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COIR ANMAN (ou COUIRO ANMENION).
« Ils parlent la langue même des dieux. Ils sont homophonon » (Diodore de Sicile, livre V, chapitre XXXI).
PETIT DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE DRUIDIQUE.
Tome I.
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ABALLOMEDUS. Littéralement douceur de pomme. Cidre utilisé dans certains rituels.
ABARIX. Prêtre hyperboréen serviteur d’Apollon, ou du moins du dieu-ou-démon celte caché sous ce nom, d’après certains auteurs grecs le nommant Abaris.
ABELLIO. Divinité solaire, équivalente d’Apollo ou d’Apollôn, termes respectivement latin et grec, aussi nommé Bélénos et Grannos. Insulté sous la forme Apollyon dans l’Apocalypse de Jean, dernier livre du Nouveau Testament, donc de la Bible, fin du 1er siècle.
AISLING (VISION). Vieil Irlandais aislinge, issu peut-être d’ex-ling-ia = bond hors de soi-même, ex-stase. Il s’agit en général de voyages de l’âme dans l’au-delà et donc de visions de mystiques chrétiens du genre enfer, paradis, voire purgatoire, etc. mais on a également très tôt des exemples de texte purement profane et en quelque sorte « rabelaisien » avant la lettre également titré Aisling, comme la célèbre Aislinge Meic Con Glinne ou Vision de MacConglinne qui date du 11e siècle.
L’aisling médiévale originelle traite néanmoins en général du rêve ou des visions d’un homme à l’état de conscience pour le moins altéré, en rapport avec l’autre monde. La meilleure des preuves en est que le plus célèbre de ces textes, la vision de l’abbé d’Iona appelé Adamnan (mort en 704) est tantôt désignée par l’appellation Aislinghi Adamnain tantôt par l’appellation Fis Adomnain. L’Aisling Tundail ou Vision de Tundale du 16e siècle relève encore de la même catégorie de visions de l’autre monde, mais à partir du 17e siècle le terme aisling ne sera plus appliqué qu’ à une littérature profane n’ayant plus rien à voir avec l’inspiration originelle à laquelle on peut néanmoins rattacher les genres secondaires que sont les echtrai ou imrama (voyages païens ou navigations chrétiennes).
Ce qu’Henri Lizeray a très très prudemment appelé, dans sa D.S.S.D. « les effets de l’hyperesthésie cérébrale et nerveuse ».
Chez les Celtes en effet, la vision était apparentée au rêve ou au cauchemar, voies normales de toute révélation divine.
Avoir une vision, c’est être mis, par l’action d’une puissance supérieure ou préternaturelle (un dieu-ou-démon ?) en présence d’objets ou de personnes en principe cachés, voire inaccessibles. Ces visions s’adressent à l’esprit et à l’imagination (fréquentes par exemple chez les awenyddion, que ce soit dans un état de demi-sommeil ou en rêve).
Vu la conception druidique des sciences, il n’est nullement question de nier la réalité du don de voyance quand il s’avère authentique (il s’agit d’un boudisme accordé par les dieu-ou-démons). La seule question délicate par principe demeure celle que pose la connaissance de l’avenir. Peut-on modifier le futur prédit pour qu’il ne se réalise pas ?
Le problème est ouvert et reste à creuser.
Le néo-druidisme est extrêmement prudent vis-à-vis des prétendues voyances de certains pseudodruides actuels (par exemple MM. P… C… C…… – L… G……, etc.) dont les soi-disant boudismes relèvent plus de l’escroquerie que du phénomène métapsychique ; et montre donc la plus grande circonspection lorsqu’une personne déclare avoir été ainsi favorisée par les dieu-ou-démons.
AMARCOLITANOS (pluriel AMARCOLITANI). « C’est-à-dire lucide, à la vue perçante ou qui voit loin ». Le cerveau d’un homme adonné aux études est rempli de particules plus subtiles que celui d’une personne qui mène une vie seulement matérielle (Henri Lizeray, la Doctrine secrète des Druides). Littéralement « qui fait preuve de largeur de vues ». Nom d’un type de très-sachant, plutôt intellectuel ou philosophe. En tout cas tolérant.
AMBACT. Assistant, serviteur du rituel. Le sens initial du nom commun ambactos était : agent, membre de l’entourage. (ambi = autour, act- ; racine commune au celtique et au latin : idée d’action).
AMBICATUS. Ambicatus ou ver sacrum ambicatusien. Ambicatus signifie « combat mené sur les deux plans, le plan temporel, mais aussi le plan spirituel ». Expédition armée mettant donc en jeu des effectifs très importants, y compris des femmes. Certains de ces ambicatus avaient lieu suite à des demandes de peuples frères agressés par des ennemis, comme dans le cas de la tentative de génocide perpétrée contre les Celtes sénons du Picenum. Cette notion de combat temporel, mais aussi spirituel (ambicatus) explique sans doute le peu d’empressement des Celtes à venir en aide aux Romains dans leurs démêlés avec Hannibal, et ce, de l’aveu même de Tite-Live (Livre XXI. Chapitre XX).
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« Dans un discours où ils vantaient la gloire, la valeur du peuple romain et la grandeur de leur empire ; les envoyés de Rome demandèrent de ne point laisser passer les Carthaginois qui allaient porter la guerre en Italie.
On entendit alors des éclats de rire si violents et de tels murmures, que les magistrats et les vieillards purent à peine calmer les jeunes guerriers.
Quelle impudence ! Quelle sottise ! s’écriait-on ! Demander que nous attirions sur nous la guerre, pour l’empêcher de passer en Italie ! Que nos campagnes soient dévastées, pour préserver du pillage celles de l’étranger ! Le tumulte enfin apaisé, on répondit aux ambassadeurs qu’on n’avait ni à se louer des Romains ni à se plaindre des Carthaginois, pour servir la querelle de Rome contre ses ennemis. En outre on savait que le peuple romain chassait les Celtes du territoire et des frontières de l’Italie, leur faisait payer tribut et subir mille outrages. Cette réponse fut à peu près celle des autres peuplades ».
De nombreux chefs de ces ambicatus étaient d’ailleurs connus pour leur réputation de justice et prenaient volontiers en main la cause de ceux que l’on opprimait, tel le célèbre roi de Tylis appelé Cavaros.
Polybe, Histoire Générale, IV, 46 : « Ces Celtes étaient du nombre de ceux qui, sous Brennus, étaient sortis de leur pays, et qui, s’étant échappés du péril dont ils étaient menacés à Delphes, s’enfuirent vers l’Hellespont, où ils s’arrêtèrent. Les environs de Byzance leur parurent si délicieux, qu’ils ne pensèrent point à passer en Asie… La chute de cette monarchie se produisit sous Cavarus. Les Celtes tombèrent à leur tour sous la puissance des Thraces, qui ne firent quartier à aucun, et qui en éteignirent entièrement la race » (un génocide donc).
Polybe, Histoire Générale (fragments, VIII) : « Cavarus, chef des Celtes qui habitaient la Thrace, pensait noblement et avait des sentiments dignes d’un roi ; il fit en sorte que les marchandises puissent naviguer sur le Pont-Euxin sans courir de danger, et fut d’un grand secours aux Byzantins pendant les guerres qu’ils eurent à soutenir contre les Thraces et les Bithyniens ».
AMBIVESSA. IMBAS FOROSNAI en gaélique, ou « grande science qui illumine », nom d’une technique ou d’une science druidique antique. D’après le Senchus Mor aurait été interdite par saint Patrice. Encore pratiquée en Irlande au 10e siècle si l’on en croit la conclusion du récit intitulé « le pillage du château de Maelmilscothach » dû à la plume du grand poète Urard Mac Coisé.
AMBOLC. Seconde fête ollototale du cycle celtique : avait lieu le I Anaganti. Fut reportée aux 1er et 2 février, puis christianisée en Chandeleur. *Ambivolcaia signifie étymologiquement « lustration ». Ayant évolué en gaélique sous la forme imbolc, y prit ensuite le sens d’onction. Cette fête totale est appelée aussi oimele (<*ouiomgltis, ou lactation des brebis), en Irlande.
ANAMONE. Les peuples anciens distinguaient souvent plusieurs types d’âme qui nous sont aujourd’hui à nous, hommes modernes, devenus incompréhensibles. Il y avait par exemple l’âme = souffle vital (l’anatlo). Pour les très-sachants de l’Antiquité par contre, l’anamone était la partie pure âme de l’être humain. L’anamone n’était pas considérée comme immortelle à proprement parler, mais comme destinée à subsister dans l’autre monde beaucoup plus longtemps que la partie esprit ou menman de l’être humain ou gdonios. Associée à la partie esprit ou menman de l’être humain, cela donne ce que l’on appelle l’anaon en breton, le binôme âme+esprit. Cette anamone ou âme individuelle humaine n’était pas tenue pour immortelle au sens strict du terme, mais comme devant survivre au corps beaucoup plus longtemps que son esprit ou menman.
L’anamone est comme une larme de feu issue du grand réservoir psychique universel appelé awenyddio et généralement symbolisée par de l’ambre jaune.
L’Homme est d’abord ou ensuite un corps (Kicos) engagé dans le monde matériel.
Il a deux âmes ou du moins une âme composée de deux parties contrairement à ce que pense Allan Kardec.
— L’âme individuelle (anamone) qui appartient au monde purement spirituel et qui est le véritable Soi ; l’être immortel et immuable de l’Homme. Cette âme est directement rattachée à la source spirituelle universelle, elle engendre l’esprit qui meut à son tour le corps physique et reçoit les « empreintes » des diverses expériences sensitives. Cette âme perçoit donc « l’essence » de l’esprit. C’est, certes, ce que nous appelons aujourd’hui âme [N.D.L.R. C’est-à-dire une parcelle de l’esprit divin], mais c’est aussi en même temps un germe de la conscience d’être individuelle.
— L’esprit ou conscience (menman) qui appartient au monde intermédiaire. L’âme et l’esprit étant intimement liés, l’anamone selon les très-sachants est donc en réalité une âme-conscience. Cette conception diffère bien entendu totalement de celles du judaïsme du christianisme ou de l’islam, pour lesquels l’âme a été créée par Dieu ou le Démiurge à l’usage exclusif de chaque individu ; même si ce
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créatianisme a tardé à s’imposer (voir les hésitations augustiniennes) car d’abord professé par des opposants au dogme du péché originel. Le pape Anastase II (en 498) lèvera cette « hypothèque » doctrinale, en déclarant compatibles la création immédiate de chaque âme humaine et la transmission du péché originel, ce dernier n’étant pas imputable au Créateur. Pour les très-sachants de la druidiaction, l’âme universelle, le Grand Esprit, l’essence de toute chose, l’awenyddio, transcende toutes les formes d’existence et, lorsqu’elle réside dans un individu, prend le nom d’anamone. Toutes les anamones procèdent de l’awenyddio ou âme universelle, et sont aussi nombreuses et diverses que les corps dans lesquels elles s’incarnent.
L’âme humaine ou anamone n’est rien d’autre que l’âme universelle individualisée ou conditionnée, incarnée dans un individu. D’où son immortalité. Quand l’âme universelle est engagée dans le cours d’une existence humaine, elle devient une âme individuelle ou anamone.
Mais si l’anamone est éternelle, indestructible, où se trouve-t-elle avant la naissance de l’individu ? Où va-t-elle après sa mort ? Toute âme est une émanation divine, une larme de feu arrachée au Brasier de l’Être-Un.
L’âme humaine, qui appartient au monde spirituel directement émané de l’être supérieur (l’awenyddio) contient donc un fragment de la substance spirituelle de cet awenyddio, un germe divin. Ce germe divin tend, tout naturellement, à réintégrer sa source pour y reprendre la place qu’il avait à l’origine.
Chaque âme est une émanation du Tout en voie d’involution/évolution, une larme de feu divine immergée dans la matière et en quête de son origine, remontant vers sa Source comme le saumon dans une rivière, en une progression continue.
L’identité de nature de l’âme individuelle (anamone) et de l’âme universelle (awenyddio) est fondamentale, mais l’âme universelle n’est pas consciente d’une telle identité. Tout l’effort de l’anamone doit consister à lever patiemment un à un les obstacles semés sur son passage par le monde matériel que personnifie la Fata Morgana : l’ignorance, l’erreur, les passions, et ainsi de suite.
Le bitos ou cosmos est un Tout organique, animé par une Énergie divine, à laquelle tout Celte d’esprit est appelé à s’identifier afin de réaliser sa propre nature ultime.
La connaissance ou reconnaissance de cette identité ne mène en aucune façon à la libération, elle est elle-même épanouissement définitif et instantané, de l’âme ; et fin du cycle des réincarnations (réincarnation dans l’autre monde des dieu-ou-démons, réincarnation sur terre en bacuceos, voire aussi dans un certain sens en seibaros).
Le salut commence donc par la reconnaissance du fait que l’âme est incarnée ou prisonnière dans la matière, et se poursuit par la pratique des voies qui vont forcer l’épanouissement de cette anamone.
La concrétisation de toute vie spirituelle digne de ce nom est de suivre une ou plusieurs de ces voies capables de permettre à l’anamone ou âme individuelle de se fondre dans le Pariollon (le Grand Tout).
Du point de vue de l’éthique, de la morale, ou de la déontologie ; cette identité implique que toutes les « anamones » individuelles par-delà les frontières et les races, les religions et les croyances, si différentes soient-elles, sont toutes les reflets de la même âme cosmique universelle (awenyddio) ; faisant ainsi de tous les êtres présents et à venir des frères. Cette identité sert ainsi de base à la morale sociale la plus évoluée qui soit et qui est le contraire même de la loi juive (du talion ou de la différence entre peuple élu et goïm). « N’être jamais injuste est un devoir absolu et il est de notre devoir de ne jamais l’être, même envers celui qui l’a été à notre égard. Ne jamais rendre injustice pour injustice, ni mal pour mal est une obligation sacrée ».
Ces paroles de Socrate dans son dialogue avec Criton mis en scène par Platon, soulignent cette unité primordiale, en éliminant toute distinction entre les autres et le « moi ». Réellement et intrinsèquement nous sommes tous frères. Celui qui voit en chaque être son étincelle spirituelle, une larme de feu divin, une âme, une anamone, qui participe de l’essence de la divinité, perçoit bien la véritable nature des choses. Et puisque l’Englobant universel du Pariollon est en même temps épanouissement de nos virtualités, à commencer par celui des pouvoirs préternaturels en germe dans l’espèce humaine depuis le début, nous savons par expérience que nous sommes éternels (Spinoza. L’Éthique). Il suffit d’adopter une autre attitude spirituelle (d’ouvrir son troisième œil) pour trouver l’épanouissement. Celui qui a compris que sa propre anamone chétive et limitée s’identifie aussi, en réalité, au transcendant immanent de l’Awenyddio, celui-là, les aléas de l’existence ne l’atteignent plus.
ANAON. Les peuples anciens distinguaient souvent plusieurs types d’âme qui nous sont aujourd’hui à nous, hommes modernes, devenus incompréhensibles. Il y avait par exemple l’âme = souffle vital (l’anatlo). Anaon est un terme breton désignant le binôme âme+esprit, anamone+menman. Ce qui passait dans l’autre monde pour les très-sachants bretons ce n’était pas seulement l’âme du défunt à
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l’état pur, mais aussi en fait et pour un certain temps, son esprit ou menman. D’où la notion bretonne d’anaon.
Après avoir passé plus ou moins de temps dans l’au-delà, les anaon disparaissaient par extinction progressive de leur partie esprit humain ou menman, ne laissant plus alors subsister dans l’autre monde que la partie âme pure de l’être humain ou gdonios, connue sous le nom d’anamone.
ANATIOMAROS. En grec Semnothée. Grande âme.
La grande âme est l’anaon de type supérieur obtenu après vision du Graal (appelé Kronos par Plutarque) et accession à l’état d’awenydd comme dans le cas de Myrddin/Merlin. Si l’on en croit les habitants de l’antique Grande-Bretagne en effet, la désincarnation d’une grande âme/esprit s’accompagnait de divers phénomènes météorologiques.
« Rien n’est plus enchanteur que la nature de cette île, où l’air est d’une charmante douceur. Quelques-uns pensaient à la quitter, mais le Dieu les dissuada en se présentant à eux comme à des familiers ou à des amis. Ce n’est pas en effet uniquement en songe, ou par des visions symboliques, que beaucoup de ces insulaires voient des dieu-ou-démons et conversent avec eux, c’est face à face. En ce qui concerne Kronos lui-même [le Graal ?], il demeure dans une grotte profonde, où il dort sur un rocher brillant comme de l’or ; car c’est par le sommeil que Zeus a imaginé de le lier. Des oiseaux dont la demeure est en haut de ce rocher viennent en voltigeant apporter au Dieu de l’ambroisie. Une odeur délicieuse s’exhale de ce rocher comme d’une source, et parfume l’île entière. Les Démons dont nous avons parlé entourent Cronos et lui prodiguent leurs soins. Ils faisaient partie de sa cour quand il régnait sur les dieux et les hommes. Possédant eux-mêmes le don de divination, ils font un grand nombre de prédictions et, sur les événements les plus importants, font des révélations précieuses dont ils assurent qu’elles sont les songes de Kronos » (Plutarch. De facie in orbe lunae, 26).
« Quand tout fut calmé, les habitants de l’île lui expliquèrent que c’était une des âmes/esprits supérieures [megalai psychai en grec] qui venait de trépasser. Car, ajoutèrent-ils, de même qu’une lampe allumée n’a rien de fâcheux, mais qu’en s’éteignant elle est désagréable pour plusieurs, de même les grandes âme/esprits, lorsqu’elles brillent de tout leur éclat, sont bienveillantes, loin d’être funestes à personne ; mais quand elles s’éteignent et s’anéantissent, souvent alors elles entraînent, comme cela vient d’arriver, des tourbillons et des orages, souvent aussi même, elles empoisonnent l’air de souffles pestilentiels » (Plutarque. Sur les sanctuaires dont les oracles ont cessé.18).
anatiomaroi (grec semnothées)
ANDABATA. Gladiateur combattant masqué ou aveuglé par son casque. Le nom est d’origine celtique et signifie « aveugle ».
ANDERODUMNON OU ANDUMNON (annwn en gallois, infernum en latin, etc.) Au sens étymologique, l’andumnon ou anderodubnon désigne ce qui est en dessous. Beaucoup de religions en effet ont placé sous terre le séjour de certaines entités, séjour au demeurant considéré le plus souvent comme une disgrâce par rapport à une vie céleste. Ce fut le cas chez les Celtes irlandais jusqu’à la venue du Hésus Setanta qui, par sa descente dans ces « enfers glacés » avant son apothéose ; a montré que ce n’était pas un lieu de séjour éternel pour les âme/esprits, mais seulement une étape, très provisoire, avant une éventuelle réincarnation. L’existence même dans la littérature irlandaise de récits de type echtrai ou imrama, montre bien que l’idée d’une possibilité d’aller dans ces autres mondes, et d’en revenir, était admise par les très sachants.
L’andumnon… il faut simplement y descendre pour en ressortir plus grand (initiation ?)
La conception préhistorique de l’Anderodubnon ou de l’Andumnon celte (Annwn en gallois) au début a ressemblé à celle du Shéol juif.
Avec toutefois une différence considérable. Ce non-monde celte n’était d’après eux qu’un des mondes attendant les âme/esprits après la mort ; il y avait aussi l’autre monde appelé Vindomagos (le Champ Blanc lumineux, équivalent celtique des Champs-Élysée grecs). Vindomagos a donné Gwynfa en gallois et Finnmhag en gaélique. Voir ce mot.
Depuis les druides primordiaux du troisième millénaire avant notre ère (quelque part en Europe centrale ou en Hyperborée) on sait que les âme/esprits, quand elles ne vont pas au Vindomagos, ne restent jamais définitivement après la mort dans ce non-monde du Shéol appelé Annouim en gallois ; mais qu’elles se réincarnent après sur Terre, la notion de punition éternelle étant inconnue des très-sachants de l’Antiquité en effet. Pour les très-sachants de la druidiaction donc, l’Andumnon ou Anderodubnon, n’est qu’un lieu de passage, PROVISOIRE, ou plus précisément un état transitoire, avant réincarnation sur terre des âme/esprits n’ayant pu accéder au paradis celtique (appelé
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Vindomagos). L’andumnon, c’est la brûlure du froid intense que l’on ressent quand on se retrouve éloigné de la lumière.
ANMATUS (pluriel ANMATI). Mot à mot : « pas-bon ». Cette notion désigne les personnes qui accumulent trop de fardeau psychique (bran) dû à des manquements ou à de mauvaises actions, et qui se trouvent vouées au cycle infernal de l’ategeneto ; soit par réincarnation quasiment immédiate, soit par réincarnation après un ajournement ou attente provisoire dans l’Andumnon. (Un « Non-Monde » imaginé comme froid total et absolu.)
Dans l’ancien druidisme, cette situation d’anmati était attribuée par définition aux âme/esprits des défunts ressortissant à la 4e catégorie du système trifonctionnel celtique, autrement dit aux Non-Celtes, les « atectai toutai » ou « anariai ». Dhimmis en terre d’islam. Classe en quelque sorte hors caste et composée des populations vaincues, soumises et non encore assimilées. Peuples censés être privés d’autre monde et voués à la réincarnation perpétuelle ici-bas, pour servir les trois autres fonctions proprement celtiques : très-sachants, guerriers (Kinges) et peuple (Broges).
L’assimilation entre vainqueurs et vaincus se faisant peu à peu, par le processus de celtisation, cette idée d’une quatrième classe a disparu ; de sorte que la notion d’anmati a fini par seulement désigner les gdonioi (les êtres humains), destinés à être bacucei ; c’est-à-dire voués à la réincarnation sur cette terre, étant donné leurs fautes et leurs manquements (ategeneto due à leur trop-plein de bran) après passage plus ou moins bref en Andumnon.
ANMENACTON. Voir CÉRÉMONIE DU NOM. Baptême païen. 1er type de cérémonie du nom, le plus ancien. Vient de anmen = nom.
ARGANTHONIOS : roi de la cité de Tartessos (ou Tarsis dans la Bible). Son nom signifie Argent (Arganton) en celte.
ATEBERTA ou ADBERTON : offrande (mot à mot : « apport », du celtique adbero = j’apporte).
ATECTAI. Atectai est le nom celte donné aux peuples vaincus qui deviennent ainsi en quelque sorte soumis ou placés sous protectorat. Ce statut n’est pas à confondre avec celui d’esclave, mais il est tout aussi répandu. L’extraordinaire longévité en tant que celtophones pendant plusieurs siècles (de – 279 à + 386 si l’on en croit saint Jérôme) des tribus installées dans l’actuelle Turquie impliquent qu’ils ont dû vivre à côté des populations qu’ils avaient soumises par les armes sans chercher à les réduire ou à les expulser, mais en se contentant d’en prélever des impôts. Sans doute en concentrant leurs habitats sur les zones du territoire les plus faciles à fortifier donc à défendre. En Orient on appellera plus tard ce genre de populations à statut sous protectorat des dhimmis. À noter, l’existence de dikastes chez ces Galates prouve qu’il y avait donc aussi des druides chez eux. Ce qui ne les a pas empêchés d’exercer diverses fonctions sacerdotales en tant que prêtres de Cybèle notamment ainsi que nous le prouvent les listes de prêtres émanant de divers sanctuaires de la région, notamment de Pessinonte. Vers -160 son Attis ou grand-prêtre était déjà par exemple un Galate (puisque son frère avait un nom incontestablement celtique, Aioiorix, mentionné dans une lettre du roi de Pergame Eumène II). On peut également citer l’exemple de Brogitaros d’après Cicéron. En tout cas pour tout ce qui est des Galates nous recommandons l’excellent ouvrage sur le sujet de Fernand Lequenne paru en 1959.
ATEGENETO, pluriel ATEGENETONES (métensomatosis en grec). Signifie réincarnation des âme/esprits. En règle générale conçue de façon négative par les très-sachants de l’Antiquité, sauf exception évidemment ! Diverses méthodes ont été développées par eux pour libérer les mortels de ce cercle vicieux et infernal qu’est l’ategeneto.
Il importe de bien distinguer l’ategeneto (analogue au samsara : cycle de réincarnation, qui est un « effet »), de sa cause. Celle-ci correspond au concept de carma dans l’hindouisme. Ce dernier terme est un mot sanscrit, comme celui de samsara. Il signifie « l’effet cumulatif » ou « poids » des actions passées, sur le sort à venir, autrement dit : la cause potentielle de l’ategeneto. La meilleure traduction celtique se trouve sans doute dans le mot bran : poids, résidus, ou scories, que l’on doit supporter ou traîner.
Un « mauvais carma » entraîne un « mauvais samsara ». En langage de très-sachant : « Trop de bran » déclenche une « ategeneto ». (Voir le mot baccuceos).
Corollaire : l’absence ou la quasi-absence de bran rend inutile l’ategeneto.
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ATEGNATUS (latinisation du mot celte « deux fois né », au sens d’initié, et non au sens strict de « né charnellement une deuxième fois », ce qui est en règle générale impossible). Ategnatus renvoyait chez les Germains à la notion d’helgi ou d’heilagr. On ne s’étonnera pas de constater les relations du mot avec la notion de chance, de bonne chance (une sorte d’élection divine).
Certains hommes et certaines femmes sensibles à la présence du Graal en ce monde (image pour désigner le sacré) reflètent plus clairement que les autres sa lumière.
« Je sais que je ne sais rien, que je te dois tout, que tu m’as choisi, et que mes forces viennent de toi », se dit l’ategnatus tous les matins en pensant au divin. « Nate, nate, memento beto to devo » répétait la mère de saint Symphorien d’Autun.
Est ategnatus (ou heilagr en germanique) tout ce qui peut se réclamer d’une manière ou d’une autre, d’une appartenance au surnaturel qui transcende par définition nos catégories ; ou, ce qui est la même chose, à un ordre de vie dont nous ne sommes que les représentants ou exécutants temporaires.
Les très-sachants de la druidiaction admettent bien entendu la réalité des inspirations dues à l’esprit-feu représenté par Toran/Taran/Tuireann chez les très-sachants primordiaux ; intuition de nature spirituelle pouvant ouvrir à une conscience directe de la présence divine ou de la vie de l’âme/esprit (beaucoup de conversions ont commencé ainsi) ; car le Graal attire certaines personnes, de façon particulière, en vue d’une mission. Cela peut être vrai de peuples entiers (les nations d’esprit celte dont la vocation particulière est d’être des peuples de première fonction c’est-à-dire des nations sacerdotales) ou des hommes animés de la même foi.
« Hécatée ainsi que quelques autres auteurs racontent qu’ il y a au-delà de la Celtique, dans l’Océan… Ils sont tous, pour ainsi dire, les prêtres de ce dieu. Chaque jour, ils chantent des hymnes en son honneur. On voit aussi dans cette île une vaste enceinte consacrée à Apollon, ainsi qu’un magnifique temple de forme ronde et orné de nombreuses offrandes ; la ville de ces insulaires est également dédiée à Apollon. La plupart de ses habitants jouent de la cithare et la font résonner en continu dans le temple pour y chanter des hymnes de louanges en l’honneur de ce dieu et glorifier ses actions » (Diodore de Sicile Histoire universelle livre II :47).
Cette idée de peuple ou de nation sainte, hyperboréenne, sacrée, ne signifie pas que le divin se manifeste toujours directement et de façon spectaculaire, comme l’affirment les judéo-chrétiens. L’Être transcendant immanent ne peut appeler les Hommes que par le truchement de médiations diverses : des apparitions, des événements, des rencontres, des paroles lues ou entendues… Cet appel laisse les mortels libres de leur réponse. Personne n’est obligé de répondre au téléphone.
