« Trois ans pour le champ (assolement triennal ?).Trois durées de vie du champ pour le chien.
Trois vies de chien pour le cheval.
Trois vies de cheval pour l’être humain.
Trois vies d’être humain pour le cerf.
Trois vies de cerf pour le merle.
Trois vies de merle pour l’aigle.
Trois vies d’aigle pour le saumon.
Trois vies de saumon pour l’if.
Trois vies d’if pour le monde du début à la fin ».
Que notre auteur préférée [Éléonore Hull, « Le faucon d’Achill ou la légende des plus vieux animaux du monde », Folklore, Tome. 43, No.4 (1932) : pp. 376–409] commente ainsi.
« Nous arrivons ainsi à 59 050 ans, soit deux multiples de trois en plus que le calcul de Westminster, qui nous donne 6561 ans ; c’est-à-dire la durée de vie d’un saumon dans la liste irlandaise ».
On peut présumer que sur le Continent les druides antiques attribuaient à notre monde beaucoup plus que les 60 000 ans évoqués par la tradition insulaire. En tout cas ce qui est certain c’est que les druides antiques ne croyaient pas en une création vieille de 5 ou 6000 ans seulement comme les judéo-islamo-chrétiens, mais jonglaient à cet égard avec des chiffres littéralement astronomiques dont se moquaient aussi les Grecs comme Strabon et plutôt comparables à ceux de la cosmogonie hindoue : 4 320 000 années solaires (mahayouga) avant de se dissoudre et d’être recréé à nouveau.
Strabon Géographie Livre IV chapitre IV 4 « De toute façon, non seulement les druides, mais aussi tous les autres, disent que les âmes humaines [psychas en grec], ainsi que l’univers, sont indestructibles, mais qu’un jour le feu et l’eau prévaudront sur eux ».
Pour ce qui est des Grecs encore deux mots.
Héraclite, comme tous les penseurs d’Ionie (Thalès, Anaximandre) est d’avis « que, la substance demeurant, seuls ses états changent », « que rien ne se crée et que rien ne se détruit » (Aristote, Métaphysique, A, 3) ! Il voit en toutes choses un lieu de contradictions et il envisage le dépassement de ces contradictions en une harmonie. Il ajoute l’idée de période, de Grande Année, estimée à 10 800 années solaires.
Héraclite pense qu’à un moment donné le monde s’embrase et qu’à un autre moment il se reconstitue de nouveau lui-même à partir du feu, selon certaines périodes, dans lesquelles, dit-il, il s’allume en mesure et s’éteint en mesure.
« Ce monde-ci est le même pour tous les êtres, aucun des dieux ni des hommes ne l’a fait ; mais il a toujours été, et il est, et il sera un feu toujours vivant, s’allumant avec mesure et s’éteignant avec mesure ».
Plus tard les stoïciens ont partagé la même idée. Les plus célèbres défenseurs de l’éternel retour en Occident furent en effet les premiers stoïciens, Zénon, Cléanthe, Chrysippe, avant Diogène de Babylone et Panétios. La notion est d’origine babylonienne. Plusieurs idées sont contenues dans la notion d’éternel retour.
— La cosmogenèse astrologique. Au commencement, le Feu primitif et divin crée, par condensation, l’Air, puis vient l’Eau, enfin la Terre se dépose. Les planètes sont alors alignées. Selon Porphyre, qui est néoplatonicien, et non stoïcien, « les théologiens ont établi deux portes, le Cancer et le Capricorne. Le Cancer est celle par laquelle les âmes descendent, tandis que leur montée se fait par le Capricorne.
— Le cycle. Diogène de Babylone évalue la Grande Année, c’est-à-dire la période à la fin de laquelle les planètes retrouvent la position qu’elles avaient au moment de la naissance du monde, à 365 fois 10 800 ans.
— L’embrasement (ekpyrosis) final. La conflagration est conçue comme la destruction du monde et sa résorption dans le Feu divin.
— La répétition. Les événements reviennent à l’identique.
— L’éternité. Ce cycle se reproduit sans fin.
Quant à la survie de l’âme, les avis des philosophes grecs sont partagés. Pour Zénon, l’âme survivait bien au corps assez longtemps, mais finalement se dissiperait. Pour Cléanthe, les âmes subsistaient jusqu’à la conflagration. Pour Chrysippe, les âmes débiles succombaient à l’instant de la mort, ou peu après ; seules celles des sages ; qui avaient su résister aux passions participaient à cette immortalité restreinte.