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LA BIBLE DU DRUIDISME
(HISTOIRE DU PACTE AVEC LES DIEUX).
Tome III.
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AVERTISSEMENT AU LECTEUR.
« Honorer les dieux, ne rien faire de mal et être un homme un vrai ».
Vies et doctrines des philosophes célèbres. Livre I, prologue 6.
(Diogène Laërce.)
« Petit à petit nous oublions nos mythes et nos légendes.
En les oubliant, nous nous coupons de nos racines
Et nous perdons ainsi une partie de notre identité.
Les mythes et les légendes,
Pour peu que nous soyons dans l’attitude qui convient
En les découvrant sous les voiles de la poésie,
Expliquent le monde, la vie, la nature humaine,
Ses troubles et ses immenses possibilités.
Chante harpe du cœur !
Raconte les frémissements des eaux virginales,
La gloire de la Déesse, Mère des ondes
Et les convulsions de la naissance du monde ».
(Pierre Duchêne.)
Petite question pratique maintenant: comment appeler le héros des légendes, ou des récits, qui vont suivre?
Le premier réflexe serait d’en parler comme d’un modèle, d’un beau modèle même, mais ce premier mouvement ô combien naturel souffre de trois inconvénients.
Le premier est que l’appellation «beau modèle» fait un peu trop penser au (véritable) culte (isma) entourant la personne de Mahomet.
Le second est que c’est un modèle qu’un être humain ne saurait assurément égaler vu ses capacités pour le moins surhumaines.
Le troisième est que même les gens de sa tribu le craignaient ou le redoutaient visiblement, car c’était une sorte de berserkr.
Berserker, grand berserker serait pas mal mais...cela nous renvoie à la culture germanique.
Rofir n’a pas cet inconvénient mais c’est un terme gaélique qui n’est plus très parlant.
Chien de Culann, du forgeron Culann, serait un meilleur choix; néanmoins qui sait aujourd’hui que le chien était tenu pour un animal noble chez nos ancêtre. Exit donc aussi «chien de Culann».
Sétanta, premier nom de notre «modèle» d’après certains textes, serait un bon choix vu son contexte pan-celtique. On ne saurait l’exclure a priori.
Un mécanisme mental connu des Anciens, appelé interpretatio par les spécialistes, peut aussi nous fournir quelques pistes. Notre modèle a par exemple été aussi assimilé à Mars dans certaines tribus influencées par la culture romaine.
Henri Lizeray le rapprochait aussi du dieu guerrier appelé Esus ou Hesus même si l’étymologie de ce nom ne s’y prête guère.
On pourrait auss évidemment faire comme les premiers chrétiens et à appliquer au modèle en question plusieurs appellations n’ayant initialement rien à voir les unes avec les autres comme «fils de l’Homme» ou «serviteur souffrant» «agneau de Dieu» etc.
Hesus Mars Sétanta Chien de Culann par exemple.Quoiqu’un peu long.
En désespoir de cause mais suivant en cela l’exemple de Lady Gregory, nous nous en tiendrons finalement à l’appellation «seigneur», seigneur de Moritamna ou Muirthemné par exemple puisque tel était le nom de son domaine d’après elle et que le système politique celtique avec ses liens d’homme à homme a été un des précurseurs du système féodal.
Nous dirons donc «mon seigneur» ou «notre seigneur» pour jusqu’au bout et par delà les siècles jouer le jeu de cette société disparue car , qu’est-ce qu’un celtisant d’aujourd’hui sinon un membre de sa tribu,de son clan, de son entourage, de sa suite, un membre de coeur ou en esprit mais un membre de sa suite quand même malgré les siècles qui ont passé.
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ODE AUX TRÈS-SACHANTS.
La moitié du malheur de l’Humanité vient du fait que, il y a plusieurs milliers d’années, quelque part au Moyen-Orient, des peuples de par leur langue ont conçu la spiritualité ou la mystique…
— Non comme une quête de sens, d’espoir ou de libération avec les concepts qui s’y rattachent (distinction opposition ou différence entre matière et esprit, éthique, discipline personnelle, philanthropie, vie après la vie, méditation, quête du Graal, pratiques…).
— Mais comme une loi (DIN) gigantesque et protéiforme devant régir la vie quotidienne des hommes avec tout ce que cela implique.
Des obligations ou des interdits que tout un chacun doit respecter jour et nuit.
Des infractions ou des contraventions à cette multitude d’interdits quand ils ne sont pas suivis à la lettre.
Des jugements quand une ou plusieurs de ces lois sont violées.
Des condamnations. Pour les coupables.
Des non-lieux ou des relaxes pour les innocents APPELÉS JUSTES…
CETTE CONFUSION ENTRE LE NUMINEUX ET LE RELIGIEUX PUIS ENTRE LE SACRE ET LE PROFANE NOUS POURRIT LA VIE DEPUIS 4000 ANS VIA ISRAËL ET SURTOUT LES NOUVEAUX ISRAËL QUE VEULENT ÊTRE LE CHRISTIANISME ET L’ISLAM.
Le principe de base de notre Ollotouta nous a été donné, il y a longtemps déjà, par notre maître à tous en ce domaine ; le grand barde gaélique fondateur de la Libre-pensée moderne, que l’on évoque habituellement sous le nom anglicisé de John Toland. Il ne peut pas y avoir par définition de choses contraires à la Raison dans de Saintes Écritures émanant vraiment du Divin.
S’il y en a, il s’agit alors, soit d’erreurs, soit de mensonges !
Ou il n’y a aucun mystère, ou alors il ne s’agit en aucune façon d’une révélation divine !
Il n’y a aucun moyen terme…
Nous ne reconnaissons pas d’autre orthodoxie que celle de la Vérité, car, où qu’elle soit en ce monde, doit également se tenir, nous en sommes totalement convaincus, l’Église de Dieu, et pas celle de telle ou telle faction humaine…
Nous sommes par conséquent partisans de ne faire aucun quartier à l’erreur sous quelque prétexte que ce soit, chaque fois que nous aurons la possibilité ou l’occasion de l’exposer sous ses vraies couleurs.
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1696. Le christianisme sans mystère.
1702. Vindicius Liberus. Réponse de John Toland aux détracteurs de son « christianisme sans mystère ».
1703. Lettres à Serena contenant l’origine de l’idolâtrie et les raisons du paganisme, l’histoire de la doctrine de l’immortalité de l’âme chez les païens, etc. (Version baron d’Holbach, un philosophe allemand).
1705. Le vrai socinianisme * en tant qu’exemple de débat courtois en matière de théologie *.
Précédé de l’Indifférence dans les disputes, recommandée par un panthéiste à un ami orthodoxe.
1709. Adeisidaemon ou l’homme sans superstition. Les origines juives.
1712. Lettre contre le papisme, et en particulier contre le fait d’admettre l’autorité des Pères ou des Conciles dans les controverses religieuses, par Sophie Charlotte de Prusse.
1714. Défense des juifs, victimes des préjugés antisémites, et plaidoyer pour leur naturalisation.
1718. Le destin de Rome, des papes, et la fameuse prophétie de saint Malachie, archevêque d’Armagh au treizième siècle.
Nazarenus ou le christianisme juif, goy, et mahométan (version d’Holbach), contenant :
I.L’histoire de l’ancien évangile de Barnabé, ainsi que le moderne évangile apocryphe des mahométans, attribué à ce même apôtre.
II. Le projet original du christianisme expliqué par l’histoire des Nazaréens, résolvant du même coup diverses polémiques à propos de cette divine (mais si hautement pervertie) institution.
III. L’analyse d’un manuscrit des quatre Évangiles irlandais avec un résumé de l’ancien christianisme d’Irlande et de ce que fut la réalité des culdées (un ordre mi-laïc, mi-religieux, opposé aux deux derniers évêques de Worcester).
1720. Pantheisticon, sive formula celebrandae sodalitatis socraticae.
Tetradymus.
I. Hodegus. La colonne de feu et de nuée qui a guidé les israélites dans le désert n’était pas un miracle, mais, comme le relate précisément l’Exode, une pratique également connue des autres nations ; et dans ces contrées non seulement utile, mais même nécessaire.
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Il. Clidophorus.
III. Hypatie ou l’histoire de la plus belle, de la plus vertueuse, de la plus instruite, de la plus accomplie des femmes ; qui fut lapidée par le clergé d’Alexandrie, afin de satisfaire l’orgueil, l’ambition, voire la cruauté, de l’archevêque Cyrille, communément, mais très improprement, appelé saint Cyrille.
1726. Histoire critique de la religion celte, contenant un aperçu sur les druides, ou les prêtres et les juges, sur les vates, ou les devins et médecins, et enfin sur les bardes, ou les poètes ; des anciens Bretons, Irlandais ou Écossais. Avec en plus l’histoire d’Abaris l’Hyperboréen, prêtre du soleil.
Un spécimen de la langue armoricaine (dictionnaire breton, irlandais, latin).
1726. Compte-rendu du livre de Giordano Bruno, sur l’infini de l’univers et la pluralité des mondes, traduit de l’édition italienne.
1751. Le Panthéisticon ou le mode de célébration de la société socratique. S. Paterson Londres. Traduction du livre publié en 1720.
« Le Druidisme » est une revue indépendante (indépendante de toute association religieuse ou politique) et qui n’a qu’un seul but : la recherche théorique ou fondamentale en matière de néopaganisme. La double question à laquelle essaie de répondre cette revue d’études théoriques pourrait se résumer ainsi : « Que pourrait être ou que devrait être, un néo-druidisme actuel, moderne et contemporain ? » Le « Druidisme » est une revue néopaïenne, strictement néopaïenne, héritière de tous les mouvements authentiques (c’est-à-dire non chrétiens) qui se sont succédé depuis deux mille ans, l’héritière indirecte, mais l’héritière, quand même !
À propos de notre tradition de référence ou de notre filiation intellectuelle soulignons que si les « poètes » du royaume de Domnall mac Muirchertach Ua Néill avaient toujours les imbas forosnai, les teimn laegda ainsi que les dichetal do chennaib 1) à leur répertoire (cf. la conclusion de l’histoire du pillage du château de Maelmilscothach, d’Urard Mac Coisé, un poète mort au XIe siècle), ils étaient peut-être déjà chrétiens quand même depuis plusieurs générations. Il est vrai que ces pratiques (imbas forosnai, teimn…) étaient formellement interdites par l’Église, mais qui sait, il y a eu peut-être des accommodements analogues à ceux des astrologues ou alchimistes du Moyen-Âge.
Quoi qu’il en soit notre « Druidisme » est aussi une volonté, la volonté de se rapprocher, au maximum, du druidisme antique, tel qu’il fut (scientifiquement parlant). La volonté aussi néanmoins de moderniser ce druidisme, un retour total au druidisme antique étant exclu (il serait de toute façon impossible).
Exemples de modernisation de ce druidisme païen.
Abandon aux associations laïques du côté culturel (médecine, poésie, mathématique, etc.). Principe de séparation de l’Église et de l’État.
Spécialisation par contre dans la spiritualité celtique, ou païenne en général, l’histoire de la religion, la philosophie et la métapsychique (dite aujourd’hui parapsychologie).
Utilisation dans certains cas du vocabulaire actuel (Église, religion, baptême, et ainsi de suite).
Un juste milieu est évidemment à trouver entre un retour total au druidisme antique (fondamentalisme ou intégrisme) et une modernisation radicale trop révolutionnaire (plus de saie).
L’AAP (athée agnostique panthéiste) celte ayant accepté de cosigner cette petite bibliothèque **, dont il n’est que le rassembleur, le druide Hesunertus (Pierre de La Crau), ne se considère pas comme l’auteur de cet ouvrage collectif. Mais comme le simple porte-parole de l’équipe l’ayant composé. Pour ce qui est des autres sources de cet essai sur le druidisme, voir les remerciements de la bibliographie.
* Les sociniens, puisque c’est ainsi qu’ils furent appelés par la suite, désiraient plus que tout restaurer le vrai christianisme qu’enseigne la Bible. Ils considéraient que la Réforme n’avait fait disparaître qu’une partie de la corruption et du formalisme, présents dans les Églises, tout en laissant subsister le mauvais fond : les enseignements non bibliques (ce qui est très discutable d’ailleurs).
** Ce petit camminus est néanmoins important aussi pour les jeunes… de 7 à 77 ans ! Mantalon siron esi.
1) Do ratath tra do Mael Milscothach iartain cech ni dobrethaigsid suide sin etir ecnaide 7 fileda 7 brithemna la taeb ogaisic a crech 7 is amlaidsin ro ordaigset do tabairt a cach ollamain ina einech 7 ina sa[ru]gad acht cotissad de imus forosnad [di]chetal do chollaib cend 7 tenm laida .i. comenclainn fri rig Temrach do acht co ti de intreide sin FINIT.
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CONTRE-LAI (COMMENTAIRE) NÉO-DRUIDIQUE N°1.
Il ne doit pas y avoir de conflit entre la mythologie celtique et la science. Car ces mythes ne sont plus là, comme jadis, pour nous apprendre comment va le monde (science), mais comment ON VA DANS LE VRAI monde (néo-druidisme). Le but essentiel de cette mythologie de toute façon, était notre salut ou notre héroïsation. L’explication des phénomènes naturels n’en était qu’un but secondaire. Il ne faut pas demander au druidisme antique de parler le langage scientifique de notre temps. Les très-sachants primordiaux, se devaient de donner à leur enseignement religieux une forme qui convînt aux esprits de leur époque, et parler un langage qui leur fût adapté. Ils se sont donc souvent d’eux-mêmes conformés aux apparences sensibles. La mythologie druidique, même inspirée, renferme la science de son temps et non la nôtre. Il serait absurde de lui en faire reproche et l’on peut donc dire que les dieu-ou-démons en parlant aux hommes par leur intermédiaire (voir Diodore de Sicile. Livre V, chapitre XXXI) ont en quelque sorte approprié leur langage à l’intelligence humaine de cette époque, en s’exprimant à la manière des druides. Les très-sachants de la druidiaction (druidecht), primordiaux, ont présenté tout cela selon le langage courant de leur temps. Un peu comme celui qui est employé encore aujourd’hui bien souvent, dans la vie quotidienne, MÊME ENTRE LES HOMMES LES PLUS INSTRUITS. Et dans cette manière de parler, on exprime les choses telles qu’elles apparaissent (le soleil se couche, le jour se lève, etc.). Les vellèdes et les bardes ayant par la suite diffusé la mythologie mise au point par ces druides primordiaux ont en outre arrangé les choses à leur façon, en usant de métaphores et d’amplifications (hyperboles). Lorsque ces textes sacrés rapportent à propos de notre héros ce qui suit (par exemple).
« Is and-sin cét-riastarda im Choinculaind, co n-derna úathbásach n-ilrechtach n-ingantach n-anachnid de. Crithnaigset a chairíni imbi immar chrand re sruth no immar bocsimind ri sruth cach ball & cach n-alt & cach n-inn & cach n-áge de o mulluch co talmain. Ro lá saebchless díbirge dia churp immedón a chracaind. Táncatar a thraigthe & a luirgne & a glúne, co m-bátar dá éis. Tancatar a sala & a orccni & a escata, co m-batar riam remi. Tancatar tullféthi a orcan co m-batar for tul a lurggan, co m-ba meitithir muldorn míled cech meccon dermár díb-ide. Srengtha tollféithe a mullaig, co m-batar for cóich a munéoil, co m-bá mei(ti)thir cend meic mís cach mulchnoc dímór dírím direcra dimesraigthe dib-ide. And-sin doringni cuach cera dia gnúis & da agaid fair. Imsloic indara súil dó ina chend, issed mod danastarsed fíadchorr tagraim do lár a gruade a iarthor a chlocaind, sesceing a seitig co m-bói for a grúad sechtair. Riastarda a bél co urthrachda. Srengais in n-ól don fidba chnáma, comtar inecnáig a inchroes. Tancatar a scoim & a thromma, co m-batar ar eittelaig ina bél & ina bragit. Benais béim n-ulgaib leomain don charput uachtarach for a forcli, co m-ba metithir moltcraccand teora m-bliadan cech slamsruam teined doniged ina bél asa brágit. Ro clos bloscbeimnech a chride re chlíab imar glimnaig árchon i fotha, no mar leoman ic techta fo mathgamnaib. Atchessa na caindle (?) bodba & na cidnélla nime & na haible teined trichemrúaid innéllaib & i n-aeraib uas a chind re fiuchud na fergge firgairbe itrácht úaso. Racanig a folt imma chend imar craibred n-dercscíath im bernaid athálta. Ce ro craiteá rígaball fo rígthorud immi, ised mod da risad utull díb dochum talman taris, acht ro sesed ubull for cach n-oenfinna and re frithchassad na ferge atracht da felt uaso. Atrácht in lond láith asa etun, co m-ba sithe remithir áirnem n-ocláig. Airddithir remithir tailcithir tressithir sithithir séolchrand prímlunhgi móre in bunne diriuch dondfola atrácht a fírchleithe a chendmullaig i certairddi, co n-derna dubchíaich n-druidechta de amail chiaich de rígbruidin, in tan tic rí dia tenecur hi fescur lathi gemreta ».
« C’est alors que se produisit la première des contorsions (transes) de sa fureur guerrière, il devint méconnaissable, horrible et merveilleux à la fois. Son corps trembla comme un tronc d’arbre jeté au travers d’un torrent ou comme un roseau dans le courant, chacun de ses membres, chacune de ses jointures, chacune de ses articulations, des pieds à la tête et de la tête aux pieds, son corps tout entier se retourna furieusement dans sa peau. Ses pieds, ses tibias, ses genoux, passèrent derrière lui, ses talons ses mollets ainsi que ses genoux devant. Les muscles de ses mollets passèrent devant ses tibias, et gonflèrent au point de devenir aussi gros que le poing fermé d’un soldat. Les muscles de sa nuque se nouèrent et formèrent une boule énorme, immense, incommensurable, aussi grosse que la tête d’un enfant d’un enfant âgé d’un mois. Son visage devint comme une boule toute rouge. Un de ses yeux s’enfonça tellement dans sa tête qu’il aurait été difficile à une grue sauvage de l’en extraire. L’autre était au contraire si exorbité qu’il en sortait de sa joue. Sa bouche se déforma de façon monstrueuse. Ses joues se retirèrent des mâchoires au point de laisser entrevoir l’intérieur de sa gorge. Il recracha ses poumons qui semblèrent flotter dans sa bouche et son gosier. Ses mâchoires claquèrent l’une sur l’autre comme celles d’un loup fou furieux en s’ouvrant tellement que chacune des flammèches rouges et ardentes qui forçaient le barrage de ses dents pour sortir de sa bouche était aussi grande que la toison d’un mouton de trois ans. On pouvait entendre les battements de son cœur résonner comme les cris d’un chien vautrait qui aboierait ou ceux d’un loup affrontant des ours. Les
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flambeaux de la Bodua, des nuages de poison, des étincelles de feu rougeoyantes, flamboyantes et fulgurantes, jaillirent de sa tête comme des nuages ou nuées avec le débordement de cette la fureur vraiment sauvage qui émanait de sa personne. Il avait les cheveux hérissés sur la tête comme les épines d’un acacia poussé dans l’ouverture d’une grande haie. Si on avait secoué le pommier d’un roi chargé de fruits royaux pour qu’ils tombent, rares sont les pommes qui auraient pu passer au travers et atteindre le sol, car elles se seraient plutôt comme embrochées sur le moindre de ses cheveux, tant était grande la force de la fureur guerrière à mesure qui s’en élevait au-dessus de lui. Le Lon Laith (lumière de héros) sortait de son front, aussi long et aussi épais que la pierre à aiguiser d’un guerrier. Aussi élevé, aussi large, aussi fort, aussi raide, aussi haut que le mât d’un immense navire royal était le jet de sang noir qui jaillissait tout droit sommet même de sa tête ; et donnait ainsi naissance à un nuage noir semblable à la fumée sortant d’un hôtel royal quand y vient le roi pour s’y reposer un jour d’hiver à la tombée de la nuit ».
Eh bien lesdits textes sacrés ou plutôt leurs auteurs, se trompent, par rapport à notre science actuelle, mais expriment ce qui était cru possible à l’époque.
N.B. La lumière des héros est une sorte d’aura ou d’auréole, païenne, entourant la tête de certains héros, élevés ainsi au rang des dieu-ou-démons comme le dit notre texte. Un peu analogue au menos qui flamboie au-dessus de la tête d’Achille ou au tapas des ascètes indiens.
M. L. Sjoestedt fait remarquer qu’il existe des monnaies sur lesquelles on peut apercevoir de petites boules entre les cheveux dressés verticalement, d’une tête y figurant. Les Celtes avaient l’habitude, avant le combat, de se laver les cheveux avec de l’eau de plâtre ou du lait de chaux. Ce qui donnait de grosses mèches raides et durcies, collées ensemble et entremêlées, les faisant quelque peu ressembler à des hérissons, mais efficaces (meilleure résistance aux coups). L’abondance des noms celtiques en cassi – quelque chose est peut-être une allusion à ce type de coiffure.
Ce qu’il faut retenir pour nous de tels passages, ce n’est pas qu’un homme peut se déformer à ce point. « Étirer tellement son corps que le pied d’un homme aurait pu tenir entre chacune de ses côtes et que son cou allait cette fois d’un bord à l’autre du billot ». « Enfler comme un ballon bariolé que l’on gonfle et tendre tout son corps comme un arc effrayant ». Car personne ne peut y croire ! Mais qu’il y avait là des phénomènes hystérico-épileptiques rarissimes, dont nous ne pouvons déterminer précisément la nature aujourd’hui.
Faire dépendre la Science d’une quelconque croyance religieuse n’est pas très sage, et il ne faut pas essayer de prouver qu’une partie de la science moderne est quand même contenue dans une mythologie religieuse ; comme le font actuellement les musulmans avec le Coran ou les chrétiens (certains plus que d’autres). Ce serait dangereux et puéril, car on en arrive alors rapidement au genre de livre publié en 1973, par le druide français répondant au nom d’Edmond Koarer-Kalondan (1909-1981) sur les Celtes et les extra-terrestres. Pour avoir la pleine intelligence d’un mythe ou d’une spiritualité antique, il est nécessaire de distinguer en eux ce qui est essentiel de ce qui n’est qu’accessoire. Et donc de connaître les intentions des grands poètes inspirés qui ont composé cette littérature sacrée, ou les buts que se proposait d’atteindre le public qu’ils voulaient toucher. Les très-sachants de la druidiaction (druidecht), primordiaux, ayant parlé la langue même des dieu-ou-démons (voir Diodore de Sicile. Livre V, chapitre XXXI) leur intention n’a pu être que celle de dispenser un enseignement d’abord éthique et religieux, et ensuite seulement scientifique. Analyse et commentaires actuels de la mythologie druidique antique doivent par conséquent s’occuper surtout, sinon exclusivement, d’éthique ou de religion, et non de science. En Irlande par exemple, la mythologie concernant le Chien de Culann (Cuchulainn *) tout comme les autres d’ailleurs, a eu pour but principal, ne l’oublions pas, celui que l’on peut énoncer ainsi : « nous apprendre comment l’on va au vrai monde ET NON COMMENT VA LE MONDE ».
Jean-Pierre Martin. Telo Martius le 25 06 2003.
* JAMES MacKILLOP. Dictionnaire de mythologie celtique. Cúchulainn, Cú Chulainn, Cúchulain, Cú Chulaind, Cuchulinn, Cuculain Cúcán, etc. [Irl., chien de Culann ; chien du forgeron]. Le plus grand héros de la première littérature irlandaise et le héros principal du cycle d’Ulster ; Cúchulainn, avec Lug Lámfhota et Fionn mac Cumhaill, est l’un des trois grands héros de l’Irlande primitive. Né de parents divins et humains, Cúchulainn fut d’abord connu sous le nom de Sétanta et ne mérita le nom sous lequel nous le connaissons qu’après avoir accompli son premier haut fait à l’âge de 7 ans. Les commentateurs érudits du XIXe siècle l’ont mécaniquement comparé à Hercule et Siegfried en raison des hauts faits dus à sa valeur. Les histoires qui nous restent à son sujet sont abondantes, et il est la principale figure de la Táin Bó Cuailnge [la rafle du bétail de Cooley], sa vivacité caractéristique ainsi que sa petite taille brune ont fait penser à certains commentateurs que Cúchulainn pouvait être un
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personnage dérivé du Mercure gaulois qui nous est décrit dans les commentaires de César (1er siècle avant notre ère). On a même pensé un moment qu’il pouvait être un personnage dérivé du dieu gaulois Esus, bien que cette assertion soit aujourd’hui très contestée. Son nom de naissance, Sétanta, suggère un lien possible avec l’ancien peuple britannique des Setantii, qui nous a été décrit par Ptolémée (IIe siècle de notre ère). La façon dont on le représente suggère également un certain parallélisme avec la figure primitive d’Ogmios.
Note de la rédaction. Le lien avec le dieu-ou-démon celte continental Hesus nous semble à nous au contraire toujours aussi pertinent, ainsi que nous allons le voir, et c’est donc à tort qu’on l’a un peu vite écarté. La légende irlandaise en fait, certes, un fils naturel (ou un avatar) de Lug, mais tel était peut-être aussi le cas du dieu ou démon continental connu sous le nom de Hesus. Cette hypothèse (Cúchulainn = Hesus) mérite donc d’être creusée elle aussi et nous allons nous y atteler dans cet essai.
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CONTRE-LAI (COMMENTAIRE) NÉO-DRUIDIQUE N°2.
ESSAIS D’INTERPRÉTATION TYPOLOGIQUE
DU RÔLE JOUÉ PAR CUCHULAINN
DANS LA TRADITION IRLANDAISE.
COMMENTA BERNENSIA AD LUCANUM.
Vers 445. Hesus Mars sic placatur : Homo in arbore suspenditur usque donec per curorem membra digesserit…
Premier essai d’interprétation du mythe d’Hésus Mars dit Cuchulainn en Irlande.
Les grandes lignes de l’épopée du Chien de Culann, de Cûchulainn donc, constituent un mythe panceltique né au sein de la tribu celtophone en P des Setantii, donc en définitive quelque part en Europe centrale bien avant l’an zéro de notre ère. Et les Irlandais d’Ulster qui n’étaient pas au départ des Gaéliques, mais des Celtes parlant une langue celtique en – p d’après T. F. O’Rahilly (la dynastie régnante des Ulaid prétendait même descendre d’un roi Fir Bolg nommé Rudraige), n’ont fait qu’adapter à leur cas cette structure narrative. Il y a donc eu historicisation des grandes lignes du mythe, et non évhémérisation, ou, disons évhémérisation à l’envers (transformation de dieux ou démons en hommes certes peu communs, mais bien humains).
Et la confusion entre l’Irlande et la terre ; à une époque qui ne peut remonter tout au plus qu’à la période du vieil irlandais, au plus tôt au VIIe siècle, et probablement bien après ; a été d’autant plus facile qu’en gaélique Eriu, génitif Erenn, est l’Irlande, tandis qu’Iriu, génitif Irenn, est la terre. C’est d’ailleurs dans cette perspective qu’Henri Lizeray, le traducteur (avec William O’Dwyer) du Livre des Invasions de l’Irlande (Leabar Gabala Erenn), fondateur de l’Église druidique nationale (le labarum est son symbole) a écrit son essai fondamental intitulé « Aesus ou la doctrine secrète des druides ». Cet auteur nous invite à regarder Hesus comme un maître des Celtes antiques, dernier-né du Destin. Ne dit-on pas d’ailleurs souvent que c’est en suivant le cheminant (Setanta) que l’on trouve le chemin ?
Plus près de nous, en ce qui concerne cette divinité primordiale qu’est le Destin, vu son importance, rappelons également ici ce que nous en dit John Rhys dans le deuxième volume de son livre sur le folklore celtique gallois et manx. À propos du mot gallois « tynghed ».
Le mot dans le texte gallois pour Destin est tynghet (anciennement tuncet), et le terme irlandais correspondant est attesté sous la forme Tocad. Ces deux mots ont tendance, comme celui de « sort » à être utilisé surtout en mauvaise part. Antérieurement, ils ont dû être aussi utilisés dans un sens plus propice, comme dans le cas du nom de femme Tunccetace, sur une des premières pierres gravées du Pembrokeshire. Si son nom avait été rendu en latin on l’aurait probablement appelée Fortunata, c’est-à-dire bonne fortune… Dans la partie méridionale de mon comté natal de Cardigan, la phrase en question était encore d’usage courant ces trente dernières années encore, et les pratiques qu’elle dénote sont toujours suffisamment connues pour alimenter des histoires locales… La formule tyngu tynghed, toujours parfaitement compréhensible au Pays de Galles, rappelle un autre exemple de l’importance de ce genre de malédiction, à savoir le latin fatum… Je précise ici que les Romains avaient une pluralité de fata ; mais… que l’on ignore si les Gallois de l’Antiquité avaient eux aussi plus d’une tynghed. Dans le cas de l’ancienne littérature nordique en tout cas, il apparaît que le Destin y porte un nom peut-être apparenté avec le gallois tynghed.
Pour John Rhys (toujours dans le deuxième volume de son livre sur le folklore celtique gallois et mannois), le fait que Cuchulainn et son père Sualtam ne soient pas concernés par l’étrange maladie qui affecte les Ulates chaque année à la même date (que Rhys assimile au syndrome de la couvade) prouve qu’ils ne font pas partie de la race des Ulates, ou plus exactement des vrais Ulates.
Le « petit » Hésus appelé Sétanta puis Chien de Culann, n’est donc que l’avatar sur terre du précédent, le grand « Hesus » des origines (Morfhessa en gaélique, Marovesos en vieux celtique), resté sur son île de Thulé/Falias. Ce destin extraordinaire nous a été révélé dès le début de la vie terrestre du petit Hésus/Cuchulainn vu les circonstances assez peu communes de sa triple conception, mais aussi à l’occasion de ses exploits d’enfance entre cinq et sept ans (voir l’épisode du chien du forgeron, etc.) Ce qui prouve bien que le Destin l’avait déjà rempli de la force (le lon laith ou la lumière des héros) de l’esprit qui sauve (les âmes). La prétention au titre de roi des guerriers du Hésus Mars risquait bien entendu d’être interprétée d’un point de vue politique, la plupart des hommes étant plus ou moins guerriers à l’époque, mais le tragique martyre de sa fin en a montré le véritable sens. Dans le système celtique antique, un roi n’est pas tout à fait un guerrier comme les autres et le
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royaume de Cuchulainn n’était donc pas un simple royaume politique de ce monde (la Lia Fail, la pierre de Fal ou de Scone, ne crie d’ailleurs ni sous lui ni sous son fils adoptif Lugaid, et la royauté politique ne serait-ce que sur une fraction de ce monde, lui est donc refusée. Voir néanmoins les conseils qu’il donnera ensuite à son fils adoptif Lugaid). Ajoutons également que le fait qu’il n’ait pas eu d’enfants lui ayant survécu, nous a évité à nous autres druidisants, les ambiguïtés de l’Islam à propos du rôle politique ou pas des descendants de Mahomet. Le Hésus Mars n’a, certes, jamais accepté de bon gré de voir cette royauté politique remise à un autre monde à venir, mais il l’a quand même accepté. Son assomption au ciel sur le soibrocarpanton (le siaburcharpat) apportera d’ailleurs, à ceux qui croyaient en lui (ou qui s’y intéressent encore) évidemment (ses amis, ses admirateurs, son peuple, ses obligés), une réponse à la question de son identité (dieu ou démon ? Voué à l’enfer ou au Paradis ?). Mais, encore une fois, répétons-le, dans cette histoire d’incarnation, cet avatar, cette descente sur terre et chez les humains du Grand Hesus, sous la forme de Sétanta Cuchulainn, a été largement postérieur à son installation dans l’île de Thulé/Falias. A été largement postérieur à la séparation entre monde des dieu-ou-démons et monde des hommes. Chose curieuse, les vrais Celtes ont toujours été plus fascinés par ce roi raté, décapité, mutilé, abandonné de tous, que par ses vainqueurs. Cela peut sembler incompréhensible à des musulmans, des juifs ou même à des chrétiens, mais c’est ainsi ! Pour reconnaître un demi-dieu-ou-démon sauveur en cet homme mutilé, crucifié, à la fin, sur le pilier de pierre (menhir) de Muirthemné, un acte de foi est évidemment nécessaire. Mais pour tous ceux que le Destin appelle, Celtes de sang ou Celtes d’esprit, ce vaincu-là restera donc à jamais « l’allégorie, voix ou verbe, par excellence », de la Tocade ou du Tocad (symbole le labaron, dit aussi croix de saint Patrice en Irlande ou croix de saint André en Écosse) en action. Sa mort fait plus qu’inspirer le respect. Elle révèle l’être réel du Cheminant (Sétanta), son lien avec le Grand Hesus (Marovesus ou Morfhessa) de l’île de Thulé, son lien familial avec Lug qui l’entourera de sa lumière, la lumière des héros (lon laith), au moment de la désincarnation de son âme/esprit. Bref ses liens avec le Tocad ou Tocade (moyen gallois tynghed, breton tonket, destiné, vieil irlandais tocad, destin, toicthech « fortunatus », tonquedec en breton). La destinée d’Hésus est le dernier témoignage en date, de la puissance du Destin ou Tocad (e), mais aussi de son attachement au sort des hommes. Les animaux n’ont pas de destinée, seuls les hommes en ont une.
Rappel sur le rôle et la fonction de la classe guerrière indo-européenne vu son importance dans les légendes concernant le Hésus Mars dit Cuchulainn en Irlande.
Soyons clairs ! Une guerre défensive est par définition juste, même si tous les moyens à utiliser pour une légitime défense ne le sont pas forcément (justes) par définition. Les règles communément admises pour Israël sont les suivantes.
L’agression contre soi-même ou un pays amis doit être… En cours : le danger doit être imminent. Illégitime : entraver une guerre juste ne peut être considéré comme de la légitime défense. Réelle : l’agression ne doit pas être imaginaire ni alléguée. Parallèlement, la guerre défensive doit être… Nécessaire : aucun autre moyen de se soustraire au danger ou de soustraire au danger des populations amies. Concomitante : la réaction doit être immédiate, par exemple on ne doit pas partir en guerre pour cause d’irrédentisme ou de récupération de territoire au bout de plus de trois générations. Proportionnée à l’agression : il ne doit pas y avoir d’excès dans la riposte militaire.
Le problème éthique ne concerne en fait que les guerres « offensives ». Quant aux djihads, si les chiites sont contre (tant que le Mahdi n’est pas venu) les kharidjites en ont fait le sixième pilier de l’islam. Et les sunnites (80 % des musulmans) ont une position bien explicitée par Ibn Khaldoun (l’islam a le droit d’y recourir pour convertir le reste du monde). Les théologiens sont d’avis que toute trêve avec le Dar al harb ne doit durer que 10 ans maximum et certains admettent même le recours à la taqiya en ce domaine suite à un hadith de Mahomet sur le thème « toute guerre est une tromperie ».
Le plus simple évidemment est que toute guerre ne soit constituée que d’affrontements comme le célèbre « combat des Trente » une passe d’armes qui eut lieu le 26 mars 1351, entre volontaires (professionnels au besoin, pas comme dans le cas de Jeanne d’Arc).
Le combat fut livré en un lieu situé à mi-chemin entre les châteaux bretons de Josselin et Ploërmel et mit aux prises trente chevaliers ou écuyers de chaque côté, armés d’épées, de dagues, de lances, et de haches, à pied ou à cheval. Voir la célèbre réplique de Geoffroy du Bois qui répondit à son chef blessé demandant à boire : « Bois ton sang Beaumanoir, ta soif passera ! » Les combattants des deux côtés moururent ou furent sérieusement blessés, Bramborough lui-même faisant partie des neuf morts comptés du côté anglais. Les prisonniers furent bien traités et relâchés contre paiement d’une petite rançon, car à l’époque on se battait non pour tuer, mais pour faire de riches prisonniers. Même situation dans l’Arabie du temps de la Djahiliya d’ailleurs.
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Différents lecteurs, et même plus exactement lectrices, ayant fait observer que la façon de combattre de Jeanne d’Arc avait eu elle aussi son efficacité, nous le concédons volontiers, et cette façon de se battre de la part de Jeanne d’Arc apporte en quelque sorte la touche de féminité qui manquait à l’exercice de la guerre tel qu’il était initialement conçu par et pour la deuxième fonction indo-européenne. Les enquêtes effectuées en 1455 pour son procès en réhabilitation ont en effet montré que Jeanne d’Arc a toujours essayé d’éviter de répandre inutilement le sang : elle adresse toujours des lettres à ses adversaires, leur demandant de se retirer ou de se soumettre de leur plein gré. Aussi, à la veille de la reprise d’Orléans, fait-elle porter le 22 avril une lettre au roi d’Angleterre, au duc de Bourgogne et aux capitaines anglais présents devant la ville, lettre dans laquelle elle leur demande de se retirer. Faute de réponse positive, elle en envoie une autre au bout d’une flèche, puis somme le capitaine des Tourelles d’évacuer la place pour éviter d’être tué. Exemple « vous, hommes d’Angleterre, qui n’avez aucun droit en ce royaume, le roi des Cieux vous mande et ordonne, par moi, Jeanne la Pucelle, que vous quittiez vos bastilles et retourniez en votre pays… » ce qui évidemment fit beaucoup rire les Anglais quand ils prirent connaissance de cette lettre de la putain des Armagnacs. La veille et le jour du sacre, elle écrit également au duc de Bourgogne pour le supplier de se réconcilier avec le roi. En vain. Par là, elle souligne mieux le caractère sacré de sa mission, qui lui impose de n’utiliser l’épée qu’en dernier ressort, ultime, mais décisif. Interrogée sur cette manière d’aller contre l’ennemi, elle répondit qu’elle ne voulait pas se servir de son épée ni tuer personne. Certes elle avait une épée, elle en eut même plusieurs, mais jamais elle ne s’en servit pour faire couler le sang. Elle n’en usa que du plat (de la lame), pour donner de bonnes claques ou de bons coups de torchon (Pierre Duparc, dans son étude sur procès en nullité de la condamnation de Jeanne d’Arc). Elle fut finalement vendue aux Anglais pour 10 000 livres. Le tribunal présidé par Pierre Cauchon lui reprocha faute de mieux de porter des habits d’homme, d’avoir quitté ses parents sans qu’ils lui aient donné congé, mais surtout de s’en remettre systématiquement au jugement de Dieu plutôt qu’à celui de l’Église Catholique. Les juges estiment également que ses « voix », auxquelles elle se réfère constamment, sont en fait inspirées par le Démon. L’Université de Paris (induite en erreur par le rapport tendancieux de Pierre Cauchon, nous ne sommes pas d’accord en effet avec Georges Bernard Shaw à propos du rôle joué par cet évêque, il y a encore des individus de son genre dans la France d’aujourd’hui, par exemple des procureurs inféodés au pouvoir exécutif, prêts à toutes les manœuvres pour lui complaire et donc monter en grade) rend son avis : Jeanne est coupable d’être schismatique, apostate, menteuse, devineresse, suspecte d’hérésie, errante en la foi, blasphématrice de Dieu. Pour clore toute polémique à son sujet, reconnaissons que les réponses qu’elle a faites à ses juges *, et conservées dans les minutes de son procès, nous montrent une jeune fille (17 ans) courageuse, dont le franc-parler ainsi que l’esprit de répartie (« Sur l’amour ou la haine que Dieu porte aux Anglais, je n’en sais rien, mais je suis convaincue qu’ils seront chassés hors de ce pays, excepté ceux qui mourront sur cette terre ») sont tempérés par une grande sensibilité face à la souffrance et aux horreurs de la guerre, comme devant les mystères de la religion. Elle sut imposer le respect y compris à des tueurs en série comme Gilles de Rais (pourtant prototype de Barbe-Bleue voire de Dracula). Il fut en effet un des derniers à lui être resté fidèle. Une façon à lui de racheter ses crimes peut-être.
* Autre exemple… Question : savez-vous si vous êtes en état de grâce ou non ? Réponse : Si je n’y suis pas, que Dieu m’y mette ; et si j’y suis que Dieu m’y garde ! Mais revenons maintenant à notre sujet initial. Ce qui est certain c’est que, décapité, mutilé, torturé, notre héros pourra enfin régner désormais pour l’éternité dans la mémoire des hommes en tant que Hesus Cuchulainn roi (des guerriers). « Peu m’importe de vivre, ne serait-ce qu’une seule nuit et qu’un seul jour, si le récit de mes aventures et de mes exploits traverse les siècles » ce qui fut effectivement le cas ! C’est en suivant le cheminant que l’on trouve le chemin. L’exemplarité de la vie du Hesus Mars irlandais s’est achevée avec son assomption au ciel sur un soibrocarpanton (siaburcharpat en gaélique). Mais le druide de Conall Le Victorieux qui nous a rapporté tous ces récits n’en a pas pour autant compris du premier coup toutes les implications, c’est évident ! C’est seulement à la lumière de son initiation chamanique que le mystère de l’origine de notre seigneur Hesus Cuchulainn de Muirthemné peut être compris. Et que le cheminement de sa légende parmi nous, quelque part en Europe (centrale ?) il y a plus de 2 300 ans, peut prendre tout son sens. Mais le pilier de pierre (menhir) d’Airbe Rofir restera néanmoins toujours pour nous, un objet d’incompréhension voire d’horreur CONFORMÉMENT À L’INTENTION DE L’AUTEUR DE CE TEXTE D’AILLEURS. C’était un grand écrivain et c’est bien l’effet qu’il cherchait à susciter dans l’esprit des auditeurs.
Deuxième essai d’interprétation. Selon un procédé littéraire bien connu : celui de la transposition d’un texte concernant à l’origine un personnage différent.
« Le Destin est personnifié chez les Celtes du Continent sous le nom local d’Hesus ; et l’apparence qu’il a dans leurs fresques est vraiment terrifiante. Ils l’on représenté en guerrier aussi sanglant que
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possible 1). On le prendrait presque pour quelque déité infernale, pour Charon ou Japet, enfin pour n’importe qui plutôt que pour UNE ILLUSTRATION DE L’INÉVITABILITÉ OU DE LA FATALITÉ. Au début je crus que c’était par haine des Grecs ; qu’en prenant de telles libertés avec l’apparence personnelle de la Loi des mondes les Celtes ne faisaient que s’en venger sur le plan pictural… je dois néanmoins maintenant mentionner le trait le plus remarquable du portrait… de ce demi-dieu… Je dus rester longtemps stupéfait à contempler ainsi un tel tableau, je ne savais que penser de tout cela et je commençais même à m’en irriter quand je fus abordé en un grec admirable par un Celte qui se tenait à côté de moi, et qui en plus d’avoir des connaissances très précises dans leur science nationale, s’avéra ne pas être complètement ignorant de la nôtre. « Noble étranger, je vois que cette fresque vous laisse perplexe », me dit-il, « laissez-moi donc vous en donner la clé. Nous autres Celtes, nous n’associons pas l’inévitabilité ou la fatalité uniquement à un simple trio de fées se penchant sur le berceau des hommes (les Moires). C’est aussi surtout à la guerre que nous pensons dans ce cas-là, car elle est plus lourde de conséquences. Ne soyez pas non plus surpris si la puissance du Destin dans la vie humaine est illustrée chez nous par la vie et l’œuvre d’un féroce guerrier, car seule la mort est capable de bouleverser de fond en comble la destinée de chacun, du moins si nous pouvons en croire vos propres poètes Eschyle ou Sophocle 3) qui nous disent que… Je crois me rappeler aussi que chez vous un certain Héraclite a fait de l’affrontement de tous les antagonismes la loi suprême du monde. Et, toujours si j’ai bonne mémoire, vous aussi vous reconnaissez que l’ardeur que vos poètes appellent « agôn » est à mettre au rang des principales forces à honorer dans ce monde ? 4) Ne t’étonne donc pas de voir la relation que nous établissons entre la guerre et le destin, et ne vois pas d’outrage envers votre Logos (principe directeur du monde) si nous le représentons, nous, surtout comme un guerrier ». (Midrash de Pierre de la Crau D’APRÈS Lucien, Propos, Héraklès.)
N.D.L.R.
1. Les scolies bernoises de la Pharsale de Lucain l’appellent d’ailleurs ESUS MARS.
2. Esus Mars est honoré de cette façon : un homme est suspendu dans un arbre jusqu’à ce que ses membres se détachent (commentaires dits « bernois » des vers I, 445-446, de la Pharsale de Lucain).
3. Œdipe.
4. Esprit de compétition. Celtes et Grecs accordaient en effet beaucoup d’importance à cette notion. La première opposition utile (oxymore ou gwenn ha du) pour exprimer la notion d’Humanité, demeure sans doute celle d’ami/ennemi. Voir l’éon appelé Nanto (Neith/Neth). Mais pour les très-sachants de la druidiaction (druidecht), il s’agissait de la bipolarité caractérisant toute vie en ce monde (chaud/froid, haut/bas, doux/dur, masculin/féminin, etc.). Cette idée, que l’on retrouve aussi dans les loricae, illustre le désir d’achever ou de clore une liste, en choisissant des couples d’opposés, en englobant une totalité. En effet, si l’on évoque le noir, pourquoi ne pas évoquer le blanc, le mouvement ne va-t-il pas de même avec l’arrêt, le nord et le sud avec l’est et l’ouest ? Tout cela suggère que rien n’a été oublié ni ne peut l’être, que tout est pris en compte.
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CONTRE-LAI (COMMENTAIRE) NÉO-DRUIDIQUE N°3.
Troisième essai d’interprétation typologique du rôle joué par Cuchulainn dans l’imaginaire irlandais.
Certains auteurs ont voulu voir en Cuchulainn une divinité analogue aux dharmapala ou déités courroucées du bouddhisme tibétain.
Un des aspects surprenants du Bouddhisme tantrique vajrayâna est en effet l’existence dans sa tradition de divinités courroucées. Elles sont généralement figurées sous une forme menaçante (visage coléreux, crocs découverts, aura de flammes – une lon laith ?- cheveux hérissés, membres multiples, ornements macabres, crânes humains ou serpent servant de collier, armes dans les mains). Leur rôle est particulièrement important dans le bouddhisme tibétain où elles sont appelées drag-gshed, gourou dragpo (courroucé ou cruel) et gshed-ma (démons infernaux, bourreaux, qui torturent).
Ces images divines représentent les Protecteurs (dharmapala en sanscrit donc) dont l’allure redoutable s’oppose à une nature en fait compatissante.
Les huit principaux dharmapalas du bouddhisme tibétain sont…
Mahakala (Nagpo Chenpo).
Yama (Shinje).
Yamantaka (Shinje Shed).
Hayagriva (Tamdrin).
Vaisravana (Kubera).
Shri Devi (Palden Lhamo).
Changpa.
Prana Atma (Begtse).
Du fait que les rituels les concernant étaient autrefois transmis de façon secrète ou à cause de leur aspect, leurs représentations sont parfois exposées dans une pièce moins directement accessible, voire cachées.
Mais malgré leur aspect passablement effrayant, ce sont en fait des déités bénéfiques, car leur fonction est de protéger le bouddhisme ou ses pratiquants (beaucoup sont considérées comme des émanations de bodhisattvas ou de bouddhas). Ce sont parfois des yidams *, même si certains considèrent qu’elles ne peuvent être utilisées comme telles que par des yogis expérimentés ou des lamas. Leur apparence effrayante et leurs actions violentes décrites dans les sadhanas (méditations rituelles), où elles tuent et dévorent la chair de leurs victimes, boivent leur sang ou fracassent leurs os ; représentent la destruction des obstacles internes (avidité, colère) ou externes, à la poursuite de la réalisation spirituelle. Enfin du moins dans l’interprétation qu’en fait le bouddhisme.
Tel n’est pas notre avis ! Ou du moins, si Cuchulainn est une sorte de déité courroucée de la tradition irlandaise, il en est aussi en même temps un des plus beaux exemples de divinité apaisante vu la sérénité des derniers instants de sa vie, crucifié sur le pilier de pierre (menhir) de Muirthemné.
D’ailleurs il existe bien aussi de telles déités dans le bouddhisme tibétain, notamment les 58 évoquées dans le mandala des déités paisibles.
La légende de la mort tibétaine décrit en effet des apparitions de déités paisibles et courroucées pour celui qui s’est déjà familiarisé avec elles de son vivant. La deuxième étape du processus, le Chönyid Bardo le met en effet en présence de déités comme Vairocana, personnifiant la sagesse, l’égalité d’humeur, la faculté de discernement, etc. Du moins dans le paganisme tibétain. Mais lors de cette seconde étape, il est aussi mis en présence de déités plus effrayantes (dites courroucées dans la tradition bouddhiste tibétaine) qui ne sont en réalité que le reflet ou la représentation du poids de ses actes, passés (on récolte toujours ce que l’on a semé).
Si le pratiquant ne peut être libéré en reconnaissant et en exploitant les états de conscience qui précèdent la mort du corps, à chaque phase ultérieure de l’état intermédiaire il cherchera par conséquent à susciter l’apparition de ces déités paisibles ou courroucées, conformément à une pratique bien déterminée à l’avance. En s’entraînant à une discipline visant à les faire apparaître, celui qui pratique de son vivant le Bardo Thödol cherche à devenir conscient pendant l’état intermédiaire en question qui suit la mort physique, afin d’être capable de reconnaître d’emblée l’entité de la connaissance fondamentale, le mental de base, la nature lumineuse et cognitive du mental (Vairocana ?). Il existe à ce stade du processus post mortem100 déités pouvant être visualisées. 58 sous forme paisible, 42 sous forme courroucée. Mais ces 100 principales déités du Chönyid bardo ne seront aperçues que par les adeptes déjà très avancés spirituellement, donc ayant étudié le tantrisme. Les gens ordinaires n’auront à leur mort que des visions analogues à celles décrites dans le Sidpa bardo.
Néanmoins, comme dans le cas du processus correspondant dans la légende de la mort chez les Celtes du Continent, les apparitions divines du Chönyid bardo ne sont peut-être alors qu’une pure et
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simple réminiscence de l’imagerie mémorisée de son vivant, par le pratiquant, au cours de ses innombrables exercices de contemplation, des représentations de déités paisibles ou courroucées. Ceux d’entre nous qui n’ont aucune idée préalable de l’aspect de ces divinités post mortem ne les verront donc pas, même en arrivant à ce stade de leur cheminement vers l’autre monde.
* L’Ishta-devatâ (en sanscrit) ou la Yidam (en tibétain) est la déité de prédilection, servant support de méditation, dans les pratiques tantriques du Vajrayâna.
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L’ENLÈVEMENT DU BÉTAIL DE CUALNGE.
(Tain Bo Cualnge.)
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) N° 4.
Il s’agit de la plus longue et de la plus ancienne saga irlandaise. On traduit ce titre en général par conduite, vol, enlèvement, rafle (tain) du bétail de Cualnge.
On peut la résumer ainsi : une coalition des royaumes d’Irlande, emmenée par les souverains du Connaught envahissent le royaume d’Ulidia pour la possession du taureau fabuleux, le Brun de Cúailnge. Ils doivent affronter un guerrier surhumain surnommé « le chien de Culann » en vieil irlandais (Cu Chulainn) anciennement Setanta, et même Hésus auparavant (sur le Continent).
Il existe deux recensions principales du récit :
Une partie de la première recension est contenue dans le Lebor na hUidre (Livre de la vache brune) qui date du début du XIe siècle, mais la langue utilisée démontre qu’elle appartient au IXe siècle et peut-être au VIIIe siècle (vieil irlandais). La seconde partie est incluse dans le Livre jaune de Lecan qui est plus tardif, il date du XIVe siècle. Ces deux ensembles constituent, une fois réunis, l’histoire complète, sans qu’il y ait d’unité littéraire, compte tenu des différentes époques de composition. Cette version contient des épisodes ne figurant pas dans la version du livre du Leinster, voire sensiblement différents tant dans leur longueur que dans les détails de leur déroulement, il importe donc à qui veut avoir un aperçu plus complet de la geste de notre héros, de s’y reporter (ce que nous n’avons fait que très partiellement ou très ponctuellement). Une synthèse complète de tous ces contes et légendes d’Irlande parlant du Hésus Cuchulainn avec appareillage critique (vu les nombreuses variantes incohérences redondances ou interpolations diverses) sera d’ailleurs bientôt publiée afin que les chercheurs puissent s’y reporter. En attendant, la version anglaise du texte gaélique donné par Ernest Windisch en 1905 nous a été livrée par Joseph Dunn en 1914, mais attention, la langue en est un tantinet archaïque. Avis aux amateurs donc ! Ce n’est pas du globish, mais presque de l’anglais comme on le parlait du temps de Shakespeare. Du vieil anglois par conséquent ! La seconde recension est incluse dans le Livre de Leinster (en gaélique Lebor Laignech ou Lebar na Nuachongbala), un recueil de manuscrits qui date du XIIe siècle (moyen irlandais). Cette version a été établie à partir du Lebor na hUidre et du livre jaune de Lecan, avec incorporation d’éléments originaux.
Il existe une troisième version plus tardive et très fragmentaire.
Ces textes sont écrits en vieil irlandais, langue utilisée du VIIIe au XIe siècle, et en moyen irlandais, utilisé du XIe au XVe siècle. La forme narrative est la prose à l’exception de passages versifiés, qui soulignent l’intensité dramatique et semblent dans un état linguistique plus ancien que la prose qui les encadre.
Ces travaux de compilation littéraire ont été réalisés par des clercs, dans le cadre des monastères irlandais. Une influence chrétienne plus ou moins profonde se superpose donc au substrat celtique. À titre anecdotique, une légende fait du roi Cunocavaros/Conchobar un contemporain de Jésus (il meurt de colère en apprenant la manière dont les juifs l’auraient traité : une trace manifeste d’antisémitisme chrétien).
En revanche, la datation de la matière est impossible. Le cadre est indubitablement préchrétien et nous décrit une société guerrière de l’âge du fer. La transmission orale s’est faite sur plusieurs siècles avant que tout cela ne soit couché par écrit.
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LES CIRCONSTANCES DE LA DÉCOUVERTE
OU (RE) DÉCOUVERTE DE L’HISTOIRE DE LA TAIN.
La tradition irlandaise (et notamment le texte intitulé en gaélique Tromdamh Guaire) attribue à un célèbre poète du VIIe siècle appelé Senchan Torpeist la préservation ou la redécouverte de notre légende. Mis au défi par le roi du Connaught (Guaire : qui voulait se débarrasser de sa compagnie, vu ce que lui coûtait son hébergement) de retrouver l’intégralité du récit de la légende en question, piqué au vif Senchan aurait alors pour cela mis à contribution tous ses collaborateurs. Ci-dessous, de mémoire, la façon dont les choses se seraient passées.
« Les bardes de la verte Erin furent un jour convoqués par Senchan Torpeist afin de savoir s’ils avaient toujours en mémoire l’enlèvement du bétail de Cooley dans son intégralité. Ils répondirent qu’ils n’en connaissaient plus que des fragments. Senchan voulut savoir alors lequel d’entre eux s’en irait dans le pays de Letha pour apprendre le récit de l’Enlèvement, que le sage avait emporté avec lui à l’est en échange du grand parchemin, et serait béni par lui. Emine, petit-fils de Ninene, et Muirgen, le propre fils de Senchan, partirent tous deux dans cette direction. Ils passèrent devant la sépulture de Fergus fils de Roech à Enloch, dans le Connaught, et Muirgen s’assit sur la pierre tombale de ce héros pendant que les autres poursuivaient afin de chercher un abri pour la nuit. Muirgen récita une invocation à la pierre comme si c’était à Fergus lui-même qu’il s’adressait puis un grand brouillard s’étendit autour de lui d’un seul coup, si bien qu’on ne le vit plus durant trois jours et trois nuits. Fergus lui apparut revêtu de magnifiques habits, c’est-à-dire avec un manteau vert et une tunique à capuchon ornée de broderies rouges, une épée à pommeau d’or, des sandales de bronze, ainsi qu’une longue chevelure brune. Et il lui récita toute l’histoire de l’enlèvement des bœufs de Cooley, telle qu’elle avait été composée originellement, du début jusqu’à la fin ».
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INCIPIT TAIN BO CUALNGE.
Chapitre I. La conversation sur l’oreiller.
Un soir qu’Ailill et Maeve avaient préparé leur lit royal de la forteresse de Cruachan dans le Connacht, voici la conversation qu’il y eut entre eux sur l’oreiller. Ailill. Il est vrai de dire, femme, que l’épouse d’un homme bien a de la chance. Bien sûr que oui, répondit la femme, mais pourquoi dis-tu ça ?
Parce que, répondit Ailill, tu es aujourd’hui plus à l’aise que quand je t’ai pris [pour femme]. Maeve répondit alors : « J’étais déjà riche avant de t’avoir jamais vu ! » Il s’agissait alors d’une richesse, ma foi, dont nous n’avons jamais entendu parler, répondit Ailill, tu n’avais que des biens de femme, et tes ennemis des pays voisins avaient l’habitude de t’enlever les dépouilles et le butin qu’ils faisaient sur toi. Mais pas du tout, répliqua Maeve. Mon père était le roi des rois d’Irlande lui-même (ard ri), Eocho Fedlech (l’Endurant), fils de Find, fils de Findoman, fils de Finden, fils de Findguin, fils de Rogen Ruad (le Rouge) fils de Rigen, fils de Blathacht, fils de Beothacht, fils d’Enna Agnech, fils d’Oengus Turbech. Il eut six filles : Derbriu, Ethné, Elé, Clothru, Mugain, et moi-même, Maeve, qui étais la plus noble et la plus sûre. C’est moi qui étais la première pour ce qui est de la bonté ainsi que la générosité. C’est moi qui étais la plus forte pour ce qui est des batailles des affrontements et des combats. J’avais quinze-cents capitaines mercenaires royaux, des fils d’étrangers chassés de leur patrie, et autant de fils d’hommes libres du pays. Et dechenbor cach amuis díbside, & ochtur ri cach n-amus, mórfessiur cach amuis, sessiur cach amais, & cóicfiur cach amuis, triur ri cach n-amus, & días cach amuis, amus cach amuis. Il y avait dix hommes avec chacun de ces capitaines mercenaires ? et ???? C’était la garde habituelle de notre maison, continua Maeve. Voilà pourquoi mon père me confia une des cinq provinces d’Irlande, la province de Cruachan ; d’où mon nom, Maeve de Cruachan.
Des hommes sont venus de la part de Finn fils de Ross le Rouge, roi du Leinster, pour me demander en mariage, et je leur ai dit non ; ainsi que de la part de Cairpré le grand guerrier fils de Ross le Rouge, roi de Tara, pour demander ma main, et je leur ai dit non ; il en vint de la part de Cunocavaros/Conchobar fils de Fachtna le Puissant, roi des Ulates, et j’ai refusé pareillement. On vint également de la part d’Eochaid le Petit, mais ce mariage ne fut pas conclu, car j’ai alors exigé un prix d’achat (coibche) tel qu’aucune femme n’en avait jamais demandé à un homme d’Irlande, à savoir un mari sans avarice, sans jalousie et sans crainte (cen neóit, cen ét, cen omon).
Car s’il avait été avare, l’homme avec qui je devais vivre, alors nous aurions été mal assortis, puisque moi je suis prodigue en largesses et en dons. Et il aurait été honteux pour mon mari que je me montre plus généreuse que lui, car il se serait alors murmuré que je lui étais supérieure en richesse ou en trésors, alors qu’il n’y aurait aucun problème si nous étions aussi riches l’un que l’autre.
Car si mon mari avait été couard, il aurait été aussi peu indiqué pour nous de vivre en couple, puisque de moi-même et à moi seule je fais la guerre livre bataille et combats (catha & cumlenga & congala). Il aurait alors été reproché à mon mari que sa femme soit plus vive que lui-même, alors qu’il n’y aurait rien à redire si nous étions tous les deux aussi énergiques (beoda). Car s’il avait été jaloux, le mari avec qui je devais vivre, cela ne m’aurait pas convenu non plus, puisqu’avant de me marier je ne fus jamais sans avoir de nombreux amants. Et pourtant un tel homme j’ai fini par le trouver, en ta personne, Ailill fils de Ross le Rouge du Leinster. Tu n’étais pas avare, tu n’étais pas jaloux, tu n’étais pas du genre à rester sans réagir. J’ai conclu avec toi un contrat par conséquent, et je t’ai donné le prix d’achat du futur conjoint qui revient au père de la fiancée : c’est-à-dire des vêtements, de quoi équiper douze hommes, un char qui valait trois fois sept femmes esclaves, un morceau d’or rouge large comme ta face, le poids de ton avant-bras gauche en bronze blanc (finddruini = laiton ?) Qui que ce soit qui attente à ton honneur te lèse voire te rende fou, tu n’as donc droit en guise de compensation ou de réparation à rien que je ne puisse avoir également, car tu es un mari qui possède moins que sa femme.
Que nenni et telle n’était pas ma situation, répondit Ailill. J’avais deux frères, l’un d’entre eux régnait sur Tara, l’autre sur le Leinster ; c’est-à-dire Finn sur le Leinster et Cairpré sur Tara. Et je leur ai cédé la royauté parce qu’ils étaient mes aînés, non parce qu’ils l’emportaient sur moi en largesses et en bonté. Je n’ai jamais entendu parler en Irlande d’une province confiée à une femme à part celle-ci qui serait la seule. Et c’est la raison pour laquelle je suis venu régner ici en tant qu’héritier de ma mère, car Mata de Muresc, fille de Magach du Connaught, était ma mère. Et qui pouvait-il y avoir de mieux pour moi comme reine que toi-même, étant donné que tu étais la fille du haut-roi d’Irlande ? Il n’en demeure pas moins, poursuivit Maeve, que ma fortune est plus grande que la tienne. Ça m’étonnerait
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beaucoup, répondit Ailill, car il n’y a personne qui ait de plus de trésors de richesses ou de fortune que moi, pas à ma connaissance du moins.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) N° 5.
Que l’épouse d’un homme bien a de la chance. Nous traduisons ainsi la formule gaélique is maith ben, ben dagfir qui est volontairement sans doute, imprécise, voire qui ne veut rien dire, qui est à la limite du pléonasme ou de la tautologie ; et qui serait donc parfaitement à sa place dans les discours de notre époque. Dans le genre consensuel en effet on ne fait pas mieux. Le mal ou l’injustice tout le monde est contre. Le seul problème c’est que nous n’avons pas la même définition de ce qu’est le mal ou l’injustice ; la preuve les psychopathes, ceux qui assimilent l’État la Nation ou le Pays et leur personne, leur petite personne souvent, ceux pour qui ce qui importe le plus est de faire la volonté de Dieu, d’être agréable à Dieu. Car dans ce cas, si Dieu existe (s’il n’existe pas, n’en parlons plus) comment savoir avec certitude ce qu’il veut (s’il est capable de volition d’ailleurs) ? Mon vieux maître Pierre Lance avait coutume de dire, ce que demande * Dieu aujourd’hui c’est que l’on ne croie plus en lui. * Ce qu’il demande, ce qui lui plaît, ce qu’il veut, ce qu’il ordonne, a contrario ce qu’il interdit ou ce qui lui déplaît, ce qu’il ne veut pas, ce qu’il punit. Pour plus de détail, à ce sujet voir les religions de masse comme le judaïsme ou l’islam qui en sont des spécialistes (de l’interdit).
Pour en revenir à notre texte, ce qui est en cause ce sont les sens respectifs des termes vieux celtiques matos et dagos. Maith et dag en gaélique. Matos = bon, favorable, complet. Dagos = bon, apte, capable.
Biens de femme. Nous traduisons ainsi le terme gaélique bantincur/bantinchor sans trop savoir ce qu’il implique. Une dot ? Des biens mobiliers seulement ? Des biens revenant à la famille paternelle d’origine après la mort ? Ce qu’Ailill veut dire en tout cas est très clair : il s’agissait de biens secondaires ou mineurs. La plus sûre. Nous traduisons ainsi le mot gaélique urraitiu/aurrad (contraire deorad). Sans doute un terme de droit.
Une des cinq provinces. Soyons clairs. La tradition celtique était la division en quatre plus un, des territoires, c’est-à-dire en quatre parties plus une, au centre, grosso modo égales (cf. l’exemple de la tétrarchie galate : « chaque tribu était divisée en quatre parties appelées tétrarchies, chaque tétrarchie ayant son tétrarque, et aussi un druide [grec dikaste] ainsi qu’un chef militaire [grec stratophylaks], tous les deux sujets du tétrarque, et flanqués de deux commandants adjoints [en grec hypostratophylaks]. Le Conseil des douze tétrarques comptait trois cents membres, qui se réunissaient au Drunemeton, ainsi qu’ils appelaient ce lieu. Ce Conseil jugeait les affaires de meurtre, mais les tétrarques et les druides [grec dikastes] s’occupaient des autres. Telle était du moins la constitution de la Galatie jadis, car de mon temps le pouvoir passa entre les mains de trois chefs uniquement, puis de deux, et enfin d’un seul, Déjotarus, à qui Amyntas succéda ». Strabon, livre XII, chapitre V). Mais ce schéma théorique n’a jamais vraiment correspondu à une situation réelle et l’émergence du roi des rois d’Irlande (ard ri Erenn) fut très lente. Les pouvoirs réels du roi des rois sur les rois de provinces devaient être comparables à ceux du roi de France sur son vassal le roi d’Angleterre (en tant que duc de Normandie : cf. l’affaire des Minquiers et des Écréhous à la C.I.J.) c’est-à-dire purement théoriques.
Le coibchi donc est le prix que le fiancé paye pour acheter la fille en question à son père. Personne n’est obligé aujourd’hui de perpétuer un symbole aussi ouvertement machiste. Ou du moins on pourrait très bien imaginer de le neutraliser par un geste équivalent de la part de la fiancée : un versement tout autant symbolique de sa part à la mère du fiancé. Auquel cas il y aurait alors échange. Nous reviendrons de toute façon ultérieurement sur le statut de l’homme dans le druidisme et dans quelle mesure on peut lui demander plus (exiger ou attendre de lui, plus). De nombreux amants. Nous traduisons ainsi l’expression gaélique « can fer ar scáth araile ocum » qui signifie littéralement « sans un homme dans l’ombre d’un autre ». Femmes esclaves. Nous traduisons ainsi le terme gaélique cumal. Ce qui nous fournit l’occasion de dire deux mots sur le sujet. Le druidisme antique, tout comme le judaïsme le christianisme et l’islam, n’a jamais interdit ou prohibé l’esclavage. Tout comme on pouvait donc être chrétien ou musulman et posséder des esclaves *, on pouvait très bien être druidisant et avoir des esclaves. Le druidisme antique exigeait simplement que l’on traite bien ou à tout le moins de façon humaine ces malheureux. Deux grandes différences distinguaient néanmoins l’esclavage pratiqué par les Celtes et l’esclavage pratiqué dans les autres sociétés du monde antique. L’économie des sociétés celtiques ne reposait pas autant que chez les Grecs ou les Romains, sur l’esclavage. Les esclaves étaient la plupart du temps des guerriers vaincus ou des familles de peuples vaincus. Et comme il n’y avait pas toujours beaucoup de survivants à ces batailles (beaucoup préférant la mort à l’esclavage justement) il y avait nettement moins d’esclaves chez les Celtes que
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chez les Grecs ou les Romains, et leur statut s’apparentait plutôt à celui des captifs. Tertio enfin. Rien ne prouve que le statut d’esclave se transmettait aux enfants, ce qui était assurément le cas chez les Grecs et les Romains par contre. Donc sur ce point ce qui se passait dans l’ancien druidisme était quelque peu comparable à ce qui se passait dans l’Ancien Testament : peu de prisonniers (car beaucoup de massacres ordonnés par Dieu dans ce cas) et un statut d’esclave limité dans le temps (maximum sept ans) pour les nationaux dans le cas de l’ancêtre spirituel antique du judaïsme).
Notre religion n’étant qu’une religion de la vérité, quelques vérités justement sur l’esclavage, maintenant. Les grands blonds ou roux aux yeux bleus ont longtemps constitué un gibier de prédilection pour les trafiquants d’esclaves du monde antique. Les blancs chrétiens idem en Afrique du Nord à partir de 1500 (plus d’un million ?? Vers 1675 en tout cas les esclaves chrétiens formaient le quart de la population d’Alger). Le principal rédacteur de la Déclaration d’Indépendance du 4 juillet 1776, Thomas Jefferson, avait des esclaves (exemple Sally Hemings). La guerre de Sécession n’a pas été déclenchée pour abolir l’esclavage (le Parti républicain était opposé à l’expansion de l’esclavage, mais pas à l’esclavage en lui-même) et Lincoln n’a aboli l’esclavage que le 1er janvier 1863 pour les États sécessionnistes du Sud (c’était un moyen de les affaiblir), mais le 31 janvier 1865 seulement pour l’ensemble de l’Union (donc y compris les États du Nord). La ratification, nécessitant l’adhésion des trois quarts des états, fut obtenue quelques mois plus tard et le 18 décembre 1865 ce 13e amendement fut donc promulgué. Ce qui est certain c’est que les Confédérés firent sécession au nom de leur droit à l’autodétermination, pour protester contre l’élection du républicain Abraham Lincoln et qu’inversement l’objectif initial des nordistes fut le maintien de l’unité territoriale du pays. L’esclavage demeura aussi très longtemps légal dans le nord au nom de la « loi sur les esclaves fugitifs » de 1850 et d’ailleurs 5 États reconnaissant toujours l’esclavage (Delaware, Kentucky, Maryland, Missouri, et Virginie-Occidentale) se rangèrent dès le début dans le camp yanqui : les États dits frontaliers *. Les Arabes ont commencé la traite des Noirs (des millions de Zendj?) bien avant les Européens (à partir du VIIIe siècle) et l’ont poursuivi bien après. Les dernières traces d’esclavage légal ont été observées en Mauritanie avec les Harratines (l’esclavage n’ayant été officiellement aboli dans ce pays qu’en 1981). Eh oui, la vérité vraie n’est jamais simple et le réel est toujours complexe, ce qui n’est pas le cas du mensonge ou de l’erreur. Il va de soi que nous n’avons pas à faire comme les Témoins de Jéhovah ou les musulmans qui, prisonniers de la lettre de leurs textes sacrés (Bible, Coran) et de l’idolâtrie qui en découle (voir le véritable culte qui entoure l’homme Mahomet ainsi que le tas de feuilles reliées entre elles, appelé Coran), se sentent donc tenus de toujours justifier (plus ou moins) les pratiques de leurs prédécesseurs. Nous avons, nous autres païens celtisants, et plus précisément druidisants, cet avantage sur eux d’avoir toujours accordé plus d’importance à l’esprit qu’à la lettre (les anciens druides n’acceptaient l’écriture que pour des usages profanes dit César), et donc d’être moins liés par les pratiques de nos ancêtres spirituels ou pas. C’est pourquoi nous le rappellerons ici pour le cas où cela s’avèrerait nécessaire, à toutes fins utiles (car ce ne sont pas les goffinets qui manquent sur terre) : l’esclavage fut certes toléré par l’ancien druidisme, mais le néo-druidisme ne saurait en faire autant. L’esclavage doit être fermement condamné par le néo-druidisme. On ne saurait être celtisant ou druidisant aujourd’hui et avoir des esclaves. Être celtisant ou druidisant et posséder des esclaves, il faut choisir. Maintenant, abolir l’esclavage et le remplacer par des salariés réduits à la misère ne suffit pas. Il va de soi pour le néo-druidisme que tout être humain doit être en mesure concrètement et pas seulement théoriquement, de gagner correctement sa vie, et de subvenir à ses besoins ou à ceux de ses enfants sans être obligé de se prostituer, y compris au sens large du terme. Les princes qui nous gouvernent ont une obligation de moyens à cet égard. Tout doit être mis en œuvre par les vergobrets ou bons rois celtiques d’aujourd’hui afin d’atteindre ce résultat. La déontologie du métier de roi ou de vergobret celte exige qu’ils fassent tout pour que chacun de leurs sujets puisse disposer du minimum leur permettant de vivre dignement. Quant à la société idéale, la doctrine sociale de l’Église étant devenue visiblement une incongruité pour ceux qui la fréquentent (les hypocrites et les pharisiens de nos jours, qui vont s’incliner devant le pape et vont à la messe tous les dimanches), nous proposons à nos lecteurs de se reporter à nos légendes sur l’autre monde. Toutes mettent en scène une société où il n’est plus besoin de travailler durement pour vivre, pour se nourrir et s’alimenter, une société où l’on ne meure jamais, où résonne partout une musique divine, où les femmes sont toujours jeunes et belles et même où les jeunes gens qui ne rêvent que de plaies ou de bosses sont servis. Bref qui ressemble beaucoup au paradis selon l’islam (oui oui oui, n’hésitons point à le reconnaître, la ressemblance est frappante).
