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MYSTAGOGIE * OU THÉÂTRE SACRÉ DES CELTES ANTIQUES.
* cf. mystes, mystagogues : terminologie John Toland. Mystagogie. Action de conduire (agaguéin : infinitif de l’aoriste grec agéin conduire) un initié (mustès).
Les Grecs appelaient mystagogie « l’initiation aux mystères » à l’aide des mythes.
Traditions anciennes et recherche récente ont souvent rapproché mythes et contes merveilleux. On reconnaît à ces derniers de nombreuses fonctions d’ordre pédagogique ou thérapeutique.
La mystagogie est donc l’initiation aux mystères sacrés de la religion, faite par un mystagogue, un prêtre instructeur. Mais les mystères se comprennent mieux quand on les a célébrés. Les gestes, les mots, et les objets, d’un rituel, ne délivrent que peu à peu leur sens.
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CE QUE NOUS SOMMES ? CERTAINEMENT PAS CHARLIE !
Nous ne sommes pas Charlie, désolé pour nos amis parisiens et leur courriel du 10 janvier 2015. Nous sommes John Toland. Et aussi un peu Isaac Bonewits. Et aussi un peu Tadhg MacCrossan dont la recherche fondamentale a fait progresser la druidiactio aux États-Unis ; même si cet auteur se place plus sur le plan strictement historique que sur le plan religieux proprement dit, par moments. Nous lui sommes redevables d’une bonne partie de notre terminologie actuelle.
Certains des articles recueillis dans cet ouvrage ont été quelque peu dépassés depuis et il y a ici ou là des paragraphes caducs. Par exemple, la liste des ouvrages dont la lecture est recommandée. Tel quel ce recueil constitue néanmoins un document unique et irremplaçable sur l’évolution du druidisme moderne et c’est la raison pour laquelle, à la demande de nombreux amis, nous nous sommes décidés à le rééditer.
En tant qu’avocats athées agnostiques ou panthéistes, quelle triade, de John Toland, commis par le Sinn-Fein, ce que nous pouvons dire c’est ceci. Mesdames Messieurs du jury, notre spiritualité ou notre philosophie religieuse à nous s’appelle le druidisme (son nom en vieux celtique était DRUIDIACTIO. Druidecht en irlandais. Dru-wis signifiant grande connaissance.)
Ce qui nous relie entre nous voire avec ce qui nous transcende (religion) ne dépend pas de la naissance et de la vie ou de la mort d’un homme, fût-il extraordinaire comme notre grand héros (le hésus Cuchulainn), elle se fonde au contraire sur l’enseignement de sages qui ont existé, qui existent encore, ou qui existeront.
Répétons-le encore une fois, car repetere = ars docendi, mais il n’y a là nulle taqiya de notre part (nulle contrainte en matière de vraie religion) nos habitudes religieuses ne reposent pas sur l’existence d’un personnage historique ayant eu jadis ou naguère une vie déterminée ou précise. Elle découle de l’enseignement d’une foule de sages ayant reconnu certains aspects ou certaines facettes de la Vérité de Toujours, c’est-à-dire la Divinité du Monde. La sagesse, c’est la découverte de ce Divin qui est en nous et autour de nous par l’observation du monde et de sa propre nature. Et c’est toujours en véritable quête du Graal que de le découvrir !
L’Être supérieur par excellence en effet n’a pas de forme, il peut, aux yeux des hommes, prendre la forme la plus adaptée à leur nature. Les dieux sont donc en quelque sorte la seule vraie forme historiquement attestée de Dieu. Aucun ne l’est à lui tout seul, contrairement à ce qu’affirment un peu vite ou un peu à la légère les juifs, les chrétiens et les musulmans avec leur Allah (avec le dieu-ou-démon d’Abraham, d’Isaac et de Jacob).
Ces sages nous ont appris à prier l’être supérieur par définition en l’invoquant sous ses multiples formes, les dieux.
Les dieux principaux de notre religion sont Taran/Toran/Tuireann, Danu/Anu, Lug, Hésus, la rigantona Épona, et beaucoup d’autres, connus ou moins connus.
Dans notre religion avoir de bonnes connaissances est primordial. C’est à juste titre que l’islam ne nous considère pas comme faisant partie des gens du livre, car nous sommes comme les Fénianes de naguère hommes et femmes DE PLUS D’UN LIVRE (12 chez les fénianes, nombre symbole de toute une bibliothèque).
La connaissance nous permet de suivre la voie druidique par excellence. Nous devons toujours suivre le droit chemin de la voie royale qui mène au Divin, c’est-à-dire l’ensemble des valeurs qui nous font Homme.
Notre religion est donc toujours d’actualité (contrairement aux autres), car fondée non pas sur la vie heureuse, ou malheureuse, de tel ou tel grand prophète ou demi-dieu, mais sur l’étude du Divin qui est, lui, éternel. C’est elle seule qui fonde notre religion.
N.B. Notre spiritualité peut être partagée par tout le monde, partout et en tout temps (puisqu’elle est universelle), mais en réalité, historiquement parlant, seuls les Celtes d’esprit ont en leur temps, jadis, accepté les devoirs qui en découlaient.
Son cantelon (sa profession de foi) peut se résumer aux quelques lignes ci-dessous.
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Il y a un Être supérieur à la fois immanent et transcendant
Qui imprègne ou sous-tend le Bitos ou l’univers.
Réalité au-delà de toutes les illusions
Unité au-delà de toutes les diversités
Vérité immuable au-delà de toutes les apparences
Qui nous entoure et nous fait vivre.
Chez les chrétiens ou les musulmans, on l’appelle Dieu ou Allah et le victorieux guerrier Mahomet est son prophète. Cet Être supérieur ou Être des êtres est à la fois procréateur, porteur et destructeur du Bitos ou Univers. L’Univers né du néant * existe en lui et disparaît en lui.
Note de l’auteur : ce petit texte de présentation est inspiré de la grande revue de théâtre sacré hindouiste SANGAM.
* Un néant conçu en tant que non-existence et non en tant que vide ou rien.
Et maintenant quelle est la différence entre notre groupe d’étude et les autres ? La différence entre notre groupe d’études et notre compagnie théâtrale (de théâtre sacré à la kathakali ou koutiyatta) la voici.
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de l’écrire, dans notre groupe étude et culture générale sont d’une importance primordiale.
César. B. G. VI, 14 : « Ils discutent aussi beaucoup des astres et de leurs mouvements, de la grandeur du monde et de la terre, de la nature des choses, de la puissance et du pouvoir des dieux immortels, et ils transmettent ces spéculations à la jeunesse ».
Les manifestations du Divin qui est autour de nous n’ont pas besoin de nous pour raconter des histoires à leur sujet. Nous ne pourrons jamais comprendre les voies philosophiques suivies par nos prédécesseurs les anciens très-sachants de la druidiaction (druidecht) si nous tombons dans la complaisance envers les fantasmes romanesques. Même si ces fantasmes peuvent être « politiquement » corrects et conformes à l’idéologie dominante du moment (car il y a toujours une idéologie dominante, même chez ceux qui se croient ou se prétendent « libres ») ; ou satisfaisants pour ce qui est de l’affect.
C’est pourquoi chez nous pas de fables sur le matriarcat universel, la Tradition primordiale, la construction de Stonehenge par magie druidique ou les maîtres venus de l’Atlantide.
Nous nous contentons d’étudier y compris de façon critique les croyances du temps où les pratiques druidiques décrites par Urard Mac Coisé dans la conclusion de son histoire du pillage du château de Maelmilscothach étaient encore en vigueur en Irlande c’est-à-dire au Xe siècle.
Do ratath tra do Mael Milscothach iartain cech ni dobrethaigsid suide sin etir ecnaide 7 fileda 7 brithemna la taeb ogaisic a crech 7 is amlaidsin ro ordaigset do tabairt a cach ollamain ina einech 7 ina sa[ru]gad acht cotissad de imus forosnad [di]chetal do chollaib cend 7 tenm laida .i. comenclainn fri rig Temrach do acht co ti de intreide sin FINIT.
Nous n’essayons pas de cacher, par un badigeonnage artificiel, la barbarie occasionnelle de nos prédécesseurs, mais nous ne l’exagérons pas non plus et la comparons à d’autres pour la relativiser.
Nous utilisons l’archéologie, la vraie, l’histoire réelle, la mythologie authentique. Si les progrès de la recherche historique contredisent un jour certaines de nos conceptions, alors nous les modifierons en conséquence.
Dans notre communauté, nous croyons aussi que l’esthétique et l’art sont importants. Nous ne sommes pas iconoclastes. Les manifestations du Divin ont droit au meilleur de ce que nous pouvons donner. Nous pensons qu’une bonne formation, alliée à l’exercice des fonctions d’un vrai clergé (répondre au besoin de marquer les différents temps forts de la vie d’un humain, de sa naissance à sa mort), est une chose vitale pour toute communauté saine et en pleine croissance. Nous essayons donc dans ce dessein de mettre sur pied tout un programme de formation des très-sachants de la druidiaction (druidecht), aussi difficile que ce qui a déjà été fait en ce domaine par les religions de masse, mais supérieur en résultats.
À la différence de beaucoup d’autres communautés, nous n’avons pas d’initiation « instantanée ».
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Nous ne laissons pas non plus entendre que tout dagolitos ou fidèle de notre famille spirituelle a vocation d’appartenir à son clergé. Nous pensons au contraire que la majorité de nos dagolitoi (fidèles) doit rester laïque.
Nous attendons cependant de chacun qu’il honore les dieux et les déesses, ou fées si l’on préfère ce terme, à sa façon. Croître en spiritualité n’est pas réservé au seul clergé !
Tout être humain a besoin de comprendre la nature, la sienne et celle du Divin.
Nous pensons néanmoins que la puissance liturgique implique de solides études ou des recherches approfondies (en histoire et en mythologie), un art accompli, un clergé vraiment compétent et désintéressé, des volontaires prêts, désireux de canaliser toutes ces énergies divines en l’homme, et capables de le faire ; tout cela est absolument nécessaire à l’animation des puissantes cérémonies religieuses dont nous avons si désespérément besoin pour relier les hommes au divin qui les entoure et donc entre eux.
Cette insistance sur le meilleur en tant qu’objectif nous rend à la fois uniques et controversés. Même si certaines personnes affirment qu’une telle insistance n’est pas démocratique, nous continuons à croire que l’immanence divine qui nous imprègne fait que tout un chacun a en lui quelque chose en quoi il excelle. Il suffit d’entrer en contact avec les figures divines adéquates en notre for intérieur, et de canaliser leur pouvoir créateur.
Notre devise : « Croître à la vitesse d’un chêne » rappelle que toute quête de la perfection prend du temps.
Deuxième dogme de notre groupe : la faillibilité du Primat qui n’est qu’un homme. Personne chez nous, pas même le premier d’entre nous, n’a de réponse à tout. Nous n’affirmons nullement avoir recueilli une « authentique » tradition ininterrompue venue du passé, nous avons même de très sérieux doutes à propos des personnes ou des groupes laissant entendre une telle chose, explicitement ou implicitement.
Ceci nous rend plus libres, notamment d’évoluer à l’intérieur de nos structures, en adaptant nos thèmes de réflexion aux nécessités du moment ou des générations à venir.
Nous sommes ainsi aptes à procéder à toutes les corrections nécessaires, voire même à faire marche arrière dans certains cas (ce que nous avons déjà fait plus d’une fois).
Tout membre a le droit et le devoir de participer à ce processus d’évolution permanente, à cette aventure spirituelle. Les néopaïens ont besoin de cultes où communier, d’enseignants, de conseils, de soins spirituels.
Ce rêve, cet idéal, est très différent de celui de la plupart des groupes actuels qui préfèrent fonctionner en petits cercles folkloriques fermés.
Or nous avons quelque chose d’unique et de merveilleux à partager avec tous les autres hommes.
Si nous pouvons attirer à nous comme un aimant, assez de bénévoles prêts à consacrer leur temps libre, leur énergie ou de l’argent, à ces objectifs, alors notre rêve pourra se réaliser. Devenez acteur de votre avenir.
Nous pouvons encore réenchanter le monde. Si ce rêve vous interpelle quelque part au fond de vous-même, alors partagez-le avec nous, avec vos amis, avec votre famille. Être membre de notre communauté signifie soutenir à fond ce travail, cette marche en direction de notre rêve. Ensemble nous pouvons le réaliser. Mais il nous faut pour cela des « conjurés » ou des « conspirateurs », en plus grand nombre.
CE À QUOI NOUS CROYONS.
Il y a beaucoup de dénominations (ou « traditions ») différentes à l’intérieur de la communauté néo-druidique. Nous partageons avec la majorité des autres traditions néopaïennes les croyances suivantes.
Mais ainsi que l’a jadis déclaré le grand seigneur celte nommé Indutiomaros (cité par Cicéron dans son pro M. Fonteio Oratio) : « Croire est une chose, savoir en est une autre ».
Nous croyons donc, mais tout en acceptant les aspects positifs de la science ou de la technologie.
Nous croyons que la divinité est à la fois immanente (interne) et transcendante (externe).
Le Divin peut se manifester en n’importe quel point ogham (eabadh) de l’espace et du temps (lle bo cydbwys pob gwrth en gallois), y compris en chaque être humain (inspiration, fureur divine, et autres).
Nous croyons que le Divin peut se manifester aussi bien sous une forme masculine que sous une forme féminine, et que le mot « déesse » ou « fée » a autant de valeur que le vocable « dieu ». Hommes et femmes sont spirituellement égaux, et les attitudes, valeurs ou rôles dits « féminins » ou « masculins », sont également importants.
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Nous croyons en une grande multiplicité de manifestations possibles du Divin (nous baignons dans un océan de divinité) dont la plupart (certains même disent toutes) sont dignes de respect ou de confiance et méritent un culte 1). Les croyances les plus diverses quant à leur nature existent. Nous croyons qu’il est nécessaire d’avoir amour et respect pour la Nature, de nous accepter nous-mêmes comme partie intégrante de cette nature, et de ne pas nous vouloir ses « maîtres ». Nous croyons que les organisations religieuses monolâtres, les religions de masse, les messies et autres papes, prophètes, ou supergourous, freinent l’évolution spirituelle de l’Humanité au lieu de l’accélérer. Nous croyons que les religions doivent avoir un minimum de dogmes et un maximum de pluralisme ou de souplesse.
Le druidisme néopaïen que nous pratiquons est une religion organique. Comme tout organisme vivant, il croîtra, évoluera, et produira de nouvelles branches ; à mesure que passeront les années. En ce domaine nous l’avons déjà dit, notre devise est : « Croître à la vitesse d’un chêne ».
Nous croyons qu’éthique ou déontologie doivent être fondées sur la volonté a priori de ne pas nuire à autrui, le souci du bien commun, le respect mutuel.
Il faut concilier le besoin d’autonomie et de développement personnel ainsi que la nécessité de faire attention à l’impact que chacune de nos actions peut avoir sur la vie et le bien-être des autres.
L’échelon inférieur de la pyramide de Maslow est un fait, il serait fou de l’ignorer, surtout quand on est responsable politique au pouvoir ; mais
nous croyons aussi que l’Homme est fait pour mener une existence remplie d’amitié, d’amour, de plaisir, de beauté, mais aussi de grandeur. La plupart des nôtres aiment la bonne chère, les boissons (sans excès sauf exception), la musique, certaines chansons ou certaines œuvres d’art, sans oublier la sieste, le farniente, les loisirs.
Nos dieux étant parfaitement capables de défendre eux-mêmes leur honneur (comment un simple mortel pourrait-il offenser une divinité ?) nous n’avons donc pas besoin de punir qui que ce soit pour « blasphème » ou « hérésie ».
Nous croyons qu’avec une formation suffisante, l’art et la discipline requis, ainsi que les intentions appropriées ; l’esprit ou le cœur de l’Homme est parfaitement capable d’accomplir la plupart des « miracles » dont il a besoin.
Combien de puits d’écoles ou de dispensaires pourrait-on construire avec ce que coûtent toutes les armes (chars bombes, etc.) qui finissent chaque jour en fumées entre les mains de nos amis ou de nos ennemis (ce sont d’ailleurs souvent les mêmes) ? Quelle folie !
Nous croyons que l’Homme est capable de résoudre ses problèmes actuels, individuels ou collectifs, et de construire un monde meilleur.
Cette vision, utopique certes, mais tempérée par un solide bon sens néanmoins, nous guide dans la voie de la décroissance durable et de l’équilibre, individuel ou collectif. « Un pwndyd, sef y bydd lie bo cydbwys pob gwrth ».
Magie et miracles dépendent de la conception que l’on se fait de nos dons naturels (naturels ou accordés par les dieux).
Rites et rituels sont aussi un art. Nos célébrations cultuelles ont évolué en fonction des recherches destinées à les rendre plus satisfaisantes sur le plan intellectuel, plus belles sur le plan artistique, plus puissantes sur le plan spirituel ; et enfin les plus opératives possibles dans nos âmes, nos esprits, ou nos corps 2).
Nous pensons qu’il est important de célébrer les cycles solaires, lunaires, et tous les autres cycles de la vie.
Ces cycles sont des faits communs à toute l’Humanité, tout comme les diverses cérémonies connues sous le nom de « rites de passage » : naissance, puberté, fiançailles ou mariage, entrée dans les ordres, décès…
Ces divers rites et rituels nous aident à nous situer dans l’espace et le temps.
Nous croyons en une sorte d’après-vie, fondée sur le modèle traditionnel des spiritualités d’avant l’avènement des religions de masse : repos et récupération dans une « Terre de Jeunesse » avant passage à une étape supérieure, la dissolution de notre identité dans le Grand Tout appelé Pariollon 3).
Nous croyons que l’Homme peut aller très loin dans l’accomplissement de son évolution et de son équilibre personnel, grâce à la modification soigneusement contrôlée de ses états « normaux » de conscience.
Pour cela, nous utilisons à la fois les méthodes anciennes et modernes de concentration, méditation, ou extase. Nous croyons que l’interdépendance de tous nous oblige à servir la Communauté.
Certains d’entre nous militent donc dans des partis, des organismes sociaux, des associations écologiques ou caritatives, alors que d’autres préfèrent travailler au bien public par des moyens
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uniquement spirituels. Beaucoup d’entre nous mènent d’ailleurs de front ces deux ver sacrum (combats).
Nous croyons enfin que si nous prétendons atteindre ces objectifs, nous devons déjà nous-mêmes pratiquer ce que nous prêchons. Le néo-druidisme comme toute autre spiritualité, doit aussi être un mode de vie (celui de la décroissance durable par exemple), pas simplement une fonction sociale hebdomadaire ou mensuelle.
Nous devons donc nous efforcer de rendre notre vie quotidienne conforme aux vérités (à la foi) que nous proclamons urbi et orbi 4).
D’après notre ami I. BONEWITS : AR NDRAIOCHT FEIN. Adaptation Pierre de La Crau.
NOTES DE LA RÉDACTION.
1. Le plus important de tous ces aspects de la divinité, celui que l’on adore sans le nommer, un peu comme dans le cas du El Elyon de la Bible, étant évidemment l’Être supérieur les transcendant et les synthétisant tous. Nous croyons donc en un seul Dieu (un seul Dieu et non un seul Démiurge), en plusieurs personnes ou hypostases (3, 5, 15, 20, etc.) : en bref les dieux et les déesses, ou fées si l’on préfère ce terme, avec une minuscule. Ce que certains d’entre nous désignent par l’appellation compliquée de « sainte poly-unité ».
2. Il ne faut pas oublier l’enseignement de notre vieux maître à tous, John Toland. Le druidisme ne doit pas être une superstition de plus, il doit être compatible avec l’esprit scientifique. La Raison est une « déesse » (une de plus) qui doit, elle aussi, avoir son culte.
3. Il existe aussi d’autres hypothèses à propos de la vie après la vie. L’hypothèse spiritualiste n’en est qu’une parmi d’autres. Dans notre groupe, la question n’a toujours pas été tranchée.
4. C’est-à-dire notamment ne pas mentir*, ne pas médire, ne pas calomnier, ne pas tricher, ne pas voler ou usurper ; ne pas prendre l’initiative de nuire à autrui alors qu’il ne vous a rien fait ; respecter sa parole et ses compagnons de lutte, ne pas les laisser seuls dans les difficultés ou les épreuves ; en les abandonnant aux moments critiques, et ainsi de suite. Ce qui est loin d’être toujours le cas dans la mouvance néo-druidique actuelle, hélas !
SINN FÉIN ! (Fin de notre plaidoirie.)
* Nous ne sommes d’accord qu’avec deux types de taqiya (ou kirman). La taqiya strictement défensive (en cas de persécution, en cas de risques graves pour sa vie, ou ses biens légitimement acquis). La taqiya en cas de guerre. Mais à condition de la considérer comme une simple tactique n’ayant rien à voir avec les dieux ou la religion. Dieu est assez grand pour ne pas avoir besoin de recourir au mensonge même par le bien d’un simple kirman afin de se défendre ou triompher. Nous condamnons donc formellement toute taqiya simplement destinée à étendre le rayonnement ou domaine d’application de sa religion. Serait-ce en la personne de ses co-religionnaires.
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BRÈVE HISTOIRE DU DRUIDISME ET DE l’OLLOTOUTA.
LA PRÉHISTOIRE.
Principaux repères.
Sciences et philosophie des îles d’Hyperborée ou du nord du Monde (assez mythiques). Thulé, Abalum (confusion due à Pline ?) Ogygie (confusion due à O’Flaherty) et Gorre. Une réminiscence des origines nordiques d’une des deux composantes de la civilisation indo-européenne ?
L’ancien Druidisme classique et ses témoignages strictement historiques. Le dernier druide de la Cour du roi suprême d’Irlande Domnall mac Muirchertach Ua Néill (O’Neill) roi d’Ailech de 943 à 980 et Ard ri Érenn de 956 à 980 (mort chrétien après avoir été baptisé).
Du moins c’est ce que l’on peut déduire de l’existence encore à l’époque, dans le répertoire des grands « poètes » irlandais, de l’imbas forosnai du teinm loida et du dichetal do chennaib, pourtant interdits par saint Patrice (cf. l’histoire du pillage du château de Maelmilscothach par Errard Mac Coisé, un poète ayant vécu au Xe siècle).
À la mort du dernier de ces grands druides donc, ses disciples persécutés passent la mer pour se réfugier en face au Pays de Galles, où sont déjà installés de nombreux Irlandais (du côté des monts Snowdon notamment). Enfin peut-être. Le dernier royaume païen de Grande-Bretagne semble plutôt avoir été celui de la jeunesse de Merlin, le royaume du Galloway dirigé par un certain Gwenddolau défait en 573 à la bataille d’Arfderydd. La fin d’un monde !
Divers auteurs dont V. Kruta pensent que les Ordovices et les Silures du futur Pays de Galles entrèrent en dissidence assez rapidement après une brève période d’occupation romaine du temps de l’empereur Claude ; de sorte que leur soumission à l’administration romaine ne fut jamais bien établie.
N’oublions pas qu’ils avaient toujours été en quelque sorte la base arrière de la résistance druidique et celtique ; puisque c’est dans leur pays que se situait le grand centre druidique international de Mona (Anglesey) dont la population fut déportée par Suetonius Paulinus en 58 de notre ère.
Après la débâcle romaine, les Irlandais fondèrent de nombreux royaumes en Venedotia (Gwynnedd) et en Dervetia (Dyfed) entre 250 et 550.
Cette présence est attestée en archéologie par des inscriptions oghamiques.
La langue gaélique s’implanta donc ici et là dans le futur Pays de Galles, mais cet apport irlandais prit fin au IXe siècle après la chute de Dublin devant les armées vikings.
Les royaumes irlandais furent alors peu à peu assimilés par les « Combroges » autrement dit par les Cymri (les Gallois).
Période dite aussi période de décadence du druidisme, caractérisée par la perte de conscience et l’émiettement, ou fragmentation par amalgame, avec toutes sortes d’autres traditions étrangères, notamment chrétiennes.
Les lointains héritiers, adultérins et bâtards, des anciens très-sachants de la druidiaction (druidecht), ne savaient même plus qu’en écrivant ceci ou cela, ils perpétuaient des fragments d’antiques traditions païennes. Ils étaient chrétiens et fiers de l’être. Mélanger Bible et morceaux de la mosaïque celtique était leur pain quotidien.
Clairière ou bosquet Cor Emrys du Pays de Galles puis Clairière ou bosquet Mount Haemus d’Oxford (John Aubrey) ?????? Des cercles de poètes disparus ou d’amateurs éclairés plutôt qu’autre chose peut-être ?
Dans quelle mesure ces très-sachants de la druidiaction (druidecht) du Moyen-âge étaient-ils les héritiers de leurs homonymes du temps de la grande Celtie libre et indépendante ?
Deux exemples pour répondre à cette question.
Premier exemple.
Un enfant ressemble à ses parents. Une petite-fille ressemble à sa grand-mère. Un arrière-petit-fils peut aussi ressembler encore à son aïeule, mais quelle différence il peut y avoir entre les deux ! L’arrière-grand-mère était petite, brune, aux yeux marron *, l’arrière-petit-fils, lui, est grand, blond, aux yeux bleus. Il peut même ne pas parler la même langue ou avoir une couleur de peau légèrement différente. Et ne parlons pas des naissances illégitimes. Dans ce cas, il ne porte même plus le nom de son ancêtre et, pourtant, il en est quand même l’héritier.
* Une octavonne par exemple, car les antiracistes oublient toujours que 7 des arrière-grands-parents sur 8 d’un octavon étaient des non existants blancs. Drôle de démocratie ! Et que le créole est un
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Français ou Espagnol non existant blanc (né aux colonies. De l’espagnol criollo). Octavon célèbre en France : Alexandre Dumas fils. La dame aux camélias.
Deuxième exemple.
Il existe en France un pèlerinage vraiment singulier, celui des Gitans aux Saintes-Maries-de-la-Mer.
À l’origine le pèlerinage des Saintes-Maries-de-la-Mer était un pèlerinage druidique. Le prêtre catholique qui célèbre aujourd’hui la messe de ce pèlerinage pour les Gitans du monde entier, a-t-il conscience d’agir ainsi en tant que successeur des très-sachants de la druidiaction (druidecht) antiques du temps de Boadicée ?
Bien sûr que non !
Il agit en tant que successeur de ses ancêtres les très-sachants de la druidiaction (druidecht), mais il n’en a pas conscience, c’est un bon chrétien.
Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) du XVIe siècle sont donc en quelque sorte des orphelins ou des enfants abandonnés à la recherche de leurs parents disparus. Druidisant est d’ailleurs un mot qui serait peut-être plus juste que celui de druide pour désigner nos ancêtres spirituels de cette époque ; mais cette poignée de druidisants, par son amour du druidisme, a peu à peu réussi à s’en rapprocher ; en rassemblant à son sujet des connaissances de plus en plus précises, et en s’affranchissant petit à petit de la religiosité chrétienne ambiante de l’époque.
VOILÀ DANS QUELLE MESURE LES DRUIDES DU XVIe SIÈCLE (ET DU XXIe) DESCENDENT DES DRUIDES D’IL Y A 2150 ANS.
LES NOUVEAUX DRUIDES.
En 1726 Pierre des Maizeaux (écrivain huguenot français exilé à Londres, disciple de Pierre Bayle, auteur, traducteur ou éditeur de nombreux ouvrages), rendit possible de sauver de la décadence ce qui restait du druidisme, en publiant les œuvres complètes de son ami Jean Toland (1670- 1722) en ce domaine.
La vie ayant peu à peu éloigné Jean Toland de son catholicisme originel, cet irlandais de souche avait commencé à rassembler patiemment et petit à petit les différents morceaux de ce jeu de patience ; dissimulés ici et là dans les contes et légendes d’Irlande, dans les livres d’histoire, dans les écrits des auteurs grecs de l’Antiquité ; (d’où les fameux « eubages », qui ne sont en réalité qu’une déformation typiquement « grecque » du mot « vate » après toute une cascade de retranscriptions) ; dans certaines traditions du christianisme populaire, et ainsi de suite.
Cette réforme in extremis du druidisme se développa d’abord essentiellement dans le pays d’adoption de John Toland (avec le Druid Order fondé en 1717).
C’est notamment à Jean Toland rendu célèbre par Pierre des Maizeaux que nous devons donc notre approche rationnelle et positive du problème des initiations. Car, rappelons-le, comme nous l’a bien démontré, définitivement, Jean Toland, l’initiation ne confère aucun pouvoir magique mystérieux ou surnaturel. On sort d’une initiation exactement comme on y était entré. On est après une initiation exactement dans le même état que deux minutes auparavant.
L’initiation n’a que trois buts.
1. Éprouver les caractères et les qualités (santé physique et mentale, etc.) pour voir s’ils sont suffisants (on dirait aujourd’hui examen médical ou épreuves).
2. Vérifier les connaissances, dans quelle mesure l’enseignement donné a été retenu (on parlerait aujourd’hui de maîtrise de philosophie).
3. Donner une occasion de réfléchir sur les grands problèmes de toute vie (sens de la mort, engagement, jusqu’où peut-on aller… ?)
Ce que les chrétiens appellent une retraite si notre mémoire est bonne.
Et c’est tout !
Il n’y a rien de magique, de mystérieux, ou de surnaturel, dans tout cela. Répétons-le avec Jean Toland !
Jean Toland, né catholique, ayant vécu en libre-penseur comme Pierre des Maizeaux *, mourut en vrai druide, en druide conscient de l’être puisqu’il refusa l’assistance des ministres du culte chrétiens d’après son ami Pierre des Maizeaux.
QUESTIONS : COMBIEN ÊTES-VOUS DANS VOTRE GROUPE ET COMBIEN Y-EN-A-T-IL DANS LE MONDE ?
La double appartenance est un phénomène historique bien connu auquel se prêtent particulièrement
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bien les paganismes en général et le druidisme en particulier. Il n’y a problème que lorsqu’une des
religions en cause est une monolâtrie intolérante (pléonasme dit mon correcteur).
Le polythéisme étant par définition tolérant, non exclusif, et admettant également par définition la
validité de toutes sortes d’autres cultes, contrairement aux monolâtries caractéristiques des actuelles
religions de masse, aucun autre culte aucun autre dieu (agnostos theos/sive deus sive dea) ne saurait
complètement répugner au vrai druidisant. Le vrai druidisant s’efforce toujours au contraire au plus
complet irénisme vis-à-vis des autres cultes. Cette attitude d’ouverture intellectuelle comparable à une
laïcité ouverte en matière politique aboutit souvent à une sorte de double appartenance en ce qui
concerne le druidisant de base. C’est d’ailleurs ce qu’a très précisément prôné John Toland pour ses
panthéistes (dans son pantheisticon) d’ailleurs, mais pour d’autres raisons il est vrai (la crainte des
persécutions). Une double appartenance, à laquelle se prêtent particulièrement bien les paganismes
en général et le druidisme en particulier. Il n’y a problème que lorsqu’une des religions en cause est
une monolâtrie exclusive.
Quelques exemples historiques.
— Double appartenance libre. Certains juifs du 1er siècle de notre ère étaient aussi chrétiens. Les
livres d’histoire les appellent d’ailleurs judéo-chrétiens.
— Double appartenance forcée (sous peine d’exil). Certains juifs espagnols du 16e siècle, les
marranes, étaient à la fois juifs (en cachette à la maison) et catholiques le dimanche à la messe.
— Double appartenance « forcée ». L’islam autorise ses fidèles à afficher tous les signes extérieurs de la conformité religieuse dominante s’ils ont des raisons de craindre pour leur vie. C’est le principe dit de la taqiyya (sourates 3.28,16.106). Historiquement surtout pratiqué par les chiites vivant sous
domination sunnite, mais des sunnites peuvent également y avoir recours comme dans le cas des
morisques toujours en Espagne. Arthur de Gobineau, en 1865, dans son ouvrage Les Religions et les
philosophies, semble être un des premiers auteurs occidentaux à décrire le principe de cette
dissimulation religieuse.
— Double appartenance semi-libre. Beaucoup d’Islandais du 11e siècle étaient officiellement chrétiens
dans leurs relations extérieures ou dans leurs affaires avec des pays étrangers, mais restaient païens
en privé ou dans leurs foyers (décision du godi Thorgeir Thorkelsson).
— Double appartenance totalement libre.
La cohabitation du bouddhisme et du shintoïsme au Japon depuis le VIIIe siècle est un excellent
exemple de cette double observance toujours observable aujourd’hui, et elle a même un nom :
shinboutsou shugo. Suivant les circonstances le Japonais moyen est donc soit bouddhiste soit
shintoïste. Dans les faits, la plupart des Japonais fêtent les mariages et les naissances suivant les
rites shintoïstes et les funérailles suivant les rites bouddhistes. Au Japon de nombreux temples
bouddhistes ont dans leur enceinte un espace dédié aux kamis, quand les kamis ne sont pas eux-
mêmes considérés comme des émanations des différents bouddhas et bodhisattvas.
— Double appartenance totalement libre. Certains druidisants actuels, mais il n’y a pas de nom en
vieux celtique pour désigner ce genre de pratiques religieuses. Évidemment !
* Des opinions philosophiques de Pierre des Maizeaux nous savons peu de choses en réalité, à part qu’il semble adhérer au courant philosophique déiste ou libre penseur dès 1699 et qu’en 1700 ses audaces de plumes effrayèrent Jacques BERNARD qui censura ses comptes-rendus dans les Nouvelles de la République des Lettres).
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LES RITUELS.
« L’homme ne vit pas que de pain, il vit aussi de rituels ! » « L’instinct le plus profond, peut-être, des races celtiques, c’est le désir de pénétrer l’inconnu » (Ernest Renan).
Ce n’est pas nous qui, du jour au lendemain, allons donner, instantanément, ou par correspondance, la solution aux grands mystères de la Vie ou du Divin.
L’Ollotouta druidique n’étant pas une société secrète ou à mystères, mais une association ayant une histoire, des buts, des responsables, on peut ici en dire deux mots.
Il va de soi que l’Ollotouta druidique ne prétend et n’a jamais prétendu se prévaloir d’une quelconque filiation directe avec les anciens très-sachants de la druidiaction (druidecht). Nous laissons cette imposture à d’autres. Historiquement parlant, une telle filiation directe serait impossible. Après la conquête romaine, le druidisme d’origine a rapidement dégénéré puis, pour finir, s’est fondu dans le christianisme médiéval.
La bataille d’Arfderydd, où les chrétiens (Gwrgi et Peredur, fils d’Eliffer) de Rhydderch Hael (Ryderc, Ryderch, Rodarcus, Roderc, Rederech, Ridiarcus) roi de Rheged et du Strathclyde (capitale Alclut, actuellement Dumbarton) ; ont massacré les derniers païens de Gwenddolau fils de Ceidio, prince de Longtown dans le Cumberland, et mécène de Merlin, en 573 ; a en effet sonné le glas des derniers druides indépendants du christianisme, dans cette partie du monde.
Il faut donc avoir l’honnêteté de reconnaître qu’il s’est produit un hiatus, une solution de continuité inconciliable avec un héritage spirituel intact. Plutôt que de s’accrocher à une hypothétique filiation de druide à druide, depuis l’époque de la grande Celtie libre et indépendante jusqu’à aujourd’hui, mieux vaut simplement présumer une succession de disparitions/renaissances. Disparition à chaque fois qu’un druide mourait ou qu’un groupe de païens était dénoncé aux chrétiens au pouvoir (l’empereur ou les saints Martin de tout poil)… Renaissance chaque fois qu’un simple dagolitos reprenait le flambeau et organisait de nouveau des cérémonies genre eisteddfodau (assimilées bien entendu à des « sabbats ») d’après ses souvenirs ou ceux de ses proches.
Aucun document écrit n’a été découvert, faisant état de la doctrine druidique, permettant de présumer de façon certaine de la ligne philosophique de base des croyances religieuses des sociétés celtiques. Les fameuses triades bardiques de l’île de [Grande] Bretagne sont un faux dû à Édouard Williams dit Iolo Morgannwg. Certains font observer que les Celtes insulaires bénéficièrent d’une situation sensiblement différente, malgré une occupation romaine du pays de trois siècles, mais limitée dans l’espace, puisqu’excluant le nord de l’Écosse et l’Irlande.
Les spécialistes ont souligné la relative jeunesse de certains textes et ont montré que la symbolique usitée au cours de diverses cérémonies était sans précédent historique antique, prouvé. Que dire en effet de l’anachronisme consistant à brandir l’épée d’Arthur, personnage plus ou moins controversé, mais, en tout cas plus jeune d’au moins cinq siècles, dans la meilleure des hypothèses, relativement aux rituels de l’Antiquité ?
Arthur serait né vers 470/475 et serait originaire du Pays de Galles, ou de l’ouest de l’Angleterre ou encore du sud de l’Écosse (Arthwys mab Mar ?) ; mais l’emplacement exact de sa cour, connue sous le nom de Camelot, reste un mystère. Il aurait repoussé l’invasion des Saxons au début du VIe siècle bien qu’il n’ait jamais été couronné roi. En effet, la chronique de Nennius (IXe siècle) le désigne seulement comme étant un dux bellorum (chef de guerre) combattant « avec les rois bretons ». Et les textes médiévaux en gallois ne lui donnent jamais le titre de roi, mais l’appellent amerauder (« empereur »). Certains en font un grand propriétaire terrien romanisé s’étant constitué, comme c’était alors courant à l’époque, sa propre troupe de buccellaires (étymologiquement : mangeur de biscuit. Désigne le membre d’une milice privée nourri par son maître d’un pain de la meilleure qualité. À la fin du VIe siècle, militaires au service personnel d’un général, regroupés dans un corps spécifique). Puis ayant prêté main-forte aux rois bretons contre les Saxons. Dès le IVe siècle en effet, les corps de buccellaires étaient constitués majoritairement de cavaliers.
LEUR HISTOIRE EN GRANDE-BRETAGNE.
Ce n’est que vers 1861 que le barde gallois William ab Ithel (1811-1862) publia, en langue anglaise, la traduction des triades théologiques du livre du bardisme (Barddas) ; une contrefaçon rassemblant diverses forgeries de toutes pièces dues à la plume du faussaire de génie que fut Edward Williams, né
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en 1747 dans le Glamorganshire, mort en 1826. Ouvrier maçon, il est, sous le nom d’Iolo Morgannwg, le véritable fondateur de l’actuelle Gorsedd Beird Ynis Prydain.
Selon certains spécialistes, cette œuvre trouverait sa source, non dans les Triades historiques, remontant au XIIe et au XIIIe siècle, minutieusement étudiées par Rachel Bromwich, mais dans la compilation de systèmes philosophiques asiatiques. La langue employée pour ces triades théologiques est en tout cas celle du XVIIIe siècle, mais il est vrai que certains mots qui ont été utilisés dans ce texte ressortissent à l’ancien gallois. Les matériaux réunis l’auraient été par le copiste collecteur Edward Davydd de Margam (à Raglan), et, toujours selon les mêmes philologues, à une époque ne remontant pas au-delà du milieu du XVIe siècle.
D’après Iolo Morgannwg, il se serait agi des préceptes de la sagesse druidique antique. En réalité, rien ne vient à l’appui de cette thèse, et divers points concrets la réfutent à l’intérieur même du recueil.
En outre divers mots gallois utilisés par Morgannwg Williams sont empreints d’un contenu religieux conforme à la terminologie méthodiste galloise, ce dont il ne s’est pas aperçu, semble-t-il. De toute façon, la mise par écrit des véritables triades galloises, œuvre des moines copistes de Llancarvan ; ainsi que l’a démontré Rachel Bromwich, avait déjà été l’occasion, pour ces derniers, d’altérer profondément l’esprit et même la lettre de ce qui leur paraissait avoir été les bases d’une religion concurrente.
L’hermétisme de certaines formules provient d’ailleurs, semble-t-il, d’une traduction erronée, eu égard à l’évolution de la langue et à la méconnaissance profonde de l’âme antique, ou du mécanisme intellectuel qui en découlait.
Dix siècles, au mieux, séparent les concepteurs et les scribes ! Pour se faire une opinion, il n’est que d’observer la prodigieuse évolution d’une langue et des façons de voir ou concevoir la vie en cinquante petites années. La nation française, qui a été une grande nation, s’est par exemple suicidée en cinquante ans d’après le chroniqueur parisien Éric Zemmour. Notre avis personnel étant qu’elle a connu son apogée indubitablement entre 1914 et 1962. Ou 1970. Après trop de gens y sont venus après s’être demandé non pas ce qu’ils pouvaient faire pour la France, mais ce que la France pouvait faire pour eux. Bref du Kennedy, MAIS À L’ENVERS ! Pour en profiter et non par amour de la France de Napoléon Lafayette ou Jeanne d’Arc, de sa langue (de ses langues d’ailleurs si l’on considère que l’occitan et le catalan font partie du même ensemble gallo-roman, auquel on peut rajouter le breton pour ce qui est de la racine gallo du gallo-roman) de ses fromages (365 d’après le chapitre 97 du livre XI de l’Histoire naturelle de Pline), de son coq à la bière, de ses costumes régionaux, de son histoire enfin (QUI NE COMMENCE PAS EN 1789 NI EN 1848 NI AVEC VOUS CHER LECTEUR), mais en 486 à Soissons avec Clovis (et la fin de la Gaule Romaine de Syagrius).
NB. Pour ce qui est des langues régionales qui font aussi la richesse du patrimoine culturel français il faut rajouter le Corse (ah les Muvrini) le franco-provençal à Lyon en Savoie ou en Suisse, et enfin l’Alsace pour ce qui est du patrimoine culinaire (choucroute, tarte flambée, vins), architectural (ses maisons à colombage), vestimentaire (costume alsacien FÉMININ).
Les Triades galloises authentiques (en gallois Trioedd Ynys Prydein, ce qui signifie littéralement « Triades de l’île de [Grande] Bretagne ») sont un groupe de textes figurant dans des manuscrits médiévaux, dans lesquels sont conservés des fragments de culture galloise ancienne relatifs aux Mabinogion, aux héros de légendes comme Culhwch et Olwen, ainsi qu’aux anciennes généalogies, ou aux traditions concernant des personnages historiques comme Macsen Wledig, Vortigern, etc. Il s’agit de listes de personnages groupés par trois selon une caractéristique commune (exemple les trois beaux princes de l’île de Bretagne : Owain mab Urien, Rhun mab Maelgwn, Rhufawn mab Dewrarth Wledig, le Radieux).
Selon Rachel Bromwich ces triades dans leur forme actuelle datent au plus tard au IXe siècle, mais leur origine pourrait remonter aux VIe-VIIe siècle. Il semble que ces triades soient nées chez les poètes gallois de l’époque en tant que procédé mnémotechnique (un regroupement par thème) pour se rappeler les récits historiques et semi-historiques ou les contes traditionnels. La triade est parfois suivie d’un texte les détaillant ou développant leur légende.
Le plus ancien recueil figure dans le manuscrit N° 16 de la collection de Peniarth, conservé aujourd’hui à la Bibliothèque nationale du Pays de Galles (Llyfrgell Genedlaethol Cymru). On le date du troisième quart du XIIIe siècle et il contient 46 des 86 triades éditées par Rachel Bromwich (sur un total de 96).
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Un autre manuscrit de la collection venant de Peniarth est le N°45 (écrit vers 1275). Il contient notamment le Livre Blanc de Rhydderch (en gallois : Llyfr Gwyn Rhydderch) ainsi que le Livre Rouge de Hergest (en gallois : Llyfr Coch Hergest). Le conte Culhwch ac Olwen comporte ainsi plusieurs autres triades.
Les triades 70 à 80 viennent du manuscrit N° 47 de la collection de Peniarth, les 81 à 86 du Peniarth 50.
Quant aux triades 87 à 96, elles consistent en un mélange d’additions qui apparaissent pour la première fois dans l’un ou l’autre des manuscrits tardifs.
N.B. Iolo Morganwg a réécrit à la fin du XVIIIe siècle plusieurs des triades anciennes dans une forme évoluée, avec introduction de matériau neuf.
LEUR HISTOIRE SUR LE VIEUX CONTINENT.
Grande a été ma surprise en débarquant un peu comme un Américain, à Paris, en 1977, de découvrir qu’il existait aussi sur place un mouvement « druidique » actif.
En 1885 le Russe Henri Lizeray a repris en effet en main l’œuvre de Toland traduite par Pierre des Maizeaux, de Lamartine, et de tous les autres celtomanes de l’époque ; en structurant ce mouvement de renaissance, jusque-là passablement diffus, pour ne pas dire confus, en le « baptisant » Église Druidique et Nationale. La mort d’Henri Lizeray ruina tous ces efforts et le mouvement se désagrégea rapidement.
Une majorité comme Philéas Lebesgue par exemple, continua néanmoins à œuvrer ici et là, en ordre dispersé, mais toujours dans le droit-fil de l’action d’Henri Lizeray. D’autres par contre, s’éloignèrent très rapidement de l’esprit de son œuvre, et fondèrent une multitude de groupuscules qui n’eurent guère de druidiques que le nom.
La liste en est longue.
Dans le cas de Philéas Lebesgue par exemple, il s’agissait du Collège BARDIQUE des Gaules (en 1933), ancêtre de l’actuel Collège des druides, bardes et ovates des Gaules (publication : Ar Gaël) malgré la succession irrégulière ou dans des conditions douteuses, de Paul Bouchet.
Ce qui est possible, tout n’ayant pas été perdu, c’est de procéder à une reconstruction du druidisme religieux antique, tout en l’adaptant au monde moderne. Même s’il n’y avait pas eu les Romains et les chrétiens, les druides en ligne directe d’aujourd’hui auraient quand même été très différents de ceux du temps de la grande Celtie libre et indépendante d’Ambicatus.
Qui, par exemple, pourrait soutenir sans rire que le prêtre chrétien d’aujourd’hui a exactement et sur tout les mêmes idées que les premiers apôtres du rabbi Jésus le nazôréen, si ce dernier, d’ailleurs, a bien existé ?
Un christianisme qui aujourd’hui utilise au moins cinq langues différentes : araméen, hébreu, grec, latin, et langue vernaculaire (amen, alléluia, kyrie eleison, et ainsi de suite).
Ceci est d’ailleurs bien normal ! Deux mille ans se sont écoulés depuis, les langues ont changé, les empires se sont écroulés (romain, turc, inca… et la nation française de Lafayette elle-même n’est plus ; qui fut pourtant une grande nation). La science et la technique ont changé… tout a évolué ! Même la taille moyenne des individus.
De nouvelles idéologies dominantes ont remplacé les anciennes. Car il y a toujours une idéologie dominante quelque part, même et surtout dans la tête des intellectuels qui croient (ou prétendent ?) être des esprits libres. N’est pas Pierre des Maizeaux qui veut !
Le mouvement a commencé par ce qu’il est convenu d’appeler la celtomanie : des faux de l’Italien Giovanni Nanni alias Annius de Viterbe parus à Rome en 1497 (il prétend se fonder sur des fragments d’un prêtre de Belus appelé Orose) à l’Astrée d’Honoré d’Urfé en passant par…
Amadis (dernier-né du cycle breton paru en 1508).
Jean Lemaire de Belges (Les illustrations de Troie 1509).
Guillaume Postel (Histoire mémorable depuis le déluge 1552).
Jean Picard, de Toutry (De prisca 1556).
Guillaume Du Bellay (Épitome de l’Antiquité 1556).
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Pierre Ramus (Liber de moribus veterum 1559).
François Hotman (son livre publié à Genève en 1573 et dédié au Premier Électeur du Saint-Empire, duc de Bavière).
Étienne Forcadel (De imperio et philosophia 1579).
Pierre de Ronsard (Discours de l’équité 1584).
Noël Taillepied (Histoire de l’État et de la république des druides 1585).
Sans oublier les contes de fées de Madame de Murat et de Mlle Lhéritier, Paul Pézron (voir son Antiquité de 1703, Dom Jacques Martin (La Religion 1727), l’abbé Jean-Baptiste Dubos (Histoire critique de l’établissement de la monarchie française 1734).
Etc. Etc. Etc.
Depuis le XVIe siècle, c’est-à-dire depuis la diffusion imprimée de la Bible, le christianisme redécouvre peu à peu le judaïsme ou l’Ancien Testament et y revient. Eh bien notre Ancien Testament à nous en l’occurrence dans ce processus, ce sont… les livres d’Histoire.
Certaines traces de la mentalité religieuse de nos ancêtres ont pu survivre jusqu’à nous, tant dans le folklore que l’archéologie ou l’Histoire (sans oublier ses sciences auxiliaires, la toponymie l’étymologie, et ainsi de suite).
Par rapport à ce qui reste à découvrir, le total de renseignements recueillis à propos de cette civilisation antique, reste faible, et ce, malgré de remarquables travaux d’érudition, tels ceux de Stuart Piggott, Kenneth Jackson, Nora K. Chadwick…
Cette lacune n’empêche d’ailleurs pas certains auteurs de publier abondamment sur la question, alors qu’ils ne possèdent même pas les références de base. Les vrais néo-druides, eux, font preuve de beaucoup plus d’humilité et, par voie de conséquence, de sérieux, dans leurs communications.
Le retour total, par reconstruction, à l’ancien druidisme, est une impossibilité, une impasse de l’esprit. Le seul problème est de savoir dans tout cela, ce qu’il faut garder, ce qu’il faut rejeter, ce qu’il faut adapter. Faire le tri, tel est le vrai problème du néo-druidisme actuel.
Nous n’affirmons pas que notre groupe est antique ou remonte à l’ancien druidisme par filiation ininterrompue, même secrète. Nous croyons néanmoins en sa valeur et en son intérêt. Il va de soi que les rituels reconstruits par l’étude de nos « archives » (notes du XVIIIe siècle, livres d’histoire du XVIIe ou du XXIe, mémoire des anciens des diverses tentatives précédentes, folklore…) ne présentent qu’une valeur symbolique ; et qu’ils ne prétendent en aucune façon reproduire quelque chose ayant réellement existé de cette façon, dans les moindres détails. Il s’agit simplement de remettre en honneur, par un certain nombre de gestes, de paroles, et d’attitudes, l’antique patrimoine spirituel historique des peuples de cette Atlantide disparue de nos lointains ancêtres.
Les rituels qui suivent sont le fruit d’une longue histoire, car le druidisme ne s’est pas arrêté d’un seul coup sous les murs d’Alésia sur le Continent ou avec saint Patrice en Irlande. Deux mille ans d’évolution plus ou moins souterraine, depuis la fin de l’indépendance celtique, mais jusqu’à nos jours.
Certains rituels ont totalement disparu, ou sont tombés en désuétude. Le rituel d’élude (d’excommunication, cf. irlandais eludach) par exemple. Si l’on en croit César (BG. Livre VI, chapitre 13) il devait de toute façon être très rare.
« Si quelqu’un, à titre privé ou public, refuse de se plier à leur décision, ils l’interdisent de sacrifice. Cela constitue chez eux la peine la plus lourde. Tout le monde évite et fuit la société ou la conversation de ceux qui ont été ainsi interdits [de sacrifices], et rangés au nombre des impies ou des criminels, comme s’ils craignaient d’être affectés par quelque mal mystérieux à leur contact ; justice ne leur est pas rendue quand ils la réclament, aucune dignité ne leur est plus reconnue »
Seul le rituel de levée (de levée d’excommunication) est parvenu, tant bien que mal d’ailleurs, jusqu’à nous.
On suppose que le rituel d’élude devait ressembler en gros à celui des exécrations dont on a retrouvé les tablettes.
De nouveaux rituels ont par contre été peu à peu élaborés pour répondre à des problèmes inconnus, il y a deux mille ans, mais qui, vu les circonstances, ont fini par se poser de plus en plus ; les rituels de conversion par exemple, qui ont été calqués sur les cérémonies du nom.
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Naturellement, comme tout le monde partageait notre foi, il y a deux mille ans, le problème des conversions ne se posait pas.
C’est autour de l’an mil vraisemblablement et aux Pays de Galles que ce problème a dû se poser. Il a fallu plusieurs siècles de tâtonnements théologiques ou symboliques pour enfin pouvoir y répondre de façon satisfaisante.
Ce nouveau rituel, emprunté visiblement aux nouvelles religions d’alors, a été intégré aux diverses cérémonies du nom qui existaient déjà. D’autres rituels enfin ont bien survécu jusqu’à nous, mais profondément remaniés à diverses reprises au cours des siècles et enrichis d’apports ultérieurs, plus récents de plusieurs centaines d’années ; d’où divers anachronismes destinés visiblement à répondre à ces nouveaux défis suscités par la cohabitation avec le totalitarisme chrétien. Moyen-âge et XVIIIe siècle ont donc été des périodes d’intense création dans le domaine des rituels. L’œil averti aura donc vite fait de repérer dans nos rituels, ce qui ne date pas de La Tène, il y a deux mille cinq cents ans, mais de ces périodes. Les apports du XXe siècle, eux, se trahissent en général par leur trop grande qualité historique. S’il n’y avait eu que la tradition, il y aurait eu beaucoup plus de contradictions ou de flou. Il s’agit en réalité vraisemblablement d’hypercorrections d’historiens celtisants, amoureux de notre cause, introduites par eux dans nos manuels (auraicept) pour y remplacer des passages obscurs ou devenus incompris.
Le vocabulaire lui aussi reflète bien les différentes strates d’évolution au cours des siècles (Celtie libre et indépendante, conquête romaine, Moyen-âge chrétien, XIXe siècle nationaliste, athée ou de gauche).
Le vocabulaire de départ est bien entendu le vieux celtique.
La conquête romaine et l’éviction du celte par le latin nous ont valu bien sûr, une irruption massive de termes latins, en remplacement des termes celtiques tombés en désuétude. La traduction des poèmes du celte en latin puis du latin en langue vernaculaire, est d’ailleurs l’explication de bien des bizarreries ou maladresses de certains de nos rituels.
Il y a eu soit erreur de traduction, soit mauvaise traduction, soit glissement de sens.
Prenons un exemple pour illustrer notre propos.
Nos rituels parlent souvent d’Huissier, d’Enquêteur ou d’Inquisiteur.
On peut évidemment trouver contestable l’emploi de ces termes, d’origine latine, comme une grande partie de notre vocabulaire d’ailleurs
En Irlande, nos textes parlent plutôt de dorsaide (Dorosaiiados en vieux celtique) c’est-à-dire littéralement de « druide portier ». L’expression n’est pas très heureuse non plus ! Il s’agit d’une sorte d’huissier chargé de renseigner le roi sur ceux qui arrivent chez lui. Ce type de druide était le responsable des portes de la forteresse et il lui incombait, non pas d’agir, mais de renseigner le roi sur tous ceux qui, très-sachants de la druidiaction (druidecht), guerriers ou artisans, voulaient pénétrer chez lui.
Le roi était doté d’un bras d’argent et son huissier avait un œil, nous apprend l’introduction du récit gaélique intitulé « La Mort des Enfants de Tuireann » (Oidhe Chloinne Tuireann) où l’on retrouve ainsi le vieux thème indo-européen du borgne et du manchot.
Dans le récit gaélique de l’Ivresse des Ulates (Mesca Ulad), ces huissiers, qui sont deux, s’appellent Crom Deroil et Crom Darail, c’étaient des disciples du druide Cathbad/Catubatuos.
Le portier, dorsaides en gaélique, est donc, mais en beaucoup plus digne, l’équivalent celtique du nomenclator latin, ce secrétaire à la mémoire infaillible qui, sur la voie publique, soufflait au riche patricien romain les noms qu’il pouvait avoir oubliés. La différence est dans le niveau de la fonction : le dorsaide est un druide alors que le nomenclator est un esclave.
Quittons la société des rois et du monde profane pour celle des druides et du sacré. Dans les cérémonies du Confluent à Lugdunum (colline de Lug) le druide remplissant le rôle de portier enquêteur était appelé Inquisitor en latin. Les Romains ayant été apparemment plus sensibles à son aspect « huissier chargé de se renseigner » qu’à sa fonction « héraut chargé d’annoncer ». Lors des cérémonies consacrées, dans la presqu’île de Lyon, au confluent du Rhône et de la Saône, ce héraut-inquisiteur-portier-huissier-nomenclator (bref, dorsaide en gaélique) officiait pour le compte de deux autres druides appelés arca et judex en latin.
La réforme opérée à la fin du XVIIIe siècle nous a valu l’intrusion massive de termes ou de références gaéliques voire même de passages entièrement rédigés dans cette langue. Le gaélique était à la
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mode au XVIIIe siècle (voir l’Ossian de McPherson). Ces éléments relativement isolés en fait dans nos rituels sont facilement repérables.
Le résultat de tout cela, de toute cette histoire, c’est que l’on peut trouver dans un même rituel du vocabulaire vieux celtique datant de La Tène ; des mots latins, des mots ou des passages en gaélique ou dans d’autres langues celtiques ; voire des notions et des problèmes beaucoup plus modernes datant du XIXe siècle.
Ces textes sont donc en fait, ainsi que nous l’avons vu précédemment, une compilation de nos archives (notes manuscrites du siècle dernier, livres d’histoire du XVIe siècle, folklore, remarques de celtisants experts en linguistique, et autres).
Rappel. Les rituels que nous avons nous sont parvenus mutilés, déformés, christianisés. Il est donc nécessaire de les améliorer. TOUTES LES PERSONNES AYANT DES REMARQUES À FORMULER À PROPOS DES RITUELS RAPPORTÉS CI-APRÈS SONT INVITÉES À CONTACTER L’OLLOTOUTA DRUIDIQUE POUR SIGNALER CE QU’IL FAUDRAIT AJOUTER, CE QU’IL FAUDRAIT RETIRER, CE QU’IL FAUDRAIT CHANGER, ET COMMENT.
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Texte biffé, raturé, retrouvé par les héritiers de Pierre de La Crau dans un des livres de sa bibliothèque.
CAS PARTICULIER : LE SERMENT DE L’ATECTOS 1).
(De tectos toit. Personne qui vit sous le même toit).
À faire prêter ou signer aujourd’hui par toute personne adulte non membre de la Communauté des croyants, mais installée ou travaillant d’une façon ou d’une autre en son sein (depuis plus ou moins longtemps), surtout quand cette personne fait partie des gens du Livre, et qu’elle est monolâtre, ou si c’est plus qu’un simple agnostique, un sans dieu militant, agressif et prosélyte. N.B. Si les grands Bretons ancêtres des Gallois d’aujourd’hui avaient été aussi prudents vis-à-vis des premiers commerçants romains ou de leurs premiers alliés saxons ; ils n’auraient pas eu besoin ensuite d’un Cadwallader ou d’un Arthur, voire d’un Merlin, pour sauver leur âme/esprit (nationale).
Je jure par le ou les dieux qu’adore mon peuple, sur les anges ou les djinns qui veillent sur ma personne, ou sur mon honneur si je suis athée, ce qui suit.
Nulle contrainte en matière de religion ! La tolérance religieuse c’est faire en sorte que, sur cette terre, et pendant le temps que l’on va y vivre, même si l’on n’est pas d’accord sur ce qu’il y a dans le ciel – s’il y a un dieu, plusieurs ou lesquels – on ne soit pas obligé d’en faire un enfer.
On doit au contraire essayer de vivre le plus intelligemment possible ensemble, et pour cela il faut que chacun fasse des efforts.
Bien que demeurant toujours parfaitement libre de croire ce que je veux (liberté de pensée ainsi que d’opinion) et d’avoir chez moi en privé les pratiques religieuses que je veux entre adultes consentants ; je m’engage à respecter la spiritualité ou les rituels publics des membres de la communauté humaine ayant accepté de me garder, de m’accueillir, de m’aider, de m’héberger.
Je m’engage à ne rien faire pour exercer sur eux une quelconque influence ou les inciter à changer d’avis en ce domaine ni critique ni contrainte ni coercition.
Afin de manifester un minimum de gratitude envers les membres de communauté en question et les remercier de m’avoir autorisé à demeurer chez eux dans des conditions de vie correctes, ne bénéficiant pas de tous les droits du citoyen de ce pays, mais de tous les droits de l’Homme en général ; je m’engage, dans l’unique but d’essayer d’apprendre à les connaître, à écouter ou à lire au moins 2 fois par mois leur message ainsi que leur enseignement ; et, bien que restant parfaitement libre en mon for intérieur de continuer à croire ce que je veux sans changer d’avis en ce domaine ; je m’engage à manifester en ces occasions, par politesse, le plus grand respect envers leur spiritualité ou leurs rites.
Toute vérité en l’occurrence est relative, car elle fait toujours partie d’une vérité plus large ; du fait que la découverte ou le cerveau qui l’a produite est lui-même limité, en raison du caractère fragmentaire ou dépendant les uns des autres, des aspects qu’il traite, des outils qu’il utilise, ainsi que de sa propre subjectivité. Puisqu’il n’est que le produit d’une évolution ininterrompue depuis des millions d’années. Toutes ces contingences l’empêchent notamment, alors même qu’il atteint aujourd’hui une certaine maturité, de prétendre à l’infaillibilité. Mais l’erreur est le plus court chemin qui mène à la vérité scientifique, car la vérité scientifique ainsi que l’a dit le philosophe, « n’est jamais, qu’une erreur qui a été corrigée ».
Une éducation digne de ce nom doit donc enseigner l’existence de multiples vérités religieuses relatives, car elles ne sont vraies qu’aux yeux de ceux qui croient en elles ; et la seule vérité absolue est qu’il n’y a pas de vérité absolue !
Je m’engage donc à élever mes enfants dans cet esprit de tolérance, nulle contrainte en matière de religion, à les élever dans le respect ainsi que dans la compréhension de la spiritualité ou des manifestations extérieures des autres, et notamment de ceux qui sont devenus mes hôtes et mes protecteurs par définition ; leur État ayant pour vocation d’assurer la paix à tous ses citoyens et même aux étrangers non citoyens vivant sur son sol, en règle avec ses lois.
Afin que mes enfants puissent, eux aussi, à leur tour remercier la communauté qui nous garde, nous accepte, nous héberge ou nous accueille, de façon temporaire, ou illimitée ; je m’engage à inciter mes enfants à chérir et à honorer ces rituels comme un homme peut aimer sa (nouvelle) patrie. Ni plus ni moins !
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Afin d’aider la communauté en question et la remercier de son assistance, je m’engage à l’aider du mieux que je peux si nécessaire ; par exemple en participant éventuellement à sa défense, sans y être obligé pour autant, ou en acceptant les tâches que l’on voudra bien me confier en échange.
Fait à… le…
Signature.
1) Sur le plan linguistique, pour respecter la grammaire du celte antique, nous distinguerons.
Les atectai : les sujets, ou citoyens non druidisants, quand on en parle comme d’une collectivité, du passé le plus lointain ou de l’Antiquité. Atectos/a : quand on parle d’un de ses membres. Atectioi quand il y en a plusieurs.
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LES CÉRÉMONIES VENIALES
(RITUELS PRIVÉS OU FAMILIAUX).
« Je suis la loi des Celtes, et je déclare que, sans l’aide des dieux, rien ne réussit aux hommes » (Arrien. Cynégétique).
Dans notre conception à nous de la spiritualité, contrairement à certaines autres, le sacré se mélange aux actes quotidiens, et chaque acte – même le plus minime – peut déborder de signification. Il est cependant certains gestes qu’il est bon de connaître, car ils existent. Ce sont les divers temps forts qui marquent la vie de tout vrai Celte de cœur ou d’esprit (ne soyons pas bêtement racistes) de la naissance à son passage dans l’autre monde parallèle au nôtre que l’on appelle communément aujourd’hui le Paradis. Des rituels liés aux étapes de la vie, et permettant ou soulignant l’intégration des individus à un groupe tel que la famille, une classe d’âge, etc.
Ces actes ne sont pas nécessaires, car seule la sincérité compte aux yeux de nos dieux et déesses, ou fées si l’on préfère ce terme, mais ils permettent à celui qui les pratique une plus grande harmonie et une meilleure communion avec les forces supérieures qui nous régissent.
Commençons donc par le commencement, mais n’oublions pas ceci. Ainsi que nous avons eu l’occasion de le dire, il ne faut en aucune façon absolutiser l’ancien druidisme. Il n’était pas une fin en soi. Il ne faisait que montrer les différentes voies possibles pour accéder au divin. Eh bien, de même il ne faut pas non plus absolutiser les rituels, qui ne sont qu’un moyen d’aider à vivre, un moyen qui doit un jour être dépassé par une rencontre directe avec le divin.
Dans la tradition druidique irlandaise, l’homme devait traverser six étapes cruciales dans sa vie. Ces six périodes ou six colonnes de la vie étaient les suivantes.
Vieux celtique reconstitué Gaélique.
1. NoidenotaxetoNàidendacht : la prime enfance du nourrisson.
2. MapotaxetoMacdacht : l’enfance proprement dite.
3. GeistlaxetoGillacht: l’adolescence.
4. OgiolagiatoHoclachus : la jeunesse (l’âge adulte jeune).
5. SenodagetoSendacht : l’âge mûr.
6. Diexbliniceto Diblidecht : la vieillesse.
Ce qui est évident, c’est que, comme dans les autres peuples de la région à cette époque, le nouveau-né n’était considéré comme un véritable être humain qu’à partir d’un certain âge, deux ou trois ans peut-être. L’âge où il pouvait commencer à parler. La preuve : on trouve très peu de squelettes ayant moins que cet âge dans les cimetières ou les nécropoles officiels. Donner un nom à l’enfant ayant dépassé cet âge comme dans le cas de Lleu Llaw Gyffes au pays de Galles (4e branche du mabinogi) semble donc avoir été la première étape de la reconnaissance en tant qu’être humain à part entière. On en trouve d’ailleurs à partir de cet âge dans les cimetières, accompagnés d’un certain nombre de bijoux ayant certainement une valeur apotropaïque (colliers d’ambre jaune, et autres).
Le mariage n’avait pas pour but le plaisir, son objet principal n’était pas l’union de deux êtres (pourquoi seulement deux d’ailleurs et pas trois ou quatre ou plus comme chez les Bretons antiques d’après César livre V chapitre 14 ?) qui se plaisaient ensemble ou s’accordaient et donc voulaient s’associer pour partager les joies voire éventuellement les peines, de la vie. Je crains que tout cela ne soit que des sophismes petits-bourgeois d’apprentis sorciers, très révélateurs du peu d’intelligence en profondeur des intellectuels qui nous gouvernent, et qui peut se constater aussi en d’autres domaines.
Il faut par exemple avoir l’esprit étriqué d’un petit bourgeois sulpicien pour croire que le mariage a été institué dans les sociétés d’homo sapiens afin de permettre à des êtres humains qui s’aiment de vivre ensemble…
L’absence de mariage n’a jamais empêché des êtres humains qui s’aiment de vivre ensemble s’ils le veulent vraiment (une fois devenus majeurs). D’ailleurs, pourquoi se limiter à deux personnes seulement ? Polygamie, polygynie, polyandrie, à chacun de voir ENTRE ADULTES CONSENTANTS
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(le seul vrai problème ce sont les enfants qui pouvaient naître de ces unions, et c’est d’ailleurs une des principales raisons sans doute ayant présidé à l’institution du mariage partout dans le monde).
Cette importance de la famille traditionnelle dans la spiritualité druidique se retrouve d’ailleurs dans la célèbre formule du serment des Hautes-Terres, du moins dans la partie qui énonce finir le triste destin qui attendra celui qui ne le respectera pas. « Que je sois maudit dans tout ce que j’entreprends, famille et propriété ; que je ne puisse plus revoir ni ma femme, ni mes enfants, ni mon père, ni ma mère, ni ma famille, que je meure lâchement sur le champ de bataille et demeure sans sépulture digne de ce nom, en terre étrangère, loin de la tombe de mes ancêtres et de ma parenté. Oui, que tout ceci m’arrive si je romps ce serment ».
Lointain écho du célèbre et fatal serment prêté par les cavaliers celtes sous les murs d’Alésia. César. Livre VII, chapitre 67 : « Les cavaliers s’écrient alors unanimement qu’ils doivent se lier par le plus sacré des serments : que ne devra plus être reçu sous un toit ni revoir ses enfants ses parents ou son épouse celui qui… »
Les Grecs ne s’y étaient pas trompés non plus qui connaissaient et les mariages officiels (de raison) et les mariages officieux.
Maintenant évidemment rien n’empêche de joindre l’utile à l’agréable, et d’avoir les deux (amour brut ou amour conjugal). Il est d’ailleurs assez imprudent de se marier avec quelqu’un pour lequel on n’a aucune attirance minimale et contre son gré. Il est plutôt conseillé d’être au minimum attiré par lui d’une façon ou d’une autre.
Le mariage celte était fondé sur le principe philosophique de l’attirance des contraires (adiantu)
Mais en ce qui nous concerne nous n’appliquons pas le principe souvent pratiqué jamais reconnu, pouvant s’énoncer ainsi : « pas de liberté pour les ennemis de la Liberté », car en ce domaine comme en beaucoup d’autres nous sommes plus plutôt de l’opinion du grand philosophe français que fut Voltaire qui disait« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous puissiez le dire ».
Nous ne sommes donc pas de ceux qui refusent la différence bien au contraire puisque nous acceptons même ceux qui refusent la différence, ceux qui sont hétérophobes par exemple…
Disons pour conclure que l’idéal ce n’est pas le mariage d’amour, que l’idéal ce n’est pas non plus le mariage de raison, que l’idéal c’est LE MARIAGE D’AMOUR ET DE RAISON OU INVERSEMENT. Un peu comme en matière de religion d’ailleurs, l’alliance de la Foi ET DE LA RAISON. La foi éclairée par la Raison (voir le christianisme sans mystère par le grand druide anglo-irlandais John Toland).
Dans les Tribus-États grecques, de nombreuses pratiques religieuses étaient liées au foyer ou à la maisonnée.
Le but du mariage, aux yeux de la religion celte traditionnelle et des lois profanes, était donc moins futile et autrement plus sérieux, il était, en unissant deux êtres dans le même culte domestique, d’en faire naître un troisième, apte à continuer le culte des dieux spécialement honorés dans la famille. Des cultes sont en effet rendus aux dieux les plus vénérés dans le foyer : leur nombre varie suivant les régions, voire les individus.
Des rituels accompagnent les événements marquants de la vie : naissance (amphidromie), mariage, décès.
Les dieux en question sont associés à tous ces événements par des prières, des offrandes ou des sacrifices, organisés autour des autels qui leur sont consacrés dans la maison.
Ces traditions familiales ont aussi des fonctions sociales ; elles intègrent les nouveaux venus à la maisonnée, définissent la place de chacun au sein du foyer et renforcent la solidarité du groupe.
Ces rituels sont ouverts aux femmes : elles y jouent un rôle religieux essentiel, notamment autour de la maternité, du mariage, de l’accueil au foyer, reflet de leur rôle social.
Les différents cultes domestiques restent cependant sous l’autorité du chef de famille. Par exemple, dans le rituel de l’amphidromie qui accompagne la naissance d’un enfant, c’est le père qui porte
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l’enfant autour de l’autel, lui donnant ainsi sa légitimité et sa reconnaissance sociale au sein de la famille.
Un modèle de figurine en terre blanche de l’Allier (France) tend à prouver que les Celtes pratiquaient aussi ce rite. La statuette en question, genre « santon de Provence », représente une femme portant sur un coussin apparemment, un enfant mâle, nu et tenant dans sa main droite un globe, symbole de puissance. Le genou plié indique que cette femme marche. Les vêtements qu’elle porte sont de type grec et datent de la fin du IVe ou du début du IIIe siècle avant notre ère. Elle est en effet revêtue d’une longue tunique, le chiton, avec par-dessus un grand rectangle de tissu, l’himation, permettant un drapé. Le nœud dit d’Héraclès qui agrémente sa poitrine est celui que portait la femme grecque le jour de son mariage, afin d’obtenir des enfants sains et forts. Mais cette statuette ne date pas du IIIe siècle avant notre ère et n’a pas été découverte en Grèce ; elle fait partie d’une série très appréciée des indigènes celtes au IIe siècle de notre ère. Y avait-il donc des matrones qui, revêtues d’un habit approprié, officiaient à chaque naissance en suivant un tel rituel ? Ce modèle de figurine en terre blanche le laisse supposer.
Le destin d’un être humain se joue en effet quelques jours à peine après sa naissance. C’est d’ailleurs le moment que choisissent en général dans les légendes les fées marraines ou vierges à l’enfant (mopates) pour déterminer la destinée des nourrissons dont elles ont la charge. Car tout se passe en effet parfois dans la vie comme si certains nourrissons avaient reçu ce jour-là une véritable pluie de dons (vieux norrois gaefa) ou de malédictions (vieil irlandais gaesa).
L’arrivée d’un enfant dans une famille d’esprit celte était donc signalée par une tradition similaire. La naissance proprement dite n’établissait en effet que les liens du sang ; la reconnaissance publique constituait le lien moral et religieux. Elle avait lieu peu de temps après la naissance [le neuvième jour à Rome, le dixième en Grèce, le dixième ou le douzième en Inde].
Ce jour-là, les parents invitaient la famille, des témoins, et offraient un sacrifice aux dieux.
L’enfant était présenté aux bonnes fées de la famille ; le père le portait dans ses bras et lui faisait faire plusieurs fois le tour de l’autel familial (3 fois ???). Ce qui impliquait donc une disposition ad hoc des pièces de la maison.
Cette petite circumambulation (doisil, deiseil, deiseal en Irlande ; à titre de comparaison dans le taouaf effectué autour de la Kaaba de La Mecque, il y en a 7) autour de l’autel dédié aux dieux les plus honorés de la famille, avait un double objet ; d’abord purifier l’enfant ; c’est-à-dire le laver de la souillure que les Anciens supposaient qu’il avait subie, du seul fait de la gestation, avec de l’eau dans laquelle avait trempé de la verveine (Pline, Histoire naturelle, XXV, 106-107) ; ensuite, l’introduire dans le culte familial. À partir de ce moment, l’enfant était admis dans cette sorte de société secrète ou de petite église que l’on appelait la venia : la famille. Il en pratiquait les rituels, il était apte à en dire les prières ; il en honorait les ancêtres, et plus tard en deviendrait peut-être lui-même un ancêtre honoré.
NOTE DE LA RÉDACTION. SOYONS CLAIRS !
Nul ne sait combien de jours après la naissance avait lieu une telle cérémonie (l’amphidromie) chez les Celtes. Ce que nous savons de l’Antiquité celtique nous montre seulement l’extrême souci d’assigner à l’enfant légitime une valeur plus que symbolique ; en le soumettant, quelques jours après sa naissance, à une cérémonie qui offrait au père de le reconnaître, de l’inscrire dans l’espace du foyer dont il était issu ; et de l’accepter dans cet espace domestique en le couchant dans le berceau, d’où il serait ensuite « élevé » dans tous les sens du terme. Tout ce que l’on sait aussi, c’est qu’ils connaissaient, en plus ou à la place de la lustration avec de l’eau dans laquelle avait trempé de la verveine (Pline, Histoire naturelle, XXV, 106-107), une variante du rituel consistant à baptiser (préalablement ?) l’enfant dans l’eau d’un grand 6fleuve d’une rivière ou d’une source ; afin de le purifier ou plus exactement de faire reconnaître sa pureté ou de le faire périr. Telle est en effet la seule explication des noms d’hommes comme Rhenogenus ; le Celte Viridomaros était d’ailleurs dit « fils du Rhin » d’après Properce. À en croire Amédée THIERRY (Histoire, deuxième partie, chapitre premier, citant l’empereur Julien l’Apostat), en Belgique le Rhin était l’objet d’un véritable culte, et c’est ce dieu (comme la Boinne en Irlande) qui éprouvait la fidélité des épouses. Lorsqu’un mari dont la
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femme venait d’accoucher avait quelques raisons de douter de sa paternité, il prenait l’enfant nouveau-né, le plaçait sur une planche, et l’exposait au courant du fleuve. La planche et son précieux fardeau surnageaient-ils librement (comme Sargon ou Moïse) l’épreuve était réputée favorable.
Le rituel a d’ailleurs inspiré à un poète grec inconnu ces quelques vers qui méritent de trouver place ici.
« Les intrépides Celtes éprouvent leurs enfants dans le Rhin qu’ils croient aussi jaloux qu’eux-mêmes, et ils ne se regardent comme leurs pères que lorsqu’ils les ont vus de leurs propres yeux baignés dans ses eaux sacrées. Aussitôt que le nouveau-né est sorti du sein de sa mère, qu’il a versé ses premières larmes, le Celte le prend et le pose sur son bouclier, sans s’inquiéter autrement ; car il n’a pas de sentiment paternel avant d’avoir vu son fils à l’épreuve des eaux du fleuve, juge de sa légitimité. La mère, après l’accouchement, assaillie de mille angoisses bien qu’elle sache très bien qui est le père ; attend donc en tremblant l’arrêt que le fleuve n’a pas encore prononcé ». (ANTHOLOGIE GRECQUE. D’après le manuscrit palatin publié par Friedrich Christian Jacobs. ÉPIGRAMMES DESCRIPTIVES. Nº 125).
On retrouve d’ailleurs aussi chez Aristote Politique VII, 2,5 ; une évocation de ces deux types de cérémonie pour les nouveau-nés. « Aussi chez beaucoup de peuples barbares a-t-on pour coutume de plonger les enfants dès leur naissance dans l’eau froide d’un fleuve [deuxième type de rituel], ou de les recouvrir d’un mince vêtement [premier type de rituel, celui qui est pratiqué à la maison], et c’est ce qui se pratique chez les Celtes ».
Pour conclure, le dernier mot revient néanmoins à la mère qui murmure dans l’oreille droite du nourrisson le nom que la famille a choisi pour lui ainsi que le nom des divinités de la famille.
À ce baptême primitif les très-sachants de la druidiaction (druidecht), antiques, ont peu à peu substitué celui qui figure ci-dessous et l’on attend maintenant l’âge de raison de l’enfant (sept ans) pour procéder à une confirmation de cette première amphidromie ou cérémonie du nom.
N.B. Chez les Celtes antiques il était d’usage en fait d’ajouter au nom individuel ou prénom un nom patronymique ou matronymique rappelant celui de son père ou de sa mère. Le plus souvent on se bornait à substituer à la désinence du nom paternel (ou maternel) la finale genos, gnos, cnos. Comme dans les inscriptions irlandaises en caractères oghamiques où l’on trouve par exemple les patronymes Coima-gni ou Corba-gni (au génitif).
Anman esti anmon : le nom, c’est l’âme ! Ci-dessous une courte liste de quelques prénoms (autrefois d’ailleurs il s’agissait tout simplement de noms tout court) pour une telle cérémonie. Bien sûr, une telle liste est loin d’être complète, l’idéal serait qu’il y en ait 365. Tout le monde est donc invité à se creuser la tête pour la compléter.
Prénoms féminins.
Aemer Ailinn Alaisia Aoife Amber Ariane-Rode Aufanie Banuta Brangaine Brigitte Britannie Bronwen Cassidy Celtine Cordélia Corentine Damona Dana Derbfogaille Derbforgail Dervoguilla Deirdre Dorine/Daireann Doub-lacha Eeve Emire Enide Éponine Erine Étainne Fedelma Fiona Fionnuala Gaefa Gaélique Glenda Guenièvre Gwendoline Gwenn Gwenzide Hypatie Hyperoche Iseult Iona Jennifer Joyce Kelly Khiomara Laodice Leslie Libane Macha Malvina Meredith Meryl Mirène Mireann/Muireann Môna Morgane Muirgen (27 janvier) Muriel Nabia Nolwenn Noreia Norica Nehalennia Ninianne Rose-Martha Sabrina Samara Sadv Shannon Sou-Élève Sylevia Sorcha Tara Ulidia Vellèda Yvette.
Prénoms masculins.
Abarix Aed Albioric Amyntas Angus Arar Ardan Argantoine Armel Arar Arthur Bailé Barry Bob-Derg Brandon Brendan Briac Brian Brice Camulogène Cary Césard Chéron (Ceraunus) Combutis Conan Corann Corentin Craig Deiotaros Dermot Eburovic Eogan Erec Eric (pour un fils posthume) Ferdead Fergus Fiannamail Finn Finnbarr Forgall Gaileoin Gauvain Gildas Gilla Glenn Goulven Gwenn Hoel Ibar/Ivor Irvin Josse Kevin Kiaran Lailoken Lancelot Leary Leo Leonorios Lesly Louarn Logan Lugaid Luernios Mael Malcolm Malo Mani Mariccus Marvin Maugan Meredith Merlin Meryl Morann Morgan Nate Neil Nolan Olen Orestorios Ortiagon Oscar Ossian Owen Ronan Ryan Scott Sullivan Tibaton Tristan Vivien Virgile Yves Yvain Yvon.
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ANMENACTON * : CONFIRMATION DE L’AMPHIDROMIE OU CÉRÉMONIE DU NOM.
(À partir de sept ans seulement puisque c’est à 7 ans que nos plus grands héros – Cuchulainn, Curoi, etc. – ont pris les armes. De toute façon ça correspond aussi à l’âge de raison, alors… On parle d’anmenacton pour des enfants, mais on utilise le terme anuanacton quand il s’agit d’adultes).
Abstraction faite du très bas âge, les premiers stades de la vie (colonnes d’âge appelées Mapotaxeto et Geistlaxeto en vieux celtique) faisaient en effet entrer l’individu dans une société dont la caractéristique essentielle était qu’elle baignait en permanence dans le sacré. Tous les écrivains de l’Antiquité s’accordent en effet à reconnaître l’extrême religiosité des Celtes. Au témoignage bien connu de César qui rapporte que les Celtes sont un peuple très adonné aux pratiques religieuses (admodum dedita religionibus), il faut en effet ajouter ceux de Tite-Live 1) et de Denys d’Halicarnasse 2).
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« Ils diffèrent de presque toutes les autres nations en ce qu’ils ne permettent jamais à leurs enfants de les approcher en public tant qu’ils ne sont pas devenus grands au point d’être aptes à prendre les armes ; et ils regardent comme inconvenant pour un fils encore enfant de paraître aux yeux de tous avec son père » (César, B.G. Livre VI, chapitre 18).
L’âge de raison étant fixé à sept ans, le néo-druidisme prévoit par conséquent une deuxième amphidromie ou cérémonie du nom, confirmant la première, à ce moment-là de la vie de ses dagolitoi (fidèles), pour la famille d’accueil ou les parents nourriciers éventuels (parrain et marraine ?) choisis par les parents biologiques pour adoption simple (altram/altrom) en cas de malheur.
Sept ans est d’ailleurs l’âge où Gaston Phébus considérait que l’on pouvait devenir page. Mais il va de soi qu’il devait bien sûr jadis exister quelque chose avant ainsi que nous avons pu le voir.
Dans la religion védique, cette cérémonie correspond à l’upanayana. L’upanayana est le rituel le plus important de la vie de l’Aryen mâle, il signifie à l’enfant de sept ans qu’il est maintenant utile à la société, qu’il en fait partie pleinement.
Il faut alors choisir pour le jeune un couple de parents nourricier (muimme et aite) pouvant lui servir de deuxième famille en cas de besoin.
Cette tradition avait en effet pour but d’offrir à l’enfant une seconde famille, prête à le protéger si le besoin s’en faisait sentir. Car chez les Celtes la cohésion du clan était toujours renforcée par la coutume consistant à envoyer un enfant, même s’il n’était pas orphelin, chez un parent éloigné, chez un allié ou chez un vassal ; afin qu’il l’élève et l’éduque comme son propre fils ou sa propre fille, de manière à développer un sentiment de fidélité au clan aussi fort que les liens du sang.
Celui qui a franchi ce rituel est considéré comme un « deux fois né » ou « né une deuxième fois » (ategnatus en celte), mais cette seconde gestation avant renaissance est d’ordre spirituel.
L’anmanacton, ou anuanacton * sur le Continent, est incontestablement le plus ancien de nos rituels. Il est toujours préférable en effet que la première classe sacerdotale donne quelques règles à la deuxième, celle des guerriers, voire à la troisième, la classe productrice. Qu’elle leur impose des règles de vie respectueuses de la nature et des autres, en bref des bribes de déontologie. Cette cérémonie du nom est donc l’occasion pour le druide officiant d’émettre, à propos de l’avenir de l’enfant, une ou plusieurs gaesa, devant moralement au moins encadrer sa destinée. On appelle ça aujourd’hui de bons conseils.
On se sert pour cela comme pour les lustrations suivant la naissance (amphidromie), d’eau dans laquelle a trempé de la verveine (Pline, Histoire naturelle, XXV, 106-107), mais en terre celte tout
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cours d’eau (non pollué bien entendu) peut symboliser l’eau mère (matra/matrona) dont le simple contact lave de toutes les souillures. Comme dans le cas de la célèbre rivière irlandaise connue sous le nom de Boinne certaines sources thermales étaient même censées punir les parjures ou les coupables de déloyauté si l’on en croit le Panégyrique de Constantin, XXI-XXII.
« C’est avec raison que tu [Constantin] as honoré ces temples augustes de dotations si riches qu’ils ne regrettent plus les anciennes offrandes, et que tous les temples déjà semblent t’appeler de leurs vœux ; en particulier celui de notre Apollon, dont les eaux brûlantes punissent les parjures que tu dois plus que personne détester.
Dieux immortels, quand nous accorderez-vous ce jour où cette divinité si bienfaisante, après avoir partout établi la paix, viendra, là aussi, visiter les bois sacrés d’Apollon, son temple vénéré ainsi que les bouches fumantes de ses fontaines ; dont les eaux jaillissantes couvertes de buée par leur douce tiédeur sembleront sourire à tes yeux, Constantin, et s’offrir d’elles-mêmes à tes lèvres. Tu admireras sûrement là aussi le sanctuaire de ta divinité protectrice, et ces eaux chaudes issues d’un sol qui ne porte pas la moindre trace de feu. Rien n’est désagréable dans leur saveur ou leurs émanations, mais au goût et à l’odorat, elles rappellent la pureté des sources froides. Là encore tu apporteras des présents, tu établiras des privilèges, bref tu rendras son prestige à ma patrie en multipliant les marques de vénération pour le lieu »……………
Aujourd’hui la cérémonie peut avoir lieu en plein air ou à l’intérieur suivant la saison. Les légendes irlandaises désignent alors ce genre d’endroit par le terme « grianon » qu’il ne faut surtout pas traduire par « boudoir » ou « solarium » comme on le fait encore trop souvent hélas. Le terme grianan désigne tout endroit construit ou pas, bien ensoleillé, situé en principe sur une hauteur. Voir le célèbre Grianan d’Aileach. Si un lieu aussi prestigieux est inaccessible, la cérémonie peut alors se dérouler dans tout autre lieu bien éclairé ; si possible alors dans un bâtiment ou une grande pièce de plan basilical, c’est-à-dire dans un lieu de réunion constitué d’une nef terminée par une abside en forme de demi-cercle, où siégeaient, certes, jadis les magistrats, mais permettant aujourd’hui la circumambulation rituelle des druides, vates, vellèdes et gutuatres/gutumatres (ou prêtresses bien entendu) ;
et laissant passer la lumière au maximum (genre cathédrale donc, pas catacombes).
Pour l’élément liquide nécessaire, fleuve, rivière, ruisseau, fontaine, source peuvent être remplacés par un lac, un étang, ou un point d’eau situé à l’intérieur ou non loin ; voire une bascauda (tonneau) remplie d’eau dans laquelle a trempé de la verveine suivant la richesse de la famille.
Note.
Accessoires ou hiera nécessaires.
De l’eau dans laquelle a trempé ou va tremper de la verveine. Éventuellement une bascauda (un tonneau). Une branche de verveine. Un maillet en bois. Des pommes ou des noisettes. 2 grands tissus blancs. Une tablette d’écorce de bouleau. Comme celles découvertes près de Gilgit au Pakistan en 1931 ou à Novgorod en 1951 pour les plus récentes, voire chez les Indiens Ojibouais (mide-wiigwaas). Une coupe ?
Le druide officiant peut également se faire assister au moins par un ambact, qui peut être, certes, un dignitaire de la communauté, mais aussi un simple dagolitos (fidèle) volontaire. Cet ambact a pour fonction de remettre au moment voulu au druide officiant, les objets nécessaires, ou de les lui tenir un moment, ou de les lui reprendre pour le désencombrer voire le débarrasser afin qu’il soit libre de ses mouvements. Cet ambact se doit donc d’être juste à côté du druide officiant pour se tenir à sa disposition.
ET MAINTENANT, PASSONS LA PAROLE À SHAKESPEARE !
Le druide officiant essaie autant que possible d’être à l’est, face à l’ouest, l’ambact laïc l’assistant à sa droite, mais faisant légèrement face au sud, l’enfant et les siens étant à l’ouest et regardant l’est.
Les parents ou les adultes présentant l’enfant (les père et mère par « altromage ») commencent en s’adressant ainsi au druide qui va officier.
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« Ô Seigneur des trois clés 3), nous présentons cet enfant à la communauté des dagolitoi (fidèles) ici présente afin que nos frères et sœurs l’acceptent comme un des leurs, afin que payses et pays, hommes et femmes de notre communauté, l’admettent comme enfant du peuple, des dieux ».
Le druide officiant récite alors le lai suivant à l’intention de l’enfant.
Je vais te raconter une histoire. Il était une fois une jeune et jolie princesse appelée Celtine. Elle était très grande et dépassait en beauté toutes les autres filles du pays. Mais à cause de la vigueur de son corps et de son charme extraordinaire, elle était si difficile qu’elle avait jusque-là repoussé tout homme l’ayant courtisée : elle estimait en effet qu’aucun de ces soupirants n’était digne d’elle.
Or un jour elle aperçut un jeune et beau géant arpentant le pays. C’était Ogmios qui, après avoir ramené d’Erythée le bétail de Geryon et terrassé le cruel tyran Tauriscus, visitait le pays de Bretannos.
Celtine tomba immédiatement amoureuse d’Ogmios et cacha au loin son bétail, puis refusa de le lui rendre à moins qu’il ne la demande d’abord en mariage. Notre héros avait hâte de ramener les génisses saines et sauves chez lui, mais il fut encore plus sensible à l’extraordinaire beauté de la princesse, et consentit à ses souhaits. Il fonda donc en ce lieu la ville d’Alésia et, quand le moment fut venu, un fils appelé Keltos leur naquit, qui surpassa de loin tous les autres jeunes gens, pour ce qui est de la qualité de l’esprit et de la force physique. 4)
Après avoir atteint l’âge adulte et avoir hérité du trône de ses pères, il accomplit de grands exploits guerriers puis soumit à sa loi une grande partie des territoires avoisinants. Devenu très célèbre à cause de son courage, il appela ses sujets Celtes d’après lui-même, et ceux-ci à leur tour donnèrent leur nom à la grande Celtie libre et indépendante.
Avant de partir, Ogmios lui prodigua les conseils qui suivent.
Je suis Trefuilngid Tre Eochair. Si je t’ai engendré, c’est parce que les dieux ont besoin des hommes. Telle est notre loi ! Et tu es notre seul espoir pour cela, car toutes les autres races de la Terre nous ont refusés, car toutes les autres nations de la Terre ont refusé de parler la même langue que nous, car tous les autres peuples de la Terre ont refusé de nous honorer. Si tu acceptes cette quête du Graal, alors nous ferons alliance avec toi. Le chaudron que voici sera le signe et le gage de cette caratrade, mais notre contrat sera ton sang, sera ton âme.
Nous serons à jamais avec toi, et nous multiplierons ta postérité comme les grains de sable dans la mer, les étoiles dans le ciel, les gouttes de rosée en mai, les flocons de neige en hiver, les grêlons lors d’un orage ; plus nombreuse encore que les feuilles dans une forêt, les épis de blé jaunes dans la plaine, les brins d’herbe sous les pieds des chevaux un jour d’été dans la grande plaine ou que les vagues de la mer, quand il y a une tempête.
Commande à tes enfants, et à leur clan après eux de ne jamais perdre leur âme, car seule l’âme peut accomplir le destin de ce monde. Tel est mon enseignement, telle est notre loi. Et cette loi est dure, mais c’est la loi ! »
Keltos accepta ce pacte avec les dieux. Trefuilngid Tre Eochair lui mit dans la main cinq graines magiques à semer, des graines de l’arbre de vie, des graines de l’arbre du monde. Nos 5 totems. La bille de frêne de Dathi notre Yggdrasil à nous. La bille d’if de Mughna. La bille de chêne d’Uxonabelcon notre Irminsul à nous bien aimé de la dame du lac Nerthus. La bille de frêne de Tortu. La bille d’if de Ross.
Coic crand sin. Eo Rosa, ibar é. Sairtuath co Druim Bairr dorochair, ut Druim Suithe cecinit : Eo Rosa, roth ruirech recht flatha, fuaim tuinni, dech duilib, diriuch dronchrand, dia dronbalc.
[Note du traducteur hors récitation. Les légendes irlandaises actuelles font de l’arbre de Mughna un chêne, mais le terme figurant dans nos archives (eo) est formel, il signifie bien if. Il y a dû avoir des confusions dans la transmission orale].
Au cours des siècles suivants, quand leurs forces s’accrurent, les enfants de Keltos bâtirent des villes en grand nombre. Partout dans ces provinces les peuples se civilisant peu à peu, l’étude des sciences nobles put alors s’épanouir, d’abord avec les bardes, et les vates. Les bardes s’employaient habituellement à célébrer les exploits de leurs hommes illustres, en vers épiques, et en s’accompagnant des harmonies d’une lyre. Les vates étudiaient la nature et ses sublimes secrets, en
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essayant de les expliquer ensuite à leurs disciples. Leurs esprits cherchaient à pénétrer les secrets ou les plus sublimes domaines, et méprisant quelque peu les affaires humaines, ils proclamaient que les âmes sont immortelles…
Le druide officiant poursuit…
Être un vrai Celte païen de cœur et d’esprit c’est appartenir à un peuple de prêtres (chaque païen est à lui-même son propre prêtre devant l’autel des dieux et des ancêtres dans l’intimité de son foyer) homophone des dieux, à une nation sacrée dont les enfants ont des obligations, des lois morales ou des gessa, extrêmement contraignantes.
Les parents sont-ils bien conscients du défi qui attend ce marcassin dans la grande forêt de la vie, s’il veut vivre pleinement son paganisme ?
Les parents ou les adultes présentant l’enfant (les parents biologiques et les éventuels parents d’accueil) répondent alors : « Nous en sommes parfaitement conscients et nous le voulons pour lui (ou elle) comme nous l’avons voulu pour nous avant lui ! Nert dee agus andee. Awen ! »
Le druide officiant reprend.
Notre seigneur a pris les armes à Muirthemne alors qu’il avait tout juste 7 ans et il est mort à 27, mais demeure éternellement jeune dans nos cœurs. Nous n’exigeons pas de cet enfant qu’il en fasse autant, mais n’oubliez pas que depuis deux mille ans et même plus, notre mariage de la foi et de la raison, de la foi éclairée par la raison, est persécuté. Rappelez-vous que les vrais Celtes de cœur ou d’esprit ont toujours été obligés de se défendre. Le César Auguste a interdit la religion druidarum. Le César Tibère a promulgué un décret contre nos très-sachants « et toute cette engeance de vates et de guérisseurs » comme il disait. L’empereur Claude a interdit la pratique de notre religion.
Encore une fois donc nous vous le demandons, êtes-vous bien conscients du destin qu’aura ce marcassin dans la grande forêt de la vie, s’il veut vivre pleinement son paganisme ?
Les parents ou les adultes présentant l’enfant (les parents biologiques et les éventuels parents d’accueil) répondent alors : « Nous en sommes parfaitement conscients et nous le voulons pour lui (ou elle) comme nous l’avons voulu pour nous avant lui ! Nert dé agus andé. Awen ! »
Le druide officiant toujours.
Les gens d’un seul livre, les parabolans disciples du rabbi nazoréen Jésus, comme le soudard pannonien appelé Martin ou l’évêque de Braga, ont ensuite violenté voire martyrisé nos vieux druides, ou brûlé nos sœurs sous prétexte de sorcellerie. Ensuite ils ont usurpé nos antiques lieux de culte, nos pèlerinages, nos dieux et nos fêtes. Et les monolâtres ou les fous de Dieu d’aujourd’hui, ne rêvent que d’achever ce génocide civilisationnel. Pensons un peu à ce qu’ils font subir à l’autre bout du monde à nos frères parsis ou zoroastriens, ou yézidis, ainsi qu’aux derniers païens du Pakistan : les Kalashs.
Encore une fois donc nous vous le demandons, êtes-vous bien conscients du destin qu’aura ce jeune marcassin dans la grande forêt de la vie, s’il veut vivre pleinement son paganisme d’esprit celte ?
Les parents ou les adultes présentant l’enfant (les parents biologiques et les éventuels parents d’accueil) répondent alors : « Nous en sommes parfaitement conscients et nous le voulons pour lui comme nous l’avons voulu pour nous avant lui ! Nert dé agus andé. Awen ! ».
Sur un signe du druide officiant, l’ambact lui remet alors le maillet de Suqellos ; et le druide qui officie en frappe symboliquement ou pas le point d’eau ou la bascauda (le tonneau contenant l’élément liquide devant être utilisé), puis il récite le lai d’Ausone :
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« Iaccitos te !
Salut à toi Ciel notre père,
Père de tous les vrais Celtes !
Iaccitos te !
Salut à toi Danu notre mère,
Mère de tous les vrais Celtes
Salut à toi fontaine à la source inconnue
Sainte, bienfaisante, intarissable, transparente,
Verte, profonde, bruissante, pure, ombreuse !
Iaccitos te !
Salut à toi, génie de la Cité
Toi qui guéris par une simple gorgée
Fontaine qui est appelée Divonne
Et qui est mise au rang des dieux ».
Le druide officiant jette ensuite quelques baies pommes ou noisettes dans le liquide devant servir à la lustration.
Si la configuration des lieux le permet, le druide officiant fait alors trois tours 5) autour l’élément liquide qui va servir à la lustration, ou autour de la bascauda (du tonneau), dans le sens solaire.
Si nécessaire c’est-à-dire si l’élément liquide qui va servir à la lustration n’est pas d’un accès facile (source sacrée située en pleine nature, etc.) ; l’ambact puise ensuite symboliquement dedans et en remplit une coupe qu’il tient à la disposition du druide officiant.
Le druide officiant se mord le pouce longuement comme Vindos/Finn puis ordonne : « FOTHRUCAD ! »
L’enfant est alors plongé dans l’eau, dans le lait ou la bière éventuellement si la cérémonie a lieu en intérieur et si les parents ont les moyens, trois fois, par le parrain ou la marraine, pour la lustration rituelle qui est une purification corporelle et un symbole de fécondité spirituelle.
Si l’enfant est trop grand, on lui plongera le visage dedans, ou il sera simplement aspergé de liquide lustral par le druide officiant qui se servira pour cela d’une branche de verveine sur le Continent, d’un rameau de noisetier ou de noyer en Irlande (rameau d’olivier appelé Trefuilngid Tre Eochair craeb en gaélique) ; car la lustration peut aussi être symbolique. L’enfant est après cela essuyé s’il y a lieu à l’aide d’un mince drap blanc, il en portera ensuite un autre sur ses épaules durant tout le reste de la cérémonie.
D’où la remarque d’Aristote (Politique VII, 2,5) qui n’y a rien compris : « Aussi chez beaucoup de peuples barbares a-t-on pour coutume de plonger les enfants dès leur naissance dans l’eau froide d’un fleuve, ou de les recouvrir d’un mince vêtement, et c’est ce qui se pratique chez les Celtes ».
Le druide officiant ajoute ensuite…
Oian oianau ! Petit marcassin
Accours vers le pommier
Accours vers le chêne
Le vieux sanglier va te faire la leçon !
Puisses-tu toute ta vie
Honorer les dieux, être brave et ne rien faire de bas
Et avoir à ton tour beaucoup d’enfants
Beaucoup de fils grands et forts
Intelligents et travailleurs
Beaucoup de filles bien faites
Intelligentes et courageuses.
Pourquoi ne t’appellerait-on pas N ? (Nom d’ategnatus ou appellation initiatique retenue par les parents) 6).
Les parrain et marraine choisis pour être éventuellement famille d’accueil acquiescent en prononçant la formule rituelle suivante…
« Quel que soit le nom qu’il aura, il sera bon si c’est celui d’un vrai Celte de cœur et d’esprit ! »
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Le druide officiant conclut alors l’anmenacton * par les paroles ci-après…
« N. (prénom, nom, date et lieu de naissance).
Fils (ou fille) de N. (désignation habituelle de la mère) et de N. (désignation habituelle du père si possible).
Tu es désormais un ategnatus et je te donne le nom et la geis de N. (nom ou appellation retenue par les parents).
Par Ogmios et le hésus Cuchulainn, sois désormais de notre peuple, le peuple prédestiné au divin, le peuple des dieux ! Nert dee agus andee. Et que la force soit avec toi ! Sunartiu ! »
Le druide officiant rend l’enfant aux parents ou aux proches, il annote le registre officiel des ategnati en se servant de runes lépontiques ou de tout autre alphabet de son choix, grec ou latin, etc.) ; puis remet la tablette ou l’écorce consignant tout ceci aux parents, et les réjouissances peuvent commencer. On peut « tuer le cochon », entonner des bardits divers (le bardit du chant de la fidélité ou le bardit du vin des C’hallaoued, etc. Précision d’un correspondant parisien).
Outre ses caractéristiques formelles et la part de symbolisme qu’il véhicule, les fonctions que le repas remplit permettent également de le considérer comme un rituel. À travers le repas, un groupe communique quelque chose à propos de lui-même : sa philosophie de la vie, son attitude envers les autres…
C’est aussi une occasion de trinquer au sens originel du terme c’est-à-dire de lever son verre en l’honneur des dieux avant de procéder à une libation au sens religieux du mot.
En Europe, on trinque généralement avec un verre d’alcool (bière, vin, cidre, etc.) cependant on peut faire de même avec un verre de boisson non alcoolisée. Lever son verre et trinquer ensuite est aussi l’occasion de prouver à l’autre (l’ancien ennemi ou la future famille) que la boisson n’est pas empoisonnée, en la buvant le premier. Ce qui consacre alors les réconciliations, les retrouvailles.
Mais cette coutume est aussi marquée par l’union de la parole et du geste, du discours et du choc. On entrechoque son verre avec celui du voisin, comme si l’on voulait qu’un peu de liquide s’échange entre les verres.
Boire à la santé de quelqu’un, pour célébrer une réussite ou souligner un événement particulier véhicule plusieurs informations ; en plus du simple plaisir de lever son verre, de trinquer avec les autres personnes présentes, de raconter une anecdote au sujet de la personne fêtée, de déguster la boisson servie et les amuse-gueules qui l’accompagnent. Une certaine de la vie est ainsi partagée. C’est l’identité du groupe ou de la famille qui est ainsi révélée. Les habitudes alimentaires sont des marqueurs de l’appartenance ethnique, religieuse et communautaire, ainsi que du statut social.
EXEMPLE DE FORMULES À UTILISER EN LEVANT SON VERRE.
Le barde (présidant le banquet).
Je lève mon verre à la VÉRITÉ, à la LIBERTÉ, à la RAISON, triple désir des Sages.
RÉPONSE DES AUTRES CONVIVES.
Maintenant et pour toujours !
LE BARDIT DU CHANT DE LA FIDÉLITÉ.
Nous ne portons pas de trésor, Nous portons notre roi mort. Sur de frêles esquifs battus par les flots Nous remontons vers l’Isle d’Avallon. Là-bas valent encore la parole et l’honneur : C’est là-bas que nous enterrerons notre roi,
Dans un cercueil fait d’un tronc de chêne. Des hommes à l’âme vile Portant le sceptre et la croix Ont imposé dans nos villes Le reniement de la Loi. Mais pour que toujours sur terre Reste une étoile polaire Tout au long des siècles campent Les hommes de notre trempe. Fidèles aux voix de l’âme Des bois, du roc et du sang Fidèles à la vraie flamme Fidèles à leurs enfants. Lorsque a chanté l’alouette dans le sillon oublié, Ils sont entrés dans la danse Du glaive et du chevalier. Les esclaves de la messe Ont bafoué la Raison, Cloué l’oiseau de sagesse Aux portes de leurs maisons. Ils ont brûlé nos sorcières Ils ont souillé nos enfants, Mais le chœur des âmes fières A triomphé des géants. Afin que l’or du paysage Réponde à l’or du couchant. Nous dormirons à la belle étoile L’étoile qui veille sur nos destins Nous hisserons la grand-voile Vers les rivages lointains. Nous paierons d’âge en âge Le tribut de notre sang.
N.B. L’air et la musique sont ceux d’une fanfare de chasse de 1723, l’aria Sancti Huberti ou Aria Bon repos, que nous devons au comte François-Antoine de Sporck (un Tchèque fou de cors de chasse) ;
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en l’honneur de l’empereur Charles VI. Cette œuvre eut beaucoup de succès en son temps puisque Gottfried Benjamin Hancke (Auf zur fröhlichen jagen) et même Jean-Sébastien Bach s’en sont partiellement inspirés. Deux siècles plus tard, elle fut également très prisée des milieux nazis de la première moitié du XXe siècle, mais avec d’autres paroles. Les paroles du texte original n’ont rien à voir non plus comme d’habitude (La biche campagnarde nous fait doubler nos pas et d’autres bêtes encore que Mireau n’entend pas). Comme quoi ce qui reste stable dans ce genre de création et qui fascine ce sont l’air et la musique, puisque les paroles s’envolent toujours, au gré des idéologies dominantes du moment. La même mésaventure est d’ailleurs arrivée aux paroles du beau Danube bleu. Ce qui importe donc c’est l’esprit. Les paroles on peut en faire ce qu’on veut. Une chorale scoute française de contre-réforme catholique a même cru bon récemment d’inverser certains des couplets du chant de la fidélité parvenus jusqu’à leurs oreilles (les esclaves de la messe y deviennent par exemple les ennemis de la Messe).
Quant au chant suivant, c’est encore pire, un de mes correspondants parisiens me signale que c’est purement et simplement du racisme anti-français. Bien plus qu’un simple dénigrement des Français, un véritable appel au meurtre ! Est-ce possible ?
LE GWIN AR C’HALLAOUED OU CHANT DU GLAIVE.
Ce chant est généralement connu sous le titre « Gwin ar C’hallaoued », mais on doit lui préférer celui de Chant du glaive ou de Danse de l’épée ; même si la culture de la vigne a été pratiquée bien avant la colonisation romaine, car il ne s’agit nullement d’une chanson à boire à l’origine. D’après les études de l’historien breton Théodore Hersart de la Villemarqué, qui le cite dans son Barzaz-Breiz, le Gwin ar C’hallaoued conduisait les guerriers bretons au combat au VIe siècle. Les sources du haut Moyen-âge le confirment avec Grégoire de Tours dans son Historia Francorum (Histoire des Francs). Ce dernier en effet se plaint à plusieurs reprises des incursions dans les régions de Rennes et de Nantes des troupes d’un chef de guerre breton nommé Waroc ; particulièrement intéressées par le vin blanc de leurs vignes.
On peut alors imaginer les armées face à face avant la ruée. Dans l’espace qui les sépare encore, le héros vêtu de ses plus beaux ornements de guerre vient, suivant la tradition, provoquer, en combat singulier, le champion du camp adverse. En s’élançant, il entonne Le Chant du glaive pendant que ses compagnons le reprennent, et marquent le rythme en frappant leurs boucliers de leurs épées afin de l’encourager.
Si on veut le chanter à la façon antique, celui qui mène (les troupes à l’assaut) lance le couplet qui est repris par la troupe et enchaîné sans temps mort avec le refrain.
Gwell eo gwin gwenn bar
Na mouar !
Gwell eo gwin gwenn bar.
Diskan.
Tan ! Tan ! Dir ! Oh Dir ! Tan ! Tan ! Dir ha tan !
Tann ! Tann ! Tir ! Ha tonn ! Tonn ! Tann ! Tir ha tir ha tann !
Gwell eo gwin nevez
Oh ! Na mez ;
Gwell eo gwin nevez.
Gwell eo gwin a lufr
Oh ! Na kufr ;
Gwell eo gwin a lufr.
Gwell eo gwin ar Gall
Nag aval ;
Gwell eo gwin ar Gall.
Gwin gwenn ha goad ruz
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Ha goad druz ;
Gwin gwenn ha goad ruz.
Goad ruz ha gwin gwenn
Eunn aouen !
Goad ruz ha gwin gwenn.
Goad ar C’hallaoued
Eo a red ;
Goad ar C’hallaoued.
Goad ha gwin eviz
Er gwall vriz ;
Goad ha gwin eviz.
Gwin ha goad a vev
Neb a ev ;
Gwin ha goad e vev.
Goad, gwin ha korol
D’id, Heol !
Goad, gwin ha korol.
Ha korol ha kan,
Kan, ha kann !
Ha korol ha kan.
………………………
Korol ar c’hleze,
Enn eze ;
Korol ar c’hleze.
Diskan.
Kann ar c’hleze goue
Ar Roue.
Kann ar c’hleze goue.
Diskan.
Kleze ! Roue braz
Ar stourmeaz !
Kleze ! Roue braz !
Diskan.
Kaneveden gen
War da benn ! 7)
Kaneveden gen !
Ce qui nous donne à peu près…
Mieux vaut vin blanc de raisin
Que de mûres ;
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Mieux vaut vin blanc de raisin.
Refrain.
Feu ! Feu ! Acier ! ô Acier ! Feu ! Feu ! Feu et acier !
Chêne ! Chêne ! Terre ! ô Flots ! Flots ! Terre et terre et chêne !
Mieux vaut vin nouveau
Qu’hydromel ;
Mieux vaut vin nouveau.
Mieux vaut vin brillant
Que cervoise ;
Mieux vaut vin brillant.
Mieux vaut vin de Gaulois
Que de pommes ;
Mieux vaut vin de Gaulois.
Vin blanc et sang rouge,
Et sang épais ;
Vin blanc et sang rouge.
Sang rouge et vin blanc,
Une rivière !
Sang rouge et vin blanc !
C’est le sang des Gaulois
Qui coule ;
Le sang des Gaulois.
J’ai bu sang et vin
Dans la rude mêlée ;
J’ai bu sang et vin.
Vin et sang nourrissent
Qui en boit ;
Vin et sang nourrissent.
Sang et vin et danse,
Pour toi, Soleil !
Sang et vin et danse.
Danse et chant,
Chant et bataille !
Et danse et chant !
Ci-dessous ce qui nous semble être une autre version ou une autre chanson.
Danse du glaive,
En cercle ;
Danse du glaive.
Refrain.
Bataille où le glaive sauvage
Est Roi ;
Bataille du glaive sauvage.
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Refrain.
O glaive ! ô grand Roi
Du champ de bataille !
O glaive ! ô grand Roi !
Refrain
Que l’arc-en-ciel brille
Sur ton front ! 7)
Que l’arc-en-ciel brille !
* Petite précision terminologique. On parle d’anmenacton pour des enfants, mais on utilise le terme anuanacton quand il s’agit d’adultes.
1) Tite-Live, Livre V, 46, 3 : « Même les Celtes furent stupéfiés par une si extraordinaire audace, ou alors ils furent retenus par quelque scrupule religieux, car ils étaient toujours très sensibles aux exigences de la religion ».
2) Denys d’Halicarnasse, Antiquité Romaine Livre VII, 70, 3 à 4 : Les Celtes, comme les Libyens, les Égyptiens, les Scythes et les Indiens, sont fidèles à leurs croyances religieuses et le temps ne le persuade pas de renoncer à leurs pratiques.
3) Trefuilngid Tre Eochair en gaélique.
4) On retrouve ce thème mythique déformé chez les auteurs grecs comme Parthénios de Nicée ou Diodore de Sicile.
Parthénios de Nicée : Histoires d’amour, XXX.
Celtinè : « On dit qu’Héraclès, quand il ramenait d’Erythie les génisses de Géryon, errant à travers le pays des Celtes, arriva chez Bretannos. Ce prince avait une fille nommée Celtinè. Devenue amoureuse d’Héraclès, elle cacha ses génisses et ne voulut pas lui rendre tant qu’il ne se serait pas, au préalable, uni avec elle. Le héros, empressé de sauver ses génisses, mais bien plus encore frappé par la beauté de la jeune fille, s’unit à elle, et, le moment venu, il leur naquit un fils, Celtos, de qui les Celtes tirent leur nom ».
Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, V, 24.
« Après ce discours sur les îles situées dans les régions du couchant ; nous croyons qu’il n’est pas hors de propos de discourir brièvement sur les peuples de l’Europe qui en sont voisins, et qui ont été laissés de côté dans les livres précédents. Anciennement, dit-on, régnait sur la Celtique un homme illustre qui avait une fille douée d’une taille peu ordinaire, surpassant par sa bonne mine toutes les autres femmes. Cette force corporelle et cette bonne mine que l’on admirait en elle lui avaient donné de l’orgueil, et elle refusait tous les prétendants à sa main, n’en estimant pas un digne d’elle. Or, Héraclès, lors de son expédition contre Géryon, passa par la Celtique où il fonda la ville d’Alésia. La fille du roi le vit, et, après avoir admiré sa valeur et sa taille surhumaine, reçut de tout cœur, et avec l’agrément de ses parents, les caresses du héros. De cette union naquit un fils qui fut nommé Galatos, et qui surpassa de beaucoup ceux de sa nation par la vaillance de son âme ainsi que par la force de son corps. Arrivé à l’âge d’homme et après avoir hérité du royaume de ses pères, il conquit une grande partie des pays limitrophes et accomplit de grands faits de guerre. Rendu célèbre par son courage, il donna son nom de Galates les peuples rangés sous sa loi et ce nom s’étendit à toute la Galatie ».
5) Deiseil, deiseal. Un peu comme dans le rituel prémusulman de la taouaf autour de la Kaaba de La Mecque.
6) Pour vous aider, voici quelques exemples tirés de l’œuvre de David Rankine.
Aigle. Respect, créativité, soin, santé.
Alouette. Le juste milieu entre les hommes et les dieux.
Bélier. Imagination, recommencement.
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Canard. Il n’est jamais fait mention du canard dans les textes, mythologiques ou épiques irlandais, gallois. Il a été confondu avec le cygne, dont il diffère cependant, ne serait-ce que par la taille et la couleur. On trouve néanmoins des canards représentés sur du mobilier archéologique de l’époque de la Tène. On est donc enclin à donner, de ces images existant dans le monde celtique, une interprétation analogue à celle du cygne.
Cerf. Dix cors. Indépendance, équilibre, fierté.
Cheval. Puissance, liberté, mouvement.
Chien. Fidélité, garde, héroïsme.
Corbeau. Ressources morales, changements personnels.
Corneille. Découverte de soi, créativité, intelligence.
Cygne. Le cygne est un symbole royal, mais c’est aussi un symbole de pureté, de lumière et de féminité (chez les Celtes). On l’associe à l’amour. Sur le Continent, et même dans les îles, le cygne est souvent confondu avec la grue, d’une part, et l’oie, d’autre part.
Daim, biche. Gentillesse, innocence, sixième sens.
Dragon ou griffon. Connaissance, croissance, régénération.
Faucon. Hauteur de vue, dignité.
Hermine. Symbolise les vierges guerrières. Voir belette.
Loup. Esprit de corps, esprit de famille, protection.
Loutre. Symbolise la fin d’un cycle temporel.
Oie. Messagère de l’Autre Monde. Le Cygne et l’oie servent d’enveloppes corporelles aux anges de sexe féminin venus du pays des dieux (les Celtes lui attribuent donc des pouvoirs divinatoires).
Ours. Puissance, force intérieure, jeu.
Papillon. Le symbolisme du papillon est celui de l’âme débarrassée de son enveloppe charnelle.
Renard. Intelligence, diplomatie, patience.
Saumon. Sagesse, régénération, durée.
Sanglier ou Porc. La consommation de sa viande lors de la fête des trinouxtion samoni (os) ou fête des Morts, est censée procurer une longue vie si ce n’est l’immortalité. Sur les enseignes des guerriers, le sanglier en outre est censé assurer leur protection.
Serpent. Protection, fertilité, sagesse, mue et renaissance.
Taureau. Courage, prospérité, abondance.
Tortue. * Création, interconnexion.
Il existe bien sûr une foule d’autres animaux passionnants, bien dignes de vous inspirer : le bison, l’aurochs, le lynx, etc., etc. Pour tout renseignement : www.davidrankineart.com-. (ça fera travailler un peu les parents comme ça)
* Testudo hermanni Testudo graeca et cistude d’Europe (Emys orbicularis).
7) Sans doute une allusion à la lumière des héros, lon gaile, luan laith ou lon laith en gaélique. Voire én gaile (oiseau de valeur) ? Un équivalent du xvarnah zoroastrien rendant les corps belissama (pour le genre féminin, ce qui nous donnerait alors belissamos pour les corps masculins).
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VIROLAXTON OU ADOUBEMENT (vers quatorze ans) *
*C’est d’ailleurs l’âge où Gaston Phébus considérait qu’un garçon pouvait devenir « vassaletos ».
Ce que l’on peut déduire de l’histoire de Lleu Llaw Gyffes au pays de Galles (4e branche du mabinogi) c’est qu’il a dû exister d’autres rites de passage pour les garçons ; et notamment une initiation à l’utilisation des armes. Ceci ressort également à l’évidence de la légende du hésus Cuchulainn (son apprentissage des armes en Écosse auprès de Scathache).
« Il convoque le conseil armé. C’est là, selon l’usage, l’acte initial de toute guerre. Une loi, la même chez tous, veut que tous ceux qui ont l’âge d’homme y viennent en armes ; celui qui arrive le dernier dans ce cas est livré, en présence de la multitude, aux plus cruels supplices » (César. B. G. Livre V, 56).
La déclaration de guerre selon César entraînait donc des mises à mort relevant plus du sacrifice humain que de la peine capitale et constituait une exception à la règle générale de préservation de la vie édictée par les très-sachants de la druidiaction (druidecht).
Ce concilium armatum (gaisata datla en celte ?) extrêmement ritualisé, n’avait probablement de conseil que le nom. C’était plus un rituel avec sacrifice humain qu’autre chose. César le décrit d’une manière exceptionnelle dans son œuvre. C’est l’une des très rares descriptions de caractère ethnographique en dehors de la digression du Livre VI. Elle a l’avantage aussi de mettre en relation directe une pratique religieuse (un rituel) avec des événements datés.
Ces assemblées guerrières étaient celles où le guerrier se parait de toutes ses armes, indiquant son rang hiérarchique et témoignant de son passé glorieux. Si certaines étaient ouvertes à l’ensemble des combattants, toutes origines sociales confondues, le plus grand nombre étaient réservées aux chefs et se tenaient dans le secret, comme le laisse d’ailleurs entendre César à plusieurs reprises.
Ces assemblées, qu’elles fussent seulement civiles ou militaires, ne se déroulaient jamais sans un certain décorum. Lors de la conjuration générale de 52 avant notre ère, les chefs de tribu-états se réunissent chez les Carnutes, probablement dans l’un de leurs sanctuaires. Là ils nouent des serments sur des enseignes réunies en faisceau, ce qui est, note César, « more eorum gravissime caerimonia », autrement dit la cérémonie la plus grave [et la plus lourde de conséquences] du point de vue religieux.
La mise à mort en question était bien entendu un sacrifice humain, et cette citation de César prouve donc qu’en ce qui concerne les guerres « sacrées » celtiques (ver sacrum), on commençait toujours par un sacrifice de ce genre.
Contrairement à ce que laisse entendre le conquérant romain, ce rituel est ancien, en tout cas antérieur au Ier siècle, et il est révélateur. Son sens est parfaitement compréhensible. Il s’agit, sous la forme la plus solennelle, de signifier à tous les participants que, désormais, leur vie ne leur appartient plus ; qu’elle est entre les mains d’un destin qui les laissera en vie ou qui en fera des morts promis à un éden héroïque ! Celui qui a tenté de se soustraire au devoir collectif doit non seulement mourir, mais il doit le faire lentement, dans des traitements dégradants et à la vue de tous ; de façon à ce que sa mort paraisse l’image inversée de la mort du guerrier, rapide, en pleine gloire. La mobilisation générale néanmoins ne devenait un devoir sacré qu’en cas de guerre défensive ou de légitime défense, de soi-même ou d’amis (ver sacrum).
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César. B. G. VI, 18. « Ils ne permettent pas que leurs enfants les abordent en public avant d’être adolescents et en état de porter les armes. Ils regardent comme honteux pour un père d’admettre en sa présence publiquement son fils en bas âge ».
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Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le remarquer, abstraction faite du très bas âge, les premiers stades de la vie (colonnes d’âge appelées * Mapotaxeto et * Geistlaxeto en vieux celtique) faisaient donc entrer l’individu dans une société dont la caractéristique essentielle était qu’elle baignait en permanence dans le sacré.
Le point fort en était l’adoubement ou remise des armes vers quatorze ans (2 X 7 ans), qui situait l’individu dans la tradition de son clan. L’adoubement était la première vraie initiation de tout jeune Celte d’esprit ou de cœur. Il s’agissait d’un rite de passage à l’âge adulte (de jeune adulte, ne parlons pas du cas de Cuchulainn pour qui ce fut à 7 ans).
L’adoubement ou virolaxton est la cérémonie druidique par laquelle un garçon (ou une fille aussi maintenant) confirme personnellement les vœux du baptême païen reçu enfant. Le jeune homme (ou la jeune fille) s’engage désormais personnellement à conformer les actes de sa vie, tant privée que publique, aux règles d’or de la chevalerie de la Table ronde 1). Il ou elle prête serment de fidélité à la communauté druidique, et à son Primat inter pares.
Chacun doit donc, pour l’occasion, apprendre les rudiments de la tradition, voire étudier le premier livre (auraicept) de la littérature orale adéquate avons-nous dit.
Les figures d’animaux tiennent une grande place dans le symbolisme celte. Le sanglier, le taureau, le cheval, que l’on retrouve sur les monnaies de la plupart des tribus-états, particulièrement sur les monnaies des Bituriges ; certains oiseaux, certains arbres, certaines plantes, étaient des emblèmes nationaux et religieux. Ils devenaient des types monétaires, des enseignes militaires ; on les portait dans les batailles ; on les vénérait, on adorait en eux une source de richesse agricole ou forestière, de prospérité publique. Beaucoup de Celtes antiques portaient par conséquent des noms évoquant des animaux : Matugenos, Boduognatos, Deiotaros, Brannogenos, Tarbelli…
Si tel est son désir, chacun peut donc également, à l’instar de ces glorieux ancêtres, choisir comme nom initiatique un nom en liaison avec un animal ou une plante, différent de celui qu’il aura reçu lors de la cérémonie du nom précédente.
Voici quelques petits conseils pour se trouver un tel nom. Allongez-vous, fermez les yeux, et imaginez que vous êtes dans une forêt verdoyante, laissant pénétrer les rayons du soleil. Vous marchez droit devant vous en vous enfonçant dans la forêt. Vous arrivez près d’une grosse pierre dressée à la verticale et vous entendez des bruits tout autour de vous : ce sont les chants des oiseaux. En même temps que vous les écoutez, vous tournoyez sur vous-même. Un petit sentier vous apparaît, vous décidez de l’emprunter. Vous avez l’impression d’avancer sans que vos pieds touchent le sol et de plus en plus vite. Vous arrivez dans une clairière où les herbes sont hautes, et devant vous, il y a la lisière du bois. Vous êtes loin et vous avez du mal à distinguer, mais vous voyez quand même quelque chose qui bouge dans les fourrés. Une forme floue se rapproche et vous la voyez maintenant très clairement : c’est votre animal totem.
Pour vous aider, voici quelques exemples tirés de l’œuvre de David Rankine.
Aigle. Respect, créativité, soin, santé.
Alouette. Le juste milieu entre les hommes et les dieux.
Bélier. Imagination, recommencement.
Canard. Il n’est jamais fait mention du canard dans les textes, mythologiques ou épiques irlandais, gallois. Il a été confondu avec le cygne, dont il diffère cependant, ne serait-ce que par la taille et la couleur. On trouve néanmoins des canards représentés sur du mobilier archéologique de l’époque de La Tène. On est donc enclin à donner, de ces images existant dans le monde celtique, une interprétation analogue à celle du cygne.
Cerf. Dix cors. Indépendance, équilibre, fierté.
Cheval. Puissance, liberté, mouvement.
Chien. Fidélité, garde, héroïsme.
Corbeau. Ressources morales, changements personnels.
Corneille. Découverte de soi, créativité, intelligence.
Cygne. Le cygne est un symbole royal, mais c’est aussi un symbole de pureté, de lumière et de féminité (chez les Celtes). On l’associe à l’amour. Sur le Continent, et même dans les îles, le cygne est souvent confondu avec la grue, d’une part, et l’oie, d’autre part.
Daim, biche. Gentillesse, innocence, sixième sens.
Dragon ou griffon. Connaissance, croissance, régénération.
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Faucon. Hauteur de vue, dignité.
Hermine. Symbolise les vierges guerrières. Voir belette.
Loup. Esprit de corps, esprit de famille, protection.
Loutre. Symbolise la fin d’un cycle temporel.
Oie. Messagère de l’Autre Monde. Le Cygne et l’oie servent d’enveloppes corporelles aux anges de sexe féminin venus du pays des dieux (les Celtes lui attribuent donc des pouvoirs divinatoires).
Ours. Puissance, force intérieure, jeu.
Papillon. Le symbolisme du papillon est celui de l’âme débarrassée de son enveloppe charnelle.
Renard. Intelligence, diplomatie, patience.
Saumon. Sagesse, régénération, durée.
Sanglier ou Porc. La consommation de sa viande lors de la fête des trinouxtion samoni (os) ou fête des Morts, est censée procurer une longue vie si ce n’est l’immortalité. Sur les enseignes des guerriers, le sanglier en outre est censé assurer leur protection.
Serpent. Protection, fertilité, sagesse, mue et renaissance.
Taureau. Courage, prospérité, abondance.
Tortue. * Création, interconnexion.
Il existe bien sûr une foule d’autres animaux passionnants, bien dignes de vous inspirer : le bison, l’aurochs, le lynx, etc., etc. Pour tout renseignement : www.davidrankineart.com.
Il est fortement conseillé de se choisir un nom initiatique en vieux celtique, ou dans une des langues celtiques jadis parlées sur le territoire où l’on habite ; ou dans une des langues néo-celtiques modernes, si l’on demeure sur un territoire où elles sont encore pratiquées. Irlande, Pays de Galles, Écosse, Bretagne, Île de Man et Cornouailles (le cornique).
Ce nom initiatique n’est pas nécessairement un nom d’animal totem, il peut par exemple être celui d’une personnalité plus ou moins connue (éviter néanmoins celles qui le sont trop, cela pourrait être gênant : autrement dit pas de Boudicca ou de Calgacos chez nous. Ceci bien sûr n’a rien à voir avec ses positions sur la famille**).
Dès la cérémonie d’adoubement, un jeune celtisant peut porter un couteau, un poignard ou une dague à rognons 2) à sa ceinture (chez les sikhs, on appelle cette dague maçonnique un kirpan). Et une jeune fille une triple clé ou un trousseau de trois clés ***
Au moins le temps de la cérémonie.
Là encore, les parents ne doivent pas être visibles à ce moment-là en principe et seuls les membres de la famille d’accueil éventuelle (parrain ou marraine) doivent être présents.
* Testudo hermanni Testudo graeca et cistude d’Europe (Emys orbicularis).
** « La nature a voulu que l’on chérisse plus que tout ses enfants et ses proches : les uns, enrôlés de force, sont emmenés pour servir dans d’autres pays ; les épouses et les sœurs, même si elles parviennent à échapper aux caprices de l’ennemi, sont déshonorées par ces prétendus amis et hôtes… et, là où ils font le désert, ils appellent ça la paix ».
*** Les trois clés de Trefuilngid Tre Eochair bien entendu.
L’initiation aux arts martiaux de notre gentil seigneur de Muirtheme a eu lieu dans une sorte de Montsalvat celtique appelé grianon. Voici en quels termes il est décrit dans notre littérature orale.
« Ainsi était cette citadelle du soleil ; avec sept portes immenses, et sept fenêtres entre chacune de ces portes, trois fois cinquante filles dans chacune de ses pièces, avec des manteaux pourpres et bleus. Et il y avait trois fois cinquante garçons du même âge, trois fois cinquante garçons valeureux, trois fois cinquante champions, hardis et intrépides, devant chacune de ces portes, à l’intérieur et à l’extérieur ; apprenant l’art martial et les prouesses chevaleresques avec Scathache ».
Mais il n’est pas toujours possible évidemment d’avoir un tel Montsalvat sous la main pour une cérémonie d’adoubement.
ET LÀ ENCORE, UNE FOIS LAISSONS LA PAROLE À SHAKESPEARE.
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Si la cérémonie doit se dérouler en plein air, le lieu où elle doit être célébrée ainsi est appelé « nemeton ». Si elle doit se dérouler à l’abri d’un bâtiment quelconque, temple ou loge, le lieu où elle doit être célébrée dans ce cas est appelé d’un nom dépendant de l’importance du bâtiment et doit être convenablement décoré ou agencé. Par exemple, une grande pièce ou salle rectangulaire, toute en longueur ; terminée au fond par une demi-cella (hémisphérique donc) jouant le rôle à la fois d’un déambulatoire ou d’un chœur avec maître-autel, au diamètre égal à la largeur de la salle, et séparée de celle-ci par un chancel. En bref un plan de type basilical. Autrement dit un lieu de réunion constitué d’une nef terminée par une abside en forme de demi-cercle, où siégeaient, certes, jadis les magistrats, mais permettant aujourd’hui la circumambulation rituelle (deiseil/ deiseal) des druides, vates, vellèdes et gutuatres/gutumatres (ou prêtresses bien entendu) ; et laissant passer la lumière au maximum (genre cathédrale donc, pas catacombes).
Le mot basilique vient d’un terme grec formé à partir de deux éléments : « basileus » qui signifie « roi » et le suffixe « -ikê », suffixe d’adjectif féminin.
Ou alors, il doit s’agir d’un plan de type Panthéon c’est-à-dire d’une grande rotonde séparée, pour ce qui est de l’intérieur, par une sorte de chancel ; précédée d’une grande pièce rectangulaire (pronaos) avec un bâtiment de transition correspondant au portique des anciens sanctuaires celtes à palissade ; ou à la porte triomphale marquant l’entrée du cimetière des enclos paroissiaux bretons ; voire au portail de certaines églises romanes. À la fin du XIe siècle en effet, le décor sculpté a pris place sur la façade des églises, afin de signaler symboliquement le passage du monde profane à l’enceinte sacrée. On apportera dès lors beaucoup de soins à l’ornementation de la façade principale qui acquiert ainsi un caractère de monumentalité inconnu jusqu’alors. Sans doute les artistes ne possèdent-ils pas encore toute l’expérience voulue dans le maniement du ciseau. Ils donnent aux visages des expressions étranges, avec des yeux exorbités, des sourcils arqués. Les personnages ont souvent des proportions fausses, des attitudes raides. Si ce sont des plantes ou des animaux qui servent de motifs d’ornementation aux moulures, aux chapiteaux, on y retrouve l’influence celte dans la déformation de la réalité pour arriver à des types fantastiques, très éloignés de la nature : ces figurations extraordinaires, brebis, quadrupèdes à tête de femme, dragons, chimères, adoptées par les premiers artistes chrétiens, avaient fini par répondre aux croyances populaires 3).
La cérémonie varie suivant que la personne à adouber sera une jeune fille ou un jeune homme. Il y a donc lieu de s’organiser en conséquence.
Accessoires ou hiéra nécessaires : un billot de bois. Une épée genre médiéval ou plus ancien. Un couteau un poignard ou une dague à rognons (une dague maçonnique appelée kirpan chez nos amis sikhs).
Lames à deux tranchants. Doivent être bien évidemment non affûtée (comme les glaives ou les dagues maçonniques). L’épée symbolise la lutte loyale que le celtisant doit, comme le roi Noadatus/Nuada/Nodens, soutenir sans relâche pour la Justice et la Vérité. Le couteau droit ou à lame fixe, avec les trois fonctions d’outil, d’arme et de parure masculine, était l’arme de l’homme qui n’était pas assez riche pour s’offrir une épée, mais une arme avec laquelle il pouvait légitimement défendre son honneur.
Une chemise blanche. Une écharpe verte. Une triple clé ou trois clés à porter à la ceinture.
Le futur adoubé ou la future damoiselle doivent tout d’abord commencer par se laver soigneusement en prenant un bain complet dans une cuve de bois (bascauda).
Filles et garçons doivent se couper les cheveux (en principe pour la première fois), les vouer aux dieux en les faisant brûler, par exemple sur une coupelle placée sur l’autel familial consacré aux dieux et aux ancêtres (boutsoudan chez nos amis bouddhistes). Ils passent ensuite la nuit qui précède la cérémonie en prière, en compagnie de leurs parrain et marraine, revêtus donc d’une chemise blanche.
Des prières pour le retour du roi Ambicatus, le roi du monde, le roi perpétuel (pour le retour d’Arthur si l’on se trouve en Grande-Bretagne ou en Armorique). En tous les cas aussi pour le retour du Graal.
Le jour venu, le futur écuyer ou la future damoiselle s’habille d’une cape blanche marquée d’une croix de Suqellos rouge, sur la capuche ou entre les épaules (un X rouge : le labaron).
Les membres de la sodalité, après avoir revêtu leurs habits de cérémonie en un lieu approprié, par exemple une sacristie de type sacrarium 4) commencent par arriver en procession pour former le cercle sacré ; que ce soit à l’extérieur en pleine nature autour d’un simulacrum (un arbre, un totem ?) ou d’un point central soigneusement choisi à cet effet dans la campagne, ou à l’intérieur d’un
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sanctuaire autour de sa cella, ou à l’intérieur d’un temple dans sa cella, voire à l’intérieur d’une abside en forme d’hémicycle si le plan est de type basilical.
Avec par ordre d’ancienneté prêtresses et très-sachants de la druidiaction (druidecht) en tête, ensuite les gutuatres ou gutumatres, les vates avec en leur milieu l’huissier enquêteur et son vouge 5), enfin les vellèdes.
La procession arrive si possible par l’est à l’endroit choisi et marqué en son centre soit par un autel de pierre dominant un puits à sacrifice, si le rituel a lieu à l’intérieur d’un bâtiment, soit par un simulacrum ainsi que nous l’avons dit ; c’est-à-dire un arbre ou un totem, à l’ouest duquel a été aménagé le cas échéant un petit autel rustique genre tonneau destiné à porter le couteau ou la dague, ainsi que les clés ou l’écharpe verte qui vont être utilisées ; si l’on se trouve à l’extérieur. Le cortège effectue trois tours (trois grandes circumambulations) à bonne distance de l’autel ou du simulacrum (deisil, deiseil, deiseal en Irlande… pour comparaison, dans le taouaf effectué autour de la Kaaba de La Mecque, il y a sept tours autour du simulacrum).
Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) se placent à l’est faisant face à l’ouest, les gutuatres/gutumatres au nord faisant face au sud, les vates à l’ouest faisant face à l’est, les vellèdes au sud faisant face au nord.
Le druide officiant arrive ensuite lui aussi par l’est, suivi de la personne qui doit être adoubée, accompagnée des siens. Une épée au côté 6), il pénètre dans le cercle et va droit jusqu’au simulacrum ou l’autel puis tourne trois fois autour dans le sens solaire (dans le sens des aiguilles d’une montre : petite circumambulation de type deisil, deiseil, deiseal). Il se concentre un instant face à l’est, les mains dressées vers le ciel, et le vate faisant fonction d’huissier enquêteur fait signe à la personne qui va être adoubée ; qui est restée en arrière à l’extérieur du cercle formé par les vates, les vellèdes, les gutuatres/gutumatres, et les autres très-sachants de la druidiaction (druidecht) ; d’approcher.
Donnons maintenant la parole pour le reste à l’immortel auteur de Cymbeline (1611).
Le jeune garçon ou la jeune fille qui était resté à l’extérieur, s’approche et agite des grelots genre sonnailles ou clarines placées à sa disposition.
« Où est celui qui ose nous affronter ? » demande alors le druide officiant.
« Ici » répond le jeune garçon ou la jeune fille.
Le vate faisant fonction d’huissier enquêteur prend alors le candidat de la main gauche pour l’amener devant le druide officiant.
« Quel est ton nom, dis-le-moi que je puisse le savoir », poursuit le druide officiant.
« Je suis le (ou la) Celte N (nom de baptême païen du candidat ou nom initiatique) fils (ou fille) de… (nom du père ou de la mère), qui cherche sa voie ».
Où pouvons-nous trouver le pendragon Ambicatus Artorius, on le cherche partout en vain ? » 7)
Le druide officiant : « Et pourtant il n’est pas mort. Il est toujours bien vivant et il reviendra un jour. Roi des rois autrefois, il sera imperator à nouveau, un jour, car rien ne vaut un bon roi ».
Le candidat demande : « Qui es-tu, ô très-sachant, pour me répondre ainsi ? »
Le druide officiant…
« Je viens d’un pays lointain où il n’y a ni âge, ni déclin, ni obscurité, ni envie, ni jalousie, ni haine. Je viens de l’île qui produit tout par elle-même, une île appelée Avallon. Là il n’y a aucune culture, hormis celle dont la nature s’occupe elle-même. La terre y engendre tout elle-même comme de l’herbe ».
Le candidat : « Ce n’est pas ainsi chez nous, ô grand très-sachant ! ».
Le druide officiant.
Notre Seigneur Gauvain fils de la reine Anna d’Orcadie a pris les armes alors qu’il avait tout juste 7 ans et il est mort à 25 ans.
Nous n’attendons pas de toi autant d’exploits que ceux de notre seigneur Gauvain. Nous n’attendons pas de toi autant de puissance que lui. Nous n’attendons pas de toi que tu deviennes seul maître et seigneur du château des reines mortes.
Mais tu vas devoir désormais affronter constamment le plus puissant et le plus tentant des adversaires ayant jamais vécu à la cour d’Arthur, le chevalier habillé de vert ; puisque contrairement à son nom ce n’est pas dans un haut désert qu’il demeure, MAIS DANS LE CŒUR DE TOUT HOMME. Car le Mal n’a aucune existence objective extérieure dans l’univers si ce n’est en l’homme lui-même.
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Le plus grand des ver sacrum, le ver sacrum avec une majuscule, est celui qu’il faut d’abord remporter sur soi-même. Les autres ver sacrum ne sont que ruines de l’âme s’ils n’ont pas été précédés par celui-ci…
Voici ce que nous apprend notre tradition. Il y a longtemps, très longtemps, régnait un grand monarque nommé Ambicatus Pendragon. Sous son règne le pays avait une telle abondance de récoltes et d’hommes, que l’on pouvait à peine gouverner cette multitude. Il envoya les fils de sa sœur en printemps sacré de par le vaste monde, et même Rome fut prise à cette occasion. Le temple de son Jupiter ayant pourtant survécu, l’âme romaine a pu néanmoins s’emparer de l’empire des choses de ce monde. Le monde entier est leur proie. Ces Romains, qui veulent tout, ne trouvent plus de terre à ruiner. Alors, c’est la mer qu’ils fouillent ! Riche, leur ennemi déchaîne leur cupidité, pauvre, il subit leur oppression. L’Orient, pas plus que l’Occident, n’a calmé leurs appétits. Ils sont les seuls au monde qui convoitent avec la même passion et les terres d’abondance et les terres d’indigence. Rafler, massacrer, saccager, c’est ce qu’ils appellent asseoir leur empirer. Font-ils d’une terre un désert ? Ils disent qu’ils la pacifient. Mais l’incendie qui ravage Rome aujourd’hui est le signe de la colère des dieux.
Le druide officiant, tout en désignant la dague ou le couteau : « Voici une lame venue du pays des lacs et qui retournera au lac un jour. Jure sur ce glaive…****
Variante en cas d’adoubement féminin : « Voici la triple clé que nous a laissée notre noble seigneur Trefuilngid Tre Eochair. Jure sur cette clé…»
De conformer désormais les actes de ta vie tant privée que publique aux règles d’or de la Table ronde, de rester fidèle à notre communauté ainsi qu’à son Primat inter pares, et de défendre notre Foi.
Le jeune homme ou la jeune fille répond en levant la main droite les trois doigts tendus comme dans une main de justice : pouce, index et majeur (repliés : annulaire et auriculaire), et prononce le serment suivant.
SERMENT DES HAUTES TERRES.
Je jure sur cette épée [sur cette triple clé]
Touongo adge deuu iom touongeti ma touta
Tongu do dia toingeas mo tuath
Par les dieux qu’adore mon peuple,
Le ciel au-dessus de nos têtes
Le soleil et la lune
La terre sous nos pieds
La mer tout autour de nous
De conformer désormais les actes de ma vie tant privée que publique aux règles d’or de la Table ronde, de rester fidèle à notre communauté ainsi qu’à son Primat inter pares, et de défendre notre Foi.
Si je ne le fais pas
Que le ciel et toutes ses étoiles me tombent sur la tête.
Que la terre s’effondre sous mes pieds en un grand tremblement.
Que la mer aux vagues bleues recouvre nos terres et nos forêts.
Que je ne puisse plus trouver asile nulle part,
Que je ne puisse plus revoir ni épouse [ni époux]ni enfants, ni père, ni mère, ni un autre parent
Que je sois maudit dans tout ce que j’entreprends, famille et propriété ;
Que je meure lâchement sur le champ de bataille et demeure sans sépulture digne de ce nom, en terre étrangère,
Loin de la tombe de mes ancêtres et de ma parenté.
Oui, que tout ceci m’arrive si je romps ce serment.
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Le druide officiant :
« Tu sembles inquiet mon enfant, mais il ne faut pas, car ce n’est pas mourir pour sa foi qui est le plus difficile, c’est de vivre pour elle ! ».
Un des rites initiatiques les plus couramment usités alors était ce qui a été appelé en ancien irlandais le briamon smethraige. Le très-sachant de la druidiaction (druidecht) posait sa main gauche sur l’épaule droite de la personne en face de lui, et lui prenait l’oreille gauche de la main droite 8) avant de prononcer la geis de circonstance.
Le jeune garçon ou la jeune fille met ensuite la tête sur l’autel (sur un billot de bois si l’on opère en extérieur) et le druide officiant fait alors semblant par trois fois de la lui trancher avec son épée 9) ; puis il lui dit…
« Et maintenant, relève-toi, car de tous les habitants de ce pays, tu es bien le meilleur pour ce qui est du sens de la courtoisie et de l’honneur ; et le prix d’un tel courage, toi seul le mérites ».
Le druide officiant remet alors…
— Au jeune garçon son couteau (dague chez les francs-maçons, kirpan chez les sikhs),
— À la jeune fille les clés 10).
Le futur écuyer doit se saisir du gladivo (du couteau ou de la dague) et tourner sa pointe vers le haut en le tenant à deux mains.
La future damoiselle doit se saisir de la clé puis tourner son panneton vers le haut en la tenant à deux mains.
Le druide officiant passe ensuite une écharpe verte autour du cou du jeune garçon ou de la jeune fille puis il pose sa main gauche sur l’épaule du jeune garçon ou de la jeune fille et lui prend l’oreille gauche de la main droite 8), en lui disant ce qui suit.
« Celte N (Nom initiatique fourni par le jeune garçon ou la jeune fille) tu es désormais ordonné écuyer (ou damoiselle) !
Tu es maintenant membre de la fleur de notre communauté ! Pars à la recherche de ton Graal ! »
Le druide officiant défait le cercle sacré en le parcourant à l’envers, de l’intérieur. Il peut alors se rompre et les cornemuses se mettre à sonner. Le druide officiant remet la tablette ou l’écorce consignant tout ceci en runes lépontiques à l’impétrant puis note ce virolaxton ou adoubement celtique sur le registre.
Un échanson (ou une conhospita) offre au nouvel écuyer (ou à la nouvelle damoiselle) soit de la bière soit de l’hydromel, puisé dans un tonneau à l’aide d’un crâne serti d’or.
On peut « tuer le cochon », entonner le bardit du chant de la fidélité ou le bardit du vin des C’hallaoued (voir l’anuanacton, cérémonie du nom).
En principe les places sont réservées aux participants à ce banquet en fonction d’un protocole précis, et non laissées au hasard.
Autrefois le seigneur organisait alors une fête dans son château, à laquelle ses vassaux étaient conviés. La place de chacun dans le celicnon était signalée par un bouclier préalablement accroché au mur.
Aujourd’hui un simple carton à son nom posé sur la table (ronde dans le cas d’un celicnon) peut suffire évidemment, mais décorer les murs de la salle en question de boucliers portant des armoiries est toujours une idée.
Quelques suggestions de formules pour lever son verre à la santé de telle ou telle chose ou personne maintenant.
Le barde (président) du banquet.
Je lève mon verre aux grands hommes et aux grandes femmes du passé, pour la droiture de leurs actions et de leurs préceptes.
RÉPONSE DES AUTRES CONVIVES.
Afin de profiter de leur exemple et de leur doctrine !
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Le barde (président) du banquet.
Je lève mon verre en l’honneur de… nom laissé à l’appréciation du barde du banquet.
**** Chez les Celtes et les Germains, l’épée paraît avoir été considérée comme la plus importante manifestation de la puissance du dieu qu’invoquaient les guerriers. L’exemple historique le plus indéniable de cette tradition que 1000 ans plus tard les redoutables combattants des Hautes-Terres d’Écosse suivaient encore, figure dans les commentaires de Jules-César. Livre VII, chapitre 67 : « Les cavaliers s’écrient alors unanimement qu’ils doivent se lier par le plus sacré des serments : que ne devra plus être reçu sous un toit ni revoir ses enfants ses parents ou son épouse celui qui… »
1) Qui sont aux antipodes de celles des hommes au pouvoir en France depuis 2007 : mensonge, rapacité, cynisme, égoïsme forcené, veulerie, manque de scrupules, aucune dignité, aucun sens de l’honneur…
2) Voici comment mangent les Celtes… « Ils coupent des tranches avec un couteau placé dans une gaine spéciale adhérant au fourreau de l’épée » (Posidonios. Histoires. Livre XXIII).
3) Les progrès de la sculpture, au XIIe siècle, seront néanmoins extrêmement rapides. On peut se rendre compte ; par les figures qui décorent le portail Sainte-Anne de Notre-Dame de Paris, par celles de la porte centrale ; du degré d’originalité atteint par les artistes. L’expression des têtes est individualisée, la facture est assouplie, le travail du ciseau est varié, suivant qu’il s’agit de traiter le nu ou le drapé ; le style est empreint de noblesse. La sculpture monumentale n’a jamais eu plus de caractère que durant cette période de l’art roman.
4) Pour les cultes publics à Rome, on peut rappeler ce qui a été dit du sacrarium de Mars sur le Palatin, où étaient enfermés les ancilia, et de celui de la Regia, où étaient conservées les hastae martiae ainsi que le lituus de Romulus.
5) Ce substantif peut également être considéré comme féminin. Le ou la vouge peut aujourd’hui être remplacé (e) par une serpette de vigneron, une sorte de couteau en forme de petite serpe, les Celtes méridionaux n’ayant pas attendu les Romains pour découvrir la vigne. Les fouilles archéologiques pratiquées en 1992 près de Paris (à Bobigny) ont d’ailleurs montré que les Celtes antiques connaissaient aussi le couteau pliant genre couteau de poche ou canif.
cf. donc par exemple par exemple le couteau serpette pliant N.10 SF de la célèbre marque Opinel. Lame acier inoxydable de dix centimètres. Manche en hêtre verni. Un outil de jardinier idéal pour tailler des arbustes, greffer ou inciser des arbres fruitiers. Mais bien sûr, le ou la vouge peut toujours avoir ses dimensions originelles, c’est-à-dire être au moins de la taille d’une hallebarde suisse.
6) Les druides antiques avaient parfaitement le droit de porter les armes. L’Éduen Diviciacos commanda même pendant quelque temps un corps de cavalerie.
7) En Grande ou Petite Bretagne, on peut se référer au roi des Bretons connu sous le nom d’Arthur.
8) Le briamon smethraige est un rite difficile à comprendre. Voici comment le glossaire de Cormac le définit. Briamon smethraige.i. ainm nemtheossa dogniat filid imnech ada toing. melid smitt induine iter a dá er 7 doécci induine imandeni nemthess. fir inson amail asfria induine anechtair ata inballso isfriadóini anectair ata induineseo.
« Le filé saisit avec son pouce et son index la personne concernée, par le bout de l’oreille, et la personne sur qui est accompli ce rite meurt… » Le glossaire de Cormac y voit donc la cause d’une mort physique et réelle immédiate de l’individu concerné. Mais, comme le remarque judicieusement le grand celtologue breton Christian-Joseph Guyonvarc’h, il reste à savoir si Cormac n’a pas en fait arrangé sa description du briamon smethraige, comme celle du glam dicinn. De manière qu’il ne vienne plus à l’idée de personne de vouloir la pratiquer.
Notre auteur a raison d’être plutôt dubitatif à ce sujet, car la vérité apparaît juste après : il s’agit d’une mort non pas réelle, mais symbolique.
« De même que l’oreille se trouve à l’extérieur de l’homme, l’homme sur qui cette opération est faite se trouve placé hors de l’humanité ».
Hors de l’humanité oui, mais de l’Humanité ORDINAIRE. Il est devenu membre de la communauté des comrunos (des initiés).
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De toute façon tout dépend dans ce cas de la traduction qui est faite de cette phrase, qui n’est pas facile à comprendre (un moyen de coercition ? Une saisie d’huissier ?
Dans un autre ordre d’idées, Napoléon avait bien l’habitude de pincer l’oreille de ses vieux soldats lors des bivouacs…
9) Dans Gauvain et le chevalier vert, le sang coule vraiment lors du troisième coup d’épée. Le chemin de la quête du Graal passe par la renonciation symbolisée par la décapitation. Toute libération ne peut être que mort à soi-même (de l’anaon) au moins partielle, pour accéder à une vie tout entière tournée vers le divin, vouée à la contemplation du Graal. La souffrance n’aurait pas de sens en elle-même si elle ne poussait point à rechercher avec autant d’ardeur la libération de ses liens par union de l’anamone et du Tout Englobant universel. Comme l’a dit un jour un célèbre poète : « Tu demandes ce qu’est le divin (le Graal) ? C’est ton propre anamon, mais à l’intérieur de tout ».
Le néo-druidisme nous introduit donc dans ce paradoxe de l’union entre le soi des anaons individuels et le tout absolu de l’Être universel. C’est un mystère de mort et de résurrection.
Nous autres qui avons été baptisés du baptême païen au nom des dieux, c’est en réalité dans le sang du Graal [Sangreal au Moyen-âge] que nous avons été plongés.
Si par ce baptême dans le sang du Graal, les hommes passent au travers de la mort avec l’aide des dieu-ou-démons psychopompes (bienveillants ou paisibles disent nos amis bouddhistes) ; c’est qu’ils finiront par vivre, eux aussi, avec eux « dans la grande plaine où trône le Graal sur son rocher brillant comme de l’or ». Car comme chacun sait, les dieu-ou-démons ne meurent jamais vraiment, la mort n’a plus de pouvoir sur eux depuis leur banquet d’éternité avec les porcs magiques de Gobannos.
En prenant part activement à la druidiactio de notre époque, ou en étant un membre actif de telle ou telle communauté locale ; le druidisant peut se préparer dès ici-bas à sa libération future dans le Grand Tout universel (Pariollon). Les anciens druides avaient symboliquement inscrit dans le réel humain de leur temps les exigences et les conditions de cette libération.
10) La clé est un symbole polyvalent, mais c’est aussi un symbole de royauté ou de maîtrise. Vie de saint Guénolé par Albert le Grand (1636 ou 1637). « Après avoir nommé Corentin évêque et seigneur de Quimper, le roi Gradlon transféra sa cour en une grande ville sur le bord de la mer, entre le cap de Fontenoy (ancien nom de la pointe du Raz) et la pointe de Crozon. Cette ville s’appelait Is…
Guénolé allait souvent voir le roi en sa superbe cité, où il prêchait contre les abominations qui se commettaient en cette ville, toute entière plongée dans le luxe, les débauches et la vanité…
Dieu lui révéla un jour la juste punition qu’il voulait lui infliger ainsi que l’heure du châtiment. Il alla donc en prévenir le prince immédiatement : Sire, sortons au plus tôt de ce lieu, car la colère de Dieu va l’accabler…
Gradlon fit sur le champ préparer ses bagages et, après avoir fait mettre en lieu sûr ce qu’il avait de plus cher, monta aussitôt à cheval avec ses officiers ainsi que ses domestiques, puis se sauva hors la ville. À peine eut-il franchi ses portes que s’éleva un violent orage, avec des vents si impétueux que la mer ; se jetant hors de ses limites ordinaires et se précipitant sur cette misérable cité ; noya plusieurs milliers de personnes ; dont on attribua la cause principale à Dahut, fille impudique du bon roi ; laquelle périt en cet abîme et faillit causer aussi sa perte. Car l’histoire assure qu’elle avait pris à son père LA CLÉ QU’IL PORTAIT À SON COU COMME SYMBOLE DE LA ROYAUTÉ ».
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FIANÇAILLES, MARIAGES, ET AUTRES ALLIANCES 1).
Les unions étaient majoritairement patrilocales ou virilocales chez les Celtes de l’Antiquité où prévalait le patriarcat comme chez tous les Indo-européens.
La partie la moins riche ou la moins puissante avait donc besoin que soit publiquement reconnu qu’il y avait eu accord entre les deux familles ou les deux clans. Le paiement de la covicis (vieil irlandais coibche) avait cette fonction, il signifiait l’accord entre les deux familles et il était donc dû dans le cas de toute union approuvée par les parents de la femme out plus généralement par la société.
Il était en principe versé au père de la mariée, seul « propriétaire » jusque-là de la fille, ou à un de ses représentants, PUBLIQUEMENT.
N.B. Ça, c’était ce qui était cautionné par l’ancien druidisme.
Rien n’empêche des femmes ou des hommes d’esprit celte contemporains de préférer un mariage néolocal : le couple va s’installer là où ça lui plaît indépendamment de toute considération familiale antérieure.
L’ancien droit irlandais, MAIS ON PEUT SUPPOSER QU’IL EN ALLAIT DE MÊME AILLEURS DANS LE MONDE CELTIQUE, distinguait plusieurs types d’union entre un homme et une femme selon les apports respectifs des conjoints.
Lanamnas for ferthinchur : « union avec apport (sous-entendu supérieur) du mari. »
Lanamnas for banthinchur : « union avec apport (sous-entendu supérieur) de la femme. »
Lanamnas for comthinchur : « union avec apport égal. »
La forme de mariage la plus respectable était celle où la femme et le mari étaient de même rang et de même richesse. C’était la forme normale du mariage pour la noblesse (air túise). Les femmes de cette catégorie étaient appelées cémuinter, ce qui signifie « maîtresse de maison » ou « chef de famille », bien que le terme puisse également s’appliquer au mari. Dans ces mariages, la femme contribuait à hauteur d’un tiers ou de la moitié aux biens du couple. C’est-à-dire que par « féminisme » (honneur aux dames) la société considérait que si la richesse de la femme équivalait à au moins un tiers de celle du mari (ENVIRON) alors on pouvait faire comme s’il y avait égalité.
Cette souplesse antique attestée dans l’appréciation des fortunes autorise les druides d’aujourd’hui à admettre que le couple choisisse de vivre selon la formule des lamanas for comthinchur même si cela ne correspond pas à la stricte réalité des chiffres. C’est aux futurs conjoints de voir.
LES BANS ?
Le mariage civil est aujourd’hui, dans de nombreux pays, précédé par une publication de bans, la raison en est simple, il s’agit de faire savoir à la société tout entière qu’une nouvelle unité sociale va de la sorte apparaître dans la tribu, qu’elle aura une existence juridique (lanamnus comthinchuir), le mariage étant d’abord et essentiellement un contrat d’assistance mutuelle et d’échange de services ou prestations y compris sexuels au sens large (principes de l’oxymore ou de l’adiantu) conclu entre un homme et une femme, pour le plus grand bien des enfants notamment.
Or il semble bien qu’il en allait de même jadis chez nos ancêtres, les mariages n’étaient jamais secrets, mais conclus ouvertement. Le prouve l’inscription sur tuile découverte en 1997 à Chateaubleau en Île-de-France.
En voici le texte.
NEMMALIIUMI BENI UELONNA INCOROBOUIDA
………
MIO SETINGI PAPISSOREI BELADDUSETE METINGISE
SETINGI BELADDUSETE REGARI SE IEXSTUMI SENDI
Ce que l’on peut traduire ainsi.
Je parle d’une femme remarquable dotée d’un cheptel bovin.
……
Pour moi, ces deux-là, Papissoreis et Beliaddusete s’épouseront :
Deviendront des mariés ? Beliaddusete sois d’accord, dis-le-moi aujourd’hui 2).
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Ainsi que nous avons eu l’occasion de le voir dans le discours du chef Calédonien Calgacos, la famille traditionnelle était très importante dans la spiritualité druidique primitive. « La nature a voulu que l’on chérisse plus que tout ses enfants et ses proches ».
Cette importance de la famille traditionnelle dans la spiritualité druidique se retrouve d’ailleurs dans la célèbre formule du serment des Hautes-Terres, du moins dans la partie qui énonce pour finir le triste destin qui attendra celui qui ne le respectera pas. « Que je sois maudit dans tout ce que j’entreprends, famille et propriété ; que je ne puisse plus revoir ni ma femme, ni mes enfants, ni mon père, ni ma mère, ni ma famille ; que je meure lâchement sur le champ de bataille et demeure sans sépulture digne de ce nom, en terre étrangère, loin de la tombe de mes ancêtres et de ma parenté. Oui, que tout ceci m’arrive si je romps ce serment ».
Lointain écho du célèbre et fatal serment prêté par les cavaliers celtes sous les murs d’Alésia. César. Livre VII, chapitre 67 : « Les cavaliers s’écrient alors unanimement qu’ils doivent se lier par le plus sacré des serments : que ne devra plus être reçu sous un toit ni revoir ses enfants ses parents ou son épouse celui qui… »
Comme le divorce par consentement mutuel ou en cas d’adultère 3) était admis chez les Celtes antiques un mariage était en quelque sorte toujours à l’essai au début. Le mari est considéré comme un simple concubin durant cette période et la femme comme une simple concubine, ben urnadma en gaélique, littéralement « femme louée pour un an ». Si les conjoints sont encore ensemble un an et un jour après que leur union a été rendue publique, leur mariage est tenu pour définitif, du moins tant qu’une séparation de corps et de biens, voire un divorce ouvrant la voie à un remariage, n’a pas été actée par les autorités civiles, et la ben urnadna devient alors une épouse légitime (cét munter ou cet muinter). Mais ce mariage druidique devenu officiel n’est pas un sacrement indissoluble évidemment puisqu’il s’agit d’une simple bénédiction ayant les dieux pour témoins. Il existe en tout cas un exemple indéniable où la divinité semble comme prise à témoin d’un mariage celte. Dans le récit de Plutarque en effet, la célèbre Camma tend la coupe à son prétendant, comme pour prendre les dieux à témoin de l’union qui se prépare.
N.B. Sauf volonté contraire préalablement enregistrée devant témoins la cét munter ou cet muinter (épouse légitime) est considérée comme comtincur 4) d’office par les druides d’aujourd’hui. Et le mariage considéré comme « lanamas comthinchuir ».
Pour les très-sachants de la druidiaction (druidecht), le deuxième seuil le plus important dans la vie est donc le mariage qui, dans le rite celtique ancien, ne pouvait être conclu qu’à partir de vingt et un ans (3 X 7 ans) pour le mari. Ce mariage rend co-responsable d’une nouvelle unité juridique dans la société (lanamnus comticur, ménage pour les économistes), mais aussi de tous les actes cultuels liés au foyer. C’est donc avec cette union d’un homme et d’une femme que commence le 4e grand stade de la vie (colonne d’âge appelée Ogiolagiato en vieux celtique).
Dans le monde celte antique, le mariage était fondamentalement un achat, l’achat d’une femme par un homme. En Irlande par exemple, les femmes devaient même plus ou moins être achetées au père (versement d’une coïbche dont la mariée ne gardait qu’une part).
Sur le Continent, il en allait quelque peu différemment. César B. G. VI, 19. « Autant les maris ont reçu d’argent de leurs épouses à titre de dot, autant ils mettent de leurs propres biens, après estimation faite, en communauté avec cette dot. On dresse ensuite conjointement un état de ce capital, et l’on en réserve les intérêts. Quel que soit l’époux qui survivra, c’est à lui qu’appartiendra la part de l’un et de l’autre, avec les intérêts des années antérieures ».
Traduction ? Le douaire constitué par le mari n’était pas laissé à sa discrétion, mais devait avoir la même importance que la dot de la mariée. Conséquence pratique : en cas de veuvage ou de séparation, l’épouse gardait le tout (tinnscra) pour elle-même, à savoir deux fois le montant de la dot initiale. Plus les fruits ou les intérêts de ce « pécule ». Le restant étant sans doute partagé entre les enfants en cas de décès.
N.B. Les vrais druides d’aujourd’hui n’exigent pas de conversion préalable à leur religion afin de bénir l’union d’un de leurs fidèles ; seulement un délai de réflexion de trois ans au lieu d’un. Histoire de s’assurer du sérieux du sentiment des futurs conjoints et de la force de leur attachement à l’autre.
LA CÉRÉMONIE PROPREMENT DITE.
Si la cérémonie doit se dérouler en plein air, le lieu où elle doit être célébrée ainsi est appelé « nemeton ». Si elle doit se dérouler à l’abri d’un bâtiment quelconque, temple ou loge, le lieu où elle
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doit être célébrée dans ce cas est appelé d’un nom dépendant de l’importance du bâtiment et doit être convenablement décoré ou agencé. Par exemple, une grande pièce ou salle rectangulaire, toute en longueur ; terminée au fond par une demi-cella (hémisphérique donc) jouant le rôle à la fois d’un déambulatoire ou d’un chœur avec maître-autel, au diamètre égal à la largeur de la salle, et séparée de celle-ci par un chancel. En bref un plan de type basilical. Autrement dit un lieu de réunion constitué d’une nef terminée par une abside en forme de demi-cercle, où siégeaient, certes, jadis les magistrats, mais permettant aujourd’hui la circumambulation rituelle (deiseil/ deiseal) des druides, vates, vellèdes et gutuatres/gutumatres (ou prêtresses bien entendu) ; et laissant passer la lumière au maximum (genre cathédrale donc, pas catacombes).
Le mot basilique vient d’un terme grec formé à partir de deux éléments : « basileus » qui signifie « roi » et le suffixe « -ikê », suffixe d’adjectif féminin.
Ou alors, il doit s’agir d’un plan de type Panthéon c’est-à-dire d’une grande rotonde séparée, pour ce qui est de l’intérieur, par une sorte de chancel ; précédée d’une grande pièce rectangulaire (pronaos) avec un bâtiment de transition correspondant au portique des anciens sanctuaires celtes à palissade ; ou à la porte triomphale marquant l’entrée du cimetière des enclos paroissiaux bretons ; voire au portail de certaines églises romanes.
Laissons tomber Shakespeare et donnons maintenant la parole à Lady Isabella Augusta Gregory, la fondatrice du théâtre national d’Irlande en 1899.
Accessoires ou hiéra nécessaires.
Le marié.
La mariée. Ses plus beaux atours et surtout une aumônière (pour la tinnscra), sans oublier le collier (torque) autour du cou.
Sur un plateau :
— Deux pièces de monnaie symboliques, éventuellement différentes, afin de bien distinguer la coïbche du tinnscra.
— Deux anneaux. Dont un éventuellement en forme de chevalière ornée d’une pièce.
— Brasero chenets ou landiers.
— Table recouverte d’une nappe blanche. Avec les cadeaux de mariage dessus, ou du moins quelque chose les représentant.
— Une coupe remplie de lait avec du miel.
— Un aide-mémoire pour le texte des prières à réciter.
La tradition impliquant aussi, comme nous venons de le voir, qu’il y ait alors un nouveau foyer de créé, il faut par conséquent préalablement préparer un feu à cette intention. Par exemple, un brasero sur l’autel du local où doit se dérouler cette cérémonie, ou devant. Si la cérémonie se déroule en extérieur, le feu peut être allumé sur des chenets ou landiers posés à même le sol si le temps s’y prête et toutes les précautions étant prises par ailleurs pour éviter que le feu ne se communique au voisinage.
Les cadeaux de mariage constituent ou représentent la dot de chacun des futurs époux, un symbole de leur pécule, devant aussi être exposé sur une table couverte d’une nappe blanche, à la vue de tous. Cette table peut être très simple et très rustique : un tonneau de bois mis debout par exemple et recouvert d’un grand mouchoir.
Deux « témoins », appelés naidm (un pour le fiancé, un pour la fiancée) sont nécessaires.
N.B. En fait le naidm est plus qu’un simple témoin, le naidm c’est toute personne habilitée à parler au nom des fiancés, par exemple le père de la mariée, la mère du marié…
Tout le monde s’étant rassemblé, le druide officiant se place devant le feu, face à l’est, le dos tourné vers l’ouest.
Il se concentre quelques instants, les paumes levées vers le ciel, puis il appelle son ambact qui vient se placer sur sa droite avec son matériel, si ce n’est déjà fait, le feu devant alors se trouver juste derrière eux.
Le druide officiant fait signe à la fiancée d’avancer vers lui.
La fiancée ou la future épouse, vêtue de ses plus beaux atours, approche alors en premier, accompagnée de son naidm, de sa famille, et de ses amis. Elle s’arrête à mi-distance du druide officiant.
À sa gauche une petite table recouverte d’une nappe blanche avec une coupe à remplie d’hydromel et de lait.
Ensuite arrive le fiancé ainsi que son naidm, sa famille, et ses amis.
La fiancée ou la future épouse prend la coupe dans sa main gauche qui est celle du cœur, et part à sa rencontre 5).
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Elle boit un peu du mélange d’hydromel et de lait ensuite tend la coupe que le protis (le fiancé ou le marié) prend de la main droite avant d’en boire, lui aussi. Puis il repose la coupe lui ayant servi, sur la table située de son côté.
Ensuite tous deux se dirigent lentement vers l’autel et le druide officiant…
Il est d’usage en de telles circonstances que le druide officiant bénisse cette union en prononçant quelques mots à l’intention des futurs époux. Mais que dire ou que lire en l’occurrence ? Voici en tout cas ce qu’a écrit un jour Plutarque à ce sujet.
« Il est certain que l’amour inspiré par une compagne honnête, non seulement conserve sa vivacité quand l’épouse a pris des cheveux blancs et des rides, mais qu’il persiste au-delà du sépulcre et de la tombe. On peut citer des milliers de cas d’époux restés, avec autant de dévouement que d’ardeur, fidèles jusqu’au dernier moment à la tendresse qui les unissait. Je veux en citer un exemple qui s’est produit de nos jours et sous le règne du tyran appelé Vespasien…
Julius, celui qui avait suscité le soulèvement, comptait, comme il est naturel, un grand nombre de complices ; et entre autres un certain Sabinus, jeune homme plein de courage, le plus remarquable de ceux de son parti à cause de son crédit et de sa richesse. L’entreprise tentée par eux était grande. Ils échouèrent ; et comme ils prévoyaient le châtiment qui leur était réservé, les uns se donnèrent la mort, les autres s’enfuirent. Ces derniers furent repris. Sabinus se trouvait dans des circonstances telles qu’il aurait pu, en tout autre moment, s’échapper sans peine et se réfugier chez les Barbares. Mais il était marié à une épouse la plus vertueuse du monde. Dans son pays, elle avait pour nom Éponine. Il ne se sentait pas plus capable de l’abandonner qu’il ne pouvait la prendre avec lui. Mais il avait dans ses domaines des grottes destinées à cacher ses richesses, et connues de deux de ses affranchis seulement. Il éloigna ses autres esclaves en leur disant qu’il allait s’empoisonner, puis, prenant avec lui les deux serviteurs auxquels il se fiait, il descendit dans ces souterrains. Il envoya en même temps vers sa femme son affranchi Martalius, afin de lui annoncer qu’il avait succombé au poison, et que sa maison des champs avait été brûlée avec son corps. Il voulait que le désespoir bien véritable de sa femme accréditât la nouvelle de sa mort. Ce fut ce qui advint. Dans l’état même où la trouva cette nouvelle, Éponine se précipita le visage contre terre en poussant des lamentations et des sanglots, et elle resta trois jours et trois nuits sans prendre aucune nourriture. Sabinus en ayant été informé eut peur qu’elle ne se laissât vraiment mourir. Il lui fit dire en secret par Martalius qu’il vivait, qu’il était caché, mais qu’il avait besoin qu’elle continuât un peu de temps ces scènes de désespoir, en donnant à son affliction simulée une parfaite vraisemblance. Éponine joua résolument ce rôle tragique, de manière à faire croire à sa douleur ; mais comme elle brûlait du désir de voir son époux, elle partit une nuit, et elle fut de retour le lendemain. Depuis ce moment-là, et sans que personne s’en aperçût, elle vécut à peu de chose près au fond des Enfers, partageant la retraite de son mari…
Elle retournait seulement de temps à autre en ville, et elle y circulait pour s’y faire voir de ses amies et de ses parentes. Mais ce qui est plus incroyable que tout, c’est que les compagnes avec qui elle prenait des bains ne s’aperçurent pas qu’elle était devenue grosse. La composition avec laquelle les femmes frottent leurs cheveux pour les rendre roux et brillants comme de l’or ; est faite d’une substance grasse, qui donne aux chairs plus d’épaisseur ou de développement, de manière à ce que le corps se dilate ou se gonfle. Elle s’en frotta donc partout avec profusion, et elle déroba ainsi aux conjectures la grosseur de son ventre, dont le volume s’arrondissait tous les jours. Quant aux douleurs de l’enfantement, elle les supporta, réduite à elle seule, comme une lionne qui met bas dans son antre, et elle donna donc à son mari deux enfants mâles, j’allais dire deux lionceaux, qu’elle nourrit de son lait. De ces fils, l’un est mort à la guerre, en Égypte ; l’autre était ces jours derniers à Delphes avec nous, et il s’appelle Sabinus. Pour en revenir à Empone, l’empereur la fit mettre à mort. Mais ce meurtre eut son expiation : car à peu de temps de là toute la postérité du tyran fut anéantie. Ce qui est certain c’est que ce règne ne connut pas de forfait plus hideux, et qu’il n’y eut pas de spectacle dont les dieux et les génies dussent détourner leur regard avec plus d’horreur. Mais la pitié disparut devant l’admiration inspirée par l’audace et la magnanimité d’Éponine, lorsqu’on la vit exciter au plus haut degré la fureur de Vespasien. Elle déclara qu’elle n’acceptait aucune grâce, et qu’elle demandait à rejoindre Sabinus dans la mort. Car, dit-elle, dans les ténèbres et sous la terre, j’ai vécu plus heureuse que toi sur ton trône » 6).
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Bref, ce que dit Tacite des Germains peut être aussi appliqué aux Celtes. « Les mariages sont sérieux dans ce pays, et il n’y a pas de traits dans leurs mœurs qui méritent plus d’éloges. Ils se contentent d’une femme, à l’exception d’un très petit nombre, qui en prennent plus d’une, non point par libertinage, mais parce qu’en raison de leur noblesse plusieurs familles recherchent leur alliance ».
Le druide officiant marque une pause puis ajoute : « Que les clans ennemis s’avancent ! »
Les parents de la fiancée doivent alors se regrouper derrière son père ou son naidm (témoin).
Et les parents du fiancé pareillement doivent se regrouper derrière le futur mari.
Le druide officiant s’adresse au père ou au témoin habilité à parler au nom de la famille de la fiancée ou de la future épouse (naidm) puis demande…
« Clan N. (nom de la fiancée), acceptez-vous de prendre comme allié le clan N. (Nom du fiancé) ici présent, et d’accorder à ses membres l’aide de vos forces dans le meilleur comme dans le pire, dans l’abondance et dans la pauvreté, dans la maladie et dans la bonne santé ; jusqu’à la mort et même au-delà ?
Réponse du naidm habilité à parler au nom de la famille de la fiancée ou de la future épouse (cela peut être son père tout simplement) : tout en levant la main droite les trois doigts tendus comme dans une main de justice, pouce index et majeur (repliés : annulaire et auriculaire) il prononce l’oïto ci-après.
« Touongo adge deuu iom touongeti ma touta
Tongu do dia toingeas mo tuath
Par les dieux qu’adore mon peuple
Le ciel au-dessus de nos têtes
Le soleil et la lune
La terre sous nos pieds
La mer tout autour de nous
Je le jure.
Que le firmament et toutes ses étoiles me tombent sur la tête
Que la terre s’effondre sous mes pas en un grand tremblement
Que la mer aux franges bleues recouvre nos terres et nos forêts
Si nous rompons ce serment ! »
« Clan N. (Nom du fiancé), acceptez-vous de prendre comme allié le clan N. (Nom de la fiancée) ici présent, et d’accorder à ses membres l’aide de vos forces dans le meilleur comme dans le pire, dans l’abondance et dans la pauvreté, dans la maladie et dans la bonne santé ; jusqu’à la mort et même au-delà ?
Réponse du naidm habilité à parler au nom de la famille du fiancé ou du futur mari (cela peut être sa mère tout simplement) : tout en levant la main droite les trois doigts tendus comme dans une main de justice, pouce index et majeur (repliés : annulaire et auriculaire), le naim prononce l’oïto ci-après.
« Touongo adge deuu iom touongeti ma touta
Tongu do dia toingeas mo tuath
Par les dieux qu’adore mon peuple
Le ciel au-dessus de nos têtes
Le soleil et la lune
La terre sous nos pieds
La mer tout autour de nous
Je le jure.
Que le firmament et toutes ses étoiles me tombent sur la tête
Que la terre s’effondre sous mes pas en un grand tremblement
Que la mer aux franges bleues recouvre nos terres et nos forêts
Si nous rompons ce serment ! »
Si la future épouse est encore en âge de procréer, le druide officiant reprend la parole en s’adressant ainsi aux futurs époux :
« Mes enfants, je vais maintenant vous raconter une histoire. Il était une fois une jeune et jolie princesse appelée Celtine. Elle était très grande et surpassait en beauté toutes les autres filles du pays. Mais à cause de la vigueur de son corps et de son charme extraordinaire, elle était si difficile
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qu’elle avait jusque-là repoussé tout homme l’ayant courtisée : elle estimait en effet qu’aucun de ces soupirants n’était digne d’elle.
