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AU PIED DE LA LANTERNE DES MORTS.
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ODE AUX TRÈS-SACHANTS.
La moitié du malheur de l’Humanité vient du fait que, il y a plusieurs milliers d’années, quelque part au Moyen-Orient, des peuples de par leur langue ont conçu la spiritualité ou la mystique…
— Non comme une quête de sens, d’espoir ou de libération avec les concepts qui s’y rattachent (distinction opposition ou différence entre matière et esprit, éthique, discipline personnelle, philanthropie, vie après la vie, méditation, quête du Graal, pratiques…).
— Mais comme une loi (DIN) gigantesque et protéiforme devant régir la vie quotidienne des hommes avec tout ce que cela implique. Des obligations ou des interdits que tout un chacun doit respecter jour et nuit. Des infractions ou des contraventions à cette multitude d’interdits quand ils ne sont pas suivis à la lettre. Des jugements quand une ou plusieurs de ces lois sont violées. Des condamnations. Pour les coupables. Des non-lieux ou des relaxes pour les innocents APPELÉS JUSTES…CETTE CONFUSION ENTRE LE NUMINEUX ET LE RELIGIEUX PUIS ENTRE LE SACRE ET LE PROFANE NOUS POURRIT LA VIE DEPUIS 4000 ANS VIA ISRAËL ET SURTOUT LES NOUVEAUX ISRAËL QUE VEULENT ÊTRE LE CHRISTIANISME ET L’ISLAM.
Le principe de base de notre Ollotouta nous a été donné, il y a longtemps déjà, par notre maître
à tous en ce domaine ; le grand barde gaélique fondateur de la Libre-pensée moderne, que l’on évoque habituellement sous le nom anglicisé de John Toland. Il ne peut pas y avoir par définition de choses contraires à la Raison dans de Saintes Écritures émanant vraiment du Divin.
S’il y en a, il s’agit alors, soit d’erreurs, soit de mensonges !
Ou il n’y a aucun mystère, ou alors il ne s’agit en aucune façon d’une révélation divine !
Il n’y a aucun moyen terme…
Nous ne reconnaissons pas d’autre orthodoxie que celle de la Vérité, car, où qu’elle soit en ce monde, doit également se tenir, nous en sommes totalement convaincus, l’Église de Dieu, et pas celle de telle ou telle faction humaine… Nous sommes par conséquent partisans de ne faire aucun quartier à l’erreur sous quelque prétexte que ce soit, chaque fois que nous aurons la possibilité ou l’occasion de l’exposer sous ses vraies couleurs.
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1696. Le christianisme sans mystère.
1702. Vindicius Liberus. Réponse de John Toland aux détracteurs de son « christianisme sans mystère ».
1704. Lettres à Serena contenant l’origine de l’idolâtrie et les raisons du paganisme, l’histoire de la doctrine de l’immortalité de l’âme chez les païens, etc. (Version baron d’Holbach, un philosophe allemand).
1705. Le vrai socinianisme * en tant qu’exemple de débat courtois en matière de théologie *.
Précédé de l’Indifférence dans les disputes, recommandée par un panthéiste à un ami orthodoxe.
1709. Adeisidaemon ou l’homme sans superstition. Les origines juives.
1712. Lettre contre le papisme, et en particulier contre le fait d’admettre l’autorité des Pères ou des Conciles dans les controverses religieuses, par Sophie Charlotte de Prusse.
1714. Défense des juifs, victimes des préjugés antisémites, et plaidoyer pour leur naturalisation.
1718. Le destin de Rome, des papes, et la fameuse prophétie de saint Malachie, archevêque d’Armagh au treizième siècle.
Nazarenus ou le christianisme juif, goy, et mahométan (version d’Holbach), contenant :
I.L’histoire de l’ancien évangile de Barnabé, ainsi que le moderne évangile apocryphe des mahométans, attribué à ce même apôtre.
II. Le projet original du christianisme expliqué par l’histoire des nazaréens, résolvant du même coup diverses polémiques à propos de cette divine (mais si hautement pervertie) institution.
III. L’analyse d’un manuscrit des quatre Évangiles irlandais avec un résumé de l’ancien christianisme d’Irlande et de ce que fut la réalité des culdées (un ordre mi-laïc, mi-religieux opposé aux deux derniers évêques de Worcester).
1720. Pantheisticon, sive formula celebrandae sodalitatis socraticae.
Tetradymus.
I. Hodegus. La colonne de feu et de nuée qui a guidé les israélites dans le désert n’était pas un miracle, mais, comme le relate précisément l’Exode, une pratique également connue des autres nations ; et dans ces contrées non seulement utile, mais même nécessaire.
Il. Clidophorus.
III. Hypatie ou l’histoire de la plus belle, de la plus vertueuse, de la plus instruite, de la plus accomplie des femmes ; qui fut lapidée par le clergé d’Alexandrie, afin de satisfaire l’orgueil, l’ambition, voire la cruauté, de l’archevêque Cyrille, communément, mais très improprement, appelé saint Cyrille.
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1726. Histoire critique de la religion celte, contenant un aperçu sur les druides, ou les prêtres et les juges, sur les vates, ou les devins et médecins, et enfin sur les bardes, ou les poètes ; des anciens Bretons, Irlandais ou Écossais. Avec en plus l’histoire d’Abaris l’Hyperboréen, prêtre du soleil.
Un spécimen de la langue armoricaine (dictionnaire breton, irlandais, latin).
1726. Compte-rendu du livre de Giordano Bruno, sur l’infini de l’univers et la pluralité des mondes, traduit de l’édition italienne.
1751. Le Panthéisticon ou le mode de célébration de la société socratique. S. Paterson Londres. Traduction du livre publié en 1720.
« Le Druidisme » est une revue indépendante (indépendante de toute association religieuse ou politique) et qui n’a qu’un seul but : la recherche théorique ou fondamentale en matière de néopaganisme. La double question à laquelle essaie de répondre cette revue d’études théoriques pourrait se résumer ainsi :
« Que pourrait être ou que devrait être, un néo-druidisme actuel, moderne et contemporain ? »
Le « Druidisme » est une revue néopaïenne, strictement néopaïenne, héritière de tous les mouvements authentiques (c’est-à-dire non chrétiens) qui se sont succédé depuis deux mille ans, l’héritière indirecte, mais l’héritière, quand même !
À propos de notre tradition de référence ou de notre filiation intellectuelle soulignons que si les « poètes » du royaume de Domnall mac Muirchertach Ua Néill avaient toujours les imbas forosnai, les teimn laegda ainsi que les dichetal do chennaib 1) à leur répertoire (cf. la conclusion de l’histoire du pillage du château de Maelmilscothach, d’Urard Mac Coisé, un poète mort au XIe siècle), ils étaient peut-être déjà chrétiens quand même depuis plusieurs générations. Il est vrai que ces pratiques (imbas forosnai, teimn…) étaient formellement interdites par l’Église, mais qui sait, il y a eu peut-être des accommodements analogues à ceux des astrologues ou alchimistes du Moyen-âge.
Quoi qu’il en soit notre « Druidisme » est aussi une volonté, la volonté de se rapprocher, au maximum, du druidisme antique, tel qu’il fut (scientifiquement parlant). La volonté aussi néanmoins de moderniser ce druidisme, un retour total au druidisme antique étant exclu (il serait de toute façon impossible).
Exemples de modernisation de ce druidisme païen.
— Abandon aux associations laïques du côté culturel (médecine, poésie, mathématique, etc.). Principe de séparation de l’Église et de l’État.
— Spécialisation par contre dans la spiritualité celtique, ou païenne en général, l’histoire de la religion, la philosophie et la métapsychique (dite aujourd’hui parapsychologie).
— Utilisation dans certains cas du vocabulaire actuel (Église, religion, baptême, et ainsi de suite).
Un juste milieu est évidemment à trouver entre un retour total au druidisme antique (fondamentalisme ou intégrisme) et une modernisation radicale trop révolutionnaire (plus de saie).
L’AAP (athée agnostique panthéiste) celte ayant accepté d’être l’avocat du paganisme celtique antique et de cosigner cette petite bibliothèque **, dont il n’est que le rassembleur, le druide Hesunertus (Pierre de La Crau), ne se considère pas comme l’auteur de cet ouvrage collectif. Mais comme le simple porte-parole de l’équipe l’ayant composé. Pour ce qui est des autres sources de cet essai sur le druidisme, voir les remerciements de la bibliographie.
* Les sociniens, puisque c’est ainsi qu’ils furent appelés par la suite, désiraient plus que tout restaurer le vrai christianisme qu’enseigne la Bible. Ils considéraient que la Réforme n’avait fait disparaître qu’une partie de la corruption et du formalisme, présents dans les Églises, tout en laissant subsister le mauvais fond : les enseignements non bibliques (ce qui est très discutable d’ailleurs).
** Ce petit camminus est néanmoins important aussi pour les jeunes… de 7 à 77 ans ! Mantalon siron esi.
1) Do ratath tra do Mael Milscothach iartain cech ni dobrethaigsid suide sin etir ecnaide 7 fileda 7 brithemna la taeb ogaisic a crech 7 is amlaidsin ro ordaigset do tabairt a cach ollamain ina einech 7 ina sa[ru]gad acht cotissad de imus forosnad [di]chetal do chollaib cend 7 tenm laida .i. comenclainn fri rig Temrach do acht co ti de intreide sin FINIT.
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TRAITÉ SUR LES 21* RITUELS DU PACTE AVEC LES DIEU-OU-DÉMONS.
(De la nouvelle paix avec les dieu-ou-démons.)
* Le décompte varie suivant les auteurs.
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LES MYSTÈRES DE STONEHENGE.
Les Grecs ont eu les mystères d’Éleusis ou de Samothrace, mais nous nous avions les mystères de Stonehenge consacrés à Abellio (Apollon en interpretatio graeca) si l’on en croit Diodore de Sicile qui en l’occurrence se réfère à d’autres auteurs encore plus anciens que lui.
« Hécatée ainsi que quelques autres auteurs racontent qu’il y a au-delà de la Celtique, dans l’Océan, une île qui n’est pas moins grande que la Sicile. Cette île, située au nord, disent-ils, est habitée par les Hyperboréens, ainsi nommés parce qu’ils vivent au-delà du point d’où souffle le vent du nord (Borée). Le sol de cette île est excellent, et si remarquable par sa fertilité qu’il produit deux récoltes par an. C’est là, selon le même récit, le lieu de naissance de Latone, ce qui explique pourquoi les insulaires vénèrent particulièrement Apollon. Ils sont tous, pour ainsi dire, les prêtres de ce dieu. Chaque jour, ils chantent des hymnes en son honneur. On voit aussi dans cette île une vaste enceinte consacrée à Apollon, ainsi qu’un magnifique temple de forme ronde et orné de nombreuses offrandes ; la ville de ces insulaires est également dédiée à Apollon. La plupart de ses habitants jouent de la cithare et la font résonner en continu dans le temple pour y chanter des hymnes de louanges en l’honneur de ce dieu et glorifier ses actions » (Diodore de Sicile Histoire universelle livre II: 47).
Il y a dans ce témoignage beaucoup de mythologie et bien peu d’histoire. Il ne peut pas s’agir de cithares, mais de rotes (crwth en gallois), Apollon n’est pas un dieu celte, Latone y est inconnue au bataillon, etc. ce qui rend donc la reconstitution de ces mystères celtes de Stonehenge très difficile, mais lançons-nous néanmoins dans cette aventure intellectuelle CAR IL N’EST DE VOYAGE QU’INTÉRIEUR.
Tout en précisant bien que ce monument est antérieur aux Celtes et donc aux druides, qui n’ont fait qu’en réutiliser le décor de pierre pour leur théâtre sacré à eux. Il a été construit en effet au néolithique ou au début de l’âge de bronze c’est-à-dire de -2800 à – 1100 alors que les premiers Celtes sont arrivés dans la région vers – 700.
QUELQUES GÉNÉRALITÉS POUR COMMENCER.
Toutes les fois que l’Homme cherche à traduire sa pensée, soit par des gestes, soit par des mots, soit par des formes plastiques, il faut que le signe qu’il emploie soit la représentation aussi exacte que possible de la chose signifiée.
Au début de toutes les langues, on trouve l’harmonie imitative ; dans les religions, les cérémonies extérieures sont toujours l’expression sensible des croyances populaires, et comme il faut un mot pour rendre, chaque idée, à chaque symbole religieux correspond une forme particulière de culte. Plus un peuple a d’idées, plus sa langue est riche ; le polythéisme étant la synthèse la plus large de toutes les idées religieuses possibles, sa langue sacrée doit donc être la plus riche et la plus variée ; chacune de ses conceptions a une expression propre, une cérémonie particulière qui en est le signe extérieur. La vie nous est prêtée, mais en deçà comme au-delà règne la nuit impénétrable ; les passages sont gardés ; la naissance et la mort sont le secret des dieu-ou-démons. Il y a quelque chose de sacré dans les contradictions qui entourent de ces deux portes de la vie.
Si la mort est enveloppée d’une crainte mystérieuse, l’acte non moins mystérieux de la génération se couvre chez tous les peuples des voiles instinctifs de la pudeur. Pourquoi ces rougeurs involontaires s’il y a là une loi divine ? Elle est la base de la famille, la chaîne sainte de la communion des êtres ; et l’on n’ose pas en parler ? C’est que la pudeur est la couronne des fées ou des chastes déesse-ou-démones, si l’on préfère cette, l’auréole de la vierge mère ; il faut laisser à chaque dieu-ou-démon son empire : la lumière souillerait ce qui appartient à la nuit.
Les Grecs désignaient sous le nom de mystères, du mot muein ; fermer la bouche, rester muet ; certaines cérémonies religieuses qui s’accomplissaient la nuit, et en silence. Mais un mystère n’était pas, pour eux un dogme incompréhensible et imposé par l’autorité, ou accepté par une foi aveugle, comme dans le christianisme ; cette idée resta toujours étrangère au polythéisme ; c’était seulement un secret que l’on ne devait pas révéler.
On peut expliquer le caractère secret de ces mystères par des raisons théologiques qui tiennent aux rapports intimes du dogme et du culte dans l’Antiquité grecque.
En tout cas dans le monde celte, les dieu-ou-démons aériens sont invoqués à ciel ouvert ; leur culte est public parce que leur action est visible au grand jour, leurs sanctuaires ne sont pas couverts et on ne les prend jamais à témoin dans un endroit fermé. Le dieu-ou-démon de la lumière et de l’harmonie,
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le dieu-ou-démon prophète, n’a aucun mystère ; son temple est toujours ouvert, et chacun peut l’interroger. Le dieu-ou-démon des transactions et des échanges, le dieu-ou-démon commun à tous, Lug, n’a pas de temple ; mais sa statue est partout (César, B. G. VI, 19,1 : Lug a les représentations – simulacra ou arcana – les plus nombreuses) et son culte est mêlé à celui de tous les autres dieu-ou-démons. Le dompteur des monstres, le héros divin qui a conquis le ciel par son courage, est honoré par les luttes viriles et les jeux sacrés. Il en va de même pour Taran/Toran/Tuirann.
Mais les déesse-ou-démones, ou les fées si l’on préfère ce terme, souterraines, dont l’action est cachée, ne peuvent être invoquées que dans un endroit fermé ou retiré (une île par exemple, comme dans le cas de Nerthus). Elles font germer les plantes et les font rentrer sous terre, elles détiennent les clés de la vie et de la mort. Et comme elles gardent leur secret dans un silence éternel, les cérémonies symboliques qui représentent leur action mystérieuse doivent s’envelopper, elles aussi, d’ombre et de silence.
Les comrunos (initiés) ne formaient pas une aristocratie intellectuelle ; rien, absolument rien, ne justifie l’opinion qui les représente comme une classe d’intellectuels lettrés, méprisant les croyances du peuple. S’il y a eu des très-sachants philosophes comme l’Éduen Divitiacus qui ont méconnu la profondeur et la haute portée morale de la religion de leurs ancêtres ; cela tenait à la tournure particulière de leur esprit, à leurs tendances théocratiques et monarchiques ; et nullement à l’enseignement des mystères celtes eux-mêmes. Non seulement cet enseignement n’était pas en opposition avec le reste de la mythologie, mais il était lui-même souvent symbolique. Chacun le comprenait à sa manière. Dans les histoires de dieu-ou-démons morts et ressuscités qui faisaient le fond de tous les cultes mystiques, les Grecs comme Évhémère croyaient voir une preuve que ce n’étaient que des mortels divinisés ; pour d’autres, comme Cicéron, ces symboles empruntés à la vie de la nature semblaient plutôt éclairer la nature des choses que celle des dieu-ou-démons ; mais la plupart étaient surtout frappés, comme Plutarque, par les allusions à la vie morale de l’âme/esprit.
L’opinion d’Aristote, rapporte Synésios, est que « les initiés n’apprennent rien, mais qu’ils reçoivent des impressions, qu’ils sont mis dans une certaine disposition à laquelle ils ont été préparés ».
Telle est, en effet, la nature de l’enseignement religieux initial ; il ne s’adresse pas vraiment à la raison comme l’enseignement philosophique des très sachants ayant succédé aux druides primordiaux, mais à toutes les facultés de l’Homme à la fois ; il agit par les sens sur l’imagination, le cœur et l’intelligence. Les grands mystères de la nature, la lumière, le mouvement, la vie, ne se prouvent pas : ils s’affirment. Le mouvement se prouve d’ailleurs en marchant. De même, les symboles, qui sont l’expression humaine des lois divines, ne se démontrent pas, ils s’exposent ; et la conviction descend d’elle-même dans les âme/esprits préparées à la recevoir. Ce caractère se retrouve même dans les religions de masse modernes. Quelques usages qui se conservent dans l’Église grecque, par exemple celui de fermer les portes pendant le saint sacrifice, rappellent le caractère secret des mystères de l’Antiquité dans la religion chrétienne.
Les rituels sont des signes sensibles (paroles, actions, et ainsi de suite) accessibles à notre Humanité actuelle, mais mystagogues. Tout rituel est aussi mystagogie, partant du visible pour aller à l’invisible, du signifiant au signifié.C’est pourquoi les rituels sont aussi le lieu privilégié de l’enseignement druidique, destiné à la formation des individus. Ils nous donnent un avant-goût de la communion plénière avec les dieu-ou-démons qui nous attend. Les rituels nous introduisent dans l’intimité de la vie des dieux-ou-démons et deviennent ainsi un don de souveraineté divinisante par excellence. Mis en synergie avec notre volonté d’être – celte – ces éléments deviennent porteurs d’éveil et de salut. Mais les rituels ne sont pas qu’un hommage rendu aux dieu-ou-démons. Le rituel est aussi un signe de la communion des dieu-ou-démons et des hommes. Lors des fêtes obligatoires ou oenach comme Samon (ios) ou Lugnasade, le culte public s’avère total c’est à dire pratiqué par la totalité justement, du corps mystique géant qu’est l’Ollotouta.
C’est notamment le cas des grands feux rituels qui doivent tous être allumés au même moment.
En Irlande c’était le feu du roi siégeant à Tara qui donnait le signal, un passage de la Vie tripartite de Saint Patrice le prouve sans équivoque qui nous montre l’apôtre de l’Irlande allumant lui-même un feu le premier à Pâques sur la colline de Slane pour défier les druides du roi Loegaire sa bête noire.
L’histoire est consignée dans la vie de Saint-Patrick par Muirchu.
C’est le 26 mars 433 dimanche de Pâques que cette tumultueuse assemblée mouvementée devait se tenir à Tara, et le décret avait été promulgué pour que la veille de ce jour-là on éteigne tous les foyers d’Irlande jusqu’à ce que le feu devant donner le signal soit allumé devant la demeure royale.Les chefs
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et les Bréhons étaient venus en grand nombre et les druides également… Saint Patrice était arrivé sur la colline de Slane, à l’extrémité opposée de la vallée de Tara, la veille de Pâques, jour de la fête de l’Annonciation cette année-là, et au sommet de la colline alluma le feu pascal. Les druides protestèrent immédiatement… mû par une puissance démoniaque l’Archidruide Lochru, comme Simon Magus jadis, s’éleva dans les airs, mais après que Patrice se fut agenouillé pour prier, le druide retomba et s’écrasa en mille morceaux sur un rocher (Encyclopédie catholique, volume 11, année 1913 page 555).
Le vieux druide de la forêt ménapienne que je suis se permettra de douter fortement de la réalité des faits décrits à la fin de l’épisode en question, il n’en demeure pas moins qu’à l’époque en Irlande tout le monde comme un seul homme allumait son feu rituel au signal donné par celui du roi sur la colline de Tara.
Certains rituels peuvent évidemment être réitérés (les fêtes, le consolamentum si le malade guérit, les rituels d’atenoux et de divertomu, etc.) ; mais d’autres n’ont pas en principe à être donnés deux fois au bénéfice de la même personne, puisque leurs effets sont théoriquement permanents et demeurent, quoi qu’il arrive. Ils ont un caractère indélébile (retour au paganisme ou conversion, confirmation de foi druidique, ordination comme très-sachant, vate, vellède ou gutuatre/gutumatre, funérailles, etc.). Mais les rituels ne sont pas qu’un sceau spirituel. Le don de souveraineté qui en résulte est indispensable à l’agir celte, indispensable à la druidiactio.
Ce ne sont jamais des actions privées, mais des actions qui engagent aussi la communauté tout entière finalement, et c’est pourquoi ils sont, en règle générale, dus à chacun. Ils concernent et atteignent de façon diverse chacun des membres de la communauté, suivant la diversité des situations. C’est pourquoi aussi, chaque fois que les rituels comportent une célébration commune, avec fréquentation et participation des dagolitoi ou fidèles (exemple les fêtes comme celle des trinouxtion samoni…) ; celle-ci, dans la mesure du possible, doit l’emporter sur leur célébration individuelle ou presque.
Les rituels ont pour but de permettre à chacun « de recharger ses batteries ». Par les paroles et par les choses, ils nourrissent et fortifient la « volonté d’être » (Celte). La volonté d’être – celte – a en effet besoin de ces paroles pour naître et pour se nourrir.
Mais une bonne connaissance de la civilisation celtique peut aussi aider à mieux comprendre. Les rituels sont donc aussi un enseignement. Le dépôt mythologique ANTIQUE a une grande importance, c’est de lui que sont tirés ou inspirés une grande partie de nos textes sacrés. Les rituels du druidisme médiéval ont également gardé en les faisant leurs, des éléments du culte de l’ancien druidisme, la mémoire de ses événements historiques, la méditation de sa littérature mythologique orale.
« On dit qu’ils apprennent là un grand nombre de vers par cœur ; en conséquence de quoi certains y suivent leurs cours pendant vingt ans. Ils répugnent à les mettre par écrit, bien que pour ce qui est de toutes les autres matières, dans leurs transactions publiques et privées, ils se servent à cet effet des caractères de l’alphabet grec. Cette pratique me semble avoir été adoptée par eux pour deux raisons : la première…, et parce que, en ce qui concerne ceux qui étudient chez eux, moins faire travailler la mémoire en recourant à l’écriture fait qu’il arrive généralement à la plupart, devenus dépendants de l’écrit, qu’ils relâchent leurs efforts pour apprendre et mémoriser » (César BG Livre VI, 14).
La méditation ou la récitation de la parole divine (labarum, voix verbe ou message du Destin symbolisé par la croix dite de saint André en Écosse ou de saint Patrice en Irlande) est indispensable dans une religion de l’oral comme la nôtre ; où l’esprit qui vivifie (le Grand Esprit) l’emporte sur la lettre qui tue, l’emporte sur la lettre morte.
Et puisque c’est dans les rituels que se manifeste pleinement la vocation de l’Ollotouta druidique ; c’est dans la présidence de ces rituels que le rôle du très-sachant apparaît en pleine lumière, en communion avec lui celui des vates, des vellèdes et des gutuatres ou gutumatres.
Puisqu’en fin de compte ce sont les dieu-ou-démons qui agissent et opèrent à travers les druides (dixit Muirchu), leur imperfection personnelle ne les empêche pas d’agir. Les rituels ne dépendent pas des dons ou de la puissance du très-sachant qui officie, mais agissent ipso facto (ex opere operato disent les chrétiens, par le fait même que l’action est accomplie) ; grâce à la puissance des dieu-ou-démons, qui déifie en quelque sorte les fidèles en en faisant leurs enfants adoptifs. Mais si la fécondité
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spirituelle de ces rituels ne dépend pas de leur petite personne, elle dépend néanmoins des dispositions intérieures de ceux qui en bénéficient (de leur foi). C’est pourquoi aucun rituel ne peut être modifié ou manipulé au gré des humeurs de chacun ni même de la majorité des membres de la touta. Même le Primat ne peut les modifier (sans raison grave). Dans les rituels, il existe une partie quasiment immuable, parce que d’origine divine ou remontant à la mythologie celtique la plus pure ; et des parties susceptibles de changement que les très-sachants ont le droit, voire même le devoir, d’adapter aux cultures des peuples agrégés à la super-tribu celtique par assimilation. Le druidisme n’est pas sectaire, n’est pas chauvin. Il peut et doit intégrer dans ses rituels les richesses des autres cultures, à partir du moment où elles sont débarrassées de leurs scories. Notre druidiactio considère donc comme égales en droit et en dignité les variantes d’un rituel, si elles sont conformes aux grandes lignes du druidisme. La célébration des rituels doit correspondre au génie et à la culture des différents continents.
Il y a eu des Celtes en Asie (dans la région d’Ankara plus précisément) et leur langue demeura la même que celle de la région de Trèves en Allemagne jusqu’au Ve siècle. Strabon (Géographie, XII, 5), évoque leur mode de gouvernement très particulier avec les tétrarchies.
Citation d’un de leurs derniers rois : « Ma gloire m’est plus chère que ma fortune » (Dejotarus). Diophane de Nicée qui était un auteur grec du 1er siècle, natif de Bithynie, lui a dédié son traité sur l’Agriculture.
Leur nom est resté présent à Istamboul avec le quartier de Galata et son fameux Galatasaray. Mais n’oublions pas non plus le peuple mixte des Bébrykes en Bythinie. Le roi mythique des Bébrykes, Amykos, est un coupeur de têtes, pratique bien attestée chez les Celtes. Entre les territoires des Bébrykes et celui des Dolions, se trouve un mont appelé Arganthonios. Un nom typiquement celte. Mais il faut rappeler que tout cela est très ancien. Les Bébrykes ne sont pas attestés historiquement (ils n’apparaissent qu’au travers de mythes). Par contre ces peuples avaient des personnages appelés dikastes qui ne peuvent être que des druides affublés d’un nom grec (signifiant « juges » ce qui convient très bien à des druides antiques.
L’exemple et le destin même des Gallogrecs nous montrent donc que le druidisme doit être vécu et célébré dans toutes les langues, dans toutes les cultures, de sorte que celles-ci ne soient pas seulement absorbées, mais également en quelque sorte mis en synergie avec lui. Car en ce domaine la diversité ne doit pas nuire à l’unité ou à la fidélité aux grandes lignes du druidisme, synergie ne voulant pas dire « disparition » pure et simple.
L’Homme étant un être à la fois corporel et spirituel, exprime et perçoit les réalités spirituelles à travers des signes et des symboles matériels. En tant qu’être social il a besoin de signes et de symboles pour communiquer avec autrui, par le langage, par des gestes, par des actions. Dans la vie humaine, signes et symboles occupent donc une place importante.
Un rituel est par conséquent toujours tissé de signes et de symboles, en fonction de la pédagogie divine, en l’occurrence une mystagogie, qui est la sienne. Les grandes religions de l’Humanité témoignent d’ailleurs toujours de ce sens cosmique et symbolique des rites religieux. La liturgie de l’Ollotouta druidique présuppose donc et intègre des éléments de la nature qui nous entoure ou de la culture humaine.
L’Être supérieur parle à l’Homme à travers ses émanations. Ce que les hindous appellent vyouha et les musulmans du chirk. Lumière, nuit, vent, feu, eau et terre, arbres et fruits, nous parlent du divin tout en symbolisant à la fois sa transcendance et son immanence. Idem pour les signes et les symboles de la vie des hommes : manger, boire, rendre la justice, enseigner, peuvent devenir autant de symboles mystagogues. Ceux de la civilisation de nos ancêtres sont restés célèbres à cet égard. La parole est donc un élément important du culte druidique. Le message libérateur et salvateur du paganisme philosophique et réfléchi de notre druidiactio doit être mis en valeur ; et tout très-sachant doit donc faire très soigneusement attention au lieu de sa réitération (si possible un haut lieu celtique) au fait que sa lecture doit être audible et intelligible, et ainsi de suite.
Chant et musique remplissent leur fonction mystagogue d’une manière d’autant plus significative qu’ils sont en liaison étroite avec l’action. Ils participent eux aussi à la finalité des paroles et des gestes du rituel. L’harmonie des signes (chant, musique, paroles et actions) est d’autant plus expressive et féconde qu’elle s’exprime dans la richesse culturelle propre à chacune des régions ou touta en question ; et c’est pourquoi le druidisme l’encourage (afin que l’âme du peuple puisse se faire entendre, tout en restant conforme aux grandes lignes de notre volonté d’être « celte »).
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La beauté ainsi que la couleur des œuvres d’art peuvent avoir, elles aussi, un effet mystagogique. Les images et les simulacra ou arcana sacrés, sont eux aussi admis, à partir du moment où ils ne représentent pas l’Être supérieur invisible et incompréhensible, mais les dieu-ou-démons incarnés par avatar, ou les grands héros à vénérer. Ces œuvres d’art peuvent être placées dans les sanctuaires ou peuvent figurer sur les objets ainsi que les vêtements sacrés, dans les foyers druidisants ou au bord des routes, voire aux carrefours (les Biviae, Triviae ou Quadriviae… des Britto – ou Gallo-romains).
La beauté comme la couleur de ces œuvres d’art en effet, stimulent toujours la prière. La contemplation de ces simulacra ou arcana (de ces images ou de ces statues) jointe à la méditation de la parole des dieu-ou-démons et au chant sacré fait partie de la mystagogie druidique ; afin que le mystère célébré s’imprime dans les mémoires et puisse s’exprimer ensuite dans la vie des dagolitoi ou fidèles.
Certains païens comprenant toujours le dimanche comme « jour du soleil » (Sun-day, Son-tag…) le néo-druidisme accepte, notre société d’aujourd’hui étant fondée sur un calendrier solaire ; que certains rituels soient célébrés le dimanche le plus proche de la date exacte de la fête en question (en calendrier celtique luni-solaire comme celui de Coligny).
La réunion ou oenach en un même endroit pour célébrer ces rituels ou ces fêtes peut par conséquent avoir lieu le jour de la semaine que l’on dit encore être le jour du soleil dans certains pays (le dimanche). Et le matin à l’aube par conséquent, au lieu de la soirée.
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FONDATION DU DOMAINE DE TARA.
La tradition veut, et Trefuilngid Tre-Eochair nous l’a rappelé, au temps jadis, que le druidisme ait 27 rituels institués par les dieu-ou-démons eux-mêmes, Lugnasade par exemple, ou tirés de la mythologie celtique (le rituel de conversion, inconnu des Celtes à l’origine évidemment, etc.). 27 cérémonies appelées veniales, totales (ollototales) ou druidiactions.
Les neuf cérémonies véniales sont : la deuxième cérémonie du nom (anmenacton, conversion ou retour au paganisme et confirmation de foi druidique), l’adoubement, le mariage ou les fiançailles, le consolamentum, les funérailles, l’hommage aux ancêtres et enfin la levée de ne litom.
Les cinq druidiactions sont les rituels suivants. L’initiation, l’entrée dans l’ordre mineur (ordination comme vate, vellède ou gutuatre/gutumatre), les différentes remises de palmes ou de distinctions correspondant à un grade dans l’ordre mineur, l’entrée dans l’ordre majeur (ordination comme très-sachant ou comme prêtresse), l’intronisation ; auxquelles certains rajoutent les deux serments ainsi que divers autres rituels.
Au sens strict, le terme d’initiation désigne traditionnellement l’ensemble de la démarche d’introduction dans la sodalité.
Cette entrée doit toujours être progressive, qu’il s’agisse de la compréhension ou de la pratique. Comme le mot initiation est employé à tort et à travers aujourd’hui (la plupart du temps, il s’agit d’une mystification, d’une initiation par correspondance, et ainsi de suite) ; il vaut mieux y être solidement préparé (acquisition d’une solide culture générale, d’une bonne connaissance de la civilisation celtique antique, réflexion sur les autres religions, et ainsi de suite…)
Les neuf cérémonies ollototales ou totales sont les suivantes. Samon (oenach du 1er novembre), Ambolc (1er février), Beltène (1er mai, oenach pour les très-sachants), Lugnasade (oenach du 1er août), la fête d’Épona (solstice d’hiver), les dix nuits de Grannos ou Gourdeziou (les decamnotiaca) et enfin la fête de Taran/Toran/Tuireann (solstice d’été), l’équinoxe de Printemps (ver sacrum), l’équinoxe d’Automne (Bron Trogain ou fête du souvenir) ; auxquelles certains rajoutent les offices celtiques d’atenoux et divertomu.
Ces 27 rituels (les rites majeurs du panceltisme) ont toujours été diversement vécus et pratiqués par les très-sachants tant sur le Continent que dans les Îles ; mais la réflexion sur l’unité d’esprit de ces 27 vrais rituels (l’élude étant au contraire une exécration) n’apparaîtra que progressivement. Elle était inconnue de l’ancien druidisme et n’a commencé qu’avec le néo-druidisme. L’ancien druidisme, tout comme son âme d’ailleurs, était naturellement païen ; il agissait sans réfléchir, mieux peut-être, de façon routinière et sans y penser.
Ces rituels sont des institutions panceltiques (nationales ou transnationales dirions-nous aujourd’hui) d’origine divine pour certains d’entre eux, ainsi que nous l’avons vu, par exemple dans le cas de la Lugnasade, ou à tout le moins remontant à la métahistoire (mythologie) ; alors que les autres, eux, sont plutôt locaux et d’origine strictement humaine.
Ces rituels panceltiques sont distingués des simples rites mineurs ou particuliers que sont les prières ou les fêtes locales, les rituels dédiés à des dieu-ou-démons locaux, les pèlerinages, les pardons (troménies)… Car leur institution remonte aux dieu-ou-démons eux-mêmes ou à la mythologie comme nous venons de le voir, alors que celle des rites en question, les rites mineurs, n’est que le fait de leur peuple. Il s’agit de rituels a minima (bien que traditions reliant quand même les nations aux exploits des dieu-ou-démons).
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LES RITUELS VÉNIAUX OU FAMILIAUX.
La cérémonie du nom (anmenacton pour les enfants, anuanacton pour les adultes).
Devenir druidisant se fait par un cheminement et une initiation continus, ou plus exactement comportant plusieurs étapes. Ce chemin ne saurait être parcouru trop rapidement. À l’époque où tout le monde était celtisant, le « baptême » païen des enfants impliquait donc une formation ULTÉRIEURE. C’était là le rôle des écoles druidiques justement. Aujourd’hui c’est un peu le contraire. La formation postérieure est plus réduite, ce qui compte c’est la préparation préliminaire qui peut être assez longue, car la situation la plus courante désormais c’est la cérémonie du nom célébrée pour un adulte. Cette préparation préliminaire a pour but de permettre auxdits adultes d’officialiser ou de formaliser leur retour au paganisme (conversion).
Les sympathisants doivent être initiés à la pratique du druidisme et introduits par des rituels appropriés, célébrés à des époques successives, dans la vie de la communauté. Dans les deux cas (enfant ou adulte), la foi requise pour la cérémonie du nom n’a pas besoin d’être parfaite. Il suffit qu’elle soit comme un gland de chêne, appelée à croître. D’où l’importance des parrains (fosterers). Il doit s’agir de croyants convaincus, capables et prêts à aider le nouveau, enfant ou adulte, dans son cheminement vers la vérité de son être. D’où l’importance d’ailleurs aussi de la touta tout entière dans ce cas, c’est de ses membres que dépendra la réussite, ou l’échec, de ce mouvement de conversion.
Les enfants morts avant une éventuelle cérémonie du nom vont directement au Vindomagos en raison de leur innocence, et les adultes également s’ils ont suivi la reda, c’est-à-dire l’éthique minimum, préconisée par le cryptodruide Pélage, pour y arriver. Autrement dit 99,9 % de la population.
D’autres croyants en la Terre Pure qui nous attend après la mort comme Shinran (Kyoto 1173-1263) disent même 100%.
Devenus fils adoptifs, en quelque sorte par adoption de type daltachas ou altrom, des dieu-ou-démons de par leur cérémonie du nom [mention barrée dans le manuscrit d’origine : comme l’homme Jésus lors de son baptême dans le Jourdain au gué de Bethabara], les nouveaux druidisants sont tenus…
a) De ne pas cacher leur volonté d’être et de vivre comme tels (pas de païens honteux chez nous, le druidisme a toujours été public, ouvert aux « multi » et pas seulement réservé à quelques « nonnulli »).
b) D’aider la communauté (Ollotouta) du peuple des dieu-ou-démons.
Donnée une fois pour toutes, la cérémonie du nom fait partie des rituels ne pouvant pas être réitérés).
La liturgie de la cérémonie du nom ou anuanacton met en valeur successivement les deux aspects du processus.
Certaines variantes de la cérémonie du nom, notamment le rituel de conversion ou de retour au paganisme, comportent une face que l’on peut dire négative : l’arrachement à la situation dans laquelle naissent les êtres humains par définition, celle de la faiblesse originelle due à notre nature animale, et notamment ceux qui ont baigné dans l’atmosphère totalitaire des religions de masse non fondées sur le principe de la quête individuelle du Graal. La cérémonie du nom dans ce cas, constitue un pas en avant, dans l’affranchissement de cette faiblesse originelle.
En même temps et de façon positive cette fois, le rituel nous fait commencer une vie nouvelle, de paix retrouvée avec les dieu-ou-démons.
La confirmation de foi druidique, elle aussi, autre variante de la cérémonie du nom, contribue à libérer le druidisant de cette faiblesse originelle illustrée par le thème de la maladie des Ulates (Noinden ou Ces Ulad).
Libération de la faiblesse originelle ou acquise et participation ou éveil à la vie des dieu-ou-démons, ne peuvent se comprendre l’un sans l’autre.
C’est parce qu’il lui est donné de participer à la vie des dieu-ou-démons que celui qui a reçu le sacrement de l’anmenacton ou anuanacton, est libéré de ladite faiblesse originelle, qui peut même affecter les meilleurs d’entre nous (Les Ultoniens). Mais pas de toutes ses séquelles ou de toutes ses conséquences néanmoins. La maladie des Ulates a disparu, mais la convalescence commence.
L’homme éveillé à la vie divine par cette cérémonie du nom n’est plus esclave de cette faiblesse symbolisée par la Noinden ou Ces Ulad. Les dieu-ou-démons ne voient pas les hommes comme les
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hommes, car les hommes ne voient que l’apparence, alors que les dieu-ou-démons, eux, voient aussi les cœurs.
C’est pourquoi de telles cérémonies du nom sont en général étayées par un serment. Le nouveau converti notamment est appelé à déclarer qu’il renonce à ses errements et veut tourner le dos à l’absence de beau de bon et de bien qui en découle.
Le rituel du « baptême païen » des petits enfants est évidemment très différent sur ces points, et il prévoit, lui aussi, une renonciation analogue à celle qui figure dans la cérémonie du nom des adultes, mais que prononcent les fosterers ou les parents biologiques. Les parents adoptifs potentiels ont toujours eu en effet une place importante dans la tradition celtique. Leur présence témoigne de l’entrée de l’enfant dans la communauté celtodruidique, plus large évidemment que celle du clan familial. Ils sont invités à se soucier en même temps que les parents, de l’éducation de leur filleul (ou filleule). Ils peuvent même être conduits dans certaines circonstances, à remplacer les parents dans cette tâche. Il est donc préférable que les anmenacta ou anuanacta en tant que baptêmes païens, soient célébrés dans la communauté rassemblée spécialement à l’occasion des grandes fêtes comme celle des trinouxtion Samoni (os), Beltène, et autres.
L’âme des nourrissons morts sans anmenacton retourne directement se fondre dans le grand réservoir psychique universel appelé awenyddio, comme une goutte d’eau dans l’Océan ; mais pour ceux qui survivent, tout devient alors possible.
L’acte de nommer a toujours été d’une importance capitale, ce qui n’a pas de nom n’existe pas. Le nom fait une place dans la communauté.
Le nom peut aussi en grande partie déterminer le destin de son porteur, et, par conséquent, présager son avenir, car il s’accompagne aussi de toute une série de gessa qui vont le guider dans sa vie. Rien à voir néanmoins avec « l’astrologie » actuelle des noms).
Et c’est grâce seulement à ce nom initiatique que le croyant peut commencer à véritablement faire partie du peuple des dieu-ou-démons. Cette nomination est comme un éveil (amarcolitanos) au vrai monde, et avoir un nom initiatique celte est donc indispensable pour entrer en druidisme. Par ce rattachement aux dieu-ou-démons et à leur peuple le nouveau dagolitos participe désormais à la triple fonction de toute société humaine.
« Vous êtes la nation hyperboréenne, la nation sainte, la fonction royale, des guerriers, des créateurs, le peuple qui est des dieu-ou-démons, Aes Dana ! »
Le baptisé du baptême païen devient alors habité par cette souveraineté divine qui fait de lui un autre homme. Cette souveraineté reçue fait que les baptisés du baptême païen cessent d’être des esclaves, des animaux ayant peur, mais deviennent des fils de roi.
Par cette cérémonie le « nommé » sera même fait fils adoptif des dieu-ou-démons. Les anciens très-sachants allaient jusqu’à parler dans ce cas de « divinisation ». Le tout par une sorte d’apothéose, mais anticipée. Survenant non après la mort, mais avec le début de la vie. Et certainement plus démocratique que dans le cas des empereurs romains.
Le « nommé » participe à la fonction sacerdotale quand, par amitié pour les dieu-ou-démons, il leur voue sa personne et son existence. Tout spécialement lors de l’office druidique, par sa participation consciente et active à ce rituel.
Le « nommé » participe à la fonction royale chaque fois qu’il condamne et combat l’injustice, concrètement, par les services rendus à son clan, à ses amis ; chaque fois qu’il contribue à réorienter ce monde dans le sens souhaité par le dieu-ou-démon des très-sachants (De dhruadh. Mu dhe tar gac nde précise même l’Irlandais appelé Mog Ruith).
Le « nommé » participe à la fonction héroïque quand il défend notre cause envers et contre tout.
Le « nommé » participe enfin à la fonction de base des aes dana en accomplissant avec cœur et conscience son travail. Un travail honnête. NB. En matière de dignité ou de droits de l’Homme, le nouveau druidisme assimile les aes trebtha qui sont d’anciens atectoi (les atectai sont des peuples celtisés) aux aes dana.
Il y a plus de véritable noblesse à faire pousser du blé, ou ramener tous les jours du poisson, voire à faire des chaussures, qu’à vivre en parasite de la société (mercantis, spéculateurs, politiciens, dirigeants de multinationale, intellectuels, sportifs professionnels, vedettes du monde du spectacle ou des médias).
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Ce rattachement au peuple des dieu-ou-démons se traduit concrètement par le truchement de communautés locales diverses ou toutas. C’est là qu’un appui doit être cherché pour que le nouveau venu puisse continuer sur la voie royale de l’épanouissement de son être celte.
Ceux qui ont bénéficié de cette cérémonie du nom sont définitivement marqués par l’autre monde, le vrai. Cette marque indélébile, ce sceau, rend les « nommés » aptes à participer à tous les autres rituels.
Quid cependant de ceux qui n’auront jamais pu bénéficier d’un tel rituel ? À cette question les très-sachants primordiaux ont déjà répondu par avance et par définition en quelque sorte.
Ceux qui, sans qu’il y ait faute gravissime de leur part, ignorent tout du druidisme, ignorent tout du vrai druidisme, et sont encore andabata (le contraire d’amarcolitanus) ; mais cherchent pourtant la vérité dans leur cœur, en toute sincérité (puisque les dieu-ou-démons agissent même dans le cœur des incroyants) et se comportent de façon courageuse ou sans rien faire de bas ; ceux-là, eux aussi, entreront dans le royaume des dieu-ou-démons après leur mort.
La cérémonie du nom est en effet un des trésors partagés avec les autres païens, au-delà de leurs multiples erreurs.
Un être humain n’est pas un numéro et tout être humain reçoit donc un nom de ses parents ou un surnom de la part de sa communauté.
Ceux qui croient en les dieu-ou-démons et qui ont un nom initiatique pour les guider, continuent d’être dans une certaine communion d’esprit les uns par rapport aux autres ; même si cette communion est, bien évidemment, très imparfaite par rapport au druidisme.
L’Homme est à l’image des dieu-ou-démons, mais privé de leur aura. Celui qui croit en les dieu-ou-démons devient littéralement fils des dieu-ou-démons, donc petit-fils ou agent du Destin (du Tokad). Cette adoption filiale lui donne la force venue d’en haut. Le christianisme se rend-il bien compte de ce qu’il proclame quand il écrit : désormais donc, participants du christ, vous êtes à ce juste titre appelés « christs » (saint Cyrille de Jérusalem).
Nourris de la parole des dieux, les vrais Celtes deviennent, eux aussi, petit à petit, des dieux, et ils deviennent pour les hommes comme un feu dans la nuit ; car les très-sachants ont été envoyés vers les nations par la Morrigani après la bataille de la Plaine des menhirs ou des tumuli pour annoncer à toutes les tribus la bonne nouvelle du suscetlon.
« L’enfer n’existe pas
Et tout le monde ira au Paradis.
La paix jusqu’au ciel
Le Ciel sur la Terre
La paix sur la terre
Et sous les cieux
Force et prospérité pour tout le monde ! »
Les Celtes sont la nation sacerdotale par excellence (César. B.G. Livre VI, 16-18 : « admodum dedita religionibus »). C’est pourquoi donc il faut croire les Celtes quand ils parlent du Divin, en ce domaine, ils s’y connaissent.
Note sur le rituel de conversion.
Sont incorporés pleinement à l’association qu’est l’Ollotouta ceux qui, ayant l’esprit celte, ou du moins n’étant pas spirituellement sémite, ni spirituellement hamite, ni spirituellement mongol, et ainsi de suite… acceptent de se conformer à la mystique et à l’éthique du peuple éponyme et de s’y assimiler.
L’adoubement (virolaxton).
Tout adolescent ayant été sujet à une cérémonie du nom effectuée durant son enfance peut (et même doit) demander son adoubement.
