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LA BIBLE DU DRUIDISME
(HISTOIRE DE LA PAIX AVEC LES DIEUX).
Tome IV.
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LA BIBLE DU DRUIDISME
(HISTOIRE DE LA PAIX AVEC LES DIEUX).
Tome IV.
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AVERTISSEMENT AU LECTEUR.
« Honorer les dieux, ne rien faire de mal et être un homme un vrai ».
Vies et doctrines des philosophes célèbres. Livre I, prologue 6.
(Diogène Laërce.)
« Petit à petit nous oublions nos mythes et nos légendes.
En les oubliant, nous nous coupons de nos racines
Et nous perdons ainsi une partie de notre identité.
Les mythes et les légendes,
Pour peu que nous soyons dans l’attitude qui convient
En les découvrant sous les voiles de la poésie,
Expliquent le monde, la vie, la nature humaine,
Ses troubles et ses immenses possibilités.
Chante harpe du cœur !
Raconte les frémissements des eaux virginales,
La gloire de la Déesse, Mère des ondes
Et les convulsions de la naissance du monde ».
(Pierre Duchêne.)
Petite question pratique maintenant: comment appeler le héros des légendes, ou des récits, qui vont suivre? Le premier réflexe serait d’en parler comme d’un modèle, d’un beau modèle même, mais ce premier mouvement ô combien naturel souffre de trois inconvénients.
Le premier est que l’appellation «beau modèle» fait un peu trop penser au (véritable) culte (isma) entourant la personne de Mahomet.
Le second est que c’est un modèle qu’un être humain ne saurait assurément égaler vu ses capacités pour le moins surhumaines.
Le troisième est que même les gens de sa tribu le craignaient ou le redoutaient visiblement, car c’était une sorte de berserkr.
Berserker, grand berserker serait pas mal mais...cela nous renvoie à la culture germanique.
Rofir n’a pas cet inconvénient mais c’est un terme gaélique qui n’est plus très parlant.
Chien de Culann, du forgeron Culann, serait un meilleur choix; néanmoins qui sait aujourd’hui que le chien était tenu pour un animal noble chez nos ancêtre. Exit donc aussi «chien de Culann».
Sétanta, premier nom de notre «modèle» d’après certains textes, serait un bon choix vu son contexte pan-celtique. On ne saurait l’exclure a priori.
Un mécanisme mental connu des Anciens, appelé interpretatio par les spécialistes, peut aussi nous fournir quelques pistes. Notre modèle a par exemple été aussi assimilé à Mars dans certaines tribus influencées par la culture romaine. Henri Lizeray le rapprochait aussi du dieu guerrier appelé Esus ou Hesus même si l’étymologie de ce nom ne s’y prête guère.
On pourrait auss évidemment faire comme les premiers chrétiens et à appliquer au modèle en question plusieurs appellations n’ayant initialement rien à voir les unes avec les autres comme «fils de l’Homme» ou «serviteur souffrant» «agneau de Dieu» etc.
Hesus Mars Sétanta Chien de Culann par exemple.Quoiqu’un peu long.
En désespoir de cause mais suivant en cela l’exemple de Lady Gregory, nous nous en tiendrons finalement à l’appellation «seigneur», seigneur de Moritamna ou Muirthemné par exemple puisque tel était le nom de son domaine d’après elle et que le système politique celtique avec ses liens d’homme à homme a été un des précurseurs du système féodal.
Nous dirons donc «mon seigneur» ou «notre seigneur» pour jusqu’au bout et par delà les siècles jouer le jeu de cette société disparue car , qu’est-ce qu’un celtisant d’aujourd’hui sinon un membre de sa tribu,de son clan, de son entourage, de sa suite, un membre de coeur ou en esprit mais un membre de sa suite quand même malgré les siècles qui ont passé.
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REGAIN, RÉSURGENCE ET RENAISSANCE, OUI ! RÉSURRECTION À L’IDENTIQUE, NON !
« C’est en suivant le cheminant que l’on trouve le chemin ».
La comparaison est un processus mental fondamental : regrouper certains faits dans des catégories communes, mais aussi observer les différences. De tels liens et relations sont à la base de la pensée et de la science. Sans cela il n’y a que des faits isolés sans liens entre eux. C’est donc sur la base de la comparaison que naissent les généralisations, les interprétations et les théories. La comparaison crée de nouvelles façons de voir et d’organiser le monde. Le comparatisme religieux est donc vieux comme le monde. Hérodote en faisait déjà. En ce qui concerne les religions antiques, cette démarche intellectuelle a produit de nombreux ouvrages rangés dans les rayonnages « mythologie comparée » depuis Max Muller (1823-1900). En ce qui concerne les religions non antiques il en va tout autrement. Chaque religion s’est bien entendu comparée à celles avec lesquelles elle était en concurrence, mais d’abord pour les dénigrer ou affirmer sa supériorité. Les premiers éléments d’un début de comparatisme religieux plus objectif se trouvent actuellement éparpillés sous l’étiquette « dialogue religieux » et proviennent généralement des religions se définissant elles-mêmes comme monothéistes vu leur extension de par le monde. Le tout dans un but apologétique ou missionnaire évidemment. D’où problème. Nous trouvons également des réflexions utiles dans les cercles relevant plus ou moins de l’athéisme, mais elles sont…
— Soit détaillées, mais focalisées sur une religion particulière.
— Soit plus générales, mais assez sommaires.
Et relèvent d’ailleurs aussi le plus souvent de l’histoire des religions, mais le tout dans une optique non croyante. De grands noms jalonnent cette histoire depuis William Robertson Smith (religion des Sémites) jusqu’à Mircea Eliade en passant par Émile Durkheim. D’autres auteurs ont ouvert de nombreuses pistes en ce domaine. Notre idée est D’EN PROLONGER UN CERTAIN NOMBRE EN ALLANT ENCORE PLUS LOIN DANS CE COMPARATISME RELIGIEUX (élargissement du champ des recherches anthropologiques, approfondissement des soubassements psychologiques, fin des survalorisations, décolonisation, antiracisme nouvelles hypothèses…) ET EN REPRENANT LE FIL INTERROMPU DE LEUR PASSIONNANTE QUÊTE DU GRAAL INACHEVÉE CAR, l’ancien druidisme est un peu comme le célèbre conte du Graal de Perceval et de Gauvain. C’est une histoire inachevée, qui s’interrompt brutalement après les 9000 premiers vers. Notre projet est d’en écrire la suite. Une continuation disait-on à l’époque. Ces petits cahiers destinés aux futurs très-sachants, se veulent à la fois une continuation et une mise en garde. Une continuation ou un ultime prolongement, car ils ont été composés à la manière des théologiens (chrétiens, bouddhistes, hindouistes, musulmans, etc.) du moins dans ce qu’ils avaient, tous, de meilleur (des éléments souvent d’origine païenne en fait). Une des fonctions de l’imitation a toujours été, en effet, dans les littératures orales populaires, de répondre à l’attente du public, frustré par l’interruption de la création originelle [en l’occurrence la philosophie druidique]. À cette attente a répondu au Moyen-âge, la technique narrative cyclique de la poésie épique des chansons de geste ou celle des Romans de la Table ronde. La voie du pastiche est celle qui consiste à enrichir l’original en le complétant par des touches successives, en développant des détails à peine esquissés, ou en interprétant ses ombres. Et ça, la pensée de nos ancêtres en avait bien besoin ! Mais cette compilation raisonnée, due à la plume de Pierre de La Crau, est aussi en un sens une mise en garde, car il ne fut jamais question, néanmoins, pour le maître d’œuvre de ce travail collectif, d’avaliser tel quel et sans réserve aucune, l’ensemble de ces doctrines. Il a au contraire souhaité, par toutes sortes de moyens littéraires (retournement des arguments, contre-pied, ou autres…) en faire ressortir les aspects souvent négatifs, néfastes, aliénants ou obscurantistes ; et si ce texte peut sembler parfois, rendre indirectement hommage à la capacité de réflexion des diverses Écoles théologiques actuelles, chrétiennes, musulmanes, juives, ou autres, c’est involontairement ; car son but est bien de tout faire, pour leur arracher, des mains, le monopole du discours sur le divin (voir à ce sujet les propos d’Albert Bayet), quitte à achever de les discréditer définitivement aux yeux du public. Sauf en ce qui concerne ce qu’elles ont emprunté de mieux au paganisme, évidemment, et qui est énorme ; car dans ce dernier cas, il s’agit, rappelons-le encore une fois, de la part du maître d’œuvre de cette compilation, d’une réadaptation à notre monde, des réflexions de ces apprentis théologiens (le dieu des philosophes, l’Ahoura Mazda, l’immortalité de l’âme, les hommes-dieux, les fils de dieu, le messie Saoshyant, la trinité, le taouaf, les sacrifices, la vie après la mort, sans compter les chérubins le paradis, etc.) En d’autres termes non pas de l’Histoire, mais une fiction historique, d’après les œuvres de… voir la bibliographie à la fin. En ce sens, notre « imitation » n’est qu’un retour aux sources. En bref un hommage.
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« Le Druidisme » est une revue indépendante (indépendante de toute association religieuse ou politique) et qui n’a qu’un seul but : la recherche théorique ou fondamentale en matière de néopaganisme.
Car ainsi que l’a très bien vu Carl Gustave Jung la religion n’est jamais que « l’observation attentive de forces tenues pour des ‘puissances’ : les esprits, les démons, les dieux, les lois, les idées, les idéaux, ou autres, suivant le nom qu’on leur a donné et que l’homme a considéré comme étant assez puissantes, dangereuses, ou utiles pour être soigneusement prises en compte ; ou assez grandes, belles et porteuses de sens pour être pieusement adorées voire aimées » (Psychologie et Religion 1937).
La double question à laquelle essaie de répondre cette revue d’études théoriques pourrait se résumer ainsi : « Que pourrait être ou que devrait être, un néo-druidisme actuel, moderne et contemporain ? »
« Le Druidisme » est une revue néopaïenne, strictement néopaïenne, héritière de tous les mouvements authentiques (c’est-à-dire non chrétiens) qui se sont succédé depuis deux mille ans, l’héritière indirecte, mais l’héritière, quand même ! À propos de notre tradition de référence ou de notre filiation intellectuelle soulignons que si les « poètes » du royaume de Domnall mac Muirchertach Ua Néill avaient toujours les imbas forosnai, les teimn laegda ainsi que les dichetal do chennaib, à leur répertoire (cf. la conclusion de l’histoire du pillage du château de Maelmilscothach, d’Urard Mac Coisé, un poète mort au XIe siècle)*, ils étaient peut-être déjà chrétiens quand même depuis plusieurs générations. Il est vrai que ces pratiques (imbas forosnai, teimn…) étaient formellement interdites par l’Église, mais qui sait, il y a eu peut-être des accommodements analogues à ceux des astrologues ou alchimistes du Moyen-Âge. Quoi qu’il en soit notre « Druidisme » est aussi une volonté, la volonté de se rapprocher, au maximum, du druidisme antique, tel qu’il fut (scientifiquement parlant). La volonté aussi néanmoins de moderniser ce druidisme, un retour total au druidisme antique étant exclu (il serait de toute façon impossible). Exemples de modernisation de ce druidisme païen.
— Abandon aux associations laïques du côté culturel (médecine, poésie, mathématique, etc.). Principe de séparation de l’Église et de l’État.
— Spécialisation par contre dans la spiritualité celtique, ou païenne en général, l’histoire de la religion, la philosophie et la métapsychique (dite aujourd’hui parapsychologie).
— Utilisation dans certains cas du vocabulaire actuel (Église, religion, baptême, et ainsi de suite). Un juste milieu est évidemment à trouver entre un retour total au druidisme antique (fondamentalisme ou intégrisme) et une modernisation radicale trop révolutionnaire (plus de saie). L’AAP (athée agnostique panthéiste) celte ayant accepté de cosigner cette petite bibliothèque *, dont il n’est que le rassembleur, le druide Hesunertus (Pierre de La Crau), ne se considère pas comme l’auteur de cet ouvrage collectif. Mais comme le simple porte-parole de l’équipe l’ayant composé. Pour ce qui est des autres sources de cet essai sur le druidisme, voir les remerciements de la bibliographie.
* Ce petit camminus est néanmoins important aussi pour les jeunes… de 7 à 77 ans ! Mantalon siron esi.
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SOUSCRIT UN ABONNEMENT À LA REVUE « LE DRUIDISME ».
Paiement par chèque à l’ordre de Pierre de La Crau.
La correspondance est à adresser à : LE DRUIDISME c/o Pierre de La Crau.
* Do ratath tra do Mael Milscothach iartain cech ni dobrethaigsid suide sin etir ecnaide 7 fileda 7 brithemna la taeb ogaisic a crech 7 is amlaidsin ro ordaigset do tabairt a cach ollamain ina einech 7 ina sa[ru]gad acht cotissad de imus forosnad [di]chetal do chollaib cend 7 tenm laida .i. comenclainn fri rig Temrach do acht co ti de intreide sin FINIT.
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RÉSUMÉ DES ÉPISODES PRÉCÉDENTS.
Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 1.
Annotations sur Lucain, la guerre civile. I 445 : Esus, Mars sic dictus a Gallis.
Selon l’idée émise dès le XIXe siècle par le Français d’Arbois de Jubainville, Cuchulainn aurait été un guerrier originaire du Continent, Gaule ou Galice, arrivé avec l’une des vagues d’immigrants conquérants débarquant dans l’île d’Irlande. Son nom de Sétanta – forme gaélique tardive – s’expliquerait par un Sentons antérieur = « cheminant », mot à mot : « l’itinérant ». Il y aurait donc eu là aussi un jeu de mots avec le nom ethnique de Setantios porté par des clans bretons (les Setantioi dans l’actuel Lancashire).
On peut décomposer l’élaboration de son personnage en tant que demi-dieu ou démon en trois étapes bien distinctes.
1. Première étape : une évhémèrisation classique. En tout état de cause en effet, cette surabondance de poésies épiques, où le Hésus Cuchulainn fait figure de personnage central, ne peut avoir surgi à propos d’un personnage purement imaginaire. Il faut donc honnêtement admettre qu’elle a pris racine dans une certaine historicité, avec les hauts faits d’un personnage réel du passé, bien entendu amplifiés jusqu’à l’invraisemblable par moments. Quant à son géniteur réel, libre à chacun de se faire son hypothèse, comme la mythologie druidique d’Irlande en laisse d’ailleurs le choix.
2. Deuxième étape. Un véritable mythe s’élabore à partir de tout cela et perd peu à peu contact avec la réalité historique ayant servi de support originel. Processus religieux sans doute achevé avant la séparation entre langues gaéliques et brittoniques et peut-être même antérieur au Ve siècle avant notre ère.
3. Troisième étape. Les Irlandais historicisent ce mythe – processus exactement inverse de celui de départ – et font de nouveau, en quelque sorte, de ce « dieu-ou-démon » – « siriti siabairti ou petit démon » stipulent parfois nos textes – un homme, un guerrier, en l’adaptant au contexte historique de leur pays.
Pour y voir plus clair, il nous faut analyser deux traditions celtiques apparemment divergentes.
— La tradition continentale.
— Et la tradition gaélique d’Irlande.
Tradition gaélique irlandaise.
Les apocryphes irlandais en parlant consistent surtout en une douzaine de manuscrits médiévaux irlandais – plus des versions différant quelque peu – et transcrivant des traditions d’abord orales.
1. Compert Con Culaind. La Conception de Cuchulainn.
2. Macgnimrada Con Culaind. Les prouesses d’enfance de Cuchulainn.
3. Tochmarc Emire. La Cour faite à Aemer.
4. Fled Bricrend. Le Banquet de Bricriu.
5. Loinges mhic nDuil Dermait. L’exil des fils de Doel Dermat.
6. Tain Bo Regamna. L’enlèvement du bétail de Regama.
7. Tain Bo Cualnge. L’enlèvement du bétail de Cooley.
8. Serglige Con Culaind. La maladie de Cuchulainn.
9. Aided Oenfir Aoife. La Mort du fils unique d’Aoife.
10. Aided Conroi maic Daire. La mort de Curoi.
11. Aided Con Culaind. La Mort de Cuchulainn.
12. Siaburcharpat Con Culaind. Le char fantôme de Cuchulainn. Une réminiscence de la conception continentale des tombes à char, incluse dans le Lebor na hUidre du douzième siècle (le Livre de la vache brune) et répétant diverses péripéties de la Tain Bo Cualnge. Tout en ajoutant une invention édifiante de la part des chrétiens : saint Patrice faisant revenir Sétanta Cuchulainn de l’Enfer pour raconter sa pitoyable condition de damné (le but étant de convaincre le roi Laogaire de se convertir).
Cet apocryphe irlandais n’est que la déformation des rapports entretenus par le Hésus Cuchulainn avec la notion d’inexistence de l’Enfer, conviction centrale des druides depuis toujours, si l’on en croit les Scolies bernoises commentant la Pharsale de Lucain.
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Vers 454.
COMMENTA BERNENSIA AD LUCANUM.
Manes esse non dicunt.
Ils ne disent pas que les mânes existent.
ADNOTATIONES SUPER LUCANUM.
Hoc enim disputant animas ad inferos non ire, sed in alio orbe nasci.
Ils contestent en effet que les âmes puissent aller en enfer, car ils pensent qu’elles naissent alors dans un autre monde.
GLOSULE SUPER LUCANUM.
Id est sicut uos dicitis anime ad inferos non descendunt, sed in orbe alterius hemisperii incorporantur iterum uel in aliqua parte orbis a uobis remota.
C’est-à-dire que selon vous les âmes ne descendent pas dans les enfers, mais vont s’incorporer une autre fois dans une partie du monde située dans l’autre hémisphère ou dans quelque partie d’un monde qui vous est inconnu.
Le point N° 25 de la petite liste annexée au concile de Leptines en 743 sous le titre latin d’indiculus superstitionum et paganiarum (évidemment, il s’agit de condamner ou dénigrer tout cela) va d’ailleurs clairement dans ce sens. Il évoque le fait d’imaginer que tout défunt est saint. Et en 851, Jean Scot Érigène a aussi noté dans son « De la prédestination divine » : Dieu ne prévoit ni peines ni péchés, ce sont des fictions (citation de mémoire, de toute façon c’était en latin). Pour Érigène également, donc, l’enfer n’existe pas, ou alors il l’appelle le remords.
Comme dans le cas de la légende d’Étain (voir sa version christianisée, le texte intitulé « La Nourriture de la Maison des deux seaux à lait »), les moines, irlandais en l’occurrence, ont dû simplement détourner de son contexte initial ; par exemple en y insérant saint Patrice et compagnie ; une tradition païenne déjà existante et nous présentant notre héros comme ayant triomphé des Enfers.
Avec les doubles emplois, les redondances poétiques, les discours interminables, les longueurs indigestes – tous caractères typiques de cette littérature –, la transcription intégrale de cette saga peut demander 2 000 pages au moins.
Même après avoir expurgé ces apocryphes de tout le merveilleux qui s’y trouve, et de toutes ses exagérations, en particulier pour ce qui est de ses contorsions (rixtustrctiones > « riastrade ») ; Sétanta Cuchulainn apparaît quand même comme une des plus marquantes chevaleresques figures que l’on puisse connaître.
Sa mort vécue comme un vrai sacrifice s’inscrit bien dans ce que l’on sait de la mentalité celtique antique éduquée par le druidisme.
Tradition continentale.
Dans leur prise en considération des croyances populaires, les druides antiques de l’option polythéiste ont certainement admis son histoire comme étant une allégorie de la toute-puissance du Destin ou Tocad (ou Tocade si l’on veut féminiser à tout prix ce terme, ou mettons Tokad, au neutre ; en tout cas voir moyen gallois tynghed, breton tonket, destiné, vieil irlandais tocad, destin, toicthech « fortunatus », tonquedec en breton. Le labarum est son verbe ajoutent certains).
Et l’ont donc intégré dans le mythe évocateur de la destinée humaine. Ainsi que l’a très bien vu le Français J. J. Hatt, qui avait acquis la conviction que les druides avaient été à même d’orienter ou de systématiser les idées ainsi que les tendances religieuses de la collectivité celtique.
Hésus figurait donc en bonne place dans le panth-éon ou plérôme druidique ouest européen.
Ici, la plus grande contribution est archéologique, secondairement, quelques mentions d’auteurs anciens, sujettes à caution, et aussi des gloses, comme celles sur certains vers de Lucain, qui ne sont donc que des commentaires de commentaires du druidisme antique, il faut bien le reconnaître.
Dans la mythologie continentale, Hésus figure à égalité avec Taranis et les Teutatès, statut corroboré par les figurations du chaudron de Gundestrup et du pilier des nautes de Lutèce (Paris).
Hésus y apparaît à la fois comme l’enfant protégé par Toutatis (le dieu-ou-démon de la tribu) et comme l’alter ego de Cornunnos : « Cornunnos dépouillé de ses bois ».
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À côté de ce mythe, Hésus avait aussi un autre aspect, celui d’un dieu-ou-démon se sacrifiant volontairement, tel un chaman poussant son exercice ascétique au-delà de ses limites vitales, et mourant à l’issue de cette incarnation. Il se pend par les pieds dans un arbre fourchu, meurt, et devient un cadavre en putréfaction (en Irlande il se sacrifie en acceptant d’aller vers une mort quasiment certaine crucifié sur un menhir ou un pilier de pierre à Muirthemné).
C’est l’allégorie de l’Arbre au Pendu, ou Arbre au Pourri, qui est chêne évidemment, objet d’une analyse détaillée parue dans la Revue d’Études celtiques.
« Gwydyon vint sous l’arbre et regarda ce que pouvait bien manger la truie. Et il vit que c’était de la chair pourrie ainsi que des vers. Alors il leva les yeux vers le haut de l’arbre et aperçut un aigle au sommet. À chaque fois que l’aigle se secouait, il laissait tomber des vers et de la chair en décomposition que mangeait la truie. Il lui sembla que l’aigle était Lleu, et chanta l’englyn suivant :
Chêne qui pousse entre deux berges,
L’air et la colline sont bien sombres et agités.
Si j’en juge à ses blessures
Ne serait-ce pas là Lleu.
Sur ce l’aigle descendit jusqu’au milieu de l’arbre. Gwydyon chanta un second englyn :
Chêne qui pousse sur cette terre élevée,
Que la pluie ne peut plus atteindre ?
Qui a supporté neuf vingtaines de tempêtes ?
À son sommet se trouve Lleu Llaw Gyffes.
L’aigle se laissa descendre jusque sur la branche la plus basse de l’arbre. Gwydyon chanta le troisième englyn suivant :
Chêne qui pousse sur la pente
À l’aspect magnifique et majestueux !
Si je ne me trompe
Lleu viendra dans mon giron » (Quatrième branche du mabinogi, Math fils de Mathonwy).
Note de l’éditeur : cela ressemble fort à une épreuve initiatique chamanique que nous ne saurions conseiller à des débutants, même en tenant compte de l’exagération inhérente à tout cryptage ou codage.
Mention de cet épisode est donc faite également dans les gloses de la Pharsale de Lucain, dites Scolies bernoises. Leur auteur y mentionne des sacrifices humains dédiés à Hésus par pendaisons à des arbres, jusqu’à ce que mort s’ensuive, et que le corps des victimes se désagrège par décharnement (jusqu’à ce que les chairs tombent d’elles-mêmes).
Hésus était ainsi l’une des figures de cette mythologie et tenu pour une divinité majeure par les druides continentaux.
Comme l’écrit Garrett S. Olmsted, la spéculation sur la nature de cette divinité a été intense, et il cite des auteurs qui se sont occupés de définir cette nature « plutôt que l’étymologie de son nom ».
Le nom d’Esus et ses multiples dérivés sont un peu partout présents sur l’aire celtique (la celtica litavia). En tant que théonyme, il est attesté en Grande-Bretagne et en Celtie danubienne, à travers des inscriptions, soit en celtique soit en latin. Dans cette dernière langue, il est d’ailleurs précédé dans à peu près la moitié des cas par un H : Haesus, Hésus, etc. Ce nom, relevant du vieux fond indo-européen, apparaît comme une variante d’Aisus, forme celtique parallèle aux noms génériques as (pluriel asar) des dieux germaniques – plus, chez les Italiques, aisos chez les Sabins, aisusis chez les Osques, ainsi que l’adjectif aisunos = divin chez les Ombriens —.
Voir aussi les Asa des Aryens.
Il signifiait tout simplement « dieu », non en tant que dieu-lumière (deuos), mais au sens de dieu-esprit ou dieu-souffle. Vu leur propension bien connue aux jeux de mots visant à une déroutante pluralité de significations, les Celtes devaient l’entendre aussi comme « bien » (esu), « enjoué » (uesos), « sachant » (uesos) ou même comme le « meilleur » (uesos).
L’imagerie continentale l’a aussi présenté en divinité tricéphale ayant comme dieu-ou-démons consubstantiels Taranis et les Teutatès, un peu comme les hindous représentant la « trimourti » Brahma-Vishnou-Shiva. Cette dernière associait Brahma, dieu-principe supérieur brahmanique à
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Vishnou, dieu-ou-démon védique d’abord mineur, ainsi qu’à Shiva, dieu-ou-démon étranger au vieux panth-éon aryen, pour en faire les trois principes : création, préservation et destruction.
Le Hésus Mars ou Cuchulainn, ou plus exactement sa légende représente incontestablement un événement décisif dans l’histoire spirituelle des peuples celtes. Cuchulainn est pour ainsi dire l’homme idéal personnifié, une figure irréductible, que l’on ne peut pas simplement déduire du passé, mais qui, de façon totalement inattendue (il n’avait pas été annoncé par des prophéties, lui, enfin du moins à notre connaissance) par l’intermédiaire de son mythe, a établi de nouvelles normes.
Le Hésus Mars ou Cuchulainn n’a pas ordonné de codification ni même de mise par écrit de son enseignement, et chez ce personnage tant mythifié, il ne s’est agi de toute façon que d’exemplarité. On peut néanmoins extrapoler de ce que l’on sait des Celtes de l’époque laténienne, qu’il devait savoir lire*, mais qu’il se méfiait de l’écriture ; et ne s’en servait que dans les cas relevant de la nécessité diplomatique élémentaire (voir le cas des runes de l’écriture lépontique).
Le Druidisme préférait d’ailleurs plutôt en appeler à la raison et à la capacité de connaissance de l’être humain. Non à travers des exposés ou des entretiens traitant systématiquement d’un sujet, mais à travers des maximes simples, compréhensibles par tous. Des formules dont il reste visiblement des traces dans les légendes à son sujet en Irlande.
Exemple : il n’est pas honorable de prendre les chevaux les habits ou les armes des cadavres de ceux que l’on a tués en duel (Dáig níbá miad nó níba maiss leiss echrad nó fuidb nó airm do brith óna corpaib no marbad).
De brèves histoires, des comparaisons issues de la quotidienneté la plus ordinaire, accessible à chacun, sans s’attacher à des dogmes, à des formules, à des mystères, comme savait le faire à l’occasion notre héros (à une exception près, ainsi que nous avons eu l’occasion de le voir, lors de son célèbre dialogue avec sa fiancée Aemer : l’obscurité des métaphores y est volontairement cultivée par lui, vu le contexte). Nota. La femme de notre héros est appelée assez bizarrement Eithne Inguba et non Aemer dans la première partie du manuscrit original gaélique traitant de la maladie du Hésus Cuchulainn. Une contradiction due aux difficultés de la tradition orale sans doute.
À travers son exemplarité qui a traversé les siècles, et non par une prédication purement théorique – ce n’était pas son genre –, il apparaît donc comme une voie digne d’être suivie, DE LOIN, qui montrait le chemin d’un auto-affranchissement des faiblesses humaines (symbolisée par la célèbre neuvaine des Ulates, en gaélique Ces Noinden Ulad). Au lieu d’appeler à un renoncement en Dieu de la volonté humaine (islam ou christianisme béat), cela constituait au contraire une interpellation de la volonté de l’être humain face au divin (au Destin = Tokad).
* Au minimum autant que Mahomet son alter ego d’Orient. Car si Mahomet vu le dogme musulman de l’isma, doit être considéré comme l’exemple parfait ou le plus beau des modèles à imiter puisque parfait ; sous nos latitudes le Hésus Cuchulainn lui est d’autant plus un modèle exemplaire à suivre qu’il ne fut pas toujours parfait personnellement et qu’il n’est pas mort dans son lit comme Mahomet (c’est incontestable), mais attaché à un menhir ou une pierre levée dans la plaine de Muirthemné, après avoir livré un héroïque combat qu’il savait perdu d’avance contre une coalition de tout ce qu’il pouvait y avoir de lâche et malfaisant dans son propre peuple (la reine Maeve), enfin si l’on peut considérer qu’il était Irlandais.
Pour en revenir à Mahomet nous avons la quasi-certitude qu’il n’était pas illettré, mais qu’il savait lire et écrire, au minimum son nom. Il est en effet assurément erroné ou mensonger d’interpréter comme signifiant illettré l’adjectif oummi (pluriel oummiyyoun) qui le qualifie parfois dans le Coran ; cet adjectif signifie simplement « qui n’a pas d’Écritures saintes, qui ne fait pas partie des Gens du livre »).
Nabi oummi ne signifie donc pas « prophète ignorant » « illettré », mais « prophète des non-juifs » et l’épithète dérivée du mot arabe oumma, renvoie très certainement à l’hébreu oummôt hâ-olâm (les nations du monde, les Gentils) que les Juifs de Yathrib/Médine devaient utiliser.
Dans un centre commercial comme La Mecque, nombreux devaient être ceux qui savaient tenir un calame (tige de roseau, etc.). Dans les villes, l’homme qui savait manier un roseau et déchiffrer un écrit jouissait d’une certaine considération. Ainsi, selon Baladhuri nous savons qu’Omar, Osman, Ali,
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Abou-Soufyane et son fils Mouaouiya ainsi que des membres des deux tribus arabes de Yathrib/Médine connaissaient l’écriture arabe, parmi lesquels nous trouvons de futurs secrétaires de Muhammad, Zaïd fils de Thabit et Oubayyi fils de Ka'b.
Mahomet qui gérait les affaires de sa future femme ne pouvait que savoir compter, mais aussi lire (du moins ce qui était nécessaire à la rédaction des contrats).
Le Coran admet d’ailleurs implicitement à deux reprises que Mahomet savait bien écrire.
Au chapitre 29, verset 48 Dieu ou plus exactement l’archange Gabriel lui dit qu’il n’écrivait aucun livre de sa propre main avant.
Au chapitre 25, verset 5 plus d’ambiguïté, il est accusé d’avoir écrit lui-même certains passages du Coran qualifié alors de contes ou légendes d’anciens (ce qui était vrai bien entendu, recueillir des contes et légendes n’est d’ailleurs pas déshonorant, par contre beaucoup plus discutable est de les présenter, disons comme « paroles de dieu », techniquement parlant dans ce cas précis des paroles gravées sur un livre céleste consubstantiel à Dieu et transmises par l’archange Gabriel. Pour ceux qui ne le sauraient pas « consubstantiel », signifie « de la même nature que », tout comme le Christ par exemple est de la même nature que Dieu le père tout en étant son fils à nos yeux de pauvres humains. Ouf !)
Dernière preuve enfin, et non des moindres, la tradition musulmane elle-même : l’incident du traité d’Hodaïbiyya.
Mahomet tout comme l’ambassadeur mecquois Sohaïl décident de signer un pacte de non-agression (un traité, une trêve). Mahomet fait venir un scribe et commence à dicter une formule liminaire. Mais Sohaïl l’arrête net et lui dit : « Écris ! Comme tu écrivais [jadis] : « Au nom de Dieu ! »
Il est évident qu’ici Sohaïl fait allusion à quelque écrit de la main de Mahomet avant son départ de la Mecque et peut-être même antérieur à sa prédication.
De même, toute une série de traditions nous montre Mahomet, à l’article de la mort, réclamant une omoplate de chameau (ou un parchemin selon d’autres) avec une écritoire, afin de rédiger son testament politique. Nul ne s’étonne de l’exigence et si l’on n’y satisfait pas, c’est simplement parce que la faction d’Abou Bakr et d’Aïcha s’y oppose pour faire pièce à la faction d’Ali. Mais ceci est une autre histoire, la mort de notre héros à nous Celtes d’esprit est en tout cas bien plus glorieuse.
Enfin bref, pour ce qui est de notre Beau Modèle à nous, moins d’embrouilles, c’est clair et net, il savait lire et donc écrire, il suffit de lire attentivement le récit de l’enlèvement des bœufs de Cualnge.
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LA BATAILLE DE RUIS na RIG.
En gaélique Cath ruis na rig, manuscrit figurant dans le livre du Leinster (Lebor Laignech en gaélique) anciennement connu sous le nom de Livre de Noughaval (Lebor na Nuachongbála) et aujourd’hui conservé au Collège de la Trinité à Dublin. Il date du douzième siècle.
En chronologie relative il s’agit d’une bataille livrée par Cunocavaros/Conchobar après la saga de l’enlèvement des bovins de Cualnge.
Il est plus difficile de l’insérer dans la biographie de notre héros. Nous choisissons de la faire intervenir à ce moment de sa vie. Si quelqu’un a mieux à proposer qu’il se manifeste !
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INCIPIT CATH RUIS NA RIG.
Il arriva un jour à Cunocavaros/Conchobar dans sa lumineuse et douce Emania Macha peu après avoir remporté la bataille de la Tain, que plus aucune nourriture ne lui plut, qu’il ne trouva plus facilement le sommeil, mais qu’il ne confia rien de ce qui lui arrivait à qui que ce soit des Ulates durant trois quinzaines de jours. Le bruit courut néanmoins chez les Ulates que Cunocavaros/Conchobar n’allait pas bien et qu’il était affecté par une étrange maladie de langueur, que plus aucune nourriture ne lui plaisait, qu’il ne trouvait plus le sommeil facilement, et qu’il ne confiait à personne ce qui lui arrivait.
Une grande réunion ou assemblée des Ulates fut alors organisée dans la lumineuse et douce Emania Macha. Dix d’entre eux furent délégués afin de découvrir quel est le mal qui avait affecté le roi des Ulates, et quelle était cette si puissante maladie qui le faisait dépérir et le rendait si pâle depuis plus de trois quinzaines de jours, de sorte que plus aucune nourriture ne lui plaisait, mais qu’il ne confiait à aucun des Ulates ce qui lui arrivait. Et ce fut donc ça que tous exposèrent à la personne qui l’avait jadis élevé ou s’était occupé de lui quand il était petit, à savoir Catubatuos/Cathbad le grand (degamra) druide.
Catubatuos/Cathbad le grand druide (degamra) s’en alla donc retrouver Cunocavaros/Conchobar et cíís déra folcmara forruada fola corbo fliuch blae & brunni, il versa d’abondantes larmes de sang d’un rouge intense, de sorte que sa poitrine en fut toute mouillée. Cunocavaros/Conchobar fut tout ému par ces larmes de Catubatuos/Cathbad.
Eh bien, mon maître Catubatuos/Cathbad, demanda Cunocavaros/Conchobar, qu’est-ce qui te rend si triste si peiné si déprimé ?
J’ai de bonnes raisons pour cela, répondit Catubatuos/Cathbad, j’ignore quelle est la blessure qui te ronge, quelle est la maladie qui te rapproche de la mort et te rend si pâle depuis plus de trois quinzaines de jours.
J’ai moi aussi de bonnes raisons pour cela, répondit Cunocavaros/Conchobar, les quatre grandes provinces d’Irlande ont envahi mon royaume, et sont venues avec tous leurs musiciens leurs amuseurs leurs chantres, afin que leurs ravages soient des plus visibles et que cette dévastation soit la plus grande possible ; nos châteaux ainsi que nos plus belles demeures ont été incendiés de sorte qu’il n’en resta plus que les fondements ou les dépendances. Ailill et Maeve ont aussi gagné une bataille contre moi et le veau de ma propre vache a été enlevé de vive force de son étable. C’est donc ce qu’il raconta et ci-dessous ce qu’il déclama.
Il y a bien quelque chose qui me tourmente
Si tu veux tout savoir, minutieux Catubatuos/Cathbad
Les Ulates tous rassemblés, bien que constituant une multitude héroïque
Cela n’a pas suffi à protéger une seule vache.
Maeve a mobilisé ses troupes à l’ouest
Et la fille d’Eochu dans sa course folle
Nous a volé du bétail et des habits
De l’or et de l’argent.
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Maeve a marché sans encombre
Jusqu’au château de Daré sur notre bonne vieille terre
Jusqu’au château de Sescind, du moins ce qu’il en reste
Jusqu’à l’antique fort de Sobairge.
Elle n’a pas laissé dans notre belle province
Un seul mur ni un seul lieu sans qu’il soit détruit
Un seul fort dans lequel ils n’aient pas revendiqué de victoire
Un seul mur qu’ils n’aient sauvagement incendié.
Mon taureau le termagant brun de Daré
Pour lequel les guerriers pousseront tant de cris
Il n’y a jamais eu veau de vache
Pour lequel on se sera donné plus de mal.
Qu’il nous manque un taureau ou une vache
À nous dans la province d’Emania
Importe moins que la perte des héros qu’elle a fauchés
Après les avoir saignés. Voilà ce qu’il y a !
Et bien maintenant mon très cher Catubatuos/Cathbad, demanda Cunocavaros/Conchobar, qu’est-ce que tu nous conseilles de faire ? Et voici ce qu’il déclama en prononçant les paroles suivantes.
O Catubatuos/Cathbad, un conseil pour nous
Sa faiblesse a joué contre nous
Qui a fait que Maeve a pu se sortir saine et sauve de cette fameuse bataille
Et c’est ce qui en vérité nous chagrine le plus.
Maeve de la plaine [d’Ae] n’avait pas le droit
De lever toute une armée pour avoir mon taureau :
Même si c’est un taureau avec deux cornes en or,
Que je méritais d’avoir, ce n’était pas trop.
Bien que ce soit son taureau qui était le plus grand
Ce veau de sa vache n’était pas assez pour elle,
Le veau de notre vache, raison de tant de fureur
Il n’était pas juste de l’exiger de nous.
Puisque c’est sur nous et pour avoir le veau de notre vache
Que la fille d’Eochu a déversé tant de maux
Il est temps pour nous d’aller nous venger
Sur elle, sur Maeve, sur la grande reine (mórrígain).
Tu t’es déjà bien vengé
O Cunocavaros/Conchobar à l’épée rouge
En remportant la victoire, si ma mémoire est bonne
Sur les quatre provinces d’Irlande.
Il n’y a pas de bataille là où ne tombe pas un grand roi au moins
Dans un dur combat, dans le bruit et la fureur
Une armée ne doit pas se sortir presque indemne d’une vraie bataille !
Un roi doit y tomber s’ils sont tous deux courageux.
Ce qui m’a presque tué c’est ça
Mon taureau dans le combat des deux taureaux
Mais pas de duel entre moi ????
Et le fils de Mata de Murisca.
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À moins qu’Ailill ne tombe et Maeve avec lui
Sous mes coups lors de cette rencontre assurément,
Je te le dis, eux et une multitude de champions
Mon cœur va cessera de battre, O Catubatuos/Cathbad
Ô [Catubatuos/Cathbad, un conseil, etc.]
Voici mon conseil pour toi, répondit Cautubatuos/Cathbad, rester ici pour l’instant. Car les vents sont rudes, et les routes détrempées, les rivières et les eaux en crue, les mains des combattants sont occupées à construire des fortifications et des forteresses en territoires étrangers. Aussi attendons que vienne l’été, que chaque touffe d’herbe soit comme un doux oreiller, que nos vieux cheveux soient revigorés, que nos poulains aient grandi, que nos hommes soient remis des blessures et des plaies de la bataille de l’expédition des bœufs de Cualnge, que les nuits soient courtes, pour surveiller faire le guet ou monter la garde en territoires ennemis et en territoires étrangers. Tel fut donc ce qu’il lui conseilla de faire, et il prononça pour ce faire les paroles suivantes.
Le printemps n’est pas la saison qui convient à une expédition
Les gués soumis au vent sont glacés
Beaucoup de gens d’Elga crieront,
Tout rouges de blessures ???
Les troupeaux de vaches sont encore dans les étables en février ???
Faibles encore sont les animaux de mars
Mais tout ragaillardi est le bétail d’avril
Mobilisation des guerriers maimthi ?
??? Marche difficile ??
Le printemps n’est pas une saison pour une expédition.
Aussi reste-donc avec nous pour l’instant, répondit Catubatuos/Cathbad, il n’y a rien de déshonorant pour toi là-dedans ; car c’est un jeune poulain qui l’a aidée à fuir et à s’échapper de tes griffes en plein milieu du champ de bataille des hommes d’Irlande loin vers l’ouest. Et s’il n’y a pas eu de vengeance, ce sera œil pour œil à cet égard.
Envoie des courriers ainsi que des messages de ta part immédiatement à tes amis qui sont loin, à savoir à Conall le rude, le triomphant, l’exultant, le victorieux, à l’épée rouge, là où il se trouve, levant ses impôts et ses tributs sur les terres de Léodus ??? le pays de Cadd et dans les Orcades ; ainsi que dans les terres des Scythes des Daces des Goths et des Normands, en naviguant sur la mer Ictienne ? et la mer Tyrrhénienne ? en pillant et massacrant au passage les Saxons.
Envoie des courriers ainsi que des messages de ta part immédiatement à tes amis qui sont loin, Gallecda co Gallíathaib na nGall, en Gaule et aux rois étrangers des pays étrangers, à savoir Amlaib Olaib petit-fils d’Inscoa [grandes chaussures ?] roi de Norvège, Findmor fils de Rofir, le roi des sept régions de Norvège, à Baré de Sciggire, au château de Piscarcarla ? à Brodor Roth et à Brodor Fiuit, à Siugraid Soga, roi de Sudiam, à Sortabud Sort, le roi des Orcades ; aux sept fils de Romra, à Cet fils de Romra, à Celg fils de Romra, à Mod fils d’Herling, à Conchobar ?? le victorieux fils d’Artur, fils de Bruide, fils de Dungal, au fils du roi d’Écosse, et à Clothra fille de Conchobar sa mère.
Qui peut donc se charger de telles ambassades ? demanda Cunocavaros/Conchobar ?
Qui peut-y aller, reprit Catubatuos/Cathbad, mais par exemple Findchad ton fils que voilà, Aed le beau, fils de Conall le victorieux, Oengus fils d’Oenlam Gaba, ainsi que Cano l’étranger (?) afin de les guider sur les mers et les océans.
Ces derniers partirent donc sur les mers et les océans afin de retrouver Conall le Victorieux dans l’île de Léodus, et lui faire savoir ce qu’il y avait à lui dire. Il souhaita la bienvenue à Findchad, fils de Cunocavaros/Conchobar, lui passa les bras autour du cou et l’embrassa trois fois. Ensuite on lui apprit tout ce qu’il devait savoir du vol des bœufs de Cualnge qui avait été commis au détriment des Ulates.
Le cœur vigoureux et impétueux de Conall se mit à bondir dans sa poitrine comme une vague bleue déferlant sur le rivage, son sang ne fit qu’un tour.
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Je vous assure, répondit Conall que si j’avais été en territoire ulate à ce moment-là, que ce butin ne nous aurait pas été volé sans qu’il y ait eu vengeance œil pour œil et dent pour dent !
Ainsi était Conall : prodigue de festins et de festivités, ba gléire descad & ba aibbgetus a hóla and sin, un grand choix de boissons et de la boisson à profusion ???
Conall régala les nobles ulates. Et ensuite furent dépêchés de sa part des envoyés ou des messagers à ses amis qui se trouvaient au loin, à travers les Gaules et jusque dans les pays étrangers. Ils se mobilisèrent et se rassemblèrent de toutes parts eux aussi ; ils firent beaucoup de provisions et leurs navires ainsi que leurs vaisseaux furent armés comme il fallait, ensuite ils se rendirent à l’endroit où se trouvait Conall.
Conall envoya dépêcha également des envoyés ou des messagers de sa part dans le royaume d’Ulidia, de peur que les Ulates ne soient guère soucieux des préparatifs à faire pour affronter leurs ennemis ceux qui leur étaient hostiles ainsi que les étrangers.
Un conseil de guerre fut alors tenu par les Ulates, mais aussi des festins et des festivités.
Je donnerai un banquet, dit le Hésus Cuchulainn, en attendant Cunocavaros/Conchobar et en son honneur dans mon lumineux château de Delga.
Je donnerai un autre grand et splendide banquet, surenchérit Celtchar, fils d’Uthechar, dans l’attente et en l’honneur de Conall le Victorieux, fils d’Amorgen, dans mon nid d’aigle (carraic) de Murbulg.
Moi aussi je donnerai un splendide et gigantesque banquet, s’exclama Loegaire, à l’embouchure du Seimne dans le nord.
L’immense flottille puissamment armée se mit en route ainsi que nous l’avons déjà dit, sous le commandement de Conall le Victorieux fils d’Amorgen, de Findchad le fils de Cunocavaros/Conchobar, d’Aed le Beau, fils de Conall le Victorieux, ainsi que des nobles de Norvège, et ils se lancèrent dans le courant du cap de Kintyre ?
Une brusque montée des flots verts déchaînés emporta leurs navires, a róin & a rossail & a chorrcind & a chenandáin & ilríana, les phoques et les morses les espadons ? les petites têtes blanches ?? les ??? de la mer en furie également. La force de la tempête qui les emportait vers le large était telle que la flotte fut séparée en trois. Un tiers sous le commandement de Conall le victorieux fils d’Amorgen parvint devant le nid d’aigle de Murbulg. Un autre tiers sous le commandement des fils de Romna parvint à l’embouchure du Seimne. L’autre tiers sous le commandement d’Alaib, petit-fils d’Inscoa, roi de Norvège, de Baré des îles Féroé, de la forteresse de Piscacarla ; aborda la grève de Baile fils de Buan, dans l’estuaire de Luachann.
Ce fut alors que Cunocavaros/Conchobar arriva sur place avec neuf cents et soixante-cinq hommes à l’embouchure du Luachann. Une salle des fêtes avec de nombreuses boissons fut aménagée par lui dans le beau château ensoleillé de Delga. Cunocavaros/Conchobar n’était pas là depuis longtemps quand apparurent à l’horizon na corrgabla siúil & na longa luchtlethna, les voiles des navires débordants de guerriers, de pavillons d’un rouge éclatant, de beaux drapeaux multicolores, de machines de guerre de síblanga (lances ?) d’un bleu vert éclatant et d’autres armes de guerre.
Maith and sina degáes dána sa thís. Tabraid curu & tenta & trebairi damsa. Bon et bien maintenant, vous les experts en la matière et autres hommes de l’art ???? donnez-moi les cautions les engagements et les garanties qu’il faut.
Holà mon prince et bon seigneur, répondit Sencha fils d’Ailill, qu’y a-t-il ?
En raison de la grandeur de ton devoir et de tes obligations envers moi, répliqua Cunocavaros/Conchobar, et à cause de mes dons en joyaux, trésors et autres richesses, la moindre des choses que je pourrais attendre c’est bien qu’il ne m’arrive rien de fâcheux pendant au moins une année entière, en ce qui concerne ce que vous vous êtes engagés à m’apporter ou à me fournir, non ????
Car je ne sais pas du tout poursuivit Cunocavaros/Conchobar, si ce sont les Gaulois du Leinster, les Munstériens de la grande Muma ou la province du Connaught qui viennent d’arriver ; mais en tout cas l’estuaire du Luachann et la grève de Baile fils de Buan en sont remplis.
Je t’en donne ma parole, répliqua Sencha fils d’Ailill, qu’il n’y a pas en Irlande un seul guerrier de l’entourage d’un seigneur qui soit inconnu de moi. Et si ce sont les hommes d’Irlande qui sont là, je leur demanderai une trêve d’un mois et quinze jours. Mais si ce sont des amis à toi qui venus des Gaules ou d’ailleurs à l’étranger, cela sera encore mieux pour toi évidemment.
Si ce n’est pas le cas, répondit Cunocavaros/Conchobar, tu seras définitivement déshonoré.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 2.
Des larmes de sang ? Alors que ce n’est pas lui qui est malade, mais le roi ??? N’est-ce pas un peu exagéré de la part du conteur ?
Mon très cher. Nous rendons ainsi l’expression gaélique ám a m’anam qui signifie littéralement « mon âme, ma vie » !
Un taureau avec deux cornes d’or. L’imagerie classique (celle du Continent) c’est plutôt un taureau doté de trois cornes. S’agirait-il là d’une influence du christianisme ??? Le scribe a remplacé l’expression gaélique qu’il ne comprenait plus par une allusion au culte du veau d’or. Cette anecdote a de tout temps été utilisée pour justifier l’intolérance religieuse. En effet, le vrai Dieu ordonna dans ces conditions à Moïse de tuer tous ces apostats, et Moïse transmit fidèlement cet ordre à ceux qui, parmi son peuple, lui étaient restés fidèles. Exode 32, 26. Moïse se tint à une des entrées du camp et dit : « Que celui qui est du côté du Seigneur vienne à moi ! Et tous les fils de Lévi se rassemblèrent autour de lui. Et il leur dit, « Ainsi parle le Seigneur Dieu d’Israël, ceignez tous une épée à votre côté et traversez tout le camp d’une porte à l’autre, que chacun d’entre vous tue son frère son compagnon et son voisin ». Et les fils de Lévi firent selon la parole de Moïse. Ce jour-là trois mille hommes environ périrent.
(Je sais, c’est comme pour l’islam, ce n’est pas du fanatisme criminel ni de l’intolérance religieuse puisque c’est le Vrai Dieu d’amour qui l’a ordonné, comme dans le cas du sacrifice d’Isaac par son père Abraham d’ailleurs, mais cela y ressemble beaucoup, non !)
Il est resté néanmoins longtemps des traces de ce culte hérétique dans la religion d’Israël sous la forme d’autels à cornes c’est-à-dire dont les quatre angles remontaient comme des cornes (Exode 27,2 ; 38,2).
Fureur. Nous traduisons ainsi le terme gaélique amne sans trop de certitude.
La grande reine. En irlandais mórrígain. S’agit de la reine Maeve ou de la fée Mara Rigu/Morrigu/Morgane ? L’objet s’y prêtant, petite mise au point à ce sujet.
La signification du nom de la plus fameuse déesse ou démone de la guerre irlandaise a fait couler beaucoup d’encre chez les spécialistes, car son orthographe diffère d’un texte à un autre. Mórrígain / Mórrígu ou Morrígain / Morrígu. Le second élément de son nom est dépourvu de toute ambiguïté. En vieil irlandais, rígain signifie « reine », comme le gallois rhiain, qui originellement signifiait « reine », mais a aujourd’hui le sens de « jeune dame, jeune fille, vierge ». Ils sont tous les deux dérivés d’un terme vieux celtique rîgani / rîgana signifiant « reine » équivalent du latin regena. La terminaison en « u » est due à une analogie avec les autres mots féminins ayant une terminaison du génitif en « an », comme dans le cas de Mórrígain (génitif singulier Mórrígan).
Par contre le premier élément de son nom est plus problématique, car il est parfois écrit avec une voyelle courte, c’est-à-dire mor signifiant « fantôme » ou « cauchemar », et parfois avec un accent sur la voyelle, c’est-à-dire mór signifiant « grand ». Cette différence d’orthographe change la signification du nom de la déesse ou démone. Surtout que « muir » signifie également mer en vieil irlandais.
La forme Morrígain c’est-à-dire « reine fantôme » est généralement considérée comme étant la plus ancienne et la plus primitive. Mais de nos jours on est plus enclin à considérer que la forme Mórrígain, c’est-à-dire « Grande reine » est l’écriture la plus correcte, étant donné que l’adjectif mór est souvent utilisé pour qualifier une déesse de la terre dans la tradition irlandaise, par exemple Mór Muman (« la grande nourricière ») qui est la déesse-mère du Munster. Ce que signifie peut-être tout simplement son nom d’ailleurs. En outre, il semble bien que l’appellation « Grande reine » soit plus pertinente pour une déesse que l’évocation d’un « fantôme », encore que cette dernière signification puisse se référer à son lien avec la mort. Son association avec le carnage et sa fonction de messager annonciateur de la mort seraient donc plus récentes que ses attributs de déesse de la terre, et c’est la raison pour laquelle certains auteurs choisissent d’écrire son nom Mórrígain plutôt que Morrígain.
Sans éliminer totalement l’hypothèse que ce soit aussi une reine de la mer ou née de la mer, reconnaissons que dans ce cas tout s’éclairerait : sa fonction ne serait pas seulement la mort et le massacre, mais ce serait aussi, et primordialement peut-être, une déesse mère ou une déesse de la fertilité, en bref un des nombreux avatars de la terre mère en Irlande, une sorte de Rosemartha irlandaise. Toute la spécificité irlandaise (ne parlons pas d’hérésie) aurait consisté, sous l’influence du christianisme peut-être, à développer un peu trop son aspect sombre lié à la mort, voire à en faire une
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déesse de la guerre, alors qu’elle a aussi un côté infiniment plus sympathique et lumineux. Ce dernier aurait été oublié ou relégué au second plan, mais il continue d’affleurer néanmoins ici ou là puisque la déesse de la guerre et des massacres en Irlande sait aussi apparaître aux hommes parfois, sous des dehors infiniment plus séduisants : ceux d’une fée. Mais revenons donc à son aspect « Kâli » ou « déesse de la destruction ».
De même que l’Irlandaise Cath-Badbh est similaire à déesse celtique continentale Cathubodua, la Mórrígain est donc étymologiquement parlant à l’épithète ou nom de déesse Rigani qui est attesté sous une forme latine dans trois inscriptions romaines découvertes en Grande-Bretagne et en Allemagne. La dédicace trouvée à Worringen (Allemagne), sur le territoire des Ubiens, se lit ainsi : « In h(onorem) d(omus) d(ivinae) deae Regin(ae) vicani…… » « en l’honneur de la maison divine et de la déesse Reine, les habitants… ». Celle découverte avant 1732 à Lanchester, dans le nord-est de la Grande-Bretagne, est gravée sur un autel, qui porte un sanglier sur le côté gauche : « Reginae votum Misio v(otum) l(ibens) s(olvit) », « À la déesse reine, Misio a de bon cœur exécuté son vœu ». Le monument le plus intéressant est le bas-relief de Lemington, une ville située à quelques kilomètres au nord de Lanchester, car il porte une inscription associée à une représentation de la déesse : DEA RIIGINA. La déesse est représentée portant une robe lui descendant jusqu’aux genoux. Dans la main gauche, elle tient un javelot reposant à terre et sa main droite repose sur un objet cylindrique ressemblant à la partie inférieure d’une colonne de temple torsadée. Ces attributs symbolisent sans doute sa souveraineté ainsi que son pouvoir.
En plus d’être mentionnée dans la mythologie d’Irlande et dans l’épigraphie Romano-Bretonne, la déesse désignée sous le nom de Rigani apparaît aussi dans la littérature galloise médiévale. Une des plus importantes figures féminines des Mabinogi porte en effet le nom de Rhiannon qui vient du vieux celtique Rigantona, signifiant « la grande reine ».
Catubatos/Cathbad. L’avis du druide Catubatuos/Cathbad peut donc se résumer ainsi :
Premièrement : il y a déjà eu assez de morts comme ça.
Deuxièmement : bon alors si tu veux vraiment passez à l’offensive, attends le printemps !
Rien de transcendant, mais un bon conseil à Cunocavaros/Conchobar aurait pu aussi être de laisser un peu tomber tout ça, d’oublier, de passer à autre chose. Cunocavaros/Conchobar était apparemment quelqu’un qui ne rêvait que de plaies et de bosses.
Le bruit et la fureur. Il s’agit bien entendu d’un clin d’œil à Shakespeare de la part du traducteur.
Mata de Murisca. Ou Mata Murisca. Il s’agit de la mère d’Ailill.
Léodus. Il y a dans le personnage de Cunocavaros/Conchobar beaucoup d’éléments non historiques. Et il s’agit peut-être dans son cas comme dans celui du Hésus Cuchulainn d’évhémérisme à rebours (du mythe transformé en histoire) du fait notamment des moines chrétiens ayant transcrit toutes ces légendes. Il est possible néanmoins que tous ces détails géographiques soient le souvenir des antiques prérogatives des Ulates sur les îles au nord de l’Irlande et de l’Écosse. Léodus est peut-être l’île de Lewis, Cadd le comté de Caithness et Orc les Orcades. Après tout, historiquement parlant, il y a bien eu le royaume du Dal Riata/Dal Riada. N.B. Le pays des hommes de Catt a déjà été mentionné au chapitre traitant de l’apprentissage des arts martiaux par le Hésus Cuchulainn si ma mémoire est bonne.
Le reste de cette géographie est évidemment complètement fantaisiste et n’est là que pour signifier la puissance des Ulates (ce que l’on avait déjà compris). Pauvres Irlandais du Connaught, qu’est-ce qu’ils peuvent être moqués ou ridiculisés dans toutes ces histoires !
Gaule et souverains étrangers. L’appellation Gaule pour désigner la France est certainement due à la persistance des traditions intellectuelles de la culture romaine. La France est d’ailleurs toujours appelée Gaule (Gallia) en grec. Quant à la langue gauloise elle semble avoir encore été parlée du temps de Grégoire de Tours à la fin du VIe siècle qui parle de la langue gauloise au présent pour les campagnes de la région de Tours, voire encore parlée en Suisse au VIIe siècle (remplacée directement par des dialectes germaniques en Suisse alémanique) si l’on en croit certains linguistes experts en toponymie.
N.B. La vie de saint Euthyme écrite par Cyril de Scythopolis (aujourd’hui Bet Shéan en Israël) mentionne d’ailleurs encore un moine contemporain du saint, donc vivant au 6e siècle, nommé Procope, originaire de Galatie, et qui parfois s’exprimait encore en Galate. Il s’agit du paragraphe LV (page 77 de l’édition d’Édouard Schwartz, Kyrillos von Skythopolis, Leipzig, 1939).
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La phrase exacte est « Sa langue était liée, il ne pouvait plus nous parler. S’il y était forcé, il s’exprimait dans la langue des Galates ».
Le bilinguisme dut par conséquent être une réalité jusqu’au Ve siècle sur ce qui est aujourd’hui le territoire de la République française (sans compter le cas spécial de la Bretagne, car il est certain que l’Armorique n’était pas déserte quand les immigrés d’outre-Manche ont commencé d’arriver : voir la stèle de Plumergat).
Il est certain également que l’apport du gaulois dans la formation de la langue française a d’une manière générale été complètement sous-estimé pour une raison toute simple : la plupart des linguistes du 19e siècle connaissaient tous très bien au moins le grec et le latin, mais très peu par exemple connaissaient l’Irlandais. Ils ont donc fait les rapprochements à opérer uniquement avec ce qu’ils connaissaient, ce qui est logique (d’où leur accord sur 150 mots d’origine gauloise en français seulement alors qu’il y en a certainement plus). Le professeur Jacques Lacroix avance d’ailleurs le chiffre de 1000 (mille mots) dans son livre intitulé les irréductibles, publié aux Éditions Lemme de Chamalières. Dont acte! Cela dit par contre il faut bien reconnaître que le maître du druidisme français ; le « Russe » Henri Lizeray, a complètement erré en la matière (du délire celtomane pur et simple, sympathique, mais délirant quand même).
Les échanges entre ce que l’on appelle aujourd’hui l’Irlande et ce que l’on appelle aujourd’hui la France ont toujours été soutenus et ont sans doute continué malgré la chute de l’Empire romain : il fallait bien faire venir du vin de quelque part pour désaltérer les gosiers irlandais assoiffés. Le vin alors c’était quelque chose, on ne plaisantait pas avec ça !
D’où sans doute une implantation précoce du christianisme dans certains secteurs du sud de l’Irlande. Ce faisant la notion de Gaule et de Gaulois est devenue synonyme par excellence d’étranger.
Nous n’en tiendrons pour preuves que ces deux extraits de livres consacrés à des sujets plus vastes.
« De l’époque médiévale jusqu’à la fin du 18e siècle Bordeaux a été une des grandes villes ayant de nombreux et divers liens avec l’Irlande. Il y a certes des traditions un peu vagues, mais reposant souvent sur des faits authentiques suggérant toujours de très précoces échanges. Au cinquième siècle par exemple, quand la Gaule fut envahie par des hordes barbares, de petits groupes d’intellectuels s’enfuirent du pays pour se réfugier en Irlande, emportant avec eux dans leurs bagages l’étude nouvelle [pour les Irlandais] de la Grèce et de Rome. À l’époque la principale ville universitaire de Gaule était Bordeaux, alors appelée Burdigala, et le toponyme (aujourd’hui disparu) de Bordgal dans le Westmeath ainsi que dans d’autres comtés d’Irlande signale l’établissement à cet endroit d’une école d’enseignants qui, ainsi que l’établit Kuno Meyer (les études en Irlande au Ve siècle et la transmission des lettres classiques), fut appelée ainsi du nom de leur ancienne patrie, par les intellectuels exilés au-delà des mers. On a donc des preuves que Bordeaux dès cette époque-là exportait du vin des riches campagnes avoisinantes en direction des côtes ouest et sud de l’Irlande » (Les liens de l’Irlande avec Bordeaux. Richard Hayes).
« Kuno Meyer (Les études en Irlande au Ve siècle et la transmission des lettres classiques) suivant donc en cela une intéressante suggestion du professeur Zimmer, attribue le visible développement intellectuel qui survient en Irlande à partir du sixième siècle à l’arrivée en provenance de Gaule de tout un corps d’intellectuels ayant fui au cinquième siècle les invasions de Goths et de Huns, et appuie son explication sur un passage d’un grammairien gaulois nommé Virgile Maro, qui vivait au cinquième siècle, peu après l’époque de l’exode dont il parle, et dont les œuvres furent très lues en Irlande. Ce Virgile écrit en effet que « la désertification de l’Empire tout entier a commencé… et à cause de ces dévastations tous les hommes de lettres de ce côté-ci de la mer se sont enfuis très loin, voire dans des contrées au-delà des mers, c’est-à-dire en Hibernia et partout là où ils se sont établis, ces hommes ont été la cause de beaucoup de progrès dans l’enseignement dispensé aux habitants de ces régions ». Zimmer et Meyer préfèrent lire Hibernia plutôt qu’Hiberia ou Espagne qui ne peut pas être qualifiée de région d’outre-mer ou ne pouvant être atteinte qu’en traversant une mer (Histoire de l’Irlande. Éléonore Hull).
Rofir. Homme grand.
Sciggire. Sans doute les îles Féroé.
Brodor Roth et Brodor Fiuit. Sans doute deux rois vikings, Roth et Fiúit étant deux mots venant du vieux norrois et signifiant Rouge ou Blanc d’après Stokes.
Sudiam. La Suède ou une des îles Féroé. Sur les Vikings et les Celtes, lire l’excellent livre du grand spécialiste français qu’est Jean Renaud consacré à ce sujet.
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Romra. Le firth de Solway ? La suite de cette liste semble un peu tout mélanger. Elle a néanmoins le mérite de souligner une des fonctions des anciens druides, celle d’ambassadeur ou de ministre des affaires étrangères des rois. Car les druides étaient en effet en quelque sorte les intellectuels de la société celtique d’alors. On en a un excellent exemple avec le grand druide éduen Diviciacus qui hélas finira dans la peau d’un traître (mais à l’époque il n’était encore qu’un patriote imprudent). En 60 avant notre ère il partit à Rome demander de l’aide contre les Germains d’Arioviste.
« Quand les nations voisines, jalouses de la nouvelle importance que conférait cette amitié avec Rome, et poussées par la haine au point de se détruire elles-mêmes, eurent appelé les Germains à venir les aider à s’en débarrasser en tant que nouveaux maîtres du pays, le chef des Éduens vint au Sénat, l’informa de la situation, et quand il fut invité à s’asseoir à côté d’eux, il se contenta de bien moins puisqu’il prononça tout son discours accoudé sur son bouclier » (Discours d’Action de grâce à Constantin Auguste. Au nom des habitants de Flavie. Par Eumène d’Autun en 312).
Précisons afin d’éviter toute équivoque que Diviciacus, malgré ce qu’écrit Eumène des siècles plus tard, n’était pas à l’époque chef de l’État éduen (vergobret = président), mais simple druide. Et bien qu’étant armé lui-même apparemment il n’a pas dû se rendre seul à Rome, mais accompagné de toute une escorte de solides gaillards armés jusqu’aux dents.
Néo-druides d’aujourd’hui, ne mélangez surtout pas politique et spiritualité. N’ordonnez pas le bien, faites-le autour de vous, vous-même, personnellement, donnez l’exemple. Cela doit suffire même si l’on est en droit de rester sceptique vis-à-vis de l’effet Maharishi. NB. Effet Maharishi. Certains sociologues ont en effet constaté que l’effet Maharishi se faisait sentir à partir du seuil de 1 % (dans le cas de la Méditation transcendantale) ou de racine carrée de 1 % (dans le cas du programme de MT-Sidhi). Comme on aimerait que ce soit vrai !
Ne commettez surtout pas la fatale erreur de faire comme les mo’taziltes musulmans : en croyant bien faire (lutter contre l’ignorance l’obscurantisme la superstition), ils ont fini par instituer la première des grandes inquisitions de l’histoire, la Mihna (Dieu sait pourtant que le calife Al-Ma’moun était un esprit rationnel et un homme cultivé ! A-t-il vraiment été dupé par les sabéens de Harran ? *) Et de toute façon De minimis non curat druis ! Pas de loi druidique sur la façon de se brosser les dents par exemple (sincèrement, vous vous voyez en train de prôner l’urine comme dentifrice pour faire comme les Celtibères cités par Strabon (Livre II. Chapitre IV).
16… Ils vivent dans l’abjection sur plan moral, c’est-à-dire qu’ils ne se préoccupent guère de mener une vie civilisée, mais plutôt de satisfaire leurs besoins physiques et leurs instincts bestiaux, à moins évidemment qu’on ne veuille considérer que ces hommes se préoccupent aussi de bien-être en se lavant à l’aide d’urine qu’ils ont laissé vieillir dans des citernes, et en se brossant les dents avec, eux et leurs femmes ; comme on dit que le font aussi les Cantabres et leurs voisins. Mais cette coutume, ainsi que celle de dormir à la dure à même le sol, est partagée par les Ibères et les Celtes. Certains disent que les Galiciens n’ont pas de dieu, mais que les Celtibères et leurs voisins au nord offrent des sacrifices à un dieu sans nom, chaque pleine, lune, la nuit, devant les portes de leurs demeures, et que toute leur maisonnée danse alors en chœur la nuit entière.
* En tout cas le subterfuge réussira et une brillante période de deux siècles s’ouvrit pour le harranisme (harraniya en arabe). Le plus célèbre des sabéens de Harran fut Thabit ibn Qourra, mathématicien et astronome, qui traduisit en Arabe de très nombreux textes scientifiques grecs.
Il importe donc, les néo-druides comme les Fénianes n’étant pas des hommes d’un seul livre, mais de plusieurs, afin de rechercher la vérité jusqu’à l’autre bout du monde si nécessaire (principe de la quête du Graal) ; étant profondément païens et d’un paganisme authentique bien compris évidemment (c’est-à-dire ouverts sur les autres et non ethnocentrés, non racistes) d’en dire quelques mots.
Il y avait deux sortes de païens dans la région d’Harran (jadis Carrhes, aujourd’hui le sud-est de la Turquie) du temps du calife Al-Ma’moun : les ultimes successeurs des derniers philosophes chassés d’Athènes par les chrétiens, et des paysans des campagnes environnantes, toujours sensibles à ce qu’était devenue la religion de leur pays avant l’avènement du christianisme. En outre bien entendu, il y avait ceux qui se retrouvaient un peu dans les deux.
En ce qui concerne l’École philosophique néo-platonicienne d’Harran, voici ce que l’on peut en dire.
L’empereur byzantin Justinien (483-565), afin d’assurer l’hégémonie de son empire, ce qui supposait à ses yeux, l’unité religieuse dans le cadre du christianisme, persécuta les juifs les païens et les hérétiques selon lui, ah religion d’amour, après il suffit de se confesser pour être pardonnés. Tous étaient exclus du service militaire, des postes publics et de l’enseignement. C’est donc dans ce
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contexte qu’un édit signé en 529 prohiba d’enseigner la philosophie, d’expliquer les lois, et de jouer aux dés (sic). L’État chrétien fit donc fermer les écoles d’Athènes, dernier asile des lettres et de la philosophie, et en confisqua tous les biens. On estime d’ailleurs généralement qu’aucune activité philosophique ne put de fait reprendre dans la capitale grecque après ces mesures d’interdiction.
La vigueur renaissante de l’école néoplatonicienne sous l’impulsion de Damascios fut peut-être d’ailleurs une cause de la persécution lancée par Justinien contre les philosophes, qui incarnaient la dernière vraie résistance au christianisme. Damascios avait en effet entrepris toute une réorganisation de l’École néoplatonicienne, tombée en décadence après la mort de Proclus (485).
Damascios ainsi qu’un certain nombre de ses collègues (Simplicios et cinq autres moins connus) et accompagnés de quelques élèves ou disciples sans doute, partirent alors en Perse et gagnèrent la cour du roi philosophe sassanide Kawat, auquel succéda son fils Khosro (Chosroès en grec) Ier qui les prit sous sa protection, et en fit même une des conditions de la signature du traité d’armistice de 532.
Toute la question est de savoir où s’établirent ces derniers des philosophes après la signature de ce traité de « paix » qui prévoyait leur protection. Certains auteurs affirment qu’ils repartirent pour Athènes. On peut en douter. Ils ont sans doute préféré, certes se rapprocher au plus près de l’Empire byzantin, mais tout en restant bien en territoire placé sous l’autorité directe du roi sassanide Khosro leur protecteur.
La cité de Carhes ou d’Harran qui était une ville en quelque sorte frontalière était celle qui remplissait au mieux toutes ces conditions. D’autant plus que Damascius avait présent à l’esprit un précédent ayant de quoi faire réfléchir : l’école chrétienne nestorienne syriaque de Nisibe, chassée d’Édesse par les persécutions venues des chrétiens officiels en 489, et qui, depuis son installation à Nisibe en territoire perse, jouissait d’une liberté de pensée considérable.
Les propos d’Al-Masoudi (Kitab mourouj al-dahab ou livre des prairies d’or ainsi que le kitab al-tanbih oua-l-asraf, à propos d’un des groupes de Sabéens de Harran), en font en effet indiscutablement des platoniciens égarés en plein Xe siècle (Al-Masoudi a visité Harran en 943).
Sur le marteau de la porte d’entrée de leur lieu de réunion, al-Masoudi vit en effet une inscription en caractères syriaques, tirée de Platon : « Celui qui se connaît soi-même en vérité devient dieu ». Du moins tel est le sens de cette transcription en syriaque de la citation de Platon.
Dans le kitab al-tanbih, cette maxime est combinée avec une autre : « Qui se connaît soi-même connaît toutes choses ». Cette combinaison appartient à une chaîne d’argumentations typiquement néoplatonicienne.
Le mot arabe Younaniyyoun (littéralement les Ioniens) ne désigne pas seulement les Grecs anciens (les Hellènes), mais aussi plus précisément les Grecs païens par opposition aux byzantins chrétiens (= « Romains »), et pas seulement les Grecs païens d’ailleurs, mais plus précisément les philosophes grecs païens, voire les platoniciens justement.
Ni Younan ni Younaniyya ni Younaniyyoun ne désigne en tout cas les Grecs chrétiens qui sont appelés « Roumis » c’est-à-dire « Romains ».
L’intellectuel arabe Al-Farabi (875-950) mentionne également dans son livre sur la musique qu’il tenait certaines de ses informations sur la musique de « Grecs purs » ou de « purs Hellènes » (younaniyyoun hullas), soigneusement distingués des « Romains » ou chrétiens byzantins. Au surplus, il distingue ces « Grecs purs », qui étaient ses contemporains et venaient du voisinage (giwar) de l’empire arabe (mamlakaal-arab), des « Anciens parmi les Grecs » (al-qudama min al-younaniyyin), appellation qui désigne dans le contexte les anciens philosophes et théoriciens de la musique. La mention « Grecs purs », voisins de l’empire arabe ou venus s’y installer, désigne là encore des Hellènes résidant dans le Diyar moudar (le district de Harran) ou venus y résider parce qu’ils savaient pouvoir y trouver alors un foyer de culture païenne. Il est en effet plus que probable que ces païens étaient des intellectuels puisque Al-Farabi a donc apparemment appris avec eux quelque chose de plus que ce qu’il retirait des traités de théorie musicale. Il ne peut donc s’agir d’un groupe de musiciens itinérants, de simples saltimbanques. L’épithète « purs » que s’attribuent ces Younaniyyon ou « Hellènes », peut être rapprochée de la qualification que certains Harraniens se réservaient apparemment, à savoir hounafâ (singulier hanif), pour se revendiquer d’être les ultimes héritiers de l’antique paganisme.
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Vu le sens que le terme hanif avait en arabe coranique (vrai monothéisme originel, celui d’Abraham par exemple) cette revendication d’hounafisme ne pouvait donc que générer une certaine confusion dans l’esprit des musulmans de l’époque, une confusion qui, ainsi que nous avons eu l’occasion de le dire pour commencer, finira donc par bénéficier à ces derniers héritiers des philosophes persécutés par les chrétiens, et leur être profitable, puisqu’ils ne disparaîtront de l’Histoire qu’en 1251 (avec l’invasion mongole qui détruira la cité).
Seimne. S’il s’agit de l’estuaire du Shannon, nord semble une localisation plutôt aberrante. C’est pourquoi Edmond Hogan opte pour le sud-est de Larne (comté d’Antrim).
Banquets banquets. Si les Ulates passent plus de temps à faire la fête qu’à se préparer militairement parlant, il ne faudra pas s’étonner si après ça ils échappent de peu au désastre.
Le roi de Norvège. Tout cela ressemble beaucoup et ce n’est sans doute pas vraiment un hasard (tradition orale oblige), à une descente de Vikings sur les côtes irlandaises (elles commencèrent en 795 : Inismurray, Inisbofin). L’auteur adapte son récit en puisant dans l’actualité ou dans le passé récent vécu par ses contemporains. Mais cela évoque aussi très certainement les six invasions mythiques ayant contribué au peuplement de l’Irlande d’après le Lebor Gabala Erenn.
Les Gaulois du Leinster. Cette province d’Irlande avait en effet la réputation d’avoir été fondée par des Celtes continentaux comme en attestent les légendes à propos du roi des rois d’Irlande Lowry/Labraid Loingseach. Deux thèses s’affrontent à son sujet. La première : ce fut un envahisseur qui se tailla un royaume en Irlande à l’aide de mercenaires continentaux. La deuxième : c’est l’évhémèrisation à rebours d’une antique déité des habitants du Munster. Les deux thèses n’étant pas totalement inconciliables d’ailleurs.
Muma. Sans aucun doute l’antique déesse mère du Munster.
Déshonoré. Le druide Sencha est en effet censé connaître tout le monde et renseigner le roi en conséquence. Le grand spécialiste français du druidisme qu’est Christian-Joseph Guyonvarc’h note très justement qu’il joue le même rôle que le nomenclator latin, mais à un niveau infiniment supérieur puisqu’à Rome le nomenclator était un esclave. Guyonvarc’h cite d’ailleurs le cas légendaire des druides Crom Deroil et Crom Darail dont la lourde insuffisance professionnelle en ce domaine (le métier de dorsaide) manquera de peu, si l’on en croit le récit intitulé « l’ivresse des Ulates », de finir en désastre pour leur camp. Mais comme il y a deux versions différentes de l’histoire, il nous est difficile d’en dire plus à ce sujet.
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Sencha fils d’Ailill se rendit par conséquent à l’endroit où cette grande armada était arrivée, puis leur demanda : « qui va là ? »
Ce qu’ils répondirent c’est que c’étaient des amis étrangers de Cunocavaros/Conchobar qui étaient là.
Sencha alla ensuite retrouver Cunocavaros/Conchobar.
C’est bon, mon très cher Cunocavaros/Conchobar, ce sont tes amis étrangers qui sont là, venus des Gaules et d’autres pays.
Cunocavaros/Cavaros en voulait alors à toute l’Irlande à cause de son impétuosité, du fait qu’il avait le sang chaud, voire de sa férocité. & ro mebaid loim cráo & fola dara bél sell sechtair. & in cháep chró & fola ro boí fora chride is sí ro sceastar ra halt na huairesin. Une écume sanglante sortait de sa bouche et son cœur était bouillant de colère ????
Bien, ô Hésus Cuchulainn, dit Cunocavaros/Conchobar, capture les chevaux de la plaine de Muirthemne ; que des chars à quatre roues soient ensuite attelés. Enfin, ramène avec toi les nobles norvégiens dans ces chariots à quatre roues dans le lumineux château de Delga. De sorte que les rois de Norvège puissent profiter de la salle des fêtes et des boissons qui ont été préparées pour moi.
Les chevaux de la plaine de Muirthemné furent alors attrapés et les chars ainsi que les autres véhicules à quatre roues leur furent attelés. Ils partirent retrouver les rois de Norvège et ces derniers
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furent ramenés dans le beau et lumineux château de Delga et Cunocavaros/Conchobar évacua les lieux. De sorte qu’ils semblèrent avoir été préparés pour les rois de Norvège après ça.
Sur ce apparurent des maîtres d’hôtels (rannair) pour découper la viande et des échansons (dalemain) pour servir les boissons. Le banquet commença pour les nobles norvégiens et ils furent tous rapidement ivres et très joyeux. Quand la bière avait commencé de faire son effet, en se révélant plus puissante que les hommes, et qu’ils ne parlaient plus qu’à leurs proches, ba comrád cacha dessi & cach thrír díb ??? ils étaient raccompagnés jusqu’à leurs appartements et jusqu’à leur lit ou jusque dans leur chambre à coucher. Des mélodies des chants agréables et des louanges plaisantes furent chantés pour eux, et ils restèrent là jusqu’aux premières lueurs de l’aube le lendemain matin.
Cunocavaros/Conchobar se leva de bonne heure ce matin-là et fit venir le Hésus Cuchulainn.
C’est bien, petit chien de Culann, dit Cunocavaros/Conchobar. Donne les restes du banquet aux nobles de Norvège, qu’ils soient pleinement satisfaits. Et dépêche des envoyés ainsi que des messagers de ta part à travers tout le pays ulate pour mobiliser les guerriers du royaume. Qu’ils s’occupent aussi de leurs amis venus de l’étranger ou d’au-delà pendant que je me rends à l’embouchure du Luachann et que je prends position là-bas en y installant mon camp. Fais savoir aussi pour moi aux trois fois cinquante vétérans et vieux guerriers qui sont à la retraite sous la direction d’Irgalach fils de Maclach fils de Congal fils de Rudraige, ayant renoncé aux exercices militaires et aux maniements des armes, dis-leur pour moi de venir participer à cette campagne et à cette expédition, afin que je puisse bénéficier de leur aide et de leurs conseils.
Qu’ils viennent s’ils le veulent, répondit le Hésus Cuchulainn, mais ce n’est pas moi qui m’en irais le leur demander !
Cunocavaros/Conchobar se rendit par conséquent lui-même dans la grande maison royale où demeuraient les vétérans et les vieux champions. Ils levèrent la tête de leurs assa n-atib & assa n-imdadaib de leurs places afin de voir le roi aux grands yeux majestueux et ne purent retenir leur excitation. Ils en bondirent presque de joie dans leur manoir.
Eh bien, notre bon seigneur et maître, s’exclamèrent-ils, qu’est-ce qui t’amène ici aujourd’hui ?
N’avez-vous pas entendu parler, leur répondit Cunocavaros/Conchobar, de l’expédition qu’ont menée les quatre provinces d’Irlande contre nous, et au cours de laquelle donc elles sont venues avec tous leurs musiciens leurs amuseurs leurs chantres, afin que leurs ravages soient des plus visibles et que cette dévastation soit la plus grande possible ; nos châteaux ainsi que nos plus belles demeures ont été incendiés de sorte qu’il n’en resta plus que les fondements ou les dépendances. Eh bien je voudrais mettre sur pied une expédition destinée à nous venger, mais que cette campagne militaire ainsi que cette marche soient menées sous votre direction et selon vos conseils.
Fais venir nos coursiers puis atteler nos chars, que nous puissions participer à cette campagne militaire et à cette expédition avec toi, répondirent-ils.
On attrapa donc leurs vieux destriers ainsi que leurs chars d’un autre âge qui furent attelés, ensuite ils se rendirent à l’embouchure du Luachann cette nuit-là.
Tout ceci fut rapporté aux quatre grandes provinces d’Irlande. Et les trois vagues de la verte Erin firent trembler la terre en l’apprenant cette nuit-là, la vague de Clidna, la vague de Rudraige, ainsi que la vague de Tuage Inbir. Eochu fils de Luchta se rendit alors à Temair Luachra en venant du nord-ouest avec des clans indigènes de dorecartachaib Dedad ? Ailil et Maeve [se rendirent de leur côté] dans leur forteresse de Cruachan dans le Connaught. Find fils de Ros roi des Gaulois (du Leinster) se rendit avec les clans de Derg à Dinn Rig sur la claire et lumineuse rivière Barrow. Et Carpre Niafer se rendit à Temair avec les Laginiens de Temair (Leinster).
Eochu fils de Luchta et le clan Dedad se mirent d’accord sur la résolution suivante : toute chose aurait son paiement et tout paiement correspondrait à quelque chose, remise en était de son territoire et de sa terre pour Cunocavaros/Conchobar fils de Fachtna Fathach, à savoir une palissade pour chaque palissade, un solarium pour chaque solarium (grianan), une maison pour chaque maison, une vache pour chaque vache, un taureau pour chaque taureau, et le Termagant brun de Cualnge en plus, plus le prix de son honneur en or rouge pour Cunocavaros/Conchobar, par contre aucune hostilité de sa part contre les hommes d’Irlande.
Cet accord, ainsi que des envoyés ou des messagers furent dépêchés par Eochu fils de Luchta au château d’Ailill et de Maeve avec le détail des propositions, et tout fut expliqué à Maeve et Ailill.
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Maeve répondit : c’est une manœuvre de sa part auprès de ceux qui nous conseillent cela. Aussi longtemps qu’il y aura parmi nous quelqu’un capable de mettre la main à l’épée puis de passer autour de son cou la courroie du bouclier [à porter dans son dos], cette offre ne lui conviendra pas.
Nous ne t’avons pas demandé ton avis, mauvaise femme, répondit Ailill. Car notre part dans ce dédommagement n’est pas supérieure à celle de tous ceux des quatre provinces d’Irlande ayant participé à l’expédition destinée à s’emparer du bétail de Cualnge.
Finalement tu as peut-être raison rétorqua Maeve ????
Qui doit partir en ambassade là-bas ? demanda ensuite Ailill.
Qui, demanda Maeve, mais Dorn Ibair, petit-fils de l’Enclume du forgeron, et Fadb Darach, petit-fils d’Omna.
Fergus gloussa de rire.
Qu’est-ce qui te fait rire à ce point ? lui demanda aussitôt Ailill.
Une bonne raison, répondit Fergus, l’homme qui est le plus grand ennemi des Ulates au monde envoyé par Maeve pour les rencontrer. Car ne leur aurait-il rien fait de mal avant ou après, à part blesser mortellement Mend fils de Salcholcu sur la Boinne, que ce serait déjà suffisant comme tort. Mais bien qu’il en soit ainsi, poursuivit Fergus, il n’aura rien à craindre cette fois-ci, et donc qu’il y aille. Il n’y a jamais de traîtrise dans leurs assemblées.
Ils se mirent donc en route pour Temair.
Finn fils de Ross ? roi de la province des Laginiens aux mains rouges (le Leinster) partit lui aussi vers le nord pour Temair, avec le clan de Derg autour de lui, afin de se rendre là où se trouvait son frère Carpre Niafer. Et ces offres de paix furent portées à leur connaissance. La question de savoir qui devrait aller porter le message fut débattue avec eux. Ils décidèrent finalement que ce serait Fidach la fureur du bois de Gaible, car c’était un homme sage, modeste, et vraiment prudent. Ils se mirent donc en route vers le nord afin de retrouver Cunocavaros/Conchobar, et ils lui parlèrent donc de ces propositions, à savoir que : « toute chose aurait son paiement et tout paiement correspondrait à quelque chose, remise en était de son territoire et de sa terre pour Cunocavaros/Conchobar fils de Fachtna Fathach, c’est-à-dire un mur pour chaque mur, un solarium pour chaque solarium (grianan), une maison pour chaque maison, une vache pour chaque vache, un taureau pour chaque taureau, et le Termagant brun de Cualnge en plus, plus le prix de son honneur en or rouge pour Cunocavaros/Conchobar, par contre aucune hostilité de sa part contre les hommes d’Irlande pour cette fois-ci ».
Cunocavaros/Conchobar leur répondit en prononçant les paroles ci-dessous.
D’où sont venus ces délégués
Et pourquoi tout ce chemin ?
Dites-moi tout !
Est-ce pour me raconter vos aventures ?
Est-ce pour me rendre hommage et me jurer fidélité ?
Nous venons de la noble cité de Cruachan
Dont la réputation n’est plus à faire
Pour te voir en toute amitié, O Cunocavaros/Conchobar
Eu égard à ta valeur ;
Nous sommes venus te faire une proposition
Ô grand roi des Ulates !
De la part de Maeve et du noble Ailill
Calma a crí, le courage personnifié ?
Exposez-moi votre noble requête
Vous dont la renommée n’est pas peu de chose
Vous la plus belle et la plus alerte compagnie de guerriers qui soit
Quelle qu’elle puisse être.
D’où sont, etc.
Je vous en donne ma parole, répondit Cunocavaros/Conchobar, que je n’accepterai aucune condition de votre part tant que je n’aurai pas planté mon pavillon dans chaque province d’Irlande comme ils l’ont fait dans mon royaume avec leurs tentes leurs cabanes et leurs huttes.
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Bien, O Cunocavaros/Conchobar, répondirent-ils, où penses-tu faire halte et camper cette nuit ?
À Ros na Rig sur la claire et lumineuse rivière Boinne, répondit Cunocavaros/Conchobar.
Car Cunocavaros/Conchobar ne cachait jamais, même à ses pires ennemis, le lieu où il voulait faire halte et camper, afin qu’ils ne puissent pas dire que c’était la crainte ou la peur qui le faisait agir ainsi et dissimuler une telle information.
Ils repartirent alors vers le sud en direction de Tara où se trouvaient Carpre Nia Fer ainsi que Finn fils de Ross ; et leur rapportèrent ces nouvelles.
Bien, répondit Carpre Nia Fer, si c’est contre nous que Cunocavaros/Conchobar et les Ulates se tournent en premier, alors qu’Ailill et Maeve viennent à notre aide et nous prêtent mainforte. S’ils vont en fait d’abord dans la belle et avenante (cendfind) ? province du Connaught, nous viendrons à leur secours et nous irons les aider.
Des émissaires partirent donc retrouver Ailill et Maeve afin de les prévenir et dès qu’ils furent arrivés Maeve leur demanda les nouvelles.
Elle leur parla en tenant le discours qui suit.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 3.
Excitation. Réaction qui s’explique par la mentalité d’alors.
Il s’agit d’êtres humains appartenant à une classe sociale convaincue qu’il vaut mieux mourir les armes à la main et en combattant pour accéder au Paradis, que dans la déchéance physique et mentale.
Valère Maxime. Livre II. Chapitre VI.
10. Dès que l’on a laissé derrière soi les murailles de Massilia [Marseille], on entre dans le domaine de l’antique coutume des Celtes. La tradition y veut que les Celtes se prêtent de l’argent, mais que l’on peut le rembourser dans l’autre monde. Ils font cela parce qu’ils sont convaincus que les âmes humaines sont immortelles. Je les traiterais bien de fous si ces hommes avec leurs braies n’avaient pas en ce domaine les mêmes idées que Pythagore dans son manteau grec… Ils sautent de joie quand éclate une guerre, car ils auront là une occasion d’abandonner cette vie dans la gloire et la félicité, par contre ils se lamentent quand ils sont gravement malades, car ils risquent alors de mourir d’une manière honteuse et misérable. Les Celtibères vont même jusqu’à considérer que survivre à une bataille alors que leur chef y a trouvé la mort est un déshonneur, puisqu’ils avaient promis de le protéger à tout prix, au besoin en donnant leur vie pour lui. On ne peut que louer l’état d’esprit décidé de ces deux peuples, car les Cimbres et les Celtibères estiment qu’ils doivent assurer la sécurité de leur pays et cultiver la fidélité des soldats.
Note de l’éditeur. Les Cimbres et les Teutons étaient les derniers des peuples celtes, à tout le moins en voie de celtisation. Et la langue des Celtibères était une langue celte. Ce qu’écrit Valère Maxime sur l’avarice des Celtes de la région de Marseille est donc très surprenant, car cela contredit tout ce que l’on peut en savoir (les soldurs, etc.). Se pourrait-il que Valère Maxime soit tout simplement un raciste anti-celte ?
On peut bien entendu se gausser de telles croyances, mais toutes choses égales par ailleurs on retrouve exactement les mêmes dans l’islam.
Le Coran promet en effet très explicitement le paradis à ceux qui meurent au combat.
Chapitre 8, verset 67 : « Aucun Prophète n’a pu faire de prisonniers sans avoir procédé à des massacres sur la terre. Vous recherchez les biens de ce monde alors que Dieu veut vous faire gagner le Paradis. Dieu est puissant et sage ».
Chapitre 9, verset 111 : « Dieu a acheté aux Croyants leurs personnes et leurs biens contre le Paradis qui leur est réservé. Ils combattront au service de Dieu, tueront et seront tués. C’est là une promesse certaine dont Dieu s’est imposé la réalisation dans le Pentateuque, l’Évangile et le Coran. Et qui est plus fidèle dans ses engagements que Dieu ! »
Chapitre 4, verset 74 : « Qu’ils combattent donc dans le chemin de Dieu, ceux qui vendent la vie présente contre l’ultime. Et quiconque combat dans le chemin de Dieu, tué ou vainqueur, nous lui accorderons bientôt une énorme récompense ».
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Chapitre 2, verset 216 : « Le combat jusqu’à la mort vous est prescrit et cependant vous l’avez en aversion. Mais peut-être avez-vous de l’aversion pour ce qui est un bien pour vous et de l’attirance pour ce qui est un mal pour vous ».
Chapitre 8, verset 17 : « Vous ne les avez pas tués. C’est Dieu qui les a tués. Lorsque tu portes un coup, ce n’est pas toi qui le portes, mais Dieu qui éprouve ainsi les Croyants par une belle épreuve. Dieu entend et sait tout ».
Chapitre 5, verset 33 : « La seule chose que méritent ceux qui font la guerre contre Dieu et son messager et qui s’efforcent au désordre sur la terre, c’est qu’ils soient tués, ou crucifiés, ou qu’ils soient expulsés du pays : voilà pour eux l’ignominie ici-bas ; et a delà il y a pour eux un énorme châtiment (l’enfer) ».
Chapitre 8, verset 39 : « Combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’affrontements religieux (guerre civile, désordre) et qu’il n’y ait pas d’autre religion que celle de Dieu. S’ils cessent, Dieu s’en apercevra ».
Chapitre 9, verset 5 : « Lorsque les mois de trêve sacrée seront terminés, tuez les non-croyants partout où vous les trouverez. Faites-les prisonniers ! Assiégez-les ! Tendez-leur des embuscades ! S’ils font amende honorable, célèbrent l’office de la prière et paient la dîme, laissez-les poursuivre leur chemin ! Dieu est clément et miséricordieux ».
Chapitre 9, verset 29 : « Combattez ceux qui, bien qu’ayant reçu les saintes Écritures ne croient pas en Dieu, au jour dernier [fin du monde et jugement dernier], qui ne considèrent pas comme illicite ce que Dieu et son messager ont déclaré illicite, et ne pratiquent pas la religion de la vérité (?), jusqu’à ce qu’ils paient, humiliés, de leurs propres mains, le tribut [des dhimmis] ».
Chapitre 9, verset 123 : « O croyants ! Combattez les non-croyants qui sont près de vous. Qu’ils trouvent en vous de la rudesse ! Et sachez que Dieu est avec ceux qui accomplissent leur devoir [envers lui] ».
Chapitre 47, verset 4 : « Lors donc que vous rencontrez ceux qui sont incroyants, alors frappez-les au cou. Puis quand vous l’avez emporté, alors attachez-les solidement ».
Chapitre 47, verset 35 : « Ne faiblissez pas et ne demandez pas la paix quand vous êtes les plus forts et que Dieu est avec vous ! Il ne vous privera pas de la récompense de vos œuvres ».
Ces sentences « divines » seront constamment reprises au cours des siècles par les commentateurs et les théologiens de l’islam. Exemples :
Sahih Bukhari (4, 52, 73 et 4,52,210).
L’apôtre de Dieu a dit un jour « Sachez que le Paradis se trouve à l’ombre des épées » (voir aussi Sahih Muslim 20,4681).
Sahih Muslim (20,4678).
Il a été rapporté sous l’autorité de Jabir qu’un homme a demandé un jour : Messager de Dieu, où irai-je si je suis tué ? Il a répondu : au Paradis. Tout homme doit laisser tomber les dattes qu’il a dans la main et combattre jusqu’à ce qu’il soit tué (c’est-à-dire qu’il ne doit pas attendre d’avoir fini ses dattes).
Note de la rédaction : AVEC CETTE DIFFÉRENCE FONDAMENTALE QUAND MÊME QUE LES ANCIENS CELTES (d’esprit) NE COMBATTAIENT PERSONNE POUR DES QUESTIONS DE RELIGION VRAIE OU FAUSSE OU DE CULTE À RENDRE À TEL OU TEL DIEU, MAIS EN GÉNÉRAL POUR DES QUESTIONS DE LIBERTÉ. Voir les propos de Critognatus et Boudicca (en Angleterre) et de Calgacus (en Écosse).
« Toutes les fois que je considère les causes de la guerre et l’extrémité à laquelle nous sommes réduits, un grand espoir m’anime ; oui, ce jour même et votre accord fonderont l’époque de la liberté de toute la Bretagne. Car en effet, tous nous fûmes exempts de la servitude ; au delà plus de terres ; la mer même ne serait pas un asile : la flotte romaine nous y menace. Ainsi le combat et les armes, seul parti honorable pour les braves, est ici même le plus sûr pour les lâches. Les guerres précédentes, où l’on combattit contre les Romains avec des fortunes diverses, avaient leur espoir et
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leur ressource en nous, nous la plus noble nation de la Bretagne, et qui, placés au fond même de son sanctuaire, ne voyant pas les rivages de la servitude, avons eu les yeux préservés du contact de la tyrannie. Habitant au bout du monde et de la liberté, cet ultime sanctuaire de la gloire bretonne nous avait jusqu’ici protégés : or maintenant même les dernières frontières de la Bretagne sont bousculées : l’inconnu semble toujours merveilleux à qui veut le découvrir. Mais derrière nous il n’y a plus d’autres tribus (pour nous recevoir ?) rien, que des flots et des rochers ; et devant nous il y a les Romains, à l’orgueil desquels vainement vous penseriez échapper par l’obéissance et par la soumission : envahisseurs de l’univers, après avoir épuisé les terres par leur pillage universel, ils vont même jusqu’à fouiller les mers ; cupides si leur ennemi est riche ; tyranniques s’il est pauvre. Ni l’Orient ni l’Occident n’ont pu suffire à les rassasier ; seuls, de tous les mortels, ils convoitent avec une égale ardeur et les richesses et les maigres biens des pauvres : enlever, égorger, piller, c’est ce qu’ils appellent dans leur langage, gouverner ; et, là où ils ont fait le désert, ils disent qu’ils ont apporté la paix » (Tacite, Vie d’Agricola, 30).
Les vagues. Sans doute des réminiscences de cosmogonie druidique. Il ne s’agit pas bien sûr dans ce cas de trois vraies vagues entourant l’Irlande, mais de trois vagues entourant…… la terre (d’où l’image du serpent dans d’autres cosmologies mythiques). Les bardes irlandais décidément incorrigibles n’ont pu s’empêcher néanmoins de les localiser ou de les voir à l’œuvre à tel endroit plutôt qu’à tel autre.
Temair Luachra. Ne doit pas être confondue avec la Temair ou Tara des Laginiens ou Laigin plus tard attribuée aux rois des rois d’Irlande. Il doit s’agir d’un autre site.
Les Dedad sont une ancienne population d’Irlande pré-gaéliques, peut-être apparentée aux Erainn ayant donné leur nom au pays (Irlande). Certains spécialistes pensent que le fameux Ferdiad contre qui le Hésus Cuchulainn s’est longuement battu lors de l’enlèvement des bœufs de Cualnge, faisait peut-être partie de cette tribu (Fer Dedad).
Les Laginiens ou Laigin. Si l’on en croit le cycle légendaire concernant le haut roi Labraid Loingsech, seraient des descendants d’envahisseurs gaulois. De très anciens poèmes généalogiques distinguent trois groupes parmi eux, les Laginiens proprement dits, les Gaulois et les Dumnonéens (les Dumnonii d’Angleterre).
Le Termagant brun de Cualnge. Eochu semble ignorer qu’il est mort après avoir triomphé du blanc cornu.
Le prix de son honneur. Littéralement le prix de sa face. Cf. l’expression « perdre la face ».
L’enclume du forgeron. En gaélique Cipp goband. Un nom destiné à faire rire ou sourire sans aucun doute.
Rien à craindre. Fergus veut dire par là qu’en tant qu’ambassadeur sa personne sera inviolable. Il bénéficiera de l’immunité diplomatique.
Il ne cachait jamais même à ses pires ennemis le lieu où il voulait camper… Heureusement qu’il n’a jamais manqué dans l’histoire de chefs de guerre celtes capables d’un peu plus de stratégie. Comme les deux Brennos (celui de Rome et celui de Delphes), et même Vercingétorix dont le plan (écraser les légions romaines entre les murs d’Alésia et une immense armée de secours) a même failli marcher (mais il y a eu trahison de la part des Héduens alors…). Mentir à l’ennemi, l’induire en erreur ou le tenir dans l’ignorance sont quand même des attitudes que tout le monde (ou presque) trouve normales en cas de guerre ou de conflit.
Les oulémas [savants de l’islam] considèrent que la tromperie en temps de guerre est légitime (…) la tromperie est une forme de l’art de la guerre ».
Selon Mukaram, cette tromperie est appelée taqiya : « la taqiya servant à duper l’ennemi est permise ».
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Ibn Al-'Arabi déclare même : « Dans les hadiths [citations et actions de Mahomet], le mensonge en temps de guerre est bien attesté. En fait, le mensonge est même davantage souligné que l’obligation de courage ».
Ce qui n’est pas tout à fait le cas dans certains cas d’emploi de la taqiya, par les musulmans, où le mensonge est utilisé alors même qu’il y a paix ou trêve depuis longtemps avec l’ex-ennemi.
Le verset 28 du chapitre 3 du Coran (« Que les croyants [les musulmans] ne prennent jamais pour alliés des infidèles [les non musulmans] plutôt que des croyants » est en effet ainsi commenté par Muhammad ibn Jarir at-Tabari (décédé en 923), auteur d’un commentaire classique du Coran qui fait autorité.
Si vous [les musulmans] vous trouvez sous leur autorité et que vous craignez pour vous, comportez-vous loyalement avec eux en paroles tout en gardant ans votre cœur de l’animosité contre eux… [sachez que] Dieu a interdit aux croyants l’amitié ou l’intimité avec les infidèles plutôt qu’avec d’autres croyants, sauf quand les infidèles sont placés au-dessus d’eux [en termes d’autorité]. Si c’était le cas, qu’ils agissent amicalement envers eux tout en préservant leur religion
Abou Ja'far Muhammad at-Tabari, Jami' al-Bayan 'an ta'ouil ayi'l-Qur'an al-Ma'rouf : Tafsir at-Tabari. Vol. 3, p. 267.
Sur ce même verset du Coran, Ibn Kathir (décédé en 1373), une autre autorité de premier plan, a écrit : « Quiconque, en quelque lieu et en quelque temps que ce soit, craint… qu’il lui soit fait du mal [par des non-musulmans] a le droit de se protéger par son attitude extérieure ». À l’appui de cette interprétation, il cite un proche compagnon de Mahomet, Abou Darda, qui disait : « Sourions à la face de certaines personnes alors que notre cœur les maudit ».
Imad ad-Din Isma'il Ibn Kathir, Tafsir al-Qur'an al-Karim. Vol. 1, p. 350.
D’autres auteurs de premier plan, comme Abou'Abdoullah al-Qourtoubi (1214-73) et Mouhyi'd-Din ibn al-Arabi (1165-1240), ont étendu la taqiya aux actions. Autrement dit, les musulmans ont le droit de se comporter comme des infidèles et même pires – par exemple en se prosternant devant des idoles ou des croix et en les adorant, en faisant de faux témoignages et même en révélant à l’ennemi infidèle les faiblesses de leurs frères musulmans, tant qu’ils ne vont pas jusqu’à vraiment tuer un musulman : « La taqiyya, même pratiquée hors de toute contrainte, ne conduit pas à un état d’infidélité – même si elle conduit à un péché méritant le feu de l’enfer ». Dieu n’est-il pas clément et miséricordieux ?
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Maeve.
D’où viennent ces envoyés ?
Parlez-moi de votre ambassade
Chez Cunocavaros/Conchobar du Carn
Attend-il à Emania
Ce roi des banquets ?
Ou vient-il pour se venger
Du vol de leur taureau ?
Les Ulates n’attendent pas
Il n’était ni pertinent ni raisonnable [de penser]
Qu’ils se contentent d’observer Breg
Ils vont se livrer à de gigantesques pillages
Jusqu’à ce qu’ils atteignent la mer
Jusqu’à ce qu’ils portent la désolation
Sur le territoire de Carpre Nia Fer.
Maeve.
Ils courront devant nous en s’enfuyant,
Et leurs têtes seront séparées de leurs corps
S’il sort de chez lui.
Moi je resterai sur mes terres
Sans faute et sans reproche
Car je pense que les Laginiens [du Leinster] suffisent
Face à cet homme-là.
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Si les fils de Magach doivent venir
Cette vaillante et hardie troupe de guerriers
Leurs tirs seront meurtriers
Lors de la bataille de Ros na Rig.
Maeve.
Si le roi de Macha vient ici
Il ne sera plus haut en couleur
Sa flotte de fortune (ratha) sera vaincue
Sa puissance anéantie.
Si ces troupes arrivent
Alors nous nous rassemblerons
Et notre armée agira comme un seul homme
Dans les vrais combats.
D’où viennent, etc.
Pour en revenir à Cunocavaros/Conchobar, il gagna donc avec toute la multitude de sa grande armée Accal Breg puis sligid Breg ? C’est là qu’Ailill le seigneur du pays le rencontra ensuite.
Bon maintenant, Cunocavaros/Conchobar, dit Ailill, qu’est-ce que cette immense armée qui est derrière toi et où as-tu l’intention d’aller comme ça ?
À Ros na Rig sur la claire et lumière rivière Boinne, répondit Cunocavaros/Conchobar.
Cet endroit n’est pas un lieu sûr pour toi, répondit Ailill, mais il est au contraire dangereux. Car les Gaulois et les Laginiens de Temair y sont arrivés avant toi.
Une de mes gessa est de toujours continuer mon chemin, répondit Cunocavaros/Conchobar. Une autre est de toujours livrer bataille quel que soit le nombre des ennemis.
Laisse-nous prendre position ici et y installer notre camp pour l’instant, poursuivit Cunocavaros/Conchobar. Bivouaquons ici et que nos tentes y soient montées. Que nos abris et nos cabanes y soient installés. Que l’on sorte nourritures et boissons. Que l’on prépare le dîner ainsi que les victuailles. Entonnons ici des mélodies des chansons gaies ainsi que des chants de louange.
Ils prirent donc position en ce lieu et leurs pavillons y furent dressés, leurs huttes et leurs tentes montées. Leurs feux de camp furent allumés, on s’occupa de préparer la nourriture et les boissons, des bains pour qu’ils puissent se laver furent préparés pour eux, et leurs cheveux finement peignés, ils furent minutieusement décrassés, prirent leur souper ainsi que des victuailles, et des mélodies des chansons gaies ainsi que des chants de louange furent entonnés.
Bon et bien maintenant, les Ulates, dit Cunocavaros/Conchobar, trouverons-nous parmi vous quelqu’un qui veuille bien aller en reconnaissance pour évaluer les forces de cette armée ?
J’irai, répondit Féic fils de Folloman fils de Fachtna Fathach.
Féic fils de Folloman fils de Fachtna Fathach s’en alla sur la colline fortifiée de la claire et lumineuse Boinne.
Là il commença de reconnaître et d’évaluer les forces de cette armée. Mais son esprit s’échauffa rapidement à leur sujet. Je vais maintenant revenir vers le nord, se dit Féic, à l’endroit où se trouvent les Ulates, et je vais leur dire que les troupes ennemies sont à mes trousses. Les Ulates vont venir du nord. Chacun d’entre eux va prendre sa position de bataille d’engagement et de combat. La gloire et l’honneur et me mérite de ce combat ne seront pas plus grands après ça pour moi que pour chacun de leurs simples soldats. Aussi pourquoi n’engagerais-je pas moi-même mon propre combat directement tout de suite ?
Et il traversa les eaux de la Boinne mais se perdit en voulant les contourner ??? Leur avant-garde fit sa jonction avec leur arrière-garde leur aile droite avec leur aile gauche et toute l’armée se mit à crier autour de lui.
Il n’osa pas du coup affronter cette immense armée, mais voulut repasser en sens inverse la rivière qu’il venait de traverser. Et là trois fois hélas pour lui ce n’est pas qu’il rata son saut dans la claire et lumineuse Boinne mais il y fit un saut malheureux. Il sauta malencontreusement là où l’eau était plus profonde qu’ailleurs, de sorte qu’une vague l’emporta et qu’il se noya puis fut laissé sans vie dans ce plan d’eau. Le souvenir de cet épisode dura et survécut longtemps après lui, car Piscine de Féic fut désormais le nom de l’endroit où il mourut noyé.
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Cunocavaros/Conchobar finit par trouver que cela faisait vraiment longtemps que l’homme était parti.
Bon alors les Ulates, s’exclama Cunocavaro/Conchobar, trouverai-je parmi vous quelqu’un qui veuille aller en reconnaissance pour évaluer les forces de cette armée ?
J’irai, répondit Daigi fils de Dega des Ulates.
Et il s’en alla sur la même colline qui dominait les rives de la claire et lumineuse rivière Boinne.
Il commença de reconnaître est d’estimer l’armée d’en face. Son esprit son caractère ainsi que son intelligence s’échauffèrent à leur sujet de la même manière, et il se dit en son for intérieur les mêmes choses. Je vais revenir vers le nord et je dirai aux Ulates les troupes ennemies sont à ma poursuite juste là derrière. Les Ulates arriveront du nord. Chacun d’entre eux prendra sa position de bataille d’engagement et de combat, et la gloire l’honneur ainsi que le mérite du combat ne seront pas plus grands pour moi que ceux de n’importe lequel de leurs simples soldats. Aussi vais-je plutôt aller affronter cette armée, afin d’être le premier à commencer le combat.
Il traversa la Boinne et se rua sans aucune précaution sur l’armée en face. Les troupes l’encerclèrent aussitôt de toutes parts, il fut mortellement blessé d’un coup de lance et fut donc ainsi abattu par eux.
Cunocavaros/Conchobar finit par trouver que cela faisait longtemps que ces deux hommes-là étaient partis.
Bon maintenant, Irgalach fils de Macclach fils de Congal fils de Rudraige, dis-moi qui est le plus à même d’aller en reconnaissance pour évaluer les forces de cette armée ?
Qui devrait y aller, répondit alors Irgalach, mais Iriel, bon guerrier aux grands genoux, fils de Conal le victorieux. C’est un Conall pour ce qui est de semer la destruction, un Hésus Cuchulainn pour ce qui est du maniement des armes. C’est un émule de Catubatuos/Cathbad notre si merveilleux druide pour ce qui est de l’intelligence et du bon conseil, c’est un Sencha fils d’Ailill pour ce qui est de la paix ou des bons discours, c’est un Celtchar fils d’Uthechar pour ce qui est du courage, c’est un Cunocavaros/Conchobar fils de Fachtna Fathach pour ce qui est de majesté ou de la hauteur de vues, de la générosité avec ses trésors ses biens ses richesses. Qui donc pourrait bien y aller à part Iriel ?
J’irai là-bas, dit alors Iriel.
Iriel se rendit sur la même colline qui dominait les rives de la claire et lumineuse rivière Boinne. Il commença de reconnaître et d’estimer les forces de l’armée opposée. Son esprit son intelligence et ses pensées ne s’échauffèrent en aucune façon. Ensuite il revint avec tous ces renseignements à l’endroit où se trouvait Cunocavaros/Conchobar.
Alors mon très cher Iriel ? demanda Cunocavaros/Conchobar.
À dire vrai, répondit ce dernier, il m’a semblé qu’il n’y avait pas un gué de rivière, ni une pierre sur les collines, ni une chaussée, ni une route, sur les territoires de Breg et de Mide, qui ne soit plein de leurs attelages de chevaux et de leurs écuyers. Il m’a semblé que leurs vêtements leurs tenues et leurs habits flamboyaient dans la plaine comme un magnifique château.
Cunocavaros/Conchobar d’exclama :
Est-ce vrai ce que cet homme déclare
O valeureux Iriel aux genoux blancs
Trois bataillons sur la plaine à notre gauche
Qui nous attendent de pied ferme ?
Ils sont en embuscade devant toi
Dans le bois autour duquel la Boine fait un méandre (ross)
Trois bataillons du clan des Derg
Les armes flamboient comme du feu à travers toute la plaine.
Les guerriers qui sont allés pour nous
Reconnaître les forces ennemies
Ne reviendront plus ici, à cause de leur excès d’orgueil (miad nar lac).
C’est sûr, voilà tout ce que l’on peut dire !
Est-ce vrai, etc.
Bien, ô, Ulates, dit alors Cunocavaros/Conchobar, que nous conseillez-vous de faire à propos de l’engagement des nôtres ?
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Notre avis, répondirent les Ulates, est d’attendre que le gros des troupes nos champions nos chefs nos commandants et nos auxiliaires dans les batailles, arrivent.
Ils n’étaient pas là depuis longtemps à attendre et à patienter sur place qu’ils virent arriver trois guerriers à char venant sur eux, ainsi qu’une troupe de douze centaines d’hommes avec chacun des cochers. Ceux qui arrivaient ainsi c’étaient des hommes de l’art des Ulates, à savoir Catubatuos/Cathbad notre si merveilleux druide, Aithern l’importun et Amorgen un autre homme de l’art.
Bon et bien maintenant ô guerriers, demanda Cunocavaros/Conchobar, quel est votre conseil pour nous ?
Notre avis, répondirent-ils, est d’attendre que le gros de nos troupes nos champions et nos chefs et nos seigneurs et nos auxiliaires dans la bataille arrivent
Donc ils attendirent.
Ils n’attendirent pas longtemps et ils n’eurent pas longtemps à patienter, avant de voir arriver trois autres guerriers à char, accompagnés d’une troupe de treize centaines d’hommes avec chacun des cochers. Ceux qui arrivaient c’étaient en fait Eogan fils de Durthacht, Gaine fils de Daurthacht et Carpre fils de Daurthacht.
Quel est votre conseil pour nous, ô guerriers ? demanda Cunocavaros/Conchobar.
Notre avis, répondirent-ils, est d’attendre que le gros des troupes nos champions nos chefs nos seigneurs et nos auxiliaires dans la bataille arrivent.
Ils attendirent donc.
Ils n’attendirent pas longtemps et ils n’eurent pas longtemps à patienter, avant de voir arriver trois autres guerriers à char, accompagnés d’une troupe de treize centaines d’hommes avec chacun des cochers. Ceux qui arrivaient c’étaient les trois fils de Connad le jaune, fils d’Illiach, à savoir Loegaire le Victorieux, Cairell le destructeur ainsi qu’Aed aux fabuleux exploits. Une troupe de quatorze centaines d’hommes accompagnant chaque cocher.
Quel est votre conseil pour nous, ô guerriers ? demanda Cunocavaros/Conchobar.
Notre avis, répondirent-ils, est d’attendre que le gros de nos troupes nos champions nos chefs nos seigneurs et nos auxiliaires dans la bataille arrivent.
Nous n’avons pas prévu ça pour vous, ô guerriers. Car il y a un tiers de l’armée des Ulates ici, et il n’y a qu’un tiers de l’armée des Irlandais ici en face, répliqua Cunocavaros/Conchobar. Qu’est-ce qui nous empêche de livrer bataille ?
Cunocavaros/Conchobar se leva donc et enfila ses habits de guerre ainsi que sa tenue de combat puis ils se mirent à traverser la rivière et l’autre armée les attaqua donc alors qu’ils essayaient de traverser les eaux de la Boinne. Chacun se mit à frapper de taille et d’estoc l’autre, à tuer ou abattre, jusqu’à ce que les Ulates finissent par ne plus ressembler à rien à ce moment-là si ce n’est à une grande et vigoureuse chênaie au beau milieu de la plaine, encerclée par une grande armée, son taillis et ses baliveaux (jeunes arbres) à terre déjà et n’ayant plus debout que ses grands chênes les plus vigoureux. Autrement dit tous leurs jeunes écuyers débutants et leurs jeunes auxiliaires abattus, de sorte qu’il ne restait plus que leurs champions leurs guerriers les plus expérimentés ainsi que leurs grands héros les plus courageux derrière. Mais n’étant plus épaulés ni soutenus par leurs jeunes écuyers débutants une brillante confrontation digne d’un grand roi éclata aussi au nord du champ de bataille.
Innochain, le bouclier de Cunocavaros/Conchobar, fut alors frappé durement et se mit à gémir : les Trois Vagues de la verte Erin grondèrent, la Vague de Clidna la Vague de Rudraige ainsi que la Vague de Tuag Inbir, de sorte que les boucliers des Ulates se mirent eux aussi à gémir au même moment, ceux qui étaient sur leurs épaules et ceux qui étaient restés dans leurs chars.
Les jeunes Ulates commencèrent à battre en retraite. Et Conall fit alors son apparition sur le champ de bataille devant les troupes en fuite. Comme il eût été nécessaire de voler pour être plus rapide que les chevaux de Conall ce jour-là, aucun des Ulates n’osa pousser ses chevaux ou son char au-delà de l’endroit où il se trouvait ????????
Les jeunes guerriers (glasláth) des Ulates voyaient Conall se dresser devant eux à chaque fois et s’arrêtèrent de fuir, car ils n’attendaient que ça ????????? Comme un abri de buisson, une couronne de laurier ou une main protectrice fut alors Conall pour eux. Ils savaient en effet qu’il n’y avait plus pour eux aucune possibilité de fuir là où apparaissait la face de Conall ???????????
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Ils se rendirent alors dans les bois proches d’eux, coupèrent des branches de chêne bien vert puis les mirent entre les mains de chacun, ils les ébranchèrent afin de pouvoir les manier puis brandirent ces bâtons de chêne devant eux et suivirent Conall afin reprendre leur place dans la bataille.
Mais il arriva que le roi des Ulates recula lui aussi alors de trois pas en direction du nord. Cunocavaros/Conchobar regarda soigneusement derrière lui et vit la face de Conall s’approcher.
Et bien ô Conall, s’exclama Cunocavaros/Conchobar, le sort de bataille dépend maintenant de toi de ton intervention et de ta protection.
Je t’en donne ma parole, répondit Conall, qu’il serait plus facile de livrer bataille moi-même de loin que d’arrêter cette déroute.
Mais il est pourtant désastreux pour le roi de n’importe quelle province au monde de se retrouver seul en pleine débâcle devant l’assaut final [de ses ennemis].
Et c’est ainsi que Conall se comportait alors en prononçant les paroles suivantes.
Déconfiture d’un homme ???
Déroute débandade ???????
La défaite sur la face ??????
Des jeunes ??????????????
Des auxiliaires sans armes
Ardeur guerrière
Massacre
Négligence de vellède (féile = file = voyant ?)
Fuite éperdue ???
Cri de détresse
Déconfiture de tous
Déconfiture d’un homme, etc.
Conall sortit sa longue épée acérée de son fourreau de bataille et se mit à jouer de la petite musique de son glaive sur les troupes ennemies. Le sifflement (rucht) de l’épée de Conall fut entendu de tous les bataillons dans chaque camp à ce moment-là. Dès qu’ils entendirent la petite musique de l’épée de Conall, leurs cœurs tremblèrent, leurs yeux se troublèrent, leurs visages pâlirent et chacun d’eux revint reprendre sa place sur le champ de bataille et réoccuper sa position dans la mêlée.
C’est alors qu’en regardant derrière lui Conall vit arriver Mes Dead fils d’Amorgen.
Bien ô mon très précieux Mes Dead, s’exclama Conall, le sort de la bataille dépend désormais de toi, de ton intervention et de ta protection.
Faire quelque chose dans les circonstances présentes revient à quasiment affronter les flots avec sa seule poitrine, répondit Mes Dead.
C’est alors qu’en regardant et observant minutieusement derrière lui Mes Dead fils d’Amorgen vit approcher de lui Anruth le grand, fils d’Amorgen.
Le sort de cette bataille dépend désormais de toi, de ton intervention et de ta protection, ô grand Anruth fils d’Amorgen, s’exclama Mes Dead, moi j’ai jeté toute ma fureur guerrière dans un ultime assaut ??? sur les troupes ennemies.
Faire quelque chose dans les circonstances présentes revient à tirer une flèche sur un rocher, répondit Anruth le grand fils d’Amorgen.
Anruth le grand fils d’Amorgen regarda derrière lui et vit Feithen le grand, fils d’Amorgen.
Bien ô Feithen le grand fils d’Amorgen, le sort de la bataille dépend désormais de toi, de ton intervention et de ta protection, moi j’ai jeté toute ma fureur guerrière dans un ultime assaut ???sur les troupes ennemies.
Le grand Feithen fils d’Amorgen regarda derrière lui et vit le petit Feithen fils d’Amorgen qui arrivait.
Le sort de la bataille dépendra de ton intervention et de ta protection, ô petit Feithen, fils d’Amorgen, s’écria le grand Feithen. J’ai jeté toute ma fureur guerrière dans un ultime assaut contre les troupes ennemies.
Faire quelque chose dans ces circonstances revient à se frapper la tête contre les murs ou une falaise, répondit le petit Feithen.
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Le petit Feithen regarda derrière lui et aperçut Aithirne qui arrivait.
Le sort de la bataille dépend de toi, ô Aithirne l’importun, s’exclama le petit Feithen, tant que je n’aurai pas épuisé ma fureur guerrière dans un ultime assaut ???? sur les troupes ennemies.
C’était en effet un droit qui me revenait [répondit Aithirne] un privilège sur tout autre homme, quel qu’il puisse être.
C’est alors qu’Aithirne l’importun aperçut le Hésus Cuchulainn qui arrivait.
Le sort de cette bataille dépend maintenant uniquement de toi, ô Hésus Cuchulainn, dit Aithirne l’Importun.
C’est bien là une tâche qui m’incombait, répondit le Hésus Cuchulainn. Ça revient donc à me le demander ???
Mais je t’en donne ma parole, poursuivit le Hésus Cuchulainn, aucun des Ulates ne pourra m’avoir en face de lui en dehors de ce champ de bataille sans que je le frappe aussi fort que si je tapais sur des Irlandais.
Ensuite le Hésus Cuchulainn donna sur les armées un coup de son bâton (lorgfertais) qui remit à niveau leurs forces en rétablissant ainsi l’équilibre entre elles???
Ci-dessous les exploits de Conall.
Il plongea dans la mêlée des ennemis et joua de la petite musique de son épée sur eux, jusqu’à ce que dix centaines d’hommes armés soient abattues par lui. Caipre Nia Fer l’entendit, cette petite musique de l’épée de Conall Cernach, et il ne la supporta pas du tout aussi s’avança-t-il donc à la rencontre de Conall le Victorieux, il l’affronta bouclier contre bouclier, au corps-à-corps et face à face, chacun d’entre eux commença de frapper ou de taper sur l’autre, jusqu’à ce que l’on entende résonner un puissant coup de la lame d’épée de Conall, asséné sur le bouclier de Carpre Niafer.
Les trois vellèdes du roi de Temair arrivèrent à son secours afin de l’aider, à savoir Eochaid le lettré, Diarmat le mélodieux ainsi que Forgall le juste, et ils poursuivirent le combat contre Conall. Conall les regarda et leur dit.
Je vous en donne ma parole, si vous n’étiez pas des véllèdes et des hommes de l’art (filid & áes dána) vous seriez déjà morts et votre entreprise aurait eu de par mes propres mains une issue fatale depuis longtemps, mais puisque vous vous battez pour votre prince et votre seigneur, quelle raison aurais-je de ne pas le sanctionner comme il convient maintenant ? Et il leur asséna un grand coup du bâton de combat qu’il avait dans les mains, si violent qu’ils en furent décapités.
C’est alors qu’arriva une troupe composée de quinze centaines de Laginiens de Temair, qui s’interposa entre Conall et Carpre Nia Fer, ils l’évacuèrent et le mirent [en sécurité] au beau milieu de leur propre bataillon. Conall commença de frapper cette armée férocement et furieusement, sans peur, voire comme un fou. De sorte qu’il les chassa de devant lui, éparpillés ou dispersés de toutes parts. Dix centaines d’entre eux tombèrent sous ses coups au beau milieu de la bataille.
Le roi de Temair entendit tout cela et ne put supporter d’entendre ainsi le sifflement de l’épée de Conall ; aussi avança-t-il au cœur de la bataille, et huit centaines de très braves héros tombèrent sous ses coups, il atteignit la place où se trouvait Cunocavaros/Conchobar, et ce fut avec lui bouclier contre bouclier, corps à corps et face à face. Il asséna un coup de son bouclier sur Cunocavaros/Conchobar, c’est-à-dire sur Ochain le bouclier de Cunocavaros/Conchobar. Et comme ce dernier se mit aussitôt à rugir, les boucliers de tous les Ulates se mirent eux aussi à mugir.
Et bien en vérité, Ulates [s’exclama Cunocavaros/Conchobar], nad fetarsa cosindiu ar bad chalmu in Galian Lagen na Lúagni na Temrach andathisi, je ne savais pas jusqu’à aujourd’hui que les Gaulois du Leinster ou les Laginiens de Temair étaient plus braves que vous.
Loegaire le Victorieux, fils de Connad le jaune, fils d’lliach, vint avec une troupe de trois centaines de guerriers, afin de poursuivre le combat contre Carpre Nia Fer. Et Fintan fils de Niall aux grands exploits arriva également avec une troupe d’une centaine de guerriers pour soutenir le combat contre Carpre Nia Fer. Mais alors arrivèrent trente centaines de Gaulois et de Laginiens de Temair, Caipre Nia Fer fut évacué par eux et mis [en sécurité] au beau milieu de leur bataillon.
Ensuite le Hésus Cuchulainn se mit à recherche des troupes ennemies et de Carpre Nia Fer. Il alla l’affronter et ce fut avec lui bouclier contre bouclier, corps à corps et face à face.
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Caipre Nia Fer usa de sa force contre le Hésus Cuchulainn en se saisissant avec les mains de son arme et en l’envoyant ????? voler par-dessus le bataillon de Gaulois. Mais le Hésus Cuchulainn passa au travers d’eux sain et sauf ?????
Loeg fils de Riangabair vint le retrouver avec à la main les armes infernales qui appartenaient au Hésus Cuchulainn, c’est-à-dire la Cruadin à la dure pointe et la terrifiante Duaibsech, autrement dit son propre javelot. Le Hésus Cuchulainn le brandit en arrière, ajusta, visa, et le lança ensuite d’un seul jet droit sur Carpre Nia Fer : le javelot s’enfonça dans son sein et sa poitrine, lui perça le cœur derrière les côtes, et lui fendit même le dos en deux. Son corps n’avait même pas encore touché terre que le Hésus Cuchulainn avait bondi sur lui et lui avait coupé la tête. Ensuite il brandit ladite tête en direction des troupes ennemies.
Sencha fils d’Ailil se leva enfin et agita sa craib sída (baguette magique ??? rameau d’olivier ??? branche de paix), les Ulates s’immobilisèrent aussitôt. Quant aux Gaulois ils se placèrent sous le commandement de Finn fils de Ross et protégèrent leurs arrières. Mais Iriel qui excelle dans le maniement des armes, au grand genou, fils de Conall le Victorieux, les poursuivit. Et il commença de frapper de taille et d’estoc l’armée qui s’éparpillait vers le sud dans toutes les directions. C’est alors que Fidach la fureur du bois de Gaible se retourna contre lui et l’affronta en lui livrant bataille et combat sur un gué.
Cette incursion que les Ulates font dans notre direction va vraiment loin, s’exclama l’armée des Laginiens. D’où le nom depuis de cette rivière : Rigi Lagen arinn abaindsin (la Rye).
Ensuite les Ulates marchèrent sur Tara cette nuit-là, ils y restèrent jusqu’à la fin des sept jours de la semaine. Et à la fin d’une semaine donc, ils entendirent le roulement des chars, le bruit des sabots des chevaux, le grincement des suspensions ? (tetimnech na tét) le glorieux cliquetis des épées (glondbéininech na claideb), le noble brouhaha ou tintamarre (muadmuirn) d’une vaste armée, approchant de la place. Celui qui arrivait c’était en fait Erc le fils de Carpre, mais aussi de Fedelm la neuf fois belle, fille de Cunocavaros/Conchobar.
Bien mon fils, lui dit Cunocavaros/Conchobar, reçois ma bénédiction et sois-moi obéissant.
C’est ainsi qu’il lui parla et à cette occasion il prononça les paroles suivantes.
Accepte ma bénédiction, et sois-moi obéissant,
Ne t’élève pas toi-même contre nous.
Si tu opposes la force à la force en ce qui nous concerne
Je suis certain que tu succomberas devant nous.
Ne fais pas la guerre à l’insurpassable (cless) chien de Culann.
Ne cherche pas querelle à la race de tes ancêtres,
Afin de ne pas te retrouver amputé en matière de territoire
Comme le fut Carpre Niafer.
C’est là une des gessa (interdictions magiques) du roi de Temair à l’est
Depuis le règne de Cermna, sans mentir
Sa triste histoire est connue un peu partout
Donc ne jamais jamais combattre contre nous de quelque façon que ce soit
Accepte, etc.
La paix fut par conséquent conclue entre Erc [petit] fils de Carpre donc et le Hésus Cuchulainn, la fille du Hésus Cuchulainn, Finscoth, lui fut donnée pour épouse. La semaine s’étant écoulée ils retournèrent sur les lieux où mourut Carpre, sur la rive de la Boinne.
Nous sommes arrivés là un jour, dit Cunocavaros/Conchbar, et ce fut alors une triste affaire pour celui qui était en face, c’est-à-dire Carpre Nia Fer, ce fut [pour commencer] une vaine lutte contre lui, s’il n’y avait pas eu Conall, c’est nous qui aurions été vaincus. Et il prononça les paroles qui suivent.
Alors que nous étions un beau jour
Dans le pays de Temair au sud de la Boinne
Il y a eu un affrontement sur la colline fortifiée
Nos chefs furent terrorisés
S’il n’y avait pas eu Conall le victorieux au regard qui louche
Nous aurions été vaincus.
Sur la plaine de ce côté-ci
C’est là qu’il a pris position.
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Il ne servit à rien d’affronter
Ou de repousser Carpre do chlár fiss ?
Nombreux furent ceux qu’il défit
Jusqu’à ce jour qui vit sa fin.
Alors que nous étions, etc.
Ils revinrent à Temair.
Il a joué un grand rôle assurément celui qui était ici avec ses frères. L’Irlande fut à eux. Et il ajouta ce qui suit.
Les trois fils du roi Ross Ruad
Ont tenu pendant quelque temps cette terre grâce à leurs bataillons
Finn dans sa forteresse ??? d’Alenn Ailill à Cruachan,
Carpre au nord dans la Temair de Breg
Ils avaient l’habitude d’accomplir tous leurs faits d’armes ensemble
Ces trois frères, à chaque combat
Ils avaient coutume de livrer bataille ensemble
Ba crithail óen mucci leo ?????????
C’étaient trois précieux piliers de toutes batailles
Sur leur colline toujours fortement défendue
Il y a maintenant un grand vide dans leur rassemblement guerrier
Depuis que le troisième fils est tombé.
Les trois fils, etc.
De là l’expédition et la bataille de Findchora, la navigation des gens du Connaught et la bataille des jeunes.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 4.
Gigantesque pillage. Il semble bien que le pillage ait été une activité fort prisée des Celtes antiques comme de beaucoup d’autres peuples d’ailleurs. Les premiers musulmans réfugiés à Yathrib/Médine s’y sont eux-mêmes adonnés, pour de très bonnes raisons au début (en 622). La petite communauté installée à Yathrib/Médine était pauvre à ce moment-là (puisqu’ayant dû laisser tous ses biens immobiliers à La Mecque. Et la solidarité de leurs sympathisants ou alliés vivant à Yathrib/Médine avait ses limites). Les premières expéditions de pillage furent d’ailleurs très modestes et même pour certaines d’entre elles désavouée par Mahomet lui-même dans un premier temps.
Les saraya (siriya au singulier) au départ en effet n’étaient nullement des djihads, et n’avaient pas pour but de combattre au nom de Dieu. Elles répondaient à des nécessités purement économiques, et ne visaient qu’à se procurer des ressources au détriment des Mecquois, en interceptant leurs caravanes. Ces commandos étaient composés chacun d’une poignée d’hommes très peu armés. Ce fut Hamza, l’oncle de Mahomet, qui fut chargé, avec 30 cavaliers, de mener ces premières opérations entre Yathrib/Médine et La Mecque. Ils partirent en direction de la côte et à Saïf al Bahr rencontrèrent un détachement de 300 cavaliers bédouins ou mecquois, commandés par Amir ibn Hicham (« Abou Jahl »), en train de bivouaquer. Un dénommé Majdi ibn Amr al-Juhani évita de justesse l’affrontement, et les musulmans, commandés par Hamza, se replièrent. Mahomet fit un nouvel essai avec son oncle ou cousin Sad Ibn Abi Ouaqqas, sans beaucoup plus de succès. Un peu de butin pris à l’ennemi, mais aucune caravane.
Mahomet entreprit alors de négocier avec certaines tribus, afin d’avoir de quoi vivre tout en mettant sur pied une sorte de blocus économique contre La Mecque : les Ghaffar, une tribu ayant la réputation de s’attaquer un peu trop souvent aux caravanes, les Banou Damrah et les Banou Mudlidj. Les Banou Mudlidj n’acceptèrent que pour participer au pillage des caravanes couraïchites, et en aucune façon pour des raisons religieuses. Pour les Ghaffar, par contre, ce fut peut-être différent, vu le rôle qu’y joua un nommé Abou Zarr. Abou Zarr croyait en l’unicité de l’Être supérieur et refusait d’adorer
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d’autres dieux avant même l’avènement de l’islam (enfin, d’après les auteurs que nous avons consultés, mais il était peut-être simplement hénothéiste, ou plus ou moins chrétien comme beaucoup de Mecquois tels Ouaraka ibn Naoufal le cousin de Khadidja). Après son ralliement à Mahomet, ce dernier l’avait rebaptisé Abdoullah puis lui avait demandé de retourner dans sa tribu pour y prêcher son message, et il avait réussi à convaincre aussi bien sa famille que sa tribu et son chef. La première prière collective musulmane (Salat al-djamaa) fut peut-être d’ailleurs récitée chez eux. Quand Mahomet s’était installé à Yathrib/Médine, Abou Zarr avait alors quitté sa maison et sa tribu pour le suivre.
Tout cela changea néanmoins lorsqu’une siriya conduite par Abdallah ibn Jahch, à la fin du mois de radjab, un des mois sacrés où il était interdit de combattre, se termina en accrochage, à Nakhla, un vallon situé entre La Mecque et Taïf.
Décembre 623 donc, à Nakhlah, douze musulmans attaquent une caravane de La Mecque. Ils abattent un homme d’une flèche, font deux prisonniers, et ramènent un butin consistant, dont ils remettent un cinquième à Mahomet.
L’affaire fait grand bruit à Yathrib/Médine voire dans toute la région, car cette attaque avait eu lieu durant une période de trêve sacrée.
Mahomet désapprouve dans un premier temps ses disciples. Ils sont consternés… mais une révélation divine viendra fort opportunément les réconforter (chapitre 2, verset 217). Ce chapitre précise qu’il est, certes, répréhensible de combattre pendant les périodes de trêve religieuse, mais qu’il est pire de se tenir en dehors du droit chemin de Dieu, comme les « polythéistes » de La Mecque.
Remarquons au passage que ce qui est vraiment étonnant dans le Coran c’est de voir à quel point à partir de Yathrib/Médine les interventions divines répondent très précisément aux préoccupations matérielles immédiates de la première communauté musulmane, et au premier chef de son prophète. Alors que ce n’était pas aussi évidemment et aussi fréquemment le cas lors de la période mecquoise.
En ce qui nous concerne nous autres très sachants de ce siècle, nous disons qu’il est mieux que chaque peuple arrive à se débrouiller pour vivre en autarcie en ce qui concerne les produits de première nécessité. Chaque peuple doit pouvoir vivre ou survivre avec les produits de son sol, poussant naturellement sur son sol ou avec un minimum d’efforts, et il est anti écologique de faire venir de l’autre bout du monde de la nourriture de base, voire exotique, quand cela dépasse certaines limites. Il faut produire et consommer local (être locavore) et des fruits de saison ! Il est aberrant par exemple d’exporter des poulets surgelés en Afrique alors qu’il y en a d’excellents sur place. L’immense avantage d’une telle philosophie économique (celle des locavores) est qu’elle contribue efficacement à lutter contre le réchauffement climatique et qu’elle conforte l’indépendance des peuples qui peuvent ainsi en cas de crise tenir des mois voire des années. Et si penser une telle chose c’est être contre la mondialisation alors nous sommes contre la mondialisation. Penser que certains pays certains peuples n’auraient que des tâches nobles comme les métiers d’ingénieurs ou le tourisme et que d’autres se contenteront volontiers du rôle d’usine du monde… est stupide, car tant que le travail manuel n’aura pas réellement été revalorisé à l’égal du travail intellectuel, alors tout pays tout peuple aspirera fort légitimement à n’avoir que de nobles tâches conférant une place de choix dans la société. J’ajouterai pour finir que croire un seul instant que ces peuples n’arriveront jamais de toute façon à disposer d’intellectuels en nombre suffisant est une aberration typiquement raciste. Ces peuples sont eux aussi bien entendu capables d’avoir des ingénieurs comparables aux nôtres, les seuls freins pouvant être dans ce cas d’ordre culturel (ou religieux). Il est évident par exemple qu’une civilisation ignorant l’écriture ou l’usage du zéro, etc. serait aujourd’hui handicapée par rapport aux civilisations ayant intégré ces inventions indiennes ou mésopotamiennes. Alors non à la mondialisation bêtement massive, oui à une mondialisation tranquille, à petite dose, et sélective (une osmose en quelque sorte et non un phénomène invasif brutal et massif). Comme cela s’est toujours fait d’ailleurs jusqu’au XIXe siècle (la diffusion de l’usage de la roue et de la domestication du feu sont bien des premiers exemples de mondialisation, non ? Et ce que les Croisés ont rapporté d’Orient au Moyen-âge aussi, non ?).
NB. Le sucre, l’aubergine, le riz, le safran, l’abricotier, le grenadier… la liste est longue !
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Accal Breg puis sligid Breg ? Il franchit la montagne de Breg qui servait de frontière ??
La geis (pluriel gessa) est une obligation ou une interdiction d’essence surnaturelle, une sorte de sort qu’il est très difficile, voire dangereux de rompre, car elle fait partie de la justice immanente ou des nombreuses causes secondes que l’on regroupe habituellement sous le nom de Destin : Tocad (ou Tocade si on veut le mettre au féminin, car il n’y a effectivement aucune raison de considérer le Destin comme étant masculin plutôt que féminin. Nous laissons ce genre d’anthropomorphisme puéril aux monolâtres juifs chrétiens ou musulmans). Nous y reviendrons, car il semble bien que ces gessa soient le dernier avatar d’une vaste entreprise de moralisation de la société. Néanmoins il est possible en l’occurrence que Cunocavaros/Conchobar ait tout simplement raconté n’importe quoi.
Des chants de louanges. Il ne s’agit pas bien entendu de louanges à la gloire de Dieu, mais de poèmes chantés par les bardes et dans lesquels il est dit que Cunocavaros/Conchobar est le plus beau le plus fort le plus grand, etc. Le contraire est appelé une « satire ». Les bardes errants jouaient ainsi un très grand rôle dans l’établissement ou dans la ruine de la réputation des uns ou des autres comme le prouve l’anecdote relative au grand roi arverne Luernios (une sorte de Cunocavaros/Conchobar continental).
Athénée. Les deipnosophistes. Livre IV. Chapitre XXXVII.
Et Posidonios de continuer en relatant les richesses de Luernios le père de Bituitos qui fut vaincu par les Romains. Il écrit : « afin de devenir un des hommes les plus influents de son peuple, il avait l’habitude de conduire en char dans la plaine, et de jeter de l’or et de l’argent aux myriades de Celtes qui le suivaient ; un jour il fit enclore un espace de douze stades carrés, dans lequel il fit installer des cuves qu’il fit remplir de boissons de grand prix, et qu’il avait fait préparer une si grande quantité de nourriture que pendant de nombreux jours chacun eut la possibilité de venir y manger de ce qu’il voulait de ces mets, le service étant assuré sans interruption. Un jour que ce prince avait donné un grand festin à une date déterminée à l’avance, un poète de chez ces tribus barbares arriva trop tard et, le croisant sur la route, chanta un poème dans lequel il exaltait sa magnificence, tout en se lamentant sur sa malchance d’être arrivé trop tard. Cette ode plut beaucoup à Luernios, il demanda une bourse pleine de pièces d’or et lui jeta aussitôt alors qu’il courait à côté de son char. Ce dernier après l’avoir ramassée se mit à proclamer en chantant que des sillons creusés dans la terre là où le char passait, sortaient des moissons de bienfaits pour les hommes ». Tels sont les faits et gestes des Celtes rapportés par Posidonios dans le vingt-troisième livre de son Histoire.
Le clan des Derg. Vraisemblablement des Laginiens du Leinster.
Catubatuos/Cathbad. Sur la participation des druides à certains (pas tous) combats de leur peuple, voir nos contre-lais précédents. Ils agissaient ainsi par patriotisme et nullement pour des raisons religieuses, sauf exception (ver sacrum). Ce n’était pas un djihad comme en terres d’islam (Dar al islam).
N.B. Les quatre écoles sunnites de jurisprudence sont en effet d’accord pour considérer que « le djihad, c’est lorsque les musulmans font la guerre aux infidèles, après qu’ils les ont appelés à embrasser l’islam ou au moins à payer le tribut [jizya] et à vivre sous protectorat, et qu’ils ont refusé ».
Saint Coran chapitre 8, verset 39 : « Combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’affrontements religieux (guerre civile, désordre) et qu’il n’y ait pas d’autre religion que celle de Dieu. S’ils cessent, Dieu s’en apercevra ».
Saint Coran chapitre 9, verset 29 : « Combattez ceux qui, bien qu’ayant reçu les saintes Écritures ne croient pas en Dieu, au jour dernier [fin du monde et jugement dernier], qui ne considèrent pas comme illicite ce que Dieu et son messager ont déclaré illicite, et ne pratiquent pas la religion de la vérité (?), jusqu’à ce qu’ils paient, humiliés, de leurs propres mains, le tribut [des dhimmis]».
La paix avec les nations non musulmanes (Dar al harb) n’est donc qu’une situation provisoire ; seul le hasard des circonstances peut la justifier temporairement ».
Une chênaie. L’image est celle d’une grande forêt vierge ou dense transformée en futaie par des bûcherons ayant abattu tous les taillis et tous les jeunes arbres (baliveaux). La situation est donc très claire : l’armée ulate est taillée en pièces. C’est la débandade la déroute et les Ulates s’en fuient dans toutes les directions.
Les trois vagues Ochainn et les boucliers. Pour répondre à la question que se posait à ce sujet le père jésuite Edmond Hogan en 1892, indiquons qu’à notre avis ceci est une lointaine réminiscence de
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l’antique conception druidique selon laquelle la terre était analogue à un bouclier bombé flottant sur un océan primordial : les trois ou neuf vagues (d’où l’image du serpent géant cornu à tête de bélier enserrant la terre de ses anneaux). Ce qui affecte les vagues (le serpent à tête de bélier) affecte la terre (le bouclier bombé). Ensuite par glissement de sens « affecte tous les boucliers ulates ». Image sans doute utilisée pour suggérer un cataclysme extraordinaire.
On objectera peut-être à cette hypothèse que les druides irlandais ont toujours considéré que la terre était ronde comme l’atteste l’usage du terme cruind (crundnios) pour désigner la terre et le titre même du livre de Dicuil consacré à ce sujet vers 825 : De mensura orbis terrae.
Peut-être ! Mais ne serait-ce pas un peu trop beau pour être vrai ? Il est vrai que la découverte de la machine d’Anticythère en 1900 montre bien que certains milieux païens de l’Antiquité étaient arrivés à un degré de connaissance stupéfiant avant que ne s’abattent sur l’Occident les ténèbres du christianisme médiéval.
Ils coupèrent des branches de chêne… il s’agit donc cette fois-ci de se servir de bâtons pour continuer la lutte.
Anruth. Un des grades de l’ordre druidique. Celui qui vient immédiatement après docteur (Ollam). Du moins dans l’organigramme tel qu’on peut le reconstituer ci-dessous.
Étudiant, élève, disciple : dalta. Degré zéro. Symbolisation : 1 pomme.
Comrunos (irlandais oblaire, vieux celtique aballarios). Première leçon apprise, premier degré, connaissance équivalant à sept textes. Symbolisation : 2 pommes.
LES SIMPLES VATES VELLÉDES OU GUTUATRES (FÉMININ GUTUMATRES), NON-DRUIDES (DOERBARD).
Taman, deuxième leçon apprise, deuxième degré, connaissances équivalant à dix textes. 3 pommes.
Drisac, troisième leçon apprise, troisième degré, connaissances équivalant à vingt textes. 1 palme de bronze.
Fochloc (apprenti), quatrième leçon apprise, quatrième degré, connaissances équivalant à trente textes. 2 palmes de bronze.
LES VATES VELLÉDES OU GUTUATRES/GUTUMATRES… LIBRES, MAIS NE POUVANT AVOIR D’ÉLÈVES (SOERBARD).
Mac Fuirmid (fils de l’apprenti : en fait cresson), cinquième leçon apprise, cinquième degré, connaissance équivalant à quarante textes. 3 palmes de bronze.
Doss (arbrisseau), sixième leçon apprise, sixième degré, connaissances équivalant à cinquante textes. 2 palmes de bronze 1 palme d’argent.
Cana, septième leçon apprise, septième degré, connaissances équivalant à soixante textes. 1 palme de bronze deux palmes d’argent.
Ekes *, huitième leçon sue, huitième degré, connaissances équivalant à soixante-dix textes. 3 palmes d’argent.
Clitos (poutre) interrogateur, neuvième leçon sue, neuvième grade, connaissance équivalant à quatre-vingts textes. 2 palmes d’argent 1 palme d’or.
Anderatacos, illuminateur (gaélique anrad, anruth) dixième leçon sue, dixième grade, connaissances équivalant à cent soixante-quinze textes. 1 palme d’argent 2 palmes d’or.
Ollamos, docteur, onzième leçon sue, onzième grade, connaissances équivalant à trois cent cinquante textes. 3 palmes d’or.
LES DRUIDES DRUIDES… LIBRES ET POUVANT AVOIR DES ÉLÈVES DE DÉBUT DE CYCLE.
Sui : Sui littri ou plus exactement sui druidecht bien entendu, grand sage, douzième leçon sue, douzième grade, connaissances équivalant à sept cents textes. Hors classe et hors fonction. Trois barrettes/baguettes de coudrier ou noisetier rouge.
N.B. « Tous ces druides obéissent à l’un d’entre eux, celui qui parmi eux a la plus grande autorité. À sa mort… si plusieurs paraissent avoir des compétences égales, ils s’affrontent pour obtenir ce pouvoir par le suffrage » (César. B.G. Livre VI, 13-14).
* Ekes (« poète ») c’est-à-dire ecsmacht-ces (« qui ne rencontre pas de difficulté »), celui qu’aucune difficulté ou impossibilité ne peut arrêter ; ou encore celui pour qui rien n’est difficile. D’où son nom :
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nemces (« sans difficulté ») ou ecsmachtces (« qui ne rencontre pas de difficulté »). Du moins en Irlande. Mais c’est un peu dithyrambique.
Lorgfertais est un terme gaélique désignant soit un bâton de combat ou un élément de char (un timon, un essieu ?) utilisé comme arme.
Les trois vellèdes. Donc encore une fois certains membres de l’ordre druidique pouvaient aussi combattre les armes à la main, un peu comme des aumôniers qui n’hésiteraient pas une seconde à tirer pour dégager leur capitaine encerclé dans un combat désespéré.
Temair. Ainsi que déjà signalé plus haut il s’agit de la Tara des Laginiens, mais il semble bien qu’il y en ait eu plusieurs, d’où notre prudence.
Gauls Laginians Loegaire Fintan… C’est beaucoup moins évident que dans le cas de la bataille de Waterloo (qui fut la plus belle des victoires de Napoléon si on met de côté le dernier quart d’heure).
Le moins que l’on puisse dire c’est que tout cela est un peu confus du fait de la tentative des auteurs de ce texte de masquer la cuisante défaite subie par les Ulates ce jour-là, vraisemblablement à cause de la folle imprudence de leur chef.
Nous ne reviendrons pas sur la question de la nationalité des Laginiens et des gens du Leinster, mais nous rappellerons ici que les Celtes antiques connaissaient la notion de troupes d’élite prêtes à tout pour sauver leur chef, voire mourir avec lui. César les appelle des soldurs (Livre III, chapitre XXII).
« Et pendant que l’attention de nos hommes était toute entière engagée dans cette affaire, d’un autre côté, Adcantuannus/Adiatuanos, qui exerçait le commandement suprême, avec 600 hommes dévoués de sa suite, de ceux qu’ils appellent soldurs (leur statut est le suivant : ils bénéficient de tous les avantages de la vie de ceux auxquels ils ont voué leur amitié. Si quelque malheur leur arrive, soit ils partagent le même sort, soit ils se suicident. Et jusqu’à présent, de mémoire d’homme, il n’est encore jamais arrivé qu’un de ceux qui se sont dévoués ainsi à quelqu’un par un semblable lien, celui-là étant mort, ait refusé de périr aussitôt).
Et d’ailleurs les Celtibères faisaient de même si l’on en croit ce témoignage de Plutarque. Vies parallèles des hommes illustres. 41 Sertorius.
« … Il existait en Espagne une coutume selon laquelle, quand un commandant était tué dans une bataille, ceux qui s’étaient voués à sa personne se battaient jusqu’à la mort afin de partir avec lui, ce que les habitants de ces contrées considéraient alors à l’instar d’une offrande ou d’une libation. Il y avait peu de commandants ayant une garde aussi considérable ou un si grand nombre de compagnons leur étant si dévoués ; mais Sertorius, lui, était suivi par des milliers de soldats qui s’étaient ainsi offerts à verser leur sang avec le sien. Et l’on raconte que quand son armée fut un jour défaite près d’une ville espagnole, et que l’ennemi les pressait alors durement de toutes parts, les Espagnols, sans se préoccuper d’eux-mêmes, uniquement soucieux de sauver Sertorius, le prirent sur leurs épaules puis se le passèrent les uns les autres, jusqu’à ce qu’ils l’aient ainsi transporté dans la ville, et ce fut seulement quand ils eurent ainsi mis leur général en lieu sûr que chacun s’occupa de sa propre sécurité à lui… »
Sénta. Nous rendons ainsi le terme gaélique sénta qui peut signifier quelque chose comme « diabolique, maudit, infernal ». Rappelons d’ailleurs à ce sujet que pour les druides antiques l’autre-monde souterrain… était glacé, qu’il s’agissait donc pour eux d’un enfer de glace et non de feu.
Duaibsech est peut-être un autre nom du célèbre javelot-foudre ou gae-bolga de notre héros, mais toujours associé à une connotation de magie maléfique.
Alors Sencha se leva… Là le grand druide Sencha joue enfin véritablement son rôle de druide en ramenant le calme dans les esprits. Car tel était bien le vrai rôle des druides antiques si l’on en croit Diodore (Bibliothèque historique, livre V, chapitre XXXI).
« Et ce n’est pas seulement dans les exigences de la paix, mais tout aussi bien dans celles de la guerre, qu’ils obéissent à ces hommes avant tous les autres, ainsi qu’à leurs poètes chantants, et une telle attitude est observée non seulement par les amis, mais aussi par les ennemis ; à maintes reprises par exemple, alors que deux armées s’approchent l’une de l’autre, rangées en ordre de bataille, l’épée nue à la main et les lances pointées en avant, ces hommes s’interposent entre eux et les font s’arrêter, un peu comme s’ils avaient jeté un sort à quelque espèce d’animaux sauvages. Ainsi, même chez les plus sauvages Barbares, la passion cède-t-elle devant la raison, et Arès respecte les Muses ».
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Notons néanmoins que dans le cas de ce texte Sencha intervient quand même un peu tard. Mais le récit original était peut-être sensiblement différent et un peu moins à l’avantage des Ulates. Auquel cas Sencha aurait vraiment joué le rôle d’intermédiaire ou d’ambassadeur négociateur ramenant la paix du moins arrivant à instaurer une très fragile trêve.
Les sept jours de la semaine… christianisation évidente du récit d’origine, la semaine pour les druides antiques c’était un quart de mois lunaire autrement dit une huitaine de jours environ. Voir calendrier de Coligny. Ce calendrier est de type luni-solaire : le lustre comporte trois années ordinaires de 12 mois de 29 ou 30 jours et deux années de 13 mois (les deux mois supplémentaires étant de trente jours).
La période de 5 ans (appelée un « lustre » donc) donnée par le calendrier de Coligny nous indique que les anciens druides calculaient par siècle de 30 ans, soit 6 lustres de 5 ans, période à la fin de laquelle on corrigeait le décalage accumulé pendant les 30 ans en supprimant un mois de 30 jours pour arriver à une durée moyenne de l’année de 365,2 jours.
L’année est divisée en deux semestres et chaque mois est divisé en deux quinzaines (15 jours favorables et 15 jours défavorables) séparées par le mot " ATENOVX ». Les jours sont numérotés de I à XV jusqu’à ATENOVX, et de I à XIII ou XV après. Les Celtes comptaient les jours à partir de la tombée de la nuit. Aucune dénomination de semaines ou de saisons n’apparaît. L’année devait commencer en novembre.
Les 62 mois sont répartis en seize colonnes, on relève seulement 14 noms de mois : les noms de 12 mois qui apparaissent 5 fois, les deux noms restants n’apparaissent qu’une fois. Voici les noms des douze mois : X… (1er mois intercalaire), SAMON, DUMAN, RIUROS, ANAGANTIO, OGRON, CUTIOS, CIALLOS B. IS (2e mois intercalaire), GIAMONI, SIMIVIS, EQUOS, ELEMBIU, AEDRINI et CANTLOS. On remarquera que les mois de 29 jours sont tous notés « anmatu » et que les mois de 30 jours sont notés « matu », sauf celui d’Equos. Mais dans le calendrier de Coligny, on n’a retrouvé que 3 de ses occurrences (sur 5), d’où l’hypothèse émise en 1924 par Éoin MacNeill qu’il puisse avoir comporté 28 jours (sur les 2 mois manquants) : ce comput aurait l’avantage de donner un lustre de 1831 jours, très proche des 62 lunaisons de 1830,89 jours.
La fille du Hésus Cuchulainn. Tiens donc ! Première nouvelle ! Notre bon maître aurait donc eu apparemment une fille. Après tout pourquoi pas, il était bien légalement marié. Nous ne referons pas le coup de nos frères catholiques qui soutiennent toujours et mordicus que leur héros à eux, le grand rabbi nazaréen Jésus, était fils unique et sa mère n’eut aucun autre enfant, alors que de nombreux témoignages prouvent le contraire. La mauvaise foi des catholiques en ce domaine ressemble beaucoup à la taqiya des musulmans (et Jacques le frère du seigneur premier responsable chrétien de Jérusalem alors, qu’est-ce qu’on en fait ?)
Do chlár fiss… de toute façon toute cette histoire est pour le moins curieuse, et pas très claire (vantardises des bardes errants auteurs de cette légende ?). Peut-être résume-t-elle en un seul récit différentes guerres, car le tout est difficilement cohérent. Notons également que le Hésus Cuchulainn n’y fait qu’une courte apparition.
Find et Alend ??? Dun Ailline (aujourd’hui Knockaulin) fut certainement un site de première importance pour les rois du Leinster. Mais ce n’était sans doute pas leur capitale ni même une de leurs forteresses permanentes. C’était en quelque sorte leur Stonehenge à eux, et ils s’y retrouvaient périodiquement pour y suivre différentes cérémonies religieuses. On peut néanmoins se demander s’il n’y a pas eu influence de la mythologie concernant Vindos Camulogenos dit Finn Mac Cumhaill et sa demeure magique sur la colline d’Almu (Allen). Le poème a sans doute été récupéré ailleurs par le barde ayant composé cette histoire.
Findchora, etc. Le père jésuite Edmond Hogan signale n’avoir pas trouvé ces histoires dans le catalogue dressé par d’Arbois de Jubainville, et nous non plus évidemment. Quand on vous dit que les moines chrétiens ont également fait disparaître beaucoup de manuscrits. Cela sans doute a été un véritable massacre à cet égard.
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LA MALADIE DU HESUS CUCHULAINN.
Seirglige Conculaind inso sis 7 oenet Emire.
Récit des Xe et XIe siècles conservé par Lebor na hUidre ou Livre de la vache brune et qui combine apparemment deux versions plus anciennes. La plupart des experts considèrent que cette légende est à ranger dans la catégorie des echtrai (singulier echtra) c’est-à-dire en Irlande des aventures nous montrant un simple mortel pénétrant dans le monde des dieux pour en revenir quelque temps après, porteur de trésors ou du moins complètement changé. Sous la plume des auteurs chrétiens, ces echtrai deviendront des visions d’un enfer grouillant de démons hideux terrorisant les âmes égarées en ces lieux. On a les autres mondes que l’on peut. Les Grecs et les Romains voyaient par exemple cet univers comme un sombre et glacial royaume peuplé de spectres lugubres : les Mânes. Quelques exemples d’echtrai à la chrétienne maintenant : les aislingi d’Adomnan, Drythelm, saint Fursy, Tnugdal, Laisren, le purgatoire de saint Patrice et l’Elucidarium d’Honorius Augustodunenensis. Ouf, n’en jetez plus la cour est pleine.
Il faut toujours soigneusement distinguer bien entendu le monde des morts, le monde où vont les âmes /esprits des défunts après la mort du corps, du monde céleste ou divin, celui des dieux. Suivant les traditions ils sont plus ou moins proches ou plus ou moins séparés. La tradition classique grecque et latine fait du pâle royaume des morts un univers quasiment aux antipodes du monde des dieux. La tradition chrétienne est plus contradictoire ou plus divisée à ce sujet. Un des univers où se retrouvent les âmes des défunts après la mort du corps est aux antipodes du monde divin (l’enfer), mais un autre, le paradis, est situé dans son immédiate proximité puisque ses habitants peuvent y jouir en permanence de la perpétuelle contemplation de Dieu.
La solution retenue par les druides antiques semble avoir été intermédiaire. Dieux et âmes/esprits des défunts occupent des univers différents, mais très proches et pouvant communiquer à l’intérieur du cadre plus général d’un autre monde parallèle. Disons que dieux et âmes ou esprits des défunts occupent des cercles différents à l’intérieur du même Paradis, avec possibilité de passer de l’un à l’autre.
Nous n’en dirons pas plus sur le sujet, se reporter à nos prochaines brochures consacrées à la mythologie et à la théologie pour en savoir plus.
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Les Ulates avaient coutume de se retrouver chaque année pour une grande foire durant les trois jours précédant Samon (ios), le jour de Samon (ios) lui-même et les trois jours après. Telle était la période de temps que les Ulates consacraient chaque année à la Foire de Samon dans la plaine de Muirthemné donc, et ils ne faisaient rien d’autre pendant ce temps-là que s’adonner aux jeux et aux courses, aux plaisirs et aux amusements, aux mangeailles et aux festins ; et c’est à cause de cela que les rituels de Samon (ios) sont toujours observés dans toute la verte Erin.
Il y eut un jour une telle foire ou fête des Ulates dans la plaine de Muirthemné, organisée afin que chacun puisse exhiber ses trophées de guerre et faire preuve de sa valeur le jour de Samon (ios). La coutume était alors avec eux, après avoir exhibé les trophées, de faire la fête. [Les trophées en question c’étaient] le bout de la langue des hommes qu’ils avaient tués [en duels], qu’ils apportaient dans des poches ; ils avaient même l’habitude d’y mettre aussi des langues d’animaux afin d’augmenter le nombre de leurs trophées, mais c’était l’un après l’autre [qu’ils les exhibaient] ; et ils avaient leurs épées solidement attachées à leur cuisse pendant cela, car sinon leurs épées se seraient retournées contre eux s’ils avaient eu recours à de faux trophées. La raison d’une telle habitude était que les démons avaient coutume de se manifester à partir de leurs armes ; et c’est d’ailleurs pour cela que leurs armes étaient sacrées (comarchi).
Tous les Ulates vinrent à la foire à cette occasion, à l’exception de deux seulement, Conall le Victorieux et Fergus fils de Roech.
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Que la fête commence, dirent les Ulates. Elle ne commencera pas, s’exclama le Hésus Cuchulainn, tant que Conall et Fergus ne seront point arrivés (car Fergus était son père adoptif, aiti, et Conall son frère de lait, comalta).
Sencha dit alors : jouons au tablut (échecs) pour l’instant, que l’on déclame des poèmes devant nous et que les jongleurs entrent en piste. Ce qui fut fait.
Mais alors qu’ils étaient ainsi en train de s’activer, un vol d’oiseaux se posa sur le lac devant eux : il n’y avait jamais eux dans la verte Erin d’oiseaux plus beaux.
Les femmes qui étaient là furent toutes désireuses d’avoir ces oiseaux qui nageaient dessus. Aussi commencèrent-elles à se disputer pour savoir laquelle d’entre elles les aurait.
Eithne Aitenchaithrech, femme du roi Cunocavaros/Conchobar, dit alors : « J’aimerais bien avoir un de ces oiseaux sur chacune de mes deux épaules ».
« Nous aimerions toutes avoir la même chose » répondirent les autres femmes.
« Si quelqu’un doit les avoir, ce sera d’abord moi », s’exclama Eithne Inguba, la femme du Hésus Cuchulainn.
« Que devons-nous faire dans ce cas ? » se demandèrent les femmes.
« Ni ansa ! Ce n’est pas difficile », répondit Leborcham, la fille d’Oa et d’Adarc, « j’irai demander pour vous aux Hésus Cuchulainn ».
Elle alla donc trouver le Hésus Cuchulainn, et lui dit : « les femmes voudraient que tu leur attrapes ces oiseaux ».
Il la menaça de son épée puis lui répondit : « les putains d’Ulidia n’ont rien d’autre à faire que de nous envoyer chasser des oiseaux maintenant ! »
Tu es mal placé pour te mettre en colère contre elles, répondit Leborcham, car c’est à cause de toi que les femmes ulates ont un des trois défauts qui les affectent, à savoir être difforme, aveugle d’un œil, ou bégayer. Car les trois disgrâces des femmes ulates étaient alors en effet la difformité, le bégaiement et la cécité d’un œil. Toute femme qui aimait Conall le Victorieux se retrouvait tordue ; toute femme qui aimait Cuscrad le bègue, le fils de Cunocavaros/Conchobar, se mettait à bégayer elle aussi ; enfin de la même manière toute femme qui aimait le Hésus Cuchulainn devenait aveugle d’un œil, comme le Hésus Cuchulainn lui-même, à cause de l’intensité de son amour pour lui ; car il arrivait, quand il entrait en transe [guerrière] qu’ un de ses yeux s’enfonce tellement dans son orbite qu’une grue [au long bec] n’aurait pu l’y atteindre ; et que l’autre se retrouve tellement exorbité qu’il devenait aussi gros qu’un chaudron pour [y cuire] des bœufs.
Attelle-moi le char, Loeg, demanda le Hésus Cuchulainn. Loeg attela le char, et le Hésus Cuchulainn partit dedans, et asséna aux oiseaux un coup avec le plat de son épée afin que leurs pattes et leurs ailes restent comme engluées dans l’eau.
Ils les attrapèrent tous et ensuite les ramenèrent pour les donner femmes, de telle sorte qu’il n’y en eut pas une qui n’ait au moins reçu deux oiseaux, à part Ethné Inguba. Le Hésus Cuchulainn alla donc enfin trouver sa propre femme pour lui dire : « tu n’as pas l’air heureuse ? »
Pas du tout, répondit-elle.
Parce que c’est de moi qu’elles ont eu ces oiseaux ? poursuivit-il.
Tu avais une bonne raison de le faire, répliqua-t-elle, puisqu’il n’y a pas une seule d’entre elles qui ne voudrait partager avec toi son amour et son amitié, alors qu’en ce qui me concerne, personne d’autre ne partage mon amour que toi seul.
Ne crains rien, lui répondit le Hésus Cuchulainn, car dès que d’autres oiseaux se poseront dans la plaine de Muirthemné ou sur la Boinne, tu auras les deux plus beaux d’entre eux.
Or il ne s’écoula pas longtemps avant qu’ils n’aperçoivent justement deux oiseaux sur le lac, attachés ensemble par une chaîne d’or rouge. Ils chantaient une douce mélodie qui plongea tout le monde dans le sommeil. Le Hésus Cuchulain se dirigea donc vers eux.
Si tu veux notre avis, dirent Loeg ainsi qu’Ethné, n’approche pas d’eux, car il y a quelque chose d’étrange dans ces oiseaux ; tu m’attraperas des oiseaux une autre fois.
Mettrais-tu donc ma parole au défi ? s’exclama le Hésus Cuchulainn.
Mets une pierre dans ma fronde, Loeg.
Loeg prit donc une pierre et la plaça dans la fronde. Le Hésus Cuchulainn la lança sur eux et les manqua, le tir étant trop court. Pas de chance hélas, s’exclama notre héros. Il prit une autre pierre, la
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lança sur eux, mais cette fois-ci elle passa au-delà de leur tête. Je suis vraiment maudit, soupira-t-il, depuis que j’ai pris les armes pour la première fois, je n’avais pas manqué mon coup une seule fois jusque-là.
Il lança donc alors son gros javelot sur eux et il transperça l’aile d’un des oiseaux. Ils disparurent aussitôt sous l’eau.
Le Hésus Cuchulainn partit de mauvaise humeur, et alla s’adosser à un menhir [un pilier de pierre] contre lequel il s’endormit aussitôt. C’est alors que lui apparurent [en rêve] deux femmes qui venaient dans sa direction.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 5.
Rituels. Nous traduisons ainsi le terme gaélique trenae qui signifie littéralement « triades »« trois » (trois jours).
Poche. Nous traduisons ainsi le terme gaélique bossan qui signifie littéralement bourse, pochette d’après l’edil. Il ne s’agit en aucun cas de poches de pantalons évidemment (invention très utile, mais postérieure).
Sacrées. Nous traduisons ainsi le terme gaélique comarchi qui signifie littéralement sanctuaire, protection, sécurité, refuge, garants, protecteurs.
Les langues. Une semblable coutume est attestée sur le Continent, mais avec des crânes au lieu de langues, car les druides continentaux considéraient apparemment que le siège de l’âme/esprit c’était le cerveau et non le cœur.
Strabon. Livre IV, chapitre IV.
« .… Il y a aussi en plus de leur stupidité cet usage, barbare et lointain, qui se retrouve dans la plupart des tribus du Nord. Quand ils quittent le champ de bataille, ils accrochent les têtes de leurs ennemis à l’encolure de leurs chevaux, et, après les avoir ramenées chez eux, les offrent en spectacle clouées aux propylées (entrées) de leurs maisons. Posidonios rapporte qu’il l’a vu lui-même en de nombreux endroits, et que, bien qu’il ait commencé par trouver cela répugnant au début, par la suite, après s’être habitué à un tel spectacle, il put le supporter sans réagir. Les têtes des ennemis les plus illustres étaient embaumées dans de l’huile de cèdre et montrées aux étrangers de passage ; mais ils n’auraient pas daigné leur céder, même contre une grosse somme d’argent équivalant à leur poids en or. Mais les Romains mirent un terme à ces coutumes, ainsi qu’à toutes celles qui étaient relatives aux sacrifices ou la divination contraires à nos usages ».
Démons. Nous traduisons ainsi le terme gaélique demna, mais il est évident qu’il s’agit là d’une intrusion intempestive du christianisme le plus raciste : pour eux en effet les entités surhumaines qui existent, mais ne font pas partie de leur répertoire sont automatiquement cataloguées démons, alors qu’à l’origine il s’agissait simplement d’entités non manichéennes (Mani qui était chrétien à l’origine ne l’oublions pas) et donc ambivalentes, au-delà du bien et du mal aurait pu dire Nietzsche. Plus positivement ce que nous apprend ce passage de la légende c’est que certains objets notamment des épées donc après leur sortie des mains du forgeron étaient magiques ou considérés comme dotés d’une sorte de vie propre, une sorte de truc ou de machin aurait dit Lévi-Strauss appelé dans d’autres cultures mana, wakan, orenda…
Ci-dessous un exemple de ce que les « journalistes » de l’époque (le militant fanatique chrétien ou parabolan appelé Tertullien) a pu dire.
AD NATIONES.
Livre II.
I. Les dieux païens de l’aveu même des autorités païennes. Varron a écrit une somme sur le sujet. Sa classification tripartite.
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… J’ai pris pour cela en la résumant l’œuvre de Varron ; car dans son traité à propos des choses divines, tiré de toutes les anciennes synthèses, s’être révélé être un guide très précieux pour nous. Si je lui demande qui ont été les premiers inventeurs des dieux, il met en avant soit les philosophes, soit les peuples, soit les poètes. Car il opère une triple distinction dans sa classification des dieux : une des catégories étant ceux de la nature, dont traitent les philosophes ; une autre ceux des mythes, dont se chargent toujours les poètes ; la troisième ceux des nations, que les peuples ont adoptés pour leur propre usage. Mais si les philosophes ont habilement agencé à partir de leurs conjectures leur théologie naturelle (physicum), si les poètes ont tiré des fables les dieux de leurs mythes (mythicum), et si les peuples ont littéralement inventé leurs propres dieux, où se trouve donc la vérité ? Dans les conjectures ???
Note sémantique afin de se sortir du sophisme dans lequel veut nous piéger Tertullien.
Varron distinguait en effet trois sortes de dieux.
Les dieux de la nature, étudiés par les savants physiciens ou philosophes (les druides en extrême occident).
Les dieux tels qu’ils apparaissent dans les mythes et les légendes, domaine réservé des bardes.
Les dieux qui sont d’anciens héros divinisés auxquels la tribu ou l’État voue un véritable culte.
La vérité, cher Tertullien, pour parodier une célèbre série télévisée de notre époque elle est ailleurs. Elle est peut-être dans ces trois catégories de dieux à la fois, ou nulle part peut-être, qui sait (c’est d’ailleurs l’interrogation de Ponce Pilate dans l’évangile selon Jean : qu’est-ce que la vérité*). Il existe en effet plusieurs niveaux de vérité non factuelle, trouver le sien est toujours une véritable quête du Graal, d’où le terme conjectures peut-être.
* Ponce Pilate est considéré comme saint par les églises coptes tant orthodoxe que catholique ainsi que les églises éthiopiennes. L’Église orthodoxe honore seulement sa femme qui serait Claudia Procula.
NB. La notion de mana pose de nouveau tout le problème des traductions, car une mauvaise traduction peut en effet entraîner non seulement la création d’entités inexistantes, mais aussi d’importants problèmes analytiques. À cause de mauvaises traductions, les théologiens se sont souvent inventé de pseudo problèmes.
L’explication la plus aboutie de cette notion de mana est celle de Keesing : il en donne trois usages.
Verbe d’état signifiant « être efficace, puissant, réalisé », utilisé de façon stéréotypée pour décrire l’efficacité ou la chance.
Verbe employé dans les prières et les invocations : « bénis, soutiens, rends efficace… »
Substantif : « efficacité, réalisation, puissance… »
C’est donc à cause vraisemblablement de croyances de ce type que l’on prêtait serment sur son épée, comme c’est attesté aussi pour ce qui est des Celtes continentaux.
Car sinon leurs épées se seraient retournées contre eux. Trace évidente d’une composante fétichiste dans l’ancien druidisme.
Le Père Hogan, constate que la coutume du serment par l’épée était encore usitée en Irlande à la fin du seizième siècle, et qu’on attribuait à l’épée fichée en terre une sorte de caractère divin puisqu’elle ressemblait alors à une croix. Un tel rituel constituait un gage de succès.
L’épée du guerrier, aux yeux du Celte comme du Germain, a en effet quelque chose de divin ; c’est elle qui décide du sort des guerriers dans le duel conventionnel (comrac iar curaib bel), ainsi qu’à la guerre ; elle a été considérée par les Celtes et les Germains comme la plus importante manifestation de la puissance du dieu terrible qu’invoquaient les guerriers avant de partir en guerre (les Quades, peuple germain, ayant à conclure un traité, tirent leurs épées, dit Ammien Marcellin, et jurent sur elles, car ils les considèrent comme des dieux).
Ci-dessous quelques noms d’épées « magiques ».
Cruaidin Coidit-cheann. La trempe à la tête dure. L’épée « magique » du Hésus Cuchulainn. Une épée merveilleuse, dotée d’une poignée en or et d’un baudrier d’argent : sa garde était dorée, sa pointe avait divers tranchants. Elle brillait la nuit comme une chandelle. Si l’extrémité de sa lame (rind)
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pliait alors elle se redressait toute seule comme une rapière (cholg). Elle pouvait couper un cheveu [flottant] sur l’eau. Elle pouvait couper un cheveu sur la tête sans blesser le cuir chevelu. Elle pouvait pourfendre un homme, si finement que pendant longtemps aucune des moitiés ne se serait rendu compte ou aperçu de ce qui était arrivé à l’autre. On ne pouvait remporter ni bataille ni combat contre cette épée ou contre qui l’avait dans sa main.
Caladbolg/Calacholg, épée magique de Fergus Mac Roeg dans la mythologie celtique irlandaise. Son nom signifie « Dur tranchant ». C’est une épée qui inflige des blessures mortelles à ses ennemis, c’est pourquoi on l’appelle aussi Claíomh Solais, ce qui signifie « épée de lumière » en gaélique. Elle fut amenée par les Tuatha Dé Danann, le peuple de la déesse Danu (bia) et constitue l’un de leurs trésors avec Fragarach. La présence de Caladbolg dans plusieurs légendes explique pourquoi elle porte autant de noms différents. Elle s’appelle aussi Caledfoulch ou Kaledfoulc'h, qui signifie « dur éclair », et prendra le nom de Kaletfwlch, en gallois puis deviendra Excalibur dans la légende arthurienne.
Excalibur. Le nom d’Excalibur est une altération savante d’éléments linguistiques issus du brittonique. Geoffroy de Monmouth sera le premier auteur à nommer cette épée dans une autre langue que le gallois. Dans son Historia Regum Britanniae, il latinise le nom en Caliburnus. Le mot est repris par les poètes français peu après, et la forme évolue en « Escalibor » puis « Excalibur ».
Cette épée mythique avait la particularité d’être incassable, comme la Durandal du neveu de Charlemagne, que le forgeron Munifican mit trois ans à fabriquer, mais de pouvoir trancher toute matière.
Dyrnwyn, l’épée de Rhydderch Hael, protecteur de saint Kentigern.
L’épée de Galahat, l’épée forgée par Salomon pour le « Bon Chevalier ». En attendant sa venue, elle a été placée dans la Nef de Salomon.
L’épée de Jeanne d’Arc. Jeanne aurait brisé cette épée sur le dos d’une prostituée à Saint-Denis, ce qui mécontenta fortement le roi qui croyait dans les pouvoirs magiques de cette épée.
L’épée de Nodons/Nodens/Nuada /Lllud.
Fragarach. C’est l’épée de Belin/Belen/Barinthus/Manannan. Nul ennemi ne peut survivre à ses morsures. Elle constitue l’un des trésors des Tuatha Dé Danann, le peuple de grande déesse Danu (bia) tout comme Caladbolg.
Galatine. L’épée de Gauvain, un des chevaliers de la Table ronde dans la légende arthurienne.
Joyeuse. L’épée de Charlemagne.
Leochain, une des épées magiques de Fergus Mac Roeg dans la mythologie celtique irlandaise.
Moralltach. Ce nom signifie « grande furie ». C’est l’épée que Belin/Belen/Barinthus/Manannan a donnée à Diarmat (cf. le cycle de Finn).
Orna, l’épée de Tethra, un des chefs Fomoires, c’est-à-dire des vouivres anguipèdes gigantesques d’Irlande et l’archétype des « épées qui parlent », dans la mythologie celtique irlandaise. Dans le Lebor Gabála Érenn (Le Livre des Conquêtes de l’Irlande), elle est dérobée par Ogmios/Ogma, un des Tuatha Dé Danann, le peuple de la déesse-ou-démone (ou fée) Danu (bia), juste après la seconde bataille de Mag Tured (Cath Maighe Tuireadh).
Ethné Aitencaithrech. Nom qui signifie « aux cheveux couleur d’ajonc ». Cette Ethné Aitencaithrech ne peut qu’être un autre nom de Mugain, l’épouse de Cunocavaros/Conchobar.
Ethné Inguba ne peut qu’être un autre nom d’Aemer l’épouse (l’épouse légitime et non une maîtresse comme le traduit Eugène O’Curry, abusé par la différence de nom) du Hésus Cuchulainn dont le nom le plus connu apparaît dans la deuxième partie du récit, une deuxième partie ayant vraisemblablement constitué un épisode distinct à l’origine, avant d’être réuni sous le même en-tête par on ne sait quel barde ou moine copiste. Ce qui compte ce sont les grandes lignes de l’histoire, pas les détails. Que le roi Cunocavaros/Conchobar et son neveu notre légendaire héros le Hésus Cuchulainn, aient eu des maîtresses, n’est pas un péché mortel chez nous, tout au plus une faute, même si la suite du récit nous montre qu’il vaut peut-être mieux éviter de telles « fautes » justement (car dans cette histoire, il faut bien le reconnaître, le Hésus Cuchulainn a été plutôt lamentable).
De toute façon une telle variation de noms est moins grave que celles affectant le nom de Dieu dans la Bible ou ses différentes appellations dans le Coran.
On trouve en effet dans la Bible, par ordre alphabétique, car chronologiquement apparaît d’abord le pluriel Élohim :
Adonaï, El, Eloah, Élohim, El Elyon, El Shaddaï, El Olam, El Haï, El Roi, El Elohe Israel, El Guibor, Sabbaoth, Yah, Yhwh.
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Toutes ces différences de noms signent une pluralité de dieux ou de conceptions de Dieu différentes, ultérieurement synthétisées ou fondues en une seule appellation, le tétragramme ; ce qui n’a pas manqué de donner naissance évidemment à un dieu à la personnalité multiple, assez composite, voire contradictoire.
Quant à l’islam, c’est encore plus simple, il existe une liste officielle de 99 noms de Dieu, la plupart n’étant bien entendu que des attributs, mais d’autres posent plus de problèmes, car ils semblent bien désigner une entité sensiblement différente d’Allah.
À l’origine, le Rabb est le seigneur d’un lieu : la puissance qui domine un endroit et en fait un sanctuaire. Ce nom est aussi donné aux prêtres en Arabie du Sud, ce qui confirme l’origine anthropomorphique de la formule. Or rabb est le mot qu’emploie Mahomet au début du Coran, bien plus que le “Allah” de la suite. D’où toute la série des “raab” ci-dessous.
Rabba al hadhal beït : seigneur de la maison.
Rabb al Ka ‘ba : seigneur de la Kaaba.
Rabb al falaqi : seigneur de l’aube.
Rabb al alamin : seigneur des mondes.
Etc. etc.
Et enfin le Rahman adoré par un autre prophète, concurrent de Mahomet, Moussaïlima, mort dans des conditions obscures (il a abandonné la forteresse où il était en sécurité pour se réfugier dans sa Kaaba à lui, le hadiqa ar-Rahman). Il défendait avec conviction une sorte de christianisme monophysite guerrier dans toute l’Arabie centrale (Nejd).
Moussaïlima fut contemporain de Mahomet. Son nom indique qu’il était membre de la confédération tribale des Bani Hanifa qui était plus ou moins christianisée, ou du moins sensible aux influences chrétiennes. Il était appelé par ses nombreux fidèles " Le miséricordieux du Yamama ".
Sa Mecque à lui était un haram ou enclave sacrée du Yamama, appelé l’enclos d’Ar-Rahman (hadiqa ar-rahman), qu’il avait pris avant la conquête de La Mecque par Mahomet. Ce qui lui permettait ainsi de contrôler une vaste zone de l’est de l’Arabie, plus grande que celle tenue par Mahomet à l’époque d’ailleurs.
Moussaïlima ne niait pas la mission prophétique de Mahomet, il le considérait comme le grand prophète de la confédération tribale des Couraïchites de la Mecque, mais souhaitait seulement arriver avec lui à une sorte de partage des rôles, Mahomet s’occupant des régions de La Mecque et Yathrib/Médine, lui s’occupant du centre et de l’est de l’Arabie.
En 633 les musulmans désireux de mettre un terme à ce christianisme monophysite pré-nicéen qui s’opposait à leur extension vers l’est, partirent en croisade ou en lunade ou en djihad contre lui et
investirent son bastion du Yamama (le haram d’Ar-Rahman) et Moussaïlima mourut dans sa Kaaba à lui à l’occasion des derniers combats, l’arme à la main (oui, c’est là qu’il avait préféré se retirer pour protéger le sanctuaire plutôt que dans sa forteresse située non loin, une erreur qui lui fut fatale apparemment).
Tous les fidèles de Moussaïlimah ne devinrent pas aussitôt de “bons” musulmans. Dix ou vingt ans plus tard, l’homme qui avait porté son message à Mahomet ainsi que quelques autres d’ailleurs furent dénoncés comme étant toujours de ses disciples et donc mis à mort.
NB. Nos frères musulmans pardonneront j’espère que nous nous n’accordions guère de crédit aux tombereaux d’insultes dont ils abreuvent le malheureux vaincu (c’est le B-A BA du métier d’historien objectif) et que nous nous efforcions au contraire de redresser toutes les informations partiales ou biaisées dont il a été victime depuis sa défaite (malheur aux vaincus), notre seule religion n’étant pas celle du dieu unique, mais de la vérité, factuelle au moins. Ce qu’il y a dans le cœur des hommes ses créatures, Dieu seul le sait à notre avis, et on le lui laisse d’ailleurs.
Gageons que si Moussaïlima l’avait emporté, le nombre des hadiths à la gloire de sa personne égalerait celui des hadiths idolâtrant Mahomet (isma), il n’en manquerait pas pour présenter Mahomet comme un pauvre menteur jaloux prêt à tout pour établir sa suprématie, et que sa Kaaba à lui (son hadiqa ar-Rahman) ne serait pas devenu un enclos de la mort (hadiqa al-maout), mais au contraire un grand centre de pèlerinage, toujours vivant.
Ce qui nous frappe néanmoins et de prime abord c’est la ressemblance des carrières des deux prophètes ainsi qu’un grand nombre de points communs entre leurs pratiques religieuses… la réception de la révélation par l’intermédiaire de l’archange Gabriel, la possession de pouvoirs miraculeux, la guérison de malades, et surtout l’usage du langage du saj' (prose arabe rimée utilisée depuis toujours par les devins et autres personnages sacrés de l’Arabie afin d’exprimer les révélations reçues de manière surnaturelle). Notons enfin par ailleurs qu’al Rahman, le Dieu de Moussaïlima est
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devenu un des noms les plus utilisés pour désigner Dieu dans le Coran. Quelle étrange revanche du vaincu ! Ce qui nous ramène à notre point de départ.
Catins. Nous traduisons ainsi le terme gaélique merdrecha.
Grue. Nous traduisons ainsi le terme gaélique corr qui peut signifier aussi héron effectivement.
Un coup avec le plat de son épée. Nous traduisons ainsi le terme gaélique táithbéim.
Il la menaça de son épée puis lui répondit : « les catins d’Ulidia… ». Reconnaissons que dans cet épisode de sa légende notre héros a un comportement quand même assez odieux et que ce qui s’ensuivra en sera peut-être un juste châtiment (par le biais de cette très poétique notion de justice immanente justement). Rappelons néanmoins qu’il s’agit de deux récits différents cousus ensemble par un compilateur anonyme. D’où le petit côté quelque peu décousu de tout cela. Il doit nous manquer quelque chose. Un peu comme dans l’épisode des évangiles où l’on voit Jésus se mettre en colère contre les marchands du Temple et les chasser à coups de fouet. Ce récit (Matthieu 21, 12-13, Marc 11,15-17, Luc 19,45-6, Jean 2, 13-25) n’est en effet pas très clair et semble être ce qui reste du compte-rendu de quelque chose de beaucoup plus grave. Un coup de main ou une tentative de la part des milieux zélotes destinée à s’emparer du Temple de Jérusalem ??
NB. Le pape a encore récemment à ce sujet souligné qu’il n’y a rien, dans les quatre évangiles actuels, indiquant que les autorités politiques d’alors ont violemment réprimé cette tentative. Nos amis chrétiens pardonneront j’espère que nous nous n’accordions guère de crédit à des textes qui ont été maintes fois manipulés ou expurgés ou retravaillés comme une plaidoirie d’avocat (c’est le B-A BA du métier d’historien objectif) et que nous nous efforcions au contraire de redresser toutes les informations partiales ou biaisées concernant cet épisode curieux, notre seule religion n’étant pas celle du dieu unique, mais de la vérité, factuelle au moins. Ce qu’il y a dans le cœur des hommes ses créatures, Dieu seul le sait à notre avis, et on le lui laisse d’ailleurs !
À l’époque de l’homme Jésus, il existait un mouvement de résistance religieuse et politique, le zélotisme (du grec zelos, le zèle). Gardiens jaloux de la Loi, et même fanatiques, ils attendent le règne de Dieu dans un avenir proche. Parmi eux, les zélotes à proprement parler ont un programme de réforme radicale du culte et du sacerdoce. Quant aux sicaires (tueurs à gages), ils ont un programme plutôt politique, orienté vers l’expulsion des Romains et l’établissement du royaume d’Israël.
Or il existe dans la vie et l’œuvre de l’homme Jésus d’incontestables caractéristiques zélotes. Son annonce du royaume de Dieu (Marc 1,15 ; cf. Actes des apôtres1,1-11) ; le fait de dénoncer l’injustice sociale (Luc 6,24) ; sa position critique face à Hérode (Luc 13,32) et face aux puissants, qui exercent leur autorité comme des monarques et se font appeler bienfaiteurs (Luc 22,25) ; certaines phrases sur le fait de porter l’épée (Luc 22,36) ; la vie et l’activité de Jésus que les gens veulent faire roi (John 6,15) ; parmi les douze, il y en a un (Simon), appelé « le zélote » (Luc 6,15 et Actes 1,13 ; dans Marc 3,19 et Matthieu 10,4, il est appelé « le cananéen », de la racine quana, zèle, en hébreu) ; un autre, Judas Iscariote, porte un surnom qui semble une déformation de « sicariote » ; et il y a Simon Pierre, qui porte une épée ; le zèle pour le temple qui est souillé et qui a besoin d’être purifié (Jean 2,17) ; le fait que les Romains aient condamné Jésus en tant qu’agitateur zélote, selon ce qui est écrit sur l’écriteau (en latin titulus) de la croix (Jean 19,19)
Bref, c’est le même processus que celui qui affecte notre légende, mais inversé. Dans le cas des évangiles le tripatouillage des textes a embelli incontestablement l’image de l’homme Jésus, dans le cas de Sétanta Cuchulainn le tripatouillage de nos textes a rendu incompréhensible le comportement de notre héros. Cette première partie de l’histoire a en tout cas l’avantage de fournir à la malheureuse Ethné Inguba l’occasion d’une belle et noble réaction, et d’une bien belle réponse, qui radoucit quelque peu notre héros qui va néanmoins déclencher toute une série de catastrophes en voulant faire amende honorable.
Il y a quelque chose d’étrange dans ces oiseaux. Nous rendons ainsi le terme gaélique cumachta. La femme du Hésus Cuchulainn est apparemment plus fine que lui qui est un gros balourd et trouve tout cela « louche ».
Ci-dessous ce que l’on peut en dire.
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AVERTISSEMENT AU LECTEUR : NOUS NE PARLERONS PAS ICI DES MÉTAMORPHOSES D’UN ÊTRE HUMAIN, PAR EXEMPLE EN LOUP, MAIS DES FORMES QUE PEUVENT REVÊTIR AUX YEUX DES HOMMES DES ENTITÉS VENUES D’UN AUTRE MONDE QUE LE LEUR AFIN DE COMMUNIQUER AVEC EUX.
Un ange est une créature céleste dans de nombreuses traditions, notamment dans l’Avesta et dans les trois religions monolâtres. Ce terme désigne un envoyé de l’Être supérieur, c’est-à-dire un intermédiaire entre l’Être supérieur genre Ahoura Mazda et les hommes. Parfois il transmet un message divin, parfois il agit lui-même, mais toujours selon la volonté de l’Ahoura Mazda ou d’un être supérieur de la sorte qui a besoin d’intermédiaires.
Ainsi que nous l’avons dit, donc, le Zoroastrisme reconnaît que l’être supérieur Ahoura Mazda est accompagné par les Amesha Spentas, les Yazatas et les Fravachis.
Les Yazatas sont les « anges », des êtres spirituels honorés par les Perses, ils personnifient les idées et les vertus abstraites gardiennes de la morale humaine. Ils nous protègent contre le mal.
Deux autres êtres spirituels ne sont pas classifiés, Thouacha, personnification de l’espace infini, Zurvan Akarana, personnification du temps illimité.
Dans l’angélologie zoroastrienne enfin, le fravachi ou fravaši est l’ange gardien d’un individu, qui envoie l’urvan (généralement traduit par « âme ») dans le monde matériel pour participer à la bataille du bien contre le mal. Le matin du quatrième jour après la mort, l’urvan retourne à son fravashi, qui recueille son expérience du monde matériel.
On a un peu la même idée dans le monde italique avec les genii et les junones individuels, voire avec les doubles génii et double junones individuels (bon génie et mauvais génie, bonne juno et mauvaise juno).
Les Hébreux qui ont emprunté cette notion d’anges aux civilisations encore plus orientales qu’eux lors de leur exil à Babylone ont donc transmis cette idée d’être intermédiaires aux juifs, et les chrétiens tout comme les musulmans croient donc eux aussi aux anges (les musulmans en plus croient aux djinns ce qui n’est peut-être pas la meilleure preuve de l’intelligence de leur mentalité collective, mais enfin).
Voici quelques-unes de leurs caractéristiques selon eux.
Le mot hébreu seraphim est un nom pluriel dérivé du verbe saraph, qui signifie « brûler ». Le terme hébreu seraphim signifie donc dire littéralement « les brûlants ». D’autres sens possibles du mot saraf peuvent être « venimeux », « qui cause une inflammation » et « serpent ». La plupart des historiens considèrent que les seraphim bibliques sont dérivés des uraei égyptiens, ces cobras dotés d’ailes symbolisant la fonction protectrice. Les premières traductions de la Bible hébraïque en grec rendaient d’ailleurs le mot par « serpents ». Mais, progressivement, la référence aux serpents a été occultée, on se demande bien pourquoi.
Les séraphins ont six ailes dont ils se couvrent.
Le mot chérubin vient du latin ecclésiastique cherub (pluriel cherubin), transcription de l’hébreu keroub pluriel keroubim. Mais le terme serait d’origine assyrienne. Dans cette langue « kéroub » ou « karibou » signifie en effet « celui qui prie » ou « celui qui communique ». En Assyrie, le taureau ailé ou « kéroub » était souvent placé au seuil des temples et des palais.
L’apparence des chérubins bibliques, êtres hybrides associant des caractéristiques humaines et animales, est donc sans aucun doute influencée par l’iconographie du Proche-Orient ancien (notamment les sphinx ailés ou les taureaux ailés à tête humaine de Mésopotamie).
Les chérubins ont une épée à la lame flamboyante (avec laquelle ils gardent le Paradis terrestre).
Les anges peuvent se battre contre des êtres humains, exemple Jacob (Genèse 32,22-32)
Enfin, non des moindres, ils peuvent faire des enfants aux filles des hommes (Genèse 6, 1-8).
Pourquoi maintenant me direz-vous ne pas imaginer que les envoyés de Dieu puissent se encore se présenter aux yeux des êtres humains, sous nos latitudes, et en particulier en terres celtes, sous la forme de serpents volants ou de limaces volantes ??? Beurk, mais pourquoi pas en effet ? Des serpents (d’après certains gnostiques le serpent du paradis terrestre qui tenta Ève était un esprit qui voulait vraiment du bien aux hommes, lui), des extraterrestres aux formes biscornues… Ceci a déjà
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été tenté ainsi que nous avons pu le voir avec les premiers séraphins ou chérubins de la Bible (Dieu a de ces idées quand même par moments…) et ça l’est encore, notamment au cinéma ! Rien de plus beau qu’un crapaud pour une crapaude en effet disait déjà Voltaire.
Mais apparemment ce n’était pas ce qui semblait le plus normal aux yeux de nos ancêtres. Qu’y pouvons-nous ? Des envoyés divins sous forme de serpents volants ou de taureaux volants comme les séraphins ou les chérubins bibliques, très peu pour eux, de magnifiques jeunes femmes ou des cygnes, alors là oui !
Convenons en effet qu’il est logique de penser qu’aux yeux d’un être humain il n’y a rien de plus beau que la forme humaine, et même, je ne sais pourquoi, je laisse aux spécialistes coupeurs de cheveux en quatre dans le sens de la longueur le soin de trouver, qu’un corps de femme. Peut-être que j’appartiens moi aussi à la race des poètes si décriée par certains théologiens (comme Varron Tertullien, etc.)
C’était d’ailleurs là déjà un des grands arguments des intellectuels païens de l’Antiquité puisqu’on le retrouve dans le de natura deorum de Cicéron.
Rappel. Nous ne parlons pas ici de l’être supérieur par définition, genre Ahoura Mazda, mais des êtres intermédiaires genre fravachi entre les hommes et lui. En ce qui concerne l’être supérieur il va de soi qu’on peut le concevoir autrement que sous une forme humaine : un cercle un point une équation ou que sais-je encore. Mais là nous parlons des êtres intermédiaires notamment dans leurs rapports avec les hommes.
Cicéron, De la nature des dieux, livre I.
À propos de la nature des dieux, il tombe dans les mêmes erreurs. Voulant éviter la concrétion des corps individuels, de peur que la mort et la dissolution n’en soient la conséquence, il nie que les dieux aient un corps, mais dit qu’ils ont quelque chose comme un corps, dit qu’ils n’ont pas de sang, mais quelque chose comme du sang, etc.
XXVI. Qu’un haruspice ne puisse s’empêcher de rire en voyant un autre haruspice est une chose difficilement croyable. Il est encore plus incroyable que vous ne puissiez vous empêcher de rire entre vous [épicuriens].
Ce n’est pas un corps, mais un semblant de corps. Je pourrais comprendre cela si c’était appliqué à des statues de cire ou d’argile ; mais en ce qui concerne le Divin, je suis incapable de comprendre ce qu’il entend par quasiment un corps ou quasiment du sang…
XXVII. Ce que je comprends mois c’est que ce que vous soutenez c’est que les dieux ont une certaine forme qui n’a rien de concret, rien de solide, rien d’expressément substantiel, rien de saillant donc en elle-même ; mais qu’elle est pure, lisse, et transparente. Supposons la même chose à propos de la Vénus de Cos, qui n’a pas un corps, mais une représentation de corps ; et de même à propos de ce rouge qui s’écoule ici mélangé du blanc, ce n’est pas du véritable sang, mais quelque chose a une certaine ressemblance avec le sang.
Mettons que j’aie tout bien compris ; pourrais-tu alors me dire quels sont les traits ou les figures de ces semblants de déités ? Là vous avez quantité d’arguments grâce auxquels vous montrez que les dieux ont une forme humaine. Le premier d’entre eux étant que nos esprits sont tellement conditionnés ou prédisposés à cela que chaque fois que nous pensons à une déité la forme humaine s’impose à nous. Le second est que, comme la nature divine doit exceller en toute chose [par définition] il doit s’agir dans ce cas de la plus belle des formes, et qu’il n’y a rien de plus beau que la forme humaine. Le troisième qu’il ne peut y avoir de raison dans aucune autre forme.
Considérons d’abord chaque argument séparément. Vous me semblez en effet avoir arbitrairement recours dirais-je à un principe qui n’est pas évident en lui-même. Qui est aveugle en effet à ce sujet au point de ne pas voir que les dieux sont représentés sous forme humaine, soit afin de suivre les conseils particulièrement avisés de certains sages, qui ont pensé par ce moyen qu’il serait plus facile de détourner les esprits des ignorants de mœurs dépravées pour ce qui est de la façon d’adorer les dieux ; soit par superstition, une superstition qui fait qu’ils s’imaginent, en vouant un véritable culte à
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ces images, se rapprocher des dieux en eux-mêmes. Cette idée a été popularisée par les poètes les peintres et les sculpteurs ; car il n’aurait pas été facile autrement de représenter les dieux planifiant, mais aussi exécutant quoi que ce soit sous une autre forme, et peut être que c’est e cela qu’est née l’idée que l’Humanité a sa propre beauté. Mais ne vois-tu pas, toi qui es un grand adepte de la physique, à quel point la nature est en elle-même une grande entremetteuse pourvoyeuse d’illusions. Penses-tu qu’il y ait des créatures sur terre ou dans les mers qui ne soient pas satisfaites de leurs propres formes ? Si ce n’était pas le cas, pourquoi un taureau ne s’éprendrait-il pas d’une jument, ou un cheval d’une vache ? Crois-tu qu’un aigle, un lion ou un dauphin puisse préférer une autre forme que la leur ? Si la nature donc, nous a enseigné de la même façon que rien n’est plus beau que l’homme, il ne faut pas s’étonner alors que pour cette raison nous imaginions que les dieux ont une forme humaine ? Suppose que des animaux soient dotés de raison, ne décerneraient-ils pas tous le premier prix de la beauté à leur propre espèce ?
XXVIII. Pourtant, par Hercules (je dis cela comme je le sens) bien que je sois passablement satisfait de moi-même, je n’oserai pas pour autant prétendre que je suis aussi beau que le taureau qui enleva Europe. Car il n’est pas question ici de ce qui concerne notre génie ou notre éloquence, mais de notre apparence et de notre physique. Et même si nous pouvions revêtir et assumer pour nous-mêmes n’importe quelle forme, ne serions-nous pas en réalité fort peu désireux de ressembler au triton marin tel qu’il est nous dépeint lorsqu’il nage, partiellement humain seulement et terminé par celui d’un monstre des mers ? Là nous abordons un point difficile ; car si grande que soit la force de la nature il n’y a personne qui ne voudrait ressembler à autre chose qu’un homme. Mais à quel genre d’homme d’ailleurs ? Car combien peu nombreux sont ceux qui peuvent prétendre à la beauté ! Quand j’habitais Athènes, une troupe entière d’éphèbes un comptait à peine un de vraiment beau. Vous riez, je vois ; mais ce que je vous dis là est la vérité. Nous qui, à la suite des philosophes antiques, apprécions les jeunes garçons (?), les défauts son souvent un charme supplémentaire. Alcée était attiré par une verrue qu’un garçon avait sur l’articulation d’un doigt ; pourtant une verrue est un défaut ou une imperfection du corps ; mais à lui donc elle lui semblait être une vraie beauté. Q. Catullus, le père de mon ami et collègue, s’était amouraché de ton jeune compatriote appelé Roscius à propos duquel il a écrit ces quelques vers :
Alors que je me tenais là debout pour saluer le soleil levant
Roscius apparut soudainement à ma gauche :
Et pardonnez-moi, ô dieux, si j’ose le dire
La beauté du mortel défia celle des immortels
Roscius plus beau qu’un dieu ! Pourtant il louchait alors, comme maintenant d’ailleurs. Mais qu’est-ce que ça veut dire si ce défaut lui conférait une beauté supplémentaire aux yeux de Catulus.
Brrr ! Revenons donc à nos anges et à nos déesses à nous autres Celtes d’esprit ! En tant qu’êtres intermédiaires entre les hommes et le dieu supérieur que Zoroastre appelle Ahoura Mazda.
Commentaires néo-druidiques sur cet exposé de l’avocat marron que fut Cicéron.
a) Les vrais druides n’ont jamais prétendu que les dieux étaient complètement immortels, ils sont mortels, mais ont une vie infiniment plus longue que celle des êtres humains, puisqu’elle ne prendra fin qu’avec le présent cycle cosmique qui est le nôtre. Ils disparaîtront donc eux aussi avec la fin de ce cycle. Mais sans doute pour réapparaître sous d’autres noms dans le cycle suivant puisqu’ils correspondent à certains éléments réellement éternels constitutifs de l’être, de l’univers (Bitos).
b) Finalement la solution retenue par l’épicurien imaginaire de Cicéron est que les dieux ont un corps… mais un peu comme le corps glorieux du christ selon les chrétiens ou les corps éthérés des spirites de l’École druidique « hérétique » (disons déviante par rapport aux grandes lignes druidisme de référence) d’Alan Kardec.
c) Plus légèrement, les grains de beauté bien placés (près des lèvres par exemple) peuvent faire ressortir la beauté, la preuve les mouches que les élégantes se collaient sur le visage.
d) On peut bien entendu se sortir de ce genre de difficultés théoriques en faisant comme les juifs les chrétiens ou les musulmans, en répondant qu’il s’agit là de mystères par définition et qu’il ne faut pas chercher à comprendre, mais avoir la foi. Les néo-druides que nous sommes reconnaîtront plus honnêtement qu’il s’agit là d’une des quelques apories subsistant dans le druidisme.
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Les druides eux étaient quand même plus logiques que les auteurs de la Bible et du Coran, ils avaient du mal à imaginer des corps d’hommes réellement munis d’ailes, de deux ailes de quatre ailes de six ailes et donc en un sens aussi mixtes ou hybrides que les horribles tritons évoqués plus haut par le personnage mis en scène par Cicéron ou les affreux séraphins de la Bible.
Ils trouvaient plus simple de penser que les êtres venus de l’autre monde pour communiquer avec les hommes
REVÊTAIENT ENTIÈREMENT, POUR CE QUI EST DE L’EXTÉRIEUR, DE LA FORME, MAIS PROVISOIREMENT,
UN CORPS D’OISEAU QUE TOUT LE MONDE S’ACCORDAIT ALORS À TROUVER SPLENDIDE, AVANT DE REPRENDRE UNE APPARENCE TOTALEMENT HUMAINE AU MOMENT D’ENGAGER LE DIALOGUE. Un dialogue « musclé » d’ailleurs en l’occurrence, comme dans le cas de l’ange qui affronte Jacob dans la Bible. Sauf que là, les druides étant ou plus réalistes ou moins orgueilleux, ce n’est pas Jacob qui l’emporte.
Quoi de plus naturel en effet ?
Voir des hommes ailés apparaître dans le ciel et se poser sur terre pour vous adresser la parole dans le meilleur des cas, voire se battre contre vous comme dans le cas de la lutte de Jacob contre l’ange ?
Ou…
apercevoir des oiseaux sortant de l’ordinaire dans le ciel et, quelques minutes plus tard voir des inconnus comme surgis de nulle part se diriger dans votre direction pour entrer en contact avec vous ?.
Vous je ne sais pas, mais le deuxième scénario me semblerait moins contraire aux lois de la nature que le premier.
De toute façon les druides ayant composé le récit mythique d’origine ont eu la prudence de faire en sorte qu’il s’agisse d’une apparition en rêve. IL S’AGIT D’UN RÊVE !
Autre point à noter.
Si dans la Bible et le Coran les anges sont essentiellement de sexe masculin absolument indéniable (puisqu’ils sont capables de faire des enfants aux filles des hommes, à moins bien entendu qu’il ne s’agisse que d’un énième non-sens de ces livres sacrés qui ont fait tant de mal à l’Humanité*) chez les Celtes, ils sont très majoritairement de sexe féminin. C’est comme ça, peut-être que les femmes partent plus volontiers que les hommes à la recherche d’autrui et des étrangers, ou que les hommes sont plus casaniers, qui sait ?
Nous passerons par contre sur le petit côté un peu sado-maso de ce « dialogue » entre les anges et le Hésus Cuchulainn. Il est vrai que cette histoire de coups de cravache est pour le moins curieuse, mais c’est peut-être là une des conséquences du fait que le texte a été tronqué ou rattaché assez artificiellement à un autre.
Et puis de toute façon tout cela ne se produit-il pas… en rêve ?
* Le progrès intellectuel et moral de l’Humanité a été instantanément arrêté par l’extension de ce type de mentalité religieuse au IVe siècle (il a fallu la Renaissance pour que l’Humanité reprenne son envol). Revenir au Coran (aux hadiths ou à l’isma de Mahomet) ainsi qu’à la Bible pris au pied de la lettre sans esprit critique… c’est donc revenir en arrière, une régression intellectuelle que j’estime catastrophique pour l’histoire des hommes en ce qui me concerne ; et je ne comprends pas pourquoi les intellectuels et les gens de média en France soutiennent le contraire, tout au moins ne le disent pas (haut et fort également), voire laissent entendre par leur lâche et coupable silence que l’islam est un progrès par rapport aux idéologies religieuses juives ou chrétiennes, qui elles-mêmes bien entendu sont des monuments indépassables de la pensée humaine (de la connerie humaine oui !) allant de soi et ne posant aucun problème, etc., etc.
Telle est mon opinion ! Toute la question est : ai-je le droit de l’avoir, ai-je le droit de l’exprimer, ai-je le droit de la faire partager ?? Encore ? Il est vrai que quand un sage montre la lune du doigt, les intellectuels français regardent le doigt.
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Une des femmes avait un manteau vert, l’autre portait sur elle un manteau pourpre à cinq plis.
La femme avec le manteau vert vint sur lui et le frappa, elle lui donna un coup de cravache. L’autre s’approcha elle aussi et lui donna également des coups de cravache, en le battant de la même manière ; elles restèrent longtemps à le battre ainsi comme plâtre, chacune à tour de rôle, et le laissèrent pour mort. Ensuite elles s’en allèrent.
Les Ulates s’aperçurent qu’il s’était passé quelque chose et ils se demandèrent s’ils devaient le réveiller.
Non répondit Fergus, n’y touchons pas tant que la nuit n’est pas venue.
Le Hésus Cuchulainn se releva de son profond sommeil quelque temps après.
Qui s’en est pris ainsi à toi ? lui demandèrent les Ulates.
Mais il était de toute façon encore incapable de leur répondre.
Que l’on me transporte, demanda-t-il un peu après, jusqu’à mon lit d’hôpital, à savoir Téti Brecc, pas au château d’Imrith ni au château de Delca.
Qu’on le ramène plutôt chez Aemer [sa femme], au château de Delca, dit Loeg.
Non, reprit-il, qu’on m’amène à Téti Brecc. Il fut alors transporté jusque-là, et il resta là ainsi tout le reste de l’année sans dire un mot à quiconque.
Lathi n-and resint shamfhuin aile cind blíadna, a m-bátar Ulaid imbi isin taig.i. Fergus etir & fhraigid, Conall Cernach etir & chrand, Lugaid Réoderg etir & adart, Ethne Ingubai fria chossa…
Or un jour de la fin de l’année, juste avant Samo (ios), alors que les Ulates étaient autour de lui dans sa maison, à savoir Fergus, entre lui et le mur, et Conall le Victorieux entre lui et la porte ; Lugaid aux raies rouges entre lui et son oreiller [en train de le lui remonter ?] Ethné Inguba se tenant à ses pieds ; alors qu’ils étaient ainsi [à veiller sur lui], un homme entra dans la maison et se dirigea vers eux, puis s’assit en face du lit où gisait le Hésus Cuchulainn.
Qu’est-ce qui t’amène ici ? demanda Conall le victorieux.
Je vais vous le dire, répondit-il. Si l’homme qui est ici était en bonne santé, il constituerait une protection contre tous les Ulates ; mais dans l’état où il se trouve maintenant, à savoir très malade et très faible, il constitue une meilleure protection encore contre eux ??????????? Je ne crains rien, ajouta-t-il, car c’est pour lui parler que je suis venu ici.
Tu es le bienvenu, tu n’as rien à craindre, répondirent les Ulates.
Alors il s’approcha et leur psalmodia les vers suivants.
O Hésus Cuchulainn ! Toi et ta maladie de langueur,
Ne resteraient pas longtemps dans cet état
Si étaient avec toi pour te guérir
Les filles d’Aed Abrat.
Li Ban de la plaine de Cruach a dit
Elle qui siège à la droite de Labraid le rapide
Que Wanda/Fand serait sincèrement très heureuse
De devenir la femme du Hésus Cuchulainn.
Heureux serait le jour en vérité
Où le Hésus Cuchulainn pourrait venir dans mon pays
Il aurait de l’argent et de l’or,
Il aurait des rivières de vin à boire.
S’il devient ce jour-là mon ami de cœur
Le Hésus Cuchulainn fils de Sualtam
Tout ce qu’il a vu dans son rêve
Il pourra l’avoir sans recourir à la force de ses armes.
Dans la plaine de Murthemné, ici, au sud,
La nuit de Samon, et pour ton plus grand bien
Li Ban viendra de ma part,
O Hésus Cuchulainn, afin de guérir ta maladie.
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Ô Hésus Cuchulainn !
Qui es-tu ? lui demandèrent-ils.
Je suis Mabon/Maponos/Oengus fils d’Aed Abrat, leur répondit-il. Ensuite il les laissa sur place sans qu’ils sachent comment il était venu ni comment il s’en était allé.
Le Hésus Cuchulainn se mit sur son séant et parla.
Il était temps c’est sûr, s’exclamèrent les Ulates, raconte-nous ce qui s’est passé.
J’ai eu, dit-il, une vision il y a un an. Et il leur raconta tout ce qu’il avait vu en songe.
Que doit-on faire maintenant, mon seigneur Cunocavaros/Conchobar ? demanda le Hésus cuchulainn.
Ce qu’il faut faire, répondit Cunocavaros/Conchobar, tu vas retourner là où il y a cette pierre dressée.
Le Hésus Cuchulainn se mit donc en route pour atteindre ce menhir quand il aperçut la femme avec le manteau vert venir vers lui.
C’est bien, ô Hésus Cuchulainn, lui dit-elle.
Non ce n’est pas bien évidemment, mais quel était donc l’objet de la visite que tu m’as faite l’an dernier ? demanda le Hésus Cuchulainn.
Ce n’était pas pour te blesser que nous étions venues, répondit-elle, mais pour y chercher ton amour. Je suis revenue maintenant pour parler avec toi, dit la femme, de la part de Wanda/Fand, la fille d’Aed Abrat, qui a été abandonnée par Belin/Belen/Barinthus fils de Lir, le Mannois, et qui en a conçu un grand amour pour toi. En ce qui me concerne, je m’appelle Li Ban. J’ai un message pour toi moi aussi, de la part de mon époux, Labraid « à la main prompte à dégainer l’épée ». Il te donnera cette femme si tu acceptes de l’aider ne serait-ce qu’une journée dans sa guerre contre Senach le démoniaque, Eochaid Iul ainsi qu’Eogan de l’estuaire.
Je ne suis pas prêt c’est évident, répondit-il, à livrer bataille contre des gens aujourd’hui.
Il ne faudra pas longtemps, répondit Li Ban pour cela, tu seras vite guéri et tu recouvreras toutes les forces que tu avais perdues ; mais fais cela pour Labraid, car c’est le plus noble des champions de ce monde.
Où demeure-t-il ? demanda le Hésus Cuchulainn.
Il demeure dans la plaine de Mag Mell, répondit-elle.
J’aimerais mieux aller ailleurs, répondit le Hésus Cuchulainn. Que Loeg y aille avec toi pour commencer afin de voir un peu le pays d’où tu viens !
Alors qu’il vienne, concéda Li Ban.
Ils se mirent donc en route pour atteindre le pays où se trouvait Wanda/Fand. Li Ban s’approcha de Loeg et le prit par l’épaule. « Tu n’en sortiras pas vivant aujourd’hui, O Loeg, lui dit Li Ban [Wanda/Fand par erreur dans le texte] si tu n’es pas placé sous la protection d’une femme ».
Ce n’était pas à ça que nous étions habitués jusque-là, répondit Loeg, être sous la protection d’une femme.
Hélas, trois fois hélas il est vraiment dommage que ce ne soit pas le Hésus Cuchulainn qui soit ici à ta place maintenant, répliqua Li Ban.
Moi aussi j’aurais préféré que ce soit plutôt lui qui soit ici à ma place aujourd’hui, rétorqua Loeg.
Ils avancèrent jusqu’à se retrouver en face de l’île. Ils virent une petite embarcation de bronze sur le lac devant eux. Ils montèrent à bord de la barque, débarquèrent sur l’île, et se dirigèrent vers la porte d’une maison. Ils aperçurent alors un homme venant dans leur direction et Li Ban lui demanda :
Où se trouve Labraid « à la main prompte à dégainer l’épée »
Le chef des troupes victorieuses
Triomphant sur son char
Au milieu des lances sanglantes ????
L’homme lui répondit ceci.
Labraid est en train de s’activer en ce lieu ??
Il ne reste pas sans rien faire toujours au lit ???
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Car il se prépare à livrer bataille, le sang va couler,
La plaine de Fidga en sera remplie.
Ils entrèrent alors dans la maison ; et y virent trois fois cinquante chambres ; avec trois fois cinquante femmes dedans. Toutes souhaitèrent la bienvenue à Loeg. En lui disant toutes ceci : « Sois le bienvenu, Loeg, à cause de celle avec laquelle tu es venu, en raison de celui qui t’a envoyé ici, et enfin à cause de toi-même ! »
Que vas-tu faire maintenant, Loeg ? demanda Li Ban, veux-tu aller voir Wanda/Fand tout de suite ?
J’irais bien volontiers, mais j’ignore où elle se trouve.
Je vais te le dire : elle se trouve dans une pièce à part, répondit Li Ban.
Ils allèrent la trouver pour lui parler, elle leur souhaita de même et pareillement la bienvenue.
Wanda/Fand était la fille d’Aed Abrat, i. áed tene. Is h-é tene na súla in mac imlesen. Aed signifie feu, le feu dans l’œil, c’est-à-dire la pupille de l’œil. Fand est le nom de la larme qui brille dedans. C’était à cause de sa pureté qu’on l’appelait ainsi, et à cause de sa beauté ; car il n’y avait aucune femme au monde qui pouvait lui être comparée.
Comme ils en étaient là, ils entendirent le roulement du char de Labraid arrivant dans l’île.
Labraid est de mauvaise humeur aujourd’hui, dit Li ban, allons le saluer.
Ils sortirent donc et Li Ban souhaita la bienvenue à Labraid puis lui chanta ce qui suit :
Bienvenue, Labraid à la main prompte à dégainer l’épée ;
Représentant de toute une armée à lui tout seul
Lanceur de javelines
Pourfendeur de boucliers
Lanceur de lourds javelots
Broyeur des corps
Tueurs de nobles guerriers
Chercheur d’assassins
Beau disperseur d’entrailles ???
Destructeur d’armées,
L’éventreur
Sois le bienvenu
Bienvenue à toi Labraid.
Labraid ne répondit rien et la jeune femme poursuivit :
Bienvenue, Labraid à la main prompte à dégainer son épée de guerre
Prodigue de ses revenus
Généreux envers tous
Avide de combats
Aux flancs meurtris
Fidèle à sa parole
Rigoureuse sa justice
Légère sa souveraineté
Fort son bras droit
Célèbre pour sa vengeance
Pourfendeur de guerriers
Labraid ; sois le bienvenu ; bienvenue Labraid !
Comme Labraid ne répondait toujours pas, canaid-si laíd n-aili affridissi, elle chanta un autre lai.
Bienvenue, Labraid à la main prompte à dégainer
Le plus vaillant des guerriers
Le plus hautain des chefs
Destructeur des puissants
Combattant de toutes les batailles
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Exterminateur de champions
Consolateur de faible
Qui subjugue le fort
Bien venue Labraid, bienvenue Labraid !
Ce que tu dis n’est pas juste, O femme ! répondit enfin Labraid, et il lui chanta ce qui suit :
Il n’y a ni présomption ni orgueil chez moi, O femme,
Ni d’euphorie trompant mon jugement,
Une bataille se prépare, qui sera décisive
Durant laquelle les mains droites joueront de l’épée avec beaucoup de sang dessus
Contre les nombreuses et ardentes troupes d’Eochaid Iul.
Nous ne pouvons pas nous permettre d’être présomptueux.
Il n’y a ni présomption ni orgueil en moi, O femme !
Réjouis-toi donc, dit sa femme, lui dit Li Ban, Loeg l’aurige du Hésus Cuchulainn est ici et il a pour mandat de te dire de sa part qu’il va venir se joindre à ton expédition.
Labraid lui souhaita donc alors à son tour la bienvenue et lui dit :
Tu es le bienvenu, O Loeg, pour l’amour de la femme avec laquelle tu es arrivé, ainsi que pour l’homme de la part de qui tu es venu. Retourne chez toi, O Loeg, ajouta Labraid, et Li Ban te suivra.
Loeg revint donc ensuite à Emania et il raconta toute l’histoire au Hésus Cuchulainn ainsi qu’à tous ceux qui étaient autour de lui.
Le Hésus Cuchulainn se leva, se passa la main dans les cheveux, et se mit à deviser gaiement avec Loeg, car il sentit alors à quel point ce que lui relatait son écuyer lui remontait le moral.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 6.
Badine. Nous traduisons le terme gaélique echfhleisc par cravache, mais rappelons qu’à l’origine il s’agissait d’une sorte d’aiguillon pour chevaux. Le petit côté sado-maso que ce détail confère à notre histoire est fortuit. Notons que si tout s’est passé en rêve, et qu’en tout cas les Ulates ne semblent avoir rien vu, puisqu’ils lui demandent qui lui a fait ça, les conséquences physiques sur l’état de santé du Hésus Cuchulainn semblent avoir été bien visibles. Peut-être s’agissait-il d’une crise d’épilepsie. Le psychosomatique est un domaine encore bien mystérieux, mais réel (effet placebo, etc.).
Le terme psychosomatique (du grec ancien : psyché, l’esprit et soma, le corps) désigne une manifestation d’un trouble psychique au niveau de la santé physique sans qu’une autre cause puisse être établie. Plus généralement, ce terme désigne tout ce qui concerne les effets de l’esprit sur le corps humain ou même animal. Il est ainsi question de somatisation pour désigner le processus par lequel un désordre psychique se manifeste sous la forme d’un trouble organique, comme une paralysie observée dans une hystérie de conversion sans que les nerfs soient touchés. Cette variété d’hystérie regroupe certaines manifestations neurologiques survenant de manière permanente (paralysie, anesthésie, modification des perceptions visuelles, etc.). Ce type d’hystérie surviendrait à la suite de bouleversements psychoaffectifs à propos desquels l’intéressé, pour Charcot, ne manifesterait qu’une « belle indifférence ».
On sait que certaines légendes nous présentent le Hésus Cuchulainn comme ayant triomphé des enfers (en étant ressorti sain et sauf). On peut se demander si cette légende au sens strict du terme (ce qu’il faut lire à ce sujet) n’est pas née d’un semblable épisode.
Fergus. Nous avons vu qu’au début du récit Fergus est donné pour absent. On peut supposer qu’il s’agissait de Cunocavaros/Conchobar, mais peu importe. Nous ne ferons pas comme les judéo-islamo-chrétiens, à savoir inventer ou raconter n’importe quoi pour justifier cette incohérence. Cette incohérence de notre texte vient de son caractère composite, deux récits, voire trois, cousus ensemble. Ce qui est plus embêtant c’est la chronologie relative. Où placer cette aventure dans la courte vie du Hésus Cuchulainn dans ce cas ?
C’est bien moins grave que l’absence du récit de l’apparition à divers témoins du prétendu ressuscité dans le plus ancien manuscrit connu des quatre évangiles, celui de Marc (dans le codex vaticanus manque en effet le chapitre XVI, 9-20 de l’évangile selon Marc, ce qui est quand même embêtant
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puisque cet évangile est peut-être le plus ancien des quatre). Il est vrai que d’après les docteurs de la Loi musulmane Jésus n’est pas mort crucifié. Alors, qui croire ???
Aemer. Même chose ! Apparaît bien ici dans le récit : Emiri do Dún Delca. Il doit nous manquer des pans presque entiers du récit original.
Téti Brecc, pas le château d’Imrith ni celui de Delca. Nous avouons ne pas comprendre le pourquoi de cette préférence. Téti Brecc ou le « palais bariolé de toutes les couleurs » semble avoir été une des trois demeures royales d’Emania Macha, les deux autres étant la Branche Royale (Craebh ruadh) et la Branche Rouge (Craebh Dherg). Le château de Delca, demeure ancestrale du Hésus Cuchulainn, passait pour avoir été construit par un prince gaulois ou Fir Bolg. Serait-ce la preuve que notre héros était d’origine Bolg ?
Un homme entra dans la maison… Genèse XVIII. Abraham était assis devant l’entrée de sa tente parmi les chênes sacrés de Mamré un après-midi d’une chaude journée d’Été quand, levant les yeux, il aperçut trois hommes devant lui… l’un d’entre les invités lui dit : je reviendrai à toi l’an prochain à la même époque ; et quand cela sera, Sarah aura eu un fils.
Aed Abrat. Aedh Abrath. Une des nombreuses divinités du panth-éon druidique, ou alors un des nombreux noms d’une des divinités du panth-éon druidique. Il est le père d’Oengus, de Fand et de Li Ban (cette dernière se voit parfois attribuer Eochaid comme père). Il est notamment cité dans le Seirglige ConCulaind & oenet Emire (La maladie de Cúchulainn et l’unique jalousie d’Emer), comme étant le père des « femmes oiseaux » (Fand et Li Ban), seules à pouvoir soigner le Hésus Cuchulainn. Son nom signifie littéralement « le feu de l’œil ». En tant que Túatha dé Danann, et surtout père de Wanda/Fand et d’Oengus, il n’y a pas de doute sur le caractère divin de ce personnage.
Labraid le rapide. Idem. Apparemment dans cet épisode c’est un des rois de l’autre monde, marié avec Li Ban. Il avait donc envoyé cette dernière demander de l’aide au Hésus Cuchulainn contre un de ses ennemis, en lui promettant donc en échange la main de sa belle-sœur Wanda/Fand. Qui était déjà mariée néanmoins. Alors qu’en conclure sur la moralité chrétienne des uns et des autres ? Peut-être se serait-il agi d’un mariage temporaire ou à l’essai. On retrouve là en tout cas le thème des « amours de loin » cher aux troubadours du sud de l’Europe comme le prince de Blaye (Jaufré Rudel), mais de la part d’une femme.
Le Labraid le plus connu est celui qui est surnommé en gaélique Loingsech (l’exilé, l’ultra-marin). C’est a priori un personnage historique, un haut roi d’Irlande, ancêtre des Laginiens du Leinster. Sans doute un aventurier venu s’y installer à la tête d’une puissante troupe de guerriers venus du Continent, et plus précisément d’Armorique selon T.F. O'Rahilly.
Láithe gaile Galián
gabsit inna lamaib laigne
Lagin de sin
slóg Galain glonnach.
Rien de tout cela ne concernerait notre sujet si certains documents irlandais ne nous présentaient pas ce Labraid “historique” comme un dieu régnant sur les hommes et les dieux.
Ór ós gréin glemair
gabais for doine domnaib sceo déib
dia oín as Moín
macc Áine oen-ríg.
Labraid étant un adjectif signifiant quelque chose comme éloquent ou bavard, cela doit être une épithète désignant un dieu plus connu sous un autre nom et il y a eu recyclage dans la biographie du Labraid historique de détails puisés par les bardes dans la mythologie ou le culte de cette figure divine. Un des lais qui va suivre ressemble fort par exemple au genre de prières que l’on pouvait adresser à une telle divinité à la fois Dieu de l’éloquence et de la guerre comme Ogma en Irlande Ogmios sur le Continent. Sauf que le détail du char correspond plus à Taran/Toran/Tuireann qu’à Ogmios.
Wanda/Fand. On explique habituellement le nom de cette malheureuse par celui de la larme (fand) ou du vanneau et de l’hirondelle (fannal) en gaélique. Il faut sans doute aller plus loin et remonter à une racine indo-européenne wen – que l’on retrouve dans le nom de Vénus. Wanda/Fand serait donc une
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sorte de Vénus, mais pour les Celtes. Certains experts en font un archétype du personnage appelé Laudine dans les romans de la Table Ronde.
Li Ban. Nom signifiant littéralement « perle des femmes, la plus belle des femmes ».
Comme d’habitude vu la dislocation qui a suivi la christianisation, les généalogies ont perdu toute logique et se sont emmêlées. Dans ce récit donc Aed Abrat est père de Wanda/Fand et de Li Ban. Mais dans d’autres légendes, Li Ban a pour père un dénommé Eochaid. Nous ne dirons pas que tout cela est sans importance, car nous regrettons au contraire qu’il soit si difficile maintenant de s’y retrouver. Enfin heureusement reste l’âme ou l’esprit de tous ces récits.
Quant au personnage masculin appelé Oengus, s’agit-il du Mabon/Maponos/Oengus de nos récits de base ou d’un autre??? Difficile à dire. Voir nos brochures sur le panth-éon druidique et la mythologie. De toute façon la Bible est bien tout aussi embrouillée alors… Encore une fois ce qui doit faire la différence c’est l’état d’esprit présidant à ces récits : il existe un monde parallèle au nôtre peuplé d’être vivant à cent coudées au-dessus de nous. Il n’existe pas de barrière étanche entre les deux mondes.
Des habitants de l’autre monde peuvent se manifester dans le nôtre et réciproquement des humains peuvent se retrouver dans l’autre.
Le moment privilégié pour les manifestations de ce phénomène tourne autour de la fête de Samon (1er novembre).
Il existe également des lieux plus propices que d’autres à ces contacts.
Il va de soi que ce que nous appelons nous autres pauvres humains monde parallèle doit sans doute en toute bonne logique être mis au pluriel, la meilleure des images dans ce cas étant celle du mille-feuilles (l’être ou univers existant est comme un mille-feuilles dont nous n’occuperions qu’un tout petit bout).
À part ça nous sommes bien incapables d’en dire plus. À chacun de voir !
Le Mannois (de l’île de Man). C’est très exactement ce que signifie le mot gaélique Manannan. Il s’agissait d’un des puissants maîtres de l’autre monde parallèle des dieux, tout particulièrement vénéré dans l’île de Man. Sans doute un avatar…
— soit de Taran/Toran/Tuireann.
— soit de Lug.
— soit enfin justement, ce qui correspond le mieux à sa personnalité, de Belin /Belen appelé par la suite Barinthus ou saint Barrind/Barri dans la documentation chrétienne (la navigation de saint Brendan). La mention « fils de Lir » ne sert peut-être en l’occurrence qu’à souligner le caractère étroitement insulaire de cet avatar de la grande divinité en question. Une sorte d’équivalent de nos modernes « Saint-Michel au péril de la mer ».
L’histoire n’est pas très claire (avait-elle vraiment été abandonnée par son mari ???), car finalement Belin/Belen/Barinthus sera quand même bien le seul appui auquel la malheureuse pourra se raccrocher. Comme quoi le mariage n’est pas toujours ce que l’on croit.
Senach le démoniaque. Nous rendons par démoniaque l’adjectif gaélique siaborthe qui renvoie vraisemblablement à la notion de siabra ou de serriti. Voir contre-lais du livre précédent. Mais cette qualification est certainement due aux manipulations haineuses et racistes d’un moine chrétien ayant tenté de le diaboliser, car ce personnage apparaît sous un jour tout ce qu’il y a de plus sympathique (il s’agit d’accorder une longue vie) dans une prière en gaélique qui commence ainsi : Admuiniur Senach sechtamserach : j’invoque Senach des sept âges (ou l’Ancien des sept âges)…, etc.
Eogan de l’embouchure. Autre personnage difficile à identifier. Apparemment donc encore un résident de l’autre monde des dieux.
Mag Mell. Ce qui signifie littéralement « la plaine de la joie, la plaine des gens agréables à fréquenter ». Nom d’une des tribus au sud de Paris d’ailleurs, les Meldi (Meaux). Un des nombreux noms du Paradis druidique. Cet état de l’être (car ce n’est pas un lieu matériel évidemment comme le croira saint Brendan) a autant de noms différents que le dieu de la Bible ou du Coran, ce qui n’est pas peu dire.
Ils avancèrent jusqu’à se retrouver en face de l’île. Ils virent une petite embarcation de bronze sur le lac devant eux. Cette phrase n’est pas très claire. On a l’impression de prime abord qu’ils viennent
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d’arriver au bord d’un lac et que l’île de Labraid se trouve donc au beau milieu dudit lac. Mais il est visiblement question après de la mer ou de l’Océan alors…
Et de toute façon il ne s’agit pas d’une vraie barque non plus bien entendu, mais d’une barque symbolique ou magique, permettant de parcourir instantanément ou presque des distances incommensurables. Le terme gaélique correspondant est lunga. De nos jours dans les films comme la guerre des étoiles on parlerait de plongée dans l’hyperespace.
Nos ancêtres étaient plus modestes et imaginaient seulement des barques de bronze analogue à celle trouvée dans le sanctuaire de la déesse Sequana aujourd’hui propriété de la ville de Paris.
La barque d’une longueur de 40 centimètres est entourée d’un pavois percé de nombreux trous (pour y mettre des rames ?). La figure de prouve représente un canard ? tenant dans son bec un fruit rond. Apparemment donc et malgré sa modestie la source de la Sequana était considérée comme une porte de communication possible avec l’autre monde, et dans les deux sens, puisqu’on y a retrouvé de nombreux ex-voto en bois, preuve que ce fut là jadis un lieu de pèlerinage connu.
Les habits de la déesse ne sont ni celtiques ni romains : elle est vêtue d’un chiton (fine tunique grecque), agrafé à l’aide de fibules rondes sur les bras et retenu par une ceinture nouée sous la poitrine. Le visage présente un ovale plein, aux traits réguliers et fins. Les cheveux, séparés par une raie médiane, sont coiffés en fines mèches coupées court sur la nuque ; sur le devant, ces mèches se gonflent en bandeaux sur le front et tombent en une longue boucle ramenée devant l’épaule. Un large diadème, orné de six perles dont trois ont disparu, couronne la tête.
Mais laissons tous ces adeptes du dieu d’amour seul vrai unique et ainsi de suite à leurs sinistres visions d’un univers peuplé de démons hideux et puants qui les agressent, chacun son style et revenons plutôt à ce qu’il est de coutume d’appeler un monde meilleur, traditionnellement peuplé de princes charmants et de princesses, résonnant d’une musique divine et regorgeant de nourritures succulentes inépuisables ou avec plein de bagarres, qui se terminent toujours bien, pour les garçons qui en veulent.
Ce qui est plus logique d’ailleurs puisque les druides antiques ne croyaient pas en l’existence d’un univers de type infernal ainsi que le montrent les nombreuses gloses d’un vers de Lucain ayant fait couler beaucoup d’encre à ce sujet.
Commentaires sur le vers 454.
Manes esse non dicunt.
Ils ne disent pas que les mânes existent.
Hoc enim disputant animas ad inferos non ire, sed in alio orbe nasci.
Ils contestent en effet que les âmes/esprits puissent aller en enfer, car ils pensent qu’elles naissent alors à un autre monde.
Id est sicut uos dicitis anime ad inferos non descendunt, sed in orbe alterius hemisperii incorporantur iterum uel in aliqua parte orbis a uobis remota.
C’est-à-dire selon vous les âmes/esprits ne vont pas en enfer, mais vont encore revêtir un corps dans une partie du monde située dans l’autre hémisphère ou dans quelque partie d’un monde qui vous est inconnu.
Nos ancêtres avaient-ils tort de ne pas croire à l’enfer ? À chacun de voir, en ce qui nous concerne nous tenons à signaler un phénomène qui apparaît plus qu’évident dans notre enquête.
Les druides antiques avaient eu la finesse de supposer l’existence d’autres mondes différents, car adaptés aux personnalités de chacun. Ce que font d’ailleurs aussi les chrétiens, mais plus grossièrement du coup en envisageant un paradis un purgatoire et un enfer comportant plusieurs cercles en outre (il y a plusieurs pièces dans la demeure du père non ?) Ainsi que nous l’avons souligné, pour les druides antiques il ne s’agissait pas d’un enfer divisé en plusieurs domaines différents, mais d’un paradis divisé en plusieurs domaines différents.
Un cercle du paradis correspondant à la troisième fonction, celle des producteurs de richesses ou des artisans.
Un cercle du paradis correspondant à la première fonction, celle des druides.
Un cercle du paradis enfin correspondant à la classe des guerriers.
Gageons que le paradis des druides et pour les individus de type druide devait être très différent.
Mais le fait est que ce sont les récits qui mettent en scène ou illustrent le cercle du paradis qui correspond aux individus de type guerrier, qui sont parvenus à nous en plus grand nombre, pour d’évidentes raisons : ils avaient un public à la fois suffisamment nombreux et suffisamment riche pour que cela soit payant (pour les bardes colportant ce genre de récits). La censure chrétienne s’est peut-
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être aussi exercée plus férocement sur les récits mettant donc en scène des cercles du paradis plutôt destinés aux individus de type « druide ».
Notons néanmoins qu’il s’agit là d’une vue de l’esprit assez poétique et qu’il est évident que tous ces cercles du paradis pour les appeler ainsi communiquaient entre eux. Ce que nous venons de remarquer n’était sans doute qu’une schématisation de la part des druides aussi arbitraire que la classification en genre divers (enlèvements de bétail, cour faite à une femme, aventures dans l’autre monde, morts tragiques ou batailles et ainsi de suite…) des légendes gaéliques, par les bardes eux-mêmes.
Insistons enfin sur le fait qu’il s’agit là de conventions destinées à tenter de rendre concevable par un esprit humain ce qui est en réalité un état de l’être difficilement imaginable, un état de l’être et non un lieu, répétons-le ! Ce n’est que par convention poétique que l’on peut accéder à ces états de l’être au moyen d’un vaisseau naviguant sur les mers à la vitesse de la lumière ou grâce à une barque remontant le courant d’une source jusque dans les profondeurs de la Terre.
Aed signifie feu, le feu dans l’œil, c’est-à-dire la pupille de l’œil. Fand est le nom de la larme qui brille dedans. I. áed tene. Is h-é tene na súla in mac imlesen. Il s’agit bien évidemment d’une glose, c’est-à-dire d’une explication d’abord notée en marge par un quelconque moine copiste, mais qui a fini par se retrouver insérée dans le corps même du texte, sans être signalée comme telle d’une façon ou d’une autre. Le phénomène existe également dans la Bible ce qui fait que l’on a longtemps pris pour parole de dieu ou à tout le moins divine une simple parole humaine commentant ou expliquant tel ou tel mot tel ou tel phrase, et figurant d’abord en marge du texte puis finissant par se retrouver insérée au sein même des paroles censées être saintes et divines. Ce qu’en d’autres termes on appelle un para-texte, généralement présenté comme des titres ou des prologues.
Quelques exemples : le Livre des Proverbes s’ouvre par un verset (« Proverbes de Salomon, fils de David, roi d’Israël »), qui contient des indications de titre et d’auteur ; il se poursuit par quelques versets susceptibles d’être identifiés comme une préface ; aux chapitres 10, 25, 30 et 31 sont à nouveau données des indications de titre. L’Évangile de Luc commence lui aussi par un groupe de versets qui constituent un prologue. Enfin le premier verset de Matthieu est habituellement considéré comme son titre. Dans ces cas, le para-texte est donc inscrit dans le texte canoniquement accepté alors qu’il ne constitue aucunement une parole divine, mais n’est qu’une simple parole humaine.
Il existe d’incontestables para-textes de cette nature dans le Coran, c’est-à-dire des mots qui ne sauraient avoir été prononcés par l’archange Gabriel.
Laissons de côté la très controversée histoire des versets gharaniq rebaptisés « sataniques » et sur les lesquels nous nous sommes déjà exprimés.
Parlons plutôt du cas des chapitres du Coran commençant par des lettres n’ayant aucun sens en arabe, exemple alif lam mim. Il y a en effet des lettres ou groupes de lettres commençant certains chapitres du Coran. 29 chapitres en tout. Certains chapitres ne commencent que par une seule lettre, le chapitre 68 par exemple, qui commence par la lettre « noun ». Certains en ont quatre comme le chapitre 13 (alif lam mim ra). Il existe même un chapitre du Coran commençant par cinq lettres ne voulant rien dire, le chapitre 16 consacré à la Sainte Vierge (Marie). Qui commence par les lettres kaf ha ya aïn sad.
Si ce n’est pas du para-texte ça, et ben alors c’est que l’archange Gabriel avait dû boire un peu trop ce jour-là et qu’il avait quelque peu mélangé ses notes ou ses papiers.
Un archange Gabriel qui, rappelons-le, n’apparaît que peu et assez tardivement dans toute cette histoire, avant à La Mecque les gens malintentionnés disaient plutôt que Mahomet n’était qu’ un homme possédé par un djinn.
Il existe également dans le Coran de papier que nous avons entre les mains d’autres formules qui ne sauraient figurer dans un Coran céleste incréé aussi consubstantiel à Dieu que l’était Jésus.
D’après les musulmans le Coran serait une parole divine incréée directement descendue du ciel et il n’y aurait pas un seul mot de l’homme Mahomet dedans. Or cette affirmation ne résiste pas non plus aux faits suivants.
Prenons par exemple le chapitre 11, le verset 2.
Qui commence ainsi que nous l’avons déjà dit, par des traces d’un rangement ou classement de papiers ou de notes antérieur, à savoir les lettres « alif lam ra ».
Le verset 2 s’énonce ainsi : « N’adorez que Dieu, moi je ne suis qu’un avertisseur ou un porteur de bonnes nouvelles envoyé par lui ! »
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Si c’était vraiment l’archange Gabriel qui avait parlé, il aurait dit : « N’adorez que Dieu, Mahomet n’est qu’un avertisseur envoyé par lui, etc. ! ».
Il existe dans le Coran de nombreux autres exemples de ce type. En voici un autre (cette fois-ci ce sont les anges qui parlent), le chapitre 19 sur la Sainte Vierge qui commence ainsi que nous l’avons déjà dit par des traces ou des vestiges de classement bien antérieur, les lettres kaf ha ya aïn et sad.
Le verset 64 : « Nous ne descendons que sur l’ordre de ton Seigneur, etc. » Il est évident dans ce cas que ce sont les anges qui parlent, et non Dieu ni même Gabriel.
Le nier catégoriquement est-il une preuve d’intelligence ?? Absolument pas ! Le musulman qui nie cela ne fait pas preuve d’intelligence, ne manifeste pas son intelligence, ne fait pas fonctionner son cerveau, il ne fait pas fonctionner la plus noble conquête de l’Homme, celle qui le distingue de l’animal, mais fait preuve de l’intensité de sa foi qui, comme chacun sait, n’a rien à voir avec la raison. Faire apprendre le Coran par cœur est donc une gigantesque entreprise de lavage de cerveau et certes pas un exercice d’esprit critique. Recevoir le Coran sans esprit critique est un abrutissement, un décervelage. L’islam sans recul et sans esprit critique est un éteignoir de la pensée humaine.
On peut d’ailleurs aussi considérer comme du para-texte tous les propos qui sont mis dans la bouche des opposants ou adversaires de Mahomet, ainsi que les propos un peu trop de circonstance, servant uniquement à justifier la conduite du prophète, mais n’ayant pas grand-chose à voir avec la théologie ou la spiritualité la plus élevée (tout ce qui concerne le nombre d’épouses qu’il pouvait avoir lui et pas les autres musulmans, c’est-à-dire le chapitre 33, versets 50.
« Ô prophète ! il t’est permis d’épouser les femmes que tu auras dotées, les captives que Dieu a fait tomber entre tes mains, les filles de tes oncles et de tes tantes maternels et paternels qui ont émigré avec toi, ainsi que toute croyante qui aura donné son âme au prophète, si le prophète veut l’épouser. C’est un privilège que nous t’accordons sur les autres croyants ». Donc entre 9 et 15 en tout.
Décidément le Dieu des musulmans a beaucoup de temps à perdre en détails pour le moins passablement égoïstes beaucoup trop humains en tout cas pour être vraiment divins. Ou disons qu’il est vraiment clément et miséricordieux, à tout le moins vraiment compréhensif (pour son prophète surtout, moins pour les autres. On est là aux antipodes du « bénis soient les pauvres… » du Sermon sur la Montagne, rapporté dans les Évangiles de Matthieu (5, 3-12) et de Luc (6, 20-23).
Nous comprenons bien la situation. À la suite de cette sombre histoire d’adultère ou de coucherie avec la femme de son fils adoptif, ce pauvre Mahomet avait honte, il avait honte ou on lui faisait honte, donc l’être suprême ou Ahoura Mazda de cette société (celle de Yathrib/Médine), autrement dit Dieu, notre Dieu, devait intervenir pour le soutenir.
Cela fait quand même beaucoup de paroles humaines mélangées aux paroles divines tout ça !
Beaucoup de paroles des hommes au sein même des paroles divines !
Ces versets faisant une exception en faveur de Mahomet pour ce qui est du nombre d’épouses apparaissent quand même vraiment comme une scorie polluant le message spirituel délivré. Heureusement pour le christianisme il n’a point à traîner ce genre de boulet (ces lourdes et pénibles arguties), le héros de son roman métaphysique ayant plus sagement préféré consacrer toute son énergie physique à la diffusion du message de son Père plutôt que d’avoir tout un troupeau de femmes en guise de bétail, ce qu’il aurait pu faire visiblement s’il l’avait voulu.
Bref, pour conclure, nous avons nous aussi du para-texte dans nos légendes, toute la question est de savoir par exemple en l’occurrence si cette étymologie ERRONÉE du nom de Wanda/Fand a pu influencer l’image que l’on a pu se faire d’elle ultérieurement. Car en ce qui nous concerne et tout comme dans le cas du prophète Mahomet nous portons sur son rôle dans toute cette affaire un jugement de valeur beaucoup moins clément et miséricordieux pour la personne concernée que le dieu d’Abraham et de Mahomet.
Rien ne prouve que Wanda/Fand est une femme battue (durement et fréquemment) et elle apparaît surtout comme une briseuse de ménage capricieuse et profondément injuste envers son mari. Tout cela fait un peu jugement de divorce à la française avec que des femmes comme juges de l’affaire.
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Ce Labraid sur son char ressemble tout à fait à Taran/Torann/Tuireann. Se pourrait-il que le poème que lui chante Li Ban soit en fait une antique prière destinée au roi des dieux ??? Vu le caractère très composite de notre texte, fait de bric et de broc, pourquoi pas ?
Représentant de toute une armée. Nous traduisons ainsi l’expression gaélique Comarbae buidne.
Beau disperseur d’entrailles. À ceux qui se demanderaient bien ce que vient faire l’idée de beauté dans ce tableau, nous répondrons que c’est peut-être ce que signifie le théonyme vieux celtique Belatucadros (beau tueur ???).
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Il y avait à ce moment-là un grand rassemblement politique des quatre provinces de la verte Erin, afin de voir s’il était possible de trouver quelqu’un susceptible de se voir confier la souveraineté sur l’Irlande ; puisque tous estimaient qu’il n’était pas bien que la Colline de la Suprématie et de la Seigneurie d’Irlande, qui se trouve à Tara, ne soit plus le siège de la juridiction d’un roi ; que tous estimaient qu’il était mauvais qu’il n’y ait plus de juge royal chez eux. Car les hommes d’Irlande étaient sans gouvernement et sans roi depuis sept ans, depuis la mort de Conaire à Bruden da Derga. D’où cette grande assemblée de quatre provinces de la verte Erin, dans la Tara des rois, dans la maison d’Erc le fils de Carpre Niafer.
Voici quels étaient les rois qui participaient à cette réunion, Maeve et Ailill, Curoi, Tigernach Tetbannach, fils de Luchta, et Finn fils de Ross.
Ces hommes ne tenaient pas conseil avec les Ulates afin de choisir un roi, car ils étaient alors ligués contre eux.
Ils organisèrent alors une fête du taureau afin de découvrir à qui donc ils pourraient confier la souveraineté sur le pays.
Une telle fête se déroulait ainsi : un taureau blanc était tué, ensuite un homme mangeait à satiété de sa chair et de son bouillon ; puis s’endormait repu. Quatre druides psalmodiaient alors une prière sur lui et il voyait lui apparaître en rêve la silhouette de l’homme qui devait être fait roi, ainsi que son allure, à quoi il ressemblait, voire ce qu’il était en train de faire.
L’homme sortit donc de son sommeil et décrivit à tous ces rois ce qu’il avait vu, à savoir un jeune homme, noble, ayant la bonne force avec lui (sonairt), avec deux bandes (chris) rouges autour de lui, assis au chevet d’un homme malade à Emania Macha.
Un message fut envoyé aussitôt à Emania avec cette description.
Les Ulates étaient alors rassemblés autour de Cunocavaros/Conchobar et le Hésus Cuchulainn.
Le courrier délivra son message à Cunocavaros/Conchobar ainsi qu’aux nobles ulates présents.
Il y a bien avec nous un jeune noble descendant d’une grande famille correspondant à cette description, répondit Cunocavaros/Conchobar, à savoir Lugaid aux raies rouges, le fils des trois beaux (find ?) d’Emania, l’élève du Hésus Cuchulainn ; au chevet duquel il veille en personne aujourd’hui afin de consoler son tuteur ; à savoir le Hésus Cuchulainn actuellement cloué dans son lit.
Note de la rédaction. Suit alors ce que l’on appelle en gaélique un Teagasc an Riogh ou plus généralement un tecosc. N.B. Un des plus célèbres exemples de cette littérature après celui-là est le texte intitulé Tecosca Cormaic.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 7.
Conaire. La mort de Conaire est relatée dans le texte gaélique intitulé Togail Bruidne da Derga : la destruction de la résidence de Da Derga. Mais il s’agit là bien sûr d’une énième tentative d’historicisation du mythe panceltique initial qui était à l’origine comme tout mythe intemporel et non précisément localisable. Encore que ce texte, le togail bruidne da Derga soit tout sauf de l’histoire crédible.
Erc. Ce Erc sera plus tard celui qui osera décapiter notre héros solidement attaché à son menhir ou à sa pierre levée de Muirthemné. Comme quoi chaque époque peut avoir son Judas. N.B. Nous utilisons la comparaison au sens habituel du terme sous nos latitudes. Une autre lecture peut être faite
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de son action (Judas aurait considéré que Jésus a trahi le mouvement et fait volontairement échouer la tentative de soulèvement contre Rome…)
Noble. Nous traduisons ainsi le terme gaélique saer qui signifie en réalité « homme libre ». Apparemment dans ce cas tout homme libre était considéré comme noble.
La fête du taureau. Cet épisode semble n’avoir aucun lien logique avec le reste du récit. Il nous vaut néanmoins deux éléments importants ; le sacrifice du taureau et un code de bonne conduite pour les princes qui nous gouvernent. Nous n’insisterons pas sur le code déontologique destiné aux politiques puisque nous y consacrerons toute une brochure, mais nous nous permettrons par contre quelques commentaires sur le sacrifice du taureau.
Le principe en est simple, on sacrifiait un taureau, quelqu’un se rassasiait de son bouillon et de sa viande, et ensuite le lendemain à son réveil des spécialistes l’interrogeaient pour déduire des réponses qu’il faisait à leur question des indices relatifs à l’identité du futur roi.
Quelques remarques de bon sens.
Il va de soi que personne ne refusait un tel honneur et qu’il n’y avait donc pas besoin de postuler pour être choisi.
Tout devait dépendre par conséquent des rêves effectués ainsi que des questions et des interprétations données.
Autrement dit, osons le dire, et ne réagissons pas comme un musulman pieux devant les « mystères » du saint Coran ou de la vie de Mahomet, ou comme les catholiques devant les mystères de l’élection d’un pape, c’étaient ces cinq hommes qui en définitive choisissaient le futur roi, par le biais d’une analyse des rêves, non du candidat, ainsi que nous l’avons souligné, mais de quelqu’un d’autre. Ces cinq hommes devaient à tout le moins être fins connaisseurs en matière politique pour faire le bon choix et si ça se trouve ils s’étaient déjà mis d’accord sur un nom. Le futur roi était donc « élu » par cinq personnes seulement, mais unanimes forcément.
N.B. Nous déconseillons fortement aux druides d’aujourd’hui de s’immiscer ouvertement dans les joutes politiques, quand on voit et quand on entend ce qui s’y dit on en a la nausée. Plus de grande idée, plus de grand idéal, que des mensonges à répétition afin de mettre en valeur ses maîtres ou de salir bassement ses pseudo-adversaires (qui souvent sont en effet très proches, en tout cas vu de loin). Nos hommes politiques se déshonorent quotidiennement dans des comédies ou des remarques complètement déconnectées de la réalité vraie des situations ou de leurs adversaires, qu’ils combattent sans vergogne : ils n’ont pas la noblesse du Hésus Cuchulainn en ce domaine même s’ils en ont parfois la férocité.
Par contre rien ne leur interdit d’avoir leur opinion à ce propos et, le moment venu, de glisser dans l’urne en tant que simple citoyen le bulletin qui leur semble correspondre le mieux à la situation.
Nous reviendrons sur le cas du sacrifice du taureau qui a été amplement décrit par Pline sans que l’on sache s’il s’agissait du même rituel ou d’un rituel différent, mais toujours avec la même victime.
L’analyse ostéologique des restes osseux trouvés dans les sanctuaires celtodruidiques indique dans l’ordre les consommations suivantes : ovins, bovins, porcs, équidés, chiens ?
Les ovins sont jeunes et semblent bien avoir été entièrement consommés (cf. donc agneau pascal ou Aïd al Adha voire Aïd el Kébir en terres d’islam).
Les bovins sont en général très âgés et leurs viandes ne semblent pas avoir été beaucoup consommées. Dans notre texte il est pourtant mentionné que si ! D’où l’importance du bouillon peut-être. Les pratiques devaient varier suivant les peuples.
Le mode opératoire semble avoir été le suivant : l’animal était amené au bord de la fosse devant accueillir son corps, devant abriter sa carcasse, et on lui offrait quelque chose à boire ou à manger pour lui faire baisser la tête. Dès que c’était fait un grand coup de merlin lui fracassait la nuque et l’animal tombait ainsi foudroyé.
Équipe sacrificielle : un druide (au moins) préside le rituel (la cérémonie), un vate tue l’animal, vellèdes et gutuatres ou gutumaters psalmodient des prières ou font un sermon.
Certains de nos lecteurs se gausseront peut-être d’une telle capacité à déterminer un avenir politique à partir de rêves. Il faut bien admettre néanmoins que l’analyse des rêves d’un véritable aspirant au trône par contre est toujours riche d’enseignement. On l’a bien vu en l’an 312 quelque part aux confins de la Belgique et de la Germanie supérieure (à Grand), le sacrifice du taureau en moins puisque les rituels druidiques avaient été interdits (encore que, il faut bien manger quelque chose pour vivre, et rien n’interdit la viande de « bœuf », mais si abattu de façon rituelle alors en toute discrétion). Par
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contre les très-sachants locaux ont su sans trop de peine déterminer le potentiel du candidat au trône d’empereur en question et orienter ses rêves en conséquence ou du moins assurément interpréter ses rêves en conséquence.
Voici le texte de ce « sacrifice du taureau » sans taureau du moins apparemment, mais néanmoins ayant « marché » au-delà de toute « espérance » (puisqu’il finira en victoire totale « in hoc signo vinces » effectivement, du mélange de judaïsme et de paganisme que l’on appelle le christianisme).
« Dès le lendemain du jour où ces nouvelles inquiétantes vous étaient parvenues et vous avaient poussé à forcer la marche, on vous apprit que toute cette agitation était retombée, et que tout était rentré dans l’ordre que vous aviez laissé derrière vous.
La Fortune elle-même avait si bien résolu cette affaire que l’heureuse issue de votre entreprise vous décida donc à offrir aux dieux immortels ce que vous leur aviez promis à l’endroit même où vous étiez passé en faisant un détour le plus beau temple du monde, plus précisément à la divinité qui s’est alors manifestée à vos yeux, et donc que vous avez vue. Car ce que vous avez vu de vos propres yeux, je crois, O Constantin, c’est votre Apollon [Grannos], accompagné par la déesse Victoire, vous offrir des couronnes de laurier, chacune présageant trente années de victoires. Car tel est le nombre des années humaines qui vous sont dues, sans faute, c’est-à-dire plus que le grand âge de Nestor lui-même. Mais pourquoi dis-je « je crois » ? Vous avez vu, et vous vous êtes reconnu vous-même sous les traits de celui à qui les chants divins des vates [en latin vatum carmina divina] ont prédit que l’empire du monde serait dû. Et c’est ce qui vient de se produire, je pense, puisque tout comme lui, Auguste Empereur, vous avez la jeunesse, la joie, et que vous êtes salutaire et très beau. C’est donc à juste titre que…, etc. » (Panégyrique de Constantin Auguste, par Eumène (260-311).
N.B. Labarum par contre semble n’avoir aucun rapport avec Labraid si ce n’est peut-être une commune étymologie.
Prière. Conformément à notre « jurisprudence » habituelle en la matière (les Celtes de l’époque n’étaient pas plus bêtes que le chrétien moyen d’aujourd’hui) nous rendons par un terme non dépréciatif non péjoratif le mot gaélique chantain qui néanmoins a bien en commun avec le terme incantation une même racine verbale évoquant la notion de chant.
Raies rouges. Nous traduisons ainsi le terme gaélique chris qui signifie également « ceintures ». Il s’agit de Lugaid, le fils adoptif (ou élève ou frère de lait suivant les sens du mot dalta) du Hésus Cuchulainn (oui, là visiblement il nous manque une partie du mythe le concernant). Il avait donc trois pères différents à en croire cette histoire et son corps était par conséquent composé de trois parties différentes (une pour chacun de ses pères) séparées par une raie rouge. À ceux qui s’en étonneraient rappelons néanmoins que l’existence d’individus aux yeux vairons, c’est-à-dire aux yeux d’une couleur différente, un marron et un bleu par exemple (heterochromia iridis) est l’indice qu’il y a dû y avoir un jour de tels accidents génétiques. Mais pour le cas qui nous occupe aujourd’hui, le plus simple quand même est de n’y voir qu’une fantaisie de poète.
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Atraig Cú Chulaind andaide, & gebid for tecosc a daltai conid and asbert :
Bríatharthecosc Con Culaind inso.
Le Hésus Cuchulainn se leva donc alors et commença d’instruire son élève en lui disant ceci.
Enseignement du Hésus Cuchulainn ci-dessous.
Ne provoque pas (taerrechtach) de querelles véhémentes et meurtrières ?
Ne sois pas arrogant (díscir), inaccessible, hautain.
Ne sois pas intraitable, orgueilleux, emporté, impulsif.
Ne te laisse pas pervertir par l’ivresse d’avoir beaucoup de richesse.
Ne sois pas comme une mouche tombée dans de la bière lors de ta visite du château d’un roi de province ??
N’organise pas trop de festins pour les étrangers ?
Ne descends pas chez de petites gens incapables de te recevoir comme il sied à un roi.
Ne laisse pas les prescriptions clore les affaires d’usurpation de biens.
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Fais interroger ceux qui savent avant de décider qui est le légitime héritier d’une terre
Entoure-toi d’érudits (senchaid) pour collaborer avec toi à la recherche de la vérité
Fais en sorte que les frères ? puissent jouir de leurs terres paisiblement leur vie durant.
Fais mettre à jour les listes généalogiques quand les générations se multiplient et se ramifient,
Fais appel aux vivants afin que sur la foi de leur serment on les remette en possession
Des lieux où leurs morts résidaient avant eux
Fais en sorte que les héritiers soient maintenus dans leurs droits légitimes
Fais par contre expulser les étrangers occupant illégitimement leur patrimoine, au besoin par la force.
Ne sois pas trop bavard.
Ne parle pas bruyamment.
Ne raille personne.
N’insulte pas.
Ne te moque pas des personnes âgées.
N’aie de prévention [d’a priori] sur personne.
N’impose pas de choses difficiles à faire (geis).
N’éconduis personne.
Tu suivras l’enseignement des sages.
Caín-ois. Caín-era. Caín-airlice.
Accorde comme il faut. Refuse comme il faut. Conseille comme il faut.
N’oublie pas les instructions des anciens.
Suis la loi de tes pères.
N’aie pas le cœur froid envers tes amis.
Sois fort envers tes ennemis.
Ne sois jamais partie prenante dans les bagarres ou les querelles ???
Nírbat scélach athchossánach.
Ne médis pas d’autrui ?
N’extorque rien.
N’amasse pas [comme un avare].
Consecha do chúrsachad i n-gnímaib antechtai.
Réprouve et blâme les mauvaises actions.
Ne soumets jamais la justice à la volonté de certains.
Ne moissonne pas ????(tathboingid) de peur de t’en repentir.
Aie toujours la victoire modeste afin de ne pas être odieux.
Ne sois pas paresseux si tu ne veux pas te retrouver comme mort ??
Ne sois jamais trop rapide afin de ne pas être vulgaire.
Consens-tu à suivre ces conseils mon fils ???
Alors Lugaid répondit ce qui suit au Hésus Cuchulainn :
Tant qu’ils conviendront, ils seront observés,
Tout le monde verra
Qu’aucun ne sera négligé ;
Ils seront suivis, dans toute la mesure du possible.
Puis Lugaid repartit avec les messagers, à Tara, où il fut proclamé roi ; et il y dormit cette nuit-là ; ensuite après cela chacun rentra chez lui.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 8.
Paisiblement. Nous rendons ainsi le terme gaélique « brethamain » qui signifie sans doute : avec l’aval des juges, en étant confortés par les décisions des juges, etc.
N’éconduis personne. Ce n’est pas le cas de certaines administrations en France (justice, impôts) qui se permettent un peu trop souvent de ne pas répondre aux lettres qu’on leur envoie.
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Sois fort avec tes ennemis. Et non pas sois fort avec les faibles et faible avec les forts, ce que certains blogueurs ont reproché à la journaliste Pascale Clark (Superno, Marianne lundi 12 mars 2012).
Consecha do chúrsachad i n-gnímaib antechtai. Réprouve et blâme les mauvaises actions. Notons que notre héros n’est pas un dieu, mais un demi-dieu ne bénéficiant d’aucune isma particulière à la différence de Mahomet, que cette formule est quand même moins contraignante que le fameux « Vous êtes la meilleure communauté suscitée pour les hommes, vous interdisez le mal et vous ordonnez le bien » des musulmans (chapitre 3, verset 110 du saint Coran) et qu’en outre elle ne s’applique qu’à la vie civile (donc peut se résumer à « condamne ce qui est manifestement illégal). Le seul problème c’est que les druides antiques assimilaient justice et vérité. Était juste ce qui était vrai ou inversement était vrai ce qui était juste. Réprouver ce qui est mal, c’est déjà beaucoup et même peut-être suffisant, mais ordonner le bien… alors là c’est la porte ouverte à tous les totalitarismes. Coran chapitre 3, verset 19 : « aux yeux de Dieu la vraie religion c’est la soumission ou l’islam ».
Le principe « ce qui n’est pas interdit est a contrario permis » est plus compatible avec notre idée de la liberté humaine. Ordonner le bien !!! Brrr !!! La porte ouverte à toutes les dictatures par définition surtout quand on croit savoir que, contrairement à la Bible, le Coran ne constitue pas un récit humain du message divin (tel qu’attesté par les savants et sages de la Synagogue ou de l’Église), mais est le « texte original » de la révélation divine*. À l’époque même de la révélation divine, ces paroles furent mémorisées puis consignées (par les compagnons du prophète) en un recueil unique en employant une méthode très rigoureuse de recoupement de sources (sic, fin de la citation).
* La théorie du Coran incréé. Mon Dieu, mais comment peut-on croire ça ??? L’œil a son point aveugle dit tache de Mariotte. Nous sommes bien obligés d’admettre que certains de nos congénères humains ont un cerveau lui aussi doté malheureusement d’un équivalent intellectuel de la tache aveugle de Mariotte. Arrivés à certains endroits de la route (dans des courbes ou dans des côtes) leur cerveau passe au point mort, il ne fonctionne plus. Leur foi n’a plus rien à voir avec la raison.
Reste bien entendu l’hypothèse où le Coran serait une parole démonique ou diabolique puisque certains versets reconnaissent explicitement que Satan peut tromper même les plus grands prophètes : « nous n’avons envoyé avant toi ni prophète ni apôtre sans que le démon glisse quelque vanité dans ses désirs » (chapitre 22, verset 52).
En ce qui nous concerne, nous récusons néanmoins également cette hypothèse, car le Coran est bien une parole humaine et même jusque dans sa prétention de n’être qu’une parole divine il est justement humain, trop humain, terriblement humain. Et nous ne respectons par conséquent l’islam et les musulmans que dans l’exacte mesure où ils nous respectent nous, cela s’appelle la réciprocité, c’est un des principes de base de toute vie en société. Sur un plan négatif, cela donne la loi du talion théorisée par les Hébreux dans la Bible, cela donne la nécessité de sanctionner toute mauvaise action dans l’ancien druidisme, comme le reconnaît saint Patrice lui-même dans le Senchus Mor, il y a renforcement de la cohésion sociale (dans le cas des sociétés païennes en tout cas) quand une mauvaise action ne reste pas impunie (Intud i ngeindtleacht gnim olc mad indechur).
Sur un plan plus positif cela donne cela donne et bien le plus grand respect justement : je ne fais pas à autrui ce que je ne voudrais pas qu’il me fît (règle d’or). Alors petite question maintenant, vous qui croyez en Dieu (en la conception de Dieu que l’on désigne sous le nom d’Allah), me respectez-vous moi qui ne suis ni juif ni chrétien ni musulman ni parsi, mais dont les idées oscillent suivant les sujets ou mon humeur entre panthéisme (tout est Dieu) agnosticisme (je ne suis pas sûr de la voie cultuelle qui doit être suivie par tout le monde) voire athéisme ?
Consens-tu à suivre ces conseils mon fils ?
Autrement dit et en d’autres termes on croirait l’anti portrait de certains présidents français de notre connaissance pour ce qui est du début (vivante illustration en outre du vieil adage sur l’hôpital qui se moque de la charité, jusqu’à en donner la nausée), mais après à la fin ça vire au portrait-robot d’un candidat « républicain » en campagne. Le programme politique de Lugaid est en effet surtout conservateur ce qui n’est guère étonnant pour un chef d’État responsable évidemment, et attache beaucoup d’importance à la défense du droit de propriété, nous dirions donc qu’il correspond plutôt à nos modernes républicains au sens classique du terme par conséquent s’il n’était le fait d’un monarque.
N’aie pas un comportement propre à susciter les querelles.
Ne sois ni arrogant ni hautain.
Ne sois ni orgueilleux ni emporté ni impulsif.
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Ne te laisse pas pervertir par la soif des richesses ni par l’ivresse d’en avoir beaucoup.
Ne bois pas trop lors des visites protocolaires ou dans les réceptions officielles.
N’organise pas trop de festins pour les gens que tu ne connais pas.
N’impose pas de trop lourdes charges à ceux qui ne pourraient pas s’en acquitter.
Fais en sorte que la justice soit efficace et rapide en matière de vol ou de troubles dans jouissance de ses biens.
Fais interroger ceux qui savent avant de décider qui est le légitime héritier d’une terre.
Entoure-toi d’érudits (senchaid) pour collaborer avec toi à la recherche de la vérité.
Fais en sorte que les frères ? puissent posséder leurs terres paisiblement leur vie durant.
Fais en sorte que l’identité ainsi que l’état civil de chacun soient clairement établis
Fais appel aux vivants afin que sur la foi de leur serment on les remette en possession
Des lieux où leurs morts résidaient avant eux
Fais en sorte que les héritiers soient maintenus dans leurs droits légitimes
Fais par contre expulser les étrangers occupant illégitimement leur patrimoine, au besoin par la force.
Etc..
Il a été trouvé un équivalent continental de ce texte à Lezoux en 1970.
Il s’agit d’une sorte de lettre, mais dans ce cas écrite sur un fond d’assiette (la tuile de Chateaubleau portait bien un contrat de mariage ou une proposition de mariage).
En voici le texte.…
ne regv na[…
gandobe inte noviio[…
extincon papi coriosed exa o[…
mesamobi molatvs certiognv sveticon[…
pape bovdi macarni papon mar[…
nane devorbvetid loncate[…
nv gnate ne dama gvssov n[…
vero ne cvrri ne papi cos[…
pape ambito papi bovdi ne tetv[…
batoron veia svebreto sv[…
citbio ledgamo berto[…
Nous verrons dans une étude ultérieure qu’il a bien existé une éthique druidique, exigeante, conçue à l’époque comme autant de déontologies. Mais il est néanmoins difficilement soutenable d’affirmer a priori qu’il n’y a aucune influence chrétienne dans ce genre de littérature, les tecosc ou Teagasc an Riogh.
Dans toute la mesure du possible. La réponse de Lugaid est déjà celle d’un vrai professionnel de la politique : très prudente.
Il fut proclamé roi. Tout le monde aura donc bien noté que ce n’est pas le Hésus Cuchulainn qui est proclamé roi, mais son fils même pas biologique.
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Ci-dessous de nouveau l’histoire des aventures du Hésus Cuchulainn.
Va donc de ma part, O Loeg, demanda le Hésus Cuchulainn, chercher Aemer, et lui dire que des femmes du Sid (mna sidi) sont venues et m’ont battu, mais dis-lui que je vais de mieux en mieux, et qu’elle vienne me retrouver.
Le cocher dit alors afin sortir de sa torpeur le Hésus Cuchulainn ce qui suit ci-dessous :
Il ne sied pas aux grands héros de rester couchés ?????
À rêvasser sur leur lit d’hôpital ????????
Quand leur mal est l’œuvre de démones (de genaiti.i. mná)
Aesa a Tenmag Trogaigi.i. a Maig Mell,
De femmes qui habitent la plaine de feu du malheureux c’est-à-dire Mag Mell ??????
Condot rodbsat,
Condot chachtsat,
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Condot ellat,
Eter bríga banespa.
Elles t’ont subjugué
Elles te retiennent captif
Elles te détournent de ton chemin grâce à leurs vains pouvoirs (briga) de femmes ??????
Lève-toi ! Ne sois plus malade !
Secoue le sort que ces femmes du Sid t’ont jeté
Afin qu’il s’en aille rapidement de toi
Montre ta force de chef de char ??????
Rejoins les rangs des guerriers ??????
Toi qui es blotti dans ce lit comme un enfant ????
As-tu été vraiment réduit à l’impuissance ?
Ont-elles fait disparaître les prouesses et les exploits dont tu faisais preuve dans les combats ?
Alors que la force de Labraid se sera manifestée dans toute sa gloire ????
Lève-toi donc, toi qui es blotti dans ce lit et sois de nouveau grand.
Il ne sied point, etc. [Note de la rédaction : le premier mot du poème est répété afin de bien montrer où finit ce texte, une pratique courante chez les moines copistes].
L’aurige se rendit chez Aemer et lui raconta comment allait le Hésus Cuchulainn.
Il est mal de ta part, écuyer, lui répondit-elle, puisque tu fréquentes le Sid, que ce ne soit pas toi qui découvres le moyen de guérir ton maître. Quelle pitié pour les Ulates, poursuivit-elle, que personne ne cherche à le guérir complètement ! S’il c’était Cunocavaros/Conchobar qui était retenu ainsi, ou Fergus qui ne pouvait pas dormir, ou Conall le Victorieux qui avait reçu de telles blessures, le Hésus Cuchulainn les aurait secourus.
Ensuite elle chanta le lai que voici :
Ô fils de Riangabra, hélas !
Bien que tu ailles souvent dans le Sid
Tu n’en as pas encore rapporté
Le traitement qu’il faudrait à l’aimable fils de Dexiua/Duxtir/Dechtire.
Quelle pitié que les Ulates à la valeur incommensurable,
Que ce soient ses tuteurs ou frères de lait,
Ne soient pas partis de par le vaste monde
Chercher un remède pour guérir leur ami le Hésus Cuchulainn.
Si c’était Fergus qui ne pouvait trouver le sommeil,
Et qu’aucune science de druide ne puisse le soigner
Le fils de Dexiua/Duxtir/Dechtire ne resterait pas chez lui à ne rien faire
Tant qu’il n’aurait pas trouvé un druide pour le faire.
Si c’était Conall, de la même manière
Qui souffrait de de tels maux et blessures
Le Chien de Culann retournerait la terre entière
Jusqu’à ce qu’il lui ait trouvé un médecin (liaig) capable de le guérir.
Si c’était Loegairé le triomphant
Qui était sorti gravement blessé d’une quelconque bataille
Il aurait sillonné la terre d’Erin
Pour guérir le fils de Connad fils d’Iliach.
Si c’était Celtchar le Rusé
Qui était tombé dans un tel coma
C’est nuit et jour que l’on verrait voyager
Dans le pays des Sid, Setanta [Cuchulainn].
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Si c’était Furbaidé des guerriers d’élite
Qui gisait dans son lit de douleur
Il aurait parcouru toutes les terres fermes
Pour trouver de quoi le sauver.
L’armée des habitants du Sid de Trim (Shíde Truim) l’a presque tué
Ils lui ont volé tout ce qui faisait sa force
Le Chien de Culann ne surpasse plus les autres chiens
Depuis qu’il a été endormi par le Sid du Brugh (Síthbroga).
Hélas, je souffre moi aussi
À cause du Chien de Culann le forgeron de Cunocavaros/Conchobar
Mon cœur souffre et ce mal mystérieux gagne mon corps tout entier
Puissè-je réussir à le guérir.
Hélas, mon cœur saigne
De voir cette maladie s’appesantir sur le cavalier dans la plaine
Et faire qu’il ne peut plus venir
À la grande foire de l’assemblée de Muirthemné.
La raison pour laquelle il ne sort pas d’Emania c’est
L’apparition enchanteresse qui s’en est allée
Ma voix s’affaiblit et se meurt
De le savoir dans un si triste état.
Un mois trois mois un an se sont écoulés
Sans dormir, tel est mon lot quotidien
Et je n’ai entendu O fils de Riangabra.
Personne ayant des nouvelles réconfortantes
Ô fils de Riangabra, etc.
Aemer partit ensuite à Emania afin d’aller voir le Hésus Cuchulainn, s’assit sur le lit où il gisait et lui dit : « Quelle honte pour toi, de rester prostré ainsi à cause de l’amour d’une femme, car rester ainsi au lit te rend plus malade encore ! » et ensuite elle continua de s’adresser à lui en chantant le lai suivant :
Lève-toi, O champion des Ulates
Puisses-tu sortir de ton sommeil bien portant et heureux
Vois le roi de Macha combien il est grand,
Il n’approuve pas ton si long sommeil.
Vois ses épaules brillantes comme du cristal,
Vois ses cornes à boire comraim (ou cormaim ?)
Vois ses chars qui glissent dans les vallées,
Vois les mouvements de ses pions au tablut.
Vois ses puissants champions
Vois ses femmes si nobles et raffinées.
Vois ses rois aux valeureuses carrières
Vois leurs majestueuses reines.
Vois l’hiver étincelant qui commence
Vois toutes ses merveilles qui apparaissent tour à tour
Vois tout ce qu’il fait apparaître à tes yeux
Son froid sa durée tous ses gris (amli) ?
Il ni revigorant ni bon de trop dormir.
C’est ajouter le dépérissement à l’incapacité de résister
Trop dormir c’est comme trop boire.
L’affaiblissement précède toujours la mort.
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Sors de la mystérieuse léthargie dont tu t’es comme enivré
Secoue-la et rejette-la vigoureusement.
J’ai beaucoup parlé, mais c’est l’amour qui m’a inspiré
Lève-toi héros des Ulates.
Lève – toi, etc.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 9.
Tenmag Trogaigi est sans doute un ajout du moine ayant recopié ce récit. Qui de toute façon a visiblement été gauchi par lui (diabolisation des anges de l’autre monde druidique, etc.)
Un druide pour le faire. Il y a deux manières de voir les choses. Nous savons que les druides antiques soignaient aussi les corps (il y a même eu des druides chirurgiens et les oculistes celtes étaient réputés), ce que nous déconseillons d’ailleurs formellement aux néo-druides d’aujourd’hui (je leur dis : laisser le soin des corps à vos frères ennemis devenus laïcs de la médecine) ; mais il s’agissait peut-être aussi d’une sorte d’exorcisme, si l’on considère tout cela sous un angle plutôt négatif. N’étant pas nous-mêmes des spécialistes en exorcismes pour plus de détails voir votre prêtre catholique ou luthérien, ou des églises réformées, habituel (si vous n’en avez pas, trouvez en un, en Afrique ou dans l’île de Madagascar !). Mais il s’agit peut-être aussi du vaste domaine des maladies psychosomatiques (effet placebo et ainsi de suite). Toute cette histoire semble beaucoup plus chrétienne ou christianisée que celto-druidique. Les chrétiens croient en effet dur comme fer à l’existence de cas de possessions démoniaques, leur maître Jésus le Nazaréen ayant pratiqué beaucoup d’exorcismes lors de sa brève carrière (Matthieu 8, 28-34).
Alors que les druides eux savaient faire la part des choses et n’attribuaient pas tout à des causes surnaturelles, du moins si l’on en croit Lucain :
« À vous seuls il est donné de connaître, comme de les ignorer,
Les dieux et les puissances célestes ».
Il est vrai que le curseur devait alors être placé différemment suivant que l’on se trouvait en pays galicien, donc presque athée à en croire Strabon, ou en Irlande (le christianisme s’y est implanté sans l’aide de l’Empire romain il y a bien une raison).
Notons néanmoins qu’il ne s’agirait pas dans ce cas d’une réelle possession, mais plutôt d’une sorte d’envoûtement à distance. Dans certains pays, l’envoûtement est en effet le premier diagnostic des populations quand une personne souffre de troubles inconnus. Elles se réfèrent à la médecine traditionnelle avant d’envisager une consultation médicale. Le phénomène est appelé « syndrome d’influence » et donne l’impression au sujet qu’il est exproprié de lui-même. Il est analysé comme une catatonie avec des processus hérités de l’animal et combinés à des structures psychiques plus récentes.
La méthode la plus employée dans le monde celtique antique semble avoir été l’ancêtre de la tablette d’exécration britto-romaine, à savoir des écorces de bois gravés d’un quelconque message en runes lépontiques puis en lettres issues de l’alphabet grec ou latin quand ces deux alphabets commencèrent à être connus de nos ancêtres et à jouer le rôle que joue aujourd’hui dans le monde le globish. Enfin en caractères ogamiques.
Le principe de la tablette de malédiction ou défixion est simple.
Les tablettes de malédiction ou défixion (defixio en latin, katádesmos en grec ancien) constituent le type de témoignage le plus répandu qui nous soit parvenu de la magie antique. En effet, environ 2 000 exemplaires sont recensés à l’heure actuelle, allant du VIe siècle avant notre ère pour le document le plus ancien au VIe siècle, et cela dans l’ensemble du monde gréco-romain. Attestée dans la littérature, la pratique consiste littéralement à « clouer », « lier », une personne ou parfois un animal. Comme le précise F. Graf : « L’objectif habituel de la défixion est donc de soumettre un autre être humain à sa volonté, de le rendre incapable d’agir selon son propre gré ».
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Malgré une variété somme toute normale vu le nombre important d’exemples à la disposition de l’historien, les tablettes de défixion répondent généralement à un certain nombre d’impératifs et reprennent des formes préétablies. Ainsi, s’il n’est pas le seul à avoir été utilisé, c’est toutefois le plomb qui semble avoir eu la préférence des magiciens comme support. Mais des tablettes sur papyrus en Égypte, bronze, étain, etc., ont aussi été découvertes ce qui prouve bien l’importance de la parole écrite devenue opérante plus que celle du support en lui-même.
Les puits et les sources étaient aussi tout particulièrement prisés pour cela comme le souligne d’ailleurs le cas de Bath où des dizaines de tablettes ont été retrouvées dans la source sacrée ainsi que le cas de la source des Roches à Chamalières où fut découverte une tablette rédigée en langue celte ancienne.
D’autres objets aux caractères délibérément magiques pouvaient éventuellement accompagner les feuilles de plomb ou les tablettes d’écorce. Le cas le plus intéressant est peut-être celui de figurines d’envoûtement ou ex-votos de bois dont de nombreux exemplaires ont été découverts dans le cadre des envoûtements de guérison et notamment à Chamalières là où l’on a retrouvé la célèbre tablette de défixion rédigée en langue celte. Le principe sous-jacent à tous ces rituels était celui de la magie sympathique (voir dictionnaire) ce qui faisait donc de ces ex-votos de bois des équivalents de nos modernes poupées vaudou (mais dans le cas des Celtes ces ex-votos de bois ancêtres de nos modernes poupées vaudou semblent surtout avoir eu un but curatif, répétons-le).
Le champ d’action des tablettes était, comme l’on peut s’en douter, très vaste. Il touchait tous les domaines des passions humaines. Il est cependant possible de distinguer trois grandes familles :
Première grande catégorie : les defixiones iudicariae, courantes dans l’Athènes des Ve et IVe siècles avant notre ère, qui tentaient de nuire aux adversaires dans le cadre d’un procès. L’étude menée par G. Ottone, s’appuyant entre autres sur le fait que c’est le plus souvent la partie adverse qui est mise en cause et rarement les juges, laisse penser qu’elles appartiennent à la phase d’instruction et sont donc antérieures au procès lui-même.
Le plomb de Chamalières, ou inscription de Chamalières, est une tablette de plomb de six centimètres de long sur quatre centimètres de large, découverte en 1971 à Chamalières, lors des fouilles de la source des Roches. Le texte est écrit en langue celte avec des lettres cursives latines.
Andedion uediIumi diIiuion risun
artiu mapon aruerriIatin
lopites snIeððdic sos brixtia anderon
etc. etc.
J’invoque Maponos Arueriiatis
Par la force magique des dieux d’en bas
etc. etc.
Le plomb du Larzac est une tablette de plomb en deux morceaux, découverte lors de la fouille en 1983 de la nécropole gallo-romaine de L’Hospitalet-du-Larzac, dans le département français de l’Aveyron. Elle est recouverte sur ses deux faces de texte en langue celte. C’est l’un des plus longs textes qui nous est parvenu, et c’est probablement un texte magique.
Face 1a.
inside de bnanom bricto[m i – / – n eainom anuana sanander [
na brictom uidlaias uidlu[/ tigontias so adgagsona seue[rim
tertionicnim lidssatim liciatim / eianom uoduiuoderce lunget
..utonid ponc nitixsintor si[es / duscelinatia ineianon anuan[a
esi andernados brictom bano[na / flatucias paulla dona politi[us
iaia duxtir ediagias poti[ta m – / – atir paullias seuera du[xtir
ualentos dona paullius / adiega matir aiias
potita dona prim[ius / abesias.
Essai de traduction :
Envoie le charme de ces femmes contre leurs noms (qui sont) ci-dessous ; cela (est) un charme de sorcière ensorcelant des sorcières. Ô Adsagsona, regarde deux fois Severa Tertionicna, leur sorcière du fil de chaîne et leur sorcière d’écriture, qu’elle relâche celui qu’elles auront frappé de defixio ; avec un mauvais sort contre leurs noms, effectue l’ensorcellement du groupe ci-dessous […]
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Première défixion de Bregenz connue depuis 1865 et faisant intervenir Ogmios (iI s’agit là encore d’un procès, le texte est en latin) : adversarii Bruttae et quisquis adversus ilam loquitur, omnes pereatis… et, sur l’autre face du plomb : omnes qui Mi malum paratis dari..dm. o, dari Ogmio, absumi morte…
Deuxième grande catégorie : les defixiones amatoriae visent quant à elles à séduire une personne aimée, le plus souvent de manière définitive et immédiate, ou pour nuire à un rival. L’une des plus célèbres est la deuxième tablette de défixion trouvée en 1930 à Bregenz et se réfèrant à Ogmios. Le texte est en latin.
de{fig)o AMC ea(m) re(m) i(m)ple(v)id D(is)p(ater)ad Era(m) ; Ogmius salute(m) cur.. talus re[nes] anum genital{ia)… c… auris cesthulam utens(ilia) dav(it) ispiridebus <.spiriti – bus> ac ovediu(nt) aei, ne quiat nubere ira de\ï\.
Ne quiat nubere : afin qu’elle ne puisse pas se marier du fait de la colère du dieu.
Enfin les défixions visant un voleur ou un calomniateur.
Cas d’une des défixions trouvées à Bath.
Solin à la déesse Minerve de Sulis. J’offre à votre divinité et à votre majesté ma tunique pour les bains et mon manteau à capuchon ; n’accordez ni repos ni santé à celui qui m’a fait du tort, qu’il soit esclave ou libre, qu’il soit homme ou femme ; tant qu’il ne se sera pas fait connaître en rapportant ces biens dans votre temple.
Cas également d’une des tablettes de défixion trouvée à dans le complexe cultuel de Lydney Park dans le comté anglais de Gloucester.
Au dieu Nodens/Nodons/Nuada/Nudd/Llud : Silvianus a perdu son anneau et promet la moitié de sa valeur à Nodens/Nodons/Nuada/Nudd/Llud. N’en laisse aucun jouir d’une bonne santé, notamment le dénommé Senecianus, tant qu’il n’aura pas ramené l’anneau dans le temple de Nodens/Nodons/Nuada/Nudd/Llud.
Il est donc facile de saisir l’intérêt que représentent pour les historiens de tels documents qui renseignent à la fois sur les pratiques magiques, mais aussi sur la vie des sociétés qui n’hésitaient pas à y recourir, et cela dans toutes les classes sociales puisque, selon ce que rapporte Tacite, Cn. Calpurnius Pison fut accusé d’avoir utilisé des maléfices contre Germanicus, tandis que dans le sable d’une tombe de la nécropole d’Ostie, une lamelle de plomb percée de cinq trous portait les noms de neuf femmes, toutes esclaves et coiffeuses.
Ce qui est troublant dans le cas qui nous préoccupe (la maladie du Hésus Cuchulainn) c’est que le dieu ou démon Mabon/Maponos/Oengus semble bien lui aussi pouvoir intervenir dans de semblables opérations, et qu’il apparaît justement dans notre récit, alors que conclure ? Qu’il y a renforcement de la cohésion sociale (dans le cas des sociétés païennes en tout cas) quand une mauvaise action ne reste pas impunie (Intud i ngeindtleacht gnim olc mad indechur : Senchus mor).
S’agit-il bien du même dieu ou démon d’ailleurs??
Rappelons néanmoins avec force qu’il s’agit peut-être tout simplement comme envisagé plus haut d’un cas de maladie psychosomatique. Une dépression nerveuse (trop de pression), son Jardin de Gethsémani à lui (une hématidrose ou des sueurs de sang comme dans les quatre évangiles) ?
Comraim. Victoires.
Cormaim. Pleines de bière.
Airbe Rofir. Littéralement l’enclos du grand homme, du superhomme. Mais est-ce la bonne traduction ?
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Le Hésus Cuchulainn se mit sur son séant immédiatement après avoir entendu cela, et il se passa la main sur le visage et dans les cheveux, et fit comme glisser hors de lui sa torpeur et sa langueur ;
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ensuite il se leva et se rendit co mboi in airbi roir ???? à l’endroit où il avait eu sa vision un an auparavant??? ???? au lieu-dit appelé Airbe Rofir ???
Là il vit alors de nouveau apparaître venant vers lui, Li Ban ; la femme lui parla ; et l’invita de nouveau à venir dans le monde du Sid.
Où se trouve Labraid ? demanda le Hésus Cuchulainn.
Ní h-andsa. Ce n’est pas difficile, je vais te le dire, répondit-elle :
Labraid habite au beau milieu d’un lac d’eau limpide
Que fréquentent des compagnies entières de femmes.
Tu arriveras sans fatigue dans ce pays
Si tu veux rendre visite à Labraid le rapide.
Dans une maison qu’une douce femme dirige ???
Et que fréquentent cent érudits ????
Du plus beau vermeil
Sont les joues de Labraid.
Il agite sa tête de chien de guerre champion des batailles
Devant les minces épées sanglantes
Il brise la cuirasse des ennemis trop téméraires???
Il fait voler en éclats les larges boucliers des champions.
Il est beau à voir dans les combats
Il accomplit des exploits partout
C’est le plus valeureux des guerriers
Un homme qui en a tué des milliers.
Le plus vaillant des guerriers, le plus légendaire aussi,
A débarqué sur la terre d’Eochaid Iul ;
Sa chevelure ressemblait à des boucles d’or,
Son haleine avait le parfum d’un vin précieux.
Le plus illustre des hommes en quête d’aventures
Dont la férocité peut être ressentie même par ses lointains ennemis
Vaisseaux et coursiers sont rapides comme le vent
Dans l’île où réside Labraid.
Un homme aux nombreux exploits réalisés à l’étranger
Labraid à la main prompte à dégainer l’épée,
Est un chien de guerre vigilant,
Qui assure le repos des multitudes.
Freins et colliers d’or rouge parent ses coursiers
Mais il n’y a pas que ça
Des colonnes d’argent et de cristal
Soutiennent la maison qu’habite Labraid.
Labraid habite, etc.
Je n’irai pas là-bas, répondit le Hésus Cuchulainn, surtout à l’invitation d’une femme.
Alors que Loeg vienne, répliqua Li Ban, afin de voir.
Qu’il y aille donc, répondit le Hésus Cuchulainn.
Loeg partit par conséquent avec la femme et ils passèrent par la plaine des courses (Mag Luada), par l’arbre sacré aux trophées ??? (Bilé Buada) par l’endroit où se tient la foire d’Emania, par l’endroit où a lieu la foire dans les bois (Fidga) ??? et ce fut là qu’ils trouvèrent Aed Abrat et ses filles.
Wanda/Fand souhaita la bienvenue à Loeg.
Qu’est-ce qui a fait que le Hésus Cuchulainn n’est pas venu ? demanda-t-elle.
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Il n’aime pas obéir à l’invitation d’une femme, et c’est aussi parce qu’il veut être sûr c’est bien de toi que vient cette invitation, répondit Loeg.
Elle vient bien de moi, et qu’il se dépêche de venir, ajouta-t-elle, car la bataille va être livrée aujourd’hui.
Loeg revint donc trouver le Hésus Cuchulainn, accompagné par Li Ban (ou Wanda/Fand ?)
Comment est-ce, O Loeg ? demanda le Hésus Cuchulainn.
Loeg fit réponse et ajouta : « il est temps pour toi de venir, car la bataille aura lieu aujourd’hui ».
Pour lui dire cela, il chanta le lai ci-dessous.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 10.
Ils passèrent par la plaine des courses (Mag Luada), par l’arbre sacré aux trophées ??? (Bilé Buada) par l’endroit où se tenait la foire d’Emania, par l’endroit où se tient la foire dans les bois (Fidga)…
Nouvelles notes sur le Sid ou autre monde des dieux et des morts selon les anciens druides.
Le lai que nous venons d’essayer de traduire est assez obscur. Il l’était peut-être déjà pour ceux qui l’ont recopié. L’histoire semble d’ailleurs bégayer par moment. Mais voici les commentaires que l’on peut en faire.
Saint Brendan s’est grossièrement mépris en cherchant ces autres mondes de type paradisiaque physiquement ou matériellement quelque part à l’ouest de l’Irlande. Il va de soi qu’on ne saurait les localiser aussi étroitement. Les lieux mentionnés dans ce poème, Mag Luada, Bilé Buada, Fidga, semblent tous proches d’Emania la capitale historique des Ulates, mais l’autre monde des dieux ou des âmes/esprits des défunts en fait est partout, sous une feuille morte, derrière une porte qui claque ou dans l’obscurité d’une nuit sans lune dans la forêt. Nous baignons littéralement dedans. Tout au plus y a-t-il des périodes ou des lieux privilégiés pour entrer en contact avec lui, mais ces contacts peuvent avoir également lieu partout et en tout temps.
Un Sid n’est en fait qu’une des entrées ou sorties de l’autre monde des bouddhas, guerriers ou pas, du genre féminin ou du genre masculin, et des bodhisattvas, du celto-druidisme antique.
N.B. Bouddhas = dieux du druidisme comme Hornunnos, etc. Bodhisattvas = âmes/esprits des défunts.
Il y en a plusieurs dizaines de très connus en Irlande, mais il va de soi qu’il en existe aussi beaucoup d’autres, des milliers même, à la surface de la planète (voir Delphes, mais aussi les contes et légendes des ancêtres chez les Amérindiens, les mythes chinois ou japonais, sud-américains, dogons, et ainsi de suite ; nous ne sommes pas racistes et nous ne limitons pas les révélations, nous autres, aux seuls peuples hébreu ou arabe ; car il est faux de dire que Dieu s’est révélé aux hommes en Palestine ou en Arabie ; et il est plus juste de dire que les conceptions du Divin que se faisaient les juifs ou les Arabes de La Mecque voire d’ailleurs en Arabie, se sont imposées au Monde à la suite d’accidents de l’Histoire sur lesquels nous reviendrons : le choix politique de l’empereur romain Constantin, la politique de conquête par les armes menée par Mahomet… Car c’est le paganisme qui est vraiment par définition le plus répandu donc universel puisque c’est tout ce qui n’est ni juif ni chrétien ni musulman, et ce de l’aveu même des principaux intéressés, ce sont les juifs qui ont les premiers fait la distinction entre eux et les goïm ou les nations, ce sont les chrétiens qui ont appelé « pagani » pour les ridiculiser les gens de la campagne ne partageant pas leur haine de tout ce qui était (leur attente de la fin des temps, du retour imminent du Christ pour punir ceux qui ne suivaient pas ses préceptes et ainsi de suite…). Seuls les musulmans ont eu la bonne idée de s’interroger à propos des sabéens voire des mazdéens ou parsis, mais cela ne va pas loin et s’il n’y avait pas un verset du Coran pour en dire du bien, ils seraient eux aussi sans aucun doute voués à la Géhenne.
« Les croyants [les vrais musulmans] ceux qui suivent les [écrits] juifs, les sabéens *, les chrétiens et les mages **, et les païens, Dieu distinguera entre eux le jour du Jugement dernier, car Dieu sait tout » (Saint Coran, chapitre 22, verset 17). « Accordez aux Mages le même traitement que celui qui est réservé aux Gens du Livre » (hadith).
* Sabéens. Secte religieuse difficile à identifier.
** Les mages. Il s’agit là sans aucun doute de la religion mazdéenne ou zoroastrienne, donc par exemple nos frères parsis, qui ont bien de la chance d’être tolérés en terre d’islam à condition de se faire tout petits.
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La preuve que nous ne sommes pas systématiquement critiques ou négatifs envers l’islam c’est que nous reconnaissons bien volontiers ici que pour ce qui est des femmes le paradis ou autre monde paradisiaque selon les anciens druides ressemble beaucoup à celui de l’islam c’est-à-dire qu’il est très sexiste, très machiste (aïe !) Précisons néanmoins tout de suite que selon certaines interprétations plus récentes du Coran (cf. Christophe Luxenberg) houri ne serait pas un mot désignant des vierges aux grands yeux, mais du raisin blanc (syriaque hur). Ce qui change tout évidemment !
Christophe Luxenberg affirme également que le passage du chapitre 33, verset 40 du saint Coran : Khatam al-Nabiyyin, que l’on traduit habituellement par « sceau des prophètes » signifie en réalité seulement « témoin des prophètes ».
Il ressort de ce texte que cet autre monde des morts et des dieux n’est pas un, mais qu’il est au contraire multiple. Nous avons déjà évoqué le fait qu’il était composé de plusieurs cercles, certains plutôt réservés aux âmes/esprits des défunts (les bodhisattvas en Extrême-Orient), d’autres aux dieux du druidisme les bouddhas en Extrême-Orient). Il convient à ce sujet de noter qu’apparemment l’autre monde des dieux n’est pas gouverné par un seul d’entre eux, mais par plusieurs. Il y a plusieurs dieux souverains dans l’autre monde dans nos légendes tout comme il y a plusieurs bouddhas et terres de bouddhas (bouddhakshetras) d’après les soutras.
La vie politique des Celtes antiques nous a d’ailleurs habitués à ce genre de situation : règnes conjoints, règnes alternés à tour de rôle, partage du territoire, le cas extrême étant la Galatie, gouvernée par douze tétrarques. Et bien pour ce qui est de l’autre monde du Sid ou plus exactement des Sids, il devait en aller de même, ce texte nous mentionne par exemple au moins 7 de ses souverains. Aed Abrat, Labraid, ses trois rivaux, Failbé Find, Belin/Belin/Barinthus le Mannois, fils de Ler (Manannan en gaélique), etc.
En fait chaque dieu ou du moins chacun des douze grands tétrarques divins doit donc avoir son domaine ou Sid de prédilection. L’autre monde druidique n’est en fait qu’une république fédérant des « États » divers : la république des Sid. Un peu comme dans le bouddhisme d’ailleurs où il peut y avoir divers bouddhakshetras, chaque bouddha ayant le sien.
Deux mots à propos d’un concept très proche de la conception druidique de l’autre monde celte pour commencer, celui de terre de bouddha.
Le bouddhisme indien traditionnel voit l’espace comme étant infini, et il voit cet espace infini occupé par des mondes, des systèmes de mondes infinis, chaque système ayant quatre continents entourés par un cercle de montagnes de fer (ne prenez pas cela trop littéralement, ce sont des images poétiques). Chaque système de mondes comporte aussi trois plans : un plan du désir sensuel, un plan de la forme pure, et un plan dû sans forme. Ainsi chaque système de mondes est multidimensionnel. Un millier de ces systèmes de mondes constituent un petit univers. Un millier de petits univers constituent un univers moyen et un millier d’univers moyens constituent un grand univers. Une terre de bouddha correspond à un grand univers ou à un de ses multiples, c’est-à-dire que cela correspond à un grand univers, mais que cela peut aussi être plus grand. Et elle est appelée « terre de bouddha » parce qu’elle représente la sphère d’influence spirituelle d’un bouddha particulier ; ce bouddha-là est responsable du développement spirituel de tous les êtres vivants de tous les systèmes de mondes contenus dans ce – ou ces – grand (s) univers. Le bouddhisme tout comme l’ancien druidisme postule donc qu’il existe non seulement une infinité de mondes, mais aussi une infinité de bouddhas ou tout au moins une pluralité considérable de bouddhas (de dieux, dans le druidisme antique).
La tradition Mahayana fait une distinction entre la sphère de connaissance d’un bouddha et sa sphère d’influence. La sphère de connaissance d’un bouddha coïncide avec toute l’existence conditionnée, mais sa sphère d’influence est limitée, pour parler ainsi, à un grand univers ou plus. En ce qui concerne son éveil suprême cependant, un bouddha ne diffère pas d’un autre bouddha. En un certain sens donc, toutes les terres de bouddha forment une seule et même terre de bouddha.
Au passage, notons que le mot pour terre de bouddha en sanscrit est « bouddha-kshetra » ; « kshetra » signifie champ, et un champ bien sûr est quelque chose qui est cultivé, quelque chose dans lequel on plante des graines. Et l’utilisation du mot « kshetra » – ou champ – dans ce contexte, suggère que les êtres sensibles, les habitants du « bouddha-ksetra », sont comme des plantes, et le bouddha, pour ainsi dire, le grand jardinier cosmique. En fait les textes mahayanas décrivent souvent les bouddhas et bodhisattvas comme « amenant à la maturité » ou « faisant mûrir » les êtres – en d’autres termes, les conduisant graduellement, pas à pas, à la perfection spirituelle.
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Nous sommes là aux antipodes de la conception « Walhalla » de l’autre monde. Dans la mythologie nordique, la Valhöll (ou Walhalla) est le lieu où les guerriers valeureux sont amenés. C’est le paradis viking au sein même du royaume des Dieux, « la forteresse d’Ásgard » où règne Odin. C’est sur les champs de bataille que des vierges guerrières ou des Walkyries (pour les Germains), cherchent et conduisent les hommes les plus braves et les plus valeureux afin de les ramener dans Ásgard, où Odin les attend afin de les préparer à la bataille finale, le Ragnarök.
Dans la Valhöll (le Palais d’Odin qui a 640 portes, des poutres faites de lances et des tuiles faites de boucliers), les guerriers alors nommés Einherjar sont heureux : le jour, ils combattent, se tuent, renaissent pour encore se pourfendre. Puis, la nuit, ils boivent le lait (Hydromel) provenant de la chèvre appelée Heidrun, mangent la viande du sanglier nommé Sæhrímnir et s’amusent. Ils sont servis par les Walkyries et la plus jeune des Nornes. Sont présents aussi Odin, qui ne fait que boire, donnant sa nourriture à ses loups, et Loki. Tous attendent le jour où sortant des six cent quarante portes de la Valhöll en rangs de huit cents, ils combattront dans une dernière guerre contre Loki, le loup Fenrir, et de nombreux autres ennemis, lors du Ragnarök.
N.B 1. Contrairement aux idées reçues, la mythologie nordique est loin d’être la plus ancienne ou la plus exempte d’influences chrétiennes, des mythologies européennes. Elle a été là aussi, comme en Irlande, couchée par écrit par des clercs ou des lettrés chrétiens (à l’exception de Tacite évidemment). Snorri Sturluson (1179-1241) était bien entendu chrétien et même plus précisément catholique, et l’Edda poétique date du XIIIe siècle, donc comme en Irlande ce recueil a forcément été compilé par un lettré chrétien (vu les dates). Quant à Saxo Grammaticus, dans sa Gesta Danorum il fait de l’interpretatio christiana, græca ou romana de bons vieux mythes qu’il n’entend généralement plus. Les Ragnarök ressemblent à l’Apocalypse chrétienne, les Walkyries, aux anges, Odin, à Mercure, Balder, à Baal, le loup Fenrir, à Cerbère, et ainsi de suite.
N.B. 2. En fait la conception druidique de l’autre monde celte semble avoir été entre les deux ou semble avoir participé des deux, car certains textes de Plutarque évoquent une conception de l’autre monde nettement moins portée sur l’action et beaucoup plus sur la réflexion. Donc très bouddhistes d’esprit. Du bouddhisme avant la lettre sous nos latitudes donc, en quelque sorte.
La théologie d’Extrême-Orient distingue terre de bouddha pure et terre de bouddha impure. La terre de bouddha impure est celle où l’on trouve tous les six royaumes de l’existence sensible. C’est-à-dire le royaume des dieux, le royaume des hommes, le royaume des asuras ou anti-dieux (des vouivres anguipèdes gigantesques dirait-on à Paris, des Fomores dirait-on en Irlande), le royaume des fantômes affamés ? le royaume des êtres tourmentés ? le royaume des animaux. Dans les terres de bouddha impures, il est difficile d’obtenir vêtements et nourriture. Il est difficile d’y comprendre son dharma (son destin ?), difficile d’y rencontrer les bouddhas. En bref la terre de bouddha impure est une terre où les conditions, dans l’ensemble, ne sont pas favorables au développement spirituel, dans laquelle il est difficile aux êtres d’évoluer, il leur est difficile de suivre la voie vers l’éveil.
Une terre de bouddha pure comme celle d’Amida (en japonais) ou d’Amitabha (en sanscrit) est, bien sûr complètement à l’opposé ; mis à part les bouddhas et bodhisattvas, elle ne contient que des dieux et des hommes, nourriture et vêtements apparaissent spontanément, sans que qui que ce soit doive travailler pour les produire. Il est très facile d’y comprendre son dharma, très facile d’y rencontrer des bouddhas et bodhisattvas, bref la terre de bouddha pure est celle où les conditions sont grandement favorables au développement spirituel, où il est facile pour les êtres d’évoluer, facile de suivre la voie vers l’éveil.
Ainsi que nous l’avons vu, l’exemple le plus connu d’une terre de bouddha pure est bien sûr, Soukhavati – la « terre heureuse » ou la « terre de la félicité », qu’est la terre du bouddha nommé Amitabha, le bouddha de la lumière infinie, située nous dit-on, vers l’ouest. On nous dit que tout y est très beau, on en trouve de longues descriptions dans certains textes, certains soutras. Sans entrer dans les détails, Soukhavati, la terre heureuse, la terre de la félicité (une sorte de Mag Mell ?) du bouddha Amitabha est décrite comme regorgeant de joyaux étincelants, de lumière, de fleurs, de
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musique et de parfum. On peut trouver plus de détails dans les trois soutras de la « terre pure. » Le bouddha Amitabha, de couleur dorée, flanqué de ses deux bodhisattvas principaux, est assis sur un magnifique trône au milieu de Soukhavati. Les êtres naissent à Soukhavati – ainsi que dans les autres terres pures – par apparition, c’est-à-dire pas comme le résultat d’une union sexuelle. Étant apparus, ils voient le bouddha Amitabha et ses bodhisattvas, Avalokitesvara et Mahasthamaprapta *, devant eux, et ils n’ont rien d’autre à faire que d’écouter les enseignements d’Amitabha, rien d’autre à faire que de croître, rien d’autre à faire que de se développer.
* Avalokitesvara et Mahasthamaprapta sont donc dans ce cas, si l’on veut continuer le parallèle, les équivalents des hommes dotés d’une âme/esprit exceptionnelle de notre premier texte, ou les esprits et démons du dieu celto-druidique dont parle Plutarque dans le second. Mais laissons là tous ces coupages de cheveux en quatre, car en ce qui nous concerne il s’agirait plutôt de bouddhas de type guerrier comme le moine Bodidharma inventeur des arts martiaux, mais enfin il existait aussi des bouddhakshetras correspondants aux individus de type ou de caractère plus « druidique » si l’on en croit Plutarque.
Œuvres morales.
Tome V. 29… sur l’échec la fin ou l’obsolescence des oracles.
« … Démétrius dit que parmi les îles situées à côté de la [Grande] Bretagne, beaucoup sont isolées, à peine habitées voire désertes. Certaines portent le nom d’une divinité ou d’un grand héros. Lui-même, sur ordre de l’empereur, a fait là-bas un voyage à des fins d’enquête et d’observation, afin de se rendre dans la plus proche de ces îles qui n’a que quelques habitants, de saints hommes qui sont tenus pour intouchables par les [Grands] Bretons. Peu de temps après son arrivée, il se produisit un grand tumulte dans les airs, accompagné de divers signes annonciateurs ; des vents violents se mirent soudainement à balayer la terre et la foudre s’abattit à plusieurs reprises. Quand le calme fut quelque peu revenu, les gens de cette île lui expliquèrent que venait de trépasser un homme doté d’une âme/esprit à l’exceptionnelle puissance [en grec megalai psychai]. « Car », disaient-ils, « une lampe que l’on allume n’inspire aucune crainte, mais son extinction plonge dans les ténèbres ; de même les grandes âmes/esprits [grec megalai psychai] ont une flamme ainsi qu’une lumière, bienfaisante et inoffensive, mais leur extinction souvent, comme tout à l’heure, donne lieu à des tempêtes et à des orages, voire même infecte fréquemment l’air de souffles pestilentiels ». Ils ajoutent en outre qu’il y a dans cette partie du monde une île où Cronos est tenu confiné, gardé pendant qu’il dort par Briarée ; car le sommeil est le lien qui le retient enchaîné en ce lieu, et que tout autour sont de nombreux démons qui lui servent de valets ou de serviteurs… »
Tome XII.
63. De la face qui apparaît sur la Lune.
« À cinq jours au large de la [Grande] Bretagne en naviguant vers l’ouest, il y a aussi une île. Et trois autres, à égale distance de cette dernière, mais aussi de chacune des autres, sont situées au-delà en allant dans la direction du couchant d’été.
Dans l’une d’entre elles, d’après les histoires racontées par les barbares du pays, Cronos est retenu prisonnier par Zeus, mais, flanqué d’un fils [Briarée ?] comme geôlier, on lui a laissé la souveraineté sur ces îles et de cette mer, qu’ils appellent golfe cronien… Ceux qui ont servi le dieu pendant au moins trente ans sont autorisés à rentrer chez eux, mais la plupart d’entre eux choisissent habituellement de rester, certains à cause des habitudes qu’ils y ont contractées, d’autres parce qu’ils ont tout en abondance, sans labeur ni contrariété, alors qu’ils emploient toutes leurs journées en sacrifices et en célébrations, ou à discourir sur divers sujets ainsi qu’à philosopher ; car la nature de cette île est merveilleuse, et notamment la douceur de son climat. Ceux d’entre eux qui conçoivent le dessein de quitter les lieux en sont empêchés par la divinité, qui leur apparaît alors comme à des intimes ou à des amis, et non pas en rêve seulement ou de façon symbolique, car beaucoup également voient et entendent des esprits [ou démons en grec] se manifester. Cronos lui-même dort dans la profonde grotte d’un rocher qui brille comme de l’or – le sommeil étant le seul moyen que Zeus a trouvé pour lui servir de lien – et des oiseaux volant au-dessus de ce rocher lui apportent de l’ambroisie ; toute l’île est embaumée par ce parfum qui semble sourdre de ce rocher comme d’une fontaine ; et les esprits [ou démons en grec] mentionnés plus haut soignent et servent Cronos, ayant été ses courtisans et ses amis [hetaerous en grec] du temps où il régnait sur les dieux et les hommes. Beaucoup des prédictions qu’ils font ne viennent que d’eux-mêmes, car ce sont de bons oracles, mais les prophéties qui sont les plus importantes et portent sur les plus grands sujets, ils les délivrent en rendant compte de songes faits par Cronos, car tout ce que Zeus prémédite, Cronos le voit dans ses
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rêves. Les passions et les émotions titanesques qui affectent son âme font qu’il est toujours sur le point de rompre ses liens, jusqu’à ce que le sommeil restaure ses forces et que sa nature royale et divine retrouve ainsi toute sa pureté originelle. L’étranger de qui je tiens ce récit fut un jour conduit en ce lieu, et alors qu’il servait le dieu, devint durant ses loisirs expert en astronomie, science dans laquelle il fit autant de progrès qu’il est possible d’en obtenir en s’adonnant à la géométrie, ainsi qu’en physique ; dont il pouvait parler aussi bien que peut le faire un philosophe de la nature.… Comme je parus surpris par cela et que je lui demandai des précisions, il me répondit : « Beaucoup d’assertions sur les dieux, Sulla, ont cours chez les Grecs, mais toutes ne sont pas exactes… »
Cet autre monde celtique semble correspondre aux vœux des individus de type « druide » et non « guerrier » comme le Hésus Cuchulainn, mais que dire à propos de l’autre monde destiné aux individus de caractère « producteur » ?
Nous reviendrons sur le problème posé par l’absence apparente d’au-delà paradisiaque de type « troisième fonction ».
Pour en revenir aux bouddhakshetras proprement dits, notons que Terre Pure est le nom qui désigne l’univers occidental de la Béatitude (sanscrit Soukhâvatî « la Terre Bienheureuse »). Le bouddhisme de la Terre pure est essentiellement basé sur la foi, la dévotion et la pratique de la récitation du nom du bouddha Amitâbha, avec pour objectif d’accéder après cette vie à la terre du bouddha (bouddhakshetra) d’Amitabha, où la lumière, la longévité et le bonheur sont tous infinis. L’École de la Terre pure, improprement dite Amidisme, est un courant très important du bouddhisme mahayana.
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Ránacsa rem rebrad rán,
bale ingnád cíarbo gnád,
connici in carnd, fichtib drong,
h-i fúar Labraid lebarmong.
Je suis arrivé, quelle aventure ?????
Dans un pays merveilleux que je connaissais déjà
Le tertre des vingt troupes
Où se trouvait Labraid aux longs cheveux.
Je l’ai trouvé dans le tertre
Trônant au milieu de milliers d’armes.
Il avait des cheveux du plus beau des blonds
Retenus par une résille d’or en forme de pomme.
Après qu’il m’eut reconnu
Dans son manteau pourpre à cinq plis
Il me demanda : « viendras-tu avec moi
Dans la maison où se trouve Failbé le Beau ? »
Les deux rois sont dans cette maison,
Failbe Finn et Labraid,
Trois fois cinquante [hommes] entourent chacun d’entre eux ;
Tel est le nombre [des hommes] composant leur maisonnée.
Il y a cinquante sièges à droite
Et cinquante hommes à leur droite
Il y a cinquante sièges à gauche
Et cinquante hommes sur leur gauche.
Une rangée de stalles pourpres
Vertes, blanches, dorées
La chandelle qui les éclaire
Est une brillante pierre précieuse.
Il y a aussi à la porte ouest
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Là où le soleil se couche,
Une harde de chevaux à la crinière gris-tacheté
Ainsi qu’une autre à la crinière brun-rouge.
Il y a aussi à la porte est
Trois majestueux arbres de cristal rouge
Du haut desquels chantent les oiseaux d’un perpétuel printemps
Pour les jeunes de cette forteresse royale.
Il y a un arbre dans la cour du château à l’entrée
À nul autre pareil pour ce qui est de l’harmonie ;
Un arbre d’argent sur lequel brille le soleil
Son éclat est semblable à celui de l’or.
Atát and tri fichit crand,
comraic nat chomraic a m-barr,
bíatar tri cét do chach crund
do mes ilarda imlum.
Il y a là trois vingtaines d’arbres
Dont les cimes se touchent ou ne se touchent plus
Chacun de ces arbres nourrit trois centaines de ?
Avec des fruits divers bien mûrs.
Il y a une fontaine dans la cour de cette noble demeure
On y trouve aussi trois fois cinquante hommes portant des manteaux bigarrés
Avec une broche en or brillant de tout son éclat
Sur chaque manteau à hauteur de l’épaule.
Il y a une cuve remplie du plus fort des hydromels
À disposition de la maisonnée
Et la coutume veut
Qu’elle soit toujours pleine, chaque instant et à jamais.
Il y a une jeune femme dans cette noble demeure
Qui surpasse toutes les femmes de la verte Erin
Quand elle se promène, on voit ses cheveux blonds
Elle est belle et parfaite.
Les petits mots gentils qu’elle a pour tout le monde
Sont délicieux et remarquables
Amour et affection pour elle
Brisent le cœur de tout homme.
La noble jeune femme m’a demandé
« Quel est cet écuyer (gilla) que nous ne connaissons pas ?
Si c’est bien toi, viens donc ici
Cocher de l’homme de Muirthemne ».
Je me suis donc approché lentement, très lentement,
J’avais terrifié à l’idée de me déshonorer ;
Elle m’a demandé : « viendra-t-il ici
Le fils unique de la noble Dexiua/Duxtir/Dechtire ? »
Quel dommage qu’il ne soit pas déjà passé par ici,
Tout le monde l’y attend impatiemment ;
Afin de lui faire visiter de fond en comble
La grande maison que j’ai vue.
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Si mienne était l’Irlande
Ainsi que la souveraineté sur Breg la blonde
Je les donnerais sans hésiter
Afin de rester à demeure là où je suis allé.
Je suis arrivé, quelle aventure, etc.
C’est très bien, répondit le Hésus Cuchulainn.
C’est très bien oui, poursuivit Loeg, et il convient de se rendre là-bas ; car tout est bien dans ce pays.
Et Loeg continua de lui vanter les délices de cette demeure du Sid.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 11.
Tertre. Certains manuscrits donnent à lire ici le mot carnd au lieu de carn.
Dans son manteau pourpre. La syntaxe gaélique fait qu’on ne peut savoir avec certitude si le manteau en question est porté par Labraid ou Loeg. Qu’il fasse cinq plis étant un signe d’opulence (beaucoup de tissu) contrairement aux spécialistes français en la matière nous optons donc pour un manteau porté par Labraid.
Droite/gauche. Rappelons que droite est également synonyme de sud et gauche synonyme de nord pour les Celtes.
Banquette. Nous rendons ainsi le terme gaélique lepad qui signifie soit lit soit compartiment.
Son éclat est semblable à celui de l’or. Les arbres en question font problème. Il s’agit soit de la mention de véritables arbres enjolivés bien entendu, poussant dans ce qui ressemble beaucoup à la terre pure du bouddha nommé Amitabha (en japonais Amida) : Soukhavati ; un lieu en tout cas beaucoup moins guerrier ou militaire et infiniment plus enchanteur par conséquent que le Walhalla des Germains ; soit d’arbres artificiels et surtout cultuels, mal distingués des véritables. Un tel arbre cultuel a d’ailleurs été trouvé en Allemagne en 1984 lors des fouilles de l’oppidum de Manching. Il s’agit d’un tronc recouvert d’une feuille d’or, portant une branche avec des feuilles de lierre en bronze, auquel ont été ajoutés des bourgeons et des glands dorés. Cet arbre cultuel, qui peut être daté du IIIe siècle avant notre ère, est interprété comme étant un surgeon de chêne entouré de lierre. Il était conservé dans un coffret en bois également recouvert d’une feuille d’or. Cet objet de culte devait être employé lors de cérémonies religieuses ou de processions. L’oppidum celte de Manching était la capitale de la tribu des Vendéliques. Il fut fondé au IIIe siècle avant notre ère et occupé jusqu’en -50 ou -30. À son apogée il couvrait une superficie de 380 hectares protégée par un rempart de 7,2 km de longueur, abritant une population estimée entre 5000 et 10 000 habitants. NB. Il va de soi que nous n’affirmons nullement que c’est cette capitale des Celtes Vindéliciens qui a inspiré la légende irlandaise. Nous ne pouvons nous empêcher de faire le rapprochement, c’est tout.
Dont les cimes se touchent ou ne se touchent plus. Sous l’action du vent, elles se rapprochent puis s’écartent les unes des autres, alternativement.
Il y a là trois vingtaines d’arbres. Là aussi je ne peux m’empêcher de penser au célèbre poème gallois généralement attribué à Merlin et intitulé Affalenau :
Afallen peren per ychageu.
Puwaur maur weirrauc enwauc invev.
Doux pommier, tes branches font mes délices
Et ton bourgeonnement luxuriant ma joie et ma fierté…
Il y a une fontaine. Nous n’irons pas jusqu’à dire que c’est la fameuse fontaine de Barenton, car cette fontaine a l’air bien ordinaire dans notre texte. Par contre le chaudron magique qui suit a la même fonction que dans le paradis selon les musulmans : distribuer en permanence une boisson inépuisable et délicieuse.
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Au passage : pourquoi les alcools sont-ils interdits dans l’islam (à part le moût de datte selon certaines Écoles théologiques, s’il n’y a pas ébriété) alors qu’au Paradis apparemment ils constituent la plus précieuse des récompenses ???? «« Il y coule des rivières d’eau pure, des rivières de lait au goût inaltérable, et des rivières de vin délicieux à boire, ainsi que des rivières de miel clarifié ; il y a là des fruits de toutes sortes, avec en plus le pardon de leur seigneur » (Coran, chapitre 47, verset 15). « Ils étancheront leur soif avec du vin pur cacheté : le cachet en sera de musc… avec y sera mêlé de l’eau du Tesnim, une source dont les eaux désaltèreront les plus proches de Dieu » (Coran chapitre 83, verset 24). Dieu n’est pas très logique.
Précisons notre position à ce sujet. Primo ce qu’il faut éviter ce n’est pas l’alcool en tant que tel, mais L’ABUS (D’ALCOOL). Par exemple il ne faut pas venir ivres aux cérémonies du culte ni conduire en état d’ébriété.
Secundo ce n’est pas parce que nous soulignons certaines similitudes entre le paradis musulman et le paradis celtique que nous affirmons qu’ils sont tous deux issus d’une même tradition primordiale commune. Le fait que les êtres humains sont à peu près partout bâtis sur le même modèle (deux yeux un nez une bouche un estomac) suffit à expliquer qu’ils aient des aspirations ou des rêves comparables ou similaires. Pas besoin de recourir pour cela donc à la foutaise de la tradition primordiale.
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J’ai vu un pays à la terre brillante et noble
Dans lequel n’existe ni mensonge ni perfidie ;
Là règne un roi aux armées immenses,
Labraid à la main prompte à manier l’épée.
Alors que je passais au-delà de la plaine de Luada
J’ai aperçu l’arbre aux trophées
Dans la magnifique ?? plaine
Que je foulais de mes pieds.
Ensuite Li Ban m’a dit
Dans l’endroit où nous nous sommes retrouvés
« Combien cher à mon cœur serait ce miracle
Si c’était le Hésus Cuchulainn qui était en fait à ta place ».
Admirables sont les femmes, précieux butins sans vaincu,
Que sont les filles d’Aed Abrat ;
La silhouette de Wanda/Fand est d’une beauté renommée
Elle n’a d’égale que celle des reines.
Atbér, úair is lim ro clos,
síl n-Ádaim cen imarbos,
delbaid is Fainne rem ré
ná fil and a l-lethéte.
Je dirai, car c’est ce que j’ai entendu
Que parmi toutes les filles d’Adam sans péché originel.
La beauté de Wanda/Fand, je le répèterai sans cesse,
N’a pas sa pareille.
J’ai vu de glorieux champions
Avec des armes tranchantes
J’ai vu des vêtements multicolores
Ce n’étaient pas des habits de gens du commun.
J’ai vu beaucoup de très belles femmes festoyer,
J’ai vu toutes leurs filles,
J’ai vu leurs nobles jeunes gens
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Se promener dans les bois et les collines.
J’ai vu de grands musiciens
Enchanter cette jeune femme
N’eût été la rapidité avec laquelle je suis reparti
Qu’ils m’auraient définitivement retenu !
J’ai vu la colline qui les abritait tous
Ethne Inguba est une belle femme ;
Mais la femme dont je parle ici,
Ferait perdre la raison à des armées entières.
J’ai vu un pays, etc.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 12.
Un pays à la terre brillante et noble dans lequel n’existe ni mensonge ni perfidie… Si ce n’est pas une description de la terre pure (soukhavati) du bouddha nommé Amtayus en sanscrit (Amida en japonais), ou du moins d’un monde meilleur que le nôtre, qu’est-ce que c’est ? Et la bataille qui doit y être livrée n’est peut-être qu’une bataille eschatologique, entre les forces du Bien et celles du Mal ? Il est vrai qu’on serait là plutôt dans une métaphysique de type zoroastrien avec le Hésus Cuchulainn dans le rôle du messie Saoshyant, mais enfin…
L’arbre aux trophées. Comme il est mentionné ici pour la deuxième fois, encore quelques mots à ce sujet. Apparemment la coutume était d’accrocher des trophées de ses victoires à certains arbres, que ce soient des trophées animaux ou humains (des dépouilles d’ennemis vaincus).
Voici ce que l’on trouve dans la vie de saint Amator évêque d’Auxerre en Bourgogne.
Chapitre IV.
24. À l’époque où cela se produisit, un dénommé Germain (le futur maître de saint Patrice), issu d’une noble lignée, administrait le pays d’Auxerre en étant personnellement sur place. Il avait coutume alors de s’adonner aux activités habituelles des jeunes gens plutôt que d’œuvrer pour la religion chrétienne. Et par conséquent il passait son temps à chasser avec assiduité, et il lui arrivait souvent de prendre quantité de bêtes sauvages grâce à divers pièges, mais aussi en recourant à toutes les ressources de son art en la matière. Il y avait un grand et splendide pin au beau milieu de la cité, aux branches duquel Germain se plaisait à suspendre les trophées ou les têtes du gibier qu’il avait ramené afin que tout le monde puisse admirer les produits de sa chasse.
Amator, le célèbre évêque de la cité, l’interpellait donc souvent et en ces termes : « Arrête, je t’en prie, illustre homme de bien, de faire ces plaisanteries qui offensent les chrétiens, et qui constituent vraiment un mauvais exemple pour les païens. C’est là l’œuvre d’un culte idolâtre est de la pure discipline chrétienne. Ce saint homme digne de Dieu avait beau le harceler sans relâche, jamais Germain en aucune façon en aucune façon n’acceptait de lui dire oui et de lui obéir. Cet homme du Seigneur l’exhortait encore et encore non seulement à mettre fin à cette habitude digne du Malin, mais aussi à l’arbre lui-même, en l’extirpant jusqu’à la racine, afin qu’il n’offense plus les chrétiens. Mais ce dernier ne prêtait jamais une oreille attentive à cette admonestation. Un jour pourtant, le préfet Germain dut s’absenter de la ville pour se rendre sur les domaines lui appartenant. Alors saint Amator, qui guettait cette occasion depuis longtemps, fit arracher cet arbre sacrilège y compris avec ses racines, et, afin que rien n’en subsiste dans la mémoire des incroyants, ordonna qu’il soit jeté immédiatement au feu. Quant à ce qui pendait ou était accroché pour lui servir de trophée de chasse tout autant que de souvenir de ses exploits, il demanda qu’on les jette loin des limites de la ville.
Note de l’éditeur : référence du texte : Acta Sanctarum fêté le 1er mai, Vita Sancti Amatoris Episcopi Autissiodorensis (Anvers 1680). Et avec l’espoir que plus jamais aucun fanatique religieux chrétien ou musulman de ce genre ne viendra nous gâcher ainsi la vie ! C’est du harcèlement, voire du trouble à
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l’ordre public. Dieu préserve les non croyants à toutes bêtises (le diable, etc.) que nous sommes (les increduli), de tous ces saints hommes ou de tous ces vrais croyants ! Vive la laïcité !
Sans le péché originel. Nous traduisons ainsi le gaélique cen imarbos. Il va de soi qu’il s’agit là d’une interpolation chrétienne le personnage d’Adam faisant partie de l’imaginaire moyen-oriental depuis des millénaires (mythe biblique emprunté aux Sumériens, cf. Enkidou dans l’épopée de Gilgamesh). Scientifiquement parlant complètement inexact également puisqu’il s’agit de l’évolution par mutations et incestes sur la durée, de plusieurs individus au minimum, et non d’un seul. Le récit d’Adam, quelle que soit son origine, se base sur l’idée de premier homme et s’oppose donc directement à la théorie de l’évolution. Ni l’Ève mitochondriale, ni l’Adam chromosome Y (qui ont vécus à la même époque), ne sont l’Adam et l’Ève de la Bible et ils étaient chacun enfant de deux parents de la même espèce, membre de leur espèce et de leur groupe social, au sein duquel chacun s’est accouplé avec un membre de son espèce qui avait des parents distincts.
Pour en revenir à l’histoire d’Enkidou, nettement plus intelligente que l’histoire bêtifiante d’Adam et Ève, notons que dans son cas la sexualité apparaît comme un facteur de civilisation et non de chute. Cela dit on se perd en conjectures sur l’intention ayant présidé à cette manipulation de notre texte par le chrétien de service. Démontrer a contrario que ce n’était pas une humaine, mais une déesse ???
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Le Hésus Cuchulainn partit ensuite avec lui pour ce pays mystérieux, et prit son char avec lui pour se rendre dans l’île. Labraid leur souhaita la bienvenue, toutes les femmes firent de même, et Wanda/Fand souhaita également la bienvenue au Hésus Cuchulainn, mais en particulier.
Que faut-il faire maintenant ? demanda le Hésus Cuchulainn.
Ni ansa ! Ce n’est pas difficile à dire. Ce qu’il faut faire répondit Labraid, c’est avancer à la rencontre de l’armada ennemie.
Ils se mirent donc en route et dès qu’ils furent assez près du gros de l’armée pour y jeter un coup d’œil ils d’aperçurent qu’elle était innombrable.
Éloigne-toi maintenant dit le Hésus Cuchulainn à Labraid. Labraid s’en alla et le Hésus Cuchulainn resta seul face à cette armée. Fanócrat in dá fhíach druiídechta dogénsat int shlúaig. Les deux corbeaux diaboliques croassèrent et les guerriers s’exclamèrent : cela doit être le contorsionniste venu d’Irlande que les corbeaux ont vu. Et ensuite les armées firent le vide devant elles.
Eochaid Iul partit se laver les mains à la source de bon matin. Le Hésus Cuchulainn aperçut son épaule découverte au travers de sa coule (son manteau à capuchon). Il lui lança un javelot qui le transperça. Il tua trente-trois hommes avec lui. Il fut ensuite assailli par Senach le démoniaque, ils livrèrent une grande bataille, mais le Hésus Cuchulainn parvint à le tuer à la fin. Labraid revint et il mit en déroute l’armée devant lui. Labraid alors lui demanda d’arrêter le massacre.
Il est à craindre, dit Loeg, que l’homme passe sa colère sur nous, car il n’a pas encore eu tout son plein de combat.
Que l’on prépare donc trois cuves d’eau glacée pour refroidir son ardeur. La première cuve dans laquelle il entrera, l’eau sera bouillante ; la seconde cuve, personne non plus ne pourra en supporter la chaleur ; la chaleur de l’eau dans la troisième cuve sera supportable.
Quand les femmes revirent le Hésus Cuchulainn, Wanda/Fand chanta ce qui suit :
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 13.
Et prit son char avec lui pour se rendre dans cette île. Peut-être une allusion au symbole des tombes à char. Les guerriers se faisaient enterrer avec un char afin de plus facilement gagner l’autre monde avec.
Un dieu psychopompe (en grec ancien psykhopompós, signifiant littéralement « guide des âmes ») est un dieu conducteur des âmes/esprits des morts (guide ou passeur), guidant les âmes/esprits dans la nuit de la mort.
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Beaucoup de croyances et de religions possèdent des esprits, des déités, des démons ou des anges qui ont la tâche d’escorter les âmes/esprits récemment décédés vers l’autre monde, comme le Paradis ou l’Enfer. Ils sont souvent associés avec des animaux tels que les chevaux, les corbeaux, les chiens, les chouettes, ou encore les dauphins. Chez certains peuples sibériens, un cheval sacrifié par le chaman peut également servir de psychopompe.
Le cas particulier de la tombe de Vix oblige à penser que le char funéraire n’a pas qu’un symbolisme guerrier ; d’autant plus que la " Dame de Vix " fut peut-être une prêtresse. Le char guerrier ou pas semble bien être un véhicule à forte charge symbolique, se référant aux mythes concernant le sort de l’âme/esprit après la mort comme la traversée de la barque du Nautonier de l’Enfer ou encore l’ascension de l’attelage de l’âme ailée dans le Phèdre de Platon. Dans cet admirable mythe, l’âme est comparée à un char ailé tiré par deux chevaux de nature foncièrement différente, celui des passions généreuses et celui des passions instinctives. Un cocher symbolisant la raison tente de faire avancer le char malgré le tiraillement provoqué par les deux chevaux. Un passage nous donne des précisions concernant cet attelage. Le premier de ces chevaux est un cheval blanc aux yeux noirs, beau et fort ; il aime la prudence et la modération. Compagnon de l’opinion vraie, il n’a pas besoin d’être frappé pour être conduit, la parole encourageante lui suffit. L’autre cheval est noir ; mal bâti, c’est un compagnon de la démesure et de la vanité ; pour le conduire, le cocher doit lui donner des coups de fouet.
L’âme de l’homme est tirée par ces deux chevaux, entre la mesure et la vérité, l’injustice et le désordre. L’âme humaine porte en elle la marque de la complexité de l’homme.
La tombe de Vix renfermait la dépouille d’une femme d’une trentaine d’années gisant autrefois sur un char, peut-être recouverte d’une étoffe. On a retrouvé de nombreux éléments métalliques du véhicule. Cette princesse était sans doute parée de ses plus beaux atours. Elle était couverte de pas moins de 25 objets de parure.
Outre l’extraordinaire collier d’or ou torque de 480 grammes, on a retrouvé un cratère, et une coupe en argent, appelée « phialle » par les spécialistes. La coupe possède un fond constitué d’un ombilic, arrondi recouvert d’une feuille d’or. Le reste est fabriqué en argent, métal très rarement employé à l’époque.
Qui était donc la princesse de Vix pour justifier un enterrement aussi fastueux ? Il s’agissait, selon toute vraisemblance, d’une personnalité très importante. Laquelle a « emporté dans l’autre monde » symboliquement parlant, les objets symbolisant son rang dans le monde des vivants. On peut supposer qu’il s’agissait d’une sorte de prêtresse celte. La coupe en argent était peut-être ainsi la marque de son pouvoir, un objet qu’elle utilisait lors d’une cérémonie religieuse, une libation par exemple, au cours de laquelle elle répandait un liquide en l’honneur d’une divinité.
Les Celtes ont été des fabricants de chars réputés ; le mot char vient d’ailleurs, via le latin carrum, du celtique karros. Une vingtaine de tombes à char ont été découvertes en Grande-Bretagne, datant le plus souvent du Ve siècle avant notre ère au IIe siècle avant notre ère, presque toutes dans le Yorkshire (une seule découverte à Newbridge, 10 km à l’ouest d’Édimbourg).
Les chars celtes sont attelés de deux chevaux, et font à peu près deux mètres de large sur quatre de long. Les jantes en fer sont probablement une invention celte. Excepté les jantes et les pièces de fer de la nacelle, les chars étaient fabriqués en bois ou en vannerie. Quelquefois, des anneaux de fer renforcent les attaches. Les Celtes apportent une autre innovation, qui est l’essieu libre, suspendu à la plate-forme par des liens. Les chars celtes étaient ainsi bien plus confortables sur un terrain irrégulier.
Une innombrable armée d’ennemis. D’un point de vue strictement militaire et pour ce qui est de la stratégie, c’est complètement nul ! Il doit s’agir d’une bataille eschatologique avec le Hésus Cuchulainn dans le rôle du Saoshyant de la spiritualité zoroastrienne.
Saoshyant est le nom du sauveur suprême dans la mythologie iranienne. Son avènement marquera l’arrivée des derniers jours et du Frashokereti, l’ultime renouveau ». Selon cette tradition, la durée du monde se divise en quatre âges durant chacun 3000 ans.
Le début du quatrième et dernier âge, qui comprend l’époque actuelle, a vu l’apparition du réformateur religieux Zoroastre et il verra l’avènement du sauveur Saoshyant, qui viendra pour renouveler le monde et ressusciter les morts. Un torrent de métal en fusion submergera la planète pour la purifier, et Angra Mainyou sera définitivement vaincu. L’humanité sera soumise à un torrent brûlant, qui la nettoiera de ses péchés donc et lui permettra de vivre en compagnie d’Ahoura Mazda. Pour tous ceux qui auront mené une vie irréprochable, ce torrent brûlant ne fera pas plus d’effet que du « lait tiède ». Le Saoshyant sacrifiera un taureau et mélangera sa graisse avec l’élixir magique appelé haoma, pour créer un breuvage d’immortalité qu’il donnera ensuite à chaque membre de la race humaine.
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Le problème est que ce serait alors à notre connaissance le seul exemple d’une telle bataille dans la littérature irlandaise, les batailles de Mag Tured n’étant pas des batailles eschatologiques, mais des événements fondateurs, commencement d’un cycle. La Serglige Con Chulainn est à notre avis le plus curieux récit de la littérature irlandaise.
Diabolique. Nous rendons ainsi le terme gaélique druidechta qui est en général toujours à connotation négative dans les textes irlandais. Qui étaient ces deux corbeaux par contre ?? La déesse des combats??? La Catubodua ??? La fée Morgane ??? Le texte a dû être amputé.
Trois cuves. Ce genre d’opération en quelque sorte « de décontamination » a déjà été détaillé dans un des chapitres précédents : lors d’un des premiers exploits de notre héros.
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Majestueux est le guerrier à char qui s’avance dans la plaine
Bien qu’imberbe et très jeune
Splendide est la course qu’il fait dans la plaine
Le soir en revenant de l’assemblée de Fidga.
Ní céol síde séol fodgain…
La bâche du char qui l’a conduit jusqu’ici ne résonne pas de la musique du Sid ???
Elle est de la couleur du sang
Le chant qui s’élève au-dessus de lui
Vient des roues de son char.
Les coursiers qui sont attelés à son puissant et magnifique char
Je suis restée longtemps sans bouger à les regarder ;
On ne connaît pas d’étalons semblables ;
Ils sont rapides comme le vent de printemps.
Il jongle avec cinq fois dix pommes d’or
Elles montent et redescendent devant son visage ;
Il n’existe pas de semblable prince
Ni chez les humbles ni chez les puissants.
Il y a sur chacune de ses joues
Une touche de rouge couleur du sang
Une touche de vert, une touche de vert
Une légère touche de pourpre.
Il y a sept lueurs dans son œil
Ce n’est pas un fait qui doit être caché
Des sourcils bruns, du plus bel effet
Des cils noirs comme un scarabée.
Il a sur la tête, quel homme étrange ?
Ainsi qu’il a été dit dans toute l’Irlande
Trois couleurs de cheveux différentes
Ce jeune homme imberbe
Une épée rougie de sang qui goutte
Avec une poignée d’argent
Un bouclier, avec un umbo d’or jaune
Et une bordure en bronze blanc.
Il surpasse tout le monde dans le carnage
Il traverse le champ de bataille en bravant les dangers
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Il n’y a personne avec une lame aussi robuste
Personne de comparable au Hésus Cuchulainn.
Le Hésus Cuchulainn c’est lui qui est venu ici
Le jeune champion de Muirthemné
Celles qui l’ont fait venir si loin
Ce sont les filles d’Aed Abrat.
Des ruisseaux de gouttes de sang
Coulent le long des lances qu’il tient fermement levées
Hautain, fier, et à la valeur incomparable
Malheur à celui contre lequel il entre en colère.
Majestueux est le guerrier à char, etc.
Li Ban lui souhaita ensuite également la bienvenue en lui disant ceci :
Bienvenue Hésus Cuchulainn ;
Grand prince de la plaine de Muirthemné ;
Vrai sanglier royal
Grand et noble est son esprit.
Champion victorieux
Puissante pierre de valeur
À la colère rouge comme le sang
Toujours prêt à combattre
Les ennemis des Ulates,
Son teint est magnifique
Il éblouit les yeux des femmes
Qu’il soit le bienvenu.
Bienvenue Hésus Cuchulainn, etc.
Qu’as-tu accompli comme exploits ô Hésus Cuchulainn ? lui demanda Li Ban. Ci-dessous ce que le Hésus Cuchulainn lui répondit alors
J’ai lancé mon javelot
Sur l’armée d’Eogan de l’Embouchure
Mais j’ignore, bien qu’y ayant gagné une grande renommée
Qui fut ma victime ni quel exploit j’ai alors accompli.
Si ma force a été suffisante ou pas
co s-se ní tharlus dom chirt ?????
Je l’ignore ??????
Ce fut peut-être le lancer imprécis d’un homme dans le brouillard
Et qui n’a peut-être pas touché un seul être humain
Une belle armée, au teint rouge, montée sur de magnifiques palefrois
M’a percé de tous côtés
Les gens de Belin/Belen/Barinthus le Mannois, fils de Ler,
Appelés à la rescousse par Eogan de l’Embouchure.
J’ai rendu coup pour coup
Et quand ma force fut revenue
Seul contre trente centaines d’hommes
Je les ai tous fait passer de vie à trépas.
J’ai alors entendu le râle d’agonie d’Eochaid Iul
Le son qui parvint à mes oreilles fut aussi doux que les paroles d’un ami
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Pourtant à dire vrai ce ne fut pas un grand exploit
Ce javelot que j’ai lancé, s’il a été bien lancé.
J’ai lancé mon javelot, etc.
Le Hésus Cuchulainn se retira ensuite avec la fille [Wanda/Fand] et resta un mois chez elle ; ensuite il prit congé d’elle, et Wanda/Fand lui dit alors : « Où que ce soit que tu veuilles que je vienne te retrouver, j’irai. Le lieu du rendez-vous ce fut l’if du bout du rivage.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 14.
Touche. Nous traduisons ainsi faute de mieux le terme gaélique tibri.
Prince de Muirthemné… Encore une fois répétons qu’il s’agit là d’une allusion à la place que le Hésus Cuchulainn occupait alors dans la pyramide vassalique, et que des princes il y en avait beaucoup autrefois (le petit roi d’Yvetot en Normandie, le prince de Blaye Jaufré Rudel roi des troubadours, etc.) et que cela ne voulait donc dire en aucune façon roi. La royauté du Hésus Cuchulainn n’était pas faite pour ce monde, et seul son fils adoptif Lugaid deviendra roi ainsi que nous l’avons vu, pas lui. Nous déconseillons donc fortement aux néo-druides de faire de la politique, cela donne envie de vomir. Du moins en France.
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Tout cela fut rapporté à la pauvre Aemer. Elle se fit faire des poignards pour assassiner la fille et alla au lieu du rendez-vous convenu, elle aussi, accompagnée de cinquante servantes. Le Hésus Cuchulainn et Loeg y étaient déjà, en train de jouer au tablut (échecs), mais ils ne virent pas les femmes approcher. Wanda/Fand par contre les aperçut et dit à Loeg : « Vois qui arrive, Loeg ! »
Quoi qu’est-ce qu’il y a ? répondit Loeg. Il regarda et la jeune femme, c’est-à-dire Wanda/Fand [ou Aemer ???] lui dit ceci.
Regarde, Loeg, derrière toi il y a de nobles femmes sensées, avec de l’or sur leurs jolies poitrines, mais avec des poignards effilés dans la main droite, et elles arrivent à la façon dont les champions ou héros s’avancent dans une bataille de chars. Il est clair qu’Aemer, la fille de Forgall, a bien changé ses manières.
Sa jalousie ne te nuira en rien, dit alors le Hésus Cuchulainn, et il ne t’arrivera rien. Monte dans le char d’apparat au siège ensoleillé, qui se trouve devant moi, et je te défendrai contre toutes les autres femmes d’Ulidia, car quelles que soient les menaces de la fille de Forgall, et de ses compagnes, et ses démonstrations de force, elles n’oseront pas lever la main contre moi.
Le Hésus Cuchulainn poursuivit [à l’intention d’Aemer cette fois-ci] :
Je recule devant toi, ô femme, comme on recule devant un ami ; cette lame pointue dans ta main tremblante ne saurait en effet me blesser ; ni ton petit canif ; ni ta vaine colère ; car il serait vraiment triste que ma force à moi soit vaincue par la force d’une faible femme.
Réponds-moi, O Sétanta Cuchulainn, demanda donc Aemer, qu’est-ce qui a bien pu te pousser à me bafouer ainsi aux yeux de toutes les femmes de cette province, de toutes les femmes d’Irlande, et de tous les gens honorables pareillement ? Car c’est suite à tes promesses ??? et à ton insistance que je suis venue avec toi et même si par orgueil tu me menaces, tu ne réussiras point à me convaincre d’une quelconque faute justifiant ma répudiation, mon garçon, quoi que tu fasses !
Je me demande bien, O Aemer, pourquoi je n’aurais pas le droit aussi de profiter de la compagnie d’une autre femme, de cette femme qui est pure, chaste, belle, douée ; digne d’un grand roi, une fille venue d’au-delà des mers les plus lointaines ; élégante et à la mine avenante, mais aussi de noble naissance ; douée dans l’art de la broderie, habile aux travaux d’aiguille, habile de ses mains ; sensée, intelligente, ayant du caractère ; riche en coursiers, en troupeaux de vaches ; car il n’y a ici-bas rien que son beau compagnon puisse désirer qu’elle ne ferait pas pour lui, même sans lui avoir
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promis. Quant à toi, O Aemer, ajouta-t-il, tu ne trouveras jamais un champion aussi avenant aussi martial aussi riche en batailles gagnées, que moi.
La femme dont tu t’es entiché n’est pas mieux que moi, mais il est vrai que tout ce qui est rouge est beau, que tout ce qui est nouveau est attirant, que tout ce qui vient de loin est séduisant ; que tout ce qui est trop connu est amer, qu’on languit toujours après ce qui vous manque, que tout ce qui est familier aussi est négligé, que l’on est toujours attiré par l’inconnu. O mon ami, il fut un temps où j’étais à l’honneur à côté de toi et il en serait encore de même si tu l’avais voulu.
Ensuite elle se mit alors à sangloter de chagrin.
Par ma foi, O Aemer, répondit le Hésus Cuchulainn, je t’aime toujours et je t’aimerais toute ma vie
Répudie-moi dans ce cas, dit en pleurant Wanda/Fand.
Non, il est plus logique que ce soit moi que tu répudies, répondit Aemer.
Pas du tout, répliqua Wanda/Fand, c’est moi qui dois être répudiée dans ce cas, c’est d’ailleurs ce à quoi je m’attendais depuis longtemps.
Elle s’effondra en larmes, car elle avait honte d’être rejetée ainsi et de devoir réintégrer le domicile conjugal. L’amour qu’elle avait pour le Hésus Cuchulainn la troublait, elle sanglota et chanta le lai suivant :
C’est moi qui dois partir ;
J’y consens bien qu’avec affliction ;
Bien qu’il y ait un homme d’une même grande renommée [qui m’attende à la maison]
Je préfèrerais rester.
J’aimerais mieux être ici
Et te suivre, dans la joie
Que de m’en aller, bien que cela puisse t’étonner
Dans le grianan ensoleillé d’Aed Abrat.
O Aemer, cet homme t’appartient,
Et bien qu’il ait profité de moi, pauvre femme
Ce que ma main ne peut saisir
Je suis bien forcée de me contenter de le désirer.
Nombreux ont été les hommes qui ont demandé ma main
Eter chlithar is díamair :
À la fois illustres et obscurs ???
Je ne les ai jamais rencontrés
Car je suis une femme honnête (irán).
Quel malheur que de donner son amour à quelqu’un
S’il n’en fait aucun cas
Il vaut mieux se séparer
Quand on n’est pas aimé comme on aime.
Tu es venue ici avec cinquante femmes
O Aemer à la belle chevelure
Pour arrêter Wanda/Fand, quelle honte
Et la tuer misérablement.
Il y a aussi trois fois cinquante
Belles femmes célibataires,
Qui vivent avec moi dans mon palais
Elles ne m’abandonneront pas !
C’est moi qui dois partir, etc.
Tout ceci fut alors révélé à Belin/Belen/Barinthus le mannois fils de Ler ; à savoir que Wanda/Fand, la fille d’Aed Abrat, était engagée dans un combat inégal contre les femmes ulates, et que le Hésus Cuchulainn était en train de la chasser. Belin/Belen/Barinthus vint alors de l’orient pour la sauver ; il
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arriva sur place et aucun d’entre eux ne s’aperçut de sa présence à part Wanda/Fand ; le désespoir s’empara d’elle alors en le voyant et elle improvisa le lai suivant.
Voyez le vaillant fils de Lero
Des plaines d’Eogan de l’embouchure
Le mannois maître du monde des châteaux
Il y eut un temps où il m’était cher.
Mád indíu bá dígrais núall,
ní charand mo menma múad :
is éraise in rét int sherc :
téit a h-éol cen immitecht.
J’ai poussé aujourd’hui un cri de détresse ????
Mon cœur n’éprouve plus d’amour
Les voies de l’amour sont impénétrables
Les connaître ne sert à rien !
Quand j’étais avec le fils de Lero,
Dans le solarium (grianan) du château de l’embouchure
Nous pensions alors assurément
Que rien ne pourrait nous séparer !
Quand Belin/Belen/Barinthus le grand Mannois m’a épousé
Je fus alors une compagne digne de lui
En me prenant, il n’a pas essuyé
Une grande perte dans le hasardeux jeu d’échec du mariage ????
Quand Belin/Belen/Barinthus le grand Mannois m’a épousé
Je fus alors une compagne digne de lui
Il m’a offert comme prix de ma pudeur
Un bracelet en or raffiné que j’ai encore.
J’avais qui attendaient dans la bruyère ???
Cinquante filles de toutes les couleurs ;
Je les ai mariées à cinquante hommes
Toutes étaient parfaites.
Quatre fois cinquante personnes exactement
Composaient notre maisonnée ;
Deux fois cinquante hommes, heureux et parfaits,
Deux fois cinquante femmes, belles et en bonne santé.
Je vois venir ici par-delà les mers
Personne d’autre que moi ne le voit
Le cavalier de l’écume des vagues
Il se passe des vaisseaux du Sid (shithlongaib).
Il arrive droit sur nous
Personne ne peut le voir sauf un être du Sid
Ton esprit discerne la moindre troupe
Même très éloignée de toi.
Mon malheur était inévitable
Car les femmes qui aiment n’ont guère de bon sens
Celui que j’ai tant aimé
M’a livrée entre les mains d’ennemis trop nombreux pour moi
Je te dis adieu, mon beau chien de Culann ;
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Et nous te quittons le cœur serein
Bien que nous ne repartions pas de notre plein gré
La dignité me commande de me retirer.
Le moment de partir est venu pour moi
Il y a ici quelqu’un à qui quand même il en coûte
C’est un bien grand malheur
O Loeg, O fils de Riangabra.
Je repars avec mon époux
Afin qu’il ne fasse pas preuve de mauvaise volonté envers moi
Ne dites pas que je m’enfuis en cachette
Si vous le désirez, regardez.
Voyez le vaillant, etc.
Ensuite la femme suivit Belin/Belen/Barinthus le Mannois qui la salua en lui disant : « Bien, O femme, est-ce que tu restes avec le Hésus Cuchulainn ou est-ce avec moi que tu pars ? »
Par ma foi, répondit-elle, il y en a un seul de vous deux que je voudrais suivre et pas l’autre, mais c’est avec toi que j’irai, et je n’attendrai pas le Hésus Cuchulainn, car il m’a de fait abandonné, en outre, mon bon ami, tu n’as point à tes côtés une reine digne de toi, alors le Hésus Cuchulainn lui, en a déjà une.
Quand le Hésus Cuchulainn vit la femme partir avec Belin/Belen/Barinthus, il demanda aussitôt à Loeg : « Qu’est-ce qui se passe ? »
Ça, répondit Loeg, c’est Wanda/Fand qui part avec Belin/Belen/Barinthus, le mannois fils de Lero, puis qu’elle ne te convient plus.
Alors le Hésus Cuchulainn fit trois grands bonds en l’air, et trois bonds en direction de Luachair vers le sud, il resta longtemps sans boire ni manger dans la montagne, où il dormait chaque nuit le long de la route de Midluachair.
Aemer pendant ce temps-là se rendit chez Cunocavaros/Conchobar à Emania ; et lui raconta dans quel état se trouvait le Hésus Cuchulainn.
Cunocavaros/Conchobar envoya des filedu áes dána & drúdi, des vellèdes des hommes de l’art et des druides ulates lui rendre visite afin de l’arrêter puis de le ramener à Emania. Il voulut d’abord tuer tous ces professionnels. Ces derniers prononcèrent alors (ou récitèrent ou chantèrent) des side brechta druídechta devant lui puis le prirent par les pieds ainsi que par les bras, afin qu’il retrouve un peu de son bon sens. Il leur demanda ensuite à boire. Les druides lui donnèrent une boisson (dig) d’oubli (dermait). Dès qu’il eut pris de ce breuvage, il ne se souvint plus de Wanda/Fand ni de ce qu’il avait fait. Ils donnèrent également à boire de cette boisson à la malheureuse Aemer afin qu’elle oublie sa jalousie, car son état mental n’était guère meilleur que le sien.
Belin/Belen/Barinthus le Mannois en même temps secoua son manteau entre le Hésus Cuchulainn et Wanda/Fand afin qu’ils ne puissent plus jamais se retrouver.
Tout ceci n’était donc qu’une apparition envoyée par les gens du Sid afin d’accabler le Hésus Cuchulainn, car leur pouvoir (chumachta) démoniaque (demnach) état grand avant l’arrivée de la vraie foi (cretim), si grand que les démons (demna) avaient l’habitude de soumettre physiquement à la tentation les gens, et qu’ils avaient l’habitude de faire apparaître à leurs yeux de mystérieuses beautés en essayant de les persuader qu’ils pourraient vivre avec eux jusqu’à la fin des temps. Voilà ce qu’ils étaient accoutumés à croire. De sorte que c’est de tels phénomènes (taidbsib) que les ignares (anéolaig) avaient l’habitude de désigner sous les noms de Sid ou de Gens du Sid.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 15.
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Tout cela fut rapporté à la pauvre Aemer. Le compilateur sans génie auteur de ce récit (il y a incohérence dans les noms des protagonistes féminins) fait donc là de nouveau visiblement appel à un autre manuscrit, une autre histoire. Assez lamentable d’ailleurs, et personne n’en sort grandi. Un très mauvais film de série B. Ou alors de l’humour involontaire et au second degré.
Je me demande bien, O Aemer…… Le Hésus Cuchulainn répond à la situation par une proposition typiquement masculine et un peu mufle ou polygame de ménage à trois, qui sera suivie par un concours d’abnégation étonnant. « C’est moi qui dois être abandonnée dans ce cas, pas elle », etc.
Ô mon ami. Nous rendons ainsi l’expression gaélique A gillai.
Répudiation/répudier. C’est ainsi que l’on traduit généralement les termes gaéliques lécudsa, léicfidir.
L’importante différence entre répudiation et divorce est que, et je cite un vieil auteur bien injustement oublié aujourd’hui.
Montesquieu. De l’esprit des lois. Livre XV. Du divorce et de la répudiation.
« La différence entre divorce et répudiation est que le premier se fait par consentement mutuel […] alors que la seconde ne naît que de la volonté d’une des deux parties, et à son seul avantage, indépendamment de la volonté ou des intérêts de l’autre.
La nécessité qu’il y aurait parfois pour la femme de répudier [son mari], mais la difficulté qu’il y a toujours alors pour elle de le faire, rendent tyranniques les lois qui accordent ce droit aux hommes sans l’accorder aussi aux femmes. Un mari est le maître de la maison ; il a tant de manières de la contraindre ou de la ramener à soumission, qu’entre ses mains la répudiation apparaît comme un nouvel abus de pouvoir de sa part. Mais une femme qui répudie son mari n’a là qu’un bien drôle de remède à sa disposition. C’est toujours une grande infortune pour elle en effet de se mettre en quête d’un autre mari, alors qu’elle a perdu la plus grande partie de ses attraits aux yeux des autres. Un des avantages des charmes de la jeunesse pour les femmes et que, lorsqu’elles sont arrivées à un âge plus avancé, leur mari est toujours enclin à éprouver de la complaisance et de l’affection pour elle par égard aux plaisirs passés.
La règle générale est donc que les pays où les lois ont donné aux hommes le pouvoir de répudiation, ces lois devraient aussi l’accorder aux femmes. Mieux même, dans les pays où les femmes vivent une sorte d’esclavage domestique, on peut penser que la loi devrait accorder aux femmes le droit de répudiation et aux maris seulement le droit de divorcer ».
N.B. à ce sujet que le divorce en tant que tel n’existe pas ni dans le judaïsme ni dans l’islam et que toute personne qui utilise le terme divorce pour en fait parler de ces répudiations :
— ou se trompe bien qu’étant journaliste spécialiste… et induit ainsi en erreur gravement lecteurs et auditeurs.
— ou si c’est fait sciemment, trompe donc volontairement lecteurs et auditeurs, à commencer par les journalistes n’ayant pas assez d’intelligence ni de culture pour le remarquer. Ce qui est le cas en France où, puisque l’islam est désormais la religion dominante dans certains quartiers de ce pays (il faut se justifier de ne pas être déjà musulman, de ne pas être séduit par l’islam) les gens de média (pour qui la vérité n’est visiblement qu’une option parmi d’autres) font tous désormais comme si répudiation était un exact synonyme de divorce.
La réponse des journalistes et intellectuels français d’aujourd’hui à ma citation étant : « Qu’est-ce que vous venez nous casser les pieds avec ce Montesquieu que personne ne connaît à Paris et qui visiblement n’est qu’un vieux con de fasciste ! Hitler déjà en 1933 […] l’islam est une religion de paix ou d’amour et vous vous ne faites que prêcher la haine et le mépris d’autrui avec de tels propos stigmatisant le mariage musulman ! Un peu de culture vous ferez le plus grand bien, cela vous éviterait de sortir de telles âneries racistes, gros con d’extrême droite ! » Dont acte.
L’explication traditionnelle apportée par les juifs et les chrétiens au renvoi comme une vieille chaussette qu’on jette, de la première épouse de Moïse, est que c’était une vieille salope qui s’opposait à la circoncision (Exode 4,25) bien que tout cela ne soit pas clair du tout (Exode 18,2).
L’explication traditionnelle apportée par les juifs et les musulmans au renvoi d’Agar est la jalousie de Sarah et la lâcheté d’Abraham devant elle (ou devant Dieu ?) qui aurait mal compris cette manifestation d’altruisme de Sarah.
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Genèse 21. « Sarah dit à Abraham, « débarrasse-toi de cette esclave et de son fils, car le fils de cette femme ne partagera jamais ton héritage avec mon fils Isaac ». Cette décision déplut fortement à Abraham, car elle nuisait à son fils. Mais Dieu lui dit, « ne sois pas inquiet à propos du garçon et de ton esclave (?). Obéis à ce que te dit Sarah, car c’est d’Isaac que sortira ta postérité officielle. Mais je ferai du fils de l’esclave aussi une nation, car il est de ta descendance ». Le lendemain matin de très bonne heure Abraham prit de la nourriture et une outre d’eau puis les donna ensuite à Agar. Il lui mit tout ça sur l’épaule et la renvoya donc avec le garçon. Elle partit et s’égara dans le désert de Beer Schéba mais Dieu, etc. »
Il est vrai que nous ne sommes pas un spécialiste du dieu d’amour seul vrai dieu d’Abraham de Mahomet, et que nous avouons humblement être un peu perdus dans tous ces seuls vrais dieux d’amour et de miséricorde, etc.
Nous nous contenterons donc de rappeler ici quelle était la position apparemment du Nazaréen Jésus à ce sujet.
…« Moïse, à cause de votre dureté de cœur, vous a permis de répudier vos femmes ; mais au commencement il n’en était pas ainsi ! Et moi je vous dis que quiconque répudiera sa femme, non pour cause de fornication, et en épousera une autre, commettra l’adultère » (Matthieu 18, 8-9).
N.B. Si nous comprenons bien la réaction des premiers chrétiens (des disciples d’alors) qui est mentionnée ensuite, ils eurent beaucoup de mal à comprendre ce que voulait dire une telle phrase puisque les rabbins Shammai et Hillel ne leur disaient pas ça du tout. Et d’ailleurs les chrétiens ne sont pas toujours d’accord à ce sujet puisque pour les uns le divorce est interdit dans tous les cas, pour d’autres il est autorisé s’il y a eu adultères. Les peuples élus par le vrai dieu ont décidément beaucoup de mal à comprendre les choses simples. Dieu n’a décidément pas de chance dans le choix de ses peuples.
Ajoutons pour terminer qu’il va de soi que les peuples arabes ne sont en aucune façon les descendants biologiques de cette mythique Agar, mais que les musulmans sont parfaitement libres de se reconnaître dans cette esclave chassée de la demeure de son maître et concubin sur ordre ou avec la complicité de Dieu. Psychologiquement cela ne peut guère avoir de bons résultats sur la structuration de leur mentalité collective, mais enfin…
Grianan. Ainsi que déjà noté dans nos contre-lais précédents, un grianan est une hauteur jamais à l’ombre dans la journée et donc en général bien placée pour observer.
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le signaler, ce personnage ou ce protagoniste du mythe est l’avatar ou l’incarnation mannoise d’un dieu panceltique plus important, sur l’identité duquel hésitent les spécialistes.
Taran/Toran/Tuireann ?
Lug ?
Belin/Belen/Barinthus dit le mannois fils de Lero ?
Et nous ne voyons pas vraiment ce qu’on peut lui reprocher, car finalement, le seul à se comporter correctement avec Wanda/Fand dans cette affaire (compassion reste d’un ancien grand amour ?) c’est lui ! Il agit un peu comme son ange gardien ! On a plutôt l’impression d’être dans une histoire de divorce à la française où toute femme qui prétend même mensongèrement être battue se voit automatiquement accorder tout ce qu’elle veut (l’attribution au mari exclusivement, du remboursement des emprunts pour la maison, mais en même temps son expulsion quasiment immédiate du domicile conjugal, ce qui permet ensuite à l’épouse d’y faire venir son amant, etc.).
Aemer a un comportement à la fois normal, logique, mais aussi empreint d’une certaine noblesse.
Le seul décidément à être en dessous de tout dans cette lamentable affaire c’est le Hésus Cuchulainn.
Lero est un dieu celte de la première ou deuxième génération associé à l’océan. Une sorte de Neptune druidique donc. Assez curieusement il est également signalé sur les bords de la Méditerranée.
Dans un témoignage de Strabon et de Pline.
Strabon. Livre IV. Chapitre I.
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10. Au large de ces portions de côtes très étroites, si nous partons de Massilia (Marseille), il y a les cinq îles Stoechades : trois d’entre elles sont assez grandes, mais deux très petites ; elles sont cultivées par les Massaliotes. Jadis ces derniers y avaient une garnison, qu’ils avaient postée là pour s’opposer aux descentes de pirates, étant donné que ces îles étaient bien desservies pour ce qui est des ports. Ensuite, après les Stoechades, il y a les îles de Planasia et de Léron, elles sont mises en valeur et habitées. Sur Léron se trouve aussi le temple d’un grand héros [heroon en grec], celui qui fut élevé en l’honneur de Lero. Cette île se trouve au large d’Antipolis (Antibes)…
Pline. Livre III. Chapitre XI.
… Il y a aussi environ vingt autres petites îles dans cette mer peu profonde. Au large des côtes, à l’embouchure du Rhône, il y a Métina, et non loin l’île qui est connue sous le nom de Blascon, avec les trois Stœchades, ainsi appelées par leurs voisins les Massaliotes [aujourd’hui Marseille] à cause de leur alignement, leurs noms respectifs sont : Proté, Mésé, appelée aussi Pomponiana, et Hypaea. Après viennent Sturium, Phoenice, Phila, Lero ; et, en face d’Antipolis [aujourd’hui Antibes] Lerina, où l’on se souvient encore qu’une ville appelée Vergoanum y a jadis existé.
Un cri de détresse. Ce quatrain est assez difficile à traduire. Le cri en question est peut-être une procédure légale analogue au diaspad egwan gallois ou à la clameur de haro dans la coutume de Normandie.
M’a livrée… Wanda/Fand exagère ! Le Hésus Cuchulainn ne l’a pas livrée, mais il est vrai qu’il se comporte en cette affaire comme un mari pantouflard qui recule devant le rouleau à pâtisserie de bobonne.
Le Hésus Cuchulainn se rattrape enfin ! Devenu fou de douleur (il aimait donc la pauvre Wanda/Fand quand même si nous comprenons bien) il devient une sorte de Merlin retiré dans la forêt après la bataille où il perd la raison (Arfderydd 573). Aemer se montrera moins égoïste et s’occupera de lui quand même !
Filedu, áes dána & drúdi. Les filedu ce sont les vellèdes. A priori n’ont rien à faire dans une opération purement médicale puisque ce terme, souvent traduit par poète, désigne les druides de tempérament plutôt littéraire. Peut-être ont-ils agi en tant que négociateurs, comme lors de la capture d’un terroriste ou d’un forcené retranché quelque part. Afin qu’il se rende. Les aes dana sont des hommes de l’art, mais de quel art s’agit-il ??? On peut penser ici qu’il devait s’agir en fait de vates, les vates étant les druides spécialisés dans la médecine et dans tout ce qui concerne le soin des corps (ce que nous déconseillons aux druides d’aujourd’hui, rappelons-le). Quant aux druidi bien entendu il s’agit de druides. C’est-à-dire de généralistes ou d’hommes à tout faire, moins spécialisés que les précédents, ou du moins compétents dans les deux domaines précédents à la fois.
Prononcèrent. Nous rendons ainsi le verbe chansat qui est bien entendu de la même famille linguistique qu’enchanteur ou enchantement et qui est habituellement traduit par « chanter ».
Side brechta druidechta. Le mot clé dans cette formule c’est le mot brechta. Du vieux celtique brictu, indo-européen bhregh, vieux norrois braghr poésie, sanscrit brahman, formule. On ne se trompera guère en disant que tout ceci renvoie donc en définitive à la puissance de la parole, de la prière et ainsi de suite…
Druidechta renvoie bien entendu à druide et c’est toujours un terme à connotation pas très positive dans nos textes puisqu’ils ont été mis par écrit dans des monastères. Druidecht c’est donc de la druiderie au mauvais sens du terme. Le racisme inhérent aux débuts du christianisme fait que les premiers chrétiens ont toujours considéré comme condamnable méprisables haïssables, etc. les spiritualités autres que la leur ou que celle venue de leurs pères spirituels les juifs. Quant à Side bien sûr c’est un terme qui renvoie donc à la notion de Sid à l’autre monde parallèle des morts et des dieux chez les Celtes. Notons néanmoins que l’action décisive dans tout cela semble avoir été de s’emparer de force et physiquement du malheureux, de l’avoir maîtrisé en usant de la force, après un premier stade fait tout de bonnes paroles et de négociations.
Une boisson d’oubli. Les hommes médecine de l’époque avaient apparemment réussi à mettre au point une bien pratique décoction, qui solutionne beaucoup de problèmes de couple. Aussi radicale
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que des neuroleptiques ! Surtout associée à une sorte de camisole de force (les assistants lui saisissent les bras et les pieds pour le maîtriser).
Son manteau. Le manteau de Belin/Belen/Barinthus n’a pas le pouvoir de faire oublier, mais il agit un peu comme la cape d’invisibilité du nain Obéron (Alberich dans les Niebelungen), il rend Wanda/Fand (comme tous les dieux ou démons d’ailleurs), physiquement invisible aux yeux des humains (donc de notre héros).
Ignares. Croire aux anges aux saints à la sainte vierge toujours vierge et au petit Jésus (les musulmans ajoutent les djinns à la liste), à l’Enfer au Paradis au Purgatoire ainsi qu’aux miracles, ça par contre ce n’est pas pareil. Notre grand maître à tous, le grand druide John Toland doit s’en retourner dans sa tombe ! Racisme quand tu nous tiens !
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LA MORT DE CUROI.
Il existe trois versions ou recensions différentes de la mort de ce personnage dont on hésite à dire si c’est un ancien dieu de la mythologie pan-celtique initiale ou un roi historique du sud de l’Irlande primitive (Munster) chef du clan Dedad (le personnage est en tout cas dans nos récits doté de pouvoirs surnaturels).
La première la plus ancienne est un récit du Xe siècle de par le style et conservé dans le recueil de manuscrits appelé le livre jaune de Lecan (en gaélique Leabhar Buidhe Lecain).
La deuxième version intitulée Adaigh Con Roi figure dans le manuscrit Egerton 88 du British Museum. C’est un manuscrit qui de par les caractéristiques de son écriture date du XVIe siècle.
Il existe enfin une troisième version de la mort de Curoi, intitulée en gaélique Brinna Ferchertne inso triana Codlud. Il s’agit d’un court poème relatant une vision du poète officiel de ce mystérieux roi.
Ce personnage (Curoi et Daré ne font peut-être qu’une seule et même personne selon T. F. O'Rahilly) a déjà été mentionné dans la saga irlandaise magnifiant le Hésus Cuchulainn ainsi que nous avons pu le voir, mais notre avis est que ce qui le concerne doit être étranger au mythe pan-celtique initial qui nous occupe et n’a été utilisé par les concepteurs du cycle d’Ulster que pour mettre en valeur leur propre héros national, Sétanta dit le Chien de Culann (Sétanta Cuchulainn).
N.B. Ce personnage fait aussi partie de la littérature galloise, mais à la marge et non en tant que résultat d’une même transmission originelle, et non au titre d’une prétendue tradition primordiale. Rappelons d’ailleurs ici que la notion de Tradition primordiale est le plus souvent un concept creux et fumeux (en tout cas non scientifique) justifiant les pires stupidités (Atlantide et ainsi de suite…). En ce qui concerne Curoi s’il figure aussi marginalement dans la littérature galloise ancienne c’est en tant qu’influence des lettres irlandaises sur la littérature galloise médiévale et non en tant que parallèle issu d’une tradition commune. Le texte en question est une élégie (marwanat) figurant dans le Livre de Taliesin (poème numéro XLII). Ce très court poème (Marwnat Corroi m[ab] Dayry) fait d’ailleurs brièvement allusion à ses démêlés avec un certain « Cocholyn », un nom gallois sous lequel tout le monde aura reconnu le chien de Culann ou Cuchulainn des apocryphes irlandais.
Bref, ci-dessous la version de sa mort figurant dans le Livre jaune de Lecan (Leabhar Buidhe Lecain).
LA MORT DE CUROI FILS DE DARÉ.
(Aided Conroi Maic Daire).
Pourquoi les Ulates ont-ils tué Curoi fils de Daré ? Facile à dire. À cause de Blathnat la fille de Mend qui fut enlevée lors du siège de Falga, mais aussi à cause des trois vaches de Iuchna et des trois hommes d’Ochain c’est-à-dire à cause des petits oiseaux qui avaient l’habitude de se tenir près des oreilles des vaches y compris celles de Iuchna, et du chaudron qui fut enlevé avec les vaches et qui était comme son veau à lui ???
Ce chaudron pouvait contenir trente vaches, mais on le remplissait pourtant à ras bord du lait de ces trois vaches chaque fois que les oiseaux chantaient pour elles. D’où ce poème improvisé par le Hésus Cuchulainn dans son Siaburcharpat.
Il y avait un chaudron dans le fort
Le veau de trois vaches
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Il pouvait contenir trente vaches dans sa panse
Telle était sa contenance (luchtlach)
Ils se servaient beaucoup de ce chaudron
Chose incroyable à entendre
Ní-téigtis úad aitherruch.
Co-fargbatis lán.
Ils ne s’en éloignaient jamais beaucoup????
Sans qu’il soit de nouveau plein à ras bord ???
Il y avait beaucoup d’or et d’argent avec
C’était une trouvaille inespérée
Je me suis emparé de ce chaudron
Ainsi que de la fille du roi.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 16.
Siaburcharpat. Il s’agit d’une autre des légendes concernant le Hésus Cuchulainn, celle qui nous le montre ayant triomphé des enfers après sa mort et montant au ciel sur son char. Revue et corrigée par le christianisme bien entendu.
Il y avait un chaudron… Boí coire en gaélique. Ces trois quatrains figurent donc bien dans le texte en gaélique intitulé Siaburcharpat Con Culainn, mais avec quelques petites différences ainsi que nous le verrons bientôt. Tout ceci ressemble fort aux épopées irlandaises de type « expédition dans l’autre monde d’où l’on ramène des trésors ou des objets surnaturels ». Singulier echtra pluriel echtrai.
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Curoi fils de Daré vint en effet avec eux participer au siège [de Fala], mais ils ne le reconnurent pas, aussi l’appelèrent-ils l’homme au manteau gris. À chaque tête qui était ramenée du fort, Cunocavaros/Conchobar demandait : « qui a tué cet homme ». Et chacun lui répondait successivement « moi et l’homme au manteau gris ! »
Mais quand vint le moment de partager le butin, ils ne donnèrent rien à Curoi, car il ne lui fut reconnu aucun droit. Il courut alors sur les vaches et les rassembla devant lui, glissa les oiseaux dans sa ceinture, prit la femme sous une de ses aisselles, et s’éloigna d’eux, avec le chaudron sur le dos. Aucun Ulate ne fut capable de s’expliquer avec lui à part le seul Hésus Cuchulainn. Curoi se retourna contre ce dernier afin de l’enfoncer dans la terre jusqu’aux aisselles, lui coupa les cheveux sur la tête d’un coup de son épée, enduisit de bouse de vache son crâne puis rentra chez lui.
Le Hésus Cuchulainn évita les Ulates pendant une année entière après cela
Un jour néanmoins qu’il se trouvait sur les hauteurs de Boirche, il aperçut alors une nuée de corbeaux venant vers lui de par-delà les mers. Il en tua un aussitôt. Ensuite il en tua l’un d’entre eux dans chaque pays [qu’il traversait] jusqu’à ce qu’il arrive jusqu’au Nez de Corbeau (Srub Broi) situé à l’ouest de l’Irlande, c’est-à-dire à l’endroit où il décapita le dernier oiseau noir, d’où le nom de ce lieu après ça (Srub Broin). Cela eut lieu à l’ouest de la forteresse de Curoi, et le Hésus Cuchulainn comprit alors que c’était lui qui l’avait ridiculisé, aussi discuta-t-il avec sa femme [Blathnat], car il était tombé amoureux d’elle avant qu’elle soit enlevée par-delà les mers [par Curoi] ; c’était une fille de Iuchna le roi de l’île de Falga qui était comme un rempart dans les îles de la mer. Il convint de nouveau avec elle d’un rendez-vous galant dans l’ouest du pays la nuit de Samon (ios). Une armée d’hommes de la verte Erin accompagnerait le Hésus Cuchulainn.
Ce jour-là elle conseilla donc à Curoi de construire une belle forteresse avec tous les menhirs ou dolmens d’Irlande pour lui servir de capitale. Le clan Dedad tout entier se mit donc en route en une
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seule journée pour construire cette citadelle, de sorte qu’il se retrouva tout seul dans son château ce jour-là.
Ce qui avait été décidé entre elle et le Hésus Cuchulainn comme signal c’est qu’elle verserait du lait des vaches de Iucha en aval de la rivière qui s’écoulait en direction des Ulates, de sorte que ses eaux en deviennent toutes blanches, lorsqu’elle procèderait à sa toilette [à laver Curoi]. Ainsi fut fait. Du lait fut versé en aval en direction des Ulates et cette rivière devint ensuite la Finnglas [la toute blanche en gaélique].
Bui-si didu ac aiscid a chind-seom i ndorus na catrach. Elle chercha donc les poux dans sa tête ????? devant la porte du château.
[Apercevant le Hésus Cuchulainn qui arrivait] elle lui dit alors : « rentre maintenant à l’intérieur de la forteresse et va prendre un bain avant que tes hommes ne reviennent avec leur chargement [de pierres et de poutres].
Mais alors que Curoi relevait la tête, il aperçut l’armée des Ulates arrivant sur lui dans la vallée, à pied ou à cheval.
Qui sont ces gens là-bas, femme ? demanda-t-il.
Ce sont tes gens, répondit la femme, avec les pierres et les chênes [destinés à construire ton nouveau château].
Si ce sont des chênes, ils vont vraiment vite avec, si ce sont des pierres c’est vraiment extraordinaire.
Il leva de nouveau la tête afin de les examiner de loin.
Mais qui peuvent bien être ces gens ? demanda-t-il.
Des troupeaux de vaches ou du bétail, répondit la femme.
Si c’est du bétail, du vrai bétail
Alors ce n’est pas un troupeau de vaches maigres
Il y a un homme brandissant une épée
Sur chacune de ces vaches.
Sur ce il rentra dans son château, et la femme lui fit prendre un bain. Elle attacha ses cheveux aux montants et aux barreaux du lit, sortit son épée du fourreau et ouvrit les portes de la forteresse. Il n’entendit rien de tout cela jusqu’à ce que les Ulates aient envahi la maison tout autour et lui soient tombés dessus. Il se leva aussitôt et tua une centaine d’entre eux à coups de pied ou de poing. Le domestique qui était avec lui se leva aussi contre eux et tua trente de leurs guerriers. D’où la chanson :
Bien que domestique du prince
Il était aussi expert dans les arts de la guerre
Il tua trente hommes d’armes
Ensuite il fut tué lui-même.
Senfical fut le premier à venir en courant sur les lieux, d’où la maxime :
« Senfical arriva…
Il tua une centaine d’hommes de l’armée
Bien que grande ait été la puissance de son combat
Il fut tué par le Hésus Cuchulainn.
Carpre Cuanach vint alors les affronter.
Carpre Cuanach est venu les affronter
Il tua une centaine d’hommes, c’était un puissant combattant
Il s’en serait même pris à Cuncavaros/Conchobar lui-même
Si la mer regorgeant de poissons ne l’avait pas englouti.
Alors qu’il était en train de se battre avec Cunocavaros/Conchobar, il aperçut son château en feu par- delà les mers au nord. Aussi se jeta-t-il à l’eau pour essayer de le sauver. Mais il avait trop à nager pour cela et donc il se noya en ce lieu.
Le combat d’Eochaid fils de Daré
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Du promontoire jusqu’à la vallée.
Il tua une centaine d’hommes, ce fut un grand exploit
Pour venger son bon roi.
Les enfants du clan Deda jetèrent loin d’eux les menhirs et les dolmens d’Irlande quand ils entendirent les cris du combat et accoururent pour se jeter dans la mêlée sanglante qui entourait la forteresse, d’où le dicton…
Et sur ce arriva le clan Deda
Pour chercher leur roi en grand nombre ?
Cinq vingtaines et trois centaines
Dix centaines et deux milliers.
Pendant que l’on s’entretuait à qui mieux mieux autour de la forteresse, que le Hésus Cuchulainn emportait la tête [de Curoi], que la forteresse était à feu et à sang, Ferchertne le vellède de Curoi était avec ses chevaux dans la vallée, il s’exclama :
Quel est ce jeune [qui resplendit ?]
Devant la forteresse de Curoi ?
Si le fils de Daré se trouvait encore en vie
Elle ne brûlerait pas.
Fer Becrach, lui, cependant, le cocher de Curoi, s’était rendu à Carpre le fils de Cunocavaros/Conchobar, et il monta dans son char avec lui. Mais il jeta ensuite les chevaux du haut de la falaise et la falaise écrasa hommes et chevaux d’où il est dit :
Fer Becrach… ?
Peut-être direz-vous que ce ne fut pas une tromperie
Mais le fait est qu’il emporta pourtant avec lui Carpre fils de Cunocavaros/Conchobar
Dans les flots amers de l’océan.
Ensuite ce fut au tour de Ferchetne d’arriver.
N’es-tu pas Ferchertne ? Demanda Cunocavaros/Conchobar ??
Oui c’est moi, répondit-il.
Curoi était-il bon pour toi ? demanda Cunocavaros/Conchbar.
Il fut bon pour moi en effet, répondit-il.
Donne-nous un exemple de sa bonté ????
Je ne peux pas maintenant, répondit-il. Mon cœur est trop triste après la mort de mon roi, et je me tuerai de mes propres mains si personne d’autre ne le fait à ma place.
Puis il ajouta :
Note de la rédaction : la traduction est donnée sous toute réserve. Il s’agit peut-être en outre d’un ajout au texte originel.
Ce n’est pas une chose facile à dire pour moi.
Cette femme n’aurait jamais dû être sur la terre du noble prince que vous venez de tuer.
Cûroi m’a donné dix beaux domaines. Dix servantes, dix chevaux à tête blanche, dix mors pour eux, dix beaux habits à franges, dix poignards, dix paires d’épées toutes plus superbes les unes que les autres. Dix lames, dix bonnes ruches avec leurs abeilles, dix bouviers, dix chiennes avec des chaînes d’argent.
Cûroi m’a donné dix chaudrons. Dix coupes, vingt gobelets, dix trompes en corne de bœuf, dix sangliers sauvages, dix bœufs capables de labourer même les pierres, dix plats en or, dix troupeaux de génisses.
Cûroi m’a donné cent porcs, mille brebis, dix ceintures, dix couronnes en or, dix serviteurs, dix chevaux hongres, dix jougs pour les bœufs, dix chaînes et aussi des entraves en fer-blanc.
Cûroi m’a donné dix plats d’argent, dix bracelets, dix brides pour mes chevaux, dix pierres à feu ? (tailliama), dix cuves à bière, dix vases, dix gros tonneaux, dix tambourins ? (tinnu), dix couvertures, dix vêtements de laine, dix tentes bariolées de mille couleurs, dix aiguillons dignes d’un roi.
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Cûroi m’a donné dix pommes d’or, dix boucles ? d’or, dix bassins d’or, dix autres bassines d’or ainsi que les dépouilles de ses ennemis de Babylone.
Il m’avait donné dix tuniques rouges, dix chemises blanches, dix damiers brillant de mille feux, dix étuis à javelots remplis de lances, trente rênes, et enfin trente chevaux.
Ce furent là vraiment les dons que l’on peut attendre d’un roi, répondit Cunocavaros/Conchobar.
Et ce fut là peu de chose de sa part, répliqua Fercherne. Blathnat est-elle ici ? demanda-t-il ensuite.
Elle est ici, répondirent les jeunes guerriers, mais ce n’est qu’au prix de la tête de Curoi que nous avons pu la libérer.
Elle fut alors précipitée au pied du rocher, c’est-à-dire du promontoire de Cenn Bera. Car Ferchertne se jeta sur elle et la serra entre ses bras si fort que ses côtes se brisèrent dans son dos ; ensuite il la précipita en bas de la falaise devant eux, et lui avec, de sorte qu’ils s’écrasèrent tous les deux sur le rocher. Leur tombe est sur la grève, sous les rochers. D’où la complainte :
Dramatique fut la lutte
De Blathnat et Ferchetne
Leur tombe à tous les deux
Se trouve sur l’âpre terre de Cenn Bera.
Leurs pertes s’accrurent néanmoins chaque jour, de Samon (ios) au milieu du printemps. Les Ulates firent le compte de leurs troupes, ceux qui étaient partis et ceux qui revenaient, la moitié ou le tiers de leurs hommes y étaient restés, comme il est dit ci-dessous :
Blathnat la fille de Menn fut tuée
Dans le massacre qui eut lieu au-dessus de la vallée d’Argat.
Quel exploit pour une femme de trahir son mari
Puisque c’est ?????
Telle fut la mort tragique de Curoi.
Fin (en latin).
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 17.
L’homme au manteau gris. Il s’agit-là bien entendu d’un effet des pouvoirs surnaturels de Curoi. Le partage du butin est évidemment un moment toujours important après une expédition réussie. Cela peut être aussi l’objet de beaucoup de rancœurs comme on peut le voir dans le Coran (un verset du saint Coran, le 41 du chapitre intitulé le Butin justement, le chapitre 8, est consacré au partage du butin FAIT EN CE MONDE : dans l’ordre Dieu Mahomet ses proches et après les autres) ainsi que dans les biographies de Mahomet (un cinquième pour lui ainsi que le premier choix des esclaves sexuelles capturées EN CE MONDE comme après la prise de la cité juive de Khaïbar, voir le triste sort de la malheureuse Safiya). Le grand rabbi Jésus le Nazaréen ayant été crucifié avant de prendre le pouvoir et de chasser les Romains de Jérusalem, il n’a pas eu évidemment à souffrir de tels problèmes. Mahomet si ! Pour les musulmans donc l’Être des êtres l’Être supérieur le Taouid, Dieu quoi, se préoccupe même de cela : le partage du butin !
Il ne lui fut reconnu aucun droit. Et pour cause, il avait agi jusque-là incognito. La suite de l’histoire nous montre néanmoins que c’est un personnage vraiment hors du commun qui fait un peu penser au Gurgunt/Gargant des légendes vu le côté un peu comique de tout cela (cf. Rabelais), car un des buts des conteurs gaéliques était aussi de faire rire le public. Le résultat n’en demeure pas moins que le Hésus Cuchulainn aura été humilié comme jamais il ne l’avait été auparavant.
Il comprit alors que c’était lui qui…… quel rapport avec les oiseaux noirs ou les corbeaux ? Il doit nous manquer ici des pans presque entiers de cette histoire ou alors certains passages ont été réécrits.
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Il était tombé amoureux d’elle. Dans le festin de Bricriu Blathnat est déjà la femme de Curoi. Il y a contradiction complète entre les deux légendes. Cette contradiction entre les récits vient sans doute du fait que la légende du Hésus Cuchulainn en Irlande regroupe des avatars de mythes n’ayant initialement rien à voir les uns avec les autres. Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire les textes qui évoquent Curoi ou Daré son père (il s’agit sans doute du même personnage) sont des fragments de mythe n’ayant aucun lien au départ avec le mythe du Hésus Cuchulainn. Ce sont les bardes à l’origine du cycle d’Ulster qui sont à l’origine de cette véritable hérésie, qui n’en demeure pas moins typiquement celtique. Nous au moins, à la différence des érudits musulmans ou chrétiens, nous avons l’honnêteté ainsi que le courage, intellectuel, de reconnaître les dérives bien humaines ayant affecté nos réflexions (nos réflexions et non pas nos révélations) sur le divin (sur le divin et non d’origine divine). Répétons-le donc encore une fois (repetere = ars docendi) le message des très sachants de la druidiaction sur le divin n’est pas issu d’une pseudo révélation divine, mais d’une réflexion philosophique.
Les îles de la mer. Peu importe la localisation exacte (les Hébrides ou l’île de Man) le mythe étant par définition intemporel et non précisément localisable. Les bardes irlandais ont commis une grosse erreur due sans doute à la christianisation et à l’éviction de la section irlandaise de l’Ollotouta druidique en évhémérisant à rebours tout cela.
La nuit de Samon. La nuit où notre monde et l’autre basculent et s’interpénètrent.
À coups de pied ou de poing. Peut-être un ancêtre de la boxe dite abusivement « française », sport dans lequel même les femmes celtes excellaient si l’on en croit le témoignage d’Ammien Marcellin : « Une troupe entière d’étrangers ne serait pas capable de tenir tête à un seul de ces Celtes continentaux s’il appelle sa femme à la rescousse, car elle est généralement très forte quand elle est folle de rage, et spécialement quand, le cou gonflé, les dents serrées, ses énormes bras blanchâtres brandis en avant, elle commence d’asséner des coups, y compris avec les pieds, comme autant de traits envoyés par une catapulte » (Histoire de Rome. Livre XV. Chapitre XII. Paragraphe 1).
Vellède. Pluriel vellèdes ou velledae. Au sein de l’Ollotouta druidique le vellède est plutôt un littéraire et c’est d’ailleurs pourquoi il fut localement assimilé aux bardes après la christianisation de l’Irlande. N.B. Il y avait des vellèdes de sexe féminin si l’on en croit l’exemple de la fameuse Velléda fille de Segenax roi du peuple celto-germanique des Bructères (actuels Pays-Bas).
Un peuple à part qui semble avoir voué un véritable culte au destin, allant ainsi en ce domaine beaucoup plus loin que les anciens druides, puisque ces derniers se contentaient de reconnaître le règne, au-delà des dieux, de cette loi des mondes, conçue comme un ensemble complexe de causes secondes régissant l’univers (Tocad ou Tocade si le terme est féminisé). Les chrétiens eux parlent de divine providence et les bouddhistes de Dharma. Les Bructères se sont fondus ensuite avec les Francs. Voir aussi dans la célèbre saga de l’enlèvement du bétail de Cualnge la « druidesse » ou plus exactement « prêtresse » qui met en garde la reine Maeve contre les dangers de l’expédition qu’elle projette de conduire en territoire ulate (les vellèdes étaient en fait des conseillers très écoutés des rois parce que sachant parler aux peuples).
D’après Tacite Velléda aurait pris part en tant que conseiller ou bras droit du général batave Civilis à la première tentative d’empire des Gaules (serment pro imperio Galliarum du commandant de la cavalerie romaine nommé Julius Classicus) en l’an 70. N.B. Le personnage de Velléda et sa tragique destinée ont inspiré le grand écrivain de romans de science-fiction qu’a été Poul Anderson. La période fut apparemment riche en fortes personnalités féminines puisque c’est aussi à cette époque-là qu’aurait vécu la célèbre Éponine femme de Sabinus, également partie prenante à cette révolte contre Rome. Mais tout cela rappelons-le, ne concerne que l’ancien druidisme, nous déconseillons formellement aux néo-druides ou aux néo-prêtresses d’aujourd’hui tout engagement politique quel qu’il soi, aussi juste et généreux qu’il puisse paraître (à l’exception bien sûr de la défense de la nation en danger, réellement bien en danger, et ce y compris aux côtés des combattants).
Babylone. Évidente interpolation due à la sous-culture chrétienne du Moyen-âge. De toute façon cet amra passablement obscur nous dépeint le salaire en nature d’un barde de cour royale, puisque la monnaie à l’époque n’existait pas. Le texte ne précise pas si tout fut donné en une seule fois ou au fur et à mesure. Notre avis est que ce poème a été emprunté à un autre contexte, l’élégie funèbre composée par un barde professionnel à la mémoire de son prince sans doute.
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La mort tragique de Curoi. Ce récit est assez confus, on peut même se demander s’il n’y aurait pas interférence entre deux ou plus d’ailleurs, histoires différentes. Il peut sembler aussi bien injuste pour Blathnat qui était certes l’épouse de Curoi, mais contrainte et forcée. Il est vrai que l’enlèvement de sa (future) femme était de tradition chez les hommes à l’époque, mais quand même ?
Profitons de l’occasion pour rappeler quelques principes de base.
L’union physique (des cœurs des biens des destins et ainsi de suite…) d’un homme et d’une femme, ou de plusieurs hommes et de plusieurs femmes dans des conditions à déterminer (ne soyons pas bêtement bourgeois) ne peut être fondée que si c’est bien entre adultes consentants vraiment consentants, d’un consentement authentique (possibilité de refuser une telle union, etc.).
Car une telle union implique bien entendu un don mutuel des corps immédiat ou presque. Se marier cela veut dire concrètement être la femelle d’un mâle ou réciproquement, être le mâle d’une femelle*. Ainsi qu’une mise en commun des biens et des efforts, notamment dès qu’il s’agit d’assurer l’avenir des enfants qui ne manqueront pas de naître d’un tel rapprochement. Ce qui nous distingue donc radicalement du mariage musulman qui peut mettre en jeu, lui, des êtres humains de sexe féminin n’ayant pas encore leurs règles. Donc des enfants et physiquement et mentalement (voir le cas non pas de la grosse, mais bonne cuisinière Saouda, première femme de Mahomet après son veuvage, mais celui d’Aïcha son épouse favorite, ainsi que le précise le verset 4 du chapitre 65 du saint Coran).
Que des parents s’engagent vis-à-vis d’autres parents à conseiller à leurs enfants tel ou tel mariage le moment venu, passe encore. Mais les jeunes garçons et filles en question ne doivent être ni légalement ni même moralement, liés par de tels engagements pris par leurs pères et mères. Car ce ne sont pas les enfants qui appartiennent aux parents, mais les parents qui appartiennent aux enfants. Les parents n’ont que le droit de s’engager à parler à leurs enfants le jour venu en termes favorables ou positifs de tel ou tel conjoint possible pour eux. Un point c’est tout. La règle de base impérative reste le libre consentement entre adultes consentants. De toute façon après le divorce (le divorce et non la répudiation) n’est pas fait pour les chiens, il pourra être demandé aussi bien par la femme que par l’homme sur la base de droits strictement égaux en la matière (nous ne sommes pas musulmans). Les juges ne seront tenus que de juger en toute impartialité, au besoin en siégeant en formation collégiale composée d’autant d’hommes que de femmes, contrairement à ce qui se passe en France actuellement.
N.B. Cet apocryphe irlandais nous montre en tout cas le Hésus Cuchulainn et les Ulates s’en prenant, par deux fois (l’île de Falga et le domaine de Cûroi) en réalité à des créatures de l’Au-Delà. Ce qui ne cadre guère avec le reste de la légende. Il n’y a donc qu’une chose à retenir de ce énième récit relatant des expéditions humaines dans l’Autre Monde : les hommes peuvent lutter contre les dieux-ou-démons.
* La notion de viol conjugal est à manier avec précaution. Il n’y a incontestablement viol que si des rapports sexuels sont imposés alors que le conjoint est malade ou sérieusement psychiquement si ce n’est physiquement diminué. Sinon être le mâle d’une femelle ou la femelle d’un mâle n’a plus de sens surtout dans le cadre d’un mariage monogame (sans polyandrie ni polygynie).
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LA MORT DU FILS UNIQUE DU HESUS CUCHULAINN.
(Aided Oenfir Aife and so.)
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 18.
Le texte qui va suivre, intitulé en gaélique Aided Oenfir Aife, est un des plus curieux et des plus archaïques de la littérature apocryphe irlandaise (IXe ou Xe siècle) même si la date de mise par écrit est plus tardive comme d’habitude.
Il est par moments assez obscur.
Comment comprendre par exemple les deux phrases :
Mo chen, ardot Conall Cernach cobra tar turtheda, ceola, gairi lathlond catha
Et…
bad buadre bron la Blai Brigiu béim sechai, ciaso lâech. Daig ni immairic ilar ruice.
Le dialogue entre Condéré, un des guerriers de Cunocavaros/Conchobar, et le fils du Hésus Mars appelé Conlae en Irlande, est par moments pétri de contradictions. Condéré apparemment est envoyé par Conchobar pour empêcher Conlae de débarquer, mais il prétend néanmoins que Conchobar le protégera s’il vient chez les Ulates, et ainsi de suite. À se demander s’il n’y a pas eu inversion entre les rôles respectifs du Hésus Cuchulainn.
Autre contradiction : Conlae sera mis à mort pour venger l’honneur offensé des Ulates, mais ces derniers lui feront néanmoins en quelque sorte des funérailles nationales. Comprenne qui pourra !
Que certains de nos textes soient par moment incohérents n’a rien d’étonnant vu les conditions de survie de la littérature orale primitive en Irlande : un réservoir à thèmes de contes et légendes pour les bardes errants qui piochaient dedans pour y prendre ce qu’ils voulaient, dans l’ordre qu’ils voulaient, un peu comme l’ont fait les premiers éditeurs du Coran d’ailleurs (Abou Bakr, Osman) ce qui n’est pas peu dire. Ils ont rejeté les authentiques visions du Mahomet « inspiré » des débuts mecquois, à la fin, ont haché menu les grands textes qu’il avait utilisés ultérieurement, comme la légende chrétienne syriaque des sept dormants d’Éphèse (chapitre 18 versets 9-26) et le roman d’Alexandre* (chapitre 18, versets 83-98).
En les démembrant et répartissant un peu partout (d’où toute une série de répétitions). Un sabotage proprement « diabolique » (la grande idée ce fut de regrouper les nouveaux textes issus de ce tripatouillage non par ordre chronologique ni même par ordre thématique, mais par ordre décroissant… de longueur !) dont on se demande si la finalité consciente n’a pas été en quelque sorte de noyer le poisson, afin de pouvoir lui faire dire ce qu’on voulait.
Le résultat final en fut un défi à l’intelligence ou à la raison, humaine, et apprendre un tel texte par cœur sans une once d’esprit critique ** est pire qu’une perte de temps, c’est un crime contre l’Humanité, attentatoire à la dignité humaine. Nos amis allemands ont eu la bonne idée de rééditer le Mein Kampf d’Hitler intégralement, mais… annoté. Toute édition du Coran devrait être conçue de la même façon par respect pour les droits de l’Homme et la santé mentale de l’espèce humaine : le Coran rend schizoïde (le résultat de la foi qu’on lui accorde est de suspendre l’intelligence humaine, la raison, de les mettre momentanément au point mort (il n’y a plus aucun rapport avec les faits), mais aussi psychopathe si ce n’est sociopathe (aucune empathie pour les membres de l’espèce humaine ne partageant pas l’essentiel des dogmes, ils peuvent crever , et dans ce monde (nombreux appel au combat et à la lutte à mort contre ceux qui ne partagent pas ses dogmes jusqu’à ce que l’islam *** des 5 vrais piliers (Coran + hadiths + Sira de Mahomet + Fiqh et Charia) soit devenu la seule religion de l’Humanité, dans ce monde et dans l’autre en quelque sorte, le dieu d’amour clément et
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miséricordieux du Coran insiste en effet beaucoup sur l’enfer qui attend beaucoup d’êtres humains après la mort).
Alors que personne n’ira en enfer après sa mort ni Staline ni Mahomet ni même Hitler, osons le dire, car l’enfer est déjà sur terre, car l’enfer ce sont les autres en quelques sortes, et l’enfer donc ne saurait vraiment exister ainsi que l’avaient déjà pressenti les anciens druides si l’on en croit les Scolies bernoises commentant la Pharsale de Lucain.
Vers 454.
COMMENTA BERNENSIA AD LUCANUM.
Manes esse non dicunt.
Ils ne disent pas que les mânes existent.
ADNOTATIONES SUPER LUCANUM.
Hoc enim disputant animas ad inferos non ire, sed in alio orbe nasci.
Ils contestent en effet que les âmes puissent aller en enfer, car ils pensent qu’elles naissent alors dans un autre monde.
GLOSULE SUPER LUCANUM.
Id est sicut uos dicitis anime ad inferos non descendunt, sed in orbe alterius hemisperii incorporantur iterum uel in aliqua parte orbis a uobis remota.
C’est-à-dire que selon vous les âmes ne descendent pas dans les enfers, mais vont s’incorporer une autre fois dans une partie du monde située dans l’autre hémisphère ou dans quelque partie d’un monde qui vous est inconnu.
Et en 851, Jean Scot Érigène a aussi noté dans son « De la prédestination divine » : Dieu ne prévoit ni peines ni péchés, ce sont des fictions (citation de mémoire, de toute façon c’était en latin). Pour Erigène également, donc, l’enfer n’existe pas, ou alors il l’appelle le remords.
Mais revenons à nos moutons, la mort du fils unique du Hésus Cuchulainn. En ce qui nous concerne, nous avons par conséquent essayé de rectifier toutes ces contradictions du texte apocryphe écrit en gaélique, afin d’en faire quelque chose de plus cohérent et de plus logique, mais en vain.
* Le problème c’est qu’Alexandre le Grand n’a rien d’un prophète monolâtre, il se prétendait au contraire fils de Ammon Zeus depuis son séjour dans l’oasis de Sioua en Égypte ou en Libye (d’où l’histoire des cornes). Comment peut-on le croire sans avoir mis son intelligence, celle dont la nature a doté tout être humain normal, au point mort ???
** Saint Coran chapitre 6, verset 68 : « Quand tu vois des gens plongés dans la discussion au sujet de nos signes, écarte-toi d’eux jusqu’à ce qu’ils discutent d’autre chose. Et si le Diable te fait oublier cette prescription, lève-toi pour t’en éloigner dès que tu t’en souviendras… »
** César livre VI chapitre XIV : « ils discutent et transmettent à la jeunesse beaucoup d’éléments concernant les étoiles et leurs mouvements, l’étendue de ce monde et de notre terre, la nature des choses, le pouvoir et la majesté des dieux immortels ». Lucain la Pharsale livre I. « À vous seuls il est donné de connaître, comme de les ignorer, les dieux et les puissances célestes ».
** * Nous estimons plus pertinent de ne pas employer le mot islam à propos de ses sympathiques hérésies comme celles des soufis (Dieu est tout Dieu est amour, je suis Dieu, voir Mansour al-Halladj mort martyr en 922) ou des motazilites. L’islam pur et dur est une régression de la civilisation, un obscurantisme, un retour en arrière de l’Humanité, vers les âges sombres de son histoire. Le seul islam compatible avec le progrès c’est celui des « mauvais » musulmans. Par mauvais musulman nous entendons ceux qui ne suivent pas intégralement loin de là tous les préceptes de l’islam des cinq piliers que sont le Coran les hadiths la sira de Mahomet le fiqh et la charia (bref les soufis et les motazilites).
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Dans quelles circonstances le Hésus Cuchulainn a-t-il tué son fils unique ?
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Ni ansa. Ce n’est pas difficile. Le Hésus Cuchulainn était allé apprendre les arts martiaux auprès de Scathache Uanaind, fille d’Ardgeimm, au pays de Léthé, jusqu’à ce qu’il atteigne une totale maîtrise du maniement des armes avec elle. Aife fille d’Ardgeimm le fréquenta. Elle était enceinte quand il partit et il lui annonça que ce serait un garçon.
Garde cette bague de pouce en or lui dit-il, jusqu’à ce qu’elle aille au doigt du gamin. Quand il lui conviendra, alors envoie-le me retrouver en Irlande. Qu’il ne laisse personne se mettre en travers de son chemin, qu’il ne révèle jamais son nom à une personne seule, et enfin qu’il ne refuse jamais d’affronter qui que ce soit.
Le jour de ses sept ans, le gamin partit à la recherche de son père. Les Ulates étaient alors réunis sur la grève d’Eisi devant lui. Ils virent le gamin venir sur eux de par-delà les mers, sur une barque de bronze, des rames dorées dans les mains. Dans la barque il y avait un tas de pierres. Il mettait un projectile dans son lance-pierres & dosléiced táthbéim forsna héonu il lançait une pierre qui assommait les oiseaux sans les tuer ? de sorte qu’il pouvait ainsi les attraper puis ????? souffler sur eux ???? alors ils se mettaient de nouveau à palpiter. Ensuite il les relâchait dans les airs.
Il accomplissait avec les mains si rapidement ce tour de force dû ??? (charpatchles) que l’œil ne pouvait le suivre. Ensuite il imitait leurs cris ?? et les faisait ainsi descendre une deuxième fois vers lui pour les attraper, puis les ranimait encore ??????
Eh bien, s’exclama Cunocavaros/Conchobar, malheur au pays dans lequel peut venir un jeune gamin comme ça [s’il est mû par des intentions hostiles]. Si les hommes adultes de l’île d’où il arrive doivent venir, ils vont nous réduire en miettes, puisqu’un petit garçon de chez eux peut faire ça. Que quelqu’un aille à sa rencontre ! Ne le laissons pas mettre un seul pied sur cette terre !
Qui pourrait donc aller à sa rencontre ?
Qui pourrait ? répliqua Cunocavaros/Conchobar, mais Condéré le fils d’Eochu !
Et pourquoi Condéré ? demandèrent les autres.
Ni ansa ! Ce n’est pas difficile à dire, répondit Cunocavaros/Conchobar. C’est en raison de son éloquence que Condéré peut être la personne appropriée.
J’irai donc le voir, dit Condéré.
Condéré arriva juste au moment où le gamin abordait la plage.
Tu es venu assez près, mon garçon, dit Condéré, pour nous dire d’où tu viens et quelle est ta famille ?
Je ne dois me faire connaître de personne, répondit le gamin, ni éviter qui que ce soit.
Tu ne débarqueras pas, insista Condéré, tant que tu ne te seras pas fait connaître.
Je vais donc repartir là d’où je suis venu, répondit le gamin.
Puis il fit demi-tour.
Condéré lui dit alors : reviens mon garçon, beaucoup de glorieux hauts faits t’attendent ici, at fola ferdamnai. Ardán errad Ulad cucut. Tu as le sang d’un homme damnai ???? Tu seras la coupe des guerriers ulates pour ce qui est du combat ???? Ardotchobra Conchobar. Cairptini cleitini a clár clé, conid san erreda Ulad úargabas. Ardotchobra Conchobar dondigis. Clúas duit, dian tóe frim. Cunocavaros/Conchobar te protègera. Ne tourne ni ta face ni tes javelines (cleitini) du côté gauche avant que les guerriers ulates ne se lèvent. Cunocavaros Conchobar te protègera si tu viens. On te prêtera l’oreille si tu viens avec moi ????????? Tourne-toi vers Cunocavaros/Conchobar le vaillant fils de Ness, vers Sencha le glorieux fils d’Ailill, vers Cethern à la lame rouge fils de Fintan, vers le feu qui blesse les bataillons, vers Amorgen le druide (éices) vers Cumscraid aux nombreuses troupes. Mo chen, ardot Conall Cernach cobra tar turtheda, ceóla, gáiri láthlond catha. Bienvenu à celui que Conall le Victorieux protègera des rumeurs des chants et des clameurs du groupe des guerriers ?????????????
Bad búadre brón la Blaí Briugaid béim sechai, cíaso laech. Dáig ní immairic ilar ruice. Que Blai Briuga se trouble ou se désole si tu le surpasses, tout grand guerrier qu’il soit, car la honte ne lui convient guère ????????????????????????? à la rencontre du jeune garçon impubère et imberbe, puisque les Ulates le permettent.
Tu as bien fait de venir à notre rencontre ?? répondit le gamin. Aussi auras-tu réponse à ta question ???????????
Gléssiu gotha. Léicsiu úaim erchora
cen imroll a cairpthinib. Comlaus cáinsreth
saigthin ar cleitinib cíanaib cen ích n-errad n-aile.
Bágsu ar mórgnímaib gaiscid nád ragbad nech
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forbais form. Fásaigseo let co hUltu in feraimsea
for galaib óenfir nó for línaib fer for ndul.
Soí ass doridisi’, ol in gillae, ‘air cía no beth nert
céit let, nída túalaing mo ergairi.’
Note de la rédaction : ci-dessous tentative de traduction.
J’ai imité le cri des oiseaux, j’ai accompli à la perfection le mouvement des mâchoires qu’il fallait. J’ai attiré une nuée d’oiseaux, je les ai assommés avec mes javelines à longue portée ?? sans l’aide de qui que ce soit de plus fort, j’ai accompli les plus grands exploits pour que nul ne me conteste le droit de m’asseoir parmi vous. Va dire aux Ulates que je ne demande qu’à me battre, que ce soit contre un seul homme ou contre cent ??????????????????????????
Repars donc les trouver, dit enfin le gamin, car bien que tu aies la force de cent hommes, tu n’es pas capable de me vaincre.
Bien, répondit Condéré, alors que quelqu’un d’autre vienne parlementer avec toi !
Ensuite Condéré revint vers les Ulates pour tout leur raconter.
Il n’est pas question, s’exclama Conall le Victorieux, que l’honneur des Ulates puisse ainsi être emporté moi vivant.
Puis il alla retrouver le garçon.
Tes jouets sont très jolis mon petit, commença par dire Conall.
Ils n’en seront pas moins beaux contre toi, répondit le gamin.
Le gamin mit une pierre dans sa fronde. Il l’envoya dans les airs en un coup destiné à étourdir ou assommer (táthbéimm). Le bruit et le tonnerre que fit la pierre renversa Conall. Et avant même qu’il ait eu le temps de se relever, le gamin noua l’attache de son bouclier autour de ses mains.
Que quelqu’un d’autre vienne l’affronter, s’écria Conall.
C’est ainsi que le gamin se moqua de l’armée entière des Ulates.
Le Hésus Cuchulainn qui avait assisté à ce jeu voulut partir à la rencontre du gamin, mais la fille de Forgall, Aemer, lui passa les bras autour du cou [pour le retenir].
Ne descends pas là-bas, lui dit-elle. C’est ton fils qui est là-bas. Ne commets pas un parricide sur ton unique fils, ne commets pas l’irréparable ??? sur un fils actif et qui vient de loin. Ní soáig ná soairle coméirge frit mac mórgnímach mór… n-esiut. Affronter un fils déjà capable de grands exploits n’est ni un combat honorable ni à conseiller mór… n-esiut ??? Ne blesse pas l’écorce du jeune baliveau (arbre), n’oublie pas l’enseignement de Scathache. Mad Conlae céssad clár clé, comad fortamail taidbecht. Si Conlae doit vraiment affronter le côté gauche de ton char, c’est en brave guerrier qu’il le fera et finira ?????????? Regarde-moi ! Écoute-moi ! Mon conseil est bon. Que le Chien de Culann l’entende. Je sais quel est le nom qu’il prononcera, si ce petit garçon là-bas est bien Conlae, le fils unique d’Aife, dit Aemer.
Le Hésus Cuchulain lui répondit alors : un peu de tenue, femme
Ní cosc mná admoiniur mórgnímaib asa coscur glé.
Ní gníther do banchobrae. Bam gnímbúadach.
Buidig ruisc ruirech. Dé fola form chnis crú cuirp
Conlai. Caín súgfet gaí in cleitine cain.
Je n’ai pas besoin des conseils d’une femme. Il s’agit d’actes dont le retentissement traversera les siècles. On ne peut rien avec l’aide d’une femme. Ce sera un fait d’armes mémorable, célébré par les rois, un dé fola [une sueur de sang,] pour moi. Les gros javelots l’emporteront sur les petites javelines ??????????????????????????????????????
Même si c’est lui qui est là-bas, femme, lui répondit-il, je devrais le tuer pour préserver l’honneur des Ulates.
Puis il descendit vers la plage lui-même.
Il était vraiment amusant, mon garçon, ce jeu auquel tu viens de te livrer [avec Conall], dit – il.
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Ce n’est pas le cas de votre jeu à vous, répondit le gamin. Quel dommage que deux des vôtres ne soient pas venus ensemble pour cela, j’aurais pu alors me faire connaître d’eux.
Il aurait fallu qu’un petit garçon vienne avec moi si je comprends bien, répondit le Hésus Cuchulainn. Quoi qu’il en soit tu mourras si tu ne m’indiques pas ton nom.
Qu’il en soit ainsi ! répondit le gamin.
Il se jeta sur lui et ils commencèrent d’échanger des coups d’épée. Le gamin, d’un coup d’épée bien calculé, lui coupa les cheveux du crâne.
Cette plaisanterie n’a que trop duré ! s’exclama le Hésus Cuchulainn. Venons-en maintenant à la lutte.
Mais je ne peux même pas en fait atteindre ta ceinture, répondit le gamin. Il monta donc sur deux pierres et plaqua le Hésus Cuchulainn à trois reprises entre les deux piliers (de pierre), tout en ne bougeant d’un pouce ni l’un ni l’autre de ses pieds jusqu’à ce qu’ils s’enfoncent dans les rochers jusqu’à la cheville. La trace des pieds du gamin existe d’ailleurs toujours. D’où le nom actuel de Grève de la Marque des pieds dans le pays des Ulates.
Ils entrèrent alors dans l’eau de l’océan pour essayer de se noyer l’un l’autre, et par deux fois le gamin lui plongea la tête sous l’eau. Sur ce le Hésus Cuchulainn marcha sur lui après être sorti hors de l’eau et le prit au dépourvu (après une feinte ??) avec le javelot-foudre (gae bolga) ; car Scathache n’avait jamais enseigné à quiconque le maniement de cette arme à part au Hésus Cuchulainn. Il le lança de sous l’eau sur le gamin, de sorte que ses entrailles se répandirent sur ses pieds.
C’était donc cela que Scathache n’a jamais voulu m’apprendre, s’écria l’enfant.
Mairg nom chréchtnaigis !’ ol in mac. Is fír, ol Cú Chulainn.
Malheur à toi qui m’as blessé à mort ! Et ce sera juste, répondit le Hésus Cuchulainn. Il prit l’enfant dans ses bras nos ucca co tall ass, retira l’arme de jet de son corps ???? et l’emporta pour le déposer au pied du roi Cunocavaros/Conchobar.
Voici mon fils, mort pour vous satisfaire, ô Ulates !
Hélas, quel grand malheur, répondirent les Ulates.
Et c’est vrai, répondit le gamin, si j’avais pu passer au moins cinq ans parmi vous, j’aurais vaincu tous les hommes s’opposant à vous de toutes parts sur terre, et votre empire s’étendrait jusqu’à Rome. Mais puisqu’il en est ainsi, présentez-moi tous les hommes illustres qui sont là, que je puisse leur dire adieu !
Sur ce il passa ses bras autour du cou de chacun l’un après l’autre, dit adieu à son père, et mourut aussitôt. On procéda ensuite à sa lamentation funèbre, sa tombe fut creusée, sa pierre tombale érigée, puis durant trois jours on retira tous les veaux de leur vache chez les Ulates, en sa mémoire.
FIN. AMEN.
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Note de l’éditeur. Pierre de La Crau reconnaît humblement qu’il se perd en conjectures sur la signification exacte de cette légende qui ressemble un peu à l’histoire de Lancelot et de Galaat son fils avec en plus le côté poignant de la mort de Tristan.
Le mythe initial devait être plus détaillé, mais il a été haché, tronqué, censuré, ce qui nous en reste est donc incompréhensible, ce n’est plus qu’un synopsis. Une dénonciation de la folie de l’orgueil ! * Oui peut-être, mais le Hésus Cuchulainn n’agit pas pour son compte personnel, il agit pour le compte des Ulates. Si c’est une allégorie, alors le sens en a été perdu.
* À tout hasard et sans être vraiment convaincu, quelques mots à la Vauvenargues à ce sujet, en tant qu’humble très sachant de notre époque.
Nos usages ne distinguent pas suffisamment l’orgueil de la simple et légitime fierté. La principale différence entre les deux tient au motif de ces deux sentiments.
Si le motif de ce sentiment est bien attribuable à ses propres mérites, à son travail, à ses efforts, à ses sacrifices (pas à la chance ou aux hasards de la naissance) et vraiment d’une importance non négligeable, alors on peut parler de fierté.
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Si le motif de ce sentiment n’est pas vraiment attribuable à ses propres mérites, à son travail, à ses efforts, à ses sacrifices (mais à la chance ou aux hasards de la naissance, voire à de graves défauts de la personnalité comme le mensonge le vol la déloyauté) ou qu’il est d’une importance négligeable, alors on peut parler d’orgueil (on dit d’ailleurs aujourd’hui égo « surdimensionné » ou « décomplexé »).
Toute la difficulté bien sûr est d’apprécier à sa juste valeur l’importance de ce motif de fierté ou d’orgueil ainsi que les mérites qui en sont la cause et l’origine. L’orgueilleux se rend rarement compte ou alors sur le tard, de son orgueil. La fierté par contre n’est nullement incompatible avec la lucidité. On peut être fier de soi pour ce qu’on a réalisé, justement parce que l’on a suffisamment de lucidité pour prendre conscience que l’on a fait beaucoup pour le mériter.
Commençons par la fierté avant d’en venir à sa forme pathologique : l’égo surdimensionné décomplexé ou tout simplement orgueilleux.
On peut être fier d’appartenir à un clan, un corps de « braves », tel celui des pompiers, ou à une école, une famille ayant construit bien des choses « à la force du poignet », cela relève souvent d’un esprit collectif, ou d’une épreuve momentanée.
La fierté individuelle est un sentiment qui fait suite à un succès après la conduite d’un projet, d’une action, ayant exigé des efforts pour surmonter des difficultés. Ce sentiment est légitimé par trois critères : – l’engagement personnel dans l’action et/ou le projet à mener – la présence d’épreuves à surmonter – le succès.
La fierté légitime est donc souhaitable et c’est une valeur morale.
N.B. Il peut y avoir des gens apparemment fiers ou distants, mais pour d’autres raisons plus intimes. Un timide paraît souvent fier. Cela n’a pas du tout la même portée sur soi et sur autrui que l’orgueil.
L’orgueil est l’attribution à ses propres mérites de qualités que l’on n’a pas. L’orgueil est une opinion très avantageuse, le plus souvent exagérée, qu’on a de sa valeur personnelle aux dépens de la considération due à autrui, à la différence de la fierté qui n’a nul besoin de se mesurer à l’autre ni de le rabaisser.
Orgueil ou ego surdimensionné sont des maladies, ou boursouflures de l’esprit, du caractère. L’orgueil est une espèce de kyste assez durable, qui doit être travaillé afin d’être partiellement ou totalement annihilé, il étouffe celui qui en est pétri, même s’il ne s’en rend pas compte, et pompe littéralement l’air des autres. Être orgueilleux ou avoir un égo surdimensionné c’est avoir le sentiment d’être plus important et plus méritant que les autres, de ne rien devoir à personne, ce qui se traduit par un mépris pour les autres.
Les contraires de l’orgueil ce sont la modestie et la lucidité voire l’humilité (le fait d’être humble).
Le gros inconvénient du terme orgueil c’est qu’il est souvent associé pour différentes raisons linguistiques et religieuses d’ailleurs (influence d’un certain christianisme et ce n’est pas l’islam qui va tout arranger pour ses dhimmis) à l’humiliation. Le terme modestie a au moins l’avantage d’éviter cette équivoque, mais c’est la seule raison pour laquelle il a notre préférence en tant que très sachant d’aujourd’hui.
La modestie est la qualité de celui qui se voit lui-même de façon réaliste. C’est une prise de conscience de sa condition et de sa place au milieu des autres et de l’univers. La modestie ou l’humilité s’oppose donc à toutes les visions déformées que l’on peut avoir de soi-même (orgueil, égo surdimensionné, égocentrisme, narcissisme…), visions qui peuvent relever de la pathologie à partir d’un certain degré ainsi que nous l’avons déjà dit. La modestie (ou l’humilité disent les chrétiens) consiste, sans méconnaître ses qualités, à néanmoins admettre que l’on n’est pas forcément soi-même pour grand-chose dans toutes ces réussites, en fin de compte. La modestie n’est pas une qualité innée chez l’être humain, elle s’acquiert généralement avec le temps, le vécu et va de pair avec une certaine maturité affective ou spirituelle.
N.B. L’humilité est à distinguer de la fausse modestie. Cette dernière feint l’humilité afin d’attirer parfois encore plus de compliments. Comme le dit la célèbre boutade, la fausse modestie c’est le
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désir d’être loué deux fois. Mais reconnaissons qu’il est parfois si ce n’est toujours, bien difficile de distinguer ou démêler l’une de l’autre (ça c’est pour Vauvenargues).
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 19.
Le pays de Léthé. Nous avons vu dans la version précédente du chapitre consacré à cet apprentissage qu’il avait eu lieu en Alba ou Alpa, ce que l’on traduit habituellement par Écosse. Ce texte se fait donc l’écho d’une autre tradition, le pays où se serait rendu le Hésus Cuchulainn serait le pays de Léthé. Qu’est-ce à dire ????
On sait par ailleurs que l’épée de Fergus venait du pays de Léthé (Claideb Fergusa, claideb Leiti a sídib é) ce qui est peut-être à rapprocher de la forteresse (sid) de Bri Leith, le château ou la colline fortifiée du dieu Medros/Midir : en clair Léthé ou Létha est une des désignations de l’autre monde.
Notons néanmoins qu’on retrouve assez curieusement un tel nom dans les témoignages celtibères, mais il s’agit peut-être alors d’un jeu de mots avec le fleuve grec de l’oubli, le Léthé.
Strabon livre III, chapitre III.
5. En dernier viennent les Artabres, qui vivent dans le voisinage du cap appelé Nerium, qui est la fin à la fois de la côte occidentale, mais aussi septentrionale de l’Ibérie. Mais le pays autour du cap lui-même est habité par des Celtes, proches parents de ceux des bords de l’Anas ; car certains de ces derniers, qui avaient lancé une expédition sur cette région, se querellèrent, dit-on, après avoir traversé le fleuve appelé Limaeas, et quand cette bande de Celtes perdit aussi son chef, alors ils se dispersèrent et s’installèrent là ; c’est donc à cause de ces circonstances que le Limaeas est aussi appelé fleuve du Léthé.
Bague de pouce. Oui apparemment les hommes de ce temps-là portaient des anneaux ou des bagues… aux pouces. D’où le terme gaélique ordnasc où nasc signifie anneau et ord pouce (cf. français orteil =doigt de pied).
Qu’il ne se fasse jamais connaître de personne… Il s’agit donc de trois gessa que le Hésus Cuchulainn donne à son propre fils. Et le respect scrupuleux de ces trois gessa va conduire au drame et faire son malheur comme nous allons le voir. La première et la troisième de ces gessa semblent logiques : il s’agit de faire preuve de courage et de fierté. La geis consistant à ne jamais révéler son nom est plus mystérieuse, mais il est à noter que c’est un des ressorts du roman arthurien de Chrétien de Troyes intitulé le chevalier de la charrette (Lancelot). Certains voient donc dans la courte vie du jeune Conlae, encore plus courte que celle de son père, une amplification des valeurs qui le caractérisaient : fierté ou courage, mais aussi sacrifice de soi et obéissance à son destin. Conlae chez sa mère Aife c’est Lancelot enfant chez la dame du Lac. Le mythe initial devait donc être beaucoup plus long, ce qui nous en reste n’est plus qu’un canevas.
Lance-pierres. Chrandtabaill. Il existe en effet des frondes avec manche recourant uniquement à la propulsion allongée.
Les deux cordes ou lanières, qui retiennent la poche, au lieu d’être tenues à la main, sont fixées à un bâton *. L’une des cordes ou lanières est liée à ce manche, l’autre terminée par une boucle, simplement passée sur le sommet du bâton, de manière à pouvoir échapper librement. Tenant le bâton d’une ou de deux mains, suivant sa longueur, le frondeur le place sur son épaule, de sorte que la poche pende verticalement derrière lui. Il projette ensuite vivement ce bâton en avant, comme pour en asséner un coup. Celle des deux cordes de la fronde terminée par une boucle se dégage d’elle-même et le projectile part avec une vitesse initiale d’autant plus grande que le bâton est plus long et l’impulsion qu’on lui donne, plus rapide.
Les clercs du XIIe siècle empruntèrent aux auteurs grecs et latins sa désignation savante, fustibalus, mettant de la ainsi un peu sorcellerie dans ce bâton, qui lançait si loin les projectiles. Mais les combattants délaissèrent le mot fustibale et préférèrent utiliser toutes sortes de sobriquets pour désigner cette arme. On la trouve qualifiée des noms les plus divers dans les textes du Moyen-âge.
Les dessins de Léonard de Vinci (codex atlanticus) reproduisent deux armes de ce type qui ne diffèrent que par leur longueur, la fronzastra a 1 mano, et la cacciafrusto a 2 mani. Leur bâton est
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percé d’un trou rond, au travers duquel passe la corde, qui fixe la fronde au manche, tandis que le bout de l’autre corde est glissé dans une entaille au sommet.
Par la simplicité de son mode d’emploi, le fustibale est un instrument plus primitif que la fronde avec lanières souples. La série de mouvements combinés, qu’il faut exécuter pour donner au projectile de celle-ci sa vitesse initiale et le placer ensuite sur la trajectoire qui le mènera au but, est tellement plus compliquée que le geste instinctif de frapper avec un bâton.
Ce geste naturel, l’homme le conserva quand il eut lié une pierre à l’extrémité de son gourdin. La ligature finit par s’user et un jour vint où, en frappant, il vit la pierre s’échapper et partir au loin.
Cette mésaventure a certainement inspiré à l’homme préhistorique l’idée du bâton à jeter les pierres, la scaglia a una mano, que Vinci dessine en premier sur sa planche, comme prototype, pourrait-on dire, de la fronde à manche ou bâton.
Nombre des mystérieux bâtons de commandement ou de bâtons percés faits avec du bois de renne et retrouvés par les paléontologues ne sont peut-être d’ailleurs que des bâtons destinés à cet usage.
Les bâtons de commandement (bâtons à trous), que l’on a cru jadis uniquement magdaléniens, mais que l’on a retrouvés dans l’Aurignacien, sont des fragments de bois de renne, comprenant une ramification, l’andouiller étant coupé au voisinage de son point de départ. Une perforation occupe la jonction du merrain et de l’andouiller. Il peut y avoir plusieurs perforations. Comme les propulseurs, ils sont généralement ornés. Leur utilisation reste très problématique. Un de leurs spécialistes a néanmoins remarqué que l’usure des trous sur certaines pièces paraissait « produite plutôt par le glissement doux d’une lanière que par le passage d’un corps dur ».
La plupart de ces bois de renne travaillés pour servir de bâton de fronde ont été découverts brisés, le plus souvent à la hauteur de la perforation. Le travail d’usure du frottement de la corde nouée au bois, alourdie par le poids du projectile, explique aisément cette fracture. Certains de ces bois portent au-dessus de la perforation, un ergot ou un prolongement, qui servait à accrocher la boucle de l’autre corde de la fronde.
On peut penser que les chasseurs de la préhistoire utilisèrent aussi le bois ordinaire pour suspendre les lanières ou cordelettes de leurs frondes. Les bâtons, que quelques-uns d’entre eux portent sur l’épaule dans certaines gravures, sont peut-être les manches de ces armes.
Les chasseurs de rennes pouvaient donc, à bonne distance, assommer, ou tout au moins étourdir leur gibier, ou lui casser les pattes. Avec la fronde à bâton, leur force de frappe n’était en rien inférieure à celle de nos proches ancêtres du Moyen-âge.
Il paraît vraisemblable enfin que les galets coloriés, que l’on a trouvés dans certaines grottes et dans lesquels on a vu jusqu’à présent des amulettes ou des talismans, sans objet précis, durent être des pierres de fronde, marquées comme le furent plus tard en Grèce et en Italie les projectiles de plomb en forme d’olive. Ces galets sont des cailloux de rivière, en quartzite ou en quartz, très durs, de forme oblongue et longs d’une dizaine de centimètres. Ils ressemblent en forme et en volume à ces pierres grosses comme le poing, à ces cailloux durs et cornus, dont les frondeurs du Moyen-âge faisaient provision avant les combats. Leurs marques pouvaient avoir le caractère magique, qu’on leur a prêté, mais elles servaient peut-être plus simplement à établir les droits des chasseurs sur le gibier abattu.
Conclusion. L’emploi du propulseur à crochet et de la fronde marqua la transformation du mode de vie de l’homme. Jusque-là, il n’avait su tirer parti que de sa force naturelle pour atteindre le gibier ou repousser les carnassiers. Dorénavant il possédait des engins, qui amplifiaient cette force et concentraient son énergie. Ce fut là certainement l’un des éléments qui assurèrent l’essor des civilisations supérieures du paléolithique.
* Il n’est pas difficile de confectionner une série de propulseurs. Les essais de tir avec le propulseur à crochet et la fronde ordinaire se révèlent toujours difficiles, mais la fronde à manche ou bâton, que chacun peut monter avec un manche d’outil de jardin, deux pointes, de la ficelle et un simple morceau de toile, en guise de poche, surprend très vite par sa portée ainsi que par sa précision.
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Charpatchles. J’avoue que le terme me laisse perplexe. S’agit-il d’une métaphore ? Car apparemment le jeune Conlae attrape vivants des oiseaux après les avoir étourdis, et ensuite les ranime. Nous ne prétendons pas que cet épisode est inspiré de l’évangile de l’enfance de Thomas (ou du Coran qui a copié cet apocryphe gnostique : chapitre 5, verset 110) nous montrant Jésus enfant modelant des oiseaux en argile puis leur insufflant la vie en leur soufflant dessus. Mais il s’agit peut-être de la même image, car dans toutes les civilisations anciennes le souffle c’est la vie.
Ne le laissons pas mettre un seul pied sur cette terre.… La peur est une émotion (peur de perdre un proche, peur de la mort et ainsi de suite), mais aussi un instinct de survie (fuir un prédateur, fuir une catastrophe, etc.) ressentie généralement en présence ou dans la perspective d’une menace. La peur est un mécanisme de survie primaire en réponse à un stimulus spécifique, tel que la douleur ou un danger. En bref, la peur est la capacité de reconnaître le danger et de le fuir ou de le combattre, également connue sous le terme « réponse de type combat ou fuite ».
Par extension, le terme peut aussi désigner l’appréhension liée à des situations déplaisantes ou à des animaux répugnants. Il est alors question de phobie, mot issu d’une racine grecque désignant la peur comme notamment la claustrophobie, la paganophobie, l’agoraphobie, la christianophobie, l’acrophobie, l’islamophobie, l’arachnophobie, la judéophobie, etc.
Biologiquement parlant, la peur est un instinct de survie qui permet aux animaux d’éviter des situations dangereuses pour eux-mêmes ou pour leur progéniture. Le principal objet de peur pour un animal est typiquement la présence d’un prédateur *. La complexité de l’esprit humain a néanmoins transposé cette émotion et l’a dirigée vers des objets et situations aussi diverses que peuvent l’être les activités humaines *.
La peur de l’inconnu est un phénomène éthologique observé chez de nombreux animaux évolués et elle est source de prudence.
Chez l’Homme, elle peut être individuelle ou collective. Elle apparaît face à des destinations ou circonstances attendues inconnues. La peur de la mort, ou de l’obscurité, de ne rien voir, peuvent en être des formes, de même que la peur devant un changement ou quelque chose de nouveau (exemples : un bruit ou son nouveau, un animal/insecte/personne/ou lieu nouveau, un voyage, un étranger, un entretien d’embauche, une conférence, spectacle, concert ou exploit sportif à effectuer devant de nombreux spectateurs ou des juges inconnus, etc., ces dernières situations se définissant plus communément sous l’appellation de « trac », lié à la peur de ne pas réussir ou du ridicule, qui d’ailleurs n’existe plus de nos jours en politique).
L’absence totale de peur de l’inconnu peut être un phénomène pathologique et conduire à la mise en danger par imprudence.
Une peur trop intense de l’inconnu, de la part d’un groupe ou d’un individu est source d’isolement ou de repli sur soi ou le groupe. Elle peut générer de la violence, voire conduire au suicide. Exemple les civils japonais de Saipan (1944).
Une peur raisonnée et modérée de l’inconnu permet une certaine ouverture d’esprit et peut devenir facteur de créativité en contribuant à développer la curiosité, la recherche et la découverte.
Les peurs humaines peuvent être classées en deux grands types : les peurs à causes externes et les peurs à causes internes.
Les peurs à causes externes sont des peurs qui poussent l’individu à éviter fuir ou mettre fin à ce genre de situation.
Les peurs à causes internes sont des peurs liées à des émotions intérieures souvent négatives et qu’il est plus difficile de fuir par définition.
La peur peut être décrite selon les émotions ressenties par un individu. Ces émotions varient entre la prudence jusqu’à une extrême phobie et paranoïa. La peur du fascisme du nazisme du racisme ou du stalinisme par exemple.
Certaines pathologies liées à la peur (des peurs irrationnelles et persistantes) peuvent inclure différents types de troubles anxieux qui sont très répandus, et également certaines maladies sévères comme la phase extrême du trouble bipolaire et certaines formes de schizophrénie.
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La terreur est une forme très prononcée de la peur. C’est une sensation de danger imminent. Elle peut également être causée lors d’une phobie. La terreur peut conduire une personne à des choix irrationnels on en a eu malheureusement un triste contrexemple avec le traité de Munich en 1938. La peur d’une nouvelle guerre mondiale a poussé les grandes démocraties à tout céder ou presque au nazisme alors en pleine ascension en Europe. Ce qui n’a pourtant pas suffi à éviter les horreurs d’une nouvelle guerre. Voir à ce sujet le célèbre mot de Churchill : « Ils ont eu le choix entre la guerre et le déshonneur. Ils ont choisi le déshonneur et ils auront et le déshonneur et la guerre ! »
Soyons donc clairs. Certaines peurs peuvent être objectivement fondées, d’autres non !
Premier exemple. Vous entendez du bruit la nuit dans votre maison, vous allumez, c’était un chat (et l’animal s’enfuit encore plus effrayé que vous). Cette peur n’était pas vraiment objectivement fondée, mais comment le savoir ? Vous avez donc eu raison d’avoir peur et d’allumer. La lumière vous a permis de réaliser quelle était vraiment la cause de ce bruit et a donc mis fin à cette situation, a mis fin à la peur que vous éprouvez.
Deuxième exemple. Vous entendez du bruit la nuit dans votre maison, vous allumez, c’est un cambrioleur (et il ne s’enfuit pas comme un chat encore plus apeuré que vous).
Alors là deux cas, vous réussissez à faire ce qu’il faut pour vous défendre et défendre votre famille ainsi que vos biens. C’est la fin heureuse. Ou alors ça finit en crime horrible, vous êtes vous et votre famille tous tués.
Mais dans ce cas-là aussi vous avez bien fait d’avoir peur et de vous lever, car cela vous a donné une chance de sauver votre vie et celles des membres de votre famille, voire vos biens. Conclusion : l’absence totale de peur de l’inconnu peut être un phénomène pathologique et conduire à la mise en danger par imprudence.
On ne peut donc à ce sujet que se poser des questions à propos du degré d’intelligence de cohérence et pour tout dire d’honnêteté intellectuelle des élites françaises (98 % des gens de médias, 80 % des hommes politiques -98 % de ceux qui passent dans les médias – 99 % des artistes, des sportifs professionnels, 100 % des évêques, etc.) qui répètent inlassablement que…
Premièrement il n’y a aucune raison d’avoir peur de quoi que ce soit.
Deuxièmement les craintes que l’on peut avoir sont toujours infondées (il n’y a aucun élément objectif justifiant de telles craintes : même une substitution de population * * par exemple a des effets positifs et constitue quelque chose que l’on doit souhaiter ou appeler de tous ses vœux.
Troisièmement ceux qui partagent eux-mêmes ces craintes et proposent ou tentent de faire en sorte que ces craintes n’aient plus lieu d’être sont, alors là au choix (rayer la mention inutile) :
Suppôts de Satan
Dieu est contre eux
La Constitution est contre eux.
Font partie des gens qui veulent ruiner nos enfants (mes enfants)
Des gens qui ne savent pas
Hitlero-trotskystes
Etc., etc.
Quatrième discours plus ou moins explicite enfin de ces intellectuels français ainsi définis :
Il faut redouter comme la peste brune (ou le choléra rouge) tout nouveau totalitarisme fasciste nazi bolchevik ou hitléro-trotskiste ; une telle catastrophe pourrait vite de nouveau arriver. Nous mettons donc tout le monde en garde contre le renouveau toujours possible d’une telle catastrophe pour l’humanité, car nous devons être très vigilants à ce sujet, car nous devons nous mobiliser pour que cela ne se reproduise plus jamais.
* L’islam des débuts, dans la mesure où il est conçu pour que tous les croyants soient régis par les mêmes lois réglant leur vie quotidienne ; à la différence des grandes spiritualités qui peuvent être vécues de façon surtout intérieure, comme le paganisme des anciens très sachants de la druidiaction le christianisme ou le bouddhisme de la Terre Pure (mettant donc l’accent sur la foi et non sur les formes extérieures de la vie quotidienne) ; peut être considéré comme un prédateur ayant conquis par la force de l’épée un immense empire. L’islam des soufis c’est évidemment autre chose, il ne vise qu’à conquérir les cœurs.
** Politique ou dynamique politique théorisée au début de notre siècle par le cercle d’intellectuels français de gauche humaniste et démocrate (mais aussi membre du front républicain bien entendu) anti raciste appelé « Terra Nova ». Notamment dans le fameux rapport où son président explique que
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de nouveaux arrivants sont toujours en majorité démocrates ou de gauche ou en tout cas toujours sympathisant du front républicain français et que les partis démocrates ou de gauche ou en tout cas républicains doivent donc s’appuyer dessus pour se développer. L’anti racisme des propos de son président Olivier Ferrand est en effet sans équivoque à ce sujet. « Il faut faire accepter aux blancs vieillissants que ce pays n’est plus blanc, plus judéo-chrétien, qu’il doit intégrer l’islam, et construire des mosquées… Les choses évoluent dans le bon sens, l’islam se développe dans notre pays et le débat ne porte plus, comme il y a dix ans, sur le voile, plus sur les mosquées, mais sur la taille des minarets. On progresse. Le rôle de la gauche républicaine n’est pas d’abonder dans le sens du peuple qui rejetterait cette évolution, par peur, par crispation, mais de lui dire qu’il a tort, et de l’amener à accepter cette évolution inéluctable – et même souhaitable – de son pays. »
En tout cas ce qui est incontestable c’est qu’il y a eu dans le pays une incroyable montée du racisme depuis quelques décennies. On peut se perdre en conjectures sur les raisons exactes d’un tel phénomène alors que le nazisme hitlérien a pourtant été vaincu en 1945 après plusieurs années de lutte dans des conditions effroyables qui ont marqué à vie leurs participants.
Je vais donc repartir là d’où je suis venu… On dira ce que l’on voudra, nous ne trouvons pas ce que fait Condéré après très logique. À se demander s’il n’y a pas eu coupure dans le texte. En tout cas Condéré change radicalement d’attitude dans la suite.
Damnai. Nous n’osons pas imaginer ce que cela peut signifier. Ce passage ainsi que le suivant sont de la pure rhétorique difficilement compréhensible.
Amorgen le druide. Notre texte précise en réalité « éices », ce qui est un grade élevé de la confrérie druidique ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le voir : Ekes, huitième leçon sue, huitième degré, connaissances équivalant à soixante-dix textes. 3 palmes d’argent.
Dans sa fronde. Fronde qui est donc une fronde de type fronde à manche ou bâton (fustibale) comme indiqué plus haut.
Je sais quel est le nom… Comment Aemer peut-elle savoir que ce petit garçon est le fils du Hésus Cuchulainn et d’Aife ??? Intuition féminine me direz-vous. Certes certes, mais elle n’a pas encore eu le temps de l’approcher. Là encore on a l’impression qu’il manque quelque chose. En tout cas Aemer a une réaction très moderne, elle se comporte comme si elle était la femme d’un divorcé qui aurait eu un enfant de son premier mariage (alors qu’en fait l’enfant est né d’un adultère de notre héros). Tout cela relève d’une problématique très moderne, celle des familles recomposées. Par contre il va de soi que le machisme ou le sexisme tout juste digne de l’islam dont fait preuve le Hésus Cuchulainn est, lui d’un archaïsme épouvantable qu’on ne saurait regretter. Ce terrifiant sexisme est-il bien d’ailleurs originel ?? Ne pourrait-il pas s’agir d’un énième et malheureux exemple de l’influence des moines chrétiens dans la reécriture de nos mythes et de nos légendes ?
Dé-fola. Fola c’est le sang. Dé la vapeur la bruine. Il s’agit donc peut-être d’un cas d’hématidrose analogue à celui vécu réellement ou de façon fictionnelle par Jésus dans le célèbre jardin de Ghetsémani. L’hématidrose (appelée aussi « « sueur de sang ») est une pathologie très rare dont la manifestation clinique est la sécrétion de sang ou d’un liquide rougeâtre par les glandes sudoripares. Elle serait causée par une anxiété ou une angoisse intense. Nous avons vu que des gouttes de sang dans les cheveux était un dérèglement physiologique pouvant arriver parfois au Hésus Cuchulainn notamment lors du phénomène se manifestant chez lui sous le nom gaélique de lon laith (plusieurs occurrences dans la saga de l’enlèvement des vaches de Cualnge). Mais il y aurait eu bien sûr exagération poétique (hyperbole) en plus. Cette figure de style était très courante chez les Celtes d’après Diodore de Sicile.
Ci-dessous un exemple ;
“Atrácht in lond láith asa etun, co m-ba sithe remithir áirnem n-ocláig. Airddithir remithir tailcithir tressithir sithithir séolchrand prímlunhgi móre in bunne diriuch dondfola atrácht a fírchleithe a chendmullaig i certairddi, co n-derna dubchíaich n-druidechta de amail chiaich de rígbruidin, in tan tic rí dia tenecur hi fescur lathi gemreta ».
« Le Lon Laith (lumière de héros) sortait de son front, aussi long et aussi épais que la pierre à aiguiser d’un guerrier. Aussi élevé, aussi large, aussi fort, aussi raide, aussi haut que le mât d’un immense navire royal était le jet de sang noir qui jaillissait tout droit sommet même de sa tête ; et donnait ainsi
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naissance à un nuage noir semblable à la fumée sortant d’un hôtel royal quand y vient le roi pour s’y reposer un jour d’hiver à la tombée de la nuit ».
L’honneur des Ulates. La réputation affecte des phénomènes d’ampleur très différente, de la vie quotidienne aux relations entre les nations. C’est un mécanisme de contrôle social hautement efficace de par son ubiquité et sa spontanéité. Au niveau supra-individuel, la réputation concerne les groupes, les communautés, les collectivités, et les entités sociales abstraites (tels que les entreprises, les corporations, les organisations, les pays, les cultures, ou même les civilisations). La réputation est un instrument fondamental de l’ordre social fondé sur un contrôle social spontané. L’honneur d’un groupe ou d’une nation est donc un élément comptant pour beaucoup dans sa survie au travers des siècles. Comme le dit le proverbe bonne réputation vaut mieux que ceinture dorée. Une réputation guerrière peut même dissuader d’éventuels ennemis ou adversaires de l’attaquer.
La marque des pieds dans la roche. Thème très courant dans le folklore du monde entier. On attribue les creux ou cupules de certaines roches à des êtres hors du commun comme Gargantua en France, Mahomet à Jérusalem (Dôme du rocher) Bouddha au Pic d’Adam (Sri Lanka), saint Martin en divers endroits, Abraham à La Mecque (Kaaba), etc. notre espèce a expliqué comme elle pouvait ces curiosités de la nature ou d’un autre âge, l’imagination humaine étant sans limites.
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LA MORT DU HÉROS.
Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 20.
Il existe deux principales versions de la mort de notre héros.
La plus ancienne, la version A, est celle figurant dans le recueil de manuscrits connu sous le nom de livre du Leinster.
Brislech Mór Maige Murthemne 7 Derg-Ruathar Conaill Chernaig.
Pokorny en date le noyau initial du milieu du VIIIe siècle. Cette recension a deux défauts majeurs.
Le premier des deux est qu’il manque le début de l’histoire.
Le second est que sa compréhension en est difficile.
La plus récente, la version B, date du XVe siècle au plus tôt. Il en existe plusieurs manuscrits, dont celui de la collection Egerton conservé à la Bibliothèque nationale de Londres et connu sous le numéro 132, daté précisément de 1712.
N.B. Les deux premières pages sont très abîmées. Ne subsiste qu’un quart du texte environ.
Puisque le début de l’histoire manque à l’appel, le lecteur nous pardonnera d’y suppléer quelque peu.
Notre héros s’étant fait beaucoup d’ennemis au cours de sa courte carrière, il succombera en fait à leur coalition menée par la reine Maeve (ou Maeve). Maeve, désireuse de se venger de l’humiliation qu’il lui avait fait subir lors de son expédition destinée à capturer le taureau brun de Cualnge, va donc ourdir contre lui un sinistre complot, en s’appuyant notamment sur les trois filles et les trois garçons d’une de ses victimes de naguère, pourtant tuée à la loyale lors d’un des innombrables duels ayant jalonné la retraite de l’armée de Maeve hors du royaume d’Ulidia : Calatin.
Se joindront également à eux Erc le fils de Carpre Niafer roi de Tara ainsi que Lugaid le fils de Curoi, tous deux tués par le Hésus Cuchulainn.
Les trois fils et les trois filles posthumes de Calatin furent volontairement rendus borgnes de l’œil gauche par la reine Maeve. Les filles apprendront la sorcellerie et l’art des poisons. Les fils seront envoyés de par le vaste monde, en Écosse chez les Saxons à Babylone et même en enfer dit notre texte, afin d’y étudier les arts démoniaques. Là Vulcain leur fabriquera trois lances maléfiques spécialement destinées à tuer le roi des cochers le roi des chevaux et enfin le roi des guerriers (donc Loeg le Gris de Macha et notre héros lui-même).
N.B. Nous verrons d’ailleurs par la suite à propos de ces javelots que l’auteur du manuscrit conservé par le livre du Leinster a suivi une autre version : il ne s’agit plus dans son texte des lances spécialement préparées par les enfants de Calatin pour tuer le cocher le cheval et notre héros, mais de ses propres javelots qu’ils s’arrangent pour récupérer.
Les préparatifs de ce complot dureront sept ans (une semaine… d’années). Puis quand ils seront fin prêts, ils lèveront une immense armée afin d’envahir le royaume d’Ulidia en profitant lâchement de leur célèbre indisposition annuelle. Les Ulates apprenant la chose insistent donc après du Hésus Cuchulainn afin qu’il ne quitte point leur capitale, Emania Macha, tant qu’ils ne seront pas guéris et en mesure de l’épauler dans ce combat inégal.
Ne soyons pas stupides pour autant. Il serait ridicule d’en vouloir aux Irlandais de l’actuel Connaught (ou Munster ou Leinster ou Meath) pour quatre raisons.
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La première raison est que, à supposer que les faits se soient bien déroulés en Irlande, les habitants actuels du Connaught (ou Munster ou Leinster ou Meath) n’ont plus rien à voir avec ceux qui ont été responsables de la mort de notre héros à l’époque. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis, et il y a même eu de nombreux métissages (avec les Français de l’armée Humbert restés sur place, il y en a eu, après la bataille de Castlebar le 27 août 1798).
Et si les faits se sont produits quelque part en Europe centrale plusieurs siècles plus tôt, même chose. Allemands du Sud Autrichiens ou Tchèques, etc. actuels, n’ont plus rien à voir avec les auteurs de cette bien lâche action il est vrai. En outre il y a eu depuis de nombreux métissages. Des Français de Lorraine ou d’Alsace se sont installés au XVIIIe siècle (de 1716 à 1788) en Hongrie ou en Roumanie par exemple. Le gros de ces émigrés (plusieurs milliers de personnes) resta fixé sur les terres du Banat. Là, où le Prince Eugène de Savoie, et plus tard Marie-Thérèse et l’empereur Joseph II les avaient invités à s’établir. N.B. Oui, contrairement aux idées reçues répétées jusqu’à la nausée par ceux qui se croient intelligents et/ou instruits, et altruistes bien sûr *, la France n’a pas toujours été une terre d’immigration.
La deuxième raison est qu’il saute aux yeux que les auteurs de cette saga ont tenu pour des raisons évidentes à grossir à l’infini le nombre des ennemis du Hésus Cuchulainn résolus à causer sa perte et à se venger de lui.
Ont donc été enrôlés par eux dans leurs rangs des personnages qui peut-être n’eurent rien à voir avec initialement. Tout comme par exemple Cu-Roi n’avait rien à voir initialement avec la légende du Hésus Cuchulainn. Bref, vu le penchant bien connu des Celtes pour l’hyperbole, le Hésus Cuchulainn victime d’une embuscade tendue par quelques-uns de ses ennemis est rapidement devenu dans les récits bardiques le Hésus Cuchulainn contre des multitudes, seul contre tous, ou presque, seul contre le monde entier ou presque. Maeve et les gens du Connaught sont l’archétype des hommes et des femmes ivres de pouvoir de vengeance et de jalousie. Bref des êtres humains !
La troisième raison est que les péripéties de l’action d’alors ont amené notre héros à violer un à un tous ses interdits (gessa), donc à faire lui-même son malheur.
La dernière raison enfin est que cette mort tragique (aided) est peut-être un effet de la justice immanente, le Hésus Cuchulainn ayant auparavant tué lui-même son propre fils, le fils unique d’Aife. L’enfant l’avait maudit avant de mourir et le Hésus Cuchulainn avait d’ailleurs accepté à l’avance de subir le juste châtiment de ce crime qui était en Irlande considéré par le droit comme étant le plus impardonnable des crimes (fin-gal), le crime par excellence si l’on peut dire ! (Mairg nom chréchtnaigis !’ ol in mac. Is fír, ol Cú Chulainn).
En ce qui concerne nous préférons lire ce récit de façon doublement symbolique.
Le Hésus Cuchulainn est mort à cause des fautes de cette multitude de nos congénères humains jaloux de ses charismes exceptionnels (boudismes). Mort à cause de nous et de nos lâchetés quotidiennes voire de nos crimes. Mort pour nous donner l’exemple du sacrifice et de l’abnégation. Car seuls le sacrifice et l’abnégation de quelques-uns peuvent sauver la multitude. En l’occurrence le royaume d’Ulidia et même les gens du Conaught (qui ont dû, j’en suis sûr, beaucoup réfléchir après ça).
Et c’est aussi une spectaculaire illustration de la toute-puissance de cet ensemble de causes secondes que l’on appelle le Destin, suzerain suprême de l’univers, y compris des dieux (les chrétiens appellent ça la providence divine, les bouddhistes le dharma, nous nous appelons ça le Tocad. Tocade si on le met au féminin pour ne choquer personne).
Il est à noter cependant, et à la grande différence du christianisme, malgré toute la valeur du sacrifice dans la philosophie du druidisme antique, malgré toute ‘importance du sacrifice dans la spiritualité du druidisme antique (apaiser la colère divine) que ce qui nous sauve dans et avec Sétanta Cuchulainn ou avec le le Hésus Mars dit le Chien de Culann, pour le néo-druidisme que nous représentons, c’est moins son sacrifice en lui-même (ne soyons pas aussi stupides que les chrétiens), mais son exemple : l’exemple qu’il nous donne. Et d’ailleurs tout comme l’exemple de Jeanne d’Arc (presque une « payse » à moi ma mère étant d’Echenay) l’exemple de Cuchulainn a encore joué un grand rôle dans la lutte contre les Anglais pour l’indépendance de notre chère Irlande (au début du XXe siècle :
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beaucoup d’œuvres d’art le représentent, et notamment une statue d’Olivier Sheppard devant la grande poste centrale, Ard Oifig, de Dublin).
* Et en plus ils sont toujours pauvres, car ils donnent tout aux miséreux sans rien garder pour eux-mêmes bien sûr, c’est là leur seul défaut !
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La grande défaite de la plaine de Muirthemné.
Brislech Mór Maige Murthemne.
Manuscrit Egerton.
Le lendemain matin Catubatuos/Cathbad et Genann aux joues brillantes, ainsi que d’autres membres de l’ollotouta druidique, furent conduits chez Cuocavaros/Conchobar, ainsi qu’Aemer la fille de Forgall le rusé, Niam la fille de Celtchar fils, d’Utechar, et toutes les autres femmes.
Cunocavaros/Conchobar leur demanda comment ils comptaient veiller sur le Hésus Cuchulain ce jour-là.
Nous ne savons pas, répondirent-ils tous.
Cunocavaros/Conchobar répliqua : moi je sais, conduisez-le aujourd’hui dans la vallée du sourd (ainsi appelée pour la raison que, quand bien même les Irlandais se trouveraient tout autour et pousseraient leurs cris de guerre, nul dans cette vallée ne pourrait néanmoins entendre leurs clameurs ou leurs appels).
Vous devez prendre le Hésus Cuchulainn avec vous là-bas, et qu’il soit bien gardé par vous, avec prudence intelligence et habileté, jusqu’à ce que le sortilège soit rompu et que Conall soit venu à son secours du pays des Pictes !
Grand roi, dit Niam, quoique nous ayons insisté hier auprès de lui toute la sainte journée avec les plus vives supplications, que ce soit pour moi ou pour toute autre femme il a refusé, de venir avec nous dans cette vallée. Que Sa Majesté aille le trouver, ainsi que Genann, les vellèdes, les femmes, et même toi donc ainsi qu’Aemer, afin de le traîner dans la vallée en question. Là organisez pour lui une grande fête et des réjouissances, avec de nombreux artistes pour le distraire ; de sorte qu’il n’entende pas les enfants de Calatin leurs cris de guerre et leurs provocations et n’en soit donc pas perturbé.
Je n’irai certes point avec eux dans cette vallée, répondit Aemer, que Niam y aille plutôt avec votre bénédiction, car c’est à elle qu’il ne refuse rien ou presque.
Ceci ayant été résolu parmi eux, les femmes, les domestiques, les druides, les vellédes, et les bardes de toutes sortes qui étaient dans la forteresse se rendirent dans la maison où était le Hésus Cuchulainn. Catubatuos/Cathabad, avec le harpiste frère de lait de Cunocavaro/Conchobar, Cobthach aux doux accords, lui jouant des mélodies et faisant de la musique ; Ferchertne lui-même sur la banquette à côté du Hésus Cuchulainn, pour veiller sur lui et attirer son attention. Ensuite Catubatuos/Cathbad debout à son chevet se mit à le supplier ou à intercéder auprès de lui et Niam s’approcha de lui pour lui donner trois baisers, tendres et langoureux.
Mon cher enfant, plaida Catubatuos/Cathbad, viens avec moi aujourd’hui participer à mon banquet, avec nous viendront toutes les femmes et tous les poètes du pays. Et d’ailleurs refuser ou décliner une invitation à un festin t’est interdit (geis).
Hélas, s’écria le Hésus Cuchulainn, le temps n’est pas venu pour moi de festoyer ni de faire bombance : alors que les quatre grandes armées provinciales de la verte Irlande brûlent et détruisent le pays, pendant que les Ulates sont dans la peine, et Conall en terres étrangères ; de sorte que les hommes de la verte Erin m’insultent en ce moment, et me font également honte, disent que je suis en fuite. Si ce n’étaient toi et Cunocavaros/Conchobar, Genann et Ferchertne, les femmes et les bardes tout aussi bien, je tomberai sur les Irlandais aussitôt et je passerai par le fil de l’épée une foule d’ennemis, de sorte que le nombre de leurs morts serait plus grand que celui de leurs vivants.
Ensuite Aemer et toutes les femmes plaidèrent elles aussi leur cause auprès de lui, et sa dame s’adressa même à lui en ces termes :
Petit Chien de Culann, jamais jusqu’à cette heure je ne m’étais opposée à un des exploits ou à une des expéditions que tu pouvais désirer faire. Par égard pour moi, maintenant, ô toi mon premier amour, toi mon premier ami de cœur parmi tous les autres hommes de la terre, toi le seul élu de mon cœur, sujet favori des poètes de la verte Erin, pars maintenant avec Catubatuos/Cathbad, Genann, Niam la fille de Celtchar et tous les poètes, participer au festin que Catubatuos/Cathbad a fait préparer pour toi.
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Finement, et avec de douces paroles, Niam entreprit elle aussi de le convaincre et, comme tous alors se levaient, il les accompagna le cœur lourd et serré ; c’est ainsi qu’il pénétra dans la vallée du sourd.
Quelle misère, s’exclama le Hésus Cuchulainn, j’ai toujours essayé d’éviter d’entrer dans cette vallée, jamais je ne serai allé en un lieu qui me déplaise autant ; et les Irlandais vont dire que c’est pour les fuir que je suis maintenant ici.
Ils se retirèrent dans la vaste demeure royale que Catubatuos/Cathbad avait fait préparer pour y recevoir le Hésus Cuchulainn ; le Gris de Macha et le Noir de la Vallée Merveilleuses furent dételés puis relâchés au milieu du vallon. Le Hésus Cuchulainn occupa le côté destiné au roi, flanqué d’un côté de Catubatuos/Cathbad, Genann, et les vellèdes ; de l’autre Niam la fille de Celtcha, avec toutes les femmes. En face il y avait les bardes et les musiciens jouant pour eux. Ils commencèrent donc à boire et à faire la fête en musique au milieu de ces divers spectacles, tout en montrant bravement et de façon incroyable beaucoup de joie et de jovialité devant lui. En ce qui les concerne, ce fut donc ce qu’ils firent.
Venons-en maintenant précisément à ce que firent les enfants de Calatin. Ses trois filles difformes et mutilées s’envolèrent légèrement dans les airs et fondirent ensuite droit sur la pelouse d’Emania ; elles inspectèrent l’endroit où la veille elles avaient cru voir le Hésus Cuchulainn. Ne l’y ayant pas trouvé, elles le cherchèrent en vain tout autour d’Emania, se demandant bien où il pouvait être passé, n’étant ni avec Cunocavaros/Conchobar ni avec ses guerriers de la salle de la Branche rouge. Elles comprirent alors aussitôt que c’était Catubatuos/Cathbad et ses pouvoirs qui l’avaient ainsi dissimulé à leurs yeux. Elles reprirent donc de la hauteur comme des oiseaux, s’élevant dans les airs au milieu des hurlements du vent magique qu’elles avaient apparaître, et qui les emporta au loin afin de passer au peigne fin la province entière ; de sorte qu’aucun bois qu’aucune vallée encaissée qu’aucun recoin ni sentier perdus n’échappèrent à leur inspection, jusqu’à ce qu’à la fin elles en viennent à survoler la Vallée du sourd et aperçoivent au beau milieu le Gris de Macha ainsi que le Noir de la vallée Merveilleuse avec Loeg le fils de Riangabra qui s’en occupait.
Elles comprirent donc que le Hésus Cuchulainn devait être dans la vallée d’autant plus qu’elles y entendirent le bruit et la musique des vellèdes qui en montaient, alors qu’ils faisaient joyeusement la fête au milieu des rires de la gent féminine tout entière cherchant à réconforter le cœur et l’âme du Hésus Cuchulainn. Les enfants de Calatin rassemblèrent donc des chardons à feuilles piquantes et très épineux, de toute petites et très légères vesses de loup, ainsi que des feuilles mortes qui s’envolaient dans les bois, puis en firent une immense armée de guerriers bardés de fer et de combattants lourdement armés, de sorte que tout autour de la vallée il n’y eut pas une seule colline pas un seul tertre ni même un seul arpent du canton tout entier qui ne soit couvert de corps d’armée de bataillons de compagnies et d’hommes en armes. Les hurlements stridents et lugubres, les cris rauques, ainsi que les éclats de rire affreux, des trois sorcières, tout autour de la vallée, montaient jusqu’aux nuages dans le ciel et même jusque dans les cieux.
Le pays était aussi tout entier en proie aux pillages, aux incendies, aux pleurs et aux lamentations des femmes, et même des lutins et de toutes les créatures de l’autre monde capables de parler, des sonneries de trompe ou de cors. Du fait de ces grands prodiges de la progéniture de Calatin les hommes les femmes les lévriers ainsi que les autres chiens dans toute la région furent comme frappés de terreur. Mais quand les femmes entendirent ces cris incessants, elles y répondirent en criant elles aussi ; trop tard, le Hésus Cuchulainn avait déjà entendu et même plus distinctement qu’elles ne l’avaient perçu d’ailleurs, le vacarme causé par tout ce tumulte.
Hélas, s’écria-t-il, j’entends les cris retentissants des Irlandais qui mettent à sac toute la province ; la fin de mes triomphes est venue, je ne serai plus tenu en estime longtemps, le royaume d’Ulidia est à terre pour toujours.
Laisse passer tout ça, répondit Catubatuos/Cathbad, ce ne sont que de vains et magiques échos d’armées de pacotille éphémères, suscitées par les enfants de Calatin afin de te nuire. N’y prête aucune attention, mais attends avec nous encore un moment ; fais bombance et ripaille avec nous.
Ce que fit donc le Hésus Cuchulainn, mais ils entendaient toujours le vacarme des enfants de Calatin qui s’élevait tout autour de la vallée ; aussi pour y répondre les femmes se mirent de nouveau à s’époumoner, à parler fort, et à se chamailler autour du Hésus Cuchulainn. Les enfants de Calatin réalisant que leurs sortilèges n’étaient d’aucune utilité contre les ruses de Catubatuos/Cathbad et de la gent féminine finirent par s’en lasser.
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Restez ici, dit à ses deux sœurs la Bodua fille de Calatin, et soutenez le combat que je puisse pénétrer dans cette vallée pour y accoster le hésus Cuchulainn, dussé-je périr de sa main.
Ensuite elle courut sans honte et comme une folle jusqu’au palais où elle prit l’apparence d’une des femmes de Niam la fille de Celtchar, et fit signe ensuite à la princesse qu’elle voulait lui parler dehors. Niam sortit alors du palais accompagnée par nombre des femmes qui étaient avec elle ; la sorcière grâce à ses pouvoirs et à ses ruses de magicienne les éloigna toutes de la maison puis, les ayant plongées dans la plus grande confusion, les envoya errer dans la vallée, puis jeta un sort entre elles et le palais. Cela fait elle s’en alla en sachant que Niam avait obtenu du Hésus Cuchulainn la promesse que, tant qu’elle ne l’y aurait pas autorisé, il n’irait pas courir sus aux Irlandais.
Là elle prit l’apparence de Niam et, s’étant rendue là où était le Hésus Cuchulainn, le supplia d’attaquer les bataillons ennemis, en lui disant : Mon âme, mon héros, et mon guerrier, ton château de Delca est en feu, la plaine de Conaille, la plaine de Murthemné ainsi que toute la province, ravagées ; le royaume d’Ulidia tout entier va m’accuser, au lieu de t’avoir incité à courir venger nos victimes et arrêter cette armée, de t’en avoir dissuadé ou empêché. En outre j’en mourrai assurément et ce sera même sûrement Cunocavaros/Conchobar lui-même qui me tuera, car il ne souffrira pas que tu ne sois pas parti venger la province.
Ensuite elle déclama le lai suivant…
Note de la rédaction : ce morceau de rhétorique étant assez obscur, nous le laisserons de côté. On traduit généralement par « rhétorique » chez nous le terme gaélique ros (pluriel roscanna). Il s’agit alors d’un texte obscur, regorgeant de jeux de mots et intentionnellement archaïsant, volontairement composé en berla féné ou iarn belre donc, ayant plus ou moins la valeur d’une prophétie autoréalisatrice. Il s’agit d’invoquer ou de conjurer les dieux. Ce genre de visions se retrouve fréquemment dans la prose irlandaise de langue gaélique où il fait un peu figure de noyau archaïque difficile à traduire à cause des ambiguïtés propres à tout oracle. Une meilleure traduction serait peut-être l’expression « formule magique à usage unique et jamais répétée indéfiniment telle quelle, mais toujours avec des variantes ».
Le Hésus Cuchulainn répondit : hélas, après cela il me sera dur de faire confiance à une femme ! Je croyais pourtant que même pour tout l’or du globe, même pour tout l’or du monde, jamais tu ne m’aurais donné la permission de partir. Mais puisque c’est toi-même en personne qui me demande de livrer une bataille et un combat inégal contre les Irlandais, alors j’irai.
Sur ce le Hésus Cuchulainn, ayant été ainsi prié [par Niam croyait-il alors] voulut se mettre sur ses pieds immédiatement, mais le cœur lourd, mais alors qu’il se levait pour se mettre debout, un pan de son manteau se coinça par mégarde sous un de ses pieds, sous son pied gauche précisément, de sorte qu’il retomba sans le vouloir sur son siège. Il se releva d’un bond après cette petite mésaventure, rouge de honte, mais c’est la fibule en or de son manteau cette fois-ci qui sauta jusqu’au plafond du palais, et en retombant lui transperça le pied jusqu’à la terre battue.
Par ma foi en vérité, s’exclama le Hésus Cuchulainn, la fibule agit en ennemi, mais le manteau se comporte en ami, pour moi, il me met en garde.
Il sortit de la demeure et pria Loeg fils de Riangabra de harnacher les chevaux et de préparer le char. Catubatuos/Cathbad, Genann et toute la gent féminine qui l’escortait généralement, essayèrent de mettre la main sur lui afin de le retenir, mais ne purent l’arrêter ou l’empêcher de sortir de la vallée. Il aperçut alors tout d’un coup l’armée qui les entourait de tout côté.
La sorcière était partie, mais ils continuaient de pousser les mêmes cris puissants et terrifiants qu’avant, ceux que le Hésus Cuchulainn avait entendus, mais il découvrit alors tout ce qu’il n’avait pu voir de ses propres yeux jusque-là.
Il fut alors persuadé que tous ses interdits avaient été violés (ses gessa) et que ses dons s’étaient envolés ; mais Catubatuos/Cathbad essaya de le rassurer en lui disant : mon cher enfant, reste au moins encore aujourd’hui avec nous et suis mon conseil qui est de ne pas combattre les Irlandais ; et alors je te préserverai de tous les maléfices des enfants de Calatin.
Père bien aimé, répondit-il, il n’y a plus désormais pour moi de raison de rester en vie, mon temps est achevé, mes interdits se sont envolés avec, et Niam m’a autorisé à rencontrer les Irlandais.
Mais la vraie Niam le rattrapa et s’écria : « hélas petit Chien de Culann, jamais je ne te donnerais même pour tout l’or du globe ou pour toutes les richesses du monde, la permission de partir ; mais
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Bodua la fille de Calatin a revêtu mon apparence afin de te tromper. Reste donc avec moi mon ami mon tendre amour !
Mais lui, ne croyant pas un seul mot de ce qu’elle lui disait, commanda ensuite à Loeg de harnacher les chevaux, de préparer le char, et de sortir toute sa panoplie guerrière (Ilchlesa).
Loeg se mit au travail, jamais il n’avait été moins disposé que maintenant à le faire. Conformément à son habitude il agita donc les brides devant les chevaux, mais ces derniers s’enfuirent devant lui ; le Gris de Macha se déroba obstinément, l’air très rétif.
Assurément, s’exclama Loeg, pour moi c’est un présage un grand malheur. Il était rare jusqu’à aujourd’hui mon cher Gris, que tu ne viennes pas spontanément au-devant des brides et de moi-même.
Et il commença de parler au Gris de Macha, en discourant de ses mérites et de son renom, et en lui disant…
Rhétorique (rosc pluriel roscanna).
Mais même avec ça le cheval ne resta pas devant Loeg, qui revint vers le Hésus Cuchulainn pour lui dire que le cheval se dérobait devant lui. Le Hésus Cuchulainn lui-même se leva pour l’attraper, mais il se déroba également devant lui ; pendant que des larmes de sang grenat grosses comme le poing serré d’un guerrier coulaient sur ses joues.
Loeg passa de l’autre côté du cheval et lui dit : Aujourd’hui, plus que tout autre jour avant, ô Gris de Macha, il est indispensable pour toi de prouver que tu es le meilleur, et il récita le lai suivant…
Rhétorique (rosc pluriel roscanna).
Ensuite le Gris de Macha consentit à rester devant Loeg ; il harnacha également le Noir de la Vallée Merveilleuse, et attela le char derrière eux ; une fois cela terminé il sauta du char pour préparer ou mettre en ordre les divers équipements ainsi que les armes affûtées du Hésus Cuchulainn. Ce dernier enfila sa tenue de combat et sans prendre congé de quiconque, sauta dans le char ; mais les armes tombèrent de la place où elles avaient été rangées pour être à portée de sa main, et roulèrent même sous ses pieds : un très mauvais présage pour lui.
Il se tourna dans la direction où il devait aller pour arriver dans Emania ; avant même d’avoir fait beaucoup de chemin il lui sembla que sur les pelouses d’Emania se tenaient de gros et puissants bataillons, la plaine était comme couverte d’hommes de haut rang et de troupes en ordre de bataille, de compagnie de cent hommes et de colonnes en marche, avec des chevaux des armes et des armures en grand nombre. Il eut également l’impression d’entendre des cris de plus en plus forts et terrifiants, vit la cité partout en proie aux incendies qui faisaient rage, tandis que tout autour d’Emania il n’y avait plus la moindre colline ni butte qui ne soit couverte de pillards. Il lui apparut que des hommes avaient tué Aemer, et l’avaient jetée par-dessus les remparts d’Emania ; que la salle des fêtes de la Branche Rouge était la proie des flammes, et qu’Emania était comme une torche qui brûlait en laissant s’échapper des gerbes d’étincelles et une épaisse colonne de fumée noirâtre.
Catubatuos/Cathbad, s’exclama-t-il, quel malheur que tout ceci ! bien que tu veuille me retenir et m’empêcher d’y aller, ce n’est que mises à sac incendies et attaques sur toutes les terres au niveau de la plaine d’Emania et même dans toute la province !
Catubatuos/Cathbad répondit en lui disant : mon cher enfant, ce ne sont que des hallucinations ou des visions que toutes ces armées d’ombres, sans consistance et creuses, ces hordes vagues et brumeuses ne sont que de la pure magie qui t’est destinée ; car à part de l’herbe et des feuilles, il n’y a là rien d’autre.
Mais il ne crut pas un mot de ce que lui disait Catubatuos/Cathbad, préférant lui répondre ceci :
Cathbad fils de Maelcroch, de la plaine du cairn…
Rhétorique (rosc pluriel roscanna).
Toute la gent féminine se lamentant devant eux ou pleurant à chaudes larmes derrière, ils arrivèrent ainsi dans Emania, et il se rendit dans le solarium où se reposait Aemer ; qui vint à leur rencontre, et l’invita ensuite à descendre et entrer. Le Hésus Cuchulainn répondit : je n’en ferai rien tant que je ne me serai pas rendu à Muirthemné afin d’y attaquer les quatre grandes armées provinciales d’Irlande et d’y venger les victimes, les maux et les torts qu’ils m’ont faits à moi personnellement ainsi qu’aux Ulates ; car il m’a été montré que c’était plein d’armées ou de troupes irlandaises mettant tout à feu et à sang.
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Mais à vrai dire, répondit la dame, ce ne sont que des fantasmagories magiques ; n’y prête aucune attention et ne t’en occupe pas !
Femme, répondit le Hésus Cuchulainn, je t’en donne ma parole, tant que je ne serai pas parti à l’assaut du camp des Irlandais, personne ne me détournera de ce devoir.
À ces mots toute la gent féminine poussa des cris de désespoir perçants ; mais il prit néanmoins congé de sa dame et de toutes les autres femmes.
Ensuite, Catubatuos/Cathbad et les vellèdes s’empressant toujours autour de lui, le Hésus Cuchulainn se rendit au château de Dexiua/Duxtir/Dechtire, afin de faire ses adieux à sa mère.
Dès qu’il eut pénétré sur la pelouse, Dexiua/Duxtir/Dechtire alla le retrouver, sachant très bien que ce qu’il était impatient de faire c’est de tomber à bras raccourcis sur les Irlandais. Elle lui tendit alors la coupe (ballan) dans laquelle il avait l’habitude de boire chaque fois une gorgée avant de partir en voyage ou en expédition, en gage de victoire ; mais ce qu’il y avait dedans cette fois-ci c’est uniquement du sang vermeil.
Hélas Dexiua, s’exclama-t-il, que tout m’abandonne n’est assurément pas étonnant, quand la coupe que tu me tends est ainsi [pleine de sang]
Dexiua/Duxtir/Dechtire prit la coupe une seconde fois, la remplit et lui tendit ; et une seconde fois elle fut remplie de sang.
Elle remplit une troisième le récipient et là encore il fut plein de sang.
Une grande colère contre cette coupe s’empara du Hésus Cuchulainn alors qui la lança violemment contre un rocher où elle se brisa, d’où le nom jusqu’à ce jour de l’endroit, Colline de la Coupe (Tulach an bhallain).
Mère, tu n’as rien à reprocher en vérité, car cela signifie seulement que mes interdits (gessa) ont tous été rompus et que la fin de ma vie est proche : de mon combat contre les Irlandais cette fois-ci je ne reviendrai pas vivant.
Ensuite il récita le lai suivant :
O Dechtire, ta coupe est vide…
Rhétorique (rosc pluriel roscanna).
Dexiua/Duxtir/Dechtire ainsi que Catubatuos/Cathbad le supplièrent de reporter son départ et d’attendre Conall ; mais il leur répondit : je n’attendrai certes pas, car ma vie et mes triomphes sont arrivés à leur terme ; je ne sacrifierai pas mon renom et mes vertus guerrières pour les vains mensonges de ce monde, considérant que depuis le jour où j’ai eu les armes d’un guerrier en main je n’ai jamais fui un combat ou une bataille. Et maintenant donc plus que jamais, car ma gloire sera moins éphémère que ma vie.
Il s’en fut de nouveau sur les vertes prairies d’Emania, où les filles de rois et de princes qui l’attendaient en gémissant poussèrent de pitoyables cris de douleur. Dernier d’entre tous, Catubatuos/Cathbad l’accompagna. Ils n’avaient pas fait beaucoup de chemin depuis le fort quand à l’entrée du gué du Lavoir sur la plaine d’Emania ils tombèrent sur une jeune fille, mince et blanche de corps, aux cheveux blonds. Accablée de peines et de chagrin elle était en train de laver puis d’essorer continuellement sur l’autre bord du gué des dépouilles couvertes de sang vermeil.
Petit Chien de Culann, demanda Catubatuos/Cathbad, ne vois-tu pas ce que je vois là-bas ? C’est la fille de la Bodua qui, malheureuse et endeuillée, lave ton équipement, ce qui signifie ta chute et ta ruine du fait de cette puissante attaque de la reine Maeve et des sortilèges des enfants de Calatin. Voilà pourquoi mon doux fils adoptif, tu devrais t’abstenir d’aller plus loin. Mais il répondit : Mon bon vieux maître, cela suffit, ne me suis pas plus loin maintenant, car je ne peux pas rester sans rien faire pour me venger sur les Irlandais d’être venus incendier mon pays, ravager ou consumer mon fief dans les flammes. Peu importe que cette femme de l’autre monde lave mes dépouilles ! Beaucoup de dépouilles et d’armes, d’amures et d’équipements, c’est ce qui, de par mon épée ainsi que de par ma lance, va bientôt joncher le sol ici, baignant dans du sang, dans des ruisseaux ou des mares de caillots de sang. Tu n’es peut-être guère disposé à me laisser partir affronter les périls et les ennemis, m’y exposer à la mort et à la destruction, mais sache que je ne suis pas plus enthousiaste à l’idée d’avoir les flancs percés ou le corps mutilé. Tu ne sais pas mieux que je ne le sais moi-même que je dois tomber dans cet assaut. C’est pourquoi ne te mets plus en travers de mon chemin et de ma course ; car que je reste ou que j’y aille je suis voué à mourir et la fin de ma vie est arrivée. Transmets de ma part aux Ulates, à Cunocavaros/Conchobar et aussi à ma femme Aemer, mes meilleurs vœux de longue vie et de santé ; je suis parti pour ne plus jamais les revoir. Quelle pitié que de devoir nous
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séparer ! Triste et douloureux est le départ qui me sépare de vous. Autant nous nous sommes séparés d’Aemer dans la tristesse et la peine, ô Loeg, autant nous nous étions jadis rendus chez elle avec allégresse, venant de pays lointains et de tribus étrangères. Il déclama ensuite le lai suivant…
Rhétorique (rosc pluriel roscanna).
Postscriptum. Cuchulainn se tourna vers Emania, et en regardant la ville écouta les lamentations de la gent féminine. Ensuite il lui sembla qu’au-dessus de la forteresse de Sailenn, qui est appelée aujourd’hui Ard Macha (Armagh), il voyait les anges qui veillaient ; il comprit ainsi qu’au-dessus de la forteresse des cieux à la terre l’espace était rempli de splendeurs, de lumières, de toutes sortes de choses excellentes, de musique d’orgue, de cantiques et de chants de ménestrels. Il prêta toute son attention à ce qu’il voyait là, et sous l’effet de l’amour la mélodie qu’il avait entendue descendit dans son cœur. Il parla de ces visions à Catubatuos/Cathbad en lui disant : ce n’était pas du tout comme les prodiges horribles et hideux qui me sont apparus alors que je revenais sur Emania. Le Dieu tout puissant qu’adorent ceux qui sont là-haut, celui que j’adore moi aussi, le roi suprême qui a fait le Ciel et la Terre en qui je crois. Maintenant et pour toujours que la mort soit la bienvenue.
Et il prit congé de Catubatuos/Cathbad. Ensuite il tourna le dos à Emania puis, heureux et joyeux, gaiement et sans souci aucun, il poursuivit son chemin ; sa lassitude ainsi que ses hallucinations et sa tristesse, l’avaient définitivement quitté.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 21.
Car c’est à elle qu’il ne refuse rien ou presque. Il semble donc y avoir là une pointe de jalousie, bien compréhensible, de la part d’Aemer qui est l’épouse légitime.
Refuser ou décliner une invitation à un festin t’est interdit. Nous verrons un peu plus loin que cette « geis » précipitera d’ailleurs la perte de notre héros en l’obligeant à manger du chien de boucherie empoisonné, préparé par trois sorcières.
Chardons. Il existe de nombreuses espèces de chardons. Mais on l’aura compris l’immense armée qui en surgit n’est donc qu’une illusion. Cette magie ou sorcellerie ressemble beaucoup en l’occurrence à de l’hypnose ou à de la paréidolie. Voire à une hallucination collective. La plus célèbre de l’époque moderne (la danse du soleil) ayant eu lieu à Fatima au Portugal le 13 octobre 1917.
La Bodua. L’auteur de cette histoire assimile donc la déesse ou démone de la guerre Catubodua des légendes à une des trois filles de Calatin, l’aînée peut-être. N’est pas Shakespeare qui veut.
Pour tout l’or du globe. Le terme gaélique traduit par le mot « globe » est « cruinne » (vieux celtique crundnios) qui implique bien une idée de rotondité. Alors qu’en déduire ???
Jusqu’au plafond. Il n’y avait pas de plafond à l’époque dans les constructions, il s’agit donc du faîtage intérieur du toit.
Il fut persuadé que tous ses interdits avaient été violés. Ce détail va dans le sens de l’hypnose. Toutes ces apparitions dignes d’une véritable Walpurgis Nacht ne sont en fait que le résultat d’une transe hypnotique. L’hypnose explique sans doute beaucoup des pouvoirs que l’on attribuait jadis aux druides antiques.
Dexiua/Duxtir/Dechtire. Ce personnage est difficile à cerner. Ce qui est certain c’est que les apocryphes irlandais nous présentent cette femme comme ayant conçu notre héros sans père biologique connu (et en fait avec le dieu Lug donc !) puis mariée ensuite avec un homme ordinaire du nom de Sualtam. Divers auteurs soulignant que la fonction principale de Dexiua/Duxtir/Dechtire apparemment était de conduire les chevaux de son frère Cunocavaros/Conchobar, en font une déesse des chevaux analogue à la déesse Épona du Continent qui est souvent accompagnée d’un chien dans la statuaire britto-romaine.
Coupe. Le mot gaélique ballan signifie « récipient pour donner à boire », mais bol bail boil, etc. signifie également chance prospérité efficacité, d’où jeu de mots peut-être. On se perd en conjectures sur la
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signification exacte d’une telle transsubstantiation. De la bière ou du vin transformé littéralement en sang (symboliquement il doit s’agir du sang de notre héros). John Tillotson (archevêque de Cantorbéry au XVIIe siècle) a dénoncé en son temps le caractère « barbare » d’une telle idée, et considérait comme impie de croire que les fidèles qui participent à la communion « mangent et boivent vraiment de la chair et du sang ». De l’homme Jésus en l’occurrence.
On n’ose donc pas penser à une influence chrétienne, cela aurait constitué un blasphème impensable à l’époque ! Nos contes et légendes fourmillent d’exemples de boissons et de récipients (chaudron, etc.) magiques, mais là il s’agit de tout autre chose, d’une transformation de bière ou de vin en sang de demi-dieu. Toute la question est donc de savoir s’il s’agit là vraiment de son sang ou d’un symbole poétique.
L’idée du symbole est évidemment la première qui vient à l’esprit, mais il ne faut pas oublier que ces textes ont été composés à une époque où tout le monde croyait aux prodiges au surnaturel au préternaturel à la magie, etc.et cette image n’était peut-être pas considérée comme une simple métaphore à l’époque, mais comme un prodige.
La transsubstantiation est, littéralement, la conversion d’une substance en une autre. Le terme désigne, pour certains chrétiens (en particulier les catholiques), la conversion du pain et du vin en corps et sang du Christ lors de l’Eucharistie.
Lorsque Jésus dit pendant la Cène : « Ceci est mon corps », ce qu’il tient dans ses mains a l’apparence d’un pain, mais, selon la doctrine romaine catholique, la substance de ce pain a été convertie en chair du Christ. C’est donc vraiment son corps, même si les apparences accessibles aux sens ou aux études scientifiques demeurent celles du pain. La même conversion survient lors de chaque célébration de l’Eucharistie.
La consubstantiation est la doctrine protestante luthérienne par laquelle, lors de la Cène, le pain et le vin conservent leurs substances propres avec lesquelles coexistent les substances du corps et du sang du Christ. Cette notion, définie par Guillaume d’Occam ou Duns Scot, fut reprise par Luther.
Les membres de l’Ollotouta druidique qui ont recours à ce rituel de la coupe sont plus pragmatiques. Ils admettent aussi l’opinion que le Hésus Mars de l’Antiquité ou le Sétanta Cuchulainn du Moyen-âge n’est pas corporellement présent dans la boisson de cette coupe de protection au moment de la communion, mais présent dans le cœur, l’esprit et la vie de ceux qui participent à ce rituel. Finalement tout est une question de foi, l’effet placebo le démontre.
« À vous seuls il est donné de connaître, comme de les ignorer, les dieux et les puissances célestes » (Lucain, la Pharsale, livre I).
Ils tombèrent sur une jeune fille… Il ne s’agit pas bien entendu d’un hasard, mais d’un énième signe prémonitoire.
Parfois, la banshee se tient près d’un cours d’eau, où elle se lamente en lavant le linceul du futur défunt. C’est notamment le cas des lavandières de nuit bretonnes (Kannerezed-noz). Son cri est appelé keening. La Dame Blanche, mythe plus moderne, semble clairement dérivé de celui de la banshee. En France, certaines Dames Blanches sont clairement des banshees. On connaît notamment l’exemple de la Dame du palais des Bourbons qui se manifestait la veille de la mort d’un des membres de cette famille. Il y a aussi la Dame Blanche de Lyon qui aurait hanté les anciennes murailles de la ville. Nous reviendrons sur tous ces sujets qui sont des phénomènes clairement liés à l’inconscient collectif ou personnel des témoins.
La notion de destin couvre un vaste champ sémantique allant de l’idée de hasard à celle de prédestination. La croyance au destin peut donc se traduire de différentes façons, de l’impression la plus instinctive au plus élaboré des systèmes philosophiques.
Un des meilleurs moyens d’appréhender cette notion de destin est donc encore effectivement d’étudier quelque peu comment les individus censés avoir eu des prémonitions ou des visions du futur (tels que les druides antiques) sont présentés dans la littérature irlandaise ancienne, et quelles sont précisément les techniques qui leur sont attribuées.
Jean Edouard Gwynn a publié en 1910 un très intéressant article sur la notion de destin ou des destinées dans la littérature irlandaise.
D’où il ressort que le Destin en tant que notion vague, impersonnelle (les formes passives pour reprendre la terminologie de Gwynn) est partout présent dans la littérature irlandaise la plus ancienne. Cette idée sous-jacente qu’il existe un ordre du monde prédéterminé correspondait bien en effet aux concepts religieux des auteurs d’alors, en ce sens qu’elle exprimait bien l’idée que le cours des choses est déterminé par un élément surnaturel extérieur à l’être humain ; mais tout en restant assez vague sur l’identité ou les contours exacts dudit facteur, ce qui permettait donc à tout chrétien d’y voir
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en fait derrière, la main de son Dieu tout puissant, ou de croire (comme les anciens druides) en l’existence d’une grande loi cosmique régissant et le monde des dieux et celui des hommes. Ce que certains appellent aussi la justice immanente et d’autres encore le Dharma.
L’idée plus précise d’une entité divine extérieure à l’être humain, mais intervenant, dans le cours de sa vie, se trouve plus rarement dans les textes irlandais, car elle figure surtout en fait dans les traductions ou adaptations, en Moyen irlandais, de textes appartenant à la littérature classique, notamment latine. Elle prend la forme allégorique bien connue des déesses Parques Moires ou Nornes filant la destinée humaine. Et alors elle est souvent attribuée à des païens, mais non irlandais, comme si les peuples préchrétiens d’Irlande n’avaient jamais eu, eux aussi, l’impression que leur vie était prédéterminée par un ordre cosmique quelconque, déterminée par une force surnaturelle extérieure et quelque peu mystérieuse, régnant au-delà même des dieux.
N.B. Sur le même sujet voir A.G. Van Hamel, « la notion de destin dans la religion teutonne ou celte primitive », Tom Sjöblom, les tabous irlandais anciens, ainsi que Jacqueline Borsje : du chaos à l’ennemi, l’affrontement des monstres dans les textes irlandais anciens (enquêtes sur le processus de christianisation).
Le premier groupe de références à la notion de destin est constitué par les formes verbales tocaid ou cinnid.
Un exemple de pronom possessif avec la forme substantivée de tocaid nous est donné dans l’adaptation en Moyen irlandais de la Pharsale de Lucain.
Tallsat muinter Césair a céill annsin do conach catha tire, 7 is i comairle doronsat, a toicthi mara do innsaigid. Les gens de César perdirent ensuite tout espoir de l’emporter dans les combats sur terre, et voici donc le plan qu’ils échafaudèrent pour tenter leur chance sur mer.
Le terme latin traduit ainsi est Fortuna, mais il y a lieu de noter que l’auteur de ce texte (In cath catharda) utilise la même forme substantivée de tocaid pour rendre à la fois Fortuna et Fatum malgré la différence de signification. Le terme Fortune équivaut à la notion de pur hasard (donc tout le contraire d’un destin écrit d’avance) alors qu’avec le Fatum tout est écrit d’avance au contraire. Du moins en latin.
N.B. Il découle d’une variante de cette idée que non seulement le destin peut déterminer ce qui arrive à quelqu’un, mais que les dieux également influent sur le cours de sa vie. De façon assez curieuse, cette idée s’avère attribuée à des païens non irlandais, qui apparemment étaient donc considérés par les auteurs de ces textes comme encore plus païens au mauvais sens du terme que les Irlandais placés dans la même situation, c’est-à-dire préchrétiens.
Un chef danois dit en effet dans les fragments d’annales d’Irlande (Moyen irlandais) :
biaidh do berad ar ndee 7 ar dtoicthe duin. Nous aurons ce que nous accorderons nos dieux et notre destin.
Mais il existe aussi quelques cas de références au destin sous une forme plus active, avec un sujet. Le destin avec un D majuscule en quelque sorte.
Dans le texte en vieil irlandais de la prière pour une longue vie (Cétnad n-aise), qui date du VIIIe siècle, il est fait référence aux 7 filles de la mer qui mettent en forme le fil de la vie.
N.B. Cette allégorie du destin représenté sous forme de déesses fileuses a de nombreux parallèles dans le monde indo-européen.
On la trouve par exemple figurée sur le Continent par la stèle votive de Vertault où les trois déesses qui s’occupent de l’enfant qui vient de naître sont bien évidemment les trois fées se penchant sur son berceau. Ce qui nous éloigne quelque peu des trois affreuses sorcières filles de Calatin qui vont précipiter sa perte, mais le principe demeure le même.
Des anges et le dieu tout puissant créateur du ciel et de la terre. Évidente interpolation chrétienne, comme le sera le texte tout entier connu sous le nom de Siabur charpat Con Culainn.
Soulignons néanmoins qu’une telle interpolation ne vient pas comme ça et par hasard se greffer sur le texte. Elle se situe curieusement dans le droit fil des conceptions païennes celtiques sur la vie dans
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l’autre monde selon les druides. Le moine copiste auteur de cet ajout devait bien les connaître. Il n’a pas été sensible au ressort dramatique de cette allégorie de la toute-puissance du destin (Tocad/Tocade), et a préféré lui substituer l’antique conception de l’autre monde selon les druides d’après Lucain et quelques autres.
« À en croire vos maîtres les ombres des morts
Ne vont pas rejoindre les silencieuses demeures d’Érèbe,
Ni les pâles royaumes de la mort ;
Une même âme/esprit [en latin idem spiritus] régit les membres
Dans un autre monde [en latin orbe alio]
Et la mort n’est que le milieu d’une longue vie ;
Si vous savez bien ce que vous chantez.
Heureux sont les peuples qui regardent la Grande Ourse
À cause de cette erreur ; car ils ignorent
Cette peur suprême qui effraie tous les autres,
De là cet esprit [en latin mens] enclin à se jeter sur le fer
Cette force de caractère [latin anima] capable d’affronter la mort,
Et ce peu de soin mis à épargner une vie qui doit vous être rendue ».
(Lucain, la Pharsale, livre I.)
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VARIANTES SUITE ET FIN.
Livre du Leinster.
Note de la rédaction. Abrégé. Nous avons en effet laissé de côté certains passages qui n’apportaient pas grand-chose à l’intrigue ni à la philosophie de l’histoire. Nos lecteurs désireux de tout savoir ou du moins d’en savoir plus peuvent toujours se reporter au texte gaélique disponible en ligne sur le site internet ucc.ie/celt.
Je jure par les dieux sur lesquels jure mon peuple, répondit Loeg, même si les hommes de la province de Cunocavaros/Conchobar étaient tous après le Gris de Macha, qu’ils ne pourraient réussir à l’atteler au char. Ní erbart frit cosindiu. In menma nom airfitiged do grés ní hé domriacht. Je ne l’ai jamais vu ainsi jusqu’à aujourd’hui, lui qui avait l’habitude de me faire plaisir ? Si tu le veux, viens toi-même parler au Gris de Macha en personne.
Le Hésus Cuchulainn s’approcha de lui. Et par trois fois le cheval montra le côté gauche à son maître. La nuit d’avant la fée Mara Rigu/Morrigu/Morgane avait brisé le char, elle préférait que le Hésus Cuchulainn ne parte point livrer bataille, car elle savait qu’il ne reviendrait pas (au château d’Emania Macha). Alors le Hésus Cuchulainn se mit à faire des reproches à son cheval, en lui disant qu’il n’avait pas l’habitude de se comporter ainsi avec son maître.
Níbu gnáth a Leith lithe for clé frim fechuir fíach fonat gaibim gním donothlogmar éc. m thintla mo menma i mmuige mag dianot imredinn ciana éssi derga || imchíana eich sceó ruith scarad creta cungai fortche forsa suidmís suide suilig ro don bai Badb i nEmuin Macha.
Ô Gris de Macha, jamais
Jusque-là tu ne m’avais présenté
Ainsi obstinément ton flanc gauche.
Aussi ne te punirai-je pas
Je te pardonnerai cette inhabituelle dérobade
Je n’ai jamais tremblé ? (thintla) sur la plaine
En te conduisant même les rênes rougies de sang
En repoussant chevaux et armées.
En fracassant nacelles jougs et protections
Où nous étions confortablement assis
La Bodua ne s’en était jamais prise à nous ainsi dans Emania Macha.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 22.
La Bodua ne s’en était jamais prise à nous ainsi. Contrairement à la version du manuscrit Egerton la variante conservée dans le livre du Leinster nous montre en effet la déesse ou démone de la guerre rendant inutilisable le char de notre héros afin de l’empêcher de partir. Cette divinité joue en effet un rôle très ambigu dans tout ceci en passant successivement de la haine à l’amour. Mais peut-être est-ce le propre de toute haine ou de tout amour, excessifs ? Tout le monde sait que haine et amour sont les deux faces d’une même médaille.
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Sur ce le Gris de Macha s’approcha et laissa tomber sur les pieds du Hésus Cuchulainn de grosses larmes de sang toutes rondes. Ensuite notre héros bondit dans son char et partit aussitôt en direction du sud sur la route de Midluachar.
Il aperçut alors devant lui une femme qui s’occupait de son enfant, c’était Leborcham, fille d’Aué et d’Ardac, deux esclaves du roi Conchobar, dont ils habitaient le palais ; elle chanta les vers suivants :
Nán fácaib nán fácaib a Chu Chulaind. Fíal do gnúis. gartach do grúad. goirthech caíngnúis do gnúis cnedach caín in tocad. ardo díth dubae dia mairgfem. mairrg ar mná. mairg ar maccu. mairg ar súle sir do guba muiche cichseo dano céim rigairech don chath ara mbebad airdde die mór Maige Murthemne dit éis.
Ne nous quitte pas, ne nous quitte pas, ô Hésus Cuchulainn,
Noble est ta face généreuses tes joues rouges
Beau est ton visage couvert de cicatrices
La mort qui t’attend est une pitié
Qui nous affligera tous : malheur aux femmes
Malheur aux enfants, adieu tous nos espoirs !
Long sera le deuil que nous aurons pour toi
Tu vas royalement courir sus à l’ennemi
En une bataille où beaucoup de grands mourront
Il y aura une immense lamentation funèbre dans toute la plaine de Muirthemne
Quand tu seras parti.
Les trois fois cinquante femmes qui étaient à Emania Macha répétèrent le même poème à haute voix.
Il vaudrait mieux ne pas nous en aller, dit Loeg, jusqu’à aujourd’hui tu as conservé intacte la force que tu tiens de ta lignée maternelle.
Geib leic Loíg.
La araid airitiud.
La errid imdegail.
La cunnid comairle.
La firu ferdacht.
La mná mifre.
Tair rium don chath.
Na frithail in n-airchisecht
Nachit chobradar.
Avance Loeg.
C’est au cocher de conduire les coursiers,
Au guerrier (à char) de protéger,
Aux officiers ?? de donner des conseils,
Aux hommes d’être virils,
Aux femmes de pleurer (?).
Pars affronter l’ennemi,
Ne te complais pas en gémissements,
Qui ne te serviront à rien.
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Le char tourna vers gauche. En voyant ce présage, les femmes poussèrent une grande clameur faite de pleurs de gémissements et de battement des mains. Elles avaient compris que le Hésus Cuchulainn ne reviendrait plus jamais à Emania Macha.
Il chanta.
Les femmes sont dans la peine
Et versent des torrents de larmes pour notre mort
Etc., etc.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 23.
La suite est un long poème assez obscur, de la pure rhétorique, dont la fin est visiblement d’inspiration chrétienne. Nous laissons aux spécialistes le soin de relever ce défi et d’en proposer une bonne traduction. En ce qui nous concerne, nous y avons prudemment renoncé. Ce texte est sans doute une interpolation, car le manuscrit reprend après à la fin la même formule que précédemment :
« En voyant ce présage, les femmes poussèrent une grande clameur faite de pleurs de gémissements, car elles avaient compris que le Hésus Cuchulainn ne reviendrait plus jamais à Emania Macha ».
Nous passerons également la visite chez la nourrice qui fait double emploi et en moins bien avec la visite à sa mère dans la version du manuscrit Egerton 132, pour en venir directement à l’épisode des trois sorcières.
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Il suivait la route de Mid-Luachair, et il avait passé le champ de Mogna, quand il aperçut quelque chose : c’étaient trois vieilles sorcières borgnes de l’œil gauche, devant lui sur la route. Elles avaient fait cuire un chien sur des broches de sorbier avec du poison en récitant des formules maléfiques. Et un des interdits du Hésus Cuchulainn (une de ses gessa) était de passer devant un foyer sans consommer de sa nourriture. Et une autre des choses qu’il ne devait pas faire (une autre de ses gessa donc) était de manger de la viande de son homonyme [c’est-à-dire de chien]. Il accéléra, et il était presque sur le point de les dépasser, car il savait qu’elles n’étaient pas ici pour lui faire du bien.
Une des vieilles sorcières lui dit alors : « viens nous rendre visite, ô Hésus Cuchulainn ».
Je ne vous rendrai certainement pas visite, répondit le Hésus Cuchulainn.
Il n’y a que du chien à manger, répondit-elle. Si c’était de la grande cuisine, tu nous rendrais certainement visite. Mais comme ce n’est ici qu’un très modeste foyer, tu ne viens pas. Ni tualaig mór nad ulaig no nad geib in bec. Ceux qui ne sont pas capables de supporter ou d’endurer le petit ne sont pas capables de grand-chose.
Il s’approcha d’elle et la vieille sorcière lui tendit de la main gauche une moitié du chien. Le Hésus Cuchulainn la prit de la main gauche également pour la manger, mais la glissa [en partie] fó sliasait clí ??? sous sa cuisse gauche [et par derrière, comme pour en cacher un morceau ???] La main qui avait pris l’épaule et la cuisse sous laquelle il l’avait glissée furent saisies du tronc jusqu’à leur extrémité, de sorte qu’elles perdirent une partie de leur force habituelle.
Ensuite il se remit en route sur la route de Midluachar en contournant la montagne de Fuat. Quand ils arrivèrent au sud de cette montagne, le Hésus Cuchulainn demanda : « Que voyons-nous, maître Loeg » ?
Loeg répondit : beaucoup de misérables et donc beaucoup de dépouilles !
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Fe amae ol Cu Chulaind. Fuaim immairic eich dubderga comrethi clár clé clithi remituit a rae ar mothuittet eich i fochluib. fe. cian adraigsemar messchuriu fer nHerend.
Malheur à moi, hélas répondit le Hésus Cuchulainn !
J’entends le bruit d’un cheval bai-brun à gauche ????
Galopant droit devant ????
Il ne sait pas qu’il tombera le premier ????
Car les chevaux succombent rapidement
À des herbes empoisonnées ??????
Quel malheur de devoir craindre le fer
D’une bande d’Irlandais ? ???
Le Hésus Cuchulainn et Loeg continuèrent à suivre la route de Midluachar dans la direction du sud, et ils arrivèrent en vue du camp fortifié installé dans la plaine de Muirthemné.
Erc, fils de Carpré se mit alors à chanter :
J’aperçois un beau char bien décoré.
Fait d’une nacelle surmontée d’une bâche verte
Avec un grand siège pour y accomplir des tours de force
Dans ce beau char, il y a les armes
D’un champion au casque magnifique
Ce char est tiré par deux chevaux
À la belle tête ronde bien proportionnée
Des chevaux à petits museaux qui galopent
Avec de puissants naseaux et des yeux puissants également
Au large poitrail et au ventre puissant.
Bien qu’ils aillent à la même allure
Cet attelage n’est pas de la même couleur
Un des chevaux est d’un magnifique gris
Il court en hennissant comme le tonnerre
En faisant des bonds finement arqués.
L’autre cheval est noir de jet avec la tête blanche
Avec des sourcils puissants et de couleur noire
Ils sont maintenus entre eux par deux jougs en or
Dans ce char il y a un homme
Aux beaux cheveux bouclés flottants
Une arme cruelle et sanglante à la main
Enblaith etarluamnach uasa erra oenchairpait.
Un bel oiseau lumineux virevolte
Au-dessus de ce guerrier à char ????
Les tresses de ses cheveux ont trois couleurs
Brun sombre à la racine
Roux comme du sang au milieu
Comme l’or d’une couronne à l’extrémité.
Ses cheveux sont coiffés magnifiquement
Et forment trois tresses qui entourent sa tête.
Ainsi que des cordons en or ayant été raffiné
Par les mains d’un puissant maître artisan
Ou comme le soleil brillant sur les blés
Un jour d’été à la mi-mai
Ainsi brillait la partie finale des cheveux de ce guerrier.
Voici que vient vers nous à toute allure l’homme que vous attendiez, hommes d’Irlande.
Ils élevèrent un tertre en mottes de gazon sous Erc fils de Carpre puis l’entourèrent d’un rempart de boucliers. Ensuite les Irlandais se constituèrent en trois puissants et redoutables corps de bataille.
Mais comment pourrons-nous maintenant nous défendre ou résister aux tours de force martiaux du Hésus Cuchulainn demandèrent les Irlandais ? Erc leur répondit en chantant ce qui suit :
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Comergid a firu Herend.
Levez-vous, guerriers d’Irlande ;
Levez-vous pour attaquer, voici que vient le Hésus Cuchulainn
Un maître des combats victorieux
Avec une épée sanglante à la main !
Soyez prêts. Poussez votre cri de guerre !
Toutes les bouches doivent hurler devant lui.
On doit frapper hardiment pour être craint
Une manœuvre rusée se jouera de sa fureur guerrière ??????????
Óenní sin amáin
Mac Dé mac duini
Il est seul il est isolé
Ce n’est que le fils d’un dieu et d’un homme ??????????????
Malheur aux chefs malheur aux troupes
Malheur aux lignes d’hommes en armes malheur aux commandants.
C’est un prince un merveilleux prince divin (nélach) ??????????
Qui entre toujours divinement (nélach) dans des transes guerrières instantanées ????????
Afin de toujours efficacement [se] protéger ??????
Essayez donc de vous battre virilement comme un ours de notre monde rendu furieux ?????????
Il est resté caché neuf mois
Dans le sein d’une vierge d’ivoire quelle éclatante origine ??????
Machit Macha ! Que Macha les réduise à trois fois rien,
Quant à nous, sortons de notre torpeur ?????????
Malheur ! Les coups d’épée vont faire des ravages.
Les coups d’épée mutileront un prince
Quand le féroce Chien de Culann sera là
Levez-vous !
Comergid a firu Herend.
Quel doit être notre ordre de bataille demandèrent les guerriers irlandais ?
Ni handsa. Ce n’est pas difficile. Voici ce que je vous conseille, répondit Erc. Vous êtes divisés en quatre corps d’armée provinciaux ; mais ne formez plus désormais qu’un unique corps de bataille, serrez vos boucliers, de manière à ne faire qu’une seule muraille tout autour de vous, derrière vous et de chaque côté mettez trois hommes, sur les trois, deux seront parmi les plus forts et ils combattront l’un contre l’autre ; le troisième sera un jeteur de sort (cainte) en train de…(co culluaisc). Ce jeteur de sort demandera au Hésus Cuchulainn son javelot appelé Renommée des renommées (Blad ar Bladaib) ainsi que tous les autres javelots qu’il aura. Atá i tairngere dia gaiseom rí do marbad de. Il a été dit que ce javelot doit tuer un roi, mais si on demande cette lance au Hésus Cuchulain il sera impossible alors que cette prophétie se réalise à mes dépens. Ensuite, poussez des cris et des clameurs, alors il ne pourra plus bénéficier de son ardeur et de celle de ses chevaux, et il n’exigera pas de pouvoir se battre en duel contre nous les uns après les autres comme lors de l’expédition de Cualnge. Il en fut fait ainsi que l’avait dit Erc.
Le Hésus Cuchulainn s’avança vers eux avec son char, en faisant les trois jeux du tonnerre, le tonnerre de cent, le tonnerre de deux cents et le tonnerre de trois fois neuf afin de les balayer de la plaine de Muirthemné. Ensuite il fonça sus à l’ennemi en brandissant ses armes et joua de son javelot ainsi que de son bouclier ou de son épée sur eux, tout y passa.
Autant il y a de grains de sable dans la mer, d’étoiles au ciel,
De gouttes de rosée en mai, de flocons de neige en hiver,
De grêlons dans un orage, de feuilles dans une forêt,
D’épis de blé jaune dans la plaine de Breg, de gazon
Sous les pieds des hardes de chevaux un jour d’été,
Autant de moitiés de têtes, de moitiés de crânes
De mains tranchées, de pieds coupés,
Autant d’os encore sanglants,
Furent dispersés dans la plaine de Muirthemné.
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Elle devint grise de leurs cervelles après cette démonstration de force martiale et ce féroce et violent combat livré contre eux par le Hésus Cuchulainn !
Le Hésus Cuchulainn aperçut alors à une des extrémités de l’armée irlandaise une des paires de guerriers en train de se battre sans que personne apparemment n’arrive à les séparer.
Honte à toi, Hésus Cuchulainn, s’exclama le jeteur de sort, si tu ne sépares pas immédiatement ces deux hommes.
Le Hésus Cuchulainn bondit sur eux, et de deux coups de poing bien ajustés leur fit sauter la cervelle par les oreilles et par le nez.
Pour les avoir séparés ça tu les as séparés, ils ne feront plus de mal l’un l’autre.
Ils ne seraient pas morts de la sorte si tu n’avais pas insisté pour que j’intervienne, répondit le Hésus Cuchulainn.
Donne-moi ton javelot maintenant, ô Hésus Cuchulainn, dit le jeteur de sort.
Tongimse a tonges mo thúath. Je le jure par le serment que fait mon peuple, répondit le Hésus Cuchulainn, tu n’as certainement pas plus besoin que moi de ce javelot ; tous les guerriers d’Irlande sont ici pour m’affronter, je dois donc me défendre.
Si tu me le refuses, répliqua l’homme (le cainte), je te maudirai (drochthidnacuil).
Pas du fait de mon avarice (dothchernais) en tout cas !
Et il lui lança son javelot, la poignée en avant. Mais avec tant de force que le javelot traversa la tête du jeteur de sorts et tua aussi neuf hommes derrière lui.
Le Hésus Cuchulain traversa ensuite avec son char l’armée irlandaise. Lugaid fils de Curoi ramassa le javelot qui avait servi et qui était entre les mains des fils de Calatin.
Que doit tuer ce javelot, ô fils de Calatin ? demanda Lugaid.
Ce javelot doit faire tomber un roi, répondirent les fils de Calatin.
Puis Lugaid lança le javelot sur le char du Hésus Cuchulainn et le trait atteignit le cocher, Loeg fils de Riangabra. Ses entrailles se répandirent sur le coussin du char. Il chanta :
Je suis blessé gravement, etc.
Le Hésus Cuchulainn retira le javelot, et Loeg lui fit ses adieux. Le Hésus Cuchulainn lui répondit : « Aujourd’hui je serai donc guerrier, mais aussi cocher ».
[Ensuite le Hésus Cuchulainn traversa une deuxième fois l’armée devant lui. Après en être sorti indemne] il aperçut devant lui la seconde paire de duellistes en train de s’affronter, et un jeteur de sort (cainte) à côté d’eux.
Honte à toi ô Hésus Cuchulainn, si tu n’interviens pas pour nous sépares pas, dit l’un d’eux. Le Hésus Cuchulainn bondit alors sur eux et les réduisit en pièces contre un rocher.
Maintenant, donne-moi ton javelot, ô Hésus Cuchulainn, dit le jeteur de sort.
Tongusa a tonges mo thúath. Je le jure par le serment que fait mon peuple, répondit le Hésus Cuchulainn, tu n’as pas plus besoin que moi de ce javelot ; il dépend aujourd’hui de ma main de ma valeur guerrière ainsi que de mes faits d’armes que soient balayées désormais de la plaine de Murthemné les quatre armées provinciales d’Irlande.
Nott aírubsa ! Alors je te maudirai par écrit !
Je ne suis pas tenu d’accéder à plus d’une requête aujourd’hui, j’ai déjà suffisamment donné pour préserver ma réputation.
Alors ce sera des Ulates dont je dirai du mal répondit le jeteur de sort. Et ils seront frappés de cette malédiction par ta faute.
Jusqu’à présent les Ulates n’ont jamais été mis en cause pour un refus de ma part ou pour mon avarice, et comme il me reste peu de temps à vivre, ils ne le seront pas aujourd’hui.
Le Hésus Cuchulainn lui jeta ensuite son javelot le manche en avant, il lui traversa la tête et tua neuf hommes derrière lui. Et après ça le Hésus Cuchulainn traversa l’armée devant lui comme il l’avait fait auparavant.
Erc fils de Carpre ramassa le javelot qui venait de servir et qui était entre les mains des fils de Calatin.
Et ce javelot-ci, que doit-il renverser, ô fils de Calatin ? demanda Erc fils de Carpré.
Ni handsa. Il n’est pas difficile de répondre à cette question. Un roi sera mortellement atteint par ce javelot, répondirent les fils de Calatin.
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Mais je vous ai déjà entendu dire qu’un roi devait être abattu par le javelot qu’a lancé Lugaid tout à l’heure.
Et c’était vrai, répondirent les fils de Calatin. C’est ainsi qu’a été renversé le roi des auriges d’Irlande, à savoir le cocher du Hésus Cuchulainn, autrement dit Loeg fils de Riangabra.
Tongus a tonges mo thúath. Et bien je le jure du serment que prête mon peuple, ce n’est pas un roi que j’ai l’intention de tuer avec ce javelot-ci !
Là-dessus Erc lança le javelot droit sur le Hésus Cuchulainn, mais ce dernier atteignit l’un des deux chevaux, le Gris de Macha.
Le Hésus Cuchulainn retira le javelot de la blessure, ensuite lui et le Gris de Macha se firent leurs adieux. Puis le Gris de Macha s’en alla en emportant avec lui sur son cou la moitié du joug et il se rendit au Lac Gris dans la montagne de Fuat ; c’était là que le Hésus Cuchulainn était jadis allé le chercher, ce fut donc là qu’il retourna mourir.
Aujourd’hui s’exclama le Hésus Cuchulainn, je n’aurai plus qu’un char avec un seul cheval et une moitié de joug.
Il mit l’extrémité de son pied sur le joug brisé puis encore une fois fit traverser à son char l’armée tout entière.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 24.
Chien. Nous traduisons ainsi le terme gaélique orce. Le chien était aussi un animal de boucherie jadis en terre celte.
Formules maléfiques. Nous traduisons ainsi le terme gaélique epthaib.
Homonyme. C’est-à-dire de la viande de chien puisque son surnom était « Chien de Culann » en gaélique Cu (chien) Cuchulainn (de Culann).
Des cheveux de trois couleurs différentes. Notre héros était donc un brun qui se teignait les cheveux un peu à la façon de certaines élégantes plus ou moins excentriques, de notre époque.
Ours. Nous traduisons ainsi le terme gaélique art qui signifie aussi héros ou dieu. Cela peut être une allusion à la technique guerrière des berserkir ou à celle du prince Arthur de Bretagne.
Ce n’est que le fils d’un dieu et d’un homme… On se serait plutôt attendu à quelque chose du genre « c’est le fils d’un dieu et d’une mortelle », comme dans le cas d’Hercule ou du Christ par exemple. Mais en fait d’après la majorité des textes notre héros était le fils de Lug et de Dexiua/Duxtir/Dechtire, une sorte d’Épona irlandaise, reine des cochers. Par contre il fut élevé par un simple guerrier nommé Sualtam. Rappelons que tout cela n’est que de la rosc (pluriel roscanna) autrement dit de la rhétorique passablement obscure et donc dorénavant difficile à comprendre, voire traduire. Que pouvait-il bien y avoir dans la tête du chrétien qui a écrit ou recopié tout cela en un style volontairement archaïsant ??? Le langage quelque peu « chrétien » de ce morceau de rhétorique est – il un blasphème involontaire et notre auteur a-t-il été fidèle à l’esprit païen du texte originel, ou s’agit-il au contraire d’un rapprochement stylistique volontaire pour « coller » à l’esprit de l’époque ?
Il est vrai que certains textes semblent suggérer que Sualtam était aussi un membre du peuple de l’autre monde, et que le personnage de Dexiua/Duxtir/Dechtire ressemble beaucoup à l’Épona des Britto-Romains.
En d’autres termes, le petit côté « chrétien » de cette rosc est-il dû à de l’évhémérisme classique (un être humain hissé au rang des dieux par les générations ne l’ayant pas connu, comme dans le cas des quatre évangiles par exemple) ou à de l’évhémérisme à rebours, une historicisation presque achevée d’anciens dieux dont les mythes étaient désormais incompris ?? Telle est la question.
Tairngere. Nous reviendrons ultérieurement sur l’emploi du terme tairngere pour signifier destin.
Jeteur de sorts ou cainte. Les textes que nous étudions assimilent systématiquement les cainte ou satiristes à des sorciers. C’est là sans doute une interprétation due au christianisme. Le cainte n’est pas un sorcier au sens strict du terme. C’est un barde qui, au lieu de chanter les louanges de
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quelqu’un, compose une satire à son sujet. Dans une société comme le monde celte antique où l’on avait vraiment au plus haut point le sens de l’honneur et de la dignité personnelle (rien à voir avec le monde politique d’aujourd’hui, où ne subsistent plus que bassesse et flagornerie envers le pouvoir, où l’on répète sans vergogne à l’adresse des citoyens que 2 plus 2 ça fait 3, ou 5, quand le chef ou le puissant du jour en a décidé ainsi) de telles satires étaient catastrophiques pour la réputation des grands de ce monde, car ces poèmes du genre pamphlet ou libelle circulaient. D’où ensuite perte de crédit, d’influence, d’alliés même, ce qui pouvait vite très mal finir (la défaite assurée lors de la prochaine confrontation armée faute d’effectifs ou de soutiens suffisants??)
Par écrit. Soit il s’agit bel et bien d’une allusion à des poèmes satiriques écrits, soit d’une allusion à une sorte de defixio (un envoûtement mis par écrit en runes lépontiques, puis plus tard, bien des siècles plus tard, en runes oghamiques).
Le Hésus Cuchulain traversa ensuite avec son char l’armée irlandaise. Cette traversée de part en part de l’armée ennemie par notre héros n’est pas sans rappeler celle que les cavaliers de Vercingétorix s’étaient promis de faire lors de la désastreuse bataille ayant conduit à l’enfermement dans Alésia.
Les cavaliers s’écrient unanimement « qu’il leur faut se lier par le plus sacré des serments : que ne trouve plus asile sous un toit, ni ne puisse voir ses enfants, parents, ou épouse, celui qui n’aura pas au moins deux fois traversé à cheval les rangs ennemis » (César. B. G. Livre VII, 66).
Entre les mains des fils de Calatin. L’auteur de ce récit semble avoir oublié que les fils de Calatin sont censés avoir ce javelot entre les mains dès le début et sont censés ne pas avoir besoin de le récupérer ainsi pour pouvoir l’empoisonner à leur guise.
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Il aperçut alors la troisième paire de duellistes et train de s’affronter avec un jeteur de sort auprès d’eux ; il intervint pour les séparer ainsi qu’il l’avait fait avant, et le jeteur de sort lui demanda sa lance.
Donne-moi ta javeline, ô Hésus Cuchulainn.
Tu n’en as pas plus besoin que moi, répondit le Hésus Cuchulainn.
Alors je te maudirai par écrit, répliqua le sorcier.
J’ai assez donné pour préserver mon honneur aujourd’hui. Je ne suis pas tenu de satisfaire plus d’une requête par jour.
Alors je maudirai les Ulates, reprit le jeteur de sort, et ce sera par ta faute.
J’ai déjà aussi donné pour l’honneur des Ulates, répondit le Hésus Cuchulainn.
Alors je dirai du mal de ton peuple (chenel) poursuivit le jeteur de sort.
La nouvelle que j’ai perdu mon honneur ne parviendra jamais dans un pays où je n’ai jamais mis le pied donc où je ne saurais le défendre, car il me reste peu de temps à vivre.
Le Hésus Cuchulainn lui jeta donc son javelot, le manche en avant ; le javelot lui traversa la tête et transperça aussi trois fois neuf hommes derrière lui.
C’est donné avec colère, ô Hésus Cuchulainn, s’écria le jeteur de sorcier en rendant son dernier souffle.
Le Hésus Cuchulainn traversa ensuite une dernière fois de part en part les rangs ennemis.
Lugaid fils de Curoi ramassa le javelot qui avait servi et qui était entre les mains des fils de Calatin puis leur demanda :
Que va frapper ce javelot-ci, ô fils de Calatin ?
Il fera tomber un roi, répondirent-ils.
Mais je vous ai déjà entendu dire que le javelot lancé par Erc ce matin abattrait un roi !
Et c’était vrai, répondirent-ils, le javelot a touché le roi des coursiers de la verte Erin, à savoir le Gris de Macha.
Je le jure du serment que prête mon peuple, s’exclama Lugaid, le coup donné par Erc n’a pas touché le roi que ce javelot devait tuer.
Lugaid lança ensuite ledit javelot et atteignit le Hésus Cuchulainn, ses entrailles se répandirent sur le coussin du char, et son dernier cheval, le Noir de la Vallée Merveilleuse, s’en alla en emportant la moitié restante du joug ; il repartit en direction du Lac Noir de Muscraigé Tire, c’est-à-dire dans la vallée où le Hésus Cuchulainn l’avait jadis capturé. Le cheval une fois parvenu sur les lieux fit bouillonner toute l’eau du lac en se précipitant dedans.
Le Hésus Cuchulainn se retrouva donc seul dans son char au milieu du champ de bataille.
Il demanda : « je désirerais aller jusqu’au lac là-bas pour y boire ».
Nous te le permettons, répondirent-ils, pourvu que tu reviennes ici après.
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Je vous ferai signe de venir à moi, répondit le Hésus Cuchulann, si je ne peux pas revenir moi-même.
Ensuite il remit ses entrailles dans son ventre et gagna le lac tout en les maintenant avec une main.
Là il but et se baigna dans le lac en continuant de comprimer ses entrailles dans son ventre à l’aide d’une main. Voilà pourquoi le lac de la plaine de Muirthemné s’appelle le lac de l’aide de la main [Lamrath en gaélique]. On l’appelle aussi Lac de l’onde (cuil, dans le creux ??).
Après avoir bu un peu et s’être rafraîchi, le Hésus Cuchulainn s’éloigna de quelques pas. Il fit alors signe à ses ennemis de venir le rejoindre. Dodechaid iarum crích mór ond loch síar. & rucad a rosc airi. Il gagna la borne (ond) de la grande frontière qui se dressait à l’ouest du lac et y jeta un œil ? Il alla s’adosser à cette haute pierre qui est dans la plaine, et, à l’aide de sa ceinture, s’y attacha. Il ne voulait mourir ni assis ni couché, mais debout.
Ses ennemis vinrent se ranger tout autour de lui, mais ils restèrent là sans oser l’approcher, il leur semblait encore vivant.
« Honte à vous, dit Erc, fils de Coirpré le Héros des Guerriers. Honte à vous si vous ne prenez pas la tête de cet homme, si vous ne vengez pas mon père dont il a emporté la tête, mon père dont la tête, enterrée ensuite avec le cadavre d’Echaid le Héros des Guerriers, n’a été que plus tard réunie à son corps, dans le Sid de Nenta, derrière l’eau ?? (Síd Nenta iar nUsciu.) »
Alors survint le Gris de Macha auprès du Hésus Cuchulainn afin de le protéger tant que son âme serait en lui et que la lumière du héros (lon láith) continuerait de briller sur son front. Il effectua trois formidables charges tout autour de lui et tua cinquante hommes avec ses dents, chacun de ses sabots en fit périr trente. D’où le dicton : « les charges victorieuses du Gris de Macha ne manquèrent pas de mordant lors de la mort du Hésus Cuchulainn ».
Des oiseaux vinrent ensuite se percher sur l’épaule du Hésus Cuchulainn.
Aucun oiseau ne perchait jamais sur ce menhir d’habitude, s’exclama Erc fils de Carpre.
Ensuite Lugaid fils de Curoi tira par derrière les cheveux du Hésus Cuchulainn et lui coupa la tête. L’épée glissa de la main de notre héros et coupa la main droite de Lugaid qui tomba tranchée nette sur le sol. En guise de vengeance on coupa aussi la main droite du Hésus Cuchulainn.
Lugaid et l’armée se mirent ensuite en route en emportant avec eux la tête et la main droite du Hésus Cuchulainn et ils arrivèrent ainsi à Tara, là où se trouve encore le gisant de la tête et de la main droite du Hésus Cuchulainn ainsi que la tombe de son bouclier.
D’où ce poème de Cennfaelad, fils d’Ailill sans ses « Morts des Ulates ».
Le Hésus Cuchulainn est tombé dans l’enclos d’Airbe Rofir
Ce beau pilier, cet Hercule,
Ce grand champion qui a fait reculer les armées
For Mac Tri Con for Lugthig
Du fils de Curoi : de Lugaid ??
Nombre d’ennemis sont tombés devant lui.
Sa mort ne fut pas celle d’un lâche :
Quatre fois huit guerriers, quatre fois dix,
Quatre fois cinquante nobles princes.
Quatre fois trente en comptant bien
Quatre fois quarante, exploit plus redoutable encore !
Quatre fois vingt, quel chiffre
Tel est le nombre de morts dû au fils de Sualtam.
Dans sa fureur ? (athgubu) il a tué
Trente princes à coups de javelots
Presque sept vingtaines de puissants champions
Ont été hachées menu par lui.
Sa tête a été séparée de son corps
Et en tant que grand guerrier sur la colline de Tara
Sa tête a été déposée
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À côté du corps de Carpre Niafer.
Au-delà des eaux dans le sid de Nenta
Il y a la tête d’Eochaid
Et la tête du beau roi Carpre
Repose désormais dans Tethba près du corps d’Eochaid ????
Ensuite, l’armée se dirigea vers le sud. Elle atteignit la rivière de Liffey. Aussitôt arrivé là, Lugaid dit à son cocher : « Ma ceinture me paraît lourde à porter ; j’ai envie de me baigner ». Il s’éloigna et prit un bain. L’armée continua sa route. Un poisson vint entre les jambes de Lugaid, Lugaid l’attrapa, le tira hors de l’eau, le donna ensuite à son cocher, qui fit du feu pour le cuire.
Derg-Ruathar Conaill Chernaig.
Après s’être relevée de son indisposition annuelle, l’armée des Ulates quitta Emania Macha et se dirigea vers la montagne de Fuat dans le sud. Or malgré leur rivalité il y avait une convention entre les deux camarades, entre le Hésus Cuchulainn et Conall le Victorieux, à savoir que, quel que soit celui qui serait tué en premier l’autre le vengerait.
Si c’est moi qui suis tué le premier, avait demandé le Hésus Cuchulainn, à quelle vitesse me vengeras-tu ?
Le jour même où tu aurais été tué, avait répondu Conall, je te vengerai avant même que la nuit ne tombe. Et si je suis tué le premier, demanda Conall, à quelle vitesse toi me vengeras-tu ?
Avant même que ton sang n’ait eu le temps de refroidir sur la terre, répondit le Hésus Cuchulainn, je t’aurai vengé.
Conall était dans son char, en tête de l’armée des Ulates, il aperçut le Gris de Macha qui, tout couvert de sang, se dirigeait vers le lac Gris.
Conall chanta :
Aucun joug ne le conduit au lac Gris
Il galope couvert de blessures
Avec des brancards brisés du côté gauche
Tachés de sang d’homme et de cheval
Dû à la main droite de Lugaid
Lugaid fils de Curoi fils de Daré a tué
Mon frère de lait le Hésus Cuchulainn.
Puis Conall le Victorieux, guidé par le Gris de Macha, partit explorer les alentours. Tous deux aperçurent, attaché au menhir, le cadavre mutilé du Hésus Cuchulainn. Le Gris de Macha s’en approcha et posa sa tête sur la poitrine du mort. Conall aperçut non loin un muret de pierres sèches : je le jure, dit-il, par le serment que prête mon peuple, on appellera ce lieu désormais le mur du grand homme.
Que cet enclos, reprit le druide, porte désormais ce nom-là ; on appellera maintenant cet endroit le mur du grand homme [Airbe Rofir].
Puis Conall suivit les traces de l’armée irlandaise.
Lugaid était en train de se baigner. Surveille la plaine, dit-il à son cocher, que personne ne puisse arriver sur nous sans être vu.
Le cocher s’exécuta. Un homme à cheval est en train d’arriver sur nous, s’exclama-t-il, et il vient à toute vitesse ou à toute allure. On dirait que tous les corbeaux d’Irlande sont derrière lui. On dirait que des flocons de neige tombent sur la plaine devant lui.
Je n’aime guère ce cavalier qui arrive ici, répondit Lugaid, c’est Conall le Victorieux, monté sur le Rouge de Rosée. Les oiseaux que tu as vus derrière lui ce sont les mottes de terre que soulèvent les sabots de son cheval. Les flocons de neige que tu as vus tomber sur la plaine devant lui c’est l’écume qui sort de la bouche de son cheval et qui tombe des mors de la bride. Regarde encore une fois, demanda Lugaid, et dis-moi quelle est la route qu’il emprunte.
Il se dirige vers le gué, répondit le cocher, en suivant le chemin que l’armée a emprunté.
Puissent ce cheval et ce cavalier nous dépasser [sans nous voir] répondit Lugaid, nous ne désirons nullement l’affronter.
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Lorsque Conall le Victorieux eut atteint le milieu du gué, il regarda de chaque côté de lui :
Il y a de la buée sortant d’un poisson là-bas se dit-il.
Il regarda une seconde fois. Il y a de la buée venant d’un cocher là-bas, se dit-il.
Il regarda encore une troisième fois. Il y a de la buée de roi là-bas. Je ferais mieux d’aller voir.
Il y alla [et reconnut Lugaid].
Toujours bienvenue est la face d’un débiteur, s’exclama Conall. Celui auquel il doit quelque chose peut lui demander le remboursement de sa dette. Je suis ton créancier pour l’assassinat de mon camarade le Hésus Cuchulainn et je te demande donc maintenant de t’acquitter de cette dette.
Ta demande est illégale, répliqua Lugaid ; le succès que tu veux remporter contre moi en combat singulier ne sera légal que si tu l’obtiens en Munster.
Je ne demanderais pas mieux, répondit Conall, si pour aller dans le Munster nous pouvions ne pas suivre la même route, ne pas voyager de compagnie ni en causant ensemble.
Rien n’est plus facile répondit Lugaid ; je passerai par Belach-Gabruain, Belach-Smechuin, Gabuir, Maig-Laigen, et nous nous rencontrerons dans la plaine d’Argetros.
Lugaid y fut le premier. Conall, arrivé le second, jeta sur lui sa lance. Lugaid, qui fut atteint, avait le pied contre la haute pierre qui est dans le champ d’Argetros ; voilà pourquoi, dans la plaine d’Argetros, il y a désormais le menhir dit Pierre de Lugaid.
Après cette première blessure, Lugaid recula jusqu’à l’endroit appelé Tombe de Lugaid, près des ponts d’Ossory.
Les deux combattants échangèrent alors quelques paroles.
J’aimerais, dit Lugaid, que tu m’affrontes avec toute la loyauté due à un guerrier (fir fer).
Que veux-tu dire ? demanda Conall le Victorieux.
Que tu ne devrais te servir que d’une seule main contre moi, puisque je n’ai plus qu’une seule main désormais moi !
Tu auras ce que tu demandes, répondit Conall le Victorieux.
Et la main de Conall fut attachée à son flanc avec des cordes. Ensuite ils combattirent ainsi une grande partie de la journée et aucun des deux ne l’emporta nettement sur l’autre.
Quand Conall le Victorieux comprit qu’il ne l’emporterait pas, il avisa son coursier le Rouge de Rosée à côté de Lugaid. Ce cheval avait une tête de chien, et il s’en servait pour tuer des hommes durant les combats et des duels. Le cheval s’approcha de Lugaid et lui déchira les flancs d’où jaillirent ses entrailles qui tombèrent sur les pieds de Lugaid.
Malheur à moi, s’exclama Lugaid, tu n’as pas respecté les droits de l’homme (armé = fir fer) ô Conall.
Je te l’avais promis de ma part, répondit Conall, je ne t’avais pas donné ma parole pour ce qui est des bêtes et des animaux sans raison.
Je sais maintenant, poursuivit Lugaid, que tu ne repartiras pas sans avoir eu ma tête, puisque nous avons pris celle du Hésus Cuchulainn. Aussi aie donc ma tête en plus de la tienne propre, et ajoute mon royaume à ton royaume, ainsi que mes armes à tes armes. Car je préfère que ce soit toi désormais le plus grand héros de la verte Erin.
Puis Conall le Victorieux coupa la tête de Lugaid et il partit emportant cette tête. Il rejoignit l’armée des Ulates à Roiriu, dans le Leinster. La tête de Lugaid y fut posée sur une pierre, et on l’y oublia. Quand l’armée arriva ensuite à Gris, Conall demanda : « l’un de vous a-t-il emporté la tête ? »
Non, nous ne l’avons pas emportée avec nous, répondirent-ils tous.
Je le jure du serment que fait mon peuple, reprit Conall, il n’y a pas entre vous accord à demi (en gaélique midbinne). De là le nom de lieu Midbinne à Roiriu. Ils retournèrent donc chercher la tête. Ô prodige elle avait fait fondre la pierre ; elle était passée à travers.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 25.
L’aide de la main. Nous traduisons par aide le terme gaélique rath qui peut tout aussi bien signifier « sécurité » ou « rempart ».
Âme. Nous traduisons ainsi le terme gaélique anim qui vient du vieux celtique anamone mais influencé par le latin anima. À noter : il existait aussi le terme vieux celtique menman pour désigner l’esprit au sens d’intelligence ou de mémoire, bref la conscience. Les anciens druides semblent les avoir à la fois distingués, mais aussi confondus, dans un même destin après la mort. Certains indices laissent néanmoins penser que pour eux que le menman finissait par disparaître et se détacher de
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l’anamone dans l’au-delà, l’anamone ayant une durée de vie après la mort du corps beaucoup plus longue (jusqu’à la fin du cycle en cours ?).
Lumière du héros. En gaélique lon laith. Luan = lune (vieux celtique leuksna) et laith = héros (vieux celtique latis). Phénomène assez mystérieux qu’il n’est peut-être pas déplacé de comparer à l’auréole lumineuse censée entourer la tête de certains personnages, car un tel phénomène semble plus mythique que réel ou objectivement observable.
La religion de la Perse ancienne, le zoroastrisme, parle d’une lumière de gloire, la xvarnah, vieux celtique bellissama/bellissamos, une énergie à l’œuvre depuis l’aube des temps et qui perdurera jusqu’à l’acte final de la régénération du monde. Cette lumière est la substance même d’Ahoura Mazda. L’iconographie la représente comme un nimbe lumineux, une aura glorieuse.
L’auréole en religion est une forme d’aura fréquemment représentée par un cercle ou un disque plus ou moins flou, et à partir de la Renaissance par une ellipse (un cercle vu en perspective).
À l’origine, comme le prouvent les plus anciennes représentations picturales, l’auréole était bel et bien un disque et non un cercle, évoquant ainsi le disque solaire Rê de l’Égypte ancienne qui figurait notamment au-dessus de la tête de Horus ou de Hator.
Dans certaines représentations religieuses, elle peut être de forme carrée ou en losange. Le carré était destiné aux représentations de personnes encore vivantes alors que le cercle était destiné aux personnes mortes (art byzantin). Quand le corps est représenté nimbé ou auréolé, on est alors très proche de l’utilisation de la mandorle. L’auréole est l’expression de la lumière solaire et par extension de la lumière spirituelle. L’auréole est centrée sur la tête du personnage représenté. L’auréole ou le nimbe exprime de caractère sacré ou l’aura de la personne représentée.
On retrouve cette utilisation conventionnelle dans plusieurs religions, notamment dans le christianisme, dans le bouddhisme et l’islam (miniatures perses). Son utilisation existe déjà pendant l’Empire romain (représentation des dieux et des empereurs).
En occident, si à l’origine l’auréole est un cercle ou un disque parfait centré sur le visage ou la tête, à la pré-Renaissance, il devient un disque planant au-dessus de la tête. Il est alors représenté par les primitifs italiens en perspective afin de donner une réalité palpable à un concept ou une convention de représentation du caractère sacré. Puis suivant les vicissitudes de l’histoire artistique, l’auréole devient un halo lumineux, une flamme, une étoile.
Selon le médecin Bernard Auriol, ces représentations auraient leur pendant réel dans un « phénomène psycho-physiologique » résultant de la dévotion. Ainsi, certaines émotions (admiration, désir, amour, etc.) et certaines modifications de l’état de conscience (états d’éveil paradoxal) engendrent une dilatation pupillaire. Lorsque la personne, pleine d’admiration, regarde l’objet de cette admiration, ses pupilles se dilatent et rendent flou le contour de l’objet observé. Il est entouré d’un halo lié à ce phénomène perceptif. C’est ce phénomène qui est à l’origine de l’usage de la belladone par les belles Italiennes : la mydriase engendrée par cette plante, en agrandissant leurs pupilles, donnait à leur regard l’aspect fascinant du désir ou de l’admiration. L’homme regardé avait ainsi l’impression inconsciente d’être très apprécié par cette femme qui devenait dès lors, elle-même, très séduisante.
Origine plus prosaïque : les auréoles auraient pu être au départ des plateaux disposés sur la tête des statues représentant les saints, en vue d’éviter les excréments d’oiseaux ou tout autre projectile pouvant abîmer la statue. Ces plateaux, en forme de parapluies dirigés vers l’arrière, protégeaient aussi lesdites statues de l’eau et autres substances corrosives. Cette technique de protection fut beaucoup utilisée dans les églises, car les statues y étaient nombreuses, mais surtout placées en hauteur.
Des oiseaux. Il s’agit bien évidemment de la fée Mara Rigu/Morrigu/Morgane et de ses deux sœurs sous forme de corneilles (Bodua).
Un muret de pierres sèches autour d’une pierre dressée. Ce lieu a tout l’air d’être un monument mégalithique. Peut-être un tumulus analogue à celui reconstitué à Hochdorf au nord-ouest de Stuttgart en Allemagne. N.B. Nous ne prétendons pas évidemment que Cuchulainn a été enterré en ce lieu même si le lieu et les époques correspondent grosso modo à la naissance de son mythe.
Fir fer. Le fir fer ou droits de l’homme (en armes), était une sorte de code de l’honneur ou de code chevaleresque régissant les combats (on ne frappe pas par derrière, on ne se bat pas à plusieurs contre un, etc.). En l’occurrence il s’agit de ne pas profiter lâchement du handicap physique d’un
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adversaire. Nous reviendrons plus longuement sur le sujet dans notre opuscule consacré à l’éthique druidique.
Un cheval avec une tête de chien. Mahomet avait bien une monture, le Bouraq avec une tête de femme des ailes et une queue de paon (Pégase lui n’avait que des ailes) alors pourquoi pas ? Ajoutons pour finir que l’image celte du cheval à tête de chien est certainement moins absurde que celle de la monture de Mahomet à tête de femme et plumes de paon. Un cheval a des dents et peut mordre. Il existe même assurément des chevaux qui mordent plus que les autres. Qui mordent un peu comme des chiens pourrait-on dire. De là à dire qu’il y a des chevaux à tête de chien, il n’y a qu’un pas, que les bardes ont vite franchi. Ce genre de détails (ailes plumes de paon tête de femme tête de chien, etc.) prouve bien qu’à l’origine tout ceci n’est qu’un mythe historicisé. Avec ce genre de détails, nous ne sommes visiblement pas dans le monde ordinaire, le nôtre, mais dans le monde de l’imaginaire.
LE LAI DU SACRÉ CHEF.
(Laoidh na gCeann).
Augusta Gregory (1852-1932) a ainsi résumé les événements qui ont suivi (d’après divers poèmes).
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Aemer avait bien évidemment eu vent de ce qui s’était passé, à savoir que son époux avait trouvé la mort devant les hommes d’Irlande, à cause des pouvoirs des enfants de Calatin.
Levarcham ayant rencontré Conall Cernach entre-temps sur le chemin du retour, ce fut à elle que revint la triste tâche d’apprendre à la belle et tendre Aemer, que son époux avait donc été tué par les Irlandais.
C’est Levarcham qui lui avait appris l’événement, car Conall Cernach l’avait rencontré en route et lui avait demandé d’aller à Emania Macha pour annoncer la nouvelle ; là elle avait trouvé Aemer dans ses appartements, scrutant la plaine afin de connaître l’issue de cette bataille.
Toutes les femmes sortirent à la rencontre de Levarcham, et quand elles apprirent la triste nouvelle, elles se mirent toutes à pousser des cris déchirants, ou à sangloter en pleurant toutes les larmes de leur corps. Toute la ville et sa campagne autour prirent le deuil aussitôt, et des lamentations funèbres s’élevèrent de tous côtés.
Aemer et ses suivantes se rendirent sur les lieux où gisait le corps du Chien de Culann, elles firent cercle autour de lui et se mirent à nouveau à se lamenter, en poussant des cris à fendre l’âme. Conall survint avec la tête qu’il remit sur le corps du Chien de Culann et se joignit au chœur des femmes en pleurs, en se lamentant lui aussi.
Le Chien de Culann était notre bénédiction, un modèle d’honneur et de courage depuis sa plus tendre enfance.
Il n’est jamais tombé de plus grand héros que celui que Lugaid a tué. Il va manquer à beaucoup d’entre nous. Il n’y aura de paix nulle part dans ce pays tant que je n’aurai pas exécuté de ma propre main tous les rois ou princes irlandais.
Quelle honte pour moi qu’il ait été obligé de se lancer dans cette bataille sans Conall Cernach son frère avec lui, quelle pitié oh oui ! Qu’il ait dû y aller sans moi aussi à ses côtés ! Hélas, iI était un peu comme un fils adoptif pour moi et maintenant les corbeaux sont en train de se repaître de son sang. Il n’y aura plus jamais pour moi de joie ou de rire sur cette terre puisque le Chien de Culann nous a quittés.
Enterrons-le maintenant, dit Aemer.
Non, ce n’est pas le moment, répondit Conall, tant que je n’aurai pas fini de le venger sur les Irlandais ! De toute la plaine de Muirthemné montent des lamentations et des cris, tout le pays pleure le Hésus Cuchulainn. Il n’y en avait pas deux comme l’homme qui est là devant moi pour défendre notre terre ou monter la garde sur ses frontières ; son corps mutilé dans une mare de sang. Et il est logique que Lugaid, fils de Curoi, ait voulu participer à l’assassinat du Chien de Culann, car c’est Cuchulainn qui a tué les princes et les enfants de Deaguid autour de Famain, fils de Foraoi, et autour de Curoi fils de Daré lui-même.
Ces cris me troublent l’esprit et la mémoire s’exclama-t-il, et iI est dur pour moi ô Hésus Cuchulainn, d’y résister. Dire que je vais devoir vivre sans lui désormais ! Même les plus grands champions de cette île craignaient son épée. Tu emportes avec toi la moitié de mon cœur brisé, ô mon pauvre frère,
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et maintenant le poids de ma vengeance va s’abattre sur l’Irlande. Je ne quitterai pas une de leurs tribus sans y avoir fait des morts ou répandu des flots de sang, on entendra parler de ma marche vengeresse dans le monde entier, jusqu’à la fin des temps. Les hommes du Munster du Connaught et du Leinster vont payer très cher leur complot contre lui. Sans les maléfices des enfants de Calatin, aucun d’entre eux n’aurait été capable de l’entraîner ainsi dans la mort.
Rage et fureur guerrière s’emparèrent donc de Conall après ces lamentations funèbres et il partit sur son char à la poursuite des autres Irlandais, en empruntant le même chemin que celui qu’il avait pris pour rattraper Lugaid.
Aemer prit la tête du Hésus Cuchulainn dans ses mains, elle la lava soigneusement, la recouvrit de soie, et la serra sur sa poitrine tout en gémissant dessus.
Hélas ô hélas, comme elle était belle cette tête, et quel triste jour que celui qui s’est levé ce matin et nombreux sont les rois et les princes de ce monde qui la pleureraient à chaudes larmes s’ils savaient ce qui lui est arrivé, tout comme les poètes et les druides d’Irlande et d’Écosse.
Innombrables furent les joyaux, les trésors, ou les tributs, que tu avais ramenés à la maison venant des pays de la terre entière dans tes courageuses et puissantes mains.
Hélas, tête, hélas ô tête du Hésus Cuchulainn, des centaines de grands héros sont tombés devant toi et je veux que la mienne repose dans la même tombe à tes côtés. Que l’on ne fasse qu’une seule pierre tombale pour nous deux !
Hélas, main, trois fois hélas, main qui était si douce et qui m’a si souvent caressé la tête, tu m’étais si chère.
Et toi sa bouche qui m’était chère, hélas, bouche qui savait parler si doucement, depuis que l’amour a pour la première fois illuminé ta face, tu n’as jamais refusé quoi que ce soit aux faibles ou aux puissants.
Cet homme m’était cher, cet homme m’était cher qui aurait pu défaire une armée entière, chers ses cheveux et chères aussi ses joues si brillantes. Ce roi m’était cher, ce roi m’était cher, qui ne sut jamais rien refuser à quiconque demandait, il y aura trente jours ce soir que mon corps n’avait pas reposé à côté du tien.
Hélas les deux lances, hélas les deux lances, hélas le bouclier, ainsi que l’épée infaillible ! Qu’on les donne à Conall des batailles, il n’aura jamais de meilleur salaire.
Je suis heureuse a, je suis heureuse, ô Chien de Culann, seigneur de Murthemné, de ne t’avoir jamais fait honte par une quelconque infidélité. Heureux vraiment heureux vraiment sont ceux qui n’entendront plus jamais le chant du coucou, maintenant que le Chien de Culann nous a quittés. Je suis comme une branche emportée par le courant. Je ne me coifferai pas aujourd’hui. À partir d’aujourd’hui je n’ai plus rien d’autre à dire que des regrets. Et elle ajouta : il y a longtemps déjà que j’ai fait ce cauchemar, le Hésus Cuchulainn abattu par les Irlandais, qu’il m’est apparu que Dun Dalgan gisait à terre, son bouclier fendu en deux, sa lance et son épée brisées en leur milieu, Conall accomplissant des exploits sanglants sous mes yeux, et toi et moi tous les deux dans la même tombe. Ô mon amour, nous étions presque toujours en compagnie l’un de l’autre et nous en étions heureux. Même en cherchant partout dans le monde, du lever du soleil jusqu’au crépuscule, jamais on n’aurait pu trouver un bonheur semblable à celui qui nous unissait ; le Noir de la Vallée Sans Pareille, le Gris de Macha, Loeg le cocher, le Hésus Cuchulainn et moi. Mon cœur se brise dans sa poitrine d’entendre le désespoir et l’affliction des femmes et des hommes de ce pays, ainsi que les cris rauques des jeunes Ulates pleurant le Hésus Cuchulainn, et de voir le royaume d’Ulidia tout entier sans force ou plongé dans son indisposition annuelle, incapable de faire quoi que ce soit pour prendre sa revanche sur les Irlandais.
Et après avoir procédé ainsi à cette lamentation funèbre, Aemer ramena le corps du Hésus Cuchulainn à Dun Dalgan. Tous ses gens crièrent leur désespoir et leur chagrin de le voir ainsi, jusqu’à ce que Conall Cernach revienne de sa traversée sanglante de l’armée des Irlandais. Mais il ne se contenta pas de ne massacrer que les guerriers du Munster et du Connaught, sans avoir la main également rouge du sang des hommes du Leinster. Quand cela fut fait, il revint ensuite à Dun Dalgan avec ses hommes, mais ils ne firent pas la fête pour célébrer leur retour ce jour-là. Il rapporta les têtes des Irlandais sur une pique et les jeta sur la pelouse : toute la maisonnée poussa trois grands cris de triomphe en les voyant.
Aemer sortit et dit à Conall Cernach en le voyant : toute mon estime et tous mes meilleurs vœux de bienvenue à toi, roi de tous nos héros ! Que les nombreuses blessures que je vois sur toi ne soient pas cause de ta mort, car tu as vengé la traîtrise dont Ulidia fut victime et la seule chose qui te reste à faire maintenant, c’est de faire creuser notre tombe et de nous y coucher tous les deux, car je ne veux pas survivre au Hésus Cuchulainn.
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Mais avant, Conall, dis-moi donc à qui étaient toutes ces têtes que je vois là dans l’herbe, et à quels grands seigneurs d’Irlande elles appartenaient, car assurément leur sang a rougi tes armes. Dis-moi les noms des hommes dont les têtes gisent ici sur le sol.
Noble fille de Forgall des chevaux, Aemer au doux langage, c’est pour venger le Hésus Cuchulainn que j’ai ramené toutes ces têtes du sud.
À qui était la grosse tête noire qui a des joues plus lisses et plus rouges qu’une rose, celle qui est tout au bout sur le côté gauche, la seule tête qui n’a pas dû changer de couleur ?
C’est la tête du roi de Meath, d’Erc fils de Carpre aux chevaux rapides. Je l’ai ramenée de loin pour venger mon fils adoptif !
À qui était la tête que je vois là devant moi, celle qui a des cheveux si fins, aux sourcils si doux, mais aux yeux glacés ? Ses dents sont comme des fleurs blanches. De toutes ces têtes, c’est celle qui est la mieux proportionnée.
À un fils de Mave ravageur de ports, appelé Mané aux cheveux jaunes, un homme de cheval. J’ai laissé son corps sans tête derrière moi, tous ses gens sont tombés sous mes coups.
Ô grand Conall, toi qui n’as jamais failli, et la tête que tu tiens dans ta main, à qui était-elle ? Puisque le chien de Culann est mort, en quoi cette tête peut-elle te consoler ?
Il s’agit de la tête d’un fils de Fergus des chevaux, terreur des champs de bataille, un fils de ma sœur de la tour étroite ??? J’ai fait sauter sa tête loin de son corps d’un seul coup d’épée.
Et cette tête-là un peu plus à l’ouest, avec de magnifiques cheveux blonds, mais qui est encore toute tordue de douleur ? Sa voix m’était familière et il fut un temps mon ami.
C’est celle de l’homme qui a décapité le Hésus Cuchulainn, Lugaid, le fils de Curoi. Je l’ai étendu raide mort par terre, et après je l’ai décapité.
Et ces deux têtes-là un peu plus loin, Conall au bon jugement ? Ne me cache pas le nom de ces hommes que tu as terrassés, au nom de notre amitié je t’en conjure.
Il s’agit des têtes de Laigaire et de Clar Cuilt, deux hommes morts des blessures que je leur ai infligées. Ils avaient réussi à blesser notre fidèle Chien de Culann, leur sang a rougi mes armes.
À qui étaient ces deux têtes, là, un peu plus à l’est, ô grand Conall aux brillants exploits ? Leurs cheveux sont de la même couleur et leurs joues plus rouges que du sang de veau.
Il s’agit du brave Cullain et du hardi Conlaid, dont les colères pouvaient venir à bout de tout. Leurs têtes sont désormais ici, ô Aemer, j’ai laissé leurs corps gisant dans une mare de sang.
Et à qui étaient ces trois têtes à l’air si méchant devant moi au nord ? Leur figure est toute bleue et leurs cheveux tout noirs, même les yeux impitoyables de Conall s’en détournent.
Trois des plus ennemis du Chien de Culann, les filles de Calatin, expertes en maléfices. Ce sont les trois sorcières que j’ai tuées moi-même, elles sont tombées les armes à la main.
Ô grand Conall, père de tant de rois, et à qui était cette tête qui a dû sortir victorieuse de plus d’un combat ? Ses cheveux broussailleux ont la couleur de l’or, et sa coiffure est douce comme de l’argent.
Il s’agit de la tête du fils de Ros aux cheveux rouges, fils de Necht Min, que la force de mes mains a terrassé. Ceci, Aemer, est sa tête, la tête du haut roi du Leinster aux épées piquetées de mouchetures.
Ô grand Conall, il serait peut-être plus simple de me dire combien de ceux qui lui ont fait du mal, sont tombés sous les coups de ta main qui n’a pas failli afin de venger la décapitation du Hésus Cuchulainn.
C’est ce que j’étais en train de te dire, dix-sept vingtaines de centaines d’entre eux sont tombées devant la colère de ma puissante épée ou de celle de mes hommes.
Ô Conall, que font les femmes de cette île maintenant pour le Chien de Culann ? Sont-elles en train de pleurer le fils de Sualtam ? Lui montrent-elles du respect en éprouvant du chagrin ?
Ô Aemer, que vais-je faire maintenant sans mon petit Chien de Culann, sans mon petit enfant, allant de-ci de-là autour de moi cette nuit ?
Alors, accompagne-moi maintenant à ma dernière demeure, ô Conall, fais dresser ma pierre tombale à côté de celle du Hésus Cuchulainn puisque c’est à cause du chagrin que sa mort m’a causé que je vais mourir, et colle mes lèvres contre les siennes.
Je suis Aemer aux Jolies Formes, je n’ai plus rien à venger, je n’ai plus d’amour dans le cœur pour un autre homme. Il m’est pénible de survivre à mon époux bien aimé.
Et après ça donc Aemer pria Conall de faire creuser une large et profonde tombe pour le Hésus Cuculainn ; puis s’étendit aux côtés du compagnon qui avait partagé sa vie. Elle l’embrassa et murmura : « Amour de ma vie, mon ami, mon cœur, toi que j’ai choisi parmi tous les hommes de la terre, innombrables sont les femmes, mariées ou pas, qui m’ont enviée jusqu’à aujourd’hui : et je ne veux pas vivre sans toi.
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Ensuite la vie la quitta et le Hésus Cuchulainn et elle furent enterrés dans la même tombe par Conall. Il fit ériger une même stèle funéraire et y grava leurs noms en runes oghamiques. Ensuite lui et tous les Ulates se mirent à pleurer.
Retour au manuscrit du livre du Leinster.
Conall et les Ulates revinrent ensuite à Emania Macha. Ils n’eurent pas le cœur à rentrer triomphalement cette semaine-là. Mais l’âme du Hésus Cuchulainn apparut alors aux trois fois cinquante reines qui l’avaient bien aimé, elles le virent sur son char devenu glorieux (siaburcharpat) au-dessus d’Emania Macha, et elles l’entendirent chanter quoique mort :
Emania ! O Emania !
Puissant royaume !
Note de la rédaction. Suit un énième trucage des textes de la part des chrétiens ayant noté toutes ces légendes. Ils ont profité d’un passage du mythe de notre héros soulignant le rôle psychopompe du char dans les funérailles celtes antiques (une vingtaine de tombes à char ont été mises au jour, datant le plus souvent du Ve siècle au IIe siècle avant notre ère, presque toutes dans le Yorkshire (une seule découverte à Newbridge, 10 km à l’ouest d’Édimbourg).
À moins bien évidemment que notre héros a réellement pu prédire et prophétiser la venue de saint Patrice (Succet). En ce qui nous concerne, nous préférons laisser ce genre de naïvetés aux chrétiens.
Tan ré Talcind trebfait iathu Emna. Ticfat de Eoraip Elpae. Di usciu ethar domuin dobním co sluagaib Succet, etc., etc., etc.
Un temps viendra où des hommes à la tête rasée [des prêtres chrétiens] viendront habiter sur les terres d’Emania. Ils viendront des Alpes d’Europe sur des navires entre la terre et les cieux, Patrice et ses nombreux compagnons, etc., etc., etc.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 26.
Je ne veux pas survivre. Désolé mesdames, mais l’idée maintes fois exprimée par tous ces récits est que l’héroïne ou la femme ne doit pas survivre à son époux. C’est difficile à comprendre après deux mille ans de christianisation à outrance, mais il semble bien les hommes et les femmes de l’Antiquité celtique étaient tellement sûrs de la survie de leur âme après la mort qu’ils n’hésitaient pas, du moins si l’on en croit certains témoignages, à se jeter sur le bûcher funèbre de leur défunt.
« Un des préceptes qu’ils enseignent – évidemment pour les rendre plus aptes à faire la guerre – est devenu de notoriété publique, à savoir que les âmes/esprits [latin animas] sont immortelles et qu’il existe une autre vie chez les Mânes. C’est pourquoi ils brûlent et enterrent avec le mort des choses qui conviennent aux vivants. Et jadis les comptes des marchands ainsi que les registres de dettes accompagnaient, eux aussi, les morts, afin d’être soldés ou honorés dans l’autre monde ; certains individus se jetaient même gaîment sur le bûcher funèbre de leurs êtres chers, comme s’ils allaient revivre avec eux » (Pomponius Mela, Chorographia, livre III, chapitre II, 19).
Les têtes coupées. L’usage de collectionner les têtes en guise de trophées n’est pas universel. Les anciens Égyptiens se servaient plutôt des phallus ou de mains pour cela. Les anciens druides à la différence des Grecs ou des Romains qui se moquaient beaucoup de ces « barbares ignorants » pour cela, pensaient que le siège de la vie et de la conscience des individus, résidait dans leur cerveau et non dans leur cœur. Afin de s’assurer de la mort définitive d’un adversaire, les Celtes préféraient donc lui couper la tête. Diodore nous montre les Celtes qui ont pris Rome à l’exception du Capitole passant une journée entière à couper la tête aux morts selon la coutume de leur nation. Sur le Continent cet usage observé par Posidonios a très tôt disparu, mais il longtemps persisté en Irlande apparemment. Avait-il à l’origine un sens magique, un intérêt religieux ? Ainsi que le rappelle Albert Bayet dans sa magistrale histoire de la morale, en Polynésie et en Malaisie on fixait les têtes que l’on pouvait se procurer sur le toit de la hutte et les ennemis d’autrefois devenaient ainsi des gardiens et des
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protecteurs. Mais rien ne dit que les Celtes qui clouent des têtes dans leur demeure aient une idée de ce genre. Il est possible qu’ils veuillent tout simplement exhiber les preuves de leur valeur.
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ÉPILOGUE.
LE CHAR ÉTHÉRIQUE DU HÉSUS CUCHULAINN.
SIABURCHARPAT CON CULAINN.
Ainsi que nous avons eu l’occasion de le voir, le manuscrit relatif à la mort du héros (Aided Con Culainn) dans le livre du Leinster se termine en apothéose c’est-à-dire par la montée au ciel sur un char « glorieux » de l’âme/esprit du Hésus/Cuchulainn, et ce au vu et au su des cinquante reines qui avaient auparavant tenté de le retenir. Pourquoi seulement des femmes direz-vous. Il y a dans nos textes une réponse simple à cette question (ce qui n’est pas le cas des quatre évangiles à propos de la résurrection de leur héros à eux) : parce que les hommes étaient tous cloués au lit par leur maudite indisposition annuelle appelée Ces noinden Ulad.
Ce fragment de mythe corroboré en archéologie par les tombes à char a donc été repris par un auteur chrétien qui l’a développé à sa façon et en le transformant donc en une sortie des enfers du Hésus Cuchulainn à l’appel de saint Patrice.
Les chrétiens du Moyen-âge irlandais étaient en effet confrontés à un paradoxe. La nouvelle foi leur enseignait que Sétanta Cuchulainn ne pouvait que brûler ou croupir en enfer pour l’éternité puisqu’il était incontestablement païen, mais ils avaient du mal à l’admettre.
Mettant sans le savoir leurs pas dans ceux des druides antiques, retrouvant sans le savoir la solution théologique jadis théorisée par les druides antiques (l’enfer n’existe pas), ils ont alors imaginé que leur héros de prédilection coulait désormais des jours heureux au paradis tout simplement parce qu’il n’avait fait qu’un court séjour en enfer. Notons d’ailleurs que c’est sans doute en Irlande au Moyen-âge qu’a été peu à peu élaborée la notion de purgatoire, qui permet ainsi de dépasser l’alternative : enfer ou paradis.
Le Siaburcharpat Con Culainn est un texte datant vraisemblablement du XIe siècle et mettant donc en avant ainsi que nous avons pu le voir la notion très druidique de char « psychopompe » (conduisant dans l’autre monde l’âme et l’esprit des guerriers morts).
Seul le récit de la chevauchée fantastique de Cuchulainn est évidemment authentique. Tout le reste a été rajouté par les moines copistes. Car il va de soi que le hésus Cuchulainn ne s’est jamais abaissé à supplier saint Patrice de l’envoyer au Paradis ou au Purgatoire. Notons au passage l’immense orgueil du comportement du saint, quasiment idolâtré par ce récit. La modestie et l’humilité ou le relativisme culturel ne sont pas des vertus chrétiennes très pratiquées, apparemment. Certains détails sont néanmoins troublants : l’idée qu’un vent glacial puisse sortir d’un autre monde par exemple.
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Patrice se rendit un jour à Tara pour achever de convertir à la vraie foi le roi d’Irlande, c’est-à-dire Loegaire, fils de Niall, qui était le roi régnant sur le pays à ce moment-là. Car il ne croyait pas en Notre Seigneur bien qu’ayant eu l’occasion d’entendre de nombreux prêches à son sujet.
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Loegaire répondit à Patrice : je ne croirais ni en toi ni en Dieu, tant que tu n’auras pas fait apparaître Cuchulainn dans toute sa gloire, tel qu’il est décrit dans nos antiques légendes. De telle sorte que je puisse le voir et m’adresser directement à lui. Après ça je croirai en toi.
Rien n’est impossible à Dieu, répondit Patrice.
Un messager de Dieu apparut alors à saint Patrice et demanda que lui et Loegaire attendent jusqu’au lendemain sur le rempart de la forteresse de Tara, car c’est là que devait lui apparaître Cuchulainn.
Après avoir vu Cuchulainn dans son char de guerre, Loegaire alla retrouver Patrice qui lui demanda.
Quelque chose t’est-il apparu ???
J’ai vu en effet quelque chose, répondit Loegaire, mais il n’est pas en mon pouvoir de te le dire, tant que tu n’auras pas fait le signe de croix sur ma bouche, afin de la consacrer.
Je ne ferai pas de signe de croix sur ta bouche, rétorqua Patrice, tant que tu n’auras pas fait ce que je te demande. Par contre, je bénirai l’haleine qui sort de ta bouche, afin que tu puisses sans danger me décrire l’apparition qui s’est manifestée à tes yeux.
Alors que j’étais en train de me promener sur la pente du char, en direction de la colline du tertre des fées, sur le plateau de l’assemblée, au milieu de la plaine de Mac Oc ; j’ai vu au loin une bourrasque glaciale et perçant comme une pointe de lance à double tranchant, foncer sur nous. Elle manqua de peu de nous scalper ou de nous jeter à terre. Je demandai alors à Bénign ce que cela signifiait. Bénign me répondit que c’était le vent qui avait dû s’échapper de l’enfer, après que ses portes se sont ouvertes devant Cuchulainn.
Un épais brouillard tomba ensuite sur nous. Je demandai encore une fois aussitôt, à Bénign, ce que pouvait bien signifier un tel brouillard. Bénign me répondit que ce brouillard était l’haleine d’hommes et de chevaux en train de traverser la plaine devant moi.
Nous vîmes alors apparaître une nuée de corbeaux au-dessus de nos têtes. Le pays tout entier était rempli d’oiseaux, de la terre jusqu’au ciel. J’interrogeai de nouveau Bénign à ce sujet, il me répondit que c’étaient des mottes de terre ou de gazon arrachées par les sabots des chevaux attelés au char de Cuchulainn. Nous aperçûmes alors la silhouette des deux chevaux dans le brouillard, et celle des hommes ayant pris place dans ce grand char, un cocher debout derrière, un prince au geste rapide, qui suivaient leur chemin.
Je pus observer après cela les deux chevaux. Ils étaient quasiment égaux en beauté comme en taille, et ne différaient que par la forme et la couleur. Pour ce qui est de la vitesse, de la symétrie, et du mouvement, ils étaient rigoureusement identiques. Très larges étaient leurs sabots ainsi que leur croupe, ils étaient d’une couleur magnifique et vraiment remarquables pour ce qui est de la taille et de la puissance. Leurs têtes étaient fines, avec de grandes lèvres et de très grands yeux. Leur poitrine était rouge et avait le poil bien réparti et lisse. Ils supportaient à merveille le joug et attiraient l’œil par la grande noblesse de leurs mouvements. Leur crinière et leur queue formaient des courbes élégantes.
Derrière ces deux chevaux, il y avait un char spacieux, et sous lui deux robustes roues noires. Au-dessus flottaient deux rênes identiques. Les deux brancards étaient fermes et droits comme des épées. Les rênes étaient souples et superbement décorées, le bâton pour aiguillonner les chevaux, fait d’argent avec un fil de bronze blanc. Le joug était ferme et en or, la bâche pourpre et les aménagements intérieurs verts.
À l’intérieur il y avait un guerrier. Sa chevelure était très épaisse et noire, lisse comme le veau qu’une vache a léché. Ses yeux vifs et brillants étaient gris-bleu. Il avait une tunique de pourpre violette avec des lisérés en or blanc. Il portait une cape rejetée en arrière sur ses épaules, et fixée sur sa poitrine par une broche en or rouge. Un manteau à capuchon au liséré d’un rouge flamboyant. Il avait une épée avec une poignée en or sur chacune de ses cuisses, et dans la main une large lance grise à la hampe en frêne sauvage. Il avait en outre à ses côtés un dard empoisonné très acéré. Dans son dos à hauteur des épaules, il y avait un bouclier pourpre rond, bordé d’argent, sur lequel étaient des entrelacs en or représentant des animaux chassés. Ses dents étaient comme une rangée de perles.
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Ses sourcils étaient plus noirs qu’une broche à cuire sur le feu, et plus rouges qu’un rubis étaient ses lèvres.
Devant lui sur le char, il y avait son cocher, un homme très mince, presque décharné, grand, un peu voûté, couvert de taches de rousseur. Il avait des cheveux roux frisés sur la tête, et un cercle de bronze blanc sur le front, afin d’empêcher sa chevelure de lui tomber sur le visage. Au-dessus des oreilles des globes en or dans lesquelles ses cheveux étaient coiffés en chignon. Il avait un petit manteau lui protégeant les épaules jusqu’au coude, et à la main pour faire accélérer les chevaux, un petit fouet en or rouge.
Il me sembla bien que c’était Cuchulainn et Loeg son cocher qui étaient là sur ce char, et que les deux chevaux de l’attelage étaient le Noir de la Vallée Merveilleuse, ainsi que le Gris de Macha.
Crois-tu en Dieu désormais, Loegaire, demanda Patrice, puisque Cuchulainn lui-même est venu te parler ?
Si c’est bien Cuchulainn que j’ai vu, il n’est pas resté assez longtemps pour que je puisse discuter avec lui.
Dieu est tout puissant, rétorqua Patrice ! C’était bien Cuchulainn, mais il va donc revenir une nouvelle fois pour toi.
Ils restèrent sur place et ils aperçurent le char tiré par les deux chevaux traversant la plaine, droit dans leur direction. À l’intérieur il y avait Cuchulainn, en habit de guerre, et Loeg fils de Riangabra pour lui servir de cocher. Cuchulainn exécuta devant eux, entre ciel et terre, 27 de ses plus célèbres bottes secrètes.
Le coup du bruit des neuf c’est-à-dire le coup de Cat, le coup de Cuar, le coup de Daré, le coup aveugle des oiseaux, le coup du saut sur le poison, le coup du lit du brave champion replié, le dard mugissant
Le coup rapide, l’ardeur du cri, le cri du héros, le coup de la roue, le coup de taille, le coup de la pomme, le coup bruyant, l’ascension de la corde, l’extension du corps sur la pointe de la lance, les liens du noble champion, le coup en retour, et le coup donné avec mesure.
Quant au cocher, sa maîtrise des rênes dépassait tout ce que l’on peut en dire. Il planait littéralement au-dessus de la buée ou de l’haleine des chevaux.
Cuchulainn vint ensuite retrouver Patrice et le salua en lui disant :
Je te supplie humblement
Ô très saint Patrice,
De m’accepter parmi les tiens
De bien vouloir me prendre avec tes fidèles
Dans le pays des vivants.
Ensuite il s’adressa au roi en ces termes : crois en Dieu et en saint Patrice, ô Loegaire, et puisse la terre ne pas t’engloutir ! Car ce n’est pas un démon qui est venu jusqu’à toi, mais Cuchulainn fils de Sualtam. Qu’il y ait un monde pour les braves est une loi de la Terre, cacha ciuin celur ????? Le monde des héros est la terre, les saints appartiennent au ciel. Comme relève de l’ordre des démons tout ce à quoi tu penses, c’est donc droit vers leur monde que ton char se dirige à toute allure.
Cuchulainn s’arrêta de parler un instant, mais Loegaire resta silencieux.
Qui a conduit les hommes de Breg, ô Loegaire ? reprit Cuchulainn. Qui s’est assis sur leurs collines ? Qui a monté la garde sur leurs gués ? Par qui leurs femmes se sont-elles fait enlever ?? De qui sont tombées amoureuses leurs filles ??
En quoi cela nous regarde-t-il toi et moi ? demanda Loegaire.
139
Il y eut un temps, ô Loegaire, où j’allais parmi eux, où je vivais parmi eux, où je veillais sur eux. J’étais leur petit champion adoré, avec qui tous aimaient rivaliser. Il y eut un temps, ô Loegaire, où c’était moi qui menais leurs assauts, où je faisais leurs combats. J’étais le victorieux et brave Cuchulainn, celui qui poussait leurs cris de guerre, celui qui avait toujours du sang ennemi sur les mains jusqu’au poignet, et qui montait la garde sur la riche plaine de Muirthemne. Crois en Dieu et en Patrice, ô Loegaire, car ce n’est pas un démon qui est venu à toi, mais Cuchulainn, fils de Sualtam.
Si c’est bien Cuchulainn qui est ici présent, rétorqua Loegaire, alors il pourra nous raconter quelques-uns de ses exploits, non ?
C’est la stricte vérité, ô Loegaire, répondit Cuchulainn. J’étais celui qui avais mis fin à la coutume de livrer des otages en montant la garde sur les gués de nos territoires ; j’avais la main lourde en combattant les héros ou les armées de nos ennemis. J’avais coutume de chasser les hordes étrangères après leurs ruées puis de laisser leurs troupes à demi mortes sur les montagnes, après avoir tué tous leurs chefs en combats singuliers.
Si tu as réellement accompli tous ces hauts faits que tu racontes, c’est que tu avais l’étoffe d’un héros, mais ce ne sont pas là nécessairement des exploits du chien de Culann
C’est pourtant la stricte vérité, rétorqua Cuchulainn.
Nipsa cu-sa gabala lais,
bam-sa cu-sa gabala uis.
Nipsa cu-sa cuipp i n-urcuill,
ba-sa cu-sa comnart do comlund.
Nimsa cu-sa imlomtha fuidhel
ba-sa cu-sa tairdbi buiden.
Nimsa cu-sai ingairc gamna,
ba-sa cu-sa aurbuidhe Eamnai.
Je n’étais pas un chien domestique destiné à courir autour d’une maison ??????
J’étais un chien destiné à courir le cerf
Je n’étais pas un chien ????
J’étais un molosse destiné au combat
Je n’étais pas un chien rongeant son os ????????
J’étais un chien qui s’en prenait à des armées entières
Je n’étais pas un chien destiné à garde les veaux
J’étais un chien destiné à garder les trésors d’Emania.
Si ces hauts faits ont bien été comme tu dis, alors c’est que tu as vraiment l’étoffe d’un héros.
Oui, c’est vrai, ô Loegaire, j’avais bien l’étoffe d’un héros !
Ba-sa herr-sa, ba-sa hara.
Ba-sa hara carpait mair.
Ba-sa maoth fri maithi,
Ba-sam imnedach frimm tair.
Ba-sa nainendach mo namad.
Nim-sa neimtenga mo crich.
Ba-sa comrar gacha ruine do ainnrif Ulad.
Ba-sa mac la macca,
Ba-sa fer la firiu.
Ba-sa coscur-sa for ath.
Ba-sa maith frim air,
Ba-sa ferr frim molad.
J’étais un seigneur, j’étais un chef
J’étais le chef d’un grand char.
J’étais poli avec les gens aimables
J’étais bienveillant avec le petit
J’étais cethreochur dans la bataille,
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J’étais cethreochur dans les combats,
J’étais dur avec mes ennemis
Je n’étais pas la langue de vipère de mon pays
J’étais le tombeau de tous secrets des Ulates
J’étais un enfant avec les enfants
J’étais un homme avec les hommes
J’étais victorieux sur les gués
J’étais bon dans la critique
J’étais meilleur encore dans le compliment.
Si c’est vraiment Cuchulainn qui est ici, rétorqua Loegaire, il peut bien nous parler de quelques-uns des périls qu’il a dû affronter, non ?
Cela est vrai, ô Loegaire, répondit Cuchulainn.
J’avais l’habitude de traquer leurs multitudes
Avec le hardi Cunocavaros/Conchobar
C’était en territoire étranger
Que j’avais l’habitude de remporter chacune de mes victoires.
J’ai accompli des prouesses au-dessus de l’haleine
Au-dessus de la buée des chevaux
Devant moi de chaque côté
De grandes batailles ont été livrées.
J’ai livré des combats
Aux champions de ces tribus
J’étais le héros à l’épée rouge
Après le massacre de ces armées.
J’ai frappé de taille
Sur les pointes de leurs épées
J’ai obtenu leurs dépouilles
??????????????????
J’ai fait un voyage,
Qui m’a mené au Pays des ombres :
Une forteresse avec des serrures de fer
????????
Il y avait sept murailles autour de cette forteresse
Horrible forteresse
Et pour chaque mur une palissade de fers
Sur laquelle il y avait 9 ?? têtes
Des portes de fer de chaque côté…
…………………………………………
Note de la rédaction : pour avoir la suite de cette énième aventure (echtra) de Cuchulainn dans cet horrible et lugubre royaume du nord, il tue un géant, etc. se reporter au manuscrit en gaélique. En ce qui nous concerne tout ce que nous pouvons dire, c’est que le pieux chrétien auteur de cette histoire édifiante place dans la bouche de notre héros une bien invraisemblable description de l’enfer (une spécialité chrétienne et musulmane) et une aussi peu crédible supplication à l’intention de saint Patrice.
Ce que j’ai enduré comme souffrances
Que ce soit sur les mers ou sur terre
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N’est rien comparé à une seule nuit
Passé avec le démon quand il est colère.
Mon pauvre corps a été mutilé
Par Lugaid le Victorieux
Les démons ensuite ont transporté mon âme
Au milieu des charbons ardents.
J’ai joué de mon petit javelot sur eux
J’ai joué de mon gae bolga ;
robadhusa a comchetfaid ?????
fri demon a pein ???
Mais j’ai dû néanmoins me résoudre
À subir ma peine avec le démon???
Aussi grand qu’ait pu être mon héroïsme
Aussi dure qu’ait pu être mon épée
Le diable m’a écrasé avec un seul de ses doigts
Dans les charbons ardents !
……………………………
Même si tu pouvais jouir de toutes les beautés
D’une vie perpétuelle sur cette terre,
Mieux vaudrait une simple place dans le ciel
Aux côtés du Christ fils du Dieu vivant.
Je t’en supplie, O saint Patrice
Fais qu’en ta présence je puisse venir
Prends-moi aussi avec tes fidèles
Jusqu’au pays où tu les conduis.
Crois en Dieu et en saint Patrice, O Loegaire, afin que la terre ne t’engloutisse pas. Car elle t’engloutira si tu ne crois pas en Dieu et en saint Patrice, car ce n’est pas un démon qui est venu à toi, c’est Cuchulainn fils de Sualtam.
Il se produisit alors ceci : la terre se déroba sous les pieds de Loegaire, et les portes du Ciel furent ouvertes devant Cuchulainn, Loegaire crut donc en Patrice.
Grand a été le pouvoir de Patrice en réveillant Cuchulainn après neuf fois cinquante ans passés dans la tombe, c’est-à-dire depuis le règne de Conchobar mac Nessa (celui qui naquit en même temps que le Christ) jusqu’à la fin du règne de Loegaire fils de Niall, fils d’Eochaid Muigmedon, fils de Mufredach Tirech, fils de Fiachra Roptine, fils de Carpre Liffechar, fils de Cormac Ulfada, fils d’Art le fils unique, fils de Conn aux cent batailles, fils de Feradach Rechtmar, fils de Tuathal Techtmar, fils de Feradach Finnfachtnach, fils de Crimthann Niadhar, fils de Lugaid aux raies rouges. Et lui (c’est-à-dire Lugaid) était le fils adoptif de Cuchulainn fils de Sualtam.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 27.
Quelque chose t’est-il apparu ??? Quand on y réfléchit bien cette vision ne prouve nullement que le petit dieu tribal d’Abraham d’Isaac et de Jacob est le seul dieu existant, tout puissant, etc. mais que les âmes/esprit survivent après la mort du corps. Ce dont les druides n’ont jamais douté du moins depuis cette époque lointaine justement (VIe siècle avant notre ère). Loegaire a bien raison de flairer une arnaque de la part de saint Patrice et d’être a priori incrédule : un prêtre chrétien sortant un héros païen de l’enfer pour convertir un roi ??? Il semble bien d’ailleurs que Loegaire n’ait jamais été baptisé, seules ses deux filles l’auraient été ou du moins auraient eu saint Patrice pour précepteur. Eh oui, contrairement aux légendes, la christianisation a plus souvent été de pair avec la conversion des chefs (comme l’empereur romain Constantin) ou des filles de chef (comme Loegaire) qu’avec celle des petits, des obscurs et des sans grades, du moins dans les campagnes.
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COMMENTAIRE GÉNÉRAL.
Saint Patrice n’est pas le premier chrétien d’Irlande. Quand saint Patrice est arrivé en Irlande, il y avait déjà des chrétiens dans le sud du Munster depuis un certain temps. Ibar mac Lugna, patron de Beggerin, saint Ciaran premier évêque d’Ossory, Declan mac Eircc d’Ardmore, Abbán moccu Corbmaic de Moyarney, etc.
Saint Patrice n’a fait que développer une communauté chrétienne de son côté.
La première forme de christianisme organisé que nous trouvons dans l’île n’est pas un christianisme de type catholique romain ou diocésain, mais un christianisme monastique : des moines dirigés par un abbé.
On peut considérer qu’en Irlande le christianisme a emporté définitivement la partie à la bataille de Cul Dreimme qui eut lieu vers 570 (3000 morts) ou à l’occasion de l’assemblée synode ou concile local de Druim Cetta, qui se déroula quelques années plus tard, vers 575.
La bataille de Cul Dreimme fut en effet livrée pour un psautier (le Cathach, recopié d’un autre livre d’ailleurs) et gagnée par les partisans de saint Colomban d’Iona qui le brandirent devant eux afin de remporter cette bataille.
D’où la coutume par la suite dans le clan O’Donnel de faire trois fois le tour de leur armée avec, avant chaque bataille, afin de s’assurer la victoire (peut-on mieux marquer la victoire définitive du christianisme dans le pays ?).
Il s’agit donc de l’équivalent irlandais de la célèbre bataille d’Arthuret qui vit Merlin sombrer dans la folie suite à la mort de son mécène et protecteur le prince païen Gwenddoleu mab Ceidio, Gwendolleu du Strathclyde, vers 573.
Quant à l’assemblée de Druim-Cetta, elle fut essentiellement politique (un conflit à trancher entre rois d’Écosse et rois d’Irlande), mais elle régla également le sort des vellèdes restés plus ou moins païens. Saint Colomban là encore y intervint en personne et un compromis fut trouvé. Les vellèdes purent continuer à exercer leurs activités, mais à la condition expresse de se cantonner à leur seule vocation littéraire. Ils furent donc assimilés à de simples poètes ou à de simples bardes. D’où le fait qu’en gaélique le terme file ou filid est systématiquement traduit par poète ou barde.
LA NAISSANCE DU CONCEPT DE PURGATOIRE.
Les chrétiens doivent une fière chandelle à Cuchulainn, c’est en effet peut-être grâce à lui qu’ils ont « découvert » la notion de purgatoire, qui leur permet d’échapper ainsi à la redoutable alternative « enfer ou paradis ». Les chrétiens doivent une fière chandelle à Cuchulainn, c’est en effet à cause de lui et pour lui (pour le sauver des éternelles peines de l’enfer) que leurs clercs ont inventé la bien pratique notion de purgatoire qui leur permet d’atténuer quelque peu les rigueurs de l’enfer (en y mettant l’espoir d’un sortir un jour, grâce à l’intercession ou grâce aux prières des vivants. Dans le christianisme les âmes des vivants restent en effet toujours solidaires des âmes du purgatoire et c’est là une idée que les chrétiens tiennent sans doute de l’ancien druidisme. Aucun homme n’est une monade fermée sur elle-même. Toutes nos existences sont en profonde communion entre elles, elles
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sont reliées l’une à l’autre au moyen de multiples interactions. Cette interaction entre le monde des morts et celui des vivants se manifestait constamment à en croire les légendes irlandaises, mais surtout à l’occasion de la fête de Samon(ios).
L’auteur chrétien de ce récit a repris diverses traditions concernant notre héros et notamment le thème des aventures dans l’autre monde (echtra) ainsi que celui de la montée au ciel de son âme/esprit sur un char éthérique pour les besoins de sa cause. Il lui a suffi ensuite de transformer en séjour infernal ce récit d’une aventure dans l’autre monde. Phénomène fréquent dans la littérature chrétienne de cette époque, car de même que les musulmans actuels se servent de divers moyens (peine de mort pour apostasie blasphème, etc. pour dissuader leurs fidèles de se convertir à une autre religion, eh bien les chrétiens d’alors se sont beaucoup servis de la crainte de l’enfer dans leur prédication. Mais notre héros avait-il réellement besoin de l’aide de saint Patrice pour se sortir d’une echtra ou aventure dans l’autre monde même grouillant de monstres et d’horribles géants ? Nous ne le croyons pas ! Notre auteur a transformé un récit où Sétanta Cuchulainn sortait une fois de plus vainqueur de sa lutte contre d’innombrables ennemis tous plus ou moins redoutables les uns que les autres en une longue séance de tortures infligées par le démon)…
Une fois qu’une âme est en enfer, elle ne peut en sortir, c’est pour l’éternité ! L’idée même que saint Patrice a pu faire sortir Cuchulainn d’un séjour des morts autre que le paradis 400 ou 500 ans après sa mort prouve que dans l’esprit de l’auteur de ce texte il devait déjà s’agir de quelque chose d’autre, le lieu ou l’état de l’être, que l’on appelle aujourd’hui le Purgatoire. En tout cas pas de l’enfer au sens strict du terme.
Le thème de base ainsi réutilisé par ce pieux chrétien pour en arriver ainsi à la notion d’enfer temporaire (de purgatoire) remonte donc en définitive au fait (devenu légendaire évidemment) qu’un chaman-guerrier hors du commun, quelque part en Europe centrale au VIIe siècle avant notre ère (le dieu Hésus) a réussi à faire partager aux siens sa conviction que l’enfer (ou du moins le lugubre séjour des morts tel qu’on se l’imaginait à l’époque, notamment en Italie ou à Rome) n’existait pas. Saint Patrice a bien réussi à sortir une âme des enfers 450 ans après sa mort ! Et à nos amis chrétiens qui objecteront que si saint Patrice a réussi cet exploit ce fut en fait grâce à la toute puissance de Dieu, je répondrai que si Hésus a réussi à triompher des enfers quelque part en Europe centrale vers le VIIe siècle avant notre ère ce fut avec l’aide du dieu des dieux, le destin (Tocad/Tocade).
Mais arrêtons là toutes ces divagations. Si un défunt ressuscite, c’est qu’il n’était pas vraiment mort ! Car ce qui est certain en tout cas c’est que depuis cette époque les druides ne croient nullement à la possibilité pour une âme/esprit d’aller en enfer.
Scolies bernoises commentant la Pharsale de Lucain.
Vers 454.
COMMENTA BERNENSIA AD LUCANUM.
Manes esse non dicunt.
Ils ne disent pas que les mânes existent.
ADNOTATIONES SUPER LUCANUM.
Hoc enim disputant animas ad inferos non ire, sed in alio orbe nasci.
Ils contestent en effet que les âmes puissent aller en enfer, car ils pensent qu’elles naissent alors dans un autre monde.
GLOSULE SUPER LUCANUM.
Id est sicut uos dicitis anime ad inferos non descendunt, sed in orbe alterius hemisperii incorporantur iterum uel in aliqua parte orbis a uobis remota.
C’est-à-dire que selon vous les âmes ne descendent pas dans les enfers, mais vont s’incorporer une autre fois dans une partie du monde située dans l’autre hémisphère ou dans quelque partie d’un monde qui vous est inconnu.
Le point N° 25 de la petite liste annexée au concile de Leptines en 743 sous le titre latin d’indiculus superstitionum et paganiarum (évidemment, il s’agit de condamner ou dénigrer tout cela) va d’ailleurs clairement dans ce sens. Il évoque le fait d’imaginer que tout défunt est saint. Et en 851, Jean Scot
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Érigène a aussi noté dans son « De la prédestination divine » : Dieu ne prévoit ni peines ni péchés, ce sont des fictions (citation de mémoire, de toute façon c’était en latin). Pour Erigène également, donc, l’enfer n’existe pas, ou alors il l’appelle le remords.
COMMENTAIRE ENCORE PLUS GÉNÉRAL.
Le Héliand est un poème épique en vieux saxon écrit dans la première moitié du IXe siècle. Son titre veut dire sauveur (cf. Heiland, qui signifie « sauveur » en allemand et en néerlandais). C’est une paraphrase de la Bible qui raconte la vie du Nazaréen Jésus dans le style allitératif d’une saga germanique. Ce Héliand est la plus grande œuvre connue écrite en vieux saxon.
Le poème a dû être relativement populaire, car il en existe deux versions manuscrites et quatre séries de fragments. Il a environ 6 000 vers. Il comporte une préface qui a peut-être été commandée par Louis le Pieux (roi de 814 à 840) ou Louis le Germanique (806-876). Matthias Flacius Illyricus en a imprimé le texte pour la première fois en 1562 et il est généralement considéré comme authentique.
Le théologien néerlandais Gilles Quispel pense que l’auteur du Héliand s’est servi pour son ouvrage d’une version primitive du Diatessaron ou Harmonie des Évangiles composée vers 160-175 par Tatien, et a donc par ce biais des liens avec l’Évangile de Thomas. D’autres spécialistes, tels que Krogmann, affirment que l’Héliand est certes bien écrit dans le même style poétique que le Diatessaron, mais que son auteur ne s’est pas basé sur cette source et que, par conséquent, l’Héliand n’aurait aucun lien avec l’Évangile de Thomas.
De nombreux historiens pensent que Luther possédait un exemplaire du Héliand. Il l’a cité en exemple afin d’encourager la traduction des évangiles en langue vernaculaire. Il préférait en outre également certaines formulations du Héliand à d’autres figurant dans les Évangiles. De nombreux érudits pensent par exemple que Luther privilégiait le texte des salutations de l’ange à Marie telles qu’elles figurent dans le Héliand (« tu es cher à ton Seigneur »), car il n’aimait pas l’idée de qualifier une femme de « pleine de grâce ».
Le Héliand irlandais maintenant.
Ainsi que nous avons eu l’occasion de le voir, il y a aussi de bien curieux textes ou de bien troublantes formules dans les légendes gaéliques traitant de la vie de notre héros à nous (le Hésus Cuchulainn).
Ce n’est que le fils d’un dieu et d’un homme… par exemple !
On se serait plutôt attendu à quelque chose du genre « c’est le fils d’un dieu et d’une mortelle », comme dans le cas d’Hercule ou du Christ par exemple. Mais en fait d’après la majorité des textes notre héros était le fils de Lug et de Dexiua/Duxtir/Dechtire, une sorte d’Epona irlandaise, reine des cochers. Par contre il fut élevé par un simple guerrier nommé Sualtam. Rappelons que tout cela n’est que de la rosc (pluriel roscanna) autrement dit de la rhétorique passablement obscure et donc dorénavant difficile à comprendre, voire traduire. Que pouvait-il bien y avoir dans la tête du chrétien qui a écrit ou recopié tout cela en un style volontairement archaïsant ??? Le langage quelque peu « chrétien » de ce morceau de rhétorique est – il un blasphème involontaire et notre auteur a-t-il été fidèle à l’esprit païen du texte originel, ou s’agit-il au contraire d’un rapprochement stylistique volontaire pour « coller » à l’esprit de l’époque ? En d’autres termes, l’auteur chrétien de ce récit a-t-il fait une interpretation christiana (une interprétation chrétienne) des éléments de mythologie celtique ayant survécu dans son pays, ou a-t-il fait une interpretatio druidica (une interprétation gaélique) de la nouvelle religion chrétienne et de ses mythes venant d’arriver ???
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Il est vrai que certains textes semblent suggérer que Sualtam était aussi un membre du peuple de l’autre monde, et que le personnage de Dexiua/Duxtir/Dechtire ressemble beaucoup à l’Épona des Britto-Romains.
En d’autres termes, le petit côté « chrétien » de cette rosc est-il dû à de l’évhémérisme classique (un être humain hissé au rang des dieux par les générations ne l’ayant pas connu, comme dans le cas des quatre évangiles par exemple) ou à de l’évhémérisme à rebours, une historicisation presque achevée d’anciens dieux dont les mythes étaient désormais incompris ??
La question mérite d’être posée aussi allons-nous essayer ici de lui proposer une réponse, qui sera sans doute aussi hardie que notre tentative de traduction de cette rosc mais enfin ce sera au lecteur de juger.
Reprenons donc tout depuis le commencement.
À ceux qui objecteront que le personnage de Dechtire est un peu trop différent de l’Épona britto-romaine ou continentale je réponds qu’il y a tout autant de différence entre Taran/Toran et le Tuireann des légendes irlandaises, mais qu’il s’agit pourtant bel et bien du même nom. Les légendes médiévales irlandaises telles que nous les connaissons par conséquent sont le fruit d’une évolution séparée (nous avons dit évolution séparée, pas hérésie) du reste du monde celtique et notamment de son berceau d’origine (quelque part en Europe centrale mille ans avant notre ère) qui a duré des siècles.
Répétons-le encore une fois, car repetere = ars docendi.
Les légendes irlandaises qui nous sont parvenues ne sont plus que de la mythologie druidique très dégradée pour plusieurs raisons.
a) Des siècles et des siècles d’évolution séparée du reste du monde celtique et de ses grands conciles annuels. L’imagination, ô combien fertile, des bardes locaux, jointe au désir de plaire à leurs mécènes et protecteurs en exaltant concrètement leurs exploits ou leurs généalogies, a fini par aboutir à une sorte d’évhémérisme inversé : les dieu-ou-démons sont devenus des hommes de ce monde ici-bas.
b) L’influence des idées ainsi que des sensibilités préceltiques ou protoceltiques. Notamment par le biais de la remontée du gaélique, qui a si bien résisté aux envahisseurs parlant une langue celtique en – p ; qu’il a fini par être la seule langue de l’île.
c) La christianisation, qui a eu un triple effet.
— Négativement par l’élimination de pans entiers de la réflexion druidique sur le sujet (qui nous auraient pourtant bien aidés à comprendre tout cela).
— Positivement par l’insertion çà et là, dans nos textes, d’ajouts chrétiens manifestes.
— Et enfin par la déformation ou la caricature (la diabolisation) de certaines des notions druidiques n’ayant pas été purement et simplement éliminées par la censure chrétienne…
L’expression « petit-chien de Dechtire » (forcu Dechtire) que l’on trouve dans l’interpolation chrétienne finale (non traduite) de la légende, traitant la Mort de Cuchulainn, n’est pas sans faire penser à la statuaire britto-romaine ou celtique continentale relative à Epona, où l’on voit souvent un petit chien gambadant à ses côtés.
La naissance dans l’écurie de la mystérieuse demeure, évoquée par le récit intitulé Compert Con Culaind, sous-titré « le festin de la maison de Becfoltaig » ; et du sein de cette Épona (il y en a eu plusieurs si l’on en croit certaines inscriptions où son nom est mentionné au pluriel) appelée Dexiua/Duxtir/Dechtire ; montre bien que le Hésus Cuchulainn fut plus qu’un homme.
Cette naissance assez mystérieuse au demeurant, montre qu’il n’a pas été un simple mortel fils soumis du Destin, mais une métaphore de celui-ci ; dans la mesure où connaître à l’avance son destin c’est déjà l’accepter l’intérioriser voire en jouer. Rappelons néanmoins qu’il semble bien qu’il ait déjà vécu très longtemps auparavant, comme voyant ou devin (Vesus) sous le nom gaélique de Morfhessa (dans l’île de Thulé/Falias : voir notre étude sur le panth-éon ou plérôme divin celtique).
La réflexion sur ce mystère d’incarnation à la manière celte, de ce dernier avatar reconnaissable d’Hésus sur cette terre, comme hypostase (vyouha dans l’hindouisme) de l’Être supérieur, constitue en elle-même – nous ne le répéterons jamais assez – une première approche de notre paganisme, qui est philosophique et réfléchi, et ne procède en aucune façon d’une révélation.
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Une chose est à noter à propos de sa naissance : sa triple conception. Ce signe reconnaissable de la divinité est fondamental. Alors parthénogenèse ou pas ? Conception virginale ou pas ? Ce qui est certain en tout cas c’est que le mystère de sa naissance, relatée seulement par des documents épiques apocryphes, hélas, est une difficulté supplémentaire dont nous nous serions bien passés, mais qui invite à une réflexion approfondie sur la nature véritable des dieu-ou-démons.
Dans la « Compert Con Culaind », c’est le dieu-ou-démon Lug qui est le père divin de Sétanta, mais ceci se passe dans un univers parallèle à celui des humains, le Sid (Sedodumnon) non soumis aux lois biologiques terrestres. Dexiua/Deichtire, elle-même d’origine à la fois divine et humaine (fille de Maga, petite-fille de Mabon/Maponos/Oengus) y est en visite.
La décadence du druidisme de haut niveau consécutive au triomphe du christianisme ayant rendu toutes ces généalogies symboliques, telles qu’elles étaient récitées par les poètes, incohérentes entre elles, la légende irlandaise consignera aussi les on-dit de paternité possible par Conchobar, voire par Sualtam.
Comme Mongan notre héros a commencé par être connu sous un autre nom, dans une vie antérieure.
Le personnage divin en question était, en effet, connu du mythe celte primitif sous le nom de Grand Sachant (Marovesos en vieux celtique, Morfhessa dans la légende gaélique, où il apparaît en tant que maître de Thulé, île appelée Falias par les Gaëls).
Ce grand Hésus par la suite a eu un avatar, un petit Hésus donc, par opposition au Grand de l’apparition initiale. Ce petit Hésus (par opposition au Grand Hésus, Marovesus en celtique, Morfessa en gaélique, comme nous l’avons vu) est sans aucun doute celui qui a laissé le plus de traces écrites de son bref passage sur terre ; sous le nom de chien de Culann (Cuchulainn en irlandais).
Comme dans le cas de Finn ou de Mongan, il nous faut donc considérer ces deux faces du même personnage comme un seul et même archétype divin, mais aussi humain. Le petit Hésus Cuchulainn dont nous venons de parler est l’Homme par excellence, l’Homme préternaturel et par conséquent celui qui représente aussi l’Humanité, à venir.
L’exemple exaltant de Cuchulainn, si mythifié soit-il, est à méditer. Ayant, au titre des incarnations antérieures d’Hésus ; affronté lui-même le cycle des bacuceactions – qui pour certains peut être infernal, avec des renaissances innombrables dans ce bas monde – le Hésus/Cuchulainn paraît en être sorti vainqueur par sa légendaire montée au ciel sur un char de gloire (fantôme ou féerique disent les textes).
Et en commentant cet exemple mythifié à l’infini, les druides de l’époque ont pu déclarer qu’il n’y a donc – après la mort terrestre – ni enfer ni damnation éternels ; ce qui signifie que tout le monde peut arriver à faire tôt ou tard le « salut » de son âme, même s’il fait la guerre, se marie, aime manger ou boire, etc.
Les grandes lignes de l’épopée du Chien de Dechtire, du Chien de Culann, de Cuchulainn donc, forment un mythe panceltique né quelque part en Europe centrale bien avant l’an zéro de notre ère. Les Irlandais n’ont fait qu’adapter à leur cas cette structure narrative. Il y a donc eu en l’espèce historicisation des grandes lignes du mythe, et non évhémérisation.
L’arbre auquel le dieu Hésus était attaché pour son initiation suprême a été remplacé dans l’imaginaire irlandais par un menhir ou un pilier de pierre dressé dans la plaine de Muirthemné (les premiers Celtes arrivant dans l’île furent en effet très impressionnés par ses nombreux monuments mégalithiques).
Les druides du haut Moyen-âge n’ont plus compris apparemment qu’Hésus ; par sa naissance, son initiation, sa mort et sa montée au ciel, sur un char féerique, glorieux comme le corps de leur Hiesus à eux, le Hiesus christus (il s’agit du fameux soïbrocarpanton, d’où irlandais siaburcharpat, des légendes) ; était venu « sauver » nos âme/consciences individuelles par son exemple. En prouvant qu’il était possible de s’identifier à son Destin ou au Destin suprême (le Tokad), pour devenir comme un dieu (la lumière du héros brillera sur son front) ; ce qui était bien entendu littéralement une bonne nouvelle (suscetlon) pour nous autres pauvres humains englués dans nos maladies des Ulates à nous (ces noinden)
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Le petit Hésus Cuchulainn, avatar du Marovesus, était, lui aussi, un dieu, à sa façon, mais il n’a pas jugé utile alors de revendiquer pour lui le droit d’être traité à l’instar de ces émanations ou agents du Tokad qu’étaient alors Lug, Bodua, Ogmios, Mabon/Maponos /Oengus et ainsi de suite.
Toute sa vie et jusqu’au bout il aura préféré être pour nous simplement non le roi du pays, mais le Bon Maître ou le Bon Seigneur (de Muirthemné *), aimé de ses hommes, et qui montre la voie royale à suivre (Sétanta veut dire le cheminant) pour vaincre le mal et la souffrance. Car il arrivera, lui, à se libérer de la faiblesse congénitale due à notre nature animale (la célèbre maladie des Ulates ou ces noinden), et dont les séquelles en nous sont légion.
Mais comme le disaient alors les poètes : ar nibo do Ultaib do.
Toutes ces légendes nous apportent donc une double réponse à la question de l’origine du Hésus. Comme tous les dieu-ou-démons, il a une origine préternaturelle ou surhumaine et c’est une métaphore du destin. Mais il a aussi une origine humaine : il est né d’une femme appelée Dechtire dans les apocryphes irlandais (une Épona ?).
* Conformément donc en cela au féodalisme d’esprit celte qui était surtout fondé sur les relations d’homme à homme (clientélisme) et la possession de bétail au lieu de fiefs immobiliers, la terre restant propriété collective du groupe.
Et puisqu’il est question ici de système féodal, revenons brièvement sur le problème que nous pose à nous autres celtisants la question de la titulature de notre modèle. Comment parler de Sétanta dit le chien de Culan?Nous l’avons déjà dit mais il y a lieu de le répéter vu l’importance du sujet.
Le premier réflexe serait d’en parler comme d’un modèle, d’un beau modèle même, mais ce premier mouvement ô combien naturel souffre de trois inconvénients.
Le premier est que l’appellation «beau modèle» fait un peu trop penser au (véritable) culte (isma) entourant la personne de Mahomet.
Le second est que c’est un modèle qu’un être humain ne saurait assurément égaler vu ses capacités pour le moins surhumaines.
Le troisième est que même les gens de sa tribu le craignaient ou le redoutaient visiblement, car c’était une sorte de berserkr.
Berserker, grand berserker serait pas mal mais...cela nous renvoie à la culture germanique.
Rofir n’a pas cet inconvénient mais c’est un terme gaélique qui n’est plus très parlant.
Chien de Culann, du forgeron Culann, serait un meilleur choix; néanmoins qui sait aujourd’hui que le chien était tenu pour un animal noble chez nos ancêtre. Exit donc aussi «chien de Culann».
Sétanta, premier nom de notre «modèle» d’après certains textes, serait un bon choix vu son contexte pan-celtique. On ne saurait l’exclure a priori.
Un mécanisme mental connu des Anciens, appelé interpretatio par les spécialistes, peut aussi nous fournir quelques pistes. Notre modèle a par exemple été aussi assimilé à Mars dans certaines tribus influencées par la culture romaine.
Henri Lizeray le rapprochait aussi du dieu guerrier appelé Esus ou Hesus même si l’étymologie de ce nom ne s’y prête guère.
On pourrait auss évidemment faire comme les premiers chrétiens et à appliquer au modèle en question plusieurs appellations n’ayant initialement rien à voir les unes avec les autres comme «fils de l’Homme» ou «serviteur souffrant» «agneau de Dieu» etc.
Hesus Mars Sétanta Chien de Culann par exemple.Quoiqu’un peu long.
En désespoir de cause mais suivant en cela l’exemple de Lady Gregory, nous nous en tiendrons finalement à l’appellation «seigneur», seigneur de Moritamna ou Muirthemné par exemple puisque tel était le nom de son domaine d’après elle et que le système politique celtique avec ses liens d’homme à homme a été un des précurseurs du système féodal.
Nous dirons donc «mon seigneur» ou «notre seigneur» pour jusqu’au bout et par delà les siècles jouer le jeu de cette société disparue car , qu’est-ce qu’un celtisant d’aujourd’hui sinon un membre de sa
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tribu,de son clan, de son entourage, de sa suite, un membre de coeur ou en esprit mais un membre de sa suite quand même malgré les siècles qui ont passé.
NOTES DE PIERRE DE LA CRAU.
À propos de la notion de faiblesse humaine pouvant exister y compris chez les meilleurs des hommes (ces noinden ulad) et insérée à cet endroit par ses héritiers lors de la publication de son œuvre).
La curieuse histoire de la maladie des Ulates est une léthargie cyclique inspirée de celle de la nature durant l’hiver…
L’histoire de la troisième Macha est très confuse en Irlande. Il en existe au moins six versions.
Cès Ulad dans le manuscrit Harleian 5280 du British Muséum et dans le Livre du Leinster. Tochmarc Cruinn ocus Macha dans le manuscrit H. 3. 18 du Collège de la Trinité.
Une version en vers figure dans le Dindshenchas métrique, complétée par un petit passage en prose.
Une dernière version, enfin, assez courte, met en scène cette mystérieuse Macha, mais sous le nom de Fedelm cette fois-ci. Et en liaison avec un Cuchulainn adulte, ce qui est évidemment une aberration ou une hérésie de plus de la part de la tradition irlandaise.
En voici le texte pour information.
« Cuchulainn et son cocher Loeg fils de Riangabra allèrent alors chercher des richesses le long de la Boinne. Dans son char il avait un jeu d’échecs celte (tablut) et un jeu de buanach ? Son ??? était rempli de pierres à tuer (pour sa fronde) et dans sa main [il tenait] un harpon pour pêcher du poisson avec une corde fixée dessus ; et de ce fait il tenait à peine les rênes du char.
Fedelm Foltchain et son époux Elcmaire arrivèrent sur l’autre rive de la Boinne. Elcmaire dit à sa femme : « voilà une visite bien fâcheuse, Fedelm ! »
Fedelm répondit : veille sur moi pendant que je regarde si l’homme qui est sur le siège inférieur avec son compagnon est capable de rivaliser à la course contre un autre [homme] après avoir chargé ses chevaux avec son jeu d’échecs celte (tablut) son buanbach et ses oiseaux attrapés dans chaque plaine.
Là-dessus il sortit de la Boinne avec la pointe de son harpon un saumon tacheté. Elcmaire avança dans le gué et y fit tomber un pilier de pierre à quatre côtés afin d’effrayer les chevaux du char. Cuchulainn lui coupa les deux pouces et les deux gros orteils.
Fedelm lui promis de restera avec lui toute une année et de se montrer nue aux aux Ulates en arrivant. Le même jour un an plus tard elle se montra de nouveau ainsi, et c’est cela qui causa le mal étrange qui afflige les Ulates, etc. »
Qu’en penser donc dans ces conditions ??
Ce qui est certain, c’est que le thème de la malédiction paralysante suivie du retour, à la vie normale, inspire bien des récits où l’on rencontre aussi la figure du héros prédestiné, vainqueur de l’enchantement. Si l’on en croit le conte de Lludd et Llewelys, les Gallois étaient aussi accablés par cet étrange fléau qui, là, touchait tout le monde cette fois ci :
« Le second fléau était un cri qui se faisait entendre chaque veille de premier mai, au-dessus de chaque foyer de l’île de Bretagne. Il transperçait littéralement le cœur des gens, et leur faisait
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tellement peur que les hommes perdaient leurs couleurs et leur force, les femmes les enfants qu’elles portaient, les jeunes gens et les jeunes filles leur raison ».
Joel-Henri Grisward, un disciple de Dumézil, relie par exemple le thème de la noinden Ulad à celui de la naissance de Cuchulainn (dans un long article intitulé en français « le motif de l’épée jetée au lac : la mort d’Arthur et la mort de Batradz »).
Macha, qui est peut-être une des manifestations de la déesse-ou-démone-jument Épona-Rigantona, donc un avatar de la Déesse-ou-démone-Mère, était triple et, comme Rigantona – la Rhiannon des Gallois – elle était apparentée à la plus belle conquête de l’Homme (le cheval). Elle fut, dans une autre de ses incarnations, l’épouse du Nemed irlandais en qui nous pouvons reconnaître le grand Cornunnos. Elle était aussi la belliqueuse reine d’Irlande surnommée Mongruad.
Le Dindshenchas en prose d’Édimbourg condense ainsi toutes ces légendes.
Ard Macha. D’où cela vient-il ? Il n’est pas difficile (de répondre). Macha, femme de Nemed, fils d’Agnoman, mourut ici, c’était la douzième plaine défrichée par Nemed et elle avait été donnée à sa femme afin que son nom s’y attache.
Ou Macha, fille d’Aed le rouge, fils de Badurn : c’est par elle que fut délimitée Emania Macha, et elle fut enterrée là quand Rechtaid au bras rouge l’eut tuée. C’est afin de procéder à sa lamentation funèbre qu’eut lieu l’assemblée de Macha. D’où Mag Macha.
Aliter. Macha, femme de Crund, fils d’Agnoman, vint ici pour rivaliser à la course avec les chevaux du roi Cunochoba ; car son époux avait déclaré que sa femme était plus rapide que les chevaux. Cette femme était alors enceinte, aussi demanda-t-elle un délai, jusqu’à ce qu’elle ait été délivrée, mais cela ne lui fut point accordé. Aussi gagna-t-elle la course, car elle fut la plus rapide. Quand elle atteignit la ligne d’arrivée elle donna naissance à un garçon et à une fille (appelés Fir et Fiall) et déclara que les Ulates éprouveraient les douleurs de l’accouchement chaque fois que cela serait le plus gênant pour eux (eigin). Cette indisposition qui affectait les Ulates pendant cinq jours et quatre nuits (à chaque fois) dura du temps de Conchobar jusqu’au règne de Mael fils de Rochraide. C’était dit-on Grian Banchure (le soleil des femmes) fille de Medros/Midir de Bri-Leith. Après cela elle mourut et sa tombe fut creusée à Ard Macha, sa lamentation exécutée, puis sa stèle funéraire érigée. D’où Ard Macha (la hauteur de Macha).
Autrement dit. Crunnchu, son époux, ayant cru bon de se vanter un peu partout qu’elle était plus rapide que les chevaux du roi, Macha, fille de Sainrith, fils d’Inboith, fut obligée de les affronter à la course lors de la fête du pays ; le roi ayant fait savoir à Crunnchu qu’il mourrait si sa femme n’acceptait pas de relever le défi.
Afin d’éviter ce funeste sort à son mari, Macha accepta, bien qu’elle fût enceinte.
Elle arriva quand même au bout de la prairie avant les chevaux du roi, prouvant ainsi que c’était bien elle la plus rapide. Mais juste après elle fut saisie par les douleurs de l’enfantement et mit au monde des jumeaux, un garçon et une fille, que l’on appela Emni Magosias, « les Jumeaux de Macha ». D’où le toponyme gaélique d’Emania Macha).
Les enfants crièrent et les Ulates se retrouvèrent alors sans force, ou aussi faibles qu’une femme en couche.
Les hommes qui ont entendu ce cri sont ensorcelés. Ils subiront désormais tous les ans, eux aussi, pendant cinq nuits et quatre jours, les douleurs de l’enfantement.
Note. Les autres traditions ajoutent que cette étrange maladie survint désormais chaque année à date fixe, mais le texte irlandais lui précise seulement eigin. Il mentionne par contre, sans dire pourquoi, que cette situation prit fin sous le règne d’un certain Mael.
Cette malédiction ne frappe que les adultes mâles et il est fait une exception en faveur de l’un d’eux : notre héros, le hésus Cuchulainn PARCE QU’IL N’EST PAS DES ULATES (ar nibo do Ultaib do).
Rappelons ici notre hypothèse. Des siècles de christianisation à outrance ont fait perdre toute cohérence à cette mythologie druidique qui avait déjà beaucoup évolué par rapport au mythe panceltique originelle. Il n’en est plus resté en Irlande que des fragments devenus incompris et donc ayant servi de matériau littéraire à l’imagination des bardes. Il suffit de mesurer la différence séparant le Taran/Toran continental du Tuireann irlandais pour s’en rendre compte. Il y a eu en Irlande et avant même peut-être la christianisation, une ou plusieurs révolutions (notez bien que nous ne disons pas hérésies) qui ont tout chamboulé dans le panth-éon et la mythologie panceltique originels.
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Ce qui est certain c’est que cet accident n’est pas pour les Ulates une anticipation de la Passion du Christ. Il implique surtout l’humiliation de l’impuissance momentanée, plutôt que celle de la souffrance.
Allons encore plus loin que cette première analyse ! La leçon à tirer de cette allégorie perdue et aujourd’hui disloquée peut sans doute se ramener à ceci.
La maladie en question (l’impuissance aux plus mauvais moments : éigin) vient de la terre, vient de notre nature terrestre. L’Épona en jeu dans cette légende, Macha, n’est pas la mère du petit Hésus Cuchulainn, mais c’est évidemment quand même une des innombrables applications particulières du concept de Terre-Mère. Et cette impuissance aux moments les plus décisifs de la vie (éigin) affecte notre souveraineté-puissance-liberté, puisque c’est à cette notion que renvoie en définitive le radical Vlat (flaith, cf. le nom du peuple au sein duquel s’est réincarné notre héros : les Ulates).
La morale de l’histoire est donc limpide : même les meilleurs (les Ulates) ne peuvent s’affranchir complètement de la malédiction de notre Terre-Mère : la faiblesse humaine.
SECOND FRAGMENT DE TEXTE RETROUVÉ DANS LA BIBLIOTHÈQUE DE PIERRE DE LA CRAU.
La découverte fondamentale des druides primordiaux quelque part en Europe centrale il y a 3500 ans fut celle du déterminisme.
Le déterminisme consiste à reconnaître que les événements se suivent dans la Nature avec la même nécessité que les liens de cause à effet en logique. Ce qui se produit devait se produire et il ne pouvait en être différent. Tout ce qui arrive dans l’univers obéit à une stricte nécessité. La contingence est une illusion due à l’ignorance humaine ; en réalité, le cours des choses dans la Nature est strictement déterminé.
Nous retrouvons cette position chez les anciens druides qui, sans être fatalistes, admettent cependant l’existence du Destin. La nuance est subtile, mais importante. Le Destin gouverne tout ce qui advient dans la Nature : ce qui relève de l’extériorité ne dépend pas de nous. Ce qui dépend de nous, c’est de prendre les choses comme elles viennent, avec une attitude juste que nous pouvons assimiler à une sorte d’amour du destin (amor fati dira Marc Aurèle). Mais l’acceptation de sa destinée n’est pas la résignation pour autant, car c’est le fondement d’une décision juste, basée sur le principe de réalité. Ce que la légende du Hésus Cuchulainn enseigne, c’est le renoncement à une conception immature, capricieuse et fantaisiste de la liberté. L’action nous appartient en ce monde. Nous devons comme un bon aurige tenir fermement les rênes de notre volonté, mais tout en acceptant que le cours des choses ne nous appartienne jamais entièrement ; puisque les anciens druides avaient fait du « hasard » (sic) un Dieu-ou-Démiurge. Du moins si l’on en croit saint Colomba d’Iona et une de ses loricae qui en parle (pour dire qu’il est contre) :
« Notre sort ne dépend pas des éternuements
Ni d’un oiseau sur une branche,
Ni du tronc d’un arbre tordu,
Ni d’un sordan ????
Je ne crains pas le chant des oiseaux,
Ni les éternuements ni les enchantements,
Ni un enfant du hasard ni une femme ;
Ni un fils, ni la chance, ni une femme.
Na mac, na mana, na mnan,
Mon druide est le Christ, Fils de Dieu, etc. »
* Sordan = bruit du vent ? Dans les branches ?
Dans la perfection ou presque de sa volonté (voir l’épisode de son enfance à propos de la prédiction qui lui est faite) ; notre héros ne pouvait que consentir à son destin. Et il ne se rebella pas contre les « gessa » qui lui furent imposées, en tant qu’avatar du premier Hésus (le Grand Hésus appelé Morfhessa dans les légendes gaéliques) arrivé au terme de son incarnation sur cette terre.
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Ce deuxième Hésus est donc, en effet, à la fois vraiment dieu-ou-démon (siriti siabairti : espèce de petit démon dit son oncle Cunocavaros/Conchobar dans un de nos textes) et vraiment homme, somme toute un arrière-arrière-petit-fils, fait homme, du Destin lui-même. Puisque les actes de ce petit Hésus étaient les actes du Tokad (du Destin) sur cette terre, ils ne pouvaient pas, bien sûr, ne pas être aussi marqués par cette maladie héréditaire des hommes, même de valeur (les Ulates).
Le petit Hésus Cuchulainn a donc vécu parmi les hommes (de sa tribu adoptive) sans se laisser gagner par la maladie des Ulates, c’est-à-dire sans se laisser vaincre par la faiblesse humaine. Cette venue du deuxième Hésus sur terre est un message et ce message veut dire en définitive : erdathe individuelle = réintégration individuelle dans le Grand Tout, erdathe collective ou universelle = régénération du bitos ou de l’univers.
Le jour d’Erdathe ou de la Grande Régénération approche (le retour du Graal est proche suggéraient donc peut-être ainsi, par le truchement de ce mythe, les héritiers médiévaux du druidisme), et il n’y a ni enfer ni damnation éternels.
C’est du moins ce qu’ont toujours affirmé les druides si l’on en croit les Scolies bernoises commentant la Pharsale de Lucain et d’autres auteurs.
« Les druides nient que les âmes puissent périr
[Driadae negant interire animas]
OU ALLER EN ENFER »
[aut contagione inferorum adfici. Commentaire du vers 451]
« Ils ne disent pas que les Mânes existent »
[manes esse, non dicunt. Commentaire du vers 454]
« Ils affirment en effet que les âmes ne vont pas en enfer, mais renaissent dans un autre monde »
[Hoc enim disputant animas ad inferos non ire, sed in alio orbe nasci. Annotation apportée au vers 454].
Le point N° 25 de la petite liste annexée au concile de Leptines en 743 sous le titre latin d’indiculus superstitionum et paganiarum (évidemment, il s’agit de condamner ou dénigrer tout cela) va d’ailleurs clairement dans ce sens. Il évoque le fait d’imaginer que tout défunt est saint. Et en 851, Jean Scot Érigène a aussi noté dans son « De la prédestination divine » : Dieu ne prévoit ni peines ni péchés, ce sont des fictions. Pour Érigène également, donc, l’enfer n’existe pas, ou alors il l’appelle le remords.
Tirons donc toutes les conséquences de cette suscetlon (c’est-à-dire de cette bonne nouvelle) venant des Celtes.
Mais revenons quelque peu au déroulement séquentiel obtenu en collationnant les récits mythologiques.
Cette venue sur Terre d’une ultime incarnation d’Hésus, le Hésus Sétanta Cuchulainn (puisque cela est possible comme nous l’avons vu avec le duo Finn-Mongan) est nettement postérieure à la précédente. Celle que nous pouvons identifier en la personne de Marouesos, le Morfhessa des légendes gaéliques, qui n’aurait fait que rester sur son île apparemment.
Comme dans le cas du binôme Finn-Mongan, la démarcation entre les deux aspects d’Hésus est en effet fort claire.
En gagnant la bataille pour le contrôle de la Talantio, la terre cultivée personnifiée par la déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère, appelée Rosemartha sur le Continent, les êtres humains ont réussi à chasser les dieu-ou-démons d’Hyperborée ou des temps hyperboréens (hypostases disponibles comme intermédiaires et intercesseurs entre les hommes et le Destin, appelées vyouha dans l’hindouisme) d’où deux conséquences…
— La corruption et la décadence sont encore un peu plus entrées dans le monde habité.
— Les humains se sont privés de toute possibilité de communiquer par ces intermédiaires avec le Tokad, sans avoir acquis le moyen d’une communication directe.
« Dura Lex sed Lex », auraient dit les Romains. Le Destin est dur, mais c’est le Destin !
Et il exigera donc beaucoup de cet avatar du premier Hésus, celui de Thulé/Falias. Mais ce dernier l’avait bien voulu. Et c’est en toute connaissance de cause en effet qu’il avait « accepté » sa Loi (sa destinée) ; puisque même les druides ne peuvent changer le cours du destin ou Tokad (moyen gallois
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tynghed, breton tonket, destiné, vieil irlandais tocad, destin, toicthech « fortunatus », le labarum est son messager).
Le jeune Sétanta ; qui, avant de s’appeler Cuchulainn, Chien du forgeron (Culann) alors qu’il n’avait encore que cinq ans, avait entendu le druide Catubatuos annoncer, en réponse à un élève, le signe du destin du jour ; à savoir que quiconque prendrait les armes ce jour-là aurait une vie glorieuse, mais très courte ; le savait très bien.
« Ces armes me conviennent », s’exclama le petit Hésus Cuchulainn, « et dignes de moi. Cela tombe bien pour le pays et la région qui a pour roi celui dont ce sont-là les armes et l’armure ».
Juste à ce moment-là Catubatuos/Cathbad le druide entra dans la maison et demanda un peu étonné : « ce garçon est-il en train de prendre les armes ? »
« Bien sûr que oui ! » s’exclama le roi.
« Nous aurions préféré que cet enfant ne les prenne pas aujourd’hui », rétorqua le druide.
« Comment ça, s’exclama le roi, « n’est-ce pas toi qui l’as incité à le faire ? »
« Certainement pas ! »
« Espèce de petit démon », s’écria le roi « que voulais-tu faire en me racontant cela ? M’aurais-tu menti par hasard ?
« O mon roi, ne te mets pas en colère contre moi » se défendit le petit Hésus Cuchulainn, car c’est bien lui m’a incité à faire ça en instruisant ses élèves. Quand ils lui ont demandé ce que ce jour avait de spécial, il leur a dit que le nom de tout jeune qui prendrait les armes pour la première fois ce jour-là, serait le plus glorieux de tous les hommes de la verte Érin, et qu’il n’en résulterait pour lui aucun inconvénient, hormis que sa vie serait par contre éphémère et brève.
« Et c’est bien vrai en ce qui me concerne », confirma Catubatuos/Cathbad ; « tu seras effectivement illustre et renommé, mais sans longévité aucune, très vite parti au contraire ! »
Peu m’importe ! s’exclama le petit Hésus Cuchulainn, de ne vivre qu’un seul jour voire une seule nuit, si mon histoire et celle de mes hauts faits doit perdurer très longtemps après moi.
« Très bien ! » reprit alors Catubatuos/Cathbad, monte dans un char, mon garçon, puis essaie-le en personne, même si ce que je viens de dire est vrai ».
Cela dit, n’oublions pas quand même que les druides théologiens antiques croyaient que le Destin (le Tokad) pouvait aussi se révéler propice envers les gdonioi (les chtoniens), autrement dit les êtres humains. Bien qu’il ait été si « dur » envers l’hypostase par excellence incarnée (vyouha dans l’hindouisme) en question, et même justement PARCE QU’IL AVAIT DONC ÉTÉ SI DUR ENVERS ELLE.
C’est parce qu’il a déjà été assez dur comme ça avec le Hésus Mars dit Cuchulainn, que le Destin peut maintenant être moins dur avec les autres humains que nous sommes. Car c’est justement pour mettre fin à une situation devenue plutôt désespérante, et pour réconcilier les mortels avec ses hypostases (les dieu-ou-démons, vyouha dans l’hindouisme) que le Tokad ou ses druides ont envoyé un avatar d’Hésus s’incarner encore une fois sur terre. Un peu comme dans le cas du binôme Finn-Mongan en quelque sorte ! Afin qu’après une vie déjà en soi extraordinaire, sa mort serve à la fois d’exemple et de compensation pour les erreurs et crimes (gaélique eric gallois galanas) commis envers les dieu-ou-démons auparavant.
Les anciens druides pensaient en effet jusque-là que la souffrance et la mort de certains humains pouvaient apaiser la légitime colère des dieu-ou-démons, envers les hommes. D’après Strabon (IV, 4, 5), les anciens druides crucifiaient les hommes destinés à ces sacrifices.
En nous envoyant ainsi le dernier-né de leur grande famille pour mettre fin à ces sacrifices humains ; ou tout au moins pour en diminuer radicalement le nombre ; le Tokad et ses enfants les dieux (en réalité des causes secondes) ont ratifié le pacte conclu avec les hommes après la dernière bataille de Mag Turetion, la bataille pour la Talantio. Et en même temps le Destin nous a tout donné puisqu’avec son dernier « petit-fils », le petit Hésus Mars, il se donnait lui-même. Nous devons donc inlassablement scruter et écouter le message de notre bon maître le hésus Cuchulainn afin de suivre son enseignement et son exemple.
Ce qui est relaté en long et en large dans ces légendes de type Héliand en tout cas, c’est que le Hésus Mars a souffert : venu au monde dans une écurie, couché dans de la paille entre deux poulains, torturé sur le menhir de Muirthemné (sur le Continent il s’agit d’un arbre comme Odin)…
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Tout cela se déroula dans le temps mythique de la métahistoire du mythe panceltique originel. En tout cas, bien longtemps après la bataille pour la Talantio (dite Rosemartha sur le Continent) ; mais aussi bien longtemps avant l’an zéro de notre ère. D’où l’étrangeté de l’apocryphe irlandais en question qui situe tous ces événements aux alentours de la mort du christ en historicisant à outrance le mythe (évhémérisme à rebours).
Pour mettre fin à cet état de guerre civile larvée avec les dieu-ou-démons, l’expiation (eric en gaélique, galanas en gallois) nécessitait un sacrifice, celui de la plus précieuse des victimes, l’homme. Par l’effusion du sang du Hésus Mars ou Cuchulainn, il a été obtenu pour nous l’oubli, les dieu-ou-démons nous ont oubliés, ils ont renoncé à se venger de nos offenses ; les sacrifices humains ont donc pu disparaître après cela (plus ou moins rapidement suivant les régions évidemment).
Le sacrifice du Hésus Mars pour le plus grand profit des siens, dans ce cas ; constitue donc une propitiation suffisante pour toutes les offenses commises envers Macha, mais aussi envers les autres dieu-ou-démons, tous les autres dieux-ou-démons (voir la façon dont les humains ont fini par les chasser de leur royaume). Et maintenant il n’y a plus besoin d’autre expiation.
C’est du moins ce qu’ont toujours affirmé les druides si l’on en croit les Scolies bernoises commentant la Pharsale de Lucain et d’autres. Vu l’importance de la chose, nous répéterons une énième fois ce slogan druidique.
« Les druides nient que les âmes/esprits puissent périr
[Driadae negant interire animas]
OU ALLER EN ENFER »
[aut contagione inferorum adfici. Commentaire du vers 451]
« Ils ne disent pas que les Mânes existent »
[manes esse, non dicunt. Commentaire du vers 454]
« Ils affirment en effet que les âmes/esprits ne vont pas en enfer, mais renaissent dans un autre monde »
[Hoc enim disputant animas ad inferos non ire, sed in alio orbe nasci. Annotation apportée au vers 454].
Le point N° 25 de la petite liste annexée au concile de Leptines en 743 sous le titre latin d’indiculus superstitionum et paganiarum (évidemment, il s’agit de condamner ou dénigrer tout cela) va d’ailleurs clairement dans ce sens. Il évoque le fait d’imaginer que tout défunt est saint. Et en 851, Jean Scot Érigène a aussi noté dans son « De la prédestination divine » : Dieu ne prévoit ni peines ni péchés, ce sont des fictions. Pour Érigène également, donc, l’enfer n’existe pas, ou alors il l’appelle le remords.
Tirons donc toutes les conséquences de cette suscetlon (c’est-à-dire de cette bonne nouvelle) venant des terres celtes (Celticum).
Le rétablissement de relations normales entre les dieu-ou-démons et les mortels est donc dû, à en croire le raisonnement de cette École druidique, à la valeur du sacrifice du Hésus Mars ou Cuchulainn. Et les Celtes (ainsi que les hommes qui suivront leurs traces) ne sont donc plus désormais exclus de la possibilité de ne faire qu’un avec leur Destin.
Le Grand Hésus (Morfhessa) est resté sur sa lointaine île de Thulé/Falias.
Le Hésus Mars son avatar, lui, s’est soumis volontairement à sa destinée (que l’on songe simplement à la prophétie initiale de son enfance avec Catubatuos) pour que tous les hommes puissent obtenir l’épanouissement de leur âme/esprit dès ce bas monde (moksha dans l’hindouisme) ; ou l’accès au monde des dieu-ou-démons (leur éveil), grâce à la méditation sur sa tête, sa main, son corps, bref grâce aux reliques de son sacrifice.
Mais pourquoi le Hésus Mars ou Cuchulainn est-il mort décapité contre un menhir et pas autre part ?
Eh bien justement il semble bien que dans le berceau d’origine des Celtes sur le Continent on ait privilégié l’image de l’arbre et non celle de la pierre, pour symboliser le support de ce sacrifice. Les scolies bernoises de Lucain sont formelles à ce sujet.
Hesus Mars sic placatur : Homo in arbore suspenditur usque donec per cruorem membra digesserit.
Le Hésus Mars est ainsi apaisé. Un homme est suspendu dans un arbre jusqu’à ce que ses membres digesserit ? après exsanguination.
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Rappelons également que les monuments mégalithiques ne sont certes pas celtiques, mais préceltiques. Par contre, il est non moins certain que les Celtes en arrivant sur ces territoires d’Extrême Occident, ont repris à leur compte et intégré dans leur imaginaire ce type de monument. Le nom même de Mag Tured qui signifie Plaine des menhirs ou des tumuli, en est la preuve.
N.B. La comparaison avec le chien s’explique sans doute par le fait que le chien est depuis longtemps à tort ou à raison considéré comme le meilleur ami de l’Homme.
À défaut de données historiques sûres, pour avoir un début de réponse, on ne peut guère que scruter les éléments mythiques de la mort de notre héros ; transmis plus ou moins exactement par les légendes orales, puis par leur retranscription écrite.
Ne pas comprendre ces symboles, c’est être aveugle à toute lumière. Seule la religion de la nature peut être universelle (les druides primordiaux n’étaient que des hommes et rien de ce qui était humain ne leur fut étranger).
La question cruciale en ce qui nous concerne demeure « pourquoi est donc mort ainsi le Hésus-Mars ? » « Ce drame ne concerne-t-il que les Irlandais ou descendants d’Irlandais ? »
Le mot « pourquoi » signifie deux choses : à cause de quoi et à cause de qui ?
À cause de qui ? Notre récit mythique l’explique ainsi : à cause d’êtres humains qui se sont lâchement ligués contre lui (mais les Irlandais ne sont qu’une métaphore de l’Humanité dans ce cas) pour le condamner à la plus ignoble des morts. On l’a mutilé en lui coupant la tête et la main après l’avoir éviscéré.
À cause de quoi ?
En ce domaine on peut voir à l’œuvre simultanément et la trahison et le mensonge, des hommes (les Irlandais, mais aussi des Gaulois, hélas, etc.), dont la haine ira jusqu’à torturer bien inutilement notre héros.
Sans aller jusqu’à soutenir comme Voltaire ou les stoïciens que la nature est bien faite, et qu’un ordre harmonieux régit l’ensemble des êtres ; reconnaissons que nous réagissons tous de façon différente face aux mêmes événements.
Le Grec Chrysippe (IIIe siècle avant notre ère) avait illustré ce paradoxe de la façon suivante : il distinguait deux types de causes : les causes externes et les causes internes.
Mettons que je fasse rouler un cône et un cylindre, mon geste sera la cause externe de leurs mouvements. Mais le mouvement du cône sera évidemment très différent de celui du cylindre, en raison d’une cause interne, celle de leur forme…
Il n’est pas difficile d’agir en se croyant libre quand on ignore à l’avance ce quoi doit vous arriver. Mais que faire quand votre destin vous a été signifié d’une façon ou d’une autre ? Tel est le défi à relever dans cet univers.
Mais comment connaître à l’avance son destin ??? Parce qu’il y a eu oracle signe ou prophétie ?
Ah ces signes du destin, comment ne pas se tromper en les interprétant ? Et ces oracles qui ne parlent que par énigme.
Quant aux prophéties, quand elles ne sont pas post-eventum, elles souffrent toujours du même défaut qui caractérise les oracles : elles ne sont jamais claires et précises.
Si le cheval de Jacques le fataliste se dirige toujours vers le gibet ce n’est pas parce que Jacques a tué volé ou violé donc mérite d’être pendu…… mais parce que ce cheval avait appartenu au bourreau de la ville et qu’il était donc habitué à ce trajet.
Et si le cheval acheté par un paysan refuse de tirer sa charrue, c’est parce que c’était un cheval de selle ou un cheval de ville, et non un cheval des champs (là Diderot fait de l’humour).
Il ne faut donc pas vouloir s’affranchir des événements, mais composer avec eux pour cultiver toute la vie dont un homme peut jouir sur cette terre imparfaite. Ce que l’empereur romain Marc-Aurèle appelait l’amor fati. Aimer son destin afin de vivre plus intensément est peut-être en effet la meilleure solution.
Notons néanmoins que dans le roman de Diderot, comme tout homme Jacque le fataliste est pétri de contradictions, voire passablement oublieux, ce qui l’aide d’autant plus à vivre sa vie.
De par sa triple conception, le Hésus Mars (ou Sétanta d’ailleurs dans ce cas-là, plus précisément) a échappé à la malédiction de la maladie des Ulates. En tant qu’hypostase avatar d’Hésus, du premier Hésus, il échappait aussi au risque réservé aux humains, celui d’une réincarnation pénalisante (la bacuceaction). Réincarnation pénalisante en bacuceos ou demi-réincarnation tout aussi pénalisante
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en seibaros échappé des glaces de l’avant-paradis (andumno ou anwn). Une notion démesurément grossie par le folklore en Irlande sous le nom de royaumes de Donn (Tech Duinn) ou de Tethra, et au Pays de Galles par toutes les légendes populaires relatives aux royaumes d’Arawn et de Gwynn.
Il est donc important de passer en revue attentivement la manière dont le « Hésus » Cuchulainn a vécu, et ce qu’il a fait pendant sa descente sur terre (avatar). Même s’il a pu parfois heurter des contemporains du genre de Maeve ou des « enfants de Calatin ». Car cela était inévitable ; dans la mesure où les exigences de justice immanente ou Tokad (moyen gallois tynghed, breton tonket, destiné, vieil irlandais tocad, destin, toicthech « fortunatus », tonquedec en breton. Le labarum est son messager) sont parfois incompatibles avec nos faiblesses humaines.
Telle est la découverte fondamentale que les hommes d’aujourd’hui peuvent encore et toujours réussir à faire… en se penchant quelque peu sur la vie et l’œuvre du Hésus Cuchulainn mise en scène à l’époque de l’Ancien Druidisme, très longtemps après la fin de l’époque bénie de l’Hyperborée où même les bêtes parlaient à en croire les légendes (voir le cas du cheval de notre héros le Gris de Macha), bien après la définitive coupure entre le monde des dieu-ou-démons et le monde des hommes, quelque part en Europe centrale à la fin du néolithique.
Et comprendre tout cela c’est déjà se convertir… à l’Homme… à l’Homme préternaturel qui est en nous.
La découverte fondamentale des druides primordiaux c’est que, de façon consubstantielle, le divin a toujours parlé aux hommes et aux peuples de cette planète, et leur parle encore, leur parlera toujours, mais que point n’est besoin pour cela de ces feuilles de papier chiffon couvertes de gribouillis, de signes morts griffonnés en tous sens que sont le Coran l’Ancien Testament et le nouveau, etc., etc. seul en effet l’esprit peut sauver, la lettre pouvant tuer.
Les révélations divines sont comme autant de coups de soleil : il faut s’en méfier (il faut se méfier de l’orgueil des peuples qui les portent : l’arabe pour ne parler que de lui n’est pas, ne devrait pas, être une langue plus sacrée… que celle des Indiens Navajo par exemple). Les révélations divines ne sont que des dictatures inhumaines ! Ce n’est qu’en creusant profondément au cœur de lui-même, ce n’est qu’en creusant des puits descendants très profond, en lui-même, ce n’est qu’en recherchant ses racines, que l’être humain peut véritablement atteindre à l’universel. Et l’Universel c’est le divin ! Dieu et les dieux, mais aussi l’Homme préternaturel qui est en nous (quel que soit l’endroit de la planète où nous nous trouvons).
L’allégorie de l’ascension du Hésus sur un char « féerique » (soïbrocarpanton, d’où l’irlandais siaburcharpat) nous est présentée dans cette épopée mythologique comme une vision des femmes d’Ulster.
« L’âme du Hésus Cuchulainn apparut aux trois fois cinquante reines qui l’avaient donc aimé, elles le virent dans son char fantôme au-dessus d’Emania Macha et l’entendirent qui chantait bien qu’étant mort… »
On a trouvé un peu partout de nombreuses tombes datant du IVe siècle avant notre ère. Le char de guerre du défunt y avait été enterré avec le mort, sans doute afin que ce dernier puisse s’en servir dans l’autre monde parallèle au nôtre que l’on appelle généralement l’Au-delà.
Le poème évoquant notre héros, notre roi des guerriers, s’élevant après sa mort au-dessus d’Emania Macha dans un char féerique (Siaburcharpat/Soïbrocarpanton) ; n’est donc que le développement littéraire de cette ancienne idée celtique sur la vie des morts dans l’univers parallèle généralement désigné sous le nom d’au-delà.
Malgré les réserves qu’inspire cette histoire de 150 reines réunies à Emania Macha, celle-ci corrobore bien la conviction druidique qu’il n’y a pas d’enfer ni de damnation, éternels ; et que, tôt ou tard, tout le monde finira par être « sauvé » comme lui. Même si l’on ne se comporte pas constamment comme un petit saint, et même si l’on se comporte plutôt en « combattant » toute sa vie (guerres, tueries, ripailles, ivresses, etc.).
Cet enseignement fut bien la plus grande « bonne nouvelle » (suscetlon) de l’époque. La preuve en est que…[ce premier fragment se termine ainsi : la suite manque].
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TROISIEME FRAGMENT DE TEXTE RETROUVÉ DANS UN LIVRE DE PIERRE DE LA CRAU.
Il convient de revenir sur cette donnée centrale du savoir druidique, et ce d’autant plus qu’elle est loin aujourd’hui d’être toujours bien entendue ou bien comprise.
Le fatalisme musulman a souvent été mal compris. Eh bien même chose pour le fatalisme celto-druidique. Aimer le destin, aimer sa destinée (amor fati en latin), ce n’est pas être fataliste au sens passif ou négatif du terme. Dans les pays de culture « chrétienne » en effet, la notion de fatalisme en est rapidement venue à désigner le défaitisme ou le pessimisme de celui qui, se sentant voué à l’échec, laisse le destin suivre son cours et abandonne le combat, ou quitte une situation délicate en baissant les bras.
Or le Destin selon les druides, en la personne de ses dieu-ou-démons, pouvait être un Destin sauveur. PUISQU’IL ÉTAIT LUI-MÊME AUSSI VIROTUTIS, ANEXTIOMAROS, IOVANTUCAROS, DUNATIS, TOUTATIS, si l’on en croit les multiples épithètes divines relevées ici et là.
Entrelacement universel des causes, la notion druidique de Tocade agrège deux types de causes, les causes “générales” et les causes “individuelles”.
Les causes principales relèvent du déterminisme et désignent l’ensemble des facteurs extrinsèques, circonstances et événements qui affectent l’homme : elles représentent la part de l’existence due au destin, la part de nécessité à laquelle il doit se résigner. Mais si ces causes externes déterminent l’être humain à réagir, elles ne déterminent pas la nature de sa réaction qui dépend de facteurs intrinsèques. Le déterminisme se heurte ici à la liberté humaine. L’individu échappe à la nécessité en tant qu’il réagit à l’impulsion du destin en fonction de sa nature propre. Si je ne puis rien modifier aux événements qui m’affectent, je reste cependant le maître de la manière dont je les accueille et dont j’y réagis. Le Destin me laisse la jouissance de l’essentiel : le bon usage de ma raison. La conception druidique du destin est individualisée par la personnalité de chacun. Loin de faire violence aux hommes, elle suppose leur spontanéité : le Tocade ne détermine pas le destin des hommes indépendamment de leur nature.
L’universalité du destin en effet n’exclut pas l’action humaine : il l’intègre au sein de ses causalités.
DES DIEUX VIROTUTIS, ANEXTIOMAROS, IOVANTUCAROS, DUNATIS, TOUTATIS… Les hommes de ce temps avaient donc besoin d’être sauvés, d’être délivrés, mais de quoi exactement ?
Eh bien du fait que l’Homme doit toujours tôt ou tard affronter l’échéance de la souffrance voire de la mort. Ceci est le résultat de la maladie héréditaire dont nous avons déjà parlé, la maladie des meilleurs, la maladie des Ulates ; est aussi le résultat de la loi d’airain de la bacuceaction ou de la réincarnation partielle en seibaros (irlandais siabair/siabhradh = fantôme). De ces deux boulets, l’Homme ne peut se libérer seul.
Pour bien se faire comprendre à ce sujet les anciens druides se sont servis d’une image, ou d’une allégorie, celle du pouvoir de guérir du Hésus Cuchulainn (puisqu’il a échappé à la malédiction de
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l’Épona nommée Macha). Et c’est pourquoi le Hésus Cuchulainn, quand il guérit la Mara Rigu/Morrigu/Morgane, la sauve en même temps, toute déesse-ou-démone de la guerre qu’elle soit.
Le retour à la santé physique de la fée Mara Rigu/Morrigu/Morgane est le symbole du salut total de la personne que peut apporter le Hésus Mars, même à ses pires ennemis, et donc a fortiori à l’homme plongé dans l’angoisse de la souffrance et de la mort. Le salut selon les druides est toujours double : il est corps et âme.
La délivrance de notre faiblesse humaine congénitale (symbolisée par la maladie des Ulates), mais aussi le moyen de ne plus accumuler nous-mêmes de bran carmique, puisque cela entraîne la bacuceaction (la réincarnation) en ce bas monde. Voir aussi le cas des réincarnations partielles sous la forme d’un seibaros (irlandais siabair/siabhradh, fantôme). Un folklore abondamment mis en scène par toutes les légendes relatives aux royaumes de Donn (Donnotegia) ou de Tethra, en Irlande, ainsi que par les contes gallois traitant des royaumes souterrains (andumno = anwn) d’Arawn et de Gwynn.
D’où la délivrance du cercle vicieux des bacuceactions sans fin, la délivrance de la bacuceaction en elle-même, et la délivrance de la souffrance, qui nous atteignent de l’intérieur par l’intermédiaire de la maladie des meilleurs, de la maladie des Ulates. Maladie contre laquelle nous ne pouvons rien nous-mêmes, ou du moins si peu, puisqu’elle fait partie intégrante de notre condition humaine.
Ce salut est un épanouissement, ce que les Indiens appellent moksha, un éveil à la vie immortelle. Mais tout ceci cependant ne se manifestera dans sa plénitude qu’avec le retour « du Graal » (Erdathe < Areudengto = grande rénovation, reconstruction ou régénération). Erdathe individuelle = réintégration dans le Grand Tout ; erdathe collective ou universelle = renouveau du bitos ou de l’univers.
En attendant le jour béni du retour des dieux (ou démons selon les points de vue), l’épanouissement individuel de l’âme ou anamone est annoncé par la vie du Hésus Mars. Il n’y a ni enfer ni damnation éternels puisqu’il en a triomphé avec son char éthérique (siabur charpat). Voilà la bonne nouvelle au sens littéral du terme en celte : suscetlon.
« Les druides nient que les âmes puissent périr
[Driadae negant interire animas]
OU ALLER EN ENFER »
[aut contagione inferorum adfici. Commentaire du vers 451 de la Pharsale de Lucain]
« Ils ne disent pas que les Mânes existent »
[manes esse, non dicunt. Commentaire du vers 454]
« Ils affirment en effet que les âmes ne vont pas en enfer, mais renaissent dans un autre monde »
[Hoc enim disputant animas ad inferos non ire, sed in alio orbe nasci. Annotation apportée au vers 454 de la Pharsale].
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POSTFACE À LA JOHN TOLAND.
Les pseudo-druides à la filiation initiatique mirobolante (la fameuse et inénarrable tradition primordiale) s’étant multipliés depuis quelque temps ; il nous a paru nécessaire de mettre à la disposition de tout un chacun ces quelques notes, hâtivement rédigées un soir de novembre, afin de donner à nos lecteurs envie d’en savoir plus sur le vrai druidisme. Ce travail se veut honnête, mais en aucune façon neutre. Il s’est donné pour objectif de défendre ou de réhabiliter la cluto (renommée) de cette antique religion.
Rien ne remplace la méditation personnelle y compris sur les lais obscurs ou incompréhensibles parsemant ces livres et qui ont été insérés à dessein afin de vous obliger à réfléchir pour trouver votre propre voie. Ces livres ne sont pas des dogmes à suivre aveuglément et à la lettre. Ainsi que vous le savez sans doute, il faut se méfier comme de la peste de la lettre. La lettre tue, seul l’esprit vivifie. Rien ne remplace non plus l’expérience personnelle et c’est en cheminant que l’on trouve le chemin. Ne comptez donc que sur vos propres forces pour cette quête du Graal. Ce qui compte c’est l’attitude à adopter dans la vie et non les détails du dogme. Le druidisme a moins d’importance que la druidiaction (Jean-Pierre Martin).
Ces quelques feuillets griffonnés à la va-vite ne sont néanmoins en aucune façon LES LIVRES À LIRE SUR LE SUJET, ils n’en sont qu’un pâle reflet. La seule bibliothèque druidique digne de ce nom n’est pas en effet composée de seulement 12 (ou 27) livres, mais de plusieurs centaines.
Les quelques opuscules constituant cette mini-bibliothèque ne constituent pas un approfondissement et ne sont que quelques manuels destinés aux écoliers du druidisme. Ces résumés simplifiés destinés aux cours primaires de druidisme seront remplacés par des cours d’un niveau quelque peu supérieur, pour ceux qui voudront vraiment l’étudier de façon plus pertinente.
Cette petite bibliothèque est par conséquent un premier essai d’adaptation (destinée aux jeunes adultes) des diverses réflexions sur le savoir et la vérité druidiques, auxquelles ont abouti les premiers résultats de la nouvelle laïcité positive et ouverte, mondiale, en train de s’instaurer.
À la différence du judaïsme, du christianisme, et de l’islam, qui fourmillent littéralement, à propos de l’Être supérieur, d’anthropomorphismes puérils pris au pied de la lettre (fondamentalisme) ; notre druidisme, lui, n’en utilisera que très peu, et s’en tiendra, en ce domaine, au minimum absolu.
Mais pour parler de Dieu-ou-Diable nous allons bien être obligés, nous aussi, d’utiliser un langage, et donc un certain nombre de ces anthropomorphismes. Ou alors il faudrait totalement renoncer à en discuter.
Ce premier rayon de notre future bibliothèque consacrée au sujet a pour objet de montrer avec précision l’harmonieuse authenticité de la volonté et du savoir néo-druidiques. De montrer à quel point ses grandes thèses actuelles ont des racines anciennes, car la Mythologie, c’est notre Bible à nous. Les adaptations de ce bref exposé, exigées par les différences de culture, d’âge, de maturité
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spirituelle, de situation sociale, etc. seront à faire par les druides concernés (les vellèdes et les autres ?).
À noter cependant. Important ! Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, ne sont pas (en vrac).
Une révélation divine. Une loi (toujours aussi divine). Une loi (profane ou laïque). Une loi (scientifique). Un dogme. Un Ordre ? Ce que je cherche surtout à faire partager c’est un état d’esprit, rien de plus. Ainsi que l’a très bien dit un jour notre vieux maître :
« NOTRE CIVILISATION N’A PAS LE CHOIX : CE SERA LE CELTISME OU CE SERA LA MORT » (P. Lance).
Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, sont. Du rêve. Une aventure. Un voyage. Une évasion. Un cri de révolte contre la laideur morale et matérielle de cette société.
Une tentative d’atteindre à l’universel en partant du particulier. Un défi. Un obstacle fécond à surmonter. Une incitation à la réflexion. Un guide pour l’action. Une carte. Un plan. Une boussole. Une étoile polaire ou l’étoile du berger là-haut dans la montagne. Un feu la nuit dans une clairière ?
Ce que le rassembleur de ce noyau de bibliothèque, Pierre de La Crau, n’est pas.
— Un dieu.
— Un demi-dieu.
— Un quart de dieu.
— Un petit saint.
— Un philosophe (reconnu, officiel, et breveté ou patenté, comme ceux qui passent à la télévision. Sauf évidemment à prendre le terme en son sens originel, qui est celui d’amateur de sagesse et de savoir).
Ce qu’il est : un homme, et rien de ce qui est humain ne lui est donc étranger. Pierre de la Crau n’a aucun pouvoir surhumain ou exceptionnel. Rien de ce qu’il a dit écrit ou fait ne saurait avoir de valeur intemporelle. Tout au plus espère-t-il que son extrême lucidité à propos de notre société et de son idéologie dominante (voir ses philosophes officiels, ses journalistes, ses masses médias et le politiquement correct des bien-pensants) ; ainsi que son non-conformisme, et son franc-parler, alliés à un solide esprit de contradiction (qui lui ont d’ailleurs valu pas mal de déboires ou d’avanies) ; pourront être utiles.
La présente petite bibliothèque pour débutant « contient la dose d’humanité exigée par l’état actuel de la civilisation » (Henri Lizeray). Elle n’est d’ailleurs qu’un rassemblement de matériau attendant l’architecte ou le maçon ad hoc.
Prochainement paraîtra toute une série de fascicules approfondissant ces éléments de base. Cette présentation différente du savoir druidique préservera néanmoins l’unité et la profonde harmonie entre ces divers exposés d’un seul et même paganisme philosophique et réfléchi : une spiritualité digne de notre époque, une spiritualité pour notre époque.
Cas des traductions dans une langue étrangère (espagnol, allemand, italien, polonais, etc.)
Les fautes d’orthographe de grammaire de style, ainsi que l’écriture des noms propres, pourront être corrigées. Toute autre amélioration du texte pourra également être apportée si nécessaire (par ajout suppression ou modification, de détails) ; Pierre de La Crau ayant toujours regretté de ne pouvoir atteindre à la perfection en ce domaine. Mais à condition de n’altérer ni trahir en rien la pensée de l’auteur de cette compilation raisonnée. Toute illustration sans légende peut être changée. De nouvelles illustrations peuvent être apportées. Mais les illustrations ayant une légende ne devront être qu’améliorées (par substitution d’une bonne photo à un mauvais croquis par exemple ?)
Il va de soi que le coordonnateur de cette rapide et sommaire compilation raisonnée, Pierre de La Crau, ne prétend nullement avoir inventé (ou découvert) lui-même, tout ceci ; qu’il ne prétend en aucune façon que ceci est le fruit de ses recherches personnelles (sur le terrain ou en bibliothèque) ! Ce qui suit est en effet essentiellement issu des excellents ouvrages ou sites internet référencés en bibliographie et dont la consultation directe est fortement recommandée. Nous n’insisterons jamais
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assez sur notre volonté de ne pas être les hommes d’un livre (du Livre), mais d’au moins douze, comme les Fénianes d’Irlande, pour d’évidentes raisons d’ouverture d’esprit, la vérité étant notre seule religion.
Encore une fois, répétons-le ; le coordonnateur de la mise par écrit de ces quelques notes hâtivement jetées sur le papier ne prétend nullement avoir passé sa vie dans la poussière des bibliothèques ; ou sur le terrain, dans la boue des fouilles archéologiques de sauvetage ; afin d’exhumer des témoignages inédits sur le passé de l’Irlande (ou du Pays de Galles ou des Indes ou de la Chine ?)
PIERRE DE LA CRAU NE SE VEUT DONC EN AUCUNE FAÇON L’AUTEUR DES TEXTES QUI PRÉCÈDENT.
IL N’ESSAIE NULLEMENT DE S’EN ATTRIBUER LES MÉRITES. Il n’en est que l’éditeur ou le compilateur. Il s’agit pour la plupart de documents diffusés sur internet à quelques exceptions près. IL EN REVENDIQUE PAR CONTRE TOUS LES DÉFAUTS ET TOUTES LES INSUFFISANCES. Pierre de La Crau ne revendique qu’une chose, les fautes erreurs ou imperfections diverses de ce livre. Lui seul est à blâmer dans ce cas. Mais il fait confiance à ses contemporains (la nature humaine étant ce qu’elle est) pour les lui signaler avec vigueur.
Note retrouvée par les héritiers de Pierre de La Crau et insérée par eux à cet endroit.
J’avoue tout de suite afin de faciliter le travail de mes juges que les hommes comme moi étaient chrétiens à Rome sous Néron, païens à Jérusalem, sorciers à Salem, hérétiques anglais, catholiques irlandais, et aujourd’hui racistes, sexistes, homophobes, islamophobes, en attendant d’être demain koufar ou de nouveau chrétien l’antéchrist le plus bestial de toutes les apocalypses, etc. Bref ainsi qu’on l’aura compris je suis pour le néant la mort la maladie la souffrance……
Par respect pour l’Humanité, afin de gagner du temps, et ne pas lui en faire perdre, je vais faciliter le travail de ceux qui tiennent absolument à être du bon côté de la barrière en combattant (héroïquement bien sûr) afin de sauver le monde de mes griffes (mes idées ou mes penchants, mes tendances).
À ces courageux et implacables détracteurs, dont la profondeur de réflexion digne d’un marquis de Vauvenargues n’a d’égale que l’ampleur de la culture générale d’un Pic de la Mirandole, je dis…
Prenez une feuille de papier, un traitement de texte si vous préférez, mettez-y par ordre d’importance les 20 caractéristiques qui vous semblent les plus graves, les plus odieuses, les plus haïssables, dans l’histoire de l’Humanité, depuis les hommes préhistoriques et Nabuchodonosor, selon vous… ET DITES-VOUS BIEN QUE JE SUIS TOUT LE CONTRAIRE DE VOUS, CAR JE LES AI TOUTES !
On a toujours besoin de boucs émissaires ! Hérétique au Moyen-âge, sorcière à Salem au 17siècle, raciste au 20e siècle, lézard extraterrestre au 21e, je suis l’homme que vous aimerez haïr pour vous sentir meilleur (gentils et intelligents).
Je suis au choix et dans l’ordre d’importance que vous voulez : athée, sataniste, stupide, mongolien, bestial, homosexuel, pervers, homophobe, communiste, nazi, sexiste, philatéliste, menteur pathologique, voleur, suffisant, psychopathe, un monstre d’orgueil faussement modeste, et que sais-je encore, à vous de voir suivant la mode du moment.
Voilà, je ne peux pas faire mieux (pour vous aider à sauver le monde).
[À la différence de mes contempteurs qui sont tous des gens bien, c’est-à-dire jeunes ou modernes et dynamiques, courageux, positifs, gentils, intelligents, instruits, ou du moins qui savent ; faisant preuve de beaucoup de recul dans leur méditation en profondeur sur les tendances lourdes de l’Histoire ; et sur le plan moral ou éthique : généreux, altruistes, mais pauvres évidemment (c’est là leur seul défaut), car donnant tout aux autres ; en outre profondément respectueux de la volonté de Dieu et de la Constitution…
Moi je suis un vieux réactionnaire ankylosé, conformiste, déconnecté de son temps, parano, schizophrène, incohérent, capricieux, jamais content, méchant, bête, n’ayant fait aucune étude ou du moins ignorant tout sur le sujet en question ; coutumier des jugements à l’emporte-pièce fondés sur des préjugés dénués de toute réflexion ; égoïste et riche ; suppôt de Satan et nazo-bolchevick ou stalino-hitlérien de nature. On disait hitléro-trotskiste quand j’étais jeune. En bref un criminel psychopathe dès le petit-déjeuner… ce qui me permet donc de penser ce que je veux, mes critiques aussi d’ailleurs, et d’essayer de le faire savoir à la cantonade].
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Signé : le coordonnateur des travaux, Pierre de la Crau dit Hésunertus, chercheur en druidisme. Un homme à qui rien de ce qui est humain ne fut étranger. Chômeur, facteur, divorcé, sans domicile fixe, vagabond, contribuable, justiciable, et électeur cocufié… bref un des neuf milliards d’êtres humains ayant transité sur ce vaisseau spatial donc. Né sur la planète Terre le 13 janvier 1952.
BIBLIOGRAPHIE DES GRANDES LIGNES.
Pour ce qui est de la bibliographie des détails, voir annexe de la dernière leçon, car, comme le dit si bien Henri Lizeray, les traditions, ça doit s’interpréter. C’est là toute la différence qu’il peut y avoir
entre ancien druidisme et néo-druidisme.
— Le Lebar gabala ou Livre des invasions. Paris 1884 (William O’Dwyer)
— Base de l’église druidique. Le druidisme restauré. Henri Lizeray, Paris, 1885.
— Les traditions nationales retrouvées. Paris 1892.
— Aesus ou la doctrine secrète des druides. Paris 1902.
— Ogmios ou Orphée. Paris 1903.
TABLE DES MATIÈRES.
Avertissement au lecteur
Résumé des épisodes précédents
La bataille de Ruis na Riogh
La maladie du Hésus/Cuchulainn
La mort de Curoi
Le sacrifice du fils unique du Hésus-Cuchulainn (Aided Oenfir Aife)
La mort du Hésus Cuchulainn
Le lai du sacré-chef
Épilogue : le char fantôme du Hésus = Cuchulainn
Commentaire général
Commentaire encore plus général
Notes de Pierre de La Crau
Second fragment de texte retrouvé dans la bibliothèque de Pierre de La Crau
Troisième fragment retrouvé dans la bibliothèque de Pierre de La Crau
Postface à la John Toland.
Bibliographie des grandes lignes
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DU MÊME AUTEUR.
1. Citations des auteurs antiques parlant des Celtes ou des druides.
2. Généralités liminaires diverses sur les Celtes.
3. Histoire du pacte avec les dieux tome 1.
4. La Bible du druidisme : histoire du pacte avec les dieux tome 2.
5. Histoire du pacte avec les dieux tome 3.
6. Histoire de la paix avec les dieux tome 4.
7. Histoire de la paix avec les dieux tome 5.
8. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 1.
9. Textes apocryphes irlandais.
10. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 2.
11. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande Science qui illumine » tome 3.
12. Les cent voies du paganisme. Science et philosophie tome 1 (mythologie druidique).
13. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 2 (mythologie druidique).
14. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 3 (mythologie druidique).
15. Le grand Camminus : éléments de théologie druidique tome 1.
16. Le grand catéchisme : éléments de théologie druidique tome 2.
17. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 1.
18. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 2.
19. Mystagogie ou théâtre sacré des Celtes antiques.
20. Poèmes celtes.
21. Le génie du paganisme celte tome 1.
22. Le complexe de Roland.
23. Au pied de la lanterne des morts.
24. Les secrets du vieux druide de la forêt ménapienne.
25. Le génie du paganisme celte tome 2 (liberté réciprocité simplicité).
26. Rhétorique : la trahison des clercs).
27. Petit dictionnaire de théologie druidique tome 1.
28. Des philosophes antiques au druide irlandais.
29. Judaïsme christianisme et islam : première partie.
30. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 1.
31. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome2.
32. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 3.
33. Troisième partie tome 1 : Qu’est-ce que l’Islam ? Bref historique de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
34. Troisième partie tome 2 : Qu’est-ce que l’Islam ? Premières approches de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
35. Troisième partie tome 3 : Qu’est-ce que l’Islam ? Les 5 vrais piliers de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
36. Troisième partie tome 4 : Qu’est-ce que l’Islam ? Coups de sonde dans l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
37. Couiro anmenion ou Petit dictionnaire de théologie druidique tome 2.
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