* Sur l’esclavage dans la société antique ayant donné le judaïsme voir la Genèse le Lévitique et l’Exode. Genèse 12,5. Abram prit avec lui sa femme Saraï, son neveu Lot, tous les biens qu’ils avaient accumulés ainsi que les hommes et femmes qu’ils avaient acquis à Harran, et ils se mirent en route pour le pays de Canaan. Lévitique 25, 43 à 46. Vos esclaves devront être des nations qui vous entourent, c’est d’elles que vous pourrez acheter des esclaves. Vous pourrez aussi en acheter des
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résidents demeurant temporairement parmi vous et des membres de leurs clans nés dans votre pays, ils deviendront votre propriété. Vous pourrez les léguer à vos enfants à vous en toute propriété et les traiter à perpétuité comme des esclaves. Note de l’éditeur. Comment a-t-on pu prétendre si longtemps que de telles horreurs racistes étaient des paroles de Dieu ??? Ainsi qu’aurait pu le dire John Toland, l’aveuglement de certains m’étonnera toujours. Sur l’esclavage chez les chrétiens voir les piètres arguties de la lettre de saint Paul à Philémon ainsi que le cas de sainte Blandine de Lyon et son fils Ponticus (arrêtés en même temps que leur propriétaire, qui était donc aussi chrétienne apparemment). Nous reviendrons ultérieurement sur ce qu’il convient de penser de ces fanatiques montanistes et de leur agressivité vis-à-vis des autres cultes, notamment celui de Cybèle.
** S’y ajoutaient ce qui allait devenir l’Oklahoma l’Arizona et le Nouveau-Mexique qui, bien qu’ayant peu d’esclaves, avaient des lois autorisant l’esclavage.
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Chapitre II. Les causes de l’enlèvement.
On leur amena donc pour commencer les moindre de leurs biens, afin qu’ils puissent voir lequel d’entre eux avait le plus de trésors de richesses et de fortunes. Leurs seaux leurs chaudrons et leurs vases de fer ; leurs cruches leurs cuves et leurs pichets, furent apportés. De la même façon leurs anneaux et leurs bracelets ainsi que leurs bagues de pouce et leurs bijoux en or furent apportés, leurs habits, tant pourpres que bleus, noirs, verts, jaunes, brecc & lachtna, odor, alad & riabach, multicolores ou gris, bruns, tachetés ou rayés. Leurs nombreux troupeaux de moutons furent amenés des champs et des prés ou des plaines. Ils furent comptés ou comparés, mais trouvés strictement égaux, de même taille de même nombre ; certes il avait un bélier d’une rare beauté parmi les moutons de Maeve et il valait une esclave, mais un mouton correspondant se trouvait parmi les brebis d’Ailill. Pour ce qui est des chevaux leurs coursiers leurs ngrega d’férgeltaib leurs chevaux de trait ? ainsi que leurs étalons leur furent amenés des pâturages et des parcs. Il y avait un cheval remarquable dans les troupeaux de Maeve il avait la valeur d’une esclave, mais un cheval lui correspondant se trouvait parmi ceux d’Ailill. On leur amena ensuite leurs nombreux troupeaux de porcs des forêts des vallées profondes ou des endroits les plus reculés. Ils furent dénombrés comptés ou recomptés. Il y avait un verrat remarquable chez Maeve, mais un semblable chez Ailill. Ensuite on amena devant eux de tous les bois et campagnes de la province, leurs troupeaux de bovins et leurs cheptels voire leur bétail errant. Ils furent dénombrés ou comptés, voire recomptés, mais s’avérèrent comparables, égaux en taille, égaux en nombre, à une différence près : il y avait dans une étable d’Ailill un taureau exceptionnel, c’était le veau d’une des vaches de Maeve, et il s’appelait le Blanc Cornu. Mais ce dernier jugeant indigne de lui s’appartenir à une femme, était parti retrouver le bétail du roi. Et pour Maeve, ne pas pouvoir compter ce taureau dans son cheptel fut comme si elle n’avait pas un sou. Mac Roth le messager fut alors convoqué par Maeve, et celle-ci lui demanda d’un ton impérieux de bien vouloir lui apprendre où l’on pouvait trouver un taureau de cette sorte en Irlande. En vérité, répondit Mac Roth, je sais où se trouve le taureau qui est le meilleur, et donc mieux encore que celui-ci, dans la province des Ulates, dans le canton de Cualnge, sur le domaine de Daré fils de Fiachna ; on l’appelle le Termagant Brun de Cualnge.
Va là-bas, ô Mac Roth, et demande à Daré de ma part de me prêter pour un an le Termagant Brun de Cualnge, à la fin de l’année il aura ce que vaut son prêt : de nouveau le Termagant Brun de Cualnge lui-même ainsi que cinquante génisses. Et fais-lui une proposition supplémentaire, ô Mac Roth. Si les frontaliers ou ceux du pays désapprouvent le prêt de ce rarissime joyau qu’est le termagant brun de Cualnge, que Daré lui-même vienne avec son taureau, et il obtiendra de la douce plaine d’Ai une superficie de terre égale à celle de son domaine et un char valant trois fois sept femmes esclaves & ragaid cardes mo sliasta-sa fessin et je lui accorderai mes faveurs. Sur ce les coureurs se mirent donc en route pour la demeure de Daré fils de Fiachna. Le nombre des messagers accompagnant Mac Roth était précisément de neuf. Mac Roth fut aussitôt très chaleureusement accueilli dans la maison de Daré, et on leur souhaita comme il faut la bienvenue, le premier de tous ces ambassadeurs étant donc Mac Roth. Daré demanda donc à Mac Roth ce qui l’amenait en ce lieu après un tel voyage et pourquoi il était venu. Le messager donc expliqua la raison pour laquelle il était venu et relata le différend ayant éclaté entre Maeve et Ailill. « C’est donc pour demander le prêt du termagant Brun de Cualnge afin de compenser la possession du Blanc cornu que je suis venu », dit-il, « ensuite tu recevras comme récompense pour ce prêt cinquante génisses ainsi que le Brun de Cualnge lui-même, de nouveau. Je peux en outre ajouter ceci : viens toi-même avec le taureau et tu recevras de la terre de la douce plaine d’Ai autant que ce que tu possèdes déjà ici, ainsi qu’un char d’une valeur de trois fois sept femmes esclaves, et tu jouiras de l’amitié des cuisses de Maeve en plus ».
Cette proposition plut beaucoup à Daré, il se trémoussa tellement de plaisir à cette perspective que les coutures du rembourrage de sa banquette se déchirèrent sous lui. Par la sincérité de ma conscience, s’exclama-t-il, quelle que soit la façon dont les Ulates le prendront, bon gré mal gré, ce joyau, à savoir le Termagant Brun de Cualnge, sera remis entre les mains d’Ailill et de Maeve, il ira dans le Connaught. Cette réponse du fils de Fiachna enchanta Mac Roth.
Là-dessus on leur servit à manger, on répandit sous eux de la paille et des joncs frais. Des mets de choix leur furent apportés, un véritable festin leur fut servi, et rapidement ils devinrent bruyants et passablement ivres. Deux des ambassadeurs échangèrent même les propos suivants. Ce que je pense c’est qu’il est vrai, dit l’un d’eux, que vraiment bon est l’homme dans la maison duquel nous nous trouvons. Assurément c’est un homme bon ! Mieux que bon ! Y a-t-il parmi tous les Ulates quelqu’un qui soit meilleur que lui ? insista le premier. Bien sûr que oui, répondit le second messager. Meilleur encore est Cunocavaros/Conchobar dont il est un des hommes liges, et qui règne sur cette province. Quand bien même tous les Ulates seraient rassemblés autour de sa personne, il n’aurait
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nullement à souffrir de la comparaison. Oui, mais Daré le dépasse quand même en bonté ! Car ce qui aurait constitué un bien lourd défi pour les quatre plus puissantes provinces d’Irlande, à savoir emmener hors d’Ulidia le Termagant Brun de Cualnge lui-même, nous est accordé de façon complètement libre à nous autres qui ne sommes que neuf simples messagers.
Là-dessus un troisième messager intervint en leur demandant : « quel est donc l’objet de votre dispute » ? Et le premier coureur de répéter : « vraiment bon est l’homme dans la maison duquel nous nous trouvons ! » « C’est assurément un homme bon » ! répondit l’autre. « Y a-t-il parmi tous les Ulates quelqu’un qui soit meilleur que lui » ? insista le premier messager. « Oui bien sûr », répondit le second coureur. « Meilleur encore est Cunocavaros/Conchobar dont il est un des hommes liges, et qui règne sur cette province. Quand bien même tous les Ulates seraient rassemblés autour de sa personne, il n’aurait nullement à souffrir de la comparaison ! ». « Oui, mais Daré s’avère quand même bien bon ! Car ce qu’il aurait été bien difficile pour quatre des provinces d’Irlande d’emmener hors d’Ulidia nous est remis à nous autres qui ne sommes pourtant que neuf simples messagers ». « La bouche d’où de telles paroles sont sorties mériterait de vomir du sang et d’en vomir encore, car si le taureau ne nous avait pas été remis de bon gré, nous l’aurions eu par la force ! » Or ce fut juste à ce moment-là qu’arriva dans la pièce le maître d’hôtel de Daré fils de Fiachna en compagnie d’un homme apportant de la boisson (un échanson donc) et d’un autre avec de la nourriture ; il entendit ces paroles imprudentes de la part des coureurs et la colère monta en lui, il leur laissa leur nourriture et leur boisson, mais partit sans dire un mot, ni « bon appétit » ni « je vous interdis de manger ». Il alla directement dans la maison où se trouvait Daré fils de Fiachna et lui demanda : « est-il vrai que tu as donné cet admirable joyau qu’est le Termagant brun de Cualnge aux messagers qui sont arrivés ? « Oui c’est parfaitement exact ! » répondit Daré. Pourtant il n’est pas digne d’un roi de le donner ainsi, car ce qu’ils disent c’est que si tu ne l’avais pas donné librement de ton plein gré, alors tu aurais dû l’abandonner de force à l’armée d’Ailill et de Maeve ou à cause de la science guerrière de Fergus fils de Roech. Dothung mo deo dá n-adraim. Je le jure par les dieux que j’adore, s’exclama Daré, ils n’emmèneront en aucune façon par des moyens déloyaux ce qu’ils ne peuvent avoir de plein gré !
Ils demeurèrent là jusqu’au petit matin. Le lendemain les coureurs se levèrent et se rendirent dans la maison où était Daré. Veux-tu bien nous indiquer, ô, seigneur, où est gardé le Termagant Brun de Cualnge ? Certainement pas, répondit Daré ; s’il était dans mes habitudes de me comporter de façon indigne avec les messagers les voyageurs ou les gens qui sont en chemin, aucun d’entre vous ne repartirait vivant. Que dis-tu ? s’étonna Mac Roth. Et c’est pour une bonne raison, poursuivit Daré. Vous avez déclaré que si je ne le donnais pas de bon gré je devrais m’incliner face à la puissance de l’armée d’Ailll et de Mève ainsi que devant la science guerrière de Fergus.
Que diable, répondit Mac Roth, peu importe ce que les coureurs ivres de ta boisson et rassasiés par tes morceaux de choix ont pu dire, il n’y a pas lieu pour toi d’en tenir compte ni de t’en soucier, ni non plus d’en rendre responsables Ailill et Maeve. Quoi qu’il en soit, Mac Roth, là je ne te donnerai pas mon taureau, si jamais je peux m’y opposer.
Les messagers s’en retournèrent et revinrent donc au fort de Cruachan dans le Connaught. Maeve leur demanda des nouvelles et Mac Roth lui fit savoir ce qui s’était passé, qu’ils n’étaient pas rentrés avec le taureau de Daré. Et pour quelle raison demanda Maeve ? Mac Roth lui raconta comment la dispute avait pris naissance. Point n’est besoin de polir des nœuds sur une telle affaire, Mac Roth ; puisque l’on sait, ajouta Maeve, que le Termagant Brun de Cualnge ne sera pas donné de leur plein gré, il sera pris à leur corps défendant, et nous l’aurons !
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) N° 6.
Daré. D’Arbois de Jubainville signale l’existence d’un anthroponyme Darios sur le Continent (Darioritum), mais sans rapport apparent. Frontaliers. Nous traduisons ainsi le mot gaélique crichi mais il signifie peut-être tout simplement « voisins ». Je lui accorderai mes faveurs. Littéralement « il connaîtra l’amour dans mes cuisses ». La morale sexuelle de Maeve valait bien celle de Cuchulainn. Les coutures du rembourrage de sa banquette se déchirèrent… On s’imagine la scène sans problème : Daré tout congestionné et se tortillant sur son siège tout émoustillé ! Ne jamais oublier que toute cette littérature orale a commencé par être colportée par des conteurs dont un des buts bien compréhensibles était d’amuser ou de distraire leur auditoire. Province. Nous traduisons ainsi le terme gaélique chóicid coiced qui signifie littéralement cinquième et désigne les grands royaumes historiques qui se sont partagé l’Irlande médiévale, au moins sur le papier. Chóicid coiced désigne même plus précisément l’armée d’une de ces provinces en tant que telle. Les quatre provinces cela signifie donc en l’occurrence les quatre armées provinciales mobilisées par le Connaught, le Leinster, le Munster, et Meath.
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Boisson. Nous traduisons ainsi le terme gaélique lind mais il s’agit vraisemblablement plus précisément de bière.
Point n’est besoin de polir des nœuds sur une telle affaire. Autrement dit en quelque sorte « il n’est pas nécessaire de s’appesantir sur cette affaire, il n’est pas nécessaire de s’y attarder ».
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Chapitre III. La mobilisation des hommes du Connaught
à Cruachan Aï.
Une puissante armée fut donc sur le champ rassemblée par les hommes du Connaight, c’est-à-dire par Ailill et Maeve, et ils envoyèrent un message aux trois autres provinces, des coureurs furent dépêchés de la part de Maeve aux Mané afin qu’ils se retrouvent à Cruachan, les sept Mané accompagnés de leurs trente centaines d’hommes chacun ; à savoir Mané « semblable à mère », Mané « semblable à Père » Mané « qui comprend tout » Mané « le peu docile » Mané « le très docile », Mané le beau parleur.D’autres messagers furent dépêchés par Ailill aux fils de Maga, c’est-à-dire Cet (l’Aîné), Anluan (l’Éclatant), Maccorb (l’Enfant du char) Bascell (le Sauvage), En (l’Oiseau), Doche (?) ; et enfin Scandal (Insulte), tous fils de Maga. Tous se rendirent sur place et voici quel était leur effectif : trente centaines d’hommes en armes. D’autres messagers furent envoyés chez Cormac Conlongas (l’Exilé) fils de Cunocavaros/Conchobar et chez Fergus fils de Roech. Là aussi leur nombre fut de trente centaines d’hommes armés. Trois compagnies à Cormac se rendirent à Cruachan. Il y avait en tête la première compagnie des siens. Ils avaient des cheveux courts fraîchement coupés. Des manteaux verts avec des broches d’argent. Des tuniques tissées d’or avec des broderies d’or rouge, à même la peau. Ils portaient des glaives à pommeaux blancs dotés de gardes d’argent. Et tout un chacun de demander : « Cormac est-il là ? » « Bien sûr que non ! » répondit Maeve.
La seconde troupe maintenant. Ils avaient les cheveux fraîchement coupés. Ils portaient des manteaux bleu foncé. À même la peau des tuniques d’un blanc éclatant. Ils avaient des épées à pommeau rond en or et gardes d’argent. L’homme là-bas est-il Cormac ? demandaient les gens. Que nenni, assurément ce n’est pas lui ! répondit Maeve.
Ensuite arriva la dernière troupe de guerriers. Ils avaient les cheveux longs, d’un beau blond doré, flottant sur les épaules. Ils portaient des manteaux pourpres finement ornés de broderies diverses, avec de jolies broches en or sur la poitrine. De belles et longues tuniques de soie leur descendaient jusqu’aux pieds. Ils marchaient au pas cadencé. Est-ce Cormac que l’on voit là-bas ? demandaient-ils tous. Bien sûr que oui maintenant, répondit Maeve.
C’est ainsi que les quatre provinces d’Irlande se retrouvèrent à Cruachan Aï. Elles y établirent leur bivouac et leurs quartiers cette nuit-là, et il y eut donc beaucoup de fumées ainsi que de feux entre les quatre gués d’Aï, le gué de Moga, le gué de Bercna, le gué de Slissen, et le gué de Coltna. Et ils restèrent même une quinzaine de jours dans la capitale du Connaught, Cruachan, à festoyer à boire et à s’amuser afin de rendre plus faciles leur mobilisation et leur marche en avant. Puis Maeve demanda donc à son cocher d’atteler ses chevaux pour elle, afin qu’elle puisse aller consulter son druide, et obtenir de lui fessa & fástini, réponses et augures.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) N° 7.
Les 7 Mané. Traduction de leurs surnoms donnés sous toutes réserves. En gaélique il s’agit de Mane Máthremail, Mane Athremail, Mane Condagaib Uili, Mane Míngor, Mane Mórgor, Mane Conda Mó Epert. La liste varie suivant les manuscrits. Dans certains d’entre eux, Mané Morgor est déjà mort.
Cormac et Fergus sont des Ulates bannis du royaume d’Ulidia au moment de la guerre civile ayant éclaté dans ce royaume quelques années auparavant (voir la belle et tragique histoire de Deirdre). Les effectifs donnés sont bien entendu totalement fantaisistes. Ce que le conteur veut nous faire comprendre c’est qu’il s’agit d’une armée comme on n’en avait jamais vu. Et qui défile fièrement sous les yeux des badauds ou des curieux venus de toutes parts assister au spectacle. Le comble du paradoxe, mais c’est sans doute dû au chauvinisme provincial un peu naïf ou au contraire très madré, du conteur, c’est que ce ne sont même pas des soldats du Connaught qui constituent le clou du spectacle, mais des Ulates exilés. Tuniques. Nous traduisons ainsi le terme gaélique lénti mais il est glosé par le terme « latin » d’origine celtique camisia qui signifie chemise.
Une quinzaine de jours. De toute façon leurs poètes et leurs druides ne voulaient pas les laisser partir avant la fin de cette période de quinze jours, et attendaient un signe favorable, ajoute Joseph Dunn. Poète dans ce cas signifie surtout « voyant » (vellèdes, filé en gaélique). Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, il n’y a qu’exceptionnellement des femmes druides (bandrui) dans nos textes. Par contre il est certain… Premièrement que les femmes étaient plus qu’admises dans tout ce qui touchait aux pronostics et à la voyance (donc les spécialisations de vate – vieux celtique vatis – et vellède). Deuxièmement qu’il existait des communautés ou des congrégations uniquement composées de femmes, comme celles qui vivaient dans diverses îles plus ou moins mystérieuses
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(Sena ou l’île des Namnètes voire Avallon). Et à l’intérieur de ces collèges exclusivement féminins, il y avait bien entendu des femmes à tous les degrés de la hiérarchie.
Mais tout cela ne concerne que l’ancien druidisme. Rien n’empêche les néo-druides d’aujourd’hui… Premièrement d’avoir des collèges ou des communautés mixtes. Deuxièmement d’avoir des femmes à tous les degrés de la hiérarchie. Nous déconseillons néanmoins dans ce cas l’utilisation du néologisme druidesse, qui serait un anachronisme, et nous suggérons plutôt un équivalent du terme « prêtresse » voire le mot prêtresse lui-même bien entendu.
N.B. Sur la possibilité ou non de connaître l’avenir, voir nos autres notes à ce sujet. En tant que médecins les vates devaient bien entendu être en mesure de faire des diagnostics en ce qui concerne leurs malades, mais aller plus loin devait sans doute nécessiter beaucoup de psychologie (voire de caractérologie) de leur part. Et nous reviendrons sur le statut de l’homme dans les sociétés celtiques dans nos autres leçons (peut-on leur demander plus, peut-on exiger plus d’eux, en attendre plus).
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Chapitre IV. Les augures.
Quand Maeve fut arrivée là où était le druide, elle lui demanda réponse et augures. Il y en a beaucoup, dit Maeve, qui vont quitter aujourd’hui leurs parents et leurs amis, s’éloigner de leurs foyers ainsi que de leurs terres, de leur père et de leur mère ; et à moins que tous reviennent indemnes, c’est sur moi que retomberont leurs soupirs et leurs malédictions. Cependant il ne part ni ne reste ici à la maison personne qui ne nous soit plus cher que nous-mêmes. Aussi dis-nous donc si nous reviendrons ou si nous ne reviendrons pas de cette expédition.
Et le druide fit la réponse suivante : « Qui que ce soit qui ne revienne pas, toi tu reviendras ». En attendant, dit le cocher, je peux toujours faire tourner le char vers la droite, cela sera de bon augure, le signe que nous reviendrons. Et l’aurige fit donc tourner à droite son char pour repartir avec Maeve, mais cette dernière aperçut quelque chose qui l’étonna beaucoup. Une jeune fille d’âge nubile debout toute seule sur le timon d’un char non loin et qui venait dans sa direction. Is amlaid boí ind ingen ic figi chorrthairi & claideb findruini ina láim deiss cona secht n-aslib do dergór ina déssaib. Et voici comment était la jeune fille : en train de tisser, et dans sa main droite, il y avait une navette de bronze blanc (laiton ?) avec sept fils d’or rouge. Elle portait un manteau vert moucheté, attaché sur sa poitrine par une large broche à grosse tête en or. Elle avait un beau visage rouge et des yeux bleu-gris rieurs. Ses lèvres étaient fines et rouges. Ses dents brillaient comme des perles, on aurait dit qu’une averse de perles blanches avait plu dans sa bouche. Ses lèvres étaient semblables à du cuir parthe pourpre et frais. Aussi doux que les cordes d’une harpe (rote) quand elles sont pincées de manière soutenue par les mains d’un maître musicien était le son mélodieux de sa voix et de ses paroles. Aussi blanc que la neige tombée dans la nuit était l’éclat de sa peau et de son corps en dehors des vêtements. Fins et très blancs étaient ses pieds, ses ongles étaient pourpres et bien taillés, elle avait de beaux cheveux blonds dorés, coiffés en trois nattes, une lui descendant jusqu’aux mollets.
Maeve la regarda l’air un peu étonné : « Que fais-tu donc ici, ô jeune fille ? » demanda-t-elle. J’œuvre à ta fortune et à ta réussite dans ta mobilisation des quatre grandes provinces d’Irlande contre le pays des Ulates pour y rafler le bétail de Cualnge. Pourquoi donc fais-tu cela pour moi ? poursuivit Maeve. J’ai beaucoup de raisons pour cela. Je suis une des esclaves de ta maison. « Qui de mes gens es-tu donc et quel est ton nom ? » demanda Maeve. Ce n’est pas difficile à dire en vérité. Je suis la vate Videlma du Sidh de Cruachan. D’où viens-tu ? continua Maeve. D’Alba, où j’ai appris le métier de vellède, répondit la jeune fille. « As-tu la grande science qui éclaire ? » « Bien entendu ! » répondit la jeune fille.
Bien maintenant, dis-nous ô Videlma la femme vate comment vois-tu notre armée ? Je la vois cramoisie, je la vois toute rouge !
Ce n’est pas un véritable augure ça, répondit Maeve. Cunocavaros/Conchobar et les Ulates sont victimes de leur cess noinden (voir contre-lai) à Emain. Mes éclaireurs y sont allés, il n’y a là rien que nous ayons à redouter de la part des Ulates. Mais dis-nous la vérité maintenant.
Ce n’est pas un véritable augure ça. Cuscraid le bègue de Macha, fils de Cunocavaros/Conchobar, est dans son île en proie lui aussi à la cess noinden. Mes éclaireurs sont allés là-bas ; nous n’avons rien à craindre des Ulates de ce côté-là. Mais dis-nous la vérité maintenant. Videlma toi la femme vate, comment vois-tu notre armée ? Je la vois cramoisie, je la vois toute rouge !
Eogan fils de Durthacht est en proie au cess noinden dans sa forteresse (rath) d’Airther. Mes éclaireurs sont allés là-bas. Nous n’avons rien à craindre des Ulates de ce côté-là. Mais dis-nous la vérité maintenant. Videlma toi la femme vate, comment vois-tu notre armée ? Je la vois cramoisie, je la vois toute rouge !
Celtchar fils d’Uthechar est dans son château (dun) en proie au cess noindenn et un tiers des Ulates avec lui. Mes éclaireurs sont allés là-bas. Nous n’avons rien à craindre des Ulates de ce côté-là. Mais dis-nous la vérité maintenant. Videlma toi la femme vate, comment vois-tu notre armée ? Je la vois cramoisie, je la vois toute rouge !
Ce qui me semble devoir être n’est pas ce qui t’apparaît à toi, répliqua Maeve, car dès que des Irlandais se réunissent quelque part, alors bien sûr surgissent des querelles, des embrouilles, des différends et des disputes parmi eux à propos de l’ordre de marche, avant-garde ou arrière-garde, au gué ou à la rivière, qui sera le premier à tuer muicce nó aige nó fíada nó fiadmíla, un sanglier ou un cerf ou un daim ou du gibier. Mais maintenant, regarde bien de nouveau et dis-nous la vérité. Videlma toi la femme vate, comment vois-tu notre armée ? Je la vois cramoisie, je la vois toute rouge !*
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique N°8
Navette. Nous traduisons ainsi le terme gaélique claideb, mais sans trop de certitudes.
Des yeux rieurs. La version du Lebor na hUidre ou Livre de la vache brune nous a conservé une description plus complète de la déesse ou démone, qui précise qu’ils avaient trois pupilles. Sans doute pour signifier par là qu’elle avait le don de double vue. Le manuscrit de la vache brune précise que la jeune fille portait aussi des armes. Il s’agit donc d’une vierge guerrière un peu à la Jeanne d’Arc.
Rote. Venance Fortunat (Livre VII, chant 8) l’oppose aussi bien à la lyre des Romains qu’à la harpe des barbares.
Vate. Nous traduisons ainsi le terme gaélique banfaid du livre du Leinster. Comme quoi la spécialisation druidique de vate n’était pas fermée aux femmes en ce temps-là. À noter néanmoins. Le manuscrit du livre de la vache brune indique banfili (femme vellède) et filidechta (vellédisme) au lieu de banfaid. Ce qui indique malheureusement qu’à l’époque de la mise par écrit de toutes ces légendes (XIIe siècle) on commençait un peu à tout mélanger.
La grande science qui « éclaire. Nous traduisons ainsi le terme gaélique imbass forosna. Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le préciser plus haut, les fonctions quelque peu relatives à la voyance ou à la capacité d’établir un pronostic, étaient surtout l’apanage des femmes dans l’ancien druidisme. Mais on se demande si en fait s’il ne s’agit pas de l’apparition d’une des trois fées du destin, propres au monde celtique (vous savez, les fameuses fées qui se penchent sur le berceau de tout nouveau – né dans les contes). Une des trois déesses équivalant aux Nornes aux Parques ou aux Moires. Elle apparaît en tout cas comme occupée à tisser, avec un métier à tisser. Toute la question maintenant est de savoir dans quelle mesure on peut prévoir l’avenir. Si un vate laïc d’aujourd’hui (un médecin) annonce : « vous avez un cancer, vous n’en avez plus que pour 6 mois ! » peut-on considérer cela comme une prédiction ??? Remarquons néanmoins les différences suivantes : le druide, du moins dans cette histoire, ne répond qu’à la question posée, et ne se trompe pas. La fée ou déesse (ou démone bien entendu, suivant le point de vue où l’on se place), est un peu plus généreuse, un peu plus altruiste, elle pense aux autres, aux simples soldats ; et donc, essaie de faire comprendre à Maeve que son expédition va finir dans un bain de sang.
Cess noinden. Expression gaélique signifiant grosso modo « indisposition de neuf jours ». Il s’agissait d’une mystérieuse maladie tenant alités les Ulates mâles pendant une semaine celtique c’est-à-dire neuf jours, suite à la malédiction lancée par une déesse ou démone ou fée. Sans doute une allégorie ou une image mise au point par les druides pour expliquer quelque chose et qui n’était plus comprise. Nos textes précisent que cette mystérieuse indisposition n’affectait pas le Hésus Cuchulainn « puisqu’il n’était pas Ulate ».
*Le manuscrit du livre du Leinster contient ici une longue interpolation (un poème) consacrée à Cuchulainn et que nous avons préféré supprimer, car elle pose le même problème que dans la Bible (partie Nouveau Testament) la fin de l’épisode de la présentation au Temple de l’Enfant Jésus (Luc 2, 22-39) : elle rend incompréhensible l’étonnement ou l’ignorance dont font preuve Ailill et Maeve (Marie et Joseph dans les quatre évangiles) plus tard, vis-à-vis de l’enfant dieu ou demi-dieu, en découvrant ses exploits. En tout cas pour ce qui est de Jésus voici ce que sa famille était censée savoir (mais ils avaient une très mauvaise mémoire apparemment) depuis sa naissance : « Son père et sa mère furent émerveillés par toutes ces choses dites à son sujet, mais Siméon les bénit et dit à Marie sa mère : comprends bien que cet enfant est destiné à faire tomber ou se relever beaucoup en Israël, à être un signe qui s’élèvera contre beaucoup, quant à toi un glaive de douleur te transpercera l’âme ; ainsi seront dévoilées les pensées cachées de bien des gens ». Plutôt que faire injure à l’intelligence ou à la mémoire de Marie et de Joseph, n’est-il pas plus simple, plus logique, d’admettre que toute cette histoire A ÉTÉ INVENTÉE A POSTERIORI (PAR CETTE BIEN COMMODE TRADITION ORALE. AH LA TRADITION ORALE, AUTRE NOM DE l’AFFABULATION, QUI SÉVIT ÉGALEMENT DANS LE NÉO-DRUIDISME SOUS LE NOM DE TRADITION SECRÈTE) EN MÉLANGEANT AU PASSAGE DEUX CATÉGORIES DE CÉRÉMONIES DIFFÉRENTES : le rachat de tout premier né mâle par le père (Exode 13,13), mais aussi la purification de la femme ayant accouché (Lévitique 12,8). Mais revenons à nos moutons. En ce qui nous concerne le même phénomène s’est produit à cet endroit de notre texte, afin de faire mieux ou d’étaler sa science un scribe y a introduit un lai (un poème) à la gloire de Cuchulainn… qui ne peut logiquement y avoir sa place.
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Chapitre V. La route suivie par l’expédition.
Contre-lai (commentaire) néo-druidique N°9.
N.B. Le chapitre suivant, le chapitre V, est entièrement consacré au prétendu itinéraire qu’aurait parcouru cette expédition militaire avant d’arriver aux frontières du royaume d’Ulidia (le royaume des Ulates). Exemple typique de l’évhémérisation à rebours forcenée des bardes irlandais devenus chrétiens. Tout à fait comparable aux multiples légendes musulmanes attribuant aux personnages de roman bibliques que sont Adam ou Abraham la construction de la Kaaba de La Mecque. Il n’y a rien de vrai ou d’historique là-dedans. Dans le cas de l’islam, c’est même une contre-vérité au carré puisque ces légendes musulmanes utilisent à tort des personnages qui étaient déjà eux-mêmes très éloignés de leur prototype originel. Nous voulons parler ici du personnage d’Abraham, car celui d’Adam est bien évidemment une fiction abêtissante. Il n’y a jamais eu de premier homme sorti des mains de Dieu tel que nous le voyons actuellement, mais un clan, ou un petit groupe, de premiers humains, produit d’une longue évolution à partir de l’animal, et destiné lui-même à évoluer de façon notable, un clan où les femmes ont génétiquement joué un rôle de tout premier plan (des femelles mutantes fécondées de façon incestueuses ?). L’islam a donc en la matière ajouté des légendes à d’autres légendes, a construit tout un édifice légendaire sur une base déjà légendaire. Trois mille ans de monolâtrie abrahamique, quelle impasse pour la philosophie ! De telles idées ne font donc qu’entretenir des millions d’êtres humains dans l’obscurantisme le plus crasse et doivent par conséquent être vigoureusement combattues. Comme l’aurait dit en son temps John Toland, pas de quartier envers les dogmes du camp des partisans… de l’erreur ou de la contrevérité. Adam n’étant qu’une allégorie bien commode pour certains types de raisonnement dangereusement infantilisant (responsabilité collective et ainsi de suite…) précisons néanmoins qu’il est possible que de petits chefs de tribus locales ou des ancêtres de clans comme Abraham Isaac et Jacob, aient pu exister ici ou là de façon indépendante, avant que des prêtres ne s’emparent de leurs cultes pour les relier entre eux et ainsi tromper leur monde. Thomas Christian Römer, voit dans le lien entre Abraham et la Chaldée une invention des Juifs exilés dans cette région sous le règne de Nabuchodonosor. Du temps supposé d’Abraham, au début du IIe millénaire avant notre ère, Ur était une ville sumérienne. Trois mille ans de monolâtrie abrahamique, quelle impasse pour la philosophie ! L’Humanité a depuis perdu un temps et une énergie considérables à méditer sur un exemple aussi dangereux (le sacrifice d’Isaac évité de justesse, etc.) ou à tout le moins aussi douteux. Tout cela est parfaitement comparable aux multiples légendes françaises attribuant au bon géant Gargantua maints détails de la topographie. Il n’y a rien d’historique là-dedans. Un des grands torts des celtologues des siècles derniers a d’ailleurs été de ne pas l’avoir compris. Bref, ce chapitre ne nous apprenant rien et bien au contraire sur le contenu du mythe panceltique originel, qui était, répétons-le, intemporel et non précisément localisable, nous l’omettrons sans remords. Abraham passant dans la région de La Mecque est une légende aussi éloignée de la vraisemblance historique que son passage à Jérusalem (le mont Moriah).
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Chapitre VI. La marche de l’armada.
Ils se mirent en marche le premier jour de la lune suivant la Samon (ios)… Après leur première journée de marche, les troupes venues de Cruachan passèrent la nuit à Cuil Siblinni. C’est à cet endroit donc que fut dressée la tente d’Ailill fils de Ross et toutes ses affaires déballées, son lit et ses couvertures. La tente de Fergus fils de Roech était à sa droite, Cormac l’exilé, le fils de Cunocavaros/Conchobar étant juste à côté de lui ; ensuite Ith le fils d’Etgaeth, Fiachu fils de Firaba, le fils de la fille de Cunocavaros/Conchobar, Goibniu fils de Lurgnech. Telle était la disposition du campement à la droite de la tente d’Ailill : avec trente centaines d’Ulates. Les trente centaines d’Ulates étaient à sa droite afin que les entretiens ou les conversations à voix basse ainsi que le choix des meilleurs morceaux ou des boissons, soient plus faciles. Maeve de Cruachan était à gauche d’Ailill. Finnabair la fille d’Ailill et de Maeve était à ses côtés, ainsi que des serviteurs et des valets. Ensuite venait Flidais aux beaux cheveux, femme d’Ailill Find pour commencer. Elle prit part en effet au vol des vaches de Cualnge après avoir couché avec Fergus, et toutes les sept nuits (une fois par semaine donc) apportait ce qu’il fallait comme lait pour les Irlandais en route, pour les rois les reines les princes les vellèdes leurs élèves. Ce jour-là Maeve fut la dernière de l’armée, car elle était en quête de fessa & fástini & eólais, d’informations de signes ou de nouvelles afin de savoir qui traînait des pieds ou qui brûlait d’aller plus avant dans cette expédition. Maeve ne permit pas que l’on dételle ses chevaux ni que l’on gare son char avant qu’elle ait pu accomplir un dernier tour du camp. Alors et alors seulement ses chevaux furent dételés puis son char abaissé à terre, et ensuite elle s’assit à côté d’Ailill fils de Magach. Ailill interrogea Maeve pour savoir qui était le plus résolu et qui renâclait quelque peu ou trainait des pieds dans l’armée en campagne. Il est inutile que quelqu’un d’autre vienne à part cette noble troupe-là, répondit Maeve. Que font-ils donc de si extraordinaire pour mériter cet éloge qui les met au-dessus de tous les autres ? demanda donc Ailill. Il y a de bonnes raisons de me réjouir d’eux, répondit Maeve. Alors que les autres commencent à peine à monter leur campement, eux ont déjà fini de monter leur abri et d’ouvrir leur tente. Quand les autres ont fini de monter leur abri et d’ouvrir leur tente, eux ont fini de préparer leur repas ainsi que leur boisson. Quand les autres ont fini de préparer leur repas et leur boisson, eux ont déjà fini de prendre manger. Quand les autres ont fini de prendre leur repas, eux sont déjà en train de dormir. Même leurs esclaves et leurs serviteurs surpassent les esclaves et les serviteurs des hommes d’Irlande, de la même façon que leurs guerriers ou leurs champions surpassent également ceux des hommes d’Irlande dans cette campagne. Mais tant mieux pour nous, répondit Ailill, puisqu’ils marchent avec nous. Ils ne viendront point avec nous et ce n’est pas pour nous qu’ils se battront. Alors, laissons-les à la maison, répondit Ailill. Ils ne resteront pas chez nous, répliqua Maeve (car ils tomberont sur nous et s’empareront de nos terres). Mais alors que doivent-ils faire, demanda Findabair, s’ils ne doivent ni venir ni rester chez nous ? Tout ce que je veux pour eux c’est la mort l’anéantissement et le massacre, répondit Maeve. Malheur à qui profère de telles sottises, dit Ailill, et tout cela uniquement parce qu’ils ont monté leur tente et installé leurs quartiers rapidement et promptement. Par ma foi, s’exclama Fergus, il faudra me passer sur le corps avant de s’en prendre à ces hommes-là ! Tu n’es guère fondé à me dire ça, Fergus, répliqua Maeve, car ma troupe est assez nombreuse pour te faire passer de vie à trépas et te tuer toi et ces trente centaines de Gaulois (Galiain) qui sont avec toi. J’ai les sept Mané ainsi que leurs sept fois trente centaines d’hommes et les fils de Mâga ainsi que leurs trente centaines d’hommes, Ailill avec ses trente centaines d’hommes, et enfin la garde de ma maison. Nous sommes assez nombreux pour te faire passer de vie à trépas et te tuer toi et tes trente centaines de Gaulois (Galiain). Il n’est guère pertinent de me parler de la sorte, rétorqua Fergus, car j’ai avec moi les sept princes du Munster avec leurs fois trente centaines d’hommes. J’ai aussi avec moi trente centaines des meilleurs nobles guerriers d’Ulidia. Ainsi que les meilleurs guerriers de toute la verte Erin, les trente centaines de Gaulois (Galiain). Je suis leur gardien leur protecteur ainsi que leur garantie depuis qu’ils sont arrivés de leur pays, et ils seront avec moi en cas de conflit. Je propose néanmoins une solution pour éviter tout problème avec les Gaulois (Galiain) : je disperserai tous ces Gaulois parmi les Irlandais de sorte qu’il n’y en ait nulle part plus de quatre ensemble. Peu m’importe, répondit Maeve, la manière dont on s’y prendra, pourvu seulement qu’ils ne soient plus rassemblés en ordre de bataille comme maintenant. Alors Fergus dispersa ces trente centaines de guerriers parmi les hommes d’Irlande de telle sorte qu’il n’y en ait pas plus de quatre ensemble au même endroit.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique N°10.
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Ils se mirent en marche le premier jour de la lune suivant Samon… Livre de la vache brune et manuscrit Egerton 1782.
Flidais. Avis à ceux qui s’imaginent encore que tous ces personnages (Conchobar, Maeve, etc.) sont historiques et ont bien existé. Flidais est une déesse ou démone ou fée mentionnée dans le Livre des conquêtes d’Irlande, le Dindsenchas métrique dans le Coir Anmann et dans le cycle d’Ulster. C’est apparemment une déesse de la fécondité ainsi que de l’agriculture, possédant des vaches magiques.
Cette troupe-là. Mes correspondants parisiens me font remarquer qu’il s’agit très vraisemblablement de mercenaires gaulois (Gailioin). L’existence de mercenaires gaulois au service des rois d’Irlande se déduit d’ailleurs aisément des conditions dans lesquelles Labraid Loingsech est censé avoir “repris” le trône de son grand-père. Les guillemets s’imposent, car il s’agit sans doute vraisemblablement plus d’une conquête que d’une reconquête comme toujours dans ce genre d’histoire. À charge ensuite aux intellectuels de l’époque (les bardes) d’inventer ce qu’il faut pour que cela semble plutôt un retour au pays. L’existence des mercenaires celtiques apparaît dans les sources anciennes peu après la prise de Rome par les Sénons. On peut parler pour le IVe siècle avant notre ère d’une véritable alliance entre les Gaulois et Denys l’Ancien de Syracuse. Le mercenariat celtique prit à partir de la mort d’Alexandre le Grand une ampleur extraordinaire : les Celtes combattant dans les diverses armées du monde hellénistique se comptent par milliers. Il est clair que l’introduction de l’usage de la monnaie chez les Celtes vers le début du IIIe siècle avant notre ère doit être attribuée au mercenariat. La diffusion de la monnaie hellénistique, les « philippes » et autres dans le monde celtique doit en constituer le témoignage archéologique. Les difficultés à tenir des troupes de ce type n’ont pas empêché Carthage d’embaucher des Celtes pendant la première guerre punique. Un de leurs chefs, Autarite, qui parlait bien la langue punique, a d’ailleurs suscité la grande révolte des mercenaires qui réclamaient leur solde (241-237 avant notre ère) avant de mourir crucifié. Il ne s’agit sûrement pas de combattants individuels, mais de troupes engagées, régulièrement suivies de femmes et d’enfants, marchant avec les bagages. La réputation des mercenaires celtes s’explique, d’une part, par le succès des invasions celtiques dans le monde méditerranéen et, d’autre part, par la qualité de leurs armes ainsi que leur façon de combattre. Le déclin du mercenariat celtique commence avec la première moitié du IIe siècle avant notre ère. Flavius Josèphe dans ses Antiquités judaïques (XVII, 8, 3) ainsi que dans sa Guerre des juifs (I, 33, 9) mentionne néanmoins encore des Gaulois ou Galates assistant aux funérailles d’Hérode le Grand. Il est vrai qu’il faut se méfier comme de la peste de cet historien qui n’hésite point à faire descendre de Gomer les Celtes galates ou gaulois (Antiquités judaïques, I, chapitre VI, 1). Quelle hérésie ! Et rappelons au passage que, contrairement à ce qu’affirment certains druidomanes français, au point de vue étymologique la Galilée palestinienne n’a rien à voir avec le nom des Gaulois ou des Galates, pas plus que le nom du Tyrol autrichien avec une quelconque maison du soleil (ty heol en breton). Quelle ignorance ! N.B. Différents témoignages attestent qu’il y a eu des mercenaires gaulois au service des rois d’Irlande (exemple les Fénianes) y compris jusqu’à une date assez tardive puisqu’ils sont alors appelés Frangcaigh fognama.
Car ils tomberont sur nous et s’empareront de nos terres. Lebor na hUidre ou livre de la vache brune. Les craintes de Maeve n’étaient pas complètement dénuées de tout fondement. Voir à ce sujet le célèbre romancier français du XIXe siècle Gustave Flaubert et son livre intitulé Salammbô que l’on retrouve même dans le Citizen Kane d’Orson Welles. Si le récit de Flaubert est évidemment romancé (C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar…), il reste néanmoins assez fidèle au récit de l’historien antique dont il s’est inspiré : Polybe.
Princes. Nous traduisons ainsi le terme gaélique airríg.
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La troupe reprit ensuite sa marche. Il leur fut difficile de faire en sorte, dans cette puissante multitude qui s’était mise en route, étant donné le nombre des tribus des fratries et tous ces milliers d’hommes qu’ils emmenaient avec eux, qu’ils puissent chacun s’apercevoir ou se reconnaître, et que chacun puisse être avec ses familiers, ses amis, ou ses parents, dans cette cohue qui faisait route en avant. Ils se demandèrent aussi comment il convenait d’avancer lors de la marche en avant de cette armée. Il leur fut répondu qu’ils devaient avancer ainsi : cach drong imma ríg, cach réim imma muirech & cach buiden imma tuísech, cach rí cach rígdomnad'feraib Hérend ina thulaig fo leith. Chaque troupe autour de son roi, chaque bande armée autour de son commandant, chaque compagnie autour de son chef, et chaque roi ainsi que chaque prince des hommes d’Irlande sur sa propre colline.
Ils discutèrent aussi de la question de savoir qui devait les guider pour passer d’une province à l’autre et il fut décidé que ce devait être Fergus, car cette expédition serait comme une revanche pour lui, il avait été pendant sept ans roi d’Ulidia, mais depuis que les fils d’Usnech avaient été tués en dépit de sa garantie et de sa protection, il en était parti, et s’était retrouvé pendant dix-sept années en exil à
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guerroyer contre les Ulates. Aussi donc convenait-il qu’il passe devant pour les guider. Fergus partit donc devant afin de leur servir de guide, mais son affection pour les Ulates fit qu’il égara la troupe dans de longs détours par le nord ou par le sud, que des messagers de sa part allèrent avertir les Ulates, et qu’il entreprit même de retarder ou de retenir l’armée. Maeve s’en aperçut et le lui reprocha en chantant le lai suivant.
Ô Fergus, que doit-on penser de ceci
Quelle manière de chemin suivons-nous là
Car nous errons du nord au sud
En passant dans toutes les tribus.
Ô Maeve, qu’est-ce qui t’arrive ?
Il n’y a rien là qui ressemble à une trahison.
Ô femme, la terre que nous traversons
Appartient bien aux Ulates.
Ailill d’Ae ainsi que son armée
Craignent que tu les trahisses
Jusqu’ici tu n’as guère pensé
À nous guider sur le bon chemin.
Ce n’est pas pour nuire à l’armée
Que j’emprunte tous ces détours
Mais afin d’éviter
Cuchulainn fils de Sualtam.
Il est mal de ta part de trahir notre armée
O Fergus fils de Ross le Rouge
Car tu as obtenu maintes richesses ici
Durant ton exil, ô Fergus.
Alors je ne resterai pas plus longtemps à la tête de cette armée, répondit Fergus, et cherche maintenant quelqu’un d’autre pour la conduire. Et Fergus reprit sa place parmi ceux de l’avant-garde.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique N°11
Fratrie. Nous traduisons ainsi le mot gaélique ilmaicnib. Prince. Nous traduisons ainsi le terme gaélique rigdomnad.
Sur sa propre colline. On saisit bien ici le tableau que veut nous suggérer le barde racontant cette légende le soir à la veillée au coin du feu : une cohue indescriptible, immense, couvrant tout l’horizon. Bref un film à grand spectacle.
Fils de Sualtam. Sualtam est l’orthographe du Lebor na hUidre ou livre de la vache brune ; elle est préférable à celle du Livre de Leinster où on lit Sualtach avec substitution du suffixe tach au suffixe tam qui donne le sens de superlatif. Sualtam semble signifier « qui élève bien ». Rappelons ici que notre héros n’était en fait que le fils ADOPTIF de Sualtam. Ce brave guerrier Ulate sans être un lâche était un homme tout à fait ordinaire, lui ! Chacun de nos lecteurs déduira ce qu’il veut de cet élément du mythe panceltique originel.
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Les quatre grandes provinces d’Irlande furent à Cuil Silinne cette nuit-là. Fergus eut le fort pressentiment que le Hésus Cuchulainn allait bientôt arriver aussi mit il en garde les Irlandais, en les avertissant qu’allait venir sur eux celui qui était comme un lion affamé ou un juge implacable envers les coupables (bidbad) l’ennemi des armées, l’âme de toute résistance, le destructeur d’armada, une main dispensatrice et un flambeau ardent, c’est-à-dire le Hésus Cuchulainn, fils de Sualtam. Fergus annonça ainsi la venue du Hesus Cuchulainn, il fit le lai suivant et Maeve lui répondit.
Il serait bien pour vous de faire attention et de monter la garde
Avec beaucoup d’armes et de guerriers
Celui que nous craignons va venir
Le vaillant grand homme de Muirthemne.
Un tel conseil tactique est bien aimable de ta part
Ô vaillant fils de Roech
J’ai des hommes et des armes ici en quantité
Suffisante pour répondre à ton Hésus Cuchulainn.
Hommes et armes ne seront pas de trop dans cette bataille
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O Maeve de la plaine d’Ae,
Contre le guerrier du char auquel est attelé le Gris de Macha
Chaque jour et chaque nuit.
J’ai en réserve ici
Des guerriers prompts à combattre et à piller
Trente centaines de preneurs d’otages
Les trente centaines de braves gaulois.
Les guerriers venus de la belle Cruachan
Les grands héros bien habillés de Luachair,
Les quatre provinces des beaux Gaëls,
Tous me défendront contre cet homme seul.
Les monts de Bairrche ainsi que la rivière Banna grouilleront de troupes
Le sang coulera sur la pointe des lances
Dans la boue et dans le sable, il fera tomber
Ces trente centaines de Gaulois.
Aussi rapide que l’hirondelle
Avec la vitesse du froid vent du nord
Ainsi est mon beau et cher Chien de Culann
Dans la tuerie de tout ce qui respire.
Ô Fergus, viens avec nous,
Fais porter ce message de ta part au Hesus Cuchulainn
Qu’il serait plus prudent pour lui de se tenir coi
Ou sinon il sera sévèrement corrigé par Cruachan.
Bid ferda firfitir fuidbI n-airiur ingine Buidb, Cú na Cerda, crithrib cró, Snigfid fairne ferga fó.
Les hommes seront dépouillés avec virilité
La Bodua exultera
Le Chien du forgeron fera tomber une pluie de sang
Sur des bataillons entiers en fureur.
Après que ce lai eut été chanté, l’armée des quatre grandes provinces d’Irlande dépassa vers l’est Moin Coltna ce jour – là et tomba sur une harde de huit vingtaines de cerfs. Toute l’armée s’égailla aussitôt pour les encercler puis les tuer de sorte qu’aucun n’en réchappa. Bien que les trente centaines de Gaulois (Galain) aient été dispersés, seuls cinq des cerfs tombèrent entre les mains des Irlandais. Les trente centaines de Gaulois (Galiain) eurent tout le reste.
Ce jour-là justement le hésus Cuchulainn fils de Sualtam et Sualtam du sidh (sidech), son père, se rendirent sur place et leurs chevaux broutèrent autour de la pierre levée dressée sur les hauteurs de Cuilenn. Les coursiers de Sualtam broutèrent l’herbe jusqu’au sol au nord du pilier de pierre, les coursiers du Hésus Cuchulainn broutèrent l’herbe jusqu’au sol et même plus au sud du menhir.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique N°12.
Résistance. Nous traduisons ainsi le mot gaélique costuda.
Celui que nous craignons va venir. On ne peut s’empêcher de penser à la nouvelle du grand romancier français de la fin du XIXe siècle que fut Maupassant (le Horla), car plus près de nous elle a aussi inspiré l’Appel de Cthulhu de notre cher Lovecraft.
À présent, je sais, je peux deviner. Le règne de l’homme est fini, car il est venu celui qu’exorcisaient les prêtres inquiets, que les sorciers évoquaient par les nuits sombres, sans le voir apparaître encore, à qui les pressentiments des maîtres passagers du monde prêtèrent toutes les formes monstrueuses ou gracieuses des gnomes, des fantômes, des génies, des fées, ou des esprits familiers. Après les grossières conceptions de l’épouvante primitive, des hommes plus perspicaces l’ont entrevu plus clairement. Mesmer l’avait deviné, et les médecins, depuis dix ans déjà, ont découvert, d’une façon précise, la nature de son pouvoir avant qu’il l’eût exercé lui-même. Ils ont joué avec cette arme leur Nouveau Seigneur, la domination d’un mystérieux vouloir sur l’âme humaine devenue son esclave. Ils ont appelé cela magnétisme, hypnotisme, suggestion… que sais-je ? Je les ai vus s’amuser comme des enfants arrogants avec cet horrible pouvoir ! Malheur à nous ! Malheur à l’Homme ! Il est venu, le… le… comment se nomme-t-il… le… il me semble qu’il me crie son nom, et je ne l’entends pas… le… oui… il le crie… J’écoute… je ne peux pas… répète… le… Horla… J’ai entendu… le Horla… c’est lui… le Horla… il est venu !… Simple commentaire de notre part à la façon d’un Américain à
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Paris (1952, mon année de naissance), mais dans le genre film d’horreur fantastique, pas dans le genre comédie musicale où tout est bien qui finit bien même si l’on chante aussi beaucoup de poèmes dans nos textes, ce qui en fait des sortes d’opéras.
Muirthemné. Partie maritime du comté de Louth en Irlande entre Dundalk et Drogheda. On n’accordera pas plus d’importance à cette localisation de la demeure familiale du jeune Sétanta Cuchulainn chère à Augusta Gregory qu’au choix de Nazareth ou de Bethléem comme lieu de naissance de Jésus. Tout le monde connaît le problème. Nazaréen ne signifiait nullement à l’origine « de Nazareth », mais « membre de la secte des Nazaréens ». Quant à Bethléem puisqu’il existait une prophétie (ah ces prophéties) stipulant que le messie devait naître à Bethléem, eh bien les premiers chrétiens ont prétendu que c’était le cas de leur petit Jésus. Mais répétons-le, car repetere = ars docendi, les mythes sont intemporels et jamais précisément localisables. Ce que les premiers chrétiens n’ont pas voulu admettre à propos du mythe qui met en scène leur maître et sauveur, les druides d’aujourd’hui doivent bien le comprendre à propos du Hésus Sétanta dit le Chien de Culann = du forgeron, plus tard en Irlande (Cuchulainn).
Notons à ce sujet que l’explication du fait que le hésus Cuchulainn et son père adoptif Sualtam peuvent se rendre sur la colline frontière de Cuilenn avant l’arrivée de l’armée d’invasion levée par la reine Medb, tient à ce que ni lui ni son père ne sont des êtres humains ordinaires, Sétanta Cuchulainn est au minimum un demi-dieu fils de Lug, quant à son père adoptif notre texte ajoute ici que Sualtach (sic) était « sidech » c’est-à-dire « du sidh », issu de l’autre monde. Le fils d’une déesse ou démone ou fée sans doute. Quand je pense qu’il y a encore des spécialistes croyant que tout ceci n’est que de la pure histoire !
La pierre de Cuillenn. Semblable pierre a été trouvée en Bretagne dans l’enclos de l’église de Plumergat (on ne saurait mieux dire son caractère sacré). Elle n’était pas gravée d’une inscription en caractères oghamiques, mais en caractères latins, en une langue celtique officiellement inconnue *, mais encore utilisée dans cette région, au IVe siècle d’après Wendy Davies spécialement venue l’étudier sur place en l’an 2000.L’inscription qui emplit la face opposée à la croix peut se lire ainsi : VABROS ???? T ATREBO AGANNTOBO DURNEO GIAPO. Rappelons-le avec force. Ce ne sont pas les Celtes qui ont érigé les monuments mégalithiques (ils n’ont fait que les réutiliser, dans leurs légendes notamment). Par contre ils érigeaient des bornes de pierre parlantes (llech lafar lia fail, celle de Plumergat fait moins d’un mètre) et plaçaient certains de leurs territoires sous la protection d’entités surhumaines, surnaturelles même (saint Georges ou saint Michel archange diront les chrétiens du Moyen-âge). En d’autres termes nos ancêtres exprimaient par là leur ferme espoir que les éventuels violeurs d’une telle frontière ne l’importeraient pas au paradis, que cela ne leur porterait pas chance, pire même, que cela leur porterait malheur, en particulier grâce à l’intervention de ce remarquable auxiliaire du Tocad ou de la Tocade (disons du Destin neutre et sans genre, ni masculin ni féminin) qu’est la justice immanente, même s’il est vrai que cette dernière met parfois du temps à se manifester (la violation de la frontière polonaise en 1940 par les Allemands par exemple n’a été vengée qu’en 1945). Qu’est-ce qu’ils pouvaient être bêtes (ou poètes ?) ces lointains aïeux (spirituels) ! Tout le monde en effet sait que seul Dieu Allah ou Jéhovah peut punir une mauvaise action (s’il le veut).* Les linguistes spécialistes officiels la date du premier siècle. Fureur. Nous traduisons ainsi le terme gaélique ferga. Les Celtes antiques appelaient fureur guerrière l’état physique et mental dans lequel on se trouve quand on est submergé par l’adrénaline coulant dans ses veines et la production d’endorphines. Pas beau à voir en général, mais passablement efficace. On retrouve la racine uergo dans le nom du vergobret des Éduens (vieux français vierg), voire du grand poète latin Virgile. Cet état de quasi-démence hystérique incluant de « possibles » métamorphoses animales en ours ou en loup était appelé menos en grec, furor en latin, wut chez les Germains (cf. les fameux berserkers). Pour ce qui est des Celtes, n’oublions pas que l’ours était associé à certaines déesses ou démones de la guerre et que le nom d’Arthur est en rapport avec celui de l’ours également.
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Eh bien, père, dit le Hésus Cuchulainn, j’ai l’impression que l’armée n’est pas loin, aussi va donc dire aux Ulates de ma part de ne pas rester à découvert, mais de se retirer dans les bois et les landes ou les vallées profondes du pays afin d’échapper aux Irlandais. Et toi mon pupille, que vas-tu faire ? Je dois me rendre dans le sud à Tara où j’ai rendez-vous toute la nuit avec la servante de Fedelm aux neuf beautés conformément à ce que je lui avais demandé. Malheur à celui qui part ainsi, lui répondit Sualtam, et abandonne les Ulates sur le point d’être piétinés par leurs ennemis et par des étrangers pour cause de rendez-vous galant avec une femme. Je dois y aller pourtant, car si je n’y vais pas, la parole des hommes ne sera plus considérée comme sérieuse et celle des femmes devra être prise en
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compte. Sualtam s’en alla donc avertir les Ulates. Le Hésus Cuchulainn pénétra dans le bois et coupa une jeune pousse de chêne tout entière, d’un seul coup et, sur une seule jambe en se servant d’une seule main et d’un seul œil, il la plia pour en faire un cercle et grava une inscription ogamique sur la cheville de cet anneau puis le posa sur la pointe de la pierre levée qui se dressait sur les hauteurs de Cuillenn. Il le fit ensuite descendre de force pour l’amener au niveau de la partie la plus large de la borne de pierre. Ensuite après ça le Hésus Cuchulainn partit pour son rendez-vous amoureux. Quant aux Irlandais, ils finirent par arriver à la pierre levée dressée au sommet des hauteurs de Cuillenn et commencèrent d’observer cette province des Ulates qu’ils ne connaissaient pas. Deux hommes de la maisonnée de Maeve étaient toujours en tête à chaque campement et à chaque mobilisation, à chaque gué ainsi qu’à chaque rivière et à chaque passe. Ils agissaient ainsi afin que rien ne vienne souiller leurs habits princiers dans la foule ou dans la cohue de cette troupe ou de cette armée. Il s’agissait des deux fils de Nera fils de Nuatair fils de Tacain, les deux fils de l’intendant de Cruachan. Ils s’appelaient Err et Innell, et Fraech et Fochnam étaient les noms de leurs cochers. Les nobles irlandais arrivèrent à la borne de pierre et commencèrent d’examiner la façon dont les chevaux avaient brouté l’herbe tout autour ainsi que l’anneau « barbare » (barbarda) que notre royal héros avait passé autour de la pierre. Puis Ailill prit le cercle dans sa main et le donna ensuite à Fergus. Fergus lut l’inscription oghamique qui était gravée sur la cheville de cet anneau et il expliqua aux Irlandais ce que l’inscription signifiait. Mais pour leur dire, il composa le lai suivant.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique N° 13.
Nous traduisons par pupille le terme irlandais dalta qui signifie à la fois fils adoptif élève ou pensionnaire. Fédelm aux neuf formes. On ne voit pas bien la nécessité de cet épisode ici. Il s’agit soit d’une interpolation, soit de ce qui reste d’un développement plus long à l’origine, mais dont l’essentiel a disparu. Peut-être censuré par les moines chrétiens ayant recopié tous ces manuscrits (pratique courante durant tout le Moyen-âge et qui explique que de nombreux ouvrages d’auteurs antiques ne nous sont parvenus que mutilés. Quand ils n’ont pas purement et simplement disparu. Ah religions d’amour et de vérité, quand vous nous tenez !) N.B. Cela peut être aussi un procédé littéraire destiné à bien faire comprendre au public que notre héros ne craint en aucune façon de se mesurer à cette gigantesque armada qui ne fait pas le poids en face de lui bien qu’il soit seul. Il est si puissant qu’il peut en triompher sans aucun effort. C’est une technique éprouvée que l’on retrouve encore beaucoup dans nos modernes bandes dessinées.
La parole des femmes devra être prise en compte. Toute la question est de savoir si cette pointe de misogynie est originelle ou s’il s’agit d’une intervention d’un scribe chrétien.
Sur une seule jambe en se servant d’une seule main et d’un seul œil. Il s’agit d’une posture magique imitée des vouivres anguipèdes gigantesques (fomorach en gaélique), qui par définition n’ont qu’une seule jambe un seul bras un seul œil. Du moins dans les légendes les concernant. Le plus ancien texte écrit en langue celtique (VIIe siècle avant notre ère?) est une dédicace figurant sur un gobelet découvert dans une tombe de guerrier à Sesto-Calende ou Castelletto-Ticino (Italie du Nord) : chosioiso ce qui signifie « à Chosios ». Les runes utilisées pour l’écrire (alphabet de Lugano) sont inspirées de l’écriture étrusque.5 voyelles : A, E, I, O, U.4 consonnes nasales : L, M, N, R.3 consonnes occlusives : K, P, T.2 consonnes sifflantes : S, S. Mais attention, il n’y a pas de distinction entre les consonnes sourdes et les consonnes sonores. Ainsi : “K” représente aussi bien un “K” qu’un “G”, “P” = “P” ou “B”, “T” = “T” ou “D”. “POKIOS” peut donc se lire “BOGIOS”.
L’alphabet oghamique est plus récent de presque mille ans. Il existe plusieurs théories à propos de ses origines. R.A.S. Macalister pensait par exemple qu’ils avaient été inventés en Italie du Nord à peu près à la même époque que les runes lépontiques, par des druides s’inspirant de l’alphabet des Étrusques. Cette théorie est aujourd’hui abandonnée. Une autre hypothèse en fait une invention des druides irlandais désireux de pouvoir communiquer entre eux sans être inquiétés. L’existence au pays de Galles d’inscriptions bilingues latin /ogham infirme cette hypothèse (on aurait pu facilement décoder de tels messages. cf. Macalister et son « langages secrets d’Irlande »). La troisième explication est que cet alphabet aurait été inventé par les premiers chrétiens irlandais afin de transcrire les sons propres à leur langue (cf. Damien McManus et son guide de l’ogam). L’étude détaillée des signes de cet alphabet montre en effet qu’ils ont été spécialement créés pour noter l’irlandais de cette époque-là (vers l’an 400).
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Voici un anneau fait d’une branche de chêne. Que veut-il dire pour nous ? Quel est son message secret ? Combien d’hommes a-t-il fallu pour le poser ici ? S’agissait-il d’un homme seul ou d’une armée entière ?
Si vous allez plus loin cette nuit
Et ne restez pas ici à camper juste à côté
Le Chien qui déchire tout de ses crocs puissants fondra sur vous
Et vous serez ridiculisés si vous le narguez.
Si vous poursuivez au-delà
Il sèmera la désolation dans cette armée
Voyez donc vous-mêmes, ô druides
Pourquoi ce cercle de chêne a été fait ?
Crefnas curad cur ro lá, lánaircess fri ecrata. Costud ruirech, fer co ndáil, ras cuir oenfer dá óenláim.
Il s’agit là du geste net et précis (?) d’un grand héros
C’est un piège pour ses ennemis.
Un frein aux ardeurs des chefs, un spécialiste des affrontements
Un seul homme l’a placé ici et en se servant d’une seule main.
C’est là un vrai chef-d’œuvre dû à la fureur guerrière froide
Du Chien du forgeron de la Branche rouge (Chráebrúaid).
C’est le lien (magique ?) d’un champion, non celui d’un fou.
Voilà ce que signifie l’inscription sur l’anneau.
Son but est de semer le trouble et des centaines d’affrontements
Dans les quatre provinces d’Irlande
Voilà tout ce que je peux savoir des raisons
Pour lesquelles a été fabriqué cet anneau.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique N° 14.
Le moins que l’on puisse dire c’est que cette inscription oghamique pouvait vraiment signifier beaucoup de choses en très peu de mots (humour, n’oublions pas qu’il s’agit d’une œuvre littéraire due à une plume de bardes irlandais, non un constat de policier). Si l’on en croit cette légende Fergus est donc assez cultivé ou raffiné pour savoir lire et parler en vers voire pour chanter, car tous ces poèmes étaient vraisemblablement psalmodiés ou chantés à l’origine, un peu comme dans nos modernes opéras. Est-ce vraisemblable ? Il est vrai qu’il a naguère été roi du pays, mais quand même… Voyez donc vous-même, ô druides, etc. cette mention prouve donc que des druides accompagnaient les armées en campagne. Pour soigner les corps certainement (on a retrouvé la tombe d’un druide chirurgien à Obermenzing près de Munich en Allemagne. Elle date du IIIe siècle avant notre ère et contenait une scie à trépanation). Mais aussi vraisemblablement pour soigner les âmes/esprits. La moindre des choses en effet dues à un être humain est qu’on l’aide à passer dans l’autre monde. Telle devait être sans doute le rôle des druides de type vate si l’on en croit Lucain et sa Pharsale.
« Et vous, les vates,
Dont les poèmes guerriers jadis immortalisaient
Les puissantes âmes/esprits [en latin animas] de ceux qui sont morts à la guerre
Vous, les bardes
Vous recommencez en toute sécurité à déclamer un flot de chants plus abondants
Pendant que vous, les druides,
Vous retournez à vos sinistres mystères et à vos rites barbares
Naguère abolis par les armes.
À vous seuls il est donné de connaître, comme de les ignorer
Les dieux et les puissances célestes ;
Les grands arbres des bosquets reculés
Sont vos demeures.
À en croire vos maîtres les ombres des morts
Ne vont pas rejoindre les silencieuses demeures d’Érèbe,
Ni les pâles royaumes de la mort ;
Une même âme/esprit [en latin idem spiritus] régit les membres
Dans un autre monde [en latin orbe alio]
Et la mort n’est que le milieu d’une longue vie ;
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Si vous savez bien ce que vous chantez.
Heureux sont les peuples qui regardent la Grande Ourse
À cause de cette erreur ; car ils ignorent
Cette peur suprême qui effraie tous les autres,
De là cet esprit [en latin, mens] enclin à se jeter sur le fer
Cette force de caractère [latin anima] capable d’affronter la mort,
Et ce peu de soin mis à épargner une vie qui doit vous être rendue ».
Une indulgence envers les faiblesses humaines (cess noindenn) ou envers les combattants et ceux qui vont mourir donc que les thuriféraires du Dieu unique ont mis bien longtemps à (re) trouver.cf. Ci-dessous la prière du parachutiste écrite par un SAS nommé A. Zirnheld, mort en Libye en 1942.
Donnez-moi, mon Dieu ce qu’il vous reste
Donnez-moi ce qu’on ne vous demande jamais.
Je ne vous demande pas la richesse
Ni le succès, ni peut-être même la santé.
Tout ça, mon Dieu, on vous le demande tellement
Que vous ne devez plus en avoir !
Donnez-moi, mon Dieu, ce qu’il vous reste
Donnez-moi ce dont les autres ne veulent pas
Mais donnez-moi aussi le courage
Car vous seul donnez
Ce qu’on ne peut obtenir que de soi.
Mon Dieu, mais de quel dieu s’agit-il donc ici ? Et l’enfer dans tout ça, mon cher André, y as-tu pensé ? Tant de modestie dans la demande et tant de certitude d’échapper à l’enfer malgré le sang répandu, étonnent de la part d’un juif converti au catholicisme. Mais elles étaient le lot quotidien des druides de l’antiquité qui soignaient à la fois et les corps et les âmes/esprits sans croire en la possibilité que l’enfer puisse exister si l’on en croit ces vers de Lucain qui ont tant fait couler d’encre, car la non-existence de l’enfer était une conception révolutionnaire pour l’époque.
Commentaires sur le vers 454.
Manes esse non dicunt sed animas in revolutione credunt posse constare. Ils ne disent pas que les mânes existent [en tant qu’ombres ou spectres lugubres], mais croient que les âmes/esprits peuvent recommencer une nouvelle vie. Hoc enim disputant animas ad inferos non ire, sed in alio orbe nasci. Ils contestent en effet que les âmes/esprits puissent aller en enfer, car ils pensent qu’elles naissent alors à un autre monde. Id est sicut uos dicitis anime ad inferos non descendunt, sed in orbe alterius hemisperii incorporantur iterum uel in aliqua parte orbis a uobis remota. C’est-à-dire selon vous les âmes/esprits ne vont pas en enfer, mais vont encore revêtir un corps dans une partie du monde située dans l’autre hémisphère ou dans quelque partie d’un monde qui vous est inconnu.
Autrement dit l’enfer n’existe pas, cette idée cette notion ce concept était inconnu des druides antiques, il n’existait pour eux chez eux qu’un paradis céleste et son antichambre, antichambre appelée la maison de Donn (Tech Duinn) ou Andubnon en vieux celtique (Annwn au Pays de Galles), etc., etc. Il existe en effet autant de noms que de peuples ou de langues pour désigner ces RARISSIMES (les exceptions qui confirment la règle) cas de réincarnation sur terre en ce bas monde, ce qui est fort logique d’ailleurs, car si l’autre monde paradisiaque des Celtes est un, bien qu’ayant de nombreuses portes d’entrée, les lieux de réincarnation, eux, peuvent être multiples, donc se voir attribuer des origines, des étapes précédentes, ou des états de l’être antérieurs, vus et appelés différemment. Bref, il peut y avoir aussi plusieurs portes de sortie de l’antichambre du paradis céleste (Maison de Donn ou Tech Duinn en Irlande, Annwn au pays de Galles, Andumno sur le Continent, et ainsi de suite…).
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Après que le lai eut été récité, Fergus leur dit : « Je vous jure que si vous méprisez cet anneau ainsi que le héros royal qui l’a passé autour de cette pierre et ne passez pas une nuit à camper ici, à moins que l’un d’entre vous puisse confectionner semblable cercle de la même façon sur une seule jambe en se servant d’une seule main et d’un seul œil, comme lui l’a fait, alors même si ce héros devait être caché sous terre ou enfermé à triple tour dans une maison, il vous massacrera et fera couler votre sang avant que l’heure du lever du soleil demain matin si vous ignorez son avertissement ». Ce n’est pas ce que nous souhaitons évidemment, répondit Maeve, que quelqu’un nous blesse ou verse notre
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sang juste après avoir pénétré dans cette province inconnue, la province d’Ulidia. Nous préférerions plutôt le battre et faire couler son sang à lui. Nous ne tiendrons pas pour rien cet anneau, ajouta donc Ailill, et nous ne mépriserons nullement le royal héros qui l’a confectionné, mais nous nous abriterons dans le grand bois que voilà au sud jusqu’à demain matin. Que l’on installe donc en ce lieu notre campement. Alors les soldats s’avancèrent et avec leurs épées ils abattirent les arbres afin de frayer un chemin à leurs chars… NDLR. Suivent ici des localisations et des étymologies fantaisistes].
Une lourde neige s’abattit sur eux cette nuit-là. Il en tomba tellement qu’il y en eut jusqu’aux épaules des hommes, les flancs des chevaux et les timons des chars, de sorte que les provinces d’Irlande semblèrent toutes ne plus former qu’une seule et immense plaine recouverte de neige. Mais ni tentes, ni abris, ni pavillons ne furent montés cette nuit-là. Ni nourriture ni boisson ne furent préparées. Aucun des Irlandais ne savait si son voisin était un ami ou un ennemi jusqu’à ce que le soleil brille pleinement le lendemain matin. Jamais des Irlandais ne connurent une nuit de bivouac plus inconfortable et plus dure que cette nuit-là passée à Cuil Sibrilli. Les quatre grandes provinces d’Irlande poursuivirent se remirent en marche de bonne heure le lendemain matin dès que le soleil fut levé sur la neige qui scintillait ensuite ils passèrent de ce territoire à l’autre.
En ce qui concerne le Hésus Cuchulainn par contre, il ne se leva pas de bonne heure et ce jour-là, il prit un repas et de la nourriture, il prit un bain et se lava. Il dit à son cocher de préparer les chevaux et de les atteler à son char. L’aurige prépara les chevaux et attela le char. Ensuite le Hésus Cuchulainn monta dans le char et ils suivirent les traces de l’armée. Ils tombèrent sur la piste des Irlandais bien avant d’arriver à la frontière. Hélas, maître Loeg, s’exclama le Hésus Cuchulainn, nous n’aurions pas dû aller à notre rendez-vous galant la nuit dernière. Le moins que puisse faire quelqu’un qui garde une frontière et de donner l’alerte ou de pousser un cri d’alarme ou de dire qui vient. Nous avons failli à ce devoir.
Les Irlandais nous ont devancés en territoire ulate.
Je te l’avais bien dit, ô Hésus Cuchulainn, répondit Loeg, que si tu te rendais à ton rendez-vous avec une femme, une telle honte t’arriverait. Suis donc, je t’en prie, Loeg, les traces de cette troupe, estime son importance, et vois ensuite avec nous combien d’Irlandais sont passés devant nous. Loeg suivit les traces de l’armée, passa devant, puis sur un des flancs, et revint derrière. Tu t’es embrouillé dans ton estimation, maître Loeg, dit alors le Hésus Cuchulainn. Assurément, répondit Loeg. Viens dans le char et c’est moi qui en ferais une estimation. Le cocher monta dans le char. Le Hésus Cuchulainn suivit les traces de l’armée, évalua leur nombre et passa sur un des côtés puis revint en arrière. Tu t’embrouilles dans ta reconnaissance, petit chien de Culann, dit Loeg. Pas du tout répondit le Hésus Cuchulainn, car je sais précisément quels sont les effectifs des armées qui sont devant nous, précisément dix-huit fois trente centaines d’hommes, mais la dix-huitième division de trente centaines d’hommes a été dispersée parmi les Irlandais. Ra bátar trá ilbúada ilarda imda for Coin Chulaind : búaid crotha, búaid delba, búaid ndénma, búaid snáma, búaid marcachais, búaid fidchilli & branduib, búaid catha, búaid comraic, búaid comluind, búaid farcsena, búaid n-urlabra, búaid comairle, búaid foraim, búaid mbánaig, búaid crichi a crích comaithig. Car le Hésus Cuchulainn avait de nombreux charismes. Le don de la beauté, le don des formes, le don de la pureté (?), le don de faire des nœuds ou des liens, le don de la nage, l’art de l’équitation, le don du tablut et des échecs, le don de livrer des batailles, le don des combats, le don des affrontements, le don de voir, le don de parler, le bon conseil, la rapidité à la course, les femmes, le don du pillage dans les pays voisins.