L’anmenacton proprement dit (la dénomination) ayant pour sujet par définition un enfant ; il est évident qu’il n’a pas encore vraiment à ce moment-là une très claire conscience de ce qu’il fait ou de ce à quoi il s’est engagé.
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L’adoubement est par conséquent la ratification nécessaire de ces promesses du « baptême païen ». Par le rituel de l’adoubement, le lien avec le peuple des dieu-ou-démons est rendu conscient, et du coup se trouve enrichi d’une force spirituelle accrue.
Concrètement les nouveaux membres du peuple des dieu-ou-démons sont ainsi tenus plus strictement désormais, tout à la fois de défendre et de répandre le druidisme ; car le paganisme philosophique et réfléchi est un espoir pour l’Humanité.
Le symbole de cette mission est la remise au jeune de son premier couteau ou de sa première dague (d’un trousseau de clés pour les filles). Geste traditionnel pour faire de quelqu’un soit un guerrier ou un chevalier soit une dame (ou plus exactement une demoiselle). Avec la remise au jeune de ses premières armes, ou à la fille de ses premières clés, il est hautement significatif.
Il s’agit de communiquer le feu sacré perpétuel de Taran/Toran/Tuireann aux jeunes envoyés en mission sur cette Terre, en « ver sacrum ambicatusien ».
L’adoubement les soutient dans les combats de la vie, dans les combats qu’ils auront à mener pour vivre dans l’honneur et la dignité.
Mais pour bénéficier d’un adoubement, on doit y avoir été préparé. Il est notamment nécessaire que l’enfant ait pris conscience de l’engagement de sa cérémonie du nom de naguère, et qu’il soit disposé à l’assumer. Il doit être prêt à donner lui-même l’exemple et si nécessaire mener à bien les missions qui seront son ambicatus ou son ver sacrum personnel à lui, pour le bien de tous.
L’adoubement se rattachant toujours très étroitement à la cérémonie du nom, il est préférable que les parents adoptifs potentiels ou fosterers de l’enfant soient les mêmes ce jour-là. L’adoubement est généralement effectué entre 12 et 18 ans.
C’est habituellement un très-sachant qui s’occupe de ce rituel. Le fait de recevoir le feu sacré (Taran/Toran/Tuireann) des mains mêmes du très-sachant local, met davantage en valeur le lien qui unit les jeunes à la communauté celtodruidique et le fait devenir un des membres désormais de la tribu. L’adoubement transmet aux jeunes l’esprit celte. Ils sont ainsi marqués à jamais d’un nouveau et double caractère : celui d’homme (ou de femme) de leur clan, mais aussi de héraut témoin du vrai monde.
Comme le suggère son contexte initial, l’adoubement fortifie celui qui en bénéficie dans sa volonté d’être (Celte). D’être une femme celte (dirait le français Jean Markale). Il engage à participer à la fonction sacerdotale du celtisme avec une force renouvelée ; à lutter contre nos faiblesses (l’esprit est prompt, mais la chair est faible) même dans les situations difficiles, représentées par le mythe typiquement celtique de la maladie des Ulates (Ces Ulad ou Noinden Ulad).
Rituel très spécifique, l’adoubement ne prend cependant tout son sens qu’en lien avec la cérémonie du nom et l’initiation celtique antique. Par le rituel d’adoubement, le jeune ayant été ainsi distingué reçoit plus que la simple épée de justice de Noadatus/Nuada/Nodons, il reçoit également les armes de l’esprit de Taran/Toran/Tuireann ; et devient à son tour un héraut du clan des enfants de la grande déesse-ou-démone, prêt pour le « ver sacrum ambicatusien » de sa vie. La force venue d’en haut (la sunartion) très différente de la nertis brute des guerriers ou des militaires, est la qualité du mental ou de l’âme/esprit assurant à chacun la constance dans la poursuite du beau du bon et du bien. Cette sunartion venue d’en haut, rend capable de vaincre, même la peur de la mort, et d’affronter l’épreuve ou les persécutions.
« Les peuples qui regardent la Grande Ourse sont heureux, car […] la crainte de la mort, la plus grande des craintes, ne les émeut pas. De là chez les guerriers un cœur prompt à se jeter sur le fer. Il est honteux de ménager une vie qui doit revenir » (Lucain, De Bello Civili, I, 454-462).
Comme la cérémonie du nom dont il constitue l’achèvement, l’adoubement est, lui aussi, donné une seule fois.
Les fiançailles, les mariages et les alliances.
Il n’y a pas d’androgyne primordial dans la tradition celtique, seulement des hommes et des femmes. Les couples qui le désirent se forment à Ambolc et l’annoncent au clan (à la Touta). À la fin du délai prévu, ils prennent alors, ou pas, la décision de se marier. Lorsque deux celtisants se marient, leur union est comme un serment.
Le mythe du mariage sacré (donc de l’hiérogamie) de l’Hercule celte et de Keltinè, traduit de façon imagée, le principe sous-jacent du plan divin en la matière : l’attirance et la coïncidence des contraires comme source de vie et d’énergie. Ce que l’on appelle un binôme dans le monde politique français où
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l’on a bien raison de souligner cette importance de la complémentarité des sexes ! Qui n’exclut nullement l’égalité des droits civiques et l’égalité en dignité.
Voici ce qu’en pense Henri Lizeray lui-même.
« D’après les traditions druidiques conservées par les auteurs grecs, Celtus est le nom primitif et générique de toute la race. Il a été remplacé par celui de Galate depuis qu’Hercule, porteur de la massue, épousa Galatée, fille du roi Celtus. Il en eut un fils, Galatès, d’où les Galates tirent leur nom. C’est une allusion à l’époque où la massue remplaça le couteau comme arme. Lorsqu’Alésia, capitale des Celtes, fut rasée par César, ses habitants se transportèrent non loin, à Langres, une des plus anciennes villes du monde, où fleurit toujours l’art de la coutellerie » (Henri Lizeray. D. S. D. D).
Il s’agit malheureusement d’étymologies fantaisistes de la part d’Henri Lizeray, ce grand très-sachant français que l’on a connu mieux inspiré, mais ce qui compte c’est l’intention.
Le mariage est le lien par excellence unissant un homme et une femme et par-delà leur personne, les clans auxquels ils appartiennent. Le bien-être de la société tout entière dépend de la solidité de ce genre d’alliance. Ainsi que l’a très bien vu Plutarque, « Jamais les plaisirs reçus d’un autre ne sauraient être aussi grands, ni les avantages conférés à autrui si durables, ni la gloire et la beauté de toute autre relation amoureuse si noble et désirable,
Que quand l’homme et la femme à table et au lit,
Mènent une vie en parfait accord sous un même toit.
Bien plus, c’est une chose garantie par la loi ; et la Nature nous montre que même les dieux ont communément besoin de l’Amour pour procréer. Ainsi les poètes disent-ils que la Terre est amoureuse du dieu qui verse la pluie, et que le Ciel est amoureux de la Terre ; et même les philosophes de la nature sont d’opinion que le soleil aime la lune, qu’ils s’accouplent chaque mois, puis que la lune se retrouve engrossée à la suite de cette conjonction. Et il y a lieu de considérer que la Terre, qui est la mère commune de l’Humanité, de tous les animaux ainsi que de toutes les plantes, périra et s’éteindra, lorsque cet amour et ce désir identiquement ardents, infusés par le dieu, abandonneront la matière ; et que la matière aura cessé de convoiter ou de poursuivre les principes et les mouvements de la génération.… Je vais même plus loin, car je dis que l’amour des femmes vertueuses ne diminue pas même quand apparaissent les premières rides sur leur visage, mais qu’il reste et dure jusque sur leurs tombes et leurs monuments. Là où nous ne trouvons que bien peu de couples masculins composés de vrais amoureux, nous avons des milliers d’hommes et de femmes unis par les liens du mariage qui ont réciproquement et le plus fidèlement du monde observé une totale communauté d’affection et de loyauté jusqu’à la fin de leurs vies. Je n’en fournirai qu’un seul exemple, qui se produisit de nos jours, sous le règne du césar Vespasien… (Œuvres morales, De l’amour, chapitre XXV.)
L’amour conjugal n’a jamais été un vain mot chez les Celtes comme le prouve la touchante histoire d’Éponine et de Sabinus et bien d’autres encore d’ailleurs (Kiomara et Ortiagon, Camma…). Le mariage celte a toujours été solide. Il vise à une unité qui, au-delà de l’union des corps, conduit à ne faire plus qu’un seul cœur et qu’une seule âme.
Si le mariage avait autant d’importance aux yeux des très-sachants primordiaux, c’est parce qu’au sein du mariage et donc de la famille se tisse tout un ensemble de relations personnelles. Des rapports entre conjoints, paternité-maternité, filiation, parenté, qui donnent à chacun sa place dans la nation et dans la communauté, y compris celle des ancêtres.
Le rituel des fiançailles ou des mariages, lui, vise à bénir l’union des hommes et des femmes par laquelle est assurée la perpétuation des ancêtres et, donc, du culte qui doit leur être, comme une flamme perpétuelle, rendu. Cette union est par conséquent très importante et constitue l’un des piliers de la survie du peuple, de la tribu. Elle doit par conséquent être solide comme un roc ou comme un navire capable d’affronter toutes les tempêtes et dont on peut dire comme dans le cas des premiers bateaux-mouches destinés à naviguer sur la Seine à Paris : « il est battu par les flots, mais ne sombre pas ». En latin « fluctuat nec mergitur ».
Particularité du mariage celte : ce n’est pas la bénédiction du très-sachant officiant, mais le consentement des fiancés qui fait le mariage. D’où l’obligation d’avoir des témoins pouvant attester tout ceci. Le consentement des futurs époux doit être conscient et libre, libre de toute menace ou de toute crainte, sans aucune contrainte. Dans le cas contraire, il n’y aurait pas vraiment mariage. Il faudrait le considérer comme nul et non avenu.
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Le mythe du mariage de l’Hercule celte et de Keltinè ou Galatée nous montre bien que le mariage est la première de toutes les institutions de la civilisation. La sexualité ainsi que la paternité ou la maternité ou les devoirs filiaux ont toujours constitué une des grandes préoccupations des très-sachants primordiaux et de l’ancien druidisme (guérison des stérilités, rites pour trouver un époux, châtiment des parricides et ainsi de suite). Tu seras un père, mon fils ; telle est la geis, tel est le commandement, qui est en même temps une bénédiction.
Il n’y a pas d’androgyne primordial dans la tradition celtique, mais des hommes et des femmes. L’union d’un homme et d’une femme est donc une réalité humaine importante qui a sa justification dans la perpétuation de l’Humanité ainsi que dans son élévation progressive vers la Surhumanité ; car il n’y a pas entre hommes et dieu-ou-démons de barrières infranchissables, de barrières que l’amour ou l’amitié ne puisse franchir. « Les fils de Dieu trouvèrent que les filles des hommes étaient belles et ils prirent pour femmes toutes celles qu’il leur plut. Il y avait des géants (Nephilim) sur la terre en ce temps-là (et aussi dans la suite) quand les fils de Dieu s’unissaient aux filles des hommes et qu’elles leur donnaient des enfants ; ce sont les héros renommés du temps jadis (Gibborim) » (Genèse 6, 2-4).
L’amour est un sentiment plastique. Il implique entre les époux un don de soi intime personnel et réciproque. Il ne peut y avoir de mariage solide entre dagolitoi ou fidèles refusant de se donner complètement l’un à l’autre dans le cadre d’une foi commune en la puissance de la vie. Et c’est pourquoi l’autobénédiction du mariage pour une fécondité responsable est aussi un rituel. Comme tous les rituels, il comporte des paroles et des actes. Cette autobénédiction est un serment de fidélité, mais aussi un engagement réciproque plus général. En tant que serment le rituel donne aux époux le devoir et la force d’honorer leurs parents, leurs ancêtres, et d’en être le vivant témoignage auprès de leurs enfants. Mais c’est un pari sur l’avenir avons-nous dit. En tant que pari sur l’avenir, il leur confère la force et le devoir de se défendre mutuellement. Ammien Marcellin, Histoire de Rome, Livre XV, chapitre 12. « Une troupe entière d’étrangers ne serait pas capable de tenir tête à un seul de ces Celtes continentaux s’il appelle sa femme à la rescousse, car elle est généralement très forte quand elle est folle de rage, et spécialement quand, le cou gonflé, les dents serrées, ses énormes bras blanchâtres brandis en avant, elle commence d’asséner des coups, y compris avec les pieds, comme autant de traits envoyés par une catapulte ».
Ne pas oublier cependant : la nécessité qu’il y ait consentement absolument libre. Le consentement matrimonial est l’acte de la volonté par lequel un homme et une femme se donnent et se reçoivent mutuellement. Le mariage peut avoir été conseillé, voire arrangé par les parents ; mais c’est le consentement des parties, clairement manifesté entre personnes majeures et juridiquement capables, qui fait le mariage, non l’accord des parents. Rien ne peut remplacer ce libre consentement. L’expression de ce consentement est par conséquent un des rites essentiels du rituel.
Dans l’ancien druidisme, c’étaient les futurs époux qui se donnaient le sacrement lorsqu’ils concluaient l’engagement de fonder ensemble un foyer, une nouvelle communauté de vie, trait d’union entre les clans rivaux.
Même du temps de l’ancien druidisme, pour que le serment soit valable, il fallait au moins la présence d’un vate, voire d’un vellède ou d’un gutuatre/gutumatre, afin de servir de témoin privilégié (de très-sachant).
Témoin privilégié auquel venaient se joindre deux autres témoins choisis par les époux eux-mêmes.
Le très-sachant officiant de la cérémonie enregistrait alors le serment des époux, pour information de la communauté.
Le serment actuel prend place dans une célébration qui comporte un rappel de la parole d’Ogmios à ce sujet ainsi qu’une bénédiction (auto administrée par les époux).
Le rituel de mariage peut être jumelé avec un rituel d’atenoux ou de divertomu, puisque ce rituel est aussi par définition celui d’une union mystique (création d’un égrégore) en plus d’être celui d’une commensalité.
La principale caractéristique du mariage celte est sa solidité avons-nous vu avec Plutarque et Ammien Marcellin, d’où son caractère hautement bénéfique.
La fidélité conjugale est particulièrement difficile en un monde où le divorce est la solution miracle aux échecs ou aux difficultés.
L’étincelle divine reçue lors du rituel donne chaque jour aux époux la force de vivre selon cet engagement.
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L’héroïsme que cette fidélité peut impliquer parfois est un témoignage du plus haut prix pour l’ensemble des dagolitoi (fidèles). Voir le cas d’Éponine et Sabinus.
Les enfants sont le don le plus précieux du mariage d’un homme et d’une femme, et ils contribuent à l’épanouissement des époux eux-mêmes.
Transmettre la vie implique évidemment d’accompagner la croissance de cette vie, de l’éduquer. C’est donc une des premières responsabilités des époux.
Cette éducation commence normalement à l’intérieur de la famille elle-même, mais elle dure le temps nécessaire pour que les enfants parviennent à leur maturité. Elle se fait avec la coopération de multiples instances éducatives comme celle des parents adoptifs potentiels ou fosterers par exemple, qui conjuguent leurs efforts pour que l’enfant devienne un homme.
Dans la philosophie druidique, cette mission éducative des parents est donc élevée à la dignité d’un sacerdoce. Bref les enfants concourent au bonheur de leurs parents et à leur achèvement. Avec le mariage est contractée une union destinée à la fois à bénir les époux dans une sexualité sans tabou, mais responsable et à donner naissance à des enfants. Si pour diverses raisons cette cohabitation devient impossible, le druidisme admet la séparation de corps et de bien, quand les époux ne veulent pas aller jusqu’au divorce.
Si, à la différence des célèbres navires parisiens de la marque Fluctuat Nec Mergitur, le couple secoué par les flots a fini par sombrer, il va de soi qu’il n’est nul besoin de la présence d’un druide pour sanctifier ce naufrage, les druides ne s’inquièteront que de l’avenir des enfants nés de cette union ; et ce d’autant plus que dans le mariage druidique ce sont les futurs époux qui s’autoadministrent la bénédiction nuptiale, pas le druide officiant. Quant aux autorités civiles, les druides en la matière n’ont rien à leur conseiller.
Le consolamentum.
Guérissez les blessés ou les malades, ont demandé les hommes sortis d’Hyperborée aux très-sachants primordiaux ; les blessés, les malades, ainsi que tous ceux qui souffrent.
Et de ce fait, les anciens très-sachants ont préparé des remèdes et ont guéri de nombreux malades ou blessés.
Le soin des blessés ou des malades constituait une partie importante du travail des anciens très-sachants. On a retrouvé en Allemagne, dans une tombe située à Obermenzing en Bavière, le corps d’un homme qui fut vraisemblablement un très-sachant chirurgien de l’an 200 avant notre ère. Il avait aussi été enterré avec une épée, une lance et un bouclier. Mais c’était avant tout un médecin et non un guerrier puisque l’on a trouvé dans sa tombe une scie à trépaner (permettant de retirer du crâne de petites sections d’os afin d’alléger la pression exercée par la boîte crânienne sur le cerveau), une sonde ainsi qu’un écarteur. Cf José Maria de Navarro et son étude sur la tombe d’un docteur de la Tène trouvée en Bavière, publiée en 1955, par la société préhistorique.
Blessures maladie et souffrance peuvent en effet marquer la vie de tout homme, souvent au point de pouvoir même conduire au désespoir. Le grand âge lui-même comporte également des handicaps qui s’apparentent à la maladie.
Mais face à ces épreuves, les dieu-ou-démons ne laissent pas leurs frères humains démunis. Exemple Lug venant au secours de Cuchulainn.
Lucain. Livre I, versets 444 à 462. « Vos quoque qui fortes animas, belloque peremptas, laudibus in longum vates dimittitis aevum ». Vous aussi, vates qui par vos louanges envoyez dans la quasi-éternité les grandes âmes tombées dans les combats ».
Ce que nous rapporte Lucain est donc fort clair. Ceux qui meurent au combat, aidés par les chants des vates, vont directement dans l’autre monde parallèle au nôtre que l’on appelle le paradis, après leur mort…
Au combat, au combat, mais chaque temps fort de la vie n’est-il pas un combat ???
Si l’un de vous est malade ou blessé, qu’il appelle donc ceux qui savent. Ils prieront sur lui après avoir préparé des remèdes ; et si les remèdes ne le sauvent pas, la prière assurera son passage dans cet autre monde parallèle de nature paradisiaque que l’on appelle Vindomagos.
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Les principaux temps forts de ce rituel sont la prière, l’imposition du maillet de Suqellos et l’administration de remèdes symboliques divers (leur efficacité médicale n’est plus envisageable aujourd’hui).
Dans le consolamentum, les très-sachants associent, comme ils l’ont toujours fait, le bien des corps au bien des âme/esprits. C’est pourquoi ce rituel était à l’origine un rituel de guérison. Le vate, en préparant les remèdes, appelle sur le malade ou le blessé la force de l’esprit de Lug.
Grâce à la puissance de cette solidarité du divin et des hommes, les dagolitoi ou fidèles, malades ou gravement blessés, bénéficient, eux aussi, et à distance, des effets bénéfiques de la fontaine de jouvence ou de santé apparue lors de la bataille de la Plaine des menhirs ; ou de ses divers équivalents terrestres comme les eaux thermales de Bath, la fontaine de Glanum dans le sud de la France, et ainsi de suite.
C’est ce que l’on appelle aujourd’hui l’effet placebo tant est grande la puissance de l’esprit sur la matière. L’effet placebo illustre en effet l’influence du mental sur l’organisme : le psychosomatisme.
Le consolamentum peut être administré à tout dagolitos (fidèle) commençant à être en danger pour cause de maladie de blessure ou de vieillesse, s’il l’avait demandé préalablement, au minimum implicitement.
Le consolament pourra être réitéré si le malade ou le blessé, après guérison, rechute de nouveau gravement ou si, au cours du même épisode, son état s’aggrave brusquement. Grâce à ces dons de souveraineté divine, ces périodes de souffrance peuvent d’ailleurs se révéler souvent également fécondes. Ce sont des périodes décisives pour le redressement des esprits. La paix intérieure retrouvée avec les dieu-ou-démons, se transforme en force. Ainsi que l’a dit un jour le Vauvenargues allemand : « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort ».
Il est recommandé dans certains cas d’associer le malade ou le blessé aux sacrifices d’atenoux et de divertomu, en le faisant participer à la régénération psychosomatique apportée par ces rituels. Pour les mourants ce breuvage de vie peut même constituer le dernier des rituels.
Cette ultime participation au sacrifice, du druidisant, est comme l’obole de Charon disent les Grecs, un viatique disent les catholiques. De la nourriture et des provisions spirituelles pour la dernière étape, celle du grand passage vers l’autre monde, celle de l’entrée dans le Vindomagos. Un tel viatique n’est pas nécessaire pour bénéficier du pacte (caratrad) passé jadis avec les hommes auprès des divinités psychopompes comme Epona et tous les autres ; dont les bienfaits sont capables de transformer même la souffrance et la mort (ne sont-ils pas iovantucaros virotutis dunatis toutatis contrebis mopatis et pour tout dire anextlomaros ?), mais il peut au contraire s’avérer très utile en cas de mauvaise rencontre, genre divinités courroucées comme Catubodua diraient nos amis bouddhistes du Tibet, à l’occasion de ce dernier voyage (intérieur) de l’âme-esprit.
La possibilité même de cette ultime communion de commensalité devogdonion, au soma ou haoma (hydromel ou bière sacrée genre cervoise pour les très-sachants) démontre qu’au-delà de la mort, qui n’est que le milieu d’une longue vie, les dieu-ou-démons attendent toujours notre participation à l’éternel banquet de la vie du Vindobitus.
À noter. Dans le cas du consolamentum (maladie ou blessure grave), la communauté tout entière peut aussi prier pour recommander le patient aux dieu-ou-démons et demander sa guérison physique ou spirituelle. Un tel égrégore évidemment renforce l’effet placebo.
Les funérailles.
L’initiation druidique trouve son accomplissement dans le rituel des funérailles, car, comme nous l’avons dit, la mort n’est que le milieu d’une longue vie.
L’éloge funèbre, appelé autrefois « lamentations », est un moment humainement obligé de toutes funérailles celtiques. Il était jadis confié aux vates ainsi que l’indique très bien la citation de Lucain. « Vos quoque qui fortes animas, belloque peremptas, laudibus in longum vates dimittitis aevum ». Vous aussi, vates qui par vos louanges envoyez dans la quasi-éternité les grandes âmes tombées dans les combats ».
Il s’agit pour finir de confier à la terre ou au feu le corps qui va revivre dans un autre monde (orbis alius dit Lucain).
« C’est pour cette raison aussi qu’ils brûlent ou enterrent avec leurs morts tout ce qui est nécessaire à la vie » (Pomponius Mela III, 2).
N.B. De nos jours évidemment cela n’est plus que symbolique.
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Levée d’élude ou de ne litom.
La vie communautaire dans laquelle introduisent les rituels d’aujourd’hui, est entretenue et structurée, non seulement par ceux que nous venons de voir ; mais aussi par un certain nombre d’autres rituels, dont celui de la levée d’élude ou de ne litom. Le rituel de levée d’élude ou de ne litom, est destiné à rétablir la confiance des dieu-ou-démons, mais aussi des autres membres de la tribu (touta), détruite ou endommagée par une faute très lourde ou très grave.
On ne sait plus grand-chose en revanche, de la cérémonie de l’ancien druidisme appelée rituel d’exécration ou d’excommunication.
Car les très-sachants ont toujours compris que l’homme reste un être fragile. L’esprit est prompt, mais la chair est faible.
Rappel sur la Noinden Ulad et la Ces Ulad. Ces deux fables semblent assez différentes à première vue. Dumézil en son temps (le Trio des Macha 1954) avait bien compris que toutes ces histoires ayant pour héroïne une dénommée Macha étaient tout ce qui nous restait d’une fable ayant une tout autre portée philosophique : l’idéologie des trois fonctions. Il en fait une métaphore du danger – par effet papillon – de toute atteinte à l’harmonie ou à l’équilibre social : ordre, justice, défense, et complémentarité sociale ou complémentarité des sexes.
Mac Cana et d’autres ont souligné les similitudes avec les légendes du type « Mélusine ».
Par contre nous ne sommes guère d’accord avec l’effet « Méduse » ou « Sheela na gig » évoqué par B.K. Martin (A Reading of the Irish Noínden Ulad). En revanche nous le suivons complètement par contre sur l’importance du nom des deux jumeaux de Macha : Fir (Vérité/Justice) et Fial (modestie). Et les moines copistes de l’époque avaient bien compris qu’il y avait dans tout cela un message original ayant une valeur méritant d’être transmise aux générations futures.
Nous le résumerons ainsi :
a) il existe des faiblesses humaines genre désordre, injustices, mélange des genres, vantardise, orgueil des parvenus, non-respect des femmes, etc.)
b) Et si on n’y prend pas garde, elles peuvent entraîner des catastrophes.
Telle est selon nous la morale de la fable irlandaise intitulée « la neuvaine ou maladie des Ulates » (noinden Ulad, ou Ces Ulad). De tout temps il y a eu en effet des hommes pour abandonner la foi de leurs pères, la renier, comme Trogue Pompée ou le fameux Caius Julius Rufus qui a fait construire un arc de triomphe à Saintes en France, voire en arriver à commettre des actes gravement contraires à l’éthique minimum ou reda : meurtres d’étrangers, mensonges ou injustices (exemple Abraham). Le droit celtique médiéval avait un terme technique pour désigner alors le rachat civil ou religieux de telles fautes : ericfine ou galanas = « wergeld ».
Pour ce qui est du druidisme proprement dit le rituel de levée d’élude ou de ne litom est plutôt réservé aux hommes et aux femmes coupables de fautes particulièrement lourdes et notamment aux très-sachants (un très-sachant menteur, tricheur ou voleur, est inacceptable) ; car à tous les autres la morale celtique pardonne les fautes légères, si elles sont suivies de réparations. Il suffit de réparer le mal que l’on a fait. D’où ainsi que nous avons eu l’occasion de le dire le recours systématique aux wergelds, appelés en gaélique ericfine ou en gallois galanas.
En ce qui concerne la sodalité, il ne saurait être question d’une amende, ou alors symboliquement équivalente à celle réclamée pour des crimes situés à mi-chemin entre celui du druide Senchan Torpeist (parasitisme) ou Nédé (voire Athirne : lèse-majesté avec circonstances aggravantes). Nous disons bien symboliquement et non effectivement, et non matériellement parlant, car ce qui compte c’est surtout que le coupable, celui qui s’était de lui-même exclu de la sodalité de par ses agissements ou ses propos, fasse un geste public se situant bien dans dans la lignée des célèbres 12 ordalies irlandaises de Cormac (Echtra Cormaic i Tir Tairngiri), c’est-à-dire suffisantes, à rétablir la confiance perdue. Voir notre cahier (de notes) numéro 19.
N.B. Le rituel de levée d’élude est accordé à tout homme ou à toute femme estimant ses fautes assez lourdes pour en avoir besoin, et autant de fois qu’ils le désirent ; dans la mesure bien sûr où ils ont réellement pris conscience de la gravité de leur acte.
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LES RITUELS SACERDOTAUX.
L’initiation comme disciple.
Il faut être instruit pour pouvoir instruire, il faut être lumière dans la nuit pour éclairer, être proche des dieu-ou-démons pour en rapprocher les autres.
Arrivés à ce point de notre bref exposé sur le sujet, il importe de dissiper encore une fois une idée reçue. Beaucoup de pseudo-très-sachants font courir le bruit (afin de se mettre en valeur évidemment) qu’il fallait vingt et un ans d’études pour devenir très-sachant. Une telle formule induit en erreur.
Le druidisme est élitiste, non par orgueilleuse ou mégalomane autoproclamation, mais par le moyen d’une très sérieuse sélection. Or qui dit sélection dit grand nombre de postulants au départ (avant les épreuves éliminatoires). Le texte du De Bello Gallico (VI, 13) de César est très clair à ce sujet…
« Multi in disciplinam conveniunt (beaucoup viennent apprendre auprès d’eux)… Itaque annos nonnulli vicenos in disciplina permanent (quelques-uns vont jusqu’à passer vingt ans dans leur école) ». Les nonnulli en question, ce sont ceux qui, après quatorze années de scolarité ordinaire, classique (apprendre à lire, écrire, et ainsi de suite…) vont jusqu’aux études de théologie celtique, c’est-à-dire au druidisme stricto sensu (les sept dernières années).
Les études théologiques proprement dites de ce druidisme stricto sensu duraient donc 7 ans, et non 21 ; chacun étant censé avoir appris à lire, écrire, compter, parler… durant les 14 premières années de sa vie ordinaire, car l’école commençait dès l’âge de 3 ou 4 ans chez les Celtes. Les premiers grades avec la qualité sacerdotale correspondante pour ceux qui devaient aller jusqu’au bout pouvaient donc certainement être acquis avant vingt-cinq ans. Dans l’immacallaim in da tuaraid ou dialogue des deux sages, le très-sachant irlandais Nédé doit même se mettre de la barbe au menton afin d’affronter son concurrent Ferchertne, tellement il est jeune.
En résumé, si vous avez normalement été à l’école étant jeune, cela suffit pour intégrer nos rangs.
L’initiation au sens strict de première des druidiactions, est un rite de passage. Toute initiation évoque un passage : l’entrée dans un monde inexploré. C’est notamment le cas des types d’initiation pratiqués dans les sociétés secrètes. Mais cela est encore plus vrai de l’initiation druidique, d’où son nom en celte.
La comrunacton fait passer des ténèbres du monde des hommes, marqué par la mort et la faiblesse (la célèbre maladie des Ulates), à la lumière du vrai monde, rayonnant de vie et d’immortalité. Elle était d’ailleurs considérée par saint Patrice comme un abandon du baptême chrétien, évidemment.
L’initiation nous fait participer aux mystères de la vie divine. Il s’agit véritablement d’une renaissance après mort initiatique, in arbore suspenditur, mère d’un homme nouveau.
Elle rappelle symboliquement les 3 jours et les 3 nuits qu’Hesus a passés, pendu à son arbre (ce qui est certain, c’est que les souffrances d’Odin décrites par le Havamal – strophes 138 et suivantes – sont tirées de la tradition gaélique) ; et celui qui sort vainqueur de cette épreuve est comme ébloui par la lumière du jour au début. Toute initiation est en effet aussi un retour à la matrice universelle, dans le ventre de la grande déesse-ou-démone mère cosmique. L’initiation est (de par sa solitude, son autosuggestion, ses boissons, etc.) un univers où cessent les divisions, où l’union des contraires est possible, où le passage d’un plan à un autre est envisageable. Du moins théoriquement.
Les ordinations.
Dans le monde antique, par rapport aux hommes ordinaires de la classe non sacerdotale, les dieu-ou-démons sont tous très-sachants, comme tous les très-sachants sont dieu-ou-démons. La formule est un peu exagérée ; mais cela montre bien qu’il s’agit là de la toute première des fonctions humaines. Par cette ordination, le très-sachant participe du pouvoir des dieu-ou-démons. Ceux qui ont déjà été consacrés par la cérémonie du nom, voire l’adoubement, et ont bien été initiés comme disciples, peuvent donc bénéficier de cette consécration particulière que l’on appelle l’ordination ; c’est-à-dire être intégré dans un des ordres de la consortia sodalicia (pour reprendre le mot de Timagène). Le rituel en question va bien au-delà d’une simple élection délégation ou institution, car il confère au prêtre celte un pouvoir sacré, l’auctoritatem avons-nous dit, ou plus exactement une partie de celle-ci, avons-nous également précisé ; afin d’intervenir en faveur des hommes, dans leurs relations avec le sacré, car ils parlent la même langue que les dieux : ils sont « homophonon » (Diodore de Sicile).
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Cette auctoritas divine des prêtres celtes ne veut pas dire évidemment que le très-sachant en question devient parfait. Il reste sujet aux faiblesses humaines de toutes sortes comme nous avons pu, hélas ! encore récemment, nous en apercevoir.
L’ordination comme vate, vellède ou gutuatre/gutumatre, confère aussi la charge d’enseigner. L’ordination comme très-sachant confère la charge d’enseigner ainsi que de diriger, au sens étymologique du terme (le rix est celui qui montre le chemin). Il appartient donc aux vates aux vellèdes et aux gutuatres/gutumatres, d’assister leur très-sachant.
Les celtisants ayant été ordonnés ont un triple travail : le culte divin, l’enseignement, la magistrature morale (le magistère).
Les vates ont notamment la délicate mission de soigner les âme/esprits ou d’être des conseillers spirituels. Ils doivent par conséquent avoir l’expérience des choses humaines, du respect ou de la délicatesse envers celui qui a « erré », de la patience, mais aussi de l’amour pour la vérité. Vu la délicatesse du sujet ainsi que le respect dû aux personnes, le vate confident est par exemple tenu au secret professionnel le plus absolu en ce domaine, exactement comme un médecin.
Il existe trois moyens principaux de réussir à faire s’épanouir son âme, trois voies.
— La voie des dieu-ou-démons, ou reda (ils sont à en croire nos antiques inscriptions, iovantucaros virotoutis dunatis contrebis mopatis bref anextlomaros…) recherchée par le plus grand nombre qui ne peut faire mieux, car rares sont les hommes qui ont la force d’aller plus loin.
— La voie des combattants (kingetes), en général choisie par une minorité.
— La voie des très-sachants.
Voie du combattant (kinges) et voie des très-sachants, permettent d’atteindre dès ici-bas l’état d’awenyddion ou d’éveil-illumination-libération.
En ce qui concerne la voie des très-sachants, il ne s’agit certes pas que d’un auto-épanouissement par le savoir ; mais aussi d’une libération due à l’intervention des dieu-ou-démons qui choisissent toujours quelques hommes pour échanger avec eux. Ce qui doit donc caractériser cette voie, c’est le fait de servir de pont entre les hommes et les dieu-ou-démons (A fo ben, bid bont), mais aussi l’empathie et la compréhension. Il s’agit d’être un bon interprète !
Les différents rituels d’ordination consacrent donc dans leur fonction les hommes et les femmes appelés à exercer de manière permanente la fonction d’intermédiaire entre les dieu-ou-démons et les hommes. Encore une fois « a fo ben, bid bont ».
L’ordination chez nous est un couronnement ou un sacrement de la volonté. En entrant dans notre sodalité, le disciple devient un être humain à l’âme déjà en partie épanouie, un comrunos, ce qui implique homme du sacré, membre du corps sacerdotal.
Notre foi en un autre monde ayant été longuement exposée au disciple durant ses années de formation, afin qu’il puisse progressivement s’en imprégner ; après son entrée dans les ordres, il la restituera donc à son tour dans son intégralité ; mais en l’actualisant puisque nous ne sommes pas une religion du dogme (écrit). La lettre tue et seul l’esprit vivifie !
Dans le cas de l’ordination d’un vate, d’un vellède ou d’un gutuatre/gutumatre, cela est formalisé par le dialogue qui s’établit entre le disciple et le grand enquêteur.
L’interrogation porte sur chacune des légitimes aspirations de tout jeune, entrant dans la vie druidique active, et la profession de foi en réponse à ces questions, est réitérée au nom de la communauté tout entière par la personne jouant le rôle d’enquêteur.
Les dieu-ou-démons après la bataille de la Plaine des menhirs ou des tumuli et leur retrait volontaire hors de ce monde, ont abandonné ou confié aux ategnati druidisants le soin d’effectuer les sacrifices quotidiens bimensuels ou annuels nécessaires à la bonne marche du monde.
N.B. Car il va de soi, malgré ce qu’affirme la tradition irlandaise (encore une hérésie de plus) ; qu’il ne pouvait pas, en toute logique, exister de très-sachants parmi les hommes avant que les dieu-ou-démons ne leur aient abandonné la terre en se retirant dans un autre monde.
Depuis que le monde est monde les dieu-ou-démons n’ont jamais cessé de proposer des alliances (caratrad) aux hommes. Pour cette dernière alliance, ils ont donc choisi des médiums entre eux et les hommes : les druides primordiaux.
Les druides d’aujourd’hui (les vrais) sont donc les successeurs en esprit de ces très-sachants primordiaux et, par conséquent, eux aussi des « deux fois nés ».
Les dieu-ou-démons par conséquent ont donc inspiré, en les associant à leur service, les très-sachants primordiaux. En particulier en matière de mythologie. La fée Morrigani après la dernière
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bataille de la plaine des menhirs ou des tumuli, avait déjà certes, annoncé tout cela (métahistoire), mais il a fallu le drame exemplaire de la vie et de l’œuvre du grand Hesus Cuchulainn pour que la nouvelle soit relayée jusqu’à nous (histoire ?).
Un lien a donc été dès le début établi entre la mission des très-sachants et le témoignage à rendre dans ce monde.
Les très-sachants primordiaux prient et jeûnent. Ils guérissent ou remettent les torques d’or à leurs disciples.
Ils rappellent les gessa du code éthique de la reda, rassemblent les dagolitoi (les fidèles) et célèbrent les sacrifices (de divertomu, d’atenoux, et autres).
Le mot choisi par Ammien Marcellin pour les caractériser, sodalicium/sodalitium, traduit la notion de corps constitué, un peu à l’image de celui des nautes parisiens par exemple, au sens civil du terme (leur devise traduite en latin a donné « fluctuat nec mergitur »).
La circulation fluviale était autrefois un enjeu important et la corporation des nautes parisiens était donc une puissante fraternité. À noter : un pilier offert par ladite corporation à Lutèce et qui nous apprend beaucoup de la conception de la religion à cette époque. Au Moyen-âge la corporation resta le mode d’organisation de la plupart des professions. Une corporation possédait son propre règlement. De nos jours les corporations n’existent plus que pour administrer certaines professions civiles considérées comme étant d’intérêt public (Ordre des médecins, Ordre des avocats, etc.).
La druidiactio moderne a repris cette notion à propos de ses propres corps constitués donc, surtout à cause de la discipline et de l’éthique que cela implique, comme dans le cas des divers ordres professionnels tel celui des médecins (serment d’Hippocrate, etc.). Les très-sachants ne sont-ils pas des médecins de l’âme/esprit ?
Mettons que les nautes avaient pour vocation de descendre et de remonter les fleuves ou les rivières ; et que les très-sachants, eux, ont pour vocation d’aider leurs congénères humains à les traverser pour passer d’une rive à l’autre, dans les deux sens d’ailleurs ; du monde des morts ou presque à celui des vivants dans le cas des très-sachants médecins soignant les blessés ou les malades ; et inversement, du monde des vivants à celui des morts dans le cas des très-sachants ministres du culte ou conseillers spirituels. Même image d’une telle « traversée » d’ailleurs, ou même comparaison avec des passeurs, chez Procope.
« Le long de la côte de l’océan qui s’étend juste en face de l’île de [Grande] Bretagne, il y a de nombreux villages. Ils sont habités par des hommes qui pêchent à l’aide de filets ou cultivent la terre voire font du commerce maritime avec cette île, et qui sont, en autre chose, sujets des Francs, bien que ne leur payant aucun tribut, ledit tribut ayant été supprimé pour eux depuis des temps immémoriaux en raison, disent-ils, d’un service qu’ils rendent et que je vais décrire ici. Les hommes de cet endroit disent que le transport des âmes/esprits [grec psyché] leur incombe à tour de rôle. Les hommes qui doivent accomplir ce travail lors de la nuit qui doit venir, en prenant la relève des autres, dès que l’obscurité tombe, se retirent dans leur maison et vont dormir, en attendant celui qui doit les rassembler pour effectuer cette tâche. À une heure de la nuit très avancée, ils réalisent que l’on frappe à leur porte et entendent une voix indistincte les appelant à venir faire leur travail. Alors ils se lèvent et se rendent sans hésiter sur la plage, sans comprendre la raison qui les pousse à cela, mais en en ressentant néanmoins la nécessité. En ce lieu, ils aperçoivent alors des embarcations prêtes à partir, mais sans personne à bord, non pas leurs propres esquifs cependant, mais une sorte de barques différente, à bord desquelles ils montent et dont ils prennent les rames. Ils réalisent alors que ces bateaux sont chargés à ras bord d’un grand nombre de passagers ? puisqu’ils sont mouillés par les vagues qui atteignent presque le niveau du plat-bord et des dames de nage, et qu’ils ne dépassent le niveau de l’eau que de l’épaisseur d’un doigt, tout juste ; eux-mêmes cependant ne voient personne, mais après avoir ramé à peine une heure, ils arrivent en [Grande] Bretagne. Alors que, quand ils effectuent ce voyage sur leurs propres embarcations, sans se servir des voiles, mais à la rame, ils effectuent péniblement ladite traversée en une nuit et un jour. Puis quand ils ont atteint l’île et qu’ils ont été délivrés du poids de leurs passagers invisibles, ils repartent chez eux à toute vitesse, leurs bateaux étant soudainement redevenus si légers qu’ils ne font qu’effleurer les vagues, et qu’ils n’ont que la quille dans l’eau. En ce qui les concerne, ils ne voient jamais personne assis à côté d’eux à bord de leur navire ou en débarquant, mais ils disent qu’ils entendent une sorte de voix venant de cette île, et qui semble être une annonce destinée à ceux qui doivent prendre ces âmes/esprits [grec psyché] en charge, car on fait alors l’appel de tous les passagers arrivés avec eux, par leur nom et qualité dans la vie d’avant, le nom de leur père et le leur propre. Et s’il y a aussi des femmes parmi
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ceux qui ont été ainsi acheminés, on donne les noms des hommes à qui elles étaient mariées dans la vie d’avant » (Procope. De Bello Gothico IV, 20).
N.B. Un autre terme correspondant est le mot latin de « collegium » ou « collège ».
L’intégration dans l’un de ces corps intermédiaires se fait par une sorte de véritable seconde naissance comprenant la remise du torque et la prière de consécration ; qui font d’un simple membre ayant reçu un nom initiatique, un ministre du culte.
Les nouveaux très-sachants de la druidiaction entrent ainsi dans la corporation qui succède au collège des très-sachants primordiaux.
Au sein et à la tête de ce collège druidique, un Primat inter pares a la responsabilité de la charge confiée par la Morrigani aux premiers des très-sachants primordiaux.
« L’enfer n’existe pas
Et tout le monde ira au Paradis.
La paix jusqu’au ciel
Le Ciel sur la Terre
La paix sur la terre
Et sous les cieux
Force et prospérité pour tout le monde ! »
Cette 2e ou 3e naissance druidique est toujours célébrée par un autre très-sachant, qui remet un torque. Ce torque symbolise la force des dieu-ou-démons (sunertis) qui en fait des ministres du culte.
Dans l’ancien druidisme, une prière de consécration était alors prononcée tandis qu’un bouclier lui était mis dans la main. Ce bouclier symbolisait la mission qui lui incombait aussi désormais : veiller sur l’âme sa nation en voyant ce qui lui convient et en intervenant pour qu’elle donne l’exemple, conformément à son destin de peuple royal et sacerdotal prédestiné parlant la langue même des dieux (magistère druidique).
Par leur deuxième ou troisième naissance, les très-sachants reçoivent avec la charge d’administrer le sacré celle d’enseigner et de guider spirituellement avons-nous remarqué ; mais en raison de la nature même de ces charges (nécessité des échanges ou colloques internationaux), ils ne peuvent les exercer qu’en collaboration étroite avec leur Président (Primat) et avec les autres membres de la corporation.
Être ordonné vate, vellède ou gutuatre/gutumatre, et a fortiori très-sachant, n’est pas un droit, mais une charge. Ce n’est pas un dû, mais un travail. Au temps des très-sachants antiques, les vates, vellèèdes ou gutuatres, étaient choisis parmi les dagolitoi ayant fait preuve de leur vocation ou de leur attachement à la quête du savoir
Vates, vellèdes, et gutuatres/gutumatres, sont solidaires de leur très-sachant dans la gestion des toutai qui leur sont confiées. N.B. Les Très-sachants reçoivent en effet/en principe, la charge de s’occuper d’un territoire au point de vue religieux, au sein des diverses nations celtes ou assimilées (Cimbres, Teutons, et autres Lugii ou Bastarnes d’Ukraine). Prolongement du ministère des très-sachants primordiaux, le ministère des vates, vellèdes et gutuatres, comme celui des très-sachants, est lui aussi tout à la fois sacerdotal, royal, et combattant…
Ils participent à la célébration des rites d’atenoux et de divertomu aussi, où leur mission trouve son accomplissement. L’office druidique est en effet le sommet et l’aboutissement de ce ministère.
Enfin ils administrent le consolamentum aux malades. Faire passer inlassablement les âme/esprits d’une rive à l’autre, n’est-il pas leur vocation première ?
Comme dans le cas de la cérémonie du nom, de l’adoubement ou de l’initiation, ce rituel est accordé une fois pour toutes. Il confère un caractère spirituel indélébile, et il ne peut, ni être confié temporairement à un laïc, ni être réitéré.
Un homme ou une femme validement ordonné peut, certes, pour de justes motifs, être déchargé des obligations et des fonctions liées à son incorporation dans la sodalité druidique ou être interdit de les exercer ; mais il ne peut plus redevenir laïc comme avant au sens strict du terme, car la marque
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imprimée par l’ordination druidique l’est pour toujours. Sur ce point, très-sachants et catholiques sont entièrement d’accord.
Les culdées païens (ce mot signifie compagnon ou serviteurs des dieu-ou-démons).
Appelés aussi aes dana en Irlande, les culdées occupaient une place très précise dans la société celtique. Le celtisme d’alors ignorait la définition romaine des artes liberales opposés aux artes serviles. Pour un très-sachant, était honorable et honoré, quiconque était détenteur d’un savoir ou d’un savoir-faire, intellectuel ou manuel.
Les culdées faisaient donc partie des aes dana ou gens d’art et l’Ancien Druidisme avait même prévu le cas où un forgeron avait droit, vu sa compétence professionnelle, au titre de « docteur » : ollamos.
En communion avec les très-sachants et leurs vates, vellèdes ou gutuatres//gutumatres, les culdées d’obédience païenne sont organisés en une corporation parallèle vouée au service de la liturgie, de la prédication (diffusion du message) ou de l’artisanat religieux. Ce tiers-ordre culdée païen est une voie parallèle à l’ordination, en quelque sorte un stade intermédiaire. Autre image si l’on veut : il y a entre la corporation des druides et le tiers-ordre culdée le même rapport que celui qui existe de nos jours entre médecins et pharmaciens.
