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HISTOIRE DE LA PAIX AVEC LES DIEUX.
Tome V.
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HISTOIRE DU PACTE AVEC LES DIEUX.
Tome V.
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AVERTISSEMENT AU LECTEUR.
« Honorer les dieux, ne rien faire de mal et être un homme un vrai ».
Vies et doctrines des philosophes célèbres. Livre I, prologue 6.
(Diogène Laerce.)
« Petit à petit nous oublions nos mythes et nos légendes.
En les oubliant, nous nous coupons de nos racines
Et nous perdons ainsi une partie de notre identité.
Les mythes et les légendes,
Pour peu que nous soyons dans l’attitude qui convient
En les découvrant sous les voiles de la poésie,
Expliquent le monde, la vie, la nature humaine,
Ses troubles et ses immenses possibilités.
Chante harpe du cœur !
Raconte les frémissements des eaux virginales,
La gloire de la Déesse, Mère des ondes
Et les convulsions de la naissance du monde ».
(Pierre Duchêne).
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ODE AUX TRÈS-SACHANTS.
La moitié du malheur de l’Humanité vient du fait que, il y a plusieurs milliers d’années, quelque part au Moyen-Orient, des peuples de par leur langue ont conçu la spiritualité ou la mystique…
— Non comme une quête de sens, d’espoir ou de libération avec les concepts qui s’y rattachent (distinction opposition ou différence entre matière et esprit, éthique, discipline personnelle, philanthropie, vie après la vie, méditation, quête du Graal, pratiques…).
— Mais comme une loi (DIN) gigantesque et protéiforme devant régir la vie quotidienne des hommes avec tout ce que cela implique.
Des obligations ou des interdits que tout un chacun doit respecter jour et nuit.
Des infractions ou des contraventions à cette multitude d’interdits quand ils ne sont pas suivis à la lettre.
Des jugements quand une ou plusieurs de ces lois sont violées.
Des condamnations. Pour les coupables.
Des non-lieux ou des relaxes pour les innocents APPELÉS JUSTES…
CETTE CONFUSION ENTRE LE NUMINEUX ET LE RELIGIEUX PUIS ENTRE LE SACRE ET LE PROFANE NOUS POURRIT LA VIE DEPUIS 4000 ANS VIA ISRAËL ET SURTOUT LES NOUVEAUX ISRAËL QUE VEULENT ÊTRE LE CHRISTIANISME ET L’ISLAM.
Le principe de base de notre Ollotouta nous a été donné, il y a longtemps déjà, par notre maître à tous en ce domaine ; le grand barde gaélique fondateur de la Libre-pensée moderne, que l’on évoque habituellement sous le nom anglicisé de John Toland. Il ne peut pas y avoir par définition de choses contraires à la Raison dans de Saintes Écritures émanant vraiment du Divin.
S’il y en a, il s’agit alors, soit d’erreurs, soit de mensonges !
Ou il n’y a aucun mystère, ou alors il ne s’agit en aucune façon d’une révélation divine !
Il n’y a aucun moyen terme…
Nous ne reconnaissons pas d’autre orthodoxie que celle de la Vérité, car, où qu’elle soit en ce monde, doit également se tenir, nous en sommes totalement convaincus, l’Église de Dieu, et pas celle de telle ou telle faction humaine… Nous sommes par conséquent partisans de ne faire aucun quartier à l’erreur sous quelque prétexte que ce soit, chaque fois que nous aurons la possibilité ou l’occasion de l’exposer sous ses vraies couleurs.
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1696. Le christianisme sans mystère.
1702. Vindicius Liberus. Réponse de John Toland aux détracteurs de son « christianisme sans mystère ».
1704. Lettres à Serena contenant l’origine de l’idolâtrie et les raisons du paganisme, l’histoire de la doctrine de l’immortalité de l’âme chez les païens, etc. (Version baron d’Holbach, un philosophe allemand.)
1705. Le vrai socinianisme * en tant qu’exemple de débat courtois en matière de théologie *.
Précédé de l’Indifférence dans les disputes, recommandée par un panthéiste à un ami orthodoxe.
1709. Adeisidaemon ou l’homme sans superstition. Les origines juives.
1712. Lettre contre le papisme, et en particulier contre le fait d’admettre l’autorité des Pères ou des Conciles dans les controverses religieuses, par Sophie Charlotte de Prusse.
1714. Défense des juifs, victimes des préjugés antisémites, et plaidoyer pour leur naturalisation.
1718. Le destin de Rome, des papes, et la fameuse prophétie de saint Malachie, archevêque d’Armagh au treizième siècle.
Nazarenus ou le christianisme juif, goy, et mahométan (version d’Holbach), contenant :
I.L’histoire de l’ancien évangile de Barnabé, ainsi que le moderne évangile apocryphe des mahométans, attribué à ce même apôtre.
II. Le projet original du christianisme expliqué par l’histoire des Nazaréens, résolvant du même coup diverses polémiques à propos de cette divine (mais si hautement pervertie) institution.
III. L’analyse d’un manuscrit des quatre Évangiles irlandais avec un résumé de l’ancien christianisme d’Irlande et de ce que fut la réalité des culdées (un ordre mi-laïc, mi-religieux opposé aux deux derniers évêques de Worcester).
1720. Pantheisticon, sive formula celebrandae sodalitatis socraticae.
Tetradymus.
I. Hodegus. La colonne de feu et de nuée qui a guidé les israélites dans le désert n’était pas un miracle, mais, comme le relate précisément l’Exode, une pratique également connue des autres nations ; et dans ces contrées non seulement utile, mais même nécessaire.
Il. Clidophorus.
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III. Hypatie ou l’histoire de la plus belle, de la plus vertueuse, de la plus instruite, de la plus accomplie des femmes ; qui fut lapidée par le clergé d’Alexandrie, afin de satisfaire l’orgueil, l’ambition, voire la cruauté, de l’archevêque Cyrille, communément, mais très improprement, appelé saint Cyrille.
1726. Histoire critique de la religion celte, contenant un aperçu sur les druides, ou les prêtres et les juges, sur les vates, ou les devins et médecins, et enfin sur les bardes, ou les poètes ; des anciens Bretons, Irlandais ou Écossais. Avec en plus l’histoire d’Abaris l’Hyperboréen, prêtre du soleil.
Un spécimen de la langue armoricaine (dictionnaire breton, irlandais, latin).
1726. Compte-rendu du livre de Giordano Bruno, sur l’infini de l’univers et la pluralité des mondes, traduit de l’édition italienne.
1751. Le Panthéisticon ou le mode de célébration de la société socratique. S. Paterson Londres. Traduction du livre publié en 1720.
« Le Druidisme » est une revue indépendante (indépendante de toute association religieuse ou politique) et qui n’a qu’un seul but : la recherche théorique ou fondamentale en matière de néopaganisme. La double question à laquelle essaie de répondre cette revue d’études théoriques pourrait se résumer ainsi :
« Que pourrait être ou que devrait être, un néo-druidisme actuel, moderne et contemporain ? »
Le « Druidisme » est une revue néopaïenne, strictement néopaïenne, héritière de tous les mouvements authentiques (c’est-à-dire non chrétiens) qui se sont succédé depuis deux mille ans, l’héritière indirecte, mais l’héritière, quand même !
À propos de notre tradition de référence ou de notre filiation intellectuelle soulignons que si les « poètes » du royaume de Domnall mac Muirchertach Ua Néill avaient toujours les imbas forosnai, les teimn laegda ainsi que les dichetal do chennaib 1) à leur répertoire ((cf. la conclusion de l’histoire du pillage du château de Maelmilscothach, d’Urard Mac Coisé, un poète mort au Xe siècle), ils étaient peut-être déjà chrétiens quand même depuis plusieurs générations. Il est vrai que ces pratiques (imbas forosnai, teimn…) étaient formellement interdites par l’Église, mais qui sait, il y a eu peut-être des accommodements analogues à ceux des astrologues ou alchimistes du Moyen Âge.
Quoi qu’il en soit notre « Druidisme » est aussi une volonté, la volonté de se rapprocher, au maximum, du druidisme antique, tel qu’il fut (scientifiquement parlant). La volonté aussi néanmoins de moderniser ce druidisme, un retour total au druidisme antique étant exclu (il serait de toute façon impossible).
Exemples de modernisation de ce druidisme païen.
— Abandon aux associations laïques du côté culturel (médecine, poésie, mathématique, etc.). Principe de séparation de l’Église et de l’État.
— Spécialisation par contre dans la spiritualité celtique, ou païenne en général, l’histoire de la religion, la philosophie et la métapsychique (dite aujourd’hui parapsychologie).
— Utilisation dans certains cas du vocabulaire actuel (Église, religion, baptême, et ainsi de suite).
Un juste milieu est évidemment à trouver entre un retour total au druidisme antique (fondamentalisme ou intégrisme) et une modernisation radicale trop révolutionnaire (plus de saie).
L’AAP (athée agnostique panthéiste) celte ayant accepté de cosigner cette petite bibliothèque **, dont il n’est que le rassembleur, le druide Hesunertus (Pierre de La Crau), ne se considère pas comme l’auteur de cet ouvrage collectif. Mais comme le simple porte-parole de l’équipe l’ayant composé. Pour ce qui est des autres sources de cet essai sur le druidisme, voir les remerciements de la bibliographie.
* Les sociniens, puisque c’est ainsi qu’ils furent appelés par la suite, désiraient plus que tout restaurer le vrai christianisme qu’enseigne la Bible. Ils considéraient que la Réforme n’avait fait disparaître qu’une partie de la corruption et du formalisme, présents dans les Églises, tout en laissant subsister le mauvais fond : les enseignements non bibliques (ce qui est très discutable d’ailleurs).
** Ce petit camminus est néanmoins important aussi pour les jeunes… de 7 à 77 ans ! Mantalon siron esi.
1) Do ratath tra do Mael Milscothach iartain cech ni dobrethaigsid suide sin etir ecnaide 7 fileda 7 brithemna la taeb ogaisic a crech 7 is amlaidsin ro ordaigset do tabairt a cach ollamain ina einech 7 ina sa[ru]gad acht cotissad de imus forosnad [di]chetal do chollaib cend 7 tenm laida .i. comenclainn fri rig Temrach do acht co ti de intreide sin FINIT.
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PROLOGUE.
« Drasidae (sic) memorant re vera fuisse populi partem indigenam, sed alios quoque ab insulis extimis confluxisse et tractibus transrenanis, crebritate bellorum et adluvione fervidi maris sedibus suis expulsos » (Timagène, cité par Ammien Marcellin, Rerum Gestarum Libri ou Res Gestae « Histoire de Rome », livre XV, chapitre IX, 4).
« Les druides affirment qu’une partie du peuple est réellement indigène, mais que les autres ont afflué d’îles très lointaines, et de régions situées au-delà du Rhin, chassés de leurs précédentes demeures par des guerres trop fréquentes, et aussi quelquefois par des raz-de-marée » [littéralement : par l’inondation d’une mer démontée].
« Les Cynètes * habitaient la forêt des Tartessiens, dans laquelle dit-on les Titans firent la guerre aux dieux. Le plus ancien de leurs rois fut un dénommé Gargorix, il fut le premier homme à récolter le miel. Ce prince ayant eu un petit-fils, né d’une intrigue amoureuse de sa fille, il essaya de le faire périr de diverses façons, car il était la preuve vivante de l’infamie de sa conduite et de sa non-chasteté. Mais ce dernier parvint néanmoins à monter un jour sur le trône après avoir, grâce à sa bonne fortune, pu échapper à tous ces dangers. Le roi son grand-père, touché par tous ces périls qu’il avait dû affronter, finit en effet un jour par y consentir.
Il avait d’abord ordonné qu’on l’abandonne afin qu’il meure de faim ; mais quand il envoya quelques jours plus tard des hommes pour ramener son corps, ces derniers découvrirent alors que l’enfant avait été allaité par diverses bêtes sauvages et le ramenèrent donc toujours vivant. Le roi ordonna donc cette fois-ci qu’on le dépose sur un chemin étroit emprunté chaque jour par des troupeaux de bétail, car dans sa cruauté il voulait que le malheureux meure foulé aux pieds ou réduit en pièces par ces animaux plutôt que d’un facile et rapide trépas. Comme l’enfant là encore en sortit miraculeusement indemne et sans même être affamé, il le fit jeter aux chiens, préalablement affamés depuis plusieurs jours, ensuite à des porcs ; mais comme il était toujours bien en vie, et qu’il avait même été allaité par certaines truies, alors il ordonna pour finir qu’on le jette à la mer. Mais suite à l’intervention manifeste de quelque déité, il fut porté par la marée montante au milieu du flux et du reflux des eaux, comme s’il avait été à bord d’un grand vaisseau et non ballotté par les flots, puis déposé en douceur par l’océan, sur une plage, où une biche arriva et allaita aussitôt l’enfant. Le malheureux garçon finit par avoir le pied si léger en suivant partout sa nourrice animale qu’il parcourait donc les montagnes et les forêts au milieu des hardes de cerfs avec autant de rapidité qu’eux. Pris un jour au piège dans des filets, il fut offert au roi qui, au vu des traits de son visage, ainsi qu’à certaines marques faites sur son corps alors qu’il n’était encore qu’un nourrisson, le reconnut comme son petit-fils. Après quoi, en raison de l’admiration que le roi ne pouvait s’empêcher d’éprouver pour tous ces heureux hasards qui lui avaient permis de survivre ainsi à tant de périls, il fut choisi par lui pour lui succéder sur le trône.
On lui donna le nom d’Habis et, dès qu’il devint roi, il manifesta tant de grandeur qu’il sembla bien vite évident qu’il n’avait pas été sauvé en vain de tant d’épreuves mortelles par l’entremise des dieux. Il parvint à réunir sous de mêmes lois tous ces peuples barbares, leur apprit comment atteler des bœufs à une charrue et faire lever du blé de leurs sillons ; enfin, à cause peut-être des malheureux souvenirs de son enfance en ce domaine, il les contraignit aussi à ne plus se nourrir comme des bêtes…
Le travail servile fut aboli et la communauté répartie en sept cités. Après la mort d’Habis, la royauté de ce pays resta pendant de nombreuses générations entre les mains de ses descendants » (Justin, épitomé ou résumé des histoires philippiques et universelles de Trogue Pompée. Livre XLIV, chapitre IV).
« Les Celtes qui demeurent le long des côtes de l’Océan adorent les Dioscures plus que tous les autres dieux, puisqu’il existe chez eux une tradition remontant à la plus haute antiquité comme quoi ces dieux seraient apparus dans leur pays venant de l’océan. La contrée qui borde l’Océan regorge de noms évoquant les Argonautes et les Dioscures… » (Timée, historien grec cité par Diodore de Sicile. La Bibliothèque de l’Histoire. Livre IV, chapitre LVI).
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Certains grands spécialistes français comme C.-J. Guyonvarc’h, nient tout rapport entre druidisme et chamanisme ; mais si l’on veut bien tenir compte de ses origines chamanes, le druidisme est la plus
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vieille des religions du monde. Le mot (druidisme) pour désigner la religion des Celtes est, certes, d’origine relativement récente. Le Moyen-âge irlandais utilisait le terme druidecht, que nous pourrions plus ou moins rendre par « druiderie ». Le fait est qu’il n’y avait pas en réalité de terme spécifique, et ce que nous appelons druidisme aujourd’hui, était par exemple désigné par des périphrases, dont une au moins est attestée sous la plume de César. « Ils discutent et transmettent à la jeunesse beaucoup d’éléments concernant les étoiles et leurs mouvements, l’étendue de ce monde et de notre terre, la nature des choses, le pouvoir et la majesté des dieux immortels ». (César B. G. Livre VI, chapitre XIV).
Mais attention. Parler de druidisme au singulier (druidisme éternel, etc.) est une escroquerie intellectuelle. Il n’y a jamais eu UN druidisme ni une druiderie UNIFIÉE, il n’y a eu que DES druidismes au pluriel, variables suivant les lieux, les époques, voire suivant les classes sociales ou les communautés. Il n’y a donc jamais eu UN druidisme, mais DES ÉCOLES druidiques. Diverses Écoles de pensée, aussi proches ou aussi différentes entre elles que ne le sont les catholiques, les Églises réformées ou les orthodoxes, à l’intérieur du cadre chrétien ; ou chiites et sunnites à l’intérieur du cadre musulman, ou vishnouïtes et shivaïtes à l’intérieur du cadre hindou.
Seules les grandes lignes permettent de savoir si l’on se trouve à l’intérieur ou à l’extérieur du cadre (druidique).
Chaque fois que nous parlerons de druidisme au singulier, nous désignerons donc simplement par là les grandes lignes, ou les grandes tendances plus ou moins communes, à tous les lieux et à toutes les époques, druidiques. Et surtout pas un druidisme se voulant supérieur par rapport à d’autres formes de piété, une des thèses communes à toutes ces Écoles druidiques étant justement celle des différents niveaux de la vérité, CHACUN AYANT SA NÉCESSITÉ OU SON INTÉRÊT.
La question des sources maintenant.
Dès que l’on aborde le domaine du druidisme, le chercheur se trouve inévitablement confronté au problème des références.
Deux types de sources nous livrent des informations générales. Tout d’abord, les contemporains, parmi lesquels on peut citer, à titre d’exemple : Diodore de Sicile (Bibliothèque Historique), Strabon (Géographie), Pomponius Mela (De Chorographia), Lucain (La Pharsale), Pline l’Ancien (Histoire Naturelle), et surtout Jules César, avec ses célèbres commentaires. Ces témoignages donnent souvent une image négative des peuples celtes, mais on peut en extraire de nombreux éléments très intéressants.
La deuxième source est beaucoup plus tardive puisqu’il s’agit de la consignation par les clercs du Moyen-âge, des traditions orales, en Irlande. Cette littérature, dont la rédaction s’étale du VIIIe siècle au XVe siècle, vient opportunément confirmer ou compléter, les résultats des études des sources antiques.
Elle retranscrit les mythes ainsi que les épopées de l’Irlande celtique, transmis oralement de génération en génération. Les collecteurs/transcripteurs ont affublé tous ces mythes d’un vernis chrétien, sous lequel l’étude découvre plus ou moins le substrat celtique original. Tout le travail des chercheurs en druidisme consiste donc à dégager la matière primitive de la mythologie celtique, tout en se situant dans le contexte indo-européen. Ces divers textes de la littérature irlandaise médiévale peuvent être regroupés en cinq grandes catégories.
— Le cycle mythologique qui comprend également les légendes sur le peuplement de l’île (les légendes sur Etanna ou Tochmarc Étaine, la mort des enfants de Tuireann, la bataille de la plaine aux tumuli, le Lebor Gabala Èrenn ou Livre des Conquêtes de notre chère Irlande…
— Le cycle héroïque (dit aussi de la Branche rouge ou de l’Ulster) dont le héros principal est l’invincible CúChulainn. C’est dans ce cycle qu’il faut classer l’enlèvement des vaches de Cooley ainsi que l’émouvante légende de Deirdre…
— Le cycle des fénianes (dit également ossianique ou du Leinster), dont les principaux héros sont Finn Mac Cumaill, son fils Ossian et son petit-fils Oscar.
— Le cycle historique (ou les cycles des rois).
— Les aventures navigations ou aislingi (visions) diverses. Conle, Bran fils de Fébal, Cormac, Saint Brendan, Tondale, le Purgatoire de saint Patrice, l’aisling ou vision d’Adamnan, les autres imrama ou echtra. Mais attention, seuls les echtra sont restés d’esprit vraiment païen, les imrama, eux, ont été plus largement christianisés.
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Cathbad drúi búi oc tabairt da daltaib fri hEmain anairtúaith. Cét fer n-déinmech dó oc foglaim druídechta úad. Is é lín doninchoisced Cathbad. Ocht n-dalta do aes in dána druidechta na farad (Tain Bo Cualnge).
Catubatuos le druide dispensait l’enseignement à ses élèves, au nord-est d’Emain. Cent hommes étourdis se trouvaient chez lui, apprenant le druidisme. Tel était le nombre de ceux que Catubatuos instruisait. Huit de ceux-ci [seulement] étaient capables de science druidique (Enlèvement des bœufs de Cooley).
Question. Quelle est des 72 langues qu’il avait donc étudiées, celle qui a été diffusée en premier par Fénius Farsaid ?
Réponse. Ce n’est pas difficile. La langue gaélique… car de toutes celles qui furent rapportées par son école, c’était celle qu’il préférait, celle dont il avait entendu parler depuis son enfance au pays des Scythes…
Question. Pourquoi peut-on dire du gaélique qu’il est une langue élue ?
Réponse. Ce n’est pas difficile ! Parce qu’il a été choisi parmi toutes les langues, et parce qu’à tout son incompréhensible, existant dans les autres langues, un sens a été trouvé en gaélique, d’où sa limpidité ainsi que sa clarté.
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VIE ET MORT DE LA BELLE ET MALHEUREUSE ETANNA.
Suivie de quelques autres récits (scéla) d’après les apocryphes irlandais.
Textes recueillis corrigés et annotés par PIERRE DE LA CRAU.
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INTRODUCTION.
RAPPEL À PROPOS DE LA RÉINCARNATION (contre-lai N°1).
Rien ne prouve que la réincarnation en ce monde ait été un dogme central de la religion druidique.
Le texte de Lucain si souvent cité ne parle que de réincarnation… dans un autre monde. Dit autrement, âme et esprit du défunt passent dans un autre monde, mais toujours en étroite osmose avec un corps qui peut être…
— Le même que celui d’avant.
— Le même que celui d’avant, mais régénéré, c’est-à-dire rajeuni et guéri de toutes ses infirmités ou maladies.
— Le même que celui d’avant, mais régénéré voire amélioré (plus beau plus résistant, idéal en quelque sorte).
— Le même que celui d’avant et tout cela, mais avec en plus un petit quelque chose d’indéfinissable que les adeptes de la religion mazdéenne appellent le xvarnah, la religion chrétienne « la gloire » bellissama/bellissamos en vieux celtique.
D’Arbois de Jubainville a raison de souligner que les premiers auteurs grecs se sont mépris sur la conception druidique de la quasi-immortalité de l’âme ou de l’esprit.
Le premier savant grec qui ait étudié les mœurs des Celtes a cru, sur ce point, reconnaître chez eux une doctrine grecque, la métempsychose de Pythagore. D’après Pythagore en effet, les âmes, après la mort, sont jugées, et, quand elles sont reconnues indignes de retourner au ciel, elles doivent s’incarner de nouveau en ce monde, soit dans le corps d’un homme, soit dans celui d’un animal, suivant leur état moral ou leur degré de perfection. Pythagore, dit-on, prétendait se rappeler avoir vécu quatre vies en ce monde, et sur ces quatre vies il y en avait trois dans lesquelles il avait été un personnage historique. Il aurait vécu pour la cinquième fois, quand, au sixième siècle avant notre ère, il fonda la philosophie appelée de son nom, pythagoricienne.
Poseidonios, qui visita la Celtique vers l’an 100 avant notre ère, s’imagina donc y retrouver la doctrine de Pythagore. Alexandre Polyhistor, contemporain de Sylla qui est mort en l’an 78 avant notre ère, avait, sans doute, le livre de Posidonios sous les yeux en mettant les Galates au rang des disciples de Pythagore.
Diodore de Sicile, dans sa Bibliothèque écrite en grec, vers l’an 40 avant notre ère, répète aussi, d’après Posidonios, cette hypothèse flatteuse pour l’amour propre des Grecs : « Les Celtes, » dit-il, « n’ont aucun égard pour leur vie ; car chez eux prévaut la croyance pythagoricienne que les âmes sont immortelles, et qu’après un certain nombre d’années donc, elles commencent une nouvelle vie, en entrant dans un autre corps ».
Nous avons, probablement là une reproduction abrégée d’un passage du livre de Poseidonios.
César, quelques années auparavant, avait donné, du texte de Posidonios, une adaptation latine, qui attribuait aux druides l’honneur d’avoir introduit chez les Celtes la croyance à l’immortalité de l’âme.
« Les druides » raconte-t-il, « souhaitent inculquer une de leurs croyances fondamentales, à savoir que les âmes/esprits ne s’éteignent point, mais passent après la mort d’un corps dans un autre ; et ils pensent que les hommes, grâce à cette croyance, sont portés à un plus grand courage, la peur de la mort étant alors oubliée ».
Timagène, qui écrivait à Rome, sous Auguste, un peu avant Tite-Live, rattache aussi à Pythagore la doctrine druidique de la quasi-immortalité de l’âme. La même erreur se trouve, sous Tibère, chez Valère Maxime.
Mais l’enseignement des druides différait en réalité très sensiblement de celui de Pythagore ; ce n’était pas dans ce monde ci, c’était dans un autre monde que les âmes des morts trouvaient, selon eux, un corps nouveau et une seconde vie. Sous Claude, vers l’an 44, Pomponius Méla écrivit dans sa Chorographie : « Un des préceptes qu’ils professent, dit-il, évidemment afin de les rendre plus aptes à faire la guerre – est devenu de notoriété publique, à savoir que les âmes/esprits [latin animas] sont immortelles et qu’il existe une autre vie chez les Mânes ».
« Chez les mânes » est encore une expression peu claire. Quelques années plus tard, sous Néron, Lucain, mort en l’an 65, parle plus catégoriquement. Dans la Pharsale, en terminant le tableau de la Celtique vaincue, il s’adresse aux druides : « À en croire vos maîtres, les ombres des morts ne
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descendent pas dans les demeures silencieuses d’Érèbe ou dans les pâles royaumes de la mort, mais la même âme anime des membres dans un autre monde, et la mort n’est que le milieu d’une longue vie ».
Dans un autre monde, orbe alio, le mort revit. Cette seconde vie n’est pas exactement celle que la théologie hésiodique attribue aux héros de l’épopée grecque. Rien de pareil chez les Celtes. La vie future est semblable à celle-ci. Il n’existe pas plus dans l’une que dans l’autre un pouvoir suprême punissant le méchant et récompensant l’homme vertueux. Le mort retrouve dans l’autre monde un double de son corps et des objets qui lui étaient familiers.
Voilà pourquoi ses parents l’enterrent avec ses armes, avec son char de guerre tout attelé, avec les clients qui doivent le seconder dans les combats de l’autre vie, comme ils l’ont fait dans celle-ci. Quelquefois les parents du mort prévoyaient que, dans les combats de l’autre vie, le concours des clients enterrés avec lui ne suffirait pas pour lui assurer la victoire, alors les plus dévoués se faisaient tuer au bord de la fosse, et on les réunissait à lui dans la même tombe pour lui assurer l’appui de leurs armes dans les batailles que se livrent les morts en leur mystérieux séjour, là où le soleil se couche au-delà de l’Océan.
Une étude attentive des diverses légendes irlandaises sur l’au-delà nous montre néanmoins que d’Arbois de Jubainville s’est grossièrement trompé sur sa nature un peu trop semblable à celle de notre monde selon lui.
Le corps du défunt est certes celui qu’il avait dans ce monde ci, mais en quelque sorte régénéré, transfiguré, glorieux diraient les chrétiens (cf. aussi la notion de xvarnah dans le Mazdéisme, bellissama/bellissamos en vieux celtique).
Ceci dit, ces précautions oratoires ayant été prises, venons-en maintenant aux récits des aventures de la malheureuse Etanna, que chacun de nos lecteurs interprétera comme il lui plaira, les athées comme une très belle histoire d’amour plus fort que la mort ; les mystiques comme une allégorie de l’âme humaine déchirée entre des mondes des croyances ou des attaches contradictoires. C’était d’ailleurs visiblement le point de vue des auteurs chrétiens. Etanna symbolisait pour eux l’Irlande se convertissant au christianisme (c’est évident dans les versions les plus récentes de sa légende, celles qui mettent en scène saint Patrice), mais dans quelle mesure ces auteurs ne faisaient-ils pas que prolonger une interprétation païenne déjà préexistante en germe dans tout cela (Etanna = l’âme du Pays, l’âme de la Nation, l’âme de l’Irlande) ? À chacun de voir.
Notons qu’en dehors du cadre de l’interprétation symbolique ou de l’allégorie (Etanna = l’âme de l’Irlande) il semble que les anciens druides aient admis l’existence réelle d’âmes collectives, appelées teutatès et appelées égrégores par certains courants spirites d’aujourd’hui : autrement dit des synergies psychiques.
N.B. On appelle synergie le phénomène par lequel plusieurs facteurs ou influences agissant ensemble (des âmes/esprits d’être humain par exemple) créent un effet plus grand que la somme des effets attendus s’ils avaient opéré indépendamment, ou créent un effet que chacun d’entre eux n’aurait pas pu produire en agissant isolément.
Dans son étude sur la Psychologie des Foules Gustave Le Bon définit ainsi la foule : « Une réunion d’individus quelconques, quels que soient leur nationalité, leur profession ou leur sexe, quels que soient aussi les hasards qui les rassemblent ». Et il ajoute que lorsque ces individus se rassemblent, « « Il se forme alors un esprit collectif, sans aucun doute transitoire, mais doté de caractéristiques clairement définies. Ce rassemblement devient alors ce que, en l’absence d’expression plus adéquate, j’appellerai une foule organisée, ou si on préfère le terme, une foule psychologique. Elle forme un seul et même être soumis à la loi de l’unité mentale des foules ».
Hans Kelsen a critiqué cette notion en affirmant qu’il s’agissait dans ce cas d’une hypostase de relations interindividuelles qui confine au mythologique selon lui puisque, du fait qu’une âme sans corps est scientifiquement impossible, une telle idée conduit obligatoirement à imaginer un corps collectif équivalant aux corps individuels, dans lequel on loge alors l’âme collective. Mais ceci est une autre histoire sur laquelle nous reviendrons dans un prochain opuscule sur la question.
Rappelons également, comme nous avons eu l’occasion de le voir dans notre étude sur la légende du Hésus Cuchulainn, que le gaélique, pour achever de tout compliquer, avait apparemment deux mots pour désigner l’âme.
Le terme anim qui vient du vieux celtique anamone mais influencé par le latin anima.
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Le terme vieux celtique menman pour désigner l’esprit au sens d’intelligence ou de mémoire, bref la conscience. Les anciens druides semblent les avoir à la fois distingués, mais aussi confondus, dans un même destin après la mort. Certains indices laissent néanmoins penser que pour eux le menman finissait par disparaître et se détacher de l’anamone dans l’au-delà, l’anamone ayant une durée de vie après la mort du corps beaucoup plus longue (jusqu’à la fin du cycle en cours ?).
PRÉLIMINAIRES.
Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 2.
Etain/Etanna est la personnification symbolique ou allégorique de l’âme/esprit humaine. Et pas du tout de la souveraineté d’une terre particulière, contrairement à ce qu’affirment certains. Il s’agit d’une allégorie ou d’une image panceltique très ancienne, née quelque part en Europe centrale à la fin des temps néolithiques, mais adaptée ou considérablement déformée après son acclimatation en Irlande (notez bien que nous n’avons pas employé le mot « hérésie »).
Toujours vaincue captive et prisonnière, mais toujours renaissante, et se cherchant de génération en génération, de peuple en peuple, Etanna/Etain intervient dans trois séries de textes différents.
— Le livre des conquêtes (Lebar na gabala Eireann). Notamment dans la bataille de la plaine aux tumuli ou aux menhirs. Ou plus exactement dans le récit préliminaire de la mort tragique des enfants de Taran/Torann/Tuireann (Oidheadh Chloinne Tuireann).
— La disparition des fils de Doel Dermot (Loinges mhic nDuil Dermait).
— Et enfin le cycle d’Étain proprement dit.
Comme nous avons pu le voir dans le tome précédent, l’exil des fils de Doel Dermott, en fait une fille des « chevaux de l’Océan » (Riangabair) tout en la triplant (Etan, Etain, Eithne). Or, en en faisant une fille des « chevaux de l’Océan », les moines irlandais et leur sous-culture ont rabaissé la malheureuse Etanna au niveau correspondant sur le Continent à la Déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère, Épona ; qui est une sublimation des nombreuses figurations de la Terre-Mère admises par les druides. Mais, rappelons-le encore une fois, Etanna est au départ un des symboles ou des allégories de l’âme/esprit (celte évidemment).
Assez curieusement, certains autres manuscrits (celui de la maladie de Cuchulainn par exemple) font aussi d’Etanna une épouse de Cuchulainn, puisqu’Eithne Inguba est pour eux un autre nom d’Aemer.
Preuve s’il en est que le mythe commençait vraiment à ne plus être du tout compris par les transcripteurs de ces légendes.
Notre héros, le Hésus Cuchulainn, ayant donc été, comme nous avons pu le voir dans le chapitre de la Disparition des fils de Doel Dermottt (Loinges mhic nDuil Dermait), en rapport plus ou moins suivi avec elle, que chacun de nos lecteurs étudie donc attentivement les textes suivants. Et nous fasse ensuite savoir ce qu’il en pense, car il y a là matière à réflexion.
La question est en effet d’importance : y a-t-il oui ou non des relations entre Etanna et le Hésus Cuchulainn et, si oui, lesquelles ? À chacun d’y répondre en son âme et conscience.
Les poèmes ou extraits de poèmes que nous allons passer en revue sont en tout cas parmi les plus beaux de toute la littérature irlandaise.
Le point de départ du cycle d’Etanna est l’adultère du Suqellos Dagda Gargant, appelé aussi dans certains textes Ivocatuos Ollater (Eochaid Ollathir), et de la fée Viviane/Bo Vinda, épouse de Borbo (Nechtan) et sœur d’Ulcomaros (Elcmar). D’où la naissance de Mabon/Maponos/Oengus. Un conflit va ensuite opposer Mabon/Maponos/Oengus et le Suqellos Dagda Gargant, ou Ivocatuos (Ollater Gargant). Il commencera par une querelle entre Mabon/Maponos/Oengus et un représentant de la race des Gaulois Fir Bolg (Tretis/Triath).
Encore que la distinction raciale soit mythique et fictive, on comprend assez mal que Medros/Midir ait aussi adopté des enfants de Gaulois Fir Bolg tout en discernant dans Tretis/Triath « porc » ou plutôt « sanglier », une dénomination royale et sacerdotale. Tretis/Triath disparaît ensuite de la narration et ce premier conflit, au niveau du candidat-roi, est donc résolu au bénéfice presque exclusif de Mabon/Maponos/Oengus. Mais il en fait immédiatement surgir un second qui est presque, de surcroît, un conflit de générations. Mabon/Maponos/Oengus, à qui Medros/Midir vient de dévoiler son ascendance royale, réclame désormais à son père, le Suqellos Dagda Gargant, une part, sinon l’intégralité, de l’héritage.
Il existe de ce récit une variante consignée dans le très bref récit de la Prise du Sid (De Gabail in t-Sida) et dans le poème de Cinaed ua hArtacain. Cinaed ua hArtacain, mort en 975, fut le grand poète officiel de tout le nord de l’Irlande en son temps.
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Le Suqellos Dagda Gargant cède à son fils la royauté pour un jour et une nuit, mais il est pris au piège du juridisme et perd définitivement la souveraineté. La seule variante de Cinaed ua hArtacain consiste à faire demander tout de suite, par Medros/Midir, la royauté, à titre définitif, pour Mabon/Maponos/Oengus puis, devant le refus du Suqellos Dagda Gargant, à transiger en cession temporaire. La légende rend ainsi, assez maladroitement il est vrai, la transcendance du temps qui passe, en recourant à l’image du dieu-ou-démon-druide, bientôt remplacé par un fils engendré puis mis au monde en une nuit et un jour. La possession du sid étant acquise pour l’éternité, la donnée temporelle est transposable aux circonstances de la naissance, car en symbolisme polaire, un jour et une nuit correspondent au cycle complet de l’année. Un jour, un an, ou l’éternité, représentent une seule et même durée pour le fils du Suqellos Dagda Gargant, doué de l’éternelle jeunesse. Le Temps perpétuel est bien le fils de l’Aiu (l’Éternité) comme l’Être vient du Non-être et le Fini de l’Infini. Le motif de l’œil arraché, en l’occurrence, est la traduction bien compréhensible de la rancœur d’Ulcomaros (Elcmar) à l’égard de Medros (Midir), ce dernier alors ayant recueilli et protégé l’enfant né de l’adultère de son épouse ou de sa sœur.
Le texte intitulé « le rêve d’Oengus » est un élément isolé de cycle d’Etanna. Il appartient bien au domaine mythologique et l’on perdrait son temps à y rechercher de l’Histoire, mais il est resté, lui, vierge de toute empreinte chrétienne quant au fond.
L’analyse thématique de cet ensemble de textes met en lumière les procédés ainsi que les étapes de la christianisation d’un récit mythologique. Étant bien entendu que la version la plus ancienne (le poème de Cinaed ua hArtacain) est déjà contaminée par ce processus. Ce qui n’enlève rien à son intérêt comme à sa richesse mythologique. Le récit de la Nourriture de la Maison des deux seaux à lait constitue la version la plus christianisée. La compétence évangélique de saint Patrice n’était apparemment pas assez forte pour que Mabon/Maponos/Oengus, le Suqellos Dagda Gargant, et Belinos Barinthus (Manannan) se convertissent, mais il n’importe, le plus important, l’âme de l’Irlande *, l’a été !
* Ne soyons pas bêtement chauvins ! En fait il s’agit d’une allégorie de l’âme humaine en l’occurrence.
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LE CYCLE D’ÉTANNA (TORCHMARC ETAINE).
ULTIMES PRÉCISIONS.
Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 3.
La difficulté de compréhension de cette légende est aggravée par la complexité des dénominations et des variantes. Elles ne sont peut-être pas complexes en elles-mêmes, mais chaque personnage mythologique (ou parfois épique) a deux, trois ou quatre noms, sinon plus ; et cette difficulté s’ajoute à la confusion due à la christianisation. La preuve : Etanna/Etain est appelée par contre Eqoredia (Echraide) dans la courtise d’Étain version I (Étain Echraide). À une différence près cependant : son caractère nettement aquatique (voir l’épisode du bain où elle perdra son invisibilité) et souterrain (c’est, dans cette version, une habitante du Sid, ne l’oublions pas !) Dans cette dernière série de textes, les moines irlandais en ont fait un vrai personnage de roman, une fiancée de Medros (Midir) ou Mabon/Maponos/Oengus.
Le schéma global de cette Cour faite à Etanna (Tochmarc Etaine) est assez simple, mais il est impossible néanmoins d’en donner une explication satisfaisante, vu les nombreuses discordances des manuscrits. Tel qu’il se présente à nous aujourd’hui, ce récit, dont nous connaissons cinq versions différentes, ne possède plus de trame unitaire, et il serait vain de vouloir en reconstituer la rédaction primitive.
Le montage que nous proposons est donc un essai de synthèse, la plus large possible, mais ce faisant nous avons dû néanmoins laisser de côté des épisodes entiers, vu leur incompatibilité avec les autres. Afin d’éclaircir un peu les choses, voici donc la liste des autres principaux personnages de ce drame.
— Mabon, celtique en – p Maponos : Oinogustios, appelé Mac Oc, Oengus, ou Aengus.
— Medros : Midir dans les manuscrits rédigés en gaélique.
— Belinos Barinthus : Manannan dans les manuscrits rédigés en gaélique (Manawyddan en gallois).
— La fée Viviane : Bo Vinda. Vinda Damona ou Boendoa sur le Continent (inscription d’Utrecht recueillie par Joshua Whatmough : Boruoboendoa). Il s’agit en fait d’une sorte de dame du lac.
— Borbo : Nechtan dans les manuscrits rédigés en gaélique.
— Le Suqellos Gargant : Dagda dans les manuscrits. Dit aussi Eochaid Ollathir, luocatuos Ollater en vieux celtique.
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APOCRYPHE Nº 1.
LA NOURRITURE DE LA MAISON DES DEUX SEAUX À LAIT.
ALTROM TIGE DA MEDAR.
Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 4.
Le début de ce récit est une véritable hérésie. Par hérésie nous voulons dire une aberration, n’ayant rien à voir avec le druidisme continental antique, qui est quand même le druidisme de référence ; car il évoque l’invasion milésienne dite aussi des fils de Mile, qui est une fable médiévale n’ayant aucun lien historique sérieux avec le mythe panceltique originel. On ne saurait mieux dire, avec cette histoire de changement de nom, qu’au départ il ne s’agissait pas de l’Irlande, mais d’une autre terre. Et que les Gaëls ont évhémérisé à rebours ou historicisé le mythe originel en l’appliquant à leur île : en faisant donc de l’Irlande leur terre promise.
La confusion entre l’Irlande et la terre, à une époque qui ne peut remonter tout au plus qu’à la période du vieil irlandais, au plus tôt au VIIe siècle, et probablement bien après ; a été d’autant plus facile, répétons-le, qu’en gaélique, Ériu, génitif Erenn, est l’Irlande ; tandis qu’iriu, génitif irenn, est la terre. Quant aux fées de type Matres, appelées Banuta/Banva/Banba, Eriu/Iriu et Votala, (Fotla en irlandais) voir ce que nous avons écrit à ce sujet dans notre étude sur la mythologie et sur le panth-éon ou plérôme celtique. Ces triades de déesse-ou-démones mères étaient en effet très connues aussi sur le Continent.
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Ci-dessous les aventures des Toutai Devas (des hommes de la grande déesse Danu-bia) : Leurs héros et leurs soldats ayant été battus par les Gaulois Fir Bolg qui mirent ainsi la main sur le territoire, le noble et puissant seigneur Belinos Barinthus Manannan fut amené à régler leurs divers problèmes et à présider leurs conseils. L’avis qu’il rendit à ces guerriers fut de se disperser puis de s’établir sous les collines et les plaines du pays. Les Toutai Devas firent de Dergos Boduos et de Belinos Barinthus Manannan leurs souverains et Belinos Barinthus Manannan s’occupa de l’installation des nobles [Toutai Devas] dans leurs demeures éthériques : Dergos Boduos dans le sid de Buidb au-dessus du lac Derggert, Medros l’orgueilleux dans le le beau sid de Truim, l’aimable Sithmall dans le sid de Neannta aux brillantes formes, Vindobarros dans le sid du mont Chauve de Meadha, Tadiccos le grand fils de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd dans le sid de Druim Dean, Abartacos fils d’Illathar dans le sid de Buidhe au beau sommet, Fagartach dans le très prisé Sid de Finnabrach, Ilbreac dans le sid d’Aeda, près d’Assaroe, Lir fils de Lugaid dans le verdoyant sid de Finnachadh, Derg Diansgothach dans le sid de Cleithid. À chacun des nobles du peuple de la déesse Danu-bia, Belinos Barinthus Manannan assigna une demeure prise dans les maisons et les lieux de résidence laissés aux leurs ensuite il inventa pour ces guerriers le vegtos vidtouos (feth fiada), le festin de Gobannos et des porcs magiques. En d’autres termes grâce au vegtos vidtouos tous ces princes devenaient invisibles, tous ces seigneurs échappaient à l’âge et à la déchéance grâce au festin de Gobannos, quant aux porcs de Belinos Barinthus Manannan, les guerriers pouvaient bien les tuer pour les manger, on les retrouvait tous vivants le lendemain matin. Belinos Barinthus Manannan apprit à tous ces nobles seigneurs à mettre en valeur le Sid du Brug et à bien arranger leurs demeures à la façon des habitants de la splendide Terre de Promesse et du magnifique Aballomagos. Ces nobles seigneurs concédèrent en échange à Belinos Barinthus Manannan [afin de le remercier] qu’une fois qu’ils auraient pris possession de leurs demeures, il serait l’invité de chaque maison et de chaque festin donné par un des seigneurs afin d’y faire valoir son statut ses droits et ses lois sur chacune de ces demeures.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 5.
Leurs héros et leurs soldats ayant été battus… Le texte en gaélique mentionne ici les batailles de Tailtiu et Druim Lighean qui sont bien entendu tout sauf des batailles historiques ayant réellement eu lieu. Elles marquent symboliquement la fin du règne des dieux sur terre, donc la fin des temps
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hyperboréens et de la Métahistoire, et par conséquent le commencement de l’histoire purement humaine.
Le sid de Buidb au-dessus du lac Deggert… Il semble bien qu’il s’agisse là de sites correspondants à chaque fois en fait à des monuments mégalithiques. Et tous également sont autant de portes d’entrée dans l’autre monde des dieux. Chacun d’eux est maître d’une de ces portes, mais tous ces territoires féériques communiquent aussi entre eux et constituent donc en quelque sorte une fédération divine, celle des Sid-Unis d’Irlande. Il va de soi néanmoins qu’il y a aussi de nombreux autres sid de par le monde (en Écosse au pays de Galles, etc. etc.) et que c’est donc uniquement à cause d’un indéniable chauvinisme typiquement irlandais, que seuls les sid situés en Irlande ont été mentionnés dans ce récit comme appartenant à telle ou telle divinité.
Tous ces seigneurs échappaient à l’âge et à la déchéance grâce au festin de Gobannos, quant aux porcs de Belinos Barinthus Manannan, les guerriers pouvaient bien les tuer pour les manger, on les retrouvait tous vivants le lendemain matin. Que cela plaise ou non, il n’en va pas du tout ainsi en ce bas monde, il est donc clair que nous avons là une brève allusion à un au-delà paradisiaque.
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APOCRYPHE Nº 2 VERSION I.
AINSI COMMENCE LA COURTISE D’ÉTANNA.
Le prince de la race des Toutai qui avait eu le château de la Boinne, s’appelait Ivocatuos Ollater (Eochaid Ollathir). Suqellos Dagda Gargant était son autre nom, car c’était lui qui accomplissait tous leurs miracles et qui régnait sur les récoltes et les tempêtes. C’est d’ailleurs pour cela qu’on l’appelait le Dagda, ce qui veut dire le dieu-ou-démon « bon » à tout.
En ce temps-là aussi vivait chez les Toutai Devas une très belle jeune femme appelée aussi Viviane/Bo Vinda. C’était la sœur d’Ulcomaros (Elcmar) et elle était l’épouse de Borbo/Nechtan.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 6.
Bovinda signifie très précisément « génisse blanche » ou « belle génisse », en vieux celtique, et donc équivaut à Damona Vinda sur le Continent, voire Boendoa aux Pays-Bas selon Josuah Whatmough.
Ultime avatar de cette déesse-ou-démone, la fée Viviane.
Certains manuscrits irlandais mélangeant un peu tout, font de cette « Belle génisse » déjà une Etanna. D’autres en font non pas l’épouse de Borvo/Nechtan, mais l’épouse d’Ulcomaros (Elcmar), autre nom d’Ogmios en Irlande.
La situation n’est donc pas simple. Peut-être était-elle sœur d’Ulcomaros (d’Elcmar) et femme de Borvo/Nechtan ?
Quant au Brug ou château de la Boinne, il s’agit de l’actuel tumulus de Newgrange, situé dans le Comté de Meath, au nord de Dublin. C’est un tumulus de 76 mètres de diamètre, à l’intérieur duquel on atteint la chambre funéraire par un long passage couvert. Il fait partie d’un ensemble de sites préhistoriques appelé Brúg na Bóinne.
Il a été construit aux alentours de l’an 3 200 avant notre ère, soit près de 600 ans avant la grande pyramide de Gizeh en Égypte, et près de 1 000 ans avant Stonehenge. Le site consiste en un gros tumulus circulaire au centre duquel se trouve une chambre mortuaire à laquelle on accède par un très long couloir couvert. Le mur extérieur du tumulus est flanqué de pierres monumentales sur lesquelles il est possible d’observer des dessins en spirale et quelques triscèles. Chaque année, le jour du solstice d’hiver (le 21 décembre), à 9 h 17 du matin le soleil pénètre directement dans la chambre centrale pendant à peu près 15 minutes. La précision dans l’orientation de l’édifice est donc spectaculaire. L’objectif de la construction semble avoir été de « réveiller » les ancêtres, les personnages importants dont les corps étaient déposés dans la chambre funéraire centrale. Et que les jours recommencent à croître (la grande peur des hommes de cette époque était que la durée du jour ne cesse de diminuer jusqu’à complète disparition).
Il ne s’agit donc pas d’un monument celtique, construit par des druides, mais d’un monument qui a simplement beaucoup frappé l’imaginaire des populations celtiques arrivées sur les lieux. Elles l’ont très rapidement intégré dans leurs mythes à eux en en faisant une demeure des dieu-ou-démons, voire une porte d’entrée dans ce monde des dieu-ou-démons.
N.B. On retrouve des mégalithes sur une vaste zone côtière regroupant l’Espagne, le Portugal, la France, ainsi que l’Écosse, l’Irlande et l’Angleterre et jusque dans les pays scandinaves comme le Danemark et la Norvège. On en trouve aussi en Corse et en Sardaigne, voire en Inde au Japon en Afrique et ailleurs.
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LA COURTISE D’ETANNA DE NOUVEAU (VERSION II).
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…………
Le Suqellos Dagda Gargant, dans l’année qui suivit son accession au trône, convoqua ses vassaux pour la fête de Samon (ios) afin de décider de leurs tributs et de leurs impôts pour les cinq années à venir. Mais les hommes firent tous la même réponse, à savoir qu’ils ne participeraient jamais à la fête de Samon d’un roi qui n’avait pas de reine : car le Suquellos Dagda Gargant était toujours sans reine au moment de son accession au trône.
TEXTE DE CINAED UA hARTACAIN (grand poète du nord de l’Irlande mort en 975).
Extraits du Livre de Leinster.
CINAED UA HARTACAIN CECINIT.
12 Viviane/Bo/Vinda, l’épouse du féroce Borbo/Nechtan, se rendit un jour de bonne humeur en ce lieu, dans la maison d’Ulcomaros des chevaux (Elcmar), celui qui délivrait les jugements du Brug.
13 Viviane/Bo Vinda, belle fleur ?? venue de Bri était donc au Brug, dans la demeure de son frère à elle, quand le Suqellos/Dagda/Gurgunt jeta les yeux sur elle et la désira.
14 Alors par trois fois le puissant Suqellos Dagda Gargant à qui tout le pays appartenait, envoya [des messagers] afin de demander à l’orgueilleux Ulcomaros (Elcmar) la femme qui était avec lui dans sa demeure du nord.
15 Le frère à la belle et mince Viviane/Bo Vinda du Sid répondit vertement : « que son séjour ici soit long ou court je resterai aussi longtemps que je voudrai chez moi (???) ».
16 Les trois druides du noble Suqellos Dagda Gargant s’en revinrent par la rivière bleue du gué de la fourche (Ath Gabla), afin de dire au roi comment il pourrait rencontrer la belle et séduisante dame.
17 Envoie le puissant Ulcomaros (Elcmar), répondit le druide ? à la voix douce, en mission loin de sa maison ; ensuite, couche avec la femme.
18 Le Suqellos Dagda Gurgunt répondit avec colère : « Qu’Ulcomaros (Elcmar) soit envoyé en mission, ce sera un véritable exploit ! Il ne passera pas, du moins à sa connaissance, plus d’une douce nuit hors de sa forteresse à notre service ».
19 Envoie-le sur la grande route de la plaine même si ce n’est pas pour lever impôts ou tributs et qu’il y reste pendant neuf mois.
20, Car je maintiendrai le soleil au zénith des cieux jusqu’à la fin des neuf mois nécessaires à la maturation des hautes herbes.
21 Ulcomaros des gués (Elcmar) fut convoqué, car c’était toujours lui qui était envoyé dans les tribus et le roi lui dit : « pars en mission pour moi immédiatement ».
22 « Je ne suis guère disposé à partir à ta demande dans le pays, je ne te le cacherai pas, O grand chef qui règnes sur ces territoires : car depuis que ma sœur est venue du sud, je n’ai plus ni temps libre ni plaisir ??? ».
23 « Ta mission est d’aller quelque part dans le pays, lui répondit celui qui organisait le festin de Fal : ne passe pas la nuit là-bas et reviens aussitôt dans notre beau Brug. »
24 « S’il accepte ta mission », chuchota le druide, « alors qu’une grande fête l’attende dans la maison où il doit se rendre.
25 Quand il atteindra la maison silencieuse et sans écho ??? qu’on lui serve de la bière nouvelle et forte : qu’il soit invité à justifier ses exploits ??? dès qu’il sera dans la maison du roi ».
26 « Dis-moi de quel important message il s’agit », demanda le chef de la colline au pied léger.
Veux-tu bien quand le soleil se lèvera partir en quête d’une gentille (cen meirg) épouse, pour moi??
27 Ulcomaros (Elcmar) du puissant Brug répondit : « Si je peux aller porter ton message, dis-moi, O grand roi brillant et sans tache, à qui voudrais-tu demander une belle femme ?
28 Ramène-moi une femme forte et avisée qui pourrait s’occuper de ma maison du nord, de la part du roi de la froide Mag Inis, quand tu l’auras trouvé dans le sid où il habite.
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29 Ulcomaros (Elcmar) se leva et partit vers l’est, en tant que messager porteur d’une requête : après qu’il eut atteint la demeure du roi, on lui servit de l’hydromel et du vin.
30 Durant tout le temps que notre beau héros fut occupé à boire sa bière sans s’arrêter inutilement, le Suqellos Dagda Gargant coucha donc avec sa sœur, sans se préoccuper de son honneur bafoué ni craindre les effets de sa vengeance ???
31 Le puissant maître du Brug remit sa ceinture et revint chez lui en franchissant les collines, jusqu’à ce que le soleil se couche enfin le délai de neuf mois s’étant coulé.
32 Alors qu’il revenait sur la blonde forteresse du Brug, voyant que personne ne venait à sa rencontre, et que les champs étaient bizarrement parvenus à maturité, il se douta qu’on lui avait fait quelque chose.
33 Ulcomaros (Elcmar) le méfiant remarqua aussi en arrivant au Brug à quel point sur les hautes montagnes devant lui toutes les fleurs avaient changé en s’épanouissant.
34 « Oui, mais », dit Viviane/Bo Vinda du puissant Brug au grand roi de Ross : « Bo [m] gebsa bro thelcha tend nom-loisc eter chend is choiss », « ce qui m’attend si l’on m’attrape c’est d’être brûlée vive de la tête au pied dans un gigantesque feu sur une colline »???
35 « Cache ta faute et je la dissimulerai », répondit le Suqellos Dagda Gargant, « nie tout et je ferai de même : il ne serait pas bon que ton infidélité te soit jetée à la figure ».
36 Les douleurs de l’enfantement saisirent la femme au nord de la puissante colline fortifiée : elle mit au monde un bel enfant près du Brug dans l’herbe lumineuse entourant la forteresse.
37 Ensuite elle s’exclama : « Depuis que j’ai consommé le festin, il est mon seul danger (oen-gus) aussi tant que la terre restera ferme [sous mes pieds], je ne le prendrai nullement avec moi à la maison ».
38 « Jeune (oc) est le fils (in mac)’ répondit le sombre Suqellos Dagda Gargant, qui a mis le pied sur la terre de Banuta/Banba : que Seul Danger le Jeune Fils soit son nom, quel que ce soit celui qui l’appellera ainsi ce sera un bon nom ».
39 Ensuite la peur s’empara d’eux dans l’estuaire gris, alors qu’Ulcomaros/Elcmar le guerrier revenait dans la prairie entourant sa demeure : ils partirent avant qu’il n’arrive, qui vers le sud qui vers le nord, et abandonnèrent secrètement l’enfant dans la plaine.
40 Or il arriva que l’aimable Medros/Midir passât par là sur le chemin du retour dans sa demeure du sid ; il ramena l’enfant chez lui où il grandit en force et en renom.
……
………
70 Alors que le Suqellos Dagda Gargant habilement se hâtait de traverser l’aimable plaine des routes ??? le fils de Namu dit à la femme : « il ne te servirait pas à grand-chose de protester de ton innocence en mentant ».
71 « Sois béni », répondit la dame, « il ne sera pas dur… »
72 « Là-bas il y a les sources de la Segisa/Sequana… ?… qui s’en approche avec un mensonge [sur la conscience] n’en repart pas sans changement dans son apparence ».
73 « Là des échansons dispensent l’eau fraîche de la source, quelle histoire ??? quatre d’entre eux montent la garde tout autour et…… ?
74 Je vais me frayer un chemin jusqu’à l’agréable Segisa/Sequana et ce afin d’établir que mon innocence est au-delà de tout soupçon, je ferai trois tours dans le sens contraire du soleil autour de cette source pérenne ? sans protestation de sa part ???
75 Mais l’implacable source éclata devant elle, littéralement, et alors elle poussa des cris de lamentations sur son honneur perdu, après s’être retrouvée ainsi démunie de toute protection.
76 Elle quitta les lieux promptement, mais les flots déchaînés la poursuivirent à travers tout le pays : et personne ne sait ce qu’il advint de cette séduisante dame avant qu’elle n’atteigne l’eau dévolue aux bateaux du fils de Lero/Lir.
77 Et le cours d’eau garda son nom pour toujours, aussi longtemps que les collines subsisteront : Viviane/Bo Vinda (Boann) est le nom de toute eau courante dont le débit est très rapide
78 L’âge de l’épouse du puissant Borbo/Nechan, Cinaed a pu l’établir exactement : l’âge de cette femme lorsque la rivière mit fin à sa vie, était de quarante ans pour ce qui est de son corps.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 7.
Cecinit. Mot latin. Du fait que c’est un poème composé par un chrétien ce texte a trois caractéristiques bien précises.
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La première pour ce qui est du style est la redondance : la profusion des adjectifs s’appliquant aux noms propres. Les nécessités de la versification sans doute.
La deuxième de ces caractéristiques en est l’abondance des images ou des métaphores, qui constituent donc autant d’obstacles pour un traducteur.
La troisième est qu’à notre avis on peut y déceler une certaine ironie de la part de l’auteur à l’égard des personnages qu’il met en scène. C’est en quelque sorte une satire.
Reconnaissons à tout le moins vu la suite (la journée qui dure neuf mois) que l’on ne peut pas, du point de vue du mythographe, considérer tout ceci comme le récit d’un banal adultère.
Tout le pays. En fait le poème le désigne le nom de Banuta (en gaélique Banba), autre appellation de l’Irlande.
Répondit vigoureusement. Nous traduisons ainsi le terme gaélique aib dont le sens est assez flou.
Le druide ? à la voix douce. Les druides jouent un peu ici le rôle d’entremetteur. Les anciens druides étaient aussi en effet les ambassadeurs et conseillers des rois, y compris en matière de mariages plus ou moins politiques. N’oublions pas néanmoins qu’il s’agit du poème composé par un chrétien. De toute façon la solution la plus simple pour le néo-druidisme et afin d’éviter ce genre de situation pour le moins « scabreuse » est de ne plus jamais se mêler de ce genre d’affaires.
Je maintiendrai le soleil au zénith des cieux. On retrouve la même histoire dans l’épisode biblique de la bataille de Gabaon (Josué 10,13), mais sur une journée, pas sur une période de neuf mois.
En ce qui concerne le prodige biblique, rappelons, outre le fait qu’il prouve que le rédacteur de ce passage ignorait que c’est la Terre qui tourne autour du soleil (puisque visiblement il croyait le contraire) ; qu’il est aussi évident qu’il n’a pas eu lieu ! Si la Terre avait cessé de tourner sur son axe, ne serait-ce que quelques heures, afin d’arrêter la course apparente du soleil et donc de permettre à la lumière du jour de durer, alors des cataclysmes sans nombre en aurait découlé DONT IL RESTERAIT DES TRACES GÉOLOGIQUES ET HISTORIQUES MANIFESTES SUR TOUTE LA PLANÈTE, QUI NE S’EN SERAIT PEUT-ÊTRE PAS RELEVÉE.
Fal est un des autres noms de l’Irlande. L’allusion au festin est là pour souligner que le Suqellos Dagda Gargantt est roi de tout le pays. Ou une allusion à son chaudron inépuisable (une olla sur le Continent).
Mag inis est un des autres mondes de la mythologie celtique d’Irlande. En principe habité par des vouivres anguipèdes gigantesques (correspondant aux Fomore irlandais, vomorioi en vieux celtique), mais capable aussi de produire des créatures dotées d’une beauté « diabolique » comme Elatio/Elatha. Inutile donc de chercher du vrai ou de l’historique dans tout ça. Il est en outre évident que toute cette histoire sent quelque peu le soufre dans l’esprit de son auteur.
Maître du Brug. Nous traduisons ainsi le terme gaélique brugaid, mais bien sûr il peut tout simplement s’agir aussi de la fonction d’intendant aubergiste régisseur ou hospitalier désignée par le même terme gaélique (briugu). Ce qui donc irait très bien avec son inépuisable chaudron, symbolisé par une olla sur le Continent.
Banuta/Banba ainsi que nous l’avons déjà vu est une des trois fées qui se sont penchées sur le berceau de l’Irlande naissante.
Est au-delà de tout soupçon. Nous traduisons ainsi l’expression irlandaise « as cach geis » qui signifie littéralement « à l’épreuve ou au-delà de toute geis = injonction magique ».
L’eau dévolue aux bateaux du fils de Lero/Lir. Ne pas oublier qu’il s’agit d’un poème. Lero est un dieu de la mer connu jusqu’en Méditerranée (les îles de Lérins en Provence). L’expression signifie donc tout simplement mer ou océan.
Quarante ans. Littéralement « cinq fois sept + cinq ».
Pour ce qui est de son corps (i curp). Le poète (Cinaed) considère peut-être qu’elle continue DONC de vivre, mais plus sous forme humaine, sous la forme d’une rivière. Il existe en effet en terre celte
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d’innombrables légendes nous montrant des êtres humains ou plus exactement surhumains, mais à corps humain, transformés en cours d’eau, ou des cours d’eau personnifiés sous une forme humaine, généralement féminine.
Assez curieusement, l’auteur de ce poème, Cinaed, le grand poète quasi officiel du nord de l’Irlande au Xe siècle a l’air de penser que ce nom est un nom générique à l’origine, et pas précisément localisé. Un nom pouvant s’appliquer à chaque rivière aux eaux rapides et dont le cours s’accélère. Du moins si la traduction de la strophe 77 que nous avons utilisée pour cela est fiable. En tout cas ça n’a rien à voir avec la croyance en la survie de l’âme après la mort (réincarnation, etc.).
Le fleuve en question est la Boinne, ex Bouinda > Boand, la Boyne en graphie anglicisée. S’il s’agit bien de l’Irlande évidemment, car son autre nom était Segisa > Segais comme nous l’avons vu. Un nom que l’on peut mettre en parallèle avec celui de la Seine (Sequana) sur le continent.
À noter. Il existe une croyance similaire avec la fontaine Saint-Honoré près d’Autun en France si l’on en croit le Panégyrique de Constantin suivant.
« C’est donc à juste titre que vous avez honoré ces temples parmi les plus vénérés de tant de si grands trésors que les anciens ne leur manquent plus. C’est pourquoi, semble-t-il, tous ces temples réclament maintenant eux aussi votre venue, et notamment notre Apollon, dont les eaux bouillantes punissent les parjures – qui vous sont particulièrement odieux.
Dieux immortels, quand donc nous gratifierez-vous du jour où ce dieu vivant, la paix règnant désormais partout, pourra visiter notre bosquet d’Apollon, ses temples sacrés ainsi que les bouches pleines de vapeur de ses fontaines ?
Leurs eaux bouillonnantes recouvertes de buées d’une agréable tiédeur semblent vouloir sourire à tes yeux, Constantin, et se glisser d’elles-mêmes à l’intérieur de tes lèvres.
Tu admireras certainement là cette autre demeure de ta divinité, et ses eaux, chaudes sans la moindre trace de chauffage au sol, qui n’ont aucune aigreur tant au goût qu’à l’odorat, mais sont aussi pures à boire et à sentir que l’eau des fontaines les plus fraîches. Et là aussi tu accorderas des faveurs et tu institueras des privilèges, bref tu restaureras dans son antique splendeur ma petite patrie par la vénération de ce lieu particulier » (Panégyrique de Constantin Auguste, XXI).
Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 8.
NOTE À PROPOS DE LA COMPOSANTE ANIMISTE DE LA SPIRITUALITÉ DRUIDIQUE.
On appelle éon (vieux celtique aiu : temps éternité) la vie l’esprit l’énergie ou la force qui existe dans tout ce qui est mobile. Certains n’y voient pas là une religion, mais une manière de concevoir le monde, et de l’organiser (une weltanschauung disent les philosophes allemands), présente de tout temps dans l’esprit humain.
Dans les sociétés occidentales modernes, décervelées par 2000 ans de judéo-islamo-christianisme, on admet que l’homme partage le même monde physique que le reste des êtres qui peuplent l’univers. En revanche, nous (les humains) estimons être différents des animaux ou des plantes par le fait que nous sommes des sujets, possédant une intériorité, des représentations, des intentions qui nous sont propres.
L’animisme lui procède autrement. Il attribue à tous les êtres humains et non humains le même genre d’intériorité, de subjectivité, d’intentionnalité.
L’animisme suppose la multiplicité des manières d’habiter le monde, mais attribue à tous les êtres le même genre d’intentionnalité, disons « humaine ». Les espèces animales sont par exemple « humanisées », au sens où leurs attributs corporels sont mis sur le même plan que des outils : les serres d’un oiseau de proie représentent ses couteaux.
On retrouve du reste à la base de toutes les religions structurées les éléments naturels transfigurés. La vénération de fleuve dans l’hindouisme tel le Gange, ou dans l’Égypte ancienne tel le Nil divinisé sous le nom d’Hapi, le culte du feu chez les Romains de l’antiquité avec les Vestales en sont quelques exemples.
L’équivalent continental de Bo Vinda/Boann est sans doute la déesse ou démone ou fée Damona : la grande daine (la grande femelle du daim), le parfait prototype des apparitions de dames blanches en contexte forestier. C’est une déesse des rivières et des sources, notamment thermales, parèdre du dieu-ou-démon Borbo (d’où aussi son nom de Bormona). Les quatre inscriptions de Bourbon-Lancy
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indiquent qu’elle a la faculté de visiter le pèlerin en rêve et de le guérir. Mais le plus souvent il est invité à se baigner dans l’eau de la source en question.
Si Damona semble apparaître fréquemment aux côtés de Borvo, elle est aussi parfois représentée en compagnie du dieu Moritasgus (Alise-Sainte-Reine), du dieu Bormo (Bourbon-Lancy) ou du dieu Albius (Aignay-le-Duc) ou bien avec plusieurs d’entre eux à la fois (Bourbonne-les-Bains), voire plus tardivement avec Apollon lui-même, ce qui laisse à penser qu’elle a un caractère polyandre peut-être à l’origine de la légende de la Boinne. Cette légende, qui met en scène les différentes étapes de la personnification d’un cours d’eau, mais à rebours (de façon évhémériste donc : un être « humain » qui se transforme… en rivière) ne constitue en fait qu’une tentative de rationalisation du phénomène religieux de type animiste, revenant à personnifier plus ou moins des éléments ou des forces de la nature, qu’on appelle éons (vieux celtique aiu), afin d’expliquer leur action.
La catégorie de pensée à laquelle nous renvoie une telle légende est présentée par nos modernes scientistes comme étant justement celle qui témoigne du passage au stade grec des dieux anthropomorphes, jusque dans les moindres détails, que l’on peut représenter sous forme de statues ayant une apparence humaine par exemple ; et que d’aucuns appellent l’analogisme. L’analogisme consiste à découper la totalité des êtres en un ensemble d’éléments et de propriétés à partir desquels l’on conçoit des analogies partielles : le yin et le yang dans la pensée chinoise, les astres et les traits de caractère dans l’astrologie sumérienne, mais aussi le dieu de la guerre, le dieu du commerce et la déesse de l’amour, etc. dans le polythéisme antique. L’analogisme prend donc en compte en fait une multiplicité de ressemblances possibles entre toutes sortes d’éléments singuliers.
Mais dans la pensée des druides primordiaux dont cette légende est une trace évidente, les choses étaient loin d’être aussi simples ; et tous les éons ou esprits de la nature n’étaient pas encore personnifiés à ce point.
Dans la croyance druidique primordiale (de l’époque), chacun des éléments constitutifs du monde matériel que nous voyons est encore un être mystérieux (éon) qui entend nos invocations et qui voit nos actes, c’est d’eux que dès cette vie, quand on a provoqué leur intervention, on reçoit la punition méritée pour ne pas avoir tenu ses engagements.
Tout cela est manifeste par exemple dans le cas de la formule de serment de type celtique.
Voici ce qu’en dit le grand spécialiste de la littérature et du droit irlandais que fut le Français d’Arbois de Jubainville.
Le soleil, pris à témoin par Loégairé, le brûle quand le serment est violé. C’est que le soleil a entendu le serment et en a vu la violation. La terre, le vent, l’eau, ne sont ni plus sourds ni plus aveugles que le soleil. Quand celui qui conclut un contrat leur demande de le sanctionner, ils entendent sa voix, et, si le contrat n’est pas exécuté, ils infligent le châtiment qui est dans leurs attributions ; voilà pourquoi la terre a englouti Loégairé, pourquoi le vent lui a refusé l’air nécessaire à la respiration.
Le serment celtique nous transporte en effet dans un milieu bien différent du milieu chrétien et antérieur même à celui de la Grèce épique où, dans le serment, on invoquait le couple divin qui, aux enfers, punit les parjures. À l’époque primitive, où une des formules du serment celtique nous fait remonter, il y a trois puissances que l’homme redoute surtout ; ce sont : le ciel, la terre et l’eau.
Au quatrième siècle de notre ère, chez les Celtes riverains du Rhin, quand un mari doutait de la fidélité de sa femme, il mettait l’enfant nouveau-né sur un bouclier et posait le bouclier sur le fleuve ; si le fleuve engloutissait le frêle esquif, l’enfant était convaincu de bâtardise et la mère d’adultère ; le Rhin, pensait-on, avait vu cet adultère et il avait entendu l’appel fait à sa justice par le mari outragé.
L’empereur romain Julien parle de cet usage du recours à une sorte de justice immanente dans une lettre au philosophe Maxime. Dans son second discours à l’empereur Constance, il revient même sur cette coutume.
Cette justice immanente dont parle Julien a d’ailleurs fourni le sujet d’une pièce de vers anonyme recueillie dans l’anthologie grecque.
Ces trois textes sont d’accord pour constater qu’aux yeux des Celtes le Rhin était le juge en dernier ressort ; chez eux existait donc la notion d’une puissance supérieure (le Tocad, ou la Tocade, au féminin) dont le fleuve, par une sorte de manifestation surnaturelle, exprimait la décision.
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Le premier de ces documents est formel sur un autre point, sur lequel il est d’accord avec la formule du serment : « Que la mer débordante nous submerge. » Le Rhin prononçait la condamnation en submergeant, l’acquittement en faisant surnager l’enfant.
Il est plus que vraisemblable qu’en 336 avant notre ère, les Celtes faisaient usage d’une formule de serment que nous retrouverons encore en Irlande au Moyen-âge.
En 336 avant notre ère, des ambassadeurs celtes (donc des druides) vinrent en effet trouver Alexandre le Grand, alors au début de son règne. Ils firent alliance avec lui. Ils confirmèrent le traité par un serment : « Si nous n’observons pas nos engagements, » dirent-ils, « que le ciel tombant sur notre tête nous écrase ; que la terre s’entrouvrant nous engloutisse ; que la mer débordant nous submerge ».
De deux textes d’auteurs grecs contemporains d’Alexandre le Grand, on doit conclure que cette formule a bien été employée par les Celtes à la date que nous indiquons, à savoir – 336.
Après avoir fait boire les ambassadeurs, Alexandre leur demanda : « Que craignez-vous le plus ? »
Au lieu de lui répondre : « C’est vous » comme l’espérait très certainement Alexandre, les Celtes, après s’être concertés, répondirent : « Nous ne craignons personne ; nous ne redoutons qu’une chose, c’est que le ciel tombe sur nous ».
Cette réponse nous a été conservée parmi les fragments qui subsistent d’un livre écrit par un des plus célèbres lieutenants d’Alexandre, Ptolémée, mort roi d’Égypte en 283.
Alexandre considéra la réponse des Celtes comme une insolence. Son maître, Aristote, fit sans doute une observation différente si l’on en croit son livre intitulé l’éthique à Nicomaque. Les Celtes, remarqua-t-il, ne craignent qu’une chose, c’est que le ciel tombe sur eux, s’ils n’exécutent pas leur traité d’alliance ; ils croient donc n’avoir pas à se préoccuper des deux derniers articles de leur serment. Par conséquent, ils n’ont peur ni des tremblements de terre ni des flots ; donc ils sont fous ou insensibles à la douleur. Tel fut le raisonnement d’Aristote, mort en 322, quatorze ans après l’entrevue d’Alexandre avec les ambassadeurs celtes.
Complètement idiot bien entendu !
Afin de bien comprendre la formule de serment celtique, il est nécessaire de revenir quelque peu sur ce qu’est l’animisme.
Les judéo-islamo-chrétiens et nos modernes scientistes appellent aujourd’hui de façon quelque peu condescendante* et en s’estimant toujours implicitement bien au-dessus* évidemment, « animisme » ; le fait de considérer que tout ce qui bouge est vivant et que diverses forces plus ou moins conscientes sont à l’œuvre dans la nature, de la mer qui submerge les terres à la meute de loups se rapprochant de sa proie en passant par le vent qui sculpte inlassablement les reliefs dunaires ou montagneux.
La solution de facilité de ce problème consisterait peut-être évidemment à considérer tous ces éons de la nature comme des auxiliaires d’une entité abstraite et neutre située très au-dessus dans l’échelle ontologique des êtres, en quelque sorte des causes secondes d’un destin cosmique pouvant occasionnellement agir comme une sorte de justice immanente (la Providence diraient les chrétiens), mais la poésie en moins, hélas pour notre humaine nature.
Introduit à la fin du XIXe siècle par Edward Burnett Tylor pour désigner la religion des sociétés qu’il appelait « primitives » le concept d’animisme a connu un indéniable succès.
Pour Tylor, l’animisme représentait le premier stade de religiosité humaine, celui des sociétés les plus primitives, et il devait être suivi par le fétichisme [comme le fétichisme de l’épée en terre celte par exemple), puis par le polythéisme et enfin, bien sûr, le monothéisme, qui caractérisait la religion de sa propre société.
Par défaut ou par commodité, il est désormais utilisé dans le langage courant ou dans les statistiques, comme un mot fourre-tout désignant généralement l’ensemble de ce qui, ne relevant pas des religions monolâtres de masse s’appuyant sur des textes sacrés (judaïsme, christianisme, islam, voire hindouisme et bouddhisme…) est transmis par des traditions orales. N.B. Le terme lui-même, souvent entaché de connotations colonialistes, ou du moins perçues comme péjoratives, est parfois remplacé par des expressions telles que « croyances populaires », « croyances indigènes », « religions traditionnelles ».
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L’animisme est la croyance en une âme, une force vitale, animant les êtres vivants, mais aussi les éléments naturels, comme les pierres ou le vent. Ces âmes ou ces esprits peuvent agir sur le monde tangible, de manière bénéfique ou non. Il convient donc de leur vouer un culte ou au minimum de ne pas les irriter.
Principes de l’animisme.
Il n’y a pas de coupure ou de fossé absolu entre les différents règnes, divin, angélique ou démoniaque, humain, animal, végétal, minéral. Tout est lié dans l’échelle des êtres. Tout se tient dans l’univers.
Tout ce qui existe, particulièrement tout ce qui est mobile et vivant, recèle en lui quelque chose qui n’est pas strictement matériel.
Ce quelque chose à l’intérieur des êtres est une force ou une énergie, douée d’une conscience variable et se localisant inégalement dans l’univers.
L’âme de l’homme est un très bon exemple de ces êtres-forces.
L’animisme est donc une spiritualité qui attribue quelque chose comme une âme ou un esprit aux choses. L’esprit ou l’énergie existent indépendamment de la chose, que celle-ci soit vivante ou morte. Certains croient par exemple que les animaux et les plantes ont également une âme, et que cette âme ne disparaît jamais.
D’après certains auteurs il existe également un chamanisme de type animiste. Les Bororos du Brésil ont par exemple deux types de chamanisme dont l’un est à base animique et l’autre à base totémique. Les spécialistes du premier s’occupent des rapports avec les non-humains (les animaux) en accomplissant des rites au cours desquels il s’agit de débarrasser ces animaux de leur intentionnalité, de façon à pouvoir les consommer sans conséquences néfastes.
L’animisme a souvent été rapproché du chamanisme. Mais le chamanisme désigne plutôt la croyance en la possibilité de communiquer (médiation) avec un autre monde ; qui peut certes être celui des âmes ou esprits, mais aussi celui des morts, des animaux. Dans la pratique cependant l’animisme implique toujours une certaine dose de chamanisme en ce sens que postuler l’existence d’un monde des âmes sans laisser entrevoir aucun moyen d’y accéder ou d’échanger avec lui ne servirait à rien. Les monolâtries de masse comme le judaïsme le christianisme ou l’islam admettent d’ailleurs elles aussi qu’il est possible de communiquer avec des entités surhumaines ou divines : par la prière ou l’exorcisme par exemple. Car en réalité toutes les religions reconnaissent l’existence de ces forces intérieures, que certains appellent esprits, ou démons, ou djinns, ou anges, etc., que ces entités soient considérées comme bénéfiques ou maléfiques. Les trois religions monolâtres majeures recèlent en leur sein plusieurs théories sur ces éons ou êtres-forces qui peuvent revêtir différentes formes.
Mais chez les animistes, ces notions ne sont primitives que dans la mesure où elles concernent des êtres simples : la pierre, le rocher, le sable, le vent, l’eau, le feu.
Dans une société animiste, on ne se pose pas la question de savoir si l’on croit ou non dans les esprits : ce n’est pas une question de foi, c’est une expérience que l’on interprète.
L’animisme n’est pas un système de pensée délibérément construit, mais une ontologie, une façon de voir le monde, qui n’implique pas de célébrer un culte, ni même d’avoir une « croyance ». L’animisme est beaucoup plus qu’une croyance que l’on pourrait choisir d’avoir ou de ne pas avoir. C’est une manière de concevoir le monde organisé en catégories d’existants à partir de qualités, d’attributs et de comportements, qui leur sont propres. Il faudrait d’ailleurs s’entendre sur ce que signifie le terme « croyance ». Le verbe « croire » a en effet au moins deux significations : croire en la vérité de quelque chose, ou adopter une attitude d’acceptation face à un fait ou une idée.
Les religions monolâtres ont développé une mentalité qui fait qu’il existe des « articles de foi ». Exemple la résurrection des corps pour qu’ils puissent affronter le jugement dernier. À ne surtout pas confondre avec la croyance druidique en la régénération des corps dans un autre monde parallèle de type paradisiaque après la mort. Elles exigent une adhésion positive et instaurent une différence entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas. Le clergé cultive cette mentalité collective en demandant aux fidèles de réaffirmer constamment leur foi.
Or tout cela est inconcevable dans l’animisme, où la croyance n’est pas un dogme, mais une expérience vécue. Dans des circonstances données, un ensemble d’indices permet à un chaman d’inférer la présence d’un esprit avec lequel il peut entrer en contact. Ou bien encore, certains signes vont indiquer l’existence d’une intention derrière une action animale, ou l’aspect d’une plante.
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La conséquence pratique est qu’un animiste ne peut pas basculer dans l’intolérance religieuse, car ses « dieux » ne fondent pas leur existence sur la disparition des autres.
Pour en revenir au chamanisme, c’est donc un des moyens d’entrer en contact avec ces éons ou forces de la nature.
Sa technique principale consiste à se lier avec les énergies de l’univers à travers diverses méthodes de méditation ou de transe connues sous le nom de voyage de l’âme. Cet état de conscience modifié permet au chaman de contacter l’invisible, l’essence spirituelle. L’état de conscience modifié nécessaire pour effectuer un voyage de l’âme est généralement atteint à l’aide de drogues, d’instruments musicaux, de chants ou de danses.
Les Scythes avaient leurs chamans, qui respiraient la fumée de chanvre et entraient en extase (Abaris est Scythe pour certains auteurs) et une scolie apportée au vers 451 du Livre 1 de la Pharsale de Lucain mentionne que les anciens druides étaient habitués à exercer la divination après avoir ingéré des glands de chêne.
Il va de soi qu’il était impossible aux hommes de cette époque de réaliser que ce qu’ils voyaient alors, sous l’effet de la transe ou de la drogue, n’était qu’un pur produit de leur cerveau, qu’un pur fantasme, le mode de fonctionnement de cet extraordinaire organe leur étant infiniment moins bien connu qu’il ne l’est aujourd’hui pour nos modernes neurologues. Pour eux ce qui était visualisé par leur cerveau existait, vraiment, quelque part, dans ce monde, ou dans un autre.
* Comme si leurs croyances aux anges aux démons aux djinns aux pouvoirs des prophètes ou autres fariboles étaient vraiment moins haut placées dans l’échelle de Richter de l’obscurantisme. En tout cas ce qui est certain c’est que l’animiste ne saurait être par définition intolérant puisque ses éons (dieux esprits ou âmes de la nature) ne sauraient vivre de la disparition des autres.
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RETOUR À LA COURTISE D’ETANNA VERSION I.
Le Suqellos Dagda Gargant fit alors porter son fils dans la maison de Medros/Midir à Bri Léith en Tethba, afin qu’il soit élevé en ce lieu. Mabon/Maponos/Oengus y passa donc neuf ans [avec un voyant du nom de Nindidi].
Medros/Midir possédait un grand terrain de jeu à Bri Léith. Il y avait là trois fois cinquante garçons des jeunes nobles du pays ainsi que trois fois cinquante filles. Mabon/Maponos/Oengus était leur chef à tous à cause de la grande affection que Medros/Midir avait pour lui, et à cause de la beauté de sa silhouette ou de la noblesse de sa race. On l’appelait aussi le jeune fils, car sa mère s’était exclamée lors de sa naissance : « vraiment précoce est le fils conçu à l’aube et venu au monde avant la nuit ! »
Mabon/Maponos/Oengus se querella un jour avec Tretis (Triath) fils de Febal (ou Gobor) des Gaulois Fir Bolg, qui était un des deux chefs d’équipe, et un des élèves de Medros/Midir. Mabon/Maponos/Oengus n’apprécia guère que Tretis (Triath) lui adresse la parole, et il lui répondit alors : « il me déplaît souverainement que le fils d’un serf puisse me parler ainsi ! », car Mabon/Maponos/Oengus croyait alors être le fils de Medros/Midir et que le royaume de Bri Léith était l’héritage qui l’attendait, et il ignorait tout de son lien de parenté avec le Suqellos Dagda Gargant.
Tretis (Triath) lui répondit en lui disant : « je n’en prends pas moins mal le fait qu’un domestique né de père et mère inconnus puisse me tenir un tel langage ».
Sur ce Mabon/Maponos/Oengus alla trouver Medros/Midir en pleurant et fort peiné que Tretis (Triath) lui ait ainsi fait honte.
De quoi s’agit-il ? demanda Medros/Midir.
Tretis (Triath) m’a insulté, il m’a jeté en pleine figure que je n’avais ni père ni mère.
C’est faux, répondit Medros/Midir.
Qui est ma mère alors, et d’où est mon père ?
Il n’est pas difficile de répondre. Ton père est le Suquellos Dagda Gargant, répondit Medros/Midir, et Viviane/Bo Vinda, femme de Borbo/Nechtan, sœur d’Ulcomaros (Elcmar) du Brug, est ta mère. Mais c’est moi qui t’ai ensuite élevé.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 9.
Précoce. Nous traduisons ainsi le terme gaélique óc qui signifie aussi « jeune » tout simplement.
La présence des Gaulois Fir Bolg dans cet épisode surprend. Elle prouve peut-être que ce sont bien des Gaulois qui ont contraint les dieux à délaisser la surface de la Terre, ou que cette légende est d’origine Bolg c’est-à-dire Belge.
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LA NOURRITURE DE LA MAISON DES DEUX SEAUX À LAIT.