La foi est une rencontre dont le divin prend toujours l’initiative (c’est l’idée de Dieu faisant brusquement irruption dans la conscience des hommes), mais c’est aussi une certaine conception du Dieu supérieur.
ATENOUX. Littéralement nouvelle (ate) nuit. Nom de la seconde moitié de chaque mois dans le calendrier de Coligny commençant à la nouvelle lune.
ATEPOMAROS. Le Grand Cavalier, personnage mythique ayant co-fondé Lugdunum.
AUENTIA ou AWENYDDIO. Les peuples anciens distinguaient souvent plusieurs types d’âme qui nous sont aujourd’hui à nous, hommes modernes, devenus incompréhensibles. Il y avait par exemple l’âme = souffle vital (l’anatlo).
On appelle par contre awenyddio l’âme pure par opposition à la matière, surtout envisagée au niveau général ou cosmique, considérée en tant que source ou processus. Une sorte de grand réservoir psychique universel en quelque sorte. Ou carrément, selon certaines Écoles, l’âme universelle, l’âme du monde, dont Taran/Toran/Tuireann est l’agent actif. Ou plus exactement c’est en fait l’énergie ou shakti (celtique brigo) de Taran/Toran/Tuireann, car Taran/Toran/Tuireann lui est un deus otiosus bien oublié de nos jours.
Quand elle est individualisée de façon permanente, quand il s’agit par exemple de l’âme humaine, on l’appelle anamone.
Pour accéder à l’awenyddio, il faut achever de purifier son anamone (son âme) de toutes les scories provenant de son interaction avec le corps. Ceci étant achevé, il se produit ce que l’on appelle une illumination et cette illumination conduit à l’awenyddio, dans lequel on peut entrer directement à partir de ce bas monde (rarissimes exceptions) ou à partir de l’autre (cas le plus fréquent).
AWEN. Notion fréquemment utilisée par les très-sachants pour affirmer la primauté de l’esprit sur la matière, la primauté de l’âme, sa presque immortalité.
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Ce mot gallois vient du vieux celtique auentia, dont nos ancêtres avaient fait une allégorie divinisée, qui a d’ailleurs donné son nom à la ville suisse d’Avenches. « Ce mot revient souvent dans les mystères des bardes de l’Île de [Grande] Bretagne. Il a échappé à toutes les destructions, et il évoque à lui tout seul le génie celte » remarque Henri Lizeray ; qui note, dans sa D.S.D.D. que l’awen est tout ce qui nous reste de la théorie de l’inspiration chez les Galli. « Ce mot est tout à fait particulier à la race des Kymris […] c’est la personnalité même dont le sentiment si vivace, fit croire à la survie, et inspira les descendants des Galls quand ils crièrent le mot de Liberté ! Puissante synthèse de la doctrine de nos aïeux […], car l’awen subsiste qui, pour conserver le plus possible de sa personnalité contre les menées des uns et les violences des autres, doit donc avoir son courage et sa politique ».
On théorise aujourd’hui autrement, mais pas de façon si différente que cela dans le fond, le problème de la formation de la conscience de soi (elle fonctionnerait aussi selon les lois de la physique théorique). Comment expliquer en effet l’unicité de cette conscience humaine ?
AWENYDD pluriel AWENYDDION. Mot gallois : « inspiré », d’où aussi parfois « poète », mystique.
Vient d’awen = inspiration, intuition, lui-même issu du celtique aventia. Parler des awenyddion, c’est parler du désir fondamental de tout mortel d’accéder au divin, de ne faire qu’un avec lui.
Les awenyddion sont la preuve vivante du fait qu’il est possible à chaque mortel de vivre en état d’union avec l’Être transcendant immanent. L’awenydd est donc un homme ou une femme qui a vu le Graal et qui ne sera plus affecté par le cycle infernal des réincarnations sans fin (ategeneto).
Un awenydd garde néanmoins toujours quelques traces de la grande ignorance originelle, de la faiblesse originelle, affectant tout être humain (puisqu’elle affecte même la race des seigneurs, voir le mythe de la malédiction des Ulates, Ces Noinden Ulad) ; et peut encore être sujet à certaines tentations, en rêve notamment.
Il n’a pas toujours la maîtrise du monde tridimensionnel qui est le nôtre, malgré sa connaissance et son expérience des grandes lois de l’univers.
AWENYDD (état d’awenydd). Mot gallois signifiant « inspiré », mystique = CHEMIN DE DAMAS. Vient d’awen ci-dessus. L’étymologie avent – (souffle) se retrouve aussi dans le mot aventos signifiant vent. Cette racine est ainsi le strict équivalent de la racine italique spir qui a donné spiritus. L’illumination en question concerne la conscience ou l’esprit du gdonios, cette partie profonde et centrale de l’être où l’Homme peut se recueillir et s’unifier. Sentiment supérieur au simple bien-être, plus fort que la jouissance : l’oubli total de notre monde tridimensionnel.
Cette illumination peut aussi revêtir la forme d’un coup de génie concernant des idées ou des vérités d’ordre philosophique ou scientifique. Une telle illumination est instantanée. Elle ne représente jamais un état stable, mais bien plutôt un moment fugitif comme l’éclair.
Les chrétiens comme Giraud de Cambrie ne devraient pas s’en moquer, c’est exactement ce qui est arrivé à un de leurs plus célèbres prophètes, littéralement le fondateur de leur religion de masse (par acculturation de certaines thématiques juives dans l’hellénisme païen de son temps). Cela se passa le 25 janvier 31 (ou 36 ?) sur la route menant de Jérusalem à Damas. En arrivant à Damas.
La difficulté d’appréhender cet état mystique vient de la difficulté de le définir. On peut dire que l’état d’awenydd est l’expression d’une expérience (instantanée ou pas) d’unité-communion-présence, avec le monde des dieu-ou-démons. Cet accès de l’âme/esprit au monde des dieu-ou-démons, correspond bien évidemment à un des plus profonds désirs des mortels (l’union mystique ou noces de l’âme/esprit et de Dieu-ou-Diable). Ces grandes âme/esprits sont les signes de la possibilité pour les simples mortels d’être ou de se sentir… semblables à des dieu-ou-démons (élohim).
Il existe de nombreux procédés pour atteindre l’état d’awenydd. Les techniques respiratoires, l’absorption d’élixirs sacrés (soma/haoma/psilocybe ?), l’alchimie intérieure (la méditation) sont aussi des moyens de parvenir à l’état d’awenydd, c’est-à-dire de se hisser à un état de conscience supérieure, en parvenant ainsi à l’extase.
Cet état de conscience se caractérise par la perte des différents sens, sauf peut-être de la mémoire. L’état d’awenydd est une communication sensible avec l’au-delà. Il renforce la volonté de celui qui l’a vécu, ouvre son intelligence spirituelle (en fait une « grande âme/esprit »). Il peut s’accompagner aussi de divers phénomènes physiques. Le simple mortel se sent comme arraché à lui-même, envahi et embrasé par sa lumière. Cette sorte d’arrachement à soi prend, semble-t-il, le nom d’extase ou de vision (aisling), chez les chrétiens celtiques (Adamnan, Fursy, Drythelm, Laisren). L’état d’awenydd est comme une sortie hors de soi de l’esprit/conscience individuel, en rêve.
Le simple mortel qui connaît une telle expérience a l’impression d’être dépossédé de lui-même par les dieu-ou-démons qui s’emparent de lui.
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Et pourtant, il a en même temps la conviction de retrouver ainsi sa véritable identité. Une vie tout entière consacrée à la quête du Graal peut connaître plusieurs moments d’illumination de ce type qui sont comme autant de barreaux sur l’échelle menant au ciel.
BACUCEUS (pluriel BACUCEI). Mot à mot « possédé ». Le terme BACUCEOS, BACUCEA (réincarné, réincarnée) a été cité sous une forme latinisée, à l’accusatif pluriel, par Jean Cassien (Conlationes, 7, 32, 2) au début du Ve siècle.
« Ceux que le vulgaire appelle bacuceos, se haussaient au-delà de la taille normale de leur corps, et se grandissaient avec morgue ou en gesticulant […] estimant être des gens illustres et importants ; ils se montraient partout en train d’adorer de tout leur corps les puissances du ciel (sublimiores) ou alors ils se croyaient eux-mêmes adorés par les autres ».
Les propos de Cassien sont assez vagues ou plutôt ils sont très précis, mais contradictoires ; car si nous les comprenons bien, le bacuceos, cela peut être un peu tout et n’importe quoi (gentil ou plein de morgue, prostré ou exalté, gesticulant, adorateur ou adoré…)
Les bacucei sont comme les prisonniers ou les possédés d’une entité supra humaine restant à définir, conséquence inéluctable du temps et de la vie qui distribue partage ou répartit (les âme/esprits).
Les désordres et les troubles du comportement décrits par Cassien sont le signe des difficultés d’adaptation de l’âme/esprit à son nouveau corps, même quinze ans après (corps trop petit ou trop grand, et ainsi de suite).
Les bacuceos sont donc des personnes qui manifestement n’ont pas résisté à diverses tentations ou impulsions de perversité voire de cruauté (qui ont accumulé par conséquent du bran : des scories, les vouant à l’ategeneto, autrement dit un carma, les condamnant à se réincarner). Ce terme a été abusivement étendu dans l’Antiquité à des personnes souffrant de troubles psychiatriques ou pathologiques (épilepsie par exemple). De toute façon, dans l’hypothèse où il y aurait bien réincarnation, en bacuceos (les cas sont toujours rarissimes) ce n’est pas l’âme qui transmigre ainsi de corps en corps, mais un continuum de conscience, un processus progressif d’apprentissage et d’accomplissement individuel ; et l’enseignement des très-sachants de la druidiaction est le moyen par excellence de se libérer de cette nécessité de se réincarner sur terre (en bacuceos).
Certains pseudodruides comme il en existe tant aujourd’hui, hélas, se fondant sur ce témoignage de Cassien (nostalgie de la chute, etc.) affirment qu’il serait possible de se souvenir de ses vies antérieures ; mais les cas isolés avancés à l’appui de cette thèse posent toujours le problème de la vérification.
BAGAUDE. Résistance populaire animée par des très-sachants comme Gutuater ou Mariccos, afin de lutter contre l’envahisseur ou l’occupant romain. L’historien français Maurice Bouvier (un lointain parent de Jacqueline Kennedy peut-être) a bien démontré, dans son ouvrage consacré aux empereurs celtes, le ressort profondément religieux de ces mouvements de résistance des paysans opprimés ou écrasés d’impôts (alors que les notables, eux, évidemment, collaboraient avec l’occupant).
BARDE. Sorte de trouvère celte. Le côté un peu trop profane de leurs activités a fait qu’ils ont été rapidement christianisés, donc qu’ils se sont séparés très tôt de la spiritualité celtique authentique, défendue par la sodalité des druides, vates, vellèdes, ou gutuatres. Certains groupes actuels font néanmoins encore appel à cette forme de druidisme inférieure, mais très populaire.
BELENOS. L’Apollon celte. Dieu-ou-démon du soleil et de l’harmonie.
BELLISSAMOS /BELLISSAMA. La racine bel – se retrouve dans un certain nombre de noms de dieux ou de déesses comme Belesama (nom de la Mersey) ou Belenos (l’Apollon celtique) et signifie quelque chose comme « très brillant ». Renvoie à la notion de corps glorieux. Exact équivalent de l’avestique xvarnah, flamboiement de la lumière primordiale. Mais cette lumière primordiale, incréée puisque c’est une propriété intrinsèque de la divinité (Yasna 12.1, 31.7, 35.10), était en réalité dans cette conception pas si éloignée que ça de l’architecture du monde, l’énergie à partir de laquelle Ahoura Mazda avait appelé à l’être tout ce qui est, y compris les êtres divins du plérôme.
Ce n’était pas la lumière purement abstraite des gnostiques et des manichéens. Ce n’était pas une présence étrangère emprisonnée dans la grossièreté de la matière, appelant l’individu à la libérer du corps puant de cet endroit désolé.
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C’était une lumière qui remplissait les cieux, la demeure de la lumière (Y31.20), mais était non développée et latente dans la matière. La dualité fondamentale de la philosophie de Zoroastre n’était pas celle de la lumière contre les ténèbres, mais celle de la manifestation et de la latence de la lumière (les états d’existence menok et getik). De plus, le mot xvarnah implique l’intervention du destin, suggérant un biais positif de l’univers vers l’émergence et l’évolution de la lumière – une sorte d’anticipation du Frashokereti au cœur de la vie du monde : une assurance semblable à celle de Julienne de Norwich que tout ira bien…… et que tout se passera bien. On retrouve là l’optimisme bien connu de l’erdathe ou apocatastase druidique : l’enfer n’existe pas !
L’iconographie antique associait cette lumière en tant que nimbe à la religion de l’ancienne Perse. Elle a été ensuite associée aux figures de Bouddha et des Boddhisattvas et puis, en Islam chiite, à l’iconographie des saints Imams, pour être enfin, en Occident, associée aux représentations des figures célestes de l’art chrétien.
Mais ensuite, en se fondant sur certains documents, d’aucuns ont tenté d’expliquer le xvarnah comme une notion purement abstraite, ne signifiant que « chance », « richesse », « bonheur ».
L’extrême occident n’a pas été affecté par une telle évolution des idées. Le druidisme tout entier est resté sensible au sens de l’altérité ont le couple masculin/féminin fait partie. La notion de transgenre était inconnue des Celtes.
Un amoureux n’aime pas que le corps physique de sa bien-aimée, mais aussi l’image idéale qu’il se fait d’elle et qu’il appelle d’ailleurs familièrement « mon ange » dans certaines cultures. Oh certes il aime aussi son corps physique, mais il aime d’abord et avant tout la personne qui le meut et l’anime. Ce corps physique peut être vieux comme une grand-mère, malade (à peine reconnaissable en tant qu’être humain), alimenté par des tubes et branché sur des écrans de contrôle, mais il n’en est pas moins aimé pour la personne qui le fait vivre.
Qu’est-ce qu’un corps bellissamos ou bellissama en effet si ce n’est un être humain éclairé par la lumière d’un grand amour, d’une valeur ou d’un destin ? En percevant sa dimension de transcendance, nous reconnaissons le divin en lui.
Pour ce qui est des corps physiques, notre essai mentionne donc systématiquement les deux formes, la forme féminine bellissama et la forme masculine bellissamos car il va de soi que le corps masculin diffère du corps féminin. Le corps féminin est fait pour porter la vie, le corps masculin pour l’affrontement (testostérone).
Sur le plan mystique le corps bellissamos/bellissama c’est le corps de rêve dont tout le monde voudrait être doté. Cette notion implique une anthropologie selon laquelle outre son corps matériel, chaque être possède également un corps de lumière ou corps de résurrection qui est son individualité animique destinée à survivre à sa mort corporelle.
Pour les plus mystiques, chaque homme est dès lors appelé à façonner, au cours de son existence terrestre et grâce à son engagement et à la liberté de son imagination un corps subtil au moyen duquel il effectuera sa résurrection à venir et sera appelé à participer à la transformation de l’univers-vie (bitos) dans son ensemble.
BELTÈNE. Belos :-a/-on = brillant ; tenia = feu, embrasement. Autre fête totale celte. Fête du feu printanier, purification des troupeaux et des hommes en pays d’élevage. Mot à mot : feu brillant, du celtique belotenia, d’où diverses formes, beltaine, beltane, beltin, voire d’autres encore. Appelé Beldin oimelc, etc.dans la vie de notre Seigneur Hesus Setanta Cuchulainn de Moritamna.
Personne n’ira sur cette plaine, dit-elle encore une fois, qui n’aura pas auparavant affronté la pointe de Suan, le fils de Rosmelc,
o samshuan co h-oimhelc, h-o oimhelc co beldine, h-o beltine co brón trogain
[de Samon (ios) à Ambolc, d’Ambolc à Beltène, de Beltène à Bron Trogain ?]
« C’est dit, et ce sera fait ! » conclut le Hésus Cuchulainn.
Peut aussi être entendu comme « feu de Bel », nom épithète de divinité celtique : le brillant. D’abord fête trimestrielle lunaire (I Giamoni), fut reportée au 1er mai dans le cadre du calendrier julien.
BÉRET (ou barrette ecclésiastique). Du celte birros, à l’origine sorte de capuchon amovible des manteaux.
BERLA FÉNÉ. Littéralement « langue des Fené ». Il s’agit du vieux celtique et même plus précisément du belge ou du « gaileoin » (sic). Si l’on en croit le récit de la 1re bataille de la Plaine des menhirs ou des tumulus, celle qui voit le débarquement des hommes de la déesse-ou-démone ou fée Danu (bia) ; c’est en vieux celtique que les dieu-ou-démons se sont adressés aux hommes et c’est en vieux celtique que ces derniers leur ont répondu ; le berla Féné ou Iarnberlé apparemment était, pour les rédacteurs de ces récits, la langue maternelle commune des dieu-ou-démons et des hommes
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(appelés Gaileoin ou Fir Bolg, autrement dit des Gaulois ou des Belges). Le vieux celtique ou gaileoin est donc la seule langue pouvant rendre au mieux le dessein des fils de Dieu ou de la Grande Déesse-ou-démone, ou de la fée si l’on préfère utiliser ce terme, envers les hommes.
Mais comme le note le grand celtologue français breton C.-J. Guyonvarc’h dans le livre qu’il a consacré aux très-sachants de la druidiaction : ce n’était pas de toute façon une langue facile. « Ils ont la voix grosse et rude, ils parlent peu en société, mais toujours fort obscurément, affectant de laisser à deviner une partie des choses qu’ils veulent dire. L’hyperbole est la figure qu’ils emploient le plus souvent, soit pour s’exalter eux-mêmes, soit pour rabaisser leurs adversaires. Le son de leur voix est menaçant et fier, et ils aiment dans leurs discours l’enflure et l’exagération qui va jusqu’au tragique. Ils sont cependant spirituels et capables de toute érudition ». Diodore de Sicile, V, 31 qui ajoute : « La coutume est chez eux que personne ne sacrifie sans l’assistance d’un philosophe ; car ils croient devoir user de l’intermédiaire de ces hommes qui connaissent la nature des dieux, et parlent, pour ainsi dire leur langue * afin de leur offrir des sacrifices d’Actions de grâces et implorer leurs bienfaits ».
* Le terme grec exact est homophonon.
La véritable langue sacrée de la druidiaction n’est donc pas le gallois de Iolo Morgannwg et ses Gwynfid, Annwn, Ceugant (transcrits en breton Gwenved, Announ, Keugant, ni les adaptations fantaisistes comme Annouim et autres Abred ni encore les OIW de certains druidisants) ; mais le Berla Féné, ou Iarnberlé, une langue riche et précise que les linguistes reconstituent peu à peu chaque jour.
Ce vieux celtique est issu de la langue des ancêtres communs aux Aryens et autres « Indo-Européens », mais n’a pris sa forme durable et normalisée que vers le VIe siècle avant notre ère. Il n’est plus parlé de nos jours, mais a donné naissance à diverses langues dont certaines ont une abondante et remarquable littérature. Ces langues sont réparties en deux familles.
— Le celtique – P dont les principaux parlers furent jadis le Gaulois et le Brittonique (quasiment identiques), qui ont donné le gallois et le breton.
— Le celtique – Q, jadis représenté surtout par le goïdélique, dont sont issues les langues gaéliques et notamment l’irlandais.
BITOS. Terme celtique difficilement traduisible. Il ne s’agit pas de l’action d’être, mais du résultat de l’action d’être. Un « ens » en latin, ou un « étant » d’après mes correspondants français spécialisés dans ce domaine. Le Bitos pour les très-sachants ne se réduit en aucune façon à la totalité des choses visibles et observables, car cette notion pour les très-sachants de la druidiaction englobe aussi tout ce qui peut être non observable, tout ce qui relève du domaine de l’invisible. En tout cas il est significatif qu’aux yeux des druides enseignants et gardiens de la langue, monde et vie soient synonymes. Il n’y a pas de vie en dehors du monde, et le monde c’est l’ensemble de ce qui est, de ce qui vit, Le monde c’est la vie, c’est ce qui existe. Que cela soit de façon visible ou invisible. Ce qui est constitue le monde, le monde c’est ce qui est, le monde c’est l’ensemble de ce qui est, c’est l’ensemble des existences. L’ensemble des existences forme le monde. Panthéisme et non Panenthéisme.
BOUDISME (charisme) du celte bodi, boudi (gaélique buaid, gallois budd). Signifie butin, dons, présents. D’où le nom de notre célèbre reine Boadicée. Le mot renvoie aussi à la notion de « don » mental. Gaefa chez les Vikings. Ces boudismes sont la contrepartie positive des gessa. Le monde est bien fait. Les nations celtes, tout au long de leur histoire et même à travers leurs désastres, ont toujours manifesté l’extraordinaire diversité des boudismes gaefas ou charismes pouvant être accordés aux hommes par la divinité. Ces boudismes accordés par le destin peuvent être d’ordre matériel, psychologique ou spirituel : vocations, guérisons, espoir, intelligence, sagesse, science, force, discernement, ferveur, foi, sont aussi des boudismes. Dans la pensée théologique des très-sachants de la druidiaction, le boudisme à l’instar de la gaefa chez les Vikings est considéré comme un don des dieu-ou-démons, manifestant ainsi la présence de l’awen en telle ou telle personne.
BOUGETTE. Du celte bolga ; petite bourse en cuir portée à la ceinture et contenant l’œuf de serpent (écossais « sporran »).
BRAN. Mot à mot « scories, résidus, bagage ou fardeau ». Le mot bran désigne le résidu résultant de l’action de nettoyage radical qu’est la mort ; mais il désigne aussi évidemment et pour commencer, bien avant ce stade comme nous avons pu le voir, les conséquences psychiques d’un acte ou d’une
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absence d’acte, regrettable, contraire à toute déontologie. Le bran est dû aux mauvaises actions et/ou aux manquements commis au cours de la vie terrestre des êtres humains (gdonioi). Il s’agit d’un bagage psychique de remords conscients ou subconscients, remontant donc en surface au moment de la désincarnation. Les âmes/consciences individuelles (les anaon), trop chargées de bran, ne vont pas au Paradis, mais passent dans le non-monde de l’andumnon ou anderodubnon avant de se réincarner sur terre. Quelques cas par siècle. Équivalent hindou approximatif : le carma vouant au samsara. Il s’agit d’un fardeau psychique lestant l’âme et la vouant à l’ategeneto éventuellement, au-delà d’un certain seuil de tolérance.
BRATOUDECANTEM (en latin ex-voto). Offrande votive. Nom commun pour désigner une inscription ou un objet déposé dans un sanctuaire comme manifestation de gratitude envers la divinité ou une entité divine (divinisée), très souvent à la suite d’un vœu.
Le sens exact de la formule est discuté. Soit « en guise d’Action de grâce » sous-entendu, son vœu ayant été réalisé », soit « en tant que dîme » sous entendu, son vœu ayant été réalisé.
Bratoude en langue celte signifiait « d’après décision » (braton, ici au datif bratu, écrit bratou en caractères grecs = jugement ; – de s’avérant être une postposition équivalant au latin ex = à partir de).
Decantem pouvant signifier « dîme » (de deca = 10). L’ex-voto dans ce cas ne serait que le symbole d’une dîme. Ou alors la dîme ne serait que symbolique.
Pas facile tout ça !
À la différence de la simple ateberta, la bratoudecantem est offerte après qu’un vœu a été exaucé et pas avant ni sans raison particulière.
Une catégorie particulière de bratoudecantem était constituée par ceux qu’il était interdit de toucher après leur mise en place, et que l’on appelait les inamovibles (anathémata en grec).
Plutarque, Vies parallèles, César, 26. « Les Arvernes montraient dans un de leurs temples une épée suspendue qu’ils disaient avoir gagnée sur César. Un jour que César passait par là justement, il vit le glaive et se mit à en rire. Comme ses compagnons voulaient le décrocher, il leur interdit de le faire en leur expliquant qu’il ne fallait pas y toucher, puisque c’était une chose sacrée ».
Ce récit confirme que les Celtes, dans leurs sanctuaires, faisaient des gestes parfaitement semblables à ceux des Grecs : accrocher une épée au mur d’un temple ou de la clôture d’une enceinte sacrée. Les témoignages archéologiques en sont peu nombreux, mais suffisamment explicites.
Beaucoup d’objets devaient être simplement posés au sol ou sur des banquettes périssables. Le sol du sanctuaire de Ribemont, heureusement préservé, nous donne une bonne idée de la densité du matériel votif qui occupait l’espace intérieur de l’enceinte. À côté des armes en effet figurent de nombreuses parures (fibules, bracelets, perles de verre et de bronze), ainsi que des éléments de seaux et de chaudrons en bronze, qui devaient constituer un étrange bric-à-brac ; ne différant donc en rien de ceux que l’on rencontrait dans tous les sanctuaires de l’Antiquité.
Les parures et les armes en or ainsi exposées en ces lieux de culte, étaient considérées comme « intouchables » si l’on en croit Polybe (Histoires, II, 32. 2. 6).
Les armées romaines menaçant leur temple, les Insubres décidèrent de décrocher du temple de Minerve les sèmaia ou sèmia d’or, dites anathemata (inamovibles) afin de les soustraire aux envahisseurs.
Sèmaia ou sèmia sont des mots grecs ; anathemata (« inamovibles ») aussi, mais ce dernier terme doit être la traduction mot à mot du vocable celtique. Il montre bien que les murs de ces temples constituaient un support privilégié pour les anathèmata.
Les bratoudecantem, comme leur nom l’indique bien sont le produit d’un vœu (votum en latin). Ce sont des présents offerts à une divinité en retour desquels on espère son concours. D’une façon assez générale, c’est le secours thérapeutique d’une divinité qui est demandé de cette façon. Et dans les sanctuaires britto – ou gallo-romains dédiés à un dieu–ou-démon guérisseur, les petites statuettes dites « anatomiques », de bois ou de pierre, abondent. Elles représentent la partie du corps qui souffre, parfois de façon réaliste la blessure ou la malformation qui est cause du mal. Dans quelques cas, c’est l’image complète du pèlerin qui est sculptée, ce peut être aussi celle de la divinité ; mais ainsi que nous l’avons dit, en règle générale il s’agit d’objets figuratifs en bois ou en pierre, représentant des parties malades ; têtes, torses, mains, jambes, ou encore des plaques de bronze avec des dessins dessus (yeux en pointillé, par exemple).
L’ex-voto, tel qu’il apparaît à l’époque britto romaine [gallo-romaine] sous forme de représentations lapidaires, a donc bien une origine druidique, mais son expression matérielle est une création
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purement britto – romaine [gallo-romaine] ; le résultat d’un syncrétisme entre tradition religieuse celte, culte officiel et pratiques magiques.
L’usage des bratoudecantem ou ex-voto est une expression de piété populaire assimilable à une forme de prière que les anciens très-sachants ont toujours admise, et que les nouveaux respectent donc eux aussi.
Les chrétiens ont repris cette coutume populaire en la rebaptisant « Action de grâce » ou « ex-voto ».
Les autres catégories de bratoudecantem druidiques étaient signalées par des inscriptions généralement rédigées comme suit.
X… (Nom du donateur, au nominatif) DEDE Y… (Nom de la divinité au datif) BRATOUDE Z… (Nom de l’objet à l’accusatif).
BRENNOS. Nom propre (ou titre ?) de plusieurs chefs de guerre, dont les plus célèbres sont le vainqueur de la bataille de l’Allia qui prit Rome, ainsi que celui qui dirigea une incursion en Grèce, et prit Delphes, la ville sainte hellénique. Appelé Brennos par les Grecs et Brennus par les Romains. À moins que tout cela ne soit que du mythe transformé en Histoire. Ce que nous rapporte Pausanias à ce propos étant vraiment bizarre. Et il y a bien un dieu appelé Brian, fils de Tuireann en Irlande alors…
BRIGINDO, BRIGANTIA (la dame blanche ou la belle dame). Nom continental de la triple divinité féminine, Brigid en gaélique. Sa fête annuelle ayant lieu au I Anaganti, elle fut reportée au 1er février (uegilia Brigindonos, Feil Brigid en gaélique, enfin « jour de sainte Brigitte », autrement dit Ambolc).
