1
druiden36lessons.com
https://www.druiden36lessons.com
LES SECRETS DU VIEUX DRUIDE DE LA FORÊT MÉNAPIENNE.
OU DE LA FORÊT D’ARDENNE COMME IL VOUS PLAIRA.
2
LES SECRETS DU VIEUX DRUIDE DE LA FORÊT MÉNAPIENNE
(ou de la forêt d’Ardennes comme il vous plaira.)
Le vieux druide dont nous publions les conseils (nous pourrions dire les secrets), n’a rien avancé que ce que l’expérience lui avait fait reconnaître comme étant d’une exactitude rigoureuse, aussi nous plaisons-nous à publier ses écrits dont la traduction a sacrifié l’élégance du style à la simplicité de l’expression et à la clarté des phrases dont l’ambigüité aurait pu devenir sinon dangereuse, au moins très préjudiciable aux intérêts des lecteurs.
Notre publication sera donc, nous osons l’espérer, bien accueillie par tous ceux qui recherchent la vérité et qui sont animés du désir d’être utiles aux autres, en même temps qu’ils tiennent à se procurer et à faire usage de tous les moyens de bonheur que la nature a placés sous la main de l’homme………
La première partie de notre œuvre est consacrée à la santé de nos semblables ; la seconde aura pour motif leur destin.
Nous affirmons l’efficacité… [il s’agit des conseils pratiques POURTANT FORT CONTESTABLES]… Mais nous déclarons en toute humilité que la plus capricieuse de toutes les divinités du paganisme étant la Fortune, il faut joindre à beaucoup de perspicacité, une promptitude remarquable pour la saisir au passage et la forcer à nous être favorable. L’Union, comme on le sait, fait la force, ainsi la persévérance fait la réussite. Quoi qu’il arrive, ne vous laissez donc pas décourager, et rappelez-vous ce proverbe d’une éternelle application : tout vient à point à qui peut attendre.
Avertissement de l’éditeur. Fait à Limbourg Belgique en 1844.
3
EXTRAITS DE LETTRES REÇUES OU ENVOYÉES.
(Titres et sous-titres sont de la Direction)
4
LA PARABOLE DU DRUIDE ET DU PHILOSOPHE.
La grande force du druidisme est qu’il reconnaît la part de vérité de toute religion. Cet empressement à recueillir la vérité, quelles que soient les sources dont elle provient, est une de ses caractéristiques ; et cela explique la facilité avec laquelle certaines influences extérieures à son milieu culturel d’origine ont pu être accueillies (l’écriture, la sculpture, les temples, etc.).
Pour ce qui est du druidisme en tout cas il n’y a pas entre philosophie et religion la différence que nous sommes habitués à faire entre ces deux domaines aujourd’hui. Ce que l’on appelle (improprement) la philosophie druidique n’est qu’un ensemble de vues ou d’approches différentes d’une même réalité suprasensible, qui ont toutes pour objet à des degrés divers, l’accès à l’autre monde. De libres spéculations de philosophes indépendants au départ elles sont devenues des sotériologies, mais sont restées dans le droit-fil du polythéisme (chirk akhbar de kouffar diraient nos frères musulmans).
« Dans leur langue nationale, les Celtes appellent Héraklès : Ogmios, et le représentent sous une forme singulière. On pourrait le prendre pour un Charon ou un Japet des demeures souterraines du Tartare, pour tout enfin plutôt qu’Hercule… À cette vue, je restai longtemps debout, regardant, étonné, embarrassé, irrité. Un Celte qui se tenait près de moi et n’était pas ignorant de notre littérature, comme cela était visible vu la justesse des termes grecs dont il usait ; très versé‚ je pense, dans les sciences nationales, me dit : « Je vais vous donner le mot de l’énigme, car je vois que cette figure vous jette dans un grand trouble. Nous autres Celtes, nous représentons la parole [N. D L. R. Labaron en celte], non comme vous, Hellènes, par Hermès, mais par Hercule, car Hercule est beaucoup plus fort. Si on lui a donné l’apparence d’un vieillard, n’en soyez pas surpris, car seule l’éloquence arrive dans sa vieillesse à maturité, si toutefois les poètes disent vrai. « L’esprit des jeunes gens est flottant », mais la vieillesse « s’exprime plus sagement que la jeunesse ». C’est pour cela que le miel coule de la langue de Nestor et que les orateurs troyens font entendre une voix fleurie de lis, car il y a chez vous des fleurs du nom de lis si j’ai bonne mémoire.
Ne vous étonnez pas de voir l’éloquence, représentée sous forme humaine par un Hercule âgé, conduire de sa langue les hommes comme s’ils étaient enchaînés par les oreilles ; ce n’est pas pour insulter le dieu qu’elle est percée. Je me rappelle d’ailleurs, dit-il, que j’ai appris chez vous des iambes comiques stipulant : « Les bavards ont tous le bout de la langue percée ».
Enfin, c’est par la parole, à mon avis, qu’Hercule a réalisé tous ses exploits, et par la persuasion qu’il est venu à bout de presque tous les obstacles. Les discours sont pour lui, pensons-nous, des traits acérés qui volent droit au but et blessent les âme/esprits ; vous-mêmes dites bien que les paroles sont ailées… » (Lucien de Samosate. Discours, Hercule 1-7).
Pour désigner son interlocuteur, Lucien emploie le terme philosophos. Philosophos n’est employé dans la phrase que comme adjectif ; mais comme substantif c’est le mot usité généralement par les écrivains grecs pour désigner les druides.
Il est important de remarquer la présence dans ce pays, qui passait pour être barbare et inculte, de personnalités capables de discuter d’égal à égal et dans sa langue avec Lucien de Samosate.
Rien ne dit que cet érudit capable à la fois de citer des vers grecs et d’effectuer une brillante mythologie comparée entre Ogmios et Hercule, était un druide ; mais la présomption est assez forte. Enfin, il faut noter que si le Celte surclasse le Grec, il n’en profite pas pour essayer de le convertir, et c’est peut-être là l’enseignement le plus important de ce texte.
Nous n’avons pas l’assurance que le Grec a bien tout compris et répété, mais les témoignages anciens sont trop rares pour que l’on puisse en négliger un. Il se pourrait que ce druide, car il s’agissait bien entendu d’un très-sachant, ait nuancé son interprétation afin d’apaiser l’irritation de son interlocuteur. Cependant, la forme de l’explication, qui trahit une certaine finesse d’intelligence, devait pour le moins émaner d’un bon connaisseur en théologie.
Autre exemple. Chez certains bouddhistes le concept de nirvana par exemple a évolué jusqu’à la croyance en Amida Bouddha, grâce aux enseignements de Ryonin, de Honen Shonin et de Shinran au Japon. Chez ces croyants, on enseigne que l’âme, après être passée par la mort, peut choisir de bénéficier d’un séjour au Paradis avant d’entrer au Nirvana, état ultime de l’existence. On proclame que cette deuxième chance de salut est obtenue par la foi dans la miséricorde divine ainsi que dans les pouvoirs d’Amida, Dieu ou Démiurge du Paradis. Pour ce qui est de la philosophie, les amidistes pensent qu’il y a une Réalité infinie située au-delà de toute compréhension humaine finie. Pour ce qui est de la religion, ils adhèrent à la foi en Amida, l’infiniment miséricordieux, qui aime l’humanité au
5
point de ne pas souffrir qu’un seul mortel, faisant appel à son nom avec une foi sincère ; puisse échouer dans son obtention du bonheur par accession au Paradis. Or on croirait là entendre des très-sachants. (Nous autres Celtes nous représentons… nous pensons… ce n’est pas pour insulter…)
En résumé : acceptation des différences et des points de vue nationaux, voire même échange et dialogue par ouverture sur les autres cultures.
6
CINQUIÈME LETTRE DU DRUIDE ARÉMI.
………… Les religions de masse, à savoir les juifs, les chrétiens, et les musulmans, partent du principe que la véritable religion (la leur) celle d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, et de Mahomet, a bien été révélée aux premiers hommes ; et que tout le reste (toutes les autres conceptions du divin) est dû à une dégénérescence, à des oublis, ou à des trahisons. C’est bien évidemment une contrevérité lourde de conséquences (intolérance, incompréhension, racisme religieux et ainsi de suite).
Il ne saurait être question pour le druidisme d’aujourd’hui de polluer l’histoire des croyances à l’aide des solutions interprétatives actuelles. Toute la difficulté de l’historien des mentalités consiste justement à l’inverse, à restituer au vécu passé ses propres définitions contextualisées.
La religion se définit, selon E. B. Tylor, par la croyance en des êtres spirituels. L’homme arrive à l’idée d’un principe différent de son corps, c’est-à-dire à l’idée d’âme ou d’esprit, à la suite de deux expériences psychophysiologiques au caractère numineux évident. D’une part, les phénomènes du sommeil, de la maladie, de l’extase (la transe) et de la mort ; d’autre part, l’expérience personnelle des rêves et des aislingi (visions).
N.B. D’autres parleraient d’illumination… de prise de conscience… de vision… ou d’éveil. Numineux est aussi un terme employé par Jung, pour désigner l’expérience à la fois fascinante et terrifiante qui est à l’origine de tout devenir spirituel ou mystique…
Quand ce principe abandonne provisoirement son corps, l’homme s’endort, l’âme/esprit vagabonde, et a ses propres expériences, les rêves. Lorsque l’âme/esprit se sépare du corps, c’est la mort. L’extase et la maladie s’expliquent également par un abandon temporaire du corps, par l’âme/esprit. Et, puisque l’on rêve de personnes parfois décédées depuis longtemps, on en conclut à la survivance de l’âme après la mort.
Selon Tylor, cette croyance en la post-existence ou survie de l’âme/esprit, a donné lieu au culte des morts et des ancêtres. Il est certain effectivement que, dans le monde celtique, tout se passe comme si un certain nombre de dieu-ou-démons, voire de déesse-ou-démones, de fées si l’on préfère, n’avaient au départ été que de simples ancêtres, aux âmes ou esprits desquels on rendait un culte.
Le prouve par exemple le fait qu’un Viereckschanz a été édifié juste à côté d’un tumulus hallstattien à Hohmichele, en Allemagne du Sud. Une épouse, sacrifiée, y partage même la sépulture de son mari.
Âme/esprits des morts et dieu-ou-démons de tout temps ont été associés dans les croyances druidiques.
N.B. Les Viereckschanzen (ou enclos carrés) sont des sanctuaires quadrangulaires, délimités par un ou plusieurs fossés ou une levée de terre ; utilisés par les Celtes entre le IVe et le Ier siècle avant notre ère, de la Bohème et de la Moravie jusqu’au centre de la France. Les aménagements intérieurs, complexes, semblent n’obéir à aucune règle. Seuls les plus petits (environ 60 m de long) contiennent des vestiges de construction dans leur aire centrale réservée aux cérémonies. Des puits cultuels y sont parfois creusés. Ces structures à enclos sont l’équivalent protohistorique des « théâtres » qui servaient, selon Posidonios, de cadre, aux festins celtiques ; ils ont sans doute précédé, dans leur fonction, ces édifices britto – ou gallo-romains voués aux rassemblements communautaires et/ou à l’exercice du culte.
Voir aussi en Irlande Newgrange (le Brug na Boinne) et les autres cas similaires de monument mégalithique à caractère funéraire.
L’existence autonome de l’âme conduit à l’idée d’esprits indépendants, qui animent la Nature, mais qui sont susceptibles de posséder les hommes ; c’est ainsi que l’on explique le phénomène de la « possession » ; ou de l’incarnation dans un objet ; c’est là l’origine de l’animisme ou du « fétichisme » (Tylor expliquait le fétichisme par la croyance en une âme/esprit s’incorporant dans un objet quelconque).
Par analogie, les primitifs en auraient conclu que les animaux et les plantes, et même les objets apparemment inanimés, disposent également d’un corps et d’une âme. Car il n’y a pas de différence de nature entre l’homme et les êtres animés ou inanimés qui l’entourent. Tous baignent dans le même flot divin.
Ces dieu-ou-démons, ou âme/esprits, ont une capacité de division illimitée ainsi que la possibilité d’effectuer des déplacements répétés : ils habitent dans des lieux différents. On pourrait dire qu’ils accomplissent une sorte de division cellulaire et d’autoreproduction. Tout en demeurant dans des zones particulières comme la forêt ou les arbres, c’est-à-dire en étant présents dans certains lieux, ils
7
se dissimulent dans l’arrière-plan de la nature. Avant de se voir dotés de noms individuels, ils étaient conçus comme étant simplement les âme/esprits présentes dans tel ou tel endroit, mais demeurant dans les profondeurs de la forêt, voire d’une colline, etc. Ces dieu-ou-démons n’avaient pas encore de caractère propre individuel et se cachaient donc dans des lieux non définis, enfermés dans l’anonymat de la nature. Le caractère distinctif des dieu-ou-démons à souligner ici est leur faculté de division illimitée ainsi que leur mobilité : ils traversent l’air instantanément pour établir leur résidence en des lieux différents. Ce phénomène pourrait être comparé à une « prise de possession ». Terme qui se réfère normalement, bien entendu, à l’entrée d’un dieu-ou-démon voire d’une âme/esprit dans une personne.
L’animisme, culte de la force vitale incarnée dans tous les êtres dotés de force ou de mouvement (les êtres vivants, la pluie, le vent, les eaux, les sources et les mers par exemple), conjugué au culte des ancêtres ; est la première religion commune à toute l’Humanité. On la retrouve d’ailleurs encore de nos jours, aussi bien dans la forêt brésilienne, que dans le désert australien ou la brousse africaine.
À partir de ce fond commun animiste, partagé pendant 400 000 ans par toute l’Humanité, se dégagèrent deux tendances relativement récentes (elles ne datent que de quelques milliers d’années).
Pour l’une, le polythéisme, les forces naturelles étaient tellement nombreuses et mystérieuses qu’il fallait, pour mieux les identifier, leur donner des caractères humains, qu’ils surpasseraient par des attributs proprement divins. Autrement dit des dieu-ou-démons personnels et anthropomorphes.
La notion de dualisme relatif, antithétique et complémentaire, partout présente dans la nature (voir le chapitre sur les éons, Neto/Neith/Neth, l’ago, et l’oxymore, par exemple) servit de base à la justification de l’existence de divinités positives ou néfastes, voire ambivalentes. Cette notion de polarité, antithétique et complémentaire, justifie donc fondamentalement l’existence de ces nombreuses divinités (masculines ou féminines, constructrices ou destructrices…), mais la réflexion druidique a, dans certains cas, introduit un troisième élément dans ces couples de force).
La science et son système de valeurs n’existaient pas, les phénomènes naturels (orage, arc-en-ciel…) ne trouvaient donc d’explications que dans des théories magico-religieuses. À ce niveau, la théologie se confond par conséquent avec la science. L’Homme préhistorique n’a pas d’autre moyen civilisationnel ou conceptuel d’expliquer le monde qui l’entoure. Il conçut donc des dieu-ou-démons anthropomorphes du feu, des vents, des eaux, de la mer, et ainsi de suite, ce qui n’empêchait personne de les honorer sous la forme particulière qu’ils revêtaient pour lui. Comme un vent plus favorable qu’un autre, telle source, telle forêt…
C’est donc ainsi que s’articula le culte de la Nature qui caractérise nos ancêtres, avec ses formes particulières : culte des rivières, des arbres, des animaux… Plus tard, on ne divinisa plus un être individuel, mais l’ensemble : et on en arriva ainsi à concevoir une divinité des rivières, une autre de la forêt, des montagnes… Ce fut le commencement du polythéisme des nations de l’Antiquité avec leurs dieu-ou-démons du ciel, de l’atmosphère, du vent, de l’eau…
Ce type de réaction devant les mystères un peu inquiétants de la nature et des forces qui s’y déchaînent, bien naturel à l’époque (ne méprisons pas nos lointains ancêtres dont la science n’était qu’embryonnaire) ; est illustré à merveille par le mythe de la chasse sauvage ou maudite, attribuée au roi Arthur, ou à bien d’autres grands seigneurs de ce type, Hellequin par exemple, voire à personne en particulier. L’origine en est limpide.
La croyance populaire attribue le fracas et les dégâts de certaines nuits, principalement lors des changements de saisons, alors que la nature tout entière est bouleversée par le vent et la pluie ou de violents orages ; à une troupe d’âme/esprits fantastiques, montés sur des chevaux, accompagnés de chiens bruyants. (N.D.L.R. L’idée d’expiation d’une faute n’existe pas évidemment à l’origine dans ce phénomène et a été introduite par le christianisme).
Cette chasse, qui, suivant les pays et les provinces, porte différents noms, représente sans doute initialement l’hiver faisant place à l’été. Mais le mythe païen a été transformé par le christianisme.
Avec le christianisme en effet, la tradition de la chasse sauvage se modifie. Elle est tout d’abord rattachée à certains personnages bibliques (la chasse de Caïn, la Chasse d’Holopherne, la Chasse d’Hérode) ; plus tard elle s’identifie avec des personnages historiques tels que Jean de Hackelnberg, qui, bien que vivant au XVIe siècle, est devenu, en Saxe et en Westphalie, sous un nom légèrement changé, le type même du chasseur maudit ; enfin, elle perd tout caractère personnel pour s’appeler la Chasse sauvage, la chasse fantôme.
C’est à la fin du XIe siècle, en Normandie, que nous rencontrons pour la première fois une allusion à cette chasse maudite, dans un célèbre passage d’Orderic Vital. Alors que, durant la nuit du 31
8
décembre au 1er janvier 1092, le curé de Bonneval (Gauchelin, dans le diocèse de Bayeux) s’en retournait chez lui après avoir rendu visite aux malades, il entendit tout d’un coup un vacarme terrifiant et vit une armée dans les cieux venir dans sa direction. Il essaya de se cacher près de quatre néfliers quand un homme de taille imposante armé d’une massue força le malheureux curé à se tenir à ses côtés. Une horde sauvage tout entière passa ensuite sous les yeux du prêtre terrifié. En tête venaient les fantassins, emportant les fruits de leur pillage. Suivaient des fossoyeurs portant cinquante cercueils. Le géant armé d’une massue se joignit à eux. Des femmes suivaient à cheval, en blasphémant et en confessant leurs crimes ; ensuite venaient des ecclésiastiques, des abbés, ainsi que des évêques suppliant le prêtre de prier pour eux. Venaient ensuite toujours plus de leurs victimes. Le curé comprit rapidement que c’était la « Mesnie Hellequin » (la maisonnée d’Hellequin) en l’existence de laquelle il n’avait jamais voulu croire (…) Le prêtre essaya d’intervenir dans le cortège et d’arrêter un des chevaux, mais il se brûla la main en touchant son harnais.
Soulignons encore une fois que l’idée d’expiation de grands péchés, introduite ici par le christianisme, n’existe certainement pas au début.
C’est que le mythe tend déjà en effet, à se modifier. En quittant le domaine populaire pour entrer dans le domaine littéraire, en s’éloignant des traditions orales de la campagne pour se fixer dans les livres des intellectuels, la légende se rapetisse.
Ce n’est plus accompagnée des grands bruits de la nature, des hennissements des chevaux, des aboiements des chiens, que les poètes nous représentent la Mesnie Hellequin (la maisonnée d’Hellequin). On est là déjà plus près de l’Arlequin des comédies.
! --- ------------- --------------------------- !
Une autre ligne de développement a produit les divinités liées aux différentes phases et fonctions de la vie humaine : divinités de la naissance, du mariage, de la mort, de l’agriculture, de la guerre, ou autres. La fonction de ces dieu-ou-démons est de protéger une action humaine, lorsqu’ils ne sont pas devenus de purs concepts, c’est-à-dire des symboles ; car, dans l’Antiquité, ne l’oublions pas, les forces divines, les numina, préexistaient à toute personnalisation, et garantissaient le bon déroulement des différents moments de la vie de l’être humain, en tirant leur nom de l’action ainsi patronnée.
Au début, les dieu-ou-démons de la mythologie druidique ne sont donc pas vraiment apparus sous des formes précises. À l’origine, répétons-le, les divinités du druidisme n’avaient pas un caractère physique et individuel, bien marqué, ils n’étaient pas représentés sous forme de peinture ou de sculpture, et se comportant comme des êtres humains. Le polythéisme druidique, dans son stade germinal, avait cette caractéristique : les dieu-ou-démons étaient voilés dans une invisibilité (feth fiada) qui dissimulait leur caractère d’existence physique et individuelle. Or un polythéisme d’invisibilité, par contraste avec celui dont les dieu-ou-démons sont visibles, a un système de croyances ayant sa propre logique et ses méthodes distinctes.
Le mode d’existence de ces dieu-ou-démons et leur fonctionnement diffèrent d’une manière significative selon qu’ils peuvent être vus ou non. Les dieu-ou-démons visibles et les dieu-ou-démons invisibles peuvent, certes, tous être pris en compte à l’intérieur du cadre du polythéisme, mais ils diffèrent en fonction de la façon selon laquelle ils apparaissent et opèrent dans ce monde.
Le polythéisme de la seconde phase de la pensée druidique consiste à croire en des dieu-ou-démons visibles aux yeux des hommes.
Au-dessus des âmes désincarnées ou des mânes des morts, des génies locaux des rochers, des sources et des arbres, au-dessus de la foule des bons et des mauvais dieu-ou-démons, et du reste des âme/esprits ordinaires ; se dressent donc des divinités plus puissantes, dont l’influence est moins limitée à des intérêts locaux ou individuels, et qui agissent directement dans leur vaste domaine ; ou bien peuvent opérer par l’entremise d’êtres inférieurs à leur espèce : leurs serviteurs, agents ou médiateurs.
Les dieu-ou-démons des Britto – ou des Gallo-romains ont été par la suite largement représentés dans les peintures ou dans les sculptures. Comme des êtres humains donc, ils possèdent un corps physique, agissent, et ont des caractères propres individuels. Les traits de leur visage, leur corps physique et leurs actions typiques, sont clairement décrits dans leur forme et dans leur contenu. Leurs corps portent les marques de leur âge. Ogmios par exemple, est un homme âgé, Mabon/Maponos/Oengus un jeune, et Brangaine une femme.
9
Nous avons opposé ou plus exactement distingué deux systèmes de polythéisme, en utilisant les termes « dieu-ou-démons invisibles » et « dieu-ou-démons visibles » ; mais n’oublions pas cependant que la clef qui ouvre le secret de leurs caractères contrastés se trouve naturellement dans le caractère distinctif de tous ces dieu-ou-démons.
Dans un troisième temps, l’Homme a soumis ces forces de la nature à une intelligence supérieure qui, bien que par des voies et des détours difficiles à suivre, arrange toutes choses au mieux, c’est-à-dire pour notre bien. Les appellations varient suivant les civilisations ou les niveaux culturels : Destin, Divine Providence, Justice immanente…
Dans cette perspective, la foi et l’espérance sont le pendant logique du désarroi de l’Homme face à la nature, au destin (la mort) et à la société (qui inflige tant de répression et de souffrance). Espoir et Foi sont la conséquence du désir qu’il y ait quelque part une mère, à la fois menaçante et protectrice, mais dont le rôle protecteur est mis au premier plan pour des raisons évidentes. Cette mère, sage, juste, bonne, comble son enfant, exalte sa vie au-delà de la mort et le récompense pour tout le bien qu’il fait.
Certains auteurs, tels Marija Gimbutas, pensent que le culte d’une telle Déesse-ou-Démone, ou de fée, apparaît au paléolithique inférieur. Selon cette hypothèse, les premières traces d’une telle religion primordiale remonteraient à 35 000 avant notre ère, avec en particulier des vestiges tels que la Vénus de Willendorf.
Le culte ou la vénération de déesse-ou-démones ou de fées au lieu de dieu-ou-démons, fait référence au culte primitif de la fertilité, tel qu’il semble avoir été universellement pratiqué à la fin de la préhistoire. Ce culte, dans lequel la figure de la femme tenait une grande place et revêtait une dimension sacrée, consistait surtout en une vénération du principe féminin universel.
Ce système ne se fondait pas sur une discrimination sexiste bénéficiant surtout aux femmes, mais sur l’importance accordée au féminin, la femme incarnant la reproduction de l’espèce et son espoir d’immortalité ; dans une dimension temporelle qui n’était pas linéaire comme elle le devint avec le patriarcat, mais circulaire et cyclique, d’où le mythe de « l’éternel retour ».
L’existence d’un tel système social durant la préhistoire n’est plus guère mise en doute aujourd’hui, même si ethnologues, archéologues et anthropologues, ne sont pas toujours d’accord sur sa définition. Ce qui fait davantage problème aujourd’hui est de savoir pourquoi et comment le patriarcat s’y est substitué, pour s’imposer avec l’invention de l’agriculture, entre – 5000 et – 3000.
Ce concept druidique de base, voire même prédruidique, a longtemps survécu au sein du petit peuple malgré la romanisation et le colonialisme culturel mondial qui en ont résulté. Un colonialisme culturel fondé d’une part sur un incroyable mépris du droit à la différence de la part des élites ou plus exactement des hiérarchies sociales ; et d’autre part sur une non moins grande servilité de la part de beaucoup, à l’égard des puissances d’argent ; tout à fait analogue à la situation que les Anglais ainsi que les Français ont imposée dans leurs colonies au XIXe siècle. La servilité de certains hommes et de certaines femmes à l’égard des puissances matérielles ou économiques, dominantes, ne cessera jamais d’étonner ; il n’a donc pas manqué de notables ayant accepté à l’époque, en terre celte, de vendre leur âme et l’âme de leur pays ou de leur civilisation, en échange de quelques miettes de pouvoir ou de quelques pièces d’or.
cf. le cas du Gaulois qui fit construire l’arc de triomphe de Saintes, un dénommé Caius Julius Rufus.
Malgré ce mondialisme culturel, littéralement sans précédent, rendu possible par le total manque de fierté, de dignité, ou d’honneur de maints nationaux de l’époque ; le culte des fées de type matres nessamae (des anges gardiens familiaux) ou des matres suleviae (des anges gardiens personnels ou individuels) a néanmoins survécu, ainsi que le prouvent les nombreuses figurines en terre cuite découvertes ici ou là.
Elles ont parfois été assimilées à Vénus ou à Minerve, plus rarement à Junon, Diane, Cérès ou Cybèle, mais elles ne ressemblent pas aux déesse-ou-démones-mères classiques correspondantes.
Les Déesses-ou démones-mères sont donc appelées, après la conquête romaine, Matrae, Matres ou Matronae ; plus encore qu’Épona, elles sont les déesse-ou-démones, ou les fées si l’on préfère, de l’abondance, de la richesse, de la famille, du clan, de la tribu. Souvent associées aux sources et aux fontaines, guérisseuses ou pas.
Ainsi que nous avons eu l’occasion de le souligner, les dieu-ou-démons (et les déesse-ou-démones ou fées) du druidisme sont souvent qualifiés de contrebis (qui habitent parmi nous, qui vivent avec nous, un peu comme un voisin).
On a découvert dans l’oppidum d’Argentomagus, de nombreuses figurines permettant de constater qu’à l’époque romaine, beaucoup des Celtes d’alors, mais pas des milieux « intellectuels » ; (les
10
guillemets sont de rigueur, car l’intellectuel est souvent celui qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez, qui ne voit rien des grandes évolutions en cours depuis des années sous ses yeux, ou les découvre seulement quarante ans après qu’elles ont commencé à se mettre en place) ; que beaucoup de Celtes donc, n’appartenant nullement à la hiérarchie socio-économique (ce qui revient souvent au même) gardaient encore la foi chevillée au corps ainsi que de fortes attaches envers les divinités ancestrales.
Ces fées de type matres sont donc de deux types, soit en pierre, assises dans un fauteuil et tenant une corne d’abondance pleine de fruits (déesse-ou-démones, ou fées si l’on préfère ce terme, de la fécondité) ; soit en terre cuite, assises dans un fauteuil d’osier, allaitant leurs bébés au sein (déesse-ou-démones, ou fées si l’on préfère ce terme, nourricières, protectrices des enfants, bref, mopates). Ces figurines de déesse-ou-démones-mères en terre cuite blanche se retrouvent partout et témoignent de l’importance accordée, par les très-sachants de la druidiaction, à la mère nourricière ainsi qu’à la maternité. On a également retrouvé dans les fouilles d’Argentomagus d’innombrables statuettes en terre blanche représentant une vierge mopatis, dite Vénus dans l’interprétation romaine, protégeant avec son manteau cinq enfants d’âges différents, ce qui atteste donc la popularité de cette déesse-ou-démone ou de cette fée dans les familles.
Ces figurines en argile témoignent de conceptions ou de visions du divin encore largement répandues à l’époque, et donc de la foi druidique authentique ; exempte de toute influence, sur le fond, du conformisme dominant dans le monde à l’époque (l’Empire romain).
Dans l’Europe du Moyen-âge, ce culte du féminin sacré a perduré sous la forme des Vierges noires ou sous la forme de diverses saintes comme celles qui étaient vénérées dans la cathédrale de Worms en Allemagne (les trois Bethen) ; dont l’iconographie est identique à celle des fées du type matronae du temps de l’Empire romain, les ayant précédées.
! --- --------------- ------------------- --- !
Le polythéisme druidique est un système de classification de puissances. Il est régi par le souci de la compréhension de la destinée humaine, par le sentiment religieux et le besoin du salut (disjonction par rapport à la condition innée de l’homme). Le système symbolique qui est associé au polythéisme s’imbrique dans le système sociopolitique.
Le polythéisme druidique délimite les bornes du pouvoir royal et des compétences humaines : son rôle est de maintenir le rapport de force pouvant exister entre les dieu-ou-démons et les hommes. Le système polythéiste structure les rapports sociaux : son rôle est de relier les principes symboliques à l’Homme. Il donne également une dimension idéologique aux éléments naturels, à l’Histoire et au rôle de l’Humanité (circonscrite de fait au début au peuple celte, mais il y aura ensuite celtisation de nombreuses autres tribus). Chaque tribu-État devient donc un microcosme (chaque panth-éon ou plérôme varie d’une cité à une autre, principalement dans le système hiérarchique), subordonné au Bitos (au Cosmos). Les divinités sont définies comme étant intemporelles et spirituelles, mais leur présence visible (« réelle ») s’exprime par des représentations (arcana ou simulacra, donc pas nécessairement des statues) et par un nom.
Les simulacra (en latin) ou arcana (en sanscrit) représentent l’essence de la divinité, c’est en eux et par eux qu’existe virtuellement la divinité.
La poly-unité structure les rapports sociaux avec la dimension symbolique avons-nous dit.
Chez de nombreux peuples, on peut encore se rendre compte que, l’homme étant le prototype de la divinité, car il est évident que c’est l’Homme qui a fait Dieu ou le Démiurge à son image, et non l’inverse, qui n’a aucun sens ; la société humaine et son gouvernement devinrent le modèle sur lequel ont été formés la société ainsi que le gouvernement, divins. Ce que sont les chefs et les rois parmi les hommes, correspond à ce que sont les grands dieu-ou-démons parmi les âme/esprits de rang inférieur.
Chaque mythologie est aussi, au fond, une classification, mais qui emprunte ses principes à des croyances religieuses, et non à des notions scientifiques.
Les panth-éons ou plérômes bien organisés se partagent la nature, tout comme les clans se partagent la terre.
Attribuer tels ou tels phénomènes naturels à un dieu-ou-démon, revient à les grouper sous une même rubrique génétique, à les ranger dans une même classe ; et les généalogies, les identifications admises entre les divinités ; impliquent des rapports de coordination ou de subordination entre les catégories d’éléments que représentent ces divinités.
Chaque dieu-ou-démon a ses doubles qui sont d’autres formes de lui-même, tout en ayant d’autres fonctions, par là, des pouvoirs divers ; et les éléments sur lesquels s’exercent ces pouvoirs se trouvent
11
rattachés à une notion centrale ou prépondérante ; comme l’espèce au genre, ou une variété secondaire à l’espèce principale.
Ces classifications sont même des éléments tellement essentiels des mythologies, qu’elles ont joué un rôle important dans l’évolution de la pensée religieuse
Les petits dieu-ou-démons locaux, particuliers, se rangent peu à peu sous des chefs plus généraux, les grands dieu-ou-démons de la nature, et tendent à s’y absorber. Dans un premier temps, la notion de ce que les premiers ont de spécial se maintient ; le nom de l’ancien dieu-ou-démon coexiste avec celui du grand dieu-ou-démon, mais seulement comme attribut de ce dernier ; puis son existence devient de plus en plus fantomatique jusqu’au jour où les grands dieux subsistent seuls, sinon dans le culte, du moins dans la mythologie. On pourrait presque dire que les classifications mythologiques, quand elles sont complètes et systématiques, quand elles embrassent l’univers, annoncent la fin des mythologies proprement dites.
Par là nous nous rapprochons insensiblement des types abstraits ou relativement rationnels qui sont au sommet des premières classifications philosophiques.
On a bien souvent dit que l’Homme a commencé par se représenter les choses en les rapportant à lui-même. Ce qui précède permet de mieux préciser en quoi consiste cet anthropocentrisme, ou plus exactement sociocentrisme. Car le cœur des premiers systèmes de la nature, ce n’est pas l’individu ; c’est la société. C’est elle qui s’objective, et non plus l’homme isolé.
La tendance à la hiérarchisation aboutit à l’invention d’un dieu des dieux qui devait être plus puissant et dépouillé des attributs spécifiques des autres, que l’on s’attacha aussi à mieux définir.
Le Destin ou Tokade (moyen gallois tynghed, breton tonket, destiné, vieil irlandais tocad, destin, toicthech « fortunatus », tonquedec en breton). Le labarum est son messager ou son signe. On reconnaît là le polythéisme des cultures aryennes, celte, germanique, grecque, latine, indienne, ou autre.
D’où finalement la croyance en une force impersonnelle supérieure, mais qui peut, par l’intermédiaire de ses tabous, de ses gessa, ou de ses hypostases, genre Taran/Toran/Tuireann, Lug, Ogmios, la grande déesse-ou-démone-mère cosmique, et ainsi de suite, être personnellement ressentie.
Cette partie de l’œuvre de Tylor n’a pas été discutée. Les critiques portent sur sa définition de l’animisme en tant que première expression de l’expérience religieuse, et sur sa reconstitution linéaire de l’évolution de la religion ; celle-ci débutant avec l’animisme, continuant avec le fétichisme, puis le naturisme (ou culte de la nature) et le polythéisme.
L’explication générale de Tylor a été critiquée surtout pour deux de ses conclusions, de grande conséquence théorique.
1. L’animisme à l’origine de la religion.
2. L’affirmation selon laquelle, partout dans le monde, la religion a évolué dans le sens que l’on vient d’indiquer (animisme fétichisme polythéisme monothéisme).
Nombre d’auteurs ont rejeté la première affirmation. Andrew Lang, par exemple, a montré que l’idée d’un être supérieur personnel est aussi attestée chez les populations les plus archaïques, où l’animisme ne joue qu’un rôle secondaire. En suivant une tout autre voie, R. R. Marret a soutenu, dans un article resté célèbre, que la première forme d’expérience religieuse aurait été provoquée par la rencontre avec la force mystérieuse et impersonnelle, que les Mélanésiens appellent mana. De son côté, J. G. Frazer estimait que la magie avait précédé l’apparition de la religion. Enfin, Émile Durkheim voyait dans le totémisme la source de toute expérience religieuse.
Le totémisme est une combinaison d’observances sociales et religieuses. Originellement, on croyait s’assurer des provisions de nourriture en respectant l’animal totem dont on supposait être le descendant biologique. Les totems étaient à la fois les symboles des groupes et leur dieu-ou-démon. Ce dieu-ou-démon était le clan personnifié.
Le totémisme fut une phase des diverses tentatives destinées à rendre sociale une religion qui, au départ, était surtout personnelle. La notion de totem a évolué pour devenir le drapeau, ou le symbole national des divers peuples modernes (l’étoile du nord, l’étoile de David, le croissant lunaire…).
On admet aujourd’hui que la recherche des « origines » de la religion est vaine et sans issue, puisque nous n’avons aucune possibilité de reconstituer les croyances et les idées des premiers hommes. Dans la mesure où elles ne font que substituer à l’animisme une autre « origine » de la religion, les nouvelles théories comme celle du monothéisme primitif révélé aux hommes par Dieu lui-même n’ont
12
pas plus de poids que celle de Tylor. Ces critiques ont eu pourtant le mérite d’attirer l’attention sur d’autres phénomènes religieux originels, existant à côté de l’animisme ou le précédant.
En effet, il n’a pas été possible de trouver une religion qui soit exclusivement animiste. À côté de la croyance en des âme/esprits et de la conviction que la Nature est animée, il existe, chez les primitifs, d’autres conceptions religieuses ; par exemple, la croyance en un être supérieur créateur, ou la croyance au mana… En outre, l’animisme n’est pas connu partout dans le monde, comme le laissait entendre Tylor pourtant.
Les croyances animistes sont dominantes, il est vrai, en Mélanésie, en Indonésie, sur la côte occidentale de l’Afrique, dans les deux Amériques. Pourtant, même dans ces régions, tous les objets ne sont pas susceptibles d’avoir une « âme/esprit ». Pour les populations indonésiennes, par exemple, les objets inanimés n’ont pas d’âme, et seules certaines espèces végétales sont réputées en avoir.
Toutefois, les objections les plus graves contre la reconstruction intellectuelle de Tylor, concernent son explication de l’origine des dieu-ou-démons. À en croire sa théorie, la notion de dieu-ou-démon n’aurait pu prendre forme avant que l’Humanité primitive n’en arrive à l’idée d’âme (ou d’esprit). Pourtant, certaines populations, qui comptent parmi les plus archaïques, par exemple les tribus de l’Australie sud-orientale, connaissent néanmoins des êtres supérieurs et d’autres figures divines ou semi-divines, qui ne sont pas considérés comme des « âme/esprits ». Ces êtres surnaturels sont conçus comme des personnes réelles, bien que considérablement supérieures aux humains. En outre, toujours suivant Tylor, le modèle de l’être supérieur aurait été le chef de la tribu ; or on trouve la croyance en des êtres supérieurs dans des sociétés qui n’ont pas de chefs.
D’après Tylor et sa théorie de l’évolution des religions, croyance aux âme/esprits de la Nature et culte des ancêtres doivent précéder le polythéisme et donc la formation du monothéisme. Or, chez les Aborigènes australiens, comme dans d’autres populations archaïques du même niveau culturel, où l’on a observé cette croyance en des êtres supérieurs, il n’existe ni culte de la Nature ni culte des ancêtres. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire de faire dériver le culte des forces de la Nature des croyances animistes. On peut concevoir un tel culte comme résultant de la personnification de certains aspects de la Nature.
Une autre difficulté vient du fait que les primitifs croient en l’existence de plusieurs âmes. À commencer par les Grecs qui distinguent dans la psyché : la treptikon, l’aisthétikon, la dianoétikon, l’auxétikon, l’orétikon et la kinétikon. On distingue surtout entre ce que les chercheurs ont appelé l’âme-souffle (ou l’âme-vie), qui ne quitte le corps qu’à la mort ; et l’âme/esprit (ou l’ombre, l’image, le double…) qui est susceptible d’abandonner le corps pendant le sommeil, la maladie ou la transe. Mais, nous l’avons vu, certains peuples estiment qu’il existe jusqu’à sept voire même treize âmes, dépendant de parties spécifiques du corps ou de fonctions physiologiques particulières.
Des idées similaires se rencontrent dans certaines tribus de l’Amérique du Nord, ainsi que l’a montré A. Hultkrantz : l’âme pure a son origine ultime dans la divinité, par création ou par émanation ; cette âme pure préexiste à l’homme, s’incarne et, après la mort, retourne à sa source surnaturelle. Or, si l’âme, ou, plus précisément, l’âme la plus pure, est considérée comme créée par Dieu ou le Démiurge, la théorie de Tylor apparaît insoutenable.
L’abandon de l’animisme dans ce cas (pour expliquer l’origine des religions) se justifia en grande partie par les aspects péjoratifs des connotations d’un tel concept, lié à des reconstructions évolutionnistes invérifiables ; et selon lesquelles les religions de l’Humanité passeraient toutes par trois stades successifs : l’animisme, le polythéisme et le monothéisme.
Le concept d’animisme est alors apparu comme aussi inconsistant et ambigu que, par exemple, celui de « primitif », qui l’accompagnait. L’anthropologue britannique E. E. Evans-Pritchard a mis en lumière les faiblesses, les paradoxes, ou les impasses, de la théorie de Tylor. Rien n’a jamais pu prouver que les « âme/esprits » dont le « primitif » peuplerait la nature aient pour cause des phénomènes psychiques (rêves, aislingi, visions) ni que « l’esprit » soit une notion dérivée de celle « d’âme ». Cette dernière hypothèse a d’ailleurs perdu tout crédit en raison des difficultés extrêmes que l’on rencontre quand on veut traduire des notions telles que « âme », « esprit », « force vitale », « Dieu » ; et en raison de l’impossibilité subséquente de les intégrer dans une même classe de phénomènes, en recourant à ce concept élaboré en Occident.
Tylor ne pouvait donc expliquer les conceptions apparemment étranges, repérables dans les sociétés traditionnelles, que par des concepts appauvris relevant de la psychologie de l’époque, tandis que,
13
parallèlement, s’imposaient ceux de l’évolutionnisme. Ainsi attribuait-on une « mentalité enfantine » aux individus appartenant à des civilisations animistes non scientifiques.
Pourtant, les vues de Tylor ne peuvent pas être toutes tenues pour des absurdités, ni même pour de simples curiosités dans l’histoire des idées. Elles gardent un réel intérêt, qui tient moins aux raisons invoquées par Mircea Eliade qu’au fait que Tylor a été le promoteur d’une théorie de la rationalité des civilisations « autres », et des croyances « différentes », mesurée à l’aune de la raison scientifique. Compte tenu des données disponibles à l’époque, la théorie de l’animisme répondait de façon adéquate aux questions soulevées par ces croyances, à première vue irrationnelles, en des entités non humaines (ancêtres, âmes, esprits, puissances cultuelles telles que fétiches thérapeutiques, éléments d’ordalie, et ainsi de suite) ; croyances propres à des sociétés par ailleurs parfaitement aptes à exploiter techniquement leur environnement naturel. Avec sa conception de l’animisme, Tylor voulait seulement montrer la rationalité des « religions primitives », une rationalité fondée sur des observations et des déductions logiques, même si celles-ci paraissent erronées au regard de la raison scientifique actuelle.
L’anthropologie contemporaine continue néanmoins de s’interroger sur la nature de la « religion » et de la « magie », le débat étant loin d’être clos.
Pour certains auteurs, à la base et à l’origine de toute religion, il y a une manifestation du Divin (hiérophanie) vécue par l’homme, ou une manifestation de Dieu ou le Démiurge (théophanie).
Finalement, comme l’a souligné Mircea Eliade, toute l’histoire des religions, de la plus primitive aux plus élaborées, est constituée par une accumulation d’hiérophanies ou de théophanies. De la manifestation du sacré dans un objet quelconque (pierre, arbre) jusqu’à la manifestation de Dieu ou le Démiurge dans une personne : par exemple Krishna (pour l’hindouisme) Jésus (pour le christianisme).
À l’origine du judaïsme se trouvent d’ailleurs aussi plusieurs théophanies.
— Genèse 18 : Abraham au chêne de Mamré (trois hommes, en fait trois anges, lui apparaissent).
— Exode 3,1 : Moïse et le buisson ardent.
— Exode 19-20 : Moïse dans le Sinaï.
À l’origine de l’islam se trouve l’apparition d’une mystérieuse entité (assimilée par la suite à l’archange Gabriel) à Mahomet, en 610, une entité surnaturelle qui, selon la tradition musulmane, lui apporta un enseignement, le Coran.
On peut donc voir d’après ces quelques exemples qu’il n’y a pas de théophanie directe, une théophanie étant toujours médiatisée. On voit aussi la diversité des supports de ladite théophanie.
— Une personne (Krishna ou Jésus).
— Un ange ou une révélation (le Coran).
— Un arbre (par exemple un buisson ardent).
— Une nuée (Dieu ou le Démiurge parle dans une nuée, par le truchement du tonnerre, en Exode 19-20 ; un peu comme notre Taran/Toran/Tuireann à nous).
— Une pierre (dans toutes sortes de religions, islam compris, cf. la Kaaba)…
On voit aussi le problème que posent toutes ces théophanies. L’objet ou la personne qui est support de la théophanie, dans lesquels se manifeste le sacré ou Dieu ou le Diable, reste un être comme les autres.
Telle pierre qui est l’objet de vénération dans telle religion est apparemment une pierre comme les autres (même composition chimique). Cependant, pour le croyant, il s’agit d’une pierre fondamentalement différente, d’une pierre sacrée, c’est-à-dire qui manifeste ou révèle une autre dimension de l’existence.
« Ar baí cretim in óen Dé oc Cormac. ar ro ráidseom na aidérad clocha ná crunnu acht no adérad intí dosroni & ropo chomsid ar cul na uli dúla » (Senchas na relec inso).
« Cormac croyait en un seul dieu. Il disait qu’il n’adorait ni les pierres ni les arbres, mais qu’il adorait seulement celui qui les avait faits et qui est le protecteur de tous les éléments » (Histoire des lieux d’inhumation).
Autre exemple la pierre noire de la Kaaba dans l’islam.
L’ange ou l’archange Gabriel apparaissait à Mahomet souvent sous la forme d’un jeune homme 1), et le Coran est apparemment, à première vue, un livre comme les autres. Cependant, pour les musulmans, il révèle une réalité surnaturelle (Dieu ou le Démiurge). De même, Jésus (Yehoshoua bar Yosef) était apparemment un homme comme les autres ; cependant pour les chrétiens, il est fils de Dieu ou du Démiurge.
14
Bien remarquer : ce n’est jamais la pierre, l’arbre, et ainsi de suite, que l’on adore, mais la divinité, la puissance qui un jour s’est manifestée dans cette pierre. Dans toute hiérophanie donc, il convient de reconnaître trois éléments.
— L’objet naturel (pierre, arbre…) qui continue à se situer dans son contexte normal.
— La réalité invisible qui donne un autre caractère à l’objet, support de théophanie.
— Le médiateur qui est l’objet naturel revêtu des nouvelles dimensions de la sacralité.
1) Ce point de vue est très contesté. Les spécialistes relèvent que le nom de Gabriel n’apparaît que rarement et tardivement dans le Coran, et donc que la créature qui apparut initialement à Mahomet reste en réalité à déterminer (un djinn ?)
15
TROISIÈME LETTRE DU VIEUX DRUIDE DE LA FORÊT ARDENNAISE.
……………… Précisons tout d’abord qu’il va de soi que des influences considérées comme bénéfiques dans une partie du monde peuvent être regardées comme maléfiques ailleurs. Le vent d’est est un dieu en Amérique du Sud, car il apporte la pluie ; en Inde, c’est un démon parce qu’il amène la poussière et provoque la sécheresse.
Le druidisme a une composante « naturiste » évidente si l’on entend par là que l’homme vénère, à travers des éléments de la nature (terre, soleil, ciel, lune, foudre, eau, feu, rochers, arbres), la puissance qui s’y révèle. Sans être Dieu ou le Démiurge, ces éléments apparaissent comme des symboles et des manifestations directes de la puissance divine à l’état brut.
« Ar baí cretim in óen Dé oc Cormac. ar ro ráidseom na aidérad clocha ná crunnu acht no adérad intí dosroni & ropo chomsid ar cul na uli dúla » (Senchas na relec inso).
« Cormac croyait en un seul dieu. Il disait qu’il n’adorait ni les pierres ni les arbres, mais qu’il adorait seulement celui qui les avait faits et qui est le protecteur de tous les éléments » (Histoire des lieux d’inhumation).
Le symbolisme ne doit pas être confondu avec l’idolâtrie où l’objet matériel est directement adoré pour lui-même et en tant que tel.
L’Humanité a ainsi « adoré » la terre, l’air, l’eau et le feu. Les peuplades primitives vénéraient les sources et adoraient les rivières.
Il était facile aux anciens d’imaginer que des âme/esprits habitaient les sources bouillonnantes, les fontaines jaillissantes, les rivières rapides et les torrents impétueux. Les eaux mouvantes impressionnaient vivement ces êtres restés très proches de la nature en faisant croire à leur animation par des âme/esprits, et à des pouvoirs surnaturels.
Même à l’époque de Moïse, la croyance aux âme/esprits de la nature fut assez forte pour assurer leur perpétuation dans la théologie hébraïque sous forme d’anges du feu, de l’eau et de l’air. Et ne parlons pas du cas de la piscine de Bethesda dans le Nouveau Testament (Jean chapitre V, 1-16), directement associée à un « ange ».
Après cela, il y eut une fête juive et Jésus monta donc à Jérusalem. Or à Jérusalem, près de la porte des brebis, se trouve une piscine qui s’appelle en araméen Bethesda et qui a cinq portiques. Sous ces portiques un grand nombre de malades étaient couchés : des aveugles, des boiteux, des paralysés. Ils attendaient le mouvement de l’eau, car un ange descendait de temps en temps dans la piscine et l’agitait ; le premier qui descendait dans l’eau après, guérissait, quelle que soit sa maladie.
Les nuages, la pluie, la grêle, ont tous été craints et adorés par de nombreuses tribus et dans les cultes initiaux de la nature. Les vents de tempête avec leur tonnerre et leurs éclairs terrifiaient les hommes de cette époque. Ils étaient tellement impressionnés par ces dérèglements des éléments qu’ils considéraient le tonnerre comme la voix d’un dieu-ou-démon courroucé. L’adoration du feu et la peur de la foudre étaient liées dans la plupart des cas et fort répandues dans de nombreux groupes humains.
Le respect pour le feu atteignit son apogée en Perse, où il subsista longtemps. Quelques tribus adoraient le feu en le prenant pour la déité elle-même ; d’autres, comme les druides, le révéraient en tant que véhicule psychopompe ou moyen purificateur. Sur les druides maîtres du feu, se reporter à l’excellent livre de Christian-J. Guyonvarc’h sur le sujet. Le feu était le véhicule psychopompe de Taran/Toran/Tuireann, mais le feu de bel, lui, était bénéfique.
On chargeait des vierges de veiller sur les feux sacrés (voir le culte du feu perpétuel associé à sainte Brigitte) et, à notre époque, on fait encore brûler des cierges dans le rituel de beaucoup de services religieux.
La vénération de la lune atteignit son apogée sous le règne des chasseurs-cueilleurs, tandis que l’adoration du soleil devint la principale cérémonie religieuse des âges agricoles subséquents.
À un moment ou à un autre, tout ce qui se trouve à la surface de la Terre a été objet de culte pour l’Homme, y compris lui-même. Il a aussi adoré tout ce que l’on peut imaginer dans le ciel et sous la surface de la Terre. Les hommes primitifs craignaient toutes les manifestations de pouvoir ; ils rendaient hommage à tous les phénomènes naturels qu’ils ne pouvaient comprendre. L’observation de puissantes forces matérielles telles que tremblements de terre, orages, inondations, éboulements, volcans, feu, chaleur et froid, impressionnait grandement le mental en expansion des hommes.
16
À mesure que le culte de la nature se développait, les très-sachants primordiaux ont donc envisagé une division du travail dans le monde surnaturel ; il y avait des âme/esprits de la nature pour les lacs, les arbres, les cascades, les pluies, et les centaines d’autres phénomènes terrestres ordinaires.
L’adoration des collines suivit celle des pierres, et les premières collines vénérées furent de grandes formations rocheuses. On prit bientôt l’habitude de croire que les dieu-ou-démons habitaient les montagnes, de sorte que, pour cette raison (supplémentaire), on adora les élévations de terrain qui s’avéraient remarquables. À mesure que le temps s’écoulait, des montagnes furent associées à certains dieux ou démons, et, par conséquent, devinrent sacrées.
Les plantes furent d’abord craintes, puis adorées, à cause des liqueurs enivrantes que l’on en tirait. Les hommes croyaient alors que l’ivresse rendait divin. On supposait que cette expérience comportait quelque chose d’inhabituel et de sacré. On donne d’ailleurs encore le nom de « spiritueux » aux alcools.
Les hommes considéraient avec une crainte et un respect superstitieux, les graines en train de germer. Les très-sachants ne furent pas les derniers à tirer de profondes leçons spirituelles de ce phénomène et à fonder des croyances religieuses sur lui.
Les idées concernant les âme/esprits des arbres variaient considérablement parmi les différentes tribus. Certains arbres étaient habités par des âme/esprits favorables, d’autres abritaient des âme/esprits trompeuses et cruelles. Le culte d’adoration des arbres se trouve chez les plus anciens groupes religieux. Tous les mariages primitifs étaient célébrés sous des arbres et, quand les femmes désiraient des enfants, on les voyait parfois dans la forêt embrassant affectueusement un robuste chêne. Bien des arbres et des plantes étaient vénérés à cause de leurs vertus médicinales, réelles ou de type placebo. Les hommes croyaient alors que toutes ces réactions chimiques étaient dues à l’activité directe de forces surnaturelles.
Longtemps après que les Hébreux eurent cessé d’adorer les arbres, ils continuèrent à vénérer leurs diverses déités dans des bosquets situés sur des tertres sacrés (bamot et ashera).
Jeanne d’Arc elle-même n’a pas été insensible à leur attrait.
« Le dimanche où l’on chante à l’introït Lætare Jerusalem, dimanche appelé le dimanche des Fontaines, les jeunes gens et les jeunes filles de Domrémy vont sous l’Arbre des dames ; et aussi quelquefois durant le printemps et l’été, aux jours de fête. Ils y dansent, y font de petits repas, et, au retour, en s’ébattant, ou en chantant, ils vont à la Fontaine des Rains ; ils boivent de son eau, et tout en folâtrant cueillent des fleurs de-ci, de-là ».
Ce qui somme toute, était bien innocent, pas de quoi fouetter un chat ni susciter les foudres d’un témoin de Jéhovah, et n’enlève rien à son courage (à la limite de l’inconscience).
Arbres de Noël ou de mai sont des survivances de cet antique culte.
L’homme de ce temps, essentiellement chasseur-cueilleur, avait comme un sentiment de fraternité pour les animaux supérieurs. Les Hébreux ont d’ailleurs fait preuve d’une adoration mêlée de crainte envers le pouvoir des serpents ou du taureau d’or si l’on en croit les persécutions de Moïse à leur égard.
Les Celtes révéraient aussi les animaux pour leur pouvoir et leur ruse. Ils pensaient que la puissance olfactive et la vue perçante de certaines bêtes trahissaient la présence en eux d’une âme/esprit.
Nos ancêtres considéraient aussi toutes les personnes ayant un comportement inhabituel comme étant quelque part supra-humaines (bacuceos). Les fous étaient par exemple craints par leurs compagnons mentalement normaux, qui les croyaient habités par les dieu-ou-démons. Plus tard on sanctifia même les âme/esprits remarquables qui étaient passées dans le monde parallèle au nôtre que l’on appelle l’au-delà. Et certains héros furent déifiés après leur mort (cf. Évhémère).
Ces hommes divinisés doivent être soigneusement distingués des dieu-ou-démons de la nature. Les cultes de la nature continuèrent à se développer en même temps que le culte des grands héros ou des grands hommes, apparu plus tard, et chacun des deux exerça une influence sur l’autre. De nombreux systèmes religieux comportèrent donc une double conception de la déité, les dieu-ou-démons de la nature et les hommes déifiés.
Quand cette pulsion d’adoration fut bien maîtrisée par les druides primordiaux, elle s’éleva ensuite à un stade très différent.
À côté du besoin naturel d’adoration immédiate, il y avait toujours eu également l’expérience humaine du hasard, ce que l’on appelle la chance ou son contraire. Les hommes de cette époque luttaient pour vivre, non pour un niveau de vie. Et ils avaient une existence périlleuse où le hasard jouait un rôle
17
important. L’homme primitif chassait pour se nourrir. Or les résultats de la chasse sont nécessairement variables. La malchance était donc un facteur important dans la vie d’hommes et de femmes vivant d’une existence précaire et harassante.