Quand le Suqellos Dagda Gargant apprit que Belinos Barinthus (Manannan) commençait à répondre aux invitations lancées par les différents chefs des Toutai Devas, et qu’il allait entamer sa tournée des sides ; il envoya son fils Dergos Boduos pour l’inviter à passer d’abord chez lui.
Belinos Barinthus (Manannan) partit donc pour les rives verdoyantes et couvertes de rosée de la Boinne. On étendit des roseaux frais devant lui, et il se rendit dans le palais tout illuminé de lumières.
Voici comment était la demeure : au sol de bronze d’une porte à l’autre, avec des plaques de bronze blanc au milieu, et des banquettes en argent dessus bien profilées, avec de beaux montants aux bords et aux angles harmonieux, et dessus des oiseaux vermeils (?) chantant mélodieusement…
Belinos Barinthus (Manannan) fut émerveillé par tant de splendeur, et il eut grand plaisir à entendre la joie des jeunes gens, la joie des jeunes filles tout à leurs broderies, ou le bruit des parties échecs.
Bref, les chefs des Toutai Devas et tous les autres nobles de la Terre de Promesse étaient là eux aussi, et tous étaient jaloux du Suqellos Dagda Gargant, à cause de la beauté de son palais des rives verdoyantes et couvertes de rosée de la Boinne.
Le Suqellos Dagda Gargant fit venir ses serviteurs et leur chef (il s’appelait Dichu) et leur dit : « allez me chercher, bonnes gens, dans les ravins les cascades et les estuaires, du poisson, du gibier à plumes, et de la venaison, pour le roi ! »
Dichu y alla donc avec son noble fils Roc, et les princes prirent place à la table du festin.
Belinos Barinthus (Manannan) prit place au milieu des guerriers. Dergos Boduos se mit à sa droite. Le Suquellos Dagda Gargant du côté de sa main qui tient le bouclier dans les combats, Echdonn Mor le fils de Belinos Barinthus (Manannan) prit place sur le côté méridional avec Abartach à la droite de ce grand seigneur et Sithmall Siteach à sa gauche ; ensuite chacun des guerriers à partir de là prit place parmi les gens de son âge. Mabon/Maponos/Oengus était avec le personnel afin de s’occuper de tout et de donner des ordres, toutes sortes de boisson et de mets délicieux furent donc servis comme il se doit en ce genre de circonstances afin que toute la compagnie se retrouve rapidement de bonne humeur et très gaie.
Nos héros passèrent trois jours et trois nuits ainsi, et à la fin du quatrième jour Belinos Barinthus (Manannan) dut faire nettoyer la maison, c’est pourquoi personne n’y resta excepté Belinos Barinthus (Manannan) et Mabon/Maponos/Oengus. Il commença par discuter avec Mabon/Maponos/Oengus et lui parla comme suit : « c’est une bien plaisante maison, Mabon/Maponos/Oengus, et je n’en ai jamais vue comme elle à part Cruitin na Cuan ou Aballomagos et sa situation sur la rive de la Boinne à la frontière des cinq provinces est excellente. Si j’étais toi, Mabon/Maponos/Oengus, cette maison serait mienne et je sommerai le Suqellos Dagda Gargant de la quitter. Tu y bénéficierais de la chance et de la prospérité d’amis puissants après ça. Il récita le poème suivant…
Après ce poème Belinos Barinthus s’adressa de nouveau à Mabon/Maponos/Oengus et lui dit :
— Sais-tu, Mabon-Maponos/Oengus, que parmi tous les Toutai Devas qui sont encore en vie, je suis le souverain de vos rois, le chef de vos armées, la brillante lumière de vos bataillons ainsi que le seigneur de tous vos champions, et que, bien que Medros/Midir soit ton père adoptif, en fait c’est moi qui suis ton tuteur pour ce qui est du courage, des faits d’armes, et du druidisme ; que je suis également le fils adoptif de ton père le Suqellos Dagda Gargant, et que j’ai aussi quelque chose à donner à chacun des enfants de ton père qui a des biens ?
— Je suis heureux que vous admettiez ça, répondit Mabon/Maponos/Oengus. Mais quelle est la raison d’un tel… discours ??
Je vais te le dire, répondit Belinos Barinthus (Manannan) jure sur ton bouclier de couleur pourpre, ton épée, ainsi que tous les dieux que l’on peut adorer, que tu agiras selon mon conseil alors.
Vu son insistance Mabon/Maponos/Oengus dut accepter, car……
Sais-tu, ô Mabon/Maponos/Oengus, qu’il ne convient nullement au Suqellos Dagda Gargant… et que ce n’est pas à lui que la demeure et la seigneurie de la Boinne auraient dû revenir ???? Quand nous serons revenus nous asseoir dans la salle des fêtes après son nettoyage, va devant le Suqellos Dagda Gargant et somme-le de partir, cela te vaudra chance et fortune, et pour lui mauvaise fortune exil et adversité ???
Note de l’éditeur. S’ensuit alors dans notre texte un énième trucage chrétien, une évidente interpolation due à la plume d’un moine copiste chrétien, que nous ne résistons pas néanmoins au plaisir de donner à méditer à nos lecteurs :
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« C’est-à-dire la chance que des anges soient venus de la part du roi du palais ainsi que de la part du Créateur de l’univers, la chance que nous ayons enlevé la souveraineté de Votala (de l’Irlande) aux Gaulois Fir Bolg, la chance que les fils de Mile aient pu de nouveau accéder eux-mêmes au trône de la Verte Erin.
Dis-lui qu’il vaut mieux pour lui ne pas revenir dans cette maison avant que les oghams et les pierres ne se confondent, avant que les cieux et la terre, avant que le soleil et la lune, ne se confondent.
Dieu n’est pas au-dessus de nos dieux, répondit Mabon/Maponos/Oengus.
Il en est pourtant bien ainsi, rétorqua Belinos Barinthus (Manannan). Le Dieu unique tout puissant est capable de soumettre les dieux que nous idolâtrons et eux ne sont pas capables de de le dépouiller, lui qui est le seigneur tout puissant, qui a fait le ciel la terre et les océans avec toutes leurs merveilles, qui a fait l’univers dans sa totalité.
Sais-tu, Mabon/Maponos/Oengus, demanda Belinos Barinthus (Manannan) quelle sorte d’hommes a d’abord été créée ?
Je l’ignore, répondit Mabon/Maponos/Oengus.
Voici la réponse, poursuivit Belinos Barinthus (Manannan). Le dieu unique dont nous parlons a créé dix ordres d’anges pour siéger autour de lui. Orgueil et envie naquirent dans l’esprit du seigneur du dixième ordre et ils quittèrent la plaine céleste… Dieu créa donc les hommes… et ceux qui avaient quitté son royaume par orgueil il les transforma en démons et fit un donjon avec des oubliettes dedans pour leurs tourments. Celui qui fait sa volonté est admis dans le palais et celui qui s’élève contre elle est jeté dans ce cachot pour y subir les pires tourments. Telle est la raison de la création. Mais nous ne sommes pas de cette origine ajouta Belinos Barinthus (Manannan), aussi agis suivant mon conseil maintenant.
J’hésite à le faire ?????? répondit Mabon/Maponos/Oengus, car j’ai quand même profité des plaisirs et des honneurs de cette maison et leur bénéfice m’en reviendra bien un jour ?????? Plus aucun fils ne sera désormais tenu en estime par son père si je fais ça ???????
Arrête, lui répliqua Belinos Barinthus (Manannan), car un roi est toujours plus noble qu’un simple chevalier, ou un seigneur qu’un simple héritier, régner vaut toujours mieux que venir en aide, et des moyens assurés valent mieux que des miettes. Faire en suivant sa volonté propre est toujours mieux que suivre celle de son père ou de sa mère, ou demander à l’un ou l’autre des conjoints ????
Ceci acheva de convaincre Mabon/Maponos/Oengus et il répondit : « ton avis sera désormais suivi, ô roi suprême, mais quel est-il?? »
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 10.
Les transcripteurs chrétiens de cette légende ont évidemment essayé de christianiser le récit.
1. En censurant ce qui les dérangeait le plus, et ce, de leur propre aveu d’ailleurs : « Alors il récita le poème suivant », précise une des versions (mais le poème a disparu). Il est vrai qu’il devait sans doute s’agir d’un morceau de rhétorique à valeur plus ou moins magique.
2. En rajoutant ici et là divers paragraphes d’inspiration chrétienne, ou du moins se voulant tels. Cas évidemment des quelques lignes ci-dessus.
Le conflit de souveraineté entre dieu-ou-démons du paganisme est ramené à un conflit entre Dieu et un démon (le Suqellos Dagda Gargant), condamné par lui.
Belinos Barinthus/Manannan y apparaît comme ayant été chargé par Dieu de faire exécuter la sentence. Il apparaît d’ailleurs ce faisant bien cynique !
Nous avons donc là, exposé dans toute sa biblique simplicité, le judéo-islamo-christianisme à l’état brut : Dieu a besoin de courtisans ou sycophantes chantant sa gloire (les anges puis les hommes) et gare à ceux qui ne font pas ses quatre volontés ! C’est l’enfer assuré.
Mais tout cela n’est encore qu’à moitié chrétien et l’on peut toujours discerner dans ce schéma les principes les plus élevés du monisme druidique.
— Un Être supérieur, le Destin (Tokad, irlandais Tocad ou Toicthech) ; car les anciens druides avaient fait du « hasard » (sic) un Dieu-ou-Démiurge si l’on en croit saint Columba d’Iona et une de ses loricae : « Je n’adore ni le chant des oiseaux… ni un fils, ni LE HASARD, ni la femme (na mac, na mana, na mnan. Mon druide est fils de Dieu… », etc.
— Des émanations divines et célestes, les dieu-ou-démons (rebaptisés anges évidemment).
Ensuite les hommes prenant peu à peu leur place après la révolte de certains des premiers conduits par Lugifer.
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RETOUR ICI À LA COURTISE D’ETANNA VERSION I.
Le voici, répondit Belinos Barinthus (Manannan). Quand viendra le jour de samon (ios) rends-toi au Brug (dans le château) et vas-y armé. C’est un jour de paix ou d’amitié parmi les hommes, durant lequel personne n’est en guerre avec autrui. Le Suqellos Dagda Gargant n’aura pas d’arme à part une baguette de coudrier à la main, son manteau sur lui et une broche en or sur son manteau. Va le retrouver ainsi et menace de le tuer. Sauf s’il promet d’agir selon ta volonté. Et que ta volonté soit celle-ci, être roi du Brug (c’est-à-dire de son domaine) et veille à ne pas rendre cette terre au Suqellos Dagda Gargant tant qu’il n’aura pas préalablement accepté de se soumettre à un jugement rendu publiquement par moi dans cette affaire ; ensuite, quand il viendra plaide que cette terre t’a été donnée en fief pour avoir épargné sa vie et ne pas l’avoir tué, que ce que tu avais demandé pour cela c’est la royauté de jour comme de nuit, or que c’est en jours et en nuits que la durée du monde est comptée.
Ensuite Medros/Midir repartit chez lui et son fils adoptif avec lui. La Samon suivante Mabo/Maponos/Oengus en armes se rendit dans la maison du Brug et fit semblant d’attaquer le Suqellos Dagda Gargant jusqu’à ce qu’il lui promette en échange de sa vie la royauté de son domaine durant un jour et une nuit, toute sa maisonnée devant alors lui obéir pendant ce temps-là. Le lendemain matin le Suqellos Dagda Gargant vint réclamer sa terre à Mabon/Maponos/Oengus, et le menaça des pires maux à cet effet. Mabon/Maponos/Oengus répondit qu’il ne lui rendrait pas ce domaine tant qu’il n’aurait pas soumis ce cas au jugement de Belinos Barinthus (Manannan) en présence de tous les hommes du pays.
Ils firent donc appel à Belinos Barinthus (Manannan), qui décidait des contrats de chacun en fonction de sa nature.
Il convient que cette terre appartienne à ce jeune homme désormais, décida par conséquent Belinos Barinthus (Manannan). Tu as été surpris un jour de paix, d’amitié. Tu as cédé ta terre en échange de ta grâce, car ta vie t’était plus chère que terre, mais tu auras de ma part une terre qui ne te sera pas moins profitable que celle du Brug.
Bien, répondit le Suqellos Dagda Gargant, qu’il en soit fait ainsi.
Le Suqellos Dagda Gargant sortit de la maison du Brug avec tous ses gens tant hommes que femmes.Et depuis cette injonction il n’est plus possible de dire qu’un démon n’a pas de pouvoir, car même si tout le monde en Irlande avait alors essayé de les empêcher de partir, ils n’auraient pu y réussir en raison de la force de cette magie.
Quand le Suqellos Dagda Gargant se retrouva sur les pentes de la prairie tout humide de rosée entourant la maison, il jeta les yeux sur sa femme et sa maisonnée.
Quelle pitié ! Quelle misère, mes bonnes gens, s’exclama-t-il ! C’est bien à contrecœur que vous quittez la Boinne et sa maison, et dorénavant vous n’éprouverez plus que beaucoup de malheur et de folie. C’est ce traître de Belinos Barinthus Manannan qui par druidisme et diablerie a enseigné cette formule magique à mon fils afin de m’évincer, et malheur maintenant à ????????
Je jure sur ma vie, ajouta le Suqellos Dagda Gargant, que si Mabon/Maponos/Oengus m’avait demandé la seigneurie de cette maison je lui aurai assurément donnée sans y être contraint.
Après cela le Suqellos Dagda Gargant les quitta, Mabon/Maponos/Oengus sortit à son tour sur la pelouse et se mit à lui parler. Il essaya de le retenir et de l’arrêter, car honte et remords l’avaient saisi. Mais rien ne put le retenir à cause de la puissance de la malédiction que Mabon/Maponos/Oengus avait lancée. Le Suqellos Dagda Gurgunt s’éloigna et quand il fut hors de vue toute la compagnie disparut avec lui. Mabon/Maponos/Oengus aperçut alors l’intendant de la maison, sa femme et son noble fils, qui revenaient sur leurs pas. Chacun d’entre eux s’expliqua et l’intendant accepta la protection de Mabon/Maponos/Oengus. Mabon/Maponos/Oengus lui dit : « continue ton office comme si tu n’avais pas été présent dans cette maison au moment de la sommation » ; et tout le soin de la maison lui fut abandonné.
Or il arriva que la femme de l’intendant était alors enceinte. Quand Mabon/Maponos/Oengus s’en aperçut, il demanda d’en être le tuteur. Ils vinrent ensemble dans la maison et l’intendant demanda aussi à bénéficier de l’amitié de Belinos Barinthus Manannan.
Les nobles seigneurs demandèrent à Belinos Barinthus Manannan où le Suqellos Dagda Gurgunt avait bien pu aller.
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Je ne sais pas, répondit Belinos Barinthus Manannan, et ni prophète ni sage dans le monde ne le sait, seul le sait le Dieu unique tout puissant.
Ensuite Mabon/Maponos/Oengus donna le festin de la maison en l’honneur de Belinos Barinthus (Manannan) et des nobles seigneurs de la tribu de la déesse Danu (bia). Quand vint la fin du banquet les nobles… pour l’entendre chanter ???? Mabon/ Maponos/Oengus lui dit : « ta femme est enceinte et quel que soit l’enfant qui naîtra je le prendrai afin de l’élever ou l’éduquer. Il en sera de même pour les enfants de tout autre membre du peuple de la déesse Danu-bia, poursuivit Belinos Barinthus Manannan… ?????
Belinos Barinthus (Manannan) revint dans sa forteresse et vint le moment où sa femme mit au monde le fruit de ses entrailles, une magnifique et adorable petite fille avec un toupet de cheveux blonds bouclés sur le front, raison pour laquelle donc elle fut baptisée ou appelée du nom de Curcog. Elle fut confiée à Mabon/Maponos/Oengus afin qu’il l’élève et fasse son éducation avec les filles des autres grands seigneurs du même âge qu’elle.
Quant à la femme de l’intendant, elle mit au monde une fille ce jour-là, elle reçut le nom d’Etanna et Mabon la prit avec lui comme tous les autres enfants adoptifs à élever. Un bel appartement bien ensoleillé avec de nombreuses décorations fut aménagé pour les jeunes filles et elles restèrent là un bon moment afin d’y être élevées. Il n’y eut jamais ni avant ni après compagnie de femmes plus austères et plus chastes que celle de Curcog, mais l’une d’entre elles l’emportait sur toutes les autres pour ce qui est de l’apparence du sérieux et de la chasteté, à savoir Etanna la fille de Dichu. Aucun homme ne pouvait la voir sans en tomber amoureux. C’était elle qui de toutes les filles plaisait le plus à Mabon/Maponos/Oengus et la renommée de cette compagnie se répandit aux quatre coins du pays. La fille de l’intendant était plus célèbre que toutes les autres femmes ou que Curcog elle-même, et les nobles du peuple de la déesse Danu (bia) venaient en ce lieu à cause d’elles.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 11.
En présence de tous les hommes du pays. Il s’agit donc là clairement d’une procédure d’arbitrage rendu en public. Rappelons néanmoins que contrairement aux apparences Manannan ne semble nullement avoir fait partie au départ des Tuatha Dé Danann, ce qui s’explique si l’on admet qu’il ne s’agit en fait que de l’avatar « mannois » (venant de l’île de Man) d’un dieu celte connu jusque-là sous un autre nom.
Il n’en demeure pas moins que la situation du panth-éon irlandais n’est pas très claire, et qu’il semble avoir été divisé en deux clans rivaux, celui de Lug et celui de Tuireann. Ces coups d’État ou ces révolutions de palais dans le panth-éon irlandais sont sans doute dus au manque de communication avec le celtisme continental et avec ses grands conciles druidiques internationaux ; à des siècles et des siècles d’évolution séparée.
Seul le dieu unique le sait. Il s’agit-là on en conviendra je pense d’une bien étrange réponse dans la bouche d’un dieu païen. Elle fait très « musulman ».
Curcog signifie en gaélique touffe de cheveux ébouriffés, mèche de cheveux en bataille.
Sévérité chasteté… la description fait un peu penser à un couvent de religieuses. Le christianisme est passé par là. Toute la question est de savoir quel est l’apport spécifiquement chrétien dans ce genre de texte. Ce n’est pas le christianisme par exemple qui a inventé ce genre de pensionnats pour enfants nobles.
La mise en pension des enfants chez un parent plus ou moins proche est un usage très fréquemment rencontré dans les cultures matrilinéaires, où l’héritage se transmet par les femmes. Si l’héritage de la propriété maternelle est direct, parfois celui du nom ou des titres, la transmission de l’héritage culturel des mâles en matière de chasse ou de guerre nécessite l’intervention d’un autre mâle. L’oncle maternel est donc le plus capable de transmettre cette culture initiatique, tout en restant proche de la filiation matrilinéaire.
En l’absence d’oncle, ou dans d’autres cultures, on choisira un autre mâle parmi la famille proche, les alliés, voire quelqu’un dont le statut social élevé (chef de tribu, roi ou prince) assurera au garçon un avenir convenable et une reconnaissance sociale.
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La mise en pension des enfants chez un oncle maternel ou un autre membre de la parentèle était une pratique très connue des Celtes de l’antiquité tardive.
Cette pratique est distincte de l’adoption, en ce qu’elle ne remet pas en cause les liens génétiques reconnus avec les géniteurs biologiques de l’enfant.
Cette pratique sociale est structurante des sociétés, au même titre que les mariages et alliances, qui créent des liens particuliers entre familles et clans. Elle relève donc de l’anthropologie comme de la sociologie, et se retrouve dans beaucoup de sociétés traditionnelles (Europe ancienne, Afrique, Inde, Océanie).
Ce type de pension est un mode de formation des jeunes garçons, entre l’enfance et le statut d’adulte. Il consiste, dans sa forme la plus exemplaire, à confier l’éducation des garçons à un oncle maternel.
Une fois passée l’enfance auprès de sa mère, le garçon est confié à son oncle maternel vers l’âge de sept ans. Il change alors de maison, et obéit désormais à son oncle. Son travail (pastoral ou autre) profite à la maisonnée de son oncle. En contrepartie, celui-ci le nourrit, l’héberge, et assure sa formation, notamment cynégétique et guerrière. Il s’agit donc d’une sorte d’adoption, bien que temporaire. Cette période probation dure jusqu’à l’inclusion de l’adolescent dans la société des adultes, souvent sanctionnée par des rites initiatiques particuliers. Si ce type de pension concerne le plus souvent l’enfant mâle et le frère de sa mère, il existe des exemples où cela concerne des filles. Le lien créé ainsi est durable, comme on peut le voir dans les récits.
Pour en revenir à la question du degré de christianisation d’un tel récit, le plus simple est peut-être de supposer que des clercs du haut Moyen-âge se sont emparés du thème de la pension pour jeunes filles de la noblesse et en ont accentué le caractère chrétien, en en faisant ainsi presque des religieuses. Ce qui ne devait quand même pas être le cas dans les récits d’origine.
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CI-DESSOUS ENCORE LA COURTISE D’ETANNA VERSION I.
Medros/Midir se rendit dans le Brug un an plus tard le même jour afin de rendre visite à son fils adoptif, et il trouva Mabon/Maponos/Oengus sur le tumulus du side du Brug le jour de Samon (ios), avec deux équipes de jeunes gens jouant devant lui dans le Brug, et Ulcomaros sur le tumulus de Cleitech au sud en train de les observer. Une querelle éclata parmi les jeunes du Brug.
Ne t’en mêle pas, dit Medros/Midir à Mabon/Maponos/Oengus, à cause d’Ulcomaros, de peur qu’il ne descende dans la plaine. C’est moi qui vais y aller ramener la paix entre eux.
Sur ce Medros/Midir y alla, et il ne lui fut pas facile de les départager. Une branche de houx fut lancée sur Medros/Midir alors qu’il intervenait, et lui arracha un de ses yeux. Medros/Midir rejoignit Mabon/Maponos/Oengus son œil dans la main et lui dit : « Quelle idée j’ai eue de venir te rendre visite, me voici humilié, car avec une telle infirmité je ne peux plus voir la terre sur laquelle je me suis installé à demeure et cette terre que j’ai quittée je ne peux plus y retourner comme ça désormais ».
Il n’en sera nullement ainsi, répondit Mabon/Maponos/Oengus, j’irai trouver Deinocacectis (Diancecht) afin qu’il vienne et te soigne, et ton fief sera de nouveau tien, cette terre tienne, ton œil retrouvera toute son intégrité, tu seras lavé de toute honte ou infirmité à cause de lui.
Mabon/Maponos/Oengus alla donc trouver Deinocacectis (Diancecht) […] afin que tu puisses venir avec moi, dit-il, pour sauver mon père adoptif qui a été blessé sur le Brug ce jour de Samon (ios).
Deinocacectis (Diancecht) se rendit sur place et soigna Medros/Midir, si efficacement qu’il retrouva son intégrité.
Heureuse a été ma visite maintenant, dit Medros/Midir, puisque je suis guéri.
Il en sera sûrement ainsi, ajouta Mabon/Maponos/Oengus. Mais reste ici une année afin de pouvoir découvrir mes troupes et mon personnel, ma maisonnée ainsi que mon pays.
Non, répondit Medros/Midir, à moins que tu ne m’indemnises pour le préjudice que j’ai subi.
Quelle compensation, demanda Mabon/Maponos/Oengus.
Facile à dire. Un char valant sept cumala [soit trente-cinq bêtes à cornes] répondit Medros/Midir, un manteau à ma taille et la plus belle fille du pays.
J’ai le char et le manteau qui te convient, répondit Mabon/Maponos/Oengus.
Mais je veux en outre, insista Medros/Midir, la jeune fille qui surpasse toutes les autres jeunes filles pour ce qui est de la beauté.
Où se trouve-t-elle ? demanda Mabon/Maponos/Oengus.
Elle habite chez toi, répondit Medros/Midir, Etanna la fille de Dichu ton intendant. C’est la plus belle et la plus douce et la plus aimable fille du pays.
Mabon/Maponos/Oengus alla donc dans la maison de Dichu. Il fut bien reçu évidemment et lui fit savoir quel était l’objet de sa mission. Il lui expliqua qu’il était venu chercher sa fille Etanna.
Je ne te la donnerai pas, répondit Dichu, car je ne pourrai en aucune façon te demander quoi que ce soit, en raison de la noblesse de ta famille, et de la grandeur de ton pouvoir ainsi que de celui de ton père. Si tu fais du tort à ma fille, alors on ne pourra obtenir aucune indemnité de ta part pour compenser le prix de son honneur perdu.
Il n’en sera pas ainsi, répliqua Mabon/Maponos/Oengus. Je te l’achèterai.
Alors entendu comme ça, répondit Dichu.
Fais-moi savoir ce que tu en demandes, poursuivit Mabon/Maponos/Oengus.
Ce n’est pas difficile, reprit Dichu. Tu devras me défricher douze plaines qui sont couvertes de friches et de forêts, afin qu’elles puissent désormais me servir à faire paître mon bétail ou pour y habiter, pour y organiser des jeux et des assemblées, des réunions, voire y construire des forteresses.
Cela sera fait, répondit Mabon/Maponos/Oengus.
Il partit et alla ensuite chez le Suqellos Dagda Gargant exposer dans quelle difficulté il se trouvait.
Ce dernier fit en sorte que les douze plaines soient essartées en une seule nuit. Voici quels sont les noms de ces plaines : il s’agit des plaines de Macha, Lemna, Nitha, Tochair, Dula, Techt , Li, Line, Muirthemne.
Quand ce travail eut été accompli, Mabon/Maponos/Oengus alla chez Dichu demander la main d’Etanna.
Tu ne l’auras pas, répondit Dichu, tant que tu n’auras pas fait sortir de cette terre jusqu’à l’océan douze grandes rivières pour assécher les noues les marais les tourbières, afin que l’on puisse y faire remonter des produits venant de la mer pour les peuples et les familles et qu’elles drainent les sols et les terres.
Mabon/Maponos/Oengus alla de nouveau trouver le Suqellos Dagda Gargant pour se plaindre de cette nouvelle difficulté. Et là encore le Suqellos Dagda Gargant fit en sorte que douze grands cours
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d’eau se jettent dans la mer en une seule nuit. Personne ne les avait aperçus jusque-là. Voici quels sont les noms de ces cours d’eau : les fleuves Finn et Modorn, le Slena, l’Amnas, l’Oichen, l’Or, le Banda, le Samair et le Loche.
Maintenant quand ces travaux eurent été accomplis Mabon/Maponos/Oengus revint discuter avec Dichu pour avoir Etanna.
Tu ne l’auras pas tant que tu ne me l’auras pas vraiment payée, car une fois que tu l’auras eue, je n’aurai plus de cette fille aucun autre profit que ceux que je vais maintenant obtenir de toi.
Qu’exiges-tu encore de moi ? demanda Mabon/Maponos/Oengus.
Je demande, ajouta Dichu, le poids de la fille en or et en argent pour moi personnellement, car de tout ce que tu as fait jusqu’à maintenant le bénéfice en sera en réalité pour notre peuple et notre parenté ??
Cela sera fait, répondit Mabon/Maponos/Oengus. Elle fut placée [dans une balance disposée] sur le plancher de la maison de Dichu, et son poids en or et en argent fut donné pour elle. Ce trésor fut laissé à Dichu et Mabon/Maponos/Oengus ramena Etanna chez lui.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 12.
L’ancien druidisme accordait beaucoup d’importance à la bonne santé physique, et même en fait tout simplement à l’intégrité du corps humain. Il était notamment nécessaire pour tout homme de pouvoir (pour un roi notamment) d’avoir un corps intégralement intact. Le célèbre roi mythique Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd (voir les légendes concernant la première bataille de Mag Tured = Cath Maighe Tuireadh Cunga) ayant par exemple perdu un bras, perd par la même occasion son trône. Il en va peut-être de même en l’occurrence pour Medros/Midir. Ayant perdu un œil il n’a plus le droit de régner sur son fief. Enfin peut-être ! Ce n’est qu’une hypothèse. Ce qui est certain c’est qu’il n’est pas totalement aveugle, mais qu’il est devenu borgne. Ce qui n’est pas du tout la même chose. Et n’avoir qu’un œil n’a jamais empêché un dieu ou un roi de régner du moins dans la mythologie germanique (cf. Odin).
Je ne te la donnerai pas. En d’autres termes Dichu ne veut pas d’un mariage par trop inégal en raison des dispositions légales d’alors. Il serait trop difficile d’obtenir réparation de la part de Mabon/Maponos /Oengus en cas de préjudice causé à Etanna. Pour en savoir plus sur le droit celtique ANCIEN voir notre opuscule sur l’éthique.
Je te l’achèterai. Nous avons là en l’occurrence la forme la plus primitive du mariage qui soit. La femme est achetée à sa famille, à son père plus précisément. Je sais, ce n’est pas beau, mais il en était ainsi à l’époque ! Le mariage uniquement pour cause d’amour est une idée récente, ce qui importait jadis ce n’était pas le mariage d’amour, mais que de l’amour de type « amour conjugal » puisse en résulter. Voir Plutarque à ce sujet.
Le défrichage des douze plaines. Le thème du défrichage d’un certain nombre de plaines revient souvent dans les légendes irlandaises. Nous le retrouverons d’ailleurs de nouveau un peu plus loin.
Son poids en or et en argent… Tout cela c’était de l’ancien druidisme ! On peut continuer de s’en inspirer pour ce qui est des formes extérieures ou du symbolisme traditionnel du rituel relatif au mariage. Le poids de la mariée en or ou en argent peut être remplacé par exemple par une pièce de monnaie symbolique. Une unité de la monnaie officielle du pays. Mais il va de soi que pour ce qui est de l’esprit une telle conception du mariage ne doit plus avoir cours. Le mariage doit être l’union librement consentie d’un garçon et d’une fille, d’un homme et d’une femme, sincèrement désireux de vivre ensemble et de mettre leurs moyens en commun, notamment dans la perspective d’avoir un jour des enfants.
La dernière remarque de Dichu est une allusion aux particularités du mariage celtique pour ce qui est de la transmission des biens immobiliers. Sur le statut de la femme, avant et après mariage dans la société celtique voir notre étude sur l’éthique druidique.
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Medros/Midir fit bon accueil à cette compagnie bien évidemment. Le soir même Etanna dormit avec lui et le lendemain matin un manteau lui allant très bien et un char lui furent donnés, il fut très heureux de son fils adoptif. Après cela il demeura une année entière dans le palais du Brug avec Mabon/Maponos/Oengus. Un an plus tard jour pour jour il revint chez lui à Bri Léith et il prit Etanna donc avec lui. Le jour où il prit congé de lui, Mabon/Maponos/Oengus dit à Medros/Midir : Fais bien
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attention à la femme que tu prends avec toi, à cause de la redoutable et rusée mégère qui t’attend là-bas, armée de toutes les connaissances de tous les pouvoirs et de tous les arts magiques de sa race, lui dit Mabon/Maponos/Oengus, je lui aussi donné ma parole que je la protègerai, contre tous les gens de la grande déesse Danu (bia).
Il voulait parler de Vocumnaca (Fuamnach) la femme Medros/Midir qui était de la race de Bivotacos fils de lariponalis (Beothach fils de lardanel). Elle était très experte et très versée dans toutes les connaissances ainsi que dans tous les arts magiques de la tribu de la grande déesse, car c’est le druide Bresalos qui l’avait alors élevée, avant qu’elle ne soit mariée à Medros/Midir.
Vocumnaca (Fuamnach) fit bon accueil à son mari, c’est-à-dire à Medros/Midir, et leur parla beaucoup de [……]
Viens, O Medros/Midir, s’exclama Vocumnaca (Fuamnach) que je puisse montrer la maison et l’étendue des terres à la fille du roi. Medros/Midir fit le tour du propriétaire avec Vocumnaca (Fuamnach) qui présenta le domaine à ce dernier […] ainsi qu’à Etanna. Mais Medros/Midir ramena ensuite Etanna chez Vocumnaca (Fuamnach).
Vocumnaca (Fuamnach) se précipita avant eux dans la chambre où elle dormait habituellement et s’écria en s’adressant à Etanna : « Tu viens de prendre la place (suide) d’une femme honnête ! »
Aussi quand Etanna prit place sur le trône dressé au milieu de la maison, Vocumnaca (Fuamnach) la frappa de sa baguette en bois de sorbier pourpre (caerthinn corcrai) et alors elle fut transformée en flaque d’eau en plein milieu de la maison ; ensuite Vocumnaca (Fuamnach) repartit chez son père adoptif Bresalos, et Medros/Midir abandonna la maison à la flaque d’eau en laquelle Etanna venait d’être transformée. Medros/Midir resta sans femme après cela.
La chaleur du feu et de l’air ainsi que le grouillement du sol firent que l’eau de cette flaque qui était au milieu de la maison se transforma en asticot et après l’asticot se transforma en mouche pourpre [géante, d’une espèce inconnue]. Elle était aussi grosse qu’une tête d’homme, et la plus belle du monde. Plus harmonieux que des cornemuses des harpes et des cornes […] étaient le son de sa voix et le bourdonnement de ses ailes. Ses yeux brillaient comme des pierres précieuses dans l’obscurité. Son parfum et sa fragrance faisaient chassaient la faim et la soif de toute personne autour de qui elle tournait. Les fines gouttelettes qui tombaient de ses ailes soignaient les maux les maladies et même la peste de toute personne autour de qui elle virevoltait. Elle avait l’habitude de s’occuper de Medros/Midir et de faire le tour de son domaine avec lui à chaque fois qu’il venait. L’écouter ou l’admirer aurait nourri des armées entières lors des réunions ou des mobilisations de guerriers. Medros/Midir savait que c’était donc Etanna qui était là revêtue de cette apparence, et aussi longtemps que cette mouche s’occupa de lui de la sorte il ne reprit jamais d’autre femme, rien que la voir suffisait à le nourrir. Son bourdonnement berçait son sommeil et quand un de ses ennemis approchait elle le réveillait aussitôt.
Au bout d’un certain temps Vocumnaca (Fuamnach) vint rendre visite à Medros/Midir, et vinrent aussi avec elle comme garants et gardes du corps les trois dieux de Danu (bia) c’est-à-dire Lug le Suqellos Dagda Gargant et Ogmios. Medros/Midir fit de vis reproches à Vocumnaca (Fuamnach) et lui cria qu’elle ne serait pas repartie comme ça s’il n’y avait pas eu les trois gardes du corps qu’elle avait pris avec elle. Vocumnaca lui répondit qu’elle ne regrettait nullement ce qu’elle avait fait, qu’elle préférait se faire plaisir à elle-même plutôt qu’à quelqu’un d’autre, et que, quel que soit l’endroit du pays où elle pouvait être qu’elle ne ferait que du mal à Etanna aussi longtemps qu’elle vivrait, sous quelque forme qu’elle soit. Elle lança de grandes malédictions conformément aux enseignements (dicelta mora & tecosca) du druide Bresalos Etarlamos afin d’emporter au loin Etanna et la faire renoncer à Medros/Midir, car elle avait compris que la mouche pourpre qui faisait le bonheur de Medros/Midir était en fait Etanna elle-même, puisque chaque fois qu’il voyait cette mouche écarlate, Medros/Midir délaissait toute autre femme et n’éprouvait plus de plaisir dans la musique la boisson voire la nourriture quand il ne la voyait plus, ou n’entendait plus ni sa musique ni sa voix. Vocumnaca (Fuamnach) suscita un grand tourbillon druidique qui eut pour résultat qu’Etanna fut emportée loin de Bri Léith, et que pendant sept ans elle ne trouva pour se poser ni un sommet ni un arbre ni une colline ni une hauteur, mais seulement des rochers au péril de la mer ou des vagues de l’océan. Elle flotta dès lors ainsi dans les airs pendant sept longues années avant de se poser délicatement sur la poitrine de Mabon/Maponos/Oengus alors qu’il était sur le tumulus du Brug.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 13.
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Beothach fils de Iardanel. Voir les différents peuplements du pays selon le livre des conquêtes (leçon 2). L’auteur mélange un peu tout néanmoins, car Mabon/Maponos/Oengus et Medros/Midir ne font pas très catholiques non plus. Et il faut se mettre un peu à la place de l’épouse légitime, Fuamnach, qui ne peut imaginer un tel culot de la part de son mari Medros/Midir et qui bien entendu prendra très mal cette tentative de ménage à trois (quand elle aura réalisé).
Une mouche. Toute la difficulté en l’occurrence est de traduire le terme gaélique cuil. Mouche, moucheron, puce ??? Pour ce qui est des mouches il en existe de toutes sortes, de la mouche commune verte (lucilia caesar) à la mouche à beurre anglaise (parce que les sorcières se transformaient en ce genre de mouches pour voler du beurre ?) en passant par la mouche à miel française (l’abeille).
Il s’agit là du thème de la génération spontanée. La seule façon d’expliquer certains cas d’apparition de la vie pour les hommes de cette époque. La croyance en la génération spontanée fit longtemps partie du sens commun, parce que l’apparition d’êtres vivants là où on n’en voyait aucun à l’œil nu est un phénomène d’observation courante. Au cours des millénaires, les hommes s’étaient aperçus que leurs animaux d’élevage avaient besoin d’un accouplement pour produire des petits. Les vaches ne pouvaient avoir de veaux sans taureau, les brebis pas d’agneaux sans bélier, etc. Néanmoins, pour les petits animaux, on continuait à croire que des asticots pouvaient naître d’un morceau de viande. Les micro-organismes, microbes et levures, semblaient donc le produit d’une génération spontanée.
Au début du XIXe siècle, cette théorie fut encore soutenue par les grands savants français que furent Geoffroy Saint-Hilaire et Jean-Baptiste de Lamarck. Ils considéraient tous deux que les formes de vie les plus simples, les infusoires, pouvaient encore apparaître par génération spontanée.
Il n’en reste pas moins que ce qui précède (la transformation en flaque d’eau par un coup de baguette magique) et ce qui suit (le passage d’une conscience humaine dans un corps d’animal, extraordinaire qui plus est) sont deux phénomènes encore plus difficiles à croire.
Le thème du passage d’une conscience humaine dans un corps animal relève du chamanisme.
Le mieux est donc peut-être encore de laisser le dernier mot en l’occurrence aux druides du livre I de la Pharsale de Lucain : « C’est à vous seuls qu’il appartient de connaître, comme de les ignorer, les dieux et les puissances célestes (vers 451 à 453).
Que nos lecteurs fassent donc de même et pensent ce qu’ils veulent de ces trois phénomènes :
— génération spontanée.
— transformation en eau grâce à un coup de baguette magique (Moïse a bien fait surgir une source d’un rocher en le frappant de son bâton : Nombres 20, 8-12)
— chamanisme (nombreux ouvrages sur le chamanisme préhistorique en Europe voire sur la découverte du chamanisme hyperboréen ou scythe par les Grecs au VIIe siècle avant notre ère et le voyage de l’âme).
On qualifie d'« hyperboréens » ou d'« apolliniens » un groupe de penseurs ou de mages ou de chamans antérieurs à Socrate et même au premier des présocratiques (Thalès) : Aristée de Proconnèse (vers -600), Épiménide de Crète (vers -595), Phérécyde de Syros (vers -550), Abaris (vers -540), Hermotime de Clazomènes (vers -500). Les Grecs en faisaient une école, qui anticipait le pythagorisme.
Avec Abaris et Aristée, voici le délire d’Apollon à l’ouvrage. L’extase apollinienne est une sortie hors de soi : l’âme abandonne le corps et, libérée, elle voyage au-dehors. Cela est attesté par Aristée, et on dit de son âme qu’elle volait. À Abaris, en revanche, on attribue la flèche, symbole transparent d’Apollon, et Platon fait allusion à ses sortilèges. Il est permis de conjecturer qu’ils ont réellement vécu.
Mais encore une fois, cher lecteur, ainsi que le dit si bien Lucain dans le premier livre de sa Pharsale, c’est à vous seuls qu’il appartient de connaître, comme de les ignorer, les dieux et les puissances célestes (vers 451 à 453).
Tumulus. Nous traduisons par tumulus le terme gaélique duma mais il signifie sans doute tout simplement « hauteur » comme dans le cas de l’appellation du département du centre de la France portant ce nom : Puy de Dôme. Qui est peut-être aussi un pléonasme d’ailleurs. Voir également la formule latine Mercurius dumiatis = Lug du tumulus.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 14.
AVIS CONTRADICTOIRES SUR LA FEMME CELTE.
Le récit que nous sommes en train de passer en revue montre une bien étrange conception du mariage et de la femme. Est-ce dû à la christianisation du récit ??? À l’imagination de ses auteurs ??? Il appartient à nos lecteurs de se faire eux-mêmes leur idée, mais en n’oubliant surtout pas que tout ceci n’est que de l’ancien druidisme, pas du druidisme pour aujourd’hui.
LE STATUT DE LA FEMME CELTE SELON LE GRAND SPÉCIALISTE FRANÇAIS DE LA LITTÉRATURE IRLANDAISE QU’EST D’ARBOIS DE JUBAINVILLE.
En Irlande la femme mariée n’entrait point comme à Rome dans la famille de son mari. Quand son mari était tué, elle n’avait pas droit à la composition pour un meurtre qu’elle n’aurait pu venger. Si elle se remariait, c’était avec sa famille et non avec celle de son mari qu’elle partageait le prix de sa vente à son second mari. De là résultait, pour la femme mariée, une indépendance dont un exemple nous est donné par Medb, reine de Connaught, la célèbre ennemie acharnée du Hésus Cuchulainn (voir notre Bible du druidisme).
Le terme technique du droit irlandais pour désigner l’épouse proprement dite est cétmuinter. Elle s’oppose à la concubine, littéralement « femme de contrat », ben urnadma. Elle doit avoir même fortune et même naissance que son mari ; elle et ses enfants peuvent annuler les contrats désavantageux faits par le mari sans qu’elle y ait consenti. Quand elle n’a pas donné à son mari cause légitime de divorce et que celui-ci achète une autre épouse, le prix d’achat dès lors appartient à la première femme, au détriment de la seconde épouse et de ses parents. La seconde épouse doit le prix de l’honneur à la première, et le premier mariage est dissous ; le mari qui se réconcilie avec sa première femme lui doit un nouveau prix d’achat.
La légende de sainte Brigit nous donne un exemple caractéristique du droit de cette cétmunter ou femme légitime, en Irlande. Le druide Dubthach, qui avait une femme légitime, acheta une femme esclave, en fit sa concubine et la rendit grosse ; la femme légitime menaça Dubthach du divorce ; or, en divorçant, elle devait garder le douaire que son mari lui avait donné ; aussi après une longue résistance, le druide finit-il par vendre sa concubine à un autre maître.
D’Arbois de Jubainville a écrit des choses curieuses à propos de la femme celte.
« L’idéal fait la grandeur des peuples, et les Celtes ont de la femme mariée un idéal équivalent à ceux que la Grèce et Rome offrent dans l’antiquité. Cet idéal manque aux Sémites, comme la vestale romaine ».
La distinction que fait le monde gréco-romain entre la femme libre et la femme esclave donne à la première un respect de soi-même que la femme sémite n’a pas connu dans l’antiquité. On peut comparer à ce sujet deux récits également légendaires, l’un romain, l’autre juif.
Voici le conte romain (d’après le pseudo Plutarque et ses parallèles mineurs) : « Alors qu’Atepomaros, roi des Celtes, faisait la guerre aux Romains, il leur fit savoir qu’il ne se retirerait jamais pas sauf si les Romains leur envoyaient leurs femmes afin qu’ils aient des relations sexuelles avec. Mais les Romains, sur les conseils de leurs esclaves, envoyèrent à la place des servantes, et les barbares, épuisés par des relations sexuelles ininterrompues, s’endormirent. Rhetana, qui était l’esclave à l’origine de ce conseil, à l’aide d’un figuier sauvage, escalada le mur et en informa les consuls. Les Romains passèrent alors à l’assaut et furent vainqueurs. D’où le nom de la fête des esclaves. D’après Aristide de Milet dans le premier livre de son Histoire d’Italie ».
N.B. Le récit biblique est celui de Judith. D’Arbois de Jubainville n’a pas l’air de l’apprécier…
En Irlande la femme avait le droit de divorcer en cas d’infidélité du mari. On est là aux antipodes du statut de la femme dans la religion musulmane (voir le problème de la répudiation, qui n’est pas un divorce).
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Le divorce par consentement mutuel était aussi licite, quoi qu’en dise le droit canon chrétien d’Irlande qui, d’abord, a permis le divorce au mari pour cause d’adultère de la femme, et qui ensuite a prohibé le divorce même pour cause d’adultère. Cette dernière règle est celle qui a pénétré dans la « Collection canonique irlandaise, » où elle est placée sous le patronage de saint Patrice, bien que, suivant un autre document, il ait tenu pour le premier système. La Collection canonique s’exprime ainsi : « Patrice a dit : si la femme de quelqu’un a péché avec un autre homme, que le mari n’épouse pas une autre femme, tant que vivra la première ».
En Irlande, la femme légitime – nous ne parlons pas de la concubine, – était en général incapable de contracter valablement sans le consentement de son mari ; mais cette règle comportait des exceptions : quand les deux époux avaient la même richesse, comtincur, la femme faisait valablement, quant à sa fortune personnelle, tout contrat avantageux ; le consentement du mari n’était nécessaire que pour les contrats désavantageux et la femme avait par réciprocité le droit d’exiger l’annulation des contrats désavantageux faits par le mari sur sa fortune à lui.
Les textes juridiques irlandais que nous possédons nous montrent les femmes investies de la capacité d’agir par saisie mobilière ou immobilière. Une procédure spéciale existe à leur usage : elle est parfaitement distincte de la procédure qu’observent les hommes pour pratiquer soit la saisie mobilière soit la saisie immobilière. Deux textes prétendent même nous apprendre par qui cette procédure féminine a été inventée.
En résumé, la situation des femmes mariées en Irlande, telle que nous la font connaître les documents les plus anciens, est à peu près la même qu’à Rome à la fin de la République et sous l’Empire. Les femmes sont indépendantes de leurs maris et ont la faculté de divorcer. Un mari qui aurait tué sa femme devrait à la famille de cette dernière la composition due pour un meurtre.
Nous trouvons donc généralement en droit celtique, – outre l’usage d’acheter les femmes, qui a été grec, romain, germanique, indo-européen, on peut même dire universel, – deux coutumes matrimoniales, celle de la dot, en latin dos, en irlandais tinol, en gallois agweddy, l’autre, germanique, celle du douaire, en allemand morgen-gabe, en irlandais tinnscra, en gallois cowyll, en breton enebarz.
Suivant Tacite, les Germains ne connaissaient que le douaire : « la femme n’apporte pas la dot » au mari », a écrit l’historien romain, « c’est le mari qui l’offre à la femme ».
Cependant on aurait tort d’en conclure que chez les Germains l’usage de la dot donnée par les parents de la femme et apportée par celle-ci fut absolument inconnu.
Sans doute, chez les Germains, le douaire avait une grande importance ; il pouvait comprendre un certain nombre de chevaux, de bêtes à cornes, même des esclaves, et, quand la propriété immobilière, fut constituée, il put consister en biens-fonds.
Dans le droit des Celtes continentaux du temps de César, le douaire et la dot étaient de valeur égale. L’usage celtique continental sur ce point tenait le milieu entre la coutume germanique qui exagérait l’importance du douaire et le droit gréco-romain qui ne connaissait pas le douaire et qui donnait à la dot une fonction dont les Germains n’avaient pas idée. Dans la Celtique du moment de la conquête, la dot et le douaire formaient une masse attribuée au survivant des deux époux suivant un passage des Commentaires de César : « Quelles que soient les valeurs que le mari ait reçues en tant que douaire de la part de leurs femmes, ils en font une estimation et y ajoutent le même montant de leurs propres biens. Un compte est ensuite tenu de tout cet argent, et les profits en sont gardés : quel que soit celui qui survivra, c’est à lui que revient l’ensemble des deux parts ainsi que les profits qu’elles ont engendrés précédemment ». Ces valeurs consistaient en bestiaux, et les fruits dont parle César étaient le croît de ces animaux.
DOT ET DOUAIRE.
De l’Irlande, revenons au Continent du temps de César. Les Commentaires nous donnent, au sujet du mariage, deux indications contradictoires. La première est relative au régime des biens. Les femmes apportent une dot, dos, dit l’auteur latin. C’est ce qu’on appelle en irlandais tinol, littéralement « collecte » c’est-à-dire l’ensemble des cadeaux faits à la mariée par son père, sa mère et ses autres parents.
À cette dot, au temps de César, on réunit des biens du mari pour une valeur égale c’est le douaire, en irlandais tinnscra, qui, pour les gens sans fortune, pouvait consister simplement en une bague
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d’argent accompagnée de quelques ustensiles de ménage, mais qui, chez les gens riches, était plus important. À l’origine, tout douaire ou tinnscra un peu considérable dut être un troupeau. Plus tard, un tinnscra put être immobilier.
Le droit romain ne connaît pas le douaire : en droit romain le mari reçoit une dot et n’en donne pas ; un savant irlandais du onzième siècle, qui avait étudié le droit romain, s’est imaginé que le douaire, tinnscra, était un usage inconnu du monde entier, sauf l’Irlande et a donc inventé à ce sujet une incroyable histoire dont la conclusion fut évidemment : « Voilà pourquoi les hommes achètent et achèteront toujours leurs femmes en Irlande, tandis que partout ailleurs ce sont les femmes qui achètent les hommes ».
Nous trouvons aussi le douaire dans les lois du pays de Galles, où il s’appelle cowyll.
Le droit gallois distingue en effet, lorsqu’il s’agit du mariage, trois sommes à payer :
1° le prix de l’achat de la femme, gober, gobyr, ou amober, amobor, amobyr, en latin merces ; c’est le coibche des Irlandais ;
2° le douaire, coguyll, couyll, cowyll, en irlandais tinnscra ;
3° la dot, aguedy, agweddy, en irlandais tinol.
« Il y a » dit un texte légal, « trois hontes d’une fille, la première quand son père lui dit : ma fille, je t’ai donnée à un homme ; la seconde quand pour la première fois elle va au lit avec son mari ; la troisième quand, sortant du lit, elle se trouve au milieu des gens.
Pour la première fois, son amobyr est donné à son père, pour la seconde fois son cowyll lui est donné à elle-même, pour la troisième fois le père donne l’agweddy de sa fille au mari ».
Le cowyll ou douaire, donné par le mari comme le morgengabe germanique, est le prix de la virginité de l’épouse. Mais, dans l’usage celtique, il se paye avant la première nuit, au lieu de se payer après comme chez les Germains. Chez les Gallois, l’agweddy ou la dot paraît avoir été, en règle générale, le triple du douaire, et, outre la dot donnée par la famille de la femme au mari, la femme pouvait, dans le pays de Galles au Moyen-âge, sur le continent sous l’Empire romain, recevoir de sa famille des biens paraphernaux appelés par les jurisconsultes romains peculium, par les Gallois argyvreu. La dot était distincte des biens paraphernaux.
La femme celte, au temps de César, pouvait-elle avoir des biens paraphernaux ? C’est ce que l’on ne peut affirmer, mais il est certain qu’elle en possédait au moins quelquefois en Grande-Bretagne avant la conquête romaine. Cartismandua, reine des Brigantes, c’est-à-dire des environs d’York, en Angleterre, détenait son royaume à titre de bien paraphernal au milieu du premier siècle ; elle avait épousé un de ses sujets nommé Venutius, grand guerrier, mais elle était reine et lui n’était pas roi. Elle le congédia, le remplaça par Vellocatus, écuyer de cet époux dédaigné, mais garda son royaume en associant son nouveau mari à la royauté.
Cartismandua était évidemment la fille d’un roi des Brigantes qui, comme plus tard Prasutagus, roi des Iceni, n’avait pas laissé de fils. Elle avait hérité du royaume de son père comme, plus tard, les filles de Prasutagus prétendirent hériter du royaume de celui-ci, et son mari avait à côté d’elle la situation subordonnée qu’ont les femmes dans les ménages ordinaires. Mais c’est là une exception sur laquelle il est inutile de s’étendre davantage.
Chez les Bretons, au premier siècle de notre ère avant la conquête romaine, les femmes pouvaient très bien hériter à défaut de fils et, par conséquent, avoir une fortune plus considérable que leur mari. Dans ce cas, c’étaient elles qui vraisemblablement avaient l’autorité dans le ménage, comme cela se produit dans le droit irlandais du Moyen-âge en pareil cas, c’est-à-dire quand il y a « mariage d’homme sur bien de femme (lánamnas fir for bantinchur), » dit le texte légal, « et qu’en conséquence l’homme prend la place de la femme et la femme prend la place de l’homme ».
César écrit que le mari a droit de vie ou de mort sur sa femme. Mais l’aide à la survie assurée au mari comme à la femme par l’institution du douaire, aussi mentionné par César, n’est pas conciliable avec le droit pour le mari de tuer sa femme quand il lui plaît. Ce droit le mari l’avait sur la concubine, sans dot, le plus souvent son esclave ; nous devons reconnaître des concubines de condition inférieure dans ces femmes, uxores qui, suivant César, sont soumises à la torture par les parents du mari quand on soupçonne une d’entre elles d’avoir fait mourir le mari défunt. Le mari qui aurait tué sa femme légitime aurait dû la composition pour meurtre, comme plus tard en Irlande le roi de Leinster mentionné à propos de l’institution du Boroma.
Le mari a seulement droit de vie et de mort sur l’esclave qui lui sert de concubine, cette esclave est sa chose, elle n’est pas une personne ; mais quant à la femme légitime, en gaélique cetmuinter,
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équivalent de la materfamilias romaine, si le mari la tue, la famille de la femme tirera vengeance de ce meurtre.
LE STATUT DE LA FEMME CELTE SELON ALBERT BAYET.
L’aimable légende de la fondation de Marseille, le geste de la fille du roi tendant la coupe nuptiale à l’immigré inconnu, ont fait dire à certains historiens que les femmes celtes sont très libres dans le choix de leur époux. Mais, d’abord, Gyptis est fille d’un roi celto-ligure ; et puis, les Grecs avaient intérêt à arranger une légende qui fût flatteuse pour eux.
On s’est parfois demandé si les femmes jouaient aussi un rôle dans la vie politique. Un texte fameux de Plutarque invite le croire : « Avant que les Celtes n’aient franchi les Alpes et ne se soient installés dans cette partie de l’Italie qui est maintenant leur pays, une terrible et longue sédition éclata parmi eux et faillit tourner en guerre civile. Mais les femmes s’interposèrent entre les hommes en armes et, s’emparant de la controverse, l’arbitrèrent et la résolurent avec une justice si incontestable qu’une merveilleuse amitié des uns envers les autres en sortit entre les tribus États et les familles. Le résultat en fut qu’ils continuèrent de consulter les femmes pour tout ce qui est de la guerre et de la paix, et de leur soumettre tout ce qui était matière à dispute dans les relations avec leurs alliés. Dans leur traité avec Hannibal, ils stipulèrent que, si les Celtes avaient à se plaindre des Carthaginois, les gouverneurs et les généraux carthaginois en Espagne seraient juges ; mais que si les Carthaginois se plaignaient des Celtes, les juges en seraient les femmes celtes”.
La même histoire se retrouve dans Polyen, qui déclare en termes encore plus généraux que « « Depuis lors, partout dans les villes et les villages des Celtes, chaque fois qu’il y a débat sur la paix ou la guerre, concernant eux-mêmes ou leurs alliés, les femmes sont toujours consultées ».
Le seul fait que l’on puisse citer à l’appui de cette coutume est celui que rapporte le même Polyen : Brennos, avant d’entreprendre la campagne de Grèce aurait réuni une grande assemblée composée d’hommes et de femmes.
En admettant que la légende se soit emparée d’un trait inattendu pour le grossir, il n’en reste pas moins qu’à une certaine époque et chez certains peuples celtes, des femmes ont pu être prises comme arbitres dans des affaires politiques.
DOT ET DOUAIRE.
Un texte bien souvent cité, montre que l’on se préoccupe d’assurer des ressources personnelles aux veuves : « Quelles que soient les valeurs que le mari ait reçues en tant que douaire de la part de leurs femmes, ils en font une estimation et y ajoutent le même montant de leurs propres biens. Un compte est ensuite tenu de tout cet argent, et les profits en sont gardés (fructusque seruantur) : quel que soit celui qui survivra, c’est à lui que revient l’ensemble des deux parts ainsi que les profits qu’elles ont engendrés précédemment ». Ces valeurs consistaient en bestiaux, et les fruits dont parle César étaient le croît de ces animaux (cum fructibus superiorum temporum).
Ce texte fait l’objet d’une controverse qui dure depuis le XVIe siècle. Mais, quoi que l’on pense de ces problèmes, un point est hors de doute : la veuve touchera sa dot, une somme égale à cette dot et des fructus produits par cette masse. Rien ne prouve que, du vivant de son mari, elle soit copropriétaire de cette masse et qu’on puisse, à ce titre, la considérer comme l’égale et l’associée de son mari. Mais il est certain qu’au lendemain de la mort de l’époux, la succession est débitrice de la somme indiquée par César et que la femme survivante en est personnellement propriétaire, comme le serait l’époux lui-même si c’était la femme qui disparaissait.,
Une telle institution a pour effet évident de donner à la femme veuve la sécurité matérielle et, par là – même, quelque indépendance.
Une veuve peut se remarier. La chose est licite et n’offense pas la conscience commune. Dans le conte de Plutarque, Sinatos trouve tout naturel d’épouser Camma devenue veuve ; et Camma, qui cherche par tous les moyens à éviter cette union dont elle a horreur, ne songe même pas à alléguer qu’un second mariage est chose déplaisante. La mère de Dumnorix se marie trois fois et il ne semble pas que son influence en soit diminuée.
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Peut-être les veuves sont-elles plus libres que les jeunes filles dans le choix d’un époux : dans l’histoire de Camma, on voit les parents de l’héroïne exercer sur elle une pression violente pour la contraindre à accepter Sinatos ; mais il ne paraît pas qu’un seul de ces parents ait le droit de lui donner un ordre formel. César dit bien de l’Héduen Dumnorix qu’il a lui-même choisi le troisième mari de sa mère : matrem conlocasse, et cela pourrait d’abord faire croire que la veuve retombe sous la manus de son fils. Mais, en fait, s’il en était ainsi, ce ne serait pas Dumnorix, mais bien Diviciacos qui ferait le mariage : car il est l’aîné, et c’est lui qui a fait à Dumnorix sa situation. Quand César dit que Dumnorix « marie sa mère », il faut donc simplement entendre qu’il use de son influence pour lui faire contracter une alliance utile. Le fait qu’elle suit son conseil prouve qu’elle est avec lui, au point de vue politique, contre Diviciacos : il ne prouve nullement qu’elle soit tenue d’obéir.
La fidélité est certainement un devoir pour l’épouse. Dans l’histoire d’Hérippé, un Celte s’indigne de voir sa captive le préférer à l’époux qui veut la racheter, et, dans son indignation, il tue la femme infidèle. Chez les Galates, Chiomara, épouse d’Ortiagon, est violée par un centurion romain qui l’a emmenée comme captive. Elle fait tuer le centurion, enveloppe la tête coupée dans un pli de sa robe et la jette au pied de son époux : « Femme, lui dit-il, c’est, une bien belle chose que la fidélité. « Oui, répond Chiomara, mais ce qui est encore plus beau, c’est qu’il n’y ait qu’un seul homme vivant qui ait eu commerce avec moi ».
Plutarque, qui conte cette histoire, ajoute que Polybe déclare avoir vu Chiomara et avoir parlé avec elle.
Enfin la célèbre Camma reste fidèle à son époux mort et aime mieux périr elle-même que d’épouser l’homme qui, par amour, l’a rendue veuve.
Note de la rédaction. Il va de soi que tout ceci de toute façon ne concerne que l’ancien druidisme, et que le nouveau druidisme n’a que faire de ces querelles entre anciens et modernes. La plus complète égalité ou parité doit régner entre hommes et femmes, à l’exception des cas spécifiques (maternités, etc.).
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Ci-dessous ce que Mabon/Maponos/Oengus lui dit alors : sois la bienvenue Etanna, pauvre âme en peine et sans toit, qui a dû affronter de si grands dangers à cause des malédictions de Vocumnaca et……
Suit un passage difficilement traduisible.
Mabon/Maponos/Oengus fut enchanté de revoir sa pupille, c’est-à-dire la mouche pourpre, et la prit sur son cœur dans un pli de son manteau. Il la ramena ensuite chez lui dans un solarium (un grianan) aux fenêtres de lumière pour aller ou venir et un habit de pourpre fut passé sur elle ; partout là où il allait ce solarium (grianan) était emporté avec lui par Mabon/Maponos/Oengus, et il prit l’habitude de dormir chaque nuit à ses côtés, en la berçant et en la réconfortant jusqu’à ce que joie et couleurs lui reviennent. Cette chambre solaire (grianan) était remplie d’herbes odorantes et merveilleuses, et elle vivait du parfum et de la fleur de tout ce monceau d’herbes rares.
Vocumnaca (Fuamnach) entendit parler de l’amour que vouait à Etanna Mabon/Maponos/Oengus et en quelle estime il la tenait. Vocumnaca (Fuamnach) dit alors à Medros/Midir : « invite ton fils adoptif à venir faire la paix avec toi, et pendant ce temps-là je partirai à la recherche d’Etanna pour toi ».
Un messager alla donc parler à Mabon/Maponos/Oengus de la part de Medros/Midir. Pendant ce temps-là Vocumnaca se rendit par des voies détournées dans la maison du Brug et fit se lever sur Etanna le même souffle tempétueux qui l’emporta hors du solarium (grianan), en un tourbillon exactement semblable à celui qui l’avait déjà emportée pendant sept ans à travers tout le pays. Cette bourrasque de vent l’emporta dans les airs comme un pauvre fétu de paille jusqu’à ce qu’elle arrive à se poser sur le faîte du toit d’une maison du royaume d’Ulidia où l’on était en train de boire, et de là elle tomba dans le gobelet en or posé devant la femme d’Etar, le seigneur d’Inber Cichmaine, qui l’avala donc avec la boisson qui était dans le gobelet. Elle fut portée dans son ventre de cette façon et devint comme leur fille après ça. On l’appela Etanna fille d’Etar. NB. Il s’écoula mille douze années entre la première conception d’Etanna par Dichu et sa nouvelle mise au monde par Etar.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 15.
Solarium-grianan. Si ce terme désigne la chambre centrale du tumulus de Newgrange (Brug na Boinne) alors il est un peu exagéré même s’il est vrai que chaque année (selon l’observation de Norman Lockyer en 1909), le jour du solstice d’hiver (le 21 décembre), à 9 h 17 du matin le soleil pénètre directement dans la chambre centrale pendant à peu près 15 minutes. La précision dans l’orientation de l’édifice est donc spectaculaire. L’objectif de la construction semble avoir été de “réveiller” les ancêtres, les personnages importants dont les corps étaient déposés dans la chambre funéraire centrale. Il est bien entendu assez difficile de croire comme semble le dire le texte (mais il s’agit peut-être d’une erreur de traduction de notre part) que Mabon/Maponos/Oengus pouvait déménager avec lui une construction aussi monumentale. Insistons néanmoins sur le fait que ce type de monument n’est ni celtique ni druidique, mais préceltique et prédruidique. Celtes et druides n’ont fait que les récupérer après être arrivés sur les lieux. Il existe d’ailleurs beaucoup d’autres exemples dans le monde d’une telle récupération, positive qui plus est, sans aucune volonté de dénigrement (ce qui nous change du christianisme) par l’imaginaire collectif celtodruidique. Voir entre autres le cas en Bretagne des alignements de Carnac, Stonehenge, les Extersteine en Allemagne, etc.
L’ancien druidisme a peut-être été aniconique à l’origine, mais il n’a jamais été iconoclaste comme certains courants du christianisme ou de l’islam.
J’irai chercher Etanna pour toi. Là Vocumnaca cesse de se comporter en femme légitime simplement jalouse et bafouée pour agir de façon criminelle poussée par le seul désir de se venger.
Etanna fille d’Etar. Il s’agit donc d’un cas de conception sans rapport sexuel préalable. Et même plus précisément de conception par voie buccale comme pour le Hésus Cuchulainn. Du moins dans la légende. Le Dragon de Komodo (Varanus komodoensis), comme certains autres reptiles, est capable de se reproduire naturellement par parthénogenèse.
Par contre la parthénogenèse humaine sans être totalement impossible, est sans doute rarissime. Plus qu’une allusion à ce type de phénomène biologique il s’agit plutôt d’une réminiscence des temps reculés où l’être humain n’avait pas encore fait le lien entre grossesse et rapports sexuels.
Il s’écoula mille douze années entre la première conception d’Etanna par Dichu et sa nouvelle mise au monde par Etar. Il importe pour commencer de définir préalablement quelques termes.
RÉINCARNATION : ÉTAT GÉNÉRAL DU PROBLÈME.
Métamorphose. Étymologiquement, métamorphose signifie changement de la forme, transformation de la forme. Ainsi le têtard se mue-t-il en grenouille, la chenille en papillon. C’est sans doute un phénomène de ce type, associé à la notion de génération instantanée, qui a inspiré la légende d’Etanna.
Métensomatose. Terme composé de deux mots grecs, meta (passage ou transformation) et soma (corps). L’accent est mis sur le corps dans cette notion : il change. La conséquence inévitable de cette théorie est néanmoins que le quelque chose, vague, impulsion ou énergie cinétique (comme diraient les bouddhistes), qui change de corps ou qui passe d’un corps à un autre, reste le même. Ce « passage » peut se faire d’un corps humain à un corps humain, à un corps animal ou végétal et vice versa.
Métempsychose. Terme composé de deux mots grecs, meta (passage ou transformation) et psychè (âme). Dans cette notion l’accent est mis sur le quelque chose, vague, impulsion ou énergie cinétique (comme diraient les bouddhistes) que l’on appelle maintenant âme dans l’Occident christianisé. Ce petit « quelque chose » peut animer successivement plusieurs corps, humains, animaux ou même végétaux tout en restant le même.
Réincarnation. Terme récent, signifie renaissance, le fait pour le petit quelque chose, vague, impulsion ou énergie cinétique, que l’on appelle âme ou esprit, d’animer le même corps pour la seconde fois ou
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d’entrer carrément dans un autre corps. Dans le monde occidental, cette réincarnation est conçue exclusivement comme une renaissance dans un corps humain uniquement.
Différents cas peuvent se produire.
Réincarnation dans le même corps avant la mort (après expérience chamanistique de sortie de l’âme ou de l’esprit, autre explication possible de la légende d’Etanna) réincarnation dans le même corps après la mort, mais dans un autre monde (variante : idem, mais avec un corps légèrement différent, régénéré, voir la notion de xvarnah dans l’antique spiritualité iranienne, vieux celtique bellissama/bellissamos), réincarnation avant la mort dans un corps totalement différent, mais toujours en ce bas monde.
La transmigration de l’âme est la théorie selon laquelle l’âme passe d’un corps à un autre. L’âme change de corps ou renaît dans un autre corps, et ce après la mort. Cette notion inclut la métensomatose, la métempsychose et la réincarnation.
Bacuceaction. Réincarnation du binôme âme/esprit (anamone/menman) dans un corps humain inadapté (celui d’un bacuceus).
Il convient de rappeler ici que, tout comme pour l’hindouisme voire le bouddhisme, la réincarnation n’est généralement pas un suscetlon (une bonne nouvelle) dans l’ancien druidisme qui propose justement plusieurs voies pour échapper à ce cycle littéralement infernal.
Pour un hindou aussi la réincarnation est un « malheur ». Il espère pouvoir se perdre un jour dans la grande âme de l’univers suite au phénomène appelé moksha ou salut. Pour atteindre ce point de non-retour ou moksha (la fusion dans le creuset du Brahman ou âme cosmique universelle), l’hindouisme suggère à ses fidèles quelques voies possibles, et ce selon la nature propre de chaque individu. Celui qui est plus attiré par le savoir et la méditation s’intéressera à la Jnâna-Yoga, celui est plus attiré par l’action pratiquera le Karma-Yoga ; celui qui est enclin à l’amour et à la dévotion embrassera la Bhakti-Yoga. Le but ultime restant de briser la chaîne carma-samsara et d’atteindre la moksha en fusionnant dans l’âme cosmique ou dans le Grand Tout (le Brahman).
Ce qui a été dit sur l’Hindouisme vaut aussi pour le Bouddhisme à la seule différence que le bouddhisme n’admet pas l’existence de l’âme individuelle, qui est seulement pour lui un petit quelque chose, une vague d’énergie cinétique, une onde à la surface de l’eau, une impulsion qui fait qu’une vie découle de la précédente.
Et que si l’on est dans le Mahayana, la réincarnation peut devenir pour un grand initié ou semnothée (Boddhisattva), une occasion de venir en aide au monde en péril. Il y a alors refus d’entrer dans le grand tout de l’âme cosmique rebaptisé nirvana dans ce cas, et ce pour le plus grand bien de l’humanité. Cependant cette vision n’est pas partagée par l' Hinayana, la branche bouddhique qui se veut elle aussi authentique.
Par ailleurs, les bouddhistes pensent que l’on peut aussi se réincarner même dans un animal ou dans des êtres démoniaques.
Le druidisme authentique, lui, comme l’hindouisme ou le bouddhisme suivant les Écoles, propose des voies ayant pour but d’échapper à la réincarnation appelée dans ce cas par lui « bacuceaction » ou « transformation en bacuceos.
Ce terme celtique est utilisé par l’abbé Serenus selon saint Jean Cassien * dans sa septième conférence (chapitre 32) sur le sujet.
Première conférence de l’abbé Serenus sur la mobilité de l’âme et la méchanceté (des esprits).
Chapitre 32. Des différents désirs et souhaits pouvant exister dans les puissances aériennes.
« D’autres communiquent aux âmes de ceux dont ils se sont emparés une vanité insensée (et quos etiam bacuceos vulgus appellat, on les appelle communément bacucei) au point qu’ils essaient de se faire plus grands qu’ils ne sont et en même temps se gonflent d’arrogance et d’orgueil, mais aussi affectent des manières ordinaires et banales, avec calme et affabilité : ils aiment croire qu’ils sont des personnages importants et l’objet de tous les regards, par moments ils s’inclinent pour faire croire qu’ils sont en train de saluer des grands de ce monde alors que d’autres fois ils pensent que ce sont eux à qui l’on voue un véritable culte ».
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Bref, c’est donc bien évidemment à tort qu’aujourd’hui la réincarnation en ce monde est vue comme une chance ou une nouvelle possibilité, un pas en avant, par certains néo-druides, se fondant sur les œuvres du druide français Allan KARDEC (1804-1869) pour qui « naître, mourir, renaître et progresser sans cesse est la loi » ou de Léon DENIS (1846-1927). Cette théorie repose sur l’axiome d’une progression sans régression punitive bien optimiste. Que fait-on des Staline Hitler ou Pol Pot au Cambodge dans ce cas ?? Or selon DENIS « ce sont les mêmes êtres qui, après un temps de repos dans l’espace, reviennent de siècle en siècle, jusqu’à ce qu’ils soient mûrs pour une société meilleure, pour un monde plus beau ».
Sans tomber dans le pessimisme absolu rappelons néanmoins que notre monde est d’une part ce qu’est la nature avec ses phénomènes comme la pluie, les cataclysmes, les tremblements de terre, etc., et d’autre part ce que nous sommes, à savoir mi-anges mi-bêtes, mais humains, donc avec les « hommeries » qui vont nécessairement avec la condition humaine.
De tels cas de réincarnation (bacuceaction) sont donc extrêmement rares si l’on en croit l’ancien druidisme vu l’efficacité de ses méthodes pour se réincarner dans un autre monde de type paradisiaque en attendant la dissolution finale dans le grand tout du binôme anamone/menman (âme/esprit), en commençant par le menman d’ailleurs. Une vingtaine d’individus par génération pour reprendre le chiffre sur lequel a travaillé Ian Stevenson ?
Oscar-Ernst Bernhardt dit Abd-Ru-Shin dans son message du Graal a fourni une intéressante interprétation de la notion de bran carmique présidant à ces cas de bacuceaction (ou de réincarnation dans l’autre monde… Ratée !)
Le bran carmique que chacun porte en soi et qui apparaît comme une prédestination arbitraire n’est en réalité que la conséquence inévitable de son passé, dans la mesure où celui-ci n’a pas encore été dénoué par la justice immanente. Ainsi, point n’est besoin de rappeler que « l’homme façonne lui-même continuellement sa vie future. Il fournit les fils et détermine ainsi la couleur et le modèle du vêtement que confectionne pour lui le métier à tisser des auxiliaires du destin suprême grâce à la loi justice immanente ou de réciprocité des effets ».
Abd-Ru-Shin soutient la thèse selon laquelle le début véritable de l’existence de l’être humain est toujours bon, car il n’est entravé par aucun « fil du destin ». Aucun fil à la patte comme on dit un peu vulgairement.
Cependant, du fait du vouloir de l’être humain, « ces fils du destin » émanant de lui-même pénétreront dans le monde de matière subtile. C’est ainsi que « par la force d’attraction des affinités, ces fils du destin se trouveront en cours de route continuellement renforcés, ils croiseront d’autres fils, se mêleront à eux et agiront rétroactivement sur leur auteur auquel ils étaient restés liés, déterminant ainsi leur destin ou bran.
Quand l’être humain prend la résolution d’agir, et ce par l’exercice de sa volonté, chaque « fil du destin » prend une forme de matière subtile (bran carmique). De ce fait, ledit fil restera enraciné en lui. Ceci nous permet de comprendre pourquoi les effets rétroactifs des « fils du destin » constituent « la destinée de chaque être humain, destinée qu’il s’est lui-même forgée donc et à laquelle il se trouve soumis.
Toutefois il est important de souligner que pour l’ancien druidisme et comme le montre le cas du Hésus Cuchulainn, toute épreuve n’avait pas nécessairement comme cause un quelconque bran (carmique).
Et en définitive il importe peu de savoir si une épreuve a effectivement pour cause un quelconque bran carmique ou non. Lorsqu’elle se présente à nous, plutôt que de spéculer sur son origine, il vaut beaucoup mieux l’affronter corps et âme, avec la conviction intérieure qu’elle peut être surmontée. De cette manière, nous en faisons une expérience utile à notre évolution spirituelle. De ce point de vue, Abd-Ru-Shin ne se trompe pas en affirmant que « pour avoir un sens, la vie terrestre doit être vraiment vécue », car c’est bien la conclusion que l’on peut tirer d’une étude attentive des légendes entourant la vie du Hesus Cuchulainn. Car ce ne sont pas vraiment les croyances ou les convictions de chacun qui importent dans ce domaine, mais les efforts qu’il déploie pour se parfaire et agir comme doit le faire un héros digne de ce nom afin d’atteindre la perfection totale ou relative et de faire en sorte que son âme arrive à se fondre définitivement dans l’Âme universelle pour y demeurer « en tant qu’agent conscient de la Divinité, consciente d’elle-même et de son état de perfection ».
Les sceptiques du Canada font remarquer que cette idée de réincarnation systématique n’est pas compatible avec le fait que la population mondiale a pu croître, que cette idée n’est compatible
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qu’avec une population mondiale constante ou ayant toujours été en voie de diminution. En d’autres termes, nous avons beaucoup plus de naissances que de morts et nous devrions donc avoir un déficit « d’âmes ». Logiquement, dans cette théorie, on doit donc accepter la réincarnation d’une entité dans plusieurs corps en même temps, autrement dit sa scission. Ou alors il faut supposer qu’il peut existe sur terre des corps sans âme à l’intérieur, des espèces de « zombies » sans aucune personnalité. Dire que « ce sont les mêmes êtres qui, après un temps de repos dans l’espace, reviennent de siècle en siècle » et affirmer aussi qu’il y a « des âmes extérieures à la Terre qui viennent, pour la première fois, s’y incarner dans des corps » est une pirouette intellectuelle.
Les Témoignages de Pythagore, d’Empédocle, etc. relèvent du ipse dixit (lui-même l’a dit et personne ne peut rien en affirmer d’autre) en outre même en leur temps des contradicteurs ont existé : Héraclite, Xénophane de Colophon, Épicure…
Les travaux du docteur Ian STEVENSON maintenant.
Ian Stevenson est un chercheur qui a beaucoup écrit, mais son livre intitulé « vingt cas suggérant la réincarnation » ne résiste pas aux critiques. Stevenson, qui ne connaissait pas la langue et la culture du pays où il se trouvait, n’était pas en position d’évaluer la fiabilité des questions posées par son interprète.
L’intelligence n’est qu’un cavalier juché sur le dos d’un cheval qui peut s’emballer. Quelle bien pauvre petite chose que l’intelligence ! Même les plus grands esprits ont leur tache aveugle ou leur tache de Mariotte (pour reprendre le nom du savant français qui a découvert ce phénomène affectant l’œil). Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne les domaines politique, sociologique, religieux. Les plus grands esprits ont certes une intelligence remarquable, voire époustouflante, par définition, mais dans certains domaines cette intelligence passe au point mort, elle ne fonctionne plus, elle est désamorcée, ou ne sert plus à rien (voir par exemple dans les débats racisme antiracisme et vice versa). Les gens intelligents croient des choses bizarres parce qu’ils sont très doués pour défendre les croyances auxquelles ils sont arrivés personnellement… pour des raisons n’ayant rien à voir avec l’intelligence. Stevenson a passé environ la moitié de sa vie à tenter d’étayer sa foi en la réincarnation et sa relation avec la médecine. Ses croyances passaient en premier, et il y subordonnait son intelligence. Une telle situation n’a rien d’unique. C’est en effet la question que l’on ne peut manquer de se poser aussi devant certains de nos semblables qui, que ce soit en politique en sociologie en anthropologie ou à propos de Dieu, soutiennent d’évidentes absurdités, malgré les preuves qu’ils donnent de leur intelligence en dehors de ces sujets.
Rappelons enfin pour finir que l’impression de déjà-vu (paramnésie) censée prouver la réincarnation n’est en fait qu’un dysfonctionnement du cerveau et plus précisément de la mémoire.
Mais le gros problème de la réincarnation en ce monde est qu’elle nous en fait accepter l’injustice. Si l’on accepte intellectuellement parlant la Loi d’airain de la réincarnation systématique, il faut pousser la logique du déterminisme absolu jusqu’au bout et admettre aussi que certaines personnes sont vouées à contracter le sida, développer un cancer, perdre leur emploi, etc., que cela constitue en fait une punition pour les forfaits d’une vie antérieure.
Notre avis est que ce n’est pas la meilleure façon de réagir face au problème du mal, de la souffrance et du malheur dans ce monde. La conception occidentale actuelle de la réincarnation est une évolution de l’idée antique et orientale. Mais, alors que l’ancien druidisme l’hindouisme le bouddhisme et le jaïnisme considèrent la réincarnation comme une catastrophe ou un échec – le but de la vie étant de se libérer du cycle infernal des renaissances en ce bas monde – beaucoup de néo-druides croient que la réincarnation est une chose souhaitable.
* Il est difficile de savoir avec certitude où est né Cassien. Peut-être en Provence tout simplement puisqu’il est mort à Marseille. En tout cas ce qui est certain c’est que le concept a été repris par Johannes Trithemius lui-même cité par John Dee (quos veteres appellere bacuceos).
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LA COUR FAITE À ETANNA DE NOUVEAU CI-DESSOUS.
(MANUSCRIT EGERTON 1782 : il s’agit de la partie introductive au texte intitulé en gaélique 'Togail Bruidne Da Derga, elle-même intitulée Scela Ailil 7 Etaine, histoire d’Ailill et d’Etanna.).
Un noble et célèbre roi régnait alors sur l’Irlanden, Eochaid Airem [Eochuig Aiream] fils de Finn fils de Fintan fils de Rogen Ruadh fils d’Essaman fils de Blathecht fils de beothecht fils de Labrad Lorcc fils d’Enna Aighnech fils d’Oengus Tuirbech de Temar fils d’Echad Aihlethan fils d’Ailell Casfiaclach ils de Connla Cam fils d’Ires fils de Melgh Molbthach fils de Cobthach Cal Brig fils de Lugad Mor fils d’Echad Buadach.
Les [rois des] cinq provinces de la verte Erin servaient Eochaid Airem : Cunocavaros/Conchobar fils de Ness, le roi de la province d’Ulidia, Messgedrai le roi du Leinster, Curoi fils de Daré le roi du Munster ainsi qu’Ailill et Medb entre les mains desquels était la province de Connaught. Il y avait deux principales villes, dans le pays d’Eochaid, à savoir Dun Fremain en Mide ainsi que Dun Fremain en Tethba, et c’était sa bonne ville de Tethba qu’il préférait à toutes les autres.
L’année qui suivit l’accession au trône d’Eochaid, les hommes du pays lui demandèrent de célébrer le festin de Temruch, afin qu’ils puissent venir le voir et que soient révisés leurs impôts ainsi que leurs tributs ???
Mais ils lui firent également savoir qu’ils ne se rendraient pas au festin de Temruch aussi longtemps que le roi de la verte Erin n’aurait pas une femme à lui. Car il n’y avait pas d’homme dans le pays sans une femme à lui et il n’y avait pas de roi sans reine, car aucun homme sans femme ne se rendait d’habitude à Temruch pour le festin ni femme sans mari non plus.
Eochaid envoya donc ses cavaliers ses aballarios et ses atharraluig ??? ainsi que des émissaires provinciaux de sa part à travers toute la verte Erin. Ils passèrent le pays entier au peigne fin pour trouver une femme lui convenant, pour ce qui est de la beauté de la silhouette de l’apparence et de la famille. Il y avait aussi une autre chose à laquelle il tenait, qu’on ne lui ramène pas une femme qu’un autre homme aurait déjà eue avant lui. Après que ses cavaliers ses aballarios et ses atharraluig ainsi que ses émissaires de province, fussent partis au loin et qu’ils eurent cherché à travers toute la verte Erin du sud jusqu’au nord, ils finirent par trouver à Inber Cichmuine une épouse qui lui allait, à savoir Etanna la fille d’Etar roi d’Eochraide. Ses envoyés revinrent donc trouver le roi Eochaid et lui décrivirent la jeune fille ainsi que sa beauté sa silhouette et son aspect. Ensuite Eochaid partit voir la fille et il arriva sur la pelouse de Bri-Leith.
Là il vit une jeune fille près d’une fontaine avec un peigne resplendissant d’argent incrusté d’or dans les cheveux, elle se lavait avec l’eau d’un bassin d’argent orné de quatre oiseaux d’or, avec de petites gemmes ou escarboucles sur le pourtour. Elle était vêtue d’un manteau caslechta ? de pourpre pur, un beau manteau (folai ?) avec des broches d’argent et une fibule en or sur la partie située à hauteur de sa poitrine. Elle portait une longue chemise à capuchon (chulpatach) en soie verte très fine avec des broderies d’or rouge et de merveilleux ornements d’or et d’argent sur la poitrine, qui donnaient ainsi à cette tunique verte la splendeur de l’or qui brille au soleil.
Elle avait deux tresses blondes comme de l’or sur la tête et quatre mèches entrelacées de chaque côté avec une perle d’or (mell) à l’extrémité de chacune d’entre elles. La jeune fille était en train de dénouer sa coiffure afin de se laver les cheveux et ses deux bras sortaient des emmanchures de sa chemise. Aussi blanches que la neige fraîche tombée dans la nuit étaient ses mains et aussi rouges que la digitale pourpre des montagnes ses deux joues. Elle avait une bouche magnifique et régulière avec des dents brillantes comme des perles. Aussi bleus que la jacinthe étaient ses yeux. Rouges et fines ses lèvres. Ses deux épaules étaient bien relevées, d’un blanc agréable. Ses coudes bien faits aussi et d’un joli blanc. Ses doigts étaient fins et d’un blanc agréable. Elle avait de beaux ongles rouge pâle. Aussi blancs que la neige ou l’écume des vagues étaient ses flancs élancés, beaux comme ceux d’une fée ??? (sidhumail). Ses cuisses étaient fines blanches et lisses. Ses genoux étaient bien ronds, durs et blancs. Ses jambes étaient bien droites. Ses pieds petits et à la peau blanche. Bien proportionnés aussi étaient ses yeux ???? Ses deux sourcils étaient comme des scarabées, d’un noir bleuté autour des yeux.
