerrier
Impitoyable
Autres dogmes
La possibilité de connaître le futur
Le caractère divin ou sacré du Tanakh
Le caractère divin ou sacré des prophètes et des autres écrits
Le messie ou sauveur envoyé par Dieu
La fin des temps
1re autre idée entrant dans la composition du Judaïsme
2e autre idée entrant dans la composition du Judaïsme
Épiclèses
Le dogme de l’hérédité
Le dogme de la Terre promise
Jérusalem
L’impôt dû au Temple de Jérusalem
Les anges
Diable démons et anti-dieu
Misogynie
La voix du ghetto
La préférence nationale
Éthique et morale
La véritable histoire des dix commandements
Le Talmud et les 613 commandements (mitzvoth)
Le point de vue de l’historien allemand Heinrich Graetz
Le point de vue de l’historien français Bernard Lazare
Extraits de l’enseignement du grand rabbi nazoréen Jésus
Une religion ni naturelle ni révélée en fait,
mais plutôt artificielle et superficielle
Conclusion
Épilogue
Annexe N° 1
Annexe N° 2
Annexe N° 3
Annexe N° 4
Annexe N° 5
Annexe N° 6
Annexe N° 7
Annexe N° 8
Annexe N° 9
Annexe N°10
Annexe N° 11
Annexe N° 12
Annexe N° 13
Annexe N° 14
Annexe N° 15
Annexe N° 16
Postface à la John Toland
Bibliographie.
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DU MÊME AUTEUR.
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1. Citations des auteurs antiques parlant des Celtes ou des druides.
2. Généralités liminaires diverses sur les Celtes.
3. Histoire du pacte avec les dieux tome 1.
4. La Bible du druidisme : histoire du pacte avec les dieux tome 2.
5. Histoire du pacte avec les dieux tome 3.
6. Histoire de la paix avec les dieux tome 4.
7. Histoire de la paix avec les dieux tome 5.
8. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 1.
9. Textes apocryphes irlandais.
10. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 2.
11. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande Science qui illumine » tome 3.
12. Les cent voies du paganisme. Science et philosophie tome 1 (mythologie druidique).
13. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 2 (mythologie druidique).
14. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 3 (mythologie druidique).
15. Le grand Camminus : éléments de théologie druidique tome 1.
16. Le grand catéchisme : éléments de théologie druidique tome 2.
17. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 1.
18. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 2.
19. Mystagogie ou théâtre sacré des Celtes antiques.
20. Poèmes celtes.
21. Le génie du paganisme celte tome 1.
22. Le complexe de Roland.
23. Au pied de la lanterne des morts.
24. Les secrets du vieux druide de la forêt ménapienne.
25. Le génie du paganisme celte tome 2 (liberté réciprocité simplicité).
26. Rhétorique : la trahison des clercs).
27. Petit dictionnaire de théologie druidique tome 1.
28. Des philosophes antiques au druide irlandais.
29. Judaïsme christianisme et islam : première partie.
30. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 1.
31. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome2.
32. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 3.
33. Troisième partie tome 1 : Qu’est-ce que l’Islam ? Bref historique de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
34. Troisième partie tome 2 : Qu’est-ce que l’Islam ? Premières approches de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
35. Troisième partie tome 3 : Qu’est-ce que l’Islam ? Les 5 vrais piliers de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
36. Troisième partie tome 4 : Qu’est-ce que l’Islam ? Coups de sonde dans l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
37. Couiro anmenion ou Petit dictionnaire de théologie druidique tome 2.
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