BRIGO. Gaélique Bricht. Bricta et brixtia. Aujourd’hui charme. La différence entre un dieu-ou-démon et sa brigo, est la même qu’entre un feu et son pouvoir de brûler, un mot et sa faculté de donner du sens. La brigo correspond à l’énergie potentielle ou virtuelle que les hindouistes appellent shakti et les philosophes grecs essence. Concept essentiel des très-sachants de la druidiaction. La brigo est la puissance de réalisation. Sa nature est libre. C’est en fait l’énergie personnifiée, la Force, la contrepartie « féminine » d’un Dieu-ou-démon (sa parèdre), son pouvoir de (pro) création, sans lequel il ne peut agir.
Vision très féministe des choses, l’homme ne peut rien sans la femme, qui est plus que son repos du guerrier, qui est sa force ou son soutien quotidien, sans lequel il ne serait rien, ou du moins pas grand-chose, et pas longtemps. Ce qu’avaient bien pressenti à leur façon certains auteurs de l’Antiquité parlant de la femme chez les Celtes d’ailleurs.
Ammien Marcellin (Histoires. Livre XV, chapitre XII, 1). « Ils ont le teint blanc, la chevelure blonde, le regard farouche et terrifiant. Leur humeur est querelleuse et arrogante à l’excès. Le premier venu d’entre eux, dans une rixe, va tenir tête à plusieurs étrangers à la fois, sans autre auxiliaire que sa femme, champion bien autrement redoutable. Il faut voir ces viragos, les veines du cou gonflées par la rage, balancer leurs robustes bras d’une blancheur de neige, et lancer, des pieds ou des poings, des coups qui semblent partir de la détente d’une catapulte ».
Dans certains mythes en effet la puissance originelle est appelée Brigo plutôt que Pariollon, utilisant ainsi un vocabulaire féminin et non neutre, par voie de conséquence assimilant cette puissance à une déesse-ou-démone ou à une fée, si l’on préfère utiliser ce terme, et non un dieu-ou-démon. L’esprit (masculin) n’est pas totalement absent, mais on insiste sur sa passivité dans ce cas, sur le fait qu’il s’agit en ce qui le concerne d’agitation plus que d’action, et c’est l’âme (féminine) seule, qui est agissante. Étant divine, c’est à elle seule qu’il faut vouer un culte. La Brigo joue souvent un rôle central dans les mythes de création de l’univers. Tantôt primordiale, tantôt secondaire, son rôle est indispensable. Elle permet le passage de l’essence à l’être, de l’être à l’avoir, du concept à la matérialisation.
Faisons un petit détour par une brève explication quant à la conception que les très-sachants de la druidiaction se font, du cosmos physique voire du bitos. L’univers matériel tel que nous le percevons s’inscrit à la fois dans l’espace et dans le temps. Or, dans l’hindouisme, le temps n’est pas conçu de façon linéaire comme c’est le cas dans la pensée judéo-islamo-chrétienne, mais de façon cyclique. On peut ainsi distinguer deux phases qui se succèdent alternativement : d’abord un temps de « création » puis un temps de destruction. Lorsque la « création » se matérialise, l’univers se déploie dans toute sa majesté, à partir d’une certaine masse de matière et d’âme/énergie (Brigo) qui n’est pas autre chose que le reste d’un bitos ou univers précédent. À la fin des temps, lorsque la roue du destin a fait un tour complet, l’univers ou bitos se résorbe peu à peu, concentrant tous les éléments qui demeurent en un nouveau reste qui, à son tour, servira de base au déploiement du bitos ou univers suivant… Dans ce mouvement cyclique à deux temps, la création, bien qu’elle change de forme, perdure. Il n’y a donc ni
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véritable commencement, ni fin absolue : création tout comme destruction, sont relatives, en fait il n’y a ni création ni anéantissement, absolus.
L’existence est empirique et ne permet pas de connaître les êtres en profondeur : c’est le domaine de l’accidentel ou du contingent, du multiple et de l’altérité irréductible. L’apparence s’avère comme le contraire de la réalité (res, rei : chose). Or, si une telle explication répond aux questions que peut se poser la métaphysique, elle ne satisfait pas la conscience religieuse qui s’émerveille devant l’harmonie et la beauté de l’ordre universel. L’Homme a besoin d’une figure personnalisée à qui adresser ses louanges, son émerveillement et sa reconnaissance.
Afin de répondre à cette exigence, la cosmologie des très-sachants de la druidiaction fait donc appel à deux concepts : l’Essence (brigo) et l’Existence (les dieu-ou-démons masculins). D’un être, on peut parler de qu’il est, ou de ce qu’il a (le dieu-ou-démon de type masculin). Ce qui nous renvoie donc aux deux corrélatifs, l’essence ou l’être profond, la brigo ; et l’existence ou le verbe avoir, le pôle masculin.
Ce concept des très-sachants de la druidiaction désigne par conséquent la réalité persistante d’un être à travers les modifications de ses accidents représentés par le dieu-ou-démon de type masculin.
La synthèse des très-sachants a pourvu chaque dieu-ou-démon d’une figure féminine qui symbolise l’essence ou la puissance virtuelle du dieu-ou-démon, sa capacité d’exprimer cette essence. Dans le panth-éon celtique, l’awenyddio ou âme universelle est, par exemple, la brigo de Taran/Toran/Tuireann.
On peut par conséquent parler de deux états complémentaires, sexuellement opposés, mais tous deux nécessaires à l’apparition de la vie. Or, donner un caractère sexué au Principe de Création, c’est déjà en quelque sorte anthropomorphiser, donner un caractère terrestre permettant le culte. La divinisation du concept abstrait passe en effet très souvent par l’attribution d’un genre. Le druidisme étant basé sur le patriarcat, les mythes ont tout naturellement perçu l’être apparemment créateur et représentant l’avoir comme masculin. Mais comment concevoir un père qui engendre sans une mère pour recevoir la semence et la faire croître jusqu’à la naissance proprement dite ?
Cet aspect féminin, cette énergie créatrice, c’est la Brigo, la forme (conceptuelle) qui permet à l’être de se manifester, de se matérialiser.
Même si c’est généralement l’aspect masculin qui est au centre des mythes relatifs à la mise en ordre du chaos primitif, il en existe qui semblent « oublier » le rôle du père au seul profit de la mère. Sa fonction est illustrée par les mythes de la tradition Namnète, dans lesquels la brigo, perçue comme âme/énergie cosmique, est la seule garante de la conservation ou de l’harmonie universelles.
La brigo est en quelque sorte la grande déesse-ou-démone de l’énergie partout présente, qui donne la vie et le mouvement, aux dieu-ou-démons. La brigo est la Mère Divine qui enfante le monde, et toutes les déesse-ou-démones, ou fées, sont des formes de cette Brigo.
L’union des dieu-ou-démons mâles (mise en œuvre, extériorisation) et de cette Brigo universelle et multiforme (l’essence, l’énergie potentielle ou virtuelle) est par conséquent le fondement de la vie de l’univers.
La Brigo, l’énergie cosmique, l’énergie créatrice, réside à la fois dans l’infini de l’univers visible et invisible et dans la finitude de l’Humanité ; tout en restant inaccessible, elle fait partie intégrante du quotidien : force active, conscience manifestée du dieu en question, Nature primordiale, elle est présente en toute chose et en chacune de nous ; elle est le lien entre le macrocosme et le microcosme.
Les épouses des dieu-ou-démons du panth-éon druidique sont des personnifications de cette Énergie primordiale représentée dans ses différents pouvoirs.
Image.
Alors que l’esprit même universel est destiné à évoluer ; l’âme du monde, elle, est pure immuabilité, pure spiritualité, non qualifiée, inqualifiable. Elle n’agit, ni ne pense par elle-même, n’a ni vouloir, ni perception, elle n’est donc pas Dieu-ou-Diable. Mais si elle est unique en son essence, elle est innombrable en ses manifestations : il y a autant d’âmes individuelles que de corps.
Cependant tout en étant inactif par nature, c’est l’âme universelle qui met en branle l’évolution de l’esprit. Cette influence n’est pas à considérer comme un impact mécanique. La proximité de la brigo par rapport à l’esprit agit sur celui-ci comme un aimant, et provoque son évolution.
Et bien il en va de même pour la brigo. Dans la théologie des très-sachants, la caractéristique du binôme Brigo et dieu-ou-démons masculins, est d’être une dualité s’épousant pour ne former qu’un seul substrat, l’être conscient de lui-même. Ce substrat possède deux modalités complémentaires.
Ce qui caractérise la brigo, c’est en effet, d’une part le mouvement d’intériorisation afin d’accéder à la connaissance la plus intime, la plus sensible, des êtres, à la prise en compte de tout le potentiel contenu dans l’ombre. D’autre part, un mouvement d’extériorisation pour signaler sa présence et faire
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valoir sa personne, pour resplendir et s’illuminer, pour manifester sa nature dans la lumière, dans la connaissance de soi en tant qu’objet. C’est la divinité masculine qui se charge de ce rôle.
Le reflet de ces deux tendances (l’Être et l’Avoir, la brigo et le dieu-ou-démon) se retrouve dans les couples divins celtiques que l’on connaît.
À noter. On utilise aussi ce concept dans le jeu de rôle contemporain fantastique appelé le « Mage, l’Éveil ». Il désigne alors l’énergie magique (similaire au mana polynésien).
BROGIS ou BROGITAROS (pluriel broges ou brogitaroi, d’où gaélique briugu, pluriel briuga).
À l’origine… paysan. Ce nom, dérivé de broga = pays, désigne normalement le membre de la 3e classe (des producteurs) dans la société celtique. Il y a un parallélisme structurel entre brogis dérivé de broga en celtique, et paganus dérivé de pagus en latin. Par extension les broges sont « les petites gens » et aussi les « bons païens ». Le brogis va au Paradis appelé Mag Meld s’il a correctement rempli sa fonction (qui est d’abord de nourrir, vêtir ou équiper les deux autres classes). Il est alors dit « matus » ou « dagomatus ».
CAMMINORANDA. Randonnée intelligente. Par exemple, en Espagne au lieu de se contenter du Camino Frances pousser jusqu’au Cap Finisterre pour y rechercher l’emplacement de l’Ara Solis. À Saint-Pétersbourg partir en quête du premier site ambrier antique de la région, etc.
CANCU ADBERTI. Petite branche (en latin flabellum) dont se sert le druide officiant pour asperger quelqu’un de liquide.
CANECOSEDLON. De canecos, doré comme du miel. Au sens propre chaire, trône, ou au sens figuré circonscription religieuse d’un très-sachant de la druidiaction. C’est à de tels trônes que pensait Dion Chrysostome en parlant des « sièges dorés » de certains rois danubiens.
CANTAMANTALOEDIS « aux cent chemins ».
Position philosophique très bien rendue par ce magnifique poème de saint Colomban de Bobbio (540 – 615) : « Que nul n’ait donc la prétention de sonder l’impénétrable profondeur de Dieu, le quoi, le comment, le pourquoi de son être. Cela ne peut être ni exprimé ni scruté ni pénétré. Crois simplement, mais avec force que Dieu est, donc qu’il sera tel qu’il a été, car il est immuable. Ne te demande rien de plus au sujet de Dieu, sa forteresse est impénétrable. Qui pourra suivre le Très-Haut jusqu’en son être inexprimable et incompréhensible ? Qui scrutera les profondeurs de Dieu ? Qui risquera de traiter de l’origine éternelle de l’Univers ? Qui se glorifiera de connaître le Dieu infini qui emplit tout et enveloppe tout, pénètre tout, embrasse tout et se dérobe à tout, lui que personne n’a jamais vu tel qu’il est ? » (saint Colomban sermon I)
Cette sévère mise en garde du moine celte à l’adresse des chrétiens de son temps n’a évidemment été suivie d’aucun effet chez eux, bien au contraire.
Il y a deux tendances dans le cantamantaloedisme : l’agnosticisme faible ou non-croyance en la capacité de l’entendement humain à résoudre le problème de l’existence de Dieu ou du Démiurge, les questions métaphysiques (et à accéder à l’immanent transcendant d’une manière générale) ; et l’agnosticisme fort ou croyance en la non-capacité de l’entendement humain à relever ce défi intellectuel (la question de Dieu ou du Démiurge) ainsi que les questions métaphysiques afférentes, voire tout simplement à se hausser au niveau du transcendant immanent, d’une manière générale.
Entre les deux le marais du pseudo-agnosticisme. Attitude de celui qui ne sait que croire, qui hésite, qui est indécis au sujet de l’existence de Dieu ou du Démiurge, qui éventuellement est en recherche (quête du Graal), qui refuse de choisir son camp ; qui est tiraillé entre croire que Dieu-ou-Diable existe ou être convaincu qu’il n’existe pas.
CANTELON. Nom du credo celtique, en rapport avec un terme indo-européen signifiant approximativement « chant ».
CARAGIOS. D’après saint Césaire d’Arles sorcier de village et diseur de bonne aventure, tricheur, lâche ou escroc. Ne faisait pas partie de l’ordre des druides à l’origine. L’affaiblissement de la
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Sodalité, provoqué par l’occupation romaine puis chrétienne, les a progressivement et impunément poussés à s’arroger le titre de druide au Moyen-âge. Il y a de plus en plus de caragioï aujourd’hui. Exemples : L.. G… et son Institut Druidique Universel (rien que ça !), le « druide-devin » (sic) M……… et sa magie druidique, et ainsi de suite.
CARATRAD. Terme irlandais. Voir Paix ou Pacte.
CELTES. Les Celtes ont été littéralement dès leur naissance (ethnogenèse) voués aux dieu-ou-démons (ils sont tombés dans leur chaudron tout petits) si l’on en croit le témoignage de César Livre VI, 1-18.
« Le peuple tout entier s’avère admodum dedita religionibus : il s’adonne énormément aux choses de la religion ».
Diodore de Sicile (V, 31) mentionne d’ailleurs en toutes lettres que la langue des très-sachants était la langue des dieux : ils étaient « homophônôn » et le vieux celtique peut donc toujours fournir aux vrais croyants du paganisme druidique les termes convenant le mieux à leur pensée, à leur parole, ou à leur action.
C’est pour cette raison que fut inventé en Occident par Fenius Farsaid, nous disent les légendes irlandaises, non le peuple, mais la langue choisie avec ses suppléments ; c’est-à-dire le langage des Irlandais appelé iarnbelre, la langue supplémentaire, l’alphabet choisi parmi les principales lettres ainsi qu’il est relaté dans le Grand-livre des Bois ; la langue des poètes par laquelle chacun d’eux converse avec l’autre ; et la langue commune qui est enseignée à chacune des nombreuses nations… Comme l’écrit si bien le breton C.-J. Guyonvarc’h à propos de cette phrase de l’Auraicept na nEces irlandais ou « rudiments des poètes » : le fait à retenir est que cette langue est d’origine sacrée, donc que, à ce titre, tout le savoir qui la concerne remonte aux temps primordiaux. IL NE PEUT S’AGIR, EN LA CIRCONSTANCE, QUE DE LA CHRISTIANISATION D’UNE CONCEPTION TRÈS ANCIENNE DES ORIGINES LINGUISTIQUES OU ETHNIQUES DU PEUPLE CELTE.
CLADIBO ou CLADIVO : nom celtique du glaive, ancêtre de la claymore.
CLAYMORE OU GLAIVE (du celtique gladivo).
Chez les Celtes antiques, les sorts et les charmes étaient conservés dans des épées. Les esprits pouvaient même utiliser ce moyen pour se faire entendre. Les bonnes épées faisaient l’objet d’un véritable culte et constituaient des gages de grande valeur. Voilà peut-être la raison pour laquelle des très-sachants d’aujourd’hui ont encore l’épée au côté dans certaines cérémonies.
COMALTIOS (pluriel COMALTIOI). Frère (au figuré).
Comme l’irlandais comalta (grâce auquel il est reconstitué), ce terme signifie « frère de lait », donc condisciple, confrère, en bref toute personne ayant suivi le même enseignement que vous… concept plus étroit que la notion de combenno (voir ce mot). Frère au sens biologique se disait « brater », mais cela n’aucune importance pour notre spiritualité qui insiste plus sur le fait d’être celte d’esprit et donc frère de lait (cf. la notion d’athair altroma) ; que sur le fait d’être biologiquement celte, chose n’ayant en soi aucune importance à la différence de la définition du juif selon les rabbins.
COMARBAE. Légitime héritier, digne successeur. Le contraire d’un hérétique. Correspond au « salaf » des musulmans.
COMBENNO (pluriel COMBENNONES). « Compagnon de route ». De com = ensemble et benna = véhicule (initialement une « caisse » de charrette en osier) donc au figuré : « semblable, voué au même destin ». Désigne les compagnons de route d’une même voie (la voie des guerriers, la voie de la sagesse, la voie suivie par les membres de la troisième fonction…). Au sens large, désigne les hommes ou les femmes suivant grosso modo les préceptes de l’éthique minimale ou « Reda » et que Diogène Laërce a ainsi résumés : Vies et doctrines des philosophes célèbres. Livre I, prologue 6,
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« Honorer les dieux, ne rien faire de mal, et être un homme, un vrai ». Auxquels on pourrait ajouter bien sûr, « être une vraie femme ».
COMRUNO. Le comruno est celui qui a étudié les « runes » LÉPONTIQUES, qui a été initié. Les interdictions ou les malédictions rédigées en lettres runiques étaient alors écrites sur des tablettes de bois d’if appelées Fidlanna en irlandais (de fid, bois et lanna).
CORME.
La corme était une bière sans houblon, mais aromatisée à l’aide d’herbes comme le myrte le romarin et l’achillée millefeuille. D’après mes correspondants parisiens Nata uimpi, curmi da signifie en celte « ma belle, sers-nous de la bière ! »
CORNUNNOS. Dieu-ou-diable chamanique de la nature, et de la renaissance dans l’autre monde. Représenté avec des bois de cerf, et assis en position du lotus. Sa face large est en rapport avec le soleil couchant. Pour Alfred Holder Cornunnos est la divinité qu’évoque César (B. G. VI, 18,1) sous l’appellation latine de Dis Pater. D’autres pensent que Cornunnos ne représente que la facette ou l’envoyé du Dis pater en question. La subtile distinction par rapport à ce Dis Pater proprement dit serait que celui-ci serait à l’origine des êtres humains ; alors que Cornunnos ne serait que la providence de la vie animale des hommes, symbolisant ainsi, en un saisissant raccourci, toute l’évolution des espèces. Thèse qui d’ailleurs n’exclut pas d’autres « fonctions » pour Cornunnos, ainsi que nous venons de le voir (chaman primordial, premier des hommes, divinité de la vie animale, divinité de la renaissance dans l’autre monde…). Cornunnos a donc peut-être été vu, en mythologie celtique, comme une hypostase ou un avatar au niveau de la surface de la Terre, de la divinité de la désincarnation/réincarnation des individus, appelée dis pater par César. Également origine des individus en tant que divinité de la nature animale à laquelle l’Humanité appartient génétiquement parlant ; mais aussi divinité de la désincarnation/réincarnation des âme/esprits et de la décomposition des corps dans ce monde, au crépuscule de la vie. Quoi qu’il en soit ce qui est certain, c’est que Cornunnos est, pour les très-sachants, un « dieu-ou-démon » de la nature animale (y compris de l’homme) ; mais aussi une divinité chtonienne veillant sur l’entrée du royaume des morts, voire un grand initié.
CORRBOLG. Sac en cuir destiné à transporter les objets de culte. Un peu analogue au Taig Lebair des premiers chrétiens d’Irlande. Le plus célèbre fut celui de Cumall (cf. le dieu celtique Camulos), le père de Vindos/Finn.
COULE. Du celte *cucutlos > cucullos, latinisé en cucullus. Sorte de manteau à capuchon à l’origine, ensuite cousu devant au Moyen-âge, ce qui le transforma en gonne (robe).
CUCHULAINN. Légendes aujourd’hui synonymes d’Irlande, mais en fait au départ d’origine continentale comme on le sait depuis les travaux de R. MacAllister et de ses successeurs.
CULDÉES. Très-sachants de rang inférieur (pas des druides druides en tout cas) ayant tenté une synthèse avec le christianisme naissant. Après des débuts assez prometteurs, l’expérience a rapidement dégénéré. Le nom vient du gaélique « cele dee » et signifie « serviteurs de dieu ».
CUMACHTA. Voir boudismes. Ensemble des pouvoirs préternaturels de l’être humain. Ensemble des dons parapsychologiques que l’on peut attribuer sans que cela soit prouvé à certains êtres humains.
Cumachta est un terme gaélique désignant des pouvoirs magiques des dieux ou démons, ou simplement préternaturels d’après le dictionnaire électronique de la langue irlandaise. Le terme préternaturel est très spécialisé. Pour nos lecteurs qui ne le sauraient pas, c’est un terme de théologie catholique désignant les pouvoirs de l’être humain d’origine, avant qu’Adam n’en soit privé. Ce qui est assez amusant donc c’est que l’Edil fait donc du dieu ou démon Medros/Midir une entité jouissant de tous les pouvoirs qu’avait Adam avant le péché originel. Il s’agit donc de pouvoirs naturels, pas surnaturels, mais que l’on ne s’explique plus aujourd’hui.
Ci-dessous la définition du terme préternaturel trouvée sur le site internet « second Exode » animé par Martin K. Barrack.
Au-dessus de l’ordre de ma nature humaine.
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Les anges, à la fois saints et déchus, ont des pouvoirs préternaturels. Leur intelligence, leur vitesse, etc. sont bien plus grandes que les facultés humaines correspondantes, mais ne sont pas infinies pour autant.
Adam et Eve ont à l’origine reçu les dons préternaturels d’immortalité, d’impassibilité, d’absence de concupiscence, d’innocence, avec la maîtrise de la Terre. Si Adam n’avait pas péché, nous aurions tous hérité de ces dons préternaturels, ainsi que du don surnaturel de la grâce sanctifiante (jargon typiquement catholique). Les âmes du ciel retrouveront ces dons à la fin des temps.
N.B. Les théologiens ne sont pas tous d’accord évidemment sur la liste desdits pouvoirs surnaturels.
Dans la théologie druidique, ces pouvoirs préternaturels sont évidemment très différents et d’ailleurs infiniment plus nombreux que ceux du mythe chrétien à ce sujet (l’immortalité la science infuse, la non-concupiscence pour les Hyperboréens, le vol était inconnu chez eux, etc.). Dans la mythologie chrétienne, les anges, bons ou déchus, ont des pouvoirs préternaturels. Leur intelligence, vitesse, sont nettement au-dessus des forces humaines, mais néanmoins finies.
DAGOLITUS. Adjectif celte : mot à mot bon ritualiste (dagos/-a/-on = bon ; litis = culte, fête). Pratiquant zélé ou actif, très pieux. Fidèle, croyant. littéralement « très adonné aux rites, aux cérémonies ».
DALTAIOS. Élève, pupille, forme gaélique dérivée d’adaltos : celui qui est nourri, élevé. Désigne l’équivalent druidique des catéchumènes.
DEVOGNATOS. Voir ENFANT (des dieu-ou-démons).
DIVERTOMU. Nom de la deuxième quinzaine de chaque mois, dans le calendrier de Coligny.
DIVODORUM. Voie permettant d’accéder dans de bonnes conditions dans l’autre monde et de ne pas se réincarner ici-bas en bacuceos.
Terme celte ne signifiant pas religion, mais voie ou chemin particulier à l’intérieur d’une même religion.
Beaucoup de gens se demandent s’ils sont sur le bon chemin, c’est une question qui revient sans cesse. Mais qu’est-ce qu’un chemin ou une voie ? Suivre une voie ou un chemin, c’est adhérer à un mode de vie, à une technique ou suivre des enseignements.
La divodorum du guerrier, dit Boushido au Japon par exemple, est la plus rapide, mais il existe d’autres divodora tout aussi royales dans le druidisme, celle correspondant au bhakti yoga hindou par exemple la voie des Atectai, ainsi résumée par Diogène Laerce : Vies et doctrines des philosophes célèbres. Livre I, prologue 6, « Honorer les dieux, ne rien faire de mal, et être un homme, un vrai ». Auxquels on pourrait ajouter bien sûr, « être une vraie femme ».
Chacune de ces divodora (pluriel de divodoron) a son code déontologique, le plus exigeant étant le kission, le moins exigeant étant la reda.
DOROSARIOS. Portier se dit doirseoir en gaélique, dorosarios en vieux celtique. C’était une fonction très importante de l’ancien druidisme, généralement assumée par un druide druide, c’est-à-dire par un homme assez cultivé pour s’assurer de la qualité ainsi que des intentions (pacifiques) des nouveaux arrivants. Au besoin en leur posant toute une série de questions et en menant sa propre enquête. Un peu abusivement traduit par « Grand Inquisiteur » dans certains rituels néo-druidiques.
DRUIDE. Mot à mot = « savant » : celui qui sait bien (dru = fermement, uidia = connaissance, d’où : DRUIS < *druui (d) s). Ce terme désigne en général tout membre de la sodalité, en particulier, le titulaire d’un grade supérieur dans celle-ci (alors vêtu de blanc). Rien à voir avec le nom du chêne.
DRUIDIACTIO. Mot féminin. Pluriel DRUIDIACTONES. Le druidisme en tant que pratique.
La druidiaction, aussi paradoxal que cela puisse paraître, n’est pas d’abord une religion de la présence des dieu-ou-démons en ce monde (animisme), mais une religion de leur absence, puisqu’ils se sont retirés dans un autre monde après après… les explications varient suivant les écoles. Les plus courantes évoquent de mystérieuses batailles ayant eu lieu dans un lointain passé et marquant la fin des temps hyperboréens. Ce n’est pas pour rien que Strabon considérait certains peuples celtes et notamment les ancêtres des Galiciens d’Espagne comme athées.
Considérations terminologiques.
LES DRUIDES PRIMORDIAUX.
Les druides primordiaux sont les sages chamanes ou prêtres indo-européens
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(nous reviendrons sur la question de la part respective des uns ou des autres, le problème étant le suivant : y a-t-il eu invasion et colonisation de peuplement par de nouveaux arrivants en provenance de l’ouest ou acculturation et diffusion des idées seulement)
ayant présidé aux destinées des peuples protoceltiques au point de vue linguistique dans leur vie de tous les jours et dans leurs rapports avec les populations les ayant précédés.
Et disons tout de suite avant de poursuivre le plus important : ces peuples ont eu raison de faire confiance aux sages en question pour vivre mieux et plus longtemps voire pour réussir leur mort.
Repères chronologiques et spatiaux.
— La civilisation campaniforme – 2900.
Quelque part en Europe de l’Est ou centrale à la fin du néolithique ou vers – 3000 avant notre ère.
Le principe du rasoir d’Occam implique de chercher son origine dans une avancée vers l’ouest de populations issues des migrations de Yamnaya. En Grande-Bretagne ces nouveaux arrivants remplaceront en grande partie la population néolithique locale ; ce ne sera pas la même chose dans la Péninsule ibérique où il y aura surtout acculturation.
— La civilisation d’Unetice -2300.
Bien que postérieure à la civilisation campaniforme, celle d’Unétice n’en dérive pas.
On distingue deux périodes :
A1 (2300-1950 avant notre ère.) : dagues ou poignards triangulaires, haches plates, plaques de protection en pierre, pointes de flèches en silex.
A2 (1950-1700 avant notre ère.) : dagues avec poignée métallique, haches avec flanc, hallebardes, épingles à tête ronde perforée, bracelets.
