« Cormac… disait qu’il n’adorait ni les pierres ni les arbres, mais qu’il adorait seulement celui qui les avait faits, le maître des éléments. Celui qui fait pousser les arbres… c’est-à-dire le Dieu Unique ». (Lebor na hUidre, Livre de la vache brune, fol. 50 b, page 127).En d’autres termes.
— Il n’y a pas d’autre dieu que Dieu, dit le Judéo-islamo-Christianisme. Vous sculptez un morceau de bois, et vous l’appelez dieu. Mais c’est toujours un morceau de bois.
— Oui, répond Cormac, c’est en effet toujours un morceau de bois. Mais l’arbre dont il provient a été créé par Dieu, de même en vérité que tous les dieux inférieurs. Mais, il les a créés pour être ses agents dans le monde, afin que nous puissions l’approcher à travers eux.
Objets inanimés avez-vous une âme ?? Pour les très-sachants, il n’y a pas de différence absolue entre le monde des êtres ayant une âme et le monde des choses inanimées. Monde des êtres ayant une âme et monde des choses inanimées sont unis dans une seule et même réalité qui est l’Existence. Ce qui a une âme EST, mais c’est le cas aussi de l’inanimé. Dans cette conception du monde (Weltanschauung), l’être, qu’il soit humain, végétal, animal, métal, ou pierre, qu’il vive ou qu’il meure, est toujours animé d’une force. Chaque force a sa place dans une hiérarchie qui va du grain de sable à l’Être supérieur, du visible à l’invisible, de l’audible à l’inaudible.
Autrement dit, une religion moniste fondamentalement axée sur la nature : pluie, vent, eau, animaux, plantes. L’initié peut communiquer avec les objets inanimés ou vice-versa, voire les animaux, surtout si l’ours n’est pas seulement le roi de la forêt, mais, par exemple, le totem de la famille Matugenus.
Tout cela rendait le monde plus facile à comprendre que s’il était régi par des forces impersonnelles et capricieuses, complètement indifférentes au sort des hommes. Avoir des dieu-ou-démons même cruels est préférable au chaos. Et des dieu-ou-démons personnels comme le christ le messie des Hébreux ou Mahomet, rendent le monde plus supportable, en valorisant la condition humaine.
Comme le christ ou le messie des judéo-chrétiens donc, ces forces de la nature peuvent revêtir une apparence humaine. Les dieu-ou-démons de l’ancien druidisme, tels que les décrivent nos mythes, sont des êtres actifs, intervenant volontiers dans les affaires humaines.
Ils sont protecteurs, défenseurs, pourvoyeurs, nourriciers, secourables et ainsi de suite. Voir la longue liste de leurs épithètes ou de leurs attributs, léguée par l’interpretatio romana. Iovantucarus, virotutis, anextiomarus, contrebis ou contrebus (qui habite avec nous, qui vit avec nous, un peu comme un voisin, etc. cf. gallois cantref, communauté locale) ; mais plusieurs d’entre eux sont souvent assez ambivalents, voire dangereux.
Les entités non humaines ou surhumaines nommées par les gnostiques d’Occident matres, ou matrone, sont réparties en quatre grandes catégories de fées.
Celles qui sont affectées à un détail de la nature, qui peut être une montagne ou une forêt, voire des arbres, mais surtout des sources. La terminaison nehae indique la nature aquatique des fées en question. Nous pouvons ainsi considérer comme fées de sources : les Matronae Cuchaeneae (C. I. L., XIII, 7923, 24), Rumanehae (C. I. L., XIII, 7869-8027, 28), Vesuniahenae (C. I. L., XIII, 7850, 54, 7925), Albiahenae (C. I. L., XIII, 7933-36) en pays rhénans ; les Matres Gerudatiae (C. I. L., XII, 505), Almahae (C. I. L., XII, 330), Ubelnae (C. I. L., XII, 333) en Narbonnaise ; les Matres Augustae Eburnicae, en Lyonnaise (Revue épigraphique, III, p. 49, n° 1220).
Celles qui protègent les lieux habités, villages ou villes. Leur universalité recouvre l’intégralité du monde celtique, voire indo-européen. C’est pour cette raison qu’elles sont régionalisées : Matres Treverae : pays des Trévires en Allemagne ; Matres Vediantia : pays des Vediantes de Nice. Elles ont été christianisées en Notre-Dame.
Celles qui constituent les génies de la famille, les fées de type matres mopates ou matres nedsamae (proxumae en latin) qui sont en quelque sorte des vierges à l’enfant, et dont le rapport avec la fertilité, la fécondité, ou la famille est évident (le mariage homosexuel ne s’était pas encore imposé). D’autres appellations, fréquentes en Narbonnaise, traduisent des qualités particulières ou bien des rapports affectifs entre les Mères (sic) et leurs adorateurs.
Les « Très Proches » (Nessamai en celte) ne sont-elles pas conçues par le croyant comme des protectrices de tous les instants ? Les matres lubicae ou matres nessamae sont de bonnes fées jouant un peu le rôle d’ange gardien des individus. Aux niveaux inférieurs, protection de la famille et protection du lieu habité (du foyer) se sont toujours rejointes.
Alisanos est probablement le dieu-ou-démon du « rocher », Ialonus celui de la clairière ou « du champ cultivé ». Il s’agit de dieu-ou-démons tutélaires, enracinés dans le lieu même, propres à une collectivité restreinte, un village ou même un hameau.