Ces peuples concentrèrent ainsi tellement leur attention sur le hasard, que la chance devint rapidement un facteur constamment pris en compte dans leur vie. L’appréhension constante d’une calamité inconnue et invisible planait au-dessus d’eux comme un nuage de désespoir qui éclipsait souvent tous les plaisirs ; ils vivaient dans la peur constante de commettre un acte qui amènerait de la malchance.
Cette peur toujours présente de la malchance pouvait même être paralysante. Pourquoi travailler dur et récolter la malchance – donner quelque chose pour rien – quand on peut se laisser porter par le hasard et avoir de la chance – c’est-à-dire obtenir quelque chose pour rien ?
Plus tard, les éleveurs de troupeaux eurent le même point de vue sur le hasard ; tandis que, plus tard encore, les agriculteurs prirent de plus en plus conscience que les récoltes subissaient l’influence immédiate d’un grand nombre de facteurs, sur lesquels la mainmise de l’homme était faible ou nulle. Les paysans se trouvèrent victimes de la sécheresse, des inondations, de la grêle, des orages, des insectes et des maladies parasitaires, ainsi que de la chaleur et du froid. Dès lors que toutes ces influences affectaient la prospérité individuelle, on les considéra comme des chances ou des malchances.
Cette notion de hasard et de chance imprégna fortement la philosophie de tous les peuples de l’Antiquité.
La religion se renforça ainsi de la peur du mystère, de la crainte respectueuse de l’invisible et de la terreur de l’inconnu. La peur de la nature devint par conséquent un facteur dans la lutte pour l’existence, d’abord à cause du hasard et ensuite à cause du mystère. C’est ainsi que la nature et le hasard furent tous deux personnifiés en tant que dieu-ou-démons.
La mort était pour les hommes qui évoluaient le choc supérieur par excellence, la plus troublante combinaison de hasard et de mystère. Ce ne fut pas la sacralité de la vie, mais le choc de la mort, qui inspira de la peur et entretint la religiosité ; on ajouta la mort à la longue liste des phénomènes inexpliqués.
On crut d’abord que toutes les maladies humaines, et même la mort naturelle, étaient dues à l’influence d’âme/esprits. Cet ensemble d’observations a conduit à des doctrines comme celle de la chute de l’Homme ou du Péché originel chez les judéo-islamo-chrétiens (l’immortalité faisant, selon eux, partie des dons préternaturels accordés par leur Dieu ou le Démiurge au premier homme : Adam).
Les hommes primitifs se préoccupaient beaucoup de leur respiration. Le primitif savait que son souffle pouvait quitter son corps. Le souffle de vie fut donc considéré comme l’unique phénomène qui différenciait les vivants des morts.
Les rêves, où il faisait toutes sortes de choses bizarres pendant qu’il était endormi, achevèrent de le convaincre que l’être humain comportait un élément immatériel. L’idée la plus primitive concernant l’âme humaine fut donc dérivée du système d’idées relatif aux rêves et à la respiration. L’homme finit par concevoir qu’il était un être double : corps et âme.
L’âme amputée du corps équivalait à un fantôme.
Bien que les âme/esprits ou fantômes aient par définition une origine humaine, on les considéra très vite comme supra-humains et cette croyance en l’existence d’âme/esprits désincarnées parut expliquer les événements inhabituels, extraordinaires, exceptionnels.
La doctrine primitive de la survie après la mort n’était pas nécessairement une croyance à l’immortalité. Des êtres qui ne savaient pas compter au-delà de vingt ne pouvaient guère concevoir l’infinité et l’éternité ; ils pensaient plutôt à des réincarnations.
Ces hommes n’avaient en tête aucune notion d’enfer ni de punitions éternelles dans l’au-delà. Cette idée sadique et malsaine n’émergea que plus tard, dans des cerveaux malades et pervers.
Les hommes de cette époque imaginaient la vie après la mort exactement comme la vie présente, la malchance en moins.
La partie non matérielle de l’homme a été diversement appelée : fantôme, esprit, ombre, spectre, et plus récemment âme.
Dans les rêves de l’homme primitif, l’âme/esprit était son double ; elle ressemblait très précisément au mortel lui-même, sauf qu’elle n’était pas sensible au toucher. La croyance aux doubles, vus en rêve,
18
conduisit à la notion que toutes les choses animées ou inanimées ont une âme/esprit, comme les hommes. Ce concept tendit longtemps à perpétuer la croyance aux âme/esprits de la nature.
L’âme/esprit fantôme pouvait être entendue et vue, mais non être touchée. La mort fut finalement considérée comme le fait de « rendre l’âme ». Toutes les tribus, sauf celles qui dépassaient à peine le stade animal, se sont donné des concepts relatifs à une telle notion. L’âme/esprit était reliée au corps comme le parfum à la fleur.
Les anciens croyaient que l’âme/esprit pouvait quitter le corps de différentes manières.
1. Évanouissement ordinaire et temporaire.
2. Sommeil, rêve naturel.
3. Coma et perte de conscience associés aux maladies et aux accidents.
4. Mort et départ définitif.
Les hommes de cette époque voyaient même les éternuements comme des tentatives avortées de l’âme/esprit pour s’échapper du corps. Plus tard, on accompagna les éternuements d’une formule telle que « les dieux vous bénissent ». Que l’éternuement ait été baptisé du nom de génie, ou qu’il ait été produit par quelque daïmôn inspirateur, et, quelle qu’ait été l’opinion de Socrate ; il n’en est pas moins certain que les Grecs le considéraient comme une manifestation divine. Aristote nous en est garant. Nous savons d’ailleurs par Xénophon et par Athénée qu’on le traitait avec un respect religieux.
Abou-Horeïra rapporte que Mahomet a dit un jour : « Allah aime l’éternuement, et déteste le bâillement. Si l’un d’entre vous éternue, il doit dire aussitôt « Loué soit Allah » et son frère ou son compagnon doit lui adresser un souhait. Si l’un de vous bâille, qu’il réprime ce bâillement autant qu’il peut, parce que cela vient de Satan ». (Hadith N° 5028, Code de la bienséance, tradition d’Abou Daoud, tome 5. Hadith No. 6224, livre de la bonne éducation. Sahih Boukhari, tome 8).
On en vint aussi très rapidement à considérer le sommeil comme prouvant que l’âme/esprit pouvait s’absenter du corps, et l’on croyait même pouvoir la rappeler en disant ou en criant le nom du dormeur. Dans d’autres formes de perte de conscience, on croyait que l’âme/esprit était plus lointaine, et cherchait peut-être à s’échapper pour de bon : expérience de mort imminente (EMI).
On comprenait les rêves comme les expériences de l’âme/esprit durant le sommeil, lors de son absence temporaire du corps.
On croyait en général que l’âme s’identifiait au souffle, mais diverses peuplades la situaient aussi dans la tête, le cœur, le sang. Les Sémites pensaient que l’âme résidait dans le sang et, chez beaucoup d’entre eux, l’absorption de sang animal était taboue. L’expression biblique « Le sang d’Abel crie depuis la terre » (Genèse 4, 10) exprime cette croyance de jadis à la présence de l’âme-fantôme dans le sang. Les Celtes la situaient plutôt dans le cerveau et l’on considérait alors les yeux comme étant des fenêtres de l’âme.
Les Grecs eux-mêmes croyaient à l’existence d’au moins trois âmes, la végétative située dans l’estomac, l’animale dans le cœur, et l’intellectuelle dans la tête.
Ces idées sur la religion ont empêché les hommes de devenir complètement fatalistes ou désespérément pessimistes ; ils ont cru qu’ils pouvaient au moins faire quelque chose pour influencer leur destin.
Le progrès du culte des âme/esprits rendit également inévitable le culte des ancêtres, car il devint le lien entre les fantômes ordinaires et les âme/esprits supérieures, les dieu-ou-démons en préparation (les dieu-ou-démons primitifs étant simplement des humains morts et glorifiés comme l’avait bien vu Évhémère).
La plupart des tribus instituèrent une fête de toutes les âmes au moins une fois par an. Les Romains avaient une fête des fantômes appelée lémuries. Ses rites nous ont été décrits par Ovide.
Quand la nuit est au milieu de son cours et amène le silence nécessaire au sommeil, quand les chiens se sont tus, et vous aussi, oiseaux multicolores ; l’homme fidèle aux anciens rites, l’homme qui craint les dieu-ou-démons, se lève – pieds nus – et il fait un signe avec le pouce au milieu de ses autres doigts joints ; de peur qu’une ombre ne vienne à sa rencontre dans sa marche silencieuse. Après s’être purifié les mains dans une eau courante, il se retourne – auparavant il aura pris des fèves noires – et il déclare : « Je lance ces fèves, par elles je me rachète, moi et les miens ».
Il le dit neuf fois sans regarder derrière lui : on pense alors que l’ombre ramasse les fèves et le suit sans être vue.
Il fait une nouvelle ablution, il fait retentir le bronze… et il demande à l’ombre de quitter sa demeure. Quand il a dit neuf fois : « Mânes de nos pères, sortez ! » il regarde derrière lui et pense avoir accompli régulièrement le rite comme il faut.
19
Du moins c’est là ce qu’imaginaient les Romains.
À mesure que le culte des âme/esprits ou des ancêtres se répandit, se fit jour aussi l’idée qu’il pouvait y avoir des types d’âme/esprits supérieurs, des âme/esprits qui n’étaient pas réductibles à un individu bien identifié. C’étaient des fantômes glorifiés puis ayant progressé au-delà du pays des fantômes ordinaires, dans les royaumes supérieurs.
Afin d’expliquer la chance ou la malchance qui les affectait, les hommes primitifs furent peu à peu conduits à imaginer qu’il devait sans doute exister deux catégories d’âmes/esprits supérieurs, les bonnes et les mauvaises. Quand la doctrine des bons et des mauvais esprits parvint à maturité, elle devint la plus répandue et la plus persistante de toutes les croyances religieuses. Ce dualisme permettait aux hommes d’expliquer la chance et la malchance, tout en croyant à des êtres supra-mortels dont la conduite pouvait avoir quelque logique. On pouvait compter sur les âme/esprits comme étant soit bonnes soit mauvaises, et on ne les croyait plus complètement fantasques comme les premiers fantômes de la plupart des religions primitives. L’homme était enfin capable de concevoir des forces surhumaines ayant une conduite à peu près logique : ce fut l’une des plus importantes découvertes de toute l’histoire des religions, mais ces dernières ont toutefois payé un prix terrible pour ce double concept. La philosophie primitive n’a pu en effet concilier cette croyance en un minimum de logique des âme/esprits et les vicissitudes de la fortune temporelle, qu’en admettant deux sortes d’âme/esprits justement, les unes bonnes et les autres mauvaises. La plupart des religions du monde portent encore cette marque de naissance culturelle datant des jours lointains où émergea le culte des fantômes. Cette idée de bien et de mal comme puissances cosmiques de même rang reste très vivante dans la philosophie humaine (dualisme).
Les sauvages imaginent que les âme/esprits bienfaisantes vaquent à leurs affaires en exigeant peu de choses des êtres humains. Ce sont les mauvais fantômes et les âme/esprits maléfiques qu’il faut sans arrêt satisfaire et apaiser. Les peuples primitifs prêtèrent donc infiniment plus d’attention à leurs fantômes malveillants qu’aux âme/esprits bienveillantes. (L’islam lui aussi accorde beaucoup d’importance au mauvais œil et à la magie noire (sihr) puisqu’il a sélectionné toutes sortes de rouqiya contre cela et notamment les sourates 113 et 114)
On étudiait les intentions et la volonté des âme/esprits au moyen de présages, d’oracles ou de signes, et l’on interprétait ces messages par divination, prédiction, magie, ordalies, ou grâce à l’astrologie.
Ce n’était pas simplement par curiosité que les Anciens comme le roi galate Deiotaros cherchaient ainsi à connaître l’avenir ; ils voulaient surtout éviter la malchance. La divination était une tentative pour l’éviter.
À cette époque, on considérait les rêves comme toujours plus ou moins prophétiques, et tout ce qui sortait de l’ordinaire, comme un présage.
Ainsi naquit une philosophie nouvelle et plus étendue, fondée sur trois notions étroitement liées.
La vérité – la juste compréhension des âme/esprits et l’attitude à cultiver envers eux, donc envers la vie et la mort.
Le devoir – les choses qu’il faut faire pour garder les âme/esprits dans des dispositions favorables, ou tout au moins neutres.
Le bien – la conduite et les cérémonies aptes à mettre les âme/esprits de son côté.
Au début, on crut que la puissance ou le mana d’un objet sacré c’était le fantôme d’un humain décédé ; plus tard, on supposa que des âme/esprits supérieures résidaient dans ces objets sacrés. Les hommes primitifs ont toujours éprouvé le besoin de transformer en objet sacré tout ce qui sortait de l’ordinaire ; le hasard donna donc naissance à beaucoup d’objets sacrés. Les premiers furent des cailloux portant des marques particulières, et, depuis lors, les hommes ont toujours recherché les « pierres sacrées ». Voir la célèbre pierre noire de la Kaaba à La Mecque/ al-ajar al-Asouad.
Les pierres impressionnaient à cause de la manière dont elles apparaissaient subitement à la surface d’un champ cultivé ou d’une prairie. Ces premiers hommes ne connaissaient en effet ni l’érosion ni les autres phénomènes de ce type. Les pierres firent aussi grande impression parce qu’elles ressemblaient souvent à des animaux. L’attention des hommes civilisés fut attirée par de nombreuses formations rocheuses qui, dans les montagnes, ressemblent à des têtes d’animaux et même à des visages humains. Tous les anciens clans et tribus avaient leurs pierres sacrées. Bien des tribus donc eurent des pierres fétiches (exemple les linga en Inde), mais peu de ces fétiches ont survécu, comme la Kaaba et la Pierre de Fal ou Scone.
20
Dans la légende irlandaise du Colloque des Anciens (Acallam na senorach), la pierre de Fal ou de Scone est évoquée comme suit.
Qu’avait donc de remarquable cette pierre de Fal ? demanda Diarmait le fils de Cerball.
Si quelqu’un était accusé de quelque chose, répondit Ossian, et qu’on l’asseyait sur cette pierre, s’il avait dit la vérité, il devenait blanc et rouge, mais s’il avait menti, une tache noire et bien visible apparaissait sur lui.
Quand le vrai roi de Tara s’asseyait dessus, la pierre criait sous ses pieds puis les trois vagues d’Irlande lui répondaient comme en écho : la vague de Cliodna, la vague de Tuaide, la vague de Rudraige.
Quel que soit le roi de province ennemi qui s’asseyait dessus par contre, la pierre rugissait ou grondait sous ses pieds.
Quelle que soit la femme stérile qui s’asseyait dessus, elle se couvrait d’une fine buée de sang noir ; mais quand c’était une femme féconde, elle se couvrait de buée de toutes les couleurs.
Le culte des objets sacrés finit ainsi par incorporer toutes les idées primitives sur les fantômes, les âmes, les esprits, et la possession. Cette doctrine de la possession par une âme/esprit est ce que l’on appelle l’animisme, mais l’homme n’adore pas nécessairement ces objets sacrés ; il adore et révère plus logiquement l’âme/esprit qui habite à l’intérieur. On supposait que les fantômes préféraient habiter un objet qui leur avait appartenu avant leur mort et durant leur incarnation en ce monde.
Les anciens vénéraient toujours les ossements de leurs grands hommes, et nombre de personnes regardent encore les ossements de leurs saints ou de leurs héros avec une crainte superstitieuse. Même aujourd’hui, on fait des pèlerinages sur la tombe de grands hommes.
Cette croyance explique l’efficacité de bien des reliques modernes. Le culte des reliques est une résultante de l’antique culte des fétiches. On considère comme païenne la croyance aux fétiches et à la magie, mais on ne trouve rien à redire aux reliques et aux miracles des saints ou des marabouts ? Le culte des reliques des religions de masse actuelles n’est qu’une tentative de rationalisation du culte des fétiches primitifs.
La tente fétiche des Hébreux fut élevée, par Moïse, au niveau d’un super-fétiche et les israélites n’abandonnèrent jamais la croyance des Cananéens en la force de leurs autels de pierre, ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le noter.
Genèse 28,18. Jacob se leva de bon matin ; il prit la pierre dont il avait fait son chevet, il la dressa pour monument, et il versa de l’huile sur son sommet. Il donna ensuite à ce lieu le nom de Béthel ; mais le lieu s’appelait Luz auparavant.
On croyait alors véritablement que l’esprit de Dieu ou le Démiurge habitait dans ces autels de pierre, qui étaient donc des fétiches.
Les premières images ou idoles furent faites pour conserver l’apparence et la mémoire des morts illustres et ne furent en réalité que des monuments. Les sanctuaires et les temples furent d’abord des tombes et ne devinrent des lieux sacrés que parce que les morts y étaient enterrés.
Ainsi que l’a très bien dit Camille Jullian…
« Une dernière cause de créations religieuses était la crainte ou le respect, l’amour ou le souvenir de certains hommes. Et ces sentiments produisaient le culte des morts et l’apothéose des vivants. Aucun texte, aucun monument ne nous permet d’affirmer que……… »
Les tombes étaient-elles des monuments de culte ou de simples lieux de souvenir ? Je ne sais. Les Celtes, à certaines époques, ont montré un tel mépris de la sépulture et des funérailles que l’adoration des âmes a pu être chez eux une pratique assez tardive, due à l’influence des voisinages gréco-romains.
En revanche, j’ai peine à croire qu’ils n’aient pas doté d’un titre et d’un culte divins ceux des hommes qui s’élevaient au-dessus des autres par leur force, leur courage, leur puissance ou leur sagesse. Comme la Grèce et Rome, la nation a dû avoir ses héros, divinisés après leur mort ou dès leur vivant. Ne célébrait-elle pas avec enthousiasme ses chefs vainqueurs et conquérants, les glorieux faits d’un
21
Ambigat, d’un Bellovèse et d’un Ségovèse ? Elle n’oublia jamais le souvenir des assaillants du Capitole ; les poètes créaient de triomphants ancêtres pour leurs patrons, les guerriers pensaient sans relâche aux louanges de la postérité ; des libérateurs prirent le nom de dieux, et on les crut sur parole, on les jugea invincibles et invulnérables. Autour du cadavre d’un riche on amoncelait, pour lui faire cortège, les cadavres de ses esclaves et de ses clients : il avait, comme Teutatès, ses victimes humaines.……
Cette religion de l’homme divinisé ne se maintenait pas indépendante de celle des forces souveraines. Comme le culte des lieux et des fétiches, celui des héros collaborait à la fortune des grands dieux. – Cet Hercule celte [Ogmios], fondateur d’un peuple et rédacteur de ses lois, protecteur des marchands et des routes, ressemble fort à Teutatès, qui, dit César, a été tout cela. Les Grecs n’auront-ils pas transformé le maître divin du pays en simple héros ? Ou plutôt, les Celtes n’auront-ils pas fini par appliquer à leur dieu national les entreprises d’un de leurs législateurs mythiques, comme les lois de Moïse tournaient à la gloire de Yahweh et passaient pour son œuvre ? – Je crois, d’autre part, que des Génies de l’endroit, dieux de rivières ou de montagnes, se sont confondus avec les esprits de chefs ou d’ancêtres de tribus, ainsi que l’âme d’Énée s’unissait, dit-on, à celle du fleuve Numicius. – Il est possible, enfin, que telle résidence de Teutatès ou d’Ésus ait été à l’origine une tombe vénérable, héroon devenu temple ».
Nos modernes pierres tombales sont donc une survivance des images et symboles que l’on sculptait dans la pierre pour les âme/esprits des compagnons trépassés. Nos ancêtres croyaient en effet qu’une cérémonie de consécration pouvait amener l’âme/esprit en question à entrer dans une statue. De même, lorsque certains objets s’avéraient bénis, dans ce cas, ils devenaient alors des talismans.
22
CINQUIÈME LETTRE DU VIEUX TRÈS-SACHANT DE LA FORÊT ARDENNAISE.
Ceux qui ont essayé de définir l’homo sapiens se sont arrêtés à cette formule : « L’homme est un animal religieux ». Cette définition est très exacte, à la condition de prendre le mot de religion dans son sens le plus général et de n’y point chercher l’expression d’une doctrine théologique analogue à celle des peuples modernes. Dans son principe, la religion est essentiellement un ensemble de freins spirituels qui restreignent l’activité ou la brutalité de l’homme, c’est-à-dire un système de tabous. Les premières législations religieuses sont des recueils de défenses et d’interdictions, dont la plus universelle et la plus ancienne prohibe l’effusion du sang à l’intérieur d’un groupe que les liens de sang ont constitué justement. C’est d’ailleurs ainsi qu’il faut comprendre le (seulement) cinquième des commandements du décalogue : le fait de tuer un innocent. Il est bouffon de croire qu’il s’agissait à l’époque d’une interdiction à valeur universelle et mondiale. Le meurtre qui est visé par ce texte c’est celui du compatriote, du membre du clan. Le meurtre de l’étranger donc par définition d’un ennemi n’était déconseillé que dans la mesure où il pouvait entraîner de fâcheuses vengeances. Cette interdiction de tuer un compatriote était d’ailleurs toute relative puisque Lévitique 20 dresse la longue liste des exceptions entraînant la peine de mort par lapidation.
Mais les entraves mises par la superstition à l’énergie de l’homme protègent de ladite énergie tous les domaines où elle peut s’exercer ; les tabous portent à la fois sur le règne humain, le règne animal et le règne végétal, que le « sauvage », nécessairement animiste, est incapable de distinguer avec précision. Or, dans la mesure où le système des anciens tabous concerne les relations de l’homme avec l’homme, il forme le noyau du droit familial et social, de la morale et de la politique ; dans la mesure où il concerne le monde animal et végétal, il constitue le totémisme. Le totémisme, c’est-à-dire l’ensemble des prohibitions qui mettent un frein à l’activité humaine dans ses relations avec les animaux et les végétaux ; n’est pas seulement un corollaire obligé du droit et de la morale à leurs débuts, mais se confond avec eux ; exactement comme, aux yeux du primitif et même de l’enfant, hommes, animaux et végétaux ne forment qu’un seul règne, où circule le même esprit vital.
Nous avons dit que les tabous les plus anciens ne protègent que les membres d’un clan ; même dans le Décalogue, les mots « Tu ne tueras point » n’ont pas la portée générale que nous leur attribuons aujourd’hui, même en théorie.
Ce qu’il signifiait à l’origine c’est « tu ne tueras pas ton frère ton voisin le membre de ton clan, mais l’étranger ou l’ennemi qui vit de l’autre côté de la dune de la montagne ou de rivière, tu pourras lancer des expéditions contre lui, lui voler ses biens son bétail ou ses femmes ».
Les tabous tutélaires en vigueur dans le clan humain furent étendus au clan animal ou végétal qu’il s’agrégeait de la sorte et dont il attendait aide et protection. Ainsi s’explique, pour ainsi dire a priori, le pacte fondamental qui constitue le totémisme et qui n’est que l’extension du tabou universel et primitif : « Tu ne tueras point de membre de ton clan ».
Il n’y a pas de civilisation immuable même chez les peuples à évolution intellectuelle très lente, les idées religieuses d’aujourd’hui ne sont pas celles d’hier, y compris dans le judaïsme, le judaïsme d’aujourd’hui (le pharisaïsme des tannaïm) étant très différent de l’hébraïsme d’hier. Aussi ne pouvons-nous pas nous flatter de connaître le totémisme primitif, mais seulement des survivances plus ou moins altérées de ce totémisme primitif. À cet égard, il n’y a qu’une différence de degré entre les indices que nous fournit l’Antiquité classique et les récits détaillés des voyageurs qui ont étudié le totémisme chez les « sauvages » modernes. Toutefois, si l’on se borne aux faits le plus souvent observés chez ces derniers, il est possible de composer une sorte de Code totémique ; dont les articles (usages ou croyances) se retrouvent, en plus ou moins grand nombre, dans les religions des peuples classiques comme dans les autres. Il y a là comme une vérification expérimentale de l’universalité primitive du totémisme ; car si l’arbre se reconnaît à ses fruits, alors il n’est pas moins certain que l’identité d’origine des doctrines s’affirme par celle des usages fossilisés qui en sont les conséquences logiques.
Constat.
1. Certains animaux ne sont ni tués ni mangés, mais les hommes en élèvent des spécimens et leur donnent des soins.
Tels sont l’oie, la poule et le lièvre chez les Celtes de [Grande] Bretagne ; l’ours chez les Aïnous (dont les femmes allaitent parfois des oursons), le chien chez les Kalangs de Java, l’aigle chez les Moquis
23
de l’Arizona. Dans les pays helléniques, il y a de fréquents exemples d’animaux tabous que l’on nourrit et que l’on élève en les considérant comme la propriété d’une divinité : telles sont les génisses consacrées à Perséphone, à Cyzique ; les ours, les aigles, les chevaux et les bœufs à Hiérapolis ; les oies de Junon sur le Capitole à Rome, et ainsi de suite.
Le nom d’esclave Luguselva signifie par exemple « propriété du dieu ou démon Lug », mais il est évident que l’idée de propriété divine est secondaire ; et n’a pu naître qu’à une époque où un sacerdoce organisé gérait à son profit les propriétés attribuées au dieu-ou-démon.
2. On porte le deuil d’un animal mort accidentellement et on l’enterre avec les mêmes honneurs que les membres du clan. Le fait que plusieurs de ces animaux ne sont pas domestiques, mais nuisibles, exclut l’hypothèse, d’ailleurs invraisemblable a priori, d’un culte de reconnaissance.
3. L’interdiction alimentaire ne porte quelquefois que sur une partie du corps d’un animal.
Chez les Indiens Omaha, les membres du clan des Épaules noires ne doivent pas manger de langues de buffle ; le clan de l’Aigle ne doit pas toucher à une tête de buffle ; le clan Hanga ne doit pas manger de côtes de buffle, et ainsi de suite. Ces tabous partiels sont des compromis, nés de nécessités pratiques, avec l’interdiction absolue qui est primitive.
Une tribu californienne, rapporte Frazer, qui rendait un culte au busard, célébrait annuellement une fête dont la cérémonie essentielle consistait à tuer un busard sans perdre une goutte de son sang ; on l’écorchait ensuite, on gardait les plumes pour en faire un vêtement sacré destiné à l’homme-médecine, et l’on enterrait le corps dans un terrain lui-même sacré.
Ainsi s’explique le rituel des Bouphonia d’Athènes ; le bœuf, en mangeant les gâteaux sacrés, va lui-même au-devant de la mort, et le procès fictif que l’on intente après son immolation aboutit à la conclusion que le couteau seul est coupable ; à la suite de quoi on le jette à la mer. À Ténédos, le prêtre qui offre un jeune taureau à Dionysos est poursuivi à coups de pierres ; à Corinthe, le sacrifice annuel d’une chèvre à Héra Akraia, était accompli par des ministres du culte étrangers, engagés à cet effet, ceux-ci s’arrangeaient pour placer le couteau de telle sorte que la victime paraisse se tuer elle-même par accident. Les Thébéens, dit Hérodote, regardent les béliers comme sacrés, donc ne les immolent point, excepté le jour de la fête de Zeus. C’est le seul jour de l’année où ils en sacrifient un ; après quoi on le dépouille et… l’on revêt de sa peau la statue de Zeus… Cela fait, tous ceux qui sont autour du temple se frappent la poitrine, en déplorant la mort du bélier.
Le parallélisme de ces deux récits est frappant. Dans Hérodote, la peau de l’animal est placée sur la statue du dieu-ou-démon ; mais ce détail du rite ne peut être primitif, puisque les statues de divinités ne remontent pas vraiment à une antiquité très haute. Il est probable qu’à l’origine la dépouille de l’animal était réservée au sacrificateur ou au prêtre, équivalent de l’homme-médecine de la tribu californienne.
Les lamentations des femmes de Syrie sur la mort d’Adonis n’ont pas une explication différente, bien que le rituel primitif des Adonies nous soit mal connu. L’objet de ces lamentations, à la suite du sacrifice annuel du totem, paraît avoir été d’atténuer, ou de rejeter, la responsabilité encourue. La mort du dieu-ou-démon est pleurée, alors même que sa résurrection prochaine ne fait pas de doute ; c’est là un fait d’une constatation trop facile pour qu’il faille y insister.
4. Les hommes revêtent la peau de certains animaux, en particulier dans les cérémonies religieuses ; là où le totémisme existe, ces animaux sont des totems.
Les exemples fournis par l’Antiquité classique sont nombreux, encore qu’il n’y ait là que présomption de totémisme.
On rapportait que Zamolxis, à sa naissance, avait été enveloppé d’une peau d’ours.
On revêtait d’une peau de faon les candidats et les aspirants à l’initiation aux mystères de Sabazios ; les petites filles attiques de cinq à dix ans étaient appelées ourses, et célébraient, vêtues en ourses, le culte d’Artémis de Brauron, déesse-ou-démone ursine ; les pèlerins partant pour Hiérapolis sacrifiaient un mouton, le mangeaient puis se couvraient de sa peau.
Chez les Tlinkits de l’Amérique du Nord, les hommes apparaissent, dans les occasions solennelles, déguisés en animaux totems. Les clans du condor au Pérou se parent des plumes de cet oiseau. Chez les Indiens Omaha ayant pour totem le buffle, les garçons portent deux boucles de cheveux imitant des cornes. Chez les Slaves du Sud, l’enfant mâle, à sa naissance, est revêtu de la dépouille d’un loup, et une vieille femme, sortant de la maison, s’écrie : « Une louve a mis bas un loup ».
Nous avons déjà mentionné le rite égyptien consistant à revêtir la statue du dieu-ou-démon thébain de la dépouille du bouc sacrifié, en faisant observer qu’à l’origine c’est le prêtre, et non la statue, qui devait être déguisé ainsi. Robertson Smith a ingénieusement supposé que l’usage si répandu de revêtir la peau de l’animal sacrifié, a donné naissance aux types plastiques de dieu-ou-démon à corps d’animal comme le cheval ou le sanglier ; l’hypothèse est d’autant plus acceptable que le texte d’Hérodote permet d’admettre une période de transition, où la dépouille de la bête était jetée non pas sur le sacrificateur, mais sur l’image d’une divinité.
24
5. Les clans et les individus prennent des noms d’animaux ; là où le totémisme existe, ces animaux sont des totems.
Le fait s’avère presque constant chez les Indiens d’Amérique du Nord ; il y en a aussi de nombreux exemples en Australie. En Égypte, les noms d’animaux donnés aux nomes ou districts paraissent bien être ceux d’animaux totems. Dans le monde hellénique, on peut citer des clans comme les Porcii de Rome, les Hirpi (loups) du Samnium, des peuples comme les Myrmidons (fourmis), les Mysiens (souris), les Lyciens (loups), les Arcadiens (pour Arctadiens, ours). Le cas des Arcadiens est d’ailleurs particulièrement intéressant, parce que nous savons qu’il existait dans ce pays un culte d’Artémis ursine, Callisto, qui fut changée en ourse par Héra.
Lubbock et Spencer ont admis que l’habitude, fréquente chez les primitifs, de prendre le nom d’un animal, a donné naissance au totémisme : les petits-fils du guerrier serpent se seraient persuadés qu’ils descendaient vraiment d’un animal ainsi désigné.
Cette explication présuppose à tort que l’idée de la descendance est le facteur essentiel du totémisme ; alors qu’elle n’est qu’une hypothèse de primitif, destinée à rendre compte de l’ancienne alliance qui existe entre son clan et un clan d’animaux. La facilité avec laquelle les hommes prennent et reçoivent des noms d’animaux est un effet, non une cause du totémisme.
6. Nombre de clans font figurer des images d’animaux sur leurs enseignes et sur leurs armes ; nombre d’hommes les peignent sur leurs corps ou les y impriment, par tatouage.
Dans le monde antique, nous voyons le loup figurer sur les enseignes romaines, le sanglier sur les enseignes celtes ; alors que d’autres motifs nous portent à croire que le loup et le sanglier ont été des totems chez les Romains et chez les Celtes.
Comme les enseignes précèdent toujours les troupes en marche, il est probable que l’animal-enseigne représente l’animal-augure et l’animal-guide dont nous aurons à nous occuper tout à l’heure.
En Égypte, l’épervier, qui décore les bannières royales, est sans doute le totem de la famille qui a instauré la royauté dans ce pays.
7. Les animaux totems, lorsqu’ils sont dangereux, passent pour épargner les membres du clan totémique, mais seulement ceux qui appartiennent à ce clan par la naissance.
Cette croyance est à l’origine des ordalies totémiques, dont l’Antiquité classique offre des exemples. Chez les Bechuanas du Botswana, il existe un clan du Crocodile qui prononce l’exclusion de l’homme qui a été mordu par un de ces animaux, ou même seulement mouillé par l’eau que le coup de queue d’un crocodile aurait projetée. Il convient peut-être aussi d’assimiler à une ordalie totémique l’exposition de Romulus et de Rémus, fils du loup Mars, que la louve reconnaît comme siens, en les épargnant.
8. Les animaux totems secourent et protègent les membres du clan totémique.
On racontait en Égypte qu’un ancien monarque avait jadis été sauvé par un crocodile qui lui avait fait traverser sur son dos le lac Mœris. Les légendes grecques sur des animaux secourables, comme le dauphin d’Arion, le renard d’Aristomène, n’ont probablement pas d’autre origine ; il faut expliquer de même les traditions si nombreuses qui mentionnent des personnages de la Fable nourris par des animaux.
9. Les animaux totems annoncent l’avenir à leurs fidèles et leur servent de guides.
On peut rappeler à ce propos le lièvre prophétique de Boadicée (Boudicca), reine de [Grande] Bretagne, dans un pays où, du temps de César, le lièvre était nourri, mais non mangé, c’est-à-dire traité comme un totem ; et aussi l’histoire de ce loup qui servit de guide à des colons samnites pour la fondation d’une colonie. Ce dernier exemple est d’autant plus intéressant que les Samnites en question s’appelaient Hirpins, du mot hirpus qui signifie loup dans la langue du Samnium ; il est donc très vraisemblable qu’ils reconnaissaient le loup pour totem.
Chez les Grecs et les Romains, on peut seulement supposer que les animaux d’augure sont d’anciens totems ; mais, en Égypte, Diodore nous dit formellement que l’épervier, totem de la lignée royale, est vénéré parce qu’il prédit.
Cet usage des animaux totems comme animaux d’augure est probablement très ancien. Les hommes durent s’apercevoir très tôt que les sens des animaux étaient plus aiguisés que les leurs ; et il n’est pas surprenant qu’ils aient alors demandé à leurs totems, c’est-à-dire à leurs alliés naturels ; de leur signaler les périls qu’ils ne pouvaient soupçonner eux-mêmes, ou les avantages naturels (en particulier les sources) dont les animaux semblent avoir le pressentiment. La divination par les animaux n’a peut-être pas d’autre origine, et cette hypothèse explique pourquoi les animaux d’augure paraissent avoir été, à une époque antérieure, à la fois guides, augures et totems.
10. Les membres d’un clan totémique se croient très souvent apparentés à l’animal totem par le lien d’une descendance commune.
Nous énumérons en dernier lieu ce caractère, que d’autres ont considéré comme essentiel, parce qu’il ne constitue, à notre avis, qu’une hypothèse suggérée aux totémistes par des tabous dont l’origine
25
leur échappait ; ou peut-être par les désignations traditionnelles de leurs clans. Toutefois, comme cette tentative d’explication est fort ancienne, il en subsiste des traces dans l’Antiquité classique.
Les noms celtes dont la première partie désigne un animal et qui se terminent par – genos, ou – gnatos, marquant une filiation surnaturelle, comme Matugenos (fils de l’ours), Brannogenos (fils du corbeau), Boduognatos (fils de la corneille) ; ne sont eux-mêmes que les reflets de traditions qui associaient le culte d’un animal à une famille.
Les Ophiogènes de Parium, dont le totem était le serpent, se croyaient, comme leur nom l’indique, issus d’un ancêtre serpent. Strabon rapporte une fable d’Égine d’après laquelle les Myrmidons seraient des fourmis transformées en hommes à la suite d’une peste qui avait dépeuplé toute l’île. Cette légende a certainement pour origine le nom même des Myrmidons, qui signifie fourmis ; inversement, le nom des Ophiogènes doit traduire une légende généalogique inventée pour expliquer la familiarité de ces hommes avec des serpents.
En partant des données de l’ethnographie australienne, Durkheim a fait du totémisme la forme la plus élémentaire de la vie religieuse. Que dans les religions celtiques donc dans certaines Écoles druidiques l’on puisse retrouver une composante totémiste, ou même animiste, est indéniable. L’animal est un alter ego, un double cosmique de l’Homme ; il peut être lié à un clan ou un peuple, par un pacte mythique exigeant respect voire protection, réciproques. L’animal fait parfois fonction de support passager de l’âme/esprit humaine lors du passage dans l’autre monde (on dit alors qu’il est psychopompe) ; l’homme peut aussi revêtir sa forme dans diverses métamorphoses. Il est toujours l’objet privilégié des sacrifices. L’animal peut enfin être en relation de filiation avec l’homme, ce qui caractérise le totémisme. Rappelons néanmoins avant de poursuivre plus en avant dans cette étude que le druidisme n’a quand même pas pour fondement principal ce genre de croyances, et le côté religieux du totémisme y est peu développé. Celui-ci fournit surtout un principe de mise en ordre de l’univers, de classification et de sériation de groupes humains, des animaux et des choses, donnant naissance à tout un système de correspondances symboliques et d’interdits.
La différence essentielle entre le totem et le fétiche est que ce dernier mot désigne un objet individuel ; tandis que le totem est une classe d’objets considérés, par les membres du clan ou de la tribu, comme tutélaires, au sens le plus large de ce terme. Prenons par exemple le cas d’un clan ayant pour totem l’ours. Les membres de ce clan se qualifieront d’ours, raconteront qu’ils descendent d’un ours, s’abstiendront de tuer les ours, élèveront des ours familiers, s’en serviront pour interroger l’avenir, se croiront à l’abri des attaques d’ours, et ainsi de suite.
Dès le début du XVIIIe siècle, les missionnaires furent frappés par l’importance des totems dans la vie religieuse, sociale et politique, des indigènes d’Amérique du Nord. L’un d’eux eut même l’idée, vraiment géniale pour l’époque, d’appliquer les faits de totémisme qu’il étudiait chez les Iroquois qu’il avait sous les yeux, à l’interprétation d’un type figuré de la mythologie grecque, celui de la Chimère.
Pendant les deux premiers tiers du XIXe siècle, missionnaires et voyageurs recueillirent un peu partout des faits analogues à ceux que l’on avait observés au XVIIIe siècle en Amérique.
On s’aperçut également que des faits de même ordre avaient jadis été signalés au Pérou dès le XVIe siècle et, bien plus anciennement, par les écrivains de l’Antiquité classique, Hérodote, Diodore, Pausanias, Élien, ou d’autres. Vers 1885, la question fut reprise, avec plus de savoir et de critique, par Robertson Smith et Frazer ; elle n’a pas cessé, depuis, d’être à l’ordre du jour.
Le caractère fondamental du totémisme animal est l’existence d’un pacte mal défini, mais de nature religieuse, entre certains clans d’hommes et certains clans d’animaux.
Bien que des faits ou des survivances de totémisme aient pu être constatés, au XVIIIe et au XIXe siècle, dans toutes les parties du monde ; on peut poser que le totémisme n’a subsisté, que là où la civilisation est restée rudimentaire, en particulier là où la domestication des animaux n’a fait que peu de progrès. En effet, si le totémisme crée un lien entre les animaux et l’homme, l’effet naturel de ce lien est souvent funeste au totémisme qui l’a créé ; il y a là un processus paradoxal en apparence, mais en vérité simple et logique, qui a été bien mis en lumière par F. B. Jevons.
Soit, en effet, un groupe de clans totémiques qui apprivoisent des ours, des serpents ou des aigles, parce qu’ils reconnaissent dans ces animaux une puissance surnaturelle qu’ils veulent se concilier. Si ces animaux ne se prêtent guère à la domestication, la même situation pourra subsister pendant des siècles. Si l’un de ces animaux est comestible, on en viendra peut-être à le manger dans certaines réunions périodiques du clan, où il s’agira de renouveler l’alliance par une sorte de communion de commensalité « devogdonion », avec les dieu-ou-démons ; mais l’on ne sera pas néanmoins tenté de multiplier les repas de ce genre, parce que l’animal, demeuré sauvage, ne sera pas continuellement à la portée de l’homme, et que le nombre des individus apprivoisés sera nécessairement très restreint.
26
Par contre, supposons des clans ayant pour totems le taureau, le sanglier, le mouton ; certains couples de ces espèces commenceront par s’apprivoiser, puis se multiplieront dans le voisinage immédiat des clans humains ; les sacrifices périodiques des totems, et les banquets faisant suite à ces sacrifices, tendront naturellement à devenir de plus en plus fréquents, tout en perdant, à la longue, quelque chose de leur caractère religieux pour prendre celui de simples ripailles. Lorsque les animaux en question seront vraiment domestiqués, formeront de grands troupeaux gardés par des chiens, sans cesse en contact avec les hommes ; la tradition des sacrifices périodiques et des banquets communs se maintiendra, mais, dans la pratique, les hommes se nourriront de plus en plus de la chair des animaux ; et cesseront donc de leur témoigner un grand respect. Le clan animal n’est plus l’objet d’un culte ; ce qui reste du sentiment primitif se reporte sur des animaux isolés, considérés comme divins, comme le bœuf Apis, le bouc de Mendès, le crocodile du lac Moeris, le lion de Léontopolis, en Égypte. La défense de tuer des animaux de certaines espèces subsistera néanmoins à l’état de tabou, c’est-à-dire d’interdiction non motivée, ou motivée après coup par des considérations d’un ordre totalement différent (hygiéniques, par exemple). C’est ce qui se constate encore chez les musulmans et chez les juifs.
Mais le facteur essentiel de la ruine du totémisme est la constitution de panthéons, c’est-à-dire la mythologie.
À la conception des clans divins se substitue celle de divinités individuelles, dont les généalogies et les légendes, fixées par les prêtres et les poètes ; reflètent tantôt des traditions totémiques, tantôt des phénomènes atmosphériques, tantôt des conceptions symboliques, tantôt enfin – car il y a du vrai dans tous les systèmes proposés – des confusions ou des combinaisons purement verbales. La religion émigre de la terre vers le ciel ; mais elle ne perd pas, pour cela, contact avec la terre. Après le relâchement de son alliance avec les clans d’animaux, l’homme répartit ses clans dans la clientèle de ces nouveaux dieu-ou-démons. À ces dieu-ou-démons, dont le nombre est rapidement réduit par la sélection et le syncrétisme, se trouvent alors rattachées, par des liens assez vagues, plusieurs espèces d’animaux. Il arrive aussi qu’une même espèce animale soit mise, par le rituel et la légende, en rapport avec plusieurs dieu-ou-démons différents, parce que deux ou plusieurs clans, ayant le même totem, l’ont attribué chacun à un dieu-ou-démon différent.
Dans la mythologie classique gréco-romaine, Jupiter est à la fois l’aigle, le taureau et le cygne ; en revanche, le loup est à la fois l’animal d’Apollon et celui de Mars, le taureau représente Jupiter aussi bien que Dionysos, le dauphin appartient à Apollon comme à Neptune. Il serait facile de multiplier ces exemples.
Observons, avant d’aller plus loin, que ces animaux – attributs, compagnons, montures ou victimes favorites des dieu-ou-démons – s’offrent à nous, jusqu’à la fin de la mythologie antique, avec la marque distinctive des totems ; en ce que leur caractère sacré réside non dans l’individu, mais dans l’espèce. Ce n’est pas un aigle particulier qui est l’oiseau de Jupiter ni un loup particulier qui est le compagnon de Mars : c’est un aigle, un loup quelconque, représentant l’espèce à côté de divinités individuelles. La vieille idée de la sainteté du clan animal s’est donc conservée, pour ainsi dire, à l’abri de la sainteté du dieu-ou-démon.
Si la mythologie contribue à faire disparaître le totémisme en l’absorbant, il ne faut pas oublier qu’elle lui doit en partie son origine. Dans la mythologie grecque, par exemple, il n’y a pas seulement des animaux totems associés à des dieu-ou-démons, mais de nombreuses légendes relatives à la transformation de dieu-ou-démons en animaux. Ces métamorphoses de la Fable sont autant d’expédients poétiques par lesquels on a fait entrer, dans le cycle d’une légende divine, une légende animale antérieure. Ainsi, Zeus prend-il la forme d’une oie ou d’un cygne pour séduire Léda, qui met au monde un œuf. Cette fable a dû naître dans un groupe de tribus qui avaient le cygne pour totem, lui attribuaient un caractère sacro-saint ; et admettaient – vu la parenté supposée du clan animal avec le clan humain – qu’un cygne pouvait s’accoupler avec une femme et la féconder. Quand le totémisme tendit à disparaître, la légende subsista ; mais pour que l’amant à plumes de Léda restât divin, il fallait que la tradition mythologique le représentât comme l’incarnation d’un dieu-ou-démon. Ainsi la métamorphose n’est-elle pas une donnée primitive de la mythologie, mais une hypothèse semi-rationaliste pour accommoder les restes du totémisme au goût de l’anthropomorphisme naissant.
La répartition des totems des clans humains entre les dieu-ou-démons des tribus et des peuples, ne s’est pas faite en un jour ; elle a dû subir l’influence de circonstances multiples, alliances, guerres, synœcismes, que nous ne pouvons évidemment plus démêler. Un des facteurs les plus importants paraît avoir été le rituel du sacrifice, éminemment conservateur comme tous les rituels.
Soit un clan ayant le taureau pour totem et habitué à sacrifier périodiquement un tel animal. Quand s’ouvrira pour lui l’ère des divinités individuelles, le taureau deviendra l’attribut de son dieu-ou-démon principal, et on l’offrira en sacrifice à ce dieu-ou-démon ; non sans conserver un souvenir plus ou moins précis de la divinité de la victime elle-même. De cette combinaison d’une idée ancienne avec
27
une idée nouvelle naîtra celle du sacrifice du dieu-ou-démon anthropomorphe, appelée à jouer un si grand rôle dans l’histoire religieuse de l’Humanité. Cette conception est particulièrement marquée dans le culte du Dionysos thrace, Zagreus, qui, suivant la légende née du rituel, avait jadis été dépecé puis dévoré par les Titans, sous la forme d’un jeune taureau, qu’il aurait revêtue pour leur échapper. Tant que la divinité résidait dans l’espèce et non dans l’individu, les sacrifices de ce genre pouvaient se renouveler indéfiniment ; chaque taureau que l’on tuait puis dont on se partageait les membres sanglants était comme un nouveau vase d’élection dont le sacrifice laissait subsister, dans l’espèce animale, un réservoir de sainteté inépuisable. Mais quand la divinité, jusque-là diffuse, se concentra dans un individu particulier, l’idée de l’immolation du dieu-ou-démon ne devint acceptable qu’à la condition d’admettre, comme correctif, la résurrection du dieu-ou-démon en question. C’est précisément ce que l’on trouve dans la légende de Dionysos-Zagreus qui, dévoré par les Titans, ancêtres des hommes, est rendu à une vie glorieuse par Jupiter.
En général, cependant, l’anthropomorphisme eut pour résultat d’affaiblir l’idée de l’immolation du dieu-ou-démon pour fortifier celle de l’immolation de la victime, offerte au dieu-ou-démon à titre de présent ou d’expiation. Cette idée n’est pas primitive, puisque celle des dieu-ou-démons individuels ne l’est pas, et que l’anthropomorphisme, dont elle est inséparable, marque dans l’histoire des religions une phase assez récente. Toutefois, dès l’époque d’Homère et d’Hésiode, elle avait prévalu en Grèce si complètement que l’on n’en connaissait plus d’autres, sinon à l’état de survivances mystiques. Là donc où l’on rencontre des rites impliquant la croyance en la mort d’un dieu-ou-démon, les lamentations dont cette mort est le signal, puis la joie exubérante qui salue sa résurrection en chair et en os, on est en présence de vestiges de totémisme. C’est ce qu’il serait facile de montrer en analysant le rituel des fêtes d’Adonis ; que la légende fait mourir du fait d’un sanglier, animal resté tabou en Syrie, mais qui, à l’origine, est le sanglier totem lui-même, objet d’un sacrifice annuel de communion de type repas de commensalité « devogdonion ».
N.B. La ressemblance avec le sacrifice du christ Jésus s’arrête là.
À l’époque totémique, l’homme n’offre pas de victimes à ses dieu-ou-démons ou à leurs prêtres, parce qu’il ne connaît encore ni dieu-ou-démons ni prêtres. Le clan se sanctifie, il renouvelle sa provision de sainteté en mangeant, suivant les rites, un animal totem. Ce besoin survécut à la phase de totémisme strict, et cela sous deux formes. Parfois, un animal totem, considéré comme animal impur, continuait à être mangé rituellement. C’est ce qui devait se passer dans certains groupes mystiques de Jérusalem, si l’on en croit le passage suivant d’lsaïe (66, 17). « Ceux qui se sanctifient et se purifient dans les jardins, au milieu desquels ils vont un par un, qui mangent de la chair de porc, des choses abominables, et des souris, tous ceux-là périront dit l’Éternel ». Ces nourritures interdites devaient déjà joue le rôle des potions magiques que l’on retrouve dans toutes les pharmacopées de sorcière, et qui passent généralement pour d’autant plus efficaces que les ingrédients sont plus dégoûtants et plus horribles ; mais l’idée de sanctification et de purification est encore nettement soulignée par ce texte, car la coutume contre laquelle Isaïe s’élève avec énergie n’est qu’un vestige du passé religieux le plus lointain.
En second lieu, quand le besoin de se sanctifier ne fut plus en mesure de se satisfaire aux dépens d’un animal, dépossédé de son prestige par suite de la décadence du totémisme ; il devint inévitable qu’il se tournât vers l’homme lui-même, homo res sacra homini. De là, les sacrifices humains accompagnés d’actes de cannibalisme, qu’il faut bien considérer comme des succédanés du sacrifice totémique. Il y en a des traces nombreuses chez les auteurs classiques, bien qu’en général ce cannibalisme se limite à goûter le sang de la victime ou une petite partie de son corps. Les textes les plus importants à cet égard sont ceux de Platon et de Pausanias sur le culte de Zeus Lykaios en Arcadie, où l’on a voulu, bien à tort, voir un Baal phénicien. Ce culte a pris la suite d’un culte totémique du loup, qui comportait le sacrifice rituel de l’animal et un banquet, par l’effet duquel les fidèles croyaient s’assimiler la sainteté de la victime, et devenir eux-mêmes des loups divins. Quand le loup totem eut été remplacé par le Zeus lupin, on conserva les rites ; mais la victime fut un homme consacré au dieu-ou-démon ; les fidèles, après avoir goûté sa chair, croyaient être transformés en loups et se donnaient le nom de lykoi, de la même façon que les dévotes de Bassareus (le Dionysos-renard) devenaient des Bassarides, et celles de l’Artémis ursine des Arktoi.
Ci-dessous passage retrouvé barré dans le manuscrit original.
N.B. Nos sociétés ont tenté de compenser d’une certaine façon la disparition de la religion au sein de l’espace public par le vedettariat. La passion que déchaînent certaines vedettes peut tout à fait être assimilée à de l’idolâtrie, certains admirateurs consacrant un véritable culte à leurs « nouveaux dieu-ou-démons ». Cette forte médiatisation de certains individus, en apparence anodine, occupe désormais le même rôle que naguère le fait religieux, et véhicule un exemple d’individualisme forcené en parfaite adéquation avec la société de consommation actuelle.
28
TROISIÈME LETTRE DU DRUIDE RÉMI.
…………… La croyance en un quelconque monothéisme primitif du type Adam et Eve ou Abraham est évidemment une fable, simpliste et anti-scientifique, mais lourde de conséquences, car elle fait peser sur nos malheureux ancêtres le soupçon de l’avoir volontairement trahi et abandonné (d’où les réactions épidermiques des musulmans pieux à l’encontre des polythéistes ou des croyants ne faisant pas partie de la communauté des gens d’un seul livre).
Le mental antique était handicapé par le manque de faits constatés, mais en dépit de tout cela, il restait quand même logique. Nous avons tous le même cerveau depuis au moins 100 000 ans. Et quand des hommes réfléchissent à la maladie et à la mort, ils entreprennent toujours de déterminer les causes de ces malheurs, conformément à leur compréhension du Bitos ou de l’univers.
Il est en effet toujours plus facile de raisonner à partir d’hypothèses établies (même arbitrairement) que dans un système d’équations à multiples inconnues. Il ne faut donc pas perdre de vue que la croyance en des puissances de la nature vient de la peur de l’inexplicable. Les sociologues considèrent que le besoin de Dieu ou du Démiurge a sa source dans la peur qu’éprouve l’Homme face à l’inconnu et aux forces de la nature qui le dépassent. Les premières croyances se traduisirent donc par l’animisme. Pour limiter l’emprise de la peur sur leur vie, les hommes attribuèrent une personnalité aux éléments de la nature (volcan, pluie, fleuve, océan…) en pensant que si leur action satisfaisait « les âme/esprits », alors ils seraient protégés. Au fil des millénaires, ces croyances primitives se sont complexifiées pour engendrer des religions polythéistes aux panth-éons extrêmement complexes.
L’Homme moderne attaque directement ses problèmes matériels ; il reconnaît que la matière est docile et répond aux manipulations intelligentes du mental. L’homme primitif désirait, lui aussi, modifier, et même contrôler, la vie et les énergies du domaine physique ; mais sa compréhension limitée du cosmos le conduisit à croire que les dieu-ou-démons s’occupaient personnellement et immédiatement du contrôle détaillé de la vie et de la matière. Il orienta donc logiquement ses efforts dans le but de gagner la faveur et le soutien de ces agents suprahumains.
Une grande partie des éléments inexplicables et irrationnels des anciens cultes devient dès lors compréhensible. Les cérémonies du culte étaient des tentatives des hommes de cette époque pour contrôler le monde matériel dans lequel ils se trouvaient. Une bonne partie de leurs efforts tendait à prolonger la vie et à assurer la santé.
Toute la vie des Anciens était axée sur la prophylaxie ; leur religion était, dans une large mesure, une technique pour prévenir les maladies. Indépendamment de l’erreur de leurs théories, ces hommes étaient sincères en les mettant ainsi en œuvre. Ils avaient une foi illimitée dans leurs méthodes de traitement, et ce seul facteur était d’ailleurs déjà en lui-même un puissant remède (effet placebo). On traitait la maladie en psalmodiant, en hurlant, en imposant les mains, en soufflant sur le patient et par bien d’autres techniques.
Les très-sachants de l’époque apprirent à réduire les fractures et les luxations, à ouvrir les furoncles et les abcès.
Il ne fallut pas longtemps pour introduire également dans ces traitements les plantes médicinales et d’autres vrais médicaments de ce type. Le massage se développa, en liaison avec les incantations, pour chasser du corps l’âme/esprit maléfique, par frottement ; il fut précédé par des efforts pour introduire des médicaments également par frottement, semblables aux tentatives modernes pour faire pénétrer des liniments. Les primitifs découvrirent aussi que la chaleur soulageait la souffrance ; ils utilisèrent les rayons du soleil, des organes d’animaux fraîchement tués, de l’argile chaude, des pierres chauffées. L’eau fut également utilisée pour le traitement d’un grand nombre de maladies. On crut pendant longtemps que l’âme/esprit causant la maladie pouvait être éliminée par la transpiration. On accorda beaucoup de crédits aux bains de vapeur. Des stations de cure primitives fleurirent autour des sources thermales naturelles.