L’ordination culdée aussi est conférée par un très-sachant. Ce rite d’ordination souligne le lien créé par la vocation culdée, entre le très-sachant vicaire de la communauté ; et ceux qu’il a retenus comme assistants ou collaborateurs, non pour des responsabilités publiques, mais pour des services plus prosaïques, plus pratiques, plus matériels
C’est essentiellement un serment, mais une prestation de serment élargie. À ceux qui l’ont manifestement voulu et auxquels il a fait donner une formation adaptée à leur vocation, le très-sachant impose son torque après un temps d’élévation destiné à le charger de la puissance divine (mana disent les polynésiens, shekinah disent les juifs, sakinah disent les musulmans). Il accomplit ce geste seul, mais au nom de tous les autres très sachants et récite alors le lai ci-dessous.
« Ô déesse au large regard, Mère des Gaëls, Noïba Brigit, voyez à qui nous imposons le torque aujourd’hui, regardez le compagnon artisan que nous avons appelé pour nous aider à bâtir un pont entre les dieux et les hommes ; envoyez sur lui l’esprit des dieux, qu’il soit ainsi fortifié des neuf dons de votre souveraineté pour exécuter fidèlement sa tâche qui consiste à vivre et faire vivre selon l’esprit celte ».
Que cette ordination soit conférée à titre de culdée permanent, c’est-à-dire destiné à demeurer dans ce degré ou en tant que simple étape vers la corporation des vates, vellèdes ou gutuatres ; sa nature est toujours d’être conférée, non pas en vue du sacerdoce public, mais en vue du service concret des communautés locales.
L’intronisation.
« Les rois n’étaient pas autorisés à faire ou décider quoi que ce soit sans l’assistance d’un de ces sages, de telle sorte qu’en réalité ce sont eux qui gouvernaient le pays, et que les rois n’étaient que leurs ministres ou les serviteurs de leur volonté, bien qu’assis sur des trônes en or, habitant dans de grandes maisons, et faisant de somptueux festins » (Dion Chrysostome. Discours 49.7).
Cet auteur grec s’est trompé dans son analyse du rôle des druides antiques et le sens et la signification de cette cérémonie d’intronisation apparaissent plus clairement dans le rituel correspondant.
La place nous manquant pour en dire plus sur ledit rituel d’intronisation, nous nous contenterons ici de souligner l’importance du canecosedlon. Sedlon = siège et caneco = ? Le siège (canecosedlon) du futur responsable local ou régional, ou autre, doit être digne et simple, apte à exprimer avec force et modestie cependant, la fonction de celui qui va l’occuper. L’intronisation d’un très-sachant comme responsable local ou régional, de par son importance pour les toutai, réclame le concours du plus grand nombre de dagolitoi ou fidèles possible. Elle doit par conséquent avoir lieu de préférence lors d’une des quatre grandes fêtes celtiques. L’intronisation comme responsable d’une communauté particulière ne rompt pas la solidarité fonctionnelle dont parle Timagène, c’est-à-dire la solidarité des très-sachants entre eux, et leur commune responsabilité vis-à-vis du peuple des hommes et des dieu-ou-démons.
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Aux yeux des dieux les très-sachants ou les archi – très-sachants sacralisent leur communauté par leur travail, leurs prières, et leurs rituels ; mais ils doivent la diriger en communion de cœur et d’esprit avec le primat inter pares. Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, les laïcs d’une telle communauté druidique participent, eux aussi, d’une certaine manière, à cette fonction sacerdotale. De par leur fonction royale, militaire ou productrice, ils ont le devoir de contribuer au salut de leur communauté (lui éviter la colère des dieux), que ce soit dans leur vie personnelle, familiale ou sociale.
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FEUX PERPÉTUELS ET OFFICE DRUIDIQUE.
Métahistoire. Pour entretenir la paix conclue avec les dieu-ou-démons depuis la fin de la troisième bataille de la Plaine des tumuli et des menhirs (Drum Lighean, etc.) les druidisants recommandent l’entretien du plus grand nombre de feux sacrés possible ; de flammes devant lesquelles chacun peut se recueillir et venir sacrifier à toute heure du jour et de la nuit afin d’y renouveler son enthousiasme pour notre cause
Cette mission est surtout celle des vierges consacrées, comme celles qui s’étaient vouées à Brigind, à Bath ou à Kildare (à Kildare leur feu sacré dura jusqu’au XVIe siècle) qui doivent y veiller jour et nuit ; avec les prières appropriées (du matin, de la mi-journée, du soir, et au moment du coucher, le tout accompagné de lectures publiques adéquates issues des 12 livres) ; ou par leur travail.
Voir aussi les Gallisènes de l’île de Sein (Sena) dont parle Pomponius Mela (XI, 6-9) et les neuf sœurs d’Avallon, dont la plus connue avait pour nom Morgane.
Le monde s’arrêterait de tourner voire la vie d’exister, si sacrifices, offrandes et prières, ne maintenaient pas en vie l’équilibre cosmique. Les premiers chrétiens d’Irlande ont d’ailleurs reproché aux druides de leur pays d’avoir une weltanschauung aussi mystique. Dans la bouche des propagandistes de l’époque comme Connla Cainbhretach (un vellède ou barde converti au christianisme et s’acharnant visiblement contre eux), cela devient « les druides disent que ce sont eux qui ont fait le ciel et la terre ainsi que le soleil et la lune ». Polémiste victime de son simplisme créationniste, ce druide vellède (et non druide druide) n’a visiblement pas compris que ce que disaient les druides druides avec lesquels il polémiquait, à savoir que c’est eux, qui PAR LA PRIÈRE ET LES SACRIFICES, assuraient l’ordre cosmique. En langage vulgaire « Faisaient vivre la mer, tourner le soleil la lune la terre et les étoiles de la voûte céleste » (Senchus Mor page 23). Dans la catégorie « c’est l’hôpital qui se moque de la charité », on ne saurait faire mieux !
Très-sachants, vates, vellèdes, gutuatres/gutumatres et simples laïcs, d’aujourd’hui, doivent donc aussi naturellement veiller à entretenir avec ardeur ces feux sacrés, dans tous les sens du terme.
L’office druidique ou sacrifice de commensalité avec les dieu-ou-démons (idpart).
Ancien druidisme.
Sur le chaudron de Gundestrup, trois victimes sont figurées : l’homme, le taureau… et le cerf. Les Celtes semblent en effet avoir été un des rares peuples de l’Antiquité à sacrifier des bêtes sauvages en plus des animaux domestiques, si l’on en croit Strabon IV, 4, 5. « Ils construisaient un mannequin colossal avec du bois et du foin, y faisaient entrer du bétail et des animaux de toutes sortes, pêle-mêle avec des hommes, ensuite y mettant le feu, ils consommaient l’holocauste ».
À Sentinum d’ailleurs, en – 295 avant notre ère, ils ont bien sacrifié une biche d’après Tite-Live, Histoire romaine, X, 27. « Tandis que, rangées en ordre de bataille, les armées restaient immobiles, une biche, chassée des montagnes et fuyant un loup, accourt entre les deux armées ; puis, les deux bêtes tournant alors en sens opposés, la biche dirigea sa course vers les Sénons, le loup vers les Romains. Au loup, les rangs livrèrent passage ; la biche, les Sénons la tuèrent ».
Nouveau druidisme.
Depuis toujours l’homme cherche sa nourriture. L’eau d’abord, indispensable à toute vie, ensuite les fruits et les gibiers. L’homme fut pour commencer un chasseur-cueilleur.
Très tôt cependant (voir le cas de l’Homme de Néandertal) il a commencé à rechercher aussi la nourriture de la vie éternelle. Après avoir multiplié les cochons magiques pour nourrir les siens, Gobannos ne les a-t-il pas également rassasiés avec une bière comparable au soma ou haoma des Iraniens, des Indiens ?
La bière préparée de la sorte est destinée à être bue par les hommes et les dieu-ou-démons, et la viande consacrée à être consommée pareillement. La coupe de souveraineté, gardée par Dame Deichtine, est le contenant indispensable de la boisson symbolisant le sang du grand Cornunnos, la cervoise appelée haoma ou soma par les Iraniens ou les Indiens. Cette coupe de souveraineté, c’est l’élément central de l’office druidique, elle permet le partage de la boisson de vie du grand Cornunnos.
Le rite consistant à manger symboliquement le corps d’un dieu-ou-démon incarné ou à boire son sang a sans doute une origine très ancienne, probablement préhistorique, dont on retrouve l’écho dans certains rituels mithriaques ou chrétiens. « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et je demeure en lui ».
Le druidisme n’est pas fermé aux religions sœurs comme le Mithraïsme, et cela n’affecte pas le fond du message transmis par ce rituel, qui est surtout un sacrifice de commensalité avec les dieu-ou-démons.
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La vie que Cornunnos et Gobannos proposent ainsi par le moyen d’une telle nourriture sacrée est une vie aussi réelle que symbolique. Ce don est en fait un partage de la souveraineté divine, symbolisée par une coupe dans nos rituels.
Bien sûr, dans cette coupe le scientifique ne verra qu’une vulgaire bière, mais le comrunos (l’initié) y reconnaîtra le sang même du grand Cornunnos : le sangréal. Et dans le gibier ou les viandes offertes en sacrifice, il reconnaîtra la chair de Cornunnos ou de l’animal totem dont il descend.
N.B. Ce qui est certain en tout cas c’est que les diverses représentations de Cornunnos et notamment celle des Bollards ou Sommerécourt) en font bien un dieu ou démon de l’abondance et donc de la vie sans cesse renouvelée ou renaissante.
L’office druidique est le rituel des rituels, par excellence. C’est pourquoi tous les autres rituels sont un peu en quelque sorte comme subordonnés à celui-là. Nos très-sachants, quand ils célèbrent l’office druidique, rappellent la mort, et la résurrection annuelle, de notre Seigneur des forêts, Cornunnos, symbole de l’éternel retour des saisons ou de la renaissance de la vie végétale, voire animale. Un peu comme dans le mithraïsme donc, mais avec un cerf à la place du taureau, car dans la tradition celtique le symbolisme du cerf est celui d’un passeur d’âmes ou d’un émissaire de l’autre monde. Le Morholt d’Irlande oncle d’Iseult nous est dépeint gisant cousu dans une peau de cerf et dans le Physiologus composé au IIIe siècle de notre ère, le cerf est carrément assimilé au Christ.
C’est pourquoi le très-sachant officiant, lors de l’office du Graal demande à Cornunnos de descendre (en esprit) dans la bière ou la boisson, et dans les offrandes de viande (cerf, sanglier, porc, mouton, bœuf) ou de pain du défilé du Graal ; pour les transformer en sang et en corps de Cornunnos, ou des autres animaux totems en cause, autrement dit pour les habiter mystiquement. Un peu comme dans le mithraïsme d’ailleurs avons-nous dit !
Après cette consécration, le très-sachant officiant implore la venue de la force de Cornunnos sur tous ceux qui vont boire à ladite coupe de souveraineté.
Tout en gardant leur apparence ordinaire, bière viande et pain sont alors littéralement investis par Cornunnos ou les animaux totems et deviennent ainsi réellement par effet placebo comme le corps et le sang du grand Cornunnos, ou des autres animaux totems. Cette transmutation alchimique accomplie par la force du verbe est ce que certains spécialistes appellent une consubstantiation.
Le très-sachant sacrificateur antique, préposé au culte, immolait donc alors des animaux. Le sang répandu scellait le contrat (caratrad) passé entre les hommes et les dieu-ou-démons.
L’office druidique actuel est toujours étroitement associé à la notion de sacrifice puisque la bière et la viande consacrées y remplacent les sacrifices sanglants de commensalité avec les dieu-ou-démons, de l’ancien druidisme. La présence de Cornunnos ainsi réalisée n’est pas que le symbole des derniers jours de la vie végétale avant l’hiver, c’est sa présence en tant que glorieux seigneur des forêts au Printemps. Une présence d’ordre sacramentel, mais qui n’en est pas moins réelle, une présence efficace qui par effet placebo nous communique un peu de son énergie divine immortelle, sous la forme d’une cervoise qui reste de la bière ou d’une viande qui reste une simple viande.
N.B. La partie mémorial ou anamnèse de l’office druidique réactualise certes deux fois par mois la présence du grand Cornunnos, mais aussi des autres dieu-ou-démons éventuellement : Gobannos, Lug, Hesus, et leurs frères. À la fois comme intermédiaires entre l’Être supérieur et les hommes, comme intercesseurs et médiateurs, et afin de nourrir notre réflexion.
LE « PAIN GALATE ».
Précision importante : Le pain utilisé dans les rituels d’atenoux ou divertomu voire dans les offices druidiques ne doit pas être du pain azyme, mais de petits pains blancs équivalents presque à une brioche (du pain pidé turc ?)
Toute étude de la religion phrygienne, dans cette citadelle montagneuse que fut pour elle la Galatie, soulève en effet une question inévitable, mais bien délicate : quelle fut, à son égard, l’attitude des trois
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nations celtiques occupant le pays ? Bien que leurs derniers historiens aient tendu à diminuer l’importance des Galates dans la civilisation du pays qui leur dut son nom, il suffit de rappeler qu’un siècle à peine après leur établissement, on trouve à Pessinonte un Galate grand prêtre de la Magna Mater et qu’au temps de Lucien ou de saint Jérôme voire de saint Euthyme (6ème siècle), on parlait encore celtique dans les campagnes ; il en résulte que les Galates ont dû exercer une influence propre sur le développement religieux et social de leur pays d’adoption.
Cette influence a pu se produire parfois contrairement aux coutumes séculaires du pays : ainsi, tandis qu’en Phrygie, comme dans d’autres régions du plateau anatolien, le régime de la famille paraît plutôt matriarcal, la patria potestas, en Galatie, va jusqu’à autoriser la condamnation à mort des enfants par le père.
Mais l’action de l’élément galate s’est surtout exercée quand elle concordait avec les traditions phrygiennes ; et c’est cette concordance qui explique la rapide fusion qui, dès le début du IIe siècle avant notre ère, a permis au frère du Tolistoboïen Aioiorix de s’asseoir sur le trône du prêtre-roi de Pessinonte.
Sans reprendre ici la question en détail, bornons-nous à rappeler que la déesse celtique de la chasse a pu se confondre avec l’Artémis phrygienne, et le dieu-ou-démon Medros avec Mithra ; que certains animaux (taureaux, porcs, colombes peut-être) sont sacrés chez les Phrygiens comme chez les Celtes ; que l’on retrouve enfin chez les deux peuples bien des conceptions communes, déesse-ou-démones mères, divination par les oiseaux, carnassiers androphages, divinités des eaux, des arbres et des montagnes. Ces exemples suffiront pour justifier la question à laquelle nous allons essayer de répondre : de quel pain se servaient les Galates avant d’arriver dans le pays qui allait porter leur nom et une fois installés dans leur conquête ?
Dans les stations lacustres, le pain ne se rencontre que sous forme de galettes massives faites de grains concassés grossièrement et cuits sur des pierres plates échauffées. On broyait encore ainsi le grain en [Great] Bretagne du temps de Diodore. Les Celtes du Continent se perfectionnèrent dans l’art de séparer, dans le grain pulvérisé de la sorte, le son et la farine : ils inventèrent même pour le blutage un tamis fait de crin de cheval 1). Mais on ne voit nulle part qu’ils aient transformé ces galettes en pain véritable par l’action du levain.… Ce n’est qu’assez tard, sans doute sous l’influence de Marseille, qu’ils apprirent à faire fermenter le pain. Comme ils ne buvaient pas de vin, c’est la levure de bière qu’ils employèrent 2) ; mais cette invention ne semble pas s’être maintenue après la conquête romaine… Legrand d’Aussy a raconté l’émotion que provoqua, dans la Faculté comme dans le Parlement, la réapparition, en 1668, de la levure de bière destinée à faire lever ce beau pain mollet, léger, doré, tout spongieux de lait ou de beurre comme le dipyre de Galatie. Elle revenait alors d’Angleterre où sa force était nécessaire pour soulever la vieille pâte trempée de graisse et de lait, à laquelle le peuple était resté si attaché que l’Église avait dû y superposer sa croix sur la rouelle celtique : hot cross buns… Bien que Pline emploie le terme de panis – pane vinoque – en décrivant un rituel druidique, il ne semble pas qu’il puisse s’agir d’un autre libum que de la galette composée de ces grains d’orge qui, en Grande-Bretagne surtout, sous le nom de barky-corn, sont entourés de tout un cycle de légendes, vestiges à peine déformés des croyances celtiques… Une galette d’épeautre non levée jouait, elle aussi, son rôle, dans les sacrifices, et le repas préparés selon les rites, sous le rouvre où l’on coupait le gui sacré.
On ne sait si ce selago, peut-être analogue à la jusquiame que l’on appelait belinuntia, donnait lieu en Galatie à des pratiques semblables ; mais l’institution du drunemeton suffit à prouver que la religion du chêne n’y fut pas inconnue.
C’est non plus au sud, mais au nord des Pyrénées, en Aquitaine, que l’on se servait, pour faire le pain, d’un panic très estimé que les Galates devaient retrouver en Cappadoce, ou encore d’une sorte d’épeautre, arinca… dont on faisait aussi grand usage en Galatie.
L’orge, brace, dont ils retrouvaient la liqueur fermentée – cette boisson nationale qu’incarnait leur dieu-ou-démon Braciaca – jusqu’au fond de la Cappadoce où elle avait pénétré avec les divinités thraco-phrygiennes Braités et Sabazios, y avait donné naissance à ce pain d’orge que les Galates paraissent avoir préféré. Semé en mars sur les terres froides du Dindymos, il donnait, par jugère, cinq modii d’une farine excellente pour pain de ménage. Cette orge de Cappadoce était surtout appréciée dans la Galatie proprement dite et exportée, pour cette raison, sous le nom d’hordeum galaticum.
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C’est donc de panic, d’épeautre ou d’orge, emmagasinés de part et d’autre dans des greniers souterrains, que l’on paraît s’être servi pour le pain, de préférence au froment…
Il résulte des faits que nous avons réunis que, dans la Celtie indépendante, le peuple, d’une part, par indigence ou par ignorance ; le clergé, de l’autre, par suite d’idées religieuses qui se retrouvent presque partout ; se refusaient à l’usage du pain levé. La situation ne paraît guère avoir été très différente dans l’intérieur de la Phrygie, les mêmes causes produisant les mêmes effets. Puisque nous retrouvons cet état de choses en Galatie quatre siècles et plus après la conquête, on peut croire que, lorsque Galates et Phrygiens entrèrent en contact, ils en étaient, sur ce point, au même degré de civilisation. Nous n’en sommes pas réduits d’ailleurs à invoquer la seule vraisemblance. Quarante ans à peine après leur invasion en Galatie, Phylarque, décrivant les festins déjà célèbres des Galates, a soin de dire que l’on disposait sur leurs tables des pains en grand nombre déjà rompus.
Il ne saurait être question de rompre du pain levé, que l’on peut seulement couper ; ce que l’on rompt, ce sont ces longues galettes azymes dont les morceaux sont distribués aux convives, et notre expression rompre le pain est d’ailleurs un souvenir de l’époque où l’on n’en connaissait pas d’autre.
Sur cette question primordiale du pain, il ne semble donc pas y avoir eu de différence notable, en Galatie, entre conquérants et indigènes, ni entre leurs cultes respectifs. On a pu entrevoir quelle influence ce fait, en apparence insignifiant, a pu exercer sur l’histoire religieuse de l’Asie Mineure.
Dans son Expositio totius mundi et gentium, écrite sous Constance (entre 351 et 358), à Antioche ou à Alexandrie, un auteur anonyme, qui caractérise en quelques mots les provinces de l’Empire et les productions de leurs grandes villes, achève ainsi sa notice sur la Galatie : « Habet civitatum maximum quae dicitur Ancyra ; divinum panem et eminentissimum manducare dicitur ».
Cette épithète de divin appliquée à un pain ne laisse pas d’étonner ; même chez un écrivain du IVe siècle, divinus ne s’emploie que par rapport aux dieux ou aux empereurs. Il ne saurait en être autrement du pain galate ; s’il est qualifié de divin, ce n’est pas seulement qu’il est exquis, mais qu’il n’est pas sans quelque relation avec la divinitas.
Or, d’une part, on sait, par Athénée 3), que la Cappadoce produisait un pain très apprécié pour sa légèreté et pour le mélange de lait, d’huile et de sel dont il était imbibé ; d’autre part, Arnobe nous apprend que les prêtres et les mystes de la Magna Mater, dont Ancyre, comme Comana ou Pessinonte, était une des capitales, s’abstenaient ab alimonio panis.
On ne peut guère admettre qu’il s’agisse d’une abstinence complète et totale de cet aliment essentiel. Il n’y aurait pas seulement impossibilité physique, mais aussi invraisemblance religieuse : la Magna Mater n’est-elle pas, d’abord, la divinité qui a donné le froment aux mortels et leur a enseigné l’art de s’en servir ? Comment mieux lui témoigner son adoration qu’en consommant ce grain qui est son œuvre et dans lequel donc, elle s’incarne ?
Mais il faut pour cela que le grain soit pur, préservé de toute pollution et fermentation – en un mot, qu’il soit par conséquent azyme.
On sait qu’avant la découverte du levain, le pain n’était partout qu’une galette de grains d’orge, ensuite de blé, broyés plus ou moins finement et cuits, et qu’il resta généralement tel dans les usages religieux. Ce n’est pas seulement à titre d’innovation que le pain levé, d’invention assez récente, devait être exclu de toute cérémonie rituelle ; cette corruption manifeste, par laquelle se traduisait l’action du moût, comportait une impureté incompatible avec une pratique religieuse. Comme le seul pain azyme était permis aux Phéniciens pendant les fêtes d’Adonis et aux juifs pendant les Pâques, ainsi, sans doute, durant les mystères de leur déesse-ou-démone, les fidèles de la Magna Mater devaient-ils s’abstenir de tout pain levé, comme ceux de Déméter ne pouvaient toucher qu’au kykéon.
LE PAIN DIVIN GALATE.
NOTE SUR LE PAIN À UTILISER POUR LE REPAS DE COMMENSALITÉ AVEC LES DIEUX.
Malgré l’excellence des baguettes de mon ami boulanger à Paris il semblerait bien d’après Adolphe Joseph Reinach (Revue Celtique N° XXVIII 1907) que les galettes de pain azyme étaient de rigueur dans la confrérie des Xénoi Tekmorioi si l’on en croit certaines inscriptions découvertes par l’archéologue écossais Sir William Mitchell Ramsay.
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La première de ces inscriptions « tekmoriennes » (de tekmor = signe) a été découverte par notre ami anglais en 1882 dans un cimetière de l’actuelle Kumdanli en Turquie.
Il s’agit d’une liste de donateurs avec, au regard de leur nom, ce qu’ils ont versé à l’association.
Les autres ont été découvertes dans un village situé un peu plus au nord c’est-à-dire en plein territoire tolistoboien, Sagir.
Ce qu’écrit en 1906 ce savant historien sur Amyntas n’est pourtant pas très clair (page 310 de son essai intitulé « Études sur l’histoire et l’art de la province romaine orientale »).
Pour conclure rappelons que personne n’est obligé de s’en tenir à cette antique renaissance païenne du 3e siècle à quelques kilomètres à peine d’Antioche de Pisidie, même si nous sympathisons bien volontiers avec. Plus de détails ci-dessous avec Adolphe Joseph Reinach.
Ainsi que nous le montre le cas de la patria postestas en Galatie, les Celtes n’ont pas toujours servilement suivi les usages des atectai ou peuples de dhimmis sur lesquels ils régnaient. C’est donc probablement pour rendre plus agréable aux dieux et aux hommes ce pain sacré, divinum panem, qu’ils furent amenés, en le trempant dans le mélange dont parle Athénée, à créer l’artos kappadokios (le pain cappadocien) qui jouissait encore au IVe siècle d’une telle réputation qu’il pouvait sembler aux chorographes du temps le produit le plus caractéristique d’Ancyre.
D’importantes découvertes épigraphiques sont venues récemment ajouter un nouvel intérêt à l’hypothèse que l’on vient d’indiquer. Au sud-ouest de la Galatie, dans une région comprise entre Ikonium, où l’on adorait Déméter, les Limnai (lacs Egerdir et Hoiran) et le lac Karalis, qui fut donc une des regiones de la province romaine sous le nom de Phrygia Galatica, M. Ramsay a recueilli une vingtaine d’inscriptions qui se rapportent à une même association religieuse florissante au temps des Sévère : les Xênoi Tekmoreioi. : « les invités qui ont fait le tekmor ». Ce sont de longues listes de cotisations, allant de 900 à 6000 deniers, souscrites par ceux qui sont entrés dans l’association en donnant un gage solennel. Quel peut être l’objet de ce signe qui donnait accès dans la confrérie et qui lui a valu son nom ?
Les prémisses de M. Ramsay demeurent bien fragiles. Des cent trente-cinq localités citées dans les listes, une seule dépend sûrement du domaine impérial ; quant à l’invocation des divi impériaux sur le même pied que les dieu-ou-démons nationaux, elle est loin de conférer aux Tekmoreioi ce caractère exceptionnel sur lequel est fondée l’hypothèse de l’historien anglais. On peut affirmer, au contraire, que cette adoption du culte impérial était, pour les confréries religieuses d’Asie Mineure, comme la formalité préalable et nécessaire à leur autorisation.
L’objet principal du sacrifice était une substance qui associait en quelque manière du pain et de la viande et que les brabeutes – ceux qui attribuent les prix – faisaient préparer pour la cérémonie annuelle…
Un des termes malheureusement mutilé d’une de ces inscriptions est le nom grec dipyros. Le sens véritable du terme est facile à établir. Dans un fragment d’une comédie du début du IVe siècle (Athénée, III, 110) on peut lire :
« Mais que ce sont ces dipyres ou pains biscuits ?
De tous les pains les plus exquis ! »
Autrement dit ce sont de petits pains mollets 4).
Qu’il faille le prendre dans l’une ou l’autre des deux acceptions qu’a conservées le mot de biscuit, galette grossière ou gâteau recherché, la communion par le dipyre paraît donc comme l’acte essentiel par lequel on devenait tekmoreios, et le tekmôr n’était pas autre chose qu’une formule d’initiation, attestant la participation au festin du biscuit sacré, que l’on peut imaginer sur le modèle des fameux credo d’Éleusis ou de Pessinonte : j’ai mangé du tympanon, j’ai bu le kykéon.
D’après Oribase, I, 20, les galettes azymes, dont il décrit longuement la fabrication, n’auraient été agréables à manger que pour avoir été trempées dans ce même mélange de lait ou d’huile (et de sel ou de miel, selon qu’on les voulait sucrées ou salées) dont Athénée fait mention pour expliquer l’excellence du pain galate.
Il est piquant de lire ensuite les textes réunis par Legrand d’Aussy, où les autorités ecclésiastiques du Moyen-âge interdisent, dans les couvents, l’adjonction, au pain grossier, appelé paximacium, de ces mêmes matières à l’aide desquelles on essayait d’en corriger la rudesse. C’est cette adjonction qui
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paraît avoir fait, encore au IXe siècle, la renommée du panis præpinguis d’Alésia. Voir mon article sur ce pain, d’une origine semblable à celui d’Ancyre, dans Pro Alésia, août 1907.
Vie de saint Germain d’Auxerre écrite à la fin du 9e siècle par un moine appelé Heiric.
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Quae, quod alas proprios praepingui pane colonos
Nominis adjectu quondam signata putaris
[Alesia] toi qui passes pour avoir jadis reçu ton nom
Du fait que tu nourris tes habitants d’un pain exquis.
Un pain qui semble donc avoir encore été fabriqué dans la région à la fin du 9e siècle sous le nom de pain Saint-Germain.
Oribase en donne la recette : après une première et légère cuisson, réduire de nouveau en farine par trituration ; ensuite, faire subir une seconde manipulation et une seconde cuisson ; et l’on obtient de la sorte un pain léger, spongieux, ténu, facile à digérer parce que la chaleur en facilite la digestion justement.
C’est pourquoi Hippocrate le recommandait déjà. On pouvait le fabriquer aussi d’une manière plus expéditive et plus grossière. Lorsque les trois paysans illyriens, Justin, le futur empereur, ainsi que ses compagnons Zimarchos et Ditybistès, partent pour aller faire fortune à Constantinople, ils n’emportent que leur sisyre sur les épaules, avec de bons dipyres pour la route dans leurs poches. Ce sont ces qualités de longue conservation qui recommandent le dipyre comme pain de troupe, pour remplacer le vieux pain d’orge supprimé sous les Antonins. Sous le nom de paximatium/a, paximacium/a, paxamas, ce biscuit restera d’ailleurs longtemps la nourriture essentielle des marins, des soldats et des voyageurs.
A. – J. Reinach.
Dans ce sacrifice de commensalité avec les dieu-ou-démons qu’est le rituel du Graal, le grand Cornunnos est réellement présent et immolé pour chacun des participants à son culte. Cette affirmation choque ou scandalise évidemment les juifs les chrétiens et les musulmans aussi peut-être qui l’ont automatiquement assimilé aux sabazies, fêtes en l’honneur du dieu thraco-phrygien Sabazius, représenté habituellement avec des cornes et qui finissaient fréquemment donc en catharsis comme dans le cas des cérémonies des femmes namnètes en l’honneur de Bacchus décrites par Denys le Périégète et Strabon (Géographie Livre IV, 4,6).
Ci-dessous ce qu’en dit le Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines de Daremberg et Saglio de 1877.
« Ce dieu, dont la première patrie est la Thrace, fut toujours adoré par les populations de la péninsule balkanique. On a fait dériver son nom de celui de la bière, qu’on appelait en Illyrie sabaium, tandis que Dionysos, originaire de la même région, personnifiait le vin ; mais ce nom, primitivement sans doute Savadios, prend des formes si diverses que tout essai d’étymologie reste incertain. Comme Sabazius était la divinité suprême de certains cantons, on l’assimila, en Thrace même, au Zeus hellénique et plus tard à Hélios.
Lorsque les tribus thraces franchirent l’Hellespont et s’établirent en Asie Mineure, elles y apportèrent leur culte national. Sabazius trouva ainsi en Phrygie une patrie d’adoption et il fut accueilli de bonne heure dans les régions circonvoisines, en Lydie, en Bithynie, en Carie, en Cappadoce, d’où, au début du IIe siècle avant notre ère., la reine Stratonice l’introduisit à Pergame. Il fut, selon la coutume du paganisme, confondu avec les dieux honorés en Asie Mineure, Attis, Mèn, Mithra.
Sabazius pénétra en Grèce dès le Ve siècle, et si ce dieu, qui resta toujours essentiellement barbare provoqua d’abord les plaisanteries des poètes comiques, si, à l’époque de Démosthène, ses mystères bruyants paraissaient encore méprisables aux citoyens athéniens, le nombre de ses adorateurs n’en devint pas moins considérable. On le trouve dès le IIe siècle avant notre ère à Rome, où le préteur, en 139, expulse les propagateurs de son culte. Mais les Sacra Savadia ou Sebadia devaient prendre un nouveau développement dans le monde latin à l’époque impériale. Inscriptions et monuments
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attestent leur succès non seulement à Rome et en Italie, mais aussi en Pannonie et particulièrement en Gaule.
Comme Dionysos, auquel il est étroitement apparenté et dont on le rapproche fréquemment, Sabazius est sans doute primitivement un dieu de la végétation et l’on fêtait par de bruyantes orgies sa renaissance annuelle. On s’y enivrait en l’honneur de ce génie du blé, devenu par une transition naturelle celui de la liqueur capiteuse qui se fabrique ex ordeo vel frumento. Démosthène a tracé de ses thiases un tableau caricatural, mais fort instructif. Il nous montre le cortège de ses fidèles dansant aux cris de euoi saboi uês attês et agitant au-dessus de leur tête des serpents sacrés. Puis, la nuit, se célébrait une cérémonie secrète : après certaines lustrations, on figurait le mariage mystique de l’initié avec le dieu ; un serpent qui représentait Sabazios (o dia kolpou theos) était introduit par le haut du vêtement et retiré par le bas. On a voulu voir dans cet acte étrange un rite d’adoption, mais il faut plutôt y reconnaître un simulacre d’union sexuelle dont les mystères offrent d’autres exemples.
La religion grossière des vieilles tribus thraco-phrygiennes se transforma nécessairement lorsque Sabazius eut été identifié avec des divinités étrangères et fut devenu le parèdre d’Anâhita et d’Athéna Nicéphore. De toutes ces assimilations, aucune n’eut des conséquences plus importantes que celle qui s’opéra avec le Dieu d’Israël, quand les Séleucides eurent établi en Asie Mineure une quantité de colonies juives. Le kurios Sabazios des Thraces fut regardé comme l’équivalent du kurios Sabaôth des septante et à Rome même on confondit Iovem Sabasium et le Iahvé Zebaoth des Hébreux. Le caractère du premier en fut profondément modifié. Il devint un dieu saint (agios, sanctus), et on lui attribua le pouvoir d’effacer par ses purifications la malédiction, analogue au péché originel, dont le ciel frappait une race entière à cause des fautes commises par son auteur ; son nom même paraît avoir été modifié en celui de Sôzôn, Sauveur. En même temps, il aspire à la toute-puissance, il est dit pankoiranos, et les monuments de ses mystères prouvent qu’on le regardait comme une divinité aux qualités multiples, réunissant les puissances de dieux divers.
C’est ainsi qu’il apparaît, sur une plaque de bronze estampée provenant de Rome, debout dans un temple, entre les bustes du Soleil et de la Lune, entouré des animaux et des attributs les plus variés. Vêtu du costume phrygien, il pose un pied sur une tête de bélier, le compagnon d’Attis ; de la main gauche il tient un sceptre, et de la droite porte une pomme de pin, emblème de fécondité. Dans le fronton, on voit le Soleil sur son quadrige ; et, dans les angles supérieurs, les Dioscures personnifient les deux hémisphères célestes. Les recherches de M. Blinkenberg ont, de plus, démontré qu’une série de mains votives couvertes de symboles, dont les plus fréquents sont la pomme de pin et le serpent, appartiennent au culte de Sabazius et représentent la main du dieu lui-même qui protège et bénit ses fidèles, les trois premiers doigts levés, les deux derniers abaissés : le geste chrétien de la benedictio latina [NDLR. Qui est sans doute antérieur au christianisme].
L’idée de l’immortalité de l’âme, qui est fort ancienne en Thrace, subit aussi, semble-t-il, parmi les sabaziastes, l’influence du judaïsme. Nous connaissons surtout leurs croyances eschatologiques par les célèbres fresques du tombeau de Vincentius, antistes Sabazis, découvert dans les catacombes de Prétextat… Les mystes de Sabazius, à la fin de l’Empire, se représentaient donc encore, aussi bien que les anciens Thraces, la béatitude d’outre-tombe comme un festin perpétuel, où l’on s’abandonnait à une douce ivresse. Seulement l’âme n’y est plus admise qu’après un jugement, si elle a pratiqué pieusement les cérémonies saintes des dieux, pris part au repas sacré des mystères et, d’une manière générale, fait le bien (benefac). Les bacchanales du dieu de la bière s’étaient peu à peu spiritualisées, conformément aux tendances religieuses de l’époque (Franz Cumont).
Il y a lieu de noter d’ailleurs qu’aujourd’hui cette immolation se fait de manière non sanglante puisque symbolisée sous forme de pain galate (toujours le meilleur pour les dieux) ; mais c’est toujours le même Cornunnos et seule la manière d’offrir (idpart) a changé. Par contre le résultat demeure le même : celui qui participe à ce sacrifice reçoit la force de lutter pour vivre sa vie d’homme, car c’est l’esprit qui fait vivre, la mort n’est que le milieu d’une longue vie.
La procession du Graal n’est donc qu’un théologoumène souvenir des temps anciens où il s’agissait bien réellement du corps et du sang de l’animal sacrifié (tué à la chasse) et notre pain galate est devenu au fil du temps par métonymie le symbole même de ce sacrifice. Toujours le meilleur pour les dieux avons-nous dit.
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Certains de nos fidèles, taqiya oblige (ils seront pardonnés), ont cru bon d’inventer toute une histoire pour justifier leur trop visible intérêt pour ces antiques rituels. Un dénommé Joseph d’Arimathie aurait recueilli le sang du demi-dieu Jésus et après un long détour par la Gaule (tiens, la Gaule, et pourquoi pas la Galatie ?) l’aurait caché à Glastonbury en Angleterre. Le premier à avoir pris cette fable au sérieux fut le chevalier français Robert de Boron à la fin du 12e siècle. Robert de Boron est en effet le premier auteur à rattacher officiellement notre antique rituel au christianisme en s’appuyant pour cela sur divers apocryphes du IVe siècle.
Les druidisants ont l’ardente obligation morale de participer à un tel repas de commensalité avec les dieu-ou-démons au moins une fois par an. Ils ont notamment l’ardente obligation morale de le faire à Samon (ios). Ils ont d’ailleurs aussi l’ardente obligation morale de participer à l’office bimensuel toutes les demi-lunaisons, c’est-à-dire en gros tous les quinze jours ; pour y suivre l’enseignement oral des très-sachants, s’y s’associer aux prières de la communauté, participer à sa catharsis libératoire (les sabazies qui suivent l’office à proprement parler).
C’est pourquoi les gnostiques d’Occident insistent pour que l’on participe à ces rituels d’atenoux et de divertomu, deux fois par mois, et qu’ils insistent pour que cette participation soit pleinement consciente.
Dans les lieux où, faute de très-sachants disponibles, il est impossible de célébrer l’office tous les quinze jours ; les très-sachants d’aujourd’hui recommandent que la communauté du lieu célèbre cependant atenoux et divertomu, en se rassemblant comme elle peut pour opérer un sacrifice.
Certains de nos frères en paganisme comprenant bien encore le dimanche comme « jour du soleil » (Son-tag en allemand, ce qui n’est plus vrai dans le cas des langues, dites latines malgré leur substrat celtique) ; le néo-druidisme accepte donc, notre société aujourd’hui étant basée sur un calendrier uniquement solaire, que ce rituel soit célébré le dimanche le plus proche de la date exacte de la fête en question (en calendrier celtique luni-solaire comme celui de Coligny). Le jour du soleil (le dimanche) est comme un solstice d’hiver hebdomadaire. Il symbolise l’achèvement de l’année donc le commencement d’une nouvelle procréation du monde. Le 7e jour de la semaine un jour nouveau se lève.
1) Pline. Histoire naturelle. Livre XVIII, 38, 1.
2) Pline. Histoire naturelle. Livre XVIII, 12. « En Espagne, là où ils fabriquent de la boisson en faisant tremper le blé de la façon que nous venons de décrire, ils utilisent la mousse qui se forme à la surface comme levain. : de là vient que le pain de ces pays est plus léger que celui fait ailleurs » » et « Ils ont également une variété d’épeautre propre à e pays. Ils lui donnent le nom de « brace »……… elle a un grain d’une remarquable blancheur. Une autre différence est le fait qu’elle donne pas loin de quatre livres de pain de plus par boisseau que toute autre variété d’épeautre » (XVIII, 11).
3) Athénée. Les Deipnosophistes. Livre III, 79. « Les Grecs appellent mollet, un pain dans la pâte duquel on mêle un peu d’huile, de lait ainsi qu’une pointe suffisante de sel ; mais il faut que la pâte ne soit pas pétrie ferme : c’est aussi ce que l’on nomme pain de Cappadoce, parce que c’est surtout en cette contrée que l’on fait du pain mollet. Les Syriens appellent cette espèce de pain lachman : il est d’ailleurs excellent chez eux, parce qu’il s’y mange tout chaud, et qu’il est comme de la fleur de farine ».
4) Eubule parle de pain dipyre ou biscuit, dans son Ganymède… selon le Ganymède d’Alcée, ces dipyres sont des pains très délicats.
Notes de Pierre de La Crau retrouvée biffée par ses héritiers.
Les termes Soma et Haoma figurent respectivement dans les Rig-Veda (religion hindouiste) et l’Avesta (religion zoroastrienne).
Ils désignent tous deux une boisson enivrante à usage sacrificiel, obtenue par pressurage, et fabriquée à partir d’une plante désignée dans les textes de référence sous le même nom. La racine est indo-iranienne et désigne littéralement le suc, le jus pressé ; elle se retrouve dans le sanscrit soma (jus obtenu par pressurage de la plante appelée soma, breuvage sacrificiel), dans le vieux perse hauma (plante et suc de sacrifice) et dans l’avestique haoma (breuvage du culte).
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Ce breuvage ou amrita chez les hindous, était réputé procurer l’immortalité et/ou des pouvoirs surnaturels ; il était vénéré à l’égal d’un dieu-ou-démon, un peu comme le dieu braciaca mentionné par une inscription trouvée à Bakewell.
Aurais-je bu du Soma ?
Oui j’ai bien ça dans l’idée,
« Je voudrais gagner une vache, un cheval ».
Aurais-je bu du soma ?
La boisson me soulève
Comme un vent furieux.
Aurais-je bu du soma ?
La boisson m’emporte
Comme les chevaux soulèvent un char.
Aurais-je bu du Soma ?
Je suis grand, grand… me voilà dressé jusqu’aux nues.
Aurais-je bu du Soma ?
(Rig-Veda, X, 119).
L’origine du soma-haoma indo-iranien a donné lieu à de nombreux mythes dans la littérature ancienne de l’Inde.
Le mythe du barattage de la mer de lait raconte comment l’Amrita fut donné aux hommes. L’Amrita signifiant littéralement « immortel » représentait le nectar de la vie éternelle, l’ambroisie divine. Il s’agit d’un concept fréquemment utilisé dans les Védas et souvent pour désigner le Soma.
Plusieurs plantes entraient probablement dans la composition de ce soma qui était sans doute associé à d’autres psychotropes. Sont souvent cités : le cannabis (cannabis sativa), le pavot (papaver somniferum) ; mais il semble que les candidats les plus probables, dans les analyses actuelles et compte tenu des informations à notre disposition, soient l’amanite tue-mouche (amanita muscaria) et l’éphédra.
Des découvertes archéologiques émanant de fouilles russes au Turkménistan, confirment l’utilisation d’éphédra entre le IIIe et le IIe millénaire. La présence d’éphédra et de pavot a été mise en évidence, en association avec des objets qui correspondent assez bien aux pratiques décrites dans le Rig-Veda et dans l’Avesta, pour la préparation de ce breuvage sacré. Ce type de culte est une pratique très ancienne en Asie Centrale, remontant au Chalcolithique, et attestée par la présence d’autels ou de sanctuaires rectangulaires d’une structure bien spécifique…
N.B. Il s’agit des découvertes effectuées dans le temple de Togolok. Cette civilisation a eu un rôle clé dans l’histoire antique de toute l’Asie du Sud-est ; avec des relations civilisationnelles et commerciales qui s’étendaient d’un côté en Iran et en Afghanistan jusqu’à la lointaine Mésopotamie ; de l’autre côté dans le sous-continent indien jusqu’à la vallée de l’Indus. Le temple a été construit à la fin du IIe millénaire.
Lors des fouilles, l’analyse de résidus organiques retrouvés dans des fonds de récipients a révélé la présence de petites branches microscopiques d’Éphédra.
Certaines espèces du genre contiennent, en effet, de l’éphédrine, un extrait alcaloïde à effet psychotrope euphorisant. Compte tenu du contexte, cette trouvaille tendrait à confirmer l’utilisation de cette plante dans la préparation du breuvage sacré, telle qu’elle nous est transmise par l’Avesta (haoma) et le Rig-Veda (soma).
La préparation indiquée dans ces deux ouvrages (tiges longuement macérées dans de grands chaudrons, puis une fois ramollies, soigneusement broyées avec des meules à grains en pierre ou dans des mortiers avec des pilons également en pierre ; la pâte ainsi obtenue étant mélangée ensuite avec du lait, ainsi que de l’orge, et après fermentation, passée à travers des tamis) ; correspond aux découvertes faites sur le site du temple de Togolok 21 (énormes chaudrons enterrés, auprès desquels se trouvait un grand nombre de mortiers en pierre, de pilons et de meules à grains ; ainsi que de grands récipients de forme spécifique avec en leur centre un orifice recouvert d’un morceau de laine de mouton qui pouvait parfaitement servir de filtre).
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NOUVELLE RÉFLEXION SUR LA LITURGIE.
La religiosité est un ensemble de valeurs répondant tant bien que mal aux grandes interrogations de l’existence.
Dans le druidisme les dagolitoi croient comme ils prient et ils prient comme ils croient. C’est-à-dire en hommes libres, debout. Les rituels charpentent néanmoins l’action du druidisme et de chacun de ses membres.
Il n’y a pas de paganisme concevable sans dieu-ou-démons, sans dieu-ou-démons venus se manifester voire manifestant toujours de façon visible sur notre terre, ce qu’il y a donc à manifester. La druidiaction n’est que la prolongation de leur action. Dans le cadre du cycle en cours et avant qu’un autre puisse naître dans des conditions différentes. Il n’y a pas non plus de druidiactio sans rituel ou symboles visibles de ces interventions invisibles.
La liturgie druidique est la traduction concrète de la fonction sacerdotale admodum dedita reliogionibus du peuple celte (Diodore de Sicile Histoire universelle livre II:47 « les insulaires vénèrent particulièrement Apollon [Abellio]. Ils sont tous, pour ainsi dire, les prêtres de ce dieu. Chaque jour, ils chantent… La dignité royale et en même temps sacerdotale est possédée dans cette île par les Boréades, descendants de Borée, dont la succession n’a point encore été interrompue, etc. »). Une fonction dans laquelle la sacralisation des êtres ou des choses est signifiée par des symboles visibles. C’est une mystagogie et non une démagogie comme dans les religions de masse d’un seul livre.
Le caractère symbolique des rituels vient du fait que la foi ne se construit pas toujours d’elle-même, qu’elle a besoin aussi d’être étayée ou construite, cultivée. Mais ces symboles celtes doivent être vécus à travers des ensembles de gestes et de paroles. Un véritable enchaînement ayant sa logique propre qui les structure et leur donne un sens.
La pratique druidique actuelle oscille entre une répétition très étroite des rituels de l’ancien druidisme et une créativité débridée qui ne tient plus compte des règles élémentaires propres à la druidiactio. Or un tel laxisme peut aboutir à une véritable profanation des rituels où chacun se proclame très-sachant et fait ce qu’il veut, autrement dit n’importe quoi.
Au cours d’un rituel druidique comprenant prière, écoute de la mythologie, et commensalité devogdonion (communion avec les dieu-ou-démons) le message est transmis par des signes touchant tous les sens. L’oreille par le chant la récitation ou la musique, le goût par la bière ou l’hydromel sacrés, l’odorat par la résine parfumée du pin des torches ou des perles d’ambre jaune qui grésillent, l’œil par les lumières, la couleur des coules ou les statues, voire les fresques. Comme celle qui fut découverte par Lucien de Samosate dans le sud de la France et représentant Ogmios.