Bien, maître Loeg, attèle le char pour nous puis aiguillonne un peu les chevaux pour nous. Dépasse-les puis tourne en leur présentant le flanc gauche du char, afin de voir ce que l’on peut infliger à leur avant-garde ou à leur arrière-garde ou au gros des troupes. Car je ne vivrai plus si, de toute cette armée d’Irlandais, un ami ou un ennemi ne tombe pas devant moi cette nuit. Alors le cocher joua de l’aiguillon sur les chevaux. Il tourna en présentant le flanc gauche du char aux troupes et parvint à…[étymologie et localisation fantaisistes dues à l’évhémérisation à rebours du mythe en Irlande]. Ensuite le Hésus Cuchulainn pénétra dans les bois, descendit de son char et coupa une fourche à quatre pointes, d’un seul coup, il l’épointa, l’ébrancha, grava une inscription oghamique dessus et la jeta depuis l’arrière de son char avec les doigts d’une seule main, de sorte que les deux tiers s’enfoncèrent dans le sol et qu’un tiers seulement resta dressé au-dessus.
Ce fut juste à ce moment-là que les deux garçons mentionnés plus haut, les deux fils de Nera fils de Nuatair fils de Tacain, tombèrent alors sur lui alors qu’il était occupé à cette tâche, et ils se disputèrent pour savoir lequel d’entre eux deux le blesserait en premier puis lui couperait la tête. Le Hesus Cuchulainn les attaqua et leur coupa la tête à tous les quatre eux et leurs cochers puis empala une tête sur chacune des pointes de sa fourche. Puis le Hésus Cuchulainn fit rebrousser chemin aux de ce petit détachement afin qu’ils rejoignent les Irlandais, les rênes flottant sur leur encolure et les corps sans tête des guerriers tout rouges de sang, dégoulinant dans la nacelle du char. Dáig níbá miad nó níba maiss leiss echrad nó fuidb nó airm do brith óna corpaib no marbad. Car il ne lui semblait pas
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honorable de prendre les chevaux les habits ou les armes des cadavres de ceux qu’il avait tués. Ensuite les troupes aperçurent les chevaux du détachement qui les avait précédés ainsi que les corps sans tête des guerriers dégoulinant de sang dans la nacelle des chars. L’avant-garde attendit l’arrière-garde et tous furent saisis de panique.
Maeve, Fergus, les Mané ainsi que les fils de Maga finirent par arriver. Car voici comment Maeve avait l’habitude de voyager ; avec neuf chars pour elle toute seule, deux chars devant, deux derrière, deux sur chaque flanc, et son char à elle entre eux juste au beau milieu. Maeve avait l’habitude de faire ainsi afin que les mottes de terre projetées par les sabots des chevaux ou l’écume sortant des mors des brides ou la poussière soulevée par cette armada ne puissent l’atteindre, qu’aucune saleté ne puisse venir assombrir sa couronne royale. Qu’est-ce qui se passe ? demanda Maeve. Ce n’est pas difficile à dire répondirent-ils tous. Ce sont les chevaux de ceux qui nous précédaient avec leurs corps sans tête dans les chars. Ils tinrent conseil et furent d’avis qu’il s’agissait du fait d’une multitude de guerriers ou de l’approche d’une nombreuse troupe et que c’étaient les Ulates qui venaient sur eux. Et voici donc ce qu’ils décidèrent : envoyer Cormac l’Exilé pour voir qui défendait le gué, car si c’étaient les Ulates qui étaient là, ils ne tueraient quand même pas le fils de leur propre roi.
Cormac l’Exilé fils de Cunocavaros/Conchobar alla donc avec ses trente centaines d’hommes armés pour voir qui défendait le gué. Et quand il fut arrivé, il ne vit que la fourche au milieu du gué avec les quatre têtes dessus, le sang dégoulinant sur son manche jusque dans le cours d’eau, les empreintes des sabots des chevaux, et la trace d’un seul char ainsi que d’un seul guerrier partant du gué en direction de l’est.
Les nobles irlandais arrivèrent sur le gué eux aussi et se mirent à contempler ce mât fourchu. Ils furent émerveillés par la chose et se demandèrent qui avait bien pu dresser un tel trophée. Comment appeliez-vous ce gué jusque-là, Fergus, demanda donc Ailill. Gué de Grena répondit Fergus, mais Gué de la fourche sera désormais son nom à jamais, à cause de ce poteau fourchu. Et il récita le lai suivant.
Le gué de Grena va changer de nom
Du fait de l’exploit réalisé par le puissant et féroce Chien de Culann
Il y a ici une fourche à quatre pointes
Afin de faire peur aux Irlandais.
Sur deux de ses pointes, présage de lutte
Se trouvent les têtes de Fraech et de Fochnam
Sur ses deux autres pointes
Sont les têtes d’Err et d’Innell.
Quelle est cette inscription oghamique sur le côté
Dites-nous, ô mes beaux druides.
Et qui a gravé cette inscription dessus ?
Combien ont-ils été pour le planter ainsi en terre ?
Cette branche fourchue à la force effrayante
Que tu vois ici, ô Fergus
Un homme seul l’a coupée, salut à lui
D’un coup parfait de son épée.
Il l’a épointée puis lancée derrière lui
Ce ne fut pas un mince exploit
Il l’a enfoncée profondément
Que l’un d’entre vous la sorte de terre.
Gué de Grena était son nom jusque là
Tous s’en souviendront
Gué de la fourche sera son nom désormais
À cause de cette branche fourchue que tu vois au milieu du gué.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique N° 15.
Hélas. Cécile O'Rahilly traduit ainsi le mot gaélique amae. Maître. Nous traduisons ainsi le terme gaélique « phopa » qui vient du latin papa (père) et implique un certain respect.
Charisme. Nous traduisons ainsi le terme gaélique buaid qui signifie littéralement butin pris sur l’ennemi, part de butin accordé par le chef, et pour finir des dons comme le don de parler : búaid n-urlabra. La différence avec le charisme chrétien correspondant c’est que notre texte ne précise pas s’il s’agit du don de parler… des langues étrangères. Mais c’est déjà pas mal et suffit à faire du Hésus
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Cuchulainn un véritable surhomme. On se demande bien néanmoins ce que vient faire ici cette longue liste de charisme dont certains ne caractérisent qu’imparfaitement notre héros. Peut-être s’agit-il simplement d’une interpolation destinée à expliquer l’extraordinaire précision de l’estimation des effectifs de l’armée irlandaise, faite par le Hésus Cuchulainn et digne d’un super héros de bande dessinée.
L’art de l’équitation. Nous traduisons ainsi le terme gaélique marcachais. Comprendre les chevaux et se faire aimer d’eux, était en effet tout en art, et il existait même des peuples spécialisés dans l’équitation, comme les Mandubii = gens (bii) du poney (mandus). Les Mandubii étaient en effet connus pour cela et c’est d’ailleurs peut-être pour cette raison tout simplement que sur le Continent lors du siège d’Alésia aucun cheval ne fut mangé puisqu’ils furent renvoyés dès le début. Les Mandubiens auraient été contre.
Échecs et tablut. Nous traduisons ainsi l’expression gaélique fidchilli & branduib. Le fidchell, vieux celtique vidupeilos ? est une sorte de tablut, et le brandub ou corbeau noir (branno-dubis), une variante de ce dernier.
Trophée. Nous traduisons par trophée le terme gaélique coscur. Il s’agit d’une très ancienne coutume guerrière indo-européenne. Les vainqueurs exhibaient sur le champ de bataille des signes manifestes de leur victoire. Il s’agissait initialement d’un tronc d’arbre, autour duquel on suspendait quelques armes appartenant au vaincu. Mais plus tard les trophées devinrent de véritables œuvres d’art, en marbre ou en bronze ; élevés hors du champ de bataille.
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Après que ce lai eut été récité, Ailill lui dit : « Tout cela m’étonne vraiment et je me demande bien, Fergus, qui a bien pu couper ce poteau fourchu et tuer aussi promptement les quatre qui étaient devant nous. Tu devrais plutôt être étonné, mais aussi te demander qui a bien pu couper, le mât fourchu que tu vois là, mais en une seule fois et d’un seul coup ; qui l’a taillé puis épointé puis jeté de l’arrière de son char avec le bout des doigts d’une seule main de sorte qu’il s’est enfoncé des deux tiers de sa longueur dans le sol et qu’un seul tiers en dépasse, et aucun trou n’a été creusé avec son épée pour ce faire, mais il n’a néanmoins enfoncé dans la roche. Si bien que maintenant les Irlandais ont maintenant l’obligation magique d’aller au milieu du gué arracher ce poteau avec les doigts d’une seule main exactement comme il l’a fait pour l’enfoncer.
Tu fais bien partie de notre armée, Fergus, fit observer Maeve, aussi rapporte nous donc ce poteau fourchu planté au milieu du gué. Que l’on me donne un char, répondit Fergus. Un char fut amené à Fergus, et il donna une si forte secousse au poteau fourchu qu’il mit le char en mille morceaux. Que l’on me fournisse un autre char, dit Fergus. Un autre char fut amené à Fergus et il infligea au poteau fourchu un coup si violent qu’il mit le char en miettes. Que l’on m’amène un autre char, s’écria Fergus une troisième fois. Il ébranla le mât de toutes ses forces et mit le char en pièces. Il en fut de même pour dix-sept des chars des hommes du Connaught, Fergus les réduisit en miettes et en pièces et pourtant il ne put réussir à enlever le mât du milieu du gué où il était planté. Cela suffit, Fergus, s’écria Maeve, ne casse plus aucun des chars de mon peuple, si tu n’avais pas fait partie de cette expédition nous aurions déjà rencontré les Ulates et eu notre part de butin et de troupeaux. Nous savons bien pourquoi tu agis ainsi : c’est pour retenir et retarder notre armée jusqu’à ce que les Ulates se rétablissent de leur faiblesse annuelle (ces noindenn) et livrent bataille, la bataille du vol de l’enlèvement.
Que l’on m’amène un vrai char cette fois-ci, s’exclama Fergus. Son propre char fut alors amené, à Fergus, et il asséna ensuite une rude secousse au mât fourchu et ni les roues ni le timon ni un montant du char ne craquèrent ni ne gémirent. Telles avaient été la force et la bravoure avec laquelle il avait été enfoncé par celui qui l’avait planté là, telles furent la puissance et la valeur avec laquelle ce guerrier l’arracha : Fergus, le faiseur de brèches dans les bataillons, le marteau sur l’enclume du forgeron, la pierre qui broie les ennemis, l’âme de toute résistance, l’ennemi des multitudes, le briseur des plus puissantes armées, la torche de feu, le commandant des grandes batailles. Il fit sortir de terre le poteau fourchu avec les doigts d’une seule main jusqu’à la hauteur de ses épaules et le déposa ensuite dans la main d’Ailill. Ailill l’examina. Cette fourche me semble être la plus parfaite qui soit, dit-il, en ce sens que je ne vois sur elle que les traces d’un seul coup de haut en bas. La plus parfaite qui soit cela est certain, répondit Fergus, il commença de faire l’éloge de ce mât fourchu et déclama le lai suivant à son sujet.
Voici donc le fameux mât fourchu
Devant qui le féroce Hésus Cuchulainn s’est tenu debout
Et sur lequel il a laissé, après leur avoir prises de force,
Ces quatre têtes d’étranger.
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Il est certain que l’on ne fuirait pas devant ce poteau fourchu
Comme devant un homme, fort et féroce.
Bien que ce soit le Chien qui n’est jamais malade qui l’a laissée là,
Du sang couvre sa rude écorce.
Malheur à qui part en expédition vers l’est
Afin de capturer le cruel Termagant brun de Cualnge
Certains héros après s’être séparés du reste de l’armée
Seront taillés en pièces par la funeste épée du Hésus Cuchulainn.
Son taureau ne lui sera pas cédé facilement
Pour lui on livrera bataille avec des armes acérées,
Quand chaque crâne aura été ainsi écrasé
Toutes les tribus d’Irlande pleureront.
Je n’ai rien de plus à dire
Du fils de Dexiua Duxtir/Dechtire (Epona)
Mais hommes et femmes entendront parler
Du poteau qui se dresse de la sorte.
Après que ce lai eut été chanté, Ailill ordonna : « Que l’on monte nos tentes et nos pavillons, que l’on prépare nourriture et boisson, que l’on joue de la musique et chante des mélodies, ensuite mangeons et prenons de la nourriture, car il est certain que les Irlandais n’ont jamais connu de nuit de bivouac leur ayant causé plus de maux ou de douleurs que la nuit dernière ! » Leur camp fut installé donc et leurs tentes montées. Nourriture et boisson furent préparées par eux, musiques et chants exécutés, ensuite ils prirent leur repas. Et Ailill posa une question à Fergus : « Je m’émerveille et me demande bien qui a pu venir à notre rencontre à la frontière et tuer aussi rapidement les quatre qui nous précédaient. C’est sûrement Cunocavaros/Conchobar fils de Fachtna Fathach le haut-roi des Ulates qui est venu sur nous ? ». Certainement pas, répondit Fergus, et il est lamentable de lui faire injure de la sorte en son absence.
Il n’y a rien qu’il ne ferait pour préserver son honneur. Si c’était lui qui était venu, les armées les armadas et l’élite des hommes de la verte Erin qui sont à son service seraient venues également ; et même si les Irlandais les Écossais les Bretons et les Saxons, s’opposaient à lui quelque part, à l’occasion d’une rencontre et d’un engagement, lors d’un bivouac ou sur une colline, il leur livrerait bataille à eux tous, et c’est lui qui remporterait la victoire, ce n’est pas lui qui serait mis en déroute. Dis-moi donc alors, qui est vraisemblablement venu à notre rencontre ? C’était peut-être Cuscraid le bègue de Macha fils de Cunocavaros/Conchobar, venu d’Inis Cuscraid ?
Ce n’est certes pas, répondit Fergus, le fils du haut-roi. Il n’y a rien qu’il ne risquerait pour préserver son honneur, donc si c’était lui qui était venu, les fils de roi ou de de prince régnant qui sont à son service comme mercenaires seraient venus également, et s’il avait en face de lui réunis quelque part les Irlandais ainsi que les Écossais, les Bretons et les Saxons, il leur livrerait bataille, et c’est lui qui serait victorieux, ce ne serait pas lui qui serait mis en déroute. Dis-moi donc alors, serait-ce Eogan fils de Durthacht, le roi de Fernmag qui serait venu à notre rencontre ?
Ce n’est certainement pas lui, pour sûr, car si c’était lui qui était venu, les forces régulières de Fermag seraient venues avec lui ensuite il aurait livré bataille, etc. Dis-moi donc qui est certainement venu à nous. Était-ce Celtchar le fils d’Uthechar ? Assurément pas, évidemment. Il est honteux de lui faire ainsi injure en son absence. Il est la pierre qui broie ses ennemis de la province, il est l’âme de toute résistance, il est le chef de l’assemblée des guerriers, et même si devant lui quelque part se trouvaient, etc. tous les autres Irlandais de l’ouest à l’est et du sud au nord, il leur livrerait bataille, il serait victorieux et ce n’est pas lui qui serait mis en déroute.
Dis-moi donc, qui a bien pu venir nous rencontrer ? Cela ne peut être que le petit garçon, mon fils adoptif et fils adoptif également de Cunocavaros/Conchobar. Celui que l’on appelle le chien de Culann le forgeron. Oui effectivement, répondit Ailill, je vous ai entendu parler de ce petit garçon un jour à Cruachan. Quel est l’âge de cet enfant maintenant ? Ce n’est pas son âge qui compte le plus assurément, répondit Fergus, car ses exploits furent déjà ceux d’un homme alors qu’il était bien plus jeune que maintenant. Comment ça ? s’exclama Maeve.
N’y a-t-il pas aujourd’hui parmi les Ulates un de ses égaux en âge qui soit plus redoutable que lui ? Il n’y a pas de loup plus assoiffé de sang ni de héros plus féroce et aucun de ses contemporains ne peut accomplir ne serait-ce que le tiers ou le quart des exploits guerriers du Hesus Cuchulainn. Tu ne trouveras pas, poursuivit Fergus, de héros qui le vaille ni un tel marteau de forgeron pour ce qui est de frapper, ni un tel bourreau pour ce qui est des armées, ni un tel champion pour ce qui est du courage, qui ait plus de valeur que le Hésus Cuchulainn. Tu ne trouveras personne qui puisse l’égaler pour ce
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qui est de a áes & a ás & a forbairt & a ánius & a urfúath & a urlabra, a chrúas & a chless & a gasced, a forom & a ammus & a ammsigi, a brath & a búadri & a búadirsi, & a déini & a dechrad & a tharpige & a díanchoscur co cliss nónbair ar cach find úasu mar Choin Culaind son âge et de sa croissance, de sa taille et sa splendeur, l’épouvante qu’il inspire et son éloquence, sa bravoure, sa maîtrise des arts martiaux ses armes et ses attaques ou ses assauts, sa force, son agressivité ainsi que son travail de bourreau, sa frénésie, son excitation, sa vitesse, sa furie, sa violence, sa maîtrise du coup des neuf hommes pointant chacun une arme sur lui.
Nous n’en faisons pas grand cas, rétorqua Maeve. I n-óenchurp atá. Imgeib guin immoamgeib gabáil. Il n’a qu’un corps, il est sujet à blessure et peut être fait prisonnier. Il a l’âge d’une jeune fille et ce jeune farfadet sans poil au menton dont vous parlez ne l’emportera pas sur des hommes résolus. Moi je ne dis pas ça, lui rétorqua Fergus, car les exploits de ce petit garçon furent ceux d’un homme alors qu’il était pourtant beaucoup plus jeune que maintenant.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 16.
L’obligation magique. Cécile O’Rahilly traduit le terme irlandais en question par le mot tabou. Mais une geis n’a pas qu’un caractère sacré à effet immédiat, cela peut être aussi simplement une interdiction dont la violation porte malheur, voire une prescription positive, une obligation. Tout comme la justice immanente chère à nos poètes de l’Antiquité, la geis est donc également un auxiliaire de la Tocade ou du Tocad (mais en réalité le Destin n’a pas de genre comme Dieu le père chez les judéo-islamo-chrétiens évidemment : il est neutre).
Dix-sept. Quatorze seulement suivant le Lebor na hUidre ou livre de la vache brune. Ce genre de variations dans les détails est fréquent dans nos manuscrits. Les divergences de fond sont plus sérieuses. On retrouve exactement les mêmes problèmes avec la Bible, par exemple avec le récit du prodige de la multiplication des pains et des poissons. À cette différence près que les druides antiques n’ont jamais prétendu que tout ceci était strictement historique, aussi précis qu’un rapport de police ou aussi précis que des rapports de témoins oculaires. Ils ont toujours admis qu’il s’agissait de mythes par définition. Ce n’est que par la suite qu’il y a eu des historiens ou de savants érudits chrétiens pour penser qu’il s’agissait là d’histoire. Pour en revenir au prétendu miracle de la multiplication des pains et des poissons dans les quatre évangiles. Marc 6-30 : Jésus nourrit 5000 personnes avec 5 pains et 2 poissons. Marc 6-45 : Jésus marche sur les eaux. Marc 8-1 : Jésus nourrit 4000 personnes avec 7 pains et quelques poissons. Les thuriféraires du christianisme expliquent ces contradictions de chiffre par le fait qu’il y aurait eu deux multiplications des pains et des poissons différentes. Mais notons pourtant quelque chose de surprenant sur ce deuxième récit identique (au nombre de pains près) au premier. Les disciples qui ont assisté à la première multiplication (qui a dû constituer un événement plus que mémorable) semblent ne pas s’en souvenir puisqu’ils demandent une nouvelle fois à Jésus comment ils peuvent trouver la quantité de pains nécessaire pour nourrir cette nouvelle multitude. NB. Semblables miracles (multiplication de nourriture) existent dans d’autres traditions, islam (voir les hadiths à propos de la bataille du fossé = le siège de Médine en 627 et les miracles qui portent sur l’eau) voire bouddhisme.
Le chien qui n’est jamais malade. Allusion au fait que le Hésus Cuchulainnn pas plus que son père adoptif Sualtam d’ailleurs, n’étaient concernés par la mystérieuse indisposition annuelle des Ulates (cess) symbolisant la faiblesse humaine qui affecte toujours même les meilleurs et les plus forts d’entre nous.
Nous mettons Épona entre parenthèses, car l’équation Dechtire = déesse chevaline est discutable. Il est certain que la sœur de Cunocavaros/Conchobar a un rapport assez précis avec les chevaux puisque dans la légende irlandaise elle est censée jouer le rôle de cocher du roi Conchobar et que dans le récit originel de la naissance du Hesus Cuchulainn comme par hasard une jument met bas en même temps que Dexiua Duxtir/Dechtire accouche. Mais est-ce suffisant pour en faire une déesse jument ?? Il s’est produit en Irlande la même chose qu’au Pays de Galles avec les mabinogion : les mythes panceltiques initiaux concernant les dieux et les déesses, par exemple le Hésus Sétanta Cuchulainn, ou Épona, ont évolué considérablement (ils ont été altérés, censurés, démembrés, recomposés) puis sont devenus des motifs littéraires d’œuvres artistiques, les contes et légendes colportés par les bardes. La différence est qu’en Irlande les noyaux thématiques restés proches des conceptions païennes de jadis sont plus nombreux et de moins mauvaise qualité, mais comme au Pays de Galles de telles pépites ne figurent qu’à l’état de fragments noyés dans une masse insipide ou à tout le moins pas spécialement celto-druidique mais due à la plume des bardes.
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Les Saxons. Cette précision manque dans le Lebor na hUidre ou Livre de la vache brune. Il s’agit bien entendu d’une interpolation tardive, les invasions saxonnes n’ayant commencé dans la région que dans le courant du Ve siècle. Les autres mentions sont d’ailleurs également des interpolations, mais plus anciennes. Toutes ces appellations étaient en effet inconnues de la Litavia ou région d’origine des Celtes (le Celticum de Tite-Live, quelque part au nord des Alpes dans le sud de l’Allemagne actuelle. Manque également ce qui suit, l’allusion à Cuscraid, qui ne figure pas dans ce manuscrit.
Etc. Nous traduisons ainsi la formule latine ut ante (eh oui, c’est comme ça, on trouve également souvent du latin dans tous ces manuscrits en gaélique. La Bible contient bien elle-même quelques éléments qui ne relèvent ni de l’hébreu classique ni du grec (des phrases en araméen par exemple, ou le fameux Mené, Mené, Téqel, Ou-Pharsine, du chapitre V du Livre de Daniel. Ces mots voire ces phrases entières en latin polluant la retranscription de nos légendes montrent bien en tout cas, c’est le moins que l’on puisse dire, à quel point ceux qui ont couché par écrit tous ces récits de la littérature orale étaient imprégnés de culture classique-et notamment de latin-donc profondément chrétiens.
Sa maîtrise des arts martiaux. Nous rendons ainsi le terme gaélique chless.
Ses attaques et ses assauts. Nous traduisons ainsi le terme gaélique forom mais c’est apparemment le nom d’une des bottes secrètes ou des spécialités du Hésus Cuchulainn.
I n-óenchurp atá. Imgeib guin immoamgeib gabáil. Variante du Lebor na hUidre ou livre de la vache brune : Fodaim guin ni mou gahail. Il est sujet à blessure, il n’est pas à l’abri d’une capture ». La formule perd de sa force.
Farfadet. Nous traduisons ainsi le terme gaélique serrite/sirite. Voir nos précédents contre-lais sur le sujet.
N.B. Pour ce qui est de la suite du manuscrit de la Tain Bo Cualnge voir pages précédentes, les exploits d’enfance du petit hésus Cuchulainn. En ce qui nous concerne, nous ne reprenons le fil de cette histoire qu’avec la fin du chapitre VII et avec le chapitre VIII qui nous décrit la suite de la marche de cette armée d’invasion à l’intérieur des frontières du royaume d’Ulidia.
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Fin du chapitre VII intitulé…
Les exploits d’enfance du Hésus Cuchulainn.
S’agissant d’un petit garçon qui a réalisé de tels exploits quand il avait sept ans, qui a vaincu les champions et les guerriers devant lesquels deux tiers des Ulates étaient tombés puis étaient restés sans être vengés jusqu’à ce que ce garçon se lève, il n’y a donc pas lieu de s’étonner ou de s’émerveiller qu’il puisse venir sur la frontière et tuer un homme ou deux ou trois ou quatre alors qu’il a maintenant dix-sept ans révolus.
Ce qui précède était par conséquent un aperçu des exploits d’enfance du Hesus Cuchulainn à l’occasion du vol de bétail de Cualnge, ainsi que le prologue de cette histoire et un récit de la route et de la marche de l’armée venue de Cruachan. In scél fodessin is ní and fodechtsa. L’histoire proprement dite est ce qui suit.
Lebor na hUidre ou Livre de la vache brune. Poursuivons notre route maintenant, dit Ailill. Ils atteignirent ensuite Mag Mucceda. Là le Hésus Cuchulainn abattit un chêne sur leur chemin et grava sur son flanc une inscription en lettres oghamiques qui disait que personne ne pourrait aller au-delà tant qu’un guerrier n’aurait pas sauté par-dessus avec son char. Ils dressèrent leurs tentes sur place et ils essayèrent de sauter par-dessus avec leurs chars. Trente chevaux périrent dans cette tentative et trente chars y furent brisés. Passage de la gloire est le nom de ce lieu désormais.
La mort de Fraech.
Ils restèrent bloqués là jusqu’au lendemain. Fraech fut convoqué. Aide-nous, Fraech, demanda Maeve, sors-nous de ce mauvais pas. Va trouver le Hesus Cuchulainn afin de voir si vous pouvez vous battre en combat singulier. Fraech se mit en route en compagnie de huit hommes, de bonne heure, et atteignit le gué de Fuath. Là il aperçut un guerrier se baignant dans la rivière. Attendez-moi ici, dit Fraech à ses compagnons, jusqu’à ce que j’aie pu affronter l’homme qui est là-bas. Il n’est pas bon dans l’eau. Il enleva ses vêtements et entra dans l’eau en se dirigeant vers le Chien de Culann. Ne viens pas m’affronter, cria le Chien de Culann. Tu mourras si tu fais ça et je serai navré de te tuer. Je vais assurément y aller, répondit Fraech, afin que notre combat ait lieu dans l’eau et que je puisse ainsi lutter à armes égales avec toi. Fais comme tu veux, répondit le Chien de Culann. Que chacun mette la main sur l’autre (afin de commencer la lutte) dit Fraech. Et ils restèrent longtemps à lutter ainsi dans l’eau puis Fraech manqua d’être noyé. Le Chien de Culann le laissa respirer de nouveau. Maintenant acceptes-tu cette fois-ci de t’incliner devant moi pour que je te laisse la vie sauve, s’écria le Chien de Culann. Non ! répondit Fraech. Le Chien de Culann le fit alors chuter de nouveau et Fraech mourut. Il flotta jusqu’à la terre ferme et ses gens transportèrent son corps jusqu’au camp. Ce gué fut appelé le gué de Fraech désormais. Tout le camp pleura sa mort. Co n-accatar banchuri i n-inaraib úanib for colaind Fraich meic Idaid. Focessat úadib issa síd. Síd Fraích ainm in t-sída íarom. On vit alors une troupe de fées habillées de robes blanches comme de l’écume ? se pencher sur le corps de Fraech fils d’Idaid. Elles le transportèrent dans leur sidh qui fut désormais appelé le Sidh de Fraech après cela.
Fergus sauta par-dessus le chêne avec son propre char. Ils purent ainsi continuer jusqu’au Gué de Taiten. En ce lieu le Chien de Culann renversa six d’entre eux, à savoir les six Dungall Irruis. De là ils continuèrent jusqu’à Fornocht. Maeve avait un jeune chien appelé Baiscne. Le Chien de Culann lui lança une pierre et le décapita. Crête de Baiscne fut désormais le nom de cet endroit. Quelle honte pour vous, s’exclama Maeve, de n’avoir pu venir à bout rapidement de ce maudit guerrier à char qui vous massacre ! Ils partirent alors à sa poursuite et les timons de leurs chars se brisèrent dans sa traque.
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Lebor Laignech ou Livre du Leinster.
Chapitre VIII.
La mort d’Orlam.
Les quatre grandes provinces d’Irlande passèrent à l’est du mont Rond le jour suivant. Le Hésus Cuchulainn vint à leur rencontre. Il rencontra le cocher d’Orlam, le fils d’Ailill et de Maeve, qui était à l’endroit dit depuis Tombe d’Orlam, un peu au nord des solitudes de Lochad, en train de couper des timons de char dans un bois de houx. Eh bien, Loeg, dit le Hésus Cuchulainn, les Ulates se comportent de façon vraiment téméraire si ce sont eux qui abattent du bois dans la forêt juste devant les Irlandais. Attends ici un petit moment jusqu’à ce que j’aie pu voir qui est en train de couper du bois de cette façon. Puis le hésus Cuchulainn poursuivit sa route et arriva sur le cocher. Que fais-tu donc ici, mon garçon ? demanda le Hésus Cuchulainn. Je suis en train de couper des timons de char dans du bois de houx, répondit l’aurige, car nos chars se sont brisés hier en chassant le célèbre daim que l’on appelle Cuchulainn. Et sur ta valeur, guerrier, viens m’aider, avant que ce fameux Hesus Cuchulainn ne tombe sur moi. Fais ton choix, mon garçon, répondit le Hésus Cuchulainn, soit assembler les pièces soit les ébrancher. Je les assemblerai, car c’est plus facile. Le Hésus Cuchulainn commença d’ébrancher les pièces de bois et Forrópart Cú Chulaind fora n-imscothad,& nos tairnged tria ladraib a choss & a lám i n-agid a fíar & a fadb co ndénad a féth & a snass & a slemnugud & a cermad, il les étira entre ses orteils et ses doigts afin de réduire leurs courbures et leurs nœuds, jusqu’à ce qu’elles deviennent polies, nettes, glissantes et unies. Il les rendit si lisses qu’une mouche ne pouvait pas tenir dessus quand il les jetait à côté de lui. Le cocher le regarda faire l’air un peu songeur. Il me semble que je t’ai donné là un travail qui ne te convenait pas. Qui es-tu ? demanda-t-il. Je suis le fameux Hésus Cuchulainn dont tu viens juste de parler. Malheur à moi, s’écria le cocher, car je suis perdu. Nád bia etir, a gillai, ar Cú Chulaind, ar ní gonaim aradu nó echlachu nó áes gan armu. Je ne te tuerais pas, mon garçon, répliqua le hésus Cuchulainn, car je ne m’en prends ni aux cochers ni aux messagers ni aux hommes sans armes. Et de toute façon où se trouve ton maître ? Sur le tumulus près d’ici répondit le cocher. Va le retrouver afin de l’avertir d’être sur ses gardes, car si nous nous rencontrons, il tombera devant moi. Le cocher courut donc retrouver son maître, mais à peine fut-il arrivé que le Hésus Cuchulainn le fut également, il décapita Orlam. Ensuite il brandit en l’air devant lui cette tête afin de la faire voir aux Irlandais.
Lebor na hUidre ou Livre de la vache brune.
Il mit la tête ensuite sur le dos du cocher et lui dit : « Prends-la donc avec toi et rentre au camp avec. Si tu ne le fais pas, je te lancerai une pierre avec ma fronde ! » Quand le cocher approcha du camp, il prit la tête qu’il avait dans le dos et raconta ses mésaventures à Maeve et Ailill. C’est autre chose que d’attraper un oisillon, soupira Maeve. Et il m’a dit que si je ne ramenai pas la tête au camp sur mon dos, il me briserait la mienne avec une pierre de sa fronde.
La mort des trois fils d’Arach.
Les trois fils d’Arach rencontrèrent ensuite le Hésus Cuchulainn devant le gué d’Ard Ciannacht. Lon, Ualu et Diliu, étaient leurs noms ; Mes Lir, Mes Laig et Mes Lethair les noms de leurs trois cochers. Ils vinrent affronter le Hésus Cuchulainn parce qu’ils trouvaient insupportable ce qu’il leur avait fait la veille, à savoir tuer les deux fils de Nera fils de Nuatar fils de Tacan devant le gué de la Fourche et tuer Orlam le fils d’Ailill et Maeve puis exhiber sa tête devant tous les hommes d’Irlande. Ils y allèrent afin de pouvoir tuer le Hésus Cuchulainn de la même façon et brandir sa tête comme un trophée. Ils allèrent dans les bois et coupèrent trois bâtons de coudrier (noisetier) blanc afin de les mettre entre les mains de leurs cochers de sorte qu’ils puissent tous les six ensemble affronter le Hésus Cuchulainn. Le Hésus Cuchulainn les attaqua tous les six et les décapita. C’est ainsi que tombèrent les fils d’Arach, sous les coups du Hésus Cuchulainn.
Le combat singulier de Lethan et du Hésus Cuchulainn.
Ensuite afin de se mesurer au Hésus Cuchulainn Lethan se présenta devant le gué de Nith sur le territoire de Conaille en Muirthemne. Il l’attaqua au milieu du gué. Gué du char est depuis lors le nom
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du gué où ils s’affrontèrent, car leurs chars se brisèrent dans ce combat sur le gué. Mulche tomba mort sur la colline située entre les deux gués, d’où son nom désormais : Gúalu ? de Mulche. Ensuite le Hésus Cuchulainn et Lethan s’affrontèrent, et Lethan tomba devant le Hésus Cuchulainn qui lui coupa la tête au milieu du gué, mais la laissa sur place, c’est-à-dire la laissa donc avec le corps. D’où le nom de ce gué désormais, Gué de Lethan sur le territoire de Conaille en Muirthemne.
Les beaux et bons harpistes de Cain Bile.
Ensuite arrivèrent les beaux et bons harpistes de Cain Bile, des cataractes d’Ess Ruaid, afin de les délasser. Les Irlandais pensèrent qu’il s’agissait d’espions envoyés par les Ulates, aussi l’armée les chassa vigoureusement pendant très longtemps jusqu’à ce qu’ils lui échappent, après s’être transformés en cerfs auprès des pierres levées (corthib) de Lia Mor. On les appelait les harpistes de Cain Bile. Batir fir co mórfiss & go mórfástine & druídecht iat. C’étaient des hommes maîtrisant la grande science, le pouvoir de divination, et la druiderie.
La mort de la martre ainsi que de l’oiseau de Maeve.
Ensuite le Hésus Cuchulainn menaça, chaque fois qu’il verrait Maeve, de lui lancer une pierre qui lui frôlerait la tête. Et il en fut comme il avait dit. Quand il aperçut Maeve à l’ouest du gué, il lui lança une pierre avec sa fronde et tua l’oiseau de compagnie qui était sur son épaule. Maeve traversa ensuite le gué en allant vers l’est, et il lui lança une autre pierre avec sa fronde et tua la martre qui était sur son épaule. D’où les noms de ces lieux désormais, nuque de la martre et nuque de l’oiseau, Gué de la fronde étant le nom du gué par-dessus lequel le Hésus Cuchulainn lança une pierre en se servant d’elle. Les quatre grandes provinces d’Irlande arrivèrent le lendemain dans la plaine de Breg et dans la plaine de Muirthemne qu’elles commencèrent à ravager. Fergus, le père adoptif du Hésus Cuchulainn, eut alors le vif pressentiment que le chien de Culann allait arriver, et il demanda aux Irlandais de se tenir sur leur garde cette nuit-là, car le Hésus Cuchulainn allait leur tomber dessus.
Note de la rédaction. Ici se trouve dans les manuscrits du Livre de Leinster, édité par Windisch, page 183, un autre éloge du Hésus Cuchulainn par Fergus. On y voit apparaître les montagnes d’Arménie et les Amazones. Il s’agit là clairement d’une interpolation relativement moderne qui ne figure pas dans les manuscrits du Lebor na hUidre ou Livre de la vache brune d’ailleurs. Cécile O’Rahilly a conservé ce lai, nous, nous préférons l’écarter.
La fée Morgane avertit le taureau brun de Cualnge.
Après que ce lai eut été chanté, le même jour, le Termagant brun de Cualnge vint à Margin avec cinquante génisses. Et là il frappa la terre du pied c’est-à-dire qu’il rejeta derrière lui des mottes de terre avec ses sabots. Mórrigu ingen Ernmais a sídib co mboí forin chorthi i Temair Chúalnge. Le même jour la fée Morgane fille d’Ernmas sortit du sidh et se percha sur le menhir des hauteurs de Cualnge afin de mettre en garde le Termagant brun contre les Irlandais. Elle lui adressa la parole en disant :« O malheureux Termagant brun de Cualnge, fais attention, car les Irlandais vont venir et t’emmener dans leur camp si tu n’y prends pas garde ! ». Et elle poursuivit en lui disant à haute voix… Nach fitir dub dusáim. dal na inderb. esnad fiacht. fiacht. fiacht nad cheil. cuardait námait do thuaithbregaib binde ar tánaib tathaib rún. rafiastar dúib danis murthonna fer forglas forláib lilasta áeb agesta in mag meldait. slúaig scothníam buidb bógeimnech febdair fiach fir nairm rád n-inguir crúas Cúalnge có icat do bás mórmaicne féc muintir ar n-éc muntire do námait écaib.
Le Termagant brun de Cualnge se rendit alors dans la Vallée des génisses sur le Mont du Houx avec ses cinquante vaches.
Ci-dessous quelques-unes des caractéristiques du Termagant brun de Cualnge : il pouvait saillir cinquante génisses par jour. Ces dernières vêlaient avant d’atteindre la même heure le jour suivant, et celles qui ne pouvaient pas vêler avant éclataient à cause du veau, car elles ne pouvaient supporter plus longtemps la semence du Termagant brun. Une autre des caractéristiques du Termagant brun de Cualnge était que cinquante jeunes gens avaient l’habitude de jouer sur son dos chaque soir. Ba do búadaib Duind Chúalnge ná laimed bánanach nó bocánach nó genit glinni tascud d’óentríchait chét friss. Une autre de ses caractéristiques était que ni les bananach ni les bocanach ni les genit glinni n’osaient être dans le même canton que lui. Une autre de ses caractéristiques était que chaque soir
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quand il revenait vers a liss & a léis & a machaid, sa cour son étable ou son enclos, il avait l’habitude de faire entendre un mugissement mélodieux qui enchantait les oreilles des guerriers du nord du sud ou du centre du district de Cualnge. Telles étaient certaines des vertus du Termagant brun de ce canton.
Ensuite le lendemain l’armée arriva dans les rochers ou les dunes ? de Conaillé en Muirthemné. Maeve demanda qu’on la protège avec des boucliers placés au-dessus d’elle de peur que le Hésus Cuchulainn ne puisse la toucher en tira avec sa fronde à partir des collines ou des hauteurs ou des tertres. Néanmoins ce jour-là le Hésus Cuchulainn ne parvint ni à blesser ni à toucher les Irlandais.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 17.
Nous traduisons par lutter ou lutte le terme gaélique imtrascrad. Il s’agit sans doute d’une forme de lutte celtique du genre de celle que l’on retrouve jusqu’en Bretagne sous le nom de Gourenn et jusqu’en Islande sous le nom de Glima. Sidh. Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, les sidh ou tumulus étaient des entrées (ou sortie) de l’autre-monde. Concrètement dans le monde celte antique il s’agissait souvent de monuments mégalithiques récupérés par les légendes. Une des légendes concernant un tumulus des fougères (puisque c’est ce que signifie le nom de Fraech en gaélique, a donc dû être réutilisée par un barde irlandais qui en fit la tombe d’un des adversaires malheureux de notre héros). Et les femmes de la banchuri en question ne peuvent donc être que des lavandières surnaturelles, ces déesses subalternes chargées des enterrements, les Alaisiagae (Beda et Boudihillia). Bean-Nighe en Écosse. Orlam était le fils d’Ailill et de Maeve. Pour que sa tête puisse être ramenée sur le dos du cocher, elle a dû être déposée par le Hésus Cuchulainn dans le capuchon de ce dernier.
Trois bâtons ou trois lattes de noisetier, ou coudrier, ou avelinier, blanc. Trí fidslatta findchuill. Si nous comprenons bien cette mention, les bâtons de combat étaient en bois de coudrier ou noisetier commun (corylus avellana) et non en noisetier ou coudrier à feuilles pourpres (corylus maxima purpurea). À noter. Notre héros tuera également les trois cochers, car ils participeront à cette déloyale attaque : à six contre un.
Mulche. C’était le cocher de Léthan, combattu par Loeg cocher du Hésus Cuchulainn. Il s’agit là bien entendu d’un énième cas d’évhémérisation, à rebours du mythe panceltique originel qui était au départ intemporel et non précisément localisable. La remarque vaut pour le nom du gué de Lethan situé sur le territoire de Conaille en Muirthemne. Ah ces bardes et leur manie d’expliquer, au besoin en racontant une belle histoire, le moindre élément de la géographie de leur pays. Les premiers chantres du christianisme auraient dû s’en souvenir à propos de Nazareth ou de Bethléem : un mythe, serait-ce celui de la naissance et de la mort tragique d’un dieu sauveur, doit toujours rester intemporel et non précisément localisable AFIN QUE CHAQUE HOMME CHAQUE GÉNÉRATION CHAQUE PAYS CHAQUE CONTRÉE… PUISSE SE L’APPROPRIER, PUISSE L’INTÉRIORISER. La vraie religion c’est ça ! La véritable histoire religieuse ou métahistoire EST TOUJOURS INTÉRIEURE. AFIN DE POUVOIR ÊTRE (RE) vécue.
Druiderie. En gaélique druidecht. Cet épisode est assez difficile à comprendre et tout cela n’est pas très clair. Winifred Faraday fait d’ailleurs de ces hommes des sorciers, vu la diabolisation de la notion de druidecht à l’époque, mais plus qu’à des druides on peut penser à des dieux ou à des déesses de cours d’eau, ou du chêne (cain bile désigne peut-être un bel arbre) capables de faire une musique surnaturelle. Il s’agit sans doute d’une légende locale expliquant d’une part la disparition des divinités de l’arbre ou de la chute d’eau en question (l’Ess Ruaid), mais aussi la présence non loin de menhirs, et réutilisée par l’auteur du récit, mais qui n’a rien à voir avec le mythe panceltique originel. Il fallait bien que les bardes intéressent leur auditoire.
Avec cinquante génisses. Le Lebor na hUidre ou Livre de la vache brune précise qu’il était suivi par un bouvier nommé Forgemen, qu’il jeta par terre les cent cinquante enfants qui jouaient sur son dos en tuant ainsi les deux tiers.
La fée Morgane fille d’Ernmas c’est-à-dire fille de « meurtre ». Souvenir d’un temps où la justice n’était pas encore l’apanage des autorités (du roi par exemple), mais restait directement exercée par les parents de la victime : ce que l’on appelle communément la vengeance de nos jours. Il ne faut donc pas prendre toutes ces filiations « druidiques » de nos légendes pour argent comptant. Ce que voulaient dire les druides ayant élaboré cette allégorie c’est que la Mara Rigu/Morrigu/Morgane était aussi implacable que le désir de vengeance qui peut naître après un assassinat. Ce qu’ils entendaient
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dire c’est que la Mara Rigu/Morrigu/Morgane en tant que personnification des guerres était d’abord suscitée par le meurtre ou l’assassinat des innocents.
Sortit du sidh. Sous forme d’oiseau précise le manuscrit du Lebor na hUidre ou Livre de la vache brune. Il existe dans la statuaire celto-romaine du Continent plusieurs bas-reliefs nous montrant justement un taureau visiblement surnaturel associé à des oiseaux qui semblent le protéger. La stèle votive de Trèves en Allemagne par exemple (un homme abat un arbre dans lequel on voit une tête de taureau et trois oiseaux). N.B. On s’est généralement mépris sur le sens de cette scène : l’homme qui est représenté en train d’abattre un arbre ne cherche nullement à nuire au taureau en question, mais à le protéger, de la même façon que Cuchulainn dans le légendaire irlandais. Le pilier des nautes parisiens idem (sur un des panneaux un homme ébranche ou coupe un arbre et sur le panneau suivant figure un taureau avec trois grues dans une forêt).
Bananach. Nom gaélique d’êtres surnaturels hantant les champs de bataille. Bocanach. Nom gaélique d’êtres surnaturels à tête de boucs hantant les champs de bataille. Voir les Gaborchend ou Goborchind ainsi que la foire au bouc (Puck) de Killorglin. Genit glinni. Terme gaélique signifiant quelque chose comme démons succubes des vallées, hantant également les champs de bataille. Toutes ces entités surnaturelles (préternaturelles dit le dictionnaire électronique de la langue irlandaise) semblent jouer dans la société celtique médiévale, au moment de la mort, le rôle des déités courroucées du bouddhisme (dharmapalas). On ne peut s’empêcher de penser au fameux Tarvos trigaranos dont le rôle protecteur et bénéfique est aussi évident sur le Continent. Lui également était censé éloigner les démons et les déités courroucées. Le nom d’homme Donnotaurus, qui semble bien signifier « taureau de Donn » ou « taureau brun », est une preuve supplémentaire de cette communauté de légendes entre les Celtes continentaux et les Irlandais.
Comté. Canton. Cécile O’Rahilly traduit ainsi les termes gaéliques óentríchait chét qui signifient littéralement trente centaines (d’hommes).
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La mort de Loche, servante de Maeve.
Les guerriers des quatre grandes provinces d’Irlande passèrent la nuit dans les plaines de Loche à Cualnge et installèrent leur camp à cet endroit. Maeve demanda donc à une des servantes de sa maisonnée d’aller à la rivière et de lui ramener pour boire et faire sa toilette. Cette servante s’appelait Loche. Loche alla donc, avec le diadème d’or de la reine sur sa tête et accompagnée de cinquante femmes. Le Hésus Cuchulainn lança une pierre avec sa fronde et brisa en trois morceaux le diadème, donc tua la fille à l’endroit de la plaine où elle se trouvait. D’où le nom de plaine de Loche. Car le Hésus Cuchulainn avait cru faute d’en savoir plus que c’était Maeve qui était là.
Lebor na hUidre ou livre de la vache brune.
La mort de Lothar.
À partir de Findabair en Cualnge la troupe s’éparpilla et ils mirent le pays à feu et à sang. Ils capturèrent tout ce qu’il pouvait y avoir de femmes, de garçons, de jeunes filles, et de bétail, dans le canton de Cualnge, et les amenèrent tous ensemble à Findabair. Vous revenez bredouilles, s’exclama Maeve, vous n’avez pas trouvé le taureau. Il n’est nulle part dans la province, répondirent-ils en chœur. On convoqua Lothar le bouvier de Maeve. Où penses-tu que se trouve le taureau, demanda-t-elle ? J’ai peur de te le dire, répondit le vacher. La nuit où les Ulates ont commencé à être affectés par leur indisposition annuelle, le taureau est parti avec trois vingtaines de génisses afin de se rendre à Dubchaire dans la vallée de l’osier. Allez-y, dit Maeve, et prenez avec vous deux par deux, des liens d’osier. Ce qu’ils firent, et c’est pourquoi cette vallée s’appelle depuis la vallée de l’osier. Ensuite ils ramenèrent le taureau à Findabair. Quand le taureau aperçut Lothar le bouvier, il se rua sur lui et l’éventra d’un coup de corne. Ensuite avec ses trois fois cinquante génisses le taureau fonça sur le camp et il y tua cinquante guerriers. Telle fut la mort de Lothar lors de cette expédition. Ensuite le taureau s’échappa du camp et ils ne surent où il était passé, ils en furent donc fort marris. Maeve demanda au bouvier s’il savait où se trouvait le taureau. Je pense qu’il doit être dans un des recoins de la montagne du houx. Ils y retournèrent après avoir ravagé Cualnge, mais ne trouvèrent pas le taureau en ce lieu. Le fleuve Cronn s’éleva contre eux en montant aussi haut que les arbres. Ils passèrent la nuit sur la rive, mais la reine Maeve ordonna qu’une partie de ses gens la traverse.
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Livre du Leinster de nouveau.
La mort de Uala.
Le lendemain les troupes tentèrent donc de traverser, mais en vain. Prairie des chars est le nom du premier endroit qu’ils atteignirent, ce lieu et appelé Prairie des chars, car le fleuve emporta une centaine de leurs chars jusqu’à la mer. Maeve demanda aux siens qu’un de leurs guerriers aille reconnaître la profondeur du fleuve. Un grand et vaillant guerrier de la maisonnée de Maeve appelé Uala se leva et mit sur son dos un immense rocher, puis alla voir quelle était la profondeur du courant. Mais le fleuve rejeta son corps inerte et sans vie, avec sa pierre encore sur le dos. Maeve ordonna qu’on le sorte du fleuve, que l’on creuse sa tombe et qu’une pierre tombale soit dressée dessus. D’où le nom aujourd’hui de pierre de Uala dans le canton de Cualnge.
La mort des compagnons de Róen et de Rói.
Le Hésus Cuchulainn serra de très près l’armada ce jour-là, les invitant à se battre et à combattre, et tua une centaine de leurs guerriers, autour de Roen et de Roi, les deux historiens de l’expédition. Maeve avait ordonné à ses gens d’y aller, de se battre et d’affronter le Hésus Cuchulainn. « Pas moi, pas moi, non ! » avaient-ils tous répondu de la place où ils étaient. Aucune victime n’est due par ma famille. Et même si c’était le cas, ce n’est pas moi qui m’en irai combattre le Hésus Cuchulainn, car ce n’est pas une tâche aisée que de l’affronter.
Le passage par une brèche ouverte dans la montagne.
Les troupes longèrent le fleuve qu’elles étaient incapables de franchir et atteignirent l’endroit où il avait sa source dans la montagne. S’ils avaient voulu, ils auraient pu alors passer entre la source et le sommet de la montagne, mais Maeve ne leur en donna pas la permission, mais leur ordonna au contraire de creuser ou aménager un passage pour elle au travers de la montagne, afin que cela soit une honte ou un affront pour les Ulates. Aussi depuis ce lieu est appelé Brèche de l’enlèvement des vaches de Cualgne, car ce fut là que passa l’expédition.
Le campement au Val de la traite.
Les hommes des quatre grandes provinces d’Irlande campèrent pour la nuit au carrefour de l’île. Tel était le nom de cet endroit jusque-là, mais son nom fut désormais Vallée de la traite, à cause de la grande quantité de lait que les troupeaux et le bétail donnèrent là aux Irlandais. Étable de pierre est un autre nom de cet endroit. Il est appelé ainsi, car c’est en ce lieu que les Irlandais ont construit des étables et des enclos pour leurs troupeaux et leur bétail.
Bivouac sur les bords du fleuve dit depuis « des liens d’osier ».
Les hommes des quatre grandes provinces d’Irlande parvinrent au Séchair. Séchair était le nom de cette rivière jusque-là, mais depuis lors on l’appelle fleuve des liens d’osier. On l’appelle ainsi parce que les Irlandais la firent traverser par leurs troupeaux et leur bétail, attachés avec de liens d’osier ou des cordes, et quand ils l’eurent franchie, les armées laissèrent leurs liens d’osier ainsi que leurs cordes dériver au fil de l’eau. D’où le nom de Fleuve des liens d’osier.
Lebor na hUidre ou livre de la vache brune.
Ils passèrent la nuit sur la crête des Féné en Conaille. Telle fut leur route pour aller de Cualnge à Machaire suivant cette version. Mais d’autres auteurs et d’autres livres font un compte-rendu différent de leurs déplacements de Findabair en Conaille.
Fergus et Maeve. Vengeance du mari trompé.
Quand ils furent tous arrivés avec leur butin et rassemblés à Findabair de Cualnge, Maeve s’exclama : « Que l’armée soit divisée en deux ici. Tout ce bétail ne peut emprunter la même route.
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Qu’Ailill avec une moitié passe par Midluachar. Fergus et moi irons par la Brèche des vaches ulates ! » La partie de l’expédition qui nous a été attribuée n’est pas facile, dit Fergus. Le bétail ne peut être mené à travers la montagne à moins d’être partagé en plusieurs troupeaux. Ainsi fut-il fait. D’où le nom de Brèche des vaches ulates.
Ailill dit alors à Cuillius son cocher : « Espionne pour moi Maeve et Fergus aujourd’hui, car je me demande bien pourquoi ils sont partis ensemble. Je serais très heureux que tu m’en apportes une preuve ». Cuillius le rejoignit alors qu’ils étaient à Cluichre. Les deux amants étaient restés en arrière alors que leurs guerriers allaient de l’avant. Cuillius arriva donc tout près d’eux, mais ils ne l’entendirent pas. Comme l’épée de Fergus se trouvait être à côté de lui, Cuillius la retira de son fourreau et laissa le fourreau vide. Ensuite il revint auprès d’Ailill. Eh bien ? demanda ce dernier.C’est vrai, répondit Cuillius, et en voici la preuve ! C’est parfait, répondit Ailill. Et ils échangèrent un sourire. Comme tu t’en doutais, poursuivit Cuillius, je les ai vus couchés ensemble.
Elle a eu raison (d’agir ainsi), répondit Ailill. Elle a fait ça pour aider au bon déroulement de l’enlèvement du bétail. Assure-toi que l’épée ne subit aucun dommage. Mets-la sous son siège dans le char, enveloppée dans un linge. Fergus se leva ensuite pour chercher son épée. Hélas, s’écria-t-il. Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda Maeve.J’ai mal agi vis-à-vis d’Ailill, s’exclama-t-il. Attends ici que je sorte du bois et ne t’inquiète pas si je mets du temps avant de revenir. Maeve ne savait pas que l’épée avait disparu. Fergus s’en alla, l’épée de son cocher à la main et dans la forêt il se tailla une épée en bois. D’où le nom que les Ulates ont donné à ce lieu : la forêt du grand fourreau. Allons rejoindre les autres maintenant, dit Fergus. Toutes les armées se retrouvèrent dans la plaine où elles plantèrent leurs tentes. Fergus fut invité par Ailill à venir jouer aux échecs (au tablut) avec lui. Quand il entra sous la tente, Ailill se mit à rire en le voyant ainsi.
Fergus dixit.
Heureux l’homme qui rit de cela
Si ce n’est pas un désir de vengeance qui l’anime, ni une trahison qu’il médite,
Car par la pointe de mon épée, souvenir sacré de Macha.
Nous serions alors promptement vengés par d’autres épées
Rien qu’en appelant à l’aide les Gaulois,
Sauf si une manœuvre de femme l’a rendu impossible.
Et après mobilisation de ces guerriers
Je te prendrai de force ton bétail
Sous les yeux mêmes des chefs de ta gigantesque armada.
Jusqu’à la montagne du petit-fils de Nessa
Le choc d’une puissante troupe
Laissera partout des corps sans tête.
Ailill dixit. Ne livre pas bataille après avoir perdu ton épée… ? cela défend Maeve contre de nombreuses tribus… ? Assieds-toi donc et faisons une partie d’échecs (tablut). Tu es le bienvenu. Joue aux échecs et au buanbach (une sorte de tablut) devant un roi et une reine. Ils ont préparé une partie pour des armées qui brûlent d’en découdre. L’enjeu n’a aucune importance ?… Je suis assez doué pour ça. Peut-être en vérité que la faute en incombe aux femmes en premier ?…… Findabair aime l’audacieux Fergus, Fergus qui a la beauté d’un roi, Fergus fils de Ross Roech avec son bétail qui beugle et de grandes armées entourées ? de tribus ayant de grandes possessions, Fergus qui a la beauté d’un roi, la férocité d’un dragon, le souffle venimeux d’une vipère, la frappe puissante d’un lion ».
Ils commencèrent donc de jouer au tablut. Ils déplaçaient les pions d’or et d’argent sur l’échiquier de bronze.
Ailill dixit : « il n’est pas d’un roi… ?
Maeve dixit : « Arrête de tenir ces propos outrageants. Une noble dame ne saurait être l’amour secret d’un étranger… je ne m’adonne pas au dénigrement et aux jugements injustes moi… »
Fergus dixit : « Hélas ! Ils se font la guerre avec des mots maintenant devant tant de tribus, et ils vont s’abreuver ? de conciliabules secrets, ils vont s’ensorceler de trésors ? mais ils vont être balayés par des lances… ? tu seras obéi.
Ils en restèrent là cette nuit et le lendemain matin Ailill déclara : « Un grand champion arrive pour affronter cette puissante armée devant le Cronn, la rivière du petit-fils de Nessa. Les hommes du Connaught vont affronter un adversaire. Des flots de sang couleront des cous sans tête dans une sanglante et mortelle mêlée de héros. Les eaux monteront devant le champion qui va venir d’Ulidia pour nous livrer bataille.
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Maeve dixit : « Ne le conteste pas, ô arrogant fils de Mata…… ? les hommes ont été regroupés en troupeau, les femmes enlevées… ? de grandes armées se proposent de venir du champ de bataille de Cualnge et les troupes… ?
Fergus prit la parole : « laisse un grand prince… ?… Laisse-les jurer sur leur peuple, laisse-les promettre ceci à leur reine, laisse-les se battre contre leurs ennemis ».
Maeve dixit : « Faisons donc ce qu’il dit, et agissons…… Ils reprirent leur route en direction du Cronn, et l’on entendit alors Mané fils d’Ailill dire : « si l’on m’envoie promptement à l’avant-garde affronter un adversaire ayant beaucoup de hauts-faits à son actif, mais loyal, il… bêtes à cornes… ? »
On entendit alors Fergus lui dire : « n’y va pas, ô valeureux garçon. Je n’ai pas d’autre conseil à te donner si tu ne veux pas qu’un garçon imberbe te décapite… ? » Envoyez-moi devant avec les Exilés ulates, demanda Fergus, afin de s’assurer que le garçon aura un adversaire jouant franc-jeu en face de lui, avec le bétail devant nous et le gros de l’armée derrière, ensuite les femmes… ?
Maeve dixit : « Écoute, ô Fergus ! Pour l’amour de ton honneur… ?…… repousse (l’ennemi) avec ta vaillante troupe. Ne fuis pas les Ulates… ? dans la plaine d’Ae tu l’emportes sur tout le monde ??? »
Fergus dixit : « Hé, pauvre folle de Maeve… ? Je ne suis pas le fils d’une mauviette… arrête de me jeter des pierres ???…
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 18.
Trois vingtaines de génisses, trois fois cinquante génisses. Tout comme dans la Bible l’exactitude scientifique des chiffres n’a que peu d’importance, ce qui compte c’est l’impression laissée dans l’esprit du public, tout l’art du conteur est là. C’est de la rhétorique d’avocat (un plaidoyer notamment dans le cas des quatre évangiles).
Autour de Roen et de Roi. Cécile O’Rahilly traduit par « y compris Roen et Roi ». Suivant le Lebor na hUidre le Hésus Cuchulainn aurait en cet endroit tué cent quarante-quatre rois. Souvenir sacré. Nous traduisons ainsi le terme gaélique mind. Reconnaissons humblement notre difficulté à traduire tout ce passage, toute cette rhétorique qui a sans doute un double sens. Quant aux machistes misogynes refusant d’être dirigés par une femme, n’oublions pas que quelques siècles plus tard Jeanne d’Arc les mènera aussi à la victoire sous les murs de la vieille ville d’Orléans. Peut-être en vérité que la faute en incombe aux femmes en premier ?… Semblable paranoïa misogyne n’existe maintenant que chez les intégristes juifs ou musulmans. Interpolation judéo-chrétienne donc, tout à fait contraire à la morale de l’anecdote qui nous relate l’adultère de la femme de Partholon.
Un grand champion arrive. On passe donc d’une scène de ménage à trois, commencée à fleurets mouchetés ou avec beaucoup de sous-entendus occasionnés par une partie d’échecs sous la tente, à l’annonce par Ailill de l’arrivée de Hésus Cuchulainn. D’où Ailill tirait-il cette information ?? Le but des bardes ayant colporté ce récit était-il de nous montrer que le mari bafoué était le seul à se préoccuper du sort de ses troupes et de l’expédition ?
Suite des exploits du Hésus Cuchulainn.
Le Hésus Cuchulainn arriva au gué du Cruinn afin de les affronter.A popa Lóig. Ô, Maître Loeg, dit-il à son cocher, l’armada vient droit sur nous. Loeg dixit :
Je jure par les dieux que j’accomplirai un exploit face à tous ces guerriers à char.
Ils sont tirés par d’élégants coursiers munis de jougs d’argent et avec des roues en or… ?
Tu affronteras de grands rois.
Tu les vaincras grâce à la puissance de tes sauts.
Le Hésus Cuchulainn dixit :
« Fais attention, ô Loeg, de tenir les rênes pour la plus grande victoire de Macha… ?…
Je prie les eaux de venir à mon aide.
Je prie le ciel et la terre et notamment la rivière de Cronn de venir à mon aide ».
Adeochosa inna h-usci do chongnam frim. Ateoch nem & talmuin & Cruinn in t-sainrethaig.
« Que le Cronn leur résiste
Et ne les laisse pas pénétrer dans Muirthemne
Jusqu’à ce que le travail des guerriers soit achevé
Dans les montagnes au nord d’Ochaine ! »
Alors la rivière entra en crue et monta jusqu’au sommet des arbres.
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Mané, le fils d’Ailill et de Maeve prit la tête de l’armée. Le Hésus Cuchulainn le tua sur le gué, trente cavaliers de sa maisonnée furent noyés dans les eaux. Le Hésus Cuchulainn renversa trente-deux de leurs braves guerriers au bord de la rivière. Ils dressèrent leur tente au bord du gué. Lugaid fils de Nos petit-fils de Lomarc Allchomag accompagné par trente cavaliers vint brièvement prendre langue avec le Hésus Cuchulainn.
Sois le bienvenu, Lugaid, dit le Hésus Cuchulainn. Si des oiseaux survolent la plaine de Muirthemné, tu auras une oie bernache (caud) et demie. Ou si du poisson vient dans l’estuaire de la rivière, tu auras un saumon et demi. Sinon tu auras trois légumes : du cresson ? de la véronique des ruisseaux ? du trechlam. Et quelqu’un te remplacera pendant ce temps-là sur le gué (pour me combattre). Il sera le bienvenu, répondit Lugaid, je lui souhaite d’avoir toutes les qualités possibles de ma tribu. Vos troupes ont fière allure, répondit le Hésus Cuchulainn.
Tu n’en souffriras pas bien que le nombre d’hommes qui est avec toi soit plutôt réduit, répondit Lugaid. Imgéna fír lim-sa & dagláechdacht. Accorde-moi un vrai combat et chevaleresque, demanda le Hésus Cuchulainn. Ô mon ami Lugaid, cette armée me craint-elle ? Tongu do dia. Je le jure par les dieux, il n’y a pas un homme, en tout cas pas deux, qui oserait sortir du camp pour aller uriner à moins d’y aller par compagnie de vingt ou de trente. Ça ne sera pas une bonne chose pour eux, ajouta le hésus Cuchulainn, si je commence à les bombarder de pierres avec ma fronde. Si la force de tous ces hommes est mise en avant contre moi, il y aura lieu alors, Lugaid, de te rappeler de ton alliance de naguère passée avec les Ulates. Dis-moi maintenant ce que tu veux. Je veux une trêve de ta part pour les hommes de ma compagnie.
Tu auras ceci pourvu alors qu’ils portent un signe distinctif spécial (afin que je puisse les reconnaître). Et dis à mon ami Fergus que ses hommes aussi devront porter un signe spécial. Dis aux médecins (legi) de porter eux aussi un signe distinctif, qu’ils jurent de faire tout ce qui est nécessaire pour préserver ma vie et de me faire passer de la nourriture chaque nuit. Ensuite Lugaid s’en alla. Il arriva que Fergus était alors sous sa tente avec Ailill. Lugaid l’appela et lui délivra le message.
Ailill dixit. Cair iss i sanassaib… ? partons avec une petite armée, dans une tente soigneusement choisie et un emplacement… ? Je jure par le dieu de mon peuple qu’il n’en sera pas ainsi, dit Fergus, tant que je n’aurais pas interrogé ce garçon. Viens Lugaid, va le retrouver pour lui demander si Ailill et ses bataillons de trente centaines d’hommes peuvent se joindre à ma compagnie. Amène-lui un bœuf, un bout de lard fumé ainsi qu’une barrique de vin. Lugaid partit le rejoindre et lui délivra le message. Peu m’importe qu’ils le fassent, répondit le Hésus Cuchulainn. Les deux compagnies se mirent donc ensemble. Ils restèrent là jusqu’à la nuit. Le Hesus Cuchulainn blessa trente de leurs guerriers avec des pierres de sa fronde. Où, comme certains livres le disent, ils restèrent bloqués là pendant vingt nuits. Votre périple commence à devenir inquiétant, s’exclama Fergus. Les Ulates vont sortir de leur indisposition annuelle (cess) et ils vont nous écraser ou nous faire mordre la poussière. Nous sommes mal placés pour livrer bataille. Allons dans le canton d’Airther.
Note de la rédaction. Le Lebor na hUidre ou livre de la vache brune relate à cet endroit une visite impromptue de notre héros à Emain Macha, destinée à prévenir les Ulates de ce qui se passait. Nous avons supprimé cet épisode de notre version, car c’est un doublon assez maladroit de la malheureuse intervention de Sualtam, le père adoptif du Hésus Cuchulainn, sur le même sujet. Le Hésus Cuchulainn aperçut l’armée qui arrivait.
Ailill dixit. Hélas, j’aperçois un char aux pointes brillantes… ?… il tuera les hommes au beau milieu des gués puis capturera les vaches, et les trente centaines agiront quand l’armée sera venue de Laigin ? Le sang coulera des cous sans tête. Ils vont combattre pour le bétail des Ulates sur ce gué. Le Hésus Cuchulainn tua trente de leurs guerriers devant le gué de Dorn. Ils ne firent aucune halte avant d’atteindre le coin d’Airther à la nuit tombante. Il tua trente des leurs sur place et ils dressèrent leurs tentes en ce lieu.
Le cocher d’Ailil, Cuillius, se rendit au gué de bonne heure le lendemain matin afin de laver les roues du char. Le Hésus Cuchulainn le toucha d’une pierre de sa fronde et il en mourut. D’où le nom de cet endroit aujourd’hui, « le gué de Cuillius » dans le canton d’Airther.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 19.
Adeochosa inna h-usci do chongnam frim. Ateoch nem & talmuin & Cruinn in t-sainrethaig. Il s’agit donc d’une formule se référant aux trois éléments que sont l’eau l’air et la terre. L’effet de cette formule magique semble en tout cas très clair, du moins dans la légende : la rivière entre en crue. Mané. Ailill et Maeve avaient sept fils appelés Mané.
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Un homme te remplacera pendant ce temps-là sur le gué (pour me combattre). Difficile d’être plus chevaleresque.
Tongu do dia. Dieu (dia) est au singulier dans cette expression, mais il ne s’agit nullement évidemment du dieu d’Abraham d’Isaac et de Jacob. D’où notre pluriel. Afin d’éviter tout malentendu comme ceux fort répandus chez les néo-druides français (Jésus super initié acclamé à Lugdunum par les vrais druides et autres débilités de ce genre). En fait il doit s’agir d’un des dieux de la tribu spécialisé dans cette fonction. Le dieu de l’âme nationale en question (toutatis), le dieu des contrats (le Suqellos Dagda Gargant) ou une déesse des eaux par exemple. Les usages devaient varier. Est donc sous-entendu dans la formule toingeas mo tuath. L’expression complète est par conséquent « Je jure par le dieu (sur lequel jure mon peuple)». Comme le disent d’autres livres. On ne saurait mieux dire que tous ces récits étaient recopiés les uns sur les autres, mais qu’il y avait des variantes. Que les moines copistes qui couchaient par écrit telle ou telle version avaient pour ce faire auparavant consulté divers ouvrages. Étymologie bien évidemment fantaisiste due à la fertile imagination des bardes irlandais désireux d’enraciner à tout prix ce mythe panceltique intemporel dans leur île.
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Retour au manuscrit du Lebor Laignech ou livre du Leinster.
Chapitre IX. Les négociations.
Cette nuit-là les hommes des quatre grandes provinces d’Irlande campèrent sur la colline des oiseaux, sur le territoire de Conaille en Muirthemné. Le Hésus Cuchulainn prit position non loin d’eux à Ferta en Lerga et brandit ou fit tant de bruit avec ses armes qu’une centaine de guerriers de l’armada moururent d’effroi de peur et de terreur. Maeve dit à Fiach fils de Fir Aba des Ulates d’aller parler avec le Hésus Cuchulainn et de lui proposer un arrangement. Que pouvons-nous bien lui offrir ? demanda Fiachu fils de Fir Aba. Ce n’est pas difficile, répondit Maeve. Il recevra une compensation pour les dommages causés aux Ulates et selon les meilleures estimations qu’en feront les Irlandais. Il sera entretenu sa vie durant à Cruachan, vin et hydromel lui seront servis, et il entrera aussi à mon service ainsi qu’à celui d’Ailill ce qui sera plus avantageux pour lui que d’être au service du petit seigneur dont il est le vassal actuellement. N.B. C’est la parole la plus méprisante et la plus insultante qui ait jamais été dite à l’occasion de l’expédition de Cualnge, traiter Cunocavaros/Conchobar, le plus beau roi de province de la verte Erin, de petit seigneur.
Fiachu fils de Fir Aba partit donc parlementer avec le Hésus Cuchulainn. Ce dernier lui souhaita la bienvenue. Ce souhait de bienvenue est-il sincère ? Il est sincère en effet répondit le Hésus Cuchulainn. Je viens te parler de la part de Maeve. Quelles sont les offres que tu m’apportes ? Tu recevras une compensation pour les dommages causés aux Ulates et selon les meilleures estimations qu’en feront les Irlandais. Tu seras entretenu ta vie durant à Cruachan, vin et hydromel te seront servis et tu entreras service d’Ailill et de Maeve, ce qui sera plus avantageux pour toi que d’être au service du petit seigneur dont tu es le vassal actuellement. Certes non, répondit le Hésus Cuchulainn, je n’échangerai pas le frère de ma mère pour un autre roi. Viens demain matin de bonne heure dans la vallée de Fochaine retrouver Maeve et Fergus.
De bonne heure le lendemain matin donc le Hésus Cuchulainn se rendit ans la vallée de Fochaine. Maeve et Fergus y vinrent également afin de le rencontrer. Maeve regarda le Hésus Cuchulainn et en fut très désappointée dans son for intérieur, car il lui sembla n’être qu’un petit garçon. Est-ce là le fameux Hesus Cuchulainn dont tu me parlais, Fergus ? demanda Maeve. Et Maeve commença de parler à Fergus. Elle récita le lai suivant :
Maeve.
Et-ce là le beau chien
Dont vous les Ulates vous parlez
Qui n’affronte aucun guerrier
Sans l’enlever définitivement aux Irlandais ?
Fergus.
Bien que soit très jeune le Chien que tu vois là
Qui chevauche sur la plaine de Muirthemné,
Il n’existe aucun homme marchant sur terre
Qu’il ne repoussera en combat singulier !
Maeve.
Que l’on fasse à ce guerrier ces propositions de notre part.
Il est fou s’il ne les prend pas en considération.
Il aura la moitié de ses vaches et la moitié de ses femmes
Mais qu’il change sa façon de combattre.
Fergus.
Je préfère que ne soit pas vaincu par vous
Le chien de la grande Muirthemné,
Il ne recule devant aucun féroce ou fameux fait d’armes
Je le sais, voilà tout.
Parle toi-même au Hésus Cuchulainn, ô Fergus, dit Maeve.
Que nenni ! répondit Fergus, parle-lui toi-même plutôt, car nous ne sommes séparés que par très peu de distance dans cette vallée, la vallée de Forchaine.
Et Maeve commença de s’entretenir avec le Hésus Cuchulainn en lui adressant le lai suivant.
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Ô Hesus Cuchulainn, fais alliance avec nous
Éloigne de nous ta fronde,
Ton célèbre combat sauvage,
Nous a écrasés ou plongés dans la confusion.
O Maeve [épouse] du grand fils de Maga
Je ne suis pas un couard sans gloire
Aussi longtemps que je vivrai, je ne te laisserai pas procéder
À l’enlèvement du troupeau de Cualnge.
Si tu acceptais de notre part
Ô triomphant chien de Cualnge
La moitié de tes vaches et la moitié de tes femmes (des femmes de ton peuple)
Tu les garderais définitivement à cause de la peur que nous inspirent tes exploits.
Puisque, grâce à tous ceux que j’ai tués
Je suis devenu le vétéran qui garde Ulidia
Je ne concéderai rien tant que vous ne m’aurez pas rendu
Chaque vache à lait ainsi que chaque femme des Gaëls.
Tu te vantes un peu trop de ta valeur,
Après avoir massacré nos nobles,
Fait périr beaucoup de nos chevaux, détruit bien des objets précieux
Toi tu garderais tout, et nous rien ?