Plus tard dans les sanctuaires, on eut recours au sommeil durant lequel on supposait que la guérison avait lieu, et cette coutume se généralisa. Il y avait d’ailleurs des très-sachants qui, tout en opérant comme prêtres, ont aussi travaillé comme médecins voire chirurgiens. Les très-sachants finirent en effet par essayer de véritables opérations chirurgicales liées au sommeil ; la trépanation avec une tarière (tarinca), pour permettre la fuite d’une âme/esprit causant le mal de tête, fut l’une des premières opérations. On a retrouvé en Allemagne dans une tombe exhumée à Obermenzing en
29
Bavière, le corps d’un homme qui fut vraisemblablement un très-sachant chirurgien, vivant vers l’an 200 avant notre ère. Il avait bien été enterré avec une épée, une lance et un bouclier, mais c’était avant tout un médecin et non un guerrier ; puisque l’on a trouvé dans sa tombe un trépan (permettant de retirer du crâne de petites sections d’os afin d’alléger la pression exercée par la boîte crânienne sur le cerveau), une sonde et un écarteur. Cf José Maria de Navarro et son étude sur la tombe d’un chirurgien de la Tène trouvée en Bavière, publiée en 1955 par la Société préhistorique.
À mesure que la religion évoluait, les prêtres commencèrent à se spécialiser selon leurs talents innés ou leurs prédilections particulières. Certains devinrent chanteurs, d’autres prieurs et d’autres encore sacrificateurs ; plus tard vinrent les orateurs et les prédicateurs.
30
QUATRIÈME LETTRE DU TRÈS-SACHANT ARÉMI.
À PROPOS DU BEAU DANUBE BLEU.
……… Le couple Montagne et Fleuve, a toujours été le thème central de bien des légendes cosmogoniques, y compris jusqu’en Chine. Au cœur même du berceau du peuple celte, dans la même région que la source du Danube, Aviénus nous parle d’une montagne appelée « colonne du soleil » (solis columna. Le Dammastock). Une colonne localisée par notre auteur aux sources du Rhône, mais vu l’époque (le sixième siècle avant notre ère) on peut se demander s’il n’y a pas eu confusion ? Hérodote plaçait bien la source du Danube dans les Pyrénées, alors ?
Aviénus. Ora maritima.
Beaucoup de considérations diverses nous ont incités à parler longuement du Rhône,
Mais mon esprit ne sera jamais disposé à dire que l’Europe et la Libye ne sont séparées que par ces eaux,
Même si Philée, un vieil auteur grec, a jadis rapporté que telle était l’opinion des habitants de la région.
On ne peut que dédaigner voire moquer cette barbare ignorance ou du moins lui donner le nom qu’elle mérite……
Les Alpes élèvent dans le ciel leurs crêtes neigeuses à l’est,
Et les champs de la campagne celte sont coupés par ses hauteurs rocheuses.
Les vents y soufflent toujours en tempête.
Le Rhône vient de là et après avoir jailli de sa source
Coupe à travers une caverne béante avec une force sauvage.
Il est navigable à partir de sa source, dès son apparition à l’air libre.
Le flanc abrupt de la montagne qui donne naissance au fleuve
Est appelé « Colonne du Soleil » par les natifs du lieu [le Dammastock ?].
Car il s’élève si haut dans le ciel
Que le soleil de midi est à peine visible
À cause de la barrière que forme en permanence son arête
Quand il s’approche des limites du septentrion pour y porter le jour.
Car tu sais que tel était le point de vue des épicuriens.
Le soleil ne plonge pas sous l’horizon, il ne s’enfonce dans aucune mer, il ne disparaît jamais.
Il fait plutôt le tour du monde, en décrivant une courbe oblique dans le ciel,
Donne vie à la terre, et alimente en lumière toute la voûte céleste
Mais à certaines régions néanmoins et à tour de rôle
La lumineuse torche de Phoebus est refusée.
Une montagne s’y oppose avec son haut sommet qui,
Se prolongeant depuis l’occident jusqu’à l’extrême septentrion,
Divise en deux parties l’étendue du monde et la route du soleil.
Quand le soleil entame sa course d’après midi
Et que sa lumière descend sur l’Atlantique
Afin de porter ses feux chez les derniers des Hyperboréens
Et de refaire son apparition sur l’orient achéménide [l’Iran d’aujourd’hui]
Il incline la courbe de sa course vers les autres parties du ciel
Et dépasse la limite que constitue ce mont.
Et quand il dérobe l’éclat de sa lumière à notre vue, une nuit noire s’abat du ciel,
Et d’épaisses ténèbres recouvrent soudainement nos contrées.
Par contre un jour éclatant illumine ceux que le vent du nord fait grelotter de froid au-dessus de nous.
Mais quand l’ombre de la nuit s’empare de nouveau des Ourses
Toute notre race bénéficie alors d’une splendide journée ».
Nous sommes là bien plus près de l’image du Mont Mérou indien que du frêne Yggdrasil des Germains.
Pétrone : Satyricon, 122.
«… Là haut dans les Alpes, où les rochers jadis foulés par un dieu grec
Descendent vers la plaine et se laissent approcher, il y a un sanctuaire
31
Où se dresse un autel dédié à Hercule, l’hiver de la neige durcie le rend inaccessible
Et dresse vers le ciel un sommet toujours blanc,
Et bien que le ciel lui soit tombé sur la tête, aucune chaleur émanant des rayons du soleil,
Aucune brise printanière, ne peut adoucir la rigueur hivernale de ses pics de glace
Ni desserrer les chaînes qui l’emprisonnent ; et ses épaules menaçantes
Pourraient porter tout le poids du monde… »
Variante de l’expédition des Argonautes selon Apollonius de Rhodes (chant quatrième).
L’Argo toujours emporté au loin par le vent
Se retrouva rapidement au milieu des flots de l’Éridan,
En ce lieu où jadis, touché en plein cœur par la foudre
Phaëton très gravement brûlé tomba du char du Soleil [grec Hélios]
Dans un grand et profond lac
Qui crache encore maintenant de sa blessure toujours fumante
De lourds nuages de vapeur.
Aucun oiseau ne peut survoler ses eaux,
Sans se brûler les ailes à mi-course
Et se retrouver à flotter sur ses eaux.
Et tout autour les vierges, filles du soleil [grec Hélios]
Enfermées dans de grands peupliers
Font entendre des plaintes pitoyables en se lamentant ;
De leurs yeux qui pleurent
Tombent de grosses gouttes d’ambre.
Ces larmes sèchent ensuite sur le sable au soleil
Mais quand les eaux de ce sombre lac recouvrent son rivage
Sous l’action du vent éploré lui aussi,
Alors, elles roulent en grand nombre dans l’Éridan à chaque montée de ses eaux.
Les Celtes y ont attaché cette histoire
Que ce sont les larmes du fils de Leto, Apollon
Qui sont transportées par les remous,
Les larmes innombrables qu’il versa jadis
Quand il vint se réfugier auprès de la race sacrée des Hyperboréens
Après avoir quitté le ciel lumineux devant les reproches de son père,
En colère à cause du fils que la divine Coronis lui avait donné
Dans la lumineuse Lacérie 1) [aujourd’hui la ville de Larissa en Grèce] près de l’Amyros.
Nos héros ne pensaient plus à manger ni à boire
Ils n’avaient pas le cœur à faire la fête.
Toute la journée ils furent douloureusement affectés,
Le cœur lourd et faible à la fois,
Par la puanteur infecte et très difficile à supporter,
Qui montait des flots de l’Éridan, depuis que Phaëton achève de s’y consumer ;
La nuit venue, ils entendirent les gémissements perçants des filles du soleil [grec Hélios]
Pleurant d’une voix aiguë, et comme elles se lamentaient,
Leurs larmes tombaient puis flottaient sur l’eau ainsi que des gouttes d’huile.
De là ils remontèrent sur les flots profonds du Rhône,
Qui se jette dans l’Éridan,
De leurs eaux qui se mêlent monte un puissant murmure.
Ce fleuve vient des extrémités de la terre,
Là où se dressent les portails et les demeures de la Nuit,
Une de ses branches se jette dans l’Océan,
Une autre s’écoule dans la mer ionienne,
La troisième enfin au moyen de sept embouchures
Disperse ses flots dans la mer de Sardaigne et son golfe sans limites 2).
Du Rhône, ils passèrent à des lacs orageux
Qui s’étendent à travers tout le Continent celtique
Et là ils évitèrent de peu un dramatique coup du sort
Car une branche de ce fleuve les portait, sans qu’ils le sachent,
Vers un golfe de l’Océan
Dont ils ne seraient jamais revenus sains et saufs.
Mais la déesse Héra fondant du Ciel poussa son cri du haut de la roche hercynienne 3)
32
Et ils furent tous saisis d’épouvante en l’entendant,
Comme si le firmament s’écoulait avec fracas.
Ils firent donc demi-tour à cause de cette intervention de la déesse,
Et découvrirent le chemin qu’elle voulait leur voir emprunter.
Après un long périple, ils parvinrent donc enfin à la plage où la mer déferlait
Conformément au plan d’Héra,
Et après être passés sans encombre au milieu des innombrables tribus de Celtes et de Ligures.
Car la déesse les avait enveloppés d’une brume redoutable
Jour après jour au fur et à mesure qu’ils avançaient.
C’est ainsi, après avoir fait voile par l’embouchure du milieu,
Qu’avec l’aide des fils de Zeus [les Dioscures] ils atteignirent en toute sécurité les îles Stœchades,
Où des autels et des rites sacrés ont été institués à tout jamais en leur honneur…
1) Ville de Thessalie, dans la Magnésie.
2) Le golfe du Lion. Apollonius considère le Rhin, le Rhône et le Pô, comme trois branches d’un même fleuve.
3) La Forêt noire. La Breg est le plus long des deux ruisseaux qui s’unissent pour former le Danube. Elle sourd à 1078 m d’altitude près de Furtwangen. Sa source est la véritable origine du Danube. Après un cours de 49 km, elle rejoint la Brigach à Donaueschingen. La source de la Breg jaillit à une centaine de mètres de la ligne de partage des eaux entre Rhin et Danube. C’est seulement à 200 mètres en effet que se trouve la source d’un autre ruisseau, l’Elz, dont les eaux rejoindront, par le Rhin, la Mer du Nord. La coïncidence a dû en faire réfléchir plus d’un à l’époque.
33
CINQUIÈME LETTRE DU DRUIDE JEAN MARTIN.
LES DIVERS SUPPORTS DE MÉDITATION CONNUS DU DRUIDISME ANTIQUE.
Honorer les dieu-ou-démons.
…………… Le verbe honorer souligne évidemment la distance qui nous sépare encore (des dieu-ou-démons), beaucoup plus que la complicité qui nous unit, mais il met aussi l’accent sur la vérité des êtres.
Il s’agit de reconnaître les dieu-ou-démons pour ce qu’ils sont, et de les servir en suivant le meilleur de leur exemple. Plus que le refus de tout blasphème, ce qui importe en l’occurrence, c’est le respect de la vérité, le respect de son mystère. Honorer les dieu-ou-démons exige un dépouillement de soi-même ; d’où d’ailleurs la réaction de Brennos en Grèce quand il vit les trésors que l’on avait gaspillés à leur intention.
Le support matériel de cette méditation peut être de l’eau pure offerte en sacrifice ; une pomme, du beurre salé (imbmen en vieux celtique d’où anmann en breton) un petit arbre cultuel comme celui de Manching en Allemagne (qui faisait 70 cm de haut) ou une statuette de terre cuite représentant telle ou telle divinité. Quand on ne pouvait pas s’offrir une statuette de bronze, une image symbolisant cette divinité gravée ou peinte sur une tablette de bois suffisait en effet pour visualiser son hôte divin et pour entrer en dialogue avec lui.
Toutes sortes de rituels évidemment pouvaient être utilisés pour commencer cette méditation (prière, jet d’ambre jaune dans le feu, ou autre)
Le nom celtique du beurre (irlandais ims breton anmann gallois ymenyn) est apparenté aux désignations de l’onguent et de l’onction, ce qui permet d’y soupçonner un mot ayant perdu une forte valeur religieuse primitive. Il semble que le beurre ait été dans les opérations magiques, le substitut du miel ou de la cire.
En Inde, dès les temps védiques, le beurre avait une valeur sacrée. Le beurre est donc un élément essentiel du sacrifice : c’est une substance d’oblation privilégiée. Répandu sur le feu, il le fait crépiter. Concentré de forces vitales le beurre symbolise toutes les énergies, celles du Cosmos, celles de l’âme, celles des dieu-ou-démons et des hommes, qu’il est censé régénérer en grésillant dans le feu des sacrifices. Dans la mesure où le beurre, d’un geste traditionnel, est jeté sur la braise, il peut évoquer une source d’énergie sacrée propre à soulever l’univers.
Au VIIIe siècle encore, d’après une glose de Saint-Gall en Suisse, les Irlandais invoquaient Goïbniu (Gobannos) pour la conservation du beurre, qui était considéré comme de l’énergie vitale fixée.
Mais revenons à nos moutons !
Le druidisant est assis les jambes croisées à la façon de Cornunnos sus un chêne, devant une pomme, du beurre ou une statuette divine renvoyant à l’autre monde.
Vient ensuite le retrait des sens du monde extérieur, si bien que l’on ne remarque plus ce qui se passe autour de soi. Une telle mise en veilleuse des sens conduit à l’état de repos nécessaire à la pleine concentration. Les mythes relatifs au grand Cornunnos disent éloquemment combien il est difficile d’arracher à sa concentration un awenydd (un kinges ?) qui fait ainsi abstraction du monde extérieur.
Après le retrait des sens du monde extérieur, commence un processus parallèle touchant le monde intérieur.
Le but est là aussi d’éliminer progressivement la multiplicité des représentations pour orienter toute sa conscience sur un seul objet de contemplation.
Pour plus de détails sur ce yoga intra psychique de type lugien, se reporter à l’étude sur la volonté de souveraineté parue en 1987 dans les Nº 19 à 22 du Triscèle, organe de la FRG.
Si l’on réussit à atteindre ce but, la concentration conduit finalement à la vision d’ensemble du support de méditation choisi, à la saisie plénière de toutes ses dimensions.
Ce processus n’est pas une « simple » incorporation de l’homme dans le support matériel ; car il a pour but d’assurer la présence simultanée du divin dans l’homme et dans la statue, la pomme, l’eau ou le beurre, comme la flamme d’une torche se transmettant à une autre.
Un tel processus rend possible d’une part la communication sur un pied d’égalité, mais suscite aussi les conditions d’une vénération extérieure correcte du symbole ou du simulacrum du dieu ou démon.
34
Dans une dernière étape, la pénétration et l’expérience spirituelle du support de la méditation vont jusqu’à l’abolition de la distance entre le sujet de ce processus et l’objet. La séparation entre les deux est supprimée en ce point de l’espace-temps. Ils ne font plus qu’un. Ce qui se produit ensuite est appelé awenydd. C’est un flamboiement fulgurant de connaissance englobant tout. C’est une expérience vécue dans laquelle tout ce qui est se fond en un seul point.
Tel est peut-être le seul véritable sens du célèbre combat des arbrisseaux (Cad goddeu) de Taliesin.
Bum yn lliaws rith
Kyn bum kisgyfrith.
Bum cledyf culurith.
Credaf pan writh.
Bum deigyr yn awyr.
Bum serwaw syr.
Bum geir yn llythyr.
Bum llyfyr ym prifder.
Bum llugyrn lleufer
Blwydyn a hanher.
Bum pont ar triger.
Ar trugein aber.
Bum hynt bym eryr.
Bum corwc ymyr.
Bum darwed yn llat.
Bum das ygkawat.
Bum cledyf yn aghat.
Bum yscwyt ygkat.
Bum tant yn telyn
Lletrithawdc naw blwydyn.
Yn dwfyr yn ewyn.
Bum yspwg yn tan.
Bum gwyd yngwarthan.
J’ai été sous de nombreuses formes
Avant d’être libre (avant d’avoir atteint l’état d’awenydd ???)
J’ai été une épée étroite et bariolée.
Je crois à ce qui est apparent.
J’ai été larme dans l’air.
J’ai été la plus brillante des étoiles.
J’ai été mot parmi les lettres.
J’ai été livre à l’origine.
J’ai été une lampe brillante
Pendant un an et demi.
J’ai été un pont jeté
Sur soixante estuaires.
J’ai été le vol de l’aigle
J’ai été coracle sur la mer.
J’ai été à la pointe des combats.
J’ai été goutte dans l’averse,
J’ai été épée dans la main.
J’ai été bouclier au combat.
J’ai été corde de la harpe
Métamorphosé pendant un an.
En écume des mers,
J’ai été éponge dans le feu.
J’ai été bois dans le buisson.
35
Épée, étoile, lampe, corde, bois, mousse de bière… ont été des supports d’une telle méditation pour Taliesin qui traduit à sa façon cette notion métaphysique des états multiples de l’Être : j’ai volé en aigle dans les nuages.
Les druidisants ont à leur disposition beaucoup d’autres techniques pour atteindre l’état d’awenydd. Mais nous ne pourrons pas en dire plus ici vu la place qui nous reste. Ne pas oublier que cet opuscule n’est qu’un résumé de quelques pages destiné à la jeunesse. Se reporter donc aux différents ouvrages druidiques sérieux (et faisant preuve de profondeur) consacrés à ce sujet.
La dévotion au sacré-chef du Hesus Cuchulainn s’inscrit dans cette même lignée. C’est une technique de méditation greffée sur une contemplation rétrospective des blessures de notre Seigneur, notamment sur celle de sa décapitation sur le menhir de Muirthemné, ou sur la contemplation symbolique du crâne du dernier des demi-dieu-ou-démons de l’ère des hommes. Le thème de cette tête coupée miraculeuse a été bien entendu récupéré par le christianisme qui en a fait un miracle opéré par certains saints (dits céphalophores, comme saint Denis le premier évêque de Paris).
Et iI y en a d’ailleurs tellement, que même les historiens catholiques nient la réalité de tels « miracles ». C’est ainsi que, selon le père Cahier par exemple, « leur nombre a quelque chose d’exorbitant, et conduirait à croire que cette merveille aurait quasiment été normale ». Le simple bon sens suffit d’ailleurs à nier qu’un tel fait soit possible. D’où viennent alors toutes ces légendes ? Comme c’est souvent le cas, il s’agit d’un rite ancien qui, n’étant plus compris, a fini par recevoir une interprétation miraculeuse.
De nombreux tombeaux anciens contenaient des corps dont la tête avait visiblement été séparée. Cas par exemple de saint Gervais, mais aussi de saint Protais en Italie à Milan.
Un jour, saint Ambroise, qui était en prière dans l’église, eut l’aisling (la vision) de deux jeunes gens d’une grande beauté, vêtus d’une tunique blanche, qui priaient avec lui, les mains levées vers le ciel. Saint Ambroise demanda donc à Dieu ou le Démiurge, si c’était une illusion, qu’elle ne se reproduise plus, mais si c’était la réalité, qu’il veuille bien lui accorder de nouveau cette aisling (de cette vision).
Peu de temps après, à l’aube, saint Ambroise revit les deux jeunes gens, cette fois-ci en compagnie de saint Paul. Et c’est l’apôtre qui s’adressa en ces termes à l’évêque pour lui dire : « Ici reposent en paix ceux qui, suivant mes conseils, n’ont rien désiré des choses terrestres ; tu trouveras leurs corps dans le lieu où tu es en ce moment ; à douze pieds de profondeur, tu trouveras une crypte recouverte de terre, et auprès de leur tête un petit livre contenant le récit de leur naissance ainsi que celui de leur mort ».
Quand saint Ambroise fait exhumer les corps des deux saints, dont les têtes n’avaient pas été disposées à leur place habituelle au-dessus des épaules, il les considère évidemment aussitôt comme des martyrs.
Beaucoup de cimetières contenant des corps dont la tête était inhabituellement disposée sont pareillement devenus des « champs de martyrs ».
Mais comment est-on passé de l’idée de martyr par décapitation à celle de miracle ou de saint céphalophore ?
Si l’on accepte l’idée traditionnelle de tripartition Ciel-Homme-Terre correspondant à la triade Âme-Esprit-Corps, la tête de l’homme, ronde, correspond au Ciel et à l’Âme/Esprit. Son détachement du reste du corps au moment de la mort est donc sans doute à mettre en relation avec l’idée d’immortalité accordée à l’Esprit traditionnellement. II existe plusieurs textes hagiographiques racontant comment des martyrs décapités ramassent leur tête et montent au Ciel pour la présenter à Dieu ou le Démiurge. C’est probablement l’idée de ce « voyage » qui a inspiré les biographes de saints céphalophores. De nombreux saints mettent d’ailleurs leur tête au sommet d’une montagne, symbole universel de l’ascension vers le divin. Certaines têtes continuent à parler. Mais ce « phénomène » était déjà relaté dans des traditions antérieures au christianisme : celle de Brân continuait à parler voire à festoyer avec les siens. En Scandinavie, Odin possédait une tête parlante, celle du sage Mim ou Mimir qu’il avait fait enchâsser dans de l’or à la mort du héros.
N’oublions pas non plus le symbolisme du crâne dans la franc-maçonnerie.
36
ONZIÈME LETTRE DU VIEUX TRÈS-SACHANT DE LA FORÊT MÉNAPIENNE.
..… Lucain signale dans un bois sacré près de Marseille (la Sainte-Baume), des troncs d’arbre grossièrement sculptés représentant les dieu-ou-démons : simulacra maesta deorum. Et César lui aussi utilise le terme à propos de Mercure : cujus sunt plura simulacra. Simulacrum en l’occurrence a le sens un peu vague d’image ou de symbole, voire d’icône.
Les simulacra ou arcana sont des mâts totémiques des statues ou des images utilisées comme supports de dévotion ou de méditation. Elles sont parfois abstraites, parfois grossières comme celles décrites par Lucain ou César, mais le plus souvent il s’agit de représentations de dieu-ou-démons et de déesse-ou-démones, ou de fées si l’on préfère ce terme, tels que Cornunnos, notre Rigantona Épona, Hesus, ou bien d’autres, qui peuvent être des figures extrêmement complexes. Il peut s’agir aussi de fresques ou de peintures comme celle qui figurait Ogmios et signalée par Lucien de Samosate dans les environs de Marseille ; voire celles d’Épona dans le monde romain.
Puisque l’esprit du fidèle est trop souvent comme englué dans les turbulences de la vie de ce monde, le monde des hommes, la terre du milieu, et par suite, difficilement capable de se concentrer sur une divinité sans forme, le simulacrum revêt le divin d’une forme pour servir de support à sa dévotion.
Le culte des simulacra ou arcana est généralement interprété comme de l’idolâtrie par le judaïsme, le christianisme et l’islam, et cela entraîne ainsi un jugement erroné ou négatif de la part des historiens sur cette forme de dévotion qui doit plutôt être rapprochée de celle des icônes. La vénération d’une image ou d’une statue représentant un idéal ou un principe plus élevé, n’identifie pas pour autant la divinité à l’objet matériel lui-même.
Si l’on voit son environnement comme ordinaire, cela ne sera pas d’un grand secours. Mais si on le visualise comme une vraie merveille, alors on en réalisera sa pureté naturelle qui n’est souillée que par les désordres humains. Si l’on garde à l’esprit ce simulacrum visualisé, on transformera progressivement sa manière de voir les choses. Si, par exemple, on voit des fresques dépeignant la vie d’Ogmios sur les murs d’un fanum (temple), alors la foi en ses pouvoirs et en ce qu’il représente s’accroîtra. Si les murs étaient seulement blancs, ils ne seraient pas source d’inspiration.
La plupart des Celtes vénéraient plusieurs dieu-ou-démons, et déesse-ou-démones, ou fées si l’on préfère ce terme, dans lesquels ils ne voyaient que différents aspects de la même réalité divine manifestée.
Comme le dit Daniélou (l’orientaliste, pas l’évêque) : l’image d’un dieu-ou-démon n’est qu’une forme utilisée pour attirer ou concentrer la pensée sur une abstraction. Ces simulacra sont des objets de méditation qui ont un but précis : transformer notre perception ordinaire du monde en une perception de la perfection primordiale résidant dans tous les phénomènes.
En méditant sur un simulacrum, on en vient à percevoir l’univers comme un monde enchanté. Tous les sons de l’univers – les bruits de l’eau, du feu, du vent, les cris des animaux, les voix des humains – deviennent alors comme autant de prières ou d’énergies spirituelles.
La vénération des arcana ou des simulacra (images) relève autant du culte privé que du culte public. Ces images ont leur vie propre : exemple la statue de Litavis/Nerthus périodiquement sortie d’un lac… L’image divine (arcane ou simulacrum) est une représentation, mais la Réalité supérieure déborde infiniment bien sûr la forme qui l’évoque évidemment.
Les vrais Celtes de cœur ou d’esprit voient les différents dieu-ou-démons seulement comme des manifestations diverses du Un véritable, du principe divin sans forme, donc aniconique à ce niveau ontologique.
37
NEUVIÈME LETTRE DU VIEUX TRÈS-SACHANT DE LA FORÊT ARDENNAISE.
………… L’unité panthéiste avec la divinité supérieure peut être obtenue par une simple méditation. Cette méditation de type druidique permet de se détacher des pensées vulgaires pour se concentrer sur les manifestations bénéfiques du Bitos ou Pariollon ; grâce à l’intermédiaire d’êtres vivants comme les astres ou les arbres, ou grâce à l’intermédiaire d’êtres considérés comme « inanimés », aujourd’hui. Car ils ont, eux aussi, une âme/esprit en fait, comme l’a écrit un jour un célèbre poète (objets inanimés, avez-vous une âme ?).
Voyons donc ensemble quelques exemples de ce processus.
Le Grand-Esprit (Grand Manitou disent nos amis algonquins) étant à l’œuvre dans chaque âme individuelle (anamone) il suffit de prendre conscience de cette présence permanente pour commencer à sentir son âme s’épanouir ; car seule une telle expérience de connaissance, mystique et non intellectuelle, peut nous hausser à l’état d’awenydd.
Pour communiquer avec l’être supérieur, il faut d’abord s’élever soi-même jusqu’à l’Univers. « Divinis humana licet componere » « Aux choses divines on peut comparer les choses humaines » Ausone (poème sur l’usage du mot libra).
Il faut se métamorphoser se diviniser donc, pour devenir apte à la présence du divin. Cette métamorphose est le but de la méditation rituelle sous un chêne.
Dans une telle méditation, la riastrade de la voie de la kingeto (des Gésates) se tempère. Il ne s’agit plus, comme dans le cas du yoga martial au sens strict du terme, d’atteindre un pouvoir illimité, mais seulement de la purification nécessaire pour que la pensée ou la réflexion puissent se développer sans être perturbées par les fonctions physiologiques.
Notons à ce sujet que l’oxygène et les bruissements de la forêt sont des facteurs propices à une telle expérience.
Connaître le Grand Tout en faisant retour à la conscience immanente absolue, ou faire l’expérience de l’immanent absolu du Bitos voire de l’Être Supérieur dès ce monde ; c’est-à-dire dans la condition qui est la nôtre (le monde des contingences et des limitations, le monde des simples mortels, le monde de la Grande déesse-ou-démone-mère cosmique) ; ne peut se réaliser dans une connaissance seulement intellectuelle. Ce qu’il faut faire pour obtenir ce résultat (l’awenydd) relève au moins de la méditation.
La méditation du Kinges est aussi mouvement d’épanouissement de l’âme et mouvement d’intériorisation. De façon méthodique et systématique, elle doit conduire l’homme à la réalité dernière qui est plénitude. Elle est mouvement de l’extérieur sensible à l’intérieur spirituel. Elle est accomplissement, tout ceci à travers une progression ordonnée.
— D’abord la concentration voulue et délibérée, souvent non exempte de tensions, et obtenue à l’aide de moyens physiques et psychiques. Il suffit pour cela de choisir un des dieu-ou-démons du panthéon et de commencer à honorer en soi-même la forme particulière de relation que ce dieu-ou-démon entretient avec l’Univers.
— Puis la contemplation, un saisissement passif que l’on oublie généralement très vite.
38
SEPTIÈME LETTRE DU TRÈS-SACHANT JEAN MARTIN.
……………… Une certaine déception découle toujours d’activités accomplies en vain (on n’est jamais insatisfait quand on dort et quand on rêve). Mais le druidisme n’en conclut pas pour autant, à la différence du bouddhisme, qu’il faut cesser toute activité. Le véritable arrêt que l’on doit obtenir, pour mettre fin à cette insatisfaction permanente qui caractérise le gdonios, l’être humain, du moins en Occident, est celui de la formation des constructions psychiques encombrant notre esprit. Toute action qui ajoute à ces constructions est par conséquent à éviter. Mais les actions n’ont pas non plus à être toujours évitées, car il est possible de bien orienter les actes qui en découlent inévitablement. Tel est par exemple le but de l’art martial celtique. Car la mise en place dans nos esprits, de sortes de réflexes, qui d’abord orienteront positivement notre agitation, puis finalement la concentreront, ne peut être obtenue que par un entraînement systématique du corps et de l’esprit.
Le chemin qui conduit à l’autre monde est aussi une technique, une technique de comportement et d’entraînement psychique. Cette technique aboutit au monde dit meilleur dont tout le monde rêve, en recourant à quatre cheminements différents, correspondant à quatre stades différents dans l’évolution de l’individu vers ce but.
Le premier stade est celui du simple mortel qui avance sur une des voies du druidisme.
Le deuxième stade est celui du mortel qui atteint, mais seulement brièvement et provisoirement, une fraction de seconde, de son vivant même, l’autre monde.
Le troisième stade est celui du bienheureux meldus agréable à fréquenter, qui ne renaît pas en ce monde après sa mort, mais dans un autre.
Le quatrième stade est celui du maître qui atteint au monde des dieu-ou-démons et définitivement, de son vivant même, mais avec en plus la possibilité de redescendre sur Terre sous la forme d’un anatiomaros (grand initié appelé semnothée en grec).
Les techniques psychiques comprennent d’abord des dispositions, ou des tournures données au psychisme par une orientation habituelle vers des pensées déterminées, s’actualisant dans un sens favorable à la progression de l’individu. Par exemple des exercices visuels ou d’évocation mentale, comme celui qui consiste à fixer une statuette de dieu-ou-démon, ou une flamme, jusqu’à ce que son image en reste comme gravée dans la rétine même après avoir fermé les yeux…
Des méditations poussées jusqu’à ce que cette représentation soit aussi claire qu’une vision réelle, et enclenche dans le psychisme des séries phénoménales bien précises.
Un des meilleurs exemples de méditation réglée techniquement est l’art martial celte, qui est entraînement progressif au vide de la conscience, préfigurant l’arrêt définitif qui sera réalisé par le retour au grand tout.
Cet entraînement aux arts martiaux celtiques comporte, lui aussi, quatre stades.
Au premier, on procède par exclusion des mauvais penchants. À cela succèdent automatiquement des sentiments d’allégresse voire de félicité, nés de cette exclusion des pensées mauvaises accompagnant les activités intellectuelles que sont le raisonnement, la réflexion, le jugement.
La pratique des arts martiaux a d’ailleurs été diffusée dans ce but par Bodhidharma, jusqu’à l’autre bout du monde aryen, et même en Chine (Shaolin).
Au deuxième stade, il y a même apaisement des activités intellectuelles ayant présidé à l’apprentissage de ces arts martiaux, tout étant devenu réflexe ou automatisme.
Ne restent donc en lice que la sérénité la plus complète, l’apaisement de l’esprit et, par suite, l’allégresse et la félicité.
Au troisième stade, il y a même disparition de ce sentiment de félicité. Le pratiquant de ces arts martiaux est devenu imperturbable, mais toujours pleinement conscient. Il goûte la plus complète béatitude, sans pensée qui ratiocine ni manifestation de joie bruyante.
Au dernier des quatre stades de la marche vers le retour au grand tout, le comrunos (l’initié) se retrouve donc en possession, dès ce monde, d’une première forme de ce retour à l’origine. À sa mort, il se dissoudra définitivement dans le grand tout comme une goutte d’eau dans la mer.
Le stade ultérieur éventuel, la réincarnation sur Terre sous la forme d’un anatiomaros (grand initié) ou bacuceos, voire seibaros, est plus problématique.
39
QUATRIÈME LETTRE DU VIEUX TRÈS-SACHANT DE LA FORÊT MÉNAPIENNE.
…………… Les êtres divins, eux aussi, en sont venus, comme les âme/esprits, à être conçus comme des pensées, des énergies sans forme sensible, sans besoins matériels ; dont le mode d’existence n’avait plus rien de comparable avec le genre de vie des hommes de chair et d’os, qui habitent la terre du milieu. En même temps, les limitations, les imperfections qu’impliquaient les représentations que l’on s’en était faites autrefois, disparaissaient ! Leur nombre se restreignait, leur pouvoir grandissait d’autant. Il devenait incomparable à celui de l’homme, qui peu à peu se dépouillait de ses propres attributs surnaturels. La croyance en la magie déclina et dut partager son empire sur les esprits avec la religion…
Le culte s’est épuré comme la théologie. Transformé par une conception nouvelle du divin et par le cortège d’émotions qu’elle entraînait naturellement à sa suite ; il a réagi à son tour sur le sentiment religieux qu’il a ennobli, élargi, et fortifié, dans les âmes et les consciences où vivaient encore obscurément les vieilles croyances ; il a suscité dans leur piété des exigences plus rigoureuses, qui les ont contraintes à réfléchir sur les dogmes et les mythes qu’elles acceptaient passivement, et à leur conférer une signification plus haute. Mais l’invention n’est bien souvent qu’un rajeunissement de formes anciennes et déjà oubliées, une restauration de vieux rites presque abandonnés, qu’épure et spiritualise la religion qui s’en empare. En ce domaine l’Humanité n’a guère l’habitude de beaucoup innover. Le cas le plus exemplaire à cet égard est celui de l’islam qui a repris et réinterprété d’antiques rites païens mecquois en prétendant qu’il s’agissait de rites monothéistes originels (quelle bouffonnerie) au besoin en y injectant tardivement force inventions mettant en scène Abraham et les siens ou l’archange Gabriel. L’Abraham que l’on connaît étant un personnage purement fictif, tout comme Moïse, l’islam n’a donc fait en l’occurrence qu’ajouter des mensonges à des fables.
Toute religion pleinement constituée implique un culte officiel et public ; elle intéresse le groupe tout entier, clan, tribu, ou nation ; elle est chose sociale autant qu’affaire individuelle. Ce n’est pas seulement l’intérêt matériel et spirituel de chaque individu ou de chaque famille qui est en cause dans les relations avec les dieu-ou-démons, c’est l’intérêt collectif du corps social. La conséquence inévitable, c’est que la célébration des rites doit donc appartenir, en toute société qui a conquis quelque cohérence et quelque stabilité, à un homme investi de pouvoirs publics ; à un homme qui incarne dans sa personne la communauté tout entière, et qui a qualité pour accomplir les cérémonies au nom de tous ; en un mot, toute religion implique par conséquent l’existence d’un sacerdoce, toute religion du moins où des rites ont subsisté. Nous en avons un très bon exemple avec les Juges dans anciens Hébreux selon la Bible (1 Samuel 8.7).
Le rôle du prêtre sera d’autant plus important que le caractère de la religion en question sera plus ritualiste, que les pratiques sacrificielles et les cérémonies connexes y tiendront une plus large place. Dans une religion purement spiritualiste d’où tout rite sacramentel aurait disparu, le prêtre cède la place au prophète, à l’inspiré, au docteur de la loi. Dans le ministre du Culte réformé, l’imam ou le mufti musulman, c’est à peine s’il demeure quelque chose du véritable caractère sacerdotal.
Ce qui distingue le druide du chaman dans les religions antiques, ce n’est pas la nature des pratiques auxquelles ils ont l’un et l’autre recours, des cérémonies qu’ils célèbrent – elles sont dans bien des cas identiques — ; ce sont leurs relations avec le corps social. Le chaman est un homme privé, le druide un homme public. Le chaman, c’est un homme qui a en lui une puissance magique particulière et qui sait les gestes qu’il convient de faire ainsi que les paroles qu’il faut prononcer pour plier à sa volonté les dieu-ou-démons ou les âme/esprits. On s’adresse à lui quand on veut obtenir d’eux une faveur particulière et personnelle. Le druide incarne la communauté tout entière devant l’autel du dieu-ou-démon et accomplit les rites qui doivent lui procurer des avantages collectifs.
À l’origine, les frontières de la société religieuse et celles de la société civile sont identiques. Dans la famille, le prêtre naturel, c’est le père (même là où la descendance n’est reconnue qu’en ligne maternelle), le culte qu’il célèbre à la maison est d’ordinaire, mais non pas toujours, un culte ancestral ; dans le clan ou la tribu, c’est le chef ; pour la nation, c’est le roi ou le magistrat suprême. Lorsque la vie sociale devient plus complexe et la tâche du souverain plus lourde ou plus difficile, il délègue d’ordinaire ses pouvoirs à un prêtre ou à un collège de prêtres ; mais presque toujours il est certains sacrifices que seul il a le devoir d’accomplir. Même dans des sociétés très barbares, aux confins de la sauvagerie presque, il y a des prêtres. C’est que les rites sont très compliqués, très minutieux, et qu’ils exigent, pour être célébrés comme il convient, un long apprentissage auquel les
40
chefs ne pouvaient se soumettre ; c’est parfois aussi qu’ils nécessitent que l’officiant soit entouré, comme d’une barrière protectrice, de tout un réseau d’interdictions légales, qui mettraient un chef de guerre dans l’incapacité d’accomplir ses devoirs. Cas du vergobret chez les Éduens d’ailleurs.
Il convient d’ajouter que dans toutes ces cérémonies, les vieillards, les anciens de la tribu, et le chef surtout, ont une place importante et jouent un rôle essentiel.
Néanmoins, avec la constitution du sacerdoce commence la séparation de la société civile et de la société religieuse, qu’accentue la formation de ces confréries magiques ou mystiques ; dont les membres sont unis, non plus par un lien de parenté naturelle ou par l’obéissance à un même chef et l’habitat d’un même territoire, mais par la participation aux mêmes mystères divins, l’adhésion aux mêmes règles cérémonielles.
41
TROISIÈME LETTRE DU TRÈS-SACHANT ARÉMI.
……… L’origine du druidisme est bien évidemment à chercher du côté de la religion indo-européenne des envahisseurs celtes, ayant peu à peu essaimé en Europe à partir du IXe siècle avant notre ère ; mais cette religion druidique primordiale a très rapidement évolué au contact des populations vaincues et soumises : les Atectai (Dhimmis disent ns frères musulmans).
Une constante de la druidiaction a d’ailleurs favorisé ces mutations : sa tendance à l’universalisme, qui se manifeste par un extraordinaire pouvoir d’absorption des notions les plus diverses.
Dès la haute époque en effet, on peut constater que les divinités majeures apparaissent déjà comme des synthèses de dieu-ou-démons différents ; certains traits communs ayant conduit à en fait assimiler les uns aux autres plusieurs personnages.
La confluence des diverses traditions s’explique aisément ici par l’aptitude qu’a chaque divinité druidique à revêtir des formes multiples auxquelles répond la variété des dénominations.
Les dieu-ou-démons hérités du système trifonctionnel indo-européen ont, à leur arrivée en Occident, rencontré les divinités locales (civilisation de Vintcha en Serbie). Plutôt que de repousser celles-ci et d’en interdire le culte, les druidisants les ont adoptées en les faisant absorber par leurs propres dieu-ou-démons, donnant ainsi naissance à des figures divines porteuses de caractéristiques nouvelles ; qui parfois les écartaient radicalement de celles qui étaient généralement attribuées aux dieu-ou-démons indo-européens traditionnels dont ils portaient toujours le nom.
Le processus a été entériné par les très-sachants, et il était courant que telle ou telle forme divine particulière soit identifiée à l’un des grands dieu-ou-démons du panth-éon ou plérôme indo-européen ; mais considérée comme l’aspect préférentiel sous lequel un certain nombre de personnes lui rendaient hommage.
Ainsi s’organisèrent les cultes que l’on pourrait dire locaux ou de patronage. Ces groupes se caractérisaient par le culte rendu, sinon exclusivement, du moins avec une préférence très marquée, à telle ou telle divinité considérée comme manifestation de l’un des grands dieu-ou-démons du panth-éon ou plérôme celtique primitif (d’origine indo-européenne).
Répétons-le encore une fois, il n’a jamais existé UN druidisme, mais DES druidismes, différentes Écoles de pensée, aussi proches ou aussi différentes entre elles que ne le sont les catholiques, les Réformés ou les orthodoxes, à l’intérieur du cadre chrétien ; ou les chiites et les sunnites à l’intérieur du cadre musulman, ou les vishnouites et les shivaïtes à l’intérieur du cadre hindou.
Le contenu théologique que recouvre le mot « druidisme » est donc plus une attitude générale qu’un accord précis sur des dogmes particuliers.
Sans doute, trouve-t-on partout répandues la croyance en l’immortalité de l’âme/esprit, en liaison avec la croyance en l’immortalité de l’univers ; tout comme l’idée que l’âme humaine (anamone) n’est que parcelle ou étincelle d’une âme universelle, l’Awenyddio (un vaste réservoir psychique) ; mais ce qui caractérise surtout cette druidiaction c’est sa tendance plus ou moins accentuée à mettre en évidence une Personne divine supérieure. Tantôt subordonnée au Principe impersonnel du Destin, tantôt superposée (tendance britto-romaine).
Le druidisme n’est pas issu d’une prétendue révélation faite aux hommes à grands coups de trompe de Jéricho, mais fait appel à la raison et à la réflexion. Il privilégie aussi l’expérience de chacun. La vie est un fait, et le vrai druidisme prend cette vie telle qu’elle est pour la majorité des hommes ; son message n’est nullement ésotérique (tant pis pour Toland, pour une fois !) Et il s’adresse à tous les hommes de bonne volonté, car, comme l’a si bien dit Arrien : « Aide-toi et le ciel t’aidera ». Moi et mes compagnons, nous suivons cette coutume celte, mais sans l’aide des dieux rien ne réussit aux hommes (Arrien. Cynégétique. XXXV 1).
Le premier aspect de ce savoir porte sur les origines du monde matériel et de l’homme ; le second aspect concerne la destinée de l’Humanité (du Gdonios) et du Cosmos (du Bitos), la nature de l’âme (l’anamone), sa situation, sa destinée, son retour dans le grand tout (son retour au feu primordial) ; grâce à la pratique de voies qui vont forcer son épanouissement.
Le but de tout druidisme qui se respecte est donc de proposer une ou plusieurs voies propres à permettre à l’anamone ou âme individuelle, de retourner se fondre dans le Grand Tout.
Il existe trois possibilités pour cela.
42
Tout le monde connaît la voie normale qui est celle de la mort. Mais se réincarner dans un autre monde parallèle de nature paradisiaque, ne constitue qu’une étape (agréable, il est vrai), dans ce processus.
Il en existe d’autres. Celle des semnothées dont nous parle Plutarque par exemple, mais au passé. « Il nous raconta que les îles disséminées aux environs de la Grande-Bretagne sont pour la plupart désertes, et que quelques-unes portent des noms de génies ou de demi-dieux. Il ajouta qu’envoyé lui-même par l’empereur vers ces parages pour s’enquérir et voir ce qu’il en était, il avait abordé dans celle de ces îles désertes qui était la plus proche. Elle ne contenait que peu d’habitants, qui tous étaient considérés par les [Grands] Bretons comme sacrés voire intouchables. Peu après y avoir débarqué, il se produisit, continua-t-il, de grands troubles dans l’air, et de nombreux signes célestes : les vents se déchaînèrent, et la foudre s’abattit. Quand tout fut calmé, les habitants de l’île lui expliquèrent que c’était une des âmes/esprits supérieures qui venait de trépasser. Car, ajoutèrent-ils, de même qu’une lampe allumée n’offre rien de fâcheux, mais qu’en s’éteignant elle cause du désagrément ; de même les grandes âmes, lorsqu’elles brillent, sont-elles bienveillantes, et loin de nuire à qui que ce soit ; mais quand elles s’éteignent et s’anéantissent, alors souvent elles provoquent, comme cela venait d’arriver justement, des tourbillons et des orages, souvent aussi d’ailleurs elles empoisonnent alors l’air de souffles pestilentiels ».(Plutarque. Sur les sanctuaires dont les oracles ont cessé. 29).
N.D.L.R. L’expression « s’anéantir » est à mettre entre guillemets. Il s’agissait en fait, pour ces semnothées, après un certain nombre de séjours plus ou moins brefs dans un de ces autres mondes parallèles paradisiaques que les druides indo-bouddhistes appellent Soukhavati ou Nirvana, de passer cette fois-ci à une étape supérieure, le retour dans le grand tout que l’on appelle Parinirvana en Extrême-Orient.
43
DEUXIÈME LETTRE DU DRUIDE ARÉMI.
Du respect dû aux grands ancêtres.
« Prépare ton immortalité, à ta mort, tu feras partie des mondes en formation » (Henri Lizeray).
…………… Les ancêtres sont ceux qui garantissent les activités humaines. Par exemple lorsque l’on allait à la chasse ou à la pêche, on invoquait les ancêtres. Dans la vie quotidienne, le Celte de ce temps-là était donc toujours en relation avec son ancêtre. L’Homme reconnaissait qu’il avait reçu d’eux la vie et cette manière de reconnaître ainsi l’héritage ancestral était une manière pour lui d’admettre que quelque chose le dépassait, qu’il n’était pas sa propre origine.
Le but du culte des ancêtres est de perpétuer un complexe émotionnel aussi intense que possible, liant d’une façon indissoluble les vivants et les morts d’un même clan. Il a pour objet l’entretien des tombes, mais surtout le culte du souvenir qui doit être rendu, dans chaque demeure, devant l’autel domestique. Dans la famille, le culte des parents décédés généralement était assumé par les fils, et notamment le fils aîné. Les filles ne sont autorisées à s’occuper de l’autel des ancêtres que si elles n’ont pas de frères.
Tous les morts ne deviennent pas des « ancêtres » évidemment ! Tant que l’on se souvient encore personnellement du visage de ce défunt, de son physique, on ne peut le considérer comme un « ancêtre ». Mais à la quatrième ou cinquième génération, ceux qui ne l’ont pas connu, mais à qui l’on a parlé des valeurs qu’il incarnait, pourront commencer à lui vouer un véritable culte. L’ancêtre est tout d’abord un défunt très ancien, puisque ses descendants l’ayant connu sont également morts, lorsqu’on lui donne le titre « d’ancêtre ». Plus le défunt s’éloigne de nous, plus nous en perdons le souvenir, et plus il devient ancêtre, en se rapprochant alors de la divinité. Les ancêtres ne sont-ils pas ceux qui deviennent semblables aux dieu-ou-démons d’après le philosophe grec Évhémère ?
…………… Selon un principe assez universel, l’autorité croît aussi avec l’âge. De ce fait, les ancêtres, avec à leur tête l’ancêtre éponyme ou aïeul fondateur du peuple ; occupent un rang supérieur à celui des plus anciens de leurs descendants vivants, mais inférieurs aux dieu-ou-démons ; et surtout au Dieu ou Démiurge supérieur ou créateur, ancien par excellence.
À l’instar des anciens vivants, ils conseillent les leurs (par le truchement des rêves), prennent soin de leur bien-être, assurent la fécondité des hommes, des animaux et des champs, et veillent au strict respect de l’ordre traditionnel par leurs descendants. Ils avertissent ceux qui les négligent, par des signes et des mésaventures, et frappent les coupables d’une maladie ou d’un accident ; de pertes matérielles voire même de la mort.
Les vivants ont donc tous intérêt, et un intérêt vital même, à maintenir de bonnes relations avec eux, grâce notamment au culte des ancêtres. On s’adresse à eux avec des prières et on leur offre régulièrement des dons sacrificiels pour les nourrir, mais on les attend aussi aux grandes et petites fêtes célébrées au sein de la famille ou de la communauté entière, pour commémorer leur souvenir.
Tous les morts ne deviennent pas des « ancêtres » avons-nous dit. Pour devenir un grand ancêtre le mort doit tout d’abord avoir eu évidemment une vie exemplaire et respectable. Voir à ce sujet les éloges funèbres comme ceux d’Urien, Cadwallon et Cynddylan au Pays de Galles, qui sont d’une beauté rare et constituent en quelque sorte de véritables chants de mort aussi efficaces qu’une prière.
L’intégrité physique est la deuxième condition à ce processus (voir le cas de Noadatus/Nuada perdant son trône avec son bras). Les personnes ayant un handicap physique ou mental ne peuvent devenir des « ancêtres ». De même sont exclues de ce processus les personnes qui n’ont pas trouvé une bonne mort ou qui sont mortes trop jeunes. Car il ne s’agit pas dans ce cas des individus en tant que tels, mais seulement des valeurs qu’ils ont incarnées.
À travers le culte rendu à des hommes ou des femmes de grande qualité humaine, spirituelle et morale, la société protoceltique antique, quelque part en Europe centrale au nord des Alpes, se donnait ou se rappelait des valeurs sans lesquelles elle ne pouvait pas survivre tout simplement : fécondité, longévité, santé, force, vie, amour de la patrie. C’est pourquoi elle rejetait de ce processus par contre, les personnes qui, par accident ou par volonté personnelle, n’avaient pas incarné ces valeurs.
Par le biais du culte des ancêtres, les Celtes croient donc aux morts, alors que l’Ancien Testament, lui, ne croit qu’à la Mort. Comme chez la plupart des peuples traditionnels, pour les très-sachants les
44
morts ne sont jamais vraiment morts. Ils ont tout simplement subi un transfert vers un autre monde appelé « Vindobitos », « Mag Meld », etc., etc. Et dans l’esprit des Celtes, il n’y a pas de séparation bien nette entre le monde des vivants et celui des morts.
Il y a évidemment plusieurs niveaux d’ancêtres !
Chaque fondateur de tribu, ou ethnie mérite qu’on lui rende un véritable culte, mais il y a aussi les ancêtres des familles ou des clans. Tous ces ancêtres sont des intermédiaires ou des médiateurs entre ce monde ci et l’autre.
Les fonctions de médiation peuvent être en effet assurées par ces défunts plus proches des dieu-ou-démons et donc proches de la divinité supérieure. Et ils nous mettent ainsi en relation avec la Divinité, puisqu’ils en sont plus proches que nous. Mais même à travers l’âme/esprit des ancêtres, c’est en réalité quand même toujours le Dieu-ou-Démon qu’on ne nomme pas qui agit.
45
QUATRIÈME LETTRE DU PRIMAT.
……………… La méta-histoire primitive des Celtes a toujours été une succession de guerres et de paix avec les dieu-ou-démons. Des dieu-ou-démons qui ont pourtant toujours pardonné ou renouvelé leur pardon (ou du moins qui ont toujours fait comme si, qui ont toujours passé l’éponge), alors que les Celtes, eux multipliaient AUSSI les impertinences envers eux. Du moins, c’est ce que pensait Cicéron apparemment.
« Les autres peuples soutiennent des guerres pour leur religion, eux, ils le font contre les religions de tous les autres hommes. Les autres hommes conduisent des guerres pour obtenir la paix ainsi que la faveur des dieux immortels, eux, c’est aux dieux immortels mêmes qu’ils s’attaquent » (Pro M. Fonteio. XIII-XIV, 30-31).
Cicéron était sans doute raciste, mais il eut néanmoins deux amis celtes très connus, Diviciacos et Dejotaros, et l’on peut se demander s’il n’exprimait pas là tout simplement une opinion largement répandue à propos des Celtes dans l’Antiquité. Il faut s’y faire ! Telle était la sinistre réputation de nos ancêtres spirituels. Mais sur quoi donc pouvait-elle être fondée, cette réputation ? On se le demande bien.
! – ---- ---------------- --------------- ---------- --- !
Un jour viendra que […] de l’extrême Occident, les derniers des Titans, levant contre l’Hellade l’épée barbare et l’Arès celte, se précipiteront, tels des flocons de la neige, aussi nombreux que les constellations qui parsèment la prairie céleste […] Près de mon temple, on apercevra les phalanges ennemies, près de mes trépieds, les glaives et les ceinturons, ainsi que les boucliers odieux qui, pour les Galates, race en délire, marqueront le chemin d’un destin cruel destin » (Callimaque. Hymne à Délos).
« Pendant ce temps, Brennos… comme si désormais les dépouilles terrestres étaient sans valeur, tourne son esprit vers les temples des dieux immortels, et plaisante de façon bouffonne en disant que les dieux qui sont opulents doivent faire part de leurs largesses aux hommes. Il marche aussitôt vers Delphes, en donnant le pas au butin sur la religion, à l’or sur l’offense faite aux dieux immortels. Il affirmait que ces derniers n’avaient besoin de nulle richesse, puisqu’ils avaient l’habitude d’en combler les hommes… Donc, alors que Brennos avait le temple devant les yeux, il se demanda s’il attaquerait sur-le-champ, ou bien s’il donnerait à ses soldats, fatigués par la route, une nuit pour reprendre des forces… Pendant ce combat, les prêtres des temples [de Delphes], en même temps que les prophétesses elles-mêmes, les cheveux défaits, avec leurs insignes et leurs bandelettes, éperdus et hors d’eux-mêmes, accourent devant la première ligne de combattants. Ils clament que le dieu est arrivé, qu’ils ont vu, sautant au pied du temple à travers le faîte du toit ouvert, tandis que tous imploraient à genoux le secours du dieu ; un jeune homme d’une beauté remarquable et au-delà des normes humaines. Et qu’il était accompagné de deux vierges en armes, venues à sa rencontre depuis les sanctuaires voisins de Diane et de Minerve. Ils n’avaient pas seulement vu cela de leurs yeux, ils avaient aussi entendu le sifflement de leurs arcs et le fracas de leurs armes. Ils les exhortaient avec les plus grandes prières à ne pas tarder à massacrer l’ennemi [celte], puisque les dieux combattaient en première ligne [avec eux, contre lesdits Celtes], et à s’associer à la victoire des dieux. Enflammés par ces paroles, tous s’élancent donc à l’envi au combat. Et ils se rendirent compte eux-mêmes aussitôt de la présence du dieu à leur côté, car un morceau détaché de la montagne sous l’effet d’un tremblement de terre écrasa l’armée des Galates… »
(Justin. Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue Pompée. Trogue Pompée qui était celte d’ailleurs, un Celte de type intellectuel « collaborateur » et servile envers les puissants, néanmoins).
Bref, Abellio ou Belin/Belen [Apollon en interpretatio romana-graeca], la bélisama Brigitte [Minerve en interpretatio romana-graeca] et X [Diane en interpretatio romana-graeca] sont venus aider les Grecs en combattant eux-mêmes personnellement les Celtes de Brennos à cause de ses blasphèmes.
Mais ces dieu-ou-démons pourtant ont dû rapidement pardonner ou faire comme si, à nos chers Celtes, s’il ne s’agit pas là tout simplement d’un mythe mal compris, un peu analogue à celui qui concernera les Fir Bolg bien des siècles plus tard.
Une légende tenace en effet veut que la cité de Delphes en Grèce ait bien été pillée ou dépouillée de son trésor, que les Volques Tectosages auraient rapporté dans le Sud de la France actuelle (toujours
46
appelée Gallia en grec d’ailleurs). Cette légende est connue sous le nom d’Or de Toulouse (aurum Tolosanum). C’est un récit dont le statut, historique ou mythique, n’est pas très bien établi.
Ce trésor proviendrait du pillage du sanctuaire d’Apollon à Delphes, lors de la Grande expédition de – 279.
Une partie du peuple celte des Volques Tectosages (les Tolosates) l’aurait ensuite rapporté à Toulouse. C’est de cet or (environ 70 tonnes), maudit à cause de sa provenance sacrilège, que se serait emparé en 105 avant notre ère le proconsul romain Quintus Servilius Caepio, pour le rapporter à Rome. Pendant le transfert, une partie du trésor disparaît assez curieusement et Caepio est donc accusé de l’avoir volé. Selon lui, le convoi aurait malheureusement été attaqué par des brigands sans scrupule entre Toulouse et Marseille. Comme Caepio était aussi responsable de la défaite d’Arausio (Orange – 105 avant notre ère) où 80 000 soldats romains furent tués ; Rome ne supporta pas ces deux échecs consécutifs et Caepio fut exclu du Sénat par le tribun Gaius Norbanus : on lui retira sa citoyenneté romaine et il dut payer une amende de 15 000 talents. Cette disgrâce marqua tellement les esprits qu’on en fit une légende selon laquelle l’Or de Toulouse portait malheur.