Or un jour elle aperçut un jeune et beau géant arpentant le pays. C’était Ogmios qui, après avoir ramené d’Erythée le bétail de Geryon et terrassé le cruel tyran Tauriscus, visitait le pays de Bretannos.
Celtine tomba immédiatement amoureuse d’Ogmios et cacha au loin son bétail, puis refusa de le lui rendre à moins qu’il ne la demande d’abord en mariage. Notre héros avait hâte de ramener les génisses saines et sauves chez lui, mais il fut encore plus sensible à l’extraordinaire beauté de la princesse, et consentit à ses souhaits. Il fonda donc en ce lieu la ville d’Alésia et, quand le moment fut venu, un fils appelé Keltos leur naquit, qui surpassa de loin tous les autres jeunes gens, pour ce qui est de la qualité de l’esprit et de la force physique.
Après avoir atteint l’âge adulte et avoir hérité du trône de ses pères, il accomplit de grands exploits guerriers puis soumit à sa loi une grande partie des territoires avoisinants. Devenu très célèbre à cause de son courage, il appela ses sujets Celtes d’après lui-même, et ceux-ci à leur tour donnèrent leur nom à la grande Celtie libre et indépendante.
Mes enfants, sachez bien que nous autres très sachants de la druidiaction nous serons toujours là pour vous aider dans la longue navigation que vous allez entreprendre tous les deux et nous bénirons votre postérité comme les grains de sable dans la mer, les étoiles dans le ciel, les gouttes de rosée en mai, les flocons de neige en hiver, les grêlons lors d’un orage ; plus nombreuse encore que les feuilles dans une forêt, les épis de blé jaunes dans la plaine, les brins d’herbe sous les pieds des chevaux un jour d’été dans la grande plaine ou que les vagues de la mer, quand il y a une tempête. Car dans nos veines à nous autres, Celtes de cœur et d’esprit, coule le sang des dieux, nous parlons la même langue qu’eux, nous en sommes homophonon » 7).
« Encore des contes et légendes pour enfants sur les origines semi-divines des Celtes ou sur le fait que les Celtes sont un peuple prédestiné à la fidélité, direz-vous. Peut-être ! Mais ce que nous voulons vous signifier par- là, nous autres très sachants de la druidiaction, c’est que le mariage est un contrat qui doit être respecté. Chez nous, tous les ans on refait une évaluation des biens propres à chacun, mais les acquêts qui en découlent appartiennent aux deux. Si l’épouse a une fortune plus grande que celle de son mari, elle doit en garder la gestion. Si l’épouse a la même fortune que son mari ou à peu près, il faudra tout gérer ou faire fructifier en commun. Car si dans un an et un jour vous vous trouvez toujours heureux ensemble, alors votre union pourra être considérée comme définitive ; mais si dans les années qui suivent les dieux veulent que vous repreniez votre liberté, alors il faudra que chacun de vous puisse retrouver ses biens propres d’avant le mariage.
L’épouse reprendra ses paraphernalia, l’époux ses biens à lui, et il faudra équitablement partager ceux qui auront été acquis durant le mariage. Si l’un d’entre vous veut reprendre sa liberté pour d’autres raisons, il ou elle devra verser à l’autre une compensation. Il ou elle devra rendre les paraphernalia et les meubles, les bijoux, les objets précieux et les terres, qui appartenaient en propre à l’autre avant le mariage, ainsi que la totalité du tinnscra ou douaire qui aura été constitué en cas d’éventuel veuvage. Tel est aussi le contrat qui va vous unir devant les dieux. Jurez-vous de le respecter ? »
Les deux fiancés répondent alors ensemble en levant la main droite les trois doigts tendus comme dans une main de justice : pouce, index et majeur (repliés : annulaire et auriculaire), et en récitant ou répétant l’oïto suivant.
Touongo adge deuu iom touongeti ma touta
Tongu do dia toingeas mo tuath
Par les dieux qu’adore mon peuple
Le ciel au-dessus de nos têtes
Le soleil et la lune
La terre sous nos pieds
La mer tout autour de nous
Je le jure.
Que le firmament et toutes ses étoiles me tombent sur la tête
Que la terre s’effondre sous mes pas en un grand tremblement
Que la mer aux franges bleues recouvre nos terres et nos forêts
Si je trahis cette promesse ! »
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Le druide officiant poursuit…
Mes enfants, prions !
Esprits bienfaisants et âmes des Celtes
Aidez-nous, guidez-nous, conseillez-nous
Afin que de nos efforts conjugués
Renaisse un foyer comme une lumière dans la nuit
Dans lequel vivront éternellement
Les âmes de nos ancêtres
Et des Celtes de cœur et d’esprit
Sous la protection de nos dieux
Que la force soit avec vous
Nert dee agus andee.
Sunartiu !
« Celte de cœur et d’esprit N. (Prénom et nom civils du fiancé) veux-tu bien prendre comme légitime épouse la Celte de cœur et d’esprit N. (Prénom et nom civils de la fiancée) ici présente ? »
« Oui je le veux, répond le fiancé ! »
Le druide officiant se tourne alors vers la fiancée : Celte de cœur et d’esprit N. (Prénom et nom civils de la fiancée) acceptes-tu de prendre comme légitime époux le Celte N (Prénom et nom civils du fiancé) ici présent ?
— Oui je le veux, répond la fiancée ! »
Le druide officiant demande à la fiancée (le cas des mariages homosexuels n’ayant pas été prévu).
Quel régime matrimonial choisissez-vous ?
La fiancée.
« Nous choisissons le lanamas for comthinchur ».
Ou
« Nous choisissons le Lanamnas for banthinchur : « union avec apport de la femme ».
Ou
« Nous choisissons le Lanamnas for ferthinchur : « union avec apport du mari ».
Le druide officiant enchaîne alors avec la formule rituelle suivante :
« De druadh mu dhe tar gac ndé
A deue druuidion, moie deue tares qaqon deuon
A deue druuidion, moie deue tares papon deuon ».
Que bénie soit cette union ! Puisse-t-elle être heureuse et féconde ! Puissiez-vous avoir beaucoup d’enfants beaux, intelligents et travailleurs, orgueil de leur père et fierté de leur mère puisque dans vos veines coule le sang d’un dieu ! Voici tout le mal que nous autres très-sachants nous vous souhaitons. 8)
Et maintenant, scellez votre union !
Le fiancé ou le futur époux doit prendre alors la pièce de monnaie symbolisant la tinnscra sur le plateau tendu par l’ambact ; et la remet à sa future femme en prononçant la formule suivante : « Le prix de l’honneur ! » 9). La mariée la glisse alors dans son aumônière. Ensuite il prend la deuxième pièce (qui peut être différente de la première) et la remet au père de la mariée cette fois-ci, ou à un témoin mâle de la mariée en cas d’absence de celui-ci en prononçant la formule suivante : « Le prix de la coïbche ! »
La remise de cette deuxième pièce au père de la mariée ou à son témoin mâle (naidm) implique évidemment que celui se tienne juste à côté du druide officiant, devant le fiancé.
La fiancée se doit d’avoir avec elle, ou sur elle, outre l’aumônière, un objet symbolisant sa fidélité ; autrement dit un torque ou collier en bronze en argent, voire en or, qu’elle retire de son cou et passe ensuite autour de celui de son futur époux 10) en récitant ou lisant la formule suivante (le cor bél ou « dit des lèvres »).
COR BÉL.
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Quand le grand Manannan
Me prit dans sa la maison
J’étais alors une compagne digne de lui.
D’un bracelet d’or que j’ai encore
Il paya mon honneur et ma fleur.
S’il y a parmi les filles que je connais
Une femme que tu désires en secret
Alors, dis-moi qui
Et je te la ramènerai.
Réponse du fiancé.
Qui récite l’histoire d’Etanna de Finn-Magh lors de son mariage
Aura la meilleure des femmes et de bons enfants. 11)
Il y a longtemps que je t’ai donné mon affection.
Et cet amour me tient à cœur
Sa force pourrait briser la terre en quatre
Atteindre les hauteurs du ciel
Me rompre l’échine
Ou affronter un fantôme.
Le druide officiant reprend : « Vous pouvez maintenant échanger vos anneaux ».
Le fiancé passe la bague au doigt de sa femme.
La fiancée passe l’autre bague au doigt de son époux. À la différence du rite chrétien, dans le rite celtique cette bague peut être une chevalière et être ornée d’une pièce en or ou en argent par exemple.
Ces échanges une fois terminés le druide officiant reprend la parole.
Et maintenant vous pouvez embrasser la mariée !
Le couple s’exécute et s’embrasse donc comme il se doit.
Le druide officiant ajoute ensuite…
Que la déesse ou bonne fée Néhalennia bénisse cette union et que tous prennent acte des liens qui unissent désormais cet homme et cette femme. Que le frêle esquif de leur couple puisse être secoué par les flots de la vie sans jamais sombrer. Fluctuat nec mergitur. 12)
Et maintenant, prions.
Ce n’est pas difficile.
Respondit 9) Nédé.
Ô dieux de Dana
Donnez-moi la sagesse
Avec la sagesse la compréhension
Avec la compréhension le bon sens
Avec le bon sens le Savoir
Avec le Savoir l’investigation
Avec l’investigation la recherche
Avec la recherche l’étude
Avec l’étude la méditation
Avec la méditation l’examen de toute chose
Avec l’examen de toute chose la poésie de la vie.
Nert dé agus andé. Awen !
Le druide officiant note en runes lépontiques ou dans tout autre alphabet de son choix, grec ou latin, le contrat, qui doit être confirmé dans un an et un jour, sur le registre…
— Lanamnas for ferthinchur : « union avec apport (sous-entendu supérieur) du mari. »
— Lanamnas for banthinchur : « union avec apport (sous-entendu supérieur) de la femme. »
— Lanamnas for comthinchur : « union avec apport égal. »
… et les réjouissances peuvent commencer. On peut « tuer le cochon », entonner le bardit du chant de la fidélité ou le bardit du vin des C’hallaoued (voir l’anuanacton, cérémonie du nom). Bière et
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hydromel peuvent couler à flots de leurs tonneaux. On danse autour du feu allumé à l’extérieur s’il y en a un et l’on peut s’amuser à sauter par-dessus, le jeune marié le premier éventuellement.
1) Le mariage à l’essai d’ailleurs est resté légal en Écosse jusqu’en 1939. C’étaient des fiançailles devant témoins permettant de vivre ensemble comme mari et femme pendant un an et un jour. Passé ce délai si l’homme et la femme continuaient à vivre ensemble, alors ils étaient considérés comme bel et bien mariés.
2) Ce texte est difficile à comprendre. Il s’agit peut – être aussi d’une demande en mariage publique (ou pas très discrète).
3) Le célèbre contre-exemple du druide irlandais Dubthach (le père de sainte Brigitte de Kildare) semble indiquer que la femme avait aussi le droit de divorcer en cas d’adultère et de partir avec son douaire (tinnscra) dans ce cas.
4) Comtincur : égale en droit. Comme la reine Medb par rapport à son époux Ailill en Irlande, par exemple. Remarque. La femme a certes la vocation biologique d’être mère et il existe une condition féminine (sa nature), mais le statut de la femme seule ou mariée n’a pas pour autant à être inférieur ou plus limité. La femme n’est pas l’égale de l’homme pour ce qui est de la force physique, mais elle est son égale en droits et en dignités.
5) Le thème du partage de la coupe est sans doute ancien puisqu’on le trouve déjà dans le récit de la fondation de Marseille avec Gyptis et Protis.
6) D’après certains auteurs, Éponine se serait convertie au christianisme. Ce qui est totalement faux bien entendu. Les chrétiens ont un peu tendance à voir des chrétiens partout sauf là où ils étaient (Hitler, Staline). Cf aussi Plutarque : Des vertus des femmes. Notamment l’exemple des Deirdre galates que furent la belle Khiomara, épouse du roi Ortiagon (tout comme Deirdre en effet, la femme d’Ortiagon avait juré, elle aussi, de ne pas connaître simultanément plus de deux hommes dans sa vie) ; ainsi que la pure et douce Camma, prêtresse d’Ankara.
La malheureuse avait pris pour refuge et consolation la religion d’Artémis en tant que femme consacrée à cette déesse [ou plus exactement à la fée celte dissimulée sous ce nom] ; mais, après avoir été obligée par sa famille à épouser l’assassin de son premier mari, elle versa du poison dans la coupe de leur mariage et mourut en entraînant ce dernier dans sa mort.
Ses dernières paroles furent celles-ci : « Je te prends à témoin, ô déesse la plus révérée, que c’est uniquement pour que vienne ce jour que j’ai survécu au meurtre de Sinatus, je n’ai goûté à aucun des plaisirs de la vie durant tout ce temps-là hormis l’espoir que justice soit faite un jour ; mais maintenant que je tiens ma vengeance, je peux descendre rejoindre mon époux.… »
Ensuite elle enlaça l’autel et y mourut devant la foule frappée de stupeur.
De telles conceptions de la fidélité jusqu’à la mort ont étonné le monde antique (et même médiéval si la légende de Deirdre n’est pas plus ancienne).
7) Terme grec employé pour la première fois par Diodore de Sicile (Livre V, chapitre 31).
8) Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, V, 24. « De cette union naquit un fils qui fut nommé Galatos et qui surpassa de beaucoup ceux de sa nation par la vaillance de son âme et par la force de son corps. Arrivé à l’âge d’homme et après avoir hérité du royaume de ses pères, il conquit une grande partie des pays limitrophes et accomplit de grands faits de guerre. Rendu célèbre par son courage, il donna son nom de Galates aux peuples rangés sous sa loi et ce nom s’étendit à toute la Galatie ».
9) Cette pièce de monnaie symbolique peut être une reproduction de monnaie celte ou un vrai dollar (ou un vrai euro, et ainsi de suite).
10) Ce torque, comme la robe de mariée des autres traditions, ne servira qu’une fois, et devra être ensuite soigneusement rangé, car il ne fait plus partie des accessoires quotidiens du guerrier celte d’aujourd’hui, à la différence du téléphone portable.
11) On retrouve la même idée à la fin de la légende irlandaise intitulée « la nourriture de la maison des deux seaux à lait » (altrom tige da medar, version V). Saint Patrice y est censé avoir dit : « J’attacherai ces bénédictions à l’histoire d’Eithne. Si tu récites, etc. »
12) Les manuscrits gaéliques d’Irlande sont coutumiers de ce genre de réflexion en latin.
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LA CHAÎNE DE LA VIE.
Il ressort de diverses traditions indo-européennes (nous verrons après le cas des Celtes plus précisément) que l’homme, après la mort, était réputé devenir un être heureux et divin (meldos), mais à la condition que les vivants lui offrent toujours régulièrement un repas funèbre. Si ces atebertas ou offrandes venaient à cesser, il y avait déchéance pour le mort qui tombait au rang d’esprit malheureux et malfaisant. Car lorsque les hommes de ce temps-là ont commencé à se représenter la vie future, ils n’ont pas d’abord songé à des récompenses ou à des châtiments. Ils pensaient que le bonheur du mort ne dépendait pas de la conduite qu’il avait eue pendant sa vie, mais de celle que ses descendants avaient à son égard. Aussi chaque père attendait-il de sa postérité la série des repas funèbres qui devaient assurer à ses mânes le repos et le bonheur. Il en a découlé d’abord cette règle que chaque famille devait se perpétuer.
Les morts avaient besoin que leur descendance ne s’éteigne pas. Dans le tombeau où ils survivaient, ils n’avaient pas d’autre sujet d’inquiétude que celui-là. Leur unique pensée, comme leur unique intérêt, c’était qu’il y eût toujours un homme de leur sang pour apporter les atebertas (offrandes) au tombeau. Aussi l’hindou croyait-il que ces morts répétaient sans cesse : puisse-t-il naître toujours dans notre lignée des fils qui nous apportent le riz, le lait ainsi que le miel. L’hindou disait encore : l’extinction d’une famille cause la ruine de la religion de cette famille ; les ancêtres privés de l’ateberta ou offrande de gâteaux tombent dans le séjour des malheureux.
Les hommes de l’Italie et de la Grèce ont longtemps pensé de même. S’ils ne nous ont pas laissé dans leurs écrits une expression de leurs croyances aussi nette que celle que nous trouvons dans les vieux livres de l’Orient, du moins leurs lois sont-elles encore là pour attester leur antique opinion. Chez les Athéniens la loi chargeait le premier magistrat de la cité de veiller à ce qu’aucune famille ne vienne à s’éteindre. De même, la loi romaine était attentive à ne laisser tomber en désuétude aucun culte domestique. On peut lire ceci dans le discours d’un orateur athénien : « Il n’est pas un homme qui, sachant qu’il doit mourir, ait assez peu de souci de lui-même pour vouloir laisser sa famille sans descendants ; car il n’y aurait alors personne pour lui rendre le culte qui est dû aux morts ».
Chacun avait donc un intérêt puissant à laisser un fils après lui, convaincu qu’il y allait de son immortalité heureuse. C’était même un devoir envers les ancêtres dont le bonheur ne devait durer qu’autant que durerait la famille. Aussi les lois de Manou appellent-elles le fils aîné « celui qui est engendré pour l’accomplissement du devoir ».
PREMIÈRE NOTE DE LA RÉDACTION. Il va de soi qu’un tel sexisme est aujourd’hui inacceptable. Les filles sont, autant que les garçons, aptes à assurer le devoir de mémoire envers les ancêtres disparus. En outre les druides n’ont jamais cru que les défunts pouvaient connaître après leur mort un sort aussi lugubre que celui des mânes chez les Grecs ou les Romains. Fin de la note de la rédaction.
Nous touchons ici à l’un des caractères les plus remarquables de la famille antique. La religion qui l’a formée demande impérieusement qu’elle ne périsse point. Une famille qui s’éteint, c’est un culte qui meurt. Il faut se représenter ces familles à l’époque où les croyances n’étaient pas encore altérées. Chacune d’elles possède une religion et des dieux, précieux dépôt sur lequel donc elle doit veiller. Le plus grand malheur que sa piété puisse craindre est que sa lignée s’arrête. Car alors sa religion disparaîtrait de la terre, son foyer serait pour toujours éteint, toute la série de ses morts tomberait dans l’oubli et dans l’éternelle misère. Le grand intérêt de la vie humaine était de continuer la descendance pour perpétuer le culte.
En vertu de ces opinions, le célibat devait être à la fois une impiété grave et un malheur ; une impiété, parce que le célibataire mettait en péril le bonheur des mânes de sa famille ; un malheur, parce qu’il ne devait recevoir lui-même aucun culte après sa mort et ne devait pas connaître ce qui réjouit les mânes. C’était à la fois pour lui et pour ses ancêtres une sorte de damnation.
On peut bien penser qu’à défaut de lois ces croyances religieuses durent longtemps suffire pour empêcher le célibat. Mais il paraît de plus que, dès qu’il y eut des lois, elles disposèrent que le célibat était une situation néfaste et punissable. Denys d’Halicarnasse, qui avait compulsé les vieilles annales
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de Rome, dit avoir trouvé une ancienne loi qui obligeait les jeunes gens à se marier. Le traité des lois de Cicéron, traité qui reproduit presque toujours, sous une forme philosophique, les anciennes lois de Rome, en contient une qui interdit le célibat. Et à Sparte, la législation de Lycurgue privait de tous les droits de citoyen l’homme qui ne se mariait pas. Il paraît aussi, par un passage de Pollux, que dans beaucoup de villes grecques, la loi punissait le célibat comme un délit. On sait, par plusieurs anecdotes, que, lorsque le célibat cessa d’être défendu par les lois, il le fut encore par les mœurs. Cela était conforme aux croyances ; l’homme ne s’appartenait pas, il appartenait à sa famille. Il était un membre dans une série, et il ne fallait pas que la série s’arrête avec lui.
SECONDE NOTE DE LA RÉDACTION. Il va de soi que cette condamnation du célibat est totalement étrangère à notre mentalité d’aujourd’hui, la seule chose qui compte est la transmission de la vie, la seule chose qui compte est la transmission du flambeau de la vie. Fin de la note de la rédaction.
La naissance d’une fille ne remplissait pas l’objet du mariage. En effet, la fille ne pouvait pas continuer le culte, pour la raison que le jour où elle se mariait, elle renonçait à la famille et au culte de son père, et passait à la famille ainsi qu’à la religion de son mari. La famille ne se continuait, comme le culte, que par les mâles : fait capital, dont on verra plus loin les conséquences.
Il ne suffisait pas pour autant d’engendrer un fils. Le fils qui devait perpétuer la religion domestique devait être le fruit d’un mariage religieux. Le bâtard, l’enfant naturel, celui que les Grecs appelaient nothos et les Romains spurius, ne pouvait pas remplir le rôle que la religion assignait au fils légitime. En effet, les liens du sang ne constituaient pas à eux seuls la famille, il fallait encore le lien du culte. Or le fils né d’une femme qui n’avait pas été associée au culte de l’époux par la cérémonie du mariage ne pouvait pas lui-même avoir part au culte. Il n’avait pas le droit d’offrir le repas funèbre et la famille ne se perpétuait donc pas pour lui. Nous verrons plus loin que, pour la même raison, il n’avait pas droit non plus à l’héritage.
Le mariage n’avait pas pour but le plaisir, son objet principal n’était pas l’union de deux êtres qui se convenaient ou qui voulaient s’associer pour le bonheur et pour les peines de la vie. L’effet du mariage, aux yeux de la religion et des lois, était, en unissant deux êtres dans le même culte domestique, d’en faire naître un troisième qui fût apte à continuer ce culte. Mais cela nous l’avons déjà dit, nous semble-t-il.
Le mariage n’ayant été contracté que pour perpétuer la famille, il semblait juste qu’il pût être rompu si la femme était stérile. Le divorce dans ce cas précis a toujours été un droit chez les Anciens ; il est même possible qu’il ait été une obligation. Dans l’Inde, la religion prescrivait que la femme stérile soit remplacée au bout de huit ans. Que le devoir fût le même en Grèce et à Rome, aucun texte ne le prouve formellement. Pourtant Hérodote cite deux rois de Sparte qui furent contraints de répudier leurs femmes parce qu’elles étaient stériles. Pour ce qui est de Rome, on connaît assez l’histoire de Carvilius Ruga, dont le divorce est le premier que les annales romaines aient mentionné. Carvilius Ruga, dit Aulu-Gelle, homme de grande famille, se sépara de sa femme par le divorce, parce qu’il ne pouvait avoir d’elle des enfants. Il l’aimait avec tendresse et n’avait qu’à se louer de sa conduite. Mais il sacrifia son amour au respect de son serment, parce qu’il avait juré (dans la formule du mariage) qu’il la prenait pour épouse afin d’avoir des enfants.
La religion disait que la famille ne devait pas s’éteindre ; toute affection et tout droit naturel devaient céder devant cette règle absolue. Si un mariage était stérile par le fait du mari, alors il n’en fallait pas moins que la famille soit continuée. Un frère ou un parent du mari devait se substituer à lui, et la femme était tenue de se livrer à cet homme. L’enfant qui naissait d’un tel rapprochement était considéré comme fils du mari et continuait son culte. Telles étaient les règles chez les anciens hindous ; et nous les retrouvons dans les lois d’Athènes ainsi que dans celles de Sparte. Tant la religion avait alors d’empire sur les hommes ! Tant le devoir religieux passait avant tous les autres !
À plus forte raison, les législations anciennes prescrivaient le mariage de la veuve, quand elle n’avait pas eu d’enfants, avec le plus proche parent de son mari. Le fils qui naissait alors était censé être le fils du défunt.
C’était donc le fils qui était attendu, qui était nécessaire ; c’était lui que la famille, les ancêtres, le foyer, réclamaient. Par lui, disent les vieilles lois des hindous, un père acquitte sa dette envers les mânes de ses ancêtres et s’assure à lui-même l’immortalité. Ce fils n’était pas moins précieux aux yeux des Grecs ; car il devait plus tard faire les sacrifices, offrir le repas funèbre, et conserver par son culte la religion domestique. Aussi dans le vieil Eschyle, le fils (Oreste) est-il appelé « le sauveur du foyer paternel ».
TROISIÈME NOTE DE LA RÉDACTION. Ces observations de Fustel de Coulanges sur la cité antique traduisent surtout le point de vue indo-européen sur la question. Mais les Indo-européens s’implantant
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par la suite en Europe de l’Ouest ont tempéré ce patriarcat au contact des peuples qu’ils rencontraient.
Il est néanmoins bien triste de voir le culte des ancêtres subsister uniquement dans les communautés d’Extrême-Orient sous forme de petits autels familiaux appelés kamidana. Mais cet autel shintoïste n’est pas seulement un endroit où rendre hommage à ses ancêtres. Sur l’autel est représenté le Mont Mérou (la montagne qui est au cœur de la cosmologie bouddhiste) et c’est au centre de l’autel que l’on dépose l’image principale. De la même façon que la salle du Dharma dans un temple, le boutsoudan ou autel du Bouddha est le temple au milieu de la maison.
Ci-dessous ce que pourrait être un autel familial d’esprit celtodruidique. Une sorte de petite armoire à deux portes en forme de triptyque, assez profonde. Contenant au fond une statuette représentant la déesse Épona de face entre deux chevaux, trônant sur un char comme une vierge noire.
Ou contenant une statuette de Cornunnos un peu analogue à la stèle votive de Reims.
Ou abritant les trois Bethen sculptées à l’image de la stèle votive de Vertault ou des matrones de Bonn et d’ailleurs en Allemagne.
Etc. etc. Ce ne sont là que quelques exemples, la liste est loin d’être exhaustive.
Surmontée d’une statuette représentant Taran/Toran/Tuireann figuré en Jupiter de colonne à anguipède géant (avant d’être placée au-dessus de cette armoire à l’occasion cette reproduction est rangée à l’intérieur).
Sur la porte de gauche une illustration en couleur montrant Ogmios dans un cadre qui finit en arc de cercle, sur la porte de droite le même genre de cadre avec le génie de Lugdunum à l’intérieur (cf. monnaies d’Albin 196-197). Ou d’autres bien entendu suivant les goûts et les couleurs de chacun (Suqellus, la vénus abritant ses cinq enfants : voir les figurines en terre cuite de l’Allier).
La partie inférieure de cette armoire cultuelle est dotée de trois tiroirs dans lesquels on peut ranger les torques ou les colliers d’ambre à enfiler l’occasion de chaque prière, les dodécaèdres garnis de bougie devant servir de cierges justement, le moyen de les allumer, la coupe ou coupelle destinée à recueillir les offrandes, le résultat des recherches généalogiques de la famille, etc.
Après chaque usage la statuette qui figure Taran/Toran/Tuireann en Jupiter à l’anguipède doit être soigneusement rangée dans ledit édicule ou crèche d’Épona.
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LE CONSOLAMENTUM OU ÉPREUVE DU FEU.
L’extrême-onction celtique était fondamentalement parlant au départ une ultime tentative de guérir le malade ou le blessé. Faite avec les moyens de la médecine antique c’est-à-dire avec des méthodes n’ayant rien à voir avec celles auxquelles nous sommes habitués aujourd’hui, et pour tout dire qu’il vaut donc mieux considérer désormais comme purement symboliques. Mieux vaut s’en tenir à la médecine des hôpitaux pour le reste. Le druide d’aujourd’hui n’est plus qu’un médecin de l’âme/esprit des individus ou des peuples, et absolument plus un médecin des corps. Il existe d’excellents spécialistes pour ça de nos jours. Les lointains héritiers des druides guerriers chirurgiens ou herboristes (liaig ou lucterios).
Le consolament ou baptême du feu est donc aujourd’hui le réconfort moral et spirituel voire mental, apporté par les vates (ou les très-sachants de la druidiaction) aux personnes gravement malades ou blessées, en bref en danger de mort. Ces rituels, bien sûr, peuvent avoir lieu n’importe où, à n’importe quel moment, suivant l’état du malade ou du blessé.
Jouons de nouveau un peu les Shakespeare (celui qui a écrit le roi Lear par exemple, même s’il est assez mythique).
Accessoires ou hiéra nécessaires.
Gui. Maillet en bois. Textes divers (lorica de Gildas et ainsi de suite…)
Le vate doit être une personne connaissant très bien la psychologie humaine et avoir été formé longuement à l’hypnose. La pratique de l’hypnose remonte sans doute aux chamanes préhistoriques, mais il est généralement admis que son histoire commence au XVIIIe siècle avec François Antoine Mesmer.
Afin d’hypnotiser le blessé ou le malade et l’empêcher ainsi de souffrir, chaque très-sachant de la druidiaction (druidecht) ou vate, peut avoir ses méthodes. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises techniques, simplement des solutions adaptées à la psychologie de la personne à hypnotiser. Parfois il faudra utiliser une méthode un peu directive, parfois une action plus progressive. Le plus judicieux est toujours d’utiliser les « vérités » physiologiques humaines pour induire l’hypnose. Un exemple ; la respiration.
« Votre respiration est paisible, vous observez son rythme qui se ralentit, s’approfondit au fur et à mesure que vous vous détendez ».
Cette affirmation d’un vate venu au chevet d’un malade ou d’un blessé, ne faisant que décrire un fait physiologique réel ; le malade ou le blessé concerné ne peut donc que croire en la vérité de cette affirmation. Il devient donc de la sorte plus coopérant, et entre en état d’hypnose rapidement. Le vate se doit d’être attentif aux signes qui se manifestent durant cette phase du processus. La palpitation des paupières par exemple, ou une déglutition devenue plus fréquente. Il convient alors d’inclure une remarque de ce genre dans la phase d’induction. « Vos paupières palpitent, vous ressentez un besoin plus fréquent d’avaler votre salive… »
Plus généralement, il convient de « surprendre » l’esprit analytique et rationnel du malade ou du blessé, afin de réduire progressivement les résistances qu’il peut opposer.
On appelle cela des « techniques de confusion ». Exemple ; on demande à une personne de penser à son pied droit, puis très vite à sa main gauche, puis très vite encore à la couleur des yeux de sa mère, et ainsi de suite. Son esprit cohérent se trouve alors rapidement surchargé, donc préfère se réfugier dans la détente qu’on lui propose par ailleurs. La relation avec le vate officiant est donc primordiale. Celui-ci doit « suivre » son patient avec la plus grande attention. Il faut connaître dans ce cas, par un dialogue préalable, toutes les préférences, ou les rejets, de la personne en question ; afin d’utiliser ces éléments lors de l’induction et pendant toute la séance d’hypnose.
Le très-sachant de la druidiaction (druidecht) ou le vate appelé à son chevet commence en arrivant par mettre du gui, un peu comme des fleurs dans des vases prévus à cet effet, à proximité du patient.
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En cas de question du patient à ce sujet, répondre par exemple que le gui a certes peu d’odeur, mais que « d’après les vieux dictionnaires du XVIIIe siècle que j’ai consultés il est bon contre l’épilepsie l’apoplexie la léthargie la paralysie le vertige et j’en oublie certainement… » 1)
Puis il FAIT RÉCITER PAR LE MALADE OU BLESSÉ ou se met à réciter lui-même si c’est impossible, ce qui suit.
Prières 2) à la Terre que les anciens païens prononçaient rituellement lorsqu’ils voulaient guérir.
Prière à Danu.
Sainte déesse, mère de la nature
Qui engendre et régénère toutes choses en son sein
Car c’est toi qui animes tout ce qui vit
Et règne dans les cieux les océans ainsi que sur toutes choses
Tu prodigues ce qui alimente la vie avec une constance qui ne fait jamais défaut
Et quand notre dernier souffle a été rendu, en toi nous trouvons refuge
Et ainsi tout ce que donnes finit par revenir en ton sein.
C’est à juste titre que l’on t’appelle Mère des dieux
Car tu es la vraie mère de tout ce qui vit et donc des dieux.
Tu es la Force par excellence et tu es la reine des dieux O déesse,
C’est pourquoi je t’adore et implore ta divinité
De gracieusement m’accorder ce que je te demande
Prête-moi l’oreille, je t’en prie, et aide-moi.
Ce que j’attends de toi, O puissante déesse Danu, accorde-le-moi volontiers.
À savoir les herbes que ta majesté a engendrées,
Que tu prodigues aux hommes pour leur salut.
Confie-moi maintenant un peu de cette puissance curative qui est tienne :
Que la guérison vienne de tes pouvoirs :
Quoi que je tente avec fais que cela puisse réussir
Que ta majesté m’accorde ce que j’implore de toi dans mes prières.
Déesse je t’adore.
Prière à toutes les herbes.
Maintenant, je m’adresse à vous, plantes puissantes.
Et je fais appel à votre majesté
Vous que la terre mère a mises au monde
Et données à toutes les nations.
Elle a placé en vous la guérison des maladies
Afin que vous soyez toujours une aide indispensable au genre humain.
Je vous en prie, je vous en implore je vous en supplie
Intervenez vite maintenant avec toute votre puissance
Puisque celle qui vous a créées m’a permis de vous cueillir
Et que j’ai aussi l’autorisation de celui à qui a été donné l’art de guérir.
Dans la mesure des capacités de votre puissance,
Accordez-moi un bon remède, source de santé.
Accordez-moi cette grâce, je vous prie, de par votre puissance ;
Qu’en toutes choses quoi que je fasse conformément à votre volonté
Vous lui accordiez un effet rapide et un résultat salutaire.
Qu’il me soit permis, par faveur de Sa Majesté, de vous cueillir.
Et je vous rendrai grâce au nom de la Mère qui vous a fait naître.
Invincible protection.
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Défends-moi par ton pouvoir
Défends les membres de mon corps
De ton solide bouclier protecteur.
Le crâne, la tête les cheveux et les yeux,
Le front, la langue, les dents et leur émail,
Le cou, la poitrine, les flancs.
Sois un casque protecteur pour ma tête et ses cheveux.
Pour mon front, mes yeux, les lobes de mon cerveau,
Mon nez, mes lèvres, ma face, mes tempes,
Ma barbe, mes sourcils, mes oreilles,
Mes pommettes, mes joues, mes narines,
Mes pupilles, mes cils, mes paupières,
Mon menton, mon souffle, mes mâchoires,
Mes dents, ma langue, ma bouche, ma gorge,
Ma luette, ma trachée, le dessous de ma langue, ma nuque.
Mon cou et mes vertèbres cervicales.
Seigneur sois une cuirasse sûre,
Pour mes membres et mes entrailles,
Afin de repousser loin de moi
Les pointes invisibles que mes ennemis fabriquent !
Revêts-moi, Seigneur Gobannos, de la plus solide des cuirasses
Protège-moi les bras et les épaules ainsi que les omoplates.
Protège-moi les coudes et les articulations du coude
Ainsi que les mains, les poings, les paumes, les doigts et les ongles.
Protège-moi l’épine dorsale, les côtes, et leurs articulations,
Ainsi que l’arrière, le dos, les nerfs et les os.
Protège-moi la peau, le sang, les reins,
Tout comme les hanches, les fesses et les cuisses,
Protège-moi les jambes, les mollets, les cuisses
Ainsi que les rotules, les jarrets, les genoux.
Protège-moi les chevilles, les tibias, et les talons,
Les pieds ainsi que la plante des pieds.
Protège les dix rameaux qui poussent au bout de mes mains
Ainsi que les orteils et mes deux fois dix ongles.
Protège-moi la poitrine, son articulation, le sternum
Ainsi que les mamelons, l’estomac, le nombril.
Protège-moi le ventre, les reins, les parties génitales
Ainsi que l’estomac et les parties vitales du cœur.
Protège-moi le triangle du foie et sa graisse,
Ainsi que la rate et les aisselles.
Protège-moi l’estomac, la poitrine et les poumons
Les veines, les tendons, la vésicule biliaire.
Protège-moi la chair, l’aine et ses parties intérieures,
Ainsi que la rate et les intestins.
Protège-moi la vessie, la graisse
Ainsi que mes innombrables articulations.
Protège mes cheveux, ainsi que les autres parties du corps
Dont j’ai peut-être omis le nom.
Protège mes cinq sens,
Ainsi que les dix ouvertures de mon corps
De sorte que de la plante du pied au sommet de la tête
Aucun de mes membres ne puisse être atteint, que ce soit du dedans ou de l’extérieur
Et que de mon corps la vie ne puisse être expulsée.
Nert dee agus andee. Que la force soit avec moi !
Sunartiu !
Autre prière possible.
Tessurc marb bíu
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Je sauve de la mort.
Des blessures
Des tumeurs soudaines,
Puisse-t-elle ne pas être une tumeur qui dure
Je bats la maladie
Je triomphe des blessures
J’en appelle aux remèdes que Belin/Belen/Belenos a laissés à ses gens.
Rien n’est plus haut que le ciel,
Rien n’est plus profond que la mer.
Par la sainte colère de Cuchulainn devant la pierre de Fal
Et par les saintes paroles que prononça Hesus
Enchaîné au menhir de Muirthemné
Delg díuscoilt crú
L’épine du sang qui coule
Je donne dessus un coup
Qui la fait le sortir,
Qui la fait ressortir
Qui la chasse.
Très aigu est l’aiguillon de Gobannos
Que l’aiguillon de Gobannos s’en aille
Très pointue est la science de Gobannos,
Que la science de Gobannos soit avec toi !
Sunartiu !
Autre prière possible.Traduction K. Meyer, 1914.
Puissent les cris de Fer-Fio, me protéger en chemin
Car je fais le tour de la plaine de la vie.
Ô vous les sept filles de l’Océan, 3)
Qui tissent les fils de la survie des enfants.
Que trois morts me soient données,
Que trois vies me soient données,
Puissé-je ne pas être importuné lors de mon voyage
Dans mon armure brillante et sans tache.
Que mon nom ne soit pas évoqué en vain ;
Puissé-je vivre longtemps
Et que la mort ne m’atteigne que dans la plus grande vieillesse.
Ô toi le champion à la main d’argent, 4)
Qui n’est pas mort et ne mourra pas ;
Que l’on m’accorde une vie
Dotée de la qualité du bronze blanc
Que ma forme soit exaltée
Que ma loi soit anoblie
Que ma force soit augmentée
Et ma tombe jamais creusée
Puissé-je ne pas mourir dans ce voyage
Et avoir un retour assuré.
Puisse le serpent à deux têtes ne pas m’attaquer 5),
Ni aucun voleur m’agresser
Ni compagnie de guerriers
Puissé-je avoir encore un peu de temps
Ô Senach 6) aux sept vies,
Que les fées ont élevé
Dans le giron de bonne fortune.
Puissent mes sept bougies ne jamais s’éteindre.
Je suis une forteresse invincible,
Je suis un roc immuable,
Je suis une pierre précieuse,
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Je suis le symbole de sept richesses.
Puissé-je être l’homme des centaines d’années,
L’une après l’autre.
J’en appelle à ma bonne fortune.
Nert dé agus andé.
Awen !
Si la situation semble désespérée, le druide ou le vate officiant essaie de faire boire un remontant au malade ou au blessé, par exemple de la verveine dans un petit flacon, ou du gui en décoction… Si impossible ou interdit, alors le vate prend du gui et le dépose sur l’estomac du malade ou du blessé, puis referme ses mains dessus.
Le vate se tourne vers l’est, dans le sens solaire, pour une prière silencieuse, les mains levées vers le ciel, puis revient à sa place antérieure, en continuant de pivoter dans le même sens. Ensuite il fait embrasser le maillet de Suqellos en bois, au malade ou au blessé puis récite ou lit le texte suivant à haute voix au Celte de cœur ou d’esprit en difficulté (pour les autres, on utilisera des termes appropriés comme Bouddha, Jésus, Mahomet, Amitabha 7) ou le Ciel, etc., etc.).
Le divin qui est en nous et qui est à la fois notre père et notre mère nous autres qui sommes ses enfants, ne peut que manifester que le plus grand des amours pour nous la plus grande indulgence envers nos fautes. Si le divin existe, alors il connaît notre petitesse et notre faiblesse, puisque c’est lui qui nous a engendrés, nous autres qui ne lui avions rien demandé. Si ce divin est bien notre mère, alors il ne peut que nous pardonner nos fautes, toutes nos fautes, et nous accueillir à bras ouverts. Y a-t-il un père ou une mère capable de souhaiter le malheur de ses enfants ? Un tel père ou une telle mère ne peuvent pas exister. Les âme/esprits des Celtes ne peuvent donc ni périr ni aller en enfer, et des âme/esprits pouvant être aussi malheureuses que les mânes des légendes classiques sur le sujet, cela ne peut pas exister. L’enfer n’existe pas !
Le vate accompagnant s’adresse ensuite ainsi à la personne mourante ou très malade : « Et maintenant, cette certitude rationnelle bien chevillée au corps, concentre-toi sur l’autre monde qui nous attend. Rien n’est plus enchanteur que la nature de cette île flottant dans l’espace, où l’air est d’une douceur enchanteresse. Personne ne pense à la quitter, car le divin s’y présente aux hommes comme à des familiers ou à des amis. Car ce n’est pas en effet uniquement en songe, ou par des visions symboliques que ces insulaires célestes voient les dieux et conversent avec eux, c’est face à face. En ce qui concerne le grand dieu lui-même, il demeure dans une grotte où il dort sur un rocher brillant comme de l’or. Car c’est par le sommeil que notre lointain ancêtre le destin a imaginé de le retenir. Des oiseaux dont la demeure est en haut de ce rocher viennent en voltigeant lui apporter de l’hydromel sacré. Une odeur délicieuse s’en exhale comme d’une source, et parfume l’île entière ».
L’accompagnant peut substituer à ce texte de Plutarque la description du Christ en gloire, entouré des anges, et, à la place de la prière qui suit (la prière au soleil, folklore de l’île de Barra en Écosse), lire le Notre Père.
PRIÈRE AU SOLEIL
A ghrian !
Salut à toi, soleil des saisons
Qui traverse les cieux infinis ;
Puissants sont tes pas sur l’aile des cieux
Tu es le père de tous les astres !
Tu descends et tu te couches dans l’océan destructeur
Sans altération ni peur ;
Sur la crête paisible de la vague à l’aurore
Tu te lèves, toujours neuf et en fleurs !
J’espère quand viendra mon heure
Que le Dieu grand et miséricordieux que tu es
Ne m’écartera pas de la clarté de sa grâce
Tandis que tu me laisses ce soir et te retires.
Failte ort féin, a sharian nan tráth,
`S tu siubhal ard nan speur,
Do cheumaibh treun air sgéith nan ard,
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`S tu máthair áigh nan reul.
Thu laighe sios an cuan na dith,
Gun diobhail is gun sgath :
Thu’g éirigh suas air stuagh na sith,
Mar rioghainn og for blaith.
Tha misr an dochas `na thrath
Nach cuir Dia mor nan agh
As domhsa solas nan gras
Mar tha thusa dha m’fhagail a nochd.
PRIÈRE D’ACCOMPLISSEMENT.
Uediiu-mi
Ô Dieu anextlomaros 8), quel que soit le nom et le genre que l’on te donne, je te supplie de libérer N (nom de la personne) du processus de la mort, et des dieux courroucés qui vont avec. Puisses-tu guider N. (nom de la personne mourante) jusqu’à Toi en donnant à N. (nom de la personne mourante) la force de renoncer à ce monde. Et toi ô Destin, ô Tokade, notre lointain ancêtre, toi qui es celui qui fait s’épanouir tous les êtres, et là aussi quel que soit le nom que l’on te donne, accorde à N. (nom du malade ou du blessé) de réussir à transférer sa conscience dans ton au-delà paradisiaque.
Le vate officiant pose sa main gauche, celle du cœur, sur le front ou la tête du patient) et s’adresse ensuite en ces termes (du moins est-ce là l’idée) à la personne en train de mourir…
Que la force de nos héros de jadis descende sur toi. Un passage est maintenant ouvert entre ton âme ou ton esprit et l’autre monde. Ton âme-esprit individuelle est une étincelle d’énergie qui monte vers le ciel en empruntant ce rayon de lumière. Nert dee agus andee. Que la force soit avec toi ! Sunartiu !
Notes.
1) Ce qui est vrai, divers ouvrages, y compris un de 1701 qui mentionne son odeur forte et désagréable (?) parlent ainsi du gui. Mais la médecine a quand même fait des progrès depuis.
2) Précisons que si ces prières sont bien d’esprit celte, nos manuscrits en latin les attribuent néanmoins à Antonius Musa, le médecin personnel de l’empereur Auguste, un grand adepte des bains d’eau glaciale. Antonius Musa était d’origine grecque, mais il fut aussi du fait de son installation à Rome l’auteur d’un évident rapprochement entre les médecines orientales et occidentales. On sait très peu de choses sur lui, sinon que certains Romains se référaient à ses pratiques thérapeutiques pour aller jusqu’à imiter consciemment les Celtes et les Germains en ce domaine (en plongeant également dans de l’eau froide les enfants nouveaux nés). L’attribution à Antonius Musa néanmoins est très critiquée, car la langue semble bien plus tardive. Il s’agit certes de textes en latin, mais sans doute postérieurs à Antonius Musa qui n’est donc peut-être pas le véritable auteur de ces deux textes qui ont tout l’air d’être des traductions anonymes d’autre chose.
N.B. Un certain nombre de rituels devaient alors être effectués pieds nus, afin de permettre à l’officiant de rester en contact avec la terre mère. Notamment lors de certains pèlerinages, mais aussi lors des cérémonies du consolamentum opérées par le vate ou lors de la préparation du corps du défunt. Lorsque l’on était surpris la nuit par un fantôme ou un revenant, la superstition chrétienne voulait, en Bretagne armoricaine, il y a quelques générations, que l’on se déchausse rapidement afin de se retrouver « homme des pieds à la tête » ; et les prêtres catholiques qui devaient conjurer les revenants devaient aussi opérer pieds nus pour être « homme de la tête aux pieds ». Aujourd’hui il est seulement conseillé de n’avoir rien de synthétique comme chaussures, que du naturel (cuir, bois, laine…).
3) Les neuf fées de l’île d’Avallon ?
4) Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd à la main d’argent ?
5) Le serpent à tête de bélier ?
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6) Senach était un guerrier de Belenos Barinthus Manannan mac Lir.
7) Il y a longtemps, très très longtemps, un roi du nom de Dharmakara fit le vœu de susciter une terre où les êtres viendraient au monde une dernière fois avant leur véritable épanouissement. Il émit même le souhait que la seule évocation de son nom suffise à se rendre en cette nouvelle terre, infiniment plus pure que la nôtre. Cela lui fut accordé, il devint donc le bouddha nommé Amitabha.
8) Il s’agit d’un dieu celte non précisé.
9) Les sculptures découvertes à Entremont dans le sud de la France illustrent cet antique rituel de nos ancêtres. Les mains gauches des guerriers s’appuient sur des têtes coupées tandis que les mains droites brandissent des foudres de Taran/Toran/Tuireann. Les têtes sous les doigts des guerriers représentent leur propre mort (c’est pourquoi leurs yeux sont clos), mais le foudre, lui, symbolise la lumière perçant la nuit de la mort.
10) En gaile lon gaile lon laith ou luan laith en gaélique. Un équivalent du xvarnah zoroastrien rendant les corps belissama (pour le genre féminin, ce qui nous donnerait alors belissamos pour les corps masculins).
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FUNÉRAILLES.
Le mode de funérailles devait bien entendu varier selon la classe sociale ou le métier du défunt. En matière de funérailles nos ancêtres spirituels semblent donc avoir été très éclectiques, ce qui prouve leur tolérance concrète et pratique, « nulle contrainte en matière de religion » n’était pas un vain mot ni un vœu pieux (en bref un mensonge de l’hypocrisie ou de la taqiya ?) pour eux ; de l’inhumation à la crémation pour les riches en passant par l’exposition des cadavres un peu à la façon de nos frères Parsis.
Il semble néanmoins que pour l’Homo religiosus, la survie ou le déploiement de « l’âme/esprit » (l’anaon) dans l’étape posthume ait nécessité au début un support matériel stable. Malgré l’extinction des fonctions vitales, la disparition des chairs, certaines Écoles druidiques en effet, n’ont pas pu concevoir la renaissance dans l’autre monde sans un support matériel ; d’où le traitement des os, par exemple, base matérielle minimale du défunt (cf. le cas du temple druidique de Ribemont-sur-Ancre en territoire « belge »). Il s’agissait aussi et surtout d’accorder un support matériel à la force vitale libérée par le cadavre.
Voici ce que César dit de celles des grands seigneurs. César. B.G. Livre VI, 19.
« Les funérailles sont magnifiques et somptueuses eu égard à leur degré de civilisation ; tout ce qu’ils pensent avoir été agréables au défunt, ils le portent au feu, même les animaux ; et peu de temps avant notre époque, il était encore établi que, dans des funérailles normales accomplies comme il se doit, les esclaves et les obligés ou les vassaux qui lui étaient chers devaient être brûlés en même temps que lui ».
Diodore de Sicile V, 28 : « Pendant les funérailles, il en est qui jettent dans le bûcher des lettres écrites à leurs morts, comme si les morts devaient les lire ».
Si la crémation est possible au regard des moyens de la famille il ne faut donc pas hésiter à y recourir.
De toute façon pour certaines autres Écoles druidiques la destinée de l’enveloppe charnelle n’avait aucune importance puisqu’on pouvait toujours en confier le sort aux animaux également psychopompes que sont les vautours ou les corbeaux.
Silius Italicus Livre III : « Les Celtes qui ont ajouté à leur nom celui d’Ibères vinrent aussi. Pour eux mourir sur le champ de bataille est ce qu’il y a de plus glorieux ; et ils considèrent qu’il est sacrilège de brûler le corps de ces guerriers ; car ils croient que l’âme/esprit s’en ira rejoindre les dieux dans les cieux, si le corps est dévoré sur place par des vautours affamés »
Si certains auteurs de l’Antiquité évoquent donc l’indifférence des Celtes au sort des corps des guerriers morts au combat (Pausanias X, 21, 6, à propos des Galates qui attaquèrent Delphes) ; les Celtes antiques étaient néanmoins connus pour leurs rituels funéraires ; car ils avaient l’habitude d’enterrer leurs chefs avec leurs armes (surtout des épées que l’on avait au préalable tordues), leurs chars, leurs chevaux, leurs vêtements, leurs bijoux en or et leurs services à boisson, et ainsi de suite. Autour de la tombe du prince, on retrouve aussi dans bien des cas, un certain nombre de tombes secondaires réservées à la famille ou aux proches du défunt.
Ce qui est certain c’est que le récit épique irlandais intitulé la bataille de Mag Leana, montre bien que les très-sachants de la druidiaction (druidecht) s’occupaient aussi personnellement des inhumations.
« Le druide [du roi] fit une tombe pour Mog Neid : il l’enterra avec ses armes, sa tenue, ainsi que son armure, et le druide psalmodia le lai suivant…
La tombe de Mog Neid se trouve dans la plaine de Tualang,
Avec sa lance sur l’épaule,
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Avec sa massue [naguère] infatigable,
Avec son casque, avec son épée ».
Les druides s’occupaient donc personnellement des inhumations, mais les vates devaient y jouer aussi un rôle si l’on en croit Lucain. Pharsale I, 444-462. : « Vous, les vates, dont les poèmes guerriers immortalisaient jadis les puissantes âmes/esprits [en latin animas] de ceux qui étaient morts à la guerre… »
Ces vates jouaient donc le rôle de « conducteurs des âme/esprits », tel qu’il est encore exercé par les chamans aujourd’hui. Leurs chants et leurs lyres étaient aussi nécessaires aux âme/esprits que la musique à l’accomplissement de certains offices.
Nous privilégierons donc ci-dessous l’inhumation de préférence à l’incinération, mais pour des raisons strictement opposées à celles de nos frères Parsis qui craignent de souiller la terre en agissant ainsi, car la terre est au contraire la grande régénératrice universelle de la vie comme l’indique très bien la prière d’esprit celte ci-dessous.
Prière à Danu.
Sainte déesse, mère de la nature
Qui engendre et régénère toutes choses en son sein
Car c’est toi qui animes tout ce qui vit
Et règne dans les cieux les océans ainsi que sur toutes choses
Tu prodigues ce qui alimente la vie avec une constance qui ne fait jamais défaut
Et quand notre dernier souffle a été rendu, en toi nous trouvons refuge
Et ainsi tout ce que donnes finit par revenir en ton sein.
C’est à juste titre que l’on t’appelle Mère des dieux
Car tu es la vraie mère de tout ce qui vit et donc des dieux.
Tu es la Force par excellence et tu es la reine des dieux O déesse,
C’est pourquoi je t’adore et implore ta divinité.
Lorsqu’une personne meurt, il faut tout d’abord lui permettre d’accéder au monde des morts en accomplissant scrupuleusement les rituels funéraires. Ce qui était le rôle des vates et de leurs chants jadis pour l’âme des guerriers morts au combat si l’on en croit Lucain (« Vous, les vates, dont les poèmes guerriers jadis immortalisaient les puissantes âmes/esprits [en latin animas] de ceux qui étaient morts à la guerre »).
Le rituel funéraire des vates fait que celui qui meurt ; après un bref passage dans le royaume où règne le Nemet Cornunnos, le dieu des morts, voire Tethra, Gwynn ou Arawn, selon d’autres ; renaît à la quasi-immortalité du monde de ceux qu’il est agréable de fréquenter (Mag Meld). D’où l’importance des funérailles. Mais comme rien n’est éternel, ce paradis lui-même (Mag Meld) n’est qu’un moment à passer.
N.B. Seule une infime minorité renaît en ce bas monde pour y mourir à nouveau, et ceci, jusqu’à ce qu’ils y aient purgé leurs fautes les plus lourdes. On les appelle bacuceos ou seibaros = fantôme (siabair/siabhradh en irlandais) sorti tout droit du royaume de Tethra voire de celui de Donn (Donnotegia).
Cf au Pays de Galles tout le folklore médiéval relatif à l’Andumno ou Anwn, royaume des dénommés Arawn ou Gwynn.
Le rituel funéraire comprenait dans l’ordre : un chant funèbre exécuté dans le sanctuaire ; l’inhumation proprement dite, du corps ou de l’urne contenant ses cendres ; un banquet ainsi que des jeux funèbres (parfois) ; l’érection d’une stèle sur la tombe.
Ces rituels peuvent être accomplis par un druide ou par un vate faisant fonction d’officiant. Et ils diffèrent naturellement suivant qu’il y a corps ou pas corps, inhumation ou incinération.
(PROELLA) FUNÉRAILLES SANS CORPS.
Il va de soi qu’il est bien difficile de faire son deuil QUAND IL N’Y A PAS DE CORPS À INHUMER OU BRÛLER.
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Point n’est besoin d’être grand clerc pour comprendre cela.
Il existait néanmoins en Bretagne une très ancienne coutume d’origine païenne permettant de contourner cette difficulté d’un point de vue psychologique : celle des enterrements fictifs (proella ou broella). Le principe en était simple et relevait de la magie sympathique la plus élémentaire : il s’agissait d’enterrer un substitut du corps du défunt.
Ce substitut du corps du défunt pouvait alors prendre des formes variables, allant de la tablette de plomb 1) à la statuette en cire d’abeille en beurre ou en terre glaise représentant un corps.
Vu les dangers psychologiques de telles méthodes (rumeurs croyances superstitieuses, etc.) nous mettons néanmoins en garde contre l’utilisation abusive de ces rituels et nous soulignerons donc bien ici qu’il s’agit du seul cas où le recours à des dagydes genre poupées vaudou est permis à nos membres : les enterrements fictifs de défunt, destinés à permettre aux proches de faire leur deuil.
Au cas où le corps du défunt aurait disparu, il demeure donc toujours possible de faire une cérémonie de type « proella » ou « broella » : à savoir procéder à un enterrement dans lequel le défunt est représenté par un petit objet, par exemple une statuette en beurre. Pourquoi du beurre ? Parce qu’il s’agit de capter au sens propre l’âme/esprit du défunt disparu en lui fournissant un support adéquat, afin de pouvoir accomplir les « rites » de passage nécessaires.
On déposera ainsi à côté de la dagyde des ateberta, c’est-à-dire les objets que le défunt aimait (bijoux, souvenirs, armes de collection…) et une lettre ou plusieurs pour les âmes/esprits des morts de la famille (anaon).
Il est intéressant de noter qu’en France cette pratique, passée à l’état de coutume, a été récupérée par l’Église catholique. La dernière cérémonie de ce type a été exécutée en 1962 dans l’île d’Ouessant.
Le rituel était célébré, non seulement pour les marins disparus en mer, mais aussi pour tous ceux qui mouraient au loin, dans un port, sur un bateau, dont le corps avait été jeté à la mer, voire inhumé sur le continent. Ce rituel permettait l’inhumation « fictive », mais mystiquement réelle, dans le cimetière de Lampaul, la capitale de l’île. À l’issue de la messe d’enterrement, la proella était enfermée dans l’urne de bois d’un des autels du chœur. Ensuite un prêtre la déposait dans un petit monument érigé à cet effet au centre du cimetière (une lanterne des morts comme à Bisley dans le Gloucestershire ?).
FUNÉRAILLES AVEC CORPS.
La lustration du corps doit en l’occurrence avoir lieu aussi bien en cas d’inhumation que d’incinération. Avant toute inhumation ou crémation, le corps du défunt doit être soigneusement lavé puis arrangé afin qu’il soit le plus présentable et apaisant possible. Comme endormi. Le mot qui désigne ce rituel, en Irlande, fothrucad, évoque aussi bien le bain curatif ou hygiénique que la lustration d’un cadavre. Il est recommandé de l’accomplir avec de l’eau de source si possible.
N.B. Ainsi que nous l’avons déjà vu, un certain nombre de rituels devaient alors être effectués pieds nus ou en ne portant aucune matière synthétique aux pieds, que du naturel (cuir, bois, laine) afin de permettre aux officiants de rester en contact avec la terre mère. Notamment lors de certains pèlerinages, mais aussi lors des cérémonies du consolamentum opérées par le vate ou lors de la préparation du corps du défunt. Lorsque l’on était surpris la nuit par un fantôme ou un revenant, la superstition chrétienne voulait, en Bretagne armoricaine, il y a quelques générations, que l’on se déchausse rapidement afin de se retrouver « homme des pieds à la tête » ; et les prêtres catholiques qui devaient conjurer les revenants devaient aussi opérer pieds nus pour être « homme de la tête aux pieds ». De nos jours il est seulement conseillé de n’avoir rien de synthétique comme chaussures, que du naturel (cuir, bois, laine…).
Le corps est ensuite revêtu des plus beaux habits du défunt, à tout le moins de vêtements décents. On déposera ensuite à côté des ateberta, c’est-à-dire les objets que le défunt aimait (bijoux, souvenirs, armes de collection…) et une lettre ou plusieurs pour les âmes/esprits des morts de la famille (anaon).
Certains groupes de notre communauté préconisent aussi d’enterrer avec le mort une dague ou une épée pliée en deux, comme cela se faisait jadis pour les morts de sexe masculin. Et un trousseau de trois clés pour les défunts de sexe féminin. De préférence ce qu’ils avaient pour leur adoubement.
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L’importance du mobilier funéraire dépend dans la pratique du statut social du défunt ; depuis les simples offrandes alimentaires, liquides ou solides ; jusqu’au char d’apparat (princesse de Vix) en passant par le char de guerre des grands seigneurs.
Le corps pourra être déposé ensuite dans une fosse à même le sol comme en terre d’islam ou dans un cercueil si possible en chêne, même grossier (un simple tronc creusé).
Giraud de Cambrie dans son De Instructione Principis (1193) nous rapporte en effet la découverte des restes d’Arthur et de Guenièvre, ainsi que d’une croix de plomb (en guise de tablette de défixion, BLANCHE ?), à l’abbaye de Glastonbury entre deux pyramides :
« … le roi Henri II d’Angleterre en avait signalé l’existence aux moines (du lieu), ayant appris de la bouche d’un ancien barde gallois, chanteur du passé, qu’ils y trouveraient le corps à 16 pieds sous terre, et pas dans un sarcophage, mais dans un chêne creux ».
Giraud nous décrit cette croix en plomb comme portant l’inscription suivante :
HIC IACET SEPULTUS INCLYTUS REX ARTHURUS CUM WENNEVERIA UXORE SUA SECUNDA IN INSULA AVALLONIA.
« Ci-gît l’illustre roi Arthur, enseveli avec Guenièvre, sa seconde femme, dans l’île d’Avallon ».
N.B. L’abbé de Glastonbury, Henri de Sully, a sans doute été l’organisateur de cette mise en scène, afin de complaire au roi d’Angleterre de l’époque. Par contre, le dépôt du corps dans un tronc de chêne creusé correspond incontestablement à une pratique celtique avérée sur les bords du Rhin.
Parallèlement, il faut, durant ce temps-là, bien sûr, s’occuper de faire creuser une tombe (orientation du corps : est/ouest, les pieds à l’est et la tête légèrement surélevée comme si le défunt pour regarder le soleil levant) et préparer une stèle destinée à porter l’épitaphe (modèle ci-dessous). Le souci des Celtes a toujours été d’assurer au trépassé la béatitude dans l’Autre Monde, mais aussi, sur terre, la perpétuation du souvenir de son nom.
L’inscription doit être rédigée en runes lépontiques ou éventuellement (suivant tradition locale) en recourant à l’alphabet grec, latin, ou oghamique.
Il faut également préparer le repas funèbre en abattant un ou plusieurs des animaux (bovins ou autres) appartenant au défunt si possible.
Le reste du rituel doit en principe se dérouler de nuit à la lueur des flambeaux, car c’est de la nuit que naît le jour. Chacun doit y venir avec une petite pierre blanche et aussi, éventuellement, une lettre ou un message à faire parvenir dans l’au-delà par le défunt.
MAROUNAD : CHANT OU ÉLOGES FUNÈBRES.
La cérémonie commence en général par se dérouler en plein air ou à l’abri d’un bâtiment quelconque. Si la cérémonie doit se dérouler en plein air, le lieu où elle doit être célébrée ainsi est appelé « nemeton ». Si elle doit se dérouler à l’abri d’un bâtiment quelconque, temple ou loge, le lieu où elle doit être célébrée dans ce cas est appelé d’un nom dépendant de l’importance du bâtiment et doit être convenablement décoré ou agencé. Par exemple, une grande pièce ou salle rectangulaire, toute en longueur ; terminée au fond par une demi-cella (hémisphérique donc) jouant le rôle à la fois d’un déambulatoire ou d’un chœur avec maître-autel, au diamètre égal à la largeur de la salle, et séparée de celle-ci par un chancel. En bref un plan de type basilical. Autrement dit un lieu de réunion constitué d’une nef terminée par une abside en forme de demi-cercle, où siégeaient, certes, jadis les magistrats, mais permettant aujourd’hui la circumambulation rituelle (deiseil/ deiseal) des druides, vates, vellèdes et gutuatres/gutumatres (ou prêtresses bien entendu) ; et laissant passer la lumière au maximum (genre cathédrale donc, pas catacombes).
Le mot basilique vient d’un terme grec formé à partir de deux éléments : « basileus » qui signifie « roi » et le suffixe « -ikê », suffixe d’adjectif féminin.
Ou alors, il doit s’agir d’un plan de type Panthéon c’est-à-dire d’une grande rotonde séparée, pour ce qui est de l’intérieur, par une sorte de chancel ; précédée d’une grande pièce rectangulaire (pronaos)
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avec un bâtiment de transition correspondant au portique des anciens sanctuaires celtes à palissade ; ou à la porte triomphale marquant l’entrée du cimetière des enclos paroissiaux bretons ; voire au portail de certaines églises romanes.
Accessoires ou hiéra nécessaires. Le mobilier funéraire devant accompagner le défunt. Et pour le druide officiant une missive symbolique et du gui.
Certains lecteurs seront ici très étonnés de découvrir que les Celtes avaient eux aussi, comme beaucoup d’autres peuples, l’habitude de célébrer les mérites et uniquement les mérites du défunt au moment des funérailles.
Le texte de Lucain est en effet fort clair à ce propos et nous le redonnons ici : « Vous, les vates, dont les poèmes guerriers immortalisaient jadis les puissantes âmes/esprits [en latin animas] de ceux qui étaient morts à la guerre… » (La Pharsale.)
À la suite ou à la place de ce chant funèbre, les lamentations funèbres ou éloges du défunt doivent être évidemment prononcés si possible par un druide de la catégorie vate. Au gré de l’inspiration de ce dernier.
À titre d’exemple, nous en retranscrirons deux ci-dessous.
Tout d’abord une de celles qui furent écrites par Cinaed ua hArtacain * dans ses Fianna Bátar i n-Emain.
« Champions d’Emain, de Rathcroghan, de Luachair que nos héros avaient coutume de célébrer, d’Allen et de l’ouest du Munster. Ils ne sont plus, ce qui est mort n’existe pas, mais bien qu’ils soient nombreux leurs histoires subsistent après eux, bien fou serait celui qui les cacherait, etc.etc. ».
* Cinaed ua hArtacain, mort en 975, fut le grand poète quasi officiel de tout le nord de l’Irlande à l’époque.
Puis l’éloge funèbre composé par Taran/Toran/Tuireann ? sur la tombe de ses trois fils, du moins selon la légende irlandaise (le récit intitulé : « la mort tragique des enfants de Tuireann »).
Mon cœur est accablé de tristesse
Ô mes trois nobles beaux héros,
Qui avez livré tant de combats
Je le jure sur vos tombes,
Aussi longtemps que des bateaux iront sur la mer
Je ne composerai plus ni poème ni chanson.
Etc. Etc.
Ensuite, suivant qu’il y aura inhumation ou incinération, le rituel diffère.
INCINÉRATION.
En cas d’incinération, il importe évidemment de transporter le corps en un lieu où cette cérémonie peut se dérouler sans danger avant la mise en place de l’urne funéraire.
Cela peut être un local spécialisé, un crematorium, ou alors directement dans une fosse creusée à cet effet dans le cimetière du temple.
Quatre cas peuvent se présenter en effet.
Le corps est incinéré dans un local réservé à cet effet puis les cendres sont transportées ailleurs dans une urne funéraire. Pour être dispersées ou reposer dans la lanterne des morts (columbarium) de l’enclos paroissial. Pour être inhumées dans une fosse comme s’il s’agissait d’un cercueil.
Le corps est incinéré directement sur place, dans la tombe qui a été creusée pour lui dans l’enclos paroissial entourant le temple.
N.B. La lanterne des morts est une petite tour très étroite, et surmontée d’un lanternon pouvant abriter de la lumière, au pied de laquelle ou dans la base de laquelle sont regroupées les urnes funéraires. Il
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s’agit donc d’un columbarium païen. Une des plus connues en Angleterre est celle de Bisley dans le Gloucestershire.
Nul ne sait exactement comment étaient construits les bûchers funéraires de l’époque. Les essences d’arbre utilisées doivent évidemment faire l’objet d’un choix minutieux : sorbier ou autres.
En cas de crémation, il est brûlé avec le corps du défunt certains des objets qu’il aimait ou affectionnait particulièrement.
Si possible (dans un crematorium la pièce abritant le four crématoire doit être aménagée pour ça) les professionnels ou/et les proches font trois fois le tour du bûcher, trois petites circumambulations (deisil, deiseil, deiseal en Irlande ; pour comparaison dans le taouaf effectué autour de la Kaaba de La Mecque, il y en a sept) dans le sens solaire ou dans le sens des aiguilles d’une montre. Le fils aîné du défunt, qui en principe doit conduire le rite, brise ensuite ou du moins fait semblant, le crâne du mort avec le maillet de Suqellos (le marteau de la bonne mort, il doit s’agir dans ce cas non d’un maillet en bois symbolique, mais d’une vraie masse capable d’infliger des coups « mortels ») ; afin d’éviter qu’il n’explose dans le feu.
Puis les os calcinés ou ce qu’il en reste, sont soigneusement recueillis, et placés, après lavage si nécessaire, dans une urne funéraire (en terre cuite, en verre, en métal ou en pierre).
En cas de mise en terre postérieure, l’urne elle-même doit être insérée dans un petit coffre en pierre scellé avec du plomb (la ciste 2) : voir les célèbres plombs du Larzac en France).
Les atebertas (parures, objets usuels divers, armes brisées ou ployées…) brûlées sur le bûcher avec le défunt sont soit déposées dans l’urne soit à côté. Si c’est à côté, alors c’est l’ensemble urne plus restes d’atebertas qui doit être inséré dans la ciste 1), car jadis l’urne était aussi fréquemment entourée d’un cercle de pierres ou de galets. Le tout sous réserve de place suffisante dans les niches de la lanterne des morts prévue à cet effet bien entendu.
N.B. Et sauf si la crémation a lieu directement à même le sol dans la fosse creusée à cet effet dans le cimetière du temple.
INHUMATION.
En cas d’inhumation également l’on enterre le corps du défunt avec un certain nombre des objets qu’il aimait ou auxquels il attachait de l’importance. Nous l’avons vu plus haut avec l’exemple des funérailles organisées par le druide Dergdamsa. Nous le voyons aussi avec le cas du roi Loegaire.
« Mon père Niall ne me permettrait pas de… mais seulement d’être enterré à Tara, comme un homme en plein combat (car la coutume des païens d’alors était de se faire enterrer en guerrier, avec leurs armes)…… jusqu’au jour d’erdathe (qui était, selon les druides, le jour du jugement du Seigneur).
Là encore, comme dans le cas de la crémation, il arrivait aussi que l’on sacrifie aussi avec lui, des esclaves ou des prisonniers du défunt.
« Quand il eut atteint le lieu-dit appelé maintenant Forrach in ui meic Uais, Fiachra mourut de ses blessures. On creusa sa tombe, on procéda ensuite à ses lamentations funèbres, son nom fut écrit en runes oghamiques. Après quoi, et afin que cela reste comme un éternel reproche à faire au Munster et un sujet de honte pour eux, les otages qu’il avait ramenés du sud furent enterrés vivants autour de sa tombe. Voici ce que disait chaque homme au moment d’être ensevelis promptement : « Il est for uch [c’est un cri de désespoir] que ces tumuli aient été construits ».
Et le druide officiant déclara : « tel sera le nom de cet endroit désormais, à savoir Forrach » (Aided Crimthaind Maic Fhiddaig. La mort de Crimthann fils de Fidach).
Le principe de ces sacrifices humains était simple. Ce n’était pas l’exécution d’une sentence de mort ni afin de faire honte à tel ou tel ennemi héréditaire comme l’écrit le moine chrétien ayant recopié ce texte : on livrait l’homme à la terre, non par châtiment – la notion de châtiment est étrangère à la religion druidique – mais à seule fin de rétablir un équilibre cosmique rompu. « Si l’on ne rend pas la vie d’un homme pour la vie d’un homme, on ne peut apaiser les dieux » dit César (B. G. VI, 16). Les
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otages appartiennent au défunt, pas plus que des domestiques ou des esclaves, ils ne sauraient vivre plus longtemps que lui, et en outre la mort de ces prisonniers, ressortissants d’un peuple ennemi, venge ou compense celle du roi ayant succombé à ses blessures.
NB. Il va de soi qu’il s’agit là d’ancien druidisme et que même si les druides d’aujourd’hui comprennent la fonction psychologique de la vengeance, car, comme ce sont des hommes et pas des prophètes ou des dieux, rien de ce qui est humain ne leur est étranger, les druides d’aujourd’hui condamnent formellement de tels sacrifices, les sacrifices non fondés sur le volontariat.
Pour en revenir au temps présent, aujourd’hui, incinéré ou inhumé, quelle que soit sa religion d’ailleurs, le mort doit toujours être accompagné d’un minimum de mobilier funéraire. Outre une petite statuette représentant sa déesse-mère, des objets personnels, bagues, alliances, chevalières, montres, colliers, ou religieux, voire quelques offrandes alimentaires liquides ou solides (pommes, noix, noisettes, par exemple dans un sac ou une bourse, en cuir). Sans oublier bien entendu, c’est même là le plus important, quelques branches de gui, symbole d’immortalité.
Le druide ou le vate officiant confie également, dans une lettre aux âmes ou esprits des morts, un message correspondant au degré d’avancement spirituel du défunt.
Et il n’y a bien sûr plus aucun sacrifice humain. Il est remplacé par le recours à de petites amphores de vin, symbolisant du sang, que l’on abandonne en l’état ou dont on verse le contenu en un lieu approprié après les avoir débouchées, ou en avoir brisé rituellement le col. Peut-être par un geste analogue à celui qui consiste à « sabrer » une bouteille de champagne, de nos jours.
Si le défunt était puissant et fortuné, on fera défiler derrière son corps ou son urne funéraire, et jusqu’à sa dernière demeure, quelques exemplaires de ses richesses, une partie de ses chevaux ou de son bétail par exemple, afin d’y être abattu et inhumé ou incinéré avec lui. Impossible à faire avec des voitures aujourd’hui à moins de s’appeler César Baldaccini. Encore que concasser une voiture, une « bagnole » comme on dit en langage populaire, soit tout un symbole. 3)
Le cortège funèbre, après être arrivé avec le corps ou l’urne funéraire, doit ensuite se rendre à l’endroit où les restes vont être inhumés (ou incinéré si ce n’est déjà fait) ; avec les ateberta et la lettre pour les morts de la famille, si elles n’ont pas déjà été brûlées avec.
On ouvre cette partie de la cérémonie proprement dite par la grande prière des morts.
PRIÈRE DES MORTS.
« Mon père ne m’a pas permis
De trahir la foi de son père
Et je veux être enterré
Comme les guerriers en tenue de guerre ;
Parce que les païens
Ont coutume d’être armés dans leurs sépultures
Les armes et le visage tournés vers le soleil levant.
Les âmes sont presque immortelles
Et durent jusqu’au jour d’Erdathe
C’est-à-dire jusqu’à ce que règnent seuls
Le Feu et l’Eau
Que la force soit avec nous
Nert dee agus andee.
Sunartiu !
N.B. Le vers « comme les guerriers en tenue de guerre » peut être remplacé par la formule « comme une guerrière et ainsi de suite… » si le mort n’est pas du sexe masculin.
Le druide officiant marque une pause et reprend.
« Les hommes qui regardent la Grande Ourse en face sont heureux, car ils savent que la mort n’est que le milieu d’une longue vie ; et que les âmes ou les esprits ne finissent pas comme des ombres dans le séjour infernal et glacé de l’Érèbe ».
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X… ou Y… (nom du défunt) a su mourir et n’a pas ménagé sa vie, car il (ou elle) savait qu’elle continue dans l’au-delà.
L’ange de la mort au cou de cygne, la déesse ou la fée à l’insoutenable beauté, dans son coracle de bronze blanc, est venu chercher notre frère (ou notre sœur).
Les incantations de nos druides n’ont rien pu contre la force de cet appel.
Et dans cette nef de cristal, ils voguent maintenant tous les deux vers les îles à l’ouest du Monde, au-delà du soleil couchant. La déité paisible, à la beauté de fée ou de déesse, conduit notre frère X… (ou notre sœur Y…) au pays de l’éternelle jeunesse.
Là où tout est beau, attirant et pur
Là où n’existent ni faute, ni maladie, ni temps
Ni frontière, ni guerre, ni souffrance, ni peine, ni esclavage.
La musique y est merveilleuse,
Il y coule des ruisseaux d’hydromel
Et la paix y est partout éternelle.
Tir na mbeo, la terre des vivants, biuontiion teres ;
Tir na mban, la terre des femmes, banion teres ;
Tir na nog, la terre de jeunesse, ogiion teres ;
Mag mor, la grande plaine, mara magosia ;
Mag meld, la plaine du plaisir, meldomagosia ;
Mag inis, la plaine au milieu de l’île, magosa inicias.
Nert dee agus andee
Que la force soit avec nous !
Sunartiu !
L’officiant poursuit la cérémonie en récitant le lai suivant…
« Où s’en va-t-il (où s’en va-t-elle) maintenant ? »
Tous répondent ce qui suit.
« Il (ou elle) s’en va dans un pays où il n’y a ni âge
Ni déclin ni obscurité.
Il (ou elle) s’en va dans l’île d’Avallon
La grande et merveilleuse pommeraie
Qui produit tout par elle-même.
Là où il n’y a aucune culture
Hormis celles dont la nature prend soin elle-même.
La terre y engendre tout
Comme de l’herbe
Elle prodigue ainsi d’abondantes moissons
Dans ses forêts couvertes de fruits ».
Pendant l’inhumation ou l’incinération, si celle-ci doit prendre place dans la fosse creusée à cet effet ; le vate officiant, les mains et les paumes levées vers le ciel, au nom de tous, récite la prière suivante.
Où sont-ils passés
Tous ces fringants cavaliers
Qui affrontaient les flots
Dans leurs maisons
Les armes à la main ?
Malgré leur fuite éperdue
Leurs lances et leurs épées
Le flot les a rattrapés
Le reflux les a emportés
Dans leurs palais ou leurs chaumières.
Aussi longtemps que des bateaux
Iront sur la mer
Je ne composerai plus ni poème ni chant.
L’inscription gravée sur votre pierre
En tiendra lieu.
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Lève-toi ô soleil,
Que l’obscurité de la nuit se dissipe
Dans les rayons de ta glorieuse lumière.
Délivre-nous des légions infernales des duses
Et des vouivres anguipèdes gigantesques *
Ainsi que de tous les autres sous-dieux des glaces du non-monde.
Nert dee agus andee.
Que la force soit avec eux.
Sunartiu !
* Fomore dans les rites irlandais.
L’officiant poursuit en récitant encore la prière ci-dessous.
« REICNE FOTHAID CANAINNE. Dochta do neoch dales dail Facbas dail n-eco fri laimh Donarlaith do bil oige Morrioghan Is mor do fod boïbh nigius Cride maith recht nodaais Cid gar di sund uan i mbe Na futhbad uaman do gne Nimrumart-sa namasrad Fien gormainech goburglas A techt i nhuire adba Dirsan dond eochaill amra Airc dot daim, sonn ni ainfe Dofil deoidh na haidchi Imusraidhfi neach nach re. Sunartiu ! »
Il faut être aveugle pour donner des rendez-vous
Sans jamais penser à celui que nous avons avec la mort.
La triple Morrigane est venue.
Nombreuses sont les dépouilles qu’elle lave maintenant.
Il faut un cœur vaillant
Pour ne pas faiblir devant elle.
Bien qu’elle soit toujours tout près de nous
Ne laissez pas la frayeur vous envahir
La troupe des guerriers au noble visage et aux chevaux gris
Ne m’a pas fait défaut.
Hélas pour notre merveilleuse forêt d’ifs ou de bouleaux.
Ils sont allés par la porte d’argile
À d’autres rendez-vous
Là où tout est beau, attirant et pur
Là où n’existent ni faute, ni maladie, ni temps
Ni frontière, ni guerre, ni souffrance, ni peine, ni esclavage.
La musique y est merveilleuse,
Il y coule des ruisseaux d’hydromel
Et la paix y est partout éternelle.
Tir na mbeo, la terre des vivants, biuontiion teres ;
Tir na mban, la terre des femmes, banion teres ;
Tir na nog, la terre de jeunesse, ogiion teres ;
Mag mor, la grande plaine, mara magosia ;
Mag meld, la plaine du plaisir, meldomagosia ;
Mag inis, la plaine au milieu de l’île, magosa inicias.
Rentrez à la maison ne rester pas ici
La fin de la nuit approche,
Nert dee agus andee.
Que la force soit avec nous !
Sunartiu !
L’officiant procède ensuite à une libation en versant de la bière ou de l’hydromel, sur la tombe ou dans la tombe, pendant l’incinération, à l’aide d’un crâne serti d’or.
Les personnes qui assistent à la cérémonie sont alors invitées par lui à jeter dans la tombe (ou sur le bûcher), les derniers messages qu’ils veulent faire parvenir à leurs êtres chers disparus (parents ou amis décédés, ou autres).
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Après une courte pause, le vate officiant reprend la parole en disant (à chaque fois en faisant face à un point cardinal différent, dans le sens solaire ou dans le sens des aiguilles d’une montre)…
« Allez en paix, enfants de la Grande Ourse mes frères, X… ou Y… (nom du défunt) remboursera désormais ce qu’il (ou elle) doit, dans l’autre monde ».
L’officiant invoque ensuite les Âmes ou Esprits des morts de la communauté.
Mes enfants, prions !
Esprits bienfaisants et âmes des Celtes
Aidez-nous, guidez-nous, conseillez-nous
Afin que de nos efforts conjugués
Renaisse un foyer comme une lumière dans la nuit
Dans lequel vivront éternellement
Les âme/esprits de nos ancêtres
Et des Celtes de cœur et d’esprit
Sous la protection de nos dieux
Nert dee agus andee.
Que la force soit avec nous
Sunartiu !
Les assistants font le signe de la croix païen, c’est-à-dire que du poing droit solidement fermé, ils se frappent plusieurs fois (3 fois 6 fois ou 9 fois) la poitrine, comme si l’on heurtait d’une lance quelconque un bouclier invisible.
Ensuite, avant de partir, ils jettent dans la tombe ou déposent tout autour une pierre afin d’y édifier symboliquement un cairn (un tas de pierres bien propres et de couleur claire si possible doit donc avoir été préparé à l’avance juste à côté).
On passe alors au repas qui doit suivre, car la mort dans notre religion ne doit en aucun cas être prétexte à désolation ; il faut au contraire la voir et la célébrer avec joie comme une nouvelle naissance dans un autre monde, meilleur.
Plus tard, pendant le banquet, les jeux ou après, on élèvera la stèle au-dessus de la tombe, s’il y a eu inhumation ou enterrement de l’urne funéraire dans une fosse (ciste) ; avec le nom du défunt et sa filiation (fils ou fille d’une telle et un tel) gravés en runes lépontiques (la plus vieille écriture celtique connue) dessus ; et son âme/esprit pourra ainsi définitivement quitter cette terre.
LE BANQUET FUNÈBRE.
La viande nécessaire à ce banquet doit en principe venir des animaux ou du bétail du défunt s’il en possédait, donc ne pas être achetée.
On a vu plus haut que l’homme, après la mort, était réputé devenir un être heureux et divin (meldos), mais à la condition que les vivants lui offrent toujours un repas funèbre, à tout le moins une libation funèbre (d’où la coutume de boire à la santé ou en la mémoire de quelqu’un). Ce banquet d’un genre un peu spécial doit donc ensuite réunir autour d’une même table ou sous un même toit, les amis ou les proches du défunt. Dans le cas d’un celicnon de cimetière (bâtiment à ne pas confondre avec une lanterne des morts), les tables sont évidemment rondes.
La meilleure façon de l’aborder n’est pas d’y manifester une tristesse excessive. Le mort est désormais dans un monde meilleur, ne l’oublions pas ! Il participe aux joies d’un banquet permanent. L’Au-delà des Celtes est un au-delà joyeux, lumineux, et non lugubre. Ce sont les vivants qui sont affectés par le chagrin, pas les morts.
Le formulaire suivant est donc alors récité.
Le barde ou président du banquet.
Seules l’opinion et la coutume exigent des pompes funèbres.
RÉPONSE DES PARTICIPANTS AU BANQUET.
Méprisons-les donc en notre for intérieur, mais ne les négligeons pas pour les autres.
Le barde ou président du banquet.
Fou est celui qui pleure parce qu’il ne vivra plus dans mille ans.
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RÉPONSE DES PARTICIPANTS AU BANQUET.
Fou également celui qui pleurerait de n’avoir point vécu il y a mille ans.
Le barde ou président du banquet.
Levons nos verres à la santé des vivants et des morts.
RÉPONSE DES PARTICIPANTS AU BANQUET.
Trinquons avec des verres bien remplis !
Le barde ou président du banquet.
Buvons.
RÉPONSE DES PARTICIPANTS AU BANQUET.
Qu’il en soit fait ainsi !
LES JEUX FUNÈBRES.
Moins drôles étaient les cluichi qui ont donné naissance aux combats de gladiateurs. Ces coutumes ou habitudes funéraires ont persisté pendant très longtemps. La légende qui relate la mort des enfants de Lir, morts en odeur de sainteté – qui plus est sous la protection d’un disciple direct de saint Patrice – ce qui est quand même quelque peu hérétique ; les fait encore bénéficier du vieux et archaïque cérémonial de ces obsèques païennes sans qu’ils y perdent la moindre parcelle de l’autre monde parallèle de nature paradisiaque qui les attend.
« On éleva leur stèle au-dessus de leur tombe, on écrivit leurs noms en runes oghamiques et l’on fit leurs jeux funèbres (cluichi). Ensuite leurs âme/esprits montèrent au ciel ».
Malgré les nombreux cas de censure par les moines copistes chrétiens, cette mention des jeux funèbres (cluichi) n’est pas exceptionnelle dans l’Irlande du haut Moyen-âge. Les deux soucis des Gaëls, comme de tous les Celtes d’ailleurs, ont toujours été d’assurer au trépassé la béatitude dans l’Autre Monde et, sur terre, là où son corps a reçu conformément à la coutume une sépulture honorable, la perpétuation du souvenir de son nom dans les mémoires. On lui évite ainsi cette véritable mort qu’est l’oubli, car ne meurent vraiment que ceux que l’on oublie ; ainsi que l’a très bien exprimé à sa façon le petit Hésus Cuchulainn à peine âgé de sept ans, pour répondre à une mise en garde du druide nommé Catubatuos. « Il m’importe peu de n’être qu’un jour ou qu’une nuit au monde, pourvu que le récit de mes aventures et de mes exploits demeure après moi ».
N.B. Il va de soi que les jeux funèbres ne doivent être ni une caricature ni ridicules, et qu’il vaut mieux s’en passer si impossible de leur donner une certaine solennité. L’important c’est d’en respecter l’esprit : la mort n’est que le milieu d’une longue vie.
LE DEUIL.
Un deuil minimal doit enfin être observé. Au moins trois jours.
« Et jusqu’à la fin d’une période de trois jours, on ne laissa aucun veau sous les vaches d’Ulster » (Aided oenfir Aife, la mort du fils unique d’Aife et du Hesus Cuchulainn).
LES LOGA (PIERRES TOMBALES).
En surface, la tombe sera signalée par un monument fonction des moyens du défunt : par exemple, un pieu de bois sculpté, une planche de bois gravée, une pierre, une stèle, ou plus (un cairn, un tumulus, un monument ou une lanterne des morts).
La dernière étape du rituel proprement dit consiste donc en l’érection d’une stèle, y compris éventuellement à l’endroit où a été enterrée l’urne funéraire. Ces loga doivent être orientées est-ouest. La face tournée vers l’est, là où le soleil se lève. En Irlande la stèle était gravée de runes oghamiques, mais ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, les oghams sont une écriture qui n’est pas celtique à l’origine ; elle fut transposée de l’alphabet latin à une date qui ne remonte pas au-delà du premier ou du deuxième siècle de notre ère. On ne trouve de spécimens de cette écriture qu’en Irlande et dans l’ouest de la Grande-Bretagne. Il n’y en a aucun exemple sur le Continent. La tradition irlandaise prétend que cette écriture fut inventée par le dieu Ogma, que les Celtes continentaux connaissaient sous le nom d’Ogmios. Mais le plus ancien système d’écriture employé par un peuple celte est l’alphabet lépontique adapté de l’alphabet étrusque au VIe siècle… avant notre ère, dans le nord de l’Italie. Et c’est sans doute lui qui, en remontant au-delà des Alpes par la route de l’ambre, a donné par la suite les runes germaniques.
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Bien entendu, il peut en aller autrement suivant le pays du défunt et d’autres alphabets peuvent aussi être utilisés (latin, grec, celtibère).
L’inscription doit être du type…
— Nom et prénom ou le contraire, du défunt. Nom et prénom du père suivis de la mention – cnos si le mort est de sexe masculin. De la mention – gena si le défunt est de sexe féminin. Nom et prénom de la mère suivis de la mention – cnos si le mort est de sexe masculin. De la mention – gena si le défunt est de sexe féminin.
— Date de naissance – date de la mort.
— Carnitu locan (ou carnitu artuas) suivi de la désignation de la personne la plus affectée par ce deuil, exemple : son mari reconnaissant… sa fidèle épouse… son frère cadet…
Au pluriel on écrira carnitus…
On peut ajouter la mention tacos toutas si plusieurs autres membres de la famille ou des proches veulent s’y associer.
Ces pierres ou stèles tombales en bois peuvent être gravées de différentes figures : roues (pour évoquer un char comme dans le cas de l’inscription découverte en 1869, à San-Bernardino-de-Briona en Italie), nef, cheval, dauphin. Celle de Todi, toujours en Italie, était un bloc de pierre épais de 20 cm, large de 60 cm et haut de 80 cm environ selon Lambert.
1) En magie noire, cela correspond à la tablette de défixion des sorciers britto-romains. Mais dans le cas des proella ou broella nous sommes dans le domaine de la magie blanche.
2) La ciste est généralement constituée par plusieurs dalles de pierre délimitant l’espace où se fait le dépôt funéraire, inhumation ou incinération. Il peut s’agir aussi d’une construction en pierre sèche, le caisson est alors délimité par des murettes. La tombe est parfois couverte par une ou plusieurs dalles horizontales, ou simplement par les pierres constituant le tumulus qui recouvre et protège l’ensemble, quand celui-ci existe.
3) César Baldaccini (1921-1998), dit César, auteur de la sculpture remise aux lauréats de la Nuit des césars (du cinéma), est aussi l’auteur des compressions d’automobiles. À partir de 1959 en effet, il s’attaque aux voitures. Il utilise une presse hydraulique, pour compresser des épaves, dans un premier temps. Cette méthode fait la part belle au hasard. Ses œuvres offrent une présence matérielle très forte. Volumes compacts, arêtes vives… on a l’impression de voir l’automobile sous un autre jour.
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LES CIMETIÈRES OU NÉCROPOLES.
La première caractéristique de la nécropole ou cimetière druidique est que c’est un espace sacré délimité par un fossé ainsi qu’une enceinte (en bois ou en pierre), de forme plus ou moins rectangulaire ; et dont l’ouverture, toujours monumentale (un portique, un portail, etc.), pratiquée dans le mur oriental du péribole, s’ouvre à l’est. En principe il n’est jamais seul, mais associé à un lieu de culte, un temple, fanum, ou nemeton…
L’autre principale caractéristique du cimetière de type druidique en effet, c’est qu’il est situé juste autour d’un temple et en aucune façon relégué dans un coin perdu de la campagne comme c’était le cas chez les Grecs et les Romains. On pouvait, certes, se faire enterrer sur ses terres ou le long des routes, à la sortie des villes, mais le plus druidique était de reposer autour d’un temple, au besoin en pleine agglomération comme les actuels enclos paroissiaux bretons de Pleyben Guimiliau Saint-Thégonnec, etc.
Deux parties bien distinctes et n’ayant presque rien à voir dans le cimetière * druidique situé autour ou derrière le lieu de culte local ; la partie réservée à l’inhumation des urnes funéraires, plus petite en général, et la partie réservée à l’inhumation des corps.
La partie réservée aux urnes funéraires est dominée par une lanterne des morts (et pas par une croix comme dans le cas des cimetières chrétiens).
La lanterne des morts est un édifice de forme variable, souvent élancé (comme une petite tour), généralement creux et surmonté d’un pavillon ajouré (au moins trois ouvertures) ; dans lequel au crépuscule, on hissait, souvent avec un système de poulies, une lampe allumée, supposée servir de guide aux défunts.
Chaque fois que quelqu’un mourait en effet, un feu était allumé au sommet de la tour, dans le lanternon. Et ce feu brûlait jusqu’à l’inhumation du défunt. Certains auteurs pensent qu’il s’agissait à l’origine d’un appareillage destiné à la crémation des corps, la base du monument abritant une sorte de four. Un usage qui aurait été rapidement proscrit avec le christianisme.
La plus haute des lanternes des morts connues est celle de Saint-Pierre d’Oléron. La construction de la lanterne des morts de Saint-Pierre d’Oléron, chère aux dernières années de notre auteur, remonte au Moyen-âge et ressortit à la tradition gothique anglaise. C’est en effet à l’époque où l’île était anglaise que fut construite cette lanterne. Haute de près de 25 mètres, la tour comporte une embase accessible par un escalier, puis un fût octogonal d’une quinzaine de mètres de hauteur pour un diamètre de 4.5 mètres. Elle comporte un escalier intérieur éclairé par deux hautes et très étroites fenêtres romanes, ainsi que par des lucarnes. Cet escalier permet d’accéder à une tourelle pentagonale ouverte par de hautes fenêtres romanes, grâce auxquelles on pouvait jadis voir de très loin la lumière de cette lanterne qui a donc peut-être aussi servi de phare pour les marins. Cette tourelle se termine par une flèche elle aussi pentagonale, de huit mètres de hauteur, couronnée d’une croix de pierre. Le fût principal est décoré de manière sobre par des arcatures romanes à tympans étroits reposant sur de fines et très élégantes colonnes marquant les arêtes.
Il existe un certain nombre de lanternes des morts en Irlande. La hauteur de ces tours varie entre 18 et 40 mètres ; celle du monastère de Kilmacduagh est la plus haute d’Irlande. Le type de maçonnerie a évolué, depuis des moellons bruts dans les plus anciennes, jusqu’à des pierres taillées à joints nets pour les plus récentes.
Ces édifices ont probablement été bâtis entre le IXe siècle et le XIIe siècle. L’Irlande en a compté environ cent vingt ; la plupart sont désormais en ruine, et une vingtaine en parfait état. En Écosse, les deux tours subsistantes sont situées à Brechin et Abernethy.
La seule tour de ce type à posséder une base hexagonale se trouve à Kinneigh, dans le comté de Cork, et date de 1014. Celle de Clondalkin est la seule d’Irlande ayant gardé sa toiture d’origine.
Il en existe aussi dans plusieurs pays d’Europe centrale (dans ce dernier cas, la construction des lanternes semble plus tardive que les lanternes « françaises »). Un seul exemple par contre en Angleterre : à Bisley dans le Gloucestershire.
Plus près de nous, au XIXe siècle, une tour ronde a été construite dans le cimetière de Milford, dans le Massachusetts. Bâtie en granit, c’est la seule de son genre en Amérique.
* L’arbre caractéristique du cimetière druidique est le bouleau. À défaut l’if.
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N.B. Les morts doivent donc reposer tout autour du lieu de culte local, ou par exemple derrière, mais dans la même enceinte, telle est la tradition druidique.
Bien que relativement récents (ils datent surtout du XVe siècle) les enclos paroissiaux de Bretagne ont repris inconsciemment cette tradition consistant à enterrer les morts autour d’un lieu de culte.
L’enclos paroissial est un ensemble architectural religieux typiquement breton. L’enclos est au départ un cimetière fermé attenant à l’église, qui s’est enrichi d’un portique d’entrée ou porte triomphale.
L’enclos paroissial, comme son nom l’indique, est clos. Il s’agit d’une mesure pratique, en effet, à cette époque, dans les villages, poules et cochons circulaient en toute liberté, on prit donc rapidement l’habitude d’entourer le cimetière d’un enclos afin d’épargner ce lieu sacré de l’intrusion de ces animaux de ferme.
Cette précaution fait que le portique d’entrée, toujours ouvert, comporte une marche pour monter, un muret à enjamber et une marche pour descendre. L’enclos était ainsi protégé de l’intrusion animale. On voit très nettement cette particularité à Plounéour-Ménez.
En Bretagne l’enclos paroissial est donc aujourd’hui un lieu sacré entouré d’un mur d’enceinte, comprenant quatre éléments : l’entrée avec une porte monumentale et triomphale, l’église, le calvaire, l’ossuaire, et dans la plupart des cas, le cimetière. Ce sont de véritables chefs-d’œuvre d’architecture qui témoignent de la ferveur de ceux qui les ont construits. Ceux de Guéhenno, La Martyre, Pleyben, Sizun, Saint-Thégonnec, Lampaul-Guimilliau, Commana… nous permettent de découvrir les multiples facettes de cet art religieux.
La porte monumentale ou arche triomphale, généralement très décorée, symbolise maintenant l’entrée du juste dans l’immortalité. Elle souligne la notion de passage que l’on retrouve dans tous les rites liés à la mort, issus de la civilisation celtique. Dans cette enceinte, le cimetière est petit. Il est attenant à l’église, signifiant que la mort n’éloigne pas le défunt de sa communauté religieuse qui est une communauté de vivants ET DE MORTS comme on le voit bien le 1er novembre.
L’ensemble présente, malgré la variété des édifices, une très belle harmonie, une unité de lieu quasi théâtrale. Le nom de la porte en breton, « porz a maro » (« porte de la mort »), et souvent la présence de l’Ankou, cet étrange personnage féminin, symbole de la mort, qui le décore parfois sous la forme d’un squelette tenant une faux ou un arc avec flèche, pourrait laisser croire que le Breton possédait une vision profondément morbide de l’existence. Il n’en est rien. Grâce à l’héritage de sa foi celte, il pratiquait plutôt une sorte cohabitation avec les morts.
L’enclos est donc avant tout le domaine symbolique de la rencontre entre le monde des vivants et celui des défunts, entre le sacré et le profane. On ne cache pas la mort. Elle n’est pas honteuse comme à notre époque. On apprend à vivre avec, dans un rapport évidemment teinté de merveilleux, d’allégorie et de poésie.
N.B. Le terrain du cimetière étant limité, les reliques des morts devaient être fréquemment exhumées pour laisser la place aux nouveaux défunts. D’où une chapelle funéraire ou un ossuaire, où l’on déposait les ossements, voire de petits réduits, que l’on élevait contre l’église ou le mur du cimetière. Puis ces ossuaires sont devenus des bâtiments isolés, plus vastes, plus soignés d’exécution. Ils ont pris la forme de reliquaire et ont servi de chapelles funéraires.
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LEVÉE DE NE LITOM OU D’ÉLUDE
(cf. gaélique – úidech – úthach – úithechelodach-elutache fuyard).
Les excommunications antiques ou anathèmes appelés « ne litom » (pas de culte ?) correspondaient aussi à une véritable mort civile. En cas de « ne litom » le condamné ou élutaché (du vieux celtique elutacos= fugitif) devenait en quelque sorte un hors-la-loi.
Voici ce qu’en dit César :
« Si quelqu’un, soit simple particulier, soit personnage public, ne s’est pas conformé à leur sentence, ils (les druides) l’interdisent de sacrifice. Cette peine est la plus lourde. Ceux à qui interdiction est ainsi faite sont tenus au nombre des impies et des criminels ; tous s’éloignent d’eux, fuient leur approche et leur conversation, de peur d’attraper quelque mal pernicieux à leur contact. On n’accède plus à leurs demandes et aucune considération ne leur est manifestée ».
Certains ont pensé que ce rituel d’excommunication druidique devait être une sorte de briamon smethraige, mais il est plus vraisemblable qu’il devait ressembler comme deux gouttes d’eau à un envoûtement de type tablette d’exécration en plomb. Le nom du coupable était gravé sur une écorce ou tablette en bois d’if ou de bouleau avec la formule magique correspondante, mais brûlé ensuite en public, à la différence de la tablette d’exécration relevant de la pure magie noire.
La formule rituelle d’excommunication druidique actuellement tombée en désuétude et gravée sur la tablette devait être la suivante…
NE LITOM. NEQUE TAUNEI LITOM. NEQUE VERTAUNEI LITOM. NEQUE TISAUNEI LITOM.
Pour X… (nom de la personne devant faire l’objet du « ne litom », ne litom signifiant à peu près dans ce cas, ainsi que nous l’avons vu, plus de ou pas de… litom. Autrement dit plus ou pas de… participation aux sacrifices… pour X…).
Le rituel de levée d’élude, lui, par contre, est fait pour réintégrer dans la communauté ceux qui n’en faisaient plus partie ; que ce soit parce qu’ils en avaient un jour été formellement exclus, ou parce qu’ils s’étaient eux-mêmes mis dans une telle situation. En bref, qui étaient en jachère.
Pour des raisons de fond (erreurs doctrinales aux conséquences lourdes, genre monolâtrie, hérésie) ou de forme (comportements déloyaux, malhonnêtes, contraires à la déontologie druidique, et ainsi de suite).
N.B. Par hérésie nous voulons dire : s’écartant un peu trop du druidisme de référence, qui ne peut être que le druidisme du berceau originel et antique des peuples celtes.
Cette réintégration ne rend pas automatiquement à l’élutaché ou elutacos le rang qu’il ou elle occupait au sein de la sodalité, car des compensations doivent être effectuées avant, pour réparer le mal qu’il ou elle a fait.
Sur les pénitentiels irlandais, voir notre leçon intitulée « essai sur le druidisme ».
Accessoires ou hiéra nécessaires.
Tablette en bois d’if ou écorce de bouleau déjà écrite (il faut toujours être optimiste)
Béret ou capuchon noir pour l’élutaché.
Texte du discours de Calgacus et autres.
Maillet de Suqellos.
Un corbeau dans une cage.
Un autel portatif éventuellement.
Les membres de la sodalité, après avoir revêtu leurs habits de cérémonie en un lieu approprié, par exemple une sacristie de type sacrarium commencent par arriver en procession pour former le cercle sacré ; que ce soit à l’extérieur en pleine nature autour d’un simulacrum (un arbre, un totem ?) ou d’un point central soigneusement choisi à cet effet dans la campagne, ou à l’intérieur d’un sanctuaire autour de sa cella, ou à l’intérieur d’un temple dans sa cella, voire dans un bâtiment ou une grande pièce de plan basilical, c’est-à-dire dans, c’est-à-dire dans un lieu de réunion constitué d’une nef terminée par une abside en forme de demi-cercle, où siégeaient, certes, jadis les magistrats, mais permettant aujourd’hui la circumambulation rituelle des druides, vates, vellèdes et
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gutuatres/gutumatres (ou prêtresses bien entendu) ; et laissant passer la lumière au maximum (genre cathédrale donc, pas catacombes).
Avec par ordre d’ancienneté prêtresses et très-sachants de la druidiaction (druidecht) en tête, ensuite les gutuatres ou gutumatres avec au milieu l’ambact portant le corbeau de Catubodua en cage, les vates avec en leur milieu l’huissier enquêteur et son vouge, enfin les vellèdes.
N.B. Le ou la vouge peut aujourd’hui être remplacé (e) par une serpette de vigneron, une sorte de couteau en forme de petite serpe, les Celtes méridionaux n’ayant pas attendu les Romains pour découvrir la vigne. Les fouilles archéologiques pratiquées en 1992 près de Paris (à Bobigny) ont d’ailleurs montré que les Celtes antiques connaissaient aussi le couteau pliant genre couteau de poche ou canif.
cf. donc par exemple par exemple le couteau serpette pliant N° 10 SF de la célèbre marque Opinel. Lame acier inoxydable de dix centimètres. Manche en hêtre verni. Un outil de jardinier idéal pour tailler des arbustes, greffer ou inciser des arbres fruitiers. Mais bien sûr, le ou la vouge peut toujours avoir ses dimensions originelles, c’est-à-dire être au moins de la taille d’une hallebarde suisse.
La procession arrive si possible par l’est à l’endroit choisi et marqué en son centre soit par un autel de pierre dominant un puits à sacrifice, si le rituel a lieu à l’intérieur d’un bâtiment, soit par un simulacrum ainsi que nous l’avons dit ; c’est-à-dire un arbre ou un totem, à l’ouest duquel a été aménagé le cas échéant un petit autel rustique genre tonneau destiné à porter le maillet de Suqellos, la cage du corbeau de Catubodua, ou tout autre objet nécessaire.; si l’on se trouve à l’extérieur.
Le cortège effectue trois tours (trois grandes circumambulations) à bonne distance de l’autel ou du simulacrum (deisil, deiseil, deiseal en Irlande… pour comparaison, dans le taouaf effectué autour de la Kaaba de La Mecque, il y a sept tours autour du simulacrum).
Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) se placent à l’est faisant face à l’ouest, les gutuatres/gutumatres au nord faisant face au sud, les vates à l’ouest faisant face à l’est, les vellèdes au sud faisant face au nord.
Le druide officiant s’avance vers l’autel au centre du cercle sacré ; le vellède faisant office d’ambact le rejoint sur sa gauche, dépose le maillet de Suqellos devant lui et reste à côté un peu en retrait. À sa place au milieu des siens le vate qui fait office d’huissier enquêteur, vouge au clair dans la main droite comme une hallebarde, le vouge, symbole traditionnel des prêtres de la forêt.
DIALOGUES OU MONOLOGUES.
Le gutuatre ou la gutumatre faisant office d’ambact rejoint le druide officiant, dépose la cage contenant le corbeau de Catubodua qui va faire l’objet d’un sacrifice (non sanglant) sur l’autel devant lui et se place à la droite du druide officiant.
L’élutaché (vieux celtique elutacos) reste à l’écart derrière les vates ou à l’extérieur, tout de noir vêtu, capuchon ou béret rabattu sur les yeux. Le cladibo (le glaive) de Tethra dans la main, il s’annonce en prononçant les paroles qui suivent.
« Je suis un roi pêcheur, un roi méhaigné, le (ou la) Celte N. (prénom et nom civils de l’élutaché, nom initiatique éventuellement).
J’ai en vérité de terribles nouvelles
À vous annoncer.
Les temps sont mauvais
Été sans fleur
Femmes sans pudeur
Mer sans frai
Mauvais jugement des juges
Toute justice est abolie
Tout art est bouffonnerie
La musique tourne à la grossièreté
Tout mensonge est préféré
Tout vilain est élevé
Chaque homme est mutilé
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Les usurpateurs sont légion
La sagesse tourne en mauvais jugement
Moi même j’ai…
Devant l’assemblée des frères, l’élutaché, vêtu de noir ou en civil, doit reconnaître alors ses erreurs. Le texte de cette autocritique doit préalablement avoir été approuvé par le druide officiant. Le roi pêcheur terminera son autocritique par la formule ci-dessous.
Je demande à mes frères de remettre au pauvre roi pêcheur que je suis ce que j’ai fait, je leur demande de m’accorder leur pardon pour cette faute. J’accepte d’avance la sentence et le jugement que vous arrêterez à propos de ma nouvelle place au sein de la communauté des vivants, conformément à notre déontologie et aux décisions du Bratuspantium ayant eu à statuer sur mon cas 1).
Comme preuve de ma bonne volonté, en signe de paix, je remets ce glaive entre vos mains, qu’il n’y ait plus d’épée tirée entre nous. Que la paix règne dans notre sodalité.
L’élutaché (vieux celtique elutacos) brandit alors devant lui pour mieux la présenter, des deux mains, Orna, l’épée (cladibo) de Tethra, sortie de sa gaine, et son fourreau à côté.
Le vate huissier inquisiteur la lui prend et guide ensuite l’élutaché de la main gauche vers le centre sacré du cercle ou à l’intérieur de la cella du sanctuaire devant l’autel surplombant le puits à sacrifice ; puis annonce au druide officiant…
« Voici le roi pêcheur qui désire remonter sur son canecosedlon ».
Le druide officiant…
« La mauvaise nouvelle c’est que l’épée de Tethra l’anguipède avait été tirée, qu’un différend et une contestation s’étaient élevés, qu’il n’y avait plus de paix !
Par tes paroles et tes actions, tu avais gravement nui à notre foi et à notre communauté de vivants.
Un jugement et une sentence avaient en conséquence été rendus par le Bratuspantium (variante suivant les cas : tu t’étais retranché toi-même de notre communauté des morts et des vivants).
Acceptes-tu donc une nouvelle fois de prêter serment de fidélité à notre Communauté des morts et des vivants, ô roi pêcheur au bras mutilé ? »
L’élutaché…
« Oui je le veux ! »
Le druide officiant…
« Acceptes-tu, ô roi pêcheur au bras coupé ou mutilé, de renouveler les promesses de ton baptême païen ? »
L’élutaché…
« Oui je le veux ! »
Le vate huissier enquêteur libère alors les yeux de l’élutaché (elutacos) en relevant son capuchon ou son béret sur sa tête et lui dit : « Dans ce cas, prête donc une nouvelle fois serment sur nos enseignes sacrées » 2).
L’élutaché prête serment, les trois doigts (pouce index et majeur) de la main droite levés au-dessus du marteau de Suqellos, en répétant la formule suivante :
Je jure de rechercher uniquement beauté, gloire, et celtisme
Je jure de rester fidèle au véritable esprit
De la vraie tradition celtique.
Je jure d’être le digne et authentique héritier
De la science et de la philosophie des îles d’Hyperborée
Ou situées au nord du Monde :
Thulé, Abalum, Gorre et Ogygie l’Île verte.
De nos anciens du temps de la Grande Celtie libre et indépendante.
Du dernier druide 3) de la cour du grand Domnall mac Muirchertach Ua Néill
Selon Urard Mac Coisé
De la Réforme de Sean Eoghain Ui Thuathallain na Leabhar
De la Réforme d’Henri Lizeray
Ou de ses comarbae…
Je jure non seulement de soutenir et défendre la vraie Tradition celtique et l’esprit celte, mais aussi de les développer à nouveau et d’en répandre partout la lumière.
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Je jure de contribuer de toutes mes forces au mouvement de reconquête qui nous rendra les biens spirituels dont nous avons été injustement privés ou spoliés (rites, symboles, pèlerinages, lieux de culte, de la Croagh Patrick en Irlande, au mont Beuvray en Bourgogne…)
Je jure de faire en sorte que la vraie spiritualité de nos ancêtres puisse de nouveau illuminer le monde comme un feu dans la nuit ; et puisse montrer à tous le sentier conduisant à l’œil de lumière sous le chêne, l’if et le bouleau.
Je jure enfin de respecter notre sodalité, son Primat inter pares, sa règle et ses coutumes.
Que les déités lumineuses et paisibles éloignent de moi la légion infernale des duses et des vouivres anguipèdes (ces géants que l’on appelle Andernas ou Fomore) ainsi que tous les autres sous-dieux des glaces du non-monde !
Tongu do dia toingeas mo tuath
Touongo adge deuu iom touongeti ma touta
Adge saveliu,
Luxnei, divu ac nuxtu
Etic ollebo cactiebo nemetos etic talamunos
Toaretudiet pennei mei nemes
Dlogieti talamu con maru critonu
Ringiet gala
Losciet mene aedis
Adtanet gormoceidt omori are talu dumni
Au mon oiton ponc delco
Ac in gascarian ate caedo.
Par les enseignes sacrées de nos bataillons
Que plus un toit ne me soit offert
Que mes parents me ferment leur porte devant moi
Que mes enfants me ferment leur porte devant moi
Si je ne respecte pas cette promesse.
Le druide officiant…
Nous sommes aujourd’hui… (indiquer la date en calendrier celtique de Coligny et/ou la date en calendrier civil, suivie de la mention « de l’ère vulgaire » ainsi que l’heure).
Nous sommes sur le territoire la chaire druidique (canecosedlon) de N.… (nom de la chaire druidique ou canecosedlon sur le territoire de laquelle se déroule la cérémonie.)
Le druide officiant demande…
« Considères-tu bien cette fois-ci que, par mon intermédiaire, tu recevras la plénitude de ce que tu recherches » ?
— « Oui ! » répond l’élutaché, qui bat ensuite sa coulpe devant tout le monde. C’est-à-dire que du poing droit solidement fermé, il se frappe plusieurs fois (3 fois 6 fois ou 9 fois) le cœur, comme si l’on heurtait d’une lance quelconque un bouclier invisible. Le druide officiant se concentre quelques instants, les paumes levées vers le ciel puis récite le lai suivant.
Trois fontaines jailliront.
Celui qui boira de la première
Ne sera jamais malade
Et jouira d’une longue vie
Celui qui boira de la troisième
Mourra d’une mort subite.
La terre se changera en pierres,
Les pierres en bois,
Le bois en cendres,
Les cendres en eau.
D’une cité dans la forêt des Canutes 4),
Une pucelle sera envoyée pour guérir de son art thérapeutique tous nos maux.
Elle assèchera la source de nos maux
Rien qu’en soufflant sur elle.
La Vierge montera sur le dos du Sagittaire et flétrira ses fleurs virginales
Des larmes couleront de ses yeux.
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Ensuite quand elle aura repris des forces en buvant de l’eau miraculeuse,
Elle portera la forêt de Calédonie 5) dans sa main droite,
Et dans sa gauche les forts des murs de Londres.
Là où elle passera, elle laissera des empreintes de pas sulfureuses 6).
Leur fumée agitera les Rutènes 7)
Et fournira de la nourriture pour les créatures qui vivent dans la mer 8).
Doux pommier, arbre aux teintes écarlates,
Qui pousse caché dans la forêt de Calédonie,
On aura beau chercher tes fruits, ce sera en vain
Jusqu’au jour où le Cadwalader sortira de la réunion des guerriers.
Les Kymrys seront vainqueurs, glorieux sera leur chef ;
Tous recouvrant leurs droits
Les braves alors se réjouiront ; et leurs cornes sonneront des airs de fête,
Ils entonneront des chants de paix ou de bonheur.
Devant l’enfant, hardi et rayonnant
Les Anglo-Saxons s’enfuiront, les bardes refleuriront.
L’ignorant achète des chaussures et de quoi les réparer
Mais Merlin s’en moque, car le pauvre homme ne pourra pas s’en servir
Puisqu’il est déjà mort, noyé dans la rivière, et que son corps flotte le long des berges
Comprenne qui pourra.
Le druide officiant termine la cérémonie en se tournant vers l’est, dans le sens solaire ou dans le sens des aiguilles d’une montre…
Que les puissances invoquées ici retournent maintenant à leur place. La source ou l’arbre… (suit une brève description du lieu symbolique choisi pour de telles cérémonies ainsi que son nom, exemple source du Rhin du Danube ou du Rhône, temple de telle forêt, loge de telle rue…) est à proximité (si possible évidemment. La plupart du temps le totem est un chêne, mais cela peut être aussi un if ou un frêne, voire encore une autre essence d’arbre).
Le druide officiant demande ensuite au candidat…
« Homme (ou femme) des hautes terres, promets-tu de te conformer de nouveau à toutes les coutumes et traditions de notre sodalité ? De toujours dire la vérité à qui la mérite, et de ne jamais accepter quoi que ce soit sans fournir en échange une sérieuse contrepartie ? »
Le candidat :
« Je le jure ! »
Le druide officiant reprend.
Mais si nous devons être durs dans notre ver sacrum, c’est d’abord envers nous-mêmes plutôt qu’envers les autres. La primauté d’un peuple prédestiné ou d’un grand monarque prédestiné à cela ne peut être que spirituelle et non temporelle.
Notre peuple, le peuple des dieux, doit rayonner sur le monde certes, mais par la force de son exemple, de sa liberté, de sa justice, et non par la force de ses armes ou de ses lois.
N’oublions pas que notre seigneur le hésus Cuchulainn de Muirthemné n’a jamais été roi. De minimis non curat druis. Nous autres druides sommes des champions de la guerre des idées, du poids des mots, du choc des images, les guerres qu’il importe de mener sont les guerres d’idées, ou les chocs de civilisation. Car c’est à nous qu’il appartient de traiter les causes et non les symptômes de toutes ces maladies de l’âme ou de l’esprit qui font le malheur des hommes. Ce qui nous importe c’est de combattre par nos lumières ou notre éclairage les idéologies religieuses portant atteinte aux droits de l’Homme au nom des droits de tel ou tel dieu, la soumission à tel ou tel dieu. Ce qu’il faut sauvegarder avant tout, ce qui est le bien inestimable conquis par l’homme à travers tous les préjugés, toutes les souffrances et tous les combats, c’est l’ idée qu’il n’y a pas de vérité sacrée 9), c’est-à-dire interdite à la pleine investigation de l’homme ; c’est cette idée que ce qu’il y a de plus grand dans le monde, c’est la liberté souveraine de l’esprit ; c’est cette idée qu’aucune puissance ou intérieure ou extérieure, aucun pouvoir et aucun dogme ne doit limiter le perpétuel effort et la perpétuelle recherche de la raison humaine ; cette idée que l’humanité dans l’univers est une grande commission d’enquête dont aucune intervention gouvernementale, aucune intrigue céleste ou terrestre ne doit jamais restreindre ou fausser les opérations ; cette idée que toute vérité qui ne vient pas de nous est un mensonge ;
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que, jusque dans les adhésions que nous donnons, notre sens critique doit rester toujours en éveil et qu’une révolte secrète doit se mêler à toutes nos affirmations et à toutes nos pensées ; que si l’idée même de Dieu prenait une forme palpable, si Dieu lui-même se dressait, visible, sur les multitudes, le premier devoir de l’homme serait de refuser l’obéissance et de le traiter comme l’égal avec qui l’on discute, mais non comme le maître que l’on subit. Voilà ce qui est le sens et la grandeur et la beauté de notre enseignement laïque dans son principe, et bien étranges sont ceux qui viennent demander à la raison d’abdiquer, sous prétexte qu’elle n’a pas ou qu’elle n’aura même jamais la vérité totale ; bien étranges ceux qui, sous prétexte que notre démarche est incertaine et trébuchante, veulent nous paralyser, nous jeter dans la pleine nuit, par désespoir de n’avoir pas la pleine clarté.
Depuis deux mille ans et même plus, notre mariage de la foi et de la raison, de la foi éclairée par la raison, est donc persécuté. Rappelez-vous que les vrais Celtes de cœur ou d’esprit ont toujours été obligés de se défendre. Le César Auguste a interdit la religion druidarum. Le César Tibère a promulgué un décret contre nos très-sachants « et toute cette engeance de vates et de guérisseurs » comme il disait. L’empereur Claude a interdit la pratique de notre religion.
Les gens d’un seul livre, les parabolans disciples du rabbi nazoréen Jésus, comme le soudard pannonien appelé Martin ou l’évêque de Braga, ont ensuite violenté voire martyrisé nos vieux druides, ou brûlé nos sœurs sous prétexte de sorcellerie. Ensuite ils ont usurpé nos antiques lieux de culte, nos pèlerinages, nos dieux et nos fêtes. Et les monolâtres ou les fous de Dieu d’aujourd’hui, ne rêvent que d’achever ce génocide civilisationnel. Pensons un peu à ce qu’ils font subir à l’autre bout du monde à nos frères parsis ou zoroastriens, ou yézidis, ainsi qu’aux derniers païens du Pakistan : les Kalashs.
Être un vrai Celte païen de cœur et d’esprit c’est donc appartenir à un peuple de prêtres (chaque païen est à lui-même son propre prêtre devant l’autel des dieux et des ancêtres dans l’intimité de son foyer) homophone des dieux, à une nation sacrée dont les enfants ont des obligations, des lois morales ou des gessa, extrêmement contraignantes.
Et n’oublions pas non plus que les seules guerres qui vaillent sont les ver sacrums ayant pour but d’aider les peuples frères ou amis à recouvrer leur liberté perdue leur égalité leur dignité, leur propre gouvernement ; qu’un grand roi des Belges, Dumnorix 10), a jadis ainsi défini.
« Je suis libre et j’appartiens à un peuple libre. La nature de mon pouvoir ne me soumet pas moins à la multitude qu’elle ne soumet la multitude à mon autorité ».
Et n’oublions pas non plus en tant qu’hommes des hautes terres, que notre grand ancêtre spirituel Calgacos, a fort justement dit un jour…
« Ne craignons pas les municipes en mauvaise posture où se déchirent ceux qui se soumettent de mauvais gré et ceux qui les dominent injustement. Ici, il n’y a que leur général, ici, il n’y a que leur armée. Et là d’où ils viennent, on paie des taxes, on peine dans les mines et tous les autres sévices s’abattent sur ceux qui sont asservis. Ne croyez surtout pas que vous échapperez à leur arrogance méprisante en vous effaçant dans l’obéissance. Ils pillent et volent le monde entier ! Riche, un peuple déchaîne leur cupidité, pauvre, il subit leur tyrannie. L’Orient, pas plus que l’Occident, n’a calmé leurs appétits. Ils sont les seuls au monde qui convoitent avec la même passion les pays riches et les pays pauvres. Voler, massacrer, saccager, c’est ce qu’ils appellent faire la paix. Font-ils d’une terre un désert ? Ils disent qu’ils la pacifient.
La nature a voulu que les enfants et les proches soient aux yeux de chacun les êtres les plus chers. Leurs conscriptions les arrachent pour en faire ailleurs des esclaves. Même si en temps de guerre, épouses et sœurs ont échappé aux appétits sexuels des envahisseurs, ceux-ci attentent à leur pudeur en invoquant l’amitié et les lois de l’hospitalité. Les revenus des biens sont dévorés par leurs taxes, chaque année les récoltes passent à donner du blé, les corps eux-mêmes et les bras s’épuisent, sous les coups et les injures. Tout esclave acheté en dernier lieu est tourné en ridicule, même par ses compagnons d’esclavage. De la même façon, dans ce monde domestiqué depuis bien longtemps, on nous voue à l’extermination : nous qui sommes les derniers venus, nous ne valons rien !
La bravoure et la fierté des peuples soumis sont insupportables à qui leur impose sa loi. Les Brigantes menés par une femme, ont incendié la colonie, ils ont pris d’assaut le camp ennemi et, si le succès ne les avait pas portés à l’inaction, ils auraient pu secouer leur joug. Mais nous, qui sommes restés ce que nous sommes et ignorons la soumission, nous, qui porterons les armes uniquement pour rester libres et non vivre de regrets, montrons, dès le premier choc quels guerriers les Hautes-Terres de Calédonie ont enfantés. Leur armée n’est qu’un ramassis de peuples des plus disparates. Seules des circonstances favorables préservent son unité que des revers réduiront en miettes. La crainte et l’effroi sont de bien faibles liens d’amitié.
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Tout ce qui fait vaincre est de notre côté. Ici, les Romains n’ont pas d’épouses qui enflamment leur courage, pas de familles pour les blâmer s’ils ont fui. Beaucoup n’ont pas de patrie ou peut-être est-ce une autre. Ils ne connaissent rien de cette terre et cela les fait trembler : le ciel lui – même, la mer, les forêts, tout est l’inconnu autour d’eux ! Tout se passe comme si les dieux nous avaient livré des prisonniers enchaînés ! Ne vous laissez pas impressionner par de vains dehors ni par l’éclat de l’or et de l’argent, qui ne protège ni ne blesse. C’est dans les rangs mêmes de l’ennemi que nous recruterons nos propres troupes ! Les Gaulois se souviendront de leur liberté perdue et tout comme viennent de le faire les Usipiens, les autres Germains déserteront ».
Certains s’indignent du fait que notre tradition spirituelle fait preuve de plus de compréhension envers ceux de ses membres qui bafouent ses règles qu’envers ceux qui veulent s’y conformer sans en faire partie au départ. C’est tout simplement parce qu’adhérer à notre cause est un choix beaucoup plus fondamental.
Le druide officiant prend le maillet de Suqellos et pivote sur sa droite pour se retrouver face à l’est. De ses deux mains, il présente le maillet en direction de l’endroit où se lève le soleil, se concentre un instant puis revient, toujours dans le sens solaire ou dans le sens des aiguilles d’une montre, à sa position antérieure, pour faire face au candidat. Symboliquement il frappe le front de la personne qui vient de prêter serment ainsi, en ajoutant…
« Puisque tu déclares regretter ce qui s’est passé naguère et que tu manifestes ta volonté de rentrer dans le droit chemin ; en vertu des pouvoirs qui m’ont été conférés le… (date en calendrier druidique de Coligny et/ou date en calendrier civil, suivie de la mention « de l’ère vulgaire »).
Par Trefuilngid Tre Eochair
Par le triple seigneur aux trois clés
Dans la clairière sacrée
À l’ombre tutélaire du chêne [de Mughna],
Qui peut abriter mille hommes
Qui donne trois récoltes par an : des pommes
Des glands et des noix rondes rouge sang.
Le plus noble des arbres notre totem…
Tu seras de nouveau autorisé à participer aux cérémonies, mais à condition qu’il y ait compensation.
Ces conditions les voici… (exposé des sanctions décidées à l’encontre du roi pêcheur. Qui ne doivent en aucun cas être aussi dures que celles des pénitentiels irlandais).
Roi pêcheur, acceptes-tu ces conditions ? »
Le roi pêcheur : « Oui je les accepte ! »
Le druide officiant libère alors le corbeau de Catubodua qui était dans sa cage d’osier.
Note de la rédaction. Les corbeaux d’Odin sont des animaux très intelligents. Et ce sont des corbeaux qui ont fondé la ville de Lyon. L’histoire suivante qu’Artémidore raconte à propos du port des corbeaux est encore plus fabuleuse : il y aurait un port sur la côte de l’Océan, surnommé « les Deux corbeaux », et dans ce port, on pourrait voir deux corbeaux justement, avec le bout de l’aile droite plus ou moins blanc ; de telle sorte que les hommes qui ont quelque différend vont en ce lieu, disposent une planche sur une hauteur, et ensuite y déposent des galettes d’orge, chacun de son côté. Les oiseaux arrivent, mangent certaines des galettes d’orge, éparpillent les autres ; et l’homme dont les galettes ont été ainsi dispersées gagne son procès.
À noter : il y a aussi dans la statuaire gallo-romaine un dieu aux corbeaux dont nous ignorons d’ailleurs le nom. Il tient également un joug et une serpe (stèle votive de Corgoloin en Bourgogne). Sur la stèle trouvée à Sarrebourg et représentant Suqellos et Nantosuelta figure également au pied de leur figuration, un corbeau.
Si le présage ne s’y oppose pas, donc, le druide officiant termine de la sorte…
« Frères et sœurs celtes 11) de notre communauté de vivants et de morts, qui vivez en nous, réjouissez-vous et soyez heureux !
Notre frère (ou notre sœur) était en jachère, et voici qu’il (ou elle) vit de nouveau.
Et il donne l’accolade au frère (ou à la sœur) revenu (e) à la vie de la Communauté puis tous viennent en faire autant pendant qu’il transcrit tout cela sur le « registre ».
Le druide officiant remet ensuite à l’ex-élutaché la tablette d’écorce consignant cette levée de ne litom.
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1) Et non conformément à la règle de Colomban de Bobbio ou aux canones hibernenses (pénitentiels de Cummean et de Finnian), comme le répètent de façon erronée certains rituels de nos amis parisiens. Le fait de confier ses fautes ou ses manquements à l’éthique, à un guide spirituel (anamocaros), est un usage effectivement druidique, réintroduit sur le continent par les moines irlandais au VIIe siècle (saint Colomban de Bobbio, et autres). L’innovation désastreuse du christianisme en la matière fut de transformer ces confessions libres et peu courantes, en une obligation régulière à la merci des seuls prêtres ; qui se sont ainsi, du coup, érigés en directeurs de conscience au lieu de se contenter d’être des guides spirituels.
2) Autrefois on prêtait carrément serment sur des enseignes guerrières, surmontées de sangliers, d’alouettes, de taureaux, et réunies en faisceau. Ce qui est, rappelle César, la cérémonie la plus lourde de conséquences chez les Celtes. « More eorum gravissima caerimonia ».
3) Du moins c’est ce que l’on peut déduire de l’existence encore à l’époque, dans le répertoire des grands « poètes » irlandais, de l’imbas forosnai du teinm loida et du dichetal do chennaib, pourtant interdits par saint Patrice (cf. l’histoire du pillage du château de Maelmilscothach par Urard Mac Coisé, un poète ayant vécu au Xe siècle).
4) On ne peut s’empêcher de penser à la célèbre forêt de la tribu des Carnutes. Mais c’est quand même différent du célèbre « Bois Chenu » = bois chênu.
5) Des Écossais ?
6) Jeanne d’Arc fut effectivement accusée d’être une sorcière. Mais condamnée pour autre chose !
7) On ne peut s’empêcher de penser aux Rouennais. Mais c’est évidemment impossible vu la date de composition de ce texte : la première moitié du douzième siècle.
8) Fin des prophéties attribuées à Merlin.
9) Car le sacré c’est l’Homme. C’est l’Homme qui a fait les dieux à son image, et non le contraire (qui serait absurde), c’est lui la mesure de toute chose par définition. Il n’existe pas de droits de Dieu sur ses créatures, car Dieu n’a jamais été un démiurge créateur de quoi que ce soit il n’est que l’âme du monde. Contrairement à ce que pensent les monolâtries de masse notamment l’islam (cf. sa notion d’Houdoud), il n’existe donc que des droits ET DEVOIRS de l’Homme envers lui-même envers ses frères envers le monde. Il est bien évident par exemple que la plupart des comportements rentrant dans la catégorie houdoud de la charia musulmane ne sont en aucune façon des violations des droits de Dieu (qui n’existe pas ainsi), mais tout simplement des violations des droits des autres hommes, voire tout simplement le cas personnel de Mahomet, notamment pour tout ce qui est adultère et faux témoignages, cela saute aux yeux. cf. les scènes de jalousie de ses femmes ou l’accusation d’adultère portée contre Aïcha. Car assez curieusement dans le Coran et à la différence du christianisme (eli eli lamma sabacthani) Dieu se préoccupe beaucoup du sort personnel de son prophète, pour ne pas dire de sa vie privée (il est vrai que Jésus ayant bêtement préféré consacrer toute son énergie à sa mission d’où son célibat, quelle roturière petitesse, il n’avait pas ce genre de problèmes très bourgeois). Chaque fois que Mahomet a des problèmes conjugaux ou politiques (trêve ou pas trêve, etc.) une révélation divine transmise par l’archange Gabriel vient fort opportunément soulager sa conscience. Pratique tout ça ! De toute façon il n’existe de droits que ceux que l’on conquiert soi-même. Si Dieu veut avoir des droits sur les hommes, alors qu’il se débrouille pour les conquérir de vive force et les garder. Tel est le sens de toutes les batailles de la métahistoire celtique selon les légendes irlandaises.
10) Il doit s’agir d’une erreur des érudits du XVIIIe siècle ayant recueilli cette tradition, une confusion par inadvertance avec le roi des Éburons nommé Ambiorix. Le dénommé Dumnorix n’étant l’auteur que de la première phrase mentionnée.
11) Frère ou sœur, de cœur ou d’esprit, celte, reconnaissant avoir les Celtes comme ancêtres spirituels. Les chrétiens sont spirituellement des Sémites à en croire le pape Pie XI dans son allocution du 6 septembre 1938 ; mais nous autres, druidisants, sommes toujours spirituellement des Celtes.
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CÉRÉMONIE DU NOM DE TYPE CONFIRMATION
(de Foi druidique éclairée par la Raison).
Rappel terminologique. On parle d’anuanacton pour les adultes, mais on emploie le terme anmenacton quand il s’agit d’enfants.
À la différence de l’islam, l’apostasie n’est ni haïssable ni punissable aux yeux de la spiritualité druidique ! Nous encourageons bien au contraire tous ceux qui ont des doutes ou qui hésitent, à partir ailleurs voir si nous y sommes 1). C’est le principe de la quête du Graal chacun de son côté.
Le rituel de confirmation de foi druidique est destiné à intégrer dans la communauté des vivants tous ceux qui n’en faisaient pas vraiment partie jusque-là ; tout en n’en étant pas très éloignés (appartenance à un groupe druidique déjà incontestablement païen, appartenance à d’autres groupes de paganisme indo-européen, ou autres).
Cette intégration dans l’Ollotouta (dans la communauté des fidèles de la spiritualité druidique) équivaut en l’occurrence à une conversion.
Le rituel de confirmation de foi druidique peut être aussi utilisé dans les différents cas suivants : disparition des preuves de la cérémonie du nom, des preuves de la conversion, ou doutes sur leur validité. Conduite passée hautement contestable de la part du baptisé ou du converti qui était en jachère.
Pour le liquide nécessaire fleuve, rivière, ruisseau, fontaine ou source peuvent être remplacés par un lac, une mare, ou un tonneau, voire tout autre point d’eau situé dans un bâtiment si recours à un bâtiment, il doit y avoir. L’important est qu’une branche de verveine ait pu y être trempée préalablement.
La cérémonie ne peut en aucune façon avoir lieu au domicile de la personne qui confirme sa foi druidique, car même si l’apostasie a été privée, cette confirmation doit en effet être publique et se dérouler en présence du maximum de témoins possible. Le minimum requis étant de toute façon de trois (le druide officiant, le vate huissier inquisiteur, une conhospita).
Si la cérémonie doit se dérouler en plein air, le lieu où elle doit être célébrée ainsi est appelé « nemeton ». Si elle doit se dérouler à l’abri d’un bâtiment quelconque, temple ou loge, le lieu où elle doit être célébrée dans ce cas est appelé d’un nom dépendant de l’importance du bâtiment et doit être convenablement décoré ou agencé. Par exemple, une grande pièce ou salle rectangulaire, toute en longueur ; terminée au fond par une demi-cella (hémisphérique donc) jouant le rôle à la fois d’un déambulatoire ou d’un chœur avec maître-autel, au diamètre égal à la largeur de la salle, et séparée de celle-ci par un chancel. En bref un plan de type basilical. Autrement dit un lieu de réunion constitué d’une nef terminée par une abside en forme de demi-cercle, où siégeaient, certes, jadis les magistrats, mais permettant aujourd’hui la circumambulation rituelle (deiseil/ deiseal) des druides, vates, vellèdes et gutuatres/gutumatres (ou prêtresses bien entendu) ; et laissant passer la lumière au maximum (genre cathédrale donc, pas catacombes).
Le mot basilique vient d’un terme grec formé à partir de deux éléments : « basileus » qui signifie « roi » et le suffixe « -ikê », suffixe d’adjectif féminin.
Ou alors, il doit s’agir d’un plan de type Panthéon c’est-à-dire d’une grande rotonde séparée, pour ce qui est de l’intérieur, par une sorte de chancel ; précédée d’une grande pièce rectangulaire (pronaos) avec un bâtiment de transition correspondant au portique des anciens sanctuaires celtes à palissade ; ou à la porte triomphale marquant l’entrée du cimetière des enclos paroissiaux bretons ; voire au portail de certaines églises romanes.
Accessoires ou hiéra nécessaires.
Coupe. Eau lustrale. Verveine, glands, noix, noisettes. Autel mobile (éventuellement). Une bougette ou sporran. Un oursin fossile. Tablette d’écorce déjà écrite. De bouleau. Comme celles découvertes près de Gilgit au Pakistan en 1931 ou à Novgorod en 1951 pour les plus récentes, voire chez les Indiens Ojibouais (mide-wiigwaas). Aide-mémoire.
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Les membres de la sodalité, après avoir revêtu leurs habits de cérémonie en un lieu approprié, par exemple une sacristie de type sacrarium commencent par arriver en procession pour former le cercle sacré ; que ce soit à l’extérieur en pleine nature autour d’un simulacrum (un arbre, un totem ?) ou d’un point central soigneusement choisi à cet effet dans la campagne, ou à l’intérieur d’un sanctuaire autour de sa cella, ou à l’intérieur d’un temple dans sa cella, voire à l’intérieur d’une abside en forme d’hémicycle si le plan est de type basilical.
Avec par ordre d’ancienneté prêtresses et très-sachants de la druidiaction (druidecht) en tête, ensuite les gutuatres ou gutumatres, les vates avec en leur milieu l’huissier enquêteur et son vouge, enfin les vellèdes.
La procession arrive si possible par l’est à l’endroit choisi et marqué en son centre soit par un autel de pierre dominant un puits à sacrifice, si le rituel a lieu à l’intérieur d’un bâtiment, soit par un simulacrum ainsi que nous l’avons dit ; c’est-à-dire un arbre ou un totem, à l’ouest duquel a été aménagé le cas échéant un petit autel rustique genre tonneau destiné à porter le couteau ou la dague, ainsi que les clés ou l’écharpe verte qui vont être utilisées ; si l’on se trouve à l’extérieur. Le cortège effectue trois tours (trois grandes circumambulations) à bonne distance de l’autel ou du simulacrum (deisil, deiseil, deiseal en Irlande… pour comparaison, dans le taouaf effectué autour de la Kaaba de La Mecque, il y a sept tours autour du simulacrum).
Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) se placent à l’est faisant face à l’ouest, les gutuatres/gutumatres au nord faisant face au sud, les vates à l’ouest faisant face à l’est, les vellèdes au sud faisant face au nord.
Tout le monde s’étant rassemblé, le druide officiant se tourne alors vers l’est, en pivotant sur sa droite dans le sens solaire et en tournant le dos à l’ouest.
Le vate faisant office d’huissier enquêteur, ainsi que la conhospita qui l’assiste, font de même et vont le rejoindre.
Le druide officiant se concentre quelques instants, les paumes levées vers le ciel.
Le marcassin, la personne qui doit confirmer sa foi druidique, s’avance.
Le druide officiant…
« Je viens d’un pays où il n’y a ni âge, ni déclin, ni obscurité, ni envie, ni jalousie, ni haine. Je viens de l’île d’Avallon, de l’île qui produit tout par elle-même. Là il n’y a aucune culture, hormis celle dont la nature s’occupe elle-même. La terre y engendre tout elle-même comme de l’herbe ».
Le candidat…
Ce n’est pas ainsi chez nous, ô grand très-sachant !
Les temps sont mauvais
Été sans fleur
Femmes sans pudeur
Mer sans frai
Mauvais jugement des juges
Toute justice est abolie
Tout art est bouffonnerie
La musique tourne à la grossièreté
Tout mensonge est préféré
Tout vilain est élevé
Chaque homme est mutilé
Les usurpateurs sont légion
La sagesse tourne en mauvais jugement.
Pourquoi cette terre gaste ô grand très-sachants ?
Le druide officiant…
Il était une fois une jeune et jolie princesse appelée Celtine. Elle était très grande et dépassait en beauté toutes les autres filles du pays. Mais à cause de la vigueur de son corps et de son charme extraordinaire, elle était si difficile qu’elle avait jusque-là repoussé tout homme l’ayant courtisée : elle estimait en effet qu’aucun de ces soupirants n’était digne d’elle. Or un jour elle aperçut un jeune et
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beau géant arpentant le pays. C’était Ogmios qui, après avoir ramené d’Erythée le bétail de Geryon et terrassé le cruel tyran Tauriscus, visitait le pays de Bretannos.
Celtine tomba immédiatement amoureuse d’Ogmios et cacha au loin son bétail, puis refusa de le lui rendre à moins qu’il ne la demande d’abord en mariage. Notre héros avait hâte de ramener les génisses saines et sauves chez lui, mais il fut encore plus sensible à l’extraordinaire beauté de la princesse, et consentit à ses souhaits. Il fonda donc en ce lieu la ville d’Alésia et, quand le moment fut venu, un fils appelé Keltos leur naquit, qui surpassa de loin tous les autres jeunes gens, pour ce qui est de la qualité de l’esprit et de la force physique.
Après avoir atteint l’âge adulte et avoir hérité du trône de ses pères, il accomplit de grands exploits guerriers puis soumit à sa loi une grande partie des territoires avoisinants. Devenu très célèbre à cause de son courage, il appela ses sujets Celtes d’après lui-même, et ceux-ci à leur tour donnèrent leur nom à la grande Celtie libre et indépendante.
Au cours des siècles suivants, quand leurs forces s’accrurent, les enfants de Keltos bâtirent des villes en grand nombre. Partout dans ces provinces les peuples se civilisant peu à peu, l’étude des sciences nobles put alors s’épanouir, d’abord avec les bardes, et les vates. Les bardes s’employaient habituellement à célébrer les exploits de leurs hommes illustres, en vers épiques, et en s’accompagnant des harmonies d’une lyre. Les vates étudiaient la nature et ses sublimes secrets, en essayant de les expliquer ensuite à leurs disciples. Leurs esprits cherchaient à pénétrer les secrets ou les plus sublimes domaines, et méprisant quelque peu les affaires humaines, ils proclamaient que les âmes sont immortelles…
La bénédiction des dieux était avec eux, car tel était leur destinée. Y a-t-il une autre grande nation ayant autant de dieux avec elle ?
Le druide officiant poursuit par les paroles suivantes.
Depuis deux mille ans et même plus, notre mariage de la foi et de la raison, de la foi éclairée par la raison, est persécuté. Rappelez-vous que les vrais Celtes de cœur ou d’esprit ont toujours été obligés de se défendre. Le César Auguste a interdit la religion druidarum. Le César Tibère a promulgué un décret contre nos très-sachants « et toute cette engeance de vates et de guérisseurs » comme il disait. L’empereur Claude a interdit la pratique de notre religion.
Les gens d’un seul livre, les parabolans disciples du rabbi nazoréen Jésus, comme le soudard pannonien appelé Martin ou l’évêque de Braga, ont ensuite violenté voire martyrisé nos vieux druides, ou brûlé nos sœurs sous prétexte de sorcellerie. Ensuite ils ont usurpé nos antiques lieux de culte, nos pèlerinages, nos dieux et nos fêtes. Et les monolâtres ou les fous de Dieu d’aujourd’hui, ne rêvent que d’achever ce génocide civilisationnel. Pensons un peu à ce qu’ils font subir à l’autre bout du monde à nos frères parsis ou zoroastriens, ou yézidis, ainsi qu’aux derniers païens du Pakistan : les Kafir Kalashs.
Être un vrai Celte païen de cœur et d’esprit c’est appartenir à un peuple de prêtres (chaque païen est à lui-même son propre prêtre devant l’autel des dieux et des ancêtres dans l’intimité de son foyer) homophone des dieux, à une nation sacrée dont les enfants ont des obligations, des lois morales ou des gessa, extrêmement contraignantes.
Il faut donc les plus grandes précautions pour adjoindre d’autres maillons à la chaîne d’ambre jaune que tire Ogmios derrière lui, dans son ascension de la montagne sacrée ; car les enfants de Keltos subissent affliction, persécution, humiliation, tourments, et endurent les pires vexations.
Pour quels motifs vous présentez-vous donc aujourd’hui devant nous ?
Ignorez-vous qu’un terrible destin attend celui qui, après avoir embrassé la religion de nos ancêtres spirituels, la seule vraie religion qui vaille, la religion de la nature, à la fois immanente et transcendante, finit par ne plus en respecter l’éthique ?
Le druide officiant marque une pause puis ajoute :
« Mais vous ; si vous êtes devant nous aujourd’hui, c’est que vous avez franchi avec succès toutes les épreuves. Le but de cette quête du Graal était de vous donner le temps de réfléchir.
Être un vrai Celte de cœur ou d’esprit, c’est jurer fidélité à des lois morales, les gessa, extrêmement contraignantes et cela ne s’impose nullement dans la vie d’aujourd’hui. On peut très bien atteindre des sommets de spiritualité comme Mansour al-Hallaj 2) sans être un vrai Celte. Se vouer à notre spiritualité n’est donc nullement une obligation et ne doit se faire qu’en cas de vocation authentique et absolue. La longueur et la difficulté des épreuves qui vous ont été imposées avaient pour but
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d’éprouver votre sincérité. Car que se passera-t-il si demain tout recommence comme hier, comme au temps des Césars martyrisant Gutuater ou rasant Mona pour en déporter la population ?
Le candidat.
« Question. Pourquoi pouvons-nous dire du vieux celtique qu’il est une langue élue ? »
Le druide officiant.
Ni ansa ! Ce n’est pas difficile ! Parce qu’il a été choisi parmi toutes les langues, et parce qu’à tout son incompréhensible existant dans les autres langues, un sens a été trouvé dans notre langue sacrée d’où sa limpidité ainsi que sa clarté.
Le candidat.
« Question. Quelle est, des 72 langues qu’il avait donc étudiées, celle qui a été diffusée en premier par Fénius Farsaid ?? »
Le druide officiant.
Ce n’est pas difficile. La langue celtique… car de toutes celles qui furent rapportées par son École, c’était celle qu’il préférait, celle dont il avait entendu parler depuis son enfance… Car le Dieu qu’on ne nomme pas ici a traduit la vérité en 72 langues, afin de l’enseigner à toutes les races humaines. Mais seuls les Celtes ont accepté les tabous et gessa qui en découlaient.
Quand l’incendie a ravagé Rome (sous le règne de Néron), Mariccos, avant de mourir sur sa croix dans l’arène, a déclaré que l’Empire des choses terrestres devait passer aux mains des peuples transalpins.
« Rome a jadis été prise par les Celtes, pourtant comme le temple de son Jupiter au capitole est resté intact, miraculeusement sauvé par les oies sacrées, cet empire a pu subsister. Mais le feu qui ravage maintenant cette ville est le signe de la colère des dieux à son encontre… »
Ces paroles maladroites ou pour le moins politiquement incorrectes vu l’époque, prématurées en tout cas, ont fait le jeu des historiens comme Tacite qui n’a rien compris à la mission de nos bituriges rois du monde, car la primauté d’un peuple ou d’un grand monarque prédestiné ne peut être que spirituelle et non temporelle. De minimis non curat druis. Notre peuple, le peuple des dieux, doit rayonner sur le monde certes, mais par la force de son exemple, de sa liberté, de sa justice, et non par la force de ses armes ou de ses lois. Et si nous devons être durs dans nos ver sacrum, c’est d’abord et avant tout envers nous-mêmes et non envers les autres. N’oublions pas que notre seigneur le hésus Mariccos n’a jamais été roi ! Voilà donc le seul véritable sens de la royauté mondiale annoncée par ce prophète.
Nous sommes des champions de la guerre des idées du poids des morts et du choc des images. Les guerres qu’il importe de mener sont les guerres d’idées, ou les chocs de civilisation. Car c’est à nous qu’il appartient de traiter les causes et non les symptômes de toutes ces maladies de l’âme ou de l’esprit qui font le malheur des hommes. Ce qui nous importe c’est de combattre par nos lumières ou notre éclairage les idéologies religieuses portant atteinte aux droits de l’Homme au nom des droits de tel ou tel dieu, la soumission à tel ou tel dieu. Ce qu’il faut sauvegarder avant tout, ce qui est le bien inestimable conquis par l’homme à travers tous les préjugés, toutes les souffrances et tous les combats, c’est l’ idée qu’il n’y a pas de vérité sacrée, c’est-à-dire interdite à la pleine investigation de l’homme ; c’est cette idée que ce qu’il y a de plus grand dans le monde, c’est la liberté souveraine de l’esprit ; c’est cette idée qu’aucune puissance ou intérieure ou extérieure, aucun pouvoir et aucun dogme ne doit limiter le perpétuel effort et la perpétuelle recherche de la raison humaine ; cette idée que l’humanité dans l’univers est une grande commission d’enquête dont aucune intervention gouvernementale, aucune intrigue céleste ou terrestre ne doit jamais restreindre ou fausser les opérations ; cette idée que toute vérité qui ne vient pas de nous est un mensonge ; que, jusque dans les adhésions que nous donnons, notre sens critique doit rester toujours en éveil et qu’une révolte secrète doit se mêler à toutes nos affirmations et à toutes nos pensées ; que si l’idée même de Dieu prenait une forme palpable, si Dieu lui-même se dressait, visible, sur les multitudes, le premier devoir de l’homme serait de refuser l’obéissance et de le traiter comme l’égal avec qui l’on discute, mais non comme le maître que l’on subit. Voilà ce qui est le sens et la grandeur et la beauté de notre enseignement laïque dans son principe, et bien étranges sont ceux qui viennent demander à la raison d’abdiquer, sous prétexte qu’elle n’a pas ou qu’elle n’aura même jamais la vérité totale ; bien étranges ceux qui, sous prétexte que notre démarche est incertaine et trébuchante, veulent nous paralyser, nous jeter dans la pleine nuit, par désespoir de n’avoir pas la pleine clarté.
Comprenez-nous bien ô dalta, la geis est un tabou et tout païen celte est encadré par un réseau de tabous, parfois mortels.
N’oublions pas non plus que les seules guerres qui vaillent sont les ver sacrums ayant pour but d’aider les peuples frères ou amis à recouvrer leur liberté perdue leur égalité leur dignité, leur propre gouvernement ; qu’un grand roi des Belges, Dumnorix, a jadis ainsi défini.
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« Je suis libre et j’appartiens à un peuple libre. La nature de mon pouvoir ne me soumet pas moins à la multitude qu’elle ne soumet la multitude à mon autorité ».
Mais n’oublions pas non plus en tant qu’hommes des hautes terres, que notre grand ancêtre spirituel Calgacos, a fort justement dit un jour…
« Ne craignons pas les municipes en mauvaise posture où se déchirent ceux qui se soumettent de mauvais gré et ceux qui les dominent injustement. Ici, il n’y a que leur général, ici, il n’y a que leur armée. Et là d’où ils viennent, on paie des taxes, on peine dans les mines et tous les autres sévices s’abattent sur ceux qui sont asservis. Ne croyez surtout pas que vous échapperez à leur arrogance méprisante en vous effaçant dans l’obéissance. Ils pillent et volent le monde entier ! Riche, un peuple déchaîne leur cupidité, pauvre, il subit leur tyrannie. L’Orient, pas plus que l’Occident, n’a calmé leurs appétits. Ils sont les seuls au monde qui convoitent avec la même passion les pays riches et les pays pauvres. Voler, massacrer, saccager, c’est ce qu’ils appellent faire la paix. Font-ils d’une terre un désert ? Ils disent qu’ils la pacifient.
La nature a voulu que les enfants et les proches soient aux yeux de chacun les êtres les plus chers. Leurs conscriptions les arrachent pour en faire ailleurs des esclaves. Même si en temps de guerre, épouses et sœurs ont échappé aux appétits sexuels des envahisseurs, ceux-ci attentent à leur pudeur en invoquant l’amitié et les lois de l’hospitalité. Les revenus des biens sont dévorés par leurs taxes, chaque année les récoltes passent à donner du blé, les corps eux-mêmes et les bras s’épuisent, sous les coups et les injures. Tout esclave acheté en dernier lieu est tourné en ridicule, même par ses compagnons d’esclavage. De la même façon, dans ce monde domestiqué depuis bien longtemps, on nous voue à l’extermination : nous qui sommes les derniers venus, nous ne valons rien !
La bravoure et la fierté des peuples soumis sont insupportables à qui leur impose sa loi. Les Brigantes menés par une femme, ont incendié la colonie, ils ont pris d’assaut le camp ennemi et, si le succès ne les avait pas portés à l’inaction, ils auraient pu secouer leur joug. Mais nous, qui sommes restés ce que nous sommes et ignorons la soumission, nous, qui porterons les armes uniquement pour rester libres et non vivre de regrets, montrons, dès le premier choc quels guerriers les Hautes-Terres de Calédonie ont enfantés.
Leur armée n’est qu’un ramassis de peuples des plus disparates. Seules des circonstances favorables préservent son unité que des revers réduiront en miettes. La crainte et l’effroi sont de bien faibles liens d’amitié.
Tout ce qui fait vaincre est de notre côté. Ici, les Romains n’ont pas d’épouses qui enflamment leur courage, pas de familles pour les blâmer s’ils ont fui. Beaucoup n’ont pas de patrie ou peut-être est-ce une autre. Ils ne connaissent rien de cette terre et cela les fait trembler : le ciel lui – même, la mer, les forêts, tout est l’inconnu autour d’eux ! Tout se passe comme si les dieux nous avaient livré des prisonniers enchaînés ! Ne vous laissez pas impressionner par de vains dehors ni par l’éclat de l’or et de l’argent, qui ne protège ni ne blesse. C’est dans les rangs mêmes de l’ennemi que nous recruterons nos propres troupes ! Les Gaulois se souviendront de leur liberté perdue et tout comme viennent de le faire les Usipiens, les autres Germains déserteront ».
Certains s’indignent du fait que notre tradition spirituelle fait preuve de plus de compréhension envers ceux de ses membres qui bafouent ses règles qu’envers ceux qui veulent s’y conformer sans en faire partie. C’est tout simplement parce qu’adhérer à notre cause est un choix beaucoup plus fondamental.
[Note du traducteur. Pour son Macbeth Shakespeare s’était inspiré des chroniques de Raphaël Holinshed (1587), mais le point de comparaison pour les dialogues ou monologues qui suivent serait plutôt à chercher du côté des prophéties attribuées à Merlin par Geoffroy de Monmouth, donc antérieures d’un demi-millénaire, notre pieux évêque ayant lui-même eu recours et de son propre aveu à des traditions plus anciennes couchées par écrit en langue bretonne, le fameux Britannici sermonis liber vetustissimus.
Auquel on peut ajouter les sources irlandaises habituelles] Fin de la note du traducteur.
Trois fontaines jailliront.
Celui qui boira de la première
Ne sera jamais malade
Et jouira d’une longue vie
Celui qui boira de la troisième
Mourra d’une mort subite.
La terre se changera en pierres,
Les pierres en bois,
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Le bois en cendres,
Les cendres en eau.
D’une cité dans la forêt des Canutes),
Une pucelle sera envoyée pour guérir de son art thérapeutique tous nos maux.
Elle assèchera la source de nos maux
Rien qu’en soufflant sur elle.
La Vierge montera sur le dos du Sagittaire et flétrira ses fleurs virginales
Des larmes couleront de ses yeux.
Ensuite quand elle aura repris des forces en buvant de l’eau miraculeuse,
Elle portera la forêt de Calédonie) dans sa main droite,
Et dans sa gauche les forts des murs de Londres.
Là où elle passera, elle laissera des empreintes de pas sulfureuses.
Leur fumée agitera les Rutènes
Et fournira de la nourriture pour les créatures qui vivent dans la mer.
Doux pommier, arbre aux teintes écarlates,
Qui pousse caché dans la forêt de Calédonie,
On aura beau chercher tes fruits, ce sera en vain
Jusqu’au jour où le Cadwalader sortira de la réunion des guerriers.
Les Kymrys seront vainqueurs, glorieux sera leur chef ;
Tous recouvrant leurs droits
Les Bretons alors se réjouiront ; et leurs cornes sonneront des airs de fête,
Ils entonneront des chants de paix ou de bonheur.
Devant l’enfant, hardi et rayonnant
Les Anglo-Saxons s’enfuiront, les bardes refleuriront.
L’ignorant achète des chaussures et de quoi les réparer
Mais Merlin s’en moque, car le pauvre homme ne pourra pas s’en servir
Puisqu’il est déjà mort, noyé dans la rivière, et que son corps flotte le long des berges
Comprenne qui pourra.
Sur un signe du druide officiant la conhospita part alors chercher symboliquement de l’eau à la source (ou au point d’eau situé dans le sanctuaire) puis elle revient et en remplit la coupe posée sur l’autel (ou le tonneau). La coupe doit être gravée de l’inscription « nessamon delgu linda ».
Le druide officiant effectue ensuite neuf petites circumambulations autour 3). Dans le sens solaire (sens des aiguilles d’une montre : deisil, deiseil, deiseal en Irlande. Dans le cas de la kaaba de La Mecque, il y en avait sept, appelées taouaf).
Puis il récite le lai d’Ausone.
« Iaccitos te !
Salut à toi Ciel notre père,
Père de tous les vrais Celtes !
Iaccitos te !
Salut à toi Danu notre mère,
Mère de tous les vrais Celtes
Salut à toi fontaine à la source inconnue
Sainte, bienfaisante, intarissable, transparente,
Verte, profonde, bruissante, pure, ombreuse !
Iaccitos te !
Salut à toi, génie de la Cité
Toi qui guéris par une simple gorgée
Fontaine qui est appelée Divonne
Et qui est mise au rang des dieux ».
Le druide officiant marque une pause puis ajoute…
À Glanum la Pure, il y a une source d’où partent quatre ruisseaux
Neuf coudriers pourpres sont au-dessus
Neuf coudriers de science et de poésie
La verveine pousse tout autour
Tous y laissent tomber leurs feuilles, leurs fleurs et leurs noix.
Le bruit de ces ruisseaux est plus doux
Que toutes les mélodies du monde.
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Les hommes mortellement blessés par la vie
Ou brisés par elle
Sont plongés dans son onde pure
Ils en ressortent vivant de la vraie vie.
Sunartiu ! »
Le druide officiant jette alors de la verveine, des glands, des noix, ou des noisettes, dans l’eau devant servir et ordonne : « Buvez de l’eau de cette fontaine de jouvence, pour que votre force, votre énergie, votre valeur, votre vigueur et votre dignité vous reviennent ».
La conhospita donne ensuite à boire de cette eau à chacun des futurs confirmés 3).
Le druide officiant demande ensuite d’une voix forte : « Prêtez serment sur nos enseignes sacrées réunies en faisceau ! ».
Le futur marcassin, la main droite levée au-dessus du marteau de Suqellos, ou de tout autre symbole religieux de ce type (enseignes, etc.), prononce alors le serment suivant, les trois doigts tendus comme dans une main de justice : pouce, index et majeur (repliés : annulaire et auriculaire).
Je jure de rechercher uniquement beauté, gloire, et celtisme
Je jure de rester fidèle au véritable esprit
De la vraie tradition celtique.
Je jure d’être le digne et authentique héritier
De la science et de la philosophie des îles d’Hyperborée
Ou situées au nord du Monde :
Thulé, Abalum, Gorre et Ogygie l’Île verte.
De nos anciens du temps de la Grande Celtie libre et indépendante.
Du dernier druide de la cour du grand Domnall mac Muirchertach Ua Néill
Selon Urard Mac Coisé
De la Réforme de Sean Eoghain Ui Thuathallain na Leabhar
De la Réforme d’Henri Lizeray
Ou de ses comarbae.
Je jure non seulement de soutenir et défendre la vraie Tradition celtique et l’esprit celte, mais aussi de les développer à nouveau et d’en répandre partout la lumière.
Je jure de contribuer de toutes mes forces au mouvement de reconquête qui nous rendra les biens spirituels dont nous avons été injustement privés ou spoliés (rites, symboles, pèlerinages, lieux de culte, de la Croagh Patrick en Irlande, au mont Beuvray en Bourgogne…)
Je jure de faire en sorte que la vraie spiritualité de nos ancêtres puisse de nouveau illuminer le monde comme un feu dans la nuit ; et puisse montrer à tous le sentier conduisant à l’œil de lumière sous le chêne, l’if et le bouleau.
Je jure enfin de respecter notre sodalité, son Primat inter pares, sa règle et ses coutumes.
Que les déités lumineuses et paisibles éloignent de moi la légion infernale des duses et des vouivres anguipèdes (ces géants que l’on appelle Andernas ou Fomore) ainsi que tous les autres sous-dieux des glaces du non-monde !
Tongu do dia toingeas mo tuath
Touongo adge deuu iom touongeti ma touta
Adge saveliu,
Luxnei, divu ac nuxtu
Etic ollebo cactiebo nemetos etic talamunos
Toaretudiet pennei mei nemes
Dlogieti talamu con maru critonu
Ringiet gala
Losciet mene aedis
Adtanet gormoceidt omori are talu dumni
Au mon oiton ponc delco
Ac in gascarian ate caedo.
Par les enseignes sacrées de nos bataillons
Que plus un toit ne me soit offert
Que mes parents me ferment leur porte devant moi
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Que mes enfants me ferment leur porte devant moi
Si je ne respecte pas cette promesse.
La personne qui confirme ainsi sa foi druidique fait alors devant tous le signe du guerrier. C’est-à-dire que du poing droit solidement fermé, elle bat sa coulpe et se frappe plusieurs fois (3 fois 6 fois ou 9 fois) le cœur comme si elle heurtait d’une lance quelconque un bouclier invisible.
Le druide officiant :
« Le poisson-lune 4) est le symbole de la religion du désert qui nous a envahis. Et là où ils font le désert, ils appellent ça la paix. Porter sur soi de tels symboles est donc ainsi que son nom l’indique comme s’attacher une meule autour du cou avant de se jeter à l’eau, pour ce qui est de la spiritualité. Mais n’oubliez jamais que l’oursin est le symbole de notre spiritualité à nous autres. Son symbolisme et celui du chardon et comme le dit la sagesse populaire : « qui s’y frotte s’y pique » !
Les innombrables serpents du temps ont un jour, il y a de cela des millions et des millions d’années, lancé l’œuf du monde qu’ils couvaient dans l’espace au bout d’une chaîne d’or ; et cet œuf d’or flotte maintenant dans le courant de la rivière du temps. Ce secret, c’est à vous que nous le confions aujourd’hui ».
Le druide officiant presse ensuite sur les lèvres de chacun des nouveaux marcassins l’oursin fossile qui lui appartient, le remet dans sa bougette (une sorte de petit sporran) et la passe autour du cou de l’impétrant.
Puis il termine en prononçant à l’adresse de chacun d’entre eux ces quelques mots…
« Ton véritable nom est désormais N. (nom initiatique que le marcassin s’est choisi) !
Tu es fils (ou fille) d’Ogmios et de Celtine, petit-fils (ou petite-fille) du Nemet Cornunnos, père de tous les vrais hommes. Tel sera désormais ton nom de marcassin.
X… (prénom et nom civils du marcassin) né le… à…
Fils (ou fille) de… (prénom et nom de jeune fille de la mère) et de… (prénom et nom du père).
Je confirme ta foi en tant qu’expression du paganisme celtique le plus authentique pour ce qui est de l’esprit, sois désormais de notre peuple, le peuple des dieux, par Taran/Torann/Tuireann, Lug et le hésus Cuchulainn, et que leur force soit avec toi, Nert dee agus andee, Sunartiu ! »
Le druide officiant donne l’accolade au nouveau marcassin, tous en font autant. Le druide officiant lui remet ensuite la tablette ou l’écorce consignant tout cela. Il note la confirmation de foi druidique dans le registre officiel et les réjouissances peuvent commencer. On peut « tuer le cochon », entonner le bardit du chant de la fidélité ou le bardit du vin des C’hallaoued.
EXEMPLE DE FORMULES À UTILISER EN LEVANT SON VERRE.
Le barde (président) du banquet.
Je lève mon verre au UN. Dans le monde, tout est un, le un est tout en toutes choses.
RÉPONSE DE CELUI QUI VIENT D’ÊTRE CONFIRMÉ DANS SA FOI DRUIDIQUE.
Parce que DIEU est tout en toutes choses, éternel, infini, incréé, immortel.
Le barde (président) du banquet.
En lui, nous vivons, nous bougeons, nous existons.
RÉPONSE DE CELUI QUI VIENT D’ÊTRE CONFIRMÉ DANS SA FOI DRUIDIQUE.
Chaque chose est née de lui et retournera en lui, car il est le principe et la fin de toutes choses.
Le barde (président) du banquet.
Chantons la puissance du BITOS ou de l’UNIVERS VISIBLE ET INVISIBLE.
RÉPONSE DE CELUI QUI VIENT D’ÊTRE CONFIRMÉ DANS SA FOI DRUIDIQUE.
« Tout ce qui est procréé sous l’empire de la loi de la mort se transforme ; au cours des années qui s’écoulent, les nations ne se reconnaissent plus ; au long des siècles, les races changent complètement de physionomie. Et cependant, l’ensemble du BITOS ou de l’UNIVERS reste intact et conserve toutes ses parties, un long espace de temps n’en augmente pas le nombre, la sénilité ne les diminue pas, le mouvement ne les déplace pas, la course ne les fatigue pas. Toujours il restera le même, parce que toujours il fut le même. Tel nos pères le virent, tel notre postérité le verra : c’est DIEU qui ne change pas dans le temps ».
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TOUS ENSEMBLE.
« Quel qu’il soit, il est absolument tout, il anime, procrée, forme, nourrit, et accroît toutes choses, il les ensevelit et les reçoit toutes dans son sein, il est le Père unique de toutes choses, tout ce qui naît retourne à lui en périssant ».
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Remarque de l’auteur de cette compilation.
N’oublions pas néanmoins ce qu’a rapporté Strabon à ce propos : « Ils affirment que les âmes et l’univers sont indestructibles, mais qu’un jour seuls le feu et l’eau régneront » (Strabon. Géographie IV, 4).
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1) Soyons plus clairs que nos frères musulmans, et mettons que les druides primordiaux ont appliqué à leurs dieux la même certitude confiante que celle dont fait preuve la partie centrale du grand poème épique indien appelé le Mahâbhârata et datant vraisemblablement du IIe siècle avant notre ère. C’est un dialogue entre le dieu Krishna/Vishnou et le prince Arjouna, ce dernier hésitant à déclencher une grande bataille fratricide.
Bhagavad Gita 9, 23-29. « Toute oblation qu’avec foi l’homme sacrifie aux dieux est en fait destinée à moi seul, ô fils de Kounti, mais offerte sans le savoir, car je suis l’unique bénéficiaire et l’unique objet des sacrifices. Que l’on m’offre, avec amour et dévotion, une feuille, une fleur, un fruit, de l’eau, cette offrande, je l’accepte. Je n’envie, je ne favorise personne, envers tous je suis impartial. Mais quiconque me sert avec dévotion vit en moi et je suis son ami ».
Note de la rédaction. Nous avons traduit le sanscrit Kaunteya par « fils de Kounti », mais si quelqu’un a mieux à suggérer, qu’il nous le dise !
2) Maître soufi du 10e siècle brûlé comme hérétique par les musulmans (sunnites ou chiites).
3) On retrouve le même genre de rituel dans le récit intitulé en gaélique Echtra Cormaic i tairngiri (les aventures de Cormac dans la terre de promesse), où il est présenté comme suit.
L’attente à l’autel. C’est un moyen qui était utilisé en ce temps-là pour distinguer le vrai du faux. À savoir faire neuf fois le tour de l’autel et ensuite boire de l’eau sur laquelle un très-sachant de la druidiaction (druidecht) avait chanté une incantation. Le signe du péché de l’homme soupçonné de ne pas être sincère était clair s’il était coupable. Mais l’eau ne lui faisait aucun mal s’il était innocent.
4) Sans doute une très ancienne erreur dans la compréhension du symbolisme chrétien du poisson.
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CÉRÉMONIE DU NOM DE TYPE CONFIRMATION
(de retour au paganisme celtique).
À la différence de l’islam, l’apostasie n’est ni haïssable ni punissable aux yeux de la spiritualité druidique ! Nous encourageons bien au contraire tous ceux qui ont des doutes ou qui hésitent, à partir ailleurs voir si nous y sommes. C’est le principe de la quête du Graal chacun de son côté. Quant à ceux qui font le chemin strictement inverse, ci-dessous ce que nous avons à leur proposer. N.B. Ne pas oublier néanmoins ce que nous avons remarqué plus haut à propos de l’existence (ou de l’inexistence) des cérémonies de conversion dans l’ancien druidisme 1).
Si la cérémonie doit se dérouler en plein air, le lieu où elle doit être célébrée ainsi est appelé « nemeton ». Si elle doit se dérouler à l’abri d’un bâtiment quelconque, temple ou loge, le lieu où elle doit être célébrée dans ce cas est appelé d’un nom dépendant de l’importance du bâtiment et doit être convenablement décoré ou agencé. Par exemple, une grande pièce ou salle rectangulaire, toute en longueur ; terminée au fond par une demi-cella (hémisphérique donc) jouant le rôle à la fois d’un déambulatoire ou d’un chœur avec maître-autel, au diamètre égal à la largeur de la salle, et séparée de celle-ci par un chancel. En bref un plan de type basilical. Autrement dit un lieu de réunion constitué d’une nef terminée par une abside en forme de demi-cercle, où siégeaient, certes, jadis les magistrats, mais permettant aujourd’hui la circumambulation rituelle (deiseil/ deiseal) des druides, vates, vellèdes et gutuatres/gutumatres (ou prêtresses bien entendu) ; et laissant passer la lumière au maximum (genre cathédrale donc, pas catacombes).
Le mot basilique vient d’un terme grec formé à partir de deux éléments : « basileus » qui signifie « roi » et le suffixe « -ikê », suffixe d’adjectif féminin.
Ou alors, il doit s’agir d’un plan de type Panthéon c’est-à-dire d’une grande rotonde séparée, pour ce qui est de l’intérieur, par une sorte de chancel ; précédée d’une grande pièce rectangulaire (pronaos) avec un bâtiment de transition correspondant au portique des anciens sanctuaires celtes à palissade ; ou à la porte triomphale marquant l’entrée du cimetière des enclos paroissiaux bretons ; voire au portail de certaines églises romanes.
Accessoires ou hiéra nécessaires.
Coupe. Eau lustrale. Verveine, glands, noix, noisettes. Autel mobile (éventuellement). Une bougette ou sporran. Un oursin fossile. Tablette d’écorce déjà écrite. De bouleau. Comme celles découvertes près de Gilgit au Pakistan en 1931 ou à Novgorod en 1951 pour les plus récentes, voire chez les Indiens Ojibouais (mide-wiigwaas).
Aide-mémoire.
Les membres de la sodalité, après avoir revêtu leurs habits de cérémonie en un lieu approprié, par exemple une sacristie de type sacrarium commencent par arriver en procession pour former le cercle sacré ; que ce soit à l’extérieur en pleine nature autour d’un simulacrum (un arbre, un totem ?) ou d’un point central soigneusement choisi à cet effet dans la campagne, ou à l’intérieur d’un sanctuaire autour de sa cella, ou à l’intérieur d’un temple dans sa cella, voire à l’intérieur d’une abside en forme d’hémicycle si le plan est de type basilical.
Avec par ordre d’ancienneté prêtresses et très-sachants de la druidiaction (druidecht) en tête, ensuite les gutuatres ou gutumatres, les vates avec en leur milieu l’huissier enquêteur et son vouge, enfin les vellèdes.
La procession arrive si possible par l’est à l’endroit choisi et marqué en son centre soit par un autel de pierre dominant un puits à sacrifice, si le rituel a lieu à l’intérieur d’un bâtiment, soit par un simulacrum ainsi que nous l’avons dit ; c’est-à-dire un arbre ou un totem, à l’ouest duquel a été aménagé le cas échéant un petit autel rustique genre tonneau destiné à porter le couteau ou la dague, ainsi que les clés ou l’écharpe verte qui vont être utilisées ; si l’on se trouve à l’extérieur. Le cortège effectue trois tours (trois grandes circumambulations) à bonne distance de l’autel ou du simulacrum (deisil, deiseil, deiseal en Irlande… pour comparaison, dans le taouaf effectué autour de la Kaaba de La Mecque, il y a sept tours autour du simulacrum).
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Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) se placent à l’est faisant face à l’ouest, les gutuatres/gutumatres au nord faisant face au sud, les vates à l’ouest faisant face à l’est, les vellèdes au sud faisant face au nord.
Tout le monde s’étant rassemblé, le druide officiant se tourne alors vers l’est, en pivotant sur sa droite dans le sens solaire et en tournant le dos à l’ouest.
Le vate faisant office d’huissier enquêteur, ainsi que la conhospita qui l’assiste, font de même et vont le rejoindre.
Le druide officiant se concentre quelques instants, les paumes levées vers le ciel.
Le prosélyte, la personne qui veut se tourner vers le druidisme, s’avance.
Le druide officiant…
« Je viens d’un pays où il n’y a ni âge, ni déclin, ni obscurité, ni envie, ni jalousie, ni haine. Je viens de l’île d’Avallon, de l’île qui produit tout par elle-même. Là il n’y a aucune culture, hormis celle dont la nature s’occupe elle-même. La terre y engendre tout elle-même comme de l’herbe ».
La personne qui veut se convertir…
Ce n’est pas ainsi chez nous, ô grand très-sachant !
Les temps sont mauvais
Été sans fleur
Femmes sans pudeur
Mer sans frai
Mauvais jugement des juges
Toute justice est abolie
Tout art est bouffonnerie
La musique tourne à la grossièreté
Tout mensonge est préféré
Tout vilain est élevé
Chaque homme est mutilé
Les usurpateurs sont légion
La sagesse tourne en mauvais jugement.
Pourquoi cette terre gaste ô grand très-sachant ?
Le druide officiant…
Il était une fois une jeune et jolie princesse appelée Celtine. Elle était très grande et dépassait en beauté toutes les autres filles du pays. Mais à cause de la vigueur de son corps et de son charme extraordinaire, elle était si difficile qu’elle avait jusque-là repoussé tout homme l’ayant courtisée : elle estimait en effet qu’aucun de ces soupirants n’était digne d’elle. Or un jour elle aperçut un jeune et beau géant arpentant le pays. C’était Ogmios qui, après avoir ramené d’Erythée le bétail de Geryon et terrassé le cruel tyran Tauriscus, visitait le pays de Bretannos.
Celtine tomba immédiatement amoureuse d’Ogmios et cacha au loin son bétail, puis refusa de le lui rendre à moins qu’il ne la demande d’abord en mariage. Notre héros avait hâte de ramener les génisses saines et sauves chez lui, mais il fut encore plus sensible à l’extraordinaire beauté de la princesse, et consentit à ses souhaits. Il fonda donc en ce lieu la ville d’Alésia et, quand le moment fut venu, un fils appelé Keltos leur naquit, qui surpassa de loin tous les autres jeunes gens, pour ce qui est de la qualité de l’esprit et de la force physique.
Après avoir atteint l’âge adulte et avoir hérité du trône de ses pères, il accomplit de grands exploits guerriers puis soumit à sa loi une grande partie des territoires avoisinants. Devenu très célèbre à cause de son courage, il appela ses sujets Celtes d’après lui-même, et ceux-ci à leur tour donnèrent leur nom à la grande Celtie libre et indépendante.
Au cours des siècles suivants, quand leurs forces s’accrurent, les enfants de Keltos bâtirent des villes en grand nombre. Partout dans ces provinces les peuples se civilisant peu à peu, l’étude des sciences nobles put alors s’épanouir, d’abord avec les bardes, et les vates. Les bardes s’employaient
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habituellement à célébrer les exploits de leurs hommes illustres, en vers épiques, et en s’accompagnant des harmonies d’une lyre. Les vates étudiaient la nature et ses sublimes secrets, en essayant de les expliquer ensuite à leurs disciples. Leurs esprits cherchaient à pénétrer les secrets ou les plus sublimes domaines, et méprisant quelque peu les affaires humaines, ils proclamaient que les âmes sont immortelles…
La bénédiction des dieux était avec eux, car tel était leur destinée. Y a-t-il une autre grande nation ayant autant de dieux avec elle ?
Le druide officiant poursuit par les paroles suivantes.
Depuis deux mille ans et même plus, notre mariage de la foi et de la raison, de la foi éclairée par la raison, est persécuté. Rappelez-vous que les vrais Celtes de cœur ou d’esprit ont toujours été obligés de se défendre. Le César Auguste a interdit la religion druidarum. Le César Tibère a promulgué un décret contre nos très-sachants « et toute cette engeance de vates et de guérisseurs » comme il disait. L’empereur Claude a interdit la pratique de notre religion.
Les gens d’un seul livre, les parabolans disciples du rabbi nazoréen Jésus, comme le soudard pannonien appelé Martin ou l’évêque de Braga, ont ensuite violenté voire martyrisé nos vieux druides, ou brûlé nos sœurs sous prétexte de sorcellerie. Ensuite ils ont usurpé nos antiques lieux de culte, nos pèlerinages, nos dieux et nos fêtes. Et les monolâtres ou les fous de Dieu d’aujourd’hui, ne rêvent que d’achever ce génocide civilisationnel. Pensons un peu à ce qu’ils font subir à l’autre bout du monde à nos frères parsis ou zoroastriens, ou yézidis, ainsi qu’aux derniers païens du Pakistan : les Kafir Kalashs.