Civilisation concernant le territoire de l’actuelle République tchèque, le centre et le sud de l’Allemagne, le nord de l’Autriche et l’ouest de la Pologne, qui se caractérise par ses torques, ses haches de combat et ses épingles à vêtement en bronze, dont on a découvert des dépôts importants.
— Civilisation des Champs d’Urnes -1350.
La civilisation des champs d’urnes est le plus probable des berceaux de la langue celtique or ce qui compte surtout c’est la langue, car elle génère une façon de penser,
Les peuples parlant le proto-celtique, venant de l’Est, se seraient installés au plus tard vers 1 500 avant notre ère dans la région ouest de l’Europe centrale, où ils furent en contact avec des peuples parlant le proto-germanique et le proto-italique. La séparation entre le lépontique et les autres langues celtiques pourrait avoir eu lieu vers 1200 avant notre ère.
— Civilisation de Hallstatt -1200.
Concerne d’abord le nord des Alpes la Tchéquie la Bavière le nord de l’Autriche puis s’étendra en Europe centrale et occidentale. De la partie orientale de la France, à l’ouest, jusqu’à la Hongrie occidentale, à l’est, et de l’Allemagne méridionale jusqu’à la Slovénie sur un axe nord/sud.
Deux « entités culturelles » se distingueront au sein de l’aire de diffusion du Hallstattien : d’une part le Hallstatt occidental, qui recouvre un territoire correspondant à l’ensemble de la région nord-alpine, incluant l’est de la France, la Bohème, l’ouest de la Suisse et l’Allemagne méridionale ; d’autre part le Hallstatt oriental, dont la zone géographique s’étend entre la partie est des Alpes et les marges nord-ouest des Balkans et comportant le bassin des Carpates, la Pannonie, la Slovaquie, le sud de la Pologne, ainsi qu’une partie de l’Autriche.
Le territoire d’expansion recouvert par le Hallstattien évoluera au cours du temps. En France la civilisation de Hallstatt ne dépassera pas le Massif central ni la moyenne vallée du Rhône.
Après ce sera la culture Laténienne qui prendra le relais.
LES DRUIDES MYTHIQUES OU HYPERBORÉENS.
Réputation et influence de ces druides primordiaux ont très tôt essaimé au—delà de leurs frontières géographiques (l’Europe centrale ou du nord) puisque les Grecs les ont évoqués en tant qu’Hyperboréens et que certaines de leurs réussites ont beaucoup impressionné les Grecs qui nous ont laissé les noms de quelques-uns d’entre eux, comme Abarix et Olenos, vu la richesse doctrinale des leçons de ces très-sachants, la symbolique de leurs rituels, la solennité de leurs célébrations, l’art religieux qui en illustrait le cadre.
DUGIIONTIIO. Pratiquant. Plus que croyant, mais ne tombant pas dans l’excès.
DUMNON. Monde. Mot dérivé de la racine celtique dubn-/dumn – exprimant une idée de profondeur plus ou moins sombre. Le Dumnon tout court est donc notre univers immédiatement perceptible à
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nous autres, êtres humains. Autrement dit la terre du milieu, medio magos. Par antinomie les « autres mondes » non perceptibles étaient désignés par des mots composés : andumnon mag mell et ainsi de suite… voir ces noms.
Notre Univers perceptible était considéré comme le royaume par excellence de Morgana dite aussi Maïa, Matrona, Danu (bia), suivant les pays, en bref la fée Morgue/Morgane des légendes arthuriennes. Concept central des très-sachants de la druidiaction, le Dumnon est le monde de la fée Morgue (Maïa/Morgana), dans la mesure où il a un statut ontologique limité, décevant, voire quelque peu illusoire. On retrouve une notion analogue dans les Védas et certains recueils ultérieurs. Véda (savoir) est d’ailleurs un nom de la même famille que le substantif druide (qui vient de druis < *dru-uids, « ferme savoir », apparenté au celtique vidtu, exact équivalent de véda).
DUSE. Du celte dusios : sorte de démons ou de mauvais esprits.
ÉLUDE. Gaélique élud. Désigne le fait de s’enfuir, de se mettre hors-la-loi.
ÉLUTACHÉ (en latin lapsus, celui qui a trébuché, qui a failli). Le mot vient du celtique elutacos qui désigne le fugitif en général, le hors-la-loi, le banni. On appelle ainsi les druidisants qui, librement et non sous la menace ou la contrainte, ont, non pas trahi la foi païenne, concept inimaginable en théologie druidique, mais ont violé leurs serments les plus solennels ou ont gravement nui à leurs frères. Le néo-druidisme n’a pas besoin de girouettes ! Un vrai rituel de conversion doit donc être exigé d’eux s’ils veulent réintégrer l’Ollotouta druidique. Sur le rituel de conversion (en fait une simple cérémonie du nom aménagée puisqu’en tant que tel ce genre de rituel était par définition impensable du temps de la grande Celtie libre et indépendante) voir le tome consacré aux rituels.
ÉPONA (mot à mot « la chevaline », de epos = cheval en celtique – p). Divinité psychopompe jouant un grand rôle dans les derniers moments de la vie, un peu comme certaines divinités secourables ou plus exactement paisibles, du Bardo Thodol de nos amis bouddhistes tibétains.
Le grand poète latin Virgile, qui était arrière-petit-fils de druide, a écrit des choses très curieuses à son propos, car certains pensent qu’il s’agit là, ci-dessous, d’une allusion à Épona et à Hesus enfant, puisque Épona n’est pas vraiment morte ; et qu’elle est entrée en dormition seulement, après une extraordinaire apothéose de type celtique, ou qu’elle continue à vivre dans les cœurs en étant aussi un support de la foi.
« Il s’avance enfin, le dernier âge prédit par la Sibylle : je vois éclore un cycle renaissant. Déjà la vierge Astrée revient sur la terre, et avec elle le règne de Saturne ; déjà descend des cieux une nouvelle race de mortels. Souris, chaste Lucine, à cet enfant naissant ; avec lui d’abord cessera l’âge de fer, et à la face du monde entier s’élèvera l’âge d’or : déjà règne ton Apollon. Et toi, Pollion, ton consulat ouvrira cette ère glorieuse, et tu verras ces grands mois commencer leur cours. Par toi seront effacées, s’il en reste encore, les traces de nos crimes, et la terre sera pour toujours délivrée de sa trop longue épouvante. Cet enfant jouira de la vie des dieux ; il verra les grands héros mêlés aux dieux ; lui-même sera vu dans leur troupe immortelle, et il régira l’univers, pacifié par les vertus de son père. Pour toi, aimable enfant, la terre la première, fécondée sans culture, prodiguera ses dons, çà et là le lierre errera mêlé aux riantes touffes d’acanthe. Les chèvres retourneront d’elles-mêmes au bercail, les mamelles gonflées de lait odorant ; et les troupeaux ne craindront plus les lions : les fleurs vont éclore d’elles-mêmes autour de ton berceau, le serpent va mourir ; il n’y aura plus d’herbe vénéneuse trompant la main qui la cueille ; et partout naîtra l’amome d’Assyrie. Mais aussitôt que tu pourras lire les glorieuses annales des grands héros ainsi que les hauts faits de ton père, et savoir ce qu’est la vraie vertu ; on verra peu à peu les tendres épis jaunir la plaine, le raisin vermeil pendre aux ronces incultes et des ruches le miel dégoutter en suave rosée. Il restera néanmoins quelques traces de la perversité des anciens jours : les navires iront encore braver Thétis dans son empire ; des murs ceindront les villes ; le soc fendra le sein de la terre. Il y aura un autre Typhis, un autre Argo portant une élite de héros : il y aura même d’autres combats ; un autre Achille sera encore envoyé contre une nouvelle Troie. Mais sitôt que les ans auront mûri ta vigueur, le marin lui-même abandonnera la mer, et les navires n’iront plus échanger les richesses des climats divers ; toute terre produira de tout. Le champ ne souffrira plus le soc, ni la vigne la faux, et le robuste laboureur affranchira ses taureaux du joug. La laine n’apprendra plus à feindre des couleurs empruntées : mais le bélier lui-même, paissant dans la prairie, teindra sa blanche toison des suaves couleurs de la pourpre ou du safran ; et les agneaux, tout en broutant l’herbe, se revêtiront d’une vive et naturelle écarlate. Filez, filez ces siècles heureux, ont dit à leurs légers fuseaux les Parques, toujours d’accord avec le destin. Grandis donc pour ces magnifiques honneurs, cher enfant des dieux, glorieux rejeton de Jupiter ; les temps vont
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venir : Vois le monde qui s’agite sur son axe incliné ; vois la terre, les mers, les cieux profonds, vois comme tout tressaille d’allégresse à l’approche de ce siècle fortuné… Enfant, commence à connaître ta mère à son sourire : que de peines elle a endurées pour toi neuf mois durant ! Ô Enfant, reconnais-la : le fils à qui ses parents n’ont point souri n’est digne ni d’approcher de la table d’un dieu, ni d’être admis au lit d’une déesse » (Publius Vergilius Maro. Quatrième églogue).
Dispensatrice d’abondance agricole ; faisant preuve de sollicitude maternelle envers les enfants comme envers les animaux domestiques ; guide des âme/esprits vers l’Autre Monde, alors accompagnée par un chien ; ce qui est certain, c’est que Danna Épona est attestée comme divinité féminine dans les croyances celtiques antiques, mais sur le Continent (Celtie danubienne) seulement sous cette dénomination.
Sa contrepartie insulaire britannique était nommée jadis Rigantona = « Grande Reine », devenue Rhiannon en gallois. Sa contrepartie en Irlande est peut-être la célèbre Duxtir/Dechtire, cochère du roi Conchobar. Dans la mythologie de ce pays en effet, Dechtire/Duxtir est la fille du très-sachant Cathbad et de Maga, elle-même fille du dieu-ou-démon de l’amour, Mabon/Maponos/Oengus, et la sœur de Conchobar mac Nessa.
Mais le petit côté Dame à la licorne de la danna Epona nous fait plus irrésistiblement penser à la célèbre fée Niamh du grand poème irlandais de Michael Comyn nous narrant le voyage d’Ossian dans la terre d’éternelle jeunesse (Laoi Oisin ar Tir na n-Og) et ses démêlés avec Saint Patrice qui essaie en vain de le convertir à son retour. Notons néanmoins que dans ce cas la monture de Niamh s’appelait Enbarr, ce qui correspond à un autre cheval magique du folklore irlandais. John Rhys pensait que son nom signifiait « elle a une tête d’oiseau » et la considérait bien évidemment comme une jument dans ce cas.
Son célibat, sa virginité permanente, empêchent-ils un plus grand rapprochement avec le rôle des mères matrae ou matronae de la tradition continentale ?
Comme le remarque Henri Lizeray dans sa D.S.D.D. « Que faut-il dans ce cas entendre par le mot vierge ? » La notion de virginité toujours renouvelée n’est que le symbole de l’éternel recommencement ou de l’éternelle jeunesse d’une « divinité » primordiale, comme dans le cas de la fameuse Goewin des maponiaca de Matugenos (mabinogi de Math). De par sa virginité, elle servait en effet au roi de réserve de force et de fécondité. Cette virginité n’était donc nullement à prendre au pied de la lettre. Henri Lizeray en son temps ayant ainsi balayé l’objection, le néo-druidisme propose la reformulation ou la réécriture suivante, du mythe « Virgilien » puisque le grand-père du cygne de Mantoue était druide.
En plus de son rôle de psychopompe Épona notre grande reine a collaboré de manière toute particulière à l’œuvre de salut des hommes, en mettant au monde ou en élevant (après adoption ??) un demi-dieu-ou-démon, Setanta Cuchulainn. En raison de cet extraordinaire destin, elle a été, au terme de sa vie terrestre, élevée corps et âme à la gloire divine, en une sorte d’apothéose celtique, il y a plus de 2 000 ans.
Sa fête mentionnée sur un calendrier romain, cas unique pour une divinité celtique, se célébrait à la fin du mois de décembre, le jour de sa mort. De sa mort théorique. Ou mythique.
Cette datation en calendrier julien nous permet de voir que sa célébration avait lieu en réalité chaque solstice d’hiver (il y a eu décalage depuis). La fête d’Épona est donc la modranicht ou modranecht (nuit des mères, matra, matronae), tradition commune aux Celtes et aux Germains si l’on en croit Bède le Vénérable.
Mais elle n’est pas morte au sens habituel du terme ce jour-là, car son corps a été l’objet ou plus exactement le sujet d’une résurrection de la chair avant la lettre, tout comme dans la légende irlandaise du Siabur Charpat Con Culaind concernant son fils adoptif par contre.
Après avoir achevé sa mission terrestre, elle est montée elle aussi au ciel, corps et âme, sur un char (voir les mythes apocryphes en faisant le cocher du roi Conchobar en Irlande) avant même le retour à la perfection originelle que les très-sachants irlandais appelaient alors erdathe et les Grecs apocatastase.
ERDATHE (grec apocatastasis, restauration, renouvellement) ou REDÉMARRAGE À ZÉRO.
Il existe deux sortes d’erdathes. L’erdathe cosmique universelle et collective, et l’erdathe individuelle.
Le texte qui servira de base à notre alternative sera encore une fois la réponse du roi Loegaire à la demande de conversion au christianisme que lui aurait adressée saint Patrice du moins si l’on en croit son hagiographe Tirechan.
« Niall mon père ne m’a pas permis de croire (sic), et m’a demandé d’ être enterré sur les hauteurs de Tara. Comme les guerriers, parce que les païens ont coutume d’être armés dans leurs tombes, les
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armes et le visage tournés vers l’ennemi. Jusqu’au jour d’erdathe qui est le jour du jugement du Seigneur selon les druides ».
Les très-sachants ont donc employé le mot erdathe pour désigner le retour à la puissance et à l’harmonie universelle des débuts du monde ou bitos. Erdathe est un mot gaélique dont l’étymologie est * are-u-dengto > *aredengto = reconstruction (mot à mot) donc « restauration », « renouveau » en un sens plus large. Il est proche par son sens de la signification secondaire du mot grec apocatastase et diffère sémantiquement de la très chrétienne Parousie ; qui signifiait présence, mais aussi présentation > arrivée, donc par extension réception, autrement dit cérémonie ou fête en l’honneur d’un haut personnage en visite officielle.
« Les âmes sont impérissables, le monde aussi, mais un jour pourtant régneront seuls le feu et l’eau » (Strabon IV, 4).
« Quand est détruit un monde, il reste toujours un point de tension expansif et rétractile, une pulsation, un petit rien qui demeure tout, et un nouveau monde se reforme » (Henri Lizeray. La doctrine secrète des druides).
Ainsi qu’indiqué plus haut, les zoroastriens (parsis) croient eux aussi que la durée de ce cycle est limitée dans le temps, et qu’un jour, avec l’avènement d’un nouveau cycle, aura lieu la rénovation ultime, la résurrection des corps et la fin de leur mortalité.
Le terme gaélique erdathe correspond à une acception particulière du mot grec apocatastase, son sens secondaire : l’étape avant la dissolution de l’univers dans le feu et l’eau (antipéristase).
Ce que les très-sachants pensent c’est que, lorsque le Divin supérieur se manifestera de nouveau vraiment sur terre, les simples mortels alors encore en vie, avant l’antipéristase évoquée par Strabon (« Les âmes sont impérissables, mais un jour pourtant régneront seuls le feu et l’eau » IV, 4) deviendront alors semblables à lui. Parce qu’ils le verront tel qu’il est.
L’Homme deviendra dès lors un Homme total. Un tel état préternaturel ne peut être atteint que dans et par la résurrection des corps c’est-à-dire la transformation des corps physiques actuels en corps belisamos pour les hommes en corps belisama pour les femmes, illuminés de l’intérieur par le luan laith, par le, xvarnah disent nos amis zoroastriens.. Si l’homme ne devait pas ressusciter tout entier, corps et âme, cette résurrection ne serait alors pas humaine, mais extérieure à l’homme. L’homme ne serait plus le mortel qu’il est par nature, mais un pur esprit, radicalement nouveau et différent.
Il n’y aurait pas alors surhumanité, mais déshumanisation.
Une telle conception de la résurrection de la chair n’est qu’une autre forme du mépris manichéen des corps et donc de l’Homme.
Le concept des très-sachants de la druidiaction diffère donc nettement de ces vues plus récentes émises par le christianisme, car il ne saurait s’agir dans ce cas de « résurrection des morts », de tous les corps morts. Une telle résurrection se heurterait alors en effet aux conséquences obligées de la notion même de réincarnation : quid des corps multiples ayant été habités successivement par une même âme au cours des millénaires ? Ce fut probablement l’un des thèmes de réflexion des très-sachants de l’Antiquité. La logique voudrait que cette « résurrection » soit plutôt une « sublimation » et qu’elle s’appliquât seulement à deux catégories d’âmes.
1. Celle des vivants toujours de ce monde lorsque surviendra « l’Erdathe ».
2. Celle des défunts encore « en quarantaine » dans le non-monde (Andumnon) et, par ce séjour, ayant mérité de connaître, eux aussi, un sort meilleur.
Il importe aussi de rappeler, avec Régis Boyer « que malgré cela, tout n’est pas fini absolument. Cette manière de jugement dernier, ce retour au vide et au chaos, ne constitue pas le terme de l’Histoire, car un renouveau succédera ensuite à cette Apocalypse » (Régis Boyer). Régis Boyer qui ajoute que certains dieu-ou-démons reviendront et qu’il y aura aussi une nouvelle Humanité après cette formidable antipéristase : « Un monde libéré du temps et des vicissitudes que nous connaissons ».
Que sera cette « vie véritable » ? C’est évidemment un grand point d’interrogation métaphysique. On peut en effet considérer plusieurs éventualités : vie « délicieuse » à la lumière de l’Être supérieur immanent transcendant, dans laquelle chacun garderait sa personnalité ; symbiose avec l’Être supérieur englobant, ayant caractère de participation à la divinité dans sa « poly-unité », ou encore enfin une réabsorption complète dans la divinité matricielle (pariollon) sous forme d’un anéantissement volontaire de la personnalité avec renonciation à un corps même sublimé.
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Il est assurément impossible d’être dogmatique en cette matière de fin dernière (eschatologie) après l’Erdathe. Après tout, ces trois destinées envisageables pourraient ne pas être exclusives les unes des autres, mais se présenter comme des options.
En outre ceci n’est pas incompatible avec l’idée qu’un jour, après un certain nombre d’apocatastases erdathes ou redémarrages à zéro, le monde sera réabsorbé dans le pariollon du grand tout pour y devenir pour y devenir alors là Dieu seul le sait.
Nous sommes donc loin des philosophies de type hindouiste ou bouddhiste, qui se contentent de prouver l’immortalité de l’âme, et pour lesquelles l’univers physique, tel qu’il est, n’existe pas, ou n’a pas de valeur en soi.
Comparaison avec la science grecque. Les philosophes grecs employaient ce concept, avec celui d’Antipéristase par le feu et l’eau, pour désigner le mouvement général de la nature ainsi que l’action des forces qui entretiennent en son sein la régularité, l’harmonie et l’unité. Pour le stoïcisme en effet, le Cosmos est une expression matérielle des pensées parfaites de l’Être supérieur, et l’Apocatastase est le repli qui se produit quand ledit Être supérieur revient à son autocontemplation. Ce qui se produira quand les étoiles et les planètes reviendront à leur position originelle, considérée comme devant être en alignement avec le Cancer. Alors, l’univers sera consumé par le feu. L’Antapocatastasis est un exemple ou une occurrence inverse qui se produit quand les étoiles et les planètes sont en alignement avec le Capricorne, et que l’univers est détruit par de l’eau. Quand l’Être supérieur dirigera de nouveau ses pensées vers l’extérieur, le cosmos renaîtra ou sera reconstitué.
N.B. À en croire Strabon (« Les âmes sont impérissables, mais un jour pourtant régneront seuls le feu et l’eau » IV, 4) les druides semblent donc avoir imaginé qu’arriverait un jour une super mega synthèse géante d’apocatastase et d’antapocatastase réunis, un gigantesque trou noir de l’espace à partir duquel tout serait possible, bien malin serait qui pourrait en savoir plus.
Erdathe individuelle.
Opinion selon laquelle tout ce qui vit sans exception participera un jour au bonheur divin. Cette notion se retrouve notamment dans l’idée que l’enfer n’existe pas.
Hermann Usener. Scholia in Lucani bellum civile/Commenta Bernensia. Liber I (1869).
Scholies bernoises commentant la Pharsale de Lucain.
451.« Les druides nient que les âmes puissent périr
[Driadae negant interire animas]
OU ALLER EN ENFER »
[aut contagione inferorum adfici] et
454.« Ils ne disent pas que les Mânes existent »
[Manes esse, non dicunt].
Le point Nº 25 de la petite liste annexée au concile de Leptines en 743, sous le titre latin d’indiculus superstitionum et paganiarum (évidemment ; il s’agit de condamner ou dénigrer) va d’ailleurs aussi clairement dans ce sens (il évoque le fait d’imaginer que tout défunt est saint).
Dans le domaine des eschatologies chrétiennes hérétiques, le mot apocatastase désigne la théorie selon laquelle, à la fin des temps, tout l’univers créé serait rétabli dans son harmonie originelle, et tous sauvés, y compris les damnés et les démons.
La doctrine de l’apocatastase fut acceptée par plusieurs Pères de l’Église comme Origène, saint Grégoire de Nysse ainsi que les grands mystiques syriens Isaac de Ninive et Joseph Hazzaya.
Qui n’arrivaient pas à comprendre comment un Dieu juste et bon pouvait damner des faibles, des ignorants, voire, pour saint Augustin, des enfants.
L’Église commença par suivre l’hypothèse d’Origène et, sans expliquer pourquoi, fut conduite par l’Esprit-Saint à y mettre fin. La notion d’apocatastase a été condamnée en 553 par le Ve Concile œcuménique. Avec saint Augustin, le christianisme s’est en effet définitivement détourné de cette suscetlon (de cette bonne nouvelle), vu sa conception de la « liberté » humaine.
FALIAS. La Pierre de Fal ou de Scone est un des plus anciens symboles du Destin (en Irlande et en Écosse, elle faisait les rois).
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Une des étymologies possibles du nom de cette célèbre île au nord du monde, mentionnée par les légendes irlandaises, est Fo-Alias, ce qui signifie littéralement « sous-roche ». Nom de lieu désignant donc un endroit situé sous une falaise ou plus exactement au pied de ladite falaise.
Cette étymologie nous renvoie par conséquent directement aux nombreux toponymes celtiques du type Alésia/Alise sur le Continent européen, ainsi qu’aux légendes consignées par les Grecs sur l’Hercule celte, son mariage avec Celtine, dont serait issu le peuple celte, la fondation par lui de la ville d’Alésia, et ainsi de suite.
Ce lieu mythique est donc le siège ou la résidence du dieu-ou-démon Ogmios, et Ogmios y dispensait ses secrets magiques ou guerriers, les plus divers. Sa pierre magique, tout comme l’Hercule des légendes grecques (voir Timagène. Cité par Ammien Marcellin XV, 9 ; Parthénios de Nicée. Histoires d’amour. XXX. Celtine. Diodore de Sicile. Bibliothèque historique. Livre V, XXIV et Livre IV, XIX) faisait les vrais rois en terre celte.
FÉNIANE pluriel FÉNIANES. Autrefois clan de combattants mercenaires d’origines diverses (Irlandais, mais aussi Écossais, Bretons, Gaulois) vivant de la chasse et de la guerre, de Beltène à Samon-ios, et vivant après chez l’habitant le reste de l’année (voir le cycle ossianique). Il s’agissait de kinges pratiquant de très sévères clessas ou riastrades à la façon de Cuchulainn ; adeptes du culte de Cornunnos (le cerf était leur totem) et quelque peu en marge de la société.
Tout guerrier qui entrait dans le corps des Fianna était soumis à quatre obligations ou tabous…
1° Ne jamais prendre une femme pour sa dot, mais pour ses qualités ainsi que ses bonnes manières.
2° Ne jamais faire violence à une femme.
3° Ne jamais refuser à quiconque demanderait des objets précieux ou de la nourriture.
4° Ne jamais fuir devant moins de dix adversaires.
Il devait s’engager à ce que jamais sa famille ne demandât une compensation pour sa mort ; il ne pouvait compter, pour se venger, que sur lui-même. Il devait se faire recevoir au nombre des fili (des lettrés) *. Il fallait de plus qu’il subît plusieurs épreuves physiques : se défendre avec un bouclier ordinaire et un bâton de noisetier, contre neuf guerriers lançant à la fois sur lui leurs neuf javelots (même épreuve que pour Cuchulainn) ; s’il était blessé, il ne pouvait être reçu Feniane ; échapper à travers les bois à tous les Fénianes en n’ayant d’autre protection que les arbres ; les armes d’un candidat ne devaient pas trembler dans sa main ; il ne fallait pas qu’un cheveu soit défait de sa tresse par une branche d’arbre ni qu’un rameau se brisât sous ses pieds ; il devait savoir sauter jusqu’à la hauteur de son front et se baisser jusqu’à la hauteur du genou ; s’arracher une épine du pied sans arrêter sa course ; jurer au capitaine des Fénianes de lui être fidèle.
*D’après Keating personne n’était pris dans les Fénianes s’il n’avait pas lu au moins 12 livres. Les Fénianes n’étaient donc pas des gens d’un seul livre.
FERDORD. De fer « homme » et dord « chant, plainte, bourdonnement ». Chez les Fénianes, il s’agissait d’une sorte de chant ou de refrain s’accompagnant parfois du choc de leurs hampes de lance contre leurs boucliers. Dans le récit intitulé Longes Mac nUislenn, le mot andord semble désigner le chant d’une voix de ténor.
FERGIO. Fergio est le nom de la fureur sacrée résultant de toute guerre voulue ou investie par les dieu-ou-démons, et animant un guerrier. Voir vieux français vierg. La fergio n’a rien à voir avec le herem juif de la Bible qui, lui, consiste en une destruction méthodique.
Le virgile celte n’est pas comme on le croit un « homme au jugement efficace » (privilège réservé au très-sachant dans l’Antiquité), mais un homme « en état de fureur sacrée » ; dans la plus pure tradition des vertus militaires typiques de la 2e fonction guerrière et royale. Virgilios est par conséquent le nom du héros participant à une Fergio.
Les virgilioï ont un sort privilégié. Après la mort, ils ne se réincarnent pas dans le cercle vicieux infernal de ce monde de tribulations soumis à la dure Loi de l’ategeneto. Soit ils se retrouvent dans le monde aussi délicieux que lumineux du Vindomagos, Mag Meld, Terre de Jeunesse… soit ils atteignent directement au grand tout.
En effet, la mort d’un guerrier, lors d’une fergio (la mort d’un vergilios), équivaut pour lui à un accès à l’état d’awenydd, c’est-à-dire à une expérience religieuse supérieure de nature extatique ; ce que les Germains attribuaient aux berserker.
Les virgiles antiques (les fénianes de l’époque appelés gésates ou verkingetoriges) combattaient parfois complètement nus et en hurlant, ce qui terrorisait les Romains.
Mourir pour la foi jurée à son prince, à son peuple, à son chef, apparut donc très tôt aux druidisants comme une des formes les plus éminentes de l’héroïsme. « Ils crient qu’il leur faut se lier par le plus
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sacré des serments : pas d’asile sous un toit, pas d’accès auprès de ses enfants, de ses parents, de sa femme ; pour celui qui n’aura pas 2 fois traversé à cheval les rangs ennemis » (B. G. VII, 66).
Ceux qui mouraient ainsi en martyrs (au sens musulman du terme) lors d’une fergio : les virgilioï, étaient considérés comme aussitôt entrés au paradis celtique du Vindomagos ou ayant intégré le Grand Tout, sans avoir à patienter jusqu’au retour de ce dernier (par erdathe ou apocatastase). Ou alors ils pénétraient dans le monde des dieux ou démons, le sedodumnon, autre composante du Vindobitu (dit aussi Albiobitu, voire Plérôme, par saint Irénée).