Pure invention ou vérité historique, personne ne sait aujourd’hui ce qu’est devenu ce trésor. Cependant, d’immenses quantités d’or ont bien été retrouvées dans les lacs sacrés du quartier du Busca ou dans le lac de la Vieille-Toulouse (à 8 kilomètres).
Mais revenons à – 279. Après l’invasion de l’est de l’Étolie, le groupe celte met à sac Kallion (Callium) avant d’être expulsé par le roi de Macédoine Antigone II Gonatas. Brennos meurt de blessures reçues au combat tandis que les rescapés s’installent au confluent de la Save et du Danube pour donner naissance au peuple des Scordisques.
Une partie de l’armée emmenée par Léonorios et Lutorios ayant pénétré en Thrace, prend la direction de la mer Noire sous le commandement de Commontorios. Ce groupe fonde, en – 277, le royaume de Tylis. Un dernier contingent passe au service de Nicomède Ier, roi de Bithynie, qui l’installe en Anatolie. Ces guerriers forment une confédération d’États dirigée par une aristocratie militaire : Koinon Galaton. Elle est composée de trois peuples principaux.
Les Tectosages sont situés à l’intérieur des terres, leur capitale est Ancyre (aujourd’hui Ankara).
Les Tolistobogiens ont les cités de Pessinonte et de Gordion.
Les Trocmes ont les villes de Tavion et d’Eccobriga.
Selon Strabon, leurs tétrarques et les 300 membres du conseil se réunissaient dans le Drunemeton, le grand sanctuaire où était rendue la justice. Leur économie est basée sur l’élevage, mais ils ont surtout la réputation d’être des blasphémateurs. Au IVe siècle, saint Jérôme rapporte qu’ils parlaient toujours celte. Au 6e siècle, Cyrille de Scythopolis dans sa vie de saint Euthyme laisse à penser que la langue était encore parlée de son temps puisqu’il rapporte qu’un moine de Galatie ayant été momentanément possédé par Satan et rendu de ce fait incapable de parler ; quand il eut retrouvé la raison, il ne put répondre aux questions de ses frères que dans sa langue maternelle. Bel exemple de longévité nationale ou à tout le moins linguistique (le grand spécialiste de la question est le Français Fernand Lequenne).
Bref, voici en tout cas ce que l’on peut déduire des légendes irlandaises concernant les Fir Bolg et les autres peuples analogues. Durant leur vie terrestre en Hyperborée, les dieu-ou-démons donc ont combattu les Celtes, mais ils ont fini par faire la paix avec ceux d’entre eux qui étaient de bonne volonté ; ensuite ils ont scellé cette alliance surnaturelle en envoyant successivement sur terre, pour les aider, le hésus Cuchulainn, puis Belenos Barinthus Manannan. Belenos Barinthus Manannan qui est venu guider ou sauver les hommes comme le grand monarque que fut Arthur. Ou vice-versa d’ailleurs.
Quel que soit l’ordre d’apparition retenu, ce que l’on peut dire du point de vue des très-sachants, c’est que l’homme qui croit en eux comme les bouddhistes croient en Amitabha, non seulement ne périra pas, mais obtiendra une place au soleil dans le vrai monde ; car le destin a envoyé Belenos Barinthus Manannan ou le Hesus Cuchulainn dans le monde, non pour juger le monde des hommes ; mais pour que, par le truchement d’Arthur, ce monde soit sauvé.
47
DEUXIÈME LETTRE DU PRIMAT.
LES « DITS » DU DRUIDE PRIMORDIAL MAROVESUS DE THULÉ/FALIAS.
………………………………………………………………………
La vie est comme la traversée d’un Océan.
Certains voyagent à l’aise sur des nefs larges et confortables,
D’autres galèrent sur une simple barque.
Mais la Mer, toujours, même démontée, s’avère magnifique,
Elle se donne sans partage à qui la désire vraiment…
Le druidisme, à la différence de la philosophie de l’École des éléates (Parménide) ou du Bouddhisme, ne se résout ni à l’affirmation ni à la négation, au sujet des choses de ce monde, mais les reconnaît comme relatives. Le druidisme se tient donc entre deux opinions extrêmes ; celle qui affirme que les phénomènes auxquels nous assistons ou que nous vivons aussi parfois, existent réellement, de façon objective et indépendante, en tant que tels ; et celle qui ne veut y voir que des rêves ou des songes. Il n’établit pas de système d’affirmation ou de négation, mais se livre seulement à une critique dissolvante des illusions (celles du judéo-islamo-christianisme par exemple). Ces connaissances illusoires issues de croyances diverses ne sont que des effets de l’ignorance humaine : les apparences phénoménales, par-dessus la vérité immanente absolue. Mais cette relativité des choses n’est ni le néant ni l’irréalité des apparences elles-mêmes.
Car la thèse même du vide absolu tombe elle aussi sous le coup de cette critique. Il y a du connaissable, même si ce n’est pas un objet extérieur, et, à défaut de réalité extérieure, le support du connaissable est le psychisme intérieur, constitué par l’accumulation des effets ressentis dans la conscience humaine (menman).
En fait, en ce monde sensible, il n’y a pas de « Vérité » (synonyme de réalité) objective, mais « des » vérités, chacun devant trouver la sienne, issue de son chemin de vie personnel.
Ainsi, chaque vérité n’est-elle pas nécessairement erronée, mais reste subjective, partielle, attachée au mental et à la personne qui la conçoit. Seul le « Divin » peut, par solidarité intrinsèque avec l’Homme, entrouvrir la porte…
« La Vérité » nous est incompréhensible sans le secours de cette aide, car il y a entre elle et nous un gouffre incommensurable.
Il est difficile de se faire une idée cohérente, complète, de l’Homme, des hommes, de leur cheminement et de ce vers quoi ils tendent, sans effectuer de longues recherches, souvent ardues ; sans provoquer ou vivre de dangereuses expériences.
C’est le travail de toute une vie, en quête de « La Vérité », entre Ténèbres et Lumière… Il arrive, parfois, lorsque l’on est prêt, qu’un hasard invisible révèle ce que l’on avait sous les yeux, mais que l’on n’apercevait pas ! Et c’est « toujours » un instant émouvant que celui de cette découverte de votre Graal personnel…
…………… Hésus Setanta fait le lien entre le monde des dieu-ou-démons et des humains, entre le monde éternel, le monde céleste et le monde temporel (le monde sensible), le monde terrestre, la terre sur laquelle l’homme marche, mange, vit et meurt. C’est d’ailleurs ce que signifie son nom qui vient de la racine Sentu = chemin.
C’est aussi également illustré par le mythe de la transformation en aigle de son père Lug, appelé Llew Llaw Gyffes dans la Quatrième Branche du Mabinogi (Math fils de Mathonwy).
Le mythe druidique (à ne pas confondre avec le mythe celtique, la relativité du temps qui passe est par exemple illustrée par le récit ayant donné la légende irlandaise de Bran fils de Fébal) est une figuration dans laquelle prennent place les forces de la Nature (dans leur déploiement à partir de l’Origine de la Manifestation). Le mythe druidique raconte l’expression de l’aiu autrement dit de l’éternité dans le temps.
48
Bien sûr, le problème que nous pose la mythologie druidique, c’est qu’elle se place surtout sur le plan des images et que, comme la Bible, son langage est propre à une civilisation donnée. Le philosophe préférerait, lui, entendre le langage de la raison plus que celui du mythe. Mais l’intelligence peut-elle, par la seule voie de la spéculation, comprendre la relation de l’aiu c’est-à-dire de l’éternité, au temps ?
Dans un texte très ancien du Rig Veda traitant du véritable monothéisme (du véritable monothéisme et non de la monolâtrie judéo-chrétienne ou musulmane), il est dit qu’à l’origine, l’Être Dieu ou le Démiurge unique et indifférencié contenait tout dans l’indistinction. L’Un était seul et la Manifestation était repliée en lui, le temps dormant dans l’aiu (dans l’éternité).
C’est dans la mythologie druidique qu’a été poussée le plus loin cette réflexion sur le monisme. La Réalité ultime est le chaudron cosmique du Grand Tout, symbolisé par le Graal au Moyen-âge, cet Englobant contient à la fois un aspect non changeant, éternel, de l’Être ; mais aussi la puissance du changement du Devenir. Le chaudron cosmique est à la fois statique et dynamique. C’est ce qui le rend insaisissable pour l’intellect. Et il n’est ni féminin ni masculin, il est non duel.
49
PREMIÈRE LETTRE DU DRUIDE RÉMI.
À PROPOS DU GRAND HESUS MAÎTRE DE THULÉ,
DE SA FILIATION DIVINE, DE SA MISSION RÉDEMPTRICE.
………………… Le dieu-ou-démon supérieur des très-sachants est immanent-transcendant, inconnaissable, immensément bon, et de lui émanent les âmes et les dieux. Il existe néanmoins d’autres êtres intermédiaires entre les hommes et cet Être supérieur. Le grand Hesus de Falias/Thulé incarné en demi-dieu-ou-démon, est l’un d’entre eux.
De quoi Hésus est-il le nom ? Hésus est l’exemple même de l’épanouissement et du salut de l’âme (le prouve la lumière du héros ou lon laith, én blaith, long gaile, qui a surgi alors de son front), et son nom peut donc être invoqué de tous, car il fait partie des hommes de par sa triple naissance en ce monde lors de sa dernière avatara. Prononcer son nom au moment crucial c’est bien évidemment au minimum envisager qu’il a pu exister et il ne saurait y avoir d’invocation plus efficace. Le nemboutsou de l’amidisme est loin derrière.
Ainsi que l’ont très bien vu Patrick Pearse en fondant son École de Saint-Enda, et Augusta Gregory, en toute sa vie le Grand Hésus s’est montré comme notre modèle. Il est l’homme parfait (le « Ro-viros ». Rofir en gaélique) qui nous invite à le suivre dans son île hyperboréenne de Thulé, à la fois sortie et entrée de l’Autre Monde.
Il y a sans doute à l’origine un personnage ayant réellement existé, quelque part en Europe centrale il y a 3000 ans,
mais un peu comme dans le cas de l’Hercule grec cher à Évhémère, à la biographie strictement historique de ce grand héros ayant réellement existé, se sont rapidement rajoutés des éléments tous plus mythiques les uns que les autres ; et les armées humaines, bien humaines, contre lesquelles il s’est réellement battu (un peu comme Roland à Roncevaux, ont peu à peu été présentées par les poètes (ayant mythifié à l’infini sa geste héroïque) ; de la même façon que celle des vouivres anguipèdes gigantesques (Andernas sur le Continent, Fomore en Irlandais). Dans les textes épiques en effet les armées d’Irlande en lutte contre Cuchulainn ont un rôle analogue à celles des armées de vouivres anguipèdes géantes dites Andernas ou Fomore, en guerre contre les dieu-ou-démons de la déesse-ou-démone, ou fée, si l’on préfère ce terme, Danu (bia). N.B. Ce qui est certain aussi en effet, c’est que le Sétanta surnommé Chien de Culann ne se sent en aucune façon Irlandais. Il passe en effet son temps à les combattre et ne se considère jamais comme l’un d’entre eux.
Étymologiquement, Hesus, Aisus, Aesus, Ésus, vient du préfixe celtique Veso dont le sens est « excellent, bon, meilleur ». Cf aussi peut-être le latin Erus/Herus seigneur maître souverain.
Son autre nom sera Setanta, ce qui veut dire le cheminant. Il ne prendra le nom de Cuchulainn, qui signifie « le chien de Culann », qu’après avoir tué un chien de garde géant appartenant à un forgeron du nom de Culann.
Un premier aspect de ce dieu-ou-démon ou demi-dieu-ou-démon, est celui de chaman « pendu » (in arbore suspenditur). Au paroxysme de l’expérience chamanistique en effet, il se pend par les pieds dans un arbre bifide, et y reste jusqu’au-delà de sa mort physique : c’est « l’Arbre au Pendu » évoqué dans la revue d’Études celtiques. D’où son association à l’idée de « résurrection » sous forme d’aigle. Mystique ou réelle selon les Écoles. N.B. Ce mythe se retrouve dans la quatrième branche du mabinogi et appliqué à Llew Llaw Gyffes.
Il sera vu ensuite essentiellement comme une divinité guerrière, d’où son rapprochement avec Mars dans l’interprétation romaine.
Animal associé : le taureau. Végétal associé : le gui.
LE HESUS LIBÉRATEUR.
50
Dès le début, les anciens très-sachants ont lié le thème du salut des âmes à celui de la liberté vis-à-vis des contingences de ce monde. Certains, en suivant son exemple et son enseignement, devinrent même ce que l’on appelle aujourd’hui des awenyddion, comme l’a dit son frère de lait appelé Cunovalos Cernacos (Conall Cernach dans la tradition irlandaise).
« Le sacrifice opéré sur le menhir de Moritamna (Murthemné)
Nous a conféré à tous la souveraineté de ce héros ».
Autrement dit, comme dans le cas du bouddha nommé Amitabha 1), les vertus du grand chien cheminant, le Hésus/Setanta/Cuchulainn, rejaillissent sur nous. Mais dans le cas du hésus Cuchulainn, il s’agit d’un bouddha plutôt homme d’action.
Dans leurs commentaires oraux des scènes de tentation du Hésus en tant que Cuchulainn (tout semble se liguer en effet pour essayer de l’empêcher de partir faire son devoir, le Gris de Macha son cheval favori, son fidèle cocher, la Morrigane elle-même, et ainsi de suite) ; les anciens très-sachants de type barde ou vellède expliquaient que, par sa résistance à la tentation de fuir négativement son destin ; Cuchulainn a en quelque sorte détruit en nous les effets de l’étrange maladie qui paralysait périodiquement les siens et qui venait de l’Épona nommée Magosia (Macha en gaélique). Assumer volontairement son destin c’est ça la vraie liberté et cette liberté triomphante, de par sa souveraineté même, annule la malédiction originelle de cette Épona (de Magosia/Macha) qui affecte les meilleurs des hommes.
LE HESUS DIVINISATEUR.
Grâce à l’exemple salutaire de ce Hesus en chair et en os, nous avons été initiés au surhumain. Ou plus exactement nous avons désormais présent à l’esprit qu’il est possible de retrouver les pouvoirs préternaturels de l’être humain.
Telle est la raison pour laquelle l’Être supérieur s’est communiqué en cette hypostase. C’est pour que l’Homme, en suivant les traces du Grand Hesus, en devienne en quelque sorte l’ultime héritier, car c’est en suivant le cheminant que l’on trouve le chemin.
Préternaturel est un terme provenant du latin médiéval praeter naturalis, signifiant au-delà de la nature, de praeter au-delà de et natura, nature. Les phénomènes préternaturels se situent entre l’ordre naturel et le surnaturel qui n’appartient qu’aux anges ou aux démons.
Est considéré comme surnaturel au sens strict ce qui est d’ordre exclusivement et spécifiquement divin et, par conséquent, dépasse toutes les possibilités normales de ce monde. Le surnaturel dépassant la nature humaine, la connaissance normale du surnaturel échappe à la raison. Le surnaturel proprement dit se manifeste de façon inaccessible à la raison dans son contenu explicite et positif ; non productible par les forces il apparaît par là comme absolument transcendant à la raison et à la nature.
Le préternaturel, par contre, désigne, par rapport à l’homme, les performances ou actes supérieurs à tout pouvoir humain, que nous pouvons réaliser dans l’ordre de la nature à condition de recevoir l’aide d’une entité supérieure, mais qui ne relèvent pas véritablement de l’ordre surnaturel. Le surnaturel ne peut provenir que d’une intervention divine seulement, tels les miracles. Les prodiges par contre relèvent du préternaturel. Le préternaturel démontre l’existence d’êtres infiniment plus puissants que l’homme. Par exemple la bilocation et les autres pouvoirs comme la vision ou la télépathie, la voyance (Lombroso et Pierre Janet). La découverte immédiate et sans examen d’une maladie et des remèdes qui lui sont propres. Selon les chrétiens le premier homme avait un don comprenant trois privilèges qui, sans changer fondamentalement sa nature humaine, lui donnait une sorte de perfection : la science infuse, la maîtrise des passions ou l’exemption de concupiscence, de la souffrance et l’immortalité (du corps).
L’anmenacton ou anuanacton (cérémonie du nom), par excellence rituel commémoratif de cette adoption divine ; nous plonge dans le sang du Grand Hesus afin que, décapités avec lui pour mourir à la faiblesse originelle (la malédiction de l’Épona appelée Magosia-Macha en gaélique) et à la réincarnation sans fin en bacuceos ou seibaros ; nous renaissions avec lui (au moins partiellement) dans l’autre monde divin, autrement dit à une vie nouvelle symbolisée par son apothéose sur un char. On retrouve là le rôle d’Amitabha, mais dans un contexte nettement plus tourné vers l’action.
51
N.B. Le terme « préternaturel » apparaît au XIXe siècle. Gougenot emploie le terme « surhumain ». Au XXe siècle Pierre Delval le nomme le « surréel paraphysique » et ces dernières années certains comme Bernard Auriol, emploient volontiers à la place les termes « parapsychique », ou « métapsychique ».
HESUS JUSTICE IMMANENTE DU DESTIN.
Le mot justice ne doit pas être réduit au sens étroit qu’il a aujourd’hui. Le terme celtique (Fir) inclut aussi la notion de vérité. Hésus est la vérité du Destin suprême (Tocade) et c’est pour cette raison qu’il a été décapité sur le menhir de Muirthemné. Comme le dit la chanson de Guy Béart, le poète a dit la vérité, il doit être exécuté.
Il a été reconnu comme « roviros » (« rofir » en irlandais) c’est-à-dire comme « Super Homme » ou « Homme Complet » (c’est-à-dire ayant toujours les dons préternaturels de l’homme) par Cunovalos Cernacos (Conall Cernach).
L’exemple de Cuchulainn est la première et dernière force convenant aux pauvres mortels que nous sommes. À condition de croire en son existence évidemment (seule la foi sauve, la foi peut abattre des montagnes si l’on en croit certaines légendes nous montrant des très-sachants comme Mog Ruith les faisant s’écrouler).
La solidarité du Destin libère l’Homme des servitudes engendrées par la faiblesse congénitale des meilleurs d’entre nous (symbolisée par la maladie des Ulates) et par la réincarnation en bacuceos ou seibaros (en cas de demi-réincarnation). Notre vérité reste fondée sur cette foi.
Dans ce jeu compliqué de la solidarité, mais aussi de la liberté, la coopération de l’Homme à son salut par l’héroïsation, demeure un acte de liberté (subjective). L’homme consent à l’éveil ou le refuse. L’homme consent au salut ou le refuse.
Le petit – fils dernier-né du Destin, et de la mopatis (thétokos) Épona, a jadis assumé notre nature (« a revêtu un corps humain », pour reprendre le terme même de Flann Mainistrech dans le Lebor Na Gabala Erenn). Afin de restaurer la similarité perdue entre les hommes et les dieu-ou-démons.
Et si ce n’est lui, ce sont les vellèdes qui ont élaboré puis colporté sa légende dorée.
Ses miracles (ses exploits), sa défense des petits et des humbles en tant que chien de Culann (Compert Con Culainn : Am túalaing mo daltai. Am dín cech dochraite. Dogníu dochur cech tríuin, dogníu sochur cech lobair – Fergus – il ne tuait jamais les cochers ni les messagers ni les hommes sans arme), son acceptation du sacrifice suprême, son apothéose et sa montée au ciel ; constituent un aperçu de l’autre monde, autrement dit de la destinée de l’Homme.
L’exemple salutaire du sacrifice du Grand Hésus, en tant que Setanta Cuchulainn, nous montre que la phase où l’âme/esprit a commencé à surpasser la matière ira de pair avec une exacerbation des souffrances de l’Humanité ; mais il a, de par sa force, valeur rédemptrice, et il réconcilie donc l’Homme avec ses frères ennemis, les dieu-ou-démons, il unit l’Homme au monde du divin. Le Hésus en question est partie intégrante de notre histoire parce qu’il est intarabos ou anextiomaros, autrement dit puissance médiatrice par excellence.
Le corps du Grand Hésus (Morfessa en irlandais) en tant que Setanta Cuchulainn, a été glorifié (rendu bellissime) ou transfiguré dès son apothéose, comme le prouve le témoignage des « 150 femmes » l’ayant aperçu monter aux cieux sur son siaburcharpart (sur son char). Voir la coutume des tombes à char en Champagne ou en Ardenne).
Avec Hésus le destin s’est fait chair, le Hesus Setanta Cuchulainn, tout comme Deirdre d’ailleurs, est en quelque sorte l’incarnation même du Tocad ; et Lug (son père de l’au-delà) est une émanation du Destin envoyée vers sa future mère pour procéder à cette étonnante opération du Saint-Esprit que fut sa triple conception. Sualtam en effet n’en fut que le père adoptif ou nourricier.
Notre héros fut aussi un puissant guérisseur capable de faire des miracles en ce domaine. L’ambivalente fée Morrigan en profitera même pour se faire guérir par lui (à son insu si l’on en croit le texte de l’enlèvement des bœufs de Cooley).
52
« C’est alors que la Mara Rigu/Morrigu/fée Morgane, fille d’Ernmas, vint du sidh sous la forme d’une vieille femme et devant le Hésus Cuchulainn se mit à traire une vache à trois pis. La raison de sa présence était d’être guérie par lui, car aucune personne ayant été blessée par le Hésus Cuchulainn ne pouvait recouvrer la santé à moins que lui-même n’ait pris part à son traitement.
Tourmenté par la soif le Hésus Cuchulainn lui demanda donc du lait à boire. Et donc elle lui donna du lait d’un des pis.
Que cela soit promptement guéri par moi.
Et l’œil de la reine qui avait été crevé fut guéri.
Le Hésus Cuchulainn demanda du lait d’un autre pis. Elle lui en donna.
Que promptement soit guérie celle qui m’a donné cela !
Il lui demanda aussi à boire une troisième fois et donc elle lui donna du lait du troisième pis.
Bendacht dee & andee fort, a ingen. Que la bénédiction des dieux et des non-dieux ??? soit sur toi, ô femme.
Batar é a ndee in t-áes cumachta. & andee in t-áes trebaire. Les dieux ce sont les gens qui ont des pouvoirs (cumachta) et les non-dieux ceux qui travaillent la terre (trebaire). Ensuite la reine recouvra son intégrité physique ».
Mais notre héros ne s’est pas contenté d’accomplir des miracles ou des prodiges de ce genre au cours de sa brève existence terrestre. Ses qualités premières sont en effet, le courage, l’absence de haine, de jalousie ou de crainte, la parfaite loyauté, la franchise, et enfin l’amour de la vérité.
Certaines tendances du néo-druidisme actuel minimisent évidemment la souffrance du dieu-ou-démon Hesus = Cuchulainn sur le menhir de Murthemné, voire la considèrent comme relevant des seules apparences : un dieu-ou-démon ne pouvant souffrir comme un homme.
Car l’objection hellène à cette importante notion druidique est évidemment celle-ci : comment quelqu’un qui est mort de façon aussi bêtement humaine pourrait-il être un dieu ?
Il est vrai que même pour les contemporains du Hesus une telle mort a dû sembler la preuve qu’il n’était pas un dieu. Comme l’a si bien dit sa plus farouche ennemie, la reine Medb, « I n-óenchurp atá. Imgeib guin immoamgeib gabáil. il n’a qu’un corps, il est sujet à blessure et n’est point à l’abri d’une capture ».
Mais le druidisme authentique ne peut que rejeter un tel docétisme, qui n’est compréhensible que sur arrière-fond hellénistique. L’humanité de Hésus en tant que Setanta = Cuchulainn – impliquant la souffrance et la mort – n’a pas à être éliminée, de son mythe, de sa légende, de son exemple.
Contrairement à ce que pense Mme Augusta Gregory, le drame du menhir de Murthemné ne prend toute sa signification que si l’on prend aussi en considération la montée au ciel du Hesus = Cuchulainn sur son char après son triomphe sur les enfers. Car le « Siaburcharpat Conculainn » du XIIe siècle est formel à cet égard, le Hesus = Cuchulainn est bien descendu dans les glaces de l’enfer, mais il en est ressorti… toujours vivant, d’une façon ou d’une autre. Les moines copistes chrétiens ont bien sûr attribué cet exploit à saint Patrice, mais on trouve aussi la même chose dans le récit intitulé Brislech Mor Maige Murthemni (la grande ruine de la plaine de Murthemné). Version A du Livre de Leinster.
« Les Ulates n’eurent pas le cœur à faire la fête à Emain cette semaine-là et l’âme/esprit du Chien de Culann apparut aux cinquante reines qui l’avaient aimé. Elles virent en effet le Chien de Culann et le fantôme de son char apparaître au-dessus d’Emain Macha, il chantait et on l’entendait dire : Emain, Emain, puissant royaume, etc. »
1) Amitabha est inconnu dans le bouddhisme ancien et l’on peut penser que son culte s’est développé à partir d’une influence venue de l’Iran voisin. Sa plus ancienne statue identifiée par une dédicace, datant de la seconde moitié du IIe siècle (28e année du règne de Huvishka), vient de Govindo-Nagar dans l’Empire kouchan ; elle se trouve actuellement au musée de Mathura dans l’Uttar Pradesh. Son nom (lumière infinie), son origine géographique et sa notion de paradis, ont fait penser à une possible influence persane.
53
SEPTIÈME LETTRE DU VIEUX TRÈS-SACHANT DE LA FORÊT ARDENNAISE.
………… La notion d’incarnations (avatar) diffère de l’hypostase en ce sens que, dans le cas de l’incarnation, et à la différence de l’hypostase ; ce n’est pas seulement une des composantes ou un des attributs du dieu-ou-démon qui se manifeste ; mais lui-même, totalement ou partiellement, dans un but précis (réparer une injustice par exemple, ou défendre quelqu’un : nombreux exemples dans notre documentation irlandaise, Lug pour Cuchulainn, Aengus pour Diarmuid et Grainne).
Les incarnations partielles plus moins éphémères relèvent de la catégorie des héros divinisés.
Sur un certain plan, les deux séries se répondent néanmoins.
Beaucoup pensaient en effet, chez les anciens Irlandais, que les personnages divins, et les héros appartenant au clan de la déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère, Danu (bia), ou au peuple du Sid, voire certains grands hommes, pouvaient s’incarner, ou se réincarner ; c’est-à-dire descendre ou redescendre sur terre, et vivre ici-bas de nouveau une vie de simples mortels. Cette idée largement répandue a été mise en évidence par Alfred Nutt et Éléonore Hull.
Dieu-ou-démons et déesse-ou-démones, ou fées si l’on préfère, de l’amour, de la guerre (défensive), de la santé… sont des hypostases du niveau divin supérieur. Le Hésus/Cuchulainn ou le fils de Camulos appelé Vindos (Finn en Irlande) sont des incarnations partielles de certains dieu-ou-démons. Manannan lui-même n’est peut-être que l’avatar d’un dieu ou démon panceltique de type Belenos ou Taran/Toran/ Tuireann
Éléonore Hull, dans ses notes sur les tabous et les gessa irlandais, à propos de la saga de Cuchulain ; pense que les principaux personnages de ces légendes étaient tenus pour des descendants, ou plus exactement des avatars, ou réincarnations, des anciens dieu-ou-démons.
Leurs généalogies les font remonter à des membres du clan de la déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère ce terme, Danu (bia), mais il y a aussi des anecdotes relatives à leur naissance montrant qu’ils sont considérés comme des êtres divins, re-nés dans le monde des hommes. Ces histoires ne sont pas toujours très claires et il s’avère évident que la plupart de ces récits ont été remaniés par des transcripteurs chrétiens, car cette doctrine [relative aux avatars] n’était évidemment guère acceptable pour eux. La déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère, Etain, symbole de l’âme humaine, y devient par exemple l’épouse, humaine, d’un roi d’Irlande…
Duxtir/Dechtire, la mère de Cuchulainn, était la fille du très-sachant Catubatuos et la sœur du roi Conchobar. On parle de Conchobar comme d’un être surhumain et Duxtir/Dechtire, sa sœur, mère de Cuchulainn, est dite « déesse ». Voir le Leabhar na h-Uidhre, 101b ; ainsi que le livre du Leinster, 123b : « Cúchulainn mo dea dechtiri ».
En ce qui concerne Cúchulainn lui-même, il est noté qu’il est l’avatar de Lug lamhfada. Lug apparaît à Duxtir/Dechtire, la mère de Cúchulainn, et lui apprend qu’il sera son enfant, c’est-à-dire que l’enfant sera une autre incarnation de lui-même. Quand Cúchulainn sera interrogé sur ses origines, il se revendiquera d’ailleurs de cette filiation. Et quand il sera question de lui trouver une femme, la raison avancée en sera que Cuchulain ne peut renaître que de lui-même, ce qui est une bien curieuse formulation, convenons-en !
D’Arbois de Jubainville a également montré, que le grand-père de Cuchulainn, était du Sidhe, et que tel était aussi le cas d’Ethné Inguba, la sœur de Sualtam, son père adoptif.
L’ascendance de notre héros est donc à la fois royale et divine.
Et Conall Cernach, le compagnon vengeur de Cuchulainn, à en croire le Cóir Anmann (un dictionnaire composé probablement au cours du douzième siècle), était, lui, la réincarnation d’un héros du clan de la déesse-ou-démone, ou fée, Danu (bia).
Le problème est que presque tous les manuscrits traitant de l’antique littérature ou de la mythologie des Gaëls ont été compilés par des moines copistes chrétiens ; ce qui a eu pour résultat, ainsi que l’a bien compris Éléonore Hull, que seules quelques histoires d’avatar sont parvenues jusqu’à nous, et sous une forme évidemment altérée ; alors qu’à l’origine, elles devaient être aussi nombreuses que dans l’hindouisme.
Les autres cas mis en avant par Éléonore Hull sont ceux du roi Mongan, celui de la malheureuse Etain, Arthur ; et enfin le célèbre compagnon de Finn héros du roman d’amour qui le met en scène avec la belle Grannia ou Grainne : Diarmat. Voir le récit intitulé « la Poursuite du Gilla Decair ». On lui rappelle en effet, dans ce récit, qu’il fut élevé dans l’autre monde avec Manannan Mac Lir et Oengus.
54
Dans cette conception irlandaise de la notion d’avatar, il n’y a pas de changement de sexe. Lug s’incarne en homme, Cuchulainn, Finn en Mongan, Etain en fille. Mais cette dernière semble ne pas se rappeler avoir vécu antérieurement dans le monde des dieu-ou-démons alors que Cuchulainn et Mongan, eux, en ont clairement conscience.
Note de la rédaction : en ce qui concerne Tuan mac Cairill dit aussi fils de Starn, il s’agit plutôt de métamorphoses. Rêve ou cauchemar archétypal, la métamorphose constitue, au-delà du phénomène réel, un mythe universel qui nourrit les religions, obsède les arts, et fascine les sciences. À l’image de ce qu’elle désigne, la notion de métamorphose est insaisissable. Permanente et universelle ; la métamorphose échappe, sinon à toute définition – un « changement de forme », selon l’étymologie (du grec méta- : « à la suite de », d’où « changement », et morphê : « la forme ») – du moins à toute délimitation. La graine se change en fleur, l’œuf fécondé en être vivant, le galet en sable, le jeune en adulte, la nuit en jour, la vie en mort, et ainsi de suite à l’infini.
Le mythe de la métamorphose (récit fabuleux mettant généralement aux prises les hommes et les dieu-ou-démons) est d’abord un mythe étiologique (du grec aitia, « cause ») : il a pour fonction d’expliquer le monde, de lui donner un sens. Ainsi, à l’origine de telle plante, de telle pierre, de telle île ou de telle rivière, il y aurait la transformation d’une divinité. Rassurante, bienveillante, la métamorphose s’emploie ici à résorber l’étrangeté.
En assignant aux choses une source humaine ou divine, l’homme reconstruit le monde à son image, et, par là même, se donne la possibilité d’agir sur lui. Si les animaux, les plantes, les phénomènes naturels, qui me menacent ou dont je dépends, sont des hommes ou des dieu-ou-démons transformés ; je peux alors m’adresser à eux, par exemple par le truchement du sorcier, du prêtre ou du chaman, afin qu’ils m’accordent leurs faveurs, ou au moins m’épargnent leur fureur. Les mythes de métamorphoses étiologiques privilégient donc des éléments vitaux pour les sociétés dans lesquelles ils s’inscrivent. Le feu (chez tous les peuples), la nourriture (l’origine du maïs chez les Indiens), la nature (la baleine, l’ours ou le phoque chez les Esquimaux), et ainsi de suite.
Mais, bien entendu, c’est de sa propre origine que l’homme a, de tout temps, été le plus curieux, le plus inquiet. Innombrables sont donc les mythes qui rapportent la création de l’homme (de tous les hommes ou, plus souvent, du fondateur du peuple, de la tribu) à une métamorphose.
Le mythe de la métamorphose rassure à un autre titre : en rapportant à une origine connue ce monde apparemment incompréhensible, il lui confère également l’unité qui semblait lui faire défaut. Car, si les dieu-ou-démons et les hommes peuvent devenir des animaux, des végétaux, des minéraux ; si même, de l’un à l’autre de ces règnes, de l’une à l’autre de ces espèces, les passages sont possibles ; c’est bien que le Bitos ou univers est homogène et cohérent. Le mythe de la métamorphose proclame indirectement l’unité du grand Tout.
C’est pourquoi on le trouve à l’œuvre aussi bien dans les religions syncrétistes (associant plusieurs types de croyances, du Dieu ou Démiurge unique aux âme/esprits) comme l’animisme ou le panthéisme – pour lesquelles la nature, divinisée, est peuplée d’âmes, d’esprits – ; que dans les conceptions matérialistes d’un Lucrèce. Tous les êtres circulent les uns dans les autres, par conséquent […] tout est en flux perpétuel […] tout animal est plus ou moins homme *; tout minéral est plus ou moins plante ; toute plante est plus ou moins animal. Dans ce monde de correspondances où se réalise la fusion de l’Homme et de la nature, divinisée ou pas, la métamorphose n’est nullement un scandale, une anomalie ou un miracle, mais la manifestation même de l’harmonie universelle. C’est un changement témoignant d’un ordre, d’une permanence, d’une continuité dont, à bien y réfléchir, l’évolutionnisme darwinien n’est pas si éloigné. Il en est en tout cas bien plus proche que du fixisme ou créationnisme simpliste des judéo-islamo-chrétiens.
* Et réciproquement, tout homme peut se comporter en animal, pas besoin d’observer les fous du califat islamique en Syrie pour en arriver à cette conclusion, la lecture de l’île du docteur Moreau suffit.
55
TROISIÈME LETTRE DU TRÈS-SACHANT JEAN MARTIN.
…………« Certains auteurs affirment que les Galiciens sont athées, tandis que les Celtibères et leurs voisins au nord sacrifient à un dieu sans nom ; la nuit, à chaque retour de la pleine lune, devant les portes de leurs bourgades, se livrant alors avec toute leur maisonnée à des rites divers agrémentés de danses » (Strabon, Géographie, III, 4, 16).
Un Dieu que l’on ne nomme pas… Même réflexe intellectuel qu’avec l’El Elyon de la Torah avons-nous noté.
Le druidisme est naturellement cantamantaloedis. Cet esprit de tolérance et de bonne volonté pour comprendre et apprécier le point de vue des autres est fondé sur l’acceptation du fait incontestable qu’une vérité a toujours plusieurs faces, niveaux, ou apparences. Ce point d’ailleurs implique la nécessité de connaître, et relativement bien, les autres religions du monde, afin de pouvoir au moins en discuter, calmement et pied à pied. Voir le cas du très-sachant rencontré par Lucien à Marseille.
Bien étranges évidemment sont les capacités dont semblent bénéficier certains héros, dieux ou très-sachants, comme Merlin des légendes irlandaises ou galloises.
L’homme est-il capable de rendre visite aux dieu-ou-démons ? Nous savons que cela existe, mais nous sommes dans le domaine du préternaturel. Voyage astral, dédoublement, bilocation, don d’ubiquité ???
On parle aussi beaucoup de la lumière des héros ou lon laith én blaith long aile pouvant sortir du crâne de certains guerriers. Ces lon laith ne sont sans doute perceptibles que par des psychismes humains épurés ou aiguisés. Dans le druidisme, plus on est ascète et entraîné, plus on perçoit de choses…
On peut définir la métapsychique comme quelque chose qui échappe aux règles habituelles de la perception ou de la science. Ce qui est au-delà de la norme, du raisonnement scientifique. Cela comprend des phénomènes très variés. Ce domaine est une véritable nébuleuse !
Il y a trois catégories de pouvoirs.
Préternaturels (ce qui dépasse les capacités humaines, ce qui dépasse les forces de la nature).
Naturels (ce qui appartient aux capacités humaines).
Et enfin surnaturels (ce qui vient de l’Être supérieur ou du Grand Tout).
Personne ne peut connaître l’avenir, quelle que soit la méthode. On peut deviner, avoir une intuition, mais prédire est hors de portée de l’Humanité.
Lorsque des voyants prétendent pouvoir lire l’avenir dans différents supports, ils ne peuvent qu’anticiper des choses prévisibles, c’est-à-dire accessibles à une déduction, un raisonnement.
Les vrais horoscopes druidiques par exemple, et nous ne parlons pas ici des élucubrations du pseudozodiaque des arbres ne sont qu’un embryon de caractérologie préscientifique, d’avant Heymans ou Le Senne et sa triade émotivité activité retentissement, une façon de transmettre une certaine sagesse, mais ils ne prédisent jamais vraiment l’avenir au sens strict du terme. Le zodiaque celtique est une manière poétique d’évoquer certains types de caractère. Une manière symbolique de parler de caractérologie.
Tous les scientifiques s’accordent à dire que l’Homme n’utilise qu’une toute petite partie de son cerveau. Certaines facultés, dites métapsychiques, comme la télépathie, le magnétisme ou la télékinésie, peuvent être intrinsèques à l’être humain, même si ce dernier n’en maîtrise pas encore toute l’approche scientifique. Elles sont des traces résiduelles de l’harmonie primitive et préternaturelle entre l’Homme et la nature, ce que l’on appelle familièrement le sixième sens.
D’autres phénomènes nous emmènent aux frontières du surnaturel. Prenons l’exemple de l’expérience de mort imminente (E. M. I.) où un individu, dans le coma par suite d’un accident ; a l’impression de sortir de son corps, de s’engager dans un tunnel noir, en allant vers une entité supérieure ; mais qui n’a ni nom, ni visage, une sorte d’énergie impersonnelle, et de voir des proches décédés avant de revenir à l’état d’éveil. Ce phénomène apparaît dans l’étude des propriétés psychiques (ou extra-sensorielles) de notre corps. Mais il n’en est pas toujours ainsi. C’est bien là toute la difficulté du discernement à opérer.
La capacité psychique, présente chez certains individus, de sentir des choses ou d’avoir une action à distance sur les choses, sans l’intervention d’entités spirituelles, ne fait nullement intervenir les dieu-ou-démons.
56
Par contre pour tout ce qui fait intervenir des entités spirituelles supérieures, il y a toujours présence de dieu-ou-démons, qui peuvent être soit bénéfiques soit ambivalents.
Certains phénomènes paranormaux relèvent du surnaturel, mais pas du surnaturel absolu, d’un surnaturel très relatif. Ce que l’on appelle aussi d’ailleurs le préternaturel. Ces phénomènes dépassent les capacités humaines actuelles : ils font intervenir, ce que les dieu-ou-démons dans ce cas ont en commun : une puissance sur la matière ou sur les esprits, invisible, donc imperceptible au commun des mortels. Perceptible dans ses effets, mais pas dans ses causes.
Les morts peuvent-ils communiquer avec nous ?
Pour les anciens druides, les âmes/esprits des morts sont évidemment plus proches des dieu-ou-démons que nous. Mais pourquoi demander à de supposées âmes errantes ou esprits de nos ancêtres des lumières que nous pouvons obtenir ailleurs ? Si c’est pour être rassuré sur l’au-delà de la mort, il vaut mieux privilégier la confiance en notre enseignement sur le monde parallèle au nôtre que l’on appelle Mag Meld, Vindomagos, Vindobitos, ou autrement suivant les circonstances. Mener sa vie honnêtement et accomplir du mieux que l’on peut son difficile métier d’homme sur cette Terre est la bonne méthode.
Lorsque l’on invoque les âme/esprits des morts, on peut aussi entrer en contact, je le répète, avec des divinités ambivalentes qui prennent la place de nos morts et s’immiscent alors dans notre psychisme. On ne sait jamais qui l’on fait venir. L’homme est fragile et il peut ouvrir ses portes à des entités spirituelles qui vont entrer dans sa vie, son corps ou son psychisme, jusqu’à l’aliéner.
Certaines personnes peuvent-elles voir l’invisible ? De telles perceptions peuvent effectivement survenir grâce à des liens créés entre certaines personnes sensibles et des entités supérieures.
Un seibaros ou fantôme est une énergie résiduelle laissée par quelqu’un ayant été en situation de crise en un lieu donné, et qui se manifeste sous certaines conditions à d’autres personnes.
Il existe dans notre sodalité des très-sachants qui refusent d’envisager ces phénomènes ! Ils disent simplement « n’y touchez pas ! » Une telle recommandation n’est pas de nature à vraiment aider les femmes ou les hommes de notre temps à vivre.
……… COMMENT LES ANCIENS DRUIDES VOYAIENT-ILS ALORS LES CHOSES ? Eh bien comme ceci.
Le propre des dieu-ou-démons bénéfiques (anextiomaroi, ivantucaroi, virotoutis, dunatis, toutatis, contrebis), est d’intervenir uniquement afin de mener les hommes à la vérité, au respect ou à l’amitié. Certainement pas pour conférer à certains hommes un pouvoir de domination sur les autres ou une capacité à prédire.
Une réminiscence peut donc avoir comme origine un dieu-ou-démon bénéfique. Certains phénomènes de télépathie peuvent avoir pour origine un dieu-ou-démon bénéfique. Exemple ; je n’ai aucune raison de penser à ma grand-mère à tel moment et, tout d’un coup, alors que je fais autre chose, je pense à elle. Cela peut être dû à l’intervention d’une matra sulevia ou d’un genius cucullatus. La matra sulevia ou le genius cucullatus est un être spirituel qui veille sur les âmes/esprits individuelles. C’est là leur mode d’action privilégié.
En l’absence de dieu-ou-démons exclusivement bénéfiques, ce sont nécessairement des dieu-ou-démons plus ambivalents qui se manifestent comme dans le cas des djinns musulmans. Du coup, lorsque l’on invoque des entités spirituelles, on ne sait jamais avec qui l’on passe un pacte…
Que donne concrètement ce pacte avec les « djinns » celtes ? Cela peut être des capacités de connaissance, des révélations de choses cachées, concernant le passé ou l’avenir proche, des pouvoirs extraordinaires.
En faisant intervenir des entités supérieures comme les dieu-ou-démons, alors on peut obtenir d’elles une certaine connaissance de choses prévisibles, car elles ont une vue plus perçante que la nôtre. Mais cela se limite à un futur proche. Bons ou mauvais, les dieu-ou-démons ne connaissent pas l’avenir autrement que dans la mesure permise par le Destin ou Tocade (moyen gallois tynghed, breton tonket, destiné, vieil irlandais tocad, destin, toicthech « fortunatus », tonquedec en breton. Le labarum est son signe).
CONCLUSION.
Il est plus facile pour l’homme de nier ce qui lui échappe que d’avouer son incapacité à l’étudier. Avoir une telle approche de ces phénomènes peut conduire jusqu’à leur négation pure et simple.
57
La prudence à laquelle les vrais très-sachants invitent, oblige à donner des éléments de discernement pour éviter que les uns ou les autres ne tombent dans des situations dangereuses, voire pour les aider à en sortir. Nous sommes donc obligés de nous y intéresser pour aider nos contemporains.
Premier conseil : nous avons effectivement un pouvoir sur notre vie, celui de la rendre plus belle, plus juste, et celui de s’insérer dans la société pour faire du bien aux autres. La recherche des pouvoirs sur autrui, sous-jacente à la tentation du paranormal, est une dérive. Ce besoin de domination sur les autres ou sur l’univers est une fuite en avant. Il faut d’abord rechercher ce qui est constructif pour soi et pour les autres.
Second conseil : ce genre de recherche est toujours très ambigu. Les très-sachants savent que le préternaturel ou le surnaturel existe, que le Destin existe, et que l’homme avance dans sa vie vers un au-delà de joie et de lumière appelé Vindomagos ou Vindobitos ; mais ils savent aussi qu’une telle recherche est dangereuse. La tentation de l’extraordinaire nous arrache à notre vraie vie.
58
SEPTIÈME LETTRE DU PRIMAT.
……………« À vous seuls il est donné de connaître les dieux et les puissances du ciel, ou à vous seuls de les ignorer » (Lucain, La Guerre civile, I, 448-450).
La métapsychique (parapsychologie dans les pays de l’Ouest, psychotronique dans les pays de l’Est, psilogie au Canada) est la discipline scientifique qui étudie divers phénomènes liés au comportement humain et animal.
Sous l’étiquette « états modifiés ou altérés, de conscience », on rassemble un certain nombre d’expériences au cours desquelles le sujet a l’impression que le fonctionnement habituel de sa conscience se dérègle ; et qu’il vit un autre rapport au monde, à lui-même, à son corps, à son identité.
Bien que, historiquement, de très nombreuses typologies aient été proposées, on peut dire qu’actuellement, les phénomènes étudiés par la métapsychique se répartissent en deux grandes catégories : les perceptions extra-sensorielles et la psychokinèse.
Les perceptions extra-sensorielles. Ce terme désigne les connaissances pouvant être acquises en dehors des contacts sensoriels habituels.
Télépathie : communication directe de psyché à psyché ou « transmission de pensée ».
Voyance : connaissance directe d’un événement, d’un objet… en dehors des contacts sensoriels habituels. Différents phénomènes peuvent se rapporter à la voyance…
— Psychométrie : voyance effectuée avec le support d’un objet (exemple montre ayant appartenu à quelqu’un).
— Autoscopie : visualisation/voyance de l’intérieur de son propre corps.
— Vision à distance : voyance d’un lieu éloigné (le sujet peut décrire le lieu comme s’il y était).
— Radiesthésie : prise de connaissance d’événements ou d’objets avec l’aide d’un pendule ou d’une baguette de sourcier (découverte d’eau, ou de personnes disparues). La radiesthésie peut s’opérer soit sur le lieu de recherche, soit sur plan.
— Xénoglossie : fait de pouvoir parler (ou comprendre) une langue sans l’avoir apprise.
— Et bien sûr toutes les autres « mancies », c’est-à-dire clairvoyances effectuées à l’aide de supports divers (boule de cristal, cartes, ou autres).
— Précognition/rétrocognition. Connaissance d’événements, de lieux, d’objets… dans le futur (précognition) ou le passé (rétrocognition). Évidemment, la précognition est le phénomène qui semble défier le plus notre sens commun, puisque les événements ne se sont pas encore produits au moment où le sujet en prend connaissance.
— Psychokinèse. Psychokinèse, ou télékinésie : action directe du psychisme sur la matière, sans contact, sans moyen physique décelable.
— Macro-PK : psychokinèse produisant des effets directement observables à l’œil nu (torsion de métal, déplacements d’objets…).
— Micro-PK : psychokinèse sur des particules atomiques (par exemple dans des Générateurs d’Événements Aléatoires) ou sur des systèmes en évolution, et produisant des effets repérables seulement par une analyse statistique qui montre que les événements aléatoires ne se sont plus conformés exactement au hasard. Remarque : les expériences de lancers de dés sont à cheval sur les deux catégories (macro/micro).
— Bio-PK : psychokinèse sur la matière vivante (organes malades, bactéries, plantes, cellules animales ou végétales, etc.). Guérisons paranormales.
— Poltergeist : phénomène apparaissant spontanément et de façon récurrente dans l’entourage d’une personne : bruits inexplicables, déplacements ou bris d’objets, pluie de pierres, coups, etc.
— Ectoplasmie : matérialisation d’une substance émanant du corps d’un sujet, et pouvant prendre des formes variées, corps humain total ou partiel, objets ou animaux…
— Psychophotographie : impression d’une pellicule photo par le psychisme.
Les autres phénomènes
59
Perception extra-sensorielle et psychokinèse sont les catégories les plus étudiées. Cependant, beaucoup d’autres phénomènes peuvent faire également partie du corpus. La plupart peuvent s’expliquer en termes de perception extra-sensorielle ou de psychokinèse, bien que ces interprétations requièrent parfois des constructions intellectuelles complexes. Il ne faut pas perdre de vue que les catégories spécifiées ne sont que des grilles d’analyse établies par commodité. Certains des phénomènes suivants ont été interprétés au cours de l’Histoire, soit dans un contexte religieux, soit comme indication de la survie de l’âme/esprit.
— Apparitions : perception de personnes, animaux, entités ou objets… dans un lieu donné, alors que leur présence en ce lieu est impossible. Exemple : apparition de la Vierge Marie, de personnes décédées (« fantômes »), boules lumineuses…
— Hantises : phénomènes liés à un lieu (souvent châteaux ou vieilles maisons) où se produisent des apparitions de fantômes et souvent des phénomènes de perception extra-sensorielle ou de psychokinèse.
— Médiumnité : « possession » apparente d’un sujet-médium par un « esprit », lévitation de tables, coups frappés, acquisition d’information paranormale, réception de messages par « écriture automatique », etc. (considérés comme provenant d’esprits désincarnés).
— TCI (Transcommunication Instrumentale) : enregistrement sur supports audio/vidéo/photo, etc. d’images, de messages, ou de bruits paranormaux, attribués par les pratiquants à des esprits de défunts.
— Lévitation : soulèvement d’objets pesants ou du corps humain (souvent chez les mystiques).
— Anomalies psychosomatiques : ordalies comme dans les cas rapportés en Irlande (voir certaines, certaines, mais pas toutes, des 12 ordalies consignées dans le récit intitulé Echtra Cormaic i Tír Tairngire), fakirisme, marche sur le feu, stigmatisation (apparition paranormale de marques sur le corps), inédie (survie sans alimentation), thanatose (conservation des corps après la mort), myroblytisme et saints myroblytes, etc. phénomènes dans lesquels les limites physiologiques du corps humain semblent repoussées.
— Expérience de sortie hors du corps : état de conscience dans lequel le sujet a l’impression que sa conscience est dissociée de son corps physique qu’il peut observer à distance. Pendant cette expérience, il peut y avoir acquisition paranormale d’informations.
— Expérience de mort imminente : expérience se produisant essentiellement dans un état de « mort apparente », dans laquelle le sujet éprouve diverses sensations (passage dans un tunnel, attraction d’une lumière, etc.) et produisant des modifications psychologiques durables.
— Hypnose (antérieurement appelée « somnambulisme ») : état de très grande suggestibilité, où peuvent se produire différents phénomènes (auto/hetéro-scopie, voyances, hyperesthésies, anesthésies…)
— Synchronicités : coïncidences temporelles de deux ou plusieurs événements, physiques ou psychiques, qui ne sont pas liés causalement, mais par leur sens.
— Divinations (par les runes lépontiques, le tarot, l’astrologie, etc., etc.) fondées sur des relations de synchronicité.
Définitions proposées par l’Institut Métapsychique International (IMI). Fondé en 1919, l’Institut a été l’un des premiers organismes dans le monde à étudier ces phénomènes psi avec une approche à la fois rigoureuse et ouverte, libre de tout parti pris religieux ou philosophique. L’Institut constitue ainsi une alternative rationnelle aussi bien aux dérives de la crédulité qu’aux excès du scepticisme. Cette liste n’est pas exhaustive et l’on peut remarquer que chaque contexte historico-psycho-sociologique engendre ses propres phénomènes, dont le point commun est le rapport esprit/matière inhabituel. Dans la pratique druidique antique, ces phénomènes en réalité se chevauchaient tous plus ou moins.
60
L’existence des phénomènes psi nous incite à réfléchir sur les autres hypothèses, dualistes ou monistes, et oblige la science à prendre en compte le psychisme ou la conscience, notion évacuée au XIXe siècle. Le phénomène psi nous montre que notre notion intuitive du temps est insuffisante, puisque la précognition permet, dans une certaine mesure (toujours limitée), de connaître des événements non encore survenus. La science actuelle est incomplète et ne peut conceptualiser correctement le rapport âme/matière.
— Influence à distance sans contact.
— Monisme ou globalité de l’univers, interrelation de tous ses éléments (théorie des correspondances).
— Existence de forces, d’énergies supranormales et quasi autonomes.
Les principaux espoirs du druidisme d’aujourd’hui sont donc le changement de paradigme scientifique en cours (la science va enfin reconnaître le rôle de l’esprit dans ou sur la matière) ; la métaphysique de l’unité (univers global, écologie) ; et la possibilité pour l’Homme de se transformer spirituellement (psychologie transpersonnelle, entraînement au psi, arts martiaux…) La philosophie druidique, fondamentalement optimiste, laisse une place de choix aux facultés métapsychiques, puisqu’elle prône une transformation en profondeur de l’être humain, passant par un élargissement de nos consciences.
À l’heure actuelle, aucune théorie (au sens scientifique de ce mot) relative à ces phénomènes n’est suffisamment élaborée pour pouvoir être enseignée. Dès lors, toute personne proposant une utilisation courante de ces phénomènes est, au mieux un rêveur, au pire un charlatan éventuellement doublé d’un escroc. Contrairement à ce que certains croient ou laissent croire, il n’existe donc pas de diplôme de parapsychologue, et les seules personnes susceptibles d’être désignées par cette appellation sont les chercheurs, à l’esprit véritablement scientifique, travaillant sur les phénomènes en question.
Enfin, les phénomènes parapsychologiques sont-ils dangereux ?
En eux-mêmes non ! Il est même possible que nous en vivions tous sans en être complètement conscients.
Par contre, une personne qui les vit peut être mentalement troublée en raison de leur caractère hors du commun et inhabituel. Il est en outre évident que certaines réactions de l’entourage sont susceptibles d’aggraver la situation.
Les états modifiés ou altérés de conscience. Les états modifiés de conscience comme l’hypnose entrent-ils dans le cadre de la métapsychique ? Ils semblent pouvoir favoriser la perception extra-sensorielle, mais ne relèvent pas de la parapsychologie en tant que telle.
Notons que si l’appartenance à un groupe implique de se plier aux normes qui en sont la règle, celles-ci diffèrent sensiblement d’une civilisation à une autre. La réalité à laquelle se réfère l’Occidental d’aujourd’hui ne peut guère se comparer à celle des Shuars, un peuple indien de la forêt amazonienne appartenant à l’ethnie Jivaro. Pour eux, un peu comme pour les Celtes de jadis d’ailleurs, la réalité ordinaire est mensongère, la vraie réalité se trouve ailleurs ; là où évoluent les âme/esprits (arutam) de leurs ancêtres, là où réside l’Esprit du Grand Tout. Cet Esprit qui s’adresse à eux dans leurs rêves et dans les états modifiés ou altérés de conscience que leur procurent les plantes qu’il a mises à leur disposition ; alors que le plus souvent dans notre société civilisée, on ne se préoccupe du rapport à la réalité, donc des états de conscience, que dans un seul but : en maintenir la neutralité afin d’en dissimuler le contenu affectif.