Être un vrai Celte païen de cœur et d’esprit c’est appartenir à un peuple de prêtres (chaque païen est à lui-même son propre prêtre devant l’autel des dieux et des ancêtres dans l’intimité de son foyer) homophone des dieux, à une nation sacrée dont les enfants ont des obligations, des lois morales ou des gessa, extrêmement contraignantes.
Il faut donc les plus grandes précautions pour adjoindre d’autres maillons à la chaîne d’ambre jaune que tire Ogmios derrière lui, dans son ascension de la montagne sacrée ; car les enfants de Keltos subissent affliction, persécution, humiliation, tourments, et endurent les pires vexations.
Pour quels motifs vous présentez-vous donc aujourd’hui devant nous ?
Ignorez-vous qu’un terrible destin attend celui qui, après avoir embrassé la religion de nos ancêtres spirituels, la seule vraie religion qui vaille, la religion de la nature, à la fois immanente et transcendante, finit par ne plus en respecter l’éthique ?
Le druide officiant marque une pause puis ajoute :
« Mais vous ; si vous êtes devant nous aujourd’hui, c’est que vous avez franchi avec succès toutes les épreuves. Le but de cette quête du Graal était de vous donner le temps de réfléchir.
Être un vrai Celte de cœur ou d’esprit, c’est jurer fidélité à des lois morales, les gessa, extrêmement contraignantes et cela ne s’impose nullement dans la vie d’aujourd’hui. On peut très bien atteindre des sommets de spiritualité comme Mansour al-Hallaj sans être un vrai Celte.
Se vouer à notre spiritualité n’est donc nullement une obligation et ne doit se faire qu’en cas de vocation authentique et absolue. La longueur et la difficulté des épreuves qui vous ont été imposées avaient pour but d’éprouver votre sincérité. Car que se passera-t-il si demain tout recommence comme hier, comme au temps des Césars martyrisant Gutuater ou rasant Mona pour en déporter la population ?
La personne qui veut se convertir.
« Question. Pourquoi pouvons-nous dire du vieux celtique qu’il est une langue élue ? »
Le druide officiant.
Ni ansa ! Ce n’est pas difficile ! Parce qu’il a été choisi parmi toutes les langues, et parce qu’à tout son incompréhensible existant dans les autres langues, un sens a été trouvé dans notre langue sacrée, d’où sa limpidité ainsi que sa clarté.
La personne qui veut se convertir.
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« Question. Quelle est, des 72 langues qu’il avait donc étudiées, celle qui a été diffusée en premier par Fénius Farsaid ?? »
Le druide officiant.
Ce n’est pas difficile. La langue celtique… car de toutes celles qui furent rapportées par son École, c’était celle qu’il préférait, celle dont il avait entendu parler depuis son enfance… Car le Dieu qu’on ne nomme pas ici a traduit la vérité en 72 langues, afin de l’enseigner à toutes les races humaines. Mais seuls les Celtes ont accepté les tabous et gessa qui en découlaient.
Quand l’incendie a ravagé Rome (sous le règne de Néron), Mariccos, avant de mourir sur sa croix dans l’arène, a déclaré que l’Empire des choses terrestres devait passer aux mains des peuples transalpins.
« Rome a jadis été prise par les Celtes, pourtant comme le temple de son Jupiter au capitole est resté intact, miraculeusement sauvé par les oies sacrées, cet empire a pu subsister. Mais le feu qui ravage maintenant cette ville est le signe de la colère des dieux à son encontre… »
Ces paroles maladroites ou pour le moins politiquement incorrectes vu l’époque, prématurées en tout cas, ont fait le jeu des historiens comme Tacite qui n’a rien compris à la mission de nos bituriges rois du monde, car la primauté d’un peuple ou d’un grand monarque prédestiné ne peut être que spirituelle et non temporelle. De minimis non curat druis. Notre peuple, le peuple des dieux, doit rayonner sur le monde certes, mais par la force de son exemple, de sa liberté, de sa justice, et non par la force de ses armes ou de ses lois. Et si nous devons être durs dans nos ver sacrum, c’est d’abord et avant tout envers nous-mêmes et non envers les autres. N’oublions pas que notre seigneur le hésus Mariccos n’a jamais été roi ! Voilà donc le seul véritable sens de la royauté mondiale annoncée par ce prophète.
Nous sommes des champions de la guerre des idées du poids des mots et du choc des images. Les guerres qu’il porte de mener sont les guerres d’idées, ou les chocs de civilisation. Car c’est à nous qu’il appartient de traiter les causes et non les symptômes de toutes ces maladies de l’âme ou de l’esprit qui font le malheur des hommes. Ce qui nous importe c’est de combattre par nos lumières ou notre éclairage les idéologies religieuses portant atteinte aux droits de l’Homme au nom des droits de tel ou tel dieu, la soumission à tel ou tel dieu. Ce qu’il faut sauvegarder avant tout, ce qui est le bien inestimable conquis par l’homme à travers tous les préjugés, toutes les souffrances et tous les combats, c’est l’ idée qu’il n’y a pas de vérité sacrée, c’est-à-dire interdite à la pleine investigation de l’homme ; c’est cette idée que ce qu’il y a de plus grand dans le monde, c’est la liberté souveraine de l’esprit ; c’est cette idée qu’aucune puissance ou intérieure ou extérieure, aucun pouvoir et aucun dogme ne doit limiter le perpétuel effort et la perpétuelle recherche de la raison humaine ; cette idée que l’humanité dans l’univers est une grande commission d’enquête dont aucune intervention gouvernementale, aucune intrigue céleste ou terrestre ne doit jamais restreindre ou fausser les opérations ; cette idée que toute vérité qui ne vient pas de nous est un mensonge ; que, jusque dans les adhésions que nous donnons, notre sens critique doit rester toujours en éveil et qu’une révolte secrète doit se mêler à toutes nos affirmations et à toutes nos pensées ; que si l’idée même de Dieu prenait une forme palpable, si Dieu lui-même se dressait, visible, sur les multitudes, le premier devoir de l’homme serait de refuser l’obéissance et de le traiter comme l’égal avec qui l’on discute, mais non comme le maître que l’on subit. Voilà ce qui est le sens et la grandeur et la beauté de notre enseignement laïque dans son principe, et bien étranges sont ceux qui viennent demander à la raison d’abdiquer, sous prétexte qu’elle n’a pas ou qu’elle n’aura même jamais la vérité totale ; bien étranges ceux qui, sous prétexte que notre démarche est incertaine et trébuchante, veulent nous paralyser, nous jeter dans la pleine nuit, par désespoir de n’avoir pas la pleine clarté.
Comprenez-nous bien ô dalta, la geis est un tabou et tout païen celte est encadré par un réseau de tabous, parfois mortels.
N’oublions pas non plus que les seules guerres qui vaillent sont les ver sacrums ayant pour but d’aider les peuples frères ou amis à recouvrer leur liberté perdue leur égalité leur dignité, leur propre gouvernement ; qu’un grand roi des Belges, Dumnorix, a jadis ainsi défini.
« Je suis libre et j’appartiens à un peuple libre. La nature de mon pouvoir ne me soumet pas moins à la multitude qu’elle ne soumet la multitude à mon autorité ».
Mais n’oublions pas non plus en tant qu’hommes des hautes terres, que notre grand ancêtre spirituel Calgacos, a fort justement dit un jour…
« Ne craignons pas les municipes en mauvaise posture où se déchirent ceux qui se soumettent de mauvais gré et ceux qui les dominent injustement. Ici, il n’y a que leur général, ici, il n’y a que leur
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armée. Et là d’où ils viennent, on paie des taxes, on peine dans les mines et tous les autres sévices s’abattent sur ceux qui sont asservis. Ne croyez surtout pas que vous échapperez à leur arrogance méprisante en vous effaçant dans l’obéissance. Ils pillent et volent le monde entier ! Riche, un peuple déchaîne leur cupidité, pauvre, il subit leur tyrannie. L’Orient, pas plus que l’Occident, n’a calmé leurs appétits. Ils sont les seuls au monde qui convoitent avec la même passion les pays riches et les pays pauvres. Voler, massacrer, saccager, c’est ce qu’ils appellent faire la paix. Font-ils d’une terre un désert ? Ils disent qu’ils la pacifient.
La nature a voulu que les enfants et les proches soient aux yeux de chacun les êtres les plus chers. Leurs conscriptions les arrachent pour en faire ailleurs des esclaves. Même si en temps de guerre, épouses et sœurs ont échappé aux appétits sexuels des envahisseurs, ceux-ci attentent à leur pudeur en invoquant l’amitié et les lois de l’hospitalité. Les revenus des biens sont dévorés par leurs taxes, chaque année les récoltes passent à donner du blé, les corps eux-mêmes et les bras s’épuisent, sous les coups et les injures. Tout esclave acheté en dernier lieu est tourné en ridicule, même par ses compagnons d’esclavage. De la même façon, dans ce monde domestiqué depuis bien longtemps, on nous voue à l’extermination : nous qui sommes les derniers venus, nous ne valons rien !
La bravoure et la fierté des peuples soumis sont insupportables à qui leur impose sa loi. Les Brigantes menés par une femme, ont incendié la colonie, ils ont pris d’assaut le camp ennemi et, si le succès ne les avait pas portés à l’inaction, ils auraient pu secouer leur joug. Mais nous, qui sommes restés ce que nous sommes et ignorons la soumission, nous, qui porterons les armes uniquement pour rester libres et non vivre de regrets, montrons, dès le premier choc quels guerriers les Hautes-Terres de Calédonie ont enfantés.
Leur armée n’est qu’un ramassis de peuples des plus disparates. Seules des circonstances favorables préservent son unité que des revers réduiront en miettes. La crainte et l’effroi sont de bien faibles liens d’amitié.
Tout ce qui fait vaincre est de notre côté. Ici, les Romains n’ont pas d’épouses qui enflamment leur courage, pas de familles pour les blâmer s’ils ont fui. Beaucoup n’ont pas de patrie ou peut-être est-ce une autre. Ils ne connaissent rien de cette terre et cela les fait trembler : le ciel lui – même, la mer, les forêts, tout est l’inconnu autour d’eux ! Tout se passe comme si les dieux nous avaient livré des prisonniers enchaînés ! Ne vous laissez pas impressionner par de vains dehors ni par l’éclat de l’or et de l’argent, qui ne protège ni ne blesse. C’est dans les rangs mêmes de l’ennemi que nous recruterons nos propres troupes ! Les Gaulois se souviendront de leur liberté perdue et tout comme viennent de le faire les Usipiens, les autres Germains déserteront ».
Certains s’indignent du fait que notre tradition spirituelle fait preuve de plus de compréhension envers ceux de ses membres qui bafouent ses règles qu’envers ceux qui veulent s’y conformer.
C’est tout simplement parce que l’acte de foi raisonné que nous vous demandons est une conversion de tout votre être équivalant presque à une sorte de rupture, en un sens, envers votre tradition actuelle ou votre famille d’origine ; puisque nous vous demandons de retourner à la source de toute spiritualité authentique ; puisque nous vous demandons de vous reporter à l’époque qui a précédé l’apparition des religions de masse qui ont été révélées, puisque nous vous demandons de retrouver l’esprit de la religiosité naturelle de l’Humanité, qui anima jadis nos ancêtres, quels qu’ils soient, antérieurement à tous les paradis artificiels qui lui ont succédé depuis la préhistoire sumérienne ; et que nous n’acceptons pas les conversions de complaisance ; puisque nous autres, nous acceptons les mariages mixtes…
Le druide officiant poursuit de la sorte…
Avez-vous vu la lance dont la pointe saigne bien qu’elle n’ait ni chair ni veine ?
La personne qui se convertit…
Si je l’ai vue ? Oui évidemment !
Le druide officiant…
Avez-vous demandé pourquoi elle saignait ?
La personne qui se convertit…
Je n’en ai soufflé mot !
Le druide officiant…
Avez-vous vu le Graal ?
La personne qui se convertit…
Oui !
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Le druide officiant…
Et qui le tenait ?
La personne qui se convertit…
Une jeune fille.
Le druide officiant…
Quelqu’un marchait-il devant le Graal ?
La personne qui se convertit…
Oui, deux valets.
Le druide officiant…
Et que tenaient-ils dans leurs mains ?
La personne qui se convertit…
Deux candélabres avec des chandelles.
Le druide officiant…
Y avait-il quelqu’un derrière le Graal ?
La personne qui se convertit…
Une autre jeune fille.
Le druide officiant…
Et que tenait-elle ?
La personne qui se convertit…
Un tranchoir d’argent avec une tête dessus.
Le druide officiant.
Leur avez-vous demandé où ils allaient ainsi ?
La personne qui se convertit.
Non ! Pas un mot n’est sorti de ma bouche !
Le druide officiant.
Grands dieux ! C’est justement ce qu’il ne fallait pas faire !
Sur un signe du druide officiant la conhospita part alors chercher symboliquement de l’eau à la source (ou au point d’eau situé dans le sanctuaire) puis elle revient et en remplit la coupe posée sur l’autel (ou le tonneau). La coupe doit être gravée de l’inscription « nessamon delgu linda ».
Le druide officiant effectue ensuite neuf petites circumambulations autour. Dans le sens solaire (sens des aiguilles d’une montre : deisil, deiseil, deiseal en Irlande. Dans le cas de la kaaba de La Mecque, il y en avait sept, appelées taouaf).
Puis il récite le lai d’Ausone.
« Iaccitos te !
Salut à toi Ciel notre père,
Père de tous les vrais Celtes !
Iaccitos te !
Salut à toi Danu notre mère,
Mère de tous les vrais Celtes
Salut à toi fontaine à la source inconnue
Sainte, bienfaisante, intarissable, transparente,
Verte, profonde, bruissante, pure, ombreuse !
Iaccitos te !
Salut à toi, génie de la Cité
Toi qui guéris par une simple gorgée
Fontaine qui est appelée Divonne
Et qui est mise au rang des dieux »
Le druide officiant marque une pause puis ajoute…
À Glanum la Pure, il y a une source d’où partent quatre ruisseaux
Neuf coudriers pourpres sont au-dessus
Neuf coudriers de science et de poésie
La verveine pousse tout autour
Tous y laissent tomber leurs feuilles, leurs fleurs et leurs noix.
Le bruit de ces ruisseaux est plus doux
Que toutes les mélodies du monde.
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Les hommes mortellement blessés par la vie
Ou brisés par elle
Sont plongés dans son onde pure
Ils en ressortent vivant de la vraie vie.
Sunartiu ! »
Le druide officiant jette alors de la verveine, des glands, des noix, ou des noisettes, dans l’eau devant servir et ordonne : « Buvez de l’eau de cette fontaine de jouvence, pour que votre force, votre énergie, votre valeur, votre vigueur et votre dignité vous reviennent ».
La conhospita donne alors à boire de cette eau à chacun des nouveaux convertis 2).
Le druide officiant demande ensuite d’une voix forte : « Prêtez serment sur nos enseignes sacrées réunies en faisceau ! ».
Le prosélyte, la main droite levée au-dessus du marteau de Suqellos, ou de tout autre symbole religieux de ce type (enseignes, etc.), prononce alors le serment suivant, les trois doigts tendus comme dans une main de justice : pouce, index et majeur (repliés : annulaire et auriculaire).
Je jure de rechercher uniquement beauté, gloire, et celtisme
Je jure de rester fidèle au véritable esprit
De la vraie tradition celtique.
Je jure d’être le digne et authentique héritier
De la science et de la philosophie des îles d’Hyperborée
Ou situées au nord du Monde :
Thulé, Abalum, Gorre et Ogygie l’Île verte.
De nos anciens du temps de la Grande Celtie libre et indépendante.
Du dernier druide de la cour du grand Domnall mac Muirchertach Ua Néill
Selon Errard Mac Coisé
De la Réforme de Sean Eoghain Ui Thuathallain na Leabhar
De la Réforme d’Henri Lizeray
Ou de ses comarbae.
Je jure non seulement de soutenir et défendre la vraie Tradition celtique et l’esprit celte, mais aussi de les développer à nouveau et d’en répandre partout la lumière.
Je jure de contribuer de toutes mes forces au mouvement de reconquête qui nous rendra les biens spirituels dont nous avons été injustement privés ou spoliés (rites, symboles, pèlerinages, lieux de culte, de la Croagh Patrick en Irlande, au mont Beuvray en Bourgogne…)
Je jure de faire en sorte que la vraie spiritualité de nos ancêtres puisse de nouveau illuminer le monde comme un feu dans la nuit ; et puisse montrer à tous le sentier conduisant à l’œil de lumière sous le chêne, l’if et le bouleau.
Je jure enfin de respecter notre sodalité, son Primat inter pares, sa règle et ses coutumes.
Que les déités lumineuses et paisibles éloignent de moi la légion infernale des duses et des vouivres anguipèdes (ces géants que l’on appelle Andernas ou Fomore) ainsi que tous les autres sous-dieux des glaces du non-monde !
Tongu do dia toingeas mo tuath
Touongo adge deuu iom touongeti ma touta
Adge saveliu,
Luxnei, divu ac nuxtu
Etic ollebo cactiebo nemetos etic talamunos
Toaretudiet pennei mei nemes
Dlogieti talamu con maru critonu
Ringiet gala
Losciet mene aedis
Adtanet gormoceidt omori are talu dumni
Au mon oiton ponc delco
Ac in gascarian ate caedo.
Par les enseignes sacrées de nos bataillons
Que plus un toit ne me soit offert
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Que mes parents me ferment leur porte devant moi
Que mes enfants me ferment leur porte devant moi
Si je ne respecte pas cette promesse.
Le prosélyte qui confirme ainsi sa foi druidique fait alors devant tous le signe du guerrier. C’est-à-dire que du poing droit solidement fermé, elle bat sa coulpe et se frappe plusieurs fois (3 fois 6 fois ou 9 fois) le cœur comme si elle heurtait d’une lance quelconque un bouclier invisible.
Le druide officiant :
« Le poisson-lune est le symbole de la religion du désert qui nous a envahis. Et là où ils font le désert, ils appellent ça la paix. Porter sur soi de tels symboles est donc ainsi que son nom l’indique comme s’attacher une meule autour du cou avant de se jeter à l’eau, pour ce qui est de la spiritualité. Mais n’oubliez jamais que l’oursin est le symbole de notre spiritualité à nous autres. Son symbolisme et celui du chardon et comme le dit la sagesse populaire : « qui s’y frotte s’y pique » !
Les innombrables serpents du temps ont un jour, il y a de cela des millions et des millions d’années, lancé l’œuf du monde qu’ils couvaient dans l’espace au bout d’une chaîne d’or ; et cet œuf d’or flotte maintenant dans le courant de la rivière du temps. Ce secret, c’est à vous que nous le confions aujourd’hui ».
Le druide officiant presse ensuite sur les lèvres de chacun des nouveaux convertis l’oursin fossile qui lui appartient, le remet dans sa bougette (une sorte de petit sporran) et la passe autour du cou de l’impétrant.
Puis il termine en prononçant à l’adresse de chacun d’entre eux ces quelques mots…
« Ton véritable nom est désormais N. (nom initiatique que le prosélyte s’est choisi) !
Tu es désormais toi aussi par adoption fils (ou fille) d’Ogmios et de Celtine, petit-fils (ou petite-fille) du Nemet Cornunnos, père de tous les vrais hommes. Tel sera désormais ton nom de Celte.
X… (prénom et nom civils du marcassin) né le… à…
Fils (ou fille) de… (prénom et nom de jeune fille de la mère) et de… (prénom et nom du père).
J’accepte ta profession de foi en tant qu’expression du paganisme celtique le plus pur pour ce qui est de l’esprit en tant qu’expression d’un authentique retour aux sources de toute spiritualité ; en tant que retour à la religiosité naturelle de l’Humanité, qui anima jadis nos ancêtres, sois désormais de notre peuple, le peuple des dieux, par Taran/Torann/Tuireann, Lug et le hésus Cuchulainn, et que leur force soit avec toi, Nert dee agus andee, Sunartiu !
Le druide officiant donne l’accolade au nouveau marcassin, tous en font autant. Le druide officiant lui remet ensuite la tablette ou l’écorce consignant tout cela. Il note la confirmation de foi druidique dans le registre officiel et les réjouissances peuvent commencer. On peut « tuer le cochon », entonner le bardit du chant de la fidélité ou le bardit du vin des C’hallaoued.
EXEMPLE DE FORMULES À UTILISER EN LEVANT SON VERRE.
Le barde (président) du banquet.
Je lève mon verre au UN. Dans le monde, tout est un, le un est tout en toutes choses.
RÉPONSE DE CELUI QUI VIENT DE SE CONVERTIR.
Parce que DIEU est tout en toutes choses, éternel, infini, incréé, immortel.
Le barde (président) du banquet.
En lui, nous vivons, nous bougeons, nous existons.
RÉPONSE DE CELUI QUI VIENT DE SE CONVERTIR.
Chaque chose est née de lui et retournera en lui, car il est le principe et la fin de toutes choses.
Le barde (président) du banquet.
Chantons la puissance du BITOS ou de l’UNIVERS VISIBLE ET INVISIBLE.
RÉPONSE DE CELUI QUI VIENT DE SE CONVERTIR.
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« Tout ce qui est procréé sous l’empire de la loi de la mort se transforme ; au cours des années qui s’écoulent, les nations ne se reconnaissent plus ; au long des siècles, les races changent complètement de physionomie. Et cependant, l’ensemble du BITOS ou de l’UNIVERS reste intact et conserve toutes ses parties, un long espace de temps n’en augmente pas le nombre, la sénilité ne les diminue pas, le mouvement ne les déplace pas, la course ne les fatigue pas. Toujours il restera le même, parce que toujours il fut le même. Tel nos pères le virent, tel notre postérité le verra : c’est DIEU qui ne change pas dans le temps ».
TOUS ENSEMBLE.
« Quel qu’il soit, il est absolument tout, il anime, procrée, forme, nourrit, et accroît toutes choses, il les ensevelit et les reçoit toutes dans son sein, il est le Père unique de toutes choses, tout ce qui naît retourne à lui en périssant ».
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Remarque de l’auteur de cette compilation.
N’oublions pas néanmoins ce qu’a rapporté Strabon à ce propos : « Ils affirment que les âmes et l’univers sont indestructibles, mais qu’un jour seuls le feu et l’eau régneront » (Strabon. Géographie IV, 4).
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1) Par définition il n’y en avait pas évidemment ! C’est un problème qui n’a commencé à se poser qu’au Moyen-âge !
2) Après apostasie, ou pas (il a été élevé en suivant une autre tradition), personnelle ou pas (il a renoncé déjà au moins une fois dans le passé à notre foi, ou du moins si ce n’est lui ce sont ses parents).
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LES RITUELS SACERDOTAUX.
(Rituels propres à la sodalité druidique.)
« ILS ENSEIGNENT BEAUCOUP DE CHOSES AUX NOBLES EN CACHETTE
SOIT DANS DES CAVERNES SOIT DANS DES BOIS RETIRÉS »
(POMPONIUS MELA. DE CHOROGRAPHIA III 2, 18).
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COMRUNACTON OU RITUEL D’INITIATION COMME DISCIPLE (comrunos/comruna).
LES AVENTURES DE CORMAC DANS LA TERRE DE PROMESSE.
Il existe trois types d’initiation : celles qui font entrer les jeunes gens dans le monde des adultes (rites de passage), celles qui ouvrent l’accès à des sociétés secrètes ou à des confréries fermées (initiations religieuses), celles qui font abandonner la condition humaine normale pour accéder à la possession de pouvoirs surnaturels (initiations magiques).
Si le premier type comporte toujours une partie religieuse et fonde son rituel sur des archétypes mythiques, il constitue néanmoins un rite de passage profane, au contraire du deuxième.
Il ne sera donc question ici que du deuxième genre d’initiation : l’initiation ouvrant l’accès à la sodalité druidique.
L’Occident, a écrit un jour le parisien Rémy de Gourmont, depuis qu’il a été nominalement christianisé, ne vit que de quelques gouttes d’élixir païen qu’il a sauvées de la jalousie de ceux qui la convertissaient. Bien que cela ne signifie pas qu’il faille ouvrir la porte à n’importe quel type de néopaganisme, cette remarque est néanmoins profondément vraie.
Dans la littérature védique (de veda, mot sanscrit signifiant « le Savoir » ou « la Science »), il existe un ensemble de textes qui porte le nom d’aranyakas (littéralement « livres des bois »). Anonymes comme tous les textes védiques, il s’agit en fait de « traités » issus des milieux brahmaniques d’ermites et d’ascètes, retirés de la vie publique. Ces « traités » devaient être justement étudiés « dans la forêt », dans des lieux à l’écart, ignorés des profanes. Par leur caractère hautement spéculatif ou « ésotérique », la méditation de ces textes pouvait mener loin au-delà des vérités communes et des conventions sociales. Seuls des comrunos (des « initiés ») préparés à recevoir ces « révélations » (comme les vanaprasthas ou « habitants de la forêt ») y avaient accès. Les textes principaux sont l’aitareya-aranyaka, la kausitaki-aranyaka ou encore la taittiriya-aranyaka dont voici un extrait significatif.
« Au commencement, Cela, qui était la semence première de la Pensée, se mua en Désir : les sages (rsi), cherchant dans leur cœur, découvrirent intuitivement que la racine (bandhu) de l’Être se situait dans le Non-Être. En vérité, il reçoit tout ce qu’il désire, celui qui sait ainsi ! »
Étudiaient les upanisads, les « renonçants » (samnyasin), les « errants » (parivrajaka), les « moines mendiants » (bhiksu), et tous ceux qui étaient prêts à sortir du conformisme social pour s’asseoir auprès d’un maître dans la forêt, soigneusement écouter ce qu’il avait à dire, et méditer ces paroles. C’est ainsi qu’en Inde (à une époque un peu antérieure au bouddhisme), sous les arbres, dans le désert, près d’une source, avaient lieu d’intenses discussions sur tout et sur rien, sur le rien-tout et le tout-rien. C’est alors qu’apparaissent également les yogin et les techniques du yoga (yug, « lier ensemble »), en particulier les pratiques respiratoires basées sur la doctrine des souffles (prana).
L’initiation druidique proprement dite se faisait dans le secret du sanctuaire (au cœur de la forêt en ce qui concerne les druides). La première étape était constituée par les rites préalables de purification et comprenait des épreuves dont le candidat devait sortir vainqueur : lutte symbolique (cf. G. Dumézil, Horace et les Curiaces, Paris, 1942), passage à travers une porte étroite, difficile à franchir, fustigations (considérées par J. G. Frazer comme un rite de fertilité, ce qui n’est pas incompatible avec leur signification d’épreuves, chaque moment de la cérémonie pouvant avoir une pluralité de sens symboliques).
Souvent on montrait aussi des objets rituels, dont était révélée la signification profonde : par exemple à Éleusis, d’un sanctuaire à l’autre, le safran, la figue et l’épi de blé.
L’initiation se prolongeait par l’époptie, représentation théâtrale d’un mythe et enseignement d’un secret à partir de jeux scéniques.
Le nouvel initié devait alors jurer de garder le secret sur ce qu’il avait vu et appris ; ensuite il recevait souvent un autre nom.
Les cérémonies de clôture qui suivaient étaient publiques, avec des jeux et des danses qui manifestaient la joie du retour du myste à la vie. En terre celte on pouvait « tuer le cochon », entonner le bardit du chant de la fidélité ou le bardit du vin des C’hallaoued.
Le rituel d’initiation des disciples (comrunos/comruna) est, de tous les rituels pouvant exister, celui qui est sans doute le plus difficile à mettre en œuvre ; pour le druide faisant fonction d’enquêteur et chargé de s’assurer de la qualité ou de la formation du futur membre (l’Inquisiteur). Il ne s’agit pas de conférer des pouvoirs surnaturels et magiques inconnus, mais de mesurer des connaissances et
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surtout la force des caractères. Il s’agit seulement pour l’enquêteur de savoir jusqu’où pourra vraiment aller, pour la cause de la renaissance néopaïenne druidique, ou de la défense de son rayonnement, celui ou celle qui demandera ensuite à devenir membre de la sodalité ou à y être ordonné.
Cela peut consister en épreuves physiques très dures, ou en épreuves morales et psychologiques. Il faut dépouiller le vieil homme.
Ces épreuves ont donc pour but de voir jusqu’à quel point l’impétrant ou demandeur peut affronter l’adversité, les avanies, le ridicule, les moqueries, les brimades ; en bref les souffrances morales (ou physiques) qu’affronte aujourd’hui quotidiennement tout néopaïen voulant vivre sa foi dans les forces de l’invisible et dans la vie après la mort.
Une partie de ces rituels nous a été transmise par écrit dans les aventures de Cormac dans la terre de Promesse (Echtrai Cormaic i Tir Tairngiri), mais il faut en abstraire l’exagération poétique (ah ces bardes !)
Car la lettre tue et seule l’oralité de la tradition, permet d’adapter les épreuves à la multiplicité des cas particuliers. On ne peut pas exiger la même chose d’un ancien ou d’un plus jeune, d’un homme ou d’une femme, d’un bien portant ou d’un malade.
Le secret le plus absolu lie donc le grand enquêteur et le comrunos (l’initié). Le druide enquêteur qui se permettrait de révéler la teneur des rites d’initiation pratiqués par lui avec telle ou telle personne, serait immédiatement élutaché, donc perdrait de ce fait tous ses droits dans la fraternité.
Il en serait banni, nul ne lui devrait plus rien. Toute célébration rituelle, toute intronisation ou autre cérémonie de ce type lui seraient interdites. Le secret de l’initiation est un impératif aussi fondamental que celui des mystères grecs. C’est une obligation aussi impérieuse que celle du secret de la confession dans la nouvelle religion (catholique apostolique et romaine).
Tout ce qui peut être ici écrit sur les rituels d’initiation de notre sodalité, c’est que, à la différence des mystères grecs, ces rituels se déroulaient surtout en forêt. Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) sont des prêtres de la forêt, ne l’oublions pas !
La forêt couvrait jadis 80 % de nos territoires et nos ancêtres se réfugiaient dans des oppida perchés au sommet de plateaux et de collines, au bord des rivières ou même dans des cités lacustres. Entre ces agglomérations des milliers d’hectares de forêt vierge type forêt hercynienne constituaient autant d’obstacles presque infranchissables. À l’époque – on a trop tendance à l’oublier –, les forêts constituaient des frontières naturelles beaucoup plus sûres que les montagnes et les fleuves. Elles étaient aussi le symbole et le refuge d’un mode de vie préhistorique : le lieu réservé aux aléas de la cueillette et de la chasse, par opposition à la sécurité qu’apportaient la culture et l’élevage. Chaque année nos ancêtres célébraient l’événement par une chasse en forêt : cerfs et biches étaient pris, tués, dépecés ; hommes et femmes se revêtaient alors de leurs peaux et dansaient pendant plusieurs jours. Cette fête est devenue notre carnaval.
Au Moyen-âge, la forêt constitue un lieu de refuge et de travail. Y vivent les charbonniers, les verriers, les hors-la-loi. La forêt demeure le point de départ de toute aventure et de toute perte. Il suffit de relire les écrits de Chrétien de Troyes et sa chasse au blanc cerf : la forêt y apparaît toujours comme l’espace de l’épreuve d’où l’on ressort différent. La forêt alors est perçue comme le lieu par excellence des rites d’initiation. Aller en forêt, c’était donc à la fois descendre aux enfers et remonter aux sources de l’Humanité.
La nature n’a pas été créée par les dieux pour permettre aux hommes de fuir les villes, ce sont les villes qui ont été créées par les hommes pour s’abriter de la nature. La civilisation s’identifiait au défrichement, indispensable à l’agriculture, à la construction, à l’ouverture de chemins et de routes.
Il existait bien entendu d’autres endroits possibles pour les initiations, dans le monde celte. Pomponius Mela dans son célèbre témoignage sur le sujet mentionne aussi des grottes. « Ils enseignent beaucoup de choses aux nobles en cachette, soit dans des cavernes » (De chorographia III, 2, 18).
Et tel était bien d’ailleurs le cas en Irlande avec le célèbre souterrain (sans doute la chambre mégalithique d’un tumulus effondré de type Newgrange) situé sur une petite île du Lac rouge (Lough derg) redécouvert par saint Patrice en son temps. Aujourd’hui remplacé par une chapelle. Ce lac est d’ailleurs associé à certains des exploits du légendaire chef des Fénianes nommé Vindos/Finn. La mythologie chrétienne en fait le lieu où saint Patrice aurait terrassé le dernier des serpents d’Irlande, d’où la couleur théorique du lac aujourd’hui.
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Chacun doit donc, pour l’occasion, apprendre plus que les rudiments de la tradition (auraicept), voire étudier le deuxième livre de la littérature orale adéquate.
Les figures d’animaux tiennent une grande place dans le symbolisme celte. Le sanglier, le taureau, le cheval, que l’on retrouve sur les monnaies de la plupart des tribus-états, particulièrement sur les monnaies des Bituriges ; certains oiseaux, certains arbres, certaines plantes, étaient des emblèmes nationaux et religieux. Ils devenaient des types monétaires, des enseignes militaires ; on les portait dans les batailles ; on les vénérait, on adorait en eux une source de richesse agricole ou forestière, de prospérité publique. Beaucoup de Celtes antiques portaient par conséquent des noms évoquant des animaux : Matugenos, Boduognatos, Deiotaros, Brannogenos, Tarbelli…
Si tel est son désir, chacun peut donc également, à l’instar de ces glorieux ancêtres, choisir comme nom initiatique un nom en liaison avec un animal ou une plante, différent de celui qu’il aura reçu lors de la cérémonie du nom précédente.
Voici quelques petits conseils pour se trouver un tel nom. Allongez-vous, fermez les yeux, et imaginez que vous êtes dans une forêt verdoyante, laissant pénétrer les rayons du soleil. Vous marchez droit devant vous en vous enfonçant dans la forêt. Vous arrivez près d’une grosse pierre dressée à la verticale et vous entendez des bruits tout autour de vous : ce sont les chants des oiseaux. En même temps que vous les écoutez, vous tournoyez sur vous-même. Un petit sentier vous apparaît, vous décidez de l’emprunter. Vous avez l’impression d’avancer sans que vos pieds touchent le sol et de plus en plus vite. Vous arrivez dans une clairière où les herbes sont hautes, et devant vous, il y a la lisière du bois. Vous êtes loin et vous avez du mal à distinguer, mais vous voyez quand même quelque chose qui bouge dans les fourrés. Une forme floue se rapproche et vous la voyez maintenant très clairement : c’est votre animal totem.
Pour vous aider, voici quelques exemples tirés de l’œuvre de David Rankine.
Aigle. Respect, créativité, soin, santé.
Alouette. Le juste milieu entre les hommes et les dieux.
Bélier. Imagination, recommencement.
Canard. Il n’est jamais fait mention du canard dans les textes, mythologiques ou épiques irlandais, gallois. Il a été confondu avec le cygne, dont il diffère cependant, ne serait-ce que par la taille et la couleur. On trouve néanmoins des canards représentés sur du mobilier archéologique de l’époque de La Tène. On est donc enclin à donner, de ces images existant dans le monde celtique, une interprétation analogue à celle du cygne.
Cerf. Dix cors. Indépendance, équilibre, fierté.
Cheval. Puissance, liberté, mouvement.
Chien. Fidélité, garde, héroïsme.
Corbeau. Ressources morales, changements personnels.
Corneille. Découverte de soi, créativité, intelligence.
Cygne. Le cygne est un symbole royal, mais c’est aussi un symbole de pureté, de lumière et de féminité (chez les Celtes). On l’associe à l’amour. Sur le Continent, et même dans les îles, le cygne est souvent confondu avec la grue, d’une part, et l’oie, d’autre part.
Daim, biche. Gentillesse, innocence, sixième sens.
Dragon ou griffon. Connaissance, croissance, régénération.
Faucon. Hauteur de vue, dignité.
Hermine. Symbolise les vierges guerrières. Voir belette.
Loup. Esprit de corps, esprit de famille, protection.
Loutre. Symbolise la fin d’un cycle temporel.
Oie. Messagère de l’Autre Monde. Le Cygne et l’oie servent d’enveloppes corporelles aux anges de sexe féminin venus du pays des dieux (les Celtes lui attribuent donc des pouvoirs divinatoires).
Ours. Puissance, force intérieure, jeu.
Papillon. Le symbolisme du papillon est celui de l’âme débarrassée de son enveloppe charnelle.
Renard. Intelligence, diplomatie, patience.
Saumon. Sagesse, régénération, durée.
Sanglier ou Porc. La consommation de sa viande lors de la fête des trinouxtion samoni (os) ou fête des Morts, est censée procurer une longue vie si ce n’est l’immortalité. Sur les enseignes des guerriers, le sanglier en outre est censé assurer leur protection.
Serpent. Protection, fertilité, sagesse, mue et renaissance.
Taureau. Courage, prospérité, abondance.
Tortue. * Création, interconnexion.
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Il existe bien sûr une foule d’autres animaux passionnants, bien dignes de vous inspirer : le bison, l’aurochs, le lynx, etc., etc. Pour tout renseignement : www.davidrankineart.com-
* Testudo hermanni Testudo graeca et cistude d’Europe (Emys orbicularis).
Vu l’oralité de la transmission de ces rituels, nous nous contenterons ici d’en dire seulement quelques mots.
— PHASE D’APPEL ET DE DÉPART.
La phase d’appel n’est pas ritualisée. Elle est donc multiforme, variable, et peut consister aussi bien en échange de courriers qu’en échange de propos divers, peu ou prou incitatifs. C’est aux très-sachants de la druidiaction (druidecht) concernés de voir quand y mettre fin pour passer à l’étape suivante de cette quête.
Le druide enquêteur explique ensuite dans une brève allocution que le nouveau comrunos (que le nouvel initié) sera frère ou sœur de sang des autres comrunos s’il va jusqu’au bout de sa queste et se choisit un nom initiatique ou confirme celui qu’il a déjà.
Il est fortement conseillé de se choisir un nom initiatique en vieux celtique, ou dans une des langues celtiques jadis parlées sur le territoire où l’on habite ; ou dans une des langues néo-celtiques modernes, si l’on demeure sur un territoire où elles sont encore pratiquées. Irlande, Pays de Galles, Écosse, Bretagne, Île de Man et Cornouailles (le cornique).
Ce nom initiatique n’est pas nécessairement un nom d’animal totem, il peut par exemple être celui d’une personnalité plus ou moins connue (éviter néanmoins celles qui le sont trop, cela pourrait être gênant : autrement dit pas de Boudicca ou de Calgacos chez nous. Ceci bien sûr n’a rien à voir avec ses positions sur la famille).
Dans le rituel des anciens ordres monastiques culdées, après absorption le matin d’un verre d’eau magnétisée, le postulant à l’initiation devait s’astreindre au jeûne total pour le départ à l’exception d’un peu d’eau sucrée avec du miel (rites similaires dans notre sodalité).
En outre chez nous le postulant doit se munir avant son départ, d’atiobertas, c’est-à-dire d’offrandes (oblations ou libations diverses) à offrir aux dieux de la forêt.
Un des rites de la veille du départ est celui du tablut (jeu d’échecs) ou plus exactement du viduceila ou vidupeila, entre le druide enquêteur et le comrunos (l’initié). Suivant que le candidat gagne ou perd la partie, les épreuves qui suivront différeront.
Une des plus connues consiste à raser cheveux et barbe (ou plus dans les rites de la Wicca : épilation intégrale) et à les brûler en ateberta ou offrande au grand Cornunnos. En ce qui concerne notre sodalité, il s’agit au moins de la tonsure celtique. Le druide enquêteur rase soigneusement la moitié avant du crâne du disciple jusqu’aux oreilles et d’une oreille à l’autre, ne laissant subsister que les cheveux partant derrière *; et il brûlera les cheveux coupés, le lendemain, sur l’autel rustique aménagé à cet effet, ou en pleine nature. 1)
Dans l’ancienne tradition celtique, celle qui précède l’arrivée des parabolani du christianisme et de leur lecture manichéenne du monde, nous pouvons trouver quelques éléments, en particulier chez les Fénianes susceptibles de nourrir notre réflexion. Les compagnons de Finn étaient une troupe de poètes guerriers, à la déontologie et à la mystique austères. Pour être un compagnon de Finn, il fallait renoncer à toute attache familiale et clanique, être un athlète et un guerrier accompli, puis apprendre par cœur les douze livres de poésie.
Voici un poème qui nous en parle.
Binn sin, a Loin Doire an Chairn !
Ní chuala mé in aird sa bhith
Ceol ba binne ná do cheol
Agus tú fá bhun do nid.
Aoincheol is binne fán mbith
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Mairg nach éisteann leis go fóill
A mhic Calprainn na gclog mbinn
Is go mbéarthá aríst ar do nóin.
Agat, mar tá agam féin
Dá mbeith deimhin scéil an eoin
Do-ghéantá déara go dian
‘s ní bhiadh t’aire ar Dhia go foil.
I gcrích Lochlann na sreabh ngorm
Fuair mac Cumhaill na gcorn ndearg
An t-éan do-chíthe-se anois
Ag sin a scéal doit go dearbh.
Doire an Chairn an choill úd thiar
Mar a ndéindís an Fhiann fos
Ar áille is ar chaoimhe a crann
Is eadh do cuireadh ann an lon.
Sgolghaire luin Doire an Chairn
Búithre an daimh ó Aill na gCaor
Lachain ó Loch na dTrí gCaol.
Cearca fraoich um Chruachain Chuinn
Feadghail dobhráin Druim Dhá Loch
Gotha fiulair Ghlinn’ na bhFuath
Longhaire cuach Chnuic na Scoth.
Gotha gadhair Ghleanna Caoin
Is gáir fhiolair chaoich na sealg
Tairm na gcon ag triall go moch.
An tráth do mhair Fionn ‘s an Fhiann
Dob ansa leo sliabh ná cill
Ba binn leosan fuighle lon
Gotha na gclog leo níor bhinn.
Mon beau merle du bois de Doire an Chairn !
Nulle part sur terre je n’ai entendu
Plus belle musique que la tienne
Là où tu veilles sur ton nid.
La plus belle des chansons du monde
Est une honte qu’on n’écouterait pas une seconde à côté.
Écoute ô fils de Calpurnius aux douces cloches
Tu pourras toujours revenir à tes prières de nones après.
Si tu connaissais, comme je me connais
La véritable histoire de cet oiseau
Tu pleurerais à chaudes larmes
Et oublierais ton dieu un instant.
C’est dans le pays de Norvège aux rivières bleues
Que Mac Cumhaill aux gobelets polis
A trouvé l’oiseau que tu vois devant toi
Ce que je te dis là n’est que la pure vérité.
Doire an Chairn est la forêt perdue
Où les Fénianes avaient coutume de se reposer
Splendides et magnifiques sont les arbres
Où ils ont relâché ce merle.
O le sifflement du merle de Doire an Chairn
Le brame du cerf d’Aill na gCaorl
Et les canards du lac Na dTrí gCaol.
Ô le coq de bruyère de Cruachan, royale demeure de Conn.
Les loutres sifflant dans le lac de Druim Dhá
Le cri de l’aigle dans la vallée Gleann na bhFuath
Le chant du coucou sur Chnuic na Scoth.
Ô la voix des chiens dans la vallée de Ghleanna Caoin
La trompette de l’aigle à moitié-aveuglé qui chasse
L’aboiement des lévriers en chasse de bon matin.
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Quand Finn et les Fénianes étaient de ce monde
Ils aimaient ces collines, et pas les cellules des moines
Ce qu’ils aimaient c’était le babillage du merle
Et pas le détestable bruit de tes cloches.
Aujourd’hui, l’Homme se trouve pris dans les engrenages d’une grande machine agencée, sinon pour le détruire, du moins pour l’aplatir et l’uniformiser. À la différence d’un tel homme cerné, pris au piège d’un « inexorable encerclement », l’être humain qui « s’en va dans la forêt » peut redevenir, au moins l’espace d’un instant, un être singulier (un sanglier).
— DEUXIÈME PHASE DONC : l’arrivée dans la forêt des Fénianes.
Il ne s’agit pas de se contenter de passer une nuit à la belle étoile autour d’un feu de camp comme des scouts.
Il ne s’agit pas non plus de tomber dans les excès incroyables dont on trouve la trace dans les pénitentiels du christianisme irlandais (dormir dans une tombe, plonger dans de l’eau glacée, etc.) Les druides sont des prêtres de la forêt hercynienne. Le druide chargé de l’initiation ne doit surtout pas pour l’occasion avoir oublié son vouge, car ce dernier devra servir éventuellement aux scarifications. N.B. Le ou la vouge peut aujourd’hui être remplacé (e) par une serpette de vigneron, une sorte de couteau en forme de petite serpe, les Celtes méridionaux n’ayant pas attendu les Romains pour découvrir la vigne. Les fouilles archéologiques pratiquées en 1992 près de Paris (à Bobigny) ont d’ailleurs montré que les Celtes antiques connaissaient aussi le couteau pliant genre couteau de poche ou canif.
Cf. donc par exemple par exemple le couteau serpette pliant N. 10 SF de la célèbre marque Opinel. Lame acier inoxydable de dix centimètres. Manche en hêtre verni. Un outil de jardinier idéal pour tailler des arbustes, greffer ou inciser des arbres fruitiers. Mais bien sûr, le ou la vouge peut toujours avoir ses dimensions originelles, c’est-à-dire être au moins de la taille d’une hallebarde suisse.
Ne vous êtes-vous jamais promené la nuit en forêt ? Il est possible de voir briller des yeux d’oiseau, d’entendre des bruits furtifs. La nuit en forêt tout change, il suffit de relire Huon de Bordeaux et Shakespeare pour s’en convaincre.
En tout cas, voici ce qu’en disait déjà Lucain il y a 2000 ans.
« Que Phébus soit au milieu de sa course ou qu’une nuit sombre occupe le ciel, le prêtre lui-même en redoute l’accès, tant il craint de surprendre le maître de ce bois. Le peuple n’en approche pas pour rendre son culte sur place, il l’a cédé aux dieux. La renommée rapportait que des tremblements de terre faisaient mugir le fond des cavernes, que des ifs courbés se redressaient, que les bois, sans brûler, brillaient de la lueur des incendies, que des dragons, enlaçant les troncs, rampaient çà et là ».
Et Lucain d’ajouter qu’il s’agissait « d’un bois sacré qui, depuis un âge très reculé, n’avait jamais donc été profané. Il entoure de ses rameaux entrelacés un air ténébreux et des ombres glacées, impénétrables au soleil. Il est occupé par des sanctuaires de dieux aux rites barbares ; des autels sont dressés sur des tertres sinistres et tous les arbres sont maculés de sang humain. Les oiseaux craignent de percher sur les branches de ce bois et les bêtes sauvages de coucher dans ses repaires. Ces arbres qui ne présentent leur feuillage à aucune brise, inspirent une horreur toute particulière. Une eau abondante tombe des noires fontaines ; les mornes statues des dieux sont sans art et se dressent, informes, sur des troncs coupés. La moisissure même et la pâleur qui apparaissent sur les arbres pourris frappent de stupeur. Ce que l’on craint de la sorte, ce ne sont pas les divinités dont une tradition sacrée a vulgarisé les traits, ce sont celles que l’on ne connaît pas ; tant ajoute aux terreurs le fait de ne pas bien connaître les dieux que l’on doit redouter » (Lucain. Pharsale. III. 399-425).
Un excellent exemple de forêt où se ressourcer donc : celle de Sherwood. Sherwood est un bois connu mondialement et entourant le village d’Edwinstowe, historiquement associé à la légende de Robin des Bois. Les 432 ha de la forêt actuelle sont les vestiges du vaste domaine de chasse royal qui s’étendait à l’intérieur des comtés voisins. Un parc destiné au public a été ouvert en 1969, par le conseil du comté de Nottinghamshire, et comprend quelques cantons de bois d’origine très ancienne, où de minces bouleaux croissent avec plus d’un millier de vieux chênes, dont la plupart ont plus de cinq cents ans. Sa principale attraction est le grand chêne qui, selon le folklore local, était la principale cachette de Robin des Bois. Ce chêne serait âgé de 800 à 1000 ans, et, depuis l’ère victorienne, ses branches sont supportées par un système de tuteurs afin d’éviter qu’elles ne se cassent.
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La première mention manuscrite de Robin des Bois se trouve dans Pierre le Laboureur de William Langland (1377), où Sloth, un prêtre paresseux, déclare : « Je connais des rimes de Robin des Bois » ; et trois ans plus tard, le chroniqueur écossais Jean de Fordun écrit que, dans les ballades, le personnage de Robin des Bois « plaît mieux que tous les autres ».
Hors-la-loi renommé pour son adresse exceptionnelle au tir à l’arc et ses combats sans merci contre le shérif de Nottingham – qui ne réussira jamais à le chasser de la forêt de Sherwood – ; Robin des Bois aurait été, selon certaines sources, un grand seigneur dépossédé de ses terres par l’autorité royale. On ignore de quel roi il s’agit, puisque, selon la chronologie des œuvres qui lui sont consacrées, Richard 1er, Jean sans Terre, Henri III voire même Édouard II, figurent au nombre de ses contemporains.
Autour du personnage de Robin, de nombreuses incohérences se sont introduites au fil du temps. Il est dit que Robin, seigneur de Loxley (chef-lieu du comté de Hallamshire) fut dépossédé de ses terres par le shérif de Nottingham et déclaré hors-la-loi. Le shérif apparaît en effet dans les premières ballades, où Robin finit par le décapiter, mais il n’y est pas question de ses terres. Ses autres ennemis sont un chasseur de primes du nom de Guy de Gisbourne, ainsi que de riches abbés, lesquels sont également tués par Robin. Mais si les anciennes ballades font mention d’un prêt accordé par Robin à un chevalier malchanceux, elles ne disent rien d’une redistribution de ses rapines aux pauvres. Il est dit aussi que Robin réside dans la vaste forêt de Sherwood, dans le comté de Nottingham, alors que les ballades le font généralement évoluer à Barnsdale, dans le comté de York, soit à près de 80 kilomètres au nord. Ces discordances s’expliquent sans doute par le fait qu’il s’agit en réalité de légendes d’origine celte, de type « Finn et les fenianes », mais avec Robin des Bois dans le rôle de Finn.
Autre exemple, la forêt des Ardennes selon Shakespeare. La première scène de l’acte II de la pièce de théâtre de notre auteur, qui en parle, et, en particulier, le discours que tient le vieux duc à ses compagnons d’exil est très intéressante.
Confronté à des réalités premières, le vieux duc semble en effet préférer cette vie simple et rude au sein d’une nature sauvage, à la vie de courtisan, conventionnelle et sophistiquée, livrée aux jalousies et aux intrigues de palais.
Cette existence à l’abri de la cohue publique lui révèle des voix dans les arbres, des livres dans les ruisseaux qui coulent, des leçons dans les pierres, et le bien en toutes choses.
Malheureusement, rien dans cette pièce n’est approfondi en ce sens. Les compagnons du duc sont nettement plus superficiels, plus préoccupés de leurs peines et de leurs plaisirs. Pour eux, la forêt est avant tout un lieu où regorge le gibier qu’il est bon de traquer pour tromper son ennui.
Seul Jacques, le mélancolique, prend pitié de la souffrance infligée aux animaux, et les autres se moquent de lui. À la vue d’un cerf blessé, venu agoniser près du ruisseau où il rêvassait, Jacques va tirer de ce spectacle une leçon purement morale. Observant la bête seule et abandonnée des siens, il va comparer sa condition à celle de l’existence humaine.
La confrontation entre les propos tenus par Jacques qui suivent à quelques répliques près ceux du vieux duc, soulève un questionnement intéressant. Shakespeare nous laisse là une scène qui invite à nous interroger sur la place de l’homme dans la nature, sur le rapport qu’il entretient avec les animaux.
La Wicca occidentale a maintenu la tradition des initiations à caractère sexuel marqué. Un peu comme dans le rituel préislamique de la taouaf (circumambulation) autour de la kaaba de La Mecque du temps de la jeunesse de Mahomet 2).
Les textes de la Wicca occidentale s’interdisent naturellement et par définition de donner plus de détails sur ces épreuves, plus difficiles sur le plan psychologique que sur le plan simplement physique.
Tout ce que l’on peut dire, c’est qu’elles sont dans le droit-fil de la grande tradition féminine des prêtresses namnètes, qui vivaient près de l’embouchure de la Loire, des prêtresses de l’île de Sein ; et de la reine guerrière d’Écosse nommée Scathache, qui savait tour à tour effrayer ou apaiser, consoler ou détendre. Sans compter les innombrables et mystérieuses dames de la queste du Graal. En bref, dans les rites de la Wicca, la femme initie l’homme et en retour l’homme initie la femme. Ce qui, sur le plan psychologique, implique un recrutement qualitatif de type plutôt élitiste.
L’épreuve de la jument blanche pour les hommes, malgré son caractère très choquant (voir les réactions de Giraud de Cambrie) est une épreuve destinée uniquement aux fils de roi, et afin de vérifier qu’ils sont bien « vir integer ».
En ce qui concerne la résistance physique, l’endurcissement contre les variations de température, la marche, les veilles, ainsi que nous l’avons remarqué par ailleurs, les témoignages parvenus jusqu’à nous sont contradictoires (certains peuples semblent avoir reproché à d’autres leur « mollesse ») ; mais en voici un qui est assez clair : « Tout âge y est propre à la guerre, et, avec une égale force de
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cœur, le vieillard et l’adulte marchent au combat ; un froid glacial a endurci leurs membres, un travail continuel leur a aussi appris à braver mille dangers, même des plus redoutables. Chez eux, il n’y a personne qui, comme en Italie, afin d’éviter le service militaire, ne se coupe le pouce en méritant ainsi la railleuse épithète de mutilé (murcus) » (Timagène. Cité par Ammien Marcellin, XV, 12).
Dans le rituel féniane l’initiation était un véritable parcours du combattant. La personne souhaitant intégrer le groupe devait se tenir dans un trou creusé à mi-hauteur, armée d’un simple bouclier pour se protéger des lances de neuf guerriers. Si elle était blessée, elle échouait. Au cours d’une autre épreuve, une poursuite était organisée à travers la forêt. Si le guerrier en question était attrapé, si une branche craquait sous ses pieds, ou si ses tresses se défaisaient, c’était l’échec. Il devait être également capable de sauter au-dessus d’une branche située à hauteur de son front, passer sous une autre à hauteur du genou, et enfin être capable de se tirer une épine du pied tout en continuant à courir sans ralentir.
Sous le nom d’arra, les moines culdées nous ont aussi conservé un vague écho de toutes ces techniques psychosomatiques.
Trois jours et trois nuits sans boire, ni manger, ni dormir, la première nuit passée dans de l’eau glacée, la deuxième sur un lit d’orties, la troisième sur un lit de coquilles de noix.
Trois jours et trois nuits sans boire, ni manger, ni dormir, allongé nu, dans une crypte, une tombe ou un tombeau, à réciter des prières. N.B. Les pénitentiels chrétiens disent « à côté d’un cadavre », mais c’est un peu excessif, ça fait même un peu sataniste !
Trois jours et trois nuits sans boire, ni manger, ni dormir, dans une grotte, une caverne ou un souterrain. La méthode favorite de saint Patrice (entre le 1er juin et le 15 août sur une île au milieu du Lough Derg, comté du Donegal). Car Patrice ou ses successeurs n’ont fait que reprendre là une pratique bien antérieure évidemment 3).
Des nuits en un lieu glacial ou dans sa cellule à veiller, à prier, sans s’asseoir, ni s’allonger, ni dormir. Des mois reclus au pain sec et l’eau, sans lit pour dormir.
La marche peut également servir d’épreuve initiatique. C’est une méthode encore bien connue des militaires d’aujourd’hui. Elle doit dans ce cas se faire pieds nus (comme celle qui a lieu sur la montagne sacrée d’Irlande située dans le comté de Mayo, le dernier dimanche de juillet). Ces rites remontent évidemment à la nuit des temps et Patrice n’a fait que les récupérer.
Notre sodalité n’ayant pas pour vocation de former des super-guerriers (nous laissons ce soin à d’autres) il est recommandé d’être moins sévère.
Dans les épreuves de type féniane par exemple (être enterré jusqu’aux aisselles, mais les bras restant libres) les blessures ne sont pas considérées comme éliminatoires, mais au contraire acceptées comme des scarifications ou blessures rituelles.
Dans les rituels pré-patriciens étaient aussi envisagées d’ailleurs, pour la circonstance, quelques autres épreuves psychosomatiques plus courtes, mais plus dures (principe même de la commutation des peines). Ces ordalies étaient destinées à montrer si le candidat mentait ou était sincère.
Voici les plus connues.
— Le torque de Morann. Le torque étouffe le candidat qui n’a pas une foi suffisante et laisse vivre celui qui a la foi nécessaire (évidemment un peu radicale).
— Le bracelet de Morann. Le bracelet coupe la main ou la jambe du candidat qui n’a pas une foi suffisante et qui ment, laisse indemne par contre celui qui est sincère.
— Le chaudron de vérité. Vase d’argent ou d’or rempli d’eau bouillante. Le grand enquêteur y plonge la main du candidat. Si ce dernier a menti, sa main est entièrement brûlée. Si le candidat est sincère et a vraiment la foi, il éprouve seulement une brûlure qui guérit rapidement.
— Le fer de Luchta. Un morceau de fer est porté au rouge et le grand enquêteur le passe sur la paume du candidat. Si le candidat n’a pas la foi, il est gravement, très gravement brûlé, s’il a la foi et s’avère sincère dans sa démarche, il sera au pire légèrement atteint et la blessure guérira très vite.
— Le bois de Sencha. Même principe, mais avec des charbons ardents.
— La hache de Mochta. Idem, mais le grand inquisiteur la passe sur la langue du candidat au lieu de la paume.
Mais la plus dure des initiations était sans doute l’initiation à la Hésus.
Après avoir élagué lui-même à coups de serpe ou de vouge, le chêne qu’il voulait, Notre Seigneur Hésus s’est en effet pendu par les pieds trois jours et trois nuits afin de devenir chaman.
Les effets de ces initiations se faisant sentir pendant plusieurs semaines, les nouveaux disciples, une fois rentrés chez eux, devaient raconter des choses bien singulières à propos de ces forêts ou de ces
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souterrains mystérieux. Voir à ce sujet encore une fois le Purgatoire de saint Patrice et la description qu’en a faite le chevalier irlandais appelé Owen.
Voici ce qu’a noté Giraud de Cambrie (Topographia Hibernica, Distinctio II, chapitre V) à propos de ce haut lieu dont une partie est fréquentée par des esprits du bien l’autre par des esprits du mal. Enfin si nous avons bien compris son texte (nos sept ans de latin sont loin !)
Il existe un lac en Ulster abritant une île divisée en deux parties 4). Sur l’une d’entre elles, il y a une église de la vraie religion, aussi belle et admirable à regarder que célèbre au-delà de toute mesure pour ses apparitions angéliques ou à cause de la multitude des saints qui l’ont apparemment fréquentée.
L’autre partie, qui n’est qu’une terre aride recouverte de pierres 5), passe pour faire partie des domaines exclusifs du Diable, et donc être le lieu où une foule de démons accomplit toujours visiblement ses rites sataniques habituels. Il y a neuf fosses de creusées sur cette partie de l’île et qui ose passer la nuit dans l’une d’entre elles (ce qui a été fait, nous le savons, par certains hommes assez téméraires pour s’y risquer) ; est immédiatement saisi par les esprits malins, qui le torturent toute la nuit, en lui infligeant des souffrances indicibles par le feu et par l’eau, ainsi que toutes sortes d’autres tourments, au point que c’est à peine s’il reste une étincelle de vie dans son pauvre corps quand vient le matin. On dit que qui a déjà subi au moins une fois de tels tourments afin d’expier ses fautes ne connaîtra jamais les tourments de l’enfer à moins de commettre un péché d’une exceptionnelle gravité.
Cet endroit est appelé Purgatoire de saint Patrice par les habitants du lieu, à cause d’un débat que le saint homme eut avec des incroyants. En ce qui concerne les tourments de l’enfer qui attendent ceux que Dieu réprouve et à propos de la nature réelle de la vie après la mort ou de l’éternité de la vie des élus, afin de convaincre les rudes et grossières âmes de ces mécréants de la véracité de cette nouveauté si inconcevable et si extraordinaire pour eux, car contraire à leurs préjugés, il obtint de Dieu grâce à ses prières un grand et admirable miracle, à savoir qu’un exemple de ces deux états opposés, le paradis et l’enfer, puisse être éprouvé dès ici-bas afin de servir de salutaire leçon à ces esprits bornés 6).
Dans les rituels de notre sodalité la plus grande latitude est laissée aux enquêteurs pour adapter ces ordalies et les personnaliser. La tendance était récemment à l’abandon ou à l’édulcoration des ordalies les plus difficiles, mais certains jeunes enthousiastes du druidisme y reviennent de nouveau de plus en plus.
En ce qui nous concerne, ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, notre communauté insiste plutôt sur la symbolique du tablut (du jeu d’échecs celte).
Il est fondé sur le mythe du royaume du Milieu, avec un roi occupant le centre (nabelcon) et le défendant contre des forces destructrices venues de l’extérieur.
Suivant que le candidat gagne ou perd, la suite des épreuves peut différer.
Après sa nuit passée dans l’abri ou dans la fosse initiatique, non pas auprès du corps d’un défunt comme chez les chrétiens irlandais mentionnés ci-dessus, mais auprès d’un simple crâne de squelette ; le candidat est libéré par le très-sachant de la druidiaction (druidecht).
L’initiateur procède ensuite au bain rituel ou à la lustration, c’est-à-dire à la purification corporelle et symbolique du candidat. Si possible en lui faisant prendre un bain complet. Ce qui implique donc que ce rituel se déroule non loin d’un point d’eau d’un lac ou d’une rivière, dans lesquels a trempé une branche de verveine.
Le druide enquêteur récite alors le lai suivant :
« Un homme (ou une femme) seul (e) sur le timon d’un char
Une épée de bronze blanc à la main droite ;
Les Celtes affrontent les eaux avec un glaive (un gladivo)
Ou avec une lance
Se jettent dans les flots et en reçoivent le choc.
Nert dee agus andee Que la force soit avec toi, Sunartiu ! »
Frère (ou sœur) N. (nom initiatique que s’est choisi le candidat) présente-toi ici avec tout ce qui t’appartient, face au soleil, dans l’œil de la lumière.
Le futur disciple s’étant levé à cette injonction (pour faire face au soleil) le druide enquêteur poursuit…
« As-tu seulement une chemise » ?
« Non ! Répond le postulant ».
Le druide enquêteur reprend…
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« Puisque tu es pauvre et nu comme Suibhne Myrddin Wylt ou Lailoken, je vais te donner au moins une chemise. La peau qui porte une chemise autour d’elle, aucune maladie ne peut l’atteindre ».
Puis il remet au disciple une chemise de bure (noire ou brune) en lui disant :
« Reçois aujourd’hui cette chemise, symbole de ton ignorance. Un jour peut-être, si tu sais t’en montrer digne, tu porteras, toi aussi, les habits de lumière ».
On fait alors en général boire au disciple de l’eau magnétisée (dans un crâne serti d’or, crâne plein d’eau ayant reposé tout le temps de l’initiation sur l’autel rustique dans la forêt) ; ou de l’eau dans laquelle a trempé une branche de verveine.
Le candidat doit ensuite entrer en méditation, assis en tailleur comme le grand Cornunnos.
Puis le druide enquêteur fait ensuite le tour du candidat dans le sens solaire (deiseil, deiseal) en pointant fermement sur lui les tampons du torque qu’il a retiré de son cou juste avant, et ajoute ce qui suit…
« Oian Oian petit marcassin ! Écoute, ô dalta, et comprends bien. La terre est sacrée depuis toujours, elle ne doit être ni bafouée ni polluée. Et cette terre est également sacrée parce qu’elle abrite les corps de nos ancêtres. À chaque pays ses dieux, à chaque dieu son pays. La terre appartient aux dieux, aux ancêtres et au clan.
Mais la Tradition est plus importante encore. La Tradition, c’est ce qui relie les hommes au Divin. Les seules races ayant quelque importance sont celles de l’esprit, car de même qu’il existe une race des grands capitaines, existe aussi la race des poètes, la race des sages ou celle des fous.
Un de concepts clés de notre spiritualité à nous est celui de la destinée de notre peuple, on nous l’a beaucoup reproché. Mais qu’est-ce donc qu’un peuple prédestiné ? Certes pas une race ayant le droit ou le devoir d’éliminer ou de dominer les autres, mais un devoir (noblesse oblige), celui d’être une lumière, une lumière dans la nuit, une lumière dans la nuit qui est descendue sur la clairière, un phare destiné à éclairer les autres nations.
La Tradition celtique est la seule tradition qui peut vraiment libérer l’Homme et le divin qui sommeille en lui, la seule tradition pouvant sauver notre Mère la Terre, la seule tradition pouvant faire des hommes… des dieux.
C’est en effet dans la tradition celte et en elle seule que se trouvent les clés pouvant rendre possible sur terre le règne de l’esprit ; le sens de l’honneur et du devoir, le sens du sacrifice et du sacré, la Foi et la Raison. Et de tout cela seuls les Celtes d’esprit en ont le sens inné, car ils sont admodum dediti religionibus.
Il est donc de notre devoir de défendre pied à pied la Tradition celtique. La terre est beaucoup, mais la Tradition est encore plus. Que les chevaliers s’occupent de la Terre, nous autres très-sachants de la druidiaction (druidecht) nous nous occuperons de la Tradition.
Quand il juge le moment arrivé, le grand inquisiteur défait ensuite le cercle en le parcourant donc en sens inverse puis explique…
« Depuis deux mille ans et même plus, notre mariage de la foi et de la raison, de la foi éclairée par la raison, est persécuté. Rappelez-vous que les vrais Celtes de cœur ou d’esprit ont toujours été obligés de se défendre. Le César Auguste a interdit la religion druidarum. Le César Tibère a promulgué un décret contre nos très-sachants « et toute cette engeance de vates et de guérisseurs » comme il disait. L’empereur Claude a interdit la pratique de notre religion.
Les gens d’un seul livre, les parabolans disciples du rabbi nazoréen Jésus, comme le soudard pannonien appelé Martin ou l’évêque de Braga, ont ensuite violenté voire martyrisé nos vieux druides, ou brûlé nos sœurs sous prétexte de sorcellerie. Ensuite ils ont usurpé nos antiques lieux de culte, nos pèlerinages, nos dieux et nos fêtes. Et les monolâtres ou les fous de Dieu d’aujourd’hui, ne rêvent que d’achever ce génocide civilisationnel. Pensons un peu à ce qu’ils font subir à l’autre bout du monde à nos frères parsis ou zoroastriens, ou yézidis, ainsi qu aux derniers païens du Pakistan : les Kafir Kalashs.
« Être un vrai Celte païen de cœur et d’esprit c’est appartenir à un peuple de prêtres (chaque païen est à lui-même son propre prêtre devant l’autel des dieux et des ancêtres dans l’intimité de son foyer) homophone des dieux, à une nation sacrée dont les enfants ont des obligations, des lois morales ou des gessa, extrêmement contraignantes.
Alors finalement Dieu et les dieux, qu’est-ce que c’est maintenant pour toi ? Pourquoi veux-tu donc nous rejoindre ? »
Et là le postulant explique à l’enquêteur pourquoi il se sent spirituellement celte, comment il conçoit la sainte poly-unité, pourquoi il veut être comrunos ou comruna (initié)…
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Le nouveau disciple doit ensuite aménager quelque part dans la nature un petit autel, si ce n’est déjà fait, puis procéder à un sacrifice aux dieux de la forêt, avec les atioberta (offrandes) de son choix. Sa propre chevelure par exemple, pour la brûler.
Il doit se charger de tout et notamment du texte de la lorica ou prière destinée à invoquer Dieu et ses dieux (il doit l’avoir composée lui-même auparavant). Le feu de ce brasero doit être issu de bois ou de charbons appartenant aux sept essences d’arbre traditionnelles : sapin, bouleau, hêtre, orme, pommier, châtaignier, chêne. En cas d’absence d’une ou plusieurs de ces essences d’arbre, une églantine ou une libation d’hydromel dans le brasero peut les remplacer.
Le druide officiant ne fait que le conseiller ou lui donner un coup de main si nécessaire. Par exemple en disposant dessus la coupe crâne remplie d’eau.
L’attente à l’autel s’étant terminée avec l’absorption par le nouveau comrunos de l’eau magnétisée ou traitée à la verveine dans la coupe crâne, l’initié pourra rompre son jeûne en partageant une collation avec le druide ayant officié.
Une fois l’initiation du nouveau comrunos notée dans le registre, le disciple devra alors le signer, en rouge.
1) Nos frères celtes de la République tchèque soutiennent eux que pour avoir une idée exacte de cette tonsure druidique il faut regarder du côté de la tête de druide en pierre découverte à Msecké Zehrovice près de Prague.
2) Il va de soi que le druidisme ne considère en aucune façon la nudité en soi comme un péché. Le mal ne vient jamais du fait qu’un homme ou une femme soit nu, mais du regard que l’on peut jeter à un homme ou à une femme nu (machisme, nymphomanie, et autre).
Ce que nous voulons dire par là, c’est que le temps n’est plus à une telle pratique du nudisme dans le rituel malgré la beauté du geste : « L’Homme à l’état de nature devant son créateur, sans faux-semblant ni artifice ». Et de toute façon, pour les vrais très-sachants de la druidiaction (druidecht) il n’y a pas une kaaba mais des milliers de kaaba, autant de kaaba que de lieux saints remarquables.
Disons simplement et pour conclure que cette religion veut des hommes ou des femmes éventuellement capables de se montrer en public comme au jour de leur naissance si nécessaire pour faire avancer la cause ; ou comme la belle Judith du livre des monolâtres, mais aussi à la façon de Camma ou de Khiomara, capables de se donner physiquement à un ennemi pour le neutraliser.
3) La renommée du souterrain (du Lough Derg) qui allait devenir le Purgatoire de saint Patrice avait déjà trouvé sa place dans les superstitions populaires, au moment où, vers le milieu du XIIe siècle, des chanoines réguliers de Saint-Augustin songèrent à l’exploiter à leur profit, et construisirent dans l’île le prieuré. On se borna en fait à donner des noms chrétiens aux régions de l’Autre Monde qui s’ouvraient dans le tumulus. Les esprits qui l’habitaient furent transformés en démons ou en anges. Une préparation savante, une mise en scène faite pour frapper les âmes/esprits naïves, l’obscurité de la chambre souterraine, le manque d’air, les émanations de quelque source sulfureuse, provoquaient chez les pèlerins un état de surexcitation intense ou d’insurmontable abattement, et les prédisposaient à toutes les hallucinations. S’il en est vraiment qui périrent dans leur audacieuse entreprise, c’est qu’ils durent glisser au fond d’oubliettes creusées en dessous du niveau du lac, à moins que le jeûne et la frayeur n’aient brisé leur force de résistance.
4) Il s’agit en fait de deux îles proches, dont la plus grande est appelée l’île des saints (Oilean na Naomh ou île de Mobeoc), plutôt que d’une seule coupée en deux.
5) Les ruines d’un monument mégalithique ?
6) La mythologie chrétienne veut en effet que saint Patrice ait prié un jour le Seigneur de montrer un signe qui portât les païens ou les pécheurs effrayés à faire pénitence. Sur son ordre, il traça donc quelque part un grand cercle avec son bâton ; la terre s’ouvrit alors à l’intérieur et il y apparut un puits très grand et très profond. Il fut révélé au bienheureux Patrice que c’était là le lieu du Purgatoire où quiconque voudrait descendre n’aurait plus d’autre pénitence à faire, que la plupart n’en sortiraient pas, mais que ceux qui en reviendraient, devraient y être restés un jour et une nuit. Et effectivement, beaucoup de ceux qui entraient n’en revenaient pas. Longtemps après la mort de saint Patrice, un noble chevalier irlandais appelé Owen, Owein, Oweins, Hoenus… tenta l’aventure.
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N.B. Colgan pense que son véritable nom devait être soit Eogan soit Oengus ou Aengussius. En Ulster Eogan est le nom de la dynastie qui, au Ve siècle, occupa dans le nord-ouest de l’Irlande la péninsule qui porte toujours son nom, Inis Eoghain (Inishowen) et la région adjacente, Tir Eoghain (Tyrone). Dans le Munster c’est aussi le nom de l’ancêtre de plusieurs dynasties, dont celle des Mac Carthaig, rois de Cashel et de Desmond (Nord-Est et Sud-Ouest du Munster), une famille rivale des Ua Briain, rois de Thomond (Nord-Ouest du Munster). Si Eogan est un Ua Briain (ce n’est pourtant pas un nom porté dans cette famille), son aventure au Purgatoire devient alors rivale de la vision de Tnugdal, un guerrier au service des Mac Carthaig.
Owein est la graphie galloise d’un nom similaire en irlandais transmis au moine de Saltrey par Gilbert de Louth Park, ancien abbé de Basingwerk, dans le nord du Pays de Galles. Rappelons que ce nom s’écrivait en vieux celtique Esugenos, autrement dit fils d’Ésus. Hasard ? ?
Bref, ce chevalier qui avait commis beaucoup de péchés voulut faire pénitence et endurer, lui aussi, le Purgatoire de saint Patrice. Après s’être mortifié, comme tous le faisaient, par quinze jours de jeûne, et avoir ouvert la porte avec une clé conservée dans une abbaye, cet homme descendit dans le puits en question et trouva une chapelle, où entrèrent des moines revêtus de coules, qui célébraient l’office. Ils recommandèrent à Owen d’avoir de la constance, parce que le diable le ferait passer par bien des épreuves et qu’il ne s’agirait pas des visions seulement mystiques, mais d’un voyage vraiment in corpore dans l’autre monde.
Il leur demanda quelle aide il pourrait avoir contre cela : les moines lui répondirent : « Quand vous vous sentirez atteint par ces peines, dites : Jésus-Christ, fils du Dieu vivant, ayez pitié de moi qui suis un pauvre pécheur ! » Les moines s’étant retirés, aussitôt apparurent des démons… Comme Owen ne voulait pas céder à leurs suggestions, il fut jeté dans le même feu pour endurer de semblables supplices et ressentit les mêmes tourments. Mais quand il se fut écrié : « Jésus-Christ., fils du Dieu vivant, etc. », il fut incontinent délivré de ces angoisses…
Il se retrouva ensuite dans une agréable prairie ; embaumée par l’odeur suave de différentes fleurs. Alors lui apparurent deux fort beaux jeunes gens, qui le conduisirent jusqu’à une ville de magnifique apparence et merveilleusement éclatante d’or ainsi que de pierres précieuses. La porte en laissait passer une odeur délicieuse, qui le délassa si bien qu’il ne paraissait avoir ressenti ni douleur ni puanteur d’aucune sorte ; et les jeunes gens lui dirent que cette ville, c’était le paradis… Owen remonta par là où il était descendu, se retrouva sur la terre et raconta tout ce qui lui était arrivé.
Le Tractatus de Purgatorio sancti Patricii d’Henri de Saltrey détaille le voyage que le chevalier Owen fit en ce lieu (en 1153). Ce traité en latin fut traduit en français par Marie de France. Son influence fut si considérable qu’il procura même à Dante en Italie le cadre de sa Divine Comédie, et à Calderon en Espagne le thème de son drame : le Puits de saint Patrice.
Mais il semble bien qu’avec la fermeture du souterrain en 1790, le « rite » spécifique se soit éteint en ne laissant place qu’à un simple pèlerinage n’ayant pas autant d’implications.
La légende du purgatoire de saint Patrice est donc maintenant tout ce qui reste de ce qui fut, dans le passé, une puissante expérience, fondée sur le même niveau spirituel que les oracles mortuaires de la Grèce antique. Elle permettait aux pèlerins de percer, en le franchissant, le voile de l’au-delà dissimulant l’âme/esprit des défunts au purgatoire.
POUR COMPARAISON VOICI COMMENT SE DÉROULAIENT LES INITIATIONS GRECQUES.
Les Grecs désignaient sous le nom de mystères, du mot muein ; fermer la bouche, rester muet ; certaines cérémonies religieuses qui s’accomplissaient dans la nuit, et en silence. Un mystère n’était pas, pour eux, un dogme incompréhensible pour la raison et imposé par l’autorité ou accepté par la foi ; cette idée grotesque est tout à fait étrangère au polythéisme ; c’était seulement un secret que l’on ne devait pas révéler, une chose ineffable.
Il existait deux célébrations des mystères d’Éleusis : les grands mystères et les petits mystères. Ces derniers avaient généralement lieu au printemps. C’était alors que les prêtres purifiaient les mystes et que l’on sacrifiait un porc à Déméter.
Les grands mystères duraient neuf jours, d’après la durée de l’errance de Déméter à la recherche de sa fille. En septembre, avant l’automne, on se préparait aux cérémonies préliminaires qui se déroulaient à l’extérieur et qui sont donc mieux documentées.
La première partie du rituel commençait par une procession durant laquelle on transportait des reliques sacrées (les hiéra) jusque dans la ville d’Athènes pour les placer dans l’Éleusinion, un
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sanctuaire construit au pied de l’Acropole. Les mystes (candidats dignes des mystères) se plongeaient ensuite dans la mer pour se purifier. Une période de jeûne s’écoulait avant que la procession des mystes suive la statue d’Iacchos, les hiéra et les prêtres, en direction d’Éleusis, le long de la route sacrée.
Dans le télestérion, après avoir rompu le jeûne en consommant le cycéon (boisson à base d’orge), le rite secret d’initiation avait alors lieu ; les mystes recevaient des révélations des initiés puis accédaient au salut et à la vie après la mort.
Quiconque parlait le grec et n’avait pas commis d’homicide, était admissible. Les participants se constituaient en cortège. Des mystes (nouveaux initiés) qui venaient pour la première fois sur place afin d’être initiés ; des mystes initiés y retournant une seconde fois pour passer à un niveau supérieur ; les époptes qui avaient atteint ce niveau ; et les prêtres, prêtresses et hiérophantes, qui présidaient aux rites.
Le sanctuaire cessa toute activité après sa mise à sac par les Wisigoths en 395. Cependant, d’après Carl Gustav Jung, les mystères d’Éleusis ne furent vraiment supprimés qu’au début du VIIe siècle de l’ère chrétienne.
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NOTES SUR LE JEU D’ÉCHECS CELTE.
(Fidchell. En irlandais moderne ficheall. Vidoceila en goïdélique. Vidupeila en brittonique).
Le nom dérive de fid (le « bois ») et ciall (la « sagesse », le « sens », la « logique »).
Les échecs et leur dérivé le jeu de dames, sont d’origine indienne. Ils ont longuement évolué en Iran et dans le sud de l’Europe avant d’aboutir aux jeux que l’on connaît aujourd’hui. Sous leur forme actuelle, ils ont à peine cinq cents ans.
Fidchell par contre, est le nom générique des diverses variantes d’un jeu à damier en usage en Europe du Nord sous le nom de tablut, joué sur des « échiquiers » de dimensions croissantes suivant le nombre de pièces en jeu.
La littérature d’Irlande et du Pays de Galles nous a conservé de précieuses informations sur ces jeux. Mais les fidchells y sont plus identifiés en fonction de la disposition de leurs pièces qu’en fonction de leur nombre ou de leur taille.
Le moyen le plus pratique de les classer néanmoins est de le faire en fonction du nombre de leurs cases ou du nombre de leurs pions.
Les jeux de cette famille ont des damiers au nombre de cases impair. Le plus petit de ces jeux a un damier de 49 cases (7 X 7) et le plus grand connu à ce jour 361 (19 X 19).
Entre ces deux extrêmes, il y avait des damiers à 81 cases (9 X 9) 121 (11 X 11) et 169 (13 X 13).
Le nombre impair des cases permet d’avoir une case centrale, le nombril ou nabelcon, trône sur lequel est placé le roi pour commencer la partie. Cette disposition est unique dans le monde Nord européen des jeux à damier.
À la marelle le centre ne fait pas partie du jeu, puisqu’il est le lieu où les pions capturés doivent être gardés. Aux échecs ou aux dames, le centre n’est qu’un point parmi d’autres sur le damier.
Au tablut ou fidchell par contre, les forces du roi défendent le centre, alors que les forces adverses, elles, essaient d’en prendre le contrôle en encerclant le roi. Mais pour cela il leur est interdit d’utiliser le nabelcon inviolable (le point central). Ces jeux sont donc très intéressants à étudier en raison de leur symbolisme et du message qu’ils contiennent.
La tradition irlandaise attribue l’invention du fidchell au dieu Lug.
Le glossaire de Cormac, écrit probablement autour de l’an 900, précise : « Le fidchell a quatre angles. Ses cases sont des carrés, il a des pions noirs ou blancs. C’est à chacun son tour de jouer avec le roi ».
Le Livre des Droits parle, lui aussi, de ce jeu : « C’était un échiquier d’argent et d’or purs, il y avait une pierre précieuse dans chaque angle et l’on rangeait les pions dans un sac en fils de cuivre ».
Une variante du fidchell britannique ou gallois est mentionnée dans le Livre rouge d’Hergeist sous le nom de gwyddbwll. Le gwyddbwll de Gwendolen était, lui aussi, richement travaillé. Le damier devait être en or et les pions en argent. Une fois disposées, ses pièces se mettaient à jouer toutes seules. Du moins si l’on en croit les légendes. En quelque sorte donc, une version celtique du jeu d’échecs électronique moderne.
Au tablut ou fidchell les pièces se déplacent seulement en lignes droites et orthogonales (pas en diagonale) de case libre en case libre. Les attaquants qui sont disposés sur le pourtour du damier commencent les premiers. Dans les variantes irlandaises anciennes du jeu, ces pièces sont appelées fénianes c’est-à-dire guerriers. Cette appellation semble avoir été la plus courante.
L’inégalité entre les deux forces existe en ce qui concerne le nombre de pièces, leurs propriétés, voire l’objectif que poursuit chacun des adversaires. La force la plus nombreuse essaie d’assiéger la force minoritaire. Aucun mouvement en diagonale n’est admis comme nous l’avons vu. Sauter par-dessus une autre pièce non plus. Une pièce est considérée comme prise si elle se retrouve neutralisée par deux pièces adverses formant avec elle une ligne droite dont elle occupe le centre.
Les pièces prises sont sorties du jeu.
Le roi ne peut être capturé que s’il est doublement neutralisé, par quatre pièces attaquantes formant non plus une, mais deux lignes droites se recoupant sur la case qu’il occupe.
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Un roi ne peut être pris s’il occupe une case attenante au nabelcon ou case centrale, car, comme le nabelcon est réservé au roi et à lui seul, aucune autre pièce ne peut l’occuper ou passer au-dessus ; ce qui fait donc que dans ce cas, il ne peut y avoir que trois pions au maximum pour encercler le roi, et non quatre comme requis.
Les pions défendant le roi ne se déplacent pas comme les cavaliers des jeux actuels. Ils ont néanmoins le droit de roquer.
Le plus simple est sans doute l’antique jeu irlandais connu sous le nom de Brannaib, Buanfach, Cennchain Conchobar (la tête blonde de Conchobar). Brandub, Brandubh (Corbeau noir). Le Brandub est un jeu qui fait évidemment partie de la famille des jeux à damier, mais on sait peu de choses sur lui. On connaît deux poèmes qui le disent joué par cinq hommes (ou pions ?) contre huit, l’un des cinq étant un « Brannán », ou chef. Le nom signifie « corbeau noir ». Il se joue sur un damier à 49 cases (7 X 7). L’Ard-Ri, d’origine écossaise, se jouait également sur un damier à 7x7 cases. Un échiquier faisant 62 cm2 du genre brandubh a été découvert lors de la fouille d’un crannog 1) en octobre 1932 dans un marais de Ballinderry, près de Moate (comté de Westmeath en Irlande).
L’échiquier en question était une pièce en bois d’if sculpté finement et avait un manche en forme de tête humaine. Le damier avait 49 trous pour y enfoncer les pions qui étaient donc des fichets, comme certains jeux de voyage actuels. Une rainure servait à placer les pions capturés, une encoche permettait d’y introduire le doigt pour les en retirer. Ils étaient en bois de cerf, ronds, avec une tête octogonale. Le point central où le roi doit être placé au début de la partie (le nabelcon royal donc) était signalé par un cercle symbolisant le nombril de la forme humaine dont le corps était le damier. Ce nombril central ou nabelcon, sur lequel se tient le roi, représentant le centre mystique du monde ; on retrouve donc dans ce jeu antique le symbolisme indo-européen du corps de l’ancêtre géant mort servant à bâtir le monde (Ymir chez les Germains, Mahapurusha en Inde).
Dans le cas du brandub, le roi était protégé par quatre pions seulement, appelés cavaliers, opposés, comme dans tous les fidchells, à deux fois plus d’adversaires.
La variante britannique du jeu à 81 cases était appelée dawlbwrd, tawlbort ou tawlbwrd. Ce jeu était donc un fidchell comptant 16 attaquants pour 1 roi et 8 défenseurs. Il est mentionné dans le Cycle du Saint-Graal et aussi dans les lois d’Howell Dda (914-943).
Un jeu de tawlbwrdd était donné aux juges prenant leurs fonctions. En tant que reflet humain et portatif d’une cour de justice, le damier symbolisait le droit et l’ordre.
Au Xe siècle au Pays de Galles, ces jeux étaient répandus dans toutes les classes sociales, et allaient des riches exemplaires de l’aristocratie aux simples planches en bois de la paysannerie. Les lois recueillies dans le code démétien 2) mentionnent, parmi les diverses catégories d’amendes prévues, celles qui concernaient les différentes variantes de fidchell.
« Le tawlbwrdd du roi vaut 120 centimes, le tawlbwrdd donné au chancelier au juge et au barde 60 centimes… »
La description d’une variante tardive de tawlbwrdd nous a été gardée par un des manuscrits de la collection Peniarth, conservé à la bibliothèque nationale galloise.
Écrit par Robert ap Ifan en août 1587, ce texte parle d’une variante du jeu pratiquée sur un damier à 121 cases (11 X 11).
Ce tawlbwrdd se jouait avec un roi au centre et 12 pièces autour de lui, plus 24 attaquants pour essayer de le prendre. Attaquants placés par groupes de six de chaque côté au milieu des bords du damier.
Si l’une des pièces appartenant au roi se retrouvait entre deux attaquants, elle était alors considérée comme morte et retirée du jeu. Idem si un des attaquants se retrouvait entre deux pièces du roi.
Si le roi lui-même vient à se retrouver entre deux soldats adverses sans pouvoir leur échapper, après qu’on lui a pourtant dit avant « échec » afin de le prévenir, il est pris. S’il répond « gwrrheill » et s’en va, il peut alors encore continuer à jouer. S’il arrive à toucher le bord du damier, il gagne la partie.
Atteindre le bord du damier donne en effet au roi le contrôle de l’échiquier. Il a tout traversé victorieusement, du nombril, au centre, jusqu’aux limites extérieures, prenant ainsi magiquement possession de son territoire, exactement comme le roi antique le faisait chaque année en installant sa cour dans les principaux centres du pays. Cette notion de pouvoir allant du centre pour atteindre jusqu’aux frontières, se retrouve d’ailleurs dans les écrits du barde gallois Taliesin puisqu’on y trouve la mention suivante dans son poème intitulé « les Dépouilles de l’Abîme » : « Je loue mon seigneur, prince de ce royaume, le roi. Sa souveraineté s’étend à travers le monde ».
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En ce qui concerne la variante du jeu à 81 cases, appelé dawlbwrd, tawlbort ou tawlbwrd, la règle la plus précise et la plus détaillée nous a été rapportée par le botaniste suédois Carl Linné au XVIIIe siècle 3).
Le jeu se déroule donc sur un plateau à damier de 9 cases sur 9. La case centrale est spéciale par rapport aux autres, c’est le Konakis ou trône du roi, et c’est pour cela que celui-ci commence la partie en étant situé sur cette case ; car seul le roi peut occuper le Konakis au cours de la partie.
Un joueur commence la partie avec neuf pièces claires appelées les Suédois, le roi, au centre du plateau, et huit soldats pour le protéger.
L’autre joueur commence la partie avec 16 pièces plus sombres, appelées les Moscovites, situées sur les cases extérieures du plateau.
But du jeu de type tablut.
Chaque adversaire poursuit des buts bien différents : les Moscovites cherchent à capturer le roi suédois, et en tout cas au cours de la partie devront éviter qu’il ne s’enfuie et puisse ainsi se sauver.
Les Suédois par contre doivent aider leur chef à se mettre en lieu sûr, et à fuir les assiégeants par exemple en abandonnant son trône pour une des cases des quatre coins du tableau.
La faction qui parvient la première à parvenir à son but gagne la partie.
Déroulement du jeu. Mouvements.
Les mouvements se succèdent à tour de rôle. On ne peut déplacer qu’une seule pièce à chaque tour. Ce sont les Suédois qui commencent les premiers.
Les déplacements sont les mêmes pour toutes les pièces (même pour le roi) : elles peuvent parcourir autant de cases vides que l’on veut, en sens horizontal, ou vertical (comme la tour au jeu d’échecs).
Les soldats peuvent passer par-dessus le trône du roi si celui-ci est libre, mais ils ne peuvent jamais l’occuper : seul le roi peut le faire.
Les prises : pour prendre et retirer du jeu un pion adverse, il suffit d’occuper deux cases qui lui sont adjacentes de part et d’autre, soit horizontalement, soit verticalement. Par contre, si un pion se déplace lui-même entre deux éléments adverses, il n’est pas pris. On peut prendre plusieurs pions ennemis d’un seul coup.
La capture du roi : pour capturer le roi, les Moscovites doivent occuper les quatre cases voisines de manière à l’encercler complètement. Une exception toutefois : quand une des cases voisines du roi est la case centrale, interdite aux autres pions, il suffit alors que les Moscovites occupent les trois cases voisines du roi. La capture du roi donne la victoire aux Moscovites.
Raichi, Tuichi :
Quand le roi menacé a une voie libre menant directement jusqu’à la périphérie, alors il doit prévenir son adversaire en disant « raichi » (échec) ! Quand il a deux voies libres, il annonce « raichi et tuichi » (échec et mat) ! Dans ce cas, il a gagné, parce qu’on ne peut pas bloquer simultanément deux voies libres.
1) Village fortifié construit sur une île artificielle au milieu des marais : palafitte.
2) Région du Pays de Galles peuplée autrefois par la tribu des Demetae appelée aujourd’hui Dyfed. Il s’agit en gros du sud-ouest du pays. Le code démétien est une variante de la Loi galloise médiévale appelée Blegywryd par son découvreur : Aneurin Owen.
3) Elle a été rattachée par les Suédois à un dramatique épisode des tumultueuses relations russo-suédoises (vues du côté suédois) ; où un glorieux roi de Suède ne dut apparemment son salut qu’à la fuite, et à l’abnégation de sa garde, encerclé qu’il était par les « hordes moscovites ». Mais il s’agit en réalité d’un jeu plus ancien et connu dans toute l’Europe du Nord ainsi que nous avons pu le voir.
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ORDINATION COMME VELLÉDE, VATE, OU GUTUATRE, MASCULIN OU FÉMININ.
(Entrée dans l’ordre mineur.)
Si la cérémonie doit se dérouler en plein air, le lieu où elle doit être célébrée ainsi est appelé « nemeton ». Si elle doit se dérouler à l’abri d’un bâtiment quelconque, temple ou loge, le lieu où elle doit être célébrée dans ce cas est appelé d’un nom dépendant de l’importance du bâtiment et doit être convenablement décoré ou agencé. Par exemple, une grande pièce ou salle rectangulaire, toute en longueur ; terminée au fond par une demi-cella (hémisphérique donc) jouant le rôle à la fois d’un déambulatoire ou d’un chœur avec maître-autel, au diamètre égal à la largeur de la salle, et séparée de celle-ci par un chancel. En bref un plan de type basilical. Autrement dit un lieu de réunion constitué d’une nef terminée par une abside en forme de demi-cercle, où siégeaient, certes, jadis les magistrats, mais permettant aujourd’hui la circumambulation rituelle (deiseil/ deiseal) des druides, vates, vellèdes et gutuatres/gutumatres (ou prêtresses bien entendu) ; et laissant passer la lumière au maximum (genre cathédrale donc, pas catacombes).
Le mot basilique vient d’un terme grec formé à partir de deux éléments : « basileus » qui signifie « roi » et le suffixe « -ikê », suffixe d’adjectif féminin.
Ou alors, il doit s’agir d’un plan de type Panthéon c’est-à-dire d’une grande rotonde séparée, pour ce qui est de l’intérieur, par une sorte de chancel ; précédée d’une grande pièce rectangulaire (pronaos) avec un bâtiment de transition correspondant au portique des anciens sanctuaires celtes à palissade ; ou à la porte triomphale marquant l’entrée du cimetière des enclos paroissiaux bretons ; voire au portail de certaines églises romanes.
Accessoires ou hiéra nécessaires.
Vouge. Marteau de Suqellos. Croix de Taran ou Labaron. Branche de verveine, ou de pommier. En tout cas une pomme. Un couteau pliant genre serpette de jardinier. Les tablettes (registre) de la Communauté. La ceangal filleadh. Un aide-mémoire. Enfin le futur vate vellède ou gutuatre doit être habillé de pied en cap, mais avec encore son béret ou capuchon de simple disciple.
Les membres de la sodalité, après avoir revêtu leurs habits de cérémonie en un lieu approprié, par exemple une sacristie de type sacrarium commencent par arriver en procession pour former le cercle sacré ; que ce soit à l’extérieur en pleine nature autour d’un simulacrum (un arbre, un totem ?) ou d’un point central soigneusement choisi à cet effet dans la campagne, ou à l’intérieur d’un sanctuaire autour de sa cella, ou à l’intérieur d’un temple dans sa cella, voire à l’intérieur d’une abside en forme d’hémicycle si le plan est de type basilical.
Avec par ordre d’ancienneté prêtresses et très-sachants de la druidiaction (druidecht) en tête, ensuite les gutuatres ou gutumatres, les vates avec en leur milieu l’huissier enquêteur et son vouge, enfin les vellèdes.
La procession arrive si possible par l’est à l’endroit choisi et marqué en son centre soit par un autel de pierre dominant un puits à sacrifice, si le rituel a lieu à l’intérieur d’un bâtiment, soit par un simulacrum ainsi que nous l’avons dit ; c’est-à-dire un arbre ou un totem, à l’ouest duquel a été aménagé le cas échéant un petit autel rustique genre tonneau destiné à porter le couteau ou la dague, ainsi que les clés ou l’écharpe verte qui vont être utilisées ; si l’on se trouve à l’extérieur. Le cortège effectue trois tours (trois grandes circumambulations) à bonne distance de l’autel ou du simulacrum (deisil, deiseil, deiseal en Irlande… pour comparaison, dans le taouaf effectué autour de la Kaaba de La Mecque, il y a sept tours autour du simulacrum).
Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) se placent à l’est faisant face à l’ouest, les gutuatres/gutumatres au nord faisant face au sud, les vates à l’ouest faisant face à l’est, les vellèdes au sud faisant face au nord.
Le druide officiant s’avance vers le centre du cercle sacré ; le vellède faisant office d’ambact le rejoint sur sa gauche, et dépose les objets rituels sur l’autel devant lui.
Le gutuatre faisant office de Juge de la Tradition le rejoint ensuite et se place à la droite du druide officiant. À sa place au milieu des siens, le vate qui fait office d’enquêteur, vouge au clair dans la main droite (le vouge, symbole traditionnel des prêtres de la forêt).
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Le disciple comrunos est à l’écart derrière les vates ou à l’extérieur, déjà habillé de la coule, mais encore avec son béret de simple disciple.
Il s’annonce en prononçant les paroles suivantes…
« Je suis le (ou la) Celte N. (nom initiatique du candidat) qui cherche la voie vers la lumière dans la forêt ! »
Et il s’avance vers le cercle de la sodalité, du côté des vates.
N.B. Le comrunos frappe neuf coups à la porte du chancel, ou agite neuf fois un grelot genre sonnaille, si la cérémonie a lieu dans un temple ou une loge.
Le dialogue suivant s’instaure alors entre le comrunos et le vate faisant office d’enquêteur, vouge au clair, qui s’est tourné vers lui en pivotant sur sa droite dans le sens solaire…
Le vate faisant office d’huissier inquisiteur.
Nul n’a le droit d’entrer ici sans être au moins maître en quelque chose.
Le comrunos : interroge-moi, je suis le roi des arbitres et le plus savant des juges.
Le vate faisant office d’huissier inquisiteur : tu ne nous manques pas, nous avons déjà un très bon juge.
Le comrunos : interroge-moi, je suis voyant et médium.
Le vate faisant office d’huissier inquisiteur : tu ne nous manques pas, nous avons déjà un grand mage.
Le comrunos : interroge-moi, je suis médecin.
Le vate faisant office d’huissier inquisiteur : tu ne nous manques pas, nous avons déjà un très grand médecin.
Le comrunos : interroge-moi, je suis historien et poète.
Le vate faisant office d’huissier inquisiteur : tu ne nous manques pas, nous avons déjà un poète et un historien.
Le comrunos : interroge-moi, je suis harpiste.
Le vate faisant office d’huissier inquisiteur : tu ne nous manques pas, nous avons déjà un excellent harpiste.
Le comrunos : interroge-moi, je suis échanson.
Le vate faisant office d’huissier inquisiteur : tu ne nous manques pas, nous avons déjà beaucoup d’échansons.
Le comrunos : interroge-moi, je suis un grand champion.
Le vate faisant office d’huissier inquisiteur : tu ne nous manques pas, nous avons déjà un champion.
Le comrunos : interroge-moi je suis un vrai héros.
Le vate faisant office d’huissier inquisiteur : tu ne nous manques pas, nous avons déjà un héros, un vrai.
Le comrunos : interroge-moi, je suis forgeron.
Le vate faisant office d’huissier inquisiteur : tu ne nous manques pas, nous avons déjà un forgeron.
Le comrunos : interroge-moi, je suis le roi des artisans.
Le vate faisant office d’huissier inquisiteur : tu ne nous manques pas, nous avons déjà un excellent artisan.
Le comrunos : interroge-moi, je suis charpentier.
Le vate faisant office d’huissier inquisiteur : tu ne nous manques pas, et nous n’avons pas besoin de toi, nous avons déjà un charpentier.
Le comrunos : va quand même annoncer au roi que quelqu’un vient de se présenter à la porte du château !
Le vate faisant office d’huissier inquisiteur couvre alors la tête et le visage du comrunos avec son capuchon ou son béret puis annonce…
« Voici l’andabata qui désire entrer dans notre sodalité ! »
Le gutuatre qui fait fonction de Juge de la Tradition : « Qu’il fasse un pas en avant ! »
Le vate faisant office d’huissier inquisiteur guide alors le candidat, de la main gauche, vers l’ombilic sacré situé au centre du cercle, ou vers l’autel surplombant le puits à sacrifice à l’intérieur de la cella du sanctuaire.
Le druide officiant récite ensuite le lai suivant…
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« Je vais te raconter une histoire. Il était une fois une jeune et jolie princesse appelée Celtine. Elle était très grande et dépassait en beauté toutes les autres filles du pays. Mais à cause de la vigueur de son corps et de son charme extraordinaire, elle était si difficile qu’elle avait jusque-là repoussé tout homme l’ayant courtisée : elle estimait en effet qu’aucun de ces soupirants n’était digne d’elle.
Or un jour elle aperçut un jeune et beau géant arpentant le pays. C’était Ogmios qui, après avoir ramené d’Erythée le bétail de Geryon et terrassé le cruel tyran Tauriscus, visitait le pays de Bretannos.
Celtine tomba immédiatement amoureuse d’Ogmios et cacha au loin son bétail, puis refusa de le lui rendre à moins qu’il ne la demande d’abord en mariage. Notre héros avait hâte de ramener les génisses saines et sauves chez lui, mais il fut encore plus sensible à l’extraordinaire beauté de la princesse, et consentit à ses souhaits. Il fonda donc en ce lieu la ville d’Alésia et, quand le moment fut venu, un fils appelé Keltos leur naquit, qui surpassa de loin tous les autres jeunes gens, pour ce qui est de la qualité de l’esprit et de la force physique.
Après avoir atteint l’âge adulte et avoir hérité du trône de ses pères, il accomplit de grands exploits guerriers puis soumit à sa loi une grande partie des territoires avoisinants. Devenu très célèbre à cause de son courage, il appela ses sujets Celtes d’après lui-même, et ceux-ci à leur tour donnèrent leur nom à la grande Celtie libre et indépendante.
Avant de partir, Ogmios lui prodigua les conseils qui suivent.
Je suis Trefuilngid Tre Eochair. Si je t’ai engendré, c’est parce que les dieux ont besoin des hommes. Telle est notre loi ! Et tu es notre seul espoir pour cela, car toutes les autres races de la Terre nous ont refusé, car toutes les autres nations de la Terre ont refusé de parler la même langue nous, car tous les autres peuples de la Terre ont refusé de nous honorer. Si tu acceptes cette quête du Graal, alors nous ferons alliance avec toi. Le chaudron que voici sera le signe et le gage de cette caratrade, mais notre contrat sera ton sang, sera ton âme.
Nous serons à jamais avec toi, et nous multiplierons ta postérité comme les grains de sable dans la mer, les étoiles dans le ciel, les gouttes de rosée en mai, les flocons de neige en hiver, les grêlons lors d’un orage ; plus nombreuse encore que les feuilles dans une forêt, les épis de blé jaunes dans la plaine, les brins d’herbe sous les pieds des chevaux un jour d’été dans la grande plaine ou que les vagues de la mer, quand il y a une tempête.
Commande à tes enfants, et à leur clan après eux de ne jamais perdre leur âme, car seule l’âme peut accomplir le destin de ce monde. Tel est mon enseignement, telle est notre loi. Et cette loi est dure, mais c’est la loi ! »
Keltos accepta ce pacte avec les dieux. Trefuilngid Tre Eochair lui mit dans la main cinq graines magiques à semer, des graines de l’arbre de vie, des graines de l’arbre du monde. Nos 5 totems. La bille de frêne à Dathi notre Yggdrasil à nous. La bille d’if à Mughna. La bille de chêne d’Uxonabelcon notre Irminsul à nous bien aimé de la dame du lac Nerthus. La bille de frêne à Tortu. La bille d’if à Ross.
Coic crand sin. Eo Rosa, ibar é. Sairtuath co Druim Bairr dorochair, ut Druim Suithe cecinit : Eo Rosa, roth ruirech recht flatha, fuaim tuinni, dech duilib, diriuch dronchrand, dia dronbalc.
[Note du traducteur hors récitation. Les légendes irlandaises actuelles font de l’arbre de Mughna un chêne, mais le terme figurant dans nos archives (eo) est formel, il signifie bien if. Il y a dû avoir des confusions dans la transmission orale].
Au cours des siècles suivants, quand leurs forces s’accrurent, les enfants de Keltos bâtirent des villes en grand nombre. Partout dans ces provinces les peuples se civilisant peu à peu, l’étude des sciences nobles put alors s’épanouir, d’abord avec les bardes, et les vates. Les bardes s’employaient habituellement à célébrer les exploits de leurs hommes illustres, en vers épiques, et en s’accompagnant des harmonies d’une lyre. Les vates étudiaient la nature et ses sublimes secrets, en essayant de les expliquer ensuite à leurs disciples. Leurs esprits cherchaient à pénétrer les secrets ou les plus sublimes domaines, et méprisant quelque peu les affaires humaines, ils proclamaient que les âmes sont immortelles… »
Encore des contes et légendes sur les origines semi-divines des Celtes ou sur le fait que les Celtes sont un peuple prédestiné à la spiritualité, diront certains. Mais le plus important n’est pas là. Le plus important est que les dieux nous ont donné trois choses.
— Notre glorieux passé de martyrs de la religion naturelle.
— Les quatre vérités hyperboréennes de Thulé Ogygie l’île verte Aballum et Gorre.
— Ainsi que le monde spirituel à venir.
Le druide officiant marque une pause puis reprend…
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« Pourquoi, Celte N. (nom initiatique du candidat) veux-tu devenir vellède (vate ou gutuatre/gutumatres suivant les cas) ? »
Le candidat doit répondre lui-même. Pour être admis dans la sodalité, il doit expliquer les raisons non pas culturelles, mais cultuelles, c’est-à-dire religieuses, philosophiques, et métaphysiques ; de son refus des religions modernes ; en bref les raisons pour lesquelles il préfère la religion, la mystique, la philosophie et la spiritualité ; de la nature.
Les membres présents de la communauté sont autorisés à lui poser des questions.
Une fois que le candidat debout devant eux a fini de répondre, le gutuatre Juge de la Tradition demande ce qui suit…
« Chers frères et sœurs, estimez-vous en votre âme et conscience le (ou la) Celte N. (nom initiatique du candidat) ; digne d’être admis comme vellède (vate ou gutuatre/gutumatre suivant les cas) ? »
Le vote se fait à main levée.
Si un membre n’approuve pas la candidature, il se contente de croiser les bras.
En cas d’opposition, le candidat, toujours andabata, c’est-à-dire aveuglé, sera reconduit à l’extérieur par le vate inquisiteur avec son vouge. Son admission est refusée.
En cas de vote favorable, le gutuatre Juge de la Tradition enlève la capuche ou le béret du candidat et le formulaire suivant est récité 1).
Le gutuatre. Scrutons la cause de toute chose, afin d’affronter gaiement la Vie et tranquillement la Mort.
Le candidat. Afin que, délivrés de toute crainte, sans exubérance dans la joie, sans abattement dans la douleur, nous nous libérions par la raison.
Le gutuatre. Ainsi donc, nourrissons fortement notre esprit et modérément notre corps.
Le candidat. Cela est juste et bon !
Le vate faisant office d’huissier inquisiteur. Offrons des libations aux dieux !
La prêtresse faisant office de conhospita se rend alors vers le maître-autel, prend à deux mains la coupe remplie d’hydromel sacré comportant l’inscription « nessamon delgu linda » ; se retourne et l’élève pour la présenter à l’assistance, qui s’incline respectueusement, puis en verse quelques gouttes dans le puits prévu à cet effet.
Le gutuatre.
« Celte N (nom initiatique de l’impétrant) acceptes-tu les conditions nécessaires pour porter le ceangal fileadh ? 2)
Le comrunos.
« Je les accepte ! »
Le gutuatre.
« Alors, prête serment sur une de nos enseignes sacrées ».
Le comrunos, en levant la main droite les trois doigts tendus comme dans une main de justice : pouce, index et majeur (repliés : annulaire et auriculaire) au-dessus du marteau de Suqellos ; ou de tout autre symbole religieux de ce type ; prononce alors l’oïto (serment) suivant.
Je jure de rechercher uniquement beauté, gloire, et celtisme
Je jure de rester fidèle au véritable esprit
De la vraie tradition celtique.
Je jure d’être le digne et authentique héritier
De la science et de la philosophie des îles d’Hyperborée
Ou situées au nord du Monde :
Thulé, Abalum, Gorre et Ogygie l’Île verte.
De nos anciens du temps de la Grande Celtie libre et indépendante.
Du dernier druide de la cour du grand Domnall mac Muirchertach Ua Néill
Selon Errard Mac Coisé
De la Réforme de Sean Eoghain Ui Thuathallain na Leabhar
De la Réforme d’Henri Lizeray
Ou de ses comarbae.
Je jure non seulement de soutenir et défendre la vraie Tradition celtique et l’esprit celte, mais aussi de les développer à nouveau et d’en répandre partout la lumière.
122
Je jure de contribuer de toutes mes forces au mouvement de reconquête qui nous rendra les biens spirituels dont nous avons été injustement privés ou spoliés (rites, symboles, pèlerinages, lieux de culte, de la Croagh Patrick en Irlande, au mont Beuvray en Bourgogne…)
Je jure de faire en sorte que la vraie spiritualité de nos ancêtres puisse de nouveau illuminer le monde comme un feu dans la nuit ; et puisse montrer à tous le sentier conduisant à l’œil de lumière sous le chêne, l’if et le bouleau.
Je jure enfin de respecter notre sodalité, son Primat inter pares, sa règle et ses coutumes.
Que les déités lumineuses et paisibles éloignent de moi la légion infernale des duses et des vouivres anguipèdes (ces géants que l’on appelle Andernas ou Fomore) ainsi que tous les autres sous-dieux des glaces du non-monde !
Tongu do dia toingeas mo tuath
Touongo adge deuu iom touongeti ma touta
Adge saveliu,
Luxnei, divu ac nuxtu
Etic ollebo cactiebo nemetos etic talamunos
Toaretudiet pennei mei nemes
Dlogieti talamu con maru critonu
Ringiet gala
Losciet mene aedis
Adtanet gormoceidt omori are talu dumni
Au mon oiton ponc delco
Ac in gascarian ate caedo.
Par les dieux qu’adore mon peuple,
Le ciel au-dessus de nos têtes
Le soleil et la lune
La terre sous nos pieds
La mer tout autour de nous
Je le jure.
Que le firmament et toutes ses étoiles me tombent sur la tête
Que la terre s’effondre sous mes pieds en un grand tremblement
Que la mer aux vagues bleues recouvre nos terres et nos forêts
Si je ne respecte pas ces gessa ou tabous que je me donne à moi-même !
Par les enseignes sacrées de nos bataillons
Que plus un toit ne me soit offert
Que mes parents me ferment leur porte devant moi
Que mes enfants me ferment leur porte devant moi
Si je ne respecte pas cette promesse.
Le druide officiant :
« Moi N. (prénom et nom civils, nom et titre initiatique ainsi que statut ou qualité du druide officiant) je déclare avoir l’intention par les rites qui vont suivre, d’ordonner vellède (vate ou gutuatre/gutumatre suivant les cas) le (ou la) Celte N… (nom initiatique du candidat).
Ce jour… (date en calendrier celtique de Coligny et/ou date en calendrier civil, suivi de la mention « de l’ère vulgaire »).
Le druide officiant demande… :
« Considères-tu bien que, par mon intermédiaire, tu recevras la plénitude de ce que tu recherches, ô dalta ? »
— « Oui ! » répond le comrunos, qui alors devant bat sa coulpe. C’est-à-dire que du poing droit solidement fermé, il se frappe plusieurs fois (3 fois 6 fois ou 9 fois) le cœur, comme si l’on heurtait d’une lance quelconque un bouclier invisible. Le druide officiant se concentre quelques instants, les paumes levées vers le ciel.
« En vertu des pouvoirs qui m’ont été conférés le… (date en calendrier celtique de Coligny et/ou date en calendrier civil, suivi de la mention « de l’ère vulgaire ») ».
Par Trefuilngid Tre Eochair
Par le triple seigneur aux trois clés
Dans la clairière sacrée
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À l’ombre tutélaire du chêne [de Mughna],
Qui peut abriter mille hommes
Qui donne trois récoltes par an : des pommes
Des glands et des noix rondes rouge sang.
Le plus noble des arbres notre totem…
Je te remets la ceangal fileadh, les insignes de ta fonction dans la sodalité ».
Le druide officiant remet alors au nouveau vellède, vate, ou gutuatre l’écharpe [ou la couronne dans certains pays] du ceangal fileadh, la croix de Suqellos ou la roue de Taran/Toran/Tuireann, dite aussi labaron, qu’il lui passe autour du cou ; il lui remet comme il faut sur la tête son béret de vate, vellède ou gutuatre/gutumatre, il lui remet enfin la slatta qui servira désormais de manche à son vouge, ou servira également à porter la ruche de Nantosuelta, en devenant ainsi le sceptre.
Le druide officiant confie ensuite au nouveau vate, vellède ou gutuatre/gutumatre, une branche de verveine, une branche de pommier, ou une simple pomme en Irlande, en récitant le lai suivant…
— Iaccitos te,
Salut à toi, bienheureuse île d’Avallon
Dont les fruits en hiver
Nous rappellent les joies de l’été
Salut à toi.
Iaccitos te arbre d’Abellio
Dont les fruits coupés en deux
Évoquent la fleur
Où nous avons tous été conçus.
Trois fontaines jailliront.
Celui qui boira de la première
Ne sera jamais malade
Et jouira d’une longue vie
Celui qui boira de la troisième
Mourra d’une mort subite.
La terre se changera en pierres,
Les pierres en bois,
Le bois en cendres,
Les cendres en eau.
D’une cité dans la forêt des Canutes 3),
Une pucelle sera envoyée pour guérir de son art thérapeutique tous nos maux.
Elle assèchera la source de nos maux
Rien qu’en soufflant sur elle.
La Vierge montera sur le dos du Sagittaire et flétrira ses fleurs virginales
Des larmes couleront de ses yeux.
Ensuite quand elle aura repris des forces en buvant de l’eau miraculeuse,
Elle portera la forêt de Calédonie dans sa main droite,
Et dans sa gauche les forts des murs de Londres.
Là où elle passera, elle laissera des empreintes de pas sulfureuses.
Leur fumée agitera les Rutènes
Et fournira de la nourriture pour les créatures qui vivent dans la mer 3).
Doux pommier, arbre aux teintes écarlates,
Qui pousse caché dans la forêt de Calédonie,
On aura beau chercher tes fruits, ce sera en vain
Jusqu’au jour où le Cadwalader sortira de la réunion des guerriers.
Les Kymrys seront vainqueurs, glorieux sera leur chef ;
Tous recouvrant leurs droits
Les braves alors se réjouiront ; et leurs cornes sonneront des airs de fête,
Ils entonneront des chants de paix ou de bonheur.
Devant l’enfant, hardi et rayonnant
Les Anglo-Saxons s’enfuiront, les bardes refleuriront.
L’ignorant achète des chaussures et de quoi les réparer
Mais Merlin s’en moque, car le pauvre homme ne pourra pas s’en servir
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Puisqu’il est déjà mort, noyé dans la rivière, et que son corps flotte le long des berges
Comprenne qui pourra.
Le druide officiant termine la cérémonie en se tournant vers l’est, par la droite…
Que les puissances invoquées ici retournent maintenant à leur place. La source ou l’arbre… (suit une brève description du lieu symbolique choisi pour de telles cérémonies ainsi que son nom, exemple source du Rhin du Danube ou du Rhône, temple de telle forêt, loge de telle rue…) est à proximité (si possible évidemment. La plupart du temps l’arbre sacré est un chêne, mais cela peut être aussi un if ou un frêne, voire encore une autre essence d’arbre).
Que tous nos frères et sœurs, O Ferchertne, reconnaissent que la coule et la chaire de…… vate vellède ou gutuatre/gutumatre suivant le cas… de…[nom de la paroisse]… ne sont pas usurpées. Que tous nos frères et sœurs te reconnaissent désormais comme vellède (vate ou gutuatre suivant les cas) sous le nom initiatique de N. (nom initiatique que s’est choisi le candidat).
Le druide officiant rejoint sa place initiale, défait le triple cercle en le parcourant trois fois en sens inverse, puis revient vers le nouveau vellède, vate ou gutuatre, afin de lui donner l’accolade. Tous viennent en faire autant pendant qu’il transcrit cela sur le registre.
NOTE : la pomme est alors coupée par le nouveau vate, vellède ou gutuatre, à l’aide de son couteau pliable en forme de serpette, puis est partagée entre les participants à la cérémonie, après l’accolade.
NOTE : Le candidat est donc déjà tout habillé quand il vient demander son admission, et il a déjà dans sa poche (dans sa manche) un couteau pliant par exemple de la marque Opinel, en forme de serpette (le modèle N° 10). À l’exception du ceangal fileadh, de la croix de Suqellos ou de la roue de Taran/Toran/Tuireann, dite aussi labaron, de la branche de verveine ou de pommier ainsi que de la slatta ; que le vellède faisant office d’ambact déposera sur l’autel surplombant le puits à offrandes au centre du cercle sacré.
NOTE : ordinations de grâce primatiale (on dit magistrale dans la franc-maçonnerie). En principe, pour devenir vate, vellède ou gutuatre, il faut être passé par toutes les étapes précédentes (cérémonie du nom, conversion, et ainsi de suite). Conformément au privilège de nécessité faisant loi évoqué par la tradition bardique du pays de Merlin (le sud de l’Écosse), ou du pays de Galles ; le Primat inter pares de la sodalité néanmoins peut en dispenser certaines personnes, si cela s’avère nécessaire, et peut autoriser qu’on les fasse d’emblée vates, vellèdes ou gutuatres. Même chose pour les très-sachants de la druidiaction (druidecht) d’ailleurs. Ces ordinations de grâce magistrale doivent toutefois rester vraiment exceptionnelles.
1) Du moins si l’on en croit les formulaires rapportés par John Toland dans son Panthéisticon.
2) Sorte de couronne en forme de simple bandeau autour de la tête (enfoncé sur le front). Autrefois en métal (bronze argent ou or), aujourd’hui en fil d’argent ou d’or, etc.
3) Contrairement à ce que pensent à ce sujet nos correspondants parisiens, cette prophétie de Merlin ne s’appliquait nullement à leur chère Jeanne d’Arc à l’origine. Le bois chenu (canutus) mentionné par cette prophétie n’est pas en effet le bois qui poussait autour du village natal de notre malheureuse Jeannette. Cela dit malgré toute l’admiration que l’on doit ou peut avoir pour cette intelligente et fine jeune fille, au courage indubitable, et qui sut se faire respecter, même des innombrables soudards que comptait l’armée française à cette époque (cf. Gilles de Rais). Car elle était aussi très intelligente ! Il suffit de lire les réponses qu’elle fit à ses juges anglais ou à l’évêque Cauchon. C’était une vraie fille du peuple, toute simple ; et c’est insulter les peuples que de vouloir à tout prix en faire une fille de roi, secrète ou bâtarde.
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REMISE DE PALME (CRAEB) DRUIDIQUE.
Il existe au sein de chacune des spécialités druidiques distinctes, mais complémentaires que constituent l’ordre des vates, l’ordre des vellèdes, l’ordre des gutumatres ou gutuatres, des échelons degrés ou grades différents. Il n’y en a pas 33 comme dans les rituels de la franc-maçonnerie écossaise, mais il y en a un certain nombre quand même.
À la différence des cultes à mystères introduits par Orphée en Grèce ; la progression des aspirants druides apprenant à chaque fois quelque chose de plus sur les secrets de la divinité, se fait de façon très rationnelle et sans complication inutile.
Le rituel qui suit est destiné à officialiser chacun de ces changements d’échelon.
Le rituel de remise des pommes ou des palmes druidiques (de bronze, d’argent ou d’or) est très simple.
C’est pourquoi il est parfois possible d’accéder à ces degrés par grâce primatiale (on dit magistrale dans la franc-maçonnerie) sans avoir à subir les différentes initiations requises, nécessité faisant loi.
La remise des palmes « de grâce primatiale » est une dérogation qui tend à se développer depuis quelques années.
Si la cérémonie doit se dérouler en plein air, le lieu où elle doit être célébrée ainsi est appelé « nemeton ». Si elle doit se dérouler à l’abri d’un bâtiment quelconque, temple ou loge, le lieu où elle doit être célébrée dans ce cas est appelé d’un nom dépendant de l’importance du bâtiment et doit être convenablement décoré ou agencé. Par exemple, une grande pièce ou salle rectangulaire, toute en longueur ; terminée au fond par une demi-cella (hémisphérique donc) jouant le rôle à la fois d’un déambulatoire ou d’un chœur avec maître-autel, au diamètre égal à la largeur de la salle, et séparée de celle-ci par un chancel. En bref un plan de type basilical. Autrement dit un lieu de réunion constitué d’une nef terminée par une abside en forme de demi-cercle, où siégeaient, certes, jadis les magistrats, mais permettant aujourd’hui la circumambulation rituelle (deiseil/ deiseal) des druides, vates, vellèdes et gutuatres/gutumatres (ou prêtresses bien entendu) ; et laissant passer la lumière au maximum (genre cathédrale donc, pas catacombes).
Le mot basilique vient d’un terme grec formé à partir de deux éléments : « basileus » qui signifie « roi » et le suffixe « -ikê », suffixe d’adjectif féminin.
Ou alors, il doit s’agir d’un plan de type Panthéon c’est-à-dire d’une grande rotonde séparée, pour ce qui est de l’intérieur, par une sorte de chancel ; précédée d’une grande pièce rectangulaire (pronaos) avec un bâtiment de transition correspondant au portique des anciens sanctuaires celtes à palissade ; ou à la porte triomphale marquant l’entrée du cimetière des enclos paroissiaux bretons ; voire au portail de certaines églises romanes.
Accessoires ou hiéra nécessaires.
Le petit bijou représentant symboliquement le nouveau grade obtenu. Coupe contenant de l’eau distillée (magnétisée) dans laquelle a trempé une branche de verveine. Registre. Vouge grandeur nature.
Rote ou harpe et quelqu’un sachant jouer de cet instrument.
Les membres de la sodalité, après avoir revêtu leurs habits de cérémonie en un lieu approprié, par exemple une sacristie de type sacrarium commencent par arriver en procession pour former le cercle sacré ; que ce soit à l’extérieur en pleine nature autour d’un simulacrum (un arbre, un totem ?) ou d’un point central soigneusement choisi à cet effet dans la campagne, ou à l’intérieur d’un sanctuaire autour de sa cella, ou à l’intérieur d’un temple dans sa cella, voire à l’intérieur d’une abside en forme d’hémicycle si le plan est de type basilical.
Avec par ordre d’ancienneté prêtresses et très-sachants de la druidiaction (druidecht) en tête, ensuite les gutuatres ou gutumatres, les vates avec en leur milieu l’huissier enquêteur et son vouge, enfin les vellèdes.
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La procession arrive si possible par l’est à l’endroit choisi et marqué en son centre soit par un autel de pierre dominant un puits à sacrifice, si le rituel a lieu à l’intérieur d’un bâtiment, soit par un simulacrum ainsi que nous l’avons dit ; c’est-à-dire un arbre ou un totem, à l’ouest duquel a été aménagé le cas échéant un petit autel rustique genre tonneau destiné à porter le couteau ou la dague, ainsi que les clés ou l’écharpe verte qui vont être utilisées ; si l’on se trouve à l’extérieur. Le cortège effectue trois tours (trois grandes circumambulations) à bonne distance de l’autel ou du simulacrum (deisil, deiseil, deiseal en Irlande… pour comparaison, dans le taouaf effectué autour de la Kaaba de La Mecque, il y a sept tours autour du simulacrum).
Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) se placent à l’est faisant face à l’ouest, les gutuatres/gutumatres au nord faisant face au sud, les vates à l’ouest faisant face à l’est, les vellèdes au sud faisant face au nord.
Le frère à décorer des pommes ou palmes en question pour récompenser son travail constitue évidemment lui aussi un maillon de cette chaîne humaine formant le cercle. Le petit bijou symbolique ou la petite médaille représentant ces pommes ou ces palmes, est posé sur un coussin porté par un ambact qui suit le druide officiant.
Le druide officiant et son ambact pénètrent dans le cercle par l’est ; en font de nouveau trois fois le tour, de l’intérieur, dans le sens solaire (trois petites circumambulations dans le sens des aiguilles d’une montre), puis s’arrêtent devant la personne à décorer.
C’est ici qu’intervient l’ordalie dite de Cain Cainbrethach ou de l’attente à l’autel en rite écossais ; une épreuve de vérité par laquelle le vate, vellède ou gutuatre aballarios, montre qu’il est digne de recevoir l’insigne de son nouveau grade (les craeb de pommier ou palmes) dans la sodalité.
L’ordalie choque les esprits modernes, car elle semble laisser au hasard le soin de décider si un vate, vellède ou gutuatre aballarios, mérite d’être admis dans tel ou tel grade. En réalité, cette ordalie dans sa conception antique était le contraire même du hasard. Le destin des druides concernant directement les dieux, toute erreur et donc tout hasard en étaient absolument exclus puisque c’étaient les dieux eux-mêmes qui, en dernier ressort, intervenaient (pour juger si un candidat était ou non méritant).
Mais revenons au druidisme de notre époque.
La prêtresse faisant office de conhospita se rend alors vers le maître-autel, effectue trois petites circumambulations autour, dans le sens des aiguilles d’une montre et prend à deux mains la coupe remplie d’eau pure dans laquelle a trempé une branche de verveine, qui se trouve dessus ; puis se retourne, et l’élève, afin de la présenter au frère ou à la sœur à décorer, qui s’incline respectueusement devant.
La grande prêtresse récite ensuite la prière suivante…
Ô dieux de Dana
Donnez-moi la sagesse
Avec la sagesse la compréhension
Avec la compréhension le bon sens
Avec le bon sens le Savoir
Avec le Savoir l’investigation
Avec l’investigation la recherche
Avec la recherche l’étude
Avec l’étude la méditation
Avec la méditation l’examen de toute chose
Avec l’examen de toute chose la poésie de la vie.
Awen !
La conhospita ou le druide officiant poursuit…
Frère (ou sœur) N. (nom initiatique du dignitaire devant recevoir la craeb ou palme en question) promets-tu d’être digne de cette distinction et de chercher à faire encore plus pour apporter beauté, gloire et celtisme à notre communauté ?
« Je le jure » répond le dignitaire qui doit recevoir la craeb ou palme en levant la main droite les trois doigts tendus comme dans une main de justice : pouce index et majeur (repliés : annulaire et auriculaire). Puis il prononce l’oïto (serment) qui suit.
Touongo adge deuu iom touongeti ma touta
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Tongu do dia toingeas mo tuath
Par les dieux qu’adore mon peuple,
Le ciel au-dessus de nos têtes
Le soleil et la lune
La terre sous nos pieds
La mer tout autour de nous
Que le ciel et toutes ses étoiles me tombent sur la tête
Que la terre s’effondre sous mes pieds en un grand tremblement
Que la mer aux vagues bleues recouvre nos terres et nos forêts
Oui, que tout ceci m’arrive si je romps ce serment.
Je jure de toujours dire la vérité à qui la mérite, de ne jamais accepter quoi que ce soit sans fournir en échange une réelle et sérieuse contrepartie.
La conhospita fait alors boire de l’eau magnétisée au dignitaire devant changer de grade et le druide officiant explique alors pourquoi il va remettre cette craeb ou cette palme…
Puis il ajoute…
Je te remets ici aujourd’hui solennellement devant tous les Celtes présents la craeb (ou la palme, d’or, d’argent, ou de bronze, suivant les cas).
Le futur taman, drisac, et ainsi de suite, bat sa coulpe devant tout le monde. C’est-à-dire que du poing droit solidement fermé, il se frappe plusieurs fois (3 fois 6 fois ou 9 fois) le cœur, comme si l’on heurtait d’une lance quelconque un bouclier invisible.
Ce signe de croix païen une fois effectué, le druide officiant ordonne : « Ouvrez le ban ! »
Un harpiste doit se mettre alors à jouer un air de son choix. Une fois qu’il a fini de pincer les cordes de sa rote, le druide officiant reprend…
Heureux ceux qui sont forts en histoire, car ils seront toujours égaux et libres et la servitude ne les atteindra pas : leur suite sera de deux ambacts.
Heureux ceux qui sont bons dans l’étude de la grandeur du monde et de la terre : leur suite sera de quatre ambacts.
Heureux les maîtres en poésie : leur suite sera de six ambacts.
Heureux ceux qui travaillent dans l’étude des astres et de leurs mouvements : leur suite sera de huit ambacts.
Heureux les champions et les piliers de science ou de médecine : leur suite sera de dix ambacts.
Heureux ceux qui excellent en droit : leur suite sera de douze ambacts.
Heureux les meilleurs en tout, leur honneur sera le septième du prix de leur mort. Leur suite sera de quatorze ambacts.
Que tous nos pays et payses, hommes et femmes de notre communauté, de notre village, te reconnaissent désormais en qualité de taman (ou de drisac, et ainsi de suite, suivant les cas).
Le druide officiant épingle le petit bijou représentant la craeb ou la palme, sur sa coule, à hauteur de son épaule gauche (celle du cœur), donne l’accolade au récipiendaire puis défait le cercle en le parcourant trois fois en sens inverse.
Tous peuvent alors à leur tour donner l’accolade au nouveau dignitaire pendant que le harpiste se met à jouer de nouveau de sa rote, librement.
Le druide officiant note tout cela sur ses tablettes (le registre) et le lendemain le nouveau taman, drisac, fochluc, ou autre, pourra faire coudre sur sa coule à hauteur de l’épaule une craeb ou palme de plus (en forme de pédauque c’est-à-dire de patte-d’oie).
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ORDINATION DE DRUIDE OU DE PRÊTRESSE.
(Entrée dans l’ordre majeur).
Si la cérémonie doit se dérouler en plein air, le lieu où elle doit être célébrée ainsi est appelé « nemeton ». Si elle doit se dérouler à l’abri d’un bâtiment quelconque, temple ou loge, le lieu où elle doit être célébrée dans ce cas est appelé d’un nom dépendant de l’importance du bâtiment et doit être convenablement décoré ou agencé. Par exemple, une grande pièce ou salle rectangulaire, toute en longueur ; terminée au fond par une demi-cella (hémisphérique donc) jouant le rôle à la fois d’un déambulatoire ou d’un chœur avec maître-autel, au diamètre égal à la largeur de la salle, et séparée de celle-ci par un chancel. En bref un plan de type basilical. Autrement dit un lieu de réunion constitué d’une nef terminée par une abside en forme de demi-cercle, où siégeaient, certes, jadis les magistrats, mais permettant aujourd’hui la circumambulation rituelle (deiseil/ deiseal) des druides, vates, vellèdes et gutuatres/gutumatres (ou prêtresses bien entendu) ; et laissant passer la lumière au maximum (genre cathédrale donc, pas catacombes).
Le mot basilique vient d’un terme grec formé à partir de deux éléments : « basileus » qui signifie « roi » et le suffixe « -ikê », suffixe d’adjectif féminin.
Ou alors, il doit s’agir d’un plan de type Panthéon c’est-à-dire d’une grande rotonde séparée, pour ce qui est de l’intérieur, par une sorte de chancel ; précédée d’une grande pièce rectangulaire (pronaos) avec un bâtiment de transition correspondant au portique des anciens sanctuaires celtes à palissade ; ou à la porte triomphale marquant l’entrée du cimetière des enclos paroissiaux bretons ; voire au portail de certaines églises romanes.
Accessoires ou hiéra nécessaires.
Lance de Lug, bouclier de Brennus, couronne de chêne, torque, béret blanc sur un coussin.
Les membres de la sodalité, après avoir revêtu leurs habits de cérémonie en un lieu approprié, par exemple une sacristie de type sacrarium commencent par arriver en procession pour former le cercle sacré ; que ce soit à l’extérieur en pleine nature autour d’un simulacrum (un arbre, un totem ?) ou d’un point central soigneusement choisi à cet effet dans la campagne, ou à l’intérieur d’un sanctuaire autour de sa cella, ou à l’intérieur d’un temple dans sa cella, voire à l’intérieur d’une abside en forme d’hémicycle si le plan est de type basilical.
Avec par ordre d’ancienneté prêtresses et très-sachants de la druidiaction (druidecht) en tête, le druide officiant au milieu. Ensuite les gutuatres avec l’ambact portant la lance de Lug et le bouclier de Brennus, les vates et enfin les vellèdes avec au milieu l’ambact portant la couronne de chêne, le torque 1) et le béret blanc, sur un coussin par exemple).
La procession arrive si possible par l’est à l’endroit choisi et marqué en son centre soit par un autel de pierre dominant un puits à sacrifice, si le rituel a lieu à l’intérieur d’un bâtiment, soit par un simulacrum ainsi que nous l’avons dit ; c’est-à-dire un arbre ou un totem, à l’ouest duquel a été aménagé le cas échéant un petit autel rustique genre tonneau destiné à porter le couteau ou la dague, ainsi que les clés ou l’écharpe verte qui vont être utilisées ; si l’on se trouve à l’extérieur. Le cortège effectue trois tours (trois grandes circumambulations) à bonne distance de l’autel ou du simulacrum (deisil, deiseil, deiseal en Irlande… pour comparaison, dans le taouaf effectué autour de la Kaaba de La Mecque, il y a sept tours autour du simulacrum).
Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) se placent à l’est faisant face à l’ouest, les gutuatres/gutumatres au nord faisant face au sud, les vates à l’ouest faisant face à l’est, les vellèdes au sud faisant face au nord.
Le druide officiant s’avance vers le centre du cercle sacré ; le vellède faisant office d’ambact le rejoint sur sa gauche, et dépose les objets rituels sur l’autel devant lui.
Le gutuatre faisant office de Juge de la Tradition le rejoint ensuite et se place à la droite du druide officiant. À sa place au milieu des siens, le vate qui fait office d’enquêteur, vouge au clair dans la main droite (le vouge, symbole traditionnel des prêtres de la forêt).
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Le gutuatre faisant office d’ambact les rejoint à son tour et se place à la droite du druide officiant, après avoir déposé la lance de Lug et le bouclier de Brennus, sur l’autel ou appuyés contre.
Le futur druide ou la future prêtresse attend à l’extérieur derrière les vates, tête nue, mais déjà revêtu de ses habits.
Sur un signe du druide officiant, il franchit le chancel et pénètre dans le cercle, hardiment, droit sur l’autel matérialisant l’ombilic sacré, et s’arrête à quelques pas de lui.
Le druide officiant lui demande…
« Celte N. (nom initiatique du candidat), pour porter la couronne de chêne et le torque, tu devras suivre l’exemple de notre ancêtre.
Je vais te le rappeler.
Il était une fois une jeune et jolie princesse appelée Celtine. Elle était très grande et dépassait en beauté toutes les autres filles du pays. Mais à cause de la vigueur de son corps et de son charme extraordinaire, elle était si difficile qu’elle avait jusque-là repoussé tout homme l’ayant courtisée : elle estimait en effet qu’aucun de ces soupirants n’était digne d’elle.
Or un jour elle aperçut un jeune et beau géant arpentant le pays. C’était Ogmios qui, après avoir ramené d’Erythée le bétail de Geryon et terrassé le cruel tyran Tauriscus, visitait le pays de Bretannos.
Celtine tomba immédiatement amoureuse d’Ogmios et cacha au loin son bétail, puis refusa de le lui rendre à moins qu’il ne la demande d’abord en mariage. Notre héros avait hâte de ramener les génisses saines et sauves chez lui, mais il fut encore plus sensible à l’extraordinaire beauté de la princesse, et consentit à ses souhaits. Il fonda donc en ce lieu la ville d’Alésia et, quand le moment fut venu, un fils appelé Keltos leur naquit, qui surpassa de loin tous les autres jeunes gens, pour ce qui est de la qualité de l’esprit et de la force physique.
Après avoir atteint l’âge adulte et avoir hérité du trône de ses pères, il accomplit de grands exploits guerriers puis soumit à sa loi une grande partie des territoires avoisinants. Devenu très célèbre à cause de son courage, il appela ses sujets Celtes d’après lui-même, et ceux-ci à leur tour donnèrent leur nom à la grande Celtie libre et indépendante.
Avant de partir, Ogmios lui prodigua les conseils qui suivent.
Je suis Trefuilngid Tre Eochair. Si je t’ai engendré, c’est parce que les dieux ont besoin des hommes. Telle est notre loi ! Et tu es notre seul espoir pour cela, car toutes les autres races de la Terre nous ont refusés, car toutes les autres nations de la Terre ont refusé de parler la même langue nous, car tous les autres peuples de la Terre ont refusé de nous honorer. Si tu acceptes cette quête du Graal, alors nous ferons alliance avec toi. Le chaudron que voici sera le signe et le gage de cette caratrade, mais notre contrat sera ton sang, sera ton âme.
Nous serons à jamais avec toi, et nous multiplierons ta postérité comme les grains de sable dans la mer, les étoiles dans le ciel, les gouttes de rosée en mai, les flocons de neige en hiver, les grêlons lors d’un orage ; plus nombreuse encore que les feuilles dans une forêt, les épis de blé jaunes dans la plaine, les brins d’herbe sous les pieds des chevaux un jour d’été dans la grande plaine ou que les vagues de la mer, quand il y a une tempête.
Commande à tes enfants, et à leur clan après eux de ne jamais perdre leur âme, car seule l’âme peut accomplir le destin de ce monde. Tel est mon enseignement, telle est notre loi. Et cette loi est dure, mais c’est la loi ! »
Keltos accepta ce pacte avec les dieux. Trefuilngid Tre Eochair lui mit dans la main cinq graines magiques à semer, des graines de l’arbre de vie, des graines de l’arbre du monde. Nos 5 totems. La bille de frêne à Dathi notre Yggdrasil à nous. La bille d’if à Mughna. La bille de chêne d’Uxonabelcon notre Irminsul à nous bien aimé de la dame du lac Nerthus. La bille de frêne à Tortu. La bille d’if à Ross.
Coic crand sin. Eo Rosa, ibar é. Sairtuath co Druim Bairr dorochair, ut Druim Suithe cecinit : Eo Rosa, roth ruirech recht flatha, fuaim tuinni, dech duilib, diriuch dronchrand, dia dronbalc.
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[Note du traducteur hors récitation. Les légendes irlandaises actuelles font de l’arbre de Mughna un chêne, mais le terme figurant dans nos archives (eo) est formel, il signifie bien if. Il y a dû avoir des confusions dans la transmission orale].
Au cours des siècles suivants, quand leurs forces s’accrurent, les enfants de Keltos bâtirent des villes en grand nombre. Partout dans ces provinces les peuples se civilisant peu à peu, l’étude des sciences nobles put alors s’épanouir, d’abord avec les bardes, et les vates. Les bardes s’employaient habituellement à célébrer les exploits de leurs hommes illustres, en vers épiques, et en s’accompagnant des harmonies d’une lyre. Les vates étudiaient la nature et ses sublimes secrets, en essayant de les expliquer ensuite à leurs disciples. Leurs esprits cherchaient à pénétrer les secrets ou les plus sublimes domaines, et méprisant quelque peu les affaires humaines, ils proclamaient que les âmes sont immortelles… Rentrez en vous-mêmes, soyez une nation à vous tous seuls (Sinn Fein). Sauvez votre âme et votre esprit, et les dieux perpétueront votre caratrade.
Le druide officiant demande alors au candidat : « Pourquoi cette couronne est-elle de chêne et non de bronze, d’argent ou d’or ? »
Le candidat…
« La moitié de la cité 2) partit avec Momoros et la bénédiction des dieux les accompagna, car des corbeaux arrivés d’on ne sait où se perchèrent alors dans les arbres environnant les fossés qu’il faisait creuser. Ces arbres étaient des chênes, car le chêne étant l’arbre sacré le plus noble de la terre, il doit s’établir entre lui et les forces vives de notre peuple la plus parfaite des communions. Porter une couronne de feuilles de chêne, c’est donc porter le symbole de cette illumination du verbe, de la parole du dieu, qui fut et qui sera toujours (labarum).
Ô roi de nos forêts,
Chêne demeure de Zeus
Donne-nous aujourd’hui
Un peu de ton âme, un peu de ta force
Afin de chasser cette lèpre qui envahit notre sol
Ton sol,
De cette terre d’où tu tires ta vigueur et ta majesté !
Nourris-nous de ton air
Pur et généreux
Et fais-nous rougeoyer de ta force.
Rends-nous ardents, comme le feu qui crépite
Dans la nuit,
Que la force de ton rameau d’or le gui
Soit avec nous !
Que nos boucliers soient indestructibles
Ison son bissiet !
Le druide officiant poursuit : « Pourquoi cette lance qui saigne ? »
Le candidat…
On reconnaît toujours un arbre à ses fruits, le mal passera par la crosse des évêques, esclavage, inégalités, obscurantisme, oppression des hommes aux pointes noires… Princes hérauts ou clercs qui ne savent pas voir ou qui mentent, car il y a toujours dans ce cas trahison des clercs, condamnent leurs peuples à revivre une mortelle servitude des corps des âmes et des esprits.
Cette lance symbolise l’illumination des consciences. Porter la lance de Lug ou gae bolga cela veut dire aussi accepter de prendre un jour les armes si nécessaire, afin de défendre nos libertés, notre dignité, nos droits d’homme, contre de nouveaux dieux.
N’oubliez pas que depuis deux mille ans et même plus, notre mariage de la foi et de la raison, de la foi éclairée par la raison, est persécuté. Rappelez-vous que les vrais Celtes de cœur ou d’esprit ont toujours été obligés de se défendre. Le César Auguste a interdit la religion druidarum. Le César Tibère a promulgué un décret contre nos très-sachants « et toute cette engeance de vates et de guérisseurs » comme il disait. L’empereur Claude a interdit la pratique de notre religion.
Les gens d’un seul livre, les parabolans disciples du rabbi nazoréen Jésus, comme le soudard pannonien appelé Martin ou l’évêque de Braga, ont ensuite violenté voire martyrisé nos vieux druides, ou brûlé nos sœurs sous prétexte de sorcellerie. Ensuite ils ont usurpé nos antiques lieux de culte, nos pèlerinages, nos dieux et nos fêtes. Et les monolâtres ou les fous de Dieu d’aujourd’hui, ne rêvent
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que d’achever ce génocide civilisationnel. Pensons un peu à ce qu’ils font subir à l’autre bout du monde à nos frères parsis ou zoroastriens, ou yézidis, ainsi qu’
aux derniers païens du Pakistan : les Kalashs.
Le druide officiant : « Pourquoi donc ce bouclier maintenant ? »
Le candidat…
« Parce que ce bouclier symbolise la lucidité. La lucidité a toujours été la plus solide des défenses, car malheur aux vaincus, VAE VICTEBO ! » C’est une loi de la nature qui s’applique aussi bien aux dieux qu’aux hommes.
« Comme les députés romains demandaient quel tort avaient bien pu leur faire les Clusains, pour qu’ils marchent ainsi contre leur ville, le roi Brennus leur a en effet répondu ceci.
Les Clusains nous ont fait tort en ce qu’ils trouvent juste d’avoir beaucoup de terre et de pays, alors qu’ils ne peuvent pas en exploiter beaucoup, mais ne veulent pas nous en donner un peu à nous qui sommes étrangers, nombreux et pauvres. C’est le même tort que vous faisaient jadis, à vous, Romains, les Albains ; c’est celui que vous font aujourd’hui les Volsques, contre qui d’ailleurs vous avez pris les armes. Cessez donc de prendre en pitié les Clusains assiégés, car les Celtes pourraient finir par se montrer bons et compatissants aussi envers ceux à qui les Romains font du tort ».
Le druide officiant…
« Celte N (nom initiatique de l’impétrant) acceptes-tu les conditions énoncées pour porter cette couronne de chêne, cette lance de Lug, ce bouclier de Brennus, et ce torque ? »
Le candidat : « Je les accepte ! »
Le druide officiant poursuit en disant…
Moi N. (prénom et nom civils, nom et titre initiatique ainsi que qualité du druide officiant), je déclare avoir l’intention par les rites qui vont suivre d’ordonner druide (ou prêtresse) le (ou la) Celte N. (nom initiatique du candidat) ; ce jour… (date en calendrier druidique de Coligny et/ou date en calendrier civil, suivie de la mention « de l’ère vulgaire »).
Il est… heures (indiquer l’heure).
Nous sommes en la chaire druidique (canecosedlon) de N.… (nom de la paroisse.)
La source ou l’arbre… (suit une brève description du lieu symbolique choisi pour l’ordination ainsi que son nom, exemple source du Rhin, du Danube, ou du Rhône, temple de telle forêt, loge de telle rue…) est à proximité (si possible évidemment. La plupart du temps l’arbre sacré est un chêne, mais cela peut être aussi un if ou un frêne, voire encore une autre essence d’arbre).
Le druide officiant demande ensuite au candidat…
« Promets-tu de te conformer à toutes les coutumes et traditions de notre communauté ? De toujours dire la vérité à qui la mérite, de ne jamais accepter quoi que ce soit sans fournir en échange une réelle et sérieuse contrepartie ? »
Le candidat…
« Je le jure ! »
Le druide officiant…
« Si un jour de nouveaux tyrans comme Seseroneos devaient nous chasser de chez nous ; promets-tu de ne jamais te soumettre à sa tyrannie et de préférer l’exil à la soumission ? Puisque tel est le seul véritable sens de l’aventure spirituelle de Momoros 3).
Le candidat…
« Je promets de toujours faire honneur à nos grands ancêtres, Calgacus en Écosse, et Boudicca en Grande-Bretagne, ou Momoros et Atepomaros pour les Français, de toujours combattre les usurpateurs, même s’il nous faut pour cela refonder une nouvelle cité ».
Le druide officiant insiste…
« Considères-tu bien que, par mon intermédiaire, tu recevras la plénitude de ce que tu recherches ? »
« Oui ! » répond le candidat, qui bat ensuite sa coulpe devant tout le monde. C’est-à-dire que du poing droit solidement fermé, il se frappe plusieurs fois (3 fois 6 fois ou 9 fois) le cœur, comme si l’on heurtait d’une lance quelconque un bouclier invisible.
Le druide officiant pivote alors sur sa droite pour se retrouver face à l’est. Il lève les bras, les paumes tournées vers le ciel, et se concentre un instant. Puis il revient toujours par la droite à sa position antérieure pour faire face au candidat et récite ceci.
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« En vertu des pouvoirs qui m’ont été conférés le… (date en calendrier druidique de Coligny et/ou date en calendrier civil, suivie de la mention « de l’ère vulgaire »).
Par Trefuilngid Tre Eochair
Par le triple seigneur aux trois clés
Dans la clairière sacrée
À l’ombre tutélaire du chêne [de Mughna],
Qui peut abriter mille hommes
Qui donne trois récoltes par an : des pommes
Des glands et des noix rondes rouge sang.
Le plus noble des arbres notre totem…
Je te remets les insignes de ta fonction dans la communauté ».
Les personnes faisant office d’ambact prennent alors la couronne et l’élèvent à bout de bras au-dessus de la tête du candidat ; le druide officiant trace le signe de la croix de Taran au-dessus, c’est-à-dire un X, tandis que, lentement, les deux ambacts la déposent sur la tête inclinée du nouveau druide, qui se redresse ensuite.
Le druide officiant reprend.
« N. (nom initiatique du nouveau druide), ordonné et consacré aujourd’hui par mon intermédiaire comme très-sachant de l’Ordre des trois clés, pourra maintenant commencer à enseigner à quiconque il jugera bon d’enseigner. Il aura tout pouvoir, y compris celui de transmettre dans les règles et suivant les règles cette filiation, aux hommes et aux femmes dignes d’être les derniers maillons de la chaîne d’ambre jaune succession druidique et celtique.
« Que toutes les puissances invoquées ici retournent maintenant à leur place,
Taran/Toran/Tuireann au feu céleste
La triple Brigindo en tout temps et en tous lieux
Cornunnos dans les bois de sa forêt
Notre grande reine Épona dans l’Autre Monde
Hesus à son arbre pendu
Le triple cercle en son centre.
Que toutes les puissances retournent à leur place !
Hommes et femmes de notre communauté,
Pays, payses, oyez, oyez, oyez 3),
Allez dans la paix des dieux !
La paix jusqu’au ciel
La paix de la terre au ciel
La paix sur la terre et sous les cieux
Force et prospérité à tous !
Que toutes les puissances retournent à leur place ! »
Le druide officiant procède ensuite à l’élévation rituelle du torque qu’il prend sur l’autel devant lui de la main droite. Il le présente bien à la vue de tous, les tampons tournés vers le haut, pour le passer ensuite lui-même autour du cou du nouveau druide en disant ceci : « Que ce collier de justice t’étouffe si tu mens ou si tu n’es pas sincère ! »
Le nouveau druide ou la nouvelle prêtresse se saisit alors de la lance de Lug et du bouclier de Brennus.
Le druide officiant…
« Que nos frères et sœurs te reconnaissent désormais comme très-sachant de l’Ordre des trois clés sous le nom de druide N… (indiquer le nom initiatique de l’impétrant), car la magnifique coule et la prestigieuse chaire du ferchertne…… (indiquer le nom initiatique de l’impétrant) ne sont pas usurpées.
Le druide officiant remet au nouveau druide la tablette d’écorce consignant tout cela, lui donne l’accolade, se retourne vers l’est dans le sens solaire, regagne sa place, et défait le cercle sacré de l’intérieur en sens inverse.
Tous viennent ensuite donner à leur tour l’accolade au nouveau prêtre celte, pendant que le druide officiant note ce qu’il faut dans ses tablettes (dans le registre).
1) Le torque est un collier qui symbolise l’union avec les dieux comme dans le cas du kara chez les sikhs.
2) Plus une voix = la majorité absolue dans les caricatures de démocratie. Voir récit de la fondation de Lugdunum.
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3) Vieux français « écoutez ! ». Archaïsme encore employé dans certaines cours de Justice.
INTRONISATION.
Les mystères de l’antiquité grecque étaient des cérémonies secrètes ayant parfois recours à des effets spéciaux pour impressionner le nouvel initié appelé myste.
En l’occurrence nous sommes plus près du théâtre politique traditionnel (un couronnement) que d’une franc-maçonnerie secrète puisque le public local pouvait et même devait, y assister, avec comme seul effet placebo la remise de regalia.
L’intronisation est la cérémonie rituelle par laquelle on reconnaît un druide ou une prêtresse responsable de telle ou telle région, de tel ou tel fief, de tel ou tel territoire.
C’est-à-dire, et dans l’ordre croissant…
— Druide ou prêtresse responsable de petit pays, terroir ou microrégion comme le val de Glamorgan cher à Iolo Morgannwg, l’île d’Anglesey, le comté de Mayo, les comtés d’Offaly, Bradford, Leeds, Calderdale, le Midlothian (Meadhan Lodainn en gaélique). En Suisse le canton de Vaud, le canton de Neuchâtel, l’Argovie (Aargau en allemand, le second terme, – gau, se retrouve aussi dans le nom de la microrégion du Sundgau, ou du Breisgau, en Allemagne). En France : la Bresse, les Corbières, le Charolais (il y en a en général plusieurs par département), voire le pays welche dans les Vosges.
Titre : druide d’Anglesey, druide du Val de Glamorgan, druide d’Offaly.
— Druide ou prêtresse responsable de bailliage ou petite région, voire comté, comme le Dumfries et le Galloway, la Cumbrie, les îles Orcades, le Northumberland, le Powys, le Leinster, le Connaught. En Espagne la Galice. En France la Normandie, la Provence, la Picardie, et ainsi de suite. Titre : grand druide. Grand druide du Leinster, grand druide des Highlands, grand druide des îles Orkney, etc.
— Druide ou prêtresse responsable de valland. Un valland est donc une circonscription correspondant à de grandes régions européennes comme le Pays de Galles, les Cornouailles, l’Écosse, l’Irlande. En France des territoires grands comme la Bretagne (Armorique), l’Occitanie (le sud de la France), l’Oillitanie (le nord de la France) ; et ainsi de suite jusqu’au valland franco-provençal (le Centre est de la France et grosso modo la Suisse romande). En Espagne et aussi partiellement en France d’ailleurs : la Catalogne. N.B. Un valland c’est un territoire où l’on parle à la fois une langue celtique ou une langue latine, comme la Narbonnaise ou la Cisalpine. Enfin du moins d’après nos amis anglais. En bref un territoire « welche » sur le Continent.
Titre : archidruide. Archidruide du pays de Galles, archidruide de Cornouailles, archidruide d’Écosse, archidruide d’Irlande, archidruide de Catalogne, archidruide de Bretagne ou d’Armorique, etc., etc.
Note : ce rituel est également celui qui est normalement suivi pour l’élection du Primat de l’ollotouta druidique. À cet effet, il faut choisir tout d’abord soigneusement un endroit privilégié pouvant être considéré comme le nombril ou l’ombilic (uxonabelcon) du territoire que l’on va doter d’un responsable.
Si la cérémonie doit se dérouler en plein air, le lieu où elle doit être célébrée ainsi est appelé « nemeton ». Si elle doit se dérouler à l’abri d’un bâtiment quelconque, temple ou loge, le lieu où elle doit être célébrée dans ce cas est appelé d’un nom dépendant de l’importance du bâtiment et doit être convenablement décoré ou agencé. Par exemple, une grande pièce ou salle rectangulaire, toute en longueur ; terminée au fond par une demi-cella (hémisphérique donc) jouant le rôle à la fois d’un déambulatoire ou d’un chœur avec maître-autel, au diamètre égal à la largeur de la salle, et séparée de celle-ci par un chancel. En bref un plan de type basilical. Autrement dit un lieu de réunion constitué d’une nef terminée par une abside en forme de demi-cercle, où siégeaient, certes, jadis les magistrats, mais permettant aujourd’hui la circumambulation rituelle (deiseil/ deiseal) des druides, vates, vellèdes et gutuatres/gutumatres (ou prêtresses bien entendu) ; et laissant passer la lumière au maximum (genre cathédrale donc, pas catacombes).
Le mot basilique vient d’un terme grec formé à partir de deux éléments : « basileus » qui signifie « roi » et le suffixe « -ikê », suffixe d’adjectif féminin.
Ou alors, il doit s’agir d’un plan de type Panthéon c’est-à-dire d’une grande rotonde séparée, pour ce qui est de l’intérieur, par une sorte de chancel ; précédée d’une grande pièce rectangulaire (pronaos) avec un bâtiment de transition correspondant au portique des anciens sanctuaires celtes à palissade ;
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ou à la porte triomphale marquant l’entrée du cimetière des enclos paroissiaux bretons ; voire au portail de certaines églises romanes.
Accessoires nécessaires ou hiéra.
Un siège avec baguettes de bronze d’argent et d’or. Une couronne de chêne. Une coupe contenant de l’eau distillée. Des tablettes d’écorce déjà prêtes. De bouleau. Comme celles découvertes près de Gilgit au Pakistan en 1931 ou à Novgorod en 1951 pour les plus récentes, voire chez les Indiens Ojibouais (mide-wiigwaas). Des pierres. Une dague. Un cor de chasse. Des aide-mémoire.
La personne qui va être intronisée doit venir avec si possible neuf autres druides : taman, drisac, fochluc, mac fuirmid, doss, canant, ekes, clitos, anderatacos. Cela ne posait aucun problème autrefois, cela est plus facile à dire qu’à faire aujourd’hui.
Les membres de la Sodalité ou Fraternité (locale) et le public druidisant prennent place dans l’abside ou dans la nef du bâtiment, si ce n’est autour du chêne au pied duquel trône le canecosedlon (siège en bois sculpté) qui symbolise la chaire druidique inoccupée (celle du val de Glamorgan par exemple) ; avec au-dessus et disposées en patte d’oie une branche de bronze, une branche d’argent et une branche d’or.
Accrochée au dossier de ce canecosedlon une couronne en feuilles de chêne. À côté sur l’autel de la cella surplombant le puits à sacrifice, ou si l’on est en extérieur sur une sorte d’autel rustique (un tonneau sur des landiers ou à même le sol un rocher, etc.) et à la droite du futur intronisé ; la coupe de vérité avec de l’eau fraîche dedans, dans laquelle a trempé préalablement une branche de verveine, deux tablettes d’écorce, un cladibo (une dague) pour y graver les runes lépontiques…
Les ambacts choisis pour intervenir dans la cérémonie se placent aux quatre points cardinaux signalés, de façon à former un X. Le très-sachant de la druidiaction (druidecht) qui doit être intronisé, avec à sa droite le druide huissier inquisiteur et à sa gauche le laïc qui va jouer le rôle du Roi du Pays ; se place juste en face du canecosedlon (en face de la chaire en bois peint ou doré).
À droite du grand inquisiteur le Maître du Feu qui l’assistera et l’aidera dans son office.
À gauche du Roi du Pays le Maître d’Armes qui l’assistera et lui prêtera main-forte.
Le silence s’étant établi, le Roi du Pays accompagné de son Maître d’Armes s’avance vers le canecosedlon ou chaire druidique à pourvoir. Ils se retournent (dans le sens des aiguilles d’une montre) et le roi sonne du cornyx, puis proclame le diaspat (diaspad egwan au Pays de Galles).
« J’ai en vérité de terribles nouvelles, les temps sont mauvais, les chefs sont nombreux, les honneurs peu nombreux : les hommes anéantissent les bons jugements. Le bétail du monde est stérile. Les hommes sont mauvais : les bons rois sont peu nombreux : les usurpateurs sont nombreux. Les disgrâces sont légion. La vérité ne garantit plus la célébrité. L’art est de la bouffonnerie. Le mensonge est préféré. Chacun s’élève au-dessus de sa condition par ses prétentions démesurées ou son arrogance, de sorte que ni rang, ni vieillesse, ni honneur, ni dignité, ni art, ni instruction, n’est respecté. Tout homme intelligent est cassé. Les rois sont pauvres. Ce qui est noble est méprisé : ce qui est vil est exalté, de sorte que des dieux ne sont plus adorés. La foi est détruite. Les offrandes sont dérangées. Le trône druidique est vide et la terre est désolée. Voici mes nouvelles ».
Le laïc jouant le rôle du Roi du Pays se tourne alors vers le nord, sonne du cornyx et demande à l’ambact représentant cette partie du fief…
— Au nord y a-t-il la science ?
— Non, au nord il n’y a plus la science ! répond l’ambact du nord.
Nouvelle sonnerie de cornyx du Roi du Pays qui poursuit en se tournant vers ce point cardinal…
— À l’est y a-t-il la richesse ?
— Non, à l’est il n’y a plus la richesse ! répond l’ambact représentant l’Est du fief.
Troisième sonnerie du Roi du Pays qui demande :
— Au sud y a-t-il l’art ?
— Non, au sud il n’y a plus l’art ! répond l’ambact concerné.
Dernière sonnerie enfin du Roi qui demande à l’ouest :
— À l’ouest y a-t-il la force ?
— Non, à l’ouest il n’y a plus la force ! répond l’ambact de l’ouest.
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Le druide jouant le rôle d’Huissier inquisiteur intervient à ce moment-là et, suivi par le Maître du Feu, s’avance à son tour, son grand vouge à la main, vers l’ombilic sacré situé au centre du cercle (uxonabelcon) ; afin de rejoindre le Roi qui vient réclamer justice et lui demander : « Quelle est la Loi de ce pays ? »
Le Roi : « Aucun texte écrit ne consigne la coutume druidique de ce pays, car la lettre tue et seul l’esprit vivifie.
Le très-sachant de la druidiaction (druidecht) qui va être intronisé responsable du territoire en question.
« Plutôt que de revendiquer de façon mensongère une hypothétique filiation de druide en druide depuis l’époque de la grande Celtie libre et indépendante jusqu’à aujourd’hui, ne pourrait-on pas plutôt simplement présumer une succession de disparitions/renaissances ? Disparition à chaque fois qu’un druide mourait ou qu’un groupe de druidisants était dénoncé aux chrétiens au pouvoir, comme dans le cas du soudard pannonien Martin de Tours, ou des parabolans de l’évêque de Braga au Portugal… Renaissance chaque fois qu’un dagolitos reprenait le flambeau et organisait de nouveau des « sabbazies » d’après ses souvenirs ou ceux de ses proches… À ceux qui opposeront l’absence de textes, je répondrai en invoquant le privilège de nécessité, de la tradition orale, car nécessité fait loi.
Ce pays a perdu son âme et son esprit. Donc, il a besoin d’un druide. Je serai celui-ci ».
La personne qui va être intronisée s’avance vers l’uxonabelcon ou centre de souveraineté du cercle et fait le signe de croix celtique du guerrier ; c’est-à-dire que du poing droit solidement fermé elle se frappe plusieurs fois (3 fois 6 fois ou 9 fois) le cœur ; comme si l’on heurtait d’une lance quelconque un bouclier invisible.
Le druide inquisiteur représentant la communauté demande alors au futur intronisé en désignant la couronne de feuilles posée sur le canecosedlon (la chaire druidique) ou à côté : « Pourquoi cette couronne est-elle de chêne et non de bronze, d’argent ou d’or ? »
L’impétrant…
« Le chêne étant l’arbre sacré le plus noble de la terre, il doit s’établir entre lui et les forces vives de notre peuple la plus parfaite des communions. Porter une couronne de feuilles de chêne, c’est donc porter le symbole de cette illumination du verbe, de la parole du dieu, qui fut et qui sera toujours (labarum).
Ô roi de nos forêts,
Chêne demeure de Zeus
Donne-nous aujourd’hui
Un peu de ton âme, un peu de ta force
Afin de chasser cette lèpre qui envahit notre sol
Ton sol,
De cette terre d’où tu tires ta vigueur et ta majesté !
Nourris-nous de ton air
Pur et généreux
Et fais-nous rougeoyer de ta force.
Rends-nous ardents, comme le feu qui crépite
Dans la nuit,
Que la force de ton rameau d’or le gui
Soit avec nous !
Que nos boucliers soient indestructibles
Ison son bissiet ! »
Le druide huissier inquisiteur poursuit à l’intention du candidat en lui montrant la coupe de vérité contenant l’eau magnétisée ou distillée dans laquelle a trempé préalablement une branche de verveine et en lui demandant ceci.
« Acceptes-tu de promettre de toujours dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, mais aussi de ne jamais accepter quoi que ce soit sans fournir en échange une réelle et sérieuse contrepartie ? »
Le très-sachant de la druidiaction (druidecht) qui va être intronisé lève la main droite sur la coupe, les trois doigts tendus comme dans une main de justice : pouce, index et majeurs (repliés : annulaire et auriculaire) et répond ce qui suit.
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« Je jure de toujours dire la vérité à qui la mérite, de ne jamais accepter quoi que ce soit sans fournir en échange une réelle contrepartie. Que cette coupe se brise en trois si je prononce sur elle une parole mensongère ».
La prêtresse faisant office de conhospita se rend alors vers le maître-autel, prend à deux mains la coupe remplie d’eau magnétisée, se retourne et l’élève pour la présenter à l’assistance, qui s’incline respectueusement ; puis en verse quelques gouttes sur le sol dans le trou ou le puits à sacrifice prévu à cet effet.
Le druide huissier inquisiteur remet alors au candidat postulant à la chaire de théologie une petite chaise d’argent qu’il extrait de sa bougette de cuir à la ceinture (sporan) ou qu’il prend des mains du Maître du feu.
Il pose la couronne en feuilles de chêne sur la tête du futur intronisé puis lui demande…
« Acceptes-tu de respecter toutes les coutumes et traditions de notre Communauté ? »
Le candidat…
— Je promets de respecter notre fraternité ainsi que notre sodalité sacrée, sa règle et ses coutumes, et la fonction de Primat inter pares !
L’inquisiteur lui remet ensuite la coupe de vérité : le candidat doit en boire puis verser le reste dans la fosse à sacrifice.
Revêtu de sa coule, le très-sachant de la druidiaction (druidecht) ainsi intronisé, va s’asseoir sur la chaire des docteurs, sous les branches de bronze d’argent et d’or.
Le laïc jouant le rôle de Roi du Pays lui donne la main de justice tenue par le Maître d’Armes.
C’est seulement à ce moment-là que l’on peut en venir à la partie du rituel appelée immacallam in da thuarad en Irlande : autrement dit le Dialogue des deux sages.
Le Maître du Feu prend le relais du druide huissier inquisiteur. Il s’avance à son tour vers le nouvel intronisé et récite le lai suivant…
« Je suis Mor Vessa le druide de Thulé. Je n’ai jamais entendu parler des connaissances de ce nouveau druide de… nom de la paroisse, par exemple le Val de Glamorgan. C’est une erreur par ma foi que cette magnifique coule de docteur (ou de primat en cas d’élection de Primat) ».
L’intronisé…
« Le sage est le vivant reproche de l’ignorant,
Mais le vrai sage est celui qui corrige,
Pas celui qui se contente de critiquer.
Avance donc et fais les choses suivant les règles.
Tu ne m’accordes que maigrement la pâture de ton instruction.
Tu as mal montré, tu montres mal.
Nul est le reproche encouru par un druide
Si on ne l’interroge pas au préalable pour vérifier ses connaissances ».
Le Maître du Feu…
« Je suis Semias le druide d’Ogygie 1) l’île verte.
Qui est le chantre des dieux portant la coule de splendeur aux trois couleurs, une averse de bronze blanc à la partie inférieure, de plumes d’oiseau brillantes au milieu, et de la couleur de l’or à la partie supérieure ?
Le druide que j’ai vu s’asseoir sur le canecosedlon des docteurs sous les branches de bronze, d’argent et d’or, d’où vient-il ? »
L’intronisé…
« Du voisinage d’un sage,
D’un confluent de sagesse,
Des perfections de la qualité,
De l’éclat du lever de soleil,
Des noisettes de l’art poétique,
Des circuits de splendeur,
Par lesquels on mesure la vérité à l’aune de l’excellence,
Dans lesquels on apprend le vrai,
Dans quelle sombre le mensonge ».
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Le Maître du Feu…
« Je suis Uiscias le druide d’Abalum.
Puis-je savoir qui va célébrer la gloire des dieux du haut de ce trône ? Quel est ton nom ? »
L’intronisé…
« Je ne connais ni père ni mère
Je parle avec ce qui est vivant et avec ce qui est mort ».
Le Maître du Feu…
« Je suis Esras le druide de l’île de Gorre. Quelle est ta religion ? »
L’intronisé…
« Mariage de la foi et de la raison
Diffusion de la connaissance
Abondance d’enseignement
Amour de la vérité
Sacre de la science ».
Le Maître du Feu allume alors avec une torche les foyers se trouvant de chaque côté du nouvel intronisé, à sa droite et à sa gauche (landiers brasero ou bougies).
Le nouvel intronisé grave sur un os ou une écorce, en runes lépontiques, le vœu de son choix 2). Il brise la tablette en deux et la jette ensuite dans le feu des braseros, une moitié à sa droite et une moitié à sa gauche.
En cas de cérémonie en extérieur ou en pleine campagne, les feux ainsi consacrés ou bénis émettent une fumée spécifique annonçant à tous les habitants de la paroisse concernée qu’ils ont un nouveau responsable de la druidiactio locale.
Le Roi du Pays se retourne alors vers le nord, sonne du cornyx et demande à l’ambact représentant cette partie du fief :
— Au nord y a-t-il la science maintenant ?
— Oui, au nord il y a la science et la paix maintenant ! répond l’ambact représentant le nord du territoire.
Nouvelle sonnerie de cornyx du Roi du Pays qui poursuit en se tournant vers l’autre point cardinal…
« À l’est y a-t-il la richesse maintenant ?
— Oui, à l’est il y a la richesse et la prospérité maintenant ! répond l’ambact représentant l’Est du territoire.
Troisième sonnerie du Roi du Pays qui demande au sud…
— Au sud y a-t-il l’art maintenant ?
— Oui, au sud il y a l’art et la musique maintenant ! répond l’ambact concerné.
Dernière sonnerie enfin du Roi du Pays qui demande à l’ouest…
— À l’ouest y a-t-il la force maintenant ?
— Oui, à l’ouest il y a la force maintenant ! répond l’ambact de l’ouest.
Les quatre ambacts tenant à la main une pierre de fronde et une branche de verveine (ou de chêne ou d’aubépine en Irlande) récitent ensuite ensemble, ou alternativement, pour le chef du pays (qu’il soit maire, président, roi ou empereur) le lai suivant prononcé au-dessus des deux hiéra (objets) ainsi brandis (N.B. En cas de défaillance des ambacts, le lai peut être repris par le druide représentant la communauté, le Grand Inquisiteur).
Que la légion infernale des duses, des vouivres anguipèdes gigantesques et des autres sous-dieux des glaces du non-monde nous engloutisse tous dans cette colline, si nous ne restons pas fidèles au véritable esprit de la tradition celtique authentique.
Que la malédiction des aballarios retombe sur nos têtes si nous renions l’héritage de la science et de la philosophie des Îles d’Hyperborée ou situées au nord du Monde : Thulé, Ogygie l’île verte, Abalum et Gorre.
La malédiction des tamans sur nos équipements si nous ne suivons plus l’exemple de nos anciens du temps de la grande Celtie libre et indépendante.
La malédiction des drisacs sur nos armes si nous n’appliquons pas les préceptes de celui qui combat sur les deux plans et de ses deux neveux Bellovèse et Segovèse.
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La malédiction des fochlucs sur nos filles si nous ne suivons pas la voie tracée par Momoros le glorieux fondateur de la cité céleste des corbeaux d’Odin.
L’imbas forosnai le teinm loida et le dichetal do chennaib sur nos fils si nous trahissons la mémoire des derniers grands druides de la Cour du roi suprême d’Irlande Domnall mac Muirchertach Ua Néill selon le grand poète du Xe siècle Urard Mac Coisé.
La malédiction des clis sur notre pays si nous trahissons l’esprit de la Réforme druidique de John Toland.
La malédiction des anderatacos sur nous-mêmes si nous ne respectons pas l’esprit de l’Église druidique d’Henri Lizeray.
Et enfin la malédiction des ollams sur le druide N (nom initiatique du nouvel intronisé) s’il ne respecte pas notre communauté sacrée, sa règle, ses coutumes, et la fonction de Primat inter pares ».
Chaque ambact dépose ensuite sa pierre et son rameau à côté de l’uxonabelcon choisi (au pied du maître-autel si la cérémonie a lieu dans un sanctuaire) ; puis, comme pour repartir vers la région du pays qu’il a représentée, tourne le dos au nouvel intronisé sur son trône (canecosedlon). Le très-sachant de la druidiaction (druidecht) symbolisant la communauté dans son ensemble (le druide huissier inquisiteur par exemple) remet la tablette ou l’écorce consignant tout cela au nouveau responsable de la paroisse, lui donne l’accolade ; et pendant que tous en font autant, il le note dans son registre en lettres grecques (ou en se servant de l’alphabet latin aujourd’hui).
NOTE : la plupart du temps l’arbre sacro-saint est un chêne, mais cela peut être aussi un if ou un frêne, voire encore une autre essence d’arbre comme le pommier, le hêtre, ou un autre.
1) Nom symbolique de l’Irlande dans l’œuvre de Rodrigue O Flaherty (1629-1718).
2) LE LARE : Ha ! Ha ! He ! Ce que tu demandes c’est le brigandage et non le pouvoir. Par Pollux je ne sais pas comment cela pourrait t’être accordé. Néanmoins je crois bien avoir trouvé, tu as ce que tu désires : va-t’en sur les bords de la Loire.
QUEROLUS : Pourquoi donc ?
LE LARE : Là des hommes vivent en suivant le droit naturel ; là il n’y a nulle imposture : les sentences capitales sont rendues au pied du chêne et sont écrites sur des os. Là les paysans plaident et des particuliers jugent. Tout est permis ! Si tu es riche, on t’appellera Patus : ainsi parle-t-on dans cette Grèce. O forêts, ô solitudes ! qui n’a point prétendu que vous étiez libres ? Et il y a bien d’autres choses plus importantes encore que nous ne te disons pas, mais cela doit te suffire.
QUEROLUS : je ne suis pas riche, et je n’ai que faire des chênes. Je ne veux pas de cette justice des bois ! (Plaute : Aulularia, la Marmite.)
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LES CÉRÉMONIES OLLOTOTALES (LES RITUELS COLLECTIFS).
Rituels privés ou familiaux (cérémonies véniales) et rituels plus collectifs engageant une communauté humaine plus importante en nombre, ont évidemment toujours coexisté. Les premiers d’entre les rituels collectifs sont les rituels trimestriels accompagnant les changements de saison. Ces cultes saisonniers sont des cultes liés à la nature et ont leur origine en définitive dans des rituels agraires ou de fertilité.
Voici ce que le célèbre celtisant français d’Arbois de Jubainville a écrit à propos des grandes fêtes trimestrielles celto-druidiques en Irlande.
Les grandes assemblées publiques, dont ce calendrier donne les dates, tiennent dans la vie de l’Irlande antique une place dont on ne saurait trop souligner l’importance. Tous les besoins et toutes les passions de l’homme y trouvaient leur satisfaction. Il y avait là, pour la piété, des cérémonies religieuses, païennes avant saint Patrice, chrétiennes après la conversion du pays ; il y avait, pour les plaideurs, des avocats et des juges ; pour ceux qui aimaient la musique, des chanteurs et des joueurs d’instruments ; à ceux auxquels plaisaient la littérature et l’histoire, des poètes débitaient des vers nouveaux, des savants récitaient les vieilles compositions épiques, les listes des rois, les généalogies des grandes familles. Les femmes volages recrutaient de nouveaux maris, les rois des soldats ; les commerçants gagnaient de l’argent ; les hommes politiques délibéraient gravement sur les plus hauts intérêts de la nation, et la gaieté de la jeunesse trouvait réunis les amusements de son âge : « oenach, foire de fils de roi », dit un vieux poète irlandais cité par le Glossaire de Cormac, « foire de fils de roi, cela veut dire repas et riches habits, lits somptueux, bière et bons plats de viande, jeux d’échecs, chevaux, chars, plaisirs de toute sorte ».
Telles étaient les grandes assemblées ou foires irlandaises dont la fête d’Auguste à Lyon, le 1er août, nous offre la forme romanisée et qui, dans l’île restée indépendante, constituaient le pouvoir judiciaire et législatif le plus élevé.
Le culte druidique antique reposait sur le sacrifice. Hommage solennel à la divinité, le sacrifice s’exécutait sous forme d’une cérémonie plus ou moins longue ; qui a pour point culminant les atiobertas (offrandes) faites au Ciel (par l’intermédiaire d’un foyer) ou à la Terre (par l’intermédiaire d’un puits à sacrifices). Le but est d’entrer en communication avec l’autre monde, de s’en assurer le concours pour obtenir certains avantages, généraux ou particuliers. Il est vrai qu’il existait des sacrifices « fixes », répondants à des dates du calendrier, ne comportant pas en principe de mentions votives ; mais ces sacrifices (ou telle partie d’entre eux) pouvaient très bien s’enrichir d’une fonction de ce type. La prière faisait partie de ces sacrifices, en ce sens qu’elle s’exprimait par les formules accompagnant les actions et les gestes ; mais elle n’avait pas d’expression indépendante. Les sacrifices sanglants (c’est-à-dire impliquant de manger un animal quelconque genre bœuf ou mouton, au cours d’un banquet de commensalité), comme lors de l’ Aid al-Adha de nos frères musulmans ; sont maintenant largement concurrencés par les sacrifices du type atiobertas (offrandes) de menue monnaie (par exemple dans les sources ou les fontaines, le plus connu de ces puits à sacrifice étant maintenant la fontaine de Trévise à Rome) des mini amphores de vin, perles d’ambre, lait, grains, gâteau genre galette et ainsi de suite.
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LE CALENDRIER DRUIDIQUE.
Le point de départ de l’ère celtique actuelle est la troisième bataille de la Plaine des menhirs ou des tumuli : celle qui vit la fin de l’ère hyperboréenne et le commencement de l’Humanité actuelle, il y a environ 3 000 ou 4 000 ans.