Les reliques de ces héros avaient plus de valeur que l’or ou l’argent. Certaines Écoles druidiques ont d’ailleurs développé toute une mystique de la fergio et du martyre des virgiles. Selon eux, seul parviendra immédiatement au paradis des héros, celui qui aura vraiment accepté de les imiter dans toute la mesure du possible.
FIR FER. Code de l’honneur irlandais impliquant notamment qu’il n’y ait pas d’attaque-surprise et que le combat soit livré à égalité en ce qui concerne les armes.
Le Fir Fer était un code de l’honneur très exigeant, très rigoureux, surtout et essentiellement pour la classe guerrière professionnelle des Ulates d’Irlande du Nord, dite « La Branche rouge » d’ailleurs, mais, ainsi que l’a remarqué Joseph Valente dans sa démystification de la virilité dans la culture nationale irlandaise de 1880 à 1922, publiée en 2011, il était aussi universellement connu et admis comme allant de soi qu’il était violé quotidiennement dans la pratique. Et que même Cuchulainn ne fut pas le dernier à ne pas respecter ses principes de base afin de l’emporter.
Ci-dessous par exemple ce qu’écrit Joseph Valente à propos des dernières paroles de Ferdiad qui, malgré les euphémismes employés par les divers traducteurs (Hull, Gregory) notamment à propos de l’arme de Cuchulainn déloyale par excellence qu’est le gae bulga, semblent effectivement très nettement accuser Cuchulainn de ne pas avoir respecté le Fir Fer.
« Les derniers mots de Ferdiad , quelle que soit la traduction complète et non aseptisée retenue, peuvent être compris comme reprochant à Cuchulain d’avoir violé l’impératif éthique dominant de sa société et de sa classe, à savoir la règle du Fir Fer, du franc jeu, littéralement « la vérité de l’homme ».
Dans la littérature irlandaise ancienne, le concept de Fir Fer s’applique essentiellement aux combats singuliers, il impose aux combattants de respecter des règles… Mais comme Philip O'Leary l’a bien souligné, dans le cycle d’Ulster, le Fir Fer représente un code d’honneur personnel rigoureux qui est néanmoins systématiquement transgressé de tous les côtés… Le Fir Fer apparaît donc ainsi au fil des récits comme le lieu d’une contradiction idéologique majeure : c’est peut-être le seul concept éthique intériorisé par la culture guerrière gaélique, mais les honteuses violations de son code s’avère être des moyens « acceptés »……
En mettant en avant le Fir Fer en tant qu’ éthique à la fois sacrée et systématiquement violée, le cycle de l’Ulster poursuit néanmoins sa critique implicite de la fureur guerrière – ce que nous pourrions aujourd’hui appeler le virilisme ambiant… Le précepte de Fir Fer fournit au récit une alternative au succès matériel ou martial à tout prix, et montre a contrario que la société de la Branche Rouge partage cette norme alternative, même si elle la viole systématiquement ».
Concluons prudemment que les préceptes ou les bons comportements de ce Fir Fer.
— Apparaissent souvent a contrario seulement et de par l’indignation que leur violation soulève (les textes nous décrivent ce qu’il ne faut pas faire, ce qu’il n’est pas bien de faire)
— Qu’ils sont surtout théoriques !
Et comme il n’y a pas de sanctions, le Fir Fer est surtout un code de l’honneur POTENTIEL.
FOMORE. Les mots vieil irlandais « fomoire » ou canadien français « vouivres » désignent des forces telluriques ou chtoniennes. Le vocable vient du vieux celtique vomorios = sous-marin, pluriel vomorioi, qui a donné le vieil irlandais Fomoire, pluriel Fomóiri ou Fomóraig (irlandais moderne faoi muire).
Pour certains auteurs, le terme « mor » qui entre en composition dans leur nom se retrouve aussi dans le mot « cauchemar », et il évoque alors plutôt la notion de terreur. Pour Zimmer, il était à rapprocher du terme « maros » qui signifie grand ou géant.
Le mot canadien vouivre vient du vieux celtique voberos = qui est aquatique, ou plus exactement qui est sous de l’eau douce, pluriel voberoi ; un terme qui (en France du moins) a donné les noms de lieux Vabre, Vavre, Vaivre, Voivre, Woëvre (quand j’étais petit, on disait effectivement « de la ouavre » dans ma classe), etc. Vobera = eau souterraine (vo = dessous, berao = je coule).
Le mot « anguipède », anquibedes selon Jane Bliss parlant du père de Merlin, lui, est un terme d’archéologie à étymologie latine signifiant mot à mot, « à pied de serpents », et désignant les représentations sculpturales des dites entités négatives.
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Voir par exemple ci-dessous l’entité négative appelée Cichol Gricenchos en gaélique, ce qui se traduit par, soit « farouche sans pied », soit « farouche aux pieds tordus » (Cicolluis Gribos-cen-coxsos ou Cicolluis crouciano-coxsos).
Ce qui prouve bien que ce concept était panceltique puisque le nom de Cicolluis est attesté sur le continent.
Le druidisme antique les appelait aussi Andernas.
FOSTERER. Père adoptif. Sorte de parrain celte, tuteur chargé d’élever un enfant confié que ses parents ont mis en pension chez lui.
FOTHRUCAD. Terme irlandais (gaélique) signifiant quelque chose comme bain, lustration, immersion, baptême…
GALATEA. Symbole de l’ethnogenèse celtique, nommée aussi Keltinè, fille de Keltos.
GALICA ou CALIGA. Sorte de chaussures portées par les Celtes.
GARGANT BABTRUC ou Gurgunt Babtruc. Dieu-ou-démon des très-sachants continentaux, équivalent de l’Irlandais Dagda (Dagodevos = le dieu-ou-démon propre à… le dieu-ou-démon qu’il faut). Le grand écrivain français qu’est Rabelais s’en est inspiré pour créer le personnage de Gargantua.
GDONIOS (Homme, au sens d’être humain, « mortel », en celtique). Terme celte difficilement traduisible, car pour les très-sachants l’être humain n’était pas double (corps et âme) comme dans l’idéologie dominante d’aujourd’hui, qui est d’origine judéo-chrétienne, mais triple : âme, esprit, et corps. L’esprit ou menman étant une sorte de zone grise résultant de l’interpénétration réciproque de l’âme universelle et de la matière, de l’âme individuelle et du corps, du blanc et du noir.
Il y a lieu ici d’évoquer une phase de l’évolution sémantique préhistorique reconstituée par les linguistes au niveau du vieux substrat indo-européen occidental.
L’italo-celtique antérieur à la différenciation dont a résulté l’ethnogenèse celtique avait une racine *gdam – > *gdom signifiant la terre, le sol, et il en est venu un mot pour désigner l’être humain. Ce lien sémantique direct s’est perdu en celtique, mais a subsisté en latin avec humus et homo et en quelques autres langues indo-européennes. Certains pensent toutefois que dumnios vient d’une forme antérieure *dvanios, qui a peut-être eu un lien obscur avec *gdam. Bref, quoi qu’il en soit, l’Homme est donc le Terreux, en celte.
Anthropologie druidique. Grâce aux sciences de la nature et en particulier de la cosmologie, les très-sachants ont toujours été très conscients de notre vraie place au sein de la réalité physique, dans l’espace comme dans le temps. Les très-sachants ont toujours été frappés par la petitesse ou l’insignifiance apparente de l’Homme, et plus encore par sa vulnérabilité au sein d’un environnement si vaste et si hostile.
Ils ont néanmoins en même temps toujours manifesté clairement la grandeur et la supériorité de l’Homme au sein de l’univers, manifesté la position profondément exaltante dont nous jouissons en étant capables de chercher, d’imaginer ou de découvrir, tant de choses. L’Homme est capable de connaître et de comprendre de plus en plus l’Univers et son contenu. Nous pouvons atteindre et saisir son travail, ses plans internes, pénétrer dans ses profondeurs avec un respect plein de questions et une imagination intimidée par le mystère. Le divin peut être rencontré dans le quotidien de nos vies.
Bref, le sacré, c’est l’Homme ! L’Homme a inventé le sacré (car il pouvait « dominer » la nature).
Voici ce qu’écrit Scot Erigène dans son traité intitulé : division des choses naturelles (d’après Henri Lizeray, du moins, dans son Ogmios ou Orphée).
La nature reçoit quatre aspects par le moyen de quatre différences. Le quatrième élément n’étant pas créé et ne créant pas au sens strict du terme, mais servant seulement de réceptacle aux trois autres avant lui (la matière éternelle ne crée pas, mais se transforme sans cesse) ; il ne compte pas parmi les principes de base qui sont au nombre de trois. Le premier élément est incréé, mais il crée, le deuxième est créé, mais crée aussi (l’homme N.D.L.R.) le troisième est créé, mais ne crée pas (les
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animaux, les végétaux, etc. N.D.L.R.). Henri Lizeray corrige donc ainsi cette anthropologie érigénienne : « Dans le monde manifesté, nous retrouvons la triade génésiaque ou première ainsi modifiée.
1. Le Père.
2. La Mère.
3. Le fils ou produit de l’esprit dans un corps.
Il y a donc dans l’univers :
1. Une substance spirituelle.
2. Une substance corporelle.
3. Les animaux composés d’âme et de corps. Et parmi ceux-ci l’Homme est au premier rang.
L’Homme n’est pas seulement une partie intégrante de l’espace. Il détient en lui l’étincelle qui, primordialement totalisée, remplissait la masse confuse. Mais, par suite de la distinction des fonctions, s’est particularisée dans chaque être pensant la parcelle qui ne s’éteint pas, mais dure en se transformant. L’Être formel, l’Univers et l’Incréé, sont la répercussion l’un de l’autre. Chaque homme, partie de l’Univers, retrouve en lui-même les différents états ou phases dont il est la répétition ; et c’est chose secondaire que de s’occuper du reste » (Henri Lizeray. La Doctrine secrète des Druides).
C’est d’ailleurs ce que le petit-fils de très-sachant nommé Ausone avait résumé ainsi en latin : « Divinis Humana licet componere », autrement dit « aux choses divines, on peut comparer les choses humaines ».
Le drame de l’Homme se situe dans ses rapports avec le divin. Prendre en main son existence, être totalement responsable, telle est la voie de l’épanouissement montrée par les dieu-ou-démons.
Les terreux ou fils de la Terre se rebelleront néanmoins contre ceux qui leur proposaient une juste coopération. Ce fut là l’erreur originelle qui, rompant les ponts entre les mortels et les dieu-ou-démons, corrompra également toutes les relations de l’Homme avec ses semblables. Ces hommes en lesquels le druidisme croit le divin pourtant toujours présent.
N.D.L.R. Il s’agit là et vu de très haut ; si l’on admet que le peuplement légendaire de l’Irlande et ses interminables combats entre Gaulois Fir Bolg et dieux EN SONT UNE MÉTAPHORE ; de ce que peut grosso modo dire en résumé un esprit chagrin sur les grandes lignes du peuplement de la terre. Puisque peuplement de la terre il y a eu finalement, pour le pire comme pour le meilleur, les dieux l’ayant peu à peu désertée, écœurés. En laissant derrière eux beaucoup de travail aux diplomates pour régler le contentieux…
Pour les très-sachants la personne humaine est indivisiblement corps, esprit, et âme.
L’âme ou anamone est le vrai principe vital qui anime et détermine le corps.
L’esprit ou menman est l’interface entre l’âme et le corps.
Le corps ou kicos est la matière, c’est-à-dire l’existence incarnée de l’âme sans laquelle elle ne serait rien.
Aussi, loin d’être une prison pour l’âme, le corps est aussi essentiel à la vie spirituelle que l’âme à l’incarnation.
Les réalités corporelles ont une signification qui leur est propre et qui a autant d’intérêt que le ciel étoilé des idées pures.
Mais l’Homme n’est vraiment Homme que quand son désir quitte ses peurs et ses angoisses et se tourne vers la transcendance immanente. Loin de le détruire de le diminuer ou de le bloquer, celle-ci l’appelle à se situer dans le risque d’un avenir toujours à inventer ou à réaliser.
Admiration et contemplation du bon et du bien, du beau et du vrai, mais aussi de la magie des lieux, et ainsi de suite, sont le propre de l’Homme, et sans les hommes, les dieu-ou-démons ne sont rien. L’éducation au sens critique et l’acquisition des méthodes de pensée scientifique sont donc très importantes (c’est d’ailleurs pourquoi islam et christianisme se sont en grande partie construits sur leurs ruines). Les valeurs du vrai, du beau, du bon, du bien, les idéaux de justice et d’équité que nous avons héritées de nos ancêtres, sont aussi l’humus nourricier de cette hominisation personnelle et collective, qui n’est d’ailleurs pas finie.
GEIS. Proprement : injonction (pluriel : gessa). Ce mot gaélique est employé au sens d’interdiction ou d’obligation de faire quelque chose. Il diffère du tabou qui n’est qu’une interdiction. Il y a lieu d’ailleurs de noter que la contrepartie positive des gessa sont les boudismes (de boudi butin/victoire) c’est-à-dire les dons ou charismes conférés à tout un chacun par les dieux, ce que les Vikings désignaient sous le nom de gaefa. Le monde est bien fait.
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GUTUATER. Nom d’un des martyrs du druidisme, décapité sur ordre de César.
GUTUATRE. GUTUMATRE. Variété de très-sachants de base, à fonctions plus particulièrement sacerdotales : vêtus de rouge, ils s’occupent des rites et des prières.
HESUS (Setanta le cheminant, dit aussi le Cu Chulainn en Irlande).
L’une des divinités principales du panth-éon, qui apparaît en bûcheron coupant des arbres dans des bois peuplés d’animaux, associé dans certaines représentations avec le Termagant ou Tarvos Trigaranos (Taureau à trois cornes et/ou accompagné de trois grues).
La définition de ce Hesus historique est difficile à cerner, faute de précisions authentiques, et à cause d’une certaine obscurité des symboles. C’est que la mythologie druidique, dont bien des détails nous échappent, était riche en symboles souvent devenus obscurs pour nous après 2000 ans de christianisation des esprits. Était-il « assoiffé de sang humain » comme écrit sur une scholie apocryphe de Lucain ? Une telle croyance à son égard n’est pas démontrée autrement. Les très-sachants de l’Antiquité y trouvaient certainement là un des thèmes de prédilection de leurs paraboles didactiques sur le sens du sacrifice ; et ils illustraient ainsi les messages qu’ils faisaient passer au peuple pour lui inculquer une éthique de haut niveau.
Son nom relevant du vieux fonds indo-européen apparaît comme une variante d’Aisus, forme celtique parallèle aux noms génériques As (pluriel Asar) des Germains ainsi qu’aux Asa des Aryens.
Il signifiait tout simplement « dieu » (ou démon), non en tant que dieu-lumière (devos), mais au sens de dieu-esprit ou dieu-souffle. Avec leur propension aux jeux de mots visant à une pluralité déroutante de significations, les Celtes devaient l’entendre aussi comme « enjoué » (vesuos) ou même comme le « meilleur » (vesos).
Les chercheurs en Tradition celtique ont noté qu’Hesus, en tant que nom de divinité, n’était attesté que sur le Continent. Ils se sont demandé dans le cadre des croyances panceltiques antiques, s’il avait des équivalences insulaires.
La réponse est oui ! Côté goïdélique, il y a la légende irlandaise de Setanta, dit le « Chien de Culann » : Cu Chulainn.
D’Arbois de Jubainville au XIXe a rapproché Hésus et Smertullios et a pensé à faire de Cuchulainn une contrepartie d’Hesus (en Irlande), bien que demi-dieu (ou démon) à la place de dieu (ou démon) de plein exercice. Voyant un jeu de mots possible dans Smer – il songeait à l’idée d’encollage de fausse barbe, ou au barbouillage de Cuchulainn pour ne pas paraître imberbe lors d’une incursion chez Medb.
Holder résume ainsi : « d’après d’Arbois, épithète d’Hesus en Gaule = Cuchulainn avec une fausse barbe ». Ce personnage central de l’épopée de la Tain Bo Cualnge et de divers autres poèmes épiques serait donc un dieu-ou-démon guerrier originaire du Continent, arrivé avec l’une des vagues d’immigrants conquérants débarquant dans cette île.
Son nom de Setanta – forme gaélique tardive – s’expliquerait par un Sentanta antérieur = « cheminant », mot à mot : « l’itinérant ». On note aussi l’analogie de nom avec les Bretons Setantioi (actuel Lancashire).
Cu Chulainn reste une des plus attachantes figures chevaleresques que l’on connaisse. Sa mort, vécue comme un sacrifice s’inscrit bien dans ce que l’on sait de la mentalité celtique antique, éduquée par les très-sachants de la druidiaction.
La thèse avancée par d’Arbois de Jubainville est donc de considérer Setanta comme comblant le vide en matière de figures d’Hesus en Irlande ; donc, du point de vue de la reconstitution de la religion antique ; de le considérer soit comme l’équivalent d’Hesus, soit comme un avatar de celui-ci… Encore qu’Hesus soit identifié ici comme étant une divinité majeure, tandis qu’en Irlande Setanta dit Cu Chulainn est considéré comme un héros bien plus que comme un demi-dieu (ou démon) malgré le rôle joué par Lug lui-même dans sa conception.
Le néo-druidisme accorde à sa mort sacrificielle une importance exemplaire. Il considère la figure de Setanta dit Cu Chulainn comme un modèle analogue à Mahomet en terre d’islam et aussi comme un symbole de valeur universelle : la grandeur est de ne pas chercher un remède surnaturel à la souffrance, mais de viser à une utilisation préternaturelle de la souffrance.
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À cet égard, l’image exemplaire de Cu Chulainn rejoint donc celle de sacrifices analogues commémorés en d’autres religions.
Ce peut être par exemple celui d’Adonis, symbole de jeunesse, tué par un sanglier, autre forme de lui-même, cet animal étant le symbole de la classe sacerdotale. Ce peut être le taureau de Mithra qu’il s’immole à lui-même. Ce peut être l’image d’Héraclès, l’Hercule grec, s’offrant au feu d’un holocauste sur le Mont Oeta ; ou encore Attis mutilant sa propre chair. Ce peut être enfin le nazoréen Jésus faisant de sa crucifixion une offrande au dieu-ou-démiurge dont il émane, le Fils sacrifié selon la volonté du Père pour sauver l’Humanité d’une vengeance divine. (N.B. S’il a vraiment existé bien entendu évidemment.)
IALON. Nom celte de la clairière habitée, même temporairement, dans une forêt. Désignera par la suite un lieu où se sont installés des moines culdées après défrichage d’un coin de forêt. En termes d’organisation, nom de la plus petite subdivision non territoriale à la base de l’Ollotouta druidique. Voir bosquet dans ce cas. Le nom de la plus petite subdivision territoriale cette fois-ci, de l’Ollotouta druidique, est vicos = paroisse.
IARN BELRE. La langue du fer. Voir Berla Féné.
KINGES ou CINGES. Mot masculin. Au sens originel, mot signifiant « marcheur », d’où en vocabulaire militaire : « fantassin » (dérivé du terme verbal cing = marcher, d’où aussi Sonnocingos = marche du soleil = année zodiacale, excingeto = émigration).
Au sens moderne du terme s’applique à un ascète, pratiquant les exercices de l’ascèse/yoga celtique dite Kingeto/Cingeto, donc un ascète druidique se consacrant aux exercices physiques et spirituels de la méditation active ou en mouvement. Cet ascétisme de type aryen existe aussi dans l’hindouisme et le bouddhisme comme voie privilégiée pour se libérer du cycle infernal des réincarnations sans fin, sur terre (samsara = ategeneto). Le meilleur exemple de ces Kinges ou Verkingetoriges dans ce cas est peut-être encore Bodhidharma (sanscrit : « enseignement de sagesse ») un moine bouddhiste probablement originaire du sud de l’Inde, et considéré comme le fondateur, en Chine, de l’École Chán, un courant contemplatif (dhyâna) du mahâyâna, devenue au Japon l’école Zen.
KINGETO ou CINGETO (pluriel Kingetones ou Cingetones). Mot féminin.
Comme signalé plus haut, à l’origine, Kingeto signifiait marche, et par extension, entraînement militaire… analogue donc au grec askesis = exercice en son sens d’origine. D’où notre moderne « ascèse ». Le sens, du physique s’est normalement élargi au mental, du fait de l’interdépendance psychosomatique, afin de désigner tout effort et toute méthode pour atteindre au monde des dieu-ou-démons. Le sens moderne du terme, Kingeto/Cingeto recouvre donc deux réalités légèrement différentes.
— La méthode (employée pour se perfectionner pour ce qui est du physique, et du mental). Autrement dit l’ambividtu versonnions ou grande science qui illumine, imbas forosnai en gaélique.
— La pratique même de ces exercices.
Les deux principales branches de cette Kingeto/Cingeto sont les riastrades ou mouvements du corps et la méditation dans l’action. Pour plus de détails sur les techniques de maîtrise corporelle et mentale de la voie de la Kingeto/Cingeto, voir notre opuscule traitant du sujet.
KISSION. Préceptes moraux réservés à une élite (les adeptes de l’ascèse sous ses deux formes, physique ou mentale) et destinés à plus ou moins accélérer leur accès à l’autre monde. Éthique ou déontologie du guerrier d’élite. La meilleure définition de l’éthique de ces vercingets demeure peut-être encore celle qui nous a été fournie par le très-sachant irlandais Cathbad, à propos du hésus Cuchulainn enfant. « Si un garçon prend les armes aujourd’hui, son nom sera illustre, éminent à jamais, mais sa vie sera brève et même éphémère… Il m’importe peu de n’être qu’un jour ou qu’une nuit au monde, pourvu que le récit de mes aventures et de mes exploits demeure après moi ».
Les Écoles du kission, comme celle de la reine Scathache en Écosse, prônent le contrôle des peurs, qui sont autant d’obstacles à la libération de la puissance de l’esprit. Ces passions ou émotions sont des caractéristiques de l’être, il est possible de les purifier ou de les transformer par divers moyens.
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Le but du Kission est également l’idéal du semnothée c’est-à-dire venir en aide à tous. Pour cela, on utilise les pratiques éthiques, mais aussi d’autres, comme la visualisation de déités lors de la méditation ou des temps d’ascèse. On y inclut des entraînements visant à améliorer l’harmonie du corps (méditation et yoga), de la parole (récitation de prières) et de l’esprit (méditation et visualisation de déités). La voie du kission est celle qui transforme les poisons en remèdes ou en catalyseurs.
LABARUM. Sous cette forme à désinence latine en um, consacrée par l’usage, on retrouve le celtique labaron = bannière (racine lab = être pendant) ou = parole. Sorte de X emblème de la religion druidique. Avec la lettre « P » en plus a été utilisé par les chrétiens comme chrisme (constantinien), appelé aussi monogramme du Christ.
LANDIER. Du celte « andero » jeune taureau. Variété de chenets de grandes dimensions.
LEX. Lexs au pluriel. Lech en breton, lia (lia fail) en gaélique. Sorte d’autel rustique ou de pierre sacrée dans les rituels les plus simples.
LUAN LAITH, mais aussi lon laith lon gaile voire én blaith. Phénomène assez mystérieux caractérisant certains guerriers. En traduction littérale cela nous donne lumière du héros ou oiseau de valeur. Lati/lato, signifie en effet héros en vieux celtique, mais luan est plus incertain, la traduction par « lune » n’est pas la plus sûre. Lumière est plus vraisemblable.
W.M. Hennessy dans le numéro 1 de « Revue Celtique » pages 50 à 52 en a dit deux mots à propos de l’ancienne déesse irlandaise de la guerre « Morrigan », mais reste assez perplexe : lumière ou oiseau ?
En dernière analyse il pourrait s’agir soit d’un jet de sang sortant du crâne, soit d’une aura lumineuse.
Les principaux héros des poésies épiques irlandaises, de Cuchullain à Murchadh, fils de Brian, ont chacun leur « Oiseau de bravoure » les survole au cœur du combat. Dans le récit de la bataille de Magh-Rath, il est dit par exemple Congal Claen, poussé au comble de la fureur et de la folie du fait des exhortations d’un de ses serviteurs, se dressa au beau milieu de la salle de banquet de Dun-na-ngedh, afin d’y manifesta sa bravoure. Sa furie héroïque éclata, et son « oiseau de valeur » vola au-dessus de lui, il ne faisait pas de distinction entre ami et ennemi ».
Le spécialiste actuel de la question est Enrico Campanile (langues et cultures, études en l’honneur d’Edgar C. Polomé 1988, sens et préhistoire du Vieil Irlandais luan laith, 5 pages). Pour lui cela signifie bien « lumière du héros ».
Et il n’y a pas que Cuchulainn pour en être la proie. Dans le Fled Bricrend c’est aussi le cas de Loegaire et Conall Cernach. Et dans d’autres récits encore le prince des Fénianes, Finn.
Pour Enrico Campanile ces incohérences de nos récits viennent du fait qu’il s’agit d’éléments très archaïques devenus des stéréotypes.
« En résumé. Dans plusieurs cultures indo-européennes – irlandaise, latine, grecque et iranienne, mais des recherches ultérieures en révéleront peut-être d’autres – a existé la croyance qu’un rayonnement particulier, envoyé par Dieu, émanait de la tête de certains guerriers ou de certains princes lorsqu’ils étaient engagés dans une bataille ou afin de leur laisser présager un glorieux destin. Dans les deux cas, c’est un signe de bienveillance divine et d’heureuse prédestination » (Enrico Campanile).
S’il s’agit bien de lumière, il y a lieu de noter que dans cette interprétation mystique du phénomène ladite lumière n’est pas la lumière purement abstraite des gnostiques et des manichéens ou des chrétiens et des musulmans. Ce n’était pas un élément étranger emprisonné dans la grossièreté de la matière, appelant l’individu à se libérer du corps puant vivant dans cet endroit désolé. Cette lumière primordiale est plutôt à comparer au xvarnah du zoroastrisme c’est-à-dire une propriété intrinsèque de la divinité, l’énergie à partir de laquelle Ahoura Mazda a suscité tout ce qui est, y compris les êtres divins du plérôme. C’est une lumière qui a rempli les cieux, demeure de la lumière par excellence, mais qui n’est que virtuelle et latente dans la matière. Le dualisme fondamental chez Zoroastre n’était pas en effet celui de la lumière contre les ténèbres comme chez les chrétiens ou les musulmans, mais celui de la manifestation ou de la latence de la lumière (les états d’existence menok et getik). Chez lui le terme xvarnah impliquait en outre grâce à l’intervention du destin que tout finirait par s’arranger, par rentrer dans l’ordre (apocatastase).
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Certains auteurs ont rapproché ce phénomène appelé luan laith lon laith lon gaile voire én blaith du ménos des aristies prêtées aux héros grecs de légende comme Hector ou Diomède.
Dans l’Iliade en effet l’action héroïque n’est pas seulement déterminée par ces interventions divines qu’on pourrait dire extérieures. Les sentiments déterminants éprouvés par les héros leur sont toujours inspirés par les dieux. Or ce qui est déterminant dans la bataille, c’est l’énergie, c’est l’ardeur enflammée, que le grec appelle le ménos. Et nous voyons en de multiples occasions comment le ménos est insufflé par un dieu dans le cœur du héros (son thumos). C’est une scène récurrente, que l’épopée chante à plaisir.
On constatera d’ailleurs que Zeus insuffle ce ménos aussi aux chevaux d’Achille (XVII, 456) – le verbe grec qui correspond au verbe insuffler est, ici comme ailleurs, le verbe pneuein, dont est dérivé le nom pneuma, le souffle. Le souffle du ménos est pareillement insufflé encore aux chevaux et aux mules de Priam, lorsqu’il rejoint la tente d’Achille (XXIV, 442). Ce ménos est une énergie qui n’est donc pas spécifiquement humaine.