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C’était la jeune fille la plus jolie et la plus belle qu’un œil humain ait jamais vue et il lui sembla qu’elle devait être du monde du sid. D’où les dictons : toute beauté (cruth) semble Etanna, et tout être aimé (coem) c’est aussi Etanna.
Le roi la désira aussitôt et il envoya des hommes de sa suite devant lui afin qu’elle l’attende et après être arrivé le roi lui-même adressa la parole à la jeune fille et lui demanda : « qui es-tu, jeune fille, et d’où viens-tu ? »
Ce n’est pas difficile à dire, répondit Etanna, je suis la fille du roi d’Eochraide du monde des sides.
Dormirons-nous ensemble ce soir demanda Eochaid ?
C’est la raison pour laquelle nous sommes venus nous placer sous ta sauvegarde, répondit la jeune fille. Cela fait vingt ans que je suis née dans le monde du sid, et les hommes du sid, les rois tout comme les grands héros, ont demandé ma main, mais je n’ai jamais couché avec homme, car c’est toi que je chérissais, pour qui j’avais de l’amour et de l’estime depuis que j’étais enfant et que j’étais capable de parler à cause du récit de tes aventures et de ta beauté. Je ne t’avais jamais vu avant ça, mais je t’ai reconnu tout de suite d’après ta description et c’est pour toi que je suis venue.
Et c’est pourquoi je te vouerai amour sincère, répondit Eochaid, tu seras la bienvenue, toute autre femme s’effacera derrière toi et je serai avec toi seulement aussi longtemps que tu me feras honneur.
Achète-moi un prix convenable (thinnscra coir) dit la jeune fille et accorde-moi une compensation (riar ??) après ça.
Tu l’auras, répondit Eochaid.
On lui apporta donc 7 cumal pour son douaire et il l’emmena ensuite à Temur où tout le monde lui souhaita la bienvenue.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 16.
Fils de Finn… les bardes étaient aussi payés pour fournir à leurs mécènes protecteurs des généalogies encore plus prestigieuses que celles de leurs rivaux, d’où toutes ces précisions dont l’historicité reste à prouver.
Leurs impôts et leurs tributs. On sait par une variante de la légende conservée dans le recueil de manuscrits appelé livre de la vache brune (Leabhar na h-Uidhre) que c’était pour les cinq années à venir. Ces périodes de cinq ans ou lustres semblent avoir été aussi fréquentes dans la vie ou dans le calendrier des Celtes antiques. Sur le Continent, les coupables de crimes considérés comme étant particulièrement odieux et qui n’avaient pu payer l’amende ou l’indemnisation prévue pour leur cas étaient par exemple exécutés tous les cinq ans, pour apaiser le dieu de la justice vengeresse (Nodons/Noadatus/Nuada/Llud) ou les dieux garants des serments (violés) ; le tout sous le contrôle des druides qui assistaient à ce cérémonial funèbre (voir notre étude sur les sacrifices humains).
Aballarios. Le terme gaélique utilisé dans le texte est aobloire qui signifie « celui qui jongle avec des pommes ». Mais c’est également un des premiers grades de l’ollotouta druidique. Peut-être faut-il comprendre que le roi Eochaid envoie aussi en ambassade des apprentis druides.
Atharraluig. Nous ne savons pas trop comment traduire ce terme gaélique. Des gens de peu ??? L’idée sans doute c’est qu’Eochaid envoie vraiment le maximum de ses gens pour participe à la recherche.
Bri-Leith. Que vient faire ici la mention de cette demeure du sid alors que l’action est censée se passer à Inber Cichmuine ? Y aurait-il déjà eu amalgame entre des versions différentes de cette histoire ??? En tout cas ce qui est certain c’est qu’il n’y a aucune trace historique du royaume d’Etar dans cette partie de l’Ulster. À ce stade de l’histoire Etanna semble bien être encore une habitante de l’autre monde.
D’un noir bleuté autour des yeux. Donc, la belle se maquillait.
Je ne t’avais jamais vu avant ça. On retrouve là le thème favori des poètes comme le prince Jaufré Rudel de Blaye mais inversé, celui des amours de loin (amor de lonh). Peut-on supposer qu’il s’agit d’un thème d’origine celtique ?
Le rôle joué ici par Etanna est très différent de celui de ses aventures précédentes et semble plutôt un décalque des histoires habituelles de femmes de l’autre monde venues sur terre pour un rencontrer un célèbre héros dont elles ont entendu parler (exemple le Hésus Cuchulainn). On me rétorquera que les anges sont des créatures qui n’ont pas de sexe. Ce n’est pourtant pas ce que dit la Bible qui parle
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d’anges de sexe masculin ayant fait des enfants aux filles des hommes (Genèse 6, 1-8) alors qui croire ? Alors que croire ? Qu’il s’agit là d’une des innombrables « stupidités » dont fourmille la Bible tout comme le Coran d’ailleurs, ces livres qui ne contiennent pas plus d’inspiration divine que le livre de recettes annoté de ma grand-mère la cuisinière du château des comtes. Le cahier consignant ses recettes recèle en effet nombre de remarques que l’on peut interpréter de façon symbolique en cherchant bien.
Le cumal est une unité de compte équivalant à 5 bêtes à cornes de valeur moyenne. Etanna est donc achetée 35 bêtes à cornes.
Thinnscra, tinnscra. Terme gaélique généralement traduit par dot, mais c’est un contre sens. La tinnscra n’est pas quelque chose de donné au mari, mais ce que le futur mari donne à la femme pour acheter son corps. Désolé mesdames, l’amour romantique est une invention bourgeoise assez récente. Dans l’ancien druidisme, l’homme achète la femme, ce qui est une forme atténuée de prostitution.
Il faut à cet égard bien distinguer trois choses.
Le prix d’achat de la femme donné au père et dont le but est de dédommager la famille de la perte d’une de ses paires de bras, d’un de ses membres, etc. Coibche.
Le douaire accordé à la femme et dont elle pourra disposer en cas de veuvage (tinnscra). C’est le prix de la virginité de l’épouse, le prix de son honneur.
La dot donnée à la femme par sa famille.
Par contre il est difficile de savoir à quoi renvoie exactement le terme gaélique riar.
« Il est dans l’intérêt de la société que les femmes puissent conserver leur dot intacte afin qu’elle puisse se marier de nouveau » [en cas de veuvage ou de divorce]. Voilà ce qu’écrivait à Rome, vers la fin du second siècle de notre ère ou le commencement du troisième, le célèbre juriste Paul. À Rome la femme qui appartenait aux classes élevées de la société ne pouvait ordinairement trouver un mari qu’à la condition de le payer.
À l’origine de l’histoire, nous trouvons établi dans toutes les branches de la famille indo-européenne le système opposé ; ce n’est pas la femme qui achète le mari, c’est le mari qui achète la femme.
Quand on voit par exemple Clovis acheter Clotilde un sou et un denier suivant l’usage des Francs, on reconnaît la réglementation moderne d’un usage qui paraît remonter aux origines mêmes de l’humanité. Mais il n’est pas question d’argent monnayé dans le texte de Tacite que nous avons cité, et, parmi les objets que, suivant ce texte, chez les Germains de l’an 100 de notre ère, le futur époux livrait aux parents de sa femme comme prix d’achat, les bêtes à cornes figurent en premier lieu : c’est l’usage grec de l’époque homérique les plus jolies filles sont celles dont le mariage apporte à leurs parents le plus de vaches.
Cette coutume grecque appartient à la période de la civilisation où le bétail tient lieu de monnaie. La loi irlandaise appartient à la même période, ce qui ne signifie pas que le Senchus Mor soit chronologiquement contemporain d’Homère ; cela signifie seulement que lorsque les principes du droit irlandais ont été fixés, les Irlandais se trouvaient au même degré de civilisation que les Grecs de l’époque homérique. L’Irlande médiévale a deux unités monétaires : la bête à cornes, sét, et la femme esclave, cumal. La première doit son nom au même ensemble d’idées que le latin pecunia = pecu-inia, de pecu « bétail » ; à cette ressemblance avec le Latin primitif, l’irlandais en joint une autre : il achète sa femme.
Le terme consacré par l’usage pour désigner cet achat est coibche. On trouve le terme traduit dans le Glossaire de Cormac. Il veut dire d’une manière générale « achat », cendach, ou, pour employer une orthographe plus moderne, ceannachd. Les traducteurs du Senchus Mor et du livre d’Aicil ont fait un contre sens en le rendant par cadeau de mariage, cadeau de noces. Le prix de vente de la femme appartient à son père quand elle se marie pour la première fois.
Suivant les traducteurs, les deux derniers mots uaithese dosom « d’elle-même à lui-même » voudraient dire que la femme recevrait d’abord le prix et le donnerait ensuite à son père.
Quand la femme se mariait une seconde fois, le père ne recevait que les deux tiers du prix ; à chaque nouveau mariage, la quotité à laquelle il pouvait prétendre diminuait : enfin son droit s’éteignait au vingt-et-unième mariage. À défaut de père, le frère, chef de famille, avait droit à moitié de ce qu’aurait reçu le père.
Ce qui caractérisait le mariage irlandais et ce qui distinguait la femme irlandaise de la femme romaine ou germanique primitive, c’était le droit qu’elle conservait sur la fortune apportée par elle.
La femme romaine, par coemptio, tombait in manu mariti, elle cessait d’être propriétaire ; la femme germaine n’héritait pas, le privilège de masculinité l’excluait de la succession paternelle. La loi
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irlandaise nous présente un tout autre système. La condition de la femme mariée dépend de la fortune qu’elle apporte.
En cas d’égalité de fortune de part et d’autre, comtincur, en ce cas il y a un certain nombre de contrats que le mari ne peut faire sans le consentement de sa femme, et, s’il y a divorce, la femme reprend son apport avec une portion des acquêts déterminée par la loi.
Une autre hypothèse est celle d’une femme qui ne possède rien et qui vit sur le bien de son mari ; les droits de cette femme sont fort réduits.
Une troisième hypothèse est celle où le mari n’ayant rien, tout le bien appartient à la femme, c’est alors la femme qui a l’autorité, et le mari est dit fer fognama, « homme de service ». Il peut sembler, au premier abord y avoir contradiction entre cette servitude du mari vivant sur le bien de sa femme et le droit que, par l’achat de sa femme, le mari a acquis sur elle. Mais cette contradiction n’est qu’apparente. Le droit que le mari a acquis sur la femme par l’achat (coibche) concerne seulement le corps de la femme et les enfants à naître de cette femme pendant le mariage, mais la femme, propriétaire de biens, ne peut conférer à son mari plus de droits qu’elle n’en a elle-même sur ces biens, et le principe fondamental dans le droit irlandais est que le propriétaire réel est la tribu ou la famille. L’individu qui détient un bien immeuble ne peut le vendre ou, à plus forte raison, le donner valablement à une personne étrangère à la tribu ou à la famille, même à un fils adoptif. Ainsi, le droit que la vente matrimoniale, coibche, fait acquérir au mari, a pour objet la personne même de la femme ; et pas sa fortune. La traduction que nous donnons du mot coibche, d’après le Glossaire de Cormac, est donc parfaitement d’accord et avec ce que nous savons du droit primitif de la famille indo-européenne et avec le droit spécifique à l’Irlande.
Post-Scriptum. Nous devons toujours certes nous inspirer du meilleur du passé afin d’aménager l’avenir et donc des idées positives que théorisait le droit celtique en matière d’imbrication des hommes des femmes et des enfants dans le tissu social, mais il va de soi, est-il nécessaire de le rappeler, que cette excellente étude d’Henri d’Arbois de Jubainville est surtout une étude de ce que fut l’ancien druidisme, dans la mesure où ce sont les druides qui essayaient de faire primer le droit sur la force, et qu’en dehors de ces quelques idées assez positives, tout le reste ne doit subsister dans nos mœurs qu’à l’état de symboles.
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LA COURTISE D’ETANNA VERSION I.
Il arriva un jour qu’Etanna et ses demoiselles de compagnie se baignèrent dans l’estuaire quand elles virent un cavalier sortir de l’eau et avancer sur la plaine dans leur direction. Il était monté sur un robuste cheval brun, bondissant et caracolant, à la crinière et à la queue bouclée. Il était drapé dans un manteau vert du sid (sidhalbrat) plissé, et il portait une chemise avec des broderies rouges. Sur son manteau il y avait une broche en or qui allait d’une épaule à l’autre. Un bouclier d’argent avec un umbo (tul) était fixé à son dos. Dans sa main il y avait une lance à cinq pointes avec des anneaux d’or autour depuis le bas de la hampe jusqu’à la douille. Il avait une chevelure blonde éclatante descendant sur le front avec un bandeau en fils d’or tissés afin que les cheveux ne lui tombent pas sur les yeux. Il s’arrêta un instant sur le rivage pour regarder attentivement Etanna et les jeunes filles, et toutes les jeunes filles l’aimèrent. Sur ce il déclama le lai suivant :
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LA COURTISE D’ETANNA/ETAIN À NOUVEAU VERSION III.
Ô belle dame veux-tu venir avec moi
Dans le pays merveilleux où il y a de la musique
Les cheveux y sont comme la corolle des primevères
Et le corps lisse et blanc comme la neige.
Là il n’y a plus rien qui soit mien ou tien
Les dents sont blanches là-bas, et les sourcils bruns.
La foule des nôtres y est un délice pour les yeux
Les joues de tout le monde y sont de la couleur de la digitale.
Le cou de chacun est rouge comme la giroflée
Les œufs des merles y sont un délice pour les yeux
Bien qu’agréable soit la vue de la plaine de Fal (la terre ?)
Elle n’est que désolation à côté de la Grande Plaine.
Aussi bonne que puisse être la bière de l’île de Fal
Plus enivrante encore est la bière de la Grande Terre.
C’est un pays merveilleux que celui dont je te parle
La jeunesse ne s’y enfuit jamais devant la vieillesse.
Des cours d’eau tiède coulent à travers le pays
Il y a de l’hydromel et du vin de choix
Des gens majestueux et sans tare
Conception sans faute, sans concupiscence.
Nous voyons tout le monde partout
Et personne ne nous voit
C’est l’ombre du péché d’Adam
Qui nous a empêchés d’être comptés ??
Nous voyons tout le monde partout
Et personne ne nous voit
C’est l’ombre du péché d’Adam
Qui nous empêche d’être comptés ??
Ô Femme, si tu viens rejoindre mon noble peuple
Tu auras une couronne d’or sur la tête
Tu auras du miel, du vin, de la bière, du lait frais, de la boisson,
Avec moi là-bas, ô belle dame (Bé Find).
« Je partirai avec toi », répondit Etanna, « si tu m’obtiens de mon mari, si tu ne m’obtiens pas de lui, je ne partirai pas ».
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LA COURTISE D’ETANNA VERSION I.
C’est donc Etanna qui est là aujourd’hui
Au sid de Ban Find à l’ouest d’Ailbe
Elle est avec de petits garçons (macu ?)
Sur le rivage d’Inber Cichmaine.
C’est elle qui a guéri l’œil du roi
À la fontaine du lac de Da Lig
C’est elle qui a été avalée avec de la boisson
Dans une coupe par la femme d’Etar.
À cause d’elle le roi chassera
Les oiseaux de Tethba.
Et noiera ses deux chevaux
Dans l’eau du lac de Da Airbrech.
Il y aura beaucoup de guerres
Contre Eochaid de Midhé à cause de toi
Il y aura destruction de sid (de tertres à fées)
Et bataille contre des milliers d’hommes.
C’est d’elle qui a été chantée dans tout le pays
C’est elle que s’efforce de conquérir le roi ;
C’est elle que l’on appelle Bé Find (belle dame)
C’est notre Etanna maintenant.
Le guerrier s’éloigna d’elle ensuite et ils ne surent pas d’où il venait ni où il s’en était allé.
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LA COURTISE D’ETANNA/ETAIN À NOUVEAU VERSION III.
Un beau jour d’été, le roi de Tara Eochaid se leva et monta sur le rempart pour observer la plaine de Breg. La journée s’annonçait radieuse avec des fleurs de toutes les couleurs. Comme Eochaid regardait à la ronde il aperçut un mystérieux guerrier sur le rempart devant lui. Il avait une tunique pourpre sur lui, et avait une longue chevelure blonde qui lui descendait jusqu’aux épaules, l’œil brillant et bleu. Il avait à a main une lance à cinq pointes, un bouclier à umbo blanc dans l’autre, avec des pierres précieuses dessus. Eochaid garda le silence, car il ignorait tout de sa présence sur place cette nuit-là et les portes de Tara n’avaient pas encore été ouvertes à cette heure-là.
Sur ce il s’approcha d’Eochaid. Eochaid lui dit alors : « Bienvenue au guerrier que nous ne connaissons pas ».
« C’est pour cela que nous sommes venus », répondit le guerrier.
« Nous ne savons pas qui tu es », poursuivit Eochaid.
« Moi je te connais pourtant », répondit le guerrier.
« Quel est ton nom ? » demanda Eochaid.
« Il n’est pas très connu », répondit-il, « Medros/Midir de Bri Léith ».
« Qu’est-ce qui t’amène ici ? » demanda Eochaid.
« Jouer au tablut avec toi », répondit-il.
« Il est vrai que je suis bon au tablut », répondit Eochaid.
« Alors, faisons un essai », poursuivit Medros/Midir.
« La reine dors toujours », répliqua Eochaid, « et c’est dans ses appartements que se trouve le jeu de tablut ».
« J’ai ici », rétorqua Medros/Midir » un jeu de tablut qui ne lui cède en rien ».
Et c’était vrai : un échiquier d’argent et des pions en or, et chaque angle était décoré d’une pierre précieuse, avec un sac pour les pions en fils de bronze tressés.
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Contre-lai (néo-druidique) Nº 17.
Bandeau. Nous traduisons ainsi le terme gaélique snithi qui, d’après le dictionnaire électronique de la langue irlandaise signifie filé, tissé, torsadé. Un tortil en héraldique.
L’ombre du péché d’Adam. Évidente falsification du texte de la littérature orale des bardes antiques. Les gens bien appellent ça une « interpolation ».
Ceci est sans aucun doute une description du paradis selon les druides.
Quelques rappels à ce sujet.
Pour les druides il n’y a que le paradis après la mort, à quelques exceptions près : de rarissimes cas de bacucaeaction ou réincarnation pénalisante, du genre quelques dizaines par génération. Points de réincarnation sur terre : les sas de sortie de l’antichambre du paradis que sont les lieux comme Donno Tegia ou Tech Duin, Anderodubno ou Annwn, etc.
Tout comme il peut y avoir quelques dizaines de cas par génération de réincarnation volontaire afin de venir en aide aux autres humains restés sur terre (grands initiés ou semnothées appelés bodhisattvas dans le bouddhisme).
Semnothée en fait est un terme grec signifiant quelque chose comme vénérable et dieu, désignant certains grands initiés druidiques dans quelques-uns de leurs textes.
Se reporter à nos contre-lais précédents sur ces questions.
Cet autre monde paradisiaque n’est pas un lieu, mais un état de l’être.
Il est traditionnellement composé de plusieurs parties ou états de l’être qui s’interpénètrent : le monde des morts et le monde des dieux. D’où la possibilité pour les défunts d’y voir les dieux.
L’âme et l’esprit des morts, toujours unis dans un premier temps, s’y réincarnent dans un autre corps, qui est celui d’avant leur mort, mais régénéré (pas de survie éthérée ou à l’état d’ombre fantomatique dans la spiritualité druidique : le tandem âme/esprit survit à la mort, mais dans un corps de xvarnah
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diraient les mazdéens perses, de gloire diraient les chrétiens, bellissama/bellissamos en vieux celtique). D’où toutes ces descriptions.
Là il n’existe plus de propriété privée puisque l’abondance règne. La plupart des fragments de légende ayant survécu jusqu’à nous ayant été des textes de littérature orale destinés à la classe guerrière, les êtres humains de tempérament bagarreur, ne rêvant que de plaies ou de bosses (il y en a) y sont servis (mais la mort bien entendu n’y existe plus, ou du moins si l’on y meurt c’est pour revenir à la vie aussitôt après. Exemple les porcs magiques de Belin/Belen/Barinthus fils de Lero/Lir, dit le mannois (Manannan).
On a aussi des fragments de toute cette florissante littérature orale de jadis visiblement destinés aux êtres humains de tempérament, disons plus druidique (études méditations adoration des dieux : voir les récits de Plutarque sur diverses îles).
Devaient aussi exister dans ce cas des descriptions (des prêches ?) destinées aux êtres humains relevant plutôt de la troisième fonction ou aux fonctions assimilées (les peuples vaincus, atectai), mais là on n’a plus rien à scruter.
Dans cet autre monde parallèle de type paradisiaque (Mag Mar, Mag Mell, Tir na n’Og, etc.), l’esprit des défunts (menman) va peu à peu s’estomper (première phase de l’aredengto individuelle, erdathe en gaélique).
Ensuite ce sera au tour de l’âme ou anamone proprement dite, qui, après son complet épanouissement dans cet autre monde de type paradisiaque (bouddhakshetra disent les bouddhistes), se dissoudra dans le grand tout de l’âme cosmique universelle (deuxième phase de l’aredengto individuelle appelée moksha dans l’hindouisme).
Pour plus de détails, se reporter à nos leçons sur le sujet.
Des pions. Il s’agit d’un jeu d’échecs celte de type tablut appelé gwezboell ou fidchell, et non d’un jeu d’échecs comme ceux d’aujourd’hui.
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Sur ce Medros/Midir disposa les pions.
À toi de jouer maintenant, dit Medros/Midir.
« Seulement s’il y a un enjeu », rétorqua Eochaid.
« Quel enjeu ? » demanda Medros/Midir.
« Peu m’importe, ce que tu veux ! » répondit Eochaid.
« Je te donnerai », poursuivit Medros/Midir, si tu gagnes mon enjeu, cinquante chevaux gris foncé à la tête rouge-sang tacheté, aux oreilles dressées, au poitrail puissant, avec des naseaux largement ouverts, des membres élancés, puissants, ardents […] très forts, rapides, calmes (shostaide), que l’on attelle aisément, avec cinquante rênes émaillées. Ils seront là dès la troisième heure demain ».
Eochaid lui promit la même chose.
Sur ce ils commencèrent à jouer.
L’enjeu de Medros/Midir fut emporté. Il s’en alla en emportant son jeu de tablut.
Quand Eochaid se leva le lendemain matin il se rendit sur les remparts de Tara assister au lever du soleil, et il vit son adversaire venir à lui sur le chemin de ronde. Il ne savait pas où il s’en était allé ni d’où il venait, mais il aperçut les cinquante coursiers gris avec leurs rênes émaillées.
« Tout cela te fait honneur », dit Eochaid.
« Chose promise chose due », répondit Medros/Midir.
« Jouerons-nous encore au tablut ? » demanda Medros/Midir.
« Volontiers » répondit Eochaid, « s’il y a un enjeu ».
« Tu auras », répondit Medros/Midir ? « cinquante jeunes verrats, au poil frisé tacheté, au ventre gris et au dos bleu, avec des fers à cheval, ainsi qu’une cuve en bois de prunellier dans tout cela pourra tenir. Tu auras aussi cinquante épées à poignée en or, et encore en plus cinquante vaches aux oreilles rouges avec leurs veaux blancs à oreille rouge ainsi qu’une chaine en bronze sur chaque veau. Plus cinquante béliers gris à tête rouge, à trois têtes et à trois cornes ??? Plus cinquante glaives à poignée d’ivoire. Plus cinquante manteaux bariolés, mais à raison d’une cinquantaine de ces objets ou animaux par jour seulement. Pas tout d’un coup ! »
L’intendant ? d’Eochaid l’interrogea et lui demanda d’où venaient toutes ces richesses. Il lui répondit qu’il convenait en effet de le dire ??
« Eh bien en vérité tu dois te méfier de lui, c’est un homme aux grands pouvoirs surnaturels (mórcumachtai) qui est venu à toi, mon fils, impose-lui de lourdes tâches ».
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Après cela son adversaire arriva et le roi Eochaid lu imposa ces fameux grands travaux, à savoir épierrer la plaine de Midhe, jeter des joncs sur Tethba, une chaussée sur le marais de Lamraige, une forêt sur Bréifne. D’où les strophes suivantes du poète :
Voici les quatre choses
Qu’Eochaid Airem a imposé
À de nombreuses troupes au visage viril
Avec de nombreuses lances et des boucliers :
Une chaussée sur le marais de Lamraige
Un bois sur Bréifne (sans difficulté)
L’épierrage de la colline du grand Midé
Et des roseaux à Tethba.
Ce sont là les engagements ainsi que les peines qui lui furent imposés.
Tu m’en demandes trop, dit Medros/Midir.
« Pas du tout », répondit Eochaid.
Alors, accorde-moi une requête et une faveur. Aussi loin que s’étend ton pouvoir ne laisse aucun homme ni aucune femme à l’extérieur des portes jusqu’au lever du soleil demain matin.
« Ce sera fait », répondit Eochaid. Personne n’avait foulé ce marais auparavant.
Eochaid demanda néanmoins à son intendant d’espionner ce qu’ils feraient pour réaliser cette chaussée. L’intendant se rendit dans le marais. Il lui sembla que tous les hommes du monde étaient venus dans le marais. Ils firent tous un grand tas de leurs vêtements et Medros/Midir monta dessus. Comme fondations de la chaussée ils utilisèrent une forêt entière avec ses troncs et ses racines, Medros/Midir se tenait au-dessus d’eux et pressait les troupes de tout côté. On aurait dit que sous lui les hommes du monde entier couraient dans tous les sens.
Après cela, de l’argile du gravier ainsi que des pierres furent jetés sur le marais. Les hommes d’Irlande avaient l’habitude de fixer le joug des bœufs sur leur front jusqu’alors, mais on put constater cette nuit-là que les gens du sid, eux, le plaçaient sur leurs épaules. Eochaid fit de même désormais d’où son nom d’Eochaid Airem (ce qui veut dire le laboureur en gaélique), car il fut le premier en Irlande à fixer le joug sur la nuque des bœufs. Voici ce que disait toute cette armée en construisant la chaussée : « Coire a laim ??? Prix d’achat de la mariée, bœufs excellents, durant les heures nocturnes, exigences (ailges) trop lourdes, nul ne sait qui sera le gagnant ou le perdant de la chaussée traversant le marais de Lamraige ».
Il n’y aurait jamais eu de meilleure chaussée au monde, s’il n’y avait pas eu un espion pour les observer. Ils y laissèrent donc volontairement des défauts. L’intendant s’en alla ensuite retrouver le roi Eochaid et lui parla de l’immense chantier dont il avait été témoin : il lui dit qu’il n’y avait pas sur terre un pouvoir magique (cumachtai) qui le surpassât.
Alors qu’ils étaient en train de parler, ils virent Medros/Midir arriver, les reins serrés par une ceinture et l’air mauvais.
Eochaid en fut quelque peu effrayé, mais lui souhaita néanmoins la bienvenue.
« C’est pour cela que nous sommes venus », dit Medros/Midir ; « il est cruel et déraisonnable de ta part de m’infliger une telle charge de travail, un tel fardeau. J’aurais volontiers fait quelque chose d’autre pour t’être agréable, mais je suis très remonté contre toi.
« Tu n’obtiendras pas de moi une telle fureur en retour et je vais apaiser ta colère » répondit Eochaid.
« Alors je l’accepte bien volontiers ! Jouerons-nous encore au tablut ? » demanda Medros/Midir.
« Quel sera l’enjeu ? » demanda Eochaid.
« Ce que chacun de nous voudra » répondit Medros/Midir.
Et cette fois-ci ce fut Medros/Midir qui emporta la mise.
« Tu as gagné l’enjeu », concéda Eochaid.
« J’aurais préféré que ceci arrive plus tôt », répondit Medros/Midir.
« Que désires-tu obtenir de moi maintenant ? » demanda Eochaid.
« Pouvoir mettre passer mes bras autour d’Etanna et un baiser de sa part », dit Medros/Midir.
Eochaid garda le silence un instant.
« Reviens dans un mois jour pour jour et tu auras ce que tu as demandé ».
Medros/Midir vint à ce rendez-vous amoureux un mois jour pour jour après. Mais le roi Eochaid convoqua la fine fleur des guerriers d’Irlande à tara, ainsi que l’élite des troupes d’Irlande, chacune entourant l’autre en faisant cercle autour de Tara, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, le roi et la reine
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étant au milieu de la maison, et les cours fermées à clé, car ils attendaient la venue de l’homme aux grands pouvoirs magiques. Etanna servait les seigneurs cette nuit-là, car bien servir les boissons était un de ses dons.
Peu après, alors qu’ils étaient en train de parler, ils aperçurent Medros/Midir à eux en plein milieu de la maison royale. Il était toujours beau, mais cette nuit-là il était encore plus beau. Les troupes en furent tout étonnées. Ensuite le silence se fit, et le roi lui souhaita la bienvenue.
« C’est pour cela que nous sommes venus », dit Medros/Midir, « pour que ce qui m’a été promis me soit donc accordé. Chose promise chose due. Ce que j’avais promis moi je te l’ai donné ».
« Je n’avais pas vraiment réfléchi à ça jusqu’à présent », répondit Eochaid,
« Etanna elle-même m’a promis qu’elle s’en irait avec moi », poursuivit Medros/Midir.
En entendant cela, Etanna se mit à rougir. «
« Ne rougis pas, O Etanna », dit Medro/Midir. « C’est dans la nature féminine. J’ai passé une année entière à te rechercher avec les plus beaux cadeaux et trésors d’Irlande et je ne t’ai pas prise avant qu’Eochaid ne m’en ait donné la permission. Ce n’est pas par déloyalement ? que je t’ai gagnée ».
« Je t’avais dit », répondit-elle, « que je ne partirais jamais avec toi tant qu’Eochaid n’aurait pas renoncé à moi. En ce qui me concerne, tu peux me prendre avec toi si Eochaid le veut bien ».
« Je ne te cèderai pas sois en sûre », dit Eochaid, « mais qu’il passe ses bras autour de toi telle que tu es au beau milieu de la maison ».
« Ce sera fait », dit Medros/Midir. Il prit ses armes dans la main gauche et la femme il la prit sous son bras droit puis s’envola ensuite avec elle par la lucarne du toit. Rouges de honte les armées tout autour du roi se levèrent aussitôt. Tout ce qu’elles aperçurent ce fut deux cygnes qui volaient autour de Tara et qui partirent ensuite en direction du Sid d’Ar Femuin. Eochaid se rendit avec toute la fine fleur des hommes d’Irlande jusqu’au Sid d’Ar Femuin c’est-à-dire jusqu’au sid de Ban Find. Et là tel fut le conseil des hommes d’Irlande : creuser chaque tertre féérique d’Irlande afin que sa femme puisse lui revenir.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 18.
Troisième heure. 9 heures.
Chemin de ronde. Il existait différents types de fortification en Irlande. Rath et lios étaient des fortifications circulaires construites en terre ; le rath (vieux celtique ratis) étant la levée de terre faisant office d’enceinte et le lios étant l’espace ouvert à l’intérieur. Caiseal et cathair étaient des fortifications circulaires en pierres sèches. Le terme dun (vieux celtique dunon), très fréquent dans la toponymie française (exemple Verdun sur Garonne où j’ai jadis étant jeune, travaillé, dans l’arboriculture, comme saisonnier tailleur d’arbres fruitiers) était utilisé pour toute forteresse un tant soit peu importante, qu’elle soit ou non de plan circulaire.
Dans le cas d’une fortification de type « ratis », les chemins de ronde n’étaient pas « couverts ».
À poignée en or. Le texte gaélique ne précise pas s’il s’agit du pommeau de la poignée ou de la garde, ou de l’ensemble. Seule la lame semble à exclure puisqu’elle est en fer par définition.
Cumachta est un terme gaélique désignant des pouvoirs magiques des dieux ou démons, ou simplement préternaturels d’après le dictionnaire électronique de la langue irlandaise. Le terme préternaturel est très spécialisé. Pour nos lecteurs qui ne le sauraient pas, c’est un terme de théologie catholique désignant les pouvoirs de l’être humain d’origine, avant qu’Adam n’en soit déchu. Ce qui est assez amusant donc c’est que l’Edil fait par conséquent du dieu ou démon Medros/Midir une entité jouissant de tous les pouvoirs qu’avait Adam avant le péché originel. Il s’agit donc de pouvoirs naturels, pas surnaturels, mais que l’on ne s’explique plus aujourd’hui.
Ci-dessous la définition du terme préternaturel trouvée sur le site internet « second Exode » animé par Martin K. Barrack.
Au-dessus de l’ordre de la nature humaine.
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Les anges, à la fois saints et déchus, ont des pouvoirs préternaturels. Leur intelligence, leur vitesse, etc. sont bien plus grandes que les facultés humaines correspondantes, mais ne sont pas infinies pour autant.
Adam et Eve ont à l’origine reçu les dons préternaturels d’immortalité, d’impassibilité, d’absence de concupiscence, d’innocence, avec la maîtrise de la Terre. Si Adam n’avait pas péché, nous aurions tous hérité de ces dons préternaturels, ainsi que du don surnaturel de la grâce sanctifiante (jargon typiquement catholique). Les âmes du ciel retrouveront ces dons à la fin des temps.
N.B. Les théologiens ne sont pas tous d’accord évidemment sur la liste desdits pouvoirs surnaturels.
Épierrer la plaine de Midé. Tout cela ressemble beaucoup aux célèbres travaux d’Hercules. Imitation plagiat ou coïncidence due à une commune origine ???
Une chaussée sur le marais de Lamraige… L’Histoire officielle nous dit que ce sont les Romains qui ont construit notre réseau routier et civilisé notre pays. Mais une récente découverte nous incite pourtant à reconsidérer la question de ce que les Romains ont véritablement fait pour nous.
En 2009 les archéologues ont en effet trouvé près de Shrewsbury dans le Shropshire une route empierrée construite 100 ans avant l’invasion des Romains. Cette route passait pour romaine jusqu’à la datation au carbone de ses fondations.
La route a été construite en trois phases avec du bois de sureau, du limon et des galets.
Les fondations sont en bois de sureau qui remonte à l’âge de fer d’après la datation au carbone 14.
La couche au-dessus est faite de limon recouvert de galets.
César insiste sur les ponts qu’il faisait jeter en vue de traverser les fleuves là où cela l’arrangeait, mais, parfois, comme par distraction, il mentionne des ponts déjà existants. Des ponts, donc des routes ! Mais à aucun moment César ne se plaint du réseau routier. Il aurait pu le faire, car faire évoluer à allure soutenue des légions suivies de chariots de matériels suppose des voies de communications en très bon état.
1 légion = 4 500 hommes environ. La cadence normale de la légion dans ses déplacements était de 5 kilomètres par heure, puis 10 minutes de pause. Cette cadence était maintenue pendant 5 à 7 heures par jour. En cas d’urgence, une cadence accélérée de 7 kilomètres par heure pouvait être soutenue pendant plusieurs heures.
Pour information, 1 mille romain (millia) = 1481,50 m (1 000 doubles pas romains) ; 1 lieue (leuga) celtique = 2 222,50 mètres (1 500 doubles pas romains). Donc la valeur du pas de la légion est d’environ 0,74 mètre, et 3 milles romains équivalent à 2 lieues gauloises (leuga).
La table de Peutinger nous donne toutefois des renseignements importants par exemple le fait que dans le nord du pays les routes étaient mesurées en lieues. Ce qui signifie que si cet arpentage a survécu aux mesures romaines, c’est qu’il était déjà largement utilisé et qu’il existait un réseau routier déjà bien développé avant l’arrivée des Romains. Ajoutons encore que de nombreux noms de véhicules romains sont d’origine celte, à commencer par l’indémodable « carrus », mais aussi carpentum, rheda ou raeda, petorritum, cisium et capsum qui attestent du savoir-faire des charrons celtes.
Le joug. Il s’agit là d’un détail fort curieux. On se demande s’il ne s’agit pas d’un lointain écho des nouvelles techniques apportées aux peuples néolithiques par les Celtes. De nouvelles techniques agricoles, la charrue à plusieurs bœufs, la construction de chaussées en rondins pour traverser certaines zones, etc.
L’utilisation d’animaux de trait nécessite généralement la création d’un système d’attache, permettant à l’animal de tracter une charge, sans se blesser. Le plus ancien système serait le joug à cornes. Dans l’Égypte antique, une barre en bois était placée devant les cornes d’un bovidé. Avec le temps, la barre en bois est sculptée pour mieux s’adapter à la morphologie de l’animal et des trous sont réalisés pour y faire passer les liens en cuir permettant la traction de la charge. Le joug dit abusivement « de garrot » est une évolution du joug à cornes qui permet l’utilisation d’animaux sans corne ou dont la forme des cornes ne se prête pas au joug de cornes. Il consiste en une barre en bois posée sur le garrot, avec une attache passant au-dessus des épaules et prenant appui sur la cage thoracique. Sur la cage thoracique, car en vérité, le harnais n’a jamais appuyé sur le garrot lui-même. Des études récentes ont pu résoudre le problème. Non, les Anciens n’ont pas conservé pendant des siècles une technique défectueuse ! Ce qui paraissait difficile à comprendre. Le joug de garrot permet des
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mouvements latéraux de la tête (possibilité de chasser les mouches) et il évite la rigidité ou la marche en biais observée dans le cas du joug à corne ou de tête.
« Pouvoir mettre passer mes bras autour d’Etanna et un baiser de sa part ». Est-il besoin de préciser que c’est justement là où voulait en venir le dieu ou démon Medros/Midir depuis le début, et qu’il avait perdu volontairement les parties d’échecs (tablut) précédentes afin d’appâter le roi Eochaid. N.B. Nous disons « dieu-ou-démon », car il est certain que dans cet épisode Medros/Midir se comporte un peu comme le diable dans beaucoup de légendes médiévales, à cette différence près que dans les légendes chrétiennes le diable est toujours très bête dans la conclusion de ses marchés (afin d’acheter les âmes) et qu’il se fait toujours finalement rouler par le saint ou le bon chrétien ou le chrétien ayant fait appel après à la toute-puissance compatissante de Dieu.
Il s’envola ensuite avec elle par la lucarne du toit… Disons pour simplifier que les dieux ou démons celtes ont les mêmes pouvoirs que les anges déchus ou pas déchus d’ailleurs du judéo-islamo-christianisme mais qu’au lieu d’obéir à Dieu ils sont subordonnés au destin appelé Tocad (ou Tocade si on veut féminiser le terme).
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le voir, pour le dictionnaire électronique de la langue irlandaise, les pouvoirs des dieux (cumachta) sont simplement des pouvoirs préternaturels, c’est-à-dire les pouvoirs qu’avait l’Homme avant sa chute et son expulsion du paradis terrestre. Ce qui bien entendu ne saurait être, puisque l’homme n’a pas été créé par Dieu contrairement à ce que nous répètent les monolâtries de masse que sont le judaïsme le christianisme et l’islam.
Mais à propos de ces pouvoirs, nous en trouvons donc ici deux autres : le pouvoir de voler dans les airs et le pouvoir de se métamorphoser en oiseau. Ajoutons-y certainement pour Medros/Midir une force peu commune et pour Etanna un don pour servir les boissons (sans doute une ancienne métaphore dont le sens a été perdu).
Aucune étude détaillée de ce que recouvre le terme gaélique cumachta n’ayant été tentée jusqu’à ce jour ; essayons quand même d’en dire deux mots.
Dans les religions « polythéistes », les dieux ou démons ont entre eux des traits communs qui les rendent à la fois proches, mais aussi très au-dessus des hommes.
Le corps des dieux a des qualités nettement supérieures à celui des hommes : éclat, jeunesse, lignes parfaites et ainsi de suite. Ce que les Iraniens antiques appelaient xvarnah, et les chrétiens « gloire », vieux celtique bellissama/bellissamos.
Les pouvoirs attribués aux dieux, qui ne sont ni omniscients ni omnipotents, sont surhumains (vitesse, force, invisibilité, capacité de voler), comme le sont leur taille quand ils apparaissent physiquement, et leur éclat.
Ils n’ont créé ni l’univers ni les hommes avons-nous dit, mais comme ces derniers, ils naissent, ils ont une naissance, un commencement*, du moins d’après les mythes. Ils ont un nom propre, des attributs propres, une apparence physique et des attitudes caractéristiques, une histoire personnelle avec un état civil et des aventures. Ils ont reçu en outre une multitude d’épithètes cultuelles qu’on appelle épiclèses en grec, variant selon le lieu du culte et l’aspect particulier du dieu qui est invoqué.
Ces épiclèses renseignent donc sur les fonctions très diverses que peut assumer une divinité (iovantucarus = qui aime la jeunesse par exemple, virotutis = qui protège les hommes, anextlomarus = protecteur, etc.)
Mais cette multiplicité d’aspects n’exclut pas un principe d’unité ; chaque dieu a en effet, son mode d’action spécifique, son type de pouvoir, ses domaines réservés, dans les grandes sphères d’activité où les hommes sollicitent leur aide ; si différents dieux interviennent dans un même domaine d’activité, leurs actions alors ne se confondent pas, mais se complètent.
À côté de ces traits communs, les dieux ont chacun des traits distinctifs et individualisés qui permettent leur reconnaissance.
Cette variété se retrouve dans la façon dont les druides ont représenté leurs dieux. Ils ont connu toutes les formes de figuration : pierre brute, pilier de pierre ou totem de bois, masque, figure animale, représentation humaine, et ce, dans des matériaux fort divers, bois, pierre, terre cuite, bronze… Ces formes ne marquent pas une évolution chronologique, mais ont coexisté et sont traitées avec les mêmes égards.
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Mentionnons au passage la grande statue cultuelle représentant Lug (Mercure dans l’interprétation romaine) dont la ressemblance avec l’homme était corrigée par sa dimension bien supérieure à la taille humaine. Elle fut érigée par un sculpteur grec nommé Zénodore qui vivait du temps de Néron (dix ans de travail, prix 4 millions de sesterces).
Les pouvoirs préternaturels des anges et des hommes avons-nous dit. Mais les pouvoirs des superhéros constituent aussi un excellent point de comparaison.
Dans les œuvres de science-fiction, un superpouvoir est une capacité surhumaine extraordinaire.
Les superpouvoirs peuvent être physiques ou mentaux. Ils peuvent avoir été obtenus par les héros de façon innée ou avoir été acquis de façon fortuite voire au terme d’une quête. On trouve des héros possédant un unique pouvoir, d’autres en possédant une multitude.
La diversité des pouvoirs est grande et dépend également des genres ainsi que des cultures auxquels appartiennent les héros qui en jouissent. Cela peut être, par exemple, une chance phénoménale, une force surhumaine, une grande vitesse, un don de téléportation, un don de télépathie, la capacité de voir la nuit, de maîtriser divers éléments (l’eau, la terre, le feu, le vent, la foudre…), de voler, de devenir un fantôme. On peut également citer une immense intelligence, un instinct « animal », le pouvoir de se multiplier, celui de pouvoir renvoyer les coups, de voyager dans le temps, le pouvoir de se régénérer ou encore de prendre une forme différente.
Certains pouvoirs obtenus par les super-héros peuvent parfois être apparemment dérisoires : le fait de dégager une odeur répugnante, d’être doté d’une toute petite taille ou encore de pouvoir avaler n’importe quoi.
La force physique démesurée par rapport à un être humain ordinaire est un superpouvoir fréquemment rencontré.
Il n’est pas rare de voir, dans des bandes dessinées, des héros porter des charges importantes (bus, menhirs, etc.) ou casser des objets particulièrement résistants (portes blindées, coffres-forts, mur, etc.). Cette capacité est souvent accompagnée d’une grande résistance aux attaques corporelles à mains nues, voire aux armes à feu. À noter que certains héros ont une résistance surhumaine sans que cela s’étende à leurs vêtements, ce qui conduit parfois Colossus à finir un combat vainqueur et indemne, mais quasiment nu.
Certains personnages de fiction peuvent se déplacer très rapidement. Flash est capable de se déplacer à une vitesse hors du commun ; Steve Austin, l’homme qui valait six millions de dollars, possède également cette faculté grâce à des prothèses électroniques.
Il existe des héros capables de voler, ou encore de traverser des objets ; Cyclope et Superman peuvent quant à eux lancer un rayon d’énergie au travers de leurs yeux.
Le don de téléportation y compris à travers des parois est parfois conféré à certains héros. Un personnage qui possède ce don peut généralement se téléporter lui-même d’un lieu à un autre, mais ce n’est pas la seule forme de ce pouvoir que l’on rencontre. La téléportation en question peut s’appliquer à quelqu’un d’autre.
Une capacité souvent associée aux « méchants » est le pouvoir de se régénérer rapidement.
Un autre don récurrent est celui de la métamorphose, à savoir celui de changer d’aspect, que ce soit pour prendre une ou plusieurs apparences différentes. Stanley Ipkiss/Le Masque peut changer à volonté de vêtements et de carrure, tout en gardant son visage vert.
Il existe des pouvoirs plus compliqués : Magnéto peut manipuler les champs de forces électromagnétiques (ce qui lui permet aussi bien de dévier les balles que de menacer de supprimer la magnétosphère). Sebastian Shaw, toujours dans les X-Men, absorbe l’énergie des coups qu’on lui porte pour devenir plus fort. Doomsday, s’il est tué, ressuscite en étant impossible à tuer de la même manière. Will, le héros dans Les Portes du Temps, peut se déplacer dans le temps. William Dunbar (Code Lyoko) peut se changer temporairement en fumée noire volante et très rapide.
Les pouvoirs mentaux, eux, sont souvent attribués à des personnages ne disposant pas d’un physique extraordinaire. L’un des types de pouvoirs récurrents est la maîtrise des éléments, des
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champs magnétiques, télépathie, télékinésie, pyrokinésie, cryokinésie… et autres. Wonder Woman possède divers objets magiques, dont un lasso d’or obligeant tous ceux qu’il emprisonne à dire la vérité et des bracelets indestructibles, tout comme le bouclier de Capitaine America.
Stanley Ipkiss/Le Masque tire tous ses pouvoirs d’un masque magique d’origine viking qui, lorsqu’il le met, le transforme en personnage vert et farfelu ayant des pouvoirs presque sans limites, alors qu’il n’est qu’un humain ordinaire en temps normal.
Durée et accessibilité des pouvoirs
Les super capacités des super-héros ne sont pas forcément toujours les mêmes. Elles peuvent évoluer dans le temps, et parfois suivant d’autres facteurs.
Ainsi, Bruce Banner se transforme en Hulk, une bête d’une grande force physique, sous l’effet de la colère. La colère accroit d’ailleurs ses capacités.
Faiblesses et limitations.
Les super-héros sont dotés de superpouvoirs, mais ce n’est pas tout. Pour équilibrer les personnages, les héros possèdent souvent un point faible. La kryptonite et l’exposition prolongée à la lumière rouge rendent Superman vulnérable ; Cyclope ne peut se passer de ses lunettes spéciales en quartz-rubis ; Benoît Brisefer perd ses pouvoirs lorsqu’il est enrhumé ; Martian Manhunter et Miss Martian sont pyrophobes, et perdent leur pouvoir s’ils sont exposés au feu ; Iron Man est obligé de porter en permanence un électro-aimant pour survivre à cause d’éclats d’obus coincés dans sa poitrine.
De manière plus générale, les faiblesses d’un super-héros peuvent résider dans son caractère, sa personnalité. Une faiblesse de Wolverine est de vouloir agir seul, de refuser l’aide extérieure. Tornade est quant à elle claustrophobe.
* Par contre ils ne meurent pas (sauf dans les documents influencés par le christianisme), si ce n’est pour ressusciter aussitôt. Leur véritable disparition ne se fera que lors de l’aredengto générale de l’univers (sa fin et sa régénération au bout d’un cycle cosmique d’une immense durée… dont l’estimation faite à l’époque par les druides semblait ridicule aux yeux des Grecs et des Romains). Nos frères parsis appellent cette fin de cycle suivie d’une régénération frachokereti et nos frères odinistes ragnarök.
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Ils creusèrent le sid de Ban Find, et quelqu’un vint à leur rencontre pour leur dire que la femme n’était pas là.
« Le roi des sids d’Irlande est l’homme qui est venu chez vous. Il est dans son fief avec la jeune femme. Allez là-bas pour le trouver ».
« Ils partirent donc en direction du nord et commencèrent à creuser le tertre féérique. Ils y passèrent un an et trois mois. Ce qu’ils creusaient le jour était mystérieusement rebouché dans la nuit. Deux corbeaux blancs sortirent du sid dans leur direction ainsi que deux chiens, Scleth et Samair. Ils retournèrent donc au sid de Ban Find et recommencèrent à creuser le tertre féérique. Quelqu’un en sortit et leur dit : « qu’as-tu entrepris à notre encontre, O Eochaid ? Nous n’avons pas ta femme. Nous ne t’avons rien fait. Prends garde à ne rien dire qui soit offensant pour un roi ».
« Je ne partirai pas d’ici » répondit Eochaid, tant que vous ne m’aurez pas dit comment je peux joindre ma femme ».
« Prends des chiots aveugles avec toi ainsi que des chats aussi aveugles, et lâche-les. C’est ce que tu devrais faire chaque jour ».
Ils s’en allèrent et suivirent ce conseil à la lettre.
Alors qu’ils étaient là en train de raser le sid de Bri-Léith quand ils aperçurent Medros/Midir venir.
« Qu’as-tu contre moi ? » s’exclama Medros/Midir. Tu m’as fait du tort. Tu m’as plongé dans les pires tribulations, mais tu m’as vendu ta femme. Arrête de t’en prendre à moi ! »
« Elle ne sera pas plus longtemps avec toi », répliqua Eochaid.
« Elle ne restera pas là », rétorqua Medros/Midir. « Retourne chez toi, et à la troisième heure demain matin ta femme te rejoindra [… ?…] dit Medros/Midir.
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« Et ne me fais plus de nouveau du tort si je tiens ma promesse ».
« J’accepte », répondit Eochaid.
Medros/Midir signa son engagement et s’en alla.
Et à a troisième heure le lendemain ils virent cinquante femmes ayant toute la même apparence et les mêmes vêtements qu’Etanna. Le silence s’abattit sur les troupes. Il y avait à leur tête une vieille courtisane aux cheveux gris. Elle dit à Eochaid : « Reprends ta femme maintenant, ou demande à une de ces femmes de rester avec toi. Il ne nous convient pas de rester ici nous préférons rentrer chez nous.
« Que feriez-vous à ma place » demanda Eochaid aux hommes d’Irlande, « vu le doute dans lequel nous nous trouvons ? »
« Nous n’avons pas d’avis sur ce qu’il conviendrait de faire », répondirent-ils.
« J’en ai un », répondit Eochaid. « Ma femme est la meilleure d’Irlande pour ce qui est de servir à boire. Je la reconnaîtrai à sa façon de servir ».
Vingt-cinq femmes furent placées de ce côté-ci de la maison et vingt-cinq de l’autre, et un récipient rempli de boisson fut placé au beau milieu de la maison. Ensuite une femme venait d’un côté puis de l’autre, mais le roi Eochaid ne trouvait pas Etanna. Vint le tour des deux dernières femmes. Une des deux servit à boire en premier.
« C’est elle Etanna, et en même temps ce n’est pas elle ! » s’écria Eochaid.
Ils tinrent alors tous conseil.
« Assurément c’est elle Etanna, mais ce n’est pas sa façon de servir ».
Les autres femmes s’en allèrent.
Ce haut fait de sa part fut cause d’une grande satisfaction pour les hommes d’Irlande, tout comme les exploits des bœufs, ainsi que la libération de sa femme d’entre les mains des gens du sid.
Un beau jour Eochaid se leva, et comme lui et sa reine étaient en train de converser au beau milieu de la cour, ils aperçurent Medros/Midir venir à eux.
« Bonjour, Eochaid », dit Medros/Midir
« Bonjour » répondit Eochaid.
« Tu n’as pas été très correct avec moi en m’imposant toutes ces peines, vu tout ce que tu avais déjà obtenu de moi ainsi que tout [.. ?…] de me demander. Il n’y a rien eu dont tu ne m’aies pas soupçonné.
« Je ne t’ai pas cédé ma femme » répondit Eochaid.
« Réponds-moi franchement et en ton âme et conscience, que penses-tu de moi ? » demanda Medros/Midir.
« Tant que tu n’auras pas promis autre chose, je n’en penserai rien », rétorqua Eochaid.
« Réponds-moi franchement, as-tu la conscience tranquille ? insista Medros/Midir.
« Oui ! » répondit Eochaid.
« Eh bien moi aussi » répondit Medros/Midir. » Ta femme était enceinte quand elle t’a été enlevée, elle portait une fille, et c’est elle qui est avec toi. Ta femme par contre est avec moi et il est donc arrivé que tu l’as laissée partir une seconde fois ».
Sur ce il s’en alla.
Après cela Eochaid n’osa plus creuser de nouveau un sid appartenant à Medros/Midir, car il s’était engagé devant témoins de ne pas le faire. Que sa femme lui ait ainsi échappé définitivement et que sa propre fille ait dormi avec lui accabla Eochaid. Elle se retrouva enceinte de ses œuvres et lui donna une fille. « Ô dieux », dit Eochaid, « Moi et ma fille n’oserons plus jamais nous regarder ! »
Deux membres de sa maisonnée partirent jeter l’enfant dans une fosse au milieu des bêtes sauvages. Ils tombèrent par hasard sur la maison de Findlam le vacher de Tara dans la montagne de Fuat, située au beau milieu d’une vaste solitude sauvage. Il n’y avait personne dans la maison. Ils y mangèrent un morceau. Ensuite ils jetèrent la petite fille à la chienne et ses petits qui étaient dans le chenil de la maison et s’en repartirent. Le pâtre et sa femme rentrèrent chez eux et aperçurent à l’intérieur la belle enfant dans le chenil. Ils furent stupéfaits par ce spectacle. Ils la sortirent donc du chenil. Ils l’élevèrent sans savoir d’où elle venait, mais elle grandit vite et vigoureusement d’ailleurs étant la fille d’un roi et d’une reine. Elle surpassa toutes les autres femmes dans l’art de la broderie. Ses yeux ne voyaient rien qu’elle ne puisse reproduire en broderie. C’est ainsi qu’elle fut élevée par Findlam et sa femme, jusqu’à ce qu’un jour les gens d’Etarscel la voient et le disent au roi, et qu’elle soit enlevée de force par Etarscel. Elle demeura auprès de lui en tant qu’épouse après cela. C’est ainsi qu’elle devint la mère de Conaire fils d’Etarscel.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 19.
Ban Find. Autant que je puisse en juger d’après mes connaissances en gaélique, ce nom signifie « belle dame » ou « dame blanche ».
Deux corbeaux blancs et deux chiens, des chats et des chiots aveugles… Cet épisode devait sans doute être plus développé dans le mythe initial, mais là visiblement l’auteur résume, résume résume. Au point que cela devient difficilement compréhensible. En ce qui nous concerne en tout cas nous ne saisissons guère la portée réelle de ce détail.
Cinquante femmes. Ainsi que nous l’avons déjà signalé, dans les légendes médiévales c’est toujours ou presque toujours le diable qui perd quand il conclut un marché avec des êtres humains. En l’occurrence c’est le contraire. Medros/Midir est toujours le plus fort, car il a des superpouvoirs, des pouvoirs dignes d’un super-héros de bande dessinée. Ajoutons qu’il est plus qu’évident au vu de cette histoire que le temps ne s’écoule pas de la même manière dans le monde des dieux que dans celui des hommes. En l’occurrence et contrairement aux conventions habituelles en la matière, le temps s’est écoulé plus rapidement pour Etanna et Medros/Midir puisqu’Etanna donc a eu le temps de mettre au monde une petite fille et de l’élever, alors que pour Eochaid quelques mois tout juste se sont écoulés.
Bonjour. Nous traduisons ainsi le terme gaélique « maith ».
Car il s’était engagé devant témoins à ne pas le faire. Nous traduisons ainsi le terme gaélique arach qui signifie littéralement « fournir des garants ou des garanties pour l’exécution d’un contrat ».
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LE RÊVE DE MABON/MAPONOS/OENGUS (MAPONOS OINOGUSTIOS).
Aislinge Oengusso (manuscrit Egerton 1782). Mais avec Medros/Midir dans le rôle de Bodb. Il s’agit d’un texte du VIIIe siècle.
Une nuit que Mabon/Maponos/Oengus était en train de dormir il aperçut quelque chose comme une jeune fille venir son chevet : c’était la plus belle femme d’Irlande. Il essaya de lui prendre les mains pour la mettre dans son lit, mais, alors qu’il venait de lui souhaiter la bienvenue, elle disparut soudainement, et il ne sut pas qui lui avait ôté des bras. Il resta au lit jusqu’au matin, mais avait l’esprit troublé, la silhouette qu’il avait pu apercevoir sans pouvoir lui parler le rendant malade. Il ne mangea rien ce jour-là. Il attendit ainsi jusqu’au soir et alors il vit un tambourin (timpan) dans sa main, la plus douce qu’il ait jamais vue. Elle joua pour lui jusqu’à ce qu’il tombe de sommeil. Il fut ainsi toute la nuit et le matin suivant il ne prit aucune nourriture.
Une année entière se passa, et la fille continua de rendre visite à Mabon/Maponos/Oengus, de sorte qu’il en tomba évidemment amoureux fou, mais ne le dit à personne. Ensuite il tomba malade, et personne ne sut ce qu’il avait. Les médecins de la verte Erin se retrouvèrent à son chevet, mais ne purent découvrir ce qui n’allait pas. Aussi demandèrent-ils à Fingen, le médecin de Cunocavaros/Conchobar, de venir, ce qu’il fit. Il pouvait dire rien qu’en regardant la figure d’un homme, ce qu’il avait, tout comme il était aussi capable en regardant la fumée sortant du toit d’une maison combien il y avait de malades à l’intérieur. Fingen prit Mabon/Maponos/Oengus à part et lui dit : « tu es tombé amoureux de quelqu’un qui n’est pas là ».
« Tu as deviné ma maladie », répondit Mabon/Maponos/Oengus.
« Ton as développé une peine de cœur » poursuivit Fingen, et tu n’as pas osé en parler à quiconque.
« C’est vrai », répondit Mabon/Maponos/Oengus. Une jeune fille est venue à moi ; sa silhouette était la plus belle que j’ai jamais vue en Irlande, elle avait une allure très séduisante. Elle avait un tambourin à la main, et jouait pour moi chaque nuit ».
« Ce qui importe », répondit Fingen, « c’est que tu te sois mis à l’aimer. Envoie des messagers à Viviane/Bovinda ta mère, afin de lui demander de venir te parler ».
Ils envoyèrent donc ensuite des messagers chez Viviane/Bovinda, qui se rendit sur place.
« On m’a demandé de venir afin d’examiner cet homme, qu’une mystérieuse maladie affecte », dit Fingen, et il fit part à Viviane/Bovinda de ce qui s’était passé.
« Que sa mère s’occupe de lui », dit Fingen « et qu’elle cherche à travers toute la verte Erin jusqu’à ce qu’elle trouve la beauté que son fils a vue ».
On chercha pendant un an, mais on ne trouva aucune fille qui lui ressemblât. Aussi Fingen fut de nouveau convoqué.
« Nous n’avons trouvé personne pour le soulager », dit Viviane/Bovinda.
« Alors que l’on aille chercher le Suqellos/Dagda/Gargant, et qu’il vienne parler à son fils », dit Fingen.
Le Suqellos/Dagda/Gargant fut invité à venir et il arriva en demandant : « Pourquoi ai-je été convoqué ? ».
« Afin de conseiller ton fils », répondit Viviane/Bovinda. Il faut que tu lui viennes en aide, car sa mort serait un véritable crève-cœur. La femme qu’il aime lui manque, et il n’a été trouvé aucun secours pour lui.
« Pourquoi me dire ça ? », demanda le Suqellos/Dagda/Gargant, je n’en sais pas plus que vous ».
« Bien sûr que si », répondit Fingen, « car tu es le roi des Sidhs de la verte Erin. Envoie des messagers à Medros/Midir puisque son savoir est célèbre dans toute l’Irlande ».
Des messagers furent alors envoyés à Medros/Midir, et ils furent bien reçus : Medros/Midir souhaita la bienvenue aux gens du Suqellos/Dagda/Gargant.
« C’est pour cela que nous sommes venus », répondirent-ils.
« Avez-vous des choses à me dire », demanda Medros/Midir.
« Nous en avons : Mabon/Maponos/Oengus le fils du Suqellos/Dagda/Gargant est tombé amoureux depuis deux ans », répondirent-ils.
« Comment cela ? » demanda Medros/Midir.
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« Une jeune fille lui est apparue durant son sommeil » répondirent-ils, « mais nous ne savons on elle peut bien se trouver. Le Suqellos/Dagda/Gurgant demande que tu cherches dans toute l’Irlande une fille ayant sans beauté, ains que son apparence ».
« Cette recherche sera faite », répondit Medros/Midir « et elle durera un an afin que je puisse être sûr de la trouver ».
Au bout d’un an, les gens de Medros/Midir vinrent le trouver [Mabon/Maponos/Oengus] dans sa maison du Sid d’Ar Femuin et dirent : « Nous avons fait le tour de la verte Erin, et nous avons trouvé la fille au lac de Bel Dracon dans la harpe de Cliach ??
Des messagers furent alors envoyés chez le Suquellos/Dagda/Gargant ; il leur fit bon accueil et leur demanda : « avez-vous enfin des nouvelles ? »
De bonnes nouvelles : la fille dont tu nous as brossé le portrait a été trouvée », répondirent-ils. « Medros/Midir a demandé que Mabon/Maponos/Oengus vienne avec nous afin de voir s’il reconnaît en elle la fille qu’il a vue ».
Mabon/Maponos/Oengus fut alors conduit en char jusqu’au sid d’Ar Femuin, et il y fut très bien accueilli : un grand festin fut préparé pour lui, et il dura trois jours et trois nuits. Après cela Medros/Midir dit à Mabon/Maponos/Oengus : « Allons voir maintenant si tu reconnais la fille. Tu pourras la voir, mais il n’est pas en mon pouvoir de te la donner ».
Ils se mirent donc en route afin d’atteindre un lac ; là ils virent trois cinquantaines de jeunes filles, et la fille de Mabon/Maponos/Oengus était parmi elles. Elle dépassait de l’épaule toutes les autres jeunes filles, elles étaient attachées deux par deux au moyen d’une chaîne en argent, mais la fille de Mabon/Maponos/Oengus portait un collier d’argent et sa chaîne était en or fin.
« Reconnais-tu cette fille ? » demanda Medros/Midir.
« Bien sûr que oui », répondit Mabon/Maponos/Oengus.
« Je ne peux rien faire de plus pour toi, maintenant », ajouta Medros/Midir.
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Après cela Mabon/Maponos/Oengus et ses gens revinrent dans leur pays et Medros/Midir les suivit chez le Suqellos/Dagda/Gargant et Viviane/Bovinda dans le Brug du Fils Jeune. Ils y rapportèrent leurs nouvelles : que la beauté ainsi que l’apparence de la fille étaient juste comme Mabon/Maponos/Oengus l’avait vue, et ils lui donnèrent son nom ainsi que ceux de son père et de son grand-père.
« Quelle pitié que nous ne puissions l’avoir », dit le Suqellos/Dagda/Gurgunt.
« Ce que tu devrais faire c’est aller chez Ailll et Medb, car la fille se trouve sur leur territoire », dit Medros/Midir.
Le Suqellos/Dagda/Gurgunt se rendit alors dans le Connaught avec trois vingtaines de chars, là ils furent bien accueillis par le roi et la reine et passèrent une semaine à festoyer ou à boire.
« Maintenant pourquoi êtes-vous venus ici ? » demanda le roi.
« Il y a une fille sur ton territoire », dit le Suqellos/Dagda/Gargant, « dont mon fils est tombé amoureux, au point d’en tomber malade. Je suis venu voir si tu accepterais de nous la donner ».
… « Nous n’avons pas le pouvoir de vous la donner », répondirent Ailill et Medb.
« Le mieux serait que l’on convoque le roi du sid sur le territoire de qui elle se trouve », dit le Suqellos/Dagda/Gargant.
L’intendant d’Ailill se rendit chez le roi du sid en question, Ethal Anbual, et lui dit : « Ailill et Medb demandent que tu viennes leur parler ».
« Je ne viendrai pas », répondit Ethal, « et je ne donnerai pas la fille au fils du Suqellos/Dagda/Gargant ».
L’intendant répéta ceci au grand Ailill en disant : « Il sait pourquoi il a été convoqué ici et ne veut pas venir »
« Aucun problème », répondit Ailill, « car il viendra et les têtes de ses guerriers avec lui ».
Après cela, toute la maisonnée d’Ailill ainsi que les gens du Suqellos/Dagda/Gargant partirent à l’assaut du sid et le détruisirent, ils rapportèrent trois vingtaines de têtes et enfermèrent le roi dans Cruachan.
Ailill dit à Ethal Anbual : « Donne la fille au fils du Suqellos/Dagda/Gargant ».
« Je ne peux pas », répondit-il, « car son pouvoir est plus grand que le mien ».
« Quel si grand pouvoir a-t-elle ? » demanda donc Ailill.
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« Être sous la forme d’un oiseau tous les jours d’une année puis sous une forme humaine chaque jour de l’année suivante », répondit Ethal.
« À quel moment sera-t-elle sous la forme d’un oiseau ? » demanda le grand Ailill.
« Il ne m’appartient pas de révéler ce secret », répondit Ethal.
« Tu auras la tête tranchée », lui cria donc Ailill, « si tu ne nous le dis pas ».
« Je ne vous le cacherai pas plus longtemps, dans ce cas, mais je vais vous le dire, puisque vous êtes si obstinés », répondit Ethal. « Lors de la prochaine Samon (ios) elle sera sous la forme d’un oiseau ; elle sera sur le lac de Bel Dracon, et d’autres magnifiques oiseaux seront avec elle, trois cinquantaines de cygnes seront autour d’elles, et je préparerai à en faire autant ???
« Ni báe lemm-sa iarum,’ ol in Dagdae, ‘óre ro-fetar a h-aicned do-s-uc-so ».
« Aucune importance que tout cela », répondit le Suqellos/Dagda/Gargant, « puisque je connais très bien la nature de la forme sous laquelle je les ai mises » ????
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 20.
Fingen liaig Conchobuir. Nous traduisons par médecin le mot irlandais liaig/legi, qui semble également signifier « chirurgien ». Les anciens druides s’occupaient aussi beaucoup de médecine des corps. Cela ne doit plus être le cas aujourd’hui. Les très sachants d’aujourd’hui ne doivent s’occuper que du soin des âmes.
Le roi des sids de la verte Erin. Les sids (vieux celtique « Sedos ») sont des portes d’entrée ou de sortie de l’autre monde. Chaque dieu-ou-démon possède une ou plusieurs de ces portes et y habite (demeure derrière). Mais il n’y a pas qu’en Irlande qu’il y a des sids, il y en a dans le monde entier. En Allemagne et Tchéquie en Grande-Bretagne, etc. et même Delphes en un sens, qui est un sid appartenant à Belenos/Abellio appelé Apollon par les Grecs. Et même Lourdes en France pour les catholiques. Lourdes est le sid d’une déesse ou d’une superhéroïne appelée la Vierge Marie *.
Et tous ces sids communiquent entre eux. Enfin, malgré la mention d’un roi des Sids différent suivant les époques ou les textes) il serait plus juste à cet égard de considérer qu’il s’agit d’une sorte de république, les Sids Unis, dirigée par un président élu et doté de pouvoirs forts.
* On a découvert à Lourdes et datant de la période gallo-romaine un autel votif ainsi que deux sculptures, une tête du dieu oriental Mithra et une tête féminine non identifiée.
Ni bâe lemm-sa iarum, ôre ro-fetar a haicned do-s-uc-so.
Cette phrase assez énigmatique signifie sans doute que le Suqellos/Dagda/Gargant revendique la responsabilité de la métamorphose. Et nous pouvons en déduire ou en conclure que le dieu-ou-démon a eu recours à ce procédé, désagréable et générateur de complications sans nombre, pour permettre à son fils d’épouser celle dont il est amoureux. Était-ce aussi une façon de punir la jeune fille, très temporairement, de la peine de cœur dont sa provocation a été la cause ? La concision du texte est trop grande pour que nous nous risquions à avancer quoi que ce soit. Ce qui est certain c’est qu’il doit manquer des passages, ce qui ne facilite pas notre compréhension du déroulement du scénario qui peut sembler incohérent.
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Un traité de paix ou d’amitié fut alors conclu entre Ailill, Ethal, et le Suqellos/Dagda/Gargant, qui leur fit ses adieux et revint chez lui apprendre cette nouvelle à son fils. « Va au lac de Bel Dracon lors de la prochaine samon (ios) » dit-il, et fais la venir à toi. Le Jeune Fils se rendit par conséquent au lac de Bel Dracon et là il vit trois cinquantaines d’oiseaux blancs, avec des chaînes en argent et des boucles blondes autour de leur tête. Mabon/Maponos/Oengus était sous forme humaine à l’extrémité du lac et il appela la fille en disant : « Viens me voir, Caer ! ».
« Qui m’appelle ? » demanda Etanna.
« C’est Mabon/Maponos/Oengus qui t’appelle », répondit-il.
« Je viendrai », répondit-elle, « si tu me promets que je pourrai revenir sur le lac demain ».
« Je te le promets », dit-il.
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« Elle arriva, ensuite il mit ses bras autour d’elle, ils dormirent ensemble sous la forme de cygnes et firent par trois fois le tour du lac. C’est ainsi qu’il tint sa promesse. Ils s’envolèrent sous la forme de deux oiseaux blancs et partirent jusqu’au Brug du Jeune Fils, là ils chantèrent jusqu’à ce que les gens à l’intérieur dorment pendant trois jours et trois nuits. La fille resta ensuite avec Mabon/Maponos/Oengus. Voilà comment naquit une grande amitié entre Ailill Medb et le Jeune Fils et c’est la raison pour laquelle Mabon/Maponos/Oengus intervint avec trente centaines [d’hommes] lors de l’enlèvement du bétail de Cualnge.
Conid ‘De Aislingiu Óenguso maicc in Dagdai’ ainm in scéuil sin isin Táin Bó Cúailnge. Finit.
Le rêve de Mabon/Maponos/Oengus fils du Suqellos/Dagda/Gargant est le nom de cette histoire dans l’enlèvement des vaches de Cualnge. Fin.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 21.
C’est la raison pour laquelle Mabon/Maponos/Oengus intervint avec trente centaines [d’hommes] lors de l’enlèvement du bétail de Cualnge. Aucune trace de cette intervention n’existe dans ce qui nous reste de cette saga. Il s’agit, soit de la énième preuve qu’il nous manque des pans entiers de toute cette littérature orale, soit que les bardes ayant composé ces récits avaient beaucoup d’imagination. Ou ne reculaient pas devant le « faux » littéraire, mais sans réelle intention de tromper, juste afin d’accrocher leurs lecteurs ou plus exactement leurs auditeurs.
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CI-DESSOUS ENCORE, LA COURTISE D’ETANNA.
MANUSCRIT EGERTON 1782.
Après cela les hommes de la verte Erin vinrent au festin de Temur et ils y restèrent deux semaines avant Samon (ios) et deux semaines après. Mabon/Maponos/Oengus se mit à regarder avec insistance Etanna aussi longtemps qu’elle participa au festin de Temur. La femme de Mabon/Maponos/Oengus à savoir la fille de Luchta Laimderg des confins du Leinster, lui dit alors : « Eh bien Mabon/Maponos/Oengus, pourquoi regardes-tu si longuement de ce côté, ce long regard ressemble à un signe d’amour. Mabon/Maponos/Oengus s’en voulut et ne regarda plus la jeune fille après ça. Les hommes de la verte Erin se séparèrent ensuite après en avoir fini avec le festin de Temur.
Mabon/Maponos/Oengus fut affecté ensuite par un sentiment croissant de jalousie et d’envie et sa moelle déborda, le rendant ainsi très malade : il fut donc amené à Dun fremainn en Tethba. Mabon/Maponos/Oengus demeura en ce lieu jusqu’à la fin de l’année atteint par une maladie d’amour et de langueur et il n’avoua sa maladie à personne. C’est alors que le Suqellos/Dagda/Gargant vint rendre visite à son fils et il mit la main sur sa poitrine : Mabon/Maponos/Oengus poussa un soupir.
Allons donc, cette maladie n’est pas si grave, dit le Suqellos/Dagda/Gargant, comment vas-tu aujourd’hui ?
Par ma foi, répondit-il, je ne sais pas, mais c’est pire de jour en jour et de nuit en nuit.
Qu’as-tu donc, demanda le Suqellos/Dagda/Gargant ?
Par ma foi je ne sais pas, répondit-il.
On va faire venir pour moi, poursuivit le Suqellos/Dagda/Gargant, quelqu’un qui trouvera de quelle maladie tu souffres.
Ensuite Fachtna l’autre médecin du Suqellos/Dagda/Gargant lui fut amené, il mit la main sur sa poitrine et Mabon/Maponos/Oengus poussa un gémissement.
Bien, dit Fachtna, le cas n’est pas grave et je sais quelle est ta maladie, mais je ne te serai d’aucun secours, soit tu étouffes de jalousie soit c’est l’amour qui t’est tombé dessus, mais il ne t’a pas encore comblé jusqu’à présent.
Mabo/Maponos/Oengus en éprouva une grande honte et n’avoua pas sa maladie au médecin aussi ce dernier s’en alla.
Comme le Suqellos/Dagda/Gargant partit effectuer une tournée royale dans la verte Erin, il laissa Etanna dans la forteresse et lui dit : Bien jeune fille, que ta couche soit installée à côté de Mabon/Maponos/Oengus aussi longtemps qu’il sera en vie et quand il sera mort fais creuser sa tombe dans les champs ?? qu’une pierre tombale et une stèle soient érigées, que son nom y soit gravé en runes oghamiques. Ensuite le Suqellos/Dagda/Gargant partit faire sa tournée royale dans la verte Erin et laissa Mabon/Maponos/Oengus sur place à Dun Fremainn en Tethba afin qu’il y meure et s’y éteigne dans l’année.
Un jour Etanna se rendit dans la maison où se trouvait alité Mabon/Maponos/Oengus et lui parla ainsi : Que t’est-il arrivé, grave est ta maladie, si nous savions ce qui peut te soulager nous nous le serions déjà procuré.
Ci-dessous le lai que dit et chanta la fille et Mabon/Maponos/Oengus répondait :
Que t’est-il donc arrivé, jeune homme
Longue est ta maladie.
Is fossad do cheim glan gle ?????
Cia beith dfeabus na sine ?????
Il y a des raisons à ma blessure
Ma harpe ne chante plus
Nimtol ann ni do gan blicht ???
C’est ce qui m’a mis dans cet état.
Dis-moi ce qui t’afflige, jeune homme,
Je suis une fille ercnaid ??
Dis-moi ce qui t’arrive (dal)
Que je puisse te soigner.
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Il ne convient pas que je te le demande
Jeune fille, ta silhouette est belle.
Daigh neich andiaigh asula ???
Que les secrets de femme ne sont pas bons.
Pourquoi un secret de femme devrait-il être mauvais
Un tel chagrin d’amour n’est plus qu’un lointain souvenir ???
Puisque la chose a été prise en main
Il n’y a aucune raison de le confesser.
Bénédiction sur toi fille de toute beauté (inghiun finn) ?
Je ne peux plus parler.
Je ne suis plus maître de mon propre esprit
Mon cœur bat la chamade.
Je suis malheureux ô fille de roi
Ma belle Etanna ;
Mon corps et mon esprit sont malades
Voilà ce qui se dit dans toute l’Irlande.
Et même si c’était à cause de toute une compagnie de belles femmes
Que tu étais dans la peine
Je viendrais te voir si tu le voulais
Je m’occuperai de leur faire la cour pour toi.
Ô jeune fille, dit-il, il te serait facile de soigner ma maladie et il est probable que tu voudrais bien me soigner, seulement c’est un amour qui est plus profond chaque année, mon amour est comme une blessure, c’est un violent besoin de force ? c’est le partage en quatre de la terre, il est infini comme le ciel (?) c’est une rupture du col, c’est une bataille contre une ombre, c’est une noyade dans l’eau, c’est une course vers le ciel, c’est de la bravoure sous la mer ? is grad do mac alla ? C’est un amour digne du fils de la roche ?? Mo gradsae ocus mosercc ocus minmaine donti datucus ???
Mon amour mon affection et mon inclination je les ai donnés à ????
Ensuite la jeune fille se mit à réfléchir à la maladie qui le rongeait et en éprouva de la tristesse, c’est pourquoi elle lui dit un jour :
Debout noble Mabon/Maponos/Oengus
Il te convient plus qu’à tout autre d’être très hardi (rochalma)
Car tu auras ce que nous savons très bien (rofes)
C’est moi qui entreprendrai de te soigner.
Si c’est que ce que tu veux dans ton esprit
Passe tes bras autour de mon cou
Ce sera le commencement d’une courtise
Haute en couleur
Une femme et un homme amoureux.
Si ce n’est pas assez pour toi noble guerrier
Fils d’un roi puissant souverain
Je ferai pour te soulager quelque chose d’agréable (grinn)
De mon genou jusqu’à ??? (conimmluin).
Qu’une centaine de bœufs et une centaine d’onces d’or
Qu’une centaine de chevaux munis de leur bride et rassemblés
Qu’une centaine d’habits bariolés de toutes les couleurs
Soient apportés dans mon pays comme compensation financière (fochrig).
Une centaine d’animaux de chaque sorte en plus
Ce fut une grande émigration
Pour m’avoir, très précisément
Est le prix que l’on m’a déjà payé, en une seule fois.
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Ensuite la jeune fille vint tous les jours pour procéder à sa toilette et lui servir sa nourriture et c’est ainsi qu’elle lui rendit des forces, car elle était très peinée qu’il puisse mourir à cause d’elle. Un jour par la suite la fille dit à Mabon/Maponos/Oengus : « Viens demain matin me retrouver dans la petite maison qui est sur la colline à l’extérieur et là j’accèderai à tes demandes et à ton désir. Mabon/Maponos/Oengus ne ferma pas l’œil de la nuit. Mais quand vint le moment d’aller la retrouver, il succomba au sommeil de sorte qu’il dormit jusqu’à l’heure du lever. Etanna alla au rendez-vous et n’eut pas longtemps à patienter avant de voir un homme malade [arriver] près d’elle semblable à Mabon/Maponos/Oengus, il était las et fatigué.
La jeune fille s’aperçut que ce n’était pas Mabon/Maponos/Oengus et continua de le chercher. Après cela elle quitta le lieu du rendez-vous. Mabon/Maponos/Oengus sortit de son sommeil et la mort lui aurait alors semblé plus douce que la vie. Il était accablé d’une immense douleur et de beaucoup de peine. La jeune fille vint alors lui parler. Il lui raconta ce qui lui était arrivé. Viens au même endroit demain, lui dit-elle. Mais ce fut le même homme que celui qui était venu le premier jour qui arriva. Ce n’est pas du tout avec toi que j’avais arrangé ce rendez-vous, lui dit-elle, pourquoi viens-tu me voir ? Ce n’est pas du tout par convoitise ni par hasard que je lui avais donné ce rendez-vous, mais afin de le guérir de la maladie dans laquelle son amour pour moi l’a plongé.
Tu ferais mieux pourtant de venir à mon rendez-vous, dit-il, car quand tu étais jadis Etanna d’Eochraidhe fille du roi Etar ??? c’est moi qui étais ton époux.
Qu’est-ce à dire, s’exclama-t-elle, quel est donc ton nom, celui par lequel on t’appelle ?
Ce n’est pas difficile, je m’appelle Medros/Midir de Bri Léith, répondit-il.
Qu’est-ce qui a fait que j’ai ensuite été séparé de toi si nous avons été dans cette situation demanda Etanna ?
Ce n’est pas difficile, répondit Medros/Midir. Ce sont les maléfices (fithnaissiu) de Vocumnaca (Fuaimnech) et les incantations (brechtae) de Bresalos Etarlamos (Bresal Etarlaim) qui nous ont séparés.
Medros/Midir dit à Etanna : « veux-tu venir avec moi ? »
Certes non, répondit-elle, je ne trahirai [vendrai pas] pas le roi de la verte Erin pour toi ni pour quelqu’un dont j’ignore le nom et la famille.
Is misiu ém ol Mider dorat for menmain Ailella dosercc. Is me don rothairmiscc im Ailell dul itdail 7 itconni 7 nar léc do thenech do milliud.
Tanic iarsin iningen diatigh ocus dochuaid daccallaim Ailellu 7 bennachais do. Is maith tra dorala duinesin diblinuib ar Ailell. Isam slansa fodechtsa domgalur 7 issat slansa dotenech.
7 bersiu bennachtain itloch amar diarn deib ar Etain, is maith lim amlaid sin.
C’est moi, dit Medros/Midir, qui ai mis dans l’esprit de Mabon/Maponos/Oengus de t’aimer. Et c’est moi qui l’ai empêché de partir te rejoindre, afin qu’il ne puisse pas te déshonorer (nar léc to thenech domilliud).
Alors la jeune fille regagna la maison, alla parler à Mabon/Maponos/Oengus pour le remercier.
Il est heureux pour nous deux que cet homme soit venu, répondit Mabon/Maponos/Oengus. Je suis guéri de ma maladie et ton honneur est aussi resté intact (7 issat slansa dotenech).
Et rendons grâce aux dieux (deib) qu’il en soit ainsi, dit Etanna, cela vaut mieux pour nous.
C’est alors que le Suqellos/Dagda/Gargant rentra de sa tournée royale et il demanda des nouvelles de son fils immédiatement. Il lui raconta ce qui s’était passé du début jusqu’à la fin et le roi fut reconnaissant à Etanna du bien qu’elle avait fait à Mabon/Maponos/Oengus, car c’est une merveilleuse histoire. On l’appelle l’histoire du Suqellos/Dagda/Gargant et d’Etanna.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 22.
Ci-dessous le lai que… Le nombre 50 en chiffre latin (L) semble apparaître à cet endroit. Je ne sais qu’en conclure. Il est vrai qu’Etanna semble souvent apparaître dans nos textes en compagnie de 50 autres personnes comme elle.
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Déshonorer. Nous traduisons le terme gaélique enech par « honneur » bien que son sens littéral soit « face ». Toute cette phrase est néanmoins assez curieuse et fait très chrétienne. A-t-on jamais vu des dieux se rendre grâce à eux-mêmes ?
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En ce qui concerne ce qui s’est passé après l’histoire du Suqellos/Dagda/Gargant et d’Etanna, il est dit qu’un jour, alors que le Suqellos/Dagda/Gargan était à Frémainn, et qu’à cette époque ses gens avaient préparé un grand rassemblement et certaines courses de chevaux, Etanna vint également à cette fête, afin d’y assister. Y vint également Medros/Midir, et il chercha dans la foule où pouvait bien être Etanna. Il la trouva enfin avec ses femmes autour d’elle, et il l’enleva aussitôt avec une de ses servantes appelée Croichean la rouge. Hideuse fut la forme sous laquelle Medros/Midir les approcha aussi les épouses des hommes d’Irlande poussèrent-elles des cris de lamentation quand Etanna leur fut enlevée. La cavalerie d’Irlande fut lancée à la poursuite de Medros/Midir, car on ne savait pas s’il était parti dans les airs ou sur terre. La direction qu’il avait prise en fait était la route de l’ouest, jusqu’à la plaine de Cruachan, et alors qu’ils arrivaient là Croichean la rouge lui dit : « À quoi va nous servir le voyage que nous effectuons dans cette plaine ? »
« Ton nom sera désormais attaché pour toujours à cette plaine », répondit Medros/Midir, et c’est de là que vinrent les noms de Plaine de Cruachan ou de Fort de Cruachan.
Ensuite Medros/Midir se rendit au sid de Cruachan, car le maître des lieux était un allié à lui, quelqu’un de ses amis. Là ils s’attardèrent pendant neuf jours, en faisant bombance ou la fête.
« Est-ce le lieu où tu habites » ? demanda Croichean à Medros/Midir.
« En fait j’habite à l’est d’ici », répondit Medros/Midir, plus près de l’endroit où le soleil se lève » ; et Medros/Midir partit donc dans cette direction en prenant Etanna, puis il arriva au brug de Bri Leith mic Celtchair.
Juste au moment où ils arrivaient au palais, le roi Suqellos/Dagda/Gargant envoya tous les courriers d’Irlande ainsi que ses gens les officiers qui s’occupaient des routes et ses courriers des frontières, afin qu’ils recherchent Etanna dans tout le pays, et trouvent où elle pouvait bien être ; le Suqellos/Dagda/Gargant sillonna lui-même toute l’Irlande pour chercher la femme ; il chercha un an jour pour jour et ne trouva rien qui lui soit utile.
Finalement le roi Suquellos/Dagda/Gargant fit venir son druide et lui confia la tâche de partir à la recherche d’Etanna ; le nom de ce druide était Dalan. Il se présenta devant lui ce jour-là et partit en direction de l’Ouest, jusqu’à la montagne qui fut après cela connue sous le nom de montagne de Dalan, et il resta cette nuit-là. Ce druide n’appréciait guère qu’Etanna lui échappât depuis plus d’un an, et c’est pourquoi il fit trois baguettes en bois d’if, sur ces baguettes il écrivit quelque chose en runes oghamiques et grâce aux arcanes de son savoir et grâce à ces runes oghamiques, il lui fut révélé qu’Etanna se trouvait dans tertre féérique de Bri Léith, que Medros/Midir l’y avait emmenée.
Ensuite le druide Dalan fit demi-tour, revint en direction de l’est, et parvint à la forteresse de Fremainn, là même où se trouvait le roi d’Irlande ; le Suqellos/Dagda/Gargant demanda des nouvelles au druide. Sur ce arrivèrent aussi les cavaliers, les gens de sa maisonnée, les officiers qui s’occupaient des routes, et les courriers des frontières, et il leur demanda ce qu’ils avaient appris et s’ils avaient des informations sur Medros/Midr ainsi qu’Etanna. Ils répondirent qu’ils n’avaient rien trouvé du tout ; jusqu’à ce qu’à la fin son druide lui dise : « un grand malheur s’est abattu sur toi, ainsi que de la honte et une mésaventure, à cause de la perte de cette femme. Mobilise tous les guerriers d’Irlande et va là où se trouve la colline fortifiée de Leith mic Celtchair ; que ce château soit détruit de ta main, et là tu y trouveras la femme, ensuite emmène là loin de là de gré ou de force ».
Alors le Suqellos/Dagda/Gagant et les hommes d’Irlande marchèrent sur Bri Leith, et ils entreprirent de raser cette demeure féérique, afin qu’Etanna leur soit rendue, mais en vain. Alors ils détruisirent le sid et ils en sortirent Etanna, puis elle retourna dans le Brug chez Mabon/Maponos/Oengus.
On appelle cette histoire « la maladie de Mabon/Maponos/Oengus » et aussi « la cour faite à Etanna ».
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 23.
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« Ton nom sera désormais attaché pour toujours à cette plaine ». Encore une fois le barde ayant composé ce récit n’a pas résisté à la tentation de proposer à ses auditeurs une étymologie fantaisiste de ce nom de lieu.
Le brug de Bri Leith mic Celtchair. Le brug est une sorte d’hôtel ou de salle des fêtes voire de palais. Voir le cas du célèbre Brug na Boinne. Correspondant la plupart du temps à un monument mégalithique. La formulation gaélique laisse entendre que le brug aurait été celui du fils d’un dénommé Celtchar.
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NOURRITURE DE LA MAISON DES DEUX SEAUX À LAIT DE NOUVEAU.
Personne ne pouvait la voir sans en tomber amoureux. C’était-elle la préférée de Mabon/Maponos/Oengus et la réputation de cette noble compagnie gagna les quatre coins de la verte Erin. La fille de l’intendant était plus célèbre que toutes les autres femmes voire que Curcog elle-même et les gentilshommes du peuple de la déesse Danu (bia) venaient à cause de la réputation de ces femmes.
Vindobarros vint du sid de la colline nue de Meadha jusqu’à la maison sur la Boinne pour voir ces femmes. Il fut chaleureusement accueilli, ses chevaux et son char furent dételés, puis il entra dans le palais avec Mabon/Maponos/Oengus et ils y burent et y firent la fête. Vndobarros expliqua qu’il était venu voir les femmes. Mabon/Maponos/Oengus lui demanda « que préfères-tu, te rendre dans l’appartement où elles se trouvent ou qu’elles te soient présentées » ?
Vindobarros préféra que les femmes viennent pour lui être présentées, Mabon/Maponos/Oengus fit donc mander Curcog et ses demoiselles, et Curcog vint avec elles devant Mabon/Maponos/Oengus et Vindobarros. Vindobarros contempla Curcog et toutes ses demoiselles. Il dévisagea par contre avec insistance Etanna la fille de Dichu et demanda qui avait bien pu engendrer [?] une telle souillon et, bien qu’ayant posé une question, il répondit lui-même : c’est la fille d’un pauvre intendant et j’ai failli baptiser « cette saleté ». Il récita le quatrain suivant :
La royale fille de l’intendant du Munster
Le délicat et majestueux cygne
C’est une femme de la race que nous abhorrons
Qui a engendré cette saleté.
Sous l’insulte l’aimable visage de la jeune fille devint grisâtre puis livide et rouge, elle partit l’air douloureux et troublé, les joues humides et le visage empourpré, se réfugier dans sa demeure habituelle, le solarium (grianan). Quand Mabon/Maponos/Oengus vit cela, il éclata de colère et faillit tuer Vindobarros et ses gens. Mais heureusement il se souvint de leur amitié, se repentit intérieurement et changea d’idée. Après cela Vindobarros voulut partir ayant perdu sa bonne humeur à cause de cette fâcherie avec Mabon/Maponos/Oengus, mais ses gens lui conseillèrent de ne pas se séparer de son frère en étant brouillé avec lui. Vindobarros revint dans la maison et alla retrouver Mabon/Maponos/Oengus et plia ses deux genoux blancs et vigoureux devant son frère.
Pourquoi donc te mets-tu à genoux devant moi, ô Vindobarros ? demanda Mabon/Maponos/Oengus ?
« Parce que tu es l’aîné, mais aussi le plus noble et que je suis le plus jeune des enfants du Suqellos/Dagda/Gargant, parce qu’il incombe à tout pécheur de faire amende honorable ».
« Je l’accepte », dit Mabon/Maponos/Oengus. Ils joignirent leur belle bouche rouge l’une contre l’autre et s’embrassèrent fraternellement. On prépara la maison pour Vindobarros et Mabon/Maponos/Oengus, et l’on fit venir Curcog ainsi que ses demoiselles dans la salle. Mabon/Maponos/Oengus et Vindobarros prirent place avec les princes et ils mirent Curcog entre eux pour lui faire honneur. Mabon/Maponos/Oengus mit sa pupille bien-aimée à ses côtés, c’est-à-dire Etanna fille de Dichu.
Ce faisant rien ne manqua pour ce qui est de la nourriture ni des boissons les exquises et tous furent de bonne humeur et satisfaits à l’exception d’Etanna. Les gens de Vindobarros de Mabon/Maponos/Oengus ou de Curcog se mirent en quatre pour l’obliger à manger quelque chose, mais elle n’y consentit point. Ceci dit Vindbarros festoya pendant trois et trois nuits dans le château. Ils se dirent adieu le troisième jour et Vindobarros revint à sa belle colline de Medha.
Etanna quant à elle resta sept jours et sept nuits sans prendre de la nourriture ni de la boisson, et même si tous les hommes d’Irlande lui avaient ordonné de manger ou de boire elle ne l’aurait pas fait, il n’y a aucune sorte de nourriture au monde que l’on n’ait pas essayé de lui faire manger, et même quand ils insistaient elle leur répondait toujours non. Mabon/Maponos/Oengus se dit qu’elle prendrait peut-être du lait de sa vache brune, recueilli dans un seau en or ; Mabon/Maponos/Oengus possédait en effet une vache brune unique et remarquable comme il n’en existait aucune autre en Irlande ni dans le monde entier, à part une.
« Qui va la traire pour moi, Mabon/Maponos/Oengus ? » demanda la fille.
« Choisis parmi toutes les femmes de cette maison y compris Curcog ou toi-même, ma fille », répondit Mabon/Maponos/Oengus.
« Je la trairai moi-même », répondit la jeune fille.
« Il en sera fait comme tu le désires », répondit Mabon/Maponos/Oengus, et la vache fut présentée à Etanna afin d’être traite avec sa longe en soie spéciale et avec un joli seau en or. La jeune fille se lava
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les mains, des mains aux doigts blancs et fins aux beaux ongles bruns et se mit ensuite à traire immédiatement la vache brune, puis elle et Mabon/Maponos/Oengus en burent du lait.
À l’heure des repas, la vache était amenée à la fille qui la trayait et ce lait donc lui servait de nourriture et de boisson. Et même si toute la nourriture du monde lui avait été offerte elle n’aurait pris que du lait de la vache brune.
Un jour qu’elle était en train de traire la vache brune elle demanda donc à Mabon/Maponos/Oengus comment il avait trouvé la brune ou comment elle était [arrivée ?] dans la maison ?
Je vais te le dire, répondit Mabon/Maponos/Oengus. Je partis un jour en voyage vers l’est au-delà des mers avec Belin/Belen/Barinthus/Manannan jusqu’aux Colonnes d’Or en Orient et de là jusqu’en Inde. Là nous fîmes l’acquisition de quelque chose dont nous n’avions jamais trouvé l’équivalent auparavant : deux vaches aux cornes torsadées donnant toujours du lait, une vache pie et une brune, deux beaux seaux en or et deux longes en soie très rare avec. Nous les ramenâmes en Irlande et nous nous partageâmes ces acquisitions. Belin/Belen/Barinthus m’en donna la moitié c’est-à-dire un seau, une vache et une longe ; et j’ai ramené la part que tu peux voir, la vache brune. Elle donne du lait en toutes saisons et il a un goût de miel ou de vin enivrant et rassasie comme de la nourriture. Voilà donc comment j’ai obtenu cette vache brune, ajouta Mabon/Maponos/Oengus.
Après cela Mabon/Maponos/Oengus consulta chaque druide chaque devin chaque sage et chaque souverain de la verte Erin afin de trouver pour quelle raison la jeune fille ne voulait plus prendre de nourriture terrestre à part le lait de la vache brune, mais il n’apprit rien de plus de qui que ce soit. La nouvelle se répandit partout y compris à Cruitin na Cuan ou Emain Aballomagos et chez les nobles de la terre de promesse, qui furent très étonnés d’apprendre ces nouvelles d’Etanna. Belin/Belen/Barinthus/Manannan dépêcha des envoyés à Curcog et ses dames d’honneur, ainsi qu’à Etanna en particulier, afin de trouver la raison qui faisait qu’elle ne mangeait plus rien, et ces messagers arrivèrent donc au Brug de la Boinne. Mabon/Maponos/Oengus envoya ceux qu’il aimait ainsi que des serviteurs à Emain Aballomagos et ils arrivèrent tous sur la pelouse de Cruitin na Cuan. Tous les jeunes gens partirent à leur rencontre ainsi que Belin/Belen/Barinthus/Manannan et ses gentilshommes, accompagné par sa femme et ses dames de compagnie, et ils souhaitèrent cordialement la bienvenue aux femmes et aux filles ????????? Belin/Belen/Barinthus/Manannan prit à part Curcog ainsi qu’Etanna et demanda aussitôt à cette dernière : « Est-il vrai que tu ne manges plus rien ? »
« C’est bien vrai », répondit la jeune fille.
« Comment cela t’est-il arrivé, jeune fille ? » demanda Belin/Belen/Barinthus/Manannan.
« Je ne sais rien », répondit Etanna, sauf ceci. Après avoir été insultée par Vindbarros je me suis retrouvée incapable de prendre de la nourriture à part du lait de la vache brune de Mabon/Maponos/Oengus traite par moi-même dans un seau en or ».
« Je préparerai personnellement quelque chose pour t’aider cette nuit », répondit Belin/Belen/Barinthus/Manannan.
(Il faut dire que celui qui avait ainsi parlé avait de grands pouvoirs : il n’y avait aucun malade ni patient dont il ne pouvait diagnostiquer les maux et qu’il ne pouvait guérir, il n’y avait jamais eu auparavant d’homme n’ayant plus de goût pour la nourriture ou la boisson dont il n’ait pas restauré l’appétit ou la soif rapidement).
Belin/Belen/Barinthus Manannan alla retrouver son maître d’hôtel afin qu’il y ait des saveurs piquantes pour relever tous les plats de nourriture destinés à Etanna, et il usa de tous ses pouvoirs pour cela, ensuite il vint avec toutes les dames de la maison dans la salle des fêtes… on leur apporta de toutes ces nourritures et de ces condiments. Mais cette manœuvre ne réussit en aucune façon… à faire qu’Etanna y prenne du goût et toutes les personnes présentes furent étonnées de voir que Belin/Belen/Barinthus/Manannan échouait à faire prendre quoi que ce soit comme nourriture ou boisson à la jeune fille. Belin/Belen/Barinthus s’étonna fut aussi étonné de constater que son pouvoir semblait réduit à néant et il éprouva une grande honte à l’idée que quelqu’un puisse ne pas manger chez lui ; aussi demanda-t-il à la jeune fille si elle voulait boire du lait de la vache pie et si elle désirait la traire elle-même ou que ce soit une autre femme… ?… Un beau seau en or comme en Asie… ???…… d’où elles avaient été amenées, c’est-à-dire la vache brune [et la vache pie]… ?… des seaux et des longes pour la traite, et la croupe de la vache fut présentée à Etanna (c’est-à-dire la vache pie de Belin/Belen/Barinthus/Manannan] avec le seau en or ainsi que la longe de soie et la jeune fille entreprit de la traire après cela. Le produit de sa traite fut toute sa nourriture et sa boisson cette nuit-là et elle ne tomba pas d’inanition dans la maison.
« Savez-vous », demanda Belin/Belen/Barinthus/Manannan à ses gens, « pourquoi cette jeune fille ne mange rien ? »
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« Nous ne le savons pas », répondirent-ils.
« Eh bien je vais vous le dire », répondit Belin/Belen/Barinthus/Manannan. « Elle n’appartient plus ni au peuple de Mabon/Maponos/Oengus ni à votre peuple. Car quand Vindobarros a insulté cette jeune fille-là, son démon gardien a quitté son âme et un ange gardien est venu occuper la place, cela nous empêche d’atteindre son cœur et elle n’adore plus ni druidisme ni diablerie, voilà pourquoi elle boit du lait de cette vache, parce qu’elle vient d’une terre de justice, des Indes et que…… ?… la pension et l’éducation de cette jeune fille-là en veillant sur… ? c’est-à-dire la pension de la maison des deux seaux à lait. La Trinité ce sont… ?… les dieux que cette jeune fille adore ».
Une dernière chose cependant : Curcog et ses dames d’honneur ainsi qu’Etanna restèrent un mois et demi à Emain Aballomagos et la jeune fille ne goûta aucune des nourritures de la maison à part le lait de la vache pie ; ensuite elles rentrèrent chez elles, malgré toute la joie et les ébats, ainsi que les plaisirs et la gaieté, qui régnaient à Emain Aballomagos… Curcog avait hâte d’être dans la maison sur la Boinne à ce moment-là. Belin/Belen/Barinthus essaya de retenir Curcog et récita le poème suivant.
Ô Curcog, femme de toute beauté
Ne répugne point à rester
Tu auras droit chaque soir
Aux mélodies de la Terre de promesse
………
Je bénéficie, quand je suis sur ma banquette ???
Du plaisir d’immenses richesses… ????
… sans craindre les vagues hautes et rudes qui déferlent sur la grève ???.
Le havre de Cruitin sur lequel brille le soleil ????
Au-dessus duquel il y a de beaux oiseaux ????
Mais après cela Curcog vint avec ses dames d’honneur dire adieu à Belin/Belen/Barinthus/Manannan et à sa femme ainsi qu’aux gens de sa maison et repartit pour le Brug de la Boinne. Mabon/Maponos/Oengus sortit à leur rencontre, souhaita la bienvenue à toute la compagnie et leur demanda des nouvelles. Il demanda notamment à Curcog ce qu’Etanna donc avait pris comme nourriture ou boisson et si Belin/Belen/Belenos n’avait pas fini par savoir la raison pour laquelle Etanna ne mangeait pas.
« Elle n’a goûté à aucune des nourritures ni des boissons durant la visite », répondit Curcog, « à part du produit de la traite de la vache pie de Belin/Belen/Barinthus/Manannan… Et l’échec des pouvoirs extraordinaires de Belin/Belen/Barinthus/Manannan pour lui faire prendre de la nourriture ou de la boisson… il a néanmoins trouvé la raison pour laquelle Etanna ne voulait toucher à aucune nourriture ».
« Belin/Belen/Barinthus/Manannan te l’a-t-il donnée ? » demanda Mabon/Maponos/Oengus.
« Il l’a fait aussitôt, répondit Curcog « et voici donc ce qu’il a dit : c’est le Dieu tout puissant qui a fait qu’elle ne mange plus de la nourriture du peuple de la déesse Danu (bia), quand Vindobarros a insulté la jeune fille elle s’est départie de tout druidisme, et un esprit angélique a gagné son âme, il a même ajouté que c’était là par conséquent la cause de son éloignement et qu’elle n’appartenait plus à aucun autre peuple que celui des vrais fidèles du Roi tout-puissant.
Il est à noter cependant que la jeune fille vécut ainsi [c’est-à-dire dans le paganisme] depuis le temps d’Ariomanos/Eremon fils de Mil jusqu’à l’époque de Loégaire le fils de Niall aux neuf otages (c’est-à-dire jusqu’au moment où la tête d’herminette – tailginn – est venue en Irlande).
Et voici la façon dont vécut la jeune fille à cette époque-là : une partie de l’année dans la maison de son tuteur Mabon/Maponos/Oengus au Brug de la Boinne et une autre partie dans la maison de Belin/Belen/Barinthus/Manannan à Emain Aballomagos, mais elle ne prenait aucune nourriture ni boisson dans la maison de Belin/Belen/Barinthus/Manannan à part du produit de la traite de la vache pie, et de même dans le Brug à part du lait de la vache brune de Mabon/Maponos/Oengus, elle-même trayant personnellement chaque vache dans un seau en or ainsi que nous l’avons dit précédemment. Une dernière chose cependant : la nourriture de la maison des deux seaux à lait fut célébrée dans
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toute l’Irlande par les gens de la déesse Danu (bia) ainsi que par les Milésiens, et on l’appela « la pension de la maison des deux seaux », cette nourriture est devenue proverbiale et le restera pour toujours.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 24.
J’ai failli baptiser cette saleté. Inutile de dire que cette phrase nous plonge dans la plus grande perplexité. Elle a visiblement été rédigée par un chrétien, mais que veut-elle dire exactement ??? Ce qui est évident c’est que rien n’explique cette soudaine agressivité de la part de Vindobarros/Finnbarr. Rien n’explique sa méchanceté totalement gratuite. Peut-être est-ce là un ajout chrétien (une énième manipulation de la part des adeptes du dieu de vérité) pour justifier la suite.
Un seau. Sans doute ce que les archéologues appellent une « situle ».
La brune de Mabon/Maponos/Oengus. Ne serait-ce pas là une race de vaches ? Certaines sont bien appelées « vaches d’Angus ou d’Aberdeen » en Écosse.
Les nobles de la terre de promesse. La formulation de ce passage semble opposer ou distinguer une Irlande terrestre qui serait la demeure d’Etanna et un autre monde, celui des dieux, la Terre de Promesse. Ce qui est bien entendu complètement faux ! De nombreux autres détails de cette légende prouvent qu’Etanna vit bel et bien dans le même monde que les tous ces dieux. Là encore les chrétiens ont tellement manipulé le texte qu’il est quasiment impossible d’y retrouver le mythe panceltique originel. Pour avoir quelques lueurs sur ce dernier, il est donc nécessaire de recourir au comparatisme religieux (le Graal, la vache divine Aditi en Inde, etc.).
Ne succombons jamais à l’imbécile et dangereux orgueil des juifs des chrétiens et des musulmans consistant à se croire uniques au monde, les seuls à être branchés directement sur le divin, bref supérieurs. Tout comme le Féniane irlandais le néo-païen d’obédience druidique doit être l’homme de douze livres (chiffre symbolique évidemment) et non d’un seul, qu’on l’appelle Torah Nouveau Testament ou Coran, afin de bien mériter son nom de « très sachant ». En matière de religion et afin de ne pas mourir idiot, la comparaison dénuée de tout sentiment de supériorité ou de toute notion raciste de peuple élu doit être la règle. Elle doit même s’étendre au panthéisme voire à l’agnosticisme *.
Le cas du druide marseillais cité par Lucien de Samosate à propos de l’Hercule celte en est la vivante illustration. Ce druide a commenté en grec et de façon très pertinente la fresque représentant le dieu en question.
Le comparatisme religieux est l’essence même de notre paganisme philosophique et réfléchi, car seul le paganisme est véritablement universel : il colle à la nature humaine dans ce qu’elle a de meilleur, ce qui n’est pas le cas des monolâtries que sont le judaïsme le christianisme et l’islam. En ce qui concerne plus particulièrement notre famille spirituelle le comparatisme religieux avec les faits continentaux doit donc être systématique afin de sortir de cette impasse dans laquelle nous ont plongés les mensonges éhontés du christianisme ainsi que sa morgue et sa suffisance même si aujourd’hui dans beaucoup de pays d’Orient les chrétiens sont obligés de se faire tout petits ou de raser les murs devant cette autre grande religion d’amour et de vérité qu’est l’islam (soutenu par les chrétiens d’Occident il faut bien le dire).
Ce suicide des chrétiens n’est qu’une maigre consolation… Le tout assaisonné d’un minimum d’esprit critique afin de relever les incohérences des textes, y compris par rapport à la science : non la lune ne s’est pas scindée en deux (Coran) et ni le soleil ni la terre ne se sont arrêtés à Gabaon. Ne soyons pas aussi stupides que des témoins de Jéhovah ou d’Allah ou de Yahweh (ce n’est pas Moïse qui a écrit le Pentateuque).
* Et même à l’athéisme, car le dieu d’Abraham d’Isaac et de Jacob, même rebaptisé Allah par Mahomet, ne saurait exister, tant il est contradictoire ou odieux par moments (voir l’excellent film Agora d’Alejandro Amenabar sorti en 2009, même si ces chrétiens-là, les parabolans, font furieusement penser à nos modernes talibans musulmans).
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La Trinité. Tout ce paragraphe est passablement confus. Là encore et comme dans le cas du terme erdathe il est difficile de savoir s’il s’agit d’une invention purement chrétienne plaquée artificiellement sur cet épisode de la légende, ou s’il s’agit du recyclage d’une notion païenne.
On croyait bien chez les Romains à l’existence dans le cœur ou la conscience de tout individu, d’un bon génie et d’un mauvais génie (genius, Iuno pour les femmes) jouant exactement les rôles en question (à savoir la fonction que les chrétiens attribuent à ce qu’ils appellent ange gardien, ou démon gardien si l’on en croit ce texte).
Dans la vieille langue latine, le même génie servait à expliquer tous les accidents de la vie : on l’avait tour à tour bon ou mauvais, propitium, iratum, sinistrum habere. Il naissait avec chaque homme, il mourait avec lui, c’est-à-dire qu’il rentrait au sein de l’âme universelle dont il était une émanation. C’est la doctrine qu’Horace exprime dans les vers ci-dessous :
Scit Genius, natale comes qui temperat astrum.
Naturae deus humanae, mortalis in unum
Quodque caput, voltu mutabilis, albus et ater.
Le « genius » est en définitive la personnification religieuse de la puissance secrète et mystérieuse (vis abdita quaedam) qui tient lieu de divinité à l’épicurisme de Lucrèce ; dans la littérature, qui s’est nécessairement imprégnée de philosophie, ce « genius » joue le même rôle que le daemon des Grecs : il exprime ce qu’il y a de plus subtil dans la conception de l’être divin. Pour la foi populaire, il sert à rendre l’être divin présent à tous les degrés de la réalité, avec la double qualité de créateur et de conservateur ; la conservation n’étant qu’une création successive, comme l’action dans les individus n’est que la manifestation de leur force intérieure.
Les premiers témoignages relatifs au culte du Genius dans la religion romaine ne remontent pas au-delà de la Seconde Guerre punique ; et il n’en est point où l’on ne sente l’influence des idées grecques sur le daemon et bientôt celle des doctrines stoïciennes. Il n’en est pas moins certain que le Genius a fait partie, avec les Lares, les Pénates et les Mânes, des plus anciennes divinités du Latium. Souvent confondu avec ces âme/esprits * d’essence latine et romaine, il semble désigner un genre dont ils sont les espèces, la notion générale dont ils détaillent les aspects divers. Étymologiquement, les anciens ont rattaché le nom de genius à gens, geno ou gigno quelquefois (par une erreur de linguistique qui n’est pas sans intérêt pour l’explication du rôle du genius) à gero. C’est la force qui engendre au point de départ et qui conserve dans leur individualité propre jusqu’à leur destruction, et l’être de l’homme et les êtres de raison que l’homme s’est forgés à sa propre image (les dieux).
Le genius est avant tout la force divine qui engendre : genius nominatur qui me genuit ; il est l’auteur de la race des hommes, generis nostri parens. La première manifestation de son action date de l’union des sexes ; le lit nuptial est sous sa protection spéciale, c’est pour cela qu’il est appelé genialis. Toute atteinte portée à la sainteté du mariage est un crime contre le génie…
Par cette identification du genius avec tout acte bon et agréable, on explique l’emploi du mot genius chez les auteurs comiques, qui en associent la mention à celle d’une rencontre heureuse ; d’un ami par exemple que l’on retrouve d’une façon imprévue. Il y a là comme un hommage à l’adresse de l’influence qui procure de la bonne humeur, à l’instant même où on l’éprouve ; dans ces cas-là, l’intervention du Genius est semblable à celle de Fortuna.
Après s’être appliqué d’abord à la couche nuptiale, aux idées ainsi qu’aux personnes dont cette couche suggère l’idée ; l’adjectif genialis s’applique aux dieu-ou-démons [puisque nos amis chrétiens adeptes du dieu d’amour en font aussi des démons, la preuve] qui signifient abondance, joie, prospérité ; à Bacchus, à Cérès, à Saturne, aux saisons où l’homme goûte en paix les fruits de son travail, à tout ce qui dans la vie est heureux, fécond. C’est par là que dès l’Antiquité, genius, tout comme l’adjectif genialis, et même, en certains cas, ingenium, en sont venus à signifier la plénitude des facultés intellectuelles, l’heureuse facilité de l’esprit à enfanter des conceptions belles et originales.
Le genius, qui a présidé à l’acte de la génération, se manifeste surtout le jour de la naissance. C’est lui qui détermine le caractère individuel de l’être qui vient à la lumière ; qui va être à la fois le principe directeur de ses actes, le gardien de son existence, et l’explication idéale de ce qui lui est réservé d’heureux ou de contraire.
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À ces divers titres, le genius natalis rappelle, trait pour trait, le daemon des Grecs. Il est difficile de dire, dans le plus grand nombre des cas, si les auteurs qui le font intervenir puisent à la source des croyances purement romaines ; ou s’ils accommodent, suivant les idées grecques, une notion beaucoup plus vague de la vieille religion populaire. Il semble ; par l’emploi qu’ont fait du genius les auteurs comiques, et plus particulièrement Plaute, le plus latin d’entre eux, pour qui le génie est simple et un ; que la multiplication des génies individuels, variant d’un homme à l’autre, et double chez chacun d’eux, soit due à l’influence de la littérature et de la philosophie grecques.
Lucilius le premier, suivant donc en cela les idées d’Euclide le socratique, admit pour chaque homme deux génies, l’un bon, l’autre mauvais ; qui expliquent, chacun pour sa part, ce qu’il y a d’heureux ou de malheureux, de vertueux ou de coupable, dans les existences.
À plus forte raison n’est-ce plus le même genius qui répand sur tous les hommes une influence égale ; le genius se fait individuel, et variant aussi en énergie ou en qualité morale ; il y a des génies plus puissants les uns que les autres et, dans la lutte des ambitions rivales, c’est leur force respective qui explique le résultat ; ainsi un prêtre égyptien apprend-il à Antoine que c’est son génie qui cède devant celui d’Octave. Les deux génies apparaissent à l’empereur Julien, l’un, expression de sa bonne fortune, avant son accession au trône ; l’autre, d’allure désespérée, voire à l’aspect terrifiant, après son expédition contre les Perses. Brutus et Cassius ont reçu tous les deux, avant leur chute, la visite du mauvais génie en qui s’incarnait leur funeste destinée.
Note de Pierre de La Crau. La religion perse antique (zoroastrisme mazdéisme) connaissait déjà la notion d’ange gardien (fravashi). Nous sommes plus étonnés par contre par la notion de démons gardiens qui ne semble pas de Zoroastre, mais grecque et romaine apparemment. Et donc peut-être également druidique. Mais dans ce cas et contrairement au zoroastrisme, il devait s’agir d’un dualisme très relatif. Reste évidemment l’hypothèse que ce soit un énième délire verbal du christianisme qui a la fâcheuse manie d’appeler démon au sens très péjoratif du terme toute puissance surhumaine qui ne vient pas de son petit dieu tribal (ou plus exactement de douze tribus, le dieu d’Abraham d’Isaac et de Jacob. Même chose d’ailleurs avec le Allah de Mahomet qui au départ n’était que le dieu principal de La Mecque).
POINT DE CONTACT AVEC LA SPIRITUALITÉ DRUIDIQUE.
Le genius est une âme/esprit de nature mâle, il ne figure que dans l’existence des hommes, ce qui prouve une fois de plus qu’il fut originairement le principe divin de la génération : tutela generandi. Le rôle qu’il remplit vis-à-vis de l’homme, est exercé auprès de la femme par la Juno individuelle, laquelle doit être tenue pour la tutela pariendi ; ce n’est en somme qu’une application à tous les cas particuliers, de l’idée de Juno Lucina, qui préside à l’enfantement. Pour tout le reste, les Genii et les Junones sont semblables. La Juno était appelée natalis comme le Genius, et une femme expliquait les malheurs de son existence en se référant à sa Juno irritée (Junonem iratam habere).
Ce génie individuel était l’objet d’un culte très simple qui a laissé de nombreuses traces, grâce aux inscriptions votives érigées en son honneur. Il était d’usage de lui sacrifier, au jour anniversaire de la naissance ; les offrandes qui lui étaient destinées avaient les caractéristiques d’une pieuse simplicité ; puisqu’elles ne comportaient aucune effusion de sang.
Elles consistaient surtout en vin, symbole de gaieté de joie et de vigueur, en fleurs, image de la beauté qui passe, en gâteaux ; le sacrifice était suivi de danses. Horace associe le culte du genius aux réjouissances champêtres par lesquelles les anciens laboureurs du Latium célébraient la fin des travaux ainsi que le repos hivernal ; tandis que Tellus reçoit le sacrifice d’un porc, et Silvanus celui du lait, Genius, qui sait combien la vie est courte, est honoré par des fleurs. Ailleurs cependant, il est question du sacrifice d’un chevreau ou d’un porc, en son honneur : il est évident que ces deux victimes rappellent sa qualité de dieu-ou-démon de la génération.
On signale aussi le recours à de petites amphores de vin, symbolisant du sang, que l’on abandonnait en l’état, ou dont on versait le contenu en un lieu approprié, après les avoir débouchées, ou en avoir brisé rituellement le col. Peut-être par un geste analogue à celui qui consiste à « sabrer » une bouteille de champagne, de nos jours.
Dans la vie ordinaire, on jurait par le génie, soit par le sien propre, soit par celui d’un ami ou d’une maîtresse. Le serment par le genius se faisait en se touchant le front, siège de la force intelligente qui préside à la vie………………
La Juno de la femme est peinte avec le Genius du mari dans le laraire d’une maison de Pompéi. C’est dans la vague notion de la survivance de la personnalité humaine après la mort que le genius confine
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à des âme/esprits généralement considérés comme distincts de lui ; aux mânes, aux lares et aux pénates, qui ont sur lui l’avantage de représenter des personnifications plus précises…
On signale aussi des inscriptions tombales où l’idée de Genius redouble celle des Mânes : Genio et Manibus. Aux Parentalia on honorait le genius des ancêtres, tout comme Énée vénère celui de son père Anchise, en leur offrant des guirlandes de fleurs, des graines infusées dans du vin, du sel et des violettes. Ovide, parlant des Larentinalia, dit que ces fêtes sont les bienvenues pour les génies : geniis accepta. Sur une lampe sépulcrale, un personnage voue son génie aux dieu-ou-démons souterrains : Helenius suom geniom dis in feris mandat. Dans les calendriers de la fin de l’Empire, les Feralia sont appelés Genialia, et les jeux célébrés en l’honneur des morts, genialici…
Au sein de la famille romaine, le lar demeure plus spécialement l’âme/esprit divine où s’incarne une race ; le genius est le gardien particulier des individus qui la renouvellent. Quant aux Pénates, il semble que ce mot ne soit qu’une simple épithète désignant tantôt les Lares, tantôt les Génies, dans leur fonction de pourvoyeurs du garde-manger. Les inscriptions en l’honneur du Genius domus, domus suae sont à l’intention même des Pénates. Il arrive cependant qu’on les distingue, comme dans le vers où Horace les prend à témoin : Quod te per Genium dextramque deosque Penates obsecro et obtestor.
Nous avons déjà dit que le genius des Latins a toute la variété des aspects du daemon des Grecs ; cette identité de nature contribua sans doute beaucoup à introduire dans la littérature, et par elle dans la pratique de la vie, des usages et des croyances qui n’étaient pas indigènes en Italie. Chose assez singulière ! Cicéron, à qui s’était offerte mainte occasion de parler du genius, n’en prononce même pas le nom ; quand il doit traduire le mot grec daïmôn, il se sert du mot lar ; mais, après lui, c’est bien genius qui sert à cela. De même que daïmôn n’est pas seulement associé dans le langage à tychê, mais que, souvent, il se substitue à elle, ainsi Genius est-il parfois identique à Fortuna : on a pu dire que la tychè de chaque homme est son génie. Dans certaines inscriptions Genius joue auprès de Fortuna le rôle du dieu mâle auprès de la divinité femelle, comme le bon Daemon à côté d’Agathè Tychè.
Une particularité qui distingue le genius des Latins du daemon des Grecs, c’est qu’il est mis par la piété au rang des dieu-ou-démons personnels ; il en représente, par une sorte de raffinement, la divinité idéale, par opposition avec leur expression anthropomorphique. Cette forme du culte des génies est même assez ancienne en Italie, témoin l’inscription de l’an 38 avant notre ère du temple de Jupiter Liber, à Furfo ; le génie de Jupiter y est distingué de Jupiter lui-même. Arnobe nous cite le passage d’un ancien érudit, probablement Caecina, l’ami de Cicéron, où le génie de Jupiter, Genius Jovialis, est cité parmi les quatre Pénates d’Étrurie ; c’est là un des documents sur la foi desquels on a cru pertinent d’attribuer à la civilisation étrusque, la croyance aux génies, que l’on retrouve chez les Latins ; pourtant le genius des dieu-ou-démons est d’un usage courant et vraiment populaire chez ces derniers. Des inscriptions et des textes mentionnent les génies de Jupiter, de Juno Sospita, d’Apollon, de Mars, d’Esculape, de Priape, du Sommeil et même de personnifications morales comme Fama, Virtus et Virtutes.
Cette distinction du genius d’un dieu-ou-démon et de sa personnalité s’avérait surtout commode pour les Romains en pays étranger ; elle leur servait à préparer l’identification des divinités exotiques avec celles de la religion nationale, à concilier, dans la pratique, le culte romain rendu au genius, avec l’hommage qu’ils tenaient à rendre aux dieu-ou-démons des vaincus. C’est ainsi que nous avons des inscriptions en l’honneur du génie de Mercurius Alaunus, ou de Jupiter Dolichenus, qui sont des divinités celtiques. Une inscription trouvée dans le département français de l’Indre, et qui date probablement du règne d’Auguste, est en l’honneur de la divinité impériale et du génie d’Apollon Atepomarus. NUM AU (g) ET GENIO APOLLINIS ATEPOMARI.
Cette inscription est intéressante à double titre ; en ce que l’épithète donnée au dieu-ou-démon romain est encore nouvelle ; et en ce que l’hommage, rendu à la fois à la divinité d’Auguste et au génie d’Apollon, rappelle la légende de l’empereur issu du serpent mystérieux qui aurait eu des relations avec Atia.
Il apparaît bien, par ces divers témoignages, que les génies des grands dieu-ou-démons sont autre chose qu’une émanation affaiblie de leur divinité ; autre chose que des messagers ou des serviteurs, chargés d’exécuter parmi les mortels les œuvres où ne devait point se commettre leur majesté ; ce
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que sont les daimones propoloi des Grecs. Cette dernière opinion se heurte à ce fait caractéristique que, même dans le cas où les divinités personnifiées sont prises au pluriel comme les Forinae ou les Virtutes, le genius est toujours au singulier. On ne saurait admettre davantage que le genius des dieu-ou-démons ne soit jamais que leur numen localisé, grâce à une sorte d’extension de la notion de genius loci. Le genius des dieu-ou-démons a été conçu, absolument comme celui des hommes, pour exprimer, sous une forme plus liée à leur personnalité anthropomorphique que le numen, leur action morale ; il est leur ingenium. Tel est le sens du génie de Priape chez Pétrone, de celui de Fama chez Martial.
On ne saurait nier toutefois, que les procédés de localisation n’aient joué un certain rôle, lorsque la piété, toujours en quête d’aliments nouveaux, s’ingénia ensuite à séparer le genius du dieu-ou-démon lui-même…
Avant les temps mêmes du syncrétisme religieux, le genius en vint de la sorte à servir de trait d’union entre le monde des dieu-ou-démons, et la nature des êtres humains. Aufustius, un archéologue contemporain de Cicéron, l’appelait : deorum filius et parens hominum. Mais c’est là un point de vue où la spéculation religieuse tombe dans la pure philosophie.
Celle-ci, du reste, ne pouvait manquer d’exploiter l’idée du genius, tout comme les Grecs se servaient du daemon, pour se donner un air d’orthodoxie, et soumettre à l’interprétation rationaliste les idées populaires sur les dieu-ou-démons. Varron, après avoir placé le genius parmi les dei selecti, entre Saturne et Mercure, fait de lui l’âme raisonnable de l’homme (son esprit), par opposition avec les facultés inférieures et les passions…
Au-dessus de tous ces génies particuliers, souvent nommés avec eux, plane le génie des empereurs, associé depuis Auguste au culte des Lares public. Lorsqu’il remit en honneur la fête des Compitalia, il fit placer dans chacune des chapelles de quartier (il y en avait 265), entre les deux Lares, l’image de son propre génie ; et le Sénat décréta que dans toutes les maisons, au début de chaque repas, on ferait des libations au génie de l’Empereur, comme les Grecs en faisaient au bon daemon. Alors aussi commença l’usage de jurer par la divinité (numen) ou par le génie du souverain, ce que les Grecs traduisaient par sa tychè ; ce fut en vain que Tibère préféra s’élever contre cette forme d’apothéose. La pratique de ce serment et l’hommage au génie impérial devinrent obligatoires ; ceux qui contrevenaient à cet usage étaient punis de bastonnade. J. A. Hild.
Ci-dessous ce que nous rappelle Dyfed Lloyd Evans à propos du Genius Cucullatus ou des Genii Cucullati (génies encapuchonnés).
On désigne sous ce nom toute une série d’images connues dans les anciennes provinces celtes de l’Empire romain. Le nom vient d’une découverte effectuée dans les ruines d’un temple situé à Wabelsdorf en Autriche, et fouillé par Rudolf Egger. Deux grands autels y avaient été installés, qui représentaient une figure portant un manteau à capuchon, avec une inscription latine « genio cucullato » (= au génie encapuchonné). Nom faisant visiblement allusion au vêtement porté par ce personnage (cucullus). De semblables représentations trouvées en Grande-Bretagne et en Gaule ont donc été appelées ainsi.
Elles semblent figurer soit des géants (cavaroï) soit des nains (corroï) et quelques-unes arborent un phallus sortant du manteau ouvert.
En Grande-Bretagne, les cucullati sont toujours de petites statures, et vont par trois. Ils sont tous pareillement recouverts d’un même manteau. Ils ont des symboles sexuels évidents : des œufs ou des bourses. Pour autant, de tels symboles ne sont pas inconnus du Continent, puisque l’on retrouve les œufs sur une sculpture en bois découverte à Genève, et les bourses sur une représentation trouvée dans le temple des Xsulsigiae à Trèves.
En Grande-Bretagne comme sur le Continent, ces déités sont souvent représentées tenant des parchemins ou des livres en rouleau, sans doute pour évoquer la science médicale (voir l’exemplaire trouvé à Reculver dans le Kent) ou une quelconque comptabilité.
Ils ont en général une indéniable apparence phallique, bien que le genre de ces génies (masculin ou féminin) soit dans certains cas peu évident. Certains spécialistes affirment qu’ils sont tous de sexe masculin, mais dans le cas des exemplaires trouvés à Housesteads, seule la figure centrale est
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indubitablement masculine. Les deux autres étant plus ou moins féminines. Peut-être s’agit-il, comme dans les cas des triades de fées de type matres, de représenter les différents âges de la vie. La figure centrale nous montre un homme d’âge mûr et les deux autres figures de jeunes adolescents.
Une des différences notables entre Télesphore et le genius cucullatus, est le fait que, dans la plupart des cas, le télesphore n’a pas de chaussures. Pour ce qui est de la Grande-Bretagne, l’origine celtique de ces triples représentations est incontestable. Il n’en va pas de même sur le Continent où les genii cucullati, sous une triple forme, n’ont été trouvés que dans un seul cas : une tablette d’argile découverte à Kärlich en Allemagne.
Toutes les autres trouvailles ou découvertes concernent, non des genii cucullati sous une triple forme, mais des individus isolés.
Waldemar Deonna dans son essai intitulé : De Télesphore au « moine bourru », soutient la thèse qu’il y a eu interpretatio romana et rapprochement donc entre un concept druidique et un dieu-ou-démon romain ou grec. Un cas exemplaire de ce rapprochement est la représentation trouvée à Nîmes. Le genius cucullatus a les pieds nus comme Télesphore, mais le reste de l’iconographie est clairement celte, et tout à fait comparable au genius cucullatus trouvé à Netherby dans le Cumberland, le long du Mur d’Hadrien.
Les dépôts de petits cucullati gravés dans les tombes signifient peut-être que cette déité avait un rôle psychopompe, en plus de ses liens avec la fertilité ou la santé. Et que c’était un protecteur de l’être humain, de la conception jusqu’à la mort.
N.B. Il ne faut pas confondre les anges gardiens quasiment individuels, du paganisme, que sont les genii cucullati, pour les hommes et les fées de type matres suleviae pour les femmes ; avec les fées de type Matres lubicae ou nessamae (« proxumae » en latin) qui sont des anges gardiens de la famille ; les fées de type Matres veniales qui sont les anges gardiens de la famille élargie (= le clan) ; et les fées de type Matres Totales (= déesse-ou-démones, ou bonnes fées, de la Tribu) ; ou les Matrones qui sont les anges gardiens d’un groupe humain étroitement uni, mais pas nécessairement par les liens du sang.
* Rappel : la théologie druidique distinguait vraisemblablement l’âme (anamone) de l’esprit (menman). Ces deux entités ou ces deux êtres, bien qu’étroitement unis dans la vie, se disjoignaient peu à peu dans la mort, l’esprit ou menman étant le premier à s’estomper.
Il est à noter cependant… Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le voir dans nos leçons précédentes, Eremon et l’invasion des Fils de Mile n’est qu’une affabulation, une pure invention des bardes irlandais désireux de doter leurs mécènes d’origines prestigieuses remontant aux Égyptiens aux Scythes aux Grecs, etc. ce passage est donc une glose de l’auteur chrétien ayant réécrit la légende d’Etanna.
Tailginn est un mot gaélique signifiant « tête d’herminette », surnom de saint Patrice (une allusion à sa tonsure ?). Or la religion monolâtre* installée au pouvoir et décrétée religion d’État (inventée ?) par la politique de l’empereur romain Constantin n’a pas été introduite en Irlande par saint Patrice. Il y eut des chrétiens en Irlande avant saint Patrice. Sans doute par l’intermédiaire du commerce des vins avec Bordeaux et des esclaves ou prisonniers faits sur les côtes bretonnes. Saint Patrice n’a fait que développer ce premier christianisme dans une mesure d’ailleurs difficile à déterminer, car le premier christianisme historique que l’on peut discerner en Irlande n’est pas un christianisme de type romain et diocésain comme celui de saint Patrice, mais un christianisme celtique et monastique. Ce sont les adeptes ultérieurs de la religion de vérité qui ont manipulé les textes pour faire de saint Patrice l’évangélisateur de l’Irlande alors qu’il ne fut probablement que le précepteur des filles du roi Loegaire (oui, le christianisme s’est surtout répandu grâce à la conversion des puissants, pas des esclaves ou des pauvres. En Irlande du moins).
* Son caractère monolâtre est contesté par l’islam dont le dieu n’est pourtant que le dieu païen de La Mecque.
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Après que la tête d’herminette fut venue, et après que les druides ainsi que les démons aient été expulsés d’Irlande par lui, quand chacun dans la communauté se fut soumis à la religion et à la piété, Curcog et ses femmes sortirent sur la pelouse du Brug de la Boinne un beau jour d’été. La chaleur et la moiteur accablèrent les femmes et elles allèrent nager dans la Boinne. Quand les jeunes filles en eurent assez de nager ou de plonger dans l’eau, elles reprirent leurs vêtements et quittèrent la rivière. Etanna ne s’aperçut pas de leur départ et il arriva que le « Fed Fiar » et le druidisme abandonnèrent cette aimable jeune femme qu’était donc Etanna. (Car c’est à cause de ce Fed Fiar qu’on ne pouvait pas voir cette compagnie à l’origine et donc qu’Etanna elle-même ne pouvait être aperçue jusque-là.)
Etanna ne fut plus en mesure de voir ses compagnes (mais tout le monde en revanche pouvait la voir elle). Elle revint sur la berge et enfila ses vêtements puis se mit à leur recherche sur les rives de Boinne mais ne les trouva pas. Avant qu’il ne s’écoule beaucoup de temps elle aperçut un jardin débordant de végétation et verdoyant et le mur nu d’un cimetière tout autour. La jeune fille se dirigea vers ce cimetière et aperçut un sympathique ermite aux cheveux gris devant la porte de l’église, avec un livre : il était en train de prier avec foi le Créateur.
La jeune fille salua aussitôt l’ermite qui lui demanda : « Qu’est-ce qui t’amène ici toute seule ô jeune fille ? »
Elle lui raconta donc ses aventures.
« Qui es-tu donc, ermite ? » demanda la jeune fille « et de quelle maison es-tu ? »
« Je suis de la maison de Dieu », répondit l’ermite, « et Patrice, fils de Calpurnius, et mon seigneur et maître. Quel est ton peuple à toi ô jeune fille ? » demanda l’ermite en retour.
« Je suis du peuple de la déesse Danu (bia) », répondit-elle, et jusqu’à présent mon peuple et le tien étaient les mêmes ».
« Bénie soit ta venue parmi nous », répondit l’ermite « et ce n’est pas à toi… ? »
« … du peuple des fidèles de Dieu, cette foi qui est la tienne ? » demanda la jeune fille.
« Louer le Seigneur et lire à haute voix ce livre, mais si tu es du peuple des fidèles de Dieu il est bien étrange que tu ne le saches pas ».
« Fais-le-moi connaître tout de suite », dit la jeune fille, « car je n’ai jamais vu son pareil. J’aimerais d’ailleurs que tu sois désormais mon précepteur et que tu me prodigues des leçons sur chacun de ses poèmes », ajouta-t-elle.
Ce que tu chantes
Ô toi l’homme qui m’a promis de l’apprendre ?
Son pareil quant à la douceur
Je ne l’ai jamais entendu dans la terre de promesse.
S’il est doux pour toi de l’entendre
Ô belle jeune fille aux cheveux blonds
Alors tu écouteras désormais en vérité
Ce qui est dans ce livre.
Prends ce petit psautier bien en main
Ô bienheureux clerc de la tête d’herminette
Fais-moi mémoriser les leçons
Qui sont dedans, vas-y.
Après avoir écouté ce poème, Etanna courba la tête sur le livre et le lut aussitôt comme si elle avait fait cela toute sa vie. L’ermite fut étonné par la façon dont la jeune fille psalmodiait ou lisait le livre, car si elle avait eu tous les livres que Patrice avait apportés en Irlande elle les aurait lus de même en un instant : l’ermite l’aima donc et la respecta donc d’autant plus. Ils continuèrent ainsi jusqu’à l’heure du dîner de l’ermite. Alors il se leva, prit sa canne à pêche, et se rendit à la rivière. Etanna n’eut pas longtemps à patienter avant qu’il ne revienne à la maison avec un magnifique saumon.
« Qu’as-tu ramené ? » demanda la jeune fille.
« Ma part de subsistance accordée par le Seigneur » répondit l’ermite j’en ai besoin ce soir comme jamais auparavant » ????
« Si je savais comment tu as fait, noble vieillard », dit la jeune fille « je ne mangerais pas de ta part, aussi prends donc la canne et va également me chercher ma part de subsistance accordée par le Seigneur ainsi que tu l’as fait pour toi-même ».
« J’y vais de ce pas, ô jeune fille », répondit-il.
L’ermite se rendit de nouveau à la rivière et lança l’hameçon. Il n’eut pas longtemps à patienter qu’il avait déjà pris un très beau saumon. On n’en avait jamais vu de semblable et il le rapporta donc à la
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jeune fille, ce fut un véritable exploit de le ramener de la rivière jusqu’à l’église. Il déposa le saumon devant elle et s’inclina devant la jeune fille après en lui disant : tu es incontestablement du peuple de Dieu, ô jeune fille, que mon âme soit placée sous la protection de la tienne ».
Ensuite l’ermite s’assit et commença de battre le poisson jusqu’à ce qu’il soit prêt ensuite ils en mangèrent les œufs, moitié chacun… ? ?? Chaque morceau semblait avoir le goût du miel. Ensuite il prépara un lit pour la jeune fille et un autre pour lui-même, et ils partagèrent tout ainsi honnêtement avec harmonie et à l’unisson pendant longtemps.
En ce qui concerne la compagnie de demoiselles : elles avaient laissé donc Etanna derrière elles et ne le retrouvèrent plus. Elles rejoignirent Mabon/Maponos/Oengus tristement et lui parlèrent non sans crainte de la disparition de la jeune fille. Mabon/Maponos/Oengus en voulut immédiatement à Curcog et on lui amena son cheval, Curcog partit avec lui à la recherche. Mabon/Maponos/Oengus se rendit à Ros Dighair et chercha la jeune fille dans toutes les forteresses d’Irlande, mais ne la trouva pas. Il arriva sur les berges de la Boinne et la chercha également en ce lieu. Ce faisant ils virent l’oratoire et la demeure et arrivèrent à leur hauteur, mais de l’autre côté de la rivière. Etanna aperçut les cavaliers et reconnut Mabon/Maponos/Oengus ainsi que Curcog et ses compagnes. L’ermite déposa sa nourriture et la sienne, à côté de l’écluse à poissons de la jeune fille, mais, bien que regardant dans leur direction, il ne les vit point à cause du « Feth Fiar » qui était sur eux. L’ermite demanda donc à la jeune fille : « que vois-tu donc, ô jeune fille ? »
Je vois Mabon/Maponos/Oengus mon tuteur qui me cherche, et ma camarade Curcog, ainsi que toute la maisonnée du Brug et ses dames de compagnie. Ils vont me chercher en vain » soupira la jeune fille…… Assurément si c’est la volonté de Dieu » rétorqua l’ermite.
LE ROI DES AULNES (sous-titre de la rédaction).
Chère à mon cœur est cette troupe de cavaliers
Que j’aperçois le long des rives verdoyantes de la Boinne
Une noble compagnie royale
Il n’y avait ni dispute ni calamité.
La joie de cette compagnie
Mabon/Maponos/Oengus, fils du Suqellos/Dagda/Gargant
Est un cavalier hors pair, est un marin.
L’aimable maisonnée du magnifique Brug
Est guerrière, vaillante, elle assène les coups,
Celui qui est triste et dans la peine
Tel sera le nom de Mabon/Maponos/Oengus cette nuit.
Les femmes du magnifique Brug ???
N’arrêtent pas de me chercher,
Ma camarade Curcog ne cesse pas de me pleurer
Leur devoir à toutes était de s’occuper d’elle.
Depuis le jour où je fus raillée
Par Vindobarros, par le frère de mon tuteur
Je ne suis plus restée chez Belin/Belen/Barinthus/Manannan
Avec le noble Ilbrec ni avec Sigmall.
Je bénis ce Vindobarros
Grâce à qui m’est venu l’amour de Dieu
Les paroles de celui qui a les cheveux longs
Qui m’ont fait honte ce jour-là.
Je ne resterai plus avec Abhartach
Ni avec la Bodua ni avec Medros/Midir
?????
?????
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Je n’accompagnerai plus
Aucun des membres du peuple de la déesse Danu (bia)
Mon corps appartient à Jésus et mon âme aussi.
Bien venue est l’arrivée de la tête d’herminette
Qui vint dans l’Irlande du bois d’if
Sans cette douleur
La mort avec lui serait douce ????
Après ce poème l’ermite pria le Seigneur pour que Patrice vienne le réconforter ou le secourir de peur que la jeune fille ne soit enlevée contre sa volonté. Le Seigneur accorda au clerc que sa juste prière soit exaucée de telle sorte qu’au même moment Patrice apparut avec ses clercs à la porte de l’oratoire alors que Mabon/Maponos/Oengus était juste de l’autre côté de la rivière. Alors Patrice demanda au clerc qui était la jeune fille et une discussion s’engagea entre lui et Mabon/Maponos/Oengus à son sujet. Mabon/Maponos/Oengus demanda : « veux-tu bien laisser ma pupille me revenir, oh clerc ? »
« Cette jeune fille n’est pas ta pupille » rétorqua Patrice « mais la pupille du Dieu créateur bien que son père te l’ait confiée ».
« Je suis prêt à t’enlever la fille de force », dit Mabon/Maponos/Oengus « si elle pense qu’il est préférable pour elle de venir… ???
« Si tu suivais mon avis Mabon/Maponos/Oengus » poursuivit-il, « tu n’aurais point à craindre mon intervention dans de justes causes ».
« Qu’est-ce çà dire ? » demanda Mabon/Maponos/Oengus.
« Adore le vrai Dieu tout puissant et rejette les faux dieux, lève-toi au nom de la Trinité, change ton nom, et préserve-toi des tourments de l’enfer ».
« Ce n’est pas pour cela que nous sommes venus », répondit Mabon/Maponos/Oengus. Il éperonna ensuite sa monture pour s’éloigner de la rivière et se retira l’air triste et douloureux. Sa pupille remarqua qu’il répugnait à le faire et il récita le poème suivant.
Rentrons accablés de peine, ô Etanna au lumineux visage,
Le beau cygne blanc, mais ingrat que je ne pourrai plus chérir.
Puisqu’ils ont enlevé sa camarade, la garde de Curcog n’a servi à rien.
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Poussons trois hauts cris de lamentation comme un homme blessé
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Etanna n’est plus mon enfant depuis cette sortie.
?????????????
Ô troupes de la Terre de Promesse, bien que cela soit pénible pour nous faisons-le.
La venue de la tête d’herminette dans ce pays a fait mon malheur (je ne le cacherai pas)
Je pars en lui disant adieu. Bien que ce soit dur et pénible, faisons-le.
Après cela Mabon/Maponos/Oengus et toute sa maisonnée poussèrent un cri de désespoir pleurant Etanna. Quand Etanna entendit les gens de Mabon/Maponos/Oengus pleurer ainsi après elle son cœur tressaillit dans sa poitrine et dès lors leur chagrin l’envahit la sienne aussi. Elle demanda le baptême ainsi que la rémission de ses péchés à Patrice et les obtint de lui ensuite on lui donna son nom. Une chose cependant : l’état de la jeune fille empira fortement durant la quinzaine de jours qui suivit et donc elle pria Dieu ainsi que Patrice qui en fut très affecté, tout comme ses clercs. Quand Etanna sentit que sa mort était proche, elle recommanda son âme à Dieu et à Patrice puis récita le poème suivant :
« Appelez-moi ô vous peuple du ciel, appelez mon âme par vos prières.
Je n’abandonnerai pas le Dieu du Ciel pour le palais de mon tuteur Mabon/Maponos/Oengus
Plaisante est la maison où se trouvent les gens du Saint Seigneur.
Que l’on chante sa grâce et sa félicité immortelle.
Bien que les femmes du Brug soient en pleurs et se lamentent au plus haut point
Je préfère les pleurs des clercs à mon chevet défendant mon âme contre les menaces de l’enfer.
Je rends grâce au christ des peuples de m’avoir détachée des gens de la déesse Danu (bia)
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Bien que je sois de leur race, je ne suis plus de leur peuple, je crois en Jésus le grand roi.
L’histoire de la pension de la maison des deux seaux à lait n’est pas une histoire inconnue
Tous les nobles de la verdoyante Votala (Fodla) demanderont après elle.
Oh Patrice fils du noble Calpurnius, préserve mon âme du supplice,
Absous-moi de mes péchés ainsi que de mes fautes si tu entends mon appel ».
Après avoir écouté ce poème Patrice prit la tête de la jeune fille sur sa poitrine et envoya son âme au ciel ensuite ils lui donnèrent une sépulture honorable. L’église d’Etanna au Brug de la Boinne est appelée ainsi d’après elle. Le nom de l’ermite qui avait recueilli Etanna était Ceasan, un prince écossais, chapelain de Patrice. Il ne put supporter plus longtemps cet ermitage à cause de la mort d’Etanna en ce lieu et donc il l’abandonna pour se rendre à Fid Ggaible, là il mena une vie tellement sainte que l’église de ce lieu fut appelée d’après son nom, Cluain Cesain à Ros Mic treoin en Fid Gaible. C’était un confortable camp des Fénianes avant cela. Telle est « la pension de la maison des deux seaux » jusqu’à présent.
Patrick commanda que personne ne s’endorme ou ne parle pendant cette histoire et qu’on ne la raconte qu’à la demande de gens de bien dignes de l’entendre, et il ordonna également beaucoup d’autres choses à son propos ainsi qu’il est dit dans l’élégie qui suit.
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ÉLÉGIE FINALE.
Creusez la tombe de la noble Etanna dans l’église au-dessus de la Boinne verte et humide de rosée : après [la mort de] ce noble rejeton de la science la plus lumineuse, toute la troupe de Mabon/Maponos/Oengus fut plongée dans la détresse. Moi et Mabon/Maponos/Oengus, l’expert en armes, nous formions une paire dont les intentions secrètes étaient différentes, mais il n’y a jamais eu de par le vaste monde amour semblable au nôtre pour Etanna.
J’attache les bénédictions suivantes à l’histoire d’Etanna de Vindomagos :
Les meilleurs enfants, les meilleures compagnes, tu auras, en dormant avec de belles femmes.
Si tu récites la « Nourriture » en montant à bord d’un navire ou d’un vaisseau
Tu arriveras sain et sauf sans craindre les vagues ni les flots.
Si tu récites la « Nourriture » avant de te rendre à un jugement ou à une chasse
Ton affaire aura une fin heureuse et tout te réussira.
Si tu récites l’histoire d’Etanna en prenant une femme magnifique
Cette démarche sera bonne tu auras la meilleure des femmes et les meilleurs enfants.
Si tu récites l’histoire de la noble Etanna en entrant dans une nouvelle brasserie
Il n’y aura aucune querelle ni sottise ni armes courbes et cruelles tirées [de leur fourreau].
Si tu récites à un puissant roi l’histoire d’Étanna durant le combat
Il ne perdra pas son trône s’il l’écoute en silence.
Si tu récites cette merveilleuse histoire à des prisonniers d’Irlande
Ce sera comme s’ils étaient libérés de leurs chaînes et de leur prison.
Bénie soit l’âme qui était dans le magnifique corps d’Etanna.
Celui qui connaît à jamais cette élégie remportera la victoire.
Chères nous étaient sa douce chevelure blonde et sa belle figure rose
Son corps blanc comme de l’écume et sa bouche aux douces paroles.
Chers nous étaient son noble corps séduisant et son joli visage
Son aimable et modeste bouche ainsi que ses jambes blanches.
Que sa fête soit célébrée dans nos chants, vue et ordonnée dans notre monde.
Que son corps soit enterré dans cette église.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 25.
Le druidisme. Il va de soi qu’il s’agit là non de la spiritualité druidique, mais des pouvoirs préternaturels voire surnaturels généralement prêtés aux dieux (cumachta) dont celui d’être invisible aux yeux des simples mortels, sauf volonté contraire de leur part évidemment. Un peu comme les anges du judéo-islamo-christianisme.
Lève-toi au nom de la Trinité. Il s’agit-là peut-être d’une allusion à la célèbre prière à moitié païenne (lorica ou cuirasse) de saint Patrice dite « le cri du cerf » : « Je me lève aujourd’hui mû par une force puissante, l’invocation de la Trinité, mû par », etc., etc.
Ce portrait flatteur de la religion chrétienne en général et catholique en particulier est bien sûr antidaté. Tout semble indiquer que saint Patrice n’a pas joué ce rôle et qu’on lui a par une manipulation de textes fréquente chez les chrétiens, attribué de nombreux résultats dus en fait à son prédécesseur papal en Irlande, Palladius.
Et en ce qui concerne les origines mêmes du christianisme, nous ne voyons nullement la même chose (une religion de douceurs et de bonté surtout répandue parmi les esclaves) apparaître dans les premiers témoignages historiques.
Ce que nous voyons apparaître en premier ce sont toutes sortes de christianismes plus ou moins gnostiques (marcionisme, etc.) se détachant progressivement de l’orgueil et de l’intégrisme ou de l’extrémisme de groupes religieux juifs en lutte armée contre Rome (voir le titulus de la croix, INRI, les deux larrons du calvaire qui sont des zélotes), finalement supplantés par des sortes de talibans chrétiens : les parabolans du montanisme, dont les excès d’intolérance et le sectarisme rebuteront les autorités (persécutions) jusqu’à ce qu’un politique de génie (Constantin) s’appuie dessus afin
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d’asseoir son pouvoir absolu personnel (césaropapisme). Car le véritable essor du christianisme ne commence en effet qu’avec lui. Nous y reviendrons dans une étude ultérieure.
La verdoyante Fodla. Fodla, vieux celtique Votala, est une des fées qui se sont penchées sur le berceau de l’Irlande. C’est donc une des appellations de cette île.
Fénianes. Une sorte de chevalerie errante primitive, faite de mercenaires venant de tous les horizons y compris du Continent, au service de différents souverains. Nous reviendrons plus longuement sur le sujet par la suite.
Épilogue.
Que son corps soit enterré dans cette église…
Le thème de base de cette légende est le départ et le retrait conscients sinon volontaires, hors de ce monde, des dieux, face à la montée d’un scientisme ou d’une attitude anti-magique, largement préparés par l’action druidique antérieure en matière de connaissance. « À vous seuls il est donné de connaître, comme de les ignorer
Les dieux et les puissances » (Lucain. La Pharsale, Livre I).
L’incroyable texte de la Nourriture de la Maison des deux seaux à lait ; qu’il faut mettre en parallèle avec le récit de la conversion de la fille du roi Loégaire par saint Patrice (la belle Ethne là aussi) ; nous donne donc en fait la version chrétienne du thème de l’occultation des dieu-ou-démons : n’oublions pas en effet que la religion d’amour et de vérité qu’est le christianisme a surtout joué sur la peur de l’enfer (qui n’existe pas pourtant) pour s’imposer dans les campagnes.
Les druides les plus lucides, ceux qui avaient une intelligence supérieure (nous ne parlons pas ici des simples vellèdes s’étant ralliés au christianisme naissant), avaient d’ailleurs vu venir cette catastrophe spirituelle. Instruits par ce qui s’était passé en Gaule, ils avaient en effet clairement prévu la venue d’un saint Patrice.
« Il viendra un homme à la tête rasée (littéralement donc « à la tête d’herminette ») au bâton recourbé ; son manteau aura un trou pour y passer la tête. Il chantera des choses néfastes devant l’autel placé à l’est de son temple ; et tous ses gens répondront : ainsi soit-il, ainsi soit-il » (prophétie druidique rapportée par Muirchu dans sa vie de saint Patrice chapitre 10).
Il y a, certes, dans ce texte, des ajouts chrétiens visibles et lourdement soulignés, fruits d’une propagande pas vraiment très fine, mais ce n’est pas toujours le cas. Il y avait aussi déjà, ne l’oublions pas, d’indéniables convergences entre druidisme et christianisme, entre mythologie celtique et mythologie chrétienne.
Les personnages des légendes irlandaises, pourvu qu’ils aient quelque notoriété, offrent souvent à notre vision deux faces d’un même visage, sans que nous sachions toujours bien les discerner. Il y a certes dans ce texte des ajouts chrétiens visibles et lourdement soulignés, fruits d’une propagande pas vraiment très fine, mais ce n’est pas toujours le cas. Il y avait aussi déjà, ne l’oublions pas, d’indéniables convergences entre druidisme et christianisme, entre mythologie celtique et mythologie chrétienne.
L’adaptation chrétienne rejoint fréquemment dans la forme et dans l’expression, le fond auquel elle se superpose. Le résultat en est un conglomérat compact dont il devient malaisé de dissocier les éléments.
Mais encore une fois, répétons-le, il ne s’agit le plus souvent dans ce texte [la pension de la Maison des deux seaux à lait] à notre avis, que d’une simple réinterprétation d’une réflexion des druides de l’époque ; c’est-à-dire le thème de l’occultation des vrais dieux. Puisque l’on retrouve la même histoire dans la conversion de la fille du roi Loégaire, ainsi que nous l’avons vu.
Il y a bien eu séparation entre le monde des dieu-ou-démons et celui des hommes, mais ce phénomène n’est pas intervenu à l’époque de saints Patrice. Il est arrivé bien avant. Le succès ultérieur de la prédication chrétienne n’est qu’une conséquence de ce phénomène, de cette décadence de la vie spirituelle des Celtes de l’époque, et non une cause. En faire la cause de cette décadence est une vision chrétienne des choses, et c’est en cela que consiste la principale christianisation du récit, à notre humble avis.
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Etanna symbolise l’âme/esprit de l’Humanité abandonnée par les dieu-ou-démons du paganisme. À l’affrontement verbal entre saint Patrice et Mabon/Maponos/Oengus se disputant tous deux Etanna, correspond, dans la version III, l’affrontement au jeu d’échecs entre le dieu-ou-démon Medros/Midir et le roi terrestre nommé Ivocatuos (Eochaid).
Processus en quatre temps.
1. L’offense faite par un des Fils de la Déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère (bref, des Toutai Devas).
2. Belinos Barinthus (Manannan) ayant perdu aussi une partie de ses pouvoirs (évoqués par le mot cumachta en gaélique, ce qui a une connotation plus ou moins magique) il ne peut rien pour elle.
3. L’épisode du bain lui retire le don d’invisibilité qu’elle partageait avec les autres enfants de la Déesse-ou-démone, ou fée (début de l’historicisation des dieu-ou-démons). Etanna se convertit dans la version chrétienne (voir aussi le cas d’Ethne, dans l’histoire des filles du roi Loégaire).
4. Enfin, retrait définitif de Mabon/Maponos/Oengus et des siens, après un débat bref, mais très dense, avec saint Patrice. Mabon/Maponos/Oengus renonce à reprendre Etanna et se retire.
Les arguments avancés sont affectifs, subjectifs ou magiques [ce qui est assez étonnant dans la bouche d’un saint chrétien. N. D. L. R.] nullement théologiques. Le saint l’emporte naturellement sur la divinité païenne (moins puissante que Jésus-Christ, et que Patrice cherche cependant à convertir !) et c’est ce à quoi tendait tout le récit. Mais le cri de Mabon/Maponos/Oengus est d’une tristesse si désespérée qu’Etanna en meurt, minée par le chagrin. La mort d’Etanna est, au demeurant, une manière élégante [et littéraire. N. D. L. R.] de lui conserver son éternelle jeunesse. C’est, avec la même indicible et poignante mélancolie, l’antithèse du sort de la Vieille de Beara.
Ce lapsus révélateur figure en toutes lettres dans ce texte : la conversion au christianisme c’est la mort, brrr, se convertir au christianisme c’est mourir, au sens littéral du terme dans le cas de la malheureuse Etanna. Sombre perspective. Avouons que le symbole n’est guère réjouissant.
Saint Patrice attache toutes les bénédictions possibles à la récitation de l’élégie finale, respectant ainsi une très ancienne et très vénérable conception indo-européenne, mais ces bénédictions de saint Patrice ressemblent à de la superstition ou à de la magie à propos de l’efficacité de laquelle on peut d’ailleurs s’interroger. En particulier en ce qui concerne la récitation de l’histoire d’Etanna en pleine bataille.
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RAPPEL.
Attention, attention s’il vous plaît ! Les textes qui suivent ne sont pas une synthèse complète ni exhaustive de toutes les légendes irlandaises ou galloises sur le sujet. Pour la simple raison qu’une telle synthèse serait impossible, étant donné les innombrables variantes ou contradictions que l’on peut y découvrir. Seule une synthèse des grandes lignes de ces récits peut être envisagée.
Les textes qui suivent ne sont donc que des réécritures partielles, et en résumé ou en abrégé, des principales légendes irlandaises en question, le tout étant restructuré ou recomposé après démolition sur de nouvelles bases et en suivant un plan différent, ça et là entrecoupé d’analyses.
Ils n’ont qu’un seul but, donner à nos lecteurs assez de notions ou d’aperçus préliminaires sur le sujet pour avoir envie d’en savoir plus.
Les textes qui suivent ne dispensent donc pas de se reporter in fine aux textes originaux eux-mêmes.
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LA FOLIE DE SUIBHNE.
BUILE SUIBHNE.
AVERTISSEMENT AU LECTEUR.
Comme toujours ou presque dans le cas de nos textes il s’agit d’un mélange de poésie et de prose. On en trouve la dernière version dans un manuscrit datant du XVIIe siècle.
Mais l’histoire en elle-même doit remonter au XIVe siècle. Le thème du roi fou apparaît en tout cas dès le Xe siècle.
CE TEXTE EST TYPIQUE DE LA MODESTIE ET DE L’HUMILITÉ CARACTÉRISANT TOUJOURS, EN CE GENRE DE CIRCONSTANCES, LES ADEPTES DU DIEU D’AMOUR DE CLÉMENCE ET DE MISÉRICORDE. Comme certains hadiths nous montrant par exemple le doux et humble prophète de l’islam jetant la première pierre destinée à lapider une femme adultère ou du moins ordonnant qu’on le fasse.
Sahih Muslim livre XVII hadith N° 4206.
« Va-t’en jusqu’à ce que tu aies donné naissance (à l’enfant). Quand elle fut délivrée, elle revint avec l’enfant (emmailloté) dans des langues et dit : voici l’enfant auquel j’ai donné naissance. Il (le saint prophète) répondit : va-t’en et allaite-le jusqu’à ce que tu puises le sevrer. Quand elle l’eut sevré, elle revint le voir (le saint prophète) avec l’enfant tenant un quignon de pain à la main… Il (le saint prophète) confia l’enfant à un des musulmans et prononça la sentence. Elle fut poussée dans un trou jusqu’à la poitrine et il (le saint prophète) commanda qu’elle soit lapidée… ensuite il pria sur elle et elle fut ensevelie. »
On permettra au non-croyant dans ce dieu d’Abraham d’Isaac et de Jacob de s’interroger sur la santé mentale des différents protagonistes de cette lamentable histoire (la femme adultère Mahomet ou autres…) Comme quoi certaines conceptions de la religion peuvent rendre dangereusement fou, voire complètement zinzin.
À ce bien curieux hadith, disons-le tout net, bien qu’également non chrétienne, nous préférons nettement la morale de l’histoire de la femme de Partholon ou de la parabole de la femme adultère du chapitre 8 de l’évangile selon Jean.
Mais Jésus se pencha en avant et commença d’écrire sur le sol avec son doit. Alors qu’ils insistaient pour avoir sa réponse, il se redressa et leur dit : « Que celui qui n’a jamais péché lui lance la première pierre ». Ensuite il se pencha et de nouveau il écrivit sur le sol.
Là-dessus ceux qui avaient entendu commencèrent de s’en aller un par un, en commençant par les plus vieux, jusqu’à ce que Jésus se retrouve seul avec la femme toujours là. Jésus se redressa et lui dit : « Femme, où sont-ils ? Quelqu’un t’a-t-il condamnée ? »
« Personne maître », répondit-elle.
« Alors moi non plus je ne te condamne pas », déclara Jésus. « Va maintenant et ne pèche plus ».
En l’occurrence Mahomet n’a pas eu la noblesse et la grandeur du grand rabbin Jésus dit le Nazaréen, et l’islam sur ce point est moralement inférieur au druidisme (voir l’adultère de la femme de Partholon : c’est le chien qui est lapidé) ainsi qu’au christianisme.
Mais saint Ronan se comporte dans ce texte un peu comme saint Martin lui-même avec les païens. La modestie et l’humilité n’étant pas le point fort évidemment des chrétiens ayant couché par écrit cette étrange histoire, que notre lecteur sache une fois pour toutes que dans le rôle du vilain bête et méchant ; (nécessairement, puisqu’il n’est pas enthousiasmé par le christianisme et les chrétiens) ; il y
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a Suibhne. Dans le rôle du saint éperdu d’amour, humble comme personne et n’ayant jamais un mot de trop, il y a bien évidemment saint Ronan ! Encore que… la loutre est encore mieux, elle, puisqu’elle rapporte le livre sacré. N.B. Seul saint Moling, en définitive, se comporte en vrai chrétien.
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En ce qui concerne Suibnhe fils de Colman Cuar, roi des Dal nAraidi (Dalaradia) , nous avons déjà dit comment il s’était enfui du champ de bataille en errant ou en faisant un pas en avant suivi d’un pas en arrière. Ici seront explicitées la cause et l’occasion de ces symptômes de cet accès de panique ainsi que de son foluamain (pouvoir de voler ?) survenus devant tous les autres, et ce qui lui arriva ensuite.
Il y avait alors un noble prince, éminent saint patron distingué d’Irlande, appelé Ronan Finn, fils de Bearach, fils de Criodhan, fils d’Earclug, fils d’Ernainne, fils d’Urene, fils de Seachnusadh, fils de Colum Cuile, fils de Mureadhach, fils de Laoghaire, fils de Niall ; un homme qui exécutait scrupuleusement les commandements de Dieu et croulait sous la piété ; il endurait les pires persécutions pour l’amour du Seigneur. C’était un serviteur digne de Dieu, car il avait coutume de mortifier son corps pour l’amour de Dieu et afin de mériter le salut de son âme. Cet homme doux aimable et dynamique était un véritable bouclier contre les maléfiques attaques du démon et contre tous les vices.
Un jour qu’il délimitait le territoire d’une église dite « église de Luinne » dans le pays des Dal nAraidi (à cette époque-là, ce Suibhne, fils de Colman, dont nous venons de parler justement, était roi de Dalaradia) de la place où il était Suibhne entendit le son de la cloche de Ronan alors qu’il marquait le territoire de l’église, et il demanda donc à ces gens ce que c’était.
« C’est Ronan Finn, fils de Bearach », répondirent-ils », qui est en train de délimiter le terrain d’une église sur votre territoire et dans votre pays, et c’est le son de sa cloche que vous entendez maintenant ».
Suibhne fut très irrité par cela et entra dans une colère noire, il sortit en toute hâte pour chasser le prêtre de l’église. Sa femme Eorann, fille de Conn de Ciannacht, afin de le retenir, attrapa le manteau pourpre à frange qu’il avait sur lui et la fibule de pur argent blanc, incrusté d’or, qui était dessus à la hauteur de sa poitrine, sauta en l’air dans la maison. Abandonnant par conséquent son manteau entre les mains de la reine, il se rua là-bas complètement nu afin de chasser le prêtre de l’église, et arriva donc à l’endroit où se trouvait Ronan.
Il trouva l’ecclésiastique en train de glorifier le roi du Ciel et de la terre en chantant gaiement ses psaumes avec son beau psautier entièrement recouvert d’enluminures (lineach ?) devant lui. Suibhne prit le psautier puis le jeta dans les profondeurs du lac glacé qui était juste à côté, où il disparut. Ensuite il attrapa la main de Ronan et le traîna tout le long de l’église pour le mettre dehors, et ne lâcha la main de l’ecclésiastique que lorsqu’il entendit retentir à l’extérieur un cri d’alarme. C’était un serviteur de Congal Claon, fils de Scannlan, qui avait poussé ce cri ; car il était venu de la part de Congal lui-même trouver Suibhne afin qu’il (Suibhne) puisse venir participer à la bataille de Magh Rath. Quand le serviteur eut atteint l’endroit où il pouvait parler avec Suibhne, il lui expliqua donc ce qui se passait du début jusqu’à la fin. Suibhne partit ensuite avec le serviteur et laissa l’ecclésiastique fort attristé ou peiné de la perte de son psautier ainsi que par la honte et le déshonneur qui lui avaient été infligés.
Un jour et une nuit après, une loutre qui vivait dans le lac vint trouver Ronan avec le psautier, pas une seule de ses lignes ni de ses lettres n’avait été abîmée. Ronan remercia Dieu pour ce miracle, et ensuite maudit Suibhne en disant : de par ma volonté ainsi que par celle du tout puissant Seigneur, puisqu’il est venu complètement nu pour m’expulser, qu’il soit désormais toujours ar faoinnel & ar foluamhain ?? à errer à travers le monde en faisant un pas en avant suivi d’un pas en arrière ??? complètement nu ; que la mort qui l’emportera soit celle apportée par une pointe de lance. Encore une fois que maudit soit Suibhne, mais que soit bénie par contre Eorann qui s’est efforcée de le retenir. En outre que cette malédiction retombe aussi sur la race de Colman, et que destruction ou extinction soient leur lot quotidien le jour où ils verront ce psautier qui a été jeté à l’eau par Suibhne, ensuite récita la formule magique (laid) suivante ???
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Suibhne fils de Colman
M’a outragé
Il m’a traîné par la main
Pour me faire sortir de l’église de Luinne avec lui
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Suivent quelques vers, qui, comme souvent dans ce pays, sont en fait plus anciens que le texte en prose les accompagnant, et qui ne font en quelque sorte que les paraphraser. Ce qui tendrait à prouver que le texte original primitif, c’est le poème, et que la partie en prose n’est venue qu’après, pour le résumer ou le commenter.
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Là-dessus Ronan vint alla lui aussi à Magh Rath afin de restaurer la paix entre Domnall fils d’Aodh, et Congal Claon fils de Scannlan, mais il ne put réussir. L’ecclésiastique servait néanmoins chaque jour de garantie entre eux afin d’assurer qu’il n’y ait pas de mort pendant les périodes de trêve. Mais Suibhne néanmoins avait l’habitude de violer la garantie et la protection de l’ecclésiastique, car Suibhne brisait chaque paix ou trêve que Ronan réussissait à instaurer. Chaque jour il avait l’habitude de tuer un homme avant l’heure fixée pour reprendre le combat, et un autre chaque soir après la cessation des hostilités. Au jour fixé pour la bataille finale, Suibhne s’y rendit avant les autres.
Il parut ainsi habillé. Avec une chemise de soie fine à même la peau, un ceinturon de satin royal ainsi que le manteau (ionar ?) que Congal lui avait donné le jour où il avait tué Oilill Cedach, le roi des Ui Faolain, à Mag Rath, c’était un manteau pourpre uni aux ourlets brodés de bel or fin et bien tissés. Avec des rangées de pierres précieuses ou d’escarboucles d’un bord à l’autre, de magnifiques œillets de soie et des boutons faits de toutes sortes de pur argent blanc afin de l’ouvrir ou le fermer, suivant les routes ou les chemins qu’il empruntait ; ce manteau était orné d’une frange dure finement tissée. Dans ses mains il tenait deux lances très longues munies d’un large fer, un bouclier en corne d’auroch ? (bhúabhallda) bariolé de jaune était sur son dos, une épée à poignée d’or à son côté gauche.
Il marchait ainsi quand il rencontra Ronan avec huit chanteurs de psaumes de sa communauté aspergeant d’eau bénite les troupes et donc ils aspergèrent Suibhne de la même façon qu’ils l’avaient fait pour les autres. Pensant que c’était pour se moquer de lui qu’ils avaient aussi aspergé d’eau, il mit son doigt dans la lanière (suainemh) du javelot riveté qui était dans sa main et le lança sur un des chanteurs de psaumes de Ronan qu’il tua d’un seul coup. Il lança l’autre javeline à la lame encore plus affûtée sur le prêtre lui-même, et le coup passa si près qu’il transperça la cloche qui était sur sa poitrine et que la hampe de cette javeline rebondit alors dans les airs.
Sur quoi l’ecclésiastique s’exclama : « je prie le seigneur tout puissant, aussi haut qu’ait pu aller dans les airs et au sein des nuages des cieux cette hampe de javelot, que tu ailles désormais de la même façon comme les oiseaux, et que la mort que tu as infligée à mon disciple soit celle qui t’emportera, une mort due à une pointe de lance, que ma malédiction aille sur toi et ma bénédiction sur Eorann ; qu’Uradhran et Telli se dressent de ma part contre ta semence et les descendants de Colman Cuar », puis il ajouta.
Encore une fois que maudit soit Suibhne
Grande est sa faute contre moi
Il a lancé sur ma sainte cloche
Un fer poli et puissant
Et patati et patata patin couffin.
Bref que Suibhne soit maudit !
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Suivent ici quelques vers reprenant le récit.
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Sur ce, quand les deux armées en guerre furent face à face, cette immense armée se mit des deux côtés à hurler à la manière d’une harde de cerfs en poussant haut et fort trois puissants cris (de guerre). Or quand Suibhne entendit tous ces grands cris ainsi que leur bruit et leur écho qui s’élevaient jusque dans les nuages des cieux ou la voûte du firmament, il regarda autour de lui, et alors un grand trouble s’abattit sur lui, dobhar & dásacht & fáoinnel & fúalang & folúamain & udmhaille, anbsaidhe & anfhoistine, obscurité, fureur, panique, frénésie, jambes tremblantes et vertiges s’emparèrent de sa personne, de même que le dégoût de toutes les places où il avait l’habitude d’être et l’irrésistible envie d’aller en tout lieu qu’il n’avait pas encore atteint. Ses doigts furent comme paralysés, ses pieds tremblèrent, son cœur battit la chamade, ses sens le trahirent, sa vue devint trouble, ses armes lui tombèrent toutes seules des mains, de sorte qu’à cause de la malédiction de Ronan ar gealtacht & ar geinidecht amail gach n-ethaid n-aéerdha il fut donc pris de panique et de terreur comme un petit oiseau volant dans les airs.
Et quand il sortit du champ de bataille ce fut à peine si ses pieds touchaient le sol à cause de la rapidité de sa course et quand c’était le cas il ne faisait même pas tomber la rosée de l’herbe à cause de la légèreté ou de la souplesse de son pas. Et il ne s’arrêta pas dans sa course folle avant d’avoir laissé ce jour-là les plaines les champs les montagnes rocheuses les tourbières les marais les collines les dépressions et les bois au couvert épais d’Irlande ? derrière lui, pour atteindre enfin Ros Bearaigh, dans la vallée d’Earcain, où il se réfugia dans l’if qui était là.
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Quand Suibhne entendit les clameurs de la multitude et le tumulte fait par cette grande armée, il grimpa depuis l’arbre vers les lourds nuages du firmament, et passa par-dessus les sommets de chaque lieu, par-dessus les barres des crêtes de chaque pays. Il erra ensuite au fin fond de l’Irlande pendant longtemps, visitant et fouillant dans les rugueuses fissures de la roche ainsi que dans les branches touffues des grands arbres couverts de lierre, dans les anfractuosités de la roche, d’estuaire en estuaire, de pic en pic, et de vallée en vallée, jusqu’à ce qu’il atteigne la toujours gorge de Bolcain. C’était là que les fous d’Irlande avaient l’habitude d’aller quand leurs années de folie étaient achevées, cette gorge étant toujours un havre très apprécié des fous. Car c’est ainsi qu’est la vallée de Bolcain : elle est ouverte aux quatre vents et possède un magnifique petit bois, très agréable, des fontaines aux rives accessibles et des sources d’eau fraîche, des ruisseaux sablonneux aux eaux claires et du cresson couronné de feuilles vertes ainsi que de longues véroniques penchées dessus. Tout à fait semblables sont ses touffes d’oseille, ses oxalides, ses lus-bian ? ses biorragan ?? ses baies ainsi que son ail sauvage, ses melle ? ses miodhbhun ??? ses prunelliers noirs ainsi que ses glands bruns. Les fous avaient d’ailleurs coutume de se battre les uns les autres pour avoir le meilleur cresson de cette vallée ainsi que pour avoir le choix de ses meilleurs gîtes.
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Pendant sept ans Suibhne avait donc erré par toute l’Irlande de place en place jusqu’ au moment où, un soir, il était arrivé dans la vallée de Bolcain, car c’est là qu’était sa forteresse et sa demeure, il lui plaisait infiniment plus de s’attarder ou d’habiter là qu’en tout autre lieu d’Irlande, car c’est toujours là qu’il revenait après avoir été partout ailleurs en Irlande, et il n’en serait jamais parti sauf sous l’effet de la peur et de la terreur. Suibhne resta ici cette nuit-là, et e lendemain matin Loingseachan vint pour l’y chercher. Certains disent que Loingseachan était un fils de la mère de Suibhne, d’autres que c’était un frère adoptif à lui, mais, quoi qu’il ait pu être, il se souciait beaucoup de Suibhne, car par trois fois Suibhne donc était parti dans sa folie et par trois fois il l’en avait sorti. Loingseachan vint donc le chercher dans ce vallon, et il trouva des traces de ses pieds sur la berge du ruisseau dont il aimait manger du cresson. Il trouva également les branches que ses pieds brisaient quand il passait du sommet d’un arbre à un autre. Ce jour-là néanmoins il ne trouva pas le fou, aussi s’abrita-t-il dans une maison déserte de la gorge, et là il tomba dans un profond sommeil, épuisé par la fatigue due à sa poursuite et à sa recherche de Suibhne. Ensuite ce fut Suibhne qui suivit ses traces jusqu’à la maison, et là il entendit Loingseachan ronfler, aussi chanta-t-il le lai suivant.
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Après avoir chanté ce lai, il vint la nuit suivante au moulin de Loingseachan dont s’occupait une vieille femme, Lonnog, fille de Dubh Dithribh, mère de la femme de Loingseachan. Suibhne alla donc la retrouver dans la maison et elle lui donna des miettes [de pain ?] et pendant longtemps il continua de cette façon à passer au moulin. Un jour que Loingseachan le cherchait, il l’aperçut près du bief du moulin, et il alla donc parler à la vieille femme, c’est-à-dire à la mère de sa femme, Lonnog.
« Suibhne vient-il au moulin, femme ? » demanda Loingseachan. « Il était ici la nuit dernière », répondit la femme. Loingseachan alors mot les habits de la femme et resta dans le moulin après son départ ; Suibhne vint au moulin cette nuit-là et reconnut Loingseachan. Quand il vit ses yeux, il s’enfuit aussitôt en sautant par la lucarne de la maison, en s’exclamant : « quelle pitié que ta recherche, Loingseachan, qui me chasse de ma place et de chacun des endroits d’Irlande qui me sont les plus chers ; et comme Ronan ne m’a pas permis de te faire confiance, et il est fatigant et importun de ta part de me suivre ». Ensuite il chanta le lai suivant.
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« Triste est le déshonneur que tu m’infligerais en croyant bien faire, Loingseachan » dit-il, « cesse de m’importuner plus longtemps, mais rentre chez toi et j’irai retrouver ensuite Eorann ».
Mais sa femme Eorann à ce moment-là vivait avec Guaire, fils de Congal, fils de Scannlann, un roi rival…………
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Une lueur de raison lui vint alors à l’esprit et il se mit en route pour son pays afin de se confier à ses gens et de rester avec eux. Mais il fut alors révélé à Ronan que Suibhne avait recouvré la raison et qu’il était en train de rentrer au pays afin de demeurer parmi son peuple ; sur quoi Ronan s’exclama : « je supplie le noble et tout puissant roi que ce persécuteur ne sois pas en état d’approcher de l’église afin de la tourmenter encore une nouvelle ainsi qu’il l’a déjà fait, et, jusqu’à ce que son âme ait quitté son corps, puisse-t-il n’y avoir pour lui ni aide ni soulagement de la peine que Dieu lui a infligée pour venger le déshonneur subit par ses gens, de sorte qu’aucun autre tyran après lui ne fasse subir semblable outrage au seigneur ni à son peuple ».
Dieu entendit la prière de Ronan, car quand Suibhne parvint au milieu des montagnes de Fuat il s’arrêta là, et une vision étrange lui apparut à minuit, à savoir des troncs sans tête et tout sanglants, ainsi que des têtes sans corps, dont cinq têtes grises et hirsutes sans corps ni tronc, criant et bondissant sur son chemin, et ce tout au long de la route. Quand il s’en approcha, il les entendit en train de se parler les unes aux autres, et voici les paroles qu’elles échangeaient : « C’est un pauvre fou » disait la première tête, « un fou d’Ulster » disait la seconde tête ; « suis-le bien », disait la troisième tête ; « que cette poursuite dure », disait la quatrième tête ; jusqu’à ce qu’il atteigne la mer » disait la cinquième tête. Ensuite elles bondirent dans sa direction. Il monta devant elles (passant) de buisson en buisson, mais, quelle que soit la longueur du défilé devant il ne parvenait jamais à le franchir, car il allait d’un bord à l’autre, et d’un sommet à l’autre ??????
Considérables étaient la terreur les cris et les sanglots, les hurlements et les pleurs à haute voix, le vacarme et le tumulte, des têtes qui étaient après lui quand elles lui tombaient dessus et le poursuivaient avec férocité. La force et la rapidité de cette poursuite furent telles que les têtes heurtaient ses mollets ses jarrets ses cuisses ses épaules ainsi que sa nuque, de sorte que l’entrechoquement de ces têtes l’une contre l’autre, ou de toutes ensemble contre le flanc des arbres et des rochers, contre le sol et la terre, lui semblait être le maelstrom d’un torrent sauvage surgissant du sein d’une haute montagne ; les têtes continuèrent ainsi jusqu’à ce qu’il ait pu leur échapper en bondissant dans les nuages du ciel ????
Elles s’en allèrent alors, aussi bien les têtes de chèvre (chenn ghabhair) que les têtes de chiens (cenn chon) car il lui sembla que toutes ces têtes s’étaient mêlées les unes aux autres en le poursuivant. Les faoinneal no foluamhuin ??? l’errance et l’agitation des jambes ??? qui s’étaient emparées de lui jusque-là n’étaient rien comparés à cela, car pendant trois quinzaines il ne resta nulle part assez longtemps pour boire après quoi il arriva un soir au sommet de la montagne d’Eidhneach et cette nuit-là il se reposa au sommet d’un arbre jusqu’au lendemain matin. Alors il commença de se lamenter douloureusement et soupira : « quel malheur pour moi que cette nuit à passer ici après [ma rencontre
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avec] la vieille sorcière et les têtes de la montagne de Fuat, et pourtant il est juste que je sois comme je suis à cause des nombreuses personnes à qui j’ai fait du mal » ; et sur ce il chanta :
Je suis bien morose ce soir
Je suis triste et misérable,
Mon flanc est nu
Etc.
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Il arriva un jour qu’il vint à Druim Larainn dans le Connaught où il mangea de vertes touffes de cresson à côté de l’église située sur la berge de la source aux reflets verts et où il but ensuite un peu de son eau. Un prêtre sortit de l’église en colère et irrité après ce fou qui avait pris de la nourriture qu’il avait l’habitude de consommer et lui cria qu’il était heureux et satisfaisant que Suibhne soit dans cet if après lui avoir pris son repas.
« Bien triste est cette apostrophe, ô clerc », répondit Suibhne, car je suis la plus misérable et la plus malheureuse des créatures au monde, ni sommeil ni repos ne me ferment les yeux par peur d’être tué puisque……
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À la longue Suibhne finit par arriver un jour à l’endroit où se trouvait Moling, c’est-à-dire Teach Moling. Le psautier de Kevin était alors devant Moling qui le lisait à ses élèves. En présence de tous ces clercs, Suibhne vint alors au bord de la fontaine et commença de manger du cresson.
« Il est fou de manger si tôt ! »
Moling parla et Suibhne lui répondit.
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L’ombre de la mort s’étendit alors sur Suibhne, Moling, avec l’aide de ses clercs, se leva, et chacun mit une pierre sur la tombe de Suibhne.
« Très cher est celui dont la tombe est ici », dit Moling ; « nous devisions souvent tous les deux, lui et moi, quelle heureuse époque, le long de ce sentier. M’entretenir avec Suibhne m’était un vrai plaisir, Suibhne dont la tombe est ici, auprès de cette fontaine. Source du fou est son nom, car il mangeait souvent de son cresson et buvait de son eau, c’est pourquoi cette fontaine est appelée d’après lui. Chers m’étaient aussi tous les autres lieux que Suibhne fréquentait ». Sur ce Moling soupira :
La tombe de Suibhne sera ici
Son souvenir me brise le cœur
……………………
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Ici prend place un admirable poème sur la beauté de la nature et de la vie sauvage, sous forme de dialogue entre Moling et Suibhne.
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Mais Suibhne sortit de son évanouissement et Moling le prenant par la main tous les deux se dirigèrent vers la porte de l’église. Quand Suibhne eut appuyé ses épaules contre le montant de la porte, il poussa un grand soupir et son âme monta au Ciel, ensuite il fut dignement inhumé par Moling.
Ici s’arrête le récit de certaines des histoires et des aventures de Suibhne fils de Colman, roi des Dal Araidhi.
Finis. Fin.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) No 26.
Foluamain. Terme gaélique qui nous laisse perplexes. Le dictionnaire électronique de la langue irlandaise le traduit ainsi :
Se déplaçant et en avant et en arrière, flottant, volant, planant, tremblant, sifflant dans les airs, pris de panique. Dénote à tout le moins une soudaine capacité à effectuer des sauts ou des bonds surprenants, un peu comme notre grand héros national le Hésus Cuchulainn peut-être.
Les persécutions endurées pour l’amour du Seigneur par les premiers chrétiens en Irlande. Font partie des mensonges habituels à cette religion. Et de même que les musulmans se présentent toujours comme des victimes, obligés de conquérir un immense empire uniquement pour se défendre (à les en croire c’est toujours de la légitime défense), les chrétiens eux se présentent toujours comme d’innocents martyrs. Or l’histoire, la vraie, de l’accession au pouvoir de leur religion avec l’empereur romain Constantin, ne montre pas du tout cela. Nous y reviendrons plus en détails dans une leçon ultérieure. Le film d’Alejandro Amenabar sur le martyre de la sainte païenne Hypatie (Agora) lapidée à coups de tessons par une meute de moines chrétiens en fureur (en Égypte) nous donne en tout cas une petite idée de la vérité vraie à propos de ces doux et pacifiques agneaux chrétiens coptes, qui ont néanmoins trouvé leurs maîtres désormais en la personne de ces autres grands fidèles de la religion d’amour de clémence et de miséricorde qu’est l’islam.
La cloche. On peut supposer que saint Ronan faisait le tour du territoire en question en agitant sa cloche afin de l’entourer d’une sorte de protection magique. Mais apparemment sans l’autorisation du roi du pays.
La honte et le déshonneur. Le saint homme qu’est Ronan n’est donc pas spécialement humble et d’humeur à pardonner, il est un peu comme tout le monde, comme vous et moi.
Le psautier. Peut-être n’était-ce pas un simple amas de papier couvert de gribouillis humains comme le Coran ou la Bible, mais un livre magique comme le fameux Cathach de saint Colomba d’Iona. La tradition veut que Saint Colomba l’ait réalisé en 561, comme étant une copie d’un livre emprunté de Saint Finian (il suffisait de faire avec le tour d’une armée pour que ladite armée remporte la victoire). Ces histoires de psautiers magiques en tout cas illustrent bien à quel point les chrétiens contrôlaient le nouveau média de l’époque, l’écriture et le livre.
La bataille de Mag Rath livrée en 637 fut très importante. Elle opposa au roi des Ui Néill du nord, Domhnall mac Aedh, les Dál Riata de Domhnall Brecc ainsi que les Cruthin ou Pictes des Dál nAraidi en la personne de Congal Cláen.
Certains auteurs pensent que le Suibhne de cette légende est en fait Congal Cláen ou Cáech, roi des Dál nAraidi, le principal peuple Cruthin de la région, qui deviendra pendant un an ou deux haut roi de Tara.
Les conséquences de la bataille de Magh Rath ont été d’une part la déroute des Cruithin avec la mort de Congal Cláen, et d’autre part la fin de l’influence des Dál Riata en Irlande du Nord, remplacée par la domination du clan des Uí Néill.
Du coup le camp des vaincus est peut-être devenu celui des païens après la défaite.
Les vaincus de la bataille de Mag Rath seront donc par le truchement des divers trucages de l’Histoire opérés par les chrétiens, rétrospectivement, mais systématiquement assimilés à des méchants, c’est-à-dire à de grossiers païens par tous ces moines peu scrupuleux, ils seront diabolisés dans leur version de l’Histoire (nous avons déjà eu l’occasion de voir depuis Ponce Pilate que les Chrétiens avaient une conception disons assez paradoxale de la vérité) alors qu’à l’origine, si ça se trouve, Le malheureux Suibhne historique était bien lui aussi chrétien, tout comme sa femme. Bien que chrétien donc, il aurait été rétrospectivement rejeté dans le camp des païens par les auteurs chrétiens postérieurs, un camp de païens d’opérette caricaturaux spécialement inventé pour les besoins de la cause politique des Ui neill. Bref, sous la plume mensongère des chrétiens le camp des vaincus va devenir peu à peu le camp des païens les plus odieux, symbolisés par Suibhne (il faut en effet c’est évident être fou pour ne pas croire aveuglément à la toute-puissance magique du livre du dieu d’Abraham d’Isaac de Jacob et de Mahomet, la preuve. C’est le meilleur moyen de finir sa vie seul
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comme une bête). Notre religion à nous n’étant qu’une religion de la vérité, il fallait que ces choses-là soient dites !
Après la bataille de Magh Rath les scribes vont donc commencer à revisiter et arranger les événements qui ont permis la suprématie du clan des vainqueurs officiels les Uí Néill, puis à la rédaction de l’histoire de l’Irlande, avec notamment le fameux ‘Lebor Gabála Érenn’, qui n’est qu’une œuvre de propagande d’après le professeur Daibhi Ó Cróinín (nouvelle histoire d’Irlande), tout à fait comparable à la légende de Moïse ajouterons nous.
Que destruction ou extinction soient leur lot quotidien le jour où ils verront ce psautier. Ainsi que nous l’avons déjà signalé, cette histoire ressemble beaucoup à cette du Cathach de saint Colomban d’Iona qui assurait la victoire au clan qui le possédait. Mais combien de fois faudra-t-il répéter à ces idolâtres d’un seul livre qui plus est, que ce qui compte ce n’est pas la lettre qui rend toujours plus bête qu’il n’est celui qui n’en décolle pas, mais l’esprit. Nos ancêtres spirituels les très sachants de l’Antiquité avaient bien raison de considérer en effet que le plus important, c’est – à – dire l’esprit, ne devait pas être confié à un arbre mort (du papier), mais à un autre esprit : la mémoire. Et s’il faut des livres prenons-en 12 comme les Fénianes et ne nous contentons pas d’un seul ! C’est trop dangereux pour la liberté de penser, c’est trop dangereux pour l’équilibre de l’Humanité.
« On dit qu’ils apprennent là un grand nombre de vers par cœur ; en conséquence de quoi certains y suivent leurs cours pendant vingt ans. Ils répugnent à les mettre par écrit, bien que pour ce qui est de toutes les autres matières, dans leurs transactions publiques et privées, ils se servent à cet effet des caractères de l’alphabet grec. Cette pratique me semble avoir été adoptée par eux pour deux raisons : la première… et parce que, en ce qui concerne ceux qui étudient chez eux, moins faire travailler la mémoire en recourant à l’écriture fait qu’il arrive généralement à la plupart, devenus dépendants de l’écrit, qu’ils relâchent leurs efforts pour apprendre et mémoriser.… ils discutent et transmettent à la jeunesse beaucoup d’éléments concernant les étoiles et leurs mouvements, l’étendue de ce monde et de notre terre, la nature des choses, le pouvoir et la majesté des dieux immortels (César B.G. livre VI chapitre XIV).
Là-dessus Ronan vint alla lui aussi à Magh Rath afin de restaurer la paix. Saint Ronan intervient donc dans le conflit. Il y a gros à parier que ce fut comme saint Kentigern/Mungo lors de la bataille d’Arthuret / Ardderyd en 573 où Merlin devint fou, suite à la mort de son protecteur et mécène le dernier roi païen de Grande Bretagne (du Strathclyde plus précisément) appelé Gwenddoleu, c’est-à-dire aux côtés des uns et contre les autres.
Aspergeant d’eau bénite les troupes ?? Saint Ronan destine-t-il cette magie chrétienne aux soldats des deux camps ou seulement à ceux d’un camp particulier ?? Il est vrai que sur les ceinturons allemands de la grande guerre était aussi gravée l’inscription « Gott mit uns » et que les croisés ou lunés musulmans s’écrient « Allah Akhbar ». Le dieu d’amour de clémence et de miséricorde n’est décidément pas très regardant, mais comme par hasard c’est toujours après que l’on s’aperçoit qu’il était du côté du vainqueur. Dieu est toujours du côté du vainqueur par définition.
Suainemh. Terme gaélique désignant vraisemblablement un propulseur à sagaie, ce que les Romains appelaient amentum.
Uradhran et Telli. En ce qui nous concerne ces deux noms propres apparemment nous laissent très perplexes. Des rois concurrents ?
Des têtes sans corps des corps sans tête. Vu l’heure (en pleine nuit) on peut évidemment penser qu’il s’agit peut-être d’un cauchemar suscité par la puissante magie du fidèle serviteur du dieu d’amour qu’était saint Ronan. Toute cette histoire donne une idée du pouvoir de la magie chrétienne à l’époque. Il y avait en effet de quoi rendre fou.
Chenn ghabhair & cenn chon, têtes de chèvre et têtes de chien semblent donc être de puissants ressorts de la magie chrétienne d’Irlande.
Quand Suibhne eut appuyé ses épaules contre le montant de la porte… Cf. la parabole du pharisien et du publicain.
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Évangile selon Luc chapitre 18. Le publicain (Suibhne) se tient à l’entrée du Temple, le pharisien (saint Ronan) occupe avec orgueil la première place. La morale de cette histoire est que ce n’est certainement pas saint Ronan qui se comporte en vrai chrétien, mais saint Moling.
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LA LÉGENDE DE MONGAN.
Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 27.
La conception virginale du Hesus Cuchulainn a souvent été mise en doute, de même que la possibilité pour lui de se réincarner, sur terre, à sa guise. Certains ont même été jusqu’à écrire que tout cela était non celtique. Le texte qui suit démontre le contraire. Il s’agit du manuscrit intitulé Compert Mongain ocus Serc Duibe-Lacha do Mongan, qui nous a été conservé par le livre de Fermoy (XVe siècle). Mais l’histoire en elle-même doit être plus ancienne (du XIVe ??).
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LA CONCEPTION DE MONGAN.
Un jour Fiachna Find, fils de Baedan, fils de Murchertach, fils de Muredach, fils d’Eogan, fils de Niall, partit d’Irlande pour se rendre dans le royaume de Loccolandon (Lochlann) sur lequel régnait alors Eolgarg Mor, fils de Magar. Là il fut reçu avec respect, amour même, et avec tous les honneurs. Il n’était pas là depuis longtemps qu’une maladie frappa le roi de Loccolandon (Lochlann) qui consulta ses médecins et ses docteurs pour savoir que faire. Ils lui dirent qu’il n’y avait rien au monde pouvant lui venir en aide à part une vache à la robe d’un blanc éclatant et aux oreilles rouges, cuite spécialement pour lui. Les gens de Loccolandon (Lochalann) se mirent en quête de cette vache et ne trouvèrent que celle de la vieille sorcière noire (Caillech Dub). Une autre vache lui fut proposée en échange, mais la sorcière refusa. Après on lui en offrit quatre, à savoir une vache pour chaque patte de la sienne, mais la sorcière n’accepta que si Fiachna se portait personnellement garant du marché. C’est alors à ce moment-là que des messagers vinrent chercher Fiachna Find fils de Baedan, il repartit avec eux et devint roi des Ulates, pour un an.
Un jour vers la fin de cette année-là il entendit des cris de détresse devant la porte de sa forteresse, et il demanda donc (à ses hommes) d’aller voir qui poussait tous ces cris, puis de faire entrer la personne qui criait ainsi. C’était la sorcière de Loccolandon (de Scandinavie) venue lui demander de faire jouer sa garantie. Fiachna la reconnut, lui souhaita la bienvenue et lui demanda ce qui se passait.
« J’ai de mauvaises nouvelles » répondit la sorcière. Le roi de Loccolandon m’a trompé en ce qui concerne les quatre vaches qui m’avaient été promises en échange de la mienne ».
« Je te donnerai quatre vaches de sa part ô sorcière », répondit Fiachna.
Mais la sorcière répondit qu’elle ne les accepterait pas.
« Je te donnerai vingt têtes de bétail de sa part » dit Fiachna.
« Je ne les prendrai pas », répondit la sorcière.
« Je te donnerai quatre fois vingt vaches » reprit Fiachna, « vingt bêtes pour chaque vache ».
« Ma parole », répondit la sorcière, « même si tous les bovins du royaume d’Ulidia m’étaient donnés, je n’en voudrais pas, tant que tu n’auras pas déclaré la guerre au roi de Loccolandon. Comme je suis venue à toi en venant de l’est, alors repars ainsi avec moi par-delà les mers ».
Fiachna convoqua donc tous les gentilshommes d’Ulidia afin de constituer dix grands bataillons de même taille, et il partit déclarer la guerre aux hommes de Loccolandon. La mise en place des forces en présence dura trois jours. Ensuite le roi de Loccolandon livra bataille aux hommes d’Irlande. Trois centaines de guerriers furent abattus par Fiachna au cours du combat. Des moutons empoisonnés (enragés ?) furent envoyés de la tente du roi de Loccolandon contre eux et trois centaines de guerriers furent tués par ces moutons ce jour-là, trois cents le deuxième jour, et enfin trois cents également le troisième jour. Ce fut un coup très dur pour Fiachna et il s’exclama : « Malheureux est le voyage qui nous a conduits jusqu’ici, si c’est pour avoir nos gens tués par des moutons. Car s’ils étaient tombés sur le champ de bataille ou durant les combats du fait de l’armée de Loccolandon, leur mort ne serait pas tenue pour une disgrâce, car ils se seraient vengés eux-mêmes. Donnez-moi, dit-il, mes armes et ma tenue que j’aille en personne affronter ces moutons ».
« Ne dis-pas ça, ô roi », s’exclamèrent-ils tous, car il ne convient pas que tu ailles combattre ces moutons ».
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« Ma parole », s’écria Fiachna, plus aucun homme d’Irlande ne tombera mort à cause d’eux, tant que je ne serai pas moi-même allé affronter ces moutons ; et si mon destin est de trouver la mort en ce lieu, alors je l’aurai, car il est impossible d’éviter son destin, et si ce n’est pas le cas ce moutons périront devant moi ».
Alors qu’ils étaient ainsi occupés à discuter, ils virent arriver un grand guerrier isolé. Il portait un manteau vert uni avec une broche en argent blanc sur la poitrine, ainsi qu’une chemise en satin à même la peau. Il avait un cercle d’or autour de la tête et des sandales en or aux pieds. Le guerrier lui dit : « Quelle récompense accorderas-tu à celui qui te débarrasseras de ces moutons ? »
« Par ma foi », répondit Fiachna, [quoi que tu demanderas] pourvu que je l’aie, je te le donnerai.
« Tu auras effectivement à le donner » répondit le guerrier, et je vais te dire quoi ».
« Fais-nous savoir ta décision » dit Fiachna.
« Je vais te le dire », répondit-il ; « donne-moi l’anneau d’or qui est à ton doigt comme signe de reconnaissance, afin que je puisse dormir avec ta femme quand je me rendrai auprès d’elle en Irlande
« Par ma foi », s’exclama Fiachna, « je ne laisserai pas un seul homme d’Irlande de plus tomber à cause de cette condition ».
« Il n’en sortira rien de mauvais pour toi, car un fils qui se couvrira de gloire te sera ainsi donné par moi et c’est de toi qu’il tirera son nom, à savoir Mongan le beau (Find), fils de Fiachna le beau (Finn). J’irai là-bas revêtu de ton apparence de sorte que ta femme ne sera pas stigmatisée pour cela. Je suis Belin/Belen/Barinthus le mannois (de l’Île de Man) fils de Lero, et tu seras roi de Loccalandon des Saxons et des Bretons ».
Ensuite le guerrier sortit un chien empoisonné (enragé ?) de son manteau, avec une chaîne sur lui, et leur déclara « par ma foi, grâce à lui pas un seul mouton ne reviendra dans la forteresse du roi de Loccolandon avec sa tête encore sur les épaules, et il tuera trois des centaines de l’armée de Loccolandon, et tu récolteras ce qui en résultera.
Le guerrier partit pour l’Irlande, revêtu de l’apparence de Fiachna en personne et il dormit avec la femme de Fiachna, qui se retrouva enceinte cette nuit-là. Le jour même les moutons ainsi que trois cents des gentilshommes de Loccolandon furent tués par le chien et Fiachna s’empara du trône de Loccandon des Saxons et des Bretons.
LA NAISSANCE DE MONGAN (compert Mongain : Xe siècle ?).
Fiachna rentra dans son pays, et la femme lui donna un fils, à savoir Mongan fils de Fiachna. Il remercia sa femme pour ce qu’elle avait fait pour lui, et ensuite elle lui raconta son aventure. Ce Mongan fut donc en réalité un fils de Belin/Belen/Barinthus/Mananan fils de Lero, bien qu’il ait été appelé Mongan fils de Fiachna. Car quand l’étranger prit congé de la mère de Mongan le lendemain matin il déclama pour elle un quatrain disant
« Je rentre chez moi
Le pâle et pur matin approche
Belin/Belen/Barinthus le mannois (de l’île de man) fils de Lero
Est le nom de celui qui est venu à toi »
Fiachna le Beau avait un intendant dont le nom était le Daim, et cette (même) nuit sa femme mit au monde un fils. Ils furent baptisés (baisdedh) ensemble, le fils de Fiachna fut appelé Mongan, et le fils de l’intendant fut appelé le Fils du Daim.
Pour ce qui est de la vieille sorcière, Fiachna lui donna son dû, à savoir sept châteaux avec leur territoire et leur pays, ainsi qu’une centaine de têtes de toutes les espèces de bétail.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 28.
Lochlann. Vieux celtique Loccolandon. La Scandinavie.
La centaine est une formation de combat équivalant à une compagnie de soldats.
Revêtu de l’apparence de Fiachna. Prendre l’apparence de la personne qu’ils veulent fait donc partie des pouvoirs ou cumachta des dieux, selon la mythologie celtique.
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Baptisés. Le terme peut sembler passablement étonnant vu la suite des événements, mais le mot gaélique « baisdedh » a bien cette signification. Il n’y a donc que deux solutions possibles, soit il s’agit d’un terme peu judicieux pour désigner une cérémonie du nom encore païenne, soit Mongan et le fils du Daim vont devenir apostats en devenant adultes. Nous penchons pour la première hypothèse. Sur les cérémonies du nom païennes voir notre leçon sur les rituels.
VARIANTE DE L’HISTOIRE DONT ON PEUT DÉDRUIRE QUE MONGAN ÉTAIT VINDOS CAMULOGENOS (FINN MAC CUMAILL) ET QUE C’EST À CAUSE DE LUI QUE FOTHAD AIRDECH FUT TUÉ.
Livre de la vache brune et livre jaune de Lecan (Xe siècle ?).
Scél asa m-berer co m-bad hé Find mac Cumaill Mongan, ocus ani dia fil aided Fothaid Airgdig a scél so sis.
Mongan était à dans sa grande forteresse de la plaine de Linne dans son fief. Forgoll le barde. Beaucoup de couples mariés s’étaient plaints de lui auprès de Mongan. Chaque nuit ce barde récitait une histoire à Mongan. Ses connaissances en la matière étaient si grandes qu’ils furent ainsi de Samon (ios) à Beltene. Il était nourri et gratifié par Mongan.
Un jour Mongan interrogea ledit barde à propos de la mort de Fothad Airgdech. Forgoll lui expliqua qu’il avait été tué à Duffry dans le Leinster. Mongan lui répondit que c’était faux. Le barde lui rétorqua qu’il le maudirait avec des satires à son encontre, qu’il satiriserait son père et sa mère ainsi que son grand-père, qu’il lancerait des incantations sur leurs rivières, afin que plus aucun poisson ne puisse être attrapé dans leurs estuaires. Qu’il jetterait un sort sur ses bois, afin qu’ils ne donnent plus le moindre fruit, sur leurs plaines, afin qu’elles soient aussi à tout jamais dénuées de toute récolte. Mongan lui promit tout ce qu’il voudrait de ses trésors jusqu’à concurrence de sept cumals, ou deux fois sept cumals, voire trois fois sept cumals. À la fin il lui offrit un tiers ou une moitié de son pays, voire sa totalité ; bref n’importe quoi sauf sa propre liberté ainsi que celle de sa femme Breothigernd, au bout d’un délai de trois jours. Le barde refusa tout sauf en ce qui concerne la femme. Afin de préserver son honneur Mongan y consentit. La femme en fut très peinée. Les larmes ne disparurent plus de ses joues. Mongan lui dit de ne pas s’inquiéter, car il obtiendrait certainement de l’aide.
Arriva enfin le troisième jour. Le barde commença de préparer la saisie. Mongan lui demanda d’attendre jusqu’au soir. Lui et sa femme étaient dans le solarium (grianan). La femme pleurait, car le moment de sa reddition approchait, mais elle ne voyait aucun secours arriver. Mongan lui dit : « Ne t’inquiète pas, femme. J’entends déjà dans la Labrinne le bruit des pas de celui qui est en train de nous venir en aide ».
Ils attendirent un moment. La femme se mit de nouveau à pleurer. « Ne pleure pas, femme ! J’entends déjà dans le Main les pas de celui qui est en train de nous venir en aide ».
Ils restèrent ainsi à patienter pendant deux heures (etir cach da trath). Elle pleurait, mais il lui disait toujours : « Ne pleure pas, femme, j’entends déjà les pas de celui qui est en train de nous venir en aide dans la Laune, dans le lac Lein, dans la Samair entre Aradu et Ui Fidgente, dans la Suir de la plaine de Femun dans le Munster, dans l’Echuir, dans la Barrow, dans la Liffey, dans la Boinne, dans la Dee, dans la Tuarthesc, dans la Snam d’Ainech, dans la Nid, dans la Rig, dans la Olarbi qui coule devant notre grande forteresse ».
Quand la nuit tomba, Mongan était sur son lit dans son château, avec à sa droite sa femme très inquiète. Le barde faisait valoir ses cautions et ses garanties. Alors qu’ils en étaient là, on annonça un homme approchant de l’enceinte par le sud. Son manteau était enroulé autour de lui et dans sa main droite il tenait un grand javelot sans pointe. À l’aide de cette hampe de javelot il sauta par-dessus les trois remparts, en se retrouvant d’abord au beau milieu de l’esplanade, ensuite au milieu du château,
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ensuite entre Mongan et le mur au chevet du lit. Le barde était au fond de la chambre devant le roi. La saisie était en cours dans la maison juste avant que le guerrier n’arrive.
« Qu’est-ce qui se passe ici ? » demanda-t-il.
« Moi et le barde ici-présent », dit Mongan « nous avons fait un pari à propos de la mort de Fothad Airgech. Il dit qu’il a été tué à Duffry dans le Leinster, et je dis moi que c’est faux ».
Le guerrier déclara que le barde avait tort.
« Il faut ???? » rétorqua le barde.
« Ni baa son », ol int oclach. « Proimfithir-bamar-ni lat-su, la Find », ol int oclach.
« Adautt ! » ol Mongan, « ni maith sin ! »
« Cela n’est pas exact, répliqua le guerrier, je vais le prouver. J’étais avec toi, c’est-à-dire avec Find ».
« Chut ! » dit Mongan, « cela n’est pas bien ! »
« Nous étions avec Find alors », poursuivit le guerrier inconnu. « Nous revenions d’Écosse. Nous avons rencontré Fothad Airgdech sur la rivière Larne. Là nous avons livré bataille. J’ai lancé sur lui mon javelot qui l’a transpercé puis s’est fiché en terre derrière lui en y laissant sa pointe en fer. Ceci est la hampe de la lance en question. La pierre à partir de laquelle j’ai lancé mon javelot existe encore, et la pointe en fer plantée dans la terre également, la tombe de Fothad Airgdech se trouve un peu à l’est. Sa pierre tombale (chloche) est sur lui à même la terre. Dessus il y a ses deux anneaux d’argent, ses deux bracelets ainsi que son torque d’argent. Et sur sa tombe il y a un pilier de pierre. De la terre jusqu’à l’extrémité de cette pierre il y a une inscription en runes oghamiques. Voici ce qu’elle disait : « Ci-gît Eochaid Airgdech. Caletios/Cailte m’a tué lors d’un combat contre Find ».
Ils suivirent le guerrier et trouvèrent tout ainsi qu’il l’avait dit. C’était Caletios/Cailte, le fils adoptif de Find, qui était venu.
Ba hé Find dano inti Mongan, acht nad leic a forndisse ??????????
Et Mongan c’était Find, même s’il ne voulait pas qu’on le dise ????????
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 29.
Samon (ios) = 1er novembre.
Beltene = 1er mai.
Vindos Camulogenos, Finn Mac Cumaill en gaélique, est un demi-dieu chef de la chevalerie errante des fénians. Nous y reviendrons.
Un cumal = 5 têtes de bétail de valeur moyenne.
Ba hé Find dano inti Mongan, acht nad leic a forndisse ??????????
Le nom de Mongan apparaît une fois, et seulement une fois, en formation complète : Mongan Find mac Fiachna Find : « Mongan le Beau, fils de Fiachna le Beau », et le surnom adjectival Finn (en graphie plus récente) signifie également « blanc ». Un seul fragment de ce texte, en tout et pour tout, affirme que Mongan est Find, fils de Cumall. C’est le deuxième, dans son titre, et dans le seul paragraphe 6, sans clarté excessive. Caletios/Cailté, le revenant, parle pour contredire Forgoll : « Proimfithir-bamar-ni lat-su, la Find, ol int oclach « (J’étais alors avec toi, c’est-à-dire avec Finn, dit le guerrier) et « Bamar-ni la Find tra, ol sé. Dulodmar di Albae » (j’étais avec Find et nous revenions d’Écosse).
Cela peut se comprendre comme une allusion sans équivoque à l’expédition de Fiachna Find en Écosse.
Puis, au paragraphe 7, nous lisons : « Ba hé Find dano inti Mongan acht nad leic a forndisse… » (Et Mongan c’était Find, même s’il ne voulait pas qu’on le dise).
N’y aurait-il pas eu en fait une confusion du surnom de Fiachna Finn et de Mongan Finn, avec le nom de Finn mac Cumail ?
Ce fragment d’histoire est agencé en vue de sa conclusion : l’identité de Finn et de Mongan. Le moyen en est l’entêtement du barde Forgoll qui commet une erreur, et refuse de l’admettre.
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Finn est né deux fois, et pendant sa seconde vie, où il s’appelait Mongan, il se rappelait la première, pendant laquelle son nom était Finn. Telle a été aussi l’histoire de Tuan mac Cairill. Le phénomène est identique à celui que nous offre Mongân conservant la mémoire de ce qu’il avait vu quand il était Finn.
Tûan et Finn sont dans la légende irlandaise des exceptions à la règle qui est la non-réincarnation.
Il n’est pas obligatoire ni même habituel qu’un mort naisse une seconde fois, et la réincarnation sur cette terre, de l’âme/esprit d’un défunt, n’est pas très courante, mais le fait est arrivé : il est possible. Surtout quand il s’agit de grands initiés désireux de venir en aide leurs frères humains restés sur terre : les semnothées druidiques appelés bodhisattvas en Extrême-Orient. Quant aux réincarnations pénalisantes elles sont encore plus rares, quelques cas par siècles d’âmes/esprits incapables d’aller plus loin que l’antichambre du Paradis et qui reviennent sur terre sous forme de bacuceos (par des sas de sortie du genre Donnotegia/Tech Duinn en Irlande, Anderodubno/Annwn au Pays de Galles, etc.)
De là les ressemblances que certains auteurs de l’Antiquité ont cru reconnaître entre les croyances druidiques et l’enseignement de Pythagore. Ils ont même prétendu que ces ressemblances allaient jusqu’à l’identité.
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L’AMOUR DE DUBLACHA POUR MONGAN.
Il y avait un autre guerrier régnant avec Fiachna Le Beau, à savoir Fiachna le Noir, fils de Deman, qui tenait beaucoup à cette co-souveraineté. Il eut une fille la même nuit, que l’on appela Dublacha à la main blanche, et Mongan ainsi que Dublacha furent fiancés l’un à l’autre. Quand Mongan fut âgé de trois nuits, Belin/Belen/Barinhus le mannois (de l’île de Man) arriva et l’emmena ensuite avec lui pour l’élever dans la terre de promesse, et déclara qu’il ne le laisserait pas revenir en Irlande avant l’âge de 12 ans.
Fiachna le Noir fils de Deman attendit l’occasion et quand il découvrit que Fiachna le Beau, fils de Baedan, n’avait avec lui qu’une petite troupe, il attaqua sa forteresse y mit le feu et la détruisit, tua Fiachna lui-même et s’empara de la royauté sur les Ulates par la force. Tous les hommes d’Ulidia voulurent que Mongan leur soit rendu à l’âge de six ans, mais Belin/Belen/Barinthus/Manannan ne le renvoya pas chez les Ulates avant qu’il ait eu seize ans révolus. Et ensuite il revint en Ulidia, et les Ulates firent la paix entre eux-mêmes et Fiachna le Noir, à savoir la moitié d’Ulidia pour Mongan et Dublacha comme épouse et femme en compensation pour son père. Ainsi fut fait.
Un jour que Mongan et sa femme étaient en train de jouer au tablut, ils virent arriver un petit moine (cleirchin) à toupet noir devant leur porte qui lui dit : « le silence dans lequel tu te complais, ô Mongan, n’est pas ce qui convient à un roi des Ulates, à savoir te venger de la mort de ton père sur Fiachna le Noir, fils de Deman, même si Dublacha peut trouver qu’il est mal de te conseiller cela. Car il n’a en fait avec lui maintenant qu’une petite troupe ; viens avec moi, brûlons sa forteresse et tuons Fiachna ».
Je ne sais pas très bien quel signe se cache dans ces paroles », ô moine, dit Mongan, mais j’irai avec toi ». Il en fut ainsi et Fiachna le Noir fut tué par eux. Mongan s’empara de toute la royauté d’Ulidia, le petit clerc qui avait commis cette trahison était le grand et puissant Belin/Belen/Barinthus/Manannan.
Les nobles Ulates furent convoqués par Mongan qui leur exposa ceci : « j’ai l’intention d’aller collecter des biens (faighde) de la part des rois de province, afin d’avoir de l’or et de l’argent et des richesses à redistribuer ».
« C’est une bonne idée » répondirent-ils. Et il partit faire la tournée des provinces d’Irlande jusqu’au Leinster. Le roi du Leinster à cette époque-là était Brandubh fils d’Echach. Il souhaita cordialement la bienvenue au roi des Ulates et ils couchèrent sur place cette nuit-là. Quand Mongan se réveilla le lendemain matin il aperçut cinquante vaches blanches aux oreilles rouges, ainsi qu’un veau blanc à côté de chaque vache, et dès qu’il les aperçut il tomba en extase devant. Le roi du Leinster qui l’observait lui dit : « tu es tombé amoureux de ce bétail, ô grand roi ».
« Ma parole », répondit Mongan, « à part le royaume d’Ulidia, je n’ai jamais vu quelque chose qui soit aussi désirable ».
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« Ma foi » répondit le roi du Leinster, « elles font concurrence à Dublacha, car c’est la plus belle femme qui soit en Irlande, et ce bétail est lui aussi le plus beau qui soit en Irlande, et je ne le donnerais pour aucune raison au monde excepté pour établir entre nous une amitié sans restriction aucune ».
Il en fut ainsi et chacun se lia d’amitié à l’autre. Mongan rentra chez lui et ramena les trois fois cinquante têtes de bétail avec lui. Dublacha lui demanda : « Quel est donc ce bétail, le plus beau que j’aie jamais vu et à qui appartient-il… ??? car personne n’en a jamais eu excepté… ????
Mongan lui raconta donc comment il avait eu ces vaches. Mais il ne s’écoula guère de temps avant qu’ils n’aperçoivent une immense armée arriver sur eux, et celui qui était à sa tête était le roi du Leinster en personne.
« Qu’es-tu venu chercher ? » demanda Mongan. » Car par ma foi, si ce que tu veux se trouve dans la province d’Ulidia, tu l’auras ».
« C’est le cas », répondit le roi du Leinster. « C’est pour te demander Dublacha que je suis venu ».
Un silence de mort s’abattit sur Mongan. « Je n’ai jamais entendu parler de quelqu’un ayant donné sa femme » dit-il enfin.
« Bien que tu n’en aies jamais entendu parler », dit Dublacha, « donne-la, car l’honneur est plus durable que la vie ».
« La colère s’empara de Mongan, mais il permit néanmoins au roi du Leinster de prendre Dublacha. Dublacha prit le roi du Leinster à part et lui dit : « sais-tu, ô grand roi du Leinster, que la moitié des hommes d’Ulidia seraient tombés pour moi si je ne t’avais pas déjà donné mon amour ? Mais par ma foi je ne partirai point avec toi tant que tu ne m’auras pas accordé ce que mes propres lèvres te demanderont ».
« Quelle est cette requête » demanda le roi du Leinster.
« Ta parole que tu la satisferas » dit-elle.
Le roi du Leinster donna sa parole, à condition que…????
« Alors », poursuivit Dublacha, « je désire que durant an nous ne passions pas la nuit sous le même toit, et que si dans le cours de la journée tu viens dans la même maison que moi, que tu ne t’asseyes pas sur la même chaise, mais sur une chaise en face de moi, car je crains des débordements de l’ immense amour que je t’ai voué, que tu puisses me haïr, et que je ne sois plus acceptée par mon propre mari ; mais si nous nous courtisons mutuellement pendant toute cette année-là, notre amour n’en diminuera pas pour autant ».
Le roi du Leinster donna sa parole de satisfaire à cette condition et il l’emmena dans sa maison, où elle demeura un certain temps. Et durant tout ce temps-là Mongan fut continuellement malade. La nuit où Mongan avait pris Dublacha comme femme, le fils du Daim avait, lui, épousé sa sœur de lait, qui était sa fidèle servante, et donc elle était partie dans le Leinster avec Dublacha. Aussi un jour le fils du Daim alla trouver Mongan dans sa maison et lui dit : « les choses vont mal pour toi, ô Mongan, désastreux a été le voyage que tu as fait dans la terre de promesse chez Belin/Belen/Barinthus le mannois (de l’Île de Man) puisque tu n’y as rien appris à part manger ou faire des sottises, et il est injuste pour moi que ma femme ait été emmenée dans le Leinster puisque moi je n’avais pas promis bêtement « amitié sans restriction aucune » avec l’intendant du roi du Leinster, comme tu l’as fait toi pourtant avec le roi du Leinster, tout en n’étant pas en mesure de suivre ta femme ».
Personne n’en pense pire que moi-même » répondit Mongan.
Et Mongan répondit au fils du Daim : « va donc à l’entrée (uaimh) de la porte où nous avons mis la hotte de ???? et mets y dedans une motte de la terre d’Irlande ainsi qu’une motte de la terre d’Écosse, afin que tu puisses me transporter de la sorte sur ton dos, car quand le roi du Leinster interrogera ses druides à mon sujet, ils lui répondront que j’ai un pied en terre d’Irlande et un pied en terre d’Écosse, et il pensera par conséquent qu’aussi longtemps que je serai comme cela il n’aura rien à craindre de ma part ».
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 30.
Dublacha signifie canard noir en gaélique.
Un petit moine. Le terme gaélique est formel : il se réfère bien à un état ecclésiastique chrétien. Mongan aurait donc été chrétien ou du moins aurait eu des contacts avec des chrétiens ??? Le rôle que ce texte fait jouer au grand dieu Belin/Belen/Barinthus spécialement vénéré dans l’île de Man à
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l’époque est en tout cas pour le moins étrange. Un énième trucage des textes originaux par les copistes chrétiens ??
Les druides du roi du Leinster… À en croire ce texte, le roi du Leinster aurait donc eu encore des druides à l’époque. C’est incompatible avec la suite du récit.
Le premier évêque officiel d’Irlande semble avoir été un dénommé Palladius, mort vers 431. Il aurait été envoyé en mission dans l’île par le pape Célestin 1er. Son nom est surtout associé avec le Leinster en particulier avec l’abbaye de Clonard dans le comté de Meath. Saint Patrice ne semble être arrivé que plus tard et avoir surtout opéré en Ulster.
Mais le grand tournant dans l’histoire religieuse de l’Irlande sera la bataille de Cul Dreimhne menée pour un psautier magique, le Cathach (censé donner la victoire à ses possesseurs) par les partisans de saint Colomban d’Iona en l’an 563 et l’assemblée ou synode de Druim Cett en 575 qui en vit le triomphe définitif (saint Colomban d’Iona y régla en effet le sort des vellèdes ou des derniers druides, de tendance plus littéraire que spirituelle).
La partie sera dès lors gagnée pour le christianisme même si des druides semblent avoir encore été tolérés à la cour du haut roi d’Irlande Domnall Hua Neill à la fin du Xe siècle (955-978). Du moins c’est ce que l’on peut déduire de l’existence à l’époque, dans le répertoire des grands « poètes » irlandais, de l’imbas forosnai du teinm loida et du dichetal do chennaib, pourtant interdits par saint Patrice (cf. l’histoire du pillage du château de Maelmilscothach par Errard Mac Coisé, un poète ayant vécu au Xe siècle).
N.B. Depuis l’invention du christianisme par l’empereur romain Constantin * les chrétiens en réalité ont toujours fait de la politique. Le pendant breton de la bataille de Cul Dreimhne est la bataille d’Arthuret/Ardderyd en 573 où Merlin perdit la raison suite à la mort de son protecteur et mécène le dernier roi païen de Grande-Bretagne (du Strathclyde plus précisément) appelé Gwenddoleu, vaincu par une coalition de princes chrétiens comme Rhydderch Hael, Peredur et Gwrgi d’York du parti de saint Kentigern/Mungo. Mais cela nous l’avons déjà vu.
* On peut d’ailleurs se demander si le grand rabbin nazaréen appelé Jésus crucifié avec deux complices zélotes dans la première moitié du premier siècle, n’en faisait pas lui aussi, de la politique (un soulèvement nationaliste contre Rome ???)
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Ils se mirent donc en route dans cet équipage. C’était le jour et le moment où avait lieu la fête de Mag-Liffe dans le Leinster. Ils arrivèrent dans la plaine de l’église de Chamain, et là ils aperçurent la foule et le roi du Leinster passant devant eux pour se rendre à la fête, ils le reconnurent au milieu de sa troupe.
« Malheur (truag) à nous, ô fils du Daim », soupira Mongan, « maudit soit le voyage qui nous a conduits jusqu’ici ».
Ils virent un saint homme (naemcléirech) passer devant eux, Tibraide, le curé de l’église de Chamain, les quatre évangiles (chetair soisgéla) dans sa main et le sac pour les transporter sur le dos d’un autre clerc cheminant à ses côtés : ils célébraient l’office. Un immense étonnement s’empara du fils du Daim en entendant ce que lisait le clerc et c’est pourquoi il interrogea Mongan à ce sujet : « Que fait-il ? »
Mongan répondit qu’il était en train de lire, et il demanda au fils du Daim s’il y comprenait un peu quelque chose.
« Je n’y comprends rien », répondit le fils du Daim, « à part que l’homme qui le suit répète « Amen, amen ! ».
Là-dessus Mongan fit apparaître une grande rivière coulant au beau milieu de la plaine juste devant Tibraide, avec un grand pont qui l’enjambait. Tibraide en fut si surpris qu’il commença de se signer. « C’est ici », s’exclama-t-il, « que sont nés mon père et mon grand-père, et je n’y avais jamais vu de rivière auparavant. Mais puisqu’une rivière y coule, c’est une bonne chose qu’il y ait un pont dessus ». Ils s’avancèrent donc sur le pont, mais quand ils furent arrivés au milieu, le pont s’évanouit sur leurs pieds, Mongan arracha les évangiles de la main de Tibraide et les jeta dans la rivière pour qu’ils soient emportés au fil de l’eau. Ensuite il demanda au fils du Daim s’il fallait les noyer.
« Oui, qu’ils soient tous noyés ! » répondit le fils du Daim.
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« Je n’en ferai rien », répliqua Mongan. « Nous les laisserons dériver au fil de l’eau sur une distance d’une lieue jusqu’à ce que nous ayons pu faire ce qu’il faut dans la forteresse ».
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 31.
Les quatre évangiles. Pourquoi quatre évangiles et pas trois ou cinq ? Nous reviendrons sur l’élaboration progressive du canon chrétien et notamment sur les raisons qui ont conduit les premiers évêques à retenir en plus des trois synoptique un évangile presque gnostique, celui de Jean.
Le sac pour les transporter sur le dos d’un autre clerc. L’intention de cette remarque est claire : Tibraide abandonne à un compagnon la tâche la plus lourde, la plus pénible, la plus ingrate, et se réserve la plus légère, la plus glorieuse, l’ostension du livre sacré. Une telle liberté de ton, presque licencieuse, envers la religion, le sacré ou ses prêtres, est pour le moins surprenante.
Vu les dates il n’est donc pas impossible de penser que Mongan et le Fils du Daim aient pu être baptisés, donc devenus apostats par la suite vu leur comportement du moins dans cette histoire. Ce n’est pas l’hypothèse que nous retenons, mais enfin même si cela était… la liberté d’opinion en matière religieuse doit être totale. Chacun doit être libre d’embrasser la religion qu’il veut, ou aucune, voire plusieurs à la fois. Sur ce point nous sommes entièrement d’accord avec le grand druide que John Toland. Chacun doit avoir le droit de penser ce qu’il veut de telle ou telle religion, voire de toutes les religions. Et des apostats, heureusement qu’il y en a eu dans l’Histoire d’ailleurs, sinon Abraham et Mahomet n’auraient pas existé (Abraham est bien le premier des apostats, non ???).
Il est vrai que des apostats de ce genre (Abraham Mahomet) l’Humanité s’en serait bien passée !
Nous recommandons néanmoins à nos lecteurs de respecter les autres cultes ou les autres religions… dans l’exacte mesure où ces autres cultes ou religions respectent les nôtres, c’est-à-dire respectent le paganisme philosophique et réfléchi ainsi que ses pratiques (à part celle du sacrifice humain bien entendu, qui ne correspond plus à rien dans l’évolution de l’Humanité d’aujourd’hui) surtout quand, comme dans le cas de l’islam et notamment du pèlerinage à La Mecque, elles sont d’origine païenne.
Contrairement à ce qu’affirme Richard Webster dans son essai sur le blasphème publié en 1990, la revendication d’une liberté extrêmement étendue dans la critique des convictions les plus chères aux gens n’est pas l’expression d’un fondamentalisme symétrique au fondamentalisme religieux. C’est au contraire une forme supérieure de respect de la personne humaine en même temps que la condition du progrès de la civilisation.
La tolérance doit être le respect des individus, mais pas celui des idées ou des croyances. La liberté d’expression s’applique même et surtout aux idées qui heurtent, choquent ou inquiètent. La jurisprudence a justement déclaré anticonstitutionnelle en 1952 l’interdiction du court-métrage « le Miracle » de Roberto Rossellini, un film pourtant jugé « blasphématoire » par certains chrétiens.
Il peut par définition exister des monothéismes philosophiques et réfléchis inclusifs, au dieu supérieur non « jaloux », mais voilà, ils ne sont pas « Abrahamiques », ils sont aryens (des Indes).
Bhagavad-Gita 9.23-24 à propos des cultes rendus aux divers dieux (c’est l’être supérieur qui parle).
« Quant aux fidèles d’autres divinités qui, en toute bonne foi, les adorent, en réalité c’est Moi, fils de Kuntî, qu’ils honorent, mais ils le font d’une manière erronée. Je demeure néanmoins le seul objet ou bénéficiaire de tous ces sacrifices ».
Dit autrement, si par hasard, on adore d’autres divinités, c’est en fait quand même l’être supérieur que l’on adore.
Dans les religions monolâtres de masse par contre la condamnation du blasphème est un thème central depuis le Lévitique : expulse du camp celui qui blasphème. Ceux qui l’entendent doivent lui mettre la main sur la tête et tout le monde doit le lapider. Dis aux israélites : « quiconque maudira Dieu devra en porter la responsabilité ; quiconque blasphèmera le nom du Seigneur devra être mis à mort. On devra le lapider. Que ce soit un étranger ou un membre du peuple qui blasphème son nom devra être mis à mort ! »
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Et la sentence sera régulièrement exécutée au fil des siècles. Voir en Angleterre la pendaison de l’Écossais Thomas Aikenhead et en France le supplice du chevalier de La Barre. En Iran, conformément à la loi islamique en vigueur depuis la révolution de 1979, les condamnés pour apostasie encourent la peine capitale. Et en 2011, l’apostasie était toujours passible de la peine de mort chez nos alliés de l’Arabie saoudite.
Une religion absurde (credo quia absurdum) conduit toujours à délimiter un domaine sacré exclusif du domaine profane. Et la protection de ce domaine sacré se caractérise toujours par un système d’interdits ou de tabous. Il est interdit par exemple de penser que « Dieu est cruel et injuste », ou encore de dire que « l’Homme a fait Dieu à son image ».
Il est interdit de déclarer comme l’a fait Brennus à Delphes que « les dieux, étant riches, ils doivent être généreux envers les hommes » ou que « les dieux n’ont pas besoin de richesses, accoutumés qu’ils sont à plutôt les prodiguer aux mortels »… (Justin livre XXIV, chapitre VI).
Des centaines de théonymes dans le panthéon druidique, 360 divinités dans la Kaaba de la Mecque au temps de Mahomet, il y en avait donc pour tous les goûts. Dans le polythéisme antique, les cas d’apostasie devaient se limiter au glissement vers un certain hénothéisme. Mais à la suite de quel désordre mental, de quelle folie, de quelle aberration des sens et de l’esprit, peut-on imaginer un seul instant que son dieu, le dieu que l’on adore, est le seul l’unique, et que les formes du culte qu’on lui voue lui agréent au lieu de l’indisposer, sont les seules à lui être agréables ?? L’agnosticisme, un agnosticisme discrètement teinté de panthéisme, est la seule réaction raisonnable en la matière.
Mongan arracha les évangiles de la main de Tibraide……… Pourquoi cet acharnement de Mongan contre les chrétiens??
Tentons une explication.
Il se moque des prêtres et des chrétiens parce qu’il a sans doute très nettement conscience de la supériorité intellectuelle et morale de sa spiritualité ou de sa weltanschauung par rapport à celle des nouveaux venus.
Le druidisme, comme toutes les grandes religions, a en effet beaucoup réfléchi sur le véritable défi que constituent l’infinie diversité ou complexité de l’action et de la présence du divin dans le monde. Car si l’être des êtres est bien Un et unique, sa manière d’agir dans le monde est par contre complexe voire déroutante. Il est à la fois, selon la théologie druidique, immanent et transcendant, manifesté et latent.
La théologie druidique s’est d’ailleurs évertuée à en dénombrer les attributs, d’où ces centaines de théonymes relevés dans les inscriptions. Ces théonymes sont autant d’attributs d’un dieu plus grand les englobant tous.
La religion indo-européenne tout comme les diverses religions néolithiques voire le druidisme primordial, est incontestablement un polythéisme au départ. Dans ce druidisme originel, les dieux sont souvent invoqués par groupes (triades) ou tour à tour. Les druides primordiaux ont donc commencé par être plus sensibles à la multiplicité des forces qui agissent dans le monde qu’à leur unité. Cependant dans toute cette démarche perçait déjà la réflexion sur le fondement de l’être ou du cosmos.
« De toute façon, non seulement les druides, mais aussi tous les autres disent que les âmes humaines [psychas en grec], ainsi que l’univers, sont indestructibles, mais qu’un jour le feu et l’eau prévaudront sur eux » (Strabon, géographie, livre IV, chapitre IV, 4).
L’essence ultime de l’univers est à rechercher dans un principe unique, source dont l’univers dérive par matérialisation successive et sans perte d’énergie. La réflexion druidique lui donnera plus tard un nom, le bitos, l’être un et multiple à la fois, l’Absolu-au-delà-duquel-il-n'-y-a-plus-rien, et que les druides à partir du VIe siècle avant notre ère assimileront à une âme cosmique universelle d’où sort la matière par émanation ou condensation. Car la matière sort de l’esprit tout comme la vie sort de la mort. La pensée druidique est une pensée paradoxale qui fonctionne beaucoup par oxymore.
Le druidisme est donc un monothéisme, mais pas une monolâtrie de type sémitique ou abrahamique, un monothéisme vrai, philosophique et réfléchi, de type inclusif (la notion de dieu jaloux est inconnue du druidisme).
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Il n’y a qu’une seule divinité, mais ses manifestations sont multiples ce qui entraîne donc que dans la spéculation druidique, il n’y a pas d’antinomie entre Dieu et les dieux. Le rapport entre Dieu et les dieux est un rapport de procession. Les dieux procèdent de l’Être des êtres comme le Saint-Esprit procède de Dieu comme les anges procèdent de Dieu.
Certaines écoles druidiques rejettent entièrement l’utilisation cultuelle des images, d’autres professent que l’image est de l’ordre du savoir inférieur, qu’elle participe de l’illusion qui nous fait prendre pour absolus des phénomènes relatifs (car tout est relatif) et que la seule conception valable est celle d’un être des êtres suprême impersonnel, dénué d’attributs, non représentable figurativement.
Mais la majorité des écoles druidiques considèrent l’utilisation cultuelle des images comme appartenant bien au registre de la pédagogie spirituelle initiatique.
Contrairement au judéo-islamo-christianisme et à l’exception des quelques écoles théologiques citées plus haut, la méditation sur l’être des êtres à partir de ses représentations figurées y semble considérée comme parfaitement légitime.
L’adoration de l’être supérieur ou être des êtres varie suivant que l’on voit l’être des êtres avec ou sans ses attributs. Toutefois l’essence de cet être supérieur n’est pas matérielle, même si elle est représentée dans le bois, la pierre ou en peinture.
Il va sans dire que l’adoration de l’être des êtres sous sa forme incarnée c’est-à-dire représentée sous forme figurée n’est pas une pratique monolâtre. L’image ne représentant bien entendu qu’un aspect de l’être supérieur, puisqu’il est impossible de représenter le divin dans sa globalité.
L’interprétation des dieux et de leur rôle varie selon les Écoles druidiques, mais n’aboutit jamais à un rejet absolu.
Si les divinités n’ont pas été à l’origine même de la procréation de notre univers ou bitos (elles ne font qu’organiser le chaos primordial) elles détiennent par contre un certain pouvoir d’intercession : elles peuvent être psychopompes. Cette conception du monde ou weltanschauung implique l’existence d’un panth-éon hiérarchisé où le culte est adressé non pas directement à l’être des êtres, mais à des divinités inférieures liées à lui néanmoins d’une façon ou d’une autre, comme les anges saints ou prophètes.
Pour l’École druidique quasiment athée des Celtibères cependant – « Certains disent que les Galiciens n’ont pas de dieu, mais que les Celtibères et leurs voisins au nord offrent des sacrifices à un dieu sans nom, chaque pleine, lune, la nuit, devant les portes de leurs demeures, et que toute leur maisonnée danse alors en chœur la nuit entière (Strabon, géographie, livre III, chapitre IV, 16) – les dieux ne sont que des hypothèses servant à justifier le rituel, selon d’autres Écoles druidiques par contre les divinités sont des aspects de l’être des êtres unique et renvoient en fait à leur principe ultime : l’âme universelle..
Bref, la meilleure des comparaisons ou le meilleur des rapprochements afin de comprendre quelle pouvait être la spiritualité de Mongan ce n’est nullement avec le pythagorisme comme le soutiennent bêtement de nombreux néo-druides, mais avec le déisme bouddhiste voire avec le monothéisme hindou.
La Bhagavad-Gita (11.43) affirme, elle aussi, comme la Bible ou le Coran, mieux même, que l’être des êtres est seul de son espèce : « Tu es le père de toute cette manifestation cosmique, son chef et son maître spirituel digne d’adoration. Personne ne t’égale, ni ne peut être un avec toi, dans les trois mondes ta puissance est incommensurable ».
L’expression sanscrite est presque mot pour mot la même que l’expression coranique : « Dieu est le seul et l’unique » (112,4). Toutefois, la Bhagavad-Gita tout comme le druidisme ne tire pas de cette affirmation les mêmes conclusions que le judéo-islamo-christianisme, à savoir :
1) que la dénomination le qualificatif ou l’appellation de dieu (deivos) ne peut être accordé à aucune autre entité que l’être supérieur.
2) qu’aucun culte ne peut être rendu légitimement et valablement à un autre que lui, à sa place.
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Dans la Bhagavad-Gita, le terme qui désigne les dieux (deva) s’applique aussi à l’être des êtres, qui est simplement l’Adideva (10 ,12), le « Urgott », le Dieu primordial, dont tous les autres sont les manifestations, le culte qui leur est adressé l’est donc en fait à lui. Voir ci-dessus.
Le rapport entre l’être des êtres et les dieux n’est donc pas un rapport de rivalité ou d’exclusion et de jalousie, mais un rapport d’inclusion. Nous sommes là en présence de deux mondes mentaux différents : les êtres humains qui sont spirituellement sémites (Pie XI), les êtres humains qui sont spirituellement indo-européens.
Deux autres exemples, qui sont autant de repères nous le montrent.
Dans les religions druidiques, l’être supérieur, l’être des êtres, n’est jamais considéré comme un juge suprême ou en dernier ressort. L’homme étant une parcelle de sa personne, Dieu se jugerait alors lui-même. Ce serait donc là une absurdité. Selon l’ensemble des théologies celtes nous subissons seulement toujours personnellement, les conséquences de nos actes dans cette vie, par une sorte de justice immanente. Et il n’y a pas d’intervention consciente de l’être des êtres dans ce processus.
Dans la spiritualité druidique, l’attitude du fidèle qui réfléchit est celle d’un hôte empressé accueillant chez lui ou plutôt en lui un invité d’honneur, pas celle d’un esclave ou d’un serviteur, mais pour être apte à accueillir le divin en lui, cet adorateur doit d’abord s’élever au même niveau. Il le fait au moyen d’une transmutation rituelle quasiment alchimique : la méditation.
Mais comme l’homme ne peut toutefois prétendre accueillir le divin dans tous ses aspects, vu les limitations propres à sa nature, le fidèle se concentre donc sur un aspect particulier de l’être des êtres, celui qui est représenté par l’image ou la statue devant lui et qui lui sert de support de méditation.
Au terme de ce processus, l’homme est néanmoins entièrement rempli par le divin. Deux résultats sont ainsi atteints :
1) Ainsi est réalisée pour le fidèle la possibilité de communiquer avec le divin sur le même plan : l’adorateur s’étant élevé au même plan que l’être des êtres il peut l’accueillir en lui sous l’un de ses aspects.
2) Ainsi sont aussi réunies les conditions requises pour l’adoration de l’image divine, puisque l’être supérieur s’y est aussi localisé. L’image est devenue l’être des êtres sous l’un de ses aspects. L’adoration non localisée de l’être des êtres ne peut être le fait que de ceux qui ont atteint le stade ultime de la spiritualité. Bien qu’étant omniprésent, l’être supérieur doit en effet être localisé pour pouvoir être adoré, à cause des limitations inhérentes à notre nature humaine.
La vénération de l’image divine en fin de compte n’est par conséquent qu’une adoration du divin par lui-même, un dialogue entre deux manifestations du même Dieu, puisque de par le rituel Dieu est simultanément présent dans l’adorateur et dans l’image divine.
Mongan étant un philosophe de tempérament guerrier (un peu comme Mahomet pour ses adorateurs * d’ailleurs) il ne pouvait donc qu’être très dur envers la sous-culture intolérante des premiers chrétiens irlandais. CQFD. Du moins telle est l’hypothèse que nous avançons en ce qui nous concerne pour expliquer l’anti-christianisme viscéral de ce récit.
* Cf le dogme musulman de l’isma.
Lieue. Le terme gaélique est le mot d’origine latine mile, qui signifie « mille ». Le mille romain valait mille pas. Chaque pas représentant deux enjambées d’un légionnaire moyen. Le mille romain mesurait donc environ 1 482 mètres. Au sens strict du terme, la « lieue » valait un mile romain et demi.
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Mongan prit l’apparence de Tibraide et donna au fils du Daim l’apparence du clerc, qui avait une grande tonsure sur la tête, et qui portait une sacoche sur son dos. Ensuite ils allèrent à la rencontre du roi du Leinster qui souhaita la bienvenue à Tibraide et l’embrassa.
« Il y avait longtemps que je ne t’avais pas vu, ô Tibraide », dit-il, « lis-nous l’évangile et marche devant nous jusqu’à la forteresse. Que Ceibhin Cochlach mon valet de char, aille avec toi. La reine, la femme du roi des Ulates, est là et voudrait se confesser à toi ». Ensuite pendant que Mongan lisait l’évangile, le fils du daim disait « Amen, amen ! » Le cortège qu’ils n’avaient jamais vu un prêtre n’ayant qu’un seul mot à la bouche à l’exception de ce clerc ; car il ne disait rien d’autre qu’amen, amen.
Mongan arriva devant la forteresse dans laquelle se trouvait Dublacha et celle-ci le reconnut. Le fils du Daim s’exclama : que tout le monde sorte de la maison afin que la reine puisse se confesser ». Mais sa servante et sœur de lait eut néanmoins le toupet de rester. Le fils du Daim la prit dans ses bras et cria que personne ne devait rester avec la reine à part la femme qui était avec elle. Ensuite il ferma le solarium (grianan) derrière eux ainsi que les fenêtres de verre fuindeog glaine) et prit sa femme dans un lit, mais pas avant que Mongan n’eut pris avec lui Dublacha. Mongan s’assit à côté d’elle et lui donna trois baisers, ensuite il la prit avec lui dans son lit et obtint d’elle tout le plaisir qu’il recherchait. Mais quand cela fut terminé, la vieille sorcière préposée à la garde des bijoux, qui était dans un coin, se mit à parler, car personne n’avait remarqué sa présence jusque-là. Mongan souffla aussitôt sur elle en se servant de ses pouvoirs magiques (anal draidheachta), si bien qu’elle ne se rappela plus très bien ce qu’elle avait vu.
« Tout ceci est bien triste », d’exclama donc la vieille, ne me prive pas du ciel, ô saint homme, car ce que j’ai dit est faux, et accepte mon repentir, car j’ai en fait été victime d’une vision mensongère, et j’aime beaucoup mon fils adoptif ».
« Viens ici, vieille sorcière ! » s’exclama Mongan, « et confesse-toi donc à moi ».
La vieille se leva et Mongan fit apparaître un clou très pointu dans la chaise. La vieille s’assit sur la pointe et en mourut.
« Sois béni pour cela, ô Mongan », dit la reine, « c’est une bonne chose pour nous que tu aies tué cette femme, car elle aurait sûrement raconté tout ce que nous avons fait ».
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 32
Mongan souffla aussitôt sur elle en se servant de ses pouvoirs magiques. Il est clair qu’il s’agit là d’un phénomène d’hypnose ; technique apparemment très connue des anciens druides puisque la formule gaélique est « anal draidheachta ». Il existe des centaines, voire des milliers de techniques pour hypnotiser un sujet, et certaines sont brèves et directives : « Dormez ! », d’autres plus suggestives et donc progressives. Les choses deviennent évidemment plus compliquées en cas d’hypnose collective.
L’hypnose traditionnelle est basée sur la suggestion. La personne face à l’hypnotiseur subit des injonctions verbales, visuelles et corporelles. L’hypnose peut amener une personne, un groupe ou une foule, à des comportements divers comme rire, pleurer, crier, prendre différentes postures ou faire certaines choses, selon la suggestion de celui ou celle qui dirige la séance. Aujourd’hui encore, les hypnotiseurs de spectacle qui réussissent à endormir une salle entière relèvent de cette école. Il ne faut pas confondre l’hypnose avec les diverses techniques de l’illusion (escamotage et ainsi de suite) utilisées par les prestidigitateurs faisant leur métier honnêtement, c’est-à-dire nous offrant un spectacle capable de leurrer nos sens sans qu’il y ait rien de surnaturel, ni de divin, ni même de diabolique dans tout cela. Que des « trucs ». Mais enfin leurrer ou abuser nos sens et notre cerveau, sa façon d’exploiter les informations, n’est-ce pas déjà l’essence même de la vraie magie ??
Voir à ce sujet les trucs d’illusionnistes ou d’hypnotiseur de Moïse à la cour de Pharaon (Exode chapitre 8).
Il faut dire qu’il y avait à l’époque en Égypte de grands experts en illusion, Jannés et Jembrès par exemple. On a d’ailleurs retrouvé différents dispositifs de trucage dans certains temples.
Il n’en demeure pas moins que le plus vraisemblable est que Moïse lui-même soit une illusion, un mythe, un personnage encore moins historique que Mongan, car rien dans tout cet épisode de l’Histoire (des Hébreux) n’est corroboré par l’archéologie.
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La grande archéologue française Christiane Desroches Noblecourt a écrit un jour « Il est absurde, d’une part, de prendre le texte biblique pour un document historique, d’autre part d’inverser l’importance des protagonistes : Israël n’est mentionné qu’une seule fois sur une stèle de Mérenptah, alors que le mot Égypte est utilisé 680 fois dans la Bible… Les allusions à l’Égypte dans la Bible servent essentiellement à nourrir l’histoire interne des Hébreux, en donnant un vague décor à certains épisodes, et sont sans rapport avec ce que l’histoire actuelle enseigne ».
Car deux données positives ou négatives sur la non-historicité du récit biblique ont été apportées par l’archéologie.
Il a été démontré que l’esclavage n’existait pas en Égypte, et que cet aspect du récit biblique est donc, d’emblée, lui aussi, non historique.
Il y a aujourd’hui consensus sur la conquête militaire de Canaan (elle n’a pas eu lieu) et sur les premiers israélites (date, lieu et nombre), une population dont l’importance en nombre est incompatible avec le retour massif en Canaan d’esclaves hébreux vivant en Égypte.
Sous Akhénaton (inventeur du monothéisme de type exclusif et donc non inclusif), les lettres d’Amarna décrivent Canaan vers 1350 avant notre ère : les basses terres sont contrôlées par des cités-États dans lesquelles se trouvent des garnisons égyptiennes. Les hautes terres sont partagées en territoires peu peuplés, dimorphes (une partie de la population étant sédentaire et une partie nomade). Le roi de Jérusalem, Habdi-Heba se plaint des méfaits, sur son territoire (quelques hameaux s’étendant de Béthel à Beersheba) de l’ethnie Shasou et des Apirou. Il réclame de l’aide à l’Égypte. Des conflits de territoires l’opposent à Shouwardata, souverain de Gat, la cité-État de la plaine côtière. Ces textes nous donnent, on le voit, une connaissance détaillée des cultures qui existent vers 1350 avant notre ère en Canaan : aucune mention n’est faite de la culture des Hébreux, ce qui montre que les Hébreux ne vivent pas en Canaan à l’époque des lettres d’Amarna.
« On présente généralement l’exode comme la migration massive de tous les ancêtres d’Israël. Un examen détaillé des traditions anciennes révèle qu’il ne s’agissait primitivement que des ancêtres de la tribu d’Ephraïm et d’une partie de celle de Manassé, installés autour du sanctuaire de Silo. Les fouilles de cette région révèlent qu’elle était très peu peuplée vers 1200 avant notre ère (environ 3 800 habitants ?). C’est dire que le groupe hébreu sorti d’Égypte ne devait pas être nombreux : de quelques centaines à un millier environ ».
Mais selon le récit biblique, la fuite concerne 600 000 hommes, sans compter les enfants. Pour Donald B. Redford, responsable des fouilles de Mendès dans le delta, ce chiffre est aberrant ou impossible, car, à l’époque, la population de l’Égypte est estimée à 2 800 000 personnes : pareille fuite aurait donc laissé une saignée impossible à masquer dans le pays. D’autant plus que ce ne sont pas 600 000 individus qui auraient quitté le pays, mais 600 000 familles, ce qui représente un nombre beaucoup plus important de personnes.
De nombreux scribes égyptiens sont attachés à l’armée. À leur tête se trouve le « superviseur des scribes de l’armée ». Amenhotep (fils de Hapou), qui remplit cette fonction sous Amenhotep III, précise : « J’ai levé les impôts de mon seigneur, mon calame a compté les nombres parmi les myriades… J’ai levé des recrues, et j’ai mis les contingents en ordre de marche pour punir les étrangers dans leurs places… tout en exerçant la surveillance des mouvements des Bédouins ».
Les archives sont gardées, dans la capitale, par l'« archiviste en chef des dossiers militaires ». Chaque compagnie, chaque caserne, chaque fort a son scribe. Cette multiplicité des sources permet même, dans certains cas, de fournir une version quelque peu différente de la version officielle. C’est ainsi que la cruauté exceptionnelle de Mérenptah vis-à-vis des habitants du pays de Koush (certains habitants furent brûlés vifs devant les leurs, d’autres eurent leurs deux mains coupées, d’autres eurent les oreilles et les yeux enlevés) nous est connue par un vice-roi. Si un accrochage de grande ampleur avait eu lieu entre l’armée égyptienne et des fugitifs hébreux, il est difficile, compte tenu de cette multitude de scribes, de penser qu’aucune trace n’en soit restée.
Certains intellectuels objectent qu’il dut s’agir effectivement d’un épisode mineur de l’histoire égyptienne et même du Proche-Orient, qu’il n’y a donc pas de raison il est vrai qu’il en soit fait mention par les Égyptiens.
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Oui, mais alors où est l’épopée, où est l’affrontement avec le pharaon, où est l’intervention spectaculaire de Dieu Tout Puissant dans tout ça ?
Le récit biblique ne donne pas de date, mais il donne des indications permettant d’estimer à quel moment l’événement se serait produit. Le calcul conduit autour de 1450 avant notre ère. Or à cette date, comme aux dates antérieures, la Palestine est sous contrôle militaire égyptien (garnisons) : il est difficile d’échapper au contrôle militaire en Égypte en se réfugiant en Palestine, puisque le contrôle militaire y est aussi présent. Comme ce contrôle ne disparaît que vers 1300 avant notre ère, il est impossible que les Hébreux aient pu conquérir Canaan, à la fin du bronze tardif, avant cette date.
Les lettres d’Amarna le montrent aussi : le petit roi de Jérusalem Abdi-Heba, mis en place par le pouvoir égyptien, n’est pas un Hébreu.
Sur l’itinéraire qu’auraient emprunté les Hébreux, le récit biblique de l’Exode est flou (comme sur la date). Ce flou n’est pas dû à une mauvaise technologie : l’Égypte maîtrise, depuis très longtemps, la localisation des lieux géographiques avec une grande précision, y compris dans le désert : les puits décrits ont été retrouvés et les itinéraires égyptiens sont très bien identifiés. Le désert a la propriété de conserver intacts les débris de poterie qui lui sont confiés. Après avoir fouillé la région au moyen de la technique de prospection de surface, les archéologues ont trouvé des traces de vie à différentes époques, antérieures ou postérieures à l’époque de Ramsès II, mais rien à l’époque de son règne (la même technique a pourtant permis d’identifier et de compter 45 000 personnes disséminées sur les hauts plateaux de Canaan). Les fouilles de l’oasis de Qadesh-Barnea (celle de la Bible) ont démontré qu’il n’y a pas eu de séjour de population entre 1300 et 1200 avant notre ère.
Les villes de la conquête de Canaan telles que Jéricho et Aï sont identifiées depuis longtemps, leurs sites en révèlent les vestiges et on sait désormais dater les constructions et les destructions de façon précise (notamment grâce aux récents progrès de la datation au carbone 14). On sait donc établir scientifiquement si, oui ou non, il y a eu dévastation d’une région par une conquête militaire. Or, les archéologues sont désormais unanimes : il n’y a pas eu de conquête militaire de Canaan. Les destructions de cités s’échelonnent dans la durée sur plus d’un siècle et demi (et non pas dans le temps court du récit biblique).
Suite aux prospections de surface entreprises en 1990, il est maintenant établi par l’archéologie que les premiers israélites sont apparus à partir de 1200 avant notre ère sur les hautes terres. Cette sédentarisation d’un groupe de population est conforme à l’inscription sur la stèle de Mérenptah. Cette population, qui continue la culture cananéenne de l’époque précédente, est évaluée selon Israël Finkelstein à 45 000 personnes vers -1000 au moyen des méthodes habituelles de l’archéologie. On estime la population en multipliant le nombre d’hectares de chaque site par un coefficient, 250 personnes par hectare pour les estimations de Finkelstein, ce qui conduit à 60 000 personnes pour la population des hautes terres à l’Âge du Fer I. Ce chiffrage suppose que tous les sites sont occupés en même temps, et que la qualité de l’estimation dépend de l’exactitude des surfaces estimées ainsi que du bon choix du coefficient multiplicateur (la méthode ne peut fournir qu’un ordre de grandeur). Un chiffre aussi faible, même imprécis, réduit à néant toute possibilité que ces israélites soient les descendants d’une population importante d’Hébreux venus d’ailleurs, par exemple d’Égypte. Le développement progressif de cette population, depuis les tout premiers israélites de 1200 avant notre ère, peut être suivi jusqu’à l’époque des rois David et Salomon et au-delà (il n’y a pas consensus par contre sur certaines datations des grandes constructions que l’on a jadis attribuées un peu vite, à Salomon).
Si la découverte a été accueillie en 1990 avec un certain scepticisme, elle n’est maintenant plus contestée sérieusement et il y a consensus, parmi les archéologues, sur le lieu, sur la date et sur le nombre.
L’histoire réelle de la population des israélites commence vers 1200 avant notre ère, c’est celle dont l’archéologie trouve la trace : le récit biblique des Hébreux en Égypte, du retour de cette population nombreuse en Canaan, de leur conquête militaire, de leur installation et de leur devenir en tant qu’israélites est sans rapport avec ce que l’archéologie démontre.
Cette découverte du très petit nombre des premiers israélites prouve la non-historicité du retour en Canaan d’une population importante d’exilés (il est prouvé qu’il n’y a pas eu d’arrivée en Canaan d’une population importante en nombre).
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Contrairement à ce que l’on peut encore lire trop souvent, on sait, depuis Champollion, que l’esclavage stricto sensu n’existait pas en Égypte. Christiane Desroches Noblecourt a souligné ce point depuis l’exposition Toutankhamon de 1967 à Paris, sans parvenir à le faire prendre en compte par l’intelligentsia française.
La pratique du système des travaux forcés (corvée) – à laquelle était soumise la population dans son ensemble-permettait l’obtention périodique de journées de travail au bénéfice de l’État, de l’administration ou des temples, et rendait par là inutile le recours à l’esclavage. »
Les grands travaux étaient faits par des hommes libres. Les ouvriers de Deir el-Médineh, bâtisseurs de la vallée des rois n’étaient pas des esclaves, mais des petits fonctionnaires choyés par le pharaon et bénéficiant d’un logement individuel. Un texte de Ramsès II, adressé aux ouvriers de la région d’Héliopolis, ne laisse aucun doute sur la façon dont ces ouvriers étaient choyés. Les 20 000 ouvriers bâtisseurs de la pyramide de Khéphren, détenteurs d’une technicité très avancée, n’avaient rien d’esclaves et ils étaient bien traités. L’esclavage en Égypte ne sera introduit que par les Grecs, à Alexandrie, et il le sera alors massivement.
Les hommes non libres, qu’ils soient prisonniers de guerre ou condamnés de droit commun, relèvent administrativement des structures institutionnelles et sont dotés de leurs pleines capacités juridiques. Selon le Dictionnaire de l’Antiquité, « Ils disposaient en effet d’un état civil, de droits familiaux et patrimoniaux ; ils pouvaient contracter, ester et témoigner en justice, et ils étaient même fiscalement responsables, ce qui élimine d’emblée tout statut d’esclave les concernant. Les prétendus contrats de « ventes d’esclaves » que l’on trouve à la basse époque ne sont, si l’on rapproche ces transactions de leur contexte, que des cessions portant sur du travail et des services temporaires, préalablement évalués et quantifiés et pouvant aussi faire l’objet d’un droit d’utilisation transmissible dans le cadre des successions… L’exclusion qui caractérise l’esclavage n’a pas sa raison d’être dans une société qui pratiquait au contraire l’intégration à tous les niveaux.
Rappelons en outre que la main d’œuvre étrangère disposait des mêmes droits que la main d’œuvre égyptienne.
Origine du vrai Dieu unique universel.
« Pays des Shasou » est un toponyme désignant la région montagneuse de Se'ir (Edom) située à l’est de la vallée de l’Arabah. Il apparaît plusieurs fois dans les documents égyptiens : il figure notamment sur une liste dans le temple de Soleb construit par Amenhotep III (1391/1390-1353/1352 avant notre ère. L’un de ces 6 toponymes est « Yahweh, au pays des Shasou ». Les listes du temple de Soleb étant établies à partir de documents du XVe siècle, le toponyme « Yahweh, au pays des Shasou » remonte à cette époque. Le terme shasou semble avoir été une sorte de synonyme de Bédouins nomades. Les Égyptiens les distinguaient des Apirou (= Hébreux ?? les points d’interrogation s’imposent). Ce qui est certain en tout cas c’est que l’archéologue Donald Redford, dans son essai consacré à l’Égypte à Canaan et à Israël à l’époque antique, fait de Yahweh un petit dieu païen édomite. À nos lecteurs de se faire leur propre idée, car tout cela n’est pas très clair. Encore moins clair que les aventures de Mongan.
La question est donc : comment peut-on fonder sur une imposture la croyance en un Dieu de justice d’amour et de vérité, universel ??? L’action de Dieu dans le monde aurait été plus efficace s’il avait choisi pour cela le peuple égyptien au lieu du peuple hébreu puis juif.
Il est temps de voir ce qu’est en réalité ce récit biblique, une longue propagande haineuse et raciste destinée à susciter ou entretenir la méfiance ou la rancœur des habitants du royaume de Juda contre l’Empire égyptien son incommensurablement puissant voisin. Une propagande inventée dans le courant du 7e siècle avant notre ère sous le règne du roi de Juda Josias (2 chroniques 34, 14 ; 2 rois 22, 8).
Notre religion à nous n’étant qu’une religion de la vérité (fir), il fallait que ces choses-là soient dites.
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Ils entendirent alors que l’on frappait à la porte et voilà qu’apparut Tibraide lui-même, ainsi que trois fois neuf hommes avec lui. Les portiers s’exclamèrent : « Nous n’avions jamais vu autant de Tibraide que cette année-ci. Nous avons un Tibraide à l’intérieur et un Tibraide à l’extérieur.
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« C’est vrai », s’exclama Mongan. « Mongan est venu revêtu de mon apparence », sortez vite et je vous récompenserai, que tous ces prêtres soient tués, car ce sont des gentilshommes de Mongan qui se sont métamorphosés en clercs ».
Tous les hommes de la maison sortirent donc et attaquèrent les clercs, deux fois neuf d’entre eux succombèrent. Le roi du Leinster alla trouver ses hommes pour leur demander à quelle expédition ils prenaient part.
« Mongan est venu », répondirent-ils, « en ayant revêtu l’apparence de Tibraide », mais [le vrai] Tibraide est dans la place.
Le roi du Leinster les chargea donc lui aussi, mais Tibraide réussit néanmoins à gagner l’église de Chamain, et aucun des neuf hommes restants ne put en réchapper sans blessure.
Le roi du Leinster revint dans sa maison et alors Mongan en sortit. Le roi demanda : où est Tibraide ??
« Ce n’est pas Tibraide qui était là », répondit la femme « mais Mongan, puisque tu veux le savoir ».
« Étais-tu avec Mongan, femme ? » demanda-t-il.
« Oui », répondit-elle, « car c’est lui qui a le plus de droits sur moi ».
« Que l’on fasse venir Tibraide », dit le roi, « car nous avons failli tuer ses gens ».
Et Tibraide leur fut amené, Mongan rentra chez lui et y demeura tout un quartier de lune, mais dans le plus grand abattement.
Le fils du Daim alla le retrouver et lui dit alors : « il m’est très pénible d’être privé de ma femme à cause d’un bouffon comme toi, car moi je n’ai pas promis « une amitié sans restriction » à l’intendant du roi du Leinster ».
« Va de ma part », répondit Mongan « à la forteresse de Descirt en Bregia où se trouve Dublacha aux blanches mains afin d’avoir de ses nouvelles, car je suis incapable d’y aller moi-même ».
Sur ce Dublacha déclara : « Que Mongan vienne me voir, car le roi du Leinster est en tournée dans le pays, mais Ceibhin Coblach, celui qui s’occupe du char du roi, est avec moi. Il n’arrête pas de me dire de fuir, et qu’il partira lui aussi avec moi. Mongan ne réagit pas aussi vigoureusement qu’il faudrait », dit-elle. C’est ainsi que le fils du Daim alla donc encourager Mongan à faire quelque chose.
Mongan se rendit dans la forteresse de Descirt en Bregia, et s’assit à côté de la fille. Un jeu de tablut en or leur fut apporté, ensuite ils se mirent à y jouer. Dublacha se dénuda les seins devant lui, et quand Mongan jeta un œil dessus, il contempla ses deux grands tétons qui étaient doux et blancs, avec fin sillon d’un blanc éclatant au milieu. Et le désir de posséder une femme s’empara de lui. Dublacha s’en aperçut. Ce fut juste à ce moment-là que le roi du Leinster ainsi que toute son armée arrivèrent et on ouvrit donc la forteresse devant lui. Le roi du Leinster demanda ensuite à la fille si Mongan était venu dans la maison. Elle répondit que oui.
« Je voudrais que tu m’accordes une requête, ô femme », dit le roi du Leinster
« Je t’accorderai tout ce que tu veux à part d’être avec moi-même avant la fin de l’année, il n’y a rien que tu puisses me demander que je ne puisse t’accorder »
« Alors s’il doit en être ainsi », dit le roi « dis-moi quand tu te languiras de Mongan fils de Fiachna, car quand Mongan sera parti, tu te languiras de nouveau après lui » ?????????????
À la fin dudit quartier [de lune] Mongan rentra chez lui. Toutes les troupes de la place étaient présentes à ce moment-là, mais elles sortirent et Mongan tourna donc le dos à la forteresse pour regagner sa maison. Mais durant tout ce quartier [de lune] là, il fut plongé dans la plus grande langueur. Les nobles ulates se réunirent en un même lieu et offrirent à Mongan de batailler pour le salut de sa femme.
« Par ma foi » dit Mongan, la femme qui m’a été enlevée à cause de ma propre folie, aucun fils de femme des hommes d’Ulidia ne tombera pour elle en la libérant, je ne la ramènerai avec moi qu’en me servant de mon habileté personnelle ».
L’année s’écoula ainsi, et Mongan ainsi que le fils du Daim se mirent en route pour le château du roi du Leinster. Il y avait là tous les nobles du Leinster qui se rendaient sur place et un grand festin était en train d’être préparé pour le mariage de Dublacha. Aussi se promit-il de la reprendre avant. Ils arrivèrent sur la pelouse à l’extérieur du château.
« Hé Mongan », demanda le fils du Daim, « sous quelle forme allons-nous y pénétrer cette fois-ci ? »
Alors qu’ils en étaient là, ils aperçurent la vieille sorcière du moulin, à savoir Cuimne. Elle était aussi grande qu’un métier à tisser ??? il y avait une grande chaîne à chien fixée à la meule, et elle avait une corde tressée autour du cou. Elle s’appelait Brothar. Ils aperçurent également une jument de somme (gerran banmaircech) avec un vieux bât sur elle, transportant du blé ainsi que de la farine du moulin.
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Quand Mongan les aperçut, il dit au fils du Daim : « j’ai trouvé sous quelle forme nous allons nous y rendre, et si je suis jamais destiné à regagner ma femme, alors ce sera cette fois-ci ».
« Puisse cela te convenir, ô noble prince » [répondit le fils du Daim].
« Ô fils du Daim, va donc dire à Cuimne du moulin de sortir me parler ».
« Cela fait bien trois fois vingt ans [répondit Cuimne] qu’aucun homme n’a jamais demandé à ce que je parle avec lui ».
Elle sortit, le chien sur ses talons, et quand Mongan les vit tous les deux, il éclata de rire, puis il lui dit : « Si tu acceptes de suivre mon avis, je pourrai te métamorphoser en jeune fille, et tu pourras être ma femme ou celle du roi du Leinster ».
« Je le ferai certainement », répondit Cuimne.
Mongan donna un coup de baguette magique au chien, qui fut métamorphosé en un petit chien de compagnie blanc et racé, le plus mignon qui soit au monde, avec une chaînette en argent autour du cou et une clochette en or, si petit qu’il aurait pu tenir dans la main d’un homme. Et il donna aussi un coup [de baguette magique] à la vieille qui fut métamorphosée en jeune fille, la plus belle du monde pour ce qui est de la silhouette, à savoir Ibhell aux joues brillantes, la fille du roi du Munster. Lui-même revêtit la forme d’Aedh, le fils du roi du Connaught, et quant au fils du Daim il lui donna l’apparence de son intendant. Ensuite il fit apparaître un palefroi au blanc éclatant et à la crinière pourpre, et du bât il fit une selle dorée ornée de pierres précieuses. Ils montèrent deux autres juments métamorphosées en coursiers fringants et c’est dans cet équipage qu’ils se présentèrent devant les portes de la forteresse.
Les portiers les aperçurent et dirent au roi du Leinster que c’était Aedh le Beau, fils du roi du Connaught et son domestique, avec sa femme Ibhell aux joues brillantes, fille du roi du Munster, exilé ou banni du Connaught, qui était venu se placer sous la protection du roi du Leinster, et qui n’avait pas voulu venir avec une plus grande troupe ou escorte. Les huissiers les annoncèrent et le roi vint à leur rencontre, afin de leur souhaiter la bienvenue. Le roi du Leinster demanda au fils du roi du Connaught de venir se mettre à côté de lui. « Ce n’est pas la coutume chez nous » répondit le fils du roi du Connaught [selon la coutume chez nous] prend place au côté du roi celui qui en est le plus digne dans le château, mais comme après toi dans cette maison c’est moi le meilleur, j’irai donc m’asseoir à côté du roi ».
La salle des fêtes fut préparée. Mongan insuffla un charme d’amour (blicht serce) sur les joues de la vieille sorcière, et dès le premier regard que le roi du Leinster jeta sur elle il en fut si amoureux, que pas un de ses os ayant au moins la taille d’un pouce n’y échappa. Il appela son domestique et lui dit : « Va là où se trouve la femme du fils du roi du Connaught, dis-lui que le roi du Leinster lui voue un grand amour et qu’un roi vaut toujours mieux qu’un prince héritier »
Mongan entendit ce qu’ils murmuraient et dit à Cuimne : « un domestique va venir de la part du roi du Leinster avec un message pour toi, mais je connais déjà le contenu de ce message secret qu’il t’apporte, et si tu voulais suivre mon avis, tu ne seras pas la femme d’un homme moins bien que moi ou que le roi du Leinster ».
« Si je comprends bien je n’ai pas le choix du marié, un de vous deux sera mon époux ».
« S’il doit en être ainsi », répondit Mongan, « quand il sera venu à toi, réponds-lui que c’est par ses cadeaux et ses pierres précieuses que tu sais qui t’aime, et demande-lui la corne à boire avec laquelle il vient te servir ».
Le serviteur du roi du Leinster vint donc parler à la fausse Ibhell et lui dit : « Voici une noble corne à boire pour toi ».
« C’est par ses cadeaux et ses pierres précieuses que nous savons qui nous aime », répondit la fausse Ibhell.
Et le roi du Leinster murmura donc à son serviteur : « Donne-lui ma corne ». Mais les gens de la maison du roi lui dirent : « Ne donne pas tes trésors à la femme du fils du roi du Connaught ».
« Je lui donnerai », répondit le roi du Leinster, « car la femme et mes trésors vont me revenir ».
Ensuite le fils du Daim enleva la corne, ainsi que tous les trésors qu’elle put obtenir ainsi durant la nuit.
Ensuite Mongan dit à Cuimne : « Demande au roi du Leinster sa ceinture ». Cette ceinture était ainsi faite que ni maladie ni malaise ne pouvait toucher celui qui la portait. Et donc elle demanda la ceinture, et le roi du Leinster la lui donna. Le fils du Daim la lui enleva des mains aussitôt.
« Et maintenant dit au serviteur du roi du Leinster, que même si on te donnait le monde [entier] que tu ne quitterais pas ton mari légitime pour lui ».
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Le serviteur répéta ceci au roi du Leinster qui s’exclama : « Cad ara fuil bhar n-aire ? ».
« Êtes-vous dans la maison… ? » répondirent-ils.
« Vous savez qui est la femme à mes côtés, à savoir Dublacha aux blanches mains, la fille de Fiachna Le Noir fils de Deman. Je l’ai eue aux termes d’une promesse « d’amitié sans restriction aucune » et si tu le veux je l’échangerai avec toi ».
Colère et fureur semblèrent alors s’emparer de Mongan qui s’écria : « Si j’étais venu avec des chevaux et des étalons, tu pourrais me les demander. Néanmoins, il ne convient pas de refuser à un seigneur… ???? et bien que j’en sois révulsé qu’il en soit ainsi. Prends là donc avec toi ».
Après avoir procédé à cet échange, Mongan donna trois baisers à la fille et lui dit : « on pourrait penser que nous ne procédons pas sincèrement à cet échange si je ne te donnais pas ces trois baisers ». Ensuite ils se laissèrent aller jusqu’à devenir ivres et tout joyeux.
Ensuite le fils du Daim se leva et s’écria : « C’est une grande honte que personne ne mette de la boisson dans la main du fils du roi du Connaught ». Et comme personne ne lui répondit, alors il prit les deux meilleurs coursiers qu’il y avait dans la forteresse, et Mongan leur conféra la vitesse du vent. Il mit Dublacha derrière lui, et le fils du Daim fit de même avec sa propre femme, et ils s’en allèrent.
Quand au petit matin la maisonnée du roi du Leinster se leva, ils virent le manteau de la vieille sorcière, ainsi que la grande et vieille sorcière aux cheveux blancs dans le lit du roi. Ils virent le chien avec la chaîne autour de son cou, et la jument de somme avec son bât… ??? Les gens se mirent à rire et réveillèrent le roi du Leinster, qui découvrit la vieille à côté de lui et lui demanda : « es-tu la vieille sorcière du moulin aux cheveux gris dans le dos ? »
« Oui », répondit-elle.
« Quelle honte pour moi d’avoir ainsi dormi avec toi, ô Cuimne ! »
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 33.
Mongan se rendit dans la forteresse de Descirt en Bregia… Ce passage n’est pas très clair. On se demande en effet comment Mongan peut pénétrer aussi facilement au cœur même de la forteresse de son pire ennemi sans être repéré hormis par Dublacha. C’est aussi étrange ou obscur que certains passages (nombreux) de la Bible ou du Coran.
Baguette magique. Nous reviendrons dans une de nos leçons sur la magie dans la religion.
Tout en précisant bien que nous ne mettons en aucune façon en cause ici les professionnels du monde du spectacle qui font honnêtement leur métier en utilisant d’innombrables trucs destinés à tromper notre cerveau par diverses illusions comme Robert-Houdin et son émule Houdini.
Nous verrons que, comme dans le cas des célèbres magiciens égyptiens évoqués par le texte biblique rédigé sous le roi de Judah Josias au septième siècle, l’hypnose en explique une grande partie.
Notons également que les premières magies au sens strict du terme étaient partie intégrante de la religion. Les mages perses par exemple étaient tout simplement les prêtres des Mèdes.
Les évolutions des connaissances scientifiques, qui donnent des explications aux phénomènes comme la foudre, les mouvements des planètes, ou les réactions chimiques (alchimie égyptienne de Bolos de Mendès), ont progressivement réduit la croyance aux pouvoirs de la magie.
La pratique de la Magie repose sur la croyance que l’esprit humain est tout-puissant sur le monde qui l’entoure et qu’une pensée déterminée, bien orientée, bien concentrée, peut se concrétiser, influer sur les choses et les êtres. Mais comment cette concrétisation de la pensée serait-elle possible ? Selon les esprits matérialistes et la plupart des savants, il s’agit d’un phénomène physiquement impossible et dépourvu de fondement scientifique. Selon les magiciens, un pouvoir ou une force secrète servirait de truchement entre le monde mental et le plan de la réalité physique. La Magie est, en effet, présentée par ses adeptes comme l’utilisation d’un pouvoir ou d’une force pour influencer une cible donnée (le praticien lui-même, une tierce personne, une collectivité, une chose). Les adeptes de la Magie contemporaine définissent ainsi le rôle des pratiques magiques : mettre en action cette fameuse force ou ce pouvoir pour influencer la destinée d’une cible. La connexion peut être facilitée par des accessoires, ou des ingrédients.
Juifs chrétiens et musulmans partagent cette attitude anti-scientifique en cultivant l’idée que démons et anges – les dieux ?- peuvent intervenir dans les affaires de ce monde, avec la bien commode
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permission de Dieu – du destin ?- qui « en pratiquant la politique du laisser-faire » démontre de la sorte son immense et tout puissant pouvoir (du moins aux yeux des croyants).
Il existe néanmoins des nuances dans cette mentalité magique des juifs des chrétiens et des musulmans.
Certains judéo-islamo-chrétiens mettent aussi au rang de ces moyens magiques l’intervention directe de Dieu en personne (le Diable n’étant censé agir lui, comme les simples démons, qu’avec la permission de Dieu). D’autres admettent l’efficacité magique des sacrements ex opere operato.
Les chrétiens admettent aussi comme moyens magiques, l’intercession des saints voire de la Vierge Marie.
Les musulmans récusent les pouvoirs magiques des saints ou de la Vierge Marie, mais ajoutent les djinns à la panoplie du magicien et admettent l’intercession de Mahomet (en faveur de Mahomet).
Les pouvoirs de l’esprit sur le corps sont indéniables (effet placebo, hypnose, hallucinations), mais quid du reste ? Nous reviendrons sur ce sujet dans une autre leçon.
Colère et fureur semblèrent alors s’emparer de Mongan. Ce récit a tout d’une comédie satirique du type maître et valet. Molière en France s’en serait régalé. Mongan feint donc d’être très en colère afin de ne pas éveiller les soupçons.
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RETOUR SUR L’ANTI-CHRISTIANISME VISCÉRAL DU RÉCIT.
Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 34.
Il a existé un Mongan historique en Irlande au VIIe siècle. Un fils du roi des Dal n’Araide d’Ulster, ayant participé à la bataille de Degsastan en 603 aux côtés du roi de Dal Riata nommé Aedan Mac Gabrain (Aedan Mac Gabrain y fut vaincu par le roi de Bernicie Ethelfrith. N.B. Situation peu commune, le Dal Riata était un royaume à cheval sur l’Irlande du Nord et l’Écosse).
On pardonnera au simple amateur que je suis de ne pas trouver grand-chose d’historique dans toutes ces histoires et nous traiterons donc ce personnage de légende comme s’il était plutôt un demi-dieu ou un grand initié (en alchimie et en hypnose).
Mongan apparaît en effet dans toutes ces légendes comme une sorte de chaman ayant divers pouvoirs hypnotiques : métamorphose, illusion, et ainsi de suite, généralement attribués aux dieux ou démons.
Il est notamment capable d’apparaître en esprit à des centaines de kilomètres de son domicile. « En esprit » étant d’ailleurs une façon de parler, car son double, en l’occurrence, est capable de ressentir les sensations physiques les plus charnelles (voir ses visites à Dubhlacha dans le château du roi de Leinster).
La légende est datée par l’événement qu’elle relate ou qui lui sert de point de départ, c’est-à-dire de la fin du VIe ou le début du VIIe siècle. Et c’est là tout le paradoxe : élaborée ou mise en forme au temps du christianisme irlandais le plus neuf et le plus expansionniste, le plus fort spirituellement et intellectuellement, la légende de Mongan est d’essence préchrétienne. Elle met en scène des personnages mythologiques ou mythiques dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne sont pas récupérables par le christianisme, sans un effort visible et laborieux parfois, de conciliation, d’adaptation, ou de syncrétisme. On a fait dialoguer Mongan avec saint Colomba d’Iona – Colum Cille – par exemple, mais la réussite n’est pas manifeste sur le plan de l’Histoire, laquelle reste du mythe travesti.
La bataille de Degsastan en 603, n’est pas une légende replacée dans l’Histoire, c’est un fait historique intégré à une légende. Il est donc vain de traiter cette légende comme de l’Histoire, et les correspondances avec les annales irlandaises, quelles qu’elles soient, n’ont qu’une maigre valeur d’approximation. Le Mongan historique, quasi inconnu et christianisé à outrance, est beaucoup plus insignifiant que ses contemporains anglo-saxons. Disons en bref, pour donner une première esquisse du personnage, que Mongan, sans être un dieu-ou-démon lui-même, est un fils de dieu-ou-démon. Et qu’il a le don de métamorphose, ce qui le situe en dehors de l’Histoire ordinaire. Nous le voyons vivre quelques mésaventures qui survenaient aux rois d’Irlande, et dont les dieu-ou-démons eux-mêmes n’étaient pas exempts : il se bat, perd sa femme, puis la regagne ; il échappe de justesse à la malédiction d’un barde et tourne en ridicule son collègue du Leinster après avoir été sa dupe.
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Certaines variantes du Lebor na hUidre ainsi que du Livre jaune de Lecan intitulées « une histoire de Mongan » ou « Les événements qui ont été rapportés à propos du récit du délire extatique de Mongan » (« scél Mongàn inso » et « Tucait baile Mongan inso ») ; soulignent les relations étroites et suivies de Mongan avec l’Autre Monde. C’est d’ailleurs sans doute pourquoi Kuno Meyer les a publiées, en annexe, après son étude sur la navigation de Bran fils de Fébal.
L’indication d’un rallongement du temps est caractéristique d’un séjour dans le monde des dieu-ou-démons. L’anecdote est comparable à celle de Conn reçu par la fée souveraine d’Irlande dans le récit intitulé Baile in Scail (le délire extatique du fantôme).
Un fragment de la Navigation de Bran fils de Fébal publié dans le même livre par Kuno Meyer (et pour commencer d’ailleurs, les légendes sur Mongan ne figurant qu’en annexe) nous apporte quelques précisions supplémentaires sur Mongan et son pouvoir de métamorphose (pages 24 et 26 : quatrains 53 et 54) qui peuvent étayer la thèse de d’Arbois de Jubainville sur le parallélisme des cas de Tuan et de Mongan.
Il sera sous la forme de toutes sortes d’animaux
À la fois marins et terrestres
Ce sera un dragon devant les troupes à l’assaut
Ce sera un loup dans toutes les grandes forêts.
Ce sera un cerf doté de cornes d’argent
Dans le pays où vont les chars
Ce sera un saumon tacheté dans un lac débordant
Ce sera un phoque, ce sera un beau cygne blanc.
Malheureusement, rien dans le texte de la Navigation de Bran édité par Kuno Meyer ne spécifie que ces possibilités de métamorphose ont consisté en états prolongés, mais aussi successifs, autrement dit en métempsycoses. Et comme d’autre part la vie de Mongan est limitée dans le temps (cinquante ou cent ans, selon la strophe) et qu’aucun passage n’offre un exemple de métamorphose animale ; force nous est de conclure que la faculté de Mongan de revêtir une autre apparence que la sienne est héritée de Belinos Barinthus (Manannan). Tous les gens de l’Autre Monde ont le pouvoir de changer ainsi.
Le parti pris anti chrétien est évident dans la construction de cette intrigue, complexe. Certes, au début du VIle siècle, toute l’Irlande était déjà chrétienne – au moins en principe – y compris l’Ulster, et les oppositions provinciales n’étaient pas religieuses, à supposer qu’elles l’aient jamais été. Mais cet anti-christianisme, à tendance ironique ou littérairement satirique, est déjà une explication, partielle, du personnage de Mongan, fort peu romantique, qui est…
— Fils du dieu-ou-démon Belinos Barinthus (Manannan) comme Cuchulainn est le fils du dieu-ou-démon Lug.
— Doué du pouvoir de métamorphose comme le maître magicien qu’est son père divin.
— Finn revenu sur terre sous un autre nom pour une seconde existence.
L’apparition du clergé chrétien, dans un récit préchrétien, n’est pas une « interpolation » due à une influence monastique ou une maladresse de la transcription. Elle fait partie intégrante de l’argument : Mongan et son serviteur ont la surprise d’arriver dans une province convertie au christianisme. Ils utilisent cette circonstance aux dépens du nouveau clergé. La légende n’est pas chrétienne et, là où le christianisme apparaît, très superficiellement, sans aucune manifestation de foi ou de vie spirituelle, c’est à travers l’antagonisme de deux provinces.
— L’Ulster, fidèle aux anciens dieu-ou-démons.
— Le Leinster, converti au christianisme.
Mais ces chrétiens ne sont pas meilleurs que les autres malgré leurs prétentions. Voir la présentation des personnages, en particulier du roi de Leinster, dont les avances sexuelles grossières et directes n’inspirent ni bienveillance ni sympathie. Et même le cocher du roi chrétien ne vaut guère mieux.
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Dubhlacha est en butte aux avances du cocher du roi du Leinster, dont la cour apparaît ainsi comme manquant de la vertu et du respect les plus élémentaires.
Les chrétiens ne sont pas meilleurs que les autres et leurs prêtres (exemple le curé Tibraide) sont d’incorrigibles naïfs dénués de toute jugeote. Mongan a donc bien eu raison de jeter au loin les Quatre Évangiles.
Il ne faut pas en tirer néanmoins de trop hâtives conclusions sur les Celtes d’Irlande.
Si l’on en croit la légende, le roi Cunocavaros/Conchobar, lui, est mort de colère en apprenant le procès puis la crucifixion du Christ.
Il faut dire qu’il y avait de quoi, lorsque l’on entend le récit qu’en a fait l’Évangile selon saint Jean.
« Le grand-prêtre interrogea Jésus sur ses disciples et sur ce qu’il enseignait. Jésus lui répondit : « J’ai parlé ouvertement au monde ; j’ai toujours enseigné dans les synagogues et dans le temple, où viennent tous les juifs, et je n’ai jamais rien dit en secret. Pourquoi m’interroges-tu ? Interroge ceux qui ont écouté ce que je leur disais, ils savent ce que j’ai dit ».
Après qu’il eut dit cela, un des gardes qui se tenait à ses côtés frappa Jésus en disant : » est-ce de cette manière que tu réponds au grand prêtre ? »
Jésus lui répondit : « si j’ai mal parlé, explique où est le mal, mais si j’ai bien parlé, alors pourquoi me frappes-tu ? »
…………………………………………………………………………………………………………………………………………
Pilate lui répondit : « Qu’est-ce que la vérité ? » Ensuite après avoir dit cela il ressortit afin de parler aux juifs et leur dit : « je ne l’ai pas trouvé coupable de quoi que ce soit. Mais comme la coutume est que je relâche quelqu’un pour vous à Pâque, voulez-vous que je relâche pour vous le roi des juifs ?
Mais ils se mirent de nouveau à crier en disant : « Pas lui, mais Barabbas ». Or Barabbas était un brigand.
Alors Pilate fit prendre et flageller Jésus.
Les soldats lui tressèrent une couronne d’épines et la mirent sur sa tête, ils le revêtirent d’un manteau de pourpre ; et ils se mirent à venir vers lui en lui disant : « salut, roi des juifs » ensuite ils le giflaient.
……………………
Aussi quand Pilate eut entendu ces paroles, il fit amener Jésus dehors, et prit place sur le siège du tribunal au lieu-dit le Dallage, en hébreu Gabbatha. Or c’était le jour de la préparation de Pâque, aux environs de la sixième heure. Et il demanda aux juifs : « voici votre roi ! »
Mais eux s’écrièrent : « Qu’on en finisse avec lui ! Qu’on en finisse avec lui ! Crucifie-le ! »
Pilate leur répondit : « Dois-je crucifier votre roi ? »
Les grands prêtres répondirent : « nous n’avons d’autre roi que César ».
………………………
Pilate fit graver une inscription et la fit mettre sur la croix. Il y était écrit : JÉSUS LE NAZORÉEN LE ROI DES JUIFS.
Aussi de nombreux juifs purent lire cette inscription, car l’endroit où Jésus fut crucifié était non loi de la ville, et en outre elle était rédigée en hébreu en latin et en grec.
Les grands prêtres juifs dirent à Pilate : n’écris pas LE ROI DES JUIFS, mais fais mettre qu’il a dit « Je suis le roi des juifs ».
Un vrai Celte comme le roi Conchobar ne pouvait qu’être écœuré par un tel acharnement de la part des juifs (sic) de ce temps et de ce lieu ; vu la totale injustice de la situation (gifler pour un oui ou un non un prisonnier qui ne peut se défendre…)
N.B. Nous reviendrons néanmoins dans une autre leçon sur ce passage des quatre évangiles qui, comme beaucoup d’autres, semble avoir été complètement truqué par les premiers chrétiens. Il n’existe par exemple aucune trace d’un Barabbas ayant réellement existé à part un… Jésus Barabbas (dans l’évangile selon saint Matthieu chapitre 27,16-17. Mais ce prénom de Barabbas est en général discrètement gommé ou censuré par les publications chrétiennes).
Notre seule religion à nous étant celle de la vérité il faut que ces choses-là soient dites.
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LA NAVIGATION DE BRAN FILS DE FÉBAL AINSI QUE SON EXPÉDITION CI-DESSOUS (EXTRAITS).
Immram Brain Maic Febail ocus a echtra andso sis.
« Il s’agit de cinquante quatrains que la femme venue de pays inconnus a chantés au milieu de tout le monde dans la maison de Bran fils de Fébal, alors que sa maison royale était pleine de rois, qui ne savait pas d’où la femme était venue, puisque les remparts étaient clos ».
Ce récit (une soixantaine de strophes) est généralement considéré comme appartenant au genre des Echtra tout en contenant des éléments propres aux Immrama. Il date du VIIIe siècle. Les manuscrits en sont éparpillés un peu partout : Lebor na hUidre (livre de la vache brune) Leabhar Buidhe Lecain (livre jaune de Lecan) collection Egerton, etc.
Cette légende contient une longue description de l’autre monde des morts et des dieux élaborée puis mise en circulation par les druides antiques (dont les vellèdes ou file constituaient une branche) afin de ne pas laisser de place à la peur de la mort dans l’esprit de leurs croyants. On y retrouve les descriptions habituelles à toutes les spiritualités de haut niveau puisque directement comparables à celles de la terre pure occidentale de la béatitude (boudhakshetra Soukhavati en sanscrit) du bouddha nommé d’Amitabha, un monde merveilleux, pur, parfait, dépourvu du mal, de souffrance et d’ennuis. Mais avec une touche d’érotisme en plus.
Il s’agit peut-être du modèle initial de la navigation de saint Brendan.
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Ceci est le commencement de l’histoire. Un jour que Bran se promenait seul dans le voisinage de son château, il entendit de la musique derrière lui. Chaque fois qu’il se retournait pour regarder, c’était toujours derrière lui qu’était la musique. Il finit par tomber endormi en entendant cette musique tellement elle était douce. Quand il sortit de son sommeil, il vit près de lui une branche d’argent tellement fleurie qu’il était difficile de distinguer les fleurs de la branche elle-même. Alors Bran ramena la branche dans sa maison royale. Quand tout le monde fut dans la maison royale, ils virent une femme aux vêtements étranges au milieu de la salle. Ce fut elle qui chanta ces cinquante quatrains à Bran, et tout le monde put entendre et voir cette femme.
Qui chanta donc ceci :
1.
Voici une branche du pommier d’Emain
Je te l’apporte, elle est comme les autres que l’on connaît
Elle a des rameaux d’argent
Des sourcils (abrait) de cristal avec des fleurs.
2.
Il est une île lointaine
Autour de laquelle brillent des chevaux de mer
En faisant une belle course contre les vagues blanches d’écume,
Quatre piédestaux la supportent.
3.
Délice pour les yeux, et glorieuse étendue,
Telle est la plaine sur laquelle jouent des foules entières :
118
La barque affronte le char
Dans la plaine méridionale de Findargat
4.
Des piédestaux de bronze blanc la supportent
En resplendissant de beauté à travers les siècles
Un magnifique pays tout au long des âges du monde
Sur laquelle pleuvent de nombreuses fleurs.
5.
Il y a là un arbre antique avec ses fleurs
Sur lequel des oiseaux appellent à chaque heure qui passe
C’est une harmonie qui ne leur fait jamais défaut
D’appeler en chœur toutes les heures.
6.
Des splendeurs de toutes les couleurs brillent
Tout au long de la plaine aux agréables murmures.
La joie est habituelle agglutiné autour de la musique,
Dans la plaine méridionale d’Argatnél.
7.
Inconnus sont les pleurs ou la traîtrise
Dans cette terre familière cultivée
Il n’y a rien de grossier ni de rude
Mais seulement une douce musique enchantant l’oreille.
8.
Ni chagrin, ni peine, ni mort,
Ni maladie, ni infirmité,
Voilà la marque d’Emain
Rarissime est semblable merveille
9.
Beauté d’un pays merveilleux,
Dont tous les aspects sont aimables,
Dont la vue est celle d’une magnifique contrée
Incomparable en est sa brume.
10.
Quand on aperçoit cette Aircthech (Terre de Bonté ?)
Sur laquelle pleuvent les pierres de dragon et les cristaux
La mer lave ses vagues contre cette terre
Une chevelure de cristal tombe de sa crinière.
11.
Il y a des richesses et trésors de toutes les couleurs
Dans Ciuin (Terre de douceur ?) , une fraîche beauté
Qui écoute une douce musique
Et boit le meilleur vin.
12.
Il y a des chars d’or sur la plaine de Réin
Qui montent avec la marée vers le soleil,
Des chars d’argent dans la plaine de Mon (du sport ?)
Et de bronze sans défaut.
13.
Des coursiers d’or jaune sont là sur la pelouse
D’autres coursiers de couleur pourpre
D’autres encore avec de la laine sur le dos
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De la couleur du ciel tout bleu.
14.
Au lever du jour viendra
Un bel homme éclairant la plaine ;
Il chevauche sur la belle plaine battue par les flots,
Il agite l’océan jusqu’à ce qu’il soit comme du sang.
……………………………
……………………………
23.
Il y a trois fois cinquante îles lointaines
Dans l’Océan à l’ouest ;
Deux fois plus grande que la verte Erin
Est chacune d’elles, ou trois fois.
24.
Une grande naissance arrivera un jour après des siècles d’attente,
Cela ne surviendra pas en un noble lieu,
Le fils d’une femme dont le compagnon sera inconnu,
Il règnera sur des milliers d’hommes.
25.
Un règne qui n’aura ni commencement ni fin,
Il a créé le monde de sorte qu’il est parfait
À lui appartiennent la terre et la mer,
Malheur à celui qui encourra sa disgrâce !
26.
C’est lui qui a fait les cieux
Heureux celui qui a un cœur pur,
Il purifiera des armées entières de son eau rédemptrice
C’est lui qui guérira tous vos maux.
…………………………………
Il ne s’écoula guère de temps avant qu’ils n’atteignent la Terre des femmes. Ils aperçurent leur princesse dans le port. La princesse de ces femmes leur dit : Viens mettre pied à terre ici, ô Bran fils de Fébal ! Bienvenue est ton arrivée !
Bran ne s’aventura nullement à mettre un pied sur le rivage. La femme lança une pelote de fil à Bran en pleine figure. Bran arrêta la balle avec sa main, mais elle resta collée dans sa paume. Le fil de la pelote était dans la main d’une femme, et elle tira le bateau vers le port. Là-dessus ils pénétrèrent dans une grande maison, dans laquelle il y avait un lit pour chaque couple, c’est-à-dire trois fois neuf lits. La nourriture qui était déposée dans leur assiette n’en disparaissait jamais. Il leur sembla qu’ils étaient restés là rien qu’une année, mais il arriva que ce fût beaucoup plus. Nístesbi nach mlass. Car il y en avait pour tous les goûts ???
Le mal du pays s’empara de l’un d’entre eux, Nechtan le fils de Collbran. Ses parents n’arrêtèrent pas de prier Bran de repartir en Irlande avec lui. La femme leur rétorqua que leur départ les attristerait beaucoup. Ils s’en allèrent pourtant et la femme leur dit que pas un d’entre eux ne devrait toucher terre, mais qu’ils devaient passer voir l’homme qu’ils avaient laissé dans l’île de la Joie et le prendre avec eux.
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Ils naviguèrent ensuite jusqu’à ce qu’ils arrivent devant un rassemblement qui avait lieu à Srub Brain. Les gens demandèrent à leur propos qui donc était venu ainsi de par-delà les mers.
Bran leur dit : « Je suis Bran le fils de Fébal », mais l’autre lui répondit : « Nous ne connaissons personne de ce nom bien que le périple de Bran fasse partie de nos anciennes histoires ».
L’homme sauta hors du bateau, mais à peine eut-il touché la terre d’Irlande qu’il fut immédiatement transformé en un petit tas de cendre, comme s’il avait été enterré depuis de nombreux siècles. Ensuite Bran chanta le quatrain suivant :
« Grande fut cette folie pour le fils Collbran
Que de lutter contre le temps
Sans que personne n’ait ondoyé d’eau pure
Nechtan le fils de Collbran ».
Bran raconta donc alors ses errances en mer aux participants à cette réunion du début jusqu’au jour de leur arrivée en ce lieu. Il écrivit ces quatrains en runes oghamiques et ensuite leur fit ses adieux. À ce jour personne ne sait ce qu’il est devenu du reste de ses errances en mer.
FINIT. FIN.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 35.
Et boit le meilleur vin. cf. Coran sourate 47 verset 15 et sourate 83, verset 25 : « ils auront à boire du vin pur, cacheté, dont le cachet sera de musc… coupé avec de l’eau de Tasnim ».
Plaine de Mon. Le terme gaélique fait surtout référence à l’habileté physique.
Une grande naissance arrivera un jour après des siècles d’attente. Évidente interpolation chrétienne puisqu’il s’agit vraisemblablement d’une allusion à Jésus le Nazaréen. Mais enfin nous sommes habitués à tous ces trucages de la part des chrétiens.
D’eau pure. Allusion au baptême. Encore une trace de trucage des textes opéré par les chrétiens. Il est vrai que dans la langue des spécialistes on ne dit pas « trucage », mais « interpolation ».
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LES AVENTURES DE CONDLÉ LE BEAU, FILS DE CONN AUX CENT BATAILLES.
ECTRA CONDLA CHAIM, MEIC CUIND CHETCHATHAIG INSO.
Une histoire datant peut-être du VIIIe siècle et figurant dans les manuscrits du Lebor na huidre ou Livre de la vache brune.
Pour quelle raison Art l’unique est-il appelé ainsi ?
Ni handsa.
Ce n’est pas difficile à dire.
Un jour que Condlé le rouge, fils de Conn aux cent batailles, était avec son père sur la colline d’Uinech, il vit une femme aux vêtements étranges.
Condlé demanda : « d’où viens-tu comme cela, femme ? ».
La femme répondit : « je viens du pays des Vivants (tírib beó) où il n’y a ni mort ni péché véniel ni péché mortel. Nous festoyons sans cesse sans qu’il soit nécessaire de faire le service. La paix règne parmi nous sans conteste. La paix sans nuage (ou le grand sid ?) où nous vivons fait qu’on nous appelle les gens du sid (aes side).
« Avec qui es-tu en train de parler ? » demanda Conn à son fils ; car personne ne pouvait voir la femme à part le seul Condlé.
La femme répondit elle-même : « Il parle à une jeune et belle femme de noble ascendance, qui ne connaîtra ni la mort ni la vieillesse. J’aime Condlé le rouge depuis longtemps et je l’invite à venir dans la plaine des plaisirs (Mag Mell), Boadach le roi éternel y règne, c’est un roi dans le royaume duquel il n’y a ni pleurs ni chagrin depuis qu’il est monté sur le trône.
« Viens avec moi, ô Condlé le Rouge, au cou rutilant, étincelant comme une chandelle. La belle couronne de cheveux qu’il y a au-dessus de ton visage est le signe de ta majesté. Si tu veux bien me suivre, ta belle silhouette ne perdra jamais de sa jeunesse ni de sa beauté, même jusqu’au jour du Jugement qui doit venir (brath brindach).
Conn parla ensuite à son druide (dont le nom était Corann), car ils avaient entendu tout ce que disait la femme, mais sans l’apercevoir :
J’en appelle à toi, Corann,
Expert en incantations, et homme de l’art !
Une force est venue contre moi
Trop grande pour moi
Trop grande pour mon pouvoir
Une bataille m’est livrée
Telle que je n’en ai jamais connue depuis que je suis monté sur le trône.
Je suis dépassé par l’attaque déloyale d’une forme invisible
Qui veut me prendre mon splendide fils
En se servant de sortilèges féminins
On le soustrait à ma royale autorité
Au moyen de formules magiques féminines.
Sur ce le druide chanta une formule magique destinée à lutter contre la voix de la femme, de sorte que personne ne put entendre sa voix, et que Condlé ne la vit plus. Mais alors que la femme s’en allait chassée par la puissante incantation du druide, elle jeta une pomme à Condlé.
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Condlé resta un mois entier sans boire ni manger, car aucune nourriture ne lui sembla plus digne d’être consommée à part cette pomme seulement. Quoi qu’il mangeât de cette pomme elle ne diminuait jamais de taille, mais restai t toujours entière.
Condlé se mit à se languir de la femme qu’il avait entraperçue. Un mois jour pour jour après alors que Condlé siégeait avec son père dans la plaine d’Archommin, il aperçut la même femme qui venait à sa rencontre. Elle lui dit alors ce qui suit :
Malheureux est le siège où est assis Condlé !
Parmi les mortels à la vie éphémère,
Dans l’attente d’une mort effrayante.
Les vrais vivants, les immortels, t’appellent ;
Ils t’invitent à venir rejoindre le peuple de Tethra
Qui t’observe tous les jours
Dans les assemblées de ta patrie
Parmi tes bien aimés parents.
Quand Conn entendit la voix de la femme, il appela ses gens pour leur dire : « Faites venir le druide. Je viens de découvrir que sa langue s’est déliée aujourd’hui ».
C’est alors que la femme s’exclama :
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 36.
Suit alors une interpolation chrétienne faisant allusion à la venue de saint Patrice, et rajoutée là évidemment après coup, d’où sa contradiction intrinsèque avec le reste du récit, ou son incohérence si l’on veut.
On notera au passage cette incorrigible propension raciste de la religion d’amour et de vraie vérité du seul et unique vrai dieu, etc. sans doute culturellement héritée de l’orgueil juif (consistant à se croire les enfants préférés de Dieu) à systématiquement qualifier de démoniaques les cultes ou les spiritualités autres que les leurs.
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O Conn aux cent batailles
Tu ne tiens guère à la druiderie !
Bientôt viendra
Afin de juger, sur notre grande plage
Un homme juste, avec de nombreux et merveilleux compagnons
Et sa loi s’appliquera bientôt à toi.
Conscéra brichta drúad tardechta
Ar bélaib demuin duib dolbthig.
Il anéantira les pouvoirs tardechta des druides
Devant le démon sorcier noir.
Conn s’étonna que Condlé soit resté silencieux après que la femme fut revenue
« Ce que dit cette femme a-t-il touché ton cœur, ô Condlé ? » demanda Conn.
Condlé répondit alors : « Ce n’est pas facile pour moi. Bien que j’aime les miens, je me languis de cette femme ».
Cette dernière répondit alors :
Tathud airunsur álaib
Fri toind t’eólchaire ofadib.
Tu n’auras aucune difficulté à satisfaire le désir ????
Qui te fait languir d’aller au-delà des vagues ?????????
Ce pays que nous pouvons atteindre dans ma barque de cristal
C’est le sid de Boadach.
Il y a un autre pays
Qui n’est pas plus difficile à gagner
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Je l’aperçois dans le soleil couchant.
Bien qu’il soit très éloigné, nous pouvons l’atteindre avant la nuit.
C’est le pays qui réjouit
Le cœur de tous ceux qui s’y rendent ;
Aucun autre sexe n’y vit
À part des femmes et des jeunes filles.
Alors il sauta dans la barque de cristal de la femme et on le vit partir vers le large. Leurs yeux eurent de la peine à suivre Condlé ainsi que la fille alors qu’ils s’enfonçaient au-delà des mers. Depuis on ne les a plus jamais revus. Et c’est alors que Conn a soupiré en regardant son autre fils, Art : « Aujourd’hui Art se retrouve tout seul ».
De là vient qu’il fut appelé « Art le fils unique ».
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 37.
Péché véniel. Nous traduisons ainsi le terme gaélique peccad.
Péché mortel. Nous traduisons ainsi le terme gaélique imorbus.
Paix. Nous traduisons ainsi le terme gaélique side, vieux celtique sedos.
Le jugement qui doit venir. Sans doute une interpolation chrétienne pour signifier le jugement dernier.
La barque de Cristal. On ne peut s’empêcher de penser à la représentation de la déesse-ou-démone, ou fée, si l’on préfère ce terme, Sequana, trouvée aux sources de la Seine. Sa barque de bronze est tout à fait comparable à celle de cette mystérieuse fée venue de l’autre monde. Ce groupe de bronze (actuellement conservé au musée de Dijon en Bourgogne) serait-il la représentation d’une fée ou d’une messagère des dieu-ou-démons, venue par cette porte de l’autre monde qu’est toute source ?
Le sid de Boadach. En Extrême-Orient on dirait le bouddhakshetra de Boadach, ou la terre pure du bouddha Boadach. Explication.
L’Autre Monde des anciens Irlandais porte aussi les noms de Mag Meld (Plaine du Plaisir), Mag Mor (Grande Plaine), Tir na mBéo (Terre des Vivants), Tir na mBân (Terre des Femmes), Tir na nOg (Terre des Jeunes), et Tir Tairngire (Terre des Promesses), etc.etc. car le problème métaphysique de la vie après la mort n’est pas une croyance aussi simpliste que ne le voudraient les judéo-islamo-chrétiens ou du genre « Je crois au paradis avec ses houris et à l’enfer, ainsi qu’au terrain neutre ou au purgatoire ». C’est plutôt un amalgame ou une combinaison de plusieurs concepts.
A) faut-il dire non (A1), peut-être ou « on n’en sait rien » (A2) ou oui (A3) à la notion de « vie après la mort » ?
B) qui ou quoi survit : une seule personne (B1), une élite (B2), la collectivité (B3), toute l’humanité (B4) ou le monde (B5) ?
C) qu’est-ce qui survit : une âme, l’esprit, le Soi… ?
D) ce support est-il individuel, impersonnel, collectif ou universel ?
E) à partir de quand survit-on : à l’instant du décès, à la « fin des temps » ?…
F) pour combien de temps : toujours ?…
G) selon quel temps : en temps linéaire, par cycles ou en spirale ?…
H) où : sous terre, dans les étoiles, au paradis ou en enfer… ?
K) selon quelle loi : le Jugement de Dieu, le Destin, le carma, le poids de bran… ?
L) pour quel type de survivance dans l’au-delà ou dans la nouvelle vie ?
M) avec quelle fin dernière : extinction du moi (nirupadhishesha-nirvâna), union en Dieu… ?
N.B. Le matérialisme athée arrête immédiatement sa réflexion par une suspension du jugement : on n’en sait rien (A2).
Par contre la conception druidique de la vie après la mort enchaîne, avec sa « logique » de survivance (A3), sur des possibilités de type B.
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Ensuite surgissent des questions de méthode.
I) Peut-on savoir s’il y a vie après la mort, et comment en parler ?
II) Où se documenter ? Les légendes irlandaises ?? Les textes de Plutarque. Les scoliastes de Lucain???
III) Quelles sont les preuves et contre-preuves ?
Quelques exemples de type de survivance de l’âme après la mort selon les cultures.
Existence neutre, Limbe. Selon Thomas d’Aquin les enfants morts sans avoir été baptisés ne vont ni au paradis ni en enfer, ils ne ressentent pas de douleur et n’ont pas conscience de manquer une destinée surnaturelle (Quaestiones disputatae de malo, qu. 5, art. 3). Selon le Coran (VII, 46), il existe un « voile entre le Paradis et l’Enfer », al-Arâf (rempart, murailles), ce serait, semble-t-il, une demeure, et une demeure réservée à ceux qui auraient fait autant de bien que de mal.
Démonisation. À Rome, les “larves” ou “lémures” sont des âmes des morts devenues des démons malfaisants (Apulée, Du dieu de Socrate, XV).
Existence larvaire. Homère : « L’âme disparut sous terre comme une fumée, en gémissant faiblement » (Iliade, XXIII, 107). Anciens juifs : « Les ombres tremblent sous les eaux » (Job, XXVI, 5).
Selon les philosophies antiques.
Pour les anciens Grecs (Homère, Hésiode), l’âme du défunt passe le Styx sur la barque de Charon. Elle franchit ensuite les portes d’airain gardées par Cerbère, et elle demeure à jamais dans l’Hadès, le monde invisible, sous terre, menant la vie d’une ombre, dépourvue de force et de sens, sans espoir de retour (Odyssée, XI).
Notons au passage que cette émouvante évocation des morts faite par Ulysse est peut-être l’ultime écho, mais considérablement déformé (l’espérance en moins) d’un mythe celtodruidique sur la destinée de l’âme après la mort du corps. Du moins si l’on en croit le poète romain nommé Claudien. Dans le premier livre de ses invectives contre Rufin on peut en effet lire ceci (vers 129 à 134).
« Il y a un endroit là où la Celtique déroule ses plus lointains rivages devant les vagues de l’Océan,
Où il est dit qu’Ulysse appela par des libations de sang les ombres silencieuses des morts.
On peut y entendre les gémissements de ces ombres quand elles se meuvent dans un faible bruissement d’ailes
Et les paysans habitants ces lieux peuvent apercevoir les pâles fantômes qui passent lentement
Ainsi que les ombres des défunts ».
Notons également qu’en ce lieu selon les Grecs le sort des bons n’y est pas meilleur que le sort des méchants. Seuls les grands criminels (Sisyphe, Tantale, Ixion) sont châtiés ; et seuls quelques privilégiés (Ménélas, Achille) sont transportés dans les îles des Bienheureux.
Selon les traditions amérindiennes.
Les religions des Indiens d’Amérique du Nord font du royaume des morts une copie fidèle du monde des vivants. La représentation classique du royaume des morts en Amérique du Nord est désignée par ces termes : « les terres fortunées de la chasse ». Plusieurs tribus des grandes plaines imaginent le séjour des morts comme une prairie ondoyante où ils chassent le bison avec succès, habitent dans des tipis, festoient et dansent. Ceux qui ont péché sont exclus de la communauté, ils sont condamnés à mener la vie errante des spectres, ou encore ils sont envoyés dans un autre pays que celui qui accueille les morts ordinaires, mais ni l’idée d’un jugement dernier ni celle d’une sorte de loi du talion dans l’au-delà n’existent chez eux.
Aux yeux des hindous il existe une hiérarchie des mondes (loka).
1) Le Bhûr-loka est le monde matériel que nous connaissons (la Terre et l’univers qui l’entoure).
2) Le Bhuvar-loka est un monde « supérieur », domaine de résidence des esprits et des génies, bons ou mauvais. Les Gandharvas et les Apsaras y habitent. C’est aussi le monde des devas.
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3) Le Svar-loka ou svarga-loka est le monde des dieux, à un niveau encore supérieur de la hiérarchie. C’est en quelque sorte l’équivalent du Paradis chrétien.
4) Le Brahma-loka, le monde du Brahman au-delà de toute définition, en dehors du temps et de l’espace, il ne connaît aucune limitation. Il est le plus « élevé » des quatre.
Dans cette conception du monde, l’âme de l’homme appartient au Brahma-loka et le corps au Bhûr-loka.
Le svar-loka ou svarga-loka ou Indra-loka, c’est-à-dire le ciel ; est le premier paradis des hindouistes.
Il est destiné aux âmes qui ont mérité d’être délivrées d’un long séjour sur la terre (quasiment tout le monde dans le druidisme) ; c’est celui qui est le plus voisin du globe terrestre. Les routes qui y conduisent sont belles et spacieuses. De toutes parts on ne rencontre que des chœurs de gandharvas, et des groupes d’apsaras ; les premiers font entendre une harmonie ravissante, et les autres se livrent à des danses voluptueuses. On y voit des palais magnifiques où tout est servi à profusion ; des étangs où flottent des lotus sacrés ; des arbres touffus procurant un délicieux ombrage. Le sol est jonché de fleurs qui y tombent perpétuellement en pluies abondantes. Les dieux s’y promènent à cheval ou sur des éléphants, dans de riches palanquins ou sur des chars superbes. De nombreux serviteurs les abritent sous de blanches ombrelles, et les rafraîchissent en agitant autour d’eux de larges éventails. Tout ce qui peut flatter les sens et satisfaire les désirs, tout ce que l’imagination la plus brillante peut concevoir de richesses, de plaisirs sans mélange, de repos sans ennui et de bonheur sans fin, se trouve réuni dans ces lieux enchanteurs. On peut juger par cette peinture des avenues menant à l’lndraloka, de ce que doit être ce paradis lui-même. Les jouissances les plus ineffables y sont réservées aux bienheureux qui l’habitent, et, comme dans le paradis de Mahomet, de magnifiques jardins les recouvrent de leur ombre ; des fleurs d’une innombrable variété de formes et de couleurs les décorent et les embaument des plus suaves parfums ; d’exquises liqueurs, versées à grands flots dans des coupes d’or, délectent leur palais et leur procurent une douce ivresse, qui, loin d’amoindrir leurs sensations, en développe au contraire toute l’énergie. Toutefois les âmes des défunts ne demeurent pas éternellement dans ce bienheureux séjour ; et, à l’expiration d’une longue période de temps, ils reviennent sur la terre pour y recommencer une nouvelle vie. Alors que dans le druidisme elles continuent leur ascension vers les étoiles.
LES DIFFÉRENTS ÉTATS DE L’ÊTRE, ULTRA HUMAINS.
Il va de soi que toutes ces descriptions ne sont que des tentatives de traduction en langage humain d’un état de l’être en réalité indicible, mais que l’on peut assimiler à un début de béatitude. Qu’il en était vraiment exactement ainsi, et ce jusque dans les moindres détails, aucun druide antique n’en aurait mis sa main à couper. Les descriptions qui nous en ont été gardées varient énormément selon les époques d’ailleurs et sont fortement marquées par le fait qu’elles étaient surtout destinées à la classe guerrière. Les quelques textes en rapport avec la façon dont les individus de tempérament « druide » concevaient le paradis (des livres et des études à profusion, etc.) se trouvent chez Plutarque (ses descriptions d’îles mystérieuses). Seul point commun : cet état de l’être après la mort du corps n’était pas un état de l’être de type lugubre larvaire ou démoniaque comme chez les Grecs (voir la rencontre d’Ulysse avec les ombres des morts, le livre XI de l’odyssée) ou les Romains.
Pour ce qui est du druidisme il importe également de distinguer soigneusement l’autre monde des dieux de l’autre monde réservé aux âmes des défunts après la mort du corps.
Ces deux mondes ou plus exactement ces deux états différents de l’être se recoupent en effet très étroitement, mais ne sauraient être confondus : le recoupement n’est en effet que partiel.
L’autre monde des dieux est pour ainsi dire un double de celui du monde des hommes sur terre puisque les dieux peuvent être partout, peuvent intervenir à tout moment dans notre monde (ce dont ils ne se privent pas d’ailleurs, du moins selon certains).
L’autre monde des défunts par contre est en quelque sorte plus restreint, car les âmes des morts, même si l’on en croit les spirites les plus convaincus, n’interviennent pas aussi souvent sur terre que ne le font les dieux ou les démons (pour utiliser cette terminologie).
Le bouddhisme de la Terre Pure, qui a beaucoup d’affinités avec le druidisme, croit en la réincarnation de l’âme/esprit des défunts dans un autre monde de type paradisiaque (bouddhakshetra) où ce duo (âme + esprit) peut achever de se purifier en bénéficiant du rayonnement spirituel d’une personnalité
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surhumaine ou surnaturelle du type dieu de la sagesse ou de l’harmonie, ou grand initié ; avant disparition ou fusion progressive dans le grand tout, de l’esprit d’abord, de l’âme individuelle ensuite (erdathe individuelle).
Le bouddha nommé Amitâbha est considéré comme le créateur de la Terre pure occidentale de la Béatitude ; les deux grands bodhisattvas (grands initiés ou semnothées dans la terminologie druidique) Avalokiteshvara et Mahasthamaprapta sont ses deux assistants : ils l’aident à y accueillir ceux (venant de tous les horizons) qui ont rempli les conditions pour parvenir à cet état de l’être. C’est la raison pour laquelle ils sont appelés « les trois Saints de l’Ouest ». Dans les monastères de la Terre pure ils sont représentés ensemble, avec Amitâbha au milieu, Avalokiteshvara à sa gauche et Mahâsthâmaprâpta à sa droite. Dans le bouddhisme populaire et la religion chinoise, Amitâbha et Avalokiteúvara ont souvent la même fonction : ils ont tous deux promis de ne pas se dissoudre dans le nirvana (le grand tout cosmique) tant que tous les êtres n’y seraient pas. Y croire, le vouloir et réciter constamment leurs noms sont les seules conditions nécessaires pour entrer dans ce domaine du bonheur infini.
La décadence rapide du druidisme en Irlande a fait que la plupart des enseignements druidiques sur la vie après la mort du corps qui nous sont parvenus ont été accaparés par les bardes ou conteurs de la classe guerrière, ce qui a entraîné leur déformation en conséquence.
À noter : il semble bien que les anges de sexe féminin du druidisme aient eu un rôle (d’appel) beaucoup plus actif que les houris de l’islam. Qui d’ailleurs n’en sont peut-être pas si l’on en croit le spécialiste allemand du Coran Christophe Luxenberg (pour lui houri signifie raisin blanc en syriaque, et il s’agirait d’un symbole de la vie heureuse dans les représentations orientales de l’époque).
NB. Les houris sans autres précisions apparaissent dans deux versets du Coran. Les « houris aux grands yeux » (les vierges du paradis ?) sont mentionnées en quatre endroits du Coran. Les « houris de même âge » sont mentionnées en deux autres endroits.
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HISTOIRES DIVERSES À PROPOS DU POUVOIR
DES ÉPREUVES DE VÉRITÉ, LES AVENTURES
DE CORMAC DANS LA TERRE DE PROMESSE
ET LE JUGEMENT DE CORMAC À PROPOS DE L’ÉPÉE.
Scél na Fír Flatha, Echtra Cormaic i Tír Tairngiri, 7 Ceart Claidib Cormaic.
En fait il s’agit de trois textes différents.
Les divers témoignages à propos du pouvoir des épreuves de vérité (paragraphes 1 à 24).
Les aventures de Cormac dans la Terre de Promesse (paragraphes 25 à 54).
Et enfin le jugement de Cormac à propos de l’épée du Hésus Cuchulainn (paragraphes 59 à 80).
Ces manuscrits datent du XIVe siècle et nous ont été conservés dans le Leabhar Bhaile an Mhóta (livre de Ballymote) et le (Livre jaune de Lecan).
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À propos du pouvoir souverain des épreuves de vérité.
Il était une fois un roi illustre et noble ayant accédé au trône et qui régnait sur l’Irlande : c’était Cormac le petit fils de Conn. Sous son règne tout allait bien en ce monde. Il y avait des glands et des faînes, de la graisse et des produits de la mer. La paix l’aisance et le bonheur étaient partout. Il n’y avait ni meurtre ni brigandage à ce moment-là, et chacun [restait] à sa place.
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En outre ils recouraient au pouvoir des douze épreuves de vérité. Voici ce qu’ils avaient en effet pour décider du vrai ou du faux. C’était :
Les trois colliers de Morann
L’herminette (hache) de Mochta
Le tirage au sort des bois (crannchur) de Sencha
Le vase de Badurn
Les trois pierres noires
Le chaudron de vérité
Les vieux bois de Sen fils d’Aige
Le fer de Luchta
L’attente à l’autel
La coupe de Cormac.
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Le collier du fils de la traîtrise.
Morand fils de Cairpre-tête-de-chat, était de la race (cheinel) des paysans. Cairpre Tête-de-Chat s’était emparé du trône et avait massacré tous les nobles d’Irlande à l’exception de trois garçons, Corp Ulom, Tibraide Tireach et Feradach Findfeachtnach, qui furent enlevés avant même leur naissance et naquirent en Écosse. Cairpre, le père de Morand, avait un museau de chat, et tous les enfants qu’il engendrait avaient une tare, aussi les tuait-il. Cairpre avait une femme célèbre et de noble famille. Elle lui donna le conseil d’organiser le festin de Tara et d’y inviter tous les hommes de la verte Erin afin qu’ils y prient leurs dieux pour que des enfants sans défauts puissent enfin lui être donnés??? Il donna la fête et les hommes d’Irlande y restèrent trois mois ; et chaque mois ils jeûnaient un certain temps et priaient Dieu pour qu’une vigoureuse progéniture puisse être engendrée par Caipre et sa femme. Et il en fut ainsi, malgré lui, car c’était un méchant homme. La femme conçut donc et porta un
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fils, mais c’était comme s’il était né coiffé, car il n’y avait qu’une seule masse informe au-dessus de ses épaules où l’on ne voyait ni bouche ni aucune autre ouverture. La reine s’exclama : « Je viens de mettre au monde un muet. Il est comme ton autre fils. Voilà le résultat des prières des hommes d’Irlande pour toi, leur ennemi ! »
« Emmène-le demain dans les marais », dit Caipre à son intendant, « et noie-le »
Or cette nuit-là un homme du sid apparut à la mère du garçon et lui dit : « c’est à la mer que cet enfant doit être emmené, que l’on mette sa tête dessus jusqu’à ce que les neuf vagues viennent la recouvrir. Cet enfant sera un noble : il sera un grand roi. « Morand » sera son nom (car il était grand – Mor en gaélique – et beau – Find en gaélique-).
Elle fit donc venir l’intendant et lui répéta ceci. Ensuite le garçon fut emmené jusqu’à a mer et tenu à la surface de l’eau. Quand la neuvième vague fut venue, la membrane qui entourait sa tête se rétracta et forma un collier à la hauteur de ses deux épaules. Là-dessus il chanta un lai qui disait :
Adhraid a dhaine
Dia os domun dind !
Nisnich ruith riadadar
For fuil gidh faebra fortabith
In aile i fil lith la subha
Lam dia ndilgodach
Rodealb im niullu nemtheach.
Adorez, ô mortels,
Dieu au-dessus de ce monde magnifique
??????????????
??????????????
???? un festival plein de joie
Avec mon Dieu ????
Qui a fait un paradis au-dessus des nuages.
L’intendant ne tua donc pas l’enfant, mais il n’osa pas le garder avec lui par peur du roi. Aussi le confia-t-il au gardien des troupeaux du roi. Il revint chez lui et il expliqua ça au roi et à la reine. Le roi considéra que le garçon aurait dû être tué, mais que cette traîtrise venait de lui, à savoir du garçon. Voilà pourquoi le fils de Cairpre tête de Chat est appelé « Morand fils de la traîtrise ». On plaqua de l’or et de l’argent autour de cette membrane et c’est ainsi qu’elle devint le « Collier du fils de la traîtrise ». Si celui autour du cou duquel il était mis était coupable, il l’étranglait. Si au contraire il était innocent, il s’élargissait autour de lui jusqu’à tomber à terre.
Le deuxième collier de Morand le fils de la traîtrise.
Morand avait un autre collier, à savoir un bracelet comme un cerceau de bois. Ce bracelet qu’il avait obtenu d’Ochamon le fou du sid de Femin. Car il l’avait envoyé là-bas et Ochamon en avait ramené cet anneau. Il avait en avait découvert que c’était l’objet que l’on utilisait là-bas pour distinguer la vérité du mensonge. Ils avaient l’habitude de mettre cet anneau autour du pied ou du poignet de la personne [dont l’innocence était en question] et s’il mentait il se resserrait autour jusqu’à lui couper le pied ou la main. Mais s’il était innocent, ce n’était pas le cas.
Le troisième collier de Moran le fils de la traîtrise.
Il y avait un autre « collier de Morand ». Morand aux grands jugements alla voir l’apôtre Paul et ramena de sa part une épître qu’il porta autour du cou. Aussi quand Morand revint de sa visite auprès de Paul et rentra dans son château, il croisa par hasard une de ses servantes à la porte de la forteresse. Quand elle aperçut l’épître autour de son cou elle lui demanda : « Quelle sorte de collier est-ce là, ô Morand ?
« En vérité », s’exclama Caimin le Fou, « à partir d’aujourd’hui, et ce jusqu’à la fin des temps on l’appellera le collier de Morand. Quand Morand rendait des jugements, il portait cette épître autour du cou et alors il ne pouvait pas dire de choses fausses.
L’herminette (hache) de Mochta.
C’était une herminette (hache) de bronze que possédait Mochta le charpentier. Il la mettait dans un feu de prunellier [jusqu’à ce qu’elle soit rouge] on la passait sur la langue [de l’accusé]. Celui qui mentait se trouvait brûlé. Celui qui était innocent n’avait rien.
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Le tirage au sort des bois (crannchur) de Sencha.
C’était le tirage au sort des bois (crannchur) que faisait Sencha fils d’Ailill. Il jetait deux bois dans le feu, un bois pour le roi et un pour l’accusé. Si l’accusé mis en cause était coupable, le bois lui collait à la paume. Si au contraire il était innocent, le bois tombait tout de suite. On procédait ainsi et une incantation de vellède était récitée sur eux.
Le vase de Badurn.
Badurn était un roi. Sa femme se rendit à la fontaine et y vit deux femmes du sid, attachées entre elles par une chaîne de bronze. Quand elles aperçurent la femme qui arrivait, elles passèrent sous la source. Elle les suivit donc sous la source, et au beau milieu du sid aperçut un merveilleux moyen de connaître la vérité (fir) : un vase de cristal. Si un homme prononçait trois mensonges, il se cassait en trois [morceaux] dans sa main. Si un homme disait trois vérités dessus, alors il se recomposait à l’identique. La femme de Badurn demanda ce vase aux gens du sid. Il lui fut donné. Si bien que c’est ledit vase que Badurn utilisait pour distinguer le mensonge de la vérité.
Les trois pierres noires.
Un seau était rempli de tourbe et de charbon et de toutes sortes d’autres choses noires, et on y mettait trois pierres dedans, à savoir une pierre blanche une pierre noire et une pierre de couleurs variées. Ensuite l’accusé plongeait sa main dedans, et si la vérité donc était de son côté, il ramenait la pierre blanche dedans. S’il mentait, il ramenait la pierre noire. S’il était à moitié coupable seulement il ramenait la pierre de diverses couleurs.
Le chaudron de vérité.
Un vase d’argent et d’or qui leur servaient à distinguer la vérité du mensonge. On faisait chauffer de l’eau dedans jusqu’à ce qu’elle devienne bouillante, et ensuite la main [de la personne mise en cause] était plongée dedans. S’il était coupable, sa main était immédiatement ébouillantée. Mais s’il n’était coupable de rien, aucun mal ne lui était fait. Car telles sont les trois choses les plus employées par les gentils [les païens], le chaudron de vérité, le tirage au sort des bois cutruma ? et l’attente à l’autel.
D’où la pratique qui s’est répandue chez les Gaëls du tirage au sort des bois devant des reliquaires.
Les vieux bois de Sen le fils d’Aige.
Le tirage au sort de Sen fils d’Aige, qui consiste à jeter trois morceaux de bois dans l’eau, à savoir le bois du seigneur, le bois de l’ollam et le bois de l’accusé. Si la personne mise en cause était coupable, son bois coulait au fond de l’eau. S’il était innocent, il remontait à la surface.
Le fer de Luchta.
Le druide Luchta était parti étudier au pays de Letha, et là il vit une chose étrange [utilisée] pour discerner la vérité du mensonge : un fer était béni par les druides et ensuite jeté au feu jusqu’à ce qu’il devienne rouge, ensuite il était mis sur la paume de l’accusé. S’il était coupable, le fer le brûlait. Mais il ne lui faisait aucun mal s’il était innocent. Luchta leur dit alors que cela nous serait bien nécessaire « à nous autres Irlandais afin de distinguer la vérité du mensonge ». Ensuite Luchta ramena son fer consacré [qui fut dès lors] utilisé pour distinguer la vérité du mensonge. L’épreuve de vérité du fer béni est toujours en usage chez les Gaëls depuis ce jour-là.
L’attente à l’autel.
Une épreuve dont on se servait en ce temps-là pour distinguer le vrai du faux, était l’attente devant un autel, c’est-à-dire le fait de faire neuf fois le tour de l’autel, et après de boire de l’eau sur laquelle un druide avait récité une incantation. Si la personne mise en cause était coupable, le signe de sa faute devenait manifeste en ce qui le concerne. Mais s’il était innocent, l’eau ne lui faisait aucun mal.
Cai Cainbrethach, le disciple de Fenius Farsaid, le douzième ou seachtmogad ? disciple de l’école que Fenius fonda chez les Grecs afin d’apprendre les nombreuses langues des pays du monde, ce fut ce Cai qui rapporta cette épreuve de vérité du pays d’Israël quand il alla chez les gens de la Déesse. Il avait appris la loi de Moïse et c’était lui qui rendait la justice dans cette école après qu’elle eut été constituée par des élèves venant de toute part. Ce fut lui qui institua le « Jugement de Cai ». Ce fut ce même Cai en outre, qui en Irlande ordaig dliged ceithri slechta institua la règle des quatre moyens ?? car deux élèves de cette école seulement virent en Irlande, à savoir Amirgin au Genou Blanc le véllède et Cai le juge. Cai resta neuf générations en Irlande, à cause de la justice de ses jugements, car les sentences qu’il rendait alors étaient celles de la loi de Moïse. Les sentences rendues en vertu
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de cette loi étaient très nombreuses chez les Fénianes. Ce furent ces jugements selon la Loi [de Moïse] qui ensuite servirent à Cormac.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 38.
La paix l’aisance et le bonheur étaient partout. Il n’y avait ni meurtre ni brigandage. On croirait entendre des enfants de huit ans ou des journalistes français brossant le portrait des rebelles islamistes de Libye et de Syrie (en 2011-2012). Il va de soi qu’une telle description n’a rien d’historique et relève plutôt du mythe, à tout le moins de la nostalgie d’une époque révolue.
Né coiffé. Un enfant qui est « né coiffé » est un enfant qui vient au monde entouré de tout ou partie de la poche de liquide amniotique – le chorion –, cette membrane ne s’étant pas rompue naturellement ou artificiellement avant la délivrance… Lorsque la poche des eaux ne s’est pas rompue durant le travail ou l’expulsion, le nouveau-né peut venir au monde avec les membranes intactes. On appelle cela être né coiffé. La coiffe est sans danger et aisément ôtée par le médecin ou la personne qui aide à l’accouchement. Au Moyen-âge, la coiffe était considérée comme un signe de bonne fortune pour le bébé. Dans certaines cultures on y voyait une protection contre la noyade, et la coiffe était souvent serrée dans du papier et conservée comme héritage pour l’enfant. Associer chance et le fait d' « être né coiffé » a une part de logique puisque le crâne de l’enfant, et donc son cerveau, subit moins la pression due aux contractions : c’est la poche qui absorbe le choc. L’idée qu’être né coiffé porte chance est restée malgré les âges, même si aucune étude n’est jamais venue étayer la thèse.
Adorez ô mortels… Il s’agit vraisemblablement d’une interpolation chrétienne (un trucage) n’ayant rien à voir avec le texte originel.
Le troisième collier. Tout ce paragraphe est évidemment influencé par la sous-culture chrétienne si ce n’est pas une pure et simple interpolation. La triade étant très connue dans le monde celtique il devait sans doute s’agir d’un troisième objet, remplacé par le chrétien de service par une épître du « mauvais juif » saint Paul (ne dit-on pas en effet que les premiers chrétiens furent de mauvais païens convertis par un mauvais juif ?).
Les lettres de saint Paul sont une série de documents censés avoir été rédigés par un dénommé Paul, une personnalité découverte fort opportunément par l’hérétique Marcion qui fut le premier à les associer à l’évangile (mais pour lui néanmoins il n’y en avait que 10).
Laquelle de ces lettres était-elle portée par Morand ?
Disons plus sérieusement que prendre une lettre de saint Paul comme gage de vérité n’est pas un choix très heureux.
Ne sont pas de saint Paul en effet, mais de compagnons de Paul les épîtres dites « deutéropauliniennes » c’est-à-dire l’épître aux Colossiens, l’épître aux Éphésiens ainsi vraisemblablement que la deuxième épître aux Thessaloniciens.
Les épîtres « trito-pauliniennes » ou « épîtres pastorales » qui seraient dues à des “successeurs” de saint Paul. Ce sont la première épître à Timothée, la seconde épître à Timothée, ainsi que l’épître à Tite.
Enfin depuis 1976 et les travaux d’Albert Vanhoye, il est admis que l’épître aux Hébreux n’est pas une épître, mais un traité, qu’elle n’est pas adressée aux Hébreux et n’est pas de Paul.
Ce qui nous fait donc 6 ou 7 documents sur 13, soit la moitié environ, qui ne sont pas de saint Paul.
N.B. Lettres vraiment de saint Paul selon son découvreur l’hérétique Marcion : Galates, 1 et 2 Corinthiens, Romains, 1 et 2 Thessaloniciens, Éphésiens (que Marcion appelle « Laodicéens ») Colossiens, Philippe, Philémon.
Nous reviendrons dans une autre leçon sur la question de ce premier christianisme que fut celui de l’hérétique (en tout cas non catholique non réformé non orthodoxe non copte) que fut celui de l’hérétique Marcion.
Crannchur. Correspond vraisemblablement au prenni loudin ou prinni lag… du calendrier de Coligny. Ce qui semble indiquer que ce tirage au sort des « deux runes » ne devait se faire que certains jours et pas n’importe quand.
Elles passèrent sous la source : autant dire que ce sont des déesses ou démones des eaux, des nymphes celtes.
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Ollam. Vieux celtique ollamos. Un des grades les plus élevés de l’Ollotouta druidique.
Letha. D’après le dictionnaire électronique de la langue irlandaise, c’est l’Armorique ou la petite Bretagne continentale.
Fénius Farsaid est une invention abracadabrante des bardes irlandais médiévaux. Abracadabrante, car elle n’a aucun fondement mythologique ancien et s’avère au contraire du même genre que la non moins abracadabrante forgerie de toutes pièces, qu’est la prétendue invasion milésienne (ou gaélique) de l’Irlande. C’est une invention due à la sous-culture chrétienne du Moyen-âge qui mêle allégrement l’Égypte antique les Scythes et les Grecs ainsi que les Hébreux, non moins antiques. Cet épouvantable salmigondis n’a qu’une seule raison d’être : reprendre le thème druidique du Celte langue élue. Nous disons bien « le Celte langue élue des dieux » et non « les Celtes peuple élu des dieux ». Les vrais Celtes d’esprit en effet n’ont jamais été racistes au point de prétendre être le seul peuple élu de Dieu avec un « d » majuscule, l’unique peuple choisi et préféré par le seul et unique vrai dieu père de tous les hommes. Un tel racisme était inconnu des druides antiques. Tout ce qu’ils affirmaient c’est « parler la même langue que les dieux ». Le texte grec précise qu’ils étaient par rapport aux dieux « homophonon ».
« Les Actions de grâces doivent être offertes aux dieux, disent-ils, par le truchement de ces hommes, qui ont l’expérience de la nature divine, et qui parlent, pour ainsi dire, la langue des dieux » (Diodore de Sicile. Livre V, chapitre XXXI).
N.B. Les très sachant d’aujourd’hui font bien remarquer qu’il s’agissait alors évidemment des dieux celtes… et pas des dieux des autres. Le principe qu’ils en tirent est donc celui-ci : CHAQUE PEUPLE EST UN PEUPLE ÉLU, LE PEUPLE ÉLU DE SES PROPRES DIEUX. ET RÉCIPROQUEMENT, TOUT PEUPLE VOIT LES DIEUX À SON IMAGE (c’était d’ailleurs la grande idée de mon vieux maître P. Lance). IL EST DONC PARFAITEMENT EXACT DE DIRE QUE « LES CELTES SONT UN PEUPLE ÉLU ». Mais uniquement en ce sens !
En ce qui nous concerne et pour limiter notre propos à l’Antiquité, est celte tout peuple parlant une langue celtique (comme les Ambrons les Cimbres ou les Teutons par exemple), indépendamment de tout critère racial (blonds, bruns, yeux marron ou bleus ?). Mais pour ce qui est du monde moderne nous laissons à nos lecteurs le soin de décider, s’il suffit de parler anglais, comme nos modernes compatriotes, pour être anglais ou britannique. Les Américains les Irlandais ou les Australiens… sont-ils anglo-saxons parce qu’ils parlent anglais (comme le pensent les intellectuels français) ??? À chacun de voir. Les intellectuels français en tout cas eux ont répondu à cette question depuis quelques décennies : pour ces intellectuels, qui sont les plus intelligents du monde comme chacun sait, il suffit de parler anglais pour être britannique et donc un Irlandais qui ne parle pas le gaélique n’est plus irlandais. Parler l’anglais c’est être anglo-saxon donc être britannique.
Un Américain est donc un Britannique. Surtout si ses ancêtres se sont jadis battus pour l’Angleterre (par exemple pour défendre la Grande-Bretagne contre les Allemands nazis en 1940).
NB. En fait d’anglais il s’agit d’ailleurs le plus souvent maintenant d’une langue appauvrie (le globish) ayant perdu tout son charme, toute son âme, toute sa personnalité. Beau résultat de la mondialisation. À ce compte-là l’espéranto c’était encore mieux. Il avait au moins l’avantage d’être une langue neutre.
Moïse est un personnage tout aussi inventé que Fénius Farsaid. Aucun document historique sûr n’en parle. Et comme l’épisode égyptien de la Bible n’est qu’une forgerie de toutes pièces, il y a gros à parier que ce personnage n’est qu’une invention du règne du roi Josias au VIIe siècle de notre ère (2 Chroniques 34, 14 ; 2 Rois 22, 8).
Les dix commandements sont d’ailleurs une autre des grandes impostures du judéo-christianisme. Leur nombre a varié au fil des théories, certains ne peuvent pas dater du temps de l’exode, et enfin beaucoup n’avaient pas la portée que les fidèles du judaïsme ou du christianisme leur prêtent aujourd’hui.
LA VÉRITABLE HISTOIRE DES DIX COMMANDEMENTS.
Vous avez sûrement vu ça dans les films d’Hollywood, mais un petit rappel de leur scénario habituel sera quand même utile ! Après la sortie d’Égypte, Moïse et les Hébreux s’engagent dans le désert. Arrivé devant la montagne du Sinaï, Moïse y grimpe, seul et là, dans un déluge de feu, il reçoit de Dieu dix commandements gravés dans la pierre, que les Hébreux doivent respecter (s’ils ne veulent pas qu’il leur arrive des ennuis). Ces dix commandements sont un résumé destiné à faciliter la mémorisation des lois les plus importantes de la communauté, celles qui incluent la peine de mort
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pour un membre du clan, quel qu’il soit. En somme, on aurait ici une sorte de première liste des « péchés mortels ».
La Torah nous rapporte que Moïse la reçut sur le Sinaï et la présenta au peuple, au cours d’une cérémonie solennelle, au pied de la montagne.
Mais le récit de l’Exode relatant cet épisode (19, 25) comporte une singularité qui ne peut qu’intriguer toute personne dotée d’un minimum de réflexion. Il y est écrit en effet que Moïse descendit de la montagne et prit la parole pour dire… pour dire… mais on ne sait pas quoi, car le récit s’interrompt justement à cet endroit. Et aussitôt après ce n’est plus Moïse qui est censé parler, mais Dieu lui-même, qui promulgue ainsi en personne les dix commandements (20, 1). Exactement comme si l’on avait remplacé à cet endroit un propos attribué à Moïse par un autre plus tardif, mais attribué à Dieu cette fois-ci.
Force est d’ailleurs de constater que ces commandements ne semblent pas vraiment correspondre au temps de Moïse, qui fut un temps de pérégrination à travers le désert et de vie nomade. On peut par conséquent supposer qu’ils furent plutôt établis à l’époque des Juges, vers l’an 1100 avant notre ère, soit quelque 150 ans après sa mort supposée.
En outre, la Bible répète que ces commandements (ces « paroles ») sont au nombre de 10 (Deutéronome 4,13 ; 10,4), mais lorsqu’on les compte, on en trouve non pas 10, mais… 12.
Les voici (Exode 20, 3-17) :
1. Tu n’auras pas d’autres dieux que moi (verset 3).
2. Tu ne feras aucune image sculptée, etc., etc. (verset 4).
3. Tu ne te prosterneras pas devant ces images ni ne leur rendras un culte, etc., etc. (verset 5).
4. Tu ne blasphèmeras pas le nom de Yahvé, ton Dieu (verset 7).
5. Souviens-toi du jour du sabbat en le sanctifiant (verset 8).
6. Honore ton père et ta mère (verset 12).
7. Tu ne tueras point (verset 13).
8. Tu ne commettras pas d’adultère (verset 14).
9. Tu ne voleras pas (verset 15).
10. Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton voisin (verset 16).
11. Tu ne convoiteras pas la maison de ton voisin (verset 17, a).
12. Tu ne convoiteras pas la femme de ton voisin ni son serviteur, etc., etc. (verset 17, b).
Il y a donc de quoi être intrigué.
Quel sens peut bien avoir en effet la défense de convoiter la « maison » de son voisin, pour des hommes ou des femmes qui ne logent pas encore dans des maisons, mais sous des tentes ? Ce n’est qu’après leur installation en Terre promise que les Hébreux bâtiront des maisons en dur. Le commandement interdisant le faux témoignage suppose, quant à lui, l’existence de tribunaux, de juges et de procès. Chose impossible durant la traversée du désert. Et quand est imposé le repos du sabbat, il est précisé : « Tu ne travailleras pas, ni toi, ni ton fils, ni ton esclave, homme ou femme ». Mais comment ces gens pouvaient-ils avoir des esclaves, alors qu’eux-mêmes étaient tous des fugitifs, récemment sortis d’Égypte ?
Tout cela donc, a conduit les historiens à penser que les dix commandements appartiennent en fait à une époque postérieure ; celle où le peuple est déjà installé en terre de Canaan, et possède une organisation incluant des normes morales ou juridiques, adaptées à une autre époque.
Hypothèses sur le processus ayant abouti à ce résultat.
À un moment donné, face à l’abondance des lois et à la nécessité de disposer d’un résumé où figureraient les crimes les plus graves, de nature à mettre en danger la vie de la communauté ; on se résolut à dresser une courte liste de ces derniers. Et dans ce but on chercha parmi les lois toutes celles qui incluaient la peine de mort, c’est-à-dire toutes celles qui se terminaient par la formule : « Ainsi tu feras disparaître ce mal de ta communauté ». La plupart de ces prescriptions se trouvaient d’ailleurs évidemment dans le Deutéronome, puisque ce livre, par définition (Deutéronome veut dire deuxième loi en grec) en était un recueil.
Ci-après les prescriptions légales figurant de-ci de-là, isolément, dans le Deutéronome.
13, 2-6. Si quelqu’un survient parmi vous et dit : « Allons suivre d’autres dieux », distincts de Yahvé, cet homme doit mourir. Ainsi tu feras disparaître ce mal de ta communauté.
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17, 2-7. Si un homme ou une femme a rendu un culte à d’autres dieux, s’est prosterné devant eux ou devant le soleil ou devant la lune ou devant les étoiles du ciel, prend cet homme ou cette femme et lapide cette personne jusqu’à ce que mort s’ensuive. Ainsi tu feras disparaître ce mal de ta communauté.
17, 8-13. Si des cas soumis à ton jugement sont trop difficiles pour toi… va trouver les prêtres lévites et le juge qui sera en fonction à ce moment-là… celui qui n’obéira pas au juge ou au prêtre préposé au culte du seigneur ton Dieu devra être mis à mort. Ainsi tu feras disparaître le mal d’Israël.
21,18-21. Si quelqu’un a un fils et rebelle qui n’obéit point à ses père et mère… alors les hommes de sa ville devront la lapider jusqu’à ce que mort s’ensuive. Ainsi tu feras disparaître le mal de ta communauté.
19, 11-13. Si quelqu’un… tue un voisin… l’assassin devra être remis entre les mains du vengeur du sang versé afin d’être tué… Ainsi tu feras disparaître d’Israël la faute ayant consisté à verser le sang d’innocent.
22, 13-21. Si un homme se marie et… s’il n’y a aucune preuve de la virginité de la jeune femme… les hommes de sa ville devront la lapider à mort… Ainsi tu feras disparaître le mal de ta communauté.
24, 7. Si quelqu’un enlève un de ses compatriotes israélites et le traite ou le vend comme esclave, le ravisseur doit périr. Ainsi tu feras disparaître le mal de ta communauté.
19, 16-19. Si un faux témoin se lève pour accuser quelqu’un d’un crime… alors, faites au faux témoin ce qu’il avait l’intention de faire subir à l’autre partie de fait de son témoignage. Ainsi tu feras disparaître le mal de ta communauté.
22, 22. Si un homme est pris en flagrant délit de coucher avec la femme d’un autre homme, et l’homme qui a couché avec elle et la femme devront mourir. Ainsi tu feras disparaître le mal d’Israël.
Note de la Rédaction. Le seul des commandements qui ne figurait pas déjà pas dans le Deutéronome, est celui qui a trait au repos du sabbat. Sans doute parce qu’anciennement, n’étant pas considéré comme une matière suffisamment grave pour constituer un « péché mortel », il ne figurait pas dans la série des lois dont la violation était punie de la peine de mort. Mais plus tard, au retour de l’exil à Babylone, quand l’observance du sabbat devint un critère décisif, on l’ajouta donc à la liste.
Avec le temps, cette liste prit une telle importance parmi les Hébreux, que l’on en vint à l’attribuer à Moïse lui-même. On admettait alors comme certain en effet que Moïse avait été le législateur et l’organisateur de la vie légale du peuple. Dire que Moïse avait donné ces lois au Sinaï, c’était donc, d’une certaine façon, ne pas mentir, en tout cas rester dans le domaine du possible, voire du vraisemblable.
Notons enfin que les diverses religions du Livre ne sont pas tout à fait d’accord sur ce décalogue ; et que le catholicisme diffuse dans son enseignement un texte qui n’est pas reconnu, par exemple, par les biblistes forcenés que sont les Témoins de Jéhovah.
En outre, s’il y a bien dix commandements, comment les compter pour arriver à ce nombre ? De longue date, juifs et chrétiens ont débattu ce problème et proposé diverses manières de le résoudre.
Les premières tentatives furent celles du juif Philon d’Alexandrie et de l’historien Flavius Josèphe. Cette classification distingue quatre commandements relatifs à Dieu et six relatifs au voisin. Elle fut acceptée par plusieurs écrivains anciens, tels Origène, Tertullien et le taliban ou parabolanus chrétien Grégoire de Nazianze. Elle est aussi celle qu’adoptent actuellement les réformés luthériens, calvinistes ou anglicans.
Mais le judaïsme officiel, lui, récusa la classification de Philon et de Flavius Josèphe. Quand les rabbins rédigèrent le Talmud, leur livre sacré, ils proposèrent une autre façon de répartir les commandements.
À partir du XVIe siècle, quand les catéchismes commencèrent à se répandre, on entrevit la nécessité de fixer les dix commandements dans la mémoire des populations ; afin de faciliter l’examen de conscience préparatoire à la confession, et de donner un stimulant à la vie spirituelle. Cependant, tel qu’ils étaient rédigés, ces commandements parurent quelque peu surannés, vu qu’ils se référaient à une époque où les Hébreux observaient encore une morale primitive.
Le Décalogue faisait par exemple mention d’autres dieux, puisqu’en ce temps-là, les israélites croyaient qu’il existait d’autres divinités pour les autres peuples ; il prohibait les images, alors que, dans le Nouveau Testament (Col 1,14), le Christ est présenté comme l’image du Dieu invisible, et qu’il
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est donc permis de se servir d’images pour exprimer sa foi. Il ordonnait de sanctifier le sabbat, alors que les chrétiens célébraient le dimanche, considéré par eux comme le jour du Seigneur.
L’Église décida donc d’élaborer un nouveau Décalogue pour son catéchisme. Elle avait d’ailleurs déjà agi dans le même sens, en excluant les sacrifices animaux, prescrits par l’ancienne Loi, l’égorgement de brebis, la crémation de taurillons, et la sanglante immolation d’agneaux, qui devaient avoir lieu chaque jour au Temple.
N.B. Quant à la célèbre loi du talion, si elle constitue indéniablement un progrès par rapport à la vengeance aboutissant à une escalade de la violence, elle est quand même moralement inférieure au principe celtodruidique de la simple réparation ou compensation des torts causés ou des blessures infligées (éric, wergeld, etc.)
La règle des quatre moyens.
Sans doute une théorie juridique ou un code de procédure juridique.
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La coupe de Cormac.
La propre coupe de Cormac enfin, une coupe d’or dont il était en possession. La manière dont il l’avait eue était la suivante :
Un jour que Cormac petit fils de Conn, était seul sur le rempart de Téa situé à Tara (mur Tea hiTemraig) il vit venir à lui un vétéran aux cheveux grisonnant. Il portait un manteau pourpre à frange avec une chemise brodée de fils d’or, à même la peau. Deux chaussures mael ?? en bronze blanc aux pieds. Une branche (craeb) d’argent avec trois pommes d’or sur les épaules. Il suffisait d’écouter la musique produite par cette branche pour en ressentir joie et plaisir, les hommes grièvement blessés, ou les femmes en couches, ou les gens malades s’endormaient en entendant la mélodie que faisait cette branche quand elle était agitée.
Le guerrier salua Cormac. Cormac le salua.
« D’où viens-tu, ô guerrier ? » demanda Cormac.
« D’un pays », répondit-il « où il n’y a rien d’autre que la vérité, où il n’y a ni vieillesse ni déclin ni obscurité ni tristesse ni envie ni jalousie ni haine ni orgueil ».
« Il n’en est pas ainsi chez nous », répondit Cormac. « Une question, ô guerrier : devrions-nous faire alliance ?
« J’en serai enchanté », répondit le guerrier.
Ils firent donc alliance.
« Donne-moi la branche ! » dit Cormac.
« Je te la donnerai », répondit le guerrier, mais à condition que les trois dons que je demanderai à Tara me soient donc accordés en échange ».
« Ils te seront accordés », répondit Cormac.
« Ensuite le guerrier prit toutes les garanties nécessaires et laissa la branche, puis s’en alla ; et Cormac ne sut pas où il s’en était allé.
Cormac revint dans son palais. Toute la maisonnée fut émerveillée par la branche. Cormac la secoua devant eux, et les plongea dans le sommeil pendant 24 heures.
Au bout d’un an, le guerrier vint au rendez-vous et demanda donc à Cormac ce qu’il avait promis en échange de sa branche.
« Cela te sera donné », répondit Cormac.
« Alors aujourd’hui je prendrai Ailbe [ta fille]» dit le guerrier.
Il prit donc la fille avec lui. Les femmes de Tara poussèrent trois cris de douleur pleurant le sort de la fille du roi d’Irlande, mais Cormac agita la branche sur elles, en les débarrassant ainsi de leur chagrin, et il les plongea dans le sommeil.
Un mois jour pour jour après le guerrier revint et prit Carpre Lifechar [le fils de Cormac]. Pleurs et cris de douleur n’arrêtèrent pas de déplorer le triste sort du garçon, et cette nuit-là personne à l’intérieur du château ne mangea ni ne dormit, tous étaient plongés dans la peine et le plus grand abattement. Mais Cormac agita la branche sur eux, et leur chagrin s’envola.
Le même guerrier revint une nouvelle fois.
« Que veux-tu tu aujourd’hui ? » demanda Cormac.
« Ta femme », dit-il, « Ethne au flanc mince fille de Dunlang le roi du Leinster ».
Puis il prit la femme avec lui.
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Cela Cormac ne le supporta pas. Il courut après eux et tout le monde alors suivit Cormac. Un épais brouillard s’abattit sur eux et sur la pelouse entourant le château. Cormac se retrouva tout seul dans une grande plaine. Il y avait un grand château fort émergeant de la brume avec un mur de bronze tout autour. Dans cette forteresse il y avait une maison d’argent blanc, dont le chaume du toit était déjà fait pour moitié d’ailes [de plumes ?] d’oiseau blanc. [Il y avait là] toute une armée de cavaliers du Sid qui allaient ou venaient dans la maison avec des ailes d’oiseau blanc dans leur giron (utlaigi) afin d’achever de couvrir la maison. Des rafales s’abattaient toujours dessus et le vent donc emportait constamment la partie du toit déjà faite.
Ensuite il aperçut un homme faire du feu dedans et un tronc de chêne entier jeté dessus. Quand l’homme revenait avec un autre chêne à brûler le premier avait déjà fini de se consumer. Ensuite il aperçut un autre château, vaste et royal, avec un autre mur de bronze tout autour. Il y avait quatre maisons à l’intérieur. Il entra dans la forteresse et découvrit ce vaste château, ses poteaux de bronze, ses cloisons d’argent blanc et son toit au chaume fait d’ailes d’oiseau blanc.
Ensuite il aperçut dans la cour une fontaine étincelante, avec cinq ruisseaux qui en sortaient, ainsi que les gens venant à tour de rôle boire de son eau. Les neuf noisetiers de Buan poussaient autour de la fontaine. Les coudriers pourpres laissaient tomber leurs noisettes dans cette fontaine et les cinq saumons qui étaient dans les ruisseaux éparpillaient leurs coquilles en les laissant flotter à vau-l’eau. Les petites cascades que formaient ces ruisseaux étaient plus mélodieuses qu’aucune musique humaine.
Il entra dans le château. Il y avait à l’intérieur un couple qui l’attendait. Le visage de l’homme avait l’air distingué à cause de la beauté de sa forme et du charme de ses traits ainsi que de sa merveilleuse mine. La fille à ses côtés, une jeune femme aux cheveux blonds, avec un casque d’or, était la plus aimable des femmes du monde. Dogniter a fosaic can rathugud.
Fotracud forsin clarudh cen tincur o dhune acht na clocha in 7 ass ??? On lui lava les pieds à l’écart ??? On pouvait prendre un bain sans l’aide de personne dans une cabine de bois (clarudh ?), car les pierres brûlantes [destinées à chauffer l’eau] allaient d’elles-mêmes dans l’eau avant d’en ressortir ??? Cormac y prit donc lui-même un bain tout seul ensuite.
Alors qu’ils étaient là passé l’heure de none ils virent un homme venir à eux dans la maison. Une hache de bûcheron dans la main droite, une bûche de bois dans la main gauche, un porc derrière lui.
« Il est temps d’être fin prêt là-dedans », dit l’homme, « car un noble invité vient d’arriver ».
L’homme frappa le cochon et le tua. Ensuite il fendit la bûche afin de faire trois tas [?] de petits bois. Ensuite le porc fut jeté dans le chaudron.
« Vous devez maintenant le tourner », dit le guerrier.
« Cela ne servirait à rien », répondit le cuisinier « car ce porc ne cuira jamais de la vie tant qu’une parole de vérité ne sera pas dite sur chacun de ce ses quartiers ».
« Bon eh bien maintenant », dit le guerrier « commence le premier ».
« Un jour », dit-il, « que je faisais le tour du pays, j’ai trouvé les vaches de quelqu’un sur mes terres, et je les ai ramenées avec moi dans mon enclos à bétail. Le propriétaire des vaches me suivit et me fit savoir qu’il me donnerait une récompense si je laissais ses vaches repartir. Je lui rendis donc ses vaches. Il me donna par conséquent un cochon une hache et une bûche de bois, le cochon devant être tué chaque nuit avec cette hache, et la bûche de bois fendue par elle aussi, qu’il y aurait ainsi assez de bois de chauffage pour faire cuire le porc, et même assez pour tout le palais d’ailleurs. Et qu’en outre le porc serait toujours vivant le lendemain matin, et la bûche intacte. Il en est ainsi depuis lors jusqu’à ce jour.
« Cette histoire est vraie en effet » dit le guerrier.
« Le cochon fut retourné [dans le chaudron] un seul de ses quartiers ayant été cuit.
« Raconte-nous une autre histoire », dirent-ils.
« Je vais vous en raconter une », dit le guerrier. « Le temps des labours était venu. Lorsque nous voulûmes labourer ce champ, on le trouva déjà labouré, hersé pareillement et même ensemencé avec du blé. Quand nous voulûmes le moissonner, on trouva la récolte déjà mise en gerbe dans le champ. Quand nous voulûmes le ramener chez nous, nous le trouvâmes déjà dans la cour sous forme de meule de paille. Nous en avons ensuite mangé depuis jusqu’à ce jour, mais il n’y en a ni plus ni moins qu’avant.
Le porc fut alors retourné [dans le chaudron] et on trouva un autre quartier de cuit.
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« C’est maintenant à mon tour », dit la femme. « J’ai sept vaches » dit-elle, « et sept moutons. Le lait des sept vaches suffit aux gens de la Terre de Promesse. Et la laine des sept moutons fournit tous les vêtements dont ils ont besoin ».
Avec cette histoire le troisième quartier [du porc] fut cuit.
« C’est maintenant à ton tour », dirent-ils à Cormac.
Aussi Cormac leur raconta-t-il comment sa femme son fils et sa fille lui avaient été enlevés, et comment ils les avaient poursuivis jusqu’à cette maison.
Avec ça le porc tout entier fut cuit.
Ensuite ils découpèrent le porc et on en plaça une part devant Cormac.
« Je n’ai jamais pris de repas », dit Cormac, « sans une compagnie de cinquante hommes ».
Le guerrier lui chanta le refrain d’une chanson et l’endormit. Ensuite il se réveilla et vit cinquante guerriers, ainsi que son fils sa femme et sa fille à ses côtés. Là-dessus son moral lui revint. Bière et nourriture leur furent servies, et ils devinrent joyeux et gais. Il y avait une coupe en or dans la main du guerrier. Cormac en était tout émerveillé à cause du nombre des motifs figurant dessus et du caractère insolite de son art.
« Il y a quelque chose encore plus extraordinaire », dit le guerrier. Si l’on prononce trois paroles mensongères devant elle, alors elle se brise en trois morceaux, ensuite que l’on dise trois vérités devant elle et elle se redevient comme elle était auparavant ».
Le guerrier prononça dessus trois paroles mensongères et elle se brisa en trois.
« Il est mieux de parler vrai », dit le guerrier, si l’on veut que la coupe se retrouve comme intacte. Je te déclare donc, ô Cormac », ajouta-t-il, « que jusqu’à ce jour ni ta femme ni ta fille n’ont vu un homme depuis qu’elles t’ont été enlevées à Tara, et que ton fils n’a pas vu la face d’une femme ». Et la coupe retrouva son intégrité.
« Prends ta famille avec toi maintenant », dit l’homme, et prends aussi la coupe afin que tu aies de quoi discerner la vérité du mensonge. Et tu auras la branche qui te procurera musique et ravissement. Mais le jour où tu mourras, tout cela te sera repris. Je suis Belin/Belen/Barinthus le fils de Lero (Manannan) » ajouta-t-il, « le roi de la Terre de promesse, et te montrer la Terre de Promesse était la seule pour laquelle je t’ai fait venir là. La troupe de cavaliers que tu as vue en train de couvrir le toit ce sont les maîtres artisans d’Irlande, amassant bétail et richesse qui s’évanouissent dans le néant. L’homme que tu as vu faisant du feu est un jeune seigneur, 7 icais asa treabadh cach ni chaitheas ?? et en dehors de ce dont il prend soin, il paye tout ce dont il a besoin???
La fontaine que tu as vue, avec les cinq ruisseaux qui en sortaient, c’est la fontaine de la connaissance, et les ruisseaux ce sont les cinq sens au moyen desquels la connaissance est obtenue. Et personne ne peut avoir de connaissance qui n’ait pris une gorgée de la fontaine elle-même et de ces ruisseaux. Avoir des dons multiples (lucht na-illdan) c’est avoir bu de chacun d’entre eux.
Le lendemain matin, quand Cormac se leva, il se retrouva sur la pelouse de Tara, et ce avec sa femme son fils et sa fille, et il avait sa branche et la coupe. C’est pourquoi elle fut appelée d’après lui « Coupe de Cormac », et servait à distinguer la vérité du mensonge chez les Gaëls. Mais comme cela lui avait été annoncé, ils furent repris après la mort de Cormac.
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Grand à un point qu’on ne saurait dire fut le pouvoir de Cormac sur l’Irlande à cette époque. Tous les otages d’Irlande étaient entre ses mains. L’un d’entre eux était Socht fils de Fithel, fils d’Oengus, fils de Glangen, fils de Sech, fils de Socht, fils de Fachtna, fils de Senchaid, fils d’Ailill Cestach, fils de Rudraige.
A leabur Nahuacongbala cecinit.
Extrait du livre de Nahuacongbala.
Socht avait une épée merveilleuse, dotée d’une poignée en or et d’un baudrier d’argent : sa garde était dorée, sa pointe avait divers tranchants. Elle brillait la nuit comme une chandelle. Si l’extrémité de sa lame (rind) pliait alors elle se redressait toute seule comme une rapière (cholg). Elle pouvait couper un cheveu [flottant] sur l’eau. Elle pouvait couper un cheveu sur la tête sans blesser le cuir chevelu. Elle pouvait pourfendre un homme, si finement que pendant longtemps chacune des moitiés ne se serait pas rendu compte ou aperçu de ce qui était arrivé à l’autre. Sotch disait que c’était la
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Trempe-à-la-tête-dure, l’épée du Hésus Cuchulainn. Ils soutenaient que cette épée leur appartenait de par la volonté de leur père et grand-père.
Il y avait à ce moment-là dans Tara un célèbre intendant, Dubdrenn fils d’Urgriu. L’intendant demanda donc à Socht de lui vendre l’épée en lui promettant que……, etc. etc.
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Cormac gagna ainsi de par son jugement l’épée en tant que wergeld (compensation) pour [la mort de] Conn. On ne pouvait remporter ni bataille ni combat contre cette épée ou contre qui l’avait dans sa main. C’est elle le troisième plus précieux trésor de la verte Erin, à savoir la Coupe de Cormac, sa Branche et cette épée.
Cette histoire est donc l’histoire des épreuves de vérité, celle des aventures de Cormac dans la terre de Promesse, et celle de l’épée de Cormac.
Act adberaid na hecnaidi cach uair notaisbenta taibsi ingnad dona righflathaib anall, amal adfaid in Scel do Chund, 7 amal tarfas Tir Thairngiri do Cormac, conidh timtirecht diada ticedh fan samla sin, 7 conach timthirecht deamnach. Aingil immorro dos-ficed da chobair, ar is firindi aignidh dia lentais, air is timna Rechta rofoghnamh doibh. Timthirecht diada immorro rosaer fir Erenn a n-Uisneach ar in Tromdhaim cena lecon doibh. Finit. Amen.
Les sages déclarent que, chaque fois qu’une de ces visions est apparue jadis aux seigneurs souverains, comme l’esprit qui apparut à Conn, et la Terre de Promesse qui fut montrée à Cormac, c’était une intervention divine destinée et non une manifestation diabolique. Des anges venaient les aider parce qu’ils suivaient la loi de nature (firindi aignidh) et observaient les commandements (timna) de la Loi qui était la leur (rofoghnamh). C’est d’ailleurs une semblable intervention qui a libéré les hommes d’Irlande à Uisnech de la lourde compagnie bardique, sans pour autant la leur livrer.
Fin. Amen.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 39.
Une branche (craeb) d’argent avec trois pommes. Une sorte de super branche d’olivier en quelque sorte. D’où le fait que dans certains groupes druidiques il existe de tels insignes de type barrette ou palme pour marquer les grades dans l’ollotouta druidique : une petite branche (craeb) d’argent incrustée de trois petites pommes d’or.
« Que veux-tu tu aujourd’hui ? » demanda Cormac. « Ta femme », dit-il.
La grande leçon à tirer de toutes ces histoires comme celle de Mongan, etc. C’EST QU’IL FAUT TOUJOURS FAIRE TRÈS ATTENTION À SES ACTES, ET QU’IL VAUT TOUJOURS MIEUX TOURNER SA LANGUE SEPT FOIS DANS SA BOUCHE AVANT DE PARLER. Cela vaut dans tous les domaines y compris politiques. Était-il bien vraiment intelligent de la part des démocraties libérales occidentales de soutenir DANS LES FAITS (articles ne reflétant toujours qu’un seul point de vue, celui des islamistes, livraison de matériel à leur camp, embargo sur l’autre camp, etc.) la montée de l’islamisme dans les pays arabes dans les années 2010.
Quand le sage montre la lune du doigt, l’intellectuel français regarde le doigt c’est-à-dire s’en tient aux apparences comme un enfant de 8 ans instrumentalisé à son insu et incapable d’une analyse objective en profondeur, non naïve non manichéenne mais tenant compte de tous les facteurs en jeu (peurs, majorités ou minorités silencieuses, considérations stratégiques, possibilités de mise en scène, etc.)
Le comble du ridicule étant atteint par l’édition parisienne de Match qui, le jour même où l’armée syrienne commençait la reconquête d’Alep la seconde ville du pays après avoir repris sa capitale (samedi 28 juillet 2012) sortait un numéro titré « Bachar et Asma El-Assad. La Syrie leur échappe ! »
Quand par exemple le Premier ministre syrien sunnite vraisemblablement acheté par le Qatar, a fait défection, combien de journalistes ont-ils nuancé la chose en rappelant qu’un Premier ministre dans une dictature n’est toujours qu’un pantin ?
Même chose quelques semaines plus tard lorsque le ministre français des Affaires étrangères a spectaculairement annoncé la défection (qui n’a pas eu lieu, du moins dans l’immédiat) du vice-président syrien. Vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué semble être devenu apparemment une
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spécialité des médias. Mais l’emballement médiatique n’est nullement synonyme d’intelligence ni de réflexion ni même d’information. Dans mon dictionnaire en tout cas.
Le journalisme ça ne devrait pas être un comportement grégaire tout juste digne du suivisme sans cervelle ni sans intelligence aucune, et ne parlons même pas de l’honnêteté intellectuelle, des célèbres moutons de
Panurge, ni le psittacisme voire une course au pathos et au spectaculaire, mais une réflexion, ou analyse, critique, afin que les citoyens que nous sommes puissent se faire leur propre jugement de valeur au lieu de n’avoir à disposition que celui personnel du journaliste de service. Presse et télévision décidément constituent toujours un irremplaçable instrument de propagande et de manipulation des esprits, d’endoctrinement, de lavage de cerveau, que ce soit dans une dictature pure et dure ou dans une dictature molle du genre de celle où les journalistes au lieu de nous informer nous dictent ce qu’il faut penser en hurlant avec les loups leboniens.
N.B. Les journalistes occidentaux se sont vraiment déshonorés depuis quelques années dans chaque traitement des longs conflits ayant déchiré notre planète, de la guerre en Irak avec ses armes de destruction massive à la guerre civile en Syrie en passant par la Libye. En Libye et en Syrie notamment il y avait en quelque sorte deux guerres ; la vraie, la guerre civile avec son cortège d’horreurs des deux côtés, et la guerre vue par les journalistes : des femmes enceintes et des vieillards faisant refluer à coups de cannes ou de cailloux les chars des quelques dizaines de combattants mercenaires soutenant le dictateur en place.
Dans quelle mesure une telle non-information a-t-elle pu contribuer à ramener la paix, on peut se le demander. Combien de morts en plus un tel soutien à des croisés ou lunés musulmans, on peut se le demander !
Une propagande aussi manichéenne de la part des journalistes en tout cas n’a guère aidé à comprendre la complexité du réel et celui qui a suivi assidûment de telles « informations » n’a littéralement pas compris comment ces guerres civiles ont pu finir ainsi : le rétablissement de la charia et/ou l’exode des chrétiens.
Alors j’ai bien envie de dire : « Mesdames et messieurs les journalistes, de grâce, gardez vos jugements de valeur personnels pour vous et ne me transmettez que des faits, rien que des faits, que je puisse à mon tour me faire ma propre opinion. Comme aurait pu le dire Vauvenargues, l’enfer est toujours pavé de bonnes intentions ».
En ce qui concerne les Celtes voici ce qu’a noté César : « Les tribus-états considérées comme gérant le mieux la chose publique, ont des lois ordonnant que, si quelqu’un a entendu par la rumeur ou sur la foi de ses voisins, quelque chose concernant le bien public, il doit en faire part au magistrat, et à nulle autre personne, car il a été constaté maintes fois que des hommes inconsidérés ou inexpérimentés, sont souvent alarmés par de fausses informations, et conduits à réagir de façon impétueuse, ou prennent alors des décisions hâtives dans les affaires de la plus haute importance » (B.G. Livre VI chapitre XX).
Sans aller jusque-là, il serait peut-être bon d’imposer que les médias disent clairement s’ils font du journalisme d’information ou du journalisme d’opinion. La claire distinction entre journalisme d’opinion et journalisme d’information est en effet absolument nécessaire.
Ou alors une sorte de permis d’écrire à points pour les journalistes. Un article odieusement partial au lieu d’un article objectif = un point de moins sur le permis d’écrire des articles.
Toit déjà fait pour moitié d’ailes d’oiseau blanc. Toit en plumes d’oiseau blanc, etc. Que signifie cette description ? Il s’agit sans doute de détails isolés ou sortis de leur contexte d’un récit légendaire plus important. La censure chrétienne a fait disparaître toute la cohérence initiale de ces récits. Par contre le christianisme s’est certainement servi de tels récits déformés et sortis de leur contexte pour ses visions du paradis de l’enfer ou du purgatoire, comme celles d’Adomnan, Drythelm, Tundal, Laisren, saint Fursy et saint Patrice.
Clarudh ?? Sauna ?
None. Environ 15h.
Cecinit est bien entendu un terme latin, signifiant « on chante ».
Si finement. Quand on vous disait que tout n’est pas à prendre au pied de la lettre dans les récits des conteurs irlandais. Juifs chrétiens et musulmans devraient bien en faire autant pour leurs livres sacrés à eux ! Ils auraient l’air moins bêtes. Croire au sens littéral de la Bible n’est pas une preuve
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d’intelligence. Et croire au sens littéral du Coran est une régression intellectuelle du même ordre que celle que nous venons d’évoquer.
Nous avons assez dénoncé l’épouvantable racisme habituel des chrétiens qui voient des démons partout pour souligner qu’inversement dans cet exemple précis les intellectuels chrétiens ayant couché par écrit ce récit semblent au contraire non pas considérer que les dieux du paganisme sont des démons, mais les assimiler des sortes d’anges.
Pourquoi pas en effet ? On ne voit pas pourquoi les apparitions d’anges ou de saints seraient toujours divines et les apparitions d’entités de la religion ayant précédé le christianisme toujours forcément démoniaques. Un tel « deux poids deux mesures » ne serait qu’une manifestation de plus du racisme inhérent à la notion de peuple élu ou de véritable Israël (verus Israel en latin).
La grande compagnie bardique. Il s’agit vraisemblablement d’une allusion au fameux épisode de la Tromdámh Guaire. « Un jour arriva ici Marban, le porcher de Guaire, et son propre frère, un saint homme de passage, dans la maison de l’importune compagnie, avec l’intention de leur reprocher leur méchanceté leur injustice et leur ignorance, car il souffrait trop de la multitude de leurs demandes injustes qui accablaient Guaire et les hommes du Connaught ainsi que toutes les tribus libres d’Irlande. Il invoqua la malédiction et les foudres de Dieu tout puissant sur eux s’ils restaient plus de deux nuits dans une maison ou s’ils faisaient des demandes injustes à quiconque en Irlande jusqu’à ce qu’ils lui racontent l’histoire de l’enlèvement des vaches de Cualnge » (Betha Colaim Chille).
Cette histoire est donc l’histoire des épreuves de vérité…
L’épreuve dite de l’attente à l’autel est assez mystérieuse et nous laisse perplexes si ce n’est pas une interpolation due à la sous-culture chrétienne du Moyen-âge (la mention du personnage inventé de toutes pièces qu’est le mythique Moïse le fait craindre).
Mais peut-être est-ce là aussi une épreuve de vérité faisant intervenir les dieux (puisque nous sommes devant un autel de sanctuaire). Le dieu fait périr celui qui boit de cette eau s’il ment ou s’il est coupable (pour les anciens Celtes mentir et avoir tort c’était la même chose).
Les trois pierres noires et le tirage au sort des bois (crannchur) de Sencha sont des épreuves de type jugement de Dieu, qui font aussi intervenir les divinités. Les dieux font faire le bon choix ou se manifestent d’une façon ou d’une autre en faveur de celui qui a raison.
Une épreuve similaire existait sur le Continent si l’on en croit l’écrivain grec Artémidore.
L’histoire suivante qu’Artémidore raconte à propos du port des corbeaux est encore plus fabuleuse : il y aurait un port sur la côte de l’Océan, surnommé « les Deux corbeaux », et dans ce port, on pourrait voir deux corbeaux justement, avec le bout de l’aile droite plus ou moins blanc ; de telle sorte que les hommes qui ont quelque différend vont en ce lieu, disposent une planche sur une hauteur, et ensuite y déposent des galettes d’orge, chacun de son côté. Les oiseaux arrivent, mangent certaines des galettes d’orge, éparpillent les autres ; et l’homme dont les galettes ont été ainsi dispersées gagne son procès (Strabon, géographie, livre IV, chapitre IV, 6).
Quant au tirage au sort des bois (crann chur) ou des pierres, on peut penser qu’il y avait des jours spéciaux pour cela dans l’année si l’on en croit le calendrier de Coligny qui mentionne des prinni loudin et des prinni lag.
Ce genre de jugement de Dieu, non violent et en quelque sorte par tirage au sort est la preuve absolue que les anciens Celtes croyaient en l’intervention des dieux, plus précisément peut-être de Belin/Belen/Barinthus dit le mannois (de l’île de Man = Manannan) en faveur de l’innocent ou plus exactement d’ailleurs (ne soyons pas bêtement ou naïvement manichéens) en faveur de celui qui disait la vérité. Ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Disons que c’était la version antique du détecteur de mensonges. Le tirage au sort était censé favoriser celui qui avait raison. Bel optimisme de la part de nos ancêtres spirituels. Et ce donc contrairement à ce qu’affirme le grand spécialiste français en la matière du XIXe siècle, d’Arbois de Jubainville, complètement égaré par son tranquille a-moralisme.
Ce dernier a cependant sans doute raison en ce qui concerne le vieux bois de Sen fils d’Aige puisqu’on y retrouve le même principe que celui que l’on voit opérer dans les textes relatifs aux eaux Rhin censées distinguer l’enfant illégitime du bâtard.
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L’épreuve de vérité dite du vieux bois de Sen fils d’Aige semble en effet mettre en jeu le pouvoir de l’eau et ressemble beaucoup à la façon dont on établissait la légitimité des nouveau-nés au bord du Rhin.
« Le Rhin ne trompe pas les Celtes, car il engloutit dans ses tourbillons leurs enfants bâtards, vengeant ainsi le lit conjugal souillé par un adultère ; mais ceux qu’il reconnaît être de légitimes descendants il les porte sur ses flots et les rend aux bras de leur mère tremblante, la récompensant ainsi par la préservation de son enfant de son respect absolu des liens sacrés du mariage…… » (Julien l’Apostat dans une de ses lettres adressées au philosophe Maxime, l’épitre N° 16).
« Les braves celtes vérifient la légitimité de leurs enfants dans le Rhin jaloux
Et aucun d’entre eux ne se regarde comme le père de l’enfant
Jusqu’à ce qu’il l’ait vu baigner dans ce vénérable fleuve.
Immédiatement après que l’enfant a glissé du sein de sa mère et versé ses premières larmes
Le père lui-même le prend et le place sur son bouclier
Sans se soucier de ses souffrances, car il ne réagit pas comme un père à son égard
Tant qu’il n’a pas pu le voir jugé ainsi par un bain dans ce fleuve
Preuve de la fidélité de son épouse.
Et le cœur de la mère se serre ajoutant ainsi de nouvelles souffrances à celles de l’accouchement
Bien qu’elle sache parfaitement qu’il est le vrai père de l’enfant
Elle attend dans l’angoisse et en tremblant le verdict de l’onde incertaine » (Anthologie grecque volume 3. Livre IX. 125. Poème anonyme).
« Après l’Éridan il y a la terre des Tyrrhéniens à l’orient de laquelle on voit commencer les Alpes, et du milieu de laquelle s’écoulent les eaux du Rhin, fleuve celtique, qui, par une double embouchure, se jette dans l’Océan boréal ; son cours est rapide, sinueux, et il n’est pas facile d’y construire des ponts. Ce fleuve, dit-on, distingue les enfants bâtards des enfants légitimes ; il porte les uns, ceux qui sont légitimes ; les autres, qui ne le sont pas, il les expédie au fond des eaux et dans l’oubli » (Commentaire sur Denys le Périégète).
Il est possible que la légende ait grossi et généralisé : si vraiment tous les Celtes des pays rhénans avaient l’habitude de porter leurs enfants aux fleuves et de ne se reconnaître pères qu’après le verdict des eaux, il serait stupéfiant qu’un usage aussi commun et aussi visible n’eût été remarqué par personne avant Julien et que Julien lui-même n’en parlât que par ouï-dire. On peut en outre penser que c’est seulement lorsqu’une femme était accusée ou soupçonnée d’adultère que l’on recourait à l’arbitrage du Rhin. Ce fleuve, au rapport de Clément d’Alexandrie, était souvent invoqué comme témoin des serments. Il est donc vraisemblable que la mère accusée était invitée d’abord à jurer par le Rhin et, en second lieu, si l’accusateur persistait, à soumettre l’enfant à l’épreuve des eaux sacrées.
Et il devait bien y avoir des enfants survivant à une telle épreuve puisque le chef celte Viridomaros était dit « fils du Rhin ».
Claude aussi refoula l’ennemi au-delà du Rhin après qu’ils l’eurent traversé,
Et on y amena donc le bouclier belge du gigantesque chef appelé Viridomar.
Il se vantait d’être issu du Rhin lui-même (Properce. Livre IV. 10).
Vase de Badurn et Coupe de Cormac sont plus énigmatiques puisque ces épreuves de vérité impliquent qu’une force mystérieuse (les dieux ?) brise ces objets en cas de mensonge. Difficile à croire, mais peut-être est-ce là une allégorie de la même veine que les épreuves de vérité précédentes : l’intervention des dieux celtes aux côtés de celui qui a raison et qui dit vrai (pour les Celtes antiques c’était d’ailleurs la même chose avons-nous déjà signalé).
Très différentes en leur principe de fonctionnement par contre (il n’y a plus tirage au sort) sont les épreuves de vérité dites de l’herminette ou de la hache de Mochta et le fer de Luchta, voire l’attente à l’autel et le chaudron de vérité.
Herminette ou hache de Mochta et fer de Luchta ou chaudron de vérité sont des épreuves de vérité mettant donc en jeu les pouvoirs de l’esprit sur le corps, qui résiste au feu. Nous sommes là dans le domaine du fakirisme ou des marches sur le feu auxquelles on peut assister ici et là dans le monde et notamment dans les pays de culture hindouiste.
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En ce qui concerne le chaudron de vérité nous ne sommes pas d’accord avec d’Arbois de Jubainville qui voit en elle une autre illustration du pouvoir de l’élément eau dans la recherche de la vérité. Il est en effet plus qu’évident qu’y intervient également l’élément feu.
La marche sur le feu n’est pas un phénomène nouveau, cette tradition fait partie de la culture humaine depuis bien longtemps. Déjà mentionnée dans la Bible (Proverbes 6,28), et abondamment pratiquée à la Réunion. Elle fait partie intégrante de rituels magiques et religieux dans de nombreuses cultures. Les Hindous, les bouddhistes tibétains et autres mystiques ou ésotéristes modernes aiment la pratiquer.
Contrairement à certaines prétentions des fakirs et gourous, la marche sur le lit de braises se fait plutôt rapidement : le contact de chaque pied sur la braise dure moins d’une seconde, et moins de dix pas sont habituellement nécessaires pour traverser la surface. Il ne faut pas oublier que la chaleur absorbée par chaque pas est progressive. Comme lorsqu’on marche pied-nu sur du sable chauffé par le soleil : la sensation de chaleur ne devient insupportable qu’après quelques pas. C’est pourquoi le record de la plus longue marche sur le feu enregistré par le livre des records Guiness a été limité à 120 pieds (environ 35 mètres). Si un pouvoir mystique était vraiment à l’œuvre, pourquoi ne pourrait-on pas marcher en toute sécurité sur de bien plus longues distances ?
N.B. Les deux (ou trois) colliers de Morann n’ont rien à voir avec le fakirisme et les phénomènes de marche sur le feu, ce qui nous laisse assez perplexes. Si un de nos lecteurs a une idée (un symbole incompris, un texte tronqué ?) qu’il nous le dise.
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LES AVENTURES DE NERA.
ECHTRA NERAI.
Il s’agit d’un récit qui date du Xe siècle. Le thème en est la fête de Samon (ios). Là encore plusieurs manuscrits nous en ont conservé le contenu. Un de la collection Egerton (le numéro 1782) qui date du XVIe siècle environ, un du Leabhar Buidhe Leacáin (Livre jaune de Lecan) qui date du XVe siècle et aussi un fragment du Liber Flavus Fergusiorum également du XVe siècle.
À noter : l’épisode de la saga du Hésus Cuchulainn intitulé en gaélique « Tain bo regagna » semble en être un épisode détaché.
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Ailill et Medb ainsi que toute leur maisonnée se trouvaient dans le château de Cruachan un soir de Samon (aidqi samnoi). Ils se mirent à préparer à manger. Deux prisonniers avaient été pendus par eux la veille de ce jour-là. Ailill dit alors : « celui qui mettra un brin d’osier autour du pied de l’un ou l’autre des deux prisonniers qui sont pendus à la potence aura une récompense de ma part, ce qu’il voudra ».
Profondes étaient l’obscurité de cette nuit-là et son horreur, des démons apparaissaient toujours à cette occasion. Chacun d’entre eux sortit à son tour cette nuit-là pour essayer, mais il revenait bien vite à l’intérieur.
« C’est moi qui vais avoir ta récompense » dit Nera, « car je vais y aller ».
« Eh bien alors tu auras mon épée à poignée d’or que voici », répondit Ailll.
Après avoir dit cela Nera sortit pour aller retrouver les captifs, et mit une bonne armure sur lui. Il mit un brin d’osier autour du pied d’un des deux prisonniers. À trois reprises il se détacha. Ensuite le captif lui dit qu’à moins qu’il ne mette un lien approprié bien qu’il soit ici à sa disposition jusqu’au lendemain matin, jamais il n’arriverait à faire tenir son attache sur lui. Nera mit donc la fixation adéquate.
Le prisonnier dit alors à Nera du haut de la potence : « Voilà un geste viril, ô Nera ! ». « Viril en effet ! » répondit Nera.
« Afin de prouver la réalité de ta valeur, porte-moi sur tes épaules (sur ton cou ?) que je puisse boire un verre avec toi. J’avais très soif quand j’étais pendu ».
« Alors, viens te mettre là ! » répondit Nera. Et il vint alors se placer autour de son cou. « Jusqu’où dois-je te porter ? » demanda Nera. « Jusqu’à la maison la plus proche de nous », répondit le prisonnier.
Ils allèrent donc ainsi jusqu’à cette maison. Là ils virent quelque chose. Un lac de feu tout autour du bâtiment.
« Il n’y a rien à boire pour nous dans cette maison », constata le captif. « Il n’y a jamais de feu sans qu’il y ait une réserve [de bois] à l’intérieur. Allons dans l’autre maison la plus proche ». Ils y allèrent et virent un lac d’eau tout autour. « N’allons pas dans cette maison ! » dit le captif. Ni gnath athinndlad na athfotraccod na ambor co némiud.
Il n’y a jamais dedans de quoi se laver les mains ou les pieds ni baignoire ni seau hygiénique ??? la nuit quand on s’est couché. Continuons jusqu’à l’autre maison. Car c’est là dans cette maison que se trouve ma boisson » dit le prisonnier. Il [Nera] le déposa donc à terre. Il entra dans la maison. Il y avait des cuves pour se laver ou prendre un bain à l’intérieur, et de la boisson dans les deux. Ainsi qu’un seau hygiénique (ambor co némiud) par terre. Il but ensuite une gorgée de chacune d’entre elles et cracha les dernières gouttes à la figure de ceux qui étaient là dans cette maison, et ils en moururent tous. D’où le fait désormais qu’il n’est pas recommandé [d’avoir] de quoi se laver ou prendre un bain ni du feu sans réserve [de bois] ni seau hygiénique (ambor co némiud) dans la maison pour la nuit.
Là-dessus il le ramena sur les lieux de son supplice, et Nera revint à Cruachan. Il aperçut alors quelque chose. Le château avait été la proie d’un incendie et il y avait un tas de têtes des gens de son peuple coupées par des guerriers [inconnus ?]. Il suivit alors cette armée jusque dans la grotte de
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Cruachan. « Il y a un humain avec nous sur la piste » s’exclama le dernier guerrier en regardant Nera. « Notre marche est devenue plus pesante » ? s’exclama son camarade, et chacun répéta cette remarque à son compagnon du dernier homme jusqu’au premier. Sur ce ils atteignirent le sid de Cruachan et y pénétrèrent. Ensuite les têtes furent montrées au roi du Sid.
« Que doit-on faire de l’humain qui est venu avec vous ? » dit l’un d’entre eux.
« Qu’il vienne ici que je puisse lui parler », répondit le roi. Alors Nera vint à lui et le roi lui dit : « Qu’est-ce qui t’a conduit à pénétrer dans le sid avec ces guerriers ? » « Je suis venu en compagnie de ton armée », répondit Nera.
« Va maintenant dans cette maison », dit le roi. « Il y a là une femme seule, qui te fera bon accueil. Dis-lui que tu viens de ma part, et viens ici chaque jour avec une charge de bois de chauffage ».
Il fit alors comme on lui avait dit. La femme lui souhaita la bienvenue et lui dit : « sois le bienvenu si c’est le roi qui t’a envoyé ici ». « C’est bien lui » répondit Nera. Et chaque jour Nera vint au château avec un fardeau de bois de chauffage. Il croisait à chaque fois un aveugle avec un boiteux sur ses épaules (sur son cou ?) sortant du château devant lui. Ils allaient jusqu’au bord d’une source située devant le château. « Est-ce là ? » demandait l’aveugle. « C’est bien là », répondait le boiteux. « Alors, allons-nous-en », disait le boiteux. Nera interrogea la femme à ce sujet. « Pourquoi l’aveugle et le boiteux se rendent-ils chaque jour à cette fontaine ? ». « Ils vont jeter un coup d’œil sur la couronne qui est dans cette fontaine », répondit la femme, « c’est-à-dire sur une tiare (mionn) en or que le roi porte sur sa tête, c’est là qu’elle est gardée » « Pourquoi ces deux-là y vont-ils ? ». » Ce n’est pas difficile à dire », répondit-elle, « parce que ce sont eux qui sont chargés par le roi de surveiller la couronne. L’un d’eux a été aveuglé, l’autre rendu boiteux ».
« Viens (donc un peu ici » dit à sa femme Nera, « afin que de me parler de mes aventures à moi maintenant ».
« Qu’as-tu vu ? » demanda la femme.
« Ce n’est pas difficile à dire » répondit Nera ». Il m’a semblé alors que je pénétrais dans le sid que la forteresse de Cruachan avait été détruite et qu’Ailill ainsi que Medb y avaient été tués à l’intérieur avec toute leur maisonnée.
« Ce n’est pas vrai bien sûr », répondit la femme, « mais une armée de possédés (siabra) s’est quand même déjà mise en route contre toi. « Cela va se réaliser », dit-elle, à moins que tu ne préviennes tes amis ».
« Comment pourrai-je avertir mon peuple ? » demanda Nera.
« Lève-toi et va les voir », dit-elle. « Ils sont toujours autour du même chaudron et son contenu n’a pas encore été enlevé du feu ».
Il lui avait pourtant bien semblé qu’il était dans le sid déjà depuis trois jours et trois nuits.
« Dis-leur d’être sur leur garde quand viendra Samon (ios) à moins qu’ils ne viennent ici avant pour détruire le sid. Car je leur promets ceci : le sid sera détruit par Ailill et Medb, et la couronne de Briun sera emportée par eux ». [Voici les trois choses qui furent trouvées en ce lieu : le manteau de Loegaire d’Armagh, la couronne de Briun du Connaught, et la chemise de Dunlaing dans le Leinster à Kildare].
« Comment pourrai-je leur prouver que je suis bien allé dans le sid ? » demanda Nera.
« Prends des fruits d’été avec toi », répondit la femme. Il prit aussi de l’ail sauvage avec lui ainsi que des primevères et de la fougère dorée.
« Je serai enceinte de toi aussi », ajouta-t6elle, « et je te donnerai un fils. Envoie un message de ta part quand tes gens viendront détruire le sid, que tu puisses en faire sortir ta famille et ton bétail sain et sauf ».
Sur ce Nera donc alla retrouver les siens, et les trouva autour du même chaudron, ensuite il leur raconta ses aventures. On lui donna son épée puis il attendit avec les siens jusqu’à la fin de l’année. L’année même où Fergus fils de Roech vint s’exiler chez Alill et Medb à Cruachan après avoir été banni d’Ulster.
« L’heure de ton rendez-vous est venue, ô Nera », lui dit Ailill. « Lève-toi et conduit tes gens et ton bétail hors du sid, que nous puissions aller le détruire ».
Ensuite Nera partit retrouver sa femme dans le sid et elle lui souhaita la bienvenue. « Lève-toi pour aller jusqu’au château maintenant » dit la femme à Nera, « et prends du bois de chauffage sur ton dos. Je suis allé tous les jours là-bas pendant une année entière avec un fardeau de bois sur mon cou à ta place, en leur disant que tu étais malade. Et il y a aussi ton fils là-bas ».
Ensuite il se rendit au château en portant un fardeau de bois de chauffage sur ses épaules.
« Bienvenue à celui qui est sorti vivant de la maladie qui t’accablait ! » dit le roi. « Mais il me déplaît que la femme ait dormi avec toi sans t’interroger ».
« Ta volonté sera faite à ce propos » répondit Nera.
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« Cela ne te sera pas difficile », dit le roi.
Il revint dans sa maison.
« Maintenant, occupe-toi de ton bétail aujourd’hui ! » dit la femme. « J’ai donné une de tes vaches à ton fils juste après sa naissance ».
Et Nera partit avec son bétail ce jour-là.
Note de la rédaction. Ici intervient l’épisode que nous avons déjà signalé comme appartenant aussi désormais à la geste de notre grand héros national le Hésus Cuchulainn (Tain bo regagna).
Mais après ça pendant son sommeil la fée Mara Rigu/Morrigu/Morgane prit la vache de son fils, et le Termagant Brun monta la vache à l’est de Cualnge. Ensuite revint vers l’ouest avec la vache. Le Hésus Cuchulainn les rattrapa dans la plaine de Murhemne alors qu’ils la traversaient. Car une des gessa (interdits) du Hésus Cuchulainn était que même une femme ne devait pas sortir du pays à son insu [une autre de ses gessa était que les oiseaux ne puissent se nourrir sur ses terres sans lui laisser quelque chose derrière eux. C’était une autre de ses gessa qu’il y ait toujours du poisson dans les estuaires sauf pêché par lui-même. C’était une autre de ses gessa qu’aucun guerrier d’une autre tribu ne soit dans son pays sans être défié par lui, avant le matin s’ils arrivaient la nuit, ou avant la tombée de la nuit s’ils arrivaient dans la journée. Toutes les jeunes filles et femmes seules d’Ulster enfin étaient placées sous sa protection jusqu’à ce qu’elles soient fiancées. Telles étaient les gessa du Hésus cuchulainn].
Le Hésus Cuchulainn rattrapa donc la fée Mara Rigu/Morrigu/Morgane avec sa vache et lui dit : « cette bête ne peut pas être emmenée ».
Nera revint ensuite chez lui avec son bétail dans la soirée. « Mais il manque la vache de mon fils », s’exclama-t-il.
« Je ne mérite pas que tu t’occupes ainsi du bétail », lui dit sa femme. C’est alors que la vache arriva. « Quelle magnifique bête ! D’où vient cette vache ? »
« En vérité elle arrive de Cualnge, après avoir été saillie par le Termagant Brun, répondit la femme.
« Lève-toi maintenant, de peur que tes guerriers n’arrivent », lui dit-elle.
« Cette armée ne peut pas rester en campagne une année entière. Ils reviendront donc lors de la prochaine nuit de Samon (aidqi shamnai), car les sidhs d’Irlande s’ouvrent toujours autour de la Samon (ios) ».
Nera ensuite alla trouver les siens. « D’où viens-tu ? » demandèrent Ailill et Medb à Nera, « et où étais-tu depuis que tu nous avais quittés ? »
« J’étais dans un pays magnifique » répondit Nera, « contenant de grands trésors ainsi que des choses très précieuses, regorgeant de beaux habits et de nourriture, ainsi que de merveilleuses richesses. Ils viendront vous tuer lors de la prochaine veille de Samon (oidqi hsamnoi) si vous n’y prenez pas garde ».
« Nous nous y opposerons certainement », répondit Ailill. Ils restèrent ainsi jusqu’à la fin de l’année.
« Maintenant si tu as quelque chose dans le sidh » dit Ailill à Nera, « enlève – le ». Nera partit donc le troisième jour avant Samon et ramena du sidh son troupeau. Alors que le taurillon c’est-à-dire le veau de la vache d’Aingene (son fils s’appelait Aingene) sortait du sidh, il mugit trois fois. Ailill et Fergus étaient en train de jouer au tablut (fithcilli) à ce moment-là, quand ils entendirent quelque chose, le beuglement du taurillon dans la plaine. Fergus dit alors :
Je n’aime pas ce veau
Qui mugit dans la plaine de Cruachan,
Le fils du taureau noir de Cualnge, qui arrive,
Le jeune fils du taureau du lac Laig.
Il y aura des veaux sans vache
Sur les flancs de la Bairche de Cualnge
Cichis reim roirge ind rig
Le contorsionniste (reim) se déchaînera contre le roi ???
Du fait du veau d’Aingene.
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[Aingene c’était le nom de l’homme et Be Aingen le nom de la femme, et l’apparence qu’ils revêtaient aux yeux de Nera était semblable à celle qu’ils avaient pour le Hésus Cuchulainn lors de l’enlèvement de la vache de Regamna – Tain bo Regamna-].
Ensuite le taurillon et le Blanc Cornu s’affrontèrent dans la plaine de Cruachan. Ils combattirent un jour et ne nuit, jusqu’à ce qu’à la fin le taurillon soit battu. Et alors il poussa un mugissement.
« Que mugit donc ce veau ? » demanda Medb à son bouvier dont le nom était Buaigle.
« Moi je le sais, mon bon maître (bopa) Fergus », dit Bricriu, « c’est le refrain (laid) que tu chantes le matin ».
« Là-dessus Fergus le regarda de travers et donna un coup de poing sur la tête de Bricriu, de sorte que les cinq pions du jeu de tablut qui étaient dans sa main pénétrèrent dans la tête de Bricriu, et que cela lui fit mal pendant très longtemps.
« Explique-moi, ô Buaigle, ce que dit le jeune taureau ? » demanda Medb.
« En vérité » répondit Buaigle, « que si était venu l’épauler son père, c’est-à-dire le Termagant brun de Cualnge, on ne l’aurait pas vu [le Blanc Cornu] dans Ai, et il aurait été battu de toutes parts [puis traîné] tout au long de la plaine [d’Ai].
Et Medb dit alors sur le mode du serment : « Tonga na dea thungus mo tuath » « Je jure par les dieux sur lesquels jure mon peuple, que je ne me coucherai pas, que je ne dormirai ni par terre ni sur une couette, ni ne boirai de petit-lait (blathcha), que je ne nourrirai pas mes flancs, ni ne boirai de bière brune ou blonde (dergflatha na finn), ni ne goûterai à une quelconque nourriture, tant que je n’aurai pas vu ces deux bêtes-là s’affronter devant moi.
Sur ce les hommes du Connaught et les l’armée des exilés noirs pénétrèrent dans le sidh et le détruisirent ensuite y prirent tout ce qui s’y trouvait. C’est ainsi qu’ils ramenèrent la couronne de Briun qui est la troisième merveille d’Irlande, ainsi que le manteau de Loegaire d’Armagh, sans oublier la chemise de Dunlaing du Leinster à Kildare. Nera fut laissé avec les siens dans le sidh et il n’en est plus jamais ressorti ni n’en ressortira jamais avant que vienne le jour du jugement dernier.
Finit. Fin.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 40.
Deux prisonniers avaient été pendus. On se perd en conjectures sur la signification de ce détail macabre digne du pire des rituels de sorcellerie. Il doit nous manquer des pans entiers de cette histoire. Peut-être s’agissait-il en fait d’un sacrifice humain, celui de deux prisonniers de guerre.
Des démons apparaissaient toujours à cette occasion. Traduction objective de cet habituel dénigrement par le christianisme de toute religion autre que la sienne : les dieux avaient coutume de se manifester plus particulièrement ce jour-là, un peu comme Jésus ou les anges de Dieu à Noël par exemple.
Le captif lui dit. Doit-on comprendre que ces deux prisonniers n’étaient qu’en attente de pendaison ??
Lac de feu, lac d’eau. On croirait une des visions de l’enfer ou du purgatoire selon Adomnan, Drythelm, Tundal, Laisren, saint Fursy et saint Patrice. Ce récit nous laisse donc passablement perplexes.
Siabra. Siabrad est un terme gaélique signifiant déformation due à un effet surnaturel ou à une possession quelconque. Les siabra sont donc des sortes de créatures maléfiques.
Jusqu’à la fin de l’année. C’est-à-dire jusqu’à la samon (ios) suivante.
Contorsionniste. Gaélique reim. Une allusion peut-être au grand Hésus Cuchulainn.
Les exilés noirs. Il s’agit de tous les Ulates comme Fergus ou de nombreux amis personnels du Hésus Cuchulainn ayant été bannis du royaume après la terrible guerre civile qui le ravagea (voir enlèvement des bœufs de Cualnge, tain bo Cualnge) et qui avaient trouvé refuge dans le royaume d’Ailill et de Mebd.
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Le jour du jugement dernier. Évidente interpolation chrétienne.
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L’EXTASE DE L’ÊTRE SURNATUREL.
Baile in scail.
Récit relatif aux rois de Tara datant du IXe siècle. Une première version de la même histoire, mais encore plus courte est la Baile Chuind Chétchathaig (VIIIe siècle). Un certain nombre de spécialistes y voient un parallèle avec la quête du Graal par Perceval. Essentiellement deux manuscrits.
Rawlinson B 512 (complet).
MS Harleian 5280 (manque la fin).
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Conn était à Tara juste après le renversement des rois. De bonne heure le matin il monta sur le rempart royal avant le lever du soleil avec ses trois druides, Mael Bloc et Bluidne, ainsi que ses trois vellédes, Ethain Corb et Cesarn. Car ils avaient coutume de se lever ainsi chaque jour afin de monter la garde, de peur que les hommes du sidh ne s’emparent de l’Irlande à son insu.
C’est en effet sur le rempart qu’il avait toujours l’habitude d’aller ; or il arriva un jour qu’il marcha sur une pierre qui se trouvait sous ses pieds. La pierre cria sous son poids, si fort qu’on l’entendit partout dans Tara et dans tout Brega. Après cela Conn demanda par conséquent à ses druides pourquoi cette pierre avait crié, quel était son nom, d’où elle venait, où elle devait aller, pourquoi elle était ici à Tara. Les druides lui répondirent qu’ils ne pourraient pas lui donner son nom avant que cinquante-trois jours soient passés. Quand ce délai eut touché à sa fin, Conn interrogea de nouveau les druides.
Les druides lui répondirent alors : « Fal est le nom de cette pierre. C’est de l’île de Fal qu’elle a été apportée. Temair Tíri Fáil i forromadh. C’est dans la Tara de la terre de Fal qu’elle a été mise. C’est dans le pays de Tailtiu qu’elle restera jusqu’au jour du jugement dernier. Et c’est dans ce pays qu’il y aura une foire et une fête aussi longtemps qu’il y aura un roi sur le trône de Tara ; et le souverain qui ne la trouvera pas ? le dernier jour de cette assemblée sera un homme maudit cette année-là. Fal a crié sous tes pieds aujourd’hui », dit le druide, « et a prophétisé ». Le nombre des cris que cette pierre a poussés correspond au nombre de rois qui seront issus de ta race jusqu’au jour du Jugement dernier. « Ce n’est pas moi qui te donnerai leurs noms », dit le druide.
Ils se retrouvèrent alors dans un grand brouillard, si épais qu’ils ne savaient plus où ils étaient à cause de la profondeur de l’obscurité descendue sur eux. Ils entendirent le bruit d’un cavalier arrivant sur eux. « Malheur à nous », s’exclama Conn, « s’il nous emporte dans un pays inconnu ! ». Le cavalier lança trois javelots sur eux, et le dernier arriva sur eux plus rapidement que le premier. « Il essaie d’atteindre un roi », dit le druide, « celui qui vise ainsi Conn à Tara ! » Le cavalier arrêta ses jets de javelots et vint à eux, puis souhaita la bienvenue à Conn, et l’invita ensuite à venir avec lui dans sa demeure.
Ils continuèrent ainsi jusqu’ à se retrouver dans une grande plaine où il y avait un arbre en or. Il y avait là une maison avec une poutre faîtière (octae) en bronze blanc de trente pieds de long. Ils entrèrent dans la maison et y aperçurent une jeune femme, portant une couronne sur la tête. Il y avait une cuve d’argent avec des cercles d’or autour, pleine de bière brune. Il y avait une louche (escrai) sur son rebord et une coupe en or devant la femme. Ils virent aussi l’être surnaturel lui-même (scal) dans cette maison, devant eux sur son trône. Il n’y avait jamais eu à Tara d’homme de sa taille et de sa distinction, vu la beauté de sa silhouette et le merveilleux de son apparence.
Il leur fit réponse et dit : « Je ne suis pas un être surnaturel (scal) ni un fantôme. Je suis venu à cause de ma réputation parmi vous depuis ma mort. Je suis de la race d’Adam et mon nom est Lug fils d’Eithliu fils (?) de Tigernmas. Et voici pourquoi je suis venu : pour te relater la longueur de ton règne, ainsi que de tout règne qu’il y aura ensuite à Tara ».
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La fille qui était assise alors devant dans la maison était la Souveraineté d’Irlande et ce fut elle qui servit à Conn son repas : une côte de bœuf et une côte de porc. La côte de bœuf faisait vingt-quatre pieds de long et avait huit pieds d’épaisseur. Avant de servir la boisson, la fille demandait ! « Pour qui cette coupe ? ». Et l’être surhumain lui répondait.
Quand elle eut ainsi fait nommer chaque souverain jusqu’au jour du Jugement dernier, l’ombre de l’être surhumain s’étendit sur eux de sorte qu’ils ne distinguèrent plus ni la clôture ni la maison. La cuve et la louche en or ainsi que la coupe furent laissées à Conn. D’où les histoires intitulées : « la vision de l’être surnaturel » et « les aventures et le voyage de Conn ».
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 41.
Tara. Le glossaire de Cormac (Xe siècle) explique que le terme gaélique temair (tara) signifie lieu élevé, colline pouvant servir à l’observation. D’autres auteurs pensent que ce nom signifie « la sombre ».
Tailtiu. Vieux celtique Talantio. Un autre nom de la terre mère. Peut-être plus précisément le nom d’une déesse des terres cultivées (puisqu’il s’agit d’une clairière).
Cinquante-trois jours. Ce délai assez long était sans doute nécessaire au druide qui devait chercher la réponse. Le temps d’interroger des plus savants que lui peut-être. On a le même phénomène avec Mahomet du moins si l’on en croit les asbâbou-n-nouzoûl ou circonstances de la révélation du chapitre 17 verset 85 du Coran : « Ils t’interrogent au sujet de l’esprit. Réponds : l’esprit procède du commandement de mon Seigneur ».
Les polythéistes de la Mecque auraient en effet décidé un jour d’envoyer à Yathrib/Médine deux des plus farouches critiques de Mahomet, `Ouqbah Ibn Abî Mou`aït et An-Nadr Ibn Al-Hârith, afin de questionner les grands rabbins et autres docteurs de la Loi juive à son sujet.
Or ceux-ci leur dirent, pour mettre sa véridicité à l’épreuve, de poser les trois questions suivantes à Mahomet.
Qui sont les gens de la Caverne et quelle est leur histoire ?
Qui est celui qui a parcouru la Terre du Couchant au Levant ?
Qu’est-ce que l’esprit ?
Mahomet mit quinze jours à répondre. Le temps de se documenter sur la question ou d’effectuer quelques recherches à propos de la légende chrétienne des 7 dormants d’Éphèse ou du roman d’Alexandre le Grand (Dhû Al-Qarnaïn).
Un arbre en or. On a retrouvé un arbre semblable, mais en miniature, lors des fouilles de l’oppidum de Manching en Allemagne (1984). Il s’agissait d’un surgeon de chêne entouré de lierre.
Une cuve d’argent avec des cercles d’or autour. Le Graal donc, rempli de l’équivalent druidique de l’Haoma/Soma des Indo-Iraniens.
Je suis de la race d’Adam. Il s’agit soit d’une étonnante manifestation d’évhémérisme de la part du moine chrétien ayant retranscrit ce récit, soit comme d’habitude d’une grossière intrusion de sa part dans nos mythes à nous. De toute façon les dieux ne peuvent pas mourir ou du moins s’ils meurent c’est pour renaître aussitôt. Mais peut-être notre auteur veut-il simplement évoquer le retrait hors de ce monde des dieux, écœurés par les hommes.
La souveraineté d’Irlande. Nous sommes très étonnés par un tel effort d’interprétation allégorique du moine chrétien ayant retranscrit cette légende, digne des anciens druides.
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LE TRIBUNAL DE MINUIT.
CUIRT AN MHEAN OICHE.
Par Brian Merriman (1747-1805).
Le Tribunal de Minuit (Cúirt An Mheán Oíche) est une œuvre quasiment moderne de Brian Merriman. Merriman était un professeur de mathématiques, qui vivait ou travaillait dans les comtés de Clare et de Limerick. Le Cúirt An Mheán Oíche, qui est en fait son unique ouvrage poétique, fut écrit autour de 1780.
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Prologue.
Le poète part se promener tout seul un matin d’été, mais fait alors la rencontre d’une femme effrayante. Elle le traîne dans la boue jusqu’à la colline de Monmoy où siège une cour présidée par Aoibheal, une très belle reine des fées.
J’avais coutume de flâner le long de la rivière
Par les fraîches prairies couvertes de rosée,
À l’orée des bois qui poussent sur les flancs de la montagne sauvage
Je marchais joyeusement dans l’aube de ce matin-là
Quand………
Acte cinq : le jugement et la résolution du litige.
Aoibheal rend son jugement sur les questions qui ont été soumises à la cour. Elle annonce que les prêtres seront bientôt libres de se marier aussi et autorise la poursuite des célibataires endurcis. Le poète réalise alors avec horreur qu’il est le premier à être confronté à cette situation.
Comme elle avait pris une plume ma tête fut envahie
Par la terreur d’une plus grande torture encore de la part de cette troupe ;
Mais alors qu’elle notait la date
Que les membres de la cour autour d’elle devaient corroborer
Je sortis brusquement de mon sommeil, du fond de mon désespoir
Et je réalisai avec soulagement que ce n’était qu’un cauchemar.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 42.
Le poème commence à la façon habituelle de l’Aisling ou poème faisant état d’une vision. Le poète est parti se promener quand lui apparaît soudainement une femme de l’autre monde. Cette femme représente l’Irlande et le poème pleure son triste sort en appelant ses fils à se rebeller contre la
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tyrannie étrangère. Sous la plume de Merriman, cette convention poétique prend un tour satirique profondément ironique.
Le poème s’ouvre par une rencontre avec une horrible géante qui apparaît au poète et le traîne en criant et en lui donnant des coups de pied jusqu’à la cour de justice d’Aoibheal la reine des fées. Sur la route du monastère en ruines de Moinmoy, la messagère explique que la reine, écœurée par la double corruption des grands propriétaires anglo-irlandais, mais aussi de la loi anglaise, a décidé de s’occuper elle-même de rendre la justice. S’ensuit un traditionnel procès selon la procédure de la loi des brehon qui prévoit un débat en trois parties.
Dans la première partie, une jeune femme en appelle à la reine Aoibheal et fait part de ses griefs contre les jeunes gens d’Irlande qui refusent de se marier. Elle se plaint du fait que, en dépit de ses tentatives de plus en plus désespérées pour attraper un mari par tous les moyens au cours des parties de iomana (de crosse) les veillées funèbres et les jours de fête patronale, les jeunes gens continuent de lui préférer les mariages tardifs avec des femmes beaucoup plus âgées. La jeune femme continue en fustigeant le mépris avec lequel elle est traitée par les femmes du village déjà mariées.
Un vieux barbon lui donne la réplique en commençant par stigmatiser la familiarité dévergondée des jeunes femmes en général, et en suggérant que la jeune femme qui vient de parler ainsi a été conçue sous une roulotte par un étameur ambulant. Il décrit avec en termes très vifs l’infidélité de sa propre jeune épouse. Il expose son humiliation de l’avoir trouvée déjà enceinte lors de leur nuit de nonces et les commérages qui ont salué la naissance « prématurée » de « son » fils depuis lors. Il critique avec dégoût le mode de vie dissolu des jeunes femmes en général. Il déclare ensuite le mariage comme étant une institution « démodée » puis demande à la reine de le déclarer carrément hors-la-loi et de le remplacer par l’amour libre.
La jeune femme est pourtant irritée au plus haut point par les paroles du vieil homme et se retient tout juste de l’attaquer physiquement. Elle se moque de son incapacité à remplir son devoir conjugal avec sa jeune épouse, en disant que c’était une mendiante sans domicile fixe qui l’a épousé pour éviter de mourir de faim. Elle explique avec chaleur que si sa femme a pris un amant c’est qu’elle en avait bien besoin. Elle réclame ensuite l’abolition du célibat des prêtres en alléguant que sans cela les prêtres feraient des maris et des pères merveilleux. En attendant néanmoins elle continue d’essayer d’attirer un homme plus âgé dans l’espoir de mettre un terme enfin à son humiliation de célibataire.
En conclusion dans la partie jugement, la reine décrète que tous les hommes qui ne sont pas prêtres devront se marier avant l’âge de 21 ans, sous peine de subir un châtiment corporel des mains mêmes des femmes d’Irlande. Elle leur conseille de viser aussi les romantiques platoniques, les homosexuels, et les coureurs de jupons célibataires qui se vantent du nombre de leurs conquêtes. Aoibheal leur conseille de faire attention et de ne pas quitter sans réfléchir tout homme incapable d’engendrer des enfants. Elle déclare également qu’elle n’a pas le pouvoir d’abolir le célibat des prêtres et conseille la patience.
Au grand effroi du poète, la femme la plus jeune signale qu’il a plus de trente ans, qu’il est célibataire et fait ensuite état de ses nombreuses tentatives ratées afin d’attirer son attention dans l’espoir de devenir son épouse. Elle déclare qu’il doit être le premier homme à se voir appliquer la nouvelle loi sur le mariage. Mais alors que toute une foule de femmes en furie se prépare à le fouetter, il se réveille pour constater que tout cela n’était qu’un horrible cauchemar.
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LITTÉRATURE GALLOISE. LITTÉRATURE GALLOISE. LITTÉRATURE GALLOISE. LITTÉRATURE GALLOISE.
LITTÉRATURE GALLOISE. LITTÉRATURE GALLOISE. LITTÉRATURE GALLOISE. LITTÉRATURE GALLOISE.
LITTÉRATURE GALLOISE. LITTÉRATURE GALLOISE. LITTÉRATURE GALLOISE. LITTÉRATURE GALLOISE.
LITTÉRATURE GALLOISE. LITTÉRATURE GALLOISE. LITTÉRATURE GALLOISE. LITTÉRATURE GALLOISE.
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LE LIVRE NOIR DE CARMARTHEN XVII.
LLYFR DU CAERFYRDDIN XVII.
Tout se passe comme s’il existait plusieurs Merlin. Le célèbre mage ou enchanteur du cycle arthurien, mais aussi un Merlin poète gallois connu sous le nom de Myrddin. Éventuellement un personnage de légende connu sous le nom de Myrddin Wylt ou Lailoken (si ce n’est pas le même) : le Merlin sylvestre ou sauvage. Cité brièvement comme prophète ou devin dans la vie de saint Kentigern/Mungo (de Jocelyn), mais aussi dans une légende écossaise du XVe siècle.
Dans ce récit, saint Kentigern/Mungo rencontre en un endroit désert un fou nu et échevelé dénommé Lailoken, que d’aucuns appellent Merlynum ou Merlin, qui lui déclare être condamné à errer en compagnie des bêtes sauvages à cause de ses péchés. Il dit avoir été la cause de la mort de toutes les personnes ayant péri durant la bataille qui s’est déroulée dans la plaine située entre Liddel et Carwannok. Après avoir raconté son histoire, ce fou s’éloigne et fuit la présence du saint pour retourner à son état sauvage. Il apparaît encore plusieurs fois dans le récit puis demande enfin les derniers sacrements au saint homme, en prophétisant être sur le point de mourir d’une triple mort. Après quelques hésitations, le saint exauce le souhait du malheureux fou ; et alors les bergers du roi Meldred le capturent, le frappent à coups de bâton, puis le jettent dans la Tweed où son corps est percé par un pieu, sa prophétie se trouvant ainsi réalisée.
Il existe aussi quelques poèmes gallois (7) qui ont été attribués à un certain Myrddin. Les voici.
Gwin y Bid hi y Vedwen (les bouleaux).
Yr Afallennau (les pommiers).
Yr Oianau (les appels aux marcassins).
Ymddiddan Myrddin a Thaliesin (le dialogue de Myrddin et de Taliesin).
Cyfoesi Myrddin a Gwenddydd ei Chwaer (le dialogue de Myrddin et de sa sœur Gwenddydd).
Gwasgargerdd fyrddin yn y Bedd (les chants prophétiques de Myrddin dans son tombeau)
Peirian Faban (la jeunesse qui commande).
Ce Myrddin n’a rien à voir avec Arthur et apparaît après la période arthurienne. Les premiers poèmes gallois concernant la légende de Myrddin le présentent comme un fou vivant une existence misérable dans la forêt calédonienne, ruminant sur sa triste existence et sur le désastre qui l’a précipité si bas : la mort de son seigneur Gwenddoleu, au service duquel il était barde. Les allusions faites dans ces poèmes évoquent la bataille d’Arfderydd, où Rhydderch Hael, roi du Strathclyde, massacra les forces de Gwenddolau, le dernier roi païen de la région. Les Annales de Cambrie situent cette bataille en 573 et appellent les adversaires de Gwenddoleu : Gwrgi et Peredur, fils d’Eliffer.
Ci-dessous donc, Yr Afallennau ou Yr Afallanau. Il s’agit de dix strophes en vieux gallois dont 31 vers (des strophes 5 à 7) constituent sans doute le noyau primitif du poème concernant Merlin, les autres strophes (prophétiques) ayant été rajoutées par la suite. Ci-dessous par conséquent le noyau initial du poème.
IV.
Doux pommier, à la ramure opulente !
J’avais coutume de trouver de la nourriture à tes pieds
Quand, à cause d’une femme
Mon bouclier sur l’épaule, mon glaive sur la cuisse
Je dormis seul dans la forêt de Calédonie.
……………
V.
152
Doux pommier dans la clairière.
Quoique le sol à tes pieds soit foulé.
Les hommes de Ryderch ne me voient plus.
Gwendyz ne m’aime plus, ne me salue plus.
Je suis devenu odieux aux plus puissants rejetons de Ryderch,
Je lui ai pris son fils et sa fille.
La mort saisit tout le monde un jour : pourquoi ne vient-elle pas me rendre visite !
Depuis la mort de Gwendoleu plus personne ne m’honore ;
Plus rien ne me divertit,
Plus de visite de belle fille.
À la bataille d’Arderyd, je portais un torque d’or,
Celle qui a un cou de cygne blanc me rejette maintenant.
VI.
Doux pommier à la fleur délicate.
Qui pousse caché dans les bois,
À ce qu’on m’a dit ce matin à l’aube
Mes paroles ont offensé le plus puissant des ministres
Jésus, plût à Dieu que l’heure de ma mort eût sonné
Non pas une fois, mais deux fois voire trois fois ce jour-là.
Avant d’avoir eu sur les mains
La mort du fils de Gwendyz !
VII.
Doux pommier qui pousse sur le bord du fleuve,
Qui profitera de ton fruit splendide ?
Avant de perdre raison,
Je dormais souvent à l’ombre de ta ramure
Avec une fille facile et gracile.
Mais pendant cinquante ans été le jouet d’hommes sans foi ni loi
J’ai ensuite erré dans les ténèbres parmi les fantômes.
Après avoir prospéré au milieu de nombreux ménestrels
Je suis resté là si longtemps avec eux
Que même les spectres n’ont plus de secret pour moi,
Je ne dormirai plus jamais sans trembler à la pensée
De Gwendoleu mon seigneur et des miens
J’ai trop longtemps souffert et langui
Que la mort vienne enfin me libérer.
VIII.
Doux pommier aux fleurs délicates,
Qui pousse dans la pommeraie,
La Sibylle m’a révélé ce allait se passer :
Un sceptre d’or, récompense de la bravoure
Sera donné par le glorieux roi des dragons.
Celui qui leur fera cette grâce vaincra l’impie
Devant l’enfant, hardi et rayonnant
Les Saxons seront expulsés, les bardes refleuriront.
IX.
Doux pommier, arbre aux teintes écarlates,
Qui pousse caché dans la forêt de Calédonie,
On a beau chercher tes fruits, ce sera en vain
Jusqu’au jour où le Cadwalader sortira de la conférence de Kadvaon
De la rivière de Tywi à la rivière de Teivi
Où colère et angoisse viendront d’Arawynion,
Et où seront enfin domptés les sauvages aux longs cheveux.
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X.
Doux pommier, arbre aux teintes écarlates,
Qui pousse caché dans la forêt de Calédonie,
On a beau chercher tes fruits, ce sera en vain
Jusqu’au jour où le Cadwalader sortira de la conférence de Rhyd-Reon
Et avec Conan marchera contre les Saxons.
Les Kymrys alors seront vainqueurs, glorieux sera leur chef ;
Tous recouvrants leurs droits
Les Bretons alors se réjouiront ; et leurs cornes sonneront des airs de fête,
Ils entonneront des chants de paix ou de bonheur.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 43.
Jésus. En principe le camp de Gwenddolau était celui des derniers païens. Il s’agit donc là encore de la part des chrétiens d’un des trucages de texte appelés interpolation par les spécialistes.
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ANNEXE .
PREMIER ESSAI DE SYNTHÈSE SUR LA SPIRITUALITÉ DRUIDIQUE.
Une religion ancienne en des temps nouveaux, en voie d’adaptation : tel est le druidisme aujourd’hui. Ce qui signifie, dans le néo-druidisme, acquiescement aux sciences modernes (vision du monde copernicienne, évolution des espèces, critique historique, etc.). Acquiescement à l’autonomie de ces sciences également, mais aussi de la technique, de l’économie et de la culture.
Religion, clergé, théologie, et droits sacrés ne doivent pas tout déterminer.
Les concepts centraux du druidisme : le Tokad (le Destin suprême issu du Grand Tout (Pariollon) ; les anciens druides avaient en effet fait du « hasard » (sic) un Dieu-ou-Diable. Du moins si l’on en croit saint Columba d’Iona dans une des loricae qu’on lui attribue.
« Je n’adore ni le chant des oiseaux… ni un fils, ni LE HASARD, ni la femme (na mac, na mana, na mnan. Mon druide est fils de Dieu, etc. ».
L’œuf cosmique et la bouillonnante énergie du chaudron universel (le Graal) ; l’âme en tant que parcelle de l’âme universelle, individualisée (l’anamone) ; le salut (le moyen d’échapper au cercle vicieux des réincarnations pénalisantes en bacuceus ou seibarus) ; l’histoire cyclique et ses chiffres astronomiques, c’est le cas de dire (des milliards d’années) ; sont des concepts très différents de ceux du judéo – islamo-christianisme d’origine. Le druidisme fait appel à la raison et à la capacité de connaître de l’Homme, mais refuse toute vaine spéculation sur l’enfer éternel ou l’Amour de Dieu pour ses créatures…
Une religion sans prétention intellectuelle de pacotille donc, modeste, et faite sur mesure.
Le druidisme prend acte de l’insuffisance de ce monde changeant, de son universelle obsolescence et enseigne des voies grâce auxquelles les simples mortels peuvent atteindre un épanouissement supérieur par leurs propres efforts (moksha dans l’hindouisme) ou par un secours venu du Destin ; directement ou en passant par un stade intermédiaire.
Le druidisme s’efforce donc d’aller, de façons diverses, au-devant de l’inquiétude des hommes d’aujourd’hui, en proposant des voies, c’est-à-dire des modes de vie, des rites et des techniques, en bref une pratique, COMPATIBLE AVEC LA DÉCROISSANCE, mieux que chez les amish français de 1850.
Pas de sagesse sans concentration de la pensée. Dès le début du druidisme, la méditation en tant que moyen d’autodiscipline a également constitué un élément central de la voie des guerriers d’élite : expérience et illumination directes, immédiates, de l’individu, donc (à Shaolin d’après Bodhidharma et son koung fou).
Bref, aide-toi, le Ciel t’aidera ! Comme l’a très bien dit Arrien (Cynégétique XXXIV) :
« Quant à moi je suis la Loi des Celtes, car sans l’aide des dieux rien ne réussit aux hommes ».
Les Non-Fénianes eux-mêmes peuvent parvenir à l’état d’awenydd ou auentieticos en cette vie, et ils y parviennent souvent, dans des situations inattendues et dans le cours habituel de leur vie quotidienne (la Foi suffit !). L’idéal dans ce cas ce n’est pas le Féniane qui mène une vie différente de la vie commune, c’est l’Ategnatos druidisant (druidisant conscient et organisé) qui vit dans le monde. L’enjeu du néo-druidisme est en effet la conversion de tout l’Homme (sans le dualisme helléno-chrétien corps/âme), et nonobstant l’égocentrisme de son origine animale (quelle que soit la façon dont on voudra bien comprendre la célèbre maladie des Ulates dite en gaélique Ces Noinden)… à la véritable réalité.
Le druidisme est une métaphysique, non du néant, mais du devenir entre le Néant et l’Être. Une métaphysique qui part de la relativité de ce monde pour aller jusqu’au véritable monde.
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L’anaon est radicalement, essentiellement, et de façon quasiment perpétuelle, en relation avec l’englobant universel du Grand Tout (nirvana chez les bouddhistes). C’est un ensemble de facteurs, spirituels, physiques, émotionnels, un conglomérat de facteurs susceptibles de direction et de transformation mentale, bonne ou mauvaise.
Contrairement au bouddhisme, dans le druidisme ce moi spirituel de l’anaon a pourtant lui aussi part à la réalité, il n’est pas une totale illusion. « Je pense que je suis, mais aussi je pense donc je suis ».
L’enjeu est une métamorphose radicale de notre anaon (de cette âme/esprit) afin d’accéder à une nouvelle existence.
Ainsi que nous le montrent les nombreuses légendes celtiques mettant en scène des illusions ou des métamorphoses temporaires, nous ne devons pas nous fier aveuglément aux simples apparences du monde de la Fata Mara Rigu/Morrigu/Morgane ou de la Dêva Danu (bia).
L’homme doit devenir libre pour la vérité supérieure inaccessible, qui surpasse tout autant la pensée mystique que la spéculation métaphysique, mais qui ne peut être entrevue que dans l’acte de concentration. Cet épanouissement de l’âme, appelé moksha par les hindouistes, est sur le plan cosmique rapport avec chaque chose, ce qui exclut toute absolutisation du sujet spirituel (l’anamone ou menman) ; y compris des dieu-ou-démons de l’ancien druidisme ou des peuples celtes.
Le druidisme a fait passer un message pour tous les temps. Une destinée dans les cycles de vie de la matière devenue éternelle. Jusque dans la négativité de la souffrance, de l’abandon, de la mort (sous toutes ses formes : décapitation, pendaison, crucifixion, etc. voir les cas de Crixus, Mariccos, Cuchulainn, et ainsi de suite).
Pour mettre fin à la souffrance humaine, le Druidisme a fléché un triple pont, à la fois Cinvat de Zoroastre et Koung fou de Bodhidharma, et par le fait même, permettant la délivrance du cycle des renaissances infernal. En bacuceos ou en seibaros, = en fantôme (siabair/siabhradh en irlandais), sorti tout droit du royaume de Tethra, voire de Donn (Donnotegia).
Autrement dit, par-delà les gessa éthiques fondamentales (un certain désintéressement, une aspiration à dépasser l’existence terrestre, avec son inconstance, ses souffrances, et ses déceptions) ; une ouverture à un épanouissement suprême par fusion dissolution définitive dans le Grand Tout (via son antichambre, l’autre monde appelé Mag Meld ?).
1. La première voie de ce pont à trois voies est la connaissance philosophique ou scientifique, donc la prise de conscience que le moi spirituel individuel (l’âme/esprit appelée anaon) ne représente pas un immanent absolu (voie des druides druides).
2. La deuxième voie de ce triple pont concerne les méthodes de méditation et de concentration des forces. Par elles on peut communier avec le symbole du Destin suprême (le Graal) jusque dans les couches les plus profondes de la psyché, donc atteindre l’état d’awenydd ou auentieticos, c’est-à-dire celui de l’épanouissement de l’âme. Ce que les Indiens appellent moksha. Une montée vers le Grand Tout équivalant à une fusion/disparition en lui. Là le contact avec le Tokad s’approfondit « jusqu’au Tu en qui le Je se dissout totalement ».
2 bis. Une variante de cette deuxième voie met l’accent sur les arts martiaux à la Cuchulainn, et convient à ceux qui ont un tempérament plus bouillant (Vergio = fureur sacrée) ; à utiliser, par exemple, pour venir en aide à des populations amies, obligées de se livrer à une bagaude désespérée contre des envahisseurs ou des occupants sans scrupule.
3. La troisième voie de ce pont à trois voies concerne la conduite éthique de celui qui ne veut pas laisser s’accumuler trop de bran (trop de résidus carmique) sur son âme par l’intermédiaire de son esprit ou menman. L’éthique celtique fait aussi partie intégrante de cette doctrine druidique de l’épanouissement de l’âme appelé moksha par les Indiens. Elle n’a rien de l’accomplissement de dix ou onze commandements divins plus ou moins pertinents (décalogue) comme chez les judéo-islamo-chrétiens. Elle repose sur une dialectique éclairée au besoin par les conseils donnés, par les druides, à leurs dagolitoi (leurs fidèles). Ils ont entre autres en effet, pour objectif, la maîtrise des sens, de la fertilité, de la fécondité, ou de la richesse. Donc non pas une éthique de conviction, mais une éthique de responsabilité. C’est la conduite à tenir dans une perspective à long terme, la conduite salutaire pour celui qui, inlassablement, y conforme ses actes.
L’être humain, conscience de ce monde, a le temps de cet espace qui est le nôtre pour se guérir de sa faiblesse originelle (cf. l’allégorie de la maladie des Ulates, ces noinden), et de toute façon le Destin (le Tokad), peut aussi le délivrer, spontanément du cycle infernal des re-naissances pénalisantes en « bacuceos ». En bacuceos ou en seibaros = fantôme (siabair/siabhradh en irlandais) sorti tout droit du royaume de Tethra, voire de Donn (Donnotegia).
Le Tokad peut toujours racheter les fautes humaines (eric wergeld), effacer le bran (le résidu carmique) par une libre intervention de sa souveraineté.
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Nous proposons donc le résumé du savoir druidique ci-après, à tous ceux qui voudront bien le lire, l’utiliser, le travailler. Il peut les aider à vivre et à réaliser leur destin personnel, tout en contribuant à celui de l’Humanité.
Si l’on regarde l’histoire des religions avec des yeux dessillés par cette vérité centrale que l’épanouissement intérieur peut seul faire approcher, on demeure à la fois surpris et émerveillé. Ce que l’on aperçoit ne ressemble guère à ce qu’enseignent la Thora, la Bible, voire le Coran, qui se réfèrent à une « Révélation » débutant avec l’apostasie d’Abraham voire de Mahomet. Notons néanmoins en ce qui le concerne que le rapprochement avec le judéo-christianisme n’a été que progressif et qu’il est resté incomplet ou chaotique. L’essentiel des rites du pèlerinage à La Mecque est par exemple resté païen.
Toutes les grandes religions ont une histoire extérieure et une histoire intérieure, l’une apparente et publiée, l’autre plus ou moins cachée. Par Histoire extérieure, il faut entendre le récit « officiel » de la fondation puis de l’évolution-développement de telle ou telle religion, plus les dogmes et/ou mythes enseignés dans des Écoles ou par des maîtres, et reconnus dans le culte.
Par Histoire intérieure, il faut entendre les motivations profondes des grands penseurs, prophètes ou réformateurs comme Akhénaton ou Zoroastre, qui ont créé, soutenu et propagé, à leurs débuts, ces mêmes religions.
La première, l’Histoire officielle ou non, celle qui se lit dans des livres, se passe au grand jour, mais n’en est pas moins assez obscure, embrouillée, voire contradictoire.
La seconde est encore plus difficile à démêler, car elle se passe au fond des sanctuaires, au sein de conférences ou de confréries non publiques. Et ses drames les plus saisissants sont attribués à des affres mentales dans l’âme/esprit de grands prophètes comme Akhénaton ou Zoroastre, qui n’ont le plus souvent confié à aucun parchemin ni à aucun disciple, leurs crises suprêmes, ni leurs extases.
Cette histoire cachée, il faut donc la deviner, mais à partir d’indices sérieux. En ce qui concerne le druidisme elle est toujours lumineuse et en harmonie profonde avec elle-même, car, comme l’a écrit l’Alsacien Édouard Schuré ; « là nous saisissons le point générateur de la religion et de la philosophie qui se rejoignent à l’autre bout de l’ellipse dans la science totale. Ce point correspond aux vérités immanentes transcendantes. Nous y trouvons la cause, l’origine, et la fin, du prodigieux travail des siècles ».
Comme indiqué de prime abord et à maintes reprises, le Druidisme comporte pour ce qui est de la théologie, plusieurs options, bien que conduisant toutes à une même éthique de haut niveau. Dans ce qui suit, la formulation retenue sera celle qui accorde la plus grande place possible au contenu du paganisme antique, celle de l’être des êtres unique, mais comme l’émeraude du Graal doté de multiples facettes.
Allant plus loin encore, nous en présenterons même la spiritualité qui peut en être déduite.
Émanation du Destin ou Tokade, l’inspiration, une forme de boudisme (de charisme) imputable au divin, a guidé la réflexion des druides de type mystique. Notamment dans leur élaboration d’une doctrine très supérieure en élévation et en logique à la pensée des autres représentants de la classe sacerdotale d’origine aryenne. Leur ascendant sur les peuples celtiques ou celtisés (cf. Ambicatus) fut mérité par leur dignité, leur sagesse et leur renom de justice. Il devait les aider à faire accéder ces peuples aux aspects de la Vérité qui pouvaient leur être immédiatement et spontanément compréhensibles. Une vérité, certes, partielle, la teneur complète de la doctrine druidique ne pouvant être comprise sans effort réflexif, de la population tout entière. Néanmoins, cette Vérité, même partielle, qui lui était délivrée, allait la soutenir et l’inspirer.
Les lecteurs s’orientant vers une autre option, n’auront qu’à penser « métaphore selon laquelle… » ou « allégorie symbolisant », etc. comme dans les textes gaéliques intitulés Baile in scail ou Echtra Cormaic i Tír Tairngiri, pour en retirer une profitable quintessence en tant que matière à réflexion pour leur quête du Graal personnelle.
Il y avait dans l’ancien druidisme place pour les besoins religieux élémentaires dont l’Homme n’a pas à éprouver de honte.
Les hommes avaient alors besoin de sentir la présence du divin et de pouvoir le localiser dans des hauts lieux sacrés connus, là où souffle l’esprit (exemple la colline de Sion malgré ses 545 mètres d’altitude seulement). Là où la pesanteur de l’âme la fait descendre dans la matière, là où ils
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trouvaient compréhension à l’égard de leurs soucis quotidiens, consolation, aide, et guérison (les dieu-ou-démons d’alors étaient du genre anextiomaros, iovantucaros, virotutis, dunatis, toutatis…).
Certains beaux esprits se gausseront sans doute du caractère anthropomorphique de quelques éléments du discours druidique (sa prise en compte de la mythologie par exemple, sa longue tradition de combat contre les dieu-ou-démons, ou de révoltes. Comme si Jacob n’avait pas lutté contre un ange en Genèse 32, 9, avant de devenir Israël !)
En réalité, même nos conceptions du Destin (du Tokad) les plus intellectualisées sont incapables d’en saisir la réalité dernière. Ces concepts eux-mêmes ont été forgés par analogie avec l’Homme. Ils sont et ils restent des ana-logues. C’est-à-dire des mots qui disent quelque chose à partir de l’expérience humaine, et dont nous pouvons seulement espérer qu’ils nous ouvrent une approche vivante du Destin supérieur de l’Humanité, insaisissable, incompréhensible, qui englobe et pénètre tout.
Les anciens druides avaient fait du « hasard » (sic) un Dieu-ou-Démiurge si l’on en croit saint Columba d’Iona dans une de ses loricae : « Je n’adore ni le chant des oiseaux… ni un fils, ni LE HASARD, ni la femme (na mac, na mana, na mnan). Mon druide est fils de Dieu…, etc. »
Y a-t-il une autre solution pour nous autres humbles mortels ?
Les judéo-islamo-chrétiens prétendent que oui, mais en réalité leur théorie est encore plus anthropomorphique et anthropocentrique que la philosophie druidique (Inconscience ? Aveuglement ? Hypocrisie ?).
La vérité ne s’identifie pas au factuel. La vérité, subjective, d’une religion, ne s’identifie pas nécessairement à la vérité historique. De même qu’il y a plusieurs niveaux, couches ou modes de la réalité, de même il y a plusieurs niveaux, couches, ou modes, de la vérité.
La mort d’une jeune femme tuée par un chagrin d’amour peut passer inaperçue, à la rubrique des faits divers. Mais l’histoire fictive des amours malheureuses de Tristan et Iseult a ému des générations entières. Pourquoi ? Parce qu’elle contient plus de vérité intérieure qu’une information journalistique, qu’elle n’est pas seulement un fait pur, une vérité purement historique, mais une vérité existentielle. Face à une histoire comme celle de Tristan et Iseult, l’objection de l’historien : « Mais ça n’a jamais existé ! » est inadéquate ! La poésie, la légende, ont leur propre raison, et peuvent être, elles aussi, porteuses de vérités. À côté de la logique de la tête, il y a la place pour une logique du cœur.
À la différence des vellèdes et des bardes élaborant l’immense mythologie celtique, tout en « historicisant le mythe ou en mythifiant l’Histoire », les druides, eux, distinguaient bien les genres, et ne mélangeaient pas l’Histoire et la Quête du Graal intérieur de chacun.
En matière d’Histoire le druidisme s’en tient à son éthique. Savoir et ne pas mentir, mais en matière de Quête, par contre, il s’intéresse moins à la vérité objective historique, que par ailleurs il ne néglige pas pour autant, comme nous venons de le voir. Là, il s’attache avant tout à poursuivre la recherche d’une vérité salvatrice (il est anextiomaros, iovantucaros, virotutis, dunatis, toutatis) : donc une recherche se renouvelant continuellement au travers d’une Quête individuelle.
Le Druidisme antique y voyait une raison de plus pour ne pratiquer que des exposés oraux, en évitant d’avoir des « Écritures saintes ».
Les mythes celtiques expriment plus d’une vérité, si on sait les extraire. Et pour le néo druidisme il ne s’agit pas de puiser dans cette mythologie des informations historiques (réminiscences de tel ou tel cataclysme historique ou de telle ou telle expédition guerrière), mais d’en dégager puis d’en transmettre des leçons à méditer.
L’intérêt premier de cette mythologie ainsi considérée n’est donc pas une vérité purement « théorique », mais la matière à réflexion que l’on peut en retirer.
Les mythes celtes dévoilent des structures profondes de l’Homme et du Monde, de l’Espace et du Temps, comme dans le cas du voyage de Bran fils de Fébal par exemple, voire des aventures de Néra ; ils présentent des modèles de vie, fournissent une orientation de vie, et sont donc porteurs d’un certain pouvoir « salvateur » (anextiomaros, iovantucaros, virotutis, dunatis, toutatis).
Voir dans ces mythes uniquement des événements historiques serait une conception erronée. Dans le druidisme on ne l’a jamais fait.
Il ne faut pas éliminer purement et simplement les mythes et leur contenu. Une rationalisation excessive aurait pour résultat un appauvrissement spirituel. Il ne faut pas rejeter purement et simplement les mythes celtes qui, tout à la fois voilent et dévoilent, en n’y voyant que superstition et broderie poétique. Ils ouvrent la porte aux mystères du Tokad (du Destin) et de son auxiliaire la justice immanente.
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Le mythe celte, si embrouillé, contradictoire, ou extravagant, qu’il puisse souvent apparaître, depuis la christianisation, contient déjà une part de « logie ».
Fait de récits et pourtant non historique, lourd de sens caché, mais non conceptuel, il peut être néanmoins de façon expressive, personnifiante, une approche de la réalité dernière, après le néant l’être des êtres. Inversement, il ne faut pas non plus prendre tous ces mythes au pied de la lettre. Une telle mystification de type « juif, chrétien, ou musulman » aurait pour conséquence une incroyance grandissante.
Il ne faut pas cependant continuer à les transmettre comme s’ils étaient la seule expression possible de la pensée druidique. Il faut les soumettre à la critique objective de la pensée scientifique (par exemple dans le cas des fameuses triades galloises d’Iolo Morgannwg). Les hommes ont besoin d’un nouveau langage religieux qui, sans revenir en amont de la philosophie du siècle des Lumières, mais en la dépassant, découvre un sens nouveau à toutes ces anciennes images et histoires, aux anciens symboles, et donc aux anciens mythes.
Dans la mesure où ils ne se situent pas en deçà de notre niveau actuel, intellectuel ou éthique, comme cela est manifestement le cas de plusieurs des mythes d’origine sumérienne ou perse, contenus dans la Bible (voir le mythe d’Adam et Ève, etc.).
Le Tokade (Toicthech en irlandais) ou Destin, est le concept central ou plus exactement surpyramidal du druidisme.
Pour les druides en effet, le Destin ; moyen gallois tynghed, breton tonket, destiné, vieil irlandais tocad, destin, toicthech = « fortunatus » = tonquedec en breton (le labarum est son messager ?) ; semble être un principe supérieur. Il est l’ordre et la régularité, il est la loi régissant le déroulement de l’univers physique. Le Destin, c’est donc l’ordre strictement impersonnel servant de loi aux mondes.
Cet Être supérieur unique et innommé, réalité infinie au commencement, au milieu, et à la fin, des mondes, apparaît sous diverses facettes ou dénominations paraphrasées, différencié selon la diversité des perceptions ou des fonctions.
Mais aussi en rapport avec les dieu-ou-démons, c’est-à-dire toutes les entités supposées bénéficier d’une forme d’existence surpassant de loin celle de l’homme, et qui peuvent intervenir dans ce monde. Cosmos physique et Homme sont également soumis à la loi du Destin. Comme l’a très bien dit en son temps Ausone : « DIVINIS HUMANA LICET COMPONERE » (dans son petit poème à propos du mot « libra » = trébuchet ou balance). « Aux choses divines on peut comparer les choses humaines ».
Le monde des dieu-ou-démons, selon cette antique conception, est donc lui aussi soumis à cette loi, tout comme chacun des éléments d’existence individuels constituant le Monde. Et la réponse logique, dans ce cas, ne peut donc être que le respect, la vénération, et le culte, voire la supplication ou la prière selon les cas.
Car le Destin (Tokade) peut toujours devenir présent et manifeste sous différentes formes, si nécessaire.
Mais une foi dans le Destin (sic) par trop spiritualisée ou désincarnée ne suffit pas !
Un concept connexe – autre facette de ce Destin ou Tokad – est le Labaron, représenté par la croix de saint Patrice en Irlande, ou la croix de saint André en Écosse, équivalent celtique du Logos grec : la Parole (ou le « Verbe », du Destin).
Ici le druidisme antique a eu le même cheminement métaphysique que le Brahmanisme. Voir le çruti (contre-lai) de Patanjali : « Anadinidhanam Brahma sabdatattvam yad aksaram ; Vivartate 'rthabhavena prakriya jagato yatah ». « La réalité qu’est la Parole est le Brahman impérissable, sans commencement ni fin ; de lui émane l’univers physique ».
Pour les druides antiques, fins psychologues également conscients des dynamiques de groupe, la synergie de la prière collective était une évidence.
La notion métaphysique de Destin suprême, associée à la religion repensée que soutenait leur druidisme, passait donc aussi par des actes rituels, des gestes, des attitudes. Ainsi que par des formes d’expression corporelle, artistiques, théâtrales, poétiques, par des symboles visibles aussi, et des rituels, en quelque sorte des sacrements.
Nier ou ignorer comme le fait le paganisme de la Nouvelle Droite, les besoins auxquels répondent les religions populaires n’a jamais servi à rien. L’hypotrophie des éléments rituels, le dessèchement des rituels (des sacrements), la disparition des symboles et des images entraînent toujours une hyper intellectualisation se traduisant par une perte des émotions, donc une perte de sens, donc un ratatinement de la communauté tout entière (l’ollotouta). C’est d’ailleurs ce qui est arrivé aux néo païens du GRECE en Europe.
Les mythes avaient un certain pouvoir d’intégration sociale et une capacité non négligeable à créer du sens, non seulement pour l’interprétation religieuse du monde et pour l’art, mais aussi pour l’individuation et la socialisation de l’être humain.
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D’ailleurs aujourd’hui encore, nous nous retrouvons toujours face à la nécessité d’une médiation faisant place aux images et aux récits, pour appréhender ce monde, de plus en plus complexe. Il suffit de se pencher un peu sur le marché toujours en expansion des films de science-fiction ou des jeux vidéo pour s’en apercevoir.
Nous ne pouvons toujours pas nous passer de symboles archétypiques fondamentaux ni de formes d’expression comportant des récits de type mythologique, pour structurer notre place dans le monde.
L’être humain ne vit pas seulement d’argumentation, mais aussi d’histoires, non seulement de concepts, mais aussi d’images issues de la nuit des temps ; il faut à l’Homme des images et des histoires, que l’on puisse se transmettre de génération en génération. Lutte contre l’obscurantisme ne veut pas dire nécessairement priver d’images la langue. C’est ce qu’avaient très bien compris les anciens druides.
Éclairés par eux, les mythes celtiques et leur inépuisable fécondité ont donc permis à d’innombrables Européens de ce temps-là, de se faire en quelque sorte, une expérience des mystères du Deuos Parios (du Dieu-Par) et donc en définitive du Grand Tout (fusion métamorphique ou communion panthéiste avec la nature).
Mais les mythes celtes ne sont qu’un des aspects de la religion druidique. Il y a parallèlement l’expérience mystique et l’approfondissement philosophique (la possibilité ainsi que la réalité de la libération de l’homme ignorant, par le savoir).
L’un des aspects du druidisme originel était…
— Une doctrine d’épanouissement de l’âme et de l’esprit (cf. hindouisme moksha).
— Dans une spiritualité ouverte.
Ce que nous montrent par allégorie ces contes et légendes celtes, c’est que l’être humain est un être faible, imparfait, toujours en proie au doute, empêtré dans ses passions (voir la célèbre maladie des Ulates, Ces Noinden Ulad) sa faiblesse originelle. Et soumis à la loi d’airain de la réincarnation en bacuceos (quel cercle vicieux !). En bacuceos ou en seibaros = fantôme (siabair/siabhradh en irlandais) sorti tout droit du royaume de Tethra ou de Donn (Donnotegia).
Une des caractéristiques du druidisme, c’est qu’il entend aussi, comme le Bouddhisme d’ailleurs, atteindre l’épanouissement de l’âme/esprit (moksha dans l’hindouisme) au moyen d’une illumination obtenue par ses propres moyens (par le biais de l’autodiscipline et des exercices spirituels). Autrement dit une nouvelle vision de l’être humain et du Monde, sans négliger pour autant liturgie, rituels (sacrements) et culte, pour ceux qui en ont besoin.
Si l’un des sens de l’enseignement du chamanisme était déjà l’aspiration individuelle à l’épanouissement de l’âme/esprit (appelé moksha par les hindous) ; les druides de type mystique, eux, depuis le Ve siècle avant notre ère au moins, se proposent un nouvel objectif ; devenir eux-mêmes des guides annonciateurs de la voie d’accès à l’Autre Monde. Dans ce dessein, il leur faut prendre sur eux le long et pénible chemin tracé à l’avance pour devenir auentieticos (awenydd en gallois).
Le salut néanmoins doit être accessible non pas seulement à quelques ascètes, mais à la masse des hommes. L’existence d’innombrables anatiomaroi (semnothées en grec) ategnati druidisants ou fénianes, permet à tous de collaborer à l’œuvre du cycle en cours.
On peut toujours aussi parvenir à l’épanouissement que les Indiens appellent moksha, homme ou femme, instruit ou inculte, druide ou laïc, à l’aide d’une autre puissance que la sienne. Par exemple en s’appuyant sur la force du Destin ou Tokade. Par une foi ainsi exprimée en son destin (même dans certains cas en une seule occasion) et en son messager (le labarum), l’être humain peut accéder à l’autre monde du Vindo-Magos ou du Sedodumnon. Et y parvenir à la fusion avec son Destin au bout d’un certain temps. Ou à la fusion/dissolution dans le Deuos Parios (devenu le Graal plus tard au Moyen-âge) : autrement dit une porte ou un barreau d’échelle pour s’élever encore plus haut. Là où ne sont plus applicables les formes de représentation et de pensée de notre existence humaine, passagère et conditionnée ; pas plus que l’alternative de l’existence ou de la non-existence.
Face à des contraires dont il ne savait lequel éliminer à coup sûr, le druidisme a toujours cherché à percevoir leur complémentarité ainsi qu’à les ordonner en une synthèse supérieure. Les perceptions nouvelles ne doivent pas toujours conduire à jeter par-dessus bord les anciennes croyances, mais à seulement ajouter de nouvelles vérités aux précédentes. Sinon il y a dès lors, comme dans le cas du judéo-islamo-christianisme, risque de rétrécissement de l’horizon intellectuel, ou de rétrécissement de la conscience. Le druidisme a donc toujours été inclusif et non exclusif.
Et en particulier comme le monothéisme indien de type Bhagavad-Gita. La Bhagavad-Gita affirme, elle aussi, comme la Bible ou le Coran, mieux même, que l’être des êtres est seul de son espèce : « Tu es
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le père de toute cette manifestation cosmique, son chef et son maître spirituel digne d’adoration. Personne ne t’égale, ni ne peut être un avec toi, dans les trois mondes ta puissance est incommensurable » (11.43).
L’expression sanscrite est presque mot pour mot la même que l’expression coranique : « Dieu est le seul et l’unique » (Coran 112.4). Toutefois, la Bhagavad-Gita tout comme le druidisme ne tirent pas de cette affirmation les mêmes conclusions que le judéo-islamo-christianisme, à savoir :
1) que la dénomination le qualificatif ou l’appellation de Dieu (deivos) ne peut être accordé à aucune autre entité que l’être supérieur.
2) qu’aucun culte ne peut être rendu légitimement et valablement à un autre que lui, à sa place !
Dans la Bhagavad-Gita, le terme qui désigne les dieux (deva) s’applique aussi à l’être des êtres, qui est simplement l’adideva (10.12), le « Urgott », le Dieu primordial, dont tous les autres sont les manifestations, le culte qui leur est adressé l’est donc en fait à lui. Voir ci-dessus.
Le rapport entre l’être des êtres et les dieux n’est donc pas un rapport de rivalité ou d’exclusion et de jalousie, mais un rapport d’inclusion. Nous sommes là en présence de deux mondes mentaux différents : les êtres humains qui sont spirituellement sémites (Pie XI), les êtres humains qui sont spirituellement indo-européens.
Le druidisme donc, tout comme le bouddhisme, n’a jamais complètement éliminé l’hypothèse de l’existence des forces cosmiques humaines que l’on appelle dieux ou démons.
Une des notions clés du druidisme antique était l’idée que certains dieu-ou-démons pouvaient plus que d’autres, aider à éliminer les obstacles qui barrent le chemin du salut pour la majorité des hommes ou des femmes ; incapables de se retirer du monde pour se consacrer aux exercices spirituels comme le font les aristocrates du religieux. Via la réincarnation en une autre terre, caractérisée par la paix ou l’harmonie, quel que soit son nom (Vindomagos, etc.).
Belin/Belen/Barinthus est par exemple un dieu celte de l’harmonie, un bouddha, mais vu et décrit par des populations de tempérament guerrier, un peu comme le Mahomet des premiers musulmans. Son bouddhakshetra est appelé Tir tairngire ou Mag Mell par les Irlandais.
Bouddhakshetra, terre de bouddha ou champ de bouddha, est une notion qui désigne un domaine de l’univers dans lequel un bouddha donné exerce son activité ou son influence. Selon le Mahavamsa, le domaine de sa vie terrestre est le jâtikkheta, qui peut être impur ou mixte, comme notre monde qui est le jâtikkheta du bouddha Çakyamouni. Le domaine dans lequel s’étend son enseignement est l’ânâkkheta. Le domaine dans lequel s’étendent sa sagesse et sa connaissance est le visayakkhetta, considéré comme illimité. Les deux derniers sont des terres pures résultant de ses réalisations et manifestant ses qualités ; ceux qui ont des affinités avec elles y renaissent. Toujours selon le Mahavamsa, un Bouddhakshetra équivaut à 61 milliards d’univers. Le concept est particulièrement développé dans le Mahayana, dans les soutras du Lotus et Vimalakirti ainsi que dans ceux qui sont consacrés à certains bouddhas comme Amitabha, dont la terre pure est de loin la plus connue. Elle est en effet au centre des croyances et pratiques du courant de la Terre pure, l’un des plus importants du bouddhisme.
Bien que certains textes décrivent les terres pures comme des domaines éloignés de notre monde, le Lotus et le Vimalakirti affirment qu’elles naissent dans le monde impur même, autour d’un bodhisattva, en vertu de la pureté de son esprit ; elles sont composées des êtres qui s’élèvent spirituellement grâce à son enseignement. Selon ces soutras, il existe une différence de qualité entre les terres pures des différents bouddhas. La terre pure d’Amitabha elle-même cède le pas, selon certains auteurs, à celle d’un autre bouddha. Les courants Tiantai et Tendai, fortement influencés par le Soutra du Lotus, envisagent quatre terres auxquelles on accède selon son degré de conscience.
Ci-dessous quelques noms de terres pures.
La Terre de la Béatitude (Sukhavati) du bouddha Amitabha, la plus connue, décrite dans les soutras de la Terre pure, elle serait située à l’ouest de notre monde.
La Terre du Plaisir (Abhirati) du bouddha Akshobhya, située à l’est de notre monde.
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La Terre d’Émeraude du bouddha Bhaisajyaguru ; décrite dans le Soutra Bhaisajyaguru, elle serait située à l’est de notre monde.
La Terre de la Solennité secrète du bouddha Vairocana, décrite dans le soutra Mitsugon.
La Terre pure du Pic du Vautour, où règne l’enseignement du Bouddha Çakyamouni.
La Terre pure du mont Potakala du bodhisattva Avalokiteshvara.
Rêvons un peu ! Un peu de poésie maintenant dans ce monde de brutes. Dans ces conditions pourquoi pas une Terre pure (au-delà celtique) du bouddha Cornunnos ? Bref, un autre monde où l’âme/esprit de l’homme du commun lui-même peut se préparer en paix à la fusion avec la lumière universelle (du deuos Parios, devenu le Graal au Moyen-âge). Dernière étape avant l’envol définitif de l’âme vers l’infini du Grand Tout (Pariollon pour les très-sachants de la druidiaction, Parinirvana chez les bouddhistes), plus haut et plus loin encore, au sein des milliards d’étoiles. FIN DE NOTRE RÊVE.
Révolution religieuse étonnamment démocratique donc que cette notion de Terre de paix ou de bonheur (le Vindomagos le Meldomagos…) débordant de passion, mais dénué de souffrance, voir à ce sujet l’admirable description qu’en font les légendes gaéliques intitulées « la navigation de Bran fils de Fébal, les aventures de Condle le beau fils de Conn ; où les âme/esprits des morts peuvent mûrir, sans entrave. Sans entrave et libérées de tout risque de réincarnation sur terre, en « bacuceos » ou « seibaros », dans le pire des cas ; juste avant de parvenir à la fusion avec la lumière divine émanée du chaudron cosmique (devenu le Graal au Moyen-âge comme nous l’avons dit) ; et d’entrer ainsi définitivement dans l’Immanent transcendant Absolu ou presque (Le Grand Tout).
Mais la solidité d’une chaîne n’est que celle de son maillon le plus faible. L’espèce humaine tout entière est solidaire dans ce processus cosmique et le présent cycle ne sera donc achevé que lorsque toute notre espèce aura pu profiter de ce processus cosmique. À cet égard il est donc plus utile évidemment, de retourner volontairement ici-bas pour aider tous les êtres vivants (hommes et animaux) que ce soit sous une forme ou une autre (dieu-ou-démon, druide terrestre, etc.)
La caractéristique générale de cette spiritualité, religion, ou mystique, était donc une nouvelle attitude, positive, à l’égard du monde et de la nature, de l’être humain et de la vie dans le monde.
Il y a quatre cercles ou degrés dans le druidisme.
Le premier degré qui correspond à la voie des bonnes œuvres est la voie que tout le monde peut suivre. Il est l’aspect extérieur de l’ollotouta (de la communauté cultuelle celtique), l’aspect la reliant aux non-initiés, voire même aux Non-Celtes. Il s’agit de la quatrième fonction des peuples vaincus (atectai) ou de la partie la plus pauvre de troisième fonction indo-européenne des producteurs de richesses.
Le 2e cercle ou degré donc est la conversion de celui qui se met à l’École du druidisme. Il est réservé aux vrais Celtes de cœur ou d’esprit. Le fidèle doit donc avoir auparavant fait la preuve du sérieux de son engagement, et il n’est admis à la première consécration (ordination comme vate, vellède ou gutuatre/gutumatre) puis à d’autres rituels, qu’après un examen scrupuleux effectué par son maître. L’adepte ou l’initié se choisit alors un nom druidique et se place sous le patronage d’une divinité (s’il adhère à son concept évidemment).
Le 3e cercle ou degré par conséquent, est le yoga druidique cuchulinien des Fénianes, très important évidemment dans une société essentiellement guerrière, et où tout homme était potentiellement un guerrier. Le druidisant fait ici un pas de plus. Du rituel, forme extérieure, et de la réflexion, il passe aux exercices mentaux qui le rapprochent de l’union complète avec son Destin.
Le 4e cercle ou degré enfin, est le stade supérieur du druidisme. Il s’agit d’un stade très différent de celui de la voie des bonnes œuvres, car ce qui le caractérise c’est plutôt le caractère souverain des choix du Destin (du Tokad/Tocade). La plupart des Écoles druidiques admettent aussi en effet, la possibilité de parvenir à l’état d’awenydd (auentieticos) par une illumination immédiate et soudaine, comme en un éclair lancé par Taran/Toran/Tuireann, au bout de plusieurs années de quête du Graal personnelle ou de réflexion. Un éclair de génie qui met sur la bonne voie, qui permet d’échapper définitivement aux illusions de la dualité de type judéo-islamo-chrétien (Dieu et le Diable, l’âme et la matière, le Bien et le Mal, etc.) Car tout est relatif en ce bas monde.
Les différences entre les choses sont éphémères et relatives. La plus haute des connaissances consiste donc à faire l’expérience de cette non-dualité ou de l’union des contraires.
Les dieu-ou-démons apparaissent alors au druidisant et il réalise l’union avec son Graal personnel c’est-à-dire l’union avec l’énergie bouillonnante de son Destin.
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Au-dessus de l’épanouissement de la force de l’âme/esprit par les exercices mentaux, existe donc la possibilité de la libération par illumination ou sagesse au milieu de la vie même actuelle.
La réflexion aboutissant à ces éclairs de génie peut être la méditation d’une des triades de base du druidisme comme celle rapportée par Diogène Laërce : « honorer les dieux, ne rien faire de bas, et être un homme, un vrai ».
Le thème majeur du druidisme ce n’est pas la possibilité d’un épanouissement par les actes ou les œuvres, mais la possibilité d’un tel épanouissement pour l’âme/esprit de type auentieticos (awenydd en gallois). Et par conséquent la possibilité de la victoire sur la relativité du monde et de l’anamone, donc sur la souffrance.
La non-existence individuelle de l’anamone est transcendée dans l’unité ou la totalité d’une plénitude qui englobe les êtres humains et la nature, une plénitude qui ne surpasse pas l’humain, mais l’accomplit selon sa dimension la plus profonde.
Ce qui est typique du druidisme dialectique aussi, c’est son glissement progressif, à partir du modèle originellement mythique, qui n’a pas son pareil dans les mythes cosmogoniques des Vedas ; même si le terme veda est le mot qui a donné druide en celte (dru-uids). Les puissances de la nature seront donc peu à peu démythifiées. « Et vous druides… à vous seuls il est donné de connaître, comme de les ignorer, les dieux et les puissances célestes » (Lucain. La Pharsale. Livre I).
Cela est évident dans la médecine celtique, qui est passée d’une médecine de type entièrement magique, à un début de médecine scientifique (ex-votos anatomiques en bois pour représenter les organes, trouvés à la source des roches à Chamalières, emploi des plantes médicinales, des eaux thermales, prouesses des oculistes britto-romains, etc.)
Dans la tradition celtique, la venue des dieu-ou-démons signifiait une première victoire sur les puissances du chaos, symbolisées sur le Continent par les mythiques anguipèdes géants (Irlandais Fomore, Andernas sur le Continent). Les dieu-ou-démons des Celtes deviendront ainsi de plus en plus, par un long processus de développement et d’échanges, des dieu-ou-démons également opérationnels pour tous les autres peuples. Que ce soit les Germains (qui ont beaucoup emprunté aux Celtes) ou même les Romains (notre grande reine Épona par exemple, etc.).
On peut donc affirmer à propos des druides primordiaux.
— Que les Européens du premier millénaire avant notre ère ont eu raison de les écouter.
— Que ce faisant ils se sont élevés à un niveau religieux sans précédent (comparé par exemple à la monolâtrie traditionnelle juive, surtout orientée vers l’ici-bas).
— Qu’ils ont tous reçu des druides primordiaux une inspiration, un courage, et une force, incommensurables, pour un nouveau départ religieux : ils se sont mis en route vers plus de vérité ainsi que vers une plus profonde connaissance.
Le terme celte qui désigne l’objectif ultime de la voie du salut druidique (par la Grâce diraient les chrétiens, par décision souveraine du Destin diraient plutôt les druides) signifie « épanouissement instantané de l’âme ou inspiration ». D’où les mots awen et awenydd en gallois. Il implique une cessation de la douleur, du désir, de la haine, de l’illusion.
Giraud de Cambrie, qui nous a donné au XIIe siècle une description du Pays de Galles, parle dans son chapitre XVI d’une catégorie de personnages désignés sous le nom d’awenyddion ou hommes inspirés. Awen est le nom de la Muse de l’inspiration et awenydd celui qui est inspiré, ou le poète, selon lui.
« Il y a en Cambrie des personnes que l’on ne trouve nulle part ailleurs appelées Awenyddyon, ou hommes inspirés ; quand ils sont consultés sur quelque chose de douteux, ils se mettent à hurler violemment, comme s’ils étaient hors d’eux-mêmes, et deviennent comme possédés. Ils ne répondent pas directement à ce qu’on leur demande ; mais qui les observe attentivement trouve quand même après maints préambules et maints discours futiles ou incohérents, quoique bien tournés, l’explication recherchée : ensuite ils sortent de leur extase comme d’un profond sommeil et pour ainsi dire comme contraints et forcés de retourner au sens commun. Après avoir répondu aux questions, ces personnes ne reviennent à leur état normal qu’après avoir été secouées par quelqu’un ; mais elles ne peuvent se rappeler les réponses qu’elles ont fournies. Si on les consulte une deuxième ou une troisième fois sur la même chose, ils recourent alors des tournures totalement différentes ; peut-être parlent-ils ainsi poussés par des esprits fanatiques et ignorants. Ces dons leur sont habituellement conférés en rêve… mais en prophétisant de la sorte ils invoquent le vrai Dieu vivant ainsi que la Sainte Trinité » (ouf ! a dû penser notre bon moine en son for intérieur).
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L’état d’awenydd n’est donc pas quelque chose dont on ne pourrait faire l’expérience qu’après la mort, comme le paradis des islamo-chrétiens ou le Vindomagos de la deuxième fonction celtique. On fait l’expérience de l’état d’awenydd dès l’instant où l’on atteint le stade où il n’y a ni chagrin, ni peine, ni mort, ni maladie, ni infirmité (voyage de Bran fils de Fébal) où il n’y a ni mort ni péché véniel ni péché mortel. La paix règne parmi nous sans conteste (les aventures de Condlé le beau fils de Conn).
Nos frères en paganisme d’Extrême-Orient vont même plus loin puisque, pour eux (tout comme pour certains chrétiens d’origine celte, nous y reviendrons) même les sensations agréables disparaissent et on en arrive même à la fin des opposés, des contraires, des oxymores.
Ni solidité, ni fluidité, ni chaleur, ni mouvement, ni soleil, ni lune, n’ont leur place. Cet état qui ne s’appelle ni venir, ni partir, ni rester debout, ni mourir, ni naître, où il n’y a ni fondement, ni développement, c’est cela l’état d’awenydd selon eux. Cet état de l’être est en fait une plongée dans le Grand Tout (Pariollon chez les Celtes, Nirvana en Extrême-Orient). Ce Grand Tout est libération définitive, totale, de tout vieillissement, de toute souffrance, de toute mort et de toute misère, ainsi que de toute réincarnation pénalisante en « bacuceos », par ignorance ou manque de curiosité. En bacuceos ou en seibaros = fantôme (siabair/siabhradh en irlandais) sorti tout droit du royaume de Tethra ou de Donn (Donnotegia).
Les chrétiens et les athées en ont conclu que le Pariollon ou Grand Tout druidique, appelé Parinirvana par les bouddhistes, était surtout négatif. Le Grand Tout du Pariollon druidique en réalité, n’apparaît comme anéantissement que pour qui ne sait pas. Pour celui qui sait (je pense donc je suis, mais aussi je pense que je suis), il est seulement la sphère radicalement différente de la paix absolue.
Mais dans le cas de l’état d’awenydd, corps et intelligence de celui qui est parvenu à ce stade subsisteront encore, jusqu’au moment de leur désagrégation physique définitive.
L’anatiomaros ou l’awenydd voudrait-il dès à présent mettre fin à cette existence qu’il le pourrait, mais la plupart attendent patiemment le terme fixé par la nature. Les anatiomaroi et les awenyddion attendent la dernière heure, conscients, et l’esprit vigilant.
À sa mort, l’anatiomaros ou l’awenydd dépasse l’état d’anéantissement ultime à partir duquel il n’est plus de renaissance possible. À travers la bouillonnante énergie du « chaudron cosmique » c’est l’envolée définitive vers les étoiles et les galaxies, la disparition au sein du Grand Tout.
La signification fondamentale de l’état d’auentieticos (awenydd en gallois), nous l’avons vu, est celle d’une fusion métamorphique avec la lumière des étoiles. Une dernière étape donc, sans souffrance, sans convoitise, sans haine ni aveuglement (Vindomagos et Sedodumnon réunis = Vindobitus ou Albiobitus). Cet avant-dernier état de l’être doit-il être compris négativement, comme une destruction totale de l’âme/esprit individuelle, appelée anamon, ou positivement comme la conservation sous une forme ou sous une autre dudit anaon individuel ?
Sur ce point, les différentes Écoles druidiques n’ont jamais pu s’accorder.
L’événement spirituel qu’est l’état d’auentieticos (awenydd en gallois) est un voyage puis une participation au sein du Sedodumnon ou Albiobitos (plérôme sous la plume de saint Irénée) à l’énergie du chaudron cosmique. De par leur proximité avec ce condensé du Destin suprême, Vindomagos et Sedodumnon réunis constituent donc en réalité un lieu ou un « étant » métaphysique. Le Sedodumnon ou Albiobitus, plérôme sous la plume de saint Irénée de Lugdunum, est un immanent transcendant, échappant à toutes les conditions de l’existence phénoménale, un lieu sans mort, non devenu, non causé.
En bref l’autre rive du gué, indescriptible en dernier ressort, quelles que soient les conditions d’accès, une autre dimension, la véritable réalité, le seul vrai monde.
Cette vie éternelle dans la bouillonnante énergie « du Graal » au Vindomagos ou au Sedodumnon est un état que nous sommes incapables de concevoir. Dans cette vie éternelle s’éteignent volonté, désir, sensation, mais dans la mesure seulement où tout ceci est imperfection.
Même si certaines Écoles druidiques évoquent en parlant de vie éternelle ou d’âme immortelle, une sorte de survivance de l’individualité de l’anaon papillonnant « autour de la lumière du Graal » ; elles n’en restent pas moins pleinement conscientes que leurs affirmations sur cette vie éternelle des âmes individuelles (anaon) ne sont que des images dont le but est de circonscrire le non représentable. Et que l’être-âme appelé anamone, au sein du chaudron cosmique, au-delà de l’espace et du temps, échappe à toutes les limitations du fini. Certains druides parlent d’ailleurs dans ce cas de métamorphisation des anamon. Comme une goutte d’eau se perd dans l’Océan tout en y déposant son sel, l’anamon se perd dans le Vindobitos en approchant du centre du chaudron cosmique.
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À propos d’awenyddion toujours. La synthèse de vécu ou d’aisling (de vision) et de réflexion, élaborée par les druides, apporte, certes, des informations ; mais produit aussi une modification de la conscience qui ouvre sur de nouvelles dimensions de la perception et de la connaissance. L’expérience montre que la sensation vécue (quotidiennement) de la distance entre le sujet lui-même et l’objet, peut être dépassée.
Première « technique », la plus générale et la plus philosophique.
La recherche scientifique des causes et des principes qui président à la vie de l’univers physique, permettant ainsi de parvenir à la reconnaissance existentielle de la différence entre matière et âme. Il s’agit de percer à jour les composantes physiques de la matière et les lois qui la font vivre.
La recherche philosophique. Il s’agit de saisir les lois de la pensée, de reconnaître les possibilités ainsi que les traquenards de l’argumentation déductive et inductive, d’affiner les notions de catégorie et de logique. En un mot d’apprendre aux mortels à se servir de la raison qui leur permettra d’accéder à la connaissance de la vérité suprême et donc du Tokad (du Destin). Les éléates grecs ont fait très fort en ce domaine (les traquenards du raisonnement).
La recherche sur les rituels traditionnels et les exercices mentaux, notamment pour ce qui est de leur efficacité.
Une telle connaissance est déjà un épanouissement puisqu’elle rend possible la 2e technique.
Les arts martiaux celtiques (yoga celtique de type riastrade < rixtiostrictio >, entraînements de type féniane, ou autres, etc.) ont pour but, comme l’a voulu à l’autre bout du monde indo-européen le célèbre moine bouddhiste Bodhidarma inventeur du koung fou, d’entraîner à la maîtrise de soi et à la concentration. Afin de surmonter de la sorte tous les obstacles d’origine corporelle auxquels se heurte l’esprit et permettre à nos facultés cachées de se déployer.
Le but de cet autoépanouissement par le savoir pratique ou théorique est donc la délivrance de l’ignorance, par connaissance de l’unique réalité véritable ; ainsi que la libération du cercle vicieux de la renaissance en « bacuceos » ou « seibaros ». Par union directe avec le réceptacle du Destin suprême qu’est le Pariollon ou chaudron cosmique.
Dire du Tokad qu’il est l’ami des hommes, c’est évidemment user d’un anthropomorphisme (les animaux n’ont pas conscience d’avoir un destin) pour évoquer la solidarité du Destin suprême avec celui de tous les hommes y compris ceux qui souffrent, qui sont abaissés, humiliés, bafoués, abandonnés jusque dans la mort (exemple Sétanta Cuchulainn en Irlande).
Autrement dit en notre faiblesse humaine une force est à l’œuvre, en notre impuissance même se révèle une autre puissance. Le négatif de ce monde peut être métamorphosé en infiniment positif.
Et c’est là ce qui permet précisément de déjà vivre, malgré la souffrance, une libération de la souffrance. Encore une fois voir l’exemple du Hésus Cuchulainn.
La souffrance n’est pas un pur donné sans signification. La souffrance, même apparemment sans signification, n’en est pas moins lourde d’un sens englobant. Un sens qui, certes, ne brillera de tout son éclat que dans l’avenir de l’accomplissement plénier de ce monde (frachokereti dans l’Avesta), quand toute souffrance, tout mal, toute mort, seront transcendés au cœur même du monde. Lors de l’erdathe (après le retour du sauveur appelé Saoshyant disent les zoroastriens, après le retour du Graal dira-t-on au Moyen-âge) qui alors se manifestera, dans la profondeur et l’intimité de l’Homme.
Une question se pose maintenant. Est-il possible qu’avant cette fin du monde ou erdathe (suivie d’une renaissance dudit monde, en cela le druidisme diffère radicalement du judéo-islamo-christianisme), programmée, il y ait une période plus glorieuse et donnant ainsi en quelque sorte aux hommes de bonne volonté comme un avant-goût du futur état de l’être appelé paradis celtique ? Un peu comme une rémission avant la mort ?
En Iran cette période de rémission avant l’erdathe ou fin des temps devant durer mille ans, était en effet associée au retour du Saoshyant. Saoshyant est le nom du messie ou sauveur suprême dans la mythologie perse antique. Son avènement marquera l’arrivée des derniers jours et du Frashokereti (l’ultime renouveau). On dit parfois que le Saoshyant naîtra d’une vierge qui sera imprégnée de la semence de Zoroastre pendant qu’elle se baignera dans un lac.
Le début du quatrième et dernier âge, qui comprend l’époque actuelle, a vu l’apparition du grand réformateur religieux que fut Zoroastre ; et il verra l’avènement du messie sauveur appelé Saoshyant. Le Saoshyant viendra pour renouveler le monde et ressusciter les morts. Durant cet ultime renouveau, l’Humanité sera soumise à un torrent brûlant, qui la nettoiera de ses travers ou de ses vices et lui permettra de vivre en compagnie d’Ahoura Mazda. Pour tous ceux qui auront mené une vie sans
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reproche, ce torrent brûlant ne fera pas plus d’effet que du « lait » doux. Le Saoshyant sacrifiera un taureau et mélangera sa graisse avec l’élixir magique appelé haoma, pour créer un breuvage d’immortalité qu’il donnera ensuite à chacun des membres de l’espèce humaine.
À la jonction du politique et du religieux et du fait d’une lointaine influence indo-européenne, on découvre la même idée dans le monde chiite. Les chiites guettent le retour du Mahdi, c’est-à-dire de l’Imam caché.
Pour d’autres peuples, cette période de rémission avant l’Erdathe ou la fin des Temps devant durer mille ans, était associée au retour des dieu-ou-démons, et impliquait donc que l’Humanité tout entière devienne… comme des dieux.
NB. Ces éternelles batailles de l’autre monde celte ont donné le Ragnarok dans la mythologie germanique (Edda poétique).
En Grande-Bretagne cette période de rémission avant l’erdathe ou fin d’un Monde devant durer mille ans était associée au retour du roi nommé Arthur. Un roi caché ou en dormition depuis la désastreuse bataille de Camlann. Arthur est le type même du chef de guerre, sage et surtout élu des dieu-ou-démons. Son lieu de convalescence est l’île des Pommes ou île Fortunée (Insula Pomorum quae Fortunata vocatur). C’est une sorte de Paradis terrestre, demeure de fécondité, mais aussi de longévité, gouvernée par neuf sœurs, dont l’aînée, la reine Morgain ou Morgane, est une magicienne qui connaît les secrets de l’art de guérir. Le nom d’« Île des Pommes » semble plus une traduction du mot d’origine celtique Avallach ou Avallon qui signifie « Pommeraie » que du terme latin pomorum. Selon d’autres traditions galloises, anglaises et même italiennes, le séjour d’Arthur aurait été une grotte introuvable où il dormait, entouré de ses derniers preux, échappant ainsi à l’attention des vivants.
Au Portugal cette période de rémission avant l’Erdathe ou fin des temps devant durer mille ans était associée au retour du roi Sébastien Ier (Don Sebastião). C’était un roi jeune, célibataire (il répugnait au mariage) et sans descendance. Le personnage est particulier, selon les points de vue il est soit admiré, soit haï ; on voit en lui un messie, ou bien un maladroit (c’est un euphémisme). Pas étonnant, on a quand même affaire avec lui à un jeune adulte, de santé fragile. Il montera sur le trône en 1568, à l’âge de quatorze ans.
Nul ne sait avec certitude ce qu’est devenu son corps, mais ce qui est certain c’est que le peuple refusa cette disparition.
Il entre alors dans la légende et depuis porte divers surnoms : O Adormecido (l’Endormi, le roi en dormition) ou bien O Encomberto le [roi] secret. Diverses légendes nous le montrent, toujours attendu, et l’imaginent revenant à la tête de la nation afin de redonner au Portugal sa gloire et sa puissance de jadis. Certains textes nous précisent même que cela se fera un jour de brouillard.
Le sébastianisme est donc un mouvement messianique alliant culture, histoire et spiritualité. Plus précisément, le sébastianisme est la continuation d’un messianisme portugais qui existait déjà depuis plusieurs siècles ; et situé à la confluence de trois grandes lignes historiques : la tradition messianique judéo-chrétienne empruntée aux Perses ; les théories millénaristes du moine cistercien Joachim de Flore ; et enfin les récits de chevalerie des mythes celtiques traitant du roi breton Arthur. Dans la noblesse portugaise (comme dans d’autres d’ailleurs), la tradition des romans de chevalerie s’est en effet longtemps perpétuée.
En France il s’agit du grand monarque. Les prophéties à son sujet commencent à se répandre à peu près à la même époque que celle du roi des Bretons appelés Arthur. L’époque médiévale a été en effet particulièrement fertile en faux prophètes. Outre les prédictions attribuées à Merlin l’enchanteur, il y a eu également d’autres faux prophètes, dont les vaticinations allaient toutes dans le même sens ; elles annonçaient la venue d’un Grand Monarque de type messianique (Cadwalader en gallois) venant pour sauver le monde (le Pays de Galles) de la destruction. La prophétie tirée du Mirabilis Liber et attribuée à Césaire d’Arles, en accord avec la plupart des prophéties du Grand Monarque, annonce pour la fin des temps, la venue de ce prince messianique ; alors qu’ailleurs, ainsi que nous avons pu le voir, la venue du Grand Monarque est vue sous les formes les plus diverses.
Il existe peu de commentateurs parlant clairement du Grand Monarque qui, plus qu’un personnage, est l’incarnation d’une fonction eschatologique suprahumaine. Éric Muraise s’y hasarde pourtant, quitte à donner à sa description une connotation digne de la littérature d’anticipation. Le Grand Monarque est un prince capétien oublié, nommé Henri, né à Blois et vivant dans l’île d’Irlande (tiens ?). Il se révèle au moment où l’Europe, secouée par de très graves désordres internes, subit l’invasion simultanée ou concertée de troupes provenant d’Afrique du Nord et de l’est de l’Elbe. Un
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vrai scénario de science-fiction. Muraise extrapole à partir d’un grand nombre de prophéties et de prédictions publiques. Pour un historien, affirme cet auteur français, la question n’est pas de savoir si les prophéties sont croyables ni si les rapprochements de ces prophéties avec les réalités sont légitimes, mais d’estimer leur potentiel suggestif sur les masses.
Certains auteurs pensent que la « prophétie du Grand Monarque » n’a jamais existé. En introduisant ce thème dans la prophétie, on a fait apparaître le Grand Monarque comme un refondateur de la monarchie, qui ramène son peuple à la jouvence originelle, in illo tempore dirait Mircea Eliade. Mais, subrepticement, on procède alors à un glissement du thème du roi perdu à celui du roi immortel caché. Certes, le Grand Monarque n’est pas Arthur transporté par les fées dans l’île d’Avallon ni Frédéric Barberousse endormi sous la montagne ; veillant au long des siècles dans l’attente du besoin de leurs peuples. Ce rôle est transposé à son lignage occulté. Mais ce qui est certain c’est que cette trame prophétique s’appuie sur des mythèmes puissants ; le roi perdu, l’île bienheureuse, le roi du monde, le cataclysme suivi du retour à l’Âge d’or ; présents dans l’imaginaire occidental depuis des millénaires.
En Allemagne, cette période de rémission avant l’Erdathe ou fin du Monde devant durer mille ans, était associée au retour de l’empereur Frédéric II de Hohenstaufen. Du IXe siècle au XVe et plus particulièrement à partir du XIIe siècle, s’est en effet développée en Allemagne la légende de l’empereur endormi : Charlemagne, Frédéric Barberousse ou Frédéric II selon l’époque ou l’humeur des conteurs. Et c’était visiblement une transposition germanique du mythe du roi perd […] L’empereur Frédéric n’est pas mort. Il dort dans une grotte des montagnes de Thuringe, assis devant une table de pierre, tandis que sa barbe a fait déjà plusieurs fois le tour du pied de la table. Parfois, il se lève pour demander : « Les corbeaux volent-ils toujours autour de la montagne ? » Et le berger qui veille sur lui répond tristement : « Oui ! ». L’empereur reprend alors son rêve séculaire, en attendant le jour où il portera l’Allemagne à la tête des autres peuples.
En Bohème, dans une grotte […] reposait le roi Venceslas II, mort en 1305, un prince sage et puissant qui avait réuni sous son gouvernement la Bohème, la Pologne et la Hongrie. Dans une montagne du Monténégro attendait le roi de Serbie Marko (1371-1394) qui, bien que déjà soumis à la tutelle ottomane, représenta pour les générations suivantes un vague souvenir des libertés médiévales. L’épée du roi Marko était enfoncée jusqu’à la garde dans un rocher ; ce roi de Serbie reviendrait lorsque le rocher serait tellement usé par le temps que l’épée se libérerait d’elle-même. Notons les correspondances évidentes avec Excalibur, l’épée d’Arthur.
Même les trois fondateurs de la première alliance des cantons suisses originels en 1291 étaient réputés dormir sous le pré du Grütli, où ils avaient prêté leur serment, au bord du lac d’Uri.
On décèle dans toutes ces légendes les traits caractéristiques d’un véritable « complexe de Pénélope » : un espoir dans le retour d’un monarque bien-aimé trop tôt disparu, un endormissement conservateur dans un endroit reculé ou protégé, un triomphe inévitable et définitif. Ce chiliasme politique semble résulter d’une laïcisation du millénarisme parousiaque, d’autant plus que la coutume assigne au « sauveur dormant » qu’il devait s’éveiller lorsque son pays aurait besoin de lui. Bretagne, Bohême, Serbie ou Allemagne mises en danger appelleraient le roi disparu. Ces souverains, historiques ou archétypaux, échappaient à l’emprise de la mort, soit afin de revenir un jour témoigner pour l’édification d’autres générations, soit pour enfin accéder à la vie éternelle. Leur sommeil était une étape longue et protégée, qui conservait leurs virtualités, qui réservait leurs mérites pour un plus grand accomplissement. Ils attendaient ainsi un instant privilégié de l’avenir où leur éveil viendrait alors émerveiller, enseigner ou secourir, les témoins de ce prodige.
Il n’est donc pas surprenant de rencontrer la figure du « roi dormant » dans maintes traditions européennes, car les rois qui, dans un sommeil prodigieux, continuaient de veiller sur leurs peuples offraient une consolation aux malheurs collectifs ; ils constituaient une espérance cachée, un ultime recours, un gage d’éternité qui rachetait les incertitudes et les difficultés du jour.
Fondamentalement, le thème du roi perdu ou du roi occulté symbolise l’essence sacrée de la royauté, par opposition à ses réalisations temporelles. Il assure la régénération archétypale de la fonction royale. Son occultation temporaire le soustrait à l’usure, aux forces dissolvantes qui éloignent son lignage du modèle idéal.
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Chez les Celtes cette idée millénariste n’a été conservée que par les Bretons et le cycle arthurien.
Alors est-ce une hérésie, un particularisme local, ou l’ultime écho d’un mythe druidique panceltique plus ancien ? Une hérésie ou une réminiscence ?? À chacun de voir.
Le message religieux du druidisme nous a surtout été transmis sous un revêtement mythique et légendaire. La philosophie druidique date d’un temps où la pensée mythique était encore familière aux hommes.
Les héritiers actuels du côté scientifique du druidisme considèrent aujourd’hui la nature et l’Histoire comme un continuum ayant ses propres lois.
Comme la science de leur époque n’était encore que balbutiante, les druides antiques, eux, expliquaient les événements par des interventions de puissances supra naturelles ou préternaturelles dans le cours de la Nature et de l’Histoire.
On sait aujourd’hui que ces interventions ne sont que des exceptions aux règles générales de fonctionnement de la nature.
Croire en Taran/Torann/Tuireann signifie alors simplement croire en la force et en la puissance efficace de l’âme/esprit dans l’Homme et dans le Monde.
Il faut nous garder à propos du Druidisme du cliché : « Les juifs ont une pensée historique, les Celtes une pensée mythologique ».
Tout n’est pas mythe antihistorique dans la religion druidique. Nombre de données de la tradition religieuse celte ont un ancrage historique. Voir le cas du Hésus Mars ou Cuchulainn et des autres héros divinisés de ce genre.
Inversement, la Bible, elle aussi, a eu recours aux mythes : mythes sumériens de la création et de la fin du monde, du paradis terrestre et de la chute originelle, du déluge universel, etc. jusqu’à l’épisode de la tour de Babel.
À propos de l’histoire d’Adam et Ève, on s’accorde par exemple à voir ; dans la défense faite par Yahweh, de toucher aux fruits de l’arbre de la connaissance, et de l’immortalité ; un lointain écho de la mythologie sumérienne. Qui exclut en effet clairement les hommes de l’immortalité pour la réserver (assez jalousement) aux seuls dieu-ou-démons.
Il y a aussi des motifs mythiques dans le Premier ainsi que le Second Isaïe.
Avec Lug nous avons affaire à une figure méta – historique analogue au Krishna indien. Même si on ne peut la dater ou la localiser que de façon très approximative, en relation avec la fameuse bataille de la plaine des menhirs ou tumulus (Cath Maigh Tured en gaélique) à l’époque protohistorique ; et même si divers courants de tradition se sont amalgamés à cette figure (des courants de tradition chamane préhistorique par exemple).
Cela vaut également des récits concernant Crixus et Mariccos qui en dépit de tous leurs revêtements légendaires (les exégètes penseront aux « miracles » ayant précédé la mise à mort de Mariccos, etc.) entendent parler d’événements historiques uniques. D’une histoire qui s’est réellement passée, ici-bas, et qui est donc vérifiable par les sciences historiques, donc de faits. Voilà qui est de la plus haute importance pour des hommes comme nous, marqués par les sciences de la nature, la technologie, et l’Histoire.
La tradition celtique de révolte humaine des Fir Bolg contre les dieu-ou-démons (voir la défaite des TD dans la guerre pour la Talantio/Tailtiu, personnification de la campagne cultivée correspondant à la déesse-ou-démone, ou fée, Rosemartha, des Continentaux) ; a sans doute encouragé la grande expédition des guerriers galates de l’an 279 avant notre ère. Les récits à lire sur Brennus Akichorios Leonorios Lutorios et tous les autres, plus que des biographies, nécessairement incomplètes, constituent un message, un enseignement, une formation, une pédagogie. Voir à ce sujet les propos de Brennus sur les dieux.
La tradition celtique de révolte humaine contre les dieu-ou-démons (voir la défaite des TD dans la guerre pour la Talantio/Tailtiu, personnification de la campagne cultivée correspondant à la déesse-ou-démone, ou fée, Rosemartha, des Continentaux) ; a sans doute aussi encouragé la grande révolte des gladiateurs de l’an 73 avant notre ère. Puisque son noyau dur fut composé d’éléments celto-germaniques ayant des meneurs portant tous des noms celtiques : Crixus, Œnomauos, Castus, Gannicus.
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Les récits à lire sur Crixus et sur Mariccos, plus que des biographies, nécessairement incomplètes, constituent un message, un enseignement, une formation, une pédagogie. Crixus et Mariccos qui ont vaincu vécu et souffert sous Rome, dans un pays bien déterminé, à une époque bien déterminée.
Pour celui qui s’intéresse à Brennos et voit en lui la norme de son comportement vis-à-vis des dieux, il n’est pas indifférent que ce Brennos soit une figure historique, une légende ou un mythe.
Pour celui qui s’intéresse à Mariccos et voit en lui la norme de son comportement, il n’est pas indifférent que ce Mariccos soit une figure historique, une légende ou un mythe.
Pour celui qui s’intéresse à Crixus, il n’est pas indifférent qu’il ait agi en chef, en moine soldat ou en révolutionnaire social et national. Qu’il ait été du côté des riches et des puissants ou des pauvres et des opprimés [tout comme dans le cas du Hésus Mars ou Cuchulainn d’ailleurs]. Qu’il ait prôné la légitime défense ou la non-violence absolue de type ahimsa. Qu’il ait peut-être été ou non trahi (vendu) par d’autres gladiateurs andabatas ou mirmillons comme lui. Qu’il ait ou non mérité d’être crucifié avec 2 ou avec 6000 de ses compagnons le long de la via Appia…
Crixus a peut-être échappé à une mort plus cruelle s’il a été surpris et tué encore mal réveillé, mais les armes à la main. On ne sait pas non plus avec certitude comment moururent Castus, Gannicos et Oinomauos. Sans doute crucifiés eux aussi sur ordre de Crassus.
Quoi qu’il en soit, tous méritent bien et même encore aujourd’hui, une affectueuse pensée.
Mariccos est également une figure historique ; un homme authentique, un insurgé animé d’un esprit véritablement révolutionnaire et inspiré, lancé dans une tentative où il risquait sciemment sa vie. Tout comme Crixus d’ailleurs.
Ils ont quitté le règne de l’éphémère, pour passer dans un monde que l’on dit meilleur, le Uindomagos. Appelé Teres Biuontion = Terre des Vivants par les Gaëls aux extrémités occidentales de la Celtie (cf. la Tir na mBeo de leurs descendants irlandais).
Le Uindobitucos Crixus, le Uindobitucos Mariccos, et tant d’anonymes avec eux… Pour eux pas d’intervention surnaturelle d’un Dieu-ou-Demiurge d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, ou ex machina, mais une entrée naturelle par la mort dans un état dernier sans souffrance, un état de béatitude en quelque sorte ; l’état de Uindobitucos recherché par tout combattant ou militant qui se respecte.
En ce sens, il y a aussi pour les druidisants, à partir du Uindobitucos Crixus ou du Uindobitucos Mariccos, dès maintenant, au cœur de cette vie, un début de salut. Un épanouissement de l’âme/esprit comme le phénomène appelé moksha en Inde, une libération de tout esclavage.
Bref, une théologie de la libération avant la lettre. Une spiritualité de type mohamedien. Ce que les chrétiens les intellectuels et les médias occidentaux ne peuvent pas comprendre (ils font du christianisme sans christ même quand ils sont athées, un non-conformisme rarissime), mais que les vrais musulmans eux comprendront évidemment.
Mais laissons là l’Histoire et revenons à la Mythologie.
L’histoire de chaque cycle n’est pas un développement linéaire dans le sens d’une continuelle montée (progrès) ou dans celui d’une continuelle descente (décadence) ; mais un mouvement dialectique, passant certes, par des crises, des ruptures, et des catastrophes, mais aussi porteur de sens, cohérent, polarisé par une finalité. L’accomplissement définitif que les druides actuels désignent sous le nom de retour de l’erdathe (retour du Graal au Moyen-âge), après que le grand méchant loup de la célèbre monnaie des Unelles (un quart de statère ?) aura fini d’avaler le soleil, des cieux nouveaux et terre nouvelle, surgie des eaux et verdoyante. Eux-mêmes point de départ possible d’une nouvelle longue vie (d’un nouveau cycle) selon certains druides.
Mais il y a néanmoins place dans de tels cycles pour des interventions décisives du Destin. L’avatar du Tokad dans le Hesus Mars ou Cuchulainn, qui a donc rappelé aux hommes la bonne nouvelle du Suscetlon (l’enfer éternel n’existe pas et le purgatoire non plus) est un exemple restaurateur et refondateur de cet ordre ancien, de ces temps oubliés, et en ce domaine même s’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, il n’est rien de plus nouveau que ce qui a été oublié.
Notons ici l’incroyable aveuglement du christianisme et de l’islam, dont les Corans insistent beaucoup sur cet Enfer, refusant tous deux ce qui pourtant devrait aller de soi, vu certains de leurs propres dogmes de base.
— Pour les chrétiens : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique… »
— Pour les musulmans : « Illahi rahmani er rahim » = « Dieu est clément et miséricordieux… ».
Ainsi que nous avons pu le voir, le Tokad s’est plus d’une fois révélé. Mais le Hesus Mars ou Cuchulainn, lui, malgré tout le merveilleux invraisemblable brodé sur lui par les vellèdes, est une figure métahistorique reposant très probablement sur l’historicité d’un personnage exemplaire. Il a donc été
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un authentique humain, « ro fir » (ro adverbe intensif, fir = être humain mâle en gaélique). En même temps que s’incarnait en lui, selon la croyance, druidique, de l’époque, le symbole même du Destin.
À en croire une idée reprise dès le XIXe siècle par d’Arbois de Jubainville, notre héros aurait été un guerrier originaire du Continent, Gaule ou Galice, arrivé avec l’une des vagues d’immigrants conquérants débarquant dans l’île d’Irlande. Son nom de Sétanta – forme gaélique tardive – s’expliquerait par un * Sentons antérieur = « cheminant », mot à mot : « l’itinérant ». Il y aurait eu là aussi un jeu de mots avec le nom ethnique de Setantios porté par des clans bretons (Setantioi : actuel Lancashire).
Ce que le druidisme actuel s’efforce de retrouver de l’ancien druidisme en matière de pratique religieuse ou de mystique, c’est :
1. Des formes de méditation, de chants, des positions corporelles, des gestes, des parures, et d’autres éléments liturgiques extérieurs.
2. L’association de la nature (arbres, lumière, lever ou coucher de soleil) au culte.
3. La récitation rituelle et la méditation personnelle des triades ou des mythes sacrés que nous venons de voir : dans la mesure où ces légendes témoignent du passage de l’Humanité à la dimension immanente et transcendante du Tokad (du Destin).
Ce n’est pas une multitude de lois dépassées que proclame le néo-druidisme, mais une série d’appels simples, transparents, libérateurs, renonçant à la facilité de l’idéologie dominante véhiculée par les journalistes ou les intellectuels (du christianisme sans Christ), mais donnant au contraire des exemples ou des signes d’une vie renouvelée.
Comment faut-il comprendre son destin, comment le reconnaître, comment savoir quelle est sa véritable volonté, que faire pour le suivre. En bref sur quoi l’Homme doit-il fonder sa vie ? Le raisonnement druidique ouvre des perspectives infinies, mais donne aussi des repères pour s’orienter.
Pour autant, réaffirmons-le encore une fois, dans le druidisme il n’y a nullement exigence d’une obéissance inconditionnelle aux dieu-ou-démons.
A fortiori pas d’obéissance stupidement criminelle comme dans le cas d’Abraham, hélas, courant à son époque, prêt à sacrifier son fils, ou celui des Phéniciens et des Carthaginois obéissant aux prêtres jusqu’à faire brûler leurs fils en sacrifice à « Moloch ».
N’oublions pas au contraire le symbole de la dernière bataille métahistorique de la Plaine aux menhirs ou aux tumuli, où ce sont les hommes qui ont fait reculer les dieux ou démons, tout comme l’a fait aussi le Hésus Cuchulainn, en certaines circonstances, avec les Tuatha De Dannan et Brennus à Delphes (tout au moins au début).
Il ne peut y avoir qu’obéissance conditionnelle, négociée, discutée, en bref un accord après négociations. Nouvelle forme d’obéissance aux dieu-ou-démons donc, non selon la lettre, mais selon l’esprit. Les néo druides ne proclament pas un nouveau droit englobant tous les domaines de l’existence. À la différence du judaïsme ou de l’islam, ils ne déterminent pas dans le détail quelles règles hygiéniques observer, comment manger, faire sa toilette, se protéger des maladies, etc. De minimis non curat druis. Nous touchons là au point crucial de tout dialogue païen, la liberté. Non pas un homme nouveau repartant de zéro, mais un homme nouveau à partir du meilleur de l’ancien.
Le service du surhomme qui est en nous doit l’emporter sur la dictature du conformisme ambiant. Le mot d’ordre révolutionnaire à la Crixus ou à la Mariccus, a fortiori à la Hésus, doit être la (sur) humanité, non le conformisme mou. Car telle est volonté du Destin ou Tokad (moyen gallois tynghed, breton tonket, destiné, vieil irlandais tocad, destin, toicthech « fortunatus », tonquedec en breton. Le labarum est son messager).
Les Thora, Bible, ou Coran, ont à répondre au seul critère qui vaille. Sont-ils au service du surhomme qui est en nous, oui ou non ? Juifs, chrétiens et musulmans doivent faire la distinction dans leur religion entre ce qui est juste et ce qui ne l’est pas. Entre ce qui est vrai ou ce qui ne l’est pas. Entre ce qui porte la marque de son temps et ce qui est immortel. Entre ce qui est vital et ce qui est accessoire. Entre ce qui est constructif et ce qui est délétère. Il faut également faire la distinction entre éthique et morale, entre moralité ou légalité, entre constantes éthiques immuables et dispositions légales modifiables, entre l’esprit et la lettre.
N.B. Mis au féminin si le masculin ou le neutre ne convient pas, le destin se dit alors Tocade.
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POSTFACE À LA JOHN TOLAND.
Les pseudo-druides à la filiation initiatique mirobolante (la fameuse et inénarrable tradition primordiale) s’étant multipliés depuis quelque temps ; il nous a paru nécessaire de mettre à la disposition de tout un chacun ces quelques notes, hâtivement rédigées un soir de novembre, afin de donner à nos lecteurs envie d’en savoir plus sur le vrai druidisme. Ce travail se veut honnête, mais en aucune façon neutre. Il s’est donné pour objectif de défendre ou de réhabiliter la cluto (renommée) de cette antique religion.
Rien ne remplace la méditation personnelle y compris sur les lais obscurs ou incompréhensibles parsemant ces livres et qui ont été insérés à dessein afin de vous obliger à réfléchir pour trouver votre propre voie. Ces livres ne sont pas des dogmes à suivre aveuglément et à la lettre. Ainsi que vous le savez sans doute, il faut se méfier comme de la peste de la lettre. La lettre tue, seul l’esprit vivifie. Rien ne remplace non plus l’expérience personnelle et c’est en cheminant que l’on trouve le chemin. Ne comptez donc que sur vos propres forces pour cette quête du Graal. Ce qui compte c’est l’attitude à adopter dans la vie et non les détails du dogme. Le druidisme a moins d’importance que la druidiaction. (Jean-Pierre Martin).
Ces quelques feuillets griffonnés à la va-vite ne sont néanmoins en aucune façon LES LIVRES À LIRE SUR LE SUJET, ils n’en sont qu’un pâle reflet. La seule bibliothèque druidique digne de ce nom n’est pas en effet composée de seulement 12 (ou 27) livres, mais de plusieurs centaines.
Les quelques opuscules constituant cette mini-bibliothèque ne constituent pas un approfondissement et ne sont que quelques manuels destinés aux écoliers du druidisme. Ces résumés simplifiés destinés aux cours primaires de druidisme seront remplacés par des cours d’un niveau quelque peu supérieur, pour ceux qui voudront vraiment l’étudier de façon plus pertinente.
Cette petite bibliothèque est par conséquent un premier essai d’adaptation (destinée aux jeunes adultes) des diverses réflexions sur le savoir et la vérité druidiques, auxquelles ont abouti les premiers résultats de la nouvelle laïcité positive et ouverte, mondiale, en train de s’instaurer.
À la différence du judaïsme, du christianisme, et de l’islam, qui fourmillent littéralement, à propos de l’Être supérieur, d’anthropomorphismes puérils pris au pied de la lettre (fondamentalisme) ; notre druidisme, lui, n’en utilisera que très peu, et s’en tiendra, en ce domaine, au minimum absolu.
Mais pour parler de Dieu-ou-Diable nous allons bien être obligés, nous aussi, d’utiliser un langage, et donc un certain nombre de ces anthropomorphismes. Ou alors il faudrait totalement renoncer à en discuter.
Ce premier rayon de notre future bibliothèque consacrée au sujet a pour objet de montrer avec précision l’harmonieuse authenticité de la volonté et du savoir néo-druidiques. De montrer à quel point ses grandes thèses actuelles ont des racines anciennes, car la Mythologie, c’est notre Bible à nous. Les adaptations de ce bref exposé, exigées par les différences de culture, d’âge, de maturité spirituelle, de situation sociale, etc. seront à faire par les druides concernés (les vellèdes et les autres ?).
À noter cependant. Important ! Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, ne sont pas (en vrac).
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Une révélation divine. Une loi (toujours aussi divine). Une loi (profane ou laïque). Une loi (scientifique). Un dogme. Un Ordre ? Ce que je cherche surtout à faire partager c’est un état d’esprit, rien de plus. Ainsi que l’a très bien dit un jour notre vieux maître :
« NOTRE CIVILISATION N’A PAS LE CHOIX : CE SERA LE CELTISME OU CE SERA LA MORT » (P. Lance).
Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, sont. Du rêve. Une aventure. Un voyage. Une évasion. Un cri de révolte contre la laideur morale et matérielle de cette société.
Une tentative d’atteindre à l’universel en partant du particulier. Un défi. Un obstacle fécond à surmonter. Une incitation à la réflexion. Un guide pour l’action. Une carte. Un plan. Une boussole. Une étoile polaire ou l’étoile du berger là-haut dans la montagne. Un feu la nuit dans une clairière ?
Ce que le rassembleur de ce noyau de bibliothèque, Pierre de La Crau, n’est pas.
— Un dieu.
— Un demi-dieu.
— Un quart de dieu.
— Un petit saint.
— Un philosophe (reconnu, officiel, et breveté ou patenté, comme ceux qui passent à la télévision. Sauf évidemment à prendre le terme en son sens originel, qui est celui d’amateur de sagesse et de savoir).
Ce qu’il est : un homme, et rien de ce qui est humain ne lui est donc étranger. Pierre de la Crau n’a aucun pouvoir surhumain ou exceptionnel. Rien de ce qu’il a dit écrit ou fait ne saurait avoir de valeur intemporelle. Tout au plus espère-t-il que son extrême lucidité à propos de notre société et de son idéologie dominante (voir ses philosophes officiels, ses journalistes, ses masses médias et le politiquement correct des bien-pensants) ; ainsi que son non-conformisme, et son franc-parler, alliés à un solide esprit de contradiction (qui lui ont d’ailleurs valu pas mal de déboires ou d’avanies) ; pourront être utiles.
La présente petite bibliothèque pour débutant « contient la dose d’humanité exigée par l’état actuel de la civilisation » (Henri Lizeray). Elle n’est d’ailleurs qu’un rassemblement de matériau attendant l’architecte ou le maçon ad hoc.
Prochainement paraîtra toute une série de fascicules approfondissant ces éléments de base. Cette présentation différente du savoir druidique préservera néanmoins l’unité et la profonde harmonie entre ces divers exposés d’un seul et même paganisme philosophique et réfléchi : une spiritualité digne de notre époque, une spiritualité pour notre époque.
Cas des traductions dans une langue étrangère (espagnol, allemand, italien, polonais, etc.)
Les fautes d’orthographe de grammaire de style, ainsi que l’écriture des noms propres, pourront être corrigées. Toute autre amélioration du texte pourra également être apportée si nécessaire (par ajout suppression ou modification, de détails) ; Pierre de La Crau ayant toujours regretté de ne pouvoir atteindre à la perfection en ce domaine. Mais à condition de n’altérer ni trahir en rien la pensée de l’auteur de cette compilation raisonnée. Toute illustration sans légende peut être changée. De nouvelles illustrations peuvent être apportées. Mais les illustrations ayant une légende ne devront être qu’améliorées (par substitution d’une bonne photo à un mauvais croquis par exemple ?).
Il va de soi que le coordonnateur de cette rapide et sommaire compilation raisonnée, Pierre de La Crau, ne prétend nullement avoir inventé (ou découvert) lui-même, tout ceci ; qu’il ne prétend en aucune façon que ceci est le fruit de ses recherches personnelles (sur le terrain ou en bibliothèque) ! Ce qui suit est en effet essentiellement issu des excellents ouvrages ou sites internet référencés en bibliographie et dont la consultation directe est fortement recommandée. Nous n’insisterons jamais assez sur notre volonté de ne pas être les hommes d’un livre (du Livre), mais d’au moins douze, comme les Fénianes d’Irlande, pour d’évidentes raisons d’ouverture d’esprit, la vérité étant notre seule religion.
Encore une fois, répétons-le ; le coordonnateur de la mise par écrit de ces quelques notes hâtivement jetées sur le papier ne prétend nullement avoir passé sa vie dans la poussière des bibliothèques ; ou sur le terrain, dans la boue des fouilles archéologiques de sauvetage ; afin d’exhumer des témoignages inédits sur le passé de l’Irlande (ou du Pays de Galles ou des Indes ou de la Chine ?)
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PIERRE DE LA CRAU NE SE VEUT DONC EN AUCUNE FAÇON L’AUTEUR DES TEXTES QUI PRÉCÈDENT.
IL N’ESSAIE NULLEMENT DE S’EN ATTRIBUER LES MÉRITES. Il n’en est que l’éditeur ou le compilateur. Il s’agit pour la plupart de documents diffusés sur internet à quelques exceptions près. IL EN REVENDIQUE PAR CONTRE TOUS LES DÉFAUTS ET TOUTES LES INSUFFISANCES. Pierre de La Crau ne revendique qu’une chose, les fautes erreurs ou imperfections diverses de ce livre. Lui seul est à blâmer dans ce cas. Mais il fait confiance à ses contemporains (la nature humaine étant ce qu’elle est) pour les lui signaler avec vigueur.
Note retrouvée par les héritiers de Pierre de La Crau et insérée par eux à cet endroit.
J’avoue tout de suite afin de faciliter le travail de mes juges que les hommes comme moi étaient chrétiens à Rome sous Néron, païens à Jérusalem, sorciers à Salem, hérétiques anglais, catholiques irlandais, et aujourd’hui racistes, sexistes, homophobes, islamophobes, en attendant d’être demain koufar ou de nouveau chrétien l’antéchrist le plus bestial de toutes les apocalypses, etc. Bref ainsi qu’on l’aura compris je suis pour le néant la mort la maladie la souffrance……
Par respect pour l’Humanité, afin de gagner du temps, et ne pas lui en faire perdre, je vais faciliter le travail de ceux qui tiennent absolument à être du bon côté de la barrière en combattant (héroïquement bien sûr) afin de sauver le monde de mes griffes (mes idées ou mes penchants, mes tendances).
À ces courageux et implacables détracteurs, dont la profondeur de réflexion digne d’un marquis de Vauvenargues n’a d’égale que l’ampleur de la culture générale d’un Pic de la Mirandole, je dis…
Prenez une feuille de papier, un traitement de texte si vous préférez, mettez-y par ordre d’importance les 20 caractéristiques qui vous semblent les plus graves, les plus odieuses, les plus haïssables, dans l’histoire de l’Humanité, depuis les hommes préhistoriques et Nabuchodonosor, selon vous… ET DITES-VOUS BIEN QUE JE SUIS TOUT LE CONTRAIRE DE VOUS, CAR JE LES AI TOUTES !
On a toujours besoin de boucs émissaires ! Hérétique au Moyen-âge, sorcière à Salem au 17siècle, raciste au 20e siècle, lézard extraterrestre au 21e, je suis l’homme que vous aimerez haïr pour vous sentir meilleur (gentils et intelligents).
Je suis au choix et dans l’ordre d’importance que vous voulez : athée, sataniste, stupide, mongolien, bestial, homosexuel, pervers, homophobe, communiste, nazi, sexiste, philatéliste, menteur pathologique, voleur, suffisant, psychopathe, un monstre d’orgueil faussement modeste, et que sais-je encore, à vous de voir suivant la mode du moment.
Voilà, je ne peux pas faire mieux (pour vous aider à sauver le monde).
[À la différence de mes contempteurs qui sont tous des gens bien, c’est-à-dire jeunes ou modernes et dynamiques, courageux, positifs, gentils, intelligents, instruits, ou du moins qui savent ; faisant preuve de beaucoup de recul dans leur méditation en profondeur sur les tendances lourdes de l’Histoire ; et sur le plan moral ou éthique : généreux, altruistes, mais pauvres évidemment (c’est là leur seul défaut), car donnant tout aux autres ; en outre profondément respectueux de la volonté de Dieu et de la Constitution…
Moi je suis un vieux réactionnaire ankylosé, conformiste, déconnecté de son temps, parano, schizophrène, incohérent, capricieux, jamais content, méchant, bête, n’ayant fait aucune étude ou du moins ignorant tout sur le sujet en question ; coutumier des jugements à l’emporte-pièce fondés sur des préjugés dénués de toute réflexion ; égoïste et riche ; suppôt de Satan et nazo-bolchevick ou stalino-hitlérien de nature. On disait hitléro-trotskiste quand j’étais jeune. En bref un criminel psychopathe dès le petit-déjeuner… ce qui me permet donc de penser ce que je veux, mes critiques aussi d’ailleurs, et d’essayer de le faire savoir à la cantonade].
Signé : le coordonnateur des travaux, Pierre de la Crau dit Hésunertus, chercheur en druidisme. Un homme à qui rien de ce qui est humain ne fut étranger. Chômeur, facteur, divorcé, sans domicile fixe, vagabond, contribuable, justiciable, et électeur cocufié… bref un des neuf milliards d’êtres humains ayant transité sur ce vaisseau spatial donc. Né sur la planète Terre le 13 janvier 1952.
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BIBLIOGRAPHIE DES GRANDES LIGNES.
Pour ce qui est de la bibliographie des détails, voir annexe de la dernière leçon, car, comme le dit si bien Henri Lizeray, les traditions, ça doit s’interpréter. C’est là toute la différence qu’il peut y avoir
entre ancien druidisme et néo-druidisme.
— Le Lebar gabala ou Livre des invasions. Paris 1884 (William O’Dwyer)
— Base de l’église druidique. Le druidisme restauré. Henri Lizeray, Paris, 1885.
— Les traditions nationales retrouvées. Paris 1892.
— Aesus ou la doctrine secrète des druides. Paris 1902.
— Ogmios ou Orphée. Paris 1903.
TABLE DES MATIÈRES.
Prologue
Vie et mort de la belle et malheureuse Etanna/Etain.
Suivie de quelques autres récits d’après les apocryphes irlandais.
Introduction
Le cycle d’Etanna
Apocryphe N°1. La nourriture de la maison des deux seaux à lait. Altrom tige da medar.
Apocryphe N°2. Ainsi commence la courtise d’Etanna
La courtise d’Etanna de nouveau, version II
Retour à la courtise d’Etanna, version I
La nourriture de la maison des deux seaux à lait.
Retour ici à la courtise d’Etanna, version I
Ci-dessous encore la courtise d’Etanna version I.
La cour faite à Etanna de nouveau ci-dessous.
La courtise d’Etanna version I
La courtise d’Etanna à nouveau, version III.
La courtise d’Etanna version I.
La courtise d’Etanna/Etain à nouveau version III.
Le rêve de Mabon/Maponos/Oengus
Ci-dessous encore la courtise d’Etanna.
Nourriture de la maison des deux seaux à lait de nouveau.
Épilogue
La folie de Suibhne
La légende de Mongan
La navigation de Bran, fils de Fébal
Les aventures de Condle le beau, fils de Conn aux cent batailles
Histoires diverses à propos des épreuves de vérité, les aventures de Cormac
dans la Terre de Promesse et le jugement de Cormac à propos de l’épée.
Les aventures de Néra
L’extase de l’être surnaturel.
Le tribunal de minuit
Littérature galloise
Le Livre noir de Carmarthen. Yr Afallenau
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Annexe : Premier essai de synthèse à propos de la spiritualité druidique.
Postface à la John Toland.
Bibliographie des grandes lignes
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DU MÊME AUTEUR.
1. Citations des auteurs antiques parlant des Celtes ou des druides.
2. Généralités liminaires diverses sur les Celtes.
3. Histoire du pacte avec les dieux tome 1.
4. La Bible du druidisme : histoire du pacte avec les dieux tome 2.
5. Histoire du pacte avec les dieux tome 3.
6. Histoire de la paix avec les dieux tome 4.
7. Histoire de la paix avec les dieux tome 5.
8. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 1.
9. Textes apocryphes irlandais.
10. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 2.
11. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande Science qui illumine » tome 3.
12. Les cent voies du paganisme. Science et philosophie tome 1 (mythologie druidique).
13. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 2 (mythologie druidique).
14. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 3 (mythologie druidique).
15. Le grand Camminus : éléments de théologie druidique tome 1.
16. Le grand catéchisme : éléments de théologie druidique tome 2.
17. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 1.
18. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 2.
19. Mystagogie ou théâtre sacré des Celtes antiques.
20. Poèmes celtes.
21. Le génie du paganisme celte tome 1.
22. Le complexe de Roland.
23. Au pied de la lanterne des morts.
24. Les secrets du vieux druide de la forêt ménapienne.
25. Le génie du paganisme celte tome 2 (liberté réciprocité simplicité).
26. Rhétorique : la trahison des clercs).
27. Petit dictionnaire de théologie druidique tome 1.
28. Des philosophes antiques au druide irlandais.
29. Judaïsme christianisme et islam : première partie.
30. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 1.
31. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome2.
32. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 3.
33. Troisième partie tome 1 : Qu’est-ce que l’Islam ? Bref historique de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
34. Troisième partie tome 2 : Qu’est-ce que l’Islam ? Premières approches de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
35. Troisième partie tome 3 : Qu’est-ce que l’Islam ? Les 5 vrais piliers de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
36. Troisième partie tome 4 : Qu’est-ce que l’Islam ? Coups de sonde dans l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
37. Couiro anmenion ou Petit dictionnaire de théologie druidique tome 2.
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