Les rituels sont la charpente de cette liturgie divine. Un rituel est par définition célébré, c’est-à-dire public et solennel. Ce petit côté « sacrement » des rituels druidiques délimite un espace dans lequel la foi de chacun peut s’épanouir pleinement. Nulle contrainte en matière de religion (Saint Coran chapitre 2, verset 256 ; un verset malheureusement abrogé par le verset de l’épée : 9,5 et 9, 29).
Rituels de l’ancien et du nouveau druidisme.
Le Destin (l’Être supérieur ou Bitos) étant solidaire de l’Homme, consubstantiel à l’Homme, comme une seconde peau (les animaux n’ont pas conscience d’avoir une destinée), il agit à la fois dans les événements, dans l’Histoire et dans les cœurs, notamment par l’intermédiaire de ses agents sur terre, les dieu-ou-démons.
Après la 3e bataille de la Plaine des menhirs ou de tumulus et la fin de l’Hyperborée, ce Destin continuera de guider sa langue élue, les Celtes, comme un phare dans la nuit, en lui suscitant des prêtres, des médecins, des juges (des très-sachants primordiaux) et des rois comme Ambicatus. Il suscitera même des satiristes ou des bardes pour les remettre dans le droit chemin.
Grâce à ces dieu-ou-démons le Destin ou Tocade accordera un supplément d’âme à l’Humanité.
Les rituels du néo-druidisme se distinguent des sacrements de l’ancien druidisme, mais ils s’y enracinent.
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L’office du Graal s’inscrit par exemple dans le cadre du sacrifice celtique antique de commensalité avec les dieu-ou-démons et notamment ceux d’atenoux et divertomu.
La cérémonie de retour au paganisme (conversion) a repris ce que faisaient les très-sachants antiques pour décider du nom et, donc, de la destinée d’un nouveau-né.
Malgré les apparences les dieux nous parlent toujours. Comme l’a rappelé un jour dans le Lebar gabala Erenn un célèbre docteur ès lettres irlandais, là où les Tuatha (les dieux) passaient, ils faisaient le bien. Comment auraient-ils pu être des démons (au sens négatif du terme) ? Jamais personne ne vit des démons (au mauvais sens du terme) faire du bien.
« Certains disent que le Tuatha De Danann étaient des démons, considérant qu’ils étaient venus sans être vus [eux eux-mêmes reconnaissent qu’ils sont arrivés sur de sombres nuages après avoir brûlé leurs vaisseaux] vu l’obscurité de la leur connaissance et de leurs aventures, et à cause de l’incertitude de leur généalogie : mais ce n’est pas vrai, car leurs généalogies sont assurées, ils nous ont transmis la connaissance et la poésie ; les figures de style compliquées, les éclaircissements apportés par la lecture ainsi que les raffinements des hommes de l’art, viennent justement des Tuatha De Danann. Et bien que la foi soit venue, ces arts n’ont pas été rejetés, car ils sont bons, et aucun démon n’a jamais fait le bien ! »
Les guérisons miraculeuses des anciens gnostiques d’Occident n’avaient d’ailleurs pas d’autre but non plus, et annonçaient toutes la même bonne nouvelle (suscetla). La mort n’est que le milieu d’une longue vie, l’enfer n’existe pas ! Ce message des anciens très-sachants est en effet illustré par les miracles qu’on leur attribue depuis quelque part en Europe centrale au nord des Alpes, il y a 2000, 3000, ou 4000 ans. Mais loin de dispenser de toute volonté ou de toute foi, les miracles des anciens très-sachants les requièrent au contraire, car ils ont introduit un nouveau cycle dans le cycle en cours qui est celui du vieillissement et de la mort. Ils finiront par annoncer le retour du règne des dieu-ou-démons (le jour où nous serons tous des dieu-ou-démons). Mais on ne peut entrer dans leur royaume que par une adhésion intime et personnelle de la foi et de la raison. C’est pourquoi on appelle aussi ces miracles des signes du Destin pour les distinguer des miracles au sens islamo-chrétien du terme. Ils visent une réalité qui est au-delà de ce qui frappe d’abord les sens. On peut en effet entendre des sons sans en apprécier la musique.
Par leurs anamnèses* ou leurs mémoriaux, les rituels du néo-druidisme actualisent donc la présence et l’œuvre des dieu-ou-démons parmi les hommes, sommet de toute initiation, et notamment la vie et l’œuvre du Hesus Setanta Cuchulainn. Car depuis plus de 2500 ans le druidisme se fonde aussi en effet sur la personne d’Hesus, symbole vivant de la puissance de l’esprit sur le corps, qui a vécu parmi les hommes, quelque part en Europe centrale.
Le menhir de Murthemné sur lequel prend un sens nouveau tout ce qu’il a manifesté ou donné de lui-même en faisant le bien autour de lui n’est pas seulement l’événement d’un lointain passé plus ou moins légendaire ou mythifié, c’est un exemple toujours vivant et fécond à méditer. La montée au ciel d’Hesus Setanta Cuchulainn sur son char de gloire atteste le caractère définitif et permanent de son œuvre d’éveil et de salut en tant que dieu-ou-démon anextiomaros, virotoutis contrebis ou iovantucaros.
L’année liturgique druidique qui structure le temps dans une perspective cyclique constitue pour les dagolitoi (pour les fidèles) une École de foi en l’éternel retour. Chaque demi-lunaison ou chaque quinzaine à divertomu et atenoux, les très-sachants accomplissent divers sacrifices de commensalité avec les dieu-ou-démons ; mais ils célèbrent aussi les grandes fêtes appelées Trinouxtion Samoni (os), Ambolc, Beltène, Lugnasade…
Le sacrifice d’atenoux et de divertomu toutes les demi-lunaisons (tous les quinze jours) est le lieu privilégié de la rencontre avec les dieu-ou-démons puisqu’il survient en en endroit devogdnion. Là, en attendant le retour de leur règne, les druidisants se rassemblent pour faire un avec les dieu-ou-démons ; c’est pourquoi la sacralisation de ce jour est capitale : elle appelle à une rupture avec le travail de la quinzaine et le rythme habituel de nos occupations. Là où la célébration de ces sacrifices est impossible faute de très-sachants, cet état de manque doit susciter le désir d’en avoir.
L’homme a besoin de ce repos bimensuel à la fois pour son équilibre personnel et familial et pour la prière. C’est une exigence du corps et de l’âme/esprit.
Les rituels druidiques étant fondés sur le principe de la consubstantiation (ou transsubstantiation disent les chrétiens), disons encore deux mots de ce concept clé du druidisme et du mithraïsme.
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Depuis toujours le druidisme croit qu’avec la parole du très-sachant officiant lors des rituels, lance, épée, maillet, coupe, bière, et autres objets sacrés ; sont transposés en lance de Lug, en épée de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd, en coupe de Dexivatera, en maillet de Suqellos, en sang de Cornunnos, et ainsi de suite.
Le pain galate, la viande, et la bière (de la cervoise) consacrés, tout en conservant leur apparence physique, changent de nature profonde au cours de l’office druidique pour devenir corps et sang du divin Cornunnos, notre Grand Frère. Même chose pour les autres objets comme la lance qui, lors des rituels, tout en conservant leur nature physique de simple morceau de bois et de métal ; changent de substance au cours du rite pour devenir les talismans sacrés des dieu-ou-démons comme Lug, Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd et tous les autres…
Le mot consubstantiation désigne la simultanéité (com = avec) par laquelle la puissance divine habite toute la matière de la lance, de l’épée, du maillet, de la bière. Comme si c’était la force même de la lance de Lug (celle qu’il maniait), la force même du vrai maillet de Suqellus, la substance même de la personne du grand Cornunnos… Tout en laissant inchangées leurs formes, leurs natures, et leurs apparences physiques de simple bout de bois ou de métal, de simples liquides ou de simples viandes, voire pain galate.
Derrière ou dans ce qui continue d’apparaître à nos yeux de la même façon qu’auparavant, il y a désormais la présence réelle et consubstantielle des dieu-ou-démons évoqués.
Les propriétés de la bière, de la viande, de la lance, etc. utilisées dans les rituels, restent inchangées pour nos sens ; mais après la consécration par le très-sachant officiant, au cœur de cette réalité physique, chimique et sensorielle, inchangée ; il y a aussi désormais le temps du rituel le sang de Cornunnos, la lance de Lug, l’épée de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd, la coupe de Dexivatera, et ainsi de suite.
Ce que nos frères d’Océanie appellent le mana si notre mémoire est bonne. Le mana, c’est cette force active, associée aux ancêtres et d’essence divine comme la shekinah juive ou la sakinah des musulmans, qui imprègne les êtres et les choses. Ce que nos frères du mithriacisme voient aussi dans leur culte du taureau (à la place du cerf).
N.B. Le rituel qui se déroulait dans un mithraeum devait comprendre un premier temps d’instruction, qui prenait appui sur une abondante iconographie, puis un repas rituel. Ce banquet sacramentel commémorait, mais aussi réactualisait, celui de Mithra et du Soleil. La nourriture prise permettait une régénération aussi bien physique que spirituelle. Il est probable que la cérémonie comprenait des sacrifices d’animaux, et que l’eau et le feu y jouaient un rôle important.
Du moins, c’est ce que l’on suppose, car l’essentiel de ce que nous savons sur le mithriacisme est fondé sur l’iconographie, sur des peintures et surtout des sculptures, puisque quasiment aucun texte sacré n’est parvenu jusqu’à nous. Il faudra en effet attendre les auteurs chrétiens pour trouver quelques lignes sur le sujet. Ces derniers ne ménagent pas leurs critiques envers des pratiques religieuses qu’ils prétendent bien entendu (c’est toujours la même chose) inspirées par le Diable ou par Satan, et ce d’autant plus qu’elles présentent des ressemblances troublantes avec leurs propres rites et croyances. Par exemple, le repas où l’on partage pain et vin, mais aussi un dieu-ou-démon sauveur qui régénère le monde grâce au sang répandu… (Tertullien, Traité de la prescription contre les hérétiques, XL). Ce racisme ou cette intolérance religieuse fanatique des talibans de la religion d’amour, se traduira finalement par la destruction des sanctuaires de Mithra et des représentations du dieu-ou-démon, clairement attestée par les fouilles archéologiques.
*Les sciences occultes définissent l’anamnèse comme le fait de recouvrer la connaissance totale de ses propres existences antérieures en tant que peuple langue ou culture. En termes plus médicaux son histoire ou ses antécédents. Ce que l’on a été avant d’en arriver là.
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NATE NATE MENTO BETO TO DEUO. PHILOSOPHIE DES RITUELS.
Les rituels sont des actions accomplies et renouvelées suivant certaines règles. Ces règles sont évidemment variables suivant le groupe humain concerné, mais elles sont indispensables à la cohésion du groupe. Les membres du groupe se reconnaissent entre eux à travers ces rituels qui leur sont communs : leur vie en est marquée. Elle en reçoit ses orientations, son « style », qui souvent déconcerte les personnes extérieures au groupe.
Les rituels témoignent de la profonde humanité de nos dieu-ou-démons, qui s’adressent à nous dans notre corporéité concrète (anthropomorphisme ! disent leurs détracteurs monolâtres). Leur signification profonde se déploie dans l’adhésion explicite et personnelle du croyant. Les rituels sont des signes sensibles de la solidarité des dieu-ou-démons envers les hommes (les animaux n’ont ni dieux ni diables).
Le Grand Litus dont nous avons un peu trop rapidement survolé la mystagogie dans le cadre de cette petite bibliothèque destinée aux jeunes ; a pour but de rappeler les principes de base en matière d’attitudes, de symboles ou de paroles, rythmant l’année celtique ; ou destinés à entrer en communication avec les dieu-ou-démons.
Pas de druidiactio en effet sans rituel, car le rituel est à la fois le signe et le moyen de ce partage avec les dieu-ou-démons. Ce sont tous des applications ou des clauses implicites du traité de paix (caratrad) qui nous lie aux dieu-ou-démons depuis la bataille de la plaine aux tumulus, depuis la fin de la TROISIÈME bataille de la plaine aux tumulus.
Grâce aux rituels, nous avons l’occasion d’entrapercevoir pendant quelques instants dans le monde des dieu-ou-démons, le sedodumnon, pour y goûter en tant qu’enfants adoptifs, l’apaisement et l’unité.
Les rituels divins, célébrés par la druidiactio, comportent une dimension profondément humaine avons-nous dit. Ce sont des expériences humaines symbolisées. On retrouve dans ces rituels plusieurs des grands symboles dans lesquels se reflètent les rapports de l’Homme, du Gdonios, avec la force cosmique (Bitos). C’est même en prenant corps en quelque sorte, dans les éléments les plus fondamentaux de la nature et de l’existence humaine, que la souveraineté (mana), cette force spécifique des dieu-ou-démons, se communique. Lors de la cérémonie du nom, lors de l’office druidique (par la participation à un sacrifice) dans le consolamentum (par une action anciennement médicale), et ainsi de suite.
Évidemment, personne n’est propriétaire des rituels. Éléments essentiels de la tradition celtique qui, pour certains, remontent à l’Hyperborée (métahistoire) ou à la bataille de la Plaine des menhirs – le rituel de Lugnasade par exemple – ils règlent et nourrissent la foi druidique.
Certains de leurs aspects secondaires peuvent être plus ou moins adaptés aux possibilités ou aux circonstances. Mais en eux-mêmes dans leur caractère sacramentel, les rituels ne doivent pas être manipulés. Il n’appartient à personne de les modifier ou de les aménager à sa convenance personnelle. Cela risquerait de les vider de la plus grande partie de leur sens. La référence à la tradition, par sa seule existence, empêche les individus ou les communautés isolées de ramener ce qui est fait au nom des dieu-ou-démons à la seule mesure de leurs désirs personnels. Car avant même qu’il ne se remplisse de tous ses traits concrets ; le rituel traditionnel (la libation d’hydromel, l’aspersion d’eau lustrale, la lance de Lug, etc.) atteste que les croyants ne sont pas rassemblés pour des raisons purement profanes, mais pour invoquer les dieu-ou-démons.
Certains font la distinction entre les rituels de l’ancien druidisme et les rituels du néo-druidisme.
Les rituels de l’ancien druidisme étaient des rites encore hyperboréens d’esprit, donc préhistoriques, grâce auxquels les dieu-ou-démons pouvaient régulièrement intervenir sur cette terre en vertu du traité de paix qui avait suivi la dernière bataille de la Plaine des menhirs ou des tumulus.
Les rituels du néo-druidisme se distinguent évidemment de ces rituels hyperboréens, mais ils en sont issus et en ont gardé l’esprit.
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C’est pourquoi donc, on peut vraiment dire que ce sont en définitive les dieu-ou-démons eux-mêmes, qui en sont les auteurs ou les inventeurs, et non les très-sachants primordiaux. En choisissant notre langue celte pour être homophonon ils lui ont confié les rituels ad hoc comme moyen privilégié de permettre aux hommes de croire à l’enchantement de ce monde au caractère sacré de cette terre et en la vie éternelle, puisque la mort n’est que le milieu d’une longue vie, de les rencontrer puis de participer à leur souveraineté, leur banquet, serait-ce un bref instant.
Que tous les dieu-ou-démons soient très-sachants, même sans que les récits le spécifient expressément, cela est évident. Tout dieu-ou-démon a la compétence totale de son domaine fonctionnel et théologique. Il est donc très-sachant par définition. Mais les dieu-ou-démons néanmoins ont remis aux très-sachants primordiaux un certain nombre de pouvoirs : le dieu-ou-démon-très-sachant est aussi le dieu-ou-démon des très-sachants. Ce « dieu des très-sachants » est d’ailleurs très-sachant et guerrier lui-même.
À un moment difficile du siège de Druim Damh Ghaire, Ceann Mor invoque « le premier très-sachant du monde » et ce très-sachant est Mog Ruith qui, pendant que brûle le feu druidique qu’il a demandé, commence ainsi une longue tirade poétique : DIA NA NDRAOITHE, MO DHIA THAR GAC DIA « DIEU DES TRÈS-SACHANTS, MON DIEU AVANT TOUS LES DIEUX ». Les très-sachants des anciens Celtes étaient donc bien hénothéistes tout comme les premiers musulmans d’ailleurs si l’on en croit les versets sataniques du Coran (Allah n’était que le premier des dieux du panthéon mecquois représenté dans la Kaaba et il avait trois filles : les déesses appelées Al-Lat, Al-Ouzza et Manat). Ceci avant que Mahomet change d’avis (on l’a connu mieux inspiré) et se mette à répéter qu’il n’y avait de Dieu qu’Allah. Les druides par contre eux n’ont jamais changé d’avis et s’en sont tenus à l’hénothéisme (Taran/Toran/Tuirean premier des dieux ?).
Que l’institution de certains rituels remonte en définitive aux dieu-ou-démons eux-mêmes, est particulièrement net dans le cas de la Lugnasade. Elle a été voulue par Lug en personne si l’on en croit l’historien irlandais Keating.
On peut aussi remonter à des antécédents mythologiques dans le cas du rituel d’ordination des vates, vellèdes ou gutuatres/gutumatres. Il suffit de le rapprocher un peu de l’arrivée de Lug dans la forteresse du roi Noadatus/Nodons (Tara dans la version irlandaise de la bataille de la plaine aux tumuli : Cath Maighe Tuireadh).
Dans les autres rituels, outre le rapport étroit qu’ils entretiennent avec la notion de sacrifice, leur lien avec la pratique des dieu-ou-démons eux-mêmes quand ils guérissaient, soignaient, ressuscitaient, défendaient, nourrissaient, jugeaient… s’avère aussi très fort.
Nos rituels reconstituent donc l’action des dieu-ou-démons dans l’âme des peuples. Ce sont les dieu-ou-démons eux-mêmes qui les ont institués ou inspirés puis les ont confiés aux très-sachants, gardiens des mystères celtes comme aurait dit John Sharkey.
Application spiritualiste de la célèbre loi de cause à effet, papillon, ces rituels celtes sont donnés à un moment déterminé, mais rayonnent après sur l’ensemble de la vie concrète du croyant. Leur action dépasse de beaucoup les dispositions du très-sachant qui les célèbre ou de celui qui en bénéficie, même si cet état d’esprit intervient dans les effets produits par les rituels. Les rituels exercent leur action fécondante en vertu même des rites accomplis (ex opere operato disent nos amis catholiques). Ils réalisent ce qu’ils signifient.
De fait, les très-sachants se sont toujours vus reconnaître un large pouvoir de détermination des modalités pratiques de ces rituels. Ils en ont modelé le « cérémonial », ils en ont défini les éléments qui en donnent le sens. Mais ces très-sachants de la druidiaction savent depuis toujours qu’ils ne sont que les gardiens de ce qui en constitue la substance même : les gestes et les paroles des dieu-ou-démons qui les ont institués ou inspirés, autrement dit l’essentiel du rituel. C’est pourquoi ils ne se reconnaissent pas le pouvoir d’effacer un anmenacton ou une ordination. Ils ne peuvent que voir si les rituels en question ont été oui ou non bien effectués.
La cérémonie du nom confère à un enfant encore incapable d’en comprendre le sens réel et la signification profonde à cause de son âge (sept ans), le supplément d’âme requis pour vivre en Celte ; même s’il est demandé par une famille peu croyante, il n’en demeure pas moins un vrai baptême païen. L’anmenacton ainsi effectué demeure en effet un geste des dieu-ou-démons réitéré par le très-sachant officiant (principe de similarité, mais Tylor et Frazer se réfèrent tous deux à la psychologie associationniste de Hume pour cela).
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L’ambivalence des gestes et des symboles, la massue ou le maillet par exemple, peuvent être porteurs de vie ou de mort suivant les cas, est levée par la parole du très-sachant qui les accompagne. Les rituels sont une action symbolique à laquelle s’ajoute en effet une parole. Ce sont des signes visibles de la souveraineté invisible des dieu-ou-démons. Ce dont ils témoignent et à quoi ils renvoient, c’est l’histoire et les exploits des dieu-ou-démons. Les rituels nous font entrevoir la plénitude de vie que nous connaîtrons au sein du Vindobitos après notre mort. Et même ils nous y associent dès à présent.
NOTE SUR LES RITUELS MINEURS OU LOCAUX.
La souveraineté divine comporte un caractère médical dans certains cas, mais elle fait surtout participer à la vie des dieux ou démons.
Les rituels supposent la participation consciente active et fructueuse de chacun des dagolitos (fidèle). Dans chaque rituel un minimum de participation est toujours requis en effet. Il faut pour le moins se rendre en un lieu précis, et ainsi de suite. Et ce n’est qu’en cas de circonstances exceptionnelles – si l’on est traité comme les Yézidis en Irak, là un minimum de taqiya s’impose – que le développement de cette liturgie des rituels peut être réduit au strict nécessaire.
Si les rituels supposent la volonté d’y participer, ils sont là aussi pour la charpenter ou la construire avons-nous dit. En tant que visions du monde à venir, ils ont aussi un rôle d’enseignement.
Les rituels témoignent de cette réalisation et comportent une profondeur qui ne se découvre pleinement que par la foi évidemment, cette foi druidique capable de faire s’écrouler les montagnes ainsi que nous le montre le célèbre récit intitulé en gaélique Forbhais Droma Damghaire (le siège de Druim Damghaire, aujourd’hui Knocklong). Dans les rituels la volonté conserve son caractère éminemment personnel ; mais elle y acquiert et y manifeste son caractère public. Pas de païen honteux chez nous, que des hommes ou des femmes sciemment adeptes du paganisme philosophique et réfléchi de nos ancêtres !
Le vrai druidisme a toujours pris en compte la religiosité populaire et les différentes formes de piété des dagolitoi ou fidèles : vénération des restes des héros morts pour la patrie, visite aux sanctuaires, pèlerinages, pardons, troménies ou processions, danses…
Les rites sont de petits rituels particuliers destinés à sanctifier ou bénir les différentes circonstances de la vie et les différentes cultures ou civilisations. Les rites mineurs ou locaux sont des rituels simplifiés destinés à bénir ou à sacraliser par une bonne force venue d’en haut (sunartiu) certains états de vie, certaines circonstances, certains usages. Ces rituels simplifiés répondent donc aux besoins d’une région ou d’une époque. Certains d’entre eux ont une portée durable. Ils ont par exemple pour effet de réserver au culte certains objets ou certains lieux (sanctuaires, chaudrons, lances…) Leur élément principal est d’ailleurs le plus souvent une simple bénédiction (sunartion).
Ces rites sont des fragments de rituel ou prolongent lesdits rituels, mais ne les remplacent en aucune façon. Ils doivent par conséquent être célébrés de façon à s’harmoniser avec les rituels précédents, car la liturgie panceltique est de loin plus englobante. L’exercice de cette religiosité populaire est donc soumis au discernement ou au jugement des très-sachants locaux. Le bon sens est la capacité de synthèse nécessaire à l’existence. Il fait aller de pair, de façon créative, le divin et l’humain, l’âme/esprit et le corps, l’individu et la société, l’intelligence et le sentiment, la patrie et les nations, voire bien d’autres choses encore.
CONCLUSION.
Il existe donc cinq sortes de rituels.
Les rituels d’invocation sont des rituels ayant pour objectif d’entrer en contact avec l’invisible ou l’au-delà pour lui soumettre une requête, en attirant son attention. Ces rituels s’apparentent aux prières, mais sont d’une efficacité supérieure.
Les rituels d’évocation sont des rituels ayant pour objectif d’entrer en contact avec l’invisible ou l’au-delà, mais de façon beaucoup plus précise : en faisant venir l’entité surnaturelle ou surhumaine en question.
Les rituels de protection sont des rituels ayant pour but de créer une sorte de bouclier vibratoire autour d’un individu ou d’une communauté.
Les rituels opératoires sont des rituels ayant pour but de mobiliser certaines forces ou certaines entités en faveur d’un projet défini.
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Les rituels de transformation sont des rituels ayant pour but de modifier les états de conscience ou de combattre la maladie.
Ces rituels sont actuellement les plus demandés parce qu’ils permettent souvent de répondre avec succès aux exigences de la vie moderne.
Mais dans les faits, tout rituel druidique relève plus ou moins de ces cinq grandes catégories, qui sont donc de nature opérative. La spiritualité opérative permet de transformer les rêves, les intentions, et les désirs, individuels ou collectifs, épurés par le druidisme, en réalités concrètes ou existentielles ! Ces rituels ne doivent donc pas être détachés de l’ensemble de la druidiactio (de l’être et de l’agir celte). Ils ne doivent pas être détachés de l’ensemble de la vie des très-sachants et notamment de toute la vie liturgique qui gravite et s’agite autour d’eux (les très sachants ne sont pas des moines culdées). Ils ne doivent pas non plus être séparés les uns des autres.
La parcelle de souveraineté divine liée au rituel accompagne toute l’existence du croyant. Chaque jour du mois demeure par exemple sous le rayonnement interne, mais puissant, de l’office druidique correspondant. Ceux qui demandent ces rituels sans y croire vraiment, commettent donc une lourde faute qui pourra rejaillir aussi sur les très-sachants ayant accédé à leurs requêtes.
POUR EN SAVOIR PLUS, LIRE L’OPUSCULE DE NOTRE PETITE BIBLIOTHÈQUE CONSACRÉ À LA MYSTAGOGIE DRUIDIQUE, ET INTITULÉ « LE GRAND LITUS ».
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MÉDITATION SUR L’ARBRE DE VIE CELTIQUE.
À Manching * en Bavière en 1984 on a trouvé un arbre miniature fait de trois branches plaquées or, avec des feuilles de lierre en bronze, auxquelles ont été ajoutés des bourgeons et des glands dorés.
Les arbres de vie gravés, peints, brodés, imprimés ou sculptés existent depuis le début de l’Histoire. Ils symbolisent la force de la vie et ses origines, l’importance des racines et le développement de la Vie. Ils sont parfois associés à des personnages et/ou à des animaux (oiseaux, mammifères). Si les formes diffèrent d’une culture à une autre, le fond, l’essence, reste identique. L’arbre de vie de la kabbale comprend par exemple 10 Sephiroth, et pas 9 ni 11. Répartis en 3 colonnes. La blanche à droite, la noire à gauche, et au centre celle qui correspond à l’homme en quête de sagesse, de force, et de sérénité.
D’un autre côté le chêne sacré au centre du nemeton ou du bosquet sacro-saint est le symbole central du savoir druidique.
La méditation de type druidique permet de faire le vide en soi pour ensuite pouvoir mieux se concentrer sur un arbre de son choix et recevoir l’aide de l’énergie qu’il génère. L’idéal est de puiser le maximum d’énergie sylvestre, comme Merlin, mais chaque individu aura évidemment des réactions différentes suivant l’essence considérée (chêne, hêtre, bouleau, ou autres) et suivant la saison. Il est donc vivement conseillé de méditer au pied d’un arbre de son choix.
Au lieu de pierres taillées ou de bois trop finement sculptés, les Celtes préféraient en effet souvent rencontrer leurs divinités par l’intermédiaire d’un arbre vivant (comme pour l’Irminsul des Saxons). Cet aspect de la religion druidique est d’ailleurs caractéristique de la conception celtique de la vie. Puisqu’ils sentaient leurs dieu-ou-démons comme des présences vivantes, pourquoi auraient-ils pris des représentations de pierre comme support de méditation ? Pourquoi chercher la divinité uniquement dans un temple une église ou une mosquée « en dur » alors que le monde de la nature est tout à fait capable de fournir un lieu de culte ? Les « prêtres » actuels, qu’ils soient rabbins, curés, pasteurs, popes, ou imams, feraient bien de suivre l’exemple des Celtes antiques et de se servir d’un chêne pour rencontrer les forces cosmiques.
Les Très-sachants appelaient leur arbre sacré un Bilios (cf. l’irlandais Magh Bhille/Moville ou Billom en France, billot de bois, de bilia, tronc d’arbre). Les prêtres celtes érigeaient souvent effectivement de tels piliers à l’entrée ou au cœur de leurs sanctuaires pour évoquer le divin, c’est pourquoi les dieu-ou-démons et les déesse-ou-démones, ou les fées si l’on préfère ce terme, ont souvent une forme ressemblant un peu à celle des totems indiens.
Avant de commencer cette expérience, il faut donc d’abord réussir à trouver un bilios de chêne dans un bois plus ou moins à l’écart. Si cela est impossible, un tronc de chêne installé dans un temple ou un billot dans une simple pièce suffira.
Dans le Nord, on utilisait souvent des colonnes ou des piliers de pierre dans les sanctuaires à la place du chêne. Ces colonnes représentaient différents dieu-ou-démons, notamment Taran/Toran/Tuireann, mais il s’agit vraisemblablement là d’une influence romaine, d’où leur nom de colonnes de Jupiter.
Dès qu’un arbre pouvant ainsi être utilisé a été trouvé, considérez-le alors comme une véritable incarnation de l’esprit de vie et ne l’approchez qu’avec toute la révérence due aux dieu-ou-démons. Le frémissement de ses feuilles et le bruissement de ses branches sont peut-être, qui sait, des signes du destin [ou des coïncidences évidemment !].
Refaites la même chose pendant plusieurs jours jusqu’à ce que vous l’approchiez de plus près, vous sentirez alors quelque chose : une pointe d’émotion ou un frémissement du plexus solaire.
À ce stade, les opérations plus précises peuvent commencer. Afin de faire disparaître toute éventuelle perturbation, c’est-à-dire de vous mettre en bonne condition de réceptivité, commencez par faire les trois cercles autour du bilios.
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Maintenant et à partir de l’ouest, regardez bien le bilios, et considérez que les différentes parties de l’arbre sont des points de contact avec les dieu-ou-démons de l’Albiobitos (plérôme sous la plume de saint Irénée).
Travaillez chaque jour sur un des dieu-ou-démons, jusqu’à ce que l’arbre puisse être utilisé complètement jusqu’à son sommet. Plus tard vous pourrez recontacter le dieu-ou-démon ou la déesse-ou-démone, ou la bonne fée, de votre choix, en cas de besoin.
Commencez par l’aspect Litavis Nerthus de la grande déesse-ou-démone mère cosmique, la déesse-ou-démone, ou fée, si l’on préfère ce terme, de la nature, dans la tradition celtique du Nord. La partie de l’arbre correspondant à cette déesse-ou-démone, ou fée, ce sont les racines qui pompent la vie dans la terre. Imaginez ces racines plongeant dans un immense chaudron plein à ras bord des forces de la vie du sol.
En visualisant les racines et le chaudron en question, récitez l’invocation suivante…
« Iacceto te a daga deva, daga danna
Tu es Nerthus, déesse de la terre
Et grande prêtresse des mystères de l’initiation à la vie.
Ô Corne d’abondance, nourris mon corps et mon esprit.
Puissent les bénédictions de la nature être sur moi à chaque instant,
Ison son bissiet ! ».
Sentez-vous alors responsable envers la nature et préparez-vous à reconnaître son langage. Essayez de vous rendre compte que votre corps est en train de boire de la vie de la corne d’abondance de Rosemartha.
Ensuite, tournez-vous vers la partie inférieure du tronc.
S’il y a une fente, le symbolisme sera encore plus fort. La fente du tronc représentera l’utérus de la déesse-ou-démone Danu (bia) et le tronc le phallus de Cornunnos. Cornunnos ou le grand cornu est le dieu-ou-démon celte de la fertilité, mais aussi de la chasse. On peut alternativement se représenter le tronc comme le phallus d’un immense dieu-ou-démon cornu et la fente de cet arbre comme l’utérus d’une statue de déesse-ou-démone-mère taillée dans un tronc d’arbre (bilios). Pour les invoquer, réciter la prière suivante…
« Iacceto te a Cernunne, iacceto te a Dana
Salut à vous Cornunnos et Dana
Vous êtes les maîtres de la vie féconde et des succès.
Puissent votre phallus et votre utérus
Verser puis recevoir la vie de l’esprit, source de fertilité.
Sunartiu ! »
Essayez de ressentir pleinement les énergies bouillonnantes de la fertilité donc de la vie émanant du chêne et pénétrant dans l’univers de vos sens. Sentez l’abondance de la vie devenant vôtre.
Ogmios est l’Hercule celte. Un dieu-ou-démon et non un demi-dieu-ou-démon (les Romains prirent Ogmios pour une sorte d’Hercule quand ils découvrirent son portrait). Imaginez-le, au bas du pilier de nuit et d’obscurité, comme un vieil homme décrépit, presque chauve, avec des cheveux gris et une peau ridée. Il a la peau du visage brûlée par le soleil et il porte une peau de loup sur les épaules. Dans la main droite, il a une massue et dans la main gauche un arc et un carquois. Une foule d’hommes ou de femmes avec des chaînes d’or reliant leurs oreilles à sa bouche, le suit. [On ne peut s’empêcher de penser à un dieu-ou-démon de la communication.] La prière suivante peut être récitée une fois cette image suffisamment bien visualisée…
« Iacceto ta A Ogme
Salut à toi Ogmios, seigneur du verbe.
Puissent mes oreilles entendre les messages
Qui peuvent éclairer mon chemin sur cette terre du milieu.
Grâce à toi mon esprit est plus rapide que la flèche
Et ma vie droite comme une massue.
Ison son bissiet ! »
Essayez alors de vous rendre compte que le rayonnement d’Ogmios rend votre esprit et vos sens plus aigus.
À la partie inférieure du pilier de lumière se trouve Abellio, l’Apollon celtique. On peut essayer ici de visualiser une représentation symbolisant le soleil physique ou la jeunesse. La prière ci-dessous doit suivre la visualisation.
« Iacceto te Abellie
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Tu es Abellio, dieu de l’harmonie et de la mesure.
Donne des ailes à mon âme ainsi qu’à mon esprit et garde-moi en bonne santé
À bord de ta barque de sagesse.
Puissé-je glisser dans une paix parfaite sur l’océan de la vie.
Ison son bissiet ! »
Nos amis gallois, eux pensent plus à un pommier qu’à un chêne, si nous comprenons leur antique poème appelé Yr Afallennau ou Yr Afallanau (Livre noir de Caerfyrddin ou Carmarthen). Il s’agit de dix strophes en vieux gallois dont 31 vers en tout (des strophes IV à VII) constituent le noyau primitif du poème, les strophes prophétiques ayant été rajoutées par la suite au Moyen-âge.
Llyfr Du Caerfyrddin XVII.
IV.
Doux pommier, à la ramure opulente !
J’avais coutume de trouver de la nourriture à tes pieds
Quand, à cause d’une femme
Mon bouclier sur l’épaule, mon glaive sur la cuisse
Je dormis seul dans la forêt de Calédonie.
……………
V.
Doux pommier dans la clairière.
Quoique le sol à tes pieds soit foulé.
Les hommes de Ryderch ne me voient plus.
Gwendyz ne m’aime plus, ne me salue plus.
Je suis devenu odieux aux plus puissants rejetons de Ryderch,
Je lui ai pris son fils et sa fille.
La mort saisit tout le monde un jour : pourquoi ne vient-elle pas me rendre visite !
Depuis la mort de Gwendoleu plus personne ne m’honore ;
Plus rien ne me divertit,
Plus de visite de belle fille.
À la bataille d’Arderyd, je portais un torque d’or,
Celle qui a un cou de cygne blanc me rejette maintenant.
VI.
Doux pommier à la fleur délicate.
Qui pousse caché dans les bois,
À ce qu’on m’a dit ce matin à l’aube
Mes paroles ont offensé le plus puissant des ministres
Jésus, plût à Dieu que l’heure de ma mort eût sonné
Non pas une fois, mais deux fois voire trois fois ce jour-là.
Avant d’avoir eu sur les mains
La mort du fils de Gwendyz !
VII.
Doux pommier qui pousse sur le bord du fleuve,
Qui profitera de ton fruit splendide ?
Avant de perdre raison,
Je dormais souvent à l’ombre de ta ramure
Avec une fille facile et gracile.
Mais pendant cinquante ans été le jouet d’hommes sans foi ni loi
J’ai ensuite erré dans les ténèbres parmi les fantômes
Après avoir prospéré au milieu de nombreux ménestrels
Je suis resté là si longtemps avec eux
Que même les spectres n’ont plus de secret pour moi,
Je ne dormirai plus jamais sans trembler à la pensée
De Gwendoleu mon seigneur et des miens
J’ai trop longtemps souffert et langui
Que la mort vienne enfin me libérer.
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Après avoir longuement médité cette prière, y compris sur ses interpolations ou scories chrétiennes, ressentez profondément la mesure et l’harmonie d’Abellio remettant votre vie en ordre.
Maintenant, concentrez votre attention sur la partie centrale de l’arbre. C’est celle qui correspond à Brigindo. Il est intéressant de noter que l’on érigeait des piliers de pierre (des cantalon ?) en l’honneur de cette déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère (pierre trouvée à Auxey, département français de la Côte-d’Or, au XVIIIe siècle : Iccavos Oppianicnos ieuru Brigindoni cantalon).
Représentez-vous cette déesse-ou-démone, ou cette fée, si l’on préfère ce terme, comme une grande et belle fille solidement bâtie, vêtue d’une cotte de mailles. Elle a un bouclier dans une main et une épée dans l’autre. Mais au bout de son épée, il y a une couronne de feuilles de chêne, symbole de victoire pour les poètes. On peut réciter pour elle une prière du type ci-dessous…
« Iacceto te A Brigindo
Salut à toi Ô nantosuelta Brigindo Brigantia Brigitte,
Victorieuse reine des poètes et des artisans,
Grâce à toi tous les obstacles devant moi sont balayés.
Place ta couronne sur mon front
Et conduis-moi donc à la victoire.
Ison son bissiet ! »
Après cette prière, essayez de ressentir une intense sensation de victoire, un peu comme celle de la partie prophétique du poème de Merlin.
VIII.
Doux pommier aux fleurs délicates,
Qui pousse dans la pommeraie,
La Sibylle m’a révélé d’avance ce qui va se passer :
Un sceptre d’or, récompense de la bravoure
Sera donné par le glorieux roi des dragons.
Celui qui leur fera cette grâce vaincra l’impie
Devant l’enfant, hardi et rayonnant
Les Anglo-saxons seront expulsés, les bardes refleuriront.
IX.
Doux pommier, arbre aux teintes écarlates,
Qui pousse caché dans la forêt de Calédonie,
On a beau chercher tes fruits, ce sera en vain
Jusqu’au jour où le Cadwalader sortira de la réunion de Kadvaon
De la rivière de Tywi à la rivière de Teivi
Où colère et angoisse viendront d’Arawynion,
Et où seront enfin domptés les sauvages aux longs cheveux.
X.
Doux pommier, arbre aux teintes écarlates,
Qui pousse caché dans la forêt de Calédonie,
On a beau chercher tes fruits, ce sera en vain
Jusqu’au jour où le Cadwalader sortira de la réunion de Rhyd-Reon
Et avec Conan marchera contre les Anglo-saxons.
Les Kymrys seront vainqueurs, glorieux sera leur chef ;
Tous recouvrant leurs droits
Les Bretons alors se réjouiront ; et leurs cornes sonneront des airs de fête,
Ils entonneront des chants de paix ou de bonheur.
Ceci peut vous aider à surmonter les problèmes pouvant vous inquiéter. Pensez que grâce à la bélisama Brigindo Brigantia Brigitte, vous aurez des chances de triompher de tous les obstacles.
La partie médiane du pilier de la nuit et de l’obscurité est maintenant atteinte. Le dieu-ou-démon associé à cette partie de l’arbre est Suqellos. En temps de guerre, Suqellos bénéficie souvent de beaucoup plus d’attention que les autres dieu-ou-démons. Certaines tribus le révéraient tellement que tout leur butin lui était abandonné. On peut se le représenter comme un homme d’âge mûr et barbu. Il porte une tunique courte à capuchon, rouge, et serré à la ceinture, un pantalon ainsi que des bottes. À l’aide de son meldos (hache ou marteau appelé mellt en gallois), il se fraye un chemin en faisant voler les crânes en mille morceaux.
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La prière destinée à Suqellos est la suivante…
« Iacceto te A Suqelle.
Salut à toi Ô Suqellos, maître de la bonne mort,
Maître tout puissant de la vie et de la mort
Fais sauter pour nous la bonde du tonneau de vie
Afin que son breuvage apporte la force et le courage partout dans le pays.
Ison son bissiet ! »
Les forces et les vertus indispensables aux batailles sont souvent aussi nécessaires à la vie trépidante d’aujourd’hui. Essayez donc de ressentir profondément le courage et la force passants de Suqellos en vous. Un disciple sur la voie de la Kingeto est souvent assailli par d’accablantes distractions et par des activités concurrentes que seule la discipline la plus stricte peut surmonter. Ces qualités sont surtout nécessaires pour ceux qui aspirent à la sagesse spirituelle, tout comme la discipline est la clé du succès pour progresser dans la voie du Kinges.
Camulos Smertrios, le bon géant, est maintenant atteint. Il est au centre du pilier de la lumière et du jour. C’est un dieu-ou-démon protecteur en relation avec le tueur de dragons. Se le représenter comme un géant, très fort et très robuste. La prière qui lui est destinée sera la suivante…
« Iacceto te A dage deive Camule !
Tu es Smertrios, puissant père de la force.
Je te vénère parce que l’énergie qui sort de ta massue
Repousse les ennemis et les monstres.
Aide-moi aussi à me défendre.
Ison son Bissiet ! »
Ouvrez-vous alors au rayonnement de Camulos Smertrios et croissez en sagesse et en intégrité.
Ensuite vient la divinité nommée Lugos (plus tard Lug en Irlande). Une des légendes galloises nous montre Lug se transformant un jour en aigle et se perchant dans les feuilles d’un chêne. C’est pourquoi il faut se représenter Lug comme un aigle à demi caché dans les feuilles bruissantes du chêne.
Il agit en tant que gardien des centres de pouvoir supérieur de l’arbre sacré. Les feuilles de chêne font office de voile entre les niveaux inférieurs de l’arbre et ses branches supérieures. La prière destinée à Lug est la suivante…
« Iacceto te A Luge
Salut à toi Lug, lumière suprême des êtres supérieurs,
Ô grand gardien des portes de l’Autre Monde.
Autorise-moi dès maintenant à pénétrer dans le sacré mystère de ta trinité
Mais seulement si j’en suis digne.
Ison son bissiet ! »
La fata Morrigani est la Grande Mère du Monde et des Dieu-ou-Démons. Son culte consiste essentiellement en un rituel accompli une fois par an pour préserver l’équilibre du monde. À l’aide d’un char rituel, on promenait sa statue à travers champs et toute la population suivait. Sa statue était ensuite baignée dans le lac le plus proche. Quand les Romains découvrirent cette déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère, celte, ils prirent la grande déesse-ou-démone mère cosmique pour une sorte de Berecynthia (une sorte de Cybèle ou d’Isis à la façon des Celtes plus exactement).
Se la représenter au sommet du pilier de la nuit et de l’obscurité, comme une sévère matrone tout de noir vêtue. Sur son poing serré, une corneille est perchée : elle regarde en bas sur la terre. Lui réciter la prière suivante…
« Iacceto te A Morrigani
Salut à toi Morgane, Grande Reine née de la mer,
Mère du Ciel et de La Terre.
De toi procèdent toutes choses.
La paix jusqu’au ciel
La paix sur la terre
Et sous les cieux
Force et prospérité pour tous !
Ison son bissiet ! »
Taran/Toran/Tuireann occupe la partie supérieure du pilier de lumière.
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Un tronc de chêne brut était souvent utilisé pour le symboliser dans les cultes druidiques. Se le représenter comme un homme d’âge mûr à la poitrine et aux bras nus. Il porte une tunique bleue et une couronne d’or. De la main gauche, il tient une roue et dans la main droite des éclairs (un foudre). Adressez-lui la prière qui suit…
« Iacceto te A dage deive
Tu es Taran/Toran/Tuireann seigneur du ciel et de ses éclairs.
Inspire-moi le courage et le génie nécessaires
Pour me conduire avec droiture et bonheur
À travers les difficultés de l’existence.
Ison son bissiet ! »
Appréciez alors avec force le caractère « jupitérien » du génie et du courage émanant de Taran/Toran/Tuireann et se glissant dans la sphère de vos sensations.
* La ville celte de Manching était la capitale de la tribu des Vendéliques. Elle connut son apogée dans la seconde moitié du IIe siècle avant notre ère en abritant sans doute entre 5000 et 10 000 habitants. Ce fut ainsi l’un des centres urbains les plus importants au nord des Alpes, tant par sa superficie que par sa démographie. Il y avait au centre du site un temple dont la construction doit remonter à la fondation de la cité. Ce sanctuaire fut actif entre le IVe siècle et le IIe ou Ier siècle avant notre ère. Des offrandes constituées d’armes, de harnachements de chevaux, un espace pavé, ainsi qu’un grand nombre d’ossements d’enfants et de nouveau-nés trouvés à cet endroit, en témoignent.
Lors des fouilles des faubourgs nord en 1984, fut découvert un arbre cultuel. Il s’agit d’un tronc recouvert d’une feuille d’or, et portant des branches avec des feuilles de lierre en bronze, auquel ont été ajoutés des bourgeons et des glands dorés. Cet arbre cultuel, qui peut être daté du IIIe siècle avant notre ère, représente sans doute une pousse de chêne entouré de lierre. Il était conservé dans un coffret en bois également recouvert d’une feuille d’or. Cet objet de culte, qui évoque l’Arbre sacré, devait être employé lors de cérémonies religieuses ou de processions.
Les Celtes croyaient que l’innommé, ou dieu-ou-démon inconnu, ne pouvait être atteint que dans la silencieuse méditation du cœur. Il est possible que cet innommé Celtibère ait été alors symbolisé par du gui. C’est pourquoi, pour l’évoquer, il faut se représenter du gui à moitié caché parmi les rameaux supérieurs du bilé.
De toute façon, plus on met de temps à progresser dans cette voie, plus les résultats sont puissants. Construire des élémentals artificiels pour atteindre les principes cosmiques n’est jamais en effet une mince affaire. Des résultats positifs ne doivent pas être trop difficiles à obtenir néanmoins, car les représentations des dieu-ou-démons sont traditionnelles, et le schéma du chêne magique en question est fondé sur celui, bien connu, de l’arbre de vie.
Cet Arbre de Vie druidique est la version celtique de symboles également présents au sein des peuples antiques. Nous connaissons en effet en Égypte le sycomore sacré ainsi que le pilier Djed, qui en sont des équivalents. D’autres Arbres de Vie existaient par exemple dans la tradition mésopotamienne avec des connotations cosmogoniques poussées. Sous des noms différents, une même perception du monde s’est donc installée dans diverses civilisations, l’Arbre de Vie correspond à l’Asvattha en Inde ; à l’Arbre Bo ou au Ficus religiosa du Bouddhisme, au Frêne, Yggdrasil des peuples nordiques. À l’Ashérah originel des Assyriens. Il convient de préciser que l’arbre séphirotique tel que la Kabbale le représente n’est apparu qu’au IIe siècle de notre ère au sein des écoles rabbiniques. Et c’est plus globalement au XIIe siècle que celui-ci se répandra, plus particulièrement au sein des écoles rabbiniques du sud de la France et de l’Espagne.
La première aisling (vision) d’Hadewijch d’Anvers au XIIe siècle qui rappelle étrangement celle de l’Afallennau de Merlin mettra d’ailleurs encore en scène de tels arbres. « Je fus menée dans un pré, un champ qui s’appelait la plaine de l’infinie vertu [N. D. L. R. Le Vindomagos ?] Là se trouvaient les arbres et auprès d’eux je fus conduite. On m’apprit leurs noms et la signification de leurs noms ».
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L’ARBRE DU MONDE (IRMINSUL CHEZ LES SAXONS).
La théologie druidique ne connaît pas la distinction devenue classique chez les Grecs ou les Romains entre dieu-ou-démons aériens et célestes et dieu-ou-démons souterrains ou chtoniens. Les deiwi celtes n’ont pas été conçus en effet au départ comme étant des dieu-ou-démons célestes (à une exception près), mais comme des dieu-ou-démons de la canopée des arbres, et donc de la surface du monde, guère supérieurs aux humains. Il n’y a jamais eu d’Olympe celtique, l’Olympe druidique n’est qu’une simple clairière dans la sylve originelle (la forêt hercynienne ?) d’où une sensibilité religieuse fondamentalement différente de celle du monde grec. Sacré se dit nemeton en celte et c’est déjà là tout un programme.
La clairière est au départ un espace découvert, dégagé au plus profond des bois, comme un cirque de lumière creusé dans la pénombre. En langue celtique, la clairière est d’ailleurs associée au sacré sous toutes ses formes (nemeton). La clairière est un espace propice à la formation des clans. Les troncs filtrent les regards sans jamais les couper. Ce tamisage discret accentue l’intimité ainsi que la complicité à l’intérieur de la clairière. Il faut traverser le voile initiatique du rideau d’arbres pour y accéder. Penser, c’est chercher des clairières dans une forêt.
La force vivante de la forêt environnante incarne la force du groupe et l’unité dans la diversité. En définitive, la clairière et ses arbres constituent donc un facteur d’équilibre. De fait, l’Homme et la Nature s’unissent pour faire triompher la liberté. L’existence d’un tel concept dans le druidisme est prouvée par le fait qu’il existe (pour les cas autres que cette clairière primordiale de la méta-histoire) un dieu-ou-démon appelé Ialonus. Ialon = clairière, mais = aussi village, donc Ialonus est un dieu-ou-démon, ou génie, du village, à ranger dans la catégorie des élémentals.
Bile apparemment est aussi le terme irlandais désignant un arbre sacré puis, par extension, un grand guerrier.
L’étymologie la plus plausible du nom irlandais Moville nous ramène au mot celtique « bilios » qui désigne un arbre en général et tout particulièrement un arbre sacré. Exemple, le toponyme Biliomagus, devenu Billom en France. Le bilios est l’arbre/axe du (des) monde (s) qui s’élève vers le ciel et danse dans le vent, tout en plongeant ses racines dans les chairs de la terre et en s’y abreuvant de son eau ; à l’instar d’Yggdrasil dans la tradition nordique ou de l’Irminsul des Saxons. Inutile de préciser que dans ce cas l’arbre en question devait être un chêne, même si l’Irlande médiévale en a connu quelques autres (de ces arbres primordiaux).
Les dieu-ou-démons de la canopée, les deiwi uxedioi (les dieu-ou-démons supérieurs issus de la dyade de base).
Au-dessus de l’arbre primordial qu’est le bilios il y a l’albio bitos lui-même composé de plusieurs sphères suivant les Écoles.
Le mot canopée désigne l’étage supérieur de la forêt, en contact direct avec l’atmosphère libre.
La canopée forme une strate supérieure de quelques mètres d’épaisseur où se trouve plus de 80 % du feuillage des arbres. C’est là que la plupart de l’énergie solaire est captée (plus de 95 %) et que 30 % des précipitations sont absorbées par le feuillage. On y trouve également une faune abondante et particulière. Les dieu-ou-démons qui habitent ce monde sont les uxedioi. Ces uxedioi ne sont que les maillons d’immenses chaînes aussi vieilles que l’espèce humaine. Ils peuvent mourir, mais pour renaître aussitôt, sous une autre forme ou une autre appellation (l’amour, la guerre e et ainsi de suite…).
Bien entendu, au fur et à mesure de la sortie de la clairière primordiale symbolisée par la déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère, Talantio, en Irlande, ou par la déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère, Rosemartha, sur le Continent, et de l’extension du monde celte ; ces dieu-ou-démons de la canopée sont peu à peu devenus, pour leurs fidèles, ou du moins ceux qui croyaient en leur existence ; des dieu-ou-démons peut-être pas célestes ou ayant leur demeure dans l’infini de l’espace sidéral ; mais au moins des entités demeurant juste au-dessus de la forêt, dans l’atmosphère.
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Néanmoins ces deiwi ne jouissent toujours que d’une puissance et d’un bonheur relatifs. Ils ne sont que des émanations des deux déités primordiales que sont l’esprit (Taranis) et la matière (Matrona), soumis comme tout le monde à leur destin (l’obligation de naître et de mourir, un jour) ; puisque l’immortalité, au sens strict du terme, n’existe pas. Tout ce qui a un jour commencé, un jour aura une fin. La vie surhumaine de ces deiwi est donc extrêmement longue, beaucoup plus que celle des hommes, mais elle est quand même limitée.
Disons que le monde de la canopée où siègent les dieu-ou-démons correspondants aux forces de la nature humaine, domine ou englobe la clairière primordiale.
Au centre ou en dessous, ou au-dessus suivant qu’il s’agit d’une École druidique considérant que la Terre est plate ou ronde (les images pour caractériser ces différents mondes varient en effet).
Le deiwos du druidisme classique, de niveau inférieur ou disons non primordial, car il en existe un certain nombre, dont le nom même signale des êtres situés dans les hauteurs, au-dessus des contingences de notre monde ; est un dieu-ou-démon personnel qui s’occupe des hommes. Il ne cesse d’être présent au cœur des hommes (César, B. G. VI.16 : « admodum dedita religionibus ») de les soutenir et de les inspirer. À la différence du Dieu ou Démiurge impersonnel de Plotin, le deiwos du druidisme classique se donne non seulement à voir, mais entre aussi en relation avec l’Homme : il prend les devants, il l’appelle, se fait parole d’oracle, et entre ainsi en dialogue avec lui. Bref, il est tout le contraire de ce que les Romains appelaient un « deus otiosus », appellation qui ne semble valoir que pour le dieu-ou-démon celte assimilé à Kronos ou Saturne par Plutarque (le Destin appelé Tokad par les très-sachants ?)
LA CLAIRIÈRE PRIMORDIALE.
Mais revenons à nos moutons (multon en celte justement) : les deiwi du monde engendrés par Taran/Toran/Tuireann et la Matrona Danu (bia).
En bas, au pied de l’arbre cosmique, il y a le monde que connaît notre présente humanité. Les êtres qui vivent là ont un ego extrêmement fort et sont presque tous soumis à de multiples besoins, notamment à l’attraction mutuelle des sexes. Y vivent aussi les deiwi andedioi (les dieu-ou-démons venant immédiatement après, immédiatement ensuite, et non souterrains ; car à ce stade de la formation du monde, il n’y a encore aucun dieu-ou-démon souterrain ; que des dieu-ou-démons dits ouraniens si l’on tient absolument à utiliser ce mot d’origine grecque signifiant « célestes »). Mais ces deiwi andedioi connaîtront un sort assez semblable à celui des asuras de l’hindouisme. Les asuras de l’hindouisme sont des âme/esprits démoniaques opposées aux deiva ou dieu-ou-démons, appelés aussi parfois « sura ». Or le vocable védique désignait au départ une créature divine comme les autres, et qualifiait même des dieu-ou-démons comme Indra. Puis, à la suite d’un changement de sens, le mot, qui était un dérivé d’asu, le souffle, la vie, a fini par désigner un non-dieu-ou-démon, par incompréhension de son sens originel (sura, dieu-ou-démon, précédé du préfixe privatif a). Condamnés par la suite à vivre dans les régions inférieures, leurs vaines tentatives pour reconquérir les cieux seront, dans l’hindouisme classique, à l’origine de la tension permanente qui les oppose aux dieu-ou-démons.
On retrouve ces dénominations (ahoura et deva) dans le zoroastrisme, mais les significations y sont alors inversées, les ahoura étant des créatures du bien, alors que les deva sont des créatures du mal.
Les andedioi ont un ego extraordinairement fort, avons-nous dit. Cet ego développe une incroyable détermination. Pour eux les jours, les mois, les années ne sont rien. Ils comptent en millénaires, par milliers de millénaires. Une telle durée de temps (impensable pour nous) ne les décourage jamais.
Le monde perçu est un miroir de l’invisible et de l’occulte, car le monde est d’emblée genèse matérielle (arbres, rochers, eaux) ainsi que configuration spatiale (labyrinthe, spirale). L’homme traditionnel est éduqué pour sentir, derrière les phénomènes naturels, du sacré ; sous le visible, des forces invisibles, du mana voire des dieu-ou-démons. Cette perception suprasensorielle est imprégnée de valeurs symboliques, qui amènent à « entrevoir » le monde surnaturel. Car la nature, la physis, dans son émergence originaire, se présente comme une énergie, comme un devenir vivant, comme une croissance dans l’espace d’une materia prima originelle, qui génère une arborescence de formes et de couleurs.
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Nous ne sommes plus, à vrai dire, habitués à ce degré non dissocié de réalité, qui ne se ramène ni à l’hylozoïsme (pour qui la matière est toujours innervée par une force vitale) ni à l’animisme traditionnel (projection de psyché sur la nature). Nous avons du mal à penser le monde, la terre, avant leur assimilation par nos catégories humanisées ; c’est-à-dire le monde sauvage, le « chaos cosmique » primitif (ce qui ne signifie pas désordre, mais ordre préhumain).
La vision druidique du monde est toujours fortement hiérarchisée. Pyramide s’élargissant vers la base, l’univers s’organise autour d’un axe vertical symbolisé par l’arbre. De l’au-delà des étoiles à la dernière goutte d’eau, un même courant de vie traverse, organise et anime l’univers, par cascades successives.
Car si la vie est la réalité centrale, la fécondité apparaît alors comme une valeur subséquente. La vie est bonne : est bon ce qui la favorise, est mauvais ce qui l’entrave. L’individu, le clan, le groupe, doivent chercher à la développer ou à la promouvoir au maximum. C’est en ce sens que l’on a pu parler d’une morale « druidique ». Les pratiques religieuses ont pour but de relier l’individu et la société à la vie universelle. La terre elle-même est femme : fécondée par la pluie du ciel, elle devient la mère de tous les êtres qui croissent à sa surface. Il y a une correspondance étroite entre fécondité humaine et fécondité cosmique. L’Être supérieur apparaît donc au primitif non comme un démiurge créateur, mais comme un procréateur, un géniteur ou une génitrice primordiale, un ancêtre ultime, celui ou celle de qui la vie est issue pour se répandre dans la multiplicité des êtres. Cet Être supérieur est également souvent représenté comme un couple d’hypostases de ses différents éléments, à l’image du couple humain procréateur.
De toute façon, peu importe, au niveau symbolique l’image s’impose : l’eau et la forêt, l’arbre et la source. Bilios et Danu (bia). Danu (bia), l’eau et la terre, qui ont arrosé puis nourri le Chêne, c’est-à-dire le Bilios, en tant que symbole de fertilité masculine. D’où le concept de Terre Mère… Localisée. Sous forme d’une clairière cultivée primordiale, cf. Talantio/Tailtiu en Irlande. Rosemartha sur le Continent.
C’est donc de la grande Celtie libre et indépendante que surgira en Europe la révolution spirituelle qui permettra aux hommes de communiquer véritablement avec ces dieu-ou-démons. Les anciens très-sachants n’avaient pas d’autres ambition que la sagesse. L’obtenir ne résultait pas d’une croyance, mais de leur volonté d’approfondir leur connaissance de l’univers…
La matière n’est qu’un degré de l’être, ensemencé puis animé par le spirituel. Toute réalité matérielle, qu’il s’agisse du règne minéral, végétal, animal, ou humain, est sous-tendue par le divin.
Il n’est rien d’ontologiquement coupé de son principe, l’Être supérieur ou Bitos. Il faut comprendre cette relation comme une diffusion de l’énergie divine en chaque point de l’univers. Tout est plein de divinité (même chose dans le paganisme gréco-romain ou hindou). Il y a interdépendance du céleste et du terrestre, de l’intérieur et de l’extérieur, car si les dieu-ou-démons sont nécessaires à l’existence du monde ; leur existence propre ne tient que par l’existence du Grand Tout qu’est le Pariollon. Les dieu-ou-démons condensent le rayonnement de ce gigantesque chaudron universel. Ce ne sont pas des entités cosmiques, mais des forces qui agissent à la fois de l’extérieur et de l’intérieur du monde, sur les fondements mêmes de l’être.
La cosmogonie druidique met en évidence le rôle et la place des dieu-ou-démons par rapport à ce chaudron cosmique appelé Pariollon. Le destin ou Tokad (moyen gallois tynghed, breton tonket, destiné, vieil irlandais tocad, destin, toicthech « fortunatus », tonquedec en breton. Le labarum est son messager, son signe) suscite les éléments puis les dieu-ou-démons qui utilisent les éléments pour façonner le monde (mettent de l’ordre dans le chaos).
Les dieu-ou-démons régissent le ciel, les étoiles, la terre, et tous les autres êtres vivants, mais en tant que forces cosmiques, ils sont inclus dans l’univers et sont soumis au devenir ou aux arrêts du Pariollon en tant que Destin. Les dieu-ou-démons garantissent l’ordre de la nature, la prospérité ainsi que la fécondité. Ces super âme/esprits sont des êtres célestes intermédiaires entre le ciel et la terre, entre le Dieu ou le Démiurge Supérieur Immanent et inaccessible ou presque, et les hommes ; apparaissant souvent dans nos rêves, sous une forme humaine ou animale lumineuse (ours, cerf, cheval, ou autre), voire même végétale (hêtre, chêne, forêt : cf. le célèbre combat des arbres gallois ou Cad Goddeu ci-dessous).
Gwern blaen llin
A want gysseuin.
Helyc a cherdin.
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Buant hwyr yr vydin.
Eirinwyd yspin.
Anwhant o dynin.
Keri kywrenhin.
Gwrthrychyat gwrthrin.
fuonwyd eithyt.
Erbyn llu o gewryt.
Auanwyd gwneithyt.
Ny goreu emwyt.
Yr amgelwch bywyt.
Ryswyd a gwyduwyt.
Ac eido yr y bryt.
Mor eithin yr gryt.
Siryan seuyssit
Bedw yr y vawr vryt.
Bu hwyr gwiscysseit.
Nyt yr y lyfyrder.
Les dieu-ou-démons sont des énergies métaphysiques qui agissent en quelque sorte perpendiculairement au plan de l’univers sensible (la terre du milieu).
Cette conception des dieu-ou-démons vise surtout évidemment, non pas la figure précise de tel ou tel dieu-ou-démon, mais la réalité ou l’essence du Destin immortel, dont chaque dieu-ou-démon, pris individuellement, est en quelque sorte l’exemplification terrestre.
Les variations de cet apparaître du monde de la grande déesse-ou-démone mère cosmique, ne dépendent que de la perception humaine, car auprès du principe des principes, ces différences s’estompent. La puissance des dieu-ou-démons ne concerne pas que la métahistoire des mythes, elle peut également être cosmique, ainsi que nous l’avons déjà dit.
Le nom ou l’attribut du Pariollon, investi dans la personne du dieu-ou-démon, implique que celui-ci est comme une énergie transmettant sa lumière spirituelle, par degrés successifs dans le monde.
Pénétrant dans la réalité psychique et sensible, ces énergies prennent aux yeux des très-sachants la forme de dieu-ou-démons (voire d’âme/esprits, voire de génies) associés aux astres, aux planètes, aux éléments naturels, aux paysages. Cette conception présuppose aussi évidemment que peuvent intervenir en ce monde les énergies divines des mondes suprasensibles, alors que la philosophie matérialiste athée, elle, se fonde uniquement sur une causalité qui élimine toute transcendance. La terre elle-même est, dans ce cas, elle aussi, spirituellement travaillée par les apparitions divines. Car il y a aussi (mais sur un plan inférieur aux dieu-ou-démons, au sens classique du terme, il est vrai) des âme/esprits liées à des éléments naturels comme l’élément liquide, à un territoire ou à un lieu précis.
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LE CHÊNE NOTRE DIEU.
Ce que l’on cherche dans la forêt autour de nous c’est la profondeur des forces qui sont en nous : la magie, la violence, l’amour. Quand on est connecté aux racines profondes de notre être, on peut tous avoir accès à la magie de la forêt, il suffit de laisser parler son cœur et son imaginaire. Et c’est le fils d’un homme qui fut un temps et de son vivant, marchand de bois (dans les années 50), qui vous le dit.
Au Moyen-âge, la forêt constituait un lieu de refuge et de travail. Y vivaient les charbonniers, les verriers, les hors-la-loi. Et, bien entendu, les bûcherons mangeurs de hérissons cuits sous la cendre. La forêt alors était le point de départ de toute aventure et de tout égarement. Il suffit de relire les écrits de Chrétien de Troyes : la forêt, c’est évident, y apparaît toujours comme l’espace du passage, de l’épreuve, d’où l’on ressort différent. La forêt dans ce cas était perçue comme le lieu par excellence du rite d’initiation.
La forêt possède une fonction de rêve, presque magique, que l’on retrouve dans l’origine étymologique du mot forêt : « foris », qui signifie « dehors ». Cette racine est latine et renvoie donc à la notion d’espaces en marge, de domaines différents, en bref à l’autre. La forêt présente un aspect rêvé qui attire. « L’appel de la forêt » d’ailleurs est encore une réalité.
Pourquoi la forêt revêt-elle une dimension sacrée ? Inconsciemment, les hommes lui associent la nature, car un espace non aménagé ou abandonné par l’Homme, retourne très rapidement à la forêt. Couper une forêt revient donc à tuer le sacré ou la magie de la nature. La forêt a une importance inégalée dans les rêves humains. La mentalité actuelle (de citadin) qui se généralise donne un nouveau sens à la forêt. Pour nous elle est comme un rappel de nos origines. Le lien avec la nature est implicite dans la religion animiste. L’homme appartient à la nature, au cycle naturel. Si l’on en prend conscience, on commet moins d’erreurs. Cela permet d’éviter les écueils et de mieux faire comprendre la complexité du milieu forestier, afin d’éviter la simplification des extrêmes. La forêt en question est aussi un milieu violent avec des forces de vie ou de mort qui sont présentes en chacun de nous. Il faut savoir accepter cette violence pour mieux la canaliser.
Or, cette nature que l’homme anéantit progressivement, par besoin ou par égoïsme de ses soi-disant élites, tout en subissant de ce fait les fâcheuses conséquences, contient en elle-même un remède sans équivalent à ces problèmes.
Les bienfaits de la forêt sur la vie humaine sont multiples. Le plus important est son pouvoir épurateur de l’air grâce à l’activité chlorophyllienne des feuillus. En absorbant le dioxyde de carbone contenu dans l’air, elle peut fixer environ 2,5 tonnes de carbone par an, et libérer plus de six tonnes d’oxygène pendant la même période. La forêt intercepte 30 à 40 % des poussières ; les émanations des feuilles tuent ou paralysent les bactéries. La forêt atténue les températures extrêmes, ralentit la vitesse des vents, réduit l’intensité des bruits.
Plus concrètement, certains arbres ont été très tôt réputés assainir l’air (sapin, épicéa, pin sylvestre, eucalyptus plantés autour des hôpitaux et des lieux de cure), ou au contraire, plus rarement, le vicier (il ne fallait pas dormir sous un noyer par exemple). La marche en forêt a toujours été recommandée, des parcours santé y sont encore fréquemment installés, de même que dans les parcs urbains boisés.
Les forêts jouent un rôle majeur en matière d’épuration physique et physico-chimique, et probablement biologique, de l’air et de l’eau. Sylvo-thérapie et cures de promenade en forêt ont été développées dans certains pays, au XIXe et au début du XXe siècle. Afin de faire profiter certains malades (tuberculeux notamment) de l’air forestier enrichi en oxygène (trois fois plus d’oxygène produit par la forêt tempérée qu’en prairie) ; en ozone (en bord de mer notamment ainsi que dans les forêts de résineux) ; en phytocides (molécules réputées bactéricides et fongicides, dont les terpènes), et de la pureté de l’air. On a récemment montré que l’activité biochimique est beaucoup plus développée dans la canopée que dans la strate herbacée.
L’Agence Forestière du Japon a réalisé une étude scientifique prouvant les bienfaits de la forêt sur la santé. Les chercheurs ont comparé les taux de divers paramètres sanguins après une marche en forêt puis après une marche en zone urbaine. Ils ont montré que la forêt stimulait le système immunitaire et diminuait le niveau sanguin de cortisol (une hormone de la tension nerveuse). Ces résultats sont également confirmés par des observations faites au Maroc. Après avoir pendant très longtemps fourni à l’homme essentiellement nourriture, abri, bois de chauffage et matériaux de construction, la forêt marocaine offre actuellement un produit d’une tout autre nature : les loisirs et la récréation. Ce sont bien entendu les plus proches des grandes agglomérations urbaines, ou celles qui sont situées sur les axes routiers à circulation dense, qui sont les plus confrontées à ce mode d’exploitation moderne.
La détérioration de la qualité de la vie des centres urbains n’est plus un secret. Les rejets solides, liquides, les émanations gazeuses, affectent directement la qualité du sol, de l’eau et de l’air, qui sont
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les composantes essentielles de notre environnement, provoquant maladies, épidémies, intoxications… À New York, on comptabilise 88 000 microbes par mètre cube d’air, en forêt ce chiffre baisse à 50 par mètre cube…
La lutte contre ce fléau qu’est la pollution sous toutes ses formes doit donc devenir une priorité internationale.
Les solutions préconisées pour réduire les effets de la pollution à des normes raisonnables nécessitent d’énormes ressources financières, excédant, dans la plupart des cas, les possibilités des États, surtout quand ces mesures ne sont pas prises au moment opportun.
Pourtant, de nombreux citadins rechignent à se promener au fond des bois. Car la forêt, avec son cortège de bruits et de sensations inédites, leur fait peur. Notre éloignement physique d’avec le monde vivant, lié au développement des mégalopoles, crée une distanciation psychologique vis-à-vis de la nature. Il faut savoir en effet se faire petit en forêt. Le forestier est avant tout un amoureux de la nature. L’expérience la plus marquante et la plus magique est de passer une nuit en forêt. C’est une expérience charnelle que tout le monde devrait faire. Nombreuses sont les personnes qui évoquent leurs expériences personnelles en forêt, de jour comme de nuit, surtout leurs rencontres avec les animaux de la forêt (cervidés, chamois, sangliers…) Passez toute une nuit seul en forêt, vous verrez : on apprend à se connaître soi-même, on se sent responsable, on prend conscience de soi. C’est aussi une source d’inspiration pour les écrivains, les poètes, les artistes (la peur, l’impression qu’il y a toujours quelqu’un autour de nous, l’impression d’une présence). C’est encore un lieu privilégié pour l’éducation des jeunes. Enfin, c’est un lieu de divertissement, de délassement ; c’est l’unique endroit où l’on peut se ressourcer physiquement sans contrepartie. Pour ces raisons, et bien d’autres, la forêt assurément exerce un rôle social qui ne fait que commencer.
À l’instar de celles de notre plus lointain passé, la forêt du futur sera religieuse, sacrée, ou magique.
Sur la limite ouest de la forêt de la Maâmora, à 13 km au sud de la ville de Kenitra au Maroc, a subsisté tout au long des siècles un massif forestier de 650 hectares, à base de genévrier rouge entourant un lac d’eau douce ; la réserve de Sidi Bou Ghaba. Cette réserve classée « patrimoine naturel national » se trouve à proximité de la station balnéaire de Mehdiya, dans l’une des deux zones les plus peuplées du Royaume. Par la beauté de son paysage, son accessibilité aussi – elle est desservie par une route goudronnée dont neuf kilomètres traversent l’intérieur de la forêt – ainsi que par la richesse de sa biodiversité ; cette forêt constitue un havre de paix ou de quiétude pour de très nombreux visiteurs, qui s’y rendent en voiture, en bus ou à pied.
Même phénomène avec la montagne. La preuve que la haute montagne nous fait du bien, c’est que les entraîneurs sportifs y envoient leurs champions, juste avant les compétitions importantes ! Ce « plus » bien réel est dû à un « moins » apparent : en altitude, la pression de l’air diminuant, sa densité baisse, ce qui réduit mécaniquement la quantité d’oxygène dans notre appareil respiratoire. Cependant, au bout de quelques jours, notre corps s’adapte en fabriquant davantage de globules rouges. Le transport d’oxygène dans notre sang devient donc plus efficace, d’où une amélioration de nos capacités d’endurance une fois revenus à une altitude normale. Un séjour entre 1 500 et 2 000 mètres améliore les performances des sportifs. À condition d’y séjourner au moins deux semaines, selon le Dr Wilber, du Comité international olympique.
N’oublions pas qu’arbre et forêt alentour ont été les premiers enfants issus de l’union du Feu Céleste et de la Matière première universelle. La Terre leur doit beaucoup, puisqu’ils absorbent le dioxyde de carbone et rejettent de l’oxygène nécessaire à la vie évoluée que nous connaissons, sans compter leur rôle de nourriture indispensable pour les hommes comme pour les animaux ; ainsi que leur importance dans le domaine de la santé par les plantes.
Auparavant l’arbre était un symbole de connexion entre le monde physique dans lequel plongent ses racines, et le monde spirituel (symbolisé par le ciel) vers lequel montent ses branches. Les très-sachants connaissaient les arbres au sens le plus profond du terme, et leur rendaient un culte en tant qu’intermédiaires avec le monde céleste. Avant que notre civilisation ne déboise massivement le continent, ils reconnaissaient à chaque essence d’arbre des propriétés ou qualités propres.
Les derniers chamans d’aujourd’hui ont encore avec les arbres des relations très proches de celles qu’avaient les anciens très-sachants (n’oublions pas que les traditions celte et nordique sont largement dérivées du chamanisme préhistorique).
Ainsi que le font remarquer nos amis de Findhorn, l’esprit de l’Homme est mobile, mais pas celui des plantes. Si vous arrivez à entrer en relation avec une plante et à vous en servir, alors elle peut vous accorder la permission de prendre sur elle un peu de « vivant ».
Si l’on arrache brutalement une plante, elle peut retirer son âme/esprit de la partie que l’on a ainsi arrachée brutalement, et l’on n’a plus alors que du végétal mort entre les mains. Pour en obtenir du
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vivant, il faut par conséquent la permission de la plante en question ; qui laisse dans ce cas un peu de son âme/esprit dans le fragment d’elle que l’on prélève. C’est du moins ce que l’on peut déduire a contrario de cette citation de Pline concernant la cueillette de la selago et du samolus.
« Semblable à la sabine est la plante appelée selago. Pour la cueillir, on ne fait pas usage du fer ; on passe la main droite du côté gauche du vêtement, comme pour commettre un vol ; il faut, de plus, être habillé de blanc, avoir les pieds lavés, nus, et avoir offert auparavant du pain et du vin. On emporte la plante dans un linge neuf. Les très-sachants disent qu’elle sert de talisman contre toutes les maladies et que sa fumée guérit toutes les affections des yeux. Les très-sachants utilisent aussi une plante qui pousse dans les marais, qu’ils nomment samolus. Celle-là doit être cueillie de la main gauche, à jeun, et constitue un talisman contre les maladies des troupeaux. Mais celui qui la cueille ne doit ni regarder derrière lui ni la mettre ailleurs que dans l’auge où boivent les animaux » (Pline, Histoire naturelle, Livre XXIV).
Il est devenu courant de nos jours, dans certains cercles celtisants, de porter aux nues la déesse-ou-démone, ou la fée si l’on préfère, Danu (bia). Certains se disent même d’ardents fidèles de cette divinité. Selon Charles Squire, la plus antique déesse-ou-démone, ou fée, celte, dont nous ayons quelque connaissance, serait cette Danu (bia), déesse-ou-démone ou fée dont toute la hiérarchie des deiwi a reçu son nom (Tuatha Dé Danann)…
Danuvia serait donc dans ce cas l’entité qui, avec Taran/Toran/Tuirean, a donné naissance à une pléiade d’autres deiwi, à partir de cette dyade de base. Tous les autres deiwi sont, au moins théoriquement, ses enfants. Danu (bia) représenterait la terre et ses fruits, et l’on pourrait la comparer à la Déméter grecque…
Précisons cependant que Danu (bia) est une forme théorique jamais trouvée en tant que telle dans le Livre des conquêtes de l’Irlande (Lebor Gabála Érenn). Ce que l’on trouve dans ce livre, c’est la forme Danand ou Donand (notamment dans l’expression gaélique désignant la mère de Brian, Iuchar et Iucharba).
Les linguistes considèrent bien néanmoins cette forme (Danand) comme un génitif de Danu. Cette déesse-ou-démone, ou cette fée si l’on préfère, devait par conséquent être vue comme un élémental des cours d’eau (ou une source de vie analogue à celle du Danube).
Cette Danu (bia) de notre documentation irlandaise correspond indubitablement à la Dôn de la littérature galloise médiévale (mère des deiwi nommés Gwydion, Gofannnon, Amaethon, Arianrode, ou autres). Or une des vraies triades de l’île de [Grande] Bretagne, la Nº 35, désigne du nom de Beli le père d’Arianrode (Aryanrot merch Veli). Bile/Beli… peut-il s’agir du même nom ? Le lien est ténu, mais plausible. On peut donc présumer qu’en Irlande aussi, l’époux de cette mystérieuse Danu (bia) est le dieu-ou-démon dont le nom (Bilé) nous a été conservé par le Livre des Conquêtes irlandais.
N.B. Ce nom de Bile apparaît néanmoins dans le Livre des Conquêtes (de l’Irlande) sans lien avec la Danu (bia), en question et uniquement pour désigner un des fils de Bregon ou Breogan, frère d’Ith, père de Mile, et ainsi de suite.
Ceci ne nous avance donc guère, étant donné que ce mythe irlandais à propos de l’origine des Gaëls (l’histoire des Milésiens) est une pure fiction médiévale.
Il est pourtant devenu également courant de nos jours de faire de cette Danu (bia)/Dana la parèdre (chakti dit-on dans l’hindouisme) de cette divinité mâle nommée Bilios ou Beli ; assimilée à l’arbre du monde en raison de son nom comme expliqué (cf. français bille = grume).
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L’INITIATION CHAMANIQUE DU GRAND HESUS AVATAR DE LUG.
………… Après la bataille de la Plaine des menhirs ou des tumuli, l’Être supérieur qu’est le Destin a aussi choisi un autre avatar, Hesus, pour lui servir de héraut. Mais Hésus n’est pas seulement un médium entre les dieu-ou-démons et les hommes, un pont (A fo ben, bid bont), il est en quelque sorte aussi dieu-ou-démon fait homme si l’on en croit son oncle Conchobar s’adressant à lui enfant. À lui seul il est une nouvelle alliance avec les dieu-ou-démons. À chaque fois qu’en tant que virotoutis, dunatis, contrebis, anextiomaros, ou iovantucaros, il demande ou agit, il représente alors auprès des autres dieu-ou-démons ses pairs, toutes les aspirations et toutes les souffrances de notre Humanité. Il est médiateur au sens le plus fort c’est-à-dire un médium.
La communion entre le divin et l’humain ne s’accomplira jamais aussi parfaitement qu’en la personne d’Hesus. Il y a de nombreux dieu-ou-démons, il y aura toujours plusieurs dieu-ou-démons, mais il n’y a qu’un seul vrai médium entre eux et les hommes, qu’un seul homme-dieu-ou-démon véritable ; notre Seigneur et maître Sétanta Hésus (herus = esus si j’en crois le vieux Gaffiot 1934 de mon enfance qui indique même précisément « maître de maison, propriétaire, souverain », mais il s’agit d’un dictionnaire de latin, alors ?), qui s’est offert lui-même en rançon pour sauver les siens.
En Hésus tout homme peut trouver l’exemple d’un accomplissement surhumain. Hésus n’avait offert qu’un seul sacrifice avant Murthemné, mais quel sacrifice, entièrement nouveau : le sacrifice de sa propre conscience, pendu 3 jours et 3 nuits par un pied à l’arbre du monde.
Ci-dessous ce que ce sacrifice accroché à un arbre a donné dans la littérature galloise !
Math fils de Mathonwy. Quatrième branche du Mabinogi.
Llew sortit du bain, mit ses chausses, posa un pied sur le bord de la cuve, et l’autre sur le dos du bouc. Alors Gronw se dressa sur la colline qui est appelée Bryn Kyvergyr et lança sur lui le javelot empoisonné. Il l’atteignit si violemment dans le flanc, que la hampe sauta, et que le fer resta fiché dans son corps. Lleu s’envola sous la forme d’un oiseau en jetant un cri affreux, et on ne le revit plus.
Aussitôt qu’il eut disparu, Gronw et Blodeuwedd se rendirent à la cour, et, la nuit même, couchèrent ensemble. Le lendemain, Gronw se leva et prit possession d’Ardudwy. Après s’en être rendu maître, il le gouverna et devint seigneur d’Ardudwy ainsi que de Penllyn. L’histoire parvint aux oreilles de Math, fils de Mathonwy. Math en conçut une profonde douleur, un grand chagrin, et Gwydyon beaucoup plus encore. Seigneur, dit Gwydyon, je ne prendrai jamais de repos avant d’avoir eu des nouvelles de mon neveu.
Bien, dit Math, que Dieu te vienne en aide !
Gwydyon partit et se mit à parcourir le pays ; errant à travers Gwynnedd et Powys. Ensuite il se rendit en Arvon, et arriva au manoir d’un petit vassal qui habitait la terre de Maenawr Pennardd. Il descendit chez lui et y passa la nuit. Le maître de la maison et les gens de sa famille rentrèrent. Le porcher arriva le dernier. Le maître lui demanda : « Valet, ta truie est-elle rentrée ce soir ?
Oui, répondit-il, elle est partie rejoindre les porcs.
Où s’en va donc paître cette truie dans la journée ? demanda Gwydyon.
Nul ne le sait. Dès que l’on ouvre la porte, elle sort et on ne la voit plus.
Veux-tu bien, reprit Gwydyon, me faire le plaisir de ne pas ouvrir la porte de la porcherie avant que je sois là moi aussi ?
Au point du jour, le porcher réveilla Gwydyon. Il se leva, s’habilla, partit avec le porcher, puis se tint auprès de la soue. Le porcher ouvrit la porte : la truie s’élança dehors et se mit à marcher à vive allure.
Gwydyon la suivit. Elle remonta le cours de la rivière, et se dirigea vers le vallon que l’on appelle maintenant Nant y Llew (le ravin de Llew ou du Lion) ; là, elle s’arrêta et se mit à paître.
Gwydyon vint sous l’arbre et chercha ce que pouvait bien manger cette truie sous l’arbre. Il découvrit que c’était de la chair pourrie et des vers. Il leva les yeux et aperçut un aigle au sommet de l’arbre. Chaque fois que l’aigle se secouait, il laissait tomber des vers et de la chair en décomposition, que la truie s’empressait aussitôt de dévorer. Gwydyon pensa que l’aigle était peut-être Llew, et chanta le quatrain suivant.
« Chêne qui pousse en ce lieu,
L’air et le vallon sont vraiment sombres et agités :
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Si je ne m’abuse, ces débris décomposés
Sont ceux de Llew ? »
L’aigle descendit jusqu’au milieu de l’arbre. Gwydyon chanta un second quatrain :
« Chêne qui pousse sur cette haute terre,
Que la pluie ne peut mouiller,
Qui a supporté cent quatre-vingts tempêtes
À son sommet se trouve Lleu Llaw Gyffes ? ».
L’aigle descendit sur la plus basse branche de l’arbre. Gwydyon chanta un troisième quatrain.
« Chêne à l’allure majestueuse et royale
Qui pousse sur cette pente…
Si je ne me trompe pas,
Lleu viendra dans mes bras ? ».
Et l’aigle se laissa tomber dans les bras de Gwydyon. D’un coup de sa baguette magique, Gwydyon lui rendit sa forme initiale. On n’avait jamais vu quelqu’un ayant plus triste aspect : il n’avait que la peau et les os.
Gwydyon se rendit avec lui à Caer Dathyl. On fit venir, pour le soigner, tout ce que l’on put trouver de bons médecins dans le pays de Gwynedd. Avant la fin de l’année, il fut complètement rétabli.
Voir chez les Germains les souffrances d’Odin, les strophes 138 et suivantes du Havamal étant d’origine gaélique ; du moins si l’on en croit le Français Jean Renaud (voir son livre sur les Vikings et les Celtes).
Hesus a donc accompli et dépassé tous les sacrifices des chamanes de l’Ancien Monde.
Grâce à lui les fidèles du Pacte avec les dieux-ou-démons deviennent à leur tour sanctuaire des dieu-ou-démons ; temple vivant de la divinité, lieu où elle demeure et où elle est célébrée avec lui.
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LA VOIE DU KINGES OU LA VOLONTÉ DE SOUVERAINETÉ.
NATE, MEMENTO BETO TO DIVO*
PENSES CONSTAMMENT AU DIVIN MON FILS.
* Ou « mento beto divo ». Il s’agit de deux variantes de la vie de saint Symphorien d’Autun dont l’équivalent latin est « memento dei tui ».
CHARTE DU KINGES.
(librement inspirée des préceptes concernant la 2e fonction et les Fénianes).
Le kinges doit éviter de blesser inutilement des êtres vivants, il doit être au contraire rempli de compassion et de pitié pour tout ce qui vit. Le kinges ne vole pas et ne prend que ce qu’on lui donne.
Le kinges se doit d’avoir le cœur pur, il doit éviter le mensonge, ne dire que la vérité, ne tromper personne.
Il évitera la délation et les mots grossiers.
Le kinges ne doit pas se parer de couronnes de parfum ou d’onguent. Il n’acceptera ni serviteur ni servante.
Le kinges se satisfera des vêtements qui protègent le corps et des aliments que lui procureront les boaire ou les aes dana.
N.B. Ces règles ne sont cependant pas une fin en soi. L’épanouissement de l’âme ne se réalise que par la méditation la contemplation ou les exercices spirituels. Ces règles ne sont là que pour aider le Gésate ou le Kinges dans sa tentative d’atteindre ce but. Elles constituent un navire de la marque « Fluctuat nec mergitur » utile au voyageur pour traverser les océans, mais c’est tout. On peut abandonner sans remords le coracle une fois l’autre rive atteinte.
Il est facile de dire que l’anamone et l’âme cosmique ou awenyddio sont de même nature. Il suffit de dépasser les facteurs qui nous font apparaître le monde comme multiple, et de déchiffrer le processus de déploiement du monde, de remonter ce processus jusqu’à l’origine. Il est plus difficile par contre de faire l’expérience existentielle de cette unité ou de dépasser ce qui nous attache à cette multiplicité du monde de la Grande déesse-ou-démone mère cosmique. Une telle expérience présuppose en effet une modification de la conscience humaine.
Chez les Celtes comme dans nombre de sociétés anciennes, la mort héroïque était censée faire accéder à l’autre monde dans des conditions privilégiées. La chevalerie féniane a continué à pratiquer cet art martial bien après la disparition de Cuchulainn. Leur entraînement quotidien était un des plus durs qui soient.
Personne n’était admis parmi les kinges qui n’ait réussi à passer les épreuves suivantes.
Il était enterré dans un grand trou jusqu’à la ceinture, muni de son bouclier ainsi que d’une baguette de coudrier longue de plus d’une coudée (1 m ?) ; puis neuf guerriers avec chacun neuf javelots devaient l’attaquer à une distance de 9 sillons [plus de mille mètres ; ce qui fait beaucoup !] et tous ensemble tirer sur lui. Si les coups surprenaient sa garde et qu’il fût touché, il n’était pas reçu dans les Kinges. Pas un n’était admis que, ses cheveux ayant été coiffés en tresse sur sa tête, il ne se soit mis à courir à travers la forêt. Si une branche dérangeait un tant soit peu l’ordonnance de sa chevelure, il n’était pas non plus admis. Si un bois sec avait craqué sous son pied pendant la course, il n’était pas reçu.
À moins qu’en pleine vitesse, il ait pu sauter au-dessus d’une branche placée à la hauteur de son front, et aussi se glisser sous une autre à la hauteur du genou, il n’était pas reçu.
Enfin, à moins que, sans ralentir sa course, il sache arracher une épine de son talon, il n’était pas reçu parmi les kinges. Mais s’il réussissait toutes ces prouesses, il était admis.
Du moins si l’on en croit l’histoire d’Irlande de Geoffrey Keating, section 45 XLV.
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Remarque : la distance de neuf sillons donnée par le texte est considérable et explique sans doute l’important taux de survie de l’homme ainsi visé par ces javelots. À moins qu’il n’y ait eu une erreur dans la transmission du chiffre.
Des concours internationaux d’armes anciennes sont organisés à Monrepos (Neuwied, Allemagne) par U. Stodiek, à Treignes et à Ramioul (Belgique) par P. Cattelain et F. Collin, et à Samara en France par M. Donnadieu. D’où une trentaine d’expérimentateurs de six nationalités différentes, de talents divers, isolés ou en équipes, qui ont fabriqué eux-mêmes leurs engins avec des matériaux dont les hommes préhistoriques auraient pu disposer. À chaque réunion les rivaux, qui sont aussi des amis, comparent leurs matériels et échangent des recettes de fabrication. Au contraire du cas de l’arc, où le problème réside surtout dans l’engin de lancer, les discussions portent plutôt sur les sagaies, les propulseurs ne paraissant pas poser beaucoup de problèmes. Que le crochet soit taillé dans la masse du bois ou ajouté, en os ou en bois de renne, les résultats et le temps de fabrication paraissent équivalents.
Les expérimentations faites par ces amateurs d’armes préhistoriques n’ont en aucune façon abouti à des distances aussi importantes, y compris en se servant de propulseurs. Une expérimentation comparative de plusieurs types de sagaies, comportant près de 8 000 jets par la même personne, a permis d’établir quelques facteurs du succès dans le lancer de sagaies par propulseur. Sagaies longues (plus de 2,50 m), empennage long et large, lot de sagaies homogène, équilibration de la hampe en avant du milieu, présence d’une pointe assez lourde (20 g), puissance musculaire du tireur.
Confection et entretien du matériel, et surtout entraînement quotidien, devaient occuper beaucoup du temps de nos ancêtres. Prenons le cas d’un propulseur en bois de noisetier coupé vert puis écorcé. Il est rectiligne et mesure 85 cm hors tout (dont 3 cm au-delà du crochet), pour un diamètre de 25 mm (22 mm à l’extrémité proximale) qui est juste suffisant pour la taille de la main. Il est allégé sur une longueur de 39 cm, entre la poignée située à un bout et le crochet, à l’autre extrémité, ramenant donc là cette partie à une section ovale de 16 x 18 millimètres. Il pèse 160 g, c’est-à-dire le même poids que les sagaies qu’il sert à lancer. Le crochet du propulseur est taillé dans la masse du bois, il est conique et se continue par un renflement comportant toute l’épaisseur de la tige, ce qui assure sa solidité. Le crochet lui-même dépasse de 6 mm, c’est suffisant pour bien maîtriser le talon des sagaies, il mesure 7 x 6 mm à sa base. Son axe est incliné de 20 degrés sur celui de la hampe. La confection de cet outil a pris trois heures avec un couteau, mais il semble qu’avec un silex bien manié cela n’aurait guère mis plus de temps. Ce délai apparaît minime au regard du temps passé à fabriquer puis réparer les sagaies. L’engin a déjà assuré plus de 10 000 lancers de sagaies, mais ne présente aucune trace de fatigue, il pourrait ne pas avoir atteint le dixième de ses possibilités.
Les distances parcourues par les sagaies ainsi lancées sont de l’ordre de quelques dizaines de mètres. La forme physique du tireur est un facteur évident, au moins pour certains d’entre eux. Fatigue, manque de sommeil, ventre creux ou trop garni, forte consommation de bière pendant le concours, etc., sont autant de facteurs de minoration des performances. La puissance musculaire du tireur intervient surtout à 20 ou à 30 m. Elle permet un tir plus tendu qui est plus précis.
Autre hypothèse donc : ce genre d’épreuve servait aussi à l’entraînement des Gésates et une partie de cette distance devait être parcourue par eux en courant.
Bref, tel était peut-être le point de départ de la voie des kinges. La paix finissant par s’installer ici et là plus ou moins durablement, notamment sous le règne d’Ambicatus, les Gésates démobilisés puis en quelque sorte au chômage technique, cherchèrent à obtenir le même résultat par d’autres moyens que la mort héroïque au champ d’honneur. Développer le contrôle de l’anatla fut désormais la nouvelle préoccupation de l’enseignement des vates destiné aux chevaliers et aux seigneurs. D’où la voie moderne, transposition dans le domaine spirituel du combat matériel et guerrier.
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YOGA DRUIDIQUE ANTIQUE ET AUTRES ORDALIES DU MÊME GENRE.
Les gnostiques d’Occident étaient des maîtres du feu. Mais en plus de ce feu, il y avait aussi chez les Celtes un yoga de l’eau, et ce, dès l’enfance. « Il est aussi utile de les habituer au froid quand ils sont tout petits ; car c’est très profitable à leur santé ; et aussi de les préparer à la guerre, voilà pourquoi de nombreux barbares ont coutume soit de plonger leurs enfants dans des rivières quand l’eau est froide ; soit de les habiller seulement de légers vêtements, comme chez les Celtes ; car, quel que soit ce à quoi il faut les habituer, le mieux c’est de le faire dès leur plus jeune âge, mais petit à petit ; en outre les garçons aiment habituellement le froid, justement à cause de leur chaleur » (Aristote, Politiques, VII, 2,5).