D’autres ont rapproché ce phénomène de la « gloire » chrétienne en arguant que les chrétiens ou les ancêtres spirituels des chrétiens avaient sans doute emprunté ce concept au zoroastrisme.
Quoi qu’il en soit en ce qui nous concerne le résultat de cette énergie divine semble être double suivant les cas.
Soit cela donne un corps idéal de rêve, voir racine Bel de Belenos ou Belesama (nom des fleuves Mersey ou Ribble en Angleterre).
Soit un corps déformé, explosé, hideux. Cas des riastrades de Cuchulainn en Irlande. Autrement dit une vision de cauchemar appropriée à l’horreur d’un champ de bataille.
LUG. Personnification du dieu-ou-démon hors classe et polyvalent des Celtes. La forme en vieux celtique était Lugus, forme que l’on peut reconstituer à partir des composés tels Lugubalion, Lugdunon, et par le vocatif Luge dans l’inscription de Chamalières. La forme Lug est propre au gaélique, où Lug tient une très grande place comme « samildanach » = « polytechnicien ».
LUGNASADE. La quatrième grande fête, la Lugnasade ou, plus tard, Goule d’août, commençait à la pleine lune début Elembivi, plus tard reportée au 1er août après l’adoption du calendrier julien (qui fut imposé par le christianisme). D’après la tradition, la Lugnasade (étymologiquement la Fête de Lug) fut établie par le dieu-ou-démon Lug lui-même, à Tailtiu, en mémoire de sa mère nourricière, la déesse-ou-démone, ou la bonne fée si l’on préfère, Rosemartha, sur le Continent, Talantio (en gaélique Tailtiu) symbole de la Terre-Mère en Irlande.
Cette Goule d’août consistait en jeux divers, mais semble avoir été surtout une fête royale. Le roi y présidait en effet des courses de chevaux, des joutes poétiques… Tout cela se passait sous le patronage d’une déesse-ou-démone-mère qui, d’après le mythe, était morte afin d’assurer la prospérité à ses nombreux enfants (voir le Livre des Conquêtes d’Irlande, ou alors Rosemartha).
Il est donc vraisemblable qu’à cette occasion des jeux funèbres représentant les grands mythes primordiaux y étaient représentés, chacun jouant son rôle dans cet affrontement généralisé des forces en présence.
Voici comment se passaient les dernières foires encore celtes de la Goule d’août sur le Continent (à Lyon) en l’an 40 de notre ère.
On y voyait les Bretons avec leurs ambres et leurs étamages plus brillants que l’argent, les Aquitains avec leurs lits de plume, les Belges avec leurs étoffes de laine grossière, les Germains avec leurs salaisons, les Espagnols avec leurs armes fièrement trempées ; mais les produits nationaux tenaient la plus grande place.
Les étoffes de lin et de chanvre du nord de la Gaule, les poteries rouges dont la cisalpine inondait toute l’Europe, les huiles fines de Provence, les vins corsés ou poissés de la Narbonnaise et de la vallée du Rhône ; constituaient de véritables entrepôts abrités sous d’immenses hangars établis sur les berges du confluent. Une flotte de barques, de radeaux, de toute forme, de toute provenance, était amarrée au rivage ; encombrant les divers bras du fleuve qui serpentait au milieu des îles et formait comme une seconde ville flottante, ville autrement plus bruyante que la ville officielle étagée sur la colline. Une foule bigarrée se répandait sur la grève, couverte de baraquements, où s’étalaient les produits du monde entier ; marché cosmopolite où les échanges se faisaient soit en nature, soit avec
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des métaux précieux et des monnaies de toutes les provenances et à toutes les effigies. Les Syriens et les Phéniciens y apportaient leurs étoffes teintes et brodées ainsi que leurs verreries, qui rivalisaient avec les produits de la fabrication lyonnaise locale.
MABINOS, MAPONOS : nom celte signifiant fils, enfant ; par extension disciple.
MABON/MAPONOS /OENGUS. Dans la tradition druidique, il n’y a pas de dieu de l’amour, mais un dieu des amoureux. C’est un peu le Saint Valentin des Celtes.
Mabon/Maponos/Oengus est présent d’emblée dans le monde, comme force qui pousse à se projeter hors de soi.
Mabon/Maponos/Oengus est le mouvement qui pousse à sortir de soi pour produire de l’autre, cet autre n’étant nécessairement, au départ, qu’une modulation de soi-même. C’est en fait le mouvement même du désir, qui fait que l’on ne demeure pas dans le confort mortifère de son identité.
Sur le plan métaphysique ou symbolique, Mabon/Maponos/Oengus est donc…
— la particularisation, anthropomorphique, de quelque chose de primordial.
— est la personnification du principe de manifestation de ce qui est latent.
Mabon/Maponos/Oengus est partout, c’est une dynamique.
Mabon/Maponos/Oengus est un déploiement de potentialités.
Mabon/Maponos/Oengus est la puissance dont le monde a besoin pour se mettre en mouvement.
Mabon/Maponos/Oengus, contrairement à la force qui divise, est la force qui réunit
Mabon/Maponos/Oengus n’est pas un principe constitutif, mais se situe à un autre niveau : celui de l’action, il est la force qui pousse à l’engendrement.
Mabon/Maponos/Oengus n’est pas une puissance strictement positive, il est le désir qui pousse hors de soi, un mouvement donc, une dynamique qui préexiste au processus même d’union.
Mais désir, amour et conflit sont intimement liés ainsi que nous le montrent les légendes.
Mabon/Maponos/Oengus dans son essence même, porte donc en lui-même cette tension.
MARICCOS. Le héros prophète et demi-dieu (+69). Un exemple incontestablement historique de theios aner celte.
Ainsi que nous avons eu l’occasion de la dire dans notre précédent opuscule, mais Napoléon ne disait-il pas que la répétition est la plus forte des figures de rhétorique ; le druide Mariccos fut la dernière réincarnation (ou avatar ou envoyé) connue, d’un dieu-ou-démon celte.
Avec lui nous avons affaire à une personnalité de type Mahomet, c’est-à-dire une extraordinaire combinaison de spiritualité alliée à un puissant effort de libération nationale (ver sacrum ambicatusien). Mariccos fut lui aussi et tout comme Mahomet entouré de son vivant de toute une isma confinant presque à l’idolâtrie. Mais attention, dans son cas ce ver sacrum façon Ambicatus (qui combat des deux côtés) est à rapprocher du petit djihad des musulmans et non de leur Grand djihad (la lutte… contre soi-même). Et l’isma qui doit être vouée à Mariccus doit être une isma de type dulie voire hyperdulie, mais certainement pas un culte de lâtrie.
Notes de lecture sur la vie et la mort du grand prophète, que les nouvelles générations vendirent aux occupants (sans cette trahison, ils n’auraient pu le capturer). Certains auteurs ont été jusqu’à penser que ce sont les chrétiens qui le livrèrent aux Romains. À en croire les chrétiens eux-mêmes, le christianisme avait en effet pu gagner ces contrées dès le Ier siècle, avec différents missionnaires envoyés par les apôtres eux-mêmes, et notamment saint Pierre.
« Les Apôtres auraient envoyé sept de leurs disciples, ou même un bien plus grand nombre, fonder les Églises de Gaule et du Rhin. Valère à Trèves, Martial à Limoges, Austremoine (Stremonius) à Clermont, Gatien ou Gratien à Tours. On cite de même pour les pays rhénans, à Trèves, Euchaire, dont Valère semble n’avoir été que le successeur, Crescent à Mayence (ou à Vienne en France), Maternus à Cologne, Clément à Metz. On fait aussi remonter à l’âge apostolique l’Église d’Auxerre, ainsi que celle de Périgueux, avec l’évêque saint Front.
Sur l’apostolat de saint Lazare [à Marseille et à Autun. N.D.L.R.] de sainte Madeleine, et de saintes Marthe en Provence [à Tarascon plus précisément pour sainte Marthe. N.D.L.R.]. Lehrbuch der Kirchengeschichte fur Studierende. Franz-Xaver Kraus. Tome I. (Traduction sous toutes réserves, mes 4 ans d’allemand sont loin.)
Duchesne dans ses Origines chrétiennes, chap. XXVI remarque d’ailleurs fort judicieusement : « Saint Pothin est le premier évêque gallo-romain dont le nom se soit conservé. Cela ne signifie pas pour autant qu’il soit le plus ancien évêque ou que ce pays n’ait pas reçu la lumière de l’Évangile dès le temps des apôtres. Les faits connus sont une chose, les faits réels autre chose. Le Christianisme doit
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être aussi ancien dans ce pays que dans les pays de situation géographique analogue, l’Afrique par exemple ». Si nous comprenons bien les diverses traditions à ce sujet (notamment le traité sur la Trinité, De mysterio sanctae trinitatis, attribué aujourd’hui à saint Césaire d’Arles), il y aurait donc eu des chrétiens sur place dès la fin du 1er siècle de notre ère. « Civitas Arelatensis discipulum apostolorum sanctum Trophimum habuit fundatorem, Narbonensis sanctum Paulum, Tolosana sanctum Saturninum, Vasensis sanctum Daphnum. Per istos enim quatuor apostolorum discipulos, in universa Gallia ita sunt ecclesiae constitutae, ut eas per tot annorum spatia numquam permiserit Christus ab adversari occupari. La cité d’Arles a eu saint Trophime, un disciple des apôtres, pour fondateur, celle de Narbonne saint Paul, celle de Toulouse saint Saturnin, celle de Vaison saint Daphnus. Ces quatre disciples des apôtres ont fondé des Églises dans tout le pays, si bien que leur siège n’a jamais été occupé par des hérétiques ».
Mais comme toujours avec les chrétiens, la vérité se trouve ailleurs ! À travers la carence des textes, il est plus vraisemblable de supposer que le christianisme a été introduit dans le pays par des Orientaux et des Grecs. Il a pénétré dans la région en remontant le Rhône. Mais le caractère complètement étranger de ces premiers prosélytes, et notamment le fait qu’ils parlaient plutôt la langue grecque, a freiné sa diffusion. Cette dernière ne s’accéléra vraiment qu’au début du IVe siècle, avec l’appui de l’empereur Constantin…
Il semble donc peu vraisemblable que les chrétiens d’Autun aient pu jouer un rôle actif dans l’arrestation finale de Mariccos, même avec l’aide de ceux de Lyon.
Ce qui est vraisemblable par contre, c’est que les premiers chrétiens n’ont rien fait pour s’y opposer, n’ont rien fait pour dénoncer ce scandale, même entre eux. Ils se sont d’emblée retrouvés dans le camp romain, au lieu d’être du côté de cette malheureuse bagaude. Un choix qu’ils feront également à l’autre bout de l’empire romain à Jérusalem à l’occasion de la première guerre judéo romaine (fuite à Pella en Jordanie).
L’empereur Claude avait voulu « romaniser » l’aristocratie celte du territoire. Il tenta de le faire en interdisant l’exercice du culte druidique. Des résistances naquirent, des soulèvements se produisirent, tandis qu’à Rome même, après l’assassinat de Néron, les généraux se disputaient le pouvoir.
Voici comment l’historien français Maurice Bouvier (oui, oui, comme Jacqueline Kennedy) présente les choses dans son livre spécialement consacré aux empereurs.
Le druidisme était en pleine renaissance au moment où le Capitole romain flamba, funeste présage pour l’Empire.
Druides et bardes qui avaient survécu aux persécutions, commencèrent d’appeler à la résistance, en exaltant Mariccos, l’homme prédestiné choisi par les dieu-ou-démons, descendu du ciel pour délivrer le pays du joug étranger. Rome a été prise par les Celtes, mais, le temple de Jupiter étant demeuré intact, l’Empire romain a subsisté. Le feu – qui la ravage maintenant – est le signe de la colère céleste. L’Empire des choses terrestres va maintenant passer aux peuples transalpins. Voilà ce que les druides – et donc Mariccos – chantaient (sic) à l’époque.
Bref, les très-sachants de la druidiaction (druidecht), s’appuyant sur diverses croyances populaires, préparent le soulèvement du peuple vers + 69 ; regroupant de huit à dix mille hommes autour de Mariccos qui, pour assurer son recrutement, promettait l’affranchissement des esclaves et le droit de vivre à l’abri des exactions romaines.
Bientôt il contrôla une partie des terres et surtout des forêts, occupant la moitié de l’actuel département français de l’Allier. [Il s’agissait donc d’une des toutes premières bagaudes. N.D.L.R.]
Pour que la rébellion s’étende et s’affirme irrévocablement, il eût fallu que les Éduens se joignent à Mariccos, mais en un siècle, l’influence romaine avait déjà profondément modifié le comportement de leur jeunesse, surtout vu les précédentes répressions. En outre, des intérêts les rattachaient à Rome. Aussi, soit par combat, soit par traîtrise, Mariccos tomba entre leurs mains. Ils le livrèrent à l’empereur Vitellius qui le condamna sur le champ à être livré aux fauves. Au milieu de l’arène, Mariccos, le Boïen, regarda les fauves affamés bondir vers lui, puis s’arrêter, lever la tête, flairer l’air, et enfin reculer puis venir se coucher à ses pieds. Cet homme au regard fascinant, était-il un dompteur né ? Sur les gradins le peuple s’apprêtait à l’applaudir, étonné ou heureux de voir Mariccos démontrer que son invulnérabilité n’était pas une légende.
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Un tel rebondissement évoquait en effet, pour la foule présente sur les lieux, le vieux mythe druidique de la divinité domptant les animaux. C’est elle que l’on voit, sur le chaudron de Gundestrup, tenir en respect les éléphants et réduire à l’impuissance le carnassier dévorateur.
Mais l’empereur Vitellius comprit aussitôt le danger et donna l’ordre à ses soldats d’égorger Mariccos qui, frappé à mort, s’écroula dans l’arène où son sang se répandit. Cette exécution fut plus que la mort d’un homme : la fin d’un idéal [celui de la Bagaude de ce temps-là. N.D.L.R].
Les Éduens et les troupes de Vitellius dispersèrent les Boïens et rayèrent de l’Histoire leur cité, la Gergovie « Boïorum », la Gergovie des Boïens, dont l’emplacement reste encore aujourd’hui du domaine de la conjecture.
Ci-dessous le texte exact de Tacite (Hist. II, LXI).
« Parmi toutes ces aventures d’hommes illustres, on éprouvera quelque honte à relater comment un certain Mariccos, un Boïen de basse extraction, prétendant être inspiré par les dieux, tenta de s’immiscer dans le jeu de la Fortune, et de défier Rome par les armes. Se décernant lui-même les titres de champion de la Celtique et de dieu (car il assumait cette appellation), il avait déjà réuni huit mille hommes, et prenait possession des villages voisins des Éduens, quand cette formidable tribu-état le fit attaquer par les meilleurs de ses jeunes gens, épaulés par des cohortes de Vitellius, et dispersa cette foule de fanatiques. Mariccus fut capturé dans cet engagement, et fut vite jeté aux bêtes après, mais comme il n’avait pas été d’emblée mis en pièces par elles, il fut un moment considéré comme invulnérable par la foule des insensés, jusqu’à ce qu’il soit exécuté en présence de Vitellius ».
Conclusion : Mariccos était une sorte d’Orphée celte et il fascinait parce qu’on voyait bien qu’un dieu-ou-démon l’habitait. Il était l’auteur d’hymnes sacrés ou d’incantations magiques. La nature entière semblait réagir à sa voix, il avait toujours une bonne explication à fournir au frémissement des arbres et en l’entendant même les animaux féroces se couchaient à ses pieds.
Notes et remarques diverses.
Les coïncidences font partie de la vie. Les êtres humains ont une compréhension et une connaissance en général assez limitées des probabilités, nous ne comprenons pas les lois relatives aux grands nombres, et nous succombons facilement à la mémoire sélective et à la validation subjective : cette tendance à se souvenir des corrélations positives et à oublier le plus grand nombre de cas où rien ne se passe de significatif. Le seul point commun en réalité de toutes ces coïncidences est notre désir de les expliquer. Or les coïncidences, aussi remarquables qu’elles puissent parfois paraître, ne sont aucunement surprenantes. En fait, la plupart ne sont que des événements sans aucune signification. Des événements inhabituels deviennent hautement probables lorsqu’assez d’individus sont impliqués. Ceci lève la chape de mystère entourant certains phénomènes et conduit tout simplement vers la réflexion scientifique.
La signification réelle de coïncidences bizarres peut être comprise et expliquée par ce qu’on appelle la loi des très grands nombres. Cette loi statistique établit qu’avec un échantillon suffisamment large, même le plus improbable devient probable, et donc devient « surnaturel ».
1. Mariccos druide et même « grand druide » ?
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire dans notre précédent opuscule, mais repetere = ars docendi ; rien ne le prouve et rien ne le dément. Le seul historien qui le mentionne le dit « sorti de la plèbe des Boïens », donc de la 3e fonction, mais il pourrait très bien avoir été un druide clandestin. De toute façon, vu le ton du texte de Tacite (dénigrement raciste systématique) tout est possible.
2. Les chrétiens ont influencé les Éduens qui l’ont vendu aux Romains ? L’envoi de missionnaires en Gaule par les Apôtres n’est guère vraisemblable. Les premiers missionnaires chrétiens sont sans doute arrivés cinquante ans plus tard, vers la fin du premier siècle. La communauté chrétienne d’Autun n’est pas connue avant le IIe siècle (mission d’Andoche et de Thyrse chez les Éduens).
3. Souvenir de Mariccos en Bourbonnais, car natif de Neris ? Neris faisait partie de la cité des Bituriges, assez loin de la zone d’implantation boïenne. Neriomagos fut chef-lieu d’un « pagus minor » des Bituriges Cubi, dont le nom fut conservé comme Narzenne < Nericiana, couvrant grosso modo la pointe sud du département actuel du Cher et les zones ouest et sud de l’arrondissement de Montluçon ; loin donc de l’aire boïenne dans la mouvance éduenne (entre Loire et Allier dans la Nièvre, et entre Allier et Aubois dans le Cher). La Guerche sur l’Aubois n’est probablement pas la Gergobia des Boïens : son nom vient du germanique wirkia > guircia. Saint Parize est plus probable, mais pas certain non plus.
4. Mariccos « homme de l’inextricable Pontiniacensis Sylva » (sic) ? Faux, c’est trop loin de l’aire boïenne !
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5. Les vraies raisons du non-soutien des Éduens à la cause de Mariccos. Elles sont, au fond, aisées à deviner compte tenu de l’Histoire. Les Éduens s’étaient depuis près d’un siècle, targués d’être « amis du Peuple Romain », même au détriment des intérêts de leurs compatriotes. On retrouve la même mentalité cosmopolite et mercantile, antinationale, aujourd’hui dans ce malheureux pays, car si les Français sont connus pour leur gauche en politique, ils sont également connus pour avoir deux types de droite : la droite nationale et la droite d’affaires, les deux n’ayant pas grand-chose à voir. Leur droite nationale vola au secours de la victoire de Vercingétorix à Gergovie en – 51 (avant notre ère) et soutint la révolte de Sacrovir en 21. Ce qui leur avait valu d’ailleurs une féroce répression dans le deuxième cas.
Quarante-huit ans après, ils n’étaient guère pressés de recommencer, d’autant que le mouvement populaire de Mariccos préfigurait les Bagaudes : à la fois maquis de résistants et jacquerie paysanne. Ce second aspect n’était pas fait pour rallier la classe possédante dont les rejetons comme saint Symphorien constituaient la jeunesse dorée d’Augustodunum (Autun) devenue capitale des Éduens à la place de Bibracte.
6. La divinité attestée de l’Entre-Loire et Allier, pays des Ambivaritoi où les Boïens avaient trouvé refuge, était Sinquatis, éponyme de l’actuelle ville de Saincaize.
La lecture du fascicule d’Auguste Dupont sur le sujet, paru sous le titre « Essai sur la Révolution religieuse tentée par le Boïen Mariccus au pays entre Loire et Allier évangélisé par saint Patrice » (en 1870) nous a laissés songeurs…
Il est vrai que d’aucuns ont fait de ce héros de l’indépendance celtique une sorte de saint ; car on appelle sainteté (sanctitas) dans le monde britto-romain et gallo-romain, en Narbonnaise notamment, la relation charismatique (le patronage divin) pouvant exister entre le dieu-ou-démon souverain (Taran/Toran/Tuireann = Jupiter) et les rois ou les chefs. Cette notion de patronage divin rendue par le terme latin de sanctitas, est un concept religieux à la fois latin et celtique.
Les Celtes connaissaient en effet une forme particulière de rapports entre leurs dieu-ou-démons et leurs dirigeants, bien rendue par le fait qu’ils se pensaient d’origine divine (descendants d’Ogmios, ou d’Héraklès pour les Grecs, voire descendants de Belin/Belen/Belenos, dit Apollon en interpretatio graeca). Il leur a donc été relativement aisé d’interpréter à leur manière la « sanctitas » : la force divine descendant des dieu-ou-démons jusqu’aux grands chefs politiques ou guerriers, comme étant transposable au cas de Mariccus.
Le panégyrique de Maximien par Mamertin, texte particulièrement important parce qu’exprimant les idées des rhéteurs celtes de l’époque, commence par la formule suivante « ille siquidem Diocletiani auctor deus… » Ce qui signifie : « le dieu-ou-démon, patron de la lignée de Dioclétien… » Nous avons donc affaire dans ce cas précis à un exemple de syncrétisme celto-romain. Le nom latin de sanctitas étant utilisé pour exprimer une idée druidique : une certaine forme de descendance mythique, ou de patronage divin, des grands dieu-ou-démons celtes, et principalement de Taran/Toran/Tuireann.
Le même processus a eu lieu avec saint Céneri et Saint-Léonard des Bois, des chefs de bagaude opérant aux confins des futurs départements français de la Sarthe et de l’Orne, au IIIe siècle, selon Maurice Bouvier (Les empereurs…)
N.B. La thèse de cet historien français est acceptable à condition de bien préciser qu’il y aurait eu ensuite fusion ou confusion de ces légendes avec des personnages historiques ultérieurs portant des noms semblables aux VIe et VIIe siècles. Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) d’aujourd’hui ne tiennent pas que des mythes leur savoir. Les fidèles du malheureux Mariccos ayant survécu ont transmis aux générations suivantes, soit ce qu’ils ont appris de sa bouche, en vivant avec lui, et en le voyant agir, soit ce qu’ils ont compris ensuite à la lumière de son malheureux exemple. Car le malheureux exemple de Mariccos nous montre comment l’homme divinisé peut faire la paix avec les animaux et la nature, par l’émission de vibrations positives. Mais aussi que la politique est une chose (qui peut être recommandable) et la spiritualité une autre (son royaume n’était pas destiné à être de ce monde). Il faut donc là aussi rendre à César ce qui est à César (la vie en société, le conformisme social, la vie de tous les jours) et réserver aux dieux ce qui appartient aux dieux (la spiritualité, la vie privée, la liberté d’opinion).
MATRES PROXUMAE. Latinisation du vieux celtique MATRES NESSAMAI. La croyance selon laquelle chaque famille est confiée à la vigilance particulière d’un génie tutélaire ou d’un dieu-ou-démon de « 3e ordre » était fort répandue chez les très-sachants de la druidiaction. Il s’agit donc d’une sorte de génies. Des déesse-ou-démones, ou des fées si l’on préfère ce terme, protectrices du groupe familial jouant plus ou moins le rôle d’anges gardiens du paganisme. À la différence des bonnes mères régionales, les « mères très proches » elles, sont purement familiales (ou
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individuelles ?). Le néo-druidisme respecte et comprend (donc défend) cette croyance traditionnelle d’une grande partie de ses dagolitoi (de ses fidèles), mais ne l’impose pas.
MELDOS. Nom du maillet de Suqellos. À ne pas confondre avec meldos = bienheureux séjournant dans l’autre monde de nature paradisiaque que l’on appelle Mag Meld justement !
MENMAN. Partie inférieure de l’âme appelée généralement esprit. Les peuples anciens distinguaient souvent plusieurs types d’âme qui nous sont aujourd’hui à nous, hommes modernes, devenus incompréhensibles. Il y avait par exemple l’âme= souffle vital (l’anatlo). Pour les très-sachants de l’Antiquité par contre, l’esprit était le point de jonction ou de rencontre entre l’âme (pure) et la matière inanimée. L’âme pure et la matière étant généralement, mais paradoxalement associées au genre féminin, l’esprit ne pouvait donc qu’être masculin. Féminin + féminin quand cela s’interpénètre cela donne du masculin chez les Celtes. L’esprit était donc considéré comme mâle. Associé à la partie âme pure ou anamone, du gdonios (de l’être humain), ce menman donne ce que l’on appelle l’anaon, le binôme âme+esprit.
L’esprit ou menman n’était pas considéré comme immortel au sens strict du terme, mais comme survivant au corps infiniment moins longtemps que sa partie âme pure dite anamone.
Le druidisme ne croit guère à l’existence en l’Homme d’un quelconque absolu, hormis la petite larme de feu divin qu’est son âme. Même l’esprit n’est qu’un enchaînement de phénomènes passagers qui se suivent en se conditionnant étroitement les uns les autres. Les pensées, les désirs, tout est relatif. Le menman, c’est ça !
MONA. Nom antique de l’île d’Anglesey. Môn en gallois.
MORRIGU/MORGANE. Mara Rigana = Grande Reine, Moririgana = Reine de la Mer, Morigena = Née de la mer.
Certains considèrent qu’ils s’agissaient d’hypostases du principe organisateur de la matière, ce qui a amené le néo-druidisme à les confondre parfois en une seule et même entité (Morrigani est une forme, au datif, de Morrigu). Voir Brigo.
NESSAMON. Nom celte signifiant « le prochain, les autres, les gens ». Voir inscription de Banassac : NESSAMON DELGU LINDA.
NOADATUS/NODONS Irlandais Nuada. Dieu-ou-démon celte dont le nom signifie probablement « distributeur ». Son glaive (de justice) est resté célèbre.
OENACH. Voir fête d’obligation. « Réunion » : mot gaélique, dérivé de oen = un, et désignant les rassemblements effectués pour les célébrations cultuelles, notamment aux grandes fêtes annuelles.
OGMIOS. Dieu de l’éloquence et de la logomachie ou violence verbale.
OLLOTOTAL. Concerne toute la communauté celto-druidique. Cas notamment des dieu-ou-démons panceltiques.
OLLOTOUTA (littéralement super-tribu).
Nom originel de la communauté druidique comprise dans son ensemble. Aussi traduit par « Église » (universelle). Bien qu’utilisée dans tous les documents destinés à l’État la traduction d’Ollotouta par le mot Église est évidemment très approximative.
À l’intérieur même du druidisme existent hélas aussi, compromissions, bêtise, erreur, ou lâchetés. Il n’est pas difficile de les découvrir, il suffit d’ouvrir les yeux. Voir les numéros de la revue concernant Mesdames ou Messieurs J……………, A……, G…, S…, A………, J……, C………, M… d. W………, L…, S…, D…, J…, P………, D……, V………, C………… C……… (L… G…), et ainsi de suite.
NB. Dans le cas de MM. P……… V… et D… il s’agit surtout de lâcheté : le fait d’abandonner des amis en difficulté, ou de grosses astuces.
Dans le cas de M. J… par exemple il s’agit de mensonge pur et simple, dans le cas de M. A… de vol intellectuel, etc., etc.
Le vrai druidisme n’est pas une société fermée, repliée sur elle-même ou secrète. Ouvert à tous ceux qui sont spirituellement indo-européens, il est rendu très divers par les nationalités, les cultures, les milieux sociaux, et les options politiques tant de ses membres de base que de sa hiérarchie.