Les états modifiés ou altérés, de conscience, peuvent être d’origine physiologique : sommeil, rêve, relaxation, phénomènes hypnotiques par affaiblissement des stimuli sensoriels (états de rêverie, hypnose des autoroutes, des pilotes long-courriers…) ; ou pathologiques : intoxications médicamenteuses et chimiques (certaines bouffées délirantes), déshydratation sévère (mirages), troubles du métabolisme des gaz vitaux (ivresse des profondeurs ou des sommets) ; entraînant des états de confusion avec présence d’éléments hallucinatoires plus ou moins réalistes. Des épisodes oniriques atypiques, d’un réalisme parfois saisissant (rêve lucide, rêve paranormal), peuvent cependant relever de la catégorie précédente. Il en va de même pour certains états modifiés ou altérés, de conscience, intermédiaires, dont la nature et le réalisme sont moins nets. Ajoutons encore que nombre de ces états modifiés ou altérés, de conscience, pourraient emprunter simultanément à
61
l’imaginaire, à la réalité ordinaire, et à la réalité transphénoménale, au gré de l’intensité d’un vécu soumis à de fortes variations.
À partir de la Renaissance, les découvertes scientifiques et techniques se sont progressivement construites, au détriment des superstitions et des croyances religieuses chrétiennes.
Au XVIIIe siècle, Mesmer et Puységur ont popularisé le « somnambulisme magnétique » (une méthode thérapeutique fondée sur ce que nous appellerions aujourd’hui l’hypnose), qui engendrait nombre de phénomènes étranges que l’on peut qualifier de métapsychiques (parapsychologiques). Le Mesmérisme connut alors une popularité sans limites, ce qui finit par provoquer des controverses académiques, jusqu’au milieu du XIXe siècle ; qui vit l’éviction du magnétisme en France par l’Académie de médecine. L’Allemagne fut néanmoins plus réceptive au « somnambulisme », des cours de « magnétisme » apparurent ; et peut-être n’est-il pas inutile de rappeler que de nombreux scientifiques ou philosophes se sont alors intéressés de près à la métapsychique (Schopenhauer, Hegel, Goethe…)
Au XIXe siècle, c’est un phénomène de hantise qui attira l’attention. Des coups, dont personne ne pouvait deviner la cause, se firent entendre en 1846, chez un dénommé Veckmann, habitant Hydesville. Rien ne fut négligé pour découvrir l’auteur de ces bruits mystérieux, mais en vain ! Six mois plus tard, en 1847, la famille Veckmann quitta la maison qui fut alors habitée par un membre de l’Église épiscopale méthodiste, John Fox, et sa famille ; c’est-à-dire sa femme et ses deux filles, Margaret alors âgée de 14 ans, et Kate alors âgée de 11 ans.
Pendant trois mois, il ne se passa rien, puis les coups recommencèrent de plus belle. D’abord c’étaient des bruits très légers, comme si quelqu’un frappait sur le parquet d’une des chambres à coucher, puis, à chaque fois, une vibration qui se faisait sentir sur le parquet. On la percevait même en étant couché. Le sol vibrait si fort que les lits tremblaient. Les coups se faisaient entendre sans s’arrêter, il n’y avait même plus moyen de dormir dans cette maison.
Il convient de noter que ce qui suit.
— Les coups frappés ont commencé avant l’arrivée des sœurs Fox.
— Nul phénomène d’autosuggestion ne peut expliquer cette manifestation (puisque le spiritisme n’était pas encore né).
— Les phénomènes furent dès le début soumis à la plus sévère critique et en ressortirent attestés par des observateurs indépendants.
On parle d’apparition quand on croit voir une personne qui est en fait en un autre endroit, ou qui est morte. Quand l’apparition d’une personne morte se répète en un même lieu, on parle de vraie hantise ou « grande hantise », par opposition aux « petites hantises » que sont les poltergeists, où l’on entend des phénomènes sans voir d’apparition.
On peut aussi évidemment considérer comme étant des apparitions…
1. Les êtres vivants décrits par les légendes et les mythes : Dieu-ou Diable, dieu-ou-démons, anges, djinns, animaux mystérieux (taureau à trois cornes, serpents à tête de bélier, licornes, dragons, fées), ou autres.
2. Les spectres revenant du monde parallèle au nôtre que l’on appelle l’au-delà : fantômes, âme/esprits matérialisés par diverses évocations (cf. notamment les anaon bretons). On parle plutôt aujourd’hui d’énergie latente piégée en un lieu précis.
3. Les objets mystérieux pouvant apparaître ici ou là (char fantôme comme celui de Cuchulainn, roue ramante – roth ramach – de Mog Ruith, vimanas de la littérature indienne et ainsi de suite…
Mahabharata Livre 8 Karna Parva ou livre de Parva section 34.
Ainsi équipé, ce char brilla comme un feu immense au milieu des prêtres accomplissant un sacrifice. En apercevant ce char aussi bien équipé, les dieux s’émerveillèrent. En voyant toutes les énergies de l’univers réunies ainsi en un même endroit, O seigneur, les dieux furent émerveillés, et prévinrent cette illustre déité que le char était fin prêt […] Alors il appela Nila Rohita cette terrible déité terrible vêtue de peaux de bête, ressemblant à 10.000 soleils, et enveloppée du feu d’une énergie infinie, flambante de splendeur. […] La triple cité apparut devant le dieu à énergie insupportable, la déité à la forme féroce et indescriptible, le guerrier qui voulait massacrer les Asuras. Cette illustre déité, ce seigneur de l’univers, banda son arc céleste alors, et décocha sur la triple cité une flèche, qui avait toute la puissance de l’univers. Dès que la flèche eut atteint sa cible, O toi le dieu de la Bonne
62
Fortune, on entendit partout dans ces trois villes des pleurs et des cris de douleur au fur et à mesure qu’elles s’écroulaient. Arrosant de flammes les Asuras, il les rejeta dans la mer occidentale.
Mahabharata Livre 16 Mausala Parva ou livre des massues section 1.
Quand arriva le jour suivant venu, Camva lança un éclair d’acier qui réduisit en en cendres tous les membres de la race des Vrishnis et Andhakas. En effet, afin d’anéantir les Vrishnis et les Andhakas, Camva lança un éclair d’acier impitoyable semblable à un gigantesque messager porteur de mort. Le fait fut dûment rapporté au roi. Bouleversé par ce cataclysme le roi fit réduire en poussière cette foudre d’acier.
Pendant longtemps chaque communauté de chercheurs a eu tendance à ne considérer que le genre d’apparition qui l’intéressait. De nos jours, la tendance est plutôt au rapprochement accru entre les catégories.
Certains ont soutenu l’origine diabolique de toutes les apparitions, exceptées bien entendu celles qui sont envoyées par leur dieu-ou-démon. Des spécialistes ont rapproché le phénomène des objets volants non identifiés des apparitions de lutins ou des apparitions de la Sainte Vierge. D’autres chercheurs ont soutenu que les apparitions étaient dues à la psychokinèse d’un ou plusieurs « sujets psi ».
Vers 1860 le « très-sachant » Allan Kardec (pour l’État civil, Léon Hippolyte Denisart Rivail) théorisa le phénomène au moyen d’un livre remarquable intitulé : « Le Livre des esprits » ; et l’Institut Métapsychique International, fondé en 1919, comme nous l’avons vu, devint célèbre pour ses études sur la télépathie de groupe (R. Warcollier) ainsi que pour ses expérimentations avec des sujets doués.
L’Institut métapsychique international a publié, pendant de nombreuses années, une revue de très grande qualité intitulée la « Revue Métapsychique ». Le Dr Geley réalisa toute une série d’expériences avec des médiums comme Franek Kluski et Jan Guzik, et obtint de la sorte des « moulages ectoplasmiques » qui laissent songeurs.
Les années trente marquèrent un grand tournant dans l’histoire de la métapsychique. Cinq grands principes furent alors progressivement mis en pratique.
— Application des méthodes de la psychologie expérimentale pour standardiser les procédures et rendre les expériences plus objectives.
— Évacuation du spiritisme.
— Utilisation de la méthode statistique introduite par C. Richet pour l’établissement de preuves expérimentales.
— Étude des facultés présentes en chacun et non plus seulement du cas spectaculaire des grands médiums (approche universaliste plutôt qu’approche « élitiste »).
— Recherche des lois, des principes, et des conditions optimales, pour l’obtention des phénomènes psi.
La perception extra-sensorielle.
Dénommés couramment voyance, télépathie… ces phénomènes mettent en jeu une perception, c’est-à-dire une acquisition d’information. Comme son nom ne l’indique pas, la perception extra-sensorielle fait la plupart du temps appel à des circuits… sensoriels (visualisations, auditions de voix, odeurs, goûts, sensations tactiles…) sans qu’il y ait intervention des organes des sens eux-mêmes (les yeux ne « voient » pas, les oreilles « n’entendent » pas).
Ainsi que nous avons eu déjà l’occasion de le dire, mais il ne sera pas inutile de revenir dessus, le terme « radiesthésie » désigne généralement des types d’investigations effectuées au moyen d’une baguette de sourcier ou d’un pendule. Différents phénomènes peuvent en effet se rapporter à la voyance et notamment la radiesthésie, c’est-à-dire la connaissance d’événements ou d’objets à l’aide d’une baguette de sourcier, ou d’un pendule (découverte d’eau, voire de personnes disparues).
La recherche sur le terrain. Ce premier type de radiesthésie est relativement courant lorsqu’il s’agit de trouver de l’eau, il a fait l’objet d’études explicatives poussées, mais des expériences telles que celle qui fut conduite à l’université de Munich entre 1986 et 1988, ont montré que, lorsque le sourcier en question est isolé de toute information environnementale (géologie, végétation, géographie, météorologie…) ; il n’est pas capable d’avoir une performance supérieure au hasard dans la détection de l’eau. Eh oui, il faut le dire, druidisme ne doit pas rimer avec charlatanisme !
La recherche sur carte. Elle est souvent utilisée dans les cas de personnes disparues et pourrait avoir pour base la perception extra-sensorielle. De nombreuses personnes prétendent en effet retrouver les
63
disparus, mais elles peuvent tout aussi bien rendre les recherches plus difficiles en perturbant le travail des enquêteurs, qu’exploiter la détresse des proches.
Avertissement au lecteur.
Ainsi que nous l’avons déjà dit plus haut, il ne faut pas perdre de vue que les catégories en question ne sont néanmoins que des grilles d’analyse établies par commodité ; et que certains des phénomènes ont été interprétés au cours de l’Histoire, soit dans un contexte religieux, soit comme preuve de la survie de l’âme/esprit. Or les phénomènes métapsychiques survenant postérieurement à un décès ne peuvent être avancés à l’appui de la survivance ou de la réincarnation que si l’hypothèse les attribuant à la situation émotive d’une personne vivante peut être définitivement écartée ; ce qui n’a jamais, jusqu’ici, été le cas. Par conséquent, toute interprétation de phénomène métapsychique comme manifestation d’une personne décédée, relève actuellement de doctrines, certes, respectables (le spiritisme par exemple), mais qui sont d’essence philosophique ou religieuse, et en aucun cas purement scientifique.
64
DOUZIÈME LETTRE DU VIEUX DRUIDE DE LA FORÊT ARDENNAISE.
Note sur l’erdathe individuelle.
………… La tradition irlandaise connaît un exemple de réintégration de l’âme dans le Grand Tout, mais différée. C’est le roi Loégaire qui nous la fait connaître, face à l’insistance de saint Patrice à propos de sa conversion.
« Nam Neel pater meus non sinivit mihi… Dunlinge im Maistin in Campo Liphi pro duritate odivi, ut est hoc».
« Je veux être enterré sur les hauteurs de Tara comme un homme sur le champ de bataille, parce que les païens ont coutume d’être armés dans leur sépulture, les armes à la main… jusqu’au jour d’erdathe, qui est pour les magi [les très-sachants] le jour du jugement du Seigneur » (Vie tripartite de saint Patrice. Tome II, page 308).
Cette notion druidique d’erdathe est bien sûr différente du concept chrétien et musulman de Jugement dernier. Comment un père pourrait-il en effet juger ses enfants ? C’est une impossibilité psychologique !
Mais il n’en demeure pas moins que le but de tout un chacun sur cette Terre est la transmutation de sa parcelle de divinité, enchâssée comme une perle dans un monde matériel parfois décevant, et son passage dans les sphères célestes ; en commençant par celle qui nous attend après la mort et où l’on peut se réincarner à fins de purification.
Pour plus de détails à ce sujet voir le scholiaste de Lucain ou les propos que l’empereur Julien, qui avait vécu en Celtique, et fut peut-être contaminé par la foi de ses légionnaires, a tenus sur son lit de mort en 363. Du moins à en croire Édouard Gibbon dans son ouvrage sur la chute de l’Empire romain. « Il désapprouva leur douleur et les supplia de ne pas gâcher par des larmes de faiblesse la mort d’un prince qui, dans quelques instants, allait se trouver uni au ciel et aux étoiles… telle fut la fin de cet homme extraordinaire, dans la trente-deuxième année de son âge ».
Quoi qu’il en soit une telle métamorphose passe par la connaissance de la nature de l’âme ou de l’esprit, des structures de l’univers et de son histoire, passée ou future. L’aboutissement d’un tel monisme dans certaines Écoles druidiques est l’idée que la Réalité ultime n’a d’autres attributs que ceux de l’Existence et de la Conscience. Il faut reconnaître néanmoins qu’il existe des restes de dualisme (relatif) dans le druidisme. Certes, tout est un, ou destiné à rejoindre le un, mais la résistance rencontrée à l’encontre du mouvement ascensionnel unificateur, est le fait d’une scission initiale entre âme et matière.
Tout est relatif ! Les objets comme les phénomènes ne peuvent exister par eux-mêmes, ils sont liés par toute une chaîne de causes à effets. Imaginez une vague à la surface de la mer. Vue sous un certain angle, elle semble avoir une existence distincte, un début et une fin, une naissance et une mort. Perçue sous un autre angle, la vague n’existe pas réellement, ce n’est qu’un mouvement de l’eau. La vague n’est qu’un phénomène rendu momentanément possible par le vent et l’eau donc, qui dépend d’un ensemble de circonstances en constante fluctuation. Chaque vague est en outre reliée à toutes les autres.
N.B. Cette image était surtout utilisée par les très-sachants irlandais.
La vie n’est qu’un composé de phénomènes, qui se répètent constamment parce que tout phénomène est à la fois effet, mais aussi cause. Ces phénomènes sont assurément réels, mais d’une réalité toute momentanée, comme un torrent ou une flamme, ce que nous appelons un être animé n’est qu’une flamme dans une mer de flammes, une goutte d’eau dans l’océan. L’immortalité au sens strict du terme n’existe pas, tout ce qui a commencé aura un jour une fin. À la mort de tout être, humain ou non, les éléments dont il est composé périssent et se dispersent dans le monde physique ; rien ne lui survit à l’exception de la part de divin qui est en lui. C’est, dans cette oscillation perpétuelle, gouvernée par la loi naturelle de la causalité, que se trouve la réalité de ce monde.
Rien dans le monde n’est fixe, immuable ; au contraire, tout change continuellement. Nous voyons bien que nous sommes éphémères puisque nous sommes sujets à la mort ; que certains animaux ne font qu’un bref passage sur terre. Que les plantes, les minéraux eux-mêmes, ont une fin. Nous savons que notre Terre, quand notre Soleil s’éteindra, disparaîtra, elle aussi.
65
Seul l’Être supérieur qu’est le Destin parce qu’il est la souveraine loi du Bitos ou de l’Univers échappe aux fluctuations du relatif et demeure immuable, à travers les siècles des siècles. Seul l’Englobant Universel est immuable (vu de loin), mais les êtres vivants, eux, bougent sans cesse, passent, permutent, disparaissent… À l’intérieur de nous-mêmes, biologiquement et psychologiquement, il y a un changement incessant chaque minute de notre vie.
Ceux qui parviennent à bien intérioriser la vraie nature de ces phénomènes (donc qui réalisent que tout est relatif) sont appelés des semnothées : ils ont une importance particulière dans certaines Écoles druidiques. Voir le monde de cette manière est déjà un début de retour au grand tout. La solution à beaucoup de problèmes pour l’Homme consiste à comprendre que tout est relatif, et que même l’âme ne peut se concevoir sans la matière. Prendre conscience de cette vérité s’avère le plus rapide des chemins du salut (conduisant à un monde que l’on dit meilleur). Celui qui la connaît voit les choses dans leur réalité, c’est-à-dire sans leur illusion intrinsèque. Tel est le plus efficace des moyens de retourner au Grand Tout que symbolise le Pariollon. Le Retour général (et non individuel) au Grand Tout (erdathe) est le point culminant de la doctrine druidique. Face à ce monde gouverné par la causalité, au-dessus même de l’univers parallèle de nature paradisiaque appelé Mag Meld, Vindobitos, Vindomagos, demeure le royaume sur lequel la causalité ne règne pas.
Le Grand Tout n’est pas un paradis.
L’autre monde parallèle de nature paradisiaque est en effet le fruit d’un mérite, même infime, serait-ce celui de croire au dieu-ou-démon dont c’est le domaine.
Echtra Condla du 8e siècle.
Là où tout est beau, attirant et pur
Là où n’existent ni faute, ni maladie, ni temps
Ni frontière, ni guerre, ni souffrance, ni peine, ni esclavage.
La musique y est merveilleuse,
Il y coule des ruisseaux d’hydromel
Et la paix y est partout éternelle.
Le Grand Tout, lui, suppose l’absence totale de mérite et de démérite. Ce n’est pas, comme le dit saint Adamnan, simplement un monde sans orgueil ; sans mépris, sans mensonge, sans blasphème, sans fraude, sans prétexte, sans honte, sans gêne, sans déshonneur, sans tromperie, sans envieux, sans arrogance, sans épidémie, sans maladie, sans pauvreté, sans dénuement, sans destruction, sans décès, sans neige, sans vent, sans humidité, sans bruit, sans tonnerre, sans obscurité, sans froideur. C’est encore mieux, encore plus fort, encore plus radical. Un domaine où il n’y a ni terre ni vent, ni soleil ni lune, ni perception ni absence de perception, ni conscience, ni ce monde ci ni un autre monde, ni infini de l’espace ; ni durée, ni décès, ni renaissance. En ce point ogham de l’espace-temps (symbolisé par la lettre eabadh) point d’équilibre entre toutes les oppositions (lle bo cydbwys pob gwrth en gallois) règnent le feu et l’eau uniquement, autrement dit l’âme et la matière.
Du reste, il n’y a pas de lien nécessaire entre la mort et ce Pariollon ou grand tout. Le Pariollon ou grand tout est atteint dès que l’âme humaine perd toute conscience de soi. Cas des awenyddion gallois.
Sur le Continent, l’anatiomaros (le grand initié appelé semnothée par les Grecs) est celui qui est libéré de toute espèce de désir, de toute espèce de peine, libéré de tout par la méditation, et qui a conquis la grande science qui illumine (imbas forosnai) interdite par St Patrice. Il sait tout, il connaît tout, et peut tout, il a déjà un pied dans l’au-delà du monde des dieu-ou-démons (Sedodumno) ou si l’on préfère le séjour des dieux-ou-démons, achevé. Il s’agit d’un état mental qui peut être atteint sur cette terre par un être vivant. Dans ce cas, l’être humain en question peut continuer à se mouvoir parmi les hommes, mais il n’appartient déjà plus au monde de l’illusion ou du relatif, il a un pied dans l’lmmuable. À sa mort, il entrera dans le Grand Tout qui est au-delà du séjour des dieu-ou-démons (le sedodumno à la puissance 10).
Ce sont de tels individus qu’évoquent les textes de Plutarque comme celui qui suit.
« Il nous raconta que les îles disséminées aux environs de la Grande-Bretagne sont pour la plupart désertes, et que quelques-unes portent des noms de génies ou de demi-dieu-ou-démons. Il ajouta qu’envoyé lui-même par l’empereur vers ces parages pour s’enquérir et voir ce qu’il en était, il avait abordé dans celle de ces îles désertes qui était la plus proche. Elle ne contenait que peu d’habitants, qui tous étaient considérés par les Bretons comme sacrés voire intouchables. Peu après y avoir
66
débarqué, il se produisit, continua-t-il, de grands troubles dans l’air, et de nombreux signes célestes : les vents se déchaînèrent, et la foudre s’abattit. Quand tout fut calmé, les habitants de l’île lui expliquèrent que c’était un des génies supérieurs qui venait de trépasser. Car, ajoutèrent-ils, de même qu’une lampe allumée n’offre rien de fâcheux, mais qu’en s’éteignant elle cause du désagrément ; de même les grandes âme/esprits, lorsqu’elles brillent, sont-elles bienveillantes, et loin de nuire à qui que ce soit ; mais quand elles s’éteignent et s’anéantissent, alors souvent elles provoquent, comme cela venait d’arriver justement, des tourbillons et des orages, souvent aussi d’ailleurs elles empoisonnent alors l’air de souffles pestilentiels » (Plutarque. Sur les sanctuaires dont les oracles ont cessé, 18).
En quelque sorte un retour à la « soupe » originelle des débuts de l’explosion d’énergie qui a donné le monde 1) ; un monde où les lois de la physique ordinaire et même le principe de cause à effet n’ont plus, ou pas encore, cours. Et bien entendu celles de la morale aussi.
1) De cette explosion de lumière et de matière sont nés le temps et l’espace. L’énergie lumineuse, le temps, et l’espace sont la source du monde sensible, depuis les galaxies primaires, génératrices des différents composants de la matière primordiale (atomes physiques), jusqu’à l’univers actuel, « bulle » toujours en expansion, des galaxies secondaires.
67
QUATRIÈME LETTRE DU DRUIDE RÉMI.
L’ÉPANOUISSEMENT PAR LE SAVOIR 1).
…………………« Aux choses divines, on peut comparer les choses humaines » a écrit un jour Ausone (dans son poème consacré à l’usage du terme libra).
Un vrai druidisant doit comprendre que la connaissance de soi est le regard même dont le monde divin se contemple. Le voyage vers la divinité immanente absolue consiste en actes de connaissance d’une ampleur croissante. La connaissance peut s’obtenir par l’intellect, c’est le cas du très-sachant philosophe (d’où le dieu des philosophes). L’intellect humain peut avoir la révélation des énergies métaphysiques dont les lois mathématiques ne sont qu’une traduction sensible.
La philosophie peut, dans certains cas, elle aussi aboutir à une véritable deuxième naissance. La connaissance peut aussi s’obtenir par l’imagination (inspirations et aislingi ou visions en songe). Un druidisant authentique, en prenant conscience de son insignifiance ontologique, c’est-à-dire de son incapacité à se suffire par lui-même dans l’être (il n’est qu’une poussière dans l’univers) à avoir de par lui-même de quoi être ; prend alors simultanément conscience de son impuissance à connaître tant qu’il reste seulement livré à lui-même justement, puisque le connaître est la forme supérieure de l’être.
Le grand prophète iranien fondateur du mazdéisme, Zoroastre (– 660 – 583) devait sa vocation réformatrice à une série d’aislingi (de visions), dont notamment celle d’un être de lumière qui le guidait jusqu’au ciel où trônait le Graal appelé par lui Ahoura Mazda.
Cet être supérieur était assisté de puissances appelées archanges, du moins si l’on en croit les traductions. Ces puissances ou archanges (appelées deivi, c’est-à-dire dieu-ou-démons par les anciens très-sachants) étaient responsables de la fécondité ou de la richesse des hommes, conduisaient les armées à la victoire, et ainsi de suite).
Le premier de ces êtres de lumière, Spenta Mainyou, était une sorte de Saint-Esprit luttant contre les zones de résistance à la lumière.
Ce réalisme visionnaire dont a fait preuve Zoroastre à l’autre bout du monde aryen correspond à un état de conscience où les êtres et les choses apparaissent dans leur fonction théophanique.
Il y a une ascension continue de la connaissance, du minéral jusqu’au niveau le plus élevé de la conscience humaine.
Chaque atome d’être est un œil ou une facette de diamant, ultime reflet de l’explosion de lumière qui lui a fourni son origine. L’Homme connaît Dieu ou le Démiurge conformément au degré de connaissance qui lui est propre.
Tant qu’il y a d’un côté un sujet, un moi, retiré dans son ego, et en face un objet de contemplation, un Être divin retiré, abstrait dans son caractère inconnaissable ; il ne peut y avoir, quels que soient les noms et attributs qu’on lui prête, une connaissance qui fasse droit pleinement à cet objet de contemplation ; c’est-à-dire qui en fasse un Sujet Immanent Absolu.
Cette connaissance n’est pas seulement théorique, elle est aussi salvatrice, car elle provoque une véritable transmutation intérieure de l’Homme.
Les très-sachants primordiaux ont toujours mis l’accent sur cette notion d’épanouissement de l’âme hors de sa norme habituelle (ou résurrection spirituelle) ; ce que les gens d’un Livre n’ont toujours pas compris avec leur Loi, leur Torah ou leur Charia. Resurrectio non est factum historicum sed mysterium liturgicum, comme on dit en latin.
Le but du druidisme est la fusion panthéiste ou panenthéiste (avec le Pariollon) qui ne peut se réaliser que par la connaissance, laquelle présuppose évidemment une action divine transformante, portant un être à sa condition supérieure.
Le pariollon est dynamisme bouillonnant et agissant au cœur de l’histoire du monde telle qu’elle se déroule effectivement. C’est la source même de la vie.
La notion de connaissance ou de savoir chez les très-sachants englobe donc la philosophie et la science, mais aussi la perception du suprasensible, les perceptions visionnaires et les autres modes de connaissance de ce type. À la rencontre de la flamme qui s’élance de l’Homme qui a la tête dans les étoiles descend un flamboiement du ciel ou monte une éruption volcanique issue des entrailles de la Terre. C’est l’état d’awenydd, état supérieur de l’intellect humain dans lequel l’homme peut recevoir, par intuition et illumination, ce qu’irradie en lui le Pariollon ; que ce soit directement ou par l’intermédiaire des dieu-ou-démons qui agissent dans ce cas comme des miroirs réfléchissant la
68
lumière émanant des innombrables facettes du Graal. D’où l’interdiction de l’imbas forosnai par saint Patrice en Irlande.
Citons une des plus célèbres descriptions de cette montée vers l’état d’awenydd. « J’ai contemplé mon dieu avec l’œil de la vraie connaissance, j’ai contemplé mon dieu avec le troisième œil, après qu’il m’a détourné de tout ce qui est autre que lui, et illuminé de sa lumière. Il m’a fait connaître ses secrets, m’a révélé sa propre ipséité. La souveraineté de la gloire divine a resplendi. Ma lumière a pâli sous sa lumière, ma force s’est évanouie sous sa force, ma puissance sous sa puissance. Ma progression était sa progression. Alors j’ai pu contempler le Vrai par le Vrai. J’ai vécu le Vrai par le Vrai, j’ai subsisté dans le Vrai, en un éternel présent, sans souffle, sans parole ; jusqu’à ce que mon dieu m’ait communiqué une science jaillie de sa science, la science qui illumine, l’ambi-vidtu (Imbas forosnai en gaélique).
L’effort dégage l’obstacle, mais ne produit pas le trésor.
Il n’y a pas opposition, mais seulement différence de moyens et de rapidité entre la philosophie ou la science acquise de l’extérieur par l’effort ou l’enseignement humain ; et l’épanouissement de l’âme (appelé moksha dans le monde indo-bouddhiste) obtenue graduellement ou d’un seul coup par l’action des dieu-ou-démons de l’Albiobitos (plérôme sous la plume de saint Irénée).
Ce qui différencie cette connaissance spirituelle de la science acquise de l’extérieur, c’est qu’elle est connaissance de l’âme/esprit, autrement dit connaissance de soi-même (le fameux « gnothi se auton » inscrit au fronton du temple de l’Apollon hyperboréen à Delphes. Sans doute un enseignement des très-sachants chamans hyperboréens nommés Abarix ou Olenos) auquel renvoie la remarque du petit-fils de druide que fut Ausone (églogue consacrée au mot libra). « Aux choses divines, on peut comparer les choses humaines ». Et la part du divin dans cette âme grandit en fonction du développement spirituel du sujet et non en fonction des seuls acquis de la Raison.
La conscience humaine (le menman de tout gdonios, sur le sens de ce terme voir sanscrit manman, esprit) a naturellement la capacité d’accueillir la réalité spirituelle de tout ce qui peut être connu ; et les connaissances qui surgissent en elle un peu comme une épiphanie, de façon suprasensible, au-delà du voile du mystère, peuvent en définitive provenir en premier lieu de l’Albiobitos (plérôme sous la plume de saint Irénée) ou de ses dieu-ou-démons, qui à cet égard sont un peu comme les djinns musulmans dans certains hadiths glosant la sourate 15,18..
Cette connaissance peut être acquise par l’effort d’observation et la réflexion, c’est la science des philosophes, ou bien elle peut assaillir l’esprit comme une intuition projetée en lui de façon inopinée (inspiration de l’awenydd gallois. Grec nous/noesis)
Dans ce cas deux possibilités.
Le sujet n’a pas conscience (ne voit pas) la cause qui projette en lui cette illumination (cas du druidisant ordinaire) ou alors, deuxième possibilité, il prend au contraire conscience de l’origine de cette inspiration. Il s’agit dans ce cas-là d’une communication divine directe (l’awenydd voit l’entité projetant ces connaissances en lui).
La connaissance par inspiration ou intuition (grec nous/noesis), des Très-sachants awenyddion, se distingue de celle acquise par la Réflexion et l’effort (celle des très-sachants philosophes) uniquement par le fait que, dans un cas, ce qui est déterminant c’est l’effort de la liberté humaine, qui en est la cause. Mais si l’effort dégage l’obstacle, il ne produit pas le trésor en lui-même avons-nous dit. Alors que dans le cas de l’épanouissement de l’âme appelé moksha par les Indiens, il s’agit d’un don de la souveraineté du Destin. Dans tous les cas il s’agit néanmoins d’une même manifestation du grand tout du Pariollon, à des degrés différents, par la voie des sens ou par une autre voie ; manifestation dont la limite est l’aisling ou vision du dieu-ou-démon « projetant » les connaissances dans la conscience (vieux celtique menman, cf. sanscrit manman, esprit) de l’anamone à l’état de veille ; en une vision semblable à celle des yeux.
Le très-sachant philosophe ne voit pas Dieu ou le Démiurge, ne voit pas les dieu-ou-démons, mais perçoit les choses grâce à eux, dans la mesure de son effort.
Les très-sachants awendyddion, en revanche, les entendent par audition spirituelle ou bien même carrément les voient.
Le dernier de ces cas est celui que nous a conservé le christianisme populaire d’origine celtique avec l’histoire de Jeanne d’Arc (son célèbre bois chenu était un bois sacré hors coupe, hanté par des matres celtiques – des fées – protégeant aussi sa source sacrée : la Fontaine aux fiévreux).
Les deux premières catégories sont celles des druidisants ordinaires, possédant des connaissances qu’ils n’ont pas acquises de l’extérieur par un enseignement humain quelconque ; mais ne réalisant
69
pas que c’est le Pariollon qui fait « jaillir » ces connaissances en eux comme des bulles. Le pariollon est dynamisme bouillonnant et agissant au cœur de l’histoire du monde telle qu’elle se déroule effectivement, avons-nous dit.
La mission du très-sachant primordial implique une vision des dieu-ou-démons à l’état de veille. Vision dont la modalité est expliquée par un mode de perception différent de celui des organes sensibles et qui est à rattacher à la vieille notion celtique d’illumination par l’intelligence.
L’idée judéo-islamo-chrétienne des monolâtres, c’est-à-dire un « Dieu-ou-Démiurge » qui aurait créé le monde afin de faire mumuse avec et aurait permis malgré sa toute-puissance l’apparition de la souffrance et du « mal », n’a aucun sens.
Le monde n’a pas été créé par une cause nécessairement intelligente et bienveillante ; l’Incréé s’avérant à la fois bon et méchant (ou ni bon ni méchant), à la fois éternel et pas éternel, fini et infini, personnel et impersonnel, Un et multiple, ou autre.
Le défi au bon sens, typiquement monolâtre, d’un Dieu-ou-Démiurge créateur, ex nihilo, de tout, et s’occupant du moindre de nos détails, ne mérite pas que l’on s’y attarde, car c’est un faux problème. Laissons ce soin aux théologiens de la monolâtrie qui, sous le nom de Providence, tournent et retournent en vain cette quadrature du cercle depuis plus de 2000 ans. Est-il vraiment concevable que ce soit Dieu qui ait fait des hommes des assassins, des voleurs, des menteurs, des délateurs, des avares, par action ou omission, ce qui revient au même ; puisque nous avons vu que cela ne pouvait pas être le Diable, qui n’existe pas. Le diable n’est que le bouc émissaire du Dieu de la Bible, du Dieu-ou-démiurge d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ; et son rôle théoriquement limité par la toute-puissance du dieu-ou-démiurge en question ne peut ni justifier ni vraiment expliquer le mal que nous déplorons sans cesse. Mais, développant Matthieu 6, 31-33, voici ce qu’ose encore écrire, hélas, aujourd’hui, par exemple, le catéchisme de l’Église catholique (le catéchisme officiel) : « Le témoignage de l’Écriture est unanime : la sollicitude de la divine providence est concrète et immédiate ; elle prend soin de tout, des moindres choses jusqu’aux grands événements du Monde et de l’Histoire ». Incroyable ! Revenons à notre sujet, cela vaut mieux !
Disons plus justement que le pariollon est dynamisme bouillonnant et agissant au cœur de l’histoire du monde telle qu’elle se déroule effectivement.
Le Chaudron cosmique universel qu’est le Pariollon est un neutre, ni dieu-ou-démon ni déesse-ou-démone, sans attribut ou presque (IL EST, immortel, sans tâche à remplir, partout présent et pourtant inconnaissable. C’est un être immanent transcendant qui pénètre le monde, lui infuse vie et le porte). C’est la conception de Dieu ou du Démiurge la plus impersonnelle jamais conçue. Elle est aux antipodes de toute la quincaillerie anthropomorphique de la Bible en ce domaine.
Toute connaissance vraie s’avère épiphanie ou théophanie du monde divin. À l’irradiation descendante, de la lumière de l’Albiobitos (Plérôme sous la plume de saint Irénée) répond l’illumination ascendante de l’Homme, et la participation croissante de l’Homme au divin répond à la manifestation graduelle de cette lumière divine.
La vie de celui qui croit en la possibilité de cet autoépanouissement, en la possibilité de retrouver l’awentia ou awenyddia (l’âme cosmique universelle), est évidemment déjà transformée du fait de ce seul savoir. Don du Destin ou Tocade (moyen gallois tynghed, breton tonket, destiné, vieil irlandais tocad, destin, toicthech « fortunatus », tonquedec en breton. Le labarum est son signe, son messager) ou partage de sa souveraineté, cette foi est aussi une réponse des simples mortels au défi que constitue leur condition. Ce savoir libérateur est en un sens véritablement crucifiant, car il commence par une prise de conscience de notre condition de simples mortels limités et faibles ; appelés pourtant à vivre de la vie des dieu-ou-démons et à être coopérateurs du salut de ce monde par accomplissement plein et entier de son cycle.
Cet optimisme est le dynamisme du savoir projeté vers l’avenir. Cet indomptable optimisme portait les très-sachants primordiaux dans leurs épreuves ou a donné la force d’un Gutuater ou d’un Mariccus… (deux très-sachants martyrisés par les Romains). Il rend confiant dans la possibilité de cette autolibération par l’intermédiaire des dieu-ou-démons, qui redonnent la vie aux morts et qui appellent à l’existence, ce qui n’existait pas.
C’est cette tournure de l’esprit qui fait que la nature tout entière nous dispose à rechercher avec confiance cette harmonie « hyperboréenne » que nous avons perdue.
70
La seule attitude ayant quelque valeur, c’est la distinction (la distinction et non la négation) de deux niveaux de réalité.
Au niveau de la réalité habituelle, empirique, il y a évidemment de nombreuses choses et de nombreuses entités, différentes. C’est le monde de la Grande déesse-ou-démone mère cosmique appelée aussi Morrigani.
C’est à ce niveau-là que l’Être supérieur peut apparaître comme un Dieu-ou-Démon personnel doté d’attributs précis. Pure lumière blanche dans les ténèbres, donnant périodiquement naissance au monde, le maintenant dans son être et le régissant pour finalement le rappeler à lui.
Puisque tout est multiplicité à ce niveau, il peut alors dans ce cas être légitimement honoré sous des noms différents (Allah, Jéhovah, ou autre).
Mais cette connaissance spontanée s’avère toujours insuffisante. Quand on réfléchit un peu, on s’aperçoit qu’au niveau supérieur toutes ces entités distinctes ne font qu’un.
En fait, il n’existe vraiment que le Grand tout du Pariollon ou chaudron cosmique universel, éternel, infini, c’est le seul vrai réel, en dehors duquel il n’y a pas de vrai réel ; il est l’Être par excellence (Bitos), conscience, et plénitude, mais il ne peut être vraiment connu que par l’état d’awenydd.
Par cette expérience mystique, nous remettons donc notre âme individuelle (l’anamone) à sa place : un élément de l’âme universelle immanente absolue, l’awentia ou awenyddia.
Mais ne nous y trompons pas quand même. Le monde de la Grande déesse-ou-démone mère cosmique ou Fata Morgana, est, certes, multiplicité voilant la réalité supérieure, mais il n’est pas pure illusion pour autant. Nous ne pouvons tout de même pas considérer toute perception humaine, parce qu’entachée de quelques illusions d’optique, ou de quelques erreurs, comme pure illusion. Le monde de la Fata Morgana ou de la Grande déesse-ou-démone mère cosmique est, lui aussi, pleinement réel à son niveau. Suscité puis maintenu dans l’être, régi et à nouveau rappelé à lui par l’Incréé du Pariollon qui en est la cause première, originelle, efficace, sans en être le créateur au sens strict du terme ; il demeure une réalité incontestable, mais une réalité relative. Le monde n’est pas une réalité sans valeur dont il conviendrait nécessairement de se retirer pour se pénétrer de son néant.
Mais comment dans ces conditions expliquer plus précisément la naissance du monde ?
Sous la forme d’œuf cosmique le Bitos ou univers peut rester des milliards d’années dans un état de concentration se suffisant parfaitement à lui-même, mais une fois éveillé il déborde d’énergie, il passe à un autre niveau d’activité.
L’impulsion initiale ne peut donc venir que d’un mouvement de volonté de l’Incréé. Le Un du Pariollon veut devenir multiple. Mais une telle volonté présuppose la réflexion, et dans le cas de l’Être des êtres (Bitos), en dehors duquel il n’y a rien, cette réflexion ne peut être qu’une réflexion sur lui-même.
Le seul mystère demeure donc cette première réflexion. Le Bitos se tourne vers lui-même se prend pour objet lui-même et devient du même coup, pour la première fois, sujet à son tour. Il se scinde de la sorte en deux parties et se situe alors aussi en partenaire, face à ce deuxième élément pourtant issu de lui-même. Il s’agit d’un phénomène d’autodifférenciation et cette autodifférenciation du Un Immanent Absolu constitue le point de départ de l’événement appelé (pro) création du monde par les monothéistes.
En effet, une fois la première division ou objectivation accomplie, d’autres divisions différenciations et réflexions peuvent suivre, et d’autres unions pénétrations fécondations ou reproductions. L’œuf cosmique qu’est le Bitos éclot, explose et donne un autre monde, celui du Pariollon.
Le partage primordial, le commencement du processus de concrétisation, c’est l’éclatement d’une part en âme et d’autre part en matière, suscitant ainsi une première dualité relative.
À peine séparées, ces deux moitiés vont s’unir à nouveau, mais plus comme avant le début de ce processus, en un tout indifférencié : elles vont s’unir tout en préservant la polarité issue de la séparation et leur nouvelle individualité (donc leur distinction).
L’union, nouvelle, de ces deux facettes du Bitos, n’engendre pas une unité statique, car elle devient, au contraire, fécondation, reproduction, multiplication, multiplicité.
Dès lors, la puissance procréatrice de l’Incréé n’aura plus de limites qu’elle-même. Sa vibration sur elle-même comme un moteur immobile détermine peu à peu l’essence puis l’existence des choses. Il en est de même du mouvement en spirale de l’univers, lequel est en extension constante, du centre vers la périphérie (première spirale du triscèle). Sa danse vibrante et rythmique sur lui-même donne forme au monde, et le maintient en mouvement.
On appelle Grande déesse-ou-démone mère cosmique (G.D.M.C.) justement, cette puissance de procréation.
71
Le monde de la Grande déesse-ou-démone mère cosmique ou Morrigani est déploiement de cet œuf cosmique qui est multiple sans multiplicité, opposition dans l’identité, etc.
L’Être même du Pariollon, qui est coïncidence des contraires, centre et périphérie, ténèbres et lumières… se déploie dans les êtres et les choses ; et c’est bien d’ailleurs pourquoi on peut faire l’expérience de cette unité de tout étant avec Dieu ou le Démiurge, au fond de nous-mêmes (de notre anamone, de notre menman. Sur le sens de ce mot voir sanscrit manman, esprit).
Le monde que suscite la Grande déesse-ou-démone Mère cosmique (puissance créatrice de l’Incréé aussi appelée Fata Morgana) comporte des éléments de toutes sortes, des plantes, des hommes, des animaux, des âme/esprits, mais aussi des dieu-ou-démons. Par l’intermédiaire de la Grande déesse-ou-démone mère cosmique, les puissances de l’Incréé prennent une signification particulière.
Au travers de cette figure mythique qu’est la Grande déesse-ou-démone mère cosmique, la création du monde est conçue par les très-sachants de telle façon que cette création est plutôt en réalité un déploiement dans le monde, du principe générateur ; sans toutefois que le monde se perde totalement dans ce Dieu ou Démiurge (panenthéisme), ou que ce Dieu ou le Démiurge se perde complètement dans le monde (panthéisme), sans que ce monde perde toute autonomie ou que Dieu ou le Démiurge se dissolve en lui.
Création donc, oui, mais par déploiement, et non ex nihilo comme chez les chrétiens ou à partir d’une matière éternelle comme dans la Bible. Pas d’étant distincts dont on ferait Dieu ou le Démiurge, mais pas d’étant non plus hors de Dieu-ou – Diable, ajouté pour exister à côté de lui.
Il y a donc unité, mais différenciée en Immanent Absolu et en Monde (un non-dualisme différencié : le monisme).
Un mythe préceltique résumait cette idée, mais avec changement de sexe au passage, celui du géant originel : Bith. Le monde est né d’un sacrifice. L’Homme cosmique (le géant Bith) a été sacrifié au commencement des temps et c’est de ses membres qu’est sorti le monde (bitu).
Ce mythe de l’ancien druidisme résumait bien deux idées.
— Premièrement : la masse des apparences n’est rien d’autre que le Un sous une forme modifiée.
— Deuxièmement : la multiplicité constitue un sacrifice de l’unité. L’unité s’est sacrifiée elle-même.
Ces deux idées restent donc deux idées de base du druidisme. Dans le multiple, il faut trouver le un, mais chacun peut le découvrir en lui-même. Et si le sacrifice de soi, de l’unité, a conduit à la multiplicité, ce processus peut aussi s’inverser : le renoncement total à la multiplicité dans la concentration méditative permet de faire l’expérience de l’unité primordiale universelle retrouvée.
Tout individu est partie de la multiplicité. En se sacrifiant pour ainsi dire lui-même, en renonçant à son autonomie comme individu, et en effaçant aussi en même temps de sa conscience la multiplicité des autres choses et des autres êtres ; il fait retour au un différencié du Pariollon et peut ainsi atteindre l’état d’awenydd.
Note de l’Éditeur. Ce charabia passablement abstrus n’est pas plus abscons que celui de la théologie chrétienne ou que les naïvetés simplistes et contradictoires de la théologie islamique à propos des djinns ou des versets maudits (sur les 3 filles d’Allah). Mieux vaut-il mieux peut-être dans ce cas avouer hésiter entre athéisme agnosticisme et panthéisme. Ce qui est certain en tout cas c’est qu’il est impossible d’être vraiment matérialiste athée.
L’existence du Pariollon ou univers en expansion est indéniable. D’après Strabon certains Celtes et notamment les Galiciens d’Espagne étaient athées. Est-ce possible ou s’agit-il plutôt d’un manque de nuance de la pensée de Strabon incapable de comprendre les subtilités de certaines Écoles druidiques antiques ? En tout cas voici sa citation. « Certains auteurs affirment que les Gallaeci sont athées, tandis que les Celtibères et leurs voisins au nord sacrifient à un dieu sans nom, la nuit, à chaque retour de la pleine lune, devant les portes de leurs bourgades ; se livrant alors avec toute leur maisonnée à des rites divers et agrémentés de danses » (Strabon, Géographie, III, 4, 16).
Dans certaines situations l’Être supérieur en effet intervient lui-même dans le cours du monde c’est-à-dire en lui-même. Le déroulement du cycle en cours se trouve alors brusquement infléchi par une intervention historique exceptionnelle. Une partie du Grand Tout s’incarne dans le monde pour rétablir la vérité des choses, au moins temporairement.
Quelques-unes de ces manifestations terrestres, les dernières notamment, grâce aux Celtes, ont pu être mémorisées, mythifiées et ainsi sauvées de l’oubli, celle Taran/Toran/Tuireann, ou de Lug par exemple, voire d’Hesus…
L’Esprit transcende le monde ; mais il lui est aussi totalement immanent, plus proche de l’homme que ses propres os, que son propre sang. Il est le guide et le secours des mortels, aussi indispensable à la vie que l’air.
72
La nature par contre est une sorte d’horloge apte à continuer à fonctionner d’elle-même.
C’est un peu la mère chantée par les romantiques, l’origine et la fin de toutes les apparences, de toutes les semi-réalités (réalités relatives).
Une telle conception du monde et de l’Être supérieur ; les réalités du monde de la Grande déesse-ou-démone mère cosmique ou Fata Morgana sont soumises à la loi du perpétuel changement, au cycle des naissances ou des disparitions, auquel nul n’échappe ; rend absurde l’attribut de « père » appliqué sans réserve à Dieu ou au Démiurge par les judéo-islamo-chrétiens. Les gnostiques avaient raison en un sens puisqu’ils ne qualifiaient pas ce premier être de père, mais de pro-père, autrement dit de père avant le père.
Quant à l’Homme par contre, il est, certes, lui aussi partie de l’Immanent Absolu, mais il s’avère si éloigné de cette origine qu’il ne se sent pas non plus réellement fils de Dieu ou du Démiurge.
Dans ce processus de déploiement de l’Être supérieur de la divinité puis du monde, les dieu-ou-démons en revanche, sont bien dans une situation assez intermédiaire pour justifier l’image d’un Dieu-ou-Démiurge « père ».
L’Homme n’en représente pas moins une forme d’existence à part dans la mesure où il est seul capable de reconnaître pleinement son besoin d’immanent absolu et de parcourir le chemin qui conduit à cet état de l’être. C’est dans le règne humain seulement que les êtres deviennent capables d’autoréflexion (je pense donc je suis, donc l’Être supérieur est, mais aussi réciproquement).
L’Homme est supérieur au monde en ce sens qu’il détient une étincelle d’âme provenant de ce Père lointain (le sacré, c’est l’Homme, nemed en Irlande, nemetos sur Continent).
1) Mais il ne faut pas oublier que l’espérance aussi peut sauver. Croire qu’après la mort on se réincarne dans un monde meilleur, suffit. Évoquer une divinité secourable et psychopompe comme Cornunnos ou Hesus n’est même par nécessaire pour refaire surface dans leur kshetra. Nul besoin de Nemboutsou dans notre druidisme !
73
PREMIÈRE LETTRE DU TRÈS-SACHANT ARÉMI.
NATE, MENTO BETO TO DIVO : PENSE CONSTAMMENT AU DIVIN MON FILS.
……………… La science est aussi la recherche du vrai. « Vérité du cœur, force des bras et justesse de la langue » tel est l’idéal du druidisme (triade rapportée par Cailte en réponse à une question de saint Patrice dans le colloque des anciens : Acallam na senorach).
Justesse de la langue… justesse de la langue… cette triade montre bien l’importance des études et des connaissances dans le druidisme antique. Un des surnoms gaéliques du dieu-ou-démon patron des très-sachants, le Suqellos appelé Dagda en Irlande, Gargant sur le Continent, était justement ruad rofessa, autrement dit « le rouge – ruad – à la grande science – ro fessa – ». Aussi les Fénianes n’ont-ils jamais été les hommes d’un seul livre, mais de plusieurs. De toute une bibliothèque en réalité !
Ainsi que l’a rappelé Pélage, l’Homme peut, de par le seul effort de sa volonté, résister à ses inclinations et atteindre à l’impeccabilité. Mais dans le cas des très-sachants de type amarcolitanos, la participation à la vie divine ne vient ni du sang ni d’un vouloir de la chair, mais d’une initiative du destin qui est, par définition, solidaire des hommes. Les animaux eux par exemple n’ont aucune conscience de ce qu’est le destin. Croire en la notion de destin est le propre de l’Homme.
La foi du très-sachant de type amarcolitanos est la réponse libre de l’Homme au Destin ou Tocade Gaefa en islandais (moyen gallois tynghed, breton tonket, destiné, vieil irlandais tocad, destin, toicthech « fortunatus », tonquedec en breton. Le labarum est son messager) qui se dévoile.
L’état d’amarcolitanos est donc un acte de bienveillance du Destin envers certains mortels (prédestinés). L’Être supérieur qu’est le Bitos nous a tous comblés de son caractère sacré, mais il a choisi certains des nôtres pour être ses relais. Les très-sachants de type amarcolitanos ne sont néanmoins que des intermédiaires au travers desquels l’Être supérieur lui-même parle. Des messagers par conséquent !
Ils sont, certes, élus et consacrés de par son don de souveraineté, mais ils n’en restent pas moins hommes, avec toutes leurs faiblesses (voir le mythe de la paralysie annuelle des Ulates). L’état d’awenydd en l’occurrence, à la différence des kingetes en état d’extase, ne les métamorphose pas complètement, car il ne fait jamais que les effleurer.
Les très-sachants de type amarcolitanos ne sont que des messagers plus explicites que les miracles ou signes du Destin. Les très-sachants d’aujourd’hui ne font plus de miracles. La résistance de leur message est en elle-même le miracle. Il n’est plus indispensable qu’un très-sachant d’aujourd’hui soit guérisseur ou thaumaturge. Eux aussi peuvent tomber dans l’erreur ou fauter comme nous avons pu le voir tout au long de l’histoire récente de notre communauté.
Le journal intitulé le Glas de MM. J………, A…… et G……, les circonstances de la naissance du G…… D……… D… G… de MM. D…… P……… et V…… les accusations sans fondement de la secrétaire du C…… D… G…, Mme H…… C……, auprès des journalistes, etc. Etc. La liste en est malheureusement longue.
Ce qui reste aux très-sachants amarcolitanos d’aujourd’hui, aux vrais, c’est la vocation et la connaissance. La connaissance supérieure celle qui n’est pas pur intellectualisme, mais qui est déjà presque, elle aussi, fusion de l’âme individuelle appelée anamone, associée à l’esprit (menman), dans le grand tout (culture générale).
Le but premier du druidisme est d’entrer dans la réalité supérieurement réelle qu’est l’ultime englobant inconditionné (le Pariollon était comme une source d’énergie cosmique), faute de mieux. Par cette co-naissance, du monde des dieu-ou-démons, et de celui de l’Homme, le druidisme vise à éclairer la nuit qui nous entoure et donc à concourir à l’épanouissement de l’âme de l’Homme, par rapport aux diverses aliénations de ce monde. Au fur et à mesure qu’il s’engage dans cette voie, le très-sachant de type amarcolitanos découvrira que c’est aussi, au départ, en réalité, une initiative de la souveraineté du Tokad ou Destin vis-à-vis de lui ; mais sa foi en son destin sera soutenue par la solidarité intrinsèque qui existe entre Dieu ou le Démiurge ou le Destin et l’Homme.
L’Homme étant trop dépendant de sa faiblesse originelle héritée de Cornunnos, il a perdu la faculté de se conformer au destin prévu par l’Être supérieur à son égard. C’est pourquoi seul un choix souverain de la part de l’Être des êtres ou Bitos peut en faire un croyant en son destin, autrement dit le sauver. Un tel salut est gratuit et immérité. Mais les dieux-ou-démons et leur père le Destin ne sont-ils pas fréquemment anextiomaroi, virotoutoi iovantucaroi teutates dunates ou mopates ???
74
Le cheminement métaphysique de la quête du Graal druidique se confond ainsi avec la découverte toujours plus approfondie que l’Homme n’est ou ne demeure fidèle aux dieu-ou-démons du Destin que parce que le Destin justement apparaît comme totalement et inconditionnellement solidaire des simples mortels, qui ont fait les dieu-ou-démons à leur image justement.
Répétons-le encore une fois, Dieu et les hommes sont par définition solidaires puisque ce sont les hommes qui font les dieux. Les hommes ne sont que Dieu prenant conscience de lui-même. Ils sont donc comme Dieu, ni bons ni mauvais, juste implacables.
Cette solidarité de Dieu et des dieux avec les gdonioi (les mortels) se traduit par un dialogue ininterrompu, même s’il est parfois conflictuel. De l’Hyperborée au monde d’aujourd’hui, en passant par l’Empire d’Ambicatus, les dieu-ou-démons celtes apparaissent comme ceux qui ne cessent de se dévoiler ou d’aller au-devant des hommes ; car, comme cette réalité s’avère à la fois la plus proche et la plus cachée des réalités (l’englobant n’est pas d’emblée accessible, disponible) c’est donc à elle de procurer l’éveil, l’épanouissement ou l’illumination des esprits.
Cette souveraineté n’est cependant jamais accordée à n’importe qui, elle n’est concédée qu’à certains Celtes prédestinés pour différentes raisons (le Destin a des raisons que la Raison ne connaît pas et ses voies sont impénétrables !)
L’Être supérieur ou Bitos est par définition solidaire des hommes, les dieu-ou-démons ne peuvent se passer des hommes.
Voici par exemple comment l’ancien druidisme dans son langage bien à lui décrivait la force de l’appel lancé à certains humains (le vrai très-sachant dans cette histoire en l’occurrence c’est Condla et non Corann).
Quand le fils de Conn Cetchathach (« aux cent batailles »), Condla, fut invité à partir en compagnie d’une jeune fille merveilleusement belle, le roi Conn fit appel à la science et à la magie des druides irlandais pour l’en dissuader.
Conn s’adressa donc en ces termes à son druide, dont le nom était Corann, car ils avaient tous entendu ce que disait la femme à son fils. « Je t’en prie, ô Corann, au grand chant et au grand art, on me demande plus que j’aie jamais pu accorder depuis que je suis devenu roi, car c’est au-delà de tout ce que je puis consentir. Je suis confronté à une puissance plus forte que la mienne. Mon fils est enlevé à ma royale affection par les sortilèges d’une femme invisible ».
Le druide irlandais récita donc une incantation pour contrer la voix de la femme invisible, si bien que nul ne l’entendit plus et que Condla dès lors fut dans l’impossibilité de la voir. Mais avant de s’en aller, chassée par l’incantation du vieux druide irlandais, la femme eut le temps de lancer une pomme à Condla, et il resta un mois sans prendre de boisson ni de nourriture. Il lui semblait que rien n’était plus digne d’être mangé, à l’exception de sa pomme. Elle ne diminuait pas, quoiqu’il en consommât, et même elle restait entière.
L’incantation du vieux druide de la décadence irlandaise, qui a fait reculer la messagère de l’autre monde, s’avère pourtant impuissante contre la pomme. Condla est pris de nostalgie et de langueur au point que, lorsque la jeune fille se présente une seconde fois, il saute dans sa barque de cristal et part avec elle.
Ce qui est en cause, dans cette légende (Echtra Condla), c’est la puissance de la vocation ou de l’appel du monde des dieu-ou-démons (l’ange ou la jeune fille messagère de l’autre monde) ; qui résiste même à un jeûne d’un mois de Condla, seul en face de sa pomme.