Ô fille d’Eochu le Beau de Falnídam maith-se oc immarbáig, acht cidam láech-sa-líth nglé – att úaitte mo chomairle.
Je n’excelle pas dans les joutes verbales
Bien que je sois un guerrier au destin radieux !
Mes conseils sont rares.
Ce que tu dis n’est pas honteux pour toi,
Tu vaux une armée entière à toi seul noble fils de Dexiua Duxtir Dechtire (Epona ?)
Ces propositions sont telles qu’elles te rendront célèbre
O victorieux Hésus Cuchulainn.
Après que ce lai eut été récité le Hesus Cuchulainn n’accepta aucune des conditions que Maeve lui demanda de suivre et c’est ainsi qu’ils se séparèrent dans cette vallée, chaque partie se retira donc animée d’une même colère.
Les hommes des quatre grandes provinces d’Irlande campèrent durant trois jours et trois nuits sur la colline des oiseaux à Conaille en Muirthemné. Mais ni huttes ni tentes ne furent montées, ils ne prirent ni nourriture ni repas et ne firent résonner ni musique ni chant mélodieux durant ces trois nuits-là. Et chaque nuit avant les premières lueurs de l’aube le lendemain matin, le Hésus Cuchulainn tuait une centaine de leurs guerriers.
Notre armée ne va pas durer longtemps dans ces conditions, dit Maeve, si le Hésus Cuchulainn abat une centaine de nos hommes chaque nuit. Pourquoi ne pas lui faire de nouvelles offres et pourquoi ne pas de nouveau discuter avec lui ? Quelles propositions seraient-ce ? demanda donc Ailill.
Offrons-lui toutes les vaches qui ont du lait ainsi que toutes celles des captives qui sont de basse extraction, et qu’il arrête de jouer de la fronde sur les Irlandais, qu’il laisse aussi l’armée dormir un peu.
Qui partira faire cette offre ? demanda donc Ailill.
Qui d’autre si ce n’est Mac Roth notre messager, répondit Maeve.
Je n’irai certes pas, répondit Mac Roth, car je ne connais pas la route et je ne sais pas où est le Hésus Cuchulainn.
Demande à Fergus, rétorqua Maeve, il est vraisemblable qu’il le sait. Je ne sais pas vraiment, répondit Fergus, mais je pense qu’il est peut-être entre Fochaine et la mer, en train de se rafraîchir au vent et de prendre le soleil après cette nuit passée pendant laquelle il n’a pas dormi, puisque de sa seule main il a tué ou massacré l’armée. Ainsi parla Fergus.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 20.
La moitié de ses femmes. Maeve négocie avec le Hésus Cuchulainn comme si vaches et femmes lui appartenaient personnellement.
Des Gaëls. Ainsi que nous avons eu maintes occasions de le voir, les Ulates se considéraient comme des Irlandais à part. Cette revendication d’appartenance aux tribus gaéliques est donc passablement étonnante. Mais il est vrai qu’il s’agit là de l’œuvre d’un poète.
De Fal = d’Irlande ?
Dechtire. Vieux celtique Dexiua ? Duxtir ? Il s’agit de la mère du petit Hésus Sétanta, sœur de Cunocavaros/Conchobar. Une ancienne déesse des chevaux. Épona sur le Continent.
Nídam maith-se oc immarbáig, att úaitte mo chomairle. Tant de modestie étonne ! Mais il est vrai que si les conseils du Hésus Cuchulainn étaient un peu plus suivis.
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Ferais tromsnechta in n-aidchi sin corbo chlárfind nó corbo clárenech uili cóiceda Hérend don tsnechtu. Ocus focheird Cú Chulaind de na secht cneslénti fichet cíardai clárda bítis fo thétaib & rifetaib fria chnes arnacha ndechrad a chond céille tráth doficfad a lúth láthair. Ocus legais in snechta trícha traiged ar cach leth úad ra méit brotha in míled & ra tessaidecht cuirp Con Culaind, & ní chaemnaic in gilla bith i comfocus dó itir ra mét na feirge & bruthmaire in míled & ra tessaidecht in chuirp. Une lourde neige tomba cette nuit-là de sorte que toutes les provinces d’Irlande devinrent une seule et même étendue blanche. Et le Hésus Cuchulainn rejeta les vingt-sept chemises, cirées, durcies comme des planches, qu’il avait l’habitude de porter à même la peau, attachées avec des lacets ou des cordes afin de ne pas perdre tout sens commun quand il entrerait en transe. Si grande était son ardeur de guerrier et si grande la chaleur du corps du Hésus Cuchulainn que la neige fondit jusqu’à trente pieds tout autour de lui et que le cocher ne put rester à ses côtés à cause de l’intensité de la fureur et de l’ardeur du guerrier tout comme de la chaleur de son corps.
Un guerrier isolé vient vers nous, petit Chien, dit Loeg. Comment est ce guerrier ? demanda le Hésus Cuchulainn.C’est un garçon brun, élégant et au large visage. Il a sur lui un beau manteau brun, avec une fibule en bronze dessus. Une chemise comme le cuir d’un taureau à même la peau. Deux chaussures protègent ses pieds du sol. Il a un bâton de noisetier blanc à la main et dans l’autre une épée tranchante d’un seul côté avec une garde en ivoire. Bien, cocher, dit le Hesus Cuchulainn, ce sont là les emblèmes d’un messager. C’est un des messagers d’Irlande venant négocier avec moi et parlementer.
Mac Roth arriva donc à l’endroit où se trouvait Loeg. De qui es-tu le serviteur, l’ami ? demanda Mac Roth. Je suis au service du guerrier que tu vois là-haut, répondit l’aurige. Mac Roth se rendit là où se tenait le Hésus Cuchulainn. De qui es-tu le vassal, guerrier ? demanda Mac Roth. Je suis un des vassaux de Cunocavaros/Conchobar fils de Fachtna Fathach. Pourrais-tu être plus précis ? Cela suffit pour le moment, répondit le Hésus Cuchulainn. Pourrais-tu me dire où je puis trouver ce fameux Hesus Cuchulainn que recherchent tous les Irlandais à l’occasion de cette expédition ? Que voudrais-tu lui dire que tu refuserais de me dire à moi ? demanda le Hésus Cuchulainn. Je suis venu de la part d’Ailill et de Maeve pour parler avec lui et faire des offres de paix.
De quelles offres pour lui es-tu le porteur ?? Tout ce qui est vache laitière, tout ce qui est de basse extraction parmi les captives, à condition qu’il cesse de jouer de la fronde contre les troupes, car le coup de tonnerre qu’il effectue contre elles chaque soir leur déplaît fortement. Quand bien même celui que tu cherches serait là, il n’accepterait pas les conditions que tu demandes. Car les Ulates, s’ils n’ont plus de vaches à viande, afin de ne pas être déshonorés, abattront les vaches à lait pour nourrir leurs guerriers les lanceurs de malédiction ou leurs hôtes, et ils mettront ces femmes de basse extraction dans leur lit, de sorte qu’il en sortira de partout pour le pays des Ulates, une progéniture de basse extraction du côté des mères. Mac Roth repartit. Tu ne l’as pas trouvé ? demanda Maeve. Tout ce que j’ai trouvé c’est un gosse teigneux, hargneux, effrayant et féroce, entre Fochaine et la mer. Je ne sais pas si c’est le Hesus Cuchulainn.A-t-il accepté ces propositions ? Certes non ! Et Mac Roth leur donna les raisons pour lesquelles il les avait refusées.C’est bien au Hesus Cuchulainn lui-même que tu as parlé, dit Fergus. Que d’autres propositions lui soient offertes, reprit alors Maeve. Quelles autres propositions ? demanda donc Ailill. Toutes les bêtes à viande du troupeau, toutes les captives nobles, mais qu’il cesse de jouer de la fronde sur les troupes, car le coup du tonnerre qu’il nous fait tous les soirs n’est guère plaisant. Et qui donc ira lui faire cette offre ? Qui, mais Mac Roth.J’irai volontiers, répondit Mac Roth, car je connais le chemin pour cela maintenant. Mac Roth alla parler au Hesus Cuchulainn. Je suis venu parler avec toi, car je sais maintenant que c’est toi le fameux Hésus
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Cuchulainn. De quelles offres es-tu donc le porteur maintenant ? Toutes les bêtes à viande du troupeau, toutes les captives de noble naissance, mais tu cesses de jouer de la fronde contre les hommes d’Irlande et tu les laisses dormir, car le coup du tonnerre que tu exécutes contre eux chaque soir n’est guère plaisant.
Je n’accepterai pas ces conditions, car les Ulates abattraient leurs bêtes à viande afin de ne pas être déshonorés, puisqu’ils sont généreux, et ils se retrouveraient alors sans bêtes à viande, mais aussi sans vaches laitières. Ils obligeraient les femmes nées libres à faire tourner les meules ou au pétrin et les réduiraient ainsi en esclavage ou à des tâches serviles. Je ne souhaite pas laisser après chez les Ulates la honte d’avoir fait des filles de rois ou de princes d’Ulidia des esclaves ou des servantes. Y a-t-il au moins une proposition qui te va dans celles-ci ? Il y en a une, répondit le Hesus Cuchulainn. Dis-moi laquelle dans ce cas ? demanda Mac Roth. Je peux t’assurer sur ma foi que ce ne sera nullement à toi que je le dirai. À qui alors ? demanda Mac Roth. Si vous avez dans votre camp, répondit le Hésus Cuchulainn, quelqu’un qui pourrait connaître mes conditions, alors qu’il te les dise, dans le cas contraire que plus personne ne vienne me faire des propositions de paix, car qui que ce soit qui vienne, il n’aurait plus longtemps à vivre.
Mac Roth revint au camp et Maeve l’interrogea pour savoir ce qui s’était passé.L’as-tu trouvé ? demanda Maeve. Oui effectivement, répondit Mac Roth. Est-ce qu’il accepte ? demanda Maeve. Non il refuse, répondit Mac Roth.Y a-t-il des offres qui lui conviennent ? Il y en a, dit-il.T’a-t-il fait savoir lesquelles ? Tout ce qu’il m’a dit, répondit Mac Roth, c’est que ce n’est pas lui qui vous les dirait. Qui alors ? demanda MaeveMais s’il y a parmi nous quelqu’un qui pourrait les conditions qui sont les siennes, qu’il me les dise, et si ce n’est pas le cas, que plus personne ne s’approche de lui. Mais il y a une chose que je tiens à dire, ajouta Mac Roth, même si vous deviez m’offrir la royauté d’Irlande, en ce qui me concerne je ne retournerai plus lui soumettre quoi que ce soit comme conditions.
En désespoir de cause Maeve alors se tourna vers Fergus. Quelles sont les conditions que met ce jeune homme, Fergus ? demanda Maeve. Je ne vois aucun intérêt du tout, pour vous, aux conditions qu’il veut vous voir accepter, dit Fergus. Quelles sont ces conditions ? insista Maeve. Qu’un des Irlandais vienne l’affronter chaque jour. Pendant que cet homme sera en train de se faire tuer, l’armée pourra continuer sa route. Ensuite quand il aura exécuté cet homme un autre guerrier devra lui être envoyé sur le gué ou alors les Irlandais devront rester à bivouaquer sur place jusqu’aux premières lueurs de l’aube le lendemain matin. Le Hésus Cuchulainn devra en outre être nourri et habillé par vous tout le temps que durera l’expédition.
Par ma foi, s’exclama pour le coup Ailill, ce sont là des conditions intolérables. Ce qu’il demande est acceptable, rétorqua Maeve, et il l’obtiendra, car il vaut mieux perdre un guerrier par jour seulement plutôt que cent chaque nuit. Qui maintenant ira soumettre ces nouvelles conditions au Hesus Cuchulainn ? Qui, mais Fergus, répondit Maeve. Non ? rétorqua Fergus. Pourquoi non ? demanda donc Ailill. Que des gages cautions garants et garanties (cuir & glinni, rátha & trebairi), que ces conditions seront remplies et respectées, soient alors donnés au Hésus Cuchulainn. Je suis d’accord, répondit Maeve, et Fergus s’engagea de même.
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Chapitre X. La mort violente d’Etarcumul.
Les chevaux de Fergus furent préparés puis attelés à son char, et de même ses deux chevaux furent harnachés pour Etarcumul fils de Fid et de Lethrinn, un tendre jouvenceau de la maisonnée de Maeve et Ailill. Où vas-tu comme ça ? demanda Fergus. Nous allons avec toi, répondit Etarcumul, afin de voir à quoi ressemble ce Hesus Cuchulainn et le regarder faire. Si tu veux suivre mon conseil, rétorqua Fergus, alors n’y va surtout pas. Pourquoi cela ? À cause de ton orgueil et de ton arrogance, et aussi à cause de la férocité de la valeur et de la sauvagerie du garçon que tu vas rencontrer, car je pense qu’une bataille éclatera entre vous deux avant que tu ne repartes. Ne serais-tu pas en mesure alors de t’interposer entre nous ? insista Etarcumul. Je le ferai, répondit Fergus, uniquement si toi tu ne cherches pas l’affrontement ni la bagarre. Je ne le ferai en aucun cas. Ils partirent ensuite retrouver le Hésus Cuchulainn entre Fochaine et la mer, en train de jouer au buanbach (une sorte de tablut) avec son cocher. Personne n’arrivait sur la plaine sans être remarqué par Loeg et pourtant il gagnait une partie sur deux. Un guerrier isolé vient vers nous, petit Chien de Culann, dit Loeg. À quoi ressemble ce guerrier ? demanda le Hésus Cuchulainn.J’ai l’impression que le char du guerrier qui arrive est aussi grand que la plus haute des montagnes dominant une vaste plaine. Il me semble que sa chevelure épaisse, bouclée, d’un beau jaune doré, flottant sur ses épaules, est aussi grande que le feuillage du plus haut des arbres poussant sur la pelouse entourant un grand fort. Il porte sur lui un manteau pourpre à frange avec une broche incrustée d’or dessus. Une large lance bleu-gris brille de mille feux dans sa main. Il a un bouclier à bosses et bordure avec un umbo d’or rouge sur lui. Une longue épée, aussi longue que la barre d’un bateau, fermement fixée, repose sur les deux cuisses du grand et fier guerrier qui est à l’intérieur du char. Bienvenue est l’arrivée ici de cet hôte, s’exclama le Hésus Cuchulann. Nous connaissons cet homme. C’est mon maître Fergus qui arrive.J’aperçois un autre guerrier à char venant également vers nous. Ses chevaux avancent avec beaucoup d’aisance de beauté ainsi que de splendeur.C’est un des jeunes Irlandais, maître Loeg, dit le hésus Cuchulainn. Cet homme vient voir à quoi je ressemble, car on parle beaucoup de moi parmi eux dans leur camp. Fergus arriva et sauta du char, le Hésus Cuchulainn lui souhaita la bienvenue.
Je crois en la sincérité d’un tel souhait de bienvenue, dit Fergus. Tu peux en être sûr, répondit le Hésus Cuchulainn, car si un vol d’oiseaux traverse la plaine, tu auras une oie sauvage ainsi que la moitié d’une autre. S’il y a du poisson dans l’estuaire, tu auras un saumon ainsi que la moitié d’un autre. Tu auras dorn bilair & dorn femmaig & dorn fothlochta, une poignée de cresson ? une poignée de femmaig ? une poignée de véronique des eaux ? Si tu dois livrer bataille, j’irai sur le gué pour toi, je veillerai sur toi et je te garderai pendant que tu dormiras et te reposeras. Très bien, nous savons de quels trésors d’hospitalité tu peux faire preuve lors de cette expédition de Cualnge. Mais les conditions que tu attends des Irlandais, à savoir des duels, tu les obtiendras. Je suis venu pour conclure cet accord avec toi, entreprends donc de le respecter. Je l’accepte, maître Fergus, répondit le Hésus Cuchulainn. Fergus ne s’attarda pas plus longtemps de peur que les Irlandais ne disent qu’il était en train de les trahir avec son fils adoptif. Ses deux chevaux furent préparés puis attelés à son char et il fit demi-tour.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 21.
La chaleur de son corps. Bel exemple de l’état de transe digne d’un yogi indien qui pouvait affecter notre héros, un peu analogue au menos qui flamboie au-dessus de la tête d’Achille, ou au tapas des ascètes indiens.
Le coup du tonnerre. Sans doute une façon de désigner l’usage de la fronde et le vrombissement qu’elle fait avant de lancer son projectile. La fronde est une arme de jet très ancienne qui était déjà utilisée par les bergers de l’Antiquité pour défendre leurs troupeaux contre les loups et autres prédateurs. Les frondes les plus anciennes attestées par l’archéologie sont celles que l’on a trouvées dans le tombeau de Toutankhamon, mort vers -1325. Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le voir, c’est avec une fronde que Lug tuera son grand-père Balor, le grand roi des vouivres anguipèdes gigantesques. Et Conla, le fils du Hésus Cuchulainn, ridiculisera le grand guerrier qu’était Conall Cernach avec. La dernière utilisation connue de la fronde remonte au siège de Sancerre en France en 1572. Sa portée dépasse les 400 mètres (relativement précise jusqu’à 150 mètres), mais elle semble avoir été surtout utilisée pour faire en quelque sorte des tirs de barrage (une pluie de projectiles
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envoyée sur la très large cible que peut constituer une armée d’ennemis) ce qui explique en grande partie les performances du Hésus Cuchulainn en ce domaine.
Lanceurs de malédictions. Nous traduisons ainsi le terme gaélique glammaib qui signifie littéralement « ceux qui poussent un cri du genre glam dicinn ».
Cuir & glinni, rátha & trebairi. La société celtique ne connaissait ni prison, ni police, ni système judiciaire complexe comme aujourd’hui, mais des garants se portant caution et des gages, ainsi que des arbitres pour trancher en cas de conflit et décider du montant des amendes ou dommages et intérêts. Des arbitres qui étaient personnellement responsables, sur leurs biens propres, en cas de dysfonctionnement ou d’erreur (ça nous change des juges irresponsables d’aujourd’hui).
Bleu gris. Nous traduisons ainsi faute de mieux le terme gaélique glas qui, ainsi que nous avons déjà dû le signaler, désigne à la fois le vert et le bleu chez les anciens Celtes. Dit autrement, les Celtes antiques utilisaient un seul et même mot pour évoquer la couleur verte et la couleur bleue : glaston. Ce qui au passage démontre bien le côté très récent de la distinction faite entre tenue bleue et tenue verte dans les groupes néo-druidiques modernes. Il s’agit d’une recréation due à des intellectuels des XVIe ou XVIIIe siècles et en aucun cas d’un usage immémorial. Maintenant il est vrai que chacun est libre de faire ce qu’il veut, nous ne sommes plus au premier siècle avant notre ère. Mais alors il faut assumer honnêtement cette situation et ne pas prétendre être les héritiers directs d’une tradition ininterrompue depuis 2500 ans, quoique bien évidemment secrète (trop facile !). Seuls quelques-unes des grandes lignes ainsi qu’un certain nombre de détails ont pu être transmis, le reste n’est que re-création un peu à la façon des paléontologistes reconstituant un dinosaure ou des archéologues reconstituant un monument après avoir fouillé ses ruines.
Des duels des duels et encore des duels. Certains chefs celtes antiques étaient parfaitement capables de stratégie (exemple Brennus lors de la bataille de l’Allia qui fut un désastre pour Rome. cf. Tite-Live livre V chapitre XXXVIII). Mais les écrits de Tite-Live nous relatent aussi de nombreux cas de duel entre Celtes et Romains. Quelques exemples.
Livre VII chapitre X. Alors un Celte d’une extraordinaire stature s’avança sur le pont, puis en hurlant aussi fort qu’il le pouvait, s’écria : « Que le plus brave des Romains vienne ici et m’affronte, et que notre duel montre lequel des deux peuples l’emporte sur l’autre à la guerre ». Un long silence s’ensuivit et les meilleurs ou les plus braves des Romains ne bronchèrent point : ils se sentaient honteux d’avoir l’air de décliner un tel défi, mais ils n’avaient guère envie non plus de s’exposer à un si terrible danger. T. Manlius, le jeune homme qui avait protégé son père des persécutions du tribun, quitta son poste et aborda le général en chef ayant reçu tous les pouvoirs. « Général, sans un ordre de ta part, je ne quitterai jamais mon poste pour ce duel, même si je suis persuadé d’arriver à l’emporter ; mais si tu m’en donnes la permission, je vais faire voir à ce monstre qui parade si insolemment devant leurs lignes, que je suis un descendant de la famille qui a fait tomber une troupe entière de Celtes de la roche tarpéienne » […] Ses camarades l’aidèrent à s’armer ; il prit un bouclier d’infanterie, ainsi qu’une épée d’Espagne, plus adaptée au combat rapproché ; ensuite, dès qu’il fut armé comme il faut et bien équipé, ils le menèrent face au Celte qui exultait à cause de sa force brute et (même les Anciens ont pensé que c’était digne d’être noté) lui tirait la langue par dérision. Ensuite ils se retirèrent dans leurs postes et les deux champions armés furent laissés tout seuls au milieu, plus à la façon d’une scène de théâtre que conformément aux nécessités d’une guerre sérieuse ; qui plus est, à en juger par les apparences, en aucune façon assortis. L’un était une créature d’une taille gigantesque, resplendissant dans des habits multicolores et portant une armure peinte ou dorée ; l’autre un homme d’une taille moyenne, et dont les armes, plus utilitaires qu’ornementales, lui donnaient une apparence très ordinaire. Aucun chant de guerre, aucune gesticulation, de son côté ; il ne brandissait pas ses armes de façon idiote. La poitrine pleine de courage et de rage silencieuse, Manlius réservait au contraire toute sa férocité pour le moment du vrai combat. Dès qu’ils eurent pris position entre les deux lignes, et alors que tant de cœurs autour d’eux balançaient entre espoir et crainte, le Celte, comme une masse menaçant de tout écraser, tendit son bouclier de la main gauche afin de parer les coups de son adversaire, et lui asséna de grands coups d’épée. Le Romain esquiva les coups, et en repoussant le bas du bouclier du Celte avec le sien, se glissa dessous, tout contre le Celte, trop près de son corps pour que ce dernier puisse s’en prendre à lui avec son épée. Ensuite, en retournant son arme vers le haut, il lui en donna successivement deux coups avec la pointe, et poignarda ainsi le Celte au ventre ainsi qu’à l’aine, laissant son ennemi étendu au sol de tout son long. Il ne prit aucune dépouille au cadavre de son ennemi abattu devant lui, à l’exception du torque, qu’il passa, bien qu’encore dégoulinant de sang, autour de son propre cou. Étonnement et peur clouèrent sur place les Celtes.
Livre VII chapitre XXVI. Alors que les Romains tuaient le temps aux avant-postes, un Celte gigantesque dans une splendide cuirasse s’avança vers eux, et leur lança un défi par le truchement d’un interprète : affronter n’importe quel Romain de leur choix en combat singulier. Il y avait là un
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jeune tribun militaire, du nom de Marcus Valerius, qui se considérait non moins digne d’un tel honneur que T. Manlius l’avait été. Après avoir obtenu la permission du consul, il s’avança donc avec toutes ses armes au milieu du terrain découvert qui s’étendait entre les deux armées. Mais l’élément humain dans ce combat fut éclipsé par l’intervention directe des dieux, car à peine venaient-ils d’engager le combat qu’un corbeau se percha tout d’un coup sur son casque en faisant face son adversaire. Le tribun l’accepta donc avec joie, comme un augure venu du ciel, et pria le dieu ou la déesse qui lui avait envoyé cet oiseau servant à la divination de lui être favorable et de l’aider. Chose merveilleuse à relater, non seulement l’oiseau demeurait à sa place, sur le casque, mais à chaque fois qu’ils s’affrontaient, il prenait appui sur ses ailes et s’en prenait à la face et aux yeux du Celte, de son bec et de ses serres, jusqu’à ce que, terrifié à la vue d’un si mauvais présage, les yeux et l’esprit pareillement troublés, il tombe égorgé [par Valerius]. Ensuite en s’envolant vers l’orient, le corbeau disparut à l’horizon.
N.B. On ne peut s’empêcher de penser aux transes guerrières du Hésus Cuchulainn.
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Etarcumul resta derrière lui à regarder le Hésus Cuchulainn pendant un long moment. Qu’as-tu à me regarder comme ça, mon garçon ? demanda le Hésus Cuchulainn. Je te regarde, c’est tout, répliqua Etarcumul. Tu n’as pas loin à regarder, pour sûr, rétorqua le Hésus Cuchulainn. Tu auras vite les yeux rouges avec ça. Si seulement tu le savais, à quel point le petit animal que tu es en train d’observer, c’est-à-dire moi, peut entrer en fureur. Et comment me trouves-tu après m’avoir observé ? Je trouve que tu es bien en fait. Tu es un jeune avenant, splendide, beau, capable de brillants, nombreux, et multiples faits d’armes. Mais pour ce qui est de figurer parmi les bons héros ou guerriers ou champions ou marteaux écrasant l’ennemi sur une enclume, il n’en est pas question, et nous ne tiendrons pas compte de toi du tout pour ça. Tu sais que sortir du camp sous la protection de mon maître Fergus a été ta seule garantie. Mais tong-sa mo dee dá n-adraim, je jure par les dieux que j’adore que sans cette protection de Fergus, seuls tes os en morceaux et tes articulations démembrées seraient revenus au camp.
Attention, ne me menace pas plus longtemps ainsi, car en ce qui concerne les conditions que tu as demandées aux Irlandais, à savoir un combat singulier chaque jour, aucun autre que moi parmi les Irlandais ne viendra t’affronter demain. Approche donc, aussi tôt que tu viennes, tu me trouveras ici, je ne fuirai pas devant toi. Etarcumul fit demi-tour et commença de s’entretenir avec sn cocher. Je devrai me battre contre le Hésus Cuchulainn demain, mon ami, dit Etarcumul. Tu l’as promis en effet, répondit le cocher, mais reste à savoir si tu tiendras ta promesse. Qu’est-ce qui est le mieux, le faire demain ou tout de suite ce soir ? Ce que je pense, répondit l’aurige, c’est que, même si se battre demain n’est pas synonyme de victoire pour toi, tu y perdras encore plus en le faisant ce soir, car ta fin n’en serait que plus proche. Fais faire demi-tour au char pour moi, cocher, car je jure par les dieux que j’adore de ne pas rentrer au camp tant que je ne pourrai avoir avec moi en guise de trophée la tête de ce petit cerf-là, le Hésus Cuchulainn. Le cocher fit demi-tour avec le char vers le gué. Ils présentèrent le côté gauche du char vers la compagnie ? en faisant route vers le gué. Loeg le remarqua. Le dernier guerrier à char qui était là il y a un instant, petit Chien de Culann, dit Loeg. Quoi, qu’y a-t-il à son sujet ? demanda le Hesus Cuchulainn. Il a tourné son flanc gauche vers nous en faisant route vers le gué. Cela doit être Etarcumul, garçon, qui cherche à m’attaquer. Je n’aime pas du tout ça, étant donné la protection de mon père adoptif sous laquelle il s’est placé en sortant du camp, et non parce que je veux le protéger moi. Amène-moi mes armes sur le gué, cocher. Il serait honteux pour moi qu’il atteigne la rivière avant.
Ensuite le Hésus Cuchlainn s’installa au milieu du gué, dégaina son épée, qu’il mit sur sa belle épaule blanche, et se tint prêt à combattre Etarcumul. Etarcumul arriva également. Que cherches-tu, garçon ? demanda le Hésus Cuchulain. Me battre en duel contre toi, voilà ce que je cherche, répondit Etarcumul. Si tu veux mon avis, peut-être vaudrait-il mieux pour toi ne pas essayer, répondit le Hésus Cuchulainn. Je dis cela étant donné la protection de Fergus sous laquelle tu étais placé en sortant du camp et pas du tout parce que je souhaite t’épargner toi. Puis le Hésus Cuchulainn asséna un coup (fotalbeim) par lequel il coupa l’herbe sous les pieds d’Etarcumul de sorte qu’il tomba par terre à la renverse avec une motte de gazon sur le ventre. Si le hésus Cuchulainn l’avait voulu, il aurait pu le couper en deux. Passe ton chemin maintenant que tu es averti. Je n’en ferai rien tant que je ne me serai pas mesuré à toi une deuxième fois, répondit Etarcumul.
Le Hésus Cuchulainn lui décocha un coup du fil de son épée (fáebarbeim qui lui coupa les cheveux, de la nuque jusqu’au front et d’une oreille à l’autre, comme s’il avait donc été rasé avec une lame tranchante et légère. Pas une goutte de sang ne coula. Et maintenant, va-t’en, répéta le Hésus Cuchulainn, car tu es ridicule. Je ne m’en irai pas tant que je ne me serai pas mesuré à toi encore une
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fois, jusqu’à ce que je puisse avoir ta tête et te dépouiller, après avoir triomphé de toi ; ou jusqu’à ce que tu puisses avoir ma tête et me dépouiller, après avoir triomphé de moi. Ce que tu viens de dire en dernier sera ce qui arrivera, j’aurai ta tête et ta dépouille après avoir triomphé de toi. Le Hésus lui asséna un coup de taille (muadalbeim) sur le sommet du crâne qui le pourfendit en deux jusqu’au nombril. Il lui asséna un second coup perpendiculaire au premier [à la hauteur du nombril] qui eut pour résultat que son corps coupé en trois morceaux tomba par terre en une seule fois. Ainsi mourut Etarcumul, fils de Fid et de Lethrinn.
Fergus ignorait tout de ce duel pour une bonne et simple raison. Fergus dara ais ríam ic suidi nó ic érgi nó ic astar nó ic imthecht & chléith & chath nó chomlund. Que ce soit pour s’asseoir et se lever, voyager ou marcher, durant une bataille un combat, Fergus ne regardait jamais derrière lui de peur qu’on ne dise que c’était à cause d’une crainte excessive, il avait l’habitude de ne regarder que devant lui ou de côté sur ce qui était à sa hauteur. Le cocher d’Etarcumul rattrapa Fergus et parvint à sa hauteur. Où est donc ton maître, mon garçon ? demanda FergusIl vient de tomber au milieu du gué abattu de la main même du Hésus Cuchulainn, répondit l’aurige. Il n’est pas très loyal, répondit Fergus, que ce serriti síabarda (ce maudit lutin ?) ait de la sorte attenté à mon honneur, en s’en prenant à celui qui était venu là en se plaçant sous ma protection. Fais faire demi-tour à notre char, cocher, dit Fergus, que nous puissions aller en parler au Hesus Cuchulainn.
Le cocher fit faire demi-tour au char et ils repartirent en direction du gué. Pour quelle raison as-tu déshonoré ma garantie, espèce de maudit lutin, s’exclama Fergus, en ce qui concerne celui qui est venu en se plaçant sous ma sauvegarde et ma protection ? Après toute la nourriture et les soins que tu m’as donnés, dis-moi ce que tu aurais préféré, qu’il triomphe de moi ou que je triomphe de lui. D’ailleurs, demande à son domestique lequel de nous deux a mal agi envers l’autre. Je préfère ce que tu as fait. Bénie soit la main qui l’a frappé.
Ensuite ils passèrent deux liens autour des chevilles d’Etarcumul et il fut traîné derrière ses chevaux et son char. À chaque pierre sur laquelle il butait, la moitié de ses poumons et de son foie passait de chaque côté de ces pierres ou de ces rochers ensuite quand le terrain redevenait uni ces restes se recollaient les uns aux autres derrière les chevaux pour ne faire plus qu’un ? Il fut traîné ainsi à travers le camp jusqu’à la tente d’Ailill et de Maeve. Voici votre petit jeune, s’exclama Fergus, car à chaque envoi doit correspondre un renvoi pour l’envoyeur. Maeve sortit devant la porte de sa tente et cria tout haut : « Nous trouvions certes que grandes étaient l’ardeur et la colère de ce jeune chien quand il partit du camp ce matin. Mais nous pensions aussi que la sauvegarde sous laquelle il s’était placé, la protection de Fergus, n’était pas celle d’un couard ! ». « Mais quelle mouche a bien pu piquer cette paysanne rustaude ! » répondit Fergus rouge de colère. Un petit roquet a-t-il raison de chercher des noises à un redoutable molosse que les guerriers des quatre grandes provinces d’Irlande n’osent approcher ou affronter ? Même moi je m’estimerais heureux de sortir en un seul morceau de ses griffes. Ainsi finit donc Etarcumul.
Fin de l’histoire de la rencontre d’Etarcumul et du Hesus Cuchulain.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 22.
Tong-sa mo dee dá n-adraim. Le mot « dieu » est cette fois-ci utilisé au pluriel, ce qui semble plus normal, du moins dans l’esprit d’un moine copiste chrétien. Qu’est-ce qui prouve que les anciens Celtes juraient sur plusieurs dieux et non en se référant à un dieu spécialisé dans cette fonction, ou ayant aussi cette fonction, localement ?
Ils tournèrent le côté gauche du char vers la compagnie ? en faisant route vers le gué. Une seule explication possible : Etarcumul et son cocher font route vers l’endroit où se tiennent le Hésus Cuchulainn et son aurige, mais pas directement, en avançant comme s’ils voulaient les contourner légèrement par la droite, comme pour mieux se défendre avec un bouclier. Mais cette tactique a sans doute également une intention magique.
Serriti siabarda. Serriti : une sorte de créature surnaturelle ayant le pouvoir de changer d’apparence. Siabarda : fantôme, spectre ou créature surnaturelle de la famille des siabrai (dictionnaire électronique de la langue irlandaise).
Paysanne rustaude. Comme me le disent certains amis de Paris fins observateurs des mœurs de la classe politique française : « Avec de tels alliés, on n’a pas besoin d’ennemis ! » Car n’oublions pas que dans cette histoire Fergus est censé faire cause commune avec la reine Maeve.
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Chapitre XI. La mort de Nathcrantail.
Alors se dressa un grand et vaillant guerrier de la maisonnée de Maeve, appelé Nathcrantail, et il partit attaquer le Hésus Cuchulainn. Il ne daigna prendre avec lui que trois fois neuf épieux de houx à la pointe durcie au feu. Le Hésus était dans l’eau devant lui sans aucune protection. Alors Nathcrantail lança un premier épieu sur lui, mais ce dernier bondit sur la pointe du trait que Nathcrantail avait décoché. Nathcrantail lança un deuxième épieu puis un troisième. Et le Hésus Cuchulainn passa en sautant de la pointe du second épieu à la pointe du dernier.
Un vol d’oiseaux traversa la plaine. Le Hesus Cuchulainn les poursuivit aussitôt chacun, afin qu’aucun ne puisse lui échapper, mais qu’ils constituent au contraire son repas de ce soir-là. Car ce qui faisait l’ordinaire du Hesus Cuchulainn lors de l’expédition de Cualnge c’était iascach & énach & osfeóil, du poisson des oiseaux et de la venaison de cerf. Mais Nathcrantail, lui, fut convaincu que le Hésus Cuchulainn s’était enfui devant lui en s’avouant vaincu, aussi revint-il devant l’entrée de la tente de Maeve et d’Ailill et dit à haute voix : « ce fameux Hésus Cuchulainn dont vous me parliez vient juste de s’enfuir en pleine débandade devant moi ! » Nous savions bien, répliqua Maeve, que cela devait arriver un jour, et que si de bons guerriers allaient l’affronter, ce jeune et imberbe lutin ne ferait pas le poids face à des hommes résolus ! Et quand un bon guerrier s’est présenté pour l’affronter, il ne lui a pas résisté, mais s’est enfui mis en déroute par lui ». Fergus entendit cela et fut très contrarié que quelqu’un puisse se vanter d’avoir fait fuir le Hésus Cuchulainn.
Il demanda donc à Fiacha fils de Fir Aba d’aller retrouver le Hésus Cuchulainn. Dis-lui qu’il a bien fait d’attaquer ces troupes aussi longtemps qu’il a pu accomplir de courageux exploits contre elles ce faisant, mais qu’il aurait mieux valu pour lui se cacher plutôt que de s’enfuir devant un simple guerrier des leurs. Fiacha donc alla parler au Hésus Cuchulainn. Le Hésus Cuchulainn lui souhaita la bienvenue. Je sais que ce souhait de bienvenue est sincère, mais je suis venu te parler de la part de ton père adoptif Fergus. Il dit qu’il a été bien pour toi d’attaquer cette armée aussi longtemps que tu as pu accomplir de courageux exploits contre elles ce faisant, mais qu’il aurait mieux valu pour te cacher plutôt que de t’enfuir devant un seul de leurs guerriers.
Quoi, qui parmi vous se vante de cela ? demanda le Hésus Cuchulainn. Nathcrantail, répondit Fiacha. Quoi, ne savez-vous pas, toi Fergus et les nobles ulates que ná gonaim-se aradu nó echlacha nó áes gan armu, je ne m’en prends ni aux cochers ni aux messagers ni à ceux qui sont démunis d’armes ? Nathcrantail n’en avait pas de vraies, seulement des épieux en bois de houx, et je ne m’en prendrai jamais à lui tant qu’il n’aura pas d’armes. Dis-lui de venir me voir demain matin de bonne heure et je ne m’enfuirai pas devant lui. Nathcrantail trouva le temps long jusqu’à ce qu’à l’aube du jour où affronter le Hésus Cuchulainn, soit venue pour lui. De bonne heure le lendemain matin il se rendit sur place pour l’affronter. Le hésus Cuchulainn se leva également de bonne heure ce jour-là, et il entra en transe guerrière. Il jeta si furieusement sur lui les plis de son manteau qu’il prit dans le même mouvement la pierre levée [qui était derrière lui] et l’arracha du sol : la pierre levée se retrouva ainsi dans son dos sous son manteau. Il ne s’en aperçut nullement tellement était grande sa fureur et il devint comme possédé (siabra). Ensuite arriva Nathcrantail et il demanda : « où est le Hésus cuchulainn ? » Il est là-bas, répondit Cormac l’Exilé fils de Cunocavaros/Conchobar. Ce n’est pas comme cela qu’il m’est apparu hier, rétorqua Nathcrantail. Repousse ce guerrier, reprit Cormac, et ce sera la même chose que si tu avais repoussé le Hésus Cuchulainn.
Nathcrantail approcha et jeta son épée sur le Hésus Cuchulainn, elle heurta la pierre levée qui était prise dans le manteau du Hésus Cuchulainn, et se brisa dessus. Le Hésus Cuchulainn sauta sur l’umbo du bouclier de Nathcrantail et lui asséna un táthbéim (coup en retour ?) par-dessus la bordure du bouclier qui le décapita. Il releva promptement de nouveau sa main et asséna un autre coup sur le tronc et le pourfendit en deux jusqu’au sol. C’est ainsi que tomba Nathcrantail de la main même du Hésus Cuchulainn qui déclara : Má dorochair Nath Crantail, Bid formach dond imargail. Apraind can chath isind úair Do Meidb co tríun in tslúaig.
Nathcrantail vient de tomber Mais les combats vont se multiplier. Il est dommage que je ne puisse pas livrer bataille maintenant À Maeve et à un tiers de son armée.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 23.
Trois fois neuf épieux. La phrase gaélique est assez difficile à comprendre. Ce qui semble évident c’est que le Hésus Cuchulainn se joue de ces attaques, mais on ne sait pas trop comment. Cela fait un peu penser au premier jour de son arrivée dans le château de la spécialiste en arts martiaux nommée Scathache. La prouesse en tout cas est digne d’un super héros de bande dessinée.
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Iascach & énach & osfeóil. La première nécessité de toute expérience survivaliste c’est de se procurer de la nourriture à chaque occasion qui se présente. Restera ensuite à préparer ladite nourriture (tuer plumer puis vider un canard par exemple).
Ná gonaim-se aradu nó echlacha nó áes gan armu. C’est en effet une caractéristique que le Hésus Cuchulainn revendique souvent.
Siabrad est un terme gaélique signifiant déformation due à un effet surnaturel ou à une possession quelconque.
Fureur guerrière. L’équivalent du ménos grec. Nous traduisons ainsi le terme gaélique ferga. Voir nos contre-lais précédents sur le sujet. Nos lecteurs restent libres de croire ou de ne pas croire ou de ne croire qu’en partie voire à moitié à la réalité d’un tel état physique. Il existe néanmoins des précédents. Certaines hystériques peuvent faire preuve d’une force littéralement surhumaine. L’hystérie est une maladie organique sans lésion visible. Son siège est le cerveau. Un cerveau, certes sans lésion observable, mais qui fonctionne mal. Ce phénomène peut également affecter des hommes ainsi que l’a observé le Français Charcot. Ce fut également peut-être le cas de Mahomet. De nombreux hadiths rendent compte de phénomènes l’affectant périodiquement et qui peuvent très bien entrer dans cette catégorie. La sueur abondante et les tremblements légers, les hallucinations olfactives, auditives et visuelles, les sensations épigastriques (mauvais goût). D’après Aïcha. Al-Harith ben Hicham demanda un jour à l’Apôtre de Dieu : « Ô Apôtre de dieu ! Comment l’inspiration divine t’est-elle révélée ? » L’apôtre de Dieu répondit, « elle m’arrive comme le bruit d’une cloche, cette forme d’inspiration est la plus dure de toutes, mais cela finit par passer une fois que j’ai tout compris de ce qui m’a été inspiré. Quelques fois l’Ange m’apparaît sous la forme d’un homme, il me parle et je comprends tout. Aïcha ensuite ajouta : j’ai vu le prophète être divinement inspiré un jour où il faisait très froid et j’ai remarqué la sueur qui gouttait de son front (Boukhari, volume I, livre I, N° 2). Voir également le témoignage d’Halima, sa deuxième nourrice.
Du côté chrétien, voir la chronographie de Théophane (dit « le confesseur »), un historien byzantin (750-817). « Au cours d’un voyage en Palestine il [Mahomet] entra en contact avec des juifs et des chrétiens. Il glana auprès d’eux quelques bribes de l’Écriture, puis il fut saisi du mal épileptique (traduction en latin : porro habebat passionem epilepsiae). Quand sa femme l’apprit, elle regretta vivement, elle qui était noble, de s’être unie à cet homme qui était non seulement pauvre, mais en outre épileptique (traduction en latin epileptico). Alors il s’efforce de la calmer en lui disant : « Je reçois la vision d’un ange appelé Gabriel et comme je ne puis soutenir sa vue, je m’affaiblis, et je tombe ». Et comme il y avait près d’elle un moine (une sorte d’évêque nestorien qui était son cousin, le dénommé Ouaraqa ben Naoufal) qui avait été exilé pour hérésie et habitait là, elle lui a rapporté tout cela et… ».
L’épilepsie peut durer toute la vie, mais la majorité de ceux qui en sont atteints finiront par ne plus avoir de crises, cela expliquerait pourquoi Mahomet eut de moins en moins de « révélations » au cours de sa vie.
Dernières remarques.
— Le terme épilepsie vient d’un mot grec qui signifie « possession ».
— Le mot arabe madjnoun (lunatique, fou) signifie littéralement une personne possédée par des « djinn » (mi-anges mi-démons).
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Chapitre XII.
La découverte du Termagant brun de Cualnge (du taureau brun).
Après cela Maeve avec un tiers de l’armée des Irlandais poursuivit jusqu’à Dun Sobairche et le Hésus Cuchulainn la suivit de près. Ensuite Maeve se rendit à Cuib, talonnée par le Hésus Cuchulainn. Après être parti vers le nord il tua Fer Taidle, d’où le nom de ce lieu, Taidle, ensuite il tua les fils de Buachail, d’où le nom de carn des fils de Buachaill, puis il tua Luasce sur une pente d’où le nom de Pente de Luasce. Il tua Bobulge dans un marais d’où le nom de tourbière de Bobulge. Il tua Muirthemné sur une hauteur d’où le nom de Pointe de Muirthemné.
Puis le Hésus Cuchulainn rebroussa chemin vers le sud afin de protéger ou défendre sa propre terre et son propre territoire, car ils lui étaient plus chers que la terre ou le territoire de n’importe qui d’autre.
Alors il rencontra les hommes de Crandhe, les deux Artinne les deux fils de Lecc les deux fils de Durchride les deux fils de Gabal, ainsi que Drucht, Delt, Dathen, Té, Tualang, Turscur, Torc Glaisse, Glas, et Glassne, c’est-à-dire les vingt hommes de Fochard ? Le Hésus Cuchulainn les surprit en train de monter leurs tentes en avant-garde et ils tombèrent sous ses coups.
Ensuite le hésus Cuchulainn rencontra là Buide fils de Ban Blai du pays d’Ailill et de Maeve, un homme de la maisonnée de Maeve. Vingt-quatre guerriers composaient sa compagnie. Chaque homme avait un manteau qui l’enveloppait. Le Termagant brun de Cualnge était poussé en toute hâte et de force devant eux après avoir été ramené de la vallée des vaches du Mont du houx, avec cinquante de ses génisses. D’où venez-vous avec ce troupeau ? demanda la Hésus Cuchulainn. De cette montagne-là, répondit Buide. Quel est ton nom ? poursuivit le Hésus Cuchulainn. Je suis quelqu’un qui ne t’aime pas et ne te craint pas répliqua Buide. Je suis Buide fils de ban Blai du pays d’Ailill et de Maeve.
Tiens voilà un petit javelot pour toi, répliqua le Hésus Cuchulainn. Et il jeta le javelot sur lui. Il atteignit le bouclier au-dessus de sa poitrine et lui écrasa trois côtes dans le dos après lui avoir percé le cœur, et Buide fils de Ban Blai tomba raide mort. D’où le nom de gué de Buide dans le pays de Ross depuis lors.
Mais pendant qu’ils étaient ainsi occupés à lancer leur javeline l’un sur l’autre, en prenant le temps de bien viser ? le Termagant brun de Cualnge fut vite emmené de force ainsi qu’une vulgaire vache [par l’escorte de Buide]. Ce fut la pire honte avanie ou humiliation subie par le Hésus Cuchulainn durant cette expédition.
Pour ce qui est de Maeve, tout gué où elle s’arrêta est appelé Gué de Maeve, tout lieu où elle monta sa tente est appelé pavillon de Maeve, et tout endroit où elle planta sa badine Arbre de Maeve.
Lors de cette expédition Maeve livra bataille à Findmor la femme de Celtchar devant Dun Sobairche, elle la tua et ravagea Dun Sobairche.
Au bout d’une quinzaine de jours, les hommes des quatre grandes provinces se retrouvèrent tous ensemble à camper avec Maeve et Ailill et avec les hommes qui ramenaient le taureau.
La mort de Forgemen.
Mais le bouvier qui gardait le taureau ne les laissa pas emmener le Termagant brun de Cualnge comme ça, aussi firent-ils avancer à la fois le taureau et les génisses en faisant du bruit avec les hampes de leurs lances sur leurs boucliers, ensuite ils les poussèrent dans une passe étroite afin que le bétail piétine le corps du bouvier, réduise son cadavre en petits morceaux, et l’ensevelisse trente pieds sous terre. Il s’appelait Forgemen. Mort de Forgemen est le nom de cette histoire dans le récit de l’expédition de Cualnge.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 24.
Humiliation. Nous traduisons ainsi le mot gaélique meraigecht qui est plus ou moins synonyme de dépression déprime ou perturbation mentale.
Pavillon. Énième anachronisme dû à l’influence de la civilisation du Moyen-âge sur ces légendes nées pourtant dans une civilisation de type laténien. On a le même cas d’ailleurs avec le roi de Bretagne Arthur, souvent représenté en chevalier du XIIe siècle dans les films d’Hollywood alors qu’il s’agit d’un
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chef militaire du VIe siècle. Habillement et armement sont totalement différents. Pour ce qui est du pavillon il s’agit vraisemblablement d’une tente de grande dimension et conique, fermée par des rideaux.
Forgemen était donc apparemment le responsable ulate chargé de veiller sur le taureau brun de Cualnge. Fait prisonnier avec ledit taureau et laissé en vie jusque là par les Irlandais. Le récit est soit incomplet, mutilé, soit pas très clair à ce sujet.
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Ci-dessous la mort de Redg le satiriste.
Quand les Irlandais arrivèrent sur place, et se retrouvèrent tous ensemble, Maeve, Ailill, et les hommes qui avaient amené le taureau à l’intérieur du camp, tous s’accordèrent à dire que le Hésus Cuchulainn ne serait pas plus vaillant que quiconque s’il ne possédait pas cette petite arme étrange, la javeline qui lui appartenait. Les Irlandais envoyèrent donc Redg, le satiriste de Maeve, afin de lui demander sa javeline. Redg demanda la javeline au Hésus Cuchulainn, mais le Hésus Cuchulainn ne lui donna pas immédiatement, ou plus exactement il hésita en fait à lui remettre. Redg menaça de lui faire perdre son honneur. Aussi le Hésus Cuchulainn finit-il par lui lancer sa javeline. Elle pénétra par derrière dans le creux (la nuque ?) qui se trouve entre les deux os du cou, ressortit par sa bouche et retomba par terre : Redg n’eut que le temps de murmurer : « Nous avons eu ce trésor un peu trop vite ! » avant que son âme/esprit ne se sépare son corps au milieu du gué. Et depuis lors ce gué donc est appelé Gué du bijou rapide. Le bronze de ce javelot tomba dans le courant, d’où le nom de Ruisseau de bronze dès lors pour le désigner.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 25.
Satiriste. Véllède (file) en Irlande, barde sur le Continent, prophète dans la Bible, etc. Ce genre de personnalité a toujours existé dans la société. Pour ce qui est des anciens Celtes, rappelons que la satire était beaucoup plus qu’une simple caricature critique. C’était pratiquement une sorte de sort ou de malédiction (d’où l’emploi du mot canti = enchanteur d’ailleurs, en gaélique, pour désigner ce type d’individu). Il existe certes des satires abusives, mais la littérature irlandaise regorge d’exemples de satiristes s’en prenant à des puissants et dénonçant leur atteinte à la déontologie de leur profession (roi prince soldat, etc.) L’occasion la plus courante de telles satires est bien évidemment le refus de la part du puissant ainsi mis en cause d’accorder tel ou tel don, de récompenser à sa juste valeur tel ou tel talent. Si l’on met de côté le cas des satires abusives un peu analogues aux diatribes racistes (bêtement paganophobes) de certains prophètes bibliques du dieu d’amour, d’ailleurs en principes réprimées par l’ancien droit irlandais (il y a chez les Feine sept sortes de satires pour lesquelles on estime qu’il y a lieu à composition, un surnom qui s’attache, la récitation, etc.) ; la plupart de ces attaques verbales sont des dénonciations mettant donc en cause les manquements au devoir des princes qui nous gouvernent (rapacité, impôts, etc.) elles nous en apprennent donc beaucoup sur ce que les druides attendaient ou trouvaient normal en matière d’éthique. Il est certain en tout cas qu’elles ont beaucoup contribué à faire de la société celte antique une société à l’éthique très élevée (voir la morale des chevaliers de la Table ronde). La petite arme étrange. Nous traduisons ainsi la formule gaélique clessin ingantach. Rien ne prouve qu’il s’agisse du célèbre javelot-foudre (gae-bolga). Perdre son honneur. Tel est en effet le risque encouru par celui qui fait l’objet d’une satire, cet efficace moyen de contraindre les puissants à respecter un minimum de règles. D’où l’hésitation de notre héros. Mais le conteur lui a inventé une manière d’accéder à la demande du satiriste sans pour autant se démunir de son arme et l’auteur de cette satire ou plus exactement menace de satire abusive sera puni par là il avait péché : la bouche. L’arme fatale lui arrive par derrière car il avait fait demi-tour sans plus insister, avant donc que le Hésus Cuchulainn ne se décide à obtempérer d’une façon à laquelle le satiriste ne s’attendait pas. Rappelons ici pour mémoire que le terme gaélique « cul » signifie dos ou arrière selon le dictionnaire électronique de la langue irlandaise et c’est d’ailleurs là peut-être une preuve méconnue, mais fondamentale (sic) de l’influence de la langue celtique sur la formation du français.
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Lebor na hUidre ou Livre de la vache brune.
Ci-dessous la rencontre du Hésus Cuchulainn et de Findabair.
Qu’on lui fasse savoir, dit Ailill, que Findabair ma fille lui sera donnée, mais qu’il se tienne désormais à distance de nos troupes. Mané Semblable-à-père alla donc le trouver. Mais il eut d’abord affaire à Loeg. De qui es-tu l’homme ? dit Mané. Mané ne fit aucune réponse. Mané lui adressa trois fois la parole dans les mêmes termes. Je suis au service du Hésus Cuchulainn, répondit enfin Loeg. Et ne me dérange plus pas sinon je te coupe la tête ! Cet homme est fou, s’exclama Mané en s’éloignant de lui. Ensuite il accosta le Hésus Cuchulainn. Is and ro boí Cú Chulaind iar m – béim dei a léned & in snechta immi ina sudiu co rici a cris, & ro lega in snechta immi fercumat fri méit brotha in míled. Le hésus Cuchulainn avait alors ôté sa tunique, il était assis dans l’épaisseur de la neige jusqu’à la ceinture, et la neige avait fondu tout autour de lui jusqu’à la distance d’une coudée, à cause de l’intensité de la chaleur qui se dégageait de notre héros. Et Mané lui demanda trois de la même manière au service de qui donc il était ? Je suis un homme de Cunocavaros/Conchobar, et ne me provoque pas. Car si tu m’importunes plus longtemps je te décapite comme on coupe la tête d’un merle noir. Il n’est vraiment pas facile, s’exclama Mané, de parler à ces deux-là. Sur ce Mané s’en alla et raconta tout ce qui s’était passé à Maeve et Ailill. Que Lugaid aille le trouver, dit Ailill, et lui offre la fille. Lugaid partit sur le champ et répéta tout cela au Hésus Cuchulainn. Mais mon cher Lugaid, répondit le Hésus Cuchulainn, c’est un piège ! C’est la parole d’un roi ; il a exactement dit ça, rétorqua Lugaid, il ne peut pas y avoir de piège là-dedans. Qu’il en soit donc ainsi, répondit le Hésus Cuchulainn. Lugaid s’en alla immédiatement et rapporta cette réponse à Maeve et Ailill. Que le fou y aille sous mon apparence, dit Ailill, avec la couronne royale sur sa tête, et qu’il se tienne à quelque distance du hésus Cuchulainn de peur qu’il ne le reconnaisse ; que la fille aille avec lui et que le fou la lui promette, et qu’ils repartent promptement de la même façon. Je pense que vous arriverez ainsi à le duper, de sorte qu’il ne vous retiendra pas plus longtemps tant qu’il ne sera pas venu livrer bataille avec les Ulates. Le fou partit donc le retrouver accompagné de la fille, et s’adressa de loin au Hesus Cuchulainn. Le Chien de Culann vient à leur rencontre. Or il reconnut à la façon dont s’exprimait l’homme que c’était un fou. Il lui jeta une pierre de fronde qu’il avait dans la main de sorte qu’elle lui entra dans le crâne et lui en fit sortir la cervelle. Il se dirigea ensuite vers la fille, coupa ses deux tresses de cheveu, planta un menhir dans son manteau et sa robe, puis érigea une autre pierre levée au milieu du cadavre du fou. Ces deux piliers de pierre existent d’ailleurs toujours, à savoir la pierre levée de Finnabair et la pierre levée du fou. Le Hésus les laissa ainsi. Un détachement des leurs fut envoyé à leur recherche de la part d’Ailill et de Maeve, car on trouvait que cela faisait longtemps qu’ils étaient partis, et on les trouva dans cet état. La nouvelle fit du bruit dans tout le camp. Ensuite il n’y eut aucune trêve pour eux de la part du Hésus Cuchulainn.
Ci-dessous le combat de Munremar et Curoi.
Quand les troupes furent arrivées en ce lieu le soir, elles virent leur arriver dessus et venant de l’est, une pierre, et une autre arrivant de l’ouest pareillement. Les pierres se heurtèrent l’une l’autre en l’air et retombèrent entre le camp de Fergus, le camp d’Ailill, et le camp de Nera. Ce petit jeu (reib & abairt) dura du soir au matin, et les troupes passèrent leur temps assis, le bouclier sur la tête afin de se protéger des blocs de pierre, jusqu’à ce que la plaine soit couverte de pierriers, d’où est venu le nom de Plaine Pierreuse. En fait c’était Curoi fils de Daré qui faisait cela. Il était venu apporter de l’aide à son peuple et avait pris position dans Cotal afin de combattre Munremar fils de Gerrcend. Celui-ci était venu d’Emain Macha pour aider le Hésus Cuchulainn et avait pris position sur les hauteurs de Roch. Curoi savait qu’il n’y avait personne dans cette armée capable de rivaliser avec Munremar. C’étaient donc eux qui se livraient à cette sorte de compétition. L’armée leur demanda de bien vouloir arrêter. Sur ce Munremar et Curoi firent la paix, Curoi se retira dans sa maison et Munremar rentra donc à Emain Macha. Il ne revint que le jour de la bataille. Quant à Curoi il ne revint que pour le combat de Fer Diad. Demandez au Hésus Cuchulainn, dirent Ailill et Maeve, qu’il veuille bien accepter que nous changions de place. Cela leur fut accordé, aussi purent-ils aller ailleurs. Les neuf jours des Ulates passèrent. Et quand ils commencèrent à sortir de leur indisposition annuelle (cess), certains d’entre eux vinrent harceler l’armée afin de la retarder encore.
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La mort des jeunes d’Emain Macha.
Les jeunes Ulates en parlèrent entre eux à Emain Macha. Hélas pour nous, se disaient-ils, il est malheureux que notre ami le Hésus Cuchulainn n’ait personne pour l’aider. Je vous le demande alors, dit Fiachna Fulech fils de Fer Fébé, le propre frère de Fiacha Fialdana, également fils de Fer Fébé, y aurait-il assez d’entre vous pour former une compagnie prête à venir lui porter assistance ?
Trois fois cinquante jeunes gens l’accompagnèrent avec leurs battes de jeu, ce qui constituait un tiers des garçons d’Ulidia. L’armée les vit approcher dans la plaine. Une grande armée s’approche de nous dans la plaine, dit Ailil. Fergus alla les observer de près. Ce sont des jeunes Ulates, dit-il, et ils viennent pour porter secours au Hesus Cuchulainn. Qu’un bataillon aille à leur rencontre, dit Ailill, à l’insu du Hésus Cuchulainn ; car s’ils font leur jonction avec lui vous n’arriverez jamais à en triompher. Trois cinquante guerriers sortirent donc à leur rencontre. Ils tombèrent sous les coups des uns ou des autres, de sorte qu’aucun des jeunes arrivés à Lia Toll n’en revint vivant. D’où la pierre de Fiacha fils de Fer Fébé, car c’est là qu’il tomba.
Réfléchissez, dit Aillil, demandez au Hésus Cuchulainn de vous laisser partir d’ici, car vous ne pourrez jamais passer outre par la force quand la flamme de son héroïsme (lon laith) aura surgi. Ar bá bés dó-som in tan no linged a lón láith ind, imréditis a thraigthi iarma & a escata remi & muil a orcan fora lurgnib, & indala súil ina chend & araili fria chend anechtair. Docoised ferchend fora beólu. Nach findae bíd fair ba h-áthithir delc sciach & banna fola for cach finnu. Ní aithgnéad cóemu ná cardiu. Cumma no slaided ríam & íarma. Is de sin doratsat Fir Ól n-Écmacht in ríastartha do anmaim do Choin Chulaind.’D’ordinaire en effet, quand la flamme de son héroïsme se levait en lui, alors ses pieds se mettaient à l’envers, tournés vers l’arrière, ses fesses passaient devant, ses mollets venaient sur ses tibias, un de ses yeux s’enfonçait dans son orbite et l’autre était comme exorbité. Une tête d’homme aurait pu passer dans sa bouche. Il n’y avait plus un cheveu de sa tête qui ne soit aussi dur et pointu qu’un piquant d’aubépine, et il y avait une goutte de sang sur chacun de ses cheveux. Il ne reconnaissait plus ni camarades ni amis. Il pouvait les frapper par devant et par derrière. C’est pour cette raison que les gens du Connaught ont donné au Hesus Cuchlainn le surnom de contorsionniste (riastartha).
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 26.
Le fou. Visiblement un autre anachronisme, un peu analogue aux tentes genre pavillon. Le fou était un personnage inconnu de la civilisation de La Tène. Pour ce qui est du manteau et de la robe, on peut supposer que c’est dans leur traîne que notre héros plante son menhir. Pour le reste il s’agit visiblement d’une histoire inventée par des bardes irlandais pour expliquer la présence en ce lieu de deux pierres levées. Tout comme après pour expliquer la présence d’un pierrier gigantesque. Sur le Continent on attribue tout à Gargantua. Ou à une légende liée à Hercule pour la plaine de La Crau. En Irlande on attribue tout à Cuchulainn ou à une légende liée à des compagnons de lutte comme dans le cas de la plaine de Mag Clochair. La plaine rocheuse. Légende analogue à celle de la Plaine de La Crau à côté de Marseille. Une plaine couverte de pierre, un pierrier donc, mais qui une fois irriguée se révéla très fertile, d’où la métaphore de la Pierre de La Crau (rien à voir avec l’immobilier).
Les neuf jours. Nous traduisons ainsi le terme gaélique noinnin, qui correspond à la durée de la fameuse indisposition annuelle des Ulates, et qui n’a rien à voir avec le folklore de la couvade, car il s’agit d’une image allégorique symbolisant la faiblesse humaine (qui peut affecter même les meilleurs d’entre nous n’importe quand, y compris au pire moment). Aucun n’en revint vivant. Eh oui, tout ne se passe pas toujours aussi bien que dans le film avec John Wayne tourné en 1959 « les cavaliers » où les jeunes enfants de troupe d’une École militaire s’en sortent sains et saufs malgré leur courage ou leur inconscience (très belle scène de John Ford). Flamme de son héroïsme. Nous traduisons ainsi la formule gaélique lon laith. Laith est certainement l’élément le plus facile à traduire, un laith (gaélique lath, vieux celtique latis) c’est un guerrier. Lon est plus obscur. Voici ce que nous indique le dictionnaire électronique de la langue irlandaise à propos du mot luan : des sortes de radiations au-dessus de la tête d’un guerrier en train de se battre. Cela s’accompagne d’un état de transe difficilement descriptible. Le sang dans les cheveux est un phénomène connu, c’est une sorte d’hématidrose. Bien qu’il se produise très rarement, le phénomène d’hématidrose, ou sueur sanglante est bien documenté. On le retrouve par exemple dans la description traditionnelle des souffrances de l’homme Jésus au jardin de Gethsémani (Luc 22, 39-46).
Il ne reconnaît plus ni camarades ni amis. C’est en gros la caractéristique du berserkr. Le berserker (en vieux norrois berserkr, pluriel berserkir) désigne un guerrier-fauve qui entre dans une fureur
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sacrée le rendant surpuissant (« Et la Terre elle-même ressentit la peur devant sa rage… ») capable des plus invraisemblables exploits, dignes des dieux. On sait seulement qu’ils s’habillaient de peau d’ours ou de loups, et se battaient sous l’emprise de la fureur d’Odin, ce qui était réputé leur conférer une quasi-invincibilité en combat au corps-à-corps. L’aspirant Berserker devait tuer rituellement une image d’ours, puis boire son sang afin que le pouvoir de la bête se répande en lui. Il devenait alors un berserker et obtenait en plus de sa fureur le don de Hamrammr, c’est-à-dire le pouvoir de métamorphose qui lui permettait de modifier la perception que les autres ont de lui, mais aussi d’apparaître sous forme animale. Lors de leurs crises de fureur, les berserkirs laissaient s’effacer leur esprit humain pour laisser l’esprit animal prendre le contrôle. En pratique, leur furor les rendait insensibles aux blessures et à la peur. Les Berserkers combattent donc dans un état de transe provoqué par l’esprit animal du guerrier (ours, loup, sanglier), c’est le Loup l’Ours ou le Sanglier qui choisit ceux qu’il estime dignes de son don et de sa fureur. Cette fureur serait liée à l’animal totem de la personne. Selon les sagas, le berserksgangr s’accompagnait de manifestations telles que les yeux révulsés ou la morsure du rebord du bouclier, résultats de la furor ; les guerriers-fauves étaient capables de prouesses diverses : capacité à traverser le feu, invulnérabilité aux coups de leurs adversaires… Voici ce que l’on peut lire dans l’Ynglinga Saga par exemple : « Ses hommes à lui allaient de l’avant sans armure, enragés comme des chiens ou des loups, mordant leur bouclier, forts comme des ours ou des taureaux, et tuant les gens en un coup, mais eux, ni fer ni feu ne les tuaient. Ils étaient appelés berserkir. » Une tentative d’explication a été recherchée dans l’utilisation de drogues ou de rites chamaniques. Devenir berserkr serait aujourd’hui un peu synonyme de « péter les plombs ». Selon le chercheur français Régis Boyer (les Vikings et les Celtes), le mot berserkr peut signifier que le guerrier-fauve se battait à découvert (sans chemise), mais plus probablement qu’il avait la force d’un ours dont il portait la peau en guise d’armure (chemise d’ours). Ce qui nous renvoie donc au roi de Bretagne appelé Arthur. Les berserkirs ne sont pas uniquement des guerriers, ils ont aussi une fonction de prêtres des dieux. Caractéristique qui convient très bien à Cuchulainn. N.B. Un héros de l’Iliade, Ajax, fils de Télamon, présentait certains des caractères de ces guerriers-fauves.
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Rochad piégé par son amour pour Findabair.
Le Hésus Cuchulainn dépêcha son cocher auprès de Rochad fils de Fatheman un des habitants d’Ulidia afin de lui demander de venir à son aide. Or il était arrivé que Findabair était tombée amoureuse de Rochad, car c’était le plus beau des guerriers ulates de ce temps-là. Le cocher alla donc retrouver Rochad et lui demanda de venir à la rescousse du hésus Cuchulainn s’il était déjà remis de son indisposition annuelle, afin qu’ils puissent tendre un piège à cette armada, et capturer ou tuer certains d’entre eux. Rochad vint du nord avec une centaine d’hommes. Observe pour nous ce qui se passe dans la plaine aujourd’hui, dit Ailill. Je vois une troupe qui pénètre dedans et arrive, répondit le guetteur, et il y a un tout jeune guerrier parmi eux. Il domine des épaules les autres guerriers. Qui est-ce, Fergus ? demanda donc Ailill. Rochad fils de Fatheman, répondit-il, et il vient à l’aide du Hésus Cuchulainn. Je sais ce que vous devez faire, ajouta Fergus. Envoyez une centaine d’hommes avec cette fille-là jusqu’au milieu de cette plaine, et que la fille aille à leur rencontre. Un messager ira ensuite parler à Rochad et lui demander de venir seul afin de s’entretenir avec elle ; ensuite, saisissez-vous de lui et cela nous préservera de toute attaque de la part de son escorte. Ainsi fut fait. Rochad voir le messager. Je suis venu à toi de la part de Findabair afin de te demander d’aller converser avec elle. Il s’avança donc tout seul afin de parler avec elle. Le bataillon se rua sur lui de tous côtés, il fut capturé puis on se saisit de sa personne. Son escorte prit la fuite. Après quoi il fut relâché non sans avoir promis juré de ne plus s’en prendre à l’armada tant que tous les Ulates ne seraient pas tous avec lui. Findabair lui fut promise et il s’éloigna donc afin de rentrer chez lui. Ceci était le récit intitulé Rochad piégé par son amour.
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La mort des soldats de la garde du roi.
Demandons une trêve au Hésus Cuchulainn, dirent Ailill et Maeve. Lugaid alla donc le voir et le Hésus Cuchulainn lui accorda cette trêve. Envoie-moi un homme sur le gué, ajouta-t-il néanmoins. Or il se trouva qu’il y avait avec Maeve six mercenaires royaux, à savoir six princes des clans de Dedad, les trois noirs d’Imlech et les trois rouges de Sruthar précisément. Pourquoi ne serait-ce pas à nous, dirent-ils, d’aller combattre le Hésus Cuchulainn. C’est pourquoi ils y allèrent le jour suivant et le Hésus Cuchulainn mit un terme à leur vie à tous les six.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 27.
Il semblerait donc que cette mystérieuse indisposition annuelle qui affaiblit et tient cloués au lit les meilleurs des Ulates, ne soit pas exactement et précisément de neuf jours pour tous. Outre le fait qu’elle ne concerne ni Sualtam ni le Hésus Cuchulainn puisqu’ils ne sont pas d’origine humaine ni les femmes ni les enfants, les jeunes adultes semblent s’en remettre plus tôt. De toute façon, rappelons-le encore une fois, loin d’être un rite de couvade (sic) cette histoire est une allégorie inventée par les druides pour illustrer le fait que même les meilleurs d’entre nous (les Ulates) peuvent avoir des moments de faiblesse, y compris en des périodes où il ne faudrait surtout pas. Exemple récent : le Français directeur du FMI en 2011. Les Dedad. Nom lié à celui des plus anciens habitants non gaéliques de l’Irlande, les Erainn. Donc un peuple mystérieux pour les narrateurs de cette légende, souvent considérés comme ayant érigé divers monuments mégalithiques. On ne voit pas non plus très bien ce que vient faire cet épisode dans la geste cuchulinienne.
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Chapitre XIII. Le combat de Cûr
contre le Hésus Cuchulainn.
Il y eut un débat parmi les Irlandais afin de savoir lequel d’entre eux devrait s’attaquer au hésus Cuchulainn, et tous tombèrent d’accord pour dire que Cur le fils de Da Loth serait celui qu’il fallait pour l’affronter. Car il n’était guère agréable d’être son camarade de chambrée ni d’être intime avec lui, et ils dirent que si c’était Cur qui était abattu, cela entraînerait une diminution de la pression sur leur troupe, et que si c’était le Hésus Cuchulainn, ce serait encore mieux. Cur fut donc convoqué sous la tente de Maeve. Qu’attendez-vous de moi ? interrogea Cur. Que tu affrontes le Hésus Cuchulainn, répondit Maeve. Vous avez vraiment une piètre idée de notre valeur, et ce que vous pensez m’étonne quand vous me comparez à un tendre jouvenceau comme lui ! Si j’avais su pourquoi j’étais convoqué, je ne me serais pas dérangé. J’aurais trouvé suffisant qu’un garçon de son âge choisi dans ma maisonnée lui soit opposé sur ce gué. Que nenni, et c’est folie que de dire ça ? s’exclama Cormac l’Exilé fils de Cunocavaros/Conchobar. Et ce serait vraiment une grande merveille pour toi si le Hésus Cuchulainn devait tomber sous tes coups. Soyez-prêts à partir demain matin de bonne heure, car je serai heureux d’y aller. Ce n’est pas la mise à mort du jeune chevreuil qu’est le hésus Cuchulainn qui vous retardera. Cur fils de Da Loth se leva donc de bonne heure le lendemain matin. Il prit avec lui toute une charretée d’armes pour affronter le Hésus Cuchulainn et il entreprit d’essayer de le tuer. Tôt ce même jour le Hésus Cuchulainn avait lui aussi rassemblé toutes ses armes et techniques secrètes (chlessaib). At eat a n-uli anmand.i. ubullchless, fóenchless, cless cletínech, tetchless, corpchless, cless Cait, ích n-errid, cor n-delend, leim dar neim, filliud eirred náir, gai bulga, baí brassi, rothchless, cles for análaib, brúud gine, sían curad, beim co fommus, táthbeim, reim fri fogaist, dírgud cretti fora rind, fornaidm níad. Voici quels étaient leurs noms. Le jeu des pommes, le coup du bouclier tenu à l’horizontale, le jeu du javelot, le jeu de la corde, le jeu de tout le corps, la botte secrète de Cat, le saut du saumon, le jet du bâton, le saut d’obstacle (ou de haie), la flexion du vaillant héros, le javelot foudre (gae bolga), le jeu de la vitesse, le jeu de la roue, le coup de l’hyperventilation (?) le coup d’épée qui ne donne qu’une ecchymose, le cri de guerre du héros, le coup bien mesuré, le coup en retour, le vaillant champion qui monte sur un javelot puis s’étend et se déploie sur sa pointe.
Le Hésus Cuchulainn avait l’habitude de s’entraîner à exécuter chacune de ces prouesses chaque matin, d’une seule main, aussi rapidement qu’un chat jouant de ses griffes (?) afin de ne pas les oublier ou les laisser sortir de sa mémoire. Le fils de Da Loth resta un tiers de la journée derrière l’umbo de son bouclier, à essayer de l’atteindre. Loeg dit alors au Hésus Cuchulainn : « Bien maintenant, petit Chien de Culann, réponds au guerrier qui cherche à te tuer ! » Le Hésus Cuchulainn jeta les yeux sur lui, se leva, jeta en l’air les huit pommes puis lança la neuvième sur le fils de Da Loth. Elle traversa le plateau du bouclier et l’os de son front et emporta une partie de sa cervelle de la taille d’une balle au passage, qui sortit par l’arrière de sa tête. C’est ainsi que tomba Cur fils de Da Loth sous les coups du Hésus Cuchulainn. Et maintenant si vos promesses et vos engagements vous lient vraiment, remarqua Fergus, envoyez un autre guerrier affront cet homme sur le gué, ou alors restez ici dans votre camp jusqu’aux premières de l’aube demain matin, car Cur le fils de Da Loth est tombé. Vu la raison pour laquelle nous sommes venus, répondit Maeve, il nous est égal de rester dans les mêmes tentes. Ils restèrent donc campés au même endroit jusqu’à ce que soient tombés outre Cur fils de Da Loth, Lath fils de Da Bro, Srub Dare fils de Fedag et Foirc fils de Tri n-Aignech. Ces hommes furent abattus par le Hésus Cuchulainn en combat singulier. Mais il serait fastidieux de relater les prouesses de chacun séparément.