Les Celtes de cette région avaient donc l’habitude de se baigner dans de l’eau glacée dès la naissance (cas du chef gésate Viridomaros à la bataille de Clastidium, qui était dit « Fils du Rhin ») ; ou de courir complètement nu, même par grand froid (cas de Cuchulainn qui faisait ainsi fondre la neige autour de lui).
Dans les deux cas, le principe est le même : ne faire qu’un avec la nature, ne faire qu’un avec l’univers. Pour renforcer sa force vitale, l’homme doit se mettre en harmonie avec les éléments.
La danse était aussi un des meilleurs moyens de parvenir à l’épanouissement instantané de l’âme (appelé moksha dans l’hindouisme). Tite-Live nous a laissé la description de cette technique de yoga druidique, avant l’épisode du fameux combat livré par Manlius Torquatus.
Alors un Celte d’une extraordinaire stature s’avança sur le pont, puis en hurlant aussi fort qu’il le pouvait, s’écria : « Que le plus brave des Romains vienne ici et m’affronte, et que notre duel montre lequel des deux peuples l’emporte sur l’autre à la guerre… il prit un bouclier d’infanterie, ainsi qu’une épée d’Espagne, plus adaptée au combat rapproché ; ensuite, dès qu’il fut armé comme il faut et bien équipé, ils le menèrent face au Celte qui exultait à cause de sa force brute et (même les Anciens ont pensé que c’était digne d’être noté) lui tirait la langue par dérision. Ensuite ils se retirèrent dans leurs postes et les deux champions armés furent laissés tout seuls au milieu, plus à la façon d’une scène de théâtre que conformément aux nécessités d’une guerre sérieuse ; qui plus est, à en juger par les apparences, en aucune façon assortis. L’un était une créature d’une taille gigantesque, resplendissant dans des habits multicolores et portant une armure peinte ou dorée ; l’autre un homme d’une taille moyenne, et dont les armes, plus utilitaires qu’ornementales, lui donnaient une apparence très ordinaire. Aucun chant de guerre, aucune gesticulation, de son côté ; il ne brandissait pas ses armes de façon idiote ».
Autrement dit, complètement nu, mais les armes à la main, un peu comme un Indien faisant la danse de la guerre, le guerrier celte tournait en chantant et en tapant du pied sur le sol, de manière rythmée ; ensuite, pris de transes extatiques, la poitrine gonflée de fureur, il ouvrit la bouche jusqu’à faire entrevoir le fond de sa gorge, et tira une langue énorme en direction de l’ennemi qui lui faisait face.
L’explication de ce rite magique est simple. Par ses contacts répétés avec la terre, le guerrier attire à lui les forces souterraines, comme si elles entraient dans son corps ; et en ouvrant toute grande la bouche, il les expulsant telle une flèche de feu projetée par sa langue, sur Manlius Torquatus.
L’exercice ayant été mal exécuté, ce fut Manlius Torquatus qui l’emporta. Encore que toutes ces histoires soient passablement étranges (des mythes celtes historicisés par Tite-Live ?).
La maîtrise du souffle vital (de l’anatla) était sans doute une des premières choses enseignées aux guerriers par les vates de cette époque avons-nous dit. À la cour du roi Domnall le belliqueux, Cuchulainn apprendra donc à souffler et à souffler encore, dans des outres de cuir, à travers une pierre plate percée d’un petit trou.
« Les trois guerriers arrivés en Alpi, chez Domnall le Belliqueux, apprirent de lui un premier tour d’adresse : ce tour consistait à se coucher sur une pierre plate, où était percé un petit trou, et à
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souffler dans ce trou de manière à gonfler quatre outres ; les trois guerriers n’y parvenaient qu’après tant d’efforts que la plante de leurs pieds en devenait noire ou bleue ».
Exemple (évidemment exagéré par les bardes) des résultats d’un tel entraînement au contrôle de l’anatla : « Alors se produisit la première contorsion du Hésus Cuchulainn. Il enfla et gonfla comme une vessie dans laquelle on souffle et se tendit comme un arc effrayant, multicolore, étrange, puis notre vaillant héros domina de toute sa hauteur Fer Diad, sa taille étant devenue celle d’un géant du peuple des vouivres anguipèdes ou d’un pirate ».
N.B. Il existe de semblables exemples dans la très curieuse légende du siège de Druim Damghaire (12e siècle).
D’où la célèbre technique du cri du héros traditionnellement décrit comme faisant hurler de peur les bananaig, les bocanaig les génies des vallées ainsi que les démons aériens.
« Il secoua son bouclier, brandit ses javelots et agita son épée, puis poussa le cri du héros. Les bananach les bocanach les geniti glinni et les démons aériens, épouvantés par ce cri qu’il avait poussé lu répondirent et la Nemania sema la confusion dans l’armée. Les quatre provinces d’Irlande firent sortir de la pointe de leurs javelots et de leurs armes un tel bruit, que cent de leurs guerriers moururent de terreur et d’effroi cette nuit-là en plein camp (Enlèvement du bétail de Cooley).
Certaines disciplines japonaises évoquent encore des comrunos (initiés) capables de tuer rien que par un cri. Mais dans la tradition celtique, le cri a surtout un pouvoir paralysant (cri de Macha, de Kulhwch, etc.).
Les transcripteurs chrétiens (les moines copistes) ayant couché par écrit ces récits mythologiques, ne comprenaient plus rien évidemment à cette puissante technique du cri.
La position de base de ce « yoga druidique » semble avoir été « sur un pied, un œil et une main » comme le prouve l’exemple suivant, toujours tiré de la légende de notre héros, Setanta.
« Le Hésus Cuchulainn pénétra dans le bois et coupa une jeune pousse de chêne tout entière, d’un seul coup et, sur une seule jambe en se servant d’une seule main et d’un seul œil, il la plia pour en faire un cercle et grava une inscription ogamique sur la cheville de cet anneau puis le posa sur la pointe de la pierre levée qui se dressait sur les hauteurs de Cuillenn » (Enlèvement des vaches de Cooley) ».
Précision du geste et maîtrise de son équilibre donc. Comme dans le kalari-payat.
Ne pas oublier néanmoins que les armes de l’époque (la fin de La Tène) étaient très différentes de celles qui seront utilisées au Moyen-âge. Une des armes favorites des guerriers de ce temps-là était par exemple l’orclach. Redoutable rondelle à bords tranchants que le guerrier lançait en la faisant tourner autour de son index, la main levée au-dessus de la tête. Un peu comme les chakrams indiens. L’archéologue français Déchelette (tome I, p. 520-523) en signale dès l’époque néolithique.
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ARTS MARTIAUX.
………… Le jet du bâton (cor ndeled), le tour de la corde (tèt cliss) le tour de l’hyperventilation (cless for análaib), de la pomme (ubullchless) du fantôme ((siaburcles), de la vis (cles cuair), du chat (cless caitt), de la roue (rothchless), le coup du héros dansant autour des pointes de javelot (Fonaidm niadh for rinnib sleg), le coup de taille (faeborcless) et ainsi de suite. Voir la longue énumération donnée par Aemer dans le récit du festin de Bricriu.
Tout aussi énigmatiques sont les tonnerres de cent, de deux cents, etc. (torandchless cét, torandchles dá cét), et ainsi de suite… mentionnés dans l’enlèvement des vaches de Cooley. Sans doute une certaine façon d’utiliser sa fronde.
On en sait un peu plus par contre sur le célèbre coup du javelot-foudre (gae bolga) et le coup en retour (táithbéim).
Le tour du javelot-foudre consistait à saisir un javelot particulier dans de l’eau (toujours cette omniprésence de la chaleur) avec les doigts de pied, puis à le lancer le plus loin possible sur sa cible.
Le coup en retour par contre, était un coup d’épée ou un jet de fronde qui ne tuait pas, mais qui assommait seulement, par exemple des oiseaux. Toute la difficulté de ce tour était donc de retenir suffisamment son coup pour éviter qu’il ne devienne mortel.
LES BONDS ET SAUTS DIVERS.
Les diverses formes de saut faisaient aussi partie de ce yoga druidique destiné aux guerriers.
Pour son entraînement le guerrier de la Tène disposait de tout un matériel assez artisanal, mais dangereux, comme le fameux pont des sauts ou de la falaise mis au point par les artisans de la reine Scathache en Écosse (voir ci-dessus).
« Eh bien, ô jeunes gens, demanda le Hésus Cuchulainn. Quelles figures et quelles prouesses d’arts martiaux avez-vous appris cette année ?
« Nous avons appris à franchir le Pont des Sauts ! » répondirent-ils.
Et combien de temps avez-vous mis pour l’apprendre ? » demanda le Hésus Cuchulainn.
Il nous a fallu un an, un mois, un quartier de lune plus trois jours et trois nuits.
Bien, jeunes gens, ajouta le Hésus Cuchulainn, voulez-vous m’y conduire ?
Hélas, mon garçon, rétorquèrent-ils, à quoi cela te servirait-il tant que Scathache ne sera pas venue s’occuper de ton instruction comme les autres ?
« J’aimerais bien le voir ! » répondit-il.
Ils partirent donc en direction du pont. Ensuite tous les jeunes gens qui étaient chez Scathache se retrouvèrent là. Et ainsi était le Pont des Sauts : quand quelqu’un sautait dessus, il rétrécissait jusqu’à devenir mince comme un cheveu, aussi coupant qu’un orrlad ? aussi glissant qu’une queue d’anguille. Et à d’autres moments il se redressait jusqu’à devenir aussi haut qu’un mât. Le hésus Cuchulainn sauta donc sur le pont et commença de glisser ou trébucher dessus
Du haut de la citadelle ensoleillée (un temple du soleil ?) où se trouvait Scathache, on pouvait apercevoir le Hésus Cuchulainn…
Bon en effet, s’exclama Scathache, regarde bien ce jeune homme, car il m’est apparu en rêve il y a peu de temps qu’un jeune homme, presque un enfant, pas très vieux en tout cas, venait à moi de l’Ouest, des terres de la verte Erin, qu’il remporterait l’épreuve du Pont des Sauts, dans une heure, alors que pour toute autre personne cela requiert un entraînement d’un an, un mois, un quartier de lune (une semaine) plus trois jours et trois nuits, qu’il y parviendrait en un seul jour, et que l’on parlera de cet acte de bravoure et de courage jusqu’à la fin des temps, qu’il sera l’enfant annoncé par les prophètes.
En ce qui concerne le Hésus Cuchulainn, il commença par glisser ou trébucher sur le tablier du pont, de sorte qu’après cela il était donc obligé de sauter à terre à même le sol. Et les trois premiers de
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cette classe d’élève venus du monde entier le huèrent en poussant de nombreux cris de dédain ou de moquerie à son encontre vue la grandeur de sa folie, consistant à vouloir déjà mettre en pratique cette leçon, alors que Scathache ne lui avait pas encore montré comment faire. Le Hésus Cuchulainn en devint comme enragé, aussi sauta-t-il très haut en l’air comme un oiseau planant dans le sens du vent, de sorte qu’après avoir bondi de cette façon, il parvint à rester debout en équilibre sur le tablier du pont, c’est à dire sur la pile centrale. Et le pont sous lui ne devint ni étroit, ni affûté comme un rasoir, ni glissant ».
Avec un tel entraînement « à balles réelles », les survivants ne pouvaient qu’être exceptionnels.
Idem pour le jeu des piques déjà mentionné.
« Nous le balançons sur la poutre maîtresse du faîtage du toit, et nous lui jetons nos javelots et nos piques, de sorte qu’il n’y ait pas un point de son corps ainsi criblé de traits par où n’écoule le sang de son cœur… ?… et qu’il soit donc saigné à blanc ».
« Il sauta en arrière à une portée de lance du rempart du fort, et ensuite il rebondit en avant à partir de cet endroit, jusqu’à ce que son front en vienne presque à le heurter, puis il tenta de sauter en l’air assez haut pour être en mesure d’apercevoir tout ce qu’il y avait dans le fort, mais il s’enfonça dans la terre jusqu’aux genoux à cause de la puissance de sa force et de sa violence. La fois suivante il ne réussit même pas en fait à faire tomber la rosée qu’il y avait sur l’herbe à cause de la vigueur de son entrain, de la force de son caractère, et de son courage héroïque. Enfin grâce à la fureur qui s’empara de sa personne il réussit à sauter dans le fort à partir de l’extérieur et il se retrouva dedans à la porte du palais. L’empreinte de ses pieds figure encore dans la pierre du pavement… ».
On en sait un peu plus sur le saut du saumon grâce au séjour de John M. Synge en 1900, dans l’île d’Aranmor. Le champion de danse local se leva en effet au bout d’un moment, et il exécuta devant lui le saut du saumon, couché à plat ventre puis bondissant à bonne hauteur en l’air.
Quelques exemples plus précis de ce yoga druidique (riastrade et arts martiaux) et tout d’abord sa caractéristique principale, le dégagement de chaleur. Ces phénomènes sont la manifestation de ce que les Grecs appelaient le menos, c’est-à-dire l’ardeur vitale des héros comme Achille (portée à incandescence, elle flamboie autour des têtes). Phénomène connu aussi au Tibet (certains moines en pleine méditation).
Voici ce que cela donnait pour notre héros :
« Ensuite le moment venu il fut pris au dépourvu et plongé dans une cuve d’eau glacée qui avait été préparée à cette intention. Dans la première cuve, la chaleur générée par son immersion fut telle que les douves et les cerceaux volèrent en morceaux instantanément. Dans la seconde cuve, l’eau déborda (en bouillonnant) ; et dans la troisième pourtant l’eau était encore brûlante. Mais pendant ce temps néanmoins, la fureur du petit Hésus Cuchulainn avait fini par s’éteindre en lui ; des pieds à la tête il se mit à rougir d’un pourpre spectaculaire un peu partout, et elles le revêtirent de ses habits de fête. Sa forme et ses traits naturels lui revinrent enfin (exploits d’enfance de Cuchulainn).
« Une lourde neige tomba cette nuit-là de sorte que toutes les provinces d’Irlande devinrent une seule et même étendue blanche. Et le Hésus Cuchulainn rejeta les vingt-sept chemises, cirées, durcies comme des planches, qu’il avait l’habitude de porter à même la peau, attachées avec des lacets ou des cordes afin de ne pas perdre tout sens commun quand il entrerait en transe. Si grande était son ardeur de guerrier et si grande la chaleur du corps du Hésus Cuchulainn que la neige fondit jusqu’à trente pieds tout autour de lui et que le cocher ne put rester à ses côtés à cause de l’intensité de la fureur et de l’ardeur du guerrier tout comme de la chaleur de son corps » (Enlèvement des bovins de Cooley).
Plus généralement le feu du héros (en blaith, lon gaile, dit aussi lón or lúan-laith) jaillissait aussi du front de certains autres guerriers (Loegaire, Conall Cernach et un certain nombre d’autres…)
L’hypothèse de l’utilisation de philtres ou d’élixirs genre haoma indien à base d’amanites tue-mouches n’est pas non plus à exclure, car il y avait alors très nettement dilatation des pupilles. Les textes traditionnels irlandais nous parlent en effet d’yeux à sept pupilles :
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« Il avait à chaque pied sept doigts, et autant à chaque main ; ses yeux étaient brillants et avaient sept pupilles chacun, dans toutes scintillaient sept gemmes éclatantes ».
« Il avait sept pupilles dans ses magnifiques yeux, quatre dans un et trois dans l’autre. Il avait sept doigts dans chaque main, et sept orteils à chacun de ses pieds. »
« Sept escarboucles rouges en pierre de dragon au fond de chacun de ses deux yeux ».
Apprendre à supporter la douleur était aussi un des points clés du yoga druidique appelé riastrade. C’est ce qu’apprit par exemple notre Hesus chez la reine Scathache en Écosse, comme le montre ci-dessous le célèbre passage de la légende le concernant. « Que lui faites-vous au juste ? demanda le Hésus Cuchulainn.
Nous le balançons sur la poutre maîtresse du faîtage du toit, et nous lui jetons nos javelots et nos piques, de sorte qu’il n’y ait pas un point de son corps ainsi criblé de traits par où ne s’écoule le sang de son cœur… ?… et qu’il soit donc saigné à blanc.
Et pourquoi donc lui faire tout cela ? demanda le Hésus Cuchulainn ?
Nous faisons cela, répondirent-ils, afin que, même s’il y a des armées entières et des multitudes d’ennemis, de coups et de blessures pour toi un jour, tu n’en sois pas pour autant saisi de fureur ou de tremblements nerveux, vu tous les coups que tu vas recevoir dans cette maison ce soir.
Je vous avertis, répondit le Hésus Cuchulainn, je ne laisse personne sur terre me larder le corps de coups une fois que le combat m’a été imposé, à moins que je ne le veuille bien de la part d’un guerrier m’affrontant ou s’opposant à moi.
C’est juste, dit l’un d’entre eux, mais à condition que cela soit bien en ton pouvoir.
Ma parole, dit un autre, on ne va pas te prendre au mot pour autant. Et il attrapa le Hésus Cuchulainn par les chevilles puis le jeta sur le faîte de la maison. Et ils lancèrent tous leurs javelots ou leurs traits sur lui.
Mais le Hésus Cuchulainn redescendit lentement, avec grâce, d’un pied léger, en marquant une pause et un temps d’arrêt sur la hampe de la pique la plus proche de lui, ensuite il descendit sur la seconde, puis sur la troisième, et ainsi de javelot en javelot, jusqu’au dernier ».
Quoi qu’il en soit, le résultat de toutes ces techniques de yoga druidique (souffle, cri, arts martiaux, bonds et sauts, contorsions, danses, etc.) était en général plutôt stupéfiant.
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RIASTRADES ET CONTORSIONS DIVERSES (exagérées par les bardes évidemment).
« Le Hésus Cuchlainn allongea tellement son cou que le pied normal d’un guerrier aurait pu tenir entre n’importe lesquelles de ses côtes ; il dilata son cou jusqu’à ce qu’il atteigne l’autre bord du billot ».
« Le Hesus Cuchulainn se leva et il essaya donc une première fois de remettre la maison d’aplomb, mais en vain. Il fut saisi de contorsions, des gouttes de sang perlèrent à la racine de ses cheveux ; ses cheveux lui rentrèrent dans la tête de sorte que, vues de par en-dessus, ses boucles brunes semblaient avoir été tondues avec des ciseaux, il devint comme une meule de moulin et il étira tellement son corps que le pied d’un guerrier aurait pu passer entre ses côtes ».
« C’est alors que se produisit la première des contorsions (transes) de sa fureur guerrière, il devint méconnaissable, horrible et merveilleux à la fois. Son corps trembla comme un tronc d’arbre jeté au travers d’un torrent ou comme un roseau dans le courant, chacun de ses membres, chacune de ses jointures, chacune de ses articulations, des pieds à la tête et de la tête aux pieds, son corps tout entier se retourna furieusement dans sa peau. Ses pieds, ses tibias, ses genoux, passèrent derrière lui, ses talons ses mollets ainsi que ses genoux devant. Les muscles de ses mollets passèrent devant ses tibias, et gonflèrent au point de devenir aussi gros que le poing fermé d’un soldat. Les muscles de sa nuque se nouèrent et formèrent une boule énorme, immense, incommensurable, aussi grosse que la tête d’un enfant d’un enfant âgé d’un mois.
Son visage devint comme une boule toute rouge. Un de ses yeux s’enfonça tellement dans sa tête qu’il aurait été difficile à une grue sauvage de l’en extraire. L’autre était au contraire si exorbité qu’il en sortait de sa joue. Sa bouche se déforma de façon monstrueuse. Ses joues se retirèrent des mâchoires au point de laisser entrevoir l’intérieur de sa gorge. Il recracha ses poumons qui semblèrent comme flotter dans sa bouche et son gosier. Ses mâchoires claquèrent l’une sur l’autre comme celles d’un loup fou furieux en s’ouvrant tellement que chacune des flammèches rouges et ardentes qui forçaient le barrage de ses dents pour sortir de sa bouche était aussi grande que la toison d’un mouton de trois ans. On pouvait entendre les battements de son cœur résonner comme les cris d’un chien de vautrait qui aboierait ou ceux d’un loup affrontant des ours.
Les flambeaux de la Bodua, des nuages de poison, des étincelles de feu rougeoyantes, flamboyantes et fulgurantes, jaillirent de sa tête comme des nuages ou nuées avec le débordement de cette la fureur vraiment sauvage qui émanait de sa personne.
Il avait les cheveux hérissés sur la tête comme les épines d’un acacia poussé dans l’ouverture d’une grande haie. Si on avait secoué le pommier d’un roi chargé de fruits royaux pour qu’ils tombent, rares sont les pommes qui auraient pu passer au travers et atteindre le sol, car elles se seraient plutôt comme embrochées sur le moindre de ses cheveux, tant était grande la force de la fureur guerrière à mesure qui s’en élevait au-dessus de lui.
Le Lon Laith (lumière de héros) sortait de son front, aussi long et aussi épais que la pierre à aiguiser d’un guerrier. Aussi élevé, aussi large, aussi fort, aussi raide, aussi haut que le mât d’un immense navire royal, était le jet de sang noir qui jaillissait tout droit sommet même de sa tête ; et donnait ainsi naissance à un nuage noir semblable à la fumée sortant d’un hôtel royal quand y vient le roi pour s’y reposer un jour d’hiver à la tombée de la nuit ».
N.B. Une partie (une partie seulement) des expériences physiques décrites a sans doute été réellement enseignée et pratiquée dans certaines écoles druidiques analogues à celle de la reine Scathache en Écosse.
Au sommet de cette expérience mystique, l’énergie du chaudron cosmique universel pénètre toutes les manifestations physiques des Gésates ou Kingetes comme si elle était leur être propre.
Tout ce que nous pouvons dire encore ici à ce sujet c’est ceci, et ce sera notre conclusion provisoire. Ces divers exercices indiquent concrètement ce qui n’est plus dès lors une simple règle de bonne conduite, comme dans le cas de la morale de type reda ; mais constitue déjà un chemin de surhominisation, donc un chemin de vie et de bonheur vrai. La voie du Gésate ou Kinges ne se paie jamais de mots. Grâce à de tels exercices, le druidisant de type psychologique gésate ou kinges (2e fonction) marche véritablement à la suite des dieux ; associé à leurs résurrections ou à leurs apothéoses.
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Toute naissance est un travail, commencé dans la douleur et dans la peine, mais s’achevant dans la joie et dans la vie. Et bien il en va de même du yoga druidique. Après sa première naissance, l’homme renaît à lui-même, et accède à la liberté. Ce combat est celui de la vie.
Pour le savoir druidique, notre mort charnelle n’est de toute façon que le milieu d’une longue vie, un passage. C’est pourquoi d’ailleurs la druidiactio a fait du Jour des Morts le jour du commencement de l’année nouvelle, la Samon (ios). Sans cette foi ou cette conviction, les exercices que nous venons de voir seraient ressentis comme une trop lourde obligation par les Gésates ou Kingetes ; mais puisqu’ils en ont la conviction, ils entrent presque férocement dans cette vie nouvelle qui leur est proposée dès ici-bas.
Par cette voie du Kinges, le druidisme se propose donc de libérer, en une formidable prise de conscience de l’unité sous-jacente du monde, les expressions vitales animales du règne des passions humaines héritées de notre Grand Frère à tous, Cornunnos ; et d’en faire le fondement d’intuitions religieuses supérieures.
Concrètement il s’agissait d’acquérir la maîtrise de ses fonctions corporelles, de ses sens, et de ses pensées. Le mot aryen yoga signifie d’ailleurs atteler, un peu comme un cocher attelant des chevaux à un char, afin d’unir leurs forces pour mieux les diriger.
Le yoga (ou iaido, semble-t-il, au Japon) est donc le début d’un processus d’attelage et de domptage des sens. À ce niveau les gessa éthiques fondamentales perdent un peu de leur caractère tabou. Au terme d’un long et patient entraînement le gésate ou kinges parvient à diriger, grâce notamment au contrôle de son anatla (de sa respiration) l’énergie vitale de son corps.
Le Kalaripayat, Kalarippayat ou Kalarippayattu, est un yoga martial ancestral du sud de l’Inde, il est néanmoins fondamentalement non-violent. C’est une pratique holistique, un chemin vers la réalisation de soi, une voie royale.
Ses origines sont multiples.
— Aryennes avec les techniques holistiques de domination et de conquête (Dhanurveda).
— Dravidiennes, civilisation préaryenne de l’Inde, avec la connaissance du monde animal, élémental, végétal.
— Bouddhistes avec la tradition de non-violence, et la science énergétique du corps (marma, nadi, chakra).
Au VIe siècle, un certain Damo ou Bodhidharma, expert dans la discipline, partira en Chine pour propager cette pensée bouddhiste et se fixera au monastère de Shaolin.
Les formes du Kalaripayat se codifient au XIIe siècle.
Fondamentalement liée à l’histoire du sud de l’Inde, la discipline connaît un âge d’or entre le XVe et le XVIIe siècle. À cette période, le Kalaripayat est alors un pilier institutionnel de la société kéralaise. Les guerriers Naïrs ou Nayars sont les garants de l’ordre social. Les conflits entre royaumes voisins sont réglés par des combats individuels et à mort entre les meilleurs guerriers [on devrait bien en faire autant aujourd’hui : des combats des « trente » pour régler les problèmes internationaux). De nombreuses chansons populaires témoignent, encore de nos jours, des faits et gestes extraordinaires des grands héros de cette époque.
À la fin du XVIIe siècle, la Couronne anglaise prend le pouvoir sur la région. Elle interdit la pratique du Kalaripayat, perquisitionne et détruit les armes… Les Maîtres sont placés sous haute surveillance… Certains, cependant, continueront à enseigner clandestinement ; ce qui permettra au Kalaripayat de survivre jusqu’en 1947 date de l’indépendance reconquise.
Aujourd’hui, le Kalaripayat n’est plus un pilier de l’ordre social indien. Ses applications restent, certes, toujours martiales dans leurs dimensions (très efficaces !) d’autodéfense, mais il n’y a plus de combat individuel et à mort. Les applications concrètes sont d’ordre plus personnel : développement de soi, physique, mental, émotionnel et spirituel.
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Le Kalaripayat est une méthode rigoureuse d’entraînement fondée sur 96 principes ou tatvas, dont il vise l’harmonisation.
Ses applications martiales ne sont pas perceptibles directement pour une personne non initiée. C’est d’ailleurs en ce sens que l’on peut parler d’art martial ésotérique à son propos. Les actions du corps sont économes en mouvements inutiles et très précises. Rien n’est fait qui ne soit nécessaire et chaque mouvement a une triple application : martiale, énergétique et pédagogique. Ces applications se révèlent pour le pratiquant au fil des entraînements.
Le Kalaripayat sollicite toutes les dimensions de l’être humain.
— Dimension physique : muscles, tendons, système cardio-vasculaire et respiratoire, organes.
— Dimension mentale : conscience et maîtrise des processus mentaux.
— Dimension émotionnelle : conscience et maîtrise des émotions.
— Dimension spirituelle (spirituelle et non religieuse).
Les entraînements ont des conséquences bénéfiques dans la vie personnelle du pratiquant : santé, robustesse, sérénité, confiance en soi et en la vie, humilité, courage… Ces résultats constituent les aptitudes martiales essentielles à la formation d’un bon guerrier.
La progression dans la pratique se déroule en quatre étapes.
— Les pratiques corporelles individuelles : meithari.
— Le maniement des armes en bois : kolthari.
— Le maniement des armes tranchantes en métal : ankathari.
— Le combat à mains nues : verumkaï.
Cherchez en lisant et vous trouverez en méditant. Frappez en priant et il vous sera ouvert par la contemplation. Il faut sans cesse contempler la beauté du monde et en imprégner notre âme.
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RAPPEL SUR LES RIASTRADES ET LA LON LAITH (YOGA CELTIQUE AU SENS STRICT DU TERME).
À en croire la légende, Parashûrama, un des avatars de Vishnou, aurait enseigné l’art du kalaripayat à 21 gourous afin d’ouvrir les hommes à la voie spirituelle. Les kchatryas, des guerriers indiens du sud, avaient inclus les techniques du kalaripayat dans l’éducation de leurs princes. L’un d’eux, Thacholi Othenan, aurait été capable, selon les légendes, de trancher net avec son urumi une feuille d’arbre collée sur le ventre d’un jeune garçon…
Le Kalaripayat du Kerala est un chemin vers une connaissance profonde du corps humain qui fait aller de pair l’esprit guerrier et la main qui guérit. C’est un sport énergétique, mais aussi équilibrant pour l’esprit et le corps, il comprend un système de développement corporel, un ensemble de techniques de maniement d’armes et une science médicale accomplie.
Le Kalaripayat rassemble des éléments du Dhanurveda (l’ancienne science indienne du tir à l’arc) et de l’Ayurveda (la science de la médecine). Certaines techniques remontent au IVe siècle, mais la forme actuellement pratiquée date du XIIe siècle. Devenue partie intégrante de l’éducation des jeunes Naïrs ou Nayars (garçons et filles), sa pratique fut interdite, en 1733 (sous le règne des Anglais).
L’observation des bêtes sauvages du Kerala donna naissance aux ashta vadivu, les huit techniques de défense et d’attaque à mains nues. C’est le style le plus ancien du Kalaripayat, de lui découlent toutes les autres formes de cet art.
Son équivalent devait exister en Occident. Ne pas oublier en effet qu’une des armes favorites des guerriers de ce temps-là était par exemple l’orclach, ainsi que nous l’avons déjà mentionné. Une redoutable rondelle à bords tranchants que le guerrier lançait en la faisant tourner autour de son index, la main levée au-dessus de la tête. Un peu comme les chakrams indiens. Pour plus de détails sur ces armes préhistoriques, voir les pages 520 à 523, tome 1 du manuel de Déchelette.
Ce que Goethe appelait Herrschaft über sich selbst, la seigneurie de soi-même, c’est-à-dire la maîtrise de son corps et de son esprit ; a été ensuite par-delà les siècles développé, toujours selon la mythologie celtique, par un personnage semblant être un continuateur de Cornunnos ; connu sur le Continent comme Hesus Smertullos ; demi-dieu-ou-démon connu en Irlande sous les appellations (postérieures) de Setanta ou Cuchulainn « le cheminant » ou le « chien de Culann ».
Ce n’est pas un demi-dieu-ou-démon spécifiquement insulaire ou irlandais, car son culte est visiblement d’origine continentale. On le retrouve par exemple sur le chaudron de Gundestrup. On le retrouve aussi au Caucase sous le nom de Badtraz, héros des Ossètes, derniers descendants des Scythes.
En terre celte, il semble correspondre au dieu-ou-démon guerrier en relation avec le taureau et les grues : Hesus.
La meilleure preuve du lien symbolique de type yoga pouvant exister entre Hésus-Setanta Cuchulainn, et le termagant brun de Cooley (le taureau), est que les deux sont souvent représentés avec une lon laith ou luan laith, terme gaélique signifiant à peu près « force du héros » ; sous la forme d’une troisième corne comme dans la version continentale du mythe du termagant ou tervagan (le tarvos trigaranos ou taureau doté de 3 cornes, la 3e étant une lon laith symbole de puissance) ; sous forme d’une aura dans les phénomènes de transe caractérisant Cuchulainn, la lon laith serait dans ce cas une sorte de jet de ? jailissant du sommet du crâne du demi-dieu-ou-démon. Technique de Yoga ô combien dangereuse, mais il faut tenir compte de l’exagération intrinsèque des bardes.
La notion d’unité, développée par Cornunnos puis Hesus Cuchulainn dans la doctrine druidique du monisme, tout comme l’expérience de cette unité à partir de la pratique méditative immédiate ou du yoga druidique ; permettent à l’homme d’atteindre une autodélivrance de l’ignorance.
Accéder à l’état d’awenydd, c’est donc ne faire qu’un avec l’univers du Pariollon. On peut y accéder par la méditation contemplation ou par le yoga celtique. Dans l’un et l’autre cas, le monde de la grande déesse-ou-démone mère cosmique, s’éteint, pour ce qui est de la conscience individuelle. Cette extinction est une libération pour l’anamone, des contingences de l’existence, car cette extinction n’est jamais qu’une consommation de l’éphémère, le permanent demeurant dans l’être en soi (Bitos).
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Le druidisme fait confiance à l’expérience propre de l’Homme, à sa propre puissance.
Raison et philosophie ne suffisent pas néanmoins à pénétrer la réalité dernière du monde, et ne constituent qu’un point de départ.
L’expérience fondamentale de l’union mystique avec le Grand Tout du Pariollon est un abandon à l’infini dont l’apogée, c’est l’état d’awenydd.
Son archétype celte est le personnage de Suibhne en Irlande ou de Merlin en Grande-Bretagne. De toute façon les deux sont très proches ce qui prouve bien que ce type de personnage devait correspondre à quelque chose de très profond dans la culture celte.
Lailoken. On trouve dans la littérature écossaise médiévale des récits relatifs à un grand seigneur nommé Lailoken, conseiller du roi Gwenddoleu et devenu fou après une bataille ayant eu lieu à Arfderydd, en Cumbrie (573), une bataille au cours de son patron aurait été tuée et ses forces quasiment anéanties. Gwenddoleu était un roi païen qui avait combattu le roi chrétien, Rhydderch – selon toute probabilité pour une question de territoire. Lailoken se réfugie alors dans les forêts pour y vivre une vie simple et pauvre, proche de la nature, avec des animaux et des oiseaux pour seule compagnie. Au cours de ces cinquante de vie dans la solitude de la nature, il développe un véritable don de seconde vue et s’avère capable de prédire l’avenir.
NDLR. Sur la possibilité ou non de prédire l’avenir, lire ce que nous avons remarqué sur le sujet dans le cahier de note numéro 21 (le camion parti de Chicago chargé de bouteilles de bourbon).
Suibhne mac Colmáin, roi du Dál nAraidi. Rendu fou par Saint Ronan Finn. Cette folie fait que Suibhne quitte soudainement la bataille de Mag Rath et commence une vie d’errance (qui lui vaudra le surnom de Suibne Geilt ou « Suibhne le fou »), jusqu’à sa mort dans les bras de saint Moling. À chaque étape de son errance, Suibhne s’arrête pour composer un poème sur le lieu et son histoire, et ses descriptions de la campagne ou de la nature, ainsi que son pathos, sont remarquables.
Le cas de Suibhne nous fournit une excellente transition pour aborder le cas de guerriers d’élite super combattant, car Suibhne avait commencé par en être un avant de finir amarcolitanos.
Dans le cas des kingetes, le savoir qui conduit à la délivrance qu’est l’état d’awenydd, n’est plus seulement une pure connaissance de l’état des choses (comme dans le cas des très-sachants de type amarcolitanos) ; mais consiste en la transformation complète, consécutive à la connaissance authentique, de celui qui aspire de tout son être à l’épanouissement de son âme. Seule la mise en pratique des différentes techniques de la voie de la Kingeto (yoga, méditation, etc.) permet d’accéder à une connaissance pratique et concrète de l’univers ; car, ainsi que l’a jadis très bien dit le petit-fils de très-sachant Ausone : « Aux choses divines, on peut comparer les choses humaines ».
Yoga et méditations druidiques sont donc orientés vers l’intérieur, ils cherchent à libérer des passions destructrices : processus de métamorphose de soi dans lequel le kinges apparaît, certes, comme celui qui renonce, mais aussi finalement comme celui qui fait ou qui accomplit.
Les exercices les plus connus de ce yoga druidique sont les riastrades et les diverses techniques de contemplation, du sacré chef de Hesus, de l’arbre cosmique (bilios) et ainsi de suite.
Des exercices appropriés permettent d’atteindre des états de concentration qui, du premier état caractérisé par un sentiment de bonheur jusqu’au dernier, se situent au-delà de la différence entre perception et non-perception.
Le sommet de la vie du Kinges est représenté par trois expériences vraiment au-delà de la conscience normale, de nouvelles dimensions de la perception et de la connaissance, des extases et aislingi (des visions ou des auditions de type extatique) ; dans lesquelles des émotions sensibles accompagnent des expériences purement spirituelles, où se trouve levée la coupure habituelle entre sujet/objet.
Le vécu mystique du kinges n’est cependant pas naïf, rappelons-le, car il s’accompagne aussi d’un haut degré de réflexion, qu’il s’agisse d’une auto-analyse raffinée ou même d’une pensée philosophico-spéculative. Techniques illustrées de la façon la plus précise dans les mythes d’abord de Cornunnos ensuite d’Hesus alias Setanta.
Il s’agit en fait de la production de chaleur créatrice en vue de former la volonté DE SOUVERAINETÉ.
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Les privations physiques et la tension spirituelle entraînent la volonté de souveraineté, permettant finalement au kinges ou au gésate d’outrepasser les limites de l’existence corporelle et de développer des pouvoirs suprahumains ou préternaturels de perception et d’action. Si le gésate ou le kinges arrive, dans l’embrasement de sa volonté, à maîtriser son corps, il transmue sa volonté de souveraineté en pouvoir, pouvoir d’accomplir, de guérir, de connaître.
La voie de la Kingeto est la pratique qui doit permettre à l’homme de surmonter le dualisme apparent et subjectif du moi de l’anamone et du menman – sur le sens de ce mot voir sanscrit manman, esprit – ; et du tout englobant qu’est le Pariollon, donc de parvenir ainsi au Tout Englobant Universel.
L’esprit humain, surmené, aliéné, apeuré, ressemble à une mer houleuse. Les étoiles ne peuvent s’y refléter. Il faut donc l’apaiser par des exercices dans lesquels s’épuisera l’activité forcenée de la pensée discursive. Il lui faut passer par la concentration intensive pour parvenir finalement à l’épanouissement de l’âme appelé awenydd en gallois.
N’est pas exclu de cette approche de l’état d’awenydd le risque d’hallucination ou d’effondrement nerveux au dernier moment (folie awenydd). Que nous dit la légende de Suibhne à ce sujet ?
Il était une fois un noble prince, éminent saint patron d’Irlande, qui s’appelait Ronan Finn. Fils de Bearach, fils de Criodhan, fils d’Earclugh, fils d’Ernainne, fils d’Urene, fils de Seachnusach, fils de Colum Cuile [N. D L. R. Ah bon, mais je croyais que saint Columcille n’avait pas eu d’enfants biologiques ? !] fils de Mureadhach, fils de Laoghaire, fils de Niall. Il accomplissait la volonté de Dieu, faisait tout ce que la piété commande ; et endurait toutes sortes de persécutions par amour pour le Seigneur. Il servait Jésus-Christ en personne afin de mortifier son corps pour la plus grande gloire de Dieu et pour le salut de son âme. Cet homme, toujours occupé à faire le bien, aimable et doux, était un bouclier arrêtant le vice et les attaques du démon.
Un jour qu’il était occupé à délimiter le territoire d’une église appelée Cell Luinne, située en plein cœur du royaume de Dal Araidhe (dont Suibhne fils de Colman était le souverain à ce moment-là ainsi que nous l’avons dit) ; ledit Suibhne entendit le bruit des cloches de Ronan en train de procéder à la fondation de l’église, et demanda donc à ses gens de quoi il s’agissait.
C’est Ronan fils de Bearach, qui délimite le territoire d’une église qu’il fonde sur vos terres au cœur de votre royaume, et ce que l’on entend c’est le bruit de sa cloche.
Suibhne en fut très irrité, voire furieux, et partit sur-le-champ afin d’expulser le saint homme de son église. Son épouse, Eorann, fille de Conn de Ciannacht, l’attrapa par le bas de son manteau pourpre à frange, afin de le retenir ; mais la fibule d’argent et d’or pur qui le retenait sur son sein céda, et Suibhne continua de courir à demi nu jusqu’à ce qu’il arrive à l’endroit où se trouvait Ronan.
Il trouva le saint homme en train de glorifier le roi des cieux et de la terre, et chantant avec ardeur des psaumes à l’aide de son magnifique psautier. Suibhne attrapa le livre et l’envoya dans les profondeurs du lac voisin, où il disparut aussitôt. Ensuite il prit Ronan par la main, le traîna dehors, et ne le relâcha qu’après avoir entendu les cris de détresse d’un serviteur venu lui demander, de la part de Congal Claon fils de Scanlann ; de l’aide dans le conflit qui venait d’éclater à Mag Rath, entre lui et Domnall fils d’Aodh. Quand le messager fut arrivé devant Suibhne, il lui raconta toute l’histoire du début à la fin.
Suibhne partit avec le messager sur-le-champ et laissa l’ecclésiastique, pétrifié par la perte de son psautier ainsi que par l’humiliation qu’il venait de subir.
Un jour et une nuit après néanmoins, une loutre du lac où le livre avait donc été jeté vint le rendre à Ronan. Il était intact, pas une ligne ou une lettre endommagée. Ronan remercia le Seigneur pour ce miracle et maudit Suibhne en disant : que ce soit ma volonté, ainsi que celle du Seigneur tout-puissant, puisqu’il n’a pas hésité à venir m’expulser à demi nu ! Qu’il soit désormais toujours ainsi à errer par monts et par vaux, comme un pauvre oiseau, jusqu’à ce qu’il meure tué par une lance ! Que Suibhne soit maudit, mais que bénie soit Eorann qui a essayé de le retenir. Que cette malédiction retombe aussi sur la race de Colman, que destruction ou extinction soient désormais leur seul héritage ! Et il récita le lai ci-dessous.
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Suibhne, fils de Colman, m’a outragé,
Il m’a traîné par la main
Pour me faire sortir de Cell Luine
…………………
Suivent quelques vers, qui, comme souvent dans la littérature irlandaise, sont en fait plus anciens que le texte en prose les accompagnant, et qui ne fait en quelque sorte que les paraphraser. Ce qui tendrait à prouver que le texte original primitif, c’est le poème, et que la partie en prose n’est venue qu’après, pour le résumer ou le commenter…………………
Sur ce, Ronan vint lui aussi à Mag Rath, pour tenter de faire la paix entre Domnall fils d’Aodh et Congal Claon fils de Scanlann, mais en vain ! L’ecclésiastique servait néanmoins chaque jour de garant aux uns et aux autres pour assurer qu’il n’y ait pas de morts pendant les trêves. Une trêve de Dieu due aux mérites de ce saint homme que Suibhne violait tout aussi régulièrement, car il tuait à chaque fois un homme, une heure avant le début des hostilités, et un après la fin des combats la nuit.
Au jour fixé pour la bataille finale, il partit avant tout le monde pour arriver le premier. Il portait une chemise de soie légère sur sa peau blanche, serrée autour de la taille par une ceinture de satin royal ; et la tunique que Congal lui avait donnée le jour où il avait tué (à Mag Rath justement) Oilill Cedach, roi des Ui Faolain. C’était une tunique pourpre aux ourlets cousus d’or fin et bien tissé ; avec des rangées de perles ou d’escarboucles d’un bord à l’autre, des œillets de soie et des boutons pour l’ouvrir ou la fermer, brillant de mille feux. Dans ses mains, il avait aussi deux lances très longues, et au fer très large, un bouclier pailleté d’or sur le dos, et enfin une épée avec la garde en or au côté gauche.
Il rencontra Ronan et huit chanteurs de psaumes de sa communauté, chargés d’asperger d’eau bénite les armées en présence. Ce qu’ils firent pour Suibhne comme ils l’avaient fait pour tous les autres. Croyant que c’était pour se moquer de lui qu’on l’avait ainsi aspergé d’eau bénite, ce dernier mit les doigts dans la courroie de sa lance et la jeta sur lui en hurlant. Le malheureux fut tué sur le coup [alors là ce n’était vraiment pas bien de la part de Suibhne, mais peut-être était-ce une des premières manifestations de sa folie]. Suibhne lança son deuxième javelot à large fer pointu sur le saint homme lui-même, et heurta la cloche qu’il avait sur la poitrine, avec tant de violence qu’il ricocha et s’éleva dans les airs.
Le saint homme s’exclama : je prie le seigneur tout puissant que tu sois, tout comme cette lance qui a rebondi vers le ciel et les nuages, condamné à errer dans les airs tel un oiseau. Et que la mort que tu as infligée à mon disciple soit aussi celle qui t’emporte un jour. Sois donc maudit, mais qu’Eorann, elle, soit bénie. J’invoque les mânes d’Uradhran et de Telle contre ta postérité ainsi que contre toute la lignée de Colman Cuar [et le pardon dans tout ça, cher saint Ronan ???] puis il ajouta…
Maudit soit Suibhne
Grande est la faute qu’il a commise
Il a brisé ma sainte cloche,
Etc. Etc.
Suivent quelques vers reprenant le récit………………
………………………………………………………………………
Quand les deux armées furent face à face, des deux côtés s’élevèrent par trois fois d’immenses clameurs comparables à celles d’un gigantesque troupeau de cerfs. Quand Suibhne entendit tous ces bruits éclater jusqu’au ciel, et les nuages en répercuter l’écho, alors le trouble et l’obscurité descendirent sur son esprit, et des convulsions agitèrent tout son corps. Il éprouva un grand dégoût pour les places ou les rangs où il avait l’habitude d’être, et un grand désir de se retrouver aux endroits qu’il ne pouvait pas vraiment atteindre. Ses doigts furent paralysés, ses pieds tremblèrent, son cœur se mit à battre de plus en plus vite, ses sens l’abandonnèrent, sa vue se troubla, ses armes lui glissèrent des mains ; et il fut ainsi qu’un oiseau fou voletant ici et là, conformément à la malédiction de Ronan…
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……………………………………………………………………………………………………………
Ceux qui suivent la voie de la Kingeto savent que l’épanouissement instantané de l’âme, caractéristique de l’awenydd, peut, certes, surprendre l’homme dans sa vie quotidienne de tous les jours ; mais qu’il faut souvent l’attendre en vain pendant de longues années. D’où la sévère et quasiment militaire discipline corporelle à laquelle doit se soumettre le Gésate ou le Kinges : position assise à la Cornunnos, ou debout à la Hésus-Cuchulainn, respiration et déconnexion des pensées, mais aussi sévère surveillance des maîtres, parfois éventuellement à coups de slata * (de bâton). Sans oublier la méditation sur les triades druidiques authentiques à propos desquelles la réflexion peut s’exercer pendant des années s’il le faut.
Honorer les dieux, être courageux et ne rien faire de bas.
Glaine ár gcroí, Neart ár ngéag, beart de réir ár mbriathar.
« Pureté du cœur, force des membres et adéquation aux paroles de son action. »
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LA VOIE DES NAMNÈTES.
Le druidisme n’a pas la manie de tout définir, ce qui est caché et ce qui ne l’est pas, ce qui est halal ou qui ne l’est pas, c’est-à-dire finalement de tout délimiter, y compris en matière de conceptions divines ; ce que ne cessent de faire les gens d’un seul livre (le judaïsme et l’islam).