Annales des Quatre Maîtres : « L’an I du christ correspond à l’an 1871 de l’ère de Mag Tured ».
Cette bataille de la plaine des menhirs ou des tumuli est bien évidemment une bataille mythique, aussi « historique » que le solstice d’hiver de l’an 1 choisi pour célébrer la naissance du personnage désigné par le nom de Jésus dans le roman théologique ou le plaidoyer d’avocat retors, appelé « Les quatre évangiles » ; mais c’est le seul moyen de mettre tout le monde d’accord ; car jamais un événement historique, quel qu’il soit ne pourra faire l’unanimité sur son cas.
Le point de départ de l’Histoire ne peut être lui-même historique. Seul par définition le mythe peut remplir cette fonction de point de départ d’un calendrier sacré, car le mythe est intemporel et éternel et demeure, comme l’origine de l’univers, au-delà de l’Histoire, au-delà de ses contingences.
Certains spécialistes ont néanmoins cru détecter une coïncidence astronomique correspondant approximativement à – 1870 avant notre ère : l’entrée de Saturne dans le signe de Taurus (le Taureau en latin). « Quand l’étoile de Cronos [Saturne] que nous appelons Phénon et qui, dans cette île, porte le nom de Nycturus entre dans le signe du Taureau, ce qui arrive après une révolution de trente ans… » (Plutarque. De facie in orbe lunae, 26).
Le calendrier druidique était lunaire au départ. Comme le mois lunaire ne fait pas exactement trente jours, mais 29 et demi, donc il y eut décalage avec le calendrier vulgaire (actuel) qui est solaire.
Une année lunaire faisant 354 jours, une année solaire 365 jours un quart, il y avait presque deux mois de différence au bout de cinq ans (période appelée lustre).
Tous les cinq ans par conséquent, nos ancêtres rajoutaient deux mois (ou plus exactement deux fois un mois) pendant lesquels ils procédaient à des sacrifices exceptionnels.
« Les Celtes gardent les malfaiteurs en vie pour ensuite tous les cinq ans les empaler en l’honneur des dieux, en les sacrifiant avec beaucoup d’autres prémices sur de grands bûchers » (Diodore de Sicile. Livre V, 32).
Les mois et les quinzaines du calendrier druidique.
JANVIER. I divertomu Riuri. I atenoux Riuri.
FÉVRIER. I divertomu Anaganti. I atenoux Anaganti.
MARS. I divertomu Ogroni. I atenoux Ogroni.
AVRIL. I divertomu Cuti. I atenoux Cuti.
MAI. I divertomu Giamoni. I atenoux Giamoni.
JUIN. I divertomu Simivisoni. I atenoux Simivisoni.
JUILLET. I divertomu Ecui. I atenoux Ecui.
AOÛT. I divertomu Elembivi. I atenoux Elembivi.
SEPTEMBRE. I divertomu Edrini. I atenoux Edrini.
OCTOBRE. I divertomu Cantli. I atenoux Cantli.
NOVEMBRE. I divertomu Samoni. I atenoux Samoni.
DÉCEMBRE. I divertomu Dumanni. I atenoux Dumanni.
Le calendrier de noïba Brigitte, appelé na raithi firinneacha ou « les saisons vraies », place équinoxes et solstices en milieu de saison, et compte en nuits.
Printemps : 1er février, Oiche Bride (Nuit de Brigitte).
Été : 1er mai, Oiche Bealtaine (Nuit de Beltène).
Automne : 1er août, Oiche Lunasa (Nuit de Lugnasade).
Hiver : 1er novembre, Oiche Samhna (Nuit de Samon).
Ce calendrier est en phase avec le cycle agropastoral, contrairement au calendrier de saint Patrice, dit na raithi cama, « les saisons tordues » ou « fausses », qui aligne les débuts de saisons sur les solstices et les équinoxes.
Hiver : 24 décembre, la Nollaig (Noël).
Printemps : 17 mars, la Padraig (la fête de Patrice).
Été : 24 juin, la Seain (fête de saint Jean).
Automne : 29 septembre, la Michil (fête de saint Michel).
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LE GRIMOIRE DES SORCIÈRES CELTES.
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TRINOUXTION SAMONI (os) OU FÊTE DES MORTS.
(Fête d’oenach ou obligatoire.)
Samon et Beltène sont les deux pôles de l’année druidique, partagée entre la lumière et la nuit, comme il convient à une conception du temps d’origine nordique. Si forte a été cette conception, si générale et si contraignante, qu’elle subsiste encore dans le texte célèbre et étrange dit In Teanga bithnua ou « la langue toujours renouvelée », traité purement chrétien énumérant les merveilles du monde, du paradis et de l’enfer…
Recension 2, Manuscrit de Rennes.
Ata innsi for an-muir sin 7-is-or a-gainem 7-ata muir ele ann 7-dociter I ac-linad o-Beltaine co-Samhain 7 ac-traghadh o-Samhain co-Belltaini aris.i-lethbliadain ac-tuile 7 leth-bliadain ac-traghadh 7-eighit piasta in-mara sin 7-a-bladbmhila angein bis ac-tuile 7-bit a-ceas 7-a-suan angein bis ac-traghadh.
Traduction John Carey.
34. « Il y a une autre mer là-bas… on y voit la mer monter de Beltaine à Samhain, et refluer de Samhain à Beltaine. La moitié de l’année, la marée est montante et l’autre moitié de l’année elle est descendante. Ses monstres et ses baleines crient, etc. »
Autre traduction (Whitley Stokes 1905).
34.« Il y a là une mer située dans l’océan au sud de l’île d’Ebian. Le premier mai son flux commence et il se poursuit jusqu’à ce qu’en hiver débute le reflux. La moitié de l’année, elle est donc à marée montante l’autre moitié toujours en marée descendante. Ses reptiles et ses monstres crient quand vient le temps du reflux ; ils sombrent alors dans la tristesse et le sommeil ».
La principale fête druidique est celle du 1er Samoni (Cintusamoni). Raccrochée plus tard au 1er novembre, ce qui correspond au Samonios du calendrier de Coligny. Samon est une oenach, une fête d’obligation où l’on doit manger, tradition oblige, du sanglier ou du porc, et c’est donc une des rares fêtes du calendrier druidique en principe obligatoire pour tout le monde, sauf cas de force majeure.
Samon est le premier jour ou plutôt la première nuit de l’année nouvelle selon les druides. Vegilia Samoni, d’où Feil Samhain en gaélique. N’oublions pas la vieille idée druidique attestée par César et qui fait d’une divinité souterraine des morts, assimilée par lui à Dis Pater, l’origine des humains.
La fête consistait en une assemblée générale de tous les hommes et de toutes les femmes composant la communauté. On y discutait aussi des affaires politiques, économiques et religieuses.
On comprend donc aisément que le premier hagiographe officiel de saint Patrice, Muirchu, ce soit déchaîné contre en parodiant sans le vouloir le très péjoratif « genus vatum medicorumque » de Pline, « cette engeance de vates et de médecins ».
«… Il se produisit cette année-là une cérémonie d’idolâtrie que les païens avaient coutume de célébrer avec de nombreuses incantations, des invocations magiques et plusieurs autres superstitions idolâtres ; les rois, les princes, les chefs, les seigneurs, les nobles de la nation et un plus grand nombre encore d’incantateurs, de devins et de toutes sortes de magiciens ou de docteurs ayant été appelés chez Loegaire, comme jadis le roi Nabuchodonosor ; à Tara, leur Babylone, la même nuit que… » [suit ce qui doit être une erreur de Muirchu quant au calendrier.]
Rectifions donc pour nos lecteurs la haineuse propagande de ce taliban (parabolan) du christianisme.
« Ce jour-là, la communauté des vivants et la communauté des morts se rencontraient. Les deux mondes s’interpénétraient. C’était à l’époque de la grande fête à la veille de la pleine lune de Samon (vers le 1er novembre) début de l’hiver et de l’année celtique. Depuis des jours, sur les routes venant des quatre provinces, des cohortes de voyageurs et d’attelages de bœufs convergeaient vers l’enceinte sacrée fortifiée ; qui déployait sa triple enceinte sur la colline, au milieu d’immenses pâturages.
Il y avait les historiens, les généalogistes, les juges, les philosophes, les devins, les conteurs et les harpistes ; en un mot les très-sachants de la druidiaction (druidecht) qui confiaient à la mémoire de leurs disciples l’ensemble du savoir de la communauté. Il y avait les nobles guerriers avec les plus valeureux d’entre eux, les héros ainsi que leur suite.
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Il y avait des charpentiers, des forgerons, des orfèvres, des émailleurs, des armuriers, ou d’autres artisans, et des paysans venus des différents petits royaumes.
Bref, il y avait tous ceux qui, par leur profession, appartenaient à l’une des trois grandes fonctions sur lesquelles reposait la société : fonction sacerdotale dans ses deux aspects, religieux et juridique, fonction guerrière et fonction de production. Du crépuscule à la veille de la journée de Samon – car c’est au crépuscule en effet que commencent les festivités – le roi des rois en personne a veillé à ce que tout soit prêt pour le célèbre festin où l’on décidera des lois et des coutumes, où l’on approuvera les annales, où l’ordre social sera réaffirmé ».
Ces festins étaient d’abord réservés à la classe dirigeante. Le roi et les guerriers y constituaient l’essentiel des participants. Mais il est difficile d’imaginer que les très-sachants de la druidiaction aient pu en être totalement exclus.
Les juristes y venaient notamment pour mettre au point tout ce qui concernait les rapports entre les individus et la collectivité. Ils constituaient une sorte de parlement où étaient débattues les affaires de droit et de politique (voir le célèbre drunemeton galate d’Asie Mineure et ses 300 députés). Le commun du peuple lui se contentait de la foire, avec tout ce que cela comportait de transactions diverses et d’amusements.
Les réjouissances plus ou moins païennes d’Halloween sont l’ultime avatar des mascarades qui suivaient la fin de cette fête et le début de l’an nouveau.
Le rituel est mal connu. Cependant, on sait que, la veille, tous les feux devaient être éteints. Évidemment pour symboliser la fin de l’année qui ne renaîtra symboliquement de ses cendres comme le Phénix que quand les très-sachants de la druidiaction (druidecht) auront allumé un nouveau feu.
Dans les légendes irlandaises, c’est toujours à Samon que sont censés se dérouler les grands événements mythiques, batailles ou expéditions dans l’Autre Monde des dieux, et ainsi de suite.
Le conte intitulé « l’ivresse des Ulates » nous montre par exemple des guerriers qui, après avoir beaucoup bu pour fêter tout cela, se décident enfin à partir, après minuit. Leur sortie prendra la forme d’une course de chars si effrénée que la neige fondra sous les roues. Si embrumée aussi qu’ils partiront dans la première direction venue pour débarquer dans une maison étrange, nécessairement, pleine de choses bizarres, disparaissant comme par hasard avec les premières lueurs de l’aube. « Quand vint le matin, les Ulates se retrouvèrent sans maison, sans oiseau, mais avec les chevaux les chars et l’enfant aux poulains » (naissance de Cuchulainn).
Si Samon est le point de rencontre entre le monde divin et le monde humain, c’est que le temps normal y est aboli ou suspendu. Il s’agit d’une zone temporelle neutralisée.
À Samon il n’y a plus ni morts ni vivants, ni dieux ni humains, car c’est le Couocanton (il y a TOUT).
Les rites de Cintusamoni peuvent être accomplis en intérieur eu égard au climat de cette saison.
Ils commencent par l’ostension en procession des objets de culte de la communauté : les hiéra dans les mystères grecs.
On apporte au son des cornemuses, des harpes (rotes), ou des trompes (cornyx), les divers objets sacrés rituels. Labarum, enseigne au sanglier, lance de Lug, bouclier de Brennus, cladibo (épée) de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd, maillet de Suqellos, ou autres.
Autres accessoires ou hiéra.
Arbre porteur de gui. Houx. Vouge. Cors de chasse. Victuailles. Drap blanc. Bûcher. Un peu des sept essences d’arbre. Bougette ou sporran. Message à jeter dans le feu, un os, une tablette de frêne, une écorce de bouleau, du cuir ou un papier plié, sur lesquels est écrite une lettre pour les défunts de la famille ou de ses proches.
Les membres de la sodalité, après avoir revêtu leurs habits de cérémonie en un lieu approprié, par exemple une sacristie de type sacrarium commencent par arriver en procession pour former le cercle sacré ; que ce soit à l’extérieur en pleine nature autour d’un simulacrum (un arbre, un totem ?) ou d’un point central soigneusement choisi à cet effet dans la campagne, ou à l’intérieur d’un sanctuaire autour de sa cella, ou à l’intérieur d’un temple dans sa cella, voire à l’intérieur d’une abside en forme d’hémicycle si le plan est de type basilical. Auxquels cas il faut alors, bien entendu, adapter en conséquence la cérémonie et notamment les modalités de la cueillette.
Avec par ordre d’ancienneté prêtresses et très-sachants de la druidiaction (druidecht) en tête, le druide officiant au milieu. Ensuite les gutuatres ou gutumatres avec les quatre ambacts tenant le drap, les vates avec le juge de la Tradition et enfin les vellèdes ; avec au milieu celui qui tient le vouge devant servir au druide officiant pour la cueillette. Le cortège arrive si possible par l’est à l’endroit
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choisi et fait les trois tours rituels autour de l’arbre porteur de gui, ou autour du pied de houx, dans le sens solaire. Un peu comme dans le cas du taouaf autour de la Kaaba de La Mecque, mais la nudité en moins 1).
Les participants étant à leur place ; les très-sachants de la druidiaction (druidecht) à l’est faisant face à l’ouest, les gutuatres ou gutumatres au nord faisant face au sud, les vates à l’ouest faisant face à l’est, les vellèdes au sud faisant face au nord ; le vate faisant office de Juge de la Tradition s’avance vers le centre de souveraineté sacré pour saluer le druide officiant de son vouge, au clair, ainsi qu’une hallebarde 3), et fait un signe à l’ambact jouant le rôle de Roi du Pays.
Le Roi du Pays se retourne alors vers le nord, sonne du cornyx et demande à l’ambact représentant cette partie du territoire…
— Au nord les feux sont-ils éteints ?
— Oui au nord les feux sont éteints ! répondent les ambacts représentant cette contrée.
Le Roi du Pays se tourne alors vers l’est, sonne du cornyx et demande à l’ambact représentant cette partie du pays…
— À l’est les feux sont-ils éteints ?
— Oui à l’est les feux sont éteints, répondent les ambacts représentant ce pays.
Le roi du pays se tourne alors vers le sud, sonne du cornyx et demande à l’ambact représentant cette partie de la paroisse…
— Au sud tous les feux sont-ils éteints ?
— Oui au sud les feux sont éteints ! répondent les ambacts représentant ce district.
Le Roi du Pays se tourne alors vers l’ouest, sonne du cornyx et demande à l’ambact représentant cette partie de son fief…
— À l’ouest les feux sont-ils éteints ?
— Oui à l’ouest les feux sont éteints ! répondent les ambacts représentant cette partie du pays.
L’assistance fait alors le signe de croix païen. C’est-à-dire que du poing droit solidement fermé, elle se frappe plusieurs fois (3 fois 6 fois ou 9 fois) le cœur, comme si l’on heurtait d’une lance quelconque un bouclier invisible.
Le vate faisant fonction de Juge de la Tradition se retrouve face au druide officiant, à l’est, qui ajoute…
Puisque les feux sont éteints et qu’il y a la paix, je proclame ouverte cette Samon X… (mettre l’année en calendrier druidique) an X… de l’ère vulgaire.
Le Juge de la Tradition reprend, à l’adresse du druide officiant…
Ô très-sachant, il est venu une troupe au Slemain Midhé de N… (nom du lieu) une troupe marchant avec… (nom du premier objet sacré : labarum, lance, cladibo, etc.)
Le druide officiant : qu’ils soient les bienvenus !
Il est venu une autre troupe au Slemain Midhé de… (nom du lieu) avec… (nom du deuxième objet sacré : bouclier ou autre).
Et ainsi de suite jusqu’à ce que le Juge de la Tradition ait pu énumérer de la sorte tous les objets rituels des fidèles présents à ces trinouxtion samoni.
Le Juge de la Tradition demande ensuite au druide officiant…
Dis-nous ô très-sachant, ce que signifie la période de l’année à laquelle nous sommes arrivés ?
Le druide officiant…
Cette heure n’est plus une période de l’année, car il n’y a plus d’années. La vieille année s’achève et la nouvelle commence. À Samon le temps n’existe plus !
Le Juge de la tradition…
Si le temps n’existe plus à Samon, ô très-sachant, que devient le mur invisible qu’il élève entre le royaume des morts et celui des vivants ?
Le druide officiant…
Ce mur tombe et reste aboli, jusqu’à ce que le soleil, œil du monde, ait par trois fois jeté son regard d’est en ouest, jusqu’à ce que les ténèbres aient par trois fois recouvert la terre. Alors et alors seulement, le temps renaît, le mur invisible s’élève de nouveau, et la nouvelle année commence.
Le Juge de la Tradition…
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Est-il possible à Samon, ô très-sachant, de passer d’un monde à un autre, du royaume des vivants au monde des morts, et du monde des morts au royaume des vivants ?
Le druide officiant répond…
Comme à chaque fois qu’une année meurt et que commencent les ténèbres, les vivants prient et pensent aux morts, alors la troupe des trépassés revit et revient sur Terre.
N.B. C’est alors seulement, une fois ce lai récité, que peut intervenir la cérémonie proprement dite de la cueillette du petit houx et du gui ; adaptée aux nouvelles conditions dans lesquelles doit se dérouler le rituel si la cérémonie a lieu en intérieur.
Le Juge de la Tradition…
Le gui et le houx sont révérés en ce jour, pourquoi ? Ô très-sachant ?
Le druide officiant…
Parce que le gui a des fruits en plein hiver, alors que son arbre, comme toute la nature, est en sommeil ! (S’il s’agit de gui.)
Parce que le fragon a des feuilles brillantes et immortelles comme les âmes, et symbolise ainsi leur vie et leur pérennité ! (S’il s’agit de petit houx.)
Le druide officiant fait tracer par le vate Juge de la Tradition un cercle, de la pointe de son vouge, sous le gui ou le petit houx que l’on veut cueillir ; ensuite il demande au vellède ambact d’apporter le vouge destiné à la coupe. Puis il demande pareillement aux quatre gutuatres/gutumatres ambacts désignés à cet effet, de préparer le drap de lin blanc qui va recevoir soit le petit houx soit le gui.
Revêtu de sa coule blanche, les pieds nus et soigneusement lavés, ou du moins ne portant que du naturel (cuir, bois, laine) et aucun synthétique ; le druide officiant coupe avec le vouge le petit houx en place ou la plante qui guérit tout (ils seront recueillis dans le linge blanc tenu par les quatre ambacts. Les porteurs de ce gui ou de ce petit houx sont en principe des gutuatres, hommes ou femmes-gutumatres-).
Tous rejoignent ensuite leur place, en pivotant sur la droite : vellèdes, vates et gutuatres/gutumatres. Les ambacts distribuent le gui et le houx à l’assistance en tournant dans le sens solaire. Le reste s’il y en a, sera placé sur le bûcher rituel ou rapporté. Le druide officiant, après un moment de concentration, les bras levés, paumes ouvertes vers le ciel, à l’est, défait le cercle en le parcourant trois fois de l’intérieur en sens inverse et ordonne…
Allumez le feu !
Le bûcher doit être presque achevé à ce moment-là, et avoir la forme d’une baratte, avec trois côtés, trois angles et six portes ou six ouvertures au ras du sol.
On essaiera d’y avoir les sept essences d’arbre suivantes (une par porte) : sapin, bouleau, hêtre, orme, pommier, châtaignier, chêne. Les essences d’arbre que l’on n’arrive point à trouver peuvent être remplacées par une libation d’hydromel. À défaut d’être un vrai bûcher ainsi dressé, le feu peut consister en une torche, un flambeau, un cierge, voire tout simplement une bûche allumée sur une paire de landiers.
C’est le vate Juge de la Tradition qui est en principe le maître d’œuvre de ce bûcher. C’est donc lui qui prend les dernières bûches, ou les dernières branches, et qui les dispose sur le bûcher, afin de terminer son édification ; convenablement orienté, une pointe de sa base vers l’ouest, le côté opposé à cette pointe faisant face à l’est ; bûcher en général édifié sur une hauteur pour être vu de très loin.
À chaque fois le druide officiant demande…
Pourquoi portez-vous ces branches dans vos mains ?
Le vate Juge de la Tradition :
« Afin de pouvoir alimenter le feu sacré avec la puissance des plus beaux arbres de la nature ! »
Le bûcher ainsi parachevé, le druide officiant dépose dessus le reste de la cueillette de gui et de houx, en récitant le lai suivant…
Le rituel de Samon étant placé sous le signe du gui (ou du fragon) qui symbolise l’immortalité, nous en déposons ici une branche.
Le druide officiant fait tracer par le Juge de la Tradition un cercle par terre tout autour, de la pointe de son vouge ; et s’adresse ensuite à la fille ou à la femme faisant fonction de conhospita…
« Conhospita, veuillez embraser les sept essences de bois sacré ! »
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La conhospita prend un brandon, tourne trois fois ensuite à l’intérieur du cercle symboliquement dessiné au vouge, dans le sens du soleil, et allume le feu, en commençant par l’est.
C’est ici que se place la prière que les anciens païens prononçaient rituellement lorsqu’ils voulaient cueillir des herbes comme la verveine, le samolus ou la selago.
Le druide officiant…
Sainte déesse, mère de la nature
Qui engendre et régénère toutes choses en son sein
Car c’est toi qui animes tout ce qui vit
Et règne dans les cieux les océans ainsi que sur toutes choses
Tu prodigues ce qui alimente la vie avec une constance qui ne fait jamais défaut
Et quand notre dernier souffle a été rendu, en toi nous trouvons refuge
Et ainsi tout ce que donnes finit par revenir en ton sein.
C’est à juste titre que l’on t’appelle Mère des dieux
Car tu es la vraie mère de tout ce qui vit et donc des dieux.
Tu es la Force par excellence et tu es la reine des dieux O déesse,
C’est pourquoi je t’adore et implore ta divinité.
Maintenant, je m’adresse à vous, plantes puissantes.
Et je fais appel à votre majesté
Vous que la terre mère a mises au monde
Et données à toutes les nations.
Elle a placé en vous la guérison des maladies
Afin que vous soyez toujours une aide indispensable au genre humain.
Je vous en prie je vous en implore je vous en supplie
Intervenez vite maintenant avec toute votre puissance
Puisque celle qui vous a créées m’a permis de vous cueillir.
Le Roi du Pays se retourne alors vers le nord, sonne du cornyx et demande à l’ambact représentant cette partie du fief :
— Au nord y a-t-il la science maintenant ?
— Oui, au nord il y a la science et la paix maintenant ! répond l’ambact représentant le nord du territoire.
Nouvelle sonnerie de cornyx du Roi du Pays qui poursuit en se tournant vers l’autre point cardinal…
« À l’est y a-t-il la richesse maintenant ?
— Oui, à l’est il y a la richesse et la prospérité maintenant ! répond l’ambact représentant l’Est du territoire.
Troisième sonnerie du Roi du Pays qui demande au sud…
— Au sud y a-t-il l’art maintenant ?
— Oui, au sud il y a l’art et la musique maintenant ! répond l’ambact concerné.
Dernière sonnerie enfin du Roi du Pays qui demande à l’ouest…
— À l’ouest y a-t-il la force maintenant ?
— Oui, à l’ouest il y a la force maintenant ! répond l’ambact de l’ouest.
On chante le bardit en l’honneur de Llywelyn et le vin des C’hallaoued (voir l’anuanacton, cérémonie du nom) ou on les récite.
Les personnes qui ont encore des branches ou des bûches de l’essence d’arbre correspondant au couplet, peuvent les brandir et les jeter sur le bûcher pendant le refrain.
BARDIT OU MAROUNAD DE LLYWELYN.
Dans la nuit s’allument les feux de camp
Se rassemblent tous les hommes du Clan
Pour célébrer par nos rires et nos chants
La force vive et pure de notre âme
De notre esprit.
Mon père ne me permettra jamais d’être enterré autrement,
Que comme un homme toujours en plein combat
Car la coutume des païens est de se faire enterrer en guerrier,
Avec leurs armes à la main
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Pour demeurer là jusqu’au jour d’erdathe
Qui est selon nos vieux druides, le jour du jugement de notre Seigneur.
Nous chantons pour nos frères qui sont morts
Tombés au champ d’honneur.
Leur regard à l’ennemi faisait face
Leur sang répandu était le nôtre
Celui qui coule dans nos veines
Glorieux sang
Le sang de la race des grands capitaines.
Ne voyez-vous pas ?
Le vent déchaîne la pluie sur nous
Les chênes s’entrechoquent
Et la mer qui pilonne les terres :
Ne voyez-vous pas ?
Le soleil tombe et les étoiles ont peur !
Roi fier, faucon rapide, loup féroce
Pouvons-nous croire que notre monde est fini,
Sa tête est tombée et avec elle notre fierté
Sa tête est tombée – la tête d’un dragon
Noble elle était pour nous, féroce pour nos ennemis
La terre est vide – et notre esprit anéanti.
Sa tête avait eu les honneurs de neuf cents royaumes
Nous chantons pour nos sources et nos bois
Pour nos plaines, nos chemins et nos toits
Pour notre vin, notre blé, notre miel
Pour nos vents, nos neiges et notre soleil
Vivant soleil Glorieux soleil.
Nous chantons pour transmettre notre goût de la liberté
À nos enfants
Pour nos fils qui demain dans les combats
Le glaive de la justice au poing
Fidèles à nos chefs et confiants dans nos dieux
Sauront garder la terre de nos nobles aïeux
Nobles aïeux.
Et quand l’aube éteindra les feux de camp
Se lèveront tous les hommes du Clan.
Mère nature est là,
Nos dieux sont de retour.
Paix sur le Clan.
Ici commencent les prophéties de Merlin
Comprenne qui pourra.
Les eaux de Bath refroidiront
Et leurs eaux salutaires apporteront la mort.
Londres déplorera la mort de 20 000 personnes
Et la Tamise deviendra un fleuve de sang.
D’une cité dans la forêt des Canutes,
Une pucelle sera envoyée
Pour guérir de son art thérapeutique tous nos maux.
Elle assèchera la source de nos maux
Rien qu’en soufflant sur elle.
La vierge montera sur le dos du Sagittaire.
Les moines dans leur robe de bure pourront se marier
Et l’on entendra leur cri au sommet du Mont-Blanc.
Le peuple opprimé l’emportera
Et résistera à la violence des envahisseurs.
Le sanglier de Cornouailles viendra à son secours,
Il foulera au pied les ennemis et leur brisera le cou.
Les îles de l’Océan seront soumises à son pouvoir
Et il possèdera les bois.
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La maison de Romulus tremblera devant sa fureur.
Il sera célébré par les populations
Et ses exploits fourniront matière aux récits des conteurs.
Ô Dervos,
Génie de Kildare 2)
Génie de l’Église du chêne !
Abri vénéré des esprits et des hommes
Chêne superbe, chêne-roi
Donne-nous ta force
Étends sur nous ton ombre tutélaire
Et parle-nous du divin.
Le druide officiant reprend alors la parole et dit…
Ayons aujourd’hui une pensée pour nos frères et sœurs passés à une vie plus large et nous ayant précédés dans la lumière du Mag Meld. Qu’ils soient là pour nous accueillir quand notre tour viendra de débarquer sur l’autre rive comme l’a rapporté Procope ! Ayons aussi une pensée pour le Nemet Cornunnos, le sombre gardien des portes ou du sas qui conduit à l’Autre Monde.
Le vate faisant office de Juge de la Tradition récite alors la liste des frères et sœurs partis depuis l’an dernier pour la terre d’éternelle jeunesse du pays des délicieux à fréquenter. Il donne leur prénom et nom civils, suivi de leur titre druidique, de leur nom initiatique et de leur qualité.
Après cette brève évocation des morts, le druide officiant récite la prière invoquant les âmes/esprits…
Mes enfants, prions !
Esprits bienfaisants et âmes des Celtes
Aidez-nous, guidez-nous, conseillez-nous
Afin que de nos efforts conjugués
Renaisse un foyer comme une lumière dans la nuit
Dans lequel vivront éternellement
Les âmes de nos ancêtres
Et des Celtes de cœur ou d’esprit
Sous la protection de nos dieux
Nert dee agus andee
Que la force soit avec vous
Sunartiu !
Éloignez de nous la légion infernale des duses et des vouivres anguipèdes gigantesques ainsi que tous les autres sous-dieux des glaces du non-monde !
Sunartiu !
Chacun vient alors avec un message à jeter dans le feu, un os, une tablette de frêne, une écorce de bouleau, du cuir ou un papier plié, sur lesquels il a écrit une lettre pour les défunts de sa famille ou de ses proches.
On peut y jeter aussi les messages préparés par les absents, ou des ateberta diverses.
La conhospita présente ensuite au druide officiant une coupe portant l’inscription « nessamon delgu linda » et remplie d’hydromel en disant…
Je vous apporte les fleurs du Sedos
Tir na mbeo, la Terre des vivants, biuontiion teres.
Tir na mban, la Terre des anges, banion teres.
Tir na nog, la Terre des jeunes, ogiion teres.
Mag mor, la Grande plaine, mara magosia.
Mag meld, la Plaine de la joie, meldo magosia.
Mag inis la Plaine au centre de l’île, magosia inicias.
Le druide officiant prend la coupe contenant l’hydromel puis en verse près du feu ou dans le brasero. C’est après seulement qu’il pourra en boire. La coupe est remplie à nouveau puis présentée à tous dans le cercle par la conhospita.
Cette communion mystique une fois terminée, le druide officiant verse l’hydromel restant dans le feu et conclut par ces paroles…
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Réjouissons-nous mes frères, car une nouvelle année commence. Qu’elle puisse nous apporter tout ce qui nous est nécessaire ou qui nous a manqué ! Une année nouvelle commence réjouissons-nous !
Survient ensuite autour du feu la danse des oies ou des grues, exécutée par des jeunes filles namnètes, couronnées de fleurs et dansant sur des airs de harpe sacrée 3).
Pour finir, repas sur place, repas fraternel où toutes les provisions sont partagées : pain, beurre frais, bière, laitages divers, pommes, noix et noisettes, viande de porc, et ainsi de suite.
Au fur et à mesure que le feu décline, le Juge de la Tradition en resserre les cendres et les braises afin que tout soit bien brûlé. Les cendres refroidies seront ensuite recueillies et distribuées aux participants. On en met dans de petits sachets que l’on porte sur soi dans une bougette de cuir (sporran), ou que l’on rapporte à la maison.
Si la cérémonie doit se dérouler à l’abri d’un bâtiment quelconque, temple ou loge, le lieu où elle doit être célébrée dans ce cas est appelé d’un nom dépendant de l’importance du bâtiment et doit être convenablement décoré ou agencé. Et au lieu d’un bûcher, il s’agit dans ce cas d’un brasero.
Le lendemain, pour clore le tout, bref repas d’adieu à base de cochonnailles : pain et beurre frais, andouillettes, noix ou pommes, bière, laitages et fromages.
Comme le dit le proverbe
Viande, bière, noix, andouille,
Voilà ce qui est dû à Samon,
Feu de camp joyeux sur la colline,
Lait baratté, pain et beurre frais.
Important N.-B. Ceci n’est pas un interdit alimentaire religieux négatif, mais une prescription positive ponctuelle : la coutume veut que ce jour-là on mange de ça.
Un dépôt de couronne mortuaire peut être effectué au monument aux morts le plus proche, quels que soit sa nature (cimetière, nécropole, lanterne des morts…) et le druide officiant, avec à la main son grand vouge tenu comme une hallebarde suisse, prononce l’oraison funèbre suivante…
Nous déposons aujourd’hui cette gerbe à la mémoire de tous ceux qui sont morts pour… (mettre le nom du pays en question) et qui sont tombés au champ d’honneur.
D’autres dangers menacent maintenant notre pays. Prenons exemple sur ces grands héros, ou sur ces héroïnes comme Luctérios, Ambiorix, Boadicée, Calgacos ou Arthur 8).
N.B. Liste à compléter selon le contexte.
Je déclare clos le premier jour des trinouxtion Samoni X… (mettre l’année en calendrier druidique de Coligny) an X… de l’ère vulgaire.
Je déclare ouverte la nouvelle année X… (mettre l’année en calendrier druidique de Coligny) an X de l’ère vulgaire.
1) La nudité totale exceptée… Il va de soi que le druidisme ne considère en aucune façon la nudité en soi comme un péché. Le mal ne vient jamais du fait qu’un homme ou une femme soit nu, mais du regard que l’on peut jeter à un homme ou à une femme nu, machisme, nymphomanie, et autre).
Ce que nous voulons dire par là c’est que le temps n’est plus (adapté) à une telle pratique dans les rituels ; malgré la beauté du geste de cet antique paganisme arabe (djahiliya) : « L’Homme à l’état de nature devant son créateur, sans faux-semblant ni artifice ». De toute façon pour les très-sachants de la druidiaction (druidecht) il n’y a pas une kaaba mais des milliers de kaaba, autant de kaaba que de lieux saints remarquables. Et vu la saison « l’état de pureté originelle dans lequel nous sommes venus au monde » n’est peut-être plus à conseiller dans l’hémisphère nord.
2) Sans doute Kildare en Irlande, dont le nom signifie justement Église des chênes. À l’ère préchrétienne, Kildare était le site d’un autel dédié à la divinité celtique Brigindo.
3) « Les Celtibères et leurs voisins au nord sacrifient à un dieu sans nom, la nuit, à chaque retour de la pleine lune, devant les portes de leurs bourgades ; en se livrant alors avec toute leur maisonnée à des rites divers agrémentés de danses » (Strabon, Géographie, III, 4, 16).
Cette danse est aujourd’hui le plus souvent remplacée par une chorale ou par des airs de musique traditionnelle.
4) Ambiorix roi belge. Commios. Roi des Atrébates en [Grande] Bretagne. Il émettra des monnaies à son nom à partir de Calleva, actuelle Silchester, jusque vers – 20 avant notre ère.
Boadicée ou Boudicca, reine des Iceni (vers l’an 61 de notre ère). Tacite. Annales (XIV, 29-37).
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Boadicea, montée sur un char avec ses filles devant elle, parcourait les rangs, proclamant qu’il était habituel pour des Britanniques de combattre sous la direction de femmes. « Mais à présent » disait-elle, « ce n’est pas en tant que femme de noble ascendance, mais comme femme du peuple, que je veux venger la liberté perdue, mon corps fouetté, la chasteté outragée de mes filles. L’avidité romaine est allée si loin que ni nos personnes, ni l’âge, ni la virginité ne furent épargnés par leur souillure. Mais les dieux sont favorables à une juste vengeance ; une légion qui avait osé combattre a péri ; les autres se cachent dans leur camp, ou pensent à s’enfuir. Ils ne pourront même pas soutenir le vacarme et les cris de tant de milliers d’hommes, encore moins notre assaut et nos coups. Si vous pesez bien la force des deux armées, ainsi que les causes de cette guerre, vous verrez que dans cette bataille, vous devez vaincre ou mourir. Cela c’est la résolution d’une femme ; quant aux hommes, eux, ils peuvent préférer vivre en esclaves ».
Sur le discours de Calgacos à la veille de la bataille du mont Grampian voir la vie d’Agricola XXX à XXXII.
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AMBOLC ou fête de sainte Brigitte.
Noïba Brigitte d’Irlande ou Brigitte de Kildare est née à Faughart près de Dundalk, dans le comté de Louth, en Irlande. On l’honore le 1er février.
Les faits certains à propos de sa vie sont peu nombreux, car les récits à son sujet n’ont commencé à être couchés par écrit qu’au VIIe siècle.
La future noïba Brigitte serait née au milieu du Ve siècle dans l’est de l’Irlande. Les récits la concernant ne concordent pas. Ils consistent surtout en des miracles et des anecdotes, dont certaines puisent leur racine dans le folklore irlandais.
D’après la légende d’origine du clan royal des Fotharta dont elle serait membre ; sa naissance aurait été annoncée par un très-sachant de la druidiaction (druidecht) comme devant être celle d’une autre Marie, d’où son surnom de « Marie des Gaëls ».
Certains témoignages laissent entendre que ses parents étaient d’humble origine ; d’autres que son père était un chef de clan du Leinster appelé Dubhthach, et sa mère une captive chrétienne appelée Brocca.
Les récits s’accordent à dire en revanche qu’ils ont tous été baptisés par saint Patrice, et que la future sainte l’aurait bien connu, mais il n’est pas sûr en réalité qu’elle l’ait jamais rencontré.
Comme elle voulait rester vierge, noïba Brigitte aurait prié son dieu de lui faire cadeau d’une infirmité quelconque afin de ne pas être demandée en mariage. Elle perdit donc un œil (cf. la cécité de certains très-sachants de la druidiaction comme Mog Ruith qui s’éborgna volontairement afin de renforcer ses dons de voyance) ; et cette infirmité la fit devenir si laide que plus personne dès lors ne voulut la fréquenter.
Même schéma légendaire avec la petite sainte française appelée Néomadie, Néomoise, Néomoye, Néomaye, Néomaie, Néomée, Némoise, ou Ennemoye, qui, pour échapper à ses prétendants obtint de Dieu la grâce d’avoir un pied transformé en patte d’oie. Quelques églises ou chapelles de l’ouest du pays la représentent encore ainsi. La sainte y est figurée en bergère ou gardeuse d’oies [ce qu’a été un moment ma grand-mère maternelle à Pont-Varin] ou avec une patte-d’oie.
Mais revenons à Brigitte. Lorsque saint Macaille lui donna le voile, il vit sur sa tête une colonne de feu. Au moment où Brigitte se pencha pour baiser l’escalier en bois qui menait à l’autel, ce bois se mit à reverdir ; et noïba Brigitte retrouva son œil ainsi que toute sa beauté (quand on épouse le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, il vaut mieux être belle).
Livre de Lismore. Vers 468 Brigitte et quelques autres jeunes filles allèrent recevoir le voile de l’évêque Mel à Telcha Mide. Par humilité, Brigitte resta en arrière afin d’être la dernière à recevoir le voile. Mais une rose rouge tomba sur sa tête, du faîte du toit de l’église. L’évêque quelque peu troublé lui dit alors : « Avance-toi, Brigitte, que je puisse orner ta tête du voile avant les autres ». Et par erreur il récita ou lut alors pour elle… le rituel des ordinations épiscopales.
Macaille protesta que l’ordination épiscopale ne devait pas être conférée à une femme, mais l’évêque lui répondit qu’il était trop tard et qu’il ne pouvait plus rien y faire.
N.D.L.R. Cette histoire a sans doute été inventée pour justifier le statut très particulier de noïba Brigitte en son temps. Elle a exercé des fonctions semi-épiscopales, comme prêcher, recevoir les confessions (sans absolution), ou diriger les chrétiens de sa région ; même si certains de nos textes mentionnent que ce fut par l’intermédiaire de son ami saint Conleth (Conlaed), choisi par elle comme évêque de Kildare vers 490. N.B. Pour le Vatican, il n’y a eu d’évêque officiel à Kildare qu’à partir de 519.
Avec celles de ses amies, qui avaient pris le voile en même temps, elle se dirigea vers la forêt qui s’étendait non loin de Dublin. Elles y choisirent un énorme chêne et aménagèrent trois cellules dans son tronc. D’où le nom de l’endroit désormais : « Kill-Dara », c’est-à-dire « cellules du chêne ».
N.D.L.R. Trois cellules dans le tronc d’un chêne géant ou trois cabanes au pied d’un chêne, voire dans un bosquet de chênes ?
Noïba Brigitte est une des patronnes des enfants et de l’allaitement. À noïba Brigitte étaient dédiées de nombreuses sources dont les eaux passaient pour guérir la stérilité ainsi que les maux de tête, et son principal attribut était un manteau (brat en gaélique). D’après la légende, elle s’en sert pour ôter à un homme ses oreilles d’âne : elle lui en recouvre la tête que, à genoux devant elle, il avait posée dans son giron ; ou encore, pour acquérir des terres et y faire paître sa vache : on lui accorde la surface que pourra couvrir son manteau, lequel se met alors à croître tout seul. Noïba Brigitte possédait en effet une vache qui lui donnait un lait vraiment exceptionnel. Un jour qu’elle recevait des évêques, n’ayant rien à leur donner, elle pria Dieu et put ainsi traire sa vache 3 fois dans la journée. De quoi sustenter les plus affamés d’entre eux.
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Libre à chacun de croire de telles fadaises ! Il y a toujours eu des nigauds partout ! L’essentiel est que les monolâtres n’en fassent pas une question de vie ou de mort. Vérité factuelle non ! Mythe utile à étudier, oui !
Ce qui est vraisemblable, c’est qu’il y a eu conversion au christianisme d’un collège de druides et de prêtresses jusque-là voués à la déesse ou fée Brigindo ; et il est possible que celle qui allait devenir Sainte-Brigitte ait alors présidé au destin des deux communautés.
À l’intérieur du sanctuaire, il y avait une flamme perpétuelle, et Giraud de Cambrie au XIIIe siècle (1220 ?) note qu’il était entouré d’un cercle de buissons dans lequel aucun homme n’avait le droit de pénétrer. Ce feu était encore, à l’époque, entretenu par 20 religieuses.
Cogitosus, un moine de Kildare, a retravaillé vers 660, soit un siècle après sa mort, la vita prima sanctae brigitae, l’a détaillée puis l’a versifiée en bon latin. Ce texte est connu, à tort d’ailleurs peut-être, comme étant la deuxième des biographies de sainte Brigitte, et constitue un excellent exemple de la sous-culture monastique irlandaise de l’époque.
Ce qui est peut-être le plus intéressant dans le texte de Cogitosus, c’est sa description de la cathédrale de Kildare à son époque.
Elle est « spacieuse pour ce qui est de sa surface au sol, et s’élève très haut. Elle est ornée de tableaux peints sur bois et abrite à l’intérieur trois larges chapelles, toutes sous le toit du bâtiment principal et séparées par des cloisons en bois. Une cloison, décorée d’images peintes et recouverte de tentures (le jubé) se dresse transversalement dans la partie est de l’église, d’un mur à l’autre, et comporte deux entrées à ses extrémités. Par une des entrées, placée dans la partie extérieure, le souverain pontife ??? entre dans le sanctuaire et s’approche de l’autel avec sa suite de moines. Et par l’autre entrée, placée sur le côté gauche de la partition transversale susmentionnée (le jubé), l’abbesse, avec ses fidèles vierges et veuves fidèles, entre parallèlement ».
Bref une église déjà classique avec un jubé un chœur et trois chapelles absidiales. Beaucoup d’eau avait dû couler sous les ponts d’Irlande depuis l’époque de la sainte.
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Le rituel d’Ambolc ou grande lustration (Ambivolcos) se célèbre normalement le 31 janvier et le 1er février, à l’aide de houx et de gui, recueillis à la Cintusamoni précédente. Ambolc est surtout une fête des landiers ou des chenets, c’est-à-dire du foyer, de la famille et des enfants. Ses rites sont célébrés en intérieur.
Cette fête est celle de la bélisama Brigindo Brigantia Brigitte (Nantosuelta sur le continent) c’est pourquoi l’officiant ce jour-là ne peut être un homme, mais doit être une prêtresse.
Malgré la date cela correspond au nettoyage de Printemps. Au moment de la fête de noïba Brigitte, la nature elle-même semble reprendre son souffle. Ce retour du soleil doit cependant être associé à sa purification (son « baptême ») d’où le nom de cette fête : Ambivolcos. Tout doit donc être propre et briller. Il faut avoir les pieds et la tête lavés trois fois (purifiés) pour célébrer les rituels.
À la différence des autres fêtes dont la célébration est très ouverte, celle d’Ambolc est plus intimiste ! Les hommes se retrouvent au coin du feu. Il s’agit d’effectuer un retour sur soi, de faire un bilan, avant de repartir avec la saison qui va commencer. À Ambolc, enfants, parents et grands-parents sont réunis autour de la mère de famille. Heureuses alors sont les femmes qui ont eu beaucoup d’enfants !
Chaque famille doit, dans les jours qui précèdent, préparer elle-même le décor de sa fête d’Ambolc.
Au-dessus de la porte d’entrée, on met de la verdure coupée à la fête de Samon, de la verdure qui ne meurt pas l’hiver. Par exemple du fragon lié par un ruban rouge. La paille joue également un rôle important dans les traditions qui concernent Ambolc. Aujourd’hui encore, elle sert à fabriquer des couronnes ou des étoiles.
On prépare la couronne de noïba Brigitte, que l’on suspendra au plafond ou que l’on posera quelque part bien en vue.
Il s’agit d’un cercle de paille recouvert d’une garniture de branches de sapin souples, serrées par une ficelle verte et entourées d’un ruban rouge.
Aux quatre diamètres opposés, on fixe des cires (bougies) courtes et larges.
Au cours de la fête, la couronne de noïba Brigitte brillera ainsi de tous ses feux.
Quatre petites flammes, la première pour les dieux, la deuxième pour les ancêtres, la troisième pour les absents, la quatrième pour les héritiers, à naître.
Blanche, rouge, bleue, verte (couleur des cires).
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La coutume veut aussi que ce jour-là on place aux fenêtres de grosses torches, ou des cierges.
Il doit y avoir en principe autant de cires, ou de torches, que d’enfants à la maison, chacun ayant la sienne.
À Ambolc tout le monde doit faire un repas de roi.
On embrasse les nouveaux arrivants sous le gui qui orne le seuil du foyer.
D’abord parce que c’est une fête et qu’il n’est pas de fête sans embrassades, mais aussi parce qu’Ambolc est « la fête de la nourriture abondante » à une époque où semblent encore régner le froid, la glace, et la désolation.
Qui ne mange pas une bonne portion de choux à la sainte Brigitte restera pauvre toute l’année, dit le proverbe.
La viande traditionnelle d’un tel festin est le sanglier ou le porc, mais l’on fait aussi ce jour-là des crêpes.
Les crêpes à la bière, par leur forme ronde et dorée, rappellent le disque solaire, elles évoquent donc le retour du printemps après l’hiver.
Il existe encore de nos jours toute une symbolique liée à la confection des crêpes. Il est ainsi recommandé de faire sauter les crêpes de la main droite en tenant une pièce d’or dans la main gauche afin de connaître richesse et prospérité pendant toute l’année.
Cette coutume varie selon les pays, ainsi, dans certaines régions, cette crêpe était ensuite pliée autour de la pièce d’or et placée sur le haut de l’armoire de la chambre du maître de maison. Les restes de la crêpe de l’année précédente étaient alors récupérés puis la pièce qu’elle contenait donnée au premier pauvre rencontré. Si l’on respectait tous ces rites, on était assuré d’avoir de l’argent toute l’année.
Aujourd’hui où les pièces d’or sont rares, on a pris l’habitude de faire sauter les crêpes en tenant dans une main la pièce de monnaie la plus importante en possession de la famille.
Devant chaque assiette sur la table doit être disposée une petite branche de fragon (de houx), le fragon ou le petit houx étant la plante d’Ambolc par excellence.
Des pierres blanches portant, écrits en runes celtiques (lépontiques, ou oghamiques en Irlande), les noms de tous les participants (sauf des plus âgés) sont placées dans l’âtre de la cheminée où l’on allumera le feu !
On récite pendant ce temps-là une prière comme celle qui suit.
Toutai Deuas
Scelon suiebo bero
Dordreti damos
Ro caedesit samos
Snigeti giamos
Esti arduos ac riuros aventos
Iselos Grannos
Uergiouia mori
Roudisama ratis
Ro gabasit ogtu
Atenones etnion
Toageti gnota
Gigurannas gutu
Inso mon scelon.
Hommes et femmes de notre communauté,
Pays, payses, oyez, oyez, oyez,
J’ai des nouvelles pour vous.
Le cerf brame
L’été s’en est allé avec le vent
C’est l’hiver
Le vent est fort et froid
Et le soleil est bas
La mer déferle
La fougère a perdu sa robe de verdure
Le froid engourdit
Les ailes des oiseaux
L’oie sauvage a lancé son cri.
Voici mes nouvelles.
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Puisque tout revient inexorablement,
Il vaut mieux se souvenir
Afin de rester libre 1)
Nert dé agus andé. Awen !
C’est au moment de passer à table et pas avant que l’on doit procéder à l’allumage de la cire (une de plus) qui servira ensuite à illuminer, dans la soirée, la couronne de noïba Brigitte.
La mère ou la prêtresse présente effectuera cette opération.
Tout en disant un mot des absents retenus au loin, et quelques mots également sur le foyer, l’unité de la famille, les aïeux disparus, etc.
Ensuite la prêtresse ou la maîtresse de maison récite le lai suivant…
Ayons une pensée pour les absents,
Une pensée pour les enfants à naître,
Une pensée pour nos chers disparus.
Avant cette ambolc d’autres ambolcs ont eu lieu.
Ambolcs de joie, mais aussi ambolcs de peine.
Ambolcs où l’on se reconnaît,
Dans la nuit, à la seule lueur des torches.
De l’hiver renaîtront, non seulement le printemps prochain,
Mais aussi les milliers de printemps qui suivront.
PRIÈRE À LA BÉLISAMA BRIGINDO (carmina gadelica N° 73).
Uediiu-mi
Bénis-moi ô sainte déesse ou bonne fée
Moi et les miens
Et tous leurs parents
Que ce soit dans les senteurs de la plaine ou dans mon abri sur la montagne.
Bénis tout ce qui est chez moi
Et tout ce que je possède,
Le bétail et les moissons, les troupeaux et les récoltes
De la veille de Samon à la veille de Beltène,
D’une bonne et franche bénédiction.
D’une mer à l’autre, d’un estuaire à l’autre,
D’une vague à l’autre et de cascade en cascade.
Sois les trois personnes à la fois prenant possession de mon être,
Sois la sainte triade me gardant dans la vérité ;
Remplis mon esprit des paroles de Belenos,
Et prends ceux que j’aime sous ton aile à la gloire resplendissante.
Bénis toute chose et tout un chacun
De la maisonnée qui se tient à côté de moi.
Étends sur nous le labarum du dieu d’Andesina et la force de son amour
Jusqu’à notre arrivée dans la Terre des gens délicieux à fréquenter.
Quand le bétail quittera l’étable,
Quand les moutons abandonneront la bergerie,
Quand les chèvres monteront dans la montagne noyée sous les brumes
Puisse la sainte garde de tes trois personnes les accompagner,
Nert dé agus andé
Que la force soit avec nous,
Sunartiu !
Gach ni na m' fhardaich, no ta 'na m' shealbh,
Gach buar is barr, gach tan is tealbh,
Bho Oidhche Shamhna chon Oidhche Bheallt,
Piseach maith, agus beannachd mallt,
Bho mhuir, gu muir, agus bun gach allt,
Bho thonn gu tonn, agus bonn gach steallt.
Tri Pears a gabhail sealbh anns gach ni 'na m' stor,
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An Trianailt dhearbha da m' dhion le coir. 2)
Vers minuit, ou un peu avant, on éteint la chandelle après l’avoir utilisée pour allumer les quatre cires fixées sur la couronne de noïba Brigitte.
En procédant à cette opération, la maîtresse de maison dira quelques mots sur la grande déesse ou fée si l’on préfère, et le feu perpétuel de l’Église des chênes.
Exemple…
A Brigantia, triatona Brigantia
Tusso areuemontia carron
Argosamas Belisamas
Bardion, gobannion etic leagiion matrona
Sonni maran eulan snebo da.
O Brigindo, triple Brigindo,
Toi qui conduis le char du soleil
Patronne des poètes des forgerons et des médecins
Donne-nous la grande science qui nous illumine.
Éloigne de nous la légion infernale des duses
Et des vouivres anguipèdes gigantesques
Ainsi que les autres sous-dieux des glaces du non-monde.
O Brigitte, triple déesse féerique
Flamme soudaine,
Puisse ton rouge soleil ardent
Nous conduire vers le vrai monde à venir
Celui de l’Albiobitos.
Ison son bissiet !
Le dessert doit être constitué par de bonnes et belles pommes du terroir. La maîtresse de maison ou la prêtresse, avant de procéder à la distribution des pommes, doit réciter la prière suivante :
GÉNÉALOGIE DE NOÏBA BRIGITTE (carmina gadelica N° 70).
SLOINNTIREACHD BHRIDE 2).
Sloinneadh na Ban-naomh Bride,
Lasair dhealrach oir,
Muime chorr Chriosda.
Gach la agus gach oidhche
Ni mi sloinntireachd air Bride,
Cha mharbhar mi,
Cha spuillear mi,
Cha charcar mi, cha chiurar mi,
Cha loisg teine, grian, no gealach mi,
Cha bhath luin, li, no sala mi,
Cha reub saighid sithich, no sibhich mi,
Is i mo chaomh mhuime Bride.
Uediiu-mi Brigind au triple manteau
Flamboyant comme de l’or
Mère adoptive des Dieux,
Que ce soit de jour ou de nuit
Tant que je saurai ta généalogie
Je ne serai ni assassiné
Ni torturé
Ni blessé.
Tant que je ne l’oublierai pas
Le feu le soleil et la lune
Ne me feront aucun mal.
Ni lac, ni eau, ni mer
Ne pourront me noyer.
Aucun trait ni aucune flèche
Ne me touchera.
Ma noble mère adoptive est la bien-aimée Brigind.
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Que le triple manteau de Brigind soit sur nous
Que la mémoire de Brigind soit en nous
Que la protection de Brigind nous garde
De l’injustice de l’ignorance et du manque de cœur ;
Et ceci de jour comme de nuit
Du matin jusqu’au soir
Du soir au matin.
Nert dé agus andé.
Awen !
La jeune fille de la maison, en robe blanche, met alors sur sa tête la couronne de noïba Brigitte avec ses quatre bougies allumées, pour offrir la pomme légendaire. Un des membres du clan présents prend la pomme. Quand celle-ci a fait trois fois le tour de la table, de main en main, la jeune fille en fait, elle aussi, le tour, dans le sens solaire, pour en offrir à tout le monde. Elle se place ensuite à l’est, une torche ou une bougie allumée à la main, car c’est ici que se place la cérémonie des torches proprement dite.
Pour accompagner sa payse, la prêtresse ou la maîtresse de maison reprend le lai suivant…
Le flambeau passe de main en main
Quand la mort l’a ravi à l’un
Le plus proche la reprend.
Le relais continue.
Le temps s’écoule et nul ne demande
Combien de temps chacun portera le flambeau
Ce qu’il faut simplement c’est qu’il brille
Et qu’un cœur brûle aussi avec lui,
Étincelant et pur.
Comme celui de Galaat.
Là est le plus important.
Puisse-t-il clairement resplendir
Dans l’obscurité devant nous
Les autres attendent.
Nous le porterons donc avec nous aussi
Ce flambeau.
Nert dé agus andé.
Awen !
Les participants munis de torches, en file indienne, un par un, allument leur flambeau à celui de « Brigitte », et se préparent à sortir après avoir récupéré leur pierre dans la cheminée, à la recherche du manteau de noïba Brigitte (Brat Bride). Le dernier à avoir retrouvé sa pierre doit embrasser la fille de la maison. Le Brat Bride est en fait une pièce de tissu cachée quelque part par la maîtresse de maison (un autre nom de ce bout de tissu protecteur est « brat boinne » ou « manteau de femme »). Celui qui le trouve le premier évidemment pourra le garder afin de s’en servir à sa guise l’année entière. À placer par exemple à même la peau sous ses vêtements, sur une femme en couches ou une vache qui vêle.
EXEMPLE DE FORMULES POUR BOIRE À LA SANTÉ DE QUELQU’UN LORS DE CE RÉVEILLON.
Le barde (président) de la tablée (le chef de famille par exemple).
Je lève mon verre à l’esprit, à la modestie, aux traits d’esprit. Scrutons la cause des choses, afin de supporter gaiement la vie et de supporter tranquillement la Mort.
RÉPONSE DE LA TABLÉE.
Afin que, délivrés de toute crainte, sans exubérance dans la joie, sans abattement dans la douleur, nous nous libérions par la raison.
Le barde (président du banquet).
Ainsi donc, nourrissons fortement notre esprit et nourrissons modérément notre corps.
RÉPONSE DE LA TABLÉE.
Cela est juste et bon !
Le barde (président) du banquet.
Offrons des libations aux Grâces.
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RÉPONSE DE LA TABLÉE.
Levons nos verres en l’honneur des déesses ou des bonnes fées !
Chacun trinque alors avec son voisin avant de vider son verre.
1) D’après la fille de l’auteur (Mélisande, de Cuers en Provence), cela serait une allusion à l’aveuglement des élites politico-médiatiques françaises face à la montée de certains fondamentalismes religieux monolâtres dans le monde.
2) Carmina gadelica est un recueil de prières populaires ou de formules magiques datant des dernières années du XIXe siècle et glanées par Alexandre Carmichael (six tomes) dans les hautes terres ou les Îles écossaises occidentales, d’Arran à Caithness, de Perth à Saint-Kilda.
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BELTÈNE OU FÊTE DE LA VERVEINE 1).
(Fête d’oenach ou obligatoire pour les druides.)
Cette fête de Bel, qui commence dans la nuit du 30 avril, comprend dans la soirée des chants et des danses autour de deux feux, ainsi que le couronnement de la reine de mai. Le lendemain plantation d’un arbre (arbor intrat déjà représenté sur le chaudron de Gundestrup) et assemblée générale.
Les membres de la sodalité doivent se réunir dans le lieu consacré à cet effet, qui dépend du pays où l’on se trouve.
Uisnech en Irlande. Le Drunemeton en Turquie. Le Grand Drunemeton du pays des Carnutes, c’est-à-dire Suèvres/Sodobriga, près de Mer en France. Et ainsi de suite.
Uisnech en Irlande, le Drunemeton d’Asie Mineure, le Grand Drunemeton du pays des Canutes…
Il va de soi qu’en cas d’impossibilité, les rites du feu de Bel peuvent être célébrés ailleurs ; à condition d’avoir alors une pensée toute particulière pour ces uxonabelcon lointains et de s’unir par le cœur et l’esprit avec les participants à l’assemblée générale de leur colline sacrée (Sedobriga).
Néanmoins, quel que soit l’endroit, le point commun, c’est que les rites de Beltène commencent toujours par l’ostension en procession des objets de culte de la communauté (les hiéra des mystères grecs 2). On apporte au son des cornemuses, des harpes ou des trompes (cornyx) les objets sacrés : labarum, enseigne au sanglier, glaive de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd, flèche d’Abarix 3) ou autres.
Accessoires ou hiéra.
Première journée.
Vouge. Bûchers aux sept essences traditionnelles presque terminés. Ou un ersatz. Une torche pour enflammer les bûchers.
Corbeille remplie de verveine et de pommes. Muguet. Harpes sacrées. Danseuses. Provisions pour le repas traditionnel. Aide-mémoire.
Deuxième journée.
Cornemuses, harpes, cor de chasse, labarum, enseignes, glaive, flèche, vouge, pelle, pioche, arbre de mai à planter.
Les membres de la sodalité, après avoir revêtu leurs habits de cérémonie en un lieu approprié, par exemple une sacristie de type sacrarium commencent par arriver en procession pour former le cercle sacré ; que ce soit à l’extérieur en pleine nature autour d’un simulacrum (un arbre, un totem ?) ou d’un point central soigneusement choisi à cet effet dans la campagne, ou à l’intérieur d’un sanctuaire autour de sa cella, ou à l’intérieur d’un temple dans sa cella, voire à l’intérieur d’une abside en forme d’hémicycle si le plan est de type basilical. Avec par ordre d’ancienneté prêtresses et très-sachants de la druidiaction (druidecht) en tête, le druide officiant au milieu. Ensuite les gutuatres/gutumatress, les vates avec le juge de la Tradition et enfin les vellèdes ; avec au milieu celui qui tient le vouge grandeur nature.
Le cortège arrive si possible par l’est à l’endroit choisi où attendent déjà les trois bûchers presque terminés, et fait les trois grands tours rituels autour dans le sens solaire.
Les participants étant à leur place ; les très-sachants de la druidiaction (druidecht) à l’est faisant face à l’ouest, les gutuatres/gutumatres au nord faisant face au sud, les vates à l’ouest faisant face à l’est, les vellèdes au sud faisant face au nord ; le vate faisant office de Juge de la Tradition s’avance vers le centre sacré pour saluer le druide officiant de son vouge, au clair, ainsi qu’une hallebarde suisse.
Après un moment de concentration, les bras levés, paumes ouvertes vers le ciel, face à l’est, le druide officiant défait le cercle en le parcourant trois fois de l’intérieur en sens inverse et ordonne…
« Oyez oyez oyez, pays, payses, hommes et femmes de notre communauté, construisez les trois bûchers ! »
Chacun apporte alors à l’œuvre commune sa bûche, sa branche ou son fagot. Les bûchers doivent avoir la forme d’une baratte, avec 3 côtés 3 angles et 6 portes (ou 6 ouvertures) au ras du sol. On essaiera d’y avoir les sept essences d’arbre suivantes (une par porte) : sapin, bouleau, hêtre, orme,
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pommier, châtaignier, chêne. Les essences d’arbres que l’on n’arrive pas à trouver peuvent être exceptionnellement remplacées par une libation d’hydromel dans le feu.
À défaut d’être de vrais bûchers ainsi dressés, les feux peuvent être représentés par trois torches, trois flambeaux, trois cierges, voire tout simplement trois bûches allumées sur des landiers.
C’est le vate Juge de la Tradition qui doit en principe être le maître d’œuvre de ces bûchers, c’est donc lui qui prendra ces bûches ou ces branches et qui les disposera sur les « barattes » convenablement orientées. Bûchers en principe édifiés sur une hauteur afin que tout le monde puisse en voir le feu.
À chaque fois le druide officiant demande…
— Pourquoi portez-vous ces branches d’arbres dans vos mains ?
Et le vate Juge de la Tradition de répondre…
« Afin de pouvoir alimenter le feu sacré avec la force des plus beaux arbres de notre pays ».
Le druide qui officie envoie ensuite la conhospita devant jouer le rôle de gardienne du feu perpétuel, se placer à l’est des bûchers, puis regroupe tous les autres participants autour de lui, à l’ouest.
Les bûchers une fois prêts, il fait tracer autour, par le Juge de la Tradition, un cercle ou une ellipse par terre de la pointe de son vouge, et s’adresse ensuite à la fille ou à la femme faisant fonction de conhospita…
Ayons une pensée pour les hommes et les femmes de notre communauté, nos pays et nos payses, aujourd’hui à Sodobriga ou ailleurs, et pour Abarix le grand druide d’Hyperborée, serviteur d’Abellio. 3)
Après une minute de silence, le druide officiant s’adresse ensuite à la gardienne du feu perpétuel de l’Église des chênes…
— Noïba Brigitte, veuillez embraser les sept essences de bois sacré.
Dame Brigitte prend alors un brandon enflammé, s’avance en venant de l’est vers l’espace situé entre les deux bûchers puis les allume, en commençant par celui qui est situé au sud.
Dès que les trois feux ont pris, Dame Brigitte regagne sa place, et le druide officiant la rejoint, puis ajoute…
Ces feux ne s’éteindront jamais.
Ils prévaudront sur tous les autres.
Les royaumes tomberont devant eux,
Mais eux-mêmes empliront toutes choses de leur puissance,
Dans les siècles des siècles,
Nert dé agus andé
Que la force soit avec nous,
Sunartiu !
On chante ensuite le bardit du feu des dieux ou on le récite. Les couplets ont été répartis à l’avance entre les dignitaires de la sodalité mais l’assistance reprend à chaque fois en chœur le refrain.
Les personnes qui ont encore des branches ou des bûches de l’essence d’arbre correspondant au couplet, peuvent les brandir et les jeter sur le bûcher pendant le refrain.
BARDIT DU FEU.
Refrain.
Feu de bois, feu de roi
Tu es le même sous chaque toit
Feu clair, feu joyeux
En tous lieux, feu des dieux.
Sapin, arbre vert et toujours jeune
Au feuillage fidèle, été comme hiver
Arbre résineux et toujours odorant,
Tu es la jeunesse immortelle
Qui pétille et qui flambe
Dans le feu de la vie.
160
Bouleau, arbre clair et toujours tendre,
Ton écorce est légère
Et ta chair est blanche
Comme celle d’une jeune fille
Dont les cheveux flottent au vent
Dans l’ombre des halliers.
Hêtre, arbre fort, mais toujours flexible
Comme le jeune homme
À qui ton bois fournit
Armes et outils
Et même l’huile de faine dont il oindra
Ses muscles et ses reins !
Et toi, orme
À l’ombre calme et dense
Tu es le bois dont on fait
Les poutres des maisons
Et les roues des chars
Gloire à toi !
Et toi, pommier
Dont les fruits tout l’hiver
Nous parlent du Printemps
Et une fois coupés
Nous montrent la fleur qui les conçut !
Gloire à toi !
À toi aussi châtaignier
Châtaignier notre sang
Dont les fruits nourrissants
Pétillent sous la cendre,
Dont le bois résistant
Meuble nos demeures
Gloire à toi !
Ô Dervos, génie de l’Église des chênes !
Sanctuaire vénéré des dieux et des hommes
Chêne superbe, chêne-roi
Donne-nous ta force
Étends sur nous ton ombre tutélaire
Et parle-nous des dieux.
Ensuite le druide officiant fait signe aux spectateurs de venir, car c’est à ce moment-là que doit intervenir le passage rituel entre les flammes, de l’ouest vers l’est.
Les participants passent un par un entre deux des feux qui ont été allumés par la prêtresse faisant fonction de Dame Brigitte et viennent les rejoindre.
Pendant que le druide officiant récite le lai du feu de Bélénos.
Ö Bélénos
Protège-nous aujourd’hui
Protège-nous
Durant cette journée qui vient !
Protège le savant et ses études
L’artisan et ses outils
L’agriculteur et sa charrue !
Protège les chemins
Et les gués ainsi que les ponts
Qui nous permettent de visiter nos amis
161
Mais rends-les infranchissables
À nos ennemis !
Protège nos foyers ainsi que ceux qui vivent sous notre toit
Protège nos parents et nos enfants
Nos maisons et nos animaux.
Protège et inspire nos druides
Qui en ont bien besoin
Que leurs œuvres nous fassent découvrir les dieux !
Accorde-nous courage
Et amitié sans faille
Car c’est dans l’épreuve
Que l’on reconnaît ses vrais amis !
Accorde-nous aussi la santé
Pour que ce soir
En nous laissant dans ta lumineuse gloire
Tu nous quittes sains et heureux
Comme tu nous as trouvés à l’aurore !
Ison son bissiet !
C’est ici qu’intervient habituellement l’atioberta (offrande) de la verveine et des pommes d’Abellio.
La conhospita présente au druide officiant une corbeille remplie de verveine et de pommes en disant…
Il y a dans l’océan au-delà des vents du nord, une île où n’existe aucune culture, hormis celles dont la nature prend soin elle-même. La terre y engendre tout comme de l’herbe, et prodigue d’abondantes moissons dans des forêts couvertes de fruits.
En cette île au nord du monde, au cœur d’une clairière dans la forêt, il y a un temple de pierre.
De ce temple on distingue les montagnes qu’il y a sur la lune. Notre Apollon à nous y revient tous les dix-neuf ans pour y jouer de la rote (de la harpe), et danser à la belle étoile, de l’équinoxe de Printemps jusqu’au lever de la constellation des Pléiades.
Le druide officiant prend un des brins de verveine et le fixe à sa ceinture dans sa bougette (sporran), puis il prend une des pommes, la coupe en deux et la mange. La corbeille est ensuite présentée à tous par la conhospita de service, dans le sens habituel.
C’est alors seulement que peut commencer la chorégraphie des oiseaux exécutée par des jeunes filles namnètes couronnées de fleurs dansant sur des airs de harpe sacrée 4).
Pour cela on fait alterner couplets en vieux celtique et traductions en langue du pays.
Après chaque couplet en vieux celtique du druide officiant, par exemple, la traduction par le juge de la Tradition.
On chante ou l’on récite donc…
Cintusma Giamoni, cana peiteto
Ro suaria rotlio esti
Canont nesalcoi lanon loidion
Apo lagenat greinos tanon candon.
Le premier mai nous sourit
Quelle belle saison
Les merles chantent
Dès que le soleil jette le moindre rayon.
Gariet croudios ac dannios cuucos
Esti uocania suarii sami
Dosediet senios serban
la beiat ganscones caldi.
Le coucou appelle
Salut à l’été qui s’annonce
Il calme l’amertume de la tempête
Qui brisait les branches des arbres.
Cerbat samos suuailicon spruton
Saeget luatos graegos lindon
Letati uota bruca
Uorberiti uanos uoltos uindu.
L’été assèche les fleuves
162
Les chevaux cherchent de l’eau
La bruyère envahit la lande
Le feuillage pousse de façon éclatante.
Uxsberont sceilontes blaccoi spetetos
Ambireteti reno ridiu retu
Uolegeti salantia (mori) in sopnon
Togeietr blotiebo bitu.
Les bourgeons de l’aubépine jaillissent
L’Océan s’endort
La mer entre en sommeil
Le monde se couvre de fleurs.
Beront bicoi (becca nertis)
Caito bliniebo pautebo bongon blotion
Beret alaman bennicos
Adberet sodian satin.
Les abeilles butinent le pollen des fleurs
Les montagnes abritent de nouveau du bétail
Et portent de riches pâturages.
Sennonti caldi senmonu
Comcoret ceuelia slanon sedon
Diexcartati tena ulua com denguos
De lindoni lanu loccu.
Les bois résonnent de musique
Leur mélodie nous apaise
La poussière a disparu
Tout comme la brume du lac regorgeant d’eau.
Labaret trenos tragnos
Canet ardua ac glanis riiatro
Ualentiet do tepsmei tondnei
Adtaneti lucariion (secscion) loidos.
Le râle d’eau a recouvré la parole
La cascade
Chante sa joie d’être libre
Le bruissement des joncs a repris.
Lingont uenaloi uesuo
Ambisediet croudia senmo croucas
Uorberit meios meita medta
Coreietr brecca (salar) bedu-de.
Les hirondelles bondissent dans le ciel
De la musique monte des collines
Une belle récolte pousse dans les champs
La truite bondit.
Loudet brigo uirion
Ogia esti bodio bration brigonion
Cana esti pepion caldion calro
Cana pepa mara ac mata magosia.
Les hommes ont retrouvé leur vigueur
Forces et vertus triomphent de nouveau
Les bois ont retrouvé leur splendeur
Les plaines ont retrouvé leur beauté.
Meldacca rotlio esti
Excingit garbos auentos giami
Gleiva uida, toratica tondna
Ollios sedos, subiiacos samos.
La saison est agréable
Le vent d’hiver est parti
La forêt brille,
Les eaux sont poissonneuses
La paix règne, l’été sera joyeux.
Sodeieti elua etnion
163
In iatu in ioi biiesit bana
Rugtu cluetr in gortu glastu
In ioi braton esti gleion glaston.
Une troupe d’oiseaux se pose
Sur le champ que vient de quitter la jeune fille
On entend mugir dans les prés
Brillant de verdure.
Mara gritu, ambiraedontes epoi
Ambisrnontion stretet slugos
Ro-suarion raton cilistarion
Auri silistarion ueida.
Les chevaux courent un peu partout
Ici et là on fait des rondes
La mare déborde
L’iris sauvage brille comme de l’or.
Garmen ardeti uanon uiron
Uadalos uocanet uptu
Uedos (esti) ambicanontos
Cintusman Giamoni, canan peitonin.
L’homme sans courage a peur du moindre cri
Mais ceux qui ont de la constance chantent de tout leur cœur
Les alouettes chantent
Le premier mai nous sourit
Nert dé agus andé. Awen !
Fin du cantique. On organise un repas frugal sur place, un repas fraternel où toutes les provisions sont partagées. Viande de porc ou de sanglier (l’animal de science et de souveraineté dévolu à Bélisama et Abellio), choux, lait doux et lait caillé, bière, pain.
Le dessert est une galette que la reine de mai partagera et distribuera aux hommes et aux femmes de notre communauté, aux pays et aux payses, attablés.
Le druide officiant bénit le repas en faisant sur lui le signe de la croix de Suqellos (c’est-à-dire un X) ; les trois doigts de la main droite tendus comme dans une main de justice : pouce, index et majeur (repliés : annulaire et auriculaire).
Vers le haut à droite : « Par la force d’Abellio ».
Vers le bas, mais à gauche : « Par la force d’Abaris ».
Vers le haut à gauche : « Par la force de Belenos ».
Vers le bas, mais à droite cette fois : « Par la force de Brigindo ».
Que ce repas soit béni !
Nert dé agus andé
Que la force soit avec lui !
Sunartiu !
L’ambact devant jouer le rôle de roi de la fête offrira ensuite à la jeune fille de son choix un mai ; c’est-à-dire du feuillage ou des fleurs (par exemple du muguet), cueillis spécialement pour elle et en son honneur, tout en lui récitant le lai suivant…
Iaccitos te
Arbre d’Abellio
Dont les fruits coupés en deux
Évoquent la fleur
Où nous avons été conçus.
Salut à toi !
Iaccitos te,
Bienheureuse île d’Avallon
Dont les fruits en hiver
Nous rappellent les joies de l’été
Salut à toi !
164
La jeune fille ainsi désignée devient la reine de la cérémonie et se voit donc attribuer une couronne blanche, un peu comme celle des mariées. Cette tradition de la reine de mai symbolise le printemps délivré des puissances de l’hiver. La reine de mai ainsi couronnée distribue, éventuellement, les fleurs ou les fruits, avec l’aide d’autres jeunes filles en fleurs. Au fur et à mesure que les feux déclinent, le Juge de la Tradition en resserre les cendres et les braises pour que tout soit bien brûlé.
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Les rites du lendemain de Beltène commencent par l’ostension, en procession, des objets de culte de la communauté : les hiéra dans les mystères grecs 2). On apporte au son des cornemuses, des harpes (rotes) ou des trompes (cornyx) les objets sacrés : labarum, enseigne au sanglier, glaive de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd, flèche d’Abarix, le pommier à planter, pour la circonstance, et ainsi de suite.
Les membres de la sodalité, après avoir revêtu leurs habits de cérémonie en un lieu approprié, par exemple une sacristie de type sacrarium commencent par arriver en procession pour former le cercle sacré ; à l’endroit où le pommier va être planté ; c’est-à-dire entre les cendres des deux feux de la veille ; que ce soit à l’extérieur en pleine nature autour d’un uxonabelcon ou d’un point central soigneusement choisi à cet effet dans la campagne, ou à l’intérieur d’un sanctuaire autour de sa cella, ou à l’intérieur d’un temple dans sa cella, voire à l’intérieur de l’abside en forme d’hémicycle si le plan est de type basilical. S’il s’agit d’un sanctuaire couvert, celui-ci doit contenir en son centre devant l’autel surplombant le puits à sacrifice, un grand tonneau rempli de terre destiné à accueillir l’arbre à planter.
Avec par ordre d’ancienneté prêtresses et très-sachants de la druidiaction (druidecht) en tête, l’officiant au milieu.
Ensuite les gutuatres/gutumatres avec au milieu les quatre ambacts portant l’arbre à planter, les vates, avec le Juge de la Tradition et son grand vouge au clair comme une hallebarde suisse ; enfin les vellèdes ou l’ambact portant la pelle ou la pioche.
Le cortège arrive si possible par l’est à l’endroit choisi et fait les trois tours rituels dans le sens solaire. Un peu comme dans le cas du taouaf autour de la Kaaba de La Mecque, la nudité en moins.
Les participants étant à leur place ; les très-sachants de la druidiaction (druidecht) à l’est faisant face à l’ouest, les gutuatres/gutumatre au nord faisant face au sud, les vates à l’ouest faisant face à l’est, les vellèdes au sud faisant face au nord ; le vate faisant office de Juge de la Tradition s’avance vers le centre sacré pour saluer le druide officiant de son vouge, au clair, ainsi qu’une hallebarde suisse, et fait un signe à l’ambact jouant le rôle de Roi du Pays.
Le Roi du Pays se retourne alors vers le nord, sonne du cornyx et demande à l’ambact représentant cette partie de la paroisse…
— Au nord, pays d’Abellio, y a-t-il la paix ?
— Oui au nord, pays d’Abellio et d’Abarix, il y a la paix ! répondent les ambacts représentant cette région.
Le Roi du Pays se tourne alors vers l’est, sonne du cornyx, et demande à l’ambact représentant cette partie de la paroisse…
— À l’est y a-t-il la paix ?
— Oui à l’est il y a la paix ! répondent les ambacts représentant cette partie de son fief.
Le roi du pays se tourne alors vers le sud, sonne du cornyx et demande à l’ambact représentant cette partie de la paroisse…
— Au sud y a-t-il la paix ?
— Oui au sud il y a la paix ! répondent les ambacts représentant ce district.
Le Roi du Pays se tourne alors vers l’ouest, sonne du cornyx, et demande à l’ambact représentant cette partie de la paroisse…
— À l’ouest y a-t-il la paix ?
— Oui à l’ouest il y a la paix ! répondent les ambacts représentant cette partie du pays.
L’assistance fait alors le signe du guerrier celte. C’est-à-dire que du poing droit solidement fermé, elle se frappe plusieurs fois (3 fois 6 fois ou 9 fois) le cœur, comme si l’on heurtait d’une lance quelconque un bouclier invisible.
Le Juge de la Tradition reprend, à l’adresse du druide officiant…
165
Ô très-sachant, il est venu une troupe sur le Slemain Midé de… (nom du lieu) une troupe marchant avec… (nom du premier objet sacré : labarum, lance, cladibo, etc.).
Le druide officiant : qu’ils soient les bienvenus !
Il est venu une autre troupe au Slemain Midé de N.… (nom du lieu) avec… (nom du deuxième objet sacré : bouclier, ou autre).
Et ainsi de suite jusqu’à ce que le Juge de la Tradition ait énuméré de la sorte tous les objets rituels de la communauté des dagolitoi ou fidèles présents pour ces feux de Bel (lance de Lug, labarum, glaive de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd, etc.). Sans oublier le pommier à planter bien entendu.
Le druide officiant fait alors tracer par le Juge de la Tradition un petit cercle de la pointe de son vouge, à l’emplacement juste devant le vate où l’on va planter l’arbre.
Ensuite il fait signe aux ambacts portant le pommier de venir, pour se placer au centre de souveraineté du cercle.
Il fait signe aussi à qui porte la pelle ou la pioche ou tout simplement un vouge, de venir se joindre à eux, pour terminer le trou (éventuellement).
Revêtu de sa coule blanche, les pieds lavés soigneusement et nus, ou à tout le moins sans aucun produit synthétique aux pieds (que du cuir du bois ou de la laine) ; le druide officiant vient les aider à planter l’arbre de mai puis ajoute ces quelques mots…
Le rituel des feux de Bélénos et Bélisama étant placé sous le signe de la liberté, nous plantons ici l’arbre du monde symbolisant cette victoire. Par le nom sacré d’Abellio, devant toi ô arbre de la liberté, arbre du monde, nous nous inclinons.
L’assistance s’incline ou met un genou en terre.
Le druide officiant ordonne ensuite à haute et intelligible voix…
Plantez le pommier !
Alors les ambacts mettent en place l’arbre à planter : dans le trou qui a été au préalable creusé ou dans le pot qui a été au préalable disposé, entre les cendres des trois foyers de la veille.
Le druide officiant pendant ce temps-là récite le lai suivant.
Cet arbre, ses racines plongent jusqu’au cœur de la terre et sa cime s’élève jusqu’aux cieux. Cet arbre de la liberté, des hommes aux pointes noires ont voulu, et veulent encore, l’abattre. Mais si cet arbre est déraciné ou se rompt, alors le monde entier s’effondrera.
Par Trefuilngid Tre Eochair
Par le triple seigneur aux trois clés
Dans la clairière sacrée
À l’ombre tutélaire du chêne de Mughna
Le plus noble des arbres.
À toi Cornunnos notre ami
Je confie la protection de la nature qui nous entoure
Et qui nous fait vivre.
Ô Blanc Cerf aux cornes d’or
Protège-la des souillures
Des spéculateurs,
Des mercantis avides
Des marchands de toute espèce
Des agriculteurs incompétents
Des alchimistes inconscients.
Car science sans conscience
N’est que ruine de l’âme.
Guéris-la de leurs blessures
Pour que nous puissions la retrouver intacte
Et la conserver ainsi à nos enfants.
Pour le repos de l’esprit de nos frères les chênes
Que l’on abat et que l’on brûle, prions.
Pour nos frères les hêtres
Que l’on arrache et que l’on assassine, prions.
Pour les ormes
Que l’on mutile et déracine, prions
Oui, prions !
Prions pour nos frères les ifs et les bouleaux,
Dernières demeures de nos ancêtres,
166
Et pour tous les arbres que l’on assassine. Awen !
La prière ayant été dite, et sur un signe du druide officiant, le Roi du Pays se retourne alors vers le nord, sonne du cornyx et demande à l’ambact représentant cette partie de la paroisse…
— Au nord y a-t-il la science et la paix maintenant ?
— Oui, au nord il y a la science et la paix maintenant ! répond l’ambact représentant le Nord de la paroisse.
Nouvelle sonnerie de cornyx du Roi du Pays qui poursuit en se tournant vers l’autre point cardinal…
« À l’est y a-t-il la richesse et la paix maintenant ?
— Oui, à l’est il y a la richesse et la prospérité ainsi que la paix maintenant ! répond l’ambact représentant l’Est de la paroisse.
Troisième sonnerie du Roi du Pays qui demande au sud…
— Au sud y a-t-il l’art la musique et la paix maintenant ?
— Oui, au sud il y a l’art et la musique et la paix maintenant ! répond l’ambact concerné.
Dernière sonnerie enfin du Roi du Pays qui demande à l’ouest…
— À l’ouest y a-t-il la force et la paix maintenant ?
— Oui, à l’ouest il y a la force et la paix maintenant ! répond l’ambact de l’ouest.
Tous regagnent leur place en pivotant sur la droite dans le sens solaire, les très-sachants de la druidiaction (druidecht), les véllèdes, vates et gutuatres/gutumatres.
Le druide officiant défait le cercle sacré en le parcourant de l’intérieur dans le sens inverse. Le cercle peut alors être rompu.
La cérémonie se poursuit en principe par l’assemblée générale de la sodalité.
Si possible dans un haut lieu analogue au Montsalvat décrit dans les aventures de notre seigneur de Muirthemné : Cuchulainn.
« Du haut de la citadelle ensoleillée (un temple du soleil ?) où se trouvait Scathache, on pouvait apercevoir le Hésus Cuchulainn à la peine. Ainsi était cette citadelle du soleil ; avec sept portes immenses, et sept fenêtres entre chacune de ces portes, trois fois cinquante filles dans chacune de ses pièces, avec des manteaux pourpres et bleus. Et il y avait trois fois cinquante garçons du même âge, trois fois cinquante garçons valeureux, trois fois cinquante champions, hardis et intrépides, devant chacune de ces portes, à l’intérieur et à l’extérieur ; apprenant l’art martial et les prouesses chevaleresques avec Scathache ». C’est là que peuvent venir de toute part ceux qui ont des questions à poser aux très-sachants de la druidiaction (druidecht). C’est là aussi, à cette occasion, à la mort du précédent, qu’est élu le nouveau Primat inter pares. Ni querelles ni violences ne doivent y éclater.
L’assemblée générale débute par le rituel du cladibo (glaive) de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd.
L’ambact qui assure le rôle de licteur se place, l’épée au clair, en tête du cortège arrivant à l’endroit où doit se tenir l’assemblée générale.
Il doit s’agir si possible d’un celicnon c’est-à-dire d’un local fermé avec au milieu, soit une table ronde soit des tables disposées en cercle.
Devant l’entrée, l’ambact qui assure le rôle de licteur dessine alors dans l’espace, de la pointe du cladibo, trois petits cercles.
Pendant ce temps, derrière lui, le très-sachant de la druidiaction (druidecht), officiant, lit le texte de l’ordonnance des druides…
« Que tout membre de la sodalité puisse assister à cette oenach. Si quelqu’un y provoque querelle ou violence, que Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd avec son glaive lui coupe un bout de son manteau, afin de le ramener à la raison.
Cette assemblée a pour but de rappeler ou modifier les règles de la sodalité, déterminer les droits et devoirs de chacun, approuver l’enregistrement des archives.
Le pays ou la payse, l’homme ou la femme de notre communauté, qui transgressera cette règle ou ces décisions, et qui se rendra ainsi coupable d’élude, sera banni de la communauté. Cet élutaché perdra tous ses droits dans la sodalité et quiconque le soutiendra pareillement. Toute célébration rituelle et toute intronisation lui seront interdites. Les dieux et les hommes ne lui devront plus rien ».
PRIÈRE DU SAGE.
Uediiu-mi
Ô dieux de Dana
Donnez-moi la sagesse
Avec la sagesse la compréhension
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Avec la compréhension le bon sens
Avec le bon sens le Savoir
Avec le Savoir l’investigation
Avec l’investigation la recherche
Avec la recherche l’étude
Avec l’étude la méditation
Avec la méditation l’examen de toute chose
Avec l’examen de toute chose la poésie de la vie.
Nert dé agus andé.
Awen !
Je déclare ouverte l’assemblée générale X (… année en calendrier druidique de Coligny) de la sodalité, an X (… année civile) de l’ère vulgaire.
Tout le monde prend place autour de la Table ronde du celicnon (du grianon) et l’ambact jouant le rôle de licteur dépose le cladibo (le glaive de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd) devant le druide officiant, le pommeau tourné vers lui.
Si nécessaire, et pour ramener un peu de calme, le druide officiant pourra en frapper la table (avec le pommeau) par trois fois ou plus.
Autrefois, l’ambact jouant le rôle de licteur pouvait même découper avec ce cladibo des morceaux du vêtement des éléments semant la perturbation, afin de les calmer quelque peu 5).
1) La verveine étant devenue de plus en plus difficile à trouver elle a été remplacée par le muguet au Moyen-âge.
2) Hiéra. Neutre pluriel de « hiéron » = « chose sacrée ». Désigne tous les objets nécessaires au culte d’une divinité dans le cadre des mystères. Exemple l’arc et le carquois dans le culte d’Apollon à Délos.
3) Abarix (Abaris Hyperboreos chez Platon) est un personnage semi-légendaire mentionné par divers auteurs de l’Antiquité grecque. Scythe ou hyperboréen, il voyage par toute la Grèce, et se fait surtout admirer des Athéniens. On disait qu’il avait reçu d’Apollon une flèche volante sur laquelle il traversait les airs, et le don de prophétie. On lui attribuait aussi de très grandes connaissances en médecine, et Platon le regarde comme un maître dans l’art des incantations. C’est donc un représentant de la sagesse des Barbares, dont les contemporains d’Hérodote commençaient à s’éprendre, et des purifications mystiques, chères aux orphiques ou aux pythagoriciens. On faisait circuler sous son nom quantité d’ouvrages apocryphes, entre autres des formules expiatoires, des oracles scythiques, une théogonie en prose…
4) « Les Celtibères et leurs voisins plus au nord sacrifient à un dieu sans nom, la nuit, à chaque retour de la pleine lune, devant les portes de leurs bourgades ; en se livrant alors avec toute leur maisonnée à des rites divers agrémentés de danses » (Strabon, Géographie, III, 4, 16). Cette danse est aujourd’hui le plus souvent remplacée par une chorale ou par des airs de musique traditionnelle.
5) Strabon IV, 4, 3 : « Si l’un des assistants interrompt bruyamment l’orateur ou cause quelque désordre, le licteur ou officier public s’avance, l’épée nue à la main, et lui impose le silence d’un air menaçant ; s’il continue, le licteur répète deux ou trois fois son ordre et finit par couper au perturbateur un pan de son manteau, assez large pour que le reste ne puisse plus servir ».
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LUGNASADE.
(Fête d’oenach ou obligatoire.)
La fête à Tailtiu en Irlande, le Concilium Galliarum en France (en patois « la goule d’août ») se célèbre normalement le 31 juillet. On peut si l’on veut y consacrer toutes ses vacances d’été, soit les 15 derniers jours de juillet et les 15 premiers d’août.
La lugnasade était aussi évidemment une oenach, c’est-à-dire une occasion de rencontres diverses. Il s’agissait d’honorer le travail des artisans et des artistes, des poètes ou des musiciens, du monde entier. Du moins de celui qui était connu à l’époque pour ces populations évidemment.
On comprend donc aisément que le premier hagiographe officiel de saint Patrice, Muirchu, ce soit déchaîné contre en parodiant sans le vouloir le très péjoratif « genus vatum medicorumque » de Pline, « cette engeance de vates et de médecins ».
«… Il se produisit cette année-là une cérémonie d’idolâtrie que les païens avaient coutume de célébrer avec de nombreuses incantations, des invocations magiques et plusieurs autres superstitions idolâtres ; les rois, les princes, les chefs, les seigneurs, les nobles de la nation et un plus grand nombre encore d’incantateurs, de devins et de toutes sortes de magiciens ou de docteurs ayant été appelés chez Loegaire, comme jadis le roi Nabuchodonosor ; à Tara, leur Babylone, la même nuit que la Pâque de saint Patrice ». Était-ce Lugnasade ou Samon (ios) ? De toute façon les noms de Nabuchodonosor et de Babylone n’ont rien à faire là. Rectifions donc pour nos lecteurs la haineuse propagande de ce taliban (parabolan) du christianisme.
Voici par exemple comment se passaient les foires de la Goule d’août en l’an 40 de notre ère.
On y voyait les Bretons avec leurs ambres et leurs étamages plus brillants que l’argent, les Aquitains de Cahors avec leurs matelas de plume, les Belges avec leurs étoffes de laine grossière, les Germains avec leurs salaisons, les Espagnols avec leurs armes bien trempées. Les étoffes de lin et de chanvre du nord de la Gaule, les poteries rouges dont la cisalpine inondait toute l’Europe, les huiles fines de Provence, les vins corsés ou poissés de la Narbonnaise et de la vallée du Rhône ; constituaient de véritables entrepôts abrités sous de gigantesques hangars établis sur les berges du confluent. Une flotte de barques, de radeaux, de toute forme, de toute provenance ; était amarrée au rivage, encombrant les divers bras du fleuve qui serpentait au milieu des îles ; et formait comme une seconde ville flottante, ville bien plus bruyante que la ville officielle étagée sur la colline. Une foule bigarrée se répandait sur la grève, couverte de baraquements, où s’étalaient les produits du monde entier ; marché cosmopolite où les échanges se faisaient soit en nature, soit avec des métaux précieux et des monnaies de toutes les provenances frappées à toutes les effigies. Les Phéniciens y apportaient leurs étoffes teintes et leurs verreries qui rivalisaient avec les produits de la fabrication locale.
En Irlande cette fête du début d’août (goule d’août ou gueule d’août en patois) était censée avoir été instituée par le dieu Lug lui-même ; à Tailtiu, en mémoire de sa mère nourricière, la déesse ou fée belge Talantio (en gaélique Tailtiu, aujourd’hui Teltown dans le comté de Meath) ; symbole irlandais de la Terre-Mère équivalant à la déesse ou fée, si l’on préfère ce terme, Rosemartha, sur le Continent. Cette Goule d’août ou Gueule d’août semble avoir été surtout une fête royale. Le roi y présidait en effet des courses de chevaux, ainsi que des joutes poétiques. Tout cela se passait sous le patronage d’une déesse-mère qui, d’après le mythe, était morte afin d’assurer la prospérité à ses nombreux enfants. Il est donc vraisemblable qu’à cette occasion des jeux funèbres représentant les grands mythes primordiaux étaient représentés, un peu comme les mystères du théâtre religieux médiéval, chacun jouant son rôle dans cet affrontement généralisé des Forces en présence.
Accessoires ou hiéra nécessaires.
Vouge. Dague. Drap rouge. Drap blanc. Du gui. Un chaudron géant. De la viande de cheval et de bœuf. Bûcher aux sept essences prêt à être enflammé. Des braseros ou des cierges. Une corne d’aurochs pour les libations.
Une jeune fille volontaire pour mener le cortège habillée comme une valkyrie. Une lampe tempête. Une Lance.
Un toréador et son équipe. Cornemuses. Trompes de chasse. Harpes. Les objets sacrés de la Communauté.
Un taureau pour la course. Une jument blanche. Victuailles : eau de source pain bière hydromel.
Les membres de la Fraternité sacerdotale (sodalité) doivent se réunir à l’endroit consacré à cet effet ; c’est-à-dire une ville dédiée à Lug comme Carlisle (ex Luguvalium), Leyde aux Pays-Bas (ex
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Lugdunum Batavorum), Legnica/Liegnitz en Pologne (en Silésie), Lucunanta en Mésie et ainsi de suite… En cas d’impossibilité, les rites de l’assemblée tenue en l’honneur de la mère adoptive de Lug peuvent être célébrés ailleurs ; à condition d’avoir alors une pensée toute particulière pour la ville de Lug, et de s’unir par le cœur et l’esprit avec les très-sachants de la druidiaction (druidecht), passés ou présents, de ce lieu.
Le flambeau passe de main en main
Quand la mort l’a ravi à l’un
Le plus proche le reprend.
Le relais continue.
Le temps s’écoule et nul ne demande
Combien de temps chacun portera le flambeau
Ce qu’il faut simplement c’est qu’il brille
Et qu’un cœur brûle avec lui,
Étincelant et pur.
Là est le plus important.
Puisse-t-il clairement resplendir
Dans l’obscurité devant nous
Les autres attendent.
Nous le porterons donc avec nous aussi
Ce flambeau.
Nert dé agus andé.
Awen !
Tout bon Celte de cœur et d’esprit qui se respecte se doit de célébrer la Lugnasade, dans une de ces villes fondées par Lug, au moins une fois dans sa vie. Tout comme tout bon musulman doit se rendre au moins une fois à La Mecque au cours de sa vie.
Le rituel en mémoire de la princesse gauloise Fir Bolg ayant servi de mère à Lug commence par une assemblée générale de tous les peuples celtes. Chaque personne présente doit indiquer de quelle région elle est originaire ; du pays d’Arthur, du pays des Éduens, du pays de Merlin (l’Écosse) du pays des Santons, du pays de noïba Brigitte (la verte Erin) du pays des Pétrocores, du pays d’Arganthonios (c’est-à-dire Tarsis ou Tartessos en Espagne) du pays des Arvernes, du pays de Bellovèse, de Sigovèse, d’Ambicat, etc.
Cette assemblée générale des cités a pour but de contribuer à faire mieux se connaître les frères et sœurs réunis à cet endroit, et d’obliger ainsi tout le monde à faire des efforts de recherche historique.
Elle peut être élargie à d’autres pays autrefois celtiques, en souvenir de l’ancien contrat passé avec les dieux, ou du moins celtisés ; comme le Danemark et la Turquie.
Ce concile est donc une fête très ouverte. Tout le monde peut y participer. L’atmosphère doit être à l’amitié, les guerriers doivent y venir sans arme, sans vaine querelle : il s’agit d’une trêve divine.
Ce rassemblement de toutes les tribus se fait dans un lieu-dit spécialement aménagé à cet effet appelé (d’après mes correspondants parisiens) l’Amphithéâtre des quatre Celties ; un territoire, chez les Celtes, étant toujours divisé en quatre, avec une région centrale. Voir la Constitution galate. Les Romains, bien sûr, ont à chaque fois désorganisé toutes ces géographies sacrées, en l’occurrence en ramenant à trois le nombre des circonscriptions concernées, ce qui ne signifie plus rien de point de vue de la symbolique.
Tout le monde étant arrivé, toutes les tribus d’Europe étant là, le Primat des Celties ou le druide officiant, face au public (les délégués de ces tribus) récite le lai traditionnel suivant…
Ô Rosemartha Mère des Celtes
Qui veille sur notre terre
La terre du Milieu
Bénis nos pâturages et nos champs
Protège notre blé
Protège nos troupeaux ;
Que le lait s’avère abondant
Et parfumé
Ainsi que la tome de nos alpages ;
Bénis la graine dans la terre
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Et le fruit dans la fleur.
Que nos champs suffisent
À nourrir notre multitude
Afin qu’elle reste digne des dieux !
Ison son bissiet !
Fils de dieux et petits-fils de dieux mes frères, hommes et femmes de notre communauté, pays, payses, oyez, oyez, oyez ; si les dieux vous ont préféré aux autres nations, ce n’est pas pour rien, ce n’est pas par hasard. Celtes mes frères, restez toujours dignes de cette prêtrise royale. Faites comme notre grand monarque Ambicatus. Prenez en main sans hésiter la cause de ceux que l’on opprime. Comme les chevaliers soldurs de vos ancêtres, ayez au plus haut point le sens de l’équité, du droit, de l’honneur, et de la justice.
Ne tolérez pas que l’on manque à sa parole. Il n’est pas de plus grand crime contre l’esprit que de laisser sans rien faire l’injustice et l’orgueil triompher. Car votre geis à vous, dames et chevaliers celtes, en tant que membres de la nation consacrée, la voici.
Comme Ambicatus soyez bons et généreux. N’oubliez jamais la veuve et l’orphelin, les peuples et les nations opprimés. Si pour leur venir en aide il faut la force de vos armes, n’hésitez pas. L’honneur et la dignité ne se marchandent pas, ils se conquièrent. Et la liberté n’est pas un don (des dieux), mais un combat de tous les instants. N’acceptez jamais une paix déshonorante, car vous auriez alors, et la guerre, et le déshonneur.
Mourir les armes à la main pour une juste cause est plus qu’un sacrifice pour un vrai Celte de cœur et d’esprit, c’est une consécration. Les chevaliers soldurs de vos ancêtres, quand ils avaient des amis, partageaient avec eux tous les biens de la vie ; mais s’ils périssaient, ils devaient, ou partager leur sort, ou se tuer eux-mêmes. Et de mémoire de Celte, il ne s’est encore vu personne pour refuser de mourir dans de telles circonstances.
Abandonner les nations et les peuples opprimés à leur triste sort, les veuves et les orphelins, les victimes de l’injustice, même et surtout dans une situation désespérée ; ce qui se fait pourtant beaucoup aujourd’hui, est indigne d’un vrai chevalier de la Table Ronde.
A fo ben, bid bont
Le devoir des rois, le devoir des chefs, c’est de faire passer l’intérêt des leurs avant tout.
Que celui qui veut commander soit un pont
Le devoir des rois, le devoir des chefs, c’est la vérité.
Le devoir des rois, le devoir des chefs, c’est l’intégrité intellectuelle et morale.
Le devoir des rois, le devoir des chefs, c’est d’avoir le sens de l’honneur
Et de ne pas être servile.
Le devoir des rois, le devoir des chefs, c’est la générosité.
Le devoir des rois, le devoir des chefs, c’est le désintéressement.
Tel est votre unique privilège, tel est le défi que vous avez à relever en ce monde, tel est le devoir qui vous ennoblit et vous différencie, qui fait de vous le sel de cette Terre, sa race de rois ou de grands soldats ; ô Celtes de cœur ou d’esprit. Nert dé agus andé.
Awen !
C’est alors que peut commencer la fête du taureau (tarbhfess) proprement dite. Un taureau ayant l’allure et la forme d’un aurochs, mais blanc, vigoureux et agile, n’épargnant dans sa manade ni l’homme ni l’animal.
Le chasseur d’urus qui va sacrifier la bête pénètre dans la fosse (dans l’amphithéâtre ou dans l’arène) et salue le druide officiant, qui préside la cérémonie. La main droite levée, les trois doigts tendus comme dans une main de justice : pouce, index et majeur (repliés : annulaire et auriculaire).
Awen primat des quatre Celties,
Nert dé agus andé
Celui qui va combattre le taureau te salue.
Je jure de rechercher uniquement beauté, gloire, et celtisme
Je jure de rester fidèle au véritable esprit
De la vraie tradition celtique.
Je jure d’être le digne et authentique héritier
De la science et de la philosophie des îles d’Hyperborée
Ou situées au nord du Monde :
Thulé, Abalum, Gorre et Ogygie l’Île verte.
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De nos anciens du temps de la Grande Celtie libre et indépendante.
Du dernier druide de la cour du grand Domnall mac Muirchertach Ua Néill
Selon Urard Mac Coisé
De la Réforme de Sean Eoghain Ui Thuathallain na Leabhar
De la Réforme d’Henri Lizeray
Ou de ses comarbae.
Je jure non seulement de soutenir et défendre la vraie Tradition celtique et l’esprit celte, mais aussi de les développer à nouveau et d’en répandre partout la lumière.
Je jure de contribuer de toutes mes forces au mouvement de reconquête qui nous rendra les biens spirituels dont nous avons été injustement privés ou spoliés (rites, symboles, pèlerinages, lieux de culte, de la Croagh Patrick en Irlande, au mont Beuvray en Bourgogne…)
Je jure de faire en sorte que la vraie spiritualité de nos ancêtres puisse de nouveau illuminer le monde comme un feu dans la nuit ; et puisse montrer à tous le sentier conduisant à l’œil de lumière sous le chêne, l’if et le bouleau.
Je jure enfin de respecter notre sodalité, son Primat inter pares, sa règle et ses coutumes.
Que les déités lumineuses et paisibles éloignent de moi la légion infernale des duses et des vouivres anguipèdes (ces géants que l’on appelle Andernas ou Fomore) ainsi que tous les autres sous-dieux des glaces du non-monde !
Tongu do dia toingeas mo tuath
Touongo adge deuu iom touongeti ma touta
Adge saveliu,
Luxnei, divu ac nuxtu
Etic ollebo cactiebo nemetos etic talamunos
Toaretudiet pennei mei nemes
Dlogieti talamu con maru critonu
Ringiet gala
Losciet mene aedis
Adtanet gormoceidt omori are talu dumni
Au mon oiton ponc delco
Ac in gascarian ate caedo.
Par les enseignes sacrées de nos bataillons
Que plus un toit ne me soit offert
Que mes parents me ferment leur porte devant moi
Que mes enfants me ferment leur porte devant moi
Si je ne respecte pas cette promesse.
Le chasseur d’aurochs qui va combattre le taureau fait alors devant tous le signe du guerrier païen. C’est-à-dire que du poing droit solidement fermé, il se frappe plusieurs fois (3 fois 6 fois ou 9 fois) le cœur, comme si l’on heurtait d’une lance quelconque un bouclier invisible.
Le druide officiant consacre ensuite un rameau de gui en gravant dessus des runes celtes (lépontiques) à l’aide de sa dague (de son cladibo) ou de sa serpette pliante opinel.
Dès que le rameau d’or a touché le sol, des gardians lâchent le taureau hors du toril.
Ce sacrifice du taureau ou tarbhfess comporte deux variantes principales.
— Le rite volque tectosage et celtibère, né en fait dans la sylve hercynienne.
En pays volque, rauraque ou némète, la chasse aux aurochs était en effet un moyen pour les jeunes guerriers de s’endurcir et de s’entraîner. On les prenait dans des fosses dans lesquelles les jeunes gens sautaient pour affronter l’animal, le glaive à la main. (César. B. G. Livre VI, 28).
Dans le rite celtibère, le chasseur d’auroch qui tue le taureau peut en garder les cornes pour lui si le druide présidant la cérémonie en tant que Primat des quatre Celties lui en donne la permission (en montrant un linge blanc, celui qui a servi pour le gui, par exemple).
On en garnira ensuite les bords d’un cercle d’argent et l’on s’en servira comme coupes (à boire).
Si le gladiateur en question, dans ce jeu funèbre en la mémoire de la princesse fir bolg appelée Rosemartha sur le Continent, ou Tailtiu en Irlande ; est au contraire tué par le taureau ; son âme/esprit monte directement au ciel rejoindre celle de la mère adoptive de Lug.
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Note : le tissu rouge brandi par le druide officiant signifie : tour d’honneur pour la dépouille de l’animal qui s’est bien battu.
— Le rite galicien ou galate.
Dans le rituel galate ou galicien, il n’y a pas ou plus de mise à mort du taureau.
On choisit seulement un termagant (un tarvos trigaranos) c’est-à-dire un taureau dont les cornes sont boulées pour la première fois. Sur le front ainsi qu’une superbe cocarde, on lui fixe une corne supplémentaire en bronze, d’où son nom : tarvos trigaranos (qui a donné tervagant ou termagant).
Les bouviers à cheval avec leurs tridents poussent l’animal hors du toril, et les jeunes doivent ensuite, seuls et sans arme, courir après pour la lui enlever.
Cette différence entre les deux rites (le celtibère et le galicien) vient du fait que les Volques prenaient l’aurochs au piège (dans une fosse) et que les Galiciens, eux, le chassaient à cheval avec des tridents (lances, piques).
AUTRES RITES.
Repentir d’auteur. L’arlésienne qui fait partie de mes correspondants me fait remarquer que pour ce qui est du côté théâtral et de la mise en scène, le plus spectaculaire (là Shakespeare est battu à plate couture) ce sont les courses camarguaises et que ce sont également les plus anciennes puisque la race de « biou » en question est déjà mentionnée dans des écrits datant de l’Antiquité romaine et figurée sous forme de statuette à Saint-Rémy de Provence (le taureau tricornu datant du 1er siècle).
DONT ACTE. Mais cela s’apparente alors au saut par-dessus les taureaux connus en Crète depuis l’âge du bronze et aux actuelles courses landaises en France ou aux Courses de recortadores en Espagne (contrairement au raseteur camarguais qui enlève les cocardes, glands et ficelles, le recortador espagnol enfile des anneaux sur les cornes du taureau, le but étant d’en enfiler le plus possible).
Le 2e acte de ce grand Concile de Lug est plus complexe.
À l’heure dite, et la fête du taureau terminée, chacun se rend au nemeton où doit brûler le feu perpétuel en l’honneur de la princesse gauloise fir bolg qui servit de mère à Lug (Rosemartha sur le Continent, Tailtiu en Irlande donc) ; puisque tel est le cas dans toute cité de Lug qui se respecte.
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Si la Lugnasade a lieu dans le Lugdunum du confluent, il s’agit de la basilique bâtie sur l’emplacement de l’ancien temple païen de l’île des Canabae, le nemeton d’Ainos/Ainay.
Les colonnes soutenant la coupole de son chœur sont en effet celles de l’autel des Quatre Celties de nos ancêtres. Il est à noter aussi que cette église utilise également des chapiteaux celtiques à entrelacs provenant de l’île barbare, notamment pour son baptistère et pour la porte nord de sa chapelle Saint-Martin (rue des remparts d’Ainay). Au fur et à mesure de son arrivée dans la basilique chacun va y faire le tour des colonnes de syénite de l’autel ; en traversant dans le sens des aiguilles d’une montre le transept et le déambulatoire prévu à cet effet ; tout en aspergeant d’eau du Rhône et de la Saône, à chaque fois, lesdites colonnes, qui ont succédé aux arbres du nemeton de jadis.
D’après la légende les mauvais vents de Cers de la vallée sont alors chassés par un vent plus favorable.
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Ainsi que nous avons déjà l’occasion de le dire, le feu de Lug étant perpétuel, il doit toujours y avoir au moins une flamme dans un grand sanctuaire dédié à son nom.
Une première petite circumambulation (deisil, deiseil, deiseal, en irlandais, taouaf en arabe à La Mecque) ayant été préalablement effectuée autour dudit feu perpétuel ; chacun en entreprend une deuxième, en allumant au passage un cierge devant chaque colonne.
Chacun peut ensuite entreprendre la troisième étape de cette circumambulation sacrée ; à savoir confier à la flamme des flambeaux ou des braseros, un message pour le génie de cette cité céleste dédiée à Lug, comme Carlisle, Leyde aux Pays-Bas, Legnica/Liegnitz en Pologne… Des lettres sur tablette d’écorce afin qu’elles puissent mieux se consumer, donc transmettre ainsi les vœux en question.
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Ceci étant terminé, chacun se retire après avoir embrassé la base des colonnes de l’autel des quatre Celties 1) qui ont succédé aux arbres des temps jadis. Et après avoir fait le signe païen de croix druidique.
C’est-à-dire que du poing droit solidement fermé, on se frappe plusieurs fois (3 fois 6 fois ou 9 fois) le cœur, comme si l’on heurtait d’une lance quelconque un bouclier invisible.
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Ensuite rassemblement à l’extérieur du sanctuaire (devant la basilique Saint-Martin d’Ainay donc s’il s’agit du Lugdunum situé au confluent du Rhône et de la Saône) ; afin de se préparer à la montée vers le temple de Lug situé sur la colline ; car tout sanctuaire de Lug est par définition un grianon situé sur une colline.
Sans oublier le termagant ou tervagan (tarvos trigaranos) rescapé du combat contre le chasseur d’auroch dans l’arène (ou un autre) ; et la valkyrie cavalière portant la flamme de Lug au bout d’un tribanne (d’une lance), pour ouvrir la marche sur son cheval blanc. Pas une cavalière revêtue d’une armure comme la Jeanne d’Arc chère au cœur de nos correspondants parisiens, mais plutôt comme la célèbre héroïne de Coventry, la nudité en moins 2).
Prières ou cantiques de circonstance, avant le départ de la procession et pendant, labarum et autres objets sacrés en tête.
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Si la procession a lieu à Carlisle par exemple, les participants peuvent répéter ce qui suit.
« D’une cité dans la forêt des Canutes,
Une pucelle sera envoyée pour guérir de son art thérapeutique tous nos maux.
Elle assèchera la source de nos maux
Rien qu’en soufflant sur elle.
La vierge montera sur le dos du Sagittaire et flétrira ses fleurs virginales
Des larmes couleront de ses yeux.
Ensuite quand elle aura repris des forces en buvant de l’eau miraculeuse,
Elle portera la forêt de Calédonie dans sa main droite,
Et dans sa gauche les forts des murs de Londres.
Là où elle passera, elle laissera des empreintes de pas sulfureuses.
Leur fumée agitera les Rutènes
Et fournira de la nourriture pour les créatures qui vivent dans la mer.
Doux pommier, arbre aux teintes écarlates,
Qui pousse caché dans la forêt de Calédonie,
On aura beau chercher tes fruits, ce sera en vain
Jusqu’au jour où le Cadwalader sortira de la réunion des guerriers.
Les Kymrys seront vainqueurs, glorieux sera leur chef ;
Tous recouvrant leurs droits
Les braves alors se réjouiront ; et leurs cornes sonneront des airs de fête,
Ils entonneront des chants de paix ou de bonheur.
Devant l’enfant, hardi et rayonnant,
Les Anglo-Saxons s’enfuiront, les bardes refleuriront.
L’ignorant achète des chaussures et de quoi les réparer
Mais Merlin s’en moque, car le pauvre homme ne pourra pas s’en servir
Puisqu’il est déjà mort, noyé dans la rivière, et que son corps flotte le long des berges ».
N.B. Lug est en effet le saint patron des cordonniers.
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Si la procession a lieu dans le Lugdunum situé au confluent du Rhône et de la Saône ; elle s’efforce alors de passer par le pont, du haut duquel on jetait autrefois le termagant ou tervagan (le tarvos trigaranos : de la façon dont le bœuf tourbillonnait dans l’eau, on pouvait tirer toutes sortes
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d’enseignements) ; puis par l’ancienne rue Écorche-Bœuf, où l’on distribuait sa viande aux pauvres, avant d’arriver à l’enclos de Lug proprement dit, au sommet de la colline.
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Troisième acte de la Lugnasade : le sacrifice du cheval, le feu et le repas géants sur la colline de Lug (la place située devant Notre Dame de Fourvière et sa terrasse s’il s’agit du Lugdunum situé au confluent du Rhône et de la Saône).
Le bûcher devra être capable de supporter le poids d’un chaudron géant et de faire cuire son contenu. Le tout avec les sept essences d’arbre traditionnelles : sapin, bouleau, hêtre, orme, pommier, châtaignier, chêne. Les essences d’arbre qu’il n’est guère facile de trouver peuvent exceptionnellement être remplacées par une églantine (ou une rose), ou une libation d’hydromel faite à l’aide d’une corne d’aurochs.
La flamme perpétuelle doit être apportée par une cavalière (ou un cavalier) au bout d’une lance de Lug (tribanne) chevauchant une pouliche blanche, et venant du nemeton où s’est déroulée la première partie du rituel.
On apporte au son des cornemuses, ou des harpes (rotes), ou des trompes (cornyx) les divers objets sacrés rituels. Labarum, enseigne au sanglier, lance de Lug ou autres.
Si la cérémonie doit se dérouler en plein air, le lieu où elle doit être célébrée ainsi est appelé « nemeton ». Si elle doit se dérouler à l’abri d’un bâtiment quelconque, temple ou loge, le lieu où elle doit être célébrée dans ce cas est appelé d’un nom dépendant de l’importance du bâtiment et doit être convenablement décoré ou agencé. Par exemple, une grande pièce ou salle rectangulaire, toute en longueur ; terminée au fond par une demi-cella (hémisphérique donc) jouant le rôle à la fois d’un déambulatoire ou d’un chœur avec maître-autel, au diamètre égal à la largeur de la salle, et séparée de celle-ci par un chancel. En bref un plan de type basilical. Autrement dit un lieu de réunion constitué d’une nef terminée par une abside en forme de demi-cercle, où siégeaient, certes, jadis les magistrats, mais permettant aujourd’hui la circumambulation rituelle (deiseil/ deiseal) des druides, vates, vellèdes et gutuatres/gutumatres (ou prêtresses bien entendu) ; et laissant passer la lumière au maximum (genre cathédrale donc, pas catacombes).
Le mot basilique vient d’un terme grec formé à partir de deux éléments : « basileus » qui signifie « roi » et le suffixe « -ikê », suffixe d’adjectif féminin.
Ou alors, il doit s’agir d’un plan de type Panthéon c’est-à-dire d’une grande rotonde séparée, pour ce qui est de l’intérieur, par une sorte de chancel ; précédée d’une grande pièce rectangulaire (pronaos) avec un bâtiment de transition correspondant au portique des anciens sanctuaires celtes à palissade ; ou à la porte triomphale marquant l’entrée du cimetière des enclos paroissiaux bretons ; voire au portail de certaines églises romanes. À la fin du XIe siècle en effet, le décor sculpté a pris place sur la façade des églises, afin de signaler symboliquement le passage du monde profane à l’enceinte sacrée. On apportera dès lors beaucoup de soins à l’ornementation de la façade principale qui acquiert ainsi un caractère de monumentalité inconnu jusqu’alors. Sans doute les artistes ne possèdent-ils pas encore toute l’expérience voulue dans le maniement du ciseau. Ils donnent aux visages des expressions étranges, avec des yeux exorbités, des sourcils arqués. Les personnages ont souvent des proportions fausses, des attitudes raides. Si ce sont des plantes ou des animaux qui servent de motifs d’ornementation aux moulures, aux chapiteaux, on y retrouve l’influence celte dans la déformation de la réalité pour arriver à des types fantastiques, très éloignés de la nature : ces figurations extraordinaires, brebis, quadrupèdes à tête de femme, dragons, chimères, adoptées par les premiers artistes chrétiens, avaient fini par répondre aux croyances populaires.
Les membres de la sodalité commencent par arriver en procession pour former le cercle sacré autour du bûcher supportant le chaudron géant, que ce soit à l’extérieur sur une place ou un parvis, ou à l’intérieur d’un temple dans sa cella.
Avec par ordre d’ancienneté prêtresses et très-sachants de la druidiaction (druidecht), l’officiant au milieu. Juste derrière lui la conhospita portant le pain, et la bière dans sa corne, puis un ambact porteur de torche, ensuite les gutuatres/gutumatres et un deuxième porteur de torche, les vates, avec un troisième ambact porteur de torche ; enfin les vellèdes avec le quatrième et dernier porteur de torche.
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Le cortège arrive si possible par l’est à l’endroit choisi et fait les trois tours rituels autour du chaudron géant, dans le sens solaire. Un peu comme dans le cas du taouaf autour de la Kaaba de La Mecque, mais la nudité en moins.
Les participants étant à leur place ; les très-sachants de la druidiaction (druidecht) à l’est faisant face à l’ouest, les gutuatres ou gutumatres au nord faisant face au sud, les vates à l’ouest faisant face à l’est, les vellèdes au sud faisant face au nord ; le vate faisant office de Juge de la Tradition s’avance vers le centre de souveraineté sacré pour saluer le druide officiant de son vouge, au clair, ainsi qu’une hallebarde, et fait un signe à l’ambact jouant le rôle de héraut.
Le héraut.
— Au nord y a-t-il la science ?
— Non, au nord il n’y a plus la science ! répond l’ambact du nord.
Nouvelle sonnerie de cornyx du héraut qui poursuit en se tournant vers ce point cardinal…
— À l’est y a-t-il la richesse ?
— Non, à l’est il n’y a plus la richesse ! répond l’ambact représentant l’Est du fief.
Troisième sonnerie du héraut qui demande :
— Au sud y a-t-il l’art ?
— Non, au sud il n’y a plus l’art ! répond l’ambact concerné.
Dernière sonnerie enfin du héraut qui demande à l’ouest :
— À l’ouest y a-t-il la force ?
— Non, à l’ouest il n’y a plus la force ! répond l’ambact de l’ouest.
L’assistance fait alors le signe du guerrier celte. C’est-à-dire que du poing droit solidement fermé, elle se frappe plusieurs fois (3 fois 6 fois ou 9 fois) le cœur, comme si l’on heurtait d’une lance quelconque un bouclier invisible.
Le vate faisant fonction de Juge de la Tradition se retrouve face au druide officiant, à l’est, et ajoute…
Ô très-sachant, il est venu une troupe au Slemain Midé de N… (nom du lieu) une troupe marchant avec… (nom du premier objet sacré : labarum, lance, cladibo, et ainsi de suite).
Le druide officiant : qu’ils soient les bienvenus !
Il est venu une autre troupe au Slemain Midé de N.… (nom du lieu) avec… (nom du deuxième objet sacré : bouclier, ou autre).
Et ainsi de suite jusqu’à ce que le Juge de la Tradition ait énuméré de la sorte tous les objets rituels des dagolitoi ou fidèles présents pour cette Lugnasade. Ensuite il demande…
— Près de l’Arar se trouve le mont Lugdunum. Lugdunum, d’où vient ce nom ?
Le druide officiant…
— Ce n’est pas difficile ô dalta !
Momoros et Atepomaros vinrent en ce lieu pour y fonder leur cité après avoir été chassés de chez eux par le tyran Seseroneos. Momoros qui était bon augure, appela l’endroit Lugdunum, puisque corbeau se dit lugos en celte et colline dunon.
Cela se passait, il y a deux mille cinq cents ans. La tombe de Rosemartha se trouve sous les arènes du confluent où elle est morte en assurant, par son sacrifice, la pérennité de son peuple.
À sa mort Lug a organisé pour elle des jeux comme on n’en avait jamais vu, et il nous a ordonné de faire de même chaque année.
« Il y a aussi une autre tombe célèbre non loin, celle de Mariccos notre dernier grand prophète. Notre fils de l’Étoile à nous 3). En l’an 2441 de notre ère (68 de l’ère vulgaire), le gutuater Mariccus, prêtre de Cornunnos, a essayé de soulever le petit peuple contre la tyrannie romaine. Dénoncé aux autorités par des notables de la ville d’Augustodunum 4), pris et emprisonné, il a été livré aux fauves dans l’amphithéâtre des quatre Celties. Mais les bêtes se détournèrent de lui, subjuguées par son regard. Et comme la foule commençait à se révolter, l’empereur Vitellius le fit égorger. Mariccus est notre troisième grand martyr. C’est à lui que nous devons le cycle des prophéties sur le retour d’Ambicatus, car tel est le destin historique des Celtes : être le peuple des dieux. Nous sommes une nation prédestinée à ceci : être admodum dedita religionibus ».
L’ambact symbolisant les cités de l’est s’avance alors avec sa torche vers le bûcher puis proclame…
— Je suis le prince Ségovèse, je viens de l’est, du pays des Galates.
L’ambact symbolisant les cités du sud s’avance avec sa torche vers le bûcher puis proclame…
— Je suis le prince Argantonios, je viens du sud, du pays de Tarsis.
L’ambact symbolisant les cités de l’ouest s’avance avec sa torche vers le bûcher puis proclame :
— Je suis le riothamus ambrosius Artus et je viens de l’ouest, du pays des Britanni.
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L’ambact symbolisant les cités du nord s’avance alors avec sa torche vers le bûcher puis proclame :
— Je suis le prince Calgacos, je viens du nord, du pays des Pictes.
Le druide officiant fait verser une libation d’eau de source et récite le lai traditionnel précédant la mise à feu du bûcher supportant le chaudron géant.
Hommes et femmes de notre communauté, pays, payses, oyez, oyez, oyez, prions donc pour que l’an prochain nous puissions encore célébrer librement nos rites sacrés au sanctuaire des quatre Celties, dans une ville libre ; pour que nous puissions encore une fois y voir le soleil se lever entre les arbres de syénite de l’autel du sanctuaire du confluent, au milieu des couronnes de bronze des victoires ailées du bosquet sacré. Nert dé agus andé. Awen !
La cavalière montant la jument blanche, la flamme perpétuelle au bout de la lance, fait alors le tour du cercle sacré, par l’extérieur ; en remettant à chaque fois aux quatre ambacts la flamme à laquelle ils allument leur torche, le tout en commençant par le nord.
L’opération terminée le druide officiant ordonne…
— Allumez le feu sacré !
Les quatre ambacts avancent alors pour mettre le feu au bûcher devant eux.
Le druide officiant conclut.
« Que toutes les puissances invoquées ici retournent maintenant à leur place,
Lug au feu céleste
Rose-Martha en tout temps et en tous lieux
Épona et Sabinus dans l’autre Monde
Mariccos dans le monde des dieux.
Que toutes les puissances du Passé retournent à leur place !
Hommes et femmes de notre communauté,
Pays, payses, oyez, oyez, oyez,
Allez dans la paix des dieux !
La paix jusqu’au ciel
La paix de la terre au ciel
La paix sur la terre et sous les cieux
Force et prospérité à tous !
Que toutes les puissances retournent à leur place ! »
Puis il défait le cercle sacré en le parcourant de l’intérieur en sens inverse.
L’HIÉROGAMIE SACRÉE.
C’est alors qu’avait lieu autrefois le rituel qui renouvelait l’intronisation du roi des rois de la région, et qui assurait ainsi la prospérité de tout le pays. Rituel qui a perduré au moins jusqu’au XIIIe siècle en Irlande.
La description nous en a été gardée par Giraud de Cambrie, qui nous le présente sous le jour le plus défavorable possible (en tant que moine gallois ce dernier détestait tout ce qui était irlandais).
Topographia hibernica III, 25. « Si le genre du sujet n’obligeait point à les dire, il est certaines choses que l’honnêteté persuaderait de garder pour soi… Il existe donc, dans la partie septentrionale la plus éloignée de l’Ulster, près de Kennelcunnil, une peuplade accoutumée, par un rite plus que barbare et abominable, à se donner un roi de la façon suivante. Toute la population s’étant rassemblée au même endroit, on amène au milieu de l’assemblée une jument blanche. Et celui que l’on va élever, non à la dignité de prince, mais de bête, s’approche devant tous et, avec non moins d’effronterie que d’ignorance, se présente comme un animal. La jument est tuée aussitôt, et cuite dans de l’eau… on prépare pour le roi un bain de cette même eau. Il s’y plonge, mange les morceaux de viande qu’on lui présente, entouré de son peuple qui en mange avec lui. Du bouillon dans lequel il baigne il puise, et boit tout autour de lui, non pas avec une cuillère, non pas en se servant de sa main, mais à même la bouche. Ceci étant accompli, sa souveraineté ainsi que son autorité sont consacrées » 5).
N.B. Il va de soi que de tels éléments du rituel de Lugnasade, attestés dans certaines régions reculées du monde celtique au sens large (rien ne prouve qu’ils soient bien d’origine celtique) ne
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peuvent plus être perpétués de nos jours, non par pudibonderie, mais pour d’autres raisons évidentes. Par contre il est toujours possible d’en faire une simulation (enfourcher une jument et brandir une épée, organiser une course de chevaux, ce qui serait bien aussi dans l’esprit de ces jeux « tailtéens », et surtout le plus important : manger de la viande de cheval ce jour-là, etc.).
En Irlande, d’après le récit d’un témoin oculaire, rapporté par Frazer, il existait encore à la fin du XIXe siècle, une coutume dite du cheval blanc (Lair Bhan en gaélique). Au cours de certains feux de joie, on voyait apparaître, après que tout le monde avait sauté par-dessus les braises ; une figure de bois sommairement articulée, munie à l’une de ses extrémités d’une tête de cheval et recouverte d’un drap blanc dissimulant l’homme qui la manœuvrait. Le masque sautait par-dessus le feu, puis faisait semblant de se lancer à la poursuite des spectateurs. Quand le témoin qui n’était pas informé de la chose demanda ce que représentait ce cheval, on lui répondit : « Tout le bétail ! » Le cheval était donc bien dans ce cas un symbole d’abondance et de fertilité.
Pain et bière sont remis par la conhospita au druide officiant qui fait une oblation de pain en en jetant un dans le feu ; et une libation de bière en en versant près des flammes à l’aide d’une corne d’aurochs cerclée d’argent.
Le cercle ayant été défait, ainsi que nous l’avons dit, on organise sur place aux endroits pouvant s’y prêter, un repas frugal, un repas fraternel où toutes les provisions sont partagées, viande de cheval, bouillon, fruits divers. Des tonneaux de bière ou d’hydromel sont mis en perce pour l’occasion, de telle sorte que chacun puisse venir s’y servir à satiété.
Au fur et à mesure que le feu décline, on en resserre les cendres et les braises pour que tout soit brûlé.
On chante aussi, tard dans la nuit, le bardit du vin des C’hallaoued et le bardit de la fidélité (voir l’anmenacton, cérémonie du nom).
Le lendemain du feu de Lug, tout le monde doit se retrouver dans un sanctuaire encore un peu préservé du béton, mais situé dans les limites de l’agglomération ou non loin de la cité dédiée à Lug.
L’Île Barbe par exemple si la Lugnasade s’est déroulée dans le Lugdunum situé au confluent de la Saône et du Rhône.
Afin d’y saluer le soleil, en récitant le lai suivant, face à la lumière, œil de Lug.
Ô dieux, ô Lugoves Samildanacoi !
Ayons aujourd’hui une pensée pour les grands ancêtres qui se sont sacrifiés pour que nous vivions aujourd’hui 6).
En cette terre battue par les flots de la vie, mais qui ne sombre pas, solide et fière sur son rocher de gneiss, où les siècles des siècles ont entassé patiemment les alluvions ; il y eut jadis le plus grand temple de la terre.
Nos ancêtres spirituels, les anciens très-sachants de la druidiaction, venaient y prier avant d’aller cueillir le gui dans le pays des gentils daulphins 7), la terre de ceux qui viennent d’ailleurs, les Allobroges. Ils partaient alors de cette île pavoisée d’or et de pourpre, le sixième jour de la première lune de l’année, puis allaient dans les forêts, afin d’y chercher le rameau d’or.
1) Un peu comme dans le cas de la taouaf autour de La Mecque évidemment. Néanmoins pour les vrais très-sachants de la druidiaction (druidecht), il n’y a pas une kaaba mais des milliers, autant de kaaba que de lieux saints remarquables.
2) La nudité en moins… Il va de soi que notre druidisme ne considère en aucune façon la nudité en soi comme un péché. Le mal ne vient jamais du fait qu’un homme ou une femme soit nu, mais du regard que l’on peut jeter à un homme ou à une femme nu (machisme, nymphomanie, eet autre). Il est certain qu’il existe des monnaies armoricaines ayant pour motif une cavalière nue, armée seulement d’un glaive et d’un bouclier. Ce que nous voulons seulement dire par là c’est que le temps n’est plus à une telle pratique dans les rituels, malgré la beauté du geste. « L’Homme à l’état de nature devant son créateur, sans faux-semblant ni artifice ». Et de toute façon, pour les vrais très-sachants de la
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druidiaction (druidecht), Godiva est l’ultime écho d’un mythe concernant la déesse ou bonne fée, si l’on préfère ce terme, Épona, non la princesse gauloise fir bolg qui servit de mère à Lug ; en outre les cavalières nues des pièces de monnaie armoricaine représentent la Morrigu/Morrigane.
3) D’après la fille de l’auteur, Mélisande, de Cuers, en Provence, il s’agirait d’une allusion à Simon Bar Kokhba.
4) Note à propos de la légende qui veut que Mariccos ait été dénoncé par des chrétiens. Si le christianisme est attesté en Europe de l’Ouest à Lugdunum vers l’an 150 (voir le cas de Pothin), il a dû exister avant dans le pays, notamment sous sa forme « montaniste » (des sortes de talibans du christianisme, appelés parabolani d’ailleurs).
Les Apôtres auraient envoyé sept de leurs disciples ou même un bien plus grand nombre, fonder des Églises jusqu’au Rhin. On cite Valère à Trèves, Martial à Limoges, Austremoine à Clermont, Gratien ou Gatien à Tours. On cite de même pour les pays rhénans, à Trèves, Euchaire, dont Valère semble n’avoir été que le successeur, Crescens à Mayence (ou à Vienne), Materne à Cologne, Clément à Metz. On fait aussi remonter à l’âge apostolique l’Église d’Auxerre, ainsi que celle de Périgueux, avec l’évêque saint Front.
Sur l’apostolat de saint Lazare [à Marseille et à Autun. N.D.L.R.] de sainte Madeleine, et de sainte Marthe en Provence [à Tarascon plus précisément pour sainte Marthe. N.D.L.R.] voir Duchesne, Les Origines chrétiennes, chapitre XXVI. L’auteur fait cette judicieuse distinction : « Saint Pothin est le premier évêque dont le nom se soit conservé. Une chose sont les faits connus, autre chose les faits réels. Le Christianisme doit être aussi ancien dans ce pays que dans les pays de situation géographique analogue, l’Afrique par exemple » (Lehrbuch der Kirchengeschichte fur Studierende. Fr.-X. Kraus. Tome I).
Si nous comprenons bien les diverses traditions à ce sujet (et notamment le traité sur la Trinité que l’on attribue aujourd’hui à saint Césaire) ; il y aurait donc eu des chrétiens dans ces pays dès la fin du Ier siècle de notre ère. « La cité d’Arles a eu saint Trophime, un disciple des apôtres, pour fondateur, celle de Narbonne saint Paul, celle de Toulouse saint Saturnin, celle de Vaison saint Daphnus. Ces quatre disciples des apôtres ont fondé des Églises dans tout le pays si bien que leur siège n’a jamais été occupé par des hérétiques » (Traité sur la Trinité attribué à saint Césaire).
5) Ce type de sacrifice a été rapproché à tort du sacrifice du cheval ou ashvamedha de l’Inde ancienne. Un ou plusieurs chevaux blancs étaient laissés libres de se déplacer à leur guise, accompagnés par un garde royal et parfois par des jeunes gens. Si l’un des rajas dont les terres étaient traversées par le cheval s’emparait de l’animal, c’était le signe qu’il refusait d’être le vassal du roi propriétaire du cheval en question, et cela équivalait à une déclaration de guerre. Dans le cas contraire, le raja qui laissait traverser ses terres sans intervenir était censé avoir tacitement accepté d’en être le vassal. Lorsque le cheval revenait de ses pérégrinations, il était sacrifié en grande pompe au cours d’une fête où tous les rajas vassaux étaient invités. Le raja ayant pratiqué le sacrifice du cheval recevait le titre de roi des rois (Chakravartin). Le rite est décrit dans les textes anciens, comme le Mahabharata par exemple. Le premier souverain historique ayant pratiqué l’ashvamedha et dont on garde le souvenir est Pushyamitra Shunga, l’assassin de Brihadratha, le dernier souverain Maurya, fondateur de la dynastie des Shunga, qui célébra de cette manière sa victoire sur les satrapes grecs.
6) On en sait un peu plus aujourd’hui sur les compromis qui ont dû être faits pour survivre. Notes transmises par un de nos correspondants parisiens. En l’an 12 avant notre ère, Drusus, beau-fils d’Auguste, éleva un autel monumental sur les pentes de l’actuel quartier lyonnais de la Croix-Rousse ; en présence des notables des trois Celties (la quatrième étant restée indépendante ?), afin de célébrer le culte de l’empereur Auguste. Cette partie de la presqu’île, qui avait pour toponyme « Condate », se situait en territoire ségusiave et ne faisait donc pas partie juridiquement parlant de la cité de Lugdunum.
Les cérémonies étaient présidées par un prêtre élu chaque année par l’ensemble des délégués des cités. La prêtrise du Confluent constituait la plus haute charge administrative à laquelle les notables des soixante cités pouvaient accéder. La cérémonie principale consistait en un rassemblement annuel de tous les délégués au début du mois d’août (gueule ou goule d’août).
L’autel aurait été construit sur une grande terrasse, longue de 300 m, au niveau de l’actuelle rue des Tables Claudiennes.
L’accès à l’autel, situé au centre de cette terrasse, se faisait probablement par une double rampe. S’il ne reste rien de ses vestiges – l’édifice ayant servi de carrière au Moyen-âge, comme de nombreux monuments antiques –, le souvenir de la topographie se lirait encore rue Burdeau, dont le tracé est caractérisé par une double pente, vestige de la double rampe d’origine.
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Dans sa « Géographie » (IV, 3, 2), Strabon évoque ce sanctuaire unique par son rôle et par sa taille : « Le sanctuaire dédié à César Auguste est bâti en face de la ville, au confluent des deux fleuves ; il y a un autel remarquable, portant l’inscription des peuples, au nombre de soixante, les statues de chacun d’eux, ainsi qu’un grand… » (un bois sacré ?) ».
L’importance du sanctuaire est démontrée par sa présence sur le revers de certaines monnaies, qui donnent une idée assez précise de sa configuration probable. Celles-ci représentent un monument central, orné à sa base d’une couronne, entourée de tiges végétales (des lauriers ?) Sur le monument central constituant l’autel se tenaient les soixante statues représentant les cités. À la base de l’autel, l’inscription ROM-ET-AUG (« Romae et Augusto » : À Rome et Auguste) rappelait la dédicace de l’édifice et son rôle religieux. Le monument était entouré de deux colonnes sur lesquelles se dressaient deux Victoires brandissant une couronne. Ces deux colonnes auraient été sciées en deux au Moyen-âge, et réutilisées pour soutenir la croisée de l’église romane Saint-Martin d’Ainay. La hauteur originelle de ces colonnes serait donc de 14 m (la hauteur d’un bon chêne en quelque sorte).
La réunion des délégués avait non seulement un rôle religieux, mais également un rôle politique : il existait une institution originale dont la dénomination peut être traduite en « Conseil des Trois Celties » et qui possédait son administration ainsi que des fonds propres. Cette entité administrative et politique peut être considérée comme une représentation des intérêts de la nation auprès de Rome, en quelque sorte la première assemblée parlementaire du pays !
L’empereur Claude (né à Lyon) plaida devant le Sénat en 48 l’entrée des Celtes transalpins dans la haute assemblée. L’affaire fit grand bruit à Rome. On en discuta avec passion au conseil des princes. Le discours fut apparemment convaincant vu la suite des événements. Une copie en fut envoyée à Lyon, gravée sur bronze et placardée dans l’enceinte du sanctuaire. Retrouvée en partie en 1528 (il manque la partie supérieure) elle est aujourd’hui exposée au musée de la ville.
Tacite, dans ses Annales (XI, 23-24), retranscrit ce discours, et nous explique que les Éduens obtinrent les premiers le droit de siéger au sénat de Rome. Cette faveur étant accordée vu l’ancienneté de leur alliance et le fait que, seuls parmi les Celtes transalpins, ils portaient le titre de frères du peuple romain.
Le principal mandat des députés des peuples celtes transalpins était sans doute d’élire leur pontife, et de veiller à l’administration du temple de Rome et d’Auguste. Cette administration comptait plusieurs fonctionnaires, et il y avait une caisse qui recevait la part afférente à chaque peuple. C’est un très bon exemple d’égrégore ou de koinon. Le koinon était en fait une union de cités qui avait des racines beaucoup plus anciennes que la conquête romaine (voir notre essai sur le panthéon druidique).
7) Vieux français pour dauphin.
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LE CALENDRIER DE SAINT PATRICE.
Hiver : 24 décembre, la Nollaig (Noël).
Printemps : 17 mars, la Padraig (la fête de Patrice).
Été : 24 juin, la Seain (fête de saint Jean).
Automne : 29 septembre, la Michil (fête de saint Michel).
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FÊTE D’ÉPONA ou MATRA NOUX.
Fête du solstice d’Hiver. La Nollaig dans le calendrier de saint Patrice. Attention, il ne s’agit pas d’une oenach, mais d’un tennotatos (tantad) !
Au VIe siècle le monolâtre ou parabolan Fulgence (467-532. Les dieux aient pitié de l’âme/esprit de cet évêque) a essayé d’interdire nos rituels en l’honneur de la Grande Déesse 1) ou fée, si l’on préfère ce terme. En vain heureusement ! On peut en effet trouver des survivances d’Épona un peu partout y compris sur les chapiteaux romans représentant la « Fuite en Égypte » : la vierge y est représentée à cheval, en amazone, un tabouret sous les pieds, tout comme l’Épona de nos ancêtres 2).
On a toujours célébré en hiver le culte des matres, et nos modernes fées sont les héritières de ces « mères » solsticiales celtes. Car chez les Celtes il a toujours plus été question ce jour-là de Mères-Noël que de Pères Noël.
Lors de ces rituels solsticiaux, le rôle d’officiant est assuré par un gutuatre/gutumatre et non par un très-sachant de la druidiaction (druidecht), en principe et autant que faire se peut, naturellement.
Nous ignorons pourquoi l’officiant ce jour-là ne doit pas être un prêtre ayant reçu les ordres majeurs celtes indo-européens (un druide druide), mais un prêtre ayant seulement reçu les ordres mineurs en mode celte. En tout cas, il en a toujours été ainsi !
La Sainte-Épona se fête le jour du solstice d’hiver. Il y a 2000 ans, ce solstice tombait un 24 décembre (d’après le calendrier de Guidizzolo).
On place une grosse boule de gui de Samon dans la maison, suspendue par un ruban rouge vif à l’entrée de la pièce principale. C’est là que l’on devra embrasser les invités, au fur et à mesure de leur arrivée.
Au mur, au-dessus des autres portes, sur les cheminées, sur les tables, de la verdure qui ne meurt pas l’hiver. Sapin et fragon (houx de Samon) en guirlandes, en couronnes, nouées à l’aide de rubans, soit rouges, soit aux couleurs symboliques et traditionnelles de la région. Le fragon ou petit houx est la plante hivernale par excellence. Il peut être piquant (masculin) ou non piquant (féminin).
Coutume typiquement celtique aussi, la crèche de Nantosuelta (ceux que le mot « crèche » gêne peuvent utiliser à la place le mot latin « aedicula » ou même le terme japonais « kami dana »). Cette crèche de Nantosuelta est aujourd’hui évidemment influencée par les nouvelles religions de masse se réclamant de l’enseignement du grand rabbi nazoréen Jésus de Palestine 3) c’est-à-dire le christianisme et l’islam.
Il s’agit donc d’un édicule ou kami dana dans lequel trône, à la place centrale, une statuette d’Épona et de son fils adoptif, couronnée de fleurs. Sa représentation la plus classique en est une écurie, l’écurie rappelle le rôle de « déesse jument » d’Épona, mais certaines crèches de Nantosuelta rappellent aussi parfois la grotte où ont lieu nos initiations. Chevaux et taureaux font aussi partie de plein droit de cette crèche de Nantosuelta. Chez nous ce taureau est appelé Taruos trigaranos (ce qui a donné termagant ou tervagan), il est représenté avec trois cornes sur le front et avec trois grues auprès de lui. La paille participe également au décor de cette crèche évidemment. Elle jouait autrefois un grand rôle dans les traditions concernant le solstice d’Épona. Aujourd’hui elle sert surtout à fabriquer des étoiles et des couronnes ou des animaux divers (des chevaux, des taureaux, des grues, des cerfs).
Cette crèche de Nantosuelta ne doit pas être posée à même le sol, mais à bonne hauteur. Sur un meuble bas par exemple, à l’instar d’un boutsoudan ou kami dana. La placer au pied du sapin est une pratique due à l’influence du christianisme. Cette crèche de Nantosuelta en l’honneur d’Épona pourra être ensuite gardée pendant plusieurs semaines et servir ainsi en quelque sorte d’autel familial supplémentaire destiné à honorer certaines divinités 4).
L’arbre cosmique ou arbre du monde est le deuxième centre d’intérêt de la Sainte Épona. On l’aura préparé la veille ou lors de la fête du taureau et du cheval blanc. Avec un des arbres de la clairière sacrée sur la colline.
Le support lui-même de cet arbre, qui peut être un sapin, mais aussi une tout autre essence d’arbre, doit autant que possible avoir une signification luni-solaire (triscèle, rouelle, roue d’argent).
On accroche généralement à cet arbre, pour le décorer, des pommes rouges symbole d’immortalité, des animaux de paille tressée, des chevaux, des grues, des taureaux ou des cerfs. Les éventuelles bougies placées dans l’arbre (ne pas en abuser néanmoins) évoqueront les fleurs qui s’y épanouissent au printemps. Au faîte de cet arbre de Noël, l’on accrochera une boule ou une roue représentant le soleil.
Vient ensuite le moment de la consécration des troupeaux et du sacrifice du taureau (tarbhfess).
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Consécration des chevaux.
Ceux qui ont des chevaux les conduisent au lieu convenu à cet effet, là où l’on conduit également les bœufs qui doivent être abattus pour leur viande. Là le prêtre en coule blanche les bénit en faisant sur eux le signe de la croix de Suqellos (c’est-à-dire un X) ; les trois doigts de la main droite tendus comme dans une main de justice : pouce, index et majeur (repliés : annulaire et auriculaire).
Vers le haut à droite :par la force d’Abellio. Vers le bas, mais à gauche : par la force de Bélénos. Vers le haut à gauche : par la force de Brigindo. Vers le bas, mais à droite cette fois : par la force d’Épona.
Ensuite il donne un léger coup du marteau de Suqellos en argent sur le front des chevaux 5).
Sacrifice du taureau.
« Après avoir préparé rituellement un sacrifice et un festin sous l’arbre ; lors d’une grande cérémonie religieuse, le sixième jour de la lune [on choisit ce jour parce que la lune y a déjà une force considérable sans être cependant au milieu de sa course] ; on y conduit deux taureaux dont les cornes sont liées pour la première fois. Vêtu d’une coule blanche, le prêtre monte à l’arbre, coupe avec un vouge d’or le gui ensuite recueilli dans un linge blanc. Ils immolent alors les deux bovins en priant la divinité de rendre ce sacrifice profitable à ceux pour qui on l’a effectué » (Pline. Histoire naturelle. XVI, 249).
Le dernier acte de la Sainte-Épona est plus familial, et a lieu dans chaque demeure, du château à l’humble chaumière.
Les invités commençant d’arriver, le gutuatre/gutumatre officiant ou le maître de maison se rend au pied de l’arbre. Au moins trois bougies (une rouge, une bleue et une verte) y auront été préalablement placées.
L’ambact assistant le gutuatre/gutumatre officiant, la maîtresse de maison, ou n’importe quel autre dagolitos (fidèle), après avoir demandé une minute de silence à l’assemblée, pose la question qui suit.
Comment symboliser la résurrection du soleil que va nous ramener notre grande reine psychopompe Épona ?
Le gutuatre/gutumatre (ou la personne qui fait fonction d’officiant à sa place) répond.
En allumant les trois cires que voici, et qui représentent les trois composantes de tout être vivant, le corps, l’esprit, et l’âme.
Le gutuatre/gutumatre officiant, ou la personne assumant sa fonction, allume alors les trois bougies centrales (rouge, bleue, verte) placées soit dans l’arbre soit autour du pied. Ensuite il transmet le flambeau sacré aux assistants qui sont là en allumant les bougies qu’on leur a distribuées, tout en se déplaçant à cet effet dans le sens habituel, c’est-à-dire celui du soleil.
Pour finir, tout le monde va placer sa bougie dans l’arbre de « Noël » et l’officiant (gutuatre/gutumatre ou autre), récite le lai qui suit…
Par Trefuilngid Tre Eochair
Par le triple seigneur aux trois clés
Dans la clairière sacrée
À l’ombre tutélaire du chêne de Mughna,
Le plus noble des arbres.
À toi Cornunnos notre ami
Je confie la protection de la nature qui nous entoure
Et qui nous fait vivre.
Ô Blanc Cerf aux cornes d’or
Protège-la des souillures
Des spéculateurs,
Des mercantis avides
Des marchands de toute espèce
Des agriculteurs incompétents
Des alchimistes inconscients.
Car science sans conscience
N’est que ruine de l’âme.
Guéris-la de leurs blessures
Pour que nous puissions la retrouver intacte
Et la conserver ainsi à nos enfants.
Pour le repos de l’esprit de nos frères les chênes
Que l’on abat et que l’on brûle, prions.
Pour nos frères les hêtres
Que l’on arrache et que l’on assassine, Prions.
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Pour les ormes
Que l’on mutile et déracine, Prions
Oui, prions !
Prions pour nos frères les ifs et les bouleaux,
Dernières demeures de nos ancêtres,
Et pour tous les arbres que l’on assassine.
Nert dé agus andé.
Awen !
L’officiant (gutuatre/gutumatre ou simple laïc) s’avance alors vers la crèche et donne aussi sur le front des chevaux ou du bétail un petit coup du marteau de Suqellos en disant…
Épona,
Reine du Monde, Reine Sainte
Sancta Epona, Augusta Epona,
Rigena Epona, Vinda Epona
Mère Noël
Déesse ou fée des foyers
Matrone des petits enfants
Patronne des poulains et des petits chiens
La roue d’argent dans le ciel est ta couronne
Et le soleil est ton enfant !
Ô Epona notre Dame à la Licorne d’or
Aux cornes d’abondance débordantes de fruits,
Tu as présenté ta jeunesse
Pour qu’avant l’Été nous puissions goûter ton Printemps
Ta sève et ton parfum.
En offrant la fleur
Tu as nous donné la feuille et le fruit.
En portant la corbeille
Tu as remis la corne d’abondance.
Tu as rempli jusqu’à ras bord la coupe
Mais en offrant la coupe de souveraineté
Tu as eu la source à jamais jaillissante
Puisqu’en tendant le vase sacré du Graal
Tu y as reçu l’esprit divin,
Puisqu’en offrant le Printemps
Tu as eu l’Éternel,
Puisqu’en donnant la fleur
Tu as reçu le fruit.
Ô Epona Reine du Monde, notre Dame à la Licorne d’or
Puisque les dieux t’ont voulue à leurs côtés
Pour partager avec toi leur pouvoir
Nous te prendrons à la fois comme notre mère
Et comme notre Reine.
Nous t’offrons nos cœurs
Sois Reine de notre foi
Sois reine de notre monde
Sois reine de notre nation et de nos foyers
Reine de notre vie.
Ô triple déesse féerique
Transmets aux dieux nos prières et nos sacrifices
Nos joies et nos peines
Et en retour, donne-nous la plénitude de la divinité
Qui œuvrera en nous.
Ô Épona notre Mère à tous, notre Dame à la Licorne d’or
Puisque tu es notre mère
Et par trois fois notre mère
Nous avons le bonheur d’avoir trois mères en une
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Nous possédons ta beauté, ta bonté ainsi que ton bien.
Veille sur nos âmes, nos esprits et nos corps
Pour qu’ils soient dignes de recevoir l’Esprit des dieux.
Élargis notre esprit, filial, Ô Triple mère
Pour qu’il puisse mieux recevoir et garder la divinité
Libère notre âme encore prisonnière.
Nert dee agus andee.
Awen !
L’officiant observe un instant de silence puis reprend…
Hommes et femmes de notre communauté, pays, payses, oyez, oyez, oyez, en cet instant solennel ayons une pensée pour Éponine et ses enfants, car une femme aussi se doit d’être forte !
Chacun va ensuite déposer dans la cheminée sa bûche ou son fagot. Après on y mettra la bûche de Jul (Noël). Soigneusement posée sur ses chenets (ou landiers), elle peut être en bois de chêne ou d’arbre fruitier (le pommier arbre d’Abellio par exemple).
Le gutuatre/gutumatre officiant de ce solstice (ou le maître de maison), s’avance vers la bûche dans la cheminée puis, à l’aide de son cladibo (son couteau), grave dessus l’inscription de son choix en runes celtiques (alphabet lépontique).
Il peut aussi graver dessus, toujours à l’aide de son cladibo ou de sa serpette pliante de poche, divers symboles solaires : croix de Suqellos, et ainsi de suite. Puis le gutuatre/gutumatre officiant ou le père de famille improvise en disant quelques mots de circonstance aux personnes présentes.
Exemple.
Ô dagodevos Suqellos Gargant, dieu des druides,
Éloigne de nous la légion infernale des duses et des vouivres anguipèdes gigantesques, ainsi que tous les autres non-dieux des glaces du non-monde…
Face à la cheminée, il termine par l’invocation suivante…
Ô Suqellos Gargant, toi le plus joyeux et le plus humain de tous les dieux,
Toi que l’on appelle Dago Devos le dieu bon à tout,
Toi qui ne fais jamais de mal aux humains
Mais protège au contraire leurs petits ;
La place d’honneur près du chaudron dans la cheminée t’est réservée 6).
Une libation de boisson distillée peut remplacer les sept essences d’arbres requises. Le chef de clan ou le maître de maison tend au gutuatre/gutumatre officiant une corne d’alcool dont il arrose la bûche ainsi consacrée.
Naturellement, s’il n’y a pas de gutuatre/gutumatre ce jour-là, il le fait lui-même.
Le chef de famille doit ensuite l’allumer avec un fragment de la bûche de l’an passé.
La bûche de Jul ou de Noël ayant commencé à pétiller joyeusement dans l’âtre, on peut attaquer le réveillon proprement dit et passer à table.
Devant chaque assiette une petite branche de houx (variété fragon) ornée d’une faveur rouge. Dans celle des enfants les petits cadeaux annonciateurs des grands.
C’est ici que l’on place généralement l’appel à la bénédiction d’Épona.
L’officiant, seul ou avec les assistants, fait le signe de croix celtique, c’est-à-dire que du poing droit solidement fermé on se frappe plusieurs fois (3 fois 6 fois ou 9 fois) le cœur ; comme si l’on heurtait d’une lance quelconque un bouclier invisible.
La viande traditionnelle d’un tel réveillon est le bœuf. Les plats devront ensuite circuler de la droite des convives à leur gauche. Un grand tonneau de bière ou d’hydromel sera disposé en bout de table afin que chacun puisse boire à satiété en se servant lui-même. On chante une chanson à métamorphose du type de celle de Ceridwenn et Gwion Bach 7) le bardit du vin C’hallaoued (voir l’anuanacton, cérémonie du nom), etc.
Note de la rédaction : les formulaires suivants sont récités aux solstices et aux équinoxes d’où naissent la succession des saisons ainsi que tous les autres changements sur notre globe (quand le soleil est au milieu ou à la fin de sa course).
Le barde (président) du banquet.
Loin de nous, la rivalité, l’envie, l’obstination.
RÉPONSE DES PARTICIPANTS.
À nous, la douceur la science, la bonté !
Le barde (président) du banquet.
Que plaisent les jeux et les ris !
RÉPONSE DES PARTICIPANTS.
185
Que les Muses et les Grâces nous soient propices !
Le barde (président) du banquet.
Je lève mon verre à l’esprit, à la modestie, aux traits d’esprit. Scrutons la cause des choses, afin de supporter gaiement la vie et de supporter tranquillement la mort.
RÉPONSE DES PARTICIPANTS.
Afin que, délivrés de toute crainte, sans exubérance dans la joie, sans abattement dans la douleur, nous nous libérions par la raison.
Le barde (président) du banquet.
Ainsi donc, nourrissons fortement notre esprit et nourrissons modérément notre corps.
RÉPONSE DES PARTICIPANTS.
Cela est juste et bon !
Le barde (président du banquet).
Offrons des libations aux Grâces.
RÉPONSE DES PARTICIPANTS.
Levons nos verres en l’honneur des déesses ou des bonnes fées qui se sont penchées sur nos berceaux !
Chacun trinque alors avec son voisin avant de vider son verre.
DEUXIÈME SÉRIE DE FORMULES À RÉCITER LORS DES SOLSTICES OU DES ÉQUINOXES.
Le barde (président) du banquet.
Chantons la puissance du BITOS ou de l’UNIVERS.
RÉPONSE DES PARTICIPANTS.
« Quel qu’il soit, il est absolument tout, il anime, procrée, forme, nourrit, et accroît toutes choses, il les ensevelit et les reçoit toutes dans son sein, il est le Père unique de toutes choses, tout ce qui naît retourne à lui en périssant ».
Parfois, la réponse suivante est donnée :
« Tout ce qui est procréé sous l’empire de la loi de la mort se transforme ; au cours des années qui s’écoulent, les nations ne se reconnaissent plus ; au long des siècles, les races changent. Et cependant, l’ensemble du BITOS ou de l’UNIVERS reste intact et conserve toutes ses parties, un long espace de temps n’en augmente pas le nombre, la sénilité ne les diminue pas, le mouvement ne les déplace pas, la course ne les fatigue pas. Toujours il restera le même, parce que toujours il fut le même. Tel nos pères le virent, tel nos neveux le verront : c’est DIEU qui ne change pas dans le temps ».
N.B. Remarque de l’auteur de cette compilation. N’oublions pas néanmoins ce qu’a rapporté Strabon à ce propos : « Ils affirment que les âmes et l’univers sont indestructibles, mais qu’un jour seuls le feu et l’eau régneront » (Strabon. Géographie IV, 4).
Chacun trinque alors avec son voisin avant de vider son verre.
TROISIÈME SÉRIE DE FORMULES À RÉCITER LORS DES SOLSTICES OU DES ÉQUINOXES.
Le barde (président) du banquet.
Et maintenant, commémorons les grands hommes et les grandes femmes du passé pour la droiture de leurs actions et de leurs préceptes ; car les actes doivent suivre les paroles chez tout vrai Celte de cœur ou d’esprit.
RÉPONSE DES PARTICIPANTS :
Afin de profiter de leur exemple et de leur doctrine.
Le barde (président du banquet).
Je lève mon verre en l’honneur de… noms laissés à l’appréciation du président du banquet. Par exemple Lafayette.
Ou, plus antiques, Éponine et Sabinus, etc.
Chacun trinque alors avec son voisin avant de vider son verre.
186
Le festin ayant été consommé selon les rites, c’est-à-dire avec de la viande de bœuf, on peut en venir au dessert. Celui-ci consistera en des pommes tout simplement, mais soigneusement choisies.
Ces pommes ne devront pas être distribuées directement. Elles devront au contraire passer de main en main dans le sens solaire, jusqu’à ce que tout le monde ait été ainsi en quelque sorte servi par son voisin. Autrefois il s’agissait vraisemblablement de faire faire à ces pommes trois fois le tour de la table.
Pendant ce temps l’officiant récitera ou chantera le lai suivant…
Ogtos, Ogtos
Ogra innoxtu letaua magosia
Ardullia esti snixs ne bergonnia
Nepom rosaegeti caruos ad ituom
Ogron endio ad bretom
Rostagrasit in dumnu gala
Abonna tagit pepa etarcio.
Etic lanos loccos pepon lindon
As morimaros pepos loccos esti lanos
Etic esti lanon lindon pepos ritos
Nac meis tramsont uo eda sindo.
Nac tramsont epoi tares ritom
Nepuos tractos iom nec diberet tonda
In brogebo nepon diroueston
Nec sennet clocca
Nec labaront correoi.
Il fait froid, il fait froid
Il gèle cette nuit dans la grande plaine
La neige est haute comme une montagne
Le cerf ne trouve plus à manger
Il y a de la tempête partout
Le moindre sillon sur la pente est devenu rivière
Et chaque gué un étang rempli d’eau.
Les étangs sont devenus des lacs
Et les lacs des mers à marée haute
On ne peut plus traverser la rivière à gué
Même les chevaux n’y arrivent plus.
Les rivages sont battus par les flots
Même à l’intérieur des terres il n’y a plus d’abris sûrs
Et les hérons se taisent.
Les pommes d’immortalité heureuse ayant ainsi fait le tour de la table, de main en main, dans le sens des aiguilles d’une montre, on peut enfin clore le banquet, vers onze heures ou minuit.
En principe tout doit se terminer par un bain de minuit, rituel, même s’il a lieu… à trois heures du matin.
Les gutuatres/gutumatres, eux, ne doivent jamais participer à ces baignades nocturnes. Ils doivent rester sur place pour aider les parents à disposer les cadeaux destinés aux enfants (dans les galoches déposées à cet effet près de la cheminée, ou au pied de l’arbre du monde).
Car les enfants une fois partis se coucher, on aura pris soin de disposer devant les landiers ou les chenets de la cheminée, ou dessus ; les cadeaux de « Noël » que notre bon Suqellos Dagodevos Gargant est censé leur avoir apportés dans sa hotte, avec son traîneau tiré par des cerfs comme Cuchulainn.
Il n’est pas interdit de raconter aux enfants que c’est ce bon géant lui-même qui, à l’instar de Medros/Midir dans la Tochmarc Etaine, est passé par la cheminée pour déposer ces présents à leur intention.
On peut aussi préférer leur dire tout simplement la vérité, à savoir que ce sont les parents qui ont acheté ces cadeaux pour eux. La fête d’Épona est de toute façon leur fête.
187
1) Expositio sermonum antiquorum. Mais notre malheureuse déesse, ou fée, si l’on préfère ce terme, est également dénigrée ou salie par les chrétiens appelés Minucius Félix (dans son Octavius) et Prudence (dans son Apotheosis).
2) Dans les provinces danubiennes, Épona est assise sur un trône, un tabouret sous les pieds, encadrée par deux ou quatre chevaux.
3) Les crèches napolitaines avaient très justement repris comme décor, initialement, des temples païens en ruine.
4) Édicule ou crèche d’Épona. Sorte de petite armoire à deux portes en forme de triptyque assez profonde. Contient au fond une statuette représentant la déesse Épona de face entre deux chevaux, trônant sur un char comme une vierge noire.
Ou contenant une statuette de Cornunnos un peu analogue à la stèle votive de Reims. Ou abritant les trois Bethen sculptées à l’image de la stèle votive de Vertault ou des matrones de Bonn et d’ailleurs en Allemagne.
Etc., etc. Ce ne sont là que quelques exemples, la liste est loin d’être exhaustive.
Surmontée d’une statuette représentant Taran/Toran/Tuireann figuré en Jupiter de colonne à anguipède géant (avant d’être placée au-dessus de cette armoire à l’occasion cette reproduction est rangée à l’intérieur).
Sur la porte de gauche une illustration en couleur montrant Ogmios dans un cadre qui finit en arc de cercle, sur la porte de droite le même genre de cadre avec le génie de Lugdunum à l’intérieur (cf. monnaies d’Albin 196-197). Ou d’autres bien entendu suivant les goûts et les couleurs de chacun (Suqellos, la vénus abritant ses cinq enfants avec son manteau : voir les figurines en terre cuite).
La partie inférieure de cette armoire cultuelle est dotée de trois tiroirs dans lesquels on peut ranger les torques ou les colliers d’ambre à enfiler l’occasion de chaque prière, les dodécaèdres remplis de cire à bougie devant servir de cierges justement, le moyen de les allumer, la coupe ou coupelle destinée à recueillir les offrandes, le résultat des recherches généalogiques de la famille, etc.
Après chaque usage la statuette qui figure Taran/Toran/Tuireann en Jupiter à l’anguipède doit être soigneusement rangée dans ledit édicule.
5) Rite récupéré par la suite au profit du saint Éloi de la religion chrétienne.
6) Dans les pays à hiver rigoureux, Suqellos, le dieu des très-sachants de la druidiaction (Dagda en Irlande) est en général représenté en géant à barbe blanche, habillé d’une vaste houppelande brun rouge au capuchon bordé de blanc. Comme Cuchulainn, le plus grand de nos héros, il voyage assis sur un traîneau attelé de cerfs, des cadeaux pour les enfants placés dans la hotte accrochée à son dos. Dans les pays à climat plus modéré, il est simplement vêtu d’une tunique courte à ceinture, d’un capuchon, de braies ou de bottes, mais demeure toujours un homme d’âge mûr et barbu. Certains enthousiastes voient dans le chien qui l’accompagne un chien de traîneau. Peu plausible. Par contre plus de hotte mais un chaudron ou olla, magique, d’où sortent des trésors. C’est son successeur médiéval sur le Continent, Gargantua, qui sera doté d’une hotte. Dernier point enfin : rappelons qu’autrefois, le père Noël avait, non pas un habit rouge, mais un vêtement brun.
7) On appelle chanson à métamorphoses une chanson ayant pour thème, comme dans le cas de Ceridwenn et Gwion Bach, les différentes métamorphoses d’un homme ou d’une femme cherchant à en attraper un autre. Au Pays de Galles, c’est en effet la légende de Ceridwenn et Gwion Bach. Poursuivi par Ceridwen, Gwion Bach s’enfuit en prenant successivement l’apparence d’un lièvre, d’un saumon bleu, d’un chien, d’un cerf, d’un chevreuil, d’une corde, d’une hache… mais Ceridwenn se transforme autant de fois. Dans une grange enfin, Gwion Bach se transforme en grain de blé, Ceridwenn prend l’apparence d’une poule noire et avale le grain de blé puis, quelque temps plus tard, redonne naissance à Gwion Bach.
Il existe de nombreuses versions ou variantes de ce thème traditionnel, avec différents titres (« Si tu te fais anguille » par exemple). Dans le sud de la France, la chanson de Magali (un poème de Frédéric Mistral publié en 1859) en est une autre. Il est à noter que si Mistral s’est inspiré de thèmes populaires pour écrire son texte, on retrouve aujourd’hui ses paroles sur six autres mélodies au moins (y compris jusqu’au Canada et aux États-Unis cf. le fameux « je vais me sauver » de Margaret Wise Brown.…)
Le garçon.
Ò Magalí, ma tant amado,
Mete la tèsta au fenestron !
Escota un pauc aquesta aubada
De tamborins e de vioulons.
Es plen d’estèlas, aperamont.
L’aura es tombada,
188
Mai leis estèlas palliràn,
Quand te veiràn.
Ô Magali, ma tant aimée
Mets la tête à la fenêtre ;
Écoute un peu cette aubade
De tambourin et de violon !
Le ciel est là-haut, plein d’étoiles ;
Le vent est tombé,
Mais les étoiles en te voyant pâliront.
La fille.
Pas mai que dau murmur dei brondas
De ton aubada ieu fau cas !
Mai ieu me'n vau dins la mar blonda
Me faire anguièla de rocàs.
Pas plus que du murmure des branches
De ton aubade je fais cas.
Mais je m’en vais dans la mer blonde (sic)
me faire anguille de roche.
Ò Magalí, se tu te fas
Lo pèis de l’onda,
Ieu, lo pescaire me farai
Te pescarai.
Ô Magali, si tu te fais
Poisson dans l’onde,
Moi je me ferai pêcheur
Je te pêcherai.
Ò ! mai, se tu te fas pescaire,
Tei vertolets quand gitaràs,
Ieu me farai l’aucèu volaire,
M’envolarai dins lei campàs.
O mais si tu te fais pêcheur,
Quand tu jetteras tes filets
Je me ferai oiseau qui vole,
Je m’envolerai dans les champs.
Ò Magalí, se tu te fas
L’aucèu de l’aire,
Leu lo caçaire me farai,
Te caçarai.
Ô Magali, si tu te fais
Oiseau dans l’air,
Je me ferai chasseur
Je t’attraperai.
Ai perdigaus, ai boscaridas,
Se vènes, tu, calar tei laçs,
Ieu me farai l’èrba florida
E m’escondrai dins lei pradàs.
Aux perdrix, aux fauvettes
Si tu viens tendre tes filets,
189
Je me ferai, moi, herbe fleurie,
Et me cacherai dans les prés.
Ò Magalí, se tu te fas
La margarida,
Ieu l’aiga linda me farai,
T’arrosarai.
Ô Magali, si tu te fais
Marguerite,
Je me ferai eau limpide
Je t’arroserai.
Se tu te fas l’aigueta linda,
Ieu me farai lo nivolàs,
E lèu me'n anarai ansinda
A l’America, perabàs…
Si tu te fais onde limpide,
Je me ferai nuage,
Et promptement m’en irai ainsi
En Amérique, là-bas !
Ò Magalí, se tu te'n vas
Alin ais Indas,
L’aura de mar ieu me farai,
Te portarai.
Ô Magali, si tu t’en vas
Dans les Indes lointaines,
Je me ferai brise de mer
Et je te porterai.
Se tu te fas la marinada,
Ieu fugirai d’un autre latz :
Ieu me farai l’escandilhada
Dau grand solèu que fond lo glaç.
Si tu te fais brise marine,
Je fuirai d’un autre côté ;
Je me ferai rayon du soleil
Du grand soleil qui fait fondre la glace.
Ò Magalí, se tu te fas
La solelhada,
Lo verd limbèrt ieu me farai,
E te beurai.
Ô Magali, si tu te fais
Ardeur de l’ensoleillement,
Je me ferai, moi, lézard vert,
Et te boirai.
Se tu te rèndes l’alabrena
Que se rescond dins lo bartàs,
Ieu me rendrai la luna plena
Que dins la nuech fai lum ai mascs.
Si tu te fais la salamandre
190
Qui se cache sous les halliers,
Je me ferai moi, la pleine lune,
Qui dans la nuit éclaire sorcières et sorciers (sic).
Ò Magalí, se tu te fas
La ròsa bèla,
Lo parpalhon ieu me farai,
Te baisarai.
Ô Magali, si tu te fais
Belle rose,
Je me ferai papillon
Et je t’embrasserai.
Vai, calinhaire, corre, corre
Jamai, jamai m’agantaràs.
Ieu, de la rusca d’un grand rore
Me vestirai dins lo boscàs.
Va, mon bel enjôleur, cours, cours,
Jamais, jamais tu ne m’attraperas.
Car de l’écorce d’un grand chêne
Je me vêtirai dans les bois ».
Variantes.
J’irai la voir dimanche, dimanche j’irai
Demander la main de ma bien-aimée.
Si tu viens dimanche, je n’y serai pas
Par-derrière chez ma tante
Il y a un étang
Je me ferai anguille,
Anguille dans l’étang
Si tu te fais anguille, anguille dans l’étang (bis)
Je me ferai pêcheur
Pêchant dans l’étang
Je t’aurai en pêchant.
Si tu te fais pêcheur pour m’avoir en pêchant (bis)
Je me ferai alouette
Alouette des champs !
Si tu te fais alouette, alouette dans les champs (bis)
Je me ferai chasseur
Chassant dans les champs
Je t’aurai en chassant.
191
LES DIX NUITS DE GRANNOS (les decamnotiaca).
Période de douze jours ou plus exactement douze nuits, du solstice d’hiver à début janvier, en liaison avec le soleil (irlandais grian = soleil) mentionné par une inscription découverte à Limoges en France.
Postumus dumnorigis filius, vercobretus, aquam Martiam decamnoctiacis Granni, de sua pecunia dedit.
Postumus fils de Dumnorix, vergobret, [a fait venir] l’eau de Martius, pour la fête des dix nuits de Grannos, de ses propres deniers.
Cette période de dix nuits et douze jours appelée gourdeziou en breton armoricain est difficile à placer dans notre calendrier.
Suivant les sources, il s’agit des douze premiers jours de janvier, des douze jours qui suivent le solstice d’hiver, ou des six jours qui le précèdent et des six qui le suivent. Bref, de jours situés entre le solstice d’hiver et l’équinoxe de printemps et comprenant la Chandeleur.
Dans un ouvrage récent consacré aux fêtes et croyances populaires en Europe, Yvonne de Sike a insisté sur l’importance que représentait, dans le cycle festif d’hiver, la période des douze jours ou des douze nuits ; résultat d’un compromis ou d’un mariage entre deux façons différentes de mesurer le temps : le calendrier lunaire et le calendrier solaire.
Ces douze jours ont donné naissance à des coutumes très diverses. Le symbolisme des douze nuits est multiple. Ce sont des nuits critiques, « enchantées » où les démons reviennent pour restaurer le chaos primordial. Le soleil doit revenir de sa mort et renaître. Ce « temps suspendu » était donc souvent considéré comme un retour au chaos initial.
Ainsi que l’écrit si joliment R. Christinger : « On croyait revenir, pendant un bref instant, au chaos primitif, à un état non différencié, afin que vienne une nouvelle création. Mais l’avenir repose sur les genoux des dieux et l’abondance s’écoule des mains des esprits. À chaque recommencement, qui s’inscrit dans un cycle, se joue un nouveau mystère ; lorsque le soleil disparaît puis réapparaît, porté par une barque ou un animal, lorsque l’année s’achève et que recommence la ronde des saisons, lorsqu’une vie s’éteint et qu’une autre débute ; lorsqu’une catastrophe anéantit le monde et prépare la régénération du Bitos ou de l’Univers. Tous ces événements donc entraînaient l’intervention des dieux ou des esprits ».
Aux premiers siècles de notre ère, dans les cortèges du 1er janvier, les hommes et les femmes portaient des masques et notamment ceux qui figuraient une vieille femme, la Vetula, ou en gaélique la Cailleach Bheur/Caillech Berri. Samon en effet introduit le règne de la vieille de Beare, la vieille reine sorcière, qui règne sur la saison d’hiver jusqu’au retour de la bélisama Brigindo Brigantia Brigitte, au début du printemps (= Nantosuelta sur le Continent).
Son nom signifie littéralement la voilée, une épithète souvent appliquée à ceux qui appartiennent aux mondes cachés, mais qui, plus tard, en est venue à signifier simplement « vieille femme ».
Bheur signifie « pointu » ou « perçant », parce qu’elle personnifie les vents perçants et la durée de l’hiver septentrional, qui est appelé « temps de Cailleach ».
On disait aussi qu’elle était la fille de Grianan, « le petit soleil » qui, dans l’ancien calendrier scot brille de Samon à sainte Brigitte, suivi par le « grand soleil » des mois d’été. En Angleterre, en Irlande et dans les pays scandinaves, on allumait tous les soirs de Noël à l’Épiphanie la grande bougie de Noël.
Les intellectuels chrétiens ont toujours considéré les jeux masqués, les bombances calendaires, les quêtes nocturnes… comme d’inquiétantes résistances ou résurgences du paganisme ; plus dangereuses encore que les cultes civiques et impériaux, car liés au rythme du temps et au socle populaire des sociétés locales.
Ainsi seront dénoncés, dès le haut Moyen-âge, les vestiges des calendes celtes de janvier [en fait la période de douze jours allant du solstice d’hiver à début janvier, les gourdeziou en breton armoricain] ; l’habitude de « faire le cerf », de faire « la vieille », de se vêtir de peaux d’animaux, de prendre l’apparence de monstres, de se déguiser en chèvre ou encore en ours ».
Les sermons du parabolan/taliban chrétien Césaire d’Arles à propos des calendes de janvier sont éloquents à ce sujet. Sermons 192 et 193.
192
« Je réprouve formellement les imbéciles habitudes de ceux qui s’amusent comme des fous en suivant les coutumes de calendes de janvier et autres stupides superstitions de ce genre durant lesquelles les gens s’autorisent à boire et à s’adonner à des jeux ou chants paillards. Plus indécent encore pour les hommes est le fait pour eux de se travestir en femmes ou de se ridiculiser au point d’en faire pâlir de jalousie les démons. Ils braillent des chansons paillardes faisant l’éloge du vice, chantent sans honte et à tue-tête en s’accompagnant de gestes déplacés et de déguisements en chèvres et en cerfs. L’inventeur du mal pénètre ainsi dans le monde par leur intermédiaire afin de subjuguer les âmes abusées par cette apparence de jeu. J’appelle les membres raisonnables et droits de cette congrégation à réprimander vos voisins et vos gens à ce sujet, à leur interdire d’user d’un langage aussi indécent ou de brailler des chansons paillardes, et surtout à refuser de donner quoi que cela puisse être à ceux qui se laissent emporter par ce qui relève plus de la folie que de la gaieté. Et à moins que vous ne vouliez en être les complices, je vous dis : ne tolérez pas qu’un petit cerf ou un poulain ou d’autres monstruosités de cette sorte passent devant chez vous, mais châtiez-les et punissez-les plutôt, si vous le pouvez. Enjoignez à votre maisonnée de ne pas suivre les coutumes sacrilèges de ces malheureux païens ».
Brrr. On dirait de l’islam pur et dur ! Parabolan = taliban ? Il va de soi néanmoins aujourd’hui qu’il est impératif de ne pas avoir trop d’alcool dans le sang quand on conduit.
Quatre cents ans plus tard, Théodore de Tarse, l’archevêque monolâtre de Canterbury, récidivera dans le même sens. « Ceux qui, au moment des calendes de janvier, se promènent habillés en cerf ou en vieille femme, se déguisent en animal, s’habillent de peaux de bêtes ou portent des têtes animales ; qui se transforment en animaux, seront condamnés à trois ans de pénitence, car la chose est diabolique ».
Il est donc de bon ton chez les beaux esprits depuis l’arrivée du christianisme de se moquer des paysans nos ancêtres à tous. Un tel mépris raciste, religieux ou social, nous reste étranger. Autrefois, les gens ne voyageaient pas, ils restaient dans leurs villages. À part les nobles, les moines et les rois, personne ne savait lire. Ils n’avaient pas d’information. Ils avaient peur de la nuit, car ils croyaient que tout pouvait survenir à ce moment-là et ils craignaient aussi la mort. Sur trois enfants nés, deux mouraient de maladie en bas âge. Ils craignaient que le temps ne s’arrête, que les fantômes ou les génies ne les attaquent. Pour vaincre ces peurs, ils inventèrent des traditions, des rituels, qui s’accomplissaient sous forme de « gestes », de fêtes ou d’actes plus ou moins secrets. En faisant cela, ils avaient moins peur.
La mascarade est une fête essentiellement rurale qui a un but magique, accompli par les adolescents et les jeunes adultes, pour attirer tout ce qui peut être bénéfique : de bonnes récoltes, de nombreux animaux, beaucoup d’enfants. Autrefois, d’ailleurs, les gens ne se mariaient qu’en début d’année : il fallait bien suivre l’exemple de la Nature et faire comme les animaux qui vivent autour de nous.
Le masque est sans doute l’une des expressions les plus anciennes de la civilisation humaine. Le masque, qui permet à une personne de changer d’identité radicalement, est de partout et de toujours. Il est présent dans la plupart des sociétés, des plus archaïques aux plus élaborées, porteurs de valeurs et d’usages qui restent souvent difficiles à interpréter, mais qui témoignent cependant de certaines filiations.
Il faut bien distinguer deux types de masques différents.
Les masques de la période hivernale représentent les esprits de la végétation ou des animaux (égrégores animaux, élémentals) et s’inscrivent dans la logique des rituels de fécondité. Pour d’autres chercheurs, il s’agirait de représentation d’êtres anonymes et mystérieux, supposés malveillants et dangereux (des vouivres anguipèdes gigantesques ? ? ?) dont il conviendrait de se protéger, appelés Andernas sur le Continent, Fomore en gaélique.
Les masques des fêtes du 1er novembre et des différents carnavals s’inscrivent plutôt dans la logique des croyances liées à la survie de l’âme/esprit et au retour des âme/esprits sur terre (anaon en breton armoricain.
Il existe des traces de l’usage des masques bien avant que les hommes aient commencé à cultiver la terre. Plusieurs sites préhistoriques ont produit des représentations humaines de « sorciers » ou de « danseurs masqués ». L’une des meilleures illustrations de l’art paléolithique fut découverte en Ariège, dans la grotte des Trois-Frères, décorée d’images peintes et gravées datant d’environ 15 000 à 8000 ans avant notre ère. Les parois sont couvertes d’une multitude de représentations de bisons, de bouquetins, de cerfs, de chevaux, de rennes, au milieu desquelles sont dispersées des figures humaines, dont certaines masquées de têtes d’animaux. La plus énigmatique est certainement une
193
peinture aux pourtours gravés qui représente un homme portant sur la tête des cornes de cervidé, une barbe postiche, une queue de cheval, et dont le visage rappelle une dépouille d’animal. En Dordogne la grotte de Gabillou a également révélé la représentation d’un personnage, probablement masculin, affublé d’une tête et d’une peau de bison.
Ces coutumes avaient un rôle social important : elles canalisaient les peurs et l’agressivité, permettaient aux jeunes de prendre leur place en assurant la relève des plus vieux dans la perpétuation de la tradition. Les hommes sont hantés par la mort et ont peur des forces obscures et maléfiques. En se déguisant ainsi en « monstres », ils avaient l’impression de chasser les « âme/esprits maléfiques » du village.
Il y a très longtemps, avant que le christianisme et son corollaire obligé le matérialisme hédoniste ou athée n’envahissent notre espace quotidien, c’était le druide (gutuatre/gutumatre) du village qui devait prier pour que les saisons apparaissent. Quand l’hiver arrivait, il faisait certains gestes pour que le temps reprenne et que le printemps revienne. Ensuite, il devait se débrouiller pour que sa communauté passe une bonne année. Mais lorsque les très-sachants de la druidiaction (druidecht) ont disparu, les mascarades ont continué. Ce sont ces fêtes d’hiver qui se déroulent de janvier à Carnaval. Plusieurs fois dans l’Histoire, et encore assez récemment, elles ont été interdites, mais la foi naturaliste ancrée dans l’homme de la campagne a toujours vaincu ces oppositions ou s’est arrangée avec la religion.
Dans les Alpes, les masques grimaçants du Lœtschental, la tradition des « Klausen » d’Appenzell ou les traditions autrichiennes similaires ; sont l’ultime reflet de ce que furent les mythes et les croyances des très-sachants de la druidiaction (druidecht), assimilés, repris et transformés.
Nous manquons en fait du schéma d’ensemble des rituels de cette période.
Ces decamnotiaca étaient sans doute l’occasion pour les jeunes gens de quémander des étrennes. Les propos de R. Christinger à ce sujet font en effet penser aux coutumes de la veille du jour de l’An dans d’autres régions d’Europe. Avant de rentrer chez eux, les participants profitaient de l’occasion pour aller quêter dans les villages alentour (d’où les malédictions du taliban chrétien saint Césaire contre ces journées « imbéciles ») afin de réclamer à cor et à cri des étrennes. Hogmanay, Auguilaneuf, Calennig, Nos calan… Au Moyen-âge, ce mot crié dans les rues le premier janvier servait à marquer l’allégresse de la population, au moment du renouvellement de l’année.
Les jeunes parcouraient donc en groupe le village, se présentaient à la porte de chaque maison et chantaient les traditionnels versets de ces chants de Nouvel An. Les sacs s’emplissaient de beignets ou d’autres victuailles données de plus ou moins bon cœur qui, le lendemain, égayaient leur table. Par extension, le terme Hogmanay, Auguilaneuf, Calennig, Nos calan a été appliqué aux étrennes elles-mêmes, et aussi à la quête que les jeunes gens des deux sexes faisaient le premier janvier ; de même encore à de petites sommes d’argent que les parents donnaient à leurs enfants pour se divertir, certains jours de fête.
Le terme « Hogmanay, Auguilaneuf, Calennig, Nos calan » ou autre, appliqué aux étrennes pour les enfants, est sans doute un souvenir de l’ancienne cérémonie druidique attachée à cette période de l’année.
L’origine étymologique du mot ne semble pas évidente néanmoins. En effet, l’hypothèse selon laquelle le mot et la tradition pourraient dériver d’une coutume celte, est vraisemblable pour ce qui est de la tradition, mais pas du tout pour ce qui est du terme. Cela supposerait par exemple, pour expliquer le mot, que les druides criaient en français « Au gui l’an neuf », chose fort improbable. Expliquer ce phénomène par le breton « O ghel an heu » ne résout en rien le problème, car on se demande bien pourquoi des druides gaulois auraient parlé breton. À moins bien évidemment de considérer que ce dernier, notamment son expression vannetaise, est un ultime avatar de cette langue disparue à la fin du VIe siècle (cf. Sulpice Sévère et son fameux « Gallus » ainsi que la gallica lingua de Grégoire de Tours pour ce qui est de la France ; et au VIIe siècle pour ce qui est de la Suisse) non sans avoir au passage profondément influencé la langue française naissante 1).
Ce qui est incontestable par contre, c’est que le gui, cette plante toujours verte, était pour les très-sachants de la druidiaction (druidecht) une plante sacrée. On trouve d’ailleurs cette plante parasite sur le chêne, autre plante sacrée par excellence chez les Celtes. Éternellement vert sur un arbre qui, l’hiver, semble mort ; le gui était donc, pour les très-sachants de la druidiaction, un symbole de l’immortalité.
En Bretagne, mais aussi dans le Poitou, la Vendée, les pauvres avaient coutume d’aller de maison en maison en offrant du gui, espérant recevoir en échange des étrennes appelées « aguignettes ». À
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Bordeaux et dans les villages alentour, les jeunes gens, souvent déguisés en diables, allaient en groupe couper des branches de chêne dont ils faisaient des couronnes, en échange de menus présents, tout en chantant des chansons appelées « guilanus ».
À cet effet les aguilanneux portaient toutes sortes de masques de carnaval (chevaux, cerfs, ou autres : saint Césaire au secours !). Ils trimballaient par exemple bruyamment un squelette de cheval au bout d’une perche. La mâchoire était articulée, les aguilanneux, drapés dans des draps blancs analogues à des linceuls, faisaient semblant de mordre avec, tous ceux qu’ils rencontraient. Ce que l’on appelle au Pays de Galles Mari Lwyd.
Cette coutume a lieu au moment du Nouvel An, et symbolise le renouveau. L’arrivée du cheval (Mari Lwyd) est accompagnée de joutes verbales entre les participants à cette mascarade. C’est le 6 janvier que le « Mari Lwyd » sonne aux portes et pose des devinettes. Ceux qui ne connaissent pas la réponse sont mordus (!!!) par cette créature et doivent lui offrir à manger.
Ainsi accoutrés le « cheval » et le « taureau à trois cornes » visitaient donc les maisons, à grand renfort de sonnailles et de chansons, suscitant l’effroi des enfants. Le caractère quelque peu terrifiant de ces masques de cheval, de taureau à trois cornes, de grues ou de cerfs, était atténué en général par la gaieté du cortège qui les accompagnait. Après être passée par toutes les maisons, en commençant par celle du curé, la joyeuse compagnie poursuivait en chantant joyeusement, éclairée par des lampions.
Dans ses « Chansons populaires du Canada », Ernest Gagnon donne trois versions recueillies au Québec et décrit les différentes coutumes accompagnées par ce chant. Les variantes de ces chansons de quête étaient nombreuses. Elles comprenaient généralement une demande, un remerciement et une menace ou une malédiction, en cas de refus. Gare alors aux fesse-mathieux qui rechignaient à mettre la main à la poche ! Les gamins entonnaient diverses chansons pour convaincre les récalcitrants.
En Suisse, les acteurs de la fête sont les « Silvesterkläuse », les « Nicolas » du Nouvel An, dans l’arrière-pays d’Appenzell, c’est-à-dire dans les communes d’Urnäsch, Herisau, Hundwil, Stein, Waldstatt et Schönengrund.
Au cours du XIXe siècle, la sortie de ces masques fut souvent condamnée par le clergé ainsi que par la presse, le propre des journalistes étant le conformisme. En 1848, par exemple, cette coutume pratiquée « avec acharnement dans certaines régions » était jugée comme un moyen « des plus inconvenants, des plus indignes, et donc répréhensibles, de récolter des aumônes ».
Aujourd’hui l’on distingue plus ou moins nettement trois genres de Silversterkläuse : les Wüeschte (les laids), les Schöne (les beaux) et les Waldktäuse ou Naturkläuse (Kläuse de la forêt ou de la nature) ».
Les uns portent une ou deux cloches et représentent des « Mannevölcher » (personnages masculins). Les « Wüeschte Kläuse » portent souvent des masques effrayants fabriqués à l’aide de papier mâché, de dents de porc ou de bœuf, d’os ou d’autres produits naturels. Les matériaux végétaux forment le manteau, le couvre-chef et les pantalons. On utilise également très souvent un peu de foin, de paille, de branches de sapin. Sous le manteau, à peine visible, les « Mannevölcher » portent une cloche qui est fixée aux épaules à l’aide d’une sangle.
Aujourd’hui, un « Schuppel » – groupe de beaux Kläuse – compte généralement six garçons, deux Rölli et quatre Schelli. Sur le dos et la poitrine, les Schellenkläuse portent des cloches de vache qui sont reliées sur les épaules à l’aide de bandes de cuir ou de laine. Sur la tête, le Schellenklaus porte un chapeau plat presque rectangulaire, dont les côtés ainsi que la partie inférieure sont garnis, comme les coiffes des Rölli, de milliers de petites perles de verre, de cordons multicolores, de petits miroirs, et de papier argenté. Dans les niches des coiffes et sur la partie supérieure des chapeaux, on représente des scènes de la vie quotidienne, avec de petites figurines soigneusement sculptées ou peintes. Le visage du Schellenklaus est caché par un masque masculin barbu qui, auparavant, était en cuir le plus souvent. Dans le trou de la bouche est souvent fixée une « Lendauerli » noire, la pipe typique de l’Appenzell. Un costume de velours uni brodé d’argent, des bas blancs et de lourdes chaussures, complètent cet équipement.
Les Kläuse de la nature ou de la forêt, que le langage populaire appelle de manière encore plus appropriée « Schöwüeschte » (beaux laids) sont, comme l’indique cet autre nom, une forme intermédiaire des types de Kläuse déjà dépeints. Au milieu des années 1960, un groupe d’Urnäsch apparut pour la première fois sous cette forme. Pour la fabrication des manteaux et des chapeaux, on utilise des matériaux naturels en faisant preuve d’un grand sens de l’effet décoratif.
De plus, on représente sur le couvre-chef et dans des niches du manteau, des scènes semblables à celles que portent les beaux Kläuse.
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Sous leur pèlerine, les Kläuse dissimulent, sur la poitrine et sur le dos, deux énormes cloches. Le harnachement complet d’un Klaus peut atteindre quelque 40 à 50 kg, dont 10 pour la coiffe et 25 pour les sonnailles. Les groupes se composent habituellement de sept à dix Kläuse, encadrés par deux participants portant des habits féminins, costumés avec élégance et finesse, les « Rölli » ou « Weibliche Rollen-Kläuse ». Ceux-ci portent un chemisier avec un tablier, ornés de dentelles, un corsage et une jupe de velours, ainsi qu’un imposant harnais sur lequel sont fixés 13 énormes grelots : 4 sur la poitrine, 4 sur le dos et 5 à la ceinture.
La coiffe, qui est en demi-cercle, contient des scènes d’intérieur ou de la vie agricole. Quant au masque, lui aussi en toile recouverte de cire, il reproduit un visage féminin un peu niais, maquillé avec soin et agrémenté, à la commissure des lèvres, d’une petite fleur.
Le jour de la fête, dès la pointe du jour, plus d’une dizaine de groupes se mettent en route. Par des chemins enneigés selon un itinéraire précis, chaque groupe marche, au son des grelots et des clarines qui résonnent dans toute la vallée. Leur « mission » consiste à se rendre de maison en maison, de ferme en ferme, présenter leurs vœux, et garantir, par leur passage, bonheur et prospérité.
Ce scénario se poursuivra toute la journée. Le soir venant, les groupes regagnent le fond de la vallée puis poursuivent leurs prestations vocales d’auberge en auberge jusqu’à tard dans la nuit. La fête conserve aux yeux des habitants une importance considérable. Le touriste, l’étranger, y est considéré comme un importun, car il risque de troubler le rituel que les gens du lieu pratiquent entre eux, pour eux-mêmes.
Dans d’autres régions du massif alpin, la coutume a été décalée dans le temps.
Le Lötschental, dans le Valais, a conservé plusieurs traditions populaires, en particulier la fabrication de masques fantastiques sculptés dans du bois d’arolle (pinus cembra). Ceux-ci étaient portés par des groupes de jeunes gens qui se répandaient dans les villages de la vallée avant le mercredi des Cendres, vêtus de peaux de chèvre ou de mouton ; en imitant les mugissements du taureau et en agitant une cloche suspendue à leur ceinture. Leur nom local, tschäggät/tschägätä veut dire « tacheté, moucheté, ceux qui sont tachés de suie », car ils sont censés pénétrer dans les maisons par les cheminées.
Pour certains, le terme utilisé, tschäggät/tschägätä, signifierait « vilaine sorcière ».
On peut rencontrer les Tschäggätä dans les villages de Blatten, Ferden, Kippel et Wiler, du 2 février (Chandeleur) au mercredi des Cendres, de préférence en fin d’après-midi ou le soir.
Le déguisement est complété d’une pelisse de peau de chèvre ou de mouton, recouvrant complètement le corps, et par des pièces de tissu cachant leurs chaussures de montagne, de façon à brouiller les traces. Les mains sont dissimulées par une paire de moufles en peau retournée.
Les Roi tschägätä portent aussi des cloches (Trichlun) suspendues à un large collier de vache leur tenant lieu de ceinture. Jadis ils exhibaient un long bâton au bout duquel était accroché un sac de cendres servant à frapper les spectateurs.
Pour certains auteurs, ces masques incarneraient la révolte et la rébellion au sein d’une paysannerie maintenue dans l’isolement pendant des siècles, sous l’étroite surveillance de l’Église. Tonnant contre elle du haut de sa chaire depuis saint Césaire, le clergé s’efforçait en effet, sans relâche, de mettre fin à cette coutume assimilée à une dangereuse émanation du paganisme.
En Autriche, dès la mi-novembre, le Tyrol vit au rythme des sorties de masque. De nombreux villages voient déambuler des groupes d’étranges et imposants personnages qui s’arrêtent de maison en maison. Parmi eux, les troupes de diables, soufflant dans des cornes de brume, défilant au son des tambours, des cloches et des ceintures de grelots. La tradition des pères fouettards zhorn ou autres krampus, a son origine dans un amalgame assez confus de rites, de croyances et de traditions. Pères Fouettards, zhorn ou krampus s’apparentent à une mythologie qui se retrouve dans toute l’Europe occidentale, et qui est issue de la civilisation celtique, notamment du thème des vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomore en Irlande (Andernas sur le Continent).
Ces festivités constituaient un maillon du retour au printemps. Accompagné de tambourineurs, on se déguisait en bêtes, en diables, en sorcières, ou en bouffons, pour éloigner les démons et appeler la fécondité sur la terre.
Aujourd’hui, cette coutume est restée bien vivante, grâce à son usage festif, et de nombreux villages possèdent leurs personnages masqués spécifiques, symbole de l’identité locale.
Les cortèges masqués de la Saint-Nicolas sont particulièrement remarquables dans le Pongau. Le soir du 5 décembre, les krampus, des sortes de démons qui sévissent particulièrement au moment de
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l’année où les nuits sont les plus longues ; vêtus de pelisses, portant des masques effrayants avec des cornes de bouc ; rugissent et font tinter les cloches attachées à leur taille.
Tout de poils vêtus avec leurs masques aux longues dents ornés de deux énormes cornes, les krampus chargés de leurs sonnailles et de leurs tambours semblent sortir tout droit des forges de l’enfer.
À Mitterndorf (Styrie), mais aussi dans plusieurs villages voisins, saint Nicolas est aussi accompagné d’autres personnages masqués caractéristiques, les schabs ; véritables gerbes de paille ambulante à la tête surmontée de longues perches comme des antennes qui les transforment en mystérieux insectes. Selon la tradition locale, ils doivent chasser les démons de l’hiver grâce au claquement rythmé de leur fouet. Ce dernier retentit dans toute la vallée. Les strohschaben suivent une mesure à six temps et la paille émet un léger bruit de frottement alors qu’ils progressent à pas lourds et lents sur toute la largeur de la rue… saint Nicolas est accompagné par le « Curé ». Derrière se pressent le Mendiant et la Mort avec sa faux [l’Ankou en breton] le Forgeron, un Ramoneur couvert de suie comme son nom le suggère, qui cloue tout sur son passage. Suit l’ensemble des krampus aux visages couverts de masques terrifiants, œuvres des artisans locaux. Le krampus se couvre d’une fourrure. Cette fourrure est un large pardessus de toisons de mouton dont la couleur varie. Les ceinturons avec les grandes cloches (rollen) font partie des attributs du krampus. Le krampus dispose également d’un fouet fixé à un manche de bois, constitué d’une queue de cheval. Il s’en sert pour frapper à l’aveuglette autour de lui.
Les Costumes. Ils sont préparés ou confectionnés par les participants eux-mêmes, certains en peau de bouc, et d’autres en épis de maïs. Ils montrent beaucoup d’adresse, de fantaisie et de sens de l’esthétique. Ils tiennent très chaud et peuvent peser jusqu’à 100 kg. Les masques doivent faire peur et avoir l’air féroce. Les costumes sont souvent décorés de cloches ou de grelots. L’abondance des poils représente une manifestation de la vie végétative, instinctive et sensuelle.
Les Cornes. Symbole de puissance, d’élévation et de force. Les guerriers ainsi que certains grands conquérants comme celui cité par la sourate N° 18 du Coran : Dhou-al-Qarnaïn 2) ont porté des casques à cornes afin de bénéficier de leur magie et de s’approprier leur force. Les cornes évoquent les puissances de la vie, de la vie inépuisable et de la fécondité. Les cornes symbolisent généralement la féminité de par leur forme lunaire, à l’exception des cornes de bélier dont la forme est solaire et symbolise alors le mâle, ainsi que certaines cornes de boucs lorsqu’elles sont noueuses et de belle envergure.
Les sonnailles, les clarines et les grelots. Symbolisent la sagesse, la féminité, l’harmonie. Les mascarades où chaque personnage porte des sonnailles se sont multipliées au cours du temps, car elles ont un rôle protecteur très important : protection du bétail, réveil de la nature, éloignement des mauvais esprits, des maléfices et des « sauvages ». Peu à peu, rites païens et religion chrétienne se sont mêlés. Le bruit des sonnailles, des clarines, ou des grelots, est partout dans le monde considéré comme ayant un pouvoir d’exorcisme et de purification. Il éloigne les mauvaises influences. Le bruit des grelots est souvent associé à celui des tambours.
Le bouc. Tout comme le bélier, le bouc symbolise la puissance génésique, la force vitale, la libido, la fécondité. Si le bélier s’avère diurne et solaire, le bouc, lui, est nocturne et lunaire. L’animal a été longtemps associé aux forces reproductrices, puis son image a été pervertie et associée à la luxure. D’animal puissant et respecté, il est devenu un symbole d’abomination, puant et accompagné du Diable, le Diable représentant, pour l’Église chrétienne, le dieu du sexe, de l’impureté ou de la malédiction. Ceci particulièrement au Moyen-âge.
Ces rituels ont généralement un but expiatoire, c’est-à-dire qu’ils sont effectués afin de purifier ce qui est impur, et de détourner le mal. Ils représentent souvent le mariage entre les forces masculines et les forces féminines, la fécondation, l’accouchement et le culte solsticial (sainte Épona ?). En Autriche, seuls les hommes peuvent revêtir les costumes de diables. Ils viennent chasser les forces du mal, les mauvais esprits, les maladies et la mort, afin que l’année suivante connaisse le renouveau de la vie, du printemps, de la naissance ou de la résurrection.
La danse et les mouvements représentent la force de fertilisation et de fécondation de l’homme. Selon les coutumes et les pays, plusieurs personnages peuvent être représentés : le jeune marié, le héros guerrier, le diable, le brigand, le prêtre, la sage-femme, les jeunes filles… Souvent munis de bâtons ou de branches, ils frappent ou fouettent les amis et les jeunes filles assistant au cortège. Ceci afin de chasser les mauvaises influences et les maladies.
En Autriche, les diables ont les mains enduites de graisse noire et barbouillent le visage des spectateurs dans le même but. Ils passent parfois de maison en maison, surtout chez les paysans, où ils accomplissent des danses afin de chasser les mauvais esprits et les souillures laissées par la saison morte qu’est l’hiver.
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Toutes ces festivités hivernales étaient marquées par d’étranges coutumes, des réactions au rejet systématique dont faisaient preuve les autorités ou les classes dominantes chrétiennes comme saint Césaire, à leur propos. On investissait par exemple de dignités éphémères les diacres, sous-diacres, prêtres et enfants de chœur. Selon les lieux, à l’occasion de ces fêtes des Fous, ils prenaient le titre d’évêque, d’archevêque, d’abbé, de pape. Dans ce royaume à l’envers, tous ces dignitaires d’exception, pour le temps de la fête, officiaient, en portant mitre et insignes de leur qualité… à Tournai, en Belgique, le 28 décembre, on élisait un petit vicaire de la cathédrale « évêque des sots ». Il revêtait les ornements de l’évêque enrichis de quelques accessoires : la mitre était ornée de grelots et la crosse se terminait par une marotte. Le nouvel évêque était conduit par toute la ville, il bénissait la foule et des scènes comiques se succédaient.
Ces rituels païens se sont donc mélangés au cours des siècles avec la religion chrétienne. Ils sont désormais célébrés avec la fête catholique de la Saint-Nicolas, saint Nicolas étant le protecteur des enfants, et annoncent Noël. Les masques et les jeux masqués restent un moyen privilégié de communication sociale, et l’une des composantes essentielles des réjouissances populaires. Ils favorisaient jadis, du moins le croyait-on, le bon déroulement de l’année, assuraient la bonne santé des hommes et des animaux, une bonne récolte et une bonne reproduction du bétail.
Toutes ces pratiques propitiatoires font partie d’un héritage religieux remontant à la nuit des temps. Ceux qui participent encore actuellement aux bruyantes manifestations de ces confréries ne se doutent pas qu’ils répètent, sans les comprendre, des gestes qui datent de l’aube de l’humanité.
Ainsi que l’a noté à juste raison Rütimeyer, ces confréries du Lötschental et d’autres régions de Suisse, notamment celle du mont Pilate, ou d’Autriche, réunissent donc les derniers descendants de groupes culturels ayant existé en Europe dès l’époque néolithique.
LE JOUR DES ROIS.
La fête de début janvier ou Épiphanie est antérieure au Christianisme. C’était une fête en liaison avec le solstice d’hiver. L’Épiphanie est appelée aussi parfois « la douzième nuit » voire en suédois « le treizième jour après Noël » (Trettondag Jul).
Ce jour terminait le cycle des douze nuits en question et pendant longtemps ce fut la fête la plus populaire, bien plus que Noël. Car si l’Épiphanie est une fête chrétienne, l’origine de la galette des Rois, elle, est totalement païenne. La forme ronde et dorée du gâteau est une référence directe au culte solaire.
La tradition romaine voulait même qu’à l’occasion des saturnales, un roi soit élu parmi les jeunes soldats. Ce « roi » pouvait alors faire tout ce qu’il lui plaisait. Cette tradition a évolué au cours des siècles pour aboutir à l’Épiphanie.
Selon les régions, la galette des Rois est un gâteau rond en pâte feuilletée fourrée ou non, voire une couronne garnie de fruits confits. À l’intérieur a été placée une fève ou une noisette. Celui qui découvre cette fève est le roi ou la reine. En Angleterre, comme en Bourgogne, anciennement, on préférait former un couple de circonstances en mettant dans la galette une noisette et un petit pois. Pour tirer les Rois, le plus jeune était envoyé sous la table.
Ce jour-là, les domestiques avaient aussi congé. Les enfants effectuaient, là encore, des tournées de quête. Ils chantaient…
Bonjour les Rois
Jusqu’à douze mois
Douze mois passés
Rois revenez !
Puis, ils demandaient la Part à Dieu…
Nous sommes d’un pays étranger, venus en ces lieux
Pour vous faire la demande de la part à Dieu !
Et souvent l’appel était entendu, car en coupant le gâteau des Rois, une part avait justement été réservée pour les pauvres.
LES DICTONS.
Le cycle des douze jours est une période particulièrement propice au développement de croyances et de superstitions, ou d’observations plus judicieuses. Ainsi nos anciens ont-ils cru pouvoir interpréter le temps qu’il fait durant ces douze jours et douze nuits, pour prédire le temps qu’il fera les douze mois
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de l’année à venir. Malheureusement, la modification du calendrier intervenue il y a quelques années a bouleversé l’énoncé de ces dictons.
1) La présentation antiraciste classique (c’est la même chose) du problème est la suivante. L’Armorique était une région quasi déserte (mais de langue latine) et elle fut repeuplée par des immigrés venus d’outre-Manche ; ces derniers y apportèrent donc leur langue (celtique en l’occurrence) le breton.
L’examen objectif de ces données permet de douter sérieusement de l’ampleur de l’immigration bretonne, qui fut principalement une migration des élites (religieux, chefs militaires) ; les pauvres et le peuple étant bien obligés de rester sur place, comme dans le cas de la déportation à Babylone pour ce qui est des Hébreux ou des juifs de jadis. Comme toujours !
Ainsi que de l’origine strictement insulaire du breton, qui doit probablement beaucoup plus qu’on ne le croit au dialecte local. Comment peut-on en effet prétendre que l’Armorique était totalement latinophone à l’arrivée des Bretons (les premiers apparemment ayant migré dès la fin du IIIe siècle dans le cadre de l’Empire romain) ; alors que le gaulois était encore parlé dans la région voisine au VIe siècle à en croire le fameux « Gallus » de Grégoire de Tours.
En 565 dans la région d’Agen, le poète romain Venantius Fortunatus, qui ne fréquente que les gens de cour, se fait encore expliquer par eux le sens des noms de lieux indigènes. Ces nobles-là, tout en parlant certainement latin, comprenaient donc encore la langue de leurs ancêtres, a fortiori les gens du peuple.
Prétendre que les Bretons parlaient une langue, et les Gaulois une autre, est une erreur monumentale dépassée depuis plus de cent cinquante ans. Il n’y avait que de minimes variantes dialectales entre le celtique continental et le celtique insulaire. Laisser entendre que le brittonique n’a rien à voir avec le celtique continental, sert à la fois certains auteurs ; pour prouver que le breton est une langue d’envahisseurs venus de Grande-Bretagne amener le désordre dans une région où tout le monde parlait latin (sic) ; et certains Bretons, pour dire qu’ils n’ont rien de commun avec les Français. En réalité, lorsque les Bretons arrivèrent en Armorique, ils y trouvèrent des gens parlant la même langue qu’eux.
Les premiers habitants dont la langue a réellement marqué celle de Molière ou celle de mes ancêtres du Royaume de France au XVIIe siècle (Attancourt 1635) sont les indigènes celtes du cru.
Leur langue a survécu à la conquête romaine jusqu’au Ve siècle, voire plus. Par ce contact prolongé, elle a profondément transformé le latin parlé dans le pays. De toutes les langues préexistantes de la Romania, le gaulois est la langue qui a eu la plus forte influence sur le latin parlé. Il a laissé dans le lexique français beaucoup de termes ruraux se référant aux travaux des champs : glaner par exemple ; ou à la configuration du terrain : exemple marne ; des noms d’animaux et de plantes et des noms de mesures anciennes : lieue, arpent ; ainsi que des termes domestiques ou politiques : vassal, ambassade. À noter que l’on prend beaucoup de mots celtes (plusieurs milliers ?) pour des mots latins, car ils ont été latinisés et sont entrés dans le bas latin alors qu’ils ne se trouvent pas dans le latin classique…
On attribue au celte continental le son ü (y) qui se retrouve aussi dans les parlers de l’Italie du Nord et dans certaines parties du Portugal. Ce son u [y] pourrait être caractéristique des parlers gaulois (Belgique incluse ?) voire de parlers brittoniques anciens (il était présent aussi en cornique primitif, en vieux cornique, et en moyen cornique. Même chose pour le passage de – ct à – it, par exemple dans le latin factum > français fait.
On attribue également à ce celtique continental les voyelles nasales, la langue de Molière étant, avec le breton, une des rares langues, à connaître ce type de son.
Le maintien du s final, marque du pluriel, est également dû à ce substrat.
Ces changements phonétiques différencient, dans une large mesure, le français des autres langues romanes.
En revanche, ce gallo-roman a subi une pression très efficace (lexicale, phonétique et syntaxique) du superstrat germanique, au nord. Suffisamment forte, cette fois-ci, pour que l’on puisse distinguer deux langues dans ce gallo-roman : la protolangue d’oïl au nord, la protolangue d’oc au sud. Les raisons de cette influence décisive tiennent, certes, à la longue durée du contact ; de 486, défaite du dernier patrice gallo-romain Syagrius devant les Francs de Clovis à 987 : Hugues Capet sera le premier roi de France à ne plus parler que la langue romane ; un interprète lui est nécessaire quand on s’adresse à lui en langue germanique.
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Les serments de Strasbourg sont un texte de 842, écrit en trois langues : en vieux haut allemand (teudesca lingua), en latin et enfin dans une langue romane composite que l’on estime être du proto-occitan ou du protofrançais (les deux langues n’étant alors pas aussi nettement séparées qu’aujourd’hui).
Le texte en question comporte quelques ajouts énigmatiques. Là où le texte germanique a une formule logique et grammaticalement correcte : so hald ih thesan minan bruodher, soso man mit rehtu sinan bru (d) her scal ; le texte français comporte un ajout illogique sémantiquement parlant, et syntaxiquement douteux : si salvarai eo cist meon fradre karlo, & in aiudha & in cadhuna cosa, sicum om par dreit son fradra saluar dift. Un verbe, être (er = serai) par exemple, aurait dû être nécessaire.
Il y a quelques corrections de la main du copiste : « dist di en avant » a été corrigé en « in avant », adiudha en aiudha et aiuha en aiudha.
La phonologie du texte comporte certains traits archaïques. Le a tonique est conservé dans fradre, salvar, returnar. Il n’y a pas de diphtongaisons, Deo pour Dieu, poblo pour peuple, meon pour mien, me pour moi.
Le scribe emploie parfois (par inadvertance et en l’absence de norme ?) une orthographe carrément latine : in o quid (= « en ce que »).
Le premier monument proprement littéraire sera donc la Cantilène de sainte Eulalie. Il raconte l’histoire d’une jeune martyre qui souhaite conserver sa virginité ainsi que sa foi dans le Christ plutôt que de succomber au diable (diaule) et à la déchéance morale.
Le texte comprend vingt-neuf vers rythmiques.
Le texte est beaucoup plus près du français « ordinaire » du Moyen-âge que les Serments de Strasbourg. Il y a encore quelques latinismes tels que rex. La diphtongaison de o tonique bref en uo est un trait archaïque. Elle est commune à presque toutes les langues romanes, mais ne se maintient pas en français, où uo devient ue au XIIe siècle : buon/buona : bonum buon buen (buen sera remplacé par la forme protonique bon/bonne).
P.S. Et d’ailleurs, pour clore le sujet, rappelons que pour les Grecs, premier peuple « civilisé » à être entré en relation avec, la France est toujours la Gallia.
2) Il va de soi que nous nous félicitions de voir Dieu ou plutôt Mahomet en l’occurrence (la notion de Coran incréé ne pouvant être qu’une imposture ou à tout le moins une non-vérité due au manque de réflexion voire d’intelligence tout court) rendre ainsi hommage à ce célèbre penseur antiraciste que fut Alexandre le Grand. Pour en parler dans son Coran, Dieu a vraisemblablement tenu compte d’une des nombreuses versions romancées de sa vie circulant à l’époque au Moyen-Orient. Et les Ya'jouj et les Ma'jouj sont des équivalents de nos toujours modernes krampus zhorns ou Tschäggätä suisses ou autrichiens.
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LA FÊTE DE TARAN/TORAN/TUIREAN.
La Seain ou fête de la saint Jean dans le calendrier de saint Patrice.
Attention ! Là également il ne s’agit pas d’une oenach, mais d’un feu de joie !
La fête à Taran est l’exemple même de la fête locale celte, variant à l’infini suivant les régions. Ce qui suit n’est donc qu’un exemple parmi d’autres.
La nouvelle religion a bien sûr essayé d’interdire ce rituel antique. Voici ce qu’écrivait un des talibans/parabolans du christianisme, saint Éloi, en Belgique à son propos…
« Ne vous réunissez pas aux solstices, qu’aucun de vous ne danse ou ne saute autour du feu, ni ne chante des chansons le jour de la fête de saint Jean. Ces chansons sont diaboliques ».
En France Bossuet, lui aussi, essaya d’interdire de « danser autour du feu, faire des festins, jeter des herbes par-dessus le feu, en cueillir avant midi à jeun ; en porter sur soi, les conserver tout le long de l’année, garder les tisons ou les charbons du feu sacré ».
Mais cette antique coutume (si antique qu’elle est même prédruidique) a été relancée par un celtisant catalan : François Pujade, en 1955.
En 1955, en effet, un montagnard pyrénéen appelé François Pujade, voulant célébrer à la fois son anniversaire et le solstice d’été, a rallumé un feu traditionnel au sommet du Canigou la montagne sacrée des Catalans.
François Pujade avait alors été très impressionné par la confrérie de la Sanch (du Sang) avec leurs coules rouges, noires, leurs cagoules, et ainsi de suite.
En 1963, un Cercle de jeunes prendra l’initiative décisive : descendre dans la plaine cette flamme du Canigou, préalablement allumée au feu du Ciel sur le Pic-Roi et veillée toute l’année à la Casa Pairal.
Comme nous n’avions rien d’autre dans nos archives sur ce feu de joie solsticial, puisque c’est un rituel, certes, indigène en Europe, mais prédruidique, nous avons repris les éléments de base du rituel des feux de cette reine des montagnes.
Lors de ce rituel solsticial, le rôle d’officiant est en principe, et autant que faire se peut, assuré par une prêtresse, et non par un très-sachant de la druidiaction (druidecht).
Nous ignorons pourquoi l’officiant ce jour-là ne doit pas être un prêtre ayant reçu les ordres majeurs celtes indo-européens (un druide druide), mais une prêtresse. En tout cas, il en est ainsi sauf à Stonehenge qui est un cas particulier comme nous le verrons (les néo-druides peuvent y venir).
Par contre comme pour le rituel de l’allumage de la flamme olympique depuis 1936 nous en suivrons le même principe de base pour ce qui est du costume des prêtresses afin de concilier à la fois les nécessités théâtrales de la mise en scène et la fidélité à notre Histoire. Les costumes doivent être similaires à ceux des princesses celtes de l’Antiquité (mais pas des prêtresses d’Héra en ce qui nous concerne bien sûr !)
La préparation du feu solsticial commence dans la soirée du jour précédant le solstice, donc dans la nuit du 20 au 21 juin.
Avant de servir ensuite pour allumer le feu, la flamme (de la montagne sacrée et non d’Olympie) doit être gardée (relayée) au moyen d’une lampe tempête, tennotatos ou tantad, en un endroit choisi non loin du bûcher : le tennotatos ou tantad.
Lorsque la jeune fille et les ambacts porteurs de torches viendront chercher la flamme, on allumera torches ou cierges à cette lampe tempête, que l’on éteindra ensuite ; et que l’on replacera (à l’intérieur du tennotatos/tantad) en attendant l’année suivante.
La cérémonie du feu sacré peut alors commencer : porteurs de torche, prêtresses, vates et vellèdes ou gutuatres/gutumatres se préparent.
La cérémonie débute par une procession générale. Les prêtresses ouvrent la marche en chantant des hymnes de circonstance (bardit de la fidélité, ou autre chanson de ce genre).
Viennent ensuite les gutuatres/gutumatres en coule rouge, une branche de verveine à la main. Les vates en robe verte suivent : ils conduisent le bœuf blanc que l’on va faire cuire à la broche.
Enfin les vellèdes en coule bleue. Ils conduisent également, par la bride, la jeune cavalière sur sa jument blanche, apportant la flamme symboliquement allumée quelques instants plus tôt au feu du ciel. Descendue du Pic-Roi et veillée toute l’année, conformément à la Tradition, la flamme de Tarantantad devant être un feu perpétuel.
« In cujus aede perpetui ignes numquam canescunt in favillis sed, ubi ignis tabuit, vertit in globos saxeos » (Solin. collectanea rerum memorab. 22.10).
N.B. Le Pic du Canigou peut être, bien sûr, remplacé par tout autre endroit où la foudre est susceptible de tomber.
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Le bûcher en l’honneur de Taran/Toran/Tuireann vers lequel se dirige la procession des prêtresses, vellèdes, vates et gutuatres/gutumatres ainsi que des porteurs de roue, doit auparavant avoir été construit conformément aux règles de l’art ; c’est-à-dire en forme de gigantesque mannequin d’osier.
Ce mannequin d’osier doit être surmonté par des représentations, en bois ou en paille, d’animaux divers (chats, coqs, ou autres).
N.B. S’ils sont retrouvés intacts le lendemain, c’est mauvais signe. Cela veut dire que Taran/Toran/Tuireann n’a pas vraiment accepté leur sacrifice. C’est pourquoi il faut vérifier qu’ils brûlent bien avec tout le reste.
Il n’y a pas encore très longtemps, dans certaines régions, en guise de bûcher solsticial dédié à Taran/Toran/Tuireann, on utilisait des mannequins d’osier remplis d’animaux.
« Ils fabriquent un colosse avec du foin et du bois, y introduisent des animaux domestiques et sauvages de toutes sortes avec des hommes (?) et les brûlent », rapporte même Strabon (IV, 5).
« Taranis Ditis pater hoc modo apud eos placatur : in alveo ligneo aliquot homines cremantur » rapporte le commentateur anonyme des œuvres de Lucain (Scholies bernoises).
Cette coutume a disparu et aujourd’hui les animaux ne sont plus que de bois ou de paille, comme pour la Sainte-Épona.
On doit trouver dans ce bûcher les sept essences d’arbre suivantes : sapin, bouleau, hêtre, orme, pommier, châtaignier, chêne. Les essences d’arbre que l’on n’arrive point à trouver pourront être (exceptionnellement) remplacées par du miel ou une libation d’hydromel dans le feu, comme nous le verrons.
Les membres de la sodalité arrivent en procession pour former le cercle sacré à l’endroit où va être allumé le bûcher. Avec par ordre d’ancienneté les prêtresses en tête, la prêtresse officiante au milieu. Ensuite les gutuatres/gutumatres, les vates, avec le Juge de la Tradition et son grand vouge au clair comme une hallebarde suisse, enfin les vellèdes. Le cortège arrive si possible par l’est à l’endroit choisi où attend le bûcher presque terminé, puis fait les trois grands tours rituels autour dans le sens solaire.
Les participants étant à leur place, les prêtresses à l’est faisant face à l’ouest, les gutuatres/gutumatres au nord faisant face au sud, les vates à l’ouest faisant face à l’est, les vellèdes au sud faisant face au nord ; le vate faisant office de Juge de la Tradition s’avance vers le centre sacré pour saluer la grande prêtresse officiante de son vouge, au clair, ainsi qu’une hallebarde suisse.
La réception des invités a lieu à ce moment-là, et pour commencer celle de l’invité de marque qui sera considéré comme étant Abarix, le célèbre prêtre d’Abellio, dont même les Grecs ont parlé ; accompagné de deux ambactes (Opis et Argé) portant la corne d’abondance et une corbeille de pommes 1).
Abarix. Il y a dans l’Océan au-delà des vents du nord, une île où n’existe aucune culture hormis celles dont la nature prend soin elle-même. La terre y engendre tout comme de l’herbe et prodigue d’abondantes moissons dans des forêts couvertes de fruits. En cette île au nord du monde au cœur d’une clairière dans la forêt, il y a un temple de pierre. De ce temple, on distingue les montagnes qu’il y a sur la lune. Notre Apollon à nous, Abellio, y revient tous les dix-neuf ans pour y jouer de la harpe, et danser à la belle étoile, de l’équinoxe de Printemps jusqu’au lever de la constellation des Pléiades.
Ces présents symboliques sont offerts par Abarix à la grande prêtresse officiante, notamment la corne d’hydromel qu’elle passe ensuite sur sa gauche afin qu’elle puisse faire le tour du cercle sacré dans le sens solaire. Les dernières gouttes sont versées sur le bûcher. Les autres invités sont ensuite également présentés par la grande prêtresse et accueillis à la lueur des torches.
Ensuite, comme chaque année, la grande prêtresse officiante redit le message millénaire des anciens druides primordiaux sur les plans divins.
Nous autres, de la religion de la Nature de la Forêt, nous pensons qu’il est bon qu’il y ait des Celtes, des Romains, des Germains, des Grecs, des Indiens, et tant d’autres langues ou peuples encore. Le Divin s’exprime dans cette diversité afin que chacun ait son culte, ses rituels, ses cantiques et sa tribu de fidèles.
Il est bon que l’Humanité soit faite de mille et une familles différentes, il est bon que l’Humanité soit faite de mille et une communautés différentes. Comme autant d’essences d’arbres dans la forêt. L’important est que tout arbre, chêne, bouleau, orme, ou hêtre, ait son territoire, son biotope, sa chênaie, sa boulaie, son ormaie, sa hêtraie, afin qu’aucune essence ne puisse en étouffer une autre et que tous aient leur place au soleil seigneur de l’Univers.
Étranger mon frère, ami touriste de passage, plus tu seras toi-même différent, autre, autrement, plus tu nous ressembleras en vérité. Car c’est en creusant le plus possible en soi-même que l’on atteint à l’universel, pas en renonçant à sa personnalité, à son identité, pour devenir un golem ou un robot indifférencié au cœur métallique.
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Loin d’être ce qu’en a rapporté le biographe du parabolan chrétien nommé Patrice,
Le feu qui va brûler tout à l’heure sur les hauteurs est le symbole même de cette unité dans la diversité de l’Humanité. Tous les pays de notre région et même d’ailleurs, en ce moment, s’apprêtent à fêter le solstice d’été, mais chacun à sa façon, et c’est cela qui est admirable.
Rome a jadis voulu soumettre l’univers entier à sa loi. Rome a jadis voulu uniformiser la terre entière, mais comme l’a dit notre grand roi Calgacos…
« Derrière nous, il n’y a plus rien. Rien que des vagues, des écueils et une menace encore plus grande, celle des Romains. Ne croyez surtout pas que vous échapperez à leur fierté méprisante en vous effaçant dans l’obéissance. Le monde entier est leur proie. Ces Romains, qui veulent tout, ne trouvent plus de terre à piller. Alors, c’est la mer qu’ils fouillent maintenant ! Riche, leur ennemi déchaîne leur cupidité, pauvre, il subit leur tyrannie. L’Orient, pas plus que l’Occident, n’a calmé leurs appétits. Ils sont les seuls au monde qui convoitent avec la même passion les terres d’abondance et d’indigence. Rafler, massacrer, saccager, c’est ce qu’ils appellent asseoir leur pouvoir. Font-ils d’une terre un désert ? Ils disent qu’ils la pacifient. La nature fait que nous aimons nos enfants et nos frères de sang par-dessus tout. Or on nous les arrache pour en faire des esclaves dans des pays lointains. Et nos femmes et nos sœurs sont séduites par eux sous le prétexte de l’amitié ou de l’hospitalité, puis abandonnées ».
Étranger mon frère, amis touristes, vous que nous avons invités à notre table pour parler de votre si beau pays, conformément aux traditions de notre légendaire hospitalité, sachez bien ceci. Chez nous on peut aller librement partout en toute sécurité, sans être le moins du monde inquiété, car ainsi que l’a dit notre autre grand ancêtre spirituel, nous sommes un pays libre. Mais il ne faut jamais agiter les peuples avec de fausses nouvelles en les poussant ainsi à commettre de très graves erreurs. Ami touriste, étranger mon frère, quand vous retournerez chez vous, pleins de sagesse et de raison, dite bien aux vôtres que la différence est plus qu’un droit, elle est un devoir. Le devoir de différence est le premier des commandements, car les peuples ont tous des génies particuliers.
La grande prêtresse officiante ayant terminé ce sermon, le laïc jouant le rôle de héraut se tourne alors vers le nord, sonne du cornyx et demande à l’ambact représentant cette partie du fief…
— Au nord y a-t-il la force, la richesse, l’art, la science et la paix ?
— Oui au nord il y a la paix, répondent les assistants.
— À l’est y a-t-il la force, la richesse, l’art, la science et la paix ?
— Oui à l’est il y a la paix, répondent les assistants.
— Au sud y a-t-il la force, la richesse, l’art, la science et la paix ?
— Oui au sud il y a la paix, répondent les assistants.
— À l’ouest y a-t-il la force, la richesse, l’art, la science et la paix ?
— Oui à l’ouest il y a la paix, répondent les assistants.
La prêtresse officiante…
— Pensez au feu sacré qui va jaillir en déposant votre offrande sur le bûcher.
Sur ce, à la lueur des torches, tous ceux qui ont du bois ou du végétal ad hoc à confier au feu se mettent alors à graver dessus un message en runes lépontiques. La grande prêtresse, après avoir longuement tourné autour du bûcher, de la gauche vers la droite, en extrait un bois qu’elle grave, elle aussi, au moyen de sa dague personnelle ou de sa serpette pliante, avant de le remettre en place. Chacun écrit ainsi, à l’aide de ces runes lépontiques, le vœu de son choix, pour le confier aux flammes.
Au signal de la grande prêtresse qui officie (« Hommes et femmes de notre communauté, pays, payses, édifiez le bûcher ! ») les étrangers au groupe, invités pour l’occasion et accueillis, ainsi que les autres assistants, vates, vellèdes, gutuatres ou prêtresses ; vont alors déposer chacun leurs petits fagots de branchettes ou de sarments mêlés d’herbes de la Saint-Jean. Chacun doit en effet apporter sa bûche ou son fagot à l’œuvre commune.
Le bûcher doit donc avoir la forme d’un gigantesque mannequin. On essaiera d’y avoir les sept essences d’arbre suivantes : sapin, bouleau, hêtre, orme, pommier, châtaignier, chêne. Les essences d’arbres que l’on n’arrive pas facilement à trouver peuvent être exceptionnellement remplacées par une libation d’hydromel dans le feu.
C’est le vate Juge de la Tradition qui doit en principe être le maître d’œuvre de ce bûcher, c’est par conséquent lui qui prendra ces bûches ou ces branches et qui les mettra sur ou dans le « mannequin » convenablement disposées. Bûcher en principe édifié sur une hauteur afin d’être vu de loin.
À chaque fois la grande prêtresse demande…
— Pourquoi portez-vous ces branches d’arbres dans vos mains ?
203
Et le vate Juge de la Tradition de répondre…
« Afin de pouvoir alimenter le feu sacré avec la force des plus beaux arbres de notre pays ».
Le bûcher une fois prêt, la grande prêtresse fait tracer par le Juge de la Tradition un cercle par terre tout autour, de la pointe de son vouge ; puis récite la prière destinée à Taran/Toran/Tuirean, à qui les animaux de bois ou de paille sont voués.
Nous remettons nos existences
Entre tes mains paternelles
Sois l’esprit des miracles
L’esprit des guérisons spirituelles
Et des conversions
Transforme l’alouette de notre âme/esprit
En blanc cygne d’Hyperborée.
Nert dé agus andé
Que la force soit avec nous
Sunartiu !
La prêtresse officiante s’adresse ensuite à l’invité ordinaire ou à l’hôte de marque tenant le rôle d’Abarix.
Très-sachant Abarix, veuillez allumer le feu sacré.
L’invité de marque jouant le rôle d’Abarix, va prendre la flamme du Canigou et allumer le bûcher, en tournant à cet effet dans le sens des aiguilles d’une montre, de la gauche vers la droite.
Puis il allume ensuite, toujours avec la torche de la flamme du Canigou, une roue de paille ou de bois décorée de svastikas et de triscèles, que l’on fait dévaler le long de la colline, jusqu’à ce qu’elle se perde 2).
Note : si le Tarantantad est allumé sur un haut lieu régional, comme dans le cas de Tara en Irlande (« quiconque allumait cette nuit-là son feu avant celui du roi devait périr ») ; c’est lui qui donne alors le signal de tous les autres feux de Taran, de la région.
N.B. Cet élément de rituel peut être supprimé s’il y a danger d’incendie.
Dès que le feu a pris, après un instant de concentration les bras levés, paumes ouvertes vers le ciel, face à l’est, la grande prêtresse officiante défait le cercle en le parcourant trois fois de l’intérieur en sens inverse et ajoute ce qui suit.
« Afallen peren, a pren fion
Attif ydan gel, yg koët Kéliton
Kid keisser ofervid herwit y hafon
Yn y del kadwaladir oe kinadel ryd
Kinan ny erbin ef rychwin ar Saesson
Kymri a orvit, kein bit eu
Dragon Kaffaud paub, y theithi, llauen vi bru
Kenhittor kirnn, eluch, kathil hetuch a hinon ».
« Doux pommiers aux fleurs de couleur pourpre
Vous qui croissez à l’écart dans la forêt de Calédonie
En vain vous cherchera-t-on pour cueillir vos pommes
Jusqu’à ce qu’un Kadwalader surgisse de la conférence des guerriers.
Alors les Kymris vaincront, leur chef sera glorifié
Chacun retrouvera ses biens,
Tous les braves se réjouiront en sonnant joyeusement du cor
Et entonneront des chants d’allégresse.
Un sceptre d’or synonyme de courage
Sera donné par les glorieux rois dragons
Et celui qui en sera reconnaissant vaincra les profanateurs.
Devant cet enfant lumineux et courageux
Les Anglo-Saxons s’enfuiront et les bardes refleuriront.
Alors les feux de joie ne s’éteindront plus jamais.
Ils prévaudront sur tous les autres.
Les royaumes tomberont devant eux
Mais eux-mêmes empliront toutes choses de leur puissance,
Dans les siècles des siècles.
Nert dé agus andé
204
Que la force soit avec nous,
Sunartiu ! »
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Note : si la cérémonie a lieu à Stonehenge, les druidicatons (les druidicats) sont alors confirmés de la façon suivante. Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) lèvent la main droite les trois doigts tendus comme dans une main de justice : pouce, index et majeur (repliés : annulaire et auriculaire) et prononcent tous ensemble à haute et intelligible voix l’oïto ou serment suivant…
Je jure par les dieux qu’honore mon peuple
D’être fidèle jusqu’à la mort à ce monde
Aux gessa druidiques que je me suis librement données
Aide-nous ô grand Taran/Toran/Tuireann
Aide-nous ô Abellio
Aide-nous ô Abarix
Aidez-nous Opis et Argé
À rester en communion
Avec la chaîne d’or et d’ambre
De l’immortelle succession druidique.
De la vraie tradition celtique.
Je jure d’être le digne et authentique héritier
De la science et de la philosophie des îles d’Hyperborée
Ou situées au nord du Monde :
Thulé, Abalum, Gorre et Ogygie l’Île verte.
De nos anciens du temps de la Grande Celtie libre et indépendante.
Du dernier druide de la cour du grand Domnall mac Muirchertach Ua Néill
Selon Urard Mac Coisé
De la Réforme de Sean Eoghain Ui Thuathallain na Leabhar
De la Réforme d’Henri Lizeray
Ou de ses comarbae
Qu’Abellio qui règne également sur ce lieu
Veille sur nos pommiers
Nert dee agus andee. Awen !
Ces paroles une fois prononcées (telle est la particularité de ce serment, son privilège en quelque sorte) les druidicatons qui n’étaient jusque-là que provisoires deviennent définitifs, sacerdos in aeternum.
Fin de la note sur Stonehenge.
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On chante ensuite le bardit du feu des dieux ou on le récite. Les couplets ont été répartis à l’avance entre les dignitaires de la sodalité, mais l’assistance reprend à chaque fois en chœur le refrain.
Les personnes qui ont encore des branches ou des bûches de l’essence d’arbre correspondant au couplet, peuvent les brandir et les jeter sur le bûcher.
BARDIT DU FEU.
Refrain.
Feu de bois, feu de roi
Tu es le même sous chaque toit
Feu clair, feu joyeux
En tous lieux, feu des dieux.
Sapin, arbre vert et toujours jeune
Au feuillage fidèle, été comme hiver
Arbre résineux et toujours odorant,
Tu es la jeunesse immortelle
Qui pétille et qui flambe
Dans le feu de la vie.
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Bouleau, arbre clair et toujours tendre,
Ton écorce est légère
Et ta chair est blanche
Comme celle d’une jeune fille
Dont les cheveux flottent au vent
Dans l’ombre des halliers.
Hêtre, arbre fort, mais toujours flexible
Comme le jeune homme
À qui ton bois fournit
Armes et outils
Et même l’huile de faine dont il oindra
Ses muscles et ses reins !
Et toi, orme
À l’ombre calme et dense
Tu es le bois dont on fait
Les poutres des maisons
Et les roues des chars
Gloire à toi !
Et toi, pommier
Dont les fruits tout l’hiver
Nous parlent du Printemps
Et une fois coupés
Nous montrent la fleur qui les conçut !
Gloire à toi !
À toi aussi châtaignier
Châtaignier notre sang
Dont les fruits nourrissants
Pétillent sous la cendre,
Dont le bois résistant
Meuble nos demeures
Gloire à toi !
Ô Dervos, génie de l’Église des chênes ! 3)
Sanctuaire vénéré des dieux et des hommes
Chêne superbe, chêne-roi
Donne-nous ta force
Étends sur nous ton ombre tutélaire
Et parle-nous des dieux.
On peut ensuite festoyer autour des tables dressées sous les chênes dans la clairière, en partageant fraternellement les provisions apportées.
La grande prêtresse bénit le repas en faisant sur lui le signe de la croix de Suqellos (c’est-à-dire un X) ; les trois doigts de la main droite tendus comme dans une main de justice : pouce, index et majeur (repliés : annulaire et auriculaire).
Vers le haut à droite : « Par la force d’Abellio ».
Vers le bas, mais à gauche : « Par la force de Taran/Toran/Tuireann ».
Vers le haut à gauche : « Par la force de Belenos ».
Vers le bas, mais à droite cette fois : « Par la force de Brigindo ».
Que ce repas soit béni !
Que la force soit avec lui !
Nert dé agus andé
Sunartiu !
206
C’est alors seulement que peut commencer la chorégraphie des oiseaux exécutée par des jeunes filles namnètes ou celtibères couronnées de fleurs dansant sur des airs de harpe sacrée (cornemuses catalanes et sardane dans les Pyrénées). En fait remplacée aujourd’hui par un chœur ou une chanson. La veillée commencera. Les dagolitoi ou fidèles et les invités forment un cercle autour du feu. On danse et l’on chante, on saute par-dessus, notamment les jeunes mariés.
Au fur et à mesure que le feu décline, le Juge de la Tradition en resserre les cendres et les braises pour que tout soit bien brûlé.
Chacun peut ensuite, s’il le désire, allumer sa bougie aux dernières flammes du feu père (tantad), ou y prendre des tisons, voire des braises, pour les ramener à la maison. Ils seront conservés comme amulettes contre les tempêtes ou les autres calamités naturelles. Et tant pis pour le grand évêque des enfants du roi de France, que fut Bossuet, si ce n’est pas moins efficace que de l’eau bénite !
La grande prêtresse officiante asperge ensuite les landiers (le feu qui s’éteint) à l’aide de quelques gouttes d’eau prises dans une coupe avec une branche d’arbre puis récite la prière suivante :
Ô Taran/Toran/Tuireann
Grand Esprit maître du Ciel
Éloigne de nous la légion infernale
Des duses et des vouivres anguipèdes gigantesques
Ainsi que tous les sous-dieux des glaces du non-monde.
Après cette ultime prière, prêtresses, vates, vellèdes et gutuatres/gutumatres, quittent le feu, au moins symboliquement ; mais le tennotatos (tantad) n’est pas fini pour autant, car une nouvelle cérémonie rassemblera les très-sachants de la druidiaction (druidecht), les prêtresses, les vellèdes, les vates et les gutuatres/gutumatres, le lendemain au lever du jour.
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Si la cérémonie n’a pas lieu à Stonehenge, mais dans la région d’Oxford un haut lieu symbolique semblable au château de Scathache peut en être le centre.
Pour mémoire ci-dessous à quoi ressemblait le grianon de Scathache.
« Ainsi était cette citadelle du soleil ; avec sept portes immenses, et sept fenêtres entre chacune de ces portes, trois fois cinquante filles dans chacune de ses pièces, avec des manteaux pourpres et bleus. Et il y avait trois fois cinquante garçons du même âge, trois fois cinquante garçons valeureux, trois fois cinquante champions, hardis et intrépides, devant chacune de ces portes, à l’intérieur et à l’extérieur ; apprenant l’art martial et les prouesses chevaleresques avec Scathache ».
C’est en effet sur ou au pied d’une telle construction solaire ou lieu approprié aménagé non loin du feu de la veille, que doit s’achever l’antique rituel. Au sens strict du terme, au sein de ce grianon la tour d’Abellisama doit être une vraie tour, avec escaliers pour accéder au sommet… comme pour la tour Magdalen à Oxford (ou à Brancion en France) ; mais elle peut être remplacée par une simple terrasse ou une simple élévation de terrain si nécessaire. Les tours d’Abellisama étaient bâties sur des sites visibles de très loin, et faisant souvent partie de tout un réseau de tours à signaux.
L’ambact ou le héraut chargé de sonner du cor monte au sommet de la tour, avec de jeunes chanteurs ou une chorale.
Appelé à grand renfort de sonneries de cornyx ou de cors de chasse (ou de cors) tout le monde se rassemble dès l’aube au pied de l’édifice, simples dagolitoi (simples fidèles) ou étrangers à la communauté invités, spectateurs, touristes.
Au moment où le soleil apparaît à l’horizon, le héraut sonne du cor et tous se tournent vers l’orient.
Le druide officiant…
Ô Belenos ! Que l’obscurité de la nuit se dissipe dans les rayons de ta glorieuse lumière.
Au sommet de la tour d’Abellisama, tourné vers l’orient où le soleil s’est levé, le chœur 4) entonne alors un bardit en l’honneur du soleil ou récite la prière de noïbo Columcille.
Ô Soleil invincible, sois-moi favorable.
Et même tout seul là-haut dans la montagne,
Je ne craindrai plus rien,
Comme s’il y avait six mille personnes avec moi.
Mais même s’il y avait six milliers
D’hommes avec moi pour protéger mon corps
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Lorsque l’heure de ma mort aura sonné,
Aucune fortification ne pourra s’y opposer.
Ceux dont l’heure est venue peuvent être tués même en plein cœur d’un temple
Même sur une île déserte au beau milieu d’un lac.
Et ceux dont l’heure n’a pas encore sonné resteront en vie
Même en étant aux premiers rangs d’une bataille.
Quel que soit le sort qui lui est réservé
Nul ne quittera ce monde avant que cela ne soit arrivé
Même si un prince cherchait à obtenir le moindre délai supplémentaire
Il n’obtiendrait pas une seconde de plus.
Soleil impérial, véritable Dieu Vivant
Honni soit qui fait le mal pour quelque raison que ce soit.
Ce qui ne te convient pas
Ce qui t’échappe et te déplaît.
Notre sort ne dépend pas d’un éternuement.
Ni d’un oiseau sur une branche,
Ni du tronc d’un arbre tordu,
Celui dont nous dépendons est plus grand que tout cela.
Je ne m’intéresse pas aux cris des oiseaux,
Ni à un éternuement ni à un charme de ce monde,
Ni à un enfant du hasard,
Hesus, le fils de Dieu, est mon druide.
Que la force soit avec moi !
Nert dé agus andé
Sunartiu !
Pendant ce temps « au pied de la tour » quatre vates habillés de leur coule verte apportent un grand drap blanc au centre duquel se trouvent les différentes herbes.
Pline nous a conservé la liste de ces dix herbes de la Saint-Jean que Bossuet ne voulait plus voir.
La verbena ou verveine. L’oualoïda ou camomille. Le visumaros ou trèfle. Le souivitis ou lierre terrestre. La belenountia ou jusquiame. La betilolen ou bardane. La pimpedolen ou quintefeuille. Le samolus ou séneçon. La selago ou sabine.
Le druide officiant revêtu de sa cuculle blanche récite ou lit le texte suivant 5).
« Alors surgira du bois de Calaterium un corbeau qui survolera le pays pendant deux ans. Il appellera les autres oiseaux et réunira autour de lui toute la gent ailée. Ils envahiront les cultures et dévoreront les moissons. S’ensuivront pour le peuple famine et mortalité. Lorsque ce funeste fléau sera terminé, l’abominable oiseau gagnera la vallée de Galabes qu’il transformera en une haute montagne. Au sommet, il plantera un chêne et nichera dans ses branches. Il pondra trois œufs dans ce nid. En sortiront un renard, un loup et un ours. Le renard dévorera sa mère et aura une tête d’âne. Il épouvantera ses frères et les fera fuir en Normandie.
Mais le renard ne sera pas un renard et le lion et le léopard ne seront pas des bêtes. Ailleurs ceux qui commandent sont remplis d’orgueil et d’insolence ; là ils ne sont haïs de personne et veulent être aimés de tout le monde ; là ils ne se montrent point comme des loups à leurs inférieurs ; mais sont affables et bons pour leurs sujets. Tandis que d’autres veulent être comparés à des bêtes féroces, font peindre sur leurs boucliers ou broder sur leurs étendards des renards enragés, des léopards et des lions ; eux, simples et modestes, ont pour armoiries des fleurs, mais ces fleurs, chose merveilleuse et digne d’être célébrée, mettent en fuite les lions et les léopards. Nous avons vu les bêtes féroces regagner leurs cavernes à leur seule odeur ». 5)
Ensuite il distribue les herbes de la Saint-Jean au public venu assister à la cérémonie.
La distribution une fois terminée, à l’heure dite, le druide officiant demande au public…
— Quelle est la longueur de l’ombre sur la terre ?
Le vate Juge de la Tradition…
— Il n’y a plus d’ombre. Il est midi juste. Le temps est venu de conclure cette fête, face au soleil, œil de Bélénos.
Ainsi s’achève la fête du feu sacré, le jour le plus long de l’année, c’est-à-dire le 21 juin.
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Actuellement la cérémonie est encore pratiquée par nos frères et sœurs du Druid Order, dans le cadre grandiose de Stonehenge, que Diodore de Sicile décrit comme suit. « Et il y a également sur l’île à la fois une magnifique enceinte sacrée dédiée à Abellio et un temple remarquable décoré d’une multitude d’offrandes votives, de forme circulaire. En outre, il y a là une ville consacrée à ce dieu, la majorité de ses habitants sont des joueurs de cithare ; ils jouent constamment de cet instrument dans le temple et chantent des hymnes de louanges en l’honneur de dieu, glorifiant ses exploits » (Diodore de Sicile. II, 47).
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1) On retrouve des allusions à tous ces personnages dans Hérodote et sous la plume d’autres auteurs grecs antiques (sous l’appellation d’Hyperboréens, mais avec Abaris au lieu d’Abarix).
2). Si nécessaire, si le climat et la sécheresse rendent ce rituel dangereux (risques d’incendie notamment) on attache alors au préalable ces roues solaires à un poteau de bois de telle sorte qu’elles puissent tourner sur place sans avancer d’un pouce, et l’on renonce à leur faire dévaler les pentes.
3) Peut-être Kildare en Irlande, dont le nom signifie justement Église des chênes. À l’ère préchrétienne, Kildare était le site d’un autel dédié à la divinité celtique Brigindo.
4) Les choristes doivent être habillés de blanc comme pour un adoubement.
5) Le texte ci-dessous a été retrouvé biffé par Pierre de La Crau lui-même, mais ses enfants ont jugé préférable d’en faire une note insérée à cet endroit.
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BRON TROGAIN.
L’équinoxe d’Automne ou fête du Pommier.
Dite aussi fête du souvenir. Appelée ainsi en l’honneur de John Toland, qui, le 21 septembre 1717 à la Taverne du Pommier, à Londres, relança le druidisme alors tombé en pleine décadence.
Les données du problème.
La quatrième grande fête mentionnée par notre héros, notre éternellement jeune seigneur (de Muithemné), notre roi (des guerriers), est la fête de Bron trogain (cf. la Tochmarc Emire).
Co bron trogain.… i.taite fogamuir.i.is and dobrini trogan.i.talam fo thoirthib. Trogan ainm di thalmain. Jusqu’à l’automne… c’est à dire le commencement de l’automne : la terre s’attriste, la terre est sous les fruits. Trogan est un des noms de la terre.
Or normalement cela correspond à la date de la Lugnasade. Beaucoup d’experts font donc de cette Bron trogain un simple synonyme (oublié) de Lugnasade, ce qui n’est pas sans poser de problèmes…
Ainsi qu’a dû le faire John Toland le 21 septembre 1717, on commence en général par avoir une pensée pour le repos de l’âme/esprit des martyrs d’Anglesey, massacrés ou vendus comme esclaves, avec femmes et enfants, par l’armée romaine ; quand Paulinus Suetonius prit et brûla le grand centre druidique national de Mona (nom antique de l’île) en 58. Ces très-sachants de la druidiaction, nos ancêtres spirituels, étaient en effet l’âme de toutes les révoltes, mais en 58 à Anglesey, l’armée romaine a pris et occupé sans difficulté une île qui n’était pas défendue. Sans oublier non plus les derniers druides irlandais du Xe siècle si l’on en croit l’histoire du pillage du château de Maelmilscothach selon Urard Mac Coisé. Ce qui est certain en effet c’est que John Toland a été le plus grand spécialiste du druidisme connu au 18e siècle (voir le livre qu’il a consacré à son histoire en 1726), car sa connaissance du gaélique lui permit d’avoir un accès direct aux archives relatives aux derniers druides irlandais.
L’équinoxe d’Automne est donc une fête du souvenir (commémoration de nos martyrs) avons-nous dit.
Chacun en profite en général aussi pour évoquer la mémoire du grand réformateur que fut John Toland, sa vie, son œuvre, et l’officiant conclut ainsi…
— Nous sommes réunis en ce lieu aujourd’hui, à l’ombre du grand pommier disparu, car ce jour est un jour d’Action de grâces.
L’officiant reçoit des mains de la conhospita qui se trouve à sa droite la coupe contenant un peu de cervoise et portant l’inscription « nessamon delgu linda », puis en arrose le sol en disant…
— Que l’âme/esprit de notre Terre, que l’esprit du grand Cornunnos, accueillent l’hommage que nous leur adressons, et nous accordent aussi leurs bienfaits l’an prochain !
Hommes et femmes de notre communauté, pays, payses, oyez, oyez, oyez
Que toutes les puissances invoquées ici retournent maintenant à leur place,
La triple Brigindo en tout temps et en tous lieux
Cornunnos dans les bois
Épona et Sabinus dans l’Autre Monde
Le triple cercle en son centre.
Que toutes les puissances retournent à leur place !
Allez dans la paix des dieux !
La paix jusqu’au ciel
La paix de la terre au ciel
La paix sur la terre et sous les cieux
Force et prospérité à tous !
Que toutes les puissances retournent à leur place ! »
BANQUET DEVANT SUIVRE LA CÉRÉMONIE.
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À la demande de John Toland, les formulaires suivants sont récités aux solstices et aux équinoxes d’où naissent les changements de saison et tous les autres changements sur notre globe (quand le soleil est au milieu ou à la fin de sa course).
Le barde (président) du banquet.
Loin de nous, la rivalité, l’envie, l’obstination.
RÉPONSE DES PARTICIPANTS.
À nous, la douceur la science, la bonté !
Le barde (président) du banquet.
Que plaisent les jeux et les ris !
RÉPONSE DES PARTICIPANTS.
Que les Muses et les Grâces nous soient propices !
Le barde (président) du banquet.
Je lève mon verre à l’esprit, à la modestie, aux traits d’esprit. Scrutons la cause des choses, afin de supporter gaiement la vie et de supporter tranquillement la mort.
RÉPONSE DES PARTICIPANTS.
Afin que, délivrés de toute crainte, sans exubérance dans la joie, sans abattement dans la douleur, nous nous libérions par la raison.
Le barde (président) du banquet.
Ainsi donc, nourrissons fortement notre esprit et nourrissons modérément notre corps.
RÉPONSE DES PARTICIPANTS.
Cela est juste et bon !
Le barde (président du banquet).
Offrons des libations aux Grâces.
RÉPONSE DES PARTICIPANTS.
Levons nos verres en l’honneur des déesses ou des bonnes fées qui se sont penchées sur nos berceaux !
Chacun trinque alors avec son voisin avant de vider son verre.
DEUXIÈME SÉRIE DE FORMULES À RÉCITER LORS DES SOLSTICES OU DES ÉQUINOXES.
Le barde (président) du banquet.
Chantons la puissance du BITOS ou de l’UNIVERS.
RÉPONSE DES PARTICIPANTS.
« Quel qu’il soit, il est absolument tout, il anime, procrée, forme, nourrit, et accroît toutes choses, il les ensevelit et les reçoit toutes dans son sein, il est le Père unique de toutes choses, tout ce qui naît retourne à lui en périssant ».
Parfois, la réponse suivante est donnée :
« Tout ce qui est procréé sous l’empire de la loi de la mort se transforme ; au cours des années qui s’écoulent, les nations ne se reconnaissent plus ; au long des siècles, les races changent. Et cependant, l’ensemble du BITOS ou de l’UNIVERS reste intact et conserve toutes ses parties, un long espace de temps n’en augmente pas le nombre, la sénilité ne les diminue pas, le mouvement ne les déplace pas, la course ne les fatigue pas. Toujours il restera le même, parce que toujours il fut le même. Tel nos pères le virent, tel nos neveux le verront : c’est DIEU qui ne change pas dans le temps ».
N.B. Remarque de l’auteur de cette compilation. N’oublions pas néanmoins ce qu’a rapporté Strabon à ce propos : « Ils affirment que les âmes et l’univers sont indestructibles, mais qu’un jour seuls le feu et l’eau régneront » (Strabon. Géographie IV, 4).
Chacun trinque alors avec son voisin avant de vider son verre.
TROISIÈME SÉRIE DE FORMULES À RÉCITER LORS DES SOLSTICES OU DES ÉQUINOXES.
Le barde (président) du banquet.
Et maintenant, commémorons les grands hommes et les grandes femmes du passé pour la droiture de leurs actions et de leurs préceptes ; car les actes doivent suivre les paroles chez tout vrai Celte de cœur ou d’esprit.
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RÉPONSE DES PARTICIPANTS :
Afin de profiter de leur exemple et de leur doctrine.
Le barde (président du banquet).
Je lève mon verre en l’honneur de… noms laissés à l’appréciation du président du banquet. Par exemple Lafayette.
Ou, plus antiques, Éponine et Sabinus, etc.
Chacun trinque alors avec son voisin avant de vider son verre.
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L’ÉQUINOXE DE PRINTEMPS OU FÊTE DU TRÈFLE (ver sacrum).
Même type de rituel que pour la Bron Trogain, mais avec la variante ci-dessous.
La grande prêtresse.
— Nous sommes rassemblés ici aujourd’hui pour célébrer la renaissance de notre Terre mère, etc., etc.
La prêtresse officiante reçoit de la conhospita qui est à sa droite une touffe de trèfle symbolisant le printemps et ajoute…
— Cette plante représente le vivant pouvoir des trois rais de lumière de la patte-d’oie, or, argent et bronze.
La cérémonie du glaive brisé. Cette cérémonie, destinée à resserrer les liens de fraternité entre les différents peuples celtes, se place dans le cadre de l’équinoxe de printemps (ver sacrum). Le point fort de cette cérémonie est la reconstitution du glaive d’Ambicatus.
La grande prêtresse explique…
— Cette épée brisée qui a été ressoudée devant vous, est le symbole du ver sacrum ambicatusien, le symbole même de la grande famille celtique répandue à travers le monde depuis la mort de Catuvelladurus et Catuvellaunos, mais qui reste unie par les liens du cœur et de l’esprit. Cette épée constitue aussi le symbole de notre résistance persécutions que nous avons subies, que nous subissons, et que nous subirons encore.
« Depuis deux mille ans et même plus, notre mariage de la foi et de la raison, de la foi éclairée par la raison, est donc persécuté. Rappelez-vous que les vrais Celtes de cœur ou d’esprit ont toujours été obligés de se défendre. Le César Auguste a interdit la religion druidarum. Le César Tibère a promulgué un décret contre nos très-sachants « et toute cette engeance de vates et de guérisseurs » comme il disait. L’empereur Claude a interdit la pratique de notre religion.
Les gens d’un seul livre, les parabolans disciples du rabbi nazoréen Jésus, comme le soudard pannonien appelé Martin ou l’évêque de Braga, ont ensuite violenté voire martyrisé nos vieux druides, ou brûlé nos sœurs sous prétexte de sorcellerie. Ensuite ils ont usurpé nos antiques lieux de culte, nos pèlerinages, nos dieux et nos fêtes. Et les monolâtres ou les fous de Dieu d’aujourd’hui, ne rêvent que d’achever ce génocide civilisationnel. Pensons un peu à ce qu’ils font subir à l’autre bout du monde à nos frères parsis ou zoroastriens, ou yézidis, ainsi qu’aux derniers païens du Pakistan : les Kafir Kalashs.
Être un vrai Celte païen de cœur et d’esprit, c’est appartenir à un peuple de prêtres (chaque païen est aujourd’hui à lui-même son propre prêtre devant l’autel des ancêtres, son kamidana ou sa crèche d’Épona), à une nation sacrée dont les enfants ont des obligations redoutables, des lois morales ou des gessa, très contraignantes ».
Travaillons donc tous ensemble au retour de notre grand Monarque Ambicatus.
Rites locaux, pardons et pèlerinages.
Les rituels en l’honneur de la plupart des divinités locales (héros, prophètes ou demi-dieux et messagères de l’autre monde) doivent se faire à la face du soleil, dans l’œil de la lumière.
Dans tous les cas, les landiers ainsi que le feu doivent y avoir le rôle central. Ce feu est en principe allumé sur une hauteur bien dégagée, au centre d’un cercle ou d’un triple cercle, dans lequel les gens d’un seul Livre et autres monolâtres ou sans dieux ne doivent jamais entrer, sauf par exception.
Le bûcher doit là aussi avoir la forme d’une baratte, avec trois côtés, trois angles et six portes ou six ouvertures au ras du sol. On mettra les sept essences d’arbre suivantes (une par porte) : sapin, bouleau, hêtre, orme, pommier, châtaignier, chêne.
Les essences d’arbre que l’on n’arrive guère à trouver peuvent être exceptionnellement remplacées par une églantine (ou une rose).
Dans certains cas, on peut même substituer à cette églantine une libation d’hydromel. À défaut d’être un vrai bûcher ainsi dressé, le feu peut se réduire à une lanterne, un flambeau ou un cierge, voire tout bonnement une bûche allumée sur une paire de chenets. Les participants sont invités à venir apporter eux-mêmes un fagot, des bûches ou une simple branche. C’est l’ambact maître du feu qui doit être en principe l’architecte de ce bûcher. C’est donc lui qui prendra ces bûches, ces fagots ou ces branches,
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afin de les disposer sur le bûcher, convenablement orienté, une pointe de sa base vers l’ouest, le côté opposé à cette pointe faisant face à l’est.
À chaque fois la grande prêtresse demandera…
— Pourquoi portez-vous ces branches d’arbre dans vos mains ?
Et le vate Juge de la Tradition répondra…
— Afin de pouvoir alimenter le feu sacré avec la vie des plus beaux arbres de la nature.
En règle générale les feux sont allumés par une prêtresse (un vate, une gutumatre ou une vellède) symbolisant la gardienne du feu perpétuel de l’Église des chênes, c’est-à-dire Dame Brigitte.
Les membres de la fraternité, après avoir revêtu leurs coules de cérémonie en un lieu approprié, commencent par arriver en cortège pour former le cercle sacré autour de l’endroit choisi.
Avec par ordre d’ancienneté prêtresses et très-sachants de la druidiaction (druidecht) en tête, l’officiant au milieu, devant lui la conhospita portant la coupe arborant l’inscription « nessamon delgu linda » et l’hydromel, derrière Dame Brigitte (en principe ce doit être deux prêtresses). Ensuite les gutuatres, les vates, avec au milieu le Juge de la Tradition, son grand vouge à la main comme une hallebarde suisse, enfin les vellèdes.
Le cortège arrive si possible par l’est et fait les trois tours rituels, dans le sens solaire. Les participants étant à leur place ; les très-sachants de la druidiaction (druidecht) à l’est faisant face à l’ouest, les gutuatres/gutumatres au nord faisant face au sud, les vates à l’ouest faisant face à l’est, les vellèdes au sud faisant face au nord ; avec éventuellement des disciples.
Divers rites interviennent alors suivant les circonstances : le vate faisant office de Juge de la Tradition peut venir saluer de son vouge au clair la grande prêtresse ; la grande prêtresse peut s’avancer au centre de souveraineté du cercle et pivoter sur sa droite pour se retrouver face au soleil couchant, les mains tendues au ciel, et ainsi de suite.
Elle peut par exemple demander…
— Savez-vous quelle est la longueur de l’ombre ô daltas ?
Le vate Juge de la Tradition…
— Il n’y a plus d’ombre, la nuit vient juste de tomber.
La grande prêtresse…
— Il est donc l’heure pour les andabatas de célébrer les rites sous la lune, dans la lumière de sa roue d’argent et à la belle étoile…
Lève-toi ô soleil, que l’obscurité de la nuit se dissipe dans les rayons de ta glorieuse lumière…
Délivre-nous des légions infernales des duses et des vouivres anguipèdes gigantesques ainsi que de tous les autres sous-dieux des glaces du non-monde.
Par la force du nemet Cornunnos
Notre maître, notre père, adoptif,
Par la force de Taran/Toran/Tuirean
Par la force d’Hésus
Par la force d’Épona et Sabinus.
Par la force de Lug
Sunartiu !
À ces mots et à la lueur des torches, dans la nuit tombante ; tous ceux qui ont du bois, une bougie, du cuir, ou du végétal ad hoc à confier au feu, se mettent alors à graver dessus un message en runes lépontiques, à l’aide de leur cladibo (dague). La grande prêtresse, après avoir longuement tourné autour de la baratte du bûcher, de la gauche vers la droite, en extrait un bois qu’elle grave à l’aide de sa dague personnelle, avant de le remettre en place soigneusement. Chacun transcrit ainsi à l’aide des runes celtes, pour le confier aux flammes, le vœu de son choix.
La grande prêtresse s’adresse ensuite à la personne faisant fonction de Dame Brigitte :
— Noïba Brigitte, veuillez embraser les sept essences de bois sacré.
Dame Brigitte prend un brandon, tourne à l’intérieur du cercle trois fois, symboliquement, dans le sens du soleil, et allume le bûcher en commençant par l’est. Dès que le feu a pris, dans chaque porte ou fenêtre, elle revient saluer la prêtresse officiante, et se replacer à l’est, à sa droite. Les participants, munis de torches ou de bougies, en suivant bien sûr le cercle, viennent un par un allumer leur bois ou leur torche gravés de runes celtiques, à celle de Dame Brigitte.
Puis, toujours en respectant le cercle, ils les confient au feu en regagnant leur place. C’est à ce moment-là seulement qu’ils font leur vœu. On chante le chant des feux, ou on le récite.
Les couplets ont été répartis à l’avance entre les dignitaires de la sodalité mais l’assistance reprend à chaque fois en chœur le refrain.
Les personnes qui ont encore des branches ou des bûches de l’essence d’arbre correspondant au couplet, peuvent les brandir et les jeter sur le bûcher pendant le refrain.
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Refrain.
Feu de bois, feu de roi
Tu es le même sous chaque toit
Feu clair, feu joyeux
En tous lieux, feu des dieux.
Sapin, arbre vert et toujours jeune
Au feuillage fidèle, été comme hiver
Arbre résineux et toujours odorant,
Tu es la jeunesse immortelle
Qui pétille et qui flambe
Dans le feu de la vie.
Bouleau, arbre clair et toujours tendre,
Ton écorce est légère
Et ta chair est blanche
Comme celle d’une jeune fille
Dont les cheveux flottent au vent
Dans l’ombre des halliers.
Hêtre, arbre fort, mais toujours flexible
Comme le jeune homme
À qui ton bois fournit
Armes et outils
Et même l’huile de faine dont il oindra
Ses muscles et ses reins !
Et toi, orme
À l’ombre calme et dense
Tu es le bois dont on fait
Les poutres des maisons
Et les roues des chars
Gloire à toi !
Et toi, pommier
Dont les fruits tout l’hiver
Nous parlent du Printemps
Et une fois coupés
Nous montrent la fleur qui les conçut !
Gloire à toi !
À toi aussi châtaignier
Châtaignier notre sang
Dont les fruits nourrissants
Pétillent sous la cendre,
Dont le bois résistant
Meuble nos demeures
Gloire à toi !
Ô Dervos, génie de l’Église des chênes !
Sanctuaire vénéré des dieux et des hommes
Chêne superbe, chêne-roi
Donne-nous ta force
Étends sur nous ton ombre tutélaire
Et parle-nous des dieux.
La grande prêtresse reçoit de la conhospita qui se tenait à sa gauche la coupe portant l’inscription « nessamon delgu linda » et contenant un peu d’hydromel, puis elle en arrose le sol en disant…
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— Ce jour est un jour d’action de grâces pour les Celtes de cœur et d’esprit, que notre mère la Terre accueille l’hommage que nous lui adressons et nous accorde ses bienfaits.
Que toutes les puissances invoquées ici retournent maintenant à leur place,
Taran/Toran/Tuireann au feu céleste
La triple Brigindo en tout temps et en tous lieux
Cornunnos dans les bois de sa forêt
Notre grande reine Épona dans l’Autre Monde
Hesus à son arbre pendu
Le triple cercle en son centre.
Que toutes les puissances retournent à leur place !
Hommes et femmes de notre communauté,
Pays, payses, oyez, oyez, oyez,
Allez dans la paix des dieux !
La paix jusqu’au ciel
La paix de la terre au ciel
La paix sur la terre et sous les cieux
Force et prospérité à tous !
Que toutes les puissances retournent à leur place !
La grande prêtresse officiante refait une circumambulation en sens inverse. Se plaçant à l’ouest, elle allume au feu une torche ou une bougie, puis elle part se placer à l’est.
Elle invite alors les participants qui le désirent à rapporter le feu chez eux (ou dans le local qui va en fait abriter la fin de la réunion). Ceux-ci, en défaisant à leur tour le cercle, partent allumer leur torche ou leur bougie à celle qui a été mise en place par la grande prêtresse et terminent le cercle en sortant un par un par l’ouest.
Emportant ainsi le symbole de la continuité du feu sacré.
Le cercle étant défait on peut sauter par-dessus les dernières flammes du bûcher.
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AUTRES FEUX.
Attention, ce ne sont en aucun cas des oenach !
Le véhicule ordinaire de l’offrande faite aux dieux célestes est le feu, dont l’allumage lui-même forme une cérémonie autonome. Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) sont les maîtres du feu et c’est le feu du druide le plus puissant ou le plus habile qui l’emporte. Le feu maléfique de sorbier préparé sous la direction de Cithruadh, est par exemple dominé par le feu bénéfique qu’allume à son tour le druide Mog Ruith. La raison immédiate de la supériorité de Mog Ruith est d’ailleurs simple. Elle tient à la minutie de l’accomplissement du rituel de la construction du bûcher. Le feu, sans être le moyen unique du sacrifice, en était un des instruments principaux et illustrait un grand nombre de cérémonies religieuses.
Si l’on peut en croire les fouilles menées dans les temples « belges » par Jean-Louis Brunaux ; les sacrifices avaient lieu alors à l’aide de trois feux, disposés autour d’une excavation peu profonde qui jouait en quelque sorte le rôle « d’autel » en creux.
Si la cérémonie doit se dérouler en plein air, le lieu où elle doit être célébrée ainsi est appelé « nemeton ». Si elle doit se dérouler à l’abri d’un bâtiment quelconque, temple ou loge, le lieu où elle doit être célébrée dans ce cas est appelé d’un nom dépendant de l’importance du bâtiment et doit être convenablement décoré ou agencé. Par exemple, une grande pièce ou salle rectangulaire, toute en longueur ; terminée au fond par une demi-cella (hémisphérique donc) jouant le rôle à la fois d’un déambulatoire ou d’un chœur avec maître-autel, au diamètre égal à la largeur de la salle, et séparée de celle-ci par un chancel. En bref un plan de type basilical. Autrement dit un lieu de réunion constitué d’une nef terminée par une abside en forme de demi-cercle, où siégeaient, certes, jadis les magistrats, mais permettant aujourd’hui la circumambulation rituelle (deiseil/ deiseal) des druides, vates, vellèdes et gutuatres/gutumatres (ou prêtresses bien entendu) ; et laissant passer la lumière au maximum (genre cathédrale donc, pas catacombes).
Le mot basilique vient d’un terme grec formé à partir de deux éléments : « basileus » qui signifie « roi » et le suffixe « -ikê », suffixe d’adjectif féminin.
Ou alors, il doit s’agir d’un plan de type Panthéon c’est-à-dire d’une grande rotonde séparée, pour ce qui est de l’intérieur, par une sorte de chancel ; précédée d’une grande pièce rectangulaire (pronaos) avec un bâtiment de transition correspondant au portique des anciens sanctuaires celtes à palissade ; ou à la porte triomphale marquant l’entrée du cimetière des enclos paroissiaux bretons ; voire au portail de certaines églises romanes. À la fin du XIe siècle en effet, le décor sculpté a pris place sur la façade des églises, afin de signaler symboliquement le passage du monde profane à l’enceinte sacrée. On apportera dès lors beaucoup de soins à l’ornementation de la façade principale qui acquiert ainsi un caractère de monumentalité inconnu jusqu’alors. Sans doute les artistes ne possèdent-ils pas encore toute l’expérience voulue dans le maniement du ciseau. Ils donnent aux visages des expressions étranges, avec des yeux exorbités, des sourcils arqués. Les personnages ont souvent des proportions fausses, des attitudes raides. Si ce sont des plantes ou des animaux qui servent de motifs d’ornementation aux moulures, aux chapiteaux, on y retrouve l’influence celte dans la déformation de la réalité pour arriver à des types fantastiques, très éloignés de la nature : ces figurations extraordinaires, brebis, quadrupèdes à tête de femme, dragons, chimères, adoptées par les premiers artistes chrétiens, avaient fini par répondre aux croyances populaires.
Ci-dessous un exemple de formules rituelles à réciter (extraites du livre des prophéties de Merlin).
« Malheur au dragon rouge, car sa mort est proche. Le dragon blanc occupera ses cavernes.
Le jour approche où les citoyens périront à cause de leur parjure.
Malheur à la nation parjure, car, à cause d’elle, la célèbre ville sera renversée.
En ce temps-là les pierres parleront et la mer que l’on traverse se contractera.
On s’entendra d’une rive à l’autre la surface de l’île s’agrandira, et la Gaule tremblera.
Les chênes brûleront dans les bois et des glands apparaîtront sur les branches des tilleuls.
Les racines et les branches échangeront leurs rôles et cette nouveauté passera pour un miracle.
Viendra ensuite l’âne de la méchanceté,
Rapide avec les fabricants d’or, mais inerte face à la rapacité des loups.
Le loup aquatique, accompagné des forêts d’Afrique, le glorifiera.
Sous la tour de Londres naîtra un arbre, pourvu seulement de trois branches.
Il couvrira d’ombre, par l’ampleur de ses feuilles, la surface de la Terre.
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Pour les oiseaux du pays, elles seront néfastes
Car ils ne pourront plus voler librement à cause de son ombre.
Alors le Bois danéen se dressera et, prenant la parole humaine, proclamera :
Viens O Cambrie, et toi aussi Cornouailles,
Car celui qui a hérité des impies souffrira de sa bonté jusqu’à ce qu’il se revête de son père.
Un holocauste aura lieu pour rétablir dans leur dignité les habitants du pays.
Celui qui l’accomplira sera un homme d’airain
Et gardera longtemps les portes de Londres sur un cheval de bronze.
La religion disparaîtra et les sièges des primats seront déplacés.
La blancheur des laines et la diversité de leur teinte leur ont causé du tort
Comprenne qui pourra ».
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LES SACRIFICES.
Gaelique idpart. Le nom est ancien. Il est d’ailleurs utilisé pour traduire le mot « messe » en gaélique. Idpairt choirp Crist sert à traduire Eucharistia mysteria dans les vies latines de saints selon Plummer.
Le sacrifice n’a jamais en lui-même suffi à rétablir l’harmonie ou à faire réintégrer le Grand Tout, mais sa valeur de catharsis pouvant y contribuer néanmoins, au niveau humain, est incontestable. Le culte druidique repose donc sur le sacrifice. Hommage solennel à la divinité, le sacrifice s’exécute sous forme d’une cérémonie plus ou moins longue, qui a pour point culminant les atebertas ou offrandes faites aux divinités souterraines ou aériennes ; par l’intermédiaire d’un feu un peu analogue à celui des Parsis, ou par l’intermédiaire d’une fosse à sacrifices.
C’est dans les formes du sacrifice que la religion druidique montre les affinités les plus grandes avec ses contemporaines grecque et italique.
D’un point de vue subjectif, le but est d’entrer en communication avec le monde divin, et de s’en assurer le concours pour obtenir certains avantages, généraux ou particuliers. Ainsi que nous l’avons dit, le véhicule habituel de l’ateberta ou offrande est le feu pour les dieux célestes, ou le puits sacré pour les divinités souterraines.
Il existe deux types de sacrifices, les sacrifices occasionnels en fonction des circonstances et les sacrifices « fixes », répondant à des dates du calendrier, donc ne comportant pas en principe de mention votive particulière due aux événements (guerre, famine, etc.). Mais ces sacrifices (ou telle partie d’entre eux) peuvent aisément se charger, comme dans le cas des sacrifices occasionnels, d’une fonction de ce genre. Mais cela nous l’avons déjà remarqué nous semble-t-il.
Les lieux de culte découverts chez les peuples belges présentent un caractère guerrier plus ou moins marqué pour l’époque et ne révèlent que ces deux types d’activité religieuse, le sacrifice animal et l’offrande d’armes.
LES ATEBERTA.
Beaucoup des sanctuaires fouillés présentent une entrée aussi soigneusement aménagée qu’un portail d’église romane. Il s’agit d’un bâtiment souvent imposant et enjambant le fossé de clôture : en fait de véritables propylées – terme qu’emploie d’ailleurs Strabon pour désigner ces portes – où les Celtes fixaient les crânes qu’ils avaient détachés des corps de leurs ennemis.
Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) croyaient que l’âme/esprit et la vie en définitive reposaient dans la tête, et non dans la région du cœur comme on le croit généralement aujourd’hui. De là l’importance des rites et pratiques qui entouraient la tête dans leur tradition. Mais cela aussi nous l’avons déjà dit.
Le bâtiment était élevé sur de gros poteaux de bois et possédait un étage où armes, crânes d’hommes et de chevaux, ou débris de char, étaient entassés – à l’évidence donc des trophées ramassés dans les batailles. Les guerriers vainqueurs découpaient au couteau, comme ils avaient coutume de le faire à la chasse, les crânes des ennemis qu’ils avaient tués, crânes qu’ils considéraient comme leur propriété personnelle ; mais le reste des corps, les armes, les chevaux, et les débris de chars étaient apportés en un lieu où un enclos fossoyé délimitait une enceinte sacrée vouée à la divinité qui avait favorisé la victoire, et devait donc être remerciée. Les restes étaient alors disposés suivant leur appartenance à tel ou tel camp.
Cet aspect guerrier de la religion druidique nous a valu la présence de milliers d’armes en fer, initialement déposées dans le porche d’entrée (une sorte d’Arc de Triomphe) ainsi que sur ses parois.
En cas de succès ou de soulagement exceptionnel, un des plus beaux bratou decantem (ex-voto) que l’on pouvait offrir aux dieux était aussi sans conteste sa propre chevelure, ainsi que l’atteste Silius Italicus. « Et Sarmenus succombe, lui qui faisait vœu, s’il était vainqueur, de te consacrer, ô Gradivus [Mars], ses cheveux et ses tresses, aussi blonds que l’or, avec l’agrafe étincelante qui les retenait au sommet de sa tête ». (Silius Italicus, la guerre punique, IV, 200.)
Silius Italicus nous parle ici d’un guerrier (ancien druidisme), mais de nos jours, une telle offrande pourrait aussi très bien être faite par une femme. Après une naissance par exemple, ou une réussite à un examen, voire une nouvelle embauche.
Les libations se faisaient dans des cuves en bois (bascaudae), aux trois quarts enterrées dans le sol du sanctuaire, entourées d’amphores disposées en cercle, contenant les liquides à offrir, et régulièrement réapprovisionnées par les dagolitoi (par les fidèles).
Outre l’hydromel sacré (hydromel ordinaire, mais additionné de différents autres éléments), liqueur noble ; il existait la cervoise, la corme… des alcools plus grossiers qui servaient aussi d’ateberta, plus communs, à offrir aux dieux dans des rites particuliers.
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On signale aussi l’utilisation de petites amphores de vin, symbolisant du sang, que l’on abandonne en l’état ou dont on verse le contenu en un lieu approprié, après les avoir débouchées, ou en avoir brisé rituellement le col. Peut-être par un geste analogue à celui qui consiste à « sabrer » une bouteille de champagne, de nos jours. Repetere = ars docendi.
LES SACRIFICES ANIMAUX.
« Ayant fabriqué un gigantesque mannequin, en paille et en bois, ils jetaient dedans du bétail et des animaux sauvages de toutes sortes, voire des êtres humains, et ensuite faisaient un holocauste du tout » (Strabon. Livre IV, chapitre IV, 5).
Contrairement à ce que laissaient croire des textes antiques mal compris – comme celui de Strabon – les Celtes sacrifiaient rarement les animaux sauvages, qu’ils consommaient d’ailleurs fort peu, devant considérer que ceux-ci appartenaient au domaine divin. La coutume mentionnée par Arrien (une cagnotte pour acheter l’animal qui sera sacrifié le jour anniversaire de la déesse de la chasse) le prouve.
Par contre, comme dans les grandes civilisations antiques, ils offraient à leurs dieux des animaux domestiques qu’ils avaient eux-mêmes élevés. Les ossements d’animaux exhumés montrent qu’il s’agit surtout de bovidés, de moutons et des porcs – les trois espèces que l’on trouve dans le sacrifice grec et surtout dans le suovetaurile romain.
Le premier des sacrifices animaux, le plus spectaculaire, ne concerne donc pas les ovins comme dans l’islam, mais les bovidés. Le plus souvent des vaches ou des bœufs âgés au point de ne plus être consommable en tant que viande de boucherie. Il s’agit là d’un sacrifice total, l’animal entier se trouve abandonné aux dieux. C’est le fameux « dadami se dehi me » sanscrit, formule grossièrement traduite par les Romains avec leur « do ut des ». Je te donne afin que tu me donnes (la divinité un peu comme un être humain, est ensuite obligée moralement, elle aussi, de donner en retour, pour ne pas perdre la face. Analogie et anthropomorphisme donc).
La mise à mort était donc effectuée près de l’autel creux ou du puits à sacrifice situé au centre du sanctuaire, selon des modes divers. Égorgement comme dans le cas de l’islam, coup de merlin sur l’os frontal comme dans les abattoirs de naguère, coup de hache dans la nuque…
L’animal mort était ensuite jeté tout entier dans la fosse, où il demeurait ainsi à pourrir pendant six à huit mois. De cette façon, il était censé alimenter les dieux qui se trouvaient sous lui, dans le sol.
À l’issue de cette période, la carcasse, dont seul le rachis était encore solidaire, était retirée de la fosse, et les os faisaient l’objet d’un partage rigoureux. Les crânes étaient alors exposés sur le portail d’entrée (Arc de Triomphe) pour une période déterminée, les rachis étaient déposés dans le fossé de clôture, le reste du squelette quittait l’enceinte sacrée.
Ce sacrifice total d’animaux jetés dans une cavité où on les laissait pourrir, présente les plus grandes ressemblances avec le sacrifice dit « chthonien » en Grèce qui, comme nous l’avons souligné, s’adresse aux divinités souterraines.
LES SACRIFICES DE COMMENSALITÉ : les porcs, les moutons, et les jeunes bovins.
Qui dit sacrifice sanglant dit viande et banquet. Manger – ou banqueter – constitue incontestablement une activité sociale et religieuse de base. Banqueter, c’est faire de la religion. L’inscription trouvée en 1959 au Portugal, à Cabeço das Fráguas, est très claire à ce sujet. La voici.
Oilam trebopala indi porcom laebo, comaiam iccona loim inna, oilam vsseam trabarvne indi tavrom ifadem […] reve…
Ce qui signifie à peu près…
Une brebis pour Trebopala et un porc pour Laebo, une génisse pour Iccona Loiminna, une brebis d’un an pour Trebaruna et un taureau […] pour Reva…
Il s’agit par conséquent à l’évidence d’un suovetaurile. Les os de porcs et de moutons, trouvés sur les sites fouillés, relèvent d’un type de sacrifice habituel, celui d’une commensalité entre les hommes et les dieux, ces derniers cette fois-ci étant des divinités résidant dans les cieux.
Ces deux espèces animales sont, en effet, représentées par des animaux très jeunes, agneaux et porcelets, dont une partie, après avoir été découpée, a fait l’objet d’une consommation humaine.
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Certainement à l’occasion de festins entre chefs ou guerriers importants, se réunissant dans l’enceinte sacrée, sous l’égide des dieux, un peu comme on le voit dans les légendes irlandaises.
Le caractère immanent/transcendant du sacrifice apparaît ici dans toute sa netteté. Le banquet que permet le sacrifice manifeste la commensalité pouvant exister entre les dieux (à qui revient la meilleure part, signe de leur supériorité incontestable) et les hommes.
Les anciens très-sachants de la druidiaction (druidecht) laissaient pourrir les carcasses de porcs dans les fosses creusées à l’entrée des nemetons. Les chairs, alors en décomposition, permettaient d’ensemencer symboliquement la terre. Voir le rôle de ces animaux dans le mabinogi de Pwyll au Pays de Galles.
Sur le chaudron de Gundestrup, trois victimes sont figurées dont un cerf. Les Celtes semblent en effet avoir été un des rares peuples de l’Antiquité à sacrifier des bêtes sauvages en plus des animaux domestiques, si l’on en croit Strabon IV, 4, 5. « Ayant fabriqué un gigantesque mannequin, en paille et en bois, ils jetaient dedans du bétail et des animaux sauvages de toutes sortes, voire des êtres humains, et ensuite faisaient un holocauste du tout ».
À Sentinum d’ailleurs, en – 295 avant notre ère, ils ont bien sacrifié une biche d’après Tite-Live, Histoire de Rome, X, 27. « Tandis que, rangées en ordre de bataille, les armées restaient immobiles, une biche, chassée des montagnes et fuyant un loup, accourt entre les deux armées ; puis, les deux bêtes tournant alors en sens opposés, la biche dirigea sa course vers les Sénons, le loup vers les Romains. Au loup, les rangs livrèrent passage ; la biche, les Sénons la tuèrent ».
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LES RITUELS SACRIFICIELS.
Les exécutants (gutuatres/gutumatre, vates, vellèdes) sont dirigés par un druide druide qui surveille et avise dès qu’il se produit une erreur ou un accident. Un peu comme dans une armée l’officier se fait aider par des sous-officiers plus spécialisés. Ce qu’on attend de l’officier c’est surtout de la culture générale, les techniciens spécialistes ce sont les sous-officiers.
Le gutuatre/gutumatre récite ou chante les prières. Le vellède harangue les participants un peu comme un prophète hébreu. Disons plus justement comme une prophétesse bructère (Velleda), mais qui sait encore aujourd’hui ce que fut le peuple bructère ?
Enfin, le vate aidé d’une conhospita procède aux innombrables gestes et récitations qui constituent le scénario même de tout sacrifice. Car il existe bien entendu des « formules » accompagnant les actions et les opérations ; elles n’ont pas d’expression indépendante et ne constituent donc pas des prières au sens habituel du terme. Il peut y avoir aussi de nombreux autres assistants, des bardes notamment. Le laïc (le roi et ses guerriers par exemple) assiste au sacrifice avec sa femme. Il prononce même quelques formules, mais son rôle essentiel est de répartir les honoraires affectés aux divers officiants ; qui peuvent atteindre des dimensions fabuleuses dans les légendes irlandaises : 10 vaches et une génisse pour le poème appelé anamain, 5 vaches pour un nath, 2 vaches et 1 génisse pour un anair, 2 vaches pour un emain, une vache pour un lai.
Avec la romanisation, les sacrifices de commensalité avec les dieux, sanglants (c’est-à-dire impliquant de manger un animal quelconque, publiquement mis à mort avec le concours de divers officiants de type vate ou autre) ont peu à peu disparu.
Il va de soi en effet que les sacrifices sanglants, directement exécutés jadis dans les sanctuaires, à proximité immédiate du puits à sacrifice, n’ont pu se perpétuer. Et en un sens c’est aussi bien, car ce qui compte c’est la transformation intérieure de l’individu. Les sacrifices solennels impliquant l’immolation PUBLIQUE d’animaux divers ont donc pu être remplacés par de simples atebertas (offrandes) ou libations de liquides.
L’important est de ne pas perdre de vue la commensalité avec les dieux qui doit en découler, il est par conséquent toujours préférable de faire suivre ces atebertas ou ces libations d’une véritable ingestion d’aliments solides ou liquides.
— De façon symbolique dans un premier temps.
— De façon réelle et par le moyen d’un banquet rituel festif (l’abattage des animaux à consommer se faisant alors en dehors du lieu de culte).
Des rites plus simples ont donc remplacé les rituels complexes devant se dérouler en plein air avons-nous dit, des rites effectués par le petit peuple cette fois-ci, les élites ou les notables du pays ayant préféré collaborer avec le pouvoir en place comme toujours. Les honneurs accordés aux dieux (hymne ou cérémonie à l’intérieur d’un fanum à la campagne, voire d’un celicnon ou d’une loge en ville) ont remplacé le sacrifice.
L’ateberta ou offrande peut néanmoins toujours consister en morceaux d’une viande spécialement préparée pour le repas de commensalité avec les dieux qui suivra. D’ordinaire, le bœuf, mais on trouve aussi le mouton et le porc, ainsi que des produits de la chasse (des animaux sauvages), Strabon l’atteste. On a d’ailleurs souvent trouvé dans les sanctuaires des ossements de cervidés ou de sangliers.
Elle peut aussi consister (le plus souvent chez les pauvres) en produits de la culture ou de l’élevage : blé, lait, beurre, fromage, etc. bref, les honneurs que l’on appelle pouja dans l’hindouisme.
On signale également l’usage de petites amphores de vin, symbolisant du sang, que l’on abandonne en l’état ou dont on verse le contenu en un lieu approprié après les avoir débouchées, ou en avoir brisé rituellement le col. Peut-être par un geste analogue à celui qui consiste à « sabrer » une bouteille de champagne, de nos jours. Mais cela nous l’avons déjà dit.
C’est le fameux « dadami se dehi me » sanscrit : je te donne afin que tu donnes (la divinité ensuite est en quelque sorte obligée de rendre la pareille), formule grossièrement traduite par les Latins avec leur « do ut des ».
Tous ces produits ou tous ces animaux, même encore vivants, peuvent être amenés directement dans le sanctuaire ; ou bien gardés quand ils peuvent y rester un certain temps, dans une sorte de sacristie ou de sacrarium. Un peu à l’exemple de ce qui se pratiquait encore chaque 8 septembre à l’occasion du pèlerinage catholique en l’honneur de Notre Dame de Vie jusque vers 1950 en Savoie (Saint-Martin, 20 km au sud de Moutiers 73).
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Ce lieu était visité dans deux buts distincts. Tout d’abord pour obtenir la fertilité ainsi que la santé : les femmes immergeaient dans la fontaine un linge et se lavaient yeux, visage et poitrine, principalement lors du pèlerinage du 8 septembre. Des offrandes étaient alors effectuées (monnaies, bijoux, nourriture, animaux, ensuite vendus aux enchères).
L’autre vocation de ce lieu était celle d’un « sanctuaire de répit » : la célébration d’un office permettait de rappeler les enfants mort-nés à la vie le temps pour eux d’être baptisé (donc d’accéder aux Paradis) ; la nouvelle religion implantée dans le pays ayant eu la bonne idée de torturer les parents de ces malheureux en leur faisant croire que leurs enfants iraient tout droit en enfer pour l’éternité, dans le cas contraire. Quelle idée ! Bien digne d’une religion d’amour, toujours. Les parents devaient en être fous d’angoisse.
L’idéologie religieuse qui a ensuite prévalu s’est évidemment gaussée de la statue de pierre genre « art primitif » qui veillait sur la source de ce sanctuaire.
Mais les druides druides pensaient que la Réalité Ultime déborde toujours la forme qui l’évoque, néanmoins, pour de nombreux autres fidèles, le simulacrum ou l’arcana (la statue ou l’image du saint) participe effectivement d’une certaine façon à la divinité.
Les rites ayant pour objet le simulacrum ou arcana domestique (kamidana) peuvent donc se pratiquer dans chaque demeure. Le maître de maison en est l’officiant ordinaire ; mais en son absence, un autre membre de la famille peut le suppléer. Tous ces rites s’accompagnent de prières. Ils sont exécutés par le père ou la mère de famille sans concours d’aucun autre officiant, sauf exception. Pas question ici de grands rituels saisonniers ou autres.
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le remarquer plus haut, dans ce cas les grands rituels druidiques disparaissent. Des rites plus simples s’y substituent ; et bien souvent, ils n’exigent plus l’intervention d’exécutants attitrés entre le dagolitos (le fidèle) et la divinité. Les honneurs ont remplacé le sacrifice ! Ce sont de simples atebertas ou offrandes journalières faites à certaines divinités ; sur l’autel domestique de type boutsoudan ou kami dana (sorte de crèche shintoïste) ou dans un petit chaudron spécialement destiné à cet effet. Un peu d’ambre jaune destiné à être brûlé comme de l’encens, des graines, de l’orge, du blé, du pain, des fruits, des pommes, des noix ou des noisettes, du miel [si l’on en croit la confession de saint Patrice en effet, on faisait en Irlande avant lui des offrandes de miel dont on consacrait une partie, et dont on consommait le reste ?] de la cire d’abeille, du beurre salé, des galettes, etc., etc.
Le rite solennel le plus court est « l’oblation au feu sacré perpétuel » : simple offrande aux dieux célestes, exécutée le soir sur le foyer de l’autel domestique (des ancêtres et des dieux, ou crèche d’Epona).
N.B. À Kildare jadis il était accompli le matin par le prêtre ou la prêtresse desservant le bosquet sacré.
Mais n’oublions pas non plus la masse des rites votifs ou expiatoires qui reposent sur le schéma du sacrifice des quinzaines lunaires.
En ce qui concerne les fontaines, les sources, les lacs, ou les puits sacrés, les atebertas ou offrandes sont le plus souvent des pièces de monnaie ; mais aussi diverses représentations de parties du corps humain (ex-voto anatomiques comme aux sources de la Seine – aujourd’hui propriété de la ville de Paris – ou à Chamalières).
Plus complexes par contre sont les sacrifices trimestriels accompagnant les changements de saison et le sacrifice des pleines et nouvelles lunes, atenoux ou divertomu ; avec leurs immolations d’animaux et leurs oblations végétales (ateberta) requérant plusieurs officiants, dès que la nouvelle lune montre au ciel sa faucille d’or, et qui sont des sacrifices de commensalité entre les hommes, ou et entre les hommes et les dieux. Le tout est, soit déposé au pied de l’autel ou dessus, soit jeté dans un puits à sacrifices, soit encore jeté au feu, mais aussi en partie consommé par les officiants et par le « sacrificateur » laïc qui s’est assuré leur concours (en général le roi ou un grand seigneur).
Différences entre l’office druidique (qui est en réalité d’abord et avant tout un sacrifice suivi d’un repas de commensalité avec les dieux) et la messe chrétienne celtique.
La messe culdée repose sur un seul grand principe de base, celui de la consommation de l’animal totem. À l’époque totémique en effet, l’homme n’offrait pas de victime à ses dieux ou à leurs prêtres, parce qu’il ne connaissait encore ni dieux ni prêtres. Le clan renouvelait sa provision de force (nertio) en mangeant, suivant les rites, un animal totem. Ce besoin survécut à la phase de totémisme strict, et cela sous deux formes. Un animal totem, considéré comme impur, continuait à être mangé
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rituellement. C’est ce qui se passait dans certaines sectes mystiques de Jérusalem, auxquelles se rapporte le passage suivant d’lsaïe (LXVI, 17). « L’Éternel exercera son jugement contre ceux qui se veulent sacro-saints et purs pour accéder au Jardin, l’un après l’autre ; ceux qui mangent de la viande de porc et des bêtes abominables ou des rats ». Ces nourritures interdites jouaient déjà le rôle de ces potions magiques que l’on retrouve dans les pharmacopées de sorcière et qui passent généralement pour d’autant plus efficaces que les ingrédients sont plus dégoûtants ou plus horribles. Mais l’idée de sanctification et de purification est encore nettement indiquée par Isaïe, et la coutume contre laquelle il s’élève avec énergie n’est qu’un vestige du passé religieux le plus lointain de l’Humanité.
En second lieu, quand le besoin de se « sanctifier » n’eut plus la possibilité de se satisfaire aux dépens d’un animal, dépossédé de son prestige par suite de la décadence du totémisme ; il fut inévitable qu’il se tourne alors vers l’homme lui-même. De là, les sacrifices humains accompagnés d’actes de cannibalisme, qu’il faut bien considérer comme des succédanés de sacrifice totémique. Les textes les plus importants à cet égard sont ceux de Platon et de Pausanias sur le culte de Zeus Lykaios en Arcadie, où l’on a voulu à tort voir un Baal phénicien. Ce culte a pris la suite d’un culte totémique du loup, qui comportait le sacrifice rituel de l’animal et un banquet ; par l’effet duquel les fidèles croyaient s’assimiler la nertio ou force de la victime et devenir eux-mêmes des loups divins. Quand le loup totem eut été remplacé par le Zeus lupin (lykaios), on conserva les rites ; mais la victime fut un homme consacré au dieu. Les fidèles, après avoir goûté sa chair, croyaient être transformés en loups et se donnaient le nom de lykoi ; comme les initiés de Bacchus devenaient des bacchoi, les dévotes de Bassareus (le Dionysos-renard) des Bassarides, et celles de l’Artémis ursine des Arktoi.
La « messe » druidique, elle, repose sur deux grands principes de base. Le premier donc est celui de la commensalité entre hommes et dieux. L’eucharistie druidique, ou plus exactement son repas de communion « devogdonion » entre les hommes et les dieux, n’est que la réactualisation périodique par les hommes et pour les hommes, du festin d’immortalité offert aux dieux par Gobannos ou Pwyll (les cochons magiques). La consécration aux dieux de toute cette nourriture en change la nature et la force divine dans ce cas rejaillit aussi sur tous les participants à ce repas de commensalité.
Le second est celui de la métamorphose inversée (l’apparence demeure, mais la réalité intérieure est changée). Ce que les chrétiens appellent transsubstantiation ou consubstantiation. Une fois la consécration opérée, durant tout le temps de la cérémonie, la coupe en question cesse d’être une coupe ordinaire pour devenir réellement, malgré les apparences, la coupe-crâne du dieu ; la lance en question devient réellement celle de la divinité ; la boisson sacrée devient le sang du dieu ; et ainsi de suite.
La légende irlandaise de Cuchulainn en Irlande nous en fournit un excellent exemple. Il s’agit dans ce cas de vin se transformant alors en sang (peu de temps avant sa mort, à la fin de sa légende donc).
« Ensuite, Catubatuos/Cathbad et les vellèdes s’empressant toujours autour de lui, le Hésus Cuchulainn se rendit au château de Duxtir/Dechtire, afin de faire ses adieux à sa mère.
Dès qu’il eut pénétré sur la pelouse Duxtir/Dechtire alla le retrouver, sachant très bien que ce qu’il était impatient de faire c’est de tomber à bras raccourcis sur les Irlandais. Elle lui tendit alors la coupe (ballan) dans laquelle il avait l’habitude de boire chaque fois une gorgée avant de partir en voyage ou en expédition, en gage de victoire ; mais ce qu’il y avait dedans cette fois-ci c’est uniquement du sang vermeil.
Hélas Duxtir, s’exclama-t-il, que tout m’abandonne n’est assurément pas étonnant, quand la coupe que tu me tends est ainsi [pleine de sang]
Duxtir/Dechtire prit la coupe une seconde fois, la remplit et lui tendit ; et une seconde fois elle fut remplie de sang.
Elle remplit une troisième le récipient et là encore il fut plein de sang.
Une grande colère contre cette coupe s’empara du Hésus Cuchulainn alors qui la lança violemment contre un rocher où elle se brisa, d’où le nom jusqu’à ce jour de l’endroit, Colline de la Coupe (Tulach an bhallain).
Mère, tu n’as rien à reprocher en vérité, car cela signifie seulement que mes interdits (gessa) ont tous été rompus et que la fin de ma vie est proche : de mon combat contre les Irlandais cette fois-ci je ne reviendrai pas vivant.
Ensuite il récita le lai suivant :
O Dechtire, ta coupe est vide… »
Un autre excellent exemple de toutes ces métamorphoses nous est fourni par la légende irlandaise intitulée : Aided Muirchertaig meic Erca – La mort violente de Muirchertach fils d’Erc.
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… Puis le roi rentra dans la forteresse avec sa suite. Quand ils eurent regardé pendant un moment le combat, on leur apporta un peu d’eau de la Boyne, et le roi dit à la jeune fille d’en faire du vin. La jeune fille emplit d’eau trois cuves et jeta sur elles un charme. Ils n’eurent jamais sur terre de vin qui eût meilleur goût et plus de force. Elle fit ensuite des porcs mystérieux et magiques avec de la fougère. Elle donna le vin et les porcs à l’armée, ils en consommèrent jusqu’à ce qu’ils soient rassasiés. Elle promit cependant de leur en donner toujours autant chaque jour pour l’éternité. Alors Muirchertach s’exclama : « Il n’y a jamais eu ici de nourriture comme celle que vous voyez ! Il n’est jamais arrivé dans cette demeure de vin comme celui-ci. C’est bien là le festin digne d’un roi ! »
N.B. La mention en mauvaise part, de pierres transformées en hommes en bleu ou musulmans (Firu Gorma) jouant dans cette légende le (mauvais) rôle des vouivres anguipèdes géantes ou fomore dans d’autres récits, voire des pirates vikings, est évidemment un anachronisme dû à la transmission orale de toutes ces histoires. Celtes païens et arabo-musulman n’ont jamais été historiquement en contact même si certains hadiths laissent à penser que le taureau sacré aux trois grues galate faisait partie des statues abritées dans la kaaba de La Mecque au temps de la Djahiliya.
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PSYCHOLOGIE ET ÉTHIQUE DES SACRIFICES HUMAINS I.
Texte retrouvé biffé par Pierre de La Crau lui-même, mais maintenu par ses enfants.
Sur le chaudron de Gundestrup, sont figurées trois victimes de sacrifice, un taureau un cerf et un homme.
Les anciens druides qui n’étaient pas contre la peine de mort en cas de crime particulièrement odieux (vol d’objets sacrés ou voués aux dieux, etc.) recommandaient que pour de tels sacrifices humains la justice laïque recoure à des condamnés à mort dont l’exécution pouvait ainsi être différée pour les besoins de la cause.
Voir Diodore de Sicile V, 32 : « Les criminels qu’ils ont gardés prisonniers pendant cinq ans, ils les empalent en l’honneur des dieux. Avec beaucoup d’autres offrandes, ils les sacrifient en d’immenses bûchers qu’ils ont préparés à cet effet ».
César est aussi formel à ce sujet. « Ils pensent que le supplice de ceux qui ont été pris en flagrant délit de vol ou d’assassinat ou de tout autre crime, sont des plus agréables aux dieux immortels » (B.G. VI, 16).
En outre très rapidement les druides qui ont suivi se sont contentés de quelques gouttes de sang humain pour leurs rituels. Il en était ainsi dans les années qui ont précédé les écrits de Pomponius Mela (III, 2, 18) puisque ce dernier en parle au passé.
N’oublions pas non plus qu’un certain nombre des sacrifices humains dénoncés par les auteurs antiques n’étaient en fait que des formes de suicide comme le prouve le cas des soldurs de César ou d’Athénée IV, 40.
Nous devons éviter en l’occurrence deux attitudes extrêmes : soit abhorrer ces rites cruels en fonction de nos conceptions occidentales de la civilisation, soit éprouver de l’indulgence, voire pour certains, de l’admiration, pour un rite libérateur « de la fin qui vient par lent pourrissement, ou par la condition misérable de la maladie qui décompose, ou par la consomption par l’âge, ou par la lente réduction à l’impotence totale, le plus grand bien que puisse atteindre le mortel incapable de préférer à tout cela le rite du sacrifice » (Diego Rivera à propos des sacrifices humains chez les Aztèques) ; au nom de l’antiracisme et du droit à la différence ou au nom du respect de toutes les civilisations sous tous leurs aspects (enrichissement culturel).
Il nous faut simplement adopter la position du druide moderne, qui cherche à comprendre, c’est-à-dire à relativiser, donc à comparer ; mais en n’acceptant de comparer que ce qui est comparable (notamment en tenant compte du contexte).
La plupart des civilisations ont pratiqué le sacrifice humain. On trouve par exemple dans la Bible le sacrifice d’Isaac (interrompu in extremis par la volonté de Dieu si tout cela est bien factuellement vrai) et celui de la fille de Jephté, en raison d’une promesse imprudente de son père : offrir en holocauste la première personne qui sortirait de sa maison pour venir à sa rencontre. Nous y reviendrons. Il importe donc tout d’abord de définir au préalable exactement ce qu’est un sacrifice humain.
Celui-ci consiste en la mise à mort d’un être humain, homme ou femme, prisonnier de guerre ou membre de la communauté dans le cadre d’un RITE RELIGIEUX. Le sacrifice se distingue en cela du massacre, perpétré par vengeance, exaltation collective ou débordement, ou d’une condamnation à mort dans un cadre judiciaire (par exemple, à la suite d’un jugement de l’Inquisition).
LES SACRIFICES HUMAINS CHEZ LES HÉBREUX.
Il est généralement admis que le sacrifice, non réalisé finalement, de son fils, par Abraham, est le dernier tenté par le peuple hébreu. C’est sans réserve en effet que les gens de ce Livre unique rejettent cette pratique qui est une insulte à l’intelligence et à la liberté humaine, totalement absurde parce que l’enfant que Dieu réclame à Abraham, c’est justement l’enfant unique qu’il lui avait lui-même donné au moment où celui-ci désespérait d’avoir une descendance. Le moins que l’on puisse dire par conséquent est que cette abdication ou soumission d’Abraham n’incite guère au respect des droits de l’Homme.
Ainsi que nous l’avons déjà vu, un autre épisode de l’Ancien Testament évoque pourtant un sacrifice humain allé jusqu’à son terme : celui qui est accompli par Jephté, un des « Juges ». Ses circonstances peuvent le rapprocher de celui d’Isaac ; c’est en effet sa propre fille que Jephté donne à Dieu en échange d’une victoire. Et pourtant, elle est son unique enfant.
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La différence avec le sacrifice qu’a failli accomplir Abraham est que l’holocauste dans ce cas est effectivement accompli. Elle réside aussi dans le fait que Jephté ne nous est pas présenté comme mis à l’épreuve par son dieu, mais comme victime d’une promesse qu’il a lui-même faite.
Ce sacrifice humain permet pourtant à Jephté – ou, du moins, le croit-il – de s’attirer la faveur de son Dieu dans la bataille.
LES SACRIFICES HUMAINS À ROME.
Si les Romains ont interdit aux peuples qu’ils ont soumis de sacrifier des victimes humaines, ils se sont cependant eux aussi livrés à de telles pratiques, dans certains cas. C’est d’ailleurs la constatation d’un tel paradoxe qui est à l’origine d’une des Questions romaines de Plutarque.
« Par quelle raison expliquer ceci : en apprenant que les Celtibères nommés Bletonesioi avaient offert aux dieux un sacrifice humain, ils envoyèrent une mission chargée de punir leurs chefs ; mais comme il apparut qu’ils n’avaient fait là qu’appliquer leurs lois, on les laissa en liberté, non sans leur interdire cette pratique à l’avenir. Pourtant comment se fait-il que les mêmes Romains, peu d’années auparavant, aient enterré vivants, sur la place appelée Marché aux bœufs, deux hommes et deux femmes, les uns grecs, les autres celtes ? ».
Trois fois en effet durant la période de la République, en 228, en 216 et en 114/113, les Romains ensevelirent vivants, au Forum boarium, deux couples d’étrangers.
Voici le récit qu’en fait Plutarque (Marcell. 3, 3, 7), pour le premier de ces cas.
« Cependant, la proximité du lieu où la guerre allait s’engager, qui touchait immédiatement leur territoire, inspirait une grande terreur aux Romains ; à cela s’ajoutait l’antique prestige de celui des peuples qu’ils semblent avoir le plus redouté, parce qu’il avait jadis pris leur ville […]. Ce qui prouve aussi leur effroi, ce sont les préparatifs qu’ils firent (car jamais, dit-on, ni avant ni après, les Romains ne mobilisèrent tant de dizaines de milliers d’hommes) et le caractère inouï du sacrifice qu’ils accomplirent. Eux qui, d’habitude, ne pratiquaient aucun rite barbare ni étranger ; qui, partageant autant que possible les opinions des Grecs, se montraient doux dans le culte rendu aux dieux ; furent contraints, quand la guerre eut éclaté, d’obéir à des oracles tirés des livres sibyllins, et enterrèrent vivants deux Grecs, un homme et une femme, ainsi que deux Celtes, sur la place appelée le Marché aux bœufs. De nos jours encore, au mois de novembre, on célèbre en leur honneur des cérémonies secrètes, auxquelles personne ne peut assister ».
Citons également le passage de Tite-Live (22, 57, 2-6) relatif aux sacrifices de 216.
« Venant après de si graves défaites, des prodiges troublèrent les consciences : en particulier deux Vestales, cette année-là, qui furent convaincues d’inconduite. L’une fut enterrée vivante à la porte Colline, selon la règle ; l’autre s’était donné la mort […] Cette faute, au milieu de tant de malheurs, passa pour un prodige, comme il arrive souvent. On invita les décemvirs à consulter les Livres sibyllins […] on fit quelques sacrifices exceptionnels après : au marché aux bestiaux, un Celte et une Celte, un Grec et une Grecque, furent enterrés vivants (sub terram uiui demissi sunt), murés dans une enceinte de pierre qui avait déjà servi auparavant à des sacrifices humains ».
Signalons encore que, selon Pline l’Ancien (Nat. 28, 12), de telles cérémonies eurent encore lieu à son époque, au Ier siècle de notre ère donc.
Les origines de ces sacrifices humains ont fait couler beaucoup d’encre chez les modernes.
Il est évident que l’ensevelissement d’êtres vivants représente une expulsion à la fois symbolique et matérielle, du monde des vivants ; les personnes ensevelies vivantes sont livrées au monde des morts et de ses divinités.
D’autre part, le contexte de ces rites nous montre de manière indiscutable qu’il s’agit de détourner un danger extérieur perçu comme particulièrement menaçant et imminent.
Les malheureux Celtes victimes de cette pratique raciste représentent l’ensemble de leurs congénères.
Curiosité maintenant. Les deux sanctuaires de Diane les plus anciens sont celui de Capoue, et celui d’Aricie (sur les bords du lac de Némi, près de Rome), où elle était appelée Diana Nemorensis : la Diane des Bois. Cette Diane de Némi était l’Artémis de Tauride, apportée en Italie par Oreste. Ce qui expliquait la sauvagerie de ses rites.
Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines de Daremberg et Saglio (1877).
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REX NEMORENSIS. Ce titre, chez les écrivains anciens, désigne une sorte de prêtre chargé du culte de Diane Aricina, dans le bois de Némi, sur le versant des monts Albains. Diane elle-même est couramment appelée nemorensis…
C’était une étrange pratique et qui sent la barbarie primitive que celle qui présidait à l’installation du roi-prêtre de Némi. C’est un combat singulier entre le prêtre en exercice et le prétendant à la succession qui décidait en effet du sacerdoce. La place était pour celui qui assommait l’autre avec une branche cueillie sur certains arbres cachés au fond du bois [du gui]. La royauté de Némi étant ainsi une prime à la force brutale, il n’y avait plus que des esclaves fugitifs qui se hasardaient à la disputer. Sous le règne de Caligula, dont la folie en voulait à toute supériorité, la place était occupée par un véritable colosse qui s’y maintenait depuis des années ; l’empereur n’eut de cesse de lui trouver un compétiteur plus vigoureux. La coutume était encore en honneur au temps de Pausanias.
Mais en réalité, le personnage installé par de tels moyens n’était plus un prêtre au sens strict du terme. La preuve en est qu’à l’occasion les pontifes de Rome venaient en ce lieu accomplir en personne les cérémonies religieuses qui intéressaient l’État. J. – A. HILD.
LES SACRIFICES DE SUBSTITUTION.
Beaucoup de ces civilisations néanmoins, en vinrent à renier ces pratiques, en substituant aux humains immolés des condamnés à mort (cas des druides) des animaux, des images ou des symboles.
CHEZ LES CELTES.
Diodore de Sicile, V, 32. « Les criminels qu’ils ont gardés prisonniers pendant cinq ans, ils les empalent en l’honneur des dieux. Avec beaucoup d’autres offrandes, ils les sacrifient en d’immenses bûchers qu’ils ont préparés à cet effet ».
Lucain. « Hesum Mercurium credunt, si quidem a mercatoribus colitur, et praesidem belloreum et caelestium deorum maximun Taranin Iouem, adsuetum olim humanis placari capitibus, nuc uero gaudere pecorum ». « Ils tiennent Hésus pour Mercure… et Taranis maître de la guerre et plus grand des dieux du ciel, à qui jadis il était de coutume d’offrir des têtes humaines, mais qui maintenant se contente de bétail, pour Jupiter ». (Gloses ou scholies bernoises du texte de Lucain.)
CHEZ LES GRECS.
Iphigénie est l’une des filles d’Agamemnon et de Clytemnestre. Agamemnon ayant, hélas, encouru la colère d’Artémis, la flotte des Grecs, faute de vent, reste bloquée à Aulis. Interrogé, le devin Calchas répond que la colère de la déesse ne peut être apaisée que si le roi lui sacrifie sa fille Iphigénie.
Accablé, Agamemnon s’oppose au sacrifice puis, poussé par Ménélas et par Ulysse, il accepte. Il convoque sa fille à Aulis, sous le prétexte fallacieux de la fiancer avec Achille. La jeune fille, ainsi mise en confiance, s’approche de l’autel. Le sacrifice va être consommé, lorsque la déesse ou la fée, soudain prise de pitié pour la jeune fille, lui substitue une biche comme victime. Elle l’emmène en Tauride où elle deviendra une de ses prêtresses.
Cette substitution a probablement inspiré les rédacteurs de la Bible, dans le passage du sacrifice (ordonné à Abraham), mais sans que les lecteurs juifs, chrétiens, ou musulmans, à la différence du texte grec, sachent pourquoi Dieu exigeait d’Abraham une telle obéissance. Ce simple fait montre à l’évidence la distance qui sépare la mythologie de l’une des principales religions de masse révélées (ces dernières faisant appel à la foi, c’est-à-dire à une croyance), de la logique des mythes dans le paganisme de type philosophique et réfléchi.
LE RIRE DE TARANIS * À ROME.
Dans le célèbre dialogue entre Numa et Jupiter rapporté par Valerius Antias (cité par Plutarque), on voit le deuxième roi de Rome jouer au plus fin avec le dieu, afin d’obtenir que la victime à offrir, pour se protéger des effets de la foudre, ne soit pas humaine. Là où Jupiter exige une tête, Numa propose une tête d’oignon. Le dieu précise alors sa demande : « la tête d’un homme » ; le roi répond : « Tu prendras ses cheveux » ; mais le dieu exige une vie. Numa réplique : « La vie d’un poisson ». Le dieu
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se mit à rire et dit : « Par ces offrandes, tâche de conjurer les traits de ma foudre, ô mortel qui n’est pas indigne de converser avec les dieux » (Ovide. Fasti. 3, 339-342).
Nota Bene. Ce qui nous renvoie donc à la notion typiquement celtique de druides parlant la même langue que les dieux (ils sont homophonon dans les écrits de Diodore de Sicile, V, 31).
Selon Denys d’Halicarnasse (1, 38, 3), c’est Ogmios, donc en l’occurrence Hercule dans l’interpretatio romana, qui aurait mis fin aux sacrifices humains qu’offraient jusqu’alors les Anciens sur le site de la future Rome.
« Afin que ces hommes n’aient aucune peur ni aucun scrupule d’avoir abandonné les sacrifices ancestraux, il apprit aux indigènes, pour apaiser la colère du dieu, à fabriquer à la place des hommes qu’ils jetaient pieds et poings liés dans le courant du Tibre, des mannequins à figure humaine, habillés de la même façon qu’eux, et à les précipiter dans le fleuve, afin que la crainte superstitieuse qui habitait alors tous les esprits soit extirpée, les apparences de l’ancien supplice étant sauvegardées ».
Cet historien précise également que les Romains accomplissaient encore ce rite à son époque, en mai ; il correspond à la cérémonie des Argées, durant laquelle les vestales jetaient dans le Tibre des mannequins représentant des hommes.
Macrobe (Sat. 1, 7, 31) attribue le même rôle « civilisateur » à Ogmios. Avant son arrivée en Italie, les Pélasges offraient des têtes humaines à Dis Pater et des victimes humaines à Saturne, à cause de l’oracle qui disait en grec : « Offrez des têtes au fils de Cronos et des hommes à son père ».
Mais plus tard Ogmios serait arrivé dans le pays avec le bétail de Géryon et aurait réinterprété un des mots de cet oracle, phota, afin que Saturne soit désormais honoré avec des bougies, puisque phota signifiait aussi bien « lumière » que « homme ». Macrobe conclut en donnant également une seconde version plus rationnalisante, selon laquelle Ogmios les aurait sortis d’une vie plongée dans les ténèbres de l’ignorance en introduisant chez eux l’illumination des arts et des sciences.
* Différent donc de celui de Merlin. Mais revenons aux sacrifices humains accomplis par les druides de l’ancien druidisme.
PSYCHOLOGIE ET ÉTHIQUE DES SACRIFICES HUMAINS DANS L’ANCIEN DRUIDISME II.
Le premier des sacrifices humains a dû être celui des prisonniers de guerre. L’offrande de vies humaines aux déités de la guerre après la victoire. Là aussi, le principe en est fort simple. Il est par exemple évident qu’une divinité de la guerre dans la mesure où elle existe bien entendu (le bouddhisme ne connaît que les divinités « courroucées » après la mort) ne peut que se repaître de sang humain comme la célèbre Kali de l’hindouisme ou le Yahvé Sabaoth des Hébreux de la Bible.
« La victime était percée de traits, tantôt ils l’empalaient dans leurs temples… » Le terme grec anestauron signifie « suspendre ou accrocher à un poteau ».
On est en droit de se demander s’il ne s’agit pas tout simplement de la description de trophées ou d’Arcs de Triomphe construits avec des cadavres de guerriers morts au champ d’honneur. À l’époque de Posidonios, l’érection de gigantesques trophées humains de ce type n’était déjà plus en usage ; c’est donc par une source intermédiaire, un voyageur grec de la fin du IIIe siècle peut-être, que l’ethnographe a eu vent de cette coutume.
L’auteur de sa source ou son informateur n’a certainement pas vu lui-même l’accomplissement du rite, qui devait se faire à l’écart du village, ou dans le cercle étroit des comrunos (des initiés) ; il n’en a donc vu que le résultat : des cadavres décharnés encore accrochés à des poteaux ; c’est à partir de cette observation qu’il a reconstruit un rituel probablement imaginaire.
Le terme « empaler » doit donc, dans ce cas, signifier seulement « accrocher à une palissade » ou « à des pieux », et doit entrer dans le cadre d’un rite de consécration des dépouilles.
En dehors du cas des prisonniers de guerre, le sacrifice humain, véritable leitmotiv des textes antiques – comme quoi l’hypocrisie schizophrène des faiseurs d’opinions ne date pas d’hier-, n’est en revanche nulle part attesté par des témoins oculaires directs. Nous avons seulement le passage de Strabon sur le sujet (IV, 4, 5) rapportant sans doute d’anciennes traditions.
« Les Romains ont mis fin à ces pratiques ainsi qu’à celles relatives aux sacrifices et à la divination, par trop opposées à nos meurs. Il était d’usage que l’homme reçût un coup d’épée à l’endroit des fausses côtes [is nothon pleuron ou is nothas pleuras en Grec], ensuite on prédisait d’après la nature de ses convulsions [et cela, en présence des druides] vu que jamais ils n’offraient de sacrifices sans
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que des druides y assistassent. On cite encore chez eux d’autres formes de sacrifices humains. Tantôt, par exemple, la victime était percée de traits, tantôt ils l’empalaient dans leurs temples ; ou bien ils construisaient un mannequin colossal avec du bois et du foin, y faisaient entrer des bestiaux et des animaux de toutes sortes, pêle-mêle avec des hommes ; ensuite y mettant le feu, ils en faisaient un holocauste ».
L’usage des bourbiers sacrificiels (un sacrifice qui consistait à jeter des hommes dans les marais) s’avère attesté pour les régions nordiques. On a en effet retrouvé dans certaines tourbières des cadavres qui auraient pu être sacrifiés à la Déesse ou fée, si l’on veut, Nerthus… Le cas de sacrifice indubitable découvert en 1984 dans le marais de Lindow Moss (Cheshire) relève sans doute également de ce genre de pratique. L’homme fut en effet rituellement étranglé, badigeonné de bleu et immergé dans la tourbière. Un genre de mort que l’on retrouve dans la légende de Lleu Llaw Gyffes ou de Lailoken.
Différents textes antiques évoquent le cannibalisme chez les Celtes, certains en soulignant l’absolue nécessité de cet acte à ce moment-là.
César, De bello gallico VII, 77, rapportant le discours du Calgacos ou de la Boudicca du Continent : « Si vous n’avez plus aucun moyen d’avoir de nouvelles de nos secours ; les Romains eux-mêmes ne vous assurent-ils pas de leur arrivée prochaine par ces travaux de jour et de nuit, qui montrent assez la crainte qu’ils en ont ? Quel est donc mon avis ? De faire ce que firent nos ancêtres dans leurs guerres, bien moins funestes, contre les Cimbres et les Teutons. Forcés, comme nous, de se renfermer dans leurs villes, en proie donc à la disette, ils soutinrent leur vie en se nourrissant de la chair de ceux que leur âge rendait inutiles à la guerre ; et ils ne se rendirent point. Si nous n’avions pas reçu cet exemple, je dirais que, pour la cause de la liberté, il serait glorieux de le donner à nos descendants. Quelle guerre en effet peut-on comparer à celle-ci ? Les Cimbres, après avoir ravagé le pays, et lui avoir infligé de grands maux, ont quand même fini par quitter notre territoire, et gagnèrent d’autres contrées ; ils nous ont laissé nos droits, nos lois, nos champs, notre liberté ! Mais en ce qui concerne les Romains, quel autre motif ou désir ont-ils que de s’installer sur les terres et dans les villes de ceux dont ils ont appris qu’ils étaient les plus nobles et les plus puissants à la guerre, afin de les réduire à un perpétuel esclavage ? Car ils n’ont jamais fait la guerre pour d’autres raisons. Et si vous ne savez rien de ce qui se passe dans les pays lointains, regardez dans la Celtique voisine qui, ayant été réduite à l’état de province, dépouillée de ses droits et de ses lois, soumise au despotisme romain, est maintenant opprimée, plongée dans une servitude sans fin ».
Polybe. Histoires, I, 84 : « Ayant inopinément établi son camp dans un lieu aussi désavantageux pour eux qu’il présentait d’avantages pour son armée ; Amilcas les réduisit à une situation telle que, n’osant courir le risque d’une bataille, et ne pouvant fuir, cernés de toutes parts comme ils l’étaient par le fossé ainsi que les retranchements ; poussés par la famine, ils finirent par être forcés de se manger les uns les autres. La fortune leur infligeait cette légitime compensation pour leur impiété ou leur méconnaissance de toute loi vis-à-vis d’autrui ».
Polybe. Histoires, I, 85 : « Quand ils eurent, avec cette impiété ainsi épuisé les prisonniers qu’ils employaient à leur nourriture, épuisé aussi les corps de leurs esclaves, comme il ne leur venait de Tynète aucun secours ; alors, il devint évident pour les chefs que cette multitude, sous le poids de ses maux, allait se porter à des excès envers eux ; Autarite, Zarcas et Spendios, décidèrent donc de se remettre entre les mains de l’ennemi et d’entrer en pourparlers avec Amilcas ».
Témoignages difficilement crédibles.
Strabon, Géographie, IV, 5, 4 : « Il y a dans le voisinage de la Bretagne d’autres îles encore, mais de peu d’étendues ; hormis une seule qui est considérable : l’île d’Ierné, située juste au nord de la Bretagne. Cette île se trouve avoir plus d’étendue en longueur qu’en largeur. Nous n’avons, du reste, rien de certain à en dire, si ce n’est que ses habitants sont encore plus sauvages que ceux de la Bretagne ; car ils sont anthropophages en même temps qu’herbivores ; et croient bien faire en mangeant les corps de leurs pères, ou en ayant publiquement des relations avec toutes sortes de femmes, voire avec leurs mères et leurs sœurs… À dire vrai, ce que nous avançons là (l’anthropophagie des Irlandais) repose sur des témoignages peu sûrs ; rappelons néanmoins, en ce qui concerne l’anthropophagie, que la même coutume paraît se retrouver chez les Scythes ; et que l’Histoire nous montre, plus d’une fois, dans les nécessités d’un siège, les Celtes, les Ibères, et maint autre peuple barbare, réduits à une semblable extrémité ».
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Pausanias, Description de la Grèce, X, 22, 3 : « Ils émasculèrent tous les hommes, tuèrent les vieillards, les nourrissons encore au sein furent arrachés de leur mère puis égorgés ; si certains paraissaient mieux nourris que d’autres, ils buvaient leur sang et se rassasiaient de leur chair ».
Saint Jérôme, Aduersus Iouinianum : « J’ai personnellement appris, pendant ma jeunesse, que des Attacottes de Bretagne avaient mangé de la chair humaine. Ayant volé divers troupeaux dans les bois, ils avaient coupé les fesses des pastoureaux, les seins et les fesses des bergères, et les avaient dévorés comme des friandises ».
Témoignages à demi crédibles.
Caius Julius Solinus, Polyhistor, XXIII : « La [Grande] Bretagne est entourée par de nombreuses autres îles d’importance. L’une d’elles, l’Hibernie, a la même étendue ; les mœurs des habitants sont barbares ; elle a tant de pâturages que l’on n’en éloigne le bétail que par crainte des suites d’une nourriture trop abondante. On n’y trouve point de serpent ; il y a peu d’oiseaux ; le peuple y est tout autant inhospitalier que redoutable à la guerre. Les vainqueurs se couvrent le visage du sang de leurs ennemis, après en avoir bu. Ils ne font pas la distinction entre le bien et le mal ».
NB. On n’y trouve point de serpents ! Voilà qui remet à sa juste place (celle du mythe) le miracle de l’éviction hors d’Irlande des serpents, attribué à Saint Patrice. Encore un mensonge de plus dans la bouche de nos amis chrétiens.
L’encéphalophagie fut une pratique assez largement attestée en Europe au cours du Paléolithique, mais aussi, et surtout au cours du Néolithique. Les témoignages antiques les plus sérieux attestent le maintien de ces pratiques, dans l’utilisation de crânes aménagés en coupe à boire. Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) croyaient en effet que l’âme/esprit et la vie en définitive reposaient dans la tête, et non dans la région du cœur. De là l’importance des rites et pratiques qui entouraient la tête dans leur tradition.
Témoignage crédible.
Silius Italicus, la guerre punique, XIII, 482 : « Quant aux Celtes, ils se plaisent à vider les crânes, à les border – horreur ! – d’un cercle d’or, et ils gardent ces coupes pour leurs banquets ».
Témoignage à demi crédible.
Ammien Marcellin, Histoires, XVII, 4 : « Le territoire des Scordisques en faisait partie, et il se rattache de nos jours à une province qui en est fort éloignée. Nos annales nous apprennent quelle était la brutale férocité de cette race, qui sacrifiait ses prisonniers à Mars et à Bellone, et buvait avec délices du sang dans des crânes humains ».
Témoignage non crédible.
Orose, Histoires contre les païens, V, 23. « Pendant ce temps, Claudius, chargé, en vertu du tirage au sort, de la guerre de Macédoine, tenta de repousser par les armes, hors des limites de la Macédoine, des peuples divers ; qui s’étaient répandus à partir des monts Rhodopes, et dévastaient alors la Macédoine, avec la plus grande cruauté. Ils s’emparaient, quand ils avaient besoin d’une coupe, de crânes humains, sanglants, et encore chevelus ; enduits, dans les cavités intérieures, de matière cervicale mal nettoyée ; ensuite ils en usaient, avec avidité, sans être horrifiés, comme de véritables coupes. De ces peuples, les plus sanguinaires et les plus farouches étaient les Scordisques ».
Florus, Épitome, I, 39 : « Il n’est pas de cruauté que ces Thraces ne commissent à cette époque dans les traitements qu’ils infligeaient aux prisonniers ; versant aux dieux des libations de sang humain, buvant dans des crânes, souillant par des outrages de toutes sortes une mort causée tantôt par le feu, tantôt par la fumée, arrachant même les fœtus du ventre des femmes enceintes ; les plus cruels de tous étaient les Scordisques ».
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LE VÉRITABLE OFFICE DRUIDIQUE.
Le thème éminemment théâtral du chaudron et des trois sorcières a une valeur essentiellement négative dans le Macbeth de Shakespeare ; mais dans notre mise en scène, le spectateur ne devra le voir que comme une simple référence à mettre exactement sur le même plan que la mystérieuse procession du Graal qui a tant fait fantasmer les auteurs du Moyen-âge ; alors que ce n’était que le simple compte rendu d’une cérémonie brièvement entrevue dans un sanctuaire forestier qui cherchait certainement à se faire oublier à l’époque afin d’éviter une diabolisation comparable à celle qui arrivera aux 9 sorcières de Caer Loyw (Gloucester) du Peredur Gallois. Cérémonie d’une franc-maçonnerie médiévale dont le seul effet placebo était l’ingestion de nourritures solides ou liquides, spéciales.
Mais dans le Peredur ab Evrawc le Graal est quand même… une tête coupée posée sur un plateau. Brrr ! Ci-dessous en tout cas comment on peut résumer la situation du Perceval gallois. Un voyageur erre dans une forêt perdue et tombe sur un mystérieux sanctuaire (baptisé château) où s’activent encore un vieux druide et de jeunes assistants, devant un grand feu. En plein 13e siècle chrétien ???
Le voyageur interloqué et ayant besoin d’un lieu sûr où passer la nuit ne pipe mot (on le comprend), mais le bon moine ayant eu connaissance de cette anecdote (de cette aventure) préférera mettre fin d’un coup de plume à ce scandale en faisant revenir le chevalier en question pour massacrer tout le monde après mûre réflexion. Là l’auteur initial de cette séquence s’est peut-être souvenu du Peredur historique de la bataille d’Arfderydd (573) qui scella le destin du dernier royaume païen de Grande-Bretagne (quelque part au sud de l’Écosse), celui du prince Gwenddoleu ap Ceidio et du jeune Merlin Wyllt son barde. La fin d’un monde en quelque sorte ! Et il a baptisé son héros du même nom.
Plus près de nous, on ne peut s’empêcher de penser à l’étrange pèlerinage qui avait lieu en Savoie à Notre-Dame de la Vie près de Saint Martin de Belleville ou Moutiers jusqu’au début de 20e siècle, chaque 8 septembre.
« Les Callaïques sont athées, mais les Celtibères et les peuples qui les bornent au nord ont une divinité sans nom, à laquelle ils rendent hommage en formant, tous les mois, au moment de la pleine lune, la nuit, devant la porte de leurs maisons, et chaque famille au complet, des chœurs dansants qui se prolongent jusqu’au matin (Strabon, Livre III, chapitre IV, 16).
L’office druidique est essentiellement un sacrifice ayant lieu tous les quinze jours à chaque lune. Divertomu (début de 1re quinzaine, pleine lune) et Atenoux (début de 2e quinzaine, nouvelle lune).
À l’origine dans l’ancien druidisme de l’Antiquité, il s’agissait bien entendu d’un sacrifice sanglant (il y en avait de différents types).
Il s’est agi ensuite après la romanisation, essentiellement d’une idpart, autrement dit d’un banquet sacré, de commensalité, à base d’idpart (offrande) ou de libation pour les dieux.
Répétons-le, l’équipe sacrificielle celte est composée comme suit.
— Un vate qui, avec une conhospita, verse les libations et procède aux innombrables gestes ou récitations qui composent sacrifice.
— Un gutuatre/gutumatre (maître de chant) qui récite ou psalmodie des prières.
— Un vellède (récitant l’enseignement oral). Le vellède harangue les participants un peu comme un prophète hébreu. Disons plus justement comme une prophétesse bructère (Velleda), mais qui sait encore aujourd’hui ce que fut le peuple bructère ?
N.B. L’équipe sacrificielle est dirigée par un druide (l’officiant) qui surveille en silence et avise dès qu’il se produit une erreur ou un accident.
Hiéras nécessaires.
Des idpart. Voir plus haut. Le nom est ancien. Il est d’ailleurs utilisé pour traduire le mot « messe » en gaélique. Idpairt choirp Crist sert à traduire Eucharistia mysteria dans les vies latines de saints selon Plummer. Vieux celtique ateberta.
Du pain galate ou panis divinis en latin, du pain tekmorien ou pain de ceux qui ont fait le signe (c’est-à-dire, en fait, du pain bis-cuit, des dipyres ou pains de marin, analogues à celui utilisé par la société des xenoi tekmoreioi 1). Autrement dit du pain d’orge azyme trempé dans un mélange de lait, d’huile, et de sel, ou de miel si l’on veut qu’il soit sucré. Ancêtre du pain pidé turc ?
NOTE SUR LE PAIN À UTILISER POUR LE REPAS DE COMMENSALITÉ AVEC LES DIEUX.
Malgré l’excellence des baguettes de mon ami boulanger à Paris il semblerait bien d’après Adolphe Joseph Reinach (Revue Celtique N° XXVIII 1907) que les galettes de pain azyme étaient de rigueur
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dans la confrérie des Xénoi Tekmorioi si l’on en croit certaines inscriptions découvertes par l’archéologue écossais Sir William Mitchell Ramsay.
La première de ces inscriptions « tekmoriennes » (de tekmor = signe) a été découverte par notre ami anglais en 1882 dans un cimetière de l’actuelle Kumdanli en Turquie.
Il s’agit d’une liste de donateurs avec, au regard de leur nom, ce qu’ils ont versé à l’association.
Les autres ont été découvertes dans un village situé un peu plus au nord c’est-à-dire en plein territoire tolistoboien, Sagir.
Ce qu’écrit en 1906 ce savant historien sur Amyntas n’est pourtant pas très clair (page 310 de son essai intitulé « Études sur l’histoire et l’art de la province romaine orientale »).
Pour conclure rappelons que personne n’est obligé de s’en tenir à cette antique renaissance païenne du 3e siècle à quelques kilomètres à peine d’Antioche de Pisidie, même si nous sympathisons bien volontiers avec.
Une représentation du glaive de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd forgé par Trébuchet (un glaive ou une épée avec fourreau et baudrier).
Le tailloir de Peredur : un plateau argenté.
La lance de Lug ou gae bolga : un javelot ou une pique avec du rouge sur la pointe et un mince filet de rouge sur la moitié supérieure du bois de la hampe.
La coupe de protection-souveraineté : un crâne serti d’or ou plus exactement une calotte crânienne sertie d’or, pouvant servir de coupe. (Les très-sachants de la druidiaction – druidecht – croyaient que l’âme/esprit et la vie en définitive reposaient dans la tête, et non dans la région du cœur comme on le dit généralement aujourd’hui. De là l’importance des rites et pratiques qui entouraient la tête dans leur tradition). Sur cette coupe devant servir à la commensalité avec les dieux doit figurer une inscription du genre « Nessamon delgu linda ».
Un grand chaudron contenant le liquide sacré devant servir à la commensalité (de la cervoise ou de la corme).
À ce sujet il ne sera pas inutile ici de rappeler ce qui a été dit chez les Romains de la sacristie ou sacrarium de Mars sur le Palatin : y étaient enfermés les ancilia. Et aussi du sacrarium de la Regia : y étaient conservés les hastae martiae ainsi que le lituus de Romulus ; sans oublier la sacristie d’Ops Consiva, qui était située au même endroit ; mais les auteurs et les inscriptions en nomment d’autres. La famille des Jules par exemple, avait à Bovillae, un sacrarium pour ses sacra gentilicia.
Le sacrifice permet à la société humaine de se purifier, de rester en vie. Nos ancêtres spirituels étaient donc persuadés, comme tout le monde à l’époque, que la paix avec les dieux n’est maintenue que par la pratique régulière de sacrifices. Ils pensaient même que ces sacrifices étaient nécessaires au maintien d’un certain équilibre cosmique.
On retrouve dans le Senchus Mor, à propos d’un dénommé Connla Cainbrethach, des traces de cette antique conception du rôle de l’office druidique, à laquelle les chrétiens ne comprenaient déjà plus rien à l’époque. « Les druides disaient que c’étaient eux qui faisaient [vivre et se mouvoir] le ciel, la terre et la mer, le soleil et la lune, etc. »
PLAN DU « CHÂTEAU » OÙ DOIT ÊTRE CÉLÉBRÉ L’OFFICE DRUIDIQUE.
Les romans de la Table Ronde nous décrivent généralement la demeure du roi pêcheur ou du roi méhaigné comme un château de type médiéval. C’est évidemment un anachronisme « hollywoodien » avant la lettre. Dans l’ancien druidisme, il devait plutôt s’agir d’une enceinte palissadée rectangulaire, doublée d’un fossé intérieur, mais sans guerriers pour monter la garde autour puisqu’elle n’était pas destinée à des fins militaires, mais cultuelles (en allemand viereckschanze). Le tout doté d’une porte monumentale toujours en bois, mais ancêtre de nos modernes Arcs de Triomphe.
À l’intérieur pas de donjon, mais une grande salle des fêtes rectangulaires destinées à abriter les convives des festins sacrés devant s’y dérouler, plus tard les invités du roi (en gaélique Tech Midchuarta).
Bref une construction qui ressemblait plus aux premiers forts bâtis par les Européens en Amérique du Nord pour se protéger des Indiens (exemple à Détroit ou les deux premiers forts construits près des chutes du Niagara), qu’à Dysneyland. Mais sans gardes armés puisque destinée au culte.
Il doit y avoir autant que possible dans le lieu de culte devant abriter l’office druidique, jouxtant la partie de l’édifice où l’abside s’ouvre sur la nef rectangulaire située quelques marches plus bas
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(aetashkadeh ou aetashgah) ; une ou deux sacristies ou sacraria ou cellae destinés aux objets de culte et séparés du reste de l’abside ou de la nef par un mur ou du moins soigneusement dissimulées aux yeux des profanes, uniquement accessibles par une porte dérobée.
Dans la cheminée adossée au fond de l’abside, partie surélevée par rapport au reste du bâtiment (par rapport à l’atechgah) sur une paire de landiers ouvragés, doivent brûler des bûches de bois (pyrée). Les sept essences traditionnelles.
Devant l’abside, en contrebas, devant les marches, au milieu du transept constitué par ces cellae ou sacraria, entre quatre colonnes, doit être assis le druide gutuatre ou la prêtresse gutumatre officiant * sur un canecosedlon c’est-à-dire un siège majestueux, mais assez léger néanmoins pour que quatre hommes puissent le transporter.
Devant lui, perpendiculairement à l’axe de l’atechgah une grande table de bois ou de pierre qui servira d’autel.
Devant lui également, mais parallèlement à l’axe de l’aetashgah ; à la place de l’allée centrale, doit être dressée une autre grande table rectangulaire, toute en longueur, et en bois (démontable, posée sur des tréteaux par exemple, et couverte d’un grand drap blanc).
Il y a lieu également d’installer à côté de la table autel du roi pêcheur ou méhaigné, le chaudron sacré géant qui contiendra la boisson dont il faudra métamorphoser le cœur ou l’essence, par transsubstantiation ou consubstantiation païenne, c’est-à-dire subjective.
* Qui peut être un druide druide et non un simple druide gutuatre ou une simple prêtresse gutumatre dans les grands châteaux du Graal comme Montsalvat
! --- --------------------- ------------------------ -- !
I LA CONVOCATION (intertitre de la rédaction).
La cérémonie commence par l’appel d’un héraut qui, du haut du porche d’entrée du sanctuaire, d’une tour ou d’une colline, ou autre chose, appelle les dagolitoi (les fidèles) à venir au sacrifice bimensuel ; en soufflant dans un cornyx ou dans un cor de ce type qui réveille aussi les divinités célestes ou souterraines.
II L’INTROÏT (intertitre de la rédaction).
Les dagolitoi ou fidèles font le signe de la croix druidique en passant devant les tombes des grands ancêtres du lieu, c’est-à-dire que du poing droit solidement fermé, ils se frappent plusieurs fois (3 fois 6 fois ou 9 fois) le cœur ; comme si l’on heurtait d’une lance quelconque un bouclier invisible. Ils déposent leurs atiobertas (offrandes) dans le sacrarium jouxtant le sanctuaire prévu à cet effet, ils jettent des pièces de monnaie dans le point d’eau du sanctuaire situé à l’entrée à l’intérieur.
Ensuite les fidèles prennent place par les côtés dans l’aetashgah ou nef au bout de laquelle trône l’intendant terrestre de ces lieux « devogdonion », le druide gutuatre ou la prêtresse gutumatre ou le druide druide rebaptisé « roi pêcheur » ou roi « méhaigné » (cf. l’Irlandais Nuada ?) dans les romans de la Table Ronde.
Les dagolitoi (fidèles) attendent à distance respectueuse. Les gens d’un seul livre et les monolâtres, eux, bien sûr, ne doivent en aucun cas s’approcher ; les Celtes [de cœur et d’esprit] ne sont pas des bêtes curieuses à photographier, il ne s’agit pas d’un spectacle de cirque pour touristes, mais d’un acte de foi devant être respecté à l’instar de ceux de l’islam ou de l’hindouisme. Les implications philosophiques par contre c’est autre chose. Chacun est libre d’avoir ou de ne pas avoir la plus haute considération à son égard **.
Quand tout le monde ou presque est installé, le membre de la sodalité qui officie demande :
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« Ami, d’où venez-vous aujourd’hui ?
Réponse des fidèles. * *
Ce matin nous nous sommes mis en route avant que le guetteur ait sonné l’aube dans son cornyx.
* Phrases retrouvées biffées par les héritiers de Pierre de La Crau.
Journalistes, médias, et intellectuels, sont libres, par exemple, de vouloir pour notre pauvre Humanité ou notre planète, des mouvements migratoires massifs, permanents, déracinant sans cesse des millions de personnes de leur civilisation d’origine, appauvrissant souvent leur pays natal d’autant, et venant occuper les emplois sous-payés que plus personne ne recherche (enrichissement culturel suscitant des tensions déstabilisant certains éléments de la société). Ou bien alors de trouver plus logique que chacun puisse vivre et travailler au pays. Si trouver plus logique que chacun puisse vivre et travailler au pays c’est ça être nazi, alors vive le nazisme ! Si c’est ça être stalinien, alors vive le stalinisme !
** Dans la pratique seuls les fidèles assis à l’extrémité des travées le font, et d’une manière symbolique.
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III ENSEIGNEMENT DE L’ÉGLISE DES CHÊNES.
Le druide officiant ou la grande prêtresse prend la branche de paix (craeb) et agite les grelots genre sonnailles au bout de sa baguette afin d’obtenir le silence, puis récite le cantelon ; croyance non imposée résultant d’un libre choix de l’homme éclairé par la raison
LE CANTELON (texte de ce credo celtique).
Nous croyons en une divinité
Unique
Et multiple à la fois,
Un Incréé qui n’a pas créé ce monde,
Mais en est à l’origine
Et en sera l’aboutissement.
Nous croyons
Que « celui que l’on ne nomme pas »
Est !
Qu’il est l’esprit et l’âme universelle du monde
Qu’il est Un et Triple à la fois,
Être des êtres, incréé sans être créateur
Qu’il se manifeste par des émanations divines accessibles,
Les dieux,
Qu’aux choses divines on peut comparer
Les choses humaines,
Que cette vie intérieure de l’Homme que l’on appelle âme ou esprit
Est quasiment immortelle
Et constitue donc une partie de « Celui que l’on ne nomme pas »
Que cette étincelle divine
Anime aussi les êtres les moins différenciés,
S’affirme et s’individualise
Au travers de multiples formes vivantes,
Pour parvenir à l’Homme.
Qu’en ce monde on s’élève par la pratique
Des trois devoirs primordiaux :
Être un homme, un vrai, ne rien faire de bas, honorer les dieux.
Et que cet autre monde blanc ou Albiobitos
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Est le seul vrai monde.
Nert dee agus andee. Awen !
IV LA PREMIÈRE PROCESSION DES HIÉRAS DE LA COMMUNAUTÉ.
Sortent ensuite de la première cella ou sacrarium située à gauche du pyrée allumé dans la cheminée monumentale adossée au mur de l’abside…
Un vate (si possible un jeune homme) portant une lance blanche empoignée par le milieu avec du rouge sur la pointe, et un mince filet de rouge sur la moitié supérieure de la hampe.
Deux autres jeunes vates (un garçon, une fille) tenant dans leurs mains des torches de pin.
Une jeune fille (conhospita) tenant à deux mains la coupe de protection-souveraineté (une calotte crânienne sertie d’or portant l’inscription « nessamon delgu linda ») de la mère biologique ou adoptive du hésus Cuchulainn (Duxtir/Dechtire).
Une autre jeune fille (conhospita) tenant un plateau en argent.
Deux autres jeunes vates (un garçon, une fille) tenant dans leurs mains des torches de pin.
Enfin, un autre vate (si possible un jeune homme), ou un ambact, portant, suspendue au cou par un baudrier finement galonné, une épée dans son fourreau : l’épée faite par Trébuchet pour Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd.
Plusieurs ambacts portant le chaudron sacré muni d’un couvercle et voilé, aussi précautionneusement que des pénitents de la confrérie de la Sanch revêtus de coules (caperutxa) portant leur mistéri, chaque Vendredi saint dans la petite capitale catalane du nord des Pyrénées 2).
L’équipe sacrificielle au grand complet.
Tous passent derrière le membre de la sodalité qui préside la cérémonie sur son canecosedlon et font ensuite dans le sens des aiguilles d’une montre le tour des fidèles assis qui observent le plus grand silence, avant de revenir dans leur sacrarium ; ou de pénétrer dans l’autre cella située à droite du pyrée brûlant dans la cheminée s’il y a deux sacristies.
Les quatre jeunes gens porteurs de feu allument au passage les flambeaux enfoncés dans les dodécaèdres de bronze disposés ici et là, et à même le sol, ou aux murs ou sur des supports (l’encens étant inconnu de la civilisation celtique, le seul produit utilisé alors était l’ambre ou la résine de pin, la résine avec laquelle on faisait les torches).
V PREMIER SERMON DU VELLÈDE.
Pendant ce temps – là un vellède ou une grande prêtresse, s’adresse alors ainsi à l’intention des dagolitoi (fidèles) rassemblés dans la midchuarta.
Hommes et femmes de notre communauté, payses, pays, oyez, oyez, oyez ! Tous les lignages spirituels de la terre cherchent leur voie, mais un seul réussira dans cette quête du Sangréal, celle de Galaat, car seuls les Galaat en seront dignes. Dignes de parler la même langue que les dieux. Tous les dieux ! Mais notre foi ne doit pas être une superstition, une superstition de plus ! Notre foi doit être éclairée par la raison. Si dans les légendes notre seigneur Hésus dit Setanta ou Cuchulainn cueille le gui dans la forêt avec un vouge, c’est pour bien montrer que la vérité demeure une chose rare, souvent difficilement accessible, et qui ne s’acquiert qu’après une longue quête. Si le termagant ou tervagan (le Tarvos trigaranos) se trouve, lui aussi, bien caché dans cette forêt, c’est pour faire comprendre que l’essentiel n’est pas une chose facile à bien appréhender. Les apparences sont souvent trompeuses et il est plus facile de répéter à l’infini des lieux communs, des poncifs, ou des idées toutes faites, que de rentrer en soi même pour réfléchir.
Hommes et femmes de notre communauté, payses, pays, restons donc fidèles à la Raison de nos ancêtres spirituels qui, à l’instar du prince Indutiomaros, mis en cause par Cicéron dans le douteux plaidoyer que constitue son Pro M. Fonteio Oratio, répétait sans cesse : « Croire est une chose, savoir en est une autre ». Comme l’a répondu un jour un célèbre procurateur romain du premier siècle à un homme qui, comme Sétanta prétendait être le chemin à suivre, la vérité et la vie : « qu’est-ce que la vérité » en effet ?
Ne tombons donc pas dans la crédulité. Je crois même si c’est absurde, je crois parce qu’on le dit, serinent en chœur les nouvelles religions de masse, eh bien nous autres, nous célébrons toujours le mariage de la foi et de la raison.
Dans le cadre de notre enseignement, qui est celui de l’Église des chênes [variante sur le Continent : « qui est celui de l’Église druidique et nationale d’Henri Lizeray] je ne peux donc que vous répéter ceci.
Et là se place une oraison ou un discours, modèle ci-après…
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VI LA DEUXIÈME PROCESSION DES RELIQUES DE LA COMMUNAUTÉ.
Commence alors une autre ostension du Graal (épée lance torches olla et plat d’argent) exactement de la même façon que la première, la nécessité d’allumer les flambeaux enfoncés dans les dodécaèdres de bronze, en moins (sauf si certains de ces flambeaux ne sont toujours pas allumés bien entendu.)
Le vellède préposé à cet effet ou la grande prêtresse se concentre un instant, les bras levés au ciel, paumes tournées vers l’est, et récite la prière suivante.
— Hommes et femmes de notre communauté, payses, pays, oyez, oyez, oyez, le moment est venu de réaffirmer votre fidélité. Nous sommes réunis ce soir sur la tombe symbolique de la relique d’un de nos ancêtres, afin de perpétuer leur mémoire.
Aimer ou respecter ses parents et ses grands-parents, et cultiver pieusement la mémoire de leurs parents et grands-parents à eux, en bref des ancêtres ; rois, reines et grands seigneurs, ou humbles paysans, reposant dans la paix du cimetière avoisinant, à l’ombre de la lanterne des morts ; est un devoir aussi sacré que naturel. Sans eux, sans ces ancêtres qui ont vécu et travaillé durement, nous n’existerions pas. Sans le sacrifice héroïque de certains d’entre eux face aux Barbares, aux vrais Barbares, nous ne serions pas aujourd’hui ce que nous sommes, à savoir comme l’a dit Dumnorix des hommes libres dans un pays libre, sous la protection des dieux dont nous parlons la langue. Le devoir de mémoire est une flamme qui, comme la liberté, doit éclairer le monde.
Nos ancêtres de cœur et d’esprit, Celtes et Celtisés mêlés, ont jadis conquis le monde. Sous la direction de leur grand monarque le roi Ambicatus, rois, princes et guerriers de plus de soixante tribus-états ; ont étendu les portes de l’Empire, le Celticum de Tite-Live, de Tarsis à la Baltique et de l’Irlande à la Grèce, dont la capitale Delphes fut prise par le grand Brennos. Un autre brenn a d’ailleurs pris Rome et a fait plier l’orgueil romain sous le poids de son glaive. Mais ce sont les simples laboureurs et les paysans, les artisans et les orfèvres, qui ont construit pierre après pierre notre civilisation.
Par leur sueur et leur humble labeur journalier, ces ancêtres méritent notre respect. Sans les peines quotidiennes et anonymes de nos pères, de nos mères, et de leurs pères et mères avant eux, nous n’existerions pas. Nous leur devons donc tout, même la couleur de nos cheveux et de nos yeux.
Sans le sacrifice de ceux qui sont morts pour la patrie nous ne serions pas là non plus aujourd’hui, libres et fiers de l’être sous un ciel entièrement nôtre.
Brennus, Ambicatus, Bellovèse et Sigovèse, Crixus, Mariccus, Calgacus, Éponine et Sabinus, hélas, aujourd’hui cette épopée n’est plus qu’un devoir de mémoire ; et la langue des dieux ne résonne plus sur les quais de Tarsis ou sur les bords de la Mer Noire.
Le temps des persécutions et de la barbarie qui se prétend civilisation est revenu, et seule la commémoration des persécutions endurées jadis peut la combattre, car l’avenir appartient à ceux qui ont la plus longue mémoire par définition. Puisque la mémoire est constitutive de l’identité d’un être. Et un jour un grand monarque comme Arthur reviendra qui nous rendra notre fierté perdue.
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VII LA TROISIÈME ET DERNIÈRE PROCESSION DU GRAAL.
Une fois terminé ce prêche ou cette harangue du vellède de service a lieu une troisième fois l’ostension des hiéras ou reliques dans les mêmes conditions que précédemment (épée lance torches olla et plat d’argent).
Le vellède de service intervient alors encore une fois pour dire ce qui suit…
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Anamnèse. Comme Catubatuos/Cathbad et les vellèdes s’empressaient toujours autour de lui, notre seigneur le Hésus Cuchulainn se rendit au château de Duxtir/Dechtire, afin de faire ses adieux à sa mère.
Dès qu’il eut pénétré sur la pelouse, Duxtir/Dechtire alla le retrouver, sachant très bien que ce qu’il était impatient de faire c’est de tomber à bras raccourcis sur les Irlandais. Elle lui tendit alors la coupe (ballan) dans laquelle il avait l’habitude de boire chaque fois une gorgée avant de partir en voyage ou en expédition, en gage de victoire ; mais ce qu’il y avait dedans cette fois-ci c’est uniquement du sang vermeil.
Hélas Duxtir, s’exclama-t-il, que tout m’abandonne n’est assurément pas étonnant, quand la coupe que tu me tends est ainsi [pleine de sang]
Duxtir/Dechtire prit la coupe une seconde fois, la remplit et lui tendit ; et une seconde fois elle fut remplie de sang.
Elle remplit une troisième le récipient et là encore il fut plein de sang.
Une grande colère contre cette coupe s’empara du Hésus Cuchulainn alors qui la lança violemment contre un rocher où elle se brisa, d’où le nom jusqu’à ce jour de l’endroit, Colline de la Coupe (Tulach an bhallain).
Mère, tu n’as rien à reprocher en vérité, car cela signifie seulement que mes interdits (gessa) ont tous été rompus et que la fin de ma vie est proche : de mon combat contre les Irlandais cette fois-ci je ne reviendrai pas vivant.
Ensuite il récita le lai « Ô Dechtire, ta coupe est vide ».
Le terme gaélique ballan signifie « récipient pour donner à boire », mais bol bail boil, etc. signifie également chance prospérité efficacité. Aujourd’hui on se perd en conjecture sur la signification exacte d’une telle transsubstantiation. De la bière ou du vin transformé littéralement en sang (symboliquement il doit s’agir du sang de notre héros). John Tillotson (archevêque de Cantorbéry au XVIIe siècle) a dénoncé en son temps le caractère « barbare » d’une telle idée, et considérait comme impie de croire que les fidèles qui participent à une telle communion « mangent et boivent vraiment de la chair et du sang ».
L’idée du symbole est évidemment la première qui vient à l’esprit, mais il ne faut pas oublier que ces textes ont été composés à une époque où tout le monde croyait aux prodiges au surnaturel au préternaturel à la magie, etc., et cette image n’était peut-être pas considérée comme une simple métaphore à l’époque, mais comme un prodige.
La transsubstantiation est, littéralement, la conversion d’une substance en une autre. Le terme désigne, dans la doctrine de certaines des religions de masse d’aujourd’hui, la conversion du pain et du vin en corps et sang d’un demi-dieu.
La consubstantiation est la doctrine de Jean Duns Scot et Guillaume d’Occam selon laquelle, lors de la Cène de nos amis chrétiens celtiques, le pain et le vin conservent leurs substances propres avec lesquelles coexistent les substances du corps et du sang du demi-dieu qui est leur seigneur.
Nous autre très sachants de la druidiaction d’aujourd’hui nous sommes plus pragmatiques et nous considérons finalement que tout est une question de foi, l’effet placebo le démontre.
Nous admettons aussi l’opinion que le Hésus Mars de l’Antiquité ou le Sétanta Cuchulainn du Moyen-âge n’est pas corporellement présent dans la boisson de cette coupe de protection au moment de la communion, mais présent dans le cœur, l’esprit et la vie de ceux qui participent à ce rituel.
Quoi qu’il en soit cet élixir permet de repartir du bon pied pour une nouvelle quinzaine. Il s’agit en quelque sorte et grâce aux dieux que nous vénérons, à chaque fois d’une nouvelle naissance… 4)
VIII LA CÉLÉBRATION DE LA COMMENSALITÉ.
Une fois cette troisième époptie ou ostension du Graal et des hiéras effectuée, le membre de la sodalité officiant commande donc alors de faire circuler tout autour des fidèles sur un plateau d’argent une serviette blanche et de l’eau puisée dans la source ou le puits sacré du sanctuaire afin que chacun se lave les mains avec (de nos jours seulement pour les fidèles situés aux premiers rangs)..
Il commande ensuite de préparer devant lui si ce n’est déjà fait la grande table de bois devant servir à la cérémonie de communion avec les dieux. Qu’il s’agisse d’une table en bois massif ou d’une table amovible posée sur des tréteaux puis recouverte d’une nappe blanche.
Les différents objets du culte nécessaires y sont disposés (rince-doigts contenant l’eau de la source sacrée, etc.), ainsi que différents plats et boisson (sanglier cerf bière vin). La viande est découpée en
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fines tranches et disposée sur de petits bouts de pain. Ou carrément sur des petits pains en forme de galette. Bref des canapés pour apéritif.
N.B. La viande originelle, la « viande céleste » ou « douce viande » de certains textes de la quête du saint Graal * (de la viande de chien de boucherie comme dans certains restaurants chinois) peut de nos jours être remplacée par un autre type de préparation (cheval, bœuf, mouton, porc, etc.)
De toute façon de nos jours ce banquet de commensalité avec les dieux n’est plus que symbolique, les véritables agapes se déroulent en dehors du sanctuaire et après.
Comme dans le cas du pèlerinage qui avait lieu en Savoie à Notre-Dame de La Vie près de Saint Martin de Belleville ou Moutiers jusqu’au début de 20e siècle, chaque 8 septembre.
* Vieux français : La queste du Saint Graal.
Arrivé à ce moment du rituel, le vate escorté par deux ambacts portant chacun une lance de Lug et assisté de quelques autres dagolitoi ou fidèles, découvre le chaudron plein de cervoise ou de corme, juste devant l’assemblée.
Ce découvrement de l’Olla permettra ainsi à chacun d’accéder au chaudron sacré encore tout étincelant de bière. Il y a dès ce moment-là existence réelle de certains dieux dans l’espace sacro-saint devogdonion et tout le monde doit sentir cette présence invisible. En quelque sorte la position de Zwingli sur le sujet, mais en ce qui concerne le monde païen et non adaptée à la superstition chrétienne entourant la consubstantiation (ou la transsubstantiation).
Cet élixir permet de repartir du bon pied pour une nouvelle quinzaine. Il s’agit en quelque sorte et grâce aux dieux que nous vénérons, à chaque fois d’une nouvelle naissance…
Le monde du dehors devient une mantique, il est plein de présages. Les bruits qui parviennent de l’extérieur se changent en coups, et en murmures. L’oreille écoute jusque derrière les sons ; le hennissement des chevaux, le cri des oiseaux, acquièrent un pouvoir prophétique. Le regard change : il transperce les murs, et même celui de l’événement pour pénétrer loin plus loin.
La prêtresse faisant office de conhospita se rend alors vers le chaudron géant, munie d’une coupe-crâne (un crâne serti d’un cercle d’or comportant l’inscription « nessamon delgu linda ») puise en son sein de la boisson sacrée, prend à deux mains la coupe remplie, se retourne et l’élève ; pour la présenter à l’assistance, qui entonne à ce moment-là un chant du Graal connu des fidèles.
Afin d’en donner une petite idée à nos lecteurs ci-dessous celui qui était connu dans le sud de la France.
N.D.L.R. La coupe sainte en question était un Graal en argent, que les mainteneurs de la langue catalane offrirent aux défenseurs de la langue provençale lors d’un banquet qui se tint le 30 juillet 1867 ; en remerciement de l’accueil réservé au poète Victor Balaguer qui avait dû fuir l’Espagne à ce moment-là.
La conhospita présente la coupe-crâne à chaque couplet (élévation).
REFRAIN.
Coupe sainte
Et débordante
Verse à pleins bords
Et verse à flots
L’enthousiasme
Et l’allant des forts !
COUPLETS.
Verse-nous les espérances
Et les rêves de jeunesse
Du passé la souvenance
Et la foi dans l’an qui vient.
Verse-nous la connaissance
Du vrai avec celle du beau
Et la haute jouissance
Qui se rit du tombeau
Verse-nous la poésie
Pour chanter ce qui vit
Car c’est elle l’ambroisie
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Qui transforme l’homme en dieu.
…………………………………
………………………………
Note de la rédaction. Le chant de la coupe sainte peut être remplacé par le chant de la fidélité ou par tout autre chant de ce type. Les musiques celtiques ne sont guère portées à l’utilisation des harmonies, préférant généralement l’unisson, qu’il s’agisse du kan ha diskan breton, du sean-nós irlandais, ou du chant choral gallois. L’essence du chant dans tous ces exemples fait peu de cas de l’accompagnement. Le chant celtique typique est aujourd’hui représenté par les fameux chœurs populaires gallois. Et notamment l’hymne national du Pays de Galles qui en est, bien entendu, un bon échantillon.
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Au dernier couplet l’assistance s’incline respectueusement, la conhospita en verse quelques gouttes sur le sol dans le réceptacle prévu à cette intention et récite la formule introductive du rite de commensalité.
— Que les forces de la Terre, que les forces de Cornunnos et Setanta réunis, accueillent l’hommage que nous leur adressons, et nous accordent leurs bienfaits.
Le druide officiant ou la grande prêtresse agissant comme roi pêcheur ou roi méhaigné saisit alors de nouveau la branche de paix (craeb) et agite le grelot genre sonnaille au bout de sa baguette. À ce signal, au moyen de la coupe de protection souveraineté, plongée autant de fois qu’il le faut dans le chaudron, la conhospita chargée du Graal fait boire les dagolitoi (fidèles) qui défilent à tour de rôle devant elle.
Le druidisant à la conhospita.
Nata uimpi curmi da.
La conhospita au druidisant.
Ibetis uci andecari biiete
Ceci est le sang de Cornunnos et du hésus Setanta Cuchulainn réunis
Notre éternellement jeune seigneur de Muithemné
Versé pour nous protéger
Que leur force soit avec vous,
Nert dé agus andé Sunartiu !
IX LE RENVOI AU VRAI BANQUET (NON SYMBOLIQUE, GENRE SABAZIES).
Dernier sermon du vellède de service.
Il ne saurait être question pour nous de prétendre que les très-sachants de la druidiaction (druidecht), prêtres d’une religion dont les origines se perdaient dans la nuit des temps, n’ont pas connu les libations ou agapes en l’honneur des dieux. Certes, lors des rituels de divertomu et d’atenoux, nous consommons de la cervoise ou de la corme, mais ce n’est pas pour nous enivrer de façon éhontée ; c’est afin de pouvoir communiquer, grâce à cette boisson métamorphosée par le rituel, avec les plans supérieurs du vrai monde. Il ne s’agit donc pas d’ébriété, ou du moins il s’agit d’une ébriété sacrée, ce qui n’est pas du tout la même chose.
Le dieu en l’honneur de qui s’effectuent principalement ces libations est aussi le maître de la végétation et, par là même, de toute fécondité matérielle ou spirituelle. Il porte des bois qui tombent et repoussent en s’accroissant chaque année, pour ne s’amenuiser qu’avec l’extrême vieillesse, à l’image des arbres de la forêt. Cornunnos est d’une certaine manière comme l’âme/esprit des végétaux. Quand on broie le grain, il meurt, supplicié, pour ressusciter, au printemps, dans les céréales en herbe.
En consommant des boissons alcoolisées à base de grains broyés, on pensait alors, durant ce repas de commensalité « devogdonion » entre les hommes et les dieux, s’incorporer, par une sorte d’eucharistie, la substance même du grand Cornunnos. Et c’est pourquoi, par référence au dieu-cerf, la bière était appelée cervoise. Les chaudrons dans lesquels on préparait le breuvage sacré semblaient comme des objets magiques dont la manipulation et l’usage étaient strictement réservés
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aux initiés, aux comrunos, et cette bière, préparée dans d’énormes chaudrons, faisait l’objet d’une consécration rituelle.
Mais l’explication fournie par ces historiens est un peu courte. La cervoise brune est aussi le sang du hésus Setanta Cuchulainn versé pour nous protéger, nous autres pauvres humains. Et contrairement à ce qu’écrivent les historiens, cette potion n’est pas uniquement faite de bière brune (cervoise ou corme). Nos vates y mettent bien d’autres choses. Hydromel, alcool de vin sublimé, mais aussi sel de rosée, herbes de la Saint-Jean.
Cette préparation alchimique confère à ce mélange savamment dosé par les vates la sublimation suffisante.
Les gens d’un seul livre et les monolâtres ou autres sans-dieux de la même espèce, ont souvent accusé nos ancêtres de se livrer à de répugnantes et vulgaires beuveries lors de ces sabazies. Le taliban/parabolan chrétien saint Colomban par exemple a écrit des pages honteuses à propos de ceux qui dansaient ou chantaient encore des cantiques autour d’un Graal en bois, au début du VIIe siècle, en Autriche 3).
Or Colomban de Bobbio a, en réalité, de manière on ne peut plus intolérante et raciste, haineusement saccagé une fin de messe druidique en l’honneur de Lug, puisque telle est la divinité qui correspond à Mercure dans l’interpretatio druidica de ce fait religieux.
Pour conclure la cérémonie une fois que tout le monde a communié de la sorte avec les dieux et comme les dieux, le druide officiant ou la grande prêtresse qui agit en tant que roi méhaigné (cf. Nuada en Irlande) récite la prière du sage.
Ô dieux de Dana
Donnez-moi la sagesse
Avec la sagesse la compréhension
Avec la compréhension le bon sens
Avec le bon sens le Savoir
Avec le Savoir l’investigation
Avec l’investigation la recherche
Avec la recherche l’étude
Avec l’étude la méditation
Avec la méditation l’examen de toute chose
Avec l’examen de toute chose la poésie de la vie.
Nert dee agus andee.
Awen !
Puis l’officiant ajoute la formule suivante…
« J’ai des nouvelles pour vous :
Allez dans la paix des dieux !
La paix jusqu’au ciel
La paix de la terre au ciel
La paix sur la terre et sous les cieux
Force et prospérité à tous !
Rappel. Sur la table de bois massif disposée devant le membre de la sodalité agissant comme roi pêcheur ou roi méhaigné, ou/et sur la longue table dressée au milieu de l’allée centrale, présentés comme il faut, de petits morceaux (de petits dés ?) de pain galate avec de fines tranches de viande dessus (par exemple du jambon, mais il peut s’agir aussi d’une autre viande) ; ont été mis à la disposition des dagolitoi (fidèles) qui peuvent en prendre au passage 5).
Pour finir, quatre hommes emportent le membre de la sodalité qui a présidé la cérémonie sur son canecosedlon dans la cella ou le sacrarium réservé à cet effet où il pourra se changer.
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X. LES SABAZIES PROPREMENT DITES EN L’HONNEUR DU GRAND CORNUNNOS (le vrai banquet de commensalité avec les dieux).
« Les Celtibères et les peuples qui les bornent au nord ont une divinité sans nom ; à laquelle ils rendent hommage en formant, tous les mois, à l’époque de la pleine lune, la nuit, devant la porte de leurs maisons, et chaque famille bien au complet ; des chœurs de danse qui se prolongent jusqu’au matin (Strabon, Livre III, chapitre IV, 16).
Le temps de l’office druidique est fini, commence celui du banquet de commensalité lui-même. Pour clore le tout, en l’honneur du dieu qu’on ne nomme pas survient alors, à l’extérieur, la danse des oies, ou des grues ; exécutée par un groupe de jeunes danseuses namnètes, ou celtibères (partie du rituel remplacée aujourd’hui par de la musique traditionnelle).
On se partage les atebertas et les offrandes de nourriture (viandes diverses, charcuteries, fruits, et ainsi de suite).
Lors du sacrifice des cérémonies d’atenoux et divertomu, une partie de la viande de l’animal sacrifié par les vates (et dont l’âme rejoignait alors le Grand Réservoir psychique universel) ; était en effet rôtie ou bouillie, et redistribuée ensuite aux participants (gigots de porcs, épaules d’agneau, et ainsi de suite) avec du pain divin (panis divinus ou pain galate, ancêtre du pain pidé turc ?) ; alors que le reste et les os étaient abandonnés sur place autour de l’aire consacrée aux dieux : les crânes des bovidés, des chevaux ou des porcs, les colonnes vertébrales, ainsi que la partie supérieure des pattes (les extrémités inférieures étaient consommées).
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SUGGESTIONS DE SERMON POUR L’OFFICE DRUIDIQUE.
JANVIER. I divertomu RIURI.
Exemple de sermon du vellède de service.
Le druidisme selon saint Hippolyte de Rome. Livre I, XX : Philosophumena.
« Les druides celtes ont étudié au plus haut point la philosophie… Un art dont nous ne saurions non plus passer sous silence la méthode, puisque l’on présume également que certains d’entre eux ont tenté de fonder des Écoles de pensée [hairesis ou hérésie en grec].
Ce que nous rapporte là le plus célèbre des papes ayant parlé des druides est donc très clair.
Il n’y a pas une doctrine druidique, monolithique, exclusive, mais des doctrines druidiques, proches et unies sur l’essentiel certes, mais capables néanmoins d’une très grande souplesse, ou d’une très grande diversité. Un peu comme l’hindouisme en quelque sorte.
S’il est une religion qui se prête assez mal à un exposé d’ensemble, c’est en effet la spiritualité celtique, et la raison en est simple. Il n’y a jamais eu de religion celtique constituée, codifiée, identique partout et en tout point sur l’ensemble du territoire occupé par les Celtes dans les derniers siècles qui ont précédé notre ère.
Malgré le caractère assez général de l’excursus ethnographique du Livre VI de son De bello gallico, Jules César ne peut s’empêcher d’émailler son discours d’expressions telles que : chez certains peuples, dans quelques cités, ou autres ; qui indiquent assez bien le caractère régional, voire local, de certaines des croyances, ou des pratiques, qu’il évoque.
Les différences en question pouvaient d’ailleurs ne pas être seulement régionales, ou fonction du lieu, car si le clientélisme concernait les relations militaires, et constituait le ciment des grandes confédérations guerrières, il existait aussi dans le domaine de la religion. Les hommes étaient les obligés ou les vassaux des dieux, mais, au-delà, des communautés entières pouvaient être vassales du dieu ou du culte d’un dieu d’une autre communauté. Le clientélisme ne touchait pas seulement les individus, mais aussi les tribus, voire les peuples entiers. Certains dieux pouvaient donc aussi être honorés ailleurs que dans leur région d’origine. Situation tout à fait comparable à celle de l’hindouisme qui n’est pas une religion, mais un ensemble de plusieurs religions (proches).
La doctrine druidique antique ne formait pas un tout homogène. C’était un agrégat de croyances religieuses souvent archaïques et irrationnelles puisque d’origine chamanique, voisinant avec des théories beaucoup plus développées sur la vie, la mort et le Bitos (l’univers).
Notre druidiactio doit donc tenir compte du principe de base suivant…
Non-unicité ou non-homogénéité du druidisme et dans l’espace et dans le temps.
Quelle que soit la période de référence choisie, en effet, on ne peut que constater des différences suivant les régions, en matière de culte.
Il est en outre faux de croire ou de laisser croire (là, cela devient aussi de la malhonnêteté intellectuelle) que le druidisme a toujours constitué un tout immuable.
L’expression « Druidisme éternel » n’est qu’une formule poétique, ou une question de style.
Du chamanisme des sorciers préhistoriques au néo-druidisme actuel ou médiéval, il a au contraire souvent beaucoup évolué, même sur des points de doctrine non négligeables.
On doit donc admettre qu’il y a toujours eu plusieurs Écoles de pensée différentes chez les très-sachants de la druidiaction (druidecht) ; en fonction des lieux ou des époques, et aussi tout simplement du fait qu’ils encourageaient toujours les quêtes individuelles à travers la méditation et le libre examen. La fameuse quête du Graal. D’où les deux options : connaissance raisonnée ou agnosticisme… le fameux cognoscere aut ignorare de Lucain.
Notre druidiactio ne doit donc rejeter aucune des variantes en question, elle s’efforcera seulement, tout en les soulignant par moments, d’en dégager les grandes lignes (celles qui ont transcendé les siècles).
Les innombrables tentatives faites pour identifier l’apparition des Indo-Européens avec celle d’une civilisation archéologique bien caractérisée n’ont pas encore abouti à un résultat tout à fait satisfaisant.
Nous ne savons donc pas, la plupart du temps, avec certitude et de façon indubitable, à quand exactement remontent les composantes non indo-européennes du druidisme ; nous pouvons seulement présumer qu’elles remontent à la plus haute antiquité ou qu’elles se perdent dans la nuit
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des temps préhistoriques ayant précédé l’arrivée des Celtes en Europe ; car tout ce que nous pouvons écrire à ce sujet, sans peur de nous tromper, c’est que les populations celtiques appartenaient à la branche occidentale de la famille indo-européenne ; qui pénétra, en venant de l’est ou du sud-est, dans de vastes territoires habités par des populations autochtones assez bien enracinées pour y laisser des traces, parfois substantielles.
Les prêtres indo-européens, ancêtres (spirituels) des druides, ont géré du mieux qu’ils pouvaient le mariage de cette religion aryenne avec les diverses religions chamanistes préhistoriques. Le pluriel s’impose, car il n’y avait pas identité de ces différents cultes qui prônaient parfois, des voies et des chemins très différents les uns des autres (voir le texte de Strabon à propos de la prostitution sacrée de certaines femmes namnètes dans une petite île à l’embouchure de la Loire) ; mais unité seulement de leur but.
Syncrétisme riche de tensions vitales évidemment ! Dépassement dialectique des oppositions selon une médiation sociale interne à la société qui implique acquiescement, négation et dépassement, des positions opposées. Autrement dit : thèse, antithèse et synthèse.
Les prêtres celtes ont fusionné les divinités ainsi que les cultes des populations soumises par leurs princes (les Atectai) avec les divinités ou les cultes indo-européens remplissant grosso modo les mêmes fonctions (du moins d’après eux évidemment). Cette ouverture d’esprit a permis l’intégration de fractions importantes de la quatrième classe sociale, la plèbe des populations vaincues.
Cette alchimie ayant été réussie, de nombreux croyants d’origine préceltique (donc non celtes) finirent par se rallier à la bannière de la religion indo-européenne ainsi modifiée. D’où les énormes différences pouvant exister entre le druidisme antique et la religion indo-européenne primitive.
Les druides primordiaux ont joué un rôle décisif dans la fusion progressive de ces divers courants de tradition, qui s’étendit sur plus de mille ans : rôle de sélection ou de systématisation, rôle normatif ou conservateur.
Cela leur permit de commencer la synthèse d’une profusion de connaissances sur l’Homme et l’environnement, jusque-là isolées. Ils furent en effet en même temps les principaux représentants des sciences naissantes, surtout de la médecine, des mathématiques et de l’astronomie, ainsi que de la philosophie et du droit civil.
Au fur et à mesure que la synthèse druidique se mettait en place, se développaient aussi des forces centrifuges allant plus ou moins en sens contraire. Diverses tendances ou Écoles, que l’on peut presque qualifier de cultes différents, finirent assez rapidement par se constituer puis s’individualiser. Mais il s’agissait en réalité le plus souvent de divergences d’opinions très circonscrites, sur des questions d’importance secondaire, qui sont restées souvent étrangères aux adeptes laïcs, et qui le demeurent d’ailleurs toujours aux yeux des historiens actuels.
Le roi ou le vergobret respectait toutes les Écoles religieuses pouvant exister, mais se sentait bien entendu des obligations particulières envers le druidisme « commun » ou de « base ».
La religion druidique antique était en fait un collectif de nombreux cultes assez différents les uns des autres. Ce qui explique son caractère polymorphe, voire ses contradictions.
Cette diversité avait pourtant un avantage : elle permettait à chacun de choisir la voie qui lui convenait le mieux au niveau spirituel (hénothéisme).
Tel dieu n’avait pour l’un qu’une importance secondaire (Lug, Hesus, par exemple) tandis que l’autre l’adorait avec la plus profonde des dévotions comme la divinité supérieure ou presque, ou en tout cas comme le vrai Seigneur du Monde.
Ainsi que le dit si bien le principal personnage du récit intitulé « le Siège de Druim Damhghaire » (Mog Ruith) : De dhruadh, mu dhe tar gac nde. Dit autrement : « Il y a de nombreux dieux, mais mon dieu est le plus grand et il est pour moi le seul qui importe ». Les savants modernes appellent hénothéisme une telle approche du divin.
Chaque tribu ou chaque École de pensée celte avait par conséquent sa propre forme de religiosité, mais ces différents cultes étaient néanmoins tous liés les uns aux autres par des éléments de tradition commune, ou par toutes sortes d’influences mutuelles.
Ces cultes druidiques pouvaient ainsi se classer en fonction du degré d’éloignement réciproque de chacun.
C’est ainsi qu’il y a pu avoir alors coexistence féconde, estime et reconnaissances mutuelles, ainsi que mise sur un pied d’égalité entre eux, des grands cultes celtiques.
Au demeurant, il n’y avait diversité ou contradiction qu’en surface. Il ne s’agissait pas de divergences exclusives, mais bien plutôt seulement des innombrables formes d’une seule et même religiosité. Sous-jacente à toutes ces diversités ou contradictions (Lug, Hesus, Belenos, Cornunnos, les Mères, etc.) il y avait en effet unité englobante ; dans la mesure où toutes ces formes de cultes différents
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cherchaient à frayer à l’Homme, au Gdonios, un sentier vers la divinité ou l’au-delà ; quelle qu’en soit la définition donnée par les différentes Écoles de pensée druidiques en question.
Il s’agissait d’une quête de l’unité par-delà la multiplicité des mondes et des apparences.
Une bien difficile quête du Graal en réalité, qui va profondément transformer en monisme nuancé (il existe toujours des niveaux de vérité différents) le polythéisme originel du druidisme (début de la philosophie).
Que le contenu des réflexions actuelles du nouveau druidisme soit assez différent, sur certains points, du druidisme antique, n’a donc finalement guère d’importance. Les dieux ne cessent de parler aux hommes, Ogmios le premier.
Quand les temps changent, les dieux révèlent de nouveaux chemins à leur dagolitoi (à leurs fidèles), et ces modifications en surface ne sont pas gênantes si la vérité sous-jacente à ces changements de la forme extérieure reste inchangée…
Fin de cet exemple de sermon du vellède de service.
JANVIER. I atenoux RIURI.
Exemple de sermon du velléde de service.
Le druidisme selon Apulée. Les Métamorphoses. Livre III, chapitre XXVII.
En me retournant j’aperçus, à mi-hauteur du pilier qui soutenait les poutres de l’écurie et au milieu de celle-ci dans une crèche une statue de la déesse, ou fée si l’on préfère, Épona, trônant dans une chapelle que l’on avait soigneusement ornée avec des couronnes de roses toutes fraîches.
Il y avait en Irlande, à Mag Slecht (la plaine des génuflexions) une pierre levée couverte d’or et d’argent, entourée de douze autres statues de pierre garnies de cuivre.
Son nom était Crom Cruach ou Crom Cruaich.
Une autre statue de ce type (ou alors la même ?) également ornée d’or et d’argent, est évoquée dans le Martyrologe d’Oengus le Culdée.
Bien que préceltiques et prédruidiques, ces représentations de la divinité ne heurtaient pas les convictions des très-sachants de la druidiaction (druidecht), apparemment, puisque ceux-ci les ont laissées subsister.
Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) ne furent jamais iconoclastes et ils ont toujours admis l’art figuratif, y compris pour ce qui est de la religion comme le prouve l’exemple de la fresque représentant Ogmios, notre Hercule à nous, décrite par Lucien de Samosate, ou celles qui représentaient alors Épona selon Juvénal (Satire 8. Vers 155).
Les Celtes antiques estimaient important de consacrer beaucoup d’efforts à la décoration ou à l’ornementation, sans aucune exclusive, de leurs sanctuaires. Notre druidisme approuve donc toutes les formes d’art véritable, si elles sont dotées des qualités requises.
« Les statues et les tableaux qui expriment une pensée fortifient l’idéal en conduisant l’esprit vers le même but, comme les vitraux de couleur en laissant passer telle ou telle énergie de la lumière » (Henri Lizeray, la D.S.D.D).
« Les Celtes appellent Héraklès Ogmios et le représentent sous une forme singulière. On pourrait le prendre pour un Charon ou Japet des demeures souterraines du Tartare, pour tout enfin plutôt qu’Hercule. Mais tel qu’il est, il a l’aspect d’Hercule : il a une peau de lion et il tient dans sa main droite la massue ; le carquois fixé à ses épaules, la main gauche présente un arc tendu, ce sont là tous les détails caractéristiques d’Hercule.
Je croyais que c’était par haine des dieux helléniques que l’on avait pensé à un pareil outrage aux formes du dieu ; que l’on voulait se venger, par la représentation figurée, de son invasion dans ce pays, de ses rapines ; alors qu’en quête des troupeaux de Géryon, il visitait en vainqueur la plupart des pays occidentaux.
Je n’ai cependant pas révélé ce qu’il y a de plus étrange dans cette représentation.
Cet Hercule vieillissant attire un grand nombre d’hommes attachés par les oreilles, ayant pour liens des chaînes d’or et d’ambre qui ressemblent à de très beaux colliers. En dépit de leurs faibles liens, ils n’essaient pas de fuir, bien que cela leur soit facile en réalité ; loin de résister, de se raidir et de se jeter en arrière, ils suivent tous, heureux et contents, leur conducteur, le couvrant de louanges, cherchant tous à l’atteindre ; et, en voulant le devancer, desserrent la corde comme s’ils étaient surpris de se voir délivrés. Ce qui me parut le plus singulier ; je vais vous le dire. Le peintre, qui ne savait où placer le début des chaînes, car la main droite tient déjà la massue et la gauche l’arc, a
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perforé le bout de la langue et la fait tirer les hommes qui suivent ; le dieu se retourne vers eux en souriant.
À cette vue, je restai longtemps debout, regardant étonné, embarrassé et irrité.
Un Celte qui se tenait près de moi et n’était pas ignorant de notre littérature, comme c’était visible à la justesse des termes grecs dont il usait ; très versé, je pense, dans les sciences nationales, me dit : « Je vais vous donner le fin mot de l’énigme, car je vois que cette figuration vous jette dans un grand trouble. Nous autres Celtes, nous représentons l’éloquence, non comme vous, Hellènes, par Hermès, mais par Hercule, car Hercule est beaucoup plus fort.
Si on lui a donné l’apparence d’un vieillard, n’en soyez pas surpris, car seule l’éloquence arrive dans sa vieillesse à sa maturité, si toutefois les poètes disent vrai : « L’esprit des jeunes gens est flottant, mais la vieillesse s’exprime plus sagement que la jeunesse ».
C’est pour cela que le miel coule de la bouche de Nestor et que les orateurs troyens font entendre une voix fleurie de lis, car il y a bien des fleurs du nom de lis, si j’ai bonne mémoire.
Ne vous étonnez pas de voir l’éloquence, représentée sous forme humaine par un Hercule âgé, conduire de sa langue les hommes enchaînés par les oreilles ; ce n’est pas pour insulter le dieu qu’elle est percée. Je me rappelle d’ailleurs que j’ai appris chez vous des vers comiques stipulant : « Les bavards ont tous le bout de la langue percée ».
Enfin, c’est par son éloquence achevée, pensons-nous, qu’Hercule a, en fait, accompli tous ses exploits, et par la persuasion qu’il est venu à bout de presque tous les obstacles. Les discours sont pour lui des traits acérés qui volent droit au but et blessent les esprits ; vous-mêmes dites bien que les paroles sont ailées » (Lucien de Samosate. Discours, Hercule 1-7).
L’art est une sensibilité, l’essai d’exprimer la quête du sens dans un monde déchiré ou incompréhensible depuis la fin des temps hyperboréens. Artisans et artistes (Aes Dana en irlandais) ont constamment joué un rôle important dans la société celtique, mais après des siècles de présence dans le monde des arts, les païens en sont, hélas ! massivement absents aujourd’hui.
Cela est dû, bien sûr, à l’action du christianisme, qui a dépossédé le paganisme de ses prérogatives naturelles en ce domaine. Destruction des statues, des temples, des bibliothèques, lapidation des opposants et des intellectuels comme Hypathie… avec la complicité ou l’aide de la force publique, comme dans le cas du soudard pannonien connu sous le nom de saint Martin.
Or il n’y a pas de liberté possible dans le monde et dans les esprits, sans art ni sans culture. Les efforts sociopolitiques finissent tous en dictature et en aliénation, s’ils ne laissent plus de place à la poésie, aux symboles, ou au jeu.
C’est par l’art que l’homme peut prendre du recul par rapport à la réalité, donc par là, mieux réaliser les conditions de sa liberté. L’art, c’est la continuation du sacré par d’autres moyens. Et le sacré, le nemetos, c’est l’Homme.
Fin de cet exemple de sermon du vellède de service.
FÉVRIER. I divertomu Anaganti.
Exemple de sermon du vellède de service.
Le druidisme selon Lucien de Samosate. Discours, Hercule 1-7.
« Les Celtes appellent Héraklès Ogmios et le représentent sous une forme singulière. On pourrait le prendre pour un Charon ou Japet des demeures souterraines du Tartare, pour tout enfin plutôt qu’Hercule. Mais tel qu’il est, il a l’aspect d’Hercule : il a une peau de lion et il tient dans sa main droite la massue ; le carquois fixé à ses épaules, la main gauche présente un arc tendu, ce sont là tous les détails caractéristiques d’Hercule.
Je croyais que c’était par haine des dieux helléniques que l’on avait pensé à un pareil outrage aux formes du dieu ; que l’on voulait se venger, par la représentation figurée, de son invasion dans ce pays, de ses rapines ; alors qu’en quête des troupeaux de Géryon, il visitait en vainqueur la plupart des pays occidentaux.
Je n’ai cependant pas révélé ce qu’il y a de plus étrange dans cette représentation.
Cet Hercule vieillissant attire un grand nombre d’hommes attachés par les oreilles, ayant pour liens des chaînes d’or et d’ambre qui ressemblent à de très beaux colliers. En dépit de leurs faibles liens, ils n’essaient pas de fuir, bien que cela leur soit facile en réalité ; loin de résister, de se raidir et de se jeter en arrière, ils suivent tous, heureux et contents, leur conducteur, le couvrant de louanges, cherchant tous à l’atteindre ; et, en voulant le devancer, desserrent la corde comme s’ils étaient surpris de se voir délivrés. Ce qui me parut le plus singulier ; je vais vous le dire. Le peintre, qui ne savait où placer le début des chaînes, car la main droite tient déjà la massue et la gauche l’arc, a
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perforé le bout de la langue et la fait tirer les hommes qui suivent ; le dieu se retourne vers eux en souriant.
À cette vue, je restai longtemps debout, regardant étonné, embarrassé et irrité.
Un Celte qui se tenait près de moi et n’était pas ignorant de notre littérature, comme c’était visible à la justesse des termes grecs dont il usait ; très versé, je pense, dans les sciences nationales, me dit : « Je vais vous donner le fin mot de l’énigme, car je vois que cette figuration vous jette dans un grand trouble. Nous autres Celtes, nous représentons l’éloquence, non comme vous, Hellènes, par Hermès, mais par Hercule, car Hercule est beaucoup plus fort. Si on lui a donné l’apparence d’un vieillard, n’en soyez pas surpris, car seule l’éloquence arrive dans sa vieillesse à sa maturité, si toutefois les poètes disent vrai : « L’esprit des jeunes gens est flottant », mais la vieillesse « s’exprime plus sagement que la jeunesse ». C’est pour cela que le miel coule de la bouche de Nestor et que les orateurs troyens font entendre une voix fleurie de lis, car il y a bien des fleurs du nom de lis, si j’ai bonne mémoire.
Ne vous étonnez pas de voir l’éloquence, représentée sous forme humaine par un Hercule âgé, conduire de sa langue les hommes enchaînés par les oreilles ; ce n’est pas pour insulter le dieu qu’elle est percée. Je me rappelle d’ailleurs que j’ai appris chez vous des vers comiques stipulant : « Les bavards ont tous le bout de la langue percée ».
Enfin, c’est par son éloquence achevée, pensons-nous, qu’Hercule a, en fait, accompli tous ses exploits, et par la persuasion qu’il est venu à bout de presque tous les obstacles. Les discours sont pour lui des traits acérés qui volent droit au but et blessent les esprits ; vous-mêmes dites bien que les paroles sont ailées ».
Que faut-il retenir de ce récit de Lucien de Samosate ? Plusieurs choses ; tout d’abord que la mythologie druidique est tout aussi complexe que celle des Grecs ; ce n’est que notre ignorance des neuf dixièmes de sa nature qui nous la fait trouver sommaire et illogique. Ensuite il faut dans chaque témoignage tenir compte des intérêts ou de la psychologie du narrateur. Grecs et Romains ont visité la Celtie, mais Lucien et César ne cherchaient pas les mêmes informations, l’un prenait le temps de questionner, de se renseigner, l’autre ne s’intéressait qu’au potentiel militaire et aux alliances politiques.
Cela ne veut pas dire que César était mal informé ; mais la mythologie était le cadet de ses soucis et, de plus, il prenait plaisir à souligner pour ses futurs lecteurs, la barbarie, ou l’inculture des Celtes face au progrès en marche : les légions romaines.
Lucien, en tant qu’invité et hôte, bénéficiait de la sympathie instinctive de tous les intellectuels celtes devant un Grec qui, de surcroît, était un esprit curieux et ouvert.
Il est aussi important de remarquer la présence dans ce pays prétendument barbare et inculte, de personnalités capables de discuter d’égal à égal dans sa langue avec Lucien de Samosate.
Rien ne dit que cet érudit capable à la fois de citer des vers grecs et d’effectuer une brillante mythologie comparée entre Ogmios et Hercule, soit un druide ; mais la présomption est assez forte. Pour désigner son interlocuteur, Lucien utilise en effet le terme de philosophos. Philosophos n’est employé dans la phrase que comme adjectif ; mais comme substantif, c’est le mot usité généralement par les écrivains grecs pour désigner les très-sachants de la druidiaction (druidecht). Enfin, il faut noter que si le druide surclasse le Grec, il n’en profite pas pour essayer de le convertir et c’est peut-être l’enseignement le plus important de ce texte ; les dieux celtes et les dieux grecs ne s’opposent pas, tels Jésus et Mahomet, mais vivent chacun leur mythologie propre, dans leur milieu naturel, l’un pouvant emprunter l’aspect ou les caractères de l’autre sans pour autant lui être superposable… »
Quelle leçon de tolérance !
Outre le fait que Lucien de Samosate était un Grec et qu’il pensait en fonction de sa culture ou de son mode de vie, que conclure encore de ce récit ? Eh bien ceci.
Notre but est de faire comprendre ce qu’est vraiment le druidisme. Il y a deux impératifs pour cela.
Le premier, c’est de bien s’imprégner de son histoire. Beaucoup de celtisants, sincères, issus de la filiation initiatique galloise relancée par Iolo Morgannwg (98 % du néo-druidisme actuel) ; inconsciemment marqués par vingt siècles de philosophie chrétienne, ou tout simplement par l’idéologie dominante de notre époque et son politiquement correct, même si c’est plus ou moins confusément ; préfèrent nier les faits qui sont reprochés aux très-sachants de la druidiaction (druidecht), antiques, plutôt que de les reconnaître.
Or la vérité, comme souvent, est ailleurs !
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Il ne s’agit pas de nier les faits, mais de chercher à les comprendre. C’est évidemment plus facile que de les rejeter en bloc. Cela nécessite beaucoup plus de travail, obscur et anonyme, beaucoup plus d’audace et de courage aussi, loin des lauriers facilement glanés. Cela rapporte moins, mais que de trésors authentiques jaillissent alors sous la plume des aventuriers de l’esprit obstinés, se livrant à ce travail ingrat et solitaire !
Il s’agit d’un druidisme, moins à la mode que le druidisme idéal que nous venons d’évoquer ; mais qui a sur ce dernier un incontestable avantage, celui au moins d’avoir réellement existé. On ne peut pas toujours en dire autant des brillantes reconstitutions intellectuelles du néo-druidisme à la mode. Le druidisme qui sort de ses livres est trop beau pour être vrai !
L’Histoire est une science humaine, mais qui a ses règles, n’échappant nullement à la morale. C’est pourquoi il importe de méditer d’abord l’histoire du druidisme, et non les livres de fiction qui ont été publiés, en trop grand nombre, hélas, à son sujet. Quelle que soit la sincérité parfois évidente de leurs auteurs.
Il faut méditer jour et nuit les livres d’histoire écrits à son propos, en rêver presque jusqu’à en devenir druide soi-même à force d’intériorisation. Le druidisme ne doit pas être ressenti (inconsciemment) par nous, comme quelque chose d’étranger ; mais comme l’expression même de notre moi le plus profond.
Il faut notamment réussir à comprendre de l’intérieur les faits ou les idées que nous rapportent, sans toujours bien les comprendre, les historiens (les vrais).
Cessons même inconsciemment de prendre les très-sachants de la druidiaction (druidecht) pour des sauvages, primitifs et ignares, accordons-leur pour une fois le bénéfice du doute, et l’on verra que ces faits et gestes peuvent s’expliquer d’une façon tout autre.
Notre deuxième impératif est qu’il faut réussir à trouver les mots pour traduire cela dans notre langage d’hommes du XXIe siècle.
Aux Grecs, il faut parler grec !
Il s’agit là presque d’un travail de traduction. Et comme dans toute traduction, le mot-à-mot ne suffit pas. Ça, c’est du travail d’historien. Il faut savoir parfois s’écarter du modèle afin de restituer la poésie et la force de l’original, sans toutefois le trahir. Il faut savoir se mettre dans la peau d’un très-sachant de la druidiaction d’il y a deux mille cinq cents ans ; certes, mais il faut savoir aussi se mettre dans la peau d’un homme du XXIe siècle.
Il faut trouver les mots requis et à force « d’erreurs » dans le détail, arriver à faire comprendre à nos contemporains la vérité profonde de cette grande religion aujourd’hui submergée. Il ne s’agit pas de restituer dans son intégralité passée ce que fut le druidisme antique, ça, c’est du travail d’historien ; cela laisse presque tout le monde indifférent, à part une poignée de spécialistes.
Il s’agit de faire renaître les grands principes fondateurs du druidisme antique, et, au-delà des questions de forme ou de détails, de les faire littéralement se réincarner en notre époque. Autrement dit, garder l’Histoire, mais en actualiser l’esprit, en fonction de notre temps. Notre but n’est pas l’Histoire pour l’Histoire ; mais la réactualisation des principes druidiques qui peuvent encore aujourd’hui, et plus que jamais peut-être, nous aider à vivre, que ce soit ensemble ou individuellement.
Beaucoup de choses ont été écrites sur le druidisme, et notamment beaucoup d’âneries, toutes plus aberrantes les unes que les autres. Il importe aujourd’hui de rectifier ces erreurs consternantes, afin que nos compatriotes sachent enfin ce que fut vraiment cette grande religion injustement condamnée par le vent de l’Histoire.
Il faut repenser l’ancien druidisme en fonction de la civilisation moderne, c’est-à-dire réinterpréter les demandes du monde d’aujourd’hui pour montrer comment elles peuvent être païennes ou plus exactement druidiques.
Reconstruire un modèle synthétique du druidisme dans les catégories culturelles actuelles. Il nous faut une druidiactio offensive, ouverte, audacieuse, qui ne se replie pas dans de pseudotraditions vieilles de 4 ou 5 siècles à peine ; mais qui aborde franchement les questions nouvelles, et qui ne craigne pas de faire l’autocritique du druidisme lui-même ; sans tomber pour autant dans les excès de l’autodétestation masochiste et suicidaire, si caractéristique de l’Occident d’aujourd’hui.
Pour cela, il faut tenir compte des connaissances scientifiques les plus récentes, qui sont fondamentales comme critère de la vérité.
Le savoir druidique doit être, non pas la totale connaissance de soi et du monde (personne ne peut tout savoir), mais la meilleure clé de toute compréhension de soi-même et du monde, à tous les niveaux.
Bref ! Il faut d’abord apprendre à connaître le druidisme de l’intérieur (se mettre dans la peau d’un très sachant de la druidiaction d’il y a deux mille cinq cents ans avons-nous dit) pour bien en parler, pour être capable de bien l’expliquer. Donc, lire, lire et relire… les bons ouvrages à son sujet. L’initiation « magique » ne suffisant pas !
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Pour bien expliquer le druidisme, il faut en parler aux gens dans leur langue. Par exemple, parler du druidisme aux hommes du XXIe siècle avec des mots du XXIe siècle, et surtout avec des exemples actuels (naturels, psychologiques, moraux) faciles à transposer dans le passé.
En vérité, nous le disons, regardez donc notre foi avec les yeux de ce philosophe dont parle Lucien et puis essayez de la comprendre de l’intérieur au lieu de la condamner bêtement.
Mais surtout, sachez parler le langage de nos contemporains pour l’expliquer ou la faire comprendre.
Aux Grecs parlez le grec pour le dire, aux Romains le latin, aux Juifs l’hébreu, aux Chinois le mandarin.
Comme le disait lui-même le très chrétien Jean de Damas dit Jean damascène : « Selon les conseils du divin apôtre : Éprouvant tout, retenez ce qui est bon » (1 Thess. 5.21) nous devons recourir aux discours des Sages du dehors, car tout artisan a besoin de certains moyens pour mener son entreprise à terme. Mais il convient que les servantes soient soumises à la Reine. Nous recueillons donc les raisonnements qui servent à la Vérité, mais nous rejetons l’impiété mauvaise qui exerce sur eux sa tyrannie » (Chapitres philosophiques 9).
Comme le dit en outre Solin, cité par Henri Lizeray dans sa D.S.D.D. à qui nous laisserons le mot de la fin : « La théologie païenne doit être interprétée avec largeur de vues ».
Fin de cet exemple de sermon du vellède de service.
FÉVRIER. I atenoux Anaganti.
Exemple de sermon du vellède de service.
Le druidisme selon Cicéron. Pro M. Fonteio. XIII-XIV, 30-31.
« Les autres peuples soutiennent des guerres pour leur religion, eux, ils le font contre les religions de tous les autres hommes. Les autres hommes conduisent des guerres pour obtenir la paix ainsi que la faveur des dieux immortels, eux, c’est aux dieux immortels mêmes qu’ils s’attaquent ».
Ce que nous rapporte là Cicéron est bien entendu à remettre dans son contexte. Cicéron était ce que l’on appellerait aujourd’hui un avocat « marron » et sa plaidoirie en faveur de Fonteius est proprement scandaleuse.
La société celtique, bien que baignant toute entière dans le divin, était néanmoins effectivement d’esprit laïc, car fondée sur une très nette distinction entre le croire et le savoir, entre le rôle du roi et celui de ses druides.
Les anciens très-sachants de la druidiaction (druidecht) n’étaient pas tous d’ailleurs des prêtres au sens strict du terme. Ils étaient surtout d’abord et avant tout historiens, poètes, docteurs, architectes, juristes, linguistes, ou autres. Bref, c’étaient les intellectuels de l’époque, et seule une petite minorité d’entre eux se consacrait à la religion.
Il ne convient pas aux druides d’aujourd’hui, aux druides du nouveau druidisme, de pencher plus en faveur du courant qui fut jadis animé par des traditionalistes comme Celtillos, Orgetorix, Casticos, et qui prône un équilibre des pouvoirs analogue à celui qui est décrit par roi des Belges de la région de Tongres, nommé Ambiorix ; puisque telle était en effet la nature de son autorité, que le peuple n’avait pas moins de pouvoir sur lui que lui sur le peuple (César. B. G. V, 27). Pas plus que de vous demander d’adopter un style de gouvernement de type république oligarchique dirigée par un vergobret.
Le vergobret était un personnage de la société celtique qui possédait la magistrature suprême dans de nombreuses tribus-États celtiques continentales, particulièrement les Éduens. César nous renseigne sur son rôle à plusieurs reprises dans ses Commentaires en le désignant sous les termes de princeps civitatis, principatus, magistratus.
César en effet nous apprend que certaines tribus ou confédérations de tribus étaient dirigées par un vergobret, par opposition à d’autres, gouvernées par un roi. Cette opposition est très nette. Il semble que les cités gouvernées par un vergobret partageaient avec les Romains d’époque républicaine, une même aversion à l’égard des monarchies. Dans les tribus en question, cette aversion était telle que toute personne aspirant à la royauté chez eux était passible de la peine de mort.
Cette aversion a son explication dans l’effondrement de l’empire arverne quelques décennies plus tôt. À la chute de l’empire de Bituit, certaines tribus choisirent en effet de s’allier avec Rome. À l’époque de César, on retrouve donc ces mêmes tribus-États proromaines placées sous un régime
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oligarchique. Chez les Éduens, les Rèmes et les Arvernes, il est tout à fait plausible que ce régime ait été installé immédiatement après la défaite de Bituit. Cette révolution politique ne s’est pas imposée partout, ou du moins pas simultanément.
Élu chaque année, le vergobret possédait le droit de vie et de mort, celui de commander l’armée pour une action défensive. Il lui était cependant interdit de quitter les limites du territoire de son peuple : les lois des Éduens interdisaient à ceux qui géraient la magistrature suprême de franchir les frontières. Il ne pouvait donc commander l’armée en dehors des frontières, ce qui obligeait à nommer un général et permettait d’éviter qu’il n’accapare le pouvoir au-delà de la durée de son mandat.
Le vergobret apparemment était choisi parmi les personnages les plus puissants et l’on a retrouvé des monnaies à leur effigie chez les Éduens (un statère à l’effigie de Dumnorix par exemple ?) et les Rèmes.
Quelques noms de vergobrets nous sont parvenus : Liscos (en 58), Valétiacos (en 53), Convictolitavis (en 52) chez les Éduens ; Celtillos (?) chez les Arvernes.
Pour les Lémovices, un nom est probable : Sedullos, tué lors du siège d’Alésia, est dit dux et princeps lemovicum, « chef militaire et civil », ce qui correspond probablement au titre de vergobret.
La présence des druides [ainsi définis, puisqu’il s’agit seulement de spécialistes comme nous venons de le voir] pallie seulement l’absence de ministres ou de gouvernement constitué. Il existe toute une littérature des « enseignements » ou préceptes destinés au candidat-roi, ou au roi qui vient d’être élu, pour lui rappeler l’idéal du bon gouvernement. Nous en dirons deux mots dans notre essai N° 25.
Nous le disons et le redisons néanmoins avec la certitude des choses sûres, en dehors du cas des vergobrets, l’État, la res publica celtique, c’était la royauté. Le roi était, en droit et en fait, de facto et de jure, le seul personnage politique ou militaire doté d’une autorité réelle et durable sur l’ensemble d’un territoire donné.
Mais le roi ne gouvernait pas seul. Il était assisté de druides [au sens non religieux du terme puisqu’il s’agissait seulement de savants] dont il n’est pas difficile, par l’examen des textes, de dresser la liste des spécialisations.
Sencha : historien, antiquaire, généalogiste, panégyriste. Brithem : juge, juriste, arbitre, et ainsi de suite.
Se reporter néanmoins par exemple aux conseils donnés par le Hesus/Chien de Culann à son fils adoptif Lugaid aux raies rouges.
Ce système établissait et garantissait même l’autonomie des pouvoirs publics (du roi) par rapport aux influences confessionnelles ou sectaires.
— Pouvoir temporel.
— Prospérité et intégrité du royaume.
— Administration de la société.
— Justice.
— Maintien de l’équilibre et de la cohérence sociale.
Il y avait avant tout distinction de l’autorité spirituelle et du pouvoir temporel. C’était la seule distinction qui importait à l’époque et, pourvu qu’elle soit faite, il était indifférent que les pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif ; ne soient pas confiés à des corps séparés. Il était indifférent aussi que le religieux, le politique et l’économique, soient conjoints (mais non confondus) dans le temps et dans l’espace.
Il y a eu en effet, dans la société celtique antique, et par rapport aux temps néolithiques des rois-prêtres ou sorciers (voir le cas du nemet Cornunnos) dissociation progressive du religieux et du légal ; le druidisme antique se situe en effet à l’opposé de toute théocratie et il n’a jamais imposé dans ce domaine la moindre obligation à qui que ce soit.
Exemples.
La conception druidique du mariage encourageait la monogamie, mais elle admettait aussi la polygamie (par exemple en Grande-Bretagne). Idem pour les funérailles. Le druidisme admettait à égalité l’inhumation et l’incinération, le seul problème étant alors celui de la dispersion des cendres (urnes funéraires ou pas ?) Autre exemple : pas de peine de mort officielle obligatoire dans le druidisme (seulement des compensations financières), mais acceptation des « vengeances »
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individuelles si nécessaire pour ramener le calme. Toujours possible effectivement quand la famille du coupable comprend bien qu’il y a renforcement du paganisme si une mauvaise action est vengée – Senchus Mor, pages 8-9 du pseudoprologue historique – Intud i ngeindtleacht gnim olc mad indechur ; et comme le disait la reine Boadicée en personne : « Les dieux sont favorables à une juste vengeance » (en Latin : Adesse tamen deos justae vindictae).
Pas d’interdits alimentaires non plus, mais seulement des prescriptions gastronomiques, des buadha, pour certains jours (présence à table de viande de porc, ou de bière). Et ainsi de suite ! On peut multiplier les exemples à l’infini.
Pas de contrainte donc, en matière de druidisme. En présence d’un pluralisme de convictions ou de difficultés, qui pouvaient se manifester sur le plan personnel, familial, social ou politique, le druidisme antique offrait la possibilité de pratiques différentes, que chacun pouvait choisir en toute liberté sans culpabilisation inutile.
Conclusion.
Cette très nette distinction des rôles entre les druides les rois et les vergobrets, constitue encore la meilleure chance d’avenir et de cohésion civique de la Société, à condition d’en respecter l’esprit.
Les religions monolâtres, elles, veulent toujours imposer à tous, pratiquants ou non, une législation découlant de leurs normes éthiques particulières. Cela fut vrai pour les Parabolans du Christianisme comme ceux à l’origine de la mort par lapidation de la belle et malheureuse Hypatie d’Alexandrie si l’on en croit l’enseignement de notre grand druide d’Irlande John Toland. Et l’histoire va se répéter si nous n’y prenons pas garde. Tout est écrit dans les livres il faut les lire, qu’ils soient écrits en caractères grecs latins celtibères ou lépontiques il faut savoir les lire !
Au moment où s’intensifient au sein de notre pays les revendications de nouvelles communautés religieuses prosélytes et revendicatrices de privilèges, le renforcement de la distinction entre le rôle du roi et celui des druides d’aujourd’hui est donc une nécessité.
Rien ne saurait justifier un retour en arrière, même partiel. Bien au contraire, c’est même à un renforcement de cette distinction et de cette autonomie qu’il faut procéder, afin d’assurer pour l’avenir commun et notre vivre ensemble futur, des modalités de vie civique et sociale harmonieuses.
Or, au fil des décennies, de nouvelles forces politico-religieuses héritières légitimes ou pas de celles qui ont fermé en 529 les écoles athéniennes dignes héritières des inventeurs de la machine d’Anticythère ; ont multiplié les attaques contre l’esprit et le contenu du principe de séparation entre le roi et ses druides (entre l’État et la religion) avec comme résultat les catastrophes suivantes.
— Subventions publiques directes ou indirectes, à des associations religieuses déguisées en associations caritatives ou culturelles.
— Port de signes extérieurs et ostentatoires d’appartenance religieuse dans l’espace public.
— Guerre culturelle à la Gramsci sur Internet et Wikipédia ou dans l’enseignement.
— Multiplication des actions en justice.
— Menaces de mort sur les réseaux sociaux.
— Tentatives plus ou moins réussies de séparer les genres ou de ne pas manger la même chose que les autres comme dans le cas des chrétiens de Corinthe au premier siècle de leur ère ; alors qu’il est évident qu’il ne saurait y avoir de nourriture impure quand on est un esprit fort et qu’on peut sans crainte pour l’épanouissement futur de son âme/esprit manger des idolothytes. Les affres de Paul de Tarse à ce sujet font bien rire un druidisant.
Tous ces débats politiques sont absolument contraires à l’esprit du principe de distinction absolue entre le rôle du roi et celui des druides. Il faut mettre le roi et les services publics à l’abri des empiètements confessionnels.
Rappelons encore une fois en deux mots le bon réflexe en ce domaine : c’est le roi ou le vergobret qui doit toujours avoir le dernier mot.
« C’était un des interdits des Ulates que de parler avant leur roi, mais c’était un des interdits du roi que de parler avant ses druides (variante de la « Mesca Ulad » ou « Ivresse des Ulates »).
Le mot préséance est dépourvu de toute signification dans le contexte des rapports du roi et du druide. Le très-sachant de la druidiaction (druidecht) parle avant le roi, ès qualités, mais il doit au roi le conseil.
César ne semble pas non plus avoir bien compris l’attitude des très-sachants de la druidiaction (druidecht) par rapport à ce qu’il nomme la regia potestas ; spéculation doctrinale qui, du reste, ne devait guère intéresser un général préoccupé par des problèmes politiques ou militaires immédiats et complexes. Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) ne s’attribuent jamais la fonction royale. Le druide conseille et le monarque agit : l’autorité spirituelle n’a jamais prétendu (sauf dans le malheureux contre-exemple d’un cas exceptionnel, celui du druide irlandais Nédé) à l’exercice du pouvoir temporel, et le druide ne donne aucun ordre. Ce ne sont pas les très-sachants de la
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druidiaction (druidecht) qui choisissent le roi, mais les guerriers [par contre, hélas, dans ce qui allait devenir la France, il semble qu’ils aient participé à l’élection des vergobrets].
Le nom du roi en italo-celtique rix (irlandais ri, génitif rig, vieux-gallois et vieux-breton ri) ne sert pas lui-même à désigner une notion religieuse ; mais uniquement la fonction régulatrice envisagée du point de vue de la société, c’est-à-dire qu’elle ne comporte aucun principe religieux, si le très-sachant de la druidiaction (druidecht) n’est pas là pour le représenter.
Le druide oublie rarement qu’il est au service du roi. Le roi le sait et en use très librement. On ne pourrait citer qu’un nombre très restreint de roi-druides ou de druide-rois [N.D.L.R. Le roi-prêtre ou sorcier Comunnos, appelé Nemet en Irlande, étant préceltique].
Il est cependant un druide – et non un guerrier – le Nede mentionné plus haut, qui termine tragiquement ses jours. Il est mythique, bien sûr, mais il n’importe ; et il est caractéristique de l’interprétation celtique de la Souveraineté que sa faute capitale, triple au demeurant, ne soit ni la démesure ni l’ignorance, ni même la soif ou l’appétit de puissance ; mais le fait de s’emparer du pouvoir royal. Ce file (ou druide) commet successivement trois fautes graves.
1 – Au niveau de la première fonction sacerdotale : il prononce une satire injuste et il abuse ainsi de son sacerdoce en réclamant au roi un poignard que ce dernier ne peut lui donner sans violer un interdit.
2 – Au niveau de la deuxième fonction guerrière (et royale) : il usurpe la souveraineté civile. L’usurpation est aggravée dans notre histoire par la poursuite et la mort du roi : déchu physiquement par les ulcères, il meurt de honte.
Le châtiment du druide sera donc symboliquement exemplaire. Il est tué par un éclat de la roche qui explose et brûle pour le punir de la mort du roi qu’il a injustement satirisé…
Si, sur le plan historique en Irlande, le très-sachant de la druidiaction (druidecht) s’était considéré comme supérieur au roi, c’est sa place qu’il aurait prise et qu’auraient gardée ses successeurs chrétiens ; et l’organisation politique de l’Irlande médiévale aurait été toute différente, plus théocratique que militaire. Comme au Tibet. Or nous n’avons aucune trace d’une quelconque absorption de la classe guerrière par la classe sacerdotale analogue à la brahmanisation des kshatryas indiens.
Bref, les très-sachants de la druidiaction (druidecht) ne sont pas des fonctionnaires à proprement parler, mais ce sont des spécialistes qui aident le monarque à gouverner. Le roi n’est pas tenu de suivre les conseils du très-sachant de la druidiaction (druidecht), mais le druide doit le conseil au roi. Un roi ne peut pas devenir druide et, inversement, un druide ne peut pas prétendre au nom ou à la dignité de roi. Seule exception Nede en Irlande.
Certains des propos actuels sur la laïcité rappellent étrangement les interminables révoltes des Celtes, notamment des Belges, contre les dieux (voir « le Livre des Conquêtes » irlandais avec ses furieux combats entre dieux de la déesse ou fée Danu (bia) et Gaulois Fir Bolg).
Notre sens critique doit rester en éveil et une révolte secrète doit se mêler à toutes nos affirmations ou à toutes nos pensées ! Si Dieu lui-même se dressait, visible à toutes les multitudes [N.D.L.R : cas des dieux de la déesse ou fée Danu (bia) dans le « Livre des Conquêtes » irlandais justement] ; le premier devoir de l’Homme serait de lui refuser l’obéissance et de le considérer comme l’égal que l’on rencontre et avec lequel on discute [N.D.L.R : cas des Gaulois Fir Bolg dans le « Livre des Conquêtes » irlandais] ; mais non pas comme le Maître que l’on subit. Voilà ce que sont la grandeur et la beauté de notre enseignement.
De notre enseignement… druidique, pourrait-on ajouter. Car finalement ce que disent les vellèdes ayant composé le « Livre des Conquêtes », avec des accents laïcs avant la lettre, ce n’est pas autre chose.
Fin de cet exemple de sermon du vellède de service.
MARS. I divertomu Ogroni.
Exemple de sermon du vellède de service.
Le druidisme selon Lucain. La Pharsale I, vers 452.
« À vous seuls il appartient de connaître ou de les ignorer, les dieux et les puissances célestes ».
Ce que nous rapporte là Lucain est donc très clair. Pour les très-sachants de la druidiaction (druidecht), antiques, ce qui se passe dans notre monde, ressemble à un grand jeu dont seules les règles étaient fixées dès le début.
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On ne saurait mieux définir l’action du Destin ou Tokad e (moyen gallois tynghed, breton tonket, destiné, vieil irlandais tocad, destin, toicthech « fortunatus », tonquedec en breton. Le labarum est son messager) qui se comporte plus comme un deus otiosus en général, que tel un tyran totalitaire style dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.
N’oublions pas aussi cet autre grand acquis de la pensée druidique la plus authentique : les dieux se sont retirés de ce monde (après la bataille pour la Talantio ou pour Rosemartha) et ils n’interviennent donc plus constamment. Leurs interventions sont devenues exceptionnelles. Nature et histoire forment désormais un tout continu avec ses lois propres. C’est ce que l’on appelle l’occultation des dieux. Les Romains, eux, plus timidement, parlent de Pax deorum.
Condition nécessaire à toute pensée scientifique comme l’avait bien vu Plotin, dont la philosophie n’est jamais qu’un polythéisme épuré (mais non radicalement nié).
Le plus grand mal de notre temps est que la Science et la Religion y apparaissent comme deux sœurs ennemies presque irréductibles. Mal intellectuel d’autant plus pernicieux qu’il vient de haut et s’infiltre sourdement, mais sûrement, dans tous les esprits, comme un poison subtil que l’on respire dans l’air. Un poisson pourrit toujours en commençant par la tête. Or, tout manquement de l’intelligence devient à la longue un mal de l’âme ou de l’esprit, et donc par la suite un mal social.
Tant que le christianisme ne fit qu’affirmer naïvement la croyance chrétienne, il put constituer une grande force morale. Tant que la science expérimentale, ouvertement reconstituée au XVIe siècle, ne fit que revendiquer les droits légitimes de la raison et sa liberté sans limites, elle fut la plus grande des forces intellectuelles. Elle a renouvelé la face du monde, affranchi l’Homme des chaînes séculaires et fourni à l’esprit humain des bases indestructibles.
Mais depuis que le christianisme et l’islam, ne pouvant plus prouver leurs dogmes primaires, face aux objections de la science, s’y sont enfermés comme dans une maison sans fenêtre, opposant la croyance à la raison comme un commandement absolu et indiscutable ; depuis que la Science, enivrée de ses découvertes dans le monde physique, faisant abstraction du monde psychique et intellectuel, est devenue matérialiste dans ses principes comme dans sa fin ; depuis que la Philosophie, désorientée ou impuissante entre les deux, a en quelque sorte abdiqué ses droits, pour tomber dans un scepticisme sans fond, une scission s’est opérée dans l’âme ou l’esprit de la société comme dans celle des individus. Ce conflit, d’abord nécessaire et utile, puisqu’il a établi les droits de la Raison et de la Science, a fini par devenir une cause d’impuissance et de dessèchement. La Religion répond aux besoins du cœur, de là sa magie invincible ; la Science à ceux de l’esprit, de là sa force immémoriale. Mais depuis longtemps, ces deux puissances ne savent plus s’entendre. La religion sans preuve et la Science sans espoir sont debout, l’une en face de l’autre et se défient, sans pouvoir se vaincre. Déshabituée des horizons éternels, une grande partie de la jeunesse a versé dans ce que ses nouveaux maîtres appellent «…» [N.D.L.R : mettre ici, au choix, tout ce qui est considéré actuellement comme intelligent et gentil…] dégradant ainsi le beau nom de Nature. Car ce qu’ils décorent de ces vocables n’est que la peinture complaisante de nos platitudes sociales, en un mot, la négation systématique de l’âme et de l’esprit.
Or la vérité sans sophisme était toute autre chose pour les sages et les théosophes de l’Antique Occident. Ils savaient sans doute qu’on ne peut l’embrasser ou l’équilibrer sans une connaissance minimale du monde physique ; mais ils savaient aussi qu’elle réside avant tout en nous-mêmes, dans les principes intellectuels, et dans ceux de la vie spirituelle de l’âme/esprit. Pour eux, l’âme était la seule divine réalité clé de l’univers. En ramassant leur volonté à son centre, en développant ses facultés latentes, ils atteignaient à ce foyer vivant qu’ils nommaient le Destin (moyen gallois tynghed, breton tonket, destiné, vieil irlandais tocad, destin, toicthech « fortunatus », tonquedec en breton. Le labarum est son signe) dont l’énergie rayonnant dans la matière (le Graal) fait comprendre les hommes et les êtres. Pour eux, ce que nous nommons le Progrès, c’est-à-dire l’histoire du monde et des hommes, n’était que l’évolution dans le temps et dans l’espace, de cette Cause centrale et de cette Fin dernière.
Vous croyez peut-être que ces théosophes furent de purs contemplatifs, des rêveurs impuissants, des ermites perchés sur leurs colonnes comme Syméon le stylite. Erreur ! Le monde n’a pas connu de plus grands hommes d’action. Ils brillent comme des étoiles de première grandeur dans le ciel des âmes. Ils s’appellent Abaris, Olenos, Ambicatus, Momoros, Mariccus… Ce furent de puissants cultivateurs d’esprit, de formidables mouleurs d’âme/esprits, de salutaires organisateurs de sociétés. Ne vivant que pour leurs idées, toujours prêts à mourir, et sachant que la mort pour la Vérité, c’est l’action efficace suprême.
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César : « Ils discutent et transmettent à la jeunesse beaucoup d’éléments concernant les étoiles et leurs mouvements, l’étendue de ce monde et de notre terre, la nature des choses, le pouvoir et la majesté des dieux immortels ».
La théosophie antique professée par les très-sachants de la druidiaction (druidecht), constituait une véritable encyclopédie, divisée en quatre catégories généralement.
— La théogonie ou science des principes absolus, identique à la science des nombres appliquée à l’univers (les mathématiques sacrées).
— La cosmogonie, réalisation des principes éternels dans l’espace et dans le temps, ou involution de l’âme dans la matière (les périodes du Monde).
— La Psychologie ; constitution de l’Homme ; et aussi évolution de l’âme (anatiomaros ou bacuceus, voire seboddu/seibaros).
— La Physique, science des règnes de la nature terrestre et de ses propriétés.
Le raisonnement inductif et la méthode expérimentale se combinaient, se contrôlaient mutuellement dans ces divers ordres de sciences, et à chacune d’elles correspondait un art. C’étaient, en les prenant dans l’ordre inverse, et en commençant par les sciences physiques…
1 Une médecine particulière fondée sur la connaissance des propriétés des minéraux comme la mystérieuse pierre qu’ils trouvaient dans la tête d’un des poissons de l’Arar (de la Saône en France, cf. le Pseudo-Plutarque), des plantes et des animaux.
2 Les arts correspondant aux forces de l’âme/esprit : psychanalyse et psychiatrie.
3 La théurgie, l’art suprême, aussi rare que périlleux et difficile, de mettre l’âme/esprit en rapport conscient avec les divers ordres d’entités non humaines surhumaines.
On le voit, sciences et arts, tout se tenait dans ce druidisme antique et découlait d’un même principe que l’on peut appeler en langage moderne le spiritualisme évolutif et transcendant, le spiritualisme athée. On peut formuler comme suit les principes essentiels de ce druidisme antique : l’âme est la réalité première. La matière n’est que son expression changeante, éphémère, son dynamisme dans l’espace et le temps.
La création est continue comme la vie.
L’Homme qui résume et couronne la série des êtres, révèle toute la pensée divine du Destin ou Tokad. Condensant toute la nature dans son corps, il la domine et s’élève au-dessus d’elle, pour entrer par sa conscience et par sa relative liberté dans le royaume infini de l’Âme/Esprit.
On entend ici et là parler des études et des constatations médicales de ce siècle sur le magnétisme animal, sur le somnambulisme ; et sur tous les états de l’âme différents de la veille, du sommeil lucide à l’extase, en passant par la double vue. La science moderne n’a fait encore que tâtonner dans ce domaine, où la science des très-sachants de la druidiaction (druidecht), antiques, avait su s’orienter, parce qu’elle en possédait les principes et les clés nécessaires.
L’art de créer ou de former les âmes s’est perdu ; et ne sera retrouvé que lorsque la Science et la Religion, refondues en une force vivante, s’y appliqueront ensemble et d’un commun accord ; pour le plus grand bien de l’Humanité.
Ce temps de régénération intellectuelle et de transformation sociale viendra, nous en sommes sûrs. Déjà des présages certains l’annoncent. Quand la Science saura, la Religion pourra. Mais en attendant, que faire en ce siècle qui ressemble à la descente dans un gouffre, un soir d’orage, alors que le début du monde celtique antique avait semblé une montée vers de libres sommets un beau matin d’été ? La Foi, la foi celte capable de jeter des montagnes sur les Andernas ou les Fomore et d’en faire rouler à terre les sommets, est le courage de l’esprit qui s’élance en avant, sûr de trouver la vérité. Cette foi-là n’est pas l’ennemie de la Raison, mais son flambeau ».
Fin de cet exemple de sermon du vellède de service.
MARS. I atenoux Ogroni.
Exemple de sermon du vellède de service.
Le druidisme selon les premiers commentateurs de Lucain.
Commentaire nº 1 des vers 454 à 458 du Livre I de Lucain.
« Ils ne disent pas que les Mânes existent ». « Manes esse, non dicunt ».
Commentaire nº 2 des vers 454 à 458 du Livre I de Lucain.
« Les druides nient que les âmes puissent périr ou aller en Enfer ». « Driadae negant interire animas aut contagione inferorum adfici ».
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« Le défunt, ils le brûlent avec ses serviteurs et ses chevaux, et beaucoup de son mobilier, afin qu’il puisse s’en servir encore ; c’est pourquoi ils marchent courageusement au combat et ne ménagent pas leur vie comme s’ils allaient la recouvrer dans une autre partie de l’univers ». « Qui enim defunctis equos servosque et multam suppellectilem comburant quibus uti possint, inde animosi in proelia exeunt ne vitae suae parcunt, taniquam eam dem reperituri in alio naturae secessu ».
Ce que nous rapportent ces commentaires anonymes de Lucain, trouvés à Berne en Suisse, est très clair.
L’enfer éternel était inconcevable pour les très-sachants de la druidiaction (druidecht), antiques. Leur indulgence envers les faiblesses humaines était sans limites.
Le point N° 25 de la petite liste annexée au concile de Leptines en 743 sous le titre latin d’indiculus superstitionum et paganiarum (évidemment, il s’agit de condamner ou dénigrer tout cela) ; va d’ailleurs clairement dans ce sens : il évoque le fait d’imaginer que tout défunt est saint.
Et en 851, Jean Scot Érigène a aussi noté dans son « De la prédestination » : Dieu ne prévoit ni peines ni péchés, ce sont des fictions. Pour Érigène également, donc, l’enfer n’existe pas, ou alors il l’appelle le remords.
L’édifiante invention chrétienne du Siaburcharpat Con Culaind ou Char féerique du Chien de Culann [voir la coutume continentale des tombes à chars] un texte du Lebor na hUidre datant du XIIe siècle (saint Patrice sauvant Cuchulain de l’Enfer) ; n’invente qu’à moitié, car cet apocryphe repose en fait sur les rapports entre le Hesus/Chien de Culann et l’idée druidique que l’enfer n’existe pas.
Et comme dans le cas de la légende d’Étain (voir sa version christianisée, le texte intitulé la Nourriture de la Maison des deux seaux à lait) ; les moines irlandais en l’occurrence ont dû simplement détourner de son contexte initial [en y insérant saint Patrice, etc.] une tradition païenne déjà existante ; ils nous présentent Cuchulainn comme ayant triomphé des Enfers.
On a trouvé en Europe continentale de nombreuses tombes datant du IVe siècle avant notre ère, où le char de guerre du défunt a été enterré avec le mort, sans doute afin que ce dernier puisse s’en servir dans l’au-delà.
Les poèmes gaéliques évoquant le Chien de Culann s’élevant après sa mort au-dessus d’Emain Macha dans un char féerique (Siaburcharpat/Soïbrocarpanton) ; ne sont donc que le développement littéraire de cette idée celtique ancienne, sur la vie des morts dans l’au-delà.
La sanction morale n’apparaît pas dans la conception païenne de l’Élysée celtique. Cet Élysée, terre de bonheur, de jeunesse et d’immortalité, s’avère situé tantôt dans une ou plusieurs îles lointaines, vers l’Occident, tantôt sous terre, dans le royaume des fées, tantôt sous les vagues de l’océan. Quelle que soit sa localisation, cette région reçoit les noms les plus riants : Terre de jeunesse, Terre des vivants, Terre promise, Grande plaine, Plaine joyeuse. Les paysages y sont admirables, les arbres et les oiseaux merveilleux. On y entend une musique enchanteresse ; on s’y nourrit de mets succulents et quasiment inépuisables. L’esprit et les sens y sont pareillement rassasiés. Ce n’est pas là, comme certains le croient, un séjour pour les morts comparable à l’Hadès des Grecs. C’est au contraire le pays des dieux, des fées, des immortels, et cette participation des humains à la vie des dieux n’apparaît pas, nous le répétons, comme la récompense d’une vie terrestre remplie de bonnes œuvres. L’eschatologie de ces textes en Irlande est dénuée de toute signification éthique.
Fin de cet exemple de sermon du vellède de service.
AVRIL. I divertomu Cuti.
Exemple de sermon du vellède de service.
Le druidisme selon Cailte/Caletios, un des derniers Fénianes irlandais.
« La vérité dans le cœur, la force dans le bras et l’art de bien parler ».
Cette triade consignée dans l’Acallam na Senorach et placée dans la bouche du dernier des Fénianes lors de sa rencontre avec saint Patrice, est très claire.
La force dans les bras, mais aussi la vérité dans le cœur et le bien parler. « Argute loqui » aurait pu dire de son côté Caton l’Ancien.
En Irlande le nom par lequel on désignait un confident mérite d’être noté. On l’appelait…
— Soit anmchara (vieux celtique anamocaros), ce qui signifie « ami de l’âme ». Un homme sans anmchara, disait Comgall de Bangor, le maître de Colomban de Bobbio, est comme un corps sans tête.
— Soit liaig, ce qui veut dire littéralement « médecin » [des âmes ?].
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Il s’ensuit une participation active, pleine et entière, du corps et de la matière, d’une façon générale, à la vie de l’âme/esprit.
L’évolution humaine, parallèle et concomitante à l’évolution du Bitos ou de l’Univers, passe par l’exploitation commune du corps et de l’esprit. Les très-sachants de la druidiaction (druidecht), antiques, se sont en effet toujours efforcés de soigner les esprits aussi bien que les corps et réciproquement. L’idéal pour eux en effet, c’était la santé physique (ils furent d’ailleurs de remarquables médecins), mais aussi la santé morale, autrement dit un esprit droit, sincère, et véridique.
Les très-sachants de la druidiaction (druidecht), antiques, étaient non des confesseurs administrant un sacrement, mais des conseillers spirituels, des « amis de l’âme/esprit » ou des « médecins de l’âme/esprit » ; et c’est en privé que l’on venait se confier à eux pour leur demander conseil, spontanément, librement.
La grande innovation du christianisme ultérieur a été d’en faire une obligation pour qui veut sauver son âme.
Ce qui changeait tout et a conféré aux prêtres catholiques un incroyable et terrifiant pouvoir, celui d’absoudre, ou pas. Chose que les très-sachants de la druidiaction (druidecht), antiques, ignoraient totalement ; eux qui étaient de vrais « amis de l’âme/esprit » c’est-à-dire de simples conseillers spirituels (anamocaros).
La confession auriculaire, aujourd’hui de règle dans toute la catholicité, s’avère d’origine celtique.
Sur le Continent à la même époque, les pénitences chrétiennes étaient publiques et suivies d’une réconciliation solennelle. La pratique chrétienne celtique de la confession auriculaire fut surtout monastique au départ et venait donc sans doute (à l’origine) d’une très ancienne pratique druidique ; la confiance accordée à l’anamchara (l’ami de l’âme) irlandais, ou au periglor gallois, par ses élèves.
C’était une des conditions indispensables au progrès dans la voie choisie, mais les laïcs pouvaient, eux aussi, évidemment, avoir recours à cette médecine de l’âme/esprit du druide de type anamocaros. En cas de faute contre l’éthique de sa fonction, le druide anamocaros demandait alors le plus souvent au coupable de réparer ses torts, et la compensation était évidemment proportionnelle au dommage causé. Tout était prévu par la coutume.
Ces lois non écrites à l’origine nous paraissent aujourd’hui étranges et tatillonnes. On y retrouve en effet cette imagination minutieuse signe du génie celte en matière de lois coutumières.
Ce système, très rigide pour notre époque, était assoupli par le moyen des commutations de peine : la réparation prévue pouvait être commuée en une astreinte plus dure, mais plus courte. Il n’est pas interdit de voir là l’origine lointaine de la pratique catholique des indulgences.
Ce qui est choquant dans le système des indulgences, c’est le fait de monnayer l’absolution des péchés, pas l’indulgence en elle-même, qui est au contraire typiquement druidique. L’enfer éternel était inconcevable pour les très-sachants de la druidiaction (druidecht), antiques, rappelons-le !
Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) semblent avoir été plus loin et, donc, avoir admis, en certaines occasions, non plus la commutation des peines, mais carrément la commutation des pénitents : c’est une autre personne qui réparait les torts ou le dommage causé. Ces coutumes druidiques ont été d’admirables instruments de conseil spirituel, et ont permis d’affiner la conscience morale de l’Occident.
Très celtes dans l’esprit comme dans la forme, elles n’en avaient pas moins vocation universelle, puisqu’elles se sont peu à peu imposées à la catholicité, comme la suite l’a montré.
Fin de cet exemple de sermon du vellède de service.
AVRIL. I atenoux Cuti.
Exemple de sermon du vellède de service.
Le druidisme selon Strabon. Livre IV, 4, 4. Géographie.
« Les bardes sont des panégyristes et des poètes. Les vates s’occupent des cérémonies religieuses et pratiquent les sciences de la nature. Les très-sachants de la druidiaction (druidecht), en plus des sciences de la nature, s’exercent à la philosophie éthique. Ils sont considérés comme les plus justes des hommes et, pour cette raison, il leur a été confié le jugement des conflits privés ou publics ; de telle sorte que jadis ils arbitraient les guerres et séparaient ceux qui étaient sur le point de se ranger en ordre de bataille. Ils affirment, et les autres Celtes aussi, que les âmes [psychas en grec] et l’univers sont immortels, mais qu’un jour seuls le feu et l’eau régneront ».
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Ce que Strabon nous rapporte là au sujet de la fin du monde, est très clair. Les très-sachants de la druidiaction (druidecht), antiques, n’ont jamais cru que le monde retournerait un jour au néant absolu. Ce qu’ils envisageaient pour notre Bitos ou Univers, ce sont de nouvelles naissances, après de plus ou moins longues périodes de chaos, où seuls le feu et l’eau régneraient. Donc, pas de fin absolue ni de création ex nihilo non plus d’ailleurs…
Fin de cet exemple de sermon du velléde de service.
MAI. I divertomu Giamoni.
Exemple de sermon du velléde de service.
Le Druidisme selon Justin. Livre XXIV, 4, 6.
« Brennus victorieux, ne rencontrant aucune opposition, ravagea toute la Macédoine. Peu après, comme si le butin des simples mortels était trop peu à ses yeux, il tourna ses pensées vers les temples des dieux immortels, en prétendant de façon blasphématoire que « les dieux, étant riches, ils doivent se montrer généreux envers les hommes. » Il fit donc route sur le champ vers Delphes, plus soucieux de pillage que de culte, et plus préoccupé par l’or que par la colère des dieux « qui » disait-il, « n’ont aucun besoin de richesses, habitués qu’ils sont à les prodiguer aux simples mortels »……
Ce que nous rapporte Trogue Pompée cité par Justin, est donc très clair. Ce n’est pas à l’Homme de s’appauvrir en faveur des dieux, mais aux dieux de dispenser leurs richesses aux hommes…
Fin de cet exemple de sermon du velléde de service.
MAI. I atenoux Giamoni.
Exemple de sermon du vellède de service.
Le druidisme selon César. De bello gallico. Livre VI, 13-14.
« Les druides s’occupent des affaires religieuses, ils ont en charge les sacrifices publics et privés, ils expliquent les pratiques religieuses ; à eux se joignent de très nombreux jeunes gens qui viennent recueillir leur enseignement. Les druides sont les arbitrent de presque tous les conflits, qu’ils soient publics ou privés. Tous ces druides obéissent à l’un d’entre eux, celui qui parmi eux a la plus grande autorité. À sa mort, si l’un des druides surpasse les autres par son mérite, il lui succède ; si plusieurs paraissent avoir des compétences égales, ils s’affrontent pour obtenir ce privilège par le suffrage.
Chaque année à la même date, ils siègent en un lieu consacré situé à la limite du pays des Carnutes, qui est considéré comme le centre de tout le pays. Là, de partout, ceux qui ont des différends se réunissent, et se conforment à leurs décisions, à leurs jugements.
Les druides ne participent pas en règle générale à la guerre et ne paient pas de contribution comme le reste de la population ; ils jouissent de l’exemption du service militaire comme de toute autre charge. Beaucoup, de leur propre mouvement, viennent donc se joindre à eux pour apprendre leur doctrine, beaucoup également sont envoyés par leurs parents et leurs proches. On dit qu’ils apprennent là par cœur un très grand nombre de vers. Ils dissertent abondamment sur les astres et leur mouvement, sur la grandeur du monde et de la terre, sur la nature des choses, sur la puissance des dieux immortels et sur leur compétence : ces connaissances, ils les transmettent aux jeunes. C’est pourquoi beaucoup vont à l’école chez certains d’entre eux pendant vingt ans. Les druides estiment qu’il n’est pas permis pour ce qui est de la religion de confier à l’écriture cet enseignement, mais pour pratiquement tout le reste, affaires publiques ou privées, l’alphabet grec est utilisé.
Les druides veulent avant tout convaincre que les âmes/esprits ne meurent pas, mais qu’après la mort, elles quittent les corps pour aller dans d’autres… »
Ce que nous rapporte là César à propos des enfants celtes allant à l’école pendant vingt ans mérite toute notre attention…
JUIN. I divertomu Simivisoni.
Exemple de sermon du vellède de service.
Le druidisme selon César. De Bello gallico. Livre VI, 13-14.
« Si une personne privée ou un peuple n’exécute pas leur verdict, ils lui interdisent les sacrifices. Cette peine est chez eux la plus grave. Ceux qui sont frappés de cette interdiction sont tenus pour des impies et des criminels, tout le monde s’écarte d’eux, on fuit leur rencontre et leur discours, de peur d’être souillé à leur contact impur ; la justice ne leur est pas rendue quand ils la réclament, et aucun honneur ne leur est plus accordé ».
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Ce que nous rapporte là César à propos des excommunications mérite quelques explications…
JUIN. I atenoux Simivisoni.
Exemple de sermon du vellède de service.
Le druidisme selon César. De Bello gallico. Livre VI, 18.
« Les Celtes disent qu’ils descendent de Dis Pater et que c’est là une croyance transmise par les druides. C’est pour cette raison qu’ils mesurent les intervalles de temps non en nombre de jours, mais en nombre de nuits. Et ils observent les anniversaires, les débuts de mois ou d’année, de cette manière : c’est le jour qui fait suite à la nuit ».
Ce que nous rapporte là César à ce sujet doit être quelque peu expliqué…
JUILLET I divertomu Ecui.
Exemple de sermon du vellède de service.
Le druidisme selon Strabon. Livre III, IV, 6. Géographie.
« Certains disent que les Galiciens, mais que les Celtibères et leurs voisins se trouvant plus au nord adorent un dieu qu’ils ne nomment pas… »
Ce que nous rapporte là Strabon à propos de ce dieu qu’ils ne nomment pas… est très clair. Les druides antiques…
JUILLET. I atenoux Ecui.
Le druidisme selon Ammien Marcellin.
Livre XV, 9, 8. Rerum Gestarum libri.
« Les peuples de ce pays devenant peu à peu civilisés, l’étude des sciences les plus nobles y devint florissante, initialement grâce aux bardes aux vates [en Latin euhagis, les eubages> les ovates] et aux druides. Les bardes chantaient aux doux accents de la lyre les actes les plus remarquables des hommes illustres, dans des compositions aux vers héroïques, tandis que les vates, explorant des domaines plus élevés, entreprenaient d’étudier les choses de la nature. Les druides, constitués en congrégation [Latin sodalicis, voir sodalis], s’élevaient par leurs recherches dans les domaines les plus obscurs et les plus profonds, et ils proclamaient que les âme/esprits [latin animas] sont immortelles ».
Ce que nous rapporte Ammien Marcellin est donc fort clair. Les druides antiques…
AOÛT. I divertomu Elembivi.
Le druidisme selon Athénée. Livre IV, 154, d à e.
« Après avoir publiquement reçu de l’argent et de l’or ou des amphores de vin, mais s’étant alors engagés à les rembourser, après avoir partagé le tout avec des proches ou des amis ; certains Celtes vont jusqu’à s’étendre d’eux-mêmes sur le bouclier destiné à transporter leur corps, et demandent ensuite qu’on leur coupe le cou avec une épée ».
Ce que nous rapporte Athénée à la suite d’ailleurs de Posidonios, qu’il cite, à propos de ce genre de suicide, est très clair.
Les druides antiques…
AOÛT. I atenoux Elembivi.
Le druidisme selon Diodore de Sicile. Livre V, 28.
« Au cours des funérailles, ils jettent dans le feu des lettres écrites à des parents, déjà morts, comme si ces derniers pouvaient les lire ».
Ce que nous rapporte là Diodore de Sicile, à propos de l’Au-delà de la mort chez les Celtes, est donc très clair.
Les druides antiques…
SEPTEMBRE. I divertomu Edrini.
Le druidisme selon Diodore de Sicile. Livre V, 31.
« Il y a chez eux des philosophes et des théologiens, estimés au plus haut point, et qui sont appelés druides [dronidas ou saronides voire sarouiadas dans les manuscrits grecs médiévaux]. Et l’usage chez eux est de ne procéder à aucun sacrifice sans la présence d’un druide. Ils disent en effet qu’il faut offrir des sacrifices d’Action de grâce aux dieux par l’intermédiaire de ces hommes, qui
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connaissent la nature divine et parlent, pour ainsi dire, la même langue que les dieux. Ils pensent aussi que c’est seulement par eux que des bienfaits doivent être demandés aux dieux ».
Ce que nous rapporte là Diodore de Sicile est donc très clair. Les druides parlent pour ainsi dire la même langue que les dieux, et ils agissent en médiateurs entre eux et les simples mortels… »
SEPTEMBRE. I atenoux Edrini.
Le druidisme selon Diodore de Sicile. Livre V, 31.
« Il y a chez eux des poètes lyriques appelés bardes. Ces derniers, avec des instruments semblables à des lyres, évoquent ceux qu’ils louangent ainsi que ceux qu’ils raillent. En temps de paix, mais surtout pendant les guerres, ils se laissent convaincre par les chants des poètes, non seulement les amis, mais aussi les ennemis. Souvent dans les batailles rangées, alors que les troupes s’approchent l’une de l’autre, épées levées, lances jetées en avant, ces poètes se placent entre elles et les font cesser, un peu comme on calme une bête fauve. Ainsi, même chez les Barbares, la passion recule-t-elle devant la sagesse, et Arès respecte les Muses ».
Ce que nous rapporte là Diodore de Sicile à propos des druides, puisque les bardes de ce temps-là étaient aussi des druides, est donc très clair. Les druides intervenaient souvent comme arbitres pour mettre fin aux combats…
OCTOBRE. I divertomu Cantli.
Le druidisme selon Diogène Laerce. Livre I, Prologue 6.
« Honorer les dieux, ne rien faire de mal, et être un homme, un vrai ».
En grec…
« Sébein théous, kai mèdém kakon, dran kai andréian askéin ».
La triade druidique que nous rapporte Diogène Laërce est fort claire…
« Sébein théous » signifie honorer les dieux.
« mèdén kakon » ne rien faire de bas.
Et « andréian askéin » veut dire : s’exercer à être un homme, un vrai…
OCTOBRE. I atenoux cantli.
Le druidisme selon Diogène Laërce. Livre I, Prologue I.
« Quelques-uns affirment que l’étude de la philosophie a commencé chez les barbares. Les Mages la pratiquaient chez les Perses, les gymnosophistes en Inde, et chez les Celtes les druides ou les semnothées ».
Les gymnosophistes, ce sont les yogis ou les fakirs hindous. Ce que nous rapporte là Diogène Laërce, à propos des druides qu’il appelle semnothées, semble donc très clair. Les semnothées, ce sont les grands initiés qui…
NOVEMBRE. I divertomu Samoni.
Le druidisme selon Lucain. Livre I, versets 444 à 462.
« Vates qui par vos louanges jadis rendaient immortelles les grandes âme/esprits [latin animas] de ceux qui sont morts au combat ».
Ce que nous rapporte Lucain est fort clair.
Ceux qui meurent au combat, aidés par les chants des vates, vont directement dans l’autre monde parallèle au nôtre que l’on appelle le paradis, après la mort…
NOVEMBRE. I atenoux Samoni.
Le druidisme selon Lucain. Livre I, versets 444 à 462.
« Selon vos maîtres, les ombres des morts ne gagnent pas les séjours silencieux de l’Érèbe ni les royaumes blafards du dieu qui habite sous la terre ; une même âme/esprit [latin idem spiritus] anime nos corps dans un autre monde [Latin orbe alio], et la mort est le milieu d’une longue vie, si ce que vous dites est vrai bien entendu. Et assurément ils sont heureux les peuples qui regardent la Grande Ourse, heureux à cause de cette croyance erronée, car aucune crainte ne les hante, même la plus forte de toutes, celle de la mort. De là ces caractères [latin mens] naturellement portés à se précipiter sur les armes, et une âme/esprit [latin anima] capable d’envisager la mort ; bref, le sentiment qu’il est lâche de ménager une vie qui vous sera rendue ».
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Ce que nous apporte là Lucain mérite réflexion. Les druides antiques…
DÉCEMBRE. I divertomu Dumanni.
Le druidisme selon les commentateurs antiques de Lucain. Livre I, vers 445.
« Hesum Mercurium credunt, si quidem a mercatoribus colitur, et praesidem bellorum et caelestum deorum maximum Tarnanin Iouem adsuetum olim humanis placari capitibus, nunc uero gaudere pecorum. »
« Ils croient en Hésus Mercure raison pour laquelle il est particulièrement adoré par les commerçants, et ils tiennent Taranis-Jupiter pour le dieu tutélaire des plus grands dieux du Ciel. On avait coutume jadis de lui offrir des têtes humaines en sacrifice, mais maintenant il se contente de bétail ».
Ce que nous rapporte ce commentateur anonyme du texte de Lucain est fort clair. Taran/Toran/Tuireann est le plus grand des dieux et on ne lui offre plus aujourd’hui que du bétail en sacrifice…
DÉCEMBRE. I atenoux Dumanni.
Le druidisme selon Pomponius Mela. Livre II, 18 à 19. De Chorographia.
« Ils continuent à enlever un peu de chair à ceux qui se sont dévoués aux dieux et qu’ils viennent de conduire aux autels. Ces hommes [les druides] se vantent de connaître les dimensions et la forme de la terre ou du monde, ainsi que les mouvements du ciel et des astres, voire ce que désirent les dieux. Ils apprennent beaucoup de choses aux représentants de la noblesse, en secret, pendant longtemps, vingt ans ; soit dans une grotte, soit dans des bois retirés. L’un de leurs enseignements, c’est que les âmes/esprits [latin animas] sont immortelles et qu’il y a une autre vie chez les morts. C’est pourquoi ils brûlent ou enterrent avec les défunts tout ce qui convient à des vivants. Jadis le livre des comptes et le recouvrement des dettes étaient même emportés aux enfers et il y en avait qui, de leur plein gré, se jetaient sur le bûcher funèbre des leurs, comme s’ils voulaient continuer à vivre à leur côté ».
Ce que nous rapporte là Pomponius Mela est fort clair… Les druides antiques…
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L’ÉTIQUETTE OU LES RÈGLES DE PRÉSÉANCE
(LE PROTOCOLE).
Le professeur Wiliam A. Nitze de l’Université de Chicago ayant rapproché notre château du Graal de la Tech Midchuarta irlandaise, nous en dirons quelques mots ici.
Il existait chez les Celtes des bâtiments ou des salles spécialement réservés aux banquets et souvent désignés par un nom faisant allusion à la boisson la plus généralement servie sur place. La Curmitegos (de curmi = bière et tegos = toit ou maison) était par exemple la salle ou le bâtiment où l’on servait de la corme, une variété de bière.
En Irlande à Tara, il s’agissait de la maison de l’enclos à hydromel, Tech Midchuarta en gaélique (tegio medugorto ?).
La salle réservée aux banquets était un bâtiment rectangulaire avec des tables disposées le long des deux parois latérales. Juste derrière un certain nombre de crochets assez solides étaient fixés au mur afin d’y suspendre les boucliers de chacun des participants.
Un des côtés de cette salle était réservé aux grands du royaume, aux personnages importants, et l’autre aux responsables de leur garde personnelle ou aux capitaines commandant leur troupe.
Nuance évidemment sans intérêt de nos jours puisque la paix règne dans nos sociétés.
De très curieux documents appelés en gaélique Tech Midchuarta nous ont laissé des précisions sur la façon dont les convives étaient disposés dans la salle du banquet, ainsi que sur la nature des morceaux de viande qui leur étaient servis.
Ces manuscrits sont le Livre de Leinster, qui date du milieu du douzième siècle, et le livre jaune de Lecan, écrit vers la fin du quatorzième siècle, tous deux appartenant à la bibliothèque du Collège de la Trinité, à Dublin.
La salle [carrée ?] s’avère divisée en cinq parties : la zone centrale est occupée par le feu, une cuve et l’éclairage. Les deux parties contiguës au mur à droite et à gauche, sont celles où les convives les plus importants prennent place. Les deux tranches qui avoisinent la zone centrale, immédiatement à droite et à gauche de cette dernière, sont pour les invités moins importants.
Dans la partie de la salle qui touche le mur à droite, le roi occupe la quatrième stalle 1) ou imdas à partir du fond, la quatrième stalle à partir du fond étant apparemment, dans cette partie de la pièce, la place d’honneur. Dans la partie de la salle qui touche le mur de gauche, la quatrième stalle à partir du fond est réservée au sui littri 2). C’est la place d’honneur à gauche, faisant pendant à la place d’honneur où, à droite, nous trouvons le roi.
Quand on découpe les morceaux de viande, bœufs ou cochons, cuits tout entiers, dont les serveurs distribuent les différents morceaux, les meilleurs sont réservés aux convives les plus importants.
N.B. C’est un usage dont le nouveau druidisme peut très bien se passer, à part peut-être pour faire honneur à quelqu’un tout particulièrement.
L’aire echta ou noble de quatrième classe recevait une ration d’épaule de cochon, muc-formuin, littéralement « le morceau qui est au-dessus du cou. »
Une fois ces bons morceaux distribués, les seules pièces un peu distinguées qui restaient s’avéraient être les pieds : l’aire desa ou noble de cinquième classe les partageait avec quelques autres personnages de moindre importance.
Voici ce qu’en dit le Senchus Mor.
Les gigots pour le roi et les très-sachants de la druidiaction (druidecht), les longes pour les intellectuels ou les gens de lettres, les pattes pour les jeunes seigneurs, les têtes pour les cochers, les cuissots pour les dames.
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Les autres personnes se débrouillaient comme elles pouvaient en mangeant les restes.
Ce qui évidemment de nos jours pourrait sembler très impoli, sauf en cas de force majeure (manque de nourriture, de sièges, d’espace).
Ce que l’on peut déduire de tout cela donc. La salle du festin était organisée comme suit.
Deux séries de tables parallèles tout en longueur, une à droite et une à gauche, avec au milieu une zone réservée au feu, à l’éclairage, au chaudron et à la boisson, ainsi qu’à la circulation des serveurs.
Les meilleures places étaient celles qui étaient dotées d’une banquette et de sortes de loge individuelle (des stalles ?) le long des murs du fond de la salle. Les autres convives plus près de l’entrée devant se contenter de simples sièges…
Les places d’honneur étaient donc plutôt situées au fond, mais pas complètement. Ainsi que nous l’avons dit, elles ressemblaient à des sortes de compartiments (imdas) un peu analogues aux stalles du chœur des églises abbatiales médiévales plus tard ; les moines celtes s’étant peut-être inspirés de ces commodités pour leur propre usage.
Bien entendu, en cas d’absence de stalle, une longue banquette adossée au mur de la salle suffit.
Les armes, épées ou bouclier, sont accrochées au-dessus de chaque stalle par le personnel. Ces panoplies un peu trop guerrières furent sans doute ensuite remplacées par des armoiries dans l’art médiéval.
Ordre de préséance et morceau de viande distribué.
À noter : laïcs et druides de différents grades (clí, sencha, cano, doss, maccfurmid, fochloc, sui, ollam, anrot) sont mêlés ou alternent en fonction de critères traditionnels qui nous échappent, mais qui devaient avoir une explication.
Le meilleur morceau paraît avoir été le filet, dont on distinguait deux catégories : la première, prîm crûachait, était réservée au roi et au religieux le plus important ; la seconde catégorie, lon cruachait, revenait au noble de première classe, aire forgill. Les nobles de seconde et de troisième rang, aire tuisi et aire ard, mangeaient « de » la cuisse…
Colpa désigne un morceau secondaire, du pied ou de la partie inférieure de la jambe.
N.B. Au Moyen-âge il n’y avait pas d’assiette pour cela, la viande était servie sur de larges tranches de pain. Des super-canapés en quelque sorte !
Ci-dessous donc : à droite le long du mur (du fond de la salle à l’entrée).
Araid cuind dóib.
Seguinni muc formuin doïb.
Airig forgaill lonchruachait doïb.
Ruirig lon-chruachait doïb.
Aire arrd loarg dó.
Airi désa loarg dó
Clí cam-chnaim dó.
Senchaid camchnaim dó.
Aire echta muc formuin dó.
Cano cam-chnaim do.
Airi desa & doss colptha.
Maccfurmid ampersir fochloc ir-chruachait doïb.
Cuthchairi & midim ir-remurn-imda doïb.
Rathbuige & obraige milgetan doïb.
Ci-dessous donc à gauche le long du mur (du fond de la salle à l’entrée).
Marcaig cuind doïb.
Cruittiri muc for muin doïb.
Brithemain lonchruachait doïb.
Suid littri lonchrua-chait doïb.
Tanaise suad leschrua-chait doïb.
Ollam filed loarg doïb.
Anroth filed camchnaim doïb.
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Briuga cetach loarg dó.
Augtar saírsi roichnech dó.
Fádi & druid & commilid colptha doïb.
Aeltaire & sair cruachait doïb.
Ensuite, personnages de rang moindre.
Au milieu, immédiatement à droite de l’aire centrale où se trouvent le feu, la cuve à boisson, le chaudron, et les éclairages.
Rechtaire mael doïb.
Fidchellaig colptha doïb.
Deogbaire leschruachait doïb.
Umaidid irchrua-chait doïb.
Legi mael doïb.
Luamairi milgetan doïb.
Creccairi camchnaim doïb.
Braigetori remur n-imda doïb.
Druth ríg dromman do.
Dorsairi ríg. dronnna dóib.
Mairig & cladairi remur n-imda doïb.
Au milieu, immédiatement à gauche de l’aire centrale où se trouvent le feu, la cuve à boisson, le chaudron, et les éclairages.
Rannairi mael doïb.
Cuslennaig colpda doïb.
Scolaige leschruachait doïb.
Gobainn mael doïb.
Tuathait milgetain dóib.
Carpatsaer camchnaim do.
Clessanaig colptha doïb.
Cornairi & bunniri midi mir tond doïb.
Rannairi & iascairi milgetan dóib.
Cairemain & toscairi remur n-imda doïb.
(Tech Midchuarda. Livre du Leinster, anciennement Lebar na Nuachongbala).
Avant que ne commence le banquet proprement dit, cette salle devait être vide à l’exception des trois personnes suivantes (une trimarcisia en quelque sorte).
Le druide sencha ou historien, le responsable du protocole et un héraut chargé de sonner du cor.
Le roi des rois et les rois de province ayant pris place au fond de cette salle ensuite venait le tour des très-sachants de la druidiaction (druidecht) de rang supérieur (sui, ollamos).
Puis le héraut sonnait du cor une première fois et les écuyers portant les boucliers de leur maître entraient afin de le remettre au responsable du protocole ; qui, sous le contrôle du druide historien ou sencha, les accrochait ensuite au mur en fonction du rang de leur propriétaire, du plus élevé au plus subalterne.
Le héraut sonnait une deuxième fois et alors c’était au tour des boucliers des capitaines ou des commandants d’être accrochés aux murs.
L’intervalle entre ces boucliers bien entendu était calculé de façon à laisser à chacun suffisamment de place pour être à l’aise sans empiéter sur son voisin.
Le héraut sonnait enfin du cor une troisième fois et là les invités pouvaient commencer à entrer posément afin de s’installer à la place qui leur avait ainsi été réservée (chacun reconnaissant aisément son bouclier).
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Ce système avait l’avantage d’éviter toute bousculade ou querelle pour avoir la meilleure place.
Le banquet rituel était réservé aux hommes, comme il sied à une cérémonie spécifiquement militaire et, disons-le, déjà féodale. Mais ce n’est pas un trait tardif, car il en est ainsi dans cette contrefaçon ou parodie de festin de Tara qu’est le Festin de Bricriu.
Les femmes avaient droit par conséquent à une salle des fêtes distinctes (nul n’est obligé de suivre les us et coutumes de l’ancien druidisme à ce sujet, mais enfin il est vrai qu’avec certains invités mâles, les esprits s’échauffent vite ; et que parfois cela vaut mieux, cela peut constituer une sage précaution).
N.B. En principe, les places sont donc réservées aux participants à ces banquets en fonction d’un protocole précis et non laissées au hasard. Aujourd’hui, un simple carton à son nom posé sur la table peut suffire évidemment, mais décorer les murs de la salle en question de boucliers armoriés joliment est une idée. Le moyen bien simple d’éviter toutes ces querelles de préséance étant évidemment de recourir à un celicnon c’est-à-dire à une salle de banquet circulaire avec tables disposées en rond.
1) Aujourd’hui, les stalles sont les sièges en bois qui se trouvent des deux côtés du chœur d’une église, et qui sont réservés aux membres du clergé.
2) Attribuée à l’évêque du lieu après la christianisation.
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LE BANQUET DE COMMENSALITÉ AVEC LES DIEUX POUR LES AINÉS
(les jeunes dansent et font la fête ailleurs).
PREMIÈRE SÉRIE DE FORMULES DONC, À RÉCITER EN LEVANT SON VERRE.
Le barde du banquet.
Je lève mon verre à la VÉRITÉ, à la LIBERTÉ, à la RAISON, le triple vœu du sage.
RÉPONSE. Maintenant et pour toujours !
Le barde du banquet. Appelons-nous ÉGAUX et FRÈRES.
RÉPONSE. Compagnons et amis.
Le barde du banquet. Loin de nous, la rivalité, l’envie, l’obstination.
RÉPONSE. À nous la douceur, la science, la bonté.
Le barde du banquet. Que plaisent les jeux et les ris.
RÉPONSE. Que dieux et déesses ou fées nous soient propices !
Le barde du banquet. Ne jurons par aucune doctrine.
Et tous alors de trinquer.
DEUXIÈME SÉRIE DE FORMULES À RÉCITER LORS DES BANQUETS.
Le barde du banquet. Je lève mon verre à l’esprit, au goût, et à la modestie. Scrutons la cause des choses, afin de supporter gaiement la vie et de supporter tranquillement la Mort.
RÉPONSE. Afin que, délivrés de toute crainte, sans exubérance dans la joie, sans abattement dans la douleur, nous nous libérions par la raison.
Le barde du banquet. Ainsi donc, nourrissons fortement notre esprit et nourrissons modérément notre corps.
RÉPONSE. Cela est juste et bon.
Le barde du banquet. Offrons des libations aux Grâces.
RÉPONSE. Levons nos verres en l’honneur des déesses ou des bonnes fées !
Chacun trinque alors avec son voisin avant de vider son verre.
TROISIÈME SÉRIE DE FORMULES À RÉCITER LORS DES BANQUETS.
Le barde du banquet. Je lève mon verre au UN. Dans le monde, tout est un, et le un est tout en toutes choses.
RÉPONSE. Parce que DIEU est tout en toutes choses, éternel, infini, incréé, immortel.
Le barde du banquet. En lui, nous vivons, nous bougeons, nous existons.
RÉPONSE. Chaque chose est née de lui et retournera en lui pour finir, il est le principe et la fin de toutes choses.
Le barde du banquet. Chantons la puissance du BITOS ou de l’UNIVERS. Tout ce qui est procréé sous l’empire de la loi de la mort se transforme ; au cours des années qui s’écoulent, les nations ne se reconnaissent plus ; au long des siècles, les races changent complètement de physionomie. Et cependant, l’ensemble du BITOS ou de l’UNIVERS reste intact et conserve toutes ses parties, un long espace de temps n’en augmente pas le nombre, la sénilité ne les diminue pas, le mouvement ne les déplace pas, la course ne les fatigue pas. Toujours il restera le même, parce que toujours il fut le même. Tel nos pères le virent, tel nos neveux le verront : c’est DIEU qui ne change pas dans le temps.
TOUS ENSEMBLE.
Quel qu’il soit, il est absolument tout, il anime, procrée, forme, nourrit, et accroît toutes choses, il les ensevelit et les reçoit toutes dans son sein, il est le Père unique de toutes choses, tout ce qui naît retourne à lui en périssant.
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REMARQUE DE L’AUTEUR DE LA COMPILATION.
N’oublions pas néanmoins ce qu’a rapporté Strabon à ce propos : « Ils affirment que les âmes et l’univers sont indestructibles, mais qu’un jour seuls le feu et l’eau régneront » (Strabon. Géographie IV, 4).
Surgissent ensuite sous la plume de Toland toute une série de considérations un peu dépassées sur la nature, et d’autres un peu plus pertinentes sur la matière.
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Le barde du banquet.
Les parties du Monde sont tout ce qu’il renferme, tout ce qui est contenu par une nature sensible, douée d’une RAISON parfaite, et de l’aiu (de l’éternité) ; car il n’y a rien de plus puissant qui puisse le faire périr ; c’est cette force qu’ils appellent l’Âme du Monde, ou encore ESPRIT, SAGESSE parfaite, et qu’ils nomment DIEU.
C’est, en quelque sorte la PROVIDENCE, du tout qui lui est soumis ; providence qui gouverne surtout les corps célestes et, sur cette terre, tout ce qui intéresse l’Humanité. Parfois, cette force, ils l’appellent NÉCESSITÉ, parce que rien ne peut se faire autrement que suivant ce qui a été réglé par elle, parce qu’elle est la continuation immuable et fatale de l’ordre éternel. Parfois, cette force, ils la nomment HASARD, parce qu’elle réalise beaucoup de ces événements imprévus que nous ne pouvions soupçonner en raison de notre ignorance des causes, et de leur obscurité.
TOUS ENSEMBLE.
Dieu anime l’univers, la terre, la voûte des cieux, l’immensité de la mer ; de lui naît le souffle léger du bétail, des troupeaux, de toutes les bêtes sauvages, des hommes, de tout être venu à la vie. Et toutes ces âmes retournent à lui et se fondent en lui après leur dissolution ; ainsi, elles ne meurent pas, mais elles s’élèvent jusqu’au ciel et s’envolent parmi les astres » (VIRGILE : petit-fils de druide).
Le barde du banquet. Je lève mon verre aux grands hommes et aux grandes femmes du passé pour la droiture de leurs actions et de leurs préceptes.
RÉPONSE. Afin de profiter de leur exemple et de leur doctrine.
Le barde du banquet. Je lève mon verre en l’honneur de… noms laissés à l’appréciation de barde du banquet.
TROISIÈME SÉRIE DE FORMULES À RÉCITER LORS DES BANQUETS.
Le Barde du banquet.
Il faut désirer un ESPRIT SAIN DANS UN CORPS SAIN pour supporter aisément la VIE et ne pas craindre la MORT.
RÉPONSE. Rien n’est plus désirable, tout notre effort doit tendre vers ce but.
Le Barde du banquet. Faisons entendre des chants joyeux et harmonieux.
TOUS ENSEMBLE.
Ni l’ardeur perverse des citoyens qui détiennent le pouvoir ni le front sévère du tyran prêt à sévir n’ébranlent la raison de l’homme juste et ferme en ses desseins ; ni même le vent du sud déchaîné qui domine l’Adriatique agitée, ni même la toute-puissance de Jupiter fulminant. Et même si l’Univers brisé se disloquait, c’est un homme sans peur que frapperaient ses débris.
Suit sous la plume de Toland des considérations beaucoup plus douteuses sur la Loi ou les lois essentiellement inspirées de Lactance, c’est tout dire, et de Cicéron.
La SUPERSTITION répandue dans le monde, dit (très justement) TULLIUS, a opprimé les esprits de presque tous les hommes et occupé leur faiblesse. C’est ce que nous avons dit dans ces livres qui traitent de la nature des dieux (surtout au livre de la Divination) et ce que nous avons spécialement mis en vue dans cette dissertation. Nous pensions être très utiles à nous-mêmes et aux autres en détruisant la superstition jusque dans ses racines. Car, et c’est ce dont je veux vous persuader, en supprimant la SUPERSTITION, pour autant on ne supprime pas la RELIGION. Il est sage de maintenir les institutions de nos aïeux en sauvegardant leur culte et leurs cérémonies. La beauté du Monde et l’ordre des choses nous obligent à reconnaître qu’il existe un ÊTRE SUPÉRIEUR ÉTERNEL. C’est pourquoi il faut répandre la RELIGION unie à la connaissance de la NATURE, et détruire tous les germes de la SUPERSTITION.
N.B. Tout n’est pas faux dans ce paragraphe, mais il est quand même à utiliser avec beaucoup de précautions. Car toutes les religions révélées prétendent être compatibles avec les sciences de la nature, même l’islam et ses miracles (le miracle de l’éléphant, des oiseaux ababil, de l’araignée ou de
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la colombe à l’entrée de la grotte, de la lune scindée en deux, du voyage de Mahomet à Jérusalem puis au ciel, etc.), donc ne pas être des superstitions.
QUATRIÈME SÉRIE DE FORMULES À RÉCITER LORS DES BANQUETS.
Le barde du banquet. Aussi fou est celui qui pleure parce qu’il ne vivra plus dans mille ans.
RÉPONSE. Que celui qui pleurerait de n’avoir point vécu il y a mille ans.
Le barde du banquet. L’opinion seule et la coutume exigent des pompes funèbres.
RÉPONSE. Méprisons-les donc en nous, mais ne les négligeons pas pour les autres.
Le barde du banquet. Buvons !
RÉPONSE. Qu’il en soit fait ainsi !
Le barde. Je lève mon verre à la SODALlTÉ.
RÉPONSE. Nous réclamons de plus grands verres.
Notes.
1) Une société pas nécessairement secrète ni forcément hostile au christianisme malgré tout ce que l’on a pu écrire à ce sujet.
2) En ce qui me concerne, quand j’étais jeune, de telles images vues à la télévision me faisaient plutôt penser à des membres du Ku Klux Klan défilant derrière leur Grand sorcier impérial, mais enfin, chacun ses références culturelles…
3) « La population de ce petit coin d’Autriche était en effet on ne peut plus mélangée à l’époque (le métissage est un phénomène qui n’a pas attendu les journalistes chantant ses vertus aujourd’hui, à la place de celles de la révolution sociale comme ils le faisaient dans les années 1950 ; c’est plus facile évidemment, et ça prête moins à conséquence ; pour exister), donc il est certain que de nombreux « Welches » devaient y subsister.
« Ils finirent par arriver à l’endroit indiqué [Bregenz] qui déplut fortement à Colomban, mais il décida d’y rester afin de répandre la foi parmi les Suèves. Un jour qu’il traversait leur pays, Colomban s’aperçut que les habitants s’apprêtaient à offrir un sacrifice à la façon des païens. Il y avait un grand tonneau qu’ils appelaient un fût, contenant vingt-six mesures de cervoise environ, installé en plein milieu de leur assemblée. Colomban leur ayant demandé ce qu’ils avaient l’intention de faire avec, ils lui répondirent qu’ils allaient en faire une offrande à leur Dieu nommé Wotan (que d’autres appellent Mercure). Après avoir entendu cette abomination, Colomban souffla donc sur le tonneau, qui se brisa et tomba en morceaux, en laissant la cervoise couler par terre. Ce qui prouva bien que le démon était caché dans ce récipient et qu’il escomptait piéger ainsi les âme/esprits des participants. Les païens ayant assisté à la scène en furent très surpris, et rapportèrent partout que Colomban avait un souffle capable de faire éclater à lui seul un tonneau cerclé de fer ».
4) Comme pour l’haoma/soma des Aryens irano-indiens. Faut-il y ajouter le vin de messe, pris de manière rituelle par les prêtres chrétiens ? Mais il s’agit dans ce cas d’un fruit de la nature pris lors d’une expérience spirituelle ou mystique enthéogène (du grec « en-theo-gene » qui engendre Dieu ou l’esprit à l’intérieur de soi) ; pas d’un produit psychoactif issu de la société industrielle moderne (genre drogue). N.B. Il existait bien entendu quantité d’autres herbes ou plantes à utiliser suivant les cas. Le Psilocybe semilanceata, semble par exemple, être un champignon sacré relativement commun. Il pousse en groupe dans les herbages, de septembre à novembre.
5) En se servant de petits pique-olives ou cure-dents de bois, voire de mini-brochettes, par exemple. La communion à l’aide de pain sacré (le panis divinus ancêtre du pain pidé turc) était aussi connue des Celtes antiques, au moins chez les Galates d’Asie Mineure. Ils fabriquaient du pain avec du levain ordinaire, mais aussi avec de la levure de bière (mousse formée par la fermentation sur le dessus du liquide).
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Un voyageur grec célèbre, Posidonios, qui souvent fut invité à leurs tables, nous a laissé du repas des Celtes une description contredisant quelque peu le lourd cérémonial décrit ci-dessous dans le cas de la Tech Midchuarta.
Il s’agissait peut-être de repas sans connotation religieuse et relevant plutôt de la vie quotidienne. Ou d’une différence d’étiquette entre îles et continent. À chacun de voir, car nous ne prétendrons pas ici solutionner cette apparente contradiction que nous nous contenterons d’exposer loyalement.
Ce qui est certain par contre c’est que dans le cas d’un bâtiment de type celicnon la table était ronde comme celle d’Arthur.
Mais revenons à Posidonios. Autour d’une table fort basse étaient disposées des bottes de foin ou de paille ; c’étaient les sièges des convives. Les mets consistaient d’habitude en un peu de pain et beaucoup de viande bouillie, grillée ou rôtie à la broche ; le tout servi proprement, dans des plats de terre ou de bois chez les pauvres, d’argent ou de cuivre chez les riches.
Il était d’usage que la cuisse des animaux servis sur la table appartînt au plus brave, ou du moins à celui qui prétendait l’être ; si quelqu’un osait la lui disputer, il en résultait un duel à outrance.
Quand le service était prêt, chacun faisait le choix de quelque membre entier de l’animal, le saisissait à deux mains, et mangeait en mordant à même la viande : on aurait dit un repas de lions. Si le morceau était trop dur, on le dépeçait avec un petit couteau dont la gaine était attachée au fourreau de l’épée. On buvait à la ronde dans une seule coupe, en terre ou en métal, que les serviteurs faisaient circuler ; on buvait peu à la fois, mais en y revenant fréquemment.
Les riches avaient du vin d’Italie, qu’ils prenaient pur ou légèrement coupé d’eau ; la boisson des pauvres était la bière et l’hydromel. Près de la mer et des rivières, on consommait beaucoup de poisson grillé, que l’on aspergeait de sel, de vinaigre et de cumin ; l’huile était rare et peu recherchée.
Dans les festins d’apparat qui étaient nombreux, la table était ronde, les convives se rangeaient en cercle alentour. À côté du personnage le plus considéré pour ce qui est de la vaillance, de la noblesse ou de la fortune, s’asseyait le maître de maison, et successivement chaque convive, d’après sa dignité personnelle ainsi que sa classe ; voilà le cercle des maîtres. Derrière eux se formait un second cercle concentrique, celui des écuyers ; une rangée portait les boucliers, l’autre rangée portait les lances ; ils étaient traités ou mangeaient comme leurs maîtres.
L’hôte étranger avait aussi sa place marquée dans les festins. D’abord, on le laissait discrètement se délasser un peu et se rassasier à son aise, sans le troubler par la moindre question. Mais à la fin du repas, on s’enquérait de son nom, de sa patrie, des motifs de son voyage ; on lui faisait raconter les mœurs de son pays, celles des contrées qu’il avait parcourues, en un mot tout ce qui pouvait piquer la curiosité d’un peuple…
Cette passion des récits était si vive chez les Celtes, que les marchands arrivés de loin se voyaient accostés au milieu des foires, et assaillis de questions par la foule. Quelquefois même, les voyageurs étaient retenus malgré eux sur les routes, et forcés de répondre aux passants.
N.B. Ainsi que nous venons de le voir, la place de chacun dans le celicnon était donc vraisemblablement signalée aussi par quelque chose de préalablement accroché au mur tout comme dans une tech midchuarta.
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LIEUX DE CULTE (LE CHÂTEAU DU GRAAL ORIGINAL).
Les druides ont toujours pensé qu’il était possible d’entrer en contact direct avec les dieux conçus comme des forces de la nature, à certains endroits et à certains moments. L’inscription trouvée à Verceil (Vercelli) en 1960, en Italie, le prouve. Il s’agit de l’offrande d’un terrain (atos dans le texte) devant appartenir aux hommes et aux dieux, en commun.
« Teuo-xtonion eu », précise le texte. Cet espace sacré devait sans doute être un rectangle ou un carré de terrain, délimité par quatre bornes de pierre.
Akisios Arkatoko materekos to… o. kot… atos teuoxtonion eu.
Ce qui signifie
Acisios le grand argentier (argantocomaterecos) a donné (to… o. kot..) ce terrain sacré (atos) appartenant aux dieux et aux hommes (deuo gdonion), en commun.
Le schéma de base du sanctuaire druidique est donc très simple.
Voici comment se présentait en général ce genre de temple teuo-xtonion. Il s’agissait d’une surface de plein air délimitée par un enclos et un fossé où était dressée une structure de bois définissant un espace plus réduit et couvert, une construction quadrangulaire fermée, dotée par la suite d’une deuxième plus large et plus ouverte afin de former une galerie autour de la première. Il y avait dans ce type d’espaces cultuels propres aux oppida, des sacrifices d’animaux, de chevaux, de bovidés, voire de canidés ainsi que des dépôts d’armes. Et la notion de rites ou de cérémonial qui en découle génère tout naturellement l’idée du divin. Le contact direct avec les dieux étant possible voici par conséquent un exemple de rituel destiné à cela………
a) Il s’agit au départ tout simplement d’un espace consacré à la fois aux hommes et aux dieux où la rencontre entre hommes et dieux est possible (devogdonion dans l’inscription italienne de Verceil).
Primitivement une clairière (nemeton) autour d’un bosquet sacré (arbre du monde, arbre cosmique).
Cet espace consacré ou sanctuaire est soigneusement délimité par une palissade de bois, un peu analogue à celles qui seront construites par les lointains descendants de tous ces Celtes en Amérique lors de la conquête de l’Ouest (voir par exemple Fort Saint-Joseph dans le Michigan).
b) Ce sanctuaire est, bien entendu, doté d’une entrée, monumentale, très monumentale, un peu comme un portail de cathédrale ou la triomphale porte d’entrée d’un enclos paroissial d’Armorique.
c) L’endroit le plus important de ce sanctuaire est constitué par un ou plusieurs (9 ?) puits ou fosses à sacrifices avec devant une table de pierre (anciennement un dolmen) : la cella, située au fond du sanctuaire délimité par une palissade. Le tout, ainsi qu’à Libenice, en Tchéquie, près de Kolin, isolé du reste du sanctuaire par une cloison de torchis ou d’argile, éventuellement décorée de fresques comme celle qui représentait Ogmios, décrite par Lucien de Samosate.
Cette installation cultuelle sera bientôt protégée par un toit porté par un certain nombre de poteaux de bois en forme de colonnade (fanum).
d) Un secteur du sanctuaire est aménagé en cimetière pour les reliques des défunts chers à la communauté. Il est alors signalé par une (4 à Libenice) lanterne des morts.
e) Un autre est destiné à conserver ou abriter un certain nombre d’offrandes d’ex-voto ou autres objets sacrés (sacristie/sacrarium).
f) On trouve également non loin une installation pour cuisiner les animaux sacrifiés (à Libenice, elle se trouve dans le fossé de circonvallation).
g) Ainsi qu’une zone pour les consommer en une sorte de banquet rituel.
Décoration principale de ce sanctuaire : des panoplies d’épées, de boucliers, de cuirasses, ou de lances, accrochées aux murs…
Tout territoire sacré est un territoire où un jour a eu lieu une théophanie, ou une hiérophanie, et qui à cause de cela est devenu tabou, sacré, en bref un sanctuaire. Vrindavân, en Inde, est un territoire sacré, parce que Krishna (autre forme de Vishnou) y a passé sa jeunesse. Un espace sacré c’est
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aussi un lieu caractérisé par des restrictions d’accès. On ne pénètre pas n’importe comment ni n’importe quand, dans un lieu saint.
La Mecque est par exemple un territoire sacré (haram), parce que, selon la tradition islamique, Abraham y planta un jour sa tente ; et que l’emplacement du haram a été délimité par Dieu lui-même, qui fit souffler un vent dessinant sur le sable du sol les contours de la Kaaba (ce qui n’est pas historiquement vrai bien entendu, mais enfin…).
Plus un territoire est haram c’est-à-dire sacré, plus il y a des restrictions d’accès ; c’est pourquoi si, à la rigueur, on permet en général à des non-musulmans d’entrer dans une mosquée (en dehors des heures de prière) ; l’accès au haram de La Mecque, où se trouve la Kaaba, le sanctuaire central de l’islam, lui, par contre est strictement réservé aux seuls musulmans.
Au centre des temples hindous, il y a toujours aussi un cœur ou un chœur sacro-saint, une cella où se trouve la statue de la divinité, le garbhagriha (ou Saint des Saints, en sanscrit). Pour pouvoir y pénétrer, il faut être prêtre, c’est-à-dire brahmane, autrement dit être soumis à des rites de pureté plus exigeants que pour le commun des mortels.
Pour circuler dans le reste du temple, par contre, les restrictions sont en revanche minimales.
Cette aire sacrée, véritable propriété divine, était commune aux hommes et aux dieux le temps du sacrifice (devogdonion). Un lieu par conséquent où la rencontre avec l’au-delà était possible.
L’inscription de Verceil en Italie, mentionnée plus haut, le prouve.
Acisios Argantocomaterecos tosocote atos devo – xdonion.
Acisios Argantocomaterecos a donné cet atos [délimité par les quatre pierres] aux dieux – aux hommes.
Il était par conséquent sacrilège d’y voler quoi que ce soit, notamment dans les atebertas ou offrandes qui étaient apportées par les fidèles.
À Toulouse, le temple était sacro-saint, profondément vénéré des peuples d’alentour : de là les richesses qui s’y étaient accumulées, en raison du grand nombre des offrandes et de la crainte qui empêchait d’y toucher. « On dit que les Tectosages faisaient partie de l’expédition contre Delphes, et que les trésors trouvés par le général romain Caepion chez eux, dans la ville de Toulouse, étaient une partie des richesses qui provenaient de ce pillage ; on dit aussi que ces gens-là y avaient ajouté des offrandes tirées de leurs propres maisons, pour les consacrer au dieu et apaiser sa colère. Cepion, pour avoir mis la main sur ces trésors, aurait fini sa vie dans la misère, ayant été rejeté par sa patrie comme sacrilège… » (Strabon, Géographie, IV, I, 13).
« C’est à ce dieu, quand ils ont pris la décision de se battre, qu’ils promettent généralement leur butin ; après la victoire, ils lui sacrifient le butin vivant et entassent le reste en un seul endroit. Dans nombre de cités, on peut voir des tertres, formés de ces dépouilles dans des lieux consacrés. Il est très rare, qu’au mépris de la religion, quelqu’un ose cacher chez lui son butin ou le distraire de l’ensemble consacré : une mort terrible, dans les tortures, est réservée à ce crime » (César, B. G. VI, 17).
Il s’agit là bien entendu de pratiques de l’ancien druidisme. Il est certain que la violation ou la profanation du temple ou d’un lieu sacré d’aujourd’hui ne devrait en aucun cas être sanctionnée de la même façon. Un bannissement ou un éloignement (comme dans le cas du proconsul Cepion) pourrait suffire.
Dans sa conception primitive, le sanctuaire druidique ne diffère nullement du temenos grec ou du templum romain. Les très-sachants de la druidiaction (druidecht), de la haute époque, d’une manière plus générale, et sans qu’il y ait un quelconque tabou sur les figurations ou les images divines, ne représentaient pas leurs dieux par des statues anthropomorphes ; aussi n’avaient-ils pas besoin de lieux qui soient, comme dans le monde gréco-romain, les abris de ces dieux.
L’existence chez les Celtes du temps de l’indépendance, de temples, c’est-à-dire de lieux de culte permanents et aménagés de façon à être protégés des intempéries, est néanmoins indubitable.
Strabon. Livre IV, IV, 6. « Posidonios dit qu’il y a dans l’Océan une petite île, non loin dans la mer, située en face de l’embouchure de la Loire. Ce sont des femmes qui l’habitent, elles sont possédées de Dionysios qu’elles apaisent par des cérémonies et des rites sacrés […] elles doivent une fois par an démonter le toit du sanctuaire et le refaire le même jour avant le coucher du soleil, chaque femme portant son fardeau. Si l’une d’elles laisse tomber sa charge, les autres la mettent en pièces et en portent les morceaux en tournant autour du temple, tout en poussant des cris tant que dure leur frénésie. Et il arrive toujours que l’une d’entre elles tombe ».
Le témoignage de Strabon est fort clair. Il y avait donc au moins un toit. Ce qu’il décrit ensuite ce doit être un sacrifice humain avec circumambulation autour du temple, de la gauche vers la droite évidemment : deisil en Irlande. Un peu comme dans le rituel prémusulman de la taouaf autour de la Kaaba de La Mecque d’ailleurs, la nudité en moins. Car pour les très-sachants de la druidiaction –
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druidecht – il n’y avait pas une kaaba, mais des milliers de kaaba, autant de kaaba que de lieux saints remarquables.
Le sanctuaire du Puy de Corent (à une quinzaine de kilomètres au sud-est de la ville actuelle de Clermont-Ferrand est un enclos, un terrain, que les hommes ont soigneusement découpé pour en faire un devogdonion, un espace commun aux dieux et aux hommes, un lieu où la rencontre avec eux est possible. Le tout situé au milieu d’une véritable agglomération (un oppidum).
Il s’agit d’un vaste péribole entouré d’une palissade profondément implantée, délimitant une aire parallélépipédique d’environ 43 m de large, plus ou moins orientée selon les points cardinaux.
Son entrée mise en évidence au milieu de sa branche orientale est conforme à l’orientation des autres sanctuaires connus à cette période. Le franchissement du fossé était facilité par une passerelle en bois reposant sur une série de poteaux.
Lui succédera quelque temps après une immense galerie couverte faite de terre et de bois. Cette nouvelle construction repose sur un mur extérieur fait de poteaux disposés en quinconce et liés avec du torchis, d’une à deux rangées de poteaux intermédiaires et d’une haute colonnade interne de 12 X 13 poteaux en bois. Bien qu’un peu plus large (50 m d’est en ouest), son tracé reproduit fidèlement celui de la palissade. Cette galerie abritait des espaces cloisonnés dédiés aux activités culinaires, pavés de tessons d’amphores, et comportant chacun un foyer, reconnus à différents emplacements de son tracé.
Deux petits bâtiments rectangulaires d’environ 12 m sur 8 m de côté, en construction légère de bois et torchis, ont été édifiés de part et d’autre de l’entrée : parfaitement parallèles. L’un d’entre eux abrita des activités d’abattage et de boucherie sacrificielle, exercées autour d’un autel en pierre et d’une grande fosse comparable aux « autels creux » des sanctuaires laténiens de type belge.
Ces bâtiments rectangulaires étaient eux aussi entourés de fossés ou de palissades en bois, décorés de crânes et de mâchoires de moutons attachées en guirlandes. Leurs abords étaient jonchés de milliers d’ossements et de tessons d’amphores associés à des ustensiles culinaires en métal (chaudrons, couteaux, fourchettes).
Ces reliefs alimentaires sont directement liés à l’activité cultuelle du site. Ils correspondent à des tonnes de viande et des hectolitres de vin, consommés dans le cadre de festins de commensalité avec les dieux, comme ceux des quelque peu mythiques Bituitos et Luernios 2).
« Luernios, pour gagner la faveur de la multitude, se faisait transporter sur un char à travers les campagnes, et jetait de l’or et de l’argent aux myriades de Celtes qui le suivaient. Il fit un jour enclore un espace de douze stades carrés ; sur lequel il fit remplir des cuves avec des boissons de grand prix, et préparer de telles quantités de victuailles que, plusieurs jours durant, il fut permis à tous ceux qui voulaient entrer dans l’enceinte de goûter aux mets que l’on avait préparés ; qui étaient à disposition sans interruption » (Posidonios d’Apamée. Cité par Athénée, Deipnosophistes IV, 37, 1-19).
Entre ces deux bâtiments, dans l’axe de l’entrée, ont été creusées quatre fosses carrées de taille variable (de 0,50 m à 1,40 m de côté) ; revêtues d’un cuvelage en bois et cernées de gros tessons d’amphores disposés en couronne en guise de pavage. Elles témoignent d’une zone réservée pour des rites de libation accomplis à un emplacement privilégié, immédiatement visible de l’entrée voire même au-delà, de l’extérieur du sanctuaire.
Ce sanctuaire présente un grand intérêt sur le plan architectural. Les limites de l’enclos ont également préservé de nombreux vestiges antérieurs à cette époque. Trous de poteaux datables du premier âge du Fer (750-500 avant notre ère) et de l’Âge du Bronze (2 200-750 avant notre ère), palissades d’époque néolithique (3 500 – 2 200 avant notre ère)…
Un autre pas spectaculaire dans la compréhension des temples druidiques a été franchi avec la mise en évidence du premier lieu de culte situé à Gournay-sur-Aronde, en terre « belge ».
Comme tous les sanctuaires du monde classique, il s’agit d’un terrain d’une petite superficie (de 40 à 50 mètres de côté), au plan rectangulaire. L’entrée ouvrait face au soleil levant précisément lors du solstice d’été. Son accès aux hommes, aux animaux et aux choses, était strictement réglementé. La séparation d’avec le monde extérieur et profane était à la fois symbolique et réelle.
Dans l’Inde védique, un nouvel espace sacré de forme quadrangulaire était consacré d’un simple trait sur le sol à chaque sacrifice. Le fossé découvert sur le site pourrait donc être la forme primitive de ces installations symboliques s’établissant définitivement quelque part. Un fossé large et assez profond signifiait cette coupure entre monde profane et monde sacré, mais le mur qui le bordait du côté intérieur masquait le domaine divin, et les rites que l’on y accomplissait. Ce mur n’avait pas une
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fonction défensive. Ce mur de bois et de torchis, soigneusement bâti, constituait une enceinte hermétiquement fermée, dont le seul accès en l’occurrence était un porche monumental, une sorte de sas ou d’Arc de Triomphe, permettant de franchir le fossé puis d’entrer rituellement dans le sanctuaire.
Au Puy de Corent, le fossé d’enceinte a livré des atebertas ou offrandes caractéristiques des sanctuaires de cette période. Des crânes humains, associés à des ossements de cheval, à des fragments d’épées ou de boucliers, des fibules, des perles, en verre et en bronze, une figurine de sanglier, des pièces de char.
Après la romanisation le sanctuaire de Corent a été entièrement remanié. Ses bâtiments sont démantelés puis remplacés par des constructions, certes, « en dur », mais qui en reprennent le plan initial. Les poteaux en bois sont arrachés, les cloisons abattues et leurs fondations remblayées, pour faire place à de nouveaux murs et colonnes, maçonnés.
Comme d’autres sanctuaires repris à l’époque romaine, celui de Corent bénéficie d’un simple « rhabillage » qui ne modifie pas fondamentalement sa structure : au portique monumental en bois succède une nouvelle galerie maçonnée, supportée par une colonnade en pierres. Les deux bâtiments rectangulaires et les cuves à libation situées face à l’entrée sont également reconstruits, dans les décennies qui précèdent le changement d’ère. Vers la fin du second ou au début du troisième siècle, le sanctuaire s’enrichit d’un nouvel édifice cultuel : dans l’axe de l’entrée sera érigé un grand fanum à galerie périphérique, d’environ douze mètres de côté.
Le plus extraordinaire est que nous avons peut-être retrouvé un plan ou un dessin de ce temple, gravé sur une pierre. Œuvre vraisemblablement d’un druide architecte. Il s’agit d’un fragment de dalle en pierre, gravé de dessins énigmatiques, découvert parmi les gravats des démolitions qui furent entreprises à l’époque à fins de réaménagement.
La structure qu’elle représente s’accorde parfaitement avec le plan du sanctuaire romain, formé d’un grand fanum principal précédé de deux bâtiments jumelés. Mais la précision du dessin n’est pas suffisante pour établir s’il représente la totalité du sanctuaire et de son péribole ; son seul temple principal, entouré d’une galerie périphérique, représenté en coupe ; ou encore, la porte d’entrée du sanctuaire, à proximité de laquelle il a été retrouvé.
LA CONSÉCRATION DES DÉPOUILLES GUERRIÈRES.
Sur le sanctuaire de Ribemont, parmi les nombreux types de gisements osseux présents sur place, deux peuvent être rapportés à la pratique de la consécration des dépouilles. Dans le premier cas, des individus isolés de place en place semblent disposés le long du fossé de clôture. Souvent munis encore d’une ou plusieurs armes, ils paraissent être tombés d’un support vertical qui a laissé peu de traces, poteau, sorte de chevalet ou tout simplement pique enfoncée dans le sol. Le deuxième cas est plus étrange encore, il s’agit du dépôt que nous avons appelé le « grand dépôt de cadavres sans tête ». Les cadavres, sens dessus dessous, d’une soixantaine de guerriers accompagnés de leurs armes, sont issus de la destruction d’un aménagement funèbre, sorte de grand tas en partie construit (voire de construction aérienne où les morts figuraient debout). L’absence de crâne, la présence de nombreuses traces sur les os correspondant à des blessures dont un bon nombre furent mortelles, font supposer qu’il s’agit de guerriers morts au combat, dont la tête avait été prélevée sur le champ de bataille. L’échantillon d’armes présentes, essentiellement des fers de lance, peu d’épées, ainsi que leur aspect usagé, confirme également l’impression d’un ramassage de champ de bataille dans lequel les armes de prestige sont moins nombreuses que les projectiles…
À Ribemont les armes forment un échantillon très particulier, un nombre incalculable de fers et de talons de lance associés à de rares boucliers ou épées dans leurs fourreaux, où elles se trouvent dans un contexte tout à fait exceptionnel. Les armes de Ribemont dans un grand nombre de cas sont intimement liées aux restes de cadavres des guerriers qui en étaient les possesseurs. À Ribemont le mot « dépouille », comme son antécédent latin, ne désigne pas seulement les armes, mais aussi le corps de l’ennemi.
À propos de cette coutume César parle de spolia (dépouilles) et les auteurs grecs de tropaïon (trophées). Il nous paraît préférable de parler, à propos du rite druidique, de consécration des dépouilles.
Un interdit frappait ces dépôts sacrés, au sens latin du mot, c’est-à-dire aussi un tabou. À Rome, avait été instituée, une loi que l’on attribuait au légendaire Numa, qui interdisait la réparation des trophées.
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Elle était censée laisser le temps gouverner la mémoire, effacer la honte du vaincu, après une période que seuls commandaient les éléments naturels.
Les Celtes partageaient cette conception. Aussi les sols des sanctuaires étaient-ils couverts de ces restes fragmentés, usés, que les pieds des participants au culte déplaçaient au gré de leurs divers mouvements. Le sanctuaire de Ribemont nous a donné une image spectaculaire de ces sols encombrés d’ossements, de morceaux de fer, de parures diverses ; à l’inverse, le sanctuaire de Saint-Maur où les sols ont disparu a livré un fossé de clôture transformé en dépotoir de cette poussière de trophées, fragments infimes de métal, os rongés, les uns et les autres en voie de disparition.
LE TRAITEMENT POST MORTEM DES GUERRIERS DE LA TRIBU MORTS AU COMBAT.
Il faut distinguer deux rites bien différents. Le premier cas est celui où les armes sont recueillies pêle-mêle avec les corps (il s’agit alors d’un rite de consécration des dépouilles). Ce que nous venons de voir plus haut.
Le deuxième cas est celui où les armes et les corps font l’objet d’un traitement différent. Les armes sont exposées séparément (anathémata) et les corps des guerriers brûlés ou incinérés. Il doit s’agir alors des corps des guerriers de la tribu sortie victorieuse de l’affrontement. Les dépouilles des vainqueurs et de leurs montures étaient introduites dans l’enceinte sacrée pour y être enterrées solennellement, ou brûlées ; après exposition puis incinération collective des os desséchés (les héros de la tribu-état morts au combat étant, en effet, comme partout, particulièrement honorés).
À Gournay-sur-Aronde les humains ont été dépecés, c’est-à-dire que l’on a séparé les membres du tronc, mais l’opération s’est arrêtée là. On n’a pas divisé les membres en morceaux et les muscles n’ont pas été prélevés. À Ribemont par contre, on a broyé des os longs probablement pour en extraire la moelle, mais rien ne prouve qu’elle fut consommée ; d’autant que les milliers d’autres os humains récoltés sur le site n’offrent pas la moindre trace de décarnisation.
L’ARC DE TRIOMPHE DES TRIBUS-ÉTAT OU PROPYLÉES (porte d’entrée du sanctuaire ou séparation entre un lieu profane, et un monde divin, le sanctuaire).
Beaucoup des sanctuaires druidiques fouillés présentent une entrée soigneusement aménagée : il s’agit d’un bâtiment souvent imposant, et enjambant le fossé de clôture, où les Celtes fixaient les crânes qu’ils avaient détachés des corps de leurs ennemis.
Le bâtiment était élevé sur de gros poteaux de bois et possédait un étage où armes, crânes d’hommes et de chevaux, ou débris de char étaient entassés. À l’évidence des trophées récupérés à la fin des batailles, mais ces armes consacrées à la divinité qui avait accordé la victoire, diffèrent du trophée grec par leur localisation. Les dépouilles prises par les Celtes étaient en effet rapportées sur leur territoire et entreposées en des endroits consacrés, généralement donc des sanctuaires.
Les guerriers vainqueurs découpaient au couteau, comme ils avaient coutume de le faire, les crânes des ennemis qu’ils avaient tués, crânes qu’ils considéraient comme leur propriété personnelle ; mais le reste des corps, les armes, les chevaux, les débris de chars étaient apportés en un lieu où un enclos fossoyé délimitait une enceinte sacrée vouée de toute évidence à la divinité qui avait favorisé la victoire, et devait être remerciée. Les restes étaient alors disposés suivant leur appartenance à tel ou tel camp.
Les dépouilles des vaincus étaient alors exposées dans ce vaste bâtiment de bois situé à l’extérieur de l’enceinte sacrée. Dressés debout, sans crâne et munis de leurs armes sur une sorte d’étagère, ils étaient laissés là jusqu’à ce qu’ils se démembrent naturellement 1).
Un peu donc comme dans le cas des maisons de la branche rouge du roi Conchobar en Irlande 2).
Strabon, IV, IV, 5. « On rapporte aussi d’autres formes de sacrifices humains : ils perçaient de traits des victimes et les empalaient (anestauroun) dans les sanctuaires ».
Le terme anestauron signifie « suspendre ou accrocher à un poteau ».
On est en droit de se demander s’il ne s’agit pas tout simplement de la description de trophées humains construits avec des cadavres de guerriers du camp adverse. Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le remarquer, à l’époque de Posidonios, la confection de gigantesques trophées humains n’était déjà plus en usage, c’est donc par une source intermédiaire, un voyageur grec de la fin du IIIe siècle peut-être, que l’ethnographe a connu cette coutume.
L’auteur de sa source ou son informateur n’a certainement pas vu l’accomplissement du rite qui devait se faire dans le secret ou dans le cercle étroit des comrunos (initiés) ; il n’a vu que le résultat, des cadavres décharnés encore accrochés à des poteaux, et c’est donc à partir de cette observation qu’il a reconstitué un rite probablement imaginaire.
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Le verbe « empaler » doit par conséquent dans ce cas signifier seulement « accrocher à une palissade » ou « à des pieux », et doit entrer dans le cadre d’un rite de consécration des dépouilles.
César, VI, 17. « Quand ils ont gagné, ils immolent tout le butin vivant et le reste ils l’apportent en un même endroit. Dans beaucoup de tribus-cités, on peut voir des tertres élevés dans des lieux consacrés avec ces dépouilles, et il n’est pas souvent arrivé que quelqu’un, méprisant la religion […] ose toucher à ces dépôts. Pour un tel acte, le supplice le plus cruel a été institué ».
Diodore de Sicile livre V, 29. « Aux ennemis tombés, ils coupent les crânes et les attachent au cou de leurs chevaux. Les dépouilles ensanglantées de ces ennemis tués sont emportées comme du butin par leurs servants d’armes auxquels ils les ont confiées, au son du péan et des hymnes de victoire ; et ils clouent ces prémices du butin à leurs maisons, comme s’ils avaient capturé des bêtes fauves en quelque chasse ».
Strabon (Géographie IV, IV, 5) ajoute une précision : « Ils attachent les têtes de leurs ennemis à l’encolure de leurs chevaux et les emportent pour les clouer aux propylées » (c’est-à-dire littéralement « aux porches d’entrée des temples »).
Le texte de Diodore de Sicile est donc à corriger en ce sens : les maisons des Celtes dont il parle CE SONT (LES ENTRÉES) DE LEURS SANCTUAIRES. Voir le cas de Roquepertuse.
À Gournay-sur-Aronde, l’Arc de Triomphe était l’un des deux grands bâtiments du sanctuaire. Bâti sur six ou huit poteaux, il possédait, selon toute vraisemblance, un étage, et se trouvait muni d’un toit. C’est sur ses parois et sur les balustrades à l’étage qu’étaient accrochées plusieurs centaines d’armes, mais aussi des crânes humains et des crânes de bovidés. Il est l’illustration parfaite du passage de Strabon qui affirme que les Celtes accrochaient les crânes de leurs ennemis à des propylées. Le porche de Gournay-sur-Aronde est en effet un véritable propylée.
1) L’exemple le plus extraordinaire nous est donné par le site « belge » de Ribemont-sur-Ancre. Là, plusieurs dizaines de milliers d’os humains et près de cinq mille armes gisaient à l’intérieur ainsi qu’à la périphérie d’une enceinte sacrée de plan rectangulaire. Sanctuaire établi vraisemblablement après une grande bataille ayant eu lieu au cours du IIIe siècle avant notre ère, et qui a opposé des immigrants belges ambiens à un groupe de Celtes armoricains qui contrôlaient l’arrière-pays de la Manche. Plusieurs dizaines de milliers de guerriers ont dû s’affronter là, et plusieurs milliers ont probablement péri.
2) Le palais de Conchobar était magnifique et avait trois salles principales : la maison aux mille couleurs (tete brec), la maison de la Branche royale (craebruad), et la maison de la Branche rouge (craebderg). Dans la maison de la Branche rouge se trouvaient les têtes et les dépouilles des ennemis du roi.
L’AMÉNAGEMENT INTÉRIEUR.
L’intérieur de l’enceinte était en grande partie vide de construction. L’espace entourant le centre du sanctuaire matérialisé par un ou plusieurs puits à sacrifice, voire des cuves de bois plus ou moins enterrées, s’avérant inoccupé, cela facilitait l’accomplissement des rites et surtout la tenue des banquets de commensalité entre hommes et dieux.
À l’intérieur d’un territoire sacré, il y a toujours une zone de sacralité maximale où l’accès est soumis à de très sévères restrictions. Les divinités manifestaient leur présence sur terre à travers des bois sacrés, petits groupes d’arbres et d’arbustes plantés puis entretenus à l’intérieur des enclos sacrés. Le terme de lucus (loucos peut-être en celte), d’un usage spécifique dans la langue latine, désignait aussi un sanctuaire marqué par un bois sacré, c’est-à-dire un lieu de culte artificiellement paysagé, un aménagement végétal remarquable. Ces sanctuaires tenaient donc plus du Jardin botanique que des forêts comme celle qui sera évoquée par Lucain dans sa Pharsale, et qui représentait un stade primitif, bien antérieur, celui de la clairière dans la grande sylve primordiale. Mais nous y retrouvons néanmoins la même réalité : un sanctuaire avec des arbres.
À Gournay-sur-Aronde le chœur ou cœur du sanctuaire était occupé par un « autel chtonien » du type bothros, terme grec signifiant fosse. Au départ (IIIe siècle avant notre ère), l’autel ne fut qu’une simple
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fosse et ce n’est qu’au siècle suivant qu’il fut protégé par une couverture, en fait un toit reposant sur neuf poteaux, recouvrant la fosse. Les sacrifices de bovins voués aux divinités souterraines devaient donc se dérouler à l’intérieur de l’enceinte délimitée par le péribole, mais à proximité immédiate d’une telle cella voire à l’intérieur.
À Gournay-sur-Aronde, c’est à côté d’un tel aménagement végétal que se trouvait l’autel, lequel, ainsi que tous ceux qui ont été découverts dans les autres sanctuaires druidiques fouillés par la suite, était d’une nature bien particulière. Il se présentait comme une fosse, de quatre mètres de longueur sur deux de profondeur, creusée dans le sol 1).
De tels autels « creux » sont connus en Grèce où ils sont qualifiés de « bothros » ainsi que nous l’avons vu, c’est-à-dire qu’ils s’adressent à des divinités censées résider sous la terre, auxquelles on offre des victimes entières. À la fin du IVe ou à la fin du IIIe siècle avant notre ère, les autels druidiques ne connaissaient que cette forme archaïque et simple ; celle d’une fosse soigneusement creusée dans la terre et qui devait être fermée par un couvercle destiné à la protéger des intempéries. Le temps passant, ces fosses furent dotées d’une toiture ; apparut alors un bâtiment carré ou rond de cinq à six mètres de côté ou de diamètre, aux allures de temple méditerranéen, à la différence que l’autel creux en occupait presque tout l’espace intérieur. Les circumambulations appelées deisil, deiseil, deiseal en gaélique, taouaf en arabe à La Mecque, devaient donc s’effectuer autour de ce bâtiment (autour de la cella) et non à l’intérieur.
Au Puy de Corent, il s’agissait d’un ensemble de quatre cuves revêtues d’un cuvelage en bois, et à demi enterrées, destinées aux rites de libation. Ce centre du sanctuaire (son chœur ou son cœur, garbhagriha dans l’hindouisme) n’était pas exactement situé au centre géométrique de l’aire délimitée par la palissade et la galerie couverte, mais à quelques pas dans l’axe de l’entrée [au contraire donc de l’ensemble cultuel de Libenice] ; il était occupé par des amas d’amphores de forme circulaire ou carrée : des panses et des cols, disposés autour de ces petites cavités revêtues de bois (des bascaudae ?) Ces cavités donc étaient probablement destinées aux libations en l’honneur des divinités souterraines ou des défunts (certaines d’entre elles ont livré des restes humains). Elles rappellent les cuves remplies de vin évoquées dans les festins prodigués par le célèbre Luernios.
Au Puy de Corent les traces d’un atelier monétaire ont été aussi repérées à proximité de l’entrée. Ce qui montre donc que l’émission des monnaies d’alors était placée sous le contrôle des très-sachants de la druidiaction (druidecht), d’où l’intérêt de leur symbolisme pour les chercheurs. Une monnaie frappée sur le site représente par exemple un renard (louernos, en celte) juché sur une roue de char. Cet animal emblématique est mis en évidence à l’entrée du sanctuaire, sous la forme de crânes exposés avec ceux d’autres carnivores comme le loup, le chat sauvage ou le chien. Le renard, désigné par le mot celtique louernos qui a donné son nom au chef arverne, symbolisait donc probablement le contrôle exercé par sa dynastie sur le principal sanctuaire de la Tribu-État.
LES ANATHEMATA.
Les anathemata sont des dépôts sacrosaints de panoplies prestigieuses généralement accrochées aux parois de l’enclos sacré du temple. Ces anathemata, en Grèce comme sur le site de Gournay-sur-Aronde, peuvent être tout aussi bien les armes du vainqueur, investi d’un pouvoir sacré, que celles d’ennemis. Leur relatif bon état et la présence de panoplies complètes ne permettent pas de trancher entre les deux possibilités.
« Bien que pour commencer il semble avoir essuyé quelques revers, et les Arvernes montrent encore, suspendue dans un de leurs temples, une petite épée qu’ils disent être une dépouille prise à César. Celui-ci, l’ayant vue lui-même plus tard, en sourit, et comme ses amis ordonnaient de l’ôter, il ne le permit pas, il la regarda comme une chose sacrée » (Plutarque, Vie de César, XXVI).
Le terme grec anathemata désigne un dépôt fait dans un espace consacré. Le rite dans lequel entre ce dépôt est bien précisé par le terme lui-même, issu du verbe grec anatithemi qui signifie « poser sur », « suspendre à ». Il consiste donc à prendre un objet, à le poser sur un monument ou à l’accrocher dans un temple et à le conserver dans la position où le rite l’a placé. En Grèce les objets qui peuvent devenir anathemata sont variés. Les armes de Gournay ou de Saint-Maur étaient parfois encore liées en faisceau et montraient qu’elles avaient chu d’un support auquel elles étaient suspendues.
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LES SIMULACRA OU ARCANA.
L’aniconisme dans une religion est l’absence de représentations matérielles du monde naturel ou surnaturel. Le mot lui-même provient du grec eikon, signifiant représentation, ressemblance ou image. Le premier philosophe ayant apparemment réfléchi à ce problème, en dehors des très-sachants de la druidiaction (druidecht) naturellement, est un écrivain romain du premier siècle avant notre ère (– 116 – 27) nommé Varron. Il était en effet convaincu de l’existence de différents niveaux de vérité en matière de religion. La juxtaposition, chez Varron, d’une tentation iconoclaste, et d’une exégèse positive des portraits de dieux ou de déesses, s’explique par sa conception d’une religion à deux niveaux. D’une part les effigies des dieux s’accordant à la sensibilité populaire, de l’autre la spiritualité plus exigeante des philosophes qui préféreraient s’en dégager.
Certes oui ! Mais il ne faut pas perdre de vue pour autant qu’une illustration fait plus qu’un long discours, et il ne faut pas oublier non plus la nécessité de l’art et de ses lois dans toute société qui se respecte.
Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) pensent que la Réalité Ultime déborde toujours la forme qui l’évoque, mais, pour de nombreux autres fidèles, le simulacrum ou l’arcana (la statue ou l’image) participait aussi d’une certaine façon à la divinité.
Maxime de Tyr, Dissertations, XXXVIII, sur les images des dieux, 8.
« Les Celtes rendent un culte à Zeus (sic), mais l’image celtique de Zeus est… un grand chêne » [N.D.L.R. en Illyrie et donc chez les Celtes de la région des Balkans, il devait s’agir d’un hêtre : bagaios en celte].
Diodore de Sicile, XXII, 9 (lors de la prise de Delphes).
« Brennus, le roi des Galates, quand il entra dans le temple, ne vit aucune offrande d’or ou d’argent. Se saisissant des statues de pierres et de bois, il se prit à rire de ce que les dieux soient montrés avec une forme humaine et soient dressés là en bois ou en pierre ».
César VI, 17. « Des dieux, ils se font à peu près la même idée que les autres peuples ».
La représentation des dieux a donc commencé par être seulement symbolique, mais de simulacre en simulacre, d’arcane en arcane, elle est peu à peu devenue plus figurative, car cela ne heurtait nullement les convictions des druides.
Par « druides » il faut sans doute comprendre, répétons-le, non les druides druides eux-mêmes, mais les artistes ou les intellectuels en relation avec eux, et gravitant dans leur mouvance. Ce que cette citation prouve en tout cas, c’est que les druides druides au sens strict du terme n’étaient pas iconoclastes comme les premiers chrétiens (parabolani) ou musulmans (talibani).
Il y avait par exemple en Irlande, à Mag Slecht (la plaine des génuflexions) une pierre levée couverte d’argent et d’or, entourée de douze autres statues de pierre garnies de cuivre.
Son nom était Croumba Crouca (Crom Cruach ou Crom Cruaich).
Une autre statue de ce type (ou alors la même ?) également ornée d’or et d’argent, est évoquée dans le Martyrologe d’Oengus le Culdée.
Bien que préceltiques et donc prédruidiques, ces représentations de la divinité ne heurtaient nullement les convictions des druides puisque ceux-ci s’intéressaient aussi aux arts plastiques. Ainsi que nous l’avons déjà dit.
Les artistes mystiques et inspirés en question peignaient en outre apparemment de grandes fresques mythologiques (comme celle qui figurait Ogmios et qui a étonné Lucien de Samosate, voire celles qui représentaient alors Épona dans l’Empire romain) ou fabriquaient divers objets du culte (vouges, labarons…).
Les textes de Maxime de Tyr ou de Diodore de Sicile (sur l’attitude de Brennus) renvoient par conséquent à une phase. Le texte de César à une autre : l’époque où, sans être des druides au sens strict du terme, les artistes réalisant ces statues ou la gravure des pièces étaient plus ou moins placés dans leur mouvance.
L’existence d’une fresque représentant Ogmios est au moins attestée dans la région de Marseille, et le très-sachant de la druidiaction (druidecht) rencontré par Lucien pour l’occasion, apparemment, ne s’en formalisait pas.
Les celtomanes ou les druidomanes de type Iolo Morgannwg affirment que la civilisation celtique des origines ne connaissait pas les représentations anthropomorphes de divinités.
Dans sa toute première phase, les dieux auraient donc été considérés comme des âme/esprits, et représentés seulement par des attributs symboliques (par exemple : le foudre symbolisait Taran/Toran/Tuireann, la lance signifiait Lug, l’épée Noadatus, et ainsi de suite).
Selon Tacite les Germains se gardaient aussi de représenter leurs dieux : « Ils ne trouvent pas digne de la grandeur des Cieux de reléguer les dieux sur les murs de temples ou de les peindre sous des traits humains ».
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Et selon Plutarque enfin, au début, les Romains eux-mêmes n’eurent aucune image peinte ou sculptée de leurs dieux. Pendant les cent soixante-dix premières années, ils édifièrent des temples et bâtirent des chapelles, mais ne firent aucune statue ; jugeant qu’il était impie de rapprocher les réalités supérieures des réalités inférieures, et impossible d’aborder le dieu autrement que par la pensée (Plutarque, Vie de Numa, 8, 14).
Selon ces celtomanes ou druidomanes, la représentation anthropomorphe serait arrivée de la Grèce par l’intermédiaire de colons établis en divers points du territoire comme à Marseille. L’influence de la civilisation grecque puis romaine aurait ainsi « contaminé » le vieux système druidique.
Ce point de vue, qui remonte en définitive au Romain Varron, est à nuancer pour deux raisons.
La première est que les recherches archéologiques ont montré que le contact entre le monde méditerranéen et les populations celtes, remonte à une époque très ancienne.
À l’époque des princes de Hallstatt, la sculpture était déjà un art important, évolué, très présent, à l’est du monde celtique en tout cas… Le Sud nous a également livré de nombreuses statues révélatrices de techniques bien maîtrisées ou d’un art accompli. La datation des statues d’Entremont et Roquepertuse… doit être reculée, car ces statues sont probablement assez anciennes.
L’idée d’un système religieux « pur », antérieur à la « contamination » grecque, est donc plus un dogme qu’une véritable réflexion sur la nature humaine.
La deuxième raison est que les représentations symboliques des dieux n’ont pas existé qu’au début de la civilisation celte, les objets symboliques apparaissent aussi aux côtés des statues anthropomorphes de dieux dans le stade d’évolution suivant.
Lucain décrit dans un bois sacré des troncs d’arbre grossièrement sculptés pour figurer les dieux : simulacra maesta deorum.
Lucain, la Pharsale, livre II : « Les sinistres simulacres des dieux manquent d’art et se dressent, informes, sur des troncs coupés. La pâleur même du chêne pourri frappe d’épouvante. Ce ne sont pas les divinités dont l’image est ainsi donnée que l’on redoute, tant il s’ajoute de terreur de ne pas connaître les dieux que l’on doit craindre ».
Enfin, César nous fait connaître qu’il y a d’assez nombreuses représentations de Mercure : cujus sunt plura simulacra.
Il n’est guère probable que simulacra signifie statues ; le mot a, au départ, le sens vague d’image, d’indication symbolique. Ce n’est que plus tard que ces images ont évolué en statue ou statuette, genre santon provençal pour les plus pauvres.
Historiquement parlant, la religion druidique est donc passée par trois phases bien distinctes.
a) Une phase naturaliste : le culte est rendu en pleine nature, sans rien d’autre que quelques aménagements sommaires des lieux. Un chêne majestueux laissé intact dans une clairière essartée dans la forêt, type Irminsul ou chêne de Mughna, une source aménagée, un autel de pierre pour les sacrifices, et ainsi de suite.
b) Une phase aniconique : le culte s’aide de divers objets plus ou moins symboliques appelés simulacra par César (un masque de bronze fiché sur un poteau de bois, une pierre levée…)
c) Une phase classique utilisant peintures et statues en bois, en métal, ou en pierre, pour représenter la divinité.
Ces trois sensibilités religieuses, ces trois attitudes cultuelles, sont également légitimes, et plaisent également aux dieux. Quant à l’Être des êtres supérieur, lui, n’en parlons pas, il est totalement indifférent (otiosus) à la question. Dommage que le verset mecquois du Coran à ce sujet (2, 256) a été abrogé par des versets ultérieurs révélés à Yathrib/Médine (verset de l’épée 9,5 et verset du combat, 9,29). Car l’abrogation de certains versets du Coran par d’autres est en effet le cinquième vrai pilier de l’islam. Ce qui facilite d’autant plus la taqiya destinée aux gens de médias.
Nul n’a donc le droit d’imposer par la contrainte ou la pression populaire, son point de vue en ce domaine, serait-ce à son conjoint ou à ses enfants ; les critiques et les remarques ou les observations, qui peuvent venir à l’esprit, ne doivent jamais, jamais, aller jusqu’à l’iconoclastie. Par contre bien sûr, chacun demeure libre de faire ce qu’il veut pour son compte strictement personnel ou individuel.
« Ils discutent abondamment sur les astres et leur mouvement, sur la grandeur du monde et de la terre, sur la nature des choses, sur la puissance et le pouvoir des dieux immortels, et ils transmettent ces spéculations à la jeunesse ». (César B. G. Livre VI, 14.)
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Le Tokade ou Destin est sans couleur, sans goût, sans odeur, hors d’atteinte des mots et du toucher, sans qualité, immuable, immobile… avons-nous dit. Cet être non manifesté ne peut être perçu qu’à travers sa procréation, qui est son signe.
Au centre de certains sanctuaires, en Irlande notamment, se dressait le menhir appelé Pierre de Phal (lia fail), symbole mâle, posé sur un losange (lausinca), symbole féminin 2).
La pierre de Fal est une représentation de la nature ambivalente et donc duelle de cette divinité (le destin). Au-delà du Bien et du Mal. Toutefois, « ce n’est pas le phallus en lui-même qui est vénéré, mais celui dont le phallus est le signe, le Progéniteur (universel) ».
Dans la légende irlandaise du Colloque des Anciens (Acallam na senorach), la Pierre de Fal est évoquée comme suit.
Qu’avait donc de remarquable cette pierre de Fal ? demanda Diarmait.
Si quelqu’un était accusé de quelque chose, répondit Ossian, et qu’on le plaçait sur cette pierre, s’il avait dit la vérité, il devenait blanc et rouge, mais s’il avait menti, une tache noire et bien visible apparaissait sur lui.
Quand le vrai roi de Tara montait dessus, la pierre criait sous ses pieds puis les trois vagues d’Irlande lui répondaient comme en écho : la vague de Cliodna (Clídna, Cliona, Cleena), la vague de Tuaide ainsi que la vague de Rudraige.
Quel que soit le roi de province ennemi qui montait dessus par contre, la pierre rugissait ou grondait sous ses pieds.
Quelle que soit la femme stérile qui montait dessus, elle se couvrait d’une fine buée de sang noir ; mais quand c’était une femme féconde, elle se couvrait de buée de toutes les couleurs.
La pierre de Phal représente en réalité le destin, mais le Destin en tant qu’Univers ou Monde, la terre dans laquelle il est planté, la lausinca (l’organe féminin) qui l’entoure, représente la nature manifestée, l’énergie universelle. Elle apparaît parfois comme surgissant du losange symbole de l’énergie féminine, car le Tokade ne peut créer seul. La pierre de Phal figure donc l’énergie continue de la vie ; et c’est pourquoi l’on peut y déceler la trace d’une époque où le corps et la sexualité ne représentaient pas le mal essentiel dont il fallait à tout prix se débarrasser. On a tendance à n’en retenir que l’aspect phallique et à ignorer la notion de destin – attestée par de nombreuses légendes – qui lui est inhérente. On néglige aussi sa parenté avec le pilier cosmique, qui reliait la terre au ciel. Mais cela nous l’avons déjà dit, nous semble-t-il.
Le symbole de la pierre de Phal (Lia Fail) se compose toujours de trois parties.
La partie la plus basse enserrée par la lausinca est faite de terre du pays.
La seconde partie a la forme d’un losange (un losange parfois spécial dit losange d’or) et retient cette terre un peu comme un pot de fleurs géant.
La troisième partie est le menhir ou la pierre dressée proprement dite.
Elle est toujours brute, non polie, et non travaillée, mais peut parfois être gravée de bas en haut, en Irlande du moins, d’une inscription en runes oghamiques.
De nombreuses légendes lui sont attachées (elle désigne les rois ou ceux qui sont appelés à régner, elle peut crier ou gémir, etc. Enfin, bref voir tout ce que l’on a pu écrire à propos de la Pierre de Scone en Grande-Bretagne).
De même que le Divin s’est individualisé en différents dieux, l’esprit humain préfère une représentation imparfaite, mais concrète (kénose) à un Être supérieur plus complet, mais plus abstrait. Les très-sachants de la druidiaction (druidecht), tout en étant conscients des limites d’une telle forme matérielle pour représenter une entité surhumaine (voir les réactions du roi Brennos à Delphes) pensent néanmoins que le symbolisme et la beauté peuvent insuffler à la statue l’âme ou l’esprit ou l’étincelle divine ou la larme de feu, qui lui manque.
La statue est un simulacrum ou une arcana (terme sanscrit) symbolisant Hesus, danna Épona, ou les dieux comme Taran/Toran/Tuireann, Lug, la bélisama Brigindo Brigantia Brigitte, voire une épopée mythologique, et proposé à la vénération des dagolitoi ou fidèles.
L’énergie cosmique du Pariollon (appelé Parinirvana en Extrême-Orient) ayant pris en les dieux corps et figures humaines, en des lieux et en des temps divers de l’Histoire (on les a vus, entendus. Ils sont morts ou ressuscités. Ils étaient – ils sont toujours – à la fois préternaturels, c’est-à-dire de nature spirituelle, mais en même temps aussi vrais hommes un peu comme nous) ; le simulacrum ou l’arcana (la statue) tient une grande place dans la spiritualité du paganisme celtique ; après les essais de
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figuration préhistoriques sur des troncs d’arbre et des poteaux de bois (avec ou sans masque de bronze), puis sur des pierres taillées en forme de poteaux.
La statue ou la peinture sacrée, comme celle qui fut décrite par Lucien de Samosate dans la région de Marseille (et qui représentait l’Hercule celte appelé Ogmios) est un témoignage visible de l’élan de l’Homme vers le divin.
Icônes et statues sont les signes visibles d’une sacralisation de la matière rendue possible par l’incarnation des dieux avons-nous dit. Elles ont une valeur spirituelle non négligeable.
Ces symbolisations ou représentations du divin sont proposées aux dagolitoi (aux fidèles) comme support de méditation (arcana en sanscrit) sur la diversité des aspects que peut prendre le « divin ».
Mais encore une fois bien évidemment, répétons-le, les simples mortels que nous sommes ne sauraient se faire une image visuelle de la Divinité elle-même, dans la plénitude de son mystère.
Et ce sera donc seulement dans cette optique que les vrais croyants (les dagolitoi) pourront et devront les considérer.
Les simulacra ou arcana des sanctuaires ont leur vie propre : le culte rendu dans les sanctuaires (plus tard les temples) à la statue principale reproduit par exemple les rites laïcs d’une journée ou d’une tournée royale. Un desservant (ou des desservants) lui est attaché qui n’appartient pas toujours à la sodalité druidique. Car tout sanctuaire druidique avait aussi évidemment ses desservants attitrés.
C’est ce qui se dégage du texte de Tacite concernant la déesse ou la fée appelée par lui (en interpretatio germanica ?) Nerthus.
« Il n’y a rien de bien particulier à signaler pour chacun d’eux, excepté le culte qu’ils rendent en commun à Nerthus, autrement dit à la Terre Mère. Ils croient qu’elle intervient dans les affaires humaines et qu’elle se fait conduire auprès de leurs peuples.
Dans une île de l’Océan s’étend une forêt sainte. Elle abrite un char consacré, que dissimule un voile. Un seul prêtre est autorisé à le toucher. Quand il a pris conscience de la présence de la déesse dans le sanctuaire, il fait atteler le char par des génisses et le suit avec grande vénération. Viennent alors des jours de liesse. C’est la fête dans les endroits que la déesse juge dignes de l’accueillir et de l’héberger. On n’entame pas de guerres, on ne prend pas les armes. Tout fer est enfermé. Ce n’est qu’alors que l’on connaît le calme de la paix, ce n’est qu’alors qu’on l’apprécie. Et il en est ainsi jusqu’à ce que le même prêtre rende à son temple la déesse, comblée par son séjour chez les mortels. Ensuite le char et le drap et, si on le trouve crédible, la divinité elle-même, sont immergés dans un lac, à l’abri des regards. Ce rite est accompli par des esclaves que ce même lac engloutit aussitôt » (Tacite. Germanie. XL).
1) Les sacrifices devaient s’accomplir au bord de cette fosse, au fond de laquelle les victimes étaient déposées.
2) Lausinca. La puissance féminine est en effet symbolisée par le losange. Le losange est le symbole de la femme dont il représente le sexe et, par conséquent, la fécondité. Un losange dont le rapport des diagonales est égal au nombre d’or est un losange d’or (ses sommets sont les milieux des côtés d’un rectangle d’or).
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LA HIÉRARCHIE DES SANCTUAIRES.
Tout lieu où s’exerçait un pouvoir devait avoir sa caution religieuse, ville, bourgade, camp, résidence aristocratique.
Les lieux de culte n’arrêtaient donc jamais de se multiplier ou de se transformer. Un sanctuaire de pagus (un pagus sera égal à un comté ou à une comté au Moyen-âge, voire à une microrégion comme le pays welche dans les Vosges) pouvait devenir le principal lieu de culte d’une civitas ; un autre, parce que sa proximité de plusieurs frontières l’y prêtait naturellement, pouvait devenir le sanctuaire d’une confédération guerrière. À l’inverse, un sanctuaire ancien dont l’origine se perdait dans l’histoire d’une population autochtone antérieure à celle du pagus, pouvait très bien être délaissé au profit d’installations nouvelles, établies dans une bourgade en plein développement.
Un des plus beaux exemples de temple de tradition druidique est celui du Titelberg au Luxembourg. Le Titelberg est un grand oppidum dont les fortifications sont mentionnées par Wiltheim dans sa Luciliburgensia Romana. Il fonctionne encore comme vicus (village) à l’époque romaine, sans égaler pourtant le rang de Dalheim. L’oppidum du Titelberg, contemporain de celui de Corent et de statut équivalent, abritait un vaste sanctuaire identifié au premier lieu de culte de la Tribu-État trévire, remplacé à l’époque romaine par un gigantesque fanum (temple rural). Un relief en pierre d’époque romaine représente un petit édicule en pierre en semi-perspective, constitué d’un édifice central, flanqué de deux bâtiments plus petits. Leur toiture est figurée à la fois par un fronton et ses quatre pans vus en plan. La porte du corps principal, par des carrés encadrés par deux colonnes (sans doute des arbres à l’origine).
Les Celtes, dans leurs pratiques religieuses, utilisaient initialement des installations très modestes. Simple foyer aménagé sur le sol (avec ou sans landier), bloc de pierre fiché dans la terre, servant soit d’autel, soit de représentation divine (simulacrum, arcana), soit encore de borne à quelque enclos sacré ; comme on en voit encore de nos jours en Inde par dizaines d’exemplaires autour des pagodes monumentales ; et enfin une fosse ou un puits à offrandes. Sans oublier un point d’eau.
Cette humble matérialité devait être le lot commun de bien des installations cultuelles les plus familières, autels familiaux, et autels isolés dans la campagne ou sur les chemins. Aujourd’hui, beaucoup de ces vestiges demeurent encore, enfouis dans le sol. Et si nous les exhumons, il y a peu de chance pour que nous les reconnaissions. Ce sont pourtant eux qui balisaient les parcours les plus quotidiens de nos ancêtres, tout comme les processions les plus solennelles une fois par an.
Il en existait six grands types sans compter les autels familiaux, donc, privés 1).
1. Et tout d’abord la sylve primitive. Lucain. Pharsale III, 399-452.
« Il y avait un bois sacré qui, depuis les temps les plus anciens, n’avait jamais alors été profané. Il entourait de ses branches entrelacées les ténèbres et les ombres glacées, à l’écart des mouvements du soleil. Celui-là, ce ne sont pas les Pans paysans ni les Sylvains maîtres des bois, ni même les Nymphes qui le possèdent, mais ce que l’on a consacré aux dieux suivant des rites barbares. Des autels y sont érigés sur des tertres sinistres et tout arbre y est aspergé de sang humain.
Si l’Antiquité admiratrice des puissances célestes mérite quelque foi, les oiseaux mêmes craignent de se poser sur ces branches et les bêtes sauvages d’y trouver un repaire. Le vent ne vient pas coucher dans de tels bois ni la foudre jaillissant des nues obscures. Ces arbres qui ne présentent leur feuillage à aucune brise, font frissonner d’horreur. L’eau abondante s’écoule de noires fontaines ; les sinistres simulacres des dieux manquent d’art et se dressent, informes, sur des troncs coupés. La pâleur même du chêne pourri frappe d’épouvante. Ce ne sont pas les divinités dont l’image est ainsi donnée que l’on redoute, tant il s’ajoute de terreur à ne pas connaître les dieux que l’on doit craindre. Déjà l’on disait que des cavernes profondes mugissaient sous l’effet des tremblements de terre. Que des ifs courbés se redressaient, que des incendies éclairaient des bois qui ne brûlaient pas, que des dragons enlaçant les chênes se répandaient en abondance. Les populations ne s’en approchent plus pour pratiquer leur culte, mais cèdent le bois aux dieux. Que Phébus soit au zénith ou qu’une nuit noire
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remplisse le ciel, le prêtre lui-même a peur d’y pénétrer tant il redoute d’y surprendre le maître du lieu…
César ordonne d’abattre cette forêt au moyen du fer, car voisine des travaux et non touchée par la guerre précédente, elle se tenait, seule, très épaisse, parmi les monts dénudés. Mais la main tremble même aux plus courageux, respectueuse de la majesté du lieu, ils craignaient que, s’ils frappaient les arbres sacrés, les haches rebondissent sur eux. Quand César vit les cohortes arrêtées par cette soudaine torpeur, il osa le premier brandir une hache qu’il venait de saisir, et fendre de son fer un très grand chêne ; quand le fer fut enfoncé dans le tronc violé, il déclara :
« Désormais, afin qu’aucun de vous n’hésite plus à jeter à terre ce bois, dites-vous que c’est moi qui ai commis le sacrilège ».
Alors, toute la troupe obéit au commandement : elle n’était pas libérée de la peur, mais elle avait pesé avec soin la colère des dieux et celle de César. Les ormes tombent, l’yeuse noueuse est frappée ainsi que les bois de Dodone, l’aune propre au tremblement et le cyprès qui témoigne de deuils non plébéiens. Pour la première fois, ils laissèrent choir leur chevelure, et sans leur feuillage laissèrent entrer le jour ; cependant, bien que poussée en avant, la forêt, dans sa chute, se retient par la densité de ses troncs. Les populations gémissent à ce spectacle, mais la jeunesse guerrière enfermée dans ses murs exulte. Qui peut croire que les dieux peuvent être offensés impunément ? Pourtant, le Destin épargne beaucoup de coupables et les divinités ne peuvent s’irriter que contre les malheureux. Quand suffisamment de bois fut coupé, on le transporte sur des chariots qui ont été réquisitionnés dans les champs et les paysans, voyant leurs bœufs arrachés à la charrue, pleurent une année perdue ».
2. Les nemeta (singulier nemeton) : les lieux de culte divers jalonnant ici et là la campagne et les autres points remarquables de la nature. Dans les deux cas, leur mise en évidence demeure extrêmement délicate, il peut en effet s’agir d’un simple foyer, d’une simple pierre utilisée comme autel ou comme représentation divine, et d’un puits ou fosse à sacrifice près d’une source. Tous les quinze jours, les hommes préhistoriques avaient coutume de quitter leurs cavernes et de monter sur une colline pour adorer le soleil couchant, dans une clairière de la forêt spécialement aménagée à cet effet sous les chênes, non loin d’une source. Cette clairière constituait un enclos sacré, matérialisé le plus souvent à l’époque néolithique par douze pierres plus ou moins arrangées, voir ce que l’on appelait Crom Cruach ou Crom Cruaich en Irlande. Tels furent les premiers temples de nos ancêtres.
Le gutuatre ou la gutumatre invoquait Cornunnos le sombre dieu de la forêt, père spirituel de tous les chasseurs-cueilleurs. Le vate s’occupait des atiobertas (offrandes), le vellède haranguait la tribu assemblée, le druide chaman dirigeait l’ensemble. Au centre de la clairière trônait, informe, ce que l’on appelait un lex, c’est-à-dire un autel rustique de pierre (ou de bois : une souche par exemple) voire encore une fosse creusée à même le sol. Éventuellement le pariolos, sorte de chaudron ou de Graal contenant la boisson du grand Cornunnos, la boisson des dieux, la cervoise sacrée. Quant à l’atmosphère, voir tout ce qu’Édouard Schuré a pu écrire sur Ram et Velléda.
Pour pénétrer dans la clairière, on entrait par l’est. Au milieu également un grand arbre, un chêne, comme Irminsul ou l’if de Mughna, auquel étaient cloués des crânes d’hommes ou d’animaux, des anathemata, des bratou decantem (des ex-voto), etc.
3. Les « lucus » (loucos peut-être en celte) ou bosquets sacrés.
Les anciens très-sachant de la druidiaction (druidecht), comme tous les Celtes de la haute époque, ne représentaient pas leurs dieux par des statues anthropomorphes ; avons-nous dit, aussi n’avaient-ils pas besoin d’un temple qui soit, comme dans le monde gréco-romain, leur habitation, devant laquelle étaient accomplies les obligations religieuses.
Le bosquet, courant dans les sanctuaires antiques, avait pour les très-sachants de la druidiaction, la plus haute importance, c’était le « bois sacré », traduction du mot latin lucus, une incarnation de la divinité. Le bois sacré qui était à la fois la demeure provisoire des dieux et le lien entre les mondes souterrain et céleste, permettait aux dagolitoi (aux fidèles) de ressentir la présence divine, et d’avoir avec elle un contact presque physique. Ce bois sacré a été par la suite symbolisé par des poteaux puis des colonnes élevées autour des autels.
4. Les fana (singulier fanum) : temples servant à des communautés humaines plus vastes que la famille (villages, quartiers de ville, oppida).
Des fouilles récentes viennent de révéler qu’il y avait des installations cultuelles, implantées au cœur même d’habitats d’importance plus ou moins grande, parfois même au centre d’une résidence aristocratique qui ne regroupait que quelques dizaines d’habitants. Ces lieux de culte, véritables en ce sens qu’ils sont clairement séparés des quartiers d’habitation, en ce qu’ils possèdent une installation sacrificielle, et montrent des atebertas ou offrandes de type guerrier, ou tout au moins aristocratique ;
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ne peuvent cependant être caractérisés comme de grands sanctuaires au sens habituel du terme. Leur nombre est certainement beaucoup plus élevé.
On en distingue trois types. Les zones cultuelles à l’intérieur de simples villages. Les espaces réservés sur les oppida ou les places publiques et cultuelles des résidences aristocratiques. Les bâtiments mi-cultuels, mi-profanes (celicna).
— Zones cultuelles à l’intérieur des agglomérations. Connus en Angleterre depuis longtemps (Bewcastle, sur le Mur d’Hadrien, dans le Cumberland) les petits temples britto-romains [ou gallo-romains évidemment] sont un excellent exemple de survie de la foi de nos ancêtres, moyennant un certain nombre de compromis avec l’occupant.
Les substructions en pierre blanche au milieu des grandes plaines limoneuses sont visibles l’hiver, même de loin ! Elles apparaissent sous la forme de deux carrés inscrits l’un dans l’autre. Le carré central correspond à la base de la cella, c’est-à-dire du temple lui-même où était placé l’autel surplombant les puits ou les fosses à sacrifice (devant et de chaque côté). César nous dit que les très-sachants de la druidiaction (druidecht) honoraient leurs dieux en tournant autour. Cela explique la présence d’une galerie périphérique où déambulaient les dagolitoi (les fidèles) autour de cet ensemble cultuel.
Le carré blanc extérieur, bien discernable sur les photos, correspond à la base de cette galerie.
Les dimensions sont assez constantes. La largeur hors tout est de l’ordre de 14 à 18 m de côté. Il arrive qu’un des côtés soit un peu plus grand que l’autre (18 x 14,50 m par exemple).
À en juger par les photographies aériennes, l’épaisseur des murs qui soutenaient la cella et l’épaisseur des murs qui supportaient la galerie sont à peu près identiques. Cependant, dans plusieurs cas les fondations extérieures sont moins marquées, comme si ces fana (singulier fanum) étaient constitués d’une tour centrale sur laquelle venait s’appuyer une simple galerie extérieure au toit en appentis. Le seul examen des photographies ne permet pas de dire si l’aire centrale était dallée ou empierrée. Dans quelques cas un perron est perceptible. Quand l’entrée est discernable, elle est orientée au soleil levant.
Le fanum (pluriel fana ou fanums) est donc la forme typique du temple britto-romain [ou gallo-romain bien sûr]. Ce type de temple est une évolution des sanctuaires druidiques, qui en bois au départ, se sont peu à peu monumentalisés.
Le fanum, de construction généralement simple, genre halle couverte du Moyen-âge, possède une cella (pièce abritant l’autel et les fosses ou puits à sacrifices qui l’entourent, devant et de chaque côté) ; le plus souvent carrée, mais qui peut être ronde ou rectangulaire.
Les murs extérieurs sont décorés de fresques peintes représentant par exemple (comme dans la région de Marseille aux dires de Lucien de Samosate) l’Hercule celte appelé Ogmios. La cella est entourée d’une galerie, couverte ou non. Elle pouvait servir à une déambulation des dagolitoi (fidèles) tout autour, qui pouvaient ainsi se rapprocher de la divinité.
— Les espaces cultuels réservés aux assemblées guerrières.
Les assemblées guerrières étaient celles où le guerrier se parait de toutes ses armes, elles indiquaient son rang hiérarchique et témoignaient de son passé militaire. Si certaines étaient ouvertes à l’ensemble des combattants, toutes origines sociales confondues, le plus grand nombre étaient réservées aux chefs et se faisaient dans le secret, comme le laisse entendre César à plusieurs reprises. Ces assemblées, qu’elles fussent seulement civiles ou militaires, ne se passaient pas d’un certain rituel religieux. Lors de la conjuration générale de 52 avant notre ère, les principaux chefs se réunissent chez les Carnutes, probablement dans l’un de leurs sanctuaires.
Là ils nouent des serments au-dessus des étendards réunis en faisceau, ce qui est, dit César, « more eorum gravissime caerimonia », autrement dit la cérémonie la plus grave [et la plus lourde de conséquences]. Dans la bourgade de Montmartin, près de Gournay, toujours dans cette zone « belge », une place publique fut sans doute aménagée pour de telles réunions. Derrière de puissants murs décorés d’armes et de crânes humains (qui portent les traces d’un prélèvement de la langue consciencieux et sans finalité apparente), une large esplanade pouvait accueillir quelques centaines d’hommes sous l’égide d’un petit temple.
— Bâtiments mi-cultuels mi-profanes de type celicnon. Les dernières publications archéologiques concernant le monument d’Ucuetis montrent que le celicnon était un bâtiment à étage, comprenant probablement un entrepôt occupant le rez-de-chaussée, ainsi qu’une salle de réunion circulaire avec table ronde à l’étage. Le celicnon était par conséquent une salle, en étage, réservée aux cérémonies
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d’un groupe particulier ou de telle ou telle corporation, pour y honorer par exemple le dieu patron de la profession.
Le celicnon est une sorte de loge ou de temple urbain de quartier, situé en pleine ville et dont la caractéristique principale est d’être dénué de tout déambulatoire faute de place ; n’ayant qu’une cella au rez-de-chaussée (ou en étage, les pièces adjacentes abritant dans ce cas le matériel rituel nécessaire). Cette grande salle est circulaire et en cas de besoin comme à Camelot une table également circulaire peut y être installée.
Dans la cella de ces loges, le puits à offrandes et le point d’eau peuvent être remplacés par des tonneaux. La cella d’une loge est aussi habituellement décorée de houx et de gui, ou de fresques sur les murs en représentant. Murs sur lesquels sont également peintes et représentées diverses scènes de la mythologie, des figurations diverses, comme celle qu’a vue dans la région de Marseille, Lucien de Samosate (l’Hercule celte appelé Ogmios). L’autel est une table d’argent, parfois entourée de piliers sculptés. Dans un coin peuvent trôner des simulacra, des arcana, diverses statuettes ou symboles. Et dans la cheminée les chenets sacrés (les landiers).
5. Les mediolana (les sanctuaires centraux). Singulier médiolanum.
L’institution politique de la confédération qui pouvait être à plusieurs niveaux et avec des partenaires variables, suppose une grande souplesse de l’esprit celte dans ses préoccupations militaires et politiques ; un certain génie même, qui s’oppose de la façon la plus nette à la réputation de caractère têtu et désordonné qu’on leur fit dès l’Antiquité. De telles alliances, parfois ponctuelles, parfois séculaires, de ces vastes communautés, nécessitaient un ciment. Il était, comme on le verra, de nature essentiellement religieuse puisqu’il s’agissait de lieux de culte d’une autre catégorie et spécialement consacrés à cet effet à la différence des précédents.
L’exemple type en est la ville italienne de Milan. Le temple druidique de type mediolanum est un fanum, mais encore doté de son enceinte sacrée tout autour. Une enceinte matérialisée sous la forme d’une palissade ou d’un mur, avec fossé, qui a pour principal but de délimiter l’espace sacré abritant les sépultures réservées aux morts illustres (placés sous la protection de la divinité) ; de l’espace profane 2). Cette séparation sacré/profane n’appartient pas exclusivement à la religion britto-romaine [ou gallo-romaine], car on la retrouve aussi bien chez les Grecs que chez les Romains.
Il s’agit donc d’un espace sacré qui sert également de cimetière ou plus exactement de nécropole où reposent en paix les grands héros de la confédération, ses soldats tombés au champ d’honneur.
Un portail d’entrée monumental, un peu comme les portails d’église romane 3), ou les portes triomphales des enclos paroissiaux bretons d’Armorique pour y pénétrer.
Au fond de l’enceinte une cella le plus souvent carrée, mais qui peut être ronde ou rectangulaire, entourée d’une galerie, couverte ou non.
À l’intérieur de la cella un puits ou une fosse à sacrifice surmonté d’un autel.
À droite ou à gauche de cette cella, mais indépendante de celle-ci, et toujours dans l’espace sacré délimité par l’enceinte, un peu comme une tour ronde d’Irlande, une lanterne des morts pour la partie cimetière (la lanterne des morts est une petite tour très étroite, et surmontée d’un lanternon, au pied de laquelle sont regroupées les urnes funéraires. Il s’agit donc d’un columbarium païen) et de l’autre côté, toujours par rapport à la cella, un bosquet sacré.
Le temple druidique de type mediolanum est donc une construction de bois au toit de chaume ou de branchage, située au sein d’un enclos symboliquement délimité par une enceinte (palissades et remblais de terre) ; dont les dimensions vont de 35 à 140 mètres suivant l’importance de la tribu (80 X 80 mètres à Holzhausen, 80 X 20 mètres à Libenice).
Sur ces palissades sont exposés les différents trophées (anathemata) des guerriers de la tribu (crânes, boucliers, ou autres).
La cella est délimitée par des murets de pierres sèches ou de torchis portant à l’extérieur des fresques mythologiques somptueuses (mettant en scène par exemple le dieu Ogmios).
On y trouve un autel et un ou plusieurs puits à sacrifice, voire de simples fosses, autrement dit un endroit pour déposer les atiobertas (offrandes). Les puits à sacrifice situés dans la cella du temple peuvent avoir jusqu’à 35 mètres de profondeur. Nos ancêtres les creusaient pour obtenir le contact avec les divinités souterraines. Ce qui est aussi logique que d’essayer d’entrer en contact avec des divinités célestes du genre anges. Autour les tombes des rois ou des grands ancêtres de la tribu et une source ou un puits « ordinaire ». La porte d’entrée de la cella s’ouvre à l’est. Elle est composée de deux billots de bois (totems de bois) décorés de bratou decantem ou ex-voto divers (crânes, armes…).
Autour de la cella une galerie déambulatoire de forme rectangulaire ou carrée comme la cella, en général ouverte à plein-vent (sans muret de torchis). C’est là que se tient le reste des dagolitoi
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(fidèles), au milieu des colonnes ou des piliers de bois, sculptés comme des chapiteaux romans, et qui symbolisent les arbres des antiques bosquets sacrés.
Le tout en des endroits faciles d’accès (carrefours, débouchés commerciaux…) spécialement défrichés pour cela (mediolanon) entourés de quelques bâtiments pour les pèlerins venant de loin (auberges).
Ce genre de sanctuaire paraît toujours isolé. En fait, il est au centre d’un espace qu’il domine et dont la superficie excède toujours plusieurs hectares, voire quelquefois plusieurs dizaines d’hectares. Dans la plupart des cas, il se trouve éloigné de tout habitat, mais il peut se trouver sur un chemin ou à proximité immédiate. Dans de nombreux cas également, l’emplacement du sanctuaire domine un point d’eau, rivière, confluent, source, mais à une distance respectable de plusieurs dizaines voire plusieurs centaines de mètres.
Leur situation dans le paysage est paradoxale si on la compare à celle des autres installations humaines. Ils se trouvent, dans leur grande majorité, sur les plateaux et toujours sur des points dominants. Non pas sur des éminences remarquables, mais sur les cotes altimétriques les plus élevées, celles qui permettent de voir un horizon éloigné de quelques kilomètres, parfois de plus d’une dizaine de kilomètres. Ces lieux de culte étant généralement distants les uns des autres de six ou sept kilomètres ; il est très courant que de l’un d’entre eux on puisse voir un ou plusieurs sites similaires. D’autres critères devaient cependant présider aussi au choix de ces lieux : résidence d’un dieu indigène [préceltique], sépulture d’un héros, construction remarquable d’une civilisation antérieure.
Cette idée de sanctuaire central est fort bien rendue par le toponyme de Mediolanon qui est l’ancien nom de Milan, ou d’une soixantaine d’autres lieux en Europe. Le mot mediolanon est généralement traduit par « plaine du milieu », lanon (de même racine que le latin planus) ; mais cette interprétation ne tient pas compte du symbolisme religieux, car il est des cas où ce toponyme s’applique à des localités situées sur des hauteurs.
Cette conception du sanctuaire dénote en tout cas une réflexion métaphysique et théologique de grande envergure.
Les Celtes qui se sont installés en ces lieux, avant de délimiter clairement leurs territoires respectifs, ont voulu se les approprier en quelque sorte magiquement et en accord avec les dieux. La construction du sanctuaire, en tant que point de contact assurant le dialogue entre les hommes et les dieux, marquait définitivement le territoire ; mieux qu’une borne l’aurait fait, car il indiquait la propriété du peuple en question, non seulement aux peuples voisins, mais aux dieux des peuples voisins.
6. Les drunemeta ou vernemeta. Drunemeton ou Vernemeton signifie tout simplement « grand nemeton ». Il s’agissait de grands sanctuaires destinés à des communautés humaines plus vastes : tribus, fédération de tribus, régions, etc. Le plus connu est le célèbre drunemeton des Galates où se réunissaient régulièrement leurs 300 députés.
Principales caractéristiques de ce type de sanctuaires. Présence d’enclos fossoyés doublés d’une ou plusieurs palissades (les rites effectués dans l’espace sacro-saint exigeaient probablement le secret ou tout au moins d’être à l’abri des regards de ceux qui n’y étaient point admis ; d’où la nécessité d’élever une palissade tout autour) ; présence d’un porche d’entrée monumental servant d’arc de triomphe en relation avec les palissades ou les murs ; d’un autel ainsi que d’une ou plusieurs fosses à sacrifices ; d’un point d’eau (source ou puits), de reliques et trophées divers (urnes funéraires construites en os humains) ; ainsi que d’un cimetière…
Des chemins matérialisés par un épandage souvent léger de petits cailloux relient les différentes installations cultuelles et, donc, hiérarchisent l’espace. D’un côté aires rituelles et petites allées les reliant, de l’autre espaces plus vastes, notamment le long de la clôture, réservés aux trophées, limités à des opérations ponctuelles : installations, nettoyage partiel. Entre les deux, des palissades légères donnaient peut-être un volume à cette hiérarchie des espaces.
a) Le fossé. Il n’est pas sûr que dans un premier temps le fossé ait été doublé d’une palissade. C’est ce que semble indiquer dans les deux cas la palissade qui fut construite après et qui ne se trouve pas là où l’on attendrait qu’elle fût. À Gournay, très curieusement, elle englobe le fossé, à Ribemont elle est installée à l’intérieur du fossé. Le type même de clôture utilisé dans un premier temps, un simple fossé laissé ouvert, suggère plutôt une fonction symbolique et non militaire, celle d’une zone de transition séparant l’aire sacrée d’un espace habité ou cultivé.
b) La mise en place ensuite d’un mur de bois entourant l’espace sacré constitue une autre étape dans la création du sanctuaire. C’en est quasiment l’acte fondateur : l’espace sacré devient en effet réservé. Il est masqué à qui se trouve à l’extérieur. Désormais le sanctuaire répartit les hommes, en deux
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catégories : ceux qui pénètrent dans l’enceinte et deviennent des comrunos (des initiés), ceux qui demeurent dehors.
c) L’Arc de Triomphe (la porte triomphale).
Le troisième élément essentiel de ce genre de sanctuaire est l’Arc de Triomphe servant de porche d’entrée, en relation avec une palissade ou un mur. Sur tous les sites cultuels observés, l’entrée de l’enclos montre en effet un aménagement plus ou moins complexe, de la simple paire de trous de poteaux qui trahit l’existence d’une porte aux vestiges plus nombreux laissés par un véritable bâtiment. Cette entrée monumentale, qui par son architecture devait ressembler à celles des oppida celtiques, avec sa décoration de crânes humains, fait évidemment songer au texte de Strabon, tiré de Posidonios : Livre IV, 4,5.
« Ils attachent les têtes de leurs ennemis à l’encolure de leurs chevaux et les emportent pour les clouer aux porches des temples. Posidonios dit l’avoir vu lui-même en beaucoup d’endroits » (le texte grec emploie le terme propylaiois).
Ce porche indique clairement l’importance du lieu de passage qui permettait la communication entre le monde profane et l’espace sacré. Des aménagements du bâtiment permettaient peut-être des rites particuliers qui lui conféraient un rôle de sas par lequel le participant au culte se purifiait avant d’entrer dans le domaine divin. Mais sur le sujet l’investigation archéologique demeure muette. Ce que nous savons, en revanche, c’est que ce bâtiment monumental ouvrant vers l’extérieur était richement orné. Il donnait à lui seul une image évocatrice du sanctuaire.
Le fatras d’armes découvert à ses pieds dans le fossé n’est pas le résultat d’un simple dépôt de butin dans la partie supérieure du porche. Nous ne sommes d’ailleurs pas sûrs qu’il s’agisse de butin. Les armes (épées, boucliers, fourreaux, chaînes) suggèrent plutôt l’image d’un dépôt de panoplies complètes, peut-être prises sur l’ennemi, mais peut-être aussi offertes par les vainqueurs à leur dieu. Ces atebertas ou offrandes, dont certaines étaient encore liées comme en faisceau, étaient, pour une bonne part, exposées : elles participaient à la décoration du porche.
Il en va de même des crânes de bovidés que l’on avait détachés du reste de la dépouille. Une douzaine de crânes humains, au moins, figuraient dans cette composition qui illustrait la guerre et le sacrifice. Autrement dit toute la symbolique d’un véritable arc de triomphe. On ne peut s’empêcher aussi de penser à la porte triomphale des enclos paroissiaux bretons même si cela n’a rien à voir. Cette porte monumentale ou arche triomphale, généralement très décorée, symbolise en effet l’entrée du juste dans l’immortalité. Elle souligne la notion de passage que l’on retrouve dans tous les rites liés à la mort, issus de la culture celtique.
d) Les fosses ou puits à sacrifice. Les fosses ou puits à sacrifices ont deux usages.
— Le sacrifice animal, genre taureau. On a la même chose en Grèce et à Rome.
— Les libations de liquides, de boissons, voire de végétaux ou de produits manufacturés à la forme suffisamment fluide pour pouvoir être versés à partir d’un récipient. Si ces différentes matières n’ont laissé aucun vestige identifiable dans le sol, l’usage de la libation chez les très-sachants de la druidiaction (druidecht) est attesté par la découverte de récipients qui semblent avoir eu cette fonction. On a retrouvé lors des fouilles de ce genre de sanctuaire, divers bassins en bronze, larges et plats, qui auraient pu avoir cette fonction. On en connaît un dans la sépulture nº 3 de Tartigny, qui pourrait avoir été celle d’un druide.
e) Le centre du drunemeton ou du vernemeton est une pièce semi-souterraine, une cella ronde ou polygonale (par exemple octogonale) ou carrée, creusée dans un socle ou une motte artificielle. Cette cella ou crypte à demi souterraine est entourée d’une galerie de circulation surélevée ou d’un péristyle ; soit fermé soit ouvert par toute une série de piliers sculptés, peints, servant de déambulatoire pour la circumambulation (deisil en Irlande, taouaf en Arabie à La Mecque), dans le sens solaire ; d’où l’on peut observer ce qui se passe dans la cella un peu plus bas.
Le temple peut être double ou triple ou quadruple. Par exemple deux cellae entourées d’une même galerie déambulatoire ou d’un même péristyle. À Libenice, il y en avait deux.
Longueurs et largeurs des cellae : entre 10 et 20 mètres.
Les murs extérieurs sont décorés de fresques peintes représentant, on l’a déjà dit, Ogmios, dans la région de Marseille, ainsi que le rapporte Lucien de Samosate.
L’entrée de cette pièce en sous-sol se dresse à l’est. Elle est constituée par deux énormes piliers de pierre surmontés d’un linteau, sur lesquels on trouve des têtes sculptées.
On franchit le portique en descendant un escalier de pierre rustique conduisant à la cella, située dessous, un peu comme une crypte qui serait maçonnée en sous-sol avons-nous dit.
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À l’intérieur au fond de la crypte en allant vers l’ouest et devant un soupirail qui l’éclaire se dresse un autel à colonnes (une de chaque côté : elles ont succédé aux arbres d’origine).
On se demande bien dans quelle partie du temple se trouvait la statue de la déesse ou fée Nerthus évoquée par Tacite : « Dans une île de l’Océan s’étend une forêt sainte. Elle abrite un char consacré, que dissimule un voile. Un seul prêtre est autorisé à le toucher. Quand il a pris conscience de la présence de la déesse dans le sanctuaire, il fait atteler le char par des génisses et le suit avec grande vénération » (Tacite. Germanie. XL).
f) L’autel surplombant les fosses à sacrifices.
g) Le point d’eau.
Un puits a été découvert au centre de l’espace sacré de Ribemont, il date au moins du début du Ier siècle avant notre ère. Il est le seul, actuellement, à indiquer que l’eau participait pour une part non négligeable à l’activité cultuelle. Cette eau servait avant tout à la purification des druides et des participants, mais elle pouvait aussi être l’objet d’une ateberta (offrande) propre à la divinité.
Ce puits sacré peut prendre la forme d’un grand bassin de pierre où l’on descend par des marches. Il peut même dans certains cas, s’agir d’une véritable piscine. On y fait les ablutions rituelles comme dans le cas de la source sacrée de Glanum en Provence.
Un point d’eau potable (et si possible d’eau courante, pas un simple bénitier) doit donc figurer à l’entrée du temple ou ailleurs afin…
— Premièrement de fournir l’eau nécessaire aux ablutions les plus élémentaires.
— Deuxièmement d’accueillir les offrandes ou ateberta effectuées sous forme de pièces de monnaie.
— Troisièmement de rafraîchir et de désaltérer.
Bref un peu comme en terre d’islam.
h) Les installations mortuaires destinées aux guerriers de la tribu morts au combat ou aux grands ancêtres.
Tout autour se trouvent les tombes des rois ou des grands ancêtres.
Après la romanisation le sanctuaire abritant un culte druidique a pu aussi être concrètement une grande pièce ou salle rectangulaire, toute en longueur ; terminée au fond par une demi-cella (hémisphérique donc) jouant le rôle à la fois d’un déambulatoire ou d’un chœur avec maître-autel, au diamètre égal à la largeur de la salle, et séparée de celle-ci par un chancel. En bref d’un plan de type basilical. Ou alors il doit s’agir d’un plan de type Panthéon c’est-à-dire d’une grande pièce rectangulaire (pronaos) avec un bâtiment de transition correspondant au portique des anciens sanctuaires celtes à palissade ; et une grande rotonde séparée, pour ce qui est de l’intérieur, par une sorte de chancel.
En ce qui concerne le sanctuaire de type Panthéon, voici ce que l’écrivain belge Marguerite Yourcenar (Bruxelles, 8 juin 1903 – Mount Desert Island, 17 décembre 1987) a fait fictivement écrire à l’empereur Hadrien
« Ce temple ouvert et secret était conçu comme un cadran solaire. Les heures tournaient en rond sur ces caissons soigneusement polis par les artisans grecs ; le disque du jour y resterait suspendu comme un bouclier d’or ; la pluie formerait sur le pavement une flaque pure ; la prière s’échapperait comme une fumée vers ce vide où nous mettons les dieux. » (Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien.)
Quelques exemples de panthéon de par le monde : la rotonde Thomas Jefferson de l’Université de Virginie, la bibliothèque de l’Université Columbia de New York, la bibliothèque de l’État de Victoria à Melbourne, Australie ; sans oublier, bien entendu, le Panthéon de Paris.
N.B. Ainsi que nous l’avons vu, un des principaux ornements des temples druidiques était constitué par des panoplies ou des armures, disposées tout au long des parois, et appelées anathemata en grec. Il va de soi, en cas de reconstitution de temples de ce genre, qu’il faudrait soigneusement éviter les armes à feu, et ne se servir que d’armes blanches ou d’armures ; claymores (il en existe de magnifiques) armures de crupellaire 4) et ainsi de suite.
P.S. Modèles d’inscriptions à faire apposer dans les lieux de culte, afin de rendre hommage aux généreux donateurs.
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Modèle Nº 1.
a)………… b) dede bratoude c).
Modèle Nº 2.
a)…………+ b) dede bratoude decantena c).
a) Nom du donateur.
b) Nom du père (ou de la mère) du donateur.
c) Nom de la divinité concernée si possible au datif.
NOTES.
1) Les installations familiales (simple autel, genre crèche, dans une pièce ou une chapelle pour les plus riches…) L’autel exhumé dans les ruines d’Argentomagus (France) est un très bon exemple d’autel privé ou familial celte. Il a été trouvé dans une cave qui devait prendre la forme d’un petit temple. Il se compose d’une table ronde derrière laquelle deux divinités ou deux ancêtres divinisés sont assis. La statue la plus grande (49 cm) a l’apparence d’un homme assis sur un coussin, il porte un torque au cou et un deuxième au bras droit, un serpent repose sur ses genoux. La deuxième statue (42 cm) a l’apparence d’un homme assis dans un fauteuil, les deux mains sur les genoux, avec une bourse dans la main gauche. Les deux statues, sculptées grossièrement, étaient peintes. La plus petite était habillée d’une tunique et d’un manteau ocre, la bourse et les souliers peints en vert, l’autre est vêtue d’une tunique verte, portait des braies de la même couleur quadrillées de rouge. Entre les deux, une pierre symbolisant un phallus comme dans le cas du crom cruaich ou de la pierre de Fal en Irlande, ou du linga hindouiste.
2) Le mot « profane » (qui n’est pas consacré, qui n’est pas initié, ignorant) vient du latin profanum (de pro « devant » et fanum « lieu consacré »).
3) À la fin du XIe siècle, le décor sculpté a pris place sur la façade des églises, et marque symboliquement le passage du monde profane à l’enceinte sacrée. On apportera dès lors beaucoup de soins à l’ornementation de la façade principale qui acquiert ainsi une certaine monumentalité. On entre toujours dans une église romane par la grande porte.
Exemple le très beau portail de l’église Notre-Dame d’Échillais en France. Le portail de la façade est encadré de deux arcades aveugles. Un masque démoniaque semble avaler le haut de la colonne à gauche de la porte. À l’étage, huit arcades aveugles sont disposées de part et d’autre de la fenêtre centrale. Motifs végétaux, marguerites rectangulaires, acanthes groupées en gerbes décorent l’arcature du premier étage ; la corniche est ornée de personnages, d’animaux et de roues solaires. Les petits chapiteaux sont illustrés avec fantaisie : joueur de vielle, chasseur sonnant de l’olifant, archer, prêtre bénissant, lions, chimères, têtes d’hommes et de monstres. La corniche supérieure est sculptée de têtes d’oiseau. Riches sculptures à la base des quatre colonnes, sur les voussures, les archivoltes et les chapiteaux.
Le souvenir des Byzantins semble encore moins préoccuper les provinces du Centre où les progrès de la sculpture, au XIIe siècle, sont extrêmement rapides : on peut se rendre compte, par les figures qui décorent le portail Sainte-Anne de Notre-Dame de Paris, par celles de la porte centrale, par celles du portail nord de l’église Saint-Denis ou de la porte de Saint-Étienne, de Sens, de la cathédrale de Chartres, par celles encore de l’église Notre-Dame, à Corbeil, du degré d’originalité atteint par les sculpteurs. L’expression des têtes est individualisée, la facture est assouplie, le travail du ciseau est varié, suivant qu’il s’agit de traiter le nu ou le drapé ; le style est plein de noblesse. La sculpture monumentale n’a jamais eu plus de caractère que dans cette période de l’art roman. Sans doute les artistes ne possèdent-ils pas encore toute l’expérience voulue dans le maniement du ciseau : ils donnent aux visages des expressions étranges, avec des yeux saillants, des sourcils arqués. Les personnages ont souvent des proportions fausses, des attitudes raides. Si ce sont des plantes ou des animaux qui servent de motifs d’ornementation aux moulures, aux chapiteaux ; on y retrouve l’influence celte dans la déformation de la réalité pour arriver à des types fantastiques, très éloignés de la nature : ces figurations extraordinaires, brebis, quadrupèdes à tête de femme, dragons,
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chimères, adoptées par les premiers artistes chrétiens, avaient fini par répondre aux croyances populaires.
4) Le crupellarius est un gladiateur celte, connu par l’historien Tacite. Nous savons qu’il portait une armure intégrale, préfigurant ainsi les chevaliers du Moyen-âge.
LA RANDONNÉE INTELLIGENTE.
(Celtique continental Cammino-randa « chemin-frontière ».)
D’autres formes d’hommage aux dieux ont toujours concurrencé les rites plus compliqués que nous avons évoqués ci-dessus.
La petite liste de pratiques païennes annexée au concile de Leptines en 743, sous le titre latin d’indiculus superstitionum et paganiarum (évidemment) nous donne une demi-douzaine de cas intéressants.
4. Les petites maisons (les temples druidiques dits fana, singulier fanum).
6. Le culte des forêts que l’on appelle nimidas (nemeton).
7. Ce que l’on fait au-dessus des pierres.
18. Les lieux « douteux » que l’on honore comme s’ils étaient saints.
27. Les poupées faites de tissus.
28. Les statues que l’on porte en procession à travers la campagne (comme dans l’actuel culte catholique des saints ou de la Vierge Marie).
LA RANDO À BUT SPIRITUEL.
La randonnée constitue indubitablement un exercice qui permet de s’occuper de son corps et d’en percevoir les limites : on peut même parler dans ce cas d’une véritable éducation à la santé. D’une manière générale, la pratique régulière et modérée de la marche rééduque les malades cardiaques ou vasculaires, et améliore aussi le contrôle du diabète. La randonnée incite à une bonne hygiène de vie, notamment chez les personnes sédentaires. La marche est bénéfique aux personnes souffrant d’ostéoporose et elle développe les capacités respiratoires. Heureusement, la randonnée s’adapte à tout le monde et il n’y a pas de limites d’âge : les enfants peuvent randonner dès qu’ils savent marcher. Une règle empirique est que l’on peut parcourir avec l’enfant autant de kilomètres par jour que son âge (six ans = six kilomètres). Vers 14-15 ans, l’adolescent peut faire les mêmes randonnées que les adultes… mais il ne le souhaite pas toujours ! Les gens âgés sont souvent limités par l’évolution d’une arthrose. Dans ce cas, il faut réduire la distance et choisir des terrains peu accidentés en période douloureuse.
Le randonneur doit s’équiper de bonnes chaussures, légères, avec des semelles qui absorbent les chocs. Un pantalon large est préférable à un pantalon court pour éviter les égratignures et les coups de soleil. Dans son sac, il faut prévoir le nécessaire en cas de changement de temps (chandail, imperméable…). Prendre également avec soi de la crème solaire, un produit antimoustique et un chapeau. Pour l’eau, il faut compter au moins 1,5 litre et des points de ravitaillement pour remplir la gourde ; avoir aussi des vivres (barres énergétiques, fruits secs, gâteaux secs) pour éviter l’hypoglycémie qui perturbe la vigilance et accroît le risque de chute. Attention néanmoins à ne pas emmener de choses superflues, le poids du sac ne doit jamais dépasser 10 % du poids du corps.
Dans tous les cas, il est préférable de pratiquer la randonnée en groupe d’au moins quatre personnes, l’une d’elles pouvant alerter les secours en cas de problème.
Il est préférable de ne pas avoir de gros problèmes de squelette. Le mouvement répétitif de la marche peut gêner les personnes ayant des ennuis de genoux ou de chevilles, et des anomalies du squelette (jambes en X, pieds plats…). Ce ne sont pas de réelles contre-indications, mais cela peut limiter le plaisir de marcher. Les personnes qui souffrent de handicaps physiques peuvent randonner en binôme au sein du groupe avec un ami valide (voyants et non-voyants par exemple). Il faut en revanche mettre en garde les personnes allergiques : la randonnée bien entendu expose à la faune et la flore, donc aux pollens et aux piqûres d’hyménoptères.
Les randonneurs se font surtout des entorses de cheville. Chez les personnes souffrant d’ostéoporose, il peut se produire des fractures lors des chutes. Les articulations souffrent en cas de mauvaise technique de marche, d’autant plus en cas de surpoids ou de trajets inadaptés. Bien faire attention. Les morsures de « grosses bêtes » ne sont paradoxalement pas dues aux animaux sauvages, mais essentiellement aux chiens, à proximité ou non des habitations.
LE VOYAGE LA ROUTE ET L’ARRIVÉE.
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Dans le cas d’une randonnée à but spirituel, le plus sain est encore de marcher ainsi que nous avons pu le voir, mais les étapes de montagne peuvent se faire à cheval ou à dos de mulet.
L’hébergement du randonneur est un devoir (d’hospitalité).
L’arrivée au sanctuaire doit être marquée par…
— Des rites pénitentiels (marcher pieds nus) ou symboliques (bain dans un cours d’eau pour purification).
— Des dévotions : toucher ou baiser l’objet sacré, une « incubation » (il s’agit de dormir sur le lieu saint ou non loin. Pratique, semble-t-il, très propice aux rêves).
— Des atiobertas : le plus souvent de menues piécettes d’argent ou de l’ambre jaune à brûler.
Voire une petite amphore de vin, symbolisant du sang, que l’on abandonne en l’état ou dont on verse le contenu en un lieu approprié après l’avoir débouchée ou en avoir brisé rituellement le col. C’est le fameux « dadami se dehi me » sanscrit : je te donne afin que tu donnes (la divinité est ensuite en quelque sorte obligée de rendre la pareille), formule grossièrement traduite par les Latins avec leur « do ut des ».
— Les atebertas ou offrandes peuvent aussi être représentatives : chaînes, béquilles ou objets en forme du membre guéri.
Au-delà de tous ces aspects matériels, ce type de pèlerinage est avant tout une démarche de guérison (spirituelle). En Inde, il a valeur de purification, et les hindous croient que venir en ces lieux mène à la libération du cycle des renaissances. Ce qui est une erreur, mais cela n’ôte rien à la valeur dudit pèlerinage.
L’idéal est de se rendre dans un des endroits ayant fait l’objet de pèlerinage avant l’invasion chrétienne. Il en existe des centaines. Voire des milliers.
LES PARDONS OU TROMÉNIES.
Troménie. Littéralement tour (tro) du minihi (latin monachia = espace monastique du haut Moyen-âge). Ce qui correspond exactement au camminoranda évoqué plus haut. L’hagiographie du haut Moyen-âge nous montre les troménies comme étant des circuits de fondation. Les troménies circonscrivent un espace paroissial peu ou prou important. Elles correspondent aux divers « Tours de paroisse » ou « processions de reliques » que l’on retrouve en Europe de l’Ouest, par exemple en Belgique à Mons (fête de la Ducasse) Nivelles et Gerpinnes, mais avec des particularités armoricaines.
Dans le cas de Locronan, la grande troménie (12 km) correspond à une circumambulation autour d’un espace sacral antique ; le circuit passe par la forêt de Nevet, dont l’étymologie découle de nemet (« sacré »). La forme du circuit, le nombre de stations et sa périodicité (tous les six ans) renvoient bien évidemment à l’époque préchrétienne. Il semble que ce soit le pèlerinage de Locronan qui ait consacré le terme de troménie pour les autres circumambulations de même nature en Bretagne occidentale, par l’intermédiaire de l’Évêché de Quimper.
Les autres circumambulations sont appelées, en breton, Tro ar relegou (Tour des reliques), Tro sant Sane (Tour de saint Sané), Leo Dro (Tour de la lieue).
LA ROUTE DE L’AMBRE.
Alors un conseil ! Faites de la rando intelligente (camminoranda). Ne vous précipitez pas sur les chemins de Compostelle *, même si c’est mieux que rien ; mais retrouvez les chemins de la route de l’ambre ou de l’étain.
Des îles électrides ou frisonnes voire de la mer baltique à Aquilée ou Padoue en Italie.
Quant à la route de l’étain, elle commençait en Cornouailles ou en Armorique et finissait tout au long de la Méditerranée en passant par la vallée du Rhône.
Le véritable pèlerinage européen le voilà, c’est celui de l’Europe protohistorique !
En ce qui concerne la Vieille Europe toujours, les fontaines liées à des lieux de culte ont été systématiquement recensées. Certaines ne semblent pas même avoir de lien avec le culte catholique. La spécialiste française Brigitte Caulier a compté plus de six mille fontaines répertoriées par le clergé. Ces fontaines ne correspondent aucunement à des besoins particuliers en eau, mais sont des lieux de culte celtes ou préchrétiens.
Ces lieux sont souvent identifiés par une trilogie mégalithe (ou rocher) /chêne/source. Les fontaines ont pour vocation initiale de guérir les maladies, et par la suite ont intégré les religions officielles en conservant leur caractère sacré. Une des pratiques fortement établies dans le druidisme est en effet la vénération portée à divers lieux sacrés, aux gués ainsi qu’au confluent des rivières (condate en celte). Une pratique écologiste que l’on retrouve chez les druides d’Orient sous le nom de tirtha.
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Tout cours d’eau peut symboliser l’eau mère (matra/matrona) dont le simple contact lave des souillures (voir à ce sujet la Sequana ou source de la Seine et la Segais ou source de la Boinne). Il y a aussi le thermalisme dont le but n’est pas seulement de soigner les corps, mais aussi les esprits, comme le prouve l’exemple de Grand dans le département français des Vosges (ces eaux furent également fréquentées par l’empereur Caracalla).
Les pèlerinages ont donc souvent pour but des sanctuaires construits au bord de ces sources guérisseuses, et attirant des foules considérables comme Notre Dame de Vie en Savoie (73), non seulement à l’occasion de telle ou telle fête particulière, mais durant toute l’année.
*Pèlerinage chrétien du Xe siècle fondé comme toujours avec cette religion sur diverses impostures : la découverte du corps décapité de saint jacques et l’européanisme de son réseau routier. Alors qu’en réalité il concernait surtout la France. Toutes ces routes aboutissaient d’ailleurs au Camino Frances commençant à Puente La Reina (Espagne).
Amis espagnols, allez plutôt dans ce cas au Cap Finisterre y voir le soleil se coucher (Ara solis).
Pour les paresseux quelques autres idées de hauts lieux à visiter une ou plusieurs fois dans sa vie.
SAINT-RÉMY-DE PROVENCE/GLANUM. Matrebo glaneikabo ou matrebo rokloisiabo.
Les eaux y étaient abondantes grâce à la pluie absorbée par le calcaire et une source « guérisseuse » y fut donc vénérée par les Ligures dès le Ier millénaire avant notre ère. Glanis et les Déesses Mères y étaient honorés par les habitants. Les temples établis autour de la source et de l’aven montrent le caractère chtonien des dévotions. Les pèlerins descendaient quelques marches jusqu’à un bassin. En touchant l’eau, ils espéraient voir leurs vœux se réaliser.
Ajoutons également à cette courte liste qui est tout sauf exhaustive et pour faire bonne mesure, le nemeton du Rütli ou Grütli en Suisse (le jour de la Lugnasade justement) ; la source du Danube*, du Rhône, du Rhin, de la Seine, de la Marne… le Mont Sainte-Odile (autre troménie intéressante à faire), le Donon dans les Vosges, les îles de Lérins en Méditerranée ainsi que bien d’autres lieux de ce genre ; mais Lyon, haut lieu du martyre du druide Mariccos, n’est pas mal du tout non plus, ainsi que nous avons pu le voir.
*En réalité le Danube n’a pas une source, mais deux. La réunion des deux forme le Danube. La Breg est le plus long des deux ruisseaux qui s’unissent pour former le Danube (l’autre est la Brigach). Elle sourd à 1 078 m d’altitude dans le massif de la Forêt-Noire près de Furtwangen. Sa source est en effet, pour les géographes, la véritable source du Danube, car la Breg est un peu plus longue que la Brigach. C’est un site naturel. Après un cours de 49 km, elle rejoint la Brigach à Donaueschingen, début du grand fleuve qui parcourt toute l’Europe avant de se jeter dans la Mer Noire. C’est seulement à 200 mètres que se trouve la source d’un autre ruisseau, l’Elz, dont les eaux rejoindront, par le Rhin, la Mer du Nord. La source symbolique du Danube se trouve néanmoins à Donaueschingen ainsi que nous l’avons dit, car c’est seulement à partir de là que le cours d’eau prend son nom de Danube.
Iona est une petite île du nord-ouest de l’Écosse, dans les Hébrides intérieures, séparée de l’île de Mull par un détroit. Iona donc, avec ses 4,8 km du nord au sud et ses 2,4 km d’est en ouest, s’étend sur environ 800 hectares. Le point le plus élevé, Dun I, culmine à 101 m. L’île est ravitaillée par sa voisine Mull, via un bac qui relie Fionnphort, son port, à la petite agglomération de Baile Mor.
L’île fut bien sûr habitée longtemps avant sa christianisation ; un fort de l’Âge du fer, Dun Cul Bhuirg, a par exemple été occupé de – 100 avant notre ère à + 300.
Avant l’arrivée de Saint-Colomban sur place en 563, l’île était appelée en gaélique Innis nam druidneach, ce qui signifie « l’île des druides ». Certains auteurs pensent même qu’il s’agissait de l’île évoquée par le fameux texte de Plutarque à propos de la disparition des oracles.
On peut penser par contre que l’île était peut-être abandonnée du temps de saint Colomba, et connue seulement de quelques ermites celtes comme saint Otteran, Odhran, Oran.
En 563, saint Colomba ou Columcille, partit d’Irlande on ne sait pas vraiment avec certitude à la suite de quoi, mais afin de fonder sur l’île un monastère ; placé sous le double patronage de Conall mac Comgaill roi de Dal Riada et de Brude mac Maelchon roi des Pictes. Ce premier monastère fut brûlé par les Vikings en 802 et en 806 (68 membres de la communauté y laissèrent leur vie). En 830, l’abbé Diarmait transportera les reliques de saint Colomba en Irlande afin de les mettre à l’abri. Le monastère sera reconstruit en 1203 pour les Bénédictins, par Reginald Mac Donald, Maître de Mull et Seigneur des Îles, puis survivra jusqu’à la Réforme et la destruction des bâtiments sur ordre du parlement d’Écosse en 1561.
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Autant prévenir tout de suite, pour se rendre sur Iona, il faut se lever tôt. Il faut partir du terminal des navires transbordeurs situé à Oban, à l’ouest de l’Écosse. La première étape est la belle île de Mull. L’idéal est de passer une nuit sur place afin d’avoir le temps de voir aussi un peu le charmant petit port de Tobermory, principale bourgade. On ne peut pas en effet visiter les deux îles en une seule journée.
Un seul car permet d’aller vers Iona. Il part de Craignure, le terminal des transbordeurs, quelques minutes seulement après l’arrivée du premier bac en provenance d’Oban (il quitte Oban entre six et huit heures du matin et arrive à Mull environ une heure plus tard).
Il faut plus d’une heure de car pour parcourir les 61 km qui séparent Craignure de Fionnphort, le petit port d’où partent les bacs pour Iona. Ce trajet en cas permet de traverser l’île de Mull et d’en apprécier la beauté. La traversée ensuite, pour se rendre à Iona, ne dure que quelques minutes, car l’île n’est séparée de Mull que par un bras de mer.
En arrivant au port d’Iona, Baile Mor, on peut déjà embrasser du regard une bonne partie de l’île. À droite se trouvent l’Abbaye de Saint Columba et l’ancien couvent, à gauche s’étendent de minuscules plages de sable blanc.
De par sa petite taille et son ambiance incitant au recueillement, Iona est un lieu idéal pour la méditation. Nombreux d’ailleurs sont ceux qui viennent y passer quelques jours voire une saison.
Tout sur Iona inspire le calme et la tranquillité. Les plages de sable blanc et l’eau turquoise sont un véritable éblouissement pour les yeux. Si l’on fait un instant abstraction du froid, des moutons et du vent (mais ça fait peut-être beaucoup !) on se croirait presque sur un atoll des mers du Sud.
Cette île a véritablement des airs de bout du monde. Cette impression devient évidente à partir d’octobre, lorsque les hordes de touristes désertent l’île. C’est d’ailleurs en automne et en hiver que certaines associations, chrétiennes ou pas d’ailleurs, organisent des séjours de plusieurs semaines sur Iona. La fondation de nos amis de Findhorn y possède par exemple une maison.
Le plus ancien des bâtiments de l’île est la chapelle qui fut construite au XIIe siècle sur la tombe, bien antérieure, de saint Otteran, Odhran, ou Oran. Un compagnon de saint Colomban, passablement mystérieux.
Si l’on en croit la tradition irlandaise en effet, saint Otteran, Odhran, ou Oran, aurait été abbé de Meath puis aurait fondé Lattreagh. Suivant les documents, il est tour à tour présenté comme compagnon, frère, ou oncle, de saint Colomban. Les légendes entourant sa mort, survenue très peu de temps après l’arrivée de saint Colomban (sa tombe a été la première de toute l’île) ne sont pas très chrétiennes. Tout cela ressemble beaucoup en effet à un sacrifice de fondation, comme dans la légende de Merlin (Merlin enfant a failli être sacrifié pour assurer la solidité du château de Vortigern). Ou alors à une ordalie dans le style de celle du purgatoire de saint Patrice sur une île au milieu du Lough Derg.
Dans le cas de la légende de saint Otteran, Odhran, ou Oran, il se serait agi d’une chapelle. Comme saint Colomban n’arrivait pas, malgré ses prières, à la faire construire, une voix mystérieuse aurait alors expliqué qu’il en serait ainsi, tant que l’on n’aurait pas enterré vivant quelqu’un dans les fondations. Otteran se serait donc porté volontaire à cet effet. Mais peu de temps après, son fantôme serait sorti d’un des murs pour dire que l’enfer n’existe pas, que le paradis n’est pas ce que l’on dit, etc., etc.
Une autre légende assure que ce serait saint Colomban, curieux, qui aurait fait rouvrir la tombe d’Otteran, Odhran, ou Oran, quelques jours plus tard ; et que ce dernier, toujours vivant, lui aurait alors rapporté des choses horribles : l’enfer n’existe pas, et ainsi de suite.
Quoi qu’il en soit, ce qui est certain, c’est que, du coup, tous les grands de la région voulurent être enterrés à ses côtés dans la terre ainsi sacralisée par sa tombe ; et que le cimetière autour de la chapelle fut appelé Reilig Odhráin en son honneur.
Il faut absolument voir ce reilig Odhrain (relique d’Oran), nécropole des rois du Dalriada et de leurs successeurs, les premiers rois d’Écosse (dont le fameux Duncan 1er immortalisé par Shakespeare) qui furent inhumés là jusqu’à Donald Ban à la fin du XIe siècle. Y reposent également quatre rois
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irlandais ainsi que sept princes norvégiens. Ce qui cadre très bien avec une Lugnasade. Ne manque que la pierre de Scone !
On trouve aussi sur l’île plusieurs croix celtiques, mêlant motifs pictes et figures chrétiennes. Un genre que l’on appelle d’ailleurs « École d’Iona » et qui a essaimé dans plusieurs autres îles de l’ouest de l’Écosse.
Les deux plus belles croix celtiques de l’île sont la croix de saint Jean et la croix de saint Martin. Leurs faces orientées à l’est sont très curieuses, et ne font guère chrétien là non plus, c’est le moins que l’on puisse dire.
La croix de saint Jean date du VIIIe siècle. La partie inférieure (le pied) de cette croix est divisée en trois panneaux, sur lesquels sont sculptés des bosses et des serpents.
La croix de saint Martin est encore plus complexe et date du IXe siècle. Elle se dresse entre la chapelle de saint Oran et l’abbaye.
Panneau inférieur : 24 serpents enlacés, autour de 3 motifs que l’on retrouve sur des pièces de monnaie celtes, à savoir 4 bosses disposées en losange avec une disposée au milieu (le labarum ???)
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Partie supérieure : toujours le même motif, 4 bosses disposées en losange avec une au milieu (le labarum ???) chacune couverte d’entrelacs. La bosse centrale est entourée de neuf autres petites boules séparées par des spirales et disposées en forme de cercle, un peu comme un collier de perles.
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En dessous de la bosse centrale et au-dessus de la bosse inférieure, trois autres bosses plus petites, disposées en triangle avec des serpents toujours entrelacés.
En dessous de la bosse inférieure idem. Trois autres bosses plus petites, disposées en triangle, mais inversé cette fois-ci (pointe en bas), là encore avec des serpents par contre.
Tout cela nous fait fortement penser au signe de la grande déesse, ou fée si l’on préfère, appelé Rigani par l’archéologue français Jean-Jacques HATT : trois cercles groupés en triangle isocèle, ou trois globules, ou trois cabochons, ou trois lentilles.
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Au-dessus de la bosse centrale, dans la partie terminale de la croix, il y a deux paires de lions à longues queues, au-dessus et au-dessous de la bosse supérieure. Leurs pattes avant sont disposées en forme de X………
Nos correspondants français me faisant remarquer que je privilégie un peu trop le pèlerinage à Iona, pour ne pas faire de jaloux je dirais aussi quelques mots d’un autre endroit pouvant très bien convenir à une « rando » intelligente comme on dit en français.
Les « Hauts Pays » de Grand forment une avancée vers la Champagne, région à laquelle ils étaient rattachés autrefois. Le plateau calcaire de l’Oxfordien, situé à l’extrémité méridionale des Côtes de Meuse, culmine aux environs de 400 mètres.
Cette formation carbonatée a été dégagée puis entaillée par les cours supérieurs de la Meuse, de la Marne, de l’Ornain, et de leurs affluents. Elle forme une puissante assise (90 mètres environ), propice à la formation de vallées sèches (combes) et à l’installation de phénomènes karstiques. L’étude de ce plateau à l’aide de cartes, de photographies aériennes, de photographies par satellite ; montre qu’il est fissuré, fracturé par un ensemble de failles de direction conjuguée ; l’eau chargée en dioxyde de carbone emprunte ce réseau, et contribue à la formation de chambres dont les plafonds, lorsqu’elles sont proches de la surface, s’effondrent en créant des dolines.
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Le Trou des Fées, dans la forêt de Trampot, est constitué par deux dolines sécantes. L’eau de la nappe phréatique apparaît, dans la doline amont, à une cote d’environ 4 m sous terre ; puis descend vers la doline en aval, plus ancienne, plus profonde, avant de disparaître dans un conduit vertical qui alimente la nappe profonde située à la base du massif carbonaté.
À mi-chemin entre Grand et Avranville, dans le vallon de la Maldite, la source émerge au pied d’un grand saule, arbre hygrophile par excellence. Le précieux liquide jaillit d’une faille et donne naissance au cours d’eau permanent de la Maldite, rivière déjà cartographiée au XVIIIe siècle.
La topographie de ce site, situé entre trois grandes vallées, a favorisé une implantation humaine précoce. Diverses trouvailles datant du néolithique final (–2500 –1800), ont été découvertes à Grand même, et près de la source des « Roises » au nord du village. La présence d’un bracelet à tampons et nodosités (IVe siècle avant notre ère), d’une fibule (25 – 100 avant notre ère), toutes deux en bronze, de plusieurs pièces, dont un denier en argent ; témoignent de la permanence de l’occupation de ce territoire, en liaison, probablement, avec les points d’eau.
Le sanctuaire de Grand est mentionné sur la Table de Peutinger sous le nom d’Andesina, où il est associé à la vignette qui désigne les grands établissements thermaux de l’empire. Localisation : Germanie supérieure.
Sa construction a dû se faire entre les années 70 et 140 de notre ère. Il comportait une enceinte de 1750 m avec 22 tours et portes délimitant un espace sacré, réservé à la divinité du sanctuaire, auprès de laquelle les pèlerins venaient rechercher un réconfort physique ou spirituel. Ce rempart délimitant la partie consacrée au dieu n’englobe de ce fait que des monuments publics.
L’amphithéâtre de Grand se classe parmi les dix premiers du monde romain.
D’une capacité de 17 000 places, il témoigne de l’affluence des pèlerins à l’époque.
« Les grands sanctuaires fédéraux, comme Grand, avaient acquis, sans doute dès la fin de
La Tène, une nette prééminence. Ils devinrent à l’époque romaine d’importants centres urbains, par-là même redoublant leur activité comme lieux de rendez-vous et carrefours d’influences. Les druides fugitifs y trouvèrent refuge lors des persécutions. Par suite des contacts qui s’y produisaient avec les milieux orientalisés, attirés par la foule des pèlerins, de nouveaux syncrétismes firent leur apparition » (Jean-Jacques Hatt).
Les architectes gallo-romains ont utilisé à Grand leur art de l’hydraulique et l’expérience du travail des mineurs celtes (meina est d’ailleurs un mot d’origine celte) pour amener toute l’eau des karsts parallèles nord et sud, vers le karst du milieu en créant des aqueducs souterrains. Ces galeries suivent exactement la couche argileuse située à la base des calcaires, jusqu’à la résurgence située au milieu du village. Ceci explique que la profondeur des puits d’accès (307 en tout) et des galeries varie entre 2,50 m en amont et 14 m en aval. Ces galeries, maçonnées ou non, voûtées ou non, sont suffisamment hautes pour être parcourues en position debout. Les constructeurs et le personnel d’entretien pouvaient y pénétrer par les nombreux puits existants. Les architectes gallo-romains ont donc utilisé pour organiser le réseau d’adduction d’eau souterrain, disposé en baïonnettes, les discontinuités naturelles du calcaire agrandies par la distension et la dissolution.
Quinze kilomètres de galeries souterraines acheminant de l’eau convergent vers le centre du sanctuaire qu’occupe la résurgence d’une rivière souterraine. Leur fonction était de régulariser le débit de la source.
Un bratou decantem (ex-voto) trouvé sur le site en 1935 porte l’inscription « somno jussus », confirmant ainsi la pratique de l’incubation. Les pèlerins passaient la nuit dans l’enceinte du sanctuaire, et attendaient la visite du dieu au travers d’un songe.
En 213, l’empereur Caracalla visita sans doute le sanctuaire.
En 309, l’empereur Constantin se rendant à Trèves se détourna de sa route pour visiter le sanctuaire. Selon la tradition chrétienne, c’est dans ce temple d’Andesina que Constantin se serait converti au christianisme. Selon les historiens, il y aurait plutôt adopté le culte du soleil, ainsi que le confirment les monnaies qu’il frappe à l’époque, dédiées à soli invicto.
362 : selon une tradition médiévale, martyre de saint Élophe et de sainte Libaire sous le règne de l’empereur Julien l’Apostat. Libaire, l’une des cinq enfants d’une famille patricienne, convertie au christianisme, aurait été martyrisée pour avoir refusé de sacrifier aux dieux. Elle aurait été décapitée à l’extérieur du sanctuaire, en bordure de l’ancienne voie romaine allant de Grand à Soulosse. Là elle aurait pris elle-même sa tête sous son bras, comme saint Denis à Paris et, revenant dans le village, l’aurait lavée à la source qui était au milieu de la cité, puis se serait « endormie dans le Seigneur ».
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Sur ces prétendues persécutions, voir notre essai sur, ou plus exactement contre, le christianisme. Les textes hagiographiques du Moyen-âge que sont la Passion de saint Élophe et son extension, la Passion de sainte Libaire, nous montrent une première tentative de christianisation des rites.
— Destruction du sanctuaire païen.
— Abandon de l’amphithéâtre.
La légende affirme que si un infirme buvait de l’eau où sainte Libaire était venue laver sa tête, il était guéri.
La chapelle dite « de la place » a conservé jusqu’à la Révolution de 1789 une masse de bratou decantem (ex-voto) et de béquilles de toutes formes laissées par les malades en signe et en reconnaissance de leur guérison.
NOTE DE LA RÉDACTION. NOS LECTEURS NE SONT ÉVIDEMMENT PAS OBLIGÉS DE PRENDRE AU PIED DE LA LETTRE CET ÉNIÈME MENSONGE CHRÉTIEN EN CE DOMAINE.
Ce qui est certain par contre, c’est que les très-sachants de la druidiaction (druidecht) croyaient que l’âme/esprit, et donc la vie en définitive, reposaient dans la tête, non dans la région du cœur comme on le croit généralement aujourd’hui ; et que toutes sortes de rites et de pratiques entouraient la tête dans leur tradition.
En ce qui concerne l’empereur Julien, voici ce que nous dit l’Histoire.
Il fit de Lutèce sa capitale et se révéla bon administrateur et bon soldat, repoussant les invasions des Alamans et des Francs.
Spontanément ou parce que Julien les y avait poussés, ses soldats le proclamèrent empereur à part entière (Auguste) en 360. Constance refusant le fait accompli, Julien marcha contre lui vers l’Orient. Mais il n’y eut pas de bataille, car Constance mourut en 361.
Devenu maître de l’empire tout entier, Julien promulgua un édit de tolérance autorisant toutes les religions ; et il abrogea les mesures prises non seulement contre le paganisme, mais aussi contre les juifs, et contre les chrétiens qui ne suivaient pas le credo d’inspiration arienne qui avait la faveur de Constance. Cependant, il révéla bien vite sa préférence pour le paganisme et son hostilité au christianisme. Loi interdisant aux chrétiens d’enseigner la poésie classique (parce qu’elle évoque des dieux qu’ils combattent), faveurs aux cités qui restaurent les temples, indifférence au racisme antichrétien. Cependant, il ne prit aucune mesure de persécution, déclarant seulement qu’il souhaitait que les chrétiens reconnaissent eux-mêmes leur erreur, mais qu’il ne voulait pas les y forcer.
Parallèlement, il voulut réformer le paganisme (moralité des prêtres, création d’institutions caritatives).
Il manifesta son intention de revenir à un empire de forme moins autocratique et plus conforme à la tradition républicaine, mais il régna de manière assez autoritaire. Après avoir réorganisé ou assaini l’administration, en réduisant notamment le personnel du palais ainsi que celui qui était affecté à la délation ou à l’espionnage, il s’installa à Antioche pour préparer une expédition contre la Perse. Il entra néanmoins assez vite en conflit avec la population locale, d’une part à cause de son paganisme affiché, d’autre part parce que sa rigueur morale s’opposait aux habitudes de vie qui avaient cours dans cette métropole.
Au printemps 363, Julien se lança dans une vaste expédition militaire qui le mena victorieusement jusqu’à Ctésiphon, capitale des Perses. Mais il dut ensuite entamer une retraite, au cours de laquelle, le 26 juin 363, il fut mortellement blessé. L’attention de la tradition historique, chrétienne comme antichrétienne a été focalisée sur la politique religieuse de Julien. Mais ce n’était qu’une partie de sa politique justement et l’on ne peut pas dire qu’elle déterminait tout le reste. Ainsi, en matière administrative, il ne semble guère avoir marqué de préférence religieuse dans le recrutement du personnel.
Julien est l’un des principaux auteurs grecs du IVe siècle. Il a écrit des lettres, des discours, et un ouvrage critique contre le christianisme, le Contre les Galiléens. Ce dernier, jugé « démoniaque » par les époques ultérieures, a été détruit ou du moins n’a pas été conservé. On en connaît cependant une bonne partie grâce au Contre Julien composé par Cyrille d’Alexandrie au Ve siècle (l’œuvre même de Cyrille prouve donc que celle de Julien était encore jugée dangereuse cinquante ans plus tard).
Adepte de la philosophie néoplatonicienne, il a néanmoins toujours tenu à préciser qu’il n’était pas parvenu au stade de philosophe à part entière, et qu’il n’était dans ce domaine qu’un étudiant. C’est pourquoi il n’a pas écrit d’ouvrage proprement philosophique.
Dans sa lettre aux cyniques ignorants, il écrit ce qui suit.
« Que personne ne vienne diviser la philosophie en plusieurs parties, ou la découper en plusieurs morceaux, ou plutôt en créer plusieurs à partir d’une seule ! La vérité est une, et semblablement la philosophie, il n’y a pas lieu de s’étonner, cependant, si nous suivons tous d’autres chemins pour l’atteindre.
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Imaginons un étranger ou, par Zeus, un citoyen de jadis désirant retourner dans sa bonne ville d’Athènes. Il pouvait y aller en bateau ou à pied. S’il voyageait par terre, il pouvait se servir, à mon avis, des larges voies publiques, des sentiers ou des raccourcis. En naviguant, il pouvait longer les côtes, ou encore faire comme le vieillard de Pylos et traverser la haute mer. Qu’on ne vienne pas m’objecter que certains de ces voyageurs se sont égarés, qu’arrivés quelque part ailleurs, appâtés par Circé ou par les Lotophages, c’est-à-dire par le plaisir, par l’opinion ou par autre chose ; ils ont négligé de poursuivre leur route et d’atteindre leur but. Que l’on examine plutôt les protagonistes de chaque secte, et l’on découvrira que tout s’accorde ».
Alors là, Julien était bien optimiste et se faisait beaucoup d’illusions !
Julien est devenu très tôt un mythe. Certains auteurs, en particulier Ammien Marcellin et Libanios ; en ont fait un héros de tolérance, de vertu et d’énergie, un homme trop grand pour son temps, qui aurait succombé sous les coups de la mesquinerie et de la méchanceté (chrétienne, mais pas nécessairement). Inversement, les auteurs chrétiens l’ont présenté comme un imbécile frénétique (Grégoire de Nazianze, qui l’avait connu étudiant) ; un monstre (les historiens ecclésiastiques qui lui attribuent diverses profanations et des sacrifices) ; un apostat pervers (toutes les mesures qu’il a prises y compris son édit de tolérance sont condamnées, car contraires à la vraie foi). Cette image a prévalu tout au long du Moyen-âge, bien que le personnage ait fasciné occasionnellement des originaux.
Au XVIIIe siècle, les philosophes ont voulu le réhabiliter, au titre de champion des lumières contre l’obscurantisme chrétien, et de champion de la liberté contre l’absolutisme de ce qu’ils appelaient « le Bas-Empire ». Le romantisme s’est passionné à son tour pour le personnage, en voyant dans sa personne un romantique avant la lettre, incompris de son siècle ; et dont la mort en pleine jeunesse donnait le signal du triomphe des esprits médiocres.
Au XXe siècle, les trois images, Julien l’Apostat, Julien le philosophe et Julien le héros d’une cause perdue ; se prolongent non seulement dans la littérature de fiction, mais même dans les ouvrages de réflexion (avec parfois des variantes : un Julien philosophe athée se cachant sous un paganisme affiché, selon Alexandre Kojève).
Mais revenons à nos moutons c’est-à-dire aux chrétiens du bas empire.
Retenons simplement que si Apollon s’est sans problème juxtaposé à Grannus, le christianisme, lui, ne s’est pas implanté dans la région sans quelque difficulté (à la fin du IVe siècle) ; et que sainte Libaire a tout naturellement hérité des vertus de la divinité païenne locale, assurant ainsi le passage du culte païen des eaux au culte chrétien de la source miraculeuse. Pour effacer plus sûrement le sanctuaire païen, les chrétiens ont ensuite construit une église sur le lieu même de la résurgence des sources.
1035 : 1re mention écrite de la légende de sainte Libaire.
1789 : colmatage de la source miraculeuse de Grand, réattribuée à sainte Libaire.
En 1967 et 1968, furent trouvées dans le puits 77, quatre tablettes d’ivoire, formant deux diptyques ; il semble qu’elles aient été brisées de façon intentionnelle. Elles témoignent de la tradition égyptienne de la fin de la période ptolémaïque ou du début de la domination romaine. Les noms des décans sont retranscrits en vieux copte au moyen de caractères grecs. Ces tablettes sont un témoignage des influences orientales qui se répandent surtout à compter de la fin du IIe siècle.
Profitons de l’occasion pour rappeler quelques points assurés à ce sujet.
Premier point. L’astrologie druidique n’est plus actuellement accessible, il n’en reste que des débris ou des témoignages trop fragmentaires.
Ainsi que l’a bien dit Peter Berresford Ellis ; ce que l’on vend actuellement dans le commerce sous le nom d’astrologie celtique, ou de zodiaque celtique, est une hérésie ou une escroquerie intellectuelle issue des réflexions de Robert Graves sur l’alphabet ogamique irlandais.
Par hérésie nous voulons seulement dire s’écartant de façon notable du druidisme antique tel qu’il était conçu et pratiqué dans le berceau d’origine des peuples celtes. C’est-à-dire quelque part au nord des Alpes au IIe millénaire avant notre ère.
Deuxième point. Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) avaient de la prédétermination ou du destin une conception très souple, gardant une grande autonomie à la liberté humaine en définitive, au moins en ce qui concerne les détails. Ce déterminisme n’était donc en aucune façon inéluctable. Il
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s’agissait tout au plus de tendances et non de mécanismes implacables. Des prévisions et non des prédictions. Dans les tablettes scellées de son horoscope le grand druide Arborius avait confié un secret à son petit-fils Ausone, eh bien ce secret druidique le voici.
Si un événement n’est en aucune façon contenu dans ses causes, si par exemple il s’agit d’un acte pleinement libre de la part d’un homme, ou d’une série de coïncidences rarissimes, alors aucun être humain ne peut le prédire. Voilà ce que nous dicte la Raison.
Ceux qui prétendraient le contraire ne peuvent pas être de vrais très-sachants de la druidiaction (druidecht), et nous vous mettons en garde contre ces faux prophètes. L’astrologie ne peut que dégager les grandes tendances théoriques d’un caractère, d’un homme, et rien de plus : l’avenir n’appartient qu’aux dieux, et ce pour deux raisons.
La première est que, vu leur place dans la hiérarchie céleste, ils peuvent être amenés à connaître des choses que les êtres humains ignorent. Voir à ce sujet ce que dit la théologie musulmane à propos des djinns.
La deuxième est qu’ils ont la capacité d’intervenir dans le cours des choses, dans un sens ou dans l’autre.
« L’art de la divination n’est pas négligé non plus chez les peuples barbares, puisqu’il y a des druides parmi lesquels j’ai connu ton hôte, l’Éduen Diviciacus. Il prétendait connaître les lois de la nature, ce que les Grecs appellent physiologie, et il annonçait ce qui devait arriver, soit par des augures, SOIT PAR DES CONJECTURES » (Cicéron. De divinatione. I. 41, 90).
Un avenir peut en effet être connu à travers ses causes. Des hommes particulièrement doués du point de vue de l’intelligence, peuvent arriver à percevoir et à deviner les événements à venir, dans des causes difficiles à prendre en compte, et ce d’autant plus que leur intelligence est grande.
Mais le fait d’avoir prédit et craint un événement ou de le souhaiter peut aussi, par contre, contribuer à la réalisation dudit événement lui-même, et par conséquent donner l’impression, erronée, d’une prédiction ; alors que cela fut tout simplement la cause, certes, éloignée, mais la cause tout de même, de l’événement.
Troisième point. Et enfin, comme l’a très bien dit Lucain en son temps, le plus important est que « il vous est donné de connaître OU D’IGNORER les dieux et les puissances célestes » (Lucain. La Pharsale. I. vers 444 à 462).
Comme nos ancêtres étaient jadis tous élevés de la même manière, dans le même environnement, avec les mêmes expériences de la vie, le même contact quotidien avec la nature, on pouvait alors réellement définir pour eux des caractères, ou des personnalités, à l’aide d’un horoscope. De nos jours, chacun étant élevé différemment (parents, écoles, enseignement, vie active, et ainsi de suite) cela n’est plus possible.
Tout ce que montre en définitive cet horoscope trouvé à Grand donc, c’est que de nombreux étrangers fréquentaient alors son temple, attirés par la qualité du murmure de ses eaux prophétiques ou oraculaires.
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Un des pèlerinages à conseiller aussi est celui que l’on peut effectuer en se rendant à Édimbourg, afin d’y embrasser ou caresser la pierre de la Destinée. C’est un bloc de grès, grossièrement rectangulaire (670 x 420 x 265 mm), pesant 152 kg. Il est cassé en deux morceaux depuis une date indéterminée.
La pierre de la Destinée, ou pierre de Scone, est le plus ancien symbole de l’histoire écossaise. Les rois d’Écosse ont été intronisés à Scone, près de Perth, depuis au moins 877 ou 878. Ce lieu était le siège des rois pictes depuis des temps immémoriaux. Un chroniqueur écossais a écrit au XVe siècle qu’aucun roi ne pouvait régner en Écosse s’il ne s’était pas d’abord assis sur la pierre conservée avec respect en l’église de l’abbaye de Scone… » Le dernier roi d’Écosse à observer ce rite fut Jean de Balliol, le 30 novembre 1292. 1).
Quatre ans plus tard, le roi d’Angleterre Édouard 1er envahit l’Écosse, s’empara de Scone, et emporta la pierre en Angleterre avec les autres symboles de la royauté. Un trône fut construit spécialement pour abriter la pierre sous le siège royal à l’abbaye de Westminster. Depuis 1307, tous les rois d’Angleterre, puis rois de Grande-Bretagne, ont été couronnés assis sur ce trône, donc sur la pierre. Les rois d’Écosse, quant à eux, continuèrent à être intronisés à Scone, mais sur un nouveau trône, privé de ce symbole picte.
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Afin de célébrer le septième centenaire de 1296, le gouvernement anglais a décidé de rendre à son pays d’origine cette mystérieuse pierre de la Destinée. Le transfert eut lieu en novembre 1996 ; le jour de la saint André, le 30 novembre, la pierre fut donc installée au château d’Édimbourg, en présence du duc d’York, fils de la reine Élisabeth II.
Comme dans le cas de la fameuse pierre noire de La Mecque, une légende biblique, ou pseudobiblique, y a été très tôt attachée. La pierre de Scone serait la pierre sur laquelle Jacob aurait reposé lors de son fameux songe à Bethel (Genèse, 28, 11) ; elle aurait été ensuite apportée en Écosse par la non moins mythique princesse Scota, fille de Pharaon, via la Scythie et l’Espagne.
Ce qui est bien entendu, comme dans le cas de la pierre noire de La Mecque, impossible !
Dans la légende irlandaise du Colloque des Anciens (Acallam na senorach), la pierre de Fal ou de Scone est évoquée comme suit.
Qu’avait donc de remarquable cette pierre de Fal ? demanda Diarmait.
Si quelqu’un était accusé de quelque chose, répondit Ossian, et qu’on le plaçait sur cette pierre, s’il avait dit la vérité, il devenait blanc et rouge, mais s’il avait menti, une tache noire et bien visible apparaissait sur lui.
Quand le vrai roi de Tara montait dessus, la pierre criait sous ses pieds puis les trois vagues d’Irlande lui répondaient comme en écho : la vague de Cliodna (Clídna, Cliona, Cleena), la vague de Tuaide ainsi que la vague de Rudraige.
Quel que soit le roi de province ennemi qui montait dessus par contre, la pierre rugissait ou grondait sous ses pieds.
Quelle que soit la femme stérile qui montait dessus, elle se couvrait d’une fine buée de sang noir ; mais quand c’était une femme féconde, elle se couvrait de buée de toutes les couleurs.
Certains celtisants ont suggéré d’y planter une épée tout aussi symbolique, l’épée des rois du Dal Riada. Belle idée, mais qui n’est pas près de voir le jour. Il faudrait de toute façon avant toute chose que cette mystérieuse pierre retourne déjà en son lieu d’origine ; qui est non pas l’abbaye de Scone, mais le château fort de Dunstaffnage (près de Dunbeg) construit sur un énorme rocher ; qui a succédé à une forteresse des souverains du légendaire royaume de Dal Riada, Dun Monaidh, au VIIe siècle.
1) Jean d’Écosse ou Jean de Balliol (ou Jean Balliol, en écossais Iain Bailiol), 1248-1315, fut de facto roi d’Écosse de 1292 à 1296. Il était le fils de Jean de Balliol et de Derborgail de Galloway. D’abord allié du roi d’Angleterre, il se brouilla ensuite avec et signa le traité appelé l’Auld Alliance. Le traité fut signé à Paris le 23 octobre 1295. Le 23 février 1296, le Parlement écossais le ratifia. Ce traité prévoyait que si l’un des deux États subissait une attaque de l’Angleterre, l’autre envahirait l’Angleterre, comme le montre l’exemple de la bataille de Flooden Fields en 1513. En 1326, Robert Bruce renouvela l’Alliance par le traité de Corbeil. Au XIVe et au XVe siècle, le traité fut invoqué à six reprises. Et tous les Écossais furent donc reconnus d’office comme citoyens français jusqu’à la révocation de ce point du traité en 1903.
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Autre but de rando pédestre, excellent pour la santé du corps et de l’esprit : le mont Sainte-Odile (Odilienberg en allemand). Le mont Sainte-Odile est une montagne vosgienne, dominant la plaine d’Alsace et culminant à 764 mètres. Sa source est connue pour guérir certaines maladies des yeux. Le monastère a été fondé vers l’an 700 quand le père de sainte Odile, Adalric (appelé aussi Etichon), lui légua le château de Hohenbourg. Sainte Odile le transforma en couvent.
Le massif du mont Sainte Odile, comme en témoignent les découvertes de plusieurs fouilles, a été occupé depuis le Néolithique. Des silex et haches en pierre polie ont permis de faire remonter une première occupation des lieux à 4000 ans avant notre ère.
Un mobilier abondant datant de l’âge du bronze a également été mis au jour et atteste une occupation assez importante pour la période, entre 1500 et 800 avant notre ère.
Par contre les objets de l’âge du fer (750 à 50 avant notre ère) sont beaucoup plus rares et semblent montrer qu’à cette époque le massif a été moins habité.
Il est à noter que, selon certains archéologues, les portes dites à couloir du mur (portes de Barr et de l’Elsberg) ont vraisemblablement été aménagées durant l’époque romaine ; ainsi que certaines réfections de l’enceinte elle-même (cf. les analyses de tenons de bois au carbone 14 et par dendrochronologie).
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Le mur entourant le mont est une enceinte mégalithique d’une longueur totale d’une dizaine de kilomètres, faisant le tour du plateau pour former comme un rempart. Formé d’environ 300 000 blocs cyclopéens, il fait entre 1,60 m et 1,80 m de large et peut atteindre 3 m de hauteur.
Actuellement deux thèses s’affrontent à son sujet : le mur en tant qu’enceinte défensive et le mur en tant qu’enceinte cultuelle. La caractéristique principale de la construction du mur réside dans l’utilisation de tenons en queue-d’aronde qui s’ajustent dans les mortaises taillées dans les blocs adjacents. Ces tenons assurent la jonction entre les pierres. Cette technique est unique en Europe du Nord.
Une étude portant sur certains de ces tenons en chêne en forme de queue-d’aronde, retrouvés sur le mur, a donné comme date la fin du VIIe siècle (soit à peu près la date de fondation du couvent). C’est donc une date relativement récente. Pourtant, cela ne signifie pas que le mur fut construit à cette époque, il pouvait s’agir de travaux de réfection de l’ouvrage. D’autres auteurs pensent à une construction beaucoup plus ancienne (Âge du bronze).
Tout au long de l’enceinte, on peut observer plusieurs carrières d’où furent extraits les blocs de pierre
N.B. Le qualificatif de païen a été donné à ce mur par le pape Léon IX, au XIe siècle.
La source miraculeuse. Cette source est dite miraculeuse, car selon la légende, Odile, première abbesse du monastère, aurait frappé le roc en ce lieu pour venir en aide à un pèlerin aveugle qui s’était égaré.
L’eau jaillissant brusquement aurait guéri le pauvre hère dès qu’il eut frotté ses yeux avec ce liquide limpide et frais…
Depuis, des milliers de visiteurs se sont mis à faire la même chose pour leurs yeux fatigués. Certains auraient constaté une amélioration de leur vision… D’ailleurs tous les lundis de Pâques, un laboratoire de produits homéopathiques allemand vient prélever quelques litres de ce précieux liquide afin d’en faire un médicament pour les yeux. Il paraît que ce jour-là son pouvoir est décuplé. Des mesures de radiesthésie l’auraient confirmé…
Quoi qu’il en soit, cette source a cela de mystérieux que les géologues ne s’expliquent pas vraiment sa présence en ce lieu ; puisque les failles et strates sédimentaires sont inclinées dans un sens qui serait défavorable à son écoulement de ce côté de la montagne…
On sait avec certitude peu de choses de la vie de la femme qui a donné son nom à ce haut lieu alsacien (sainte Odile) et l’on peut facilement y reconnaître une ancienne fée ou déesse solaire. Odile était aveugle, mais saint Erhard, un moine d’Irlande évêque d’Ardagh (de passage en Bavière) eut alors une vision dans laquelle Dieu lui ordonnait de procéder à son baptême. Ce qu’il fit quelques jours plus tard et, au moment où l’huile sainte touchait les yeux d’Odile, celle-ci recouvra la vue. La vie de sainte Odile, ou du moins sa légende nous est connue grâce à un texte anonyme écrit peu avant 950. Adalric son père lui aurait apparemment cédé la possession de son château de Hohenbourg, avec les revenus et les terres qui en dépendaient. D’où le monastère.
Certains de nos correspondants irlandais nous demandent si le temps ne serait pas venu pour eux de se réapproprier les lieux saints confisqués par les talibans/parabolans du christianisme comme saint Patrice.
Notre réponse sera simple. Si vous vous sentez en mesure de le faire, alors allez-y ! N’hésitez pas ! La foi druidique peut faire s’effondrer une montagne sur des armées ennemies (voir les exploits du célèbre Mog Ruith lors de la bataille de Druim Damghaire – Forbuis Droma Damhghaire-). Cela dit, mieux vaut éviter la montagne (Croagh) de Patrice et lui préférer l’île située sur le Lac Derg, le « lac de la Grotte » à la belle saison (du 1er juin au 15 août). Le chevalier Owein du Pays de Galles, le sire de Beaujeu et Louis d’Auxerre, un dénommé Malatesta de Rimini, Johann van Brederode, le Hongrois Georg Grissaphan ; sont venus en cet ancien lieu d’initiation druidique, et antérieurement mégalithique, rebutés par les dérives mercantiles de Saint-Jacques-de-Compostelle. Au purgatoire de saint Patrice, ils se faisaient enterrer vivants jusqu’à deux semaines dans un trou, pour en ressortir avec les aislingi ou visions les plus fantastiques du monde. Ils ont laissé des récits couchés par écrit. Tous se croyaient proches du bout du monde, « finis terrae. Et tant qu’à faire, nous conseillons d’ailleurs à nos amis de commencer par la source de la Segais à Trinity Well (Tiobar na Trionaide).
La plupart de ces hauts-lieux étant liés aux forces de la nature QUI EST UNIVERSELLE, QUI EST NOTRE MÈRE À TOUS, de tels exemples de randonnées à connotation spirituelle peuvent se trouver partout dans le monde, et sur tous les continents. Nous n’avons donc que l’embarras du choix.
Il est bien difficile de distinguer chez les Indiens d’Amérique du Nord des lieux sacrés nettement séparés des lieux profanes puisque, chez eux comme chez leurs frères celtes, la nature tout entière était sacrée : il y avait d’innombrables kaaba.
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Essayons néanmoins. Voici quelques autres exemples donc de pèlerinages à faire.
Le tertre du Grand Serpent. Dans le sud de l’État de l’Ohio, près des rivages d’un affluent de la rivière éponyme et dans le comté d’Adams, se trouve une bien étrange construction. En prenant un peu de hauteur, on se rend compte que ces monticules forment en réalité un ensemble représentant très distinctement un serpent, dont la tête est parfaitement dessinée, ce qui ne laisse aucun doute quant à une éventuelle interprétation.
Sa longueur totale est d’à peu près 420 mètres et les variations de hauteur du monticule sont de 30 à 100 cm. Même s’il est fait mention de ce lieu dans les témoignages oraux des cultures ou traditions Adena, il semblerait, après datation au carbone 14, que l’origine de ce monument remonte à une période située aux alentours de 1070.
Cahokia. La région de Cahokia ne sera occupée qu’à partir du VIe siècle. Des Indiens se rassemblent là en villages et vivent des produits du jardinage. Ils pratiquent le cabotage sur les cours d’eau, se nourrissent de graines de phalaris roseau (phalaris arundinacea) puis de maïs à partir du IXe siècle.
Le site de Cahokia, d’une superficie de 8 900 hectares, se trouve à proximité de la confluence de trois cours d’eau : l’Illinois, le Missouri et le Mississippi, près de l’agglomération de Saint-Louis.
La ville de Cahokia est apparue vers l’an mil. Les bâtiments furent progressivement aménagés au sommet d’un tertre en terre, haut d’environ 30 mètres, et d’une surface finale de huit hectares. Cahokia fut le principal chef-lieu de la civilisation du Mississippi de 950 à 1250. Il s’étendait sur 12 km, mais fut abandonné avant l’arrivée des Européens. La chute de la cité demeure difficile à expliquer.
Le mont Shasta (désigné sous le nom de Mount Sisson jusqu’en 1922) est un volcan. Son altitude de 4 317 mètres en fait le deuxième plus haut sommet de la chaîne des Cascades, et le plus haut sommet de Californie qui ne soit pas dans la Sierra Nevada. Le mont Shasta présente la particularité de s’élever à 3 000 mètres au-dessus de la plaine alentour.
Les Amérindiens qui habitaient la région pensaient que le mont Shasta était habité par l’esprit du chef appelé Skell, qui était descendu du paradis vers le sommet de la montagne. Depuis lors, de nombreux autres cultes ont été attirés par le mont Shasta. Pour les Acumawis par exemple, une source de cette montagne serait formée par les larmes des daims, pour leur éviter de pleurer lorsqu’ils sont tués par un chasseur.
Mount Shasta, la ville homonyme située au pied de la montagne, est le lieu de rendez-vous de toutes ces religions différentes.
Sans oublier les quatre montagnes sacrées des Indiens Navajos que sont la Montagne de la coquille d’ormeau (San Francisco Peaks), la Montagne turquoise (mount Taylor), la Montagne de la coquille Blanche (Mount Blanca) et le mont Hesperus (Obsidian Mountain).
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MATÉRIEL ET SYMBOLES.
LES PUITS OU FOSSES À SACRIFICES.
Répétons-le encore une fois, pour les anciens druides, les divinités manifestaient leur présence sur terre à travers des bois sacrés, petits groupes d’arbres et d’arbustes plantés puis entretenus à l’intérieur des enclos sacrés. À Gournay-sur-Aronde, c’est à côté d’un tel aménagement végétal que se trouvait la fosse à sacrifice, laquelle, ainsi que toutes celles qui ont été découvertes dans les autres sanctuaires druidiques fouillés par la suite, était d’une nature bien particulière. Elle se présentait comme une fosse, de quatre mètres de longueur sur deux de profondeur, creusée dans le sol.
Chez les Belges du IIIe siècle avant notre ère, le puits à sacrifice avait donc conservé la forme pure et archaïque des anciens temps indo-européens. Ce puits à sacrifice, bien que simple trou creusé dans le sol, était l’objet des soins les plus attentifs. Ses parois mêmes avaient été recouvertes de douves de bois, comme un tonneau. Probablement était-il fermé d’un couvercle hors des périodes de sacrifices. Enfin, comme l’étude stratigraphique le suggère, il était soigneusement nettoyé après le séjour de chaque victime. En Inde, ce genre de puits à sacrifice, le vedi, était à chaque nouveau sacrifice consciencieusement recouvert de plusieurs épaisseurs de gazon qui devaient constituer une couche pour la divinité.
La grande fosse centrale avait donc pour fonction première de faire communiquer les hommes et leurs dieux par le truchement d’une victime qui pourrissait lentement et dont les humeurs étaient censées alimenter ces derniers. De tels ensembles sacrificiels sont connus en Grèce où ils sont qualifiés de « chthoniens », c’est-à-dire qu’ils s’adressent à des divinités, réputées résider sous la terre, auxquelles on offre des victimes entières. À fin du IIIe siècle avant notre ère, les ensembles sacrificiels n’avaient donc que cette forme archaïque et simple ; celle d’une fosse soigneusement creusée dans la terre et qui devait être fermée par un couvercle destiné à la protéger des intempéries. Le temps passant, ces fosses furent dotées d’une toiture ; apparut alors un bâtiment carré ou rond de cinq à six mètres de côté ou de diamètre, aux allures de temple méditerranéen, à la différence que la fosse à sacrifice en occupait presque tout l’espace intérieur.
LES DIFFÉRENTS TYPES DE LEX OU D’AUTEL.
Les indelba de la tradition irlandaise (cf. le sanas Cormaic) ne sont pas sans poser problème.
Indelba : i. anmand na n-altora na n-idal sin. i. arindi dofornitis intib delba na ndula adortais and, uerbi gracia figura solis.i. figuir na grene.
Indelba : noms des autels de ces idoles, la raison pour laquelle ils sont appelés ainsi est qu’ils avaient coutume de peindre dessus la représentation des éléments qu’ils adoraient, par exemple la figura solis, autrement dit la figure du soleil.
Pourquoi ce pluriel dans la définition donnée par le glossaire ? Le dictionnaire de la langue irlandaise (vieil et moyen irlandais), lui, définit l’indelb comme un autel formé de quatre larges pierres. Peut-être faut-il alors penser à quelque chose comme les petits cercles de pierres levées appelés horgr dans la religion scandinave.
Si modeste soit-il, un lieu destiné au culte abrite au minimum un autel, qui est le seul objet cultuel vraiment indispensable.
L’autel est de deux sortes selon la nature des sacrifices que druides effectuent.
Pour les sacrifices de type sanglant, destinés aux dieux célestes avec partage et consommation des victimes, l’autel (bothros chez les Grecs) est constitué d’une table horizontale en pierre, située face à l’entrée du temple. À la différence des indelba de la campagne, cette table est munie d’un ou plusieurs foyers surélevés sur un socle (des braseros) où l’on brûle la part des dieux et où l’on rôtit les parts des hommes. Voir les monnaies à l’autel, de Lyon, sous Auguste et Tibère.
Pour les sacrifices dits chthoniens destinés aux divinités souterraines et aux grands ancêtres, on ne se sert pas de l’autel, mais seulement de la fosse ou du puits allant toujours avec (bothros en grec, ce qui signifie trou).
Les autels druidiques surplombent en général une à plusieurs fosses à sacrifices (un puits devant, un puits de chaque côté).
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a) Les premiers types d’autel, les plus simples, les plus rustiques, ceux qui furent utilisés par les hommes préhistoriques, les lexs ou les indelba, sont très nombreux : simple pierre sacrée, amas de pierres sacrées (altarets dans les Alpes) souches d’arbre, etc.
b) Un modèle de lex ou d’indelb un peu plus complexe est l’autel de pierre de type « Suèvres ». C’est le genre de lex ou d’indelb (d’autel) qui s’élevait le plus souvent au cœur de la clairière des nemetons antiques.
c) Le troisième type d’autel, celui-là même des temples urbains classiques, est l’autel dit des quatre Celties. Un exemplaire en a été retrouvé à Lyon. Il consiste en un autel de type Suèvres, mais flanqué cette fois-ci de deux billots ou de deux colonnes, autrement dit tout ce qui reste de l’antique bosquet sacré…
Le texte consacré par Strabon au sanctuaire (Géographie. Livre IV, 3) signale qu’il y existait deux sanctuaires, l’un avec un autel mentionnant les soixante nations celtiques, l’autre situé dans un « grand bois sacré »…
« Le sanctuaire dédié à César Auguste est bâti en face de la ville, au confluent des deux fleuves ; il y a un autel notable, portant l’inscription des peuples, au nombre de soixante, les statues de chacun d’eux, ainsi qu’un autre grand… ».
Il est difficile d’identifier le premier, mais il est tentant d’établir un rapprochement avec un monument rigoureusement contemporain, l’ara pacis augustae, consacré à Rome en l’an 13.
L’une des fortes raisons de ce rapprochement est que, à Rome, l’intérieur du mur est orné de guirlandes qui imposent le parallèle avec le décor marmoréen dont les morceaux ont été trouvés près du sanctuaire lyonnais.
Hauts de 2,08 mètres, ces bas-reliefs déroulaient un austère décor de guirlandes de chêne et de haches sacrificielles.
Cette reconstitution de l’autel de la fête devant se dérouler chaque année à Lugdunum, implique l’identification de l’autel dit « notable ou axiologos en grec » avec l’autel aux deux colonnes ayant succédé aux arbres originels.
De tous les édifices du Lyon romain, cet autel est celui que nous connaissons le mieux. Son image apparaît au revers des monnaies de bronze émises à partir de l’an10 avant notre ère, et pendant toute la durée de la dynastie julio-claudienne, par l’atelier monétaire de Lugdunum.
Ce qui retient surtout l’attention, ce sont les deux colonnes, porteuses des Victoires, qui encadrent l’autel. Si, sur les monnaies, les colonnes ne paraissent pas plus hautes que l’autel, c’est afin de ménager aux Victoires assez d’espace pour les figurer dignement. Mais en fait, ces deux colonnes, il semble bien que nous puissions encore les voir aujourd’hui.
Au XIIe siècle, lorsque fut érigée la basilique Saint-Martin d’Ainay, on s’en fut chercher à la Croix Rousse pour cela, les matériaux abandonnés par les Romains. Entre autres blocs, on apporta deux colonnes qui, sciées par le milieu, soutinrent la coupole du chœur. Une tradition très ancienne et qu’a connue Rabelais veut que ce soient les colonnes de l’autel des Quatre Celties et rien ne permet de la mettre en doute. Les colonnes mesuraient originairement 9,47 mètres de haut et avaient un diamètre à la base de 1,10 mètre. Mais ces fûts comportaient base et chapiteau qui portaient la hauteur totale aux alentours de 10,50 mètres. Des monolithes de cette taille, il ne devait pas en exister beaucoup.
Rétablissons sur ces socles les Victoires que les monnaies figurent en tuniques talaires, ailées, portant de la main droite une couronne, et soutenant de la gauche, abaissée le long du corps, une palme appuyée sur l’épaule. Si les monnaies de bronze impériales permettent de se faire une idée assez précise de ces divinités, une chance insigne en a donné un modèle réduit en bronze qui est une œuvre d’art. La statuette est haute de 0,28 mètre et fournit une reproduction très fidèle des statues originales. On admire encore l’attitude calme, sans froideur, majestueuse sans cesser d’être gracieuse, religieuse sans hiératisme, de cette œuvre. La statuette a traversé vingt siècles sans trop souffrir des outrages du temps. Toutefois, des déformations altéraient sa beauté : les grandes ailes aux longues rémiges ont donc dû être redressées.
Elle n’est point intacte cependant. La main gauche s’entrouvre pour tenir une palme qui a disparu, tandis que la droite a perdu la couronne et les doigts qui la portaient.
Mais cette perte est largement compensée par une miraculeuse découverte faite par les services de voirie en janvier 1961. Ils avaient alors entrepris d’explorer un mystérieux système de souterrains, auquel on accédait jadis par des puits ouverts à petites distances du sanctuaire. Le dégagement d’un de ces puits révéla, dans le remblai, pêle-mêle avec d’autres antiques fragments, la moitié d’une grande couronne de laurier en bronze doré.…
Sur des colonnes de 10,50 mètres, il y avait donc des statues de 3,50 mètres, ce qui porte l’ensemble à 14 mètres. Depuis on a pu identifier le matériau des colonnes, une syénite provenant des carrières de Mons Claudianus, en Égypte. L’exploitation n n’en était pas encore entreprise à l’époque d’Auguste, et les blocs ne furent donc pas rapportés à Lyon avant le règne d’Hadrien. Leur présence
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témoignerait par conséquent d’une restauration de l’édifice primitif, érigé trois lustres avant notre ère avec le fragile matériau, brique ou calcaire tendre, qui, à cette époque, était le seul à la disposition des architectes.
Tout surprend dans cet édifice. Qu’il nous soit aussi familier par les revers de monnaies romaines. Que nous ayons, des Victoires, une figure si parfaite ! Qu’un étonnant hasard ait placé entre nos mains une partie de la couronne qu’elles portaient ! Mais ce qui étonne plus encore, c’est l’apparence de cet ensemble.
LES AUTELS FAMILIAUX OU DOMESTIQUES.
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le remarquer à plusieurs reprises même, l’autel trouvé dans les ruines d’Argentomagus est un très bon exemple d’autel privé ou familial celte. Il a été découvert dans une cave qui devait avoir la forme d’un petit temple. Il se compose d’une table ronde derrière laquelle deux divinités ou deux ancêtres divinisés sont assis. La statue la plus grande (49 cm) à l’apparence d’un homme assis sur un coussin, il porte un torque au cou et un deuxième au bras droit, un serpent repose sur ses genoux. La deuxième statue (42 cm) à l’apparence d’un homme assis dans un fauteuil, les deux mains sur les genoux, avec une bourse dans la main gauche. Les deux statues, sculptées grossièrement, étaient peintes. Ainsi que nous l’avons déjà signalé, la plus petite était habillée d’une tunique et d’un manteau ocre, la bourse et les souliers peints en vert, l’autre était vêtue d’une tunique verte, portait des braies de la même couleur quadrillées de rouge. Entre les deux, une pierre dressée symbolisant un phallus comme dans le cas de la pierre de Fal irlandaise ou du linga hindouiste.
À noter : la hauteur des deux statuettes n’est pas adaptée à la hauteur de cette table ronde en pierre.
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LES RETABLES CELTIQUES.
Note biffée par Pierre de La Crau et rétablie par ses héritiers.
Coutume typiquement celtique la crèche de Nantosuelta ou Épona (ceux que le mot « crèche » gêne peuvent utiliser à la place le mot latin « aedicula » ou même le terme japonais « kami dana »). Il s’agit d’un édicule où trône à la place centrale une humble statue d’Épona et de son fils adoptif, couronnée de fleurs. Comme nous ignorons à quoi correspond exactement l’édicule que la déesse Nantosuelta porte au bout d’une hampe dans nombre de ses figurations (une urne funéraire ? Une ruche ?) ; sa représentation la plus classique en est aujourd’hui, sans doute sous l’influence du christianisme, une écurie. L’écurie rappelle le rôle de « déesse jument » d’Épona, mais certaines crèches de Nantosuelta rappellent aussi parfois la grotte où ont lieu nos initiations. Chevaux et taureaux font aussi partie de plein droit de cette crèche de Nantosuelta. Chez nous ce taureau est appelé termagant ou tervagan (Taruos trigaranos), il est représenté avec trois cornes sur le front et avec trois grues auprès de lui. Comme il n’y a pas qu’Épona dans cette crèche, mais aussi souvent d’autres figurines, certains spécialistes l’appellent « crèche de Nantosuelta ».
Que ceux qui ne savent pas quoi faire pour avoir leur propre crèche de Nantosuelta s’inspirent des kami-dana ou des boutsoudan, l’important étant le bois utilisé pour cela : ce doit être du chêne.
Au Japon le kami dana est un autel familial shintoïste dédié aux esprits (kami). L’équivalent du boutsoudan chez les bouddhistes. Le « kami-dana » peut être dédié à des « kami » familiaux (sorei) ou des « kami » plus « importants » comme le kami des montagnes…
Il est possible de voir dans la rue des « kami-dana » dédiés à un esprit particulier. Ces autels portent alors souvent le nom de l’esprit auquel ils sont consacrés (Ebisu-dana, Kadogami-dana, Kôjin-dana, Toshitoku-dana…). Ces autels, richement décorés, sont fabriqués en bois. Leurs positions et orientations sont particulièrement étudiées. À titre d’exemple, le « Kami-dana » doit être tourné face à l’est ou face au sud.
Les kami dana conservent derrière leur double porte les offrandes quotidiennes des fidèles. Elles sont généralement constituées d’eau, de fruits, d’alcool. La nourriture déposée doit être changée quotidiennement, mais peut être par la suite consommée. Lorsque la famille reçoit d’un tiers un cadeau, il est possible de déposer ce présent devant comme en offrande, avant de l’utiliser.
Le « kami-dana » japonais a la forme d’un temple shintô qui aurait été miniaturisé.
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Le « butsudan » ressemble à une armoire qui, en plus des offrandes, abrite les recherches généalogiques de la famille ainsi qu’une petite statue bouddhiste.
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En 1223, le Français François d’Assise, dont la mère était Tarasconnaise, réalise la première crèche vivante… Dans une grotte de montagne, il réunit les paysans du lieu qui ont amené avec eux un petit âne et un bœuf roux, agenouillés dans de la vraie paille, et qui entourent trois statues de bois représentant la Vierge, Joseph et l’Enfant.
Cantique du soleil ou des créatures.
Très haut, tout puissant et bon Seigneur
À toi louange, gloire, honneur et toute bénédiction
À toi seul ils conviennent ô Toi très haut
Mais nul homme n’est digne de te nommer.
Loué sois-tu, Seigneur, avec toutes tes créatures
Spécialement messire notre frère le Soleil
Par qui tu nous donnes le jour, la lumière.
Il est beau, rayonnant d’une grande splendeur
Et de toi, le Très-Haut, il nous offre le symbole.
Loué sois-tu notre Seigneur pour notre sœur la Lune et les Étoiles
Dans le ciel tu les as formées claires, précieuses et belles.
Loué sois-tu notre Seigneur pour notre frère le Vent,
Et pour l’air et pour les nuages
Pour l’azur calme et tous les temps
Grâce à eux tu maintiens en vie toutes les créatures.
Loué sois-tu notre Seigneur pour notre sœur l’Eau
Qui est très utile et très sage
Précieuse et chaste.
Loué sois-tu notre Seigneur pour notre frère le Feu
Par qui tu éclaires la nuit,
Il est beau et joyeux,
Indomptable et fort.
Loué sois-tu notre Seigneur pour notre sœur et notre mère la Terre
Qui nous porte et nous nourrit,
Qui produit la diversité des fruits
Avec les fleurs diaprées ainsi que les herbes.
Loué sois-tu notre Seigneur pour ceux
Qui pardonnent par amour pour toi,
Qui supportent épreuves et maladies,
Heureux s’ils conservent la paix
Car par toi, le Très-Haut, ils seront couronnés.
Loué sois-tu notre Seigneur pour notre sœur la Mort du corps,
À qui nul homme vivant ne peut échapper,
Malheur à ceux qui meurent en état de péché mortel,
Heureux ceux qu’elle surprendra faisant ta volonté
Car la seconde mort ne pourra leur nuire.
Louez donc et bénissez notre Seigneur,
Rendez-lui grâce et servez-le
En toute humilité.
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, les crèches napolitaines apparues en Italie entre le XVe et le XVIe siècle sont les premières crèches modernes. Le décor était constitué par des ruines de temple païen, et les personnages des statues colorées richement ornées atteignant parfois la taille humaine. Le XVIIIe siècle est l’âge d’or de la crèche napolitaine qui se distingue de toutes les autres. Elle n’est pas issue de la familiarité du petit peuple, comme en Provence. Son caractère spectaculaire et sa richesse scénographique ne sont possibles que grâce à l’activité de plusieurs artistes et artisans (architectes, sculpteurs, peintres, orfèvres, céramistes, tailleurs, et ainsi de suite).
Les crèches provençales, elles, par contre, s’inspirent de la vie locale. Les artisans évoquent des personnages typiques de la région ou du village voire des défunts de la famille. Elles datent du XVIIIe siècle seulement. Ont été rajoutés aussi à Marseille les santons (« santoun », petits saints en provençal) qui représentent des métiers d’alors : le meunier, le rémouleur, la lavandière, ou d’autres.
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OBJETS SERVANT AU CULTE.
Nous vivons dans un Univers mystérieux (le Bitos des druides), où toutes les choses et tous les êtres sont reliés entre eux par des liaisons invisibles. Afin de vraiment connaître, en profondeur, la moindre chose, il faut « Tout » connaître. Les événements de notre vie, les phénomènes naturels sont gouvernés par des lois surhumaines précises, que nous pouvons connaître par intuition, partiellement. Chaque fragment du processus du devenir est ineffablement lié au mystère de la Procréation du Bitos ou de l’Univers. Pour cette raison, toutes les Écoles philosophiques et les voies spirituelles ont cherché à s’approcher, autant que possible, des mystères de l’Univers dans son ensemble.
Toute énergie de l’univers invisible a une correspondance formelle dans le plan physique. En appliquant certaines méthodes spécifiques de concentration, nous pouvons entrer en résonance avec les diverses énergies bénéfiques du Bitos ou Macrocosme par l’intermédiaire de certaines constructions géométriques (planes ou tridimensionnelles) dans le but de dynamiser ou d’amplifier en notre être ces énergies. Exemples.
L’AMBRE.
L’ambre est une matière qui interpelle la réalité tangible. D’apparence fragile, elle semble à l’écart du temps, qui ne semble avoir prise ni sur sa couleur ni sur sa consistance. Alors que l’univers minéral a tendance à « pétrifier » tout ce que le passé laisse comme trace de vie ; l’ambre, lui, est comme un paradoxe inaltérable.
Fossile contenant des fossiles, c’est un élément du règne minéral, tout en conservant des caractéristiques liées au végétal.
Sa malléabilité avant l’ère du plastique lui réservait une place privilégiée dans la considération des hommes. Même refondu l’ambre conserve ses propriétés physiques et chimiques.
On en trouve dans le Maryland, et l’Alaska ainsi qu’au Canada dans la province de la Saskatchewan. On en trouve en Chine (Moukden), au Japon (Kuji), en Thaïlande, au Viêt Nam et en Malaisie. En Birmanie, l’ambre peut être jaune vineux, rouge, vert, ou parfois même bleu : il s’est formé entre l’Éocène et l’Oligocène. Dans la péninsule Arabique, l’ambre date du Crétacé.
La combustion de l’ambre dégage une odeur particulière qui embaume depuis l’Antiquité les temples dédiés aux dieux. Son usage autour des anciennes routes de l’ambre se constate jusqu’en Italie.
Pour les Phéniciens et les Étrusques (rites funéraires avec de l’ambre), c’était un symbole de force éternelle et de vie.
Avec les Romains, l’ambre sous toutes ses formes prendra divers sens, mais le parfum produit par sa combustion était réservé au temple de Jupiter, afin de manifester l’élévation d’un « nectar » réservé au premier des dieux selon eux.
Dès cette époque s’affirme l’idée que l’ambre établit un lien subtil entre l’âme individuelle et l’âme universelle, en matérialisant l’attraction solaire, spirituelle et divine.
On rencontre rarement une matière comme l’ambre combinant aussi harmonieusement influence chimique et influence physique. Son action sur le bien-être de l’homme fait que, depuis la Préhistoire, magie et thérapeutique lui prêtent d’innombrables vertus. Son pouvoir calmant vient en premier. Les maux de dents vont ainsi trouver un début d’apaisement, qui n’évitera certes pas l’intervention curative du dentiste si nécessaire, mais qui facilitera quand même la vie.
Sans aller jusqu’à en faire une panacée, on peut dire que le port de l’ambre, d’une manière générale, apporte à l’organisme un réel bien-être préventif, tant sur le plan nerveux que sur le plan biologique.
Les colliers pour petit enfant.
Lorsqu’un nourrisson perce ses dents, ses mâchoires sont l’objet de douleurs intenses qui perturbent sa vie. Un collier d’ambre va donc calmer ses douleurs de croissance et apaiser ses nerfs d’enfant confronté à un stress inconnu. Au-delà de l’effet calmant, le port de ce collier va équilibrer le nouveau-né, favorisant ainsi son adaptation à la vie qu’il commence. N.B. En Allemagne et en Suisse, il est toujours proposé en pharmacie.
Les colliers pour adulte.
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Vu sa légèreté, on sent peu la présence d’un collier d’ambre. Si les femmes se parent sans complexe de colliers, les mœurs actuelles n’autorisent pas trop les hommes à faire de même.
Que l’on se souvienne donc en terminant ce bref exposé, que les premiers colliers arborés par les êtres humains étaient destinés aux guerriers.
Alors que ceux qui hésitent à porter un collier d’ambre n’aient aucun complexe. Qu’ils osent enfin porter un collier d’ambre, ils ne le regretteront pas. En le glissant sous leur chemise, les hommes peuvent donc eux aussi, en toute discrétion, bénéficier de ses bienfaits.
La vie tumultueuse de notre époque provoque stress et angoisses. Il a fallu attendre les récentes découvertes de la physique des électrons pour commencer à comprendre comment l’ambre générait de l’électricité. L’ambre est une réponse idéale à ce genre de mal-être.
LE TORQUE ou collier à tampons.
Régulateur de l’équilibre bioélectromagnétique et du biorythme, le torque avait pour propriété de décharger le corps de son électricité statique et des ions néfastes au bon fonctionnement des organes. Fabriqué artisanalement avec des métaux polarisés, il canalisait les ondes alpha et bêta qui contrôlent le système nerveux et l’appareil circulatoire. Ce collier à tampons avait donc des effets bénéfiques sur l’organisme, en particulier en ce qui concerne l’excitation nerveuse et les douleurs articulaires.
Les dodécaèdres de bronze. Le dodécaèdre est une figure géométrique en trois dimensions, soit un polyèdre régulier à douze faces pentagonales égales. L’objet en question est creux et ajouré. Chaque face est percée d’une ouverture circulaire de dimension variable (0,9 cm à 2,6 cm). Dix ouvertures sont entourées de cercles concentriques. Les deux plus grands orifices, placés sur deux faces opposées, ne montrent aucune trace de décor.
Si le dodécaèdre n’est pas un objet rare, il n’est pas courant non plus, d’où son intérêt.
La fonction du dodécaèdre a intrigué des générations d’archéologues. Élément décoratif, jeu, ou calibre, ont été notamment évoqués. L’hypothèse la plus triviale est qu’il pourrait s’agir d’objets destinés à supporter des torches. On a également émis l’hypothèse qu’il pouvait s’agir d’un objet utilisé à des fins cultuelles. Certains sont tentés de l’interpréter aujourd’hui comme étant un instrument en relation avec l’astronomie. Les douze faces représenteraient les douze mois de l’année, les trente arêtes les jours du mois. Selon une interprétation récente, le dodécaèdre permettrait de déterminer une fourchette de dates en relation avec les équinoxes de printemps et d’automne.
La croix de Suqellos dite aussi labarum. Un simple X figurant les rayons d’une roue solaire. Le dieu frappeur (Suqellos) est toujours représenté sous l’aspect d’un homme d’âge mûr, barbu, tenant dans une main un maillet qui évoque le monde des morts, et de l’autre un symbole de fertilité, olla ou chaudron ; il porte souvent un costume orné de symboles astraux (des sortes de croix de saint André ou de saint Patrice) et il est accompagné d’un chien. Récupération chrétienne : la croix dite de saint Patrice ou de saint André en Écosse justement.
La ROUELLE (vieux français roelle roel = roulette ou petite roue). Une roue solaire. L’équivalent celtique du marteau de Thor chez les Germains. On ignore par contre pourquoi l’étoile jaune des juifs au Moyen Âge était appelée « rouelle », car l’explication traditionnelle en fait plutôt une allusion aux pseudo-trente deniers de Judas. Contrairement à nombre d’affirmations, la rouelle n’est pas un symbole exclusivement solaire. Elle est avant tout un symbole du Monde où le Centre se déploie jusqu’à la périphérie. La rouelle constitue un symbole du Monde dans son Unité, son Principe (centre) et sa manifestation (roue cosmique). En effet, le Principe étant la Totalité, tout en émane et tout y retourne. L’origine de ce « yantra (ou mandala dans le bouddhisme) » druidique, est mal connue. Il semblerait que la partition d’une figure géométrique ou d’un territoire en quatre, soit largement universelle dans la représentation du « divin » et, plus largement, de l’harmonie. Les rouelles sont des reproductions spirituelles de l’ordre du monde et on les associe souvent dans ce sens aux quatre points cardinaux. Comme dans le cas du labyrinthe avec lequel on a parfois noté une certaine parenté, c’est le centre des axes de la rouelle qui attire toujours le regard.
Ce qui est certain, c’est qu’une telle quadripartition sacrée s’avère connue de toute antiquité ainsi que le prouve la constitution (tétrarchie) du territoire galate, décrite par les Grecs. Strabon, Géographie XII, 5,1 : « Telle était autrefois la constitution de la Galatie… Les 12 tétrarques avaient un parlement de 300 membres qui se réunissait en un lieu appelé drunemeton… »
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À en croire la tradition irlandaise ; le dieu (ou la déesse, voire la fée) de la science, était associé à l’ouest, le dieu (ou la déesse) de la guerre était associé au nord, le dieu (ou la déesse, ou la fée) de la prospérité à l’est, le dieu (ou la déesse, la fée si l’on préfère) de la musique, au sud ; la souveraineté des quatre se situant au centre (voir le partage de l’Irlande en cinq provinces évoqué par Fintan dans la légende irlandaise intitulée : la fondation du domaine de Tara).
Dans le Mahayoga du Vajrayana bouddhiste, un tel yantra (ou mandala) représente aussi un lieu de résidence divine, un champ parfait de déités à l’état de veille, ou bouddhas. La déité principale se trouve au centre du yantra (ou mandala), entourée ou non par un cortège d’autres déités. Chaque aspect de la résidence divine et des déités y demeurant est hautement symbolique : elle est conçue pour développer en nous les qualités requises pour accéder à l’autre monde.
La rouelle, ou comment retrouver le divin en soi, comment être en harmonie avec soi-même et avec son objectif. Le centre de la rouelle est le lieu privilégié, l’axe de l’univers mental et physique où le dagolitus peut réaliser sa vie. Tout gravite autour de ce centre, car la rouelle est la roue de la vie, une image du Bitos ou univers naissant à tout instant du centre unique. Il est en haut comme en bas, à l’extérieur comme à l’intérieur.
L’Un, centre de la rouelle, échappe à toute représentation intellectuelle. Il est vivant dans chacun de nous, mais ni la volonté ni l’intellect ne peuvent nous en faire prendre conscience. Tout cercle se compose d’un centre et d’une périphérie. La faculté de comprendre disparaît au centre de la rouelle ; hors du centre, les choses deviennent intelligibles. Alors que le pourtour est perceptible par les sens et se définit dans le temps et l’espace, le milieu, le centre reste un mystère, intemporel, sans espace, échappant à toute représentation. Toute forme dérive du point, mais le point lui-même n’a pas de forme, le point est sans dimension.
Dans le druidisme, ce milieu mystérieux représente le commencement et la fin de tout ce qui est. Le point central est donc l’essence de toute rouelle, en lui se réconcilient les opposés, en lui les contraires sont abolis.
L’univers est une rouelle, au même titre que l’œil, le cristal de neige, le cerveau, le test ou l’enveloppe des oursins ; et enfin, n’oublions pas que notre corps, tout comme la roue, est lui aussi comme une rouelle (quand il déploie ses membres).
Sorte de cercle sacré en miniature, cette figuration reflète la structure concentrique de l’univers et sert de support à la méditation ou à la prière. La rouelle conduit ainsi le dagolitos ou fidèle sur le chemin de l’épanouissement. La rouelle sert de support à celui qui veut réfléchir, elle est une représentation de notre nature profonde.
La rouelle (roue) à quatre à six ou à huit rayons.
La rouelle est surtout répandue sous la forme à quatre, à six ou à huit rayons, particulièrement dans les traditions hindoue et celtique. Une des plus anciennes rouelles à huit rayons et avec une triple enceinte carrée ou plus exactement circulaire (la plus petite figurant le centre ou moyeu) a été trouvée gravée dans la pierre d’une grotte située non loin de Val Camonica en Italie du Nord.
La rouelle à 4 (ou 8) rayons représente le développement du Principe dans le plan des points cardinaux (et intermédiaires).
La rouelle à six rayons correspond à la représentation plane du développement du Principe dans l’espace repéré par les quatre directions du plan horizontal (points cardinaux) et les deux directions de l’axe vertical (nadir, zénith).
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La roue du Destin ou Tarabara est attestée dans un certain nombre d’églises ou de chapelles bretonnes. Son symbolisme est celui de l’évolution et de l’involution humaines, en même temps que l’expression du hasard.
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La triple enceinte. À Suèvres en France vers 1800, on a découvert près de l’église Saint-Lubin, un bloc de pierre de 1 mètre 50 X 0,95 m, grossièrement équarri, et dont une face aplanie portait une curieuse gravure ; trois carrés emboîtés les uns dans les autres, traversés par un axe vertical et un axe horizontal en leurs milieux.
Il y a aussi une triple enceinte gravée sur la figurine de Vénus (à la hauteur des genoux) découverte en 1887 à Fégréac avec derrière la marque de fabrique suivante : « REXTVGENOS SVLLIAS AVVOT ». À noter : la dame portait un soutien-gorge.
Le triscèle également orthographié triskell, triskill (du grec « triskélès » qui signifie « à trois jambes ») est un symbole représentant trois jambes humaines (triscèle du premier type correspondant à la figure
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dite triquètre, du latin triquetrus = triangulaire) ; ou trois spirales entrecroisées (triscèle du second type) ; ou tout autre symbole avec trois protubérances évoquant une symétrie de groupe cyclique. C’est le symbole celte par excellence. Il représente trois spirales qui divergent à partir d’un même point central. Ses premières représentations remontent à l’époque de La Tène (second âge du fer, Ve – IIe siècle avant notre ère). Il est notamment présent sur le drapeau de l’île de Man.
De nombreuses significations ont été avancées sans qu’aucune puisse être privilégiée.
Sa représentation peut être dextrogyre, en ce cas c’est un symbole positif et bénéfique ; s’il est lévogyre, l’interprétation est contraire.
Certains très-sachants de la druidiaction (druidecht) considèrent néanmoins que son orientation n’a pas d’importance.
Le chaudron magique. Représentation symbolique du chaudron cosmique et bouillonnant qui alternativement amène le monde à l’existence et l’anéantit : Pariollon.
Le Graal. Voir ci-dessus.
La coupe-crâne. « Il y avait une vaste forêt, que les Boïens appelaient Litana dans leur langue. À droite et à gauche de la route, ils avaient coupé les arbres, de telle sorte que, tout en restant debout, ils puissent tomber à la plus légère impulsion. Ce fut là que périt Postumius, en faisant les plus héroïques efforts pour ne pas être pris. Ses dépouilles et sa tête, séparée de son corps, furent portées en triomphe par les Boïens dans le temple le plus respecté de cette nation ; puis la tête fut vidée soigneusement, et le crâne, selon l’usage de ces peuples, orné d’un cercle d’or ciselé, leur servit de vase sacré pour offrir des libations dans les fêtes solennelles. Ce fut aussi la coupe du grand pontife et des prêtres du temple » (Tite-Live. Histoire romaine, XXIII).
Le crâne entier ou Sacré chef.
Dans la mythologie galloise, Bran le Béni (surnom évidemment tardif et dû à l’influence chrétienne) organise une expédition militaire contre un roi irlandais, qui se termine par un massacre général. Les Gallois gagnent la guerre, mais seuls sept d’entre eux survivent à la bataille. Bran lui-même meurt d’une blessure au pied et avant de mourir ordonne que sa tête soit coupée puis enterrée à Londres. Au cours des 87 années qui suivent, les sept survivants auront une longue discussion avec la tête de Bran qui continuera de parler.
N.B. Si Bran nous est présenté dans le mabinogi de Branwen comme un héros humain, mais exceptionnel, d’autres légendes en font un dieu de l’Autre Monde, à la fois devin, musicien et guerrier.
Ainsi que nous avons eu maintes fois l’occasion de le remarquer, les très-sachants de la druidiaction (druidecht) croyaient donc que l’âme/esprit et par conséquent la vie en définitive, reposaient dans la tête, voire dans le cerveau, et non dans la région du cœur, comme on le croit encore généralement aujourd’hui. De là l’importance des rites et pratiques qui entouraient la tête dans leur tradition, et toutes les légendes concernant des saints céphalophores.
Ce mot désigne toute une catégorie de personnages qui, ayant été décapités, se relèvent, prennent leur tête entre leurs mains, et se mettent en chemin pour rejoindre le lieu où ils désirent être inhumés.
Il s’agit là d’un thème fréquent dans l’hagiographie chrétienne, et saint Denis, le patron de Paris, en est l’exemple le plus célèbre. Décapité sur la colline de Montmartre, il est allé jusqu’à l’actuel site de Saint-Denis pour y être enterré. On peut citer aussi saint Piat en Belgique, saint Céran (Paris), saint Chéron (Chartres), sainte Libaire (Grand), des légendes qui se développent, au-delà de quelques variantes, selon un schéma assez souvent récurrent.
Le saint, par exemple, a tendance à traverser une rivière, à passer de l’autre côté de l’eau, avant de gravir une côte, ou gagner un lieu élevé (à moins qu’il n’en vienne). Il y lave volontiers sa tête dans une fontaine, et la pose sur une pierre qui reste marquée de son sang. Là un personnage féminin se charge éventuellement des derniers soins à lui donner. Le lieu, la pierre et la fontaine, s’en trouvent sacralisés, donc deviennent supports de dévotions (à moins, comme c’est probable, que la légende ne rende compte a posteriori d’un culte préchrétien).
L’oursin fossile. L’oursin fossile relève du symbolisme général de l’œuf du monde. Pline l’appelle d’ailleurs ovum anguinum, œuf de serpent, et il le met en relation directe avec les doctrines druidiques, qu’il assimile évidemment à des superstitions.
« Il est une espèce d’œuf oubliée par les Grecs, mais en grand renom chez eux : en été, des serpents innombrables se rassemblent, collés les uns aux autres par la bave et l’écume de leur corps ; cela
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s’appelle œuf de serpent. Les druides disent que cet œuf est projeté en l’air par le sifflement des reptiles, et qu’il faut le recevoir dans une saie avant qu’il touche la terre.
Le ravisseur doit s’enfuir à cheval, car les serpents le poursuivent jusqu’à ce qu’ils en soient empêchés par l’obstacle d’une rivière. On reconnaît cet œuf à ce qu’il flotte contre le courant. Mais comme les mages sont habiles à dissimuler leurs fraudes, ils affirment qu’il faut attendre une certaine lune pour recueillir cet œuf, comme si la volonté humaine pouvait faire coïncider la réunion des serpents avec la date indiquée.
J’ai vu cet œuf : il est de la grosseur d’une pomme ronde moyenne et la coque en est cartilagineuse, avec de nombreuses cupules, comme celles des bras des poulpes. Il est célèbre chez les druides. On en loue l’effet merveilleux pour le gain des procès ou l’accès auprès des rois ; mais ceci est faux : un chevalier romain du pays des Voconces qui, pendant un procès, en portait un sur son sein fut mis à mort par le divin Claude, empereur, sans aucune autre raison, à ma connaissance » (Hist. Nat. 29, 52-54).
N.B. Nouveau druidisme. Le port de ces amulettes diverses (oursin fossile ou autres) est déconseillé SANS LES DISPOSITIONS D’ESPRIT REQUISES, SANS LES DISPOSITIONS INTÉRIEURES QUE CELA EXIGE, car cela devient alors une vulgaire superstition. Et cette déviation du sentiment religieux et des pratiques peut affecter le culte que nous rendons aux dieux, quand la crainte et l’ignorance s’y substituent à la confiance et à la science.
La pierre, de Fal, de Turoe (de Killycluggin) de Castlestrange, ou le Crom Cruach, Crom Cruaich, etc. représente l’Univers. La terre dans laquelle cette pierre est plantée, la lausinca (l’organe féminin) qui l’entoure, représente la nature manifestée, l’énergie universelle. La pierre de Fal (de Turoe-Killycluggin, de Castlestrange, et ainsi de suite) est censée venir d’une des îles situées au nord du Monde, Thulé (Falias en gaélique). En ce qui concerne la pierre de Fal, le hésus Cuchulainn la brisera d’un coup d’épée, car elle ne criera pas sous lui lorsqu’il mettra le pied dessus pour devenir roi d’Irlande.
Correspond au siège périlleux de la Table ronde instituée par Arthur. Les meilleurs chevaliers y figurent côte à côte en parfaite égalité avec le roi. Seul un siège y est interdit, qui reste vide tant que le « bon chevalier », parfaitement pur, celui qui est destiné à mener à bien la quête du Graal, ne sera pas venu l’occuper. Tous ceux qui s’y installent indûment sont foudroyés instantanément et disparaissent dans les profondeurs de la terre.
Correspond au linga ou lingam de la tradition hindoue. Ce symbole phallique représentant le principe créateur originel, constitue un rappel des anciens cultes préhistoriques de la fécondité. Son image sculptée s’avère, dans sa stylisation, très éloignée de la nature. Le lingam ressemble en fait à un tronçon de colonne, et rappelle parfois le symbole méditerranéen de l’omphalos.
En Irlande, ce genre de pierre était révéré en tant que symbole de la puissance de procréation de la nature. Toutefois, ce n’était pas le phallus en lui-même qui était adoré, mais celui dont le phallus était le signe.
La pierre, de Fal, de Turoe (de Killycluggin) de Castlestrange, ou le Crom Cruach (Crom Cruaich), apparaît parfois comme surgissant du losange symbole de l’énergie féminine ainsi que nous l’avons dit, car la nature ne peut créer seule. La pierre de Fal, de Turoe-Killycluggin ou de Castlestrange, figure donc l’énergie continue de la vie ; et l’on peut y déceler la trace d’une époque où le corps et la sexualité ne représentaient pas le mal essentiel dont il fallait à tout prix se débarrasser. Répétons-le encore une fois, car repetere = ars docendi ; on a tendance à n’en retenir que l’aspect phallique et à ignorer la notion de destinée – attestée par de nombreuses légendes – qui lui est inhérente. On néglige aussi sa parenté avec le pilier ou l’arbre cosmique, qui reliait la terre au ciel, tout en dépassant infiniment l’un et l’autre. Mais cela nous l’avons déjà dit, nous semble-t-il.
Le symbole de la pierre de Phal se compose toujours de trois parties.
La partie la plus basse enserrée par la lausinca est faite de terre du pays.
La seconde partie a la forme d’un losange (un losange parfois spécial dit losange d’or) et retient cette terre un peu comme un pot de fleurs géant.
La troisième partie est le menhir ou la pierre dressée proprement dite.
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Elle est toujours brute, non polie, et non travaillée, mais peut parfois être gravée de bas en haut, en Irlande du moins, d’une inscription en runes oghamiques.
De nombreuses légendes lui sont attachées (elle désigne les rois ou ceux qui sont appelés à régner, elle peut crier ou gémir, etc. Enfin, bref voir tout ce que l’on a pu écrire à propos de la pierre de Scone en Grande-Bretagne ou de l’idole de Crom Cruaich en Irlande).
Dans la légende irlandaise du Colloque des Anciens (Acallam na senorach), ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire plus haut, la pierre de Fal ou de Scone est évoquée comme suit.
Qu’avait donc de remarquable cette pierre de Fal ? demanda Diarmait.
Si quelqu’un était accusé de quelque chose, répondit Ossian, et qu’on le plaçait sur cette pierre, s’il avait dit la vérité, il devenait blanc et rouge, mais s’il avait menti, une tache noire et bien visible apparaissait sur lui.
Quand le vrai roi de Tara montait dessus, la pierre criait sous ses pieds puis les trois vagues d’Irlande lui répondaient comme en écho : la vague de Cliodna (Clídna, Cliona, Cleena), la vague de Tuaide ainsi que la vague de Rudraige.
Quel que soit le roi de province ennemi qui montait dessus par contre, la pierre rugissait ou grondait sous ses pieds.
Quelle que soit la femme stérile qui montait dessus, elle se couvrait d’une fine buée de sang noir ; mais quand c’était une femme féconde, elle se couvrait de buée de toutes les couleurs.
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Modèles d’inscriptions, à graver sur les objets cultuels afin de rendre hommage aux généreux donateurs (même chose que pour les lieux de culte, voir plus haut).
Modèle Nº 1.
b)+ b) dede bratoude c).
Modèle Nº 2
b)+ b) dede bratoude decantena c).
a) Nom du donateur.
b) Nom du père (ou de la mère) du donateur.
c) Nom de la divinité concernée si possible au datif.
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LES VÊTEMENTS LAÏCS.
(Idées ou suggestions pour les ambacts ou les assistants, bref, ce que les chrétiens appellent des diacres)
Physionomie des Celtes antiques.
Le Celte donnait à ses cheveux, qui étaient généralement… une couleur d’un roux ardent, soit en les lessivant avec de l’eau de chaux, soit en les enduisant fréquemment d’une pommade caustique, composée de suif et de certaines cendres [le savon]. Il les portait dans toute leur longueur, tantôt flottants sur les épaules, tantôt relevés puis liés en touffe au sommet de la tête. Le peuple se laissait pousser la barbe ; les nobles se rasaient le visage, à l’exception de la lèvre supérieure, où ils entretenaient d’épaisses moustaches. Plusieurs de leurs tribus se teignaient le corps avec une substance bleuâtre ; quelques-unes se tatouaient.
L’écume de bière, qui servait de ferment pour le pain, passait aussi pour excellent cosmétique, et les dames celtes s’en lavaient fréquemment le visage, afin d’entretenir la fraîcheur de leur teint.
Avoir une belle tenue militaire, se conserver longtemps dispos et agile, était non seulement un point d’honneur pour les individus, mais aussi un devoir envers sa tribu. Les jeunes gens allaient donc régulièrement se mesurer la taille à une ceinture déposée chez le chef politique de chaque village, et ceux qui dépassaient la corpulence officielle, sévèrement réprimandés comme oisifs et intempérants, étaient punis d’une lourde amende.
À l’origine, la manière de se vêtir de nos pères était aussi simple, aussi sauvage, que leur façon de vivre. Pendant la belle saison, ils étaient presque nus ; l’hiver, ils s’habillaient avec les peaux des bêtes fauves. Telle fut, comme dans tous les pays, la première époque de nos modes vestimentaires.
Seconde époque. L’habillement commun à toutes les tribus fut tout à la fois simple et commode, et se composait presque universellement de la braie ou pantalon, de la tunique et de la saie.
La pièce principale du costume masculin est donc un caleçon long, les braies (bracae). Il était large, flottant et à plis multiples ; ou étroit et collant. Il descendait en général jusqu’à la cheville, où il était attaché.
Par-dessus les braies, on porte une tunique ou chemise enfilée par la tête. Elle est souvent retenue par une ceinture qui permet de raccourcir sa longueur en la faisant bouffer à la taille. Bien souvent, ce vêtement est complété par une écharpe.
Par-dessus ces vêtements, les Celtes portaient une saie rayée (sagum virgatum), comme la tunique, et décorée de fleurs, de disques, d’ornements variés, de figures de toute espèce, de bandes de pourpre, de broderies d’or et d’argent. C’était une sorte de pèlerine ouverte, avec ou sans manche, couvrant le dos et les épaules, et s’attachant sous le menton avec une agrafe en métal. On se servait aussi dans ce cas d’une couverture en laine grossière, appelée, linna ou lenna.
Les plus pauvres remplaçaient la saie par une peau de mouton ou de bête fauve. Le renne, animal plus répandu en Europe autrefois qu’il ne l’est de nos jours, a donné son nom aux vêtements que se faisaient de sa peau les peuples habitant les contrées du Nord, et ce nom s’est étendu à des vêtements semblables faits de la dépouille d’autres bêtes. Le réno était un manteau garni de poils épais, impénétrable à la pluie, qui couvrait les épaules et descendait par-devant jusqu’au milieu du ventre. On a essayé de le reconnaître, mais sans preuve suffisante, parmi les costumes de Barbares représentés sur les colonnes de Trajan et de Marc-Aurèle. Les Romains l’adoptèrent comme pardessus contre le mauvais temps.
Les Celtes se couvraient la tête d’un capuchon d’étoffe ou de poils ancêtre du béret. Le cucullus était un capuchon qui permettait de se protéger du vent et de la pluie, et qui faisait partie de nombreux vêtements. Il était porté à l’origine par les enfants et les paysans.
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Les Atrébates avaient des manteaux appelés cuculles ou bardocuculles, à capuche ou capuchon, des vêtements d’hiver et de voyage, dont l’usage devint plus tard général en Italie, si l’on en croit ce vers de Martial : Gallia Santonico vestit te bardocuculle.
Cette coule différait de ce qu’elle devint, car la coule désigna rapidement le vêtement dans son ensemble, chape plus capuchon. Elle formait alors sur la poitrine comme un large rabat. Le pan de derrière se divisait en deux longues bandes que l’on pouvait enrouler autour de sa ceinture. Saint Jérôme et Cassien parlent du cucullus comme faisant partie de l’habit monastique.
La caracalle était une espèce de tunique à capuchon, formée de plusieurs bandes d’étoffe cousues ensemble. La caracalle, telle que les Celtes la portaient, courte et dégagée, de manière à ne pas gêner ni les mouvements du corps ni la marche, convenait bien à la vie militaire.
Pour l’accommoder aux usages civils, Antonin la fit fabriquer ample et traînante. Pendant un voyage de quelques jours à Rome en 213, pour y célébrer des jeux et y distribuer des vivres ou de l’argent aux prétoriens et au peuple, il fit inclure dans ses libéralités une distribution gratuite de caracalles. Tout le monde voulut essayer ces nouvelles tuniques, que l’on appela Antoniennes. De la ville la mode gagna les provinces, et l’antoninienne s’introduisit dans l’usage habituel. Vêtement simple et peu coûteux, elle servit plus tard de modèle au costume des cénobites chrétiens de la Thébaïde égyptienne. Dans les conversations de l’intimité, dans les correspondances secrètes, on n’appela plus le fils de Sévère que Caracallus ou Caracalla. L’Histoire même, en dépit de sa gravité, consacra ce sobriquet.
Il existait, chez les Grecs et les Romains, ET LES CELTES une série de vêtements de dessus, souvent militaires et civils à la fois, qui, tout en portant des noms différents, avaient entre eux une grande analogie : La lacerne était un vêtement d’étoffe épaisse et sans manches, généralement avec un capuchon et que l’on portait sur la tunique pour se protéger de la pluie ou du froid. Malgré les confusions que nous venons de noter, les textes des auteurs permettent d’établir entre ces vêtements des différences ; mais rarement ces différences sont assez marquées pour que nous puissions les reconnaître avec certitude sur les monuments figurés. Chez les Romains, la lacerna fut d’abord un manteau militaire que le soldat portait par-dessus son armure ; à l’origine, il était même exclusivement militaire. La lacerna, ou un vêtement analogue, se retrouve sur les épaules de nombreux guerriers barbares figurés dans les bas-reliefs antiques…
Les figures qui précèdent permettent de comprendre, au premier coup d’œil, combien était pratique ce manteau militaire se prêtant, pendant l’action, à tous les mouvements et à toutes les attitudes du combattant dont le bras et les épaules restaient complètement dégagés. Au repos, la lacerna, au lieu d’être rejetée tout entière sur le dos ou sur l’épaule, retombait, en avant sur la poitrine, qu’elle défendait du froid ainsi que le dos et les épaules ; comme la lacerna civile, elle pouvait être munie d’un capuchon [CUCULLUS] qui préservait le soldat de la pluie. Du costume militaire, la lacerna passa dans le costume civil des Romains à une époque qu’il est difficile de préciser. L’usage n’en était pas encore admis au temps de Cicéron… c’est vers cette période et au commencement de l’Empire que nous voyons l’usage de la lacerna se généraliser et être soumis à des essais de réglementation. Pour les civils, comme pour les militaires, la lacerna fut un pardessus. Manteau d’hiver, elle était de couleur sombre, en laine épaisse, destinée à garantir du froid et de la pluie, et, à cet effet, munie d’un capuchon adhérent ou mobile [cucullus]. Pas plus que nos pardessus modernes, on ne gardait la lacerna dans les circonstances qui exigeaient une tenue de cérémonie.
Chaussures.
La calige (latin caliga) était une chaussure montante composée d’une semelle de cuir cloutée. Elle était lacée très haut et ouverte à l’avant. Le dessus était fait d’une pièce de cuir en lanières qui laissait les orteils libres, mais entourait la cheville et le pied dans un filet en cuir. Ce sont surtout les paysans et les soldats qui portaient ces demi-bottes robustes et bien ventilées. Les druides aussi sans doute. Plus tard les moines.
Les plus pauvres marchaient généralement nu-pieds ; cependant, l’hiver et par temps de pluie, alors ils mettaient des chaussures dont le dessus était en cuir et la semelle en bois, que nos pères avaient inventées apparemment, et que pour cette raison par conséquent on appelait gallicae, ce que nous avons traduit par galoches.
Toilette des femmes.
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Les femmes celtes étaient grandes, belles et fortes, celles de la classe riche se fardaient de rouge. Leur costume se composait d’une tunique large et plissée, sans manche ou avec des manches étroites et longues, ceinte au-dessus des hanches, laissant à découvert le haut de la poitrine, et descendant jusqu’aux pieds ; les riches l’ornaient de bandes de pourpre et d’or.
Par-dessus cette tunique, à la ceinture de laquelle elles attachaient une pièce d’étoffe en forme de tablier, elles endossaient, en hiver principalement, des manteaux semblables à ceux des hommes, et qui s’agrafaient sur l’épaule, ou des espèces de mantelets assez longs pour cacher les bras ainsi que les mains, et peu différents du camail des évêques.
Une coiffe carrée toute simple était posée sur leurs cheveux, qui étaient séparés sur le front, et rattachés par-derrière. C’est du moins la coiffure que les sculpteurs ont donnée à la déesse ou fée Nehalennia. Quelques femmes avaient un long voile ou châle qui ne cachait point le visage, mais seulement une partie du front et derrière la tête, d’où il revenait pour couvrir les épaules et la poitrine. Les plis qu’il formait s’arrangeaient parfaitement avec les tresses de la chevelure et les draperies du manteau.
À Bonn en Allemagne, deux des matronae aufaniae ont une curieuse coiffure ressemblant à un large chapeau de paille.
Si les Celtes empruntèrent leur costume aux Romains après la conquête, les peuples italiens avaient adopté, longtemps auparavant, la plupart des vêtements fabriqués chez eux : la linna ou lenna (couverture), la saie, le bardocuculle. Il en fut de même sous les empereurs. Les modes celtes pénétrèrent alors jusque dans les armées romaines, et il y eut à la tête des légions des chefs vêtus comme Indutiomar ou Ambiorix. Pendant le séjour que fit au-delà des Alpes Antonin, fils et successeur de Sévère (211), cet empereur se prit de passion pour un vêtement du pays, appelé caracalle. Non seulement il l’adopta pour son usage personnel, mais il voulut aussi en doter le petit peuple de Rome.
Pour l’accommoder aux usages civils, Antonin la fit fabriquer ample et traînante. Pendant un voyage de quelques jours à Rome en 213, pour y célébrer des jeux et y distribuer des vivres ou de l’argent aux prétoriens et au peuple, il fit inclure dans ses libéralités une distribution gratuite de caracalles. Tout le monde voulut essayer ces nouvelles tuniques, que l’on appela antoniniennes. De la ville la mode gagna les provinces, et l’antoninienne s’introduisit dans l’usage habituel. Vêtement simple et peu coûteux, elle servit plus tard de modèle au costume des cénobites chrétiens de la Thébaïde égyptienne. Dans les conversations de l’intimité, dans les correspondances secrètes, on n’appela plus le fils de Sévère que Caracallus ou Caracalla. L’Histoire même, en dépit de sa gravité, consacra ce sobriquet burlesque, qui est définitivement resté.
Les légionnaires adoptèrent également la calige (l’empereur Caligula lui doit son surnom) et les cordonniers romains en élaborèrent un modèle pour les femmes appelé caligae muliebres, analogue à la calige des hommes, mais sans les clous.
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LES VÊTEMENTS SACERDOTAUX.
Le druide tout simplement vêtu d’une robe blanche est une image simpliste sur laquelle il n’est guère besoin de s’attarder, car la réalité a évidemment été plus complexe que cette niaiserie. Les seuls témoignages fiables en la matière nous viennent d’Irlande.
Forbuis Droma Damhghaire (le siège de Druim Damhghaire).
« C’est alors que vint vers lui son compagnon, c’est-à-dire Gadhra de Druim mec Criadhnaidhi, le fils de la sœur de Ban Buanaindi, la fille de Derg Dualach. Il venait pour aider ou secourir Mog Ruith. Sa forme était ce jour-là de belle apparence du côté tourné vers Mog Ruith et aussi vers les hommes du Munster… Il avait autour de lui un manteau brun-gris qui était plein de serres, d’os et de cornes. Un bouc et un bélier le suivaient, quiconque le voyait dans cet équipement était sais de peur et d’effroi ».
Tout cela fait fortement penser aux habits de Merlin selon certains textes. Ce manteau cousu d’os et de cornes fait en effet plutôt chamane.
Imacallam in da thuarad (le dialogue des deux sages).
Description de l’habit de cérémonie du primat des druides d’Ulster : FERCHERTNE.
« Sa robe était de trois couleurs, c’est-à-dire la couleur d’oiseaux brillants au milieu ; une averse de bronze blanc (findruine) à la partie inférieure, et le brillant de l’or à la partie supérieure ».
Bronze blanc est l’appellation irlandaise traditionnelle de l’électrum.
La couleur des oiseaux n’est pas stipulée, mais il se pourrait, malgré l’imprécision du texte justement, qu’il s’agisse d’une robe de plumes d’oiseaux de l’autre monde, autrement dit de cygnes. Et ce détail pourrait rendre compte d’une partie de la légende de Merlin dans les récits arthuriens. La couleur de la robe serait alors composée de deux nuances du blanc alliées à la couleur solaire de l’or.
Habillement des druides du fils préféré d’Ailill et de Medb dans le récit intitulé « Le mariage de Maine Morgor » (Irische Texte. Ernst Windisch).
Trois druides étaient à leur tête, le front couronné d’un cercle d’argent, habillés de manteaux de toutes les couleurs et portant des boucliers de bronze décorés d’ouvrages en cuivre rouge.
À propos du cercle d’argent autour de la tête, voir l’exemple des fils de Tuireann.
« Ils ceignirent le bandeau des vellèdes (ceangal fileadh) à leurs chevelures » (la Mort tragique des enfants de Tuireann. Oidhe Chloinne Tuireann. § 47).
Notons également le cas du hésus Cuchulain dans la cour faite à Aemer.
« Il portait un cercle de bronze blanc autour du front, pour maintenir ses cheveux, et une petite attache en or pour chacune de ses deux nattes derrière. Il portait aussi une cape qui lui arrivait jusqu’aux coudes et il avait un aiguillon d’or dans la main. Le Hésus Cuchulainn arriva donc à l’endroit où se tenaient les jeunes filles et les salua. Aemer leva ses beaux yeux et dit… »
À propos du port bouclier, voir l’exemple du druide héduen Diviciacos.
« Le chef des Héduens vint au Sénat, exposa la chose, et comme on l’invitait à s’asseoir, il refusa l’offre qu’on lui faisait, mais parla en s’appuyant sur son bouclier (scuto innixus) » (Panégyrique de Constantin).
Voir aussi l’habit du primat d’Ulster, Cathbad (lors de son arrivée à Slemain Midé), c’est-à-dire une cape bleue et pourpre (une saie en tissus écossais donc) ; retenue sur sa poitrine par une broche en forme de feuille décorée d’entrelacs d’or et des sandales jaunes. Une grande épée sur son épaule.
L’habit du grand druide des Ulates, Sencha, dans le récit de l’enlèvement des bœufs de Cooley (lors de son arrivée à Slemain Midé) : c’est-à-dire une ample cape gris clair retenue sur la poitrine par une broche de bronze blanc semblable à une feuille (une saie) avec une chemise blanche à capuchon dessous.
L’habit du grand vellède des Ulates, Amorgen dans le texte de la légende de l’enlèvement des bœufs de Cooley (lors de son arrivée à Slemain Midé) : c’est-à-dire une cape faite de mille pièces de tissus différents et de toutes les couleurs (une saie) sur une chemise bleue à galons et de beaux boutons d’or rouge, ornée de fils de bronze blanc bien entrelacés. Le bouclier qu’il portait alors était orné de cinq cercles d’or.
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L’habit d’un autre grand vellède des Ulates, Ferchertné (lors de son arrivée à Slemain Midé) : c’est-à-dire une cape bleu sombre, galonnée de fils d’or ; retenue sur la poitrine par une broche en or (une saie) avec une chemise en soie. Des sandales en peau d’agneau comme chaussures et dans la main droite un poignard étincelant dont la poignée d’ivoire était décorée d’anneaux d’or.
Ou celui de ses deux compagnons : des capes rouges retenues sur la poitrine par une fibule d’argent, des sandales pourpres et des dagues à poignée blanche.
Pour le reste, ils n’avaient ni lance ni épée, car c’étaient leurs assistants qui les portaient.
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N.B. Si l’on en croit ce que rapporte à propos de l’œuf de serpent, Pline (Hist. Nat. XXX, 52 : en fait, un oursin fossile), il devait y en avoir un fixé aux saies ou aux manteaux de tous ces druides. « Ils disent que cet œuf est projeté en l’air par les sifflements [des serpents] et qu’il convient de le recueillir dans une saie avant qu’il ne touche terre ».
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Les moines irlandais qui succédèrent aux druides, étaient souvent vêtus d’une tunique blanche et d’une coule (vêtement à capuchon) en grosse étoffe de laine.
Règle de saint Benoît de Nursie quant à la tenue.
« Les frères porteront des vêtements adaptés à la diversité des climats et aux variations de la température, il en faut davantage dans les régions froides, et moins dans les pays chauds. Qu’on s’en remette alors à l’appréciation de l’abbé. Nous indiquerons toutefois ce qui nous paraît suffire dans les endroits tempérés. Chaque moine revêtira la tunique [tunica] et la coule [cucullus] d’étoffe épaisse en hiver, de drap lisse ou élimé en été ; en outre, un scapulaire [scapulare] de travail, et des caliges [caliga]. De tous ces effets, la couleur ou la qualité ne sont point pour les moines matière à discussion et on les prendra comme ils se présentent dans le pays où l’on vit, au meilleur marché possible.
L’abbé réglera la mesure des habits, en prenant garde qu’ils ne soient pas trop courts, mais proportionnés à la taille de ceux qui les portent. Le frère qui en reçoit de neufs doit toujours en même temps restituer les vieux et les déposer au vestiaire pour être donnés aux pauvres. Deux tuniques et deux coules suffisent au moine, pour se changer la nuit, comme aussi pour les laver : le surplus serait inutile, et, dès lors, il faut le supprimer. Les chaussures aussi, et en général toutes les vieilles hardes, reviendront au dépôt quand on en retirera du neuf. Ceux qui sont en voyage recevront du vestiaire des caleçons [femoralia = braies ?] ; à leur retour, ils les restitueront, après les avoir lavés. Les coules et tuniques seront un peu meilleures que celles qu’ils portent d’habitude. Reçues du vestiaire au départ, elles y seront remises à la rentrée ».
Ce qui est devenu avec le 5e concile tenu à Aix La Chapelle en 817.
Alioquin hoc omnino provideat, ut camisias duas et tunicas duas et cucullas duas et cappas duas unusquisque monachorum habeat, quibus vero necesse est, addatur et tertia ; et pedules quatuor paria et femoralia duo paria, roccum unum, pellicias usque ad talos duas, fasciolas duas, quibus autem necesse est itineris causa, alias duas ; manicas quas vulgo wantos appellamus in aestate, et in hieme vero muffulas vervicinas ; calciamenta diurna paria duo, subtalares per noctem in aestate duas, in hieme vero soccos ; saponem sufficienter et uncturam.
Ce qui nous donne (traduction sous toute réserve mes 7 ans de latin sont loin).
Deux chemises, deux tuniques, deux cuculles, deux chapes, trois si nécessaire, quatre paires de bas, deux paires de braies, un rochet, deux pelisses talaires, deux paires de bandes molletières, deux autres paires en cas de voyage, une paire de gants pour l’été ainsi qu’une de moufles pour l’hiver, deux paires de chaussures pour le jour, deux paires de nu-pieds pour se relever la nuit en été, deux paires de chaussons pour le même usage en hiver, du savon en quantité suffisante ainsi que de l’onguent ».
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N.B. Ainsi que déjà noté par ailleurs, un certain nombre de rituels devaient être effectués pieds nus, afin de permettre à l’officiant de rester en contact avec la terre mère. Notamment lors de certains pèlerinages, mais aussi lors des cérémonies du consolamentum opérées par le vate, ou lors de la
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préparation du corps du défunt. Lorsque l’on était surpris la nuit par un fantôme ou un revenant, il fallait, en Bretagne armoricaine, se déchausser rapidement, afin d’être « homme de la tête aux pieds » ; les prêtres catholiques ayant la charge de conjurer les revenants devaient aussi opérer pieds nus pour être « homme de la tête aux pieds ». De nos jours il est seulement conseillé de n’avoir rien de synthétique aux pieds, que du naturel (cuir, bois, laine…).
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LA TONSURE CELTIQUE.
Quelle est l’origine de la tonsure celtique ? Elle est vraisemblablement d’invention insulaire. Les druides d’Irlande portaient en effet une tonsure. D’après un manuscrit de la Collectio canonum Hibernensis, ils se tondaient même la partie antérieure de la tête « de aure ad aurem », à l’exception d’une mèche de cheveux qu’ils laissaient pousser sur le front. Et cette tonsure n’était sans doute pas un privilège des très-sachants de la druidiaction. Elle devait aussi exister dans d’autres classes de la société celtique ancienne : les guerriers du roi breton de Vannes Waroch II par exemple, étaient tondus. Si l’on en croit Grégoire de Tours (la reine Frédégonde lui envoie des Saxons de Bayeux après leur avoir fait tailler les cheveux à la façon des Bretons).
Les efforts de Patrice furent impuissants à faire prévaloir la tonsure « romaine ». C’est donc probablement à quelque tradition nationale * que doit se rattacher la tonsure qui distingua le clergé chrétien des îles. Les Bretons passés en Armorique gardèrent l’usage de la tonsure insulaire. À Landévennec, elle resta en vigueur jusqu’en 818 ; date à laquelle Louis le pieux, à la suite de sa victoire sur Morvan à Priziac, enjoignit à l’abbé Matmonoch de substituer aux us monastiques insulaires la règle de saint Benoît, et à la tonsure celtique la corona romaine.
Sur la forme de cette tonsure celtique, deux opinions se sont fait jour parmi les modernes. Les uns prétendent que la partie antérieure de la tête, en avant d’une ligne « allant d’une oreille à l’autre », était complètement rasée, tandis qu’en arrière de cette ligne la chevelure était conservée abondante. Suivant d’autres auteurs, le clergé celtique portait bien les cheveux longs par-derrière, mais la partie frontale n’était pas complètement dégarnie, une demi-couronne de cheveux, « allant d’une oreille à l’autre », poussait au-dessus du front.
* Ces tonsures devaient s’insérer dans le cadre d’un rite religieux plus vaste. Un récit de la bataille du Tessin nous montre en effet un chef celte vouant sa chevelure à Mars Gradivus (Silius Italicus. Punica. IV. 201).
Les cheveux coupés devaient être voués à certains dieux, par les guerriers celtes, mais aussi par les très-sachants de la druidiaction (druidecht) issus de cette classe.
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ANNEXE N° 1.
RETOUR SUR LE MOMENT CLÉ DE TOUT OFFICE DRUIDIQUE : LE BANQUET DE COMMENSALITÉ AVEC LES DIEUX.
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, mais repetere = ars docendi, boire et manger sont des actes tellement chargés de sens et d’émotion qu’ils se trouvent souvent liés à des événements n’ayant rien à voir avec le besoin de se nourrir. Les rites autour du repas ont donc une signification beaucoup plus profonde que ce que l’on croit généralement. Une certaine vision de l’existence y est communiquée, un certain sens du sacré aussi peut être ressenti dans ce partage. Le « nourrissage » humain non seulement inclut la nourriture physique, mais aussi l’alimentation de l’esprit. C’est peut-être pourquoi la nutrition s’est entourée de rituels et de mystère. L’idée de nourriture sous-tend l’idée de sacrifice. Les sacrifices, communions, et fêtes, ont, de tout temps, suggéré l’interdépendance des humains, des dieux et de la nature. Le repas est d’ailleurs parfois une occasion de prière, non seulement pour rendre grâces, mais en tant que rite de communion.
Manger s’avère donc une des sources de base de la structure sociale. L’importance attachée à tout ce qui touche l’alimentation est telle, qu’il n’est pas étonnant que la nourriture soit l’un des éléments prépondérants de cohésion d’une société. Quelle est la structure de sociabilité constituée : association, confrérie, société savante ou de pensée, qui ne manifeste ou ne renforce les liens unissant ses membres par une convivialité régulière, quelle qu’en soit la périodicité, ne serait-ce que le banquet annuel ? Le plaisir convivial, par son caractère festif et chaleureux, cimente la cohésion du groupe, conforte les relations qui unissent les membres d’une structure, qui se pense comme un corps.
Cette cohésion du groupe rassure ses membres en assumant une fonction de protection. En effet, les rituels autour de la nourriture assurent la permanence, atténuent les tensions, dissipent la méfiance, rendent plus faciles les échanges, aident à façonner ou à contrôler la vie quotidienne tout comme les relations humaines.
Ainsi est assurée la transmission intergénérationnelle des valeurs et des coutumes d’une société, dans un contexte où se développent les individualités, où se forment les obligations vis-à-vis de la parenté, où les coutumes du groupe se trouvent renforcées. Alors que la socialisation intègre l’individu et son groupe dans un lieu, la transmission intergénérationnelle l’insère dans le temps, dans le passé, le présent et le futur. Les rituels perdurent d’une génération à l’autre, tout en se modifiant selon l’époque et l’endroit où ils se pratiquent. La permanence est assurée, mais la sclérose évitée, par l’actualisation en un temps et un lieu donnés.
À travers le repas, un groupe communique toujours quelque chose à propos de lui-même : sa philosophie de la vie, sa vision de la communauté, son attitude envers les autres… Par exemple, lever son verre pour célébrer une réussite ou souligner un événement particulier, véhicule plusieurs informations ; en plus du simple plaisir de lever son verre, de trinquer avec les autres personnes présentes, de raconter une anecdote au sujet de la personne fêtée, de déguster la boisson servie et les amuse-gueules qui l’accompagnent. Une certaine vision du sens de la vie est ainsi partagée. La façon dont nous traitons la nourriture et la manière dont nous la consommons sont des expressions de nos finalités ou de nos valeurs. Tout comme le langage, le repas est un moyen par lequel s’exprime, dans toute son ambiguïté, le système de relations du groupe, à travers les codes en usage. Les habitudes alimentaires sont signe de l’appartenance ethnique, religieuse et communautaire, ainsi que du statut social, et persistent de nombreuses années après l’immigration dans une nouvelle culture. Longtemps après qu’habillement, langage et comportement, ont été assimilés, les anciennes habitudes alimentaires constituent les ultimes vestiges de la culture antérieure.
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Pour mémoire.
Le druide est le représentant du dieu : il garantit la validité du sacrifice, mais ce n’est généralement pas lui qui immole et découpe la bête. Dans le cas où c’est une prêtresse qui officie, elle n’immole jamais l’animal elle-même : elle a recours pour cela aux services d’un vate.
Après la mise à mort d’un animal et son dépeçage, la peau et les os recouverts de graisse sont brûlés avec des aromates sur l’autel des dieux. Parmi les viandes, les meilleurs morceaux (comme le foie et les reins) sont grillés sur des broches et déposés sur les tables sacrées : ce sont les parts réservées au personnel du sanctuaire (fanum, etc.) temple et aux participants directs du sacrifice qui les consomment sur place, au cours de repas sacrés dans les dépendances du fanum. Les autres
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viandes sont bouillies dans un grand chaudron pour être ensuite distribuées ou vendues sur les marchés.
Les boissons courantes étaient la bière et l’hydromel. Mais quand le roi de province ou de canton (superficie moyenne d’un canton à l’époque je ne sais pas, mais en Nouvelle-Écosse aujourd’hui c’est 3 ou 4000 km2) était assez riche, ou qu’il se trouvait là un très-sachant de la druidiaction (druidecht) ou une fée assez puissante pour opérer le miracle (ce dont on connaît peu d’exemples) ; on buvait du vin, denrée de luxe, précieuse et rare en Irlande. Le roi Muirchertach en fait l’expérience quelques jours avant sa mort.
Recette de pain galate. 5 décilitres de farine de blé complète, 2 décilitres d’eau bouillante, 25 grammes de levure (de bière) fraîche, 1 cuillère à soupe de gros sel, 1 cuillère à soupe de miel, 6 décilitres de farine de blé tamisée, 2 décilitres d’eau tiède. Dans une grande jatte, verser l’eau bouillante et 2 décilitres de farine complète. Ajouter les 3 décilitres de farine complète et les 6 décilitres de farine tamisée. Pétrir la pâte. Il faut qu’elle se décolle des doigts. Laisser lever 2 heures. Mettre la boule sur une pierre plate et attendre une demi-heure avant de faire cuire le pain dans le four chaud (200°) durant une heure.
La viande de porc et le vin, la bière et l’hydromel, donnent aussi accès à l’aiu (à l’éternité). Peut-on rêver nourritures plus agréables et plus substantielles, même si elles ne sont que l’illusion d’un moment fugitif, le simple reflet d’une ivresse sacrée ? Leur consommation comporte toutefois des risques, parce que la fréquentation et la jouissance des êtres et des choses de l’Autre Monde ne sont ni anodines ni gratuites.
«… La race de Tadg, fils de Cian, veilla sur le roi cette nuit-là quand fut terminée la consommation de ce festin druidique. Quand le roi se leva le lendemain matin, ce fut comme s’il avait été pris d’un mal de langueur ; et c’est ainsi qu’était aussi quiconque avait consommé le vin et la viande mystérieuse ou druidique que Sin avait servis à ce festin » (Aided Muirchertaig meic Erca – La mort violente de Muirchertach fils d’Erc).
Point n’est donc besoin de trop expliquer la « faiblesse des Ulates » dont tous, excepté Cuchulainn, étaient atteints à la fête de Samon (trinouxtion samoni = la fête des Morts). Ils n’avaient, pendant cinq jours et quatre nuits, ou cinq nuits et quatre jours, pas plus de force qu’une femme en couches. La participation aux aislingi ou visions divines avait sa contrepartie matérielle.
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Voici approximativement comment pouvait se passer un banquet de samon. Le texte dont nous extrayons la description fait partie du cycle ossianique. C’est le Bruiden bheg na hAlmaine ou « Petit Hôtel d’Allen ». Peu de récits mettent aussi en relief le rôle capital du barde officiel lors d’une fête solennelle, la générosité somptueuse du souverain et de ses invités de marque, la joie et l’abondance qui règnent partout. Si par la suite les choses tournent mal et qu’il faut avoir recours à un héraut à cause des querelles et des coups d’épée, aucun très-sachant de la druidiaction (druidecht) n’en sera responsable. Ce seront au contraire les druides et les filid qui apaiseront les colères et feront cesser les violences comme souvent. Ce texte est relativement tardif et le manuscrit date du XVIIe siècle. Mais si la langue en est le moyen irlandais, les coutumes pourraient être celles de l’époque de La Tène, quelque part sur le Continent à l’époque de l’expansion celtique.
«… Ensuite vinrent également les Fénianes de toute l’Irlande. Finn s’assit sur le siège du héros situé au fond de la salle. Goll l’aimable, fils de Morna, sur l’autre siège du héros, en face de lui et les nobles de leurs suites de part et d’autre de chacun d’eux. Chacun prit place après eux, suivant sa noblesse et son patrimoine, à l’endroit convenable et déterminé, conformément à leur coutume de jadis en tout endroit et en tout temps.
Les serviteurs se levèrent ensuite en foule pour servir et approvisionner la salle. Ils prirent des coupes à boire riches de pierres précieuses et de pures gemmes de cristal, à la finition parfaite, et servirent des boissons, fortes et fermentées, des liqueurs agréables et douces, à tous ces bons guerriers. La
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joie grandit chez leurs jeunes, la hardiesse et l’esprit chez leurs guerriers, la douceur et la modestie chez leurs femmes, le savoir et la prophétie chez les poètes.
Alors se leva promptement un barde. Il secoua une rude chaîne de fer pour faire taire les serviteurs et les rustres. Il secoua une longue chaîne de vieil argent pour faire taire les nobles et les seigneurs des Fénianes, de même que leurs hommes d’art. Tous écoutèrent donc en silence.
C’était Fergus à la Bouche Blanche, le barde de Finn et des Fénianes. Il chanta des chants, des lais ainsi que de beaux poèmes sur ses ancêtres et ses parents devant Finn fils de Cumall. Finn et Ossian, Oscar et mac Lughach, le récompensèrent avec les plus nobles trésors et les plus nobles richesses. Puis le barde alla devant Goll, fils de Morna, et lui récita des légendes de forteresse, de destruction, d’enlèvements de bétail, de cour faite à une femme, de ses ancêtres et de ses parents. Ces compositions poétiques eurent le don de rendre joyeux et de bonne humeur le fils de Morna ».
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, mais repetere = ars docendi, étymologiquement parlant, le toast était à l’origine un simple petit bout de pain rôti et tartiné, plongé dans de la bière ou une autre boisson. En Europe, on trinque généralement avec un verre d’alcool (bière, vin, cidre, etc.) cependant on peut faire de même avec un verre non alcoolisé. Lever son verre est surtout, l’occasion de prouver à l’autre (l’ancien ennemi ou à la future famille) que la boisson n’est pas empoisonnée, en la buvant le premier. Lever son verre consacre alors les réconciliations, les retrouvailles.
Mais le toast est aussi marqué par l’union de la parole et du geste, du discours et du choc. On entrechoque son verre avec celui du voisin, comme si l’on voulait qu’un peu de liquide s’échange entre les verres. C’est d’ailleurs ce double cognement de verre qui serait à l’origine de l’expression Tchin ! Tchin !
John Toland, lui, conseille des prises de paroles un peu moins poétiques et un peu plus philosophiques, au moins pour la fête de Beltène qui est la fête des très-sachants de la druidiaction (druidecht). Rien n’empêche d’ailleurs de faire les deux.
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ANNEXE N° 2.
RITUEL INDIVIDUEL DESTINÉ À ÉVOQUER TARAN/TORAN/TUIREANN.
Avant-propos.
La mythologie celtique n’a rien d’effrayant, car elle ne fait que mettre en scène des combats de dieux qui ne sont qu’une succession d’allégories à déchiffrer. La terreur ne survient que lorsque l’homme recrée ces combats titanesques ou divins, lorsqu’il fait descendre dans le cercle consacré toute la force arrachée aux mondes supérieurs.
L’homme se tient alors debout au centre du cercle rituel à la manière d’un paratonnerre qui canalise la foudre. Il se modifie lui-même au cours de ses expériences qui n’ont, en vérité, qu’un but : faire du simple pratiquant un « porteur de foudre » (Jean-Paul Bourre).
Étude du rituel proprement dit (extraits).
L’orage est un phénomène météorologique que nous avons souvent l’occasion de rencontrer durant les mois d’été.
Les Anciens le considéraient comme une manifestation de la divinité ainsi que comme un apport de force extrêmement puissant, qu’il était possible d’invoquer, de canaliser, voire d’utiliser.
Plusieurs rites ou rituels furent mis au point dans le but de parvenir au résultat visé. Nous vous livrons ici l’un d’entre eux, qui vous permettra d’expérimenter la force de l’orage, manifestation des « dieux », et qui ne requiert que des éléments de base dans la pratique.
Le temps le plus convenable pour cette opération est celui pendant lequel l’orage se lève et commence à progresser vers le lieu où vous vous trouvez. Le but sera de faire appel à la puissance de l’orage afin d’accroître par son intermédiaire l’énergie qui vous est propre, et de la diriger vers le but choisi.
Vous aurez au préalable déterminé un lieu nettoyé pour le rituel, l’idéal étant bien entendu l’extérieur, « teuo-xtonion eu » dit notre texte, même si une pièce ouverte, avec une bonne vue sur le phénomène, peut suffire.
Ce rituel sera plus effectif la nuit, mais le jour peut aussi convenir. On essaiera aussi profitablement l’aube et le crépuscule comme des moments particuliers, intéressants à plusieurs titres. Nous vous recommandons cependant, à ce stade, d’expérimenter plusieurs moments, et de retenir par exemple ceux qui vous semblent le plus vous correspondre. Remarquons cependant que, dans la plupart des cas, c’est l’orage qui vous appellera et non le contraire. Choisissez cependant un véritable orage, votre sensation n’en sera que plus intense.
L’orage peut tuer ! Il faut donc prendre les précautions adéquates pour accomplir ce rite. Choisissez le lieu de l’opération à côté d’un bosquet d’arbres ou de quelques objets plus hauts que vous, afin que la foudre puisse être attirée ailleurs. N’utilisez plus, dès que l’orage est proche, d’objets métalliques ni même d’objets rectilignes pointant vers le ciel. Il est donc plus sûr d’accomplir la totalité du rituel avant que l’orage n’arrive au-dessus de vous (la foudre ne préserve que ce qui lui ressemble) et de se mettre ensuite en harmonie avec les forces de la nature par d’autres moyens qui ne seront pas strictement rituels, comme la respiration, le contact avec les formes divines, etc.
Ceci étant dit, lorsque l’orage arrive, placez-vous au centre de l’aire rituelle.
Vous déposerez les armes requises ou choisies : les symboles de chacun des quatre éléments placés selon la direction appropriée. Vous vous vêtirez comme vous le souhaitez.
Pensez cependant que tout ce que vous utiliserez risque de se mouiller. Prévoyez donc les choses en conséquence.
Au centre de l’aire rituelle, saisissez l’arme choisie [une lance par exemple…] et délimitez un cercle autour de vous et de votre autel, d’à peu près dix mètres de diamètre. Vous le parcourez dans le sens des aiguilles d’une montre en traçant à l’aide de votre arme une frontière invisible que vous visualiserez sous la forme d’une brume légère et bleutée.
Vous pourrez, si vous le jugez bon, placer avant de commencer l’opération, une corde à neuf nœuds qui délimitera votre cercle de protection (gaélique caim, vieux celtique cam).
Dans ce cas, la visualisation et le tracé se superposeront à celle-ci. Revenez au centre de l’aire face à votre autel et face au nord (le côté tuath). Élevez le symbole choisi et prononcez à haute voix… »
Ô vous éclair tonnerre et foudre
Les trois puissantes forces
Que ma protection soit
Le cercle que vous ferez autour de moi,
car vous protégerez
Ma vie et ma maison
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Tout autour de moi
Ô vous les trois sacrés
Les trois puissantes forces.
Pour la suite pratique et concrète, voir Moïra. C. D. D… B.P.68. 33034 Bordeaux cedex. France.
Moïra à qui nous redonnons encore la parole pour conclure.
« Tout en gardant les bras élevés, inspirez profondément, en fixant votre esprit sur le fait que les respirations vous emplissent de la puissance et de la lumière de l’orage lui-même. Puis projetez votre conscience, selon la technique que vous maîtrisez, dans les nuées orageuses, pour ne faire plus qu’un avec elles.
Prenez le caractère de l’orage et lorsque votre conscience sera unie avec la sienne, concentrez-vous sur le but de votre opération « magique » (sic) si vous en avez choisi un.
Sinon laissez-vous aller à cette union avec la force par excellence.
Lorsque cette union est ressentie, concentrez-vous de nouveau sur votre corps et commencez à générer en vous cette puissance avec laquelle vous vous êtes mis en rapport. Unissez votre conscience à votre esprit à chaque éclair, et assimilez-la au jaillissement de votre puissance qui se projette, éclatante et lumineuse. Vous attirez alors la puissance de l’orage lui-même et il ne s’agit pas seulement de vous.
Prenez conscience avec force de cette identité entre la lumière des éclairs et l’accroissement de votre puissance.
Il convient de créer un véritable échange d’énergie entre vous et l’orage. Ainsi, à chaque éclair, vous générez la puissance que vous focalisez vers l’éventuel but retenu. Il est possible de coupler ce processus quasiment biologique à une inspiration. Puis au coup de tonnerre, vous libérez votre force, par exemple sur l’expiration. De cette façon, plus l’orage approche, plus ce mouvement cyclique d’échange s’accélère.
Vous pouvez poursuivre aussi longtemps que vous le désirez, sans toutefois excéder le temps au-delà duquel votre concentration tendrait à se relâcher. Ce n’est pas la durée qui est importante, mais l’intensité manifestée par cet acte « magique » (sic).
Prenez garde aussi à l’orage lui-même et aux risques que nous évoquions. La foudre ne préserve que ce qui lui ressemble.
Dès que vous pensez que la construction mentale a été suffisante, visualisez une dernière fois l’image mentale de ce que vous visez, puis libérez-la sur un coup de tonnerre, et croisez vos bras sur la poitrine, le gauche sur le droit ». Récitez en guise de conclusion quelques prières à Taran/Toran/Tuireann ajouterons-nous.
Moïra. C. D. D… B.P.68. 33034. Bordeaux cedex. France. Pour plus de détail, voir encore Moïra donc, à qui nous laisserons le mot de la fin.
« Quittez maintenant le lieu avant que le plus fort de l’orage ne vous fasse fuir, puis allez vous restaurer. Bien que ce rite soit conçu pour individu isolé, vous pouvez bien entendu l’utiliser à plusieurs, en prenant les mêmes précautions ».
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ANNEXE N° 3.
RITUELS DIVERS.
César B. G. VI, 16. Les Celtes sont une « gens admodum dedita religionibus ».
QUE FAIRE EN MATIÈRE DE CULTE QUAND ON SE VEUT VRAIMENT CELTE D’ESPRIT ? (Selon notre confrère Alexei Kondratiev.)
Vie quotidienne du fidèle (habitant non loin d’une source ou d’un arbre sacré, d’un sanctuaire ou d’un temple évidemment) à la fin de l’Antiquité.
Premièrement : le culte des ancêtres. Honorer la mémoire des disparus de sa famille immédiate (Uenia). Culte domestique par excellence et à effectuer à la maison autour d’un autel genre crèche, édicule, ou kami dana. Voire une simple table ronde en pierre avec quelques santons (statuettes) disposés autour, comme dans les fouilles d’Argentomagus. Si possible dans une cave pouvant faire office de crypte, ou à côté d’une cheminée, ou dans un coin de l’appartement spécialement aménagé à cet effet.
Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) pensent que la Réalité Ultime déborde absolument la forme qui l’évoque, mais, pour de nombreux autres fidèles le simulacrum ou l’arcana (la statue ou l’image en sanscrit) participe effectivement d’une certaine façon à la divinité.
La vénération des simulacra ou arcana relève autant du culte privé que du culte public ; les rites ayant pour objet les simulacra ou arcana domestiques se pratiquent dans chaque demeure. Le maître de maison en est l’officiant ordinaire ; néanmoins, en son absence, un autre membre de la famille peut le suppléer. Tous ces rites s’accompagnent de prières. Pour le Celte de cœur ou d’esprit, le simulacrum ou arcana (l’image divine) est plus qu’une simple représentation.
Deuxièmement : les dieux patrons de sa profession (cerda). Les chrétiens ont repris l’idée en trouvant des saints patrons à tout. Le culte peut être célébré au sein de la famille, mais aussi au sein de la corporation ou de l’entreprise. Qu’ils soient célébrés journellement ou périodiquement au sein d’une entreprise est aujourd’hui aussi difficile que de faire ses cinq prières journalières à l’usine quand on est musulman. On appelle celicna (singulier celicnon) les salles en étage, réservées à de tels usages. Pour y honorer le dieu tutélaire de la profession par exemple.
Les tables des celicna doivent être rondes.
Troisièmement : l’esprit, le génie, ou l’âme, de son peuple. Il s’agit d’honorer cette entité vitale, mais en liaison avec les divinités panceltiques assumant cette fonction (déesse de la victoire en cas d’agression par un ennemi plus fort que soi par exemple).
Quatrièmement : les forces de la nature, eaux, arbres. Une terre est maintenue en vie par les dieux ou les déesses, ou fées si l’on préfère ce terme, de la fertilité, de l’abondance… Quel que soit le peuple, la nation, ou la tribu, qui vit à cet endroit. On doit donc associer dans un même hommage…
Et la déesse ou fée personnifiant la fertilité, l’abondance, ainsi que la prospérité de sa région, en général de l’eau (par exemple, la rivière qui la traverse).
Et les divinités panceltiques (voir panth-éon).
Les sacrifices de commensalité avec les dieux, sanglants (c’est-à-dire impliquant de manger un animal quelconque, rituellement mis à mort avec le concours de divers officiants types vate ou autre ; comme lors de la fête de l’Aïd-el-Kébir dans l’islam) et les grands rituels druidiques publics ; ont évidemment disparu peu à peu avec la romanisation et la christianisation des esprits. Diverses formes d’hommage au divin (des rites plus simples : hymnes, ou cérémonies à l’intérieur d’un temple, d’un fanum voire d’un celicnon…) ont remplacé les rituels plus compliqués devant se dérouler en plein air ; par exemple, les sacrifices sanglants exécutés à l’intérieur ou à l’extérieur des grands sanctuaires de type belge, et notamment ceux de bovidés entièrement consacrés aux divinités (souterraines).
Des rites effectués par le petit peuple cette fois-ci ; les notables et les riches britto-romains ou gallo-romains ayant préféré trahir et flatter les autorités en adoptant les usages de leurs occupants (tout le monde n’a pas la trempe d’un Mariccus ou d’un Calgacus).
« Certains semblent s’être pliés sans grande réticence aux règles du syncrétisme et, même si leur façon de rendre grâce à Pluton ou à Minerve gardait son originalité, même s’ils renâclaient à l’occasion devant les dénominations officielles des dieux ; il n’y avait là nul sujet d’inquiétude pour les Romains » (Maurice Bouvier Ajam, historien français spécialiste de la période).
L’hommage (hymne ou cérémonie à l’intérieur d’un fanum à la campagne ou d’un celicnon en ville) a donc peu à peu remplacé le sacrifice.
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Il devait sans doute s’exprimer à l’aide d’atebertas ou offrandes diverses. Que pouvait-il bien se passer par exemple en l’an 68 de notre ère quelque part dans un territoire occupé par Rome et où commençaient déjà d’arriver les premiers chrétiens ??
Car si le christianisme est attesté en Europe de l’Ouest à Lugdunum vers l’an 150 (voir le cas de Pothin) il a dû exister avant dans le pays notamment sous sa forme « montaniste » (des sortes de talibans chrétiens appelés parabolans.
Les Apôtres auraient envoyé sept de leurs disciples ou même un bien plus grand nombre, fonder des Églises jusque sur les bords du Rhin. On cite Valère à Trèves, Martial à Limoges, Austremoine à Clermont, Gratien ou Gatien à Tours. On cite de même pour les pays rhénans, à Trèves, Eucher, dont Valère semble n’avoir été que le successeur, Crescent à Mayence (ou à Vienne), Materne à Cologne, Clément à Metz. On fait aussi remonter à l’âge apostolique l’Église d’Auxerre, ainsi que celle de Périgueux, avec l’évêque saint Front.
Sur l’apostolat de saint Lazare [à Marseille et à Autun. N.D.L.R.] de sainte Madeleine, et de sainte Marthe en Provence [à Tarascon plus précisément pour sainte Marthe. N.D.L.R.] voir Duchesne, Les Origines chrétiennes, chapitre XXVI. L’auteur fait cette judicieuse distinction : « Saint Pothin est le premier évêque dont le nom se soit conservé. Ce n’est pas pour autant qu’il soit le plus ancien évêque ou que ce pays n’ait pas reçu la lumière de l’Évangile dès le temps des apôtres. Une chose sont les faits connus, autre chose les faits réels. Le Christianisme doit être aussi ancien dans ce pays que dans les pays de situation géographique analogue, l’Afrique par exemple » (Lehrbuch der Kirchengeschichte fur Studierende. Fr.-X. Kraus. Tome I).
Si nous comprenons bien les diverses traditions à ce sujet (notamment le traité sur la Trinité que l’on attribue aujourd’hui à saint Césaire) il y aurait donc eu des chrétiens dans cette région du monde dès la fin du Ier siècle de notre ère. « La cité d’Arles a eu saint Trophime, un disciple des apôtres, pour fondateur, celle de Narbonne saint Paul, celle de Toulouse saint Saturnin, celle de Vaison saint Daphnus. Ces quatre disciples des apôtres ont fondé des Églises dans tout le pays, si bien que leur siège ne fut jamais occupé par des hérétiques » (Traité sur la Trinité attribué à saint Césaire).
Que pouvait-il bien se passer par exemple en l’an 68 de notre ère, quelque part dans un territoire comme celui-là, mais occupé par Rome disions-nous ?? Eh bien peut-être quelque chose comme ce qui suit.
Après s’être rendu dans son lieu de culte habituel le matin avant de commencer sa journée ; le druidisant brûle (un peu à l’instar des Parsis d’ailleurs) quelques perles d’ambre jaune ; ou allume un cierge fiché dans un dodécaèdre de bronze à l’entrée de la cella du temple ; où trônent, à côté de l’autel, sur un piédestal ou accroché à un poteau, voire un pilier de pierre, le simulacrum ou les simulacres (arcana en sanscrit ou statue) des dieux ou des déesses 1), ou fées, si l’on préfère ce terme ; et leur apporte des graines : de l’orge, du blé, destiné à être brûlé, lui aussi, comme de l’encens. Du pain, des fruits, des pommes, des noix ou des noisettes, du miel [si l’on en croit saint Patrice en effet, on faisait en Irlande, avant lui, des offrandes de miel, dont on consacrait une partie, et dont on consommait le reste ?] de la cire d’abeille, du beurre salé, des galettes, de petites pièces de tissus, etc., etc. Le tout, soit déposé au pied de l’autel ou dessus, soit jeté dans un puits à sacrifices, suivant les us et coutumes locaux. Les jours de fête, il apporte également ainsi que le signale Arrien en l’honneur de la déesse de la chasse, quelques piécettes de menue monnaie, en les glissant dans un tronc aménagé à cet effet dans le temple ou en les jetant dans un point d’eau en ce lieu.
En ce qui concerne les fontaines, les sources, les lacs, ou les puits sacrés, les atebertas sont aussi en effet le plus souvent des pièces de monnaie ; mais aussi diverses représentations de parties du corps humain (bratou decantem anatomiques comme aux sources de la Seine ou à Chamalières). En ce qui concerne les arbres sacrés, il s’agit de petits morceaux de tissu que l’on accroche aux branches.
On signale aussi l’usage de petites amphores de vin, symbolisant du sang, que l’on abandonne en l’état ou dont on verse le contenu en un lieu approprié (le puits à sacrifice ?) après les avoir débouchées ou en avoir brisé rituellement le col. Peut-être par un geste analogue à celui qui consiste à « sabrer » une bouteille de champagne, de nos jours.
C’est le fameux « dadami se dehi me » sanscrit : je te donne afin que tu donnes (la divinité ensuite est en quelque sorte obligée de rendre la pareille), formule grossièrement traduite par les Latins avec leur « do ut des ».
En bref, ce que l’on appelle pouja dans l’hindouisme.
Une partie de ces atebertas ou offrandes était rituellement détruite par les membres de la Sodalité druidique desservant le lieu, gutuatres ou gutumatres (par jet dans un puits à sacrifice ou crémation), mais le reste était bien évidemment consommé sur place, ou redistribué aux nécessiteux. Y eut-il alors des abus ou des cas d’enrichissements personnels de druides peu scrupuleux ? Cela est possible, mais pas dans le cas de la famille d’Ausone en tout cas. « Je n’oublierai jamais le vieillard du nom de Phoebicius qui, gardien du temple de Belen, n’en tira aucun profit ».
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Enfin, certaines cérémonies étaient précédées ou suivies par l’érection d’un monument de pierre, comme le crom cruach ou la pierre du destin, dite pierre de Fal en Irlande (pierre de Scone en Grande-Bretagne) ; avec force oblations et déploiements d’une symbolique étendue ; par exemple dans le cas de l’aménagement de certains sanctuaires campagnards ou de certaines tombes (les pierres gravées de Castlestrange, Killycluggin-Turoe).
Depuis longtemps, des stèles décorées de motifs complexes sont aussi connues sur le Continent, à Sainte-Anne (Trégastel) et Kermaria (Finistère). Elles portent, la première un décor curviligne vertical, la seconde des motifs conventionnels de l’art de la Tène ancienne, dont un svastika et des feuilles de gui. La découverte récente aussi dans le Finistère, de deux stèles ornées, à Kerviguérou (Melgven) et à Keralio (Pont-l’Abbé) a entraîné un réexamen des nombreux monuments recueillis ou repérés depuis le XIXe siècle. Onze au total, en comptant ceux de Trégastel et de Pont-l’Abbé, se sont révélés porter des décors, maintenant fortement érodés suite à l’arénisation du granit, ce qui explique que certains aient pu demeurer si longtemps inaperçus.
Ce genre de pierre était révéré en tant que symbole de la puissance de procréation de la nature. On peut y voir la trace d’une époque où le corps et la sexualité ne représentaient pas le mal essentiel dont il fallait à tout prix se débarrasser.
Toutefois, ce n’était pas le phallus en lui-même qui était adoré, mais la force dont le phallus était le signe.
Ainsi que nous l’avons déjà vu plus haut, mais repetere = ars docendi ; le menhir de Fal, de Turoe (Killycluggin), de Castlestrange, de Kermaria, représente la vie, la terre dans laquelle il est planté, la lausinca (l’organe féminin) qui l’entoure, représente la nature manifestée, l’univers. Ce genre de pierre apparaît parfois comme surgissant du losange symbole de l’énergie féminine, car le Tokad ne peut créer seul. La pierre de Fal (de Turoe-Killycluggin, de Castlestrange ou de Kermaria) figure donc l’énergie continue de la vie. On néglige en général sa parenté avec le pilier ou arbre cosmique, qui reliait la terre au ciel, tout en dépassant infiniment l’un et l’autre.
Le symbole de la pierre de Phal ou de Killycluggin (Turoe) se compose toujours de trois parties différentes.
La partie la plus basse enserrée par le lausinca est faite de terre du pays.
La seconde partie a la forme d’un losange (un losange parfois spécial dit losange d’or) et retient cette terre un peu comme un pot de fleurs géant.
La troisième partie est le menhir ou la pierre dressée proprement dite.
En Irlande, elle peut être gravée.
De nombreuses légendes lui sont attachées : elle désigne les rois ou ceux qui sont appelés à régner, elle peut crier ou gémir, et ainsi de suite. Bref, voir tout ce que l’on a pu écrire à propos de la pierre de Scone en Grande-Bretagne ou de l’idole de Crom Cruaich en Irlande.
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Voici ce qu’en dit John Toland dans son Histoire des druides de 1728.