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Les courants intellectuels et spirituels y ont toujours été multiples et source de débats, dont les médias se sont fait l’écho parfois. Le néo-druidisme ne dispose d’aucune police ni d’aucune force armée pour empêcher ceux qui s’en sont montrés indignes, de continuer à utiliser son nom.
Pour tout contact avec l’Ollotouta druidique écrire à la revue LE DRUIDISME, B. P. 13, 93 301, AUBERVILLIERS CEDEX, FRANCE.
PARIOS. Nom du chaudron utilisé lors des offices druidiques.
RECTU ADGENIAS. RECHT AICNID en Irlande. Une excellente définition nous en a été fournie par le Langrois Denis Diderot. Était-ce à cause de sa proximité des sources de la Matrona où fut naguère fondée l’Ollotouta druidique par Ronan ab Lug et Gal Crae ?? Nul ne le sait.
La notion de rectu adgenias renvoie en définitive au caractère « nemet » de la personne humaine. C’est sur l’existence du pacte avec les dieux-ou-démons, conclu après la bataille pour la Talantio dite aussi 3e bataille de Magos Turadion, ou 3e bataille de la plaine aux tertres funéraires et aux menhirs, que repose ce caractère « nemet » de toute personne humaine (son inviolabilité sacrée). Ce pacte avec les dieu-ou-démons est la condition sine qua non qui rend tout gdonios « nemet », c’est-à-dire « vivant dans la paix avec les dieu-ou-démons ».
En pays celte était nemetos toute personne détentrice d’un savoir ou d’un savoir-faire. Nemet le boaire, nemet l’aes dana, nemet le barde, et ainsi de suite. Ce qui nous conduit à une autre définition du rectu adgenias, celle qui a été proposée par Régis Boyer. « Le droit que possède, par nature, et par élection, un individu donné, d’être traité sur un certain pied par ses semblables, et la légitimité de ses prétentions à un certain type de redressement des atteintes portées à son honneur ; c’est-à-dire au sentiment très fort qu’il a de participer, lui aussi au sacré, à l’ordre sacré instauré et garanti par les Puissances supérieures. La vengeance est un droit sacré qui vient du sentiment très vif du caractère intolérable du sacrilège ». Comme le reconnaît noïbo Patrice lui-même dans l’introduction du Senchus mor : il y a renforcement du paganisme si une mauvaise action est vengée.
« Tout est prévu pour protéger la dignité de l’individu, à travers lui l’honneur de sa famille et, donc, l’intégrité de la famille à laquelle ils appartiennent ». Ainsi que l’a très bien noté Régis Boyer, tout crime ou délit est donc « une atteinte au caractère sacré – nemet. N.D.L.R. – de l’individu offensé, à sa famille, sans laquelle il n’existerait pas, et à la communauté dans laquelle il s’inscrit. Atteinte qu’il faudra compenser. La peine de mort n’existait que dans des cas extrêmes, car la disparition de l’offenseur ne résout rien. On ne « répare » pas le sacré (nemet) en supprimant celui qui l’a violé, on le restaure en comblant la solution de continuité ».
REDA. Déontologie de la troisième et de la quatrième fonction celte (celle des atectai ou dhimmis du druidisme). Et donc morale accessible au plus grand nombre. En d’autres termes éthique celtique minimale, tronc commun à toutes les déontologies (Mahayana dans le bouddhisme). On retrouve néanmoins aussi l’idée d’expiation dans la notion de réparation, typique également du droit celtique. La réparation est offerte par le druidisant afin de contrebalancer le poids de bran (voir ce mot) accumulé dans sa vie.
Le mortel coupable de quelque chose doit compenser le mal commis par lui, ou du moins faire le maximum pour.
Telle est en gros la définition de l’éthique celtique minimale appelée reda, qui n’est donc pas du tout la Loi juive du talion, ni la loi ordonnant de tendre l’autre joue chez les chrétiens.
Le tronc commun propre à toute société qui se respecte (ne pas voler, ne pas mentir, etc.). L’éthique des très-sachants de la druidiaction se distingue par sa tolérance et sa liberté (chacun est libre de son choix) et en même temps par la rigueur de ses exigences (chacun est responsable de ses libres choix, et doit en assumer les conséquences). La responsabilité bien sûr, est proportionnelle à la conscience, à la capacité d’apprécier un choix. La fin (le retour au grand tout du pariollon) ne justifie pas nécessairement tous les moyens.
La faiblesse congénitale frappant tout mortel depuis les Ulates (Ces Noinden Ulad) jusqu’au dernier des esclaves, affecte le corps, mais aussi le cœur et l’intelligence (voir à ce sujet le christianisme par exemple).
La première des règles de l’agir celte est donc de répondre librement, intelligemment et consciencieusement, aux questions posées. Les bonnes intentions ne suffisent pas, contrairement à ce qu’affirment les chrétiens. Max Weber a bien mis en évidence ce que vaut vraiment cette morale chrétienne de gauche, qui juge sur le bon cœur plus que sur les résultats.
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C’est une conception naïve de l’intentionnalité des actes que la psychologie moderne a fait voler en éclats : la lucidité sur soi-même est en effet rarissime. Toute la difficulté donc est d’appliquer les principes éthiques aux cas particuliers. Il ne peut y avoir de justice sans réflexion pour passer des grands principes aux actes concrets, car les grands principes sont plus d’une fois en concurrence.
Dans une situation donnée, différents points de vue peuvent en effet se faire jour dans les consciences et les troubler. « Le ciel des valeurs est toujours un firmament déchiré », a écrit Vladimir Jankélévitch.
Il est des moments où rien n’est évident et où le vrai Celte de cœur et d’esprit est laissé à son intelligence, à sa générosité, autrement dit au choix responsable et libre de ce que l’on estime le meilleur.
La 2e des règles de l’agir celte, est de toujours tenir compte du cadre dans lequel on agit. L’éthique n’est jamais une affaire privée. Chaque corps de métier, chaque classe sociale, a ses coutumes, ses manières de faire, ses lois qui, pour simplement humaines qu’elles soient, ont une valeur.
Fruits d’une sagesse ancienne, elles sont l’œuvre de la mémoire du groupe, une manière d’agir qui a déjà évité bien des conflits, et a permis au groupe de survivre. La justesse reconnue des principes doit donc s’adapter avec souplesse à la diversité des situations.
Les règles éthiques du tronc commun, si absolues soient-elles, sont toujours à mettre en œuvre dans des situations particulières, souvent conflictuelles, et par des esprits individuels. Toute décision est à prendre en fonction d’un contexte précis.
On ne peut mettre sur le même pied la valeur ou le principe absolu d’une part, et les exceptions que certaines situations particulières entraînent, d’autre part.
RIASTRADES OU CONTORSIONS. Le terme signifie à l’origine « déformation du corps sous l’effet d’un mental exalté. Les riastrades à la Cuchulainn sont une forme très particulière d’exercices physiques. Cette pratique est très ancienne et l’on en trouve des traces dans plusieurs civilisations autres que celle des peuples celtes. Par exemple sur des sculptures du temple du Borobudur en Indonésie (Xe siècle).
La contorsionnisme est une discipline acrobatique encore pratiquée aujourd’hui au cirque et en gymnastique, et fondée sur des exercices de souplesse réalisés par un artiste en la matière.
La contorsion avant est basée sur des exercices de souplesse avec un mouvement du dos vers l’intérieur : par exemple, passer sa tête derrière ses jambes. Les exercices sont souvent caractérisés comme étant des poses de « grenouilles ».
La contorsion arrière, la moins « naturelle », repose sur des exercices avec un mouvement du dos vers l’extérieur : par exemple, la figure de la « boîte » ou du « scorpion » où l’artiste touche un de ses pieds ou ses fesses avec sa tête.
La contorsion est très fréquente dans les cirques asiatiques. En Mongolie, ces exercices étaient pratiqués dans des temples afin d’acquérir la maîtrise de son corps.
Les contorsionnistes sont des acrobates remarquables par l’extrême souplesse de leur corps : disloqués en avant ou en arrière, ou les deux à la fois (on les appelle alors hommes-caoutchouc).
Ce travail, quand il n’est pas esthétique, n’est pas toujours bien perçu par le public.
Les contorsionnistes fascinent par leurs exploits surhumains (surtout si ce sont des femmes). Miss Dora, l’une des plus populaires contorsionnistes de l’après-guerre, était capable de plier son mètre cinquante et ses 47,5 kg dans un cube de 43 cm !
Aujourd’hui, certains artistes tels Rocky Randell ou les deux Coudoux, utilisent une caisse en plexiglas pour mieux faire admirer leur magnifique travail d’athlète.
Outre les contorsionnistes qui se mettent en boîte, il y a ceux qui se muent en pantins et se laissent manipuler par leurs partenaires comme s’ils étaient des poupées de son ou de paille.
ROTE. Venance Fortunat (Livre VII, chant 7) l’oppose aussi bien à la lyre des Romains qu’à la harpe des barbares.
SAIE. Manteau de laine jeté sur les épaules. Du celte sagum. À ne pas confondre avec une robe ou une coule.
SAMON. Fête du changement d’année celtique. Dans le calendrier luni-solaire, avait lieu à la première pleine lune suivant l’équinoxe d’automne. L’imposition du calendrier julien la fit reporter au premier novembre.
À travers le Calendrier de Coligny, on peut distinguer deux temps forts, superposés ou décalés selon les concordances luni-solaires.
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— Diuertom = la pleine lune de début de mois et d’année. C’était la veillée (uegilia Samoni), plus tard Feil Samhain en Irlande, et même plus précisément la nuit où les âme/esprits des défunts s’avéraient particulièrement proches des vivants ; croyance reprise par les chrétiens avec la Toussaint suivie de la fête des Morts. Ce jour-là, communauté des vivants et communauté des morts se rencontrent. Les deux mondes s’interpénètrent.
— Trinouxtion Samoni, temps de l’année zodiacale où le soleil entre dans la constellation du Scorpion : Samoni prinnios en celte. Très probablement le moment choisi pour les grands sacrifices.
La principale fête druidique est donc celle du 1er Samoni, raccrochée plus tard au 1er novembre, qui correspond au samonios du calendrier de Coligny. C’est une fête considérable à laquelle tout membre de la communauté se doit d’assister. Cette oenach consistait en effet en une assemblée de tous les hommes et de toutes les femmes composant la communauté. On y discutait des affaires politiques, économiques et religieuses. On y faisait des banquets interminables.
Ces festins étaient d’abord réservés à la classe dirigeante. Ils constituaient une sorte de parlement où étaient débattues les affaires de droit et de politique (voir le célèbre drunemeton galate d’Asie Mineure et ses 300 membres). Le roi et les guerriers y constituaient l’essentiel des participants, mais il est difficile d’imaginer que les très-sachants de la druidiaction en étaient totalement exclus, car les juristes s’y retrouvaient aussi pour mettre au point tout ce qui concernait les rapports entre les individus et la collectivité.
Le commun du peuple lui se contentait de la foire, avec tout ce que cela comportait à la fois de transactions diverses et d’amusements. Les réjouissances plus ou moins païennes d’Halloween sont d’ailleurs l’ultime avatar des mascarades qui suivaient la fin de cette fête et le début de l’an nouveau.
Le rituel en est mal connu. On sait néanmoins que la veille, tous les feux devaient être éteints. C’était bien entendu pour symboliser la fin de l’année, qui ne renaîtra symboliquement de ses cendres que quand les très-sachants auront allumé un nouveau feu.
N.B. C’est toujours à Samon-ios que sont censés se dérouler les grands événements mythiques, batailles ou expéditions dans l’Autre Monde, etc. En effet, si Samon est le point de rencontre entre le monde divin et le monde humain, c’est que le temps normal y est aboli ou suspendu. Il s’agit donc d’une zone temporelle neutralisée.
À Samon il n’y a plus ni morts ni vivants, ni dieu-ou-démons ni humains, car c’est le Couocanton (il y a TOUT).
SEDODUMNON. Correspond au Sid « siège » au sens de « résidence », de la tradition irlandaise. Ce nom de Sid < Sedos/Sedon avait aussi une connotation d’espace de paix, par coalescence avec seduo = paix en celtique ancien, d’où sioth en gaélique, heddwch en gallois. Séjour des dieu-ou-démons à ne pas confondre avec la partie du Vindobitos appelée Vindomagos. Un sid est une colline, un tertre ou un tumulus. Et ces tertres recouvrent des trous dans l’espace-temps par où l’ici-bas communique avec l’au-delà.
Fragment de texte retrouvé par les héritiers de Pierre de La Crau. Comme il existe des trous dans la terre, il existe aussi des trous dans le temps, c’est-à-dire des temps où les barrières de l’autre monde se lèvent : la nuit de Samon, notre jour des Morts. En tout temps d’ailleurs, entre le monde des hommes et le monde d’à côté, le Sid, les limites restent incertaines. Il existe une terre ambiguë, faite de forêts non défrichées, de grèves, et de marécages ; faite d’eau également : le lac, l’étang ou la mer par où l’on embarque pour naviguer vers un inconnu mystérieux et dangereux. L’île des hommes n’est qu’une condensation à peine plus solide sur un au-delà mouvant.
Dans le Sid habite un peuple, les fils et les filles de la grande mère des dieu-ou-démons : la déesse-ou-démone, ou bien fée si l’on préfère ce terme, Danu (bia). Ce sont les premiers habitants de la terre, ou du moins ceux qui vivaient là juste avant la venue des hommes (les Fir Bolgs). Ils ont donc fui sous terre ; mais ils ont gardé l’au-delà pour eux. Ce sont toujours des dieu-ou-démons ou d’ultimes avatars de ces dieu-ou-démons antiques, pourtant ce sont des vaincus. On les sent à peine supérieurs aux hommes, certainement pas leurs maîtres comme le Dieu ou Démiurge d’Abraham, d’Isaac, et de Jacob, l’affreux Iahvé. Au reste on se marie avec leurs femmes ou leurs hommes comme avec les anges de la Bible ; et l’on va parfois se faire soigner dans un Sid accueillant.
SETLOKENIA. Cycle cosmique de plus de 59000 ans (au moins). De saïtlo, vie, durée indéterminée, siècle, et kenia longue, lointaine. Cette notion de cycle a été personnifiée sous le nom de Setlokenia, déesse de la longue vie ; à la longue vie, une déesse mineure du nord de la Grande-Bretagne adorée à Maryport, dans le Cumberland. Peut être comparée conceptuellement, mais pas étymologiquement avec l’Irlandaise Buanann.
Dans le livre de Lismore ((fo.151, b 2) on trouve le passage suivant.
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« Trois ans pour le champ (assolement triennal ?).
Trois durées de vie du champ pour le chien.
Trois vies de chien pour le cheval.
Trois vies de cheval pour l’être humain.
Trois vies d’être humain pour le cerf.
Trois vies de cerf pour le merle.
Trois vies de merle pour l’aigle.
Trois vies d’aigle pour le saumon.
Trois vies de saumon pour l’if.
Trois vies d’if pour le monde du début à la fin ».
Que notre auteur préférée [Éléonore Hull, « Le faucon d’Achill ou la légende des plus vieux animaux du monde », Folklore, Tome. 43, No.4 (1932) : pp. 376–409] commente ainsi.
« Nous arrivons ainsi à 59 050 ans, soit deux multiples de trois en plus que le calcul de Westminster, qui nous donne 6561 ans ; c’est-à-dire la durée de vie d’un saumon dans la liste irlandaise ».
On peut présumer que sur le Continent les druides antiques attribuaient à notre monde beaucoup plus que les 60 000 ans évoqués par la tradition insulaire. En tout cas ce qui est certain c’est que les druides antiques ne croyaient pas en une création vieille de 5 ou 6000 ans seulement comme les judéo-islamo-chrétiens, mais jonglaient à cet égard avec des chiffres littéralement astronomiques dont se moquaient aussi les Grecs comme Strabon et plutôt comparables à ceux de la cosmogonie hindoue : 4 320 000 années solaires (mahayouga) avant de se dissoudre et d’être recréé à nouveau.
Strabon Géographie Livre IV chapitre IV 4 « De toute façon, non seulement les druides, mais aussi tous les autres, disent que les âmes humaines [psychas en grec], ainsi que l’univers, sont indestructibles, mais qu’un jour le feu et l’eau prévaudront sur eux ».
Pour ce qui est des Grecs encore deux mots.
Héraclite, comme tous les penseurs d’Ionie (Thalès, Anaximandre) est d’avis « que, la substance demeurant, seuls ses états changent », « que rien ne se crée et que rien ne se détruit » (Aristote, Métaphysique, A, 3) ! Il voit en toutes choses un lieu de contradictions et il envisage le dépassement de ces contradictions en une harmonie. Il ajoute l’idée de période, de Grande Année, estimée à 10 800 années solaires.
Héraclite pense qu’à un moment donné le monde s’embrase et qu’à un autre moment il se reconstitue de nouveau lui-même à partir du feu, selon certaines périodes, dans lesquelles, dit-il, il s’allume en mesure et s’éteint en mesure.
« Ce monde-ci est le même pour tous les êtres, aucun des dieux ni des hommes ne l’a fait ; mais il a toujours été, et il est, et il sera un feu toujours vivant, s’allumant avec mesure et s’éteignant avec mesure ».
Plus tard les stoïciens ont partagé la même idée. Les plus célèbres défenseurs de l’éternel retour en Occident furent en effet les premiers stoïciens, Zénon, Cléanthe, Chrysippe, avant Diogène de Babylone et Panétios. La notion est d’origine babylonienne. Plusieurs idées sont contenues dans la notion d’éternel retour.
— La cosmogenèse astrologique. Au commencement, le Feu primitif et divin crée, par condensation, l’Air, puis vient l’Eau, enfin la Terre se dépose. Les planètes sont alors alignées. Selon Porphyre, qui est néoplatonicien, et non stoïcien, « les théologiens ont établi deux portes, le Cancer et le Capricorne. Le Cancer est celle par laquelle les âmes descendent, tandis que leur montée se fait par le Capricorne.
— Le cycle. Diogène de Babylone évalue la Grande Année, c’est-à-dire la période à la fin de laquelle les planètes retrouvent la position qu’elles avaient au moment de la naissance du monde, à 365 fois 10 800 ans.
— L’embrasement (ekpyrosis) final. La conflagration est conçue comme la destruction du monde et sa résorption dans le Feu divin.
— La répétition. Les événements reviennent à l’identique.
— L’éternité. Ce cycle se reproduit sans fin.
Quant à la survie de l’âme, les avis des philosophes grecs sont partagés. Pour Zénon, l’âme survivait bien au corps assez longtemps, mais finalement se dissiperait. Pour Cléanthe, les âmes subsistaient jusqu’à la conflagration. Pour Chrysippe, les âmes débiles succombaient à l’instant de la mort, ou peu après ; seules celles des sages ; qui avaient su résister aux passions participaient à cette immortalité restreinte.
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RAPPELONS NÉANMOINS que la notion d’éternel retour n’est pas grecque. L’éternel retour est un concept d’origine mésopotamienne repris par plusieurs philosophes, d’après lequel l’histoire du monde se déroule de façon cyclique. Après plusieurs milliers d’années (« la Grande Année »), une même suite d’événements se répète, identique à la précédente, avec des éléments recomposés. Le mot employé chez les Grecs est palingénésie, notion proche qui signifie « genèse à nouveau », « nouvelle naissance » ou « régénération ».
Les astronomes babyloniens avaient découvert que les révolutions synodiques des planètes, les révolutions annuelles du Soleil et de la Lune sont des sous-multiples d’une même période commune, la Grande Année, au terme de laquelle le Soleil, la Lune et les planètes reprennent leur position initiale par rapport aux étoiles fixes. Ils en conclurent que la vie de l’univers est périodique, qu’elle repasse éternellement par les mêmes phases, suivant un rythme perpétuel. C’est l’idée du Retour éternel. Le cycle de base est d’environ 3 600 ans, soit 200 fois la durée du saros qui dure environ 18 ans ; c’est le cycle des éclipses qui se reproduit après 223 lunaisons (mois lunaire synodique moyen de 29,53059 jours), donc en 6 585,3211 jours, ou 18 ans et 10 ou 11 jours (selon le nombre, 4 ou 5, d’années bissextiles) et un peu moins de 8 heures. Pour Bérose, la Grande Année s’étend sur 432 000 ans, soit 120 cycles de 3 600 ans. Et la Grande Année subit deux cataclysmes. Le premier est un cataclysme de feu (une Conflagration), au solstice d’été de l’univers, lors de la conjonction des planètes en Cancer ; le second est un cataclysme d’eau, un Déluge donc, qui se produit au solstice d’hiver de l’univers, lors de la conjonction des planètes en Capricorne.
Bérose, traducteur [des annales de] Bélos [Bel ou Mardouk], attribue ces révolutions aux astres, et d’une manière si affirmative qu’il fixe l’époque de la Conflagration et du Déluge.
Les Babyloniaca de Berossus Livre I, 3. La Grande Année.
« Le globe, dit-il, prendra feu quand tous les astres, qui ont maintenant des cours si divers, se réuniront sous le Cancer, et se placeront de telle sorte les uns sous les autres, qu’une ligne droite pourrait traverser tous leurs centres. Le déluge aura lieu quand toutes ces constellations seront rassemblées de même sous le Capricorne. Le premier de ces signes régit le solstice d’hiver ; l’autre, le solstice d’été. Leur influence à tous deux est grande, puisqu’ils déterminent les deux principaux changements de l’année. »
SLATTA. Slatan druidheacht. Latte ou batte druidique servant de manche au fer du vouge, et à longueur variable, ou fixée par les traditions régionales. Baguette druidique d’après John Toland. Slat (vieux celtique slata) est le terme gaélique pour désigner une baguette magique. Baguette magique. Nous traduisons ainsi la formule gaélique slat doilbte draoideactha où l’on retrouve bien entendu notre pauvre druidisme ravalé au rang de vulgaire sorcellerie dans ce texte par les « journalistes » de l’époque. Il suffirait qu’il redevienne une religion aussi répandue sur terre que le catholicisme pour que croix et goupillons soient de même réduits à l’état de dangereux fétiches.
SOLDUR. Sorte de soldats ou de chevaliers celtes dévoués corps et âme à leur prince, à leur chef. Sur la condition de ces personnages dans l’Antiquité, voir César (De bello gallico. Livre III, 22).
SUNARITU. Du vieux celtique SU (bon) et NARITU (force) que l’on retrouve par exemple dans le celte NERTUS. Signifie à peu près : « Que la force soit avec vous ! »
TARAN/TORAN/TUIREANN. Métahistoire. En des temps indéterminés, mais lointains de l’histoire panceltique ou protoceltique, une révolution de palais s’est produite dans le panthéon celtique.
Taran/Toran/Tuireann a été détrôné par Lug qui a en quelque sorte pris sa place. Mais certaines tribus résistent encore à cette hérésie et… Musique du générique : « Guerre des étoiles ».
Cette façon de voir les choses, cette présentation des choses, se veut volontairement aussi humoristique qu’une bande dessinée d’Uderzo et Goscinny ; mais elle traduit le désarroi de l’historien des religions que nous sommes, face à deux situations étonnantes dans le petit monde du panthéon celtique antique ou médiéval.
À savoir que, première situation curieuse, sur le Continent le plus grand des dieux est incontestablement Lug si l’on en croit le divin Jules (César), une situation qui est néanmoins démentie par l’épigraphie.
À savoir que, deuxième situation étonnante, en Irlande le premier des dieux est incontestablement Lug et la famille de Taran/Toran/Tuireann en est le souffre-douleur malgré des restes évidents d’une grandeur antérieure (Oidhe Chloinne Tuireann).
Le tout alors que Taran/Toran/Tuireann correspond exactement dans le panthéon aryen primitif au Dyaus Pitar des ancêtres des brahmanes, Zeus des Grecs, Jupiter des Romains, Tyr des premiers Germains…
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Les Germains où on retrouve un peu le même problème, à savoir que le dieu le plus connu et le plus honoré n’est pas Tyr, mais Odin.
Pour ce qui est de l’Inde Dumézil explique le recul de Mitra le dieu des contrats, devant Varuna, par une montée en puissance de la classe guerrière des kshatryas, au détriment des brahmanes, Mitra étant le saint patron des brahmanes, et Varuna celui des guerriers.
Lug étant le saint patron des commerçants (et des voleurs ?) D’APRÈS CÉSAR qui l’appelle horresco referens Mercure dans le chapitre 17 de son livre VI. Deum maxime Mercurium colunt. Huius sunt plurima simulacra : hunc omnium inuentorem artium ferunt… samildanach en gaélique) ; on n’ose imaginer ce que cela pourrait signifier pour nos glorieux ancêtres barbares de la société celtique continentale du 1er siècle avant notre ère.
Un embourgeoisement ?
Et de quel spécialiste César aurait-il tiré son parti pris pro-Lug ? Varron ? Psychologiquement impossible !
C’est pourquoi nous nous en tiendrons à la théorie du rôle de ce bénéficiaire de tant d’invocations ou d’exvotos y compris en langue grecque pour les premières (voir par exemple l’inscription d’Orgon : OUEBROUMAROS DEDE TARANOOU BRATOUDEKANTEM ou BRATOUDE KANTEM).
Et quant au divin Jules (César) qu’il aille se faire voir… chez les Grecs justement !
Et revenons à la pure théorie de ce que l’on peut déduire des témoignages concernant Taran/Toran/Tuireann.
Dans l’antique religion celtique, Taran/Toran/Tuireann avait pris une telle importance que beaucoup le considéraient comme la divinité cosmique maître du temps atmosphérique, par excellence. Il est donc évident que pour les très-sachants de la druidiaction ce dernier représentait la manifestation la plus tangible du pouvoir des dieu-ou-démons. Il était déjà feu céleste signe de la présence immanente et transcendante aux yeux des hommes préhistoriques et des chamans de la vallée des Merveilles ou du Val Camonica en Italie. Cet éon divin était une manifestation, ou une hypostase majeure de l’Être supérieur immanent transcendant, puisque son nom signifiait « Foudre/Tonnerre ». Par cette image la théologie druidique désignait ainsi Taran/Toran/Tuireann en tant qu’inspirateur supérieur ; le feu sacré ou coup de génie imprévisible et fulgurant comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. Les anciens très-sachants ont par conséquent reconnu dans cette force intérieure l’action en eux de l’esprit divin par excellence.
La puissance de Taranis est une puissance de conviction, une puissance qui n’impose pas, mais qui donne des pouvoirs donc des libertés.
Ce que les hommes du nord ont de leur côté appelé Gaefa ou Gifta. Du point de vue des êtres humains concernés, en l’occurrence les vikings, ces deux termes, gaefa ou gifta, tous deux dérivés du verbe norse gefa, donner, signifiaient donc littéralement « ce qui m’a été donné ».
Ainsi que l’a très bien résumé Régis Boyer à propos de l’homme du nord dans son ouvrage magistral sur les Vikings intitulé « L’Edda poétique » Fayard 1992 : »il n’a pas choisi d’être tel qu’il est. Mais il lui appartient : 1) de connaître ce qu’il est, 2) de l’accepter sans barguigner, 3) de l’assumer. Dans cette série de verbes tient toute la grandeur épique de l’univers héroïque… Notion grandiose, d’un caractère tragique évident. Ce qui fait la grandeur de l’homme, ce n’est pas une révolte, romantique et vaine, contre le sort : c’est de s’en faire l’artisan volontaire, lucide, conscient. Alors, les perspectives se renversent. Il n’y a plus de victimes de la fatalité. Si l’homme assume sa gaefa, le voici gaefumadr, cela se sent, cela se sait, c’est un chef, il vaincra. S’il la refuse, c’est… » autre chose ajouterons-nous.