Est juif, par contre, ce sens de la forme, de la loi, de la tradition, de l’utile et du pratique. Est juive aussi cette politique de la puissance et des méthodes de gouvernement autoritaires, style « un Peuple, un Dieu, une Terre (promise) » y compris dans le domaine religieux. Sont juifs aussi ce traditionalisme et ce juridisme qui transparaissent toujours précisément dans les définitions. Cette manie de dogmatiser au maximum en matière de foi c’est-à-dire de décréter, de légiférer, est une spécialité monothéiste. Est monothéiste l’intellectualisation de la foi qui trouve son expression dans la dogmatisation et qui aboutit à des spéculations abstruses ou à une mystique stérile du concept.
NATE, MEMENTO BETO TO DIVO : PENSE CONSTAMMENT AU DIVIN MON FILS…
Ainsi que nous l’avons déjà dit, mais repetere = ars docendi, et la répétition est la plus forte des figures de rhétorique disait Napoléon, il est facile de dire que l’anamone et l’âme cosmique ou awenyddio sont de même nature. Il suffit de dépasser les facteurs qui nous font apparaître le monde comme multiple, et de déchiffrer le processus de déploiement du monde dans le vide de l’espace-temps, de remonter ce processus jusqu’à l’origine. Il est plus difficile, par contre, de faire l’expérience existentielle de cette unité ou de dépasser ce qui nous attache à cette multiplicité du monde de la Grande déesse-ou-démone mère cosmique. Une telle expérience présuppose en effet une modification de la conscience humaine.
Les maîtres à penser du christianisme ont succombé à la tentation de l’angélisme et ont manifesté leur haine envers le corps. Le mot éros a été éliminé des évangiles et les chrétiens ont préféré lui substituer la notion d’agape, qui est très différente. Chez les chrétiens pour s’unir à la Divinité, il faut être uniquement pure âme.
Or cet angélisme, c’est-à-dire le désir d’être ange, n’est pas le bon moyen pour l’âme de s’élever, il constitue au contraire un redoutable piège ; car l’homme est à la fois terrestre et céleste, de chair et d’âme, et le corps n’a nullement à être exclu de la vie spirituelle ; il doit seulement être assumé puis transfiguré.
Car l’être humain est potentiellement doté d’un corps glorieux et incorruptible (bellissime), que le retour des dieu-ou-démons ou aux dieu-ou-démons, révélera. Sur la définition des potentialités préternaturelles de l’Homme, voir ci-dessus.
Les exercices du yoga druidique ont pour but la concentration et le contrôle des fonctions corporelles. Le corps devenant ainsi le lieu de toute connaissance supérieure.
L’essence de l’absolu immanent et le sentiment du bonheur vont de pair.
Ceci peut se réaliser aussi par des expériences à connotation sexuelles, sans qu’il y ait nécessairement accouplement d’ailleurs.
STRABON. Livre IV, 4, 4 à 6.
« Posidonios dit qu’il y a dans l’Océan une petite île, non loin dans la mer, située en face de l’embouchure de la Loire. Ce sont des femmes qui l’habitent, elles sont possédées de Dionysios qu’elles apaisent par des cérémonies et des rites sacrés […] Elles doivent une fois par an démonter le toit du sanctuaire et le refaire le même jour avant le coucher du soleil, chaque femme portant son fardeau. Si l’une d’elles laisse tomber sa charge, les autres la mettent en pièces et en portent les morceaux en tournant autour du temple, tout en poussant des cris tant que dure leur frénésie. Et il arrive toujours que l’une d’entre elles tombe… Aucun homme ne pouvait aborder cette île, mais ses habitantes allaient souvent sur le continent pour s’y donner à des hommes ».
DENYS LE PÉRIÉGÈTE.
Description de la [terre] habitée.
Verset 570. Non loin (des îles bretonnes), il est un autre groupe d’îlots. Et sur la côte opposée, les femmes des braves Amnites célèbrent en des transports conformes au rite, les fêtes de Bacchus, elles sont couronnées de corymbes de lierre, et cela se passe la nuit. De là s’élèvent un bruit et des
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sons éclatants. Non, même en Thrace, sur les rives de l’Absinthe, les Bistonides n’invoquent jamais avec autant d’ardeur le frémissant lraphiotès ; le long du Gange aux noirs tourbillons, les Indiens et leurs enfants ne mènent pas la danse sacrée du frémissant Dionysos, comme le font en cette contrée les femmes qui crient : Evan !
COMMENTAIRE D’EUSTATHE.
Comparant à ces îles (les îles Britanniques) celles de ces parages, il dit, à propos des îlots des Amnites : « Là les femmes des braves Amnites, etc. »
On dit effectivement qu’il y a dans l’Océan, mais pas tout à fait au large, une petite île qu’habitent les femmes des Amnites, possédées de Dionysos. Aucun homme ne met le pied dans cette île ; ce sont les femmes qui vont trouver les hommes, et après avoir eu des relations avec eux, elles s’en reviennent. Puis, par une comparaison oratoire entre ces pratiques et d’autres qui leur ressemblent, non, dit-il, il n’existe pas d’autres femmes qui célèbrent avec plus d’ardeur Dionysos, en criant évohé ou évan pour traduire leur enthousiasme dionysiaque.
On dit, en effet, que les femmes des Amnites dansent en chœur des nuits entières, si bien que sur ce point leur cèdent même les Thraces, et même les Indiens, quoique ces peuples, possédés de Dionysos soient entièrement adonnés à ces orgies sacrées. NDLR. Catharsis serait peut-être un mot grec lui aussi, plus approprié.
ANONYME. Paraphrase de Denys le Périégète.
Près des îles dites Cassitérides, il y a une autre série de petits îlots, où les femmes des Amnites, à l’opposé, c’est-à-dire en face ; dans leurs transports, célèbrent selon les rites le culte de Dionysos. Cela se passe la nuit, et elles se couronnent des corymbes du lierre au noir feuillage, c’est-à-dire de branches de cet arbre avec leurs fruits en forme de grappes ; le bruit des tambours et des cymbales qu’elles frappent retentit au loin. Ni les Bistonides ou Thraces ni les Indiens ne mènent les fêtes du bruyant Dionysos avec l’ardeur que mettent ces femmes à chanter à pleins poumons : Évohé Bacchos ! Autrement dit l’hymne sacré des Dionysies.
N.B. Les femmes en question devaient danser nues et le corps tatoué de peintures bleues noires, comme le signale le même auteur pour les Celtibères.
Bien évidemment, le Bacchus en question (Dionysos chez Posidonios), n’est que l’interpretatio romana ou graeca d’un dieu-ou-démon celtique restant à identifier.
Voir également les aventures de Cuchulainn avec la reine Scathache et ses filles.
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ET MAINTENANT COMMENT VIVRE SA FOI ?
Le plus grave, c’est que la foi païenne est aujourd’hui mise au défi, d’abord par l’indifférence. Et pourtant, les croyances païennes continuent de se manifester ici et là dans tous les domaines, même si elles sont si dégénérées qu’elles ne trouvent plus d’avocat pour les défendre.
Le culte de la vérité ne va pas sans impliquer parfois de cruels déchirements. Mais en promenant sa lumière dans tous les coins et recoins du druidisme, cet essai va dissiper les fantasmes auxquels étaient profondément attachés les druidisants du Collège druidique des Gaules (bulletin Ar Gaël) ; les druidisants du groupe druidique des Gaules de nos amis Pierre Petitjean et Renée Camou (bulletin Message) ; les druidisants de la fédération druidique (bulletin Combutis) ayant succédé à l’EDG-Druidisme comme nous l’avons vu, ceux de l’association bretonne du docteur Gwenc’hlan Le Scouezec ; et beaucoup d’autres encore (Serge Bourez de la clairière Asgard et ainsi de suite).
Quelle tentation en effet que de fermer les yeux pour laisser la vie à de telles chimères auréolées de pieux souvenirs.
Mais un vrai très-sachant ne saurait y succomber, ne saurait se dérober aux héroïques sacrifices (être démis de sa propre association par exemple comme nous venons de le voir) que la probité intellectuelle lui commande.
La médiocrité intellectuelle ou morale des néo-très-sachants d’aujourd’hui, en France par exemple, est consternante. Cf. Le cas du vellède Bernard Jacquelin et les conditions dans lesquelles il a fondé son École Druidique des Gaules. Il faut bien le dire, le druidisme d’aujourd’hui est une sous-culture s’apparentant plus à une « nouvelle » superstition (il n’est rien de nouveau que ce qui a été oublié) qu’à autre chose.
Le navrant exemple de l’Église Druidique des Gaules, réduite à néant ou presque, en quelques mois, par le manque d’intelligence (ou la sous-culture de ses membres), est la désespérante illustration de cette ornière, caractéristique actuelle du néo-druidisme français.
Les membres de l’EDG ont en effet réussi l’exploit d’imposer en 1993 à leur association une nouvelle stratégie (une stratégie autre que celle qui était prévue par les statuts) ; mini-putsch « d’une rare intelligence » qui a contraint à la démission le fondateur du groupe. Les propos du genre « ce sera lui ou moi » tenus par le trésorier de l’époque, M. Henri Larcher, furent en effet sans équivoque, et furent approuvés par la plupart des autres membres ; y compris le dernier très-sachant nommé par le fondateur, Jean-Lionel Manquat (tu quoque fili) et le vate Patrick Basset.
Car on ne peut pas considérer le fait de ne rien dire et de suivre la majorité de circonstances, comme un désaveu de celle-ci. Quant au vellède Bernard Hénot, il demanda l’exclusion du fondateur en des termes encore plus violents… Seuls un ou deux membres furent d’un avis quelque peu différent (M. Alain Muller, et dans une certaine mesure, mais dans une certaine mesure seulement, le très-sachant Michel Testaz).
La cheville ouvrière du groupe étant partie avec armes et bagage (la revue, la seule adresse de contact connue, le fonds de numéros spéciaux, etc.) pour continuer ailleurs son combat et l’œuvre entreprise ; l’association redevint très rapidement un groupuscule comme les autres et la nouvelle E. D. G. ne fut bientôt plus que l’ombre de ce qu’avait été l’ancienne.
Bien que rebaptisée « Fédération » (publication : Combutis) cette « fraternité » (sic) ne fédéra pas grand monde, et c’est ainsi que fut coulé en France le seul véritable espoir d’aggiornamento sérieux ; c’est-à-dire ayant un peu de profondeur métaphysique, au lieu d’être superficiel et bêtement à la remorque des idées à la mode, qu’elles soient d’origine chrétienne ou pas (hindoues, et ainsi de suite) ; qu’ait connu le néo-druidisme de cette fin de siècle.
Bien que non convaincu au départ par les analyses de MM. Henri Larcher ou Bernard Hénot, le très-sachant Pierre Collier s’y rallia cependant rapidement. Erreur fatale due sans doute à une sous-évaluation du problème constitué par le départ quelque peu contraint et forcé, c’est le moins que l’on puisse dire, du fondateur.
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LA POSITION DE JOHN TOLAND SUR L’ATTITUDE QUE NOUS DEVRIONS AVOIR EN SOCIÉTÉ.
Ayons toujours présent à l’esprit, ce que John Toland a jadis écrit du druidisme, et que nous nous permettrons de résumer ainsi…
Cette doctrine est simple, facile, pure et désintéressée, elle n’est ni fardée, ni embrouillée, ni laborieuse, ni incompréhensible, ni vénale ; elle ne séduit pas les esprits par des fables absurdes, elle ne les embarrasse pas par l’ignominie des superstitions, leur barbarie ou leurs outrages ; elle n’est pas au service d’un intérêt personnel ou familial ou dans un intérêt de faction contre l’intérêt général ; elle ne condamne ni ne combat ceux qui sont d’un sentiment contraire (s’ils sont des hommes probes et pacifiques), elle se garde encore plus de les tourmenter ou de les faire souffrir.
Par contre aucune secte ou religion monolâtre ne souffre que l’on convainque ses dogmes d’erreur ou de fausseté, ses cérémonies de vanité ou d’ineptie. Soit dit sans offenser les dieu-ou-démons, c’est du ciel que toutes leurs maximes sont venues, quoique tout en elles ait un arrière-goût de terre. Si tu es croyant, elles sont divines et absolument nécessaires à l’ordonnance de la vie, quoiqu’elles se révèlent en réalité nettement humaines, tout à fait vides et creuses, et bien souvent monstrueuses. Et cela concerne aussi bien le christianisme que l’islam. Pire encore, la plupart de ces maximes sont funestes à la vie en commun et à la tranquillité publique comme le montre l’expérience quotidienne. Entre tant d’opinions variées, voire discordantes, s’il n’est pas possible qu’aucune ne soit vraie, il est impossible que plus d’une soit vraie. Tullius (Cicéron) discutant de la Nature des dieu-ou-démons, l’avait fait remarquer avec pénétration. C’est pourquoi les panthéistes, étant donné leur modération, n’agissent pas autrement avec les hommes extravagants ou entêtés, que les nourrices avec leurs enfants balbutiants. Ceux-ci se plaisent à se figurer qu’ils sont le centre du monde, des rois ou des reines, que, seuls, ils sont chers à leurs parents et qu’ils paraissent aux autres jolis ou remarquablement attirants [latin : et mire lepidos]. Ceux qui ne les bercent pas de ces enfantillages leur sont insupportables et odieux. Les adultes qui n’adhèrent pas entièrement aux doctrines de ces ignorants sont donc, du moins pour eux, d’abominables tarés. Et cela va si loin qu’on les considère comme indignes de toute fréquentation, qu’on ne leur accorde aucun bon office ; que, vivants, on voudrait les fuir comme la peste et, morts, les vouer aux peines éternelles. Bien que la superstition soit toujours la même du point de vue de la vigueur, le sage fera, cependant, dans la mesure de ses forces, la seule chose à faire en l’occurrence. Arracher les dents et rogner les ongles au monstre, au pire et au plus pernicieux des monstres, afin qu’il ne puisse plus nuire à volonté.
C’est aux hommes, princes et gouvernants, épris de ces principes, que nous devons ce que nous possédons aujourd’hui de liberté religieuse, pour le plus grand bien des lettres, du commerce, et de la concorde entre les citoyens. C’est aux hommes extravagants ou méticuleusement pieux, que nous devons, je l’affirme, discorde, guerre civile, rapines, flétrissures, incarcérations, exil et mort.
Les panthéistes agissent avec prudence : sans se laisser emporter par la haine des uns ou l’amour des autres ; ils travaillent au salut de la chose publique et au bien commun du genre humain, sans parti pris ni querelles.
À ceux qui errent, s’ils le veulent, ils montreront amicalement le chemin ; s’ils ne le veulent pas, ils entretiendront avec eux, de tout leur cœur, un minimum de contact. Ils savent, en effet, ils posent en principe, qu’il ne faut avoir ni dégoût ni mépris pour qui que ce soit, pour cause d’opinions indifférentes ou innocentes ; et que c’est pour sa vertu et les dons de son esprit qu’il faut rechercher l’homme, quelles que soient sa race et sa religion ; qu’il ne faut donc jamais le fuir, si ce n’est à cause de ses vices ou de la dépravation de ses mœurs ! Jamais donc, un panthéiste ne poursuivra, par le châtiment ou l’infamie, quelqu’un dont le jugement est sain et (je le répète) dont les paroles ou les actes ne font de tort à personne. Il n’engagera jamais ou il n’incitera jamais les autres à se souiller par une telle action.
Laissons aux dévots hypocrites et fourbes le soin d’exciter appareil judiciaire contre ceux que l’on ne peut accuser d’aucun crime, auxquels on ne peut rien reprocher ; qui dédaignent de détruire leurs objections, et qui vivent plus honnêtement et plus sainement qu’eux-mêmes. Aucune personne remplissant un office public ne doit prêter l’oreille à de tels fanatiques. Seuls le font ceux qui sont aveuglés par la superstition ou esclaves de l’ambition et de l’intérêt, qui n’accordent aucune valeur à la vertu ni au mérite. Pour le reste, sans s’occuper de la louange ou du blâme d’autrui, on doit s’efforcer de vivre content de son sort, conformément à son propre jugement, et indépendamment de celui des autres ; d’orner son âme par la vertu et son esprit par la bonne doctrine ; pour rendre ainsi
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service plus facilement et plus avantageusement à eux-mêmes, à leurs amis, à leur patrie, à tous en un mot ; pour accéder plus sûrement et plus directement à la perfection (si jamais ils l’atteignent) que tout homme sage et bon, doit toujours entretenir dans son cœur et dans ses vœux, soit pour l’acquérir personnellement, soit pour la communiquer aux autres.
Quel est le but d’une religion si ce n’est de rendre les hommes bons et sages ? Celle qui ne vise pas ce but est inutile, même si, par souci d’élégance et de distinction, on ne peut songer à la rejeter entièrement. Le panthéiste qui a par conséquent atteint cette sagesse, ou, tout au moins, qui s’en approche, ne s’élèvera jamais à ses risques et périls ou à son détriment contre une théologie reçue contraire à la vérité dans ses systèmes philosophiques ; mais il ne se taira pas non plus si une occasion opportune s’offre à lui de le faire. Il ne risquera pas sa tête, si ce n’est pour sa patrie ou pour ses amis bien sûr.
Il n’est nullement question ici des maximes austères du Messie, sans surenchères honteuses ni interprétations sinistres. Ces maximes ne doivent pas être désavouées.
Enfin, les vérités qu’il pourra répandre sans mettre sa vie en danger (comme la Politique, l’Astronomie, la Mécanique, l’Économique et toutes les sciences du même genre) non seulement il n’en sera pas jaloux ; mais, bien au contraire, il les portera du mieux qu’il peut à la connaissance de tous, non sans y mettre toute la prudence nécessaire ; car le vulgaire fait peu de cas de la vérité, beaucoup de l’opinion. Quant aux dogmes consacrés, celui de Dieu ou le Démiurge par exemple, ou ceux qui se rapportent à la nature de l’âme, il les considérera tous avec sérénité, il les appréciera à l’aide de ses moyens personnels.
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LE DIFFICILE CHEMIN DE CRÊTE ENTRE CHARYBDE ET SCYLLA.
Les druidisants ont parfois tendance à tomber dans deux excès. Les uns identifient leurs entreprises terrestres et le type de société qu’ils prônent AVEC UNE HYPERBORÉE IDÉALE, UN MONDE POST ERDATHE, AYANT VU LA PAROUSIE DES DIEUX DANS TOUTE LEUR GLOIRE ; déniant ainsi toute autonomie aux situations créées par la fin des temps hyperboréens ; c’est-à-dire aux situations inhérentes à la nature de l’Homme et à sa sociologie… Or, faut-il le rappeler ici, comme l’a bien montré l’échec de Cuchulainn sur le linga irlandais appelé la pierre de Fal ou de Scone, son royaume n’est pas de ce monde.
D’autres au contraire, comme les Culdées, se fondant sur le fait que l’on attend toujours le retour de ce règne des dieu-ou-démons promis par les anciens très-sachants, s’imaginent que ceux-ci restent confinés dans leur tour d’ivoire. Et bien sûr, du coup, ils ne trouvent aucun intérêt à ce monde que Dieu ou le Démiurge et les anges ainsi que les dieu-ou-démons par conséquent, ont déserté.
La Touta est une réalité humaine disions-nous. Elle se distingue néanmoins des groupes humains dont la finalité s’avère d’ordre purement économique, culturel ou sociopolitique, même si ses activités ont des répercussions dans le domaine temporel (voir les rapports conflictuels ou non du très-sachant et du roi). Son but est en effet tout autre : proposer aux hommes divers ponts ou gués, pour accéder au monde des dieu-ou-démons de façon individuelle ou collective.
Comme toute société humaine, la Touta celtodruidique, dont la vitalité ainsi que le rayonnement dépendent de la qualité de ses membres, est pourvue d’institutions.
Certaines de ces institutions sont liées à sa nature même (rituels, exercices spirituels, et ainsi de suite).
D’autres, comme pour tout groupe humain, sont évidemment liées aux circonstances historiques (langues et formes liturgiques, structures territoriales, ou autres). La communauté celtodruidique peut elle aussi profiter des progrès de la civilisation ou être marquée par certains accidents de l’histoire humaine (les guerres par exemple), mais elle a aussi, nous l’avons vu, marqué de son empreinte l’histoire de l’Occident. Une part non négligeable de son histoire est en effet accessible à tous dans les musées ou dans certaines traditions littéraires, artistiques, voire religieuses, avec aussi la marque des erreurs qui ont terni son visage ou nui à son rayonnement (le manque d’unité face à Rome ou aux Germains notamment).
Les regards portés sur le paganisme celtique sont d’ailleurs des plus contrastés aujourd’hui.
Pour certains de nos contemporains, le paganisme druidique n’est que le vestige d’une religion du passé.
D’autres en redoutent la puissance et l’influence dans le pays.
Chez les druidisants eux-mêmes, les sentiments éprouvés à l’égard du druidisme varient.
Certains souhaitent trouver dans le druidisme un mouvement révolutionnaire et nationaliste apte à contrebalancer le poids des États/Nations multi-tout, donc contre toute identité nationale, et à rendre leur liberté aux peuples opprimés (natio-ethnisme). Le côté proprement religieux et métaphysique ou spirituel du druidisme (du néopaganisme celtique) tend alors à devenir secondaire et à être oublié (cas en France des divers groupuscules bretons actuels, dits « de tradition Iolo Morganwg », notamment de celui qui est animé par le docteur G… L. S……).
D’autres se réclament du druidisme, mais indépendamment de tout enracinement historique réel, car ils trouvent que cet enracinement historique fait obstacle entre le Destinée du genre humain et les croyants (grossière erreur, on n’atteint à l’universel qu’en rentrant profondément en soi même , pas en se dispersant superficiellement et à l’horizontale) ; ou dénaturent l’efficacité de son message (druidisme seulement « philosophique et universel » ou druidisme mélangé à l’Odinisme, à la Cabbale, etc.).
Dans les deux cas, le druidisme ne devient plus qu’un mot.
Cas par exemple de la plupart des groupuscules franco-français ou français par défaut, et notamment du G… d……… d. G… animé par nos ex-amis P… P……… et H… D…… dont la section qui s’appelait A…… mélangeait allègrement tradition celtique et tradition germanique, pour ne citer que celles-là.
D’autres enfin cherchent uniquement dans le druidisme un havre de paix quelque peu égoïste et retiré du monde, un petit cercle poussiéreux qui tournerait en rond dans leur jardin ou au fond des bois ; en
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abandonnant le reste de l’Humanité à son triste sort. Druidisme soi-disant « ésotérique » ou de « tradition primordiale ». Cas du C… d… D… B… et O… d. G… de Madame H…… C…… par exemple).
La touta celtodruidique est le résultat ou la conséquence du pacte moral conclu avec les petits-fils du Destin avons-nous dit (le paganisme philosophique et réfléchi)..
C’est dans le cadre de cette communauté que les gnostiques d’Occident apportent leur enseignement. Ce faisant ils reconnaissent la communauté en question comme la collectivité nécessaire pour dire et faire la vérité à propos des dieux, la liberté dans la vérité.
L’histoire passée, voire présente, de la communauté celtodruidique laisse apparaître des tensions des conflits voire des divisions. Celles-ci peuvent devenir de véritables ruptures. Si elles ne s’éteignent pas d’elles-mêmes au bout de quelques mois, comme ce fut le cas avec le Glas de Messieurs J……… A… et G…, on parle alors de schismes, dont l’origine peut être doctrinale (importants désaccords de fond) ou disciplinaire (ambitions personnelles des uns ou des autres). Ces ruptures, qui contredisent formellement l’esprit d’union du druidisme (voir ce que les dieu-ou-démons pensent des Bricriu comme MM. A…, J…, G…… ou autres) sont un véritable défi au bon sens et constituent autant d’obstacles à la progression de nos idées (le retour au paganisme philosophique et réfléchi de nos ancêtres). C’est pourquoi les très-sachants doivent s’engager à tout faire pour préserver l’unité de la Touta, en évitant de faire inutilement scandale.
* Creusez un puits sous vous pied descendant bien droit jusqu’au centre de la Terre. Il finira par rencontrer celui qu’aux antipodes des êtres humains comme vous auront eux aussi creusé de leur côté.
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UNION ET UNIFORMITÉ OU UNION DANS LA DIVERSITÉ.
Les gnostiques d’Occident veillaient à l’unité ou l’harmonie de leur spiritualité ou de leur philosophie de deux façons différentes.
En tenant chaque année, en un lieu consacré, de grands conciles nationaux ou internationaux, destinés à régler ces questions, mais aussi à trancher ou arbitrer les différents problèmes agitant la société laïque (guerre entre clans, et ainsi de suite) ; mais aussi en entretenant de grands centres de formation internationaux (exemple celui de l’île de Mona en Grande-Bretagne).
« Tous ces très-sachants n’ont qu’un seul chef dont l’autorité s’avère sans borne 1). À sa mort, le plus éminent pour ce qui est de la dignité, lui succède ; ou, si plusieurs ont des titres égaux, l’élection a lieu par le suffrage des très-sachants… Chaque année à la même époque ils se réunissent en un lieu consacré situé sur la frontière du pays des Carnutes, qui passe pour être le point central de tout la Celtique. Là se rendent de toutes parts ceux qui ont des différends, et ils obéissent aux jugements ainsi qu’aux décisions des très-sachants. On croit que leur doctrine a pris naissance en [Grande] Bretagne… et aujourd’hui encore ceux qui veulent en avoir une connaissance plus approfondie, vont dans cette île pour s’y instruire » (César. B. G. Livre VI, 13, 8-11).
Les membres de la Touta ne se choisissent pas les uns les autres comme des amis. Ils sont plutôt comme des frères ou sœurs, dans la diversité de leur condition, de leur culture, de leurs goûts, de leurs opinions. La communauté celtodruidique (l’Ollotouta) était conçue à l’origine comme un gigantesque organisme, différencié, mais solidaire. Un peu comme le corps d’un géant (aujourd’hui endormi, mais quand il s’éveillera, le monde s’étonnera…)
La conception organique de la communauté des croyants, chez les Celtes, devait ressembler à celle des brahmanes. On en ignore le détail. Une chose est sûre cependant ; dans les sagas irlandaises, ceux qui tentent de créer des divisions, comme Bricriu par exemple ; paient toujours très cher les atteintes qu’ils ont portées ainsi à l’unité de la communauté.
Ce gigantesque corps endormi correspond à ce que l’Inde védique exprime dans le mythe cosmogonique du géant Purusa, et correspond aussi à l’Ymir des Nordiques. À Rome cette conception de l’union a donné le célèbre apologue de Menenius Agrippa contre une menace de sécession de la plèbe.
Tout le monde fait partie d’un même corps. Les patriciens sont l’estomac, les plébéiens, les membres. Les flamines (les équivalents des très-sachants) sont oubliés dans l’histoire évidemment. Cela se passe à Rome. Les Romains n’ont jamais eu de conceptions très élevées en matière de spiritualité !
Dans la Touta (la communauté celtodruidique) il y a les très-sachants, il y a des intendants, il y a ceux qui sont chargés d’enseigner, il y a ceux qui ont la charge d’assister les frères ou de les guider… Tout le monde a son rôle à jouer, même si ce n’est pas le même, et il n’y a pas de « sots » métiers en matière de druidisme (il y avait même jadis des très-sachants portiers ou porchers) ; il n’y a que de sottes gens !
Ceux qui actuellement dans le néo-druidisme n’hésitent pas vraiment à mentir, diffamer, calomnier, ou médire ; voire à s’en prendre à la vie privée des uns ou des autres ; pour être calife à la place du calife, Primat inter pares à la place du Primat inter pares, grand très-sachant à la place du grand très-sachant ; au besoin à coups de poignard dans le dos, pouvant aller de la critique continuelle et incessante, jamais constructive, à la trahison pure et simple ; à l’abandon des amis en pleine crise, face aux difficultés, dont ils sont eux-mêmes directement responsables d’ailleurs pour passer avec armes et bagages dans les rangs de la concurrence, même déloyale ; devraient réfléchir un peu à la triste fin des Bricrius dans la tradition celtique.
À l’origine de la Touta (de la communauté celtodruidique) il y a aussi la solidarité par définition des dieu-ou-démons envers l’Homme. Après s’être retirés de ce monde, comme la mer se retirant des plages à marée basse, les dieu-ou-démons donc, ont néanmoins décidé d’accepter les mortels à leur table. Ou plus exactement, hommes et dieu-ou-démons étant solidaires, le retrait des uns dans leur tour d’ivoire attire automatiquement les autres dans leur sillage.
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Natio est omnis admodum dedita religionibus
La communauté celtodruidique a donc pour fondement les dieu-ou-démons petit-fils du Destin. La Touta n’est donc pas la simple résultante d’une volonté de puissance alliée à une quête de l’immortalité.
Peuple s’étant invité à la table des dieux, la communauté celtodruidique se distingue de tous les autres groupements humains de type Église ou bien Oumma. Mais bien entendu, ne voient les choses ainsi que ceux qui sont convaincus que le druidisme est une émanation du Destin ou Tokad (moyen gallois tynghed, breton tonket, destiné, vieil irlandais tocad, destin, toicthech « fortunatus », tonquedec en breton. Le labarum est son messager, son signe) rayonnant comme un feu dans la clairière enveloppée d’obscurité.
Natio est omnis admodum dedita religionibus. La communauté celtodruidique (la Touta) est donc un peuple (nation dit exactement César dans ses commentaires) tout entier voué au sacré (dagolitos), une race spirituelle (la race de ceux qui sont spirituellement celtes) en homophonie avec les dieux (Diodore), toute entière tournée vers l’autre monde, toute entière tournée vers le vrai monde. Le seul qui intéresse vraiment les hommes.
1) Sans borne, sans borne… n’exagérons quand même pas ! Disons qu’il s’agissait d’un primus inter pares, d’un primat jouissant d’une très grande autorité, mais il devait bien exister des contre-pouvoirs, ne serait-ce que ceux de la société civile ou des clans rivaux. Celui qui est ainsi devenu responsable de la communauté des « deux fois nés » (ategnati) ne reçoit que le pouvoir de donner l’exemple, que le pouvoir de faire des exemples, un point c’est tout. Cela n’enlève pas pour autant au reste du peuple celte son caractère sacerdotal royal ou prédestiné.
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OPINION INDIVIDUELLE DU TRÈS-SACHANT JEAN MARTIN.
Les dons et les boudismes (dons ou charismes) de notre Touta sont variés. Ces dons peuvent donc prendre les formes les plus diverses, en raison de la multiplicité des exigences de la situation. Nous en avons détaillé plus haut quelques-uns et notamment ceux qui relèvent de la voyance. Mais, simples et courants, ou extraordinaires, ces boudismes doivent toujours être soumis aux principes de vérité, d’honnêteté, de loyauté envers la Touta celtodruidique. Accueillis avec reconnaissance comme manifestations de l’esprit céleste ou tellurique, ils sont cependant à utiliser avec discernement, avec prudence. Il faut toujours s’assurer qu’il s’agit véritablement de dons venus du ciel ou des entrailles de la Terre notre mère, et mis en œuvre de manière conforme à leurs impulsions divines, non de vulgaires ambitions personnelles. C’est pourquoi il est particulièrement important de vérifier l’authenticité de ces dons. Les responsables de la Touta celtodruidique doivent, non pas éteindre ces feux sacrés, mais n’en laisser passer que ce qui est authentiquement bon.
Tout au long de l’histoire du druidisme depuis sa naissance quelque part en Europe Centrale il y a 3000 ans se sont développées diverses spiritualités, diverses sensibilités, bref diverses Écoles. Toutes réfractent, dans leur diversité même, la pure et unique lumière originelle du Graal.
Le charisme personnel d’un grand très-sachant comme Momoros a, certes, pu se transmettre d’initiation en initiation, de maître à disciple. Une spiritualité peut aussi être un travail collectif (une École), au confluent de divers courants philosophiques et théologiques. Mais toutes ces spiritualités participent du druidisme et constituent autant de guides pour les égarés, perdus dans la forêt, de feu dans la clairière de phare dans la nuit.
La Touta celtodruidique est en effet riche d’une grande diversité de dons reçus des dieu-ou-démons (boudis). Ces boudismes sont des manifestations particulières de l’esprit céleste ou de l’esprit surgi des entrailles de la Terre, pour l’édification de la Touta. Cette variété des dons de chacun (mysticisme, esprit critique, courage, foi, don des langues) doit être au mis au service de tous et non de quelques-uns, car ils procèdent en fin de compte et en dernier ressort, de l’Être supérieur dont ils expriment les multiples facettes. Comme l’a écrit un jour le poète…
« Les branches du chêne sont nombreuses
Mais le tronc est unique.
Les arbres de la forêt sont nombreux
Mais ils ne doivent pas cacher la forêt.
Arrache une branche à ce chêne
Et elle se dessèche
Bien que le tronc puisse continuer à croître.
Car il pousse des branches dans toutes les directions
Sans que la force de son tronc en soit diminuée.
Car unique est la mère aux fécondes et successives maternités
C’est elle qui nous enfante
C’est son lait qui nous nourrit
C’est son âme et son esprit qui nous animent.
Litavis est son nom ! »
Il en est de même de l’Ollotouta druidique. Elle peut rayonner dans le monde entier. Comme l’a dit lui-même Henri Lizeray…
« Le jour qui éclaire la Terre
Est unique et immortel
Bien que, si l’on considère la terre en ses régions les plus diverses
On trouve que l’une d’elles seulement est éclairée ».
Résumons-nous ! Le nouveau druidisme est caché dans l’ancien et l’ancien ne se comprend vraiment qu’à la lumière du nouveau.
Notre Ollotouta celtodruidique est traditionnelle en ce sens qu’il y a, entre elle et la réalité historique du vrai druidisme antique, une certaine adéquation. Non pas totale, mais importante ! Il s’agit du degré d’adéquation maximum, compte tenu des nécessités de la vie moderne. Notre Touta cultive et développe dans le respect de la vérité factuelle ou événementielle 1), le message que l’Histoire lui a transmis. Elle se sait responsable de la transmission de génération en génération, de ce message
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consigné dans l’histoire de la civilisation celtique qui a jadis concerné les deux tiers de la vieille Europe de nos lointains ancêtres spirituels.
La Touta celtodruidique est née d’une ethnogenèse unique, animée par l’ordre druidique, une intelligentsia maîtresse des rituels (donc du lien spirituel) ; ayant pour bras séculier (pour la construction des sanctuaires, etc.) la seconde classe fonctionnelle, celle des guerriers, pépinière de chefs et de rois. Cette ethnogenèse, qui reste pour nous dans les brumes de la protohistoire, a été illustrée par une riche tradition mythologique qu’il nous faut décrypter. Parmi ses éléments, il y a la figure d’une divinité dynamique, quel que soit le nom ou le statut qu’on lui donne, Hesus ou peut-être Setanta, demi-dieu-ou-démon en rapport assez mystérieux avec Lug, en Irlande (sous le nom de Cuchulainn).
Par leur seule existence, mythifiée à l’infini, ces figures donnent à ceux qui les étudient un aperçu de la notion d’autodivinisation. Et constituent aussi, par les critiques ou réactions négatives qu’elles ne peuvent manquer de susciter de la part de ceux qui méditent cette mythologie, une excellente introduction à la théologie et même pour certaines Écoles au monothéisme philosophique et réfléchi (l’hénothéisme ou dieu au-dessus de tous les dieux des philosophes, comme Mog Ruith).
On appelle très-sachants primordiaux les gnostiques de la haute antiquité protoceltique, qui par leur réflexion, et leur action, furent à l’origine de la pensée druidique. Ils ont élaboré les grandes options du druidisme, lui faisant dépasser le stade de simple confrérie chamane pour l’engager dans une réflexion philosophique, théologique, et même éthique, de grande envergure, ce qui allait donc constituer le ciment de l’ethnogenèse celtique, puis le facteur majeur et durable de sa cohésion. Cette appellation de druides primordiaux désigne donc ceux qui assurèrent la continuité ou l’évolution du druidisme pendant un millénaire environ, en comptant un demi-millénaire de période hallstattienne (de –1000 à – 450) en amont de la période laténienne. Leur situation de pionniers a fait que leur message dut être complété sur certains points par les très-sachants leur ayant succédé. Mais les peuples de l’Europe centrale de la fin du deuxième millénaire avant notre ère ont donc eu raison de suivre les druides primordiaux. Compert Con Culainn : Am túalaing mo daltai. Am dín cech dochraite. Dogníu dochur cech tríuin, dogníu sochur cech lobair…… être le fléau des forts le défenseur des faibles (Fergus).
On appelle anciens très-sachants, ou très-sachants antiques au sens strict du terme, les continuateurs des très-sachants primordiaux à la fin de la protohistoire et au cours de l’histoire de la celticité laténienne (– 450 à – 50 environ). La celticité de l’Âge du fer se concrétisa grâce à eux, par l’élaboration d’une langue riche (le iarnbelre), mais aussi par le développement d’une spiritualité originale ; transcendant les anciennes croyances des Proto-Celtes ou des peuples qui se virent assimiler au monde celtique comme les Cimbres et les Teutons.
Le mythe christique de la figure divine connue par la suite sous le nom de Hesus ou Setanta (le dieu qui se sacrifie pour son peuple et monte au ciel) a certainement pris naissance à la fin de l’âge du bronze, même si les quatre tombes à char de la culture d’Arras ne datent que de la fin du premier millénaire avant notre ère (cinquième siècle avant notre ère pour celui de Newbridge en Écosse).
C’est pourquoi l’expression « ancien druidisme » désigne les très-sachants antiques, qui en leur majorité n’ont pas été contemporains du Hésus Setanta, et a fortiori ne l’ont pas connu ; mais dont les enseignements glosaient sur sa vie et son œuvre à l’infini (même cas de figure avec les apocryphes chrétiens, l’imagination humaine étant sans limites). Le tout jusqu’à la fin de l’Antiquité et même au-delà dans certains cas.
On appelle très-sachants médiévaux ou druidisme médiéval les très-sachants ou les religieux culdées, voire les simples intellectuels, qui ont succédé aux anciens très-sachants et dont la caractéristique commune est qu’ils ont tous été affectés à des degrés divers par une décadence plus ou moins rapide, due à l’action des Romains, des Germains, et enfin, les pires de tous, des chrétiens. Voir leurs parabolans ou talibans genre saint Martin (les deux, celui de Tours et celui de Braga).
Ce qui n’exclut pas que tous ces Celtes aient pu, de-ci de-là, garder quelques bribes d’idées ou de techniques vraiment traditionnelles. Il y avait par exemple encore des très-sachants en Irlande à la
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Cour de Domnall mac Muirchertach Ua Néill (O’Neill) roi d’Ailech de 943 à 980 et roi des rois d’Irlande de 956 à 980 (mort chrétien).
Du moins c’est ce que l’on peut déduire de l’existence encore à l’époque, dans le répertoire des grands « poètes » irlandais, du teinm loida du dichetal do chennaib et de l’imbas forosnai, pourtant interdit par saint Patrice (cf. la conclusion de l’histoire du pillage du château de Maelmilscothach par Errard Mac Coisé, un poète ayant vécu au Xe siècle).
Le cas de Merlin originaire du Hen Ogledd (le royaume des Gododdin en Écosse) ou du Pays de Galles illustre aussi à merveille l’ambiguïté d’une telle situation. Robert de Boron en fait d’ailleurs le fils d’un des démons « anquipédes ». Ekepedes dans son roman en prose du 13ème siècle version Alfred Huth.
Ekepedes in his prose romance of the 13th century version Alfred Huth.
La Touta celtodruidique est donc traditionnelle en ce sens que son enseignement a été reçu initialement des anciens très-sachants. La fidélité à leur histoire réelle et non fantasmée 1) est par conséquent une responsabilité partagée par l’ensemble des membres du peuple des dieu-ou-démons, mais il n’y a pas d’infaillibilité populaire en ce domaine. Le vieil adage romain « vox populi : vox dei » est faux ! Une erreur, même très répandue, n’en reste pas moins une erreur ! Même en cas de consensus très nettement majoritaire dans la Touta, en matière de doctrine, ou de choix tactique dans le combat (défensif) qui nous protège encore des différents totalitarismes monolâtres ; cela ne veut pas dire que la vérité ainsi que la justesse sont nécessairement de ce côté. L’esprit souffle où il veut. Le Primat inter pares doit donc veiller à la fidélité de la transmission du savoir traditionnel vraiment druidique.
L’idée de base qui sous-tend le fantasme intellectuel de la tradition primordiale ou tradition avec un grand « T » chère au franco-musulman René Guénon 2), est la suivante.
« Il y a eu, il y a longtemps, quelque part, une grande civilisation qui a tout inventé ou presque, en tout cas tout ce qui compte. Tout ce qui existe actuellement de bien dans tous les domaines (moral, éthique, littéraire, symbolique, scientifique, et ainsi de suite) en est issu, est issu de ce seul et unique foyer de civilisation humaine. La meilleure preuve en est l’étonnante ressemblance entre le récit biblique de la création du monde et le Popol Vuh maya ». Et il est vrai qu’il y a des ressemblances, mais elles sont certainement dues à un début d’influence espagnole dans la mise par écrit du récit ou dans sa traduction.
Car les données archéologiques et historiques actuelles ne confirment pas l’existence de ce foyer de civilisation unique et mondial. Certaines découvertes ont, certes, été réalisées en tel endroit du globe, mais d’autres ont été faites ailleurs. Il y a eu plusieurs foyers originels de civilisation, il y a eu de nombreuses civilisations co-existantes.
Ce qui induit en erreur les simples d’esprit, c’est que certaines inventions se sont répandues très tôt, à une époque préhistorique, immémoriale (le feu, le langage, la roue, la domestication du cheval, l’agriculture…).
Appeler tradition primordiale cette circulation tous azimuts et dans tous les sens, des hommes et des idées, constitue un abus de langage destiné à faire croire en l’existence de ce foyer de civilisation mondiale unique. Le mot tradition a un sens précis. La tradition, c’est ce que l’on tient des ancêtres. Il ne faut pas confondre cette tradition avec ce qui relève des coïncidences ou du fonds commun de l’Humanité.
Prenons un exemple : la tripartition fonctionnelle des Indo-Européens. Qu’il y ait dans toute vie humaine, dans tout groupe humain, des activités relevant du sacré, de la guerre, ou de la recherche de la nourriture et du confort (chasse, pêche, culture, cueillette, artisanat…) cela tient au fond commun de toute l’Humanité par définition.
Les Indo-Européens par contre furent les seuls (nous disons bien les seuls) à théoriser la spécialisation de la société en trois fonctions bien distinctes ; la première s’occupant du sacré, la deuxième s’occupant de la défense de la tribu, la troisième s’occupant de la production des biens matériels (agriculture, artisanat…) ; sans compter les peuples vaincus en voie de celtisation (les Atectai). Enfin, bref, voir à ce sujet les travaux de l’École dumézilienne.
Une telle approche ne relève pas du fond commun de l’Humanité puisqu’il y a eu des peuples où l’on mélangeait 2e et 3e fonction (tout le monde étant à la fois guerrier, chasseur, pêcheur et artisan) ; où
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l’on mélangeait 1re et 2e fonction (les chefs de tribu étaient aussi des sorciers, chamans ou prêtres, exemple les Juges hébreux).
Ce qui relève du fond commun de l’Humanité ne doit pas être assimilé à une tradition, répétons-le ! Les coïncidences dues à une commune nature humaine (nous avons tous deux yeux, un nez, une bouche, etc.) ne doivent pas être assimilées à une tradition.
Parler de tradition dans ce cas est un abus de langage masquant un vide intellectuel. Quand on est honnête, on parle de fonds commun de l’Humanité, ou de coïncidences dues à une commune nature humaine, voire de diffusion des inventions et de circulation des idées ; mais pas de Tradition primordiale.
Résumons-nous. Les seules traditions pouvant exister aux yeux du vrai druidisme sont la tradition celtique (ou druidique) et, par-delà celle-ci, la tradition indo-européenne (ou aryenne), car il y a là quelque chose de concret, non un fantasme.
Ainsi que l’a très bien vu Henri Lizeray, grec, latin et celte, sont des langues « contemporaines et sœurs, ce qui exclut toute idée de filiation de l’une à l’autre ».
Certains spécialistes travaillent actuellement sur une hypothétique tradition commune aux peuples indo-européens et aux peuples sémites, mais pour l’instant cela n’a pas donné grand-chose du point de vue de la linguistique. Au-delà du passé indo-européen se trouve en effet un stade traditionnel informe et sans nom, la notion d’Hyperborée n’étant qu’une très approximative approche de ce problème, n’impliquant pas d’ailleurs l’unicité de foyer : il peut y avoir eu plusieurs « hyperborées ».
La croyance en l’existence d’une tradition primordiale, avec ce qu’elle implique (un foyer de civilisation unique genre paradis terrestre) relève plus de la foi ou de la croyance (religieuse) que de la raison, scientifique ou historique.
Notre but à nous c’est une recherche aussi scrupuleuse que possible sur le contenu doctrinal et éthique de l’ancien druidisme, en mettant à contribution des sources contrôlables, en les recoupant ; et en n’admettant la prétendue tradition que dans la mesure où elle est corroborée par les données assurées de cette recherche.
Tout cela conduit à la redécouverte d’une pensée cohérente, d’une pensée qui atteint la certitude d’une foi éclairée par la raison ; disons d’une croyance à la fois spiritualiste et rationaliste.
1) Ce qui n’est pas le cas du judaïsme (voir sa légende d’Abraham et du peuple élu par Dieu ou le Démiurge, voir son récit « égyptien », proprement aptes à susciter la haine entre ces peuples) ce qui n’est donc pas le cas non plus du christianisme (voir son récit sur la résurrection et les balivernes sur l’angélisme ou l’irénisme des premiers chrétiens) ; et c’est encore pire avec l’islam qui ajoute ses propres mensonges à ceux du judéo-christianisme (non, le monothéisme abrahamique n’est pas la religion primitive de l’Humanité et l’Arabe n’est pas non plus la langue primitive de l’Humanité – d’Adam et Ève – comme l’implique le dogme du Coran incréé.)
2) On nous objectera que René Guénon ne s’est pas converti au « catholicisme » musulman, à savoir l’islam sunnite, mais à une de ses « hérésies », le soufisme.…
Il aurait mieux fait de revenir au paganisme philosophique et réfléchi ou au dieu des philosophes (comme Mog Ruith : Dia na ndraoithe dhia thar gac dia).