« La plus importante idole d’Irlande était Crom Cruach, qui se dressait au milieu d’un cercle de 12 petits obélisques de pierre sur une colline de Brefin dans le comté de Cavan. Elle était recouverte d’or et d’argent ; les petits obélisques de pierre étant recouverts de cuivre… les biographies légendaires de saint Patrice rapportent beaucoup de choses aussi ridicules qu’incroyables à propos de la destruction de ce sanctuaire de Moyseet (Mag Slecht) ou Plaine de l’adoration, situé à Brefin ».
Dans la légende irlandaise du Colloque des Anciens (Acallam na senorach), la pierre de Fal ou de Scone est évoquée comme suit.
Qu’avait donc de remarquable cette pierre de Fal ? demanda Diarmait le fils de Cerball.
Si quelqu’un était accusé de quelque chose, répondit Ossian, et qu’on le plaçait sur cette pierre, s’il avait dit la vérité, il devenait blanc et rouge, mais s’il avait menti, une tache noire et bien visible apparaissait sur lui.
Quand le vrai roi de Tara montait dessus, la pierre criait sous ses pieds puis les trois vagues d’Irlande lui répondaient comme en écho : la vague de Cliodna (Clídna, Cliona, Cleena), la vague de Tuaide ainsi que la vague de Rudraige.
Quel que soit le roi de province ennemi qui montait dessus par contre, la pierre rugissait ou grondait sous ses pieds.
Quelle que soit la femme stérile qui montait dessus, elle se couvrait d’une fine buée de sang noir ; mais quand c’était une femme féconde, elle se couvrait de buée de toutes les couleurs.
N.B. On a tendance à n’en retenir que l’aspect phallique et à ignorer la notion de destinée – attestée par de nombreuses légendes – qui lui est inhérente.
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Les « cultes domestiques » dans lesquels la maison est considérée comme un sanctuaire. Contrairement à ce que nous laissent penser les témoignages des auteurs anciens, qui valorisent les faits sociaux plus que les conduites individuelles ; contrairement aussi à ce que nous révèle l’archéologie, qui ne met à jour que les plus grands sanctuaires ou ceux des collectivités les plus vastes ; la spiritualité celtique dut être avant tout une affaire individuelle.
Pour le druidisme authentique, le culte, même s’il se rend de préférence à Taran/Toran/Tuireann, la Matrona, Hésus, Ogmios, Lug, etc. (hénothéisme) ne doit pas pour autant être sectaire. La triade rapportée par Diogène Laerce, « honorer les dieux ne rien faire de mal et être un homme un vrai » (Vies et doctrines des philosophes célèbres. Livre I, prologue 6) est en effet fort claire, les honneurs doivent être répartis entre les différents dieux et non réservés à un seul.
Certaines Écoles de la Wicca conseillent et recommandent donc l’invocation conjointe de plusieurs grandes divinités lors du rituel privé quotidien : Taran/Toran/Tuireann, la Matrona, Hésus, Ogmios, Lug et ainsi de suite…
Pour la plupart des individus en effet, la suprématie du Tout Englobant Impersonnel est plus théorique que personnellement ressentie ; et la multitude des êtres divins du panth-éon ou plérôme traditionnel indo-européen, grossie de celle des divinités locales ; l’emporte dans la pratique sur la tendance au monothéisme philosophique et réfléchi des druides druides.
Les rites entourant la statuette représentant la fée du foyer ou les matres nessamae * de la famille se pratiquaient aussi dans chaque demeure. Ils étaient alors exécutés par le père ou la mère de famille sur l’autel de leur maison, sans le concours d’aucun autre officiant, sauf exception. Ils devaient consister en de petites atiobertas (offrandes) journalières, de blé, d’orge, ou d’ambre jaune, dans les régions productrices de cette résine de pin fossile, et ainsi de suite… à certaines divinités ; destinées à être brûlées (comme dans le cas des Parsis en Inde et de leur feu sacré). Tous ces rites devaient s’accompagner de prières plus ou moins longues évidemment, et de circumambulations : deisil en gaélique.
Les Celtes en effet plaçaient leurs autels domestiques de manière que l’on puisse en faire le tour, à la différence des Romains qui les plaçaient contre un mur.
On peut, certes, prier partout, mais avoir un autel spécifique dédié aux dieux aux déesses ou aux fées s’avère préférable pour tout païen qui se respecte. Cet autel est un emplacement à la fois personnel et sacré, car celui qui le veut peut l’aménager à son bon vouloir et y ajouter autant d’arcana ** et de simulacra (de statues, d’objets ou de symboles) que son cœur le désire. On peut disposer ces statues de dieux dans l’ordre que l’on veut, mais celui-ci devra être réfléchi.
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, l’autel trouvé dans les fouilles d’Argentomagus est un très bon exemple d’autel privé ou familial celte. Il a été mis au jour dans une cave qui devait avoir la forme d’un petit temple. Il se compose d’une table ronde derrière laquelle deux divinités ou deux ancêtres divinisés sont assis. La statue la plus grande (49 cm) a l’apparence d’un homme assis sur un coussin, il porte un torque au cou et un deuxième au bras droit, un serpent repose sur ses genoux. La deuxième statue (42 cm) à l’apparence d’un homme assis dans un fauteuil, les deux mains sur les genoux, avec une bourse dans la main gauche. Les deux statues, sculptées sommairement, étaient peintes. La plus petite était habillée d’une tunique et d’un manteau ocre, la bourse et les souliers peints en vert, l’autre est vêtue d’une tunique verte, portait des braies de la même couleur, quadrillées de rouge. Entre les deux, une petite pierre dressée, symbolisant un phallus comme dans le cas du Crom cruach ou de la pierre de Fal irlandaise, voire du linga.
Au Japon, le kami dana est un autel familial shintoïste dédié aux esprits. Le « kami-dana » peut être dédié à des « kami » familiaux (sorei) ou des « kami » plus « importants » comme le kami des montagnes…
Il est possible de découvrir dans la rue des « kami-dana » dédiés à un esprit particulier. Ces autels portent alors souvent le nom de l’esprit auquel ils sont consacrés (Ebisu-dana, Kadogami-dana, Kôjin-dana, Toshitoku-dana…). Ces autels, richement décorés, sont fabriqués en bois. Leurs positions et orientations sont particulièrement étudiées. À titre d’exemple, le « Kami-dana » doit être tourné face à l’est ou face au sud.
Les kami dana japonais abritent derrière leur double porte les offrandes quotidiennes des dagolitoi ou fidèles. Ces offrandes sont généralement constituées d’eau, d’alcool, de fruits. La nourriture déposée doit être changée quotidiennement et peut être par la suite consommée. Lorsque la famille reçoit d’un tiers un présent, il est possible de le déposer devant le kami dana un peu comme une offrande avant de l’utiliser.
* Dites proxumae par les Britto – ou les Gallo-Romains.
** Terme sanscrit. La forme sous laquelle on rend hommage à une divinité.
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1) Car à côté de l’Être supérieur on peut toujours aussi honorer des formes partielles ou limitées de celui-ci évidemment, mais participant également de sa sainteté.
Note biffée par Pierre de La Crau et rétablie par ses héritiers.
L’autel familial druidique moderne pourrait être à la fois un boutsoudan et un kami dana en bois de chêne. Le « kami-dana » japonais a la forme d’un temple shintô qui aurait été miniaturisé. Le « boutsoudan » ressemble à une armoire qui, en plus des offrandes, conserve les recherches généalogiques de la famille (ihai) ainsi qu’une petite statue bouddhiste.
Quelques suggestions de décoration. Mettre par exemple sur ces portes du côté intérieur voire au fond, des rouelles des roues solaires ou d’autres symboles à trois ou à quatre branches, comme un triscèle, un labarum, ou un swastika. Voire des fresques comme celle qui représentait le dieu Ogmios selon Lucien de Samosate, des statuettes ou des statues comme celles des trois Bethen de la cathédrale de Worms en Allemagne. Ces symboles peuvent aussi bien être dessinés, peints, ou gravés, que sculptés, le support important moins que la signification. Ne pas oublier de prévoir un emplacement ou deux pour y placer des bougies, ou des brûle-ambre jaune.
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ANNEXE N° 4.
NOTE SUR L’OITO (OU LA PRESTATION DE SERMENT).
Tongoitos, Oïtos, d’où gaélique oeth, gallois tyngu.
L’oïto ou serment n’étant jamais qu’une geis que l’on se donne à soi-même nous en dirons également deux mots dans le cadre de cette Auraicept na n-Éces à nous autres très sachants de la druidiaction (ces quelques notes destinées aux écoliers du druidisme : les choses plus sérieuses de niveau universitaire viendront après).
L’oïto est une formule solennelle, à l’expression presque stéréotypée, dont les termes ne varient que dans les détails. C’est un engagement pris devant une divinité, normalement assorti de l’acceptation d’une sanction en cas de défaillance si la promesse était positive (je jure de faire ceci ou cela) ; ou de transgression s’il s’agissait d’une interdiction faite à soi-même.
Plus généralement le serment est en quelque sorte une alliance cosmique à laquelle on recourt pour donner plus de poids encore à sa parole. L’homme qui prête serment inscrit sa parole dans un ordre qui dépasse sa personne, et il assumera donc la responsabilité de la rupture de cet ordre, si le serment est violé.
C’est lui qui subira le châtiment qu’un tel méfait doit logiquement attirer sur le coupable. Le serment apparaît ainsi comme le symbole d’une solidarité avec l’être, divin, cosmique, ou personnel, qui est invoqué comme garant.
Le contenu d’un serment peut donc être analogue à celui d’une geis. L’un est spontané en quelque sorte et vient de soi-même ; l’autre est donné ou notifié par un très-sachant de la druidiaction (druidecht).
Nos recherches n’ont permis de retrouver que deux ou trois types différents de serments.
La prestation de serment sur les dieux, la prestation de serment sur les éléments naturels et la prestation de serment sur la famille, qui semble donc avoir été elle aussi quasiment sacrée chez les très-sachants de la druidiaction (druidecht).
La formule de serment sur les dieux commence généralement ainsi…
« Je jure par le dieu sur lequel jure ma communauté » ou si l’on veut, moins mot à mot : « Je jure par le dieu qu’invoque ma tribu ».
« Touongo adge deuu iom touongeti ma touta ».
En gaélique médiéval, c’est devenu la formule très répétitive :
« Tongu do dia toingeas mo tuath ».
Référence est ainsi faite au dieu ancêtre tutélaire de la tribu en question, au « toutatis » local. Divinité veillant aussi au respect des contrats et des serments : une attribution parmi d’autres.
La formule la plus couramment utilisée dans les textes racontant l’histoire du Hesus = Cuchulainn est celle-ci : « Je le jure par les dieux que j’adore et que ma tribu adore ».
La prestation de serment sur les éléments naturels.
Les éléments interviennent comme garants à qui l’on demande éventuellement de châtier le parjure.
Si l’on en croit la légende de l’enlèvement des bœufs de Cooley, notamment le dialogue par lequel Medb essaie de décider Ferdiad à combattre Cuchulainn ; le serment se faisait de la main droite et en prenant à témoin ou comme caution la mer, la terre, le soleil et la lune.
Ou bien alors le ciel et les étoiles, si l’on en croit ces deux autres extraits.
« Le ciel est toujours au-dessus de nos têtes, la terre sous nos pieds, la mer tout autour de nous ».
« Et si le firmament avec toutes ses étoiles ne nous tombe pas sur la tête, si la terre ne s’effondre pas sous nos pas en un grand tremblement, si la mer aux franges bleues ne recouvre pas l’orée de nos forêts ».
La formule complète à utiliser par tout vrai Celte de cœur et d’esprit, car un Celte de cœur ou d’esprit ne saurait jurer sur un livre évidemment, devait donc s’énoncer comme suit.
« Touongo adge deuu iom touongeti ma touta
Tongu do dia toingeas mo tuath.
Par les dieux qu’adore mon peuple :
Le ciel au-dessus de nos têtes
Le soleil et la lune
La terre sous nos pieds
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La mer tout autour de nous
Je le jure.
Que le firmament et toutes ses étoiles me tombent sur la tête 1).
Que la terre s’effondre sous mes pas en un grand tremblement
Que la mer aux franges bleues recouvre nos terres et nos forêts
Si… (verbe correspondant à l’action que l’on s’engage à faire, ou à ne pas faire) ! »
La formule de serment sur la famille ou le lien social devait s’énoncer ainsi.
« Par les enseignes sacrées de nos bataillons
Que plus un toit ne me soit offert
Que mes parents me ferment leur porte devant moi
Que mes enfants me ferment leur porte devant moi
Si… (verbe correspondant à l’action que l’on s’engage à faire, ou à ne pas faire) ! »
Le tout les trois doigts de la main droite tendus vers le ciel (le pouce, l’index et le majeur, un peu comme dans le cas d’une main de justice, ou légèrement écartés) le bras replié ou tendu à 45 degrés.
Chez les Celtes et les Germains, l’épée paraît avoir été considérée comme la plus importante manifestation de la puissance du dieu qu’invoquaient les guerriers. L’exemple historique le plus indéniable de cette coutume que 1000 ans plus tard les redoutables combattants des Hautes-Terres d’Écosse suivaient encore, figure dans les commentaires de Jules-César. Livre VII, chapitre 67 : « Les cavaliers s’écrient alors unanimement qu’ils doivent se lier par le plus sacré des serments : que ne devra plus être reçu sous un toit ni revoir ses enfants ses parents ou son épouse celui qui… »
LE SERMENT DES HAUTES TERRES MAINTENANT.
Je jure sur cette épée, l’épée de Noadatus Nodons Nuada
[sur cette triple clé]
Touongo adge deuu iom touongeti ma touta
Tongu do dia toingeas mo tuath
Par les dieux qu’adore mon peuple,
Le ciel au-dessus de nos têtes
Le soleil et la lune
La terre sous nos pieds
La mer tout autour de nous
De conformer désormais les actes de ma vie tant privée que publique aux règles d’or de la Table ronde, de rester fidèle à notre communauté ainsi qu’à son Primat inter pares, et de défendre notre Foi.
Si je ne le fais pas
Que le ciel et toutes ses étoiles me tombent sur la tête
Que la terre s’effondre sous mes pieds en un grand tremblement
Que la mer aux franges bleues recouvre nos terres et nos forêts.
Que je ne puisse plus trouver asile nulle part,
Que je ne puisse plus revoir ni épouse [ni époux] ni enfants, ni père, ni mère, ni un autre parent
Que je sois maudit dans tout ce que j’entreprends, famille et propriété.
Que je meure lâchement sur le champ de bataille et demeure sans sépulture païenne digne de ce nom, en terre étrangère,
Loin de la tombe de mes ancêtres et de ma parenté.
Oui, que tout ceci m’arrive si je romps ce serment.
Le tout donc les trois doigts de la main droite tendus vers le ciel (le pouce, l’index et le majeur, un peu comme dans le cas d’une main de justice, ou légèrement écartés) le bras replié ou tendu à 45 degrés.
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ANNEXE N° 5.
ORGANISATION DE L’OLLOTOUTA DRUIDIQUE ANTIQUE.
La terre est avant tout la propriété du dieu qui réside dans son sous-sol ou dans l’un des aménagements que l’homme lui a construits, bois sacré, nemeton, temple ; et non à tel ou tel particulier.
Quelques êtres humains, les desservants et curateurs du sanctuaire, ont à charge la gestion de ce terrain, son entretien, et peut-être certaines autres formes d’exploitation. Ce sont les gutuatres ou gutumatres.
Mais l’organisation de l’Ollotouta druidique antique était vraisemblablement double : territoriale et fonctionnelle.
Des druides spécialisés, gutuatres/gutumatres (en latin aeditui chez Ausone, antistes chez Tite-Live) s’occupaient en effet des soins quotidiens à prodiguer aux temples (sanctuaire, source guérisseuse ou fanum). Entretien de la toiture (chaque année ?), des autels, des trésors sacrés, des simulacres ou des arcanes (sanscrit arcana), des statues, et ainsi de suite.
Organisation donc concernant ces druides (vates, vellèdes, ou gutuatres/gutumatres attachés à un temple : aeditui ou antistes dans les textes latins.
Du simple vicos (paroisse) à la grande confédération intertribale (Belgica, Celtica, ou autres : cispadana, comata, narbonensis, lugdunensis, appelées valland (c’est-à-dire territoire habité par des « Welches ») ensuite par les peuples germaniques) en passant par le pagus (comté en Irlande, cantref au Pays de Galles, shire en Angleterre, gau en dialecte germanique) ou le bailliage… ces druides gutuatres/gutumatres (aeditui d’après Ausone, antistes d’après Tite-Live) étaient organisés de façon territoriale. Chacun, dans le cadre de cette très souple hiérarchie, était à la tête d’une zone géographique bien précise.
Exemples de druides gutuatres ou gutumatres attachés à un temple particulier.
« Patéra, comme ta célèbre parole était florissante encore ces derniers temps, et que tout jeune je t’ai vu vieillard, je ne te priverai pas de cet honneur, maître de nos puissants rhéteurs. Tu étais Baïocasse, et issu de la race des druides, si la renommée n’est point trompeuse, ta famille tirait son origine sacrée du temple de Belenus ; de là vos noms : le tien, Patéra, qui, dans le langage des initiés, désigne les ministres d’Apollon ; ainsi que celui de ton frère et de ton père, qu’ils doivent à Phébus ».
« Je ne tairai point le nom du vieux Phébicius : gardien du temple de Belenus, il n’en était pas plus riche ; mais issu, comme on se plaît à le dire, de la race des druides d’Armorique, il obtint, grâce à son fils, une chaire à Burdigala » (Ausone. Commemoratio Professorum Burdigalensium IV, 7-9).
Ce texte prouve, au passage, que certains très-sachants de la druidiaction (druidecht) après la conquête romaine, se sont reconvertis en professeurs et en enseignants.
2. Il arrivait bien entendu que des membres de la société d’alors aient des liens plus intimes avec certains dieux qu’avec d’autres. Les cordonniers avaient par exemple pour saint patron (diraient les chrétiens) le dieu Lug lui-même. Le prouve l’inscription découverte à Osma en Espagne qui se lit comme suit.
LVGOVIBUS
SACRVM
L.L. VRCI
CO. COLLE
GIO SVTORV
M. D.D.
Ce qui signifie…
L.L. Urico a offert ceci au triple Lug de la part de la corporation des cordonniers (collegio sutorum).
Au Pays de Galles, Lug, sous le nom de Llew, est d’ailleurs connu comme étant aussi cordonnier (Histoire de Math fils de Mathonwy, 4e branche du mabinogi).
Mais le Lug des Arvernes – voir la statue géante que lui avait sculptée Zénodore – n’est pas le Lug du village de Canetonnum (canetonnensis), n’est pas le Lug des légendes irlandaises, mais tous ont en commun nombre de caractéristiques remarquables.
Même situation d’ailleurs avec le christianisme actuel et ses innombrables saints plus ou moins fantaisistes, sans compter la Vierge Marie pour les catholiques (la Dame de Lourdes, la Dame de Fatima, de Lorette, etc., etc.)
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Car ce sont toujours les traits originaux de la forme divine élue, retenue, qui fixent le plus souvent la dévotion des dagolitoi (des fidèles), même si, théoriquement, ils la considèrent comme la simple manifestation relative d’une divinité plus générale. Il y a toujours eu des communautés restreintes se consacrant au culte d’une forme divine considérée comme la plus importante pour eux, bien qu’en réalité cette forme de la divinité ne soit qu’une manifestation secondaire.
L’Être Dieu Un englobe le multiple et le fonde. L’aiu (l’éternité) supporte le temps. Les déités sont comme autant de pouvoirs du Divin qui est Un, tout comme dans une entreprise, le président délègue ses prérogatives à des collaborateurs. Mais pour beaucoup, dont l’attention et la ferveur sont polarisées par cette forme particulière de la divinité, ce rattachement paraît secondaire.
Les différents cultes locaux ou particuliers à tel ou tel groupe ne rejettent rien de cette conception de l’univers, mais opèrent un choix parmi les éléments adoptés.
Les traits originaux de la forme divine élue (on a l’exact équivalent de ce polythéisme druidique sous le nom d’istadevata en Inde) exemple les talents de cordonnier de Lug ; polarisent l’attention des dagolitoi (des fidèles) ; bien qu’ils ne soient qu’une simple manifestation relative de l’Être supérieur.
Un culte particulier ne rejette donc rien de l’apport panceltique plus général ; le fidèle fait simplement un choix parmi les éléments adoptés. Grâce aux druides, il admet néanmoins toujours l’ensemble des principes de la religion commune.
Le culte druidique traditionnel, même s’il se voue souvent à Lug, n’a aucun caractère sectaire. Les honneurs décernés se répartissent entre les différents dieux, la voie de la troisième fonction (celle des cordonniers par exemple) pour accéder plus facilement à l’autre monde parallèle paradisiaque, n’y est pas privilégiée ; il est constamment rappelé qu’elle est souvent, certes, plus facile, mais aussi plus longue que les deux autres.
Ainsi que nous avons pu le voir, les très-sachants de la druidiaction veillaient à l’unité ou à l’harmonie de leur religion de deux façons différentes.
En tenant chaque année en un lieu consacré de grands conciles nationaux, ou internationaux, destinés à régler ces questions, mais aussi à régler les différents problèmes agitant la société laïque (guerre entre clans, ou autres) ; et aussi en entretenant de grands centres de formation internationaux (exemple celui de l’île de Mona en Grande-Bretagne).
Il pouvait néanmoins exister, cela était toléré, ainsi que nous venons de le voir, des communautés plus restreintes se consacrant au culte d’une forme divine retenant toute leur attention.
— Soit localement (cas par exemple des divinités protectrices de tel ou tel lieu, du plus petit au plus grand) : fée ou déesse des forêts, dieu de telle ou telle montagne, génie d’une ville, triade de fées symbolisant l’Irlande…
— Soit racialement ou ethniquement parlant : dieu de tel ou tel groupe, familial, clanique, tribal. Des Matres lubicai ou nessamai (proxumae en latin), véritables anges gardiens ou bonnes fées des familles, aux innombrables teutates de clan ou de tribu.
— Soit socialement : la fée ou déesse qu’honorent tout particulièrement les militaires, le dieu qu’honorent les forgerons dans la cité d’Alésia (GOBEDBI DUGIIONTIIO UCUETIN IN ALISIIA) le dieu qu’honorent les cordonniers à Osma, etc.
La piété peut être entièrement mobilisée par ces manifestations particulières d’une divinité plus générale, mais les druides druides (de haut niveau) relient néanmoins toujours ces manifestations particulières aux figures majeures de leur panth-éon, voire plus.
3. Organisation concernant les druides indépendants, c’est-à-dire pas spécialement attachés à une source guérisseuse, à un temple, à un sanctuaire, ou à une tribu ; mais itinérants ou s’occupant de personnes venant des horizons les plus divers, par exemple de femmes. Le terme gaélique muintir, muntar montar, vieux celtique manutera, signifie quelque chose comme groupe, troupe, maisonnée.
Ces druides-là n’avaient pas de territoire bien délimité. Ils exerçaient leur autorité sur divers groupes humains disséminés un peu partout. Y compris sur d’autres territoires que le leur, où ils faisaient figure d’enclave. La religion druidique était avant tout une piété individuelle ou personnelle ne l’oublions pas !
Les responsables de ces communautés, fixes ou itinérantes, étaient souvent des membres des différentes familles régnantes.
Évidemment, ils avaient les ressources nécessaires pour cela (terrains, relations, argent, pouvoir…) Ces très-sachants de la druidiaction (druidecht) étaient hiérarchisés de façon fonctionnelle et suivant le nombre des disciples ou élèves (10, 100, 150, ou plus) dont ils étaient directement, ou indirectement, responsables.
Au binôme druide + daltaios (disciple) a succédé le binôme abbé + moine. C’est en effet le type d’organisation qui a survécu dans le christianisme celtique sous le nom (latin) de familia ou de manutera.
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Il pouvait s’agir par exemple, de disciples (daltaioi) ou de sympathisants (des dagolitoi) vivant un peu comme les futurs culdées (ceiliioi deui en vieux celtique) et regroupés en divers endroits ici ou là. Ou alors de simples dagolitoi (fidèles) suivant le druide dans ses déplacements. Ou alors des diverses fondations d’un même abbé comme Noïbo Colomban d’Iona, ou de Bobbio.
La Sodalité druidique avait en effet des règles traditionnelles qui pouvaient aussi être vécues dans une grande diversité d’enseignements différents. Et selon des formes aplanissant la différence entre druides et laïcs (de la 2e ou 3e fonction).
Ils priaient, méditaient, mais aussi sculptaient le bois ou la pierre des statues des sanctuaires.
Par « druides », il faut sans doute comprendre, répétons-le, non les druides druides eux-mêmes, mais les artistes ou les intellectuels en relation avec eux et gravitant dans leur mouvance. Ce que la citation de Lucien de Samosate prouve en tout cas, c’est que les druides druides au sens strict du terme n’étaient pas iconoclastes comme les premiers chrétiens (parabolani) ou musulmans (talibans).
Martelons ici pour enfoncer le clou ce que nous avons déjà remarqué à maintes reprises.
Il y avait par exemple en Irlande, à Mag Slecht (la plaine des génuflexions) une pierre levée couverte d’argent et d’or, entourée de douze autres statues de pierre garnies de cuivre.
Son nom était Croumba Crouca (Crom Cruach ou Crom Cruaich).
Une autre statue de ce type (ou alors la même ?) également ornée d’or et d’argent, est évoquée dans le Martyrologe d’Oengus le Culdée.
Bien que préceltiques et prédruidiques, ces représentations d’une ne heurtaient nullement les convictions des druides puisque ceux-ci s’intéressaient aussi aux arts plastiques.
Les artistes mystiques et inspirés en question peignaient en outre apparemment de grandes fresques mythologiques (comme celle qui figurait Ogmios et qui a étonné Lucien de Samosate) ou fabriquaient divers objets du culte (vouges, labarons…).
À ces diverses communautés para druidiques de base pouvaient s’adjoindre des femmes. Soit juste à côté, comme dans le cas du collège de Kildare ayant commencé par abriter noïba Brigitte d’Irlande. La description de son église faite par Cogitosus quelques années plus tard, montre bien qu’il s’agissait d’une communauté regroupant à la fois des hommes et des femmes. De tels monastères doubles (moines et moniales) sont également signalés en Angleterre (Hartlepool 640) Coldingham (même époque) et Whitby (en 657).
Soit structurées en collèges autonomes organisés comme les barrigenai de l’île de Sein. Ou celles de l’île des Namnètes (voir la description de Denys le Périégète, la terre habitée versets 570-579 et de Strabon, Géographie IV 4, 6).
Elles devaient néanmoins être plus ou moins contrôlées par les très-sachants de la druidiaction (druidecht), car on les imagine mal en état de complète indépendance vis-à-vis de leurs homologues masculins, ou à égalité avec eux, à l’époque (car nous parlons bien ici de l’ancien druidisme et non du nouveau).
4. À en croire Ammien Marcellin, ces très-sachants de la druidiaction (druidecht), antiques, formaient une sorte de congrégation. Ils étaient en effet « sodaliciis adstricti consortiis » « astreints à une fraternité de type sodalité » (Ammien Marcellin. Livre XV, 9, 8) dirigée par un primat inter pares élu.
« À tous ces druides est supérieur un seul d’entre eux, lequel exerce l’autorité suprême. À sa mort, si l’un d’entre eux l’emporte en dignité, il lui succède : si plusieurs sont égaux, ils se disputent le principat par le suffrage des druides » (César. B. G. VI, 13).
Une primature (un principat) donc assez nette, même s’il s’agissait surtout de l’autorité d’un « primus inter pares ».
5. Les conciles annuels.
Le druidisme n’étant pas une religion fondée sur une révélation consignée par écrit, mais devant plutôt être philosophique et réfléchi, cela implique effectivement un continuel échange d’idées ou d’expériences. Les conciles ne devaient donc pas être exceptionnels comme chez les chrétiens, mais au moins annuels.
César. B. G. VI. 13. « Chaque année à la même date, ils se réunissent dans un lieu consacré sur la frontière du pays des Carnutes, qui passe pour le point central de leur pays. On croit que leur doctrine a pris naissance en [Grande] Bretagne ; et aujourd’hui ceux qui veulent en avoir une connaissance plus approfondie vont ordinairement dans cette île pour s’y instruire. Beaucoup viennent auprès d’eux de leur propre initiative, ou y sont envoyés par leurs parents et leurs proches. Là, dit-on, ils apprennent un grand nombre de vers, et il en est même qui passent vingt ans dans un tel apprentissage. Le mouvement des astres, l’immensité de l’univers, la grandeur de la terre, la nature
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des choses, la force et le pouvoir des dieux immortels, tels sont en outre les sujets de leurs discussions : ils les transmettent à la jeunesse ».
6. Si le roi est soumis à des interdits en nombre parfois incalculable, le très-sachant de la druidiaction (druidecht), lui, n’en supporte aucun, sinon celui-ci, essentiel : ne jamais se tromper. Si le très-sachant de la druidiaction (druidecht) émet un mauvais jugement, c’est lui qui sera châtié par les dieux. Il tombe malade ou il est défiguré, la terre de la tribu ou du royaume devient stérile. Le très-sachant de la druidiaction (druidecht) a donc intérêt à ne pas se tromper. Les sociétés celtiques manifestaient à son égard la plus grande rigueur en ce domaine.
Une sorte de conseil de discipline ou de conseil de la sodalité, druidique, appelé Bratuspantion, était vraisemblablement chargé de sanctionner les druides indignes de leur office (cela pouvait arriver !) sans attendre la punition divine. Sinon à quoi aurait bien pu servir l’organisation qui les caractérisait alors et que nous venons d’évoquer : une congrégation avec à sa tête un primat quel que soit son nom celtique (principat us en latin), etc.
De ces sanctions disciplinaires, nous avons d’ailleurs diverses traces dans la documentation irlandaise. Un canon irlandais, attribué à saint Patrice, est ainsi conçu : « Quicunque sub gradu ceciderit, sine gradu consurget. Quiconque, ayant un grade, tombera, se relèvera dégradé ». Préface du Senchus Mor : « Les quatre dignitaires d’un territoire qui peuvent être dégradés sont : un roi aux faux jugements, un évêque qui tombe, un poète qui fraude, un chef de clan indigne qui ne remplit pas ses fonctions. Aucune composition ne leur est due ». Atat ceitheora sabaid tuaite noda desruithethar i mbecaib : Rig gubretach, Epscop tuisledach, file diubartach, aire eisindraic nad oiget a mamu. Ni dlegaiter doib dire.
N.B. Si la congrégation druidique au sens strict du terme (sodalité) bénéficiait d’une constitution déterminée (tocas ollotoutas), avec à sa tête un primat, ainsi que nous venons de le voir ; les laïcs, eux, pouvaient avoir des formes d’organisation plus diverses : royauté élective (un ou deux rois, simultanément) régence (un ou deux vergobrets, remplaçant le roi.
Une sorte de régime présidentiel). Et il va de soi que le néo-druidisme n’a pas pour vocation d’inciter ses fidèles à militer en faveur de l’un plutôt que de l’autre.
Parmi les quelques centaines de noms divins que l’on peut recenser, on trouve d’abord les très grands dieu-ou-démons, les dieu-ou-démons métaphysiques et panceltiques. Ceux dont les mythes jouent un rôle considérable dans l’approfondissement de la transmission du savoir druidique.
Il y a ensuite la masse imposante de ceux qui sont honorés localement et dont, de ce fait, on connaît avec moins de précision la nature et les mérites.
Afin d’améliorer sa pédagogie, le néo-druidisme a opéré une sélection dans la foule de ces personnages divins.
Une distinction a donc été faite entre les dieu-ou-démons dont la fête est à célébrer par l’ensemble des druidisants, et les autres.
Seules sont étendues à l’Ollotouta druidique tout entière les fêtes de dieu-ou-démons présentant véritablement une importance universelle (par exemple Épona…).
La célébration des autres dieu-ou-démons est laissée à la discrétion de chaque pays ou de chaque région, voire de chaque communauté ou manutera (muintir en gaélique) : gallicanisme.
N.B. Le terme gaélique muintir, muntar montar, vieux celtique manutera, signifie en effet quelque chose comme groupe, troupe, maisonnée.
Chaque pays ou chaque région peut inscrire à son calendrier (des fêtes, ou honneurs) les dieu-ou-démons faisant toujours sur son territoire l’objet d’un culte traditionnel.
Parmi les dieu-ou-démons dont la fête est à célébrer par l’ensemble des druidisants, la réflexion (magi-stère) néo-druidique a aussi opéré un classement par ordre d’importance, selon la valeur qu’il voulait attribuer à chacun d’eux.
Mais bien sûr, chacun peut, à titre personnel, honorer plus particulièrement tel ou tel dieu-ou-démon, quel que soit le rang auquel la druidiactio a officiellement placé sa fête. Qu’ils figurent dans le calendrier de l’Ollotouta ou dans le calendrier des communautés plus restreintes en question.
La dévotion consiste à se vouer à un dieu-ou-démon. Elle est attestée avant les batailles. Les guerriers consacrent leurs armes au dieu-ou-démon de la guerre ou au dieu-ou-démon forgeron. Ils peuvent lui offrir des cheveux.
Les dieu-ou-démons authentiques forment en effet une société d’une extrême diversité. Tout homme, toute femme, peut trouver parmi eux celui ou celle qui correspond le mieux à son tempérament, à sa
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situation, à sa vocation. Les forgerons avaient par exemple une dévotion toute particulière pour Gobannos, ou Ucuetis, comme le prouve l’inscription d’Alise-Sainte-Reine.
Martialis Dannotali ieuru Ucuete sosin celicnon etic gobedbi dugiiontiio Ucuetin in Alisia.
On appelle donc dugiiontii ceux qui se dévouent au culte de tel ou tel dieu-ou-démon.
Le celicnon était par contre une sorte de local servant à la fois au culte, aux banquets ainsi qu’à l’entrepôt de matériel. Les pièces étaient circulaires et au besoin l’on y dressait une table ronde.
Note : lorsque le magi-stère néo-druidique propose un dieu-ou-démon aux honneurs des dagolitoi (des fidèles), il ne cautionne pas pour autant tous les aspects apocryphes dont les siècles ont parfois embelli sa légende, surtout en Irlande.
Au niveau « féminin » le druidisme a été conduit à détripler le divin, conformément d’ailleurs à la plus ancienne façon de penser des habitants de ce pays. Inscription de la terrine de Lezoux : Rigani Rosmerti-ac (À la Reine ET à Rosemartha).
Ceci nous a donc donné trois grandes catégories de divin au féminin.
1. Au niveau le plus archaïque du microcosme la Terre-Mère et les autres déesses mères plus ou moins souterraines (Litavis : la terre dans son ensemble ; Talantio/Tailtiu la terre cultivée ou clairière, personnifiée aussi par la déesse, ou fée si l’on préfère, Rosemartha).
2. Au niveau céleste et cosmique ou au niveau du macrocosme universel, le principe de la matière universelle symbolisé par la Rigani.
3. Entre les deux, au niveau médian intermédiaire, celui des hommes (niveau que nous avons été à notre tour et pour plus de clarté dans l’exposé, amenés à reconnaître, ainsi que l’avaient fait nos lointains ancêtres, d’ailleurs, tout cela est très celtique) la grande déesse centrale féminine (Brigindo/Brigantia/Brigitte ou autre).
Chacune des grandes catégories divines de cette triade féminine d’ailleurs a dû être elle-même détriplée.
Résumons-nous !
Culte de latrie. En tête arrivent les fêtes divines l’emportant sur toutes les autres. Douze dieu-ou-démons s’y trouvent ainsi honorés. Outre le Tokad ou Destin, le dieu-par (le chaudron cosmique), Taran/Toran/Tuireann, la grande déesse mère cosmique appelée Rigani, et la grande divinité médiane féminine appelée Brigindo/Brigantia/Brigitte, dont les cultes sont en quelque sorte partout présents ; il y a une bonne dizaine d’autres dieu-ou-démons.
Mais n’oublions pas non plus les cas particuliers que sont le Nemet Cornunnos, le Hésus Cuchulainn, Vindosenos/Fintan, Mongan, les Eponas et Mariccus (culte d’hyperdulie).
Culte de dulie. La troisième catégorie de fêtes de dieu-ou-démons est appelée « honneurs » par les gutuatres ou gutumatres et elle concerne un nombre plus important de divinités, ou de noms de dieu-ou-démons. Car il s’agit en réalité souvent des mêmes dieu-ou-démons, mais honorés pour des fonctions différentes. Exemples…
Baudemagu et Ucuetis (aspects très spécialisés de Gobannos, l’aspect « trempeur » du dieu-ou-démon forgeron, ou le saint patron de cette action décisive si l’on veut), et ainsi de suite.
Mais il peut s’agir aussi de la multitude des élémentals ou des égrégores, des matres ou des teutatès, invoqués par les gutumatres ou gutuatres.
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ANNEXE N° 6.
RÉFLEXIONS DIVERSES SUR LES PRINCIPES ET LES STRUCTURES DE L’OLLOTOUTA DRUIDIQUE.
On appelle touta ou Ollotouta la communauté celtodruidique.
En iarnberle ou en berla féné, autrement dit en vieux celtique, touta signifiait quelque chose comme « les gens, le peuple, le clan, la tribu, la nation ». Le préfixe « ollo » signifie « totalité », « tout », et constitue donc un renforcement du caractère englobant de la touta. Ce préfixe évoque aussi évidemment une certaine notion d’expansion géographique. La touta est en effet naturellement destinée à concerner en priorité (mais non exclusivement) tous les descendants des Celtes, où qu’ils soient (Vieille Europe, mais aussi Amérique, Australie, Afrique du Sud, etc.), elle a en ce sens une vocation universelle.
Mais le mot évoque surtout la plénitude de vérité qui est confiée à la touta et qui lui permet de surhumaniser tout l’Homme en même temps que tous les hommes. Le caractère « ollo » de la « touta » se manifeste dans la capacité qu’elle a d’accueillir dans leurs diversités, les aspirations et les situations des hommes les plus divers ; de réunir dans l’unité, mais sans les réduire, l’infinie variété des cultures et des réalités humaines, tant individuelles que sociales.
Certes, tout n’est pas encore accompli. Le nouveau savoir druidique n’a pas encore atteint la totalité des héritiers spirituels des Celtes, ni la totalité de leur vie, sur la terre, à l’intérieur de chaque pays.
Pourtant, par la puissance du feu sacré qui lui a été communiqué, la touta est capable d’enraciner son druidisme dans les diverses cultures en question ; de sorte qu’il soit une force de conversion des courants de pensée ou des systèmes de valeurs actuellement ralentis dans des vérités de seconde zone.
Par cette druidiactio dont elle est dépositaire, l’Ollotouta est en mesure de faire s’épanouir dans les cultures ce qui correspond au vrai de l’être humain. Dire que notre touta est ollo, c’est affirmer un fait, mais c’est aussi définir une tâche : un devoir d’ouverture et d’élargissement de la communauté celtodruidique qui, comme la société de jadis, doit pouvoir fédérer une multitude de familles différentes.
Universelle par sa naissance et par sa mission, l’Ollotouta, en s’enracinant dans la variété des terrains culturels, sociaux, ou humains, prend dans chaque région du monde des visages ou des expressions diverses. L’Ollotouta n’existe que réalisée en des lieux divers, parmi les nations où se sont constituées des communautés locales. Inversement, les communautés locales ne peuvent exister authentiquement que dans leur pleine relation avec l’Ollotouta dont elles sont, en un lieu déterminé, la figure et la réalisation.
Cette relation implique la communion de chacune des communautés locales, l’ensemble de la fédération étant animé par un primat inter pares.
Le Primat en effet assure la cohésion du savoir druidique de la sodalité, son homogénéité ainsi que la communion entre les communautés locales particulières.
Dans l’exercice de sa charge de président de l’Ollotouta, le Primat inter pares est toujours en communion avec les autres très-sachants (archidruide ou grands druides, et ainsi de suite) ainsi qu’avec l’Ollotouta tout entière. Tout druide, de par son ordination rituelle, peut participer, en union avec le Primat et les autres très-sachants, à la charge de « rix » de l’Ollotouta (celui qui indique la di-rect-ion à suivre). Le Primat inter pares a la possibilité, suivant les cas, d’exercer cette charge de façon personnelle ou collégiale. La communion des communautés locales se noue ainsi autour du Primat, qui garantit les légitimes diversités (gallicanisme), mais veille aussi en même temps à ce que, loin de porter préjudice à l’unité, les particularités lui soient profitables.
Le paradoxe vivant que constitue la communauté celtodruidique se traduit dans le nom même dont elle s’appelle, touta ou Ollotouta. La communauté celtodruidique est le peuple de la paix avec les dieu-ou-démons. À la différence du cas des Romains, en effet, dans la mythologie druidique, la paix qui règne entre les dieux et les hommes (pax deorum en latin) ou entre les hommes et les dieux ; résulte plus d’un recul de ces derniers (cf. le principe druidique de l’occultation ou dissimulation des dieux) ; que d’une tyrannie jalouse de leur part exercée sur les êtres humains. D’où le terme de pacte, peut-être plus précis que celui de paix ; même s’il s’agit bien de la même chose : être en paix enfin sur la question des dieux. Et par son sacrifice sur le menhir de Murthemné, le Hesus Cuchulainn a scellé ce pacte.
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L’organisation sociale idéale, d’après Henri Lizeray, dans sa D. S. D D. serait la suivante. « L’unité, c’est l’individu ou l’homme ; le couple, la famille, c’est-à-dire le mari, la femme et les enfants qui en naissent ; la triade est le bourg ou tribu formée de trois familles ; la tétrade est la cité, réunion de quatre bourgs. Bref, c’est l’État réduit à son expression la plus simple ». Un centre est cependant nécessaire à ces quatre bourgs, une cinquième province, comme en Irlande.
Les pagi sont de petites régions naturelles bien ciblées. Le pays natal de Iolo Morganwg en est un très bon exemple : le val de Glamorgan. Mais Anglesey aussi. Ajoutons que si nos amis d’Irlande veulent appeler « comtés » leurs pagi à eux, les Gallois cantref, les Anglais shires, les Allemands gaue, les Canadiens de Nouvelle-Écosse cantons, pourquoi pas ?
Le bailliage est une portion de l’Ollotouta confiée à un grand druide, pour qu’avec l’aide d’autres très-sachants ou à l’aide de vates, de vellèdes et de gutuatres/gutumatres ; il en soit le « regulus » (terminologie de Tom Mac Crossan, rix, touta, etc.).
Liste des bailliages d’Irlande.
Momonia (Munster), Lagenia (Leinster), Conacia (Connaught), Ultonia (Ulster). À nos amis sur place de régler le délicat problème du cinquième bailliage.
Liste des bailliages de Cornouailles.
Cornubia (Cerniw).
Liste des bailliages du Pays de Galles.
Venedotia (Gwynnedd), Demetia (Dyfed), Venta Silurum (Gwent), Powys, et autres.
Liste des bailliages d’Écosse. Votadinia (Lothian), Damnonia (Strathclyde), Novantia (Galloway), Selgovia (Solway : le royaume de Gwenddoleu ap Ceidio, protecteur de Merlin, dernier roi païen de la région), Caledonia, et autres.
Liste des bailliages d’Angleterre (Britannia superior).
Cantia (Kent), Dumnonia (Devon). Etc., etc.
Listes non exhaustives et données seulement à titre indicatif.
Le bailliage, lié à son grand druide et par lui rassemblé dans l’esprit de la paix des dieux, constitue une sorte de touta particulière, plus grande que l’ordinaire, en laquelle se concrétise visiblement et pour tous l’Ollotouta celtodruidique.
Dans le cadre du bailliage, et donc de l’Ollotouta, existent divers types de communautés plus restreintes.
Dans ces communautés, souvent plus petites et plus modestes, éloignées les unes des autres, le divin est tout aussi présent. Parmi ces communautés de base de la touta il faut mentionner tout spécialement le vicos ; village ou quartier, communauté locale de druidisants, cellule vitale du bailliage, qui rassemble dans l’unité tout ce qui se trouve en elle de diversités humaines, tout en les insérant dans l’universalité de l’Ollotouta.
Notes de Pierre de La Crau retrouvées sur une feuille volante et insérées à cet endroit par ses héritiers.
REMARQUES À PROPOS DES REGROUPEMENTS DE BAILLIAGES.
En Irlande, le cas est simple, un seul regroupement de bailliage : l’Irlande.
En Grande-Bretagne 5 regroupements de bailliages : le Pays de Galles, l’Écosse, la Britannia superior * (Camulodunum/Colchester puis Londinium/Londres), la Britannia inferior * (Eburacum. Aujourd’hui York). Avec un cas particulier : la Cornouailles, vu sa superficie.
* La logique aurait imposé le contraire, mais comme on dit traditionnellement : ils sont fous ces Romains !
Pour ce qui est du Vieux Continent, mes correspondants francophones me suggèrent, en ce qui concerne les regroupements de bailliages, de tenir compte, comme dans le cas de la Grande-Bretagne, des anciennes frontières linguistiques : valland ou welchland de langue d’oïl, valland ou
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welchland de langue d’oc, valland ou welchland de langue arpitane (Suisse romande, Aoste en Italie… à quelques exceptions près).
Avec les cas spéciaux que sont…
Le Pays basque (qu’on leur fiche la paix ou qu’on les laisse se réunifier !)
La Catalogne. Pourquoi séparer Catalogne Nord et Catalogne Sud ? Laissons-les se réunifier, faisons-en un très beau et très lumineux valland ou welchland.
L’Alsace. Pourrait constituer un bailliage avec plusieurs gaue (le Sundgau par exemple).
Lorraine. Alors là c’est un cas difficile, un peu comme la Bretagne, car il y a deux Lorraine. La Lorraine de langue romane et la Lorraine de langue germanique.
Alsace et Lorraine de dialecte germanique pourraient très bien constituer un valland à eux deux (le valland ou welchland étant un territoire où l’on parle des langues celtes, mais aussi latines… jamais nom ne serait si bien porté dans leur cas). Le valland ou welchland rhénan par exemple. Le restant de la Lorraine (le Barrois mouvant, etc.) serait alors à rattacher au valland ou welchland oïllitain.
La Flandre de langue flamande. Sans vouloir nous mêler des querelles belges, reconnaissons aux Flamands le droit de se réunifier et de parler la langue qu’ils veulent de Dunkerque aux Pays-Bas. À condition qu’ils accordent aux locuteurs du wallon, picard, lorrain, ou champenois, et aux habitants de la périphérie de Bruxelles, les mêmes droits.
N.B. Wallon est un mot de la même famille que valland. Il s’agit du nom de la tribu celte des Volques, étendu ensuite par les peuples germaniques à tous les Celtes (walha), et pour finir aux tribus celtes plus ou moins romanisées.
REMARQUES À PROPOS DES ARTICLES 19 À 22 DE LA TACOS OLLOTOUTAS (CONSTITUTION) QUI SUIT.
Insistons bien sur le désintéressement personnel qui devrait caractériser tout homme politique digne de ce nom ; alors qu’aujourd’hui, il faut bien le reconnaître, comme jadis pour la caste des seigneurs du Moyen-âge, ou pire, la caste des bourgeois devenus maîtres de seigneurie, la politique est devenue un moyen d’enrichissement personnel. Comme déjà dit quelque part : « Rien n’est pire que la tyrannie locale ; personne ne peut s’y dérober, parce que chacun est connu du maître. Si le caractère du seigneur est vicié par l’oisiveté, la cupidité ou l’ignorance [on se croirait aujourd’hui] si son tempérament est violent, les « simples citoyens » en souffrent à tous les instants ».
La nouvelle race des seigneurs aujourd’hui ce sont les cadres ou les hommes politiques de haut niveau. Être cadre ou faire de la politique est même devenu de nos jours un des bons moyens de s’enrichir personnellement. Il suffit de n’avoir aucun scrupule, de mentir comme on respire, d’être intellectuellement peu courageux, mais d’être assez infatué de sa propre personne (d’avoir un égo surdimensionné dit-on aujourd’hui) pour se croire indispensable. Ayant eu dans la famille (par alliance) un député-maire n’ayant rien apporté de fondamental à la nation ou au peuple, mais par contre ayant quitté le petit monde de la politique bien plus riche que quand il y était entré, je suis bien placé pour le savoir.
Or toute communauté humaine digne de ce nom a intérêt à confier à des hommes ou à des femmes triés sur le volet la responsabilité du bon fonctionnement et du bon déroulement des activités publiques fondamentales suivantes.
Nourrir (aliments solides ou liquides). Vêtir. Loger (on appelait autrefois en Irlande briugu le fonctionnaire ou l’intendant chargé de veiller à ces trois premières activités).
Soigner (les corps et les âme/esprits). Protéger (contre les agressions extérieures). Éduquer (les enfants ou les populations). Produire (ou se procurer, ce qui est nécessaire aux précédentes activités). Rendre la justice. Perpétuer (veiller au minimum au renouvellement des générations).
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Le tout sous la houlette d’un vergobret (pouvoir exécutif) chargé de coordonner l’activité de ces différents ministères sacrés.
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Remarques à propos du verbe « éduquer ».
Il est bien sûr question ici d’une éducation au sens large, c’est-à-dire de qualité. Il s’agit de transmettre les valeurs de base constitutives de toute communauté humaine : philosophie, culture, éthique, sens du sacrifice (dévouement), histoire des religions, us et coutumes, etc., etc.
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En qualité, mais aussi en quantité. De moins en moins d’hommes ou de femmes doivent être aveuglés par l’obscurantisme religieux, le fanatisme, l’intolérance, l’ignorance des conditions (réelles) ayant présidé à la naissance du Monde et de l’Humanité… Répétons-le donc encore une fois : éclairer ou libérer l’Humanité constitue aussi un devoir digne de la Table Ronde.
L’idéal serait que ce ministère, ou du moins la structure spécialisée de ces ministères, se fixe chaque année des objectifs chiffrés à atteindre.
Bien que ne figurant pas en tête de liste, ce ministère (le mot ministère est bien celui qui s’impose vu son objet) est primordial ; et sa direction ne doit être confiée qu’à un membre de la communauté doté de très sérieuses qualités humaines.
Un homme ou une femme aux antipodes par exemple des cadres de la Poste française de la fin du XXe siècle (ou du début du XXIe) ; qui n’étaient ni très intelligents, ni très instruits (culture générale faible) ; sans scrupule vis-à-vis de leurs subordonnés, mais lâches ou courtisans vis-à-vis de leurs propres supérieurs à eux (en bref préoccupés uniquement de bâtir leur carrière sans se soucier des autres ou de l’intérêt de la collectivité).
Autres notes de Pierre de La Crau retrouvées sur une feuille volante et insérées à cet endroit par ses héritiers.
On nous rebat les oreilles aujourd’hui avec le statut des orphelins en terre d’islam. Mahomet dit-on, ayant été orphelin, aurait consacré beaucoup d’attention à leur éducation et à leur sort.
C’est sans compter que nous aussi nous avons nos propres traditions chevaleresques en ce domaine (la défense de la veuve et de l’orphelin justement) très différentes de la simple mise en pension.
La priorité des priorités de toute société qui se respecte a toujours été d’assurer son avenir, et, donc, la formation des nouvelles générations. Voici par exemple ce qu’en dit l’historien français Michel Rouche (Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation).
Au Néolithique.
La construction des maisons, la fabrication des maisons, des outils, des poteries, était le fruit d’un apprentissage que l’on peut supposer fondé sur l’observation, l’imitation, et différentes initiations suivant les périodes de la vie d’alors. Il s’agit de participer suivant son âge à la manipulation de l’outil. L’enfant acquiert les coutumes des adultes par sa participation directe. Il apprend ainsi à chasser, cueillir, pêcher. Plus tard à cultiver. Pareillement pour les activités vitales à l’intérieur de la maison.
La société fut ensuite composée de prêtres, de guerriers, de paysans. La transmission de la culture est orale. Le sens du secret important. C’est une société traditionnelle.
L’éducation du guerrier d’alors est surtout faite en vue d’acquérir la bravoure. On apprend l’art de la guerre et de la chasse. Les guerriers combattent nus, c’est de la provocation, c’est de la bravade. On tire la langue pour faire peur à l’ennemi ; c’est à la fois le symbole de la parole et une exacerbation des pulsions.
Pour les nobles et futurs chefs de tribu, formation religieuse, morale, juridique, et connaissance de l’Histoire.
Les Institutions.
Une classe d’enseignants qui sont des érudits, professeurs, et non pas des prêtres. Ils connaissent la cosmogonie, les sciences, le droit, et ont autorité sur la justice.
Ils veillent à l’observation des rites religieux. La science et la religion sont mêlées. C’est une époque où le savoir est global. À noter : au fur et à mesure, ce savoir va se dissocier puis se partager en différentes disciplines. Ils avaient un langage codé pour la préservation de leur savoir. Ce langage a un rôle magique. Il sert à évoquer la destinée des morts, la survie des âme/esprits dans une île où rien ne meurt !
« La lettre tue ! » Pour eux la retransmission orale est plus vivante. Pour certains échanges comme le commerce, ou les comptes publics et privés, par contre, ils écrivent en lettres grecques. L’éloquence a une grande importance aussi bien dans la politique que pour la poésie. Tous les trois ans, il y a un grand tournoi d’éloquence et de poésie à Lyon. En 39, Caligula, pour récupérer la manifestation, organise un concours de grec et de latin. Les bardes sont spécialisés dans les chants religieux ou guerriers qui sont composés en vers. Les thèmes portent sur les mythes explicatifs, les généalogies des grandes familles, leur origine ainsi que les hauts faits de la tribu.
Poètes et chroniqueurs, ils sont les conservateurs de l’histoire du clan et racontent les légendes. Ils sont la mémoire du peuple. Ils étaient hiérarchiquement classés suivant leur puissance de mémorisation. Certains pouvaient raconter 50 histoires. Ils s’y connaissaient en droit, en magie et en musique. Les devins, qui sont rarement des femmes, accomplissent les cérémonies sacrées, connaissent les sciences de la nature.
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Pour ce qui est de l’éducation familiale, chez les nobles on était polygame, les petits enfants étaient élevés par des nourrices et ensuite étaient placés chez un père nourricier côté maternel (gaélique athair altroma).
Le placement se faisait avant sept ans. On apprenait à garder les troupeaux, peigner le chanvre, couper le bois.
Les filles tournent la meule du moulin, font sécher les céréales.
La jeune fille apprend la broderie.
Le jeune homme apprend l’équitation, le jeu d’échecs, la chasse, la natation.
Ces nombreux enfants sont, pour le père nourricier, des défenseurs, et forment de véritables communautés.
L’essentiel est la survie physique et métaphysique caractéristique des sociétés traditionnelles. C’est une époque marquée par les guerres, entre autres l’invasion des Romains et plus tard des Arabes. Dans ce cadre Charlemagne va peu à peu construire l’Europe grâce à diverses conquêtes.
N.B. La République française a en ce domaine élaboré une intéressante notion, celle de pupille de la nation.
Loi du 29 juillet 1917, article L 461.
La République adopte les orphelins
1º Dont le père ou le soutien a été tué, soit à l’ennemi ; soit sur l’un des théâtres des opérations extérieures, postérieurement à la guerre de 1914.
2º Dont le père, la mère ou le soutien de famille est mort de blessures ou de maladies, contractées ou aggravées, du fait de la guerre.
La communauté doit s’occuper intégralement et directement du soin et de l’éducation des orphelins ou des enfants abandonnés. Quelles qu’en soient les raisons d’ailleurs, car le savoir et la culture de chaque individu peuvent contribuer au maintien, voire à l’amélioration, de la société (ils peuvent devenir ingénieurs, inventeurs, magistrats, pédagogues…)
Principes directeurs.
Enseignement des fondamentaux (apprendre à lire, écrire, compter). Enseignement plus général. Mixité. La vie en société dotée d’un minimum de civilisation étant fondée sur l’évidente complémentarité pouvant exister entre hommes et femmes, il importe d’apprendre très tôt à côtoyer les personnes de l’autre sexe, tout en les respectant ou en leur faisant confiance.
Éthique. Philosophie. Éducation physique. Apprentissage d’un métier. Autosubsistance. L’orphelinat ou l’établissement s’occupant de tous ces jeunes doit produire lui-même le maximum de choses nécessaires à leur alimentation. Tout le monde doit être aussi, en plus, un peu agriculteur, éleveur ou jardinier, voire maçon, électricien, etc., etc.
Car il va de soi que ces établissements doivent être tout le contraire d’un mouroir roumain ou d’un asile québécois comme celui de Duplessis, mais des machines à fabriquer de l’élite (républicaine). Ils doivent constituer une chance et non une tare. Une vitrine de la communauté, non une prison.
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ANNEXE N° 7.
EXEMPLE DE STATUTS À DÉPOSER DANS TOUT PAYS OÙ CELA SERA POSSIBLE AFIN QUE NUL SECRET DE PACOTILLE NE VIENNE RECOUVRIR DE SON VOILE CE QUI DOIT ÊTRE FAIT DE FAÇON DÉMOCRATIQUE AU GRAND JOUR DANS LA PLUS TOTALE TRANSPARENCE.
TACOS OLLOTOUTAS.
Préambule.
Tacos du 02/05/1926 : il n’y aura jamais de druidesses dans l’Ollotouta druidique.280 voix pour 11 voix contre 9 abstentions.
Tacos du 02/05/ 1946 : l’équivalent féminin du gutuatre au sein de l’association sera désigné par l’appellation « gutumatre ». 182 voix pour 88 voix contre 30 abstentions. L’équivalent féminin du druide au sein de l’association sera désigné par l’appellation « prêtresse ». 121 voix pour 119 voix contre 60 abstentions.
ARTICLE 1.
L’Union d’associations ET d’individus dite « Ollotouta druidique », simultanément association à but cultuel et congrégation religieuse ; est une union d’associations et d’individus ayant pour objet la défense, la modernisation, et le développement (reconstruction) du paganisme celtique, ainsi que le libre exercice de son culte, partout dans le monde. Il s’agit de libérer spirituellement la nation celte au sens large du terme.
Concrètement et localement dans le cas de la Vieille Europe, l’Union a aussi pour but de restaurer ou entretenir les lieux de culte d’origine celtodruidique (églises et chapelles construites sur l’emplacement d’un temple britto-romain ou gallo-romain, par exemple). Les associations adhérant à l’Union seront désignées sous le nom divers de valland ou welchland 1) bailliage, pays dans le sens de pagus ou comté, fédération de clairières ou bosquets, clairières ou bosquets, mais aussi manutera ou muintir 2), collège, etc., etc.
Notes.
1) Velchland ou tout autre nom approprié : Britannia, Callaecia, Lusitania…
2) En Irlande, les diverses fondations d’un même saint abbé formaient ce que l’on appelait sa familia (en irlandais muintir, du vieux celtique mantera/manutera, ce qui signifie littéralement « la maisonnée » de ce saint. Dans cette manutera rentrèrent les fondations faites, au cours des siècles, par les coarb ou successeurs du premier abbé. Les territoires appartenant donc en pleine propriété à ces familles monastiques ou ceux sur lesquels, en raison de services spirituels voire matériels rendus aux populations, elles exerçaient comme une sorte de protectorat, y touchant des offrandes, y prélevant des tributs ; constituaient la fairche du saint fondateur. Il s’agissait de sortes de diocèses abbatiaux englobant de riches domaines disséminés à travers l’Irlande, situés parfois même au-delà de la mer, et enclavés dans les diocèses épiscopaux. Saint Columba en quittant l’Irlande, n’était accompagné que de douze moines ; mais les disciples ne tardèrent point à venir en grand nombre dans l’île où il s’était retiré : lona. D’autres monastères ou des ermitages s’organisèrent dans les îles voisines, à Ethica (Tiree), Elena (Islay), Himba (Canna), Scia (Skye). Ces établissements formèrent avec ceux d’Écosse et d’Irlande, que le saint fondateur n’avait pas cessé de diriger, une vaste confédération monastique que les textes désignent par les noms de « muintir Columcille », ou « famille de Columcille ». À la différence d’un grand nombre d’abbés irlandais de la même époque, l’abbé d’Iona ne fut pourtant jamais évêque. Il exerçait néanmoins sur les églises et les monastères des pays voisins une juridiction comparable à celle d’un métropolitain. Cet état de choses existait encore en faveur de son successeur du temps du Vénérable Bède. L’île, dit cet auteur, est régie par un abbé-prêtre, à la juridiction de qui toute la province est soumise, par une disposition insolite (ordine inusitato). Cela est conforme à la condition du premier docteur de cette île, qui ne fut pas évêque, mais seulement prêtre et moine.
Ces associations ou manuteras (terme vieux celtique qui signifie quelque chose comme groupe, troupe, maisonnée, avons-nous dit) s’engagent à payer au moins annuellement une cotisation qui sera déterminée par le règlement intérieur.
Cesseront de faire partie de l’Union sans que leur départ puisse mettre fin à son existence, les associations adhérentes qui donneront leur démission ; et les associations radiées pour tout motif
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applicable aux individus (association ayant par ses agissements porté atteinte à l’honneur ou à la considération de l’Union cultuelle et religieuse, ou autres).
ARTICLE 2.
Héritière du dernier druide de la cour du grand Domnall mac Muirchertach Ua Néill selon Urard Mac Coisé (Xe siècle). Héritière du grand mouvement de renaissance druidique lancé par John Toland en 1717 sur le plan international et plus récemment de l’Église druidique d’Henri Lizeray fondée en 1885 ; l’Ollotouta druidique a pour règles de conduite les grands principes de base suivants.
— La compatibilité avec la vérité historique (sérieuse).
— La compatibilité avec la science (actuelle).
— La référence prioritaire à la civilisation passée, des Indo-européens en général et des Celtes en particulier. À aucune autre, sauf exception.
ARTICLE 3.
Compatibilité avec la vérité historique.
Dans le cadre de la sodalité (congrégation) ou dans toute activité en rapport avec elle (dans ses publications par exemple), personne ne doit laisser entendre ou affirmer des choses contraires à la vérité historique sérieuse (faisant l’objet d’un large consensus chez les spécialistes). À moins de présenter cela clairement et sans équivoque possible, comme une œuvre de fiction, n’ayant aucune prétention historique.
Deux illustrations.
On a le droit d’écrire une pièce de théâtre sur la fiancée de saint Patrice adolescent. On n’a pas le droit d’affirmer que le futur saint Patrice avait une fiancée, car ça, on n’en sait strictement rien !
Les sacrifices humains ont existé chez les anciens très-sachants de la druidiaction (druidecht) ; le nier en bloc ou partiellement (par exemple en mettant cela sur le compte d’une minorité, ou d’une majorité, mais déviante, et ainsi de suite) ; est une attitude anti-scientifique (du point de vue de la Science historique) qui n’est ni sérieuse ni honnête, et qui montre de la part de celui qui s’en rend fautif, une totale inaptitude à comprendre l’âme humaine ; ainsi qu’une trop grande sensibilité à l’idéologie dominante ou au politiquement correct. Ce qu’il faut, c’est bien remettre à leur place ces sacrifices humains. Tous les peuples en ont fait, y compris les Romains, les Grecs et les Hébreux ; ils n’étaient pas si nombreux que cela, ils étaient le fait de volontaires ou de condamnés à mort acceptant ainsi de se racheter. Nos ancêtres n’avaient nullement comme nous aujourd’hui peur de la mort, pour eux elle n’était qu’un passage, etc., etc.
Pas question également dans l’association de parler d’Atlantide, de Jésus druide, de Galiléens celtes, de Ram druide et Celte, de Dieu avec une majuscule et au singulier, d’OIW… sauf bien entendu pour expliquer que c’est faux, que les triades galloises n’ont rien à voir avec le druidisme d’avant l’ère chrétienne, et ainsi de suite. Il demeure possible néanmoins d’adopter un vocabulaire, des rituels, ou des idées… non celtodruidiques à l’origine, si c’est plus utile et si cela se révèle judicieux.
ARTICLE 4.
Compatibilité avec la science actuelle. Même principe. Personne ne doit, dans le cadre de l’association, ou en liaison avec elle (dans ses publications par exemple) affirmer des choses manifestement contraires à la vérité scientifique actuelle. Il ne doit plus être question sans arrêt d’extra-terrestres, de Terre creuse, d’Atlantide, ou autres balivernes de ce genre. Les problèmes métapsychiques (pendules, tellurisme, divination, voyances, guérisons inexpliquées, yoga, ou autres) peuvent être abordés, mais avec la plus grande prudence.
— En fonction des règles élémentaires de la démarche scientifique (esprit critique, vérification des preuves matérielles, expériences pouvant être renouvelées, pas de trucage possible et ainsi de suite)
— En reliant tout cela au maximum à la civilisation celtique passée (utilisation par exemple de dodécaèdres en bronze).
ARTICLE 5.
La référence prioritaire à la culture passée des Celtes ou des Indo-européens en général.
L’ordre des priorités dans le système de références culturelles positives de l’association est le suivant. Références à la civilisation passée des Celtes en général, 70 % ; des Indo-Européens, 20 % ; des autres peuples païens, 10 %.
N.B. Dans le cadre de la Vieille Europe, si les Autochtones ou Indigènes ou Aborigènes peuvent être considérés comme préceltiques ; alors les pourcentages pourront être les suivants.
Références à la culture passée : – des autochtones et indigènes, 40 % ; – des Celtes en général, 30 % ; – des Indo-Européens, 20 %. C’est par exemple seulement dans le cadre de ces 20 % que l’on pourra parler de Ram, à condition de ne pas laisser entendre qu’il était Celte ou druide.
— Des autres peuples païens, 10 %. Et c’est par exemple seulement dans le cadre de ces 10 % que l’on pourra parler des monuments mégalithiques, etc., etc.
ARTICLE 6.
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L’Ollotouta druidique n’est pas une association culturelle. Les activités ainsi que les réflexions de ses membres doivent être surtout, d’abord et avant tout, d’ordre cultuel, religieux, métaphysique, métapsychique, ou philosophique, au sens supérieur du terme.
Donc pas de poésie, de mathématique, de musique, de littérature, de soins du corps… Ou alors de façon très secondaire, par exemple dans les publications de l’association, et pour mieux faire connaître la civilisation celtodruidique passée (histoire, découvertes archéologiques…)
Tout membre de l’Ollotouta druidique doit plutôt être capable de répondre aux questions du genre : « Pourquoi ne plus être chrétien, pourquoi ne pas être musulman, etc. ? »
ARTICLE 7.
La défense et l’actualisation de la Tradition celtique.
Il y a nécessité pour la religiosité universelle commune à tous les hommes d’avoir des incarnations populaires nationales ou ethniques, différentes ; et d’avoir des formes de culte variant suivant les peuples, les ethnies ou les nations.
ARTICLE 7 bis.
Essayer dans ce pays de faire revivre les meilleurs aspects de la vraie métaphysique et de la vraie spiritualité de nos ancêtres, leur joie de vivre, est une mission en terrain hostile ou ingrat. Il n’y a ni argent, ni honneur, ni pouvoir mystérieux, à gagner dans ce combat, seulement des mauvais coups, des trahisons, des échecs, des dépenses, des martyres et des crucifixions médiatiques (des ricanements, des plaisanteries pas très fines, de l’incompréhension et du ridicule apparent, des reniements et des abandons) ; ou des accusations de toutes sortes (escroquerie, gauchisme, communisme, fascisme, racisme, utopisme, manque de sérieux, et ainsi de suite). Comme du temps de McCarthy. Sans oublier, bien entendu, les attaques « ad hominem » ou les allusions à la vie privée.
ARTICLE 8.
La résistance aux totalitarismes religieux issus des monothéismes au sens biblique du terme, c’est-à-dire en réalité monolâtres, est aussi un des buts de la sodalité. Il s’agit là d’un rôle non positif, mais de la plus haute importance : mettre en garde nos concitoyens contre les dangers ou les valeurs discutables issues des religions monothéistes au sens biblique du terme (c’est-à-dire donc en réalité monolâtres). Ce combat d’idées a pour but de protéger nos concitoyens du danger, pour l’Humanité, que représentent ces trois idéologies religieuses de masse, et de les en protéger activement.
ARTICLE 9.
L’association est aussi une fraternité, c’est-à-dire un lieu d’entraide et de solidarité ou de soutien mutuel. Tout néopaïen celte doit considérer comme pays ou payses, comme compatriotes de la même petite patrie, frères ou sœurs du même village spirituel, les autres païens néo-celtes sincères, et agir en conséquence, en les aidant et les soutenant pour toutes les choses de la vie en priorité.
ARTICLE 10.
L’Ollotouta druidique doit en outre être le porte-étendard des droits imprescriptibles des Celtes locaux et de leurs descendants, et leur représentant auprès des pouvoirs publics, un peu comme l’assemblée du Confluent jadis (à Lugdunum le 1er août). Auprès des princes qui nous gouvernent.
Un des buts de la Congrégation est de combattre le racisme et l’anti-celtisme et d’assister les victimes de discriminations antipaïennes, anti-druidiques, anti-celtes.
Tout cela sans brimade ni violence, sans slogan politique déplacé, sans injure, et revêtus d’une tenue vestimentaire normale (sauf dans le cas de l’utilisation des habits rituels naturellement), car nous agirons de façon non violente et légale. Mais celle-ci sera néanmoins active : intervention auprès des personnalités, articles dans la presse parallèle, internet… et dans les cas extrêmes par exemple, mais dans ces cas-là seulement et s’il y a lieu ; marches en diverses villes, campagnes d’inscriptions murales, grèves de la faim…
N.B. En France article à mettre entre parenthèses pour être reconnu.
ARTICLE 11.
Cette action de défense de l’identité ainsi que des droits des peuples à être eux-mêmes (Sinn Fein) ne devra en aucun cas se confondre avec une action politique quelconque. Voter pour ou contre tel ou tel candidat, tel ou tel parti ; se battre pour l’augmentation, la diminution ou le maintien des salaires ; pour ou contre telle ou telle mesure gouvernementale (sauf celles qui nous toucheraient directement bien entendu) ; n’est pas de notre ressort.
Pareillement la question de l’égalité ou de l’inégalité des êtres humains ne nous concerne en aucune façon, cela relève de la science et de la politique, nullement de notre action. Seules seront admises, par exception, les prises de position tendant à favoriser implicitement et en filigrane le maintien ou la perpétuation de l’identité nationale (droit à la différence).
ARTICLE 13.
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L’Ollotouta est ouverte à tout néopaïen spirituellement indo-européen s’il est sincèrement intéressé par le druidisme authentique, conçu en tant que religion des plus évolués de nos ancêtres.
ARTICLE 14.
Sauf cas de force majeure la double obédience ou double appartenance ollotouta-christianisme, ollotouta-judaïsme, ollotouta-islam, n’est pas conseillée. Tout membre de l’Ollotouta druidique se doit d’être au contraire, quant au fond, totalement détaché de ces trois idéologies philosophico-religieuses (quant à la forme, c’est un autre problème).
La double appartenance avec une autre association s’occupant plus ou moins de spiritualité celtique est admise, dans certains cas, mais non encouragée.
ARTICLE 15.
L’association se compose de membres actifs : les personnes ordonnées prêtres, et qui ont un grade dans les ordres majeurs (druides) ou mineurs (vellédes, vates, gutuatres) ; et de membres mineurs (les disciples dalta ou mabinos), mais aussi de membres associés (les membres des associations non territoriales, ou sans base territoriale précise, appelées muintir* en gaélique).
*Le terme gaélique muintir, muntar montar, vieux celtique manutera, signifie quelque chose comme groupe, troupe, maisonnée.
L’Ollotouta druidique admet en effet en son sein les communautés ou manutera (muintir en gaélique) spécialisées dans un domaine cultuel (vénération de tel ou tel grand initié, honneurs à rendre à telle ou telle divinité bien injustement oubliée, ou autre).
Les disciples (dalta ou mabinos) et les membres associés, ne sont pas des membres à part entière. Ils n’ont que voix consultative et non délibérative. Leurs droits et leurs devoirs sont déterminés par la règle (le règlement intérieur).
On reste en principe disciple trois ans. Un peu plus ou un peu moins suivant les cas et selon décision des très-sachants de la druidiaction responsables. Cette période de trois ans constituant une période probatoire qui peut être prolongée, si le disciple n’a visiblement pas encore atteint le niveau requis pour passer au stade supérieur.
ARTICLE 16.
Les divers moyens d’éprouver la sincérité ainsi que la bonne foi des candidats, sont déterminés par les très-sachants de la druidiaction (druidecht) responsables des initiations, et après accord du Primat inter pares. Il s’agit de savoir jusqu’où peut aller, pour la cause de la Renaissance néopaïenne druidique, celui qui demandera donc à ensuite adhérer, ou à être ordonné druide. Cela ira de l’effort financier (cotisation) jusqu’aux épreuves physiques (marche de 20 km sac au dos et ampoules aux pieds), voire surtout morales et psychologiques, inspirées de celles qui étaient infligées aux futurs guerriers fénianes. Certaines de ces épreuves auront en effet pour but, outre l’indispensable contrôle des connaissances, de voir jusqu’à quel point l’impétrant ou le demandeur peut affronter l’adversité, les avanies, le ridicule. Ces épreuves resteront éventuellement un secret entre « l’initiateur » et le comrunos (« l’initié ») si elles sont trop dures sur le plan moral et psychologique. Et à cet égard, il s’agira de race au sens spirituel, au sens où on l’entend par exemple dans l’expression « la race des poètes », et non de race au sens biologique du terme (phénotype).
ARTICLE 17.
Les grades régulièrement conférés dans un autre groupe s’occupant de spiritualité celtodruidique peuvent être reconnus s’il n’y a pas incompatibilité, suivant système d’équivalence.
Les ordinations (druides, vellèdes, gutuatres/gutumatres, vates, ou autres) peuvent être proposées par les responsables régionaux ou locaux, mais devront préalablement être explicitement approuvées par le Primat inter pares, au moins par délégation.
ARTICLE 18.
Le montant des cotisations est fixé par le Primat inter pares après consultation de l’assemblée générale annuelle.
ARTICLE 19.
L’Ollotouta druidique est administrée par un comité appelé « Concile ». Ce concile est composé des responsables (ou délégués) de chaque valland (ou walha comme dans les noms du Pays de Galles et de la Cornouailles), de chaque collège, de chaque fédération de clairières ou bosquets (manutera, ou muintir en gaélique, terme qui signifie quelque chose comme groupe, troupe, maisonnée) ; réunis à l’occasion de l’assemblée générale du 1er mai (1er mai, non 1er août).
Le nombre de ses membres est donc variable et il dépend du nombre des vallands ou welchlands ainsi que des clairières ou bosquets (en activité). L’Assemblée générale choisit parmi les membres du Concile des welchlands vallands ou walhas un bureau exécutif (trimarcisia) de trois membres, un
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président (primat), un secrétaire, un trésorier (argentodan). Le Primat devra être obligatoirement druide pour être élu.
ARTICLE 20.
Cette trimarcisia ou bureau pourra s’adjoindre, par cooptation, des collaborateurs à différents postes, sous réserve de ratification de leur choix par l’assemblée générale suivante.
Ces collaborateurs délégués à des tâches plus spécialisées (par exemple délégués à l’organisation des séminaires de formation, délégués aux dépôts en librairie, aux interventions dans les médias, et ainsi de suite) seront de ce fait assimilés à des membres du bureau (bureau élargi appelé Table ronde afin de souligner l’éminent républicanisme, mais aussi l’éminente égalité de ses membres).
ARTICLE 21.
Vu le contenu de l’article 9, une des activités concrètes du bureau exécutif de la sodalité devra donc être le soutien matériel et moral de la communauté, ou des membres de la communauté, ainsi que leur développement économique ou culturel ; y compris et même tout particulièrement celui de ses nouveaux membres. Ce bureau élargi, appelé « Table ronde » sera autorisé dans ce dessein, à entretenir ou à se rendre acquéreur de terrains, de maisons, d’entreprises, à construire, à transporter… De la nourriture, du mobilier, des élèves, et ainsi de suite… Au nom de l’Ollotouta druidique.
ARTICLE 22.
Le bureau exécutif est élu pour trois ans. Les membres sortants sont rééligibles. Les membres de ce bureau resteront membres du Concile des welchlands vallands ou walhas et n’en constitueront que le bureau exécutif. Leur Primat présidera le Conseil d’administration de ce nom. Les décisions et les orientations sont prises à la majorité ou à l’unanimité.
ARTICLE 23.
Organisation concernant les druides (gutuatres/gutumatres, vates, vellèdes, attachés à un temple (aeditui ou antistes dans les textes latins).
La cellule de base (paroisse) est le vicus (village, petite ville ou quartier). Ce fief est en principe administré par un gutuatre/gutumatre (par un velléde ou un vate si nécessaire).
Plusieurs vicus (vici) forment un pagus. Comté en Irlande. Cantref au Pays de Galles. Shire en Angleterre. Gau en dialecte germanique. Pays en France.
Responsable de « pagus » : druide.
Responsable de bailliage, fief composé de plusieurs pagi (comtés-cantrefi-shires-gaue-pays) ou d’une région : grand druide.
Responsable de welchland, valland ou wahla (fief composé de bailliages ou de plusieurs régions linguistiques, ethniques, appelées collèges) : archidruide.
Intronisation est le nom de la cérémonie par laquelle on est fait officiellement responsable de tel ou tel fief : vicus, pagus (comté-cantref-shire-gau-pays) bailliage, welchland ou valland, etc.
ARTICLE 24.
L’Ollotouta druidique est donc une fédération regroupant différents collèges druidiques. Collège druidique gallois, collège druidique irlandais, collège druidique écossais, collège druidique cornouaillais, collège druidique breton, collèges druidiques anglais, collège druidique oïllitain (pays de langue d’oïl) collège druidique occitan, collège druidique arpitan (Suisse romande) et autres… En Amérique, en Australie, en Afrique du Sud… en bref dans tous les pays où des descendants de Celtes se sont installés… collèges tous autonomes.
Cette autonomie et ce fédéralisme ne doivent en aucun cas porter atteinte à la loyauté due à notre sodalité (congrégation) et à son Primat inter pares. Chacun des membres de la sodalité (congrégation) doit évidemment lui rester fidèle jusqu’au bout, comme un soldur, quelles que soient les difficultés rencontrées (sur la condition de ces personnages dans l’Antiquité, voir César. B. G. Livre III, 22).
ARTICLE 25.
Est ollotoutal ce qui concerne l’Ollotouta druidique tout entière. La liberté demeurant notre principale revendication l’Ollotouta druidique admet néanmoins des cultes ou des pratiques limités géographiquement (propres à un territoire) ou sociologiquement (propre à telle ou telle corporation, à tel ou tel métier). Exemple les cordonniers ou les forgerons et ainsi de suite.
ARTICLE 26.
Le druidisme admet l’existence de plusieurs niveaux de vérité donc de plusieurs niveaux dans le culte. Depuis la simple vénération des héros tombés au champ d’honneur pour la défense de la patrie ou des grands initiés revenant sur terre pour aider l’Humanité (dulie) ; jusqu’à l’adoration au sens strict du terme des grandes divinités de notre panth-éon ou plérôme ; en passant par les simples honneurs (hyper dulie) rendus à tel ou tel dieu.
Article 27.
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Organisation concernant les druides indépendants, c’est-à-dire pas spécialement attachés à une source guérisseuse, à un temple, à un sanctuaire, ou à une tribu, mais itinérants ou s’occupant de personnes, venant des horizons les plus divers, par exemple de femmes.
Les druides de cette catégorie (gyrovagues) n’ont pas de territoire délimité. Ils exercent leur autorité sur les divers groupes disséminés un peu partout dans le pays et fondés par eux (manutera, muintir en gaélique terme qui signifie quelque chose comme groupe, troupe, maisonnée).
Cette composante de l’Ollotouta druidique est donc organisée de façon autonome et non territoriale.
Le responsable de cette communauté païenne de base (bosquet, ialon ou clairière) est son magalos (abbé), non le très-sachant de la druidiaction (druidecht) responsable du fief dans lequel se trouve cette communauté. Voir note N°2 article 1.
Naturellement, plusieurs clairières ou bosquets peuvent se regrouper suivant leurs spécialités, ou leurs affinités, sous l’autorité d’un ard magalos (abbé général) désigné par la base pour diriger cette fédération de bosquets/clairières ou manutera (muintir en gaélique) ; qui équivaut dans ce cas au welchland (ou britannia ou callaecia ou lusitania, etc.) d’un archidruide.
Malgré cette autonomie de fait, ces druidisants doivent néanmoins, là aussi comme de véritables soldurs, rester fidèles et loyaux en tout à notre Sodalité (Congrégation) ainsi qu’à son Primat inter pares. L’honneur, c’est aussi la fidélité !
ARTICLE 28.
Tout membre de l’Ollotouta druidique qui aura réussi à ramener ou à convertir à notre foi des hommes ou des femmes jusque-là très éloignés de nos idées ou de notre spiritualité ; en sera automatiquement le responsable, quels que soient leur domicile et le lieu où ils habitent, conformément à l’article ci-dessus ; et devra rendre compte de leur comportement (principe de la manutera).
ARTICLE 29.
Le quatrième ordre religieux composant la Sodalité (Congrégation) est l’Ordre culdée païen (du gaélique dee = dieux et cuil = serviteur, esclave). Il vient se juxtaposer à l’Ordre majeur composé par les druides, à l’Ordre mineur composé par les vates, vellèdes ou gutuatres/gutumatres, et aux druides gyrovagues.
Les culdées païens sont des disciples n’ayant pas voulu rester dans le monde en tant que militants vates, vellèdes, gutuatres/gutumatres ou druides ; mais préfèrent s’en retirer pour vivre en communautés à plusieurs (cénobitisme) comme dans le cas de la célèbre église des chênes de noïba Brigitte de Kildare. Les culdées païens prient et méditent, mais aussi peignent les fresques de nos temples (voir l’Ogmios de Lucien de Samosate ou les représentations d’Épona), fabriquent les divers objets de culte (lance de Lug, vouges, labarums…) les piliers de bois sculptés de nos loges et de nos temples.
L’entrée dans ce Tiers ordre (conditions, rituels…) est déterminée par un règlement intérieur (une règle) visée voire approuvée par le Primat inter pares. L’habit rituel aussi.
Exactement dans les mêmes conditions que pour les hommes (égalité de droits, de devoirs et de statut), ce Tiers ordre culdée païen peut aussi accueillir en son sein des femmes ; qui sont alors structurées en communautés organisées comme les neuf sœurs d’Avallon, les Gallisènes de l’île de Sein, de l’île des Namnètes, ou autres. Druides et magalos (abbés culdées païens) sont égaux en droit et en dignité.
ARTICLE 30.
Les ressources de la Sodalité comprennent les cotisations et le produit de manifestations diverses, ainsi que les dons, legs ou libéralités. Les dépenses sont ordonnancées par le Primat inter pares qui représente la Congrégation en justice et dans tous les actes de la vie civile (mais il peut déléguer).
La Sodalité pourra notamment acquérir les biens immeubles utiles à ses activités ainsi qu’à sa cause. Ces biens seront alors affectés par le Primat inter pares ou son délégué qui en disposera au mieux de l’intérêt commun (maintien de la gestion directe par lui, affectation du bien à tel ou tel établissement de la Congrégation, décentralisation de la gestion, etc.)
ARTICLE 31.
Une règle intérieure sera établie par le Président (le Primat) pour fixer les divers points non prévus par les statuts (hiérarchie, habits rituels, organisation territoriale détaillée, discipline, serments, établissements de la Sodalité, lieux de culte et ainsi de suite).
ARTICLE 32.
Ainsi que nous l’avons déjà vu ci-dessus, un canon irlandais, attribué à saint Patrice, est ainsi conçu : « Quicunque sub gradu ceciderit, sine gradu consurget. Quiconque, ayant un grade, est tombé, se relèvera dégradé ». Et il y a (dit la préface du Senchus Mor) « quatre dignitaires de la cité qui de grands deviennent petits ; ce sont : un roi aux faux jugements ; un évêque, qui s’est laissé tomber ; un vellède qui a fraudé ; un chef de clan qui a failli à son devoir : on ne leur doit pas de composition ».
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Atat ceitheora sabaid tuaite noda desruithethar i mbecaib : Rig gubretach, Epscop tuisledach, file diubartach, aire eisindraic nad oiget a mamu. Ni dlegaiter doib dire.
Nous ne parlerons pas ici du cas du chef de clan ou du pouvoir régalien puisque nous ne faisons pas de politique (trop écœurant), mais du cas des prédécesseurs des évêques, autrement dit des druides et des vellèdes devenus einsindraic (indignes).
Un conseil de la Sodalité ou de l’Ordre ayant pouvoir disciplinaire est donc institué sous le nom de Bratuspantium ou Bratuspantion pour sanctionner d’une façon ou d’une autre les membres de la sodalité ayant « fauté », ayant « failli » à leur devoir. Il aura pouvoir de sanctionner toute atteinte à la déontologie ou à l’éthique professionnelle : les druides mercantis de type mage thaumaturge, guérisseur et voyant – le tout contre argent comptant – ou autres. Les sanctions pourront aller jusqu’à l’exclusion définitive (élude) et à l’interdiction de se revendiquer de l’appellation de druide (au sein de la communauté).
ARTICLE 33.
La qualité de membre actif ou associé de la Congrégation se perd par démission (il ne sera fait aucun obstacle aux démissions et l’on pourra très facilement quitter l’Ollotouta) ou par radiation prononcée pour différents motifs. Non-paiement de la cotisation annuelle. Non-sincérité de la conversion. Non-compréhension manifeste de l’idée druidique. Manquements à la discipline de la Règle. Absences répétées ou injustifiées à la réunion annuelle. Motifs graves. Etc.
Ou pour toutes les autres raisons rapportées par les textes traditionnels : « Il y a sept preuves qui attestent du mensonge d’un roi : déplacer une assemblée ou un synode hors de sa lis (forteresse), être dans l’illégalité, injuste, etc. » (Antiques Lois d’Irlande IV, page 52.)
ARTICLE 34.
Seuls sont donc concernés par ces statuts les vates, vellèdes, gutuatres et druides d’une part, et les moines celtes païens d’autre part ; ainsi, dans une certaine mesure que les indépendants et les disciples (mabinos).
Les simples dagolitoi ou fidèles de l’Ollotouta druidique ne sont pas membres de la Sodalité (Congrégation), mais ont quand même un certain nombre de droits. Par exemple celui d’obtenir l’aide ou l’assistance spirituelle et cérémonielle, des membres autorisés de l’Ollotouta druidique, aux diverses époques de leur vie : naissance, mariage, funérailles…, etc. Ils peuvent en outre être consultés en diverses occasions.
ARTICLE 35.
Le drapeau et emblème ou symbole officiel de l’Ollotouta druidique est le labarum ou croix de Suqellos (X appelé également signe de la victoire).
ARTICLE 36.
RAPPEL HISTORIQUE POUR MÉMOIRE.
LES GRADES OU LES DEGRÉS DE LA SODALITÉ DRUIDIQUE IRLANDAISE MÉDIÉVALE.
Les derniers druides ayant bénéficié d’une filiation traditionnelle sans solution de continuité (ininterrompue) sont signalés non pas dans le village gaulois d’Astérix en France, mais en Irlande à la Cour du prince Domnall mac Muirchertach Ua Néill (O’Neill) roi d’Ailech de 943 à 980 et Ard ri Érenn de 956 à 980. Du moins c’est ce que l’on peut déduire de l’existence encore à l’époque, dans le répertoire des grands « poètes » irlandais, de l’imbas forosnai du teinm loida et du dichetal do chennaib, pourtant interdits par saint Patrice (cf. l’histoire du pillage du château de Maelmilscothach par Urard Mac Coisé, un poète ayant vécu au Xe siècle).
Une première liste « hiérarchique », mais pas très claire, voire passablement confuse, nous est fournie par le texte intitulé Crith Gablach (Loi des Brehons « Branche Fourchue »). On y trouve les sept grades qui suivent…
Ekes, anruth, cli, cana, doss, rnacfuirmidh, fochluc. Poète, grand flot, poutre faîtière, abri (arbre feuillu), fils de composition, novice.
La liste la plus claire est celle du Senchus Mor, à propos des restrictions apportées par saint Patrice à leur activité. « Patrice abolit trois choses chez les poètes quand ils crurent, parce que c’étaient des rites sacrilèges : on ne pouvait pas, en effet, accomplir le teinm laegda, ni l’imbas forosnai, sans faire d’offrandes aux idoles. Il ne leur permit donc aucun rite qui soit une offrande au diable ; mais il laissa aux filid l’incantation par le bout des doigts parce qu’il y avait en cela seulement beaucoup de
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connaissance et de savoir, les généalogies des hommes d’Irlande, le duili sluinnte ainsi que le duili fedha ; et la récitation d’histoires avec des poèmes.
Sept fois cinquante histoires pour l’ollam. Trois fois cinquante et la moitié de cinquante pour l’anruth. Quatre-vingts pour le cli. Soixante pour le cana. Cinquante pour le doss. Quarante pour le mac fuirmid. Trente pour le fochluc. Vingt pour le drisac. Dix pour le taman. Sept pour l’oblaire.
N.B. Il doit manquer un échelon entre cana et cli, celui qui correspond à 70 histoires.
Peut-être l’Ekes de la liste précédente.
Les bardes ont des appellations bien à eux, vu leur côté très laïc et très profane, mais qui ne changent rien au fond du problème. La hiérarchie des bardes irlandais, du fait même de son existence, est la preuve concrète que les bardes faisaient autrefois partie de la classe sacerdotale ; mais l’Irlande n’a pas traité ses bardes avec la considération dont elle a entouré ses filid, parce qu’un glissement fonctionnel dû à la christianisation a entraîné leur déchéance. La liste des grades bardiques médiévaux irlandais nous est fournie par le manuscrit H. 2,12 du Collège de la Trinité à Dublin, avec quelques variantes du Livre de Ballymote et du Laud 610 de la bibliothèque bodléienne à Oxford. Elle est, bien entendu, incomplète. Il manque notamment le grade situé au-dessus d’ollam bairdne.
LES BARDES DE BASE (DOERBAIRD). Par « base », il faut comprendre qu’il ne s’agit pas de bardes nationaux, mais de bardes locaux, attachés à telle ou telle famille.
Longbàrd, barde de rang inférieur recevant dans un verre une gorgée de toute boisson consommée au cours du festin ayant lieu dans les celicnon.
Drisiuc, driseoc, abréviation ou variante de drisbàrd, « barde aux épines », allusion à la fonction satirique des druides antiques.
Rindaid, le sens courant du verbe rindaid est « couper, blesser », par allusion à la fonction de satiriste du barde, et qui ne peut que le rapprocher des filid.
LES BARDES ÉMINENTS (SOERBAIRD).
Culbàrd, gallois cylfeird « cul = défense ou abri ».
Bobàrd « barde à bétail » (possesseur de bétail).
Tûathbard « barde de tribu ou de canton ».
Bàrd lorge « barde des branches » par allusion à la fonction de généalogiste des bardes attachés à une grande famille.
Tigernbard « barde seigneurial ».
Anruth bàirdne « champion de composition bardique ».
Rigbàrd « barde royal » ou ollam bairdne « docteur en composition bardique ».
LES VATES.
Il n’est pas concevable que les études médicales n’aient pas duré plusieurs années ou que l’on n’ait pas exigé de l’étudiant de nombreux efforts avant de l’autoriser à exercer son art. Nous sommes donc fondés à supposer que les grades ou degrés des vellèdes (filid) étaient aussi logiquement ceux du vate (faith) et de toutes les autres spécialisations. Cependant, comme nous n’avons pas de traité de médecine, toute cette partie de l’organisation sacerdotale nous échappe.
FÉMINISATION DES GRADES.
Exemple.
Ekes (« poète ») c’est-à-dire ecsmacht-ces (« qui ne rencontre pas de difficulté »), celui qu’aucune difficulté ou impossibilité ne peut arrêter ; ou encore celui pour qui rien n’est difficile. D’où son nom : nemces (« sans problème ») ou ecsmachtces (« qui ne rencontre pas de difficulté »). Du moins en Irlande. Mais c’est un peu dithyrambique.
Le féminin était bainecces. Bain signifie « femme » en gaélique. Il y avait donc au moins des femmes de ce grade dans l’ancien druidisme.
ARTICLE 37.
EN CE QUI CONCERNE L’OLLOTOUTA DRUIDIQUE, VOICI CE QUE NOUS PROPOSONS.
RAPPEL TERMINOLOGIQUE.
Atta = Enseignant.
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Comrunos (gaélique oblaire, vieux celtique aballarios). Leçons 2, 3 et 4, apprises, premier degré, connaissance équivalant à sept textes. Symbolisation : 2 pommes.
Ollamnas = Doctorat.
LES SIMPLES VATES VELLÉDES OU GUTUATRES (FÉMININ GUTUMATRES), NON-DRUIDES (= DOERBARD).
Taman, leçons 5, 6 et 7, apprises, deuxième degré, connaissances équivalant à dix textes. 3 pommes.
Drisac, leçons 8, 9 et 10, apprises, troisième degré, connaissances équivalant à vingt textes. 1 palme de bronze.
Fochloc (apprenti), leçons 11, 12 et 13 apprises, troisième degré, connaissances équivalant à trente textes. 2 palmes de bronze.
LES VATES VELLÉDES OU GUTUATRES/GUTUMATRES… LIBRES, MAIS NE POUVANT AVOIR D’ÉLÈVES (SOERBARD).
Mac Fuirmid, leçons 14, 15 et 16, apprises, cinquième degré, connaissance équivalant à quarante textes. 3 palmes de bronze.
Doss, leçons 17, 18 et 19, apprises, sixième degré, connaissances équivalant à cinquante textes. 2 palmes de bronze 1 palme d’argent.
Canta, leçons 20, 21 et 22 apprises, septième degré, connaissances équivalant à soixante textes. 1 palme de bronze 2 palmes d’argent.
Ekes, leçons 23, 24 et 25 sues, huitième degré, connaissances équivalant à soixante-dix textes. 3 palmes d’argent.
Clitos (poutre faîtière), leçons 26, 27 et 28 sues, neuvième grade, connaissance équivalant à quatre-vingts textes. 2 palmes d’argent 1 palme d’or.
Anderatacos (gaélique anrad, anruth) leçons 29, 30 et 31 sues, dixième grade, connaissances équivalant à cent soixante-quinze textes. 1 palme d’argent 2 palmes d’or.
Ollamos, docteur, leçons 32, 33 et 34 sues, onzième grade, connaissances équivalant à trois cent cinquante textes. 3 palmes d’or.
LES DRUIDES DRUIDES… POUVANT AVOIR DES ÉLÈVES DE DÉBUT DE CYCLE.
Sui : Sui littri ou plus exactement sui druidecht bien entendu, grand sage, leçons 35, 36 et 37 sues, douzième grade, connaissances équivalant à sept cents textes. Hors classe et hors fonction. Trois barrettes/baguettes de coudrier ou noisetier pourpre.
Pour franchir ces degrés, une initiation différente est à chaque fois nécessaire, du moins en principe, mais les trois ruisseaux qui font cette grande rivière sont surtout…
— La culture générale.
— Les connaissances en matière de civilisation celtique.
— La réflexion : c’est-à-dire l’établissement de liens entre divers éléments a priori indépendants.
N.B. « Tous ces druides obéissent à l’un d’entre eux, celui qui parmi eux a la plus grande autorité. À sa mort… si plusieurs paraissent avoir des compétences égales, ils s’affrontent pour obtenir ce pouvoir par le suffrage » (César. B.G. Livre VI, 13-14).
ARTICLE 38.
BREF. Ainsi que nous avons pu le voir dans le rite irlandais ou écossais, les neuf grades ou degrés des vates, vellèdes ou gutuatres/gutumatres sont les suivants.
Étudiant, élève, disciple : dalta. Degré zéro. Symbolisation : 1 pomme.
Grade de base : aballarios (de abala : pomme). Un nouveau vate, vellède ou gutuatre/gutumatre ou comrunos, commence par être aballarios. L’aballarios est celui qui n’a pas encore droit aux palmes, mais aux pommes seulement (deux).
2e degré ou grade : taman (3 pommes).
347
3e degré ou grade : drisac (1 palme de bronze).
4e degré ou grade : fochluc (2 palmes de bronze).
5e degré ou grade : mac fuirmid (3 palmes de bronze).
6e degré ou grade : doss (2 palmes de bronze 1 palme d’argent).
7e degré ou grade : canant (1 palme de bronze 2 palmes d’argent).
8e degré ou grade : ekes (3 palmes d’argent).
9e degré ou grade : clitos = poutre faîtière (2 palmes d’argent, 1 palme d’or).
10e degré ou grade : anderatacos (1 palme d’argent 2 palmes d’or).
11e degré ou grade : ollamos (3 palmes d’or).
Le 12e degré de cette hiérarchie étant celui de druide druide ou druide sui.
Tacos Ollotoutas !
348
ANNEXE N°8.
FORMALITÉS (livres, habits et autres objets rituels) OBLIGATOIRES.
« Personne n’était pris dans les Fénianes s’il n’avait auparavant acheté les 12 livres des vellèdes » (Keating. Histoire d’Irlande).
Attention attention ! Ce matériel (livres, objets, habits, rites, documents) est impératif. Aucun manque ne sera toléré !
Personne ne vous oblige à devenir disciple, vellède, vate, gutuatre/gutumatre ou druide, de l’Ollotouta druidique.
Mais si c’est ce que vous voulez, alors il vous faudra être en possession du matériel correspondant.
A) POUR L’ADOUBEMENT : cape et habits blancs, dague.
B) POUR LA CÉRÉMONIE DU NOM (CONVERSION AU PAGANISME CELTIQUE, BAPTÊME PAÏEN, CONFIRMATION DE FOI DRUIDIQUE) : saie (plaid) aux six couleurs, œuf de serpent dans une bougette ou sporran, abonnement au média central officiel.
Sans oublier votre nom initiatique en vieux celtique choisi par vous.
C) POUR DEVENIR MEMBRE ASSOCIÉ (disciple/dalta/mabinos) après baptême païen et adoubement ou autre cérémonie du nom (conversion, confirmation…)
1. Signature des statuts dûment remplis.
2. Les livres, CD Rom ou clés USB de la première partie de notre petite bibliothèque de base.
3. Béret (civil et non militaire) + coule ou cape pour les dames + cordon blanc à neuf nœuds (et glands).
4. Saie (plaid) en tissus écossais (robe pour les dames).
5. Œuf de serpent (micraster = oursin fossile) dans une bougette ou sporran (bourse ou étui de cuir) à porter sur la poitrine ou à la taille.
6. Labarum, ou croix de Suqellos.
7. Chaussures de type caliges, sandales, galoches, ou mocassins en cuir.
8. Initiation (test de caractères, épreuves).
9. Versement d’une cotisation de… (nom de l’unité monétaire du pays) chaque année.
D) POUR DEVENIR VELLÈDE, VATE OU GUTUATRE /GUTUMATRE.
Attention, attention ! En règle générale, nul ne peut être ordonné vellède, vate ou gutuatre/gutumatre, s’il n’a pas franchi tous les degrés de la filière normale, c’est-à-dire baptême païen et adoubement ou autre cérémonie du nom. Rappelons en outre que vellède, vate et gutuatre/gutumatre, ne sont pas des spécialisations interchangeables.
Si vous vous intéressez surtout à la psychologie, au réconfort moral des autres, choisissez vate (vert).
Si vous vous intéressez surtout aux rituels, aux cérémonies, aux détails précis, choisissez gutuatre (rouge).
Si vous êtes plutôt un historien ou un littéraire, un philosophe, un poète, choisissez alors vellède (bleu).
Achats obligatoires donc pour devenir vellède, vate ou gutuatre/gutumatre.
1. Les livres, CD-Rom ou DVD, de la deuxième partie de notre petite bibliothèque de base.
2. Béret (civil et non militaire).
3. Saie (plaid) aux six couleurs royales (robe pour les dames).
4. Coule à capuche frappée de la croix de Suqellos (X) ou capes pour les dames idem.
5. Galons à l’épaule (en patte-d’oie, or, argent ou bronze, selon le degré).
6. Labarum, croix de Suqellos ou roue de Taran/Toran/Tuireann en sautoir, au cordon assorti.
7. Ceinturon ou corde à neuf nœuds avec 2 glands de couleur blanche.
8. Œuf de serpent (micraster = oursin fossile) dans un sporran ou une bougette (bourse ou étui de cuir) à porter sur la poitrine ou à la taille.
9. Vouge à latte druidique (ou sceptre de Nantosuelta idem pour les dames) gravé de runes celtes.
10) Dague et caliges, ou galoches (voire sandales de cuir ou mocassin de peau pour les dames).
11) Vérification des connaissances.
12) Ordination.
Coules et bérets bleus pour les vellédes, verts pour les vates, rouges pour les gutuatres/gutumatres.
Corde à neuf nœuds et 2 glands de couleur blanche.
E) POUR DEVENIR DRUIDE.
349
Attention, attention ! En règle générale, nul ne pourra être ordonné druide de l’Ollotouta, s’il n’a pas déjà gravi toute la filière nécessaire : baptême païen et adoubement ou autre cérémonie du nom, initiation (réception comme disciple), ordination comme vellède, vate ou gutuatre/gutumatre…
1. Les livres CD-Rom ou clé USB de la partie correspondante de notre petite bibliothèque…
2. Béret blanc (civil et non militaire).
3. Saie (plaid) aux 6 couleurs des clans royaux.
4. Coule à capuche blanche frappée d’une croix de Suqellos (X) rouge ou cuculle (Cape blanche pour les dames).
5. Les trois galons d’or en patte-d’oie à l’épaule.
6. Ceinturon ou corde à neuf nœuds et deux glands de couleur rouge.
7. Torque (ou collier d’ambre jaune pour les dames).
8. Labarum, croix de Suqellos ou roue de Taran/Toran/Tuireann en sautoir au cordon assorti (rouge).
9. Œuf de serpent (micraster = oursin fossile) dans une bougette (bourse ou sporran de cuir) à porter sur la poitrine ou à la taille.
10) Vouge à latte druidique gravé de runes celtiques ou sceptre de Nantosuelta pareillement pour les dames.
11) Caliges, galoches ou mocassins + dague + viroles (bracelets de cuir gravés) au poignet.
12) Ordination.
N.B. Il vous est demandé un nom initiatique qui vous suivra toute votre vie. Ce nom initiatique devra être impérativement choisi parmi les anthroponymes vieux celtiques (ex. : Boduognatos, Hesunertus ou Esunertos, et ainsi de suite) ; ce ne devra pas être un nom trop connu. Pas de Boudicca ou de Calgacus chez nous !
Son porteur devra en connaître la signification et devra être capable de l’expliquer. En outre, un entretien ou une rencontre, de plusieurs heures ou de plusieurs jours, avec le Primat inter pares, ou un de ses représentants évidemment, devra toujours avoir eu lieu avant.
Que nos dieux vous guident dans cette quête du Graal (il ne sera pas facile de réunir tout cela), ce sera votre première épreuve initiatique.
SYMBOLES ET HABITS RITUELS.
Sexe féminin.
Béret, cuculle (cape) à ourlet passementé de bronze blanc, capuchon frappé d’une croix de Suqellos et à passements d’or. Les palmes à l’épaule en patte-d’oie. Robe écossaise serrée à la taille par une corde à neuf nœuds blanche et à pompons (glands).
Collier d’ambre jaune. Labarum. Croix de Suqellos ou roue de Taran/Toran/Tuireann en sautoir au cordon assorti. Œuf de serpent à la taille dans un sporran/ bougette (bourse ou étui de cuir). Bracelets en cuir (viroles) décorés aux poignets. Sandales de cuir (de type galate) ou bottes de peau. Cuculle blanche pour les prêtresses et enfin, pour les éléments les plus confirmés, sceptre de Nantosuelta, mais à latte druidique gravée de runes celtiques.
Sexe masculin.
Béret, saie (plaid) en tissus écossais, coule serrée à la taille par une corde à neuf nœuds blanche et à pompons (glands)., capuchon frappé d’une croix de Suqellos et à passements d’or. Les palmes à l’épaule (en patte-d’oie).
Torque. Labarum. Croix de Suqellos ou roue de Taran/Toran/Tuireann en sautoir au cordon assorti. Dague à la ceinture. Poignets de force (viroles) en cuir décoré.
Œuf de serpent sur la poitrine ou à la taille dans une bougette (bourse ou sporran de cuir), les poignets ainsi que l’ourlet de la coule passementés de bronze blanc.
Coule blanche pour les druides.
Caliges, mocassins, ou galoches à semelles en bois et, pour les très-sachants de la druidiaction (druidecht) expérimentés enfin, vouge à latte druidique gravé de runes celtiques.
350
ANNEXE N°9.
LES PUBLICATIONS ET LES MÉDIAS (INTERNET OU AUTRE).
RÈGLES GÉNÉRALES POUR TOUTES LES CATÉGORIES DE SUJETS OU DE TON DES ARTICLES À DIFFUSER DANS LES MÉDIAS OU PUBLICATIONS DÉPENDANT DE L’OLLOTOUTA.
1. Tous ces articles ou sujets devront se référer dans l’ordre des priorités… :
— À la civilisation celtique en général.
— Éventuellement à la civilisation indo-européenne (dite autrefois aryenne).
— Voire, mais très exceptionnellement, au paganisme en général (religions ni juive, ni chrétienne, ni musulmane).
— Ou alors ne se référant à aucun contexte culturel particulier (article abstrait, général, valable pour tous les êtres humains).
N.B. Il va de soi qu’au cas où il y aurait une civilisation celtique locale (Écosse, Irlande, Galice espagnole, Bretagne, etc.) ces sujets devront aussi être prioritairement traités.
2. Le contenu ne devra pas contredire la vérité historique et scientifique.
3. Les exceptions à ce principe devront être dûment motivées, être rares, et logiquement acceptées par toutes les parties ; ou à tout le moins il faudra bien faire apparaître qu’il s’agit alors là, non d’une affirmation, mais d’hypothèses, de tribunes libres, de choix modernes.
4) Le directeur de la revue ou le responsable de cette activité sera néanmoins autorisé, dans l’intérêt de la publication, à faire des exceptions si elles peuvent être utiles : par exemple acceptation d’articles ou d’émissions hors sujet, mais pouvant amener à un rapprochement ou même à une conversion à nos idées ultérieurement, etc.
SUJETS, TONS OU STYLES, TOTALEMENT EXCLUS.
1. Les articles ou émissions favorables aux autres religions non païennes, notamment juive, chrétienne ou musulmane.
2. La politique politicienne (appel à voter pour tel ou tel). N.B. Même la politique au sens noble du terme : solidarité, amitié entre tous les hommes, fraternité universelle… Ces valeurs sont nobles en elles-mêmes, mais elles relèvent de la vraie politique.
3. Les articles ou émissions non critiques sur les soucoupes volantes, les extraterrestres, l’Atlantide…
SUJETS, TONS OU STYLES, EXCLUS, MAIS AVEC POSSIBILITÉ DE QUELQUES EXCEPTIONS.
1. Les sujets ou tons politiques, même au sens noble du terme sont exclus avons-nous dit, mais seront admis néanmoins, à titre exceptionnel, les articles ou émissions qui peuvent contribuer à notablement améliorer précisément, la connaissance de nos membres, ou lecteurs, ou sympathisants, au sens large du terme ; en ce qui concerne la civilisation celtique en général, voire la religion celtique locale.
3. Sont exclus les sujets ou tons se rapportant à la médecine du corps.
SUJETS, TONS OU STYLES, TOLÉRÉS SOUS CERTAINES CONDITIONS.
1. Les articles non critiques sur des religions, certes païennes, mais non indo-européennes (à condition qu’il n’y en ait pas trop : exemple le Kalevala finlandais, les mythes égyptiens).
2. Les articles non critiques sur les religions indo-européennes non celtiques (à condition qu’il n’y en ait pas trop).
3. Les différents types de voyance.
4. Ce qui est préceltique (mégalithes, mathématiques, chamans, prêtres préhistoriques, et ainsi de suite).
À condition qu’il n’y en ait pas trop, et que cela soit clairement distingué de la civilisation celtique proprement dite.
5. Le christianisme celtique historique, mais ancien (avant 1700), sous réserve que cela soit fait d’une façon critique (montrer ses erreurs par exemple).
6. Des articles faisant référence à des concepts culturels étrangers aux Celtes, mais sur des thèmes incontestablement connus d’eux ; à condition que l’on n’ait vraiment pas suffisamment de détails sûrs et précis sur la façon dont les Celtes pratiquaient ces techniques. Par exemple, l’astrologie. Dans ce cas, il devra être bien clair que cela ne sera pas nécessairement la façon celtique de voir les choses, que l’on aborde ainsi ce sujet uniquement faute d’avoir assez d’éléments authentiques, et ainsi de suite.
SUJETS, TONS OU STYLES, RECHERCHÉS.
351
a) Religieux au sens supérieur du terme, c’est-à-dire reliant l’homme aux puissances cosmiques, au sens large (relations de type vertical et transcendant). Exemples : mystique, métaphysique, philosophie cosmique (sens de la vie, place de l’Homme dans l’Univers…) métapsychique et para normal, pouvoirs inconnus de l’Homme, formation du caractère : goût de l’effort, sens du sacrifice, héroïsme…
b) Religieux au sens habituel du terme, c’est-à-dire tout ce qui concerne de près ou de loin le surnaturel celte. Contes et légendes sur l’Autre Monde, les îles mystérieuses, les voyages, les fées ou les géants, les dieux, les héros (dans le sens où ce sont des demi-dieux ou du moins des hommes certes, mais accomplissant des exploits surhumains), les druides… En bref la mythologie celte et la mythologie locale dans la Vieille Europe (dans la mesure où elle est d’origine celte).
Sans oublier les autres mystères celtes.
Cela fait, certes, 80 % de la littérature et il reste bien peu de choses aux celtisants non druidisants.
Est-ce notre faute à nous si les très-sachants de la druidiaction (druidecht) ont joué un tel rôle dans la formation des littératures celtiques, et si les conceptions druidiques s’y retrouvent partout ?
Le média central ou la publication centrale et officielle de l’Ollotouta druidique sera donc aussi… un média ; un média très spécialisé certes, mais un média tout de même ; informant ses lecteurs, auditeurs, ou téléspectateurs, sur les différents événements (manifestations, livres, communiqués, ou autres) concernant de plus ou moins près le néo-druidisme et le paganisme celtisant. Informations sur les associations, les spectacles et autres nouvelles seront donc les bienvenues.
Pour tout renseignement sur l’Ollotouta druidique écrire à…
Pierre de La Crau. Dr. Hésunertus. Primat de l’Ollotouta druidique. B. P. 13. 93 301. Aubervilliers cedex. France.
352
ANNEXE N°10.
BRÈVE ESQUISSE DE LA LANGUE DES DIEUX (DE LA LANGUE CELTIQUE ANTIQUE).
Le professeur Jacques Lacroix a recensé mille mots d’origine celtique dans notre langue ce qui est à la fois beaucoup et bien peu (les 1000 irréductibles. Éditions Lemme. Chamalières).
La faiblesse des pièces écrites explique qu’il soit très difficile de reconstituer la morphologie de la langue celte originelle. Il paraît à peu près certain qu’il existait au moins cinq cas : nominatif, accusatif, génitif, datif et instrumental. L’existence d’un locatif est supposée pour la déclinaison des thèmes en – o. Le vocatif n’est pas très assuré.
La déclinaison, pour ce que l’on en connaît, représente une sorte d’état intermédiaire entre le grec et le latin. Le thème en – o, le mieux attesté (qui équivaut à la seconde déclinaison latine et grecque), se décline comme ci-dessous (la déclinaison de l’instrumental pluriel est incertaine).
Les exemples retenus sont les mots Uiros = homme (masculin) et nemeton = sanctuaire (neutre).
Singulier. Pluriel.
Nominatif Uir-os Uir-oi >-i
Accusatif Uir-on,-om Uir-us.
Génitif Uir-i Uir-on.
Datif Uir-ui >-u Uir-obo
Instrumental Uir-u Uir-obi < us ?
Nominatif Nemet-on Nemet-a.
Accusatif Nemet-on Nemet-a.
Génitif Nemet-i Nemet-on.
Datif Nemet-ui Nemet-obo.
Instrumental/sociatif Nemet-u Nemet-obi.
Le génitif en – i paraît être une innovation commune aux langues indo-européennes occidentales (latin, celte). L’instrumental pluriel attendu est en – us, mais des formes en – obi sont attestées (messamobi, gandobi).
Le thème en – a, qui équivaut à la première déclinaison latine et grecque. Il se double de thèmes en i/ia que l’on retrouve en sanskrit. Ces thèmes se déclinent comme ci-dessous.
Les exemples retenus sont les mots Touta = « peuple, tribu » et Rigani = « reine » (regena en latin).
Singulier. Pluriel.
Nominatif : Tout-a Tout-as.
Accusatif : Tout-an > im Tout-as.
Génitif : Tout-as > ias Tout-anon.
Datif : Tout-ai > e > i Tout-abo.
Instrumental : Tout-a ? > ia Tout-abi.
Nominatif : Rigan-i Rigan-ias.
Accusatif : Rigan-im Rigan-ias.
Génitif : Rigan-ias Rigan-ianon.
Datif : Rigan-i Rigan-iabo.
Instrumental : Rigan-ia Rigan-iabi.
Les autres thèmes vocaliques sont peu attestés, mais on peut les reconstituer.
Uatis « devin » ; mori « mer ».
Singulier. Pluriel.
353
Nominatif : Uat-is Uat-eis > ês ?
Accusatif : Uat-in,-im Uat-is.
Génitif : Uat-eos > ôs*? Uat-ion.
Datif : Uat-e Uat-ibo > ebo.
Instrumental : Uat-i* Uat-ibi > ebi.
Nominatif : Mor-i Mor-ia.
Accusatif : Mor-i Mor-ia.
Génitif : Mor-eos > ôs*? Mor-ion.
Datif : Mor-e Mor-ibo.
Instrumental : Mor-i* Mor-ibi.
Magus « garçon, valet » ; medu « hydromel » (neutre).
Singulier. Pluriel.
Nominatif : Mag-us Mag-oues.
Accusatif : Mag-un Mag-oues.
Génitif : Mag-ôs < ous Mag-uon.
Datif : Mag-u < ui ? Mag-ouibo.
Instrumental : Mag-u Mag-ouibi ?
Nominatif : Med-u Med-ua ?
Accusatif : Med-u Med-ua ?
Génitif : Med-ôs Med-uon.
Datif : Med-u Med-ouibo ?
Instrumental Med-u Med-ouibi ?
Quant au verbe et à sa conjugaison, elle est encore plus mal connue. Il semble que le celte, à l’instar du grec, ait conservé de l’indo-européen des verbes en – mi et en – o. Le celte posséderait, comme le grec, cinq modes : un indicatif, un subjonctif, un optatif, un impératif et un infinitif (sous la forme d’un nom verbal) et au moins trois temps, présent, futur, prétérit.
Les dix premiers nombres ordinaux.
1 Cintuxso (gallois cyntaf, breton kentan, vieil irlandais cétae, irlandais moderne céad = premier).
2 Allos (gallois ail, breton all, vieil irlandais aile, irlandais moderne eile = autre).
3 Tritios (gallois trydydd, breton trede, vieil irlandais treide).
4 Pentuarios (gallois pedwerydd, breton pevare, vieil irlandais cethramad, irlandais moderne ceathrú).
5 Pimpetos (gallois pumed, breton pempvet, breton dialectal pempet, vieil irlandais cóiced, irlandais moderne cúigiú).
6 Suexos (gallois chweched, breton c’hwec’hvet, vieil irlandais seissed, irlandais moderne séú).
7 Sextametos (gallois seithfed, breton seizhvet, vieil irlandais sechtmad, irlandais moderne seachtú).
8 Oxtumetos (gallois wythfed, breton eizhvet, vieil irlandais ochtmad, irlandais moderne ochtú).
9 Nametos (gallois nawfed, breton navet, vieil irlandais nómad, irlandais moderne naoú).
10 Decametos (gallois degfed, breton dekvet, vieil irlandais dechmad, irlandais moderne deichniú, celtibère dekametam).
Syntaxe.
La syntaxe du celte est encore quasiment inconnue. On a reconnu quelques conjonctions de coordination, peut-être quelques pronoms relatifs, et démonstratifs. L’ordre de la phrase paraît être sujet/verbe/compléments.
Exemples.
Conjonctions et adverbes de coordination.
— K : et. Suffixe de coordination entre deux syntagmes de même nature (verbes, noms).
Ak : conjonction de coordination + emploi instrumental « avec ».
Eti (adverbe) : de même, encore (cf. latin etiam). Préposition (cf. latin idem ou item).
Etik : et encore. Introduit une proposition relative à l’instrumental ou un dernier élément de liste.
354
Extos, exter* : mais.
Koetik : et aussi. Voir etik.
Newe* : ou.
— We : ou. Suffixe de coordination.
Toni (adverbe) : alors ; ensuite, puis ; de plus, en outre (cf. : then, dan, dann en langues germaniques. tum en latin).
Adverbes.
Moxsou : bientôt, tôt.
Nou : maintenant.
Sindiu : aujourd’hui.
Sindesi : hier.
Sin (di) noxti : cette nuit.
Prépositions et préfixes.
Ad : « vers, à. » Préposition + accusatif (at en anglais) adomi (cf. gallois at, ancien Irlandais at « pour »).
Ambi : « autour, près de ; au sujet de » (cf. breton em, gallois am, irlandais im).
Ande : « sous » ; (cf. breton dan, irlandais ann.)
Ap : « avec » (cf. breton a, gallois â).
Are : « devant ; à cause de. » Préposition + datif (cf. breton er, gallois er, irlandais air « sur »).
Au : « de, en provenance de ». Préposition + génitif/datif (cf. gallois o « de », irlandais ó).
Di : « de, venant de (éloignement, séparation) » ; « de (partitif) » ; « sans ». Préfixe négatif ou intensif ; préposition + datif (cf. breton di, gallois y, irlandais dí).
Enter, entar : « entre ». Préposition + accusatif (cf. breton entre, gallois ithr, irlandais eidir).
Eri : « par, au nom de, pour » ; « autour de » (cf. breton er « car », gallois er « pour », irlandais air « car »).
Es : « hors de, sans ». Préposition + datif (cf. breton eus, gallois ech, irlandais as).
In, eni : « dans. » Préfixe et préposition + datif et accusatif (cf. breton en, gallois yn, irlandais an-).
Issou : « dessous, au pied de, au-dessous de ». Préfixe et préposition + datif (cf. breton is « bas, inférieur » gallois is, irlandais is).
Kanta : « avec ». Préposition (cf. breton gant, gallois gant, irlandais gan « sans »).
Kon, kom : « avec, ensemble ». Préfixe (cf. gallois cyf, irlandais comh).
Medio : « au milieu de, au sein de » (cf. ancien irlandais mide).
Ouxsi : « au-dessus de, en haut de » (cf. breton us, gallois uwch « plus haut », irlandais ós).
Raco : « devant, avant » (cf. breton araok « avant », dirak « devant », gallois rhag).
Sepos : « excepté, au-delà, outre » > « sans ». Préposition + accusatif (cf. breton hep « sans », gallois heb « sans », irlandais seach « dans le passé »).
To : « à, pour. » Préposition + datif (germanique zu). cf. irlandais do « à »).
Tre, tri : « par, à travers ». Préfixe et préposition + accusatif (cf. breton tre, gallois tre, irlandais tri).
Ver : « sur ». Préfixe et préposition + datif et accusatif (cf. breton war, gallois gor, irlandais for).
Verto : « contre, vers, près de » ; « en vue de, pour, envers » (cf. breton ouzh, gallois gwrth, irlandais fri).
Vo : « sous ». Préfixe et préposition + datif et accusatif (cf. gallois go, irlandais fo).
En 1997, à Châteaubleau, petit village situé à une soixantaine de kilomètres au sud-est de Paris, a été découverte une tuile datant du IIIe siècle. Or cette tuile comporte un texte écrit en cursive latine dans une forme extrêmement soignée. Les 11 lignes de ce texte ont été probablement écrites de façon à pouvoir être lues dans un lieu public (pour annoncer des fiançailles ?). Ci-dessous le détail de ce texte (lecture du grand linguiste français P.-Y. Lambert).
nemmaliIumi beni uelonna incorobouido
memma
neIanmanbe gniIou apeni temeuelle Iexsete si
ateIanmanbe
sueregeniatu o quprinnopetamebissi Ieteta
genintu quierinnopetamibissi
miIiIegumi.suante ueIommi petamassi Papissorei
355
suninitesi IegiIinna anmambe Ieguisini
suniaetesi Ieguisinc
siaxsio u beIiassunebiti moc upiIummi ateri
mot upiIusemateri
xsi Iadore core muana IegumisinebeIassusete
Indore Iegumisin’
sue cluio u sedagisamo cele uiro Ionoue
IIobiIe beliassusete re gu Iexstumisendi
Iso nigu
miosetingi PapissoreibeIasssetemetingise
PapissorebeIassusitemetingise
tingi beIassuretere garise Iexstumisendi
gruse
Notes.
En italique entre les lignes ou en deuxième position, une autre lecture possible.
Le I majuscule de notre alphabet actuel transcrit un i long (i longa en latin) c’est-à-dire un i voyelle + i consonne.
Les deux « s » barrés transcrivent le tau gallicum ou consonne affriquée ts/st.
Nemmaliiu mi benin uellona incoro bouindo…
Esquissons une traduction :
Nemmaliiu mi : je demande ou j’appelle…
Benin : une femme…
Uellona : à marier…
Incorobo uindo : dotée en bétail.
Comme le dit le proverbe : Mantalon siron esi (la route est longue).
Quelques mots d’origine celtique maintenant…
Ambassadeur, bec, bran, brave, budget, car, change, crème, glaner, gober, palefroi, pièce, truand, valet, vassal.
356
ANNEXE N°11.
LES VRAIS OGHAMS.
(Du celte runos-runa, irlandais run, gallois rhin : secret, mystères.)
Ci-dessous quelques lignes retrouvées barrées par les enfants de Pierre de La Crau.
Vu les abus de maints charlatans en la matière : recadrage et précisions.
Rune vient du celte runo et signifie secret ou mystère. Le comrunos est celui qui a étudié les runes, qui a été initié. Les interdictions ou les malédictions rédigées en lettres « runiques » donc, étaient gravées sur des stèles de pierre en Italie du Nord, sur des tablettes de bois d’if appelées fidlanna en Irlande (de fid bois et lanna planchettes).
Fin des quelques lignes retrouvées biffées par les héritiers de Pierre de La Crau.
Les premiers alphabets dont se sont servis les Celtes au VIIe siècle avant notre ère, ont été celui auquel ont eu recours les Lépontiques et celui qui était utilisé par les Celtes cisalpins en Italie. Tous deux dérivés de l’alphabet dit étrusque. La principale différence entre les deux étant l’orientation de certaines lettres (sinistroverses ou dexrtoverses).
Le Lépontique était la langue des Lepontii, une langue parlée dans une partie de l’Italie du Nord du VIIe siècle avant notre ère au IIIe siècle avant notre ère. Parfois aussi appelé celtique cisalpin, il est considéré comme étant une langue celtique continentale.
Cette langue ne nous est connue que par quelques rares inscriptions écrites dans l’alphabet de Lugano, l’une des cinq principales variétés d’anciens alphabets italiques, dérivés de l’étrusque. Ces inscriptions furent trouvées dans une région centrée sur Lugano justement, y compris le lac de Côme et le lac Majeur en Italie. Des écritures similaires ont été utilisées pour noter le rhétique et le vénète. L’alphabet runique à 16 lettres des langues germaniques (le futhark scandinave) dérive probablement d’un alphabet de ce groupe.
Rappelons par exemple qu’il existe (voir notre deuxième essai) une lettre que l’on peut grossièrement
Bien que la langue soit nommée d’après le peuple des Lepontii, qui occupait une partie de la Rhaetia (Suisse et Italie), dans les Alpes ; le terme est actuellement utilisé par de nombreux savants pour désigner tous les dialectes celtes de l’ancienne Italie.
Cet alphabet par chance est très proche du nôtre en ce qui concerne la graphie (EN MAJUSCULES D’IMPRIMERIE), mais ces lettres ne transcrivent pas les mêmes sons par contre.
Correspondance entre les caractères majuscules d’imprimerie de l’alphabet latin et de l’alphabet cisalpin.
À s’écrit F (un peu incliné vers la droite). Nom de la rune correspondante : ansuz.
B voir P.
C s’écrit K.
D voir T.
E (un peu incliné vers la droite avec l’axe vertical dépassant un peu vers le bas). Rune correspondante : fehu.
F voir U.
G voir C.
H n’existe pas.
I s’écrit I. Nom de la rune correspondante : isaz.
J n’existe pas.
K = K ou C. Nom de la rune correspondante : kaunan.
L (le trait du bas montant légèrement vers la droite). Nom de la rune correspondante : pertho.
M s’écrit M. (en fait plus exactement une sorte de w à l’envers). Nom de la rune correspondante : ehwaz.
N s’écrit N (légèrement incliné vers la droite avec le trait oblique et le deuxième trait vertical plus court. Une sorte de zigzag en somme). Nom de la rune correspondante : haglaz. Là aussi visible adaptation à la gravure sur bois de cette lettre cisalpine habituellement taillée dans de la pierre.
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Ô s’écrit O. Nom de la rune correspondante : ingwaz. Chez les Germains, le glyphe a visiblement été adapté à la gravure sur fidlanna (sur tablette de bois). Le dessin de la lettre cisalpine est resté adapté à la gravure sur pierre.
P ou B. Mettons une première partie ou moitié de N. (pas de caractère majuscule disponible). Nom de la rune correspondante : laguz.
Q voir K.
R s’écrit D (eh oui, du moins en cisalpin, en lépontique le D s’écrit à l’envers). Rune correspondante : thurisaz
S s’écrit S (plus ou moins anguleux plus ou moins en zigzag). Nom de la rune correspondante : sowilo.
SS. Une sorte de nœud papillon anguleux avec un petit trait vertical au milieu. Nom de la rune correspondante : dagaz.
N.B. D’après le professeur David Stifter (voir la conclusion de son étude intitulée « Die Funktion von san im Lepontischen »), cette lettre a donné la rune dagr de l’alphabet runique germanique. Pourquoi pas ?
T s’écrit X. Nom de la rune correspondante : gebo.
U s’écrit V. Nom de la rune correspondante : uruz.
V voir U.
W n’existe pas.
X s’écrit Y (avec une petite bissectrice verticale au milieu des deux branches supérieures). Nom de la rune correspondante : algiz.
Y n’existe pas.
Z ?
Symbolisme.
Première famille.
Fehu (E). Le bétail, l’argent, la richesse, la fertilité. Cette rune symbolise aussi le feu primordial, à l’origine de toute chose.
Uruz (U et V). L’auroch (celtique uros), le taureau, la force vitale première.
Thurisaz (R). Les géants, la violence et la force.
Ansuz (A). Dieu, poteau sacré, arbre. Cette rune symbolise surtout l’inspiration, la conscience.
Kaunan (C, G, K). La torche, le coracle, le bateau.
Gebo (T et D). Les dons et présents, le sacrifice et les offrandes
Deuxième famille.
Hagalaz (N.). La grêle, l’orage, la magie néfaste du Temps.
Isaz (I). La glace, le froid et le malheur.
Ehwaz (M). Le cheval (celtique mandus) âme du char du Soleil.
Pertho (L). Divination, hasard.
Algiz (X). L’ambivalence de la vie, le carrefour.
Sowilo (S). Le soleil, la lumière, la chaleur et la fertilité.
Troisième famille.
Laguz (P). L’eau, la mer, les lacs et les sources.
Ingwaz (O). La fertilité, une gestation.
Dagaz (SS). Le jour et la luminosité, à l’origine du feu sacré.
Les runes f, a, g, i, t, m et l, ne montrent presque pas de changements par rapport aux alphabets italiques, et sont généralement considérées comme identiques aux lettres F, A, X, I, T, L et M de ces derniers. Il est aussi largement admis que les runes u, r, k, h, s, b et o correspondent respectivement à V, R, C, H, S, B et O.
Les runes dont l’origine est incertaine sont soit des créations nouvelles, ou des adoptions de lettres latines par ailleurs inutilisées. Richard L. Morris Odenstedt a suggéré que les 22 lettres de l’alphabet latin classique (à l’exception du K qui était alors ignoré) ont été utilisées pour cela (z à partir de Y, w de P, j de G, i de Z). Seule la rune p aurait été une innovation due aux Germains. Il existe néanmoins
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des désaccords concernant les runes suivantes : e (E ?), n (N ?), w (Q ou P ?), i et z (toutes deux issues du Z ou du Y latin ?) et d.
À ces lettres adaptées à leur culture, les Germains ont associé un certain nombre d’idées. La rune Algiz (Y) symbolise par exemple Cornunnos, le Grand Cerf, l’Élan ou Alces de Tacite.
La question est : ces idées ont-elles été suggérées par la forme des lettres ou par leur son ? Comme on a pu le voir avec le cas de l’alphabet cisalpin en effet, un même glyphe peut noter un son complètement différent. R et T de notre alphabet se transcrivant D et X en alphabet cisalpin par exemple.
Tacite nous a décrit la façon dont on servait des runes pour connaître l’avenir. La méthode avait dû être empruntée aux très-sachants de la druidiaction (druidecht), via l’alphabet lépontique pour ce qui est des runes proprement dites.
On découpe des planchettes d’arbre (fidlanna ou coelbren en gallois d’aujourd’hui) que l’on grave ensuite de lettres de l’alphabet lépontique. Ces fidlana ou coelbrenn sont ensuite éparpillés sur un drap blanc analogue à celui qui servait pour la cueillette du gui. Le vate ou devin en choisit trois au hasard et ces trois fidlana donnent la réponse.
Comme dans le cas de notre moderne tarot (dont certaines cartes sont, soit dit en passant, bien étranges : le pendu, la roue de fortune, et ainsi de suite) tout dépend de l’art du commentaire du voyant en question.
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ANNEXE N°12.
POST-SCRIPTUM : L’HISTORIA REGUM BRITANNIAE.
Le roman de Merlin, de Robert de Boron, qu’il soit versifié ou en prose, fournit l’essentiel de notre documentation sur le personnage jusqu’à Thomas Malory.
Mais ce n’est pas la plus ancienne mention du personnage, la plus ancienne mention figure dans l’Historia regum Britanniae.
L’Historia regum Britanniae est un manuscrit en latin rédigé entre 1135 et 1138, par Geoffroy de Monmouth, un moine issu d’une famille française (d’Armorique) installée au Pays de Galles.
Ce n’est pas un document historique (contrairement à un traité de paix, un décret, un édit, une loi, etc.), mais une chronique littéraire. Ce n’est pas non plus un témoignage direct, mais une compilation, de légendes, censée couvrir plusieurs siècles. Il s’agit pour Geoffroy de Monmouth de donner aux souverains de son temps une généalogie prestigieuse, mais en grande partie fictive bien entendu. Le mythe fondateur est emprunté à la mythologie grecque et débute après la guerre de Troie.
Le contenu de l’ouvrage ne relève pas du registre historique, avons-nous dit. Mettons que c’est une histoire légendaire des rois de l’île de Bretagne (« Bretagne » désigne ici l’actuelle Grande-Bretagne et non la Bretagne continentale située juste en face) depuis Brutus (le mythe fondateur) jusqu’à Cadwaladr.
C’est la première apparition de personnages marquants tels Merlin ou Uther Pendragon.
Proche de la chronique, le texte nous présente brièvement une centaine de règnes. L’auteur prétend que c’est une traduction du Britannici sermonis liber vetustissimus, un manuscrit en langue bretonne dont l’existence est généralement contestée.
Préface et dédicace…
« L’archidiacre Gautier d’Oxford, un homme versé dans l’art oratoire et l’histoire des peuples étrangers, me présenta un livre très ancien, écrit en langue bretonne. Ce livre exposait les hauts faits des (ces) rois depuis Brutus, premier roi des Bretons, jusqu’à Cadavalladr, fils de Cadvallo, le tout relaté dans des récits d’une grande beauté. C’est pourquoi, pour répondre à la demande de Gautier, j’ai entrepris la traduction de ce livre en latin ».
Aujourd’hui l’Histoire est une science sociale qui requiert exactitude (autant que faire se peut) et rigueur. Au XII siècle, l’approche est différente, l’Histoire est subordonnée avant tout au politique (voir la dédicace).
Geoffroy de Monmouth construit « une histoire », comble des trous, mais dire que c’est un faussaire serait anachronique. Pour les contemporains, ce n’était pas de la légende, c’était la généalogie de leurs souverains.
Au Moyen-âge les événements incontestables manquent cruellement. L’historien comme le chroniqueur a donc besoin de bien plus d’imagination que les intellectuels de notre temps, mais il lui suffit d’être vraisemblable.
Le vraisemblable est bien différent aujourd’hui de celui d’alors, pour ce qui est de la forme avons-nous remarqué, mais sans doute pas sur le fond… Les uns et les autres font l’éloge de leurs lecteurs. Voir l’actuel discours sur le métissage (obligatoire) des intellectuels français. Cette civilisation du protège-slip, du mariage homosexuel, de la répression (musclée) des violences psychologiques ou des femmes parachutistes dans la boue le couteau entre les dents, est défendue becs et ongles par les intellectuels français, tant sont grandes leurs lâchetés (on dit « conformisme » quand on est politiquement correct) ou leur servilité envers les pouvoirs, tous les pouvoirs, quels qu’ils soient. Mais peut-être sont-ils aussi matériellement ou financièrement intègres (ne parlons pas de l’intégrité intellectuelle) ; car quand un sage montre la lune du doigt, l’intellectuel français regarde le doigt.
N.B. Quant aux statistiques sur l’immigration qui feraient, paraît-il, entrer l’Histoire dans la catégorie des sciences exactes, il n’y a rien de plus pervers. Il suffit de voir ce qu’en font les politiciens actuellement au pouvoir en France.
Ils s’en servent, au besoin en les manipulant ou en les tronquant, sans vergogne, pour raconter des histoires (on dit faire du « storytelling » quand on veut paraître intelligent aujourd’hui). Il n’y a pas d’histoire objective et l’on ne dira jamais à quel point la caste des journalistes ou des hommes de
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médias en fait a joué un rôle dans le dramatique fourvoiement de notre civilisation ou plus modestement de nos sociétés, à partir de la deuxième moitié du XXe siècle. Implantés de par les hasards de leur métier à un emplacement stratégique pour toute société se voulant démocratique et non aristocratique ; celui du contrôle de l’information diffusée en direction des masses ; ils en ont lâchement profité pour avancer insidieusement et masqués en procédant à une cooptation des informations tout en laissant croire à leur objectivité. En occultant ou refoulant vers le bas par exemple certains faits. À titre d’exemple, la manifestation qui a eu lieu en plein cœur de la France profonde, à Limoges, vendredi 17 septembre 2010, à l’appel de l’organisation islamique Sirat Alizza, afin de brûler le Code pénal. Le moins que l’on puisse dire c’est que cette information pourtant très symptomatique, ne serait-ce que sur le plan du symbole, n’a guère été reprise par les grands médias du jour ou du lendemain ; ni par les politiciens nationaux, d’ordinaire si prompts à s’émouvoir quand un pasteur un peu exalté menace de brûler le Coran.
Ou au contraire en faisant monter puis en répétant à l’infini d’autres informations, avec pour résultat que tel ou tel arbre a fini par cacher la forêt (par exemple dans le domaine des profanations de cimetières). Voire en manipulant ou en tordant les mots à la façon de la novlangue de George Orwell et pas en appelant un chat un chat, afin qu’ils correspondent à leurs idées reçues personnelles, et donc désinformer au contraire le public en ces domaines. Exemple : toute personne n’éprouvant aucune sympathie envers l’islam, hésitant à se convertir à l’islam, discernant très lucidement au contraire les gros points noirs de cette religion, et n’hésitant pas même à le dire, voire à faire part de son opinion à ce propos ; est par définition assimilée par eux à un raciste d’extrême droite, les deux termes constituant visiblement un pléonasme dans leur esprit. Même quand elle n’est ni raciste ni d’extrême droite au sens strict du terme. Même quand elle est non racialiste, même quand elle est plutôt de gauche.
Pourtant, ainsi que l’avait très bien remarqué César (VI, 20), « les peuples les mieux réglés avaient des lois ordonnant à chacun de réserver aux magistrats ce qu’il a pu apprendre touchant la politique ; afin d’éviter que des nouvelles n’agitent la foule et ne la portent à des décisions fâcheuses »…
Il est vrai que toutes ces prophéties de Merlin sont bien troublantes avons-nous dit. Effectivement, et en voici un échantillon.
HISTORIA REGUM BRITANNIAE.
Livre I.
Préface et dédicace (chapitre 1).
« L’archidiacre Gautier d’Oxford, un homme versé dans l’art oratoire et l’histoire des peuples étrangers, me présenta un livre très ancien, écrit en langue bretonne. Ce livre exposait les hauts faits des (ces) rois depuis Brutus, premier roi des Bretons, jusqu’à Cadavalladr, fils de Cadvallo. Et c’est pourquoi, pour répondre à la demande de Gautier, j’ai entrepris la traduction de ce livre en latin ».
Chapitre III.
Après la guerre de Troie, Énée fuyant la ville avec son fils Ascagne, aborda en Italie…
Livre VII.
Prologue (chapitre I).
Je n’étais pas encore arrivé à ce pont de mon histoire que, en raison des rumeurs qui couraient à son sujet, mes contemporains ont insisté de tous côtés pour me faire publier ses prophéties, et notamment Alexandre, évêque de Lincoln, homme de la plus grande religion ainsi que de la plus grande prudence. Personne, que ce soit parmi les clercs ou le peuple, ne pourrait attirer à son service autant de gentilshommes que ne le font sa douce piété ainsi que ses largesses… Désireux de lui plaire plus qu’à tout autre, j’ai traduit ces prophéties et je les lui ai envoyées avec la lettre qui suit.
Chapitre II.
Le respect que j’ai pour votre noblesse, Messire Alexandre, évêque de Lincoln, m’a incité à traduire les prophéties de Merlin du breton en latin avant d’être arrivé à la fin de l’Histoire que j’avais commencé d’écrire à propos des rois bretons, puisque tel était d’abord mon but…
Passons sur la flagornerie typiquement chrétienne (ou hypocrisie diront d’autres), dont faire preuve Geoffroy envers son supérieur hiérarchique (on croirait entendre des journalistes français interroger leur président) et venons à ce qui nous importe…
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Commencement de la prophétie (chapitre III).
Vortigern, le roi des Bretons, étant assis au bord du lac souterrain asséché, deux dragons en sortirent, l’un blanc, l’autre rouge, qui se livrèrent alors un si furieux combat que leurs naseaux crachaient du feu. Le dragon blanc, ayant pris l’avantage, rejeta le rouge jusqu’à l’extrémité du lac. Honteux de se voir ainsi chassé, ce dernier se jeta sur l’autre et le contraignit à son tour à reculer. Le roi ordonna donc à Ambroise Merlin de lui dire ce qu’elle présageait.
Ce dernier fondit en larmes, et appela l’esprit prophétique sur lui puis prophétisa ce qui suit.
C’est un très mauvais signe pour le dragon rouge, car sa ruine approche ! Sa caverne est déjà envahie par le dragon blanc, qui représente les Saxons appelés par toi. Le dragon rouge, au contraire, c’est la nation bretonne, qui se verra bientôt accablée par le dragon blanc. Ses montagnes et ses vallées seront nivelées, ses fleuves rouleront des flots de sang. Le culte chrétien sera détruit, et la ruine des églises s’étalera au grand jour. Cependant, la nation opprimée l’emportera finalement et résistera quand même à la tyrannie des envahisseurs. Le sanglier de Cornouaille lui prêtera secours et foulera aux pieds la tête de ses ennemis ; les îles de l’Océan reconnaîtront son autorité, le palais de Romulus craindra sa puissance, et sa mort sera douteuse. La voix unanime des peuples chantera ses louanges, ses exploits seront une source d’inspiration pour les conteurs.
Après cette brève allusion au futur Arthur (le sanglier de Cornouailles), le jeune Merlin toujours en transe continue de prophétiser…
Ensuite le dragon rouge retombera dans ses travers habituels et travaillera plutôt à sa propre perte. Alors surviendra la vengeance du tonnerre et les terres décevront leurs cultivateurs. La mort frappera… les survivants quitteront leur terre natale et partiront cultiver des terres étrangères. Le saint roi préparera une expédition maritime et prendra place parmi les douze bienheureux… L’Albanie [l’Écosse ?] se révoltera et après avoir rallié les contrées voisines, répandra le sang. On placera dans sa bouche un frein fabriqué dans une baie d’Armorique. L’aigle du traité rompu le couvrira d’or et se réjouira de sa troisième nichée. Les petits de l’animal qui rugit se réveilleront et après avoir abandonné les bois, viendront chasser dans les enceintes des villes… Cadwallader appellera au secours Conan, et demandera l’aide de l’Albanie [l’Écosse toujours ?] Alors on tuera tous les étrangers : les rivières seront rouges de sang, des fontaines jailliront d’Armorique et l’Armorique sera couronnée du diadème de Brutus. La Cambrie exultera, les chênes de Cornouailles reverdiront. Et l’on désignera de nouveau cette île du nom de Brutus, son appellation étrangère sera donc abolie. De Conan sortira le sanglier des batailles qui exercera le tranchant de ses défenses dans les forêts. Les chênes les plus grands, il les déracinera, aux plus petits par contre il accordera sa protection. L’Arabe et l’Africain en seront terrorisés, car la rapidité de sa course l’emmènera jusqu’au fin fond de l’Espagne ultérieure (Timebunt ilium Arabes et Africani, nam impelum cursus sui in ulteriorem Hispaniam protendet, en latin ; ai-je bien compris ?).
Le bouc du Château de Vénus lui succédera, il aura des cornes d’or et une barbe d’argent. Il fera jaillir de ses naseaux un si grand nuage de fumée que toute l’île en sera plongée dans les ténèbres. Sous son règne, il y aura la paix, la terre multipliera les récoltes. Les femmes iront comme des serpents et le moindre de leurs pas sera marqué par l’orgueil (mulieres incessu serpentes fient, et omnes earum gressus superbia replebuntur).
Chapitre IV.
Trois sources jailliront, dont les rivières diviseront l’île en trois. Qui boira de l’eau de l’une d’entre elles vivra très longtemps sans jamais être malade. Qui boira de l’eau de l’autre mourra de faim et la pâleur ainsi que l’effroi se liront sur son visage. Qui s’abreuvera enfin à la troisième disparaîtra aussitôt et son corps ne pourra pas être enterré. Afin d’échapper à un tel sort, les hommes s’efforceront de tarir cette source par divers moyens. Mais tout ce que l’on jettera dessus se transformera en un autre élément. La terre se transformera en pierres, les pierres en liquide, le bois en cendres, la cendre en eau.
Une jeune vierge viendra de la cité de la forêt des Canutes pour porter remède à tous ces maux. Par la seule puissance de son art, elle tarira les sources du mal rien qu’en soufflant dessus ; ensuite,
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après avoir repris des forces en buvant d’une onde salutaire, elle portera dans sa main droite la forêt de Calédonie et dans sa main gauche la tour de Londres. Partout là où elle ira, elle laissera des empreintes sulfureuses d’où sortira une double flamme. Cette vapeur irritera les Rutènes et détruira la nourriture des créatures sous-marines. Alors elle versera des larmes de pitié puis emplira l’île d’une grande clameur. Elle sera tuée par un cerf à dix cors dont quatre porteront des torques en or…
Ensuite surgira du bois de Calaterium un héron qui survolera l’île pendant deux ans. Par son cri nocturne, il appellera les autres oiseaux et réunira autour de lui toute la gent ailée. Ils envahiront les cultures des hommes et dévoreront tous les grains des moissons. S’ensuivront pour le peuple famine et mortalité. Lorsque ce fléau funeste aura pris fin, l’abominable oiseau gagnera la vallée de Galabes, qu’il transformera en une haute montagne. Au sommet, il plantera un chêne et nichera dans ses branches. Il pondra trois œufs dans ce nid. En sortiront un renard, un loup et un ours [clin d’œil à nos correspondants français : on n’est pourtant pas en l’occurrence dans une histoire de Sylvain et Sylvette, loin de là !] Le renard dévorera sa mère et aura une tête d’âne. Devenu monstre, il épouvantera ses frères et les fera fuir en Normandie. Mais ceux-ci dresseront le sanglier aux solides défenses, contre lui ; puis reviendront par la mer et engageront le combat contre le renard. Au début de la bataille, ce dernier feindra la mort et il éveillera la pitié du sanglier. Celui-ci s’approchera du cadavre et, penché sur lui, soufflera sur ses yeux ainsi que sa figure. Mais le renard, qui n’a rien perdu de sa ruse, mordra le sanglier au pied gauche et le lui arrachera du corps. D’un bond, il lui saisira l’oreille droite et la queue, ensuite il ira se cacher dans les cavernes des montagnes. Bafoué, le sanglier partira en quête du loup et de l’ours afin qu’ils lui rendent ses membres perdus. Ayant pris son parti, ceux-ci lui promettront deux pieds, deux oreilles et une queue, grâce auxquels ils arrangeront les membres du porcin. Il acquiescera et attendra la réparation promise. Entre-temps, le renard descendra des montagnes et se changera en loup. Prétextant un entretien avec le sanglier, il s’approchera de lui et le dévorera tout entier. Ensuite il se transformera en sanglier dépourvu de ses membres et attendra les deux frères. À leur arrivée, il les tuera immédiatement de sa défense et se couronnera de la tête du lion…
Les douze maisons des planètes verront leurs hôtes s’en aller. Les Gémeaux renonceront à leurs étreintes ordinaires et provoqueront le Verseau… La Vierge délaissera sa pudeur de jeune fille et enjambera le Sagittaire (ascendet virgo dorsum sagittarij & flores virgineos obfuscabit en latin : ai-je bien compris ?). Le Char de la lune troublera le Zodiaque et les Pléiades éclateront en sanglots. Aucune ne retrouvera sa fonction, mais Ariane fermera sa porte. Les eaux se soulèveront et la poussière du passé ressurgira. Des vents d’une force terrifiante se jetteront l’un contre l’autre, et le bruit de leur lutte montera jusqu’aux étoiles.
Livre VIII.
Chapitre I.
Quand Merlin eut annoncé cela, ainsi que bien d’autres choses encore, tous ceux qui étaient demeurèrent muets de stupeur, bien que ne pouvant pas comprendre toute la signification de ces paroles ; Vortigern le premier.
Fin de la prophétie de merlin et retour à l’histoire des rois de Bretagne.
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Livre XII.
Chapitre VI.
Il n’est pas étonnant que ces êtres dégénérés haïs de Dieu pour leurs crimes aient perdu le pays qu’ils avaient souillé de cette façon. En fait, Dieu voulait se venger d’eux en tolérant la venue d’un peuple étranger qui les chassât des terres de leurs pères. Pourtant, si Dieu le permettait, il serait juste de rendre à ces citoyens leur dignité passée, afin que notre race ne soit pas déshonorée par l’impuissance des dirigeants de notre époque, c’est-à-dire nous-mêmes, à maîtriser la situation. Nous avons le même ancêtre, toi et moi, et cela m’encourage donc à demander ton appui.
Chapitre XIV.
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Cadwalladr (que Bède appelle Caedwalla le jeune) succéda ensuite à son père à la tête du royaume qu’il gouverna pour commencer pacifiquement, mais avec fermeté. Douze ans après son couronnement néanmoins, il tomba malade et la guerre civile éclata chez les Bretons…
Chapitre XV.
Les Bretons s’affaiblissaient en querelles diverses et réduisaient à néant leur pays à cause de ces déplorables divisions. Un autre malheur vint alors les frapper. Une terrible famine s’abattit sur ce peuple déraisonnable les privant de tout moyen de subsistance hormis la chasse.
Enfin, une épidémie de peste suivit, qui terrassa tant d’hommes en si peu de temps que les vivants ne parvenaient plus à ensevelir les morts. Alors les malheureux survivants se regroupèrent et, fuyant leur pays, traversèrent la mer pour gagner d’autres régions… le roi Cadwalladr lui-même, qui faisait voile vers l’Armorique avec cette misérable flotte, s’associait à ses plaintes… Revenez donc Romains ! Revenez, Scots et Pictes ! Voici que la Bretagne que vous n’avez pu vider de ses habitants vous est maintenant offerte, dépeuplée par la colère divine ! Ce n’est pas votre vaillance qui nous chasse, mais la puissance du Roi Suprême que nous n’avons cessé d’offenser.
Chapitre XVI.
Cadwalladr atteignit le rivage armoricain et se présenta ensuite avec tout son peuple devant le prince Alan, qui le reçut dignement.
La Bretagne fut donc vidée de tous ses habitants, à l’exception de quelques-uns que la mort avait donc épargnés, dans certaines régions du Pays de Galles au fond des bois. Depuis ce temps-là, la puissance bretonne a cessé d’exister sur l’île et la domination des Angles a commencé.
Chapitre XVII.
Au bout de quelque temps, alors que le peuple breton avait repris des forces, Cadwalladr se souvint de son royaume, désormais débarrassé de la peste, et l demanda l’appui d’Alan pour recouvrer sa dignité d’antan. Mais, alors qu’il avait obtenu le soutien de ce roi et qu’il préparait sa flotte, une voix venue du ciel lui intima l’ordre de renoncer à ses projets. Dieu refusait en effet que le peuple breton dominât plus longtemps l’île de Bretagne, avant le temps prédit par Merlin au prince Arthur. La voix ordonna également à Cadwallad de se rendre à Rome auprès du pape Sergius, pour y faire pénitence et prendre place parmi les saints 1). Elle ajouta aussi que le peuple breton, grâce à sa foi, reviendrait un jour futur sur l’île, lorsque l’heure fixée par le Destin aurait sonné. Mais que cela n’arriverait pas avant que les Bretons, en possession des reliques de Cadwalladr, ne les aient transportées de Rome en Bretagne. C’est alors seulement… qu’ils recouvreraient leur royaume perdu.
Chapitre XVIII.
Cadwalladr renonça aux choses de ce monde pour l’amour de Dieu et de son royaume éternel, et il partit en pèlerinage à Rome où il fut approuvé par le pape Sergius. Peu de temps après, atteint d’une soudaine léthargie, le douzième jour des calendes de mai de l’an de grâce 689, il fut libéré des contingences de la chair et entra dans la salle d’honneur du royaume des Cieux…
Chapitre XIX.
Yvor et Yni rassemblèrent des navires, regroupèrent autour d’eux tous les hommes disponibles et abordèrent dans l’île de Bretagne où, durant quarante-neuf ans, ils harcelèrent cruellement le peuple saxon, mais sans grand succès. La mortalité, la famine, les divisions habituelles, avaient causé une irrémédiable dégénérescence de ce peuple qui fut jadis grand, au point qu’il n’était même plus capable de repousser ses ennemis. En raison de l’arrivée continue des barbares, on ne parla plus de Bretons, mais de Gallois, nom venu soit de leur chef Gualo, soit de la reine Galaes, soit encore de leur propre origine barbare à eux. Les Saxons quant à eux agissaient avec plus de sagesse : ils établirent entre eux la paix ou la concorde, construisirent des villes et des places fortes… Privés de la noblesse bretonne, les Gallois n’exercèrent plus jamais leur souveraineté sur l’île, bien au contraire. Constamment déchirés par leurs querelles internes ou avec les Saxons, ils multiplièrent les guerres extérieures et les querelles internes.
Chapitre XX.
En ce qui concerne les rois qui se sont succédé depuis au Pays de Galles, j’ai confié à mon contemporain Karadoc de Llancarvan le soin d’en écrire l’histoire. En ce qui concerne ceux des Saxons, à Guillaume de Malmesbury et Henri de Huntingdon ; en leur demandant toutefois de ne point parler des rois des Bretons, puisqu’ils n’ont pas le livre rédigé dans cette langue que Gautier,
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l’archidiacre d’Oxford, m’a rapporté de Bretagne armoricaine ; livre qui a été composé en l’honneur desdits princes, et consacré à leur véritable histoire ; et que je me suis efforcé de traduire en latin.
FIN.
1) Quel besoin avons-nous d’être des saints ?? Voilà bien le piège typique du christianisme ou des bons apôtres : soyez des saints, soyez des saints ! Tendez la joue gauche, faites ce que je dis, faites ce que nous disons (mais surtout pas ce que nous faisons : ne faites surtout pas comme nous) ! La triade rapportée par Diogène Laerce suffit amplement à notre morale : « Honorer les dieux, ne rien faire de mal, et être un homme, un vrai » (Diogène Laerce. Livre I, Prologue 6).
Commentaires de Pierre de La Crau.
Contrairement aux prophéties de la Sibylle qui sont immédiatement intelligibles pour le lecteur, celles de Geoffroy restent en effet très obscures.
La longue série de vaticinations insérée au milieu même de l’Historia regum Britanniae ou Histoire des rois de Bretagne, est passée à la postérité sous le titre de Prophetia Merlini ou prophétie de Merlin, mais à l’origine elle a pu être composée indépendamment, et en France qui plus est (voir la Vie de saint Goueznou, le livre des faits d’Arthur et l’historia britannica).
Ce qui est sûr, c’est que ces vaticinations « celtiques » ont circulé de bonne heure, indépendamment de la chronique de Geoffroy, et qu’aujourd’hui elles nous sont conservées à la fois intégrées dans l’Historia regum Britanniae, mais aussi en tant qu’écrit autonome.
Un des premiers commentaires est celui que l’on attribue au dénommé Alain de Lille. On le date d’entre 1167 et 1174 (il s’agit non seulement d’une des plus anciennes exégèses de ces vaticinations énigmatiques, mais encore d’un des rares commentaires complets que nous possédions).
D’emblée, Alain pose le principe que les animaux doivent être pris au sens figuré, car ils désignent des hommes.
« Nous signalons une fois pour toutes au simple lecteur que dans ce livre, selon la façon de parler des prophètes, on désigne par des noms de bêtes ; serpents, oiseaux, sangliers, loups, renards, lions, bœufs, taureaux, boucs, ânes, hérissons, dragons, couleuvres, hérons, hiboux, et autres animaux de ce genre ; non pas des bêtes, ou serpents ou volatiles ; mais des rois et des princes ou des tyrans. Cela bien entendu en raison de similitudes pouvant exister entre eux ».
Alanus ab insulis a néanmoins eu recours, pour ce qui est du symbolisme des animaux mis en scène, à la Bible. Or c’est au symbolisme animalier de la tradition celtique qu’il aurait fallu faire appel (éventuellement) pour décrypter ce texte.
a) « Ad haec ex urbe Canuti nemoris eliminabitur puella… »
N’oublions pas que la famille de Geoffroy était originaire de France (d’Armorique). C’est à se demander si cette mystérieuse vierge devant venir de la forêt « canute » mentionnée par lui plus haut n’est pas tout simplement la Pucelle d’Orléans (canute = carnute ? Canute = chenu, en français ?). En tout cas, c’est bien comme cela qu’on l’a interprété plus tard, au grand dam des Anglais, en assimilant ce « chenu/canut » au vocable vieux français chesnu, signifiant « aux chênes ». Autrement dit « le bois chênu ».
Et comme il est impossible qu’il se soit vraiment agi d’une anticipation, cela signifie simplement qu’il s’agit dans ce cas d’une interpolation tardive due à certains copistes ultérieurs, et insérée de la sorte dans le texte original.
b) Calaterium nemus correspond sans doute à la forêt de Galtres, mais il s’agit peut-être aussi d’une erreur de copiste pour caledonus nemus (la forêt de Calédonie). De toute façon, le latin de Geoffroi de Monmouth n’est pas très clair, et mes sept ans d’étude de cette langue sont bien loin.
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c) Ce qui est curieux quand même, c’est que l’auteur de ce texte, apparemment a bien annoncé l’intervention dans le conflit de Du Guesclin (l’aigle faisait partie des armoiries de sa famille).
Dabitur maxillis ejus frenum quod in armorico sinu fabricabitur. Deaurabit illud aquila rupti foederis et tertia nidificatione ; gaudebit.
Un frein fabriqué dans une baie d’Armorique sera placé dans leurs mâchoires. L’aigle de la rupture de traité le couvrira d’or, et fera son nid trois fois. Les petits de l’animal qui rugit se réveilleront et après avoir abandonné les bois, viendront chasser dans les enceintes des villes.
Ce qui semble bien correspondre à la tactique utilisée par Du Guesclin (ruse et guérilla).
d) La fin de cette prophétie, dans une vision peut-être inspirée par les doctrines druidiques sur la destruction et le renouvellement du monde, mais enfin cela m’étonnerait quand même beaucoup vu l’époque et le christianisme ambiant, évoque les maisons du soleil devant être bouleversées, les douze signes du zodiaque entrant alors en guerre, et la vierge montant sur le dos du sagittaire.
Il est vrai que les rois d’Angleterre se servaient alors beaucoup des archers, mais ces archers justement étaient gallois, ce qui rend donc cette interprétation contradictoire avec l’espoir breton.
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POSTFACE À LA JOHN TOLAND.
Les pseudodruides à la filiation initiatique mirobolante (la fameuse et inénarrable tradition primordiale) s’étant multipliés depuis quelque temps ; il nous a paru nécessaire de mettre à la disposition de tout un chacun ces quelques notes, hâtivement rédigées un soir de novembre, afin de donner à nos lecteurs envie d’en savoir plus sur le vrai druidisme. Ce travail se veut honnête, mais en aucune façon neutre. Il s’est donné pour objectif de défendre ou de réhabiliter la cluto (renommée) de cette antique religion.
Rien ne remplace la méditation personnelle y compris sur les lais obscurs ou incompréhensibles parsemant ces livres et qui ont été insérés à dessein afin de vous obliger à réfléchir pour trouver votre propre voie. Ces livres ne sont pas des dogmes à suivre aveuglément et à la lettre. Ainsi que vous le savez sans doute, il faut se méfier comme de la peste de la lettre. La lettre tue, seul l’esprit vivifie. Rien ne remplace non plus l’expérience personnelle et c’est en cheminant que l’on trouve le chemin. Ne comptez donc que sur vos propres forces pour cette quête du Graal. Ce qui compte c’est l’attitude à adopter dans la vie et non les détails du dogme. Le druidisme a moins d’importance que la druidiaction (Jean-Pierre Martin).
Ces quelques feuillets griffonnés à la va-vite ne sont néanmoins en aucune façon LES LIVRES À LIRE SUR LE SUJET, ils n’en sont qu’un pâle reflet. La seule bibliothèque druidique digne de ce nom n’est pas en effet composée de seulement 12 (ou 27) livres, mais de plusieurs centaines.
Les quelques opuscules constituant cette mini-bibliothèque ne constituent pas un approfondissement et ne sont que quelques manuels destinés aux écoliers du druidisme. Ces résumés simplifiés destinés aux cours primaires de druidisme seront remplacés par des cours d’un niveau quelque peu supérieur, pour ceux qui voudront vraiment l’étudier de façon plus pertinente.
Cette petite bibliothèque est par conséquent un premier essai d’adaptation (destinée aux jeunes adultes) des diverses réflexions sur le savoir et la vérité druidiques, auxquelles ont abouti les premiers résultats de la nouvelle laïcité positive et ouverte, mondiale, en train de s’instaurer.
À la différence du judaïsme, du christianisme, et de l’islam, qui fourmillent littéralement, à propos de l’Être supérieur, d’anthropomorphismes puérils pris au pied de la lettre (fondamentalisme) ; notre druidisme, lui, n’en utilisera que très peu, et s’en tiendra, en ce domaine, au minimum absolu.
Mais pour parler de Dieu-ou-Diable nous allons bien être obligés, nous aussi, d’utiliser un langage, et donc un certain nombre de ces anthropomorphismes. Ou alors il faudrait totalement renoncer à en discuter.
Ce premier rayon de notre future bibliothèque consacrée au sujet a pour objet de montrer avec précision l’harmonieuse authenticité de la volonté et du savoir néo-druidiques. De montrer à quel point ses grandes thèses actuelles ont des racines anciennes, car la Mythologie, c’est notre Bible à nous. Les adaptations de ce bref exposé, exigées par les différences de culture, d’âge, de maturité spirituelle, de situation sociale, etc. seront à faire par les druides concernés (les vellèdes et les autres ?).
À noter cependant. Important ! Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, ne sont pas (en vrac).
Une révélation divine. Une loi (toujours aussi divine). Une loi (profane ou laïque). Une loi (scientifique). Un dogme. Un Ordre ? Ce que je cherche surtout à faire partager c’est un état d’esprit, rien de plus. Ainsi que l’a très bien dit un jour notre vieux maître :
« NOTRE CIVILISATION N’A PAS LE CHOIX : CE SERA LE CELTISME OU CE SERA LA MORT » (P. Lance).
Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, sont. Du rêve. Une aventure. Un voyage. Une évasion. Un cri de révolte contre la laideur morale et matérielle de cette société.
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Une tentative d’atteindre à l’universel en partant du particulier. Un défi. Un obstacle fécond à surmonter. Une incitation à la réflexion. Un guide pour l’action. Une carte. Un plan. Une boussole. Une étoile polaire ou l’étoile du berger là-haut dans la montagne. Un feu la nuit dans une clairière ?
Ce que le rassembleur de ce noyau de bibliothèque, Pierre de La Crau, n’est pas.
— Un dieu.
— Un demi-dieu.
— Un quart de dieu.
— Un petit saint.
— Un philosophe (reconnu, officiel, et breveté ou patenté, comme ceux qui passent à la télévision. Sauf évidemment à prendre le terme en son sens originel, qui est celui d’amateur de sagesse et de savoir).
Ce qu’il est : un homme, et rien de ce qui est humain ne lui est donc étranger. Pierre de la Crau n’a aucun pouvoir surhumain ou exceptionnel. Rien de ce qu’il a dit écrit ou fait ne saurait avoir de valeur intemporelle. Tout au plus espère-t-il que son extrême lucidité à propos de notre société et de son idéologie dominante (voir ses philosophes officiels, ses journalistes, ses masses médias et le politiquement correct des bien-pensants) ; ainsi que son non-conformisme, et son franc-parler, alliés à un solide esprit de contradiction (qui lui ont d’ailleurs valu pas mal de déboires ou d’avanies) ; pourront être utiles.
La présente petite bibliothèque pour débutant « contient la dose d’humanité exigée par l’état actuel de la civilisation » (Henri Lizeray). Elle n’est d’ailleurs qu’un rassemblement de matériau attendant l’architecte ou le maçon ? ad hoc.
Prochainement paraîtra toute une série de fascicules approfondissant ces éléments de base. Cette présentation différente du savoir druidique préservera néanmoins l’unité et la profonde harmonie entre ces divers exposés d’une seule et même philosophie.
Cas des traductions dans une langue étrangère (espagnol, allemand, italien, polonais, etc.)
Les fautes d’orthographe de grammaire de style, ainsi que l’écriture des noms propres, pourront être corrigées. Toute autre amélioration du texte pourra également être apportée si nécessaire (par ajout suppression ou modification, de détails) ; Pierre de La Crau ayant toujours regretté de ne pouvoir atteindre à la perfection en ce domaine. Mais à condition de n’altérer ni trahir en rien la pensée de l’auteur de cette compilation raisonnée. Toute illustration sans légende peut être changée. De nouvelles illustrations peuvent être apportées. Mais les illustrations ayant une légende ne devront être qu’améliorées (par substitution d’une bonne photo à un mauvais croquis par exemple ?)
Il va de soi que le coordonnateur de cette rapide et sommaire compilation raisonnée, Pierre de La Crau, ne prétend nullement avoir inventé (ou découvert) lui-même, tout ceci ; qu’il ne prétend en aucune façon que ceci est le fruit de ses recherches personnelles (sur le terrain ou en bibliothèque). Ce qui suit est en effet essentiellement issu des excellents ouvrages ou sites internet référencés en bibliographie et dont la consultation directe est fortement recommandée. Nous n’insisterons jamais assez sur notre volonté de ne pas être les hommes d’un livre (du Livre), mais d’au moins douze, comme les Fénianes d’Irlande, pour d’évidentes raisons d’ouverture d’esprit, la vérité étant notre seule religion.
Encore une fois, répétons-le ; le coordonnateur de la mise par écrit de ces quelques notes hâtivement jetées sur le papier ne prétend nullement avoir passé sa vie dans la poussière des bibliothèques ; ou sur le terrain, dans la boue des fouilles archéologiques de sauvetage ; afin d’exhumer des témoignages inédits sur le passé de l’Irlande (ou du Pays de Galles ou des Indes ou de la Chine ?)
PIERRE DE LA CRAU NE SE VEUT DONC EN AUCUNE FAÇON L’AUTEUR DES TEXTES QUI PRÉCÈDENT.
IL N’ESSAIE NULLEMENT DE S’EN ATTRIBUER LES MÉRITES. Il n’en est que l’éditeur ou le compilateur. Il s’agit pour la plupart de documents diffusés sur internet à quelques exceptions près. IL EN REVENDIQUE PAR CONTRE TOUS LES DÉFAUTS ET TOUTES LES INSUFFISANCES. Pierre de La Crau ne revendique qu’une chose, les fautes erreurs ou imperfections diverses de ce livre. Lui
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seul est à blâmer dans ce cas. Mais il fait confiance à ses contemporains (la nature humaine étant ce qu’elle est) pour les lui signaler avec vigueur.
Note retrouvée par les héritiers de Pierre de La Crau et insérée par eux à cet endroit.
J’avoue tout de suite afin de faciliter le travail de mes juges que les hommes comme moi étaient chrétiens à Rome sous Néron, païens à Jérusalem, sorciers à Salem, hérétiques anglais, catholiques irlandais, et aujourd’hui racistes, sexistes, homophobes, islamophobes, en attendant d’être demain koufar ou de nouveau chrétien l’antéchrist le plus bestial de toutes les apocalypses, etc. Bref ainsi qu’on l’aura compris je suis pour le néant la mort la maladie la souffrance……
Par respect pour l’Humanité, afin de gagner du temps, et ne pas lui en faire perdre, je vais faciliter le travail de ceux qui tiennent absolument à être du bon côté de la barrière en combattant (héroïquement bien sûr) afin de sauver le monde de mes griffes (mes idées ou mes penchants, mes tendances).
À ces courageux et implacables détracteurs, dont la profondeur de réflexion digne d’un marquis de Vauvenargues n’a d’égale que l’ampleur de la culture générale, digne d’un Pic de la Mirandole, je dis…
Prenez une feuille de papier, de traitement de texte si vous préférez, mettez-y par ordre d’importance les 20 caractéristiques qui vous semblent les plus graves, les plus odieuses, les plus haïssables, dans l’histoire de l’Humanité, depuis les hommes préhistoriques et Nabuchodonosor, selon vous… ET DITES-VOUS BIEN QUE JE SUIS TOUT LE CONTRAIRE DE VOUS, CAR JE LES AI TOUTES !
On a toujours besoin de boucs émissaires ! Hérétique au Moyen-âge, sorcière à Salem au 17siècle, raciste au 20e siècle, lézard extraterrestre au 21e, je suis l’homme que vous aimerez haïr pour vous sentir supérieur.
Je suis au choix et dans l’ordre d’importance que vous voulez : athée, sataniste, stupide, mongolien, raciste, bestial, homosexuel, pervers, communiste, nazi, menteur pathologique, voleur, suffisant, psychopathe, un monstre d’orgueil faussement modeste, et que sais-je encore, à vous de voir.
Voilà, je ne peux pas faire mieux (pour vous aider à sauver le monde).
[À la différence de mes contempteurs qui sont tous des gens bien, c’est-à-dire jeunes ou modernes et dynamiques, courageux, positifs, gentils, intelligents, instruits, ou du moins qui savent ; faisant preuve de beaucoup de recul dans leur méditation en profondeur sur les tendances lourdes de l’Histoire ; et sur le plan moral ou éthique : généreux, altruistes, mais pauvres évidemment, car donnant tout aux autres ; en outre profondément respectueux de la volonté de Dieu et de la Constitution…
Moi je suis un vieux réactionnaire ankylosé, conformiste, déconnecté de son temps, parano, schizophrène, incohérent, capricieux, jamais content, méchant, bête, n’ayant fait aucune étude ou du moins ignorant tout sur le sujet en question ; coutumier des jugements à l’emporte-pièce fondés sur des préjugés dénués de toute réflexion ; égoïste et riche ; suppôt de Satan et nazo-bolchevick ou stalino-hitlérien de nature. On disait hitléro-trotskiste quand j’étais jeune. En bref un criminel psychopathe dès le petit-déjeuner… ce qui me permet donc de penser ce que je veux, mes critiques aussi d’ailleurs, et d’essayer de le faire savoir à la cantonade].
Signé : le coordonnateur des travaux, Pierre de la Crau dit Hésunertus, chercheur en druidisme. Un homme à qui rien de ce qui est humain ne fut étranger. Chômeur, facteur, divorcé, sans domicile fixe, vagabond, contribuable, justiciable, électeur cocufié ? Un des huit milliards d’êtres humains ayant transité sur ce vaisseau spatial donc. Né sur la planète Terre le 13 janvier 1952.
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BIBLIOGRAPHIE DES GRANDES LIGNES.
Pour ce qui est de la bibliographie des détails, voir annexe de la dernière leçon, car, comme le dit si bien Henri Lizeray, les traditions, ça doit s’interpréter. C’est là toute la différence qu’il peut y avoir entre ancien druidisme et néo-druidisme.
Le Lebar gabala ou Livre des invasions. Paris 1884 (William O’Dwyer)
Base de l’église druidique. Le druidisme restauré. Henri Lizeray, Paris, 1885.
Les traditions nationales retrouvées. Paris 1892.
Aesus ou la doctrine secrète des druides. Paris 1902.
Ogmios ou Orphée. Paris 1903.
TABLE DES MATIÈRES.
Ce que nous sommes, ce à quoi nous croyons.
Brève histoire du druidisme et de l’Ollotouta
Les rituels
Le serment de l’Atectos
Les cérémonies véniales (familiales)
Anmenacton ou confirmation de l’amphidromie celtique (cérémonie du nom)
Virolaxton ou adoubement
Fiançailles mariages et autres alliances
La chaîne de vie
Baptême du feu ou consolament
Funérailles
Cimetières
Levée d’élude ou de ne litom
Cérémonie du nom de type confirmation (de foi druidique éclairée par la raison)
Confirmation de retour au paganisme celtique
Les rituels sacerdotaux
La comrunacton ou Initiation comme disciple
Notes sur le jeu d’échecs celte
Ordination comme vellède, vate, ou gutuatre, homme, femme.
Remise de craeb (palme)
Ordination de druide ou de prêtresse
Intronisation
Les cérémonies ollototales
Le calendrier druidique
Le Grimoire des sorcières celtes
Trinouxtion samoni (oenach)
Ambolc ou fête de sainte Brigitte
Beltène ou fête de la verveine (oenach pour les druides)
Lugnasade (oenach)
Solstice d’hiver : Matra noux ou fête d’Épona
Les Dix nuits de Grannos (fin décembre-début janvier)
Solstice d’Été : fête de Taran/Toran/Tuireann
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Équinoxe d’Automne : Bron trogain
Équinoxe de Printemps : Ver sacrum
Autres feux
Les sacrifices
Les rituels du sacrifice
Le sacrifice humain
L’office druidique
Suggestions de sermon pour l’office druidique
L’ordre de préséance dans les banquets
Notes sur le banquet de commensalité avec les dieux
Lieux de culte
La hiérarchie des sanctuaires
La rando intelligente
Matériel et symboles
Objets servant au culte
Les vêtements laïcs
Les vêtements sacerdotaux
La tonsure celtique
Annexe N°1 : retour sur le moment clé de tout office druidique
Annexe N° 2 : Rituel destiné à évoquer Taran/Toran/Tuireann
Annexe N° 3 : Rituels divers
Annexe N° 4 : Notes sur l’oïto ou la prestation de serment
Annexe N° 5 : Organisation de l’Ollotouta druidique antique
Annexe N° 6 : Réflexions diverses sur les principes et les structures de l’Ollotouta druidique
Annexe N° 7 : Propositions pour l’Ollotouta druidique d’aujourd’hui
Annexe N° 8 : Formalités obligatoires
Annexe N° 9 : Les médias de l’Église druidique
Annexe N° 10 : Brève esquisse de la langue des dieux
Annexe N° 11 : Les runes celtes
Post-scriptum : l’Historia regum Britanniae.
Postface à la John Toland
Bibliographie des grandes lignes
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DU MÊME AUTEUR.
1. Citations des auteurs antiques parlant des Celtes ou des druides.
2. Généralités liminaires diverses sur les Celtes.
3. Histoire du pacte avec les dieux tome 1.
4. La Bible du druidisme : histoire du pacte avec les dieux tome 2.
5. Histoire du pacte avec les dieux tome 3.
6. Histoire de la paix avec les dieux tome 4.
7. Histoire de la paix avec les dieux tome 5.
8. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 1.
9. Textes apocryphes irlandais.
10. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 2.
11. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande Science qui illumine » tome 3.
12. Les cent voies du paganisme. Science et philosophie tome 1 (mythologie druidique).
13. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 2 (mythologie druidique).
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14. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 3 (mythologie druidique).
15. Le grand Camminus : éléments de théologie druidique tome 1.
16. Le grand catéchisme : éléments de théologie druidique tome 2.
17. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 1.
18. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 2.
19. Mystagogie ou théâtre sacré des Celtes antiques.
20. Poèmes celtes.
21. Le génie du paganisme celte tome 1.
22. Le complexe de Roland.
23. Au pied de la lanterne des morts.
24. Les secrets du vieux druide de la forêt ménapienne.
25. Le génie du paganisme celte tome 2 (liberté réciprocité simplicité).
26. Rhétorique : la trahison des clercs).
27. Petit dictionnaire de théologie druidique tome 1.
28. Des philosophes antiques au druide irlandais.
29. Judaïsme christianisme et islam : première partie.
30. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 1.
31. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome2.
32. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 3.
33. Troisième partie tome 1 : Qu’est-ce que l’Islam ? Bref historique de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
34. Troisième partie tome 2 : Qu’est-ce que l’Islam ? Premières approches de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
35. Troisième partie tome 3 : Qu’est-ce que l’Islam ? Les 5 vrais piliers de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
36. Troisième partie tome 4 : Qu’est-ce que l’Islam ? Coups de sonde dans l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
37. Couiro anmenion ou Petit dictionnaire de théologie druidique tome 2.
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