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LE GRAND CATÉCHISME.
SCIENCE ET PHILOSOPHIE : ÉLÉMENTS DE THÉOLOGIE DRUIDIQUE.
Tome II
Pierre de la Crau se considère comme l’éditeur ou comme le coordonnateur de ces textes, et non comme leur auteur. Il s’agit en réalité d’un travail collectif.
Les ouvrages mentionnés dans la bibliographie sont utilisés sans note et sans mention en bas de page, afin de ne pas gêner inutilement la lecture d’un livre destiné au public le plus large, et pas seulement universitaire.
Bien que n’étant pas l’auteur ayant écrit ce livre, Pierre de La Crau accepte néanmoins d’en assumer tous les défauts. Remarques et suggestions pourront donc lui être envoyées.
Cet opuscule a pour objet de montrer avec précision l’harmonieuse authenticité de la volonté ainsi que du savoir des très-sachants d’aujourd’hui. De montrer à quel point ses grandes thèses actuelles ont des racines anciennes, car la Mythologie, c’est notre Bible à nous. Les adaptations de ce bref exposé mythologique, exigées par les différences de culture, d’âge, de maturité spirituelle, de situation sociale, et autres, seront à faire par les très-sachants concernés (les vellèdes, etc.).
Les Celtes sont en effet un peuple destiné à sauver le monde, par la contamination de son exemple en matière d’écologie (Pierre de La Crau. Paris. Janvier 1993).
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LE GRAND CATÉCHISME .
SCIENCE ET PHILOSOPHIE : ÉLÉMENTS DE THÉOLOGIE DRUIDIQUE.
Tome II
« Les Celtes sont donc un peuple destiné à sauver le monde, par la contamination de son exemple en matière d’écologie » (Pierre de La Crau. Paris. Janvier 1993).
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REGAIN, RÉSURGENCE ET RENAISSANCE, OUI !
RÉSURRECTION À l’IDENTIQUE, NON !
« C’est en suivant le cheminant que l’on trouve le chemin ».
La comparaison est un processus mental fondamental : regrouper certains faits dans des catégories communes, mais aussi observer les différences. De tels liens et relations sont à la base de la pensée et de la science. Sans cela il n’y a que des faits isolés sans liens entre eux. C’est donc sur la base de la comparaison que naissent les généralisations, les interprétations et les théories. La comparaison crée de nouvelles façons de voir et d’organiser le monde.
Le comparatisme religieux est donc vieux comme le monde. Hérodote en faisait déjà. En ce qui concerne les religions antiques, cette démarche intellectuelle a produit de nombreux ouvrages rangés dans les rayonnages « mythologie comparée » depuis Max Muller (1823-1900).
En ce qui concerne les religions non antiques il en va tout autrement.
Chaque religion s’est bien entendu comparée à celles avec lesquelles elle était en concurrence, mais d’abord pour les dénigrer ou affirmer sa supériorité.
Les premiers éléments d’un début de comparatisme religieux plus objectif se trouvent actuellement éparpillés sous l’étiquette « dialogue religieux » et proviennent généralement des religions se définissant elles-mêmes comme monothéistes vu leur extension de par le monde. Le tout dans un but apologétique ou missionnaire évidemment. D’où problème.
Nous trouvons également des réflexions utiles dans les cercles relevant plus ou moins de l’athéisme, mais elles sont……
— Soit détaillées, mais focalisées sur une religion particulière.
— Soit plus générales, mais assez sommaires.
Et relèvent d’ailleurs aussi le plus souvent de l’histoire une optique non croyante.
De grands noms jalonnent cette histoire depuis William Robertson Smith (religion des Sémites) jusqu’à Mircea Eliade en passant par Émile Durkheim.
D’autres auteurs ont ouvert de nombreuses pistes en ce domaine.
Notre idée est D’EN PROLONGER UN CERTAIN NOMBRE EN ALLANT ENCORE PLUS LOIN DANS CE COMPARATISME RELIGIEUX (élargissement du champ des recherches anthropologiques, approfondissement des soubassements psychologiques, fin des survalorisations, décolonisation, antiracisme nouvelles hypothèses…) ET EN REPRENANT LE FIL INTERROMPU DE LEUR PASSIONNANTE QUÊTE DU GRAAL INACHEVÉE CAR l’ancien druidisme est un peu comme le célèbre conte du graal de Perceval et de Gauvain.
C’est une histoire inachevée, qui s’interrompt brutalement après les 9000 premiers vers. Notre projet est d’en écrire la suite. Une continuation disait-on à l’époque. Ces petits cahiers destinés aux futurs très-sachants, se veulent à la fois une continuation et une mise en garde. Une continuation ou un ultime prolongement, car ils ont été composés à la manière des théologiens (chrétiens, bouddhistes, hindouistes, musulmans, etc.) du moins dans ce qu’ils avaient, tous, de meilleur (des éléments souvent d’origine païenne en fait). Une des fonctions de l’imitation a toujours été, en effet, dans les littératures orales populaires, de répondre à l’attente du public, frustré par l’interruption de la création originelle [en l’occurrence la philosophie druidique]. À cette attente a répondu au Moyen-âge, la technique narrative cyclique de la poésie épique des chansons de geste ou celle des Romans de la Table ronde.
La voie du pastiche est celle qui consiste à enrichir l’original en le complétant par des touches successives, en développant des détails à peine esquissés, ou en interprétant ses ombres. Et ça, la pensée de nos ancêtres en avait bien besoin !
Mais cette compilation raisonnée, due à la plume de Pierre de La Crau, est aussi en un sens une mise en garde, car il ne fut jamais question, néanmoins, pour le maître d’œuvre de ce travail collectif, d’avaliser tel quel et sans réserve aucune, l’ensemble de ces doctrines. Il a au contraire souhaité, par toutes sortes de moyens littéraires (retournement des arguments, contre-pied, ou autres…) en faire ressortir les aspects souvent négatifs, néfastes, aliénants ou obscurantistes ; et si ce texte peut sembler parfois, rendre indirectement hommage à la capacité de réflexion des diverses Écoles théologiques actuelles, chrétiennes, musulmanes, juives, ou autres, c’est involontairement ; car son but est bien de tout faire, pour leur arracher, des mains, le monopole du discours sur le divin (voir à ce sujet les propos d’Albert Bayet), quitte à achever de les discréditer définitivement aux yeux du public. Sauf en ce qui concerne ce qu’elles ont emprunté de mieux au paganisme, évidemment, et qui est énorme ; car dans ce dernier cas, il s’agit, rappelons-le encore une fois, de la part du maître d’œuvre
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de cette compilation, d’une réadaptation à notre monde, des réflexions de ces apprentis théologiens (le dieu des philosophes, l’Ahoura Mazda, l’immortalité de l’âme, les hommes-dieux, les fils de dieu, le messie Saoshyant, la trinité, le taouaf, les sacrifices, la vie après la mort, sans compter les chérubins le paradis, etc.)
En d’autres termes non pas de l’Histoire, mais une fiction historique, d’après les œuvres de… voir la bibliographie à la fin. En ce sens, notre « imitation » n’est qu’un retour aux sources. En bref un hommage.
« Le Druidisme » est une revue indépendante (indépendante de toute association religieuse ou politique) et qui n’a qu’un seul but : la recherche théorique ou fondamentale en matière de néopaganisme. La double question à laquelle essaie de répondre cette revue d’études théoriques pourrait se résumer ainsi :
« Que pourrait être ou que devrait être, un néo-druidisme actuel, moderne et contemporain ? »
Le « Druidisme » est une revue néopaïenne, strictement néopaïenne, héritière de tous les mouvements authentiques (c’est-à-dire non chrétiens) qui se sont succédé depuis deux mille ans, l’héritière indirecte, mais l’héritière, quand même !
À propos de notre tradition de référence ou de notre filiation intellectuelle soulignons que si les « poètes » du royaume de Domnall mac Muirchertach Ua Néill avaient toujours les imbas forosnai, les teimn laegda ainsi que les dichetal do chennaib 1) à leur répertoire ((cf. la conclusion de l’histoire du pillage du château de Maelmilscothach, d’Urard Mac Coisé, un poète mort au XIe siècle), ils étaient peut-être déjà chrétiens quand même depuis plusieurs générations. Il est vrai que ces pratiques (imbas forosnai, teimn…) étaient formellement interdites par l’Église, mais qui sait, il y a eu peut-être des accommodements analogues à ceux des astrologues ou alchimistes du Moyen Âge.
Quoi qu’il en soit notre « Druidisme » est aussi une volonté, la volonté de se rapprocher, au maximum, du druidisme antique, tel qu’il fut (scientifiquement parlant). La volonté aussi néanmoins de moderniser ce druidisme, un retour total au druidisme antique étant exclu (il serait de toute façon impossible).
Exemples de modernisation de ce druidisme païen.
— Abandon aux associations laïques du côté culturel (médecine, poésie, mathématique, etc.). Principe de séparation de l’Église et de l’État.
— Spécialisation par contre dans la spiritualité celtique, ou païenne en général, l’histoire de la religion, la philosophie et la métapsychique (dite aujourd’hui parapsychologie).
— Utilisation dans certains cas du vocabulaire actuel (Église, religion, baptême, et ainsi de suite).
Un juste milieu est évidemment à trouver entre un retour total au druidisme antique (fondamentalisme ou intégrisme) et une modernisation radicale trop révolutionnaire (plus de saie).
L’AAP (athée agnostique panthéiste) celte ayant accepté de cosigner cette petite bibliothèque *, dont il n’est que le rassembleur, le druide Hesunertus (Pierre de La Crau), ne se considère pas comme l’auteur de cet ouvrage collectif. Mais comme le simple porte-parole de l’équipe l’ayant composé. Pour ce qui est des autres sources de cet essai sur le druidisme, voir les remerciements de la bibliographie.
* Ce petit camminus est néanmoins important aussi pour les jeunes… de 7 à 77 ans ! Mantalon siron esi.
1) Do ratath tra do Mael Milscothach iartain cech ni dobrethaigsid suide sin etir ecnaide 7 fileda 7 brithemna la taeb ogaisic a crech 7 is amlaidsin ro ordaigset do tabairt a cach ollamain ina einech 7 ina sa[ru]gad acht cotissad de imus forosnad [di]chetal do chollaib cend 7 tenm laida .i. comenclainn fri rig Temrach do acht co ti de intreide sin FINIT.
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IMBAS FOROSNAI.
« Dans leur langue Hercule se nomme Ogma. La forme sous laquelle ils représentent ce dieu a quelque chose de tout à fait étrange. C’est pour eux un vieillard… Je vais vous expliquer l’énigme de cette image qui semble si fort vous troubler. Nous autres Κελτο nous ne pensons pas comme vous Grecs, que Mercure soit le dieu de l’éloquence. Nous l’attribuons à Hercule, qui l’emporte sur Mercure par la supériorité de ses forces. Si nous le représentons sous la forme d’un vieillard, n’en soyez pas surpris. Ce n’est que dans un âge avancé que… Τοσατα μν Κελτός ».
On appelle interpretatio la recherche d’équivalences entre deux dieux de traditions diverses, d’une traduction en fait, visant à définir brièvement la nature générale d’une divinité souvent peu familière pour l’auditoire par l’usage du nom de l’entité grecque ou romaine qui partage avec elle le plus grand nombre de points communs.
Depuis toujours en effet l’homme a cherché à comprendre les concepts divins, des autres, pour s’en défendre ou les utiliser. Les tablettes de Ras Sharma, l’ancienne Ougarit, contiennent des listes de théonymes, peut-être recensés à des fins rituelles, et rapprochent les dieux akkadiens, ougaritiques et hourrites, sur la base de la ressemblance de leurs champs d’action. L’exemple des serments mésopotamiens scellant les alliances politiques montre aussi l’importance du phénomène, certains auteurs ayant même été jusqu’à parler de « panthéon international » à ce propos.
En Égypte, dès l’Ancien Empire par exemple, Baalat, la déesse de Byblos, et Hathor, seront mises sur un pied d’égalité ; au Nouvel Empire, Astarté est rapprochée d’Hathor, d’Isis et de Sekhmet, et la religion égyptienne en fait en outre la fille de Ptah. On évoque également dans la version égyptienne de l’accord établi entre Hattusili III et Ramsès II, « le Rê seigneur du ciel et le Rê de la ville d’Arinna, le Seth seigneur du ciel et le Seth de Hatti.. » « Rê de la ville d’Arinna » et « Seth du Hatti » sont manifestement des désignations de divinités proche-orientales : le premier semble associé à la déesse solaire de la ville d’Arinna, et le second à Teshoub ou Baal.
Hérodote au 5e siècle avant notre ère proposera à ses lecteurs toute une série d’équivalence entre les divinités hellènes et une partie des panthéons arabes assyriens et scythes
L’« assimilation » religieuse s’effectue bien souvent sous une forme principale : l’adoption pure et simple du nom de la divinité gréco-romaine, sans référence religieuse indigène sur les autels ou sur les inscriptions. Mais nous constatons également une forme évoluée de syncrétisme lorsque, par exemple, le nom du dieu indigène reste accolé à celui de la divinité grecque sous forme d’épiclèses.
La notion d’épiclèse est empruntée à Pausanias le Périégète, géographe du IIe siècle qui, dans sa Périégèse, ou Description de la Grèce, emploie le terme pour préciser sous quelle appellation tel dieu est spécifiquement honoré dans tel ou tel lieu ou dans telles ou telles circonstances.
Les épiclèses se répartissent entre deux grandes catégories : les toponymiques et les fonctionnelles. La troisième grande catégorie d’épiclèses est celle relevant des deux premières.
Une épiclèse toponymique est un adjectif dérivé d’un toponyme. Il s’agit, le plus souvent, de celui du lieu de culte lui-même. Mais il peut parfois dénoter la diffusion d’un culte ou le transfert d’un culte local d’un lieu à un autre : l’épiclèse Ephesia (« d’Éphèse »), épiclèse d’Artémis, indique que le culte de la déesse s’est diffusé à partir d’Éphèse.
Une épiclèse fonctionnelle évoque le domaine dans lequel l’aide de la divinité est attendue.
Il en existe néanmoins beaucoup d’autres.
L’épiclèse mythologique évoque l’un des mythes associés à la divinité : ainsi Huakinthios, épiclèse d’Apollon, qui rappelle qu’il a tué son élève et éromène Hyacinthe
L’épiclèse liturgique a trait au déroulement du culte : par exemple Hekatombaios (« des hécatombes »), épiclèse d’Apollon.
L’épiclèse anthroponymique est une épithète dérivée d’un anthroponyme, celui du fondateur du culte et de ses descendants : ainsi Diomedonteios (« de Diomédon »), épiclèse d’Héraclès à Kos.
L’épiclèse exclusive est une épiclèse qui n’est partagée par aucune autre divinité : ainsi Pytheiè / Pythiè, épiclèse d’Artémis à Milet.
La répartition des épiclèses entre les divinités n’est pas homogène. Certaines en ont beaucoup, comme Zeus, Apollon, Artémis et Athéna. D’autres, tel Arès, n’en ont que très peu. Certaines, tel Héphaïstos, n’en ont aucune.
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La question se pose alors de savoir à qui s’adressaient véritablement les dédicants – une interrogation moderne qui n’était sans doute pas du tout présente dans l’esprit des habitants de l’Égypte ptolémaïque et romaine. Souhaitaient-ils recevoir la protection du dieu égyptien local ou alors se tournaient-ils vers le dieu grec dans un lieu qui leur paraissait approprié à son écoute, à savoir un temple de son homologue égyptien ? Ou alors les deux désignations, grecque et égyptienne, ne seraient alors qu’une manière d’exprimer deux perceptions d’une même divinité, ou du moins d’une même entité susceptible d’agir efficacement dans le contexte spécifique dans lequel elle est invoquée. Il y aurait donc deux « noms véritables », l’un en grec, l’autre en égyptien, tous deux aussi efficaces l’un que l’autre, utilisés en fonction du contexte linguistique.
L’idée que les musulmans se font de Dieu adorée à La Mecque est-elle par exemple la même idée de Dieu que celle des enfants d’Abraham d’Isaac et de Jacob ? Notre réponse à nous est non, mais la question ne se pose pas pour les musulmans pieux et ce d’autant plus que leur théologie a trouvé une explication bien commode pour les cas où il y a divergence avec le Coran : les juifs et les chrétiens ont falsifié les saintes Écritures originelles.
Pour en revenir à nos moutons c’est le cas de dire il est donc difficile de classer les divinités qui ont un nom dit composé dont l’un des éléments est romain et l’autre indigène comme Hercule Magusanus, Mercure Gebrinnius et Mars Camulus en Germanie inférieure. Ce qui est certain en tout cas c’est que, comme le remarque Ton Derks, « le culte des dieux aux noms composés n’a pu se faire qu’après le contact avec les Romains ».
Tout le problème alors est de cerner au mieux l’influence réelle ou supposée des dieux romains. Ont-ils remplacé systématiquement les dieux locaux, tant dans les villes que dans les campagnes ? Ont-ils été intégrés dans les panthéons locaux avec les divinités indigènes ? Dans quelle mesure pouvons-nous parler d’interpretatio romana, voire gallica, hispanica
Que faut-il entendre par interpretatio d’ailleurs ? Ce terme semble impliquer une assimilation pure et simple. Or le phénomène est en réalité plus complexe. Les assimilations totales sont rares et les dieux traditionnels, ayant reçu un nom romain, ont pour la plupart conservé une part de leur nature originelle et sont restés germains, celtes ou puniques. L’approche du phénomène de l’interpretatio demande donc beaucoup de prudence. Il serait peut-être préférable de parler d’acculturation, car ce terme est « plus respectueux des cultures minoritaires ». L’acculturation se définit comme « le processus par lequel deux cultures qui se trouvent en contact, mais dans une position inégale, modifient réciproquement leurs structures ».
Hérodote semble avoir été le premier à proposer ce type d’équivalence par la « traduction » du nom d’une divinité étrangère en grec. Le mécanisme consiste à opérer une identification entre des dieux d’origine différente, sur la base d’une comparaison le plus souvent fonctionnelle. Les dieux sont conçus comme étant potentiellement présents partout et identifiables. Ce qui change d’un peuple à l’autre, c’est le nombre de dieux identifiés et la forme linguistique de la dénomination.
Le même phénomène de l’interpretatio caractérise aussi la civilisation romaine. Tacite utilise pour la première fois l’expression interpretatio romana quand il cherche à identifier un couple de dieux germains avec les divinités gréco-romaines, Castor et Pollux. Mais ce phénomène était déjà connu auparavant. Quand César parle des dieux celtes, il n’a aucun mal à leur donner des noms romains (Mercure, Mars, Apollon, Jupiter, etc.). Il reconnaît dans ces dieux des traits qui lui permettent d’établir quels sont leurs équivalents à Rome.
Il faudra attendre l’émergence d’une certaine forme de monothéisme (exclusif) pour assister à la diabolisation des conceptions de la divinité… des autres. Voir les consternantes polémiques anti-idoles de la Bible ou du Coran.
Jusque-là la flexibilité du polythéisme avait permis de rapprocher des conceptions de la divinité aux noms, apparences et rituels pourtant particulièrement éloignés.
ALORS BARBARISME GALLICISME OU ATHÉISME ??
L’intention présidant à la somme qui va suivre de rapprochements ou comparaisons ou mises sur un même plan de notions religieuses appartenant à des univers cultuels et culturels différents… sera en fait celle-là même que le druide rencontré par Lucien de Samosate 1) dans la région de Massilia en 158 avait si brillamment illustrée et que nous faisons nôtre : l’humanisme ou anti racisme intégral, le mariage de la foi et de la raison !
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1)Lucien de Samosate fait partie des auteurs grecs qui ont été redécouverts à la Renaissance, par ces hommes de lettres passionnés d’Antiquité qu’on appelle les humanistes. Ce texte, inconnu au Moyen Âge, connut un vif succès chez eux (en Allemagne Albrecht Dürer en a fait un dessin se basant sur cette description) et ils adoptèrent Hercule comme patron ; Érasme s’y réfère et interprète les douze travaux comme des travaux de l’esprit : Hercule, héros de la philologie ! Alciat reproduit, dans ses Emblèmes, la figure de l’Hercule gallique, avec cet exergue : « Eloquentia fortitudine praestantior cedant arma togae ».
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LES DIVERSES CONCEPTIONS DU PROCESSUS ABOUTISSANT À CE QUE L’HOMME SOIT ANIMÉ…
(ou ait une âme).
A) La préexistence.
De toutes les théories sur lui-même qui ont été soutenues par l’Homme, celle d’une entité âme, séparée du corps et immortelle, a été la plus largement répandue ; et parmi ceux qui soutiennent la croyance en une telle âme, la majorité des personnes réfléchies a toujours cru aussi en sa préexistence. Telle est du moins l’opinion du néo-druide Allan Kardec.
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NOTE DE PIERRE DE LA CRAU.
Préexistence non de l’âme individuelle, mais de l’essence ou de la « substance » de cette âme. Nous avons spécifiquement la même âme au départ, mais par notre corps et grâce à nos qualités ou à nos défauts respectifs, nous devenons des individus distincts. Et c’est notre corps qui fait que notre âme se distingue des autres. Alors qu’au départ, rappelons-le encore une fois, notre âme est identique à celle des autres êtres humains.
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Les âmes préexistent dans un état antérieur et entrent dans le corps humain à un moment donné, lors des premiers développements du corps. Platon, Philon et Origène, soutenaient ce point de vue. Platon l’a enseigné pour expliquer que l’homme possède les idées qu’il n’a pas tirées des sens ; Philon, pour rendre compte de l’emprisonnement de l’âme dans le corps ; et Origène, pour justifier la disparité des conditions dans lesquelles les hommes viennent au monde.
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NOTE DE PIERRE DE LA CRAU.
Si l’on entend par là des âmes individuelles, et bien distinctes les unes des autres, alors il s’agit d’une théorie dont on ne trouve aucune trace dans les témoignages relatifs aux croyances druidiques.
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B) Le créatianisme est la thèse de ceux (dont saint Thomas) qui enseignent que le principe immortel, l’âme individuelle, est créé directement par Dieu et descend du ciel dans le fœtus, c’est-à-dire dans l’ovule fécondé. L’âme individuelle est à chaque naissance une création directe de Dieu. Elle entre dans le corps lors des toutes premières étapes du développement du corps, probablement à la conception. Le corps seul provient des générations passées. Il s’agit de la théorie judéo-islamo-chrétienne classique, et, là aussi, elle n’est pas druidique. Pour Augustin, à la différence des manichéens, l’âme individuelle n’est pas une partie de Dieu, mais une créature : elle est, non pas de lui, mais faite par lui. Augustin se démarque donc du traducianisme de Tertullien dont il dénonce les contradictions. Pour lui, chaque homme naît à neuf en son âme comme en son corps. Dès le commencement de sa vie, l’homme reçoit de Dieu ce don unique et original qui le constitue. En 498, le pape Anastase II ayant définitivement levé l’hypothèque pélagienne concernant le créatianisme, celui-ci deviendra la doctrine officielle de l’Église, sans que soit remise en cause la transmission du péché originel.
Il s’agit là, bien évidemment, d’une théorie dont on ne trouve aucune trace dans les témoignages relatifs aux croyances druidiques.
C) Le traducianisme. L’embryon reçoit son âme individuelle de ses parents, de la même manière qu’il en reçoit son corps. L’âme individuelle est engendrée tout comme les corps, par les rapports sexuels. Les âmes des enfants sont engendrées par propagation plutôt que par création directe (traducianisme et non créatianisme). Les âmes individuelles des hommes ne sont pas créées quotidiennement… mais sont propagées, per traducem, par leurs parents. Tertullien en fut un farouche partisan, à la différence d’Origène. On sait qu’Origène défendait une hypothèse encore proche de Platon, c’est-à-dire la préexistence incorporelle des âmes avant leur incarnation dans un corps. Tertullien s’éleva contre ce supposé périple de l’âme venant rejoindre le corps comme par accident. Puisant dans les ressources du stoïcisme, il rappelle que l’âme végétative se trouve déjà présente dans la semence paternelle. Et fatalement, il se fait ainsi l’agent d’un certain traducianisme, où le souffle vital (anatlo) ne devient véritablement âme humaine qu’à la naissance. Selon lui, cette présence de l’âme dans la semence devient l’argument décisif contre toute possibilité de transmigration des âmes individuelles. Dans cette conception des choses, les âmes individuelles ne viennent pas d’un ailleurs ou d’un avant
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hypothétique, elles surgissent du substrat corporel, transmises depuis les origines par le truchement des semences, de la même manière que les corps.
Grégoire de Nysse est lui-même très proche de cette perspective, tout en se démarquant de la préexistence origéniste. Il entend montrer la présence de l’âme dès le début de la vie, et même avant celle-ci, présupposant même la présence de l’âme dans la semence !
Ce qui rejoint la définition classique d’un certain traducianisme stoïcien, l’âme humaine tenant ici la place du souffle vital.
[N.D.L.R. Cette idée est évidemment la plus naturelle de toutes. Voire même la plus naturaliste. L’âme est transmise (traducere) dans l’acte de la génération. Certaines Écoles druidiques (les plus matérialistes) semblent avoir vu les choses ainsi.
D) L’émanationisme. Il n’y a pas d’acte créateur. Dieu ne tire pas l’âme individuelle du néant pour l’insuffler dans un corps, l’âme est une partie de Dieu, une larme de feu divine incorporée dans l’embryon. Autant dire que chaque âme est une parcelle de Dieu, et que Dieu est présent donc, en chacun de nous.
Quand elle est « achevée », l’âme est réintégrée dans le Divin où elle « Est » pour l’éternité.
Toutefois, n’ayant qu’un « capital d’énergie spirituelle » limité, ladite âme est « brûlée » lors de sa réintégration finale et retourne alors à l’énergie spirituelle indifférenciée. C’est sa mort spirituelle… Après un certain temps passé dans un univers parallèle de nature paradisiaque, l’âme humaine perd son individualité (son esprit, son menman) puis se dissout dans les limbes du Grand Tout.
Supposons une bouteille remplie d’eau, et jetée sur l’Océan, où elle flotte jusqu’à ce qu’elle trouve un écueil contre lequel elle se heurte et se brise. Le contenant tombe au fond de la mer, le contenu se réunit à son tout, c’est-à-dire à l’eau de l’Océan. Eh bien la liqueur renfermée dans ce vase, c’est l’âme humaine, l’écueil, c’est la mort, le vaste Océan, les derniers stades ou degrés du paradis ; car, rappelons-le, le paradis n’est pas un lieu, mais un état ; le mélange de la liqueur avec l’eau de la mer, la réunion de l’âme au Grand Tout.
Ainsi que nous avons pu le voir plus haut, l’âme des êtres humains a donc cinq origines possibles.
a) La préexistence. Les âmes existent indépendamment des corps dans une sorte d’immense réservoir cosmique et s’insèrent ou sont insérées par une entité quelconque dans tout embryon nouvellement formé.
b) La réincarnation systématique. Les âmes existent indépendamment des corps, mais passent par toute une série de vies diverses, humaines, animales, ou végétales. La réincarnation de type hindou peut se définir comme étant le fait qu’après la mort, il existe une autre vie, et à la fin de celle-ci une autre, et ainsi de suite. La présente vie ayant été précédée de plusieurs autres. Le nom que l’on donne à ce cycle de naissance et de mort est réincarnation. Même les animaux se réincarnent dans la tradition hindoue, et un être peut passer d’une condition (d’homme à animal, le contraire étant aussi possible) à une autre.
En ce qui concerne le druidisme, le terme renaissance est préférable au terme réincarnation, puisque la réincarnation suppose une chaîne presque sans fin, déterminée par des fautes commises dans des vies antérieures, ce qui n’est pas la foi druidique.
La réincarnation en ce monde est en effet inconnue de la tradition druidique authentique. Il n’existe que des cas de métamorphoses.
Pour comprendre cette idée druidique de réincarnation dans un autre monde parallèle de nature paradisiaque, il suffit d’ailleurs d’accepter l’idée que le corps humain est une machine exceptionnelle. Avec ce corps humain, avec cette intelligence humaine, si nous faisons des efforts, tout devient possible ou presque.
c) La création directe et à chaque fois et ex nihilo, par un dieu ou un démiurge créateur. Conception chrétienne par excellence (créatianisme). Dieu dote mécaniquement chaque embryon d’une nouvelle âme dès les premières secondes. Remarque : pour les chrétiens, Dieu semble obligé de le faire, car on ne saurait imaginer un être humain sans âme (cas des fécondations in vitro).
d) La transmission héréditaire. Les premiers hommes ont été dotés d’une âme et, depuis, les parents transmettent à leurs enfants de l’âme aussi bien que du corps.
e) La conception druidique. Il existe derrière l’univers physique un immense et infini réservoir d’âme indifférenciée (non individualisée) appelé awenyddio. La vie est un phénomène complexe qui a pour caractéristique de doter chaque nouvel embryon d’un peu de cette gigantesque âme universelle (awentia ou awenyddia). Un peu comme une plante extrayant peu à peu de la terre ce qu’il lui faut pour vivre. L’âme a besoin de vivre une expérience terrestre lui imprimant une individualité, lui construisant une personnalité (un esprit).
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Ce qui semble acquis également, c’est l’unité indissoluble de l’être humain qui n’est pas seulement un corps + une âme, mais qui est « corps et âme ». Il y a néanmoins trois plans bien différents à distinguer dans la personne humaine, le corps (kicos) l’esprit (menman) et l’âme (anamone).
L’examen lexicographique du nom de « l’âme » (anamone, irlandais : ainim, breton : ene, mais aussi anaon, âmes des trépassés) ainsi que de celui de l’esprit (menman) ; montre que les très-sachants de l’Antiquité ont fait une telle distinction, dans leur vocabulaire et leurs conceptions religieuses ou métaphysiques.
Le kicos, le corps, chacun sait ce que c’est, nous n’insisterons donc pas plus à son sujet, sinon pour rappeler qu’il est par définition mortel.
La notion d’âme, elle, renvoie en général à un « petit quelque chose » lié au corps, mais ne pouvant néanmoins lui être totalement assimilé, une entité non physique animant l’existence des êtres humains et survivant à leur mort.
Entre les deux un stade intermédiaire, une interface, une zone ni blanche ni noire, mais grise, aux noms divers : le mental, la conscience, l’intelligence, en bref l’esprit humain avec une première lettre minuscule, le menman. Cet esprit est mobile et durable. C’est lui qui subit les différents aléas de l’existence. Il est conditionné par le corps et intègre les sensations. L’esprit est donc la force/désir de sensation matérielle qui oblige l’âme à rester incarnée voire à se réincarner tant qu’elle n’a pas éliminé toute trace « d’ego » comme de « désir ». D’où l’idée druidique que l’existence terrestre ne suffit pas en réalité à s’identifier au divin, et qu’une autre existence est nécessaire pour cela.
Certains très-sachants soutiennent qu’âme individuelle, mais aussi esprit/conscience, sont une seule et même chose, mais exerçant deux rôles ou deux fonctions différentes. La partie supérieure de l’âme tendrait vers le divin qu’elle atteint plus ou moins selon ses dispositions, et la partie inférieure immergée dans le corps ne serait qu’une interface avec la matière : elle constituerait le mental humain (son menman).
Ce qui est certain, c’est qu’il y a interaction entre l’âme et le corps physique par l’intermédiaire de cette interface qu’est l’esprit humain. L’anamone ou âme s’exprime au travers de cet esprit et le corps répond, via le résultat produit par celui-ci sur l’extérieur. Quand le corps souffre (sentimentalement, physiquement) l’esprit souffre, et, par conséquent, l’âme également. À l’inverse, lorsque le corps a du plaisir, l’âme s’ouvre et sa fonction vitale peut s’exercer. On a une trace de ce plan affectif de la conception druidique de l’âme/esprit avec les anaon bretons qui ; à la fête des Morts, le lendemain de la Toussaint correspondant à la Samon des anciens gnostiques d’Occident ; reviennent par les routes qui leur sont familières, à leur ancien domicile.
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CIRCUIT DES ÂMES DU GRAND RÉSERVOIR PSYCHIQUE UNIVERSEL
ENTRE LA NATURE ET LA SURNATURE, ENTRE LE MONDE DES VIVANTS
ET CELUI DES MORTS (OU DES PAS-ENCORE-NÉS).
Ce que le druide contemporain Corin Braga appelle la croyance en un circuit dépersonnalisé (non personnalisé) des âmes, qui n’implique aucune continuité de personnalité entre les réincarnations (à la différence de la transmigration pythagoricienne à laquelle l’ont assimilée les auteurs gréco-latins). Cette croyance est commune aux paradigmes du chamanisme de chasse et du chamanisme d’élevage. Très résistante, elle a survécu du paléolithique jusqu’au christianisme. Elle a été renforcée par la venue des Indo-Européens éleveurs de bétail.
Ce n’est ni la félicité comme cela peut être le cas dans un premier temps du séjour de l’âme/esprit individuelle au Mag Meld ; ni un avantage réel ni l’accès à un monde plus haut. C’est un état indescriptible marqué par l’isolement progressif de l’âme, du monde psychosomatique. Le scholiaste de Lucain ne s’est pas trompé à ce sujet puisqu’il ne remarque pas à propos du vers 457 que selon les druides l’âme vit éternellement dans l’autre monde après la mort du corps, mais PRESQUE ÉTERNELLEMENT (quasi semper).
Cette doctrine était enseignée par certaines Écoles druidiques, comme le démontrent les témoignages des auteurs classiques grecs et latins sur leurs voisins du Nord. Il est possible qu’elle ait été partagée aussi par les peuples situés à l’est des Celtes, les Géto-Daces (du moins jusqu’à la réforme de Zalmoxis) et les Scythes.
L’âme dans l’antiquité gréco-romaine.
Chez les Grecs, du temps de l’Iliade, l’âme, psyché, signifie exactement le souffle. L’ombre, eidôlon, est à proprement parler une image. L’esprit enfin, est désigné par un mot du registre matériel, phrenes, le diaphragme, siège de la pensée ainsi que des sentiments, inséparables d’un support physiologique.
Après la mort, il ne reste que des ombres qui mènent sous terre une vie végétative diminuée. Ces ombres évanescentes deviendront plus tard les Mânes et les Lares chez les Romains. Dans le Tartare, elles répètent indéfiniment l’acte le plus important de leur vie passée. Les Danaïdes remplissent sans fin leur tonneau percé, Sisyphe roule son rocher et Tantale le gourmand voit s’approcher de lui et repartir, les plats les plus délicieux.
Ce royaume d’Hadès et de Perséphone est un bourbier qui glace d’horreur les divinités elles-mêmes. Les plus heureux sont dans les Champs Élysées où ils passent leur temps à regretter la vraie vie : celle qui se déroule à la surface de la Terre. Homère en témoigne dans l’Odyssée (chant XI). Ulysse a pu leur rendre visite et il rencontre le vaillant Achille, héros de la guerre de Troie, devenu le roi des morts. Mais lorsqu’il lui dit : « Tu jouis de la félicité en régnant sur le peuple des ombres » ; Achille lui répond : « vaine consolation, j’aimerais mieux être l’esclave du plus pauvre des laboureurs, qui vit à la sueur de son front, que de régner sur le peuple des morts ».
Éric Robertson Dodds (1893-1979) dans son très contesté livre sur les Grecs et l’irrationnel, a bien montré qu’une nouvelle conception de l’âme a émergé en Grèce au VIIe siècle avant notre ère. Et que cette nouvelle conception était d’origine hyperboréenne. L’âme et le corps sont opposés, du moins selon lui, et l’homme a un soi invisible d’origine divine.
Ce livre a fait l’objet de nombreuses critiques, notamment de la part de certains anthropologues. On a beaucoup reproché à Dodds d’importer dans ce monde des outils d’analyse adaptés en fait aux Occidentaux du XXe siècle. On trouve en effet, ici et là, des interprétations psychanalytiques assez anachroniques. Cet inconvénient surmonté, le livre de Dodds permet de comprendre que la pensée grecque ne peut être réduite aux écrits philosophiques.
Les poèmes homériques, écrits aux VIIIe et VIIe siècles avant notre ère, constituent le point de départ de l’analyse de Dodds. On y trouve de nombreux récits de rêves dans lesquels un personnage appelé Oneiros, dieu-ou-démon ou héros mythique, entre dans la chambre du dormeur et délivre un message. Plus l’homme est important, plus le message aura valeur d’oracle. Dans d’autres récits, le rêve est une vision qui nécessite une interprétation. Comme la plupart des autres peuples, les Grecs font une distinction entre les rêves qui sont véridiques et passent par la « porte de corne », et ceux qui sont trompeurs et passent par la « porte d’ivoire ».
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Dodds accorde une large part aux rêves. Le « voyage » de l’âme/esprit quittant le corps, notamment dans le cas du rêve, est un thème récurrent du druidisme. Pendant ce voyage, l’esprit voit des paysages irréels, les esprits des morts, les démons de la nature, d’autres êtres humains demeurant pourtant très loin, etc., etc.
N.B. Le rêve selon les druides présente un caractère particulier : il est « vu » par un dormeur passif, alors que nous, Occidentaux contemporains, nous « faisons » un rêve. Le rêve homérique est envoyé au dormeur par un autre monde, tout aussi objectif que celui de la veille, celui des dieu-ou-démons et des grands héros ; il est reçu comme un « présent » et il est donc en cela recherché.
Dodds montre bien la manière dont l’attitude des Grecs face au rêve se modifie au VIIe siècle, sous l’influence principalement des Scythes venus d’Asie centrale. Leur conviction s’amplifie peu à peu – en raison de la culture chamanique que les Hyperboréens (les Scythes ?) apportent en Thrace – que l’âme/esprit est séparable du corps au moment de la mort et pendant le sommeil. Ses voyages d’alors correspondent au vécu onirique. Les poèmes attribués au mythique Orphée propagent cette conviction au VIe siècle, et la mêlent à celle, religieuse, de la Grèce classique. Le rêve devient alors un voyage de l’âme/esprit vers le royaume des morts. Ces croyances sont au moins aussi influentes dans la Grèce antique que l’attitude rationnelle à l’égard du rêve, celle d’Aristote par exemple, qui fait du rêve prophétique une simple coïncidence (symbolon) et se révèle en cela presque trop « moderne ».
Mais revenons à l’âme dans le monde classique. Sous l’influence des philosophes, les Grecs ont ensuite distingué dans l’âme humaine des parties, des principes, des puissances ou des facultés. Chez Pythagore, la psyché correspondait à la force vitale ; la sensibilité (aisthèsis) à la perception sensible ; le noûs à la faculté intellectuelle, seul principe spécifiquement humain. On connaît le célèbre parallélisme développé par Platon (République Livre IV) entre les parties de l’âme et les classes ou fonctions sociales. Pour Platon, l’âme est déchue : elle est tombée dans le corps, alors qu’elle accompagnait les dieu-ou-démons dans le monde idéal.
Elle comporte plusieurs niveaux, seul le dernier en l’occurrence, est immortel. Dans le Phédon et La République, Platon développe le mythe de la métempsycose : l’âme, après la mort du corps, rejoint le monde des Idées ou un autre corps.
Aristote distinguera dans le noûs l’intellect passif de l’intellect actif, qui sera, dans les spéculations ultérieures, identifié au Logos et à Dieu ou au Démiurge. La notion de pneuma n’interviendra que plus tard, dans la littérature à tendance théologique, en tant qu’âme/esprit appelée à vivre dans la société des dieu-ou-démons, un souffle purement spirituel qui tend vers les régions célestes. Bien qu’elle ait sa racine dans la pensée de Platon, qu’elle se développe six siècles plus tard chez Plotin ; elle ne donnera naissance à toute une pneumatologie que dans les premiers siècles de l’ère chrétienne. Avant de s’épanouir dans le gnosticisme. La théologie symbolique ne trouvera pas de meilleure image pour exprimer ce qu’est l’âme/esprit que celle du souffle, qui sort de la bouche de Dieu-ou-Diable.
Pour les stoïciens, l’âme participe d’une ontogenèse : âme/esprit du fœtus, âme/esprit de l’enfant, âme/esprit de l’adolescent, âme/esprit de l’adulte. Il existe une réelle différence avec Platon et Aristote sur les distinctions dans la nature de l’âme.
La pneuma est à la fois, le principe de la génération pour l’ensemble des êtres animés, mais aussi sous son aspect purement intelligible et spirituel, le principe de la pensée humaine. Le feu qui entre dans la nature de la pneuma provient du feu pur de l’éther, non d’une combustion terrestre ; cette origine établit la parenté de l’âme avec le ciel…
La notion de pneuma, mélange d’air et de chaleur vitale, étroitement apparenté, voire souvent identifié au feu pur de l’éther, qui est l’âme du monde, semble avoir son point de départ dans un des premiers traités d’Aristote ; d’où il est passé chez les stoïciens. Mais l’assimilation du cosmos à un être vivant semble, elle, d’origine pythagoricienne ; et elle est passée, à travers Platon, également chez les stoïciens. L’idée que le corps paralyse et engourdit l’âme, qu’il la rend à la fois sujette aux ténèbres et aux passions, qu’il l’enferme dans une sorte de prison ; s’est répandue depuis Platon dans toute une lignée de penseurs, philosophes et religieux.
La tradition scolastique chrétienne, et notamment la pensée thomiste, distinguera trois niveaux dans l’âme humaine : l’âme végétative qui gouverne les fonctions élémentaires de nutrition et de reproduction, de mouvement brut * ; l’âme sensitive qui régit les organes des sens ; l’âme raisonnable, dont dépendent les opérations supérieures de connaissance (intellectus) * * et d’amour (appetitus).
Quel embrouillamini !!
* Anatlo en vieux celtique donc selon les druides.
** Menman pour les druides antiques.
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CONCLUSION.
La légende de la mort doit aider tout défunt à voyager dans l’au-delà. L’ordalie post mortem opérée à l’aide des dieu-ou-démons (viria ou opération-vérité grâce à un miroir) conduit nécessairement à deux situations différentes bien que non opposées : la terre de félicité du Vindomagos, le plus ou moins séjour comme une âme en peine dans le royaume de Donn/Cornunnos appelé Donnotegia, qui est une sorte d’antichambre du Paradis. C’est aussi dans le même but que Yama, le souverain indo-bouddhique du royaume des morts, utilise pour opérer la sélection un miroir. Que reflète en effet le miroir tendu par ce dieu-ou-démon ? La vérité, la sincérité, le contenu du cœur et de la conscience.
La croyance en la presque immortalité de l’âme chez les Celtes a conduit certains chercheurs à voir dans le Vindomagos et dans les îles apparentées (Mag Meld, etc.) un pays des morts, mais qui dans ce cas y avait accès ? Tous les défunts, quelques-uns seulement, ou la moitié ? La croyance en un au-delà après la mort est ancrée dans les esprits dès l’époque des mégalithes en Europe. Les chamanes et les chefs seront les premiers à espérer cette survie. Mais peu à peu tous les autres hommes (préhistoriques) y adhéreront. Le sacré en effet (le nemetos) c’est l’Homme.
Car l’Être supérieur, le Tokad ou le Bitos, ne peut abandonner au néant ceux qui en ont fait leur Graal. Même si dans ce cas-là, pour les mettre en état d’union totale avec lui, une ultime étape de purification est nécessaire, aux mortels qui n’ont pas pu atteindre de leur vivant l’état d’awenydd ou d’ishraqi. La légende de la mort selon les druides nous a dépeint cette plaine pure et lumineuse avec maints détails évidemment assez naïfs.
On appelle Vindomagos cette ultime étape avant la fusion dans le Pariollon. Ce Vindomagos est-il un état, un lieu, ou un temps ?
Le passage dans le royaume des morts sur lequel règne Donn/Cornunnos, en tant que seibaros, est l’aboutissement logique du refus par l’âme/esprit du vrai divin, le divin apaisé. Ce refus ; qui est négation de la vie et de la joie que procure l’union, même partielle et fugace, de l’anamone individuelle et du vrai monde ; finit d’accumuler sur les épaules de son porteur un lourd fardeau négatif le vouant à l’ategeneto (le bran). Il finit par lui interdire provisoirement, tout séjour au Mag Meld ou au Vindomagos.
Si l’âme d’un défunt se fourvoie dans le royaume des morts de Donn/Cornunnos (Donnotegia) au lieu de rester dans la grande plaine verte et lumineuse du Vindomagos, c’est à cause de ses fautes ou de ses erreurs. Un plus ou moins long séjour en tant que seibaros ou âme en peine, dans l’antichambre du Paradis appelée Donnotegia, lui permettra de rendre son âme au moins digne du Vindomagos, il sera pour lui comme une première purification.
N.B. Il s’agit là de réalités attestées par l’expérience, même si l’ancien druidisme les a traduites dans un langage nécessairement imagé. Les expressions comme Vindomagos, Aballomagos, plus tard Mag Meld, Tir na mBéo, Tir na nOg, voire Maison de Donn (Donnotegia), etc. désignent pourtant un monde qui n’est pas exactement celui des dieux-ou-démons au départ.
Passer dans le Vindomagos, c’est aller rejoindre les dieu-ou-démons au Vindobitu certes, mais surtout afin de pouvoir être ainsi admis à la contemplation du divin Graal ? sur son rocher d’or parfumé. État de bienheureux meldos qui n’est pas encore néanmoins la fusion avec et dans le Pariollon puisque les individualités demeurent : l’âme de X restant toujours différente de l’âme d’Y, tant que leurs esprits ou menman individuels n’ont pas été dissous.
Le séjour en Vindomagos ne doit pas être assimilé à la fusion entre anamone individuelle et awenyddia ou âme universelle, qui n’intervient que plus tard.
Le Vindomagos est aussi l’accomplissement de la vie de l’homme qui a été un bon briugu. Pour les ategnati, les druides, et les kingetes, il en va différemment, comme nous avons pu le voir. Le Vindomagos n’a ni druide ni guerrier, sauf éventuellement de façon temporaire (pour 90 jours ?), lors de certains voyages initiatiques.
Ce qui est sûr, c’est que le Vindomagos n’est pas à concevoir comme une punition par laquelle le Destin se vengerait en quelque sorte de nos infidélités envers les dieu-ou-démons ses « enfants »*. C’est seulement une étape de transition, un espace-temps à part, et non un lieu géographique).
Le néo-druidisme reprend la symbolique antique d’un lieu où les morts attendent. Mais il doit être clair aussi que, dans ce cas-là, les morts devenus meldi n’ont plus avec les êtres et les choses de notre monde les mêmes relations qu’avant.
La tradition druidique affirme que ceux qui sont au Vindomagos, les bienheureux Meldi, restent sensibles aux prières et aux supplications qu’on leur adresse, et qu’ils peuvent donc intercéder en
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faveur de leurs combennones humains restés ici-bas dans leur trou (dumnon). Ou de ce côté-ci du fleuve de l’oubli. Un peu comme des bodhisattvas en quelque sorte. Dans la tradition druidique la plus authentique, ces phénomènes interviennent en général autour de la fête de Samon (ios).
La vision béatifique du Graal d’or sur lequel repose le dieu-ou-démon ; vision dans laquelle la mort a introduit les hommes ayant suivi la voie des dieu-ou-démons (divodorum) ; leur fait prendre encore plus douloureusement conscience, en effet, en tant que meldi, de notre faiblesse congénitale depuis Cornunnos (la fameuse maladie des Ulates). Et donc de la nécessité pour les mortels de se rendre plus dignes de l’union totale avec le grand tout du Pariollon.
Le bonheur du monde lumineux qu’est le Mag Meld ou Vindomagos n’est pas un bonheur égoïste et solitaire, coupé des autres hommes. Communion avec les dieu-ou-démons, il est aussi regard porté en direction de tous ceux qui sont encore sur cette terre. Cette communion préfigure celle qui sera caractéristique de la surhumanité, à venir dans le prochain cycle, après la parousie ou désoccultation des dieu-ou-démons.
Répétons-le encore une fois ! Dans le cas des hommes ayant franchi le divodorum ou voie des dieu-ou-démons, le mort n’est pas anéanti et subsiste d’une manière ou d’une autre, mystérieusement, auprès des dieu-ou-démons et non loin du Graal du rocher d’or de Plutarque. L’union de ceux qui sont encore en chemin sur la voie des dieu-ou-démons, appelée divodorum (les combennones) avec leurs frères re-nés en cette nouvelle et pure terre de jouvence (les meldi), demeure aussi. Elle se manifeste notamment les jours de samon (ios). Car du défunt, il subsiste toujours quelque chose, au moins de par ceux qui l’ont connu de son vivant. Penser à un défunt, c’est déjà le faire revivre. Car ne meurent vraiment que ceux que l’on oublie (c’était d’ailleurs la plus grande des craintes de Cuchulainn en Irlande).
L’ancien druidisme avait d’ailleurs mis au point toutes sortes de techniques pour interroger les âmes/esprits des meldi (les esprits des morts).
« À propos des visions nocturnes, on expose souvent que les morts n’ont pas été vus en vain. Car, ainsi que l’affirme Nicandre, les Nasamons de Libye consultent des oracles particuliers en restant près des tombes de leurs parents… et les Celtes pour la même raison passent la nuit près des tombeaux des héros ».
On trouve aussi dans la Bible, livre I de Samuel, au chapitre XXVIII, une bien étrange histoire à ce même sujet.
Mais en recevant comme ils le méritent ces dons de l’autre monde (qui nous apparaît en esprit), les druidisants n’en oublient pas pour autant de travailler aussi à ce monde qui passe, par les exercices et les rituels, par la prière et l’engagement, par la recherche du beau et du vrai, par la recherche du savoir qui nous explique comment accéder, tôt ou tard, à la contemplation totale de l’autre monde dont ils attendent le retour comme des veilleurs attendant l’aurore. Son signe avant-coureur sera la parousie des dieu-ou-démons aujourd’hui occultés, le retour des dieu-ou-démons, le nouveau règne des dieu-ou-démons.
* Image anthropomorphique. Les dieux ou démons ne sont pas des enfants qui auraient été engendrés par le Destin, mais des auxiliaires dudit Destin, des causes secondes en quelque sorte.
EN RÉSUMÉ.
« Honorer les dieux, ne rien faire de mal et être un homme un vrai ». Vies et doctrines des philosophes célèbres. Livre I, prologue 6 (Diogène Laërce).
D’après nos frères en paganisme appelés guèbres ou parsis, Ahoura Mazda, lui, donnait à ses Aryens la triple consigne suivante : « BIEN PENSER, BIEN FAIRE ET BIEN PARLER ».
L’Homme doit s’abstenir de pensées négatives et de mauvaises actions afin de réussir son erdathe individuelle.
Comme cela n’est guère possible ici-bas, un état de l’être transitoire où mener une telle vie est donc la plupart du temps nécessaire. Cette étape dans une très longue vie, les druides l’ont conçue comme un autre monde parallèle de nature paradisiaque, où tout n’est plus que jeunesse bonheur et félicité. Cette grande idée du druidisme (l’existence d’un au-delà paradisiaque où l’homme se réincarne après la mort dans un corps « de rêve » (vieux celtique bellissama bellissamos), a eu comme conséquence de rendre inutile la réincarnation systématique qui était l’idée primitive des Aryens (voir la notion de samsara). L’âme va d’abord dans l’autre monde dépenser sa personnalité ou son individualité (son esprit) jusqu’à l’épuiser. La conception judéo-chrétienne de l’eschatologie individuelle des âmes est ridicule. Peut-on imaginer vraiment en effet un seul instant sérieusement les âmes individuelles de X
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ou d’Y sagement alignées en rang d’oignons quelque part au paradis (ou en enfer ? Non en enfer « ça bouge » beaucoup d’après les chrétiens, tortures diverses et ainsi de suite…) POUR L’ÉTERNITÉ ; mais, en l’absence de toute flore, de toute faune et même de tout métal, se satisfaisant de la seule vision de Dieu ou du Démiurge et de leur propre aspect un peu comme dans l’île de Cronos décrite par Plutarque ?
Une telle idée constitue un défi à la raison même si ce corps est alors doté de ce que les zoroastriens appellent « xvarnah ». Le paradis ne peut être qu’un état de l’être… provisoire, ainsi que l’ont très bien vu les différentes philosophies s’étant développées à l’autre extrémité du monde aryen.
N.B. Le mot ERDATHE (irlandais airtach) signifie littéralement régénération (aredengto). Il s’agit en fait de la cessation du processus d’individualité quant à l’être. Il est désormais au-delà du temps.
Il existe deux types d’erdathe : l’erdathe individuelle et l’erdathe universelle.
Une fois l’erdathe individuelle atteinte, l’individu obtient par définition la paix de son mental. L’erdathe est libération, délivrance et cessation de toute difficulté d’être. Ce Retour au Grand Tout (Pariollon) peut être obtenu du vivant même du sujet (cas rarissimes). Ou après la mort et un séjour plus ou moins long au Paradis afin d’y être purifié (cas le plus fréquent).
Qu’advient-il à l’âme individuelle qui atteint l’erdathe après avoir quitté le paradis ? De nos jours beaucoup admettent les théories islamo-chrétiennes soutenant la notion d’âme consciente, immuable et immortelle. Or cet état de l’âme n’est que transitoire.
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, mais il importe de le répéter, l’âme commence, certes, par être individuelle et continue de l’être même au-delà de la mort dans l’autre monde ; mais son destin n’est pas de continuer ainsi associée à un esprit, éternellement. Son destin est plutôt comparable à celui de la goutte d’eau salée devant se jeter dans l’Océan. Qu’elle contribue ainsi à enrichir de tout le sel de la terre.
L’âme individuelle (anamone) est, dans son essence réelle, identique à l’âme du monde. L’âme humaine n’est qu’une étincelle de l’âme universelle, l’awentia ou awenyddia. Toutefois, n’ayant qu’un « capital d’énergie spirituelle » limité, elle sera « brûlée » lors de sa réintégration finale, et retournera donc à l’énergie spirituelle indifférenciée (une mort spirituelle en quelque sorte ; mais on ne peut parler d’annihilation finale). La réintégration dans le Grand Tout est donc le but supérieur. Quand elle est « achevée », l’âme est réintégrée dans le Divin où elle « demeure » pour l’éternité.
L’identification de l’âme individuelle (anamone) avec l’âme universelle (awentia ou awenyddia) conduit l’individu à se libérer des attachements, des désirs et de l’ignorance.
Pour certains, le salut sera personnel, alors que pour les autres, morts ou vivants, sur terre ou au ciel, la libération finale se fera par une eschatologie générale ayant pour terme la fin de notre bitos ou univers.
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DOCUMENT DE TRAVAIL N° 3 : DE NEWPORT À CONANICUT.
Un des autres meilleurs textes néo-druidiques actuels sur les rapports entre l’au-delà des morts et les âme/esprits individuelles (appelées anaon en breton) a été publié par la revue « Renaître 2000 ».
Cette approche des choses, ce « je pense donc je suis » de par sa modernité, semblant beaucoup plus facile à comprendre que ce qui nous reste de l’enseignement des druides d’il y a 2000 ans, nous en dirons aussi quelques mots. Mais une telle approche diffère complètement des nombreux détails tous plus surprenants les uns que les autres, donnés par le Livre des Esprits d’Allan Kardec. À nos lecteurs de voir !
Nos personnalités sont reliées par leurs subconsciences, comme les îles d’un archipel sont reliées entre elles géologiquement par leurs bases sous-marines.
Alfred Tennyson éprouvait fréquemment une sorte d’extase à l’état de veille, dans laquelle son individualité paraissait se dissoudre et s’évanouir comme dans une sensation de connaissance illimitée. Il a ainsi décrit le phénomène (je cite de mémoire) : un état de conscience qui n’était pas un état confus, mais le plus clair parmi les plus clairs, le plus certain parmi les plus certains, par contre littéralement indescriptible. Grâce à lui la mort lui apparaissait une impossibilité ridicule (N.D.L.R : la mort n’est que le milieu d’une longue vie).
Émile Boirac a proposé dans son ouvrage « la psychologie inconnue » l’idée d’un subconscient collectif dans lequel nos esprits seraient tous plongés.
Bergson, dans la conférence qu’il fit devant la Société pour la Recherche psychique, à Londres, le 28 mai 1913, a apporté quelques considérations moins littéraires et plus concrètes.
Nos corps sont extérieurs les uns aux autres dans l’espace, et nos consciences, en tant qu’éléments attachés à ces corps, sont séparées par des intervalles. Mais si elles n’adhèrent au corps que par une partie d’elles-mêmes, il est permis de conjecturer, pour le reste, un empiétement réciproque. Entre les diverses consciences peuvent s’accomplir à chaque instant des échanges comparables aux phénomènes d’endosmose. Si cette intercommunication existe, la nature a pris ses précautions pour la rendre inoffensive. Et il est vraisemblable que certains mécanismes sont spécialement chargés de rejeter dans l’inconscient les images ainsi introduites, car elles seraient fort gênantes dans la vie de tous les jours. Telle ou telle d’entre elles pourrait cependant, ici encore, passer comme en contrebande, surtout quand les mécanismes inhibiteurs fonctionnent mal.
Le célèbre psychologue et spécialiste en métapsychique que fut William James pensait, lui aussi, que nous sommes comme des îles au milieu de la mer ou des arbres dans la forêt. L’érable et le pin peuvent se communiquer leurs murmures avec leurs feuilles, et Conanicut tout comme Newport peuvent entendre chacune la sirène d’alarme de l’autre. Mais les arbres entremêlent aussi leurs racines dans les ténèbres du sol, et les îles se rejoignent par le fond de l’Océan. De même, il existe une continuité de conscience cosmique contre laquelle notre individualité ne dresse que d’accidentelles barrières, et où nos esprits sont plongés comme dans une eau mère ou un réservoir.
On retrouve d’ailleurs la même chose dans la nature. Le brin d’herbe est aussi bien relié à la terre qu’à l’eau, ou au soleil.
Toute une partie de l’expérience humaine, celle que l’on appelle « expérience mystique », va dans ce sens. Le « samadhi » de l’hindou, le « nirvâna » du bouddhiste, ont le même caractère : les uns et les autres ressentent un élargissement extraordinaire de leur conscience, qui semble se répandre à travers tout l’univers et ne plus avoir de limite. Les notions de temps et d’espace disparaissent, l’extatique a l’impression d’embrasser d’un seul coup d’œil l’univers entier.
Selon Tennyson, une telle extinction de la personnalité (si l’on peut ainsi définir cet état) ne semblait pas une extinction de l’être, mais la véritable et unique existence réelle.
Cet élargissement extraordinaire n’est pas une expérience spécifiquement religieuse. Des poètes, des écrivains, des musiciens, l’ont éprouvé et en ont témoigné.
Il est intéressant de comparer à ces témoignages de littérateurs et d’artistes (les awenyddion du Pays de Galles justement) celui de Vincent Turvey ; qui pensait que nous participions tous plus ou moins à un océan de conscience universelle ; et que chaque « tourbillon » dans cet océan où nous sommes tous immergés, peut parfois, sciemment ou inconsciemment, prendre contact ou même se mélanger avec les autres « tourbillons » semblables à lui. À l’appui de ce qu’il affirmait, il déclarait avoir eu la preuve de la réalité d’une telle condition de l’être humain. Il avait perdu tout sentiment de l’individualité de son moi, et non seulement éprouvait la sensation d’être un « tourbillon » dans le Grand océan de la Conscience Universelle ; mais encore il sentait qu’il était tous les autres « tourbillons » (ou
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individualités humaines) passés, présents et futurs, ayant existé ou existant toujours, dans cet océan psychique.
En commentant de tels phénomènes (que l’on appellerait aujourd’hui « vortex » au lieu de « tourbillons ») Ernesto Bozzano ; qui en a cité plusieurs dans son étude intitulée « fenomeni metapsichi curiosi e interessanti » ; faisait remarquer qu’ils ne sont pas incompatibles avec l’affirmation de l’individualité psychique. De même que les cellules de notre corps conservent intégralement leur individualité de cellules vivantes et sensibles, au sein de l’organisme qu’elles constituent solidairement.
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LA TRIADE CORPS-ÂME-ESPRIT.
Henri Lizeray s’est bien entendu penché sur la Pharsale de Lucain ou plus exactement sur les commentaires apportés à certains vers de la Pharsale. Notamment sous la forme d’un dialogue imaginaire publié en 1881 (à Paris, sous le titre dialogue d’amour).
Nous le citons pour mémoire, car n’oublions pas qu’il s’agit d’un commentaire de commentaire. À manier donc avec la plus grande prudence. Soleil et planètes ne sont que des états de l’être. La seule chose qui semble assurée c’est qu’il n’y a pas d’enfer.
MARCEL.
Ô, Louise, nous recelons en nous une âme, prisonnière du corps……
LOUISE…
Vous ne m’avez pas habituée à un tel langage : vous vous disiez athée.
MARCEL.
Oui, je suis athée, je ne crois pas à Dieu. Mais il y a une différence entre croire à un être non prouvé et croire à la continuation d’une existence reconnue. Jusqu’à présent, j’ai douté de l’immortalité de l’âme, et…
Ceux qui ont peur de la mort s’effraient d’un vain fantôme ; car ce qui est demeure éternellement et ne peut périr. La personnalité de l’homme est immortelle.
LOUISE.
Mais les animaux ont-ils aussi une âme ?
……………
L’organisme terrestre a passé par toutes les formes de la série vivante. L’être fut d’abord végétal, puis animal. Cette superbe chevelure qui couronne la tête de l’homme est peut-être ce qui lui reste de sa vie végétale. Il y a donc chez l’homme du végétal et de l’animal, mais il y a aussi autre chose. Tout ce qui est organique en lui périt, l’intelligence, qui lui est propre, survit.
LOUISE.
D’où vient donc l’âme et quelle est sa destinée après la mort ?
MARCEL.
Au sortir du corps, suivant qu’elle s’est plus ou moins épurée, elle s’approche ou s’éloigne du centre lumineux. Les âmes alourdies par l’avarice tombent dans Saturne ; celles refroidies par l’orgueil, dans Jupiter ; celles endurcies par la colère, dans Mars. Notre terre semble être le séjour du Travail. Les âmes échauffées par l’amour s’élèvent jusqu’à Vénus, celles – éclairées par la science montent dans Mercure. Enfin les justes atteignent le Soleil, centre de notre monde, où toute vérité leur est dévoilée.
Notre commentaire. Notre vieux maître Henri Lizeray a eu le tort de vouloir vulgariser un peu trop. La question est plus complexe. Voici ce que nous pouvons en dire vu l’évolution générale moyenne du niveau intellectuel de l’Humanité sauf en terres de faux islam évidemment, car, ainsi que nous le démontrerons, cette islamisation au mauvais sens du terme, généralisée, des esprits ** a constitué une indéniable régression pour l’espèce humaine.
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Ce qui passe dans l’autre monde après la mort du corps et après sa résurrection dans un univers parallèle de type paradisiaque, ce n’est pas l’âme, mais le complexe « âme-esprit ».
* Un islam qui n’est pas le vôtre cher lecteur, mais celui de l’ensemble COR. HAD. SIR.et CHAR. FIQ. MAD. Je ne parle pas là des progrès civilisationnels dus à la circulation accrue et accélérée des sciences et techniques entre l’Extrême-Orient et Extrême Occident tombé dans la barbarie (le zéro indien la soie chinoise, le papier, la traduction des auteurs grecs et ainsi de suite).
** Nous ne visons nullement ici le moutazilisme le soufisme ni même l’ijtihadisme sincère ou les autres mouvements de ce type.
Le druidisme a une conception holistique de l’être humain : la triade corps âme esprit.
L’homme (le gdonios) est composé de trois éléments bien distincts.
Le Kicos (le corps, le physique) : objet d’études scientifiques.
L’anamone (âme) : hors de portée de l’observation scientifique.
Et une interface entre les deux appelée menman (esprit/conscience) : objet d’études par les sciences humaines.
Nous apposons conventionnellement une étiquette ou un nom à la combinaison du corps de l’âme et de l’esprit. Nous disons : « Ceci est un être humain » et nous appelons cette combinaison Jean, Pierre, Irénée, Paul, Jacques… ou Mohammed.
Si nous nous demandons « qui suis-je ? », nous pouvons trouver un « je » séparé de notre corps, de notre cerveau. Mais si nous approfondissons nos recherches, nous ne trouverons pas d’identité indépendante, ultime. Ainsi que l’a dit un jour un célèbre nutritionniste (en fait un sociologue, Claude Fischler), nous sommes ce que nous mangeons. L’étroite interdépendance du corps et de l’âme ou de l’esprit est un fait reconnu depuis longtemps. Ne parle-t-on pas de maladies psychosomatiques ?
Cet état de choses n’est pas juste le néant. Les choses dépendent simplement les unes des autres : il n’existe donc pas d’entités indépendantes en soi.
Les phénomènes existent bien, contrairement à ce qu’affirme le bouddhisme. Je suis là, ce n’est pas un rêve, ce n’est pas une illusion. C’est quelque chose de réel. Si je me pince, je ressens de la douleur parce qu’il y a un corps, il y a des doigts et un pouce. Cela fonctionne, c’est une réalité, un fait. Quelque chose existe. Mais nous ne pouvons pas l’isoler dans le cadre d’une ultime analyse. EN UN SENS, néant et interdépendance des choses sont les deux faces d’une même pièce.
Puisqu’il y a une sensation, une expérience, puisqu’en réalité il y a production d’expériences, négatives ou positives, à cet assemblage de facteurs multiples, nous donnons des noms.
Mais il y a, au-delà du domaine où peuvent pénétrer les investigations scientifiques, un autre domaine, infiniment plus vaste, qui ne nous est point accessible. Nous sommes condamnés à ignorer scientifiquement parlant l’origine première et la destinée ultime des êtres, la nature intime de l’âme et de l’univers, l’essence du premier principe dont ils émanent ; c’est une ignorance à laquelle ne se sont jamais résignés les hommes, et à laquelle il y a toute apparence qu’ils ne se résignent jamais. À ces questions que l’esprit humain est contraint de se poser, la métaphysique druidique fournit des réponses.
Le druidisme est à la fois une religion et une philosophie, ou une philosophie et une religion.
Une science, qui veut être, autre chose qu’une théorie philosophique de la religion, qu’une explication rationnelle de la naissance, dans l’âme humaine, du sentiment du divin, et de la foi en un principe générateur de l’univers et de l’Homme ; ainsi qu’un examen critique de la valeur objective de cette foi et de ce sentiment ; est nécessairement une philosophie ou une théologie.
Il est difficile et délicat de se faire une idée cohérente, complète, de l’Homme, de l’Humanité, de leur cheminement et de ce vers quoi ils tendent, sans une longue réflexion. C’est le travail de toute une vie à la recherche de « La Vérité », entre Ténèbres, Ombre et Lumière…
L’ignorance, voilà l’ennemi, et ce n’est pas pour rien que les druides antiques ont tant insisté sur la connaissance des vérités. L’ignorance (qui est un facteur mental perturbateur) et les illusions qu’elle provoque ; conduisent à l’avidité des êtres humains, à leur désir de posséder davantage que les autres, à l’attachement ou à la haine éprouvés pour autrui, voire pour telle ou telle chose. La conséquence en est que les habitants de ce monde qui est pourtant le nôtre, tout aveuglés qu’ils sont par leurs passions, en font une terre remplie de maux innombrables, là où pourrait se tenir en fait, une grande plaine faite de maints délices (Mag Meld). Cette plaine de la joie n’est pas un monde lointain,
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que ce soit dans l’espace ou le temps, elle n’est qu’un univers parallèle à portée de notre main, un fruit qui n’attend que d’être cueilli (toujours ce petit côté optimiste du druidisme).
Cela est particulièrement vrai en politique. Ignorance, défaut de réflexion ou de fonctionnement de l’intelligence, y compris et surtout de la part d’hommes ou de femmes dont c’est censé être le métier, ainsi qu’égoïsme, sont les trois principales explications de bien des votes. L’incroyable débat ; dégoulinant de haine épaisse à couper au couteau, ou d’égoïsme sordide, adossés à une bêtise terrifiante donnant une idée de l’infini (manque de recul, de profondeur, de culture générale, de réflexion, de liens entre les choses ou au contraire de pertinence) ; suscité par la réforme de notre système de santé, en est la preuve. Et pourtant nul ne conteste qu’il fonctionne très mal ! « Le christ s’est arrêté à Eboli », car apparemment il y a beaucoup de baptisés ou de grenouilles de bénitier, de tous sexes, qui n’ont jamais entendu parler de la parabole dite du bon Samaritain *, elle n’est pas encore parvenue à leur connaissance.
Frustrations et souffrances sortent toujours de cette recherche de la jouissance à tout prix, des désirs et des peurs mal contrôlés : autant de sources qui alimentent à leur tour la convoitise, la jalousie, la haine et l’erreur. Mais de ce que cette insatisfaction permanente, caractéristique de notre espèce, entraîne toujours beaucoup d’agitation, le druidisme n’en conclut pas pour autant, comme le bouddhisme, qu’il faut cesser toute activité. Il ne faut pas se retirer du monde, mais changer le monde ! Le véritable arrêt que l’on doit obtenir, afin de mettre un terme à cette insatisfaction permanente, est celui de la formation de constructions mentales inutiles ou parasites encombrant nos cerveaux, mais qui datent d’un autre âge, d’il y a cinquante ans. D’il y a cinquante ans ou plus ! Cf les aliénations religieuses que sont le judaïsme le christianisme et l’islam **. Ce n’est pas pour rien que l’on a comparé le maccarthysme à une chasse aux sorcières. Or à Salem, il n’y a pas eu des innocents condamnés avec des coupables, mais que des innocents exécutés.
Tout acte qui ajoute à nos peurs, à nos vaines constructions mentales, est donc à éviter. Mais les actions en elles-mêmes n’ont pas à être systématiquement évitées, car il est possible d’orienter dans le bon sens l’activité nécessaire ou inévitable. Bref, il faut toujours positiver en l’occurrence, et cette orientation favorable ou bénéfique s’obtient par la pratique de certaines vertus, il est vrai désormais totalement étrangères au monde politique moderne, où le mensonge est devenu comme une seconde nature. Tout comme l’enrichissement personnel. Le peuple au Moyen-âge avait des seigneurs à nourrir, aujourd’hui nous avons nos hommes politiques de Washington Londres ou Paris. Faire de la politique est devenu un des derniers moyens de s’enrichir, avec la haute finance.
* Qui est pourtant ontologiquement parlant (cela figure dans le texte sacré des chrétiens) ce qui différencie le plus le christianisme de l’islam. Sa supériorité morale en quelque sorte (avec aussi la parabole de la femme adultère, à la morale indépassable !)
** Sur l’effet pervers des foules organisées (la transmission de génération en génération de croyants, d’une idéologie ou d’une hypersensibilité religieuse, conditionnée comme le célèbre chien de Pavlov, voir les travaux de Gustave Le Bon. Pris individuellement, il s’agit de musulmans de chrétiens ou de juifs, éventuellement honnêtes hommes fins et cultivés, pris collectivement et en communautés soudées par la religion, ces individus régressent au stade du plus fruste d’entre eux.
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PRÉCISIONS POUR COMPRENDRE LE DOCUMENT PRÉCÉDENT.
ANAMONE (sanscrit atman, latin anima).
Étincelle divine détachée de l’âme universelle pour animer le gdonios. L’anamone est la dimension spirituelle du gdonios. Cette âme de tous les êtres humains est unique, mais vient d’une sorte de réservoir psychique universel appelé awenyddio. À chaque naissance cette âme universelle se divise en une myriade de racines et d’étincelles. L’ensemble reviendra ENRICHI à sa source « in fine ».
MENMAN. Interface entre l’âme pure et le corps, objet d’études par les sciences humaines. L’esprit individuel ou menman, est ce qui structure et rend intelligible. La notion d’esprit est plutôt à rattacher à celle de conscience, ou de dimension intellectuelle, mais aussi de dimension émotionnelle.
ANAON. Ce qui survit après la mort, ce qui passe dans un autre monde après la mort, ce n’est pas seulement l’âme, mais le duo, le couple ou l’attelage : « âme + esprit ». L’anaon, c’est l’âme et l’esprit, l’anamone et le menman.
En Occident l’immortalité ou la presque-immortalité de l’âme (absente de l’Ancien Testament, évoquée surtout pour l’enfer dans le nouveau) est un apport druidique.
Nous écrivons presque immortalité pour signifier qu’elle survit à la mort du corps. Mais les âme/esprits qui se réincarnent dans l’autre monde parallèle de nature paradisiaque, qu’évoquent nos traditions, auront, elles aussi, une fin, progressive, au fur et à mesure de leur élévation dans les cieux.
L’âme/esprit a différents aspects qui grandissent avec le corps, mais le perfectionnement de l’âme n’a pas lieu que dans ce monde ci. L’âme peut continuer à se parfaire après la mort, dans un monde spirituel libéré de la souffrance.
Une des premières tâches des anciens druides était de réfléchir aux rapports pouvant exister entre les âmes individuelles et l’au-delà. Ils enseignaient beaucoup de choses à ce sujet.
Selon certaines Écoles, il y avait coïncidence entre le monde des âme/esprits et celui des dieu-ou-démons. L’âme/esprit d’un défunt peut être assimilée à une sorte de dieu-ou-démon. Selon le niveau atteint par le défunt dans ce monde ci, son âme/esprit accède à une catégorie de dieu-ou-démons plus ou moins élevée.
D’autres Écoles pensaient plus à une juxtaposition des deux mondes (celui des âmes/esprits et celui des dieu-ou-démon) qu’à une coïncidence.
Ainsi que nous avons pu le voir, le royaume des morts selon les druides ; Mag Meld, mais aussi Tir na mBân, Tir na mBéo, Tir Tairngiri, Tir na nOg, Magh Ionganaidh, Magh Ildathach, Magh Imchiunn, Magh Argetnel, Magh Findargat, Magh Aircthech, Sen Magh, Caer Wydion, Lly’s Don, Caer Arianrhod ou Gwynfa (au Pays de Galles). Vindobitos ou Vindomagos… bien que n’étant jamais en aucune façon strictement identique à celui des dieu-ou-démons (sedodumnon), en partageait néanmoins avec lui de nombreuses caractéristiques, puisque royaume des morts et royaume des dieu-ou-démons faisaient partie du même monde lumineux : l’Albiobitos.
Il s’agissait d’un paradis conçu comme une ultime étape de purification de l’âme dans la joie et le bonheur avant la grande purification universelle par le feu et l’eau. « Les âmes et l’univers sont indestructibles, mais un jour seuls le feu et l’eau régneront » (Strabon. Livre IV, 4 à 6).
Dans le vrai druidisme et contrairement aux propos quelque peu hérétiques du néo-druide Allan Kardec, on ne croit en aucune façon à une libération de l’Homme de sa corporéité, mais dans et avec sa corporéité [IDEALISÉE]. Pour les druides l’Homme [le Gdonios] trouve son accomplissement après la mort dans une corporéité transformée, transfigurée (bellissamos bellissama), mais toujours très concrète. Très physique. Très corporelle. D’où les descriptions celtiques des joies de l’Au-delà du Royaume des morts (du Vindomagos) : abondance de nourriture, de boissons, et de femmes. Ce n’est pas pour rien que l’Au-delà druidique a aussi été appelé parfois Tir na mBân [Terre des femmes, à l’instar de la Dahud de la célèbre ville armoricaine d’Ys par exemple] par les Irlandais.
« Ce paradis celtique, qui a été christianisé, mais qui n’est pas chrétien, est curieusement semblable à celui de l’islam ». On est là aux antipodes de la conception chrétienne du Paradis. Voir les lugubres descriptions de Thomas d’Aquin dans le Supplementum de sa Somme : les hommes ne boivent ni ne mangent. Ils se satisfont, en l’absence de toute flore, de toute faune et même de tout métal, de la
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seule vision de Dieu ou du Démiurge et de leur propre aspect, glorieux il est vrai. La renaissance après la mort en cet Au-delà nommé Vindomagos, permet à l’homme du commun lui-même de se préparer en paix à la réintégration finale dans le Pariollon, par fusion métamorphique avec lui et en lui. Et donc en fin de compte de s’anéantir en Dieu lui aussi au bout d’un temps restant à déterminer. Au bout d’un temps variable et en fin de compte, car auparavant il lui faudra passer par un stade métaphysique intermédiaire destiné à parachever la purification de son âme. Une sorte de purgatoire, mais de purgatoire joyeux, appelé Mag Meld ou Vindomagos. Le royaume des morts druidique est en effet une terre de bonheur, de paix, sans peur, sans souffrance, sans égoïsme, sans passion ; où les croyants (car il faut évidemment au minimum y croire pour y accéder) peuvent achever de se purifier, sans entrave et libérés de tout bran résiduel carmique.
Le druidisme décrit habituellement les joies de cet Au-Delà du Royaume des morts ou Vindomagos, en termes psychocorporels. La vision du divin y constitue, certes, en effet le sommet de cet accomplissement, mais ce qui y attend le croyant n’est pas seulement une vision béatifique comme dans le cas de la célèbre île décrite par Plutarque. Le druidisme n’a jamais partagé le dualisme judéo-islamo-chrétien ou grec (platonicien) opposant l’âme au corps ou au monde physique. Dans le druidisme, on ne croit pas vraiment à une séparation de l’âme du corps au strict sens du terme, après la mort. Le druidisme ne croit pas en une âme totalement indépendante de nos fonctions corporelles, qui se trouverait libérée, à la mort, de la prison du corps. Le druidisme n’est ni platonicien ni néoplatonicien. Ce qu’il affirme seulement c’est que l’âme ne meurt point avec le corps, mais qu’elle peut au contraire vivre beaucoup plus longtemps, beaucoup plus longtemps, dans un Au-delà de la Mort appelé Mag Meld, Vindomagos, etc. Si le Walhalla germanique est surtout un paradis du guerrier, le Royaume des Morts celte, lui est un havre de paix, de délices et de volupté (Mag Meld) POUR TOUS. Et les âme/esprits des uns ou des autres, qu’ils soient guerriers, mais aussi druides ou artisans, ou autres (voir remarque plus haut), y jouissent d’un état quasi éternel de joie et d’ivresse célestes, avant leur fusion dans la fin de ce monde. Il n’y a plus de classe, donc, plus de guerriers, sauf quand ils jouent, et naturellement plus de druides, puisque tous les habitants de cet autre monde parviennent à un très haut degré de sagesse. En fait, c’est la troisième fonction qui est exaltée ou qui englobe les deux autres en les dépassant. Là, pour reprendre la formule du poète, tout n’est plus que luxe, calme et même volupté, car l’aspect érotique est loin d’être absent de ces évocations du paradis celtique. On peut y ajouter l’abondance. Le chaudron du Suqellos = Dagda = Gargant c’est-à-dire le Graal, y est le récipient de toutes les richesses, et plus on y puise, plus il est plein. Cette ultime étape du voyage de l’âme permet d’éliminer les derniers obstacles se trouvant sur son chemin (l’esprit ou menman), et rend donc le salut également accessible à la grande masse des peuples ; incapable de se mettre, même quelque peu, en retrait du monde, pour se consacrer à la méditation ou aux exercices psychosomatiques requis. Ce royaume des morts selon les druides, bien que n’étant nullement identique à celui des dieu-ou-démons, en partageait néanmoins avec lui de nombreuses caractéristiques, puisque royaume des morts et royaume des dieu-ou-démons faisaient partie du même monde lumineux, le Vindobitus ; ainsi que nous venons de le voir.
Rappelons d’ailleurs les principales caractéristiques que ce royaume des morts celtique (Vindomagos) avait en commun avec le monde des dieu-ou-démons.
— Une musique merveilleuse. – L’absence de toute fonction ou de toute hiérarchie humaine. – La consommation de mets succulents et inépuisables. – L’absorption de boissons enivrantes, bière, hydromel, vin. – L’abolition du temps et de l’espace. – La disparition de toute faute ainsi que de toute maladie.
Cette participation des humains à la vie immortelle des dieu-ou-démons n’apparaît pas, d’ailleurs, nous le répétons encore une fois, comme la récompense d’une vie terrestre remplie de bonnes œuvres.
La notion de faute doit être étrangère à l’Homme. Il N’A PAS COMMIS DE FAUTE !
L’homme n’est coupable de rien !
Il n’a pas besoin de rédemption !
Il mérite le ciel, quelle que soit sa fonction, c’est-à-dire s’il possède au moins une âme et s’il y croit.
Par la prière, on peut néanmoins aider l’âme/esprit d’un défunt afin qu’elle puisse élever sa demeure dans le paradis (ses différents niveaux). À l’inverse, l’âme/esprit d’un défunt peut aider un vivant dans certaines circonstances difficiles, en le conseillant dans un rêve ou une vision par exemple. C’est le principe du culte des ancêtres si bien conservé en Afrique noire qu’il en est devenu exemplaire, et de la fête de Samon-ios.
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Assez curieusement, on retrouve également cette idée de la communion des vivants et des morts maintenue, dans le bouddhisme. Notamment dans sa conception de la bouddhakshetra ou terre du bouddha nommé Amitabha, décrite dans certains des grands soûtras du Mahayana. L’exemple le plus connu d’une sorte de Mag Meld ou Vindo Magos bouddhiste est Soukhavati ; la « terre heureuse » ou la « terre de la félicité », située nous dit-on, très loin vers l’ouest. Les textes rapportent que tout y est très beau. On en trouve de longues descriptions dans certains textes. Sans entrer dans les détails, Soukhavati, la terre heureuse, la terre de la félicité du bouddha connu sous le nom d’Amitabha, est décrite surtout en termes de lumière, de fleurs, de musique et de parfum. On peut trouver plus de détails dans les trois soûtras de la « terre pure ». Le bouddha Amitabha, entouré de ses deux principaux bodhisattvas, est assis sur un trône magnifique. Les êtres naissent à Soukhavati – ainsi que dans les autres terres pures – par apparition, c’est-à-dire pas comme résultant d’une union sexuelle. Là ils découvrent le bouddha et ses bodhisattvas, Mahasthamaprapta et Avalokitesvara, devant eux ; et ils n’ont rien d’autre à faire que d’écouter les enseignements d’Amitabha, rien d’autre à faire que de croître, rien d’autre à faire que de se développer.
Bref, la Terre Pure ; telle qu’elle est en particulier enseignée par les Écoles du bouddhisme japonais, c’est une dimension d’existence ; où il n’y a ni douleur, ni souffrance, ni misère, ni séparation, ni deuil, ni perte d’aucune sorte. Comme dirait Adamnan (à la fin de la Fis Adamnain), c’est un monde où il n’y a ni vieillesse, ni maladie, ni mort. C’est un univers de paix parfaite où il n’y a ni conflit, ni guerre, ni bataille, ni même aucune incompréhension (la perfection et le bonheur y vont jusque-là !) Ces grands soûtras du Mahayana nous disent aussi que la Terre Pure, ou Terre Heureuse, est une dimension où il n’y a pas de distinction de sexe, et où personne n’a besoin de travailler. La nourriture et les vêtements apparaissent d’eux-mêmes, à chaque fois que l’on en a besoin.
Au passage, notons que le mot pour terre de bouddha en sanscrit est « bouddha-ksetra » ; « ksetra » signifie champ, comme magos en vieux celtique.
Notons enfin qu’après la mort, ce qui se réincarne au Paradis dans le cas de l’eschatologie individuelle, c’est l’âme proprement dite (anamone), mais aussi l’esprit personnalisé (menman) qui l’accompagne ; et qu’une fois parvenue dans cet autre monde parallèle, l’âme se débarrasse peu à peu de son esprit personnalisé (erdathe individuelle).
La réintégration dans le Grand Tout est le but supérieur du Gdonios (de l’Homme). L’identification de l’âme individuelle (anamone) avec le réservoir psychique universel appelé awenyddio, a pour résultat de libérer l’individu des attachements et des désirs dus à l’ignorance.
L’Homme qui veut réintégrer le Grand Tout (symbolisé par le chaudron magique appelé Pariollon) ne doit pas commettre d’actes irréparables et suivre au minimum une éthique de type « reda ».
« Honorer les dieux, ne rien faire de mal et être un homme, un vrai ». Vies et doctrines des philosophes célèbres. Livre I, prologue 6. (Diogène Laërce).
Ne rien faire de mal cela implique ne pas mentir, ne pas refuser son hospitalité à qui en a besoin, et ainsi de suite (éthique de type reda).
Cela permet de se réincarner dans une condition où l’on pourra achever de purifier son âme.
Pour arriver à réintégrer le Grand Tout ; c’est-à-dire à l’épanouissement total de l’âme qui fait son erdathe (dernière forme ou phase d’épanouissement instantané appelé moksha ou illumination par les druides, un peu déviants, indo-bouddhistes) ; une vie normale est donc suffisante.
Ce qui est certain en tout cas c’est qu’une des gloses en latin apportées au vers 457 du texte de Lucain précise que la vie après la mort serait quasi semper (et non semper). Ci-dessous le texte latin en question.
Supplementum adnotationum super lucanum. Vers 457. Si media mors longae vitae est cognita, ut vos canitis. Quia dicebant se post mortem alia membra sumpturos, quasi semper viverent et mors nihil aliud erat nisi quod ab una vita in alteram ducebat. Ideo ait : si verum dicitis, mors nihil aliud est nisi medium aliquid longae vitae.
S’il est vrai que la mort est le milieu d’une longue vie, à en croire ce que vous chantez. Parce qu’ils disaient qu’après la mort, ils s’empareraient d’autres membres, qu’ils vivraient presque éternellement, et que la mort n’était rien d’autre que le fait de passer d’une vie dans une autre. Autrement dit, si ce qu’ils disent est vrai, la mort n’est rien d’autre que milieu d’une longue vie.
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On ne peut qu’en tirer la conclusion suivante : les druides antiques ne croyaient ni à l’existence de l’enfer (disputant animas ad inferos non ire, sed in alio orbe nasci) ni même à l’éternité de la vie des âmes/esprits des défunts après la mort, mais seulement à une quasi éternité ou très longue vie (des âmes/esprits des défunts). Jusqu’à la fin du cycle cosmique en cours donc, et pas pour l’éternité. Ce qui est cohérent avec la croyance en une histoire cyclique et non linéaire…
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DE L’ÂME ET DE L’ESPRIT, INDIVIDUELS.
(ANAMONE ET ANAON).
L’ancien druidisme emploie les mots anamone et anaon (noms neutres pour désigner l’élément qui survit à la mort du corps) et le nouveau druidisme le mot âme, puisqu’il a été consacré par l’usage moderne. Il s’agit donc de L’ÂME HUMAINE INDIVIDUELLE (personnifiée par la belle et malheureuse Etanna/Etain, déchirée entre l’autre monde et celui-ci, en Irlande : Altrom Tige Da Medar).
Anamone et anaon étaient néanmoins deux termes ne renvoyant pas tout à fait à la même réalité. L’anaon c’était plus précisément l’attelage de l’âme (anamone) et de l’esprit (menman). Notre époque confond tout !
Toutes les anamones procèdent de l’awenyddia ou âme universelle, et sont aussi nombreuses et diverses que le sont les corps dans lesquels elles s’incarnent.
Une âme individuelle tenue pour émanée du Grand Tout Divin, et destinée à y être réabsorbée après une ou plusieurs « vies », essentiellement dans l’autre monde, très exceptionnellement de nouveau sur cette terre.
L’âme individuelle (anamone) est, dans son essence, identique à l’âme du monde. L’âme humaine individuelle n’est qu’une larme de feu de l’âme universelle, une parcelle détachée du grand réservoir d’âme que d’aucuns appellent le plérôme psychique (l’awenyddio). Mais l’anamone n’en est que le reflet limité, parce que prenant pour support le corps et l’esprit. L’anamone, quant à sa base, est reliée à un corps et à un certain appareillage psychique.
Il faut donc accorder à l’âme, selon les très-sachants, une certaine réalité, indépendante du corps et de l’esprit (de la conscience et de l’intelligence). Mais quelle réalité dans ce cas ?
Et d’ailleurs qu’entend-on au juste par « âme individuelle » ? Le souffle respiratoire, le principe vital qui peut se réincarner dans un autre support après la mort physique ? Anatla (pluriel anatlai) est le nom (féminin) donné par les Celtes au souffle vital appelé prana en sanscrit. Jusqu’au Moyen-âge souvent représenté par un oiseau (une alouette ou une colombe sortant de la bouche des mourants). Ou bien alors une parcelle d’un souffle divin créateur ? Peut-on définir la vérité ontologique de l’embryon et savoir, avec certitude, quand apparaît une personne humaine ? Telles sont les questions fondamentales, « incontournables », qui sont au cœur du débat présent et de notre vision même de l’être humain. À ces interrogations, les réponses fournies par les religions s’affirment souvent différentes des conceptions médicales ; qu’il s’agisse des plus anciennes, celles de la médecine indienne ou des traités sur l’embryon de la Collection hippocratique ; ou des recherches les plus récentes comme celles de Jung. Car que nous dit Jung de l’âme ?
Les conceptions ethnologiques et historiques de l’âme montrent clairement qu’elle est d’abord un contenu appartenant au sujet, mais aussi au monde des esprits, l’inconscient. C’est pourquoi l’âme a toujours quelque chose de terrestre et de surnaturel à la fois (Types Psychologiques). L’âme est une voyageuse entre deux mondes : le sujet, mais aussi le monde des esprits, le terrestre et le surnaturel, le Moi et le Soi… L’âme, pour Jung, repose dans le féminin de l’être. Que l’homme intègre son anima, et son âme progressivement se révèle. Que la femme – grâce à l’intégration de son animus – reconnaisse le féminin intérieur dont elle est dépositaire dans ses entrailles, et son âme prend corps… En quelque sorte, l’âme est la face féminine de Dieu… Car l’âme est féminine comme chacun sait ou du moins devrait le savoir, surtout depuis les célèbres mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar (Anima vagula blandula).
Le moins que l’on puisse dire est que différentes thèses s’affrontent à ce sujet.
On peut tout d’abord évidemment penser que l’âme n’existe pas ! Pour les matérialistes athées, il n’existe que le très complexe phénomène de la conscience et du mental. Cette thèse ne doit pas être écartée comme d’un revers de main, mais puisque ce ne fut pas la thèse de la majorité des Écoles druidiques antiques, apparemment, nous détaillerons donc plutôt le principe inverse : l’âme existe.
Deux alternatives se présentent alors aussitôt.
Première alternative : l’âme n’est qu’une pure non-matière, neutre et impersonnelle ou bien elle n’est que conscience subjective et individuelle (autrement dit un « Je » ou un « Moi »). Bref un esprit.
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Deuxième alternative : l’âme est mortelle ou elle est immortelle, au sens strict du terme (elle a une origine, mais elle n’aura pas de fin).
Dès la conception d’un être humain, le cosmos dans son ensemble produit ou réagit à l’énergie vitale qui anime le nouvel être, car tout est « lié », monde physique et monde spirituel. L’âme est l’entité spirituelle (le nœud d’ondes…) qui sous-tend cette nouvelle matière vivante. C’est une manifestation spirituelle rendue autonome dans le monde sensible par son incarnation, elle est porteuse d’une larme de feu issue du Divin. Elle parcourt la matière, grâce au corps physique, qui la ramène « in fine » au Divin, après avoir fait l’expérience concrète et totale du monde sensible.
En Irlande, ainsi que nous avons pu le voir, l’anaon ou attelage de l’âme et de l’esprit humains, était symbolisé, voire personnifié, par l’entité appelée dans les légendes, Etanna ou Etain. Mais sur le continent ce mythe de l’âme humaine tiraillée entre le monde des dieu-ou-démons et celui des hommes, était surtout associé à l’ambre jaune.
Dès l’Antiquité, certains phénomènes électriques avaient en effet intrigué les anciens druides. En frottant un morceau d’ambre, on était alors capable d’attirer des plumes d’oiseaux et comme l’ambre semble préserver en son sein des végétaux ainsi que des animaux, il avait été associé par les druides à la jeunesse éternelle. L’interprétation de ce phénomène par les druides est évidemment aujourd’hui complètement dépassée.
La position des vrais druides a toujours été nuancée ou réfléchie, comme le prouve leur mythe à propos des origines de l’âme.
L’Âme (anamone ou anaon en breton) était pour eux simplement l’étincelle divine ou la part de divinité (larmes du soleil) qui réside en chacun des êtres peuplant cette terre, et le maintient en vie. Tout être vivant était doté d’une âme/esprit, qu’il fasse partie du règne minéral (une montagne, une rivière, une plaine, un lieu, cultivé ou pas, un océan) végétal (une forêt, un arbre ; une fleur), animal, ou humain. Pour ce qui est du règne végétal ou animal, il devait sans doute s’agir d’une déduction tirée du fait que l’ambre contient souvent, à l’état fossile, des débris végétaux, voire des insectes entiers.
Cette importante notion religieuse druidique a laissé des traces chez les écrivains grecs.
Diodore de Sicile. Bibliothèque historique. Livre V, XXIII. « Mais en ce qui concerne l’étain, nous nous contenterons de ce qui a déjà été dit, et nous traiterons maintenant de l’électrum, ainsi qu’on l’appelle [de l’ambre]. En face de la Scythie et s’étendant au-dessus de la Galatie, se trouve une île au large en pleine mer, appelée Basilée (Abalus chez Pythéas). Sur cette île les vagues rejettent de grandes quantités de ce qui est connu comme étant de l’électrum [de l’ambre, glaeson en Celte], que l’on ne voit nulle part ailleurs dans le monde, et à propos duquel les auteurs anciens ont composé des histoires complètement fantaisistes, qui sont difficiles à croire, et qui ont été réfutées par des faits incontestables. Car de nombreux poètes ou historiens nous racontent que Phaëton, le fils d’Hélios, encore enfant, persuada un jour son père de lui confier la conduite de son quadrige pendant vingt-quatre heures ; et que, après qu’Hélios eut accédé à la requête de Phaëton, comme ce dernier se montra incapable de bien tenir les rênes, en conduisant le char, les chevaux, sentant qu’ils avaient affaire à un conducteur inexpérimenté, dévièrent de leur course habituelle ; qu’ils errèrent d’abord çà et là dans le ciel, ensuite y mirent le feu, en laissant derrière eux ce qui est maintenant appelé la Voie lactée ; enfin qu’il déversa tant de rayons brûlants, sur maintes régions de la terre habitée, qu’il n’en brûla pas qu’une petite partie. Zeus par conséquent, indigné par ce qui s’était passé, foudroya Phaëton et remit le soleil dans le droit chemin. Phaëton tomba sur terre à l’embouchure du fleuve qui est connu aujourd’hui sous le nom de Padus [le Pô], mais qui jadis était appelé l’Éridan, ses sœurs qui rivalisèrent de pleurs sur sa mort à cause de cet excès de chagrin subirent une métamorphose en devenant des peupliers. Ces peupliers, chaque année à la même saison, versent de nouveau des larmes qui, quand elles se solidifient, forment ce que l’on appelle de l’ambre, une matière qui dépasse en brillance tous les autres produits de même nature, et qui est communément utilisé lors du deuil des jeunes gens. Mais puisque les inventeurs de ces fictions se sont les uns et les autres, trompés, qu’ils ont tous été réfutés par ce qui s’en est ensuivi ultérieurement, nous ne devons ajouter foi qu’aux histoires vraies, à savoir que l’ambre est ramassé sur l’île que nous avons mentionnée plus haut, puis transporté par les indigènes sur le continent qui leur fait face, qu’il est acheminé ensuite à travers ce dernier jusqu’aux régions que nous connaissons, ainsi que nous l’avons établi.
La remarque de Diodore de Sicile : « qui est communément utilisé lors du deuil des jeunes gens » est intéressante et peut nous mettre sur la piste. Elle nous montre en effet un ambre jaune symbole
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solaire, incontestablement lié au départ de l’âme/esprit vers d’autres mondes après la mort, et associant l’âme/esprit des défunts au soleil.
Quant aux Héliades ou filles du soleil, il doit sans aucun doute s’agir de vestales gardiennes de feux sacrés, liés à un culte solaire quelconque (un peu comme dans le cas de sainte Brigitte). Ou alors d’une incompréhension de la part des Grecs de la notion celtique de fées des arbres (les Matronae dervonae par exemple).
Autrement dit l’âme, puisqu’elle est d’origine et de nature divine, va tendre à recouvrer la divinité qui est latente en elle durant son séjour terrestre. Les larmes symbolisent cette nostalgie et le lien subtil qui l’unit encore à l’autre monde.
L’ambre a donc toujours représenté le fil psychique reliant l’énergie individuelle à l’énergie cosmique, l’âme individuelle à l’âme universelle. Il symbolise l’attraction solaire, spirituelle et divine.
Ce symbole druidique était destiné à faire comprendre au peuple la véritable nature des âmes venant s’incarner sur terre. À partir d’un état antérieur que les druides rapprochaient du phénomène de l’électricité atmosphérique ou statique ; puisque le mot grec signifiant donc ambre (elektron) nous renvoie en définitive à cette caractéristique (frottés l’un contre l’autre, les morceaux d’ambre jaune produisent en effet de l’électricité).
N.B. D’autres auteurs antiques ont également évoqué ces légendes concernant le glaeson (l’ambre jaune).
Apollonios de Rhodes : Argonautiques, IV, 611.
« Et le vaisseau, toujours emporté par le vent, se trouva bientôt au milieu du fleuve Éridan. Près de l’endroit où Phaéton, frappé par la foudre, fut précipité du char du Soleil au fond d’un marais ; d’où s’exhale encore une fumée très épaisse et au-dessus duquel les oiseaux ne peuvent voler impunément. Tout autour les filles du Soleil 1), changées en peupliers, pleurent la mort de leur frère. Et les larmes qu’elles répandent sont des gouttes d’ambre qui, séchées sur le sable par les rayons du soleil, sont ensuite poussées dans le cours du fleuve par les flots que les vents jettent vers le rivage. Nos héros, plongés dans la tristesse, ne songeaient même pas à prendre de nourriture ; l’odeur infecte qui s’exhalait de l’Éridan les suffoquait pendant le jour, et la nuit venue, ils entendaient les cris aigus et les plaintes des filles du Soleil, dont les larmes, semblables à des gouttes d’huile, paraissaient au-dessus des flots.
De ce fleuve, le vaisseau fut conduit dans un autre, dont les eaux se mêlent en murmurant à celles de l’Éridan. Il porte le nom de Rhône et prend sa source aux extrémités de la terre, près des portes du couchant et du séjour de la nuit. Une de ses branches se jette dans l’Océan ; l’autre dans la mer ionienne, en se confondant avec l’Éridan ; la troisième enfin se rend par sept embouchures au fond d’un golfe de la mer de Sardaigne 2).
Les Argonautes, ayant pris la première branche, se retrouvèrent au milieu des lacs, dont le pays des Celtes est couvert, et risquaient, sans le savoir, d’être rejetés dans l’Océan, d’où ils ne seraient jamais revenus ; mais Junon descendit tout à coup du ciel, et du haut des monts Hercyniens 3) fit retentir l’air d’un cri qui les remplit d’épouvante. Elle les repoussa en arrière, leur fit prendre le chemin par lequel ils devaient revenir dans leur patrie, et les enveloppa d’un nuage, à la faveur duquel ils traversèrent, sans être aperçus, le pays des Celtes et des Liguriens. Étant parvenus enfin à la mer après être sortis du fleuve par l’embouchure du milieu, ils abordèrent les îles Stoechades, redevables en partie de leur salut aux Dioscures, à qui Jupiter avait confié le soin de veiller pareillement sur tous les vaisseaux. On élève des autels et l’on offre des sacrifices en leur honneur depuis lors ».
Scolies sur un manuscrit d’Appolonios de Rhodes, Argonautiques, IV 611.
Les Celtes racontent que les larmes dont l’ambre est formé sont celles que répandit Apollon ; lorsqu’irrité de la mort de son fils Esculape, que la nymphe Coronis mit au monde dans la ville de Larissa 4), sur les bords de l’Amyrus, et forcé par les menaces de son père de quitter l’Olympe ; il se retira dans le pays des Hyperboréens 5).
Scymnos de Chios (ou un autre auteur grec).
L’Éridan transporte de l’ambre, des gouttes transparentes que sécrètent des peupliers. Ce sont, dit-on, des larmes pétrifiées. D’aucuns, en effet, ajoutent que c’est là que fut jadis foudroyé Phaéton, et que c’est pour cette raison que les habitants de la contrée portent des vêtements noirs, des robes de deuil.
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Denys le Périégète. Description de la terre habitée. Versets 288-301 (à propos de l’Éridan). Sur ses rives jadis, dans la nuit solitaire, les Héliades pleurèrent Phaéton. Les enfants des Celtes, assis sous les peupliers, y recueillent leurs larmes d’ambre.
Commentaire d’Eustathe sur les vers 288-301. « Cette phrase de Denys le Périégète signifie qu’ils recueillent l’ambre… qui, en raison de son éclat doré, passe pour être des larmes des Héliades, car l’or est le métal consacré au soleil ».
Le caractère mythologique et non historique de tous ces récits est patent. Le prouve ce qu’en a dit Lucien de Samosate lui-même (De l’ambre et des cygnes).
L’ambre, si vous en croyez la fable, provient des larmes versées par les peupliers des bords de l’Éridan ; qui sont les sœurs de Phaéton, changées en arbres, à force de pleurer le malheureux jeune homme ; et distillant des pleurs qui forment l’ambre. Il n’y a donc pas longtemps, obligé d’aller là-bas pour un tout autre objet, je me mis à remonter l’Éridan. Mais je n’aperçus ni peupliers ni ambre, quoiqu’attentif à bien regarder autour de moi. Les habitants du pays ne connaissaient même pas le nom de Phaéton. Je m’informe, je demande quand nous allons arriver aux peupliers qui distillent de l’ambre. Les bateliers se mettent à rire…
« Quel est donc le menteur, me disent-ils, quel est l’imposteur, qui vous a raconté cela ? Nous n’avons jamais vu ici de cocher tomber du siège de son char, et nous n’avons pas les peupliers que vous dites. Croyez-vous, si cela était, que nous nous fatiguerions à ramer pour deux oboles et à remonter les bateaux contre le courant du fleuve, tandis qu’il ne tiendrait qu’à nous de nous enrichir en recueillant les larmes de ces peupliers ? »
Ce discours me piqua au vif et je gardai le silence. Honteux d’avoir été, comme un enfant, la dupe de ma crédulité, en ajoutant foi aux fictions des poètes, qui ne se plaisent qu’à inventer des faits impossibles ou extravagants. Je n’étais pas moins fâché de perdre ainsi une de mes plus chères espérances. Il semblait que l’on m’eût arraché l’ambre des mains, moi qui déjà rêvais à combien de choses j’allais l’employer.
Je croyais du moins trouver plus de vérité dans ce qu’on nous dit des cygnes de ce pays, qui se rassemblent en grand nombre pour chanter sur les rives du fleuve. J’interrogeai donc de nouveau mes bateliers, alors que nous continuions à remonter le fleuve : « et à quel moment, leur demandai-je, les cygnes placés sur l’une et l’autre rive de ce fleuve vous font-ils entendre leur admirable chant ? On dit, en effet que ces favoris d’Apollon étaient jadis des hommes habiles dans l’art de chanter, mais qu’ils ont été transformés en oiseaux, et qu’ils chantent toujours pour montrer qu’ils n’ont pas oublié la musique ». Et mes bateliers de répondre, en éclatant de rire.
« Ne cesserez-vous donc jamais, noble seigneur, de faire honte à notre pays et à notre fleuve avec tous ces mensonges ? Nous qui le suivons sans cesse, et qui, depuis notre enfance, travaillons sur l’Éridan, nous voyons bien quelquefois, il est vrai, des cygnes s’abattre dans ses marais. Mais ils font entendre des croassements si discordants et si confus, que les corbeaux et les geais sont des sirènes comparés à eux. Quant à ces oiseaux qui chantent si agréablement, dont vous parlez, nous ne les avons jamais entendus, pas même en songe, et nous nous demandons bien d’où vous sont venus tous ces contes sur notre pays ».
Encore une fois, répétons-le : il s’agit de mythes druidiques colportés puis déformés par les voyageurs grecs. Les uns sur les oiseaux de l’autre monde (les cygnes) qui, effectivement, dans la tradition celtique, sont toujours présentés comme ayant un chant captivant et mélodieux, les autres sur la nature ou l’origine de l’âme (l’ambre).
Comme l’a très bien vu Strabon lui-même (Géographie. Livre V, I, 9) il faut laisser de côté tous ces récits qui ne sont que des mythes ; comme l’histoire de Phaéton et des Héliades changées en peupliers sur les bords de l’Éridan (ce fleuve qui n’existe nulle part sur la terre et que l’on dit voisin du Pô), des îles électrides, situées en avant du Pô, et des méléagrides (pintades) que l’on y trouve… RIEN DE TOUT CELA N’EXISTE EN CES PAYS.
Il n’existe rien de tel (des peupliers donnant de l’ambre, etc.) dans la plaine du Pô, et Phaéton ne s’est jamais écrasé avec son char à cet endroit. Il ne peut s’agir par conséquent que d’un mythe celte élaboré dans les régions productrices de glaeson (d’ambre), les îles électrides justement, et notamment l’île du nord de l’Europe appelée Basiléa (ou Abalus) ; afin de valoriser ce produit auprès des étrangers ; puis arrivé jusque dans la plaine du Pô. Parvenu ensuite à la connaissance des Grecs
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avec ledit ambre appelé elektron, sous une forme spécialement élaborée pour eux ou pour les autres étrangers acheteurs potentiels, par les druides.
Mais la remarque de Diodore de Sicile : « qui est communément utilisé lors du deuil des jeunes gens » est néanmoins très claire à cet égard. Ainsi que nous l’avons dit, elle nous montre un ambre jaune (symbole solaire) associé au départ de l’âme/esprit vers d’autres mondes après la mort, et reliant l’âme/esprit des défunts au soleil. L’ambre est le lien subtil qui existe entre l’âme individuelle et l’âme universelle, matérialisant ainsi en quelque sorte, l’attraction solaire, spirituelle et divine. Pour les Phéniciens et les Étrusques (rites funéraires avec de l’ambre), c’était aussi un symbole de force éternelle et de vie.
Cet « Éridan » des poètes est sans doute l’Elbe ou l’Oder, car le mythe en question est presque textuellement (aux noms propres près) identique au mythe germanique de la plaine de Glaesir ; ces bancs d’ambre où la récupération de ce produit s’élevait à plusieurs dizaines de tonnes par an.
Et l’Apollon en question, c’est bien sûr l’Abellio celtique régnant sur l’île d’Abalus, Phaethon étant le nom grec de son fils. L’image est claire. Les larmes d’Abellio se transforment en perles d’ambre, autrement dit les peines et les souffrances d’origine divine se transforment en bijoux pour les hommes.
1. cf. les inscriptions comme Fatis ou Matribus dervonibus [ou caxsanibus] et la notion druidique de fées des arbres.
2. Le golfe du Lion. Apollonios considère ici le Rhin, le Rhône et le Pô, comme trois branches d’un même fleuve.
3. La Forêt-Noire ?
4. Ville de Thessalie, dans la Magnésie.
5. Jupiter ayant foudroyé ledit Esculape, qui avait trouvé le secret de rendre la vie aux morts, Apollon irrité tua les cyclopes qui avaient fabriqué la foudre. Jupiter, pour le punir, l’exila de l’Olympe pendant quelque temps.
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LE BRAN.
L’interprétation de la notion de bran (au sens propre résidu de céréales, au sens figuré scorie ou excès de chargement de l’âme) varie suivant les Écoles druidiques qui l’utilisent.
Une acception courante est faute ou fatalité. Or cette acception du mot est erronée, car aucune situation n’est inéluctable, et de nouvelles causes peuvent toujours modifier les conséquences de nos actes passés. Traduire par « justice immanente » serait plus adapté.
Pour certaines Écoles, seule compte l’intention. Le bran que l’on suscite en agissant, que ce soit par le corps, la parole ou l’esprit, est essentiellement favorable ou défavorable, positif ou négatif, en fonction de l’état d’esprit qui sous-tend l’action. C’est le seul critère. Par exemple, si l’on donne quelque chose à quelqu’un de manière désintéressée, on suscite du bran positif. Ce n’est pas le cas, en revanche, si l’on donne parce que l’on attend quelque chose en retour. Le bran ainsi créé peut avoir des conséquences, dans ce monde comme dans l’autre.
Pour d’autres Écoles druidiques, l’action est le seul critère à prendre en compte, et l’état d’esprit la sous-tendant n’entre pas en ligne de compte.
Pour d’autres encore, les actions entraînent des conséquences sur le bran en fonction de l’intention ou de l’état d’esprit dans lequel lesdites actions sont accomplies, comme dans le premier cas. Mais on peut cependant dire qu’elles n’ont de conséquences que sur la vie future soit dans l’autre monde, soit exceptionnellement de nouveau dans ce monde ci (après réincarnation pour expier ses fautes).
Le mot bran désigne par conséquent le résidu résultant de l’action de nettoyage, supérieur par définition, qu’est la mort. Mais il désigne aussi évidemment, et pour commencer, bien avant ce stade comme nous avons pu le voir, les conséquences psychiques d’un acte ou d’une absence d’acte, regrettable.
On parle aussi de bran collectif (d’un groupe, d’une nation) : l’avenir de ce groupe dépend des actes passés de ses membres.
Pour les druides la notion de bran signifie que toute action (du corps, de la parole et de l’esprit, c’est-à-dire tout acte, toute parole et toute pensée) a un ensemble de causes et des conséquences. Rien n’est dû au hasard ou à une intervention divine, mais à l’interaction de multiples causes ou facteurs, qui la plupart du temps nous échappent. Cela est bien sûr uniquement valable dans notre monde habituel d’ici-bas. Et les grandes âme/esprits comme les anatiomaroi ou semnothées, qui sont allés au-delà de la dualité, peuvent poser des actes qui ne sont plus assujettis au poids de ce bran.
En résumé, la notion de « bran » insiste sur notre responsabilité, à tout instant, et en ce qui concerne nos actes, pensées, paroles. Nous suscitons nous-mêmes les causes de tout ce qui arrive. Chaque acte, pensée ou parole, a une conséquence. Un acte positif a des conséquences positives. Un acte négatif engendre des conséquences négatives (voire de la souffrance).
*Certaines Écoles druidiques insistent également sur la faute qui consiste à agir inintelligemment, sans penser aux conséquences prévisibles de ses actions. Cas de beaucoup des pseudo-intellectuels de ce pays et notamment des gens de média ou des politiciens (il s’agit du même milieu social d’ailleurs). Agir de façon irréfléchie ou bêtement, du genre donner un poisson au lieu d’apprendre à pêcher, alourdit d’autant notre âme dont la fusée aura ainsi plus de mal à atteindre la vitesse de libération (c’est une métaphore bien entendu).
Abordons maintenant et en quelques mots, le cas de ceux qui, en quelque sorte, ratent leur erdathe individuelle (leur retour au Grand Tout via les différents degrés de l’autre monde parallèle paradisiaque appelé Mag Meld). Car si tout le monde ou presque se réincarne après la mort, à Mag Meld, il existe une infime minorité d’individus * pour qui ce processus échoue.
Il n’y a pas à proprement parler, dans le druidisme, de rétribution des actes, car il n’y a pas de justice distributive extérieure punissant les péchés ou récompensant la vertu. Il ne saurait donc y avoir de jugement, car c’est une impossibilité métaphysique. La Nature ou Dieu ne pouvant moralement juger leurs enfants.
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Par contre, les actes répondent à une idéation qui laisse une trace dans les phénomènes psychiques, lesquels à leur tour entrent dans la composition du fond d’un être. Les traces de ce genre forment les constructions psychiques. Celles-ci gardent de leur origine, c’est-à-dire des actes, une puissance d’activité qui ne s’épuisera que par un lent processus de purification.
Les âmes/consciences individuelles (les anaon), trop chargées de bran, ne vont pas au Paradis, mais vont dans le non-monde de l’andumnon ou anderodubnon. Ou plus exactement dans une des antichambres du paradis, mises en en scène par diverses légendes populaires.
Il s’agit d’un état de l’être et non d’un lieu. Ou plus exactement d’un état d’être servant de passage provisoire, et nullement éternel, pour les âmes s’étant un peu trop chargées de bran carmique, au cours de leur vie terrestre d’avant. La personnalité (l’esprit) de l’anamone individuelle, ne représentant pas un « soi » à existence éternelle, puisqu’elle est destinée à s’éteindre peu à peu dans l’au-delà, il ne saurait y avoir de paradis ou d’enfer, éternel, pour elle.
De toute façon, le druidisme ne croit pas en l’éternité des âmes individuelles. L’âme humaine n’est qu’une larme de feu divin, issue de l’âme universelle, awentia ou awenyddia. Ce qui a une personnalité, bien que doté d’une longévité plus courte, c’est l’esprit et non l’âme.
La malchance qui semble peser sur certains, comme un châtiment, est longtemps demeurée une énigme. Les druides primordiaux avaient donc fait le lien entre l’ategeneto due au bran accumulé lors d’une vie précédente, et tous ces manques de chance. Cette malchance était alors vue comme la conséquence du bran accumulé dans des vies antérieures. Mais le mot bran désigne en fait simplement les conséquences psychiques d’un acte ou d’une absence d’acte, regrettable. Les âme/esprits individuelles ou anaon, trop chargées de bran, ne vont pas se réincarner dans l’autre monde paradisiaque appelé Mag Meld, Vindo Magos ou autrement ; mais vont dans le non-monde de l’andumnon ou anderodubnon (Donno Tegia ou Tech Duinn, Annwn ou Annwfn, etc.) Et comme rien n’est éternel, cet enfer lui-même n’est qu’un mauvais moment à passer… même chose d’ailleurs chez les hindous avec leur royaume de Yama.
Ces âme/esprits se réincarnent après, sur terre, en bacuceos ou seibaros. Mais rarissimes * sont les malheureux assez malades mentaux ou suffisamment erreur de la nature pour être repoussés en ce bas monde, tourmentés dans cette antichambre du paradis, avant d’être soumis à l’oubli de leur vie précédente et rejetés dans de nouveaux corps. L’amnésie de la condition originale de l’âme/esprit est une image spécifiquement druidique en ce domaine. En revenant vers la Matière, l’âme du bacuceos oublie son identité précédente. C’est la mort spirituelle.
Ces âmes échapperont néanmoins elles aussi un jour ou l’autre à leur triste sort, soit en réussissant leur erdathe individuelle lors d’un prochain décès, soit en bénéficiant d’une eschatologie plus générale lors de la fin de ce monde. « Les âmes sont impérissables, mais un jour pourtant régneront seuls le feu et l’eau » (Strabon IV, 4).
Ce qui est certain c’est qu’une des gloses en latin apportées au vers 457 du texte de Lucain précise que la vie après la mort serait quasi semper (et non semper). Ci-dessous le texte latin en question.
Supplementum adnotationum super lucanum. Vers 457. Si media mors longae vitae est cognita, ut vos canitis. Quia dicebant se post mortem alia membra sumpturos, quasi semper viverent et mors nihil aliud erat nisi quod ab una vita in alteram ducebat. Ideo ait : si verum dicitis, mors nihil aliud est nisi medium aliquid longae vitae.
S’il est vrai que la mort est le milieu d’une longue vie, à en croire ce que vous chantez. Parce qu’ils disaient qu’après la mort, ils s’empareraient d’autres membres, qu’ils vivraient presque éternellement, et que la mort n’était rien d’autre que le fait de passer d’une vie dans une autre. Autrement dit, si ce qu’ils disent est vrai, la mort n’est rien d’autre que milieu d’une longue vie.
On ne peut qu’en tirer la conclusion suivante : les druides antiques ne croyaient ni à l’existence de l’enfer (disputant animas ad inferos non ire, sed in alio orbe nasci) ni même à l’éternité de la vie des âmes/esprits des défunts après la mort, mais seulement à une quasi éternité ou très longue vie (des âmes/esprits des défunts). Jusqu’à la fin du cycle cosmique en cours donc, et pas pour l’éternité. Ce qui est cohérent avec la croyance en une histoire cyclique et non linéaire………………
Nos amis bouddhistes pensent que cette réincarnation des âme/esprits peut se faire dans l’un des six états suivants : déité (deva), déité inférieure (asura, humain, animal, esprit avide, esprit torturé (en enfer donc). Le druidisme, lui, n’envisage que le cas des réincarnations humaines (au demeurant rarissimes et même exceptionnelles) *.
Le druidisme est le moyen par excellence de se libérer de la nécessité de se réincarner en bacuceos, mais dans le cas du bacuceos, ce n’est pas l’âme pure qui transmigre de corps en corps, mais disons plutôt un continuum de conscience. Un processus progressif d’apprentissage et d’accomplissement individuel, autrement dit le couple âme + esprit (anamone + menman).
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Le terme BACUCEOS, BACUCEA (réincarné, réincarnée) a été cité sous une forme latinisée, à l’accusatif pluriel, par Jean Cassien (Conférences, 7, 32, 2) au début du Ve siècle.
Quos etiam Bacuceos vulgus appellat, ut semetipsos ultra proceritatem corporis erigentes, nunc quidem se in quosdam fastus gestusque sustollerent, nunc velut acclines ad quemdam se tranquillitatis et affabilitatis statum communes blandosque submitterent, seseque velut illustres et circumspectabiles omnibus aestimantes, nunc quidem adorare se potestates sublimiores corporis inflexione monstrarent nunc vero ab aliis se crederent adorari, et omnes motus quibus vera officia aut superbe aut humiliter peraguntur, explerent.
« Ceux que le vulgaire appelle bacuceos, se haussaient au-delà de la taille normale de leur corps, et se grandissaient avec morgue ou en gesticulant. Ils affectent des manières affables et courtoises comme s’ils étaient d’illustres personnages, ou bien ils font de très révérencieuses salutations, comme s’ils étaient devant des princes, paraissant continuellement rendre ou recevoir des honneurs ».
Les propos de Cassien sont assez vagues, ou plutôt ils sont très précis, mais contradictoires. Car si nous les comprenons bien, le bacuceos, cela peut être un peu tout et n’importe quoi (gentil ou plein de morgue, prostré ou exalté, adorateur ou adoré, etc.).
Nous avons déjà eu l’occasion de le dire, mais vu l’importance de la chose, il n’est pas déplacé de le répéter.
Les bacucei sont comme les prisonniers ou les possédés d’une entité supra humaine restant à définir, conséquence inéluctable du temps et de la vie qui distribue, partage, ou répartit (les âme/esprits ?)
Les désordres et les troubles du comportement décrits par Cassien sont le signe des difficultés d’adaptation de l’âme/esprit à son nouveau corps, même quinze ans après (corps trop petit ou trop grand, etc.)
Certains pseudo-druides, comme il en existe tant aujourd’hui, hélas, se fondant sur ce témoignage de Cassien (nostalgie de la chute, etc.) affirment qu’il serait possible de se souvenir de ses vies antérieures. Mais les cas isolés avancés à l’appui de cette thèse posent toujours le problème de la vérification.
La transmigration n’est pas un châtiment, mais une occasion offerte. Soit de se racheter, en se réincarnant autant de fois que nécessaire, soit d’aider les plus faibles ou les plus imprégnés par les forces du mal, à s’élever par l’étude et la prière.
En fait, d’un point de vue scientifique, tout se passe comme si le patient avait une deuxième personnalité.
On définit le trouble dit « de la personnalité multiple » par la coexistence, chez un même individu, de deux ou plusieurs états de personnalités distincts. Qu’ils aient une mémoire propre, des modalités comportementales spécifiques et leurs propres styles de relation sociale, ou qu’ils partagent une partie de ces différents comportements. Les deux consciences se combattent dans un même champ qui est le corps, et l’âme est comme partagée. Ce type de trouble commence à s’installer dès l’enfance, mais n’est, le plus souvent, remarqué par les cliniciens, que beaucoup plus tard ; il s’agit d’ailleurs presque toujours de filles (60 à 90 %).
Le passage d’une personnalité à une autre est généralement brusque (quelques minutes). La transition est sous la dépendance du contexte relationnel. Les transitions peuvent survenir également lorsqu’il y a conflit entre les différentes personnalités, ou lorsque ces dernières ont élaboré un plan commun. Les personnalités peuvent être diamétralement opposées dans leurs caractéristiques, et différer même quant aux tests psychologiques ou physiologiques : elles peuvent nécessiter par exemple des verres correcteurs différents, répondre de manière différente au même traitement, et avoir des quotients intellectuels différents. La schizophrénie peut évidemment elle aussi aboutir aux mêmes symptômes.
* Nabuchodonosor, Hitler, Staline, et quelques autres. Encore que pour certains penseurs de l’École bouddhiste de la terre pure comme Shinran (1173-12622), même les hommes comme eux peuvent se réincarner dans l’autre monde de type paradisiaque, afin d’y suivre enfin et dans les meilleures conditions les enseignements du bouddha de la terre pure occidentale (zettai tariki et akunin shoki setsu).
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L’ANAMONE OU ÂME INDIVIDUELLE.
Pour paraphraser quelque peu la vénérable mère de noïbo Symphorien d’Autun, nous dirons en vieux celtique : Nate, nate, mento beto ton anamon. Mon fils, mon fils, n’oublie pas ton âme.
Commençons tout d’abord par rappeler, ainsi que nous l’avons déjà vu plus haut, que, très souvent, la pensée traditionnelle, pour penser l’être de l’homme, préférait, à la dyade corps/âme, la triade corps/esprit/âme. La logique du trois-en-un est en effet bien plus exhaustive que celle de la dualité.
Le corps, l’esprit, l’âme. Physique, non physique, métaphysique. Agir, penser, créer. Vital, mental, surmental. Subconscient, conscient, surconscient. L’Homme-vital, l’Homme-mental, l’Homme-spirituel. Expérience corporelle, expérience de l’esprit, expérience de l’âme. Désirs du corps, désirs de l’esprit, désirs de l’âme. Temps de la Nature, temps psychologique, intemporel.
La distinction entre la matière et l’âme a été à grand-peine élaborée par la philosophie grecque. Elle fut ensuite incorporée à la pensée chrétienne par saint Augustin, et par les Pères grecs. Puis consacrée par la tradition, à la fois en théologie chrétienne et en philosophie.
Certaines traditions philosophiques croient en l’âme, mais pas vraiment au corps : elles voient l’âme comme emprisonnée dans le corps. D’autres traditions croient au corps, mais pas vraiment en l’âme. Parmi elles, le matérialisme pur et dur, les matérialistes modérés ainsi que les fonctionnalistes.
Le matérialisme pur et dur proclame que les propriétés liées à l’âme peuvent s’expliquer de façon physique. D’autres réfèrent retenir une vue classique de l’âme pure par rapport à la matière, mais ne parviennent pas, dans leur conception de l’union de l’âme et du corps, à une parfaite unité des deux. Et finissent toujours sur l’idée du corps « dans lequel » il y a une âme.
Contrairement à ce que pensent et disent (mensongèrement ?) beaucoup de chrétiens, y compris des évêques français (je l’ai encore lu récemment sous la plume de Monseigneur Di Falco), l’âme n’est pas une réalité découverte par la chrétienté. Le christianisme a fondé autant que faire se pouvait son discours, sur la métaphysique païenne, et la philosophie naturelle.
Nous sommes individuellement distincts les uns des autres, et pourtant nous sommes tous les mêmes du point de vue de l’espèce.
Nous avons spécifiquement la même âme au départ, mais par notre corps et grâce à nos qualités ou nos défauts respectifs, nous devenons des individus distincts. C’est notre corps, qui fait que notre âme/esprit se distingue des autres, alors que spécifiquement au départ notre âme est identique à celle des autres puisqu’elle fait partie de l’espèce humaine.
Le Français Descartes regarde l’Homme comme à la fois un corps et une âme, mais, conformément à son dualisme, il confond l’esprit avec l’intellect, et semble ne trouver dans l’âme que l’activité de la pensée. Comment peut-on, sans réduction excessive, tout à la fois distinguer, mais aussi relier le corps, l’esprit et l’âme ? L’âme ne saurait être confondue avec la structure physique du corps, pas plus qu’elle ne peut être identifiée avec le défilé intérieur de nos pensées que l’on appelle couramment : l’esprit. Si le corps est le physique, l’esprit le non-physique, le terme qui convient à l’âme est le métaphysique.
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VENONS EN MAINTENANT À L’ÉTUDE
DE LA PARTIE INFÉRIEURE DE L’ÂME :
LE MENMAN (latin mens, sanscrit manas, anglais mind, français mental, etc.)
À la jonction entre âme universelle et matière universelle apparaît l’esprit (l’esprit universel). C’est la plus importante concentration spirituelle pouvant exister actuellement dans l’univers ou bitos. L’esprit ou menman a une importance toute particulière, car il fait le lien entre le concept et sa matérialisation. C’est l’impulsion qui décide de ce qui doit se produire, ce qui sera créé selon sa volonté.
Il est évident qu’au niveau le plus grossier de l’anamon, l'« esprit », ou « conscience », est intimement lié aux états physiologiques du corps. En fait, il dépend d’eux. Pourtant, il doit exister une certaine base, une énergie, une source, qui permet à l’esprit, dans son interaction avec les particules matérielles, de produire au sein de l’univers des êtres vivants conscients. Tout comme, au plan matériel, cette base est aussi, sans aucun doute, en continuité avec le passé. Si nous remontons à l’origine de notre esprit actuel, de notre conscience présente, nous nous apercevons que, de même que pour l’origine de l’univers matériel, nous remontons alors en même temps jusqu’à une dimension illimitée. Il faut bien que la conscience se trouve quelque part, à l’état latent, et ce, dès l’origine justement.
Teilhard de Chardin supposait une conscience élémentaire, existant de façon « diluée » dans toute matière, les petites « briques de conscience » s’ajoutant pour donner une pensée de plus en plus réflexive. On rejoint donc par là une forme de monisme : conscience et matière ne se distinguent pas. La vie et l’intelligence manifestent et déploient ce qui était déjà contenu implicitement dans la matière. Il n’y a rien de nouveau, il n’y a qu’un passage du potentiel à l’actuel. La théorie selon laquelle la conscience existe à l’état élémentaire dans la moindre parcelle de « matière » rend compte de nombreux faits : tendance à l’auto-organisation de la matière, persistance des pensées durant tous les stades du coma.
Cette théorie de la conscience élémentaire constitue donc une réponse plausible à un problème récurrent du matérialisme : le problème de l’apparition de la conscience justement. Il est difficilement compréhensible en effet qu’une somme de mouvements mécaniques microscopiques puisse produire la conscience. Ou encore, que l’assemblage de particules pas encore vivantes finisse par donner la vie elle-même. Il y a un saut qualitatif inexplicable !
Q : Qu’y a-t-il au commencement de chaque monde ?
R : Le Feu. Ce Feu, qui est très différent du feu en tant qu’élément qui n’est qu’un symbole, a une nature mystérieuse : Intelligence et Sensibilité, Puissance et Action, Idée, mais aussi Parole. L’Esprit est la manifestation intérieure de ce feu primordial.
Q : Qu’est-ce que la matière ?
R : C’est tout ce qui n’est pas ce feu primordial, mais c’est aussi en un sens la manifestation extérieure de ce feu primordial.
Q : Que pouvons-nous conclure de cela ?
R : Que ce feu, cause éternelle, se développe par des émanations, qu’il est en éternel devenir.
Mais, en se développant, il est stable, il est permanent, il demeure. Il est Celui qui était ou sera, qui est, Immuable, Infini, Absolu, Immanent et Substantiel.
Q : Pourquoi se développe-t-il lui-même ainsi ?
R : Bien qu’immuable, il n’est pas inerte ; l’Infini peut agir, car il est Intelligence et Raison ; car l’être supérieur passe de la Puissance à l’Action.
D : Développez cette évolution.
R : Le Destin a une expression qui est le Verbe, le Labarum. Ainsi, l’Intelligence se nomme elle-même, et en se nommant elle agit, évolue, émane, devient. En énonçant une pensée, cette Intelligence unit les moments de sa pensée ; elle lie ses pensées les unes aux autres par la Raison. Comme Un devient Deux par émanation, le feu émane par deux, par couples, par syzygies. Ces couples forment une chaîne ininterrompue entre le Monde et l’être supérieur. Ils constituent la trame de l’Esprit et de la Conscience, et la Loi qui les dirige et les lie est le Destin ou Tokad.
Le Cosmos et l’Homme sont entièrement composés des trois étants ou résultats de l’acte d’être, fondamentaux, que sont l’âme et le feu, la matière et l’eau (symbolisée ou personnifiée par la Grande déesse-ou-démone mère cosmique) ; et enfin la zone intermédiaire ou mixte entre les deux, en résultant : leur interface mutuelle (l’énergie cosmique et le mental ou la conscience chez les hommes
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par exemple). Personnification : Taran/Toran/Tuireann, car le divin, c’est l’union intime immanente absolue et sous des formes impensables, de l’âme et de la matière.
Dans les Écoles plus proches de l’explication métaphysique, l’unité supérieure englobante est celle du destin, dont les trois formes divines ne sont que des manifestations sur le plan du relatif ; mais le culte du destin en tant que tel n’existe pratiquement plus de nos jours. Comme le disait Strabon : « Certains auteurs affirment que les Galiciens sont athées, tandis que les Celtibères et leurs voisins au nord sacrifient à un dieu sans nom, la nuit, à chaque retour de la pleine lune, devant les portes de leurs bourgades ; en se livrant alors avec leur maisonnée au complet durant toute la nuit à des rites divers agrémentés de danses » (Strabon, Livre III, chapitre IV, 16).
En revanche, quelque 80 % des celtisants de l’époque adorent Taran/Toran/Tuireann et 20 % la Grande Déesse-ou-démone Mère cosmique, sans oublier néanmoins que tous ont eu également recours à d’autres dieu-ou-démons, voire déesse-ou-démones, ou fées si l’on préfère, à certains moments de leur vie.
Dans les milieux où prédominent les tendances à la dévotion, ces trois figures divines dominées par une loi cosmique implacable (le Destin) sont remplacées par une Personne Unique et Supérieure, Taran/Toran/Tuireann justement. L’Homme a besoin d’une figure personnalisée pour appréhender le bitos ou l’univers.
Taran/Toran/Tuireann représente ou symbolise l’Esprit, le Principe supérieur conscient. Le personnage de Taran/Toran/Tuireann est extrêmement complexe : il s’inscrit dans toute une série de divinités surplombant la clairière primordiale originelle. Son image dominante est celle d’une force motrice qui soutient ou maintient le monde en vie, ou l’anéantit en laissant libre cours aux forces destructrices (sous leur aspect Sheela na Gig ou Catubodua). Taran/Toran/Tuireann est au départ dépourvu de formes précises et il est en général évoqué par différents symboles comme la roue, l’esse, le triscèle ou le swastika. Sauf dans l’iconographie romaine où il est souvent représenté sous la forme d’un grand dieu-ou-démon à la roue chevauchant dans le ciel, voire d’un cavalier terrassant des monstres anguipèdes géants. Il a tous les attributs et toutes les qualités d’un dieu-ou-démon puissant, créateur, conservateur ou destructeur du monde, un dieu-ou-démon personnel susceptible de servir de fondement à une religion. Pour protéger l’ordre cosmique et moral lorsqu’il est en danger, il descend parfois sur terre sous une forme appropriée. Les plus célèbres de ses descentes sur terre (avatars) sont celles de Belenos Barinthus ou Manannan Mac Lir dans l’île de Man, voire Camulos le père de Finn en Irlande.
LE MENMAN INDIVIDUEL.
Au lieu de rester dans sa tour d’ivoire (en l’occurrence dans le domaine de l’anthropologie du sacré), il faut jeter un coup d’œil sur les sciences qui s’intéressent à l’esprit. Et voir si elles peuvent nous apporter des éléments de réponse. Il se trouve que parmi ces sciences, la neurobiologie nous est d’un grand secours.
Le drame des maladies, des vraies maladies mentales (dédoublement de personnalité, hallucinations, schizophrénie) est là pour nous prouver A CONTRARIO l’importance s’il en était besoin de ce propre de l’homme.
L’esprit dépend de certaines formes particulières d’organisation biologique de la matière. C’est au cours de l’évolution que les corps en sont venus à posséder des esprits. Que l’esprit a pris corps, qu’il s’est incarné à un moment donné de l’évolution. L’existence et le fonctionnement de cet esprit dépendent d’une conscience apparue à l’issue d’une sélection naturelle.
Les étapes qui ont conduit, et conduisent toujours, à une morphologie capable d’incarner l’esprit, se retrouvent au niveau phylogénétique et ontogénétique. Au cours de l’évolution des hominidés, l’acquisition de la bipédie avait occasionné des modifications sur l’allure générale du corps, sur l’anatomie et surtout au niveau de la base du crâne. Il y a eu apparition de régions particulières du cerveau, liées au langage, apparition de capacités conceptuelles, du langage articulé… Au cours de cette évolution, il y a eu un accroissement et une modification morphologique du cerveau. Ce sont ces nouvelles morphologies du corps et du cerveau qui ont rendu possible l’incarnation de l’esprit.
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L’Homme, par la morphologie de son corps et de son cerveau, est le seul être doté d’un esprit capable d’opérations spécifiques et supérieures.
Au niveau ontogénétique, la mise en place de la morphologie du cerveau et du corps, s’ébauche dès le stade embryonnaire, par la rencontre d’un spermatozoïde et d’un ovule, et grâce aussi en grande partie à des facteurs génétiques. La formation du cerveau se fait à travers des mouvements de cellules qui se divisent, migrent, meurent et adhèrent les unes aux autres. Les neurobiologistes accordent une grande importance à la connectivité des systèmes neuronaux, car c’est par elle qu’ils rendent compte de l’existence de l’esprit. Mais ce n’est pas parce que l’on possède un corps et un cerveau morphologiquement humain, que l’on peut prétendre bénéficier obligatoirement des opérations de l’esprit. Le moi conscient humain se construit à travers les interactions socioculturelles.
Ce qui ressort c’est qu’au niveau ontogénétique, l’incarnation de l’esprit commence au stade embryologique par la mise en place d’une morphologie nécessaire ; et se poursuit après la naissance par l’achèvement du cerveau, par la croissance anatomique jusqu’à la maturité, ainsi que par les interactions socioculturelles.
L’une des variantes de l’erreur du grand philosophe français que fut Descartes est de ne pas voir que l’esprit humain est incorporé dans un organisme biologiquement complexe, mais unique en son genre, fini et fragile ; elle empêche donc de voir la tragédie que représente la prise de conscience de cette fragilité, cette finitude et cette unicité. Or lorsque les êtres humains sont incapables d’apercevoir la tragédie fondamentale de l’existence consciente, ils sont moins enclins à chercher à l’adoucir, et peuvent, de ce fait, avoir moins de respect pour la valeur de la vie.
Pour rendre compte de ce lien corps-esprit, le professeur (de psychologie, de neuroscience) Antonio Rosa Damasio (l’erreur de Descartes, etc.) énonce du point de vue de la neurobiologie, une profonde interaction entre l’esprit et le corps ; où la modification de l’un entraînerait nécessairement la modification de l’autre. Il y aurait aussi et surtout une préséance du corps sur les phénomènes mentaux : c’est par l’intermédiaire du corps que se fait l’interaction entre un organisme et l’environnement.
Pour assurer la survie du corps le mieux possible, le cerveau a eu pour solution, à chaque fois qu’il y a interaction avec l’environnement, de représenter mentalement cet environnement occasionnel en modifiant les représentations fondamentales du corps. Du point de vue de l’anatomie, cette représentation est tributaire du système somato-sensoriel, et surtout somato-moteur, et elle est fondée sur la construction d’un schéma corporel comportant tête, tronc, membres, viscères, peau. Cette activité de connexion est due à des circuits neuraux qui élaborent en permanence une représentation de l’organisme, reflétant sa perturbation provoquée par la perception de stimulus issus de l’environnement physique et du milieu socioculturel ; mais aussi une représentation de l’organisme basée sur son action sur cet environnement. C’est dire qu’au cours d’une interaction entre un organisme et un environnement, il y a échange d’informations partant de l’environnement au corps, du corps au cerveau, et du cerveau à nouveau vers le corps. À travers ces échanges, le corps est contraint de se modifier activement de façon à ce que l’interaction avec l’environnement puisse avoir lieu dans les meilleures conditions possibles. Cette interaction permet à l’organisme de maintenir son homéostasie, son état d’équilibre fonctionnel.
L’Homo religiosus néolithique ne s’est donc pas trompé ! Il est évident que les Anciens avaient bien compris que c’est un corps biologiquement complexe comme celui de l’être humain qui génère l’esprit.
En élaborant des mythes cosmogoniques où l’accession à un nouveau mode de vie passait par un démembrement, une réorganisation du corps, les néolithiques y ont inscrit le témoignage de leur connaissance du lien corps-esprit ; en ce sens que pour opérer une naissance au mode de l’esprit, alors il faut agir sur le corps.
Ces mutations de l’esprit et du corps ont sûrement pour siège, entre autres, une prodigieuse activité neurale et chimique, qui peut être soumise à une étude systématique.
Le druidisme a toujours postulé l’existence d’une conscience individuelle difficilement définissable, mais existant bien, et ce, de façon individualisée ; un peu comme les Vatsiputriyas bouddhistes qui eux non plus, n’ont jamais prétendu que le moi n’existait pas, mais ont toujours seulement dit qu’il était « indéfinissable ». L’esprit est l'« interprète de l’âme » dans le corps. L’esprit individuel est l’interface entre le corps et l’âme. L’esprit a un aspect immanent et horizontal : dans son aspect englobant, il se manifeste aussi dans la nature de toute chose et permet la communication entre les hommes. L’esprit individuel ou menman, est ce qui structure et rend les choses intelligibles. La notion d’esprit est plutôt
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à rattacher à celle de conscience, ou de dimension intellectuelle, mais aussi de dimension émotionnelle.
On admet en général que les mammifères supérieurs possèdent une certaine conscience du monde, même si leur conscience de soi est bien moins développée que chez l’être humain. La conscience perceptive existe chez tous les animaux, insectes compris. Une fourmi perçoit son environnement. Mais pourquoi n’attribuer une certaine conscience qu’aux animaux ? À partir de quel critère affirmera-t-on : cet être ressent du plaisir et de la douleur, et cet autre n’est qu’une machine qui semble ressentir, mais ne possède aucune vie intérieure ? À une extrémité, on trouve le Français Descartes, qui considérait tout animal comme une machine ; battez votre chien, il aura l’air d’avoir mal, mais il ne ressent pas plus de choses qu’un caillou ! Il donne des signes mécaniques que vous, vous interprétez comme de la souffrance, mais qui ne servent qu’à indiquer l’état de son organisme. À l’autre extrême, certains vont jusqu’à penser que même les plantes « ressentent » des émotions (les vibrations de la musique par exemple. Voir nos amis de Findhorn et leurs devas des arbres).
Durant le sommeil, il existe une forme de pensée : lorsqu’on réveille des sujets à quelque phase du sommeil que ce soit, même le plus profond, ils peuvent immédiatement se rappeler qu’ils avaient une activité mentale. Images, pensées fragmentaires… existaient.
Il semble que la même remarque s’applique en ce qui concerne le coma, état encore plus « endormi » par définition. Contrairement à ce que l’on croit naïvement, la conscience n’est donc pas interrompue par le sommeil ; la plupart du temps, nous ne nous rappelons pas nos rêves, et, pourtant, ils sont bien là ! La pensée non plus ne s’interrompt jamais complètement. Les recherches actuelles en neurologie indiquent que la conscience n’est pas localisée dans une zone spécifique du cerveau. Elle serait globalement présente, comme « dispersée » dans le cerveau entier, comme effet global des rétroactions neuronales. Ainsi, la conscience subsiste-t-elle, à tous les stades cérébraux, un peu comme si elle était indépendante des échanges neuronaux.
Les questions existentielles du genre : « L’univers a-t-il un sens ? », « D’où vient l’Homme ? », « Quelle est sa destinée ? »… vont de pair avec la conscience de soi.
De même que l’on ne voit dans un miroir qu’une partie des étoiles qui recouvrent tout, l’âme, pourtant partout présente ne peut être aperçue qu’en partie dans le miroir de l’esprit.
La fonction de la conscience sensorielle est simplement de percevoir les objets qui leur correspondent – formes visuelles, sons, odeurs, et ainsi de suite – sans rien ajouter. Mais ensuite l’esprit élabore, à partir de ces perceptions, des pensées telles que : « cela est beau… cela est laid… cela pourrait me nuire, cela me sera bien agréable… ». Ce ne sont jamais la forme extérieure de l’objet, ni l’œil ni la conscience visuelle, qui produisent ces élaborations subjectives ; c’est l’esprit. Un bel objet n’a pas de qualité intrinsèque bienfaisante en soi pour l’esprit, et un objet laid n’a pas en lui le pouvoir de nuire. Beau et laid sont de simples projections de l’esprit. La capacité de causer du bonheur ou de la souffrance n’est pas une propriété de l’objet lui-même ; ainsi la vue du même homme par deux personnes différentes peut-elle rendre, l’une heureuse, et l’autre malheureuse. C’est l’esprit qui attribue telle ou telle qualité à l’objet perçu.
On définit parfois l’esprit comme la capacité à ressentir, à s’émouvoir, c’est donc une caractéristique propre à l’Homme, et il peut être personnifié (cf. l’esprit des psychologues). Symétriquement au monde extérieur, constitué d’objets palpables sur lesquels l’expérimentation peut avoir prise, le psychologue envisage un monde intérieur où les souvenirs, les désirs, les images mentales, la douleur, la souffrance morale et les rêves ont leur champ d’action.
Les différents ensembles qui peuvent constituer la personnalité d’un esprit sont perpétuellement changeants, la personnalisation de l’esprit est donc un concept ou une notion ne désignant qu’une continuité phénoménale aux éléments changeants ; un groupement particulier de phénomènes donnant l’apparence d’une personne particulière, sans qu’il soit besoin d’une entité personnelle immuable incorporée dans ledit groupement de phénomènes.
Il est évident que nous possédons quelque chose comme un « esprit » ou une « conscience » : notre expérience en témoigne. Il est aussi manifeste que ce que nous appelons ainsi est sujet au changement, quand il est exposé à certaines conditions et circonstances. C’est une preuve de sa nature variable d’instant en instant, ou de sa prédisposition à se modifier.
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Il est évident qu’au niveau le plus grossier le menman, l' « esprit », ou « conscience », est intimement lié aux états physiologiques du corps ; en fait, il dépend d’eux.
Le druidisme ne croit guère à l’existence en l’homme d’un quelconque absolu, hormis la petite larme de feu divin qu’est son âme. Car l’esprit n’est qu’un enchaînement de phénomènes passagers, qui se suivent en se conditionnant étroitement les uns les autres. Les pensées, les désirs, tout est relatif.
Le Moi est assurément la partie la plus éphémère et la plus superficielle de notre être. L’immortel auteur de la colline inspirée (Sion) n’a-t-il pas écrit un jour : l’intelligence, quelle petite chose à la surface de nous-mêmes… Nous ne sommes pas les maîtres des pensées qui naissent en nous. Elles ne viennent pas de notre intelligence ; elles sont des façons de réagir où se traduisent de très anciennes dispositions physiologiques. Selon le milieu où nous sommes plongés, nous élaborons des jugements et des raisonnements. La raison humaine est enchaînée de telle sorte que nous repassons tous dans les pas de nos prédécesseurs. Il n’y a pas d’idées personnelles ; les idées même les plus rares, les jugements mêmes les plus abstraits, les sophismes de la métaphysique la plus infatuée ; sont des façons de sentir générales, et se retrouvent chez tous les êtres de même organisme assiégés par les mêmes images… Nous sommes la continuité de nos parents. Cela est vrai anatomiquement. Ils pensent et ils parlent en nous. Toute la suite des descendants ne fait qu’un même être. Sans doute, sous l’action de la vie ambiante, une plus grande complexité pourra-t-elle y apparaître, mais qui ne le dénaturera point. C’est comme un ordre architectural que l’on perfectionne : c’est toujours le même ordre. C’est comme une maison où l’on introduit d’autres dispositions ; non seulement elle repose sur les mêmes assises, mais encore elle est faite des mêmes moellons : c’est toujours la même maison. Celui qui se laisse pénétrer de ces certitudes abandonne la prétention de penser mieux, de sentir mieux, de vouloir mieux, que ses pères et mères, il se dit : « Je suis eux ».
Le Moi est cette partie de nous que la mort atteint et dissout, mais aussi celle qui nous empêche de vivre pleinement dans le rythme du Cosmos, dans le Grand Tout. Car il dresse une barrière entre le Cosmos et nous et, au sein de notre être, entre le Cosmos qui vit en nous et lui-même.
L’esprit est le siège de champs magnétiques puissants, s’équilibrant et combinant leurs lignes de force pour constituer l’image de toutes les fibres et de tous les organes du corps physique ; qu’il devra former ou vitaliser en sélectionnant et en arrangeant selon leur destin propre – non pas les cellules directement – mais en prenant possession des esprits cellulaires qui les animent et qui possèdent leur vie individuelle. On peut éprouver certaines difficultés à imaginer un ensemble de lignes de force réalisant des formes ; l’arrangement des cristaux de glace sur une vitre, de la limaille de fer sous l’influence de l’aimant, en sont des exemples simples.
L’Esprit bénéficie du travail de purification et de développement du Gdonios ou Être humain ; il conserve la quintessence de ses expériences terrestres sous forme d’analyse, de jugement, de sentiments, d’intelligence, de connaissance, de spiritualité, d’amour ; c’est son bagage impérissable que le corps lui aura procuré par l’enregistrement et la transmission de ses sensations et réactions, qui se transforment en automatismes.
Les pensées, les actions, contribuent à tisser, à fournir la trame dont est composé l’esprit, à l’épurer ou à l’alourdir. L’esprit accumule dans sa mémoire subconsciente une foule de souvenirs dont seuls ceux qui sont enregistrés à l’état de veille sont restitués au cerveau, sous forme de photographies « radioactives ».
À en croire certains témoignages, il est néanmoins possible d’accéder, de son vivant même, à un état supérieur de conscience. Mais l’accès à l’autre monde recherché par tout un chacun ne peut être atteint que si l’esprit nous en fait la grâce. Parler de cette inspiration (auentia) sans en avoir fait l’expérience soi-même, c’est un peu comme parler d’un choc électrique à des personnes qui ne connaissent pas l’électricité. D’où les réactions étonnées du moine Giraud de Cambrie à propos des awenyddion gallois du XIIe siècle. Les vrais druides insistent sur le fait qu’on ne peut finalement connaître l’inspiration qu’en en faisant l’expérience… Or, si l’esprit a bien des manières de se manifester, il en est le seul maître : sa caractéristique est de déborder l’individu qui s’était enfermé dans des repères mentaux pour le surprendre là où il ne s’y attend pas. Le temps de l’esprit ne peut se réduire à des événements plus ou moins extraordinaires, comme des visions, des extases. Il implique bien plus : l’émergence d’un nouvel état de conscience, comme si l’on voyait le monde pour la toute première fois. Il est très difficile de parler de la réalisation d’une inspiration (du genre de celle des awenyddion gallois par exemple), car il s’agit d’une expérience qui va bien au-delà des mots et des concepts descriptifs que peut fournir une personne extérieure. Dans cet état, on ne peut que constater les choses, sans pouvoir ni vouloir les nommer. La merveilleuse effervescence de l’énergie ne doit être troublée par aucun préjugé, et les livres sont inutiles à qui ne connaît pas encore la déesse-ou-démone, ou la fée si l’on préfère, mais inutiles aussi à qui la connaît déjà. Tous ces
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aspects de l’inspiration de type awenydd gallois ou ishraqi perse sont complémentaires : l’esprit englobe toutes les réalités et toutes les abstractions. À la fois puissance et conscience, force et sens qui orientent cette force, il est un médiateur, un relais entre le corps et l’esprit universel (awenyddio), entre l’Homme et le Divin. L’esprit universel ne peut régir le corps qu’avec l’assistance de l’esprit individuel (menman), qui peut mettre en branle et le corps et l’anamone ou âme individuelle.
Autre témoignage, celui que nous rapporte Plutarque.
« Parmi les îles qui entourent la Grande-Bretagne, plusieurs sont désertes, dispersées, quelques-unes portent des noms de génies, voire de demi-dieu-ou-démons. Démétrius ajouta qu’envoyé lui-même par l’empereur vers ces parages pour s’enquérir et voir ce qu’il en était, il avait abordé dans celle de ces îles désertes qui était la plus proche. Elle n’avait que peu d’habitants, qui tous étaient considérés par les Bretons comme sacrés ou intouchables. À son arrivée un grand trouble venait de se manifester dans l’air, accompagné de nombreux signes célestes : les vents se déchaînèrent, et la foudre tomba en plusieurs endroits. Quand le calme fut revenu, les habitants de l’île lui dirent que c’était un des êtres supérieurs qui venait de trépasser. Car, ajoutèrent-ils, de même qu’une lampe allumée n’a rien de fâcheux, mais qu’en s’éteignant, elle est désagréable pour maintes personnes, de même les grandes âme/esprits, lorsqu’elles brillent, sont bienveillantes, loin d’être funestes à qui que ce soit ; mais quand elles s’éteignent et s’anéantissent, souvent elles provoquent, comme cela venait d’arriver, des tourbillons et des orages de grêle, souvent aussi dans ce cas, elles empoisonnent l’air de souffles pestilentiels (Plutarque. Sur les sanctuaires dont les oracles ont cessé).
N.D.L.R. Notre texte appelle génie ou grande âme/esprit ce genre d’état supérieur, atteint du vivant même du sujet. Ce type de délivré vivant est appelé semnothée dans d’autres textes.
Le semnothée, en l’occurrence, est un sage ayant réalisé Dieu ou le Démiurge (l’union parfaite et métamorphique de l’âme et de la matière) ; un sage parvenu à la connaissance de sa propre divinité ainsi qu’à l’identité de son âme individuelle (anamone) avec l’âme universelle (le réservoir psychique appelé awenyddio). Autrement dit un grand rishi dans l’hindouisme – maharishi – ou un bouddha.
Chaque esprit se développe en fonction de causes et de conditions. Ces causes et ces conditions ont elles-mêmes des causes et des conditions immédiates ou lointaines. En d’autres termes des causes et conditions directes et indirectes.
L’esprit qui perçoit une fleur dépend par exemple de nombreuses conditions, parmi lesquelles intervient l’organe qu’est l’œil lui-même. Sans celui-ci, même s’il y a une conscience, même si la fleur est là, la perception n’est pas possible. De même, si l’œil est endommagé, la conscience visuelle ne pourra pas se développer correctement. S’il y a l’esprit ainsi que l’œil, mais pas la fleur, la conscience visuelle de la fleur ne peut pas se développer. Dans un autre cas, s’il y a une fleur, un œil en parfait état, mais pas de cerveau, cette conscience ne peut pas non plus se développer, ce n’est pas possible sans un esprit humain fondamental.
C’est pourquoi il y a de nombreuses causes et conditions aussi bien externes, qu’internes. La conscience ou l’esprit n’a pas de forme physique ni d’odeur, et l’on ne peut pas les toucher. Ce n’est qu’une sorte d’énergie très subtile dans laquelle tout peut se refléter, dont la nature propre est quelque chose de purement lumineux. Cette conscience possède le potentiel de connaître les choses. Donc en plus du cerveau humain, il y a des conditions, des causes subtiles plus profondes, à cette conscience humaine ; sans lesquelles l’esprit humain ne peut pas se développer.
La meilleure preuve en est que, lorsque nous utilisons pleinement les organes des sens, leur niveau est très grossier. Mais lorsque nous rêvons, certaines fonctions des organes ne sont pas actives ou sont réduites, alors que le mental, lui, fonctionne à un niveau plus profond.
Il existe d’ailleurs un moyen d’explorer les virtualités ainsi que les potentialités de l’esprit de quelqu’un : les rêves.
À en croire Tertullien, les druides connaissaient depuis la plus haute antiquité.
« Les Nasamons par exemple consultent les oracles en restant souvent et longtemps près des tombeaux de leurs parents ; comme on peut le lire dans Héraclide, Nymphore ou Hérodote ; et les Celtes, dans le même but, passent la nuit près des tombeaux de leurs chefs les plus courageux, ainsi que l’affirme Nicandre ».
Autre exemple, le songe un peu sinistre du roi irlandais Muirchertach fils d’Erc.
Aided Muirchertaig meic Erca.
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« Il alla ensuite se coucher et demanda un peu de boisson auparavant, à la jeune fille. Celle-ci jeta un charme de sommeil sur ce vin trompeur, il en but ensuite une gorgée qui l’enivra et le laissa sans force ni vigueur. Il s’endormit ensuite lourdement et eut alors une vision. Il était à bord d’un navire, le navire sombrait, un griffon 1) aux fortes serres fondait sur lui et l’emportait dans son nid, ce nid brûlait ensuite ; et enfin le griffon tombait en même temps que lui.
Le roi se réveilla et demanda que sa vision soit rapportée à son frère de lait, au fils de Saignen le druide, c’est-à-dire Dub Da Rind, et ce dernier lui en fournit l’explication suivante. « Le bateau sur lequel tu étais, dit-il, c’est le navire de la souveraineté sur la mer de l’âge, et c’est toi qui conduisais cette souveraineté. Le bateau sombra pour que vienne la fin de ton âge. Le griffon aux fortes serres qui t’emporte dans son nid, c’est la femme qui vit avec toi, pour t’enivrer, pour te mettre dans son lit, et pour te retenir dans la maison de Cleitech. Afin qu’elle soit incendiée avec toi toujours à l’intérieur. Le griffon 1) qui chute avec toi, c’est la femme en question, car elle mourra, elle aussi, et à cause de toi. Tel le sens de cette vision » 2).
On peut douter de l’objectivité et du désintéressement de l’explication de ce rêve. Apparemment ce très-sachant n’aimait guère la nouvelle femme du roi (qu’il compare à un dragon) et il incite son maître à rompre avec elle.
Il n’en demeure pas moins que le rêve nous met en contact avec un autre monde, et même avec une infinité d’autres mondes, dirons-nous.
L’un des mondes avec lequel les rêves nous mettent en contact est d’ailleurs très logiquement celui des dieu-ou-démons. Est-il possible de prévoir l’avenir ? Nous en doutons fortement, mais ce qui est indéniable c’est que les rêves nous en apprennent beaucoup sur nous-mêmes.
* C’est une véritable tragédie !
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Différents auteurs pensent aujourd’hui que certains des dieu-ou-démons du paganisme antique correspondaient (voire correspondent encore) à ce que la psychologie appelle des archétypes. C’est-à-dire des organisateurs de la personnalité (au même titre que le programme génétique, contenu dans l’ADN, constitue l’organisateur de nos cellules), logés dans l’inconscient humain.
Les archétypes constituent un pilier de la théorie de l’humain chez Jung. Il en a étudié largement leur mode de fonctionnement et leur rôle, dans la vie psychique des sujets. Citons parmi les plus fondamentaux : la persona (le moi), l’ombre (l’inconscient personnel), l’anima (le côté féminin chez l’homme), l’animus (le côté masculin chez la femme).
Dans son essai sur le sujet, Margot Adler écrit qu’une grande partie de la défense moderne du polythéisme vient des psychologues jungiens ; qui ont longtemps exposé que les dieu-ou-démons, et déesse-ou-démones, des mythes, légendes et contes de fées, représentent des archétypes, puissances et potentialités, ancrés profondément dans notre psyché.
L’archétype est un symbole que l’on trouve dans toutes les races humaines, et représente « une tendance instinctive ». Il est comme un instinct commun à l’espèce, se perpétuant dans le temps et l’espace.
Le panthéon grec comme personnification des archétypes jungiens a été magistralement étudié par Jean Shinoda Bolen, une psychiatre jungienne.
D’après Bolen, ces schémas intérieurs puissants, ou archétypes, peuvent expliquer les différences majeures observées dans les comportements. Différents archétypes sont actifs en chaque femme à une période donnée. Les stéréotypes associés aux femmes sont basés sur des archétypes. Perséphone la jeune fille, Héra la femme jalouse, Aphrodite la tentatrice, etc. Les dieu-ou-démons et les déesse-ou-démones, ou fées si l’on préfère, représentent les nombreuses qualités de la psyché humaine qui peuvent être exprimées par un individu, sans tenir compte du sexe.
Pendant son travail, Bolen a aussi rencontré des hommes identifiant une part d’eux-mêmes avec une déesse-ou-démone, ou fée, particulière. À l’inverse, il y a aussi des dieu-ou-démons en chaque femme.
NB. Le corollaire immédiat de cette approche jungienne des dieu-ou-démons, est l’onirologie, car les dieu-ou-démons peuvent apparaître en rêve, cela est connu depuis la nuit des temps.
Et pour analyser un rêve, il est indispensable de comprendre la dissociation, dans l’homme dit « civilisé », du conscient et de l’inconscient.
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Les archétypes représentent des thèmes, mythes, images symboliques ou rêves de l’Humanité, voire des modèles de comportement instinctif.
D’accord, sur le principe, mais reconnaissons tout de même dans ce cas que Jung a été particulièrement mal inspiré dans le choix des noms de ses archétypes.
À ce compte-là, Mabon/Maponos/Oengus pourrait être le dieu-ou-démon de l’éternelle jeunesse, de l’extase (de nombreuses vedettes ou célébrités ont parfaitement incarné cet archétype, avec parfois une issue tragique d’ailleurs…)
Lorsque nous parlons de l’esprit, certains ont parfois l’impression qu’il s’agit d’une entité indépendante, de quelque chose de séparé du corps. Or un tel esprit n’existe pas. Nous ne pouvons pas trouver un « je » indépendant en dehors du corps, c’est pourquoi les vrais druides n’acceptent pas l’idée d’esprit individuel éternel.
Il y a cependant une autre raison : comme l’esprit, en général, dépend de ce corps, c’est bien grâce à ce corps humain que nous pouvons parler de l’esprit humain. S’il existait un esprit indépendant, n’ayant rien à voir avec ce corps, alors comment pourrait-on faire la distinction entre l’esprit d’un animal et l’esprit d’un humain ?
Parce que l’esprit dépend de ce corps et de ce cerveau humain, nous pouvons distinguer l’esprit humain de l’esprit d’un animal. Aussi longtemps que le cerveau humain fonctionne correctement, l’esprit humain fonctionne convenablement. Dès que le cerveau humain cesse de fonctionner, il n’y a plus d’esprit humain au sens terrestre du terme, il poursuit seulement un certain temps son existence dans l’au-delà, en étroite association avec l’âme étincelle divine impersonnelle (anamone).
En définitive, la nature fondamentale de l’esprit est neutre. Elle peut être influencée par des émotions négatives ou positives. Prenons le cas de personnes qui sont facilement irritables. Si l’émotion négative était dans la nature de notre esprit, alors aussi longtemps que l’esprit fonctionne, cette colère devrait demeurer. Or, ce n’est pas le cas. De la même façon, les émotions positives ne sont pas non plus dans la nature de l’esprit. L’esprit est quelque chose de neutre, reflétant toutes sortes d’expériences ou de choses différentes. Et d’ailleurs, quelle serait la ligne de démarcation entre les émotions négatives et positives ?
Ayons néanmoins foi en la puissance de l’Esprit qui peut nous guider individuellement ou collectivement dans notre marche vers l’idéal. La connaissance de Dieu est la connaissance de soi-même, celle-ci menant à la prise de conscience de la divinité. Comme le disait Spinoza dans son Éthique : « nous sentons et nous savons par expérience que nous sommes éternels ». Se connaître c’est connaître Dieu, c’est prendre conscience de la divinité du soi.
1) On dirait aujourd’hui un dragon.
2) Muirchertach fils d’Erc est un roi d’Irlande dont le destin, tragique au demeurant, fut de subir une triple mort sacrificielle, tué d’un coup de lance, noyé dans une cuve de vin, et brûlé dans l’incendie de son palais. Cette mort fut la conséquence des intrigues d’une femme de l’Autre Monde, Sin, qui réussit à circonvenir et à tenter le roi, en dépit des efforts de saint Cairnech, un des successeurs de Patrice. Le récit de la Mort de Muirchertach (Aided Muirchertaig meic Erca) est intéressant aussi en ce qu’il montre le début du processus de dégradation de la mythologie druidique, en folklore christianisé.
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L’ÂME ET L’ESPRIT APRÈS LA MORT DU CORPS.
« Le premier acte de l’être biologique, contrepartie de l’univers, est de se clôturer. Après s’être séparé du Tout, il en prend connaissance, devient un être pensant, un moi conscient. Puis, méditant sur lui-même, il devient psychologue, et le premier usage de sa raison est de se demander si la personnalité survit à la mort » (Henri Lizeray. La D.S.D.D.)
Quand un individu meurt, personne ne sait très précisément ce qui lui arrive. Son corps reste, inerte et sans vie, dans le monde matériel. Des parcelles du vivant demeurent (ou apparaissent).
De la même manière, la partie spirituelle peut disparaître aussi (qu’elle soit restée dans le monde matériel ou qu’elle ait trouvé refuge dans les dimensions divines).
Ainsi que nous l’avons vu plus haut, les Grecs avec Aristote, et les juifs avec la Bible pensaient que les âmes humaines sont mortelles.
Ecclésiaste 3, 20. « Tout va en un même lieu, tout a été fait de la poussière et tout retourne en poussière ». Ecclésiaste 9, 5. « Les vivants se rendent compte qu’ils mourront ; mais quant aux morts, ils ne se rendent compte de rien du tout ».
Ézéchiel 18, 4. « Toutes les âmes sont à moi. L’âme du fils, comme l’âme du père, est à moi. L’âme qui pèche mourra » (le terme exact utilisé en l’occurrence est « nèphèsh »).
Telle était d’ailleurs la doctrine des sadducéens, qui ne croyaient pas en l’immortalité de l’âme.
La notion aryenne d’immortalité de l’âme n’est apparue que tardivement dans le message biblique, sans doute via la Perse (après l’exil à Babylone).
L’anamone (l’âme individuelle) est, elle aussi, conscience, par le truchement de son esprit (menman). Ainsi que nous l’avons dit, l’âme à laquelle croient les druides ; et qui se révèle dans les débats antiques sur les origines de la philosophie ; a la particularité première d’être une âme individuelle qui se nourrit de l’expérience de la vie, et dont le destin dépend des vertus de l’individu. Les peuples européens ont toujours tenu à leur ego, et ce n’est pas la moindre des spéculations qui les séparent de façon inconciliable des peuples orientaux. Les druides récusent donc l’idée d’anéantissement immédiat de la conscience avec la mort. Mais au terme d’un processus plus ou moins long (purification dans un autre monde, etc.), l’âme individuelle réintègre quand même le Grand Tout (Pariollon) dont elle est issue !
Dieu étant un absolu-immanent confondu avec le monde, il n’y a pas d’âme individuelle vraiment séparée de l’âme universelle ou awenyddia, donc aucun « Jugement » post mortem. Les druides ne croient en aucune façon à la notion de Jugement dernier des âmes prises une par une, ou collectivement, le jugement de l’âme étant son histoire. Celui qui croit en cette conception amidiste avant la lettre de la Terre Pure (du Vindomagos) n’est pas jugé. Celui qui ne croit pas s’est déjà jugé lui-même.
Scolies bernoises commentant la Pharsale de Lucain.
Hermann Usener. Scholia in Lucani bellum civile/Commenta Bernensia. Liber I (1869).
451.« Les druides nient que les âmes puissent périr [Driadae negant interire animas]
OU ALLER EN ENFER
[aut contagione inferorum adfici] et
454.« Ils ne disent pas que les Mânes existent » (manes esse, non dicunt).
Le point N° 25 de la petite liste annexée au concile de Leptines en 743 sous le titre latin d’indiculus superstitionum et paganiarum (évidemment, il s’agit de condamner ou dénigrer cette idée) va d’ailleurs clairement dans ce sens. Il évoque le fait d’imaginer que tout défunt est saint.
Et en 851, Jean Scot Érigène a aussi noté dans son « De la prédestination » : Dieu ne prévoit ni peines ni péchés, ce sont des fictions. Pour Erigène également, par conséquent, l’enfer n’existe pas, ou alors il l’appelle le remords.
Repetere ars docendi.
Le druidisme en tant que système religieux et métaphysique, assure à tous une vie post mortem identique, dans un autre corps idéal (bellissama bellissamos) où l’ego est maintenu un certain temps.
Notons au passage que le thème de la mort n’a jamais été très développé dans le druidisme ; car celui-ci ne faisait pas de différence réelle entre vie et mort, laquelle ne signifiait qu’un changement d’état, non la solution radicale de continuité ou rupture qu’envisage le judéo-islamo-christianisme.
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Disons que les deux états ne se distinguaient guère, le vivant pouvant à tout moment solliciter le mort à des fins d’information, par exemple, ou de propitiation ; le mort revenant – au sens littéral de ce terme – à volonté, rendre visite au vivant, à toutes sortes de fins, de l’information pure à l’admonition. Il est remarquable, d’ailleurs, que le peuple des anaon soit aussi présent dans les légendes bretonnes. Que l’étrangeté de cette représentation ait appelé, comme par définition, un bouleversement des catégories grammaticales masculin/féminin, peut être tenu pour normal, en un sens, car la vie pour les druides n’a cure de ces distinctions. Elle englobe tout, elle transcende les visions, quelles que soient leurs origines, elle est grammaticalement neutre, c’est-à-dire métaphysiquement globale.
Les gnostiques d’Occident croyaient que l’âme et l’esprit en définitive, reposaient dans la tête, et non dans la région du cœur, comme on le croit généralement aujourd’hui. De là l’importance des rites et pratiques qui entouraient le crâne dans leur tradition. Voir le véritable culte rendu aux les têtes coupées chez les Celtes, par exemple à Roquepertuse. Idem en Irlande. Conchobar conservait la tête d’un de ses ennemis à Emain Macha, mais cette tête fut dérobée puis utilisée comme projectile contre lui, ce qui entraînera sa mort. Même chose dans le Mabinogi gallois, où la tête du roi Bran protégera Londres contre toute invasion ennemie pendant quatre-vingts ans.
« Un grand trouble venait de se manifester dans l’air, accompagné de signes célestes nombreux. Les vents soufflaient avec fracas et la foudre tomba en plusieurs endroits. Le calme s’étant rétabli, les insulaires lui dirent qu’il s’était produit une éclipse de quelque être supérieur. Car, ajoutaient-ils, une lampe que l’on allume ne représente rien de fâcheux, mais si on l’éteint, elle est cause de peine pour maintes personnes. Ainsi, dans tout leur éclat, les grandes âme/esprit font-elles du bien et ne font jamais de mal, mais si elles viennent à s’éteindre ou à périr, elles nourrissent fréquemment du vent et de la grêle ; souvent aussi, elles empoisonnent l’air d’émanations pestilentielles » (Plutarque. De Defectu oraculorum 18).
L’image de la flamme qui s’éteint est en elle-même parlante. Voir la conception brahmanique du feu qui n’est pas détruit quand il s’éteint, mais qui devient simplement insaisissable en montant au ciel sous forme de fumée.
L’image de la flamme de lampe qui s’éteint a été utilisée par les druides pour nous faire comprendre que le mode d’être de celui qui est parvenu par la mort à la délivrance définitive est un état insondable, insaisissable. Même si on peut le qualifier quand même de meldus (bienheureux à vivre ou rechercher).
Ce témoignage de Plutarque est intéressant à plus d’un titre, car il est très révélateur des différentes conceptions druidiques sur la nature métaphysique réelle de l’Au-delà.
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Passons maintenant brièvement en revue les différents témoignages parlant de l’immortalité, ou plus exactement de la presque immortalité de l’âme ou de l’esprit. Car aussi surprenant que cela puisse paraître, les druides n’ont jamais enseigné que l’âme individuelle, qu’ils appelaient anamone ou anaon, était immortelle, au sens strict du terme (une origine, une naissance, mais pas de fin). Ils ont toujours affirmé qu’elle ne périssait nullement avec le corps. Ce qui n’est pas du tout la même chose !
Valère Maxime, Faits et Dits mémorables, II, 6,10 et 11. « On raconte qu’ils se prêtent les uns aux autres des sommes qu’ils se rendent aux enfers parce qu’ils sont convaincus que les âme/esprits des hommes sont immortelles… [la philosophie] des Cimbres et des Celtibères inspire l’ardeur et le courage. Ceux-ci en effet tressaillaient d’allégresse dans les combats, espérant y trouver une fin glorieuse et bienheureuse. Étaient-ils malades, ils se désolaient comme des gens condamnés à une mort honteuse et misérable. Les Celtibères regardaient aussi comme une honte de survivre, dans une bataille, à celui pour la vie duquel ils avaient dévoué la leur. Admirons donc la noblesse de ces deux peuples qui se faisaient un devoir d’assurer par leur vaillance le salut de la patrie et de montrer envers leurs amis une fidélité sans défaillance ».
N.B. Valère Maxime affirme dans ce même passage que ce sont les Celtes qui ont appris aux Grecs de Marseille la croyance en l’immortalité de l’âme/esprit. « Je les traiterais d’insensés, si l’opinion de ces hommes vêtus de braies n’était pas aussi celle du philosophe grec Pythagore ».
Jamblique, Vie de Pythagore, 30. « Les Galates les Triballes et la plupart des barbares persuadent leurs fils que l’âme/esprit de ceux qui meurent n’est pas détruite, mais qu’elle subsiste ; qu’il ne faut pas redouter la mort, mais qu’il faut être plein d’énergie devant les dangers ».
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Pomponius Mela, Chorographie, III, 2,18 à 19. « Ils brûlent ou enterrent avec les morts tout ce qui convient à des vivants. Jadis, le livre de comptes et le recouvrement des dettes étaient emportés aux enfers, et il y en avait qui, de leur plein gré, se jetaient sur les bûchers funèbres, comme s’ils voulaient continuer à vivre à leur côté ».
Autres citations montrant, malgré l’imprécision du vocabulaire ou les erreurs de traduction, que les druides n’ont pas attendu les juifs ou les chrétiens pour croire dur comme fer en la presque immortalité de l’âme (au moins le temps d’un cycle).
Pomponius Mela II, 2. « Une de leurs doctrines s’est répandue dans le peuple, à savoir que les âme/esprits sont immortelles, et qu’il y a une autre vie chez les morts ».
Jules César, B. G. VI, 14. « Le point essentiel de leur doctrine, c’est l’immortalité de l’âme ou de l’esprit, car ils enseignent qu’après la mort, elle passe dans d’autres corps. Cette conviction incite tout particulièrement au courage, en faisant mépriser la peur de mourir ».
Lucain (Pharsale I, 453-465) lui non plus ne parle pas d’immortalité de l’âme/esprit.
« D’après vous les ombres ne gagnent pas les demeures silencieuses de l’Érèbe et les pâles royaumes du Dis Pater souterrain, mais une même âme/ esprit dirige nos membres dans un autre monde. La mort, si ce que vous chantez ainsi est véridique, est le milieu d’une longue vie. Heureuse illusion des peuples que regarde la Grande Ourse, car la plus forte des craintes, la terreur du trépas, ne les atteint pas. De là des cœurs prompts à courir aux armes, des âmes/esprits capables de mourir, et le sentiment qu’il est lâche d’épargner une vie qui doit revenir ».
Scolies bernoises commentant la Pharsale de Lucain, I, 454-458. « Les druides nient que les âmes puissent périr [Driadae negant interire animas] ou aller en enfer [aut contagione inferorum adfici] ; le mort en effet ils le brûlent avec ses serviteurs et ses chevaux et une partie de son mobilier pour qu’il puisse s’en servir ; c’est pourquoi ils marchent courageusement au combat, et ne ménagent pas leur vie. Comme s’ils allaient la recouvrer dans une autre partie de l’univers [qui enim defunctis equos servosque et multam suppellectilem comburant quibus uti possint, inde animosi in proelia exeunt ne vitae suae parcunt, tamquam eandem reperituri in alio naturae secessu] ».
« Mon fils, mon fils, Symphorien, ne perdez pas de vue le dieu * pour qui vous mourez, ayez-le toujours dans votre pensée. Mon cher fils, ayez courage, la mort n’est pas à craindre lorsqu’elle ne fait que nous conduire à la vie. Regardez le Ciel, et que votre cœur suive vos yeux, jetez-les sur celui qui y règne. Aujourd’hui on ne t’enlève pas la vie ; on te la change en une meilleure. Aujourd’hui, mon fils, par un heureux échange, tu vas passer à la vie céleste » (Actes de saint Symphorien d’Autun).
* « Nate, nate, Synforiane, memento beto to divo » ou « Nati, nati, Synforiane, mentem obeto dotiuo » d’après certaines variantes des actes du martyre de saint Symphorien (cf. par exemple le codex de Turin).
La doctrine druidique de la presque immortalité de l’âme/esprit ne doit en aucune façon être confondue avec celles de la métempsycose, de la réincarnation ou des métamorphoses, voire avec celle des états multiples de l’être.
Ces anamones ou anaon en breton, individuelles, ne migrent nullement après la mort du corps, d’un règne ou d’un individu à un autre, mais après le trépas vont alimenter le Grand Tout du Pariollon. Après être passé plus ou moins longtemps par un stade intermédiaire de l’être, celui qui est appelé Vindobitos, et qui confine à celui du royaume des dieu-ou-démons au sein de l’Albiobitos.
Quand César écrit, à propos du druidisme (B. G. VI, 14), que les âme/esprits ne périssent pas, « mais passent après la mort d’un corps dans un autre » ; quand Diodore de Sicile V, 28, écrit pareillement à propos de l’enseignement des druides « que les âme/esprits des hommes sont immortelles et revivent pour un certain nombre d’années dans un autre corps » ; cela ne signifie nullement qu’il y a réincarnation sur cette terre, mais que l’être humain revit CORPS ET ÂME après la mort, DANS UN AUTRE MONDE. Un Au-delà très différent, bien plus charnel et physique que celui des Grecs et des Romains.
César, B. G. VI, 19. « Leurs funérailles sont magnifiques et somptueuses eu égard à leur degré de civilisation. Tout ce que, dans leur opinion, le mort aimait de son vivant, est jeté au bûcher, même les animaux ! Et il y a encore peu de temps, il était d’usage, dans une cérémonie complète, de brûler les esclaves et les vassaux qui lui avaient été chers en même temps que lui »
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On trouve la même idée à propos des inhumations, comme le prouvent à la fois l’archéologie et la linguistique, exemple le verbe « arecomregin », qui signifie « [mettre] à côté du roi » en cas d’inhumation collective.
Ce qui induit en erreur les ignares d’aujourd’hui qui se prétendent druides ; c’est, évidemment, outre leur manque d’intelligence, d’instruction, et de culture générale ; le fait que les druides antiques avaient du sort des âme/esprits après la mort (du corps) une conception beaucoup plus physique ou corporelle, que celle des Gréco-Romains ou des chrétiens après eux.
Pour les anciens druides en effet, même après la mort, il y a toujours un corps, un corps, certes, assez différent de celui d’avant (voir la notion zoroastrienne de xvarnah, bellissamos belissama en vieux celtique), mais un corps toujours. Alors que pour les Grecs les Romains ou les premiers chrétiens, il ne s’agissait plus que d’ombres ou d’esprits, désincarnés voire éthérés.
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De même que la perception d’une fleur s’accompagne de la perception de son parfum, la connaissance de l’âme universelle est inséparable de la connaissance de l’âme humaine. L’identité de l’anamone ou âme individuelle et de l’awenyddia ou âme universelle incite immanquablement à penser que la fusion de la première, dans la seconde, est le but de toute existence humaine.
Ce qui peut se faire directement par l’éveil ou l’illumination, dans le cas de la mort d’un semnothée ou des anatiomaroi, ou indirectement en passant par l’étape qu’est la réincarnation dans un autre monde paradisiaque.
Le salut demeure possible en chaque personne. À travers l’illumination et la connaissance, le salut peut atteindre l’âme individuelle. Chaque « événement cosmique » de connaissance de soi-même affecte le bitos ou l’univers tout entier, et contribue ainsi à l’achèvement de ce cycle.
L’obstacle à l’union de l’âme avec le Principe supérieur est tout simplement la vie au sens où nous l’entendons actuellement. Le but de tous doit donc être la délivrance de sa parcelle divine, maintenue bien au chaud dans le ventre maternel de la matière. Et sa remontée vers les sphères célestes, en commençant par celle qui nous attend juste après la mort, et où l’on peut se réincarner à fins de purification.
Cette délivrance passe par la connaissance de la nature de l’esprit, des structures de l’univers et de son histoire passée et future. Le premier aspect de ce savoir porte sur les origines du monde matériel et de l’homme, le second aspect concerne la destinée de l’Humanité ou du Cosmos, l’évaporation de l’âme/esprit ainsi sublimée, dans le grand tout et son retour au feu primordial.
L’homme ne peut réintégrer le Grand Tout qu’en atteignant la sagesse supérieure à l’issue d’un long apprentissage. Acquérir cette connaissance libératrice, c’est avoir la vision de la vraie immortalité. Le but de l’Homme est de passer dans l’autre monde pour mieux se préparer à sa réintégration dans le Grand Tout.
Malgré son (ou ses) parcours terrestre (s), et après son passage éventuel par les diverses antichambres du paradis l’andumnon (le non-monde) ou la Donno tegia, l’âme/esprit reste destinée à séjourner près du trône du dieu-ou-démon, dans Mag Meld. En attendant la fin de ce monde, la fin des temps, et le nouveau monde du nouveau cycle, toutes les âme/esprits jouiront du spectacle de cette splendeur divine.
« Rien n’est plus enchanteur que la nature de cette île, où l’air est d’une charmante douceur. Quelques-uns pensaient à la quitter, mais le Dieu les en dissuada en se présentant à eux comme à des familiers ou à des amis. Ce n’est pas en effet uniquement en songe, ou par des visions symboliques, que beaucoup de ces insulaires voient des démons et conversent avec eux, c’est face à face. En ce qui concerne Cronos lui-même (le bouddha Amitabha ? Le Graal ? Le destin ????), il demeure dans une grotte profonde, où il dort sur un rocher brillant comme de l’or ; car c’est par le sommeil que Zeus [Taran/Toran/Tuireann ?] a imaginé de le lier. Des oiseaux dont la demeure est en haut de ce rocher viennent en voltigeant apporter au Dieu l’ambroisie. Une odeur délicieuse s’exhale de ce rocher comme d’une source, parfume l’île entière. Les Démons dont nous avons parlé entourent
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Saturne (le bouddha Amitabha ? Le Graal ? Le destin ????), et lui prodiguent leurs soins. Ils faisaient partie de sa cour quand il régnait sur les dieux et les hommes. Possédant eux-mêmes le don de divination, ils font un grand nombre de prédictions et, sur les événements les plus importants, font des révélations précieuses dont ils assurent qu’elles sont les songes de Cronos » (Plutarque. De facie in orbe Lunae, 26).
Ainsi que l’a très bien écrit Teilhard de Chardin [Œuvres, Tome I, « Le Phénomène Humain »], ce n’est pas dans leurs germes que les êtres se manifestent, mais dans leur épanouissement. Pris à leur source, les plus grands fleuves ne sont que de minces ruisseaux. Les êtres se manifestent et ne se comprennent véritablement que dans leur épanouissement. Eh bien il en va exactement de même pour l’âme humaine. Elle ne se manifeste et ne se comprend vraiment que dans son épanouissement (les hindous appellent moksha et les bouddhistes illumination, cet épanouissement de l’âme).
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LE SEIBAROS (moyen irlandais siabraid, irlandais siabhradh).
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LE PÉRISPRIT DANS LA TERMINOLOGIE DU NÉO-DRUIDE ALLAN KARDEC.
Le menman druidique est aussi un principe spirituel qui peut momentanément sortir du corps et apparaître en d’autres lieux de ce monde, ou d’un autre, avant d’y revenir.
Anamone et menman, ou l’âme et l’esprit, sont unis au corps physique, ou kicos, par l’intermédiaire d’un corps fluidique appelé seibaros, qui tient à la fois de l’âme et du corps, de l’esprit et de la chair. Toute âme a une enveloppe matérielle, corps éthérique ou seibaros, qui est son véhicule, et qui fait que l’on peut parfois entrer en contact avec elle. Ou plus exactement l’âme et l’esprit sont entourés d’une enveloppe très subtile, d’une nature hybride, mi-matérielle et mi-animique.
Ce seibaros se présente donc comme un double du corps physique. Il peut devenir visible dans certains cas, et même se manifester tangiblement (fantômes), en laissant des traces ou en déplaçant des objets. C’est lui qui permet aux défunts désincarnés de se matérialiser, c’est-à-dire d’apparaître aux vivants, voire de leur parler, au cours des réunions spirites par exemple.
Le seibaros est supposé unir le corps et l’âme en les pénétrant tous deux, de manière à leur permettre de s’interpénétrer. Le seibaros communique avec l’âme par des courants magnétiques, et avec le corps par le moyen du fluide vital du système nerveux, qui lui sert de transmetteur.
Il est difficile d’entrevoir ce que peut être une chose qui participe à la fois de la matière et de l’esprit universel, afin de pouvoir assurer le lien entre le corps et l’âme. L’utilisation du terme « péri-esprit » par le néo-druide Allan Kardec, est d’ailleurs très critiquable : comment un corps fluidique peut-il circonscrire l’âme, qui par définition n’est pas spatio-temporelle ? À tout prendre le terme vieux celtique seibaros est encore préférable.
« Les bardes de la verte Erin furent un jour convoqués par Senchan Torpeist afin de savoir s’ils avaient toujours en mémoire l’enlèvement du bétail de Cooley dans son intégralité. Ils répondirent qu’ils n’en connaissaient plus que des fragments. Senchan voulut savoir alors lequel d’entre eux qui s’en irait dans le pays de Letha pour apprendre le récit de l’Enlèvement, que le sage avait emporté avec lui à l’est en échange du grand parchemin, serait béni par lui. Emine, petit-fils de Ninene, et Muirgen, le propre fils de Senchan, partirent tous deux dans cette direction. Ils passèrent devant la sépulture de Fergus fils de Roech à Enloch, dans le Connaught, et Muirgen s’assit sur la pierre tombale de ce héros pendant que les autres poursuivaient afin de chercher un abri pour la nuit. Muirgen récita une invocation à la pierre comme si c’était à Fergus lui-même qu’il s’adressait puis un grand brouillard s’étendit autour de lui d’un seul coup, si bien qu’on ne le vit plus durant trois jours et trois nuits. Fergus lui apparut revêtu de magnifiques habits, c’est-à-dire avec un manteau vert et une tunique à capuchon ornée de broderies rouges, une épée à pommeau d’or, des sandales de bronze, ainsi qu’une longue chevelure brune. Et il lui récita toute l’histoire de l’enlèvement des bœufs de Cooley, telle qu’elle avait été composée originellement, du début jusqu’à la fin ».
Le seibaros est le lien qui unit l’âme/esprit à la matière du corps ; il est puisé dans le milieu ambiant, dans le fluide universel ; il tient à la fois de l’électricité, du fluide magnétique et, jusqu’à un certain point, de la matière inerte. On pourrait dire que c’est la quintessence de la matière ; c’est le principe de la vie organique, mais ce n’est pas celui de la vie intellectuelle. La vie intellectuelle est dans l’esprit. C’est, en outre, l’agent des sensations extérieures. Dans le corps, ces sensations sont localisées par les organes qui leur servent de canaux. Il faut, du reste, se garder de confondre les sensations du seibaros, rendu indépendant, avec celles du corps : nous ne pouvons prendre ces dernières que comme terme de comparaison, et non comme analogie.
L’expérience nous apprend qu’au moment de la mort, le seibaros se dégage plus ou moins lentement du corps. Pendant la vie, le corps reçoit les impressions extérieures et les transmet à l’esprit par l’intermédiaire du seibaros qui constitue, probablement, ce que l’on appelle fluide nerveux. Le corps étant mort ne ressent plus rien, parce qu’il n’y a plus en lui ni esprit ni seibaros. Le seibaros, dégagé du corps, éprouve la sensation ; mais comme elle ne lui arrive plus par un canal limité, dans ce cas elle est générale. Or, comme il n’est, en réalité, qu’un agent de transmission, puisque c’est l’esprit qui a la conscience ; il en résulte que s’il pouvait exister un seibaros sans esprit, alors il ne ressentirait pas plus de choses que le corps lorsqu’il est mort ; de même que si l’esprit n’avait point de seibaros, il serait inaccessible à toute sensation pénible.
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À propos du rôle du seibaros, il serait sommaire de s’en tenir à celui d’interprète passif ou de simples enveloppes de l’esprit et de l’âme, voire à un canevas du corps physique ; le seibaros humain tient à la fois de l’esprit et de la matière, il enregistre tout, même les gestes les plus insignifiants, d’une manière indélébile.
Sous des appellations diverses, cette relation importante entre l’âme/esprit et le corps physique, a toujours été plus ou moins bien connue depuis l’Antiquité ; c’est le fantôme, spectre, ou revenant, des religions, y compris juive.
(Voir l’épisode du fantôme de Samuel apparaissant à la pythonisse ou sorcière d’Endor. I Samuel, 28, 3-25).
Actuellement, il semble vaguement désigné dans le public sous les noms de : corps astral, éthérique, vital, spirituel, âme sensible, psyché. Certains, attachés aux conceptions matérialistes, voient même ce corps spirituel naître en même temps que se forme le corps physique durant la gestation ; ou encore, le voient lié aux constituants de la cellule, l’ADN (acides désoxyribonucléiques) ainsi que des gènes et chromosomes du code génétique.
Allan Kardec écrit « Le lien ou périsprit qui unit le corps et l’esprit est une sorte d’enveloppe semi-matérielle. La mort est la destruction de l’enveloppe grossière ; l’esprit conserve la seconde qui constitue pour lui un corps éthéré… ainsi l’esprit n’est-il pas un être abstrait que la pensée seule peut concevoir… c’est un être réel, concret, circonscrit » (Le Livre des Esprits Introduction. VI). L’esprit, proprement dit, est-il à découvert, ou est-il, comme quelques-uns le prétendent, environné d’une substance quelconque ?
« L’esprit est enveloppé d’une substance vaporeuse pour toi, mais encore bien grossière pour nous ; assez vaporeuse cependant pour pouvoir s’élever dans l’atmosphère et se transporter où il veut. Comme le germe d’un fruit est entouré du périsperme, de même l’esprit proprement dit est environné d’une enveloppe que, par comparaison, il est loisible d’appeler périsprit ».
Mais contrairement à ce que pensait Allan Kardec (livre II chapitre I, 93), ce périsprit est un champ d’énergie ou une aura entourant non seulement l’esprit, mais aussi l’âme, et lui servant de véhicule.
Le mot « périsprit » a néanmoins le mérite de donner une idée générale de sa fonction ; il enveloppe l’esprit [et l’âme] et leur permet de s’incorporer en prenant forme, c’est pourquoi nous le garderons pour traduire la notion de seibaros (moyen irlandais siabraid, irlandais siabhradh).
L’enveloppe semi-matérielle de l’âme/esprit revêt-elle des formes déterminées ou peut-elle être perceptible ?
« Oui, et c’est ainsi qu’elle apparaît quelquefois, soit dans les songes, soit à l’état de veille, et qu’elle peut prendre une forme visible et même palpable ».
Ce que le néo-druide Allan Kardec désigne comme périsprit, et que les anciens druides, eux, appelaient seibaros, ne peut être qu’une énergie physique subtile, tout comme la matière peut être décrite comme une énergie condensée ou cristallisée. L’Énergie divine se diffuse en un spectre d’énergies de différentes fréquences, qui rayonnent de leur source jusqu’à leur ultime cristallisation dans la matière. Le périsprit ou seibaros et l’âme sont deux niveaux d’énergie intermédiaires, répartis selon leur degré de subtilité : le périsprit, plus dense que l’âme, mais plus subtil que la matière ; et l’âme, plus subtile que le périsprit.
Selon Kardec, l’âme spirituelle participerait de la nature divine, tout en appartenant comme nous venons de le voir, à la nature physique. Ce qui revient à dire que tout le manifesté dans ce cas, émane d’une unique Énergie divine, sans qu’il y ait de distinction ontologique à quelque niveau que ce soit.
N.B. Allan Kardec utilise encore la notion de « Dieu créateur » (démiurge) dans toute son œuvre, à cause de ses origines chrétiennes.
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DE L’UTILITÉ DES PRIÈRES POUR LES GRANDS ANCÊTRES.
Le lien absolument indissoluble entre ascendants et descendants est la Vie à travers sa transmission. On comprend alors pourquoi le lien entre ascendants et descendants, dans le culte des ancêtres, est si important. Mourir sans descendance est le plus grand de tous les malheurs pour un être humain vivant… Car c’est là, aux yeux d’un homme, l’échec absolu ! La catastrophe sans appel, qui condamne ; non seulement celui qui meurt ainsi sans enfant toujours en vie, mais aussi tous les ancêtres de sa race qui l’ont précédé en ce monde ; à se voir pour l’éternité frustrés de ce qui fut la raison même de leur existence. Se perpétuer en se reproduisant, subsister au cours des temps à travers la chaîne des vivants qui s’engendrent les uns les autres.
La réflexion de l’Homo religiosus néolithique a été d’une portée théorique et pratique très importante. En comprenant, à tort ou à raison, que ce qu’il considérait comme la vie avait une origine céleste, était répandue dans l’univers, et qu’elle émanait de quelque chose d’unique ; il a ainsi réalisé son origine céleste, son appartenance et sa participation structurelle à l’ensemble du cosmos. Il était constitué de la même essence que le reste de l’univers, essence qui était présente dans le germe primordial. L’Homo religiosus du néolithique saisissait du même coup la portée de sa présence en tant qu’être vivant dans le monde, car il y avait des responsabilités à prendre. Si la Vie avait une origine céleste, était descendue sur terre, avait eu pour véhicule la matière minérale, végétale et animale, elle n’était pas parvenue jusque-là au travers de ses différents supports, à prendre conscience d’elle-même.
En réalisant ce qu’est la Vie de son point de vue, en réalisant également que lui, l’Homme, pas plus que la matière minérale, végétale et animale, n’était la Vie, mais son contenant ; le témoin de sa manifestation, l’Homme a concentré ses réflexions à ce sujet. Il ne fallait plus que celle-ci évolue au gré du hasard. Il fallait la maîtriser. Elle devait perdurer, se maintenir, se perpétuer de génération en génération.
C’est ici que se justifient les deux axes du culte des ancêtres. La nécessité de perpétuer biologiquement l’espèce et la gestion de la force vitale libérée par le mort, le second aspect ne pouvant exister sans le premier, tous les deux participent au maintien, ou à la perpétuité de la vie.
Il est évident que la participation plénière à certains niveaux de vie du réel, notamment celui qui tombe dans le champ de notre perception immédiate, nécessite un support matériel. Et que l’ancestralité, en dehors des rites, suppose, non seulement une vie vécue dans un support matériel, mais aussi la maturité d’un esprit généré par un corps biologiquement complexe. Est-ce pour cette raison que, dans l’Antiquité, on trouve très peu d’inhumations d’enfants ? Est-ce pour la même raison que, dans les sociétés traditionnelles, les enfants ne bénéficient pas de la totalité des rites, notamment des rites de deuils ? S’impose alors à la réflexion la précarité de la vie, l’importance du corps, biologiquement complexe, fragile, et qui pourtant génère la vie consciente.
Le culte des ancêtres est la traduction concrète de la conception religieuse qui veut que la vie est plus forte que le néant. Le culte des ancêtres relève d’une conception globale et philosophique de la Vie, de sa signification et des responsabilités à prendre, en tant qu’être vivant dans le monde. À travers la vénération des ancêtres, le but pour les vivants est de se reconnaître en tant que continuité de l’ancêtre. Et en tant que porteurs ou supports de la même essence que l’ancêtre responsable de la lignée, du clan, de l’ethnie, de la race, de l’espèce. Le culte des ancêtres, c’est le culte de la Vie qui triomphe de la mort, c’est cette flamme qui se transmet de génération en génération, et que les dernières ont pour charge de perpétuer.
Le culte des ancêtres se révèle être aussi l’exaltation de la force que peut générer un mort. C’est donc une apologie de la vie toujours triomphante.
Au plan proprement religieux, les ancêtres remplissent des fonctions nettement différentes d’une culture à l’autre, selon la place qui leur est attribuée dans la hiérarchie des êtres spirituels. La communauté des ancêtres apparaît comme une sorte de conscience collective transcendée, hypostasiée ; elle forme l’univers invisible de la communauté des vivants. Liés à la terre par le tombeau comme par un cordon ombilical, les morts ont un pouvoir sur la fécondité du sol ; des animaux et des hommes.
Voici encore ce qu’a écrit le Français Fustel de Coulanges à ce sujet (La cité aryenne antique).
« Les croyances relatives aux morts et au culte qui leur était dû, ont constitué la famille ancienne, et lui ont donné la plupart de ses règles. On a vu plus haut que l’homme, après la mort, était réputé devenir un être heureux et divin, mais à la condition que les vivants lui offrissent toujours le repas funèbre. Si ces offrandes venaient à cesser, il y avait déchéance pour le mort, qui tombait au rang de
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démon malheureux et malfaisant. Car lorsque ces anciennes générations avaient commencé à se représenter la vie future, elles n’avaient pas songé à des récompenses ou à des châtiments ; elles avaient cru que le bonheur du mort ne dépendait pas de la conduite qu’il avait menée pendant sa vie, mais de celle que ses descendants avaient à son égard. Aussi chaque père attendait-il de sa postérité la série de repas funèbres qui devaient assurer à ses mânes le repos et le bonheur. Il en a découlé d’abord cette règle, que chaque famille devait se perpétuer. Les morts avaient besoin que leur descendance ne s’éteignît point. Dans le tombeau où ils vivaient, ils n’avaient pas d’autre sujet d’inquiétude que celui-là. Leur unique pensée, comme leur unique intérêt, c’était qu’il y eût toujours un homme de leur sang pour apporter les offrandes au tombeau. Aussi l’hindou croyait-il que ces morts répétaient sans cesse : puisse-t-il naître toujours dans notre lignée des fils qui nous apportent le riz, le lait ainsi que le miel. L’hindou disait encore : l’extinction d’une famille cause la ruine de la religion de cette famille ; les ancêtres privés de l’offrande des gâteaux tombent au séjour des malheureux.
Les hommes de l’Italie et de la Grèce ont longtemps pensé de même. S’ils ne nous ont pas laissé dans leurs écrits une expression de leurs croyances aussi nette que celle que nous trouvons dans les vieux livres de l’Orient, du moins leurs lois sont-elles encore là pour attester leurs antiques opinions. Chez les Athéniens, la loi chargeait le premier magistrat de la cité de veiller à ce qu’aucune famille ne vînt à s’éteindre. De même, la loi romaine était attentive à ne laisser tomber en désuétude aucun culte domestique. On lit dans un discours d’un orateur athénien : il n’est pas un homme qui, sachant qu’il doit mourir, ait assez peu de souci de lui-même pour vouloir laisser sa famille sans descendants ; car il n’y aurait alors personne pour lui rendre le culte qui est dû aux morts. Chacun avait donc un puissant intérêt à laisser un fils après lui, convaincu qu’il y allait de son immortalité heureuse. C’était même un devoir envers les ancêtres dont le bonheur ne devait durer qu’autant que durait la famille. Aussi les lois de Manou appellent-elles le fils aîné : celui qui est engendré pour l’accomplissement du devoir.
NOTE DE LA RÉDACTION. Il va de soi qu’un tel sexisme est aujourd’hui inacceptable. Les filles sont, autant que les garçons, aptes à perpétuer le devoir de mémoire envers les ancêtres disparus. Fin de la note de la rédaction.
Nous touchons ici à l’un des caractères les plus remarquables de la famille antique. La religion qui l’a formée demande impérieusement qu’elle ne périsse point. Une famille qui s’éteint, c’est un culte qui meurt.
Il faut se représenter ces familles à l’époque où les croyances ne se sont pas encore altérées. Chacune d’elles possède une religion et des dieu-ou-démons, précieux dépôt sur lequel sans cesse elle doit veiller. Le plus grand malheur que sa piété puisse craindre est que sa lignée s’arrête. Car alors sa religion disparaîtrait de la terre, son foyer serait par là-même éteint, et toute la série de ses morts tomberait dans l’oubli ou dans la misère éternelle. Le grand intérêt de la vie humaine est de continuer la descendance pour continuer le culte.
En vertu de ces opinions, le célibat devait être à la fois une impiété grave et un malheur ; une impiété, parce que le célibataire mettait en péril le bonheur des mânes de sa famille ; un malheur, parce qu’il ne devait recevoir lui-même aucun culte après sa mort, et ne devait pas connaître ce qui réjouit les mânes. C’était à la fois pour lui et pour ses ancêtres une sorte de damnation.
On peut bien penser qu’à défaut de lois, ces croyances religieuses durent longtemps suffire pour empêcher le célibat. Mais il semble bien en outre que, dès qu’il y eut des lois, elles décrétèrent que le célibat était une chose mauvaise et punissable. Denys d’Halicarnasse, qui avait compulsé les vieilles annales de Rome, dit avoir vu personnellement une ancienne loi qui obligeait les jeunes gens à se marier. Le traité des lois de Cicéron, traité qui reproduit presque toujours, sous une forme philosophique, les anciennes lois de Rome, en contient une qui interdit le célibat. Et à Sparte, la législation de Lycurgue privait de tous les droits de citoyen, l’homme qui ne se mariait pas. On sait par plusieurs anecdotes que, lorsque le célibat cessa d’être défendu par les lois, il le fut encore par les mœurs. Il paraît enfin, par un passage de Pollux, que dans beaucoup de villes grecques, la loi punissait le célibat comme un délit. Cela était conforme aux croyances ; l’homme ne s’appartenait pas, il appartenait à sa famille. Il était un membre dans une série, et il ne fallait pas que la série s’arrête avec lui.
NOTE DE LA RÉDACTION. Il va de soi que cette condamnation du célibat est totalement étrangère à notre mentalité d’aujourd’hui, la seule chose qui compte est la transmission de la vie, la seule chose qui compte est la transmission du flambeau de la vie. Fin de la note de la rédaction.
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La naissance d’une fille ne remplissait pas l’objet du mariage. En effet, la fille ne pouvait pas continuer le culte, pour la simple raison que le jour où elle se mariait, elle renonçait à la famille et au culte de son père, et passait à la famille et à la religion de son mari. La famille ne se perpétuait, comme le culte, que par les mâles : fait capital, dont on verra plus loin les conséquences.
Il ne suffisait pas pour autant d’engendrer un fils. Le fils qui devait perpétuer la religion domestique devait être le fruit d’un mariage religieux. Le bâtard, l’enfant naturel, celui que les Grecs appelaient nothos, et les Latins spurius, ne pouvait pas remplir le rôle que la religion assignait au fils. En effet, le lien du sang ne constituait nullement à lui seul la famille, encore fallait-il le lien du culte. Or le fils né d’une femme qui n’avait pas été associée au culte de l’époux par la cérémonie du mariage ne pouvait pas lui-même avoir part au culte. Il n’avait pas le droit d’offrir le repas funèbre, et la famille ne se perpétuait donc pas pour lui. Nous verrons plus loin que, pour la même raison, il n’avait pas le droit d’hériter.
Le mariage n’avait pas pour but le plaisir, son objet principal n’était pas l’union de deux êtres qui se convenaient, donc qui voulaient s’associer pour le bonheur et pour les peines de la vie. L’effet du mariage, aux yeux de la religion et des lois, était, en unissant deux êtres dans le même culte domestique, d’en faire naître un troisième qui fût apte à continuer ce culte.
Le mariage n’ayant été contracté que pour perpétuer la famille, il semblait juste qu’il pût être rompu si la femme était stérile. Le divorce pour cette raison a toujours été un droit chez les Anciens ; il est même possible qu’il ait été une obligation. Dans l’Inde, la religion prescrivait que la femme stérile fût remplacée au bout de huit ans. Que le devoir fût le même en Grèce et à Rome, aucun texte formel ne le prouve. Pourtant Hérodote cite deux rois de Sparte qui furent contraints de répudier leurs femmes parce qu’elles étaient stériles. Pour ce qui est de Rome, on connaît assez l’histoire de Carvilius Ruga, dont le divorce est le premier que les annales romaines aient mentionné. Carvilius Ruga, dit Aulu-Gelle, homme de grande famille, se sépara de sa femme par le divorce, parce qu’il ne pouvait pas avoir d’elle des enfants. Il l’aimait avec tendresse et n’avait qu’à se louer de sa conduite. Mais il sacrifia son amour à la religion du serment, parce qu’il avait juré (dans la formule du mariage) qu’il la prenait pour épouse afin d’avoir des enfants.
La religion disait que la famille ne devait pas s’éteindre ; toute affection et tout droit naturel devaient céder devant cette règle absolue. Si un mariage était stérile par le fait de l’époux, il n’en fallait pas moins que la famille fût continuée. Alors, un frère ou un parent du mari devait se substituer à lui, et la femme était tenue de se livrer à cet homme. L’enfant qui naissait de cette union était considéré comme étant un fils du mari et continuait son culte. Telles étaient les règles chez les anciens hindous ; nous les retrouvons dans les lois d’Athènes et dans celles de Sparte. Tant cette religion avait d’empire ! Tant le devoir religieux passait avant tous les autres !
À plus forte raison, les législations anciennes prescrivaient-elles le remariage de la veuve, quand elle n’avait pas eu d’enfants, avec le plus proche parent de son mari. Le fils qui naissait de cette union était réputé, lui aussi, être le fils du défunt.
C’était donc le fils qui était attendu, qui était nécessaire ; c’était lui que la famille, les ancêtres, le foyer réclamaient. Par lui, disent les vieilles lois des hindous, un père acquitte sa dette envers les mânes de ses ancêtres, et s’assure à lui-même l’immortalité. Ce fils n’était pas moins précieux aux yeux des Grecs ; car il devait plus tard faire les sacrifices, offrir le repas funèbre, et conserver par son culte la religion domestique. Aussi dans le vieil Eschyle, le fils est-il appelé : le sauveur du foyer paternel ».
NOTE DE LA RÉDACTION. Ces observations de Fustel de Coulanges sur la cité aryenne antique traduisent surtout le point de vue indo-européen sur la question. Mais les Indo-européens s’implantant peu à peu en Europe de l’Ouest ont tempéré ce patriarcat au contact des peuples qu’ils rencontraient. D’où le druidisme !
Répétons-le, ce qui compte vraiment c’est le souvenir ! Car ne meurent vraiment que ceux que l’on oublie, ainsi que l’a très bien exprimé à sa façon le Hésus Cuchulainn à peine âgé de sept ans afin de répondre à une mise en garde du druide nommé Catubatuos/Cathbad. « Il m’importe peu de n’être qu’un jour ou qu’une nuit au monde, pourvu que le récit de mes aventures et de mes exploits demeure après moi ». Oui, ne meurent vraiment que ceux que l’on oublie !
Il est de bon ton actuellement de se moquer de l’évhémérisme. Du nom d’Évhémère, auteur grec du IIIe siècle avant notre ère, qui a fait le constat que certains dieu-ou-démons du polythéisme grec sont vraisemblablement de simples mortels divinisés après leur mort par la reconnaissance, l’admiration ou la crainte, de leurs contemporains. Et les mythes seraient le récit de leurs aventures terrestres,
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amplifiées ou embellies. Une telle idolâtrie est effectivement exagérée, mais honorons et respectons tous nos ancêtres, qu’ils soient physiques ou seulement spirituels.
Le premier point, et le plus important, consiste à prêter attention et respect à votre famille, à vos proches et même à vos lointains ancêtres. Vous êtes le résultat des unions de vos ancêtres, et ils méritent tous cette reconnaissance voire votre respect.
Il se peut que vous soyez issu d’un très complexe métissage, et alors ?? Chacun d’eux a contribué à ce que vous êtes aujourd’hui, pas seulement sur le plan génétique, mais même sur le plan psychique ou culturel. Laquelle de ces lignées familiales devriez-vous déshonorer en la considérant comme moins importante que les autres ? Les Noirs parce qu’ils ont été asservis ou colonisés ?? Les Blancs parce qu’ils ont momentanément triomphé avant d’être évincés de ces pays par le multiculturalisme (Zimbabwe, Afrique du Sud) ?? Aucune ! Renier l’une d’entre elles c’est se renier soi-même.
L’homme qui vous adresse ces quelques mots par-delà les siècles (puisqu’il est du XXe siècle) est par exemple lui-même issu d’un vieux fond celtique asservi par les Romains puis mâtiné d’un peu de sang germanique franc ou autre, ce que l’on appelle des Français de souche ou assimilés tout en niant leur existence voire la possibilité que cela puisse exister même en théorie, et alors ??
Si votre famille est comme la mienne, vous découvrirez aussi que certains de vos ancêtres étaient, au choix ; des voleurs de courrier (un dénommé Malclerc pour le compte du cardinal de Retz par exemple) des maîtres de forges (Nicolas Le Camus à Laneuville Saint-Joire en 1560) de riches laboureurs, de simples ouvriers agricoles ; des mineurs de fer (du côté de ma grand-mère, la gardeuse d’oies, cuisinière du « château » de Cirey) voire des hellénistes distingués (cf. Éléments de la grammaire grecque, par l’abbé Laurent) et un simple curé (Sébastien, curé de Removille en 1651 – que tout le monde se rassure, je ne descends pas de lui, l’honneur de l’Église catholique demeure sauf) – ou des comtes (de Saint-Maixent. Branche éteinte au XIXe siècle). Sans oublier l’inénarrable « maffieux » Nicolas Delacro.
Passons sur la discrète xénophobie du genre anti-maffioso de l’auteur de l’étude concernant le médecin du Duc Antoine au XVIe siècle : Bartolomeo Castel San-Nazar seigneur de Morley !
« L’engouement de cet Italien pour son pays et le soin qu’il prit de conserver à son nom une terminaison étrangère nous autorisent à dire… Dieu veuille dorénavant préserver notre bonne terre d’une telle ortie ».
Retenons plutôt cette étonnante maxime qui nous va comme un gant à nous autres aujourd’hui dans ce pays.
« Rien n’est pire que la tyrannie locale ; personne ne peut s’y dérober, parce que chacun est connu du maître. Si le caractère du seigneur est vicié par l’oisiveté, la cupidité ou l’ignorance [on se croirait aujourd’hui] si son tempérament est violent, les « vilains » en souffrent à tous les instants. Bartolomeo fut ce seigneur cupide et méchant, ce triste sire disait-on à l’époque, ce… dirait-on aujourd’hui. L’usurpation des droits communaux du village par les seigneurs fut en effet fréquente à cette époque ».
Oui, bon, très bien, me rétorquerez-vous, mais quel rapport avec mes ancêtres ? Eh bien le rapport avec mes ancêtres le voici !
Un de mes ancêtres, et si ce n’est pas lui c’est un cousin à lui, eut quand même le culot de venir témoigner en faveur de ce seigneur « maffieux » avant la lettre, pour le compte duquel il travaillait apparemment.
Un dénommé Nicolas Delacro figure en effet dans les archives d’un recours en justice auprès du Parlement, intenté contre le Bartolomeo en question, vers 1570 à Paris, à propos de sa seigneurie de Morley, en compagnie de repris de justice divers. Dont un avait « maintes fois battu et outragé sa mère en menaçant de la brûler » ; un qui n’était « qu’un meurtrier et voleur ayant coutume d’attendre les gens sur les grands chemins… blasphémateur frappant à tout propos ». Ce Nicolas Delacro était lui-même accusé « d’approuver les mœurs légères de sa femme… Nous reprenons à dessein les termes expressifs du procès-verbal et les faits qu’il relève à la charge des époux Delacro ».
Voilà effectivement de singuliers témoins à décharge ! En même temps qu’il était saisi de cet intéressant débat, le parlement de Paris eut également à juger un autre procès mettant toujours en cause le vieil Italien. Bibliothèque nationale. Collection des manuscrits de Lorraine. Tome 154. Folios 39 et 40.
Et que sais-je encore ? Ceci est normal.
Faites comme le grand président que fut Barack Obama au XXe siècle. Acceptez votre origine et tirez-en des leçons. Rappelez-vous que le fait d’avoir un ancêtre qui soit, par exemple, Européen, Indien ou Africain, ou Chinois ne fait pas de vous un pur Européen, Indien, Africain, ou Chinois. Vous êtes probablement le résultat d’un mélange unique de plusieurs peuples et cultures, tout comme moi.
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Ce que j’ai vraiment découvert sur mes ancêtres, c’est que je descends d’eux, bons ou méchants. Ce qu’ils ont fait ou été ne fait aucune différence ; ce sont mes ancêtres. Ce sont les âmes/esprits que je peux appeler le plus facilement, parce que ce sont mes parents. Ce sont les âmes/esprits les plus susceptibles de m’aider lorsque j’en ai besoin. Ce sont également les plus susceptibles de me faire obstacle si je leur manque de respect. Il est sage de respecter ses ancêtres, même ceux qui ont commis de mauvaises actions, sinon ils rechignent à vous aider.
Mais respecter et honorer ses ancêtres ne signifie pas pour autant que vous devez vous efforcer de suivre toutes les coutumes de vos ascendants, d’une façon servile. Beaucoup de ces coutumes (comme la chasse aux têtes et les relations sexuelles en public pratiquées par certains de nos ancêtres celtes) ne seraient pas, par exemple, acceptables dans la société moderne. Je dis simplement que vous devez respecter le fait de leur présence dans votre lignée. Regardez-vous et acceptez-vous pour ce que vous êtes, qui que vous puissiez être.
Appliquez les mêmes principes pour examiner votre culture, voire les sous-cultures dans lesquelles vous avez grandi. Qu’elles soient ou non apparentes, les influences qu’ont exercées votre pays, votre région, votre ville, votre voisinage, votre famille, ont toutes contribué à faire de vous la personne que vous êtes aujourd’hui. Chacune de vos différentes cultures a été assaisonnée par de nombreuses influences. Vous les avez toutes mêlées, vous vous êtes trouvé en accord avec certaines, et les avez fait apparaître à la surface. Vous en avez renié ou désavoué d’autres. Quoi qu’il en soit, d’une manière ou d’une autre, elles ont toutes exercé leur influence sur vous-même et sur votre attitude personnelle face à la vie. Bien que vous puissiez considérer certaines de ces attitudes culturelles comme inadéquates en ce qui vous concerne, elles vous ont influencé plus ou moins, et le nier constitue en soi une source de conflits intérieurs. Refuser une influence, c’est d’ailleurs encore se laisser influencer par elle.
Notre conviction à nous c’est que le druidisme n’est ni bouddhiste ni hindou ni chrétien, mais les deux ou les trois simultanément, puisque pour lui après la mort il y a…
— RÉSURRECTION de la chair (le défunt se réincarne dans l’autre monde avec un corps idéal ou de rêve de type xvarnah – glorieux disent les chrétiens, bellissama ou bellissamos disaient les anciens druides – par rapport à celui d’avant).
— PARTICIPATION à la vie divine. Participation qui laisse subsister la personnalité du défunt, qui peut voir le divin ou les dieu-ou-démons « face à face » (Vision béatifique du Graal à la façon de Plutarque et de ses mystérieuses îles).
— Mais aussi ACHÈVEMENT DE LA PURIFICATION, et après un certain temps « fusion » radicale de l’âme humaine individuelle dans la Divinité. « Confusion » même puisque les deux substances, humaine et divine, se confondront. Les deux entités sont considérées comme se fondant tout naturellement l’une dans l’autre, puisque l’âme humaine est une parcelle détachée de la Divinité. Après la mort, elle fait retour à son origine en passant par l’intermédiaire d’un plus ou moins long séjour dans l’autre monde et par un processus conforme à sa nature. Il s’agit là d’une IDENTIFICATION ABSOLUE, c’est-à-dire d’une immersion radicale de l’âme dans la Divinité avec perte de personnalité. L’Englobant universel (ou Principe supérieur) transcende tout : la matière et l’âme, le bien et le mal, la dualité comme aussi l’unité.
En ce qui les concerne, pour les très-sachants de la druidiaction ou druidecht, la mort n’est que le milieu d’une longue vie, et après la mort, les âme/esprits se réincarnent dans un autre monde parallèle… disons meilleur.
Vingt siècles de christianisme (avec son idée d’enfer) ont eu pour résultat que nous ne connaissons plus « l’art de bien mourir » auquel s’exerçaient nos ancêtres, dès l’enfance.
L’Humanité contemporaine, du moins celle des sociétés païennes devenues chrétiennes, entretient donc un rapport assez ambigu avec la mort. Celle-ci est à la fois refoulée, escamotée, mais partout présente, voire envahissante. Cela tient aux contradictions internes du message chrétien et notamment à son inquiétante notion d’enfer ou de damnation, éternelle. Nos ancêtres envisageaient la mort avec beaucoup plus de sérénité, car ils avaient compris, eux, que l’enfer n’existe pas dans l’autre monde. S’il existe, c’est dans ce monde ci. Et le plus souvent d’ailleurs, l’enfer, ce sont les autres.
Les mourants sont donc tenus à distance dans des services créés spécialement, par les chrétiens, pour cela (hôpitaux, hospices, etc.). On fait en sorte que les enfants ne les voient pas et l’on enterre les corps derrière l’église (les païens les auraient plutôt enterrés DEVANT), ou même plus loin encore. Ces tentatives chrétiennes de refoulement de la mort ont fait qu’elle en est devenue obsédante. Les médias et la littérature la montrent accomplissant son œuvre sur les hommes politiques, les vedettes, sur ceux que l’on croyait être des privilégiés. Les médias parlent et reparlent des menaces qui pèsent
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aujourd’hui sur l’Humanité : l’accident nucléaire, les armes chimiques et biologiques, mais aussi, malgré les progrès de la médecine, des maladies nouvelles qui viennent s’ajouter aux autres (cancer, sida, et ainsi de suite). En même temps que l’on évite de penser à la mort à cause de la possibilité de cette damnation éternelle ; il y aura beaucoup d’appelés, mais peu d’élus, affirme la religion chrétienne, et même les juifs n’en feront pas forcément partie malgré leur insupportable racisme à ce sujet *; autrement dit tout le contraire du druidisme où 99,9 % peut-être des mortels peuvent devenir meldi dans l’autre monde et non « bacucei » ou « seibari », condamnés à une nouvelle incarnation ou à une nouvelle vie sur Terre.
* la notion druidique de peuple élu est très différente puisqu’il ne s’agit pas d’être élu par le seul dieu père de tous les hommes, mais d’être élu… par ses propres dieux. Ce qui est une tautologie difficilement contestable et qui revient à dire à l’instar de mon vieux maître Pierre Lance : « Comme tous les hommes les Celtes ont des dieux qui correspondent forcément à leur mentalité collective, les juifs ont par exemple un dieu jaloux et chef des armées (sabaoth) les Celtes ont des dieux de la guerre, mais aussi des dieux plus pacifiques comme sainte Brigitte, déesse des arts et des lettres. Et qui sont en parfaite adéquation avec leur psychisme puisque parlant la même langue.
Diodore de Sicile : des hommes, qui ont l’expérience de la nature divine, et qui parlent, pour ainsi dire, la langue des dieux [qui sont homophonon en grec].
Les Celtes ne constituent donc pas un peuple élu MAIS ONT UNE LANGUE ÉLUE…… PAR LEURS PROPRES DIEUX. CE QUI EST PRESQUE UNE TAUTOLOGIE.
Il est donc temps pour notre société de se guérir du christianisme et de redécouvrir la vérité recouverte par sa langue de bois. Car la vérité la voici, et ce message est une formidable bonne nouvelle (suscetla en irlandais) : il n’y a pas d’enfer ! Pas de géhenne de feu ! La mort n’est que le milieu d’une longue vie ! Ce que l’on appelle « la mort » n’est qu’une transformation de l’énergie vitale ! De fait, la mort n’existe pas ! Mourir, c’est d’abord revivre dans un autre monde que l’on dit traditionnellement meilleur et dans un corps de rêve ou idéal (xvarnah diraient nos amis zoroastriens, bellissamos bellisama diraient nos vieux druides) puis en se mêlant à l’énergie cosmique.
L’homme est constitué de quatre éléments.
— L’âme, principe de non-matière, éternel (anamone).
— L’esprit, partie inférieure de l’âme (menman).
— Le corps, enveloppe matérielle destructible (kicos).
— Le périsprit, corps fluidique complet (seibaros). Le périsprit ou seibaros est le vrai corps qui, contrairement au corps matériel, lequel se transforme avec l’âge, ne se modifie pas matériellement. Il est l’aspect spirituel de l’être, le principe permanent de notre identité personnelle.
L’anaon, c’est l’âme et l’esprit, l’anamone et le menman. Ce qui survit après la mort, ce qui passe dans un autre monde après la mort, ce n’est pas seulement l’âme, mais le duo, le couple ou l’attelage : « Âme + esprit ». Ce qui se réincarne au paradis après la mort, c’est donc…
— L’âme individuelle impersonnelle appelée anamone.
— Mais aussi l’esprit personnalisé appelé menman.
— Le tout englobé dans un véhicule psychopompe. Ce que le druide Alan Kardec appelle le périsprit, mais que les anciens gnostiques d’Occident appelaient plus vraisemblablement seibaros. Le druidisme nous apprend aussi en effet que l’âme et l’esprit sont unis au corps par un élément intermédiaire, qui tient à la fois du corps et de l’âme/esprit, le seibaros ; enveloppe semi-matérielle, corps subtil, corps fluidique, entourant le corps physique comme le périsperme entoure le fruit.
Le druide Allan Kardec et après lui son École pensent non seulement qu’il survit à la mort, mais qu’il précède même la vie. Mais personne n’est obligé de le suivre sur ce point !
Avec la mort le kicos (la chair, le corps) se disperse d’une façon ou d’une autre en ce bas monde ; alors que le binôme âme/esprit (anamone/menman) passe dans l’autre pour s’y réincarner dans un corps très proche du premier, avons-nous dit.
Bien entendu, nul n’a jamais pu observer ce phénomène, mais nos ancêtres ont imaginé différents scénarios pour se donner une idée du processus.
Rappelons tout d’abord que le druidisme distingue bien la terre du milieu et les terres divines, célestes, pures ou presque. La terre du milieu est celle où l’on trouve les différents règnes (minéral, végétal, animal, etc.) de l’existence sensible.
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Sur ces terres « impures » du milieu, il est difficile d’obtenir vêtements et nourriture. Il est difficile de suivre sa destinée, difficile de rencontrer les dieu-ou-démons et les anatiomaroi ou semnothées. En bref, cette terre du milieu est une terre où les conditions, dans l’ensemble, ne sont guère favorables au développement spirituel ; et dans laquelle il est difficile d’évoluer ; dans laquelle il est difficile de suivre la voie vers l’épanouissement de son âme.
La terre divine, céleste, pure ou presque, qui nous attend après la mort, est, bien sûr, complètement à l’opposé de cette dernière ; exception faite des anatiomaroi ou semnothées, elle ne contient que des dieu-ou-démons ou des hommes, et nourriture et vêtements apparaissent spontanément, sans que qui que ce soit doive travailler pour les produire. Il est très facile d’y suivre son Destin, très facile d’y rencontrer les dieu-ou-démons et les anatiomaroi ou semnothées. Bref cette terre divine, céleste et pure est par définition celle où les conditions sont beaucoup plus favorables au développement spirituel ; et où il est facile pour les êtres humains d’évoluer, facile de suivre la voie vers le retour au Grand Tout, et ainsi de suite.
Cette Terre pure telle qu’elle est en particulier décrite par les différentes Écoles du druidisme *, est un monde, une dimension d’existence, où il n’y a ni douleur, ni souffrance, ni misère, ni séparation, ni deuil, ni perte. C’est un monde ou un état d’existence où il n’y a ni vieillesse, ni maladie, ni mort. C’est un état de paix parfaite, où il n’y a ni conflit, ni guerre, ni bataille, ou alors des bagarres de cinéma, sans mort ni blessures graves, pour ceux qui ne rêvent que de ça : la perfection et le bonheur y vont jusque-là !
* Noibo Adamnan va même jusqu’à dire d’elle que c’est une terre sans orgueil, sans mépris, sans mensonge, sans blasphème, sans fraude, sans prétexte, sans honte, sans gêne, sans déshonneur, sans tromperie, sans envieux, sans arrogance, sans épidémie, sans maladie, sans pauvreté, sans dénuement, sans destruction, sans décès, sans salut, sans neige, sans vent, sans humidité, sans bruit, sans tonnerre, sans obscurité, sans froideur. Un noble Royaume, admirable, merveilleux, où règnent le savoir, la lumière, et les parfums d’une Terre abondante, un royaume où règnent les plaisirs de toute bonté.
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L’important est de bien se préparer, de son vivant, à la mort, pour y renaître comme le soleil après la nuit. Connaître par cœur ou intimement et à l’avance, ce qui va se passer après la mort du corps, suffit à préserver le défunt du cycle infernal des réincarnations sans fin, en bacuceos ou seibaros, de nos amis hindous (samsara). La légende de la mort selon les très-sachants, décrit par conséquent les différentes phases dont la connaissance préalable a le pouvoir de libérer de la fatalité de la renaissance en ce bas monde.
Le passage de Lucain (Guerre civile, I, 448-450) : « Vous, les vates, dont les poèmes guerriers jadis immortalisaient les puissantes âmes/esprits [en latin animas] de ceux qui sont morts à la guerre… » s’avère assez curieux. Il semble indiquer qu’il existe une technique permettant de faire passer les âme-esprits individuelles des guerriers dans l’autre monde parallèle de nature paradisiaque. Et d’éviter ainsi la renaissance sur terre sous forme de bacuceos ou de seibaros après passage dans l’Annwn ou dans la Donno Tegia. Une combinaison sans doute de chants ou de récitations, mise en œuvre par les vates, et dont les maîtres mots devaient être : sérénité, simplicité, naturel… voire lâcher-prise.
À en croire la plupart des traditions, il existe un certain nombre de prières et d’exhortations que l’on peut réciter ou lire durant l’agonie ou immédiatement après la mort du défunt (cf. Hadoxt nask II). Pour orienter son esprit dans l’au-delà et l’aider ainsi à se délivrer du cycle infernal des réincarnations en bacuceos (samsara dit-on en Extrême-Orient) ou demi-réincarnation en seibaros.
Cette technique des vates pour conduire les âme/esprits à l’immortalité, n’est bien entendu d’aucune utilité aux druidisants ayant déjà atteint de hauts niveaux de conscience ; elle est surtout destinée aux individus ordinaires, afin de les aider à surmonter les angoisses et les incertitudes.
Il n’est pas facile de faire coïncider les moments décrits par la légende de la mort selon les druides, et ceux des expériences de mort imminente. On peut néanmoins considérer que l’expérience de mort imminente se produit dans cet entre-deux, des premières étapes ou deuxièmes étapes évoquées ci-dessus.
Lorsque le principe-conscient sort du corps, il se demande : suis-je mort ou non ? Il ne peut le déterminer. Le défunt peut entendre les pleurs et les gémissements de ses amis, de ses parents ;
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surtout il peut les voir, entendre leur appel, mais comme ils ne peuvent savoir qu’il leur répond, il s’en va, mécontent. À ce moment-là, des sons, des lumières, des rayons, se manifestent à lui.
Parmi les divers états mentionnés par nos récits, nous trouvons des états instables et fugaces, comparables aux mirages dans le désert ; une impression d’engloutissement liquide et des sensations d’embrasement ; des perceptions de fumées ou de volutes de lumière ; l’expérience de points lumineux, semblables à des lucioles ; l’existence de trois lumières successives : la luminosité blanche, comparable à la clarté lunaire, puis l’expérience de la luminosité rouge, semblable à la lumière du Soleil, et enfin l’expérience de la luminosité noire. Ces lumières primordiales sont définies par certaines Écoles druidiques d’aujourd’hui comme étant l’irradiation de notre propre nature, et sa perception correspondrait donc à notre éveil ou à notre apparition dans l’autre monde.
« Vous, les vates, dont les poèmes guerriers jadis immortalisaient les puissantes âmes/esprits [en latin animas] de ceux qui sont morts à la guerre, vous, les bardes, vous recommencez en toute quiétude à déclamer un flot de chants plus abondants, pendant que vous, les druides, vous retournez à vos sinistres mystères et à vos rites barbares naguère abolis par les armes. À vous seuls il est donné de connaître, comme de les ignorer, les dieux et les puissances célestes. À en croire vos maîtres, les ombres des morts ne vont pas rejoindre les silencieuses demeures d’Érèbe, ni les pâles royaumes de la mort ; une même âme/esprit [en latin idem spiritus] régit les membres dans un autre monde [en latin orbe alio] et la mort n’est que le milieu d’une longue vie ; si vous savez bien ce que vous chantez. Heureux sont les peuples qui regardent la Grande Ourse à cause de cette erreur ; car ils ignorent cette peur suprême qui effraie tous les autres, de là cet esprit [en latin, mens] enclin à se jeter sur le fer, cette force de caractère [latin anima] capable d’affronter la mort, et ce peu de soin mis à épargner une vie qui doit vous être rendue » (Lucain, La Guerre civile, I, 448-465).
« Un des préceptes qu’ils enseignent – évidemment pour les rendre plus aptes à faire la guerre – est devenu de notoriété publique, à savoir que les âmes/esprits [latin animas] sont immortelles et qu’il existe une autre vie chez les Mânes. C’est pourquoi ils brûlent et enterrent avec le mort des choses qui conviennent aux vivants. Et jadis les comptes des marchands ainsi que les registres de dettes accompagnaient, eux aussi, les morts, afin d’être soldés ou honorés dans l’autre monde ; certains individus se jetaient même gaiement sur le bûcher funèbre de leurs êtres chers, comme s’ils allaient revivre avec eux » (Pomponius Mela, Chorographie, III, 2, 18).
« Je remarque une ancienne coutume des Celtes, qui, dit-on, se prêtaient souvent des sommes remboursables dans l’autre monde, tant ils étaient persuadés que nos âmes ou esprits sont immortels. Je les traiterais d’insensés, si l’opinion de ces porteurs de braies ne se retrouvait pas sous le manteau grec de Pythagore. La philosophie… des Cimbres et des Celtibères : le courage et le dévouement. Ils tressaillaient d’allégresse dans les combats, qui leur offraient un moyen de sortir de la vie avec gloire et félicité. Malades, ils se désolaient d’être ainsi condamnés à une mort honteuse et misérable. Les Celtibères regardaient aussi comme un opprobre de survivre, dans une bataille, à celui qu’ils avaient juré de défendre au péril de leur vie » (Valère Maxime, Des dits et faits mémorables, II, 6, 10-11).
« Encore aujourd’hui… la plupart des barbares persuadent leurs fils que l’âme/esprit de ceux qui meurent n’est pas détruite, mais qu’elle subsiste ; qu’il ne faut pas redouter la mort, mais qu’il faut être plein d’énergie devant les dangers » (Jamblique, Vie de Pythagore, 30).
« Le point essentiel de leur doctrine, c’est l’immortalité de l’âme/esprit, car ils enseignent qu’après la mort, elle passe dans d’autres corps. Cette conviction, d’après eux, incite particulièrement au courage, en faisant mépriser la peur de la mort » (César. B. G. VI, 13-14).
« Ils invitent aussi les étrangers à leurs festins, et, après le repas, leur demandent qui donc ils sont, et quel besoin les amène en ces lieux. Durant les repas, sur les premiers sujets venus, ils en viennent à des disputes, puis à des provocations, enfin à des combats singuliers, où l’on voit combien leur est indifférente la perte de la vie. C’est que chez eux a prévalu le dogme de Pythagore, selon lequel les âme/esprits des hommes sont immortelles. Et qu’après un certain nombre d’années chaque âme/esprit revient à la vie en entrant dans un autre corps. C’est pourquoi aussi, pendant les funérailles, il en est qui jettent dans le bûcher des lettres écrites à leurs morts, comme s’ils pouvaient les lire » (Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, V, 28).
Si l’on est convaincu que les expériences de mort imminente manifestent une dimension essentielle de l’être humain, qui a besoin de s’exprimer ainsi, et dont les effets sont bénéfiques ; il importe donc d’ancrer de nouveau l’Homme moderne dans cette dimension du sacré. Ces expériences de mort
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imminente nous montrent que tout un chacun peut y être initié, pourvu qu’un mythe sous-tende cette démarche, et qu’existent des initiateurs compétents pour l’accompagner.
Le bref rappel qui suit n’est pas un guide de la bonne mort à la façon de Suqellos ou un livre des morts celto-druidique, mais un rappel de quelques conseils pour guider l’âme/esprit du défunt dans ses efforts pour renaître dans l’au-delà. Vraisemblablement inspirés par les expériences de mort imminente connues des anciens druides. Celui qui a bien étudié la légende de la mort selon les gnostiques d’Occident, ou celui qui est bien imprégné de ces grands principes, n’éprouve alors aucune peur au moment de mourir. Si l’on en est déjà un familier, alors on aborde cette ultime épreuve avec confiance et gaieté.
Rappelons tout d’abord que le druidisme n’exclut personne de l’accès au paradis a priori ; alors que le bouddhisme, lui, en exclut et d’emblée les hommes ayant commis les fautes suivantes : avoir tué son père, ou sa mère, un saint bouddhiste, avoir blessé un bouddha, ou avoir divisé sa communauté. Voir certaines versions du grand soutra de la terre de félicité (soukhavativyouha). De la plaine de Joie diraient les Irlandais.
Or une telle exclusion contredit le principe druidique exposé par ces quelques commentaires anonymes de l’œuvre de Lucain, et que nous nous faisons un plaisir de rappeler ci-après.
Scolies bernoises de la Pharsale de Lucain.
Hermann Usener. Scholia in Lucani bellum civile/Commenta Bernensia. Liber I (1869).
451.« Les druides nient que les âmes puissent périr [Driadae negant interire animas]
OU ALLER EN ENFER [aut contagione inferorum adfici] ».
454.« Ils ne disent pas que les Mânes existent [Manes esse, non dicunt] ».
Le point Nº 25 de la petite liste annexée au concile de Leptines en 743 sous le titre latin d’indiculus superstitionum et paganiarum (évidemment, il s’agit de condamner ou dénigrer) va d’ailleurs aussi clairement dans ce sens. Il évoque le fait d’imaginer que tout défunt est saint.
En la matière le druidisme n’a donc rien à voir avec le bouddhisme, et c’est là encore un des innombrables points qui nous séparent de nos amis d’Extrême-Orient.
Il faut bien distinguer deux parties, deux grands niveaux ou deux grands états d’être différents, dans l’Autre-Monde ou l’Au-delà druidique.
Le monde des dieu-ou-démons et le monde des morts.
Le monde des dieu-ou-démons est appelé Sedodumnon.
Les mondes des morts ont plusieurs noms : Vindomagos, Mag Meld, mais aussi Donnotegia/Tech Duinn, Andumno/Annwn, le royaume de Tethra et ainsi de suite.
Et ces différents noms correspondent vraisemblablement à différents degrés ou strates de ce paradis ou de ce monde des morts.
Aucune barrière n’existe néanmoins entre ces deux parties de l’Autre Monde ou de l’Au-delà, et elles s’interpénètrent largement au sein d’un ensemble commun : l’Albiobitos.
L’immense majorité des êtres vivants (100 % des minéraux, des végétaux, des animaux et 99,99 % ou 99,90 % des êtres humains) renaissent après leur mort dans un autre monde lumineux ; où ils peuvent, en compagnie des dieu-ou-démons qui sont leur Graal, achever dans de meilleures conditions, la purification qui doit les réintégrer dans le Grand Tout du Pariollon.
Quelques-uns néanmoins ne vont pas plus loin que l’antichambre du Paradis et renaissent en ce bas monde (les bacuceos ou seibaros) vu les crimes qu’ils ont commis, afin de bénéficier d’une seconde chance. Car chaque être humain sain d’esprit est quand même plus ou moins responsable de ses actes, malgré tout ce que l’on peut lui trouver comme circonstances atténuantes (fatalité, destin, et ainsi de suite). Il ne peut donc qu’en subir les conséquences. De façon plus détaillée, voici ce que les expériences de mort imminente ont inspiré comme déduction aux anciens druides.
Avant de déboucher dans la lumière blanche de Vindomagos, les âme/esprits étaient soumises à toutes sortes d’ordalies post mortem extraordinaires. L’ordalie post mortem est l’application à la justice, en dernier ressort et en dehors de toute intervention humaine, des techniques de vérification de l’innocence ou de la culpabilité d’un accusé ; de vérification du bien-fondé ou de la justesse de la décision devant l’affecter. Ce qui exclut toute erreur et par là encore tout hasard, puisque le destin des
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hommes concerne d’abord les dieu-ou-démons. Ce sont ces ordalies judiciaires post mortem mal comprises par les premiers chrétiens (leur niveau intellectuel était très bas) qui ont donné naissance à l’imagerie chrétienne concernant l’enfer, la damnation et ses tourments.
À ce sujet, rappelons-le encore une fois, notre néo-druidisme ne peut que s’élever avec force et vigueur contre les thèses pseudo-celtisantes de la vision de Tondale, d’Adamnan et autres textes mensongers de ce genre. Cet univers monstrueux ne relève pas de la mythologie celtique irlandaise authentique, mais des fantasmes sadomasochistes chrétiens personnels de Marcus (leur auteur), un moine cistercien proche de l’Irlandais saint Malachie : ce ne sont que des fantasmes style « purgatoire de saint Patrice ».
L’ancien druidisme utilisait pour cette pesée-tri-répartition, des âme/esprits, le mot « viria », vérité, d’où le gaélique « fir ». La notion en cause était celle du vrai ou du faux, du juste ou de l’injuste (il n’est pas exagéré de dire que l’ancien druidisme était obsédé par la nécessité des jugements équitables, conformes au droit). Le mot actuel, ordalie, ne traduit que très imparfaitement cette notion de pesée-tri-répartition.
Au moment de la mort, l’existence de chaque homme, qui n’est pas déjà parvenu au stade d’awenydd, est donc placée sous la lumière des dieu-ou-démons amarcolitani, c’est-à-dire au regard perçant ; comme Tethra, Donn, Épona ou Belenos Barinthus Manannan. Cette grande lumière tombe sur tout ce qui a été vécu par lui. LE JUGEMENT DE L’ÂME C’EST SON HISTOIRE. SA VÉRITÉ C’EST CE QU’ELLE VOIT DANS LE MIROIR QUE LUI TENDENT LES DIVINITÉS COURROUCÉES OU APAISANTES (PSYCHOPOMPES) QUE SONT ÉPONA TETHRA DONN OU BÉLÉNOS.
Ce moment de vérité (il concerne chacun au moment de sa mort) ou de « virion » n’attend pas la fin du cycle en cours ; le jour où la vérité sera faite sur la vie et l’Histoire, non plus des anamones individuelles, mais de l’Humanité tout entière. Il détermine la situation intermédiaire dans laquelle vont se retrouver les défunts qui ne sont pas devenus awenyddion.
Chacun des défunts est mis en face de sa vérité (viria, en celte ancien), comme dans un miroir, d’où aussi le nom de miroir des âme/esprits, qui est donné à ce processus de tri automatique des âmes. Et c’est peut-être d’ailleurs un fragment de cette légende de la mort druidique, que l’on peut retrouver dans le texte du Pseudo-Plaute intitulé querolus ou aulularia.
« LE LARE. Là vivent des gens qui suivent le droit naturel. Là il n’y a point de grimace, là on rend des sentences capitales sur un tronc de chêne, et on en écrit le texte sur les os du patient ».
C’est donc en présence de Tethra, de Bélénos Barinthus Mananann, d’Épona, de Donn ou de Cornunnos notre lointain ancêtre, assis sous son chêne pour y rendre la justice, qu’aura lieu cette heure de vérité de l’âme. En fonction de ce que chacun aura fait ou omis de faire, durant la première moitié de sa vie, sur terre.
Une répartition plutôt bienveillante (virotutis iovantucarus anextlomarus, etc.) et en tout cas équitable dont témoignent toutes ces divinités psychopompes, pour ceux et celles qui auront bien agi tout au long de leur vie terrestre ; et qui n’auront pas ainsi accumulé trop de bran (carma chez les hindous et les bouddhistes), à cause de leurs manquements ou de leurs fautes. En tout cas pas de quoi empêcher la fusée intersidérale de leur âme d’atteindre sa vitesse de libération.
Répartition d’élude (irlandais elutach elodach), c’est-à-dire de condamnation à la réincarnation pour ceux qui auront accumulé trop de bran ; pas en ayant multiplié les fautes, les manquements et les erreurs, ce qui peut arriver à la plupart d’entre nous, mais en ayant commis des crimes exceptionnels. La fusée interstellaire de leur âme ne pourra jamais atteindre sa vitesse de libération.
À titre de comparaison dans le bouddhisme amidiste de la Terre Pure, et pour mémoire, sont exclus de Mag Meld les hommes ayant commis les fautes ci-après. Avoir tué son père, ou sa mère, un saint bouddhiste, avoir blessé un bouddha ou avoir divisé sa communauté.
Ces réalités de la destinée humaine soulignent donc le sérieux que tout homme doit accorder aux options fondamentales menant son existence en ce monde, et qui doivent toujours se traduire par des actions positivement concrètes.
Le caractère très anthropomorphique de cette image du miroir (du jugement de l’âme/esprit PAR ELLE-MÊME) ne doit pas néanmoins nous induire en erreur. En fait, il n’y a pas jugement des âme/esprits au sens strict du terme. Pesée des âme/esprits serait déjà un terme plus juste ; mais ce n’est même pas de cela qu’il s’agit non plus.
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Les anamones (âmes) qui ont un esprit ou menman trop chargé de bran, retombent d’elles-mêmes sur terre, comme une fusée qui aurait raté son décollage pour les étoiles (les planètes dit un des scholiastes de Lucain, le soleil pour Henri Lizeray), pour se réincarner en bacuceos, ou en seibaros, un point c’est tout.
Prenons une image plus moderne : ce sont des fusées qui n’ont pas réussi à, en quelque sorte, atteindre leur vitesse de libération. Il y a donc ici application purement mécanique d’une loi cosmique, celle de la justice immanente.
Le symbole de la pesée des âme/esprits (effectuée en présence des dieu-ou-démons psychopompes) n’est pas celui d’un jugement avec tout ce que cela peut impliquer comme sévérité ou laxisme, en bref comme subjectivité (injustice ?) malgré l’allusion du Pseudo-Plaute à ce propos « Là vivent des gens qui suivent le droit naturel. Là il n’y a point de grimace, là on rend des sentences capitales sur un tronc de chêne, et on en écrit le texte sur les os du patient ».
Les dieux ou démons comme Tethra, Gwynn, Épona ou Belenos Barinthus Manannan, Donn, voire Cornunnos, se bornent à entériner un fait qui de toute façon avait de lui-même ses propres conséquences inexorables, automatiques.
Pour couper court à toute équivoque, les anciens druides n’ont d’ailleurs guère utilisé cette notion de pesée des âme/esprits, et ils ont fait référence à un autre symbolisme, celui du miroir (de bronze évidemment).
Tout individu est responsable de son destin. De bonnes actions rendent l’anamone plus subtile, plus lucide. Par contre chaque acte ou chaque omission résultant de l’ignorance, de la paresse, de l’égoïsme, de la convoitise… a un résultat intérieur sur l’âme (l’anamone), via son esprit ou menman, en plus de son résultat extérieur. Chacun de ces actes a pour effet une modification psychique de l’anamone humaine, et laisse une empreinte qui va déterminer sa vie suivante : celle qui se poursuivra dans l’autre monde, ou très exceptionnellement de nouveau sur Terre. Car nos actions nous suivent toujours, elles ne se consument ni ne s’épuisent jamais. Rien ne se perd, rien ne crée, tout se transforme. Telle est la grande loi de conservation de l’énergie dans l’Univers. Ni dans le ciel, ni au milieu des mers, ni dans les cavernes ou les montagnes, n’existe un lieu où l’homme puisse se libérer des conséquences pour lui-même d’une mauvaise action qu’il a commise ; SI ELLE EST VRAIMENT GRAVE. Les actes ont des répercussions déterminant chaque destinée humaine dans sa vie présente, mais aussi dans une éventuelle autre vie sur terre. La responsabilité de l’Homme pour ses actes est par conséquent réelle, il ne saurait être question d’un déterminisme de l’agir humain d’origine divine diabolique ou satanique (exception faite des cas d’abolition du discernement pour cause de maladie mentale totalement indépendante de la volonté ou de trop jeune âge). L’Homme n’a rien d’un instrument sans volonté aux mains d’une entité surnaturelle arbitraire. L’homme détermine lui-même, par ses décisions, la nature de son sort (la réincarnation dans un autre monde paradisiaque type Vindomagos) ou la nouvelle chance qui va lui être accordée (l’ategeneto et la réincarnation en bacuceos ou seibaros). Car il doit toujours y avoir place pour une réparation (voir le droit naturel et les pénitentiels irlandais) dans la tradition druidique. Toutes ces actions étant causées par l’ignorance ou par la faiblesse humaine, qui, ainsi que chacun sait, affecte même les meilleurs et au plus mauvais moment (cf. les Ulates et leur bien étrange maladie annuelle) ; afin d’y échapper, il faut apprendre à connaître soi-même et de l’intérieur, ce dont nous avons été cause par nos actes ; mais que nous n’avons pas éprouvé nous-mêmes. En passant donc en quelque sorte à notre tour de l’autre côté de la barrière. Une éventuelle renaissance ici-bas nous conduit ainsi à des situations qui permettent de vivre ces expériences « de l’autre côté ». Chacun peut alors goûter les fruits de ses actes et récolter ce qu’il a semé.
N.B. Pour une anamone, bien vivre ou vivre mal dépendait très étroitement des devoirs de son état. On n’attend pas les mêmes choses d’un Juge ou d’un Soldat, d’un Agriculteur ou d’un Roi. Dans le cas des rois ou des gouvernants, voir par exemple les miroirs des princes appelés en gaélique Teagasc na Riogh. Nous y reviendrons plus en détail dans le cadre de notre éthique de type kission.
L’ancienne éthique druidique était fondée sur la tripartition aryenne de la société, évoluée en quadripartition de la société (les rois n’étaient pas des guerriers tout à fait comme les autres) voire en quintipartition (on n’attendait pas grand chose des atectoi ces membres des Atectai ou peuples vaincus analogues aux dhimmis en terres d’islam ou aux choudras hindous). L’éthique druidique était par conséquent donc différenciée et avait aux moins deux niveaux, l’éthique de niveau kission plus exigeante et l’éthique de niveau reda, plus indulgente. Elle n’était donc pas unique comme dans le cas du christianisme, véritable lit de Procuste coupant tout ce qui dépasse.
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Une conduite normale permet de renaître dans l’autre monde du Mag Meld, du Vindomagos, une attitude exceptionnellement négative aboutit à patienter dans l’antichambre du Paradis, voire à la renaissance sur terre. Celui qui fait le bien, le fait aussi pour lui (pour le plus grand bien de son anamone) ; celui qui fait le mal le fait contre lui-même (il s’oblige à la réincarnation sur terre en bacuceos ou seibaros). Il y a d’ailleurs là une différence majeure entre le druidisme et l’hindouisme. Dans l’hindouisme, même le bon poids de bran entraîne une réincarnation, alors que dans le druidisme, seul un exceptionnel « mauvais » poids de bran fait pencher la balance du côté de la réincarnation. Il n’est d’ailleurs même pas tout à fait juste de parler de bon ou de mauvais bran. Le druidisme considère plus simplement qu’il y a eu en l’occurrence accumulation de bran due à des faits ou à des manquements contraires à l’éthique, d’une exceptionnelle gravité (alors générateurs d’ategeneto, passé une certaine limite) ou au contraire très peu de bran. Autrement dit, pas de « balance » à deux plateaux se partageant dans ce cas entre bien et mal, mais un « peson » avec limite de surcharge dangereuse pour l’âme/esprit (anaon). Il y a poids de bran s’il y a eu actes ou manquements répréhensibles, à un point extraordinaire ; sinon tout se passe comme s’il y avait absence de poids (absence de bran).
Les témoignages celtiques les plus anciens, eux, font état de quatre lieux de réincarnation possible : le Vindomagos de l’Autre Monde, le Sedodumnon ou monde des dieu-ou-démons, le monde humain (le Mediomagos), et les différents mondes s’étageant au-dessous, l’Andumno.
Nos amis bouddhistes ou hindous admettent aussi la possibilité d’une réincarnation dans le monde animal.
N.B. Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, la plus grande prudence s’impose néanmoins à propos de la possibilité ou non de se souvenir des vies antérieures. Les cas isolés avancés à l’appui de cette thèse posent tous le problème de la vérification. Il peut très bien en effet y avoir… réincarnation en bacuceos sans souvenir.
*Dans la tradition hindoue, la qualité principale du shoudra est le « dévouement ».
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L’ÉTERNELLE COMMUNION DES VIVANTS ET DES MORTS.
Dans l’état actuel de nos connaissances, toute autre réhabilitation du culte des ancêtres ne peut être que provisoire. Il va de soi que celle que nous proposons ici en nous inspirant de l’Afrique noire est incomplète. Mais elle a le mérite de coller aux faits, ce qui est tout l’objet de notre propos. Car au lieu de faire appel à chaque fois comme d’habitude, à l’épouvantail de service qu’est l’irrationnel, on ferait mieux, dans de tels cas, de se poser les vraies questions, et de chercher à y répondre.
L’Homme est d’abord ou ensuite un corps (kicos) engagé dans le monde matériel.
Il a deux âmes ou du moins une âme composée de deux parties, contrairement à ce que pense Allan Kardec.
— L’âme individuelle (anamone) qui appartient au monde purement spirituel, et qui est le véritable être immortel et immuable de l’Homme. Cette âme est directement rattachée à la source spirituelle universelle, elle engendre l’esprit qui supporte à son tour le corps physique, et reçoit les « empreintes » des diverses expériences sensorielles. Cette âme perçoit donc « l’essence » de l’esprit. C’est, certes, ce que nous appelons aujourd’hui âme [N.D.L.R. C’est-à-dire une parcelle de l’esprit divin], mais c’est aussi en même temps un germe de la conscience d’être individuelle.
— L’esprit ou conscience (menman) qui appartient au monde intermédiaire. L’âme et l’esprit étant intimement liés, l’anamone druidique est donc la plupart du temps une âme/esprit. Cette conception diffère évidemment au plus haut point de celles du christianisme ou de l’islam, pour lesquels l’âme a été créée par Dieu ou le Démiurge à l’usage exclusif de chaque individu. Même si ce créatianisme a tardé à s’imposer (voir les vacillations augustiniennes) parce qu’il fut d’abord professé par des opposants au dogme du péché originel. Le pape Anastase II (en 498) lèvera cette « hypothèque » doctrinale, en déclarant compatibles la création immédiate de chaque âme humaine et la transmission du péché originel, celle-ci n’étant pas imputable au Créateur (Démiurge). Dans le druidisme l’âme universelle, l’essence de toute chose, l’awenyddia ou âme cosmique, transcende toutes les formes d’existence et, lorsqu’elle réside dans un individu, prend le nom d’anamone. Toutes les anamones procèdent de l’awenyddia ou âme universelle, et sont aussi nombreuses et diverses que le sont les corps dans lesquels elles s’incarnent.
Quand l’âme universelle est engagée dans le cours d’une existence humaine, elle devient une âme individuelle ou anamone. L’âme humaine ou anamone n’est rien d’autre que l’âme universelle individualisée ou conditionnée, incarnée dans un individu. D’où sa presque immortalité.
Mais si l’anamone est éternelle, indestructible, où se trouve-t-elle avant la naissance de l’individu ? Où va-t-elle après sa mort ?
Toute âme est une émanation divine, une larme de feu arrachée au Brasier de l’Être-Un, prisonnière de l’illusion de la pluralité.
L’âme humaine, qui appartient au monde spirituel directement émané de Dieu, renferme un fragment de la substance spirituelle de Dieu, un germe divin. Chaque âme est une émanation du Tout en voie d’involution/évolution, une larme de feu divine immergée dans la matière et en quête de son origine, remontant vers sa Source comme le saumon dans une rivière, en une progression continue. Ce germe divin tend, tout naturellement, à réintégrer sa source afin d’y reprendre la place qu’il avait à l’origine.
L’identité de nature de l’âme individuelle (anamone) et de l’âme universelle (awentia ou awenyddia) est fondamentale, mais l’âme universelle n’en est pas consciente. Tout l’effort de l’anamone doit consister à lever patiemment un à un les obstacles semés sur son passage par le monde matériel : l’ignorance, l’erreur, les passions, et ainsi de suite.
Le cosmos en tant que Bitos est un Tout organique, mû par une Énergie divine, à laquelle tout Celte d’esprit est appelé à s’identifier afin de réaliser sa propre nature ultime. La connaissance ou reconnaissance de cette identité ne mène pas vraiment à la libération, elle est elle-même libération et fin du cycle des réincarnations (réincarnation dans l’autre monde des dieu-ou-démons, réincarnation sur terre en bacuceos, etc.). Le salut commence donc par la reconnaissance du fait que l’âme est incarnée ou prisonnière dans la matière, associée à un esprit, et se poursuit par la pratique des voies qui vont forcer l’épanouissement de cette anamone.
La concrétisation de toute vie spirituelle digne de ce nom est de suivre une ou plusieurs de ces voies, capables de permettre à l’anamone ou âme individuelle de se fondre dans le Pariollon (le Grand Tout) en se débarrassant de son esprit.
Du point de vue de l’éthique, de la morale, ou de la déontologie ; cette identité implique que toutes les « anamones » individuelles, par-delà les frontières et les races, les religions et les croyances, si différentes soient-elles, sont toutes les reflets de la même âme universelle (awentia ou awenyddia) ;
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faisant ainsi de tous les êtres présents et à venir, des frères au sens le plus fraternel du terme. Ainsi que l’a très bien noté Léon Denis, cette communion des vivants et des morts sert de base à la morale sociale la plus évoluée qui soit, et qui est le contraire même de la loi juive (du talion ou de la différence entre peuple élu et goïm).
« Socrate : Nous ne devons jamais faire de mal ?
Criton : Certes non.
Socrate : Alors nous ne devons pas exercer de représailles ni rendre le mal pour le mal à quelqu’un, quelque mal que nous ayons pu souffrir de lui ».
Ces paroles de Platon prennent un relief particulier, puisqu’elles mettent en évidence l’unité primordiale, en éliminant toute distinction entre les autres et le « moi ». Réellement et intrinsèquement, nous sommes tous frères, et cela sans figure de style. Celui qui voit en chaque être l’étincelle spirituelle, une larme de feu divin, une âme, une anamone, qui participe de l’essence de la divinité ; connaît la vraie nature des choses. Illusions et angoisses n’ont plus de prise sur lui. « Heureux sont les peuples qui regardent la Grande Ourse à cause de cette erreur ; car ils ignorent cette peur suprême qui effraie tous les autres » (Lucain).
Et puisque l’englobant universel du Pariollon est en même temps libération, nous savons par expérience que nous sommes éternels (Spinoza. L’Éthique). Même si la plupart des hommes n’en sont pas conscients. Il suffit d’adopter une autre attitude spirituelle (d’ouvrir son troisième œil afin de trouver l’épanouissement). Celui qui a compris que sa propre anamone chétive et limitée s’identifie aussi, en réalité, à l’immanent absolu de l’awentia ou awenyddia, celui-là, les aléas de l’existence ne l’atteignent plus. En tant que semnothée ou anatiomaros qui a triomphé du monde, il s’avance dans la liberté ainsi que dans la sérénité, intérieures, et ce, dès à présent.
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EN RÉSUMÉ.
L’Homme est évidemment porté à attribuer une âme/esprit à ce qui change et qui évolue avec une certaine autonomie, et par extension, à tout élément naturel, par exemple une montagne.
Ils appelleront donc anamone le petit « quelque chose » qui ne meure point avec le corps ; et qui constitue en quelque sorte le véritable individu, son essence, sa partie la plus importante, la seule digne de l’attention des religions depuis des dizaines de millénaires (au moins depuis l’Homme de Néandertal) ; et qui relève plus ou moins de quelque chose qui n’est pas la matière (une étincelle divine ?? Une larme de feu divin ??)
L’âme est à la Source de l’esprit, de son inspiration la plus haute et de son intelligence la plus élevée. L’âme est le principe vital de toute entité douée de vie, pour autant que ce principe puisse être distingué de la vie elle-même, de même que son principe spirituel central… Contrairement à ce que pensent les bouddhistes l’âme n’est pas le défilé continuel des pensées de l’esprit, ni même l’esprit qui pense les pensées. Pourtant, sans l’esprit, l’âme ne saurait se penser dans le temps, ou se chercher en se frayant un chemin dans la forêt touffue de l’ignorance.
Les âmes ne sont pas préexistantes, ce qui préexiste c’est une sorte d’électricité psychique partout présente dans l’Univers. L’animation d’un nouvel être humain, animal ou végétal, a lieu par attribution d’une certaine portion de cette substance (à laquelle renvoie en définitive le symbole des perles d’ambre). L’âme des animaux ne survit pas individuellement, mais retourne après la mort à une sorte d’état indistinct constituant le réservoir à psyché de cette espèce. Il n’en va pas de même pour l’Homme. À quelques exceptions près, les âmes humaines, elles, retournent aussi après la mort se fondre dans cette électricité psychique universelle, mais plus personnalisées qu’avant. Ces âmes sont en effet toujours le fruit d’une rencontre, d’une biographie ou d’une histoire, commençant avec leur venue au monde, voire même avant dans certains cas (exceptionnels) *.
Un des principes fondamentaux qui animait la pensée des druides était en effet celui de la personnalisation des âmes. L’âme vient au monde pour avoir des expériences, pour croître, pour évoluer jusqu’à ce qu’elle puisse ramener le Divin dans la matière, ou le contraire.
Seule la partie supérieure de l’âme sait à quel moment elle sera prête à laisser tomber les instincts animaux qui programment les défenses de sa partie terrestre (le corps). L’anamone humaine est divisée en deux. La partie inférieure s’occupe de gérer l’aspect rationnel et animal de l’être, sous forme de pensée réfléchie. On l’appelle esprit ou conscience (menman). Cet ego ne peut fonctionner seul. Soit il est supporté par l’instinct animal pour défendre sa survie, soit il est soutenu par la partie supérieure de son âme, et alors l’être entre dans sa pleine valeur créatrice. Il ne souffre plus de la misère humaine, mais il bénéficie toujours de sa sensibilité.
La partie supérieure de l’anamone relie l’être à l’âme universelle, et octroie donc à l’individu la capacité de générer des pensées créatrices. Elle nous donne l’intuition de nos origines cosmiques.
L’âme à laquelle croient les druides, et qui se révèle dans les débats antiques sur les origines de la philosophie ; a donc la particularité première d’être une âme individuelle qui se nourrit de l’expérience de la vie, et dont le destin dépend des vertus de l’individu. Donc une âme/esprit.
D’où toutes les nuances du symbole du Paradis celtique.
Les âmes y jouissent d’un état quasi éternel de joie et d’ivresse célestes, avant leur fusion dans la fin du monde. Mais de façon personnalisée (l’âme de X reste toujours bien distincte de celle d’Y, elle-même différente de celle de Z, et ainsi de suite). Les peuples européens ont toujours tenu à leur ego ou esprit et ce n’est pas la moindre des spéculations qui les séparent de façon inconciliable des peuples orientaux. Le druidisme en tant que système religieux et métaphysique assurait donc à tous une vie post mortem, dans un autre corps idéal (grâce à une sorte de xvarnah) où l’âme/esprit était maintenue.
L’âme ou anamone est plus qu’un « souffle » qui maintient en vie ** et entretient la cohésion des différents principes de l’homme, c’est-à-dire, sa pensée, ses désirs ou son corps. Mais l’âme individuelle n’est qu’une étincelle divine échappée du grand brasier. L’âme individuelle (anamone) et l’âme cosmique (awentia ou awenyddia) ne sont en fait qu’une seule et même Réalité. La différence, si différence il y a, ne peut être que de degré et non de nature.
L’âme humaine est une parcelle de cette âme engendrée par le Destin ou verbe de Dieu (labarum) ou le Démiurge. Autant dire que chaque âme est une parcelle de Dieu, que Dieu est donc présent dans chacun de nous (panenthéisme). Mais ce processus involutif ou descente des larmes divines dans la matière (« face obscure » de l’être divin primordial) engendre l’individualisation et l’illusion de la pluralité. L’âme universelle se démultiplie dans les âmes individuelles (celles des hommes, des
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animaux et des plantes). Et par définition (c’est même un truisme), le multiple naît de la chute dans l’individualité.
Dans cette perspective, l’âme demeure cependant toujours distincte de Dieu et ne l’égale jamais, car si elle en possède les attributs, c’est en infime quantité seulement. Elle constitue l’énergie marginale de Dieu, car elle peut pencher soit vers l’énergie matérielle, soit vers l’énergie spirituelle.
Dans l’hindouisme l’âme est appelée atma, jivatma, anu-atma, ou vijnanam brahman. L’âme y est définie comme une infime parcelle d’énergie, partie intégrante de Dieu ou du Démiurge.
Dans la Bible hébraïque, âme est la traduction du mot hébreu nephesh. L’équivalent grec dans la Septante et le Nouveau Testament est psyché. Le mot nephesh peut être traduit de plusieurs autres façons. Il représente la vie associée à toute chair, assimilé parfois au sang, dont Dieu interdit la consommation à Noé. Dans la Bible, dans le Deutéronome 12, 23, l’âme est le sang, d’où l’interdiction, toujours respectée par certains courants religieux, notamment les juifs et les musulmans, de manger un animal avec son sang (voir aussi actes XV, 28-29).
Le concile de Nicée distingua entre âme masculine et âme féminine. L’âme féminine n’était pas de nature aussi divine que l’âme masculine. Le même concile fixa le moment de l’entrée de l’âme masculine dans le fœtus au 40e jour de gestation, mais au 80e seulement s’il s’agissait d’une fille. De plus, cette âme féminine était souillée chaque mois par la menstruation, au point que le concile, pour maintenir la pureté des lieux consacrés, crut indispensable d’interdire l’entrée des églises aux femmes pendant leurs règles.
Le 11e canon du concile de Constantinople, en 869, déclara en outre anathème quiconque soutenait qu’il y a deux âmes dans l’Homme, c’est-à-dire une âme et un esprit. On est donc passé d’une vision équilibrée de l’Homme (l’esprit équilibre et harmonise le conflit entre le corps et l’âme) à une vision dualiste (le corps s’oppose à l’âme). Le catéchisme romain de 1992 précise d’ailleurs toujours : « L’homme est composé d’un corps et d’une âme ».
* Les bacucei. 4 ou 5 cas vraiment troublants par siècle.
** En vieux celtique le souffle qui maintient en vie est appelé anatla.
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ÉLÉMENTS D’ESCHATOLOGIE.
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ESCHATOLOGIE INDIVIDUELLE.
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ET SI FINALEMENT JUIFS ET TEMOINS DE JEHOVAH AVAIENT RAISON ?
(l’âme n’est ni éternelle ni immortelle).
Une des gloses en latin apportées au vers 457 du texte de Lucain précise en effet que la vie après la mort serait quasi semper (et non semper).
D’arbois de Jubainville a donc raison de souligner que les premiers auteurs grecs se sont mépris sur la conception druidique de la quasi-immortalité de l’âme.
Sur la croyance celtique à l’immortalité de l’âme, les textes antiques sont formels. Le premier savant grec qui ait étudié les mœurs des Celtes a cru, sur ce point, reconnaître chez eux une doctrine grecque, la métempsychose de Pythagore ; suivant Pythagore, les âmes, après la mort, sont jugées, et, quand elles sont reconnues indignes de retourner au ciel, elles doivent s’incarner de nouveau en ce monde, soit dans le corps d’un homme, soit dans celui d’un animal, suivant leur état moral ou leur degré de perfection. Pythagore, dit-on, prétendait se rappeler avoir vécu quatre vies en ce monde, et sur ces quatre vies il y en avait trois dans lesquelles il avait été un personnage historique. Il aurait vécu pour la cinquième fois, quand, au sixième siècle avant notre ère, il fonda la philosophie dite de son nom, pythagoricienne.
Poseidonios, qui visita la Celtique vers l’an 100 avant notre ère, s’imagina donc y retrouver la doctrine de Pythagore. Alexandre Polyhistor, contemporain de Sylla qui est mort en l’an 78 avant notre ère, avait, sans doute, le livre de Posidonios sous les yeux en mettant les Galates au rang des disciples de Pythagore.
Diodore de Sicile, dans sa Bibliothèque écrite en grec, vers l’an 40 avant notre ère, répète aussi, d’après Posidonios, cette hypothèse flatteuse pour l’amour propre des Grecs : « Les Celtes, » dit-il, « n’accordent aucune importance à la fin de la vie, car chez eux est admis l’enseignement de Pythagore, que les âmes sont immortelles, et qu’après un nombre d’années déterminé elles revivent en entrant dans un corps nouveau ».
Nous avons probablement là une reproduction abrégée d’un passage du livre de Posidonios.
César, quelques années auparavant, avait donné, du texte de Posidonios, une adaptation latine, qui attribuait aux druides l’honneur d’avoir introduit chez les Celtes la croyance à l’immortalité de l’âme.
« Les druides, » raconte-t-il, « cherchent surtout à persuader que les âmes ne périssent pas, et qu’après la mort elles passent des uns aux autres ; ils pensent que ce dogme est un puissant stimulant de la bravoure, parce qu’il empêche de craindre la mort ».
Timagène, qui écrivait à Rome, sous Auguste, un peu avant Tite-Live, rattache aussi à Pythagore la doctrine druidique de la quasi-immortalité de l’âme. La même erreur se trouve, sous Tibère, chez Valère Maxime.
Mais l’enseignement des druides différait en réalité très sensiblement de celui de Pythagore ; ce n’était pas dans ce monde ci, c’était dans un autre monde que les âmes des morts trouvaient, selon eux, un corps nouveau et une seconde vie. On l’a compris, à Rome, vers le milieu du premier siècle de notre ère. Sous Claude, vers l’an 44, Pomponius Méla écrivit dans sa Chorographie : « Un des dogmes que les druides professent, » dit-il, « s’est répandu chez le vulgaire ; son but est de rendre les guerriers plus braves : les âmes, prétendent-ils, sont éternelles, et il y a, chez les mânes, une seconde vie ».
« Chez les mânes » est encore une expression peu claire. Quelques années plus tard, sous Néron, Lucain, mort en l’an 65, parle plus catégoriquement. Dans la Pharsale, en terminant le tableau de la Celtique vaincue, il s’adresse aux druides : « Selon vous, » s’écrie-t-il, « les ombres ne vont pas habiter les demeures silencieuses d’Érèbe et le royaume profond du pâle Dis, la même âme régit un corps nouveau dans un autre monde. Si vous savez ce que vous chantez dans vos vers, la mort est le milieu d’une longue vie ».
Dans un autre monde, orbe alio, le mort revit. Cette seconde vie n’est pas exactement celle que la théologie hésiodique attribue aux héros de l’épopée grecque. Rien de pareil chez les Celtes. La vie future est semblable à celle-ci. Il n’existe pas plus dans l’une que dans l’autre un pouvoir suprême punissant le méchant et récompensant l’homme vertueux. Le mort retrouve dans l’autre monde un double de son corps et des objets qui lui étaient familiers.
Voilà pourquoi ses parents l’enterrent avec ses armes, avec son char de guerre tout attelé, avec les clients qui doivent le seconder dans les combats de l’autre vie, comme ils l’ont fait dans celle-ci. Quelquefois les parents du mort prévoyaient que, dans les combats de l’autre vie, le concours des clients enterrés avec lui ne suffirait pas pour lui assurer la victoire, alors les plus dévoués se faisaient tuer au bord de la fosse, et on les réunissait à lui dans la même tombe pour lui assurer l’appui de leurs
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armes dans les batailles que se livrent les morts en leur mystérieux séjour, là où le soleil se couche au-delà de l’Océan.
Une étude attentive des diverses légendes irlandaises sur l’au-delà nous montre néanmoins que d’Arbois de Jubainville s’est grossièrement trompé sur sa nature un peu trop semblable à celle de notre monde selon lui.
Le corps du défunt est certes celui qu’il avait dans ce monde ci, mais en quelque sorte régénéré, transfiguré (bellissamos bellissama), par la luan laith ou lumière du héros (xvarnah en avestique), glorieux diraient les chrétiens (les juifs n’allant pas jusque-là et se montrant beaucoup moins prolixes que les Celtes sur le sort de l’âme après la mort).
Certaines légendes irlandaises font allusion à un éventuel jugement dernier. Le terme gaélique employé signifie simplement jugement (bratha), mais il y a gros à parier qu’il s’agit bien de la notion typiquement judéo-islamo-chrétienne de jour du Jugement dernier. Ainsi que nous l’avons vu, les très-sachant des Celtes connaissaient la notion de fin du monde (ou plus exactement d’un cycle, cosmique), mais ils n’imaginaient nullement un jugement final post mortem manichéen répartissant in fine les âmes ou esprits des défunts en deux camps, les heureux élus destinés à connaître une existence paradisiaque pour toujours, et les réprouvés destinés à subir les tourments de l’enfer pour l’éternité. Pour les Celtes antiques en effet tout le monde allait au Paradis. Même les Hitler ou les Staline ? Pour les Hitler ou les Staline les très sachant de la druidiaction antique avaient pensé à une solution intermédiaire : la réincarnation SUR TERRE après passage dans une sorte d’antichambre du Paradis (ou d’antichambre de l’Enfer dans l’optique islamo-chrétienne). Antichambre du Paradis ou de l’Enfer portant un nom différent selon les pays et le degré de christianisation : Andumno= Annwvyn ou Annwfn, parfois Annwn, le royaume ou la maison de Donn le sombre (Tech Duinn), etc.
Et maintenant pourquoi donc me direz-vous, tant de noms ou d’images différents pour désigner un même état d’être de l’âme/esprit de certains défunts, entre leur mort et leur réincarnation, SUR TERRE ? Parce que ce qui comptait le plus pour les très sachant de la druidiaction antiques ; c’était moins de savoir précisément où les âmes/esprits allaient après la mort pour y vivre « définitivement » (disons jusqu’à la fin de ce cycle cosmique) ; car pour eux il devait s’agir du même endroit pour tout le monde (en fait un état de l’être) ; que d’avoir une petite idée de l’endroit où elles allaient précisément donc, et de façon par définition localisée, réapparaître sur Terre (c’est nous avec notre mentalité moderne qui prenons le problème à l’envers). En clair pour les âmes/esprits des défunts il y a un seul point de concentration après la mort, mais plusieurs voire une infinité de points de dispersion en cas (rarissimes) de retour sur Terre.
Le langage de l’ancien druidisme est donc parfois imagé, comme nous pouvons le constater, poétique même !
Le néo-druidisme, lui, affirme simplement que ceux qui auront vécu en ce monde en évitant d’accumuler trop de bran ; c’est-à-dire qui auront vécu en évitant de multiplier erreurs et fautes, et surtout fautes impardonnables ou crimes à l’horreur exceptionnelle ; auront en héritage la terre pure qui les attend depuis la naissance du monde. Afin qu’ils puissent s’y entraîner à la fusion au cœur de la fantastique centrale « thermo-nucléaire » spirituelle qui clôturera ce cycle.
La doctrine druidique du Vindomagos apporte la seule réponse possible aux doutes et aux interrogations que nous pouvons avoir. Les hommes et les femmes qui n’ont pas pu réussir à parvenir à l’état d’awenydd ; mais qui ont quand même au moins réussi à ne pas trop accumuler de bran (de mauvaises actions) ; renaissent après leur mort en un autre monde de paix indicible et de lumière. Appelé Vindomagos, mais aussi Abelliomagos, Aballacon (Avallon ou Tir na Ablach), Plaine du plaisir (Mag Meld), Terre de Jouvence (Tir na n’Og), etc. Où ils peuvent se préparer en toute quiétude à pouvoir un jour, eux aussi, devenir awenydd à leur tour *.
Le Vindomagos, quel que soit son nom, qui varie suivant les nations et les traditions (il est appelé par exemple Terre Pure ou Sukhavati en Extrême-Orient), est un monde de bonheur et de paix, sans souffrance ni passion. Où les bienheureux Meldi (les croyants admis en ce « lieu ») peuvent mûrir sans entrave, libérés du fardeau générateur d’ategeneto : le bran. Avant de parvenir, eux aussi, à l’illumination supérieure et de pouvoir fusionner avec le Grand Tout du Pariollon.
Le stade intermédiaire que constitue ce monde du Vindomagos ; appelé aussi Abelliomagos, Aballacon, Avallon ou Tir na Ablach, Terre des Vivants, Terre des femmes, et autres ; permet aux combennones qui se sont avérés incapables, à cause de leur faiblesse humaine (de type maladie des Ulates), de suivre la voie des druides ou des kingetes (la voie royale des combattants de soi-même) d’arriver, eux aussi, à ce que leur âme s’épanouisse enfin.
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La relation avec la divinité ne peut être vraiment anéantie pour les combennones qui ont été de bons briugu. C’est-à-dire qui ont été jusqu’à faire beaucoup d’efforts pour suivre la voie des dieux (la reda), en allant parfois jusqu’à sacrifier leur vie pour cela.
La doctrine druidique du passage préalable dans une antichambre du paradis celtique, pour y connaître quelque temps le sort d’une âme en peine (seibaros), ne fait que constater la réalité, dans certains cas, d’une inaptitude momentanée au bonheur de la vie dans un autre monde meilleur ; après la mort, par réincarnation de l’âme dans le Vindomagos ou Mag Meld. Ce bref séjour dans l’antichambre du paradis, selon les druides, permet ainsi au défunt de mieux se préparer à l’étape suivante du voyage de son âme à lui : la Plaine du plaisir (Mag Meld), la Terre de Jouvence (Tir na n’Og), ou autre, car peu importe le nom pourvu que l’on en ait son ivresse.
La doctrine druidique de la réincarnation ne fait que constater la réalité dans certains cas (rarissimes) d’une nouvelle vie sur terre ; après la mort, par réincarnation de l’âme dans d’autres corps, s’il y a eu accumulation de beaucoup beaucoup trop de bran avant, par le défunt. Cette réincarnation permet ainsi au défunt de se purifier, en n’accumulant plus de nouvelle cause d’ategeneto.
La réincarnation dans un autre corps, mais dans l’autre monde ; n’exclut nullement la possibilité d’une résurrection des corps, d’une résurrection de la chair, de ceux qui seront encore en vie sur terre lorsque arrivera sur terre le temps de la grande régénération de l’univers que l’on appelle erdathe ou airtach dans les textes irlandais. L’exemple rassurant de Setanta, si mythifié soit-il, est à méditer à ce sujet. Ayant, sous des incarnations antérieures, affronté lui-même le cycle infernal des ategenetones, le hesus Setanta Cuchulainn en est sorti vainqueur par sa montée au ciel. Ainsi attestée selon la Tradition : « L’âme du Hésus Cuchulainn apparut alors aux trois fois cinquante reines qui l’avaient bien aimé, elles le virent sur son char devenu glorieux (siaburcharpat) au-dessus d’Emain Macha, et elles l’entendirent chanter quoique mort :
Emain ! O Emain !
Puissant royaume ! ».
* Voici comment Noibo Adamnan à la suite de Plutarque décrit le Vindomagos qui attend les hommes et les femmes plutôt de type première fonction voire même plus précisément de type « contemplatif », et non de type guerrier se complaisant dans la bagarre.
Un royaume sans orgueil, sans mépris, sans mensonge, sans blasphème, sans fraude, sans prétexte, sans honte, sans gêne, sans déshonneur, sans tromperie, sans envieux, sans arrogance, sans épidémie, sans maladie, sans pauvreté, sans dénuement, sans destruction, sans décès, sans salut, sans neige, sans vent, sans humidité, sans bruit, sans tonnerre, sans obscurité, sans froideur. Un noble Royaume, admirable, merveilleux, où règnent le savoir, la lumière, et les parfums d’une Terre abondante, un royaume où règnent les plaisirs de toute bonté (Fin de la Fis Adomnain).
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RAPPEL SUR LE SIDE OU AUTRE MONDE DES DIEUX ET DES MORTS
SELON LES ANCIENS DRUIDES.
Ils passèrent par la plaine des courses (Mag Luada), par l’arbre sacré aux trophées ??? (Bilé Buada) par l’endroit où se tenait la foire d’Emain, par l’endroit où se tient la foire dans les bois (Fidga)…
Le lai que nous venons d’essayer de traduire est assez obscur. Il l’était peut-être déjà pour ceux qui l’ont recopié. L’histoire semble d’ailleurs bégayer par moment. Mais voici les commentaires que l’on peut en faire.
Saint Brendan s’est grossièrement mépris en cherchant ces autres mondes de type paradisiaque physiquement ou matériellement quelque part à l’ouest de l’Irlande. Il va de soi qu’on ne saurait les localiser aussi étroitement. Les lieux mentionnés dans ce poème, Mag Luada, Bilé Buada, Fidga, semblent tous proches d’Emain la capitale historique des Ulates, mais l’autre monde des dieux ou des âmes/esprits des défunts en fait est partout, sous une feuille morte, derrière une porte qui claque ou dans l’obscurité d’une nuit sans lune dans la forêt. Nous baignons littéralement dedans. Tout au plus y a-t-il des périodes ou des lieux privilégiés pour entrer en contact avec lui, mais ces contacts peuvent avoir également lieu partout et en tout temps.
Un Sid n’est en fait qu’une des entrées ou sorties de l’autre monde des bouddhas, guerriers ou pas, du genre féminin ou du genre masculin, et des bodhisattvas, du celto-druidisme antique.
N.B. Bouddhas = dieux du druidisme comme Cornunnos, etc. Bodhisattvas = âmes/esprits des défunts.
Il y en a plusieurs dizaines de très connus en Irlande, mais il va de soi qu’il en existe aussi beaucoup d’autres, des milliers même, à la surface de la planète (voir Delphes, mais aussi les contes et légendes des ancêtres chez les Amérindiens, les mythes chinois ou japonais, sud – américains, dogons, et ainsi de suite ; nous ne sommes pas racistes et nous ne limitons pas les révélations, nous autres, aux seuls peuples hébreu ou arabe ; car il est faux de dire que Dieu s’est révélé aux hommes en Palestine ou en Arabie ; et il est plus juste de dire que les conceptions du Divin que se faisaient les juifs ou les Arabes de La Mecque voire d’ailleurs en Arabie, se sont imposées au Monde à la suite d’accidents de l’Histoire sur lesquels nous reviendrons : le choix politique de l’empereur romain Constantin, la politique de conquête par les armes menée par un dénommé Amine (Mahomet)… Car c’est le paganisme qui est vraiment par définition universel puisque c’est tout ce qui n’est ni juif ni chrétien ni musulman et ce de l’aveu même des principaux intéressés,: ce sont les juifs qui ont les premiers fait la distinction entre eux et les goïm ou les nations, ce sont les chrétiens qui ont appelé « pagani » pour les ridiculiser les gens de la campagne ne partageant pas leur haine de tout ce qui était (leur attente de la fin du monde, du retour imminent du Christ pour punir ceux qui ne suivaient pas ses préceptes et ainsi de suite…). Seuls les musulmans ont eu la bonne idée de s’interroger à propos des sabéens voire des mazdéens ou parsis, mais cela ne va pas loin et s’il n’y avait pas un verset du Coran pour en dire du bien, ils seraient eux aussi sans aucun doute voués à la Géhenne.
« Les croyants [les vrais musulmans] ceux qui suivent les [écrits] juifs, les sabéens *, les chrétiens et les mages **, et les païens, Dieu distinguera entre eux le jour du Jugement dernier, car Dieu sait tout » (Saint Coran, chapitre 22, verset 17). « Accordez aux Mages le même traitement que celui qui est réservé aux Gens du Livre » (hadith).
* Sabéens. Courant religieux difficile à identifier.
** Les mages. Il s’agit là sans aucun doute de la religion mazdéenne ou zoroastrienne, donc par exemple nos frères parsis, qui ont bien de la chance d’être tolérés en terre d’islam à condition de se faire tout petits.
La preuve que nous ne sommes pas systématiquement critiques ou négatifs envers l’islam c’est que nous reconnaissons bien volontiers ici que pour ce qui est des femmes le paradis ou autre monde paradisiaque selon les anciens druides ressemble beaucoup à celui de l’islam c’est-à-dire qu’il est très sexiste, très machiste (aïe !) Précisons néanmoins tout de suite que selon certaines interprétations plus récentes du Coran (cf. Christophe Luxenberg) houri ne serait pas un mot désignant des vierges aux grands yeux, mais du raisin blanc (syriaque hur). Ce qui change tout évidemment !
Christophe Luxenberg affirme également que le passage du chapitre 33, verset 40 du saint Coran : Khatam al-Nabiyyin, que l’on traduit habituellement par « sceau des prophètes » signifie en réalité seulement « témoin des prophètes ».
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Il ressort de ce texte que cet autre monde des morts et des dieux n’est pas uniforme, mais qu’il est au contraire multiple. Nous avons déjà évoqué le fait qu’il était composé de plusieurs cercles, certains plutôt réservés aux âmes/esprits des défunts (les bodhisattvas en Extrême-Orient), d’autres aux dieux du druidisme les bouddhas en Extrême-Orient). Il convient à ce sujet de noter qu’apparemment l’autre monde des dieux n’est pas gouverné par un seul d’entre eux, mais par plusieurs. Il y a plusieurs dieux souverains dans l’autre monde dans nos légendes tout comme il y a plusieurs bouddhas et terres de bouddhas (bouddhakshetras) d’après les soutras.
La vie politique des Celtes antiques nous a d’ailleurs habitués à ce genre de situation : règnes conjoints, règnes alternés à tour de rôle, partage du territoire, le cas extrême étant la Galatie, gouvernée par douze tétrarques. Et bien pour ce qui est de l’autre monde du Sid ou plus exactement des Sids, il devait en aller de même, ce texte nous mentionne par exemple au moins 7 de ses souverains. Aed Abrat, Labraid, ses trois rivaux, Failbé Find, Belin/Belin/Barinthus le mannois, fils de Ler (Manannan en gaélique), etc.
En fait chaque dieu ou du moins chacun des douze grands tétrarques divins doit donc avoir son domaine ou Sid de prédilection. L’autre monde druidique n’est en fait qu’une république fédérant des « États » divers : la république des Sid. Un peu comme dans le bouddhisme d’ailleurs où il peut y avoir divers bouddhakshetras, chaque bouddha ayant le sien.
Deux mots à propos d’un concept très proche de la conception druidique de l’autre monde celte pour commencer, celui de terre de bouddha.
Pour en revenir aux bouddhakshetras proprement dits, notons que Terre Pure est le nom qui désigne l’univers occidental de la Béatitude (sanscrit Soukhâvatî « la Terre Bienheureuse »). Le bouddhisme de la Terre pure est essentiellement basé sur la foi, la dévotion et la pratique de la récitation du nom du bouddha Amitâbha, avec pour objectif d’accéder après cette vie à la terre du bouddha (bouddhakshetra) d’Amitabha, où la lumière, la longévité et le bonheur sont tous infinis. L’École de la Terre pure, improprement dite Amidisme, est un courant très important du bouddhisme mahâyâna.
Le bouddhisme indien traditionnel voit l’espace comme étant infini, et il voit cet espace infini occupé par des mondes, des systèmes de mondes infinis, chaque système ayant quatre continents entourés par un cercle de montagnes de fer (ne prenez pas cela trop littéralement, on peut dire que ce sont des images poétiques). Chaque système de mondes comporte aussi trois plans : un plan du désir sensuel, un plan de la forme pure, et un plan du sans forme. Ainsi chaque système de mondes est multidimensionnel. Un millier de ces systèmes de mondes constituent un petit univers. Un millier de petits univers constituent un univers moyen et un millier d’univers moyens constituent un grand univers. Une terre de bouddha correspond à un grand univers ou à un de ses multiples, c’est-à-dire que cela correspond à un grand univers, mai que cela peut aussi être plus grand. Et elle est appelée « terre de bouddha » parce qu’elle représente la sphère d’influence spirituelle d’un bouddha particulier ; ce bouddha-là est responsable du développement spirituel de tous les êtres vivants de tous les systèmes de mondes contenus dans ce – ou ces – grand (s) univers. Le bouddhisme tout comme l’ancien druidisme postule donc qu’il existe non seulement une infinité de mondes, mais aussi une infinité de bouddhas ou tout au moins une pluralité considérable de bouddhas (de dieux, dans le druidisme antique).
La tradition Mahayana fait une distinction entre la sphère de connaissance d’un bouddha et sa sphère d’influence. La sphère de connaissance d’un bouddha coïncide avec toute l’existence conditionnée, mais sa sphère d’influence est limitée, pour parler ainsi, à un grand univers ou plus. En ce qui concerne son éveil suprême cependant, un bouddha ne diffère pas d’un autre bouddha. En un certain sens donc, toutes les terres de bouddha forment une seule et même terre de bouddha.
Au passage, notons que le mot pour terre de bouddha en sanscrit est « bouddha-kshetra » ; « kshetra » signifie champ, et un champ bien sûr est quelque chose qui est cultivé, quelque chose dans lequel on plante des graines. Et l’utilisation du mot « kshetra » – ou champ – dans ce contexte, suggère que les êtres sensibles, les habitants du « bouddha-ksetra », sont comme des plantes, et le bouddha, pour ainsi dire, le grand jardinier cosmique. En fait les textes mahayanas décrivent souvent les bouddhas et bodhisattvas comme « amenant à la maturité » ou « faisant mûrir » les êtres – en d’autres termes, les conduisant graduellement, pas à pas, à la perfection spirituelle.
Nous sommes là aux antipodes de la conception « Walhalla » de l’autre monde. Dans la mythologie nordique, la Valhöll (ou Walhalla), est le lieu où les guerriers valeureux sont amenés. C’est le paradis viking au sein même du royaume des Dieux, « la forteresse d’Ásgard » où règne Odin. C’est sur les
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champs de bataille que des vierges guerrières ou des Walkyries (pour les Germains), cherchent et conduisent les hommes les plus braves et les plus valeureux afin de les ramener dans Ásgard, où Odin les attend afin de les préparer à la bataille finale, le Ragnarök.
Dans le Valhöll (le Palais d’Odin qui a 640 portes, des poutres faites de lances et des tuiles faites de boucliers), les guerriers alors nommés Einherjar sont heureux : le jour, ils combattent, se tuent, renaissent pour encore se pourfendre. Puis, la nuit, ils boivent le lait (hydromel) provenant de la chèvre appelée Heidrun, mangent la viande du sanglier nommé Sæhrímnir et s’amusent. Ils sont servis par les Walkyries et la plus jeune des Nornes. Sont présents aussi Odin, qui ne fait que boire, donnant sa nourriture à ses loups, et Loki. Tous attendent le jour où sortant des six cent quarante portes de la Valhöll en rangs de huit cents, ils combattront dans une dernière guerre contre Loki, le loup Fenrir, et de nombreux autres ennemis, lors du Ragnarök.
N.B 1. Contrairement aux idées reçues, la mythologie nordique est loin d’être la plus ancienne ou la plus exempte d’influences chrétiennes, des mythologies européennes. Elle a été là aussi, comme en Irlande, couchée par écrit par des clercs ou des lettrés chrétiens (à l’exception de Tacite évidemment). Snorri Sturluson (1179-1241) était bien entendu chrétien et même plus précisément catholique, et l’Edda poétique date du XIIIe siècle, donc comme en Irlande ce recueil a forcément été compilé par un lettré chrétien (vu les dates).
Quant à Saxo Grammaticus, dans sa Gesta Danorum, il fait de l’interpretatio christiana, graeca ou latina de bons vieux mythes que généralement il ne comprend plus. Le Ragnarök ressemble à l’Apocalypse chrétienne, les Walkyries aux anges, Odin à Mercure, Balder à Baal, le loup Fenrir à Cerbère, et ainsi de suite.
N.B. 2. En fait la conception druidique de l’autre monde celte semble avoir été entre les deux ou semble avoir participé des deux, car certains textes de Plutarque évoquent une conception de l’autre monde nettement moins portée sur l’action et beaucoup plus la réflexion. Donc très bouddhistes d’esprit. Du bouddhisme avant la lettre sous nos latitudes, en quelque sorte.
La théologie d’Extrême-Orient distingue terre de bouddha pure et terre de bouddha impure. La terre de bouddha impure est celle où l’on trouve tous les six royaumes de l’existence sensible. C’est-à-dire le royaume des dieux, le royaume des hommes, le royaume des asuras ou anti-dieux (des vouivres anguipèdes gigantesques dirait-on à Paris, des Fomores dirait-on en Irlande), le royaume des fantômes affamés ? le royaume des êtres tourmentés ? le royaume des animaux. Dans les terres de bouddha impures, il est difficile d’obtenir vêtements et nourriture. Il est difficile d’y comprendre son dharma (son destin ?), difficile d’y rencontrer les bouddhas. En bref la terre de bouddha impure est une terre où les conditions, dans l’ensemble, ne sont pas favorables au développement spirituel, dans laquelle il est difficile aux êtres d’évoluer, il leur est difficile de suivre la voie vers l’éveil.
Une terre de bouddha pure comme celle d’Amida (en japonais) ou d’Amitabha (en sanscrit) est, bien sûr complètement à l’opposé ; mis à part les bouddhas et bodhisattvas, elle ne contient que des dieux et des hommes, nourritures et vêtements apparaissent spontanément, sans que qui que ce soit doive travailler pour les produire. Il est très facile d’y comprendre son dharma, très facile d’y rencontrer des bouddhas et bodhisattvas, bref la terre de bouddha pure est celle où les conditions sont grandement favorables au développement spirituel, où il est facile pour les êtres d’évoluer, facile de suivre la voie vers l’éveil.
Ainsi que nous l’avons vu, l’exemple le plus connu d’une terre de bouddha pure est bien sûr, Soukhavati – la « terre heureuse » ou la « terre de la félicité », qu’est la terre du bouddha nommé Amitabha, le bouddha de la lumière infinie, située nous dit-on, vers l’ouest. On nous dit que tout y est très beau, on en trouve de longues descriptions dans certains textes, certains soutras. Sans entrer dans les détails, Soukhavati, la terre heureuse, la terre de la félicité (une sorte de Mag Mell ?) du bouddha Amitabha est décrite comme regorgeant de joyaux étincelants, de lumière, de fleurs, de musique et de parfum. On peut trouver plus de détails dans les trois soutras de la « terre pure. » Le bouddha Amitabha, de couleur dorée, flanqué de ses deux principaux bodhisattvas, est assis sur un magnifique trône au milieu de Soukhavati. Les êtres naissent à Soukhavati – ainsi que dans les autres terres pures – par apparition, c’est-à-dire pas comme le résultat d’une union sexuelle. Étant apparus, ils voient le bouddha Amitabha et ses bodhisattvas, Avalokitesvara et Mahasthamaprapta *, devant
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eux, et ils n’ont rien d’autre à faire que d’écouter les enseignements d’Amitabha, rien d’autre à faire que de croître, rien d’autre à faire que de se développer.
* Avalokitesvara et Mahasthamaprapta sont donc dans ce cas, si l’on veut continuer le parallèle, les équivalents des hommes dotés d’une âme/esprit exceptionnelle de notre premier texte, ou les esprits et démons du dieu celto-druidique dont parle Plutarque dans le second. Mais laissons là tous ces coupages de cheveux en quatre, car en ce qui nous concerne il s’agirait plutôt de bouddhas de type guerrier comme le moine Bodidharma inventeur des arts martiaux, mais enfin il existait aussi des bouddhakshetras correspondants aux individus de type ou de caractère plus « druidique » si l’on en croit Plutarque.
Œuvres morales.
Tome V. 29… sur l’échec la fin ou l’obsolescence des oracles.
« … Démétrius dit que parmi les îles situées à côté de la [Grande] Bretagne, beaucoup sont isolées, à peine habitées voire désertes. Certaines portent le nom d’une divinité ou d’un grand héros. Lui-même, sur ordre de l’empereur, a fait là-bas un voyage à des fins d’enquête et d’observation, afin de se rendre dans la plus proche de ces îles qui n’a que quelques habitants, de saints hommes qui sont tenus pour intouchables par les [Grands] Bretons. Peu de temps après son arrivée, il se produisit un grand tumulte dans les airs, accompagné de divers signes annonciateurs ; des vents violents se mirent soudainement à balayer la terre et la foudre s’abattit à plusieurs reprises. Quand le calme fut quelque peu revenu, les gens de cette île lui expliquèrent que venait de trépasser un homme doté d’une âme/esprit à l’exceptionnelle puissance [en grec megalai psychai]. « Car », disaient-ils, « une lampe que l’on allume n’inspire aucune crainte, mais son extinction plonge dans les ténèbres ; de même les grandes âmes/esprits [grec megalai psychai] ont une flamme ainsi qu’une lumière, bienfaisante et inoffensive, mais leur extinction souvent, comme tout à l’heure, donne lieu à des tempêtes et à des orages, voire même infecte fréquemment l’air de souffles pestilentiels ». Ils ajoutent en outre qu’il y a dans cette partie du monde une île où Cronos est tenu confiné, gardé pendant qu’il dort par Briarée ; car le sommeil est le lien qui le retient enchaîné en ce lieu, et que tout autour sont de nombreux démons qui lui servent de valets ou de serviteurs… »
Tome XII.
63. De la face qui apparaît sur la Lune.
« À cinq jours au large de la [Grande] Bretagne en naviguant vers l’ouest, il y a aussi une île. Et trois autres, à égale distance de cette dernière, mais aussi de chacune des autres, sont situées au-delà en allant dans la direction du couchant d’été.
Dans l’une d’entre elles, d’après les histoires racontées par les barbares du pays, Cronos est retenu prisonnier par Zeus, mais, flanqué d’un fils [Briarée ?] comme geôlier, on lui a laissé la souveraineté sur ces îles et de cette mer, qu’ils appellent golfe cronien… Ceux qui ont servi le dieu pendant au moins trente ans sont autorisés à rentrer chez eux, mais la plupart d’entre eux choisissent habituellement de rester, certains à cause des habitudes qu’ils y ont contractées, d’autres parce qu’ils ont tout en abondance, sans labeur ni contrariété, alors qu’ils emploient toutes leurs journées en sacrifices et en célébrations, ou à discourir sur divers sujets ainsi qu’à philosopher ; car la nature de cette île est merveilleuse, et notamment la douceur de son climat. Ceux d’entre eux qui conçoivent le dessein de quitter les lieux en sont empêchés par la divinité, qui leur apparaît alors comme à des intimes ou à des amis, et non pas en rêve seulement ou de façon symbolique, car beaucoup également voient et entendent des esprits [ou démons en grec] se manifester. Cronos lui-même dort dans la profonde grotte d’un rocher qui brille comme de l’or – le sommeil étant le seul moyen que Zeus a trouvé pour lui servir de lien – et des oiseaux volant au-dessus de ce rocher lui apportent de l’ambroisie ; toute l’île est embaumée par ce parfum qui semble sourdre de ce rocher comme d’une fontaine ; et les esprits [ou démons en grec] mentionnés plus haut soignent et servent Cronos, ayant été ses courtisans et ses amis [hetaerous en grec] du temps où il régnait sur les dieux et les hommes. Beaucoup des prédictions qu’ils font ne viennent que d’eux-mêmes, car ce sont de bons oracles, mais les prophéties qui sont les plus importantes et portent sur les plus grands sujets, ils les délivrent en rendant compte de songes faits par Cronos, car tout ce que Zeus prémédite, Cronos le voit dans ses rêves. Les passions et les émotions titanesques qui affectent son âme font qu’il est toujours sur le point de rompre ses liens, jusqu’à ce que le sommeil restaure ses forces et que sa nature royale et divine retrouve ainsi toute sa pureté originelle. L’étranger de qui je tiens ce récit fut un jour conduit en ce lieu, et alors qu’il servait le dieu, devint durant ses loisirs expert en astronomie, science dans
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laquelle il fit autant de progrès qu’il est possible d’en obtenir en s’adonnant à la géométrie, ainsi qu’en physique ; dont il pouvait parler aussi bien que peut le faire un philosophe de la nature.… Comme je parus surpris par cela et que je lui demandai des précisions, il me répondit : « Beaucoup d’assertions sur les dieux, Sulla, ont cours chez les Grecs, mais toutes ne sont pas exactes… »
Cet autre monde celtique semble correspondre aux vœux des individus de type « druide » et non « guerrier » comme le Hésus Cuchulainn, mais que dire à propos de l’autre monde destiné aux individus de caractère « producteur » ?
Nous reviendrons sur le problème posé par l’absence apparente d’au-delà paradisiaque de type « troisième fonction ».
L’ancien druidisme lui aussi conçoit l’espace comme étant infini, et il voit cet espace infini occupé par des mondes, des systèmes de mondes infinis. Ne prenons pas cela trop littéralement, on peut dire que ce sont des images poétiques. Chaque système de monde est multidimensionnel. Un millier de ces systèmes de mondes constituent un petit univers. Un millier de petits univers constituent un univers moyen et un millier d’univers moyens constituent un grand univers (setlocenia ??). Un autre monde des morts ou des dieux correspond à un grand univers ou un de ses multiples, c’est-à-dire que cela correspond à un grand univers ou cela peut aussi être plus grand. Et elle est appelée side ou « terre de tel dieu » parce qu’elle représente la sphère d’influence spirituelle d’un dieu particulier (Cornunos, Donn le sombre, Belin/Belen/Belenos/Barinthus = Manannan en Irlande par exemple) ; et ce dieu-ou-démon – là est responsable de l’évolution vers l’épanouissement final des âmes, de tous les êtres vivants dans son monde ou dans son grand side. L’ancien druidisme enseigne donc non seulement qu’il existe une infinité de sides (mondes), mais aussi une infinité de dieux ou tout au moins si cela semble outrancier, une pluralité, une pluralité considérable, de dieux (ou démons selon les points de vue).
Pour ce qui est de sa nature intrinsèque un dieu n’est pas différent d’un autre dieu. Dans un certain sens donc, tous ces sidhs ou terres de dieu sont un seul sid ou une seule terre de dieux. Au passage, notons que le mot pour terre de dieux en vieux celtique est « sedos » ; « sedos » signifie siège, trône, mais a également la connotation de « paix ».
L’utilisation du mot « sid » – ou paix – dans ce contexte, suggère que les guerres que l’on nous y décrit parfois ne sont que fictives et ne sont là que pour correspondre au tempérament de la troisième fonction, celle des individus au caractère guerrier.
Là aussi une distinction était peut-être faite entre terre des dieux pure et terre des dieux impure.
La terre des dieux impure est celle sur laquelle nous vivons, autrement dit le monde des sous-dieux ou anti-dieux (les vouivres anguipèdes gigantesques) des hommes, des animaux. Dans les terres de dieux impures, il est difficile d’obtenir vêtements et nourriture. Il est difficile d’y entendre la voix des dieux, difficile d’y rencontrer les dieux. En bref la terre de dieux impure est une terre où les conditions, dans l’ensemble, ne sont pas favorables au développement spirituel, dans laquelle il est difficile aux êtres d’évoluer, de suivre la voie vers l’éveil, de s’épanouir.
(Par extinction progressive de l’esprit individuel ou de la conscience individuelle pour commencer, de l’âme enfin, par ouverture sur le grand tout : le Pariollon).
Un side ou terre des dieux pure est bien sûr tout le contraire, elle ne porte que des dieux et des hommes, nourriture et vêtements apparaissent spontanément, sans que qui que ce soit doive travailler pour les produire. Il est très facile d’y entendre la voix des dieux, de rencontrer des dieux, bref la terre des dieux pure ou side est celle où règnent des conditions très favorables au développement spirituel, où il est facile pour les êtres d’évoluer, facile de suivre la voie vers l’ascension dans les étoiles, la voie vers l’infini. Même si le scholiaste de Lucain n’a visiblement pas très bien compris ce concept typiquement druidique.
L’exemple le plus connu de side ou terre des dieux pure est bien sûr Mag Mell (cf. sanscrit Soukhavati) la « terre heureuse » ou la « terre de la félicité », Deouatchène en Tibétain, située nous dit-on, vers l’ouest. Il nous est dit aussi que tout y est très beau, on en trouve de longues descriptions dans certains textes… Sans entrer dans les détails ce side ou autre monde celto-druidique nous est présenté (la nature humaine étant ce qu’elle est, c’est-à-dire assez terre à terre) comme une terre où
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abondent les richesses, les joyaux étincelants, la lumière, la musique, le parfum. On peut trouver plus de détails dans les textes de Plutarque, le dieu est allongé sur une magnifique couche d’apparat.
N.B. Et dans l’ancien druidisme aussi les êtres, humains ou pas, naissent à de tels mondes par apparition, c’est-à-dire non comme résultat d’une union sexuelle. Étant apparus dans les sides, ils y voient les dieux de leurs propres yeux et n’ont rien d’autre à faire que de s’y épanouir. MAIS N’OUBLIONS PAS NÉANMOINS QU’IL S’AGIT EN RÉALITÉ D’UN ÉTAT D’ÂME, D’UN ÉTAT DE L’ÊTRE, ET NON D’UN LIEU.
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LE MYTHE OU LE RÊVE DES SUPER HÉROS.
En vieux celtique, le nom de la déesse Bellissama (l’adjectif masculin correspondant devait être bellissamos) signifie quelque chose comme « radieux, brillant, féérique, lumineux, parfait ». Mais cette idée de dieux ayant un corps de rêve, correspondant certainement à l’idée de xvarnah vraisemblablement à l’autre bout du monde aryen, n’est pas la seule caractéristique divine dans nos contes et légendes ; il y a aussi la notion de « pouvoir ».
Cumachta est un terme gaélique désignant des pouvoirs magiques de dieux ou démons, ou simplement préternaturels d’après le dictionnaire électronique de la langue irlandaise. Le terme préternaturel est très spécialisé. Pour nos lecteurs qui ne le sauraient pas, c’est un terme de théologie chrétienne désignant les pouvoirs de l’être humain d’origine, avant qu’Adam n’en soit déchu. Ce qui est assez amusant donc c’est que l’Edil fait du dieu ou démon Medros/Midir une entité jouissant de tous les pouvoirs qu’avait Adam avant le péché originel. Il s’agit donc de pouvoirs naturels, pas surnaturels, mais que l’on ne s’explique plus aujourd’hui.
Ci-dessous la définition du terme préternaturel trouvée sur le site internet « second Exode » animé par Martin K. Barrack.
Au-dessus de l’ordre de ma nature humaine.
Les anges, à la fois saints et déchus, ont des pouvoirs préternaturels. Leur intelligence, leur vitesse, etc. sont bien plus grandes que les facultés humaines correspondantes, mais ne sont pas infinies pour autant.
Adam et Eve ont à l’origine reçu les dons préternaturels d’immortalité, d’impassibilité, d’absence de concupiscence, d’innocence, avec la maîtrise de la Terre. Si Adam n’avait pas péché, nous aurions tous hérité de ces dons préternaturels, ainsi que du don surnaturel de la grâce sanctifiante (jargon typiquement catholique). Les âmes du ciel retrouveront ces dons à la fin des temps.
N.B. Les théologiens ne sont pas tous d’accord évidemment sur la liste desdits pouvoirs surnaturels.
Et bien sûr, il ne faut pas confondre les phénomènes naturels inexpliqués avec des manifestations divines ou surnaturelles.
Un exemple tout bête, ce qui est arrivé dans le pays du Gévaudan (Lozère) en mars 2012.
Des ampoules électriques qui éclatent, des meubles qui tombent et bien d’autres manifestations très étranges dans une maison à La Roche ont bousculé la raison des gendarmes, pompiers et villageois avant la découverte d’une explication scientifique.
Selon le maire de ce petit hameau d’Albaret-Sainte-Marie, Michel Thérond, un expert a mis en évidence « une faille tellurique très profonde à l’origine d’un puissant champ électrique ». Et chassé les esprits frappeurs ou autres revenants qui avaient commencé à remplacer la célèbre Bête.
D’après un rapport de la gendarmerie locale, qui s’est penchée sur l’affaire pendant dix jours, les phénomènes ont débuté le 10 mars 2013 dans une ancienne grange de pierre restaurée : un petit chat est mort. Puis 21 ampoules du logement ont explosé quasi simultanément le 12 mars. Le lendemain, les meubles ont commencé à tomber et des oiseaux sont morts.
Selon la même source, un cyclone semblait avoir frappé les lieux. Tout semblait avoir été jeté au sol. Dans la cuisine, le réfrigérateur était tombé en faisant une vrille pour se retrouver les pieds à l’envers. Tout comme la lourde bibliothèque renversée, mais dont les livres garnissaient encore les étagères !
Pourtant, les habitants de la maison, un couple avec un garçon, n’avaient ressenti aucune secousse. Pas plus que leurs voisins de l’habitation mitoyenne.
« Aucune fissure apparente au niveau de la bâtisse. Pas de trace d’effraction », avaient noté les gendarmes, pour lesquels « aucune explication rationnelle ne pouvait être donnée ».
L’après-midi du 13 mars, le phénomène s’était déchaîné. Les couteaux du vaisselier avaient étrangement quitté leurs rangements et jonchaient le sol. Les portes des placards s’étaient ouvertes de façon inopinée et dans certaines pièces, les meubles gisaient en tas incongrus.
Alors que le village commençait à parler de « l’affaire de La Roche », la vérité est finalement venue de la science. La municipalité, en quête de rationalité, a fait venir un spécialiste des phénomènes électromagnétiques qui a mis en évidence l’existence d’une faille tellurique passant sous la maison et
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l’habitation mitoyenne. Bien que profondément enfouie, elle serait à l’origine d’un puissant champ électrique plutôt que magnétique.
L’explication relève donc bien du domaine des hommes ou plutôt… des ohms. Des tests effectués au niveau des interrupteurs ont révélé l’existence d’une résistance électrique 10 à 12 fois supérieure à la norme : « Là où elle aurait dû être inférieure à 50 ohms, l’expert a mesuré plus de 600 ohms », remarque le très moderne M. Thérond.
« Quand on a constaté que tous les meubles ayant chuté étaient placés soit devant une prise, soit à proximité d’un interrupteur, il ne fallait pas être sorcier pour déduire un lien de causalité. Force électromotrice, c’est le nom du phénomène », résume le maire…
Comme le disait déjà Lucain des druides de son temps en effet : « À vous seuls il est donné de connaître, comme de les ignorer, les dieux et les puissances célestes ; les grands arbres des bosquets reculés sont vos demeures, etc. ».
Medros/Midir s’envola ensuite avec elle par l’ouverture du toit…
Il est de bon ton aujourd’hui, après deux mille ans de judéo-christianisme conquérant, de se moquer de toutes ces idées que les druides avaient sur le monde visible ou invisible.
Disons pour simplifier que les dieux ou démons druidiques ont un peu les mêmes pouvoirs que les anges déchus ou pas déchus d’ailleurs du judéo-islamo-christianisme mais qu’au lieu d’obéir à Dieu ils sont subordonnés au destin appelé Tocad (ou Tocade si on veut féminiser le terme).
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le voir, pour le dictionnaire électronique de la langue irlandaise, les pouvoirs des dieux (cumachta) sont simplement des pouvoirs préternaturels, c’est-à-dire les pouvoirs qu’avait l’Homme avant sa chute et son expulsion du paradis terrestre. Ce qui bien entendu ne saurait être, puisque l’homme n’a pas été créé par Dieu contrairement à ce que nous répètent les monolâtries que sont le judaïsme le christianisme et l’islam.
Mais à propos de ces pouvoirs, nous en trouvons donc ici deux autres : le pouvoir de voler et le pouvoir de se métamorphoser en oiseau*. Ajoutons-y certainement pour Medros/Midir une force peu commune et pour Etanna un don pour servir les boissons (ce don qui nous fait plutôt penser à une héroïne de la série télévisée hero corp… est sans doute une ancienne métaphore dont le sens a été perdu).
Aucune étude détaillée de ce que recouvre le terme gaélique cumachta n’ayant été tentée jusqu’à ce jour ; essayons quand même d’en dire deux mots.
Dans les religions « polythéistes », les dieux ou démons ont entre eux des traits communs qui les rendent à la fois très proches, mais aussi très au-dessus des hommes.
Le corps des dieux a des qualités nettement supérieures à celui des hommes : éclat, jeunesse, lignes parfaites et ainsi de suite. Ce que les Iraniens antiques appelaient xvarnah, les anciens Irlandais Luan laith et les chrétiens « gloire ».
Les pouvoirs attribués aux dieux, qui ne sont pas plus omniscients ni omnipotents que les anges, sont simplement surhumains (vitesse, force, invisibilité, capacité de voler), comme le sont leur taille et leur éclat quand ils apparaissent physiquement.
Ils n’ont créé ni l’univers (qu’ils ont seulement contribué à organiser ou faire sortir du chaos) ni les hommes avons-nous dit, mais comme ces derniers, ils naissent, ils ont une naissance, un commencement **, du moins d’après les mythes. Ils ont un nom propre, des attributs propres, une apparence physique et des attitudes caractéristiques, une histoire personnelle avec un état civil et des aventures. Ils ont reçu en outre une multitude d’épithètes cultuelles qu’on appelle épiclèses en grec, variant selon le lieu du culte et l’aspect particulier du dieu qui est invoqué.
Ces épiclèses renseignent donc sur les fonctions très diverses que peut assumer une divinité (iovantucarus = qui aime la jeunesse par exemple, virotutis = qui protège les hommes, anextlomarus = secourable, etc.).
Mais cette multiplicité d’aspects n’exclut pas un principe d’unité ; chaque dieu a en effet, son mode d’action spécifique, son type de pouvoir, ses domaines réservés, dans les grandes sphères d’activité où les hommes sollicitent leur aide ; si différents dieux interviennent dans un même domaine d’activité, leurs actions alors ne se confondent pas, mais se complètent.
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À côté de ces traits communs, les dieux ont chacun des traits distinctifs et individualisés qui permettent leur reconnaissance.
Cette variété se retrouve dans la façon dont les anciens druides ont représenté leurs dieux. Ils ont connu toutes les formes de figuration, pierre brute, pilier de pierre ou totem de bois, masque, figure animale, représentation humaine, et ce, dans des matériaux fort divers : bois, pierre, terre cuite, bronze… Ces formes ne marquent pas une évolution chronologique, mais ont coexisté et sont traitées avec les mêmes égards.
Mentionnons au passage la grande statue cultuelle représentant Lug (Mercure dans l’interprétation romaine) dont la ressemblance avec l’homme était corrigée par sa dimension bien supérieure à la taille humaine. Elle fut érigée par un sculpteur grec nommé Zénodore qui vivait du temps de Néron (dix ans de travail, prix 4 millions de sesterces).
Les pouvoirs préternaturels des anges et des hommes avons-nous dit. Il est de bon ton aujourd’hui, après deux mille ans de judéo-christianisme conquérant, de se moquer de toutes ces idées que les druides avaient sur le monde visible ou invisible.
Mais les pouvoirs des superhéros de nos très modernes bandes – dessinées, sont la preuve que de tels rêves de surhumanité ont toujours un grand pouvoir de séduction sur les esprits… même à notre époque ; et ils constituent un excellent point de comparaison.
Dans les œuvres de science-fiction, un superpouvoir est une capacité surhumaine extraordinaire.
Les superpouvoirs peuvent être physiques ou mentaux. Ils peuvent avoir été obtenus par les héros de façon innée ou avoir été acquis de façon fortuite voire au terme d’une longue quête. On trouve des héros possédant un unique pouvoir, d’autres en possédant une multitude.
Les types de pouvoirs les plus récurrents sont : la maîtrise des éléments, des champs magnétiques, la télépathie, la télékinésie, la pyrokinésie, la cryokinésie… et quelques autres du même genre.
La diversité des pouvoirs est donc grande et dépend également des genres ainsi que des civilisations auxquelles appartiennent les héros qui en jouissent. Cela peut être, par exemple, une chance phénoménale, une force surhumaine, une grande vitesse, un don de téléportation, un don de télépathie, la capacité de voir la nuit, de maîtriser divers éléments (l’eau, la terre, le feu, le vent, la foudre…), de voler, de devenir un fantôme. On peut également citer une immense intelligence, un instinct « animal », le pouvoir de se multiplier, celui de pouvoir renvoyer les coups, de voyager dans le temps, le pouvoir de se régénérer ou encore de prendre une autre forme.
Certains pouvoirs obtenus par les superhéros peuvent parfois être apparemment dérisoires : le fait de dégager une odeur répugnante, d’être doté d’une toute petite taille ou encore de pouvoir avaler n’importe quoi.
La force physique démesurée par rapport à un être humain ordinaire est un superpouvoir fréquemment rencontré.
Il n’est pas rare de voir, dans des bandes dessinées, des héros porter des charges importantes (voitures, menhirs, etc.) ou casser des objets particulièrement résistants (portes blindées, coffres-forts, murs, etc.). Cette capacité est souvent accompagnée d’une grande résistance aux attaques corporelles à mains nues, voire aux armes à feu. À noter que certains héros ont une résistance surhumaine sans que cela s’étende à leurs vêtements, ce qui conduit parfois Colossus à finir un combat vainqueur et indemne, mais quasiment nu.
Certains personnages de fiction peuvent se déplacer très rapidement. Flash est capable de se déplacer à une vitesse hors du commun ; Steve Austin, l’homme qui valait six millions de dollars, possède également cette faculté grâce à des prothèses électroniques.
Il existe des héros capables de traverser des objets ; Cyclope et Superman peuvent quant à eux lancer un rayon d’énergie au travers de leurs yeux.
Le don de téléportation y compris à travers des parois est parfois conféré à certains héros. Un personnage qui possède ce don peut généralement se téléporter lui-même d’un lieu à un autre, mais
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ce n’est pas la seule forme de ce pouvoir que l’on rencontre. La téléportation en question peut s’appliquer à quelqu’un d’autre.
Une capacité souvent associée aux « méchants » est le pouvoir de se régénérer rapidement.
Un autre don récurrent est celui de la métamorphose, à savoir celui de changer d’aspect, que ce soit pour prendre une ou plusieurs apparences différentes.
Les Animorphs peuvent acquérir l’ADN d’un être vivant par contact physique, ce qui leur permet ensuite de prendre la forme de cet être vivant pour une durée de deux heures. Stanley Ipkiss/Le Masque peut changer à volonté de vêtements et de silhouette, tout en gardant son visage vert.
Il existe des pouvoirs plus compliqués : Magnéto peut manipuler les champs électromagnétiques (ce qui lui permet aussi bien de dévier les balles que de menacer de supprimer la magnétosphère). Sebastian Shaw, toujours dans les X-Men, absorbe l’énergie des coups qu’on lui porte pour devenir plus fort. Doomsday, s’il est tué, ressuscite en étant impossible à tuer de la même manière. Will Stanton, le héros du chercheur/ les Portes du Temps, peut se déplacer dans le temps. William Dunbar (Code Lyoko) peut se changer temporairement en nuage de fumée noire volante et très rapide.
Les pouvoirs mentaux, eux, sont en général attribués à des personnages ne disposant pas d’un physique extraordinaire.
Wonder Woman possède divers objets magiques, dont un lasso d’or obligeant tous ceux qu’il emprisonne à dire la vérité et des bracelets indestructibles, tout comme le bouclier de Capitaine America.
Stanley Ipkiss/Le Masque tire tous ses pouvoirs d’un masque magique d’origine viking qui, lorsqu’il l’enfile, le transforme en personnage vert et burlesque ayant des pouvoirs presque sans limites, alors qu’il n’est qu’un humain ordinaire en temps normal.
Durée et accessibilité des pouvoirs.
Les super capacités de nos héros ne sont pas forcément toujours les mêmes. Elles peuvent évoluer dans le temps, et parfois suivant d’autres facteurs.
Ainsi, Bruce Banner se transforme en Hulk, une bête d’une grande force physique, sous l’effet de la colère ou de l’angoisse. L’angoisse accroit d’ailleurs ses capacités.
Faiblesses et limitations
Pour équilibrer les personnages, les héros possèdent souvent un point faible. La kryptonite et l’exposition prolongée à la lumière rouge rendent Superman vulnérable ; Cyclope ne peut se passer de ses lunettes spéciales en quartz rubis ; Benoît Brisefer perd ses pouvoirs lorsqu’il est enrhumé ; le Martian Manhunter et Miss Martian sont pyrophobes, et perdent leur pouvoir s’ils sont exposés au feu ; Iron Man est obligé de porter en permanence un électro-aimant pour survivre à cause d’éclats d’obus coincés dans sa poitrine.
De manière plus générale, les faiblesses d’un superhéros peuvent résider dans son caractère, sa personnalité. Une faiblesse de Wolverine est de vouloir agir seul, de refuser l’aide extérieure. Tornade est quant à elle claustrophobe.
* AVERTISSEMENT AU LECTEUR : NOUS NE PARLONS PAS ICI DES MÉTAMORPHOSES D’UN ÊTRE HUMAIN, PAR EXEMPLE EN LOUP, MAIS BIEN DES FORMES QUE PEUVENT REVÊTIR AUX YEUX DES HOMMES DES ENTITÉS VENUES D’UN AUTRE MONDE QUE LE LEUR AFIN DE COMMUNIQUER AVEC EUX.
Un ange est une créature céleste dans de nombreuses traditions, notamment dans l’Avesta et dans les trois religions de masse que sont le judaïsme le christianisme et l’islam. Ce terme désigne un
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envoyé de l’Être supérieur, c’est-à-dire un intermédiaire entre l’Être supérieur genre Ahoura Mazda et les hommes. Parfois il transmet un message divin, parfois il agit lui-même, mais toujours selon la volonté de l’Ahoura Mazda ou être supérieur qui a besoin d’intermédiaires.
Ainsi que nous l’avons dit, donc, le Zoroastrisme reconnaît que l’être supérieur qu’est Ahoura Mazda est accompagné par les Amesha Spentas, les Yazatas et les Fravashis.
Les Yazatas sont les « Anges », des Êtres spirituels honorés par les Perses, ils personnifient les idées et les vertus abstraites gardiennes de la morale humaine. Ils nous protègent contre le mal.
Dans l’angélologie zoroastrienne enfin, le fravashi ou fravasi est l’ange gardien d’un individu, qui envoie l’urvan (généralement traduit par « âme ») dans le monde matériel pour participer à la bataille du bien contre le mal. Le matin du quatrième jour après la mort, l’urvan retourne à son fravashi, qui recueille ses expériences dans le monde matériel.
Les juifs les chrétiens et les musulmans croient eux aussi aux anges (les musulmans en plus croient aux djinns ce qui n’est peut-être pas la meilleure preuve de leur intelligence collective, mais enfin).
Voici quelques-unes de leurs caractéristiques selon eux.
Les séraphins ont six ailes.
Les chérubins ont une épée à la lame flamboyante (avec laquelle ils gardent le Paradis Terrestre)
Ils peuvent se battre contre des êtres humains, exemple Jacob (Genèse 32,22-32)
Enfin, et non des moindres, ils peuvent faire des enfants aux filles des hommes (Genèse 6, 1-8).
* À moins que ces djinns ne soient l’équivalent des élémentals ou égrégores (teutatès) du druidisme.
Pourquoi maintenant me direz-vous ne pas imaginer que les envoyés de Dieu puissent se présenter aux yeux des êtres humains sous la forme de serpents volants ou de limaces ??? Pourquoi pas en effet ? Des serpents (d’après certains gnostiques le serpent du Jardin d’Eden qui tenta Ève était un esprit qui voulait vraiment du bien aux hommes, lui), des extraterrestres aux formes biscornues.… Ceci a déjà été tenté. Notamment au cinéma ! Et par les Irlandais avec leurs légendes sur les vouivres anguipèdes qu’ils appelaient Fomoires. Rien de plus beau qu’un crapaud pour une crapaude disait déjà Voltaire
Convenons néanmoins qu’il est logique de penser qu’aux yeux d’un être humain il n’y a rien de plus beau que la forme humaine, et même, je ne sais pourquoi, je laisse aux spécialistes le soin de trouver, qu’un corps de femme. Peut-être que j’appartiens moi aussi à la race des poètes si décriée par certains théologiens (comme Varron Tertullien, etc.)
C’était d’ailleurs là déjà un des grands arguments des intellectuels païens de l’Antiquité puisqu’on le retrouve dans de natura deorum de Cicéron.
NB. Nous ne parlons pas ici de l’être supérieur par définition, genre Ahoura Mazda, mais des êtres intermédiaires entre les hommes et lui. En ce qui concerne l’être supérieur il va de soi qu’on peut le concevoir autrement que sous une forme humaine : un cercle un point une équation ou que sais-je encore. Mais là nous parlons des êtres intermédiaires notamment dans leurs rapports avec les hommes.
Cicéron, de la nature des dieux, livre I.
Même chose quand il s’agit de la nature des dieux : si les dieux, sont formés d’atomes groupés ils périront par dissolution, conséquence qu’Épicure voudrait éviter, c’est pourquoi il dit que les dieux n’ont pas un corps, mais quelque chose qui ressemble à un corps, pas de sang, mais quelque chose qui ressemble à du sang.
XXVI. – On s’étonne qu’un haruspice puisse ne pas rire quand il voit un autre haruspice ; il est encore plus surprenant que vous puissiez vous tenir de rire quand vous êtes plusieurs épicuriens ensemble : « Ce n’est pas un corps, mais quelque chose qui ressemble à un corps. » Je comprendrais de quoi il s’agit si l’on pensait à des figures de cire ou d’argile, je ne puis comprendre ce qu’est en un dieu quelque chose qui ressemble à un corps, quelque chose qui ressemble à du sang……
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XXVII. – Ce que je vois, c’est que, suivant la thèse défendue par toi, les dieux ont une forme extérieure telle qu’il n’y a rien en eux de consistant, de solide, aucun relief, aucune saillie, c’est une pure apparence, légère, diaphane. Il en est d’eux comme de la Vénus de Cos, ce n’est pas un corps, mais une image à la ressemblance d’un corps et ce rouge qu’on voit se répandre et se mêler au blanc n’est pas du sang, mais a seulement l’aspect du sang, si bien que les dieux n’ont pas de réalité, ce ne sont que des apparences.
Suppose cependant que tu m’aies persuadé, que j’admette la vérité de ce que je ne conçois même pas, quelle va être la configuration, quels vont être les traits de ces dieux sans consistance ? Vous ne manquez pas d’arguments pour établir que les dieux ont une figure humaine : d’abord, dites-vous, en vertu d’une idée bien arrêtée dans son esprit, quand l’homme veut se représenter un dieu c’est toujours ainsi qu’il l’imagine ; ensuite parce qu’un dieu devant l’emporter sur tous les êtres, il faut que la forme qu’il revêt soit la plus belle qui se puisse et il n’en est pas qui se puisse égaler à l’humaine en beauté.
En troisième lieu, vous mettez à contribution la raison seule la forme humaine peut être le siège d’un entendement. Voyons maintenant pour commencer ce que valent ces preuves, je crains en effet que vous ne vous arrogiez le droit de faire appel à des idées ne méritant pas du tout l’approbation. Qui a jamais été assez aveugle en cette matière pour ne pas voir que, si l’on a transféré aux dieux la forme humaine, c’est ou bien par un sage calcul pour amener des esprits peu dégrossis à leur rendre un culte et triompher des mauvais instincts, ou bien par superstition, pour qu’il y eût des dieux des effigies et qu’on crût, en se prosternant devant elles, rendre directement hommage aux dieux ?
Les poètes, les peintres, les sculpteurs ont contribué à répandre ces croyances, car il n’était pas facile de représenter sous une forme autre que l’humaine des dieux agissants, s’appliquant à quelque entreprise. À cela s’est ajoutée cette opinion que rien ne paraît à l’homme plus beau que l’homme même. Mais toi, qui te dis physicien, ne vois-tu pas quelle maîtresse d’illusions flatteuses est la nature, quelle adresse elle met à nous tromper sur la valeur des satisfactions qu’elle nous procure ? Penses-tu qu’il y ait sur la terre ou dans la mer un animal quelconque auquel un animal de la même espèce ne paraisse pas ce qu’il y a de plus charmant ? S’il n’en était pas ainsi, pourquoi un taureau n’éprouverait-il pas du désir pour une jument, un cheval pour une génisse ? Te figures-tu qu’un aigle, un lion, un dauphin puisse préférer une autre forme à la sienne propre ? Quoi d’étonnant dès lors si, conformément à une loi naturelle, l’homme juge que c’est l’homme ce qu’il y a de plus beau et que, pour cette raison, il imagine des dieux semblables à lui-même ? Qu’en penses-tu ? Si les animaux étaient des êtres doués de raison, n’accorderaient-ils pas tous le premier rang à leur espèce ?
XXVIII. – Pour ce qui est de moi – je vais dire mon sentiment sans ambages – si bienveillant que je sois pour moi-même, je n’oserais pas me déclarer plus beau que le taureau qui emporta Europe.
Il n’est pas question ici de l’intelligence humaine, du langage humain, mais de l’apparence, du physique. Imaginons un être mixte, un assemblage de parties empruntées à des espèces différentes, tel ce dieu marin appelé Triton, en qui le corps humain se complète bestialement par des nageoires à l’aide desquelles il se déplace, tu ne voudrais pas changer avec lui. Je traite un sujet délicat ; telle est cependant la force de l’instinct qu’aucun homme ne consent à ressembler à un être qui ne soit pas lui-même un homme. Et encore à quel homme voudrait-on ressembler ? Dans notre espèce, la beauté appartient-elle à tous indistinctement ? Quand j’habitais Athènes, c’est à peine si dans une troupe d’éphèbes, il s’en trouvait un qui fût beau. Je vois ce qui te fait rire, mais tel est le fait. Ajoute que nous, à qui les anciens philosophes donnent toute liberté d’aimer les jeunes hommes, il arrive que nous trouvions de l’agrément à des défauts physiques. Alcée faisait ses délices d’une envie qu’avait au doigt un garçon. Et cependant une envie est une tache. Pour Alcée c’était une parure. Q. Catulus, le père de celui que nous connaissons, qui est mon collègue et mon ami, a aimé ton compatriote Roscius et a composé pour lui ces vers : Je m’étais arrêté pour saluer avec respect l’aube naissante et tout à coup Roscius surgit à ma gauche. Pardonnez-moi de le dire, habitants du ciel, ce mortel m’a paru plus beau qu’un dieu. Pour Catulus donc, Roscius était plus beau qu’un dieu et cependant il louchait affreusement, il louche d’ailleurs toujours. Peu importe, cela donnait à sa physionomie du piquant, cela paraissait à Catulus une grâce de plus.
Mais revenons aux dieux.
Et revenons à nos anges en tant qu’êtres intermédiaires entre les hommes et le dieu supérieur.
Les druides eux étaient quand même plus logiques que les auteurs de la Bible et du Coran, ils avaient eux aussi du mal à imaginer des corps d’homme réellement munis d’ailes, de deux ailes de quatre ailes et donc en un sens aussi mixtes ou hybrides que les horribles tritons évoqués plus haut par le personnage mis en scène par Cicéron.
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Ils trouvaient plus simple de penser que les êtres venus de l’autre monde pour communiquer avec les hommes
REVÊTAIENT ENTIÈREMENT, POUR CE QUI EST DE L’EXTÉRIEUR, DE LA FORME, MAIS PROVISOIREMENT,
UN CORPS D’OISEAU QUE TOUT LE MONDE S’ACCORDAIT ALORS À TROUVER SPLENDIDE, AVANT DE REPRENDRE TOTALEMENT UNE APPARENCE HUMAINE AU MOMENT D’ENGAGER LE DIALOGUE. UN DIALOGUE « MUSCLÉ » D’AILLEURS.
Quoi de plus naturel en effet ?
Voir des hommes ailés arriver dans le ciel et se poser sur terre pour vous adresser la parole dans le meilleur des cas, voire se battre contre vous comme dans le cas de la lutte de Jacob contre l’ange ?
Ou…
Apercevoir des oiseaux sortant de l’ordinaire dans le ciel et, quelques minutes plus tard voir des inconnus comme surgis de nulle part se diriger dans votre direction pour entrer en contact avec vous ?
Vous je ne sais pas, mais le deuxième scénario me semblerait moins contraire aux lois de la nature que le premier.
De toute façon les druides ayant composé ce récit ont eu la prudence de faire en sorte qu’il s’agisse d’une apparition en rêve. IL S’AGIT D’UN RÊVE !
Une des deuxièmes caractéristiques.
Si dans la Bible et le Coran les anges sont essentiellement de sexe masculin absolument indéniable (puisqu’ils sont capables de faire des enfants aux filles des hommes, à moins bien entendu qu’il ne s’agisse que d’une énième connerie de ces livres sacrés qui ont fait tant de mal à l’Humanité) chez les Celtes, ils sont très majoritairement de sexe féminin. C’est comme ça, peut – être que les femmes partent plus volontiers que les hommes à la recherche d’autrui et des étrangers, ou que les hommes sont plus casaniers, qui sait ?
Nous passerons par contre sur le petit côté un peu sado-maso de ce « dialogue » entre les anges et le Hésus Cuchulainn. Il est vrai que cette histoire de coups de cravache est pour le moins curieuse, mais c’est peut-être là une des conséquences du fait que le texte a été tronqué ou rattaché assez artificiellement à un autre.
Et puis de toute façon tout cela se produit… en rêve.
** Par contre ils ne meurent pas (sauf dans les documents influencés par le christianisme), si ce n’est pour ressusciter aussitôt. Leur véritable disparition ne se fera que lors de l’aredengto générale de l’univers (sa fin et sa régénération au bout d’un cycle cosmique d’une immense durée… dont l’estimation faite à l’époque par les druides semblait ridicule aux yeux des Grecs des Romains et des Juifs.
Dans le livre de Lismore ((fo.151, b 2) on trouve en effet le passage suivant.
« Trois ans pour le champ (assolement triennal ?).
Trois durées de vie du champ pour le chien.
Trois vies de chien pour le cheval.
Trois vies de cheval pour l’être humain.
Trois vies d’être humain pour le cerf.
Trois vies de cerf pour le merle.
Trois vies de merle pour l’aigle.
Trois vies d’aigle pour le saumon.
Trois vies de saumon pour l’if.
Trois vies d’if pour le monde du début à la fin ».
Que notre auteure préférée [Éléonore Hull, « Le faucon d’Achill ou la légende des plus vieux animaux du monde », Folklore, Tome. 43, No.4 (1932) : pp. 376–409] commente ainsi.
« Nous arrivons ainsi à 59 050 ans, soit deux multiples de trois en plus que le calcul de Westminster, qui nous donne 6561 ans ; c’est-à-dire la durée de vie d’un saumon dans la liste irlandaise ».
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LA LUMIÈRE DU HÉROS
(Gaélique èn blaith, lon gaile, lon laith, luan laith, xvarna en avestique)
Le petit côté un peu désespérant de toutes les gessas encadrant la vie de nos héros ne doit pas pour autant nous accabler de pessimisme. Les gessas ont leur contrepartie, les boudismes, qui sont les dons ou les charismes que tout individu a dès sa naissance et que les Vikings appelaient gaefa. Car tout le monde a au moins un don. Il suffit de le découvrir. Tel est d’ailleurs toute la problématique de la série télévisée « hero corp » consacrée aux superhéros.
En Irlande nos textes mentionnent souvent une mystérieuse lumière émanant de la tête des grands héros. Il s’agit là tout comme avec le terme gaélique erdathe des restes d’un concept druidique fondamental. Cette lon laith est une énergie à l’œuvre dans l’univers depuis l’instant initial de la procréation de ce monde et qui perdurera jusqu’à sa transfiguration ultime : l’erdathe.
Cette importante notion druidique postule une anthropologie selon laquelle outre son corps matériel, chaque être possède également un corps de lumière ou un corps idéal (bellissamos bellissama) qui est son individualité spirituelle destinée à survivre à sa mort corporelle et qui peut en jaillir comme d’un tonneau mis en perce de son vivant même, en certaines circonstances. Chaque homme est dès lors appelé à se fabriquer, au cours de son existence terrestre un corps subtil ou éthéré dans lequel il ressuscitera aussitôt après sa mort
La luan laith est donc un principe lumineux accompagnant les êtres durant leur existence terrestre et leur permettant de s’élever vers des mondes spirituels supérieurs en certaines circonstances bien précises (un dépassement de soi en général héroïque).
Pour ce qui est de l’anthropologie druidique avons-nous dit cette lon laith est une émanation de son corps subtil à jamais inséparable de l’âme, parce que constituant son individualité spirituelle. Le corollaire immédiat de cette notion est donc que l’âme conserve après la mort un corps idéal, une chair spirituelle, un corps en quelque sorte ressuscité des morts.
N.B. Cette idée de l’homme idéalement vêtu d’une robe de lumière est très ancienne puisqu’on la retrouve également dans la Perse antique sous le nom de xvarnah, donc aussi chez les chrétiens de Syrie, et saint Éphrem, au IVe siècle, évoque souvent ce vêtement parallèle de l’homme. Des écrits apocryphes, comme l’Ascension d’Isaïe, y font également référence.
Cette notion existe aussi dans le néoplatonisme, chez Proclus, qui parle de l’okhêma supérieur, le symphyès, un corps lumineux qui est le corps dans lequel le démiurge a placé l’âme à son origine et qu’elle conservera au-delà de la mort, contrairement à l’okhêma inférieur, ou pneuma, le véhicule pneumatique, qui disparaît peu après la mort.
On la retrouve enfin également dans les écrits du grand mystique iranien Souhraouardi, qui la considère comme une lumière enveloppant le corps des mortels.
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MAIS L’ESPRIT EST PROMPT ET LA CHAIR EST FAIBLE.
Ou…
DE L’ÉTRANGE FAIBLESSE DE L’HOMME ET MÊME DES MEILLEURS D’ENTRE EUX
(Les Ulates).
La découverte en 1897 du calendrier de Coligny a montré que les notions de faste ou de néfaste, de favorable ou de défavorable et ainsi de suite… n’étaient pas inconnues des très-sachants ou gnostiques d’Occident.
Le calendrier est composé en langue celte, mais gravé en lettres et chiffres romains. Il est disposé en 16 colonnes, qui comportaient plus de 2000 mots, ce qui constitue la plus longue inscription connue à ce jour.
Dans ce calendrier, les mois fastes ordinaires sont marqués mat. Les mois néfastes sont marqués anmat.
Les mois fastes (mati) étaient ceux pour lesquels les activités humaines étaient permises sur le plan mystique, tandis qu’elles ne l’étaient pas les jours néfastes (anmati). En particulier, les activités publiques comme les sessions de tribunaux ou les assemblées, qui n’étaient possibles que les mois fastes.
Dans le druidisme, une action n’est ni bien ni mal en elle-même, mais elle est favorable ou défavorable selon la motivation et l’état d’esprit qui la sous-tendent. Mais il est vrai que certains actes mauvais peuvent se révéler aussi parfois très utiles. C’est pourquoi il existe des dieu-ou-démons de la colère, de la guerre, etc.
Il y a en effet deux sortes d’actions, les actions « mat » c’est-à-dire saines, adroites, favorables, positives, et les actions « anmat » autrement dit malsaines, maladroites, défavorables, négatives.
Les actions néfastes sont celles qui se fondent sur la première de toutes les faiblesses ou insuffisances humaines, l’ignorance des tenants et aboutissants. Elles tendent à susciter des conséquences mauvaises pour nous-mêmes ou pour les autres. Les actions heureuses sont celles qui sont exemptes d’avidité, de haine, de confusion des valeurs et qui, au lieu de cela, sont motivées par l’honneur, par la générosité, par l’hospitalité. Elles tendent à générer des conséquences positives pour nous et pour les autres.
De toute façon, à la différence du judéo-islamo-christianisme des religions du Livre, des religions d’un seul Livre, et non de 12 ou de 33, le druidisme n’a jamais développé autant de manichéisme sommaire entre bien et mal. Dans le druidisme, il n’y a que du bon et du moins bon. Les « démons » symbolisés par les vouivres anguipèdes gigantesques n’ont jamais joué un rôle déterminant dans la pensée druidique ; puisque les très-sachants ont très vite compris que le bien et le mal, l’agréable et le douloureux, proviennent en définitive de la même source. Courant positif et courant négatif font partie d’une même énergie, l’électricité.
Les forces et les pulsions qui sont dans l’Homme, tout comme les puissances qui sont à l’œuvre dans le cosmos, sont en réalité ambivalentes, leurs effets peuvent être positifs ou négatifs. Le dieu-ou-démon du soleil, par exemple, est un protecteur et un ami des hommes. La lumière permet de séparer le jour de la nuit et met en ordre le temps. Et, pourtant, l’action du soleil n’est pas toujours positive. Il peut aussi tourmenter la terre de ses rayons brûlants. La chaleur devient alors insupportable. Les plantes peuvent même se dessécher, les animaux mourir de soif. Inversement, les pluies qui désaltèrent la terre assoiffée peuvent se muer en orages dévastateurs, arrachant tout sur leur passage. Donner la vie et la détruire sont inextricablement liés, ce ne sont là que les deux faces d’une même médaille.
C’est donc l’équilibre entre ces forces négatives ou positives, se neutralisant mutuellement ou se complétant mutuellement, qui importe. Mais cet ordre n’a rien de statique, et toutes ces forces de la nature ont une action perturbatrice, quand l’une d’entre elles se met à l’emporter sur les autres ou à régner seule.
De la même façon, les actions du corps, de la parole et de l’esprit, ont des conséquences pour nous-mêmes, et pour ce qui nous entoure, les autres comme notre environnement. Mais il n’y a pas de Dieu supérieur punissant le mal et le péché. L’être supérieur ne les distingue pas. Il est au-dessus de tout cela.
Le Destin ou la Justice immanente se borne à, en fait, attacher certaines conséquences aux actions qui sont librement choisies par les humains.
Comme l’a très bien vu Scot Erigène, le mal n’existe pas en soi ni même de façon autonome. Il n’est qu’un manque de bien, il n’est que l’incomplétude d’un être qui n’est pas parfait, il n’est qu’une ombre,
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une absence de lumière. Et le purgatoire n’existe pas non plus, car il doit être compris au sens figuré, et n’existe qu’en imagination : il signifie le remords. Sur ce point, nos homologues extrême-orientaux ont raison avec leur concept de nirmana ksetra ou de bouddhaksetra illusoires, uniquement suscités comme moyen transitoire de purifier les êtres humains.
Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) primordiaux ne l’ont donc jamais opposé de façon manichéenne au Bien ; mais se sont uniquement efforcés de déterminer les forces que l’on pouvait rationnellement considérer comme positives pour l’Homme (les dieu-ou-démons) et celles que l’on ne pouvait aussi nettement considérer ainsi (avec, entre les deux, maintes nuances).
Vu la multiplicité des situations, il y a donc eu de nombreux cas de figure, et les très-sachants n’ont jamais nettement opposé de façon manichéenne les dieux, et ce que les autres cultures de leur temps appelaient « les démons ».
L’absence de bien est représentée dans le druidisme sous cette forme uniquement parce que les très-sachants de la druidiaction (druidecht) ont repris l’imagerie traditionnelle des peuples chamanistes néolithiques pour en parler.
Les vouivres anguipèdes gigantesques sont des personnifications de cette absence de bien en nous et autour de nous, mais ne sont en réalité que des aspects de la matière.
Ce qui caractérise en outre cette absence de bien dans la métaphysique druidique, c’est sa multiplicité. L’armée des absences de bien est infiniment plus nombreuse que l’armée des biens. Le Bien est unique, l’absence de Bien est multiple, pourrait-on dire en quelque sorte pour simplifier. Mais ceux qui veulent rendre ces vouivres anguipèdes gigantesques (que l’on appelait Andernas sur le Continent, Fomoire en Irlande) uniques responsables de leurs malheurs, cherchent à échapper à leur propre responsabilité. L’Homme est capable des plus grands forfaits sans que le Diable ait même à remuer un doigt.
L’Homme intérieur est raison, intelligence, réflexion, capable de distinguer la vie et la vérité… Mais si le Gdonios (l’Homme, littéralement le chtonien, grec khthônios) du fond de son trou est souvent animé par le désir d’atteindre au plus haut, de faire mieux, il ne réussit pas toujours dans cette voie. Il n’a pas toujours la force des dieu-ou-démons. Ce qui est à la portée de tout le monde, par contre, c’est la médiocrité, la bêtise. Chacun de nous peut s’y complaire sans problème, vu cette faiblesse congénitale de l’être humain, bien mise en évidence par la légende irlandaise de la neuvaine des Ulates.
L’Homme veut le mieux, le vrai, ce qui est juste, le bon, etc., mais sans pouvoir les réaliser, car il n’a pas un corps, il est aussi un corps… Et si l’esprit est prompt, la chair est faible.
Cette tension perpétuelle est donc au cœur du drame humain, d’où sa grandeur. Les six portails divins (divodora) de la druidiactio antique avaient pour seul but de faire échapper l’Homme à cette faiblesse originelle ; à quelques exceptions près, voir la célèbre fièvre neuvaine des Ulates ; qui l’empêche de participer pleinement à la toute-puissance souveraine (chacun dans son domaine) des dieu-ou-démons.
L’incapacité humaine à passer du vouloir (la vérité, le mieux, etc.) au « faire », a conduit les anciens très-sachants de la druidiaction (druidecht) à imaginer des explications à cette situation. Des explications, certes naïves et approximatives, mais qui avaient au moins le mérite d’exister ; dont on trouve la trace en Irlande dans le célèbre mythe de la mystérieuse neuvaine des Ulates.
L’origine de cette mystérieuse faiblesse affectant toujours leur capacité, juste au moment où il ne faudrait pas (par exemple lors de la Tain Bo Cualnge, les judéo-islamo-chrétiens eux préfèrent parler dans ce cas d’intervention du Diable), car l’esprit est prompt, mais la chair est faible, y compris pour la race des seigneurs (les Ulates) a fait l’objet d’un récit détaillé (Version harleian 5280 du British Museum).
Cronnchu, un paysan ulate (ou un briugu selon les versions) avait de nombreux fils. Sa femme mourut, mais il ne se remaria pas.
Un jour, une mystérieuse jeune femme entra chez lui et, sans rien dire, commença aussitôt à s’occuper de son ménage. Après le repas du soir, elle vint se coucher à ses côtés. Elle demeura avec lui, fit le bonheur de la maisonnée, puis se retrouva enceinte.
Or c’était juste au moment de la grande fête annuelle des Ulates, et la course de chars qui fut organisée cette année-là vit triompher l’équipage du roi Conchobar.
Cronnchu ne put s’empêcher de raconter partout que sa nouvelle compagne courait plus vite.
Le roi menaça de le faire exécuter si son épouse n’acceptait pas de venir en faire la preuve aussitôt, en se mesurant à ses chevaux. Comme elle se trouvait sur le point d’accoucher, elle demanda un délai.
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Les Ulates refusèrent, et le roi Conchobar lui demanda qui elle était pour oser les défier ainsi.
Je m’appelle Macha (la Plaine, le Champ) fille de Sainred (Course différente) fille d’Imbath (Immensité de l’Océan), répondit-elle.
Cette déesse-ou-démone-jument participa donc à la course voulue par les Ulates. Elle arriva la première en battant les chevaux du roi d’une courte encolure. Elle accoucha ensuite de deux jumeaux (des dioscures, emni en celte, un garçon et une fille) en poussant un grand cri.
Tous les hommes de la race des seigneurs tombèrent alors malades et la fée leur annonça qu’il en serait désormais ainsi, chaque fois qu’ils auraient un cap difficile à franchir, par exemple en cas de guerre ou d’invasion du pays…
Le mal durerait cinq jours et quatre nuits et les Ulates n’auraient pas plus de force qu’une femme en couches durant tout ce temps-là.
Sur ce, Macha mourut, et n’échappèrent à sa malédiction que les enfants, les femmes, et le hésus Cûchulainn, car, comme le précise bien le texte de la version harleian 5280 du British Museum, « il n’était pas des Ulates ».
COMMENTAIRE NÉO-DRUIDIQUE.
Les deux jumeaux en question symbolisent évidemment, de façon imagée, le faste et le néfaste, le blanc et le noir, le positif et le négatif, et ainsi de suite.
Le nom de cette fée ou femme de l’autre monde est assez curieux.
Macha (la Plaine, le Champ) fille de Sainred (Course différente) fille d’Imbath (Immensité) autrement dit « Plaine sacrée née d’un cours différent de l’Immensité ».
Il existe une autre Macha, épouse du Nemet (Cornunnos) ou d’un de ses fils, mais il ne s’agit peut-être que d’une variante du même personnage mythique en définitive.
Le schéma mythique est assez archaïque. Il est attaché à la question des origines, et on ne l’a sans doute appliqué que très tardivement aux seuls habitants de l’Ulster du temps de Conchobar, c’est-à-dire d’il y a environ 2000 ans.
Le refus de Conchobar le met au rang des mauvais rois, homologue ou parallèle du druide exigeant, craint et haï, qui ne respecte pas les femmes en couches, qui use et qui abuse de son autorité ainsi que des pouvoirs qu’elle confère. Sans le savoir, il ne portait pas seulement atteinte à la dignité de l’épouse d’un de ses hommes, mais il blessait aussi la majesté d’une fée, d’une déesse, ou d’une reine guerrière.
Avec cette malédiction de Macha, nous quittons le niveau de la fonction productrice pour remonter à ceux, supérieurs, de la magie et de la guerre. Le cri est celui de la Bodb ou de la Morrigan et il a le même effet paralysant.
Le texte de la Ces noinden Ulad nous précise que ladite malédiction ne devait affecter que neuf générations, mais c’est évidemment là un chiffre symbolique synonyme d’innombrables ou de très nombreux. Le cri de malédiction poussé par Macha juste avant sa mort aura des conséquences durables et systématiques.
Plus curieuse est sa limitation territoriale ou ethnique : elle ne concernerait que l’Ulster d’il y a 2000 ans et plus. Il doit s’agir d’une erreur de compréhension de ce symbole druidique très archaïque, due au fait qu’il n’a survécu que dans le cadre du cycle d’Ulster. Pour les habitants de cette région en effet, pas très solidaires de ce qui passait ailleurs dans l’île, les « meilleurs » cela ne pouvait être qu’eux. Ils se sont donc attribué sans vergogne cette orgueilleuse appellation. Qui n’était au départ qu’un nom commun et en aucune façon un nom propre.
Ce que les très-sachants de la druidiaction (druidecht) ayant élaboré ce récit, voulaient probablement dire, c’est que cette faiblesse ne devait concerner que la race des seigneurs (c’est-à-dire les Ulates même non-ulstériens), les autres hommes étant déjà ? Et en permanence ? Affectés par elle, par définition. Cette bien mystérieuse maladie des Ulates n’est finalement que la faiblesse humaine elle-même. Juste revanche des dieu-ou-démons après leur défaite dans la terrible bataille livrée contre les hommes, pour le contrôle de la Talantio (Tailtiu : la déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère, correspondant, sur le Continent, à Rosemartha) ainsi qu’à Druim Lighean et Loch Foyle.
Assez curieusement, et pour cette version du récit du moins, cette faiblesse humaine (originelle puisque remontant aux temps hyperboréens du Nemet Cornunnos ?) ne concerne ni les enfants ni les femmes. Le druidisme n’est pas misogyne.
Si les enfants ne sont pas concernés, mais seulement les adultes, cela signifie sans doute que, dans l’esprit des très-sachants de la druidiaction (druidecht), antiques, cette faiblesse était surtout culturelle, sociale, et non raciale génétique ou congénitale.
Le symbolisme de cette malédiction frappant la race des seigneurs est en effet fort clair. Chaque fois qu’il faudrait faire preuve de force de caractère (chaque fois qu’il faut, par exemple, voir clair et loin ou
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bien raisonner, ou dans tout autre moment difficile) eh bien l’homme ne sait pas se montrer à la hauteur.
Pour le reste, il est facile de comprendre que cette malédiction ne peut concerner par définition que les meilleurs et les plus forts d’entre nous.
Mais si la race des seigneurs elle-même (les Ulates) avait besoin de cette leçon, que dire alors des hommes ordinaires ?
Beaucoup d’auteurs se sont perdus en conjecture sur la signification de cette Ces noinden Ulad ou fièvre neuvaine des Ulates. Disons tout de suite qu’en ce qui nous concerne, nous sommes résolument contre le rapprochement avec la coutume dite de la couvade. Ce que signifie ce mythe est limpide, et peut s’exprimer ainsi : la nature humaine, sans être entièrement corrompue par définition, est néanmoins soumise à l’ignorance, à la souffrance, et à la mort, bref handicapée dans ses forces naturelles. La Ces ulad, ou faiblesse originelle, avec laquelle naissent tous les hommes, est l’état naturel de non-héroïsme dans lequel baignent tous les êtres humains. Car on ne naît pas héros, on le devient.
Comme le mot « Ulates » signifie « seigneurs, souverains, princes », les Ulates sont en quelque sorte la race des seigneurs. Or qui peut le plus peut le moins. Ce qui affecte la race des seigneurs peut affecter aussi a fortiori tout être humain, y compris les plus modestes comme nous.
La Ces ulad est une condition de naissance (congénitale) et non un acte personnel. En raison de l’unité naturelle du genre humain (pas de race supérieure, ni inférieure d’ailleurs, pas de vrais ou de sur hommes ou de sous hommes pas vraiment et pleinement humains, ni de peuple élu hormis par son propre dieu) ; cette Ces Ulad ou faiblesse originelle se transmet avec la nature humaine elle-même.
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DE LA DÉTERMINATION À L’AUTONOMIE.
Les anciens très-sachants de la druidiaction (druidecht) avaient-ils fait du hasard « sic » un Dieu ou Démiurge ? Saint Colomba d’Iona se défendant justement et en toutes lettres de l’adorer dans une de ses loricae intitulée M’Oenuran. « Je n’adore ni le chant des oiseaux… ni un fils, ni le destin, ni une femme. Na mac, na mana, na mnan. Mon druide est le fils de Dieu…, etc. ».
L’évocation du chant des oiseaux est sans doute une allusion aux pratiques divinatoires de certains druides de la décadence irlandaise. Ils auraient pratiqué un mode particulier d’ornithomancie qui consistait à prédire, non par le vol des oiseaux, mais par leur chant. Le roitelet servait notamment à ces consultations augurales.
Soyons monganiens jusqu’au bout et n’hésitons pas plus longtemps à le dire ! Ces chrétiens n’ont évidemment rien compris à la façon dont les anciens très-sachants de la druidiaction (druidecht) concevaient le Destin ou Tokade (moyen gallois tynghed, breton tonket, destiné, vieil irlandais tocad, destin, toicthech « fortunatus », tonquedec en breton. Le labarum est son messager).
Il s’agissait d’une divination inexorable à long terme, mais souple et sauvegardant l’essentiel de l’autonomie humaine pour ce qui est des détails, à court ou moyen terme.
Diodore de Sicile. Bibliothèque historique. Livre V, XXXI, évoque « les hommes qui connaissent les dieux et parlent leur langue » (homophônôn en grec), mais, précise Lucain (la Pharsale, I 444-451) : « À eux seuls il est donné de connaître OU d’ignorer les dieu-ou-démons ainsi que les puissances célestes ».
Il y a dans ce « ou » de Lucain toute la différence qu’il peut y avoir entre les réponses du type : « Vous vaincrez parce que telle est la volonté des dieux ou démons » (prédiction) ; et les réponses du type : « Vous vaincrez parce que vous êtes les plus forts » (prévision de type rationnel où le divin n’a plus grand-chose à voir).
Distinction capitale confirmée par les propos du druide éduen Diviciacos lui-même, qui disait prévoir l’avenir d’une part par les augures, d’autre part par les conjectures (Cicéron. De Divinatione I, 41,90).
Bref, le cadre dans lequel se déploie notre (très relative) liberté nous est préalablement donné, il fait partie des données. La destinée humaine est déterminée par le destin global de notre univers, et par la somme des différentes destinées humaines ou sociales, telles qu’elles se présentent personnellement à nous, ici-bas.
La destinée collective dépend évidemment du sens des devoirs et responsabilités que nous pouvons avoir envers notre pays, notre communauté, ou notre famille.
Pour s’acquitter de la part de destinée collective qui nous incombe, il suffit d’accomplir nos devoirs envers : communauté, famille, collègues, et amis. Le druidisant qui respecte sa destinée sociale obéit aux lois du pays et de la communauté où il a ses racines. Et il ne s’avise pas de vivre d’après des principes égoïstes. Il cherche à satisfaire ses gessa divines en respectant les lois humaines, en toute contrée où il peut être. Il sait trouver sa juste place parmi ses frères humains, ses compatriotes, les membres de sa communauté, de sa famille. Et il s’efforce toujours de se dépasser dans toutes ses entreprises, ainsi que de parfaitement accomplir sa destinée dans tous les aspects de sa vie.
La fusion de ces divers éléments, le destin cosmique et les différents destins collectifs dont nous dépendons produit une destinée individuelle (svadharma chez les hindous), un chemin idéal à suivre, qui est le nôtre. Mais comment faire pour le connaître ?
Chaque être humain possède son destin individuel et personnel, appelé gaefa (rien à voir avec les gaesa irlandaises) chez les Cimbres et les Teutons si l’on en croit l’historien français Régis Boyer et son essai sur les religions de l’Europe du Nord. Il n’est pas inutile de le rappeler ici. La valeur fondamentale supérieure, au-delà de toute divinité anthropomorphisée par les hommes à l’instar du Jésus des chrétiens, était le Destin aux innombrables visages. Ce Destin se manifestait en chaque individu au moyen de la part de chance qui lui avait été donnée lors de sa venue au monde, et qui constituait son honneur. Le dépôt sacré en quelque sorte par lequel il savait que les Puissances s’étaient intéressées à lui dès sa naissance, et qu’il lui fallait accepter, reconnaître sous les colorations personnelles qu’elle avait prises pour lui, et assumer. Mais cette analyse est réductrice. En fait, l’individu n’existe qu’en fonction de sa famille ou de son clan, et ses dons s’inscrivent dans une perspective plus vaste, plus profonde aussi, qui embrasse toute cette famille. Cette capacité à réussir tient à toute une famille et elle est transmissible de génération en génération.
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La forme particulière de ce destin appliqué à notre existence particulière autrement dit notre destinée découle de deux éléments.
1. Des trois niveaux du Destin ou Tokade – universel, humain, et social – tels qu’ils se manifestent à nous personnellement dans notre vie d’ici-bas. Notre niveau d’instruction, notre métier, ou notre sexe (masculin ou féminin) voire notre âge.
La destinée individuelle c’est le développement naturel de l’âme, de l’esprit, et du corps physique, au cours des six périodes de la vie humaine : dites colomna ais en gaélique. Comme colomna est un emprunt au latin, on peut imaginer que cela devait correspondre, en vieux celtique, à quelque chose comme * stoloi aiuiti : les colonnes d’âge.
Il y avait six « stoloi » ou « colonnes ».
N.B. Ci-dessous, entre parenthèses, la forme en gaélique. Et bien entendu, autrefois, la plupart de ces chiffres avaient tendance à être inférieurs à ceux qui suivent ci-dessous.
1.* Noidenotaxeto (Nàidendacht) : la prime enfance du nourrisson (de 0 à 1 an).
2.* Mapotaxeto (Macdacht) : l’enfance proprement dite (de 1 à 11 ans).
3.* Geistlaxeto (Gillacht) : l’adolescence (de 12 à 18 ans).
4.* Ogiolagiato (Hoclachus) : la jeunesse (l’âge adulte jeune, de 18 à 50 ans).
5.* Senodageto (Sendacht) : l’âge mûr (de 50 à 65 ans).
6.* Diexbliniceto (Diblidecht) : la vieillesse (+ 65 ans).
C’est en passant par ces six âges ou colonnes de la vie, que nous accomplissons notre destinée, naturellement, et le plus simplement du monde. L’aube, le matin, le midi, l’après-midi, le soir, le crépuscule, et la nuit.
Une fois terminée l’enfance et une fois que nous avons reçu notre formation première, nous entrons dans la troisième période de la vie. Pendant cette période qui va de 12 à 18 ans voire, un peu plus maintenant, à cause de la durée des études, nous développons nos traits personnels, et apprenons le métier qui nous servira plus tard.
En se mariant ou en fondant un foyer, on entre dans la 4e période de la vie. Les époux collaborent, entre les âges de vingt et quarante ans (plus ou moins) pour élever leurs enfants, accumuler les biens dont ils auront besoin, continuer à s’instruire pour mener à bien leur carrière, participer aux œuvres sociales ; et pourvoir aux besoins de ceux qui vivent d’autres périodes de leur existence (les retraités par exemple).
Une fois la famille élevée, on se retire des affaires, et on entre dans une 5e période allant de 50 à 65 ans. Notre responsabilité principale est alors de faire part de notre expérience aux plus jeunes, de les guider, de les conseiller.
C’est donc SEULEMENT après cette période, à + de 65 ans, que l’on s’engage dans la sixième et dernière période de la vie. Comme nos forces physiques diminuent, on se détache peu à peu des soucis du monde, et l’on peut se consacrer à la méditation ou à la réflexion.
Au cours de ces six étapes de notre destinée par conséquent, nous nous éveillons tout d’abord, nous prenons conscience de ce que la vie exige de nous (le matin). Ensuite nous donnons pleine et entière expression à ce que nous avons appris (le midi), puis nous réfléchissons sur ce que nous avons accompli et nous partageons la sagesse que l’on a pu éventuellement acquérir (l’après-midi). Enfin, on se retire du monde (le soir).
2. La forme particulière de notre destin appliqué à notre existence particulière autrement dit notre destinée, découle également de tout le bran bon ou mauvais, que nous avons accumulé au cours de notre existence hic et nunc, au cours de notre existence en cours (justice immanente) voire d’une vie précédente dans le cas (rarissime *) des bacuceos ou seibaros (irlandais siabraid/siabhradh = fantôme) ; et que nous portons en nous comme des graines n’ayant pas encore germé ou porté leurs fruits.
La tripartition de la société.
Dans les corps en voie de constitution, après la fécondation d’un ovule par un spermatozoïde, descend aussi, par voie d’émanation, un embryon d’âme ; mais la force d’inertie du mal, insinue
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également dans le fœtus une sorte de pesanteur, ayant pour effet de contrarier les pulsions naturelles et innées de l’Homme vers le haut.
Le mélange de tous ces facteurs entraîne des degrés de perfection fort différents qui expliquent les trois grandes catégorisations de l’Humanité, car il a toujours existé trois types d’êtres humains bien différents.
Ceux qui se sentent (donc, se savent) pourvus d’une perfection innée d’origine divine, dont la nature est esprit 1). Bref ceux qui ont de l’âme et de l’esprit : la première fonction sacerdotale (les pneumatiques ou spirituels dans la gnose d’origine iranienne). Aucune idée de caste ou de race des seigneurs dans cela. Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) dispensaient leur savoir à tous ceux qui avaient les moyens matériels de ne pas être obligés de travailler dès leur plus jeune âge. Et s’il est bien évident qu’un fils de druide ou de seigneur avait plus de chances de devenir druide lui-même, vu la longueur et la durée des études ; il n’en reste pas moins que les très-sachants de la druidiaction (druidecht) étaient ouverts à tous, prodiguaient leur science à tous ceux qui se présentaient, doués de quelque qualité. Pour eux l’épanouissement passait par la connaissance de la nature, de la nature de l’esprit, des structures de l’univers et de son histoire, passée ou à venir. En bref de l’élitisme républicain avant la lettre, même si cela débouchait en général sur la première de toutes les fonctions, la sacerdotale.
Ceux qui n’ont qu’une âme et point d’esprit au départ, mais à qui le salut peut être apporté par l’instruction : ceux qui exercent la fonction militaire et guerrière (les psychiques dans la gnose selon saint Irénée).
Enfin, les ignorants ayant une âme certes, mais très peu d’esprit, et donc surtout concernés par leur corps ou presque. La troisième fonction productrice principalement constituée d’éléments charnels voués à la destruction. Cette troisième et dernière catégorie humaine regroupe ceux qui ont encore une âme, mais aucun esprit ou si peu et que seule leur fonction productive (les bonnes œuvres, le don, la générosité, la simplicité…) sauvera. Aucun véritable équivalent chez les gnostiques d’Orient. Le grec sarkikoi vient du mot sarx et n’a aucun lien avec le celte kicos = chair. Et la notion d’hylique ou somatique dans la gnose en diffère notablement.
Les premiers sont ceux qui possèdent les particules de lumière et n’ont qu’à être réveillés pour avoir en héritage leur destinée ; esprits supérieurs ayant compris, ces hommes suivent les lumières de la science et de la connaissance ; car la connaissance a un effet salvateur.
Les seconds, un cran spirituel au-dessous, sont ceux qui doivent travailler pour leur salut, quelle que soit la forme que celui-ci revête. Les douze livres chez les Fénianes par exemple. Ils hésitent ou flottent entre la lumière et les ténèbres. Car la connaissance a un effet relevant de la sotériologie, encore une fois répétons-le, mais cette connaissance ne peut être atteinte que par un entraînement à la spiritualité ou à la méditation. L’aide et l’assistance d’un druide sont souvent nécessaires quoique non indispensables.
La connaissance divine ou connaissance de Dieu n’a ici aucune connotation d’intellectualisme, elle n’est pas comparable à celle qui est acquise par les études, mais plutôt à celle qui est obtenue par une fréquentation assidue. Du type « connaître un ami d’enfance » et non du type « savoir la théorie des nombres premiers ».
Les troisièmes ne devront leur salut qu’à une réincarnation systématique dans un autre monde meilleur (Mag Meld, Vindomagos et ainsi de suite…) qui leur permettra d’y achever leur purification.
Au pire leur rédemption se ferait au moyen d’une eschatologie générale prenant la forme d’une destruction de l’univers matériel (erdathe).
Car une question se pose aux hommes depuis toujours. Est-il possible qu’avant cette fin du monde ou erdathe (suivie d’une renaissance), programmée, il y ait une période glorieuse donnant ainsi en quelque sorte aux hommes de bonne volonté un avant-goût de paradis celtique ? Un peu comme une rémission avant la mort ?
En Iran cette période de rémission avant l’erdathe ou fin du Monde devant durer mille ans, était associée au retour du Saoshyant. Saoshyant est en effet le nom du messie ou sauveur suprême dans
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la mythologie perse antique. Son avènement marquera l’arrivée des derniers jours et du Frashokereti (l’ultime renouveau). On dit parfois que le Saoshyant naîtra d’une vierge qui sera imprégnée de la semence de Zarathoustra pendant qu’elle se baignera dans un lac.
Il viendra pour renouveler le monde et ressusciter les morts. Durant cet ultime renouveau, l’Humanité sera soumise à un torrent brûlant, qui la nettoiera de ses travers ou de ses vices, et lui permettra de vivre en compagnie d’Ahoura Mazda. Pour tous ceux qui auront mené une vie sans reproche, ce torrent brûlant ne fera pas plus d’effet que du « lait tiède ». Le Saoshyant sacrifiera un taureau et mélangera sa graisse avec de l’élixir magique, l’haoma, pour créer un breuvage d’immortalité qu’il donnera ensuite à chacun des membres de l’espèce humaine.
À la jonction du politique et du religieux, et du fait d’une lointaine influence indo-européenne, on découvre la même idée dans le monde chiite. Les chiites attendent le retour du Mahdi, c’est-à-dire de l’Imam caché.
Pour d’autres peuples, cette période de rémission avant l’Erdathe ou fin du Monde devant durer mille ans était associée au retour des dieu-ou-démons, et impliquait donc que l’Humanité tout entière devienne… comme des dieu-ou-démons. Voir les mythes entourant la dormition d’Arthur en Avallon (Arthur = le Saoshyant celtique?).
1) C’est peut-être dans cette direction qu’il faut chercher, pour comprendre ces étranges paroles de Spinoza dans son Éthique : « nous sentons et nous savons, par expérience, que nous sommes éternels ». Certains spécialistes ont avoué eux-mêmes leur perplexité devant une telle affirmation ! Pourtant, le texte est assez clair, à condition de retrouver le sentiment panthéiste qui le porte. Spinoza présente la Réalité ultime sous le nom de Substance, de laquelle il fait venir les attributs de l’étendue (la matière) et de la pensée (l’esprit). Des attributs découlent des modes spécifiques, et l’Homme en participe par le corps ainsi que par l’esprit, de manière nécessaire. Si la Substance qui est Dieu ou le Démiurge, ou la Nature, enveloppe la totalité de ce qui est, elle enveloppe à la fois la durée, tout en demeurant elle-même en deçà du temps. Par le corps, l’Homme est saisi dans la durée. Par la pensée l’Homme s’élève à l’ordre des essences qui résident dans la Pensée de Dieu, ce qui veut dire que l’Homme, dans sa rencontre de la vérité de ce qui est, connaît l’ordre éternel des choses. Il est dans la nature même de la raison de connaître sous l’angle de l’aiu (de l’éternité), car connaître, c’est connaître ce qui est, tel qu’il est, de toute éternité. Ainsi de l’essence du cercle et de ses propriétés. Notre esprit, en connaissant dans l’ordre éternel, éprouve, dans son élévation au-dessus du temps, sa participation à l’aiu (à l’éternité). Nous « sentons et nous expérimentons que nous sommes éternels », à chaque fois qu’abandonnant à elle-même la fuite du temps, nous nous élevons à la vérité immortelle des choses. Nous sentons alors que nous participons de cet aiu (de cette éternité qui nous est ouverte) parce que nous ne sommes pas seulement un corps périssable, mais aussi une essence, dans l’entendement infini de la Substance divine.
* Les estimations les plus sérieuses sont de 4 ou 5 cas prouvés par siècle.
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DE L’AUTONOMIE OU DE LA LIBERTÉ DONC DANS LES CHOIX FAITS QUOTIDIENNEMENT.
Il est inutile, voire nuisible, de cultiver un sens de la faute directement issu du mythe sumérien d’Eve et Adam, car une telle attitude n’est pas un remède contre le Mal. Mais cette maudite légende du paradis terrestre a marqué des générations entières (et d’ailleurs, on n’en est pas encore sorti) ainsi que l’a bien vu Gustave Le Bon dans son livre sur la psychologie des foules.
Bref rappel du mythe sumérien en question.
Voici en effet un homme et une femme comblés par la vie et insouciants. Jamais ils ne pensent à prier ni Dieu ni Diable. Un jour, ils sont confrontés à l’Arbre de la science du Bien et du Mal. Dieu, personnage fantasque figurant le Bien, leur demande de ne pas y toucher. Le Diable, personnage figurant le Mal, les invite à s’en nourrir en leur disant qu’après ça, ils seront comme Dieu, capables de voir le Bien et le Mal. Dieu veut qu’ils restent insouciants et heureux. Le Diable veut qu’ils soient conscients et avertis. Ève et Adam choisissent de consommer le fruit de l’Arbre de la science du Bien et du Mal. Du coup, le paradis terrestre disparaît, pour faire place à une terre hostile où il faut lutter pour survivre. Dieu et Diable avaient tous deux raison, mais l’humain a fait son choix. Il peut toujours choisir, encore aujourd’hui d’ailleurs, entre l’insouciance de penser que Dieu s’occupe de tout (Matthieu 6:25-26. Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez ni pour votre corps, de quoi vous serez vêtus. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n’amassent rien dans des greniers ; et votre Père céleste les nourrit. Matthieu 10 :30. Même vos cheveux sont comptés) et l’inquiétude de devoir sans cesse se préoccuper du lendemain. Mais peut-on véritablement parler de choix quand nous sommes soumis tout autant que libres ? Nous sommes libres parce que nous pouvons faire et penser ce que nous choisissons, mais nous sommes contraints aux aléas de la vie. Voilà bien la condition humaine.
Les hommes sont en outre inconscients des pulsions chtoniennes qui les habitent, qui les hantent, car ils ne choisissent pas grand-chose en toute liberté, y compris leurs grandes orientations de base (sexuelles, sociales et donc politiques, religieuses, ou autres).
Prendre conscience des forces qui nous habitent peut nous aider à mieux les maîtriser, ainsi que nous pouvons le voir avec la technique que les chrétiens, à la suite de saint Patrice, ont eu l’intelligence et la bonne idée de récupérer, celle de la lorica. « Le bouclier de Dieu pour me protéger, l’armée de Dieu pour assurer ma sauvegarde : contre les pièges des démons, contre les tentations des vices, contre les inclinations de la nature, contre tous ceux qui me souhaiteront du mal, de près ou de loin, seul ou accompagné. J’en appelle aujourd’hui à toutes ces puissances afin qu’elles s’interposent entre moi et tous ces maux : contre toute puissance barbare et sans merci pouvant s’en prendre à mon corps et mon âme, au Christ afin qu’il me protège aujourd’hui contre le poison, contre les flammes, etc. etc. »
Les démons, les vices, les penchants de la nature, et les poisons, ce sont les idées néfastes et négatives qui hantent souvent notre inconscient. Et en les formulant explicitement (comme nous suggère de le faire l’exemple des très-sachants de la druidiaction antiques) autrement dit en les faisant passer de l’inconscient au conscient, on a des chances de réussir à s’en libérer. D’où le fameux gnôthi seauton des philosophes grecs, successeurs sans doute des chamans hyperboréens de Delphes comme Abarix et Olenos.
La détermination, ça existe (l’Homme n’est pas totalement libre au départ), mais on peut s’en affranchir progressivement et s’élever ainsi de la détermination à la liberté, en passant par l’autonomie. Car la liberté de l’Homme existe bien, au sens habituel du terme même si elle est toujours éphémère. Elle est surtout affaire de choix. Mais l’homme n’a toujours que la possibilité de choisir entre plusieurs solutions, il n’a jamais la possibilité de se situer hors de ces dilemmes ou de ces alternatives. Il s’agit donc en quelque sorte d’une liberté au coup par coup. L’homme n’est libre que dès lors qu’il se trouve confronté à un choix. L’homme a notamment le pouvoir de choisir sa propre mort, volontairement ou en quelque sorte par défaut, et le suicide a même toujours été un devoir pour les très-sachants de la druidiaction (druidecht). DANS CERTAINS CAS.
La liberté de la réalité quotidienne est relative parce qu’elle est causée, produite, et qu’elle disparaît bien vite. Elle ne dure que le temps d’un clin d’œil, elle n’existe que la durée d’un atome de temps.
La liberté ne peut donc pas avoir, répétons-le encore une fois, de nature propre, car elle est causée par quelque chose d’autre, prend naissance quelque part, et demeure donc vouée à mourir ou du moins à disparaître, pour resurgir quelque part, dans d’autres circonstances. C’est d’ailleurs parce qu’elle ne possède pas de nature propre qu’elle est justement éphémère, qu’elle peut, certes surgir, mais aussi disparaître, donc que l’on ne peut dire d’elle qu’elle existe vraiment. Dire de la liberté humaine qu’elle est absence d’entraves ne signifie pas, de la part des druides, contester ou nier sa réalité, mais seulement la relativiser, car on ne peut pas dire d’elle non plus qu’elle n’existe pas.
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L’absolue et immanente souveraineté du Destin ou Tokade (moyen gallois tynghed, breton tonket, destiné, vieil irlandais tocad, destin, toicthech « fortunatus », tonquedec en breton. Le labarum est son messager) ne nie pas la liberté relative de l’Homme. Elle lui permet au contraire de s’exprimer, voire même la conforte : dans la mesure notamment où l’infini n’est pas la limite du fini, mais ce qui rend possible le fini et l’accomplit.
L’Homme, le Gdonios, est le seul être de ce monde qui puisse dire non, même aux dieu-ou-démons (voir le livre des Conquêtes d’Irlande et la victoire finale remportée par les Hommes… SUR LES DIEU-OU-DÉMONS).
Les dieu-ou-démons donc ont laissé les humains se révolter puis se précipiter dans l’Histoire pour y exercer leur liberté. Mais pour quelles raisons ? Pour quel avenir ?
Même les très-sachants ne le savent pas très bien en réalité, eux qui étaient déjà si divisés sur la question des dieu-ou-démons.
« À vous seuls il est donné [druides] de connaître, COMME DE LES IGNORER, les dieu-ou-démons et les puissances célestes » (la Pharsale, I, 444-462).
Depuis l’humain est comme un dieu-ou-démon sur terre (le dernier demeurant à sa surface d’ailleurs), mais sa force mentale réduite à néant (l’esprit est prompt, mais la chair est faible – Mt 26, 41. Tiens pour une fois !) fait de lui un quasi-esclave.
La terre qui tremble, qui se fend, qui engloutit l’homme et son œuvre ; l’eau qui se soulève et inonde ou noie toute chose, la tempête qui emporte tout devant soi ! Voilà les « maladies » que nous savons depuis longtemps être dues aux attaques d’autres êtres vivants, et enfin l’énigme douloureuse de la mort, de la mort à laquelle aucun remède n’a jusqu’ici été découvert, et ne le sera sans doute jamais. Avec ces forces, la nature se dresse contre nous, sublime, cruelle, inexorable, elle nous rappelle notre faiblesse, notre détresse, à laquelle nous espérions échapper grâce au labeur de notre civilisation (Freud. L’Avenir d’une illusion). Cette faiblesse humaine congénitale est, ainsi que nous l’avons vu, symbolisée, de façon assez imagée, il est vrai, par cette légende de la maladie des Ulates.
Le libre arbitre absolu n’est qu’une illusion ou un mensonge bien pratique de la part des monolâtres judéo-islamo-chrétiens. Ce qui existe pour l’Homme, ce n’est pas le libre arbitre absolu, mais une plus ou moins grande autonomie de l’individu ; JOINTE À L’ILLUSION D’ÊTRE DOTÉ D’UN LIBRE ARBITRE TOTAL ; et provenant des deux pôles (purement théoriques et nullement manichéens) que sont l’Âme et la Matière. Les objets qui se manifestent devant nous existent bien, mais par le biais de nos sens. Ils n’ont pas d’existence absolue en eux-mêmes, mais dans la réalité courante (celle de notre mental), ils existent bien. TEL est aussi le cas du libre arbitre humain.
« Arrange-toi donc avec cela et tâche d’être heureux. Sache qu’il y a toujours deux aspects aux choses : un que tu aimeras, l’autre que tu détesteras. Dieu ne les distingue pas. Il est au-dessus de tout ça, il est tout. Il est. Mais si tu as besoin de réconfort et de consolation, tu peux toujours t’adresser aux innombrables entités divines plus ou moins spécialisées, que toute religion propose pour te soutenir. Tu peux même simplement t’adresser à un ami en t’imaginant que c’est Dieu qui l’inspire ».
Quant au Non-Bien, la divinité en est innocente. Et il ne vient pas non plus d’une quelconque entité diabolique, quel que soit son nom (grand ou petit Satan, Lugifer, Iblis, etc.). Il est exclusivement l’œuvre de l’Homme. Dieu est un être impersonnel (bien que pouvant être personnellement ressenti par tout un chacun) et nous n’avons donc pas à juger s’il fait le Bien ou le Mal. Mal et péché sont d’ailleurs en réalité une illusion, nous séparant de notre propre divinité intérieure.
Car si Dieu veut le bien, et qu’il est tout puissant, comment se fait-il qu’il n’anéantisse pas le mal pour l’éliminer à jamais ? Le mal n’est-il pas un point de vue spécifiquement personnel ? Si l’on observe les deux côtés de la médaille, on peut aussi penser que ce qui est vu comme « mal » par l’un, peut (toujours) être aussi considéré comme positif par un autre. Un volcan qui vient d’entrer en éruption apporte chaos et destruction, mais après cette catastrophe, le magma fertile portera de meilleures récoltes. La guerre détruit des vies et des villes, elle permet aussi de reconstruire des villes nouvelles plus fonctionnelles. C’est souvent également une occasion d’échanger des techniques ou des produits. Les Arabo-Musulmans ont ramené le papier de la bataille de Talas en 751, et les croisés ont ramené d’Orient le figuier, le grenadier, l’abricotier, le mûrier, le cotonnier, la canne à sucre, l’indigo, le riz, le safran, etc. (ne parlons même pas du tabac rapporté d’Amérique). Comme quoi la mondialisation dont se gargarise nos beaux esprits ne date pas d’hier, ce qui est relativement nouveau c’est LA MONDIALISATION DE MASSE QUASI INSTANTANÉE DE TOUT ET DE SON CONTRAIRE DUE AUX PROGRÈS DES TRANSPORTS.
Bien entendu, pour pouvoir considérer ces avantages du « Mal », il faut adopter une perspective impersonnelle. Car d’un point de vue personnel, rien ne pourra jamais nous faire accepter que la
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destruction et la mort soient des aspects tout aussi enviables que le bien, la fête et le renouveau. Mais ce jugement de valeur entre ce qui est souhaitable ou non, est spécifiquement humain. Le Dieu impersonnel est au-dessus de tout cela, ainsi que nous l’avons déjà souligné à maintes reprises ; il est le bien et le mal à la fois. Il est l’être, il est tout, et c’est uniquement notre point de vue strictement humain qui nous fait à considérer les choses positivement ou non.
Comme tout se tient dans la nature, il y a interdépendance mutuelle de tous les phénomènes. L’Homme étant aussi un animal chtonien (gdonios en vieux celtique) il est déterminé au départ, et son libre arbitre absolu n’existe jamais, hormis dans la tête de certains manichéens acharnés. La liberté humaine est un produit de relations innombrables, conditionné de toutes parts et de tous côtés, dans l’ensemble de la Vie et du Cosmos (Bitos), elle est donc relative. La liberté humaine est prise dans un flux constant d’interactions de divers facteurs (émotionnels, physiques, mentaux, etc.). Elle est donc relative. Elle naît, grandit, et passe.
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RAPPEL SUR LE VOYAGE DE L’ÂME APRÈS LA MORT.
Toute existence en ce bas monde tend à sa dissolution finale dans le Pariollon (le grand tout). C’est la néguentropie universelle. Telle est la principale caractéristique de toute vie sur terre et donc de celle de l’homme. Chacun y arrive différemment et selon sa nature.
Il semble nécessaire dans tous les cas de bien distinguer le séjour des morts du séjour des dieu-ou-démons. Même si les deux sont très proches, voire contigus, et font partie du même sous-ensemble appelé Vindomagos, lui-même partie intégrante de l’Albiobitos.
Le séjour des dieu-ou-démons n’est pas vraiment précisé ou localisé dans nos mythes. Il y en a sous terre, mais il y en a aussi dans les airs ou dans les eaux. Bref un peu partout !
Pour ce qui est du domaine des morts, il en va quelque peu différemment.
À quelques exceptions près, tout homme a besoin d’une phase intermédiaire après la mort pour y arriver : la renaissance dans un autre monde où il peut se préparer à cet ultime voyage au milieu des étoiles. Cet autre monde n’est pas un et s’étage sur des plans différents ; afin que plusieurs états de l’être puissent y co-exister (royaume des morts, royaume des dieu-ou-démons – autant de sides que de dieu-ou-démons – ou ultime étape avant la dissolution finale dans le grand tout, etc.)
Certaines personnes peuvent accéder de leur vivant même aux plans inférieurs de cet autre monde, où elles peuvent vivre un temps ainsi, en compagnie des dieu-ou-démons, en attendant leur fusion métamorphique dans le Grand Tout.
Les auteurs de crimes exceptionnels doivent, avant d’arriver à ce stade (la réincarnation en un autre monde de nature paradisiaque) ; en quelque sorte repartir à zéro et repasser par la case départ. Comme dans le fameux jeu de l’oie. Ils se réincarnent en ce bas monde (bacuceos).
La plupart des défunts, pour ne pas dire la totalité, achèvent leur purification dans les différents purgatoires paradisiaques des espaces souterrains ou célestes ; montant parfois d’une sphère à l’autre le moment venu (autre image pour tenter de nous faire saisir ce qui est proprement indicible). Mais cette participation des humains à la vie quasiment immortelle des dieu-ou-démons n’apparaît pas, d’ailleurs, nous le répétons encore une fois, comme la récompense d’une vie terrestre remplie de bonnes œuvres.
Quelques individus tout aussi exceptionnels, mais dans le bon sens du terme (les semnothées ou grandes âmes/esprits) peuvent accéder directement après leur mort au Pariollon (retour au Grand Tout stricto sensu).
La légende de la mort druidique peut aider tout défunt à voyager, en suivant vers l’ouest le soleil au-delà des Portes de la Mort (Letavia, autre nom de la terre intermédiaire, située entre le monde des hommes le Dumnon, et le Vindomagos, qui constitue en quelque sorte l’entrée du monde des morts) ; puis sur la Mer morte ou Mer des morts (Morimarusa) qui règne à l’Occident ou au nord du Monde.
Après la mort du corps, l’âme/esprit est accompagnée par diverses entités psychopompes, les premières étant des divinités apaisantes et affables comme Épona ou Belenos Barinthus Manannan, les secondes des divinités repoussantes comme Tethra le prince des vouivres anguipèdes gigantesques, Arawn ou Gwynn dans la tradition galloise, la Catubodua ou la Sheela na gig et même l’Ankou (dans l’ouest de la France).
La réincarnation dans l’autre monde parallèle de nature paradisiaque appelé Mag Meld, Vindomagos, Tir na n’Og, Tir na mBan ou autrement, a lieu peu de temps après le décès. Du moins si l’on en croit la croyance populaire générale.
On peut aussi renaître dans le monde des dieu-ou-démons, puisqu’ils sont mortels bien que dotés s’une vie d’une durée infiniment plus longue que celle des humains.
Mais les désincarnés peuvent également séjourner un certain temps dans le non-monde où règnent Donn, Tethra, Arawn, Gwynn… L’âme/esprit du défunt dans ce cas est accompagnée par diverses
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entités psychopompes nettement moins agréables que notre gracieuse Épona ou que Belenos Barinthus Manannan conduisant les âmes jusqu’à la demeure de Cornunnos le bouddha d’Occident.
Certaines âme/esprits restent alors sans corps (bellissamos bellissama) de type xvarnah et vont demeurer avec diverses autres entités vulgairement appelées démons, en un lieu de passage transitoire (en fait un état d’être) AVANT DE SE RÉINCARNER DANS CERTAINS CAS sur terre en bacuceos.
Mais encore une fois, répétons-le, rarissimes sont les malheureux repoussés vers le bas, et tourmentés dans l’antichambre du Paradis, avant d’être soumis à l’oubli de leur vie précédente puis rejetés dans de nouveaux corps sur cette terre. En se tournant vers la matière, l’âme du bacuceos oublie sa propre identité. C’est une deuxième mort spirituelle. L’amnésie de la condition originale de l’âme est d’ailleurs une nécessité dans ce cas. C’est pourquoi il est impossible de se souvenir de ses vies antérieures.
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PARADIS, ENFER, ET PURGATOIRE ?
D’après le site internet canadien « Jésus ou le 7e évangile ».
Le paradis n’est pas un lieu. Ni le purgatoire ! Ce sont plutôt des états d’esprit ou d’âme, différents, des manières d’être en soi-même et vis-à-vis des autres. Que ce soit ici-bas, ou ailleurs dans l’autre vie. Chacun de nous vient au monde avec son ciel et son enfer : l’un et l’autre enveloppé de façon assez mystérieuse dans le legs héréditaire de nos géniteurs. Dans l’héritage que nous laisse également l’Humanité tout entière à travers eux. Certains appellent cela le péché originel. En fait, il n’y a pas de péché là-dedans. C’est plutôt le legs originel, avec son bien et son mal : tout ça ensemble.
Le ciel et l’enfer sont avant tout dans notre pensée, fruit merveilleusement complexe de notre cerveau… que la vie anime. Plus notre pensée à nous est infinie et sereine, plus notre vie a de chances d’être un ciel. Un ciel vaste et serein.
Par contre, plus notre pensée sera étroite et morose, plus notre vie risque d’être un enfer. L’enfer est étroit et morose.
C’est dans notre pensée que nous sommes d’abord grands ou petits, forts ou faibles, puissants ou impuissants, heureux ou malheureux, au ciel ou en enfer !
Quand nous quitterons cette Terre, nous emporterons nécessairement cette pensée telle que nous l’avons reçue à la naissance. Puis, telle que nous l’avons cultivée ou forgée au cours de notre vie. Nous sommes responsables de notre vie… du moins, jusqu’à un certain point.
Il y a ceux qui accuseront toute leur vie durant les autres (parents, société…) d’être ce qu’ils sont. Et ceux qui croient être les artisans de leur propre bonheur ou malheur.
Notre santé mentale est fragile, et l’équilibre de notre cerveau, délicat.
En fait, nous sommes tous prisonniers de notre hérédité : qu’on le veuille ou pas ! Qu’on le croie ou pas !
Il est illusoire de s’imaginer que chacun de nous a la maîtrise complète de son agir, et le contrôle absolu de sa pensée. Illusion largement entretenue – malheureusement – par d’heureux marchands de mièvreries qui vendent aux naïfs l’illusion du contrôle total de leur liberté : Nous sommes les artisans de notre propre bonheur ou de notre propre malheur ! Se plaisent-ils à répéter à tout venant.
Oui et non…
Il y a du vrai là-dedans ! Mais est-ce que tout le monde a le potentiel ou les moyens physiques et psychologiques de se prendre en main ? D’être les artisans de son propre bonheur ?
J’en doute !
Pour construire son bonheur, il faut avoir les matériaux en main. Les a-t-on toujours ?
Nous sommes plutôt, d’une certaine façon, enchaînés à ce que nous sommes… à ce que les autres sont par rapport à nous, aux aléas de la vie et de notre destin. Et il est faux de croire que tout le monde peut briser ces chaînes-là !
Demandez donc par exemple à un malheureux galérien, enchaîné dans l’infect fond de cale d’un bateau, de changer de vie à sa guise et de devenir, du jour au lendemain, le prospère et heureux cadre bénéficiaire d’un parachute doré.
Ou encore, persuadez donc, si vous le pouvez, un lépreux, rejeté de la société des hommes, et dont les chairs se décomposent comme des ordures, qu’il est beau et utile à sa communauté ?
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Il n’est que trop facile, quand on est jeune, beau, riche et en bonne santé – ou sorti du trou dans lequel on était tombé – de prêcher… la patience aux révoltés, l’optimisme aux pessimistes, la paix aux belliqueux, la tempérance aux excessifs, et ainsi de suite.
Je sais bien que la pensée peut guérir. Que la foi peut sauver. Que l’espérance peut mener loin.
Mais encore faut-il que cette pensée, cette foi, et cette espérance soient vivantes et vivifiantes en nous ! Or je vous le demande, quel contrôle avons-nous exactement sur… nos passions, nos préjugés, notre éducation religieuse et familiale, les pressions sociales, les incontournables et les aléas de la vie ?
Quelqu’un croit-il vraiment ici qu’il fait, chaque jour, uniquement ce qu’il veut ? Et comme il le veut ?
Personnellement, chaque jour, je fais parfois le mal que je ne voudrais pas faire et je ne fais pas toujours le bien que je voudrais. Chacun de nous peut en dire autant s’il est lucide avec lui-même.
Je sais aussi que la vie est un combat difficile qui plus souvent qu’on ne voudrait nous mène… en enfer… plutôt qu’au ciel.
Le ciel est à gagner chaque jour, mais il faut bien admettre qu’il ne se laisse en aucune façon avoir facilement.
[Arrien. De la chasse. XXXIV. Moi et mes compagnons nous suivons cette coutume celte, car sans l’aide des dieux ou démons, rien ne réussit aux hommes].
Aide-toi et le ciel t’aidera ! Bien sûr !
Mais, jusqu’à quel point puis-je m’aider ou aider les autres ?
Encore une fois, méfiez-vous des marchands de mièvreries et d’illusions qui veulent vous persuader que c’est facile. Que tout est dans la volonté ! Qu’il suffit de le vouloir ! Et qui ont dans leur besace plein de trucs à vous offrir.
Moi, je vous dis : la vie, c’est se battre constamment pour être au ciel. Au 7e, si possible !
Saint-Claude. Ottawa – 13 février 1996.
Cet auteur a fait le ménage dans les écrits évangéliques. Les propos apologétiques et les faits douteux ou déformés ont été systématiquement écartés ou ramenés aux dimensions du vraisemblable. Mordus de vérités révélées, de textes sacrés ou de pages d’évangile marquées du sceau de l’orthodoxie des Églises, prière de vous abstenir.
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LA RÉPONSE DRUIDIQUE : NI ENFER NI PURGATOIRE !
PAS DE JUGEMENT DANS L’AUTRE MONDE ! À BAS LE MANICHÉISME !
Les judéo-chrétiens et les athées ont beaucoup glosé sur le caractère profondément immoral ou amoral du paganisme druidique. Les spécialistes de l’étude des religions comme le Judaïsme le Christianisme le Zoroastrisme ou l’islam… ont déduit que ses dieux ou déesses étaient ambivalents, à la fois anges et démons. En tout cas au-delà du manichéisme simpliste et bébête opposant le bien au mal.
Les conceptions politiques et religieuses des peuples sont toujours solidaires les unes des autres. Dans les anciennes sociétés primitives, on ignorait la notion d’un État condamnant à mort et faisant exécuter le meurtrier d’un citoyen, ou contraignant le voleur à restituer ce qu’il a dérobé ; on ne concevait donc pas non plus des dieux châtiant dans une autre vie l’homme qui en ce monde s’est rendu coupable d’un crime contre son semblable (Hitler Staline Pol Pot Gille de Rais) ni récompensant dans cette autre vie l’homme bon et généreux ou hospitalier envers son prochain (Jeanne d’Arc). Il a fallu attendre le judéo-islamo-christianisme pour cela.
Les Celtes et leurs druides étaient plus optimistes et croyaient en la justice immanente. De toute façon ils avaient en outre la certitude que dans l’autre-monde, tous, seigneurs ou paysans, grands druides ou simples bardes, hommes femmes ou enfants, jouiraient d’un corps de rêve (bellissamos bellissama) resplendissant de la lumière intérieure appelée en gaélique luan laith, ou lumière des héros (xvarnah dans le zoroastrisme de nos frères Parsis).
Dans l’ancien druidisme la croyance à l’immortalité ou presque de l’âme avait une force qui a frappé vivement l’esprit des Romains, mais cette certitude n’était pas, comme chez les chrétiens ou les musulmans, associée à la doctrine théologique du paradis et de l’enfer. Le mort, pensait-on tout simplement, retrouvait dans l’autre monde une vie grosso modo semblable à celle-ci *, et d’où, comme dans celle-ci, toute répartition divine entre enfer purgatoire ou paradis ou toute justice du type « stricte application d’une minutieuse loi divine » était absente. La vie future est semblable à celle-ci. Il n’existe pas plus dans l’une que dans l’autre un pouvoir suprême punissant le méchant et récompensant l’homme vertueux. Le mort retrouve dans l’autre monde un double de son corps sublimé par la lumière intérieure de la luan laith et des objets qui lui étaient familiers. Voilà pourquoi ses parents l’enterrent avec ses armes, son char de guerre, ses bijoux, ses jouets.
Les dieux primitifs (d’avant même l’ancien druidisme) sont donc indifférents à la justice ou à l’injustice des actes humains. Telle est la notion fondamentale de la religion primitive d’avant la réforme druidique ayant eu lieu quelque part en Europe centrale 1000 ou 2000 ans avant notre ère.
Mais les druides primordiaux trouvèrent un moyen intellectuellement satisfaisant (une astuce diront ses détracteurs manichéens) de remédier à cette perspective un peu désespérante il est vrai. Les dieux demeurent toujours indifférents à la justice ou à l’injustice des actes humains… mais pas à leur honneur. Ou à leur parole ou à leur réputation.
Les anciens druides ont donc supposé que les hommes pouvaient placer leurs contrats sous la protection de tel ou tel dieu. Celui qui après avoir conclu un contrat sous serment n’exécute pas ce contrat, insulte par là les dieux qui se vengeront, non par amour de la justice, mais pour se faire respecter.
Cette conception de la justice divine ou du rôle des dieux est l’expression d’un état d’esprit intermédiaire entre la conception théologique primitive et la conception égyptienne, qui est celle aussi des chrétiens : le serment est un procédé à l’aide duquel on force les dieux à sortir de leur indifférence naturelle pour les choses humaines et à devenir les défenseurs du droit.
Cette conception de la justice immanente qui est l’expression des idées naturalistes des druides en la matière se rencontre dans un document irlandais resté célèbre.
Ce document contient le récit…
1° Des événements qui ont, dit-on, motivé l’établissement de l’impôt dit Boromé.
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2° Des faits postérieurs qui ont été la conséquence de la perception de cet impôt dû aux empereurs (rois des rois), d’Irlande par les habitants du Leinster.
Loégairé prit un jour l’engagement de ne plus exiger le Boromé, l’impôt prélevé sur les atectai (sur les dhimmi diraient les théologiens musulmans). Il donna comme garants de sa parole tous les éléments : le soleil et la lune, l’eau et l’air, le jour et la nuit, la mer et la terre. Si l’on en croit nos antiques légendes, il viola ce serment et en subit les conséquences funestes suivantes : la terre l’engloutit, le soleil le brûla, le vent lui refusa l’air respirable ; le parjure du roi Loégairé fut donc puni de la plus atroce des morts.
N.B. Le texte légendaire qui nous rapporte ces prodiges ne les explique pas encore par la justice divine, dont la notion n’avait pas encore pénétré dans la littérature profane de l’Irlande quand ce récit fut rédigé pour la première fois. Il présente le châtiment de Loégairé comme le résultat de l’action directe des forces de la nature auxquelles le roi parjure avait fait appel par un serment solennellement prêté d’abord, puis enfin violé.
Pour ce qui est de la vie après la mort point donc n’était besoin d’enfer ni de purgatoire.
N.B. Les dieux primitifs (d’avant même l’ancien druidisme) sont indifférents à la justice ou à l’injustice des actes humains avons-nous dit.
Il n’en demeure pas moins que nous avons au moins en ce domaine un exemple de dieu druidique plus sensible aux pensées ainsi qu’aux actions, qu’à la valeur marchande de leurs sacrifices ou de leurs offrandes, des fidèles de son culte, c’est le dieu Grannos du temple de Grand (Germanie supérieure, ou Belgique, pour les Romains).
Selon Dion Cassius en effet (livre LXXVIII chapitre XV) parlant de l’empereur romain Caracalla.
« Ce qui montra clairement qu’ils prenaient en considération, non pas ses offrandes ou ses sacrifices, mais seulement ses pensées ainsi que ses actions. Il ne reçut aucune aide d’Apollon Grannus, ni d’Esculape, ni de Sérapis, en dépit de ses supplications et de son inusable insistance. Car, même étant à l’étranger, il leur adressait des prières, des sacrifices et des offrandes votives, et de nombreux émissaires couraient un peu partout chaque jour pour leur faire parvenir des présents ; il alla même les voir lui-même, dans l’espoir de les faire fléchir en apparaissant personnellement, et fit tout ce que les dévots ont l’habitude de faire ; mais il n’obtint jamais rien qui contribua vraiment à lui rendre la santé ».
L’indifférence des dieux druidiques avait donc des limites apparemment : la tyrannie des monarques.
* Mais sublimée, dans des corps de rêve, tout auréolés de la lumière du héros (luan laith) ce que nos frères parsis ou zoroastriens appellent le xvarnah, bellissama bellissamos en vieux celtique.
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ENCORE UNE FOIS DE L’UTILITÉ DE LA LÉGENDE DE LA MORT.
Revenons maintenant à notre « navigation » initiatique post mortem et à ses nombreuses « îles » ou « étapes » visuelles. Supposons que l’âme/esprit du défunt, effrayée par le spectacle de ces divinités plutôt inquiétantes et bien loin d’être aussi psychopompes qu’un Belin/Belen/Barinthus/Manannan venant à sa rencontre sur un char fleuri (par exemple Tethra, Arawn, Gwynn, Donn le sombre…) a pu se réincarner ailleurs que dans ces autres mondes douteux ou de seconde zone…
Insistons bien alors sur le fait que nous ne recevons pas une nouvelle âme avec la régénération qui suit l’accession au paradis celtique du Mag Meld ou du Vindomagos, mais bien un nouveau corps, idéal, idéalisé, de rêve… Ce corps est spirituel, plus subtil que l’air, semblable aux rayons du soleil, aussi différent de l’ancien corps que le soleil resplendissant peut l’être de la lune. Doté de ce que nos amis zoroastriens qualifient de « xvarnah ». Un corps mental ou glorieux (bellissama bellissamos) doté des six sens ; il peut voir sa famille, circuler dans le monde en traversant les obstacles…
À en croire un des scholiastes de Lucain, il semblerait alors que se produise une progression par paliers vers des espaces de moins en moins matériels, où la frontière entre pensée pure et matière devient plus floue. Chaque niveau pourrait être à la fois autonome, doté de règles particulières de fonctionnement, et en état de continuité/discontinuité avec ceux qui le jouxtent. La progression se ferait donc vers des mondes (planètes dit le scholiaste de Lucain) où la pensée devient de plus en plus immanente-transcendante et universelle, et de moins en moins imaginable pour nous. À chaque espace correspondrait une qualité de lumière différente. La confrontation des témoignages montre différents états ou stades de lumière, qui pourraient correspondre à ces états de conscience progressifs et de « dématérialisation » des perceptions relatives à ces états.
La virtualité croissante des structures de passage pourrait les rendre de moins en moins perceptibles, et des pertes de conscience pourraient se produire à ces moments-là.
Bien entendu, nous nous situons ici dans un modèle postulant la « réelle » sortie du corps d’un substrat qui devient autonome et ensuite évolue « loin » de ce corps. C’est, en effet, l’hypothèse la plus simple pour rendre compte des observations objectives et précises à distance, hors de portée des sens physiques connus.
Mais cette hypothèse peut encore relever d’un réductionnisme binaire. Les notions de haut et de bas sont conditionnées par notre conscience gravitationnelle, et nous en concluons que ce qui est léger s’élève ou que ce qui est lourd tombe. Il pourrait ne se produire qu’un dés-ancrage et une dé-localisation de notre conscience, permettant à notre système de perception et d’analyse de fonctionner autrement.
Il ne faut, par conséquent, nullement écarter l’hypothèse que seul l’espace interne est exploré ; ce qui ne préjuge en rien des univers pouvant s’ouvrir à notre perception, dans cet infiniment petit. Subsistent toujours les questions paradoxales : où est l’intérieur, où est l’extérieur ? Comment sont emboîtés l’infiniment grand et l’infiniment petit ?
Tout se passe comme s’il y avait, dans l’espace du corps, mais à un niveau plus subtil, un espace intermédiaire qui se connecterait avec un troisième espace, celui de la lumière. On peut s’interroger sur la continuité ou la discontinuité de ces espaces. Il n’est pas sûr que ces concepts soient bien adaptés, l’image typiquement druidique (pour ce qui est de la mort milieu d’une longue vie en tout cas) d’un ruban de Moebius ou d’une bouteille de Klein serait peut-être plus pertinente. Comme si nous étions sur l’envers ou l’endroit d’une même structure, le centre étant situé juste sur la surface de torsion du ruban.
Ceux qui n’agissent pas trop mal dans la vie, et conformément aux devoirs de leur état (autrement dit, qui n’accumulent pas trop de bran susceptible de faire capoter le décollage vers les étoiles de la fusée de leur âme) peuvent, après leur mort, accéder à une région du Vindobitus qui n’est plus soumise à la réincarnation ; le Vindomagos. Si l’on en croit Plutarque, grâce au Vindobitus (Vindomagos, Mag Meld, etc.) même le commun des mortels peut donc voir un jour à son tour ce rocher brillant comme de l’or face à face, et tel qu’il est, faute de pouvoir se fondre immédiatement dans le Grand Tout. Cette contemplation du rocher d’or de Plutarque dans toute sa gloire céleste est le Graal ou Paradis dans d’autres traditions. Au sein de la lumière éternelle, les meldi vont y jouir d’une nouvelle longue vie. Il n’y a plus pour eux ni mort ni souffrance. Tout y devient harmonieuse musique. L’hydromel coule des rochers, des sources de bière et de lait jaillissent des chaudrons géants inépuisables, et les bêtes de la forêt n’y sont plus sauvages… (bref, voir les descriptions de l’Insula Pomorum de la vita Merlini : Avallon). La vie parfaite ou rêvée en compagnie des trinités de dieu-ou-démons ou en communion avec eux, avec Épona, Cornunnos, Belin/Belen/Belenos et tous les autres, c’est ça le Vindomagos.
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Ultime écho des descriptions de cet état de l’être, élaborées par les anciens druides à l’intention des hommes ou des femmes ayant un tempérament relevant de la première et non de la deuxième ou troisième fonction (sous la plume de Noibo Adamnan) : C’est une terre sans orgueil, sans mépris, sans mensonge, sans blasphème, sans fraude, sans prétexte, sans honte, sans gêne, sans déshonneur, sans tromperie, sans envieux, sans arrogance, sans épidémie, sans maladie, sans pauvreté, sans dénuement, sans destruction, sans décès, sans salut, sans neige, sans vent, sans humidité, sans bruit, sans tonnerre, sans obscurité, sans froideur. Un noble Royaume, admirable, merveilleux, où règnent le savoir, la lumière, et les parfums d’une Terre abondante, un royaume où règnent les plaisirs de toute bonté.
Avoir une demeure quasiment éternelle en ce ciel peut donc être l’aspiration la plus profonde, même du commun des mortels. Vivre au Vindobitus, c’est être avec les dieu-ou-démons tout en gardant provisoirement son identité et son nom. Ce mystère de communion avec les dieu-ou-démons au sein de ce coin du Vindobitus, dépasse évidemment toute compréhension et toute représentation. La tradition celtique nous en parle en termes de lumière, de paix, de festin, de musique, et ainsi de suite. Car tous les fruits de la nature ou les heureux résultats de l’industrie humaine s’y retrouvent aussi, mais comme illuminés ou transfigurés de l’intérieur.
Trop de bran conduit au contraire à une baisse du niveau vibratoire, à un plongeon ou à une descente encore plus profonde dans le monde et la matière. Alors que la non-accumulation de bran conduit à échapper au cercle vicieux et infernal des réincarnations sans fin, en bacuceos ou seibaros.
La découverte de cette grande loi métaphysique, par les druides, a permis, tout en continuant à tenir compte de la réalité de certains cas rarissimes, de ne plus avoir besoin d’un Diable ou d’un Grand Satan pour l’expliquer. Elle est automatique, mécanique bien qu’exceptionnelle (quatre ou cinq cas par siècle).
Les mortels ont pu ainsi du même coup, y trouver des raisons d’espérer, ainsi que des raisons de faire des efforts sur eux-mêmes pour se dépasser.
Les monolâtres judéo-islamo-chrétiens, qui ne sont les hommes que d’un seul dieu-ou-démon et d’un seul livre, quel que soit son nom, Grand Grimoire, Necronomicon, Testament, Coran, ne connaissent qu’une unique vie dans laquelle tout se décide pour l’éternité, le salut ou la damnation, éternels.
Cette idée chrétienne ou musulmane du jugement des âmes est particulièrement absurde, et procède d’un évident manque de réflexion de ces religions. Car si l’âme est un don ou une partie de Dieu, pour reprendre leur propre vocabulaire, un tel jugement ne pourrait être qu’une autocondamnation de Dieu se déchargeant de ses propres erreurs sur un bouc émissaire (Satan, le Diable, etc.). Un tel jugement serait en outre inutile et superflu !
Notre héros à nous autres, le Hésus Cuchulainn, a établi lui-même pour les mortels que nous sommes, les normes de comportement, mais savait très bien que l’Homme contrevient souvent à ces normes. Le Destin a donc veillé à ce que ces transgressions trouvent en elles-mêmes leur propre sanction (justice immanente dont les dieux ne sont que des auxiliaires). C’est la loi d’airain de l’ategeneto. Ces renaissances en bacuceos ou seibaros, ne constituent pas un châtiment à proprement parler, car le sacré, c’est l’Homme (nemetos). La réincarnation en bacuceos ou seibaros n’est que l’auto-expérience de l’état où l’homme se met du fait de ses propres actions (antérieures).
L’Être supérieur n’a donc que faire du rôle de juge que veut lui attribuer le christianisme. Le jugement de l’âme esprit c’est sa propre histoire, son destin. Les expériences faites au cours des différentes étapes de ce périple initiatique (la mort étant l’initiation supérieure par définition) sont, bien sûr, conditionnées par les habitudes mentales du défunt, développées durant sa vie et ses dernières pensées. De la même manière que nos rêves sont également conditionnés par notre état psychique et nos actions.
Par la coupure automatique de l’enveloppe corporelle, la mort nous donne une occasion exceptionnelle de nous libérer de l’emprise de nos instincts animaux les plus obscurs, et de déboucher dans la lumière d’un monde meilleur. L’âme/esprit délivrée du corps se retrouve libre et douée d’ubiquité. Si elle pense à un lieu ou à un état, elle s’y trouve instantanément.
Il s’agit par conséquent de dépasser la mort, en métamorphosant son processus en un acte d’affranchissement, ou de libération, du cycle sans fin des réincarnations en bacuceos (ategeneto) ou seibaros. C’est pourquoi il importe de rappeler à tout un chacun les principales étapes qui jalonnent cet itinéraire (cf. la légende de la mort).
La connaissance de cet itinéraire et de ses nombreux pièges est indispensable à celui qui est en train de se défaire de son incarnation ici-bas. Une connaissance qui, si l’on n’y a point accédé de son vivant, reste néanmoins possible jusqu’à l’instant même du grand passage.
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Notre existence corporelle est soutenue par divers éléments intérieurs (chairs, fluides corporels, chaleur corporelle, respiration et complexion corporelle). Chacune des étapes de la dissolution va donc avoir des répercussions physiques et psychologiques, se manifestant par des signes extérieurs physiques, et par des signes intérieurs expérimentés par le mourant. Toutefois, dans certains cas, une mort accidentelle par exemple, les processus de dissolution peuvent être si rapides qu’il n’est pas possible d’en prendre conscience.
Chaque fois qu’un de ces centres d’énergie cesse de fonctionner, il se manifeste au mental (au binôme âme + esprit ou anamone + menman) sous la forme d’une entité à l’apparence apaisante (Epona, Belin/Belen/Barithus/Manannan…), ou au contraire effrayante, selon les idées du défunt (Tethra, Gwynn…). Les druides d’aujourd’hui parlent de dieux psychopompes, nos amis tibétains de divinités paisibles. Essayons un peu d’y voir clair, c’est le cas de dire, car l’attitude de l’esprit à ce moment précis décide du destin ultérieur de l’âme.
Si nous savons maintenir notre esprit dans la clarté du droit chemin à la manière d’un soleil que n’obscurcit aucun nuage, en maîtrisant nos peurs et nos visions ; nous sommes alors à même de contrôler la séparation de notre âme/esprit et de notre corps et l’orientation de notre au-delà-de-la-mort.
Cette préparation des âme/esprits est un peu comme une police d’assurance. Si l’on n’arrive pas soi-même à forcer l’épanouissement de son âme de son vivant, on est assuré d’y réussir après notre mort dans cet autre monde. C’est le chemin le plus direct et le plus rapide pouvant y conduire. Point n’est besoin dans ce cas de pratiquer ascèse ou méditation pendant des heures. Et heureusement, car la plupart d’entre nous n’ont pas la possibilité de pratiquer à outrance la méditation en solitaire ou la mortification. Il faut donc un chemin plus simple, plus direct, pour en quelque sorte frayer le passage. La vie est très courte et peut prendre fin soudainement, ou sans avertissement, contrairement à ce que semble penser le Breton Anatole Braz sur le sujet : « Les personnes qui nient les intersignes en ont autant que celles qui en ont le plus. Elles les nient uniquement parce qu’elles ne savent ni les voir ni les entendre ; peut-être aussi parce qu’elles craignent, et qu’elles ne veulent rien entendre, ni rien voir, de l’autre vie… Personne ne meurt, sans que quelqu’un de ses proches, de ses amis ou de ses voisins, n’en ait été prévenu par un intersigne ».
En ce qui nous concerne, nous maintenons que l’Ankou (la mort) peut frapper sans prévenir. Et quand la mort advient, nous n’avons aucune possibilité d’y échapper : ni notre richesse accumulée ni notre renommée, rien ne peut nous venir en aide hormis les quelques considérations qui suivent.
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ESCHATOLOGIE COLLECTIVE.
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DOCUMENT DE TRAVAIL N° 2 (LA PROPHÉTIE DE LA GRANDE REINE).
Les deux derniers paragraphes de la Seconde Bataille de la Plaine aux Tumulus (Cath Maighe Tuireadh).
Puis, après que la bataille eut été gagnée, que les corps eurent été lavés, la fée Mara Rigu/Morrigu/ Morgane fille d’Ernomos entreprit d’annoncer cette bataille et le triomphe qui en était résulté, aux collines royales de la Verte Erin, aux armées du sid, aux principales eaux ainsi qu’aux estuaires. Et par conséquent voilà pourquoi la Bodua décrit aussi les hauts faits.
« As-tu des nouvelles ? » lui demandait-on alors. Et la Bodua de répondre :
« La paix jusqu’au ciel
Du ciel jusqu’à la terre
La terre sous les cieux
La force à chacun, etc. ».
Ensuite elle annonça également la fin de ce monde, en dévoilant tous les maux qui adviendraient, chaque maladie et chaque vengeance. Voilà pourquoi elle récita le lai ci-dessous.
« Je verrai un monde qui ne me plaira pas
Un été sans fleur,
Des vaches sans lait,
Des femmes sans modestie,
Des hommes sans courage,
Des captures sans roi.
………… ?……………
Des arbres sans gland sans faîne
Des mers sans poisson sans fruit
… ?………………
………………………
………………………
De mauvais conseils des Anciens
De fausses jurisprudences de la part des juges,
Tout homme sera un traître,
Tout garçon un brigand.
Le fils entrera dans le lit du père
Le père entrera dans le lit du fils,
Cliamain cach a bratar,
Tout homme sera le beau-frère ou beau-père de son frère ????
… ?……………
Les temps seront mauvais !
Le fils trahira son père,
La fille trahira sa mère ».
Et après tout cela régneront seuls le feu et l’eau (cf. Strabon IV, 4).
Cette fin d’un cycle (ou fin d’un monde ??? Les druides ont toujours vu plus loin que leur temps historique, le texte en tout cas nous parle du dernier monde) ; sera le résultat d’une guerre inexpiable entre forces (et donc dieu-ou-démons) opposées.
« Les trois cas de fin du monde : l’excès de mortalité, de guerre, le non-respect des contrats » (Senchus Mor, ou « Grande Antiquité » : Dublin, 1865-1901, t. III, 1873, p. 12).
Le même thème est traité d’une manière beaucoup plus longue et détaillée par le vellède Ferchertne dans le Colloque des Deux Sages (Imacallam in da thuarad, Lebor Laignech).
Malgré sa christianisation évidente, ce texte reste un précieux témoignage sur l’éthique et les valeurs du druidisme. La notion de jugement, incluse à la fin, n’est pas nécessairement chrétienne. De toute façon, le reste est empreint de conceptions préchrétiennes manifestes. Même s’il est difficile de comprendre chacun des lais composant ce long poème, il en ressort l’impression d’un gigantesque
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conflit opposant toutes sortes de valeurs antagonistes, voire même des ennemis en chair et en os. On y retrouve en effet au début (dans la partie qui précède la prophétie proprement dite) des allusions aux trois dieu-ou-démons de Danu (bia), mais aussi à Lug, à Noadatus/Nuada/Nodons/Llud, à Mabon/Maponos/Oengus ; ainsi qu’à la Dame Blanche appelée Damona Vinda sur le continent, ou Bo Enda aux Pays-Bas (Borvoboenda) voire Bo Vinda en Irlande.
Ainsi que nous le rappelle avec pertinence le grand celtologue breton Christian-Joseph Guyonvarc’h dans son livre consacré à ce sujet : « Un jour régneront seuls le feu et l’eau » (Strabon IV, 4).
Ensuite tout recommencera, et de ce feu et de cette eau resurgiront un monde nouveau ainsi qu’une terre nouvelle, encore plus bleue et plus verte que la précédente. Du moins pouvons-nous l’espérer à l’instar des druides ayant illustré les monnaies unelles ou véliocasses (loup monstrueux dévorant la lune ou un char solaire et rejetant derrière lui après de la verdure) ou des rédacteurs du Ragnarök germanique *.
* Nous mettons néanmoins en garde nos frères odinistes contre ces textes qui sont truffés d’influences judéo-chrétiennes, ou de réminiscences de la culture classique gréco-latine.
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DOCUMENT DE TRAVAIL N° 3 : LE DIALOGUE DES DEUX SAGES
(Imacallam in da thuarad).
Paragraphes 195 à 310.
« J’ai, à la vérité, de terribles nouvelles. Les temps seront mauvais ; les chefs seront nombreux (les élus du système politique entretenus par les impôts du contribuable ??), les honneurs peu nombreux ; les vivants anéantiront leurs bons jugements. Le bétail sera stérile ; les hommes rejetteront la modestie ; les hommes seront méchants ; les bons rois seront peu nombreux ; les usurpateurs seront nombreux ; les disgrâces seront légion ; chaque homme sera déshonoré ; les chars se briseront dans leurs courses ; les ennemis consumeront la plaine de Niall ; la vérité ne garantira plus l’excellence. Tout art sera de la bouffonnerie ; tout mensonge sera préféré. Chacun sortira de sa place, avec orgueil et arrogance, si bien que l’on n’honorera plus ni rang, ni âge, ni dignité, ni art, ni instruction. Tout homme intelligent sera brisé ; tout ce qui est noble sera méprisé, tout ce qui est servile sera élevé. Les souverains légitimes tomberont devant les usurpateurs à cause de la tyrannie des hommes aux lances noires.
La foi sera détruite ; les offrandes seront profanées ; l’avarice videra les cuisines ; le refus de toute hospitalité détruira les fleurs ; de mauvaises décisions feront pourrir les fruits, le droit chemin disparaîtra pour tout le monde.
Les chiens dévoreront les cadavres… Si bien que chacun blessera l’autre par sa noirceur, son avarice et sa ladrerie. Lors de cette fin du monde, pauvreté, avarice et lésine déferleront de toute part.
Il y aura beaucoup de querelles parmi les artistes ; tout le monde se paiera un histrion pour faire des satires à son profit ; chacun imposera ses limites à l’autre. La trahison sera sur chaque colline, si bien que ni lit ni serment ne protégeront ; chacun blessera son voisin, les frères trahiront leur frère ; chacun s’en prendra aussi à ses compagnons de table ou de beuverie, si bien qu’il n’y aura plus ni vérité, ni honneur, ni âme.
Les avares pulluleront ; les usurpateurs se satiriseront mutuellement par des flots de noirceur ; toutes les dignités seront renversées ; l’enseignement des clercs sera oublié ; les sages seront méprisés ; la musique tournera en grossièreté ; la sagesse tournera en mauvais jugements ; le mal passera par la pointe des crosses (des évêques ?????) ; tout amour deviendra comme adultère.
Un grand orgueil et maints caprices apparaîtront chez les fils de vilains et de vauriens. Avarice, refus d’hospitalité ainsi que pénurie régneront. Un grand art dans la broderie surviendra chez les fous et les prostituées. Vêtements sans couleur. De mauvais jugements sortiront de chez les princes de ce monde, chez les rois et les seigneurs.
L’ingratitude et la méchanceté s’installeront dans tous les esprits, si bien que ni roi ni seigneur n’entendront plus les prières de leurs peuples ni leurs jugements ; que les intendants des terres d’église (erenaghs) n’écouteront plus les gens et que les jeunes ne se lèveront plus devant leurs professeurs.
Chacun transformera son art en mauvais enseignement et en fausse intelligence, si bien que le plus jeune trouvera normal de rester assis pendant que son aîné sera (debout) à côté de lui ; qu’un fermier n’aura plus de honte à manger après avoir refusé de donner hospitalité à un artiste qui aura vendu son honneur et son âme pour un manteau et de la nourriture ; l’envie remplira chaque homme ; l’homme fier vendra son honneur et son âme pour le prix d’un scrupule. * La modestie sera rejetée ; le peuple sera bafoué ; les lettres seront oubliées ; il n’y aura plus de poètes. La justice sera comme abolie et de faux jugements apparaîtront chez les usurpateurs qui régneront sur ce monde ; les fruits seront brûlés juste après leur apparition par une foule de gens de rien ; partout il y aura surpopulation et un trop grand nombre d’hommes.
Les routes s’étendront dans la montagne. Chaque forêt deviendra une plaine ; chaque plaine deviendra une forêt. Chacun deviendra esclave lui et toute sa famille.
Après cela viendront de nombreuses et cruelles maladies, des tempêtes subites et terrifiantes, des éclairs et des arbres en pleurs (frappés par la foudre). L’hiver aura des feuilles ; l’été sera sombre ; l’automne sera sans moisson ; le printemps sans fleur.
II y aura de nombreux morts pour cause de famine. Des maladies s’abattront sur les troupeaux : vertige, consomption, hydropisie, peste, enflure, fièvre.
Animaux errants qui ne servent à rien, cachettes sans trésor, grands biens sans homme pour en profiter ; disparition des champions, manque de blé, parjures, jugements partiaux, trois jours et deux nuits mortels pour les deux tiers des humains ; un tiers de ces plaies sur les animaux des mers et des bois.
Après cela viendront sept années de lamentation. Les fleurs dépériront ; et l’on pleurera dans chaque foyer ; les hommes serviront des hommes, il y aura des combats autour de Cnamchaill ** ; de beaux bègues (?) seront tués ; les filles enfanteront pour leurs pères, des batailles seront livrées en des lieux
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célèbres, la désolation s’étendra dans les prairies entourant les hauteurs. La mer envahira chaque terre et même les demeures de la Terre de Promesse. L’Irlande deviendra un désert sept ans avant la fin, il y aura deuil sur deuil. Ensuite, dans chaque canton des monstres seront engendrés ; les étangs se retourneront contre les fleuves ; le crottin (?) aura la couleur de l’or ; l’eau la plus ordinaire aura le goût du vin ; les montagnes deviendront des plaines ; les tourbières deviendront des champs couverts de fleurs. Les essaims d’abeilles brûleront dans les montagnes ; la marée ne sera plus à l’heure et désertera nos plages d’un jour à l’autre. Viendront ensuite sept bien sombres années, car les lumières du ciel seront obscurcies, au cours de cette fin du monde elles passeront, elles aussi, avec notre jugement, un grand jugement, ô mon fils. De grandes nouvelles, mais des nouvelles horribles : un mauvais temps ». (Ferchertne. Primat des druides d’Ulster).
* Un 24e d’once d’argent : autrement dit une très petite somme.
** manuscrit Rawlinson B 502 : alors la roue ramante se mettra en mouvement et touchera Cnamchaill.
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RÉFLEXIONS SUR LA DÉCADENCE.
Le thème de la décadence a été traité par Montesquieu, qui énumère dix-sept causes de la chute de Rome. Certaines recoupent des problèmes réels de nos sociétés d’aujourd’hui, par exemple le multiculturalisme qui s’était alors étendu sur Rome et obligeait, avant de juger quelqu’un, à lui demander de quelles lois et de quels dieu-ou-démons, il se réclamait. Mais aussi la crise économique. Sans oublier le discrédit de ses lois qui, bien acceptées au départ, parce qu’elles apportaient la paix romaine, furent contestées ou combattues dès lors qu’elles ne visaient plus qu’à drainer le maximum de ressources sur une hiérarchie sociale devenue oisive ; sans fournir de réel service aux populations, en contrepartie.
Un autre exemple, à propos duquel on dispose de beaucoup de documents, est celui de l’Empire ottoman, qui s’effondra en 1918, mais dont les premiers signes de décadence avaient été observés dès la fin du XVIIIe siècle. L’un des artisans de cette décadence de l’Empire (au profit du nationalisme égyptien) fut d’ailleurs Mohamed Ali, lui-même très inspiré par l’action de Napoléon Bonaparte envers la Sublime Porte (l’Empire ottoman).
Plus mystérieux est le cas de la chute de la civilisation maya. Le déclin de la civilisation maya a commencé au IXe siècle, quand – pour des raisons encore largement méconnues – les Mayas du Sud ont abandonné leurs villes. La civilisation maya était une civilisation très avancée. Pourtant, quand les Espagnols débarquèrent, elle avait disparu. Les nouveaux venus ne trouvèrent qu’une zone quasi désertique, dont le savoir technique des indigènes n’expliquait pas la présence de ces extraordinaires Cités-États…
Les deux points communs aux empires en décadence semblent être les suivants.
— Une perte du sens du réel, ou du bon sens, au profit d’un idéal ou d’un fantasme (voir les réactions insensées déclenchées par la volonté de Barack Obama en 2009, d’améliorer enfin radicalement le fonctionnement du traitement social de la santé), qui finit par tenir lieu de nouvelle réalité. Qui finit par être déconnecté de la réalité. Assimiler Barack Obama au grand Satan, à l’Antéchrist, à Hitler, à Staline… ! Au secours !
— Enfin une perte du sens du bien public, au profit d’une recherche de la jouissance effrénée ou d’un égoïsme effrayant.
On a l’habitude d’associer la décadence à la dégradation des mœurs, pourtant ce n’est jamais par des abus, des vices, ou des crimes, qui sont de tous les temps, qu’une civilisation périt.
Les maux dont meurt un empire ou une civilisation sont plus spécifiques, plus complexes, plus lents, parfois plus difficiles à découvrir ou à définir.
Le processus de déclin des civilisations ou des grandes puissances est d’une grande complexité, il plonge ses racines dans la plus totale obscurité. Bien entendu, on peut trouver après coup de multiples explications et rationalisations, sans parvenir pour autant à dissiper le sentiment d’un irrationnel agissant au cœur même du processus.
Des comportements qui ne se réfèrent pas, en apparence, à une divinité, peuvent (et même parfois doivent, sociologiquement et psychologiquement) s’analyser, néanmoins, comme des manifestations religieuses d’adoration.
Plusieurs exemples sont évidents.
La passion que déchaînent certaines vedettes peut tout à fait être assimilée à de la monolâtrie, certains « mordus » vouant un véritable culte à leur nouveau « prophète ou messie ».
Les grandes manifestations sportives ou culturelles, avec leurs vedettes, sont comparables à des offices religieux, le terme de grand-messe est d’ailleurs parfois utilisé pour les décrire. L’humanisme sans réflexion a engendré le même type de discours : il ne faut pas chercher à apprendre à pêcher, mais donner les poissons, l’Immigré devenant dans un tel angélisme ou irénisme un nouveau dieu dont il ne faut pas profaner les avatars.
Ces multiples pratiques ont leurs « dogmes » (obligations et interdits, morale, rectitude politique du langage, etc.), leurs « clergés », leurs « grands prêtres » (les gens de médias par exemple), leurs « livres sacrés », leurs « cérémonies », et ainsi de suite ; leur seul point commun est de ne pas se
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considérer comme des religions, et donc d’éluder la question du statut de l’objet de toutes leurs attentions.
Inversement, on notera que des groupes qui revendiquent eux-mêmes un caractère religieux se voient refuser l’appellation officielle de religion dans certains pays, qui ne voient dans leurs pratiques que des manifestations profanes.
On parle aussi, et pas seulement de façon métaphorique, des temples de l’argent, de nouveaux dieux des marchés, notamment des marchés de la finance, et l’on a analysé les transactions financières comme autant de sacrifices à cette divinité. Sur les liens entre capitalisme et religion (judaïsme, christianisme, et notamment calvinisme… voir Max Weber).
L’État lui-même est parfois invoqué comme un dieu (ou un démon, ce qui du point de vue de la divinité ne change rien), il a ses cérémonies, ses prêtres et fidèles (mais aussi ses mécréants).
L’athéisme n’étant qu’une question de définition, de nombreuses autres pratiques peuvent être qualifiées de religions ou de sectes.
Dans tous les cas les élites restent aveugles et sourdes à l’évidence des tendances lourdes qui sapent sous leurs yeux la société. Pire même ! Ces élites martèlent des contrevérités n’ayant rien de spécialement vrai au regard de l’Histoire, mais qu’elles ont choisi (sans avoir la franchise de l’avouer à leur public d’ailleurs) de faire passer pour des évidences ; que seuls des criminels staliniens ou nazis, ou des débiles, peuvent contester. L’histoire de l’économie de marché, ou du libéralisme, ou du capitalisme, qui a toujours raison (qui est voulu par Dieu ou qui est synonyme de bonheur-extase absolu) en est une ! En France en 2008, les républicains ou démocrates bon teint présentaient couramment comme étant rigoureusement synonymes : la démocratie, le capitalisme, et le traité valant constitution de l’Union européenne (ou la mondialisation). Alors qu’il a existé des sociétés démocratiques sans capitalisme (la démocratie tribale des Indiens Iroquois = Gayanashagowa, par exemple) et des sociétés capitalistes sans démocratie (le Chili de Pinochet, la Chine du début du XXIe siècle).
Quant à notre pauvre Obama, ainsi que nous avons eu l’occasion de le dire, il a été couramment assimilé à Hitler et traité de tous les noms (menteur, etc.) en 2009, quand il a voulu tout simplement rationaliser, mais aussi humaniser le système de santé qui en avait bien besoin effectivement. Des millions de pauvres ne pouvaient pas se soigner, les assurances privées étaient sans vergogne.
Barack Obama, qui est un homme instruit et bien élevé, a utilisé la notion de « bêtise » pour qualifier ces réactions ; mais à sa place, moi, j’aurais utilisé des termes beaucoup plus forts, bien qu’éminemment populaires, pour stigmatiser cet égoïsme sordide allié à un manque de culture ou d’intelligence… abyssal !
Où sont par exemple l’intelligence et la logique dans le gigantesque mouvement de décolonisation qui a secoué la planète à partir de 1945, puisque maintenant on ne jure plus que par la mondialisation et l’abolition des frontières ? Était-il si judicieux de susciter tant de nouvelles frontières, pour en demander l’abolition cinquante ans plus tard ?
Et en ce qui concerne la mondialisation… ne serait-il pas plus simple et plus basique, moins intellectuel, mais plus éternel, de considérer que, telle la langue d’Ésope, elle peut être la meilleure ou la pire des choses ? Il y a bien plus de vérité ou de profondeur dans la description des Lilliputiens. Question basique en effet. Quand nous serons tous bien mélangés, uniformisés, et homogénéisés, parlant tous officiellement une seule et même langue et pas l’espéranto *, mais la nôtre évidemment), sur une terre dévastée par le pillage et la recherche du profit à tout prix, même gouvernée par Dieu et les femmes ; serons-nous plus heureux pour autant ? ? En tout cas la biodiversité humaine aura disparu.
L’œil a ce que l’on appelle un point aveugle. C’est le seul point de la rétine qui ne voit pas, en raison de l’absence de photorécepteurs. Il correspond à l’endroit où le nerf optique et les vaisseaux sanguins quittent l’œil. Or tout se passe comme si les grands esprits avaient, eux aussi, comme l’œil, leur tache de Mariotte ou leur point aveugle. Tout se passe comme si une intelligence ne pouvait survivre qu’avec, quelque part, une gigantesque faille, où elle cesse d’exister pour être remplacée par une idéologie dominante ; dont le martèlement, décliné dans tous les domaines, à temps et à contre- temps, tient lieu de réflexion. Un autre excellent exemple en est l’émission télévisée intitulée en français « c’est dans l’air » (animateur principal…) qui, huit fois sur dix, n’est qu’un florilège d’idées
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reçues. Pas des idées reçues du café du commerce, des idées reçues de salon huppé, mais des idées reçues quand même !
Enfin bref, chut, surtout ne le dites pas, tous ces gens bien se croient supérieurement intelligents alors qu’ils ne sont qu’instruits et bien élevés, ils en seraient horriblement vexés.
Comme le dit l’antique adage, les dieu-ou-démons rendent aveugles ceux qu’ils veulent perdre et leur font prendre, le martelage médiatique aidant, ce qui n’est qu’une liberté de l’Homme, pour un progrès. On se demande bien pourquoi, par exemple, les élites (journalistes, religieux, hommes politiques, artistes, notaires, etc.) veulent à tout prix installer des mercenaires croisés de l’islamisme politique radical armé (autrement dit djihad et charia) à la tête de la Syrie en lieu et place de Bachar Al Assad ** ; veulent à tout prix de la Turquie dans l’Europe, mais pas de la Russie. Tout en militant aussi en même temps pour l’abolition immédiate des frontières au niveau mondial. On se demande bien pourquoi, par exemple, les élites (journalistes, religieux, hommes politiques, artistes, notaires, etc.) veulent à tout prix légaliser l’adoption homoparentale et le mariage civil ou religieux homosexuel ; mais refusent d’aider les familles biologiques à avoir des enfants (par exemple en aménageant les horaires, en leur attribuant prioritairement des logements ad hoc, etc.) On se demande bien pourquoi, par exemple, les élites (journalistes, religieux, hommes politiques, artistes, notaires, etc.) veulent à tout prix l’enrichissement culturel tous azimuts ; mais en même temps ne font strictement rien pour défendre les richesses culturelles de leur propre pays devant le rouleau compresseur de la mondialisation. Ne font rien contre la disparition des langues et des peuples ou des vraies différences de leur peuple, face au rouleau compresseur de l’enrichissement économique de quelques-uns (seulement) et de la mondialisation du pire comme du meilleur. Voire même participent, par leur comportement personnel, à la démultiplication des effets de ce rouleau compresseur, surtout en matière linguistique, en négligeant systématiquement certaines langues pourtant remarquables (le navajo, l’espagnol, l’italien, l’allemand, le norvégien…)
La langue de bois de l’idéologie dominante, répétée à l’infini dans les médias par les médias, tient lieu de réflexion. D’où une paradoxale mobilisation en faveur de l’antiracisme : rigoureusement parallèle au déclin de la volonté révolutionnaire. Autrement dit la charité, mais surtout pas la justice ! Du thé, mais surtout surtout pas la Révolution contre l’intolérable ! Surtout pas, la fin radicale de l’exploitation de l’homme par l’homme. Tel est le mot d’ordre des masses médias aujourd’hui ! Tant de saints sur cette terre et si peu de résultats ! Que se passe-t-il ???
* L’espéranto a l’avantage d’être une langue internationale…
— Neutre (c’est-à-dire n’avantageant personne et donc ne conférant aucun avantage injuste à qui que ce soit).
— Facile à apprendre.
— Ne souffrant d’aucune équivoque (idéale par exemple pour des textes législatifs).
Mais il est néanmoins moins scientifique que la Caractéristique Universelle de Leibniz.
** Qui n’est pas un saint il est vrai, mais les autorités chinoises sont-elles angéliques ?
Une chose est sûre : un grand décalage entre les mentalités des acteurs, et les nécessités internes de développement d’un type de société, accompagne toujours la chute d’une civilisation. Tout se passe comme si les connaissances et les savoirs qu’une civilisation ne cesse d’accumuler, ne pouvaient être intégrés dans le moi profond des élites, ou des hiérarchies, qui dominent cette civilisation.
Ainsi que l’a bien vu Le Bon, les idéologies servent à trois choses : aider à interpréter la réalité, relier ceux qui les adoptent, et s’opposer à d’autres groupes. Une idéologie dominante est une association d’idées plus ou moins systématisée, bien que n’ayant aucun lien logique entre elles, et influençant les comportements individuels ou collectifs. Phénomène amplifié par la massification des idées, à laquelle aboutit la concentration des masses-médias, entre les mains des hiérarchies sociales (grandes fortunes, journalistes, hommes politiques).
Historiquement parlant, le terme d’idéologie est entré dans la réflexion sociale avec le marxisme, qui lui a donné tout de suite un sens critique, l’idéologie étant le contraire de la science. L’idéologie se présente d’abord comme une vision du monde, c’est-à-dire une construction intellectuelle qui explique et justifie un ordre social existant, à partir de raisons naturelles ou religieuses. Mais cette vision n’est en réalité qu’un voile destiné à cacher la poursuite d’intérêts matériels égoïstes, en renforçant ou en étendant la domination d’une classe de privilégiés, afin de conforter l’organisation de la société en place. Les idéologies de la classe dominante sont présentées de manière à ce que les intérêts de ladite classe dominante paraissent être les intérêts de tous. Les vrais révolutionnaires du XIXe siècle
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ne parlaient pas d’antinationalisme ou de Mère Thérèsa (même si nous respectons profondément son action), mais d’internationalisme. Autrement dit pas d’oubli, de combat, ou de mépris des identités culturelles (comme l’a pourtant fait le Président français au Québec fin 2008, lors du XXIIe sommet de la Francophonie), mais une entraide ou une solidarité entre les nations. De préférence libérées de leur exploitation de l’Homme par l’Homme.
L’ouverture des frontières par contre, c’est en réalité la possibilité d’avoir toujours, et en nombre suffisant, des malheureux pour ramasser les poubelles la nuit ; ou pour accepter toutes les corvées que ne veulent plus faire les enfants des élites en question : pasteurs, curés, rabbins, journalistes, notaires, écrivains, vedettes de l’industrie du spectacle, sportifs de haut niveau… Et le soir, ils rentrent dans leur ghetto. Autrement dit des immigrés, encore des immigrés, mais chez les autres, pas chez nous !
Marx a proposé de cesser de considérer l’idéologie comme un système neutre, et a donné un éclairage critique sur le concept originel d’idéologie : cet auteur voit l’idéologie comme un système d’opinions servant les intérêts de certaines classes sociales. Celle des journalistes ou des hommes politiques par exemple. Une définition dérivée de l’idéologie est celle de doctrine politique fournissant un principe unique d’explication du réel, susceptible d’inspirer rapidement un programme d’action, et constituant un ensemble cohérent d’idées acceptées sans réflexion critique. L’idéologie est une notion beaucoup plus large que celle de doctrine (qui est la dimension intellectuelle de l’idéologie), car elle fait appel à la dimension des « comportements psychologiques » et s’inscrit dans un processus collectif très important. La notion d’idéologie n’existe que dans le cadre d’une « société de masses ». Hannah Arendt, de son côté, pense que l’idéologie présente plusieurs caractéristiques indissociables. D’une part, elle forme un système d’interprétation définitive du monde, et affiche une prétention omnisciente ou « omni-explicative » de celui-ci, qu’il s’agisse des événements passés ou futurs. D’autre part, elle affirme son caractère irrécusable. Elle n’est jamais prise en défaut et s’émancipe de la réalité. Une autre caractéristique de l’idéologie est son « logicisme », son aptitude à se doter d’une cohérence interne. P. A. Taguieff et son essai sur la force du préjugé ont également beaucoup contribué à éclaircir la question pour ce qui est du racisme.
Cette fin d’un cycle (ou fin d’un monde ??? Les très-sachants ont toujours vu plus loin que leur temps historique, le texte en tout cas nous parle du dernier monde) sera le résultat d’une guerre sans merci entre forces (et donc dieu-ou-démons) opposées. Le dernier scénario à propos de l’Humanité que propose le druidisme est par conséquent celui du combat. Ce sera DONC à la fois l’Apocalypse et le Bas-Empire.
Note sur la fin de l’Empire romain d’Occident justement. Édouard Gibbon l’a essentiellement attribuée à une perte de vertu civique, conjuguée à un essor sans précédent du christianisme. Le travail de Gibbon est remarquable pour ses notes et ses recherches tous azimuts. Le seul problème est que l’Empire romain d’Orient, qui était bien aussi chrétien, voire même beaucoup plus, lui, a survécu mille ans.
Certains auteurs, comme le philosophe tchèque Radovan Richta (1924 – 1983) font état d’une perte de supériorité technologique. Mais la thèse de Richta, faisant de l’invention technique le moteur interne de l’Histoire, et s’efforçant d’en discerner les principales tensions dans l’asymétrie des singularités techniques d’une société à l’autre ; écarte volontairement certains paramètres contingents, comme la profonde transformation des mœurs dans la Rome des derniers siècles.
D’autres enfin attribuent la chute de l’Empire romain d’Occident aux Barbares, mais il est inexact cependant d’imputer la chute de l’Empire à ces seuls Barbares. Ils n’ont été en fait qu’un catalyseur : l’État romain était « miné » de l’intérieur.
Il est plus juste de penser qu’il y a eu, hélas pour les Romains, une combinaison mortelle de plusieurs facteurs.
— Et tout d’abord le développement de l’incivisme. Le refus pour les citoyens d’effectuer le service militaire. Des mercenaires barbares seront alors recrutés, ce qui provoquera la perte, pour les Romains, du contrôle de leur armée. En 458, une loi devra même interdire à la population de démolir les bâtiments publics pour en récupérer les matériaux.
— Une crise économique provoquée par le fait que l’enrichissement de l’aristocratie ne provenait que des conquêtes et des colonies. L’arrêt de ces conquêtes marquera par conséquent le début du déclin, et les revenus du commerce ne suffiront en aucune façon à financer les différents secteurs nécessaires au bon fonctionnement de la société : l’administration ou les garnisons. La pression fiscale deviendra donc insupportable !
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— La sclérose d’une hiérarchie sociale oisive, uniquement soucieuse de s’amuser ou de défendre ses propres intérêts (argent et luxe). Trop de richesses sont consacrées à des dépenses improductives (comme les jeux, les spectacles, les courses de chars, les combats de gladiateurs…)
— Un système politique inefficace. Les sénateurs romains se transforment à chaque fois en organe de pression pour bloquer toute vraie réforme qui pourrait nuire à leur situation, même si l’évolution proposée semble indispensable à la survie de l’Empire ; et préfèrent soutenir des pseudo-réformes, des réformes ne traitant pas de l’essentiel, ou des mini-réformes.
— Une incontestable dénatalité des populations romaines face aux Barbares, causée par la dépravation des mœurs.
— Et enfin le développement paradoxal au sein de l’Empire de toute une série de minorités rétives à leurs devoirs (civiques : payer l’impôt, accomplir ses devoirs militaires, sacrifier à l’empereur), mais revendicatrices de toutes sortes de privilèges (respect du shabbat, etc.) et faisant tout le contraire du célèbre mot de Kennedy * faisant donc en quelque sorte bande à part, et subjectivement ou objectivement complices des ennemis extérieurs. Voir par exemple les écrits des Juifs ou des premiers chrétiens, voire ceux de Salvien de Marseille QUI VISIBLEMENT ADMIRE LES BARBARES.
* Ne demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, mais ce que tu peux faire pour ton pays.
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DÉCADENCE ET FIN DE CYCLE SELON LES DRUIDES.
La cosmogonie druidique repose sur la notion de déroulement cyclique de l’histoire des mondes, de cycles dans et à l’intérieur de chaque monde, suivis de nouvelles formations de monde. Éternellement et pour les siècles des siècles, les mondes se forment, se développent, déclinent, puis périssent (fin d’un cycle) pour se reconstituer de nouveau (début d’un autre cycle). Naissance, formation, et mort, de ces mondes, constituent une « longue vie » (bituitos).
L’histoire de l’Homme et du Cosmos ou Bitos de ce cycle est tout entière orientée vers son retour à l’origine d’après Strabon : un jour seuls le feu et l’eau régneront (Géographie IV, 4 à 6).
Cette réintégration dans l’Être supérieur ou apocatastase est assurée à tous (y compris aux plus mauvais des humains). Au minimum à la fin de ce monde, et le Gdonios (l’Homme) dans tout cela, aura un rôle capital à jouer : il peut accélérer ou retarder ce processus.
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, au Moyen-âge sur le Continent, les hommes contemplant la ligne d’horizon de l’océan pensaient que la Terre était plate 1). Ils ne faisaient donc que juger selon l’apparence de ce qu’ils pouvaient observer. Quand une circonférence est d’une taille aussi considérable que celle de la Terre, l’observateur humain a le sentiment qu’elle est plate. Le même type d’argument vaut pour le temps. La ligne du temps, du point de vue de nos préoccupations humaines, passe pour une évidence. Avec une perspective plus large, comme celle de la tradition druidique, nous pourrions percevoir qu’en réalité la ligne du temps est un segment d’une courbe. La représentation linéaire du temps est une vision myope, une vision à très courte vue.
Dans cette conception du temps, le progrès reste néanmoins toujours parfaitement pensable. Il n’y a pas de véritable contradiction. La représentation cyclique du temps n’a rien d’une spéculation gratuite. Elle ouvre seulement des perspectives radicalement différentes de la représentation linéaire du temps. Elle est profondément significative. Elle n’a rien d’absurde, de primitif, d’archaïque ou d’infantile. Elle fait partie d’un héritage immémorial de l’Humanité, elle est présente dans toutes les civilisations 2). Elle enveloppe un sens du sacré qui justement fait défaut à la représentation linéaire du temps historique. Mais pour les druides, les différents cycles particuliers constituant une longue vie (un grand cycle complet, de la naissance à la fin d’un monde) étaient en réalité des spirales hélicoïdales progressivement ascendantes ; et non pas d’exacts et éternels retours sur soi comme chez Platon, Marc Aurèle ou Nietzsche.
Cette conception cyclique de l’Histoire ne méconnaît pas pour autant les crises et les ruptures pouvant éventuellement affecter les cycles intérieurs à cette longue vie, les catastrophes et les guerres. La nostalgie des temps hyperboréens n’empêche pas la prise en compte, par les druides, de chaque instant de l’histoire de ce cycle, en tant que tel. Ni la prise en compte de la responsabilité irremplaçable de l’individu en vue de l’achèvement ultime de ce cycle. Ce qui implique comme dans le cas du Hesus = Cuchulainn, le combat pour la justice et la liberté, contre les puissances de l’injustice, de l’oppression ou de la mort ; symbolisées par la reine Medb dans le récit de son agression contre la race des meilleurs (les Ulates. Voir l’Enlèvement des bœufs de Cooley).
Il ne faut pas confondre fin du monde et fin d’un cycle. La Nature fonctionne par cycles : cycles de la reproduction, cycles biologiques, cycles des climats, et ainsi de suite. Un cycle suppose une évolution circulaire et non pas linéaire. C’est cette représentation du temps qui domine dans les cultures traditionnelles. Le temps ne fonctionne pas en suivant une ligne, mais en cercle.
1) Alors que les savants d’Irlande, eux, connaissaient déjà, ou toujours, la notion de crundnios ou cruinne, c’est-à-dire de globe terrestre, et que les Grecs avaient inventé la machine d’Anticythère.
2) La question se pose donc de savoir pourquoi la représentation linéaire du temps s’est imposée en Occident (l’analogie de la ligne est-elle pertinente) ?
LA FIN DU MONDE SELON LES ANCIENS DRUIDES.
Une antique légende gaélique intitulée Oided Mac nUsnech (la mort tragique des fils d’Uisnig : manuscrit de Glenmasan conservé par la bibliothèque nationale d’Écosse) évoque une éventuelle fin du monde. Jusqu’à la fin du monde… (dit-il).
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On peut certes penser ici à une grossière intervention dans notre texte d’un moine copiste chrétien, analogue à la mention d’Adam quelques lignes plus haut. Mais rien ne le prouve. Les très-sachant de la druidiaction, antiques, connaissaient eux aussi la notion de fin du monde, ou plus exactement d’un cycle, cosmique. Et de façon aussi spectaculaire que l’apocalypse des chrétiens, mais à une fondamentale différence près. Pour les très-sachant de la druidiaction antiques, ce n’était pas une fin du monde définitive, car ce processus devait être suivi de l’apparition d’un nouveau monde, que leurs bardes décrivaient peut-être un peu naïvement comme étant une terre nouvelle et verdoyante sous des cieux nouveaux. À L’appui de cette hypothèse, nous avons deux témoignages antiques et des pièces de monnaie (notamment une du IIe siècle attribuée aux Unelli) représentant une louve mangeant le soleil (représenté par une roue à 4 rayons) accompagné par un croissant de lune, mais aussi expulsant de son arrière-train de la végétation (apparemment). Sur cette monnaie figure également un aigle les ailes déployées ainsi qu’un serpent qui le surmonte (le message devait être clair et lumineux pour nos ancêtres).
Il existe deux parallèles anciens très instructifs à cet égard.
En Égypte la déesse du ciel, Nout, qui avale le soleil toutes les nuits.
Chez les Germains les légendes sur la fin du monde comme le Ragnarök ou certains vers du Muspilli cité par Jullian.
Les montagnes s’enflammeront, il n’y aura plus d’arbres dressés sur la Terre, l’eau se dessèche, la mer s’engloutit, les cieux sont en flammes, la lune tombe, l’enclos du milieu (la terre) brûle…
Mais tous ces textes y compris ceux du Ragnarök ont un inconvénient, ils ont été composés par des auteurs chrétiens. Comme en Irlande.
Nous y reviendrons.
En attendant, voici les témoignages antiques.
« La réponse des Celtes fut contraire à son attente ; car, comme ils demeuraient très loin d’Alexandre, habitaient des régions d’un accès difficile, et qu’ils s’étaient bien aperçus que toutes ses préoccupations allaient dans une autre direction, ils lui répondirent que ce qu’ils craignaient c’est que le ciel leur tombe un jour ou l’autre sur la tête » (Arrien, l’Anabase ou les campagnes d’Alexandre, livre I, section 4).
« Les druides, mais aussi tous les autres, disent que les âmes humaines, ainsi que l’univers, sont indestructibles, mais qu’un jour le feu et l’eau prévaudront sur eux » (Strabon livre IV chapitre IV, 4).
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MORT ET FIN DU MONDE. OU PLUS EXACTEMENT DE CE MONDE, DE CE CYCLE ?
Le mot eschatologie est un dérivé du terme grec eschatos signifiant le dernier. L’eschatologie (Discours sur la Fin des Temps) relève de la théologie et de la philosophie en lien avec les derniers temps, les derniers événements de l’histoire du monde ou l’ultime destinée du genre humain, couramment appelée la « fin du monde ». Dans de nombreuses religions, la fin du monde est un événement futur prophétisé dans les textes sacrés ou le folklore. Plus largement, l’eschatologie peut aussi embrasser des concepts qui sont liés tels que celui de Messie ou de temps messianique, l’après-vie et l’âme.
L’eschatologie en tant qu’étude de la fin du monde s’attache à étudier comment et quand notre monde retournera au néant pour les uns, se muera en un nouveau monde pour les autres.
Il s’agit d’études axées sur les derniers temps, les derniers jours avant la disparition, c’est-à-dire la frontière entre l’existence et l’après-existence. Les études eschatologiques amènent ainsi à travailler sur les causes et les manifestations qui réduiront notre monde, notre univers, notre bitos, à néant (du moins d’après les judéo-islamo-chrétiens). Cela revient à étudier les mécanismes ayant pour résultat de générer un moment de réduction à néant, si tant est que le néant puisse exister.
L’eschatologue est un explorateur ou un chercheur aux portes du « néant » qui s’attache à tenter de cerner une phase de la dynamique de ce « néant ».
Les très-sachants de l’Antiquité ont été fort clairs à ce sujet. (Strabon. Livre IV, 4 à 6) : « Ils affirment que les âmes et l’univers sont immortels, mais qu’un jour seuls le feu et l’eau régneront ».
On ne peut pas mettre en doute cette information (que Strabon tire de Posidonios). C’est-à-dire celle de la détermination par les très-sachants d’éléments premiers constituant la matière et revenant à l’état pur lors de la conflagration finale de l’univers ou Bitos. On ne peut d’ailleurs que la mettre en relation avec la notion irano-hindoue d’Apam Napat. Apam Napat est un nom à la fois védique et avestique. Il signifie littéralement, le « Fils des Eaux » (de l’espace, c’est-à-dire, de l’Éther), car dans l’Avesta des parsis, Apâm Napât se tient entre les yazatas du feu et les yazatas de l’eau.
Un jour le feu et l’eau l’emporteront…
Une telle formule n’étonnera que ceux qui ne connaissent pas les théories des physiologistes ioniens ou celles de l’ancien stoïcisme.
L’eau et le feu étaient en effet, pour eux également, les éléments premiers entrant dans la composition de l’univers.
La destruction de celui-ci doit donc se traduire par une réapparition de ces éléments premiers. Une telle conception de l’univers dit bitos et de sa fin, aboutit donc naturellement à un système cyclique et perpétuel.
Autrement dit.
— La matière (l’univers) est éternelle.
— Et les âmes aussi, tout comme les dieu-ou-démons.
— Mais un jour tout ceci se résorbera en une gigantesque implosion.
Cette catastrophe cosmique ne sera pas synonyme d’annihilation, d’anéantissement, ou de retour au néant. Elle entraînera seulement la décomposition de l’univers en ses forces fondamentales (l’âme et la matière, le feu et l’eau), dans un gigantesque trou noir de l’espace.
Âmes et Matière ne sauraient se perdre, puisqu’elles sont indestructibles, mais ils peuvent, par contre, se métamorphoser radicalement. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme (Lavoisier).
« Divinis humana licet componere. Aux choses humaines, on peut comparer les choses divines » (Ausone, églogue sur le mot libra).
Il en va du sort du monde comme de celui de l’âme. Sa mort n’est qu’un des points d’une ligne de vie infinie, en comptant des milliards et des milliards.
S’il meurt, c’est pour renaître et se réincarner, peu importe que cette réincarnation suive immédiatement ou pas sa sortie du trou noir en question.
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, le mécanisme des apparitions et disparitions du monde ou de l’univers n’est explicité dans aucun des témoignages en notre possession, hormis celui du général d’Alexandre le Grand appelé Ptolémée. « Ils lui répondirent qu’ils n’avaient peur de personne et que la chose au monde qu’ils craignaient le plus était que le ciel ne tombât un jour sur leur tête… hóti oudéna, plèn ei ára me ho ouranòs autois epipésoi ». Arrien (Anabase ou Expéditions d’Alexandre. Livre I, chapitre I)
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Strabon nous en a cependant gardé un autre fragment, la notion de résorption universelle par le feu et par l’eau (« Ils affirment que les âmes et l’univers sont immortels, mais qu’un jour seuls le feu et l’eau régneront ». Géographie. Livre IV, 4 à 6).
Mais cela nous l’avons déjà dit plus haut. Il importait seulement de le souligner.
D’où peut-être l’épouvante de Brennos et de ses rudes guerriers à Delphes au cours d’un orage, quelques décennies plus tard, en 279 avant notre ère (Trogue-Pompée, Histoires philippiques, XXIV, 4-8, Pausanias, Description de la Grèce, IV, 1-4).
Mais le fragment de Strabon nous en a gardé l’essentiel, l’idée de résorption universelle par le feu et par l’eau, correspondant à ce que l’on appelle pralaya dans la cosmogonie hindoue.
Les choses, quelles qu’elles soient, suivent un éternel cycle, tourbillonnant et se répétant à l’infini. Elles passent d’un état d’avant existence à un état d’existence puis à un état d’après existence, qui lui-même passe à un état d’avant existence, etc. Lucain. De Bello Civili I, 454-462. « Si vous savez ce que vous chantez, la mort est le milieu d’une longue vie ».
Le caractère de non-être est temporel et mouvant, il est cyclique c’est-à-dire que les choses revêtent un caractère qui alterne entre la non-existence et l’existence. L’existence de toutes choses dépendant de nos sens, la durée même de ces existences dépend directement de nos perceptions. Ainsi, la planète Terre existe-t-elle depuis quelques milliards d’années. Parce que nos connaissances et la perception qu’elles nous procurent, nous permettent de dater, avec des marges d’erreur relativement infimes, son âge, c’est-à-dire sa durée d’existence jusqu’à nos jours. De la même manière, nous savons dater, avec, certes, moins de précision, l’âge de certaines étoiles ou galaxies et, par comparaison avec l’âge de notre planète, nous nous rendons compte que notre système solaire est très jeune. Cela tend à prouver que le caractère de non-existence est majoritaire dans la durée ou, si l’on veut, que le caractère d’existence est, lui, minoritaire. Même ce que nous imaginons avoir toujours existé n’est finalement qu’un ersatz d’existence en comparaison de l’infinité du néant. Du néant conçu en tant que non-existence et non en tant que vide ou rien.
Le terme grec aïôn signifie « âge » ; certaines traductions peuvent être comprises en fin de l’âge ou du cycle, au lieu de fin du monde. La distinction revêt aussi une signification théologique, car les temps de la fin, dans de nombreuses religions, peuvent inclure la destruction de la planète (ou de tous les êtres vivants) ; mais avec la survie de l’espèce humaine, sous une forme nouvelle, ou partiellement (les élus) mettant ainsi un terme à l’âge actuel, et en commençant un nouveau.
Religion égyptienne.
Pour les Égyptiens, dans un futur très éloigné (des millions d’années), lorsque les hommes auront accompli leur destin sur terre, le Démiurge détruira la Création (que ce soit les hommes ou les dieu-ou-démons). Mais ce qui n’a pas été créé ne peut être détruit, donc il restera le non créé (Noun et le Démiurge se retrouveront et fusionneront de nouveau). Puis le cycle recommencera. N.D.L.R. Cette conception du monde implique donc que les hommes, vivants ou morts, et les dieu-ou-démons aussi, ont une durée de vie limitée.
Hindouisme. Les prophéties traditionnelles hindoues, telles que décrites dans les Puranas et de nombreux autres textes, nous disent que le monde tombera dans le chaos et la dégradation. Il y aura une montée rapide de la perversité, de l’avidité, des conflits, un état de choses appelé Kali Yuga. Lorsque la fausseté de la tromperie, la léthargie, l’assoupissement, la violence, le découragement, la colère, l’illusion, la peur, et la pauvreté prévaudront [sur le Kali Yuga druidique, voir plus haut le dialogue des deux sages – Acallam na Senórach – et la prophétie de la Grande reine Morgane à la fin de la deuxième bataille de Magos Turation…] lorsque les hommes, remplis de suffisance, se considéreront comme les égaux des brahmanes ; alors sera venu le temps du Kali Yuga. Mais cette fin de cycle sera suivie de l’apparition d’une incarnation divine : Le Seigneur se manifestera en tant qu’avatar de Kalki […] Il rétablira la droiture sur la terre, et les esprits des hommes deviendront aussi purs que le cristal […] le Sat ou Krita Yuga (autrement dit l’âge d’or) sera rétabli.
Judaïsme. La fin des temps décrite dans le livre de Daniel, appelée Aharit HaYamim, dont l’étape la plus importante, au point d’être souvent confondue avec le processus global, est appelée Yemot Hamashiach (les Temps messianiques). Cette croyance est loin d’être accessoire. Elle figure dans les treize principes de Maïmonide. Et celui-ci écrit dans son commentaire sur la Michna (traité sur le Sanhédrin) ; où ces idées sont exposées pour la première fois ; que ceux qui n’y croient pas ne font pas partie du peuple d’Israël, et n’auront donc aucune part au monde à venir (toujours cette fichue idée raciste de peuple élu !)
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La Fin du Monde selon le judaïsme est divisée en un certain nombre d’époques successives.
a) Hevlei haMashiach et Ikveta De'Meshicha (signes avant-coureurs messianiques). C’est une ère de souffrances mondiales, dans laquelle s’inscrit notamment la guerre de Gog et Magog, c’est-à-dire Israël contre les nations, prophétisée par Ezéchiel et Zacharie. Cet affrontement apocalyptique est aussi connu sous le nom d’Armageddon.
b) Ensuite retour du prophète Élie, qui ramène le Messie, et début des Temps messianiques proprement dits.
c)Techiyat HaMetim (Résurrection des morts).
d) Yom HaDin (Jour du jugement).
e) Et enfin établissement de l’Olam Habah (monde à venir) pour l’éternité.
N.D.L.R.
Nous ne nous appelons pas Moïse Maimonide, mais nous nous permettrons néanmoins aussi de faire quelques commentaires sur le sujet, d’un point de vue druidique, car cette eschatologie juive a été en grande partie reprise par le christianisme, jusque dans sa prétention raciste de réserver un au-delà heureux aux seuls membres de sa communauté en en excluant les païens (le fameux « hors de l’Église point de salut ! ».
a). Les signes avant-coureurs de la fin de ce monde… les vaticinations habituelles en la matière. Les Germains avaient les leurs (le Ragnarök) les druides aussi cf. Strabon) les bardes irlandais aussi (prophétie de la grande reine Morgane et dialogue des deux sages sur le sujet). En fait personne ne sait précisément comment cela se passera !
b) Retour d’Élie avec le messie qui devra être génétiquement un descendant du roi David… chez nous on a retour d’Arthur et retour des dieux, parousie des dieux, désoccultation des dieux.
c) Résurrection des morts… Non ! Transformation des corps de ceux qui seront encore vivant à ce moment-là… en corps idéaux ou de rêve (bellissama bellissamos, dotés de xvarnah diraient nos amis zoroastriens) CEUX QUI SONT DÉJÀ MORTS EN ÉTANT DÉJÀ DOTÉS.
d) Jugement des morts. Étape inexistante dans le druidisme, car LE JUGEMENT DE L’ÂME C’EST SA PROPRE HISTOIRE, SON DESTIN.
e) Le monde à venir… Ce monde idéal doté de xvarnah ne dure qu’un instant dans le druidisme. Ce règne des dieux également. AFIN DE SERVIR DE MODÈLE, DE RÉFÉRENCE. Ensuite tout disparaît pour recommencer à (presque) zéro.
Les chrétiens du 1er siècle de notre ère étaient donc bêtement convaincus que la fin du monde adviendrait durant leur vie. Le héros de leur roman (Jésus), dans l’Évangile selon Marc, chapitre 13, verset 8, y a comparé en effet la fin du monde aux douleurs de l’enfantement d’une mère. L’image implique donc que le monde est déjà « gros » de sa propre destruction, mais que personne à part Dieu (ou le Diable), ne peut connaître le moment auquel cela se produira.
Le doute commença néanmoins à percer dans les ténèbres embrumées de leur esprit lorsque, au fil des ans, les chrétiens s’aperçurent que ce qu’ils croyaient imminent ne se produisait pas. Vers 190, Justin déclara que Dieu retardait la fin du monde parce qu’il voulait que le christianisme devienne auparavant une religion mondiale.
À la fin du IIe siècle, la plupart des chrétiens étaient désormais convaincus que la Fin du Monde se trouvait au-delà de leur génération ; et le héros de leur roman métaphysique y dénoncera les tentatives de se livrer à des spéculations sur l’avenir, de connaître « le temps et l’heure ».
De telles tentatives de prédire le futur furent découragées, quoiqu’une date ait été fixée pour cette Fin du Monde, à l’aide des traditions juives. En utilisant ce système, cette Fin fut donc fixée à l’an 202, mais lorsqu’elle fut passée sans que rien de tel ne se produise, elle fut fixée à l’an 500. Après 500, comme il ne s’était toujours rien passé, cette notion finit par perdre de son importance dans la religion chrétienne.
La dernière tentative fut celle de l’archevêque irlandais James Ussher (1581-1656), Professeur au Collège de la Trinité à Dublin. Il écrivit que la création du monde ayant eu lieu en – 4004, le 23 octobre à midi, l’apocalypse devait donc survenir le 23 octobre 1997 à midi.
L’idée chrétienne puis musulmane, du Jugement dernier, du Jugement des âmes, est en réalité particulièrement absurde et procède d’un incroyable manque de réflexion de ces religions. Car si l’âme est une partie de Dieu, pour reprendre leurs propres idées, un tel jugement ne pourrait être alors
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qu’une auto condamnation de Dieu, se déchargeant de ses propres erreurs sur un bouc émissaire en l’occurrence (Satan, le Diable, etc.). Un tel jugement serait en outre inutile et superflu.
Eschatologie musulmane.
Tiré du Coran et des hadiths, le livre de Mohammed Ali Ibn Zubair Ali intitulé « les Signes de Qiyamah » traite de l’arrivée de cet illuminé (le Mahdi). L’origine historique de l’eschatologie islamique est semblable à l’eschatologie chrétienne, l’islam s’étant bâti à partir du judaïsme et du christianisme. Le jour du jugement ou Yawm al-Qiyamah (Jour de la résurrection), Allah (Dieu ou le Démiurge selon les points de vue) ressuscitera les morts, puis enverra les croyants au paradis. Et les mécréants, les incroyants, les non repentants, les malfaisants, les criminels, les corrompus, les druidisants, les païens, en Enfer. Mahomet en ayant parlé avec ses compagnons, certains pensaient que la fin du monde arriverait avec leur propre mort.
L’Antéchrist émergera d’une route située dans une région entre le Cham (actuelle Syrie-Liban-Palestine) et l’Iraq, et commencera d’appeler les peuples à venir l’adorer. Il provoquera de grands troubles ou de grandes tentations (fitna). Les plus nombreux à le suivre seront les juifs, les femmes et les Bédouins. Soixante-dix mille juifs d’Ispahan (dans l’actuel Iran) le suivront dans le monde entier, de même que le vent éparpille la pluie dans toutes les directions. À l’exception de La Mecque et Médine, car il sera défendu à l’antéchrist d’y entrer…
La plupart des religions de masse monolâtres ont donc des doctrines qui affirment que des membres « choisis » « élus » ou « dignes » de la seule vraie croyance seront « épargnés » ou « délivrés » du jugement et de la colère de Dieu ou du Démiurge, à venir ; et qu’ils seront envoyés au paradis avant, en même temps, ou après ces derniers, en fonction du scénario de la fin des temps qu’elles retiennent.
Aujourd’hui l’ignorance ayant régressé leurs croyances se limitent le plus souvent en l’existence d’un au-delà et en une explication de l’origine du monde.
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RENAISSANCE ET RÉINCARNATION DU MONDE.
Voici en quels termes le roi irlandais Loégaire refusa de se convertir au christianisme.
« Niall mon père ne m’a pas permis de croire *, et m’a demandé d’être enterré sur les hauteurs de Tara. Comme les guerriers, parce que les païens ont coutume d’être armés dans leurs tombes, les armes et le visage tournés vers l’ennemi. Jusqu’au jour d’erdathe qui est le jour du jugement du Seigneur selon les druides » (Mémoires de Saint Patrice par Tirechan).
* N’importe quoi ?
La notion préchrétienne d’erdathe n’a en réalité absolument rien à voir avec une histoire de jugement, dernier ou pas, des âmes. Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, le seul jugement possible de l’âme c’est son histoire, son destin.
L’âme individuelle (anamone) est, dans son essence, identique à l’âme du monde (autrement dit à ce que les religions de masse comme le christianisme et l’islam appellent « Dieu »). L’âme humaine n’est qu’une larme de feu de l’âme universelle, l’awentia ou awenyddia. La réintégration dans le Grand Tout est le but supérieur. L’identification de l’âme individuelle (anamone) avec l’âme universelle (awentia ou awenyddia) conduit l’individu à se libérer des attachements, des désirs et de l’ignorance.
Pour certains, le salut sera personnel, alors que pour les autres, morts ou vivants, sur terre ou au ciel, la libération finale se fera par une eschatologie générale ayant pour terme la fin de notre bitos ou univers 1).
Millenium et Millénarisme ou réenchantement du monde (sur le désenchantement du monde, voir l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme par Max Weber).
Que croit-on en effet, en druidisme, de ceux qui seront encore en ce monde quand adviendra l’Aredengto, l’Erdathe, couplée avec une parousie des dieux ?
La foi en une possibilité de transfiguration/résurrection de la chair de type xvarnah zoroastrien *, comme toute dernière étape d’un cycle plus ou moins long et répété, de naissances, est née d’un raisonnement assez logique des druides primordiaux, du moins vu les connaissances de l’époque. La vraie bonne nouvelle du druidisme en effet (sa suscetla) c’est que même ceux qui seront restés loin derrière, par réincarnation en ce bas monde, suite à leur accumulation de bran ; ou parce qu’ils sont encore normalement vivants, tout simplement, seront alors eux aussi sauvés. Mais à la fin du cycle seulement. Cette libération finale en quelque sorte par la force des choses (une fin de cycle) est appelée alors Aredengto, Erdathe, dans le druidisme antique. Il y aura donc résurrection des corps * et même ceux qui en seront toujours au stade des réincarnations, à cause de leur fardeau de bran, ou les toujours vivants au sens habituel du terme, pourront eux aussi fusionner dans le Grand Tout du Pariollon.
Il n’y a pas dans le druidisme de Jugement dernier à proprement parler, puisque la destinée de l’âme est son propre jugement. Il s’agit plutôt d’une régénération provisoire (pour mille ans ?) de la vie du monde (un monde nouveau sous des cieux nouveaux) correspondant au Frashokereti ou au Frashegird du zoroastrisme.
* Autrement dit pour l’âme le fait de se retrouver dotée d’un corps de rêve ou idéal (bellissamos bellissama). Si le monde régénéré pour mille ans par l’aredengto (gaélique erdathe) finit ou commence par n’être plus soumis aux catégories habituelles de perception de l’espace et du temps ; la description d’une quelconque vie ou damnation éternelle, à la façon islamo-chrétienne, pour le caractériser, s’avère alors totalement dépourvue de sens. On ne peut parler de béatitude suprême ou d’enfer dans ce cas que pour suggérer, de façon imagée, ce qui échappe à la description.
Fin et destruction du monde.
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La fin du monde selon les druides n’étant pas un retour définitif au néant, et ne devant pas être comprise comme une destruction totale de toute matière ; une extinction totale ou un anéantissement, mais plutôt comme une libération universelle de toutes les énergies, on ne peut donc pas dire qu’à la fin de l’erdathe, la réalité ou bitos n’existe plus.
On doit toujours la considérer comme existante, mais plus au sens habituel du terme. La réalité ou bitos continue à exister ou à posséder de l’être (de l’étant), mais cette réalité n’a plus de nature propre. La signification fondamentale de la notion druidique d’erdathe est plutôt celle d’un état final ou initial (comme l’on voudra) de chaque cycle, sans mort, sans souffrance, sans convoitise, sans haine ni aveuglement. Un état où ne sont plus applicables les formes de représentation et de pensée de notre existence, pas plus que l’alternative de l’existence ou de la non-existence. Il s’agit d’un état que nous sommes incapables de concevoir selon nos catégories de pensée ou de description habituelles.
De toute façon, les affirmations du druidisme sur l’erdathe ne pouvaient être que des images pour circonscrire le non représentable ou l’indicible, le caractère individuel, mais aussi supra-individuel de cet état initial (ou final) de tout cycle.
Tout ce que l’on peut en dire, c’est que le monde des fins ou débuts de cycle, au-delà de l’espace et du temps, échappe encore à toutes les limitations du fini.
Au début d’un cycle, qui est aussi retour au Tokad (au principe de causalité originel appelé Tynghed en gallois, Tonkadur ou Tonket en breton) n’existent ni volonté, ni désir, ni sensation… La préparation de ce nouveau départ du monde rappelle plutôt le Nirvana bouddhiste et notamment un texte du canon pâli qui dit en gros ce qui suit.
«« Il est un domaine où il n’y a ni terre, ni eau, ni feu, ni air, aucun espace infini, aucune conscience infinie, aucun néant, aucune perception ni non-perception, ni ce monde ni un autre monde, ni lune ni soleil. Là, ô moines, je dis qu’il n’y a ni venir, ni partir, ni persistance, ni disparition, ni renaissance. Il n’y a ni levier, ni mouvement, ni objet » (Udâna VIII, 3).
NB. On ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec la vision de Noïbo Adamnan. « C’est une terre sans orgueil, sans mépris, sans mensonge, sans blasphème, sans fraude, sans prétexte, sans honte, sans gêne, sans déshonneur, sans tromperie, sans envieux, sans arrogance, sans épidémie, sans maladie, sans pauvreté, sans dénuement, sans destruction, sans décès, sans salut, sans neige, sans vent, sans humidité, sans bruit, sans tonnerre, sans obscurité, sans froideur. Un noble Royaume, admirable, merveilleux, où règnent le savoir, la lumière, et les parfums d’une Terre abondante, un royaume où règnent les plaisirs de toute bonté ».
La position du vrai druidisme devait se situer entre les deux, voire plutôt du côté de la fin de la vision d’Adamnan.
Le monde nouveau sous des cieux nouveaux qu’implique la fin de l’erdathe, nous ramène en définitive aux toutes premières fractions de seconde du début de l’univers actuel. C’est-à-dire à une réalité défiant toutes les lois de la physique habituelle, puisque Temps et Causalité y sont transcendés.
Cette fin/début de monde ou plus exactement de cycle, que les très-sachants appelaient aredengto (erdathe en ancien irlandais ultérieur) ne semble vide qu’aux yeux de ceux qui ne savent pas. Pour ceux qui savent, et donc pour les druides authentiques, cette erdathe, par tri et sélection, en vue d’une régénération, ne signifie pas pour autant absence de toute sensation agréable.
Car il s’agit quand même du retour en ce monde de la réalité divine qui pénètre et vivifie tout, donc de la réalité la plus réelle : l’être qui habite notre être individuel, et qui constitue finalement tout autre étant.
Le mot apocatastase apparaît dans la Bible, aux Actes des Apôtres, où l’on peut lire : « Il enverra alors le Christ qui vous a été destiné, Jésus, celui que le ciel doit garder jusqu’au temps de l’apokatastasis pantôn dont Dieu a parlé par la bouche de ses saints prophètes » (Actes des Apôtres, 3, 21).
Dans la traduction qu’en donne la Bible de Jérusalem, les deux mots grecs apokatastasis pantôn sont traduits par restauration universelle. Ce choix de traduction efface, hélas ! les nuances de sens du grec sous une terminologie globalisante.
Le mot pantôn peut être assimilé à un « Tout » cosmologique avec une majuscule. Le mot apokatastasis peut être traduit soit en restauration, soit encore en établissement ou rétablissement.
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De telle sorte que la phrase pourrait se traduire soit par : « jusqu’au temps du rétablissement du Tout, dont Dieu a parlé ».
Cette traduction induit donc un mouvement cyclique de ce qui doit être réalisé, ce qui a été devant être finalement à nouveau. Le mot apokatastasis appelle cette notion de cycle, de retour à la normale, de rétablissement, car en grec le mot en question désigne en effet le rétablissement du malade, le retour des otages dans leur cité d’origine, l’alignement des astres sur leur position de départ. Quant à la portée de la récapitulation du cycle, l’addition du mot « Tout » implique évidemment que ce rétablissement du « Tout » doit être une restauration universelle. Ainsi toute chose ayant été créée bonne par Dieu, toute chose redeviendra à la fin des temps… bonne.
Que l’on sache ou non d’où est issu le mot « apocatastase », le concept qu’il exprime s’impose comme une perspective de l’au-delà globalement partagée par de très nombreuses personnes et que l’on peut résumer ainsi : « On ira tous au paradis ».
Pour une claire compréhension de ce qui est en cause dans l’apocatastase, il paraît indispensable de distinguer en elle deux formes principales. Il y a en effet dans l’apocatastase deux apocatastases distinctes quant à leurs sujets : il y a l’apocatastase des hommes, et l’apocatastase des dieux-ou-démons.
1. L’apocatastase des hommes. Cette restauration implique qu’aucun homme ne peut finalement se perdre et que tous seront donc sauvés. La damnation est niée, donc, fort logiquement, et selon ce qui vient d’être dit, l’enfer n’existe pas. Si l’on devait donner un titre général à cette apocatastase nº 1, ce serait : « La négation de la perpétuité de l’enfer ».
2. L’apocatastase des dieu-ou-démons. La restauration est universelle, ce qui signifie que toute chose, toute créature revient à Dieu. Le diable lui-même, quoique traditionnellement présenté comme l’ennemi le plus implacable du règne de Dieu, retournerait au Ciel accueillir le pardon de son Créateur. Le mot pantôn, universel, implique que toutes les créatures soient sauvées ; par conséquent, une telle vision inclut aussi le diable. Si l’on devait donner un titre à cette apocatastase nº 2, ce serait : « Le pardon du diable et de ses démons ».
Toute la question, pour résumer, sera de savoir si la notion d’apocatastase est vraie. Vraie pour les hommes, et vraie pour les dieu-ou-démons ?
Apocatastase est donc le mot grec utilisé par Origène (185-253), pour développer cette notion de restauration finale de toutes les choses dans leur unité immanente absolue avec Dieu. L’apocatastase représente la rédemption et le salut final de tous les êtres, y compris ceux qui habitent l’enfer. Il s’agit donc d’un événement postérieur à l’Apocalypse même.
L’apocatastase synthétiserait le pouvoir du Logos ou Verbe incarné, c’est-à-dire le Christ lui-même, comme pouvoir rédempteur et sauveur qui ne connaîtrait aucune limite.
La théorie de l’apocatastase soulève toute une série de questions intéressantes pour le christianisme. En premier lieu, elle conduit à supposer qu’il n’y a pas qu’un seul monde créé – celui qui commence par la Genèse et se termine par l’Apocalypse – comme le suggère la Bible. Au contraire, dans son activité créatrice, cela suppose que Dieu ou le Démiurge crée une succession infinie de mondes.
En second lieu, cette théorie semble permettre d’établir une distinction entre le Logos, ou Verbe, et son incarnation comme Christ. Étant donné que le Christ est une incarnation historique dans ce monde-ci en particulier, la possibilité d’une nouvelle incarnation du Logos, ou Verbe resterait donc ouverte. Plusieurs siècles après la mort d’Origène, au IIe concile de Constantinople, les aspects de sa doctrine qui permettaient de subordonner la figure du Christ au Logos et au Père, rompant aussi avec le dogme de la Trinité, furent considérés comme hérétiques ou hétérodoxes. Depuis, la majorité des confessions chrétiennes se réfèrent à l’Apocalypse, mais plus à l’Apocatastase.
1) La réincarnation de l’individu dans des formes d’existence sans cesse renouvelées est donc loin d’être indéfinie. Une sortie ultime définitive du cycle de l’ategeneto existe toujours avec la possibilité de revenir enfin dans l’immanent absolu du Grand Tout, et cette dissolution dans l’origine divine est assurée à tous les êtres, au plus tard au terme du cycle en cours. Tout être sans exception connaîtra donc un jour la délivrance. Rappelons néanmoins que celui qui ne veut plus attendre la fin de ce cycle et l’erdathe, peut échapper dès ce bas monde à cette ategeneto et à sa loi d’airain. Il faut pour cela ne pas accumuler trop de bran, ou pratiquer divers exercices spirituels : arts martiaux celtiques, méditation, etc.
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LE RETOUR DES DIEUX (LEUR PAROUSIE ?)
OU LE RÉ-ENCHANTEMENT DU MONDE.
Le monde est une émanation nécessaire de Dieu, s’écoulant de cette source et retournant vers elle. L’Homme vit dans un cycle. Il ne peut pas plus se représenter ce qui est hors du temps qu’un enfant dans le ventre de sa mère ne peut imaginer le visage de celle-ci. Il est donc très difficile de savoir exactement ce que sont ces Longues Vies (ces cycles) auxquelles croyaient nos ancêtres ET COMMENT ELLES FINISSENT.
Pour parler de la destinée qui attend l’Homme, au-delà de tout ce qu’il peut concevoir, l’ancien druidisme parlait de divinisation ou d’auto-divinisation. Celle-ci atteindra son accomplissement quand Dieu sera tout et en tous. Alors la gloire (luan laith) du Graal rayonnera dans tout l’univers visible et invisible (le Bitos), rendu à sa splendeur première. Le royaume de Cuchulainn, règne de lumière, de vérité, de justice et de paix, le royaume qu’il n’a pu établir sur terre jadis. Du moins si l’on en croit la tradition irlandaise, qui est formelle à ce sujet (son royaume n’était pas destiné à être de ce monde, Cuchulainn n’était pas destiné à être roi à la place du roi, et d’ailleurs il n’était même pas des Ulates). Le retour des dieux (le réenchantement du monde) comblera et transfigurera tous les espoirs et tous les désirs enfouis en nous, même les plus fous. La nuit n’existera plus, il n’y aura plus besoin de la lumière d’une lampe ni de la lumière du soleil, parce que le Graal du haut de son rocher d’or illuminera tout.
La paix avec les dieu-ou-démons, négociée lors de la fin des temps hyperboréens, et scellée dans le sang avec la venue au monde et la mort du Hesus Setanta, dit « le chien de Culann », trouvera son plein accomplissement dans cette contemplation au plus près, du divin, par les hommes.
On retrouve l’idée de rénovation/restauration/restructuration/retour du royaume des dieu-ou-démons (erdathe) dans l’eschatologie hindoue qui postule par exemple qu’un sauveur appelé Kalkin, dixième avatar de Vishnou, surviendra in extremis, au moment où tout semblera perdu. Il triomphera des corrompus dans une grande bataille eschatologique au soir de laquelle l’ordre juste (dharma) aura été rétabli et les conditions d’un nouvel âge d’or réunies.
Une telle perspective n’est pas non plus forcément incompatible avec l’eschatologie aryenne de Zoroastre, développée sous le nom persan de frashkart, ce qui signifie dans la tradition perse « rénovation ou transfiguration universelle ».
Mais cela nous l’avons déjà dit.
L’Histoire selon Zoroastre est-elle vraiment linéaire, ou n’est-elle pas plutôt partie prenante d’un cycle immense à la façon des jours de Brahma indiens ?
D’après la religion mazdéenne, après la fin des temps, c’est-à-dire vraisemblablement à la fin du cycle en cours, un héros rédempteur et libérateur appelé Saoshyant par le Zend-Avesta, ramènera le « Graal » sur terre. Un peu comme dans le poème gallois du Xe siècle intitulé « le butin de l’abîme » (Preiddeu Annwn) où c’est Arthur qui joue ce rôle à la place du Hesus Cuchulainn.
Le titre de Saoshyant ou Sosiosh signifie « Sauveur ou Rédempteur » (bienfaiteur, celui qui apporte aide ou secours).
D’après Otto Gunther von Wesendonk, c’est une dénomination traditionnelle aryenne renvoyant implicitement à la notion de « Vérité incarnée » ou de « Justice personnifiée ».
Cet ultime héritier de Zoroastre aura pour but de restaurer le bonheur du monde après la dramatique fin de son cycle, en bref de procéder à la frashkart, c’est-à-dire à la grande rénovation ou transfiguration universelle.
D’après Wesendonk toujours, le terme persan signifie exactement « transformation du monde plein de scories en réalité lumineuse ». Avec ce retour de la frashkart, la création resplendira dans un nouvel ordre du monde glorieux, dans lequel brillera la lumière supérieure.
Ce qu’apportera l’empire triomphal et lumineux du Saoshyant, c’est non seulement la résurrection du genre humain (en l’arrachant aux conditions de mort et de décadence dans lesquelles il vit actuellement) ; mais aussi et en même temps la revitalisation et la restauration de toutes les choses. Toute la vie humaine sera rénovée dans ses racines mêmes, deviendra quasiment immortelle, rayonnante de beauté, débordante d’éternelle jeunesse, tout germe de décomposition et de corruption disparaîtra.
Ainsi qu’on peut le voir, cette frashkart parsie ou zoroastrienne correspond exactement à ce que les druides antiques appelaient Aredengto, en gaélique erdathe (la parousie ou le retour des dieu-ou-démons dans un monde nouveau sous des cieux nouveaux avec une nouvelle terre) et les godis germaniques « retour de Balder après le Ragnarok ». Ce que les Gallois du Moyen-âge ont perdu de
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vue dans leur poème du Xe siècle mettant en scène un Arthur essayant de ramener sur terre le chaudron d’abondance (le butin de l’annwn). En bref la transformation et la régénération du monde : la roue tourne.
La notion druidique d’erdathe n’implique pas une libération de leur corporéité des hommes qui seront alors encore en vie, mais une libération dans et avec leur corporéité. En quelque sorte une nouvelle procréation. La transformation de l’Humanité avec toute l’histoire de sa vie, non les mêmes molécules, mais la même personne par le rayonnement régénérateur du divin.
L’Humanité trouvera son accomplissement dans une corporéité transformée, transfigurée, spiritualisée, dans une autre dimension, la dimension des dieu-ou-démons au-delà de l’espace et du temps de ce cycle.
Cette Erdathe transformera le monde et l’âme universelle alors y reposera au milieu des hommes, dans la paix et l’harmonie. Dieu sera tout en tous. Avec cette véritable résurrection des corps, des morts comme des vivants, l’Homme passera donc de l’état de mort-vivant ou presque à une autre vie au-delà du temps et de l’espace.
Le corps de l’Homme sera rempli de toute la puissance d’une âme exceptionnelle (luan laith) et il participera par conséquent à la vie divine. De par cette « résurrection », les hommes seront définitivement faits dieux avec toute la puissance que cela implique.
On est par conséquent très loin des fables du judéo-islamo – christianisme à propos de la résurrection des morts, même des siècles après, alors que leur corps est déjà largement tombé en poussière.
Le Druidisme, lui, se contente d’envisager un homme nouveau, une terre nouvelle, des cieux nouveaux. Cette mystérieuse rénovation que nos frères odinistes appellent cieux nouveaux et terre nouvelle (après leur Ragnarok) est à la fois la fin et le début d’une nouvelle longue vie ; l’Erdathe étant la charnière ou la transition entre l’ancien cycle et le nouveau, entre l’ancien monde et le nouveau. En bref un accomplissement qui sera en même temps transfiguration radicale (un des points clés du Druidisme est sa croyance en une destruction périodique du monde par le feu et l’eau) et conservation de l’essentiel.
Nous ignorons la date de l’achèvement de cette Terre et de cette Humanité (les millénarismes bibliques du type Témoins de Jéhovah, de Yahweh ou du Dieu-démiurge d’Abraham d’Isaac et de Jacob, sont d’un ridicule…). Car nous ne savons presque rien du mode de transformation du cosmos. Sans vouloir prophétiser sur la fin de ce cycle, dont la date exacte reste le secret des dieu-ou-démons auxiliaires du destin ; ce que nous pouvons dire par contre c’est que le Tokad ou Destin suprême nous prépare une nouvelle demeure et une nouvelle Terre, où régnera de nouveau l’harmonie ; et dont la béatitude (la terre pure de Cronos, ou du moins du dieu celte qui se dissimule derrière ce nom grec, n’est-elle pas une terre de félicité ?) comblera et dépassera tous les désirs de paix pouvant monter du cœur de l’homme.
Dans quelles conditions se passera dès lors cette Aredengto (Erdathe) pour les humains ? Car il y en aura qui seront encore engagés dans le cours d’une vie terrestre, d’autres bien plus nombreux, déjà passés « ailleurs ». Soit dans la béatitude d’un autre monde parallèle de nature paradisiaque : Vindomagos ou Sedodumnon, soit dans l’isolement glacé de l’Andumnon.
La seule chose que nous savons c’est qu’un jour un ciel nouveau et une terre nouvelle apparaîtront. Une terre où il existera une quasi-union mystique perpétuelle entre le soi des anamones individuelles : les menman (autrement dit les esprits/consciences) et le tout englobant universel.
Cet accomplissement attendu sera l’œuvre de la réconciliation (entre le divin et l’humain) que les dieu-ou-démons comme Lug ont déjà opérée en la personne du hesus Cuchulainn.
Le savoir druidique transcende donc les espoirs des hommes, car il a pour objet leur vie éternelle en union avec la puissance démultipliée du Grand Tout du Pariollon en chacun de nous (xvarnah en avestique luan laith en gaélique). Et il n’y aura plus alors, comme avant la naissance de la Terre ou de ce monde d’ici-bas, que la Sainte-Poly-Unité du plérôme divin des dieu-ou-démons (Albiobitos) ; avec qui la luan laith fut dès le commencement, et qui sera toujours avec eux pour les siècles des siècles.
Mais les dieu-ou-démons qui reviendront dans leur luan laith ou xvarnah seront pourtant ceux qui ne cessent d’advenir dans nos mémoires (mémoriaux dit la liturgie catholique), notamment à travers les rituels druidiques, qui sont comme autant de ponts jetés dans leur direction. Notre druidisme propose donc d’entrevoir dans cette notion de transfiguration/résurrection le point clé de l’avenir du monde.
Nous n’avons cependant ni à imaginer ni à programmer cette erdathe dont le jour et l’heure n’appartiennent qu’au Destin et à ses auxiliaires, et nous sont donc inconnus.
À plusieurs reprises des pseudo-druides ont développé diverses spéculations à propos de la date et de l’heure précises de cette erdathe (aredengto) ou de la restauration sur cette terre du nouveau
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règne des dieu-ou-démons (parousie) dont ils laissaient entendre qu’ils étaient les émissaires ou les fondés de pouvoir (je suis en contact avec tel ou tel dieu, tel ou tel esprit, faites-moi confiance, ça coûtera 200 dollars 200 euros ou 200 yens).
Les vrais druides récusent formellement ce genre de charlatanerie d’escroquerie ou de spéculation. Le Sage est toujours prêt. Il suffit aux simples mortels que nous sommes de nous préparer, en notre âme et conscience, à la venue de ce jour où ; après avoir détruit toutes les formes d’esclavage subsistantes, y compris celui de la réincarnation ; la Destinée de notre Humanité apparaîtra en pleine lumière.
Rappelons que l’avenir sur lequel ouvre le savoir druidique et qu’il nous fait entrevoir comme dans un miroir n’est pas pour autant totalement sans repère. Les dieu-ou-démons d’abord : ils ont déjà été entraperçus sur cette terre quand ils ont débarqué d’Hyperborée ou des îles au nord du monde, du temps de l’enchantement du monde. Leur existence a été de nouveau mise en évidence par la montée au ciel, corps et âme, de notre hesus Setanta, celui que les Irlandais surnommaient le chien de Culann.
Ce que les druides d’aujourd’hui proclament, à la suite des Anciens, c’est que la restauration de cet Âge d’or est possible.
Le règne des dieu-ou-démons connaît d’ailleurs déjà un début de réalisation dans la communion qui existe entre les dieu-ou-démons et les hommes, Hesus servant de pont entre eux.
Le retour, rappelons-le, définitif et complet, des dieu-ou-démons, sur cette terre (erdathe) ne deviendra cependant effectif qu’à la fin de ce cycle, avec la venue du Surhomme, Fils de l’Homme néanmoins. C’est-à-dire avec l’apparition d’un Homme Nouveau et Supérieur. Fait du meilleur de l’Ancien. Avec l’apparition de la surhumanité de nos rêves.
Le grand rabbi Yehoshoua bar Yosef de Nazareth (sic) a dit un jour aux siens : « En vérité je vous le déclare, cette génération ne passera pas que tout cela n’arrive » (Marc 13, 30).
« En vérité je vous le déclare, parmi ceux qui sont ici certains ne mourront pas avant de voir le Fils de l’Homme revenir comme roi » (Matthieu 16,28).
Un peu mieux initiés, ou un peu plus sages que ce Jésus de Nazareth et sa secte de nazôréens (Actes des Apôtres, 24, 5), les druides se contentent de dire ; « le retour des dieu-ou-démons est proche certes, mais à l’échelle cosmique, à l’échelle des chiffres qui mesurent la durée de ce cycle ».
Le règne des dieu-ou-démons arrive et le jour de sa complète erdathe approche… On dirait aujourd’hui : le présent cycle approche inéluctablement, et chaque jour un peu plus, de sa fin.
Pour parler aux hommes de cette lente remontée en puissance du règne des dieu-ou-démons et du ré-enchantement du monde, l’ancien druidisme utilisait des images empruntées à la vie de la nature. Il comparait par exemple son retour au grain de blé commençant à pousser dans la terre, sous la neige.
L’incertitude sur la date même approximative de cette erdathe (les divers calculs utilisés dans le passé par les chrétiens ou les biblistes pour déterminer à quelques heures près le jour de cette restauration ont tous échoué) ; nous contraint à la plus grande vigilance, mais aussi à la plus grande patience en ce domaine.
Tel était le but aussi des miracles qui accompagnaient l’activité des druides primordiaux, ou la druidiactio de l’ancien druidisme. Ces miracles étaient des signes. C’étaient des échantillons du règne à venir des dieu-ou-démons, des acomptes versés à l’avance, une preuve de leur pouvoir psychosomatique sur la maladie, la souffrance et la mort. En même temps bien sûr qu’une preuve de l’authenticité du savoir druidique.
Les druides d’aujourd’hui ont toujours pour mission d’annoncer le retour des dieu-ou-démons et de commencer à le préparer au cœur de toutes les nations d’esprit celte voire même des autres *, en creusant ses fondations, au plus profond des âme/esprits, avec l’aide de Taran/Toran/Tuireann, personnification des illuminations soudaines et des coups de foudre spirituels.
Ce savoir druidique incite à travailler à l’extension du règne des dieu-ou-démons au cœur du monde, en combattant tout ce qui lui fait obstacle. Tout en renforçant aussi, en même temps, la foi en l’Homme ; puisqu’en s’en remettant au Destin, capable de ressusciter les corps en les dotant de luan laith ; le druidisme s’interdit de vouloir jamais sacrifier les corps à un ordre moral voulu par on ne sait quel obscur dieu-ou-démiurge tribal, comme l’était celui d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. La spiritualité druidique maintient ouverts tous les avenirs, même celui du corps.
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Le savoir druidique a découvert la grandeur de l’Humanité aussi bien dans sa vie intellectuelle, morale, sociale et religieuse, que physique. Tant il est vrai que c’est toute la réalité que saisit l’œuvre de réconciliation amorcée par les dieu-ou-démons (qui ont eu la sagesse de se retirer de ce monde) dans nos cœurs et nos esprits, avant d’être poursuivie inlassablement par les druides. Dans l’éducation de sa jeunesse, le savoir druidique n’exclut donc ni ne verrouille aucune porte a priori.
Il y a lieu de rappeler ici ce qu’écrivait Jean Jaurès en date du 15 janvier 1888. « Vous tenez en vos mains l’intelligence et l’âme des enfants ; vous êtes responsables de la patrie. Les enfants qui vous sont confiés n’auront pas seulement à écrire et à déchiffrer une lettre, à lire une enseigne au coin d’une rue, à faire une addition et une multiplication. Ils sont [mettre ici l’ethnonyme convenant à la situation] et ils doivent connaître leur pays, sa géographie et son histoire : son corps et son âme. Ils seront citoyens et ils doivent savoir ce qu’est une démocratie libre, quels droits leur confère, quels devoirs leur impose la souveraineté de la nation. Enfin ils seront hommes, et il faut qu’ils aient une idée de l’homme, il faut qu’ils sachent quelle est la racine de toutes nos misères : l’égoïsme aux formes multiples ; quel est le principe de notre grandeur : la fierté unie à la tendresse. Il faut qu’ils puissent se représenter à grands traits l’espèce humaine domptant peu à peu les brutalités de la nature et les brutalités de l’instinct, et qu’ils démêlent les éléments principaux de cette œuvre extraordinaire qui s’appelle la civilisation. Il faut leur montrer la grandeur de la pensée ; il faut leur enseigner le respect et le culte de l’âme en éveillant en eux le sentiment de l’infini qui est notre joie, et aussi notre force, car c’est par lui que nous triompherons du mal, de l’obscurité et de la mort. Eh quoi ! Tout cela à des enfants ! – Oui, tout cela, si vous ne voulez pas fabriquer simplement des machines à épeler. Je sais quelles sont les difficultés de la tâche…
Il faut d’abord que vous appreniez aux enfants à lire avec une facilité absolue, de telle sorte qu’ils ne puissent plus l’oublier de la vie et que, dans n’importe quel livre, leur œil ne s’arrête à aucun obstacle. Savoir lire vraiment sans hésitation, comme nous lisons vous et moi, c’est la clé de tout… Sachant bien lire, l’écolier, qui est très curieux, aurait bien vite, avec sept ou huit livres choisis, une idée, très générale, il est vrai, mais très haute de l’histoire de l’espèce humaine, de la structure du monde, de l’histoire propre de la terre dans le monde, du rôle propre de leur nation dans l’humanité. Le maître doit intervenir pour aider ce premier travail de l’esprit ; il n’est pas nécessaire qu’il dise beaucoup, qu’il fasse de longues leçons ; il suffit que tous les détails qu’il leur donnera concourent nettement à un tableau d’ensemble. De ce que l’on sait de l’homme primitif à l’homme d’aujourd’hui, quelle prodigieuse transformation ! et comme il est aisé à l’instituteur, en quelques traits, de faire sentir à l’enfant l’effort inouï de la pensée humaine ! Seulement, pour cela, il faut que le maître lui-même soit tout pénétré de ce qu’il enseigne. Il ne faut pas qu’il récite le soir ce qu’il a appris le matin ; il faut, par exemple, qu’il se soit fait en silence une idée claire du ciel, du mouvement des astres ; il faut qu’il se soit émerveillé tout bas de l’esprit humain, qui, trompé par les yeux, a pris tout d’abord le ciel pour une voûte solide et basse, puis a deviné l’infini de l’espace et a suivi dans cet infini la route précise des planètes et des soleils ; alors, et alors seulement, lorsque, par la lecture solitaire et la méditation, il sera tout plein d’une grande idée et tout éclairé intérieurement, il communiquera sans peine aux enfants, à la première occasion, la lumière et l’émotion de son esprit… Dans chaque intelligence il y aura un sommet, et, ce jour-là, bien des choses changeront » (Jean Jaurès. La Dépêche de Toulouse, 15 janvier 1888).
Le retour des dieu-ou-démons sur cette terre, sera donc à la fois fin d’un monde et début d’un autre, la fin d’un cycle et l’émergence d’un nouveau.
En attendant de pouvoir contempler ou plonger en lui et avec lui, de faire corps avec lui, nous croyons nous espérons et nous travaillons à son avènement, car l’espoir fait vivre les hommes. Les hommes ne vivent pas que de pain, ils vivent aussi d’espoir.
Pouvoir entrevoir ce que l’on espère, ce n’est plus déjà ne faire qu’espérer, car ce que l’on voit, comment peut-on l’attendre encore ? Nos rituels sont des signes annonciateurs de ce réenchantement du monde. Mémoriaux de la geste des dieu-ou-démons et porteurs de souveraineté divine, ils préfigurent les cieux nouveaux et la nouvelle terre, programmés pour apparaître juste après la fin de ce cycle. Ils anticipent donc sur la réalité à venir de la luan laith ou xvarnah, notamment dans le cas de l’office druidique de chaque quinzaine.
Conclusion.
Au terme de ce processus l’Humanité et le monde entier pourront alors pleinement s’épanouir, et ainsi Dieu sera tout et en tous. Ce sera donc en quelque sorte l’avènement d’une sorte d’Âge d’or… Sauf
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qu’il ne saurait être question d’un achèvement définitif, éternel. À supposer même qu’un Âge d’or s’ouvre à nouveau à nos yeux, il finirait au bout d’un certain temps par succomber, lui aussi, à sa propre perfection. « Les âmes sont impérissables, le monde aussi, mais un jour pourtant régneront seuls le feu et l’eau » (Strabon IV, 4).
Matière à conjectures eschatologiques néanmoins que tout cela, car on ne peut rien affirmer, mais seulement réfléchir et spéculer, faute de « Révélation » en druidisme.
* Après tout, même les Juifs ont jadis été païens. Un peu de paganisme philosophique et réfléchi ne leur ferait pas de mal.
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RÉFLEXION SUR L’ESSE OU DOUBLE SPIRALE.
Par le druide Léonorios.
Les spires, fréquentes dans l’art celtique, représentent ce en quoi se décompose l’Être supérieur qu’est le Bitos. Le « Un » ne peut se concevoir que par opposition au « deux ». La dyade séparative, par une première opération sur les nombres eux-mêmes, les divise en pair et impair.
Deux mouvements inverses ont lieu. Les cycles peuvent soit se répandre à partir du point originel intérieur vers la surface extérieure de la sphère, soit se contracter de la surface extérieure au centre intérieur ou point originel. Les deux mouvements reflètent deux aspects d’une unique force liée à l’Être.
Le point de vue cosmologique ou la sortie du monde non manifesté vers le monde manifesté, qui correspond à une corporification de l’Âme.
Le point de vue métaphysique du retour du monde manifesté vers le monde non manifesté, qui exprime une spiritualisation du corps.
Ce mouvement alternatif de la mort d’un monde et de la renaissance d’un autre, au sens très large des termes, correspond à l’opération de coagulation dissolution propre à la tradition alchimique.
« Aux choses divines, on peut comparer les choses humaines », a écrit un jour Ausone (voir son petit poème sur l’emploi du mot libra).
Une telle force peut être comparée, au niveau de l’individu, aux deux phases de la respiration (expiration inspiration) ou de la pulsation cardiaque (diastole systole). Sur le plan du monde cosmique, les couples évolution-involution et développement ou enveloppement ont le même sens. En effet, le macrocosme et le microcosme se reflètent l’un l’autre et tout ce qui se trouve dans le bitos ou l’univers se retrouve dans l’être humain en fonction d’une analogie appropriée.
La double spirale fournit une représentation de la force cosmique unique, agissant dans des directions opposées sur les deux pôles. Tout cela est en étroite relation avec les deux sens de rotation du swastika qui montrent une même révolution vue du pôle céleste ou terrestre. Comme l’influence combinée du Ciel et de la Terre s’exerce dans des sens opposés ; chaque opération de dissipation ou de dissolution à l’un des pôles s’allie avec une opération de condensation ou de coagulation à l’autre pôle, afin de maintenir un équilibre d’ensemble.
La double influence du Ciel et de la Terre ne traduit rien d’autre que la complémentarité associée aux phases descendante et ascendante. Il est aisé de voir que la double spirale correspond à la ligne de démarcation entre les zones claire et sombre. De plus, le point noir dans la partie blanche, ainsi que le point blanc dans la partie noire, représentent les deux pôles.
L’ordre des deux phases dépend de l’état pris en compte comme point de départ.
Lorsque l’être humain retourne vers le non manifesté, il a déjà en réalité atteint le centre de son cycle de manifestation et il se déplace alors le long de l’axe vertical. Cela explique pourquoi le pôle à l’intérieur de la partie sombre du symbole est représenté par un point blanc…
L’ESSE.
(Intertitre de la direction.)
Les petits mystères consistent en une ré-génération psychique produisant un individu centré. Comme il appartient toujours à l’ordre temporel, cette initiation ne peut être associée qu’à la double spirale horizontale.
Les grands mystères donnent accès au monde spirituel, domaine des possibilités supra-individuelles. N’impliquant aucun retour vers l’état humain, cette initiation ne peut être liée qu’à la double spirale verticale.
Dans la tradition druidique, les deux courants de la force cosmique sont représentés par le double pouvoir du maillet de Suqellos ou de la massue de Dagda. En tant que symbole de la foudre, il possède un pouvoir sous les deux aspects opposés ou plutôt complémentaires de génération et de destruction. Génération d’un nouveau cycle ou vie ; destruction d’un cycle précédent ou mort.
Ajouter des exemples n’apporterait rien de plus au sens profond de la double spirale.
La double spirale symbolise la polarité, mais aussi l’équilibre des deux courants inverses d’une même force cosmique. Opérant aux deux pôles des deux moitiés de l’Œuf du Monde, ils sont reliés aux deux directions opposées du swastika. Comme tels, ils prennent l’apparence de deux mouvements opposés alternatifs.
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Un mouvement de sortie du Centre ou du Principe vers le monde manifesté, correspondant à un point de vue cosmologique. Associé à l’influence terrestre, il signifie fondamentalement la mort de l’Âme et la naissance du Corps.
Un mouvement de retour du monde manifesté vers le Centre ou le Principe conforme à un point de vue métaphysique. Sujet à l’influence céleste, il exprime la mort du corps dans un sens symbolique et la re-naissance de l’Âme par l’intermédiaire de l’initiation donnant accès au monde supra-sensible.
La double spirale peut difficilement être mieux figurée que par la ligne de séparation entre les parties [d’une esse encerclée]. Il ne s’agit pas d’autre chose que de deux courants d’une force cosmique unique, prenant diverses formes dans différentes traditions.
Si la mort pointe vers ce qui doit disparaître au sein de l’évolution inévitable du monde terrestre ou manifesté, elle conduit aussi à l’immuable propre au monde céleste ou non manifesté. La mort montre une ambivalence apparente en tant que présage à la révélation. Tous les rites initiatiques comportent une phase de mort préalable à celle d’une vie nouvelle. La mort d’un cycle est la condition indispensable à la naissance d’un nouveau. Vivre cette tension entre des aspects compensatoires d’une même force cosmique, est le seul moyen de mourir à notre état actuel et de re-naître dans un état supérieur.
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DOCUMENT DE TRAVAIL Nº 6.
Le néo-druide Allan Kardec dans son ouvrage intitulé « LE LIVRE DES ESPRITS CONTENANT LES PRINCIPES DE LA DOCTRINE SPIRITE SUR L’IMMORTALITÉ DE L’ÂME, LA NATURE DES ESPRITS, ET LEURS RAPPORTS AVEC LES HOMMES ; RECUEILLIS ET MIS EN ORDRE », a noté quelques-unes de ses réflexions sur ce qu’il appelle « les esprits ». Rien que pour voir, nous avons, dans son texte, remplacé la notion d’esprit individuel par celle d’âme. Et le résultat en fut très surprenant (mais intéressant et à méditer) malgré l’évidence de l’influence judéo-chrétienne sur ses propos. Notamment à propos du libre arbitre qui n’est que relatif ! Ou sa confusion entre la partie supérieure de l’âme humaine individuelle, l’anamone, qui devrait être, en principe, au-dessus de tout ; et la partie inférieure de cette âme humaine individuelle, l’esprit ou menman, qui lui, effectivement, est en quelque sorte encore très humain, trop humain même !
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« Il est un mot sur lequel il importe également de s’entendre, parce que c’est une des clés de voûte de toute doctrine morale, et qu’il est le sujet de nombreuses controverses, faute d’une acception bien déterminée : c’est le mot âme. La divergence d’opinions sur la nature de l’âme vient de l’application particulière que chacun fait de ce mot. Une langue parfaite [comme l’espéranto], où chaque idée aurait sa représentation par un terme propre, éviterait bien des discussions ; avec un mot pour chaque chose, tout le monde s’entendrait.
Selon les uns, l’âme est le principe de la vie matérielle organique ; elle n’a point d’existence propre, et cesse avec la vie : c’est le matérialisme pur. Dans ce sens, et par comparaison, ils disent d’un instrument désaccordé qui n’émet plus de musique : qu’il a rendu l’âme. D’après cette opinion, l’âme serait donc un effet, non une cause.
D’autres pensent que l’âme est le principe de l’intelligence, un agent universel dont chaque être absorbe une portion. Selon eux, il n’y aurait pour tout l’univers qu’une seule âme, qui distribue des étincelles entre les divers êtres intelligents pendant leur vie ; après la mort, chaque étincelle retourne à la source commune où elle se confond dans le tout, comme les ruisseaux et les fleuves retournent à la mer d’où ils sont sortis. Cette opinion diffère de la précédente en ce que, dans cette hypothèse, il y a en nous plus que la matière, et qu’il reste quelque chose après la mort ; mais c’est à peu près comme s’il ne restait rien, puisque, n’ayant plus d’individualité, nous n’aurions plus conscience de nous-mêmes. Dans cette opinion, l’âme universelle serait Dieu et chaque être une portion de la Divinité, c’est une variété de panthéisme.
Selon d’autres enfin, l’âme est un être distinct, et indépendant de la matière, qui conserve son individualité après la mort.
Sans discuter le mérite de ces opinions, et en ne considérant que le côté linguistique de la chose, nous dirons que ces trois applications du mot âme constituent trois idées distinctes qui demanderaient chacune un terme différent. Ce mot a donc une triple acception, et chacun a raison de son point de vue, dans la définition qu’il en donne ; le tort est à la langue que nous utilisons de n’avoir qu’un mot pour trois idées. Pour éviter toute équivoque, il faudrait restreindre l’acception du mot âme à l’une de ces trois idées ; le choix est indifférent, le tout est de s’entendre, c’est une affaire de convention.
Pour les uns, le principe vital est une propriété de la matière, un effet qui se produit lorsque la matière se trouve dans certaines circonstances données [vitalisme] ; selon d’autres, et c’est l’idée la plus commune, il réside dans un fluide particulier, universellement répandu, et dont chaque être absorbe et s’assimile une partie pendant la vie, comme nous voyons les corps inertes absorber la lumière ; ce serait alors le fluide vital, qui, selon certaines opinions, ne serait autre que le fluide électrique animalisé, désigné aussi sous les noms de fluide magnétique, fluide nerveux, etc.
Quoi qu’il en soit, il est un fait que l’on ne saurait contester, car c’est là un résultat de l’observation ; c’est que les êtres organiques ont en eux une force intime qui produit le phénomène de la vie, tant que cette force existe ; que la vie matérielle est commune à tous les êtres organiques, et qu’elle est indépendante de l’intelligence et de la pensée ; que l’intelligence et la pensée sont les facultés
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propres à certaines espèces organiques ; enfin que, parmi les espèces organiques douées de l’intelligence et de la pensée, il en est une douée d’un sens moral spécial qui lui confère une incontestable différence, c’est l’espèce humaine.
On conçoit qu’en ayant un sens aussi varié, l’âme n’exclut ni le matérialisme ni le panthéisme. Le spiritualiste lui-même peut très bien entendre l’âme selon l’une ou l’autre des deux premières définitions, sans préjudice de l’être immatériel distinct auquel alors il donnera un nom quelconque. Ce mot n’est donc pas le représentant d’une opinion : c’est un protée que chacun accommode à sa guise ; de là, la source de tant d’interminables disputes.
15. Que penser de l’opinion d’après laquelle tous les corps de la nature, tous les êtres, tous les globes de l’univers, seraient des parties de la Divinité, donc constitueraient, par leur ensemble, la Divinité elle-même ; autrement dit la doctrine panthéiste ?
16. Ceux qui professent cette doctrine prétendent y trouver la démonstration de quelques-uns des attributs de Dieu ou du Démiurge : les mondes étant infinis, Dieu ou le Démiurge est, par cela même, infini ; le vide ou néant n’étant nulle part, Dieu ou le Démiurge est partout ; Dieu ou le Démiurge étant partout, puisque tout est partie intégrante de Dieu ou du Démiurge, il donne à tous les phénomènes de la nature une raison d’être intelligente. Que peut-on opposer à ce raisonnement ?
114. Les âme/esprits sont-elles bonnes ou mauvaises par leur nature, ou bien sont-ce les mêmes qui s’améliorent ?
« Les mêmes âme/esprits qui s’améliorent : en s’améliorant, elles passent d’un ordre inférieur à un ordre supérieur ».
116. Y a-t-il des âme/esprits qui resteront à perpétuité dans les rangs inférieurs ?
« Non, toutes deviendront parfaites ; car elles changent, mais c’est un très long processus ».
117. Dépend-il des âme/esprits de hâter leurs progrès vers la perfection ?
« Certainement ! »
118. Les âme/esprits peuvent-elles dégénérer ?
« Non ; à mesure qu’elles avancent, elles comprennent ce qui les éloignait de la perfection. Quand l’âme/esprit a fini une épreuve, elle en a la science et ne l’oublie pas. Elle peut rester stationnaire, mais elle ne rétrograde pas ».
120. Toutes les âme/esprit passent-elles par la filière du mal pour arriver au bien ?
« Non par la filière du mal, mais par celle de l’ignorance ».
121. Pourquoi certaines âme/esprits ont-elles suivi la route du bien, et d’autres celle du mal ?
« Le libre arbitre se développe à mesure que l’âme/esprit acquiert la conscience d’elle-même. Il n’y aurait plus liberté si le choix était sollicité par une cause indépendante de la volonté de l’âme/esprit. La cause n’est pas en elle, elle est hors d’elle, dans les influences auxquelles elle cède en vertu de sa libre volonté ».
— D’où viennent les influences qui s’exercent sur elle ?
« Des âme/esprits imparfaites qui cherchent à s’emparer d’elle, à la dominer, qui sont heureuses de la faire succomber. C’est ce que l’on a voulu peindre par la figure de Satan ».
— Cette influence ne s’exerce-t-elle sur l’âme/esprit qu’à son origine ?
« Elle la suit dans sa vie d’âme/esprit jusqu’à ce qu’elle ait tellement pris d’empire sur elle-même, que les mauvaises renoncent à l’obséder ».
124. Puisqu’il y a des âme/esprits qui, dès le principe, suivent la route du bien absolu, et d’autres celle du mal absolu, il y a sans doute des degrés entre ces deux extrêmes ?
« Oui, certainement, et c’est la grande majorité ».
125. Les âme/esprits qui ont suivi la route du mal pourront-elles arriver au même degré de supériorité que les autres ?
« Oui, mais les éternités seront plus longues pour elles ».
Par ce mot « les éternités », on doit entendre l’idée qu’ont les âme/esprits inférieures de la perpétuité de leurs souffrances, parce qu’il ne leur est pas donné d’en voir le terme ; et que cette idée se renouvelle à toutes les épreuves auxquelles elles succombent.
127. Les âme/esprits sont-elles créées, dès la naissance, égales en facultés intellectuelles ?
« Elles sont faites égales, mais ne sachant pas d’où elles viennent, il faut que le libre arbitre ait son cours. Elles progressent plus ou moins vite en intelligence comme en moralité.
Les âme/esprits qui suivent dès le principe la route du bien ne sont pas pour cela des âme/esprits parfaites ; si elles n’ont pas des tendances mauvaises, elles n’en ont pas moins à obtenir l’expérience et les connaissances nécessaires pour atteindre à la perfection. Nous pouvons les comparer à des enfants qui, quelle que soit la bonté de leurs instincts, ont besoin de se développer, de s’éclairer, donc
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n’arrivent pas sans transition de l’enfance à l’âge mûr ; seulement, comme nous avons des hommes qui sont bons et d’autres qui sont mauvais dès leur enfance, de même il y a des âme/esprits qui sont bonnes ou mauvaises dès leur principe ; avec cette différence capitale que l’enfant a des instincts tout formés, tandis que l’âme/esprit, à sa formation, n’est pas plus mauvaise que bonne ; elle a toutes les tendances, et prend l’une ou l’autre direction par l’effet de son libre arbitre ».
128. Les êtres que nous appelons âme/esprits supérieures forment-ils une catégorie spéciale d’une nature différente des autres âme/esprits ?
« Non, ce sont simplement les plus pures : celles qui sont au plus haut degré de l’échelle, et réunissent toutes les perfections ».
129. Ces âme/esprits ont-elles parcouru tous les degrés ?
« Elles ont parcouru tous les degrés, mais comme nous l’avons dit : les unes ont accepté leur mission sans murmure et sont arrivées plus vite ; les autres ont mis un temps plus ou moins long pour arriver à la perfection ».
135. Y a-t-il dans l’Homme autre chose que l’âme/esprit et le corps ?
« Il y a le lien qui unit l’âme/esprit et le corps ».
— Quelle est la nature de ce lien ?
« Semi-matérielle, c’est-à-dire intermédiaire entre l’âme/esprit et le corps. Et il le faut pour qu’ils puissent communiquer l’un avec l’autre. C’est par ce lien que l’âme/esprit agit sur la matière, et réciproquement ».
L’Homme est ainsi formé de trois parties essentielles.
1° Le corps, ou être matériel analogue aux animaux et animé par le même principe vital.
2° L’âme/esprit incarnée dont le corps est l’habitation.
3° Le principe intermédiaire ou périsprit, substance semi-matérielle qui sert de première enveloppe à l’esprit et unit l’âme/esprit et le corps. Comme dans un fruit, le germe, le périsperme et la coquille.
136. Le corps peut-il exister sans l’âme/esprit ?
« Oui, et pourtant dès que le corps cesse de vivre, l’âme/esprit le quitte. Avant la naissance, il n’y a pas encore union définitive entre l’âme et le corps ; tandis qu’après que cette union a été réalisée, la mort du corps rompt les liens qui l’unissent à l’âme/esprit, et l’âme/esprit le quitte. La vie organique peut animer un corps sans âme/esprit, mais l’âme/esprit ne peut habiter un corps privé de la vie organique ».
— Que serait notre corps s’il n’avait pas d’âme/esprit ?
« Une masse de chair sans intelligence, tout ce que vous voulez donc, excepté un homme ».
138. Que penser de l’opinion de ceux qui regardent l’âme/esprit comme le principe de la vie matérielle ?
« C’est une question de mots ; nous n’y tenons pas ; commencez par vous entendre vous-mêmes ».
139. Certains grands esprits, et avant eux certains philosophes, ont défini l’âme/esprit comme étant une étincelle animique émanée du Grand Tout ; pourquoi cette contradiction ?
« Il n’y a pas de contradiction ; cela dépend de l’acception des mots. Pourquoi n’avez-vous pas un mot pour chaque chose ? »
Le mot âme est employé pour exprimer des choses très différentes. Les uns appellent ainsi le principe de la vie, et dans cette acception, il est exact de dire, au figuré, que l’âme est une étincelle animique émanée du Grand Tout. Ces derniers mots peignent la source universelle du principe vital, dont chaque être absorbe une portion, et qui rentre à la masse après la mort. Cette idée n’exclut nullement celle d’un être moral distinct, et indépendant de la matière, qui conserve son individualité. C’est cet être que l’on appelle également âme, et c’est dans cette acception que l’on peut dire que l’âme est un principe incarné.
144. Que doit-on entendre par l’âme du monde ?
« C’est le principe universel de la vie et de l’intelligence d’où naissent les individualités. Mais ceux qui se servent de ces mots ne se comprennent souvent pas eux-mêmes. Le mot âme est si élastique que chacun l’interprète au gré de ses rêveries. On a quelquefois aussi attribué une âme à la Terre ».
— Que penser de l’opinion de ceux qui placent l’âme dans un centre vital ?
« C’est-à-dire que l’âme/esprit habite plutôt cette partie de votre organisme, puisque c’est là qu’aboutissent toutes les sensations. Ceux qui la placent dans ce qu’ils considèrent comme le centre de la vitalité, la confondent avec le fluide ou principe vital. Toutefois, on peut dire que le siège de l’âme/esprit est plus particulièrement dans les organes qui servent aux manifestations intellectuelles et morales ».
150. L’âme/esprit, après la mort, conserve-t-elle son individualité ?
« Oui, elle ne la perd jamais. Que serait-elle si elle ne la conservait pas ? »
— Comment l’âme/esprit constate-t-elle son individualité, puisqu’elle n’a plus son corps matériel ?
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« Elle a encore un fluide qui lui est propre, qu’elle puise dans l’atmosphère de sa planète et qui représente l’apparence de sa dernière incarnation : son périsprit ».
Note de la rédaction. Il est évident là qu’Allan Kardec a un peu trop lu les scolies de Lucain commentant le « orbe alio » de cet auteur (Fuit enim sentencia, animas in comparibus stellis positas. Et descensus per cancrum. In planetis vero pro diversitate eorum hauriebant diversa. In corporibus tandem pro merito quedam cicius celum
petebant, quedam de corpore in corpus transeunt, donec firmamento consecuti resipiscant).
— L’âme/esprit n’emporte-t-elle rien avec elle d’ici-bas ?
« Rien que le souvenir, et le désir d’aller dans un monde meilleur. Ce souvenir est plein de douceur ou d’amertume, selon l’emploi qu’elle a fait de sa vie ; plus elle est pure, plus elle comprend la futilité de ce qu’elle laisse sur la terre ».
151. Que penser de cette opinion qu’après la mort l’âme/esprit rentre dans le tout universel ?
« Est-ce que l’ensemble des âme/esprit ne forme pas un tout ? N’est-ce pas tout un monde ? Quand tu es dans une assemblée, tu es partie intégrante de cette assemblée, pourtant tu as toujours ton individualité ».
152. Quelle preuve pouvons-nous avoir de l’individualité de l’âme/esprit après la mort ?
« Ceux qui pensent qu’à la mort l’âme/esprit rentre dans le tout universel sont dans l’erreur s’ils entendent par là que, semblable à une goutte d’eau qui tombe dans l’Océan, elle y perd son individualité ; ils sont dans le vrai s’ils entendent par « tout universel » l’ensemble des êtres incorporels dont chaque âme ou esprit est un élément ».
Si les âme/esprit étaient confondues dans la masse, elles n’auraient que les qualités de l’ensemble, et rien ne les distinguerait les unes des autres ; elles n’auraient ni intelligence ni qualités propres ; alors que, que, dans toutes les communications où elles sont parties prenantes, elles font preuve de conscience de leur moi et d’une volonté distincte ; cette diversité infinie qu’elles présentent sous tous les rapports est la conséquence même des individualités. S’il n’y avait, après la mort, que ce que l’on appelle le Grand Tout, absorbant toutes les individualités, ce Tout serait uniforme, et dès lors toutes les communications que l’on recevrait du monde invisible seraient identiques. Puisque l’on y rencontre des êtres bons, d’autres mauvais, des savants et des ignorants, des heureux et des malheureux ; qu’il y en a de tous les caractères : des gais ou des tristes, des légers ou des profonds, etc., c’est évidemment que ce sont des êtres distincts. L’individualité devient plus évidente encore quand ces êtres prouvent leur identité par des signes incontestables, des détails personnels relatifs à leur vie terrestre, et que l’on peut constater ; elle ne peut être révoquée en doute quand ils se manifestent à nos yeux dans les apparitions. L’individualité de l’âme/esprit nous était enseignée, en théorie, comme un article de foi ; le spiritisme la rend patente, et en quelque sorte matérielle.
160. L’âme/esprit retrouve-t-elle immédiatement ceux qu’elle a connus sur la Terre et qui sont morts avant elle ?
« Oui selon l’affection qu’elle avait pour eux, et celle qu’ils avaient pour elle ; souvent, ils viennent la recevoir à sa rentrée dans le monde des âme/esprits des morts, et ils aident à la dégager des langes de la matière ; comme il en est aussi beaucoup qu’elle retrouve et qu’elle avait perdus de vue pendant son séjour sur la Terre ».
Sur ce point le néo-druide Allan Kardec est toujours en plein accord avec la légende de la mort antique.
« Le long de la côte de l’océan qui s’étend juste en face de l’île de [Grande] Bretagne, il y a de nombreux villages. Ils sont habités par des hommes qui pêchent à l’aide de filets ou cultivent la terre voire font du commerce maritime avec cette île, et qui sont, en autre chose, sujets des Francs, bien que ne leur payant aucun tribut, ledit tribut ayant été supprimé pour eux depuis des temps immémoriaux en raison, disent-ils, d’un service qu’ils rendent et que je vais décrire ici. Les hommes de cet endroit disent que le transport des âmes/esprits [grec psyché] leur incombe à tour de rôle. Les hommes qui doivent accomplir ce travail lors de la nuit qui doit venir, en prenant la relève des autres, dès que l’obscurité tombe, se retirent dans leur maison et vont dormir, en attendant celui qui doit les rassembler pour effectuer cette tâche. À une heure de la nuit très avancée, ils réalisent que l’on frappe à leur porte et entendent une voix indistincte les appelant à venir faire leur travail. Alors ils se lèvent et se rendent sans hésiter sur la plage, sans comprendre la raison qui les pousse à cela, mais en en ressentant néanmoins la nécessité. En ce lieu, ils aperçoivent alors des embarcations prêtes à partir,
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mais sans personne à bord, non pas leurs propres esquifs cependant, mais une sorte de barques différente, à bord desquelles ils montent et dont ils prennent les rames. Ils réalisent alors que ces bateaux sont chargés à ras bord d’un grand nombre de passagers ? puisqu’ils sont mouillés par les vagues qui atteignent presque le niveau du plat-bord et des dames de nage, et qu’ils ne dépassent le niveau de l’eau que de l’épaisseur d’un doigt, tout juste ; eux-mêmes cependant ne voient personne, mais après avoir ramé à peine une heure, ils arrivent en [Grande] Bretagne. Alors que, quand ils effectuent ce voyage sur leurs propres embarcations, sans se servir des voiles, mais à la rame, ils effectuent péniblement ladite traversée en une nuit et un jour. Puis quand ils ont atteint l’île et qu’ils ont été délivrés du poids de leurs passagers invisibles, ils repartent chez eux à toute vitesse, leurs bateaux étant soudainement redevenus si légers qu’ils ne font qu’effleurer les vagues, et qu’ils n’ont que la quille dans l’eau. En ce qui les concerne, ils ne voient jamais personne assis à côté d’eux à bord de leur navire ou en débarquant, mais ils disent qu’ils entendent une sorte de voix venant de cette île, et qui semble être une annonce destinée à ceux qui doivent prendre ces âmes/esprits [grec psyché] en charge, car on fait alors l’appel de tous les passagers arrivés avec eux, par leur nom et qualité dans la vie d’avant, le nom de leur père et le leur propre. Et s’il y a aussi des femmes parmi ceux qui ont été ainsi acheminés, on donne les noms des hommes à qui elles étaient mariées dans la vie d’avant » (Procope. De Bello Gothico IV, 20).
165. Au moment de la mort, tout est d’abord confus ; il faut à l’âme/esprit quelque temps pour se reconnaître ; elle est comme étourdie, ou dans l’état d’un homme sortant d’un profond sommeil, et qui cherche à se rendre compte de la situation. La lucidité des idées tout comme la mémoire du passé lui reviennent, à mesure que s’efface l’influence de la matière dont elle vient de se dégager, et que se dissipe l’espèce de brouillard qui obscurcit ses pensées.
La durée du trouble qui suit la mort est très variable ; il peut être de quelques heures, comme de plusieurs mois, et même de plusieurs années. Ceux chez lesquels il est le moins long sont ceux qui se sont identifiés de leur vivant avec leur futur état, parce qu’alors ils comprennent immédiatement leur position.
Ce trouble présente des circonstances particulières selon le caractère des individus et surtout selon le genre de mort. Dans les morts violentes, par suicide, supplice, accident, apoplexie, blessures, etc., l’âme/esprit est donc étonnée, surprise, et ne croit pas être morte ; pourtant elle voit son corps, elle sait que ce corps est le sien, et elle ne comprend pas qu’elle en soit séparée ; elle va auprès des personnes qu’elle affectionne, leur parle, et ne conçoit pas pourquoi elles ne l’entendent pas désormais.
Alors seulement l’âme/esprit se reconnaît puis comprend qu’elle ne fait plus partie des vivants. Ce phénomène s’explique aisément. Surprise à l’improviste par la mort, l’âme/esprit est étourdie par le brusque changement qui s’est opéré en elle-même ; pour elle, la mort est encore synonyme de destruction, d’anéantissement ; or, comme elle pense, qu’elle voit, qu’elle entend, à ses yeux elle n’est pas morte. Ce qui augmente son illusion, c’est qu’elle se voit un corps semblable au précédent pour la forme, mais dont elle n’a pas encore eu le temps d’étudier la nature éthérée ; donc elle le croit solide et compact comme celui d’avant ; et quand on appelle son attention sur ce point, elle s’étonne de ne pas pouvoir se palper. Ce phénomène est analogue à celui des nouveaux somnambules qui ne croient pas dormir. Pour eux, le sommeil est synonyme de suspension des facultés ; or, comme ils pensent librement et qu’ils voient, pour eux ils ne dorment pas.
Le trouble qui suit la mort n’a rien de pénible pour l’homme de bien ; il est calme et en tout point semblable à celui qui accompagne un réveil paisible. Pour celui dont la conscience n’est pas pure, il est plein d’anxiété ou d’angoisses qui augmentent à mesure qu’il se reconnaît.
Dans les cas de mort collective, il a été observé que ceux qui périssent en même temps ne se revoient pas toujours immédiatement. Dans le trouble qui suit la mort, chacun va de son côté, ou ne se préoccupe que de ceux qui l’intéressent.
166. Comment l’âme/esprit, qui n’a point atteint la perfection pendant la vie corporelle, peut-elle achever de s’épurer ?
« En subissant l’épreuve d’une nouvelle existence ».
Comment l’âme/esprit accomplit-elle cette nouvelle existence ? Est-ce par sa transformation comme esprit ?
« L’âme/esprit, en s’épurant, subit sans doute une transformation, mais pour cela il lui faut l’épreuve d’une autre vie ».
À mesure que l’âme/esprit se purifie, le corps éthérique qu’elle revêt se rapproche également de la nature spirite. La matière est moins dense, les besoins physiques sont moins grossiers. L’âme/esprit
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est plus libre, et a pour les choses éloignées des perceptions qui nous sont inconnues ; il voit par les yeux du corps ce que nous ne voyons que par la pensée.
L’épuration des âme/esprit amène chez les êtres dans lesquelles ces âme/esprits sont incarnées, le perfectionnement moral. Les passions animales s’affaiblissent, et l’égoïsme fait place au sentiment fraternel. C’est ainsi que, dans les mondes supérieurs à la Terre, les guerres sont inconnues ; les haines et les discordes y sont sans objet, parce que nul ne songe à faire du tort à son semblable. L’intuition qu’elles ont de leur avenir, la sécurité que leur donne une conscience exempte de remords, font que la venue de leur fin définitive ne leur cause aucune appréhension ; elles la voient venir sans crainte et comme une simple transformation.
284. Comment les âme/esprits, qui n’ont plus de corps, peuvent-elles constater leur individualité ou se distinguer des autres êtres spirituels qui les entourent ?
« Elles constatent leur individualité par le périsprit qui en fait des êtres distincts les uns pour les autres, comme le corps parmi les hommes ».
289. Nos parents et nos amis viennent-ils à notre rencontre quand nous quittons la Terre ?
« Ils viennent au-devant de l’âme/esprit qu’ils affectionnent ; ils la félicitent comme au retour d’un voyage, si elle a échappé aux dangers de la route, et l’aident à se dégager des liens corporels. C’est une faveur pour les bons esprits quand ceux qui les ont aimés viennent à leur rencontre, tandis que celui qui est souillé reste dans l’isolement, ou n’est entouré que d’âmes/esprits semblables à lui : c’est une punition ».
298. Les âme/esprit qui doivent s’unir sont-elles prédestinées à cette union dès leur origine, et chacun de nous a-t-il quelque part dans l’univers sa moitié à laquelle il sera un jour fatalement réuni ?
« Non ; il n’existe pas d’union particulière et fatale entre deux âme/esprits. L’union existe entre toutes les âme/esprits, mais à des degrés différents selon le rang qu’elles occupent, c’est-à-dire selon la perfection qu’elles ont acquise : plus elles sont parfaites, plus elles sont unies. De la discorde naissent tous les maux des humains ; de la concorde résulte le bonheur ».
305. Le souvenir de l’existence corporelle se présente-t-il à l’âme/esprit d’une manière complète et inopinée après la mort ?
« Non, il lui revient peu à peu, comme quelque chose qui sort du brouillard, et à mesure qu’il y fixe son attention ».
306. L’âme/esprit se souvient-elle, en détail, de tous les événements de sa vie ; en embrasse-t-elle l’ensemble d’un coup d’œil rétrospectif ?
« Elle se souvient des choses en raison des conséquences qu’elles ont sur son état d’esprit ; mais tu conçois qu’il y a des circonstances de sa vie auxquelles elle n’attache aucune importance, et dont elle ne cherche même pas à se souvenir ».
— Pourrait-elle s’en souvenir si elle le voulait ?
« Elle peut se souvenir des détails et des incidents les plus minutieux, soit des événements, soit même de ses pensées ; mais quand c’est sans utilité, elle ne le fait pas ».
— Entrevoit-elle le but de la vie terrestre par rapport à la vie future ?
« Assurément elle le voit et le comprend bien mieux que du vivant de son corps ; elle comprend le besoin d’épuration pour arriver à l’infini, et elle sait qu’à chaque existence, elle laisse quelques impuretés ».
307. Comment la vie passée se retrace-t-elle à la mémoire de l’âme/esprit ? Est-ce par un effort de son imagination ou comme un tableau qu’elle a devant les yeux ?
« L’un et l’autre ; tous les actes dont elle a intérêt à se souvenir sont pour elle comme s’ils étaient présents ; les autres sont plus ou moins dans le vague de la pensée, ou tout à fait oubliés. Plus elle est dématérialisée, moins elle attache d’importance aux choses matérielles. Ce qu’elle se rappelle très bien, ce sont les faits principaux qui l’aident à s’améliorer ».
309. Comment l’âme/esprit considère-t-elle le corps qu’elle vient de quitter ?
« Comme un mauvais habit qui la gênait plus ou moins et dont elle est heureuse d’être débarrassée ».
— Quel sentiment lui fait éprouver la vue de son corps en décomposition ?
« Presque toujours de l’indifférence, comme pour une chose à laquelle elle ne tient plus ».
310. Au bout d’un certain laps de temps, l’âme/esprit reconnaît-elle des ossements ou d’autres objets comme lui ayant appartenu ?
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« Quelquefois ; cela dépend du point de vue plus ou moins élevé sous lequel désormais elle considère les choses terrestres ».
311. Le respect que l’on a pour les choses matérielles qui restent de l’âme/esprit, attire-t-il son attention sur ces objets en question, et voit-elle ce respect avec plaisir ?
« L’âme/esprit est toujours heureuse du souvenir que l’on a d’elle ; les choses que l’on conserve d’elle la rappellent à la mémoire, mais c’est la pensée qui l’attire vers vous, et non ces objets ».
312. Les âme/esprits conservent-elles le souvenir des souffrances qu’elles ont endurées pendant leur existence corporelle ?
« Souvent elles le conservent, et ce souvenir leur fait mieux sentir le prix de la félicité dont elles peuvent jouir comme âme/esprits ».
313. L’homme qui a été heureux ici-bas, regrette-t-il ses jouissances quand il a quitté la terre ?
« Les âme/esprits inférieures seules peuvent regretter des joies qui sympathisent avec l’impureté de leur nature, et qu’elles expient par leurs souffrances. Pour les âme/esprits élevées, le bonheur éternel est mille fois préférable aux plaisirs éphémères de la terre ».
314. Celui qui a commencé de grands travaux dans un but utile, et qu’il voit interrompus par la mort, regrette-t-il, dans l’autre monde, de les avoir laissés inachevés ?
« Non, parce qu’il voit que d’autres sont destinés à les terminer. Au contraire, il tâche d’influencer divers esprits humains afin qu’ils les continuent. Son but, sur la terre, était le bien de l’Humanité ; ce but reste le même dans le monde des âme/esprits ».
315. Celui qui a laissé des travaux d’art ou de littérature, conserve-t-il pour ses œuvres l’amour qu’il avait de son vivant ?
« Selon son élévation, il les juge d’un autre point de vue, et souvent il blâme ce qu’il admirait le plus ».
316. L’âme/esprit s’intéresse-t-elle encore aux travaux qui se font sur la terre, au progrès des arts et des sciences ?
« Cela dépend de son élévation ou de la mission qu’elle peut avoir à remplir. Ce qui vous paraît magnifique est souvent bien peu de chose pour certaines âmes/esprits ; et elles l’admirent, comme le savant admire l’ouvrage d’un écolier. Il examine ce qui peut prouver l’élévation des âme/esprits incarnées ainsi que leurs progrès ».
317. Les âme/esprits, après la mort, conservent-elles l’amour de la patrie ?
« C’est toujours le même principe : pour les âmes/esprit élevées, la patrie, c’est l’univers ; sur la terre, la patrie est là où il y a le plus de personnes sympathiques à nos yeux ».
La situation des âme/esprits et leur manière de voir les choses varient à l’infini en raison du degré de leur développement moral et intellectuel. Les âme/esprits d’un ordre élevé ne font généralement sur la Terre que des séjours de courte durée. Tout ce qui s’y fait est si mesquin en comparaison des grandeurs de l’infini, les choses auxquelles les hommes attachent le plus d’importance sont si puériles à leurs yeux, qu’elles y trouvent peu d’attraits. À moins qu’elles n’y soient appelées en vue de concourir au progrès de l’Humanité. Les âme/esprits vulgaires y sont en quelque sorte sédentaires, et constituent la masse de la population ambiante du monde invisible ; elles ont conservé à peu de chose près les mêmes idées, les mêmes goûts et les mêmes penchants qu’elles avaient sous leur enveloppe corporelle ; elles se mêlent à nos réunions, à nos affaires, à nos amusements, auxquels donc elles prennent une part plus ou moins active, selon leur caractère. Ne pouvant satisfaire leurs passions, elles jouissent de ceux qui s’y abandonnent et les y excitent. Dans le nombre, il en est de plus sérieux, qui voient et observent pour s’instruire et se perfectionner.
318. Les idées des âme/esprits se modifient-elles dans leur état d’esprit ?
« Beaucoup ; elles subissent de très grandes modifications à mesure que l’âme/esprit se dématérialise ; elle peut quelquefois rester longtemps dans les mêmes idées, mais peu à peu l’influence de la matière diminue, et elle voit les choses plus clairement ; c’est alors qu’elle cherche les moyens de s’améliorer ».
321. Le jour de la commémoration des morts (le 1er novembre) a-t-il quelque chose de plus solennel pour les âme/esprits ? Se préparent-elles à venir visiter ceux qui doivent aller prier sur leurs dépouilles ?
« Les âme/esprits viennent à l’appel de la pensée ce jour-là comme les autres jours ».
— Ce jour est-il, pour elles, un rendez-vous auprès de leurs sépultures ?
« Elles y sont plus nombreuses ce jour-là, parce qu’il y a plus de personnes qui les appellent ; mais chacune d’elles n’y vient que pour ses amis, et non pour la foule des indifférents ».
— Sous quelle forme y viennent-elles, et comment les verrait-on si elles pouvaient se rendre visibles ?
« Celle sous laquelle on les a connus de leur vivant ».
323. La visite au tombeau procure-t-elle plus de satisfaction à l’âme/esprit qu’une prière chez soi ?
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« La visite au tombeau est une manière de manifester que l’on pense à l’âme/esprit absente : c’est l’image. Je vous l’ai dit, c’est la prière qui sanctifie l’acte du souvenir ; peu importe le lieu, si elle est dite par le cœur ».
324. Les âme/esprits des personnes auxquelles on élève des statues ou des monuments, assistent-elles à ces sortes d’inaugurations, et les voient-elles avec plaisir ?
« Beaucoup y viennent lorsqu’elles le peuvent, mais elles sont moins sensibles à l’honneur qu’on leur fait, qu’au souvenir ».
— La réunion des dépouilles mortelles de tous les membres d’une même famille doit-elle être considérée comme une chose futile ?
« Non ; c’est un pieux usage et un témoignage de sympathie pour ceux que l’on a aimés ; si cette réunion importe peu aux âme/esprits, elle est utile aux hommes : les souvenirs sont plus recueillis ».
326. L’âme/esprit, rentrant dans la vie spirituelle, est-elle sensible aux honneurs rendus à sa dépouille mortelle ?
« Quand l’âme/esprit est arrivée à un certain degré de perfection, il n’a plus de vanité terrestre, et elle comprend la futilité de toutes ces choses ; mais sache que bien souvent il y a des âme/esprits qui, au premier moment de leur mort matérielle, éprouvent un grand plaisir des honneurs qu’on leur rend, ou un ennui du délaissement de leur enveloppe ; car elles conservent encore quelques-uns des préjugés d’ici-bas ».
327. L’âme/esprit assiste-t-elle à son convoi funéraire ?
« Très souvent elle y assiste, mais quelquefois elle ne se rend pas compte de ce qui s’y passe, si elle est encore dans le trouble ».
— Est-elle flattée par le nombre ou la qualité de ceux qui suivent son convoi funéraire ?
« Plus ou moins selon le sentiment qui les amène ».
328. L’âme/esprit de celui qui vient de mourir assiste-t-elle aux réunions de ses héritiers ?
« Presque toujours ; c’est là qu’elle juge ce que valaient leurs protestations d’affection ; pour elle tous les sentiments sont à découvert, et la déception qu’elle éprouve en voyant la rapacité de ceux qui se partagent ses dépouilles l’éclaire sur leurs sentiments ; mais leur tour viendra ».
329. Le respect instinctif que l’homme, en tous les temps et chez tous les peuples, témoigne pour les morts, est-il un effet de l’intuition qu’il a de l’existence future ?
« C’en est la conséquence naturelle ; sans cela ce respect serait sans objet ».
367. L’âme, en s’unissant au corps, s’identifie-t-elle avec la matière ?
« La matière n’est que l’enveloppe de l’âme, comme l’habit est l’enveloppe du corps. L’âme, en s’unissant au corps, conserve les attributs de la nature spirituelle ».
368. Les facultés de l’âme s’exercent-elles en toute liberté après son union avec le corps ?
« L’exercice des facultés dépend des organes qui leur servent d’instrument ; elles sont affaiblies par la grossièreté de la matière ».
L’enveloppe matérielle serait donc un obstacle à la libre manifestation des facultés de l’âme, comme un verre opaque s’oppose au libre passage de la lumière ?
« Oui, et très opaque ».
On peut encore comparer l’action de la matière grossière du corps sur l’âme, à celle d’une eau bourbeuse qui ôte la liberté des mouvements au corps qui s’y trouve plongé.
369. Le libre exercice des facultés de l’âme est-il subordonné au développement des organes ?
« Les organes sont les instruments de la manifestation des facultés de l’âme ; cette manifestation se trouve subordonnée au développement ainsi qu’au degré de perfection de ces mêmes organes, comme la qualité d’un travail à la qualité de l’outil ».
371. L’opinion selon laquelle les mongoliens et les autistes auraient une âme d’une nature inférieure, est-elle fondée ?
« Non, ils ont une âme humaine, souvent plus intelligente que vous ne le pensez, mais qui souffre de l’insuffisance des moyens qu’elle a pour communiquer, comme le muet souffre de ne pouvoir parler ».
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372. Quel est le but du Destin universel en faisant apparaître des êtres disgraciés comme les mongoliens et les autistes ?
« Ce sont des âmes/esprit ayant mérité une punition, qui habitent des corps d’idiots. Ces âmes souffrent de la contrainte qu’elles éprouvent et de l’impuissance où elles sont, de se manifester par des organes non développés ou détraqués ».
— Il n’est donc pas exact de dire que les organes sont sans influence sur les facultés ?
« Nous n’avons jamais dit que les organes fussent sans influence ; ils en ont une très grande sur la manifestation des facultés, mais ils ne donnent pas les facultés ; là est la différence. Un bon musicien avec un mauvais instrument ne fera pas de bonne musique, et cela ne l’empêchera pas d’être un bon musicien ».
Il faut distinguer l’état normal de l’état pathologique. Dans l’état normal, le mental surmonte l’obstacle que lui oppose la matière ; mais il est des cas où la matière offre une résistance telle que les manifestations sont entravées ou dénaturées, comme dans l’idiotie et la folie ; ce sont des cas pathologiques, et dans cet état l’âme ne jouissant pas de toute sa liberté, la loi humaine elle-même l’affranchit de la responsabilité de ses actes.
373. Quel peut être le mérite de l’existence pour des êtres qui, comme les mongoliens et les autistes, ne pouvant faire ni bien ni mal, ne peuvent progresser ?
« C’est une expiation imposée à l’abus passé de certaines facultés ; c’est un temps d’arrêt ».
La supériorité morale n’est pas toujours fonction de la supériorité intellectuelle, et les plus grands génies peuvent avoir beaucoup à expier ; de là souvent pour eux une existence inférieure à celle qu’ils ont déjà vécue, et une cause de souffrances ; les entraves que l’âme/esprit éprouve dans ses manifestations sont pour lui comme les chaînes qui entravent les mouvements d’un homme vigoureux. On peut dire que le mongolien et l’autiste sont estropiés du cerveau, comme le boiteux l’est des jambes ou l’aveugle des yeux.
374. Le mongolien ou l’autiste, à l’état d’âme/esprit, a-t-il la conscience de son état mental ?
« Oui, très souvent ; il comprend que les chaînes qui entravent son essor sont une épreuve et une expiation ».
375. Quelle est la situation de l’âme/esprit dans la folie ?
« L’âme/esprit, à l’état de liberté, reçoit directement ses impressions et exerce directement son action sur la matière ; mais, incarnée, elle se trouve dans des conditions toutes différentes, et dans la nécessité de ne le faire qu’à l’aide d’organes particuliers. Qu’une partie ou l’ensemble de ces organes soit altéré, son action ou ses impressions, en ce qui concerne ces organes, sont interrompues ! Si elle perd les yeux, elle devient aveugle ; si c’est l’ouïe, elle devient sourde, etc. Imagine maintenant que l’organe qui préside aux effets de l’intelligence et de la volonté soit partiellement ou entièrement attaqué, voire modifié ! Il te sera facile de comprendre que l’âme/esprit n’ayant plus à son service que des organes incomplets ou dénaturés ; il doit en résulter une perturbation dont l’âme/esprit, par elle-même et dans son for intérieur, a parfaitement conscience, mais dont elle n’est pas libre d’arrêter le cours ».
— C’est alors toujours le corps et non l’âme/esprit qui est désorganisé ?
« Oui, mais il ne faut pas perdre de vue que, de même que l’âme/esprit agit sur la matière, celle-ci réagit sur elle dans une certaine mesure. Et que l’âme/esprit peut se trouver momentanément impressionnée par l’altération des organes au moyen desquels elle se manifeste et reçoit ses impressions. Il peut arriver qu’à la longue, quand la folie a duré longtemps, la répétition des mêmes actes finisse par avoir sur l’âme/esprit une influence dont elle n’est délivrée qu’après sa complète séparation de toute impression matérielle ».
376. D’où vient que la folie porte quelquefois au suicide ?
« L’âme/esprit souffre de la contrainte qu’elle éprouve et de l’impuissance où elle est, de se manifester librement, c’est pourquoi elle cherche dans la mort un moyen de briser ses liens ».
377. L’âme/esprit de l’aliéné se ressent-elle, après la mort, du dérangement de ses facultés ?
« Elle peut s’en ressentir quelque temps après la mort, jusqu’à ce qu’elle soit complètement dégagée de la matière, comme l’homme qui s’éveille se ressent quelque temps du trouble où le sommeil l’a plongé ».
378. Comment l’altération du cerveau peut-elle réagir sur l’âme/esprit après la mort ?
« C’est un souvenir ; un poids pèse sur l’âme/esprit, et comme elle n’a pas eu l’intelligence de tout ce qui s’est passé durant sa folie, alors il lui faut toujours un certain temps pour se remettre au courant ; c’est pour cela que plus longtemps a duré la folie pendant la vie, plus longtemps dure la gêne ou la contrainte après la mort ».
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N.D.L.R. Tout ce passage d’Allan Kardec est un étonnant développement de la notion druidique de bacuceos (possédé).
380. Dans un enfant en bas âge, l’âme/esprit, en dehors de l’obstacle que l’imperfection des organes oppose à sa libre manifestation, pense-t-elle comme un enfant ou comme un adulte ?
« Lorsqu’elle est enfant, il est naturel que les organes de l’intelligence, n’étant pas développés, ne puissent pas lui donner toute l’intuition d’un adulte ; elle a, en effet, l’intelligence très bornée, en attendant que l’âge ait mûri sa raison. Le trouble qui accompagne l’incarnation ne cesse pas subitement au moment de la naissance ; il ne se dissipe que graduellement, avec le développement des organes ».
Une observation vient à l’appui de cette réponse : les rêves chez un enfant n’ont pas le caractère de ceux d’un adulte ; leur objet s’avère presque toujours puéril, ce qui est un indice de la nature des préoccupations de l’âme/esprit.
381. À la mort de l’enfant, l’âme/esprit reprend-elle immédiatement sa vigueur première ?
« Elle le doit, puisqu’elle est débarrassée de son enveloppe charnelle ; cependant elle ne reprend sa lucidité première que lorsque la séparation est complète, c’est-à-dire lorsqu’il n’existe plus aucun lien entre l’âme/esprit et le corps ».
383. Quelle est, pour l’âme/esprit, l’utilité de passer par l’état d’enfance ?
« L’âme s’incarnant afin de se perfectionner, elle est plus accessible, durant ce temps-là, aux impressions qu’elle reçoit, et qui peuvent aider à son avancement ; auquel doivent contribuer ceux qui sont chargés de son éducation ».
385. D’où vient le changement qui s’opère dans le caractère à un certain âge, et particulièrement au sortir de l’adolescence ; est-ce l’âme qui se modifie ?
« C’est l’âme qui reprend sa nature et montre ce qu’elle était. L’enfance a encore une autre utilité : les âmes n’entrent dans la vie corporelle que pour se perfectionner, s’améliorer ; la faiblesse du jeune âge les rend flexibles, accessibles aux conseils de l’expérience et de ceux qui doivent les faire progresser ; c’est alors que l’on peut réformer leur caractère et réprimer leurs mauvais penchants. L’enfance est non seulement utile, nécessaire, indispensable, mais elle est la suite naturelle des lois qui régissent l’univers ».
394. Dans les mondes plus avancés que le nôtre, où l’on n’est point sujet à tous nos besoins physiques, à nos infirmités, les hommes comprennent-ils qu’ils sont plus heureux que nous ? Le bonheur, en général, est relatif ; on le sent par comparaison avec un état moins heureux. Comme en définitive quelques-uns de ces mondes, quoique meilleurs que le nôtre, ne sont pas arrivés pour autant à l’état de perfection, les hommes qui les habitent doivent avoir des sujets d’ennui dans leur genre. Parmi nous, le riche, de ce qu’il n’a pas les angoisses des besoins matériels comme le pauvre, n’en a pas moins des tribulations qui rendent sa vie amère. Or, je me demande si, dans leur position, les habitants de ces mondes ne se croient pas aussi malheureux que nous, et ne se plaignent pas de leur sort, n’ayant pas le souvenir d’une existence inférieure pour comparaison.
« À cela, il faut faire deux réponses différentes. Il y a des mondes, parmi ceux dont tu parles, dont les habitants ont un souvenir très net et très précis de leurs existences passées ; ceux-là, tu le comprends, peuvent et savent apprécier le bonheur que le Destin leur permet de savourer ; mais il y en a d’autres où les habitants, placés comme tu le dis, dans de meilleures conditions que vous, n’en ont pas moins de grands ennuis, voire des malheurs ; ceux-là n’apprécient pas leur bonheur, par cela même qu’ils n’ont pas le souvenir d’un état encore plus malheureux. S’ils ne l’apprécient pas en tant qu’hommes, ils l’apprécient comme âme/esprits ».
396. Certaines personnes s’imaginent avoir parfois le vague souvenir d’un passé inconnu qui se présente à elles comme l’image fugitive d’un songe que l’on cherche en vain à saisir. Cette idée n’est-elle qu’une illusion ?
« C’est souvent une illusion contre laquelle il faut se mettre en garde, car cela peut être l’effet d’une imagination surexcitée ».
400. L’âme incarnée demeure-t-elle volontiers sous son enveloppe corporelle ?
« C’est comme si tu demandais si le prisonnier se plaît sous les verrous. L’âme/esprit incarnée aspire sans cesse à la délivrance, et plus l’enveloppe est grossière, plus elle désire en être débarrassée ».
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401. Pendant le sommeil, l’âme/esprit se repose-t-elle comme le corps ?
« Non, l’âme/esprit n’est jamais inactive. Pendant le sommeil, les liens qui l’unissent au corps se relâchent, et le corps n’ayant pas besoin de lui, elle parcourt l’espace, voire même entre en relation plus directe avec les autres âme/esprits ».
402. Comment pouvons-nous juger de la liberté de l’âme/esprit pendant le sommeil ?
« Par les rêves. Crois bien que, lorsque le corps repose, l’âme/esprit a plus de facultés que dans la veille ; elle a le souvenir du passé, quelquefois même la prescience de l’avenir ; elle acquiert plus de puissance et peut entrer en communication avec les autres âme/esprits, soit dans ce monde, soit dans un autre. Souvent, tu dis : j’ai fait un rêve bizarre, un rêve affreux, mais qui n’a aucune vraisemblance ; tu te trompes ; c’est souvent un souvenir des lieux et des choses que tu as vus ou que tu verras dans une autre existence ou dans le futur. Le corps étant engourdi, l’âme/esprit s’efforce de briser sa chaîne en cherchant dans le passé ou dans l’avenir.
Pauvres hommes, que vous connaissez peu les phénomènes les plus ordinaires de la vie ! Vous croyez être bien savants, et les choses les plus vulgaires vous embarrassent ; à cette question de tous les enfants : qu’est-ce que nous faisons quand nous dormons ? Qu’est-ce que c’est que les rêves ? Vous restez comme interdits ou rendus muets par l’étonnement.
Le sommeil délivre en partie l’âme/esprit du corps. Quand on dort, on est momentanément dans l’état où l’on se trouve d’une manière fixe après la mort. Les âme/esprits qui sont tôt dégagées de la matière à leur mort ont eu des sommeils intelligents ; celles-là, quand elles dorment, rejoignent la société des autres êtres supérieurs : elles voyagent, causent et s’instruisent avec eux ; elles travaillent même à des ouvrages qu’elles trouvent tout faits en mourant. Ceci doit vous apprendre une fois de plus à ne pas craindre la mort, puisque vous mourez chaque nuit.
Voilà pour les âme/esprits élevées ! Mais pour la masse des hommes qui, à la mort, doivent rester de longues heures dans ce trouble, dans cette incertitude dont nous avons parlé ; ceux-là vont, soit dans des mondes inférieurs à la Terre *, où d’anciennes affections les rappellent, soit chercher des plaisirs peut-être encore plus bas que ceux qu’ils ont ici. Ils vont puiser des doctrines encore plus viles, plus ignobles, plus nuisibles, que celles qu’ils professent au milieu de vous*. Et ce qui engendre la sympathie sur la Terre n’est autre chose que ce fait que l’on se sent, au réveil, rapproché par le cœur de ceux avec qui l’on vient de passer huit à neuf heures de bonheur ou de plaisir. Ce qui explique aussi ces antipathies invincibles, c’est que l’on sait au fond de son cœur, que ces gens-là ont une autre conscience que la nôtre, parce qu’on les connaît sans les avoir jamais vus avec les yeux. C’est encore ce qui explique l’indifférence, puisque l’on ne tient guère à se faire de nouveaux amis, lorsque l’on sait qu’on en a d’autres qui nous aiment et nous chérissent. En un mot, le sommeil influe plus que vous ne pensez sur votre vie. Par l’effet du sommeil, les âme/esprits incarnées sont toujours en rapport avec le monde des âmes/esprits, et c’est ce qui fait que les âmes/esprits supérieures consentent, sans trop de répulsion, à se réincarner parmi vous.
* Allan Kardec fait là sans doute allusion aux antichambres du paradis celtique connues sous le nom d’Anderodubno (Annwn) ou Donnotegia (Tech Duinn) dont l’existence est sujette à caution. Qui ne concernent en tout cas et au pire qu’une infime minorité d’individus (les exceptions qui confirment la règle) : le roi David et le prophète Élie massacrant leurs ennemis [enfin du moins d’après la Bible : 1 Samuel 18, 25-27 ; 2 rois 1,10-15], Nabuchodonosor, Staline, Hitler, Pol Pot…
Le rêve est le souvenir de ce que votre âme/esprit a vu pendant le sommeil ; mais remarquez que vous ne rêvez pas toujours, parce que vous ne vous souvenez pas toujours de ce que vous avez vu, ou de tout ce que vous avez entendu. Ce n’est pas votre âme/esprit dans son entier développement ; ce n’est souvent que le souvenir du trouble qui accompagne votre départ ou votre rentrée, auquel se joint celui de ce que vous avez fait ou de ce qui vous préoccupe dans l’état de veille ; sans cela, comment expliqueriez-vous ces rêves absurdes que font les plus savants comme les plus simples ? Les mauvais esprits se servent aussi des rêves pour tourmenter les âmes faibles/esprits et pusillanimes.
Au reste, vous verrez bientôt se développer une autre espèce de rêves ; elle est aussi ancienne que celle que vous connaissez, mais vous l’ignorez : ce rêve-là est le souvenir de l’âme/esprit entièrement dégagée du corps, le souvenir de cette seconde vie dont je vous parlais tout à l’heure.
Cherchez bien à distinguer ces deux sortes de rêves dans ceux dont vous vous souviendrez ; sans cela vous tomberiez dans des contradictions et dans des erreurs qui seraient funestes.
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Les rêves sont le produit de l’émancipation de l’âme/esprit rendue plus indépendante par la suspension de la vie active. De là une sorte de clairvoyance indéfinie qui s’étend aux lieux les plus éloignés, ou que l’on n’a jamais vus, et quelquefois même à d’autres mondes. De là encore le souvenir qui retrace dans la mémoire les événements accomplis dans l’existence présente ; l’étrangeté des images de ce qui se passe ou s’est passé dans des mondes inconnus, entremêlées des choses du monde actuel, forme ces ensembles bizarres et confus, qui semblent n’avoir ni sens ni liaison.
L’incohérence des rêves s’explique encore par les lacunes que produit le souvenir incomplet de ce qui nous est apparu en songe. Tel serait un récit dont on aurait tronqué au hasard des phrases ou des parties de phrases : les fragments qui resteraient perdraient toute signification raisonnable ».
404. Que penser de la signification attribuée aux rêves ?
« Les rêves ne sont point vrais comme l’entendent les diseurs de bonne aventure, car il est absurde de croire que rêver de telle chose annonce telle chose. Ils sont vrais en ce sens qu’ils présentent des images réelles pour l’esprit, mais qui souvent n’ont pas de rapport avec ce qui se passe dans la vie corporelle ; souvent aussi, comme nous l’avons dit, c’est un souvenir ; ce peut être enfin quelquefois un pressentiment de l’avenir. N’avez-vous pas de nombreux exemples de personnes apparaissant en songe et venant avertir leurs parents ou leurs amis, de ce qui leur arrive ? Qu’est-ce que c’est que ces apparitions, sinon l’âme ou l’esprit de ces personnes qui vient communiquer avec le vôtre ? Quand vous acquérez la certitude que ce que vous avez vu a réellement eu lieu, n’est-ce pas une preuve que l’imagination n’y est pour rien, surtout si cette chose n’était nullement dans votre pensée à l’état de veille ? »
406. Lorsque nous voyons en rêve des personnes vivantes, que nous connaissons parfaitement, accomplir des actes auxquels elles ne songent nullement, n’est-ce pas un effet de pure imagination ?
« Auxquels elles ne songent nullement, qu’en sais-tu ? Leur esprit peut venir visiter le tien, comme le tien peut visiter le leur, et tu ne sais pas toujours à quoi il pense. Et puis souvent aussi, vous appliquez à des personnes que vous connaissez, mais selon vos désirs, ce qui s’est passé ou se passe dans d’autres existences ».
413. Du principe de l’émancipation de l’âme/esprit pendant le sommeil, il semble résulter que nous avons une double existence simultanée : celle du corps qui nous donne la vie extérieure, et celle de l’âme qui nous donne la vie invisible ; cela est-il exact ?
« Dans l’état d’émancipation, la vie du corps cède à la vie de l’âme/esprit ; mais ce ne sont nullement, à proprement parler, deux existences ; ce sont plutôt deux phases de la même existence, car l’Homme ne vit pas doublement ».
414. Deux personnes qui se connaissent peuvent-elles se visiter pendant le sommeil ?
« Oui, et beaucoup d’autres qui croient ne pas se connaître ; se réunissent et se parlent. Tu peux avoir, sans t’en douter, des amis dans un autre pays. Le fait d’aller voir, pendant le sommeil, des amis, des parents, des connaissances, des gens qui peuvent vous être utiles, est tellement fréquent ; que vous l’accomplissez vous-mêmes presque toutes les nuits ».
415. Quelle peut être l’utilité de ces visites nocturnes, puisqu’on ne s’en souvient pas ?
« Il en reste ordinairement une intuition au réveil, et c’est souvent là l’origine de certaines idées qui viennent spontanément, sans qu’on se les explique, et qui ne sont autres que celles que l’on a puisées dans ces entretiens ».
419. D’où vient que la même idée, celle d’une découverte, par exemple, apparaît en plusieurs endroits du globe à la fois ?
« Nous avons déjà dit que pendant le sommeil les esprits communiquent entre eux ; eh bien ! quand le corps se réveille, l’esprit se rappelle ce qu’il a ainsi appris, et l’Homme croit l’avoir inventé. Aussi plusieurs personnes peuvent-elles trouver la même chose à la fois. Quand vous dites qu’une idée est dans l’air, c’est une image plus juste que vous ne le croyez ; chacun contribue à la propager sans s’en douter ».
Notre esprit révèle souvent à d’autres esprits, et à notre insu, ce qui était l’objet de nos préoccupations pendant la veille.
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420. Les âme/esprits peuvent-elles communiquer si le corps est complètement éveillé ?
« L’âme/esprit n’est pas enfermée dans le corps comme dans une boîte : elle rayonne tout alentour ; c’est pourquoi elle peut communiquer avec d’autres âme/esprits, même à l’état de veille, quoiqu’elle le fasse plus difficilement ».
423. Dans le coma, l’âme/esprit peut-elle se séparer entièrement du corps, de manière à donner à celui-ci toutes les apparences de la mort, et y revenir ensuite ?
« Dans le coma, le corps n’est pas mort, puisqu’il y a des fonctions qui s’accomplissent ; la vitalité y demeure à l’état latent, comme dans une chrysalide, mais elle n’est point anéantie ; or, l’âme/esprit est unie au corps tant que celui-ci vit ; une fois les liens rompus par la mort réelle et la désagrégation des organes, la séparation est complète et l’âme/esprit n’y revient plus. Quand un homme qui a les apparences de la mort revient à la vie, c’est que la mort n’était pas complète » [Note de la rédaction : le néo-druide Allan Kardec nie par conséquent la possibilité qu’il puisse jamais y avoir de résurrection miraculeuse au sens strict du terme ET IL A RAISON !]
La léthargie et la catalepsie ont le même principe, c’est-à-dire la perte momentanée de la sensibilité ou du mouvement par une cause physiologique encore inexpliquée ; elles diffèrent en ce que, dans la léthargie, la suspension des forces vitales est générale, et donne au corps toutes les apparences de la mort ; dans la catalepsie, elle est localisée plus étroitement et peut affecter une partie plus ou moins étendue du corps, de manière à laisser l’intelligence libre de se manifester ; ce qui ne permet pas de la confondre avec la mort. La léthargie est toujours naturelle ; la catalepsie est quelquefois spontanée, mais elle peut être provoquée ou détruite artificiellement par l’action magnétique.
425. Le somnambulisme naturel a-t-il un rapport avec les rêves ? Comment peut-on l’expliquer ?
« C’est une indépendance de l’âme/esprit plus complète que dans le rêve, et alors ses facultés sont plus développées ; elle a des perceptions qu’elle n’a pas dans le rêve, qui est un état de somnambulisme imparfait ».
428. Quelle est la cause de la clairvoyance somnambulique ?
« Nous l’avons dit : c’est l’âme/esprit qui voit ».
429. Comment le somnambule peut-il voir à travers les corps opaques ?
« Il n’y a de corps opaques que pour vos organes grossiers ; n’avons-nous pas dit que, pour l’âme/esprit, la matière n’est pas un obstacle, puisqu’elle la traverse librement. Souvent elle vous dit qu’elle voit par le front, par le genou, etc., parce que vous, entièrement dans la matière, vous ne comprenez pas qu’elle puisse voir sans le secours des organes. Elle-même, par le désir que vous avez qu’il en soit ainsi, pense avoir besoin de ces organes. Mais si vous la laissiez libre, elle comprendrait qu’elle voit par toutes les parties de son corps, ou, pour mieux dire, que c’est en dehors de son corps qu’elle voit ».
430. Puisque la clairvoyance du somnambule est celle de son âme ou de son esprit, pourquoi ne voit-il pas tout, et pourquoi se trompe-t-il souvent ?
« D’abord il n’est pas donné aux âme/esprits imparfaites de tout voir et de tout connaître ; tu sais bien qu’ils participent encore de vos erreurs et de vos préjugés ; ensuite, quand ils sont attachés à la matière, ils ne jouissent pas de toutes leurs facultés d’esprit ».
592. Si nous comparons l’Homme et les animaux sous le rapport de l’intelligence, la ligne de démarcation semble difficile à établir, car certains animaux ont, sous ce rapport, une supériorité notoire sur certains hommes. Cette démarcation peut-elle être établie d’une manière précise ?
« Sur ce point, vos philosophes ne sont guère d’accord ; les uns veulent que l’Homme soit un animal, et d’autres que l’animal soit un Homme ; ils ont tous tort ; l’Homme est un être à part qui s’abaisse quelquefois bien bas, ou qui peut s’élever bien haut. Sur le plan physique, l’Homme est comme les animaux, et moins bien pourvu que beaucoup d’entre eux ; la nature leur a donné tout ce que l’Homme est obligé d’inventer avec son intelligence pour ses besoins et sa conservation ; son corps peut être brisé comme celui des animaux, c’est vrai, mais son esprit a une destinée que lui seul peut comprendre, parce que lui seul est complètement libre [disons plus exactement qu’il est doté d’une conscience que l’animal n’a pas]. Pauvres hommes qui vous abaissez au-dessous de la brute ! Ne savez-vous pas vous en distinguer ? »
593. Peut-on dire que les animaux n’agissent que par instinct ?
« C’est encore là un système. Il est bien vrai que l’instinct domine chez la plupart des animaux ; mais n’en vois-tu pas qui agissent avec une volonté bien déterminée ? C’est de l’intelligence, mais elle est bornée ».
Outre l’instinct, on ne saurait dénier à certains animaux des actes combinés qui dénotent une volonté d’agir dans un sens déterminé, selon les circonstances. Il y a donc en eux une sorte d’intelligence, mais dont l’exercice est plus exclusivement concentré sur les moyens de satisfaire leurs besoins physiques, et de pourvoir à leur conservation. Chez eux, aucune création, aucune amélioration ; quel que soit l’art que nous admirons dans leurs travaux, ce qu’ils faisaient jadis, ils le font aujourd’hui, ni
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mieux, ni plus mal ; selon des formes et des proportions constantes et invariables. Le petit de leur espèce, isolé de ses congénères, n’en construit pas moins son nid sur le même modèle sans avoir reçu d’enseignement. Si quelques-uns sont susceptibles d’une certaine éducation, leur développement intellectuel, toujours enfermé dans des bornes étroites, est dû à l’action de l’Homme sur une nature flexible, car il n’est aucun progrès qui leur soit propre ; mais ce progrès reste éphémère et purement individuel ; car l’animal rendu à lui-même ne tarde pas à rentrer dans les limites tracées par la nature.
594. Les animaux ont-ils un langage ?
« Si vous entendez un langage formé de mots et de syllabes, non ; mais un moyen de communiquer entre eux, oui ; ils se disent beaucoup plus de choses que vous ne le croyez ; mais leur langage est borné, comme leurs idées, à leurs besoins ».
597. Puisque les animaux ont une intelligence qui leur donne une certaine liberté d’action, y a-t-il en eux un principe indépendant de la matière ?
« Oui, et qui survit au corps ».
— Ce principe est-il une âme semblable à celle de l’Homme ?
« C’est aussi une âme, si vous voulez ; cela dépend du sens que l’on attache à ce mot ; mais elle est inférieure à celle de l’Homme. Il y a entre l’âme des animaux et celle de l’Homme autant de distance qu’entre l’âme de l’Homme et Dieu ou le Démiurge ».
598. L’âme des animaux conserve-t-elle, après la mort, son individualité ainsi que sa conscience d’elle-même ?
« Son individualité, oui, mais non la conscience de son moi. La vie intelligente reste à l’état latent ».
600. L’âme de l’animal survivant au corps est-elle, après la mort, dans un état errant, comme celle de l’Homme ?
« C’est une sorte d’errance, puisqu’elle n’est pas unie à un corps, mais ce n’est pas un esprit errant. L’esprit errant est un être qui pense et agit par sa libre volonté ; celui des animaux n’a pas la même faculté ; c’est la conscience de lui-même qui est l’attribut principal de l’esprit. L’esprit de l’animal est classé après sa mort par les esprits que cela concerne, et presque aussitôt utilisé ; il n’a pas le loisir de se mettre en rapport avec d’autres êtres vivants ».
603. Dans les mondes supérieurs, les animaux connaissent-ils Dieu ou le Démiurge ?
« Non, l’homme est un dieu-ou-démon pour eux, comme jadis les esprits ont été des dieu-ou-démons pour les hommes ».
605. Si l’on considère tous les points de contact qui existent entre l’Homme et les animaux, ne pourrait-on pas penser que l’Homme possède deux âmes ; l’âme animale et l’âme spirite et que, s’il n’avait pas cette dernière, il pourrait vivre, mais comme la brute. Autrement dit, que l’animal est un être semblable à l’Homme, moins l’âme spirite ? Il en résulterait que les bons et les mauvais instincts de l’Homme seraient l’effet de la prédominance de l’une de ces deux âmes.
« Non, l’homme n’a pas deux âmes ; mais le corps a ses instincts qui sont le résultat de la sensation des organes. Il n’y a en lui qu’une double nature : la nature animale et la nature spirituelle ; par son corps, il participe de la nature des animaux et de leurs instincts ; par son âme, il participe de la nature des esprits ».
— Ainsi, outre ses propres imperfections, dont l’âme /esprit doit se dépouiller, il a encore à lutter contre l’influence de la matière ?
« Oui, plus il est inférieur, plus les liens entre l’âme/esprit et la Matière sont resserrés ; ne le voyez-vous pas ? Non, l’homme n’a pas deux âmes ; l’âme est toujours unique dans un seul être. L’âme de l’animal et celle de l’Homme sont distinctes l’une de l’autre, de telle sorte que l’âme de l’un ne peut animer le corps fait pour l’autre. Mais si l’Homme n’a pas d’âme animale qui le mette, par ses passions, au niveau des animaux, il a son corps qui le rabaisse souvent jusqu’à eux. Car son corps est un être doué de vitalité qui a des instincts, mais inintelligents et bornés au soin de sa conservation.
L’âme/esprit, en s’incarnant dans le corps de l’Homme, lui apporte le principe intellectuel et moral qui le rend supérieur aux animaux. Les deux natures qui sont en l’Homme donnent à ses passions deux sources différentes. Les unes provenant des instincts de la nature animale, les autres des impuretés de l’âme/esprit dont il est l’incarnation et qui sympathise plus ou moins avec la grossièreté des appétits animaux. L’âme/esprit, en se purifiant, s’affranchit peu à peu de l’influence de la matière ; sous cette influence, elle se rapproche de la brute ; dégagée de cette influence, elle s’élève à sa véritable destinée ».
606. Où les animaux puisent-ils le principe intelligent qui constitue l’espèce particulière d’âme dont ils sont doués ?
« Dans l’élément intelligent universel ».
— L’intelligence de l’Homme et celle des animaux émanent donc d’un principe unique ?
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« Sans aucun doute, mais dans l’Homme il a reçu alors une élaboration qui l’élève au-dessus de celui qui anime la brute ».
612. L’âme qui a naguère animé le corps d’un homme pourrait-elle s’incarner dans un animal ?
« Ce serait rétrograder, or l’âme ne rétrograde pas. Le fleuve ne remonte jamais à sa source ».
613. Tout erronée que soit l’idée attachée à la métempsycose, ne serait-elle pas le résultat du sentiment intuitif des différentes existences de l’Homme ?
« Ce sentiment intuitif se retrouve dans cette croyance comme dans beaucoup d’autres ; mais, comme la plupart de ses idées intuitives, l’Homme l’a dénaturé ».
La métempsycose est fausse dans le sens de la transmigration directe de l’animal dans l’homme et réciproquement, ce qui impliquerait l’idée d’une rétrogradation ou de fusion ; or cette fusion ne pouvant avoir lieu entre les êtres corporels des deux espèces, c’est un indice qu’elles sont à des degrés non assimilables, et qu’il doit en être de même des âmes qui les animent.
Si une même âme pouvait les animer alternativement, il s’ensuivrait une identité de nature qui se traduirait par la possibilité de la reproduction matérielle.
Tous ne pensent pas de même au sujet des rapports qui existent entre l’Homme et les animaux. Selon quelques-uns, l’esprit n’arrive à la période humaine qu’après s’être élaboré ou individualisé dans les différents degrés des êtres inférieurs. Selon d’autres, l’esprit de l’homme aurait toujours appartenu à l’espèce humaine, sans passer par la filière animale. Le premier de ces systèmes a l’avantage de donner un but à l’avenir des animaux qui formeraient ainsi les premiers anneaux de la chaîne des êtres pensants ; le second est plus conforme à la dignité de l’Homme, et peut se résumer comme suit.
Les différentes espèces d’animaux ne procèdent pas intellectuellement les unes des autres par voie de progression. Ainsi l’esprit de l’huître ne devient point successivement celui du poisson, de l’oiseau, du quadrupède et du quadrumane. Chaque espèce est un type absolu, physiquement et moralement, dont chaque individu puise à la source universelle, la somme du principe intelligent qui lui est nécessaire ; selon la perfection de ses organes et l’œuvre qu’il doit accomplir dans les phénomènes de la nature ; et qu’à sa mort il rend à la masse. Ceux des mondes plus avancés que le nôtre sont également des races distinctes, appropriées aux besoins de ces mondes et au degré d’avancement des hommes dont ils sont les auxiliaires, mais qui ne procèdent nullement de ceux de la Terre, spirituellement parlant. Il n’en est pas de même de l’Homme. Du point de vue de la biologie, évidemment il forme un anneau de la chaîne des êtres vivants ; mais du point de vue de la morale, entre l’animal et l’Homme, il y a solution de continuité ; l’Homme possède en propre l’âme ou esprit, étincelle divine qui lui donne le sens moral et une portée intellectuelle manquant aux animaux ; c’est en lui l’être principal, qui préexiste et survit au corps en conservant son individualité. Quelle est l’origine de l’esprit ? Où est son point de départ ? Se forme-t-il du principe intelligent individualisé ? C’est là un mystère qu’il serait inutile de chercher à pénétrer plus avant et sur lequel, comme nous l’avons dit, on ne peut que bâtir des systèmes. Ce qui est constant, et ce qui ressort à la fois du raisonnement et de l’expérience ; c’est la survivance de l’âme/esprit, la conservation de son individualité après la mort, sa faculté progressive, son état heureux ou malheureux, proportionné à son avancement dans la voie du Bien ; et toutes les vérités morales qui sont la conséquence de ce principe. Quant aux rapports secrets qui existent entre l’Homme et les animaux, c’est là, nous le répétons, un mystère ! Comme beaucoup d’autres choses dont la connaissance actuelle n’importe point à notre avancement, et sur lesquelles il serait inutile de s’appesantir [fin de l’adaptation du texte du néo-druide Allan Kardec].
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COMMENTAIRES SUR LE POINT DE VUE DISSIDENT DU NÉO DRUIDE ALLAN KARDEC.
PAR LE DRUIDE LEONORIOS.
« Qu’arrivera-t-il dans le monde avant la fin des temps ?
De même que la science aura trouvé les moyens de s’assujettir toutes les forces naturelles, de même elle trouvera les moyens de donner au corps de l’Homme de nouvelles propriétés.
Nos relations avec le monde invisible en seront-elles alors accrues ?
Nos relations avec le monde invisible en seront alors accrues et nous pourrons correspondre avec lui de plusieurs manières.
Quels seront les rapports de l’Humanité avec le monde des esprits ?
Les matérialisations ou apparitions d’esprits se feront de plus en plus fréquentes et persisteront, en sorte qu’au milieu des vivants, on verra un grand nombre de morts.
Les hommes qui vivront alors… mourront-ils ?
Non, ils auront trouvé le moyen de changer la mort en une simple métamorphose ».
Recourons maintenant à un langage qui nous est plus familier, celui de la mythologie de notre époque, la Science-fiction.
Ce qui est sûr, c’est qu’il y aura aussi en quelque sorte réincarnation immédiate dans l’autre monde parallèle que l’on considère généralement comme de nature paradisiaque, des âme/esprits des derniers humains encore vivants à cette époque et qui ne seront pas morts avant……
PUISQUE CET AUTRE MONDE LES ENGLOBERA LES INCLURA, EN MÉTAMORPHOSANT LEURS CORPS QUI DEVIENDRONT EUX AUSSI DES CORPS DE RÊVE, DES CORPS SUBLIMES.
ILS BASCULERONT D’UN COUP DANS CET UNIVERS PARALLÈLE DE NATURE PARADISIAQUE, ILS SERONT RATTRAPÉS PAR LUI COMME ON PEUT L’ÊTRE PAR LES VAGUES DE L’OCÉAN SUR LA PLAGE. ILS SE RETROUVERONT D’UN SEUL COUP PLONGÉS DEDANS.
Les âme/esprits de ces défunts de la dernière heure rejoindront alors celles de tous ceux qui les auront précédés sur cette terre. Ce que les tenants des religions abrahamiques appellent improprement une résurrection des morts.
Ensuite il n’y aura en aucune façon un jugement dernier ou final, car c’est une impossibilité métaphysique. Dieu ne saurait juger ses propres enfants. Le créateur (démiurge ou grand architecte) ne peut juger ses propres créatures. Il peut tout au plus les trouver ratées dépassées… mais il n’est pas fondé à émettre un jugement moral à leur encontre, puisqu’il est le seul et unique responsable de leurs imperfections. Répétons-le, il n’y a pas de jugement dernier ou final dans le druidisme, mais seulement des stades divers d’évolution spirituelle.
Les scholies bernoises commentant le livre de Lucain intitulé « la guerre civile » sont d’ailleurs fort claires à ce sujet.
L’une d’entre elles, commentant le vers 454 du premier livre, s’énonce ainsi :
« Ils [les druides] ne disent pas que les mânes existent » (manes esse, non dicunt).
Une autre, commentant les vers 454 à 458, précise : « Les druides nient que les âmes puissent périr [Driadae negant interire animas] OU SOUFFRIR DU CONTACT DE L’ENFER [aut contagione inferorum adfici] ; le mort, ils le brûlent avec ses serviteurs et ses chevaux et beaucoup de son mobilier, afin qu’il puisse s’en servir ; c’est pourquoi ils marchent courageusement au combat et ne ménagent pas leur vie, comme s’ils allaient la retrouver dans une autre partie de l’univers ». Le point Nº 25 de la petite liste annexée au concile de Leptines en 743 sous le titre latin d’indiculus superstitionum et paganiarum (évidemment, il s’agit de condamner ou dénigrer cette idée) va d’ailleurs aussi clairement dans ce sens. Il évoque le fait d’imaginer que tout défunt est saint.
Pour les humains qui seront alors encore en vie cette fin du monde ou erdathe sera le moyen radical d’une rédemption COLLECTIVE (Apocatastase). Et c’est donc en tenant compte de cette impossibilité métaphysique de l’existence d’un enfer au sens islamo-chrétien du terme ; qu’il faut interpréter la réponse faite par le roi Loégaire face à l’insistance de saint Patrice à ce sujet.
« Niall mon père ne m’a pas permis de croire *, et m’a demandé d’ être enterré sur les hauteurs de Tara. Comme les guerriers, parce que les païens ont coutume d’être armés dans leurs tombes, les armes et le visage tournés vers l’ennemi. Jusqu’au jour d’erdathe qui est le jour du jugement du Seigneur selon les druides » (Mémoires de Saint Patrice par Tirechan).
* N’importe quoi ?
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Il existe deux types d’erdathe : l’erdathe individuelle et l’erdathe universelle.
Qu’advient-il à l’âme individuelle qui atteint l’erdathe après avoir quitté le paradis ? On ne peut parler d’annihilation finale. De nos jours beaucoup admettent les élucubrations islamo chrétiennes soutenant la notion d’âmes conscientes, immuables et immortelles, sagement assises en rang d’oignons autour de leur créateur pour l’éternité. Or un tel état de l’âme ne peut être que transitoire. L’âme commence, certes, par être individuelle et continue de l’être même au-delà de la mort dans l’autre monde, mais sa destinée n’est pas de continuer ainsi éternellement. Son destin est plutôt comparable à celui de la goutte d’eau devant se jeter dans l’Océan *.
Pour les druides, c’est l’être central de l’homme (son âme) qui doit réintégrer le Grand Tout, non la personnalité extérieure, qui est seulement un moule.
Le Grand Tout est donc assez paradoxalement (c’est un oxymore) le point culminant de cette doctrine druidique. Face à ce monde gouverné par la causalité, au-dessus même du paradis, est justement le royaume sur lequel la causalité ne règne pas. Le Grand Tout n’est pas un paradis. Le paradis est en effet le fruit d’un mérite, même infime, le Grand Tout lui, suppose l’absence totale de mérite et de démérite (apocatastase). Ce n’est pas comme le dit saint Adamnan à la fin de sa Vision simplement un monde… sans orgueil, sans mépris, sans mensonge, sans blasphème, sans fraude, sans prétexte, sans honte, sans gêne, sans déshonneur, sans tromperie, sans envieux, sans arrogance, sans épidémie, sans maladie, sans pauvreté, sans dénuement, sans destruction, sans décès, sans salut, sans neige, sans vent, sans humidité, sans bruit, sans tonnerre, sans obscurité, sans froideur. Un noble Royaume, admirable, merveilleux, où règnent le savoir, la lumière, et les parfums d’une Terre abondante, un royaume où règnent les plaisirs de toute bonté.
C’est encore mieux, encore plus fort, encore plus radical. Un domaine où il n’y a ni terre, ni eau, ni feu, ni air, aucun espace infini, aucune conscience infinie, aucun néant, aucune perception ni non-perception, ni ce monde ni un autre monde, ni lune ni soleil. Là, ô moines, je dis qu’il n’y a ni venir, ni partir, ni persistance, ni disparition, ni renaissance. Il n’y a ni levier, ni mouvement, ni objet.
En ce point ogham de l’espace-temps ** règnent uniquement « l’eau et le feu », autrement dit la matière et l’âme. Cette formule a au moins le mérite d’être moins négative que la notion de pari-nirvana dans le bouddhisme, ce qui permet au processus de recommencer, donc à un nouvel univers ou à un nouveau bitos d’apparaître. Le fait n’a rien d’une création ex nihilo, mais se produit par étapes, à partir d’un principe primordial mis en mouvement par une loi cosmique immuable ou par toute autre Cause Première.
* Goutte d’eau qui, au passage, rappelons-le, s’est chargée d’une partie du sel de la terre.
** Lettre eabadh désignée en gallois par l’expression lle bo cydbwys pob gwrth.
Viendront enfin, et là les Écoles druidiques divergent devant l’alternative…
— Soit l’avènement d’un nouveau monde, d’un nouvel univers, d’un nouveau bitos. Le genre humain et notre monde périront pour permettre le devenir d’un nouvel univers. Comme nos corps sont naturellement recyclés dans les vies de nombreuses plantes, insectes et animaux ; nos âmes et nos esprits peuvent également devenir des éléments d’autres êtres différents, au bout d’un certain temps, le temps que le Vide lui-même réabsorbe la terre mère et que tout renaisse du point ogham de l’espace-temps (voir la forme de la lettre eabadh de l’alphabet oghamique, lle bo cydbwys pob gwrth en gallois). Même notre conscience individuelle présente peut devenir la conscience individuelle de nombreux autres êtres… Après sa fusion quasi métamorphique dans le Grand Tout (erdathe) et la naissance d’un autre bitos ou univers.
La réincarnation DES DIEU-OU-DÉMONS, dont le principe est admis par tout druidisme authentique, à la différence de celui de la réincarnation DES ÊTRES HUMAINS, ce n’est pas l’idée d’un retour, d’une répétition, d’une réitération perpétuelle et continue des événements. Il s’agit d’un mécanisme cosmique. Les dieu-ou-démons meurent en effet à chaque fin de cycle, mais pour réapparaître aussitôt sous un autre nom, voire sous une forme plus ou moins différente dans le nouvel univers, dans le nouveau bitos. L’idée de réincarnation dans le druidisme authentique s’applique donc plus aux dieu-ou-démons, qu’aux hommes.
Les dieu-ou-démons disparaissent en effet eux aussi lors de ces pralaya « druidiques » que l’on appelle erdathe ; mais avec la résurgence du bitos ou de l’univers, ils réapparaissent en quelque sorte
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ès qualités. On retrouve chaque fois un dieu-ou-démon de la jeunesse, une divinité de la guerre… mais avec des appellations et des représentations différentes. Changement de titulaire donc à chaque fois pour les fonctions divines ; le précédent ayant réintégré le grand tout pour s’y dissoudre comme une goutte d’eau dans l’océan.
Et ainsi, de même qu’il n’y a pas eu de commencement, il n’y aura pas de fin, chaque bitos ou univers naissant à la mort du précédent et mourant par la suite en donnant naissance au suivant. La cause de ce perpétuel changement est l’émergence cyclique à partir de l’eau et du feu (de l’âme et de la matière).
Petite question maintenant. Le monde régénéré par cette aredengto ou erdathe (la fin du monde arrivé à son terme ayant été en quelque sorte une gigantesque purification par le feu et l’eau de tout ce qu’il pouvait comporter, d’après le texte de Strabon) le monde régénéré par cette erdathe donc disions-nous, reste-t-il toujours le même, ou devient-il un autre univers, totalement différent ?
Une des images couramment utilisées par les druides à propos des êtres supérieurs (Plutarque. De defectu oraculorum 18) était de les comparer avec la flamme d’une lampe. Une flamme subissant une éclipse lors de la mort, mais susceptible de revenir un jour sur terre briller de tout son éclat, du moins si nous comprenons bien le sens de ce mot (éclipse).
Le Cosmos ou Bitos étant, lui aussi, un résultat de l’être, et même un résultat de l’action d’être supérieur ou presque, on pourrait par conséquent très bien se servir de la même image à son sujet puisque, d’après Ausone (églogue sur l’emploi du mot libra : « Divinis Humana licet componere. Aux choses humaines, on peut comparer les choses divines ». La fin du monde n’est donc qu’une éclipse momentanée de ce résultat de l’Être supérieur qu’est le Bitos ou l’Univers.
Une éclipse néanmoins redoutable et catastrophique bien sûr, car une lampe que l’on allume ne représente rien de fâcheux, mais si on l’éteint, elle est toujours cause de peine ou de catastrophes pour maintes personnes.
Alors le monde régénéré par cette aredengto (erdathe) reste-t-il toujours le même, ou devient-il un autre univers, totalement différent ?
Eh bien à cette question les anciens druides ont sans doute encore répondu en se servant de l’image de la lampe à la flamme éclipsée par la lueur du jour (qui n’est pas encore fini ou qui commence).
Supposons une lampe, allumée dès la fin du jour, et alors que la nuit n’est pas encore complètement tombée. La flamme de cette lampe apparaîtra évidemment différente de celle qui éclairera ensuite plus tard la nuit noire. Et cette flamme de minuit, elle aussi semblera très différente de celle que l’on pourra observer encore après, juste avant le lever du soleil. Au moment où le jour commence à poindre et à l’éclipser de nouveau de tout son éclat.
Mais peut-on dire qu’il s’agit de flammes différentes ou qu’il s’agit toujours de la même ?
La chaîne des réalités de l’existence est ainsi faite et cet enchaînement n’aura jamais de fin. Aussi n’est-ce ni le même monde ni un monde différent.
— Soit, deuxième terme de l’alternative : rien du tout et le retour définitif au néant absolu. La fin de l’être, la fin de tout être. Disons la dissolution finale de la matière, la libération de l’âme, et le retour à la parfaite unité intemporelle du Dieu (ou Démiurge ? ?) d’Abraham d’Isaac et de Jacob ou de Mahomet.
Tout cela peut sembler bien nébuleux ! Et comme c’est difficile à comprendre, on peut évidemment penser que cela n’a rien à voir avec la réalité, avec la vérité ou avec la science la plus authentique. N’oublions pas pourtant que certains énoncés de la physique actuelle, sur les débuts de l’univers, échappent à la compréhension des catégories de pensée normales. Comme c’était d’ailleurs déjà le cas de la théorie de la relativité générale, donc que ces énoncés eux-mêmes sont peut-être de nature provisoire.
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LA PRATIQUE RELIGIEUSE.
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LES GRANDS PRINCIPES DE LA RELIGION DRUIDIQUE.
La quête (du Graal ?) personnelle. Coran chapitre 2, verset 256 : « nulle contrainte en matière de religion » *.
Tel est à dire vrai c’est-à-dire sans taqiya aucune le grand principe directeur de la religion druidique.
* Enfin du moins d’après la traduction que nous avons pu consulter de ce verset du Coran. Le Coran étant par définition destiné aux hommes [aurait pu dire John Toland] il faut bien que les hommes le comprennent, non ??? Ou alors cela implique
a) que Dieu ne parle ni le celte ni le breton ni l’hébreu, etc., mais l’arabe, et ce de toute éternité. C’est en quelque sorte sa langue maternelle (dogme du Coran incréé).
b) que l’Humanité tout entière, tout au long des siècles qu’il lui reste à vivre sur cette terre, va demeurer tributaire des nombreux pseudo-cheikhs ou rares spécialistes objectifs de l’arabe littéraire du VIIe siècle après Jésus – Christ. Et pourtant, si Dieu s’adresse aux hommes, c’est bien pour être compris d’eux, non ??? Ce qui manque dans l’islam c’est le Saint-Esprit. Car ce qui importe ce ne sont pas les citations même soigneusement choisies d’un quelconque livre saint ou maudit éternel (avec des citations on peut faire damner un saint ou acquitter le diable), mais (en règle générale) les thèmes récurrents, qui ne peuvent être cernés qu’après avoir pris connaissance DE L’INTÉGRALITÉ (de l’œuvre, du message).
Ensuite… manque apparemment une page !
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NOTES SUR LE MONISME ET LE RELATIVISME.
Monisme : l’omniprésence de la divinité cosmique qu’on ne nomme pas (cf. le El Elyon de la Bible) est démultipliée, EN NOUS COMME AUTOUR DE NOUS (panenthéisme).
Relativisme : sans porter préjudice au caractère scientifique de toute recherche digne de ce nom, la quête personnelle peut poursuivre l’épanouissement de l’âme par tous les moyens psychiques ou d’investigation, possibles : introspection, états seconds, et autres.
Cet épanouissement étant fonction des capacités de perception ou d’assimilation personnelles, il peut donc très bien se faire en recourant au mythe. Celui-ci devient alors un outil de sensibilisation et d’enseignement, sous forme de symboles et/ou de paraboles comme celle de l’Hercule celte chez Lucien de Samosate.
Il ne faut pas cependant que la lettre des textes sacrés devienne dogme, car c’est leur esprit qu’il faut faire ressentir. Autrement dit, « C’est en suivant le cheminant que l’on trouve le chemin ».
Toute la différence entre les habitudes prédominantes de la pensée religieuse actuelle, et celles du druidisme antique, est là.
La pensée totalitaire commune peu ou prou à tous les clergés judéo-islamo-chrétiens, a transformé la partie mythologique de la Thora hébraïque (et notamment la Genèse) en « paroles de Dieu ». Processus étendu à tout le reste de la Bible, devenu du coup dogme intangible.
Le paroxysme de cette aberration étant l’attitude des « créationnistes » musulmans ou chrétiens, qui s’efforcent de faire bannir des programmes scolaires la paléontologie, à cause de ses conclusions évolutionnistes, et de ses datations, qui démentent les théories bibliques sur la date de la Création.
La lettre tue l’esprit…
Les druides surent se garder de ce danger, et la mythologie celtique resta donc orale, ce qui l’empêcha de devenir dogme.
« Ils répugnent à la mettre par écrit, bien que pour ce qui est de toutes les autres matières, dans leurs transactions publiques et privées, ils se servent à cet effet des caractères de l’alphabet grec. Cette pratique me semble avoir été adoptée par eux pour deux raisons… et parce que, en ce qui concerne ceux qui étudient chez eux, moins faire travailler la mémoire en recourant à l’écriture fait qu’il arrive généralement à la plupart, devenus dépendants de l’écrit, qu’ils relâchent leurs efforts pour apprendre et mémoriser ».
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RAPPEL SUR L’ESPRIT ET LA LETTRE, SUR L’ORAL ET L’ÉCRIT CHEZ LES DRUIDES.
Le chantre de la lutte contre le pélagianisme de la répression antidonatiste (et les dieu-ou-démons savent qu’elle fut féroce, car leur seul tort fut d’avoir été des chrétiens peut-être trop sincères), saint Augustin, au Ve siècle, dans sa Cité de Dieu (ou du Diable ?) rangeait quand même les druides parmi les précurseurs du monothéisme, entre autres il est vrai :
« Tous les philosophes, quels qu’ils soient, qui ont eu cette opinion sur le Vrai Dieu […] les Celtes, les Espagnols, et tous ceux que l’on peut rencontrer pour voir et enseigner cette doctrine, tous ceux-là, nous les préférons à tous les autres, et nous les considérons comme plus proches de nous » (De Civitate Dei VIII, 9).
Il s’agissait en réalité de la part des druides, non d’un monothéisme d’origine, ou de postulat (donc dogmatique, comme celui de saint Augustin), mais d’un monothéisme d’aboutissement. Et même plus exactement d’une tendance au monothéisme d’aboutissement (donc tolérant).
Esprit du druidisme 1. Aspect métaphysique.
Le monisme est essentiellement le refus des dualismes de toute nature, le refus des antinomies résultant des simplifications plus ou moins arbitraires.
La première de ces dichotomies ainsi refusées c’est l’opposition entre « Feu » et « Eau », « Esprit » et « Matière » ; par conséquent, refus du conflit entre « Spiritualisme » et « Matérialisme », tenus respectivement comme exclusifs l’un de l’autre. À cet égard, le druidisme nous paraît singulièrement plus compatible avec la pensée la plus moderne, qui tient ces antagonismes pour dépassés. Somme toute, on le découvre comme une anticipation de ce que l’on pourrait appeler avec Jean Guitton et les frères Bogdanov, le « métaréalisme ». Comme le dit Pearce : « l’esprit humain reflète l’esprit humain. Dès lors, on ne peut pas dire, simplement, que l’esprit et la matière coexistent : ils existent l’un à travers l’autre. D’une certaine manière, à travers nous, l’univers est donc en train de rêver de lui-même : le métaréalisme commence au moment même où le rêveur prend conscience de lui-même et de son rêve ».
Esprit du druidisme 2. Aspect cosmologique.
Conception d’univers parallèles et s’interpénétrant avec des paramètres spatio-temporels différents. Là aussi c’est une idée avancée, dans le cadre de la Relativité, par certains penseurs actuels… mais elle relève toujours du domaine de la pure spéculation.
Idée aussi d’un bitos ou univers cyclique, issu de l’œuf cosmique, un bitos ou univers qui, au bout d’une certaine durée, aura une fin puis, peut-être, un recommencement : involution, explosion/éclosion, expansion, résorption en catastrophe, nouvelle concentration et ainsi de suite. Ici on se retrouve dans une anticipation de ce que le grand druide moderne Carl Sagan qualifie de paradigme fondamental de la Cosmologie contemporaine… et qu’accepte aussi le Dalaï-Lama Tenzin Gyatso.
Ainsi considéré, le Bitos ou Univers est un ensemble vivant, formé d’éléments vivants. La planète Terre à l’instar des autres éléments du Cosmos est considérée comme une entité vivante, issue de la matière cosmique de l’œuf de serpent primordial. Là, c’est une anticipation de l’hypothèse de Lovelock, qui intègre la notion de biomasse, régulée comme par une mystérieuse intelligence. Corollaire : la prise de conscience de l’infinitésimale dimension humaine dans l’Univers amène le concept de RELATIVISME, applicable à tout ce qui relève de l’échelle humaine ; ici on perçoit le raisonnement précurseur de celui qui débouche sur la notion de « Relativisme culturel » (qui n’est pas un multiculturalisme).
Esprit du druidisme 3. Aspect théologique.
Cet univers vivant et organisé (le Bitos) témoigne d’un « Étant » supérieur, l’âme du Cosmos, l’awentia ou awenyddia, si incommensurablement supérieure à l’intelligence humaine qu’elle est plus qu’une DIVINITÉ. Cette vue moniste de l’Univers amène à la considérer comme à la fois transcendante et immanente : partout présente et pas du tout anthropomorphe. Il s’agit d’une notion déiste moniste, cosmique ! Mais pas d’un monothéisme, dans la mesure où l’on entend par ce terme monothéisme la croyance en une divinité suprême personnelle isolée, dotée d’un nom propre, et considérée comme unique, exclusive de toute autre ; que ce soit donc à l’échelon tribal, voire ethnique, ou à l’échelle cosmique. Dans la conception druidique des choses, c’est cette Divinité
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cosmique qui est à l’origine des âmes des humains. Et celles-ci, éventuellement après une ou plusieurs incarnations en d’autres « mondes », seront réabsorbées dans cette Divinité tôt ou tard, au plus tard lors d’une « fin de monde ».
C’est d’ailleurs, ce que proposait aussi le chrétien celte et druidisant du IXe siècle, Scot Erigène, et que Teilhard de Chardin a désigné comme le « Point Oméga ». Tous deux morts tenus en odeur d’hérésie par l’Église romaine, qui affirme pourtant que Dieu est « l’alpha et l’oméga » de toute chose.
Les druides antiques, dont la sodalité agrégeait l’intelligentsia celtophone, avaient une mission de maintenance et d’instruction de la société celtique, et ils assumaient sa cohésion spirituelle en l’absence d’unité politique.
Il leur appartenait par conséquent à ce titre de superviser la Religion.
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Les opinions religieuses répondent à deux préoccupations quasi indépendantes.
Pour une minorité, suffisamment armée intellectuellement pour s’y risquer, il s’agit d’une « quête du Graal », c’est-à-dire d’une réflexion personnelle : la recherche de la Vérité par le libre examen et la méditation.
« À vous seuls il est donné de connaître, comme de les ignorer, les dieux et les puissances célestes » (Lucain)
Pour le plus grand nombre, il s’agit de l’adhésion à une collectivité où l’on se sent bien, comme en communion de sentiments. Et où l’on trouve une certaine sécurité mentale (sans trop se poser de questions lancinantes), des directives de conduite, ainsi qu’un certain apaisement quant à la vie après la mort. Nous en avons toujours un très bon exemple avec la prière juive des18 ou 19 bénédictions, ou malédictions (Amida) qui aide incontestablement ses croyants à vivre ou survivre en leur donnant de façon répétitive pour mieux les conditionner de façon quelque peu pavlovienne, toutes sortes de bonnes raisons pour cela, des plus égoïstes ou ethnocentristes aux plus serviles vis-à-vis de l’être suprême pourtant père de tous les hommes.
Ce fut donc aussi le cas de la grande majorité des Celtes antiques qui étaient « très adonnés aux choses religieuses » d’après César (admodum dedita religionibus). Un « culte » et une profusion de croyances (le paganisme celtique) qui peut être légitimement qualifiée de « religion druidique » dès lors que les druides en amélioraient le niveau intellectuel, par leur doctrine, et par une éthique exigeante.
Sans renoncer à leur philosophie moniste, les druides antiques invitaient donc leurs compatriotes à « honorer les dieu-ou-démons ». Car nombre d’entre eux considéraient ainsi les divinités populaires : « des expressions respectables d’une perception naïve, mais honnête, de phénomènes pouvant être envisagés comme des hypostases » (vyouha dans l’hindouisme).
La pensée druidique semble pouvoir être résumée par le triptyque ci-dessous.
— Divinité cosmique et immanente.
— Hypostases (= vyuha dans l’hindouisme).
— Panth-éon ou plérôme, mythologie (folklore respectable contenant un symbolisme valable).
Bref, le druidisme était au paganisme celtique ce que le brahmanisme était à l’hindouisme : une différence de point de vue dans le cadre du relativisme humaniste auquel invite la pensée moniste.
Ajoutons que ces druides avaient une très haute conscience de leur mission : c’étaient des « semnothéoi » c’est-à-dire des gens « sérieux comme des dieux », ainsi que les qualifiaient les Grecs.
Ils ne se prêtaient donc pas aux incivilités allant jusqu’au cynisme de leurs contemporains les philosophes grecs, envers les croyances de leurs compatriotes.
Leur pensée transparaissait quand même un peu comme en atteste Lucain : « Et uos… druidae… solis nosse deos et caeli numina aut solis nescire datum ».
« Et vous… druides… à vous seuls il est donné de savoir sur les dieu-ou-démons et les forces du ciel, ou à vous seuls de les ignorer » (Pharsale 450 à 453).
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La pensée dogmatique doit être rejetée ou se métamorphoser afin que ressuscite la spiritualité. Le néo-druidisme doit avoir pour fondement de se refuser à l’idolâtrie de toute Écriture, quelle qu’elle soit,
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ou de tout autre monument. Les textes écrits et les sculptures ne doivent pas se transformer en veau d’or comme chez les ancêtres des juifs du temps de Moïse.
Le texte écrit ou la sculpture rassurent et prétendent nous livrer le divin, ce en quoi ils trompent et déçoivent, car ils n’ont que l’apparence de la présence. Et si l’on veut localiser dans une Écriture, un centre ou une origine de significations, on ne peut l’y trouver que dans son esprit.
Il faut refuser le texte idole. Pour les vrais druides, le sens littéral de ce panth-éon (plérôme) ou de ces mythes, n’est que l’écorce du fruit, le vêtement d’un corps abritant une âme, qui seule importe vraiment.
Subvenant à l’absence du sacré, l’Écrit met à disposition le divin, l’assume, et à la fin le dénature.
Son achèvement achève du même coup mortellement le divin.
Ainsi que nous avons déjà eu maintes occasions de le remarquer, d’après Strabon, certains Celtes, et notamment les Galiciens d’Espagne, étaient athées. Mais est-ce possible ou s’agit-il plutôt d’un manque de nuance de la pensée de Strabon incapable de comprendre les subtilités de certaines Écoles druidiques ? En tout cas voici sa citation. « Certains auteurs affirment que les Gallaeci sont athées ; tandis que les Celtibères et leurs voisins plus au nord sacrifient à un dieu sans nom, la nuit, à chaque retour de la pleine lune, devant les portes de leurs bourgades ; se livrant alors, et durant toute la nuit, avec leur maisonnée, à des rites divers agrémentés de danses » (Strabon, Géographie, III, 4, 16).
Parce qu’il n’a pas le courage d’être athée, le monolâtre juif, chrétien ou musulman, met la main sur le divin par le truchement d’un Écrit. Mais du même coup, il en perd ce qu’il saisit : et il ne lui reste que des phrases creuses ou manipulables à volonté.
La tradition orale et l’exégèse, elles, ouvrent un champ de signification d’une ampleur beaucoup plus extraordinaire, elles déploient de multiples lectures du mythe ou de la statue, tout en restant dans une indétermination positive quant à leur sens final. L’exégèse spatialise le mythe ou la statue, l’ouvre en volumes signifiants, les libère de leur pesanteur et de leur pétrification typographique.
L’exégèse des textes mythologiques est créatrice à partir du moment où l’on en fait une lecture sans cesse renouvelée. D’entre les lignes du mythe ainsi sollicité, au détour d’une phrase, peuvent surgir des significations inattendues.
L’exégèse et la tradition orale sont des révolutions permanentes. Elles empêchent la transmission des dogmes et des images simplistes, et celle des stéréotypes, véhiculés par toute Écriture sainte (sic).
Ce pouvoir de la tradition non écrite et de l’exégèse, n’est pas loi révélée, mais puissance divine ou savoir divin non créé (quelle belle définition du druidisme) précédant le monde et sa « création ». D’où le caractère infini des significations du panth-éon ou du mythe ainsi éclairé.
Exégèse et tradition orale sont d’une richesse illimitée.
Dans la mesure où il n’existe alors pas de signification ultime du mythe, pas de lecture ou d’interprétation parfaite et définitive, chacune de leurs approches en révèle seulement un aspect partiel ; délimitant pour un instant le flux infini des significations, qui, loin d’être des productions séparées ontologiquement de leur origine, sont aussi émanations de la substance infinie. Phénomène que les hindous appellent vyouha et les musulmans « du chirk ».
Exégèse et tradition orale sont donc une perpétuelle coopération avec le Divin qui est en nous. L’exégèse du panth-éon ou plérôme et des mythes doit par conséquent être continue, et surmonter ainsi les difficultés nées de l’occultation des dieu-ou-démons, nos frères (parce qu’issus, eux aussi, du Nemet Cornunnos). Afin de nous rattacher de nouveau à ce qui est divin, ou de nous réunir à lui, par le truchement de ses légendes.
Ce qui compte ce n’est pas tant la vérité que la recherche de la vérité. Le druidisme antique a, certes, parfois été primaire, ou dans l’erreur, mais ce qui importe c’est que, du fait de ses erreurs justement il s’est remis dans le droit chemin (de la vérité).
Sous sa forme vulgaire, le « monothéisme » lui, tombe justement dans l’idolâtrie qu’il prétend fuir.
La notion d’hypostases divines créatrices (les dieu-ou-démons) a toujours empêché les druides par contre, de tomber dans ce travers.
Il ne peut pas y avoir de vrai monothéisme philosophique et réfléchi sans êtres intermédiaires « revêtus de corps humains » pour reprendre l’expression de Flann Mainistrech dans le Lebor Na Gabala Erenn. Car, ou bien Dieu disparaît dans le Ciel, et devient donc inconnaissable, en tant que principe, et l’Homme alors inévitablement l’oublie ; ou bien on fait comme les judéo-islamo-chrétiens, et on lui confère une figure anthropomorphe, ce qui fait perdre de vue l’unité immanente et transcendante, tout en idolâtrant l’état humain.
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La théologie druidique exprime à la perfection la doctrine métaphysique des états multiples de l’être que l’on retrouve dans les diverses théogonies du paganisme indo-européen. Toutes ces théogonies proposent en effet au fond le même schéma d’expansion du divin, la production du multiple à partir de l’Un et la présence de l’Un dans le multiple. Le Divin se reflète dans une multitude d’états spirituels, hiérarchiquement reliés et qui donnent lieu à un nombre infini de manifestations. Les dieu-ou-démons, grands frères des hommes (puisque issus, eux aussi, du chaman primordial appelé Nemet Cornunnos) permettent précisément de sortir de ce dilemme. Le Destin ou Tocade s’adresse aux hommes en passant par les dieu-ou-démons. Puissances ou énergies divines, ils sont la forme ou théophanie par excellence. Les dieu-ou-démons sont imaginés en général à la place de la Tokad ou Destin, car celui-ci reste inaccessible au commun des mortels qui, sans préparation, pourrait être réduit en cendres par sa vision.
Les dieu-ou-démons, en vertu de leur état d’émanations de l’Être supérieur, sont accessibles aux hommes leurs frères. Cette nécessité inhérente au chaudron cosmique, de se diffuser en puissances médiatrices, était parfaitement connue des divers paganismes indo-européens ou aryens. L’Hindouisme est là pour témoigner qu’une conception unitaire de l’Englobant Universel peut s’accompagner sans la moindre contradiction, d’une multiplicité de manifestations divines. C’était aussi le cas dans le chamanisme arctique ou dans la dernière mouture du néoplatonisme. Ce que les hindous appellent vyouha et les musulmans du chirk (pour le condamner).
Les dieu-ou-démons empêchent le monothéisme philosophique et réfléchi de tomber dans l’idolâtrie métaphysique, car ils permettent de concevoir l’expansion de l’Être divin dans le monde, le monde spirituel et ses événements (les phénomènes de théophanie en question justement).
Cette conception permet d’expliquer le sens de l’Histoire. Supports des attributs du Destin, miroirs de la vie divine, les dieux ou démons mènent l’Homme au plus près du mystère de l’Englobant Ultime, et l’engagent sur la voie de la déification. Les dieu-ou-démons, dans cette optique, jouent un rôle considérable ; ils manifestent l’énergie ou la lumière du Chaudron cosmique et sont autant d’états spirituels sur la voie de la déification.
Être de lumière, théophanies privilégiées, messagers reliant ce monde à l’autre, bonnes fées ou prototypes-maîtres spirituels, de l’Homme intégral, sphère supérieure du monde, énergie rayonnante du chaudron cosmique, ordonnateurs et ordonnancements de l’univers ; les dieu-ou-démons brillent de tous leurs feux dans la philosophie druidique.
« L’absconditum divin » et le caractère difficilement durable de l’état d’awenydd, expliquent ce maintien du rôle des dieu-ou-démons dans le druidisme. Les dieu-ou-démons comblent la distance entre l’Être supérieur et les hommes, puisque ceux qui se sont incarnés en sont les grands frères (issus, eux aussi, du Nemet Cornunnos notre roi-prêtre primordial). Ils s’affirment comme les agents de la volonté du Destin dont ils préservent la transcendance.
Le druidisme conçoit l’univers ou bitos comme une hiérarchie de plans d’existence où tous les êtres ont une origine commune.
Le monde visible et invisible est produit par un principe géniteur, le chaudron cosmique, lui-même étant la première émanation du principe supérieur.
La manifestation se déploie donc graduellement du principe initial jusqu’aux formes les plus élémentaires. Bref, ainsi que nous l’avons dit, ce que les hindous appellent vyouha et les musulmans du chirk (pour le dénoncer).
Il faut rappeler que de nombreux toponymes sont aussi des théonymes, dans l’univers panthéiste des druides. La source, la rivière, la montagne, ne fait qu’un avec le dieu-ou-démon qui l’habite.
Sur le Continent par exemple, Nemausos, Boruo, sont à la fois des noms de sources, des noms de dieu-ou-démons, et des noms d’agglomération (Nîmes, Nemours, Bourbon, Bourbonne). Dans le monde invisible se superposent les âme/esprits, les dieu-ou-démons ou les génies. La théologie druidique permet donc de rendre compte de la manifestation de l’Être unique dans le multiple. La hiérarchie des dieu-ou-démons est le support des noms et des attributs du véritable chaudron d’abondance et de vie cosmiques que symbolisera le Graal au Moyen-âge.
Connaître l’un de ces attributs ou l’une de ces épithètes, revient à connaître l’un des dieu-ou-démons.
Le paganisme celtique est une philosophie libérée de toute servitude vis-à-vis de la Loi ou de la Lettre, de toute obsession légaliste. C’est une religion personnelle et personnalisante, une véritable résurrection avant la lettre ; une deuxième naissance (ategeneto) faisant découvrir et vivre le sens spirituel des mythes celtes.
Mais dans le cas d’Hesus comme dans le cas symétrique d’Odin chez les Germains, Resurrectio non est factum historicum sed mysterium liturgicum (voir le Havamal).
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Cette anticipation de l’eschatologie à venir a eu des conséquences incalculables chez les Celtes.
À tous les rangs des hiérarchies du Ciel et de la Terre, se répète le même paradoxe. Quelle que soit la limite atteinte, il y a toujours au-delà une autre limite. D’où le fameux paradoxe de Zénon d’Élée chez les philosophes grecs du Ve siècle avant notre ère.
Si petite que soit une distance à parcourir, son parcours suppose que l’on épuise l’infini, si l’on ne tient pas compte de son caractère continu, puisqu’il faut atteindre et franchir une infinité d’étapes intermédiaires.
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CANTAMANTALOEDISME.
La philosophie druidique, elle, loin d’opposer le monde sublunaire qui est le nôtre, au ciel Empyrée du Vindobitus ou Albiobitus (et les quatre éléments périssables à la quintessence) affirme l’unité de l’Univers ou Bitos et son caractère continu. Le polythéisme druidique a vocation à unir dans une même perspective métaphysique, les différentes formes de connaissance, à relier les illuminations spirituelles et les intuitions scientifiques les plus profondes.
Ce polythéisme rompt avec la logique monothéiste de l’exclusion et de la simplification, avec la logique du tiers exclu, et nous invite à une transfiguration du monde, un ré-enchantement dont nous serons nous-mêmes les auteurs. Philosophie et religion, religion et science, peuvent se retrouver sur le terrain du polythéisme druidique. La philosophie druidique concilie la multiplicité des dieu-ou-démons avec l’unité immanente et transcendante de l’Être supérieur.
L’analyse philosophique grecque, elle, par contre, désintègre la divinité supérieure qu’elle pluralise, et donc par la même occasion désintègre la conscience humaine qui n’arrive plus à se constituer en unité vraie.
Le druidisme a explicité les traditions préhistoriques, systématisé les représentations, achevé les intégrations, personnalisé les fonctions. Bref a cherché à sauvegarder à la fois la transcendance divine et la connaissance du Destin.
La société celtique n’oppose pas le matériel et le spirituel, la chose inerte à la chose animée. Chez les druides tout ce qui existe sur terre est vivant, c’est-à-dire doté d’une âme ou esprit, qu’il s’agisse des minéraux, des végétaux, des animaux ou des hommes. Pour les druides, encore une fois, répétons-le, tous les êtres et toutes les choses ont une âme. En langage moniste, les dieu-ou-démons ne sont que les manifestations des états multiples de l’être.
Le « polythéisme » druidique est la seule structure permettant de concilier la transcendance et l’immanence divines, le lien entre tous les états de l’être. Le polythéisme relativiste druidique est la seule philosophie religieuse pouvant nous offrir les cadres conceptuels et la terminologie, susceptibles d’appréhender l’unité de l’Être.
Ce « polythéisme » ou méta-réalisme druidique nous révèle ce que la science pressent aujourd’hui. La conscience rationnelle se construit à partir d’une intellectualité infiniment plus vaste, l’intellect humain est enraciné dans la totalité de l’univers, considérée sous son aspect potentiel (le Bitos) : une correspondance existe entre tous les degrés de la réalité.
Aujourd’hui la physique redécouvre les notions d’incertitude et de réversibilité. Elle sait que la matière, à la fois onde et particule, est plus subtile qu’on ne pouvait l’imaginer ; que l’opérateur scientifique, loin d’être indépendant, est partie prenante de ses opérations expérimentales, qu’il peut influencer. Pourquoi ne pas voir en elle (dans cette spiritualité) la « mer d’énergie » génératrice de conscience, que soupçonne le physicien David Bohm.
Chez les Celtes, la vocation du druide de type amarcolitanus est divine, et celle du Féniane ou Kinges trouve son archétype dans le combat des dieu-ou-démons contre les dragons, les géants, les anguipèdes, les vouivres, et autres symbolisations mythiques des « forces négatives ». L’être humain qui déploie son activité créatrice et façonne la matière en la rendant ainsi transparente au divin, accomplit un travail analogue à celui des dieu-ou-démons dans l’achèvement des formes du monde. Les métiers de l’art et de l’artisanat ont l’activité divine pour prototype, car la beauté sera toujours une. L’art fait entrer l’homme dans ces bouillonnements du chaudron cosmique ; la lumière du Graal se distribue dans la nature en harmonies de couleurs, de sons et d’odeurs.
Les dieu-ou-démons transmettent aux mondes les énergies divines dont ils sont des bulles. Ils sont une activité particulière du chaudron d’abondance cosmique, ils ne forment qu’un avec lui et peuvent donc prendre les différents noms du Destin, dont en tant qu’attributs ils sont les théophanies.
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De cette souveraineté de la lumière des lumières procèdent les êtres de lumière que le druidisme désigne sous le nom indo-européen de « dieu » (voir la notion d’amshapand chez Zoroastre).
La lumière d’un dieu-ou-démon dans le cœur d’un vrai dagolitos ou croyant est plus éclatante que le soleil qui répand la lumière du jour. Ce sont de véritables figures de lumière.
Les dieu-ou-démons sont des figures du Destin, des théophanies. Ce sont les noms ou les labara de Dieu ou du Démiurge (labara est le pluriel du mot celtique « labaron » latinisé en labarum et signifiant « voix ou verbe » du destin, symbolisés par la croix de saint Patrice en Irlande et la croix de saint
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André en Écosse). Les épithètes ou épiclèses généralement attribuées aux dieu-ou-démons druidiques (virotoutis, belatucadros, mopatis…) ne se comprennent en effet que si on les considère comme des entités ou des forces quasiment cosmiques.
Les dieu-ou-démons par conséquent ont donc des niveaux de signification correspondant aux aptitudes respectives de chacun. Ces êtres relatifs que sont les dieu-ou-démons, sont donc la forme visible du Destin ou Tocad.
Penser que le Tokad ou Destin se manifeste en la personne des dieu-ou-démons ne signifie pas pour autant identifier ceux-ci au Destin et encore moins au principe originel ; bien que dotés d’un corps subtil ou « incarné » les dieu-ou-démons restent néanmoins faillibles.
Les dieu-ou-démons disposent donc d’une certaine autonomie, mais ils restent toujours dépendants du Tokad (du Destin).
Êtres invisibles par définition depuis leur occultation, les dieu-ou-démons peuvent cependant de nouveau prendre parfois une apparence humaine (et ce, d’autant plus facilement qu’ils sont frères des hommes) ; transfigurée par une lumière intérieure surnaturelle dont la lumière des héros (gaélique luan laith, avestique xvarnah, ce qui donne un corps bellissamos) n’est qu’un très faible échantillon.
Le corps des dieu-ou-démons dans cette version de la philosophie druidique n’est donc pas un corps de chair, constitué comme celui des humains. Ce corps résulte de toute une alchimie cosmique descendant sur terre de ciel en ciel. Cette conception des dieu-ou-démons est bien entendu également liée à l’anthropologie druidique plus ancienne.
Dire des dieu-ou-démons que ce sont les hommes (les fils) du Destin, ou Tocade, c’est donc les admettre comme auxiliaires ou moyens de la sotériologie druidique (ils sont anextiomaroi, virotutoi, iovantucaroi, etc.)
Le judéo-islamo-christianisme affirme que la différence fondamentale entre l’Homme et les dieu-ou-démons (qu’il appelle anges) n’est pas le spirituel (tous deux le possèdent, à des degrés divers), mais le corporel.
À l’en croire, ses dieu-ou-démons appelés anges seraient totalement incorporels.
Comment comprendre dans ce cas leurs apparitions, qui les insèrent dans l’espace et le temps ?
Lors de leurs incarnations, les dieu-ou-démons selon les druides, ont un corps, et cela en fait bien des frères des hommes, même si ce corps n’est pas un corps de chair mortelle ordinaire.
C’est un corps de chair subtile ou glorieuse (lumière appelée xvarnah d’après Zoroastre), très différente de la nôtre, bien que palpable.
Les dieu-ou-démons par conséquent ont une sorte de corporéité rendant possible leur représentation artistique, ce que l’on appelle une corporéité subtile, plus ou moins faite de chair suivant les Écoles (bellissamos bellissama en vieux celtique).
Flann Mainistrech lui, dans le Livre des Conquêtes irlandais, parle de dieu-ou-démons « revêtus de corps humains ».
La traduction des figures suprasensibles dans le langage des images sensibles, est toujours possible, dans la mesure où les dieu-ou-démons, en tant qu’esprits émanés, ont une forme déterminée, donc imaginable.
Quelques dieu-ou-démons s’imposent au sommet du panth-éon celtique, reléguant les autres au rang de dieu-ou-démons subalternes, simples avatars ou épiphanies de leur puissance. Le Tokad ou Destin est le grand dieu-ou-démon qui occupe le ciel supérieur sur son « trône de lumière ». Mais en réalité, bien sûr, il est partout présent. Il dispose dans les cieux inférieurs d’un ensemble d’esprits divins qui sont en réalité autant d’hypostases des états multiples de son être (vyouha dans l’hindouisme).
À ces dieu-ou-démons il revient enfin de personnifier l’aspect aussi parfois destructeur de la Divinité, les fameux arrêts du Destin.
Parmi eux certains apparaissent, certes, comme des messagers de l’Autre Monde, au sens strict du terme, suscitant des aislingi (des visions ou des prophéties : les dieu-ou-démons connaissent l’histoire terrestre et peuvent en suggérer, par inspiration, les grandes lignes) ou enseignant des techniques (les dieu-ou-démons sont aussi les causes secondes du Destin). Les aislingi (visions) leur prêtent une apparence humaine (revêtus de corps humains dit Flann Mainistrech dans le Lebor Gabala Erenn) ou animale (en général des cygnes). Ces messagers de l’autre monde se distinguent enfin par une beauté ou une majesté remarquables.
Mais d’autres dieu-ou-démons sont chargés, eux, de protéger les humains. Les dieu-ou-démons deviennent alors des êtres célestes tour à tour protecteurs, producteurs d’images dans l’âme/esprit humaine, guides spirituels, et psychopompes.
Le peuple celte tout entier vivait jadis sous le regard de dieu-ou-démons physiquement présents ou représentés dans les statues, les simulacres, les arcanes (sanscrit offrandes) ou les symboles. C’est
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pourquoi les mythes celtiques insistent sur les quatre manières possibles de connaître les dieu-ou-démons : le trèfle à quatre feuilles du druidisme (pour mémoire le shamrock de noïbo Patrice n’en avait que trois).
1. Il y a d’abord la connaissance du dieu-ou-démon qui est reconnaissance de son essence selon l’immortelle réalité de ses attributs, c’est-à-dire une connaissance qui postule que l’on transcende tous les autres modes de connaissance. Elle éblouit les âme/esprits, et c’est cette connaissance qui est le privilège des awenyddion (ou ishraqioun en Iran).
2. Il y a la connaissance qui est conscience de sa divinité. Y participent tous les dagolitoi (croyants) de par leur cérémonie du nom (anmenacton) et bien sûr les druides.
3. Il y a ensuite la connaissance du dieu-ou-démon sous sa forme physique, au corps plus ou moins fait de chair (corps subtil des uns, corps réel ou presque des autres, les demi-dieu-ou-démons). Une perception dont les animaux eux-mêmes sont capables. Flann Mainistrech ne dit-il pas lui-même que les dieu-ou-démons « sont revêtus de corps humains », dans le Lebor na Gabala Erenn ?
4. On peut enfin avoir aussi connaissance de ses noms et de sa généalogie. Une telle connaissance (mythologique) est accessible à tous, même aux athées. D’après Strabon certains Celtes et notamment les Galiciens d’Espagne étaient d’ailleurs athées…
L’affirmation de l’unicité divine du monde est au cœur du monothéisme philosophique et réfléchi des druides (le monisme). Proclamer Un cet Être supérieur, c’est affirmer qu’il EST, ABSOLUMENT, ET DE FAÇON IMMANENTE AUSSI.
Mais cette unicité de l’Être supérieur est une unité de communion. À la différence des monolâtries juives, chrétienne ou musulmane (tu n’auras pas d’autre dieu-ou-démon que moi, tu ne te prosterneras pas devant les images des autres dieu-ou-démons pour les vénérer aussi, etc., etc.) ; le monothéisme druidique, lui, est principe de relativisme, donc de tolérance : le druidisme est cantamantaloedis.
À propos des dieu-ou-démons, créatures spirituelles associées à la Tocade ou à la Destinée dans son œuvre de vie ou de renaissance (dans l’autre monde) deux écueils sont à éviter.
Dans l’interprétation des mythes celtiques, on doit tenir compte des facteurs purement littéraires et de ce qui peut relever des représentations générales de l’époque.
Il ne faut pas, pour autant, tout réduire à des symboles poétiques.
Aux yeux des druides, les réalités invisibles ne sont pas moins réelles que celles qui sont visibles.
Si nos sens ne peuvent les atteindre, elles ne relèvent pas pour autant de la simple imagination.
Le Destin, personne ne l’a jamais vu. Les dieu-ou-démons qui sont issus de ce Père supérieur sont donc le seul et unique moyen de l’imaginer, le seul et unique moyen d’en avoir une idée.
Les druides antiques s’en étaient aperçus et avaient nommé ce paradoxe d’un Dieu-ou-Diable unique en plusieurs personnes : « poly-unité ».
Un des piliers de la foi païenne est cette croyance en la poly-unité. Quelles sont les relations qui unissent les différentes personnes composant toutes ensemble cet Être supérieur (symbolisé par le dodécaèdre ?) et quels sont leurs points communs avec les hommes, leurs surfaces de contact avec l’Humanité ?
Ainsi que nous avons pu le voir, la conception druidique de la divinité reste assez paradoxale. Il n’y a qu’un seul Dieu ou, mais en plusieurs personnes, auxquelles la tradition donne différents noms divins. La grande déesse-ou-démone mère cosmique, Taran/Toran/Tuireann, Lug, le Grand Hesus, maître du monde souterrain de Uo-Alias (Thulé) connu sous le nom de Morfessa dans la tradition irlandaise, la triple Épona mopatis (théopompe et théokotos) et les autres ; concourant toutes à l’épanouissement et au salut des hommes dans cette formidable union divine. Chacune de ces personnes divines s’inscrit dans l’unité primordiale de la même nature « Être supérieur » et ne la divise pas.
À l’intérieur de cette poly-unité druidique émerge un ensemble plus précis de rôles et d’action. Celui de la trinité celtique constituée outre le Destin par Taran/Toran/Tuireann (les éclairs de génie et les coups de foudre… de l’esprit, viennent toujours de lui) la grande déesse-ou-démone mère cosmique Danu (bia), sans oublier le dieu-par au chaudron source de vie inépuisable dont ils sont issus.
Telle est la voie royale. L’Être supérieur engendre des fils, les dieu-ou-démons, qui en prenant corps (subtil ou éthéré) du chaudron cosmique, ont ainsi la possibilité de nous adopter nous les Hommes. Ou plus exactement de fraterniser avec nous un peu comme des grands frères.
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RETOUR À LA TERMINOLOGIE !
EN RAISON DE LA CONFUSION EXISTANT DANS CERTAINES LANGUES ENTRE LE CORPS L’ESPRIT ET L’ÂME notamment depuis les philosophes français Descartes, Malebranche, Bergson…
NOUS UTILISERONS AU MAXIMUM LES TERMES CELTES, AFIN D’ÊTRE PLUS CLAIRS.
LE KICOS (le corps).
De par son corps l’homme est (aussi) un animal, mais tout organisme est une entité plus grande que la somme de ses parties. Aujourd’hui, après 2000 ans de christianisme, le « culte » du corps est partout présent. Mais que représente-t-il ? Peut-on véritablement lui vouer un culte ?
Notre corps est l’une des évidences de notre existence : c’est dans et avec notre corps que nous sommes nés, que nous vivons, que nous mourons ; c’est dans et avec notre corps que nous construisons nos relations avec autrui… Notre corps est un « objet », mais cela n’implique pas nécessairement qu’on le considère comme un objet parmi d’autres, sauf à envisager la possibilité de s’affranchir de lui.
L’étude des témoignages nous montre que le kicos est, pour les païens, une réalité saine et positive, sans honte ni vice. Aussi, lorsque les chrétiens ont voulu parler de ce qu’ils entendaient opposer à l’âme, ils ont été obligés de prendre aux Grecs le mot sarx qui désignait la viande de boucherie (d’où les mots sarcastiques, sarcophage, etc.) et l’ont traduit par le latin carnis (qui a donné charogne, carnage, carnivore et ainsi de suite) dans notre langue.
Sous leur plume la sexualité y subira le même traitement, alors qu’elle était au départ aussi simple et naturelle pour l’Homme que de l’eau fraîche ou que le fait de croquer une pomme justement.
Chez tous les animaux, à l’exception des plus simples (Éponges et Cnidaires), différents tissus constituent, selon une organisation précise, des centres de fonction spécialisés appelés organes. Certains organes comprennent plusieurs couches de tissus. L’estomac, par exemple, possède quatre couches tissulaires principales. La cavité stomacale est tapissée d’un épithélium épais, qui sécrète le mucus et les sucs digestifs. À l’extérieur de cette couche se trouve une zone de tissu conjonctif, elle-même recouverte d’une couche épaisse de muscle lisse. Enfin, l’estomac est enveloppé d’une autre couche de tissu conjonctif. Cette stratification caractérise également l’épiderme, la partie externe de la peau.
Les Mammifères possèdent une cavité thoracique supérieure séparée de la cavité abdominale inférieure par une couche musculaire appelée diaphragme.
Il existe un niveau d’organisation supérieur à celui des organes. Chez les Vertébrés, mais aussi la plupart des Invertébrés, les fonctions relèvent des divers systèmes de l’organisme, dont chacun comporte plusieurs organes. Les systèmes, digestif, circulatoire, excréteur et respiratoire, en constituent des exemples. Chacun de ces systèmes assure des fonctions spécifiques, mais tous doivent fonctionner de manière coordonnée pour que l’animal survive. Les nutriments absorbés par le tube digestif sont par exemple distribués dans tout l’organisme grâce au système circulatoire. Mais le cœur qui fait circuler le sang a besoin des nutriments absorbés par le tube digestif ainsi que de l’oxygène véhiculé par le système respiratoire.
Notre corps est une usine physico-chimique. Il est cellulaire, moléculaire, atomique… Il est complexe… Dans la matière de notre corps, l’énergie circule, les atomes s’associent, les molécules se lient, les cellules bâtissent notre organisme. Tout est en perpétuel changement. Notre corps est un désordre qui se régule et s’organise lui-même.
À l’origine, au moment de notre conception, l’essentiel de nous-mêmes réside dans quelques molécules d’ADN (Acide désoxyribonucléique). Elles sont le point de départ des informations chimiques qui circulent dans tout notre corps. Elles contrôlent notre développement. Elles régulent l’agitation de notre milieu intérieur.
Vouloir connaître et comprendre l’ensemble des connaissances acquises aujourd’hui est un pari impossible. D’une part ces connaissances remplissent d’immenses bibliothèques, qu’une vie entière de lecture assidue ne suffirait nullement à épuiser. D’autre part, elles ne sont pas statiques : elles évoluent. Ce qui est vrai aujourd’hui pourrait ne plus l’être demain, parce que les outils de la recherche se sont affinés. Telle théorie peut être revue ou exprimée de manière entièrement neuve,
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parce que des faits nouveaux ont été observés. Enfin, de nouvelles données s’ajoutent chaque jour à un édifice de connaissances déjà imposant. Face à une telle évolution des connaissances, une vision correcte ne se construit pas sans un recyclage permanent. Aussi, nous ne pouvons qu’inciter nos fidèles (lecteurs), à sans cesse se tenir au courant à ce propos, et ce, ailleurs que dans nos publications. Les très sachant de l’ancien druidisme étaient, certes, des spécialistes en ce domaine, MAIS TEL N’EST PAS NOTRE CAS !
Le corps ou kicos est donc éphémère et transitoire, il naît, grandit, vieillit, génère, alimente, l’esprit, agit, puis disparaît pour être « recyclé ». Pour ce qui est du corps les druides ont toujours pressenti que l’Homme était aussi un animal (voir leurs réminiscences totémiques). La réaction judéo-chrétienne puis musulmane aujourd’hui, a toujours été empreinte de condescendance, de mépris, voire de haine envers un tel totémisme. Le totémisme a été considéré comme un fatras de superstitions barbares. Les Églises puisèrent là d’excellents prétextes à la destruction ou à l’asservissement des peuples qui se réclamaient de leurs liens avec la nature.
Ceux qui se riaient ou se gaussent encore des tabous totémiques et des fétiches, oublient l’agenouillement, les prosternations et la vénération des chrétiens devant la croix, elle aussi fétiche (cf. le signe de croix) ; ainsi que la croyance aveugle de la présence de leur Dieu ou le Démiurge dans l’eucharistie. Et n’est-ce pas pourtant pure magie que de baptiser un enfant pour le laver d’un prétendu péché originel ? Sans oublier les miracles et le culte des saints ?
Ceux qui se riaient ou se gaussent encore des tabous totémiques et des fétiches oublient l’idolâtrie mahométane (l’isma) ainsi que toutes les superstitions entourant non le contenu, mais le contenant des Corans (en général des livres c’est-à-dire un assemblage de feuilles de papier recouvertes de lettres).
Une telle attitude de refus et de moquerie est d’autant plus aberrante !
La nature est de première importance pour le druidisme, car l’homme n’est pas fait de nature, il est nature lui-même. Le culte des ancêtres * et le totémisme sont à distinguer du culte des dieu-ou-démons, qu’ils soient solaires, lunaires, ou appartenant à la terre : l’animal ou la plante totem n’acquiert jamais le statut de vraie divinité. Le totémisme est seulement un ensemble de croyances selon lesquelles un groupe social est uni et apparenté à un animal. Ainsi, bien des populations humaines se disent-elles les descendants du taureau, du loup, de l’ours, etc.
L’animal sauvage inspire aux hommes répulsion ou peur panique, mais aussi une attirance certaine, et un respect parfois très profond. On sait que les premières manifestations culturelles et cultuelles de l’Homme préhistorique furent dédiées à l’animal. Les plus vieilles sépultures, les plus anciennes peintures pariétales et les pictogrammes, font référence aux animaux comme intermédiaires sacrés entre notre monde et l’au-delà. Le cerf est un par exemple passeur d’âme/esprits. C’est un psychopompe, un conducteur mystique. Une divinité paisible diraient nos amis bouddhistes.
Certes, le cerf impressionnait les hommes nus qu’étaient nos ancêtres, mais en même temps, il symbolisait tellement l’harmonie avec la nature… Pourquoi ne pas en faire un mythe fondateur ?
Les Celtes rendaient des cultes à la nature et à leurs ancêtres, en pratiquant un reste de totémisme. Leurs mythes et leurs rites étaient confortés par leurs cohésions tribales, reposant elles-mêmes sur l’individu et la famille, le clan et la soumission à l’autorité du chef et des sages. En bref comme dans l’Afrique Noire du siècle dernier (et cette sagesse africaine l’Homme moderne ferait bien de la retrouver).
Au commencement, le totémisme était un ensemble d’interdits alimentaires, concernant les animaux et les plantes. Les clans pouvaient avoir des totems différents, auxquels ils s’identifiaient pleinement, ce qui compliquait une situation déjà complexe et conduisait parfois au conflit les relations entre tribus. Un tabou violé pouvait déclencher une guerre sans merci. Certes, les tabous s’appliquaient aussi aux objets qui devenaient alors intouchables, mais c’est sans nul doute envers les animaux qu’ils devaient être observés avec la plus grande rigueur.
César. B. G. Livre V, 12,6. « Les Bretons regardent comme défendu de manger du lièvre, de la poule ou de l’oie, ils en élèvent cependant par goût et par plaisir ». [Le grand Jules n’a évidemment rien compris à cette écologie avant la lettre !]
Le fétichisme, que l’on rencontre dans les sociétés claniques, s’attache aux symboles (fétiches) censés représenter la présence effective des divinités ou des forces surnaturelles qui créent les interdits et les protections (comme l’eau bénite la croix ou les hosties consacrées chez les chrétiens
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par exemple. Les liens d’un clan se manifestent par l’idée d’une punition divine qui frapperait ceux qui oseraient en braver les interdits).
Les interdits primordiaux du totémisme n’ont reçu que postérieurement, leurs charges mystiques.
D’après L. et R. Makarius, ce n’est pas parce que ce sont des totems que ces animaux sont épargnés, mais parce qu’ils ne sont pas mangés qu’ils deviennent des totems. C’est parce que l’on ne sait plus ou que l’on n’a jamais su, pourquoi il ne fallait pas le manger, qu’il devient l’animal nourricier, ami, protecteur ou gardien.
Les interdits comme la défense de détruire ou de manger le végétal ou l’animal totem sont renforcés par des mythes de justification ; qui ont pour but de les intégrer à une réalité tangible, comme les invocations destinées à obtenir l’aide et le secours des ancêtres.
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Repetere = ars docendi.
Une autre structuration des humains a toujours été celle qui est établie par le temps qui passe, celle qui s’installe en fonction des âges.
1.* Noidenotaxeto > gaélique Nàidendacht : la prime enfance du nourrisson.
2.* Mapotaxeto > Macdacht : l’enfance proprement dite.
3.* Geistlaxeto > Gillacht : l’adolescence.
4.* Ogiolagiato > Hoclachus : la jeunesse (l’âge adulte jeune).
5.* Senodageto > Sendacht : l’âge mûr.
6.* Diexbliniceto > Diblidecht : la vieillesse.
Après la mort, l’homme quitte son corps terrestre (matière) pour se revêtir d’un corps bellissamos ou bellissama (xvarnah = divin en avestique) dans un autre monde, mais à quelques exceptions près, ce corps glorieux qu’il recevra sera en fait à l’image de sa vie terrestre.
Le texte capital en ce domaine est celui de Lucain (Pharsale I, 454-458).
« Umbrae non tacitas Erebi sedes, Ditisque profundi pallida regna petunt : regit idem spiritus artus orbe alio ; longae (canitis si cognita) vitae mors media est ».
« Les ombres ne gagnent pas le séjour silencieux de l’Érèbe et les pâles royaumes de Dis : la même âme/esprit gouverne un corps dans un autre monde ; et la mort n’est que le milieu d’une longue vie, si vous savez ce que vous chantez ».
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, mais repetere ars docendi, le sens exact du mot utilisé par Lucain pour évoquer cet autre monde (orbis, orbe alio) et le phénomène en question (regit idem spiritus artus) exclut formellement toute notion de vie uniquement spirituelle ou totalement désincarnée, après la mort ; comme chez les chrétiens par exemple.
Le mot orbis (orbe alio) dans le latin de cette époque, a un sens très terrestre et très matériel même. Il s’agit d’ailleurs seulement, selon Salomon Reinach, « d’un prolongement de la vie terrestre et sublunaire dans une autre partie du monde ».
Conclusion. Il y a…
— Ni absence de corps (pas d’ombre, ou de pâle royaume de Dis, écrit explicitement Lucain). « Regit idem spiritus artus »… On voit mal comment cela ferait allusion à une existence incorporelle. L’esprit réapparaît, mais toujours uni à un corps.
— Mais ni corps exactement identique au corps défunt non plus.
— Un autre corps. Sans doute quelque peu analogue à celui des dieu-ou-démons, doté d’immortalité, d’éternelle jeunesse, etc. En bref un corps sublimé, un corps régénéré, glorieux, lumineux, mais un corps tout de même !
N.B. L’idée que la réalisation spirituelle immédiate ou eschatologique implique, non la négation, mais la résurrection de la chair, est également partagée, avec des nuances diverses, par la tradition zoroastrienne (cf. sa notion de xvarnah).
* Il n’y a plus d’ailleurs que nos frères d’Afrique noire pour en comprendre toute l’importance (les reliquaires Fang sont même plus logiques que les reliquaires de saints chrétiens qui en principe n’ont guère eu d’enfants).
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ÉPILOGUE.
« Ce livre contenait la dose d’humanité qu’exige l’état contemporain de notre civilisation » (Henri Lizeray).
Il n’est d’ailleurs qu’un rassemblement de matériau attendant l’architecte ou le maçon… ad hoc.
« À vous seuls il est donné de connaître, COMME DE LES IGNORER
Les dieux et les puissances célestes » (la Pharsale, I, 444-462). De Mongan à John Toland, mille ans d’antichristianisme primaire et viscéral sont d’ailleurs là pour le prouver.
« Ignorer, les dieu-ou-démons et les puissances célestes… ». Disons plus exactement LES REMETTRE À LEUR JUSTE PLACE « car sans l’aide des dieu-ou-démons rien ne réussit aux hommes » (Arrien. Cynégétique XXXIV).
La perfection n’est pas de ce monde. La pire des tentations pouvant exister sur terre est celle de l’opus perfectum. Il n’existe aucun système philosophico-religieux pouvant apporter une réponse totalement satisfaisante à nos légitimes interrogations. Il n’existe que des systèmes imparfaits, dont les réponses suscitent immanquablement d’autres questions, ou contenant des contradictions variables en nombre et en gravité, le problème est insoluble.
Certains hommes, au fil de leurs croyances, ont créé au cours des siècles un concept auquel ils ont donné le nom de Dieu (ou Diable). La croyance en ce concept leur est devenue nécessaire face à ce constat que la vie est faite d’une infinité de luttes, de conflits, de tourments, avec une étincelle occasionnelle de lumière, de joie et de beauté. Cette croyance à un concept, une formule, à une idée (un dieu une loi un peuple) leur est devenue nécessaire, parce que la vie est tellement dépourvue de sens apparent, que l’Homme besoin de lui en trouver un.
Y a-t-il alors moyen d’éviter la surimposition, c’est-à-dire de donner de l’Absolu des commencements, de ce Dieu ou du Diable (le démiurge pour les gnostiques d’Orient) une représentation anthropomorphique ?
La question est difficile, mais il ne manque pas de tentatives dans ce sens dans le cours de l’histoire de la Philosophie qu’il importe de connaître, et le druidisme en est une.
Bien sûr, en pareil cas, il faut alors comprendre, comme le dit Krishnamurti dans son traité à propos de Dieu ou du Démiurge, que l’esprit religieux véritable est radicalement différent de la croyance (en Dieu ou en une religion). Un esprit profondément religieux vit dans le sentiment de la présence du Sacré. Il n’a pas besoin du recours à une « croyance ». En d’autres termes, qui croit en Dieu de toute son âme, n’a que faire d’une religion. Les très-sachants de l’Antiquité n’avaient d’ailleurs pas de terme spécifique pour désigner ce que nous appelons nous aujourd’hui la religion (druidiactio désigne plus une praxis qu’un dogme).
L’esprit vraiment religieux est psychologiquement affranchi de la culture de la société qui l’environne.
L’esprit véritablement religieux est très différent du réflexe qui anime les tenants d’une orthodoxie ou d’un intégrisme religieux. L’intégriste est aveugle à la beauté ; le tenant d’une orthodoxie n’a pas conscience de l’univers dans lequel il vit : de la beauté de l’univers, de la beauté de notre Terre, de la beauté de la colline, d’un arbre, du sourire qui éclaire un visage harmonieux. L’esprit véritablement religieux doit au contraire avoir conscience de cette extraordinaire beauté. Pour l’intégriste ou le tenant d’une quelconque orthodoxie, la beauté n’est que tentation ; la beauté, c’est la femme qu’il doit éviter à tout prix pour trouver Dieu. Un tel esprit n’est pas véritablement religieux, parce qu’il n’est pas sensible au monde qui l’entoure – à sa beauté, ainsi qu’à sa laideur.
Car on ne peut pas être sensible uniquement à la beauté ; il faut aussi être sensible à la misère, à la saleté, aux failles de l’esprit humain, à son égoïsme viscéral, bestial, haineux, à sa bêtise épaisse et crasse, à couper au couteau (quelle que soit sa classe sociale d’ailleurs). Cette sensibilité suppose une approche globale, qui n’ait pas d’orientation unique ou exclusive. Dès lors, il devient aisé de comprendre que ce que l’on a défiguré de toutes les façons possibles et imaginables dans ce concept (de Dieu ou du Diable) n’est rien d’autre que la Vie elle-même. La Vie est Dieu manifesté dans une myriade de formes. Le Tout Englobant Universel est le réceptacle de cette Manifestation. Dieu ou le Démiurge est donc un concept qui désigne la puissance qui crée, soutient, et résorbe toute manifestation relative. Paradoxe des paradoxes, l’ultime réalité, l’Englobant Universel, tient ensemble les contraires : le toujours de l’éternité de l’absolu, et le changement du toujours changeant du relatif.
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L’Englobant est aux limites de ce que la pensée peut appréhender, car l’intellect ne peut comprendre que l’absolu et le relatif, ne sont en définitive qu’une seule et même chose.
Athéisme dira-t-on ! « Certains disent que les Galiciens n’ont pas de dieu, mais que les Celtibères et leurs voisins au nord offrent des sacrifices à un dieu sans nom, chaque pleine, lune, la nuit, devant les portes de leurs demeures, et que toute leur maisonnée danse alors en chœur la nuit entière, etc. » (Strabon, Livre III, chapitre IV, 16).
Eh bien un zeste de libre-pensée ou d’athéisme est par moments le service que peut rendre le druidisme, car c’était bien là le rôle des très-sachants de la druidiaction (druidecht), antiques si l’on en croit Lucain, non ?
Ainsi que nous avons eu déjà l’occasion de le dire, mais enfin comme le disait Napoléon, la répétition est la plus forte des figures de rhétorique (repetere ars docendi)…
Athéisme, trithéisme, polythéisme des valeurs, hénothéisme, panthéisme, agnosticisme ???
L’important, le fondamental, c’est d’admettre sans réticence aucune qu’il ne faut en aucune façon imposer ses vues aux autres, fussent-ils vos propres enfants. À chacun de se rallier librement et en toute connaissance de cause, à la conception ou à la non-conception du monde, correspondant le mieux à ses attentes, et pouvant donc l’aider à vivre. Ce qui compte ensuite ce n’est pas la découverte ou la proclamation de je ne sais quelles tables de la loi divine, mais la quête personnelle.
L’indécidabilité après tout, est bien aussi une des formes de solution possible donnée à un problème.
L’art du doute est la seule démarche possible pour l’homme sain, le reste n’est que poésie, mais il est vrai que la poésie, c’est la vie.
L’erreur de départ se développe en une série d’illusions qui sont caractéristiques des religions du premier type. Surimposer la nature humaine à la nature divine.
Le Coran utilise par exemple le terme de « koufr » aussi bien à propos du fait de ne pas reconnaître l’unicité de l’Être supérieur, qu’à propos du fait de reconnaître son unicité, mais pas le caractère prophétique d’un de ses envoyés. Voir Coran 4/150-151, 3/32. Depuis l’époque de Mahomet donc est considéré comme « kâfir » ou « dans le koufr » tout homme qui a eu connaissance de son message, mais a choisi de ne pas y adhérer (soit parce qu’il n’a pas été convaincu de sa véracité, soit parce que, bien que convaincu au fond de lui-même il a, pour une raison ou une autre, refusé de le reconnaître ou d’y adhérer).
Les choses n’étant pas aussi simplistes, prochainement paraîtra toute une série de fascicules approfondissant ces premiers éléments de théologie druidique ; mais la présentation différente de ce savoir druidique préservera l’unité et la profonde harmonie entre ces divers exposés d’une seule et même philosophie.
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ANNEXE N° 1 : L’ÂME DANS L’ANCIEN TESTAMENT ET LA TORAH.
La Bible dit-elle clairement que l’âme survit à la mort du corps ? La Nouvelle Encyclopédie catholique répond : « La notion de survivance de l’âme après la mort n’est pas aisément perceptible dans la Bible. Dans l’A [ncien] T [estament], l’âme ne désigne pas une partie de l’homme, mais l’homme tout entier, l’homme en tant qu’être vivant. Pareillement, dans le N [ouveau] T [estament], elle désigne la vie humaine : la vie d’un individu ».
Oscar Cullmann, professeur à la faculté de théologie de l’université de Bâle, en Suisse, fait état d’une différence radicale entre l’attente chrétienne de la résurrection des morts, et la croyance en l’immortalité de l’âme. Et il remarque fort justement, que le lien que le christianisme ultérieur [a] établi entre les deux croyances ; en réalité n’est pas un lien, mais le renoncement à l’une [la doctrine biblique de la résurrection] en faveur de l’autre [la croyance païenne à l’immortalité de l’âme humaine].
La Bible affirme en effet que l’âme humaine n’est pas immortelle, et pour les vrais Témoins de Jéhovah, l’âme meurt d’ailleurs toujours avec le corps.
« Les vivants se rendent compte qu’ils mourront ; mais quant aux morts, ils ne se rendent compte de rien du tout » (Ecclésiaste 9,5).
La Bible renferme également une curieuse mise en garde : « Voici, toutes les âmes sont à moi. L’âme du fils, comme l’âme du père, est à moi. L’âme qui pèche sera celle qui mourra » (Ézéchiel 18, 4 : le terme utilisé dans le texte est « nèphèsh »).
On ne trouve nulle part dans la Bible un verset affirmant que l’Homme possède d’ores et déjà une âme immortelle. Et la Bible ne dit pas, non plus, qu’aussitôt après la mort, nous irons vivre quelque part ailleurs dans ce vaste univers. Bien entendu, la Bible parle d’une vie après la mort, mais ce sera lors de la résurrection des morts, et non pas avant.
Le grand rabbi Jésus lui-même a révélé dans l’Évangile selon Matthieu, chapitre X, verset 28, qu’une âme pouvait mourir en disant : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr l’âme et le corps dans la géhenne ». Or, si une âme peut mourir, cela veut dire par définition qu’elle n’est pas immortelle.
Ecclésiaste 9, 5, 10. « Les vivants se rendent compte qu’ils mourront ; mais quant aux morts, ils ne se rendent compte de rien du tout ». Avons-nous dit.
Les morts sont donc, dans ce cas, très loin de détenir une science supérieure ; ils sont inconscients.
Tout cela pose en réalité la question du Shéol.
Pour le Professeur Tabor, les anciens Hébreux n’imaginaient nullement l’idée d’une âme immortelle, vivant d’une pleine vie après la mort, pas plus qu’une résurrection ou un relèvement d’entre les morts quelconques. Les hommes, comme les bêtes, provenaient de la poussière, et retournaient à la poussière (Genèse 2,7 ; 3,19). Le mot nefesh, traditionnellement traduit « âme vivante », mais signifiant plutôt « être vivant », est le même mot utilisé pour toutes les créatures et n’implique aucune idée d’immortalité… Tous les morts s’en vont dans le Shéol, et ils y reposent ensemble, bons ou mauvais, riches ou pauvres, libres ou esclaves (Job 3,11-19). On le décrit comme une région « sombre et profonde », « la Fosse », « le Pays de l’oubli » coupé de Dieu et de toute vie humaine (Psaumes 6,5 ; 88, 3-12). Bien que dans certains textes, le pouvoir de YHWH atteigne le Shéol (Psaumes 139, 8), l’idée dominante est que les morts restent, abandonnés à jamais. Ce concept de Shéol peut paraître négatif par contraste avec la vie qui se passe « là-haut » chez les vivants, mais il n’y a pas non plus de notion de jugement ni de rétribution. Lorsque l’on mène une vie d’extrêmes souffrances et misère, comme ce fut le cas de Job, le Shéol peut même apparaître comme un soulagement bienvenu à la douleur, voir Job chapitre III.
Néanmoins, il s’agit à la base d’une sorte de « néant » une existence qui est à peine existence, dans laquelle une « ombre » ou « nuance » de l’ancien soi survit (Psaume 88, 10).
Shéol est un terme hébraïque difficilement traduisible (Hadès ?) désignant le « séjour des morts », la « tombe commune de l’Humanité », le puits, sans vraiment pouvoir statuer s’il s’agit ou non d’un au-delà. La Bible hébraïque le décrit comme une place sans confort, où tous, juste et criminel, roi ou esclave, pieux et impie, se retrouvent après leur mort, pour y demeurer dans le silence et redevenir poussière.
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Dans quelques sources, par exemple Deutéronome 32, 22, Shéol semble être synonyme de « profondeurs de la Terre ». On compare parfois le Shéol au monde souterrain sombre et ténébreux de l’Hadès ou du Tartare de la mythologie grecque.
Cependant, dans de nombreuses occurrences, le Shéol ne semble pas être une destination ou même un lieu, mais simplement « la tombe ». Dans l’Ecclésiaste, par exemple, «… les morts ne savent rien ; ils n’ont plus de récompense, et jusqu’à leur souvenir est oublié ». De même, « quoi que tes mains trouvent à faire, fais-le pleinement, car dans le Shéol, où tu vas, il n’y a ni travail, ni plan, ni connaissance, ni sagesse » (Ecclésiaste 9,5-10).
Le Professeur Harris fait la remarque suivante : le concept de châtiment éternel n’apparaît pas dans la Bible hébraïque, qui utilise le terme Shéol pour désigner une région souterraine où les morts, bons comme mauvais, ne subsistent qu’en tant qu’ombres impuissantes. Lorsque les scribes juifs hellénisés traduisirent la Bible en grec, ils utilisèrent le mot Hadès pour rendre Shéol, créant une association mythologique totalement neuve à l’idée d’existence posthume. Dans les anciens mythes grecs, l’Hadès, nommé d’après la déité glauque qui régnait sur elle, était originellement similaire au Shéol, un monde souterrain sombre où tous les morts, sans distinction de mérite individuel, étaient logés à la même enseigne.
Certains font mention du livre de 1 Samuel au chapitre XXVIII, qui fait référence au roi Saül, pour dire qu’il est possible de communiquer avec les morts ou les esprits des morts. Mais ce roi antique a-t-il vraiment communiqué avec le prophète Samuel décédé ?
Examinons ce fait, réel ou inventé, mentionné dans la Bible. Inquiet à cause de ses ennemis philistins, Saül, roi d’Israël, se rendit auprès d’une voyante habitant à En-Dor. Il lui demanda d’entrer en contact avec le défunt prophète Samuel. Quand la femme lui décrivit un vieillard revêtu d’un manteau sans manche, Saül supposa que cette apparition était Samuel. Le message qui lui fut transmis annonçait qu’Israël tomberait entre les mains des Philistins, et que le lendemain Saül et ses fils rejoindraient « Samuel », autrement dit qu’ils mourraient au combat (1 Samuel 28, 4-19).
Notons tout d’abord que Saül n’a rien vu par lui-même, il s’est contenté d’interpréter la description de la sorcière d’Endor.
La prédiction s’est-elle vérifiée ? Pas à la lettre. Saül fut, certes, grièvement blessé pendant la bataille contre les Philistins, mais sa mort fut un suicide (un Samuel 31, 1-4). En outre, son fils Isch-Boscheth lui survécut, contrairement à la prédiction selon laquelle tous ses fils mourraient avec lui.
Petite question maintenant : la Bible laisse-t-elle entendre qu’un tel comportement peut être licite ?? Non. La Bible dit : « Saül mourut à cause de son infidélité à Yahweh […] et aussi pour avoir consulté un médium » (1 Chroniques 10,13).
Quelle leçon peut-on donc tirer de cette histoire ? Celle-ci ! Saül est mort pour avoir demandé à une adepte du spiritisme d’interroger les morts, et pour avoir donc violé la loi très explicite qui suit. « On ne devra trouver chez toi personne […] qui consulte un médium, ni individu faisant métier de prédire les événements, ni quelqu’un qui interroge les morts. Car quiconque fait ces choses est détestable pour Yahweh » (Deutéronome 18,10-12).
Dans la Torah et jusqu’aux derniers prophètes, il n’y a donc pas de vie après la mort. Le corps est enterré puis ses éléments partent en poussière dans le Shéol, espace inconnu, inquiétant, négatif, mais aussi « questionnement ». L’âme fait partie intégrante du corps et disparaît avec lui. Elle a été donnée, insufflée par Dieu dans les narines pour animer le corps, lui donner vie. Elle doit donc lui être rendue et elle est reprise à la fin de chaque parcours individuel sur terre. L’âme remonte ainsi à son origine et cesse alors d’exister.
Les versets de l’Ecclésiaste 12,7 et de Job 7, 7-9 résument ce point de vue.
Ecclésiaste 12,7 : « Que la poussière retourne à la poussière, redevenant ce qu’elle était, que l’âme remonte à Dieu qui l’a donné ».
Job 7,7-9 : « Souviens-toi ô Dieu, que ma vie est un souffle : mon œil ne verra plus le bonheur… La nuée se dissipe et disparaît : ainsi celui qui descend au Shéol n’en remonte plus ».
À cette époque, on considérait simplement que Dieu raccourcissait ou allongeait la vie d’un individu en fonction de ses actes.
Il n’y a que deux exceptions à cette conception juive de l’âme.
Première exception : Hénoch ainsi qu’Élie (Elyahou), « emportés » au Ciel, avant l’heure, et qui deviennent des anges.
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Deuxième exception possible : le livre de Job pose la question « Pourquoi le Juste est-il châtié ? »
Avec donc deux sous-entendus.
Premier sous-entendu : « Qui gouverne l’univers, Satan ou Dieu ? »
Deuxième sous-entendu : « Puisqu’il n’y a pas de justice ici-bas, elle doit bien exister quelque part et à un moment donné ».
Après les premiers cataclysmes que furent la perte du royaume de Samarie et la disparition des dix tribus d’Israël, puis la perte de la Judée avec la destruction du Temple de Jérusalem, et l’exil des classes sociales juives supérieures à Babylone ; sous l’influence des pensées orientales, chaldéenne et perse, la résurrection des corps et l’idée d’un châtiment ou d’une récompense des individus dans l’au-delà, ont trouvé leur place dans les écrits de la Bible. Avec Daniel 12, 1-2 surtout, puis avec la vision d’Ézéchiel 37, 11 à 14 et les propos d’Isaïe dans 25, 8 et 26, 19.
Daniel 12, 1 et 2 : «… En ce temps-là… la délivrance viendra pour ton peuple, pour tous ceux qui se trouvent inscrits dans le livre. Beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière du sol se réveilleront, les uns pour une vie éternelle, les autres pour être un objet d’ignominie ou d’horreur éternelle ».
Ézéchiel 37, 11 à 14 : Alors il me dit : « Fils de l’homme, ces ossements, c’est toute la maison d’Israël. Ceux-ci disent : « Nos os sont desséchés, notre espoir est perdu, c’en est fait de nous ! » Eh bien prophétise et dis-leur : « Ainsi parle le Seigneur Dieu, voici que je rouvre vos tombeaux, et je vous ferai remonter de vos tombeaux, ô mon peuple ! Je vous ramènerai au pays d’Israël. Et vous reconnaîtrez alors que je suis l’Éternel ! Je mettrai mon esprit en vous et vous serez vivifiés, je vous assoirai sur votre sol, et vous reconnaîtrez que je suis l’Éternel qui a parlé et qui exécute ».
Isaïe 25, 8 : « À jamais il anéantira la mort, et ainsi le Dieu Éternel fera-t-il sécher les larmes sur les visages, il fera disparaître de toute la terre l’opprobre de son peuple ».
Isaïe 26, 19 : « Puissent donc les morts revenir à la vie et les cadavres des miens ressusciter ! Réveillez-vous et entonnez des cantiques, vous qui dormez dans la poussière ! Oui, pareille à la rosée du matin est ta rosée : grâce à elle, la terre laisse échapper ses ombres ».
Mais s’agit-il d’une vraie résurrection ou seulement d’une image suggérant le réveil d’un peuple élu, la délivrance de toute souffrance (pour ledit peuple élu) ?
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ANNEXE N° 2 : RÉFLEXION À PROPOS DE L’ÂME PAR LE SWAMI VIVEKANANDA.
(Philosophe indien né à Calcutta, en 1863, sous le nom de Narendranath Datta, mort en 1902.)
Des nombreuses énigmes qui, sous tous les climats et en tout temps, ont troublé l’intellect de l’Homme, la plus complexe est lui-même. Des myriades de mystères qui, depuis l’aube de l’Histoire, ont appelé toutes ses énergies à se démener pour trouver une solution, la plus mystérieuse est sa propre nature. C’est à la fois l’énigme la plus insoluble et le problème de tous les problèmes. Comme point de départ et dépôt de tout ce que nous connaissons, ressentons et faisons, il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais d’époque, où la propre nature de l’homme cessera de réclamer sa première et meilleure attention.
Adoptant une vue partiale, superficielle et pleine de préjugés, dégoûtés aussi quelquefois du manque de netteté de nombreuses Écoles et de nombreuses sectes, et souvent, hélas, conduits à l’extrême opposé par les superstitions violentes d’une prêtrise organisée ; les hommes n’ont pas manqué, particulièrement parmi les intellects avancés, dans les temps anciens et modernes ; qui non seulement ont abandonné leur recherche avec désespoir, mais qui l’ont même déclarée vaine et inutile. Les philosophes peuvent s’inquiéter ou ricaner, voire les prêtres exercer leurs activités habituelles, y compris à coups d’épée ; la vérité ne vient qu’à ceux qui l’adorent dans son temple, et le font seulement par amour pour elle, sans peur et sans en faire le commerce.
Les philosophes laissent entrevoir les luttes volontaires des grands esprits ; l’Histoire révèle le silencieux processus d’infiltration par lequel la vérité se retrouve absorbée par les masses… La lumière parvient aux individus au travers des efforts conscients de leur intelligence ; elle parvient, bien que doucement, à la race entière, au travers de pressions inconscientes.
Il a fallu des siècles pour que les anciennes races parviennent à l’idée qu’une partie de l’individu survit après la mort ; il a fallu encore plus de siècles pour parvenir à une idée rationnelle sur ce quelque chose qui persiste et qui vit indépendamment du corps. Ce n’est que lorsque l’idée fut atteinte, d’une entité dont la relation avec le corps n’existait que pendant un temps, et seulement parmi les nations qui sont arrivées à une telle conclusion, que l’inévitable et double question est apparue. D’où vient une telle entité, où va-t-elle après la mort ?
Les anciens Hébreux n’ont jamais troublé leur sérénité en s’interrogeant sur l’âme. Avec eux la mort terminait tout. Bien qu’il soit vrai que dans l’Ancien Testament, avant l’exil, les Hébreux distinguaient un principe de vie, différent du corps, appelé parfois « nephesh », ou « ruakh », ou « neshama » ; tous ces mots correspondent pourtant plus à l’idée de souffle qu’à celle d’esprit ou d’âme. Dans les écrits des juifs palestiniens aussi, après l’exil à Babylone, il n’est jamais fait mention d’une âme individuelle immortelle ; mais toujours seulement d’un souffle de vie émanant de Dieu et qui, après que le corps est dissous, est réabsorbé dans le « ruakh » divin.
Ici se trouve la clé d’un grand secret. Le fait qu’aucune race, qu’elle soit égyptienne, assyrienne ou babylonienne, ne soit jamais parvenue à l’idée de l’âme/esprit en tant qu’entité séparée qui peut vivre indépendamment du corps, sans l’aide des Aryas [Terminologie du swami Vivekananda].
Les anciens Égyptiens et les Chaldéens avaient sur l’âme/esprit des croyances qui leur étaient propres. Mais leurs idées sur cette partie vivante après la mort ne doivent pas être confondues avec celles des anciens hindous, des anciens Persans, des anciens Grecs ou de toute autre race aryenne.
Chez les anciens Égyptiens, l’âme/esprit n’était qu’un double, qui n’avait aucune individualité, qui n’était jamais capable de couper sa connexion d’avec le corps. Cette individualité ne durait qu’aussi longtemps que durait le corps ; et si par hasard le corps était détruit, l’âme/esprit du défunt devait souffrir une seconde mort et annihilation.
Chez les Chaldéens aussi, même s’ils ne spéculaient pas autant que les Égyptiens sur la condition de l’âme/esprit après la mort, l’âme/esprit est encore un double et elle demeure attachée à son sépulcre. Ils ne pouvaient pas concevoir un état de l’être dénué de ce corps physique, et ils attendaient une résurrection du corps. Bien que la déesse-ou-démone Ishtar, après de grands dangers ou de grandes aventures, ait accordé le privilège de ressusciter à son berger de mari, Doumouzi, fils d’Ea et de Damkina ; les dévots les plus pieux chez eux prièrent en vain de temple en temple, pour la résurrection de leurs amis défunts.
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Nous voyons ainsi, que les anciens Égyptiens ou que les Chaldéens, ne dissociaient pas entièrement leur idée de l’âme/esprit d’avec le corps du défunt ou d’avec le tombeau. L’état d’existence terrestre était bien le meilleur, les disparus désiraient toujours ardemment avoir une chance de le renouveler, les vivants espéraient avec ferveur les aider à prolonger l’existence de leur malheureux double. Ils faisaient du mieux qu’ils pouvaient pour les aider dans ce dessein.
Cela n’est pas là le terreau d’où pouvait jaillir une connaissance supérieure de l’âme ou de l’esprit, car il est trop grossièrement matérialiste. Effrayées par des puissances du mal pratiquement innombrable, et au prix d’efforts désespérés ou angoissés pour les éviter ; les âme/esprits des vivants, comme leurs idées sur les âme/esprits des disparus, erraient partout dans le monde ; quoiqu’elles ne pussent jamais aller au-delà de la tombe ou du corps qui se décompose.
Pour trouver la source d’idées un peu plus élevées sur l’âme/esprit, nous devons tourner vers une autre race, dont le Dieu était un Être tout miséricordieux, tout pénétrant, se manifestant au travers de divers Devas [Deuoi. Note de la rédaction] brillants, favorables et secourables. La première des races humaines à s’adresser à son Dieu comme à un Père, grâce auquel la vie est un espoir et non un désespoir. Dont la religion ne consiste pas en gémissements s’échappant des lèvres d’un homme agonisant dans l’intervalle d’une vie d’excité ; mais dont les visions ou les notions viennent à nous encore toutes parfumées de l’arôme du champ et des forêts. Une religion dont les prières de louange – spontanées, libres, joyeuses, comme les chansons qui jaillissent de la gorge des oiseaux quand ils saluent ce monde magnifique, illuminé par les premiers rayons du seigneur du jour — ; viennent à nous, au travers de la perspective de quatre-vingts siècles d’appels descendus des cieux.
« Prends-moi dans le monde sans mort, sans décadence, où se trouve la lumière des cieux et où brille l’éclat éternel ».
« Transforme-moi en immortel du royaume où se trouve le temple secret des cieux ».
« Rends-moi immortel et prends-moi dans ce royaume où ils se meuvent comme ils (s’inscrivent ?) »
« Prends-moi dans la troisième sphère des cieux les plus secrets, là où les mondes sont pleins de lumière, et transforme-moi en immortel de ce royaume de félicité ».
Telles sont les prières des Aryens dans leur formulation la plus ancienne, le Rig-Veda Samhita.
[Ceci correspond totalement à la conception druidique de la vie après la mort.]
Nous voyons immédiatement surgir tout un monde de différences entre les idéaux mlechchha 1) [???] et les idéaux aryens.
Pour les uns, ce corps et ce monde sont la seule chose qui compte, et donc tout ce que l’on peut désirer. Un petit souffle de vie, qui s’envole du corps à la mort pour être torturé par la perte du plaisir des sens, et qui peut, espèrent-ils naïvement, être ramené à la vie si le corps est préservé. Bref, des cadavres faisant l’objet de plus de soin que les vivants.
Les autres considèrent que ce qui quitte le corps est l’homme réel ; et que, lorsqu’il est séparé du corps, il jouit d’une condition de félicité supérieure à celle dont il a jamais pu bénéficier quand il était incarné.
Nous avons là le germe d’où pouvait sortir une véritable idée de l’âme. Car c’est seulement dans l’idée que l’Homme véritable n’est pas le corps, mais l’âme, et qu’il n’y a pas une connexion inséparable entre l’Homme véritable et le corps ; qu’une idée supérieure de la liberté de l’âme pouvait apparaître.
Et c’est lorsque les Aryens allèrent au-delà de l’enveloppe qu’est le corps, dans lequel l’âme disparue était tenue captive, et qu’ils découvrirent sa véritable nature, celle d’un principe-unité, sans forme, et individuel ; que la seule question qui vaille apparut alors inévitablement. D’où vient ce principe-unité ?
Chez les Hébreux, l’idée de l’âme et de son individualité vient à l’évidence de l’enseignement mystique des Égyptiens.
Nous verrons d’ailleurs plus tard les Juifs d’Alexandrie totalement imprégnés de la doctrine d’une âme individuelle. Les pharisiens du temps de Jésus, comme il a déjà été dit, non seulement croyaient en l’existence d’une âme individuelle, mais ils croyaient aussi à son errance possible à travers des corps divers. C’est d’ailleurs pourquoi le nazôréen Jésus a pu être reconnu par certains comme étant la réincarnation d’un ancien prophète comme Élie.
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Bref, les races qui n’ont pas prêté beaucoup d’attention à l’analyse de leur propre nature, ne sont jamais allées au-delà du corps matériel, vu comme la seule chose pouvant exister. Même lorsqu’elles ont été amenées, par une lumière plus haute, à pénétrer au-delà, elles en sont seulement venues à la conclusion que d’une manière ou d’une autre, après un certain temps, ce corps devenait incorruptible.
La race qui a dépensé le plus d’énergie à sonder la nature de l’Homme en tant qu’être pensant – les Indo-aryens – a par contre bien vite découvert qu’au-delà de ce corps ; qu’au-delà même du corps glorieux que désiraient ardemment leurs ancêtres ; se trouvait l’Homme réel, le principe 2).
Notes de Pierre de La Crau.
1. Si nous comprenons bien le Swami Vivekananda, ce terme signifie en gros « non aryen » : le mlechchha est à l’Aryen ce que le goy est au juif.
2. Encore une fois, répétons-le, à quelques exceptions près, la seule réincarnation reconnue par les druides antiques était la réincarnation… DANS UN AUTRE MONDE, APRÈS LA MORT, et non le retour de l’âme/esprit en ce bas monde sous une autre forme.
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ANNEXE N° 3 : NOTE SUR L’ORIGINE A CONTRARIO DE L’IDÉE DE RÉENCHANTEMENT SOUHAITABLE DU MONDE.
Le désenchantement du monde (en allemand Entzauberung der Welt) est d’abord une expression poétique de Schiller (signifiant littéralement le désensorcellement du monde, si ma mémoire est bonne, mais il est vrai que mes quatre ans d’allemand sont loin) reprise et développée par Max Weber.
Elle évoque aujourd’hui un rapport au monde issu du développement des sciences et techniques, aboutissant à une perte de sens et d’illusions, donc à une déception allant croissant.
Il est de bon ton aujourd’hui de vouloir « corriger » Weber. Il nous semble pourtant qu’il n’y a pas grand-chose à rajouter à son analyse du phénomène.
Weber voit en effet dans le calvinisme le point final (disons l’aboutissement) d’un long processus commencé avec le judaïsme antique et relayé par la pensée grecque, jusqu’à la naissance du capitalisme. Le tour de force culturel des réformés calvinistes ou autres aura été d’asseoir leur discours sur des traits psychologiques humains jusque-là considérés comme des vices ou des défauts, exemple la cupidité ; devenant ainsi d’actifs agents d’une sorte de désenchantement du Monde. Ce désenchantement du monde a comme effet une vacance du sens : la signification fondamentale du monde, de l’existence, a disparu pour l’homme moderne. Les événements sont considérés comme le seul produit de forces physiques, dont la compréhension est, en principe, toujours accessible à l’homme. Le monde en vient ainsi à être considéré comme dépourvu de sens, étant un pur mécanisme physique dénué d’intention.
Bref, dans son analyse du processus de rationalisation de l’Occident moderne, Weber insiste sur le fait que la transformation des dispositions mentales, ou éthos, des acteurs, a joué un rôle crucial. Le scientisme est né avant tout de la modification des principes d’action (notamment éthiques) gouvernant la conduite de vie des hommes. Ainsi, dans son analyse de la naissance du capitalisme, Weber fait-il peu de places à la modification des moyens de production (ce qui constitue par contre l’analyse de Marx, qui n’a pas toujours tort néanmoins, bien au contraire, reconnaissons-le). Pour Weber, le capitalisme est donc principalement né de l’apparition d’une nouvelle éthique économique, trouvant son origine dans la mentalité protestante. Dans ce nouvel éthos économique, la conduite de vie des acteurs est dirigée par le principe selon lequel la finalité de l’existence est le travail dans le cadre d’une profession : le travail devient une fin en soi. Dans l’émergence de cette nouvelle morale économique, les croyances religieuses (la religion réformée en l’occurrence) ont eu, pour Weber, un rôle fondamental. Weber pense ainsi que les principales causes de l’émergence du capitalisme ne sont pas techniques ou économiques, mais principalement éthiques et psychologiques. Si le capitalisme a pu se développer, selon Weber, c’est grâce à l’ascèse du travail dans le monde qui a été au centre du monde calviniste, et plus largement puritain. Dans celui-ci en effet, le travail y devient la plus haute tâche que peut accomplir l’homme pour la gloire de Dieu et, surtout, le fidèle peut trouver dans sa réussite professionnelle la confirmation de son statut d’élu de Dieu. C’est dans la sécularisation de cette ascèse, en affinité élective avec l’ « esprit du capitalisme », que le capitalisme a trouvé l’impulsion première à son expansion, en lui permettant de vaincre le « monde de forces hostiles » qui s’opposait à lui.
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ANNEXE N°4 : LA VERSION LAÏQUE DU RETOUR DE DIEU OU DES DIEUX.
En Grande-Bretagne, la période de rémission avant l’erdathe ou fin du Monde devant durer mille ans était associée au retour du roi connu sous le nom d’Arthur. Un roi caché ou en dormition depuis la désastreuse bataille de Camlann. Arthur est le type même du chef de guerre, sage et surtout élu des dieu-ou-démons. Son lieu de convalescence est l’île des Fruits ou île fortunée (Insula Pomorum quae Fortunata vocatur). C’est une sorte d’autre monde parallèle de nature paradisiaque, demeure de fécondité, mais aussi de longévité, gouverné par neuf sœurs, dont l’aînée, la reine Morgain ou Morgane, est une magicienne qui connaît les secrets de l’art de guérir. Le nom d’ « île des Fruits » semble une traduction du mot d’origine celtique Avallach ou Avallon qui signifiait « pommeraie ». Selon d’autres traditions, galloises, anglaises et italiennes aussi, le séjour d’Arthur serait une grotte introuvable où il dort, entouré de ses derniers preux, échappant ainsi à l’attention des vivants.
En Allemagne, cette période de rémission avant l’Erdathe ou fin du Monde devant durer mille ans, était associée au retour de l’empereur Frédéric II de Hohenstaufen. Du IXe siècle au XVe, et plus particulièrement à partir du XIIe siècle, s’est en effet développée en Allemagne la légende de l’empereur endormi : Charlemagne, Frédéric Barberousse ou Frédéric II selon l’époque ou l’humeur des conteurs. Et c’était visiblement une transposition germanique du mythe du roi perdu […] L’empereur Frédéric n’est pas mort. Il dort dans une grotte des montagnes de Thuringe, assis devant une table de pierre, tandis que sa barbe a fait déjà plusieurs fois le tour du pied de la table. Parfois, il se lève pour demander : « Les corbeaux volent-ils toujours autour de la montagne ? » Et le berger qui veille sur lui répond tristement : « Oui, messire ! ». L’empereur reprend alors son rêve séculaire, en attendant le jour où il portera l’Allemagne à la tête des autres peuples.
En Bohème, dans une grotte […] reposait le roi Venceslas II, mort en 1305, un prince sage et puissant qui avait réuni sous son gouvernement la Bohème, la Pologne et la Hongrie. Dans une montagne du Monténégro attendait le roi de Serbie Marko (1371-1394) qui, bien que déjà soumis à la tutelle ottomane, représenta pour les générations suivantes un vague souvenir des libertés médiévales d’antan. L’épée du roi Marko était enfoncée jusqu’à la garde dans un rocher. Ce roi de Serbie reviendrait lorsque le rocher serait tellement usé par le temps que l’épée se libérerait d’elle-même. Notons les correspondances évidentes avec Excalibur, l’épée d’Arthur.
Au Portugal cette période de rémission avant l’Erdathe ou fin du Monde devant durer mille ans, était associée au retour du roi Sébastien Ier (Dom Sebastião). Il montera sur le trône en 1568, à l’âge de quatorze ans. Le personnage est un peu particulier. Selon les points de vue, il est soit admiré, soit haï ; on voit en lui un messie, ou un maladroit (c’est un euphémisme). Pas étonnant ! On a quand même à faire, avec lui, à un très jeune adulte, de santé fragile qui plus est.
Nul ne sait avec certitude ce qu’est devenu son corps, mais ce qui est certain c’est que le peuple refusa cette disparition.
Il entre alors dans la légende et depuis porte divers surnoms : O Adormecido (L’Endormi, le roi en dormition) ou bien O Encoberto ([le Roi] Secret). Diverses légendes nous le montrent, toujours attendu, et l’imaginent revenant à la tête de la nation, afin de lui redonner sa gloire et sa puissance de jadis. Certains textes nous précisent même que cela se fera un jour de brouillard.
Le sébastianisme est un mouvement messianique alliant culture, histoire et spiritualité. Plus précisément, le sébastianisme est la continuation d’un messianisme portugais qui existait déjà depuis plusieurs siècles ; et situé à la confluence de trois grandes lignes historiques : la tradition messianique judéo-chrétienne empruntée aux Perses ; les théories millénaristes du moine cistercien Joachim de Flore ; et enfin les récits de chevalerie des mythes celtiques traitant du roi breton Arthur. Dans la noblesse portugaise (comme dans d’autres d’ailleurs), la tradition des romans de chevalerie s’est en effet longtemps perpétuée.
Au nord des Pyrénées, il s’agit du grand monarque. Les prophéties à son sujet commencent à se répandre à peu près à la même époque que celle du roi de Bretagne appelé Arthur. L’époque médiévale a été en effet particulièrement fertile en faux prophètes de toutes sortes. Outre les prédictions attribuées à Merlin l’enchanteur, il y a eu également d’autres faux prophètes, dont les vaticinations allaient toutes dans le même sens ; et annonçaient la venue d’un Grand Monarque de type messianique, venant pour sauver le monde de la destruction.. La prophétie tirée du Mirabilis Liber et attribuée à Césaire, en accord avec la plupart des prophéties sur le Grand Monarque, annonce pour la fin des temps, la venue du prince en question.
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Il existe peu de commentateurs parlant clairement du Grand Monarque qui, plus qu’un personnage, est l’incarnation d’une fonction eschatologique suprahumaine. Éric Muraise s’y hasarde pourtant, quitte à donner à sa description une connotation digne de la littérature d’anticipation ou de science-fiction. Le Grand Monarque est un prince capétien oublié nommé Henri, né à Blois et vivant depuis en Irlande (tiens ?). Il se révèle au moment où l’Europe, secouée par de très graves désordres internes, subit l’invasion simultanée ou concertée de troupes provenant d’Afrique du Nord et de l’est de l’Elbe. Un vrai scénario de politique-fiction visiblement et bêtement marqué par une « Guerre froide » dépassée. Les Russes seraient plutôt sur le même bateau que nous avec leurs Tchétchènes, ce que n’ont toujours pas compris les Européens. Voir la stupidité des réactions des intellectuels et des médias européens en août 2008 lors du conflit avec la Géorgie. Difficile d’être moins lucide et moins objectif ! Difficile d’être plus stupide ! À croire que les élites européennes (les hommes politiques et leurs amis journalistes) vivent encore comme en 1950.
Muraise extrapole à partir d’un grand nombre de prophéties et de prédictions connues. Pour un historien, affirme cet auteur français, la question n’est pas de savoir si les prophéties sont croyables ni si les rapprochements de ces prophéties avec les réalités sont légitimes, mais d’estimer leur potentiel suggestif sur les masses (cf. Gustave Le Bon et son étude sur la psychologie des foules).
Certains auteurs pensent que la « prophétie du Grand Monarque » n’a jamais existé. En introduisant ce thème dans la prophétie, on a fait apparaître le Grand Monarque comme un refondateur de la monarchie, qui ramène son peuple à la jouvence originelle, in illo tempore dirait Mircea Eliade. Mais, subrepticement, on procède alors à un glissement du thème du roi perdu à celui du roi immortel caché.
Certes, le Grand Monarque n’est pas le malheureux Arthur transporté par les fées dans l’île d’Avallon ni Frédéric Barberousse endormi sous la montagne ; veillant au long des siècles dans l’ attente du besoin de leurs peuples. Ce rôle est transposé à son lignage occulté. Mais ce qui est certain, c’est que cette trame prophétique s’appuie sur des mythèmes puissants ; le roi perdu, l’île bienheureuse, le roi du monde, le cataclysme suivi du retour à l’Âge d’or ; présents dans l’imaginaire occidental depuis des millénaires.
Même les trois fondateurs de la première alliance des cantons suisses originels en 1291 étaient réputés dormir sous le pré du Grütli *, où ils avaient prêté leur serment, au bord du lac des Quatre Cantons.
On décèle surtout dans toutes ces légendes les traits caractéristiques d’un véritable « complexe de Pénélope » : l’espoir dans le retour d’un monarque bien-aimé trop tôt disparu, un endormissement conservateur dans un endroit reculé ou protégé, un triomphe inévitable et définitif. Ce chiliasme politique semble résulter d’une laïcisation d’un millénarisme de type parousie, d’autant plus que la légende assigne au « sauveur dormant » qu’il s’éveillera lorsque son pays aura besoin de lui. [Grande] Bretagne, Bohème, Serbie ou Allemagne, mises en danger appelleront le roi disparu. Ces souverains, historiques ou archétypaux, échapperaient à l’emprise de la mort, soit afin de revenir un jour témoigner pour l’édification d’autres générations, soit pour enfin accéder à la vie éternelle. Leur sommeil ne serait qu’une longue phase protégée, qui conserverait leurs virtualités, qui réserverait leurs mérites pour un plus grand accomplissement. Ils attendraient ainsi un instant privilégié du futur où leur éveil viendrait alors émerveiller, enseigner ou secourir, les témoins de ce prodige.
Fondamentalement, le thème du roi perdu ou du roi occulté, comme de l’imam caché, symbolise l’essence sacrée de la royauté, par opposition à ses réalisations temporelles. Il assure la régénération archétypale de la fonction royale. Son occultation temporaire le soustrait à l’usure, aux forces dissolvantes qui éloignent son lignage du modèle idéal.
Chez les Celtes cette idée millénariste n’a été conservée que par les Bretons et le cycle arthurien.
Alors est-ce une hérésie, un particularisme local, ou l’ultime écho d’un mythe druidique panceltique plus ancien ? Une hérésie ou une réminiscence ?? À chacun de voir.
* Sans doute un ancien sanctuaire (nemeton) celte.
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ANNEXE N°5 : RÔLE ET VOCATION DE L’HUMANITÉ.
OPINION INDIVIDUELLE DU DRUIDE JEAN-PIERRE MARTIN SUR LA FIN DU MONDE.
La montée au ciel du Hesus Cuchulainn après sa mort (son corps s’étant revêtu de la gloire de la lon laith ou xvarnah malgré la décapitation) prouve la force invincible de la souveraineté du Destin. Donc si le Destin qui a relevé Hésus d’entre les morts, habite aussi en nous, alors il nous « ressuscitera » également nous aussi, un jour ou l’autre, en redonnant à nos corps actuellement mortels toute la gloire de sa luan laith.
L’ancien druidisme faisait allusion à cette résurrection à la fois personnelle et collective des corps (des corps et non des morts), en évoquant cette notion comme une restructuration : aredengto, d’où l’ancien gaélique erdathe.
Puisque l’Homme s’est figuré les dieu-ou-démons à sa propre image psychique et charnelle, le druidisme contient donc en lui-même cette promesse d’une transfiguration/sublimation de la chair. Et en ayant recours au terme de « chair » pour en parler, nous voulons seulement évoquer l’Homme dans sa condition de mortel affecté par une faiblesse originelle. Un point, c’est tout ! L’expression « résurrection des corps » ou « résurrection des chairs » dans notre bouche ne signifie donc pas « résurrection des corps morts » ! Mais signifie que les corps toujours en vie sur terre, au moment de l’erdathe, seront, eux aussi, transfigurés et transformés en corps glorieux ou éthérés, immortels et incorruptibles. Les combennones survivants, les autres hommes restants, ressusciteront sans passer par la mort, et ce dans leur propre chair, mais ce sera une chair spiritualisée, sublimée, idéale, de rêve, semblable à celle des dieu-ou-démons (le zoroastrisme parlait de xvarnah dans ce cas).
Dans l’état actuel de nos connaissances, il nous est bien entendu impossible de décrire exactement ce que sera cette transformation, cet avènement du fils de l’Homme (du successeur de l’Homme, du Surhomme). Cela reviendrait à discuter du sexe des anges. Il est vrai que pour les druides, c’était surtout des femmes, mais enfin…
Cette résurrection des corps s’inscrit dans le cadre du Millenium à venir, tout entier œuvre de la puissance du Tokad (du Destin) et semblable à une extraordinaire rémission juste avant la fin de ce cycle. Si ceci n’est pas encore fait, puisque les hommes meurent, toujours et encore, et que leurs corps se décomposent toujours dans la tombe, cela ne prouve pas que tout cela est faux.
Les dieux sont les premiers-nés de cette surhumanité, leur exemple nous tire vers le haut et nous partageons déjà avec eux, après notre mort, le monde blanc du Vindobitu.
Au-delà de la destinée individuelle des hommes, le druidisme pense qu’il existera aussi un autre accomplissement ultime de l’Humanité. L’avènement du Surhomme, fils de l’Homme néanmoins, dans une restauration générale et universelle (apocatastase) exprimant la dimension collective et exhaustive du salut (Aredengto, d’où erdathe).
La question qui se pose alors, vu le caractère exhaustif de cet éveil, est la suivante : que restera-t-il dans ces conditions du bien et du mal, face à cette réalité incontournable de la restauration universelle de tout ? La réalité (à venir, il est vrai) de cette restauration générale et universelle, rétablissant le sens perdu de toute réalité suscitée, par-delà le Bien et le Mal ; nous oblige à considérer comme très relatifs les jugements moraux que l’Homme peut porter sur lui-même ou sur les autres. Voilà pourquoi les druides recommandent fermement de ne jamais juger trop vite et d’être très prudent avec les notions de Bien ou de Mal. Seule la fin du cycle révélera la valeur réelle et durable de tout ce qu’il y a eu de bien et de mal dans les hommes et dans le monde.
Cette fin de cycle, que nous ne devons pas chercher à nous représenter trop précisément, avec trop de détails puérilement anthropomorphiques, ne doit cependant pas être attendue passivement. Ce retour des dieu-ou-démons dans toute leur gloire (luan laith), nous devons l’accélérer en travaillant à rendre le monde toujours plus conforme à sa destinée, toujours plus conforme aux lois cosmiques universelles, que le druidisme nous a fait découvrir.
Les druides ont pensé qu’un jour ou l’autre les âmes, elles aussi, disparaîtraient, à la fin de ce cycle et lors de la fin de notre monde, dans x milliards d’années. Mais la fin définitive de ce cycle ne pourra en survenir que quand l’awenyddio ou les limbes (réservoir des âmes) auront été vidés de leur contenu.
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D’où la remarque de Strabon IV, 4 : « Ces druides, et d’autres comme eux, professent que les âmes sont indestructibles, le monde aussi, mais qu’un jour pourtant régneront seuls le feu et l’eau ». La citation de Strabon est très claire : les âmes vivent encore très longtemps après la mort, mais absolument pas pour l’éternité, car un jour seuls le feu et l’eau régneront.
Conformément au principe de liberté ou de libre pensée du druidisme, voici maintenant quelques formulations que nous allons survoler, un peu comme une gageure.
Premières approches druidiques de la Quête personnelle.
Pour épurer la matière, le monde est nécessaire, car seul le temps peut venir à bout de la matière. Depuis l’Œuf cosmique primordial, l’univers n’a pas cessé d’évoluer, l’Esprit s’est lentement dégagé de la gangue qui l’étouffait, l’empêchait de réfléchir, autrement dit d’agir. Il peut parvenir au degré supérieur et participer lui-même à la transformation de l’univers. Car la charge de l’Univers revient à chacun des êtres qui le composent. En langage sociologique, on traduirait cela par le terme autogestion. Mais pour que toute autogestion soit efficace, il faut qu’il y ait d’abord conscience de l’Unité du Tout dans ses diversités apparentes. Chaque manquement, chaque faiblesse, chaque erreur, sont autant de retards à l’élan évolutif universel.
Cela suppose évidemment une notion dont on ne fait plus grand cas de nos jours, celle de responsabilité individuelle. Être libre suppose la pleine conscience des causes et des effets de ses actes, et leur totale prise en charge. Cela est valable sur le plan moral comme sur le plan de la vie quotidienne, ou sur le plan métaphysique.
C’est ce qu’avaient compris les gnostiques d’Occident jadis. Mais en refusant toute notion de péché, ils n’ont pas pour autant éliminé toute idée de responsabilité. S’il n’y a pas de châtiment dans l’Autre-Monde, chacun assume pourtant ses actes d’une façon ou d’une autre, et en subit lui-même les conséquences. Car le problème de l’imperfection du monde subsiste. Placé en face des réalités supérieures qui le dépassent, le gdonios (l’être humain) ne sait pas toujours comment agir ou réagir. Il ne participe pas pleinement alors à l’agir universel. D’où le Mal métaphysique.
Métaphysique et non ayant une réalité en soi, comme dans le judéo-islamo-christianisme, car si tous les êtres savaient, c’est-à-dire pouvaient, utiliser leur pensée au maximum, notre cycle pourrait être accompli.
Les druides n’ont jamais fait de la Terre un paradis comme dans les légendes bibliques, d’ailleurs en grande partie empruntées aux mythes mésopotamiens ou iraniens.
Soyons un peu monganiens, que diable, et appelons bien ces récits vétérotestamentaires par leur nom, ce sont des mythes ! Mais le monde de ce cycle est quand même nécessaire à la victoire finale de l’Esprit ou de l’Âme, car celle-ci ne pourra se faire que par l’intermédiaire des êtres humains.
L’attitude druidique n’est pas une attitude passive comme celle des Orientaux qui se contentent de dénoncer la Fata Morgana c’est-à-dire l’illusion du monde (en prônant le renoncement comme seule source d’harmonie et de joie)
En prônant le dépassement de soi comme source d’harmonie et de joie, l’attitude druidique est tournée vers l’action : chaque être humain a un rôle à jouer pour parfaire le monde, pour le parachever, mais cet achèvement ne pourra être obtenu que par l’action individuelle au sein d’une action collective.
Pour ce qui est du corps en tout cas, les druides, bien avant Darwin, avaient compris qu’il était de nature essentiellement terrestre ainsi que nous avons pu le voir. César VI, 16-18 : « Ils prétendent descendre du Dis qui habite sous la terre et ils disent que c’est une croyance transmise par les druides ».
Cette brève remarque de César donne un début d’explication à toute une partie manquante de la doctrine druidique, celle du cycle des corps humains faisant pendant au cycle des âmes. L’impression se dégage qu’à l’intérieur de la sphère cosmique, à laquelle participaient les âmes, se trouvait une sphère terrestre animée par un cycle des corps, retournant à la terre, et donnant naissance à de nouveaux êtres. En un perpétuel mouvement reproduisant à plus petite échelle celui de l’univers.
« Divinis humana licet componere ». « Aux choses divines, on peut comparer les choses humaines » (Ausone, sur l’emploi du mot libra).
L’anamone doublée du menman, ou homme intérieur, est raison, intelligence, réflexion, capable de distinguer la vie et la vérité, le mieux et le bien, etc. Mais si le Gdonios (l’Homme, littéralement le Chtonien, grec Khthônios) est animé par le désir de faire mieux, il ne réussit pas toujours dans cette voie. Il n’a pas la force des dieu-ou-démons. Ce qui est à la portée de tout le monde, c’est la
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médiocrité. Chacun de nous peut s’y complaire sans problème, vu cette faiblesse congénitale inhérente à l’être humain (cf. la maladie des Ulates).
L’Homme veut le mieux, le vrai, le juste, le bon, et ainsi de suite, mais sans pouvoir les réaliser, car il n’a pas un corps, il est aussi un corps, et la chair est faible. Cette tension perpétuelle est au cœur du drame humain, d’où sa grandeur tragique. Les six portes divines (divodora) de la druidiactio antique, avaient pour seul but de faire échapper l’Homme à cette faiblesse originelle, mortelle. Qui l’empêche de participer à la toute-puissance du destin et de ses auxiliaires, les dieu-ou-démons.
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POSTFACE À LA JOHN TOLAND.
Les pseudo-druides à la filiation initiatique mirobolante (la fameuse et inénarrable tradition primordiale) s’étant multipliés depuis quelque temps ; il nous a paru nécessaire de mettre à la disposition de tout un chacun ces quelques notes, hâtivement rédigées un soir de novembre, afin de donner à nos lecteurs envie d’en savoir plus sur le vrai druidisme. Ce travail se veut honnête, mais en aucune façon neutre. Il s’est donné pour objectif de défendre ou de réhabiliter la cluto (renommée) de cette antique religion.
Rien ne remplace la méditation personnelle y compris sur les lais obscurs ou incompréhensibles parsemant ces livres et qui ont été insérés à dessein afin de vous obliger à réfléchir pour trouver votre propre voie. Ces livres ne sont pas des dogmes à suivre aveuglément et à la lettre. Ainsi que vous le savez sans doute, il faut se méfier comme de la peste de la lettre. La lettre tue, seul l’esprit vivifie. Rien ne remplace non plus l’expérience personnelle et c’est en cheminant que l’on trouve le chemin. Ne comptez donc que sur vos propres forces pour cette quête du Graal. Ce qui compte c’est l’attitude à adopter dans la vie et non les détails du dogme. Le druidisme a moins d’importance que la druidiaction (Jean-Pierre Martin).
Ces quelques feuillets griffonnés à la va-vite ne sont néanmoins en aucune façon LES LIVRES À LIRE SUR LE SUJET, ils n’en sont qu’un pâle reflet. La seule bibliothèque druidique digne de ce nom n’est pas en effet composée de seulement 12 (ou 27) livres, mais de plusieurs centaines.
Les quelques opuscules constituant cette mini-bibliothèque ne constituent pas un approfondissement et ne sont que quelques manuels destinés aux écoliers du druidisme. Ces résumés simplifiés destinés aux cours primaires de druidisme, seront remplacés par des cours d’un niveau quelque peu supérieur, pour ceux qui voudront vraiment l’étudier de façon plus pertinente.
Cette petite bibliothèque est par conséquent un premier essai d’adaptation (destinée aux jeunes adultes) des diverses réflexions sur le savoir et la vérité druidiques, auxquelles ont abouti les premiers résultats de la nouvelle laïcité positive et ouverte, mondiale, en train de s’instaurer.
À la différence du judaïsme, du christianisme, et de l’islam, qui fourmillent littéralement, à propos de l’Être supérieur, d’anthropomorphismes puérils pris au pied de la lettre (fondamentalisme) ; notre druidisme, lui, n’en utilisera que très peu, et s’en tiendra, en ce domaine, au minimum absolu.
Mais pour parler de Dieu-ou-Diable nous allons bien être obligés, nous aussi, d’utiliser un langage, et donc un certain nombre de ces anthropomorphismes. Ou alors il faudrait totalement renoncer à en discuter.
Ce premier rayon de notre future bibliothèque consacrée au sujet a pour objet de montrer avec précision l’harmonieuse authenticité de la volonté et du savoir néo-druidiques. De montrer à quel point ses grandes thèses actuelles ont des racines anciennes, car la Mythologie, c’est notre Bible à nous. Les adaptations de ce bref exposé, exigées par les différences de culture, d’âge, de maturité spirituelle, de situation sociale, etc. seront à faire par les druides concernés (les vellèdes et les autres ?).
À noter cependant. Important ! Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, ne sont pas (en vrac).
Une révélation divine. Une loi (toujours aussi divine). Une loi (profane ou laïque). Une loi (scientifique). Un dogme. Un Ordre ? Ce que je cherche surtout à faire partager c’est un état d’esprit, rien de plus. Ainsi que l’a très bien dit un jour notre vieux maître :
« NOTRE CIVILISATION N’A PAS LE CHOIX : CE SERA LE CELTISME OU CE SERA LA MORT » (P. Lance).
Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, sont. Du rêve. Une aventure. Un voyage. Une évasion. Un cri de révolte contre la laideur morale et matérielle de cette société.
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Une tentative d’atteindre à l’universel en partant du particulier. Un défi. Un obstacle fécond à surmonter. Une incitation à la réflexion. Un guide pour l’action. Une carte. Un plan. Une boussole. Une étoile polaire ou l’étoile du berger là-haut dans la montagne. Un feu la nuit dans une clairière ?
Ce que le rassembleur de ce noyau de bibliothèque, Pierre de La Crau, n’est pas.
— Un dieu.
— Un demi-dieu.
— Un quart de dieu.
— Un petit saint.
— Un philosophe (reconnu, officiel, et breveté ou patenté, comme ceux qui passent à la télévision. Sauf évidemment à prendre le terme en son sens originel, qui est celui d’amateur de sagesse et de savoir).
Ce qu’il est : un homme, et rien de ce qui est humain ne lui est donc étranger. Pierre de la Crau n’a aucun pouvoir surhumain ou exceptionnel. Rien de ce qu’il a dit écrit ou fait ne saurait avoir de valeur intemporelle. Tout au plus espère-t-il que son extrême lucidité à propos de notre société et de son idéologie dominante (voir ses philosophes officiels, ses journalistes, ses masses médias et le politiquement correct des bien-pensants) ; ainsi que son non-conformisme, et son franc-parler, alliés à un solide esprit de contradiction (qui lui ont d’ailleurs valu pas mal de déboires ou d’avanies) ; pourront être utiles.
La présente petite bibliothèque pour débutant « contient la dose d’humanité exigée par l’état actuel de la civilisation » (Henri Lizeray). Elle n’est d’ailleurs qu’un rassemblement de matériau attendant l’architecte ou le maçon ad hoc.
Prochainement paraîtra toute une série de fascicules approfondissant ces éléments de base. Cette présentation différente du savoir druidique préservera néanmoins l’unité et la profonde harmonie entre ces divers exposés d’un seul et même paganisme philosophique et réfléchi : une spiritualité digne de notre époque, une spiritualité pour notre époque.
Cas des traductions dans une langue étrangère (espagnol, allemand, italien, polonais, etc.)
Les fautes d’orthographe de grammaire de style, ainsi que l’écriture des noms propres, pourront être corrigées. Toute autre amélioration du texte pourra également être apportée si nécessaire (par ajout suppression ou modification, de détails) ; Pierre de La Crau ayant toujours regretté de ne pouvoir atteindre à la perfection en ce domaine. Mais à condition de n’altérer ni trahir en rien la pensée de l’auteur de cette compilation raisonnée. Toute illustration sans légende peut être changée. De nouvelles illustrations peuvent être apportées. Mais les illustrations ayant une légende ne devront être qu’améliorées (par substitution d’une bonne photo à un mauvais croquis par exemple ?)
Il va de soi que le coordonnateur de cette rapide et sommaire compilation raisonnée, Pierre de La Crau, ne prétend nullement avoir inventé (ou découvert) lui-même, tout ceci ; qu’il ne prétend en aucune façon que ceci est le fruit de ses recherches personnelles (sur le terrain ou en bibliothèque). Ce qui suit est en effet essentiellement issu des excellents ouvrages ou sites internet référencés en bibliographie et dont la consultation directe est fortement recommandée. Nous n’insisterons jamais assez sur notre volonté de ne pas être les hommes d’un livre (du Livre), mais d’au moins douze, comme les Fénianes d’Irlande, pour d’évidentes raisons d’ouverture d’esprit, la vérité étant notre seule religion.
Encore une fois, répétons-le ; le coordonnateur de la mise par écrit de ces quelques notes hâtivement jetées sur le papier ne prétend nullement avoir passé sa vie dans la poussière des bibliothèques ; ou sur le terrain, dans la boue des fouilles archéologiques de sauvetage ; afin d’exhumer des témoignages inédits sur le passé de l’Irlande (ou du Pays de Galles ou des Indes ou de la Chine ?)
PIERRE DE LA CRAU NE SE VEUT DONC EN AUCUNE FAÇON L’AUTEUR DES TEXTES QUI PRÉCÈDENT.
IL N’ESSAIE NULLEMENT DE S’EN ATTRIBUER LES MÉRITES. Il n’en est que l’éditeur ou le compilateur. Il s’agit pour la plupart de documents diffusés sur internet à quelques exceptions près. IL EN REVENDIQUE PAR CONTRE TOUS LES DÉFAUTS ET TOUTES LES INSUFFISANCES. Pierre de La Crau ne revendique qu’une chose, les fautes erreurs ou imperfections diverses de ce livre. Lui
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seul est à blâmer dans ce cas. Mais il fait confiance à ses contemporains (la nature humaine étant ce qu’elle est) pour les lui signaler avec vigueur.
Note retrouvée par les héritiers de Pierre de La Crau et insérée par eux à cet endroit.
J’avoue tout de suite afin de faciliter le travail de mes juges que les hommes comme moi étaient chrétiens à Rome sous Néron, païens à Jérusalem, sorciers à Salem, hérétiques anglais, catholiques irlandais, et aujourd’hui racistes, sexistes, homophobes, islamophobes, en attendant d’être demain koufar ou de nouveau chrétien l’antéchrist le plus bestial de toutes les apocalypses, etc. Bref ainsi qu’on l’aura compris je suis pour le néant la mort la maladie la souffrance……
Par respect pour l’Humanité, afin de gagner du temps, et ne pas lui en faire perdre, je vais faciliter le travail de ceux qui tiennent absolument à être du bon côté de la barrière en combattant (héroïquement bien sûr) afin de sauver le monde de mes griffes (mes idées ou mes penchants, mes tendances).
À ces courageux et implacables détracteurs, dont la profondeur de réflexion digne d’un marquis de Vauvenargues n’a d’égale que l’ampleur de la culture générale d’un Pic de la Mirandole, je dis…
Prenez une feuille de papier, un traitement de texte si vous préférez, mettez-y par ordre d’importance les 20 caractéristiques qui vous semblent les plus graves, les plus odieuses, les plus haïssables, dans l’histoire de l’Humanité, depuis les hommes préhistoriques et Nabuchodonosor, selon vous… ET DITES-VOUS BIEN QUE JE SUIS TOUT LE CONTRAIRE DE VOUS, CAR JE LES AI TOUTES !
On a toujours besoin de boucs émissaires ! Hérétique au Moyen-âge, sorcière à Salem au 17siècle, raciste au 20e siècle, lézard extraterrestre au 21e, je suis l’homme que vous aimerez haïr pour vous sentir meilleur (gentils et intelligents).
Je suis au choix et dans l’ordre d’importance que vous voulez : athée, sataniste, stupide, mongolien, bestial, homosexuel, pervers, homophobe, communiste, nazi, sexiste, philatéliste, menteur pathologique, voleur, suffisant, psychopathe, un monstre d’orgueil faussement modeste, et que sais-je encore, à vous de voir suivant la mode du moment.
Voilà, je ne peux pas faire mieux (pour vous aider à sauver le monde).
[À la différence de mes contempteurs qui sont tous des gens bien, c’est-à-dire jeunes ou modernes et dynamiques, courageux, positifs, gentils, intelligents, instruits, ou du moins qui savent ; faisant preuve de beaucoup de recul dans leur méditation en profondeur sur les tendances lourdes de l’Histoire ; et sur le plan moral ou éthique : généreux, altruistes, mais pauvres évidemment (c’est là leur seul défaut), car donnant tout aux autres ; en outre profondément respectueux de la volonté de Dieu et de la Constitution…
Moi je suis un vieux réactionnaire ankylosé, conformiste, déconnecté de son temps, parano, schizophrène, incohérent, capricieux, jamais content, méchant, bête, n’ayant fait aucune étude ou du moins ignorant tout sur le sujet en question ; coutumier des jugements à l’emporte-pièce fondés sur des préjugés dénués de toute réflexion ; égoïste et riche ; suppôt de Satan et nazo-bolchevick ou stalino-hitlérien de nature. On disait hitléro-trotskiste quand j’étais jeune. En bref un criminel psychopathe dès le petit-déjeuner… ce qui me permet donc de penser ce que je veux, mes critiques aussi d’ailleurs, et d’essayer de le faire savoir à la cantonade].
Signé : le coordonnateur des travaux, Pierre de la Crau dit Hésunertus, chercheur en druidisme. Un homme à qui rien de ce qui est humain ne fut étranger. Chômeur, facteur, divorcé, sans domicile fixe, vagabond, contribuable, justiciable, et électeur cocufié… bref un des neuf milliards d’êtres humains ayant transité sur ce vaisseau spatial donc. Né sur la planète Terre le 13 janvier 1952.
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BIBLIOGRAPHIE DES GRANDES LIGNES.
Pour ce qui est de la bibliographie des détails voir annexe de la dernière leçon, car, comme le dit si bien Henri Lizeray, les traditions, ça doit s’interpréter. C’est là toute la différence qu’il peut y avoir entre ancien druidisme et néo-druidisme.
Le Lebar gabala ou Livre des invasions. Paris 1884 (William O’Dwyer)
Base de l’église druidique. Le druidisme restauré. Henri Lizeray, Paris, 1885.
Les traditions nationales retrouvées. Paris 1892.
Aesus ou la doctrine secrète des druides. Paris 1902.
Ogmios ou Orphée. Paris 1903.
TABLE DES MATIÈRES.
Imbas forosnai
Les différentes conceptions du processus d’animation (le fait d’avoir une âme)
La doctrine druidique du circuit des âmes
Conclusion
DOCUMENT DE TRAVAIL N° 1 : de Newport à Conanicut
La triade corps-âme-esprit.
Précisions pour comprendre le document précédent.
De l’âme et de l’esprit, individuels
Le bran
L’anamon ou âme individuelle
Le menman
L’âme et l’esprit après la mort du corps
Le seibaros ou périsprit
De l’utilité des prières pour les grands ancêtres
L’éternelle communion des vivants et des morts
En résumé
ÉLÉMENTS D’ESCHATOLOGIE
ESCHATOLOGIE INDIVIDUELLE
Et si finalement Juifs et témoins de Jéhovah avaient raison ?
Rappel sur le side ou autre monde des dieux et des morts
selon les anciens druides
Le mythe ou le rêve des super héros
La lumière des héros
Mais l’esprit est prompt et la chair est faible
De la détermination à l’autonomie
De l’autonomie ou de la liberté donc dans les choix faits quotidiennement.
Rappel sur le voyage de l’âme après la mort
Paradis enfer et Purgatoire
La réponse druidique : ni enfer ni purgatoire !
Mais encore une fois : de l’utilité de la légende de la mort.
ESCHATOLOGIE COLLECTIVE.
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Document de travail N° 2
Document de travail N° 3
Réflexion sur la décadence
Décadence et fin de cycle selon les druides
La fin du monde selon les anciens druides
Mort et fin du monde ou plus exactement de ce monde, de ce cycle ? Renaissance et réincarnation du monde
Le Retour des dieux ou le ré-enchantement du monde.
Réflexion sur l’esse ou double spirale
Document de travail N° 4 : le néo-druide Allan Kardec.
Commentaire sur le point de vue dissident du néo-druide Allan Kardec
LA PRATIQUE RELIGIEUSE.
Les grands principes directeurs.
Monisme et relativisme
Rappel sur l’esprit et la lettre, l’oral et l’écrit.
Cantamantaloedisme
Retour à la terminologie
Épilogue.
ANNEXES.
Annexe N° 1 : L’âme dans l’Ancien Testament
Annexe N° 2 : Réflexion du swami Vivekananda à propos de l’âme
Annexe N°3 : Note sur l’origine a contrario de l’idée de ré-enchantement désirable du monde
Annexe N° 4 : La version laïque du retour de Dieu ou des dieux
Annexe N° 5 : Rôle et vocation de l’Humanité.
Postface à la John Toland.
Bibliographie des grandes lignes
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DU MÊME AUTEUR.
1. Citations des auteurs antiques parlant des Celtes ou des druides.
2. Généralités liminaires diverses sur les Celtes.
3. Histoire du pacte avec les dieux tome 1.
4. La Bible du druidisme : histoire du pacte avec les dieux tome 2.
5. Histoire du pacte avec les dieux tome 3.
6. Histoire de la paix avec les dieux tome 4.
7. Histoire de la paix avec les dieux tome 5.
8. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 1.
9. Textes apocryphes irlandais.
10. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 2.
11. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande Science qui illumine » tome 3.
12. Les cent voies du paganisme. Science et philosophie tome 1 (mythologie druidique).
13. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 2 (mythologie druidique).
14. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 3 (mythologie druidique).
15. Le grand Camminus : éléments de théologie druidique tome 1.
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16. Le grand catéchisme : éléments de théologie druidique tome 2.
17. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 1.
18. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 2.
19. Mystagogie ou théâtre sacré des Celtes antiques.
20. Poèmes celtes.
21. Le génie du paganisme celte tome 1.
22. Le complexe de Roland.
23. Au pied de la lanterne des morts.
24. Les secrets du vieux druide de la forêt ménapienne.
25. Le génie du paganisme celte tome 2 (liberté réciprocité simplicité).
26. Rhétorique : la trahison des clercs).
27. Petit dictionnaire de théologie druidique tome 1.
28. Des philosophes antiques au druide irlandais.
29. Judaïsme christianisme et islam : première partie.
30. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 1.
31. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome2.
32. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 3.
33. Troisième partie tome 1 : Qu’est-ce que l’Islam ? Bref historique de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
34. Troisième partie tome 2 : Qu’est-ce que l’Islam ? Premières approches de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
35. Troisième partie tome 3 : Qu’est-ce que l’Islam ? Les 5 vrais piliers de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
36. Troisième partie tome 4 : Qu’est-ce que l’Islam ? Coups de sonde dans l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
37. Couiro anmenion ou Petit dictionnaire de théologie druidique tome 2.
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