De toute façon, ainsi que l’ont montré les récents événements relevant du djihadisme mondial, se convertir à ce qui ressort du Coran – de la vie de Mahomet,- des anecdotes ou hadiths et des avis des docteurs de la loi ou de la charia qui ont suivi (l’islam)- n’a jamais été une manifestation de la Raison, n’a jamais été une preuve d’intelligence. C’est quelque chose qui relève de la foi (dénuée de tout esprit critique donc).
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PORTRAIT-ROBOT DU DRUIDISME ACTUEL.
XVIIe siècle : naissance du néo-druidisme et début de reconstitution par essai de synthèse de son portrait dénaturé (John Toland).
EFFECTIFS.
Le polythéisme étant par définition tolérant, non exclusif, et admettant également par définition la validité de toutes sortes d’autres cultes, contrairement aux monolâtries caractéristiques des actuelles religions de masse, il est difficile de répondre ex abrupto à une telle question puisque par définition toujours, aucun autre culte aucun autre dieu ne sauraient complètement répugner au vrai druidisant. Le vrai druidisant s’efforce toujours au contraire au plus complet irénisme vis-à-vis des autres cultes. Cette attitude d’ouverture intellectuelle comparable à une laïcité ouverte en matière politique aboutit souvent à une sorte de double appartenance en ce qui concerne le druidisant de base. C’est d’ailleurs ce qu’a très précisément prôné John Toland pour ses panthéistes (dans son pantheisticon) d’ailleurs, mais pour d’autres raisons il est vrai (la crainte des persécutions).
Le nombre actuel des druidisants est donc difficile à déterminer à cause du phénomène historique bien connu de la double appartenance, auquel se prêtent particulièrement bien les paganismes en général et le druidisme en particulier. Il n’y a problème que lorsqu’une des religions en cause est une monolâtrie exclusive.
Comme je vois que vous ne comprenez pas ou que vous faites semblant, je vais vous donner quelques exemples.
— Double appartenance libre. Certains juifs du 1er siècle de notre ère étaient aussi chrétiens. Les livres d’histoire les appellent d’ailleurs judéo-chrétiens.
— Double appartenance forcée (sous peine d’exil). Certains juifs espagnols du 16e siècle, les marranes, étaient à la fois juifs (en cachette à la maison) et catholiques (le dimanche à la messe).
— Double appartenance « forcée ». L’islam autorise ses fidèles à afficher tous les signes extérieurs de la conformité religieuse dominante s’ils ont des raisons de craindre pour leur vie. C’est le principe dit de la taqiyya (sourates 3.28,16.106). Historiquement surtout pratiquée par les Chiites vivant sous domination sunnite, mais des sunnites peuvent également y avoir recours comme dans le cas des Morisques toujours en Espagne. Arthur de Gobineau, en 1865, dans son ouvrage Les Religions et les philosophies, semble être un des premiers auteurs occidentaux à décrire le principe de cette dissimulation religieuse.
— Double appartenance semi-libre. Beaucoup d’Islandais du 11e siècle étaient officiellement chrétiens dans leurs relations extérieures ou dans leurs affaires avec des pays étrangers, mais restaient païens en privé ou dans leurs foyers (décision du godi Thorgeir Thorkelsson).
— Double appartenance totalement libre. Au Japon de nombreux temples bouddhistes ont dans leur enceinte un espace dédié aux kami, quand les kami ne sont pas eux-mêmes considérés comme des émanations des différents bouddhas et boddhisattvas. Suivant les circonstances le Japonais moyen est donc soit bouddhiste soit shintoïste.
— Double appartenance totalement libre. Certains druidisants actuels, mais il n’y a pas de nom en vieux celtique pour désigner ce genre de pratiques religieuses. Évidemment !
Alors quels sont nos effectifs dans ces conditions ? Moi je dirai en excluant les cas de double appartenance et en ne tenant compte que des intégristes en quelque sorte qui s’en tiennent uniquement et exclusivement au druidisme pur et dur pour répondre à leurs attentes métaphysiques, 100 000.
100 000 adeptes ou sympathisants DANS LE MONDE, surtout aux États-Unis. Depuis une cinquantaine d’années, forte poussée en Europe (un millier de fidèles ?) Il est difficile de les comptabiliser, car ils appartiennent encore souvent aussi, officiellement ou officieusement, à d’autres confessions (chrétiennes par exemple).
CULTE (LA THÉORIE).
Le Primat (le texte de César dit « principat ») ordonne archi-très-sachants, et grands très-sachants. Il est élu par eux. Les très-sachants ordonnent vates, vellèdes et gutuatres/gutumatres, et président les rituels, mais tous sont égaux en dignité (le « principatus » n’est que primus « inter pares »). Les femmes sont aujourd’hui admises à égalité (mais ont dit alors prêtresses et non pas druidesses, car autrefois ce n’était pas le cas). Les très-sachants peuvent se marier.
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Le druidisme, plus que toute autre religion, repose sur une expérience directe du divin. Pratiquer le druidisme consiste à respecter les gessas éthiques – en bref ne rien faire de bas ou de déshonorant – à célébrer certaines fêtes…
Les conversions ou « retours au paganisme » sont devenus possibles aujourd’hui, mais restent encore rares. N.B. En occident on naissait « druidisant » jadis évidemment. (C’est d’ailleurs toujours le cas chez nos frères parsis ou yézidis pour ce qui est de leur propre religion).
FÊTES ET PRIÈRES.
Prières.
Certains néo-druides actuels font toujours appel à une ancienne croyance celtique, la puissance métapsychique de la parole, pour que soient exaucées leurs prières (cf. leurs recherches en psychokinésie, télépathie, empathie, ou autres).
Fêtes.
Un calendrier luni-solaire (celui de Coligny) rythme l’année. Quatre fêtes principales et d’autres marquant les changements de saison ou célébrant les grandes divinités (Lug, Taran/Toran/Tuireann, Belin/Belen, Brigind, etc.).
Deux (ou trois) d’entre elles ont un caractère obligatoire (puisque tel est le sens du terme oenach en gaélique).
« L’ostension des objets sacrés au cours d’une époptie ou d’une procession est fréquente. On fait défiler, aux flambeaux et au son des trompes et des harpes (rotes), les hiera et diverses richesses de la tribu, vêtements, armes, parures, chevaux, chiens. Les femmes y portent le chaudron ou la coupe sacrée (usage que les évêques continentaux reprocheront aux hérétiques de Grande-Bretagne au Vle siècle, voir la polémique sur les conhospitae). Les processionnaires portent des masques, certaines femmes paraissent nues et peintes en noir » (J. M. Ricolfis). En noir ou en bleu !
Possibilité de rites privés ou individuels très simples devant une représentation symbolique de sa divinité d’élection ou la divinité de sa famille (istadevata dans l’hindouisme).
Le dimanche (Sonntag en allemand) est le jour du soleil par définition, mais il y a aussi des sacrifices (des rituels) tous les quinze jours à chaque demi-lunaison (Atenoux/Nouvelle Lune et Divertomu/Pleine Lune).
RITES ET RITUELS. RITES ET RITUELS. RITES ET RITUELS. RITES ET RITUELS. RITES ET RITUELS.
MARIAGE.
Ce qui importe surtout aux druides c’est le sort des enfants, quant aux adultes ils font un peu ce qu’ils veulent et n’ont à s’en prendre qu’à eux-mêmes si cela tourne au vinaigre.
Simple bénédiction chez les Celtes la cérémonie officialisant c’est-à-dire rendant public, le contrat, est dirigée par un très-sachant qui rappelle les principes de base du mariage chez les Celtes (un contrat entre un homme et une femme et une alliance entre clans) et récite des prières ou accomplit un sacrifice devant porter chance au nouveau couple. À tout le moins devant leur apporter la force nécessaire à leur nouvelle vie. Tout ce que souhaitent les druides en effet c’est que la célèbre devise de la ville de Paris puisse être appliquée à leur couple : fluctuat nec mergitur
Les femmes épousent littéralement aussi, en outre, le ou les dieu-ou-démon (s) de leur mari, en se ralliant à leur culte.
C’est le principe de patrilocalité. Mais bien sûr si le futur mari n’habite plus chez sa mère ce qui est le cas le plus souvent maintenant, il n’est plus question de patrilocalité ni de matrilocalité, mais de néolocalité.
N.B. Le mariage religieux suppose évidemment que les futurs conjoints aient la même foi en les dieux, la même spiritualité. Si un des futurs conjoints ne partage pas notre conception du divin, le mieux, bien sûr, est qu’il y ait de sa part une sincère acceptation de notre forme de spiritualité. Sinon un temps de réflexion s’impose (afin de vérifier la solidité de leur attachement réciproque). Est admis le mariage à l’essai, peu distingué des fiançailles d’ailleurs.
CONTRACEPTION-IVG.
Les druides ont toujours supporté les forces de vie, mais ont toujours été aussi pour une fécondité responsable. Il ne saurait être question pour des êtres humains qui se respectent de procréer comme des lapins et de mettre au monde des enfants pour qu’ils soient malheureux. Avoir des enfants doit couronner une vie de couple et non en être un risque. La contraception est le meilleur moyen d’éviter
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l’avortement. Elle permet aussi au couple de dissocier la relation amoureuse de la procréation. La perpétuation de la vie reste néanmoins une logique qui doit s’imposer, un flambeau à transmettre.
L’avortement est moralement condamnable dès que l’âme s’est développée dans le fœtus c’est-à-dire sans doute après environ trois mois. Au-delà de cette date, les avortements médicaux peuvent être encore autorisés dans certains cas (risque de malformation pour l’enfant à naître, et ainsi de suite), car il existe des mutilations ou des infirmités ôtant toute chance de devenir très-sachant, roi ou grand seigneur. Chaque avortement reste néanmoins toujours perçu comme un drame personnel, c’est pourquoi il doit susciter la plus grande compréhension.
DIVORCE.
La fidélité entre les époux est préconisée par de nombreuses légendes ou récits historiques (voir les touchantes histoires d’Éponine, de Camma et de Khiomara chez Plutarque).
Khiomara. Femme d’Ortiagon, elle fut faite prisonnière par les Romains et livrée à un centurion qui en fit son esclave sexuelle. Il n’accepta de rendre Khiomara qu’en échange d’une forte rançon. Le jour de l’échange, lorsque la rançon fut comptée, elle ordonna à l’un des guerriers de son mari de tuer le centurion puis rapporta la tête à son mari. Ortiagon concéda que la fidélité pouvait être une belle chose. Elle lui répondit que rien n’était plus beau que le fait qu’il n’y ait qu’un seul homme vivant, à qui elle ait jamais appartenu.
Camma. Parmi les plus puissants tétrarques galates, il y en avait deux qui étaient unis par des liens familiaux : Sinatos et Synorix. Le premier, Sinatos, avait pris pour femme une jeune fille nommée Camma, aussi remarquable par la beauté de son corps que par la fraîcheur de sa jeunesse, mais plus admirée encore pour ses vertus. Car elle n’avait pas seulement de l’honnêteté ainsi que de l’amour pour son mari, mais de la prudence et de la grandeur d’âme ; et avait gagné au plus haut point l’affection de ses sujets, par sa bienveillance et sa bonté. Ce qui la mettait encore plus en vue, c’est qu’étant prêtresse d’Artémis [ou plus exactement de la divinité celtique ainsi appelée par les Grecs] ; on la voyait toujours dans les cérémonies en son honneur, magnifiquement parée. Synorix en devint fou amoureux, et comme il ne pouvait, du vivant de son mari, ni la séduire ni lui faire violence, il fit assassiner Sinatos.
Ensuite il demanda la main de Camma qui faisait du temple sa demeure habituelle… Les refus de la malheureuse ne furent pas trop cruels, puis elle sembla peu à peu consentir à cette idée, d’autant plus que ses parents et ses amis insistaient auprès d’elle, pour faire leur cour à cet homme dont la puissance était grande ; employant pour cela la persuasion et même la violence. Enfin elle accepta, et fit appeler Synorix : elle voulait que leur accord et leurs fiançailles soient accomplis devant la déesse-ou-démone, ou devant la fée en question, si l’on préfère ce terme. Il arrive, elle l’accueille de bonne grâce et le conduit à l’autel. Là, elle fait une libation d’hydromel, avale elle-même une partie de la liqueur, et l’invite à boire à son tour. C’était de l’hydromel empoisonné.
Quand elle vit qu’il avait bu, Camma poussa un cri de triomphe, et se prosterna devant la déesse-ou-démone, ou devant la fée, en criant : « Je te prends à témoin, dit-elle, ô très sainte déesse, c’est uniquement pour arriver à ce jour béni que j’ai survécu à la mort de Sinatos. Maintenant que je tiens sa vengeance, je descendrai vers mon époux. Et pour toi, ô le plus exécrable des hommes, que tes proches te préparent une tombe au lieu d’une couche nuptiale ». À ces mots, Synorix, sentant déjà le poison agir et affecter tout son corps, voulut monter sur son char, mais il en redescendit tout de suite, et mourut le soir même. Camma passa la nuit en prière, et quand elle eut appris que Synorix n’était plus ; elle quitta ce monde de bon cœur et avec joie (Plutarque. Des vertus des femmes).
Bien que moralement non approuvé, l’adultère ne fait pas l’objet de sanctions spécifiquement religieuses, et reste une affaire purement privée (voir l’adultère de la femme de Partholon). Dans de tels cas, le divorce constitue un dramatique naufrage, mais aussi souvent un moindre mal. Le remariage des divorcés n’est donc pas un problème.
Le divorce pour faute grave est admis. Le divorce par consentement mutuel également. Ce qui est interdit c’est la répudiation unilatérale d’un conjoint qui n’a rien à se reprocher. Assez paradoxalement on pourrait dire que les druides de l’époque s’ils avaient eu à se prononcer sur la question, auraient été contre le fameux divorce d’Henri VIII d’Angleterre et de Catherine d’Aragon. En cas de divorce il va de soi que le conjoint qui n’a rien ou si peu à se reprocher doit bénéficier d’une compensation à la hauteur de ce qu’il perd du fait du divorce.
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NAISSANCE.
Les enfants reçoivent un nom, consacré par les très-sachants locaux quelques années plus tard (à sept ans, l’âge de raison). Cette cérémonie a aujourd’hui été étendue aux adultes désirant se convertir, c’est-à-dire revenir, au paganisme. Elle marque l’admission dans la communauté (touta).
FUNÉRAILLES.
Il existe une cérémonie préalable, le consolament (autrefois ultime tentative pour soigner ou guérir le malade, ou le blessé).
Les funérailles se font par inhumation ou incinération. Le culte du souvenir (culte des ancêtres) est très important pour les très-sachants. Avec le mort sont parfois enterrés, ou brûlés, différents symboles lui ayant appartenu (bagues, montres, etc.).
AUTRES DEVOIRS OU INTERDITS.
Les notions de bien et de mal ne sont pas définies par un dogme très précis. Est bon tout ce qui renforce la vie et l’existence. Est bon ce qui augmente le degré de conscience des individus, est mauvais ce qui l’abaisse. Il existe par contre diverses déontologies professionnelles (celle des prêtres, celle des soldats, celle des producteurs, agriculteurs, éleveurs, artisans, etc.)
Devoirs.
Respecter les principes éthiques ou sociaux de sa fonction (ne rien faire de mal) comme on vient de le voir, assister aux fêtes d’obligation (oenach), faire des dons (notamment aux très-sachants qui ne travaillent pas pour gagner un salaire, aux soldurs et aux culdées) perpétuer la vie humaine (procréer)…
Les interdits sont plutôt personnalisés (gessa). Il existe une morale très rigoureuse appelée KISSION, une plus laxiste appelée REDA.
GREFFES D’ORGANE.
Le druidisme admet par définition les greffes (de nombreux très-sachants antiques furent aussi médecins, chirurgiens, oculistes) à condition que le cadavre ne soit pas trop mutilé, mais aussi que la volonté du défunt soit respectée.
Il s’élève par contre, et avec la plus grande fermeté, contre le commerce ou le trafic d’organes. Mythologie gaélique : Miach est tué par son propre père, le dieu-ou-démon de la médecine Diancecht, pour avoir échangé un bras de chair et d’os contre un bras d’argent.
Donc, pas d’obstacle moral aux greffes, si elles constituent un bienfait. De toute façon, le corps physique retrouve son intégrité dans l’autre monde.
DOULEUR.
La douleur entrave souvent la concentration mentale nécessaire à l’élévation spirituelle. Les hommes sont donc autorisés à alléger leurs souffrances en utilisant tous les moyens nécessaires (médicaux ou psychologiques). Le druidisme préconise néanmoins surtout la maîtrise, aussi bien physique que psychologique, de la douleur, notamment par le yoga celtique qui permet de la juguler. Sacrifices et souffrances peuvent cependant avoir aussi une valeur rédemptrice intrinsèque.
SUICIDE ET EUTHANASIE.
Tout dépend de la motivation des personnes en question. Si elles mettent fin à leurs jours par haine pour elles-mêmes, ou pour les autres, ou par fuite devant leurs responsabilités, cela devient un acte répréhensible, car dans ce cas le suicide ne résout rien.
En dehors de cela, le druidisme s’est toujours refusé à condamner suicide et euthanasie. La tradition celtique admet même les suicides collectifs dans certains cas extrêmes (en cas de défaite, afin que ses enfants ne soient pas réduits en esclavage, etc.). « Parce qu’il est honteux de ménager une vie qui doit revenir » (Lucain, De Bello Civili, I, 454-462). Le suicide est aussi admis s’il est abordé l’esprit serein (« De là […] cette âme/esprit qui sait mourir parce que… » (Lucain, De Bello Civili, I, 454-462).
HOMOSEXUALITÉ.
La littérature celtique exalte plutôt l’amour hétérosexuel romantique et passionné à la Tristan et Iseult, ou à la façon Amadis, célèbre roman espagnol du XVe siècle, un des derniers du cycle arthurien, publié en 1508 par Garci Rodríguez de Montalvo. Les quatre premiers livres furent considérés comme un chef-d’œuvre par Cervantès. Amadis est, selon le héros de Cervantès justement, le modèle du parfait chevalier, qu’il convient d’imiter en tout point (il s’agit là pourtant de l’imitation d’un modèle inaccessible). Voir aussi à ce sujet, tout à fait dans la veine celtique, l’inoubliable histoire d’Inès de Castro, la célèbre reine morte, du Portugal, bien qu’elle soit d’origine espagnole d’ailleurs.
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Les Celtes ont été accusés par les Grecs de pratiquer l’homosexualité.
L’homosexualité est par définition le fait qu’une personne éprouve de l’attirance sexuelle pour une autre personne du même sexe. Très largement admise par certaines populations indo-européennes (Grecs et Romains notamment), l’homosexualité est devenue, aux yeux de tous un acte contre-nature – un péché – avec la diffusion du judéo-islamo-christianisme.
Chez Diodore de Sicile, Strabon, Athénée, Eusèbe de Césarée ainsi que le pseudo-Bardesane, l’homosexualité s’avère plutôt perçue comme une perversion poussant de jeunes hommes à offrir leurs faveurs, voire même, à se prostituer auprès d’hommes mûrs. La description de Diodore apparaît plus intéressante que les suivantes, Strabon et Athénée reprenant, semble-t-il, les écrits du premier, sans y apporter quoique ce soit de plus. Eusèbe de Césarée tout comme le pseudo-Bardesane plus tardif encore, a pour intérêt d’opposer une homosexualité gauloise, à une polygamie britannique.
Diodore de Sicile, Histoire universelle, V, 32 : « Quoique leurs femmes soient parfaitement belles, ils ne vivent avec elles que rarement, mais ils sont extrêmement adonnés à l’amour criminel de l’autre sexe et couchés à terre sur des peaux de bêtes sauvages, souvent ils ne sont point honteux d’avoir deux jeunes garçons à leurs côtés. Mais ce qu’il y a de plus étrange, c’est que sans se soucier en aucune façon des lois de la pudeur, ils se prostituent avec une facilité incroyable. Bien loin de trouver quoi que ce soit de vicieux dans ces relations infâmes, ils se croient déshonorés si l’on refuse les faveurs qu’ils présentent ».
Strabon, Géographie, IV, 4, 6 : « Enfin, s’il faut en croire un bruit très répandu, tous les Celtes seraient d’humeur querelleuse ; on assure de même qu’ils n’attachent aucune idée de honte à ce que les garçons prostituent la fleur de leur jeunesse ».
Athénée de Naucratis, Deipnosophistes, XIII, 79 : « On sait que, parmi les barbares, les Celtes, qui possèdent pourtant des femmes magnifiques, ont une préférence pour les garçons, de sorte qu’on voit beaucoup d’entre eux coucher avec deux mignons à la fois sur leurs lits en peaux de bêtes ».
Pseudo-Bardesane, le livre de la loi des contrées : « Cependant, dans le nord, dans le pays des Celtes et de leurs voisins, les jeunes garçons, beaux de figure, remplissent auprès des hommes le rôle de femmes. Ils célèbrent aussi des cérémonies de mariage, et cela n’est pas considéré chez eux comme un déshonneur, parce que leur loi le permet ainsi… En revanche, chez les [Grand] Bretons, beaucoup d’hommes n’ont qu’une seule femme […] Et nos frères [chrétiens] qui sont là-bas ne prennent pas des mâles pour des femmes ».
Eusèbe de Césarée, la préparation évangélique, VI, 10 : « En ce lieu les jeunes gens servent de femmes en toute licence, sans voir là un sujet de blâme, vu la loi ; or il est impossible que tous les Celtes qui subissent ces outrages impies aient eu en partage, à leur naissance, l’Étoile du matin [Vénus] quand elle se couche avec Mercure dans les maisons de Saturne et les limites de Mars. En [Grande] Bretagne, par contre, plusieurs prennent une seule femme ».
De tels témoignages rappellent sans conteste d’autres pratiques du même type attestées dans la Grèce antique, dans le cadre de l’éducation des jeunes hommes. Chez les Athéniens par exemple, l’éducation des jeunes à la vie collective et à l’intégration dans la cité (la paideia), passe par des rapports physiques entre l’éromène (jeune homme, littéralement « celui qui est aimé ») et son éraste (maître chargé de l’initiation des jeunes, littéralement l' « amant »). À Sparte, l’éducation des jeunes (l’agôgé), surtout militaire, est obligatoire pour accéder à la citoyenneté. C’est au pédonome que revient la charge d’éduquer les jeunes âgés de sept à vingt ans. À l’instar des Athéniens, les Spartiates pratiquent une forme de « pédérastie éducative ». Dans ce cadre, l’homosexualité constitue un rite social de passage, où l’enfant élevé par les femmes s’émancipe pour devenir un homme. L’adolescent peut jouer sans honte le rôle du partenaire passif, puisqu’il n’est pas encore un homme. En théorie, une fois pubère, il ne peut plus poursuivre de telles relations. Doit-on voir dans l’homosexualité de certains jeunes Celtes une pratique initiatique similaire permettant d’accéder à l’âge adulte ? À la citoyenneté ? Au rang de guerrier ?
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Comment l’homosexualité entre hommes adultes était-elle perçue chez les Celtes de l’Antiquité ? Aucun texte ne l’évoque, néanmoins Aristote, dans son ouvrage intitulé la Politique, voit dans l’homosexualité de certains Celtes adultes, une forme d’amour viril entre guerriers. Cette pratique était, selon ses dires, « honorée », car elle leur permettait d’échapper à la domination des femmes, le « fléau des États ».
Aristote, Politique, II, 9 : « La conséquence nécessaire, c’est que, sous un pareil régime, l’argent doit être en grand honneur, surtout quand les hommes sont portés à se laisser dominer par les femmes, disposition habituelle des races énergiques et guerrières. J’en excepte cependant les Celtes et quelques autres nations qui, dit-on, honorent ouvertement l’amour viril. C’est une idée bien vraie que celle du mythologue qui, le premier, imagina l’union de Mars et de Vénus ; car tous les guerriers sont naturellement enclins à l’amour de l’un ou de l’autre sexe ».
Dans la Grèce antique, comme à Rome, l’homosexualité était relativement bien tolérée, voire même encouragée à certaines époques. Seul le rôle de chacun dans cette pratique comptait. En effet, on distinguait communément un rôle actif, qui était largement toléré (réservé aux citoyens) et un rôle passif considéré comme honteux (réservé aux non-citoyens, aux esclaves et aux jeunes hommes non pubères). Ainsi était marquée la suprématie du citoyen libre dans la société. Le citoyen ne devait jamais subir l’humiliation d’être au service de quelqu’un et devait donc toujours tenir le rôle actif dans la relation, fût-elle avec un homme ou une femme. Les Celtes partageaient-ils cette même conception de l’homosexualité ? L’amour viril décrit par Aristote sort de ce cadre, à moins que l’on considère que cette pratique est celle d’un guerrier avec l’un de ses serviteurs, donc avec quelqu’un d’inférieur.
Enfin, aucun des textes cités ici n’évoque une homosexualité exclusive. Encore une fois, à partir des éléments que nous possédons, relatifs à l’homosexualité en Grèce et à Rome, il est probable que les Celtes s’adonnant à ces pratiques possédaient également une femme officielle. Ce type de relation s’apparente donc plus à une forme de bisexualité.
L’homosexualité ne fait l’objet d’aucune condamnation particulière chez les Celtes disions-nous, sauf en ce qui concerne les très-sachants eux-mêmes. Elle est alors considérée comme une faute professionnelle grave relevant du Bratuspantion/Bratuspantium – du Conseil de discipline – et pouvant donc entraîner le bannissement. La déontologie druidique est très claire sur le sujet : la pédophilie des prêtres était très sévèrement condamnée.
Aucune position spécifique en ce qui concerne les laïcs (dans la mesure où elle n’est pas revendiquée à l’instar d’un véritable mariage évidemment).
EXCOMMUNICATION.
On ne peut être banni du druidisme en tant que foi éclairée par la raison, mais on peut être banni de sa communauté (touta), car le druidisant gravement fautif 1) peut être mis au ban de la société (cf. élude).
PEINE DE MORT.
« Ils pensent que les supplices de ceux qui ont été pris en flagrant délit d’assassinat, ou de tout autre crime, sont des plus agréables aux dieu-ou-démons immortels » (César, B. G. VI, 16).
« Ils gardent les malfaiteurs pendant une période de cinq ans, et puis, en l’honneur de leurs dieu-ou-démons, ils les empalent et en font des holocaustes […] sur d’immenses bûchers préparés tout exprès » (Diodore de Sicile, V, 31).
Le droit celtique ignorait le concept de prison. En cas de crime ordinaire, la peine la plus courante était un wergeld ou une réparation financière. Ericfine en gaélique, galanas en gallois.
Le druidisme n’a donc jamais condamné le principe même de la peine de mort en cas de crime particulièrement grave. Le druidisme insiste néanmoins sur le fait que les hommes pèchent plus par ignorance ou faiblesse (notamment les sociopathes ou psychopathes) que par méchanceté due à un quelconque péché originel. Car l’Homme n’est en effet ni bon ni mauvais de naissance, mais les deux à la fois. Il importe donc plus de le (ré) éduquer que de le punir. Construire un homme nouveau avec le meilleur de l’ancien a toujours été un des buts du druidisme.
Dans l’urgence ou faute de mieux, en tant que mal nécessaire pour préserver la société, la peine de mort peut donc être autorisée, mais la décision finale en incombe toujours au bras séculier (aux rois et
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aux gouvernants), nullement aux très-sachants. Les très-sachants leur demandent seulement de tout faire pour s’assurer de la culpabilité de l’homme (ou de la femme) accusé de ces crimes particulièrement odieux. Témoignages humains et aveux certes, mais aussi et surtout des preuves indubitables, extérieures à l’accusé lui-même. Il n’y a pas pire crime contre l’esprit en effet qu’exécuter un innocent, ou un homme coupable d’un geste ne méritant pas un tel châtiment.
La peine de mort était surtout utilisée autrefois en réalité afin de permettre aux malfaiteurs de se racheter par des souffrances rédemptrices (voir DOULEUR). D’où le fait qu’ils étaient sacrifiés de préférence à des innocents et que même on en gardait pour cela (pendant 5 ans).
DIEU OU LE DÉMIURGE ET DIEU-OU-DÉMONS.
Dans le panth-éon ou plérôme druidique, certaines divinités peuvent se révéler, suivant les cas, successivement bénéfiques ou maléfiques.
Les démons appelés vouivres ou anguipèdes (Andernas sur le Continent, Fomore en Irlande) sont un des symboles de l’absence de bien, de l’absence de lumière, de l’absence du Graal. Ils naissent des mauvaises pensées des hommes, car certains humains peuvent, le temps d’une vie, agir comme de véritables démons. Nous pensons ici tout particulièrement aux psychopathes. Sinon il s’agit tout simplement de forces de la nature rigoureusement indifférentes au sort des hommes.
Leur représentation traditionnelle remonte parfois aux temps préceltiques (préhistoriques, néolithiques, ou autres).
L’AU-DELÀ.
Les Celtes n’ont pas peur de la mort qui n’est pour eux que le milieu d’une longue vie. Leur notion d’autre monde parallèle de nature paradisiaque (Vindomagos) s’appuie sur la croyance en l’immortalité ou presque de l’âme/esprit et sur la croyance en la possibilité d’atteindre le divin.
Le paradis n’est que provisoire (le temps que l’âme achève de se purifier totalement) et prélude à une fusion quasi métamorphique totale avec l’Être, comme une goutte d’eau dans l’Océan. La seule éternité réelle (aiu) n’est pas celle de l’autre monde parallèle au nôtre, mais de nature paradisiaque ; appelé Vindomagos, mais celle de cet état de fusion métamorphique avec l’Être supérieur correspondant un peu au nirvana bouddhiste. Quant à l’enfer, décrit comme un lieu glacial et gelé, il n’est que temporaire, le temps pour les âme/esprits de se préparer à revenir sur Terre. Les âme/esprits des morts y sont donc en quelque sorte en réserve, en attendant une prochaine réincarnation en bacuceus (deux ou trois cas par siècle).
L’Au-Delà druidique, dans tous les cas de figure, n’est donc que temporaire ; sauf si le croyant réussit dès ce monde à y atteindre l’état de fusion métamorphique correspondant à l’abolition de toute personnalité ou individualité, par réintégration à l’infini au sein de l’Être supérieur.
Ainsi qu’on peut le voir, les notions druidiques d’enfer et de paradis se distinguent donc très nettement de celles du christianisme qui lui a succédé.
ESCHATOLOGIE. Voir ci-dessus. Le cycle devant suivre est toujours contenu en germe dans celui en cours, mais l’Erdathe (qui était, selon les druides, le jour du jugement du Seigneur) ou Apocalypse par régénération constitue la charnière décisive entre les anciens mondes et les nouveaux. Apocatastase en grec, Ragnarök dans la mythologie germanique.
1) On ne dira jamais assez l’extraordinaire médiocrité morale et intellectuelle du personnel néo-druidique actuel.
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POSTFACE À LA JOHN TOLAND.
Les pseudodruides à la filiation initiatique mirobolante (la fameuse et inénarrable tradition primordiale) s’étant multipliés depuis quelque temps ; il nous a paru nécessaire de mettre à la disposition de tout un chacun ces quelques notes, hâtivement rédigées un soir de novembre, afin de donner à nos lecteurs envie d’en savoir plus sur le vrai druidisme. Ce travail se veut honnête, mais en aucune façon neutre. Il s’est donné pour objectif de défendre ou de réhabiliter la cluto (renommée) de cette antique religion.
Rien ne remplace la méditation personnelle y compris sur les lais obscurs ou incompréhensibles parsemant ces livres et qui ont été insérés à dessein afin de vous obliger à réfléchir pour trouver votre propre voie. Ces livres ne sont pas des dogmes à suivre aveuglément et à la lettre. Ainsi que vous le savez sans doute, il faut se méfier comme de la peste de la lettre. La lettre tue, seul l’esprit vivifie. Rien ne remplace non plus l’expérience personnelle et c’est en cheminant que l’on trouve le chemin. Ne comptez donc que sur vos propres forces pour cette quête du Graal. Ce qui compte c’est l’attitude à adopter dans la vie et non les détails du dogme. Le druidisme a moins d’importance que la druidiaction (Jean-Pierre Martin).
Ces quelques feuillets griffonnés à la va-vite ne sont néanmoins en aucune façon LES LIVRES À LIRE SUR LE SUJET, ils n’en sont qu’un pâle reflet. La seule bibliothèque druidique digne de ce nom n’est pas en effet composée de seulement 12 (ou 27) livres, mais de plusieurs centaines.
Les quelques opuscules constituant cette mini-bibliothèque ne constituent pas un approfondissement et ne sont que quelques manuels destinés aux écoliers du druidisme. Ces résumés simplifiés destinés aux cours primaires de druidisme seront remplacés par des cours d’un niveau quelque peu supérieur, pour ceux qui voudront vraiment l’étudier de façon plus pertinente.
Cette petite bibliothèque est par conséquent un premier essai d’adaptation (destinée aux jeunes adultes) des diverses réflexions sur le savoir et la vérité druidiques, auxquelles ont abouti les premiers résultats de la nouvelle laïcité positive et ouverte, mondiale, en train de s’instaurer.
À la différence du judaïsme, du christianisme, et de l’islam, qui fourmillent littéralement, à propos de l’Être supérieur, d’anthropomorphismes puérils pris au pied de la lettre (fondamentalisme) ; notre druidisme, lui, n’en utilisera que très peu, et s’en tiendra, en ce domaine, au minimum absolu.
Mais pour parler de Dieu-ou-Diable nous allons bien être obligés, nous aussi, d’utiliser un langage, et donc un certain nombre de ces anthropomorphismes. Ou alors il faudrait totalement renoncer à en discuter.
Ce premier rayon de notre future bibliothèque consacrée au sujet a pour objet de montrer avec précision l’harmonieuse authenticité de la volonté et du savoir néo-druidiques. De montrer à quel point ses grandes thèses actuelles ont des racines anciennes, car la Mythologie, c’est notre Bible à nous. Les adaptations de ce bref exposé, exigées par les différences de culture, d’âge, de maturité spirituelle, de situation sociale, etc. seront à faire par les druides concernés (les vellèdes et les autres ?).
À noter cependant. Important ! Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, ne sont pas (en vrac).
Une révélation divine. Une loi (toujours aussi divine). Une loi (profane ou laïque). Une loi (scientifique). Un dogme. Un Ordre ? Ce que je cherche surtout à faire partager c’est un état d’esprit, rien de plus. Ainsi que l’a très bien dit un jour notre vieux maître :
« NOTRE CIVILISATION N’A PAS LE CHOIX : CE SERA LE CELTISME OU CE SERA LA MORT » (P. Lance).
Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, sont. Du rêve. Une aventure. Un voyage. Une évasion. Un cri de révolte contre la laideur morale et matérielle de cette société.
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Une tentative d’atteindre à l’universel en partant du particulier. Un défi. Un obstacle fécond à surmonter. Une incitation à la réflexion. Un guide pour l’action. Une carte. Un plan. Une boussole. Une étoile polaire ou l’étoile du berger là-haut dans la montagne. Un feu la nuit dans une clairière ?
Ce que le rassembleur de ce noyau de bibliothèque, Pierre de La Crau, n’est pas.
— Un dieu.
— Un demi-dieu.
— Un quart de dieu.
— Un petit saint.
— Un philosophe (reconnu, officiel, et breveté ou patenté, comme ceux qui passent à la télévision. Sauf évidemment à prendre le terme en son sens originel, qui est celui d’amateur de sagesse et de savoir).
Ce qu’il est : un homme, et rien de ce qui est humain ne lui est donc étranger. Pierre de la Crau n’a aucun pouvoir surhumain ou exceptionnel. Rien de ce qu’il a dit écrit ou fait ne saurait avoir de valeur intemporelle. Tout au plus espère-t-il que son extrême lucidité à propos de notre société et de son idéologie dominante (voir ses philosophes officiels, ses journalistes, ses masses médias et le politiquement correct des bien-pensants) ; ainsi que son non-conformisme, et son franc-parler, alliés à un solide esprit de contradiction (qui lui ont d’ailleurs valu pas mal de déboires ou d’avanies) ; pourront être utiles.
La présente petite bibliothèque pour débutant « contient la dose d’humanité exigée par l’état actuel de la civilisation » (Henri Lizeray). Elle n’est d’ailleurs qu’un rassemblement de matériau attendant l’architecte ou le maçon ? ad hoc.
Prochainement paraîtra toute une série de fascicules approfondissant ces éléments de base. Cette présentation différente du savoir druidique préservera néanmoins l’unité et la profonde harmonie entre ces divers exposés d’une seule et même philosophie.
Cas des traductions dans une langue étrangère (espagnol, allemand, italien, polonais, etc.)
Les fautes d’orthographe de grammaire de style, ainsi que l’écriture des noms propres, pourront être corrigées. Toute autre amélioration du texte pourra également être apportée si nécessaire (par ajout suppression ou modification, de détails) ; Pierre de La Crau ayant toujours regretté de ne pouvoir atteindre à la perfection en ce domaine. Mais à condition de n’altérer ni trahir en rien la pensée de l’auteur de cette compilation raisonnée. Toute illustration sans légende peut être changée. De nouvelles illustrations peuvent être apportées. Mais les illustrations ayant une légende ne devront être qu’améliorées (par substitution d’une bonne photo à un mauvais croquis par exemple ?)
Il va de soi que le coordonnateur de cette rapide et sommaire compilation raisonnée, Pierre de La Crau, ne prétend nullement avoir inventé (ou découvert) lui-même, tout ceci ; qu’il ne prétend en aucune façon que ceci est le fruit de ses recherches personnelles (sur le terrain ou en bibliothèque). Ce qui suit est en effet essentiellement issu des excellents ouvrages ou sites internet référencés en bibliographie et dont la consultation directe est fortement recommandée. Nous n’insisterons jamais assez sur notre volonté de ne pas être les hommes d’un livre (du Livre), mais d’au moins douze, comme les Fénianes d’Irlande, pour d’évidentes raisons d’ouverture d’esprit, la vérité étant notre seule religion.
Encore une fois, répétons-le ; le coordonnateur de la mise par écrit de ces quelques notes hâtivement jetées sur le papier ne prétend nullement avoir passé sa vie dans la poussière des bibliothèques ; ou sur le terrain, dans la boue des fouilles archéologiques de sauvetage ; afin d’exhumer des témoignages inédits sur le passé de l’Irlande (ou du Pays de Galles ou des Indes ou de la Chine ?)
PIERRE DE LA CRAU NE SE VEUT DONC EN AUCUNE FAÇON L’AUTEUR DES TEXTES QUI PRÉCÈDENT.
IL N’ESSAIE NULLEMENT DE S’EN ATTRIBUER LES MÉRITES. Il n’en est que l’éditeur ou le compilateur. Il s’agit pour la plupart de documents diffusés sur internet à quelques exceptions près. IL EN REVENDIQUE PAR CONTRE TOUS LES DÉFAUTS ET TOUTES LES INSUFFISANCES. Pierre de La Crau ne revendique qu’une chose, les fautes erreurs ou imperfections diverses de ce livre. Lui seul est à blâmer dans ce cas. Mais il fait confiance à ses contemporains (la nature humaine étant ce qu’elle est) pour les lui signaler avec vigueur.
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Note retrouvée par les héritiers de Pierre de La Crau et insérée par eux à cet endroit.
J’avoue tout de suite afin de faciliter le travail de mes juges que les hommes comme moi étaient chrétiens à Rome sous Néron, païens à Jérusalem, sorciers à Salem, hérétiques anglais, catholiques irlandais, et aujourd’hui racistes, sexistes, homophobes, islamophobes, en attendant d’être demain koufar ou de nouveau chrétien l’antéchrist le plus bestial de toutes les apocalypses, etc. Bref ainsi qu’on l’aura compris je suis pour le néant la mort la maladie la souffrance……
Par respect pour l’Humanité, afin de gagner du temps, et ne pas lui en faire perdre, je vais faciliter le travail de ceux qui tiennent absolument à être du bon côté de la barrière en combattant (héroïquement bien sûr) afin de sauver le monde de mes griffes (mes idées ou mes penchants, mes tendances).
À ces courageux et implacables détracteurs, dont la profondeur de réflexion digne d’un marquis de Vauvenargues n’a d’égale que l’ampleur de la culture générale, digne d’un Pic de la Mirandole, je dis…
Prenez une feuille de papier, de traitement de texte si vous préférez, mettez-y par ordre d’importance les 20 caractéristiques qui vous semblent les plus graves, les plus odieuses, les plus haïssables, dans l’histoire de l’Humanité, depuis les hommes préhistoriques et Nabuchodonosor, selon vous… ET DITES-VOUS BIEN QUE JE SUIS TOUT LE CONTRAIRE DE VOUS, CAR JE LES AI TOUTES !
On a toujours besoin de boucs émissaires ! Hérétique au Moyen âge, sorcière à Salem au 17siècle, raciste au 20e siècle, lézard extraterrestre au 21e, je suis l’homme que vous aimerez haïr pour vous sentir supérieur.
Je suis au choix et dans l’ordre d’importance que vous voulez : athée, sataniste, stupide, mongolien, raciste, bestial, homosexuel, pervers, communiste, nazi, menteur pathologique, voleur, suffisant, psychopathe, un monstre d’orgueil faussement modeste, et que sais-je encore, à vous de voir.
Voilà, je ne peux pas faire mieux (pour vous aider à sauver le monde).
[À la différence de mes contempteurs qui sont tous des gens bien, c’est-à-dire jeunes ou modernes et dynamiques, courageux, positifs, gentils, intelligents, instruits, ou du moins qui savent ; faisant preuve de beaucoup de recul dans leur méditation en profondeur sur les tendances lourdes de l’Histoire ; et sur le plan moral ou éthique : généreux, altruistes, mais pauvres évidemment, car donnant tout aux autres ; en outre profondément respectueux de la volonté de Dieu et de la Constitution…
Moi je suis un vieux réactionnaire ankylosé, conformiste, déconnecté de son temps, parano, schizophrène, incohérent, capricieux, jamais content, méchant, bête, n’ayant fait aucune étude ou du moins ignorant tout sur le sujet en question ; coutumier des jugements à l’emporte-pièce fondés sur des préjugés dénués de toute réflexion ; égoïste et riche ; suppôt de Satan et nazo-bolchevick ou stalino-hitlérien de nature. On disait hitléro-trotskiste quand j’étais jeune. En bref un criminel psychopathe dès le petit-déjeuner… ce qui me permet donc de penser ce que je veux, mes critiques aussi d’ailleurs, et d’essayer de le faire savoir à la cantonade].
Signé : le coordonnateur des travaux, Pierre de la Crau dit Hésunertus, chercheur en druidisme. Un homme à qui rien de ce qui est humain ne fut étranger. Chômeur, facteur, divorcé, sans domicile fixe, vagabond, contribuable, justiciable, électeur cocufié ? Un des huit milliards d’êtres humains ayant transité sur ce vaisseau spatial donc. Né sur la planète Terre le 13 janvier 1952.
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BIBLIOGRAPHIE DES GRANDES LIGNES.
Pour ce qui est de la bibliographie des détails, voir annexe de la dernière leçon, car, comme le dit si bien Henri Lizeray, les traditions, ça doit s’interpréter. C’est là toute la différence qu’il peut y avoir entre ancien druidisme et néo-druidisme.
Le Lebar gabala ou Livre des invasions. Paris 1884 (William O’Dwyer)
Base de l’église druidique. Le druidisme restauré. Henri Lizeray, Paris, 1885.
Les traditions nationales retrouvées. Paris 1892.
Aesus ou la doctrine secrète des druides. Paris 1902.
Ogmios ou Orphée. Paris 1903.
TABLE DES MATIÈRES.
Traité sur les 21 rituels
Les mystères de Stonehenge
Fondations du domaine de Tara
Rituels véniaux ou familiaux
Rituels sacerdotaux
Feux perpétuels et office druidique
Nouvelles réflexions sur la liturgie
Philosophie des rituels
Méditation sur l’arbre de vie celtique
L’arbre du monde
Le chêne notre Dieu.
L’initiation chamanique du grand Hésus avatar de Lug
La voie du kinges ou la volonté de souveraineté
Le yoga druidique antique et les autres ordalies du même genre
Les arts martiaux
Les riastrades et contorsions diverses
Rappel sur les riastrades et la lon laith
La voie des Namnètes
Et maintenant comment vivre sa Foi ?
La Position de John Toland sur l’attitude que nous devrions avoir en société
Le difficile chemin de crête entre Charybde et Scylla
Union et uniformité ou union dans la diversité.
Opinion individuelle du très sachant Jean Martin
Portrait-robot du druidisme actuel
Postface à la John Toland
Bibliographie des grandes lignes.
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DU MÊME AUTEUR.
1. Citations des auteurs antiques parlant des Celtes ou des druides.
2. Généralités liminaires diverses sur les Celtes.
3. Histoire du pacte avec les dieux tome 1.
4. La Bible du druidisme : histoire du pacte avec les dieux tome 2.
5. Histoire du pacte avec les dieux tome 3.
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6. Histoire de la paix avec les dieux tome 4.
7. Histoire de la paix avec les dieux tome 5.
8. Des Fénianes aux Culdées ou « La grande science qui illumine » tome 1.
9. Textes apocryphes irlandais.
10. Des Fénianes aux Culdées ou « La grande science qui illumine » tome 2.
11. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande Science qui illumine » tome 3.
12. Les cent voies du paganisme. Science et philosophie tome 1 (mythologie druidique).
13. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 2 (mythologie druidique).
14. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 3 (mythologie druidique).
15. Le grand Camminus : éléments de théologie druidique tome 1.
16. Le grand catéchisme : éléments de théologie druidique tome 2.
17. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 1.
18. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 2.
19. Mystagogie ou théâtre sacré des Celtes antiques.
20. Poèmes celtes.
21. Le génie du paganisme celte tome 1.
22. Le complexe de Roland.
23. Au pied de la lanterne des morts.
24. Les secrets du vieux druide de la forêt ménapienne.
25. Le génie du paganisme celte tome 2 (liberté réciprocité simplicité).
26. Rhétorique : la trahison des clercs).
27. Petit dictionnaire de théologie druidique tome 1.
28. Des philosophes antiques au druide irlandais.
29. Judaïsme christianisme et islam : première partie.
30. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 1.
31. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome2.
32. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 3.
33. Troisième partie tome 1 : Qu’est-ce que l’Islam ? Bref historique de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
34. Troisième partie tome 2 : Qu’est-ce que l’Islam ? Premières approches de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
35. Troisième partie tome 3 : Qu’est-ce que l’Islam ? Les 5 vrais piliers de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
36. Troisième partie tome 4 : Qu’est-ce que l’Islam ? Coups de sonde dans l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
37. Couiro anmenion ou Petit dictionnaire de théologie druidique tome 2.
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