L’anthroponyme celtique légendaire nous a gardé de précieuses traces de cette conception de la destinée humaine, car le nom c’est le destin. L’individu pouvait par exemple devenir avec sa cérémonie du nom un Ambicatus, qui se bat de tous côtés, un Bellovesus, qui sait tuer, ou un Segovesus, qui sait conquérir vaincre. La cérémonie du nom insufflait à l’individu une énergie vitale, une sorte de puissance propre qui serait désormais sa marque individuelle inaliénable, la coloration originale de sa personnalité.
Ce dépôt initial, cette dotation première, était la façon dont le Destin entendait que l’individu participe au sacré. Cette opération de caractère magique instituait désormais une relation étroite entre l’enfant qui venait de naître et le monde des dieux dominé par le Destin. Il venait d’être pourvu d’une force immanente habitant aussi bien les éléments cosmiques que l’univers divin, il venait d’être associé au sacré. Il était littéralement sacralisé.
L’Homme celte n’était donc pas écrasé par un Fatum ou Mektoub inexorable, il lui était donné d’y participer. Oh certes il n’en avait pas connaissance, mais il en avait conscience et sa vie s’en trouvait magnifiée. L’homme celte croit en sa propre force et en sa chance. Ce qui lui appartient en propre en effet c’est de savoir saisir l’occasion de l’exploiter, autrement dit de saisir sa chance. Les anciens druides attribuaient à Taranis les idées en question, qui pouvaient souvent venir à l’esprit de façon
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fulgurante, même si cela pouvait être après une longue période de tâtonnements infructueux évidemment.
Nous découvrons ici incontestablement la caractéristique la plus originale, la plus étonnamment moderne du paganisme druidique : l’homme ne subit pas son sort, il n’assiste pas à son destin en spectateur intéressé, mais étranger, il lui est donné de l’accepter et de l’accomplir – de le prendre en charge, à son compte.
Notre synthèse à propos de Taran/Toran/Tuireann donc.
L’inspiration, forme de charisme imputable à Taran/Toran/Tuireann, a guidé l’Humanité depuis la nuit des temps.
Taran/Toran/Tuireann représente la partie esprit ou menman du gdonios celte (de l’être humain). Il agit particulièrement à la jonction ou à la rencontre entre l’âme (pure) et la matière inanimée.
C’est en quelque sorte l’énergie vitale s’échappant du chaudron cosmique bouillonnant au cœur de l’univers.
Féminin + féminin quand cela s’interpénètre cela donne du masculin chez les Celtes.
L’âme pure et la matière étant généralement, mais bien que paradoxalement, associées au genre féminin, l’entité divine Taran/Toran/Tuireann sera donc considérée comme mâle ou masculine dans le panth-éon druidique.
Taranis était donc la puissance permettant aux Celtes de vivre dans un monde difficile. Ce feu sacré habitait le peuple celte. Il soutenait et assistait la magistrature morale des très-sachants de la druidiaction et animait l’Ollotouta grâce à la diversité de ses dons (boudismes) qui ne suscitent le plus souvent aucune manifestation spectaculaire (le fait d’être doué pour les langues, la musique, etc.). Car tout homme reçoit à sa naissance un certain nombre de dons. Tout le problème est de les découvrir.
TAU GALLICUM. Lettre utilisée dans des formules plus ou moins magiques d’après Virgile. Il s’agissait à l’origine de noter un son particulier de la langue celtique, une consonne affriquée : un “s” est un “d” ou un “t” consécutifs (dans l’un ou l’autre sens). Affriquée transcrite initialement par la lettre grecque thêta. Évoluera plus tard en D (D barré) puis vers un double ou simple “s” barré puis vers de simples “s” (signe d’une évolution de la prononciation).
Ci-dessous le court poème attribué à Virgile (la deuxième épigramme contre le rhéteur Annius Cimber) mentionnant ce tau gallicum.
Catalepton II.
Le voilà, cet amateur de mots corinthiens ; le voilà, cet individu (un rhéteur en effet !) qui jusqu’ici parfait Thucydide, tyran de la fièvre attique, a préparé pour son frère cette mixture de toutes choses, cette mixture de mots, le thau celtique, le min et le psin, et le « Malheur à lui) ! »
TEUTOBODUUS. Du celtique TEUTO – tribu – et BODUO – corneille –, nom d’un roi cimbre du Danemark. Les Cimbres étaient une tribu de Germains celtisés. Une tribu de Celtes par le cœur et l’esprit. L’invasion des Cimbres et des Teutons est en quelque sorte la dernière des invasions ou migrations celtiques ; mais ce fut un échec sanglant. Le temps n’était plus aux migrations heureuses comme le montera aussi la tout aussi catastrophique (des millions de morts et d’esclaves, un pays entier mis en coupe réglée par la colonisation romaine) tentative de migration, des Helvètes, quelques dizaines d’années plus tard, en 58 avant notre ère. Les malheureux étaient pourtant attendus par toute une partie de la population d’alors, les Santons, qui en voulaient pour défricher leurs marais du Golfe Picton.
Conclusion. Pour qu’une migration réussisse, il faut…
— soit une quasi-unanimité en leur faveur des populations habitant la terre d’accueil concernée.
— soit une telle disproportion des forces (technologie religion nombre…) en leur faveur que la question de savoir ce que veulent les populations du futur pays d’accueil ne se pose même pas (exemple John Smith débarquant au pays de Pocahontas). Entre les deux il y a bien sûr la question controversée des foederati ou « fédérés » du 5e siècle.
Odoacre a en effet commencé par être un fédéré romain exemplaire avant de finir… toujours.en fédéré romain puisqu’il n’osa jamais se proclamer « auguste » autrement dit empereur romain..
TOKADE. Ce qui nous arrive n’est que le résultat de notre Destin ou Tokad (moyen gallois tynghed, breton tonket, destiné, vieil irlandais tocad, destin, toicthech « fortunatus », tonquedec en breton. Et le labarum c’est un signe du destin. Sa voix. Son messager. Encore faut-il savoir l’interpréter.
Les Vikings, peuple désespérément optimiste, croyaient que tout homme disposait dès sa venue au monde d’une sorte de capital « chance » appelé par eux en langue norroise « gaefa , gipta, hamingja ».
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Les druides y ont ajouté une complication qui est à la chance ce que les vers sont à la prose, une difficulté féconde à surmonter, appelée par eux geis/gessa. Mais quand votre heure a sonné, alors à la grâce de Dieu et Inch’Allah.
On me reprochera ici évidemment de faire de mon Destin à la Celte ou Tocade un simple équivalent du Dharma hindouiste ou bouddhiste. D’avoir servilement démarqué la notion de Dharma sous le nom de Destin ou Tocade.
Ceci est inexact ou n’est que très partiellement vrai.
Mon Destin ou Tocade ne correspond qu’à une des multiples significations du dharma. Celle qui fait du dharma un Ordre universel cosmique, une Loi éternelle, une vérité éternelle.
Et surtout pas celle qui le place ontologiquement parlant avant ou au-dessus de notre équivalent celtique du Brahman, quel que soit le nom sous lequel il est désigné, car le druidisme place son équivalent du dharma en dessous de son équivalent du brahman.
Et les autres significations de ce terme hindouiste ou bouddhiste n’ont pas leur place dans le paganisme philosophique et réfléchi de notre druidisme.
Notons d’ailleurs que le dharmachakra bouddhiste correspond plus à la rouelle ou roue solaire qu’à notre célèbre roue de la Fortune ou tarabara en breton ou dixième arcane majeure du tarot.
Par contre notre idée du destin se situe bien dans le droit fil de la notion de rta ou rita en sanscrit, puisque c’est une notion étroitement liée à celle de « vérité », et que dans le Rig-Véda la préservation de l’Ordre cosmique passe par la punition des « menteurs ». Il existe en effet dans l’hindouisme une relation étroite entre le Rita et la notion de Dharma en tant que conformité à l’Ordre « cosmique ».
TOTALES ou OLLOTOTALES. Fêtes à ne pas confondre avec les véniales ou les druidicatons. Les grandes fêtes celtes sont les fêtes de Samon (1er novembre), Ambolc (1er février) Beltène (1er mai) lugnasade (1er août, Goule d’août). Sans oublier celles des solstices et des équinoxes, résultant de traditions préceltiques.
TOUTATIS ATER : expression signifiant en gros « père de la tribu » ou « national » (de touta = ethnie, nation). A été assimilé au Ditis Pater ou Dispater latin, mais alors que les Latins comprenaient dis, ditis comme riche, ploutos en grec d’où Ploutôn > Pluto ; les Celtes, eux, avaient aussi un mot *ditu/*dits signifiant destruction. Le fait que Cornunnos était considéré à la fois comme « père » (ater) et maître de toute renaissance, mais aussi du passage qu’est la mort (*dits), contribua au quiproquo de l’interprétation romaine impliquant ce Ditis Pater.
TRIBANNE. Les trois baguettes, de bronze, d’or et d’argent, réunies en faisceau s’élargissant à la base. De tri = trois et bannos = corne.
TUATHA DÉ DANANN. Enfants de la déesse, ou fée, Danu (bia). En Irlande constituent la tribu des dieux aériens ou célestes au départ, équivalents des dieux olympiens dans la mythologie grecque ou des dieux Ases dans la mythologie germanique. Sont en conflit permanent avec leurs grands rivaux souterrains, les Tuatha Dé Domnan.
TUATHA DÉ DOMNAN. Enfants de la déesse ou démone, Domnu. En Irlande constituent la tribu des dieux souterrains ou chtoniens au départ, équivalents des dieux titans de la mythologie grecque ou des dieux Vanes maîtres du seidhr dans la mythologie germanique. Le seidhr est une sorte de magie. De la racine indo-européenne « sed/sidh ». Sont en conflit permanent avec leurs grands rivaux, les Tuatha Dé Danann.
VATE (vieux celtique vatis parallèle au latin vates et au germanique wotanaz : transe divinatoire). Il s’agissait donc à l’origine d’une sorte de devin ou de voyant. Variété de très-sachants de base. S’occupent plus spécialement du soin des âmes. Vêtus de vert. Le vate est le prêtre qui est habituellement en rapport avec les êtres surnaturels par le moyen de songes, de visions ou d’extases (un peu comme les chamanes d’ailleurs). Il se consacre aussi à la guérison des maladies et il exerce également des fonctions sacerdotales.
Aidait jadis aux sacrifices effectués à des fins divinatoires pour prédire. Les appellations « ovate » et « eubage » ayant cours dans certains groupes proviennent d’erreurs dans la copie des manuscrits grecs (et prouvent par là évidemment la non-authenticité de leur soi-disant filiation initiatique ou traditionnelle).
Les hommes ou les femmes qui veulent vivre en vrais Celtes n’arrivent pas toujours à maîtriser les éléments de leur décision, tout en restant seuls responsables de leurs choix.
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Ils peuvent alors recourir à un conseiller spirituel qui les renvoie ensuite à leur liberté après les avoir éclairés.
La confession auriculaire des fautes et des erreurs a, certes, une valeur spirituelle dans le druidisme, mais en tant qu’École de sagesse ou en tant que médication psychanalytique, et non en tant que sacrement, comme chez les catholiques romains. Cette direction spirituelle était encore en usage chez les moines irlandais au VIe siècle, sous le nom d’anamchara, le tout parfois corroboré par des pénitentiels (ce qui a d’ailleurs provoqué ultérieurement, chez les chrétiens, de regrettables et dangereuses confusions entre les deux pratiques).
Les très-sachants de la druidiaction, eux, n’ayant évidemment jamais confondu les deux, et pour cause – ils en étaient les inventeurs – ce sont les vates, chez eux, qui ont toujours assumé ce rôle de médecin des âmes.
Pour un vate d’aujourd’hui, soigner quelqu’un au sens druidique du terme, ce n’est plus qu’aider cette personnalité à se construire ou se reconstruire. Le vate fait partie des ordres mineurs. Il se consacre à la médecine des âmes et aux phénomènes parapsychologiques (voir MÉTAPSYCHIQUE). Sa couleur est le vert.
VEGTOS VIDTUOS. Feth fiadha en gaélique. Instrument majeur de l’occultation des dieux. Fait que les êtres humains ne voient plus les dieux, mais qu’eux en revanche continuent de les voir. À pour équivalent d’après Claude Lecouteux la cape follette alsacienne ou Tarnkappe des légendes germaniques, où il est devenu la propriété d’Obéron (Alberich). En Italie, le roi des nains, Laurin possédait aussi un manteau qui rendait invisible.
Cette notion d’invisibilité a été grossièrement évhémérisée par les scribes chrétiens du Moyen Âge, moins astucieux que Shakespeare pour son personnage d’Obéron, qui ont en effet préféré nous montrer le peuple de la déesse Danu (bia) arrivant en Irlande « sans navire ni barque, dans des nuages de brouillard [par voie aérienne, par la puissance de leur druiderie] ». Mais un passage venant peu après offre une explication rationnelle, à savoir que « ce fut à la façon d’une expédition maritime que les Tuatha De Danann vinrent en Irlande, et ils brûlèrent leurs vaisseaux après avoir débarqué. C’est à cause des nuages de fumée qui se sont élevés pendant qu’ils brûlaient leurs vaisseaux que certains ont dit qu’ils étaient venus cachés dans un brouillard de fumée ».
Un autre exemple d’utilisation de la feth fiada figure dans l’Altram Tige Dá Medar (« La pension de la maison aux deux seaux à lait »), où Manannán mac Lir (le dieu mannois fils de Lero ?) attribue à chacun (des dieux) le side (tertre féérique) ou il devra dès lors demeurer, en levant le feth fiada pour les dissimuler désormais aux yeux des mortels.
Dans la tragique histoire qui nous conte la traque de Diarmat et Grannia (Tóraigheacht Dhiarmada agus Ghráinne) Mabon/Maponos/Oengus, dieu de la jeunesse et de tout ce qui va avec (santé, amour, plaisirs de son âge… Autrement dit la jeunesse et ses plaisirs), a lui aussi d’une telle cape décidément bien utile aux dieux. Le caractère solaire du personnage est mis en évidence par le fait que, dans cette histoire où il nous est présenté comme étant le père adoptif de Diarmat, protégeant les deux amants (il sauve Grannia en la couvrant de son manteau d’invisibilité) ; il apparaît habillé de vêtements étranges dont un manteau à larges rayures d’or.
De tels manteaux sont courants dans la mythologie galloise ; un « manteau d’invisibilité » est présenté dans l’histoire de Culhwch et Olwen (vers 1100) comme étant l’une des possessions les plus précieuses du roi Arthur. Le manteau est décrit à nouveau, et de façon plus détaillée, dans le Breuddwyd Rhonabwy, et il est ensuite répertorié comme l’un des treize trésors de l’île de Grande-Bretagne. Un manteau similaire apparaît dans la deuxième branche des Mabinogi, où il est utilisé par Caswallawn pour assassiner les sept intendants laissés par Bran le Bienheureux et usurper le trône.
VÉLLÈDE (vieux celtique veletos). Pluriel vellèdes. Variété de très-sachants de base. Plutôt littéraire et touche-à-tout. Dans l’Antiquité, cette catégorie était subdivisée entre de multiples spécialités, notamment pédagogiques. Ce substantif dérive de la racine veled = vue, que l’on retrouve dans le nom de la célèbre Velleda, aussi attestée en gaélique sous la forme velitas. À l’origine donc synonyme de « clairvoyant », « qui voit bien les choses ». S’occupe surtout aujourd’hui de pédagogie pour adultes. Sa couleur est le bleu. N.B. Quelques groupes druidiques utilisent encore le mot barde malgré la déchéance laïque de cette fonction, qui n’a plus aucune connotation spirituelle sérieuse.
VENIALES. Nom donné aux rituels s’appliquant aux différentes grandes étapes de toute vie humaine, naissance (baptême païen) puberté (adoubement) mariage, funérailles…
VICUS. Vieux celtique vicos. Nom de la subdivision territoriale de base de l’Ollotouta druidique. Paroisse chez les chrétiens, coven à la Wicca.
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VINDOBITU. Monde lumineux composé du monde des dieu-ou-démons (sedodumnon) et du vindomagos ou monde des morts, appelé aussi Mag Meld, ou autrement. Les chrétiens en ont fait leur Ciel.
VINDOMAGOS. Cette « plaine » (magos) est bien évidemment une figure symbolique et rien de plus, dans un univers que les très-sachants de la druidiaction savaient déjà « courbe » (Keugant ? Mais c’est plus sûr pour cruinne/crundnios = la Terre). Bref on dirait maintenant : une dimension à part dans l’Espace-Temps.
Les définitions du Vindomagos (Finmhag, Mag Meld, Tir na n’Og, ou autre, en irlandais) sont diverses ; mais toutes fondées sur la conviction que les défunts ne passent pas directement dans le Grand Tout (Pariollon).
Certains des commentateurs de Lucain semblent envisager toute une série de réincarnation de l’âme sur différentes planètes suivant leur besoin d’épuration, avant de fusionner avec les étoiles.
MAIS.
Lucain n’est pas un druide, ce n’est qu’un interprète du druidisme.
Et les commentateurs de Lucain ne sont pas Lucain. Ils semblent d’ailleurs très marqués par un ésotérisme gréco-romain de mauvais aloi, ou fantaisiste. À moins bien sûr qu’ils n’aient eu accès à d’autres manuscrits plus sûrs, mais hélas aujourd’hui disparus. Ce qui est toujours possible évidemment.
C’est le cas notamment du commentaire du vers 457, et du mystérieux ORBE ALIO de son texte, qui a fait couler beaucoup d’encre depuis.
Ci-dessous ce qu’en dit la glose annotant un des manuscrits latins publié à Berlin en 1874 par Philip Jaffé et Wilhelm Wattenbach dans leur gros volume intitulé « Ecclesiae Metropolitanae Coloniensis codices manuscripti
Descripserunt Philippus Jaffé et Guilelmus Wattenbach. Berolini apud Weidmannos 1874 ».
Ouf !
Ci-dessous ce que l’on y trouve page 140.
AD LUCANI I……
457 Orbe Alio : Apud antipodes. Hi de metapsihei (sic) senserunt, et euntem ad corpus in tribus elementis purgari dixerunt. in igne in perusta, in aere in temperata, in aqua in frigida. vel alium orbem vocat alia corpora digniora vel indigne apud nos. fuit enim sentencia, animas in comparibus stellis positas. et descensus per cancrum. in planetis vero pro diversitate eorum hauriebant diversa. in corporibus tandem pro merito quedam cicius celum petebant, quedam de corpore in corpus transeunt, donec firmamento consecuti resipiscant.
457 Orbe Alio : aux antipodes. Voilà ce qu’ils pensaient à propos de la métempsychose, et ils disaient que l’on doit être triplement purifié avant d’entrer dans un (nouveau) corps. Quant à son ardeur par la combustion, quant à son air par une chaleur tempérée, quant à son eau par le froid. Ou alors ils appellent « autre monde » le fait d’entrer dans des corps plus dignes ou moins dignes que les nôtres ici-bas.
Cette sentence impliquait peut-être que les âmes se reposaient alors dans des étoiles de même nature qu’elles. Puis redescendaient par le Signe du Cancer. En s’enrichissant par l’intermédiaire des planètes de divers éléments suivant leurs besoins et leur nature. À la fin après être entrées dans de nouveaux corps certaines accédaient plus rapidement au ciel en fonction de leurs mérites tandis que d’autres continuaient de passer de corps en corps jusqu’à ce qu’elles atteignent elles aussi le firmament.
ON EST LÀ DANS LE COMMENTAIRE DE COMMENTAIRE PAR UN MOINE COPISTE DU MOYEN ÂGE.
Il est plus sûr de considérer que les druides voyaient le royaume des morts plus comme une série d’états de l’être, différents, que comme un lieu. Des états de l’être différents selon les grandes catégories de tempéraments identifiés par la caractérologie druidique antique : guerriers, rois, producteurs (artisans et paysans) érudits en quête de savoir.
D’évidentes raisons bien humaines ont fait que ce sont surtout les développements destinés à la classe des guerriers ne rêvant que de plaies et de bosses qui sont parvenus jusqu’à nous, et que nous en avons beaucoup moins pour ce qui est des sages en quête de savoir (les mystérieuses îles évoquées par Plutarque peut-être), pour ne pas dire aucun concernant les autres classes de la société celtique antique.
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Le point commun de tous ces développements étant néanmoins de ne jamais présenter ces états de l’être après la mort comme de simples étapes, plus ou moins longues, avant l’épanouissement définitif par retour au Grand Tout.
Il y a donc eu soit censure opérée par le christianisme soit décadence et perte de substance du fait du rétrécissement de la communauté. Il importe donc de reprendre notre enquête en ce domaine à zéro.
Évangile selon Saint Lucain… Humour !
Nous voulons seulement de la sorte attirer l’attention de nos lecteurs sur l’étrange radicalité
— soit de Lucain quand il nous livre son interprétation personnelle du druidisme
— soit des scribes ayant commenté ses vers.
Avaient-ils eu accès à des informations aujourd’hui disparues ?
Car ce qui est proprement stupéfiant c’est que…
— mises bout à bout
— ces citations de Lucain…
Ouvrent des perspectives étonnantes.
En règle générale, après la mort, il y aurait donc encore lieu de purifier ou approfondir l’anaon (c’est-à-dire son esprit et son âme) voire l’anamone tout court (son âme) avant de retourner s’épanouir dans le Grand Tout.
Mais la grande, très grande, immense même, différence, entre le druidisme, et certaines religions de masse, c’est que pour les druides un tel purgatoire SERAIT FORCEMENT HEUREUX, ET BIENHEUREUX, MÊME, puisque l’enfer n’existe pas.:
Hermann Usener. Scholia in Lucani bellum civile/Commenta Bernensia. Liber I (1869).
451.« Les druides nient que les âmes puissent périr
[Driadae negant interire animas]
OU ALLER EN ENFER »
[aut contagione inferorum adfici.]
Les traditions celtes appellent Vindomagos Mag Meld (Terre de Lumière Blanche ou Terre Pure), etc.il y a autant de noms que de pays… un tel purgatoire heureux.
Il y a autant de noms que de pays disions-nous. Vous n’imaginez pas à quel point !
On retrouve même cette notion de purgatoire heureux à l’autre bout du monde aryen avec l’amidisme, et, donc, le bouddhisme.
Elle a également été reprise par les chrétiens en quelque sorte ainsi que nous venons de le voir, mais ces derniers l’ont, hélas, complètement déformée en un sens sadomasochiste, et l’ont plutôt rapprochée de la notion juive de Shéol. Pour la Bible en effet, l’Homme subsiste après sa mort, mais dans une sorte d’existence larvaire sans aucune relation, ni avec les vivants, ni avec les dieu-ou-démons (Job 14, 12, Isaïe 38,18). Même sort misérable de l’âme/esprit des défunts d’ailleurs chez les Grecs et les Romains.
Le royaume des morts n’est pas le royaume des dieux, mais dans la topographie eschatologique des druides ILS SONT VOISINS LIMITROPHES OU CONTIGUS. VOIRE MÊLÉS.
D’où le caractère heureux et doublement heureux encore une fois, de la vie des morts, anaon et anamone, dans l’au-delà selon les druides.
« Rien n’est plus enchanteur que la nature de cette île, où l’air est d’une charmante douceur. Quelques-uns pensaient à la quitter, mais le Dieu les dissuada en se présentant à eux comme à des familiers ou à des amis. Ce n’est pas en effet uniquement en songe, ou par des visions symboliques que beaucoup de ces insulaires voient des dieux et conversent avec eux, c’est face à face. En ce qui concerne Kronos [?] lui-même, il demeure dans une grotte profonde, où il dort sur un rocher brillant comme de l’or ; car c’est par le sommeil que Jupiter a imaginé de le lier. Des oiseaux dont la demeure est en haut de ce rocher viennent en voltigeant apporter au Dieu de l’ambroisie. Une odeur délicieuse s’exhale de ce rocher comme d’une source, et parfume l’île entière. Les esprits [ou démons] dont nous avons parlé entourent Saturne et lui prodiguent leurs soins. Ils faisaient partie de sa cour quand il régnait sur les dieux et les hommes. Possédant eux-mêmes le don de divination, ils font un grand nombre de prédictions et, sur les événements les plus importants, font des révélations précieuses dont ils assurent qu’elles sont les songes de Kronos » (Plutarque. De facie in orbe lunae, 26).
Une heureuse nature qui s’étend même aux vivants qui luttent toujours sur terre en y croyant si l’on accepte encore de verser à notre dossier l’interprétation des faits de civilisation celtique diffusée par Lucain dans son poème inachevé écrit en latin vers 62 ou 63 et appelé la Pharsale pour simplifier.
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« Heureux sont les peuples qui regardent la Grande Ourse
À cause de cette erreur ; car ils ignorent
Cette peur suprême qui effraie tous les autres,
De là cet esprit [en latin, mens] enclin à se jeter sur le fer
Cette force de caractère [latin anima] capable d’affronter la mort,
Et ce peu de soin mis à épargner une vie qui doit vous être rendue ».
N.B. Les peuples qui regardent la Grande Ourse ce sont les Celtes.
VIROLAXTON. Nom celte de l’adoubement.
VOUGE. Du celte vidubion = coupe-bois, passé en latin sous la forme vidubium. Étymologie : vidu = bois ; beio = je frappe (pour détacher ou abattre). Outil d’émondage intermédiaire entre la faucille et la serpe ; sert aussi à couper le gui et le houx. À un emploi cérémoniel un peu analogue à la crosse épiscopale. Le vouge peut aujourd’hui être remplacé par une serpette de vigneron, une sorte de couteau pliant semblable à une petite serpe, les Celtes méridionaux n’ayant pas attendu les Romains pour découvrir la vigne. Il en existe de très bien dans la gamme des couteaux de la marque Opinel. Le N°10 par exemple (lame acier inoxydable de dix centimètres. Manche en hêtre verni).
Mais bien sûr, il peut toujours avoir les dimensions originelles, c’est-à-dire être au moins de la taille d’une crosse d’évêque.
FIN DU TOME I.
DU MÊME AUTEUR.
1. Citations des auteurs antiques parlant des Celtes ou des druides.
2. Généralités liminaires diverses sur les Celtes.
3. Histoire du pacte avec les dieux tome 1.
4. La Bible du druidisme : histoire du pacte avec les dieux tome 2.
5. Histoire du pacte avec les dieux tome 3.
6. Histoire de la paix avec les dieux tome 4.
7. Histoire de la paix avec les dieux tome 5.
8. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 1.
9. Textes apocryphes irlandais.
10. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 2.
11. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande Science qui illumine » tome 3.
12. Les cent voies du paganisme. Science et philosophie tome 1 (mythologie druidique).
13. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 2 (mythologie druidique).
14. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 3 (mythologie druidique).
15. Le grand Camminus : éléments de théologie druidique tome 1.
16. Le grand catéchisme : éléments de théologie druidique tome 2.
17. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 1.
18. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 2.
19. Mystagogie ou théâtre sacré des Celtes antiques.
20. Poèmes celtes.
21. Le génie du paganisme celte tome 1.
22. Le complexe de Roland.
23. Au pied de la lanterne des morts.
24. Les secrets du vieux druide de la forêt ménapienne.
25. Le génie du paganisme celte tome 2 (liberté réciprocité simplicité).
26. Rhétorique : la trahison des clercs).
27. Petit dictionnaire de théologie druidique tome 1.
28. Des philosophes antiques au druide irlandais.
29. Judaïsme christianisme et islam : première partie.
30. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 1.
31. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome2.
32. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 3.
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33. Troisième partie tome 1 : Qu’est-ce que l’Islam ? Bref historique de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
34. Troisième partie tome 2 : Qu’est-ce que l’Islam ? Premières approches de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
35. Troisième partie tome 3 : Qu’est-ce que l’Islam ? Les 5 vrais piliers de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
36. Troisième partie tome 4 : Qu’est-ce que l’Islam ? Coups de sonde dans l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
37. Couiro anmenion ou Petit dictionnaire de théologie druidique tome 2.