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Chapitre XIV.
La mort de Fer Baeth.
Le Hésus Cuchulainn dit alors à Loeg, son cocher : Maître Loeg, va jusqu’au camp des Irlandais et salue pour moi mes amis et frères adoptifs ainsi que tous les garçons de mon âge. Salue pour moi Fer Diad fils de Daman, Fer Det fils de Daman, Bress fils de Firb, Lugaid fils de Nois, Lugaid fils de Solamag, Fer Baeth fils de Baetan, et Fer Baeth fils de Fir Bend. Salue tout spécialement mon frère de lait Lugaid fils de Nois, car il est le seul dans cette armée maintenant à continuer de partager avec moi fidélité ainsi qu’amitié, donne-lui ma bénédiction et qu’il te dise qui doit venir se mesurer à moi demain.
Loeg se rendit par conséquent au camp des Irlandais et salua les amis et les frères de lait du hésus Cuchulainn, puis il entra sous la tente de Lugaid fils de Nois. Lugaid lui souhaita la bienvenue. Je sais que cette bienvenue est sincère, dit Loeg. Elle l’est assurément, répondit Lugaid. Je suis venu te parler de la part du Hésus Cuchulainn parler avec toi, poursuivit Loeg, car il te fait parvenir ses plus franches et sincères salutations et souhaite que tu me dises qui viendra l’affronter aujourd’hui. Que maudite soient sa proximité sa familiarité ainsi que son amitié avec celui qui doit venir ! Il s’agit de son propre frère de lait Fer Baeth fils de Fir Bend. Il vient juste d’être appelé sous la tente de Maeve. Sa fille Findabair est placée à côté de lui. C’est elle qui remplit son gobelet pour lui et elle lui donne un baiser à chaque fois qu’il boit. C’est elle qui lui sert sa part du repas. Et ce n’est pas à tout le monde que Maeve destine la boisson qui est servie à Fer Baeth, car il n’y en a eu que cinquante charretées d’amenées dans le camp.
Loeg revint trouver le Hésus Cuchulainn, atterré, triste, le cœur lourd et l’air morne. Maître Loeg revient atterré, triste, le cœur lourd et l’air morne, s’exclama le Hésus Cuchulainn. Cela veut donc dire qu’un de mes frères d’armes viendra pour m’affronter. Car le Hésus Cuchulainn ne détestait rien moins que le fait qu’un guerrier qui avait bénéficié du même entraînement que lui-même, vienne l’affronter plutôt que tout autre. Et bien maintenant, maître Loeg, reprit le Hésus Cuchulainn, dis-moi qui vient m’attaquer aujourd’hui. Que maudites soient sa proximité sa fraternité sa familiarité ainsi que son amitié, avec toi ! Il s’agit de ton frère de lait Fer Baeth fils de Fir Bend lui-même. Il vient juste d’être appelé sous la tente de Maeve. Sa fille Findabair est placée à côté de lui. C’est elle qui remplit son gobelet pour lui et elle lui donne un baiser à chaque fois qu’il boit. C’est elle qui lui sert sa part du repas. Et ce n’est pas à tout le monde que Maeve destine la boisson qui est servie à Fer Baeth, car il n’y en a eu que cinquante charretées d’amenées dans le camp.
Fer Baeth n’attendit pas le lendemain matin, mais partir sur le champ pour annoncer au Hésus Cuchulainn qu’il renonçait à son amitié avec lui. Le Hésus Cuchulainn l’adjura au nom de leur amitié de leur proximité ainsi que de leur fraternité, mais Fer Baeth refusa de renoncer à ce combat. Luid Cú Chulaind tria feirg úad & fosnessa sleig culind ina bond traiged coras fothraic eter feóil & chnám & chroicend. Tarngid Cú Chulaind in sleig arís ar cúlu assa frémaib & dosfarlaic dara gúalaind i ndegaid Fir Baíth, & fó leis gid no ríssed & ba fó leis ginco ríssed. Dotarlaic in sleg i classaib a chúlaid co ndechaid trina bél dochum talman co torchair Fer Báeth amlaid. Le Hésus Cuchulainn entra dans une colère noire (feirg uad) et s’enfonça un épieu en bois de houx (sleig culind) dans la peau la chair et les os du pied, jusqu’à la plante. Le Hésus Cuchulain retira cet épieu de la plante de son pied puis le jeta derrière lui par-dessus son épaule la pointe en avant. Peu lui importait alors d’atteindre ou pas Fer Baeth mais le fait est que l’épieu atteignit ce dernier qui était en train de repartir, dans le creux de la nuque, et ressortit par la bouche pour se ficher en terre. Puis Fer Baeth tomba. C’était assurément un sacré lancer (focherd) petit chien de Culann, s’exclama Fiacha fils de Fir Aba. Car il considérait que c’était un bon lancer que de tuer un tel guerrier rien qu’avec un épieu de houx. D’où le nom de Jet de lance de Muirthemné pour désigner l’endroit où ils se rencontrèrent.
Le combat singulier contre Lairine.
Maître Loeg, dit le Hésus Cuchulainn, va parler à Lugaid dans le camp des Irlandais afin de lui demander si quelque chose est arrivé à Faer Baeth ou non.
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Note de la rédaction. Ici se trouve une lacune d’une page environ dans le manuscrit du Livre du Leinster, dont on peut heureusement retrouver le contenu dans le manuscrit 984 de la collection de Stowe, datant de 1633, et conservé par l’Académie royale irlandaise.
Et demande-lui qui vient m’affronter demain. Loeg se rendit dans la tente de Lugaid. Lugaid lui souhaita la bienvenue. Je sais que cette bienvenue est sincère, répondit Loeg. Elle l’est assurément, ajouta Lugaid. Je suis venu te parler de la part de ton frère adoptif, peux-tu me dire si Fer Baeth est bien rentré au camp ? Oui, répondit Lugaid, et que la main qui l’a frappé soit bénie, car il est tombé raide mort dans la vallée il y a peu de temps. Dis-moi qui vient demain pour affronter le Hésus Cuchulainn. Il est question d’un frère à moi qui lui serait opposé, un jeune fou, orgueilleux et arrogant, mais qui cogne dur et combat toujours victorieusement. La raison pour laquelle on l’envoie l’affronter c’est qu’il se peut bien qu’il soit en définitive abattu par le Hésus Cuchulainn et que j’aille venger sa mort sur le Hésus Cuchulain, mais je ne le ferai jamais. Lairine fils de Blathmac est le nom de ce frère à moi. J’irai parler au Hésus Cuchulainn à ce sujet, ajouta Lugaid. Ses deux chevaux furent préparés pour lui et attelés à son char. Il alla ensuite trouver le Hésus Cuchulainn et ils conversèrent ensemble. Lugaid lui dit alors : « ils sont en train d’insister auprès d’un frère à moi pour qu’il vienne et t’affronte, c’est un jeune fou, brutal, grossier, mais fort et opiniâtre, et on l’envoie se battre contre toi afin qu’il soit tué par toi, et que je venge sa mort sur toi, mais je ne le ferai jamais. Mais au nom de l’amitié qui nous unit, ne tue pas mon frère. Je t’en donne ma parole, tu peux faire de lui ce que tu veux, mais ne le tue pas. Je te laisse libre d’agir ainsi, car c’est contre mon gré qu’il vient t’affronter. Le Hésus Cuchulainn fit demi-tour et Lugaid rentra au camp. Lairine fils de Nos fut convoqué sous la tente d’Ailill et de Maeve et Findabair fut placée à côté de lui. C’est elle qui lui servait à boire des gobelets de boisson, elle lui donnait un baiser à chaque fois qu’il buvait, elle lui passait sa nourriture. Ce n’est pas à tout le monde que Maeve offre de la boisson qui a été servie à Fer Baeth ou à Lairine, dit Findabair. Elle n’en a pris que cinquante charretées pour le camp. De qui parles-tu ? demanda donc Ailill. Je veux parler de cet homme là-bas, répondit-elle. Qui est-ce ? demanda encore Ailill. Tu prêtes souvent attention à des choses qui ne le méritent pas. Il serait mieux pour toi d’accorder ton attention au couple qui l’emporte pour ce qui est de la richesse de l’honneur de la dignité, sur tous ceux d’Irlande, à savoir Findabair et Lairine fils de Nos. C’est bien comme cela que je les vois, répondit Ailill. Lairine se trémoussa tellement de plaisir [en entendant cela] que les coutures des coussins placés sous lui éclatèrent et que la pelouse devant la tente fut toute parsemée de duvet.
Lairine rongea son frein en attendant que la pleine lumière du jour lui permette de se mesurer au Hésus Cuchulainn. Il partit le lendemain matin de bonne heure avec toute une charretée d’armes et arriva sur le gué afin d’y affronter le Hésus Cuchulainn. Les grands guerriers du camp ne jugèrent point digne de leur temps d’aller assister au combat de Lairine, mais les femmes les garçons et les filles se moquèrent et se gaussèrent de lui en regardant son combat. Le Hésus Cuchulainn vint sur le gué à rencontre de Lairine, mais il dédaigna se munir de la moindre arme et vint sans en avoir une seule pour l’affronter. Il arracha des mains de Lairine toutes ses armes par contre, un peu comme on prive un petit garçon de ses jouets.
Ensuite le Hésus Cuchulainn le broya comme une meule le fait du blé, le pétrit et le malaxa dans ses mains, le châtia l’étreignit l’écrasa et le secoua et chaindebar uile as gurbo ceó aéerda an ceatharaird i mboí lui fit sortir tous les excréments des boyaux de sorte qu’une bruine de purin ? se répandit aux quatre coins de l’endroit où il se trouvait. Et après cela il le jeta au loin, du milieu du gué où il était jusque dans le camp devant l’entrée de la tente de son frère. Lairine après cela ne fut plus jamais capable de se lever sans gémir ni de manger sans avoir mal, et depuis lors il fut constamment affecté par une maladie du ventre, une oppression de la poitrine, et la diarrhée. Il fut certes le seul homme à survivre à un duel avec le hésus Cuchulainn lors de l’expédition de Cualnge, mais les séquelles de ces maladies l’affectèrent au point qu’il en mourut par la suite.
Ceci était le combat de Lairine lors de l’expédition de Cualnge.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 28.
Griffes. Nous traduisons ainsi le mot gaélique cróich qui signifie également lait d’après Cécile O’Rahilly. L’image serait alors celle du chat lapant du lait avec sa langue ?? Ce qui est sûr en tout cas c’est que l’entraînement quasi quotidien est évidemment à la base de la maîtrise des arts martiaux.
Foirc fils de Tri n-Aignech. Selon le Lebor na hUidre ou livre de la vache brune. Le livre du Leinster ou Lebor Laignech mentionne à cet endroit Mac Teora n-Aignech.
Son propre frère de lait. Voir leur apprentissage commun des arts martiaux sous la houlette de la reine Scathache.
Peu lui importait alors d’atteindre ou pas Fer Baeth mais… il s’agit là du comportement typique d’un berseker. Voir contre-lai N°26. La suite du récit nous montrera d’ailleurs que le Hésus Cuchulainn ne
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s’est même pas rendu compte de la mort de son ex-ami et frère d’armes, vu la nature de ses questions.
Lairine fils de Nos. Il s’agit apparemment du même personnage que Lairine fils de Blathmac.
Diarrhée. Le mot gaélique tathaige signifie également vomissement.
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Lebor na hUidre ou livre de la vache brune.
L’entretien de la Mara Rigu/Morrigu/Fée Morgane
avec le Hésus Cuchulainn.
Le Hésus Cuchulainn vit arriver une jeune femme de toute beauté, habillée de vêtements de toutes les couleurs. Qui es-tu ? demanda le Hésus Cuchulainn ? Je suis la fille du Roi Éternel (Buan). Je suis venue te voir, car je suis tombée amoureuse de toi en raison de ta célébrité, j’ai amené avec moi mes trésors et mon bétail. Ce n’est pas le bon moment pour être venu nous voir, car notre condition est pitoyable, la faim m’a épuisé ? Aussi ne m’est-il guère aisé de connaître une femme tant que je serai occupé à lutter ainsi. Je t’aiderai en cela. Ce n’est pas pour jouir d’un corps de femme que je suis venu. Ce sera pire pour toi, répondit-elle, si je m’en prends à toi pendant que tu combats tes ennemis. Je me changerai en anguille sous tes pieds dans le gué de sorte que tu tomberas. Ceci te convient mieux que d’être une fille de roi, répliqua le Hésus Cuchulainn. Alors je te saisirai entre mes orteils, je te briserai les côtes et tu souffriras de cette blessure jusqu’à ce que tu obtiennes de moi une bénédiction de guérison. Je pousserai le bétail sur toi au travers du gué après m’être métamorphosée en louve grise. Je te lancerai une pierre avec ma fronde et je te crèverai un œil et tu souffriras de cette blessure jusqu’à ce que tu obtiennes de moi une bénédiction de guérison. Je m’en prendrai à toi sous la forme d’une génisse rouge sans corne conduisant les bêtes, elles se précipiteront sur toi dans tous les gués ou toutes les eaux servant de frontière (linniu) et tu ne me reconnaîtras pas même si je suis devant toi. Je jetterai une pierre sur toi, répondit le Hésus Cuchulainn, qui brisera les jambes qui te portent, et tu souffriras de cette blessure donc jusqu’à ce que tu obtiennes une bénédiction de guérison. Sur ce elle s’en alla. Il resta une semaine au Gué du gravier ? c’est-à-dire au gué de l’eau des génisses (darteisc) il y abattait un homme chaque jour.
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Chapitre XV. La mort de Loch fils de Mo Febis.
Ce fut au tour de Loch le Grand, fils de Mo Febis d’être convoqué sur la tente d’Ailill et de Maeve. Que me voulez-vous ? demanda Loch. Que tu ailles affronter le Hésus Cuchulainn, répondit Maeve. Je ne me chargerai pas de cette commission, car j’estime qu’il n’est guère honorable de s’en prendre à un tout jeune homme, un jouvenceau imberbe, ceci dit sans vouloir l’offenser, mais j’ai l’homme qu’il faut pour se battre en duel contre lui, à savoir Long fils d’Emonis, et il acceptera la récompense promise par vous. Long fut convoqué sous la tente d’Ailill et Maeve, et Maeve lui promit de grandes récompenses, à savoir des vêtements de toutes les couleurs pour au moins douze hommes, un char d’une valeur de quatre fois sept femmes esclaves, Findabair comme épouse, enfin être toujours servi en vin à Cruachan. Ensuite Long alla combattre le Hésus Cuchulainn et le Hésus Cuchulainn le tua. Maeve demanda donc à ses femmes d’aller parler au Hésus Cuchulainn et lui de se faire une fausse barbe avec du jus de mûres. Les femmes partirent trouver le Hésus Cuchulainn et lui dirent de se mettre une fausse barbe, car aucun grand guerrier du camp ne trouvait digne de son temps d’aller se battre contre lui tant qu’il n’avait pas de barbe au menton. Après cela donc le Hésus Cuchulainn se fit une barbe avec du jus de mûre et alla sur la colline dominant les Irlandais pour s’y exhiber aux yeux de tous avec sa barbe. Loch fils de Mo Febis vit cela et s’exclama : il y a de la barbe au menton du hésus Cuchulainn maintenant. C’est aussi ce que je vois, dit Maeve. Elle promit les mêmes récompenses à Loch afin de venir à bout du Hésus Cuchulainn.J’irai me battre en duel avec lui, répondit loch. Loch partit affronter le Hésus Cuchulainn et la rencontre eut lieu sur le gué où Long était tombé. Allons sur le gué plus haut, demanda Loch, car nous ne pouvons pas nous battre sur celui-là. Il considérait en effet pour impropre (heascoman) le gué sur lequel son frère était tombé. Ils s’affrontèrent ensuite sur le gué situé plus haut.
Ce fut alors à ce moment-là que la Mara Rigu/Morrigu/Fée Morgane fille d’Ernmas arriva du sidh afin de faire périr le Hésus Cuchulainn, car elle avait juré à l’occasion de l’expédition de Regamna (Táin Bó Regamna) qu’elle viendrait s’en prendre à lui quand il serait occupé à combattre avec un puissant guerrier lors de l’expédition de Cualnge. Aussi la Mara Rigu/Morrigu/Fée Morgane arriva-t-elle sur place sous la forme d’une génisse blanche aux oreilles rouges accompagnée de cinquante autres génisses, attachées ensemble deux par deux avec des chaînes de bronze blanc. Dobertsat in banntracht gesa & airmberta for Coin cCulainn dá ttísadh úadh gan fhosdadh gan aidmilledh fuirre. Les femmes menacèrent le Hésus Cuchulainn de lui jeter un sort ou le mauvais œil s’il la laissait repartir sans en être auparavant venu à bout et l’avoir brisée. Le Hésus Cuchulainn lança un projectile sur la Mara Rigu/Morrigu/Fée Morgane et lui creva un œil.
Ensuite la Mara Rigu/Morrigu/fée Morgane apparut sous la forme d’une anguille noire et glissante, qui descendit au milieu du gué puis s’enroula autour des pieds du Hésus Cuchulainn. Et pendant que le Hésus Cuchulainn essayait de s’en débarrasser, Loch lui infligea une sérieuse blessure en pleine poitrine. La Mara Rigu/Morrigu/Morgane vint ensuite sous l’apparence d’une louve hirsute au pelage brun-roux. Et pendant que le Hésus Cuchulainn essayait de s’en garder, Loch le blessa encore une fois. Sur ce la fureur guerrière (fercc) s’empara du Hésus Cuchulainn, il frappa Loch avec son javelot – foudre (gai-bulga) et lui perça le cœur après avoir transpercé sa poitrine. Accorde-moi une faveur maintenant, Ô Hésus Cuchulainn, dit Loch. Laquelle ? Je ne te demande pas de me faire quartier ni une autre lâcheté de ma part de la sorte, répondit Loch. Recule d’un pas devant moi que je puisse tomber face à l’est et non face à l’ouest en direction des Irlandais, car je ne veux pas que l’on puisse penser que je me suis enfui devant toi en pleine déroute, puisque je suis tombé victime du javelot-foudre. Je me retire d’un pas, répondit le Hésus Cuchulainn, car ce que tu demandes est la requête d’un vrai guerrier. Le Hésus Cuchulainn recula donc d’un pas devant lui. D’où vient que ce gué depuis lors est connu sous le nom du Gué du Pas, au bout de la Grande Terre.
L’accablement s’empara du Hésus Cuchulainn ce jour-là, car il était seul pour combattre l’expédition de Cualnge. Il demanda donc à Loeg son cocher d’aller trouver les Ulates et de leur dire de venir défendre leur bétail. Un grand découragement et une grande fatigue s’étaient abattus sur le Hésus Cuchulainn il récita les vers suivants (rand) :
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº29.
La fée Morgane. Le texte gaélique écrit Morigna (Imacallaim na Mórígna fri Coin Culaind inso). Voici ce que le spécialiste français d’Arbois de Jubainville en dit. « Dans certains textes elle est dite fille d’Ernmas = Ernbas, c’est-à-dire de Meurtre, littéralement « Mort par le fer ». Voir au sujet de cette déesse, les observations de M. Wh. Stokes, Revue Celtique, XII, p. 128. Son nom est un composé de
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deux termes, le second, rigan, veut dire : « reine ». Le premier, mor, paraît identique à l’anglais mare dans night-mare, et au français mar dans cauchemar, signifiant tous les deux quelque chose comme « démon nocturne ». On la trouve aussi appelée Anand. Elle avait deux sœurs Bodb et Macha, qui, semble-t-il, apparaissent avec elle sous forme d’oiseaux dominant le taureau dans le monument du Musée de Cluny et dont les noms sont quelquefois employés comme synonymes de Morrigan ». Conformément au principe de la triade chez les Celtes, la déesse ou démone Catubodua est donc un doublet ou une autre forme de la fée Morgane. Nous sommes moins sûrs du propos de d’Arbois de Jubainville pour ce qui est de Macha, mais il n’a peut-être pas tort. C’est une question à creuser. Le rapprochement avec la forme Anu/Ana (Anand) est également problématique.
Fille de l’Éternel. Un peu comme al-Lat, al-Uzza et Manat qui sont dites filles de Dieu (d’Allah) dans le Coran (chapitre 53, versets 19-21, et furent reconnues comme des intermédiaires valables entre l’être supérieur et les humains, par le premier islam (un peu comme des anges ou les saints hommes). Il s’agissait là d’un bon concept théologique, très réfléchi, mais qui fut hélas ! rapidement réduit à néant, voire diabolisé (considéré comme satanique). De façon plus imagée, mais moins machiste, moins misogyne, les païens d’avant l’islam voyaient ces trois déesses (ou démones ?) comme filles du Dieu lune (Allah) et de la déesse soleil. Cette Mara Rigu/Morrigu/Fée Morgane dite selon les textes fille de l’Éternel (Buan) ou fille de la mort par le fer (Ernmas), peut-être faut-il comprendre qu’elle est issue d’une éternelle mort par le fer, d’une séparation définitive un peu analogue à celle évoquée dans les pétroglyphes ou gravures rupestres du mont Bégo dans les Alpes du Sud (cf. la stèle dite du sorcier). Du moins selon Émilia Masson qui voit dans ce « Sorcier » la représentation d’un dieu de la dissociation, analogue au Cronos grec. Avec ses poignards et ses grandes dents, il aurait séparé, dissocié, le couple primordial dont il est issu, inaugurant ainsi un nouvel espace de vie pour les êtres humains et les êtres divins. La Bible, elle aussi d’ailleurs, connaît de telles des dissociations inaugurales. Pour créer l’univers le dieu d’Abraham d’Isaac et de Jacob n’a-t-il pas commencé par séparer la lumière des ténèbres, les eaux du ciel de celles de la terre, la terre de la mer ? (Genèse 1, 1-10.) Reste néanmoins la question du Chaos ou Tohu-bohu qui semble avoir été PRÉ-EXISTANT. Ce serait alors la première manifestation (locale) de cette « religion populaire », toujours active cinq millénaires plus tard (cf. l'affaire des trois sorcières brûlées à Cassis en 1614). Les thèses de cette spécialiste serbe de Belgrade (Singidunum ?) sont très controversées, mais ce qui semble sûr c’est que cette Mara Rigu/Morrigu/Fée Morgane ainsi que ses deux sœurs ou doublets occupent une place ontologiquement très haute dans la généalogie structurant de façon quelque peu imagée le panth-éon celte. N.B. Autre curiosité des gravures du mont Bégo : certains personnages y sont représentés comme Sétanta Cuchulainn en transe, c’est-à-dire LES PIEDS TOURNÉS VERS L’INTÉRIEUR.
Anguille louve vache. Ce paragraphe rappelle beaucoup l’apparition au Hesus Cuchulain, de cette déesse ou démone, telle qu’elle nous est relatée dans un des chapitres précédents de notre essai, en fonction du récit d’un autre vol de bétail, la Tain Bo Regamna, un court manuscrit du XVIe siècle figurant dans le livre jaune de Lecan, Leabhar Buidhe Lecain en gaélique. Se pourrait-il qu’il s’agisse purement et simplement d’un doublon de moine copiste ? Ou d’une reprise par le barde d’un morceau de littérature orale qui lui plaisait bien ? À nos lecteurs de voir en se reportant aux manuscrits originels et notamment à celui de la Tain Bo Regamna. En ce qui nous concerne, aucune explication immédiate pouvant justifier la présence ici de cet épisode ne nous vient à l’esprit à moins d’insister sur les dons (gaélique buaid = boudismes) de guérisseur des corps de Sétanta Cuchulainn ou d’en faire un équivalent des tentations du Christ (au désert ou en croix). Rappelons à toutes fins utiles à ce propos que le Messie attendu par l’Israël de ce temps-là devait être un messie guerrier, non un fils de l’Homme à la façon du serviteur souffrant d’Isaïe (42-53). D’où d’ailleurs le fait que les Juifs n’ont pas reconnu Jésus. L’homme Jésus ne correspondait en rien à ce qui avait été annoncé du Messie dans leurs écritures. La première escroquerie intellectuelle du christianisme a donc été de faire de leur maître crucifié à la suite de l’échec de sa tentative de rébellion contre Rome (les deux larrons crucifiés avec lui sont bien évidemment des zélotes membres d’une sorte de guérilla, autrement dit des terroristes), un serviteur souffrant se sacrifiant volontairement pour nos péchés. La preuve l’écriteau INRI fixé sur sa croix (évangile selon Jean).
Sans barbe ou avec une fausse barbe. Cet épisode confirme donc l’extrême jeunesse de notre héros à ce moment-là. Le grand spécialiste français qu’est d’Arbois de Jubainville note avec intérêt que le smertha de l’expression gaélique ulcha smertha devait être en vieux celtique smertos. Et Cuchulainn dans ce cas porterait le nom de Smertrios ou Smertullos sur le Continent ?? À voir. On se perd en conjectures en tout cas sur la signification à donner à un tel épisode de la saga. La dimension comique (il s’agissait aussi d’amuser l’auditoire) n’en est sans doute pas absente. Outre le fait que cela rappelle bien qu’il était déshonorant pour un homme de s’en prendre à des enfants ou des femmes.
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Esclaves. Voir nos contre-lais précédents à ce sujet. Il s’agissait surtout de captifs ou de guerriers vaincus. Apparaît surtout dans nos textes comme unité de valeur. Vin au lieu de bière. Synonyme de luxe. On dirait champagne aujourd’hui. Le commerce du vin entre le sud de l’Irlande et Bordeaux sur le Continent fut longtemps florissant et il explique sans doute le fait qu’il y a eu des chrétiens en Irlande AVANT SAINT PATRICE.
Sidh. Rappelons-ici que le sidh c’est une des entrées ou sorties de l’autre monde parallèle où vivent les dieux ou démons ou fées du panth-éon druidique, correspondant souvent à des monuments mégalithiques préceltiques d’ailleurs. L’Onomasticon Goedelicum d’Edmond Hogan en compte presque 200 (170) rien que pour l’Irlande, du sidh n-Aeda au sidh Tuirc en passant par le Sidh Arach le sidh Nechtain, etc. Mais bien entendu il devait y en avoir tout pareillement ailleurs dans les Îles ou sur le Continent. Chacune de ces entrées ou sorties était en général considérée comme relevant plus particulièrement du domaine de tel ou tel dieu, ou démon, ou fée. Avouons humblement qu’à l’exception de cette généralité sur les sidh la signification symbolique ou allégorique de nombre de tous ces détails nous échappe aujourd’hui. On peut même se demander d’ailleurs s’il ne s’agit pas d’un bricolage de barde ou de conteur utilisant des fragments de mythes restants qu’il recombine à sa façon après la grande perte de cohérence de ces derniers, provoquée par la christianisation. D’où peut-être la visible hostilité du Hésus Cuchulainn à son égard, sans oublier celle, plus étonnante encore, de la gent féminine irlandaise, confinant à un total et bien étonnant manque de respect, si l’on en croit notre texte, du moins dans son état d’aujourd’hui. Le détail prouve une fois encore à quel point ce mythe panceltique a pu dégénérer au cours de sa transmission orale en Irlande, et frôle même l’hérésie. Par hérésie nous voulons seulement pointer du doigt des déviations un peu trop poussées par rapport au druidisme de référence, qui ne peut être que celui du berceau originel ET ANTIQUE des peuples celtes. Airmberta. Une sorte ou une variété de geis si nous comprenons bien, c’est-à-dire un sort un enchantement ou une obligation, dont le non-respect entraîne malheur et désolation. Gai Bulga ou Gae Bolga. Le grand spécialiste français que fut d’Arbois de Jubainville traduisait par javelot-sac, mais bolg signifie plus vraisemblablement « foudre ». Il devait s’agir d’un javelot muni d’une pointe barbelée comme un hameçon que l’on ne pouvait retirer sans provoquer de très graves blessures. Doit-on vraiment croire qu’il fallait la manier en se servant de ses orteils comme on va le voir après ?
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Va là-bas pour moi, O Loeg.
Qu’on lève des troupes.
Dis-leur pour moi dans la puissante forteresse d’Emain
Que je m’épuise chaque jour en bataille,
Et que je suis couvert de blessures et en sang.
De mon côté droit ou de mon côté gauche
Il est difficile de dire lequel est le plus mal en point
La main qui les a frappés n’est pas celle de Fingen le médecin
Qui arrête le sang avec des lames de bois (fidfaebraib).
Dis au noble Cunocavaros/Conchobar
Que je suis épuisé, que mes flancs sont meurtris de douloureuses blessures
Et qu’est devenu méconnaissable
L’aimable fils de Dechtire qui valait une armée à lui tout seul.
Je suis seul ici à combattre des multitudes
Je n’arrive pas à les tenir à distance, mais je ne les laisse pas passer non plus
Je suis dans une mauvaise passe et non dans une bonne
Alors que je suis seul pour défendre tous ces nombreux gués.
Une pluie (broen) de sang coule de mes armes
Je suis gravement blessé
Aucun ami ne me vient m’épauler ou m’aider
À part le cocher de mon unique char.
Il n’y a guère de musique pour moi ici
Une unique trompette ne réjouit guère
Mais quand beaucoup de trompettes sonnent
Alors le son en devient plus doux.
Il existe un proverbe connu depuis la nuit des temps
On n’obtient pas de flammes avec une seule bûche
Mais s’il y en avait deux ou trois
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Leurs brandons flamberaient.
Il n’est pas facile de brûler une bûche unique
À moins que vous n’en ayez une autre pour l’allumer.
Un homme seul peut être déloyalement traité
Une pierre de meule seule ne sert à rien.
N’avez-vous pas toujours entendu dire
Qu’un homme seul est déloyalement traité ?
C’est vrai pour moi
Mais ce qui est intolérable
Ce sont les ravages d’une grande armée.
Bien que nous soyons peu nombreux devant le chaudron
Cela me préoccupe
La ration de l’armée en face est-elle semblable,
C’est-à-dire pouvant cuire accrochée à une seule crémaillère ?
Je suis seul en face de cette armée
Au gué situé à l’extrémité de la Grande Terre
J’ai même été dépassé en nombre quand je fus attaqué par Loch et la Bodua
Conformément aux préliminaires de l’enlèvement des vaches de Regamna.
Loch m’a labouré les deux hanches
La louve hirsute au poil brun-rouge m’a mordu
Loch m’a blessé au foie
L’anguille m’a fait tomber.
Avec mon petit javelot, j’ai arrêté son assaut (cosc)
Je lui ai crevé un œil. Je lui ai brisé une jambe Dès le début de son attaque.
Alors Loeg m’a envoyé le javelot d’Aïfe
Qui descendit le courant, comme un essaim d’abeilles
Et j’ai lancé ce puissant javelot affûté
Qui fit périr Loch fils d’Emonis.
Pourquoi les Ulates ne livrent-ils pas bataille
Contre Ailill et la fille d’Eochu ?
Tandis que je suis là perclus de douleurs
Tout couvert de blessures et de sang que je suis.
Dis aux grands guerriers ulates
De venir et de repousser leur horde.
Les fils de Maga ont emmené leurs vaches
Et se les sont partagées.
Bataille sur bataille, j’en avais pris le solennel engagement
Et j’ai tenu ma parole en tout ;
Je me bats pour garder intact l’honneur du Chien de Culann
Mais combattre seul c’est trop.
Les corbeaux se réjouissent
Dans le camp d’Ailill et de Maeve.
Tristes sont les plaintes qui répondent ? (ici petite lacune)
À leurs cris sur la plaine de Muirthemné.
Cunocavaros/Conchbar n’arrive pas
Dans ce combat il n’y a aucune troupe à lui
Si on le laisse ainsi seul,
Sa fureur guerrière (fergge) n’en sera que plus difficile à raconter !
Ceci était le combat de Loch le Grand fils de Mo Febis contre le Hésus Cuchulainn lors de l’expédition de Cualnge.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 30.
Dechtire ou Dechtine. La mère de notre héros dans le légendaire irlandais. Vieux celtique Dexiua. Ou Duxtir. Voir avec les spécialistes. De toute façon ce qui est sûr c’est qu’en tant qu’aurige attitré de Cunocavaros/Conchobar, elle est comme l’Épona continentale plus ou moins associée aux chevaux.
La Bodua. Ce poème met donc incontestablement un signe égal entre la Mara Rigu/Morrigu/fée Morgane et la déesse ou démone ou fée Cathubodua. L’enlèvement des vaches de Regamna. Tain Bo Regamna en gaélique. Voir le chapitre précédent traduisant ce récit.
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Avec mon petit javelot j’ai arrêté son assaut (cosc) je lui ai crevé un œil. Je lui ai brisé les jambes dès le début de son attaque. Ce quatrain n’est pas grammaticalement très clair. Qui ces blessures affectent-elles ?
Javelot d’Aife semble désigner le gae bolga. Et la comparaison avec un essaim d’abeilles indiquerait dans ce cas que ledit javelot-foudre faisait du bruit, une sorte de bourdonnement ?
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Chapitre XVI.
La rupture de l’accord.
C’est alors que Maeve envoya six personnes à la fois pour attaquer le Hésus Cuchulainn, à savoir Traig, Dorn et Dernu, Col, et Accuis ainsi qu’Eraise, trois druides et trois druidesses. Le Hésus Cuchulainn les attaqua et ils furent abattus par lui. Puisque les termes de la convention prévoyant des combats singuliers avaient été violés au détriment du Hésus Cuchulainn, il prit sa fronde et commença de lancer des balles sur l’armée ce jour-là, en direction du nord à partir de Delga. Bien que les Irlandais ce jour à aient été en nombre, aucun d’entre eux ne put tourner au sud, que ce soit un homme un cheval ou un chien.
La guérison de la Mara Rigu/Morrigu/fée Morgane.
C’est alors que la Mara Rigu/Morrigu/fée Morgane, fille d’Ernmas, vint du sidh sous la forme d’une vieille femme et devant le Hésus Cuchulainn se mit à traire une vache à trois pis. La raison de sa présence était d’être guérie par lui, car aucune personne ayant été blessée par le Hésus Cuchulainn ne pouvait recouvrer la santé à moins que lui-même n’ait pris part à son traitement. Tourmenté par la soif le Hésus Cuchulainn lui demanda donc du lait à boire. Et donc elle lui donna du lait d’un des pis. Que cela soit promptement guéri par moi. Et l’œil de la reine qui avait été crevé fut guéri. Le Hésus Cuchulainn demanda du lait d’un autre pis. Elle lui en donna. Que promptement soit guérie celle qui m’a donné cela ! Il lui demanda aussi à boire une troisième fois et donc elle lui donna du lait du troisième pis. Bendacht dee & andee fort, a ingen. Que la bénédiction des dieux et des non-dieux ??? soit sur toi, ô femme. Batar é a ndee in t-áes cumachta. & andee in t-áes trebaire. Les dieux ce sont les gens qui ont des pouvoirs (cumachta) et les non-dieux ceux qui travaillent la terre (trebaire). Ensuite la reine recouvra son intégrité physique.
Alors Maeve envoya une centaine d’hommes assaillir le Hésus Cuchulainn. Il les attaqua tous ensemble et ils tombèrent sous ses coups. Quelle chose haïssable pour nous que nos gens soient ainsi massacrés, s’exclama Maeve. Ce n’est pas la première chose haïssable que nous inflige cet homme, ajouta de son côté Ailill. D’où vient que Massacre du Bout du Château (dun) est toujours le nom de l’endroit où ils étaient alors et Gué du sang le nom du gué où ils se trouvaient, à juste titre à cause de la quantité de sang qui s’écoula dans le courant de la rivière.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 31.
Trois druidesses. Gaélique trí bandruíd. Rappelons que les druidesses n’ont en réalité jamais existé, qu’il y avait par contre des prêtresses opérant et vivant dans des communautés à part de celles des hommes (dans des îles par exemple) et dans le monde « des hommes » des femmes ayant des dons particuliers en rapport avec le sacré ou le mystère, des autres univers ; les hommes ayant toujours été plutôt de gros balourds en ce domaine. Rien n’empêche par contre un druidisme moderne de réunir en son sein et à égalité druides et prêtresses, à condition de ne pas user du terme druidesse qui serait un anachronisme typiquement irlandais (bandrui). Féminins suggérés pour les spécialisations vate vellède et gutuatre : vate (gaélique banfaith) vellède au singulier, vellèdes au pluriel (gaélique banfile banfilidh), gutumatre. Plus sérieusement on se demande même ce que viennent faire des druides dans cet épisode. Une invention de barde chrétien du Moyen-âge ? Un peu comme un cinéaste voulant à tout prix glisser une histoire de nazis dans son film ?
Cumachata. Pouvoirs magiques ou préternaturels d’après le dictionnaire électronique de la langue irlandaise.
An-dee. Que signifie exactement cette formule gaélique ? Désigne-t-elle des démons ou à tout le moins des entités maléfiques ?? Pas certain vu l’ambivalence des éons du panthéon druidique. Les dieux ce sont les gens qui ont des pouvoirs (cumachta) et les non-dieux ceux qui travaillent la terre (trebaire). Sans doute une glose*, une maladroite tentative d’explication, ou une altération, venant d’un moine copiste chrétien opposant ainsi les dieux (ceux qui ont des pouvoirs sur-humains) aux simples mortels (les an-dee dans cette optique). Mais an-dee est-il vraiment un synonyme d’êtres humains ?? La solution la plus simple est peut-être de considérer que les an-dee ce sont les andedion, les habitants de l’andero-dumnos ou monde d’en dessous. Sans diabolisation aucune (ce sont des entités chtoniennes un point c’est tout).
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J’avoue humblement ici en outre, en ce qui me concerne, que je ne vois pas très bien quelle est la signification de ce qui fut visiblement une parabole à l’époque. Souligner le petit côté « dieu-guérisseur » de notre héros ??? Capable de guérir même les dieux. Qui n’en sont pas vraiment donc ??? À nos lecteurs de décider.
* Cas également fréquent dans les textes sacrés du judéo-christianisme. Quelques exemples.
Le Livre des Proverbes s’ouvre par un verset (« Proverbes de Salomon, fils de David, roi d’Israël »), qui contient des indications de titre et d’auteur ; il se poursuit par quelques versets susceptibles d’être identifiés comme une préface ; aux chapitres 25, 30 et 31 sont à nouveau données des indications de titre. L’évangile de Luc commence lui aussi par un groupe de versets qui constituent un prologue ayant été rajouté. Le premier verset de Matthieu est également considéré comme un titre ayant été rajouté, mais qui ne semble pas vraiment convenir. Pour en savoir plus sur toutes ces gloses insérées dans le texte biblique se reporter à nos leçons à venir. Notons pour finir que certains manuscrits de la Vulgate contiennent également des prologues destinés à contrer des courants chrétiens rivaux dès l’origine, notamment le marcionisme (prologues aux évangiles de Marc, Luc, et Jean).
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Chapitre XVII.
La déroute de la plaine de Muirthemne.
Les soins apportés au Hesus Cuchulainn par le dieu Lug son père.
Les quatre provinces d’Irlande installèrent leur camp à l’endroit que l’on appelle Grand Massacre dans la plaine de Muirthemné. Ils envoyèrent leur part de bétail et de butin en avant vers le sud dans les étables des vaches ulates. Le Hésus Cuchulainn se posta tout près d’eux sur le tertre funéraire de Lerga, et son cocher, Loeg fils de Riangabra fit du feu pour lui ce soir-là. Le Hésus Cuchulainn aperçut dans le lointain au-dessus des têtes de ces quatre grandes armées provinciales irlandaises, le scintillement flamboyant des armes étincelantes d’or dans le soleil qui se couchait au milieu des nuages du soir. Fureur et transes guerrières s’emparèrent de lui quand il aperçut cette armada, à cause de la multitude de ses ennemis et le grand nombre de ses adversaires. Il saisit ses deux javelots, son bouclier ainsi que son glaive. Il secoua son bouclier, brandit ses javelots et agita son épée, puis poussa le cri du héros. Les bánanaig & boccánaig & geniti glinni & demna aeóir, les bananach les bocanach les geniti glinni et les démons aériens, épouvantés par ce cri qu’il avait poussé lui répondirent et la Nemania sema la confusion dans l’armée. Les quatre provinces d’Irlande firent sortir de la pointe de leurs javelots et de leurs armes un tel bruit, que cent de leurs guerriers moururent de terreur et d’effroi cette nuit-là en plein camp. Et alors que Loeg était là, il vit quelque chose : un homme solitaire allant droit sur lui en venant du nord-est à travers le camp des quatre grandes provinces. Un homme seul approche maintenant, petit chien de Culann. Quelle sorte d’homme est-ce demanda le Hésus cuchulainn. Ní handsa ! Ce n’est pas difficile ! Un homme grand et beau, à la chevelure ample, bouclée, blonde. Il a un grand manteau vert qui l’enveloppe avec une broche d’argent blanc dessus fixée sur la poitrine. Il porte une tunique de satin royal brodée d’or rouge à même sa peau blanche qui descend jusqu’aux genoux. Il porte un bouclier noir avec un umbo de bronze blanc. À la main il a un javelot à cinq pointes et avec une javeline fourchue. Les démonstrations et les moulinets qu’il fait avec ces armes sont prodigieux. Mais personne ne l’accoste et il n’aborde personne, comme si personne dans le camp des quatre grandes provinces d’Irlande ne le voyait.
C’est vrai, mon cher élève ??? dit le Hésus Cuchulainn, c’est un de mes amis du sid qui vient à moi par compassion, car ils savent dans quelle cruelle détresse je me trouve maintenant, seul contre les quatre grandes provinces d’Irlande à l’occasion de l’expédition de Cualnge. Et c’était bien ce qu’avait dit le Hésus Cuchulainn. Quand le guerrier fut arrivé à l’endroit où se tenait le Hésus Cuchulainn, il lui parla et eut pitié de lui.
[Lebor na hUidre ou livre de la vache brune. Je vais t’aider, dit le guerrier. Qui es-tu ? demanda le hésus Cuchulainn. Je suis ton père, Lug fils d’Ethliu, du sidh. Mes blessures sont vraiment très graves. Il était temps que je sois enfin soigné].
Dors un peu maintenant, petit Chien de Culann, dit le guerrier, d’un profond sommeil, sur le tertre funéraire de Lerga, pendant trois jours et trois nuits, et pendant ce temps-là je combattrai toutes ces troupes ennemies. Cotail-siu ém bic, a Chú Chulaind,’ or in t-ócláech, do thromthoirthim chotulta. Le Hésus Cuchulainn dormit alors d’un profond sommeil sur le tertre funéraire de Lerga pendant trois jours et trois nuits. Il était nécessaire que la durée de son sommeil corresponde à la grandeur de son épuisement, car [on lúan re samain sainriuth cossin cétaín iar n-imbulc] du jour de la lune après Samon (ios) exactement au mercredi après Ambolc, le Hésus Cuchulainn n’avait pas dormi une seule nuit, sauf quand il somnolait un petit instant appuyé contre son javelot après midi, a chend ar a dorn, a dorn imm a gai, a gai ar a glùn, la tête sur son poing fermé, son poing serré autour de son javelot et son javelot sur les genoux, car il n’avait pas cessé de frapper, d’abattre, de pourfendre et d’exterminer, les quatre grandes provinces d’Irlande, durant tout ce temps-là. Ensuite le guerrier mit des plantes du sidh et des herbes médicinales (lubi ícci & slánsén i cnedaib) dans les blessures, les coupures les entailles et les nombreuses autres plaies du Hésus Cuchulainn de sorte qu’il puisse recouvrer toute sa santé sans même s’en apercevoir durant son sommeil.
Note de l’éditeur. Le texte de l’injonction divine récitée par Lug, nous a été conservé par le Lebor na hUidre ou livre de la vache brune. Le voici en gaélique.
Canaid a chéle ferdord dó, contuli friss co n-accae nách crecht and ropo glan. Is and asbert Lug : Éli Loga inso sís
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Atraí a meic mór Uladfót sláncréchtaib curethafri náimtiu fer melldarathmór a daig (?) todonathardia ferragaib sligetharslúaig immenard neretharfortacht a síd sóerfudutissin mruig ar conathaibcot anmuim arfuchertharfóchiallathar óengillaearclith ar búaib báifedaeslig delb silsa ríut. Ni fil leó do nertsaegulfer do baraind bruthaigteco niurt for do lochtnamtibcingith carpat comglinniis iar sin atraí.
Ci-dessous une tentative de traduction.
Ensuite il lui chanta une mélodie (ferdord) qui l’apaisa et le fit dormir jusqu’à ce qu’il puisse constater que toutes ses blessures étaient guéries. Après ça il lui ordonna : Bondis sur tes pieds ô fils de la grande Ulidia maintenant que tes blessures sont guéries… ????…… l’aide du sidh va te libérer… ?… Un seul garçon est sur sa garde… ?…… frappe… ?… et je frapperai avec toi. Leur vie ne tient qu’à un fil, aussi assouvis ta furieuse vengeance avec force sur tes indignes (?) ennemis. Monte dans le char qui te reste, et puis bondis, bondis.
Ce fut à ce moment-là que des jeunes gens arrivèrent du nord et d’Emain Macha, trois cinquante fils de roi ulates avec Follomain fils de Cunocavaros/Conchobar, et ils livrèrent trois batailles à ces troupes et tuèrent trois fois un nombre d’ennemis équivalent au leur, mais tous ces jeunes ont fini par périr eux aussi, à l’exception de Follomain le fils de Cunocavaros/Conchobar. Follomain s’était engagé à ne pas revenir à Emain tant qu’il n’aurait pas eu la tête d’Ailill et le diadème d’or que portait le roi. Ce qui ne fut pas chose facile pour lui, car les deux fils de Bethe fils de Ban, les deux fils des parents adoptifs d’Ailill, vinrent avec lui et l’abattirent. Ceci était la mort des jeunes gens d’Ulidia et de Follomain fils de Cunocavaros/Conchobar.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 32.
Lug est censé être le père du Hésus Cuchulainn dans le légendaire irlandais. Rappelons que ces engendrements divins n’ont été conçus à l’origine que pour faire comprendre aux peuples à quel niveau ontologique se situaient ces entités surhumaines. Un peu comme quand les proverbes ou les maximes rappellent que l’oisiveté est la fabrique du mal, que l’oisiveté est la racine de tout mal (en Angleterre) que l’oisiveté est mère de tous les vices, en France. Là l’idée d’engendrement est restée carrément explicite puisque le mot « mère » est employé) ce qui nous donnerait donc en langage druidique « la déesse ou fée oisiveté est mère de tous les dieux ou démons du vice » . On peut citer aussi à titre d’exemples que l’amour peut engendrer la jalousie qui peut à son tour engendrer la haine, qui peut à son tour engendrer la violence, etc. On pourrait théoriquement donc en remontant toutes ces généalogies, si la christianisation ne les avait pas disloquées, arriver à l’être supérieur d’où tout le panth-éon est issu par émanation divine. Mais il vaut mieux y renoncer en ce qui concerne l’Irlande vu la désorganisation des « filiations » divines induite par la christianisation. Du moins tant que les celtisants reconstructeurs ne seront pas parvenus à en démêler l’écheveau. Du côté de la mère et du père adoptif de notre héros, il y a également des traces de divinité. Le mieux néanmoins pour simplifier c’est encore de considérer que notre héros est en fait un demi-dieu, mi-homme mi-dieu comme auraient pu le théoriser les Grecs. Son humanité semble vraiment incontestable, sa grande et quelque peu démonique adversaire la reine Maeve le dit d’ailleurs elle-même très bien : « I n-óenchurp atá. Imgeib guin immoamgeib gabáil. Variante du Lebor na hUidre ou livre de la vache brune : Fodaim guin ni mou gahail. Il est sujet à blessure, il n’est pas à l’abri d’une capture ». Plus prosaïquement on peut considérer aussi que ce n’est qu’un homme, mais vraiment extraordinaire à tout point de vue, presque une sorte de mutant. CE QUI REVIENT AU MÊME. D’où son évhémèrisation au sens strict du terme cette fois-ci, quelque part dans le Celticum d’origine il y a trois mille ans.
N.B. Evhémère. On doit à un philosophe grec du IVe siècle avant notre ère, Évhémère, une importante doctrine sur la genèse des dieux. Selon sa proposition, certains personnages divins ne seraient au départ que des hommes supérieurs, sacralisés par l’admiration ou la crainte du commun des mortels. Évhémère illustrait sa thèse en publiant, dans le cadre de son œuvre romanesque intitulée « l’histoire sacrée », qui nous narre sa découverte de l’île imaginaire de Panchaïe, face aux confins de l’Arabie Heureuse, une biographie de certains des dieux grecs avec leur lieu de naissance et de mort, ainsi que l’emplacement de leur tombeau. Le point saillant de l’Évhémérisme est son réductionnisme. En effet, Évhémère tend à ramener le sacré au profane en offrant une explication psychologique pour le processus de divinisation. Il n’est donc guère surprenant que cet aspect ait retenu l’attention des critiques des religions établies. Salomon Reinach a par exemple qualifié « La vie de Jésus » d’Ernest Renan d'"évhémérisme naïf ». Bref, le débat reste ouvert. Il a été dit qu’Évhémère par sa théorie cherchait à mettre en contradiction et pour le moins à mal la religion antique des Grecs
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puis celle des Romains. Difficile de dire si c’était déjà un athée ou un simple chercheur de vérité, car rien ne prouve ne qu’il ne croyait même plus en les dieux personnifiant les forces de la nature. L’Évhémérisme a été depuis Évhémère beaucoup utilisé. Le Prologue de l’Edda de Snorri nous présente par exemple les dieux scandinaves d’une façon évhémériste. N.B. En fait la théorie d’Évhémère vaut surtout pour des demi-dieux comme Jésus, Mahomet (voir ses miracles dans les hadiths et l’isma qui l’entoure), Sétanta Cuchulainn, Bouddha, etc.
Ce soir-là. En fait notre texte porte la mention nona qui signifie « à l’heure des nones ». Ce qui est la trace évidente d’un remaniement chrétien de cette partie du texte. Démons aériens. Terminologie chrétienne. Il s’agit soit de divinités des airs comme par exemple le vent du nord appelé Circius sur le Continent (les fameux vrais dieux immortels selon Évhémère) soit d’une glose voulant rendre l’expression gaélique précédente : geniti glinni. Bananach = ombre livide ? Bocanach = tête de bouc ? Geniti Glinni = fée des vallées ?? Voir contre-lais précédents pour avoir d’autres détails à leur sujet. En tout cas en la circonstance il s’agit sans aucun doute d’une tentative d’explication par les druides du phénomène de l’écho. Écho était d’ailleurs une nymphe dans la mythologie grecque si je ne m’abuse.
Nemania. Elle est citée dans d’autres passages du Lebor na hUidre ou Livre de la vache brune. C’est aussi une déesse ou plus exactement bien sûr une démone, de la fureur guerrière, associée à la Catubodua ainsi qu’à la Mara Rigu/Morrigu/fée Morgane. Pas simple tout ça. Ah ces Irlandais !
Tunique. Ou chemise ?
Mercredi. En gaélique cétáin, ce qui signifie littéralement premier jeûne, évidente expression chrétienne. À noter, la formule « de Samon (ios) à Ambolc » implique que tout ceci a duré… 3 mois. Ce qui fait quand même beaucoup et ne correspond nullement à la durée traditionnelle de la fameuse indisposition annuelle des Ulates (9 jours).
Cotail-siu ém bic… do thromthairtim chotulta. L’expression est difficile à rendre. Trom a un sens intensif, tairthim signifie torpeur ou mort, et chotulta signifie sommeil. La formule gaélique signifie peut-être tout simplement que notre héros s’est alors endormi d’un sommeil profond comme la mort.
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Retour au Lebor Laignech ou livre du Leinster.
Le hésus Cuchulain était donc pendant ce temps-là plongé dans un profond sommeil sur le tertre funéraire de Lerga. Il sortit de son sommeil et se passa la main sur le visage, il devint tout rouge de la tête jusqu’aux pieds, son esprit fut complètement revigoré, comme s’il devait se rendre à une réunion un défilé un rendez-vous galant dans une brasserie (coirmthech) ou à une des principales assemblées d’Irlande. Combien de temps ai-je été plongé dans ce sommeil, guerrier ? Quel malheur ! s’exclama le Hésus Cuchulainn. Qu’y a-t-il ? demanda le guerrier. Les troupes ennemies n’ont pas été attaquées pendant ce temps-là, s’écria le Hésus Cuchulainn. Ça n’a pas été le cas évidemment, répondit le guerrier. Alors, dis-moi qui les a donc attaqués ? demanda le Hésus Cuchulainn. Les jeunes sont venus du nord, d’Emain Macha, trois fois cinquante fils de rois ulates conduits par Follomain le fils de Cunocavaros/Conchobar, ils ont livré bataille à l’ennemi trois fois pendant les trois jours et trois nuits que tu as dormi, ils ont tué trois fois un nombre d’ennemis équivalent au leur, mais tous ces jeunes ont fini par périr eux aussi, à l’exception de Follomain le fils de Cunocavaros/Conchobar. Follomain s’était engagé à, etc. Quel dommage que je n’aie pas été alors en pleine possession de tous mes moyens, car si je l’avais été, ces jeunes gens ne seraient pas tombés et Follomain n’aurait pas succombé ! Continue à combattre, petit chien de Culann, ton honneur reste sans tache et ta valeur toujours aussi renommée. Reste avec nous cette nuit, O guerrier, demanda le Hésus Cuchulainn, que nous puissions ensemble venger tous ces jeunes sur nos ennemis.
Non je ne resterai pas, répondit le guerrier, car même si un homme accomplit de nombreux et valeureux exploits en ta compagnie, ce n’est pas lui, mais toi qui en auras la renommée ou la gloire. Donc je ne resterai pas, mais fais preuve de bravoure, seul contre toutes ces armées, car ce ne sont pas elles qui ont pouvoir sur ta vie pour l’instant.
Note de l’éditeur. Ici commence dans le manuscrit un long morceau visiblement censuré ou à tout le moins remanié, voire truqué ou inventé par un moine copiste chrétien, qui n’a pas fait que recopier apparemment. Ce morceau se trouve dans le livre de la vache brune (Lebor na hUidre), comme dans le livre du Leinster (Lebor Laignech). Le grand spécialiste français que fut d’Arbois de Jubainville l’analyse comme étant l’œuvre d’un chrétien qui a voulu enlever au dieu Lug l’honneur de la prodigieuse et surprenante victoire remportée par notre héros sur l’armada d’Ailill et de Maeve. Dans
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la rédaction primitive, après la phrase « Reste avec nous cette nuit, etc. » devait figurer un texte nous montrant le dieu Lug accédant à cette requête du hésus Cuchulainn et l’accompagnant donc ensuite sur le char muni de faux, afin de l’aider à tailler en pièces cette armada qui n’était pas invincible. Un exploit que le Hésus Cuchulainn n’aurait pu réussir seul. Le chrétien ayant censuré ou manipulé ce texte nous montre au contraire Lug refusant d’intervenir plus longtemps et met dans sa bouche un discours assez paradoxal. Et il est de fait qu’après avoir ainsi parlé, Lug disparaît du reste de l’histoire, ce qui est très suspect.
Le char armé de faux.
Le char armé de faux, maître Loeg, dit le Hésus Cuchulainn, peux-tu l’atteler ? Si tu as son équipement, attèle-le.
Alors le cocher alors se leva et enfila la tenue de guerrier qui convenait à la conduite d’un char. Cette tenue de cocher qu’il revêtit comprenait une douce tunique de peau, qui était légère et aérienne, souple et fine, bien cousue et en cuir de daim, qui ne gênait pas les mouvements des bras qui en dépassent. Par-dessus il enfila un manteau noir comme les plumes d’un corbeau.
Simon le magicien l’avait faite pour le roi des Romains, Darius l’avait donnée à Cunocavaros/Conchobar, Cunocavaros/Conchobar l’avait donnée au Hésus Cuchulainn, qui l’avait donnée à son cocher. Ce même aurige prit son casque à crête à quatre angles renforcé de plaques de métal, décoré de toutes sortes de couleurs et de figures, qui lui descendait largement sur les épaules. C’était un casque de parade pour lui et non une charge. Sa main posa sur son front le bandeau (gipni) orange (ndergbuide) comme une plaque d’or rouge d’or pur affiné sur le rebord d’une enclume, insigne de sa qualité de cocher le distinguant de son maître. Ro gab idata aurslaicthi a ech, il détacha les chevaux et prit dans sa main droite son fouet (del) décoré. Avec la gauche il prit les éssi astuda, les brides pour freiner les chevaux c’est-à-dire les rênes, afin de guider leur course.
Ensuite il mit sur les chevaux les cuirasses de fer ouvragées qui les couvrirent du front jusqu’à la cheville, de petits javelots de dards acérés de lances et de pointes dures, les roues du char étaient aussi hérissées d’une multitude de pointes et chaque coin chaque rebord chaque extrémité, avant ou arrière, du char, pouvait lacérer l’ennemi au passage. Ensuite il récita une prière (bricht) de protection sur ses chevaux et sur son compagnon afin que personne du camp ne puisse les voir, mais qu’eux puissent y voir tout le monde. Et il était normal qu’il puisse jeter un tel charme (bricht), car l’aurige était alors doté des trois grands boudismes (buada = don) de l’art de conduire un char, à savoir leim dar boilg, foscul n-díriuch and immorchor n-delind, sauter par-dessus les trous, charger en ligne droite, jouer de l’aiguillon (le fouet).
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 33.
Etc. Ce « etc. » n’est pas de nous, il figure dans le manuscrit en gaélique sous la forme &rl (une abréviation de formule latine). Lucien, dans son traité intitulé Zeuxis ou Antiochus § 8, attribue quatre-vingts chars armés de faux aux Galates ou Celtes d’Asie Mineure, dans une bataille contre Antiochus Soter vers l’an 272 avant notre ère. Sur ces chars armés de faux voir aussi le passage de Pomponius Mela, III, 6, où parlant des Celtes de Grande-Bretagne cet auteur écrit : Dimicant non equitatu modo aut pedite, verum et bigis et curribus gallice armatis ; covinos vocant, quorum falcatis axibus utuntur. Est à rapprocher Frontin, Stratagemata, livre II, cap. 3, § 18 : C. Caesar Gallorum falcatas quadrigas eadem ratione palis defixit, excepit inhibuitque. Ce que Frontin appelle quadriga c’est l’essedum des Celtes de Grande-Bretagne De Bello Gallico, livre IV, c. 32, 33, livre V, c. 9, 16, 17 ; cf. aussi les mentions d’essedarii, livre IV, c. 24 ; livre V, c. 15, 19. Fouet. Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, il s’agissait alors plutôt d’une sorte d’aiguillon.
Simon le magicien, etc. La référence à Simon le Magicien * est bien entendu d’origine chrétienne. Tout cela constitue un bel exemple de la sous-culture généralisée par le christianisme, qui, ne l’oublions pas, n’a dû son triomphe qu’au soutien que lui apporta, par pur opportunisme politique, l’empereur romain païen (mort non baptisé) Constantin, et en aucune façon à la force irrésistible de son amour (voir premier astérisque) ou au sang de ses martyrs : quelques milliers (pour mémoire la Seconde Guerre mondiale a fait 45 millions de morts civils dont environ 5 millions de juifs (4 millions pour le mémorial de Yad Vashem, 6 millions pour l’économiste et statisticien Jacob Lestchinsky). Les premiers massacres de masse ayant été le fait des groupes d’intervention mobiles d’extermination appelés Einsatzgruppen dès l’invasion de la Russie en 1941, puis après la conférence de Wannsee
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en 1942 du fait de la déportation dans des camps de travail ou d’extermination facilitée par l’action (en fait ambivalente donc) des Conseils juifs (Jüdenrate)**. N.B. Il convient de distinguer en l’occurrence les camps de concentration de travail ou de rééducation dont le but n’était pas l’extermination des prisonniers. Les premiers, à l’exemple de ceux qui furent construits à Cuba en 1897 par les Espagnols puis en 1900 par les Anglais lors de la guerre contre les Blancs d’Afrique du Sud, furent ouverts dès 1933 pour y reléguer des opposants allemands au nazisme (exemple communistes) voire des non-politiques considérés comme hostiles (homosexuels, etc.). Les camps de travail dont la mort lente des prisonniers semble bien avoir été une conséquence inévitable acceptée ou voulue. Les camps d’extermination quasiment immédiate dont le but était de perpétrer de façon industrielle presque des meurtres de masse (exemple Treblinka). Les deux premiers types de camps ont eu leur équivalent dans les démocraties, populaires, socialistes, ou plus largement « de gauche », qui se sont installées au pouvoir, par exemple dès 1933 en Russie, voire dès 1919 si l’on admet que Lénine est le premier à y avoir pensé.
N’oublions pas en outre que ce triomphe du christianisme sur le paganisme a été en fait également et par-là même, la victoire de l’obscurantisme sur la machine d’Anticythère, ainsi que l’a très bien montré le magistral film d’Alejandro Amenabar sorti en 2009 et intitulé Agora.***
* Simon de Samarie n’interprétait pas les premiers livres de la Bible de façon littérale, et son enseignement, sans être athée, relevait plus de la philosophie que de la religion. Sa cosmologie, telle qu’elle se dégage des extraits cités (pour les dénigrer) par les premiers chrétiens, révèle un penseur soucieux de rationalité, mais soucieux aussi de trouver pour l’Homme une voie libératrice. Simon de Samarie fut en son temps un prophète aussi célèbre que Jésus. Il attirait les foules, on l’écoutait, on le suivait. Nous avons de sa fin deux versions, sans doute toutes aussi fausses et mensongères l’une que l’autre. Dans une des versions, saint Pierre, jaloux de le voir réussir à voler, l’assassine en le faisant s’écraser au sol par ses prières. Dans la seconde, mis au défi de ressusciter, comme Jésus, il se fait enterrer vivant au pied d’un arbre, mais n’en ressort plus. On peut douter de la véracité de cette haineuse propagande chrétienne (la prière de saint Pierre pour faire périr ce grand philosophe concurrent peut quand même difficilement être assimilée à de l’amour) ; car de nombreuses personnes continuèrent à méditer ou à suivre son enseignement.
**Pour ce qui est de la responsabilité, avec le recul, l’Histoire a tranché. Il vaut mieux laisser les criminels occupant un pays se charger de tout de A jusqu’à Z et mourir ou se retirer s’enfuir ou disparaître plutôt que de se lancer dans une collaboration du genre de celle concédée par le malheureux Jacob Gens si l’on en croit l’Histoire des Juifs de Paul Johnston : « Quand ils me demandent mille juifs, je les donne. Car si nous, les Juifs, nous ne donnons pas de notre propre gré, les Allemands viendront et prendront ce qu’ils veulent par la force. Alors, ils ne prendront pas mille personnes, mais des milliers et des milliers. En en livrant des centaines, j’en sauve un millier. En en livrant un millier, j’en sauve dix mille ». Citation de mémoire. Cette remarque vaut d’ailleurs également pour la France de Vichy (1942).
***À propos de la victoire du christianisme sur la machine d’Anticythère, quelques précisions à ce sujet.
La machine d’Anticythère (appelée parfois « mécanisme d’Anticythère ») a été découverte en 1900 dans une épave près des côtes de l’île grecque d’Anticythère, entre Cythère et la Crète. C’est une calculatrice mécanique antique permettant de calculer des positions astronomiques. Le mécanisme en est fondé sur les cycles de progression de l’arithmétique babylonienne. Elle est datée d’avant – 87 et constitue donc le plus vieux mécanisme à engrenages connu. Cicéron évoque deux machines semblables. Ce qui implique donc que cette technologie existait dès le IIIe siècle avant notre ère. Les fragments retrouvés sont conservés au Musée national archéologique d’Athènes.
Pour en savoir plus sur Hypatie voir ce qu’à pu en écrire notre grand maître à penser le néo druide John Toland, car le film d’Amenabar est plutôt une préfiguration de ce qui va se produire avec le triomphe de l’islam, inéluctable à terme dans notre pays, puisque la majorité des intellectuels en vue de la Vieille Europe n’arrête pas depuis quelques décennies de poser dans tous les médias cette lancinante question qui nous interpelle donc nous aussi : « Pourquoi ne sommes-nous pas musulmans ? Serions-nous par hasard islamophobes ? On a bien vu avec Hitler… » ou « On a bien vu avec Staline…, etc., etc. » La réponse à toutes ces questions se trouve dans les leçons qui suivent.
Boudisme. Nous rendons par le néologisme boudisme la notion de charisme ou dons.
Prière. Nous rendons par prière le terme gaélique de bricht. Le dictionnaire électronique de la langue irlandaise le traduit par incantation, charme, magie, sort. Question de point de vue. Tout comme pour ce qui est de qualifier une entité surhumaine de dieu, ou de démon. Il s’agit d’un dieu pour qui croit de façon positive en cette entité, il s’agit d’un démon pour qui croit de façon négative en cette même entité. Pour le vrai chercheur objectif, il s’agit de la même chose, une entité surhumaine ambivalente. N.B. Les chrétiens n’ont en effet jamais nié l’existence réelle de certains dieux du paganisme, ils en
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ont fait des forces négatives rebaptisées démons par eux, voilà tout. Exemple notre malheureux Belin/Belen/Manannan assimilé à l’entité appelée Abaddon dans l’Apocalypse de Jean (9,11). Voir aussi à ce sujet les consternantes pages de Tertullien ou saint Augustin en la matière. À noter : il existe des prières « qui marchent », quel que soit le vrai dieu adoré, Allah Jéhovah ou Bouddha et il n’est pas toujours vrai que Dieu soit du côté des gros bataillons comme le disait Napoléon, mais on se demande bien dans certains cas pourquoi le vrai dieu a écouté les prières d’un camp plutôt que d’un autre. Prière donc disions-nous. Mais notre texte, lui, a l’air d’en faire une simple conséquence des exceptionnelles qualités de l’aurige de notre héros, à savoir charger en ligne droite, se jouer des creux du terrain et un certain mandubianisme (l’art de se faire obéir des chevaux). Nous n’avons rien à rajouter à cette étonnante définition si matérialiste athée de la prière si ce n’est qu’il peut y avoir aussi dans ce cas un effet psychosomatique genre placebo ou autosuggestion : l’homme qui prie mobilise toutes ses ressources intérieures, c’est là sa grande force (intérieure, avons-nous dit). À condition bien entendu qu’il n’agisse pas d’une prière de soumission à la volonté d’un autre, mais d’une prière-combat de type lorica justement.
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Is and sin ro gab in caur & in cathmílid & in t-innellchró Bodba fer talman, Cú Chulaind mac Sualtaim, ro gab a chatheirred catha & comraic & comlaind imbi. Alors notre champion, ce guerrier, celui qui allait préparer le champ clos sanglant de la Bodua destiné aux hommes de la terre de ??? le Hésus Cuchulainn fils de Sualtam, mit sa tenue de combat faite pour la guerre et les batailles ; les vingt-sept chemises portées à même la peau, cirées, blindées avec des plaques de métal (clarda), collées les unes aux autres (comdlúta), qui étaient serrées par des liens des cordes et des lanières de cuir à même sa belle peau blanche, afin qu’il ne perde pas la tête quand il entrerait en transe guerrière (ndechrad). Par-dessus il mit son plastron de combat en cuir très résistant, dur et tanné, fabriqué à partir de la peau des épaules (formna) de sept taurillons d’un an, qui lui protégeait les flancs jusqu’aux aisselles ; il avait l’habitude de la porter afin d’arrêter les javelines les javelots les dards les lances et les flèches, car tous ces traits rebondissaient dessus comme s’ils s’étaient heurtés à de la pierre du rocher ou de la corne.
Ensuite il mit un tablier de soie légère au bord brodé d’or blanc piqueté de toutes les couleurs, sur la partie inférieure ? (ichtur) la plus sensible ? (moeth) de son ventre. Par-dessus son tablier en soie légère il enfila un tablier de couleur sombre en cuir brun flexible fait avec la peau de l’épaule de quatre taurillons d’un an avec un ceinturon de combat en cuir de vache par-dessus. Ensuite notre royal héros prit ses armes de guerre pour l’affrontement et la bataille. Voici quelles étaient ces armes : sa lumineuse épée au pommeau d’ivoire et ses huit glaives ; son javelot à cinq pointes et ses huit petites javelines ; sa lance de démonstration ? et ses huit petites piques. Il prit ses huit boucliers en sus de de bouclier bombé rouge foncé dans l’umbo duquel aurait pu tenir le porc destiné à un aubergiste (téiged torc taisselbtha), avec tout autour sa bordure acérée tranchante comme un rasoir, qui aurait pu couper un cheveu flottant dans un cours d’eau, tellement elle était tranchante comme un rasoir et acérée. Quand le guerrier frappait de taille avec (fáeborchless) avec, il aurait pu couper avec ce bouclier aussi bien qu’avec son javelot ou son épée.
Ensuite il mit sur sa tête son casque de guerre à crête destiné aux batailles aux combats et aux affrontements, d’où il poussait le cri de cent guerriers, un cri comme démultiplié par chacun de ses coins ou de ses angles, car les bánanaig & bocánaig & geiniti glinne & demna aeóir les bananach les bocanach les geniti glinni et les démons aériens, avaient l’habitude de hurler avec pareillement (sic, voir contre-lais précédents) devant lui au-dessus de lui et autour de lui, où qu’il aille, en annonçant de la sorte que le sang des guerriers ou des champions allait couler à flots. Ainsi fut jeté sur lui le caparaçon de protection (tlachtdillat) invisible de la Tir Tairngire (Terre promise) que lui avait remis Belin/Belen/Barinthus/Manannan fils de Lero, le roi de la Terre de Lumière (Tir na Sorcha).
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Contre-lai (commentaire) néo druidique Nº 34.
Tir Tairngire. Terre promise ou terre de la promesse. Nom de l’autre monde parallèle au nôtre des dieux et/ou des morts dans la terminologie gaélique influencée par le christianisme. Autre nom Mag Meld, etc. Tir na Sorcha. Terre de lumière. Nom synonyme de l’autre monde parallèle au nôtre des dieux et/ou des morts dans la terminologie gaélique. Manannan. Soyons clairs. Manannan en gaélique c’est tout simplement le dieu (ou démon du point de vue chrétien) particulièrement honoré dans l’île de Man. Mais de quel dieu, ou avatar de dieu, pouvait-il bien s’agir ici ??? Certains pensent qu’il s’agissait de Lug ou de Taran/Toran/Tuireann. En ce qui nous concerne, vu le portrait que nous en dressent les légendes, nous inclinons en faveur de Belin (os) ou de Belen (os) Lero. Lir en gaélique. Nom du dieu de l’océan. Cas inverse de celui de Manannan, là c’est l’île qui a pris le nom du
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dieu. Un de ses sanctuaires les plus connus se trouvait en effet dans les îles de Lérins en Méditerranée (voir Strabon, livre IV, chapitre I, 10. Sur Léron se trouve aussi le temple d’un grand héros, celui qui fut élevé en l’honneur de Lero. Cette île se trouve au large d’Antipolis…)
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C’est alors que se produisit la première des contorsions (transes) de sa fureur guerrière, il devint méconnaissable, horrible et merveilleux à la fois. Son corps trembla comme un tronc d’arbre jeté au travers d’un torrent ou comme un roseau dans le courant, chacun de ses membres, chacune de ses jointures, chacune de ses articulations, des pieds à la tête et de la tête aux pieds, son corps tout entier se retourna furieusement dans sa peau. Ses pieds, ses tibias, ses genoux, passèrent derrière lui, ses talons ses mollets ainsi que ses genoux devant. Les muscles de ses mollets passèrent devant ses tibias, et gonflèrent au point de devenir aussi gros que le poing fermé d’un soldat. Les muscles de sa nuque se nouèrent et formèrent une boule énorme, immense, incommensurable, aussi grosse que la tête d’un enfant âgé d’un mois. Son visage devint comme une boule toute rouge. Un de ses yeux s’enfonça tellement dans sa tête qu’il aurait été difficile à une grue sauvage de l’en extraire. L’autre était au contraire si exorbité qu’il en sortait de sa joue. Sa bouche se déforma de façon monstrueuse. Ses joues se retirèrent des mâchoires au point de laisser entrevoir l’intérieur de sa gorge. Il recracha ses poumons qui semblèrent comme flotter dans sa bouche et son gosier. Ses mâchoires claquèrent l’une sur l’autre comme celles d’un loup fou furieux en s’ouvrant tellement que chacune des flammèches rouges et ardentes qui forçaient le barrage de ses dents pour sortir de sa bouche était aussi grande que la toison d’un mouton de trois ans. On pouvait entendre les battements de son cœur résonner comme les cris d’un chien de vautrait qui aboierait ou ceux d’un loup affrontant des ours. Les flambeaux de la Bodua, des nuages de poison, des étincelles de feu rougeoyantes, flamboyantes et fulgurantes, jaillirent de sa tête comme des nuages ou nuées avec le débordement de cette la fureur vraiment sauvage qui émanait de sa personne. Il avait les cheveux hérissés sur la tête comme les épines d’un acacia poussé dans l’ouverture d’une grande haie. Si on avait secoué le pommier d’un roi chargé de fruits royaux pour qu’ils tombent, rares sont les pommes qui auraient pu passer au travers et atteindre le sol, car elles se seraient plutôt comme embrochées sur le moindre de ses cheveux, tant était grande la force de la fureur guerrière à mesure qui s’en élevait au-dessus de lui. Le Lon Laith (lumière de héros) sortait de son front, aussi long et aussi épais que la pierre à aiguiser d’un guerrier. Aussi élevé, aussi large, aussi fort, aussi raide, aussi haut que le mât d’un immense navire royal était le jet de sang noir qui jaillissait tout droit sommet même de sa tête ; et donnait ainsi naissance à un nuage noir semblable à la fumée sortant d’un hôtel royal quand y vient le roi pour s’y reposer un jour d’hiver à la tombée de la nuit.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique N° 35.
