Le grand spécialiste français en mythologies comparées pense qu’il s’agit d’un dieu-ou-démon en fait gréco-celtique. Il remonterait au moins à la séparation des ancêtres des Celtes et des Grecs, au IVe millénaire avant notre ère, et il serait arrivé « tout d’un bloc » en Grèce : ce n’est donc pas une divinité composite. Il possède des homologues en domaine germanique (Wotan) ou indien (Varuna).B. Sergent compare une à une toutes les caractéristiques connues de Lug et d’Apollon et relève de nombreux points communs. Un peu trop peut-être d’ailleurs, selon nous, mais enfin…
Ce sont tous les deux des dieu-ou-démons lumineux, jeunes, beaux, grands, mais parfois polycéphales et hermaphrodites, pratiquant des épiphanies, des dieux rapides disposant d’une puissance foudroyante, de très grands « druides », des guerriers, des protecteurs des troupeaux, des maîtres des moissons, associés aux arbres, des maîtres du temps, des médecins, les maîtres des fondations, les responsables des défrichements et des chemins, les protecteurs des assemblées, les maîtres des initiations, des méchants, des rusés, des maîtres des techniques, des maîtres tout court, des dieu-ou-démons des hauts lieux et des grosses pierres.
Leurs attributs communs sont l’arme de jet, l’instrument à cordes, le corbeau, le roitelet, « le chêne à l’aigle pourrissant », le cygne, le coq, le héron et la grue, le chien et le loup, le cerf, le sanglier, le serpent et la tortue, l’ours, le dauphin, le phoque, le poisson, le cheval, la pomme et la branche nourricière, les nombres trois, sept et neuf, la danse en rond sur un pied, la pourriture ??????
Ils sont également rattachés à des mythes communs, comme la naissance, le meurtre des géants borgnes, la succession de la Terre (Gaia ou Thémis en Grèce, Tailtiu en Irlande) ou la fondation de jeux.
Par ailleurs, selon B. Sergent, les Grecs ont pu faire des « jeux de mots » entre le nom de la Lycie (Lukia en grec) et les épithètes Lukeios, Lukios, Lukêgenès d’Apollon, qui se rapportent au loup (lukos), l’un des attributs d’Apollon, ou à la lumière (lukê). Il serait Lukê-genès, comme le dit l’Iliade, parce qu’il serait « né de la lumière » et non pas « né en Lycie ».
C’est surtout à Delphes que le caractère complexe de ce dieu-ou-démon se révèle, dans son rôle d’inspirateur de la Pythie et des hommes.
Apollon est aussi un dieu-ou-démon terrien et agraire. C’est un aspect sous lequel il peut revêtir des formes extérieures primitives. Son attribut est l’arc, arme par excellence d’un dieu-ou-démon chasseur, du dieu-ou-démon d’une tribu qui vit de la chasse. Plus tard, on le retrouve dieu-ou-démon des bois et des grottes. C’est à cet aspect que se rapporte la légende d’un Apollon dieu-loup. On voit par là le passage d’un genre de vie de type chasseur à un mode de vie pastoral. Apollon protège les troupeaux et les bergers. Il est adoré avec Pan et les nymphes.
Dieu-ou-démon des troupeaux, de la musique et de la médecine : les trois choses sont étroitement liées. La houlette et la lyre vont toujours de pair. Le berger se révèle aussi guérisseur et musicien. Dieu-ou-démon des arbres, dieu-ou-démon des fleuves, Apollon devient également un dieu-ou-démon franchement agricole, un dieu-ou-démon de la culture, avec la sédentarisation des peuples qui l’adorent. C’est lui qui fait germer puis fructifier les moissons. À Delphes, à Délos, il reçoit les prémices des récoltes. Plusieurs cités lui offrent des épis d’or. Cette récolte, tandis qu’elle mûrit, est menacée d’ennemis divers : rouille, mulots, sauterelles. Tous ces maux sont conjurés par le purificateur supérieur. Apollon reçoit dans ce cas le qualificatif de sminthios, celui qui conjure le rat des champs. On célèbre des fêtes en son honneur avant la moisson. À Delphes, il devient également celui qui s’occupe de la nourriture.
L’Hyperborée, c’est aussi peut-être Thulé. Cette terre nous est décrite comme une île située au nord de la Grande-Bretagne à 6 jours de navigation, aux abords de la mer gelée. Strabon est encore là pour nous donner un indice : « Pythéas ajoute là son histoire sur Thulé ainsi que sur ces régions dans lesquelles il n’y a plus de terre à proprement parler, ni de mer, ni d’air ; mais une sorte de substance formée de ces trois éléments, ressemblants à un poumon marin [en grec plumon thalattíōi] ; une chose dans laquelle, écrit-il, la terre, la mer, et tous les éléments, sont en suspension ; et qui est sorte de liant les faisant tous tenir ensemble, mais sur laquelle on ne peut ni marcher ni naviguer. Cette chose qui ressemble à des poumons marins, il dit qu’il l’a vu lui-même personnellement, mais que pour tout le reste, il en parle par ouï-dire ».
Un autre passage de Strabon nous donne des informations astronomiques : « Le Massaliote Pythéas dit que Thulé, la plus septentrionale des îles britanniques, est située à l’extrême nord, et que là le tropique d’été s’y confond avec le cercle arctique ».
Mais il ajoute aussi que Pythéas était un fieffé menteur.
Un texte de Geminos de Rhodes, dans son traité d’astronomie, Introduction aux phénomènes célestes, s’avère très intéressant pour nous à cet égard : « Il semble que Pythéas le Massaliote soit, en fait, allé dans ces régions. Il dit dans son traité consacré à l’océan : les barbares nous ont désigné