La pomme est le fruit de l’immortalité, de la science et de la sagesse. On n’en soulignera jamais assez l’importance dans la légende celtique. C’est le fruit par excellence de l’Autre Monde, non pas la pomme biblique dont la consommation contraint l’Éternel à chasser Adam et Ève du paradis terrestre. Au contraire, la pomme est, pour les Celtes, un moyen d’entrer ou de rester en contact avec l’autre monde ; à ce détail près, qui a son importance, que ce ne sont jamais les druides qui la donnent aux humains [on ne saurait mieux dire l’origine divine et non humaine de la vocation de très-sachant amarcolitanos. N. D L. R].
Le druidisant dans ce cas, entre en relation avec son destin librement et par amour en quelque sorte. Le druidisant de type amarcolitanos est un homme (ou aujourd’hui une femme) fondamentalement
75
convaincu que c’est le destin lui-même qui vient chercher les hommes ou les femmes comme lui. Comme un enfant se laissant porter par sa mère, le très-sachant de type amarcolitanos doit se laisser porter par les signes et les appels du Destin ou Tokad (moyen gallois tynghed, breton tonket, destiné, vieil irlandais tocad, destin, toicthech « fortunatus », tonquedec en breton. Le labarum est sa voix). Cette foi à soulever ou faire s’écrouler des montagnes, qui renouvelle la vie d’un homme de fond en comble ainsi que son intelligence de toutes choses ; doit cependant répondre à l’initiative de ce Destin ou Tocade ou Gaefa qui vient, en se dévoilant, à la rencontre de l’Homme.
Dans le cas d’un gnostique d’Occident de type amarcolitanos, le salut n’est possible que parce que le Destin partage avec lui un peu de sa souveraineté. Le très-sachant de type amarcolitanos doit, certes, aussi agir, et ne pas rester passif, mais le mouvement va d’abord du soi-même immanent absolu de l’Être supérieur ou Bitos ; au soi individuel de l’anamone et du menman (cf. sanscrit manman, esprit) ; de Dieu ou du Démiurge à l’homme, et non le contraire. En d’autres termes, les gnostiques occidentaux de type amarcolitanos sont des hommes ou des femmes ayant une conception du monde (Weltanschauung) qui n’aboutit pas, comme dans la voie de la Kingeto, à la fusion totale avec le Grand Tout du Pariollon dès ce monde ; mais à une sorte d’union plus ou moins intime quand même, de l’être, avec lui (par épanouissement partiel et spontané, de l’âme).
L’expérience fondamentale de la volonté de souveraineté de type amarcolitanos se caractérise ainsi par un puissant vouloir-vivre : des efforts passionnés en vue de l’accomplissement d’idéaux déterminés. Le savoir druidique de l’amarcolitanos est d’abord tourné vers l’extérieur, il se confronte au monde. Les émotions ne sont pas réprimées cependant, mais canalisées. Le vouloir-vivre s’affirme et entend triompher, même dans l’échec, comme nous le montrent très bien les prophéties de Merlin concernant l’espoir breton. Le très-sachant de type psychologique amarcolitanos est un obstiné qui se fraie un chemin, du doute à la certitude du savoir, de l’incertitude à la confiance, de la conscience de sa faiblesse congénitale à l’obtention du salut par la souveraineté (divine).
Alors que la plupart des groupes celtes préféraient le culte de la lune, les anciens très-sachants, eux (les ategnati druidisants) vénéraient surtout le soleil. Le soleil était pour eux la représentation physique et matérielle de la lumière divine où fusionnent les grandes âmes (anatiomaroi). Il n’était jamais adoré en tant que tel, en tant qu’objet, comme nous l’avons vu avec l’exemple du roi irlandais Cormac, mais en tant que fenêtre à travers laquelle le très-sachant pouvait voir et contempler le Pariollon englobant l’univers. Celui-ci était derrière cette fenêtre selon eux.
Ce qui le prouve aussi c’est la légende du très-sachant irlandais Mog Ruith…
Imtheachta Moighi Ruith Andso.
Tri bliadna trichad robai mailli ria Simon. Is andsin romeabaid a leth-shuil oc forba gamma ig sliabh Ealpa i sneachta mor 7 rodallad in leth-shuil ele ig fastad na greine fri dib laithib in darbri conderna da laa dinn oenlo conmebaid a leth-shui corbo dall.
Ci-dessous les aventures de Mog Ruith. Il vécut trente-trois ans chez Simon le magicien. Il se creva ensuite un œil alors qu’il abattait un veau dans la neige éternelle des Alpes. Il perdit son autre œil en arrêtant pendant deux jours le soleil au-dessus de Darbre, afin d’en faire une seule journée. Du coup il en devint aveugle.
Traduisons : à force de contempler le soleil, Mog Ruith en devint aveugle. Le fait que le Pariollon était censé être à l’intérieur, ou même au-delà, du soleil, prouve que les très-sachants amarcolitanoi de cette époque, ne considéraient pas le soleil comme un simple corps céleste en feu. Selon leurs conceptions à eux de l’espace et du temps, il représentait une dimension de leur propre existence, en déplacement parallèle par rapport à eux. Une croyance communément répandue dans l’ouest de l’Irlande est par exemple que le peuple des fées ne peut être vu par les simples mortels car habitant « à côté du soleil ». Le très-sachant vivait dans la dimension terrestre, mais par son savoir, il était capable de « translater » sa position afin de communiquer avec les forces spirituelles. Inversement, on pouvait arriver à obtenir que les forces spirituelles « translatent » leur position afin d’influencer le monde physique et la matière.
76
Après sa mort l’âme d’un très-sachant de type amarcolitanos ou semnothée jaillissait dans le ciel (comètes et étoiles filantes étaient considérées comme des âmes d’êtres exceptionnels en route vers le firmament, montant au paradis dirait-on aujourd’hui) ; et passait au travers du soleil. Mais le soleil n’était pas le terme ultime de ce voyage des âmes. L’âme du très-sachant devenu amarcolitanos, semnothée ou awenydd, passait à travers lui pour atteindre une sphère encore plus élevée en définitive, au fin fond des astres et des constellations : celle du Pariollon.
Le soleil était donc, dans ces conditions, un lieu de passage (à sens unique). Au-delà, l’âme (l’anamone) ne peut plus régresser. Elle est arrivée au terme de son fantastique jeu de marelle cosmique : la fusion au sein du Pariollon, le Pariollon est l’éclaboussement de lumière produit par la fusion ensemble de ces myriades de grandes âmes (anatiomaroi), le lieu même de la fusion des êtres et du monde.
77
PREMIÈRE LETTRE DU TRÈS-SACHANT JEAN MARTIN.
LA MÉDITATION À LA CORNUNNOS (assis sous un chêne comme Merlin. Dhyana dans l’hindouisme).
………… Celui qui a un jour et de cette façon, atteint l’épanouissement de son âme (phénomène appelé moksha en Inde) pourra la fois suivante y accéder de plus en plus rapidement (question d’entraînement).
« Ils ne répondent pas normalement aux questions qu’on leur pose, mais tout à coup ils sortent d’une sorte d’extase comme d’un profond sommeil et ils répondent dans un style qui leur est propre et qui d’ailleurs est orné. Puis quand ils reviennent au sens commun, ils ont perdu la mémoire de leurs propos, comme s’ils ne s’exprimaient que sous la pression d’âme/esprits fanatiques. Leurs rêves les inspirent, d’autres écrivent comme sous la dictée. Toutefois, ils invoquent Dieu (?) et la Sainte Trinité (?) » (Marx, littératures).
Cette sensibilité religieuse privilégie donc l’illumination de l’instant qui transcende le temps, l’épanouissement instantané de l’âme que l’on obtient par le dépouillement et le vide, c’est-à-dire par l’effacement d’un sujet trop rempli de passions. On est alors à même de rejoindre l’univers vivant, non selon l’apparence, mais de l’intérieur. Car le bénéficiaire de telles visions a foi en ce Souffle primordial qui anime toutes les entités vivantes. Il est invité à une sorte de consentement : rejoindre un état originel où prend source la promesse d’une vie éternelle. D’où les constatations de Giraud de Barry à leur sujet au XIIe siècle. Le témoignage de Giraud est bien entendu hostile, on sent bien qu’il n’est pas très loin d’assimiler ces hommes à des sorciers (nous sommes au XIIe siècle ne l’oublions pas) ; mais il n’en demeure pas moins révélateur d’une incroyable survivance de ce type de très-sachants, assis sous un chêne comme Merlin. Dhyanas dans l’hindouisme avons-nous dit.
Ce terme sanscrit est composé d’une racine signifiant « milieu, centre » et d’un suffixe signifiant agir, acte, action. Il est très proche finalement du mot « méditation » justement (médit-ation).
Si l’on demande à un adepte, et à plus forte raison à un Maître du druidisme à la Cornunnos ou à la Merlin, ce qu’est son druidisme… Il répondra probablement et invariablement « être assis sous un chêne ». Le druidisme de ce type, le druidisme awentieticos, c’est la méditation silencieuse dans la forêt. Être awentieticos dans cette conception des choses, c’est agir sans ne rien faire de plus que ce qui est nécessaire pour rester en vie c’est-à-dire respirer… c’est « agir de façon basique », « être soi » donc, étymologiquement, « méditer ».
« Divinis humana licet componere » :« Aux choses divines, on peut comparer les choses humaines » Ausone (poème sur l’usage du mot libra).
Autrement dit : on peut trouver la voie pour accéder au monde des dieux-ou-démons en voyant clair dans sa propre nature.
Le druidisme est l’art de plonger dans la nature de son être. Le druidisme de type awenydd (déformation du terme aventieticos en vieux celtique dont la signification est « illumination ou épanouissement instantané de l’âme ») est donc aussi l’art de voir dans la nature de son être. C’est une technique destinée à déclencher une prise de conscience de soi, susceptible de faire éclater les limites du mental.
Certaines Écoles préconisent de méditer sur des triades.
Exemples de triade.
« Honorer les dieux, ne rien faire de mal, et être un homme un vrai » (Diogène Laërce).
« La vérité dans nos cœurs, la force dans nos membres et l’art de bien parler » (devise des Fénianes)
La poésie en berla féné gaélique est d’ailleurs une forme développée de la triade.
« Petite question maintenant, mon garçon, de qui es-tu le fils ?
Ce n’est pas difficile. Je suis fils de poésie,
Poésie fille d’examen, examen fils de méditation, méditation fille de grand savoir,
Grand savoir fils de recherche, recherche fille d’investigation,
Investigation fille de sagesse, sagesse fille des trois dieux de Danu (bia).
Et toi, ô mon aîné, de qui es-tu le fils ? »
78
Par essence, malheureusement, ces formes poétiques demeurent souvent très difficiles à traduire et plus encore à bien adapter… faute de mieux, il convient donc de se contenter d’une approximation littéraire.
Jouent également un grand rôle dans ce type de druidisme les questions posées par un maître.
Il s’agit bien souvent d’un très court dialogue entre le maître et le disciple… le premier pose une question, le second y répond comme il peut, et le maître donne la solution. Il s’agit de sentences servant à illuminer l’esprit, ne serait-ce que pour une fraction de seconde ou pour l’éternité (aiu), et tout d’abord en le rendant un peu plus humble.
« Dans la conversation, leur parole est brève, énigmatique, procédant par allusions et sous-entendus, souvent hyperboliques » (Diodore de Sicile V, 31).
Exemple. Le très-sachant irlandais appelé Cruitine se rendit un jour dans la tribu d’un autre très-sachant, avec un de ses élèves, un étudiant qui avait la fierté d’un maître. Cruitine envoya son disciple prendre les devants et demander l’hospitalité au très-sachant. On lui prépara donc un ventre de porc dans un grand chaudron, et le très-sachant qui avait accepté d’héberger Cruitine s’entretint avec le disciple pendant ce temps-là. Il remarqua immédiatement son orgueil, mais aussi la petitesse de son intelligence. Quand la viande fut prête, il demanda en sa présence : « tofotha tarr téin ? » c’est-à-dire : est-il temps de l’enlever du feu ? Afin de savoir quelle réponse lui ferait l’étudiant, car Cruitine vantait ses connaissances, comme s’il s’était agi de lui-même. Mais il avait dit cela, car il en doutait fortement.
Il répéta « tofotha tarr téin » par trois fois, mais le jeune disciple ne pipa mot.
L’étudiant sortit, alla trouver Cruitine et il lui rapporta la situation, à savoir la question que l’autre très-sachant lui avait posée : « tofotha tarr téin ? »
Bien, répondit Cruitine, quand il te posera de nouveau la question, réponds-lui : « toe lethaig foen friss ocus fris adaind indlis », ce qui veut dire « mets une planche à pétrir dessous et allume une chandelle pour voir si le ventre de porc est assez cuit ».
Le disciple fut très étonné de cette réponse, car il ne savait pas que leithech voulait dire aussi « planche à pétrir », il ne connaissait le mot que dans son sens de « sole ».
Le terme leithech signifie en effet deux choses différentes en irlandais. C’est en premier lieu le nom d’une espèce de poisson (flet) qui est appelée ainsi à cause de sa largeur et de sa minceur ; mais c’est aussi le nom d’une sorte de petite planche à pétrir où l’on malaxe la pâte pour faire cuire du pain.
Quand le disciple revint dans la cuisine, le très-sachant lui demanda la même chose, et il répondit « toe lethaig, etc. »
« Ce n’est pas une bouche d’étudiant qui a fait cette réponse ! » rétorqua le très-sachant, « celui qui l’a faite ne doit pas être loin. Celui qui l’a faite ne doit pas être loin. Crutine n’est pas loin. Demande-lui de venir ».
Aussitôt dit aussitôt fait. On souhaita la bienvenue à Cruitine, et l’on rajouta de la nourriture dans le chaudron. Et l’orgueil du disciple en prit alors un sérieux coup, car le très-sachant se moqua de lui avant de s’entretenir avec Cruitine » (Glossaire de Cormac ; entrée Lethech)
Ce besoin tenace d’omniscience juxtaposé à une perpétuelle humilité s’avère caractéristique, et l’on pourra se reporter à ce que César constate de la science et de la pédagogie des très-sachants. « Ils discutent aussi beaucoup des astres et de leurs mouvements, de la grandeur du monde et de la terre, de la nature des choses, de la puissance et du pouvoir des dieux immortels, et ils transmettent ces spéculations à la jeunesse » (BG. VI, 14).
Dialogue des deux sages. Nede repartit chez lui et ses trois frères firent de même, Lugaid, Cairbre, et Cruttine. En chemin ils trouvèrent bolg belce (une vesse-de-loup ?). L’un d’entre eux demanda : « pourquoi est-il appelé bolg belce (vesse-de-loup) ? Comme ils ne savaient pas, ils revinrent auprès d’Eochu et passèrent encore un mois chez lui. Ils se remirent ensuite en route et tombèrent par hasard sur des roseaux. Comme ils ne surent point pourquoi on appelait cette plante « roseau », ils revinrent une fois de plus chez leur précepteur. À la fin de ce deuxième mois supplémentaire, ils se remirent en route. Ils tombèrent en chemin sur une gass sanaic (une tige de sanicle ?). Comme ils ne surent pas non plus pourquoi on appelait cette plante gass sanais (tige de sanicle ?), ils restèrent de nouveau un mois tout entier avec lui.
79
La voie druidique évoquée par ces deux anecdotes est donc une méthode (ayant pour but la connaissance et l’épanouissement de l’âme appelé moksha dans l’hindouisme) consistant à être disciple d’un très-sachant déterminé.
Les quatre aspects de cette voie sont les suivants…
— Étude de sa doctrine spirituelle (les fameux douze livres des Fénianes d’Irlande) avec examen de soi-même.
— Pratique de la méditation selon la méthode traditionnelle reçue.
— Service du très-sachant en question.
— Vie conforme aux préceptes moraux (éthique) de sa profession menée dans la pratique de la vérité, de la justice, de l’humilité, mais aussi dans le plus complet respect des deux autres fonctions.
80
HUITIÈME LETTRE DU VIEUX TRÈS-SACHANT DE LA FORÊT ARDENNAISE.
Sacrifices prières et méditation.
……………… L’une des plus anciennes voies menant à l’auto-accomplissement par fusion, au moins momentanée, dans le Grand Tout du Pariollon, est celle du sacrifice.
À l’autre bout du monde aryen, la confiance dominatrice du brahmane a toujours affirmé l’efficacité sans pareille de son acte religieux : elle concentre sur la parole sacramentelle ou rituelle du sacrifice, toute la valeur de l’existence. La notion de divinité supérieure jaillit de cette condensation psychique. Le prêtre accède au divin par un acte instinctif d’abstraction où s’affirme sa volonté de souveraineté sur le monde.
Dans l’ancien druidisme, le sacrifice était aussi l’acte le plus important, car c’était grâce à lui que l’homme obtenait l’union avec la divinité représentée par les dieu-ou-démons. Mais le sacrifice, qui a été à l’origine une voie autonome pour accéder au chaudron cosmique (Graal) ainsi qu’aux dieu-ou-démons ; est maintenant le plus souvent associé à la prière et aux techniques d’exercice spirituel des gésates ou kingetes, que nous désignons aujourd’hui du nom de yoga ; le vocable celtique originel ayant été banni (du fait de la christianisation).
Les rudiments de cette technique ont été mis au point par le premier homme, malgré ses restes d’animalité (Cornunnos), et développés ensuite par les Gésates et les Kingetes ou Fénianes.
NEMETOS…
Au terme d’un long entraînement à la souffrance (souffrance indispensable à son hominisation), il est devenu l’awenydd par excellence ; celui qui montre le chemin qui mène, de cette vie décevante à un état d’être définitif, au-delà de la non-permanence et de la souffrance.
Assis sous un chêne (d’autres disent sous un peuplier noir), plongé dans un abîme de réflexion, le grand Cornunnos parvint donc un jour à la contemplation du monde des dieu-ou-démons ; trouvant ainsi du même coup le chemin de la vérité ou de son accomplissement. Il était devenu awenydd, il avait eu de ce fait une connaissance immédiate et directe de l’autre monde du Pariollon. Il sut qu’il ne renaîtrait plus. Cet homo sapiens primordial fait ainsi figure d’illuminé, au sens élogieux de cet adjectif ; certains y voient un montreur de chemin mystique se suffisant à lui-même.…
Dans cette vue idéalisée du premier humain véritablement « sapiens » de l’ancien druidisme, on retrouve l’idée d’un être quasi comparable à une divinité anthropomorphe. N’étant l’envoyé de personne de surnaturel, et surtout pas d’un dieu-ou-démiurge puéril, créateur du monde on ne sait trop pourquoi (par amour ?? Par besoin d’amour ?? Pour avoir des serviteurs et des adorateurs ???) ; il convie à la méditation méthodique selon les étapes d’une concentration de plus en plus profonde ; afin de parvenir à l’épanouissement de l’âme, à l’état d’awenydd. Ultime rapprochement dont nous allons exposer les présomptions développées précédemment, ce Grand Frère (Nemed en Irlande) a été considéré comme un avatar de la divinité nommée Cornunnos, d’abord connue comme ressortissant à l’Autre Monde.
Ce chemin est universel. Il ne dépend pas de Cornunnos pas plus que de quiconque. Il est possible de le trouver puis de le suivre sans jamais avoir entendu parler de notre grand frère Cornunnos. Disons que le grand Cornunnos est un médecin qui guérit les maladies en donnant à ses patients le remède adéquat, en leur montrant comment ils peuvent guérir. Un point, c’est tout !
Cornunnos cependant n’a pas voulu nous donner d’explication du monde. Il n’a pas pratiqué de hautes spéculations philosophiques pas plus que de savantes casuistiques. Ses enseignements ne sont pas des révélations secrètes sur la nature du Graal. Ils ne visent pas non plus un type déterminé d’organisation judiciaire ou sociale.
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avait déclose
Sa robe de pourpre au soleil,
À point perdu cette vesprée,
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vôtre pareil.
Las ! voyez comme en peu d’espace,
81
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ! ses beautés laissé choir !
Ô vraiment marâtre Nature,
Puis qu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Cornunnos part donc simplement du constat de ce caractère éphémère et provisoire du monde, de la non-permanence des choses, du non-épanouissement naturel et spontané de l’Homme, de son aveuglement et de sa folie. En tant que divinité tutélaire des premiers hommes, nul mieux que lui ne connaît tout cela. Cornunnos indique donc un chemin conduisant à la libération de l’aveuglement, une libération qui n’est pas le fruit de spéculations théoriques ou de raisonnements philosophiques comme dans le cas des très-sachants de type amarcolitanos ; mais qui passe par un chemin conduisant à l’éveil de façon tout à fait pratique : le retour à la nature qui est une expérience religieuse ou une conversion intérieure comme une autre. Voir le cas de Merlin et de Suibhne.
Cornunnos n’impose pas de convictions particulières de type intellectuel ou moral ni de vision du monde, sur ce chemin qui conduit au salut c’est-à-dire à l’autre monde. Il est seulement demandé à l’Homme d’écouter, de comprendre, et d’en tirer les conséquences. Le druidisme ne cesse d’en appeler à la raison et à la capacité de connaissance en l’Homme. Son mode d’enseignement est celui de Merlin. Et il ne parle pas ex cathedra, mais suscite chez ceux qui l’écoutent la connaissance, il les persuade par une argumentation patiente.
De par son illumination ou de par l’épanouissement de son âme dans la Terre Pure de l’autre monde (moksha dans l’hindouisme), Cornunnos est parvenu à l’état d’awenydd dès cette vie ; puis il a continué à vivre, longtemps, avant de se fondre enfin par la mort, sans nulle atteinte à sa vie, dans le Grand Tout du Pariollon. Son enseignement s’est propagé, ses enfants se sont multipliés, à l’infini.
82
SIXIÈME LETTRE DU DRUIDE JEAN MARTIN.
………« Château » est le symbole évoqué pour signifier que le Graal peut sembler aujourd’hui retiré dans sa tour d’ivoire un peu comme un « deus » otiosus, ce qui est la caractéristique même de tout cycle d’occultation. L’aredengto (l’erdathe ou restauration du règne du divin en gaélique) se présente comme le retour à un âge d’or, celui de Thulé (l’île de Falias pour les Irlandais) à proprement parler préhyperboréen ; mais en même temps comme l’instauration d’un monde radicalement nouveau, parfaitement réconcilié, qui serait pénétré de la présence du divin et où les hommes vivraient en surhommes, en gaz pensants en quelque sorte. Ayant recouvré leurs pouvoirs préternaturels hyperboréens diraient d’autres.
À travers des formules poétiques de style encore aryen, les bardes gaéliques ont insisté sur le sens de cette venue du Hesus incarné en Cuchulainn : de par son éducation tripartite, il sera un ami de toute la société.
C’est un appel à nous ouvrir à une juste hiérarchie des valeurs. L’enseignement par l’exemple du Hesus a exprimé l’essentiel de ce que doit être une vie voulant emprunter un des trois ponts de lumière nous reliant à l’autre monde ; car c’est toujours en suivant le cheminant que l’on trouve le chemin… Hesus lui-même est un pont (A fo ben, bid bont disent nos amis gallois) rendant à l’Homme son unité d’ambicatus (qui combat des deux côtés). Toutes les sphères de l’existence humaine sont concernées : vie sociale, économique et politique, vie familiale et nationale, vie affective et conjugale (voir la conclusion de la célèbre dispute des Ulates à propos de l’éducation du petit Setanta).
En tous ces domaines, le Hesus en tant que Setanta est venu nous dire ce qu’il faut faire pour échapper à la malédiction des Ulates ; et à la loi d’airain de la réincarnation sans fin en bacuceos ou seibaros (il s’agit dans ce cas d’une demi-réincarnation) ; afin d’être de nouveau en phase avec les dieux.
Comme pourrait le dire tout vate de service : ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Comment faire découvrir aux mortels cette vérité qui rend un sens à la souffrance ? L’attitude et les paroles du Hesus incarné alors en Cuchulainn ont réaffirmé la solidarité intrinsèque et par définition du Destin avec nous les hommes.
« Je vous ferai signe de venir à moi, répondit le Hésus Cuchulann, si je ne peux pas revenir moi-même ».
Il s’agit là d’un appel clairement adressé à l’Humanité tout entière et pas seulement à ses bourreaux. Ce qu’essaie de nous faire comprendre le Hésus incarné sous la forme de Cuchulainn en disant cela, c’est qu’il nous faudra donc, après sa mort, crucifié sur le menhir de Murthemné/Moritamna, et en attendant son retour, suivre son exemple, même s’il n’est plus là.
Ce qu’essaie de nous faire comprendre avec ces derniers mots de son incarnation le Hésus de Moritamna ; c’est que depuis sa mort, c’est à nous de prendre l’initiative de le suivre dans la voie qu’il a ouverte, afin de le retrouver un jour dans la gloire de son monde, l’autre monde, et non à lui de revenir nous retrouver ici-bas.
En Cuchulainn mourant, debout, adossé à la pierre levée, le Destin a donc montré qu’il pouvait vraiment faire notre salut par la lumière des héros.
83
SEPTIÈME LETTRE DU DRUIDE ARÉMI.
Les autres noms de la Touta. Noms bien sûr empruntés à l’expérience humaine.
……………… Le paradoxe de cette communauté qu’est la Touta ne tient pas en une seule définition. Il faut utiliser des images ou des allégories diverses, pour rendre compte de la complexité de sa vocation.
Ces noms servant à l’évoquer sont donc un bon moyen de saisir toute sa prodigieuse richesse. Ils sont multiples. Aucun n’a la prétention d’épuiser à lui seul la totalité de son contenu. Tous par contre en soulignent une facette.
Ce qu’il faut pour capter la lumière de ce diamant, c’est faire chatoyer ces facettes les unes avec les autres. Tel dagolitos (tel croyant) ou telle communauté locale, ou telle époque, peut, certes, accorder sa préférence à l’une ou l’autre. Chacun doit cependant admettre que le regard qu’il porte sur le druidisme est partiel, et qu’on n’a pas le droit de laisser dans l’ombre les facettes du druidisme qui nous intéressent moins. On ne peut prétendre être très-sachant aujourd’hui en méconnaissant cette réalité.
Quelques exemples de noms ou de périphrases : paganisme philosophique et réfléchi, néo-paganisme, paganisme celtique, néopaganisme celtique, druidisme, néo-druidisme… druidiaction, druidiactio, sont aussi des noms reconnus et employés.
Note 1. Le préfixe « néo » est employé par ceux qui ont quelque scrupule à nier que beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis 2000 ans, depuis la perte de l’indépendance celtique ; depuis la mort des derniers très-sachants irlandais de filiation directe, au 10e siècle, à la Cour du roi suprême d’Irlande Domnall mac Muirchertach Ua Néill (O’Neill) roi d’Ailech de 943 à 980 et roi des rois d’Irlande de 956 à 980 (mort chrétien). Du moins c’est ce que l’on peut déduire de l’existence encore à l’époque, dans le répertoire des grands « poètes » irlandais, de l’imbas forosnai du teinm loida du dichetal do chennaib et enfin de l’imbas forosnai, pourtant interdit par saint Patrice (cf. l’histoire du pillage du château de Maelmilscothach par Errard Mac Coisé, un poète ayant vécu au Xe siècle). C’est une acceptation et une prise en compte de vingt siècles d’évolution de notre civilisation.
Note 2. Druidiactio. Expression caractéristique de la Touta, insiste sur le fait que la communauté celtodruidique est appelée à vivre à travers les siècles tout en étant à la fois fidèle aux figures divines ancestrales, mais aussi mêlée aux autres peuples de la terre. Bien qu’elle ne comprenne pas encore la totalité des hommes du monde du milieu, et qu’elle revête souvent les apparences d’une petite tribu ; ou d’une tribu désordonnée, la communauté celtodruidique réunie sous le nom d’Ollotouta est ouverte à tous ceux qui se sentent spirituellement païens, et constitue donc pour le genre humain le seul germe d’espoir et de salut possible ; face au totalitarisme islamique ou à la dispersion chrétienne dans l’horizontalité (donner du poisson au lieu d’apprendre à pêcher, traiter les symptômes au lieu de traiter les causes comme le font nos modernes philosophes : journalistes et politiques).
L’Ollotouta est une nation hyperboréenne, une nation sainte, qui vit son unité à la façon du dieu-ou-démon tricéphale, car l’Ollotouta celtodruidique est une. La source de cette unité de l’ollotouta celtodruidique est comparable au corps d’un géant. Elle est visible et ne doit jamais être sous-estimée ni perdue de vue.
L’image du corps du géant qui permet aussi de rendre compte de la diversité des noms et des boudismes de la communauté celtodruidique. Certains sont les yeux de la communauté, d’autres ses oreilles, d’autres son cerveau, d’autres ses membres, etc. Entre tous doit exister une véritable union organique. Dire ceci, ce n’est pas seulement décrire l’Ollotouta de façon superficielle, c’est aussi indiquer sa vérité profonde, qui relève de la foi et non du seul regard sur les apparences.
Le Primat, les très-sachants, les vates, les vellèdes et les gutuatres/gutumatres, sans oublier les culdées, ne sont que les défenseurs de cette communion de commensalité. N’oublions pas que les très-sachants, unis au Primat inter pares, constituent le collège druidique, succédant au collège des anciens très-sachants, succédant lui-même au collège des très-sachants primordiaux, réformé par les dagolitoi ou fidèles de Cuchulainn ressuscité puis monté au ciel sur son siabur charpat, puis par John Toland et Henri Lizeray ou leurs comarba.
Le Primat est le symbole visible et traversant les âges de cette commensalité qui lie entre eux les très-sachants et les druidisants.
La fidélité à cette communion est donc pour les très-sachants une nécessité absolue, pour la vérité ou la fécondité de leur ministère (druidiactio).
84
Les fonctions dans la Touta sont variées, mais cela doit toujours être au service du corps que nous venons d’évoquer.
Au ministère des très-sachants est adjoint, pour le seconder, le ministère des vates, vellèdes, ou gutuatres/gutumatres, et celui des culdées. Par eux aussi, le sang et l’âme des dieu-ou-démons irriguent le corps de ce géant, qui dort encore, en vue de son réveil un jour. Sans eux la Touta ne pourrait pas subsister : ils appartiennent donc à sa structure essentielle. Les comrunos, du Primat inter pares au simple vate, vellède ou gutuatre/gutumatre, sont investis d’une responsabilité particulière qui les habilite à œuvrer en son nom pour faire vivre le message des dieu-ou-démons.
Outre ces ministères, la Touta s’est donnée, ainsi que nous avons pu le voir, des structures d’organisation lui permettant de poursuivre sa mission dans la plus totale efficacité. Assemblées générales, conseils divers, où chaque druidisant peut apporter la contribution de ses dons, de sa compétence, de son ministère, ou de son service particulier, selon son état. Par ces structures, et en ces diverses occasions, s’exprime et se renforce l’unité organique de la Touta, riche de la diversité de ses membres. L’union est un élément fondamental et nécessaire à la force des druidisants et à la crédibilité de leur mission.
L’union reste la condition sine qua non de la marche en avant de l’Ollotouta, mais elle peut évidemment se vivre de façon variée. L’ollotouta n’est pas une caserne ou un collège jésuite !
Ainsi que déjà dit plus haut, malheur aux Bricrius qui voudront y porter atteinte par leurs calomnies ou leurs médisances, par les critiques incessantes et jamais constructives, ou par leurs réticences et leurs défections au dernier moment ; voire par leurs grossières intrusions dans la vie privée des uns ou des autres.
« Ils remettaient à l’autre monde le règlement des affaires et le paiement des dettes. Il y en avait même qui se jetaient sur le bûcher de leurs proches, comme s’ils allaient vivre avec eux » (Pomponius Mela III, 2,18).
« C’est pourquoi aussi, pendant les funérailles, il en est qui jettent dans le bûcher des lettres écrites à leurs morts » (Diodore de Sicile, V, 28).
Une autre des métaphores utilisées pour désigner l’ensemble des croyants du paganisme celtique philosophique et réfléchi est celle de « Communion des toussaints » (sic), car les membres de l’Ollotouta se retrouvent tout particulièrement ce jour-là (le premier novembre).
L’union de ceux qui sont encore sur cette terre avec leurs frères passés à une vie plus large au cœur du Vindomagos (les bienheureux Meldi) ne connaît pas la moindre intermittence. Elle est au contraire renforcée par l’échange de différentes aides (informations, interventions, etc.).
Étant plus près que nous des dieu-ou-démons, les habitants du Vindomagos, les bienheureux Meldi, peuvent en effet nous aider en intervenant parfois encore sur terre pour nous.
C’est pourquoi les très-sachants ont toujours entouré de respect la mémoire des défunts, et ont toujours admis que l’on puisse les prier ou leur rendre hommage afin d’obtenir leur intercession dans nos affaires. Les Meldi si délicieux à fréquenter forment en quelque sorte l’Ollotouta druidique de l’au-delà.
85
NEUVIÈME LETTRE DU DRUIDE RÉMI.
Sur le sexe des anges.
………… Les messagers du monde des dieu-ou-démons de la canopée ou, par la suite, de l’atmosphère, sont en général vus comme étant de sexe féminin ; à la différence des anges du judéo-islamo-christianisme qui sont, eux, de sexe masculin.
Genèse chapitre VI.
« Lorsque les hommes eurent commencé à se multiplier sur la face de la terre, et que des filles leur furent nées ; les fils de Dieu virent que les filles des hommes étaient belles, et ils en prirent pour femmes parmi toutes celles qu’ils choisirent.
Alors Jéhovah dit : Mon esprit ne restera pas dans l’homme pour toujours, car enfin, l’homme n’est que chair, et ses jours seront de cent vingt ans.
Les Nephilim étaient sur la terre en ce temps-là, et aussi après cela, quand les fils de Dieu vinrent vers les filles des hommes, et qu’elles leur eurent enfanté des hommes forts, qui sont les hommes de renom d’autrefois ».
Le mot nephilim est souvent traduit par géants dans la Bible, mais parfois rendu tel quel. C’est la forme plurielle du mot hébreu nephel. Certains biblistes et historiens pensent que le terme signifie ceux qui font tomber les autres. D’autres pensent, sur base de Job 3,16, qu’il s’agit d’avortons.
Dans la Torah, certains écrits juifs non canoniques et chrétiens, les nephilim sont un peuple issu de ces relations entre les « fils de Dieu » (benei elohim) et les « filles des hommes ».
En Irlande, on appelle bansid, banshee en anglais, les anges, perçus donc par les gnostiques d’Occident comme étant surtout de sexe féminin. Voir le songe d’une nuit d’Été de Shakespeare ou même certaines scènes de Mac Beth. Ces anges du paganisme celte usent le plus souvent d’une magie féminine et féerique, redoutable. La magie est aussi naturelle à la bansidh que la respiration l’est à l’homme ordinaire.
L’Irlande distingue deux sortes d’êtres de l’Autre Monde. La première est du genre de la jeune fille du sid, qui vient réveiller Cormac. « Adracht Cormac iarsin 7 ro chuir a mertin de co n-acca da laim deis oca ingen lucair laimghead ba caeime do mhnaib betha 7 faiteran firaluinn uimpe 7 lene orsnaith fria cnes ». « Alors Cormac se leva et sa langueur le quitta quand il vit une jeune fille à sa droite. C’était une merveille aux mains blanches et fines, la plus belle femme qui fût au monde : une tunique splendide l’habillait ; elle portait une chemise brodée d’or » (Forbhais Droma Damhgaire).
Un ange dans le druidisme, c’est donc une femme du peuple de la déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère, Danu (bia). Elle est particulièrement séduisante ou particulièrement redoutable. Elle est toujours apte à devenir, ou excessivement séduisante, ou excessivement redoutable. Elle apparaît au cours d’une promenade, d’une partie de chasse ou d’une guerre, toujours à peu près de la même façon, assise ou debout sur une petite colline. On la reconnaît à sa robe, à sa broche et à son diadème. Elle apparaît aussi en rêve, ou sous forme d’oiseaux. Elle disparaît en rentrant sous terre ou sous l’eau. Il arrive aussi qu’elle entre tout simplement dans une demeure et y prenne la place de la maîtresse de maison absente. Au reste on n’est jamais tout à fait sûr qu’une fille des hommes ne soit pas une fée. Elle est, pourrait-on dire, apte à devenir fée. Ces apparitions sont toutes gracieuses : généralement elles signifient que la fée en question est amoureuse d’un homme. Mais il faut se méfier. La fée, certes, comble l’élu de ses bienfaits : elle guérit, elle ramène la prospérité dans la maison, elle engendre des héros. Mais l’heureux élu est toujours peu ou prou un homme marqué. Il vit, pourrait-on dire, avec un penchant vers le monde parallèle au nôtre que l’on appelle l’au-delà. C’est par exemple un veuf (cf. le mari de Macha). C’est un héros du clan des guerriers, Ossian fils de Finn, ou Oscar fils d’Ossian.
Pour tirer la conclusion nécessaire à la suite de notre recherche, nous examinerons trois autres exemples de femmes de l’Autre Monde.
La première, anonyme, vient dans une barque de verre chercher un fils de roi. S’étant heurtée à la contre-magie d’un très-sachant, elle est contrainte de revenir à la charge. Mais elle triomphe de la
86
magie du très-sachant, et le jeune homme la suit de son propre gré après s’être nourri pendant un mois entier de la seule pomme qu’elle lui avait remise : inédie (les aventures de Condle).
Les acteurs de cette scène, ou plutôt de ce scénario élémentaire, sont au nombre de quatre.
— La femme de l’Autre Monde, qui reste anonyme bien que ce soit elle qui mène le jeu et entretienne le mystère.
— Condle, le premier fils du roi et son héritier présomptif.
— Conn, le roi, son père, personnage bien connu de l’histoire mythique de l’Irlande.
— Corann, le très-sachant du roi, lequel n’est pas autrement connu.
L’action se déroule en deux temps. La femme tentatrice est d’abord rejetée par l’incantation du très-sachant, mais ce dernier n’est pas suffisamment fort pour repousser définitivement la magie ou conjurer la tentation féminine. La banshee s’en va, mais ce départ n’est que provisoire : elle laisse à Condle une pomme, nourriture de science et d’aiu (d’éternité), comme promesse d’un prompt retour. Elle revient au bout d’un mois et, cette fois, Condle part avec elle dans son coracle de cristal. Il sera considéré comme mort ou, pire, comme s’il n’avait jamais existé. Il n’y a plus aucun moyen de savoir où il se trouve.
Il ne semble pas cependant que l’on ait remarqué un très intéressant détail. Il y a une contradiction formelle, s’il ne s’agit pas d’une incohérence ; entre la localisation du siège royal à Uisnech, au centre théorique de l’Irlande, c’est-à-dire à une assez grande distance de la côte occidentale de l’île ; et le départ de Condle dans une barque de verre. C’est bien là le signe, à la fois de l’ubiquité de l’Autre Monde et de l’obligation du passage de l’eau pour y accéder.
Le très court alinéa spécifiant que « Conn aux Cent Batailles n’aime pas le druidisme », affirmation en contradiction avec toute l’attitude et tous les propos prêtés à Conn dans le récit ; et l’allusion à « l’homme juste » qui « anéantira la fausse loi des très-sachants » (saint Patrice ???) ; sont la seule interpolation de ce récit qui est, par ailleurs, exempt de toute christianisation. C’est du reste ce qui fait son principal intérêt, outre un archaïsme qui se manifeste par l’extrême simplicité de la narration.
La deuxième femme de l’Autre-Monde, Sin, a jeté son dévolu sur un grand roi d’Irlande, Muirchertach mac Erca. Mais elle ne l’emmène pas là-bas : elle reste auprès de lui et s’incruste dans sa résidence dont elle chasse la femme légitime et les enfants. Elle lui fait consommer, à lui et à ses troupes, du vin et des porcs magiques, qui le font tomber malade. Puis elle suscite, toujours par magie, des bataillons de guerriers, à partir de cailloux et de mottes de terre, et, peu à peu, elle conduit le monarque à la folie et à une triple mort sacrificielle. Elle sera néanmoins vaincue par la force de la volonté de saint Caimech, qui la contraint à se repentir et à demander pardon : la banshee est vaincue par le christianisme.
La troisième, Li Ban, est sans conteste la plus classique des trois, elle apparaît avec une compagne, sous la forme de deux cygnes attachés par une chaîne d’argent. Elles se posent sur un lac et reprennent alors leur forme humaine. Li Ban est la messagère de Wanda/Fand, l’épouse du dieu-ou-démon Belenos Barinthus Manannan, et elle vient demander à Cuchulainn d’aller dans le sid. Elle provoque chez notre héros une maladie de langueur qui dure pendant un an, parce qu’il l’a blessée d’un coup de fronde lors de son arrivée ; mais elle ne joue aucun autre rôle que celui de messagère en compagnie d’une de ses servantes.
Les deux banshees apparaissent sous leurs traits les plus primitifs dans un récit dont le propre archaïsme est évident.
— Elles arrivent sous l’aspect de cygnes reliés par une chaîne d’or, et qui se posent sur un lac ou une pièce d’eau. Elles saisissent pour cela l’occasion ou le prétexte d’une chasse aux oiseaux, passe-temps favori des Ulates.
— Elles ne viennent pas pour leur propre compte chercher un heureux mortel, mais elles sont envoyées en tant que messagères par une divinité, en l’occurrence Wanda/Fand, épouse du dieu-ou-démon Belenos Barinthus Manannan.
— Elles ne sont pas anonymes : l’une d’elles au moins se fait connaître par son nom, Li Ban. Il semble que l’autre n’en soit qu’un doublet. En tout cas, son rôle est secondaire, sa présence n’étant rendue nécessaire que par la rigidité du motif des deux cygnes enchaînés ou attachés par une chaîne d’or.
Il s’agit pour Li Ban d’attirer Cuchulainn dans l’Autre Monde. On a théoriquement besoin de lui pour aider le père de Wanda/Fand, Aed Abrad (autre nom du Suqellos Dagda Gargant ?) à vaincre quelques ennemis ou rivaux. Mais dans un premier temps, Cuchulainn ne comprend pas que les oiseaux qu’il vise ne sont pas des oiseaux ordinaires. Il ne réussit qu’à en blesser un, et le châtiment
87
est immédiat ou presque : adossé à un pilier (sans nul doute un mégalithe) il est frappé cruellement à coups de cravache, s’endort et tombe gravement malade 1).
Tout s’arrange cependant quand, d’une fête de Samon (ios) à l’autre, surgit un personnage mystérieux qui n’est autre que le dieu-ou-démon Mabon/Maponos/Oengus, fils d’Aed Abrad. Il récite quelques couplets d’un poème exhortant Cuchulainn à venir dans l’Autre Monde. Cuchulainn recouvre l’usage de la parole et peut enfin raconter ce qui lui est arrivé. Sur le conseil du roi Conchobar, il retourne au pilier où il avait vu les deux jeunes femmes l’année précédente. Li Ban explique alors ce qu’elle veut ou, plutôt, ce qu’elle propose de la part de Wanda/Fand. Cuchulainn peut difficilement refuser, il refusera d’autant moins que ce qu’on lui propose est à la fois l’amour d’une déesse et un combat aussi facile que glorieux. Mais le grand héros d’Ulster se méfie quand même : il envoie son cocher Loeg en éclaireur. Cela nous vaut une brève description de la maison de Wanda/Fand, dans une île où l’on accède par une barque de bronze.
La suite et la fin du récit ne nous concernent pas puisque les deux banshees n’y apparaissent plus. Mais on ne se tire pas comme ça d’un contact avec l’Autre Monde, et Cuchulainn devient fou. Il faudra l’intervention des très-sachants et l’emploi d’un élixir d’oubli pour que notre héros recouvre la raison…
Conclusion. Ces femmes de l’autre monde n’ont pas pour vocation d’avoir des enfants ou de devenir des courtisanes. Elles ne sont que des messagères du monde des dieu-ou-démons (des anges). Ainsi que le montre l’étymologie du nom de Dahud (dago-soitis = bonne magie ou bonne sorcière), il s’agissait donc d’une situation vue positivement par leurs contemporains. En cela on rejoint les gallisenae de Pomponius Mela.
« Nous redirons ici ce que nous avons dit d’emblée à propos de Dahud ou de la Marie Morgane, à savoir que c’est une femme de l’Autre Monde ; dans la droite ligne des Irlandaises venant, sous la forme d’oiseaux (des cygnes !) ou en tant que femmes surgies d’on ne sait où, chercher l’heureux mortel de leur choix pour le conduire dans un Autre Monde d’éternelle félicité. Il reste l’essentiel de cette donnée primitive dans le fait que Dahud fait couple ici avec un roi. Nous insistons sur le fait que si Dahud n’est pas une Mélusine, ce n’est pas une sirène non plus ni ce que l’Inde appelle une nagi, mais c’est quand même une femme très « archaïque ». Elle appartient clairement, d’entrée de jeu, à ce type de personnage dans lequel nous avons vu l’équivalence celtique du concept grec d’Éros et Psyché. Mais elle n’est pas que cela. Elle correspond, dans la version irlandaise du mythe, à la gardienne de la fontaine, coupable de ne pas avoir veillé correctement à la fermeture des vannes. L’inconvénient est que le sens du mythe ne nous apparaît plus très clairement, dès le stade irlandais le plus ancien, à cause de la christianisation (elle est baptisée par saint Comgall). Nous ne savons pas le pourquoi de sa faute, car l’annexion chrétienne fausse l’interprétation du personnage de Li Ban devenu Sainte Muirgen 2). Dahud a, sur son homologue irlandaise, un avantage sérieux : elle est exempte de toute christianisation. Malheureusement, cette exemption l’a fait totalement disparaître de l’hagiographie et elle ne survit plus que dans quelques bribes de folklore ; ayant perdu son rang royal pour se contenter de simples matelots que, si nous en croyons le texte de Le Braz, elle entraîne immédiatement dans la mort. C’est une messagère des dieu-ou-démons, peut-être un équivalent de l’ange de la mort. Par rapport au monde humain, elle est donc sans âge ni origine. Nous avions pensé lui accorder une parenté indo-européenne avec la Romaine Tarpeia. Mais Tarpeia est sensible à la prestance du roi sabin Tatius et elle trahit par amour. Puis elle est punie par sa récompense même : les Sabins l’étouffent et l’écrasent sous le poids de leurs colliers. Il n’y a rien de tel dans le cas de Dahud et le dossier à charge contre elle reste désespérément vide. C’est ainsi que Dahud est devenue faute de mieux une grande prostituée qui entraîne toute une ville dans le châtiment, très chrétien, de ses crimes ; et que le saint, l’effleurant de sa crosse, la maudit. Dans cette affaire, le roi Gradlon en devient presque un personnage secondaire, victime toute désignée d’une affection coupable, et qu’un grand saint sauve in extremis » (Christian-Joseph Guyonvarc’h. La légende de la ville d’Is).
N.B. Le roi Gradlon n’a dû être qu’un petit chef de clan ou de village, à la tête d’une maigre troupe de réfugiés ou d’immigrés fuyant leur pays (la Grande-Bretagne du IVe ou Ve siècle) dans le plus complet dénuement ; et plutôt mal accueillis par des Gallo-Romains ruraux restés majoritairement païens. Ou par des citadins devenus chrétiens, mais se méfiant de ces étrangers comme de la peste ! Marie Morgane ou Dahud, comme beaucoup de dieu-ou-démons et de déesse-ou-démones celtes, n’a pas de véritable généalogie. Gradlon n’en est que le père putatif. Ce n’est qu’une femme ou une messagère des dieu-ou-démons, venue entraîner le roi dans l’Autre Monde, la ville d’Is, qui durera jusqu’à sa submersion sous les eaux de l’Océan.
88
1. La maladie n’est pas autrement décrite, si ce n’est qu’elle est désignée par le titre du récit, Serglige Conculaind, ce que l’on traduit usuellement par « la maladie de Cuchulainn », une traduction qui n’est pas très exacte. Serc désigne plus exactement la maladie de langueur ou la neurasthénie provoquée par l’apparition d’une jeune et jolie femme de l’Autre Monde ; maladie que les très-sachants ne savent pas guérir et qui, sauf intervention d’un dieu-ou-démon, ou d’une banshee, conduit directement à la mort. Il ne s’agit pas ici de neurasthénie, parce qu’un guerrier comme Cuchulainn est incapable d’une telle faiblesse mentale, mais il y a de toute évidence affaiblissement physique et perte de la parole, ce qui ne vaut guère mieux. Cette maladie de Cuchulainn est la conséquence de son contact avec les femmes de l’Autre Monde, parce qu’il n’a pas compris d’emblée ce qu’elles venaient faire. Dès qu’il l’aura compris, sa maladie cessera comme par enchantement.
2) Fête de cette bien curieuse sainte : le 27 janvier.
89
DEUXIÈME LETTRE DU DRUIDE RÉMI.
…………… Le terme fétiche dérive du portugais fetisso (du latin fatum, objet fée, enchanté). Les religions celtiques antiques ont une composante fétichiste évidente, s’il est entendu par là que l’on utilise et que l’on manipule, à des fins cultuelles opératives, des objets naturels ou artificiels (talisman comme la lance de Lug, l’épée de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd, la pierre de Fal ou de Scone, le chaudron magique…) qui renvoient en définitive à des puissances qui leur sont extérieures. En leur qualité de symboles et de représentation du sacré, ces talismans permettent de rappeler concrètement la présence de l’Invisible, de concentrer ou de déployer les forces qui en émanent, grâce à l’existence d’un support.
Mais quand la religion est soumise à des phénomènes de dégénérescence, on peut en arriver bien entendu, à une sorte d’identification de la puissance signifiée avec son signifiant, caractéristique de la superstition : on adore alors l’objet lui-même. Cette composante fétichiste se retrouve sous diverses formes, même les plus dégénérées, dans le christianisme ou l’islam. Quant au judaïsme, n’en parlons pas ! On plutôt parlons-en justement !
La question des téraphim, dont fait souvent mention l’Ancien Testament, est encore très obscure à l’heure actuelle ; les auteurs anciens ou modernes qui se sont penchés sur leur cas étant loin d’être du même avis sur le sens ésotérique et la forme matérielle de ces mystérieux emblèmes, dont l’origine remonte fort loin dans le temps. Presque tous néanmoins ont insisté sur le rôle divinatoire de ces objets inconnus.
Les téraphim (probablement des statuettes ou des figurines) sont des idoles familiales comme le montre la question de Laban à Jacob, lorsque celui-ci s’enfuit de Paddan-Aram avec sa famille : « Pourquoi donc as-tu volé mes dieux ? » En effet, Rachel avait, à l’insu de son mari, volé « les téraphim qui étaient à son père » (Genèse 31).
Passages de la Bible parlant des téraphim.
Genèse 31.19. Alors que Laban est allé tondre ses brebis, Rachel dérobe les téraphim de son père.
Genèse 31.34. Rachel les avait mis sous le bât du chameau, et s’était assise dessus. Laban fouilla toute la tente, et ne trouva rien.
Juges 17, 5. Mika s’occupait d’une maison de Dieu ; il fit un éphod et des téraphim, et il consacra l’un de ses fils, qui lui servit de prêtre.
Juges 18,14. Alors les cinq hommes qui étaient allés pour explorer le pays de Laïsh, prirent la parole, et dirent à leurs frères : savez-vous qu’il y a dans ces maisons-là un éphod, des téraphim, une image taillée ainsi qu’une image en métal ? Voyez maintenant ce que vous avez à faire.
Juges 18,17. Et les cinq hommes qui étaient allés pour explorer le pays montèrent et entrèrent dans la maison ; ils prirent l’image taillée, l’éphod, les téraphim, et l’image en métal, pendant que le prêtre était à l’entrée de la porte avec les six cents hommes munis de leurs armes de guerre.
Juges 18,18. Lorsqu’ils furent entrés dans la maison de Mica, et qu’ils eurent pris l’image taillée, l’éphod, les téraphim, et l’image en métal. Le prêtre leur demanda : que faites-vous ?
Juges 18,20. Le prêtre éprouva de la joie dans son cœur ; il prit l’éphod, les téraphim, et l’image taillée, puis se joignit à la troupe.
1 Samuel 15, 23. Car la désobéissance est aussi coupable que la divination, et la résistance ne l’est pas moins que l’idolâtrie et les téraphim. Puisque tu as rejeté la parole de l’Éternel, il te rejette comme roi.
1 Samuel 19,13. Ensuite Mical prit le teraphim, qu’elle plaça dans le lit ; elle mit une peau de chèvre à son chevet, puis l’enveloppa d’une couverture.
1 Samuel 19,16. Quand les émissaires revinrent, le teraphim était dans le lit, avec une peau de chèvre à son chevet.
2 Rois 23, 24. De plus, Josias fit disparaître ceux qui évoquaient les esprits et ceux qui prédisaient, les téraphim, les idoles, et toutes les abominations qui se voyaient dans le pays de Juda et à Jérusalem ; afin de mettre en pratique les paroles de la loi, écrites dans le livre que Hilkija, le grand prêtre avait trouvé dans la maison de l’Éternel.
Ezéchiel 21, 21. Car le roi de Babylone se tient au carrefour, à l’entrée des deux chemins, pour tirer des présages ; il secoue les flèches, il interroge les téraphim, il examine le foie.
90
Osée 3, 4. Car les enfants d’Israël resteront longtemps sans roi, sans chef, sans sacrifice, sans statue, sans éphod, et sans téraphim.
Zacharie 10, 2. Car les téraphim sont des paroles de néant, les devins prophétisent des faussetés, les songes mentent et consolent par la vanité. C’est pourquoi ils errent comme un troupeau, et sont malheureux parce qu’il n’y a pas de pasteur.
En édictant son second commandement, le texte sacré des Hébreux a fait un premier effort pour limiter l’adoration des fétiches ; mais ce peuple en a gardé certaines reliques avec les Tables de la Loi, dans l’arche d’alliance, qui était une combinaison d’autel de guerre ou de campagne militaire, et de châsse religieuse. La parole revêtue de l’autorité d’un fétiche est une doctrine inspirant la peur, le plus terrible de tous les tyrans qui asservissent les hommes.
Finalement les écritures devinrent, elles aussi, des fétiches, plus particulièrement celles que l’on considérait comme les paroles de Dieu ou du Démiurge. Exemple le Coran. La pratique divinatoire consistant à ouvrir l’un de ces livres sacrés ; pour laisser le regard tomber, au hasard, sur un passage censé apporter une réponse aux questions que l’on se pose sur le futur ou l’avenir d’un projet que l’on voudrait mettre en œuvre ; est une conséquence de ce fétichisme au mauvais sens du terme. Prêter serment sur un « livre saint », sur la Bible ou le Coran, ou jurer par quelque objet hautement vénéré, constitue également une forme de fétichisme au mauvais sens du terme.
Les livres sacrés de bien des religions sont devenus des prisons fétichistes où la liberté spirituelle des hommes est incarcérée. La lutte contre les fétiches devint elle-même un fétiche ; et le commandement attribué aux personnages de Moïse ou Mahomet fut utilisé pour dénigrer l’art et entraver l’admiration du beau et du bon.
Le fétichisme doctrinal conduit toujours les hommes à se trahir eux-mêmes et à se jeter dans les griffes de la bigoterie, du fanatisme, de la superstition, de l’intolérance, ou de la barbarie la plus atroce.
Pour devenir des fétiches, il fallait que ces paroles fussent considérées comme dictées ou inspirées par Dieu ou le Démiurge (voire l’archange Gabriel dans le cas du Coran). L’invocation d’écrits que l’on suppose directement ou indirectement d’origine divine a conduit à établir pour les siècles des siècles l’autorité de Moïse, de l’Église, et du Coran.
Le résultat de cette accumulation d’écrits fétiches que diverses religions tiennent pour des livres sacro-saints est non seulement que les fidèles croient que tout ce qui figure dans ces livres est vrai, mais aussi que ces livres contiennent toute la vérité du monde. Si l’un de ces livres sacrés parle de la Terre comme d’une étendue de terre plate ; alors, pendant des générations et des générations, des millions ou des milliards hommes et des femmes, par ailleurs normalement intelligents ; refuseront d’accepter l’idée que notre planète est crundnios (ronde).
[Je ne me rappelle plus à qui j’ai emprunté ces quelques remarques. Arthur Weigall et son Paganisme/Christianisme peut-être].
N.B. Sur le plan politique, les insignes des charges sacerdotales et royales ont finalement été considérés, eux aussi, comme des fétiches. La notion de fétiche est passée par de nombreuses phases de développement, du clan à la tribu, de la suzeraineté à la souveraineté, du totem au drapeau. Des rois fétiches ont régné « de droit divin », et bien d’autres formes de gouvernement de ce genre ont vu le jour Les hommes ont aussi fait de la démocratie parlementaire un véritable fétiche.
On ne considère pas que l’opinion d’un homme prise isolément ait une quelconque autorité, fût-il un sage ou un très grand homme ; mais quand beaucoup ont la même idée, aussi médiocre soit-elle, ces réactions d’une très grande stupidité, ou totalement incohérentes et fondées sur beaucoup plus d’ignorance que d’informations, deviennent alors la norme et l’arbitre supérieur de tous les débats. Ce que les Romains résumaient ainsi : vox populi vox dei.
Il existe des idées reçues fondées au moins sur des apparences : croire que la Terre est plate et que le soleil se lève, par exemple. Alors que la Terre est grosso modo ronde et tourne autour du soleil.
Mais notre époque a renchéri sur le phénomène. Des idées fausses (des sophismes), même pas conformes aux apparences, mais déclinées de toutes les façons possibles et imaginables par les soi-disant élites (journalistes, producteurs de films, rabbins, curés, pasteurs, imams, écrivains, et bien sûr hommes politiques en quête d’électeurs, etc., etc. la liste de ces faiseurs d’opinions est loin d’être exhaustive, voir Noam Chomsky) ; finissent par avoir la force des évidences qui ne se discutent plus (ce que l’on appelle la bien-pensance le « politiquement correct » ou « idéologie dominante »).
91
HUITIÈME LETTRE DU PRIMAT.
ANALYSE PÉLAGIENNE DES MYTHES JUIFS.
…………… Un de nos très-sachants, dissimulé sous la robe de bure des moines, Pélage, bien que copieusement insulté par les chrétiens du genre saint Jérôme et ses jugements racistes à l’emporte-pièce (gros plein de porridge, pultibus Scottorum praegravatus en latin) ; a été conduit en son temps à remettre en lumière, dans son analyse des erreurs judéo-chrétiennes, deux vérités de toujours.
Le « péché » commis par notre ancêtre à tous (Adam) selon les Hébreux – en réalité par Ève dans ce mythe oriental – était imputable à ce premier homme personnellement et non au genre humain. Ce Toutadis Pater était né mortel et ce qu’il a fait a été sanctionné, non par la mort, puisqu’il était déjà mortel, mais par son passage d’un état de nature animale paradisiaque à celui de la civilisation, autrement dit d’une nature humaine déchue ; déchirée, souffrante, mutilée, disqualifiée. Ce premier homme, selon les Hébreux, était libre. Il a peut-être fait un mauvais choix, mais ce n’est pas à nous d’en porter la responsabilité.
Le bien ou le mal dont on peut nous louer ou nous blâmer vient de nos actes et ne naît en aucune façon avec nous… Nous sommes engendrés sans péché tout autant que sans mérite, et avant l’action de notre volonté personnelle, il n’y a dans l’Homme que ce que Dieu y a établi.
FIN DE L’ANALYSE PÉLAGIENNE DU MYTHE JUDÉO ISLAMO CHRÉTIEN DU PÉCHÉ ORIGINEL.
Cette analyse de Pélage va évidemment très loin, mais demeure globalement dans la logique de ce que pensaient les très-sachants : chez les Celtes, le dualisme est quasiment inexistant ou du moins très relatif, et le problème du bien et du mal ne se pose pas du tout en ces termes. À la limite, il n’y a pas de péché. Dieu, qui a mis dans l’Homme ce qui est à son image, y a mis à égalité le bien et le mal. Donc Dieu est à la fois bon et mauvais.
Cette conception druidique des choses (Weltanschauung) contribue par conséquent à tempérer le jugement écrasant que nous pourrions avoir sur nos fautes ou celles des autres. Elle empêche de sataniser l’Histoire comme le font les chrétiens et les musulmans, qui voient partout l’œuvre des démons ou des âme/esprits maléfiques (Matthieu 6,13 ; 25, 41 ; Marc 1,13 ; Luc 22,31 ; Jean 13, 27…). C’est donc un net refus du dualisme moral, une négation du manichéisme chrétien et musulman. Dieu ne saurait tolérer une telle injustice, il n’y a donc pas de péché originel. Par conséquent, et c’est là la deuxième vérité fondamentale « redécouverte » par le pélagianisme : le Gdonios (l’Homme) est entièrement libre, ses seules limites sont celles de la Nature, et l’épanouissement de son âme ne dépend que de lui, à quelques exceptions près.
Il faut toute la schizophrénie d’un évêque chrétien pour trouver « naïve », en se fondant uniquement sur les insultes racistes de saint Augustin, chantre de la répression antidonatiste (et les dieu-ou-démons savent que la répression de ces chrétiens pourtant sincères fut féroce) ; une telle approche des choses. Il est vrai que ce qu’en disait saint Paul (Romains 7,15 à 20) : « Ce que je déteste c’est ce que je fais », ressemble plus à l’auto-analyse ratée d’un cas clinique et pathologique de schizophrénie ou de psychose ; qu’à une réflexion philosophique sérieuse sur la sagesse.
Mais attardons-nous un peu, justement, sur le cas de Saint-Paul et de sa pseudo-lettre aux Corinthiens (pseudo-lettre, car il doit s’agir en réalité de trois ou quatre épîtres différentes amalgamées par l’évêque Marcion). Je sais bien que Paul est un imbécile et qu’il n’a rien à voir avec le christianisme, rien à voir avec le vrai christianisme qui est… (Voir votre évêque, de Rome ou d’ailleurs, pour en savoir plus sur ce qu’est le vrai christianisme) ; mais que veut-il dire quand il écrit (8,5, et 10, 20-21) : « Et il y a de fait plusieurs dieux et plusieurs seigneurs » ???????? Je ne veux pas que vous soyez en communion avec les démons ???????
Les dieux symbolisent les Perfections et les Personnalités du Divin s’exprimant sur la Terre et dans l’Univers. Se situant hors du temps et de l’espace, il ne communique pas directement avec les hommes, les mortels. Il passe par l’intermédiaire des demi-dieu-ou-démons, tels Hésus Cuchulainn ou l’Hercule celte appelé Ogmios.
92
TROISIÈME LETTRE DU PRIMAT.
PETITES DIFFÉRENCES ENTRE ÉCOLES DRUIDIQUES.
Le théisme……………
Consiste à croire en un Dieu ou Démiurge personnel qui dirige le monde et intervient directement dans la vie des hommes, très précisément celui « qui fait mourir et qui fait vivre ». Il règne sur la Nature et l’Humanité.
On cite pour justifier cette option judéo-islamo-chrétienne le texte suivant : « Ne vend-on pas deux passereaux pour un sou ? Cependant pas un ne tombe à terre sans que cela ait été voulu par votre Père » (Matthieu 10.29).
Mais les mots ou l’idée « sans que cela ait été voulu par » ne figurent pas dans le texte biblique : ils ont été ajoutés par le traducteur. Le texte dit en réalité, littéralement : « Cependant, pas un ne tombe sans votre Père ».
Ce qui ne signifie pas que Dieu a voulu ou a permis qu’ils tombent, mais que Dieu était bien présent lorsqu’ils sont tombés. De même qu’un visiteur peut être présent lorsqu’un malade meurt à l’hôpital.
On cite également : « L’Éternel est mon berger : je ne manquerai de rien. Il me conduit dans les verts pâturages » (psaume XXIII).
Les judéo-islamo-chrétiens en déduisent que rien ni personne, ne peut entraver les desseins d’un Dieu « tout-puissant ». Mais ce mot ne figure pas dans la Bible. Lorsqu’on le traduit ainsi, dans l’Ancien Testament, on est bien hardi, car le mot hébreu ainsi rendu, en général « El Shaddaï », n’est pas clair et ne signifie pas en tout cas « tout-puissant ». Dans le Nouveau Testament, le titre de « tout-puissant » ne figure nulle part, sauf dans l’Apocalypse : « pantocrator ». Mais cela ne signifie pas pour autant que Dieu peut faire tout ce qu’il veut et n’importe quand.
Dieu ou le Démiurge écoute la prière des hommes et modifie, s’il le veut, le cours des événements, dit la pensée théiste.
Ces prières de demande existent. Sur les registres de prières qui sont parfois mis à disposition des croyants à la porte des églises, on peut lire des demandes précises :
— « Rends-moi l’amour de Jean, de Pierre ou de Paul ».
— « Obtiens la mutation de mon mari à Londres à Paris ou à Singapour ».
L’idée, c’est que l’on remet ainsi à la providence de Dieu ou le Démiurge ses besoins et ses soucis, sûr et certain qu’il les prendra en charge, puisqu’il prend soin des hommes et qu’il écoute leurs demandes.
Cette Weltanschauung (façon de voir les choses) ne rend pas compte de la souffrance des innocents et des prières non exaucées.
Les journaux de Nashville ont, il y a quelque temps, donné beaucoup d’écho à l’anecdote suivante.
Après l’accident d’auto dont la chanteuse Barbara Mandrell avait pu réchapper sans trop de dommages en 1984, le Président Reagan avait félicité son mari en ajoutant : « Dieu l’a protégée » ; en oubliant que l’autre automobiliste impliqué dans l’accident y avait perdu la vie ! Étrange conception de la providence divine, qui suppose que Dieu ou le Démiurge n’aurait pas souhaité protéger aussi l’autre automobiliste !
Nous autres druides nous récusons formellement une théologie si égoïstement puérile.
Car la question se pose toujours lors de catastrophes qui ont fait des victimes innocentes par centaines, par milliers, voire même par millions : « Où était donc la providence divine ? Où était Dieu pendant que les nazis massacraient les juifs ?? ». S’il est vrai que Dieu est bon, qu’il exauce les prières et intervient dans la vie du monde, comment peut-il permettre cette souffrance, pourquoi n’a-t-il pas empêché ces crimes de masse, s’il le peut ?
Certains théologiens présentent parfois ces catastrophes comme des punitions méritées par l’inconduite des hommes. Des télévangélistes ont ainsi expliqué que l’attentat contre le World Trade Center et les tremblements de terre qui se produisent ici et là sont la punition que Dieu inflige aux hommes ; qui ne s’opposent pas suffisamment à l’homosexualité ou à ce qu’ils appellent les autres « vices » sexuels. Ce qui implique aussi que Dieu s’intéresse particulièrement aux questions sexuelles !
Certains rabbins, de même, ont présenté l’enfer vécu par la communauté juive de 1939 à 1945, en Europe (entre 5 à 6 millions de morts, 1,5 million rien que pour les einsatzgruppen) comme une punition de l’infidélité d’Israël.
Un autre télévangéliste disait qu’il était convaincu d’obtenir par la prière que Dieu détourne un cyclone de sa station de télévision. Cette affirmation a suscité beaucoup d’émotion chez ses voisins, qui faisaient alors remarquer que le cyclone viendrait dans ce cas droit sur eux !
93
Nous autres druides nous récusons formellement une théologie si égoïstement puérile.
N’est-il pas écrit que Dieu fait lever son soleil sur les bons comme sur les méchants, et qu’il fait tomber la pluie (bienfaisante) sur les justes comme sur les injustes (Matthieu 5, 45) ?
Dieu ou le Démiurge ne modifie pas le cours des événements à notre demande. La prière ne persuade pas Dieu ou le Démiurge d’intervenir dans les affaires des hommes.
Dans le théisme, Dieu ou le Démiurge est par rapport au monde, à l’Humanité, aux bêtes, aux plantes, comme un jardinier devant son jardin ou un général face à son armée. Il commande, intervient, modifie.
Quelques autres conceptions du rôle de Dieu ou le Démiurge dans le monde maintenant.
Le panthéisme.
Tout est Dieu, Dieu est la vie. Dieu (ou les dieu-ou-démons) constitue (nt) l’Esprit de la Nature. Il est l’âme/esprit du vent qui souffle, de l’eau qui coule. Il est l’âme/esprit des hommes, des bêtes, des plantes. Dieu est à l’intérieur, dans nos âmes ou dans nos esprits, plutôt que dans le ciel. Il est le sang qui circule dans nos veines, le souffle qui monte en nous, le dynamisme créateur, le Saint-Esprit. Mais il est plus que nos âmes, il est aussi à l’extérieur de nous-mêmes. Il nous entraîne hors de nous-mêmes, de nos sentiers battus et de nos habitudes.
Le panenthéisme. L’inventeur du terme, Karl Christian Krause (Vorlesungen über das System der Philosophie 1828) a voulu en faire un moyen terme entre le panthéisme et le théisme. Le nom signifie « tout est en Dieu ». Mais sans être Dieu lui-même. Les êtres finis, visibles et invisibles, sont des modes qui « manifestent » la grande Substance, mais qui ne l’épuisent pas. Il y a donc une partie de cette grande Substance qui est au-delà des modes manifestés. La grande Substance est plus riche que ce qui se manifeste d’elle dans ses modes. Elle est immanente et transcendante à la fois vis-à-vis de ses modes. Pour les panenthéistes, Dieu est plus que la somme des choses qu’il contient, tout comme l’homme ne se réduit pas à l’ensemble des éléments physiologiques qui le composent. Dieu et la Nature ne sont pas identiques, contrairement aux théories panthéistes. La perfection divine implique non seulement l’immuabilité et l’indépendance, mais aussi une mutabilité, ainsi qu’une réactivité, parfaites. Dieu est donc affecté par ce qui se passe dans le monde, tout en restant paradoxalement absolu, éternel et immuable.
Même si pour Krause Dieu ou le Démiurge reste personnel et qu’on peut le prier, tout cela diffère beaucoup de la conception théiste traditionnelle selon laquelle Dieu ou le Démiurge fait ce qu’il veut, à sa guise, comme un despote oriental.
Dans le panenthéisme, Dieu ou le Démiurge est en nous, il n’est pas sans nous, mais il est plus que nous.
Pas seulement non plus en nous les hommes : nous ne sommes pas au centre de la (pro) création. Regardez autour de vous : tout bouge, grandit, ou se complexifie. Nous assistons sans cesse au renouveau des hommes, des animaux, des plantes, de la nature entière. Tout naît, se développe, puis disparaît pour laisser la place à d’autres mouvements. Nous nous levons le matin, malgré tout ce qui nous attend comme inquiétude dans la journée (je pense en particulier à ceux qui se réveillent le matin dans un lit de prison, d’hôpital)… Et nous puisons en nous un courage constamment renouvelé. D’où tout cela vient-il sinon de la source même de la vie ?
Et si vous n’aimez pas utiliser le mot « Dieu » à cause de toutes les lourdeurs qu’il véhicule, Églises antipathiques, éducation rigide dans l’enfance, mauvais exemple de croyants dominateurs, profonde bêtise des arguments, ne dites pas « Dieu », le vocabulaire n’a aucune importance. Dites « Nature » ou « Cosmos » si vous préférez, avec un n ou un c majuscule (bien qu’il soit plus que la Nature ou le Cosmos). Cela revient au même. Mais ne dites pas que vous n’êtes pas sensible à ce grand flot de la vie qui nous entoure et dans lequel nous baignons, auquel nous appartenons : l’élan vital à l’œuvre en nous et dans le monde ! Bien sûr qu’il y a un dynamisme créateur, une force de vie pour nous, pour les animaux et pour les plantes !
Il ne peut pas y avoir un créateur siégeant à l’extérieur du monde, à l’extérieur de nous-mêmes. Comme un super empereur romain regardant toutes choses de là-haut et dont nous, misérables vermisseaux, essaierions d’obtenir parfois quelque faveur ! Dieu ou le Démiurge n’est pas « ailleurs », il n’est pas « au ciel », il n’est pas « tout autre », il est le dynamisme intérieur aux hommes et au monde.
Dieu ou le Démiurge ne tombe pas sur nous du dehors, il monte en nous du dedans. Il est présent dans la vie de notre monde, il en est le moteur, l’âme, il en est l’élan. Et pas seulement de nous, mais aussi des animaux, des plantes, et peut-être aussi des minéraux. Il est aussi indispensable à la vie du
94
monde que le moteur à la « vie » d’une voiture. Il participe à tout ce qui se passe, à toutes les réalités auxquelles nous nous heurtons sans cesse, et d’abord à nous-mêmes. Il agit en tout ce qui bouge : rien n’échappe à son action, de même que rien n’échappe aux rayons du soleil ou à l’air qui nous entoure.
Il ne faut pas le chercher dans des « miracles », dans l’extraordinaire et le surnaturel, modifiant le cours des événements de l’extérieur. On le rencontre au contraire dans le quotidien, l’habituel, le normal. Tout vient de lui, toute vie est par lui. Rien n’est plus normal que de croire en lui.
Dieu ou le Démiurge n’est pas « tout-puissant » dans la mesure où il est clair que d’autres puissances que la sienne sont à l’œuvre dans le monde, à commencer par la nôtre : d’autres actions concurrencent sa volonté voire s’y opposent.
— Nous pouvons bien lui dire : « Nourris ceux qui ont faim », mais si nous acceptons un système économique où la Bourse de Wall Street, de Londres ou de Tokyo, fait baisser le cours des matières premières alimentaires qui font vivre les pays pauvres ; Dieu ou le Démiurge ne peut pas modifier lui-même les cours de la Bourse pour qu’ils arrivent au niveau nécessaire à la survie de ses enfants, nos frères d’Afrique ou d’Amérique du Sud.
— Un étudiant peut bien prier pour trouver une chambre pas trop chère, mais bien quand même ; si les propriétaires de chambres préfèrent les conserver libres ou louent 9 m2 sans eau chaude à un prix insensé ; Dieu ou le Démiurge ne multipliera pas les chambres d’étudiants et je ne crois pas qu’il favorisera celui qui appartient à telle communauté plutôt qu’à telle autre.
— Dieu ou le Démiurge souhaite toujours que les parents élèvent bien leurs enfants et contribuent à leur épanouissement, mais sa volonté peut être tragiquement contrecarrée par un automobiliste qui choisit de boire et de brûler les feux rouges.
Dieu ou le Démiurge est donc l’élan vital en nous, un dynamisme créateur intérieur. Il est en nous, il n’est pas sans nous, mais il est plus que nous. Il nous entraîne en dehors de nous-mêmes, vers les autres et nous pousse à nous dépasser nous-mêmes. Il n’est pas seulement le Dieu ou le Démiurge des hommes : les hommes, avec leurs fautes indignes et leurs bonnes actions, avec leurs défauts et leurs qualités, ne sont pas sa seule préoccupation, loin de là. Il est le Dieu ou le Démiurge du Bitos ou de l’Univers tout entier, y compris les hommes, bien sûr ; mais aussi les animaux, si nombreux et si divers, si beaux et si étonnants ; les plantes, si magnifiques elles aussi et naturellement aussi les minéraux, les montagnes et les plaines, les planètes, les étoiles et les soleils. Notre prière ne peut pas non plus changer le dessein de Dieu ou du Démiurge comme si Dieu ou le Démiurge avait de la mauvaise volonté, qu’il était distrait ou qu’il fallait attirer son attention. Notre prière nous fait participer au dynamisme créateur de Dieu ou du Démiurge ; elle nous enracine dans son éternelle activité (pro) créatrice.
Le révérend Gilles Castelnau étant chrétien, il ajoute à son article les considérations suivantes dont chacun pensera ce qu’il veut, comme pour ce qui précède d’ailleurs.
Prenons garde, surtout en parlant de la mort tragique de Jésus sur la croix, de ne pas laisser croire que c’est Dieu ou le Démiurge qui l’aurait voulue pour expier le péché des hommes. Nous comprenons bien que les premiers chrétiens aient été amenés à comparer l’exécution, injuste et inacceptable, de Jésus, avec les sacrifices d’animaux innocents que l’on célébrait quotidiennement au temple juif de Jérusalem ainsi que dans tous les temples païens de l’Empire romain. Mais ce n’est en réalité qu’au Moyen-âge que saint Anselme, alors archevêque de Cantorbéry, a compris cette mort, d’une manière d’ailleurs très féodale, comme une offrande destinée à réparer l’honneur froissé de Dieu ou du Démiurge, et à racheter sa bienveillance !
En quoi Dieu ou le Démiurge fait-il ici preuve de miséricorde dans ce cas ? Il se préoccupe surtout de ses intérêts ainsi que de sa gloire. Il envoie son Fils à une mort horrible pour satisfaire son honneur. Et il pardonne seulement quand on l’a indemnisé par cette mise à mort d’un homme. On est là très loin du salut gratuit. En quoi le supplice d’un innocent à la place d’un coupable satisfait-il la justice ? N’est-ce pas au contraire une scandaleuse injustice ?
Car ce qu’exige la loi naturelle en effet c’est qu’une mauvaise action soit punie si l’on en croit ce que le Senchus Mor avoue en toutes lettres tout en demandant de faire le contraire (Intud i ngeindtleacht gnim olc mad indechur : il y a renforcement du paganisme si une mauvaise action est vengée).
.
Or Dieu ou le Démiurge chrétien n’exige rien, ni rançon, ni sacrifice expiatoire, ni peine de substitution. Tout cela ne l’intéresse pas. Il attend que l’on s’ouvre à sa parole, que l’on se laisse inspirer, convertir,
95
transformer, entraîner par elle. Dieu ou le Démiurge cherche à gagner les cœurs, les volontés, à convaincre. Patiemment, progressivement, Dieu ou le Démiurge agit dans l’Humanité pour qu’elle avance, se rapproche de lui, et que le monde devienne meilleur.
La condamnation et le rejet de son Christ sont un échec pour lui qui s’était impliqué dans son ministère. Son attente a été déçue. Jésus s’est heurté à une vive hostilité. Sa personne et son message ont été rejetés. Le soir du Vendredi saint, Dieu est un vaincu, et non un souverain qui aurait obtenu la réparation qu’il demandait.
La foi chrétienne ce n’est donc pas admettre l’existence d’un être céleste surnaturel demeurant dans un ciel très élevé et dont on pourrait obtenir des interventions particulières par des prières appropriées !
La foi chrétienne consiste à s’enraciner dans cette force de vie qui est en nous, qui n’est pas sans nous, mais qui est plus que nous. Force de vie plus forte que la mort. Dieu de Pâques !
Saint Anselme a élaboré son idée de sacrifice substitutif du Christ (« substitutif » signifie que Jésus se serait substitué à nous pour subir un châtiment que Dieu ou le Démiurge se devait d’infliger aux hommes, à cause de leurs péchés) parce qu’il considérait que le but fondamental de la vie humaine était de parvenir à vivre avec Dieu ou le Démiurge au Ciel. Et que l’on ne pouvait pas entrer chez Dieu ou le Démiurge sans être purifié de toute faute, il fallait en quelque sorte une amnistie (chèrement payée par Jésus).
Mais quand on lit les Évangiles, on voit bien que ce n’est pas ainsi que Jésus voyait la volonté de Dieu ou du Démiurge. Pour Jésus, Dieu ou le Démiurge est l’élan vital animant chaque homme pour le faire vivre le plus heureusement possible dans le plus grand épanouissement possible sur cette terre, cette terre « qui est parfois si belle ».
Le salut que Dieu ou le Démiurge nous donne consiste à vivre joyeusement notre vie d’homme, sans être particulièrement préoccupé de nos qualités ou de nos défauts, de nos bonnes ou mauvaises actions.
Le révérend Gilles Castelnau, à propos du panenthéisme.
N.B. Commentaire. À propos de ces défauts il serait plus pertinent de parler de défauts de fabrication, car nous sommes là encore dans la conception judéo-islamo-chrétienne et donc créationniste d’un dieu ayant créé le monde pour faire mumuse avec les hommes *…… jusqu’au jour où il s’en lassera et cassera son jouet.
* Par amour disent les chrétiens. Mais cela revient au même.
96
CINQUIÈME LETTRE DU PRIMAT.
CANTAMANTALOEDISME.
… Il y a deux catégories de religions : la première catégorie regroupe les religions théistes au sens strict du terme, comme la religion grecque ancienne, le judaïsme, la religion romaine, le christianisme ou l’islam. Ce groupe affirme comme croyance fondamentale l’existence de dieu (x) créateurs (s) organisateurs du chaos primordial (tohu-bohu en hébreu).
La seconde catégorie regroupe des spiritualités non théistes, comme le bouddhisme ou certaines branches de l’hindouisme. Aussi curieux que cela puisse paraître, le druidisme ne se retrouve pas aux côtés du polythéisme grec ou chrétien, mais entre l’hindouisme et le bouddhisme. Il n’y a ni Dieu ou Démiurge, ni Créateur, ni Tout-Puissant : car en fin de compte, on est soi-même un créateur. Il n’est en effet possible d’atteindre le Divin qu’au travers de ses manifestations, dont chacune peut donner naissance à un dieu-ou-démon particulier. Dans le polythéisme druidique, on se choisit un dieu-ou-démon préféré (c’est l’hénothéisme de Mog Ruith) que l’on vénère plus que tout autre, en raison du fait qu’il éveille en nous l’écho le plus favorable à notre appréhension personnelle du Divin. Cependant, on n’oublie pas qu’il existe d’autres dieu-ou-démons dont on sait qu’ils sont, malgré leur caractère étranger, des aspects du Divin aussi légitimes que celui que l’on a choisi par soi-même et pour soi-même. C’est seulement à partir du dieu-ou-démon que l’on est capable de concevoir, que l’on peut s’élever vers l’Immensité non duelle, et vers ce que l’on croit être une « identification » à l’Immanent Absolu ; identification toujours approximative et, au sens strict, illusoire d’ailleurs elle aussi.
En réalité, à travers cette adoration unique que christianisme et islam projettent, c’est une domination universelle qui est poursuivie sous les pires déguisements. « Vous êtes la meilleure communauté suscitée pour les hommes, vous ordonnez le bien, vous interdisez le mal » (Saint Coran chapitre 3, verset 104). « Combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de fitna * et que tout culte soit rendu à Dieu » (Saint Coran chapitre 8, verset 39)
* D’après la majorité des commentateurs, il faut entendre par fitna dans ce verset, du chirk ou du koufr. Osons la traduction « hérésie ». Pour plus de détails sur la signification de ce terme, voir notre essai contre l’islam.
Le peuple « monothéiste » devient dès lors le nouveau « peuple élu » qui, nécessairement, doit combattre les faux dieux et apporter la « bonne nouvelle » d’une révélation unique, en dehors de laquelle il n’est point de salut. Voilà les portes ouvertes au fanatisme et à l’intolérance, aux persécutions, aux excommunications, aux guerres de religion (Arabe fitna).
Pour le polythéisme druidique, en revanche, il n’existe pas de faux dieu-ou-démons. Il n’y a que de vrais dieu-ou-démons, même Jésus ou Mahomet sont comme des dieux, et il est impossible de concevoir qu’une voie puisse ne pas mener à l’Immanent Absolu. Du moins est-ce là la théorie ou la logique d’un système, qui porte naturellement à la tolérance, au respect d’autrui, à l’absence d’esprit missionnaire. Fír (vérité), cert (justice), dliged (devoir), téchtae (partage).
La tolérance naturelle du druidisme (cantamantaloedisme) ne signifie pas pour autant, bien entendu, l’abandon de la vérité que l’on perçoit, voire une renonciation au goût de la formuler de la manière la plus précise et la plus rigoureuse qui soit. Elle est sans rapport avec le syncrétisme ou l’angélisme à tout prix dans le domaine des idées. L’existence de différentes Écoles en son sein est à ce propos très claire. Quoique certains de ces systèmes philosophiques soient plus ou moins complémentaires, il s’y trouve des positions difficilement conciliables.
Quel rapport entre l’athéisme primitif des Galiciens (certains auteurs affirment que les Galiciens sont athées, tandis que les Celtibères et leurs voisins plus au nord sacrifient à un dieu-ou-démon sans nom… Strabon, Géographie, III, 4, 16) et le polythéisme de la tradition irlandaise tardive, à part cette brève mention de la Pharsale de Lucain : à vous seuls il est donné de connaître, ou d’ignorer, les dieux et les puissances célestes ?
Ces positions sont irréductibles les unes aux autres, mais, si elles sont toutes reconnues par le vrai druidisme, c’est qu’aucune d’elles n’est conçue comme exprimant la vérité absolue. Ce ne sont toutes
97
que des « points de vue » sur le monde. Il n’existe pas de point de vue permettant de contempler le monde en sa totalité. Les vrais très-sachants sont bien conscients du fait qu’il n’existe pas de religion ou de métaphysique qui puisse être autre chose qu’un point de vue. Mais, encore une fois, il ne s’agit pas de dire que l’on peut superposer un point de vue à un autre, que tous se valent, que l’on peut en quelque sorte échanger les points de vue. Chaque point de vue en lui-même est vrai absolument.
Si, lors d’une escapade à Paris, du haut de la tour Eiffel, je contemple la capitale de la République française, j’obtiens une vue réelle et indiscutable de la ville. Si je me tourne vers l’ouest, j’obtiens une autre vue de Paris, tout aussi réelle et indiscutable. Et ainsi de suite. Toutes ces vues sont réelles et indiscutables, mais seulement du point de vue adopté. Si je prétends qu’un de ces points de vue correspond à la vue entière, je me trompe et trompe autrui. Si, admettant l’égale vérité des quatre points de vue, j’imagine qu’il est possible de remplacer l’un par l’autre ; d’établir une équivalence entre le point de vue sur l’est de la ville et le point de vue sur l’ouest, je m’abuse également et j’abuse autrui. Je ne peux pas voir Paris en une fois. Personne ne peut voir Paris en une fois. Je ne peux donc qu’avoir sur Paris un point de vue ou une succession de points de vue. Chacun d’eux est nécessaire et vrai, chacun complémentaire de l’autre, mais nul ne peut remplacer l’autre.
Voilà l’attitude du vrai druidisme à l’égard des différentes Écoles religieuses pouvant exister dans le monde.
Notre druidisme est incompatible avec le matérialisme athée militant et agressif, mais il est parfaitement compatible avec le spiritualisme athée ou l’agnosticisme ayant le tact de se faire discret.
Chaque « point de vue » sur le monde, chaque système philosophique, se définit à partir de sa méthode. La méthode d’observation des phénomènes, propre à la démarche scientifique, ne peut jamais aboutir, par exemple, à une conclusion théiste ou à une saisie de l’Immanent Absolu. C’est une accumulation quantitative de faits, progressant à l’infini, mais qui ne pourra jamais insérer dans cette progression infinie et quantitative une intuition synthétique et qualitative, autrement qu’à titre d’hypothèse, sans se nier elle-même.
Telle est pourtant la confusion qu’entretiennent ceux qui parlent de religion scientifique ou de science religieuse. Pour les vrais très-sachants, si une religion est scientifique, elle n’est plus dès lors une religion, et si une science est religieuse, elle n’est plus alors une science. Cela ne signifie pas que science et religion ne puissent être complémentaires ni que, par une méthode ne devant rien à l’observation des phénomènes, on ne puisse aboutir à des conclusions religieuses d’une valeur analogue à celle des conclusions scientifiques. Encore que l’on puisse penser dans ce cas, que ce ne sont pas les mêmes méthodes qui mèneront à une perception du Divin sous sa forme impersonnelle, que celles qui mèneront à une perception du Divin sous sa forme personnelle. Il ne faut tout simplement pas confondre plans et méthodes, et croire que l’on peut aboutir à une vision uniforme et globale des choses par une simple démarche humaine.
98
SIXIÈME LETTRE DU VIEUX TRÈS-SACHANT DE LA FORÊT MÉNAPIENNE.
…………… On confond trop souvent athéisme et spiritualité sans Dieu ou Démiurge créateur. Bien que spiritualisme et athéisme puissent sembler être deux concepts antinomiques, elles ne le sont pas nécessairement. Pierre Lance en son temps parlait de spiritualisme athée. Une spiritualité sans Dieu ou Démiurge créateur personnel peut exister.
La réflexion philosophique ne conduit pas nécessairement à l’athéisme, elle peut aussi s’orienter vers le scepticisme ou agnosticisme, qui constate tout simplement l’impossibilité de se prononcer sur l’existence de Dieu ou du Démiurge ou sa non-existence.
Si l’on considère l’athéisme comme la négation de l’existence de dieu-ou-démons créateurs (de démiurges), cette négation n’empêche en rien la croyance en une certaine forme de spiritualité. Des religions dont les dogmes ne font pas intervenir la notion de divinité peuvent, dans une certaine mesure, être considérées comme athées. Par exemple, le Panthéisme naturiste ou le bouddhisme.
Le bouddhisme est athée si l’on entend par theos un Dieu ou Démiurge personnel, créateur de toutes choses, ainsi qu’il est défini par la plupart des religions du Livre, islam compris. Il n’est aucunement fait mention d’un dieu-ou-démon créateur (démiurge), tant dans la philosophie bouddhiste que dans les pratiques de cette religion issue des connaissances et de l’éveil d’un homme : le Bouddha. Il y a bien un non-né, un non-composé, mais il n’est pas créateur. L’absence de divinité créatrice n’est pas un postulat, mais la conséquence du principe : « Rien n’est sans cause et rien n’est sa propre cause ». Le bouddhisme peut donc bien être considéré, de ce point de vue là, comme une philosophie agnostique, voire athée. À noter : en fait, Bouddha ne s’est jamais prononcé sur l’existence ou l’inexistence de Dieu ou du Démiurge. Pour lui l’essentiel était que ses disciples se libèrent de la souffrance et sortent du cycle infernal de la vie et de la mort, ou réincarnation, bref, du samsara.
Pour un esprit occidental, la question de la définition de la divinité est au premier plan. Faute d’une définition homogène de la divinité ; il est impossible de décider catégoriquement si les « religions » orientales (comme le bouddhisme, le jaïnisme, le taoïsme ou le Vedanta) sont, d’abord des religions (on préfère parfois les considérer comme des philosophies), ensuite athées ou non.
Ce qui est certain, c’est que leur conception de l’immanent absolu ne coïncide en aucune façon avec celle du « dieu-ou-démon personnel » des religions du Livre, et qu’elles ne mettent pas en avant des êtres supérieurs pouvant influer sur la vie en ce monde. Les êtres spirituels des religions orientales sont plus souvent des modèles à reproduire que des êtres pouvant agir. Ceux qui considèrent ces religions comme athées les classent dans l’athéisme spirituel au même titre que le chamanisme ou le panthéisme naturiste. Cependant, les religions en question récusent souvent ce classement.
D’après Strabon, certains Celtes et notamment les Galiciens d’Espagne, étaient athées. Est-ce possible ou s’agit-il plutôt d’un manque de nuance de la pensée de Strabon, incapable de comprendre les subtilités de certaines Écoles druidiques ?
N.B. Certains très-sachants vont même jusqu’à penser que cet ENGLOBANT ULTIME est inconnaissable, qu’il ne sert à rien de se mettre en quête ou en recherche de cet Immanent Absolu, il est ou sera toujours inaccessible à nos pauvres intelligences humaines.
En tout cas voici la citation en question de Strabon. « Certains auteurs affirment que les Gallaeci sont athées ; tandis que les Celtibères et leurs voisins au nord sacrifient à un dieu sans nom, la nuit, à chaque retour de la pleine lune, devant les portes de leurs bourgades, en se livrant alors avec toute leur maisonnée, à des rites divers agrémentés de danses » (Strabon, Géographie, III, 4, 16).
Il faut bien distinguer athéisme, agnosticisme et libre-pensée.
L’agnosticisme est une doctrine philosophique qui postule que tout ce qui est situé au-delà du donné matériellement expérimental, est inconnaissable. D’où l’impossibilité d’affirmer ou de nier l’existence de Dieu ou du Démiurge.
Un libre-penseur essaie de se détacher de tout dogme et de n’avoir aucun préjugé. La libre-pensée n’est ni une idéologie ni un dogme. La libre-pensée est d’abord une révolte, une remise en question ;
99
la libre-pensée est un refus de tous les dogmatismes. Voir la vie et l’œuvre du très-sachant John Toland.
Il n’y a aucune raison a priori qu’un libre-penseur soit athée : son athéisme éventuel doit être confirmé par sa réflexion. Enfin, quoique la plupart des athées occidentaux adhèrent aux conceptions scientifiques, ce n’est pas non plus obligatoire.
Les différents athéismes.
La définition de l’athéisme est simple, l’athéisme, c’est l’absence de croyance aux dieux ou aux démons. Mais les raisons qui motivent cette absence de croyance peuvent être très diverses, et amènent à considérer des athéismes bien distincts.
L’athéisme scientifique.
Le scientifique athée, s’appuyant sur certains résultats ou acquis des sciences expérimentales, pense que l’homme et la femme font partie de la nature depuis des millions d’années ; que les généalogies d’Adam et Ève, de Caïn et Abel, de Noé, puis d’Abraham à Joseph, et enfin à Mahomet, sans oublier les fantaisies héroïques de la légende milésienne en Irlande ; sont à ranger aux rayons des mythologies et modèles de cosmologies primitifs, ou des concepts sans aucun fondement autre que la croyance. Cicéron rappelle d’ailleurs qu’à son époque plus personne déjà ne croyait réellement qu’Atlas porte la voûte céleste sur ses épaules.
100
SIXIÈME LETTRE DU PRIMAT.
« Certains auteurs affirment que les Galiciens sont athées, tandis que les Celtibères et leurs voisins au nord sacrifient à un dieu sans nom ; la nuit, à chaque retour de la pleine lune, devant les portes de leurs bourgades, se livrant alors avec toute leur maisonnée à des rites divers agrémentés de danses » (Strabon, Géographie, III, 4, 16). Un Dieu ou le Démiurge que l’on ne nomme pas… Même réflexe intellectuel qu’avec l’El Elyon de la Bible.
Au sud des Pyrénées, la spiritualité celtique allait donc du spiritualisme athée de mon vieux maître Pierre Lance à l’agnosticisme.
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, la seule chose qui est incompatible avec la vie dans notre communauté c’est le matérialisme athée agressif et militant. Le spiritualisme athée ainsi que l’agnosticisme n’en sont pas exclus. Disons seulement qu’ils sont assez logiquement relégués néanmoins quelque peu en marge, car notre recherche spirituelle n’est pas une vague aspiration vers Dieu ou le Divin. Elle requiert un engagement total et constant, une autodiscipline sans faille.
Spiritualisme athée ou Agnosticisme disions-nous. Rien n’est stable et tout passe. Mais rien ne se perd ni se crée en réalité, tout se transforme. La Réalité supérieure, elle, est Une, Permanente et Intemporelle. Certains très-sachants vont jusqu’à penser que cet « ENGLOBANT ULTIME » est inconnaissable, qu’il ne sert à rien de se mettre en quête ou en recherche de cet Immanent, il est donc et il sera toujours, inaccessible à nos pauvres intelligences humaines.
D’autres pensent que pour l’expérimenter, il suffit de s’affranchir des conditionnements habituels qui nous façonnent. Tel est le but de toute quête du Graal, de toute recherche spirituelle, quel que soit le chemin suivi. C’est un processus extrêmement long, qui peut requérir plusieurs vies dans les cas les plus difficiles (les bacuceos voire même les seibaros).
Certaines expériences chamaniques nous enseignent qu’il peut y avoir identité absolue entre l’anamone et l’awenyddia ; deux mots que l’on traduit en principe par âme individuelle et âme cosmique, faute de terme adéquat dans notre langue actuelle et dont voici une approche plus précise.
Les peuples anciens distinguaient souvent plusieurs types d’âme qui nous sont aujourd’hui à nous, hommes modernes, devenus incompréhensibles. Il y avait par exemple l’âme= souffle vital (l’anatlo).
On appelle aujourd’hui awentia ou awenyddia la pure âme par opposition à la matière. Surtout envisagé au niveau général ou cosmique. Quand elle est individualisée de façon permanente, quand il s’agit par exemple de l’âme humaine, on l’appelle anamone.
Pour les très-sachants antiques par contre, l’anamone était la partie pure âme de l’être humain. L’anamone n’était pas considérée comme immortelle à proprement parler, mais comme destinée à subsister dans l’autre monde beaucoup plus longtemps que la partie esprit ou menman de l’être humain ou gdonios. Associée à la partie esprit ou menman de l’être humain, cela donne ce que l’on appelle l’anaon en breton, le binôme âme+esprit. Cette anamone n’était pas tenue pour immortelle au sens strict du terme, mais comme devant survivre au corps beaucoup plus longtemps que son esprit ou menman.
La différence essentielle entre anamone et âme tient à ce que la notion d’anamone n’implique pas l’idée d’une entité spirituelle individualisée, comme dans le judéo-islamo-christianisme. C’est l’esprit (menman) qui, par son histoire, est chargé de cette individuation. Dans notre vie de tous les jours, nous nous identifions constamment à nos expériences et à nos sensations. C’est donc l’ego qui est l’acteur de ces identifications.
Le druidisme apprend que l’esprit n’est en aucune façon illusoire, mais qu’il est seulement changeant et provisoire. L’esprit s’identifie, le plus souvent sans nous en rendre compte, à toutes les pensées qui se produisent ou apparaissent dans notre psychisme. Exemple : une puissante impression de tristesse peut apparaître. Lorsque cet état de tristesse devient dominant, l’esprit est ce qui affirmera : « Je suis triste ». Mais si un sentiment de joie intense apparaît dans notre psychisme, lorsque cet état de joie deviendra dominant, alors l’esprit est ce qui affirmera : « Je suis joyeux ».
Bref, il ne faut pas confondre l’âme individuelle (anamone) et l’esprit (menman). L’esprit est façonné par nos désirs ou nos peurs et il interfère constamment avec l’expérience des sens, il n’a donc rien à voir avec l’âme au sens druidique du terme.
101
SIXIÈME LETTRE DU TRÈS-SACHANT ARÉMI.
LES GRANDES LIGNES DE LA PHILOSOPHIE DRUIDIQUE.
(Je pense donc je suis donc l’Être supérieur EST.)
…………… L’Être supérieur est un verbe, le verbe Être (IL EST par excellence). Il est conscience, car la conscience est la condition de toute connaissance, de tout vouloir, de toute (pro) création. Les très-sachants ont donc très tôt réfléchi à sa nature, à ses attributs.
Voici ce que, d’après Henri Lizeray, l’on enseignait chez les gnostiques d’Occident : une doctrine mettant à nu la formation du monde. Elle était du goût des très-sachants, habiles à saisir sur le fait les manifestations de la vie. Très ancienne, très profonde, car les premiers observateurs étaient moins émoussés que nous dans l’étude des phénomènes naturels. On y célébrait l’œuf qu’Orphée désignait comme l’image du monde. Les très-sachants appelaient œuf de serpent (ovum anguinum en transcription latine) le point primordial doué des qualités fertilisantes et fécondantes, qui se dilate et se contracte. Chez les hindous, dont les doctrines ressemblaient à celles des très-sachants, l’Être non manifesté pouvait être représenté par un point ou par une circonférence. Par exemple semblable à la lettre eabadh de l’alphabet oghamique. Voire à la roue solaire ou rouelle antique.
Du moins toujours d’après notre auteur (cf. la Dimension primale des savants russes : le point dans un espace vide. Ni hauteur, ni largeur, ni profondeur). Henri Lizeray ajoute dans sa doctrine secrète des très-sachants qu’il y a eu au commencement une matière intelligente. Nous disons « il y a eu » parce que, depuis, cette matière s’est répartie et individualisée, a constitué d’une part l’intelligence immortelle (l’âme) d’autre part la matière. Car l’âme et la matière se séparèrent.
Comme le fait remarquer cet auteur, dire « l’âme et la matière se séparèrent », c’est être trinitaire, alors que dire « quelqu’un ou quelque chose (un être X ou Y, voire OIW) sépara l’âme de la matière », c’est être créationniste ou monothéiste (N. B. Dire « l’esprit se sépara de la matière » par contre, c’est faire preuve aussi de dualisme, mais relatif).
Toujours d’après Henri Lizeray (dans sa D. S. D. D.) la triade génésiaque ou primigène compte…
1° L’Incréé à la Scot Erigène.
2° Le premier principe, mâle, actif, père, l’Esprit. L’esprit est ce qui se meut, et le temps est la différence entre deux changements. L’esprit est ce qui remue dans les deux sens du terme.
3° Le deuxième principe, car ce premier principe suppose nécessairement l’existence d’un second, passif, féminin, mère, autrement dit la matière, simple, homogène, universelle.
Du moins toujours si nous comprenons bien Henri Lizeray.
D’après Simon le Magicien, cité par cet auteur à l’appui de sa thèse, l’infinie puissance qui a été, qui est, qui sera, est le feu. Cet ex-disciple et concurrent malheureux du grand rabbi Yehoshoua Bar Yosef dit le nazoréen, avait donc rejoint la pensée druidique sur ce point puisque, d’après Strabon, pour les gnostiques d’Occident, seuls avaient de l’importance le feu et l’eau. On retrouve un lointain écho de cette conception druidique du monde chez Gobineau, dans l’alchimique description que cet historien méconnu nous a laissée du portail de Notre-Dame de Paris en 1754.
Au-dessous de ces trois enfants placés dans l’élément air ; est le globe de l’Eau et de la Terre, sur lequel paissent un bélier, un taureau… Pour indiquer que cet universel par le feu et l’humide, produit tous les êtres animés, pourquoi son influence circulante, comme feu vital uni à l’humide radical, par le sel de Sapience ; est la semence universelle qui, opérant dans les différentes matrices, produit toutes les générations en y mettant le mouvement de la vie (Gobineau, cité par Henri Lizeray).
L’origine de l’univers (la forme originelle, l’archétype) suscite sans fin le monde phénoménal des formes manifestées, qui ont des traits ainsi que des caractéristiques individuels. Cette conception fut appliquée au mécanisme par lequel le monde a été, par lequel les dieu-ou-démons naquirent. En d’autres termes, l’évolution du monde a été comprise comme reflétant un processus d’incarnation.
L’Être Dieu ou le Démiurge Un englobe le multiple et le fonde. L’aiu (éternité) supporte le temps. Et les déités sont comme autant de Pouvoirs du Divin qui est Un, tout comme dans une entreprise, le président délègue de ses pouvoirs à des collaborateurs efficaces.
102
Le Un qui englobe et pénètre toute chose n’est pas un objet, à l’égard duquel l’Homme pourrait prendre ses distances, pour énoncer des propositions « sur » lui. Dieu ou le Démiurge est inconnaissable, sauf à parvenir à s’identifier soi-même avec la divinité par toutes sortes d’expériences psychiques. On ne peut s’empêcher ici de citer la première phrase du livre de Calvin, publié en 1541, et intitulé « l’Institution de la religion chrétienne » (chapitre 1). « Toute la somme ou presque de notre sagesse, laquelle, à tout conter, mérite d’être réputée véridique et entière, tient dans un raisonnement articulé en deux parties : c’est qu’en connaissant Dieu ou le Démiurge, chacun de nous aussi se connaisse. Mais comme elles sont unies l’une à l’autre par d’innombrables liens, il n’est guère aisé de discerner qui est celle qui précède et engendre l’autre ».
103
DEUXIÈME LETTRE DU TRÈS-SACHANT JEAN MARTIN.
Le contenu théologique que recouvre le mot « druidisme » est plus une attitude générale qu’un accord précis sur des dogmes particuliers.
Le druidisme n’abolit pas la souffrance, il l’ennoblit, la rend féconde, en fait l’instrument de tout progrès, un gage de notre grandeur future ; car c’est aussi par le sacrifice que l’on peut sauver, mais aussi être sauvé… La valeur de cette souffrance dépend évidemment de l’usage que l’on en fait, des vertus dont elle est l’occasion : humilité, détachement de soi, et ainsi de suite ; autrement elle aigrit. C’est pourquoi nul n’a le droit d’être indifférent aux maux d’autrui (l’hospitalité par exemple est un devoir de tout Celte bien né). N’oublions pas que le quintuple chemin du druidisme est : fir (vérité), dliged (devoir) cert (justice), aicned (droit naturel) et téchtae (partage des richesses).
Ce que le druidisme prône c’est donc en définitive la maîtrise de soi, la domination des instincts ; non la suppression sans distinction de tous les désirs de l’être humain, incluant dans une même réprobation les tendances naturelles comme la sexualité ou les déviations de ce sentiment. Les vrais très-sachants guérissent et perfectionnent, ils purifient et redressent, ils ne détruisent pas. Leur but n’est pas l’annihilation de la vie même. Ce qu’enseignent seulement les très-sachants, c’est que l’épreuve peut constituer un chemin menant au bonheur dans l’autre monde… plus court que les autres.
Sans doute trouve-t-on partout répandues la croyance en l’immortalité de l’âme, en liaison avec la croyance en l’aiu (éternité) de l’univers ; la croyance en un Englobant universel impersonnel, un Grand Tout symbolisé par le Pariollon ou chaudron cosmique ; tout comme l’idée que l’âme humaine (anamon) n’est qu’une larme de feu, parcelle ou étincelle d’une âme universelle ; le Destin ou Tokad (symbolisé par les interventions du dieu-ou-démon Taran/Toran/Tuireann) ; mais ce qui caractérise surtout cette druidiaction, c’est sa tendance à mettre en évidence un être supérieur. Tantôt il le subordonne au Principe impersonnel – ce sera la position, entre autres, du courant imprégné de spiritualité celtibère. « Certains auteurs affirment que les Galiciens sont athées, tandis que les Celtibères et leurs voisins plus au nord sacrifient à un dieu sans nom, la nuit, à chaque retour de la pleine lune, devant les portes de leurs bourgades ; se livrant alors avec toute leur maisonnée à des rites divers agrémentés de danses » (Strabon, Géographie, III, 4, 16). Une sorte de Dieu-ou-Démon que l’on ne nomme pas donc… (même réflexe intellectuel qu’avec l’El Elyon de la Torah biblique).
Tantôt il l’y superpose – et ce sera l’attitude adoptée par les courants se référant uniquement au druidisme irlandais, qui font de Lug leur dieu-ou-démon supérieur).
Quelle qu’en soit l’origine, le schéma de production reste le même, emprunté souvent à des doctrines plus ou moins apparentées à deux traditions parmi les plus anciennes de la pensée druidique ; celle du druidisme philosophique et réfléchi, première tentative de description globale de l’univers, à la fois scientifique et transcendant ou immanent (cruinne, dérivé gaélique du celtique crundnios signifiant sphérique, la sphéricité de la Terre a aussi été découverte par les très-sachants antiques) ; et celle du druidisme populaire, celui-ci représentant l’aspect pratique de celui-là.
Le druidisme est une religion qui se présente sous les aspects les plus divers ; qui vont de l’adoration des forces de la nature ou de l’Homme au monisme le plus exigeant et à la croyance en une Loi universelle qui régnerait sur tous et sur tout (Tokad : « l’ordre du monde ») ; sur les plans cosmique, social, et religieux.
Dans le premier cas, le druidisme est plus une philosophie qu’une religion. Plusieurs systèmes de croyances en des dieu-ou-démons et déesse-ou-démones, ou fées, y sont en effet tolérés.
Le divin est dans tout être vivant, l’Homme doit donc rechercher par la connaissance de lui-même, celle du divin présent dans sa personne, mais le point final de tout cheminement ici-bas demeure la réintégration dans le Grand Tout.
Sur le plan mental, la vie de l’être humain est une constante succession d’états de conscience divers, source d’erreurs et d’illusions. Un pas supplémentaire dans la voie de la libération des limites humaines est donc accompli par l’annihilation de ces états de conscience, le sujet pouvant ainsi retrouver sa véritable essence. Il existe différentes méthodes en relation avec les différents tempéraments humains et selon les besoins de chacun pour arriver à ce résultat.
Cette action psychophysique se réalise soit dans une totale immobilité du corps et de l’esprit, à travers les diverses techniques méditatives, utilisées pour la réalisation de sa vraie nature ; soit dans divers
104
mouvements comme ceux qui furent enseignés par le Raja Yoga ou Bodhidharma à l’autre bout du monde indo-européen et en Chine.
La druidiaction est fondamentalement composée de quatre voies principales, pouvant accélérer la réintégration de chaque individu dans le grand tout.
La voie de la connaissance immanente et transcendante, autrement dit les très-sachants et la première fonction (Jnana Yoga dans l’Hindouisme). C’est un processus qui consiste à distinguer ce qui est faux de ce qui est vrai, ce qui est réel de ce qui ne l’est pas, et ce qui est durable de ce qui ne l’est pas. Lucain, la Pharsale I vers 444-462 : à vous seuls il est donné de connaître ou d’ignorer les dieux et les puissances célestes.
La voie de l’action ou méditation psychophysique, de la discipline du corps (deuxième fonction) : bref, les entraînements guerriers. Mais la vocation première des arts martiaux celtiques ne concerne qu’indirectement le combat. Leur but originel est d’unifier les différents niveaux physique, psychique et spirituel, d’un être humain, afin de le rapprocher du Grand Tout. Les arts martiaux celtiques visent à libérer l’homme de sa condition marquée par la souffrance ou l’insuffisance. Leurs techniques ont pour but d’aider l’être humain à s’affranchir de la souffrance, et pour cela de transcender ses contingences, en se libérant de l’esclavage de son ego.
La voie de l’action désintéressée (troisième fonction ou Carma Yoga dans l’Hindouisme). Consiste à remplir ses obligations familiales ou sociales, sans attendre de récompense. C’est une sorte de sacrifice perpétuel ou d’incitation constante à œuvrer pour le Bien dépassant sa propre personne. Y compris en se dévouant à une profession donnée, à effectuer sans se préoccuper d’un quelconque gain personnel. Dans le druidisme tardif, cette troisième voie, ainsi que nous avons eu l’occasion de le dire, a fini par prendre le pas sur les deux autres.
La voie de la dévotion et de l’adoration des dieu-ou-démons celtes (4e fonction), seule issue possible accordée aux tribus vaincues par les Celtes et appelées Atectai (Bhakti Yoga pour les shoudras en Inde). La voie des Atectai se résumait à en fait adorer les différentes divinités celtiques, on dirait aujourd’hui à trouver le salut dans la foi en Jésus Christ ou Allah. Il s’établira donc alors entre le dieu-ou-démon ou la déesse-ou-démone, la fée si l’on préfère ce terme, et son dévot, un rapport de personne à personne qui n’existait pas aux époques précédentes, l’Immanent absolu étant alors conçu comme IMPERSONNEL bien que pouvant être personnellement ressenti. En terre celte, cette dernière voie (celle des Atectai, cf. les shoudras en Inde) s’est rapidement confondue avec la précédente, celle du petit peuple des hommes libres.
105
DIXIÈME LETTRE DU VIEUX TRÈS-SACHANT DE LA FORÊT ARDENNAISE.
Méditation sur la relativité des choses)
…… Tous les écrivains de l’Antiquité s’accordent à reconnaître l’extrême religiosité des Celtes. Au témoignage bien connu de César qui note que les Celtes sont un peuple très adonné aux pratiques religieuses (admodum dedita religionibus), il faut ajouter ceux de Tite-Live et de Denys d’Halicarnasse.
Tite-Live. Livre V, 46, 3 : des Celtes étonnés d’une si merveilleuse audace, ou peut-être pénétrés d’un de ces sentiments de religion auxquels ce peuple est loin d’être indifférent…
Denys d’Halicarnasse. Antiquité Romaine. Livre VII, 70, 3-4 : les Celtes, comme les Libyens, les Égyptiens, les Scythes, et les Indiens, sont fidèles à leurs croyances religieuses, et le temps ne le persuade pas de renoncer à leurs pratiques…
Le druidisme est une religion qui se présente sous les aspects les plus divers ; allant de l’adoration des forces de la Nature ou de l’Homme, au monisme le plus exigeant et à la croyance en une Loi universelle qui règne sur tous et sur tout (le Destin ou « l’Ordre du monde ») ; sur les plans cosmique, social, religieux.
Le divin, selon les très-sachants de la druidiaction, intervient toujours sous plusieurs formes, et désigne donc plusieurs choses, qui sont liées, mais relativement différentes, donc qu’il ne faut pas confondre. Pour aller du multiple vers l’unique, on peut adopter une vision panthéiste et considérer le divin qu’il y a en chaque chose. Ensuite, avec la vision polythéiste, on peut concevoir la divinité à l’image de l’homme sous forme de dieu-ou-démons personnels. C’est sûrement la façon la plus accessible d’appréhender ce qui nous dépasse, car ces dieu-ou-démons humanisés sont à notre image, avec chacun des particularités liées à des problématiques humaines bien concrètes. On peut intercaler entre le polythéisme et le monisme, une couche assez mince, celle du bithéisme. Enfin, dans la vision moniste, on peut appréhender l’Immanent/Transcendant comme un grand tout.
Bien entendu tous ces points de vue sont compatibles et il est sain de chercher à les appréhender tous. On croise trop souvent des « néopaïens » persuadés que leur pratique est incompatible avec le monisme (je ne parle pas, bien entendu, de monothéisme institutionnel ou de monolâtrie, mais de déisme expérimental, de type philosophique et réfléchi). Nous autres druides kouffar (adeptes du chirk akbar) nous nous rendons pourtant compte, par expérience, que ce monothéisme philosophique ou réfléchi et le panthéisme, que l’on pourrait croire opposés, se rejoignent. Tout comme il est sain, dans le ressenti du divin dans un cadre monothéiste, de comprendre qu’il doit s’agir d’une forme non personnelle ; et qu’il ne faut pas lui donner une image de vieux barbu avec une personnalité ou un sexe ; il est sain de comprendre que les divinités polythéistes n’ont rien d’absolu. Même si les dieu-ou-démons du polythéisme sont une grande source d’enseignements divers, il faut toujours les relativiser, ne pas les prendre pour des vérités absolues. Mais en pareil cas évidemment, il faut alors comprendre que l’esprit véritablement religieux est radicalement différent de la croyance en dieu ou une religion. L’esprit religieux ou mystique est psychologiquement affranchi de la culture dominante de la société. Un esprit profondément religieux vit dans le sentiment de la présence du sacré. Il n’a besoin ni du recours à la croyance ni du recours au martyre comme nos frères musulmans de type
Al Hallaj (857- 922). Les uns portent une robe de lin blanc, les autres une robe de laine. En un sens John Toland n’avait pas tort en abordant la question dans son pantheisticon.
La radicalité de l’approche ici repose sur le dénuement complet. La pensée peut projeter tout ce qu’elle veut. Elle peut créer Dieu ou le Diable aussi bien que le nier. Chacun peut inventer Dieu/Diable ou le détruire en fonction de ses inclinations, de ses plaisirs et de ses douleurs. Donc, tant que la pensée s’avère à l’œuvre, jamais nul ne découvrira cette chose qui est au-delà du temps. Dieu ou le Démiurge, ou la réalité, ne peuvent se découvrir que lorsque cesse toute pensée.
Que reste-t-il alors ? La compréhension du temps psychologique engendré par la pensée. Pour faire l’expérience de ce qui est au-delà du temps, pour le ressentir, il nous faut évidemment comprendre le processus du temps. L’esprit est le résultat du temps, il est bâti sur les échos d’hier. Est-il possible d’être libéré de cette multiplicité qui n’est autre que le résultat du temps ? C’est sans conteste un problème très sérieux, et il ne s’agit pas ici de croire ou ne pas croire. Croyance et refus de croire relèvent tous deux de l’ignorance, alors que le fait de comprendre la nature temporelle de la pensée nous apporte la liberté, qui seule rend la découverte possible.
106
La pensée ne peut donc pas se transcender elle-même. Comment la pensée pourrait-elle cesser ? La pensée ne prend fin que lorsque nous comprenons tout son processus, et pour comprendre ces mécanismes de la pensée, il faut se connaître soi-même. La pensée, c’est l’ego, la pensée, c’est le verbe qui s’identifie en tant que « moi ». Dans la compréhension même du processus de la pensée, l’intelligence se trouve placée en état de découverte. Cet état de découverte est à la fois une lucidité silencieuse et une passion immobile, une passion sans motif, ce qui suppose un très haut degré de sensibilité.
Cet esprit religieux est tout à fait différent de l’esprit qui anime les tenants d’une orthodoxie, ou d’un fondamentalisme quelconque. L’esprit religieux d’un fondamentaliste est aveugle à la beauté ; le tenant de l’orthodoxie n’a pas conscience de l’univers dans lequel il vit ; de la beauté de l’univers, de la beauté de la terre, de la beauté de la colline, d’un arbre ; du sourire qui éclaire un visage harmonieux. Pour lui la beauté n’est que tentation ; pour lui, la beauté, c’est la femme qu’il doit éviter à tout prix pour trouver Dieu. Un tel esprit n’est pas religieux au sens druidique du terme puisqu’il n’est pas sensible au monde qui l’entoure – à sa beauté, à sa laideur par moment.
N.B. On ne peut pas être sensible uniquement à la beauté ; il faut également être sensible à la misère, à la saleté, aux failles de l’esprit humain. La sensibilité suppose une approche globale, qui n’ait pas d’orientation unique ou exclusive.
Dès lors, il devient aisé de comprendre que ce que l’on a défiguré de toutes les façons dans le concept de Dieu ou de Démiurge, n’est rien d’autre que la Vie elle-même. La Vie est Dieu ou le Démiurge manifesté dans une myriade de formes. L’Absolu Immanent est l’immuable qui se dresse à la source de la Manifestation du relatif. Dieu ou le Démiurge est un concept qui désigne la puissance qui, ne cessant d’être cohérente avec elle-même, crée, soutient, et résorbe, toute manifestation relative. Paradoxe des paradoxes, l’ultime réalité, l’Englobant universel, tient ensemble les contraires : le toujours de l’aiu (de l’éternité du tout englobant universel), et le changement du toujours changeant du relatif. L’Englobant est aux limites de ce que la pensée peut appréhender, car l’intellect ne peut comprendre que l’absolu immanent et le relatif sont en définitive une seule et même chose. Ils forment un torque. Ces sont les deux tampons du même torque. Et quand ils se touchent, ça fait des étincelles.
107
HUITIÈME LETTRE DU DRUIDE RÉMI.
« VÉRITÉ DU CŒUR, FORCE DES BRAS ET ART DE BIEN PARLER » tel est l’idéal de l’ancien druidisme (triade rapportée par Cailte en réponse à une question de saint Patrice) dans le texte irlandais intitulé « le colloque des anciens » (Acallam na senorach).
Tu me respectes je te respecte !
NOUS RESPECTONS LES AUTRES RELIGIONS DANS L’EXACTE MESURE OÙ ELLES NOUS RESPECTENT NOUS ET NOTRE SPIRITUALITÉ (application élémentaire du principe païen bien connu de la réciprocité).
………… Toute religion mérite le respect malgré ses erreurs, si elle se montre elle-même respectueuse des autres. Hélas, cela n’a jamais été beaucoup le cas des diverses monolâtries appelées judaïsme, islam ou christianisme.
Quelle attitude maintenant les païens peuvent-ils avoir vis-à-vis des chrétiens et du christianisme dans son ensemble ? Le Christ est-il un dieu-ou-démon comme les autres ?
Notre position est très simple !
Tout avait bien commencé au départ, vu la prudente notion de dieu-ou-démon inconnu chez les païens, et il n’y avait rien de choquant pour eux dans la notion de dieu ou fils de dieu incarné, mort et ressuscité. C’était le cas de nombreux dieux du paganisme. Adonis et Mithra en Orient par exemple. Rien… sauf que le christianisme se développait à partir du judaïsme, religion monolâtre connue pour son intolérance religieuse et son complexe de supériorité (le concept de peuple élu par le seul vrai Dieu ou Démiurge et, donc, corollaire obligé, celui d’impureté des non-juifs ou goïm). Le christianisme hérita donc de tous les défauts propres à l’idéologie juive (pharisienne) de son temps, d’autant plus qu’il en fut lui-même victime (rejet de tout ce qui n’était pas pharisien, expulsion des notsrim des synagogues, birkat ha minim, etc., casuistique du Talmud digne du jésuitisme le plus échevelé…).
Il a fallu attendre l’islam pour avoir un totalitarisme religieux plus verrouillé que celui-là (cf. sourate 6, verset 68, sourate IV verset 40).
Car le fait est qu’on n’a jamais autant tué au nom de Dieu ou de la religion qu’avec ces soi-disant monothéismes d’amour et de miséricorde ou d’humanisme concret ; ce devrait d’ailleurs être là une source de honte constante pour ceux qui se réclament de cette tradition.
Le Nouveau Testament (Actes des Apôtres 17, 16-34) donne clairement de cette rencontre (ratée) entre Paul et le paganisme une vision inacceptable. Les propos de Paul sont inadmissibles et se révèlent complètement sectaires. Peut-on tolérer l’intolérance ? Quelle liberté peut-on accorder aux ennemis de la liberté ? Les erreurs et les mensonges de Paul ont défiguré pour longtemps le christianisme, en réduisant le sacré à la seule souffrance d’un juif crucifié.
La question est donc : comment nous comporter vis-à-vis de cette religion ? Devons-nous la rejeter ? La maudire ? La mépriser ?
Eh bien non ! Le Christ est un dieu-ou-démon méritant autant de respect qu’Abellio, Ogmios et tous les autres. Que celui qui se sent en harmonie avec lui le prie ! Pas de contrainte en matière de religion ! Ceci dit sans aucune taqqiya !
Notre méfiance envers le christianisme ne vient que du fait que cette religion prétend être la seule voie possible et dénie aux autres la liberté de pratiquer ou de croire, efficacement, mais autrement. Or l’image christique ne reprendra son véritable sens qu’à partir du moment où ce Christ aura réintégré la place qui est la sienne ; un dieu-ou-démon sauveur, une divinité paisible, comme les autres (juste oublieux de son origine, et un peu perdu dans des mondes qui ne sont pas les siens il est vrai) ; mais pourrons-nous encore parler d’un Dieu ou Démiurge chrétien dans ce cas-là ? Adonis et Tammuz (Dumuzi) ne sont pas loin, Mithra non plus.
108
Le fait de changer de religion n’apporte d’ailleurs en général rien de mieux ; ce n’est pas une preuve d’intelligence, puisque la foi n’a rien à voir avec la raison, le Mystère ultime ne se préoccupe pas du nom qu’on lui donne ou des rituels avec lesquels on l’honore. La meilleure façon de l’honorer consiste à vivre sa vie dans le respect ou la dignité. Faire autrement serait manquer de fidélité à soi-même comme à son âme (or nous nous devons d’être Sinn-Fein). En matière de spiritualité, nul ne peut ni ne doit être contraint d’agir contre sa conscience, ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa propre conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres (cultes). Ce droit relève de l’évidence pour ce qui est de la spiritualité ou de la nature même de la personne humaine, dont la dignité (le caractère nemet) implique qu’elle adhère librement à la vérité divine ; mais aussi du rectu adgenias (gaélique recht aicnid), c’est pourquoi il subsiste même en ceux qui ne satisfont guère à l’obligation morale de chercher la vérité puis d’y adhérer. Ce droit effectif à une telle liberté religieuse n’est pas, cependant, à confondre avec un quelconque droit à l’erreur. Il s’agit seulement d’un droit concret à la liberté, c’est-à-dire à l’absence de contrainte extérieure, y compris en matière religieuse, de la part des autorités civiles ou des pouvoirs publics.
N.B. Mais attention, l’ardente obligation morale d’être Sinn-Fein n’équivaut nullement à une interdiction de toute apostasie. Apostasier reste un droit de l’Homme fondamental, et imprescriptible.
Sur le plan théorique le paganisme druidique est parfaitement compatible y compris moralement parlant * avec une lente et progressive prise de distance, avec une lente et graduelle évolution vers l’agnosticisme voire l’athéisme.
Sur le plan pratique, le paganisme druidique encourage même l’apostasie, car cela permet à la communauté de se débarrasser de ses éléments les plus douteux. Il n’en va pas de même dans les religions monolâtres et notamment, semble-t-il, en terre d’islam (Dar al islam), l’islam étant beaucoup moins clair sur le sujet.
Les quatre Écoles majeures de jurisprudence islamique (madhhab) considèrent en effet qu’un apostat doit être exécuté en se fondant pour cela sur un hadith d’Ibn Abbas dans lequel il rapporte que Mahomet aurait dit : « Quiconque change sa religion, tuez-le » (Boukhari, tome 9, 57).
Et sur un hadith également rapporté par Boukhari transmis par Abdoullah. « Le sang d’un musulman, qui confesse qu’il n’y a d’autre Dieu qu’Allah et que je suis Son prophète, ne peut être versé que dans trois conditions : en cas de meurtre, pour une personne mariée qui s’adonne au sexe de manière illégale, ainsi que pour celui qui s’éloigne de l’islam et quitte les musulmans » (Boukhari, tome 9, 17).
Au-delà de leurs légitimes différences, notamment dans le culte, les païens de l’Antiquité ont toujours plus ou moins reconnu les dieu-ou-démons des autres peuples. Les Anciens n’avaient d’ailleurs probablement pas conscience de pratiquer une religion au sens où nous l’entendons aujourd’hui. Les mythes fondateurs, les cosmogonies, les récits divins de toutes sortes, les rituels journaliers, affermissaient seulement les liens sociaux. Ils n’étaient pas constitutifs d’un ensemble doctrinal, dogmatique et rituel exclusif. Ils suggéraient une identité. En outre, tous les textes à caractère divin n’étaient pas nécessairement sacrés. C’était en partie la force, et sans doute d’une certaine manière la faiblesse, des paganismes antiques. Ils se livraient volontiers, hors de toute idée affirmée de prosélytisme, avec plus ou moins de bienveillance et de condescendance, l’observation des autres, de leurs mythes, de leurs croyances et de leurs pratiques.
L’Enquête d’Hérodote est un des premiers exemples qui nous soit conservé de cette conception des choses. Weltanschauung diraient nos amis odinistes. « Apollon et Artémis, d’après les Égyptiens, seraient enfants de Dionysos et d’Isis ; Léto serait leur nourrice et les aurait sauvés ; en langue égyptienne, Apollon s’appelle Horus, Déméter Isis, Artémis Boubastis » (Hérodote, II, 156).
Ce texte nous fournit un exemple parmi bien d’autres de la « traduction » du nom d’une divinité étrangère en grec. Ce mécanisme est communément appelé interpretatio dans les études modernes. Il consiste à opérer une identification entre des dieu-ou-démons d’origine différente, sur la base d’une comparaison le plus souvent fonctionnelle. Hérodote est le premier à proposer ce type d’équivalence, mais le procédé connaîtra une longue postérité.
Les implications d’un tel mécanisme pour la compréhension des conceptions religieuses des Anciens sont particulièrement intéressantes. En effet, ce jeu des équivalences entre divinités implique qu’Hérodote conçoit une permanence du divin par-delà les différences ethniques. Les dieu-ou-démons sont potentiellement présents partout et identifiables. Ce qui change d’un peuple à l’autre, c’est le nombre des dieu-ou-démons identifiés ainsi que la forme linguistique de la dénomination. Ce qui passe éventuellement d’un peuple à l’autre, c’est la capacité à identifier un dieu-ou-démon déjà potentiellement présent.
109
Le même phénomène de l’interpretatio caractérise aussi la civilisation romaine. Tacite est le premier à utiliser l’expression « interpretatio romana » quand il cherche à identifier un couple de dieu-ou-démons germains avec les divinités gréco-romaines Castor et Pollux. Mais cette attitude était donc déjà connue auparavant, comme nous venons de le voir. Quand César parle des dieu-ou-démons celtes, il n’a aucun mal à leur donner des noms romains (Mercure, Mars, Apollon, Jupiter, ou autres). Il reconnaît dans les dieu-ou-démons celtes des traits qui lui permettent d’établir quels sont leurs « correspondants » à Rome.
Il faut cependant souligner que toutes ces « traductions » sont à considérer surtout comme des opérations intellectuelles. Elles ne sont pas imposées par les autorités religieuses et n’ont aucune conséquence sur le culte.
Écoutons donc toujours avec attention ceux qui choisissent de nous faire partager leur sagesse, et respectons leur droit de suivre la voie nécessaire ou adaptée à leur rythme propre. Respectons leur droit de suivre leur propre vision. LE VRAI DRUIDISME ne rejette, en effet, ni les autres religions ni les dieux-ou-démons qui les président ; puisqu’ils sont, eux aussi, une manifestation de l’englobant universel. Leur culte peut aider certains esprits fragiles ayant besoin de ces béquilles pour avancer, en attendant qu’elles aient la force (sunartiu) de viser plus haut. Quant à l’athlète spirituel, il est appelé à les dépasser pour aboutir à la vraie ligne d’arrivée qu’est la connaissance de la Réalité ultime, qui, finalement, et en dernière analyse, réside en tout un chacun. Même les Gallo-Romains s’en souvenaient. « Divinis humana licet componere » : « Aux choses divines, on peut comparer les choses humaines ». Ausone (églogue consacrée à la libra).
* Puisqu’il croit profondément et absolument en l’existence de plusieurs niveaux de vérité dans la vie de l’individu et du cosmos.
110
SEPTIÈME LETTRE DU DRUIDE RÉMI.
………… En ce qui concerne l’athéisme philosophique proprement dit, dont on trouve l’origine chez le philosophe grec Démocrite, il s’appuie sur des arguments variés, relevant du relativisme, du rationalisme, du nihilisme, et même de la morale. L’athéisme refuse de postuler l’existence d’entités dont la présence n’est ni prouvée ni observable, et souligne également l’éventuelle immoralité de cette existence si elle était avérée (la seule excuse de Dieu, c’est qu’il n’existe pas). Il n’y a pas d’arguments valables pour soutenir la croyance en l’existence d’un Dieu ou Diable quelconque, qu’il soit conçu par l’Homme (anthropomorphique donc) ou qu’il soit une abstraction métaphysique 1).
La croyance en un être surnaturel et supérieur peut même être soupçonnée de recéler une dévalorisation implicite de la vie humaine, une expression de l’abandon des hommes à leur chimérique espoir que « quelqu’un » veille tout de même sur eux.
L’humanisme grec consiste à faire de l’Homme son propre critère, prenant ainsi en quelque sorte la place du divin. La formule la plus célèbre de cet humanisme : « l’homme est la mesure de toutes choses », qui est de Protagoras, signifie que les valeurs humaines s’élaborent par la confrontation des discours (démocratie) en dehors de toute référence à un Dieu-ou-Démon quelconque.
Platon, lui, répondra dans ses Lois que « le dieu-ou-diable doit être la mesure de toutes choses ». Épicure, Lucrèce, Horace, ne nient absolument pas l’existence des dieu-ou-démons, mais posent qu’ils sont si heureux qu’ils se désintéressent des hommes, et il faut tout faire pour leur ressembler.
Les philosophes suspects d’athéisme, d’impiété ou d’hérésie, furent souvent persécutés. Les Athéniens brûlèrent les livres de Protagoras et offrirent une récompense pour qui le tuerait. Platon dans ses écrits exerce une sorte de censure sur le matérialiste Démocrite.
En 1600, Giordano Bruno fut brûlé pour sa théorie sur la pluralité des mondes habités, ainsi que des philosophes accusés de panthéisme. À partir du siècle des Lumières, qui s’inspire de l’antiquité gréco-romaine, et jusqu’à aujourd’hui ; plusieurs philosophes parvinrent à disserter avec liberté sur l’hypothèse de l’existence de Dieu ou du Démiurge, ou des dieu-ou-démons ; soit pour la remettre en cause entièrement, soit pour la reformuler. À titre d’exemple, la critique nietzschéenne du christianisme soulève la question des fondements théologiques de la morale, critique qui aboutit à la négation de l’immutabilité des valeurs et à la thèse de l’immoralisme du devenir, thèse également défendue par Spinoza. L’œuvre de Spinoza (notamment le Traité théologico-politique et l’Éthique) propose une philosophie matérialiste radicale et constitue l’une des critiques les plus remarquables du phénomène religieux.
1) Mais le druidisme n’est pas la pensée grecque, est-il besoin de le rappeler ? L’insuffisance radicale de ce monde décevant est certes reconnue par la totalité des Écoles druidiques, mais elles enseignent aussi des voies suivant lesquelles les hommes qui croient en leur efficacité peuvent, soit se réincarner dans un autre monde parallèle de nature paradisiaque pour y achever leur purification, soit atteindre l’illumination supérieure dès ici bas par leurs propres efforts, ou grâce à une aide extérieure.
111
PREMIÈRE LETTRE DU PRIMAT.
ACCEPTATION DES DIFFÉRENCES ET ACCULTURATION.
Nous avons cru bon d’évoquer ici sous ce titre diverses façons de concevoir le dialogue à entretenir avec les Autres.
La parabole à propos d’Hercule, du très-sachant rencontré par Lucien de Samosate vers 158, dans les environs de Marseille ; et quelques extraits significatifs des textes sacrés de la religion d’amour appelée christianisme, dus au rabbin raté (c’est le moins que l’on puisse dire) connu sous le nom de Saül (de Tarse) ; épars ci et là au milieu d’appels divers à la collecte d’argent pour Jérusalem. Saint Paul se préoccupe en effet beaucoup de toutes ces questions financières.
« Le langage de la croix est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui sont en train d’être sauvés, pour nous, il est puissance de Dieu. Car il est écrit : je détruirai la sagesse des sages et j’anéantirai l’intelligence des intelligents… Ce qui est folie dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre les sages ; ce qui est faible dans le monde Dieu l’a choisi pour confondre ce qui est fort, ce qui dans le monde est vil et méprisé, ce qui n’est pas, Dieu l’a choisi pour réduire à rien ce qui est ; afin que nulle créature ne puisse s’enorgueillir devant Dieu… Afin que votre foi ne soit pas fondée sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu… En ce qui me concerne, frères, je n’ai pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais seulement comme à des hommes charnels, comme à de petits enfants dans le Christ. C’est du lait que je vous ai fait boire, non de la nourriture solide, vous ne l’auriez pas supportée 1)… On entend dire partout qu’il y a chez vous un cas d’inconduite et d’inconduite telle qu’on ne la trouve même pas chez les païens. L’un d’entre vous vit avec la femme de son père… qu’un tel homme soit livré à Satan… Lorsqu’un différend s’est élevé entre vous, comment osez-vous le faire juger par les païens et non par les saints ? Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges ?… Vous établissez pour juges des gens que l’Église méprise… Ne vous y trompez pas, ni les débauchés, ni les idolâtres, ni les homosexuels de tout genre 2), ni les voleurs, ni les accapareurs, ni les ivrognes, ni les calomniateurs, ni les filous, n’hériteront du royaume de Dieu. Mais voilà ce que vous étiez pourtant… N.B. La femme est liée à son mari aussi longtemps qu’il vit. Si le mari meurt, elle est libre d’épouser qui elle veut, mais un chrétien seulement… Bien qu’il y ait de prétendus dieux au ciel ou sur la terre, et il y a de fait plusieurs dieux et plusieurs seigneurs, il n’y a pour nous qu’un seul dieu… Ma défense contre mes accusateurs la voici : n’aurions-nous pas le droit de manger, de boire ? N’aurions-nous pas le droit nous aussi d’emmener avec nous une femme, comme les autres apôtres, les frères du Seigneur, et Pierre ? Moi seul et Barnabé n’aurions pas le droit d’être dispensés de travailler ???…… Le chef de la femme, c’est l’homme… si la femme ne porte pas de voile, qu’elle se fasse tondre ! Mais si c’est une honte pour une femme d’être tondue ou rasée, alors qu’elle porte un voile ! La femme doit porter sur la tête la marque de sa dépendance : à cause des anges… La nature elle-même ne vous enseigne-t-elle pas qu’il est déshonorant pour l’homme de porter les cheveux longs ? Comme cela se fait dans toutes les églises des saints, que les femmes se taisent dans les assemblées : elles n’ont pas la permission de parler ; elles doivent rester soumises, comme dit aussi la Loi, si elles désirent s’instruire sur quelque détail, qu’elles interrogent leur mari à la maison… Pour la collecte destinée aux saints, vous suivrez, vous aussi, les règles que j’ai données aux églises de Galatie. Le premier jour de chaque semaine, chacun mettra de côté chez lui ce qu’il aura réussi à épargner, afin qu’on n’attende pas mon arrivée pour recueillir les dons. Quand je serai là, j’enverrai, munis de lettres, ceux que vous aurez choisis, porter vos dons à Jérusalem… et si quelqu’un n’aime pas le Seigneur, qu’il soit donc anathème ! » (Première lettre aux Corinthiens.)
Note de la rédaction. Suite aux violentes protestations de nos amis chrétiens à ce propos. Nous leur donnons volontiers acte que saint Paul est un vieux con ou un vieux salaud qui n’a rien à voir avec le vrai christianisme des origines, qui n’est qu’amour, toujours. Mais il y a des points sur lesquels il n’a pas tort. Par exemple quand il écrit qu’il y existe de fait plusieurs dieux ou êtres appelés « dieux ». Pour être complet nous donnons également acte à nos frères musulmans que le djihad n’a rien à voir avec le véritable islam qui n’est que clémence et miséricorde (Saint Coran sourate 2 versets 190-193).
Vu la vague de lettres et de remarques émanant de nos amis musulmans ou de leurs alliés (mondialistes, antiracistes, etc.) nous leur concédons par conséquent bien volontiers…
Premièrement : que les juifs et les chrétiens ont altéré la Bible et la parole de Dieu.
Deuxièmement : que Mahomet ne peut être suspecté de pédophilie, car Aïcha était nubile (âgée de dix-neuf ans) lors de son mariage avec lui !
Troisièmement : que la notion de réciprocité (« agis envers les autres comme tu voudrais qu’ils agissent envers toi ») est bien le pilier central de l’islam, ce dont nous nous réjouissons.
112
Quatrièmement : que guerre et violence sont totalement absentes du Coran, ou du moins y sont toujours condamnées, que ce qui au contraire y est toujours exalté, c’est la non-violence et le martyre, Mahomet étant mort crucifié.
En ce qui concerne la charia.
Cinquièmement : que l’esclavage y est interdit !
Sixièmement : que les dhimmis ne sont pas des citoyens de seconde zone, mais au contraire des privilégiés, bénéficiant d’une protection supplémentaire par rapport aux citoyens musulmans ordinaires, ce qui est d’ailleurs presque injuste vis-à-vis de ces derniers.
Septièmement : que la femme a les mêmes droits que l’homme en terre d’islam (dar al islam)
Huitièmement : que la répudiation n’est jamais unilatérale, qu’elle peut être aussi prononcée sur l’initiative de la femme, et que ce n’est qu’un divorce (équitable et juste).
Neuvièmement : qu’en matière de sexualité, l’islam n’est pas homophobe, mais fait preuve au contraire de la plus grande tolérance envers l’homophilie. Le lesbianisme est par exemple admis, ou du moins non sanctionné, dans la plus grande partie des pays à majorité musulmane.
Dixièmement : que l’apostasie est admise sans problème en vertu du principe « nulle contrainte en matière de religion ».
1) Propos bien évidemment gnostiques. Les hommes de nature spirituelle sont ceux que les gnostiques appelaient des « pneumatiques », de pneuma « âme ». Les hommes de nature plus charnelle sont ceux que les gnostiques appelaient sarkikoi ou hyliques. Il est néanmoins difficile d’être catégorique, ce texte chrétien étant une fois de plus un faux comme souvent dans cette religion de la vérité. Un faux en ce sens qu’il est sans doute le résultat d’un montage de divers fragments de texte, rassemblés par l’évêque hérétique, ou gnostique, ou premier vrai chrétien, etc. Marcion.
Des textes peut-être dus à la plume de saint Paul certes, mais n’ayant jamais fait partie du même jet. On constate par exemple que certaines parties de l’épître sont facilement isolables. Trois ou quatre suivant les spécialistes.
2) Le terme utilisé par ce saint homme, en grec, est nettement, comment dire, plus imagé.
113
QUATRIÈME LETTRE DU TRÈS-SACHANT JEAN MARTIN.
Quant à moi, je suis la Loi des Celtes, car je déclare que, sans l’aide des dieux, rien ne réussit aux hommes (Arrien. Cynégétique).
………… Si l’on tient compte de ses origines chamanes, le druidisme est la plus vieille des religions du monde. Les mythes druidiques dans la mesure où ils sont les héritiers de ceux des chamanes préhistoriques ouest européens (voir la caverne des Trois Frères) sont la plus ancienne des littératures religieuses du monde. Mais le druidisme d’aujourd’hui, ou plus exactement sa druidiaction (irlandais druideacht) ou quadruple voie, fír (vérité), cert ou aicned (justice), téchtae (partage), dliged (devoir), est plus une sensibilité religieuse qu’une religion bien organisée.
N.B. Le terme gaélique « dliged » est un des plus ambigus ou ambivalents qui soient.
Le dictionnaire électronique de la langue irlandaise en fait un synonyme de…… une page.
Ses principaux éléments sont…
L’acceptation sans servilité du druidisme antique au sens large c’est-à-dire y compris les penseurs et les intellectuels des peuples galates ou celtibères… comme étant la plus ancienne référence sur le sujet, ainsi que l’acceptation respectueuse de leurs faits et gestes (druidiaction) comme point de départ de la réflexion nécessaire à un druidisme moderne. Le néo-druidisme n’est pas là pour abolir l’ancien druidisme, mais pour l’accomplir. Pour accomplir ses promesses.
L’acceptation par chacune des différentes Écoles de pensée d’un rythme de vie du monde passant par des périodes d’apparition, de vie ou d’expansion, et enfin de destruction ; périodes, ou cycles ayant eu un début et un commencement absolu, mais se succédant désormais sans fin.
L’acceptation de la croyance en la possibilité d’avoir de nouveau un corps dans l’univers parallèle au nôtre que l’on appelle l’au-delà (de la mort), quelles que soient ses différences avec le corps d’avant (un nouveau corps bellissamos pour les hommes, bellissama pour les femmes, du fait de la luan laith appelée xvarnah par nos amis zoroastriens).
L’acceptation de la croyance en la possibilité, hypothétique, de renaître en ce bas monde sous une forme humaine (bacuceos, seibaros s’il s’agit d’une demi-réincarnation).
L’acceptation pleine et entière du fait que les moyens ou les manières d’accéder au salut dans l’autre monde sont multiples.
L’acceptation du fait que, aussi grand que puisse être le nombre des divinités, on peut être druidisant et ne pas croire qu’il faille toutes les adorer (hénothéisme ou spiritualisme athée).
Pour d’autres, le druidisant est celui qui croit en la philosophie que l’on peut déduire des mythes celtes. Leur enseignement de base est que la vraie nature de l’Homme est divine. Dieu ou le Démiurge, l’Âme, ou le Destin, comme ils sont nommés généralement, existent en chaque être vivant. Particulièrement dans les êtres humains pour ce qui est de la destinée (appelée gaefa par nos amis odinistes, gaesa en Irlande). Les animaux en effet ignorent la notion de destin, et ne sont même pas conscients qu’ils ont une destinée. D’où la solidarité intrinsèque et par définition entre l’Homme et le destin. Et en un sens c’est l’homme qui a créé le destin à son image et non le contraire.
La religion est donc une recherche du divin présent dans chaque individu. Mais les très-sachants déclarent aussi que personne n’a besoin « d’être sauvé », car personne n’est perdu. Dans le pire des cas, on vit dans l’ignorance de sa vraie nature divine et l’on retarde son accès au vrai monde.
Les très-sachants reconnaissent qu’il y a beaucoup d’approches possibles du Divin, et que toutes ont plus ou moins de valeur. Toutes conduisent l’Homme au Vrai Monde, la seule réserve étant que certaines voies peuvent être plus rapides que d’autres.
Le druidisme a toujours existé sur deux plans différents – le premier fondé uniquement sur la foi et le second sur la philosophie. Les deux plans s’entrelaçant étroitement comme dans l’art de la broderie.
Sur le plan philosophique. L’idée d’une non-séparation de l’Homme et de la nature s’impose dans le druidisme. Il y a trois grandes Écoles : l’École panthéiste, l’École moniste ou panenthéiste, l’École monothéiste philosophique et réfléchie. Les écoles non orthodoxes – celles qui se réfèrent au jardin d’Éden ou à l’Atlantide par exemple – sont le christianisme celtique ou le matérialisme athée, qui réfute l’existence de l’âme. Elles ne seront pas discutées ici à l’exception de leur variante panenthéiste.
La philosophie du druidisme. Le druidisme a comme particularité par rapport aux autres religions, le fait qu’il est intimement lié à la philosophie et à la science en général (sociale comme physique). Contrairement au judéo-christianisme, où les conflits furent nombreux entre les autorités religieuses et
114
les savants, le druidisme antique, lui, a digéré chacune des découvertes de son temps. On trouve souvent d’ailleurs, en Irlande, un véritable et perpétuel mélange des genres dans la lecture d’un ouvrage traitant pourtant d’un domaine particulier comme la mythologie. Les auteurs y distillent des informations sur la théologie, la philosophie, l’histoire, la toponymie… Lire un manuscrit irlandais c’est lire toute une encyclopédie.
Cette philosophie implique une morale non dialectique, c’est-à-dire l’absence de l’affrontement constant et défini du bien et du mal, contrairement à ce que l’on retrouve dans le judéo-islamo-christianisme par exemple, et s’apparentant plutôt à des déontologies diverses.
Sur le plan de la foi. Contrairement aux idées reçues et qui constituent la sous-culture de notre société, le druidisme vrai n’est en réalité ni polythéiste à la façon des Grecs, ni monolâtre à la façon des juifs ou des musulmans.
Les diverses divinités ou semi-divinités reconnues par son système philosophique sont considérées comme différentes formes du Un, du Dieu ou Démiurge supérieur, ou Tocade ; les seuls à être accessibles à l’Homme (on prendra garde néanmoins à ne pas confondre l’être supérieur source de toute énergie, et le Tokade, en définitive architecte de notre univers actuel).
Le druidisme moderne se divise en diverses branches ou tendances, voire en sectes, dont les méthodes diffèrent. La majorité se retrouve dans ce qu’il est convenu d’appeler le paganisme ; certains se réfèrent à toute une série d’anatiomaroi (de grands initiés : Cornunnos, Hésus, mais aussi parfois et moins sérieusement, le rabbi Jésus de Nazareth, car cet homme n’était pas de Nazareth, mais Nazaréen c’est-à-dire membre, supposé, de la secte de ce nom). L’intégration du bouddhisme dans notre druidisme est apparue assez tardivement, probablement au XVIIIe avec les forgeries de toutes pièces du Gallois Iolo Morganwg.
Croyances et pratiques communes aux druidisants.
Bien que le druidisme soit en fait un ensemble de cultes, chaque celtisant adhère à un tronc commun de valeurs partagées. La somme de ces valeurs identifie le druidisant.
Le cycle de la vie : les six stades de la vie.
Pour la tradition druidique irlandaise, l’homme doit traverser six étapes cruciales dans sa vie. Ces six périodes ces six colonnes de la vie sont les suivantes.
Noidenotaxeto/Nàidendacht : la prime enfance du nourrisson.
Mapotaxeto/Macdacht : l’enfance proprement dite.
Geistlaxeto/Gillacht : l’adolescence.
Ogiolagiato/Hoclachus : la jeunesse (l’âge adulte jeune).
Senodageto/Sendacht : l’âge mûr.
Diexbliniceto/Diblidecht : la vieillesse.
La symbolique du nombre 6 renvoie évidemment pour les théologiens chrétiens aux six jours de la Création (les sex aetates mundi), mais n’oublions pas le dimanche. En Irlande, il doit s’agir de l’ultime écho d’une ancienne conception druidique.
Mapotaxeto (gaélique Macdacht) : le jeune celtisant, instruit par les très-sachants, traverse une période de formation aussi bien profane que spirituelle. Il y développe son savoir et sa spiritualité.
Geistlaxeto (gaélique Gillacht) : le celtisant se transforme en jeune adulte ou un adulte jeune, il se marie et fonde une famille, ce qui est un devoir aussi bien social que religieux (la perpétuation de la vie). Mais durant cette période, il a aussi le droit de jouir de cette existence (tout en apprenant à se maîtriser).
Ogiolagiato (gaélique Hoclacus) : après avoir accompli son devoir social, le druidisant quitte la vie active et va désormais vivre une autre période de l’existence. Loin du monde des affaires, il peut alors faire profiter son entourage de son expérience et de son savoir. Soit en aidant les autres, les plus jeunes, soit en se « retirant dans la forêt » c’est-à-dire en se consacrant à la méditation et en évitant les excès.
Diexbliniceto (gaélique Diblidecht) : le druidisant se détache progressivement de ce monde.
Exemples Suibhne ou Merlin.
Le druidisme a fondé sa foi sur une croyance originale en ce qui concerne la mort. Les très-sachants croient en effet en une vie après la mort, mais toujours avec un corps.
Si l’homme a normalement agi dans sa vie sur cette terre, il vivra comme un dieu-ou-démon dans un autre monde parallèle paradisiaque. Une fois sa purification achevée dans cet autre monde, l’âme s’affranchira définitivement de toute attache en passant dans un autre ciel.
Si l’être humain a vraiment mal agi (1 cas sur 100 000 ???), son anamon se réincarnera sur terre afin d’y préparer une nouvelle fois son passage dans l’autre monde.
115
POSTFACE À LA JOHN TOLAND.
Les pseudodruides à la filiation initiatique mirobolante (la fameuse et inénarrable tradition primordiale) s’étant multipliés depuis quelque temps ; il nous a paru nécessaire de mettre à la disposition de tout un chacun ces quelques notes, hâtivement rédigées un soir de novembre, afin de donner à nos lecteurs envie d’en savoir plus sur le vrai druidisme. Ce travail se veut honnête, mais en aucune façon neutre. Il s’est donné pour objectif de défendre ou de réhabiliter la cluto (renommée) de cette antique religion.
Rien ne remplace la méditation personnelle y compris sur les lais obscurs ou incompréhensibles parsemant ces livres et qui ont été insérés à dessein afin de vous obliger à réfléchir pour trouver votre propre voie. Ces livres ne sont pas des dogmes à suivre aveuglément et à la lettre. Ainsi que vous le savez sans doute, il faut se méfier comme de la peste de la lettre. La lettre tue, seul l’esprit vivifie. Rien ne remplace non plus l’expérience personnelle et c’est en cheminant que l’on trouve le chemin. Ne comptez donc que sur vos propres forces pour cette quête du Graal. Ce qui compte c’est l’attitude à adopter dans la vie et non les détails du dogme. Le druidisme a moins d’importance que la druidiaction (Jean-Pierre Martin).
Ces quelques feuillets griffonnés à la va-vite ne sont néanmoins en aucune façon LES LIVRES À LIRE SUR LE SUJET, ils n’en sont qu’un pâle reflet. La seule bibliothèque druidique digne de ce nom n’est pas en effet composée de seulement 12 (ou 27) livres, mais de plusieurs centaines.
Les quelques opuscules constituant cette mini-bibliothèque ne constituent pas un approfondissement et ne sont que quelques manuels destinés aux écoliers du druidisme. Ces résumés simplifiés destinés aux cours primaires de druidisme seront remplacés par des cours d’un niveau quelque peu supérieur, pour ceux qui voudront vraiment l’étudier de façon plus pertinente.
Cette petite bibliothèque est par conséquent un premier essai d’adaptation (destinée aux jeunes adultes) des diverses réflexions sur le savoir et la vérité druidiques, auxquelles ont abouti les premiers résultats de la nouvelle laïcité positive et ouverte, mondiale, en train de s’instaurer.
À la différence du judaïsme, du christianisme, et de l’islam, qui fourmillent littéralement, à propos de l’Être supérieur, d’anthropomorphismes puérils pris au pied de la lettre (fondamentalisme) ; notre druidisme, lui, n’en utilisera que très peu, et s’en tiendra, en ce domaine, au minimum absolu.
Mais pour parler de Dieu-ou-Diable nous allons bien être obligés, nous aussi, d’utiliser un langage, et donc un certain nombre de ces anthropomorphismes. Ou alors il faudrait totalement renoncer à en discuter.
Ce premier rayon de notre future bibliothèque consacrée au sujet a pour objet de montrer avec précision l’harmonieuse authenticité de la volonté et du savoir néo-druidiques. De montrer à quel point ses grandes thèses actuelles ont des racines anciennes, car la Mythologie, c’est notre Bible à nous. Les adaptations de ce bref exposé, exigées par les différences de culture, d’âge, de maturité spirituelle, de situation sociale, etc. seront à faire par les druides concernés (les vellèdes et les autres ?).
À noter cependant. Important ! Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, ne sont pas (en vrac).
Une révélation divine. Une loi (toujours aussi divine). Une loi (profane ou laïque). Une loi (scientifique). Un dogme. Un Ordre ? Ce que je cherche surtout à faire partager c’est un état d’esprit, rien de plus. Ainsi que l’a très bien dit un jour notre vieux maître :
« NOTRE CIVILISATION N’A PAS LE CHOIX : CE SERA LE CELTISME OU CE SERA LA MORT » (P. Lance).
Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, sont. Du rêve. Une aventure. Un voyage. Une évasion. Un cri de révolte contre la laideur morale et matérielle de cette société.
116
Une tentative d’atteindre à l’universel en partant du particulier. Un défi. Un obstacle fécond à surmonter. Une incitation à la réflexion. Un guide pour l’action. Une carte. Un plan. Une boussole. Une étoile polaire ou l’étoile du berger là-haut dans la montagne. Un feu la nuit dans une clairière ?
Ce que le rassembleur de ce noyau de bibliothèque, Pierre de La Crau, n’est pas.
— Un dieu.
— Un demi-dieu.
— Un quart de dieu.
— Un petit saint.
— Un philosophe (reconnu, officiel, et breveté ou patenté, comme ceux qui passent à la télévision. Sauf évidemment à prendre le terme en son sens originel, qui est celui d’amateur de sagesse et de savoir).
Ce qu’il est : un homme, et rien de ce qui est humain ne lui est donc étranger. Pierre de la Crau n’a aucun pouvoir surhumain ou exceptionnel. Rien de ce qu’il a dit écrit ou fait ne saurait avoir de valeur intemporelle. Tout au plus espère-t-il que son extrême lucidité à propos de notre société et de son idéologie dominante (voir ses philosophes officiels, ses journalistes, ses masses médias et le politiquement correct des bien-pensants) ; ainsi que son non-conformisme, et son franc-parler, alliés à un solide esprit de contradiction (qui lui ont d’ailleurs valu pas mal de déboires ou d’avanies) ; pourront être utiles.
La présente petite bibliothèque pour débutant « contient la dose d’humanité exigée par l’état actuel de la civilisation » (Henri Lizeray). Elle n’est d’ailleurs qu’un rassemblement de matériau attendant l’architecte ou le maçon ? ad hoc.
Prochainement paraîtra toute une série de fascicules approfondissant ces éléments de base. Cette présentation différente du savoir druidique préservera néanmoins l’unité et la profonde harmonie entre ces divers exposés d’une seule et même philosophie.
Cas des traductions dans une langue étrangère (espagnol, allemand, italien, polonais, etc.)
Les fautes d’orthographe de grammaire de style, ainsi que l’écriture des noms propres, pourront être corrigées. Toute autre amélioration du texte pourra également être apportée si nécessaire (par ajout suppression ou modification, de détails) ; Pierre de La Crau ayant toujours regretté de ne pouvoir atteindre à la perfection en ce domaine. Mais à condition de n’altérer ni trahir en rien la pensée de l’auteur de cette compilation raisonnée. Toute illustration sans légende peut être changée. De nouvelles illustrations peuvent être apportées. Mais les illustrations ayant une légende ne devront être qu’améliorées (par substitution d’une bonne photo à un mauvais croquis par exemple ?)
Il va de soi que le coordonnateur de cette rapide et sommaire compilation raisonnée, Pierre de La Crau, ne prétend nullement avoir inventé (ou découvert) lui-même, tout ceci ; qu’il ne prétend en aucune façon que ceci est le fruit de ses recherches personnelles (sur le terrain ou en bibliothèque). Ce qui suit est en effet essentiellement issu des excellents ouvrages ou sites internet référencés en bibliographie et dont la consultation directe est fortement recommandée. Nous n’insisterons jamais assez sur notre volonté de ne pas être les hommes d’un livre (du Livre), mais d’au moins douze, comme les Fénianes d’Irlande, pour d’évidentes raisons d’ouverture d’esprit, la vérité étant notre seule religion.
Encore une fois, répétons-le ; le coordonnateur de la mise par écrit de ces quelques notes hâtivement jetées sur le papier ne prétend nullement avoir passé sa vie dans la poussière des bibliothèques ; ou sur le terrain, dans la boue des fouilles archéologiques de sauvetage ; afin d’exhumer des témoignages inédits sur le passé de l’Irlande (ou du Pays de Galles ou des Indes ou de la Chine ?)
PIERRE DE LA CRAU NE SE VEUT DONC EN AUCUNE FAÇON L’AUTEUR DES TEXTES QUI PRÉCÈDENT.
IL N’ESSAIE NULLEMENT DE S’EN ATTRIBUER LES MÉRITES. Il n’en est que l’éditeur ou le compilateur. Il s’agit pour la plupart de documents diffusés sur internet à quelques exceptions près. IL EN REVENDIQUE PAR CONTRE TOUS LES DÉFAUTS ET TOUTES LES INSUFFISANCES. Pierre de La Crau ne revendique qu’une chose, les fautes erreurs ou imperfections diverses de ce livre. Lui seul est à blâmer dans ce cas. Mais il fait confiance à ses contemporains (la nature humaine étant ce qu’elle est) pour les lui signaler avec vigueur.
117
Note retrouvée par les héritiers de Pierre de La Crau et insérée par eux à cet endroit.
J’avoue tout de suite afin de faciliter le travail de mes juges que les hommes comme moi étaient chrétiens à Rome sous Néron, païens à Jérusalem, sorciers à Salem, hérétiques anglais, catholiques irlandais, et aujourd’hui racistes, sexistes, homophobes, islamophobes, en attendant d’être demain koufar ou de nouveau chrétien l’antéchrist le plus bestial de toutes les apocalypses, etc. Bref ainsi qu’on l’aura compris je suis pour le néant la mort la maladie la souffrance……
Par respect pour l’Humanité, afin de gagner du temps, et ne pas lui en faire perdre, je vais faciliter le travail de ceux qui tiennent absolument à être du bon côté de la barrière en combattant (héroïquement bien sûr) afin de sauver le monde de mes griffes (mes idées ou mes penchants, mes tendances).
À ces courageux et implacables détracteurs, dont la profondeur de réflexion digne d’un marquis de Vauvenargues n’a d’égale que l’ampleur de la culture générale, digne d’un Pic de la Mirandole, je dis…
Prenez une feuille de papier, de traitement de texte si vous préférez, mettez-y par ordre d’importance les 20 caractéristiques qui vous semblent les plus graves, les plus odieuses, les plus haïssables, dans l’histoire de l’Humanité, depuis les hommes préhistoriques et Nabuchodonosor, selon vous… ET DITES-VOUS BIEN QUE JE SUIS TOUT LE CONTRAIRE DE VOUS, CAR JE LES AI TOUTES !
On a toujours besoin de boucs émissaires ! Hérétique au Moyen âge, sorcière à Salem au 17siècle, raciste au 20e siècle, lézard extraterrestre au 21e, je suis l’homme que vous aimerez haïr pour vous sentir supérieur.
Je suis au choix et dans l’ordre d’importance que vous voulez : athée, sataniste, stupide, mongolien, raciste, bestial, homosexuel, pervers, communiste, nazi, menteur pathologique, voleur, suffisant, psychopathe, un monstre d’orgueil faussement modeste, et que sais-je encore, à vous de voir.
Voilà, je ne peux pas faire mieux (pour vous aider à sauver le monde).
[À la différence de mes contempteurs qui sont tous des gens bien, c’est-à-dire jeunes ou modernes et dynamiques, courageux, positifs, gentils, intelligents, instruits, ou du moins qui savent ; faisant preuve de beaucoup de recul dans leur méditation en profondeur sur les tendances lourdes de l’Histoire ; et sur le plan moral ou éthique : généreux, altruistes, mais pauvres évidemment, car donnant tout aux autres ; en outre profondément respectueux de la volonté de Dieu et de la Constitution…
Moi je suis un vieux réactionnaire ankylosé, conformiste, déconnecté de son temps, parano, schizophrène, incohérent, capricieux, jamais content, méchant, bête, n’ayant fait aucune étude ou du moins ignorant tout sur le sujet en question ; coutumier des jugements à l’emporte-pièce fondés sur des préjugés dénués de toute réflexion ; égoïste et riche ; suppôt de Satan et nazo-bolchevick ou stalino-hitlérien de nature. On disait hitléro-trotskiste quand j’étais jeune. En bref un criminel psychopathe dès le petit-déjeuner… ce qui me permet donc de penser ce que je veux, mes critiques aussi d’ailleurs, et d’essayer de le faire savoir à la cantonade].
Signé : le coordonnateur des travaux, Pierre de la Crau dit Hésunertus, chercheur en druidisme. Un homme à qui rien de ce qui est humain ne fut étranger. Chômeur, facteur, divorcé, sans domicile fixe, vagabond, contribuable, justiciable, électeur cocufié ? Un des huit milliards d’êtres humains ayant transité sur ce vaisseau spatial donc. Né sur la planète Terre le 13 janvier 1952.
118
BIBLIOGRAPHIE DES GRANDES LIGNES.
Pour ce qui est de la bibliographie des détails, voir annexe de la dernière leçon, car, comme le dit si bien Henri Lizeray, les traditions, ça doit s’interpréter. C’est là toute la différence qu’il peut y avoir entre ancien druidisme et néo-druidisme.
Le Lebar gabala ou Livre des invasions. Paris 1884 (William O’Dwyer)
Base de l’église druidique. Le druidisme restauré. Henri Lizeray, Paris, 1885.
Les traditions nationales retrouvées. Paris 1892.
Aesus ou la doctrine secrète des druides. Paris 1902.
Ogmios ou Orphée. Paris 1903.
TABLE DES MATIÈRES.
La parabole du druide et du philosophe
Cinquième lettre du druide Arémi (origine des religions)
Troisième lettre du vieux druide de la forêt ardennaise
(archéologie des religions)
Cinquième lettre du vieux très-sachant de la forêt ardennaise
(note sur le totémisme primitif)
Troisième lettre du druide Rémi
Quatrième lettre du très sachant Arémi
(à propos du beau Danube bleu)
Cinquième lettre du druide Jean Martin
(les divers supports de méditation du druidisme antique)
Onzième lettre du vieux très-sachant de la forêt ménapienne
(les arcana ou simulacra)
Neuvième lettre du vieux très-sachant de la forêt d’Ardenne
(la communion panthéiste)
Septième lettre du très-sachant Jean Martin
(vers la fin de toute souffrance)
Quatrième lettre du vieux très-sachant de la forêt ménapienne
(généralités sur le druidisme)
Troisième lettre du très-sachant Arémi
(généralités sur le druidisme)
Deuxième lettre du druide Arémi
(du respect dû aux grands ancêtres)
Quatrième lettre du Primat (métahistoire)
Deuxième lettre du Primat
(les dits du druide primordial Marovesus de Thulé/Falias)
Première lettre du druide Rémi (à propos du grand hésus)
Septième lettre du vieux très-sachant de la forêt ardennaise
(la doctrine des avatars dans le druidisme)
Troisième lettre du très sachant Jean Martin (métapsychique)
Septième lettre du Primat (mise au point sur le préternaturel aujourd’hui).
Douzième lettre du vieux druide de la forêt ardennaise
(note sur l’erdathe individuelle)
Quatrième lettre du druide Rémi (l’épanouissement par le savoir).
Première lettre du très-sachant Arémi
(note sur la voie des très sachants de type amarcolitanos)
Première lettre du très-sachant Jean Martin (la méditation à la Cornunnos)
Page 004
Page 006
Page 015
Page 022
Page 028
Page 030
Page 033
Page 036
Page 037
Page 038
Page 039
Page 041
Page 043
Page 045
Page 047
Page 049
Page 053
Page 055
Page 058
Page 064
Page 067
Page 073
Page 077
Page 080
Page 082
119
Huitième lettre du vieux très sachant de la forêt ardennaise
(sacrifices prières et méditations)
Sixième lettre du druide Jean Martin (note sur l’emploi du mot « château »)
Septième lettre du druide Arémi (les autres noms de la Touta).
Neuvième lette du druide Rémi (du sexe des anges)
Deuxième lettre du druide Rémi (lecture de la Bible)
Huitième lettre du Primat (analyse pélagienne des mythes juifs)
Troisième lettre du Primat (petites différences entre écoles druidiques : panthéisme panenthéisme)
Cinquième lettre du Primat (agnosticisme)
Sixième lettre du vieux druide de la forêt ménapienne
(athéisme et libre pensée)
Sixième lettre du Primat (agnosticisme)
Sixième lettre du très-sachant Arémi
(les grandes lignes de la philosophie druidique)
Deuxième lettre du très-sachant Jean Martin
(le non-dogmatisme du druidisme)
Dixième lettre du vieux très sachant de la forêt ardennaise (méditation sur la relativité des choses)
Huitième lettre du druide Rémi (approche interreligieuse).
Septième lettre du druide Rémi (la pensée gréco-romaine)
Première lettre du Primat (acceptation des différences et acculturation)
Quatrième lettre du très sachant Jean Martin (le néodruidisme).
Postface à la John Toland.
Bibliographie des grandes lignes.
Page 083
Page 085
Page 089
Page 091
Page 092
Page 096
Page 098
Page 100
Page 101
Page 103
Page 105
Page 107
Page 110
Page 111
Page 113
Page 115
Page 118
DU MÊME AUTEUR.
1. Citations des auteurs antiques parlant des Celtes ou des druides.
2. Généralités liminaires diverses sur les Celtes.
3. Histoire du pacte avec les dieux tome 1.
4. La Bible du druidisme : histoire du pacte avec les dieux tome 2.
5. Histoire du pacte avec les dieux tome 3.
6. Histoire de la paix avec les dieux tome 4.
7. Histoire de la paix avec les dieux tome 5.
8. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 1.
9. Textes apocryphes irlandais.
10. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 2.
11. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande Science qui illumine » tome 3.
12. Les cent voies du paganisme. Science et philosophie tome 1 (mythologie druidique).
13. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 2 (mythologie druidique).
14. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 3 (mythologie druidique).
15. Le grand Camminus : éléments de théologie druidique tome 1.
16. Le grand catéchisme : éléments de théologie druidique tome 2.
120
17. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 1.
18. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 2.
19. Mystagogie ou théâtre sacré des Celtes antiques.
20. Poèmes celtes.
21. Le génie du paganisme celte tome 1.
22. Le complexe de Roland.
23. Au pied de la lanterne des morts.
24. Les secrets du vieux druide de la forêt ménapienne.
25. Le génie du paganisme celte tome 2 (liberté réciprocité simplicité).
26. Rhétorique : la trahison des clercs).
27. Petit dictionnaire de théologie druidique tome 1.
28. Des philosophes antiques au druide irlandais.
29. Judaïsme christianisme et islam : première partie.
30. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 1.
31. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome2.
32. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 3.
33. Troisième partie tome 1 : Qu’est-ce que l’Islam ? Bref historique de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
34. Troisième partie tome 2 : Qu’est-ce que l’Islam ? Premières approches de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
35. Troisième partie tome 3 : Qu’est-ce que l’Islam ? Les 5 vrais piliers de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
36. Troisième partie tome 4 : Qu’est-ce que l’Islam ? Coups de sonde dans l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
37. Couiro anmenion ou Petit dictionnaire de théologie druidique tome 2.
121