En ce qui concerne l’invisibilité procurée par le caparaçon ou la cape magique donnée par Belin/Belen/Barinthus/Manannan, on ne peut qu’être dubitatif. Il est difficile de croire qu’un tel pouvoir ait réellement existé ! Ce que veut dire le poète ayant composé ce récit, c’est que tout s’est passé comme si les Irlandais n’avaient pas été capables de voir ou de viser leur assaillant. Les étonnantes prouesses physiques dont le Hésus Mars, ou Cuchulainn en Irlande, était capable, si l’on en croit ce qui est évoqué ci-dessus, ne sont peut-être que l’exagération ou la déformation d’une véritable et authentique soumission du corps à l’âme ou à l’esprit, résultant soit d’une longue pratique des arts martiaux soit de transes de type berserkr.
Marie-Louise Sjoestedt fait remarquer qu’il existe des monnaies sur lesquelles on peut apercevoir de petites boules entre les cheveux dressés verticalement d’une tête y figurant. Les Celtes avaient l’habitude, avant le combat, de se laver les cheveux avec de l’eau légèrement additionnée de craie en poudre. Ce qui leur donnait de grosses mèches raides et durcies, collées ensemble et entremêlées, les faisant quelque peu ressembler à des hérissons, mais passablement efficaces (meilleure résistance aux coups). L’abondance des noms celtiques en cassi – quelque chose est peut-être une allusion à ce type de coiffure.
Lon laith. Laith vient du vieux celtique late qui signifie héros. Un phénomène comparable est prêté à Moïse (cf. Exode, chap. 34, versets 29, 30, 35). La question est donc : pourquoi serait-ce vrai pour Moïse et faux pour Sétanta Cuchulainn ?
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Iarsin ríastrad sin ríastarda, après les contorsions de cette entrée en transe, le Hésus Cuchulainn sauta dans son char de guerre, serda cona erraib iarnaidib, cona fáebraib tanaidib, cona baccánaib & cona birchrúadib, cona thairbirib níath, cona glés aursloicthi, cona tharngib gaíthe bítis ar fertsib & iallaib & fithisib & folomnaib dun charput sin, armé de faux, bardé de lames de fer, de tranchants comme des rasoirs, de crochets, de pointes acérées, de ciseaux pour faucher les guerriers, d’équipement pour éventrer, d’aiguilles fixés sur les essieux les lanières les boucles et les attaches du char.
Is and sin focheirt torandchless cét & torandchles dá cét & torandchless trí cét & torandchless cethri cét, Ensuite il exécuta le bruit du tonnerre de cent le bruit du tonnerre de deux cents le bruit du tonnerre de trois cents le bruit du tonnerre de quatre cents, mais il s’arrêta juste avant de passer au bruit du tonnerre de cinq cents, car il estima que c’était là le minimum d’ennemis qui tomberaient à l’occasion de sa première charge et de son premier engagement contre les quatre provinces d’Irlande. Il avança de cette façon afin de charger sus à l’ennemi, mais fit d’abord faire à son char un grand circuit autour des quatre grandes armées provinciales d’Irlande. Tout en conduisant lourdement. Les roues de fer du char s’enfoncèrent si profondément dans le sol que la façon dont elles labourèrent ainsi la terre creusa un fossé pouvant convenir à un fort ou une forteresse, elles faisaient jaillir de terre un talus de rochers de pierres de galets ou de gravier montant jusqu’à la hauteur des roues en fer.
Il fit le cercle de la Bodua autour des quatre grandes armées provinciales d’Irlande afin qu’elles ne puissent lui échapper en s’éparpillant tout autour de lui tant qu’il n’en aurait pas tiré vengeance en les taillant ainsi en pièces, pour tout le mal fait aux jeunes Ulates. Puis le Hésus Cuchulainn s’élança sur les premiers de leurs rangs et tourna tout autour en laissant derrière lui une montagne de cadavres ennemis fauchés comme de l’herbe. Il effectua cette attaque comme l’on peut traiter ses ennemis de sorte qu’ils tombèrent en rangs serrés, couchés bond fri bond & méide fri méide, plante des pieds contre plante des pieds nuque contre nuque ? tant il y avait de corps. Trois fois de suite il tourna ainsi autour d’eux en laissant un andain (une couche) de six cadavres d’épaisseur derrière lui, c’est-à-dire bonn tríir fri méide tríir, les plantes des pieds de trois hommes contre la nuque de trois autres hommes ? tout autour du campement. D’où vient que le nom de cet épisode dans le récit de l’enlèvement est « grand massacre par groupe de six » (Seisrech Bresslige), et c’est une des trois tueries de l’expédition dont le nombre de victimes ne peut être calculé, à savoir « le grand massacre par groupe de six », « le massacre mutuel de la vallée profonde », la « bataille de Garech et Ilgarech ». Il y périt autant de chiens et de chevaux que d’hommes. D’autres disent que Lug fils d’Ethliu combattit avec le Hésus Cuchulainn tout au long de ce grand massacre par groupe de six. Leur nombre n’est pas connu et il n’est pas possible non plus de dire combien de simples soldats sont tombés là, mais leurs chefs, eux, ont été dénombrés. Ci-dessous leurs noms.
Les deux Cruad, deux Calad, deux Cir, deux Ciar, deux Ecell, trois Cromm, trois Cur, trois Combirge, quatre Feochar, quatre Furachar, quatre Cas, quatre Fota, cinq Caur, cinq Cerman, cinq Cobthach, six Saxan, six Dauith, six Daré, sept Rochad, sept Ronan, sept Rurthech, huit Rochlad, huit Rochtad, huit Rindach, huit Mullach, neuf Daigith, neuf Daré, neuf Damach, dix Fiach, dix Fiacha, dix Fedlimid. Le Hésus Cuchulainn tua cent trente rois lors du grand massacre de la plaine de Muirthemné, et une foule innombrable de chiens de chevaux de femmes de garçons d’enfants et de gens du commun. À peine un Irlandais sur trois put en réchapper sans avoir un fémur brisé, une moitié de la tête fracassée, un œil crevé, ou en être marqué à vie.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 36.
Torandchless cét, torandchles dá cét. Le tonnerre de cent, de deux cents, etc. On se perd en conjectures sur la signification exacte de ces expressions gaéliques. Le grand spécialiste français de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, d’Arbois de Jubainville, pense que cela évoque le guerrier à char frappant son bouclier de sa lance afin de faire du bruit, de plus en plus fort, autant qu’une centaine d’hommes réunis, que deux cents, et ainsi de suite… avant de charger.
Le massacre mutuel de la vallée profonde. Notre texte donne ici Glenn amna. Mais d’après Windisch il faudrait lire Glendamrach. Bof !
Seisrech Bresslige. Faut-il prendre toutes ces indications de massacre au sens littéral comme dans la Bible, par exemple dans 2 Samuel 8, 2 : « David battit également les Moabites. Il les fit se coucher sur le sol et les mesura ensuite avec un cordeau. Les deux tiers furent mis à mort, et le troisième tiers laissé en vie » ? Seuls les einsatzgruppen nazis de la Shoah par balles ont fait pire (cf. les SS en Russie en 1941).
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Notre conviction à nous est que, dans le cas de cette Bible du druidisme en tout cas, la réponse à cette question est non. Le conteur exagère, et tout le monde le sait, mais le public joue le jeu. Dans le cas de la Bible des témoins de Jéhovah par contre, nous laissons à nos lecteurs le soin de décider, si tous ces chiffres et toutes ces lettres sont à prendre au sérieux, ou pas. En cas de doute, se reporter à ce qu’en dit John Toland. C’est toujours un bon guide, c’est un bon maître. Mais s’ils sont à prendre au sérieux, c’est doublement terrifiant. Effrayant parce qu’un tel massacre a eu lieu sur ordre de Dieu. Effrayant parce qu’il y a donc eu et qu’il y a peut-être encore d’ailleurs, des êtres humains, pouvant justifier une telle horreur commise au nom du dieu d’amour d’Abraham de justice de Jacob le seul vrai l’unique, etc.
D’autres disent que Lug fils d’Ethliu combattit avec le Hésus Cuchulainn tout au long de ce grand massacre par groupe de six… On ne saurait mieux dire a) que nos contes et légendes connaissent de nombreuses variantes b) que certains moines copistes n’ont pas reproduit certains passages. La tâche des reconstructeurs n’en est donc que plus compliquée. N.B. C’est sur cette mention que s’appuie le grand spécialiste français d’Arbois de Jubainville pour affirmer qu’il y a eu censure de cette partie du mythe par un moine copiste chrétien.
Une foule innombrable de chiens de chevaux de femmes de garçons d’enfants et de gens du commun. Le Hésus Cuchulainn en principe ne s’en prend ni aux femmes ni aux enfants.
« Ne savez-vous pas, toi Fergus et les nobles ulates que ná gonaim-se aradu nó echlacha nó áes gan armu, je ne m’en prends ni aux cochers ni aux messagers ni à ceux qui sont démunis d’armes ? »
Trois explications possibles.
La première : il s’agit de morts indirectes (dans la panique, etc.)
La seconde : il s’agit d’une manipulation du moine copiste chrétien auteur de la censure signalée plus haut.
La troisième : le barde a voulu naïvement souligner l’ampleur du massacre d’ennemis qu’il entendait attribuer à notre héros. De toute façon il s’agit d’une bataille mythique, alors…
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L’aspect plus lumineux du Hésus Cuchulainn.
Le Hésus Cuchulainn vint le lendemain pour observer l’armée, mais aussi pour se montrer sous un jour plus aimable et plus beau à voir, aux dames aux femmes aux filles aux vellèdes (poètes) ainsi qu’aux artisans, Uair nír miad ná mais leis in dúaburdelb druídechta tárfás dóib fair in adaig sin riam reme, car il estimait que ne lui faisait pas honneur et n’était pas digne de lui la sombre apparence de berserkr (druidechta) sous laquelle il leur était apparu la nuit précédente. Aussi voulut-il donc leur montrer ce jour-là son apparence aimable et belle à voir.
Ce fut donc assurément un beau garçon que le jeune homme qui vint s’exhiber de la sorte devant les troupes, Sétanta Cuchulainn fils de Sualtam. Il avait trois teintes de cheveu, brune à la racine, rouge-sang au milieu, et comme une couronne d’or rouge au-dessus de la tête. Admirable était leur coiffure, trois chignons dans le creux de la nuque, et chacun des beaux cheveux qui en sortaient ressemblaient à de beaux fils d’or déliés, ils formaient de longues nattes très fines à la couleur magnifique en tombant sur ses épaules. Il avait une centaine de boucles de cheveux d’un pourpre éclatant et comme en or rouge qui flamboyaient autour de son cou. Une centaine de snáth (fils) couleur saumon perlés d’escarboucles autour de la tête. Il y avait quatre tibri (mouches ?) de couleur différente sur chacune de ses joues, une jaune une verte une bleue et une pourpre. Sept gemmes brillaient dans chacun de ses yeux majestueux. Ses pieds avaient sept orteils, ses mains sept doigts, tous ayant la puissance des serres de faucon ou des griffes de hérisson.
Ce jour-là il avait revêtu son habit des jours de fête. En faisait partie un beau manteau, bien ajusté, pourpre, à frange, à cinq plis. Une broche blanche d’argent blanc incrusté d’or sur sa belle poitrine blanche, semblable à un phare qu’on ne pouvait regarder à cause de sa brillance et de sa splendeur. Une chemise de soie fine à même la peau, tout ornée d’ourlets de galons et de franges, en or en argent et en bronze blanc, descendant jusqu’au-dessus de son tablier de couleur sombre, brun rouge, martial, fait de satin royal. Il avait un magnifique bouclier de couleur pourpre foncée, à bordure en argent blanc tout autour. Il portait une épée ouvragée à pommeau d’or au côté gauche. Dans le char à ses côtés il y avait une longue lance au fer bleu et un javelot d’attaque muni d’une splendide courroie (de propulsion) ainsi que de rivets de bronze blanc. Il tenait neuf têtes dans une main et dix dans l’autre, et il les brandissait devant les troupes en guise de trophées prouvant sa valeur et ses exploits
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guerriers. Maeve se cacha le visage sous un abri de boucliers ce jour-là de peur que le Hésus Cuchulainn ne puisse tirer sur elle.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 37.
Berserker. Nous traduisons ainsi le terme gaélique druidechta qui signifie bien évidemment druidisme, mais en un sens diabolisé par les chrétiens (druiderie). Il convient donc de rectifier le tir. D’où notre proposition de traduction. Nous disons bien « proposition de traduction », car le simple fait que nous mentionnons entre parenthèses le terme gaélique exact que nous prenons la liberté de traduire de la sorte prouve bien que nous n’avons nullement l’intention d’induire en erreur le lecteur à ce sujet. Ce n’est qu’une question de traduction. La traduction est un art difficile ainsi que nous avons eu maintes fois l’occasion de le dire en commentant les propos du druide de Marseille rapportés par Lucien. Un des problèmes majeurs du néo-druidisme est en effet celui de la qualité de la traduction de ses textes écrits. Toute traduction en effet consiste en l’interprétation du sens d’un texte dans une langue (« langue source », ou « langue de départ »), et de produire un texte de sens et d’effet équivalents sur un lecteur ayant une langue et une culture différentes (« langue cible », ou « langue d’arrivée »). Et ceci vaut également bien sûr pour le Christianisme dont les textes sacrés fondateurs sont souvent issus d’une double voire triple traduction. L’exemple classique est constitué par les évangiles, dont les plus anciens manuscrits connus sont rédigés en grec ancien, mais nous rapportent des propos vraisemblablement tenus en araméen. La traduction du Coran est d’ailleurs tout aussi problématique, mais doit également être défendue afin de ne pas laisser son interprétation entre les mains des deux grands obscurantismes qui existent en la matière : les courants de non-pensée fondamentalistes ou les courants de non-pensée occidentaux, assez bêtes ou ignares pour assimiler l’islam à la théorie de la religion naguère prépondérante dans leur pays, et donc à n’y voir qu’amour paix non-violence égalité justice, bref le paradis sur terre. On peut en effet douter de l’intelligence de ces deux courants de pensée ou plus exactement de non-pensée, car ce qui les caractérise tous deux c’est plutôt l’absence d’esprit critique, même si les auteurs objectivement dans la mouvance de ces deux grandes sensibilités socio-politico-religieuses (« intellectuels » croyants donc en Allah ou « intellectuels » occidentaux ne comprenant pas comment on peut ne pas être musulmans, cas de beaucoup de gens de médias en France et en Europe de l’Ouest) sont évidemment toujours vexés intérieurement de ne pas être tenus pour des intellectuels, mais pour des perroquets, retransmettant simplement les idées qu’ils ont reçues en ce domaine, et non le fruit de leur quête du Graal à eux, le fruit de leur réflexion personnelle. Comme le disait jadis Montaigne, mieux vaut pourtant avoir une tête bien faite qu’une tête bien pleine (pleine de réflexes conditionnés ou d’idées fausses). Or l’islam désapprend à raisonner en profondeur, voire étouffe tout esprit critique.
Exemple : comment peut-on croire et répéter qu’Adam a trouvé à la place de l’actuelle Kaaba un temple déjà construit et qu’il y fit de nombreux pèlerinages ? Alors que par définition (y compris en admettant la métahistoire judéo-islamo-chrétienne), il fut le premier homme terre ? Ce lieu de prière avait-il été construit par des extraterrestres ou des Atlantes ? Le fondamentalisme juif rend bête. Le fondamentalisme chrétien rend bête. Et le fondamentalisme musulman en rajoute une troisième couche. C’est de la bêtise au cube. Une montagne de non-vérités sur un soubassement déjà fait de non-vérités (Adam, Abraham, etc.). L’islam rend bête à manger du foin plutôt qu’une excellente viande de porc.
Trois teintes de cheveux. Autrement dit donc, il s’était teint les cheveux. De deux couleurs différentes, le brun étant sa couleur naturelle (tant pis pour les racistes), un peu comme certains excentriques d’aujourd’hui.
Les escarboucles. Même principe peut-être que pour les rivières de diamants aujourd’hui.
Tibri. Il est difficile de traduire le mot gaélique tibri. Sans doute de petites taches de couleur. Même principe donc que les mouches ou faux grains de beauté (naevus) utilisés pour faire ressortir la blancheur de la peau.
Un beau garçon donc peut-être, mais bien étrange aussi (un mutant ?) étant donné la naissance un peu particulière du Hésus Mars appelé Cuchulainn en Irlande – une triple conception, Sualtam son père adoptif n’en étant que son père nourricier bien que du sidh lui également – il était peut-être affecté par une maladie génétique rare ; pouvant expliquer ces sept doigts aux mains et ces sept orteils aux pieds.
Courroie de propulsion. Une sorte de propulseur, mais sous forme d’une lanière de cuir repliée, fixée au milieu du javelot, un peu à l’arrière du centre de gravité, dans laquelle on engageait les deux premiers doigts de la main, la hampe du javelot étant tenue avec les doigts restants. Permet
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d’augmenter considérablement la portée de l’arme en question. De 20 mètres à 80 mètres par exemple lors des expériences faites par le général Reffye.
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La jalousie de Dubthach.
Les femmes supplièrent alors les hommes d’Irlande de les hisser au-dessus des épaules des guerriers sur le plateau de leurs boucliers afin qu’elles puissent voir à quoi ressemblait le Hésus Cuchulainn. C’est pourquoi elles s’émerveillèrent au vu de la beauté ou de l’aimable apparence qu’il avait ce jour-là comparée à la ténébreuse et démoniaque (doescairi) forme de berserker (druidechta) qu’il avait revêtue la nuit d’avant. Dubthach le médisant d’Ulidia fut alors saisi d’envie de dépit et d’une grande jalousie à propos de sa femme, il fut d’avis de trahir et d’abandonner le Hésus Cuchulainn aux troupes irlandaises, c’est-à-dire de lui tendre une embuscade, et de l’envelopper de toutes parts afin de le tuer. Ci-dessous ce qu’il leur conseilla.
S’il s’agit du contorsionniste
Il y aura des cadavres d’hommes à cause de lui
Il y aura des cris autour des lices
On en fera des épopées
Les corbeaux seront rassasiés.
Des stèles seront érigées sur les tombes à cause de lui
Il y aura prolifération des morts de roi
Vous ne vous êtes pas bien battus
Sur les pentes de la colline contre ce fou furieux (foendelach) !
De ce fou furieux, je vois la silhouette
Il transporte neuf têtes sur ses coussins
Je vois les dépouilles sanglantes qu’il exhibe
Dix têtes en tant que trophées de son triomphe.
Je vois comment vos femmes dressent
La tête au-dessus des épaules des guerriers
Je vois votre grande reine
Qui refuse de livrer bataille.
Si j’étais votre conseiller
Des guerriers lui tendraient une embuscade et l’encercleraient
Afin de pouvoir mettre fin à sa vie,
Tel serait le sort du contorsionniste !
Fergus fils de Roech entendit cela et il s’indigna que Dubthach puisse ainsi conseiller aux troupes de se comporter de façon aussi déloyale avec le Hésus Cuchulainn. Aussi donna-t-il à Dubthach un grand et violent coup de pied (où ?) qui le fit tomber face contre terre devant elles. Et ensuite à charge contre lui Fergus rapporta les torts les injustices les tricheries et les mauvaises actions, qu’il avait toujours perpétrées contre les Ulates. Il leur tint le discours suivant.
Si c’est bien Dubthach à la langue fourchue.
Qu’il se retire à l’arrière-garde
Il n’a rien fait de bon
Depuis qu’il a tué les femmes ?
Il s’est rendu coupable d’un infâme et terrible crime
La mort de Fiacha fils de Cunocavaros/Conchobar
Et n’est guère plus beau l’autre exploit qu’on lui attribue
La mort de Carpre fils de Fedilmthe.
Ce n’est pas pour la puissance des Ulates
Que le fils de Lugaid fils de Casruba se bat.
Voici comment il traite les hommes :
Ceux qu’il ne peut tuer il incite à le faire.
Les exilés d’Ulidia ne souhaitent certes pas
Que leur fils à tous, encore imberbe, soit tué.
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Quand les Ulates arriveront
Ils vous dépouilleront de leurs troupeaux.
Vos troupeaux vous seront enlevés
Devant les Ulaid quand ils se relèveront de leur maladie
Il y aura de puissants hauts faits, rapportés dans des chansons de geste
Et des reines en pleurs.
On piétinera sur les cadavres
Il y aura de la nourriture pour les nids de corbeau ?
Les boucliers seront abandonnés sur les pentes des collines
La fureur se déchaînera partout.
Je vois comment vos femmes dressent
La tête au-dessus des épaules des guerriers
Je vois votre grande reine
Qui refuse de livrer bataille.
Le lâche fils de Lugaid
N’accomplira jamais ni courageuse ni généreuses actions
Et aucun roi ne verra de lances rougies de sang
Si c’est Dubthach à la langue fourchue qui les manie.
Ici se termine « Le char armé de faux ».
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 38.
Lices. Nous traduisons ainsi le gaélique lissu qui désigne également un espace clos par un rempart entourant des habitations. Fou furieux. Le lai attribué au guerrier d’origine ulate nommé Dubthach confirme bien en effet le caractère berserker du Hésus Cuchulainn. Fourchue. Nous traduisons ainsi le terme gaélique doel qui signifie certes médisant au sens figuré, mais en se référant à un insecte d’une espèce difficile à préciser, genre cafard ou bousier (= scarabée commun). Encore une fois tout se passe entre Ulates, drôle d’armée d’invasion « irlandaise », les « Irlandais » n’y ont qu’un rôle de figurant. Comment douter après cela de l’appartenance au cycle d’Ulster d’un tel récit ? Avec de tels alliés on n’a pas besoin d’ennemis pourraient dire maints généraux de nos armées (par exemple en Afghanistan).
Carpre Fiacha et autres (les femmes, etc.). Tout ceci a dû se produire lors de l’épouvantable guerre civile qui avait ravagé le royaume des Ulates quelque temps auparavant, voir chapitres précédents, l’exil de beaucoup des amis de notre héros.
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Chapitre XVIII.
La mort d’Oengus, fils d’Oenlam.
C’est alors qu’un hardi guerrier des Ulates appelé Oengus fils d’Oenlam Gabe, s’approcha de l’arma, et la fit bifurquer devant lui de Moda Loga, que l’on appelle maintenant Lugmud, jusqu’au Gué des deux tertres funéraires qui se trouve dans la montagne de Fuat. Des savants (eolaig) disent que s’ils étaient allés affronter Oengus fils d’Oenlam Gabe en combat singulier, un par un, les deux tiers de l’armée seraient tombés devant lui. Mais ce n’est pas ce qu’ils firent, ils lui tendirent une embuscade, l’enveloppèrent de toutes parts, et le tuèrent au gué des deux tertres funéraires dans la montagne de Fuat.
Le coup manqué de la passe de l’oiseau.
Ensuite arriva l’Ulate Fiacha Fialdana pour s’entretenir avec le fils de la sœur de sa mère, à savoir Mané le rapide, du Connaught, il vint avec Dubthach l’Ulate à la langue fourchue. Mané le diligent, lui, de son côté, vint avec Doche fils de Maga. Quand Doche fils de Maga vit Fiacha Fialdana, il lança un javelot sur lui, mais le javelot transperça son ami, l’Ulate Dubthach à la langue fourchue. Fiacha lança un javelot sur Doche fils de Maga, mais il traversa son parent, Mané le diligent du Connaught. Ce sont des tirs de javelots mal ajustés qui les ont tués, chacun d’eux a touché son ami ou son parent, dirent les Irlandais. D’où le titre de « coup manqué de la passe de l’oiseau », mais « L’autre coup manqué de la passe de l’oiseau » en est un aussi.
Ci-dessous maintenant l’histoire du déguisement de Tamon.
Les Irlandais dirent alors à Tamon le ? (gaélique druith) de mettre les habits d’Ailill ainsi que sa tiare d’or et de se rendre sur le gué devant eux. Il mit donc les vêtements d’Ailill ainsi que sa tiare d’or et alla sur le gué situé devant eux. Les Irlandais se mirent à se gausser à rire ou à se moquer de lui. « C’est avec toi le couronnement (tuige) du tronc (tamon) », lui criaient-ils, « que de revêtir ainsi les habits d’Ailil et sa tiare en or ». C’est pourquoi cette histoire est donc appelée le déguisement de Tamon ou le couronnement d’un tronc. Le Hésus Cuchulainn aperçut Tamon et il lui sembla, ignorant tout cela et faute de plus amples informations, que c’était Ailill en personne qui était là. Il lui lança une pierre avec sa fronde et le laissa raide mort à l’endroit du gué où il se trouvait.
Aussi ce lieu s’appelle-t-il désormais le Gué du tronc et l’épisode est dit « le couronnement du tronc » (Tamon).
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 39.
Des savants. On ne saurait mieux dire que l’auteur de cette compilation a consulté divers manuscrits pour la réaliser. Cet épisode devait sans doute être plus développé, notre « auteur » l’a résumé.
Un autre titre ? Cette remarque indique bien elle aussi que l’auteur de la compilation a consulté plusieurs manuscrits avant d’écrire le sien. Il a d’ailleurs également vraisemblablement résumé cet épisode. On a exactement le même phénomène dans la Bible. Les mentions qui suivent…
« Et le soleil s’arrêta, et la lune suspendit sa course, jusqu’à ce que la nation eût tiré vengeance de ses ennemis. Cela n’est-il pas écrit dans le livre de Yashar (du Juste ?) » Josué chapitre 10, verset 13.N.B. Si Juste est bien la bonne traduction de Yashar, ça ne manque pas de sel alors, car rien n’est plus imaginaire que l’événement ainsi mentionné. Il est invraisemblable (car si la terre s’était arrêtée de tourner sur son axe, pour que le phénomène de l’alternance du jour et de la nuit soit bloqué, des catastrophes gravissimes se seraient alors produites, et l’on aurait un peu partout des traces géologiques ou archéologiques ou autres de tels cataclysmes), mais cela prouve au passage que l’auteur qui a copié cela dans le livre en question pensait lui aussi, que c’est le soleil qui tourne autour de la terre et non l’inverse.
« C’est pourquoi il est dit, au livre des batailles de Yahweh ce qu’il a fait en Mer Rouge et dans les torrents de l’Arnon » (Nombres chapitre 21, verset 14). N.B. Au passage, que peuvent bien être ces guerres livrées par un dieu d’amour ??? Car dieu est amour comme chacun sait (ou devrait le savoir).2 Rois chapitre 14. « « Le reste des actions accomplies par Joas ainsi que sa puissance, et comment il combattit contre Amatsia roi de Juda, tout cela n’est-il pas écrit dans le livre des
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chroniques des rois d’Israël ? » (verset 15.)« Et le reste des actions d’Amatsia n’est-il pas écrit dans le livre des chroniques des rois de Juda ? » (verset 18…)
Prouvent que le ou les auteurs de cette gigantesque compilation hétéroclite (que viennent faire un livre quasiment athée comme l’ecclésiaste* ou l’ode érotique** qu’est le cantique des cantiques dans tout ça ?) n’ont pas noté à la volée (comme le prétendent les musulmans dans le cas de leur Bible à eux, le Coran), une quelconque parole divine, mais ont consulté, pour composer le leur, différents écrits. En n’y sélectionnant que ce qu’ils voulaient bien évidemment, et en omettant ce qui les intéressait moins ou ce qui leur déplaisait.
* La fin, les versets 15 et 16 du chapitre 12 « Crains Dieu et observe ses commandements, car c’est là le tout de l’Homme. Dieu mettra en jugement toute erreur, que ce soit en bien ou en mal » est bien entendu un ajout au manuscrit original.
** Entre une jeune femme convoitée par le roi Salomon et un berger.
Tiare. Nous traduisons ainsi le terme gaélique imscim. Une tiare, une sorte de couronne ? L’edil le traduit par diadème, mais Eugène O’Curry (us et coutumes des anciens Irlandais 1873, cf. les pages 193 à 211 consacrées au mind) est plus dubitatif et pense que cet ornement couvrait la tête. Casque ou couvre-chef serait donc peut-être une meilleure traduction.
Tronc. Il y a bien sûr un jeu de mots entre les deux significations possibles du mot taman en gaélique : « tronc d’arbre ou tronc humain », mais aussi « personne stupide, gros lourdaud ». De toute façon cette histoire est due à l’influence de la civilisation médiévale (la fête des fous) et ne relève pas de la civilisation originelle de La Tène.
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Chapitre XIX.
Le « combat » de Fergus et du Hésus Cuchulainn.
L’armada des quatre grandes provinces d’Irlande installa son camp à côté de la pierre levée de Crich Ross. Ensuite Maeve demanda aux Irlandais lequel d’entre eux irait se battre et affronter le Hésus Cuchulainn le matin suivant. Chacun d’entre eux déclina la proposition en disant : « ce ne sera pas moi qui me chargerai de ça. Ce n’est pas à moi de partir. Ma famille n’est pas tenue de sacrifier quelqu’un ».
Maeve demanda donc à Fergus d’aller se battre en duel avec le Hésus Cuchulainn et de l’affronter, puisqu’elle n’arrivait point à obtenir cela des Irlandais. Il ne me convient guère, répondit Fergus, d’affronter un jeune garçon imberbe, mon propre pupille qui plus est. Maeve sollicita néanmoins Fergus avec tant d’insistance qu’il ne put faire autrement que d’accepter ce duel. La nuit passa. Fergus se leva de bonne heure le lendemain matin et alla au gué du combat où se trouvait le Hésus Cuchulainn. Le Hésus Cuchulainn le vit arriver.
Ce n’est pas lourdement armé que vient à moi maître Fergus. Il n’a pas d’épée dans l’étui de son grand fourreau. Le Hésus Cuchulainn disait vrai. Un an auparavant Ailill avait surpris Fergus avec Maeve sur les flancs de la colline de Cruachan, son épée posée par terre à côté de lui, il avait sorti en cachette l’épée de son fourreau, mis une épée de bois en lieu et place, et n’avait promis de lui rendre cette épée que pour livrer la bataille décisive. Je m’en moque comme d’une guigne, mon enfant (dalta), répondit Fergus, car même s’il y avait une épée dedans, elle ne te ferait aucun mal et ne serait pas levée contre toi.
Mais eu égard à l’honneur et à la nourriture que moi les Ulates et Cunocavaros/Conchobar t’avons dispensés, enfuis-toi devant moi sous les yeux des Irlandais. Je ne suis pas disposé à faire ça, répondit le Hésus Cuchulainn, fuir devant quelqu’un à l’occasion de l’expédition de Cualnge. Ne répugne point à le faire, répondit Fergus, car en échange je m’enfuirai devant toi quand tu seras couvert de blessures et de sang, criblé de plaies, lors de la grande bataille de l’enlèvement, et quand je serai le premier à fuir alors tous les Irlandais se sauveront. Le Hésus Cuchulainn était si désireux de faire quelque chose pour le plus grand bien des Ulates que son char lui fut amené, qu’il monta dedans, et qu’il se mit à fuir sous les yeux des Irlandais. Ces derniers assistèrent donc à ce spectacle. Il s’est enfui devant toi ! Il s’est enfui devant toi, Fergus ! s’écrièrent-ils tous. Poursuis-le, poursuis-le, Fergus, s’écria Maeve, ne le laisse pas s’échapper. Certes non, rétorqua Fergus, je ne le poursuivrai pas davantage, car bien que vous puissiez trouver très insuffisante cette fuite à laquelle je viens de le contraindre, il n’en demeure pas moins que de tous ceux qui l’ont affronté lors de l’expédition de Cualnge aucun Irlandais n’en a obtenu autant. Aussi n’affronterai-je plus cet homme-là tant que les Irlandais ne se seront pas mesurés à lui à leur tour en combat singulier.
Ici finit ce que l’on appelle le combat de Fergus.
Ci-dessous maintenant l’histoire de la tête de Ferchu.
Ferchu l’exilé n’était pas ulate, mais du Connaught. Il n’arrêtait pas de combattre ou de harceler Ailill et Maeve. Après leur accession au trône, il cessa de faire partie de leurs campagnes ou de leur armée, même en cas de coups durs de besoin ou de difficultés, mais passait son temps à piller ou ravager leurs frontières ainsi que l’intérieur du pays dans leur dos. Il se trouva qu’alors il était dans la partie est de la plaine d’Ai. Sa bande armée comptait douze hommes. Il avait appris qu’un homme seul retenait ou arrêtait l’armada des quatre grandes provinces d’Irlande du premier jour de la lune de Samon (ios) au premier jour d’Ambolc, en tuant un de leurs hommes chaque jour sur un gué ou une centaine chaque nuit.
Ferchu tint donc conseil avec ses hommes. Quelle meilleure idée pourrions-nous avoir, dit-il, que d’aller attaquer cet homme-là qui est en train de tenir en échec et de retenir les quatre grandes provinces d’Irlande et de ramener avec nous sa tête en guise de trophée de victoire à Maeve et Ailill ? Bien que nous soyons responsables d’innombrables maux et dommages pour eux, nous obtiendrons assurément leur pardon si cet homme est abattu par nous. Tel fut le plan qu’ils décidèrent de suivre. Ils se rendirent à l’endroit où se tenait le Hésus Cuchulainn, et une fois rendus sur place ní fír fer ná comlond óenfir ra damsatar dó acht imsáiset na dá feraib déc fóe fa chétóir ne se battirent pas loyalement (fir fer) en duels contre lui, mais l’attaquèrent tous ensemble à douze contre un. Mais le
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Hésus Cuchulainn tomba sur eux et coupa sur le champ leurs douze têtes. Ensuite il érigea pour eux douze pierres et mit sur chacune d’entre elles une de ces douze têtes, ensuite il mit celle de Fergus l’Exilé sur une autre. De sorte que l’endroit où Ferchu l’exilé perdit la tête est désormais appelé Cinnit Ferchon ou Cinnait Ferchon, la place de la tête de Ferchu.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 40.
Ma famille… un reste de responsabilité collective sans doute.
Pupille. Nous traduisons ainsi le terme gaélique dalta qui signifie littéralement fils adoptif, pupille, élève ou disciple.
Un an auparavant. Ce délai ne correspond nullement à celui indiqué par l’épisode intitulé « Fergus et Maeve, la vengeance du mari » selon le Lebor na hUidre ou livre de la vache brune (le début du chapitre intitulé « la mise à sac de Cualgne »). En outre ce n’est pas dans cette variante de l’histoire Ailill lui-même qui surprend les deux amants (Fergus et Maeve) en flagrant délit d’adultère, mais son cocher. Enfin pour ce qui est de l’épée en bois c’est Fergus lui-même dans ce cas qui a dû en improviser une de la sorte, en toute hâte, ce qui permet ensuite au mari trompé de s’en moquer dans un discours à double sens. L’histoire devait faire partie des épisodes comiques de cette épopée que l’on pouvait déplacer ici ou là. Car il y a beaucoup d’humour ou de second degré dans la littérature irlandaise à la différence de la Bible ou du Coran.
Et quand je serai le premier à fuir, alors tous les Irlandais se sauveront. Encore une fois répétons, avec de tels alliés les Irlandais n’ont pas vraiment besoin d’ennemis, il est vrai que dans le texte en question ils sont un peu bébêtes, mais quand même ! Ils sont si bêtes que cela en devient risible !
Samon (ios) en vieux celtique. Samain en gaélique. La veille du 1er novembre. Ambolc. Ambivolcos en vieux celtique. Imbuilc en gaélique. Se décompose en deux termes, Ambi et volcos. Ambi (imb) préfixe intensif = super, volcos (folc) = pluie ou lustration. Fir fer. Le fir fer, littéralement droits (vérité-justice) de l’homme (armé donc du guerrier, ces droits de l’homme * ne concernaient pas encore les femmes à l’époque bien entendu). Il s’agit de se battre à la loyale, c’est-à-dire en suivant un certain nombre de règles qui garantissent l’égalité et la réciprocité des chances et que l’on retrouvera d’ailleurs dans les duels ultérieurs, qu’ils soient judiciaires ou pour l’honneur. N.B. Le célèbre coup de Jarnac en 1547. Il ne fut pas considéré comme déloyal par les contemporains, mais seulement comme, disons pour le moins inattendu. Jarnac eut recours à une feinte qui surprit son adversaire en le blessant derrière le genou. Et à propos du duel judiciaire, rappelons que cette façon de trancher des confits en en appelant directement à la divinité s’avère pourtant un progrès par rapport à la vengeance privée ou à la loi du talion. La règle numéro un du combat loyal est que l’adversaire doit avoir toutes ses chances, ou du moins une chance d’en sortir vivant. Sinon ce n’est plus un combat, mais une exécution (pure et simple) ou un assassinat. La règle numéro deux, qui découle de la première, est que le combat doit se dérouler à nombre égal (voir le célèbre combat des trente en 1351) et donc à un contre un en cas de duel. Par définition. La règle numéro trois est qu’il est interdit de se servir d’armes contre un homme qui n’en a pas. La règle numéro quatre est qu’il doit y avoir un minimum d’égalité des chances, ce qui exclut le combat d’adultes mâles en pleine santé contre des femmes des enfants ou des vieillards. La règle numéro cinq est de ne pas frapper par derrière. La règle numéro six est que toutes les personnes mises hors de combat ont droit au minimum aux premiers soins. Ainsi que nous le verrons par la suite on peut en effet déduire d’un autre passage de la grande saga irlandaise traitant de l’enlèvement du bétail de Cualnge (le combat et les blessures de Cethern fils de Fintan) que notre maître (le Hésus) trouvait apparemment normal que les infirmiers (liaig) soignent également les blessés de l’autre camp. La chose faisait partie du Fir Fer ou droits de l’Homme (armé) selon lui. N.B. La notion d’égalité des armes semble par contre avoir été plus floue. Chacun ayant apparemment le droit de s’armer comme il l’entend. Sauf à ce qu’il y ait alors un déséquilibre vraiment flagrant à cet égard. Mais l’exemple des gladiateurs celtes ou d’origine celte montre que les différences notables d’armement n’étaient pas forcément considérées comme attentatoires au principe de l’égalité des chances dans le monde antique. Etc… Tels étaient donc vraisemblablement les droits de l’Homme (armé) selon les Celtes de ce temps-là.* En France on oublie régulièrement qu’il s’agit des droits de l’Homme ET DU CITOYEN, sans distinguer clairement ce qui relève des droits de l’Homme ou des droits du citoyen ou sans que la distinction entre les deux genres soit vraiment faite par les intellectuels s’occupant de politique, peut-être n’en sont-ils pas capables d’ailleurs.
Douze pierres plus une apparemment. Il s’agit bien évidemment du plan fréquent des monuments mégalithiques en forme de cercles de pierres. Exemple celui entourant Crom Cruach, Cromm Crúaich,
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Cenn Cruach ou encore Cenncroithi. Ces cercles de pierres sont PRÉCELTIQUES, mais le barde narrant l’histoire n’a pu s’empêcher d’attribuer celui-ci à notre héros. Le nom de Crom Cruach (vieux celtique croucacrumba) s’écrit de différentes façons et peut s’interpréter pareillement. Crom(ou cromm) signifie « incliné, tordu, penché ». Cenn signifie « tête ». Cruach peut être un adjectif, « sanglant, couvert de sang » ou un nom, ayant différents sens : « meurtre » ou « pile, tas, monticule » voire tas de blé. Les significations plausibles de ce nom sont donc « le tordu sanglant », « la pile de blé tordue », « la tordue du tertre », « la tête sanglante », « la tête de la pile de blé » ou « la tête du tertre ». La présence du mot tête dans son nom expliquerait alors qu’il ait pu suggérer une telle histoire aux bardes ultérieurs. Le nom de Crom Cruach est associé dans certains documents à celui de Crom Dubh sans que l’on puisse savoir clairement s’il s’agit de la même chose ou d’un équivalent. Dans son histoire des druides de 1726 notre grand maître à tous John Toland a noté ce qui suit à son sujet.
« La plus importante en Irlande était Crom Cruach, qui se tenait au milieu d’un cercle de douze obélisques sur une colline de Brefin, un canton du comté de Cavan, appartenant jadis à Leitrim. Elle était entièrement recouverte d’or et d’argent, les douze représentations figurées plus petites sur les douze pierres autour étant seulement de bronze et de métal ; les pierres ainsi que les représentations devinrent partout la proie des prêtres chrétiens après la conversion de ce royaume… Les auteurs de la Vie de Patrice nous rapportent des choses aussi ridicules qu’incroyables, à propos de la destruction du temple de Moysleet (Mag Slecht) ou Champ de l’Adoration, de Brefin ; où la base de ces obélisques disposées en forme de cercle est toujours visible… Le siège épiscopal de Clogher tire son nom de l’une de ces pierres, qui était entièrement recouverte d’or (Clogher signifiant « la Pierre en Or ») sur laquelle se dressait Cermand Celstach la principale idole d’Ulster. Cette pierre existe toujours ». N.B. Cermand Cestach était apparemment une pierre du destin ou pierre oraculaire ou pierre qui parle du même genre que la pierre de Scone ou Pierre de Fal (lia Fail). Et cette pierre fut donc longtemps conservée dans l’entrée de la cathédrale de Clogher (comté de Tyrone) si l’on en croit John Toland. Un peu de la même façon que la statue de notre Bonne Mère la Terre fut longtemps conservée dans ou plus exactement derrière l’église de Notre-Dame de la Vie en Savoie. Autres localisations/identifications possibles. Une pierre décorée trouvée à Killycluggin dans le comté de Cavan en 1921. Une pierre gravée portant la représentation d’un homme en train de marcher (un druide ou saint Patrice ?) aux environs de Drumcoo dans le comté de Fermanagh. Etc.
Note sur Stonehenge. Notre position à ce sujet demeure donc sans équivoque. Le druidisme n’est pas iconoclaste. Les grandes religions iconoclastes ont toujours été le christianisme (un certain christianisme du moins) et l’islam. Mahomet a cru bon de réutiliser le temple païen* de La Mecque (la Kaaba), mais après l’avoir complètement saccagé ou vandalisé. Il a cru bon également de réutiliser les rites de pèlerinage païens * qui se déroulaient autour, mais en en changeant complètement le sens (lapidation du personnage de fiction ** appelé Satan, du presque tout autant imaginaire Abraham et ainsi de suite…). En ce qui concerne nos latitudes il est évident que les anciens bardes ont visiblement récupéré les monuments mégalithiques pour s’en servir dans leurs contes et légendes. Le paganisme étant une religion de la tolérance les anciens druides ont donc très bien pu également réutiliser ces monuments afin de s’en servir à l’occasion de divers rituels (restant à déterminer, voir le cas de Stonehenge). Et ce que les anciens druides ont fait les nouveaux le peuvent également bien sûr. Mais il doit être clair pour tout le monde qu’il ne s’agit donc pas là de monuments celtiques, et par conséquent construits par les druides. Cela doit être dit et répété afin d’être su. Surtout dans le cas de Stonehenge. N.B. Le principe de base est que les monuments d’une autre religiosité que la nôtre doivent être respectés. S’ils sont réutilisés, cela doit se faire en respectant au maximum leur vocation originelle. Allah était le dieu lune de la Mecque. Et Hobal * le dieu de la foudre ? Le seul problème qu’il pose en tant que tel aux néo-païens est que sous nos latitudes la lune est généralement associée au féminin et le soleil au masculin, ce qui change pas mal de choses. L’interpretatio druidica de ces déités s’avère donc difficile. En dehors de cela étant donné que nous sommes païens rien de ce qui est humain ne doit nous être étranger. Il nous est donc parfaitement loisible de procéder à divers rituels impliquant les monuments mégalithiques des ancêtres de nos ancêtres. Car si l’on se doit de respecter ses ancêtres, on se doit aussi de respecter les ancêtres de nos ancêtres. Rien de ce qui est humain dans les efforts de l’Homme pour se rattacher aux forces du cosmos ne doit nous être étrangers. L’interpretatio druidica des cercles de pierres est toujours difficile. La description qui nous a été faite de Crom Cruach, une représentation en or entourée de douze autres représentations en bronze, a fait penser à certains auteurs qu’il s’agissait là d’une figuration du soleil entouré par les douze signes du Zodiaque. Ce qui ferait donc de Crom Cruach un dieu solaire. En ce qui nous concerne il nous semble que les allusions, dans le Dindsenchas, à des sacrifices humains en échange de lait ou de céréales, en font aussi une déité de la fertilité jouant un peu le rôle du linga de nos amis
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hindous. Ce qui nous ramène bien entendu au couple primordial formé par le dieu soleil et la déesse lune ou le contraire, la déesse soleil et le dieu lune, et à la sexualité en tant que moyen de transmission de la vie, d’où son importance fondamentale. Nous y reviendrons à propos de notre conception des mariages ou des différentes formes de famille possibles, en tout cas de l’éducation des enfants naissant de telles unions, car c’est bien de cela qu’il s’agit, ce qui prime c’est l’intérêt des enfants, les adultes c’est autre chose.
*Car il va de soi que jamais aucun temple n’a pu être construit entretenu réparé ou rehaussé à cet endroit par les personnages de fiction que sont Adam et Abraham. Complètement imaginaire pour ce qui est d’Adam cela est sûr. Peut-être pas complètement pour Abraham, mais enfin, c’est tout comme. Il est difficile de discerner, au-delà des mirages qui entourent sa personne, ce qui peut relever d’un authentique noyau historique.
** Autour de nous à l’extérieur de nous il n’existe que des forces ambivalentes. Il n’existe pas de forces consciemment et volontairement uniquement maléfiques ou vouées au mal. Si le mal existe (crimes odieux, politiciens dont la non-vérité s’avère être comme une seconde nature, intellectuels pensant tout de suite à des zèbres quand ils entendent des hennissements, bien que n’étant pas en Afrique, intellectuels ne voyant pas la vache qui est dans le couloir, mais le chat qui est derrière, orgueilleux toujours persuadés d’en savoir infiniment plus que les simples citoyens qui ne sont pas gens de médias, etc.), eh bien c’est en nous, enfoui ou tapi dans les tréfonds du cœur de l’être malheureusement humain. Trop humain peut-être.
** *Hobal était aussi un des principaux dieux de la Kaaba. Les rapports de son culte avec celui d’Allah restent à déterminer. Cf. voir les spécialistes de l’archéologie moyen-orientale.
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Le combat du clan Calatin.
Alors les Irlandais se demandèrent qui donc ils pourraient bien envoyer se battre et livrer bataille au Hésus Cuchulainn le lendemain matin de bonne heure. Tous s’accordèrent à dire que cela devait être Calatin le hardi et ses vingt-sept fils et son petit-fils Glass, fils de Delga. Chacun d’eux avait du poison avec lui et il y avait du poison sur chacune des armes qu’ils portaient ; jamais aucun d’entre eux n’avait raté sa cible, et tous ceux que l’un d’entre eux blessait, s’ils ne mouraient pas sur le coup, mouraient avant la fin d’un délai de neuf jours. De grandes récompenses leur furent promises pour ce combat et ils commencèrent donc de s’y engager. L’accord fut conclu en présence de Fergus, mais il ne put s’y opposer, car on lui objecta qu’ils considéraient comme ne dérogeant pas aux règles du duel le fait que Calatin le hardi et ses vingt-sept fils ainsi que son petit-fils Glass fils de Delga, aillent tous participer à ce combat, puisqu’il assurait que ses fils étaient comme les membres de son corps, et ne formaient qu’une seule et même chair avec lui, Calatin le hardi. Fergus revint vers sa tente et ses compagnons et poussa un soupir de lassitude. Ce qui va se commettre demain me soulève le cœur. De quoi s’agit-il ? demandèrent ses gens. L’assassinat du Hésus Cuchulainn, répondit-il. Quel malheur, et qui le tuera ? Calatin le hardi, répondit-il, et ses vingt-sept fils ainsi que son petit-fils Glass fils de Delga. Chacun d’entre eux a du poison sur lui et il y a du poison sur leurs armes, tous ceux que l’une d’entre elles atteint succombent avant la fin d’un délai de neuf jours s’il ne meurt pas sur le champ. Et il n’y a personne qui s’en irait en ce lieu afin d’assister pour moi au combat et revenir me dire comment a été tué le Hésus Cuchulainn, à qui je ne donnerai ma bénédiction ainsi que tout mon équipement. J’irai là-bas, dit Fiacha fils de Fir Aba. Ils restèrent sur place cette nuit-là. De bonne heure le lendemain matin Calatin le Hardi se leva donc avec ses vingt-sept fils et son petit-fils Glass fils de Delga et ils se rendirent là où attendait le Hésus Cuchulainn, et Fiacha fils de Fir Aba y alla aussi. Dès que Calatin atteignit l’endroit où était le Hésus Cuchulainn, ils jetèrent sur lui aussitôt leurs vingt-neuf javelots, et pas un seul ne rata sa cible, mais le Hésus Cuchulainn avec son bouclier exécuta le coup du tranchant ce qui eut pour résultat que les javelots ne s’enfoncèrent qu’à demi dans le bouclier. Ce ne fut donc pas un coup manqué de leur part, mais il n’y eut pas un javelot pour le blesser ou lui tirer du sang. Ensuite le Hésus Cuchulainn tira de son fourreau l’épée que la Bodua lui avait donnée, afin de couper net tous ces javelots et alléger ainsi son bouclier. Mais pendant qu’il était en train d’agir de la sorte, ils se ruèrent sur lui et tous ensemble le frappèrent au visage avec les vingt-neuf poings de leur main droite. Ils l’accablèrent tellement de coups qu’il mordit la poussière et que son visage ainsi que sa face se retrouvèrent dans le sable ou le gravier du gué. Alors le Hésus Cuchulainn poussa son cri de guerre, le cri d’un homme submergé par le nombre et tous les Ulates en vie qui n’étaient pas endormis l’entendirent. Fiacha fils de Fir Aba courut voir ce qui s’était produit et fut ému en voyant un de ses compatriotes ainsi en danger. Il sortit de son fourreau l’épée que lui avait
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remise la Bodua et asséna un coup qui trancha leurs vingt-neuf poings à la fois, ils tombèrent alors brutalement à la renverse, tellement avait été grand leur effort, ainsi que la force de leurs poings serrés.
Le Hésus Cuchulainn releva la tête reprit son souffle, poussa un soupir de lassitude, et vit l’homme qui était venu son secours. Ton aide est intervenue juste à temps, mon frère, constata le Hesus Cuchulainn. Bien que cette aide soit intervenue juste à temps pour toi, il ne va pas en être de même pour nous, car même si toi tu estimes bien peu de chose le coup que je t’ai donné, si c’est découvert, les trois mille guerriers d’élite de clan Rudraige que nous sommes dans le camp des Irlandais seront passés par le fil de l’épée. Je te jure, répondit le Hésus Cuchulainn, maintenant que j’ai relevé la tête et repris mon souffle, que, à moins que tu ne le révèles toi-même, aucun de ceux que tu vois là n’en soufflera mot désormais. Le Hésus Cuchulain tomba dessus à bras raccourcis et commença de les frapper ou de les pourfendre ; les mettant ainsi en morceaux ou en pièces tout autour de lui, tant à l’est qu’à l’ouest tout au long du gué. L’un d’eux, Glass fils de Delga, réussit à en réchapper en prenant ses jambes à son coup pendant que le Hésus Cuchulainn était occupé à décapiter le reste, le Hésus Cuchulainn courut après lui, et Glass parvint à la tente d’Ailll et de Maeve, mais il n’eut que le temps de crier : « la dette, la dette » avant que le Hésus Cuchulainn ne lui assène un coup et ne lui coupe la tête. Expédier cet homme n’a pas pris beaucoup de temps, s’exclama Maeve. Mais de quelle dette parlait-il, Fergus ? Je ne sais pas répondit ce dernier, peut-être que quelqu’un lui devait de l’argent dans le camp et qu’il avait ça en tête à ce moment-là. De toute façon ajouta Fergus, lui devait certainement du sang et de la chair à quelqu’un. Mais je peux t’assurer que maintenant cette dette a bien été intégralement remboursée. C’est ainsi que tomba sous les coups du Hésus Cuchulainn Calatin le hardi et ses vingt-sept fils ainsi que son petit-fils Glass fils de Delga. Subsiste encore dans le lit de la rivière à l’endroit du gué la pierre autour de laquelle ils combattirent et luttèrent et sur elle existe encore la trace du pommeau de leurs épées de leurs genoux de leurs coudes, ains que des hampes de leurs lances. Le nom de ce gué dorénavant est Fer ensanglanté, à l’ouest du gué de Fer Diad. Il est appelé Fer ensanglanté à cause du sang qui en ce lieu a taché ces épées. Ici se termine le récit de la bataille livrée par le clan Calatin [selon le livre du Leinster].
Livre de la vache brune ou Lebor na hUidre.
Le combat contre Mann.
Maeve envoya Mann Muresci, le fils de Daré des Domnan, combattre contre le Hésus Cuchulainn. Mann était un frère de Damnan, le père de Fer Diad. Ce Mann était un homme violent, un goinfre qui dormait beaucoup. Il était mauvaise langue et ordurier comme l’Ulate Dubthach le cafard. Il était fort dynamique et puissant des membres comme Munremar fils d’Errcind. C’était un champion aussi féroce que Triscod, l’homme fort (trenfer) de la maison de Cunocavaros/Conchobar. Je vais y aller sans arme et l’écraser à mains nues, car je ne veux pas m’abaisser à recourir à des armes contre un petit blanc bec qui n’a pas encore de barbe au menton. Mann partit donc affronter le Hésus Cuchulainn et son cocher, qui était sur la plaine en train de surveiller l’armada. Un homme vient vers nous, dit Loeg au Hesus Cuchulainn. À quoi ressemble cet homme ? demanda le Hésus Cuchulainn.C’est un homme sombre et à l’air féroce que l’homme qui s’avance vers nous sans arme. Laissons-le venir, répondit le Hésus Cuchulainn. Sur ce Mann arriva sur eux. Je suis venu me battre contre toi aujourd’hui, dit Mann. Ensuite ils commencèrent à lutter (imtrascrad) longuement et par trois fois Mann fit tomber le Hésus Cuchulainn, de sorte que son cocher dut l’encourager en lui criant : Si tu luttais pour obtenir le morceau de choix du héros à Emain, tu l’emporterais sur tous le guerriers ici présents. Alors le Hésus Cuchulainn entra dans une de ses célèbres (niad) transes (ferg) ou fureurs guerrières (bruth míled), et il écrasa Mann contre le pilier de pierre, le réduisant ainsi en petits morceaux. D’où le nom de plaine de Mandachta, autrement dit Mand Échta, ce qui signifie « la mort de Mann » eut lieu ici.
Le jour suivant Maeve envoya vingt-neuf hommes dans le marais du Hésus Cuchulainn. Fuiliam est le nom de ce marais qui se trouve de ce côté-ci du gué de Fer Diad. Ces hommes c’étaient Gaili Dana et ses vingt-sept fils ainsi que le fils de sa sœur, Glas fils de Delgna. Ils lancèrent tous ensemble leurs vingt-neuf javelots sur le Hésus Cuchulainn. Ensuite alors qu’ils en étaient venus à l’épée, Fiacha fils de Fir Faba sortit du camp pour venir les rejoindre. Il sauta de son char quand il vit toutes ces mains levées contre le Hésus Cuchulainn, et il coupa leurs vingt-neuf avant-bras. Le Hésus Cuchulainn lui cria : « Ton aide est arrivée juste à temps ! » Mais même ce peu de choses l’a été en violation, répliqua Fiacha, de notre accord à nous autres Ulates. Si l’un d’entre eux réussit à revenir au camp vivant, toute notre compagnie sera passée au fil de l’épée. Je te jure, etc. répondit le Hésus Cuchulainn, que maintenant que j’ai repris mon souffle, aucun de ces hommes n’en reviendra vivant.
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Sur ce le Hésus Cuchulainn tua les vingt-neuf hommes, avec l’aide pour cela des deux fils de Ficce. C’étaient deux braves guerriers ulates qui étaient venus faire ce qu’ils pouvaient contre l’armada irlandaise. Ce fut leur premier exploit lors de cette expédition jusqu’à leur participation avec le Hésus Cuchulainn à la grande bataille… Sur la pierre située au milieu du gué, il y a toujours la marque de l’umbo de leurs (vingt-neuf) boucliers ainsi que de leurs poings et de leurs genoux. Leurs vingt-neuf pierres tombales furent érigées ici.
Fin du passage figurant dans le livre de la vache brune et retour au livre du Leinster.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 41.
Calatin. Le cas est un peu bizarre. On ne sait trop si cette prétention de ne faire qu’un seul et même personnage était fondée sur un élément matériel objectif, genre frères siamois, ou si ce n’était qu’un jeu de mots. Le fait que Fergus se soit cru obligé de ne rien dire semble confirmer qu’il y avait bien un élément objectif fondant plus ou moins la prétention en question. Mais ce qui est certain c’est que Calatin n’était pas vraiment un homme normal et ordinaire, plutôt un monstre, que les auteurs chrétiens ont bien entendu immédiatement associé au druidisme ou à la druiderie plus précisément qui jouait un peu à l’époque dans l’imaginaire collectif d’une société chrétienne de type moyenâgeux au mauvais sens du terme, le rôle attribué aujourd’hui à l’extrême droite forcément toujours raciste : c’est-à-dire être la cause de tout ce qui va mal * dans notre société, tout ce qui va mal est le résultat de sa maléfique et multiforme influence. Un peu comme le diable d’ailleurs. Mal = extrême droite raciste. Eh bien au Moyen-âge Mal égalait Druidisme (druiderie). Pour en revenir à Calatin, voici ce que nous en dit MacKillop dans son dictionnaire de la mythologie celtique. « Cailtin, Calatin. Sorcier ou druide irlandais, peut-être d’origine fomoréenne, ami de Medb, qui livre bataille avec elle et finit vaincu par Cuchulainn. Cailitin se déplace avec ses vingt-sept rejetons, que l’on peut appeler « clan Cailitin », mais insiste pour être considéré comme ne formant qu’un seul guerrier dans la mesure où tous sont issus d’un seul et même corps. Ils ont étudié la sorcellerie en Alba [en Écosse] et font de chacun de leurs coups de lance empoisonnée un coup immédiatement mortel. Chacun est mutilé, il leur manque la main gauche et le pied droit… La veuve de Cailitin peu de temps après donnera naissance à des sextuplés, trois fils et trois filles, toutes hideuses et dotées du mauvais œil… Medb initiera ces enfants à l’art de la magie noire afin qu’ils puissent tirer vengeance de Cuchulainn. Ce qu’ils feront en revêtant différentes formes et en leurrant notre héros pour le mettre en danger, y compris lors la bataille où il mourra ».
Commentaire de l’auteur de cette compilation. La preuve qu’ils sont forcément d’extrême droite c’est bien qu’il leur manque la main gauche, non ? Disons plus sérieusement que le fait qu’ils sont unijambistes et manchots, ce qui ne les empêche pas d’être de redoutables combattants, les apparente aux vouivres anguipèdes gigantesques appelées Fomorach en Irlande. Faut-il en rire ?
* Définitions à méditer : « le racisme ce sont les autres » et « le mal tout le monde est contre, mais le seul problème c’est que nous ne sommes pas d’accord sur ce que c’est ! »
Quelle que soit la piété d’un vrai Celte, l’idée de faire du prosélytisme ne lui vient pas à l’esprit et il ne songe à modifier ni les croyances ni les cultes d’autrui, encore moins à les éradiquer. Tout au plus les vrais druides cherchent-ils à les comprendre. Quel contraste avec le prosélytisme des chrétiens militants qui, à partir du IVe siècle, a incrusté dans les mœurs de l’époque une mentalité tendant à éliminer tout ce qui rappelait les anciens cultes !
Il sortit son épée. Qui ça il ? La syntaxe du texte n’est pas très claire, mais il ne peut s’agir que notre héros, pas de Fiacha. Enfin peut-être. Il manque visiblement quelque chose. Quant à cette épée que lui avait donnée la Bodua ou déesse des combats. On aurait aimé en savoir un peu plus. Or à ma connaissance il n’existe aucun autre texte développant cette information. Mais il y a dû en avoir… N’oublions pas que ce qui existe actuellement dans les bibliothèques ou les archives irlandaises, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, tout le reste a été détruit par les talibans chrétiens du Moyen-âge. C’est d’ailleurs aussi pourquoi il ne subsiste que des fragments de nombreux auteurs antiques grecs ou latins comme Celse Porphyre de Tyr ou l’empereur Julien malgré l’extraordinaire intérêt des idées qu’ils ont développées.
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LES CRIMES CONTRE L’ESPRIT.
Étude du Cercle Renan sur le sujet (due à la plume de Gys-Devic).
« On raconte communément, reconnaît Alphonse Dain, que les soldats d’Omar achevèrent de brûler au Sérapéum d’Alexandrie ce qui restait des anciennes bibliothèques de cette illustre cité. J’ai moi-même naguère cru à cet on-dit. Je dois faire ici amende honorable » : les livres du Sérapéum ont D’ABORD été saccagés par les chrétiens de l’évêque Théophile. Précisons qu’il y avait à Alexandrie deux bibliothèques, celle du Bruchion (quartier central de la ville) qui fut détruite en 273 par Aurélien lors la prise de la ville (Ammien Marcelin, XXII, 16, 15), et celle du Sérapéum détruite en 391. Orose, l’auteur des « livres contre les païens » écrit en 417 que de passage à Alexandrie, il a vu les armoires de livres qui avaient été « vidées par nos hommes d’aujourd’hui » (armoria librorum… exinanita ea a nostris hominibus nostris temporibus (livre VI, chap. XV)). Ce constat est bien antérieur à la conquête musulmane qui date du milieu du VIIe siècle.
Commentaire de l’auteur de cette compilation : disons que le calife Omar a terminé ou achevé le travail (de vandales) commencé par les talibans, euh, toutes mes excuses, parabolans chrétiens.
La reconnaissance du christianisme comme religion officielle par Constantin a vu s’abattre sur le monde antique une ère d’intolérance religieuse que n’avaient pas connue les civilisations polythéistes de la Grèce et de Rome. Les temples considérés comme les « temples de l’erreur » furent fermés autoritairement, puis désaffectés et souvent détruits. N’ont été sauvegardés que les édifices transformés en églises (le Parthénon, le Temple de la Concorde d’Agrigente, le Panthéon à Rome.). Les statues, considérées comme des « repaires du Démon », ont été mutilées, puis cassées ou enterrées. Note de l’auteur de cette compilation / exactement comme les talibans l’ont fait en dynamitant les célèbres et inestimables bouddhas de Bamiyan. Parallèlement, ont été jetées par les empereurs Théodose II en Orient, Valentinien III en Occident, vers 450, les bases légales génératrices des mesures qui nous ont privés de la presque totalité des auteurs anciens. Elles dénotaient chez les éléments durs des chrétiens un état d’esprit à l’origine d’une censure impitoyable exercée par les moines sur les manuscrits au cours d’une période qui a duré plus de mille ans. Les manuscrits des historiens ont dû franchir pour nous parvenir un double barrage : une barrière juridique doublée d’une censure ecclésiastique.
Bref, la destruction systématique des œuvres profanes par les éléments durs du christianisme ne s’est pas limitée aux merveilles de pierre et de marbre. En même temps que le patrimoine artistique, le patrimoine culturel fut mis en péril : papyrus et parchemins ont tout autant souffert.
La « christianisation » de l’Histoire s’est faite lentement, et par étapes.
En 448/449, Théodose II en Orient, Valentinien III en Occident, promulguèrent un édit ordonnant la destruction par le feu de tout ce que Porphyre, ou tout autre personne, avait conçu contre le saint culte des chrétiens, affirmant ne pas vouloir que les ouvrages susceptibles de mettre Dieu en colère et de nuire aux âmes viennent jusqu’aux oreilles des hommes (Codex Théodosianus, XVI, 6, 66 ; Codex Justinianus I, 1, 3). Dès lors furent jetées, avons-nous dit, mais repetere = ars docendi, les bases légales génératrices des mesures qui nous ont privés de la presque totalité des auteurs anciens, en supprimant les manuscrits compromettants et en exerçant des pressions sur les possesseurs de tels documents. Elles dénotaient chez les maîtres chrétiens un état d’esprit qui engendra la destruction ou l’épuration des monuments d’une certaine littérature profane, celle ayant trait au théâtre et surtout à l’histoire. Dès le second siècle naquit l’idée que seuls les mauvais empereurs avaient été capables de persécuter les fidèles du Christ. Cette tendance se rencontra chez les apologistes, Tertullien, Méliton de Sardes, Lactance… Parallèlement, on s’efforça de s’approprier les historiens, puis, à travers eux, de « christianiser » l’histoire elle-même : on interpréta d’abord les textes dans un sens chrétien, puis, franchissant une nouvelle étape, on les adapta. Les Antiquités judaïques de Flavius Josèphe furent interpolées – peu ou prou –, et une traduction latine très libre de la Guerre des Juifs connue sous le nom d’Hégésippe fut élaborée. L’Histoire romaine de Dion Cassius fut abrégée par le moine Xiphilin. Cela ne fut évidemment possible qu’à partir du IVe siècle, lorsque fut assurée la suprématie de la nouvelle religion sur les autres cultes. Jérôme ne tolère la littérature païenne que dans la mesure où elle est un instrument pour les exégètes. Le principe de l’utilisation des auteurs classiques selon l’intérêt de la foi nouvelle amène à un tri et tout droit donc à l’épuration des textes. Du IVe au VIe siècle, se succédèrent en Orient les Histoires ecclésiastiques d’Eusèbe de Césarée, de Socrate, de Sozomène, de Théodoret. En Occident, on n’étudia plus l’histoire qu’à travers les nouveaux auteurs comme Orose. Ami de saint Augustin, ce prêtre rédigea un ouvrage en sept livres contre les païens, une histoire universelle depuis Adam jusqu’à l’an 417, qui supplanta pratiquement, durant tout le Moyen-âge, les récits des historiens des siècles précédents. Ces derniers, après avoir été épurés,
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anathématisés, furent ainsi délaissés. En 447, le pape Léon Ier recommanda de supprimer et de brûler les œuvres en désaccord avec la sincère vérité. Par ailleurs, la désintégration morale et sociale qui suivit les invasions barbares et l’éclatement de l’Empire romain contribuèrent à l’oubli des connaissances de l’âge classique ; le schisme entre l’Occident et l’Orient aggrava encore ce recul de civilisation. Toute la vie intellectuelle se retira en quelques monastères qui acquirent ainsi le monopole de fait des manuscrits. Au sixième siècle les moines étaient fort ignorants, et tout à fait étrangers à ce que nous appelons les études. Amplius invenies in sylvis quam in libris était chez eux un proverbe. Et se livrer à l’étude des lettres profanes eût été comme apostasier. La bouche qui répétait les louanges du Christ ne pouvait proférer les chants impies inspirés par le démon. Voir la lettre de Grégoire le Grand à Didier, évêque de Vienne. Aussi ne nous laissons pas séduire par le mot de “bibliothèque”. Tout amas de livres, grand ou petit, s’appelait bibliothèque. En Occident, le catalogue du couvent de Bobbio n’énumère qu’un très petit nombre d’ouvrages païens. La bibliothèque de l’abbaye de Corvey où a été découvert le Mediceus prior (contenant les Annales de Tacite) possédait à peine 300 volumes, dont très peu d’auteurs païens. Jean de Salisbury a rapporté comme une tradition certaine que le pape Grégoire le Grand a fait brûler la bibliothèque palatine de Rome, et a ordonné la destruction des livres profanes. Voyez, reprend Machiavel dans son livre consacré à Tite-Live, II, ch. V « les méthodes suivies par saint Grégoire et les autres princes de la religion chrétienne, avec quelle animosité ils poursuivirent tous les anciens monuments ; brûlant les œuvres des poètes et des historiens ; brisant les statues ; et détruisant tout ce qui pouvait garder quelque trace de l’Antiquité. De sorte que si l’on avait joint à cette persécution l’utilisation d’une nouvelle langue, il s’en serait ensuivi aussitôt que tout aurait donc été oublié ! » Cette élimination de la littérature antique fut par ailleurs favorisée par a) La Querelle des Images, qui domina la scène de Byzance pendant plus d’un siècle (de 726 à 843) ; qui permit aux iconoclastes de détruire nombre de bibliothèques ; leur comportement fut justifié par le fait que de nombreux manuscrits étaient ornés d’enluminures. Le basileus Léon III l’Isaurien fut l’initiateur de cette iconoclastie. Les premières mesures furent prises après la terrible éruption sous-marine qui fit surgir une île nouvelle entre Théra (Santorin) et Thirassia, durant l’été 726. Léon III y vit l’effet de la colère divine contre le culte idolâtrique (du moins si l’on en croit l’Histoire écrite par le patriarche Nicéphore) et se décida à agir. Une nuit, il fit entasser des fagots tout autour de l’Académie de Constantinople, et y mit le feu : 30.000 volumes, dont plusieurs étaient uniques, partirent en fumée. b) l’incurie des moines eux-mêmes. La transmission de ce qui survivait des ouvrages antiques s’est effectuée par le biais des monastères, devenus par élimination de tous les autres les seuls foyers de culture durant le Moyen-âge. Ils détiennent peu à peu la somme de nos connaissances, ont le monopole de la conservation des manuscrits existants ; les moines pratiquent seuls la copie des parchemins. Par eux les textes jugés non orthodoxes sont filtrés. Pour ces scribes comme pour l’occidental Rufin, corriger un texte non orthodoxe était faire œuvre pieuse. La piété (chrétienne bien entendu) primait tous les autres principes. Les clercs de l’époque n’ont par conséquent transmis que ce qui leur était nécessaire. « Pendant le laps de temps si mal connu qui sépare la fin de l’Antiquité de la Renaissance carolingienne, au moment où la culture grecque aurait pu disparaître en Occident, la bibliothèque de Vivarium et la bibliothèque Latran en ont préservé ce qui était jugé indispensable aux clercs », à savoir les meilleurs exégètes de la patristique grecque et l’œuvre de Flavius Josèphe à cause du Testimonium flavianum.
Il nous faut donc renoncer à la légende des moines chrétiens celtiques comme saint Colomban d’Iona passant leurs nuits à copier les auteurs anciens et à les sauver pour la postérité : les seuls écrits qu’ils copient sont les écrits des Pères.
En Occident aux Xe et XIe siècles, les auteurs anciens n’ont pas de pires ennemis que les moines, surtout ceux qui avaient subi la réforme de Cluny. La cause principale de la disparition, au cours du premier Moyen-Âge, de tant d’ouvrages grecs ou latins, ce n’est ni la ruée des Barbares, ni la flamme des incendies, mais une culture déjà figée et repliée sur elle-même, le développement d’une mentalité complexe issue du christianisme. Que les Barbares n’avaient anéanti ni Catulle, ni Tacite, on le vit bien plus tard en découvrant ces auteurs dans les armoires des couvents. Ni les hordes ni le feu n’étaient responsables de leur long silence. Tandis que Virgile christianisé, Ovide interprété et Cicéron à demi converti triomphaient dans les écoles, les écrivains jugés rebelles aux adaptations selon la foi étaient délaissés, puis oubliés. Aussi, lorsqu’à partir de Pétrarque, Fra Giovanni Giocondo, Guillaume Budé, voire d’Érasme, comme John Toland, on commença de rechercher les rares manuscrits anciens, à les étudier et à les publier, on mesura l’ampleur du naufrage, la part immense de la littérature antique qui avait été saccagée.
À l’occasion de son Commentaire sur le vers 74 du chant XXII de la divine comédie de Dante, Benvenuto da Imola, nous livre d’ailleurs l’anecdote suivante à propos de son vieux maître Jean Boccace.
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« Il disait que quand il était en Apulie, attiré par la renommée du lieu, il se rendit au monastère de Monte Cassino… étant fort désireux de voir sa bibliothèque, dont il avait entendu dire qu’elle était splendide, il pria humblement un moine d’avoir la bonté de la lui ouvrir. Ce dernier, en désignant une échelle, lui répondit alors d’un ton un peu bourru : « allez-y, grimpez, c’est ouvert ! » Il monte avec joie et découvre que l’endroit recélant un si grand trésor n’avait ni porte ni fermeture ; ensuite après être entré, il vit de l’herbe pousser sur le rebord des fenêtres, ainsi que les livres et les rayonnages couverts de poussière. Stupéfait, il commence d’ouvrir et de feuilleter des livres les uns après les autres et trouve de nombreux et divers exemplaires d’œuvres rares. Certains avaient des feuillets entiers de déchirés, d’autres avaient eu les marges coupées, et tous étaient donc ainsi abîmés. À la fin, atterré de voir que les travaux et les études de tant de grands esprits avaient pu tomber entre les mains de tels misérables, il se retira bouleversé en pleurant. Après s’être rendu dans le cloître, il demanda donc à un moine qu’il croisa pourquoi de si précieux livres étaient si honteusement mutilés. L’homme lui répondit que certains des moines, désireux de gagner quelques ducats, coupaient de-ci de-là une poignée de feuilles et en faisaient des psautiers qu’ils vendaient aux enfants ; et la même chose pour les marges avec lesquelles ils faisaient de petits écrits qu’ils vendaient aux femmes. Et maintenant, ô, chercheur, va donc te casser la tête pour faire un livre ! »
NB. Le terme latin que Longfellow traduit par le mot ducat est solidos. Autrement dit quelques sous.
Léopold Delisle nous signale comment les manuscrits de la bibliothèque de l’abbaye de Corbie ont été dispersés depuis le XVIe siècle : « Les moines en étaient venus à ce point d’ignorance que, de leur propre aveu, la plupart ne comprenaient même pas les paroles qu’ils récitaient ou qu’ils chantaient aux offices. De là d’impardonnables négligences. On vit des prieurs donner sans distinction d’anciens volumes à leurs amis et fermer les yeux sur de coupables détournements ».
Ce rapide survol de la société médiévale montre combien elle a été assombrie par les conséquences d’une mentalité intolérante qui en un millénaire a conduit à la destruction des monuments et des livres de l’Antiquité païenne. Puis peu à peu s’est établie une indifférence qui permit aux autorités en place de transformer les monuments rescapés en carrières, et laissa se dégrader les quelques manuscrits qui gisaient dans les monastères.
LA RENAISSANCE.
Pétrarque (1304-1374), ennemi juré de la scolastique, fut le promoteur de l’exploration systématique des bibliothèques, ou de ce qui en tenait lieu. Ce jeune poète aspirait à un idéal de beauté, mais aussi de vérité que ne pouvait lui offrir le monde qui l’entourait ; il se tourna donc vers le passé en cherchant dans les souvenirs de l’Antiquité le sens de la liberté humaine, alors méconnu du christianisme. L’amoureux de notre belle Provence et des nymphes du Groseau se plongea dans la recherche des auteurs anciens, de Cicéron en particulier ; il devint le premier antiquaire chasseur de manuscrits, parcourant les centres intellectuels de l’Europe occidentale, s’arrêtant dans tous les monastères, tissant un réseau d’information : sa première découverte fut le Pro archia de Cicéron à Liège en 1333. Il récupéra ainsi des dialogues de Platon, des œuvres d’Homère, un Quintilien pitoyablement mutilé, l’Histoire Naturelle de Pline l’Ancien, des discours et des épîtres de Cicéron, dont le recueil complet, de ses lettres à Atticus et à Quintus découvert à Vérone. Pétrarque y avait un ami, Guglielmo da Pastrengo, lui aussi antiquaire chasseur de manuscrits. Alors apparurent des noms d’œuvres ensevelies depuis longtemps, dont l’Histoire Auguste, recueil d’ouvrages relatant les vies des empereurs romains depuis Hadrien (117-138) jusqu’à Dioclétien (fin du IIIe siècle). Pétrarque a suscité l’éclosion de toute une génération d’humanistes, comme lui chasseurs de manuscrits, qui ont sauvé à peu près tout ce qui pouvait l’être en Europe. Parmi eux, le célèbre Giovanni Aurispa (1370-1459), plus connu pour avoir ramené de nombreux manuscrits de Grèce, se mit à explorer quelques bibliothèques occidentales. Quittant Bâle à l’été 1433, il descendit le Rhin jusqu’à Mayence, et y découvrit outre quelques livres de Pline l’Ancien, les douze panégyriques latins, dont l’un nous a transmis la vision de Constantin au célèbre temple d’Apollon Grannos (à Grand), manuscrit unique d’une œuvre ignorée de ses contemporains (qui ne connaissait que la vision du Pont Milvius).
Mais la découverte des manuscrits à partir de la Renaissance n’assurait pas forcément leur diffusion ; les autorités ecclésiastiques continuaient à veiller ; c’est ainsi que le pape Pie V, ancien dominicain et grand inquisiteur, défendit à Sirleto, bibliothécaire de la Bibliothèque Vaticane, de communiquer un Eunapius Rhetor à l’érudit français qui le demandait pour le faire copier. L’argument invoqué fut que ce manuscrit était un livre impie et scélérat *.
Le diocèse de Rieux n’était pas très étendu, et les devoirs de l’évêque n’étaient pas très lourds. Un jour, il reçut une lettre d’Érasme lui demandant de lui prêter un manuscrit de Flavius Josèphe. L’auteur de l’Éloge de la folie préparait alors une édition de Josèphe pour les frères Froben, et, faisant rechercher partout les manuscrits qui pouvaient contribuer à l’établir, il avait appris que l’érudit évêque de Rieux en possédait un. La lettre fut interceptée. On ne put la lire, mais le nom d’Érasme était une
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preuve suffisante du caractère hérétique de la missive. Flavius Josèphe étant le seul juif qui eût parlé de Jésus-Christ, on se demandait ce que ces pêcheurs de manuscrits pourraient bien ramener dans leurs filets. L’évêque, malgré son âge et son rang, fut convoqué, fut immédiatement accusé d’hérésie et sommé d’en faire la lecture devant l’assemblée du Parlement. La lettre fut lue deux fois devant le Parlement, la seconde lecture ayant été demandée parce que ses honorables membres savaient peu le latin. Heureusement la lettre avait été rédigée avec cette prudence qu’Érasme mettait toujours à écrire, et grand fut le désappointement de ces dévots. Le manuscrit de Velleius Paterculus, découvert en 1515, a été depuis égaré ou perdu, presque aussitôt après sa découverte donc. Il fait partie de ces manuscrits fantômes disparus à peine entrevus. N.B. Par contre, on connaît au moins 275 manuscrits d’Orose, le plus ancien remontant au VIe siècle.
Plus près de nous encore, Michel O’Cléry, en 1631, dans sa dédicace et dans sa préface du Livre des invasions (la version K du Lebor Gabala Erenn) ne spécifiait-il pas noir sur blanc… Traduction du gaélique, et notes prises à la volée au téléphone, le lecteur nous pardonnera la mauvaise qualité du texte qui suit.
Dédicace. « Moi, frère Michael O'Cléry, j’ai, avec la permission de mes supérieurs, entrepris de purger d’erreur, rectifier et transcrire la vieille chronique nommée Livre des Invasions, afin que ce soit à la gloire de Dieu, à l’honneur des saints et du royaume d’Irlande, et à la satisfaction de ma propre âme… Le 22e jour d’octobre, les corrections et la rédaction du Livre des Invasions furent commencées et, le 22 décembre, la transcription fut achevée dans le couvent des frères ci-dessus nommés, en la sixième année du règne du roi Charles sur l’Angleterre, la France, l’Écosse et l’Irlande, en l’année de Notre Seigneur 1631 (Frère Michel O’Cléry). Préface. « Il a semblé à une partie du peuple et à moi, le pauvre simple frère Michel O'Cléry, de Tirconnel, un des frères nés dans le district du couvent de Donnégal, dont l’héritage, reçu de mes ancêtres, est l’état de chroniqueur, que ce serait une charité de la part d’un Irlandais, de corriger, compiler et ré-écrire l’ancienne et honorée chronique, qui est nommée le Livre des Invasions, pour ces raisons. La première raison : Mes supérieurs m’ayant chargé de recueillir les Vies et Généalogies des saints irlandais… il m’a semblé que le livre dont j’ai parlé était incomplet sans la correction et la rédaction du Livre des Invasions susindiqué, parce que celui-ci est la source originale de l’histoire des saints, des rois, des nobles et du peuple irlandais. Autre raison encore. Je savais que des hommes instruits en latin et en anglais avaient commencé à traduire cette chronique irlandaise du gaélique en ces langues ci-dessus dites, et qu’ils n’avaient pas une assez profonde connaissance du gaélique pour avoir pu colliger sans ignorance ni erreur, les parties difficiles ou faciles de la susdite chronique ; et j’ai pressenti que la traduction qu’ils pourraient faire serait nécessairement (par manque de connaissance du gaélique), un éternel reproche et un déshonneur pour toute l’Irlande et particulièrement aussi pour ses chroniqueurs. Ce fut pour ces raisons que j’ai entrepris, avec la permission de mes supérieurs, de corriger et de compiler ce livre, et d’y réunir, par extraits des autres livres, tout ce qui lui manquait en fait d’histoire et d’autre science, aussi bien que nous avons pu, eu égard à l’espace de temps que nous avions pour le rédiger…… Nous n’avons pas voulu parler du premier ordre du Créateur, des choses créées, des cieux, des anges, du temps et de la grande masse incréée avec laquelle la Divine volonté seule, dans le travail des six jours, forma les quatre éléments et tous les animaux habitant la terre, l’eau et l’air, parce que c’est aux théologiens qu’il appartient de traiter de ces choses et parce que nous ne jugeons aucune d’elles nécessaire à notre ouvrage, avec l’aide de Dieu. C’est par les hommes et le temps seulement, que nous jugeons convenable de commencer notre livre, c’est-à-dire, depuis la création du premier homme, Adam, dont nous suivons les descendants, nos ancêtres, en leur ligne directe, de génération en génération, jusqu’au terme de notre entreprise qui s’arrête à la fin du règne de…, etc. »
Henri Lizeray n’a pas l’air de trouver ça grave**, nous si !
*En ce domaine les talibans chrétiens de l’Antiquité tardive ou du Moyen-âge se sont comportés comme les journalistes français vis-à-vis des hommes politiques qu’ils n’aiment pas a) ou comme dans la Russie où certaines photos célèbres se dépeuplaient à force d’y effacer les adversaires politiques qu’on ne voulait plus voir y figurer. Or quand on voit le peu de pertinence souvent du vocabulaire qu’ils emploient dans le titre de leurs articles ou dans le corps même du texte desdits articles, on ne peut que se poser des questions sur le degré ainsi que sur la forme de leur intelligence (analytique, synthétique, mathématique, empathique ou autre). Un des grands progrès de la démocratie serait d’y distinguer clairement le journalisme d’information du journalisme d’opinion. Les deux étant parfaitement légitimes à condition de ne pas prétendre être l’autre.
a) Mais qui peut se vanter de connaître les idées d’un parti voire même de son chef s’il n’a pas étudié patiemment et de façon presque exhaustive leurs déclarations, en parallèle avec leurs faits et gestes ? La plupart du temps il s’agit donc des idées reçues que l’on prête à ces hommes politiques, que ce soit pour les servir ou leur nuire. Comme l’a très bien dit en résumé le télégramme 07 Paris 306, de
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l’Ambassade américaine divulgué par feu Wikileaks : « Le secteur privé des médias en France – journaux, radios et télévisions – continue d’être dominé par un petit nombre de conglomérats, et les médias français sont plus régulés ou soumis aux pressions politiques voire commerciales que leurs homologues américains…
Ces journalistes ne considèrent pas nécessairement que leur premier rôle est de surveiller le gouvernement ou le pouvoir en place. Beaucoup d’entre eux se regardent plus comme des intellectuels, préférant analyser les événements et influencer les lecteurs plutôt que rapporter des faits ».
**Voilà l’exposé du Leabar Gabala. C’est merveille que cet ouvrage, dont l’importance dépasse celle des Annales d’Irlande n’ait pas déjà tenté un traducteur. La cause en est une expression peu rassurante qui fit illusion à O'Donovan lui-même, lorsqu’il la lut dans la préface d’O'Cléry. Cet auteur dit, en effet, qu’il a corrigé, expurgé et rédigé. Mais les coupures, loin de nuire à l’ouvrage, lui sont profitables, car elles ont été pratiquées sur les redites et principalement sur les interpolations bibliques. O'Cléry nous indique la nature de ces prétéritions quand, à la fin de sa préface, il dit qu’il passera sous silence ce qui concerne la création et autres inventions bibliques. Puisse ce travail attirer l’attention sur les études celtiques, trop longtemps négligées pour les classes latines. Il semble que l’idéal de nos professeurs soit de faire de leurs élèves des Romains du siècle d’Auguste, et, de fait, les idées morales de nos jeunes gens ne s’élèvent pas au-dessus du niveau d’un Horace ou d’un Catulle.
Note de l’auteur de cette compilation : Henri Lizeray nous semble vraiment sévère en ce qui concerne Catulle.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 41 suite.
La dette la dette. Dette se dit « Fiacha » en gaélique. Il s’agit donc d’un jeu de mots comme il en existe beaucoup en gaélique. Ce que voulait dire Glass, bien sûr, c’est que Fiacha, le fils de Fir Aba, les avait trahis en se portant au secours de Sétanta Cuchulainn. Mais comme Fiacha signifie également dette en gaélique, Maeve a pensé à tout autre chose, et Fergus, qui avait bien compris, lui, s’est bien gardé de la détromper.
Le père de Fer Diad. Il faut comprendre que les Domnan sont le peuple ou la lignée à laquelle il appartient. En l’occurrence il s’agit des Domnonéens de Grande-Bretagne ou d’Irlande (Cornouailles et Devon, région de Glasgow, comté de Mayo). Nous avons là une très bonne illustration du fait qu’il ne faut pas vraiment prendre au pied de la lettre tous les « fils de » ou meic, mac, de nos textes. Ils ne sont pas là pour signaler une véritable filiation, mais pour signaler une appartenance ethnique ou clanique. Un peu comme quand on parle de notre pays et de ses enfants morts à la guerre tombés au champ d’honneur, etc. Eh oui mon frère, il ne faut pas toujours tout prendre au pied de la lettre dans un texte sacralisé par et pour des hommes. Il faut tenir compte des façons de s’exprimer. Une langue humaine ce n’est pas un langage mathématique (les différents paradoxes de Zénon l’ont bien démontré), c’est un langage symbolique qui peut donc varier au cours des âges d’où la profonde bêtise bien humaine, mais crasse consistant à toujours prendre au pied de la lettre un propos couché par écrit, donc figé, il y a 2000 ans. Et comme une langue humaine, c’est aussi une façon de penser, nous devons : a) lutter contre l’inquiétant phénomène qu’est la mort de plus en plus de langues naturelles (cas de plus en plus fréquent avec le globish qui est un rouleau compresseur d’autant plus efficace qu’il est mû par l’opportunisme et l’arrivisme * le plus souvent (l’homme a l’égoïsme chevillé au corps) et qui a succédé à l’impérialisme culturel du grec et du latin antique ou médiéval. b) soutenir le maintien et même la renaissance des belles langues que sont le navajo, le gaélique, le cri, le gallois, l’ojibwé, le samoan, l’hawaïen, voire le romanche en Suisse le frioulan dans le nord-est de l’Italie, le basque en Espagne et au nord des Pyrénées, le catalan dans le sud-est de la France pour ce qui est de l’Europe et ainsi de suite… Il faut être pour la biodiversité en matière linguistique, car chaque langue est une façon de penser, de voir le monde, une poésie quoi, du moins dans le meilleur des cas évidemment, car le jargon de la bourse et des banquiers ne l’est guère (principe de précaution, que se passera-t-il quand il n’y aura plus qu’une seule façon de penser sur Terre ?). Il est parfaitement exact que toutes les civilisations ne se valent pas, mais toute langue humaine qui disparaît appauvrit le patrimoine culturel commun de l’Humanité puisqu’il n’y a pas de race supérieure. c) développer la pratique des grandes langues de communication internationales neutres et plus logiques, que sont l’espéranto l’ido ou interlingua voire le souahéli ? car ainsi que nous l’avons vu
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toute langue humaine est une poésie de la vie. Nos ancêtres l’avaient bien compris et ils s’en servaient pour manipuler les foules sous le nom de « rhétorique » ou « art de bien parler ». C’est bien d’ailleurs une des rares choses que nos hommes politiques ont retenues de leur civilisation : l’art de manipuler ou tromper les électeurs en disant ce qu’il faut pour cela.
N.B. Le cas des généalogies divines est différent, de tels meic, mac, sont là pour signaler les liens de cause à effet pouvant exister entre concepts, selon les druides, du genre « Piété fille de l’Ignorance », « Sûreté fille de Prudence » (mieux vaut prévenir que guérir en effet)…
* Pour donner l’impression d’être plus intelligent, pour monter plus haut dans la hiérarchie de son entreprise, pour vendre plus de chansons (qu’il y ait des langues plus belles que d’autres… est une idée reçue, et reçue bêtement, sans réflexion, car toute langue peut être belle et admirable… quand on a du talent pour l’illustrer), bref pour gagner toujours plus d’argent de gloire de puissance. Motivation sans aucun doute de l’homme politique français qui fut élu chef de l’État en 2007 avec la complicité objective de la majorité des gens de médias (ils ont tu les graves défauts de la personnalité du candidat qui se présentait devant les citoyens pour être élu alors qu’ils ont été d’une objectivité féroce vis-à-vis des autres concurrents alors en lice. Situation il est vrai rigoureusement inverse cinq ans plus tard ; cinq ans, le temps que tous ces gens de média réalisent leur erreur sans doute. D’où encore une fois la nécessité de se garder de toute pensée unique ou de toute approche doctrinale. Ce qui doit être cultivé ce n’est pas le conformisme intellectuel (voir tous les tabous et les non-dits du petit monde des médias français*), mais l’esprit critique, le cerveau humain qui « gamberge ».
* Ajoutons que ce manque d’honnêteté intellectuelle des gens de médias qui confisquent les informations et monopolisent les débats explique en grande partie pourquoi l’on parle si peu (pour y trouver des solutions les plus démocratiques possibles) des grands défis qui attendent l’Humanité dans les années à venir (réchauffement climatique, énergies renouvelables, décroissance contrôlée, développement des obscurantismes religieux, dictatures personnelles ou totalitarismes fondés sur la religion…, etc.)
Imtrascrad. Il s’agit d’une forme de lutte analogue à la glima toujours pratiquée en Islande (nous disons bien Islande) ou au gouren en Bretagne. Autrement dit une lutte celtique comme il peut y en avoir en Grande-Bretagne.
Gaili Dana ??? Les hommes de Gaili ?? Les Gaili ???
Vingt-sept. Cela ressemble furieusement à l’histoire de Calatin ci-dessus. Il s’agit donc d’un doublet. Cela montre bien en tout cas la façon de travailler des bardes médiévaux gaéliques. Des idées de base déclinées ensuite à l’infini en changeant les noms et les circonstances). On a exactement la même chose dans la Bible avec l’histoire de Goliath. Tué par David enfant ou par un capitaine de la garde du roi David adulte selon les passages (1 Samuel 1, 2 Samuel 21). N.B. Il va de soi que nous ne sommes pas assez bêtes pour gober les explications du type « oui, mais c’est parce qu’il y avait deux Goliath ! » En ce qui concerne le doublet qui nous préoccupe, il est clair que sa version telle qu’elle est consignée dans le livre de la vache brune est amputée de divers passages par rapport à celle du livre du Leinster. Manque par exemple le passage où notre héros a failli être noyé dans le gué. Ainsi que d’autres.
Etc. Et oui, et les mots pour le dire figurant ici dans notre texte ne sont pas du gaélique, mais du latin : et reliqua.
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Chapitre XX. Le combat contre Fer Diad.
Les Irlandais se demandèrent alors quel homme ils pourraient bien envoyer se battre en duel contre le Hésus Cuchulainn à la première heure dès le lendemain matin. Tous tombèrent d’accord pour que ce soit Fer Diad fils de Daman fils de Daré, le brave guerrier des Fir Domnan, car leur force dans les combats ou les affrontements était comparable, voire similaire. Ils avaient appris les arts martiaux ainsi que le maniement des armes dans les mêmes écoles, chez Scathache Uathache et Aife, et aucun n’était plus fort que l’autre à l’exception que le Hésus Cuchulainn maniait à la perfection le javelot-foudre (gae bolga). Néanmoins pour contrebalancer cela Fer Diad avait une cuirasse en corne pour affronter des guerriers sur un gué. Des messagers ou des coureurs furent envoyés à Fer Diad. Ferd Diad refusa, repoussa et refusa encore ces messagers. Il ne revint jamais avec eux, car il savait bien ce que l’on attendait de lui, à savoir affronter son ami compagnon et frère d’armes, le Hésus Cuchulainn fils de Sualtam, aussi refusa-t-il de les suivre. Maeve dépêcha donc des satiristes (druith) des jeteurs de sorts (glamma) et des provocateurs (crúadgressa) à Fer Diad, afin qu’ils lancent contre lui trois satires ou trois malédictions faisant apparaître sur son visage trois boutons, celui de la honte celui de l’opprobre et celui de la disgrâce, de sorte qu’il en meure avant la fin d’un délai de neuf jours s’il ne succombait pas immédiatement, à moins bien sûr qu’il ne revienne avec les messagers. Afin de garder intact son honneur Ferd Diad finit par venir avec eux, car il pensait qu’il valait mieux succomber lors d’un combat caractérisé par le courage les prouesses et la bravoure que sous les traits d’un satiriste d’un jeteur de sort et d’un provocateur. Quand il arriva, il fut reçu avec honneur et on lui servit toute de suite des mets au goût délicieux, une boisson enivrante coula même à flots pour lui jusqu’à ce qu’il en devienne ivre et tout joyeux. De grandes récompenses lui furent promises pour ce combat, à savoir un char valant quatre fois sept femmes esclaves, des habits de toutes les couleurs pour douze hommes, l’équivalent de son propre domaine pris sur les meilleures terres arables de la plaine d’Ai, gan chobach, gan dúnad, gan slúagad, avec exemption d’impôts et de tribut, de service militaire au château, et d’expédition. Pour lui, son fils, son petit-fils et son arrière-petit-fils et ainsi de suite, jusqu’à la fin des temps, Findabair comme femme, et en plus la broche en or du manteau de Maeve.
Maeve lui tint ce discours et Fer Diad lui répondit.
Tu auras comme récompense de nombreux bracelets
Ainsi qu’une part de plaine et de forêt
Le tout librement tenu en franc-alleu par ta postérité
Dorénavant et pour toujours
Ô Fer Diad fils de Daman
Tu auras plus que ce à quoi tu t’attends
Pourquoi donc n’accepterais-tu pas
Ce que les autres accepteraient ?
Je n’accepterai pas sans que des garanties me soient données,
Car je ne suis pas un guerrier ignorant l’art du lancer.
Ce sera une tâche écrasante pour moi demain
Immense sera l’effort.
Affronter le Chien dit de Culann
Est une tâche cruelle et rude
Il ne sera pas facile de lui résister
Sa force est un véritable fléau.
Tu auras des guerriers comme garants
Tu n’auras pas besoin de te rendre aux assemblées
On te remettra en main propre
De fins coursiers avec leurs brides.
O valeureux Fer Diad
Puisque tu es un homme sans peur
Tu seras mon favori
Au-dessus de tous les autres et sans tribut à verser.
Je n’irai pas sans avoir obtenu des garanties
Engager la bataille sur ce gué
Son souvenir durera jusqu’au jugement dernier.
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Intact et vigoureux
Noco géb ge ésti
Gera beth dom résci
Je n’accepterai rien qui soit ???
Qui que ce soit qui le demande ??
Sans un serment par le soleil et la lune
La mer et la terre.
À quoi te sert de tergiverser
Jure comme il te plaira
Et les mains droites de rois ou de princes
Se joindront à la tienne pour cela
Il y a ici quelqu’un qui ne te prendra rien bien au contraire ?
Tu auras tout ce que tu demandes
Car il est certain que tu abattras
L’homme qui viendra te rencontrer.
Je n’accepterai pas sans au moins six cautions
Et pas une de moins
Avant d’accomplir des exploits
Devant toute l’armée réunie.
Si ce que je demande m’est accordé
Alors j’accepterai, bien qu’étant moins fort que lui
De me battre en duel
Contre l’impitoyable Hesus Cuchulainn.
Que ce soit Domnal ou Carpre
Ou le brillant Niaman roi du pillage
Voire des gens de la troupe des bardes
Tu auras les garants que tu veux.
Prends Morand comme garant
Si tu souhaites son intervention
Prends l’aimable Carpre de l’île de Man
Et prends même nos deux fils.
O Maeve la vantarde !
Les qualités du fiancé [de ta fille] ne t’intéressent même pas.
Tu es assurément la gardienne du bétail
De la forteresse de Cruachan
Tu parles haut et fort et grande est ta fougue (nert)
Apporte-moi du satin aux couleurs chatoyantes (santbrecc) ?
Donne-moi ton or et ton argent
Puisque tu me les as offerts.
N’es-tu pas le héros par excellence
Celui à qui je remettrai ma broche ronde ?
Pour toujours, Il ne peut pas y avoir de plus longue durée.
Ô puissant et célèbre guerrier,
Tous les plus beaux trésors de la terre
Te seront ainsi donnés,
Tu les auras tous.
Finnabair objet de toutes les passions ??
La reine de l’ouest d’Elga
Quand le chien du forgeron Culann aura été tué
Tu l’auras, ô Fer Diad.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 42.
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Le combat contre Fer Diad est un morceau très émouvant à cause de l’amitié qu’éprouvent l’un pour l’autre les deux adversaires qui cependant ne se ménagent pas et dont l’un finira par tuer l’autre. Le dernier en date des guerriers qui suivant notre épopée livra au Hésus Cuchulainn un combat singulier, Fer Diad, appartenait à la tribu des Fir Domnann. Ainsi étant comme le Hésus Cuchulainn d’origine brittonique, il se trouvait appartenir au même peuple que notre héros, voire être son parent, un lointain cousin en quelque sorte : tu mh'aiccme tu mh'fhine, dit d’ailleurs le Hésus Cuchulainn à Ferd Diad. Ajoutons qu’ils avaient appris les arts martiaux dans une même école « militaire », celle dirigée d’une main de fer par la reine Scathache. D’après d’Arbois de Jubainville ce serait là une addition à la version primitive du mythe pour deux raisons.
La première raison est que le discours de Sualtam le père adoptif du Hésus Cuchulainn, avertissant les Ulates de ce qui se passe, quatre chapitres après, semble l’ignorer.
La seconde raison est que dans cet épisode notre héros porte un casque (cathbarr) et une cuirasse (lurech). Alors que dans tous les autres épisodes avant (à l’exception d’un) il n’a qu’un bouclier comme arme défensive.
Peut-être, il n’en demeure pas moins le fait que casques cuirasses et même cottes de mailles étaient connus des guerriers de la civilisation laténienne.
Quelques mots sur Fer Diad maintenant. Le nom de Fer Diad comme celui de Cuchulainn (Sétanta) n’est en réalité qu’un surnom épique sous lequel se cache le vrai nom, caché si bien qu’il a été oublié. Fer Diad signifie en réalité « Dernier guerrier » ou « Guerrier final », car il est celui qui, faisant partie du camp de Maeve, livrera un ultime combat singulier contre le Hésus Cuchulainn. Un des peuples celtes de Grande-Bretagne sous l’Empire romain était les Dumnonii établis à l’extrême sud-ouest, là où sont aujourd’hui les comtés de Cornouailles et le Devon. Les Dumnonii étaient des Celtes du rameau brittonique, gens Brittana, comme dit Solin, 22, 7. Ils eurent trois colonies : une dans la région septentrionale de la Grande-Bretagne ; une autre dans la région nord de la Bretagne continentale. Mais d’autres Dumnonii étaient allés plus anciennement s’établir en Irlande dans la partie septentrionale du Connaught, là où est aujourd’hui le comté de Mayo, région appelée à cause d’eux au Moyen-âge campus Domnon et Domnan. C’est dans cette colonie irlandaise dite Irros Domnann que demeuraient les Fir Domnann de l’époque. N.B. Quant au nom initial du Hésus Cuchulainn dans cette épopée, voici ce qu’en dit d’Arbois de Jubainville. Sétanta est la prononciation irlandaise de Setantios, nominatif singulier de Setantii, nom d’un peuple de Grande-Bretagne d’où vient un terme géographique, Setantiwn limhn, port des Setantii, qui désigne une baie située en face de l’Irlande, sur la côte occidentale de la Grande-Bretagne. On ne peut guère déterminer rigoureusement à quelle latitude cette baie se trouvait. Forbiger hésite là-dessus. Elton dans ses Origines de l’histoire anglaise la met près de Lancastre et pense que les Setantii formaient une tribu des Brigantes. Les Brigantes étaient un des principaux peuples de la Grande-Bretagne, leur territoire touchait à l’est la mer du Nord et à l’ouest atteignait le canal qui sépare la Grande-Bretagne de l’Irlande ; Eburacum, York paraît avoir été leur ville principale ; ils avaient une colonie en Irlande dans la région sud-est de cette île aux environs de Wexford. Ce sont eux qui ont apporté en Irlande le nom de Sétanta.
Et Aife. Mention qui ne va pas vraiment dans le sens du chapitre sur l’apprentissage du jeune Hésus Cuchulainn où Scatache et Aife sont rivales, voire ennemies. Satiristes. Nous traduisons ainsi le mot gaélique druith qui signifie à proprement parler « amuseur ou bouffon », mais si l’on en croit l’edil ou dictionnaire électronique de la langue irlandaise certains fous pouvaient aussi jouer les satiristes. Les malédictions qu’ils lançaient sur quelqu’un étaient censées faire apparaître sur son visage les trois énormes furoncles mortels qu’étaient la honte le déshonneur et la disgrâce. Formule toute faite à prendre au sens figuré, tout comme l’expression « mourir de honte » bien entendu. Rougir de honte par contre peut ne pas être une simple image, le sentiment de honte peut aboutir à une dilatation des vaisseaux sanguins du visage.
Gan chobach, gan dúnad, gan slúagad. Influence évidente de la civilisation médiévale. N’oublions pas qu’au Moyen-âge tout seigneur en échange du fief qu’il recevait de son suzerain, lui devait un certain nombre de services, minutieusement codifiés : participation à son conseil si nécessaire, tant de jours de combat ou de chevauchées par an, etc. Ce que Maeve propose à Fer Diad c’est de lui donner un fief à la terre excellente, mais aussi franc de toutes ces charges, autrement dit un alleu un peu analogue à celui d’Ecréhou, donné en 1203 aux moines cisterciens par Jean, roi d’Angleterre pour les uns, Sans-terre pour les autres (le frère de Richard Cœur de Lion quoi !). La France a d’ailleurs disputé cette franche-aumône au Royaume-Uni en 1953 (voir Cour internationale de La Haye, affaire des Minquiers et des Écréhous). Les moines ont depuis cédé leurs droits sur cette principauté à un citoyen français appelé Jean-Pierre, Irénée, Tailllefumire. Franc-alleu. Seigneurie qui n’est tenue à aucun devoir envers un quelconque suzerain ou souverain comme c’était le cas en Normandie
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d’Yvetot. Son premier seigneur fut un jarl à qui Rollo avait confié ce territoire et les seigneurs d’Yvetot bénéficièrent de tous les privilèges de la souveraineté jusqu’en 1551. Donc presque une principauté indépendante comme le Monaco de Grace Kelly. Le « presque » s’impose, car dans le cas de la principauté de Boisbelle-Henrichemont près Berry si ma mémoire est bonne il fut plaidé puis jugé au XVIIIe siècle qu’elle était quand même soumise « en droit » à la Couronne. Le jugement dernier. Une formulation chrétienne a peut-être remplacé ici le concept plus païen de « fin d’un cycle ». Strabon atteste que les druides envisageaient précisément une fin du monde par le feu et l’eau. Toute la question est de savoir si cette fin du monde était pour eux définitive ou si ce n’était que la condition nécessaire à la naissance d’un nouveau monde.
« Par le soleil, la lune, la mer et la terre » et « par le ciel, la mer et la terre » sont deux des formules habituelles de serment chez les Celtes d’Irlande. On ne saurait mieux dire l’importance qu’ils attachaient à ces éléments. Aujourd’hui par contre on prête serment sur les amas de feuilles de papier couverts de gribouillis obscurs (combien d’arbres a-t-il fallu abattre pour cela ?) que l’on appelle sainte Bible ou saint Coran, donc finalement sur un produit de l’industrie humaine. Alors pourtant que la lettre toujours tue l’esprit (c’est d’ailleurs pourquoi les anciens druides déconseillaient formellement de coucher par écrit la littérature orale relative à la métaphysique ou à la spiritualité).
Les six cautions. Rappelons que dans la société celtique antique, l’État n’étant pas aussi tentaculaire qu’aujourd’hui, en cas de conflits, on comptait surtout sur l’intervention de garants choisis préalablement, voire sur l’intervention d’un arbitre (un juge choisi et accepté par les deux parties comme Morand) pour obtenir ce qui vous était dû.
Pour toujours. Ó'ndiu co tí domnach. Littéralement « d’aujourd’hui jusqu’au jour du Seigneur » autrement dit « d’aujourd’hui jusqu’au jour du jugement dernier ». Le jour du Seigneur (domnach) n’est pas un simple dimanche comme le traduit Cécile O’Rahilly. Sur la question « fin du monde ou fin d’un cycle », voir note un peu plus haut.
Objet de toutes les passions. Nous rendons ainsi la formule gaélique na fergga qui a toutes les chances d’avoir été employée ici uniquement pour les besoins de la rime (ah ces bardes). Rappelons au passage que Findabair est l’équivalent celtique du gallois Gwenhwyfa autrement dit la reine Guenièvre. Aujourd’hui Jennifer. Un beau prénom. Sa signification par contre est plus douteuse. On y retrouve le radical Vindo = blanc = beau, mais le reste est plus problématique. Blanc fantôme ? Beau fantôme, Belle forme ?
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Fer Diad s’engagea enfin auprès de Maeve à se battre le lendemain matin contre six guerriers à la fois, ou s’il l’estimait préférable, contre le Hésus Cuchulainn seul. Il obtint d’elle, ainsi qu’il l’avait donc espéré, qu’elle demande alors à ces six guerriers de jurer sur leur honneur, de tout faire pour que les promesses qui lui avaient été faites soient bien tenues si le Hésus Cuchulainn était abattu par lui.
Ensuite on prépara les chevaux de Fergus, son char fut attelé puis il se rendit à l’endroit où se trouvait le Hésus Cuchulainn afin de l’informer de ce qui s’était passé. Notre héros lui souhaita la bienvenue. Ta visite est la bienvenue, maître Fergus, dit le Hésus Cuchulainn. Je pense que ce souhait de bienvenue est sincère, mon garçon, répondit Fergus. Mais la raison pour laquelle je suis venu c’est que je voulais te dire qui vient demain te rencontrer puis t’affronter de bonne heure demain matin. Nous t’écoutons, répondit le Hesus Cuchulainn. Ton ami compagnon et frère d’armes, l’homme qui est ton égal en matière d’arts martiaux de prouesses et de hauts faits, Fer Diad fils de Daman fils de Daré, de braves guerriers des Fir Domnan. Par ma foi, s’exclama le Hésus Cuchulainn, ce n’est pas pour que cela finisse en duel que je souhaite que viennent me voir mes amis. Voilà pourquoi, répondit Fergus, tu devras être sur tes gardes et te préparer, car maintenant Fer Diad fils de Daman fils de Daré n’est pas comme le reste de ceux qui sont venus à ta rencontre pour t’affronter en combat singulier tout au long de l’expédition de Cualnge. De toute façon je suis ici, répondit le Hésus Cuchulainn, en train de retenir et d’arrêter les quatre grandes provinces d’Irlande depuis le premier jour de la lune après Samon (1er novembre) jusqu’au jour d’Ambolc, et de tout ce temps-là je n’ai pas reculé d’un pouce devant un seul homme. Aussi je pense que je ne reculerai-je pas davantage devant lui,
O Hésus Cuchulainn, guerrier objectivement accompli (comal nglé)
Je vois qu’est venu pour toi le temps de te lever
Fer Diad fils de Daman, le visage tout rouge
Arrive ici pour t’affronter, tout bouillant de colère guerrière.
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Je suis ici, ce n’est pas une sinécure,
À contenir avec force les Irlandais
Je n’ai jamais reculé d’un pouce
Dans aucun des duels.
Féroce est l’homme qui bout de rage guerrière
Avec son épée toute rouge de sang
Fer Diad à la nombreuse escorte a une cuirasse de corne
Contre laquelle ni lutte ni combat ne peuvent quelque chose.
Tais-toi et n’insiste pas,
O Fergus aux redoutables armes
Quel que soit le pays ou la terre
Il n’y a pas pour moi de combats désespérés.
Féroce est l’homme, à la vingtaine d’exploits
Il n’est pas aisé d’en venir à bout.
Il a la force d’une centaine d’hommes, c’est un brave.
La pointe des armes ne l’atteint pas, le tranchant des armes ne l’entame pas.
Si nous devons nous retrouver sur un gué
Moi et Fer Diad l’homme à l’armure
Ce ne sera pas un combat sans férocité
Notre duel à l’épée sera empreint de fureur guerrière.
Je préfèrerais à toute récompense
O Sétanta Cuchulainn à l’épée rouge
Que tu sois celui qui ramènera en direction de l’est
Les dépouilles du trop orgueilleux Fer Diad.
Je te le jure et je te le promets
Bien que je ne sois pas un expert en vantardises
Que je serai celui qui triomphera
Du fils de Daman fils de Daré.
C’est moi qui ai réuni toutes ces forces armées venues de l’est
En réparation du tort que m’ont causé les Ulates
Avec moi sont venus de chez eux
Leurs héros ainsi que leurs guerriers.
Si Cunocavaros/Conchobar n’était pas malade,
La rencontre avec lui aurait été dure.
Maeve de la Plaine de Scail ? ne se serait jamais lancée
Dans une aussi lamentable expédition.
Un exploit encore plus grand attend ta main
Le duel contre Ferd Diad fils de Daman.
Aie avec toi ô Sétanta Cuchulainn
Une arme dure, impitoyable, et renommée pour ça dans les poèmes.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 43.
Sur Samon (ios) et Ambolc voir notre contre-lai précédent. Ajoutons néanmoins que cette mention du lundi dans une telle chronologie ne doit pas être banalisée. Il doit bien s’agir du jour et même plus précisément de la nuit « de la lune », le calendrier druidique de Coligny n’étant pas seulement solaire, mais luni-solaire.
Comal nglé signifie en gaélique quelque chose comme « lumineux accomplissement ». Toute la question est de savoir si cet accomplissement a un sens restreint (guerrier) ou plus large (homme). Gué. À propos de l’omniprésence des gués dans toute cette série de duels. À Paris jadis les duels se
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déroulaient dans un pré, si souvent que cela en devenu proverbial. Il faut croire que chez les Celtes antiques ils avaient lieu au beau milieu d’un gué.
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Fergus revint au camp. Fer Diad rejoignit sa tente et ses gens, et leur raconta comment Maeve avait conclu avec lui un arrangement selon lequel il rencontrerait puis affronterait six guerriers le lendemain matin ou bien rencontrerait puis combattrait le hésus Cuchulainn seul s’il préférait. Il leur raconta également qu’il avait obtenu de Maeve que ces mêmes six guerriers se portent garants de l’exécution des promesses qui lui avaient été faites si le Hésus Cuchulainn devait être abattu par lui. Cette nuit-là les hommes qui étaient sous la tente de Fer Diad ne furent ni gais, ni tranquilles, ni joyeux, ils furent au contraire tristes, soucieux et abattus ; car ils savaient que quand nos deux héros, ces deux béliers creusant des brèches dans les bataillons ennemis, se rencontreraient, l’un d’entre eux voire les deux n’en sortirait pas vivant, et si cela ne devait être que l’un d’entre eux, ils pensaient que ce serait leur propre maître, car il n’était guère aisé de rencontrer puis de se mesurer au Hésus Cuchulainn à l’occasion de l’expédition de Cualgne.
Fer Diad commença par dormir profondément au début de la nuit, mais quand le matin fut venu, son sommeil le quitta son ivresse se dissipa, et l’angoisse du combat s’abattit sur lui. Alors il ordonna donc à son cocher de préparer ses chevaux et d’atteler son char. Le cocher commença par l’en dissuader. Il vaudrait mieux pour toi rester ici qu’aller là-bas, s’exclama l’aurige. Tais-toi, cocher, lui répondit Fer Diad. Et en parlant de la sorte il prononça ces mots et l’écuyer lui répondit ce qui suit.
Partons maintenant pour cette rencontre
Afin d’affronter cet homme
Rendons-nous sur le gué
Au-dessus duquel criera la [déesse de la guerre] Bodua
Partons à la rencontre du Hésus Cuchulainn
Larder de coups son petit corps fluet,
Qu’une pointe de javelot puisse le transpercer
Au point qu’il en meure.
Il vaudrait mieux pour toi rester ici.
Il n’y aura pas de mots doux pour toi là-bas
Il y en aura un sur qui s’abattra le chagrin
Votre combat sera bref.
Un duel avec un noble Ulate
Est de ceux dont peuvent surgir de grands maux
Malheur à qui se lance dans une telle entreprise !
Ce que tu dis n’est pas juste
Car le manque d’assurance n’est pas l’affaire d’un guerrier
Et nous ne devons montrer aucune timidité.
Nous ne resterons pas ici pour toi.
Silence, cocher,
Nous devons maintenant nous comporter bravement
Mieux vaut la force que la couardise
Allons nous battre maintenant.
Les chevaux de Fer Diad furent donc préparés, son char attelé, ensuite il partit en direction du gué du combat bien que le jour et sa lumière ne se soient pas encore levés. Bien, cocher, dit Fer Diad, étends les couvertures et les tapis de mon char sous moi que je dorme ici tout mon soûl, car je n’ai pas dormi la nuit dernière à force de penser à ce combat. L’écuyer retira les harnais des chevaux puis détela le char, et Fer Diad dormit tout son soûl dessus.
Quant au Hesus Cuchulainn maintenant, il ne se leva pas vraiment avant que toute la lueur de l’aube l’ait illuminé de ses rayons de peur que les Irlandais disent que c’était par peur ou couardise s’il se levait aussi tôt. Mais quand le jour fut bien levé, il demanda au cocher de préparer ses chevaux et d’atteler le char. Eh bien cocher, dit le Hésus Cuchulainn, passe les harnais sur les chevaux pour nous et attèle le char, car le guerrier désigné pour venir à notre rencontre est un lève-tôt, à savoir Fer
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Diad fils de Daman fils de Daré. Les chevaux furent préparés, le char attelé. Monte dans le char maintenant, ta valeur est intacte.
Alors le Hésus Cuchulain fils de Sualtam monta dans son char, lui le cogneur, le faiseur d’exploits, le vainqueur de toutes les batailles, le héros à l’épée rouge, et tout autour de lui les bánanaig & boccánaig & geniti glinni & demna aeóir, les bananach les bocanach les geniti glinni et les démons aériens, car les dieux (ou démons donc) de la déesse Danu avaient l’habitude de crier autour de lui afin que la peur la terreur l’horreur et l’effroi, qu’il inspirait, soient à leur comble dans tous les combats ou sur tous les champs de bataille et dans tous les conflits, où il intervenait. Il ne se passa guère de temps avant que le cocher de Fer Diad n’entende quelque chose : un bruit une clameur du tumulte comme un coup de tonnerre, du vacarme et un grand tintamarre, le bruit des boucliers, le cliquetis des lances, le martèlement puissant des épées, le bruit éclatant du casque, le son métallique d’une cuirasse, le frottement des armes, l’énergie des arts martiaux (dechraidecht na cless) le gémissement des attaches, le grondement de tonnerre des roues, les grincements du char, le bruit des sabots des chevaux et la voix profonde de l’héroïque guerrier qui venait sur le gué pour le rencontrer. Le valet d’armes s’approcha et posa la main sur son maître [pour le sortir de son sommeil] : Eh bien, Fer Diad, lui dit-il, lève-toi maintenant, car ils arrivent sur nous. Et l’écuyer prononça ces paroles :
J’entends le bruit d’un char
Au beau joug d’argent
J’y aperçois la silhouette d’un homme de grande taille
Qui se tient debout à l’avant d’un puissant véhicule.
Après avoir passé Bregros après avoir passé Braine,
Ils poursuivent leur route
Et traversent le lieu-dit de l’arbre sacré
Triomphalement, victorieusement.
Un chien habile conduit
Un guerrier à char lumineux y trône ?
Un noble faucon aiguillonne ses chevaux
Vers le sud.
Tout taché de sang est ce chien
Il vient assurément vers nous.
On sait bien, inutile de le taire,
Qu’il vient pour nous livrer bataille.
Malheur à qui est sur la colline
Attendant le valeureux Chien
L’an dernier j’ai prédit
Qu’il viendrait un jour
Le chien d’Emain Macha
Le chien à la silhouette de toutes les couleurs
Le chien des dépouilles, le chien des batailles
Je l’entends et il nous entend.
Eh bien, cocher, demanda Fer Diad, pourquoi donc n’arrêtes-tu pas de faire autant l’éloge de cet homme depuis que tu es parti de chez toi ? C’en est presque devenu un motif de querelle que de t’entendre chanter de la sorte ses louanges. Mais Ailill et Maeve m’ont prédit que cet homme tomberait sous mes coups, et comme c’est pour une forte récompense, il sera vite mis en pièces par moi. Mais maintenant il est temps que tu m’aides. Il prononça les paroles suivantes et le l’écuyer lui répondit.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 44.
Les démons aériens. Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, il s’agit d’un ajout chrétien glosant les geniti-glinne. Peut-être des vents comme le Circius ou vent du nord en Provence. C’est de cette manière que les anciens druides expliquaient le phénomène de l’écho. Les Grecs eux voyaient plutôt derrière l’action de diverses nymphes. Question de mentalité.
Afin que la peur la terreur l’horreur et l’effroi, qu’il inspirait, soient à leur comble. La guerre psychologique n’était donc pas inconnue des Celtes antiques. On ne saurait mieux dire en effet que tous ces cris de guerre étaient destinés à effrayer l’ennemi. Valet d’armes ou écuyer. Nous rendons
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ainsi le terme gaélique « gilla ». Arbre sacré. Bile. Vieux celtique billios. cf. vieux français bille = billot ou tronc d’arbre des débardeurs (je connais le métier, mon père l’a exercé avec son GMC quand j’étais enfant vers 1960). Toponymes : Billy (Antrim) Moville (Down), Billy et Billom en France, etc. Un arbre sacré… ou une sorte de totem.
Vers le sud ou vers la droite. Pour les Celtes antiques, le nord correspondait à la main gauche et le sud à la main droite (quand on fait face au soleil levant, donc quand on regarde vers l’est).
Le chien. Comparer quelqu’un à un chien était un compliment flatteur dans la société celte antique. Et nullement une insulte comme dans la Bible ou dans les hadiths de l’islam. On se demande bien d’ailleurs ce que la pauvre bête a pu faire à Dieu pour mériter un tel traitement : être considéré comme un animal impur. Alors qu’il n’est de plus impur animal que l’homme ! Le pacte de services réciproques conclu entre l’homme et le chien remonte en fait si loin dans le temps que l’on ne peut en situer le début. Il est probable que les liens de commensalisme se sont établis avant que des preuves archéologiques ne permettent d’en avoir les premières traces.
L’homme a commencé à cohabiter avec le chien il y a plusieurs milliers d’années avant notre ère, donc avant même l’apparition de l’agriculture et de l’élevage. Deux vestiges archéologiques se disputent la primauté de la relation entre l’homme et le chien ainsi que la première trace de domestication, tous deux estimés entre 12000 à 10000 ans avant notre ère, c’est-à-dire à la fin du paléolithique (alors que la domestication des bovins date de 6000 ans avant notre ère et celle du cheval 4000 ans avant notre ère). Ils attestent que le chien a bel et bien été le tout premier animal domestiqué et qu’il est bien la plus ancienne conquête de l’homme. Le rapprochement entre l’homme et le chien fut principalement celui de deux espèces prédatrices, ayant pris conscience de l’intérêt qu’elles avaient à coopérer pour assurer le succès de leurs chasses. Très vite, l’homme a compris les avantages qu’il pouvait tirer des fantastiques qualités de cet animal : des sens plus aiguisés que les siens, des facultés physiques plus adaptées à la chasse, une endurance supérieure à la sienne et une socialisation rendue facile par la volonté d’intégration instinctive du chien. La confiance que l’homme a depuis longtemps en le chien, a trouvé son origine et sa confirmation dans la fidélité éprouvée de ce dernier, dans sa dévotion tout à fait désintéressée à la personne et aux biens de son maître pour la défense desquels il hésite rarement à sacrifier sa vie. Les hommes du paléolithique, vivant de manière plus ou moins nomade, étaient sans doute souvent confrontés aux loups. Concurrents sérieux, hommes et loups se retrouvaient toujours sur des terres giboyeuses, adoptant la chasse en groupe ou en meute. Les similitudes vont plus loin encore, le type de chasse allant jusqu’à conditionner la socialisation et la hiérarchisation de la tribu comme de la meute, toute activité en groupe nécessitant une communication élaborée. On peut penser que les hommes utilisaient les louveteaux qu’ils trouvaient pour les élever, les manger en période de disette, voire pour la garde des campements. Ils pouvaient aussi représenter une aide lors des séances de chasse. Les premiers hommes ont certainement dû aussi utiliser des louveteaux comme appâts pour tuer les loups environnants représentant une menace ou une gêne. Avec cette présence de jeunes loups commença certainement la domestication. L’adoption de louveteaux par les premiers hommes aurait permis aux animaux de s’habituer aux humains, de préférer sa présence et de manifester alors leurs qualités d’éboueurs (pour profiter des restes de nourriture abandonnés ainsi que des restes de chasse des premiers hommes), de pisteurs, de chasseurs et de gardiens, voire tout simplement de couvertures chauffantes ! Le premier rôle du chien fut d’être un détecteur de danger fiable contre une tribu rivale ou un animal dangereux (ours, lions…). Il devint certainement rapidement un auxiliaire de chasse en prouvant ses grandes compétences dans ce domaine ; il eut aussi un premier rôle peu glorieux, celui de servir de réserve de nourriture, en suivant la tribu et permettant à celle-ci de passer un mauvais cap lors des hivers rudes. Des vestiges de restes osseux accompagnés de traces de mastication sur des os de gibiers suggèrent une utilisation du chien comme gardien des campements ou des villages néolithiques, et comme participant actif à la chasse. Dans le massif de l’Atlas a été découverte une scène de chasse à l’autruche, où le protagoniste humain est accompagné d’une meute de chiens. Dans le Tassili des Ajjer, une œuvre rupestre révèle pour la première fois la fonction plus tardive du chien, l’utilisation à la guerre. Le chien, chronologiquement le premier animal domestiqué par l’homme, a eu en effet le triste privilège d’être son premier auxiliaire à la guerre et il resta durant plusieurs millénaires à ses côtés lors des combats. S’il est devenu un lieu commun de constater la présence de chiens aux côtés des guerriers et des soldats depuis les temps les plus reculés, son emploi a toujours fait l’objet d’une remarquable logique : le chien de guerre a été dressé tant sur le mode offensif que sur le mode défensif dans le souci d’économiser les forces de son maître et d’augmenter ses capacités au combat. L’homme a su rapidement utiliser les qualités sensorielles, physiques et caractérielles du chien. Il se servira de ses grandes capacités à l’attaque et l’utilisera comme une véritable arme offensive, prête à tuer sur commande.
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Au début de l’ère chrétienne, pour diverses raisons, les Romains abandonnèrent l’utilisation du chien de guerre, alors que leurs adversaires continuaient à les employer. Les molosses celtes, cimbres et germains devinrent alors la terreur des légionnaires au combat.
Les peuplades d’Europe du Nord furent en effet elles aussi de grandes utilisatrices des chiens d’attaque. Ces peuples entretenaient de véritables hordes de centaines de bêtes, vraisemblablement des limiers, comme le fameux vertragus des Celtes (tirant son nom de sa vitesse et ayant l’allure d’un grand lévrier à poil long) comme le dogue de la race des grands danois venant de Belgique ou des îles britanniques (eux-mêmes originaires du Jutland, péninsule du Danemark). Les premiers chiens d’attaque celtes connus sont signalés en 121 avant notre ère sur le front romain dirigé par le consul Domitius contre le prince Arverne Bituit. Après la défaite de ce dernier dans la plaine de Vindalium, on raconte que les chiens demeurèrent fidèles aux cadavres de leurs maîtres (pauvres bêtes, elles valaient sans doute mieux). Les cohortes romaines durent les exterminer pour atteindre leur butin. Le poète latin du Ier siècle Gratius Foliscus rapporte même dans ses écrits que lors d’une bataille les dogues d’Épire des légions romaines s’opposèrent farouchement, mais en vain aux chiens de Bretagne des Celtes. Les Celtes mènent souvent les chiens au combat en binôme, attachés l’un à l’autre et même équipés de cuirasses, le cou garni de colliers munis d’énormes clous longs et pointus. Ils étaient dressés pour achever les blessés ou attaquer la cavalerie en infligeant de cruelles morsures aux chevaux. Les chefs celtes et germains avaient toujours au moins l’un de ces chiens de guerre comme garde du corps, ils ne se quittaient jamais lors des combats. Appien affirmait que chez les Celtes comme chez les Cimbres les rois et les princes avaient pour assurer la garde de leur personne des chiens. Guerres celtiques : « Il [Bituit] était escorté de gardes richement vêtus et de chiens, car les barbares en ces contrées ont aussi une garde de chiens » [extrait de Constantin Porphyrogénète, les ambassades :110-121 avant notre ère]. Les armées celto-germaniques (Cimbres, Teutons et Ambrons) eurent un usage des chiens de guerre proche de celui des Celtes au sens habituel du terme. Les troupes romaines de Marius, en 101 avant notre ère, anéantirent les Cimbres prés de Verceil en Italie avec énormément de difficultés, du fait de la présence de nombreux chiens de guerre, ceux-ci refusant d’abandonner les corps de leurs maîtres et leurs biens… Durant toute cette période, le chien a donc été un combattant à part entière, désorganisant particulièrement les rangs ennemis. Son impact dans l’affrontement était énorme, principalement à cause du caractère primitif de l’armement défensif des soldats. Nul doute que cette période fut celle où le chien de guerre fut le plus efficace et le plus redoutable à l’attaque. Plus tard, au moment où l’Empire romain d’Orient se rétracte progressivement, nombre de traditions militaires antiques régressent. Les cavaleries lourdes prédominent face aux légions accompagnées de meutes de dogues. Mais les conquêtes arabes contribuèrent aussi à une moindre utilisation du chien de guerre. Dans certains hadiths le chien est en effet un animal, on se demande bien pourquoi, apparaissant comme encore plus impur que le porc. Plus tard encore les chiens de guerre furent utilisés par les Espagnols comme bourreaux et comme « remède miracle » pour faire avouer aux Indiens capturés les caches de leurs richesses. Ils furent utilisés par la suite et jusqu’au XIXe siècle, parallèlement à l’installation progressive des puissances maritimes dans tout le Nouveau Monde, comme des spécialistes de la chasse à l’homme, par exemple lors des traques aux esclaves fugitifs dans l’île (française) de la Réunion organisées par François Mussard au XVIIIe siècle. N.B. L’utilisation du chien de guerre dans ces conditions atteint dès lors des sommets de barbarie, de sadisme et de cruauté ! Elle fait ressortir les pires traits de l’Humanité.
Une des dernières utilisations connues des chiens de guerre eut lieu le 11 mai 1745 à l’occasion de la bataille de Fontenoy en Belgique. S’avançant à la tête du 1er régiment des Gardes [britanniques], un officier, Charles Hay, encouragea d’abord ses hommes en voulant se moquer des Français. Sortant une petite flasque d’alcool, il but à leur santé. En voyant ce Britannique faire preuve de tant d’inconscience, un officier français, le comte d’Anterroches, crut alors qu’il s’agissait d’une invitation à tirer. Il lui fit une réponse vraisemblablement proche de celle-ci : « Messieurs, nous ne tirons jamais les premiers, tirez les premiers vous-mêmes ! ». Ce que firent les Anglais bien entendu, d’où une immédiate débandade dans les rangs français. Les troupes du duc de Cumberland, à l’aide de leurs chiens d’attaque, causèrent beaucoup de difficultés aux premières lignes françaises du maréchal Maurice de Saxe. L’un de ces chiens, « Mustapha », se vit d’ailleurs allouer une pension à vie par le roi Georges II pour ses faits d’armes. Le duc s’était en effet livré à une manœuvre hardie en enfonçant profondément les lignes françaises à l’aide des fantassins accompagnés de meutes de dogues insulaires. Le roi Louis XV dut s’engager personnellement pour retourner la situation ! Craignant que l’armée française ne soit coupée en deux, le maréchal de Saxe lança donc aussitôt de violentes contre-attaques qui finirent par arrêter les Britanniques. Forcés de se réorganiser défensivement, les régiments anglo-hanovriens adoptèrent alors une position de rectangle à trois côtés fermés. Puis voyant apparaître vers 13 heures les premiers renforts français conduits par Lowendal, le duc de
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Cumberland ordonna finalement le repli sur Vezon. N.B. C’est d’ailleurs au cours de cette manœuvre que le régiment irlandais de Bulkeley parvint à s’emparer du drapeau du second régiment des Gardes [britanniques]. Le 25 août 1907, une croix celtique, offerte par une souscription de trois comités irlandais, de Londres, Dublin et New York, a d’ailleurs été inaugurée près de l’église de Fontenoy pour commémorer ce fait d’armes. Une plaque de marbre rappelant le courage de cette brigade irlandaise (les oies sauvages), don de Frank J. Sullivan de San Francisco, a d’ailleurs également été apposée sur le mur du cimetière de Fontenoy.
Intéressantes à cet égard, car très révélatrices sont les paroles attribuées aux uns et aux autres, outre le célèbre et plutôt idiot : « « Messieurs, tirez les premiers vous-mêmes ! » ( chose à ne jamais dire sauf si c’est dans un but précis pouvant rapporter gros sur le plan tactique.)
« J’irai à Paris ou je mangerai mes bottes ». Déclaration attribuée au jeune duc de Cumberland (fils de Georges II). « Voyez ce qu’il en coûte à un bon cœur de remporter des victoires. Le sang de nos ennemis est toujours le sang des hommes. La vraie gloire est de l’épargner ». Le roi de France Louis XV (à son fils Louis-Ferdinand).
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Il est temps maintenant de me prêter ton concours
Garde le silence, arrête de chanter ses louanges.
Point n’est besoin de lui manifester de l’amitié
Ne me trahis point alors que je monte au front ?
Si tu vois le héros de Cualnge
Et ses célèbres exploits
Puisqu’il doit y avoir une récompense
Il sera vite mis en pièces.
Si je vois le héros de Cualnge
Et ses orgueilleux exploits ?
Il ne fuit pas devant nous
Mais vient droit sur nous.
Bien que très adroit il ne ménage pas ses efforts
Il court et pas lentement,
Comme l’eau qui tombe d’une cataracte
Ou comme un coup de foudre fulgurant.
Tu l’as tellement loué
Que c’en est presque une raison de se quereller.
Pourquoi donc as-tu choisi ce sujet de conversation
Depuis que tu as quitté ta maison ?
Maintenant ils arrivent ???
Et maintenant ils le défient ?
Mais personne ne se mesure à lui
Allons sauver tous ces gros lâches ?
Il ne se passa pas longtemps avant que le cocher de Fer Diad n’aperçoive quelque chose : un beau char cúicrind cethirrind à cinq côtés ? et quatre roues ? qui approchait habilement conduit avec force et rapidité, recouvert d’une bâche verte, avec une nacelle compacte à l’ouverture étroite, dans laquelle il y avait des armes extraordinaires, une nacelle haute comme une lame d’épée, faite pour de grands exploits, tirée par deux chevaux, rapides, qui trottaient haut, doté de grandes oreilles, beaux, bondissants, les narines évasées, le poitrail large, le cœur vif, hauts sur pieds, avec de larges sabots et des pieds minces, puissants et agressifs.
Attaché à l’un des côtés du timon du char il y avait un cheval gris, trottant bas, à longue crinière. De l’autre côté du timon un cheval noir, à la crinière flottante, à la course rapide, au dos large. Comme un faucon fondant sur sa proie un jour de grand vent revêche, ou comme une bourrasque de vent orageux un jour de mars sur la plaine, ou comme un cerf effarouché, débusqué par des chiens lors d’une première chasse, ainsi étaient les deux chevaux du Hésus Cuchulainn dans son char, comme s’ils couraient sur une dalle de pierre chauffée à blanc (tentidi) de sorte que la vitesse de leur course faisait voler la terre derrière leurs sabots et la faisait trembler.
Le Hésus Cuchulainn arriva sur le gué. Fer Diad resta du côté sud (droit ?) de la rivière, le Hésus Cuchulainn demeura sur le côté nord (gauche ?). Ferd Diad souhaita la bienvenue au hésus
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Cuchulainn. Bien venue est ton arrivée ici Hésus Cuchulainn, lui dit Fer Diad. Jusqu’à maintenant je croyais toujours à la sincérité d’un tel souhait de part, répondit le Hésus Cuchulainn, mais aujourd’hui j’y crois plus. Et il convenait mieux que ce soit moi qui te souhaite la bienvenue plutôt que toi, car c’est toi qui es venu dans le pays et la province où je demeure, et il ne te convient pas de venir te battre en duel contre moi-même, alors que moi j’en ai le devoir, car tu pousses devant toi les femmes de mon peuple ainsi que ses jeunes gens ou ses garçons, ses chevaux et ses coursiers, ses cheptels ses troupeaux et ses hardes.
Et toi, Hésus Cuchulainn, répliqua Fer Diad, qu’est ce qui a fait que tu viens de battre contre moi ? Car quand nous étions chez Scathache Uathache et Aife ? tu étais celui qui m’assistait, qui avait l’habitude de préparer mes javelots ma tenue et faisait mon lit. C’est ma foi vrai, répondit le Hésus Cuchulainn, mais c’était parce que j’étais le plus jeune et que je manquais de maturité que j’avais pris l’habitude d’agir ainsi avec toi. Mais j’ai changé depuis et je ne suis plus ainsi, car il n’est pas un guerrier au monde que je ne saurais repousser aujourd’hui. Et ensuite chacun d’eux reprocha donc à l’autre avec amertume la façon dont il avait trahi leur amitié, Fer Diad prononça ces paroles, le Hésus Cuchulainn lui répondit celles-ci.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 45.
Quelque chose : un beau char cúicrind cethirrind à cinq côtés ? et quatre roues ? Les premiers chars de guerre connus sont des chars funéraires de la civilisation d’Andronovo, dans l’actuelle Russie et le Kazakhstan vers 2000 avant notre ère.
Cette civilisation est influencée par celle de Yamna. Ses sites sont puissamment fortifiés, on y pratique la métallurgie du bronze à un niveau jamais atteint auparavant, et les pratiques funéraires sont des sortes d’anticipations des rites aryens connus par le Rig Veda. Les chars seront d’ailleurs un élément important de la mythologie des Indo-Iraniens et de la mythologie hindoue, tout comme de la mythologie perse : la plupart des dieux du panthéon perse sont représentés sur un char de guerre. Le mot sanscrit pour désigner un char, ratha, est commun à tous les Proto-indo-européens pour désigner la roue. Vu la parenté culturelle et spirituelle qui relie les deux extrêmes de l’univers indo-européen, il y a peu de doute que la conception du rôle spirituel du char ait été bien différente chez les Celtes. Nombreuses sont d’ailleurs les descriptions, surtout dans la mythologie irlandaise, de rituels magiques attribués aux chars et au premier d’entre eux, celui de la circumambulation, qui, triplée, confère à cette arme de guerre un pouvoir encore renforcé.
L’innovation décisive permettant la fabrication des chars légers, auxquels on peut atteler des chevaux pour la bataille, fut l’invention de la roue à rayons et jante (vers 2000 avant notre ère donc). À cette époque les chevaux ne pouvaient supporter le poids d’un homme pendant une bataille. Les chars de guerre sont donc très efficaces sur un champ de bataille plat et dégagé, ils décident de l’issue des guerres, pendant près de sept siècles (voir la célèbre bataille de Qadesh). Puis, les chevaux gagnant peu à peu en force et en taille, et les techniques permettant la monte se développant, les chars seront supplantés par la cavalerie, et ne connaîtront plus qu’un usage civil, notamment ludique (les courses de chars ont continué à Constantinople jusqu’au VIe siècle de notre ère).
Les Celtes ont été des fabricants de chars réputés ; le mot char vient d’ailleurs, via le latin carrum et le vieux français, du celte carros.
Ces chars étaient très maniables et permettaient de combiner l’agilité de l’essédaire (conducteur du char, nom venant du latin esseda, désignant le char) à la solidité du fantassin. En effet, les chars de ce type comportaient toujours deux passagers : un conducteur et un combattant. Le combattant n’hésitait jamais à mettre pied à terre pour affronter l’ennemi tandis que le conducteur du char se tenait prêt à le récupérer, pour ensuite prendre la fuite si nécessaire.
Cette stratégie du char de guerre fut notamment utilisée par les [Grands] Bretons contre César en – 55. Ils utiliseront d’ailleurs les chars de guerre jusqu’au début du IIIe siècle. Il est probable en effet qu’il fut encore utilisé par les Calédoniens contre les légions de l’empereur Septime Sévère à cette époque-là. N.B. En Irlande, le combat avec un char est apparemment une tradition qui a subsisté plus longtemps.
La fouille des tombes à char découvertes dans les Ardennes belges nous a permis d’en savoir plus sur la charrerie celte.
Les chars celtes à deux roues de la période de la Tène (ils étaient à quatre roues lors de la Civilisation de Hallstatt) sont attelés de deux chevaux, et font à peu près deux mètres de large sur quatre mètres de long. Les jantes en fer sont probablement une invention celte. Excepté les jantes et les pièces de fer de la nacelle, les chars étaient fabriqués en bois ou en vannerie. Quelquefois, des anneaux de fer renforcent les attaches. Les Celtes apportent une autre innovation, qui est l’essieu libre, suspendu à la plate-forme par des liens. Les chars celtes étaient ainsi bien plus confortables sur un terrain irrégulier.
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L’efficacité du char celtique était, bien évidemment, liée essentiellement à sa mobilité, explicable par sa légèreté. L’équipe qui a procédé aux fouilles de Libremont a établi que son poids total n’excédait pas 99 kilogrammes. Il s’agissait de véhicules, contrairement aux chariots funéraires, d’apparat ou de transport, équipés de deux roues cerclées de fer. La nacelle était réalisée en bois d’œuvre léger, équipée de ridelles elles-mêmes en bois ou en osier, et supportait un guerrier ainsi que son aurige. Anne Cahen-Delhaye estime que la nacelle était aussi équipée de pans latéraux et que, selon les analyses, le matériau utilisé pour leur confection était communément un bois souple, notamment du frêne, alors que les récits irlandais quant à eux, évoquent très fréquemment le saule. Les fouilles réalisées dans les tombes belges attestent également que, dans la plupart des cas, la nacelle reposait à l’avant, sur le timon et ne se prolongeait guère en arrière au-delà de l’essieu afin d’éviter que la charge ne porte trop sur le plancher en arrière des roues. Quant à l’attelage lui-même, il était constitué de deux chevaux qui tenaient davantage du poney des Shetlands que de nos modernes pur-sang. La reconstitution, en juillet 1992, sous l’égide du Musée des Celtes de Libramont, d’un char de guerre identique à ceux retrouvés dans les sépultures, a permis aux spécialistes de faire revivre un attelage celtique de l’époque laténienne. Mais les poneys Haflinger, d’une hauteur de 1,40 m au garrot, se sont révélés bien trop grands pour le petit char celtique dont la nacelle, qui aurait dû être idéalement en position horizontale, s’est retrouvée dangereusement inclinée. L’expérience a donc permis aux historiens belges d’en déduire que les « chevaux » de nos ancêtres ne dépassaient guère 1, 20 m au garrot. Des poneys en somme.
S’il est un domaine qui paraît essentiel lorsque l’on appréhende le monde celtique en général, et guerrier en particulier, c’est bien évidemment celui de l’esthétique, de la symbolique et de la magie. Les trois aspects étant consubstantiellement liés chez un peuple qui considère la guerre comme un art et comme un art sacré de surcroît. Les artisans celtes, qui accordaient la plus grande importance à la réalisation de l’armement, et donc étaient passés maîtres dans tous les arts de la métallurgie, nous ont laissé de véritables trésors parmi lesquels des pièces de harnais britanniques recouvertes de triscèles et incrustées d’émaux, ou encore cet extraordinaire couvre-chef de poney découvert à Torrs (comté de Galloway en Écosse) : chef d’œuvre d’apparat orné de deux cornes probablement ajoutées après sa confection, et perforé d’un orifice central peut-être destiné à recevoir un panache. L’historien Florus, quant à lui, fait état d’un char de guerre entièrement recouvert d’argent. La découverte au fond des lacs comme à Anglesey, ou dans des marais comme en Irlande, de nombreux éléments de harnachement de poneys de guerre et de fragments de chars, « tués » symboliquement et sacrifiés aux dieux, prouve éminemment l’appartenance de ces armes au domaine du sacré. Objet magique autant que de prestige, le char permet sans doute également au guerrier qui en est le possesseur, du moins dans l’imagerie populaire, de rejoindre l’autre Monde, celui de l’éternelle jeunesse. Anne-Cahen-Delhaye ne nous apprend-elle pas que sur le continent, les sépultures de guerrier à char étaient elles-mêmes orientées de manière systématique selon un axe est-ouest, avec les deux cavités de roues vers l’occident, là précisément où les Celtes insulaires situaient la Tir na n’Og ou la fameuse île d’Avallon du cycle arthurien ? Symbole solaire par excellence le char est donc aussi psychopompe. « Il représente l’ensemble des forces cosmiques et psychiques à conduire ; le conducteur, c’est l’esprit qui les dirige. Le char apparaît dans la tradition védique comme le véhicule d’une âme en devenir. Il porte cette âme pour la durée d’une incarnation ». Du moins d’après le dictionnaire des symboles de Gheerbrant et Chevalier.
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FER DIAD.
Qu’est-ce qui t’a poussé, petit Chien de Culann,
À venir te battre contre un puissant champion ?
Ta chair va être rouge de sang
Au-dessus de l’haleine de tes chevaux.
Malheur à qui vient comme tu le fais !
Ce sera aussi vain que de vouloir faire du feu avec une seule bûche.
Tu auras besoin de soin
Si tu reviens à la maison.
LE CHIEN DE CULANN.
Je suis venu devant ces guerriers
Comme un sanglier venu de sa harde,
Devant les troupes, devant ces centaines d’hommes
Pour te mettre la tête sous l’eau du gué
Très remonté contre toi et afin de t’éprouver
Par un combat de toutes parts
Qui te fera très mal
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Pendant que tu défendras ta tête.
FER DIAD.
Il y a ici quelqu’un qui va t’écraser.
C’est moi qui vais te tuer,
Car c’est moi qui le peux.
Cette défaite de leur grand héros
En présence des Ulates
Puisse-t-elle être longtemps gardée en mémoire
Puisse-t-elle être leur perte.
LE CHIEN DE CULANN.
Comment nous affronterons-nous ?
Gémirons-nous sur nos cadavres ?
Sur quel plan d’eau combattrons-nous
Quand nous nous rentrerons sur le gué ?
Sera-ce avec de dures épées
Ou avec de grosses pointes de javelots
Que tu seras tué devant tes troupes
Quand ton heure sera venue
FER DIAD.
Avant le coucher du soleil, avant la nuit
Mádit éicen airrthe ???
Quelles que soient les difficultés ?
Je t’attaquerai près de Bairche
Le sang ne manquera pas dans cet assaut.
Les Ulates t’appellent.
Le mal les a terrassés.
Pénible pour eux sera le spectacle
Ils seront battus à plate couture.
LE CHIEN DE CULANN.
Tu t’es jeté dans la gueule du loup.
La fin de ta vie est à portée de ma main.
On va jouer de l’épée sur toi
Et ce ne sera pas dans une aimable intention.
Un grand champion te tuera.
Nous devons nous affronter tous les deux.
Tu ne seras plus le premier des trois
Dorénavant, et pour toujours.
FER DIAD.
Épargne-moi tes mises en garde
Tu es le plus grand vantard de la Terre
Tu n’obtiendras ni récompense ni grâce
Tu n’es pas un arbre dominant les autres.
C’est moi qui te connais le mieux,
Tu as un cœur de poule mouillée
Tu n’es qu’un garçon nerveux
Sans vaillance et sans force.
LE CHIEN DE CULANN.
Quand nous étions chez Scathache,
À pratiquer nos exercices habituels
Nous partions ensemble à l’aventure
Et traversions les pays alentour.
Tu es mon camarade préféré
De mon peuple et de ma famille.
Personne ne m’a jamais été plus cher
Quelle tristesse pour moi sera ta mort !
FER DIAD.
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Tu malmènes un peu trop ton honneur
Afin que notre affrontement n’ait pas lieu
Mais avant que le coq n’ait chanté,
Ta tête sera empalée sur un pieu,
Hésus Cuchulainn de Cualnge
Frénésie et folie se sont emparées de toi
Tout le mal pour toi viendra de nous
Mais la faute en sera tienne.
Eh bien Fer Diad dit le Hésus Cuchulainn, tu as eu tort de venir m’affronter à cause des différends ou des querelles suscités par Ailill et Maeve, ceux qui sont venus ainsi n’ont rien gagné ni obtenu à part d’être abattus par moi, et donc tu ne gagneras rien ni n’obtiendras rien de tout cela, si ce n’est de tomber devant moi.
Et en parlant de la sorte il eut les paroles suivantes que Fer Diad écouta.
Ne t’approche pas de moi, ô vaillant guerrier
Fer Diad fils de Daman
Ou il t’arrivera le pire
Et cela en peinera plus d’un.
Ne m’attaque pas ce serait contre le bon droit.
Ce sera moi qui te conduirai à ta dernière demeure.
cid ná breth and dait nammá ?mo gleó-sa ra míleda ?
Pourquoi de nous deux es-tu seul à manquer de jugement ?
Mon combat est celui d’un grand guerrier ?
Mes nombreuses bottes secrètes viendront à bout de toi
Bien que tu aies une cuirasse en corne
La fille que tu te vantes de bientôt avoir
Ne sera jamais à toi, ô fils de Daman.
Findabair la fille de Maeve
Quoique sa beauté soit grande
Quoique gracieuse soit la fille
Tu ne l’auras jamais pour femme.
Findabair la fille du roi
Pour dire la vérité
A trompé beaucoup d’hommes
Elle a causé leur perte et il en sera de même pour toi.
Ne romps pas sans savoir le serment qui te lie à moi.
Ne romps pas notre pacte, ne romps pas notre amitié.
Ne romps pas ta parole et ta promesse.
Ne viens pas à ma rencontre, ô vaillant guerrier !
Cette fille a été promise à plus de cinquante guerriers
Quelle promesse insensée assurément
Leur mort vint de mon fait
De moi ils n’ont obtenu que la peine capitale à coups de lance.
Bien que féroce et fier ait été Fer Baeth
Avec son escorte de grands guerriers,
J’ai eu tôt fait d’abattre son orgueil
En le tuant d’un seul jet de ma lance.
Amère fut la fin des vaillants exploits de Srubdare,
Qui fut le chéri d’une centaine de femmes
Son renom avait jadis été grand
Mais ni son or ni ses beaux habits ne le sauvèrent.
Si c’était à moi qu’avait été fiancée
Cette femme à qui toutes les belles armées provinciales font les yeux doux
Je ne te rougirai pas la poitrine
Que ce soit du côté droit ou du côté gauche, derrière ou devant.
Fer Diad, reprit le Hésus Cuchulainn, voici pourquoi il n’est pas bien que tu viennes te battre contre moi. Quand nous étions chez Scathache Uathache et Aife (?) nous avions l’habitude d’être ensemble dans tous les combats et sur tous les champs de bataille, dans toutes les luttes et dans toutes les
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guerres, dans toutes les forêts ou dans toutes les landes, dans tous les lieux secrets dans tous les repaires. Et alors qu’il parlait, il récita ceci.
Nous avons été les meilleurs amis du monde
Nous avons été ensemble dans les bois.
Nous avons partagé les mêmes chambrées.
Nous y dormions d’un profond sommeil
Après avoir livré des combats épuisants
Dans nombre d’étranges pays.
Nous chevauchions ensemble
Et nous allions ensemble dans tous les bois
Quand nous étions à l’école de Scathache.
O maître en arts martiaux (cháemchlessach) Hesus Cuchulainn
Nous avons appris la même science
Mais ils ont triomphé du lien de notre amitié.
Ils m’ont acheté tes blessures.
Oublie que nous avons été ensemble à l’école.
O Chien de Culann, cela ne t’est d’aucune utilité.
Ça fait trop longtemps maintenant que nous sommes ici à ne rien faire, s’exclama Fer Diad, quelles armes allons-nous utiliser aujourd’hui, petit Chien de Culann. Le choix des armes t’appartient aujourd’hui, répondit le Hésus Cuchulainn, car tu as été le premier sur le gué. Te souviens-tu surtout, demanda Fer Diad, des armes que nous préférions chez Scathache Uathache et Aife ?? Je m’en souviens bien sûr, répondit le Hésus Cuchulainn. Si tu t’en souviens alors, ayons-y recours.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 46.
Le premier des trois. On se perd en conjectures sur la signification exacte de cette expression. Est-ce comme la triade une expression symbolique de la totalité passé présent avenir, haut bas milieu, devant derrière et milieu ? Ou simplement une réminiscence de la trimarcisia ou groupe de trois combattants à cheval ? La trimarcisia était une formation militaire employée par les Celtes danubiens et les Galates. Il s’agissait d’un groupe de trois cavaliers, un cavalier principal et deux servants d’armes ou écuyers. C’est le cavalier principal qui s’engage dans la bataille tandis que les deux autres se tiennent à l’arrière, prêts à secourir le maître s’il venait à perdre son cheval, l’évacuer s’il était blessé ou tué et puis le remplacer. Si le remplaçant venait à son tour à être blessé ou tué, le second remplaçant prenait sa place. Peut-être une allusion à leur entraînement chez la reine Scathache.
Pour toujours. Littéralement jusqu’au dernier jour. Voir nos contre-lais sur la fin du monde selon les anciens druides.
De mon peuple et de ma famille. Fer Diad étant un Fir Domnan, le Hésus Cuchulainn serait donc lui aussi des Fir Domnan ou Domnonéens du Devon.
Que ce soit du côté droit ou du côté gauche, derrière ou devant. Peut se comprendre également comme suit : « Que ce soit au sud ou au nord, à l’est ou à l’ouest ».
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Ils se saisirent donc de leurs armes préférées. Ils prirent deux boucliers décorés de figures diverses, leurs huit ocharchliss, leurs huit javelines, leurs huit épées à lame d’ivoire ainsi que leurs huit lances de combat. Elles volèrent entre eux comme un essaim de guêpes un jour de beau temps. Aucune arme ne rata sa cible. Chacun d’eux commença par jeter ses armes de jet sur l’autre des premières lueurs de l’aube jusqu’à midi, et ils ne firent qu’émousser leurs nombreuses armes à la surface de leurs boucliers ou sur leurs umbos. En dépit de l’excellence de leur lancer, leur habileté à parer les coups était si grande que ni l’un ni l’autre ne blessa son adversaire ni ne lui soutira la moindre goutte de sang durant tout ce temps-là. Laissons de côté ces armes-là maintenant, petit chien de Culann, dit Fer Diad, puisqu’elles n’arrivent pas vraiment à faire la décision entre nous. Oui mettons-les de côté si l’heure en est venue, répondit le Hésus Cuchulainn. Ils arrêtèrent donc ce type de combat et remirent leurs armes entre les mains de leurs cochers.
De quelles armes nous servirons-nous maintenant, Chien de Culann, demanda Fer Diad ? Le choix des armes t’appartient jusqu’à ce soir, répondit le Hésus Cuchulainn, puisque tu as été le premier à être sur le gué. Alors prenons répondit Fer Diad, nos javelots soigneusement polis, affûtés, durs, lisses, avec leurs lanières de propulsion en lin durci. Faisons-le, ajouta le Hésus Cuchulainn. Ils se munirent alors de deux boucliers puissants et aussi solides puis se saisirent de leurs javelots polis, affûtés, durs, lisses, dotés de lanières de propulsion en lin durci. Et chacun d’entre eux commença de lancer ses javelots sur l’autre depuis le milieu de la journée jusqu’au soir. En dépit de l’excellence de
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leur façon de parer les coups, si bons furent leurs lancers mutuels durant tout ce temps-là que chacun d’entre eux saigna teinta de sang ou blessa, l’autre. Arrêtons cela maintenant, Chien de Culann, s’écria Fer Diad. Oui, laissons cela de côté dorénavant si l’heure en est venue, répondit le Hésus Cuchulainn. Ils arrêtèrent donc ce type de combat et remirent leurs armes entre les mains de leurs cochers.
Alors chacun d’eux s’approcha de l’autre lui passa un bras autour du cou et l’embrassa trois fois. Cette nuit-là leurs chevaux furent mis dans le même enclos et leurs cochers autour du même feu, ils leur préparèrent deux litières de joncs frais avec un oreiller dessus pour les blessés. Ensuite vinrent des médecins ou des guérisseurs (fiallach icci & legis) pour les traiter ou les soigner, ils mirent des herbes ainsi que des plantes médicinales puis [récitèrent une prière en faisant] un signe sacré ra cnedaib & ra créchtaib, rá n-áltaib ra n-ilgonaib sur leurs bleus leurs plaies leurs articulations et leurs nombreuses blessures. De toutes les herbes plantes médicinales et prières avec signe sacré qu’il y eut sur les bleus les plaies les articulations et les nombreuses blessures du Hésus Cuchulainn, tout autant fut envoyé par lui à l’ouest du gué de peur que les Irlandais ne disent que si Fer Diad avait succombé devant lui, ce fut à cause de l’avantage que le Hésus Cuchulainn avait eu pour ce qui est des soins.
De toutes les nourritures ainsi que de toutes les boissons délicieuses, agréables et fortes, qui furent apportées de la part des Irlandais, une égale portion fut envoyée de la part de Fer Diad de l’autre côté du gué pour le Hésus Cuchulainn, car les pourvoyeurs de nourriture destinée à Fer Diad étaient beaucoup plus nombreux que ceux du Hésus Cuchulainn. Tous les Irlandais en effet approvisionnaient en nourriture Fer Diad afin qu’il les débarrasse de lui. Et seuls les gens de Breg apportaient de la nourriture au Hésus Cuchulainn. Ils avaient l’habitude de venir le voir chaque jour, c’est-à-dire plus précisément chaque nuit.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 47.
Les boucliers décorés de figures diverses. Nous avons peut-être là l’origine de l’héraldique occidentale : la volonté d’être identifié par son bouclier.
Ocharchliss. Il s’agit d’une arme, mais de quel type ? Peut-être une sorte de petit bouclier tranchant. Destiné à être lancé comme le sudarchana chakra que les guerriers indiens lançaient en le faisant tourner autour de leur index, la main levée au-dessus de la tête???
Des médecins ou des guérisseurs. Il devait s’agir de druides spécialisés dans la médecine des corps, donc de vates car les anciens druides s’occupaient en effet de beaucoup d’autres choses que du culte proprement dit. Rappelons néanmoins qu’il est fortement conseillé aux néo-druides de ne plus s’occuper du soin des corps et de ne se consacrer désormais qu’au soin des âmes ou à la rigueur des esprits. Mais pour en revenir à cette mention de notre texte, elle semble donc bien montrer que des druides, au minimum de base, non affectés par leur mystérieuse indisposition annuelle (ces noinden), assistaient alors notre héros et avant même l’arrivée de l’armée de secours ulate.
Une prière en faisant un signe sacré… Nous traduisons ainsi le terme gaélique slansen car nous ne voyons pas pourquoi l’on parlerait de prières et de signe de croix quand il s’agit des ministres du culte judéo-islamo chrétien, mais seulement de formules magiques pour les autres. Une prière juive chrétienne ou musulmane suivie de l’imposition des mains d’un signe de croix ou de l’imposition d’une seule main (de fatma) n’est rien de plus qu’une formule magique en appelant à la puissance d’un dieu particulier, celui d’Abraham d’Isaac et de Jacob, un dieu dont la puissance est d’ailleurs de leur propre aveu sérieusement concurrencée par celle du diable, au moins en ce bas monde. Même si la victoire finale doit évidemment revenir aux forces du bien (nous connaissons par cœur ce petit catéchisme ou dogme d’origine zoroastrienne).
Chaque nuit. Bon, résumons-nous. Les druides de base et le petit peuple soutiennent notre héros dans son combat solitaire du mieux qu’ils peuvent pendant que les grands du royaume sont cloués au lit par leur mystérieuse indisposition annuelle (ces noinden).
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Ils restèrent sur place cette nuit-là. Ils se levèrent de bonne heure le lendemain et se rendirent au gué du combat. De quelles armes nous servirons-nous aujourd’hui, Fer Diad ? demanda le Hésus Cuchulainn. Le choix des armes t’appartient jusqu’à cette nuit, répondit Fer Diad, puisque c’est moi qui ai eu le choix des armes hier. Alors, répondit le Hésus Cuchulainn, aujourd’hui prenons nos grandes et longues lances, car je pense qu’un échange de coups avec ces lances aujourd’hui nous rapprochera plus de la victoire décisive que les lancers de traits d’hier. Que l’on prépare nos chevaux et que l’on attèle nos chars afin que nous puissions combattre avec nos chevaux et nos chars aujourd’hui. Alors, faisons comme ça, répondit Fer Diad. Ensuite ils prirent deux forts et larges boucliers ce jour-là et se servirent donc de leurs grandes et longues lances pour combattre. Chacun d’eux se mit à percer, à blesser, à [essayer de] renverser ou projeter l’autre à terre, des premières
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lueurs de l’aube jusqu’au coucher du soleil. Si des oiseaux avaient eu coutume de passer en volant à travers des corps humains, alors ils seraient passés à travers leurs corps ce jour-là en emportant au passage jusque les airs et dans les nuages des lambeaux de chair et du sang de leurs blessures ou de leurs plaies. Et quand vint la nuit leurs chevaux étaient fourbus, leurs cochers fatigués, nos héros ou champions eux-mêmes également épuisés. Arrêtons-là ce combat maintenant, Fer Diad, proposa le Hésus Cuchulainn, car nos chevaux sont fourbus et nos cochers à bout de souffle, et puisqu’ils sont fourbus, pourquoi ne le serions-nous pas nous aussi ? Il dit alors les paroles suivantes.
Nous ne sommes pas faits pour supporter le balancement des chars, dit-il
En bandant tous nos muscles comme contre des Titans.
Que l’on entrave les chevaux
Car le bruit de la bataille est retombé.
Arrêtons oui si le temps pour cela en est venu, répondit Fer Diad.
Et ils arrêtèrent. Ils remirent leurs armes entre les mains de leurs cochers. Chacun d’entre eux alla vers l’autre. Chacun passa un bras autour du cou de l’autre et l’embrassa trois fois. Cette nuit-là leurs chevaux furent mis ensemble dans un même enclos, leurs cochers autour d’un même feu. Les cochers leur firent des litières de joncs frais avec un oreiller dessus pour les blessés. Des médecins et des docteurs vinrent les examiner les observer ou s’occuper d’eux cette nuit-là, car vu l’aspect très inquiétant de leurs bleus et de leurs articulations, de leurs plaies ainsi que de leurs nombreuses blessures, tout ce qu’ils pouvaient faire pour eux était iptha & éle & arthana, des prières des prières et encore des prières pour que s’arrêtent les saignements et les hémorragies et maintenir en place les compresses. De toutes ces iptha & éle & arthana, prières prières et encore prières pour les bleus et les articulations du Hésus Cuchulainn, autant fut adressé à son ami Fer Diad resté à l’ouest du gué. De toute la nourriture et des boissons délicieuses, agréables et fortes qui étaient apportées par les Irlandais à Fer Diad, une égale quantité fut envoyée par lui au Hesus Cuchulainn qui s’était retiré au nord du gué. Car les pourvoyeurs en nourriture de Fer Diad étaient beaucoup plus nombreux que ceux du Hésus Cuchulainn puisque tous les Irlandais approvisionnaient en nourriture Fer Diad afin qu’il les en débarrasse, mais seuls les gens de Breg le ravitaillaient lui par contre. Ils avaient l’habitude de venir le voir et lui parler chaque jour, c’est-à-dire plus précisément chaque nuit.
Les deux guerriers restèrent sur place cette nuit-là. Ils se levèrent de bonne heure le lendemain matin et s’avancèrent vers le gué du combat. Le Hésus Cuchulainn s’aperçut que Fer Diad avait l’air malade et lugubre ce jour-là. Tu as mauvaise mine aujourd’hui, Fer Diad, lui dit le Hésus Cuchulainn. Tes cheveux sont devenus tout noirs et ton œil a perdu de son éclat, tu n’as plus ta forme et ta figure habituelles. Ce n’est pas parce que j’ai peur de toi ou te redoute que je suis ainsi en tout cas, répondit Fer Diad, car il n’y a pas en Irlande aujourd’hui un seul guerrier que je ne puisse repousser. Le Hésus Cuchulainn commença de se lamenter ou de s’apitoyer sur lui, il eut les paroles qui suivent et Fer Diad lui répondit.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 48.
Les Titans. Littéralement un combat contre les vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomorach en Irlande. L’image est celle de Taran/Toran/Tuireann = Jupiter équestre terrassant avec son cheval une gigantesque figure humaine à jambe de serpent. On en trouve un très bel exemplaire en haut d’une colonne située dans la Grand-rue d’Arlon en Belgique. Évolution chrétienne de cette image : saint Georges ou l’archange saint Michel terrassant le dragon.
Des prières des prières et encore des prières. Iptha & éle & arthana en gaélique. Arthana est d’ailleurs un mot d’origine latine (du latin d’Église) et signifie prière, oraison, sermon. Mais nous n’arrivons pas vraiment à distinguer ce qui différencie ces trois termes, à part qu’avec le premier il y a peut-être application d’un objet quelconque sur la blessure ou sur le malade (un peu comme quand aujourd’hui on fait embrasser un crucifix à un mourant, ou on pose une croix sur son corps, voire on élève une croix sur sa tombe en dernier recours, du moins dans les rites catholiques, à ma connaissance). Les vates de la corporation druidique venus soigner les blessés devaient sans doute procéder d’une façon analogue, avec des prières et des objets sacrés pour le côté psychosomatique du traitement (l’effet « magique » ou plus exactement placebo d’un signe de croix ou d’une imposition des mains par exemple, voire d’un toucher d’un Coran) sans oublier une dose massive d’herbes médicinales bien choisies pour l’aspect purement physique et matériel des soins. Nos ancêtres n’étaient quand même pas fous ! C’étaient au contraire de très bons médecins spécialistes des cures thermales et d’habiles chirurgiens, surtout en ophtalmologie. Les oculistes celtes du Continent nous sont connus par les cachets qu’ils imprimaient sur les bâtonnets de collyres solides. Cette utilisation de collyres solidifiés, ramollis ou délayés au moment de l’emploi, est tout à fait spécifique des pays celtes. En d’autres régions de l’Empire en effet, les médicaments des yeux se présentaient sous forme liquide. À tel point que sur les cachets d’oculistes jusqu’ici découverts (au moins 260), la grande majorité vient de la
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partie celtique de l’empire. Ils revêtent l’aspect de petites tablettes rectangulaires ou carrées, en pierre dure dont les quatre côtés sont gravés en creux et à l’envers. L’inscription précise l’identité du praticien, le nom du collyre et sa composition, l’affection traitée par le médicament et parfois son mode d’application. De tels produits pharmaceutiques devaient donc être appliqués de façon externe sur les parties de l’œil à traiter.
Élaborés à base de végétaux (pavot, fleurs de buis, etc.) ou de métaux comme le cuivre ou de substances animales comme le fiel, certains de ces collyres offraient d’incontestables vertus anesthésiantes, calmantes ou thérapeutiques. Ils soignaient notamment les maladies de la cornée, du cristallin, les conjonctives à leurs différents stades – avec des préparations appropriées pour chacun – et les maladies des paupières. Mais plus que des maladies dans ce cas, ils traitaient aussi leurs symptômes ainsi que le spécifient des indications comme : « pour l’éclaircissement de la vue », « suppurations » ou « brûlures », etc.
La spécialité des praticiens celtes en matière d’affections de la vue est soulignée par Celse, célèbre médecin romain du 1er siècle, qui loue le traitement appliqué là-bas contre « La chassie qui trouble la vue ». Pour lui, l’intervention la plus efficace est celle qui se pratique dans cette partie de l’empire : « Les médecins là-bas, explique-t-il, choisissent des vaisseaux situés sur les tempes et sur le sommet de la tête » et les cautérisent, obstruant ainsi les vaisseaux superficiels par lesquels, croyait-on, cette chassie descendait du cerveau.
Nous avons également des traces d’opération de la cataracte, à l’époque celto-romaine. On a souvent prétendu qu’un bas-relief représentait cette intervention. À l’aide d’un instrument pointu, un homme touche la paupière d’une femme qui tient un petit pot et porte un linge sur l’avant-bras. En réalité cette scène paraît plutôt représenter un examen de l’œil ou l’application d’un onguent. La découverte d’une trousse d’instruments d’oculiste dans une tombe à Montbellet, en 1975, prouve néanmoins de façon indubitable que cette chirurgie était pratiquée. Il s’agissait d’une opération dont Celse décrit minutieusement les différentes phases : « Avant l’intervention, le patient doit manger modérément et ne boire que de l’eau les trois jours précédents, la veille il doit s’abstenir de tout. Il doit ensuite s’asseoir face au chirurgien dans une pièce bien éclairée, face à la lumière, pendant que le chirurgien lui est assis sur un siège légèrement plus haut ; un assistant par derrière maintient la tête afin que le patient ne bouge pas, car le moindre faux mouvement pourrait lui faire perdre définitivement la vue. Afin également que l’œil à opérer soit moins mobile et plus concentré, on met un bandeau de laine sur l’autre, ensuite l’œil gauche pourra être opéré avec la main droite et l’œil droit en se servant de la main gauche. Pour cela on doit prendre une aiguille suffisamment acérée pour qu’elle puisse pénétrer, mais trop mince cependant ; et on doit l’insérer en ligne droite entre les deux membranes externes, au point juste intermédiaire entre la pupille et le petit angle de l’œil angle adjacent à la tempe, loin du milieu de la cataracte, de façon à n’atteindre aucune veine. L’aiguille ne doit en aucun cas être insérée timidement, car l’endroit vers lequel on la dirige est un espace vide ; et quand il sera de la sorte atteint même un homme sans grande expérience ne pourra s’y tromper, car alors on ne sent plus aucune résistance. Quand cet endroit est atteint, l’aiguille doit être inclinée puis on la tourne doucement sur la cataracte que l’on fait glisser petit à petit en dessous de la pupille ; quand la cataracte est passée sous la pupille on appuie dessus fermement afin qu’elle reste dessous. Si elle se maintient de la sorte alors l’opération est réussie ; si elle remonte plus ou moins, il faut alors la couper avec cette même aiguille et la réduire en plusieurs fragments plus petits, qui pourront plus facilement rester en place et formeront de plus petits obstacles à la vision. Après ça l’aiguille est retirée en ligne droite ; et un doux lainage imprégné de blanc d’œuf doit être appliqué, avec par-dessus quelque chose pour éviter l’inflammation ; puis on fait un pansement. Ensuite le patient devra se reposer, jeûner, puis s’oindre l’œil de médicaments calmants. Il sera bien assez temps de manger le jour suivant, quelque chose qui sera d’abord liquide afin d’éviter de se servir des mâchoires, puis, quand l’inflammation sera passée, ainsi qu’il l’a été prescrit pour les blessures, et en plus de ces prescriptions, il faudra ne boire que de l’eau pendant quelque temps » (De la médecine, VII 7, 14). N.B. En recopiant l’énumération des blessures, le moine du scriptorium en a oublié la moitié, la fin, a n-álta & a n-ilgona, c’est-à-dire les articulations et les blessures ? Profitons de l’occasion pour rappeler que nous déconseillons toujours formellement aux néo-druides de se lancer dans de tels soins des corps.
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Ô Fer Diad, si c’est bien toi
Je suis sûr que tu es définitivement perdu,
Comment as-tu pu venir à la demande d’une femme
Te battre contre ton ami d’enfance.
Hesus Cuchulainn, accomplissement de toute sagesse (ngaith)
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Toi le grand héros toi le grand guerrier
Tout homme doit forcément finir
Sous la terre où se trouve la tombe qui l’attend.
Findabair la fille de Maeve
Quelle que puisse être sa beauté
Ne t’a pas été donnée par amour pour toi
Mais pour éprouver la puissance de ta force.
Je n’ai plus depuis longtemps à prouver ma force
Ô Chien de Culann cáemríagail aux beaux principes ???
On n’a jamais entendu parler de quelqu’un de plus brave que moi
On n’en a jamais trouvé un jusqu’à aujourd’hui.
Tu es la cause de tout ce qui arrive
Ô fils de Daman fils de Daré
Venir à la requête d’une femme
Croiser le fer avec ton frère de lait.
Si je devais prendre congé de toi sans combat
Parce que nous sommes amis d’enfance (comaltai), mon beau Chien de Culann,
Mes armes et mon nom seraient tenus en bien piètre estime
Par Ailill et Maeve de Cruachan.
Il ou elle n’a pas encore porté de nourriture à ses lèvres
Ni même vu le jour
Le roi ou la brillante reine
Pour qui je consentirais à te faire du mal.
Ô chien de Culann auteur de tant d’exploits
Ce n’est pas toi, mais Maeve qui nous a trahis
Tu vas obtenir victoire et gloire
Et la faute ne t’en incombera pas.
Mon valeureux cœur n’est plus qu’un caillot de sang
La vie m’a presque quitté.
Je ne trouve pas que c’est un combat égal
Celui qui consiste à t’affronter, Fer Diad.
Et pourtant tu vas beaucoup me plaindre aujourd’hui, répliqua Fer Diad, quelles armes allons-nous utiliser ? Tu as le choix des armes jusqu’à ce soir, répondit le Hésus Cuchulainn, puisque c’est moi qui les ai choisies la journée d’hier. Alors dit Fer Diad, prenons nos lourdes épées qui tapent dur, car je pense que cet échange de coups d’épée nous rapprochera plus d’une victoire décisive que ne l’a fait notre affrontement d’hier à coups de lance. Alors, faisons ainsi, répondit le Hésus Cuchulainn.
Alors ils prirent ce jour-là deux grands et longs boucliers. Ils empoignèrent leurs lourdes épées tape-dur. Chacun d’entre eux commença de frapper d’estoc ou de taille, chacun tentant d’abattre ou de massacrer l’autre, et les parties ou les morceaux que chacun découpait dans les épaules et les cuisses ou les omoplates de l’autre, étaient aussi gros que la tête d’un enfant d’un mois. Chacun d’entre eux continua de cogner sur l’autre de cette manière depuis les premières lueurs de l’aube jusqu’à la nuit tombante. Arrêtons-nous là maintenant, Chien de Culann, dit Fer Diad. Oui, arrêtons-nous maintenant si le moment de le faire en est venu, ajouta le Hésus Cuchulainn. Aussi arrêtèrent-ils et remirent-ils leurs armes entre les mains des cochers. Bien qu’ayant été jusque-là des garçons enjoués, tranquilles, heureux et joyeux, leur séparation cette nuit-là fut celle de deux hommes tristes, malheureux, et abattus. Leurs chevaux ne se retrouvèrent pas dans le même enclos ni les cochers autour du même feu.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 49.
Ami d’enfance. Nous traduisons ainsi le terme gaélique chomalta qui signifie frère adoptif, frère de lait. La civilisation celtique antique connaissait en effet un certain nombre de réalités ne correspondant plus à rien de nos jours et que nous avons du mal à traduire. Notamment pour ce qui est de l’éducation familiale des enfants (la pratique du pensionnat) ou de la scolarisation des élèves (ils
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étaient internes dans un pensionnat tenu par leurs professeurs). Même terme pour désigner le bleu et le vert (il ne s’agissait pour eux que des nuances d’une même couleur) orientation (nord = gauche, droite = sud), la traduction des termes phopa et gilla suivant le contexte, etc.
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Ils restèrent sur place cette nuit-là. Ensuite Fer Diad se leva de bonne heure le lendemain matin et vint seul jusqu’au gué du combat, car il savait que c’était la journée décisive pour ce combat et il savait aussi que l’un d’entre eux tomberait dans l’affrontement du jour si ce n’était les deux. Aussi avant même que le Hésus Cuchulainn ne vienne à sa rencontre, il mit sa tenue de bataille et de combat. Faisait partie de cette tenue de guerre un fin tablier de satin ourlé d’or aux couleurs variées qu’il portait à même sa jolie peau. Par-dessus il mit son tablier de cuir brun souple, par-dessus encore une grande pierre aussi grosse qu’une meule, et par-dessus cette pierre encore, car il craignait ou redoutait le javelot-foudre (gae bolga) ce jour-là, il mit son puissant et très épais tablier en fer trempé.
Sur la tête il mit son casque à crête, de guerre de combat de bataille, qui était garni de quarante gemmes, décoré d’émail rouge de cristal d’escarboucles et de pierres précieuses d’orient. Dans sa main droite, il prit son féroce et puissant javelot. Il mit à son flanc gauche son sabre de combat courbe à la poignée en or et à la garde d’or rouge. Sur la voûte de son dos, il mit son magnifique énorme et immense bouclier muni de cinquante bosses sur lesquelles auraient pu tenir des figures de sanglier (torc), sans parler du grand umbo central en or rouge. Ce jour-là Fer Diad exécuta de nombreuses magnifiques et brillantes bottes secrètes qu’il ne tenait de personne, ni de sa mère adoptive ni de son père adoptif ni de Uathache ni d’Aife, mais qu’il avait mises au point lui-même afin d’affronter le Hésus Cuchulainn. Le Hésus Cuchulainn se rendit sur le gué lui aussi et vit les nombreux brillants et magnifiques tours d’adresse qu’exécutait Fer Diad avec son arme. Tu vois là, maître Loeg, les nombreuses brillantes et merveilleuses bottes secrètes exécutées par Fer Diad , et bien quand l’occasion s’en présentera c’est moi qui serai l’objet tous ces coups d’épée. Donc si c’est moi qui ai le dessous aujourd’hui, alors tu devras m’exciter me vilipender ou dire du mal de moi pour ainsi porter mon ire et ma colère à leur comble. Mais si c’est moi qui lui inflige une défaite, tu devras m’exhorter me louer ou dire du bien de moi pour m’encourager. Il en sera fait ainsi, petit Chien de Culann, répondit Loeg.
Le Hésus Cuchulainn mit alors lui aussi sa tenue de guerre de bataille de combat, et fit ce jour-là lui aussi une démonstration de nombreuses brillantes et merveilleuses bottes secrètes qu’il ne tenait de personne ni de Scathache ni de Uathache ni d’Aife.
Fer Diad vit ces tours d’adresse et comprit évidemment que le moment venu c’est lui qui en deviendrait l’objet. Qelles armes prendrons-nous aujourd’hui, Fer Diad ? demanda le Hésus Cuchulainn. Le choix t’en appartient jusqu’à la tombée de la nuit, répondit Fer Diad. Alors faisons átha iarum « le coup du gué », répondit le Hésus Cuchulainn. Faisons-le oui, répondit Fer Diad. Mais bien qu’ayant répondu cela, il trouvait que c’était le type d’affrontement le plus dur à pratiquer, car il savait que c’était toujours à l’occasion de ce « coup du gué » que le Hésus Cuchulainn renversait tout champion ou tout guerrier qu’il rencontrait. Grand furent les exploits réalisés sur le gué ce jour-là, les deux héros, les deux champions et les deux guerriers à char d’Europe de l’Ouest (dá eirrgi íarthair Eórpa), les deux phares (anchaidil) des arts martiaux (gascid) gaëls, les deux plus grands mécènes distribuant les cadeaux les dons et les récompenses de la partie nord-ouest du monde, les deux phares des arts martiaux (gascid) gaels venus de loin s’affronter l’un l’autre à cause de la zizanie semée ou des querelles suscitées, par Ailill et Maeve. Chacun d’entre eux commença par jeter ses armes sur l’autre depuis les premières lueurs de l’aube jusqu’à la mi-journée, et quand midi fut venu, la fureur guerrière des combattants décupla et ils en vinrent au corps-à-corps.
Alors pour la première fois le Hésus Cuchulainn bondit de la rive du gué sur l’umbo du bouclier de Fer Diad, en essayant de le frapper à la tête par-dessus le bord du bouclier. Fer Diad donna un coup de son coude gauche au bouclier, ce qui fit retomber le Hésus Cuchulainn sur la rive du gué, comme un petit oiseau. Le Hesus Cuchulainn sauta de nouveau de la rive du gué sur l’umbo du bouclier de Fer Diad en cherchant à le frapper à la tête par-dessus le bord du bouclier. Fer Diad donna un coup de son genou gauche au bouclier, ce qui fit retomber une nouvelle fois le Hésus Cuchulainn sur la rive du gué, comme un petit enfant. Loeg remarqua ce qui se passait. Hélas, s’exclama-t-il, ton adversaire t’a corrigé comme une mère aimante corrige son enfant. Il t’a battu comme du linge est battu à la rivière [par les lavandières]. Il t’a moulu comme une meule moud du malt. Il t’a entamé comme une hache entame un chêne (« omnaid »). Il t’a pris à bras-le-corps comme une plante volubile [genre liseron] enlace les arbres. Il a fondu sur toi comme un faucon attaquant de petits oiseaux, de sorte que tu ne pourras plus jamais avoir droit ou prétendre à un quelconque titre de gloire en matière de faits d’armes, go brunni mbrátha & betha badesta, jusqu’au jour du jugement dernier ainsi que de la vie éternelle, a siriti síabarthi bic, espèce de petit démon, s’écria Loeg.
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Alors pour la troisième fois le Hésus Cuchulainn se redressa aussi rapide qu’une rafale de vent, prompt comme une hirondelle, aussi féroce qu’un dragon, aussi fort que le ciel, et atterrit sur l’umbo du bouclier de Fer Diad, en cherchant à frapper sa tête par-dessus le bord du bouclier. Alors le guerrier secoua son bouclier et fit tomber le Hésus Cuchulainn dans le lit de la rivière et ce fut comme s’il n’avait jamais sauté.
Alors se produisit la première contorsion du Hésus Cuchulainn. Il enfla et gonfla comme une vessie dans laquelle on souffle et se tendit comme un arc effrayant, multicolore, étrange, puis notre vaillant héros domina de toute sa hauteur Fer Diad, sa taille étant devenue celle d’un géant du peuple des vouivres anguipèdes ou d’un pirate.
Si étroit fut leur corps-à-corps dans cet assaut que leurs têtes se heurtèrent en haut, leurs pieds en bas et leurs mains au milieu par-dessus la bordure et les bosses des boucliers. Si étroit fut leur corps-à-corps dans cet assaut qu’ils fendirent et fissurèrent leurs boucliers des bordures jusqu’aux centres. Si étroit fut leur corps-à-corps dans cet assaut qu’ils plièrent courbèrent et tordirent sous la pression leurs javelots de la pointe des fers jusqu’aux rivets. Si étroit fut leur corps-à-corps dans cet assaut que les cris des bocanach des bananach des geniti glinni et des démons aériens, sortirent de la bordure de leurs boucliers des poignées de leurs épées ainsi que des erlonnaib extrémités ? de leurs javelots. Si étroit fut leur corps-à-corps qu’ils forcèrent la rivière à sortir de son lit, au point qu’on aurait pu y faire le lit d’un roi ou d’une reine sur le gravier ou le sable du gué, car il n’y restait plus la moindre goutte d’eau à l’exception de ce qui pouvait remonter du fond du gué en suintant, du fait de la lutte et du piétinement de nos deux héros et champions. Si étroit fut leur corps-à-corps dans cet assaut que les chevaux des Gaëls s’affolèrent et s’emballèrent, brisèrent leurs entraves et leurs liens, leurs cordes et leurs longes ? (llethrenna), et que les femmes les garçons et les enfants ainsi que tous ceux qui étaient incapables de combattre ou les fous, du côté irlandais, s’enfuirent à travers le camp vers le sud-ouest.
Pendant ce temps-là les deux combattants en vinrent à la frappe de taille avec leurs épées. Mais Fer Diad prit le Hésus Cuchulainn en défaut et lui porta un coup d’estoc à l’aide de sa lame à poignée d’ivoire qu’il lui plongea dans la poitrine. Le sang du Hésus Cuchulainn s’écoula dans sa ceinture et le gué devint tout rouge du sang qui s’échappait de son corps.
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Le hésus Cuchulainn alors se souvint de ses amis du side et de ses puissants guerriers qui pouvaient venir le défendre ainsi que de ses savants qui pouvaient le protéger quand il était en mauvaise posture au combat. Dolb et Indolb arrivèrent alors à l’aide et au secours de leur ami, à savoir le hésus Cuchulainn. Ils se mirent chacun d’un côté du hésus Cuchulainn et tous trois frappèrent Fer Diad. Ce dernier ne vit pas les guerriers du side. Mais alors que Fer Diad subissait l’assaut de ces trois-là ensemble frappant son bouclier, il remarqua cela et y prêta grande attention, ce qui lui fit se rappeler que quand ils étudiaient tous les deux avec Scathache et Uathache, Dolb et Indolb avaient l’habitude de venir sortir le hésus Cuchulainn de toutes les mauvaises passes où il pouvait se trouver. Fer Diad lui dit alors : « Nous n’avons pas les mêmes frères de lait ni les mêmes camarades, O Cuchulainn ». « Comment ça ? » demanda le hésus Cuchulainn. « Tes amis du side ont volé à ton secours, et tu ne me les as pas fait voir », dit Fer Diad. « Ce n’était pas une chose facile pour moi », répondit le hésus Cuchulainn ; « car si le brouillard magique se dévoile ne serait-ce qu’une fois devant un humain, plus aucun des gens de la déesse Danu ne pourra pratiquer cette occultation ni cette magie. Et de quoi te plains-tu d’ailleurs, O Fer Diad ? » demanda le Hésus Cuchulainn. « Tu as sur toi une peau d’écaille grâce à laquelle tu multiplies les prouesses ou les faits d’armes contre moi, et tu ne m’as jamais montré comment on la met ni comment on l’enlève ». Ils se révélèrent alors mutuellement toutes leurs astuces et bottes secrètes de sorte qu’ils n’eurent plus de secret l’un pour l’autre à l’exception du Gae Bolga qui appartenait au hésus Cuchulainn. Ceci dit, quand ses amis du side virent que le hésus Cuchulainn avait été blessé, chacun d’entre eux infligea donc à ce dernier, c’est-à-dire à Fer Diad, trois grandes et graves blessures. C’est alors que Fer Diad décocha un de ses javelots sur la droite, si bien lancé qu’il abattit Dolb avec un tel coup de maître. S’ensuivirent alors les deux blessures et les deux coups qui l’achevèrent, puis Fer Diad décocha un second coup sur la gauche du hésus Cuchulainn cette fois-ci, qui renversa Indolb et le laissa raide mort dans le lit de la rivière. D’où ce quatrain du conteur :
« Pourquoi ce lieu est-il appelé le gué de Fer Diad,
Bien que trois hommes y soient tombés ?
Bien qu’il y ait lavé leurs dépouilles
C’est le gué de Dolb et d’Indolb ! »
Est-il besoin d’en dire plus ? Quand ces deux grands frères ou champions également grands et dévoués, ces dures autant que victorieuses bêtes sauvages, qui luttaient aux côtés du Hésus
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Cuchulainn, furent tombés, cela redonna tant de courage à Fer Diad qu’il rendit coup pour coup et même plus au hésus Cuchulainn. Quand Loeg le fils de Riangabair vit son seigneur sur le point succombant sous les coups de boutoir du champion qui le dominait, il commença d’encourager le hésus Cuchulainn ou de lui faire honte, de sorte qu’il se redressa et que tous ses muscles se gonflèrent des pieds à la tête, comme le vent faisant claquer une bannière, et qu’il s’arc-bouta de façon à a fois effrayante et merveilleuse, comme un arc-en-ciel après la pluie, et s’avança vers Fer Diad avec toute la violence d’un dragon ou la force d’un chien limier.
Le hésus Cuchulain demanda ensuite à Loeg fils de Riangabair, son javelot foudre, le Gae Bolga.
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Ce javelot-foudre devait être utilisé en dans le sens du courant et il fallait le lancer avec les doigts de pieds : il ne faisait qu’une blessure en pénétrant dans le corps, mais il y avait trente hameçons qui se déployaient quand on essayait de l’enlever, on ne pouvait donc le sortir du corps d’un homme sans avoir préalablement découpé ses chairs tout autour.
Dès que Fer Diad eut entendu parler du javelot-foudre, il abaissa aussitôt son bouclier afin de protéger la partie inférieure de son corps. Le Hésus Cuchulainn lui lança son petit javelot avec la paume de la main par-dessus la bordure du bouclier et droit sur sa cuirasse en corne, il ressortit de la moitié de sa longueur de l’autre côté après avoir transpercé le cœur de Fer Diad dans sa poitrine. Fer Diad releva aussitôt son bouclier afin de se protéger la partie supérieure du corps, mais ce fut une parade qui arriva trop tard. Le cocher envoya le javelot-foudre (gae bolga) dans le courant. Le Hésus Cuchulainn le prit entre ses doigts de pied et le lança sur Fer Diad. Le javelot-foudre traversa le puissant et très épais tablier en fer trempé, brisa en trois la grande pierre grosse comme une meule, puis entra dans le corps de Fer Diad, en l’empalant par l’anus, et remplit chacune de ses articulations ou chacun de ses membres de ses hameçons barbelés. Cela suffit maintenant, s’écria Fer Diad. Cette fois-ci je suis mort. Car assurément tu l’as lancé assez fort avec ton pied droit. Mais il n’est pas juste que ce soit toi qui m’aies abattu. Et en parlant de la sorte il eut les paroles qui suivent.
Ô Chien de Culann aux beaux faits d’armes
Tu n’avais pas le droit de me tuer.
À toi incombe la faute dont je suis victime
Sur toi retombera mon sang.
Ní lossat na troich, recait bernaid mbraith.
Is galar mo guth, uch ! doscarad scaith
On ne prépare pas de banquet de la victoire ?
Pour les malheureux précipités dans l’abîme de la trahison ?
Ma voix faiblit tristement
Hélas, je ne suis déjà plus que l’ombre de moi-même ?
Mes côtes comme mes dépouilles sont brisées
Mon cœur est sanguinolent
Serait-ce donc que je n’ai pas bien combattu !
J’ai succombé, ô Chien de Culann.
-------------------------------------- --------------------------------------------------- ------------------------------------------- – Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 50.
Dire… du bien, évidemment. Il y avait une coquille dans la reproduction (par ROC ?) du texte de Cécile O’Rahilly. Je l’ai rectifiée. Ce n’était pas une question de bonne ou de mauvaise volonté.
Arts martiaux gaëls. Nous rendons par « arts martiaux » le terme gaélique gascid que le dictionnaire électronique de la langue irlandaise traduit ainsi : au sens strict et concret, armes, armure ; en un sens plus abstrait ou plus métaphorique : prouesse, exploits, compétence (dans le domaine des armes). La formule est répétée trois fois dans notre texte. Comme disait Napoléon, la répétition est la plus forte des figures de rhétorique. Ou alors il s’agit d’une erreur de copiste payé à la ligne. D’une maladresse ?
Cuchulainn bondit de la rive du gué sur l’umbo du bouclier de Fer Diad. Tout cela fait un peu bande dessinée des années 1950 (les super-héros). Mais pour la première fois, le Hésus Cuchulainn semble en difficulté, il ne l’emportera qu’en ayant recours à son javelot-foudre.
« Go brunni mbrátha » est bien évidemment une interpolation chrétienne. Moins sûr pour « betha badesta », la notion de vie éternelle étant elle aussi connue des anciens druides (cf. irlandais bith anim = âme éternelle), et se retrouvait même dans l’anthroponymie. Exemple Bituitus. Ce qui est proprement chrétien juif ou musulman, c’est ce concept de jugement (de jugement dernier, avec enfer à l’appui). Mais comment un créateur (tout puissant qui plus est) ou simplement même un père vraiment aimant, pourrait-il à ce point condamner ou renier ce qu’il a fait, ça, c’est un mystère.
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Son corps enfla, etc. Sur ces transes guerrières un peu à la façon des berserkers, voir nos contre-lais précédents.
Pirate. Influence médiévale et plus précisément de la période des invasions de Vikings. Le mythe panceltique initial ne devait se référer qu’aux vouivres anguipèdes gigantesques, puisque ce genre de créature mythique existait déjà sur le Continent (sur les colonnes du Taran/Toran/Tuireann = Jupiter) aux IIe et IIIe siècles. Les colonnes en question étaient couronnées d’une statue de Jupiter = Taranis, représenté habituellement à cheval, et piétinant un géant usuellement représenté avec une queue de serpent à la place des pieds. Avant de se retrouver gravé sur les pierres pictes de Meigle dans le Perthshire (sous l’appellation erronée de triton ou de sirène mâle : la stèle 22 du musée local).
Démons aériens. Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le voir, il s’agit d’une interpolation chrétienne, soit ajoutant à cette petite liste une nouvelle catégorie de créatures surnaturelles, soit explicitant la précédente, les geniti glinni (vents des vallées comme le Circius continental, et plus précisément provençal ???)
Des extrémités de leurs javelots. Nos lointains ancêtres ne vivaient pas dans un monde aussi également scientiste que le nôtre et les anciens druides essayaient donc d’expliquer du mieux qu’ils pouvaient certains phénomènes naturels comme l’écho par exemple, mais aussi comme celui dit des feux de Saint-Elme. Le feu de Saint-Elme est un phénomène physique, ne se produisant que dans certaines conditions météorologiques, qui se manifeste par des lueurs apparaissant surtout aux extrémités des mâts des navires et sur les ailes des avions certains soirs. Ce phénomène se crée parfois aussi en très haute altitude, au-dessus des cumulonimbus. Ne parle-t-on pas de façon quelque peu imagée il est vrai, de la fée Électricité ? Les marins gallois de jadis appelaient ce phénomène canwyll yr ysbryd = chandelles des esprits ou canwyll yr ysbryd glân = chandelles du Saint-Esprit, mais sous d’autres latitudes on parlera de « farfadet » ou « d’elfe ». Le phénomène dit de la lumerette ou du feu follet ressemble beaucoup au feu de Saint-Elme, mais se produit à faible hauteur au-dessus du sol, dans les marécages les forêts les cimetières. Apparemment les Irlandais eux étaient aussi sensibles au son produit par ces phénomènes lumineux qui doit ressembler à une sorte de grésillement dans le cas des feux de Saint-Elme (quelle christianisation décidément !)
La partie inférieure de son corps. Bon finalement le javelot foudre n’a rien de mystérieux. Une sorte de harpon muni d’hameçons barbelés. Faite pour atteindre les parties génitales de l’adversaire (mâle). Ce qui demeure mystérieux néanmoins ce sont ses conditions d’utilisation : avec les orteils du pied droit, dans l’eau d’une rivière, en amont par rapport à la cible, en empalant l’adversaire. Encore plus fort que le jeune berger David ou plus exactement un homme de la garde du roi David (2 Samuel 21 : « Il y eut encore une bataille à Gob avec les Philistins. Et Elchanan, fils de Jaaré Oreguim, de Bethléem, tua Goliath », abattant un géant aryen d’un coup de sa fronde. Le supplice du pal existe certes depuis longtemps, mais dans ces conditions ça laisse rêveur. Serait-ce une exagération sadomasochiste des bardes ayant colporté ce récit ? Car de toute façon Fer Diad avait déjà eu le cœur transpercé par un javelot tout ce qu’il y avait de plus ordinaire. Les premières représentations d’empalement viennent d’Assyrie. La cruauté du supplice était modulée par le degré d’acuité de la pointe, la taille du pieu, et la profondeur à laquelle on l’enfonçait. Le plus fréquemment, la pointe était arrondie afin de repousser les chairs sans les léser, afin que le supplice dure le plus longtemps possible. Elle ressortait par le thorax, par les épaules ou par la bouche, en fonction de la direction donnée. Le but était de susciter une frayeur maximale chez les spectateurs.
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Le Hésus Cuchulainn courut alors vers lui et le prit dans ses bras pour le soutenir, lui et ses armes et sa cuirasse et tout son équipement et l’emmena au nord du gué avec lui afin que sa dépouille reste au nord et à l’ouest du côté des Irlandais. Le Hésus Cuchulainn allongea Fer Diad par terre à cet endroit et, alors qu’il se tenait au-dessus il eut comme un malaise ou une faiblesse et faillit perdre connaissance. Loeg s’en aperçut et craignit que les Irlandais ne viennent attaquer le Hésus Cuchulainn. Allez, petit Chien de Culann, lui dit Loeg, lève-toi maintenant, car les Irlandais vont venir nous assaillir et ce ne sera pas un combat singulier qu’ils nous livreront puisque Fer Diad fils de Daman fils de Daré a péri sous tes coups. En quoi m’importe-t-il de me lever maintenant, a gillai, compagnon, répondit le Hésus Cuchulainn, vu l’homme que je viens de tuer de mes propres mains. Alors, le cocher, il lui dit les paroles suivantes, et le Hésus Cuchulainn lui répondit celles-là.
Lève-toi, O chien de guerre d’Emain
Montrer un courage sans faille te convient plus que jamais
Tu as terrassé Fer Diad le belliqueux
Debrad ! Ton duel a été rude.
À quoi me servirait de faire preuve d’un courage hors pair ?
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Folie et douleur se sont emparées de moi
Après ce malheureux exploit de ma part
Et ce corps que j’ai mutilé avec mon épée.
Te lamenter ainsi ne te convient pas.
Ce qui te sied mieux c’est la gloire du triomphe.
Le grand gaillard armé de javelots
T’a laissé tout triste, saignant et blessé.
Et même s’il m’avait coupé une jambe
Même s’il m’avait coupé une main,
Je regretterai à jamais que Fer Diad monté sur ses coursiers
Ne soit pas toujours là bien vivant.
Les filles de la maison de la Branche Rouge
Préfèrent ce qui s’est passé,
Qu’il soit mort et que toi tu sois vivant,
Car elles n’auraient pas pris à la légère [Que vous soyez partis tous les deux pour toujours].
Depuis le jour où tu as quitté Cualnge
Pour te lancer à la poursuite de la brillante Maeve
Le nombre de tous les combattants que tu lui as tués
Doit lui sembler faire un sacré carnage.
Tu n’as pas dormi tranquille
Depuis que tu veux mettre fin à ce grand enlèvement
Bien que ta compagnie soit peu nombreuse
De bonne heure le matin tu te lèves avant tout le monde.
Le Hésus Cuchulainn se mit alors à gémir et à s’apitoyer sur Fer Diad et il prononça les paroles qui suivent.
Hélas, Fer Diad, quel malheur pour toi que tu n’aies point parlé avec un des hommes de ta compagnie au courant de mes grands exploits en matière de courage et d’armes avant que nous nous soyons rencontrés afin de nous battre ! Quel malheur pour toi que Loeg fils de Riangabra ne t’ait point fait honte en te rappelant notre camaraderie ! Quel malheur pour toi que tu n’aies pas souscrit au si judicieux conseil de Fergus ! Quel malheur pour toi que Conall le beau, le triomphant, l’exultant, le victorieux, ne t’ait pas aidé de ses conseils en te rappelant notre commune éducation ! Car ces hommes-là n’écoutent pas les messages les désirs les dires ou les promesses mensongères des femmes bien coiffées du Connaught. Car ces hommes-là savent qu’il ne naîtra jamais (go brunni mbrátha & betha), parmi les gens du Connaught un être capable d’accomplir des exploits comparables aux miens, pour ce qui est du maniement des écus et des boucliers, des javelots et des épées, du jeu au tablut ou au corbeau noir (des jeux d’échecs), dans la conduite des chevaux et des chars. Il n’y aura plus désormais une main de héros pour tailler en pièces la chair des guerriers comme celle de Fer Diad, qui vit désormais nelinn ndatha (sous la forme d’une ombre ?). La brèche faite par la Bodua aux lèvres rouges dans les entrepôts de boucliers qui scintillent ne sera plus refermée. Il n’y aura plus désormais [go brunni mbrátha & betha badesta] à Cruachan, quelqu’un capable de revendiquer ou d’obtenir un statut égal au tien, ô fils de Daman aux joues rouges, ajouta le Hésus Cuchulainn.
Ensuite le Hésus Cuchulain se leva et se tint debout au-dessus de Fer Diad. Mon pauvre Fer Diad, soupira-t-il, les Irlandais t’ont vraiment trahi et abandonné quand ils t’ont poussé à me rencontrer ou à m’affronter, car se battre ou batailler contre moi lors de l’expédition de Cualnge n’aura pas été une tâche facile. Et en parlant, il prononça les paroles suivantes.
Ô Fer Diad, tu as été trahi
Hélas, pour ta dernière rencontre
Celle où tu mourus et où je survécus
Un hélas éternel pour notre définitive séparation !
Quand nous étions là-bas
Chez Scathache notre victorieuse Buanann
Nous pensions que jusqu’au jour du Jugement Dernier
Durerait notre amitié.
Chère à mon cœur était la splendide rougeur de tes joues
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Chère à mon cœur ta belle et parfaite silhouette,
Cher à mon cœur l’éclat de ton œil bleu si clair,
Chères à mon cœur ton comportement et ta façon de parler.
Jamais ne courut à la boucherie des combats
Jamais n’est entré en fureur virile
Jamais ne porta bouclier sur une si vaste surface ? (leirg)
Quelqu’un comme toi, sanglant fils de Daman.
Je n’ai jamais rencontré quelqu’un comme toi jusqu’à maintenant
Depuis que le fils unique d’Aifé mourut,
Ton égal en matière de faits d’armes
Non, je n’en ai pas trouvé, O Fer Diad.
Findabair la fille de Maeve
Bien que grande soit sa beauté, is gat im ganem ná im grían C’était…………… ?????????????????? Que de la faire miroiter à tes yeux, O Fer Diad.
Ensuite le Hésus Cuchulainn se mit à regarder Fer Diad. Et bien maintenant, maître Loeg, dit-il, dépouille Fer Diad et enlève lui sa cuirasse ainsi que ses habits que je puisse voir la broche pour laquelle il a livré bataille. Loeg approcha et lui ôta son équipement. Il lui prit sa cuirasse et ses vêtements, le Hésus Cuchulainn vit la broche et recommença de gémir sur Fer Diad ou de s’apitoyer sur lui, et ce faisant voici les paroles qu’il prononça.
Triste est ta broche en or
Fer Diad des champions !
O fort et vaillant cogneur
Victorieux était ton bras.
Ta blonde chevelure épaisse
Bouclait comme autant de joyaux
Ta ceinture en cuir souple gravé de feuilles,
Serra tes flancs jusqu’au dernier moment.
Notre belle camaraderie
Faisait plaisir à voir
Ton bouclier bordé d’or
Ton échiquier qui était un vrai trésor.
Que tu aies dû tomber sous mes coups
Ne fut pas juste je le reconnais
Notre combat ne fut pas chevaleresque
Triste est la broche en or.
Bon maintenant, maître Loeg, dit le Hésus Cuchulainn, ouvre Fer Diad et enlève le gae bolga, car je ne peux pas me passer de cette arme. Loeg approcha, ouvrit le corps de Fer Diad et enleva le javelot-foudre. Le Hésus Cuchulainn vit alors son arme toute rouge de sang à côté de Fer Diad et prononça ces paroles.
O Fer Diad, quelle tristesse que de te voir ainsi,
Sanglant et déjà saigné à blanc
Alors que mon arme n’est pas encore lavée de ses taches
Et que tu gis sur une couche sanglante.
Quand nous étions là-bas en Orient
Chez Scathache et chez Uathache
Il n’y avait pas de lèvres livides
Entre nous et nos armes de guerre.
Scathache à la pointe aiguë nous a donné
Le ferme et impérieux commandement suivant :
Partez tous promptement au combat.
Barficfa Germán Garbglass
Le Germain aux rudes yeux bleus [le Germain gris-bleu ?] va venir.
J’ai dit à Fer Diad
Et au généreux Lugaid
Ainsi qu’au fils de Baetan
Que nous devions tous aller combattre ce Germain.
Nous nous sommes rendus au rocher du combat
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Sur les pentes du lac de Lind Formait
Nous avons emmené quatre cents hommes
Venus des îles du Victorieux.
Quand Fer Diad le batailleur et moi étions
Devant le château (dun) du Germain
J’ai tué Rind le fils de Niul
Et lui a tué Fuad le fils de Forniul.
Sur le champ de bataille Fer Baeth a tué
Blath fils de Colba aux épées rouges
Et le sinistre et rapide Luaid a tué
Mugarne de la mer tyrrhénienne ?
Après y être allé j’ai tué
Quatre cinquantaines d’hommes en pleines transes guerrières (ferglond)
Fer Diad a tué, quelles sinistres compagnies,
Des ???? les eaux du déluge ??(Dam nDreimed is Dam nDílend).
Nous avons saccagé la forteresse de l’habile Germain
Par-dessus la grande mer multicolore
Nous avons ramené vivant le Germain
Chez Scathache au grand bouclier.
Notre mère adoptive nous avait imposé
Un pacte d’union et d’amitié
Pour que nulle violence (ferg) n’éclate un jour
Entre les clans de la belle Elga.
Triste est le matin, le matin de mars
Où le fils de Daman est tombé sans force
Car il est tombé l’ami bien aimé
À qui j’ai servi une coupe de sang vermeil.
T’aurais-je vu succomber
Au milieu des grands guerriers grecs
Que je ne t’aurais pas survécu
Nous serions morts ensemble.
Triste est ce qui nous arrive
Les enfants (adoptifs) de Scathache.
Je suis couvert de blessures et de sang
Pendant que toi tu ne conduiras plus jamais un char.
Triste est ce qui nous arrive,
Les enfants (adoptifs) de Scathache
Je suis couvert de blessures et de sang
Pendant que tu gis à mes pieds.
Triste est ce qui nous arrive
Les enfants adoptifs de Scathache,
Toi mort et moi bien vivant
Se battre furieusement est le lot de la virilité.
Bien, ô mon petit Chien de Culann, dit Loeg, éloignons-nous de ce gué maintenant. Nous sommes restés trop longtemps ici. Nous allons en partir bien sûr, maître Loeg, répondit le Hésus Cuchulainn, mais les batailles et les duels que j’ai livrés jusque-là me semblent avoir été des jeux ou de simples exercices comparés à mon combat contre Fer Diad. Et alors qu’il parlait, il eut les paroles qui suivent.
Tout n’était que jeu ou sport
Jusqu’à ce que vienne l’heure de ma rencontre avec Fer Diad sur ce gué.
Nous avions fréquenté la même école (duinn).
Nous avions appris les mêmes choses ??? dans sa forteresse (rath)
Nous avions eu la même bonne mère comme instructrice (mummi)
Dont le nom est sur toutes les lèvres.
Tout n’était que jeu ou sport
Jusqu’à ce que vienne l’heure de ma rencontre avec Fer Diad sur ce gué.
Nous avions la même nature, la même capacité à susciter la terreur,
Nous avions l’habitude de nous servir des mêmes armes.
Scathache nous avait donné un jour deux boucliers,
Un à moi et un à Fer Diad.
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Tout n’était que jeu ou sport
Jusqu’à ce que vienne l’heure de ma rencontre avec Fer Diad sur ce gué.
Ami bien aimé, précieux pilier (des combats ?)
Que j’ai terrassé sur le gué
Toi le taureau de la tribu
Tu étais plus vaillant que tout autre.
Tout n’était que jeu ou sport
Jusqu’à ce que vienne l’heure de ma rencontre avec Fer Diad sur ce gué.
Il était comparable à un lion furieux et féroce
À une vague sauvage (tonn) déferlant comme un raz-de-marée, comme le jugement dernier.
Tout n’était que jeu ou sport
Jusqu’à ce que vienne l’heure de ma rencontre avec Fer Diad sur ce gué.
J’avais comme le sentiment que mon bien aimé Fer Diad
Vivrait avec moi pour toujours.
Hier il était immense comme une montagne [et je ne voyais que lui]
Aujourd’hui ne subsiste plus que son ombre (scáth).
À trois reprises lors de cette expédition
D’innombrables armées ont succombé devant moi
Les meilleurs guerriers le plus beau bétail et les plus beaux chevaux
J’ai massacré de tous les côtés.
Jamais n’est venu sur un champ de bataille
Jamais Banba n’a nourri de ses mamelles
Jamais n’est venu d’au-delà des mers ou des montagnes (muir ná thír)
Un fils de roi plus célèbre que Fer Diad.
Ici se termine l’épisode intitulé : la fin tragique de Fer Diad.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 51.
Debrad. Expression gaélique, souvent attribuée à saint Patrice, et assez difficile à traduire. Par le jugement des dieux ? Par le Dieu du Jugement (sous-entendu « dernier ») ?
Le corbeau noir ou brandub en gaélique est sans doute une variante du tablut ou jeu d’échecs celte.
Go brunni mbrátha, etc. voir ce que nous avons déjà dit à propos de cette aberration de la spiritualité judéo-islamo-chrétienne. Un jugement dernier est par définition psychologiquement impossible de la part de Dieu. Pourquoi détruire le monde après l’avoir créé ? Pourquoi l’avoir créé d’ailleurs si c’est pour le détruire ensuite ? Et comment un père peut-il juger ses enfants, voire les envoyer en enfer pour l’éternité ? Il ressort des vers 450 et quelques de la Pharsale de Lucain que les anciens druides ne croyaient…
— Ni à l’anéantissement de l’âme ou de l’esprit après la mort (du corps).
— Ni à l’existence d’une vie de type « infernal » pour ces âmes/esprits.
— Bref qu’ils ne croyaient pas en l’existence de l’enfer.
Ces vers ayant fait couler beaucoup d’encre en ce qui concerne leur signification au Moyen-Âge, nous ne croyons pas inutile ici de les rappeler.
« À en croire vos maîtres les ombres des morts
Ne vont pas rejoindre les silencieuses demeures d’Érèbe,
Ni les pâles royaumes de la mort ;
Une même âme/esprit [en latin idem spiritus] régit les membres
Dans un autre monde [en latin orbe alio]
Et la mort n’est que le milieu d’une longue vie ».
Nelinn ndatha. Est-ce justement une allusion au sort de l’âme (ou de l’esprit) après la mort (du corps) ?? Si oui et si nous l’avons bien comprise, bien traduite (ombre ou nuage, statut définitif ou provisoire ?), elle ne correspondrait alors que partiellement à la théologie des druides continentaux évoqués par Lucain ou du moins correspondrait plutôt, non au vers proprement dit, mais à certains commentaires portant sur l’expression « orbe alio » employée par Lucain.
Manes esse non dicunt sed animas in revolutione credunt posse constare.
Ils ne disent pas que les mânes existent, mais croient que les âmes peuvent indéfiniment accomplir des révolutions (revenir à leur point de départ pour recommencer une nouvelle vie ?).
Id est sicut uos dicitis anime ad inferos non descendunt, sed in orbe alterius hemisperii incorporantur iterum uel in aliqua parte orbis a uobis remota.
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C’est-à-dire que selon vous les âmes ne descendent pas dans les enfers, mais vont s’incorporer une autre fois dans une partie du monde située dans l’autre hémisphère ou dans quelque partie d’un monde qui vous est inconnu.
ORBE ALIO : apud antipodas. Hi de metapsihei (sic) senserunt, et euntem ad corpus in tribus elementis purgari dixerunt. In igne in perusta, in aere in temperata, in aqua in frigida. Vel alium orbem vocat alia corpora digniora vel indigne apud nos. Fuit enim sentencia, animas in comparibus stellis positas. Et descensus per cancrum. In planetis vero pro diversitate eorum hauriebant diversa. In corporibus tandem pro merito quedam cicius celum petebant, quedam de corpore in corpus transeunt, donec firmamento consecuti resipiscant.
ORBE ALIO : aux antipodes. Voilà ce qu’ils pensaient à propos de la métempsychose, et ils disaient que l’on doit être triplement purifié avant d’entrer dans un (nouveau) corps. Quant à son ardeur par la combustion, quant à son air par une chaleur tempérée, quant à son eau par le froid. Ou alors ils appellent autre monde le fait d’entrer dans des corps plus dignes ou moins dignes que les nôtres ici-bas. Cette sentence impliquait peut-être que les âmes se reposaient alors dans des étoiles de même nature qu’elles. Puis redescendaient par le Signe du Cancer. En s’enrichissant par l’intermédiaire de ces planètes de divers éléments suivant leurs besoins et leur nature. À la fin après être entrées dans de nouveaux corps certaines accédaient plus rapidement au ciel en fonction de leurs mérites tandis que d’autres continuaient de passer de corps en corps jusqu’à ce qu’elles atteignent elles aussi le firmament.
Buanann est un nom propre, le nom d’une déesse (ou démone bien sûr) s’occupant de nourrir les guerriers. Un rôle un peu analogue à celui joué par les femmes qui tenaient les maisons de compagnons du XVIIIe siècle, du moins en France et en Allemagne. Compagnons est le nom donné aux membres d’une association d’hommes de l’art ou d’artisans datant du Moyen-âge, tailleurs de pierre, charpentiers couvreurs, et ainsi de suite. Ils construisaient les châteaux et les cathédrales, mais eurent souvent maille à partir avec les rois et l’Église catholique. Une tradition similaire existe avec les Wandergesellen allemands, ou hommes du voyage, mais il n’y a rien de comparable en Grande-Bretagne. Heureusement tout le monde n’est pas obligé d’être Anglais. N.B. Bref, il s’agit peut-être du petit côté « évhéméèriste » de la religion druidique.
Jugement dernier ou fin du monde. Notion bien évidemment uniquement chrétienne (et musulmane aussi aujourd’hui). Quelque peu contradictoire avec la notion de Dieu d’amour clément et miséricordieux d’ailleurs. Le druidisme lui n’a que faire de cette notion de jugement (dernier, définitif, avec enfer à la clé peut-être, etc.).
Le fils unique d’Aife. D’Aife ainsi que du Hésus Cuchulainn. Il s’agit d’un épisode ô combien dramatique illustrant la toute puissance du Destin, mais que nous n’avons pas encore abordé dans cet ouvrage et que nous ne relaterons donc qu’après. La succession réelle des événements n’est pas toujours aisée à établir avec sûreté vu les incertitudes de toute littérature orale. Et même écrite. Le même phénomène existe d’ailleurs dans la Bible et dans le Coran. Les quatre évangiles ne sont pas tous synoptiques (celui de Jean ne l’est pas) et certains épisodes du Coran sont bien difficiles à dater, même les uns par rapport aux autres (chronologie relative). Exemple le voyage à Jérusalem (isra et miraj) mentionné par le chapitre XVII. Et ne parlons même pas des assassinats politiques (Ka'b ibn Al Achraf, Asma bint Marouan, Abou Aflak et autres juifs de Médine ou des environs) des expéditions guerrières ou des campagnes militaires, cautionnées ou directement conduites, par Mahomet, du moins si l’on en croit sa biographie légendaire (reconstituée plus de cent ans après les faits par des auteurs comme Ibn Ishaq, Ibn Hicham, Ibn Kathir, Tabari, etc.). Le problème est particulièrement crucial avec le Coran quand il s’agit de déterminer si un verset date de la période mecquoise ou de la période médinoise, le principe de base dans cette religion étant, et c’est logique d’ailleurs, que les décisions les plus récentes abrogent les précédentes. Or il semble bien hélas que les 151 versets plus ou moins tolérants du saint Coran et datant de l’époque où Mahomet en quelque sorte était dans l’opposition (La Mecque) ont tous été abrogés ensuite par des dispositions contraires et attentatoires aux droits de l’Homme, voire aux Fir Fer tout court, édictées à Médine quand Mahomet passa du statut d’opposant, à celui de chef d’État, ou de gouvernement, voire à celui de chef d’une armée ou d’une police, des mœurs et des idées (le Coran contient d’ailleurs beaucoup plus de prescriptions relatives à la vie quotidienne dans la société civile, qu’à la spiritualité proprement dite).
Le problème avec les intellectuels les politiques et les journalistes du moins en France ce n’est pas tant leur degré d’instruction ou de culture générale, ni leur forme d’intelligence, c’est qu’ils sont tous
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pauvres (puisqu’ils donnent tout aux miséreux) et donc qu’ils n’ont pas le temps de faire preuve d’humilité. S’ils étaient un peu moins convaincus de leur supériorité naturelle ils comprendraient que christianisme et Islam en tant que mentalité collective sont aux antipodes l’un de l’autre pour ce qui est de la vie en société puisque Jésus en tant que messie au sens strict du terme a échoué dans sa tentative de prise du pouvoir (c’est ce qu’ont pensé et les juifs et les Romains puisqu’il a été crucifié dans les conditions que l’on sait) alors que Mahomet, lui, a réussi en ce domaine : il a fini par devenir chef de l’État médinois (c’est du moins ce qu’ont pensé les juifs – les Banou Qaïnouqa Banou Nadir et autres Banou Qourayza – ainsi que les Romains, voir les premiers écrits byzantins à ce sujet, notamment ceux de Sébéos, un religieux arménien).
Triste est ta broche en or. Nous traduisons ainsi et conformément à la version dite de Stowe le mot gaélique « éo » qui signifie aussi cela est vrai, saumon.
Champions. Nous traduisons ainsi le terme gaélique ndam.
Germán Garbglass. Nous sommes en réalité bien embarrassés pour traduire au mieux cette énigmatique mention de notre texte. Certains érudits et certains folkloristes y voient un équivalent du gallois Gwrgi Garwlwyd. En ce qui nous concerne, nous rapprochons plutôt cette mention du Saxon appelé Wolf ou Wolfkin évoqué dans le chapitre traitant de l’apprentissage de notre héros (sous le nom d’Ullbeccan Sexa). Mais l’énigme n’en demeure pas moins entière. S’agit-il d’une allusion à un loup-garou, à un berserker, ou à un groupe d’envahisseurs germains caractérisés par un usage particulier de la couleur bleue ? Il existe le même genre de problèmes dans la Bible ou le Coran. Certains mots sont des hapax ou presque. German Garb et Glass ne posent aucun problème en eux-mêmes (à part ce fichu emploi du même mot pour désigner le bleu et vert chez les Celtes, une indistinction primordiale que les tenues de cérémonie de nos modernes druides ont l’air d’ignorer), mais leur association est un hapax. Sur les 300 000 mots de la Bible, il y aurait par exemple 2000 hapax. Quelques exemples d’hapax célèbres. Lilith (Isaïe 31, 14). Eh oui, désolé pour nos sœurs de la Wicca. Ce n’est que dans littérature talmudique ultérieure ou dans le Zohar que l’on commencera donc à en parler, de plus en plus il est vrai. Plus anecdotique et moins fondamental maintenant. Gopher (Genèse 6,14, le bois qu’utilise Noé pour construire son zoo flottant). Harout et Marout (Coran chapitre 2, verset 102). Ababil (Coran chapitre 105, verset 3). Il doit s’agir d’une sorte « d’oiseaux ». Et enfin presque des hapax… Sidjil (Coran chapitre 11, verset 82, chapitre 15, verset 74, chapitre 105, verset 4). Si l’on élimine le bombardement aérien par des extraterrestres ou par des avions furtifs de l’OTAN égarés dans une faille spatio-temporelle au-dessus de l’Iraq ou de la Libye, reste une pluie de balles de fronde. Ce qui serait plus vraisemblable, la portée de cette arme pouvant aller jusqu’à plus de 400 mètres. Mahomet ou l’entourage familial de Mahomet n’aurait pas suffisamment voyagé hors d’Arabie ou pas suffisamment fait d’études pour y penser, mais aurait attribué ce tir de barrage à des oiseaux invisibles. Taghout (Coran chapitre 4, verset 51, chapitre 4 verset 60, chapitre 2, verset 256). Un sens difficile à établir et qui semble aller de tyran, oracle, statue, à « pas convaincu » (par le message de Mahomet). Ci-dessous en tout cas la traduction du premier et dernier emploi de ce terme : « Ils croient aux Jibt et aux Taghouts. Ils disent en parlant des païens qu’ils sont mieux dirigés que les croyants musulmans ».« Pas de contrainte en matière de religion ! Mais celui qui ne croit pas aux taghouts a saisi l’anse la plus solide, etc. » Les Jibt et les taghouts étaient peut-être des moyens utilisés par les juges ou arbitres de l’époque, les kahin, pour rendre leurs verdicts, après avoir invoqué un djinn.
Cet épisode de notre saga est quand même très curieux. On a l’impression d’assister à un doublon des grandes invasions barbares effectuées au détriment de nos frères gallois, mais avec Sétanta Cuchulainn dans le rôle du roi de Bretagne Arthur (et dans ce cas donc il s’agirait de Vikings et non d’Angles ou de Saxons). À moins qu’il ne se soit agi d’un poème initialement composé en erse c’est-à-dire en gaélique d’Écosse et non d’Irlande, puisque là aussi (en Northumbrie) se produisirent très tôt des invasions germaniques. Fer Diad n’était-il pas issu du peuple des Domnan (Glasgow) ? De toute façon l’apprentissage des arts martiaux du Hésus Cuchulainn a eu lieu en Écosse si l’on en croit notre sunna à nous, la tradition, et tout cela fait plutôt écossais en réalité.
Bref, aucune réaction coordonnée ou du moins de l’ensemble de la nation. Chacun se débrouille dans son coin pour lutter contre l’envahisseur, qui à ce niveau du drame est sans doute très localisé, très peu nombreux. Quelques dizaines ou centaines de guerriers venus d’ailleurs et installés en certains endroits bien précis, où ils s’incrustent, et qui deviennent autant de zones de non-droit celtique (que ce soit irlandais ou gallois). Le problème est que ces zones de non droit celtique vont aller en se multipliant vu l’arrivée continuelle de nouveaux venus et la très faible pression exercée, c’est le moins que l’on puisse dire, car en fait il n’y en avait pas du tout, pour qu’ils s’assimilent (aux précédents occupants des lieux) donc que c’est la nation galloise tout entière qui va faillir en disparaître pour toujours en perdant 80 % de son territoire.
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Toutes les tribus auraient dû faire cause commune dès le départ comme les chrétiens l’ont fait en Espagne à l’occasion de leur « Reconquista » pour rejeter les envahisseurs du pays ou ces colons d’un nouveau genre. Dans le cas de Marseille quelques siècles plus tôt et plus au sud, il y avait eu apparemment une suffisante union de toutes les tribus celto-ligures alentour pour fixer la colonisation grecque. Mais ce ne fut pas la même chose dans le cas des Gallois. Ignorer l’histoire revient toujours à revivre les mêmes désastres. Car la quasi-disparition des ancêtres de notre bon Perceval le Gallois a été un désastre. Un recul de la civilisation devant la barbarie d’alors (n’en déplaise à mon honorable souveraine la reine d’Angleterre duchesse de Normandie). Et afin de ne laisser subsister aucune équivoque, tant pis pour mon pays, mais notre religion n’est qu’une religion de la vérité, afin de savoir ce qui différencie un envahisseur d’un nouveau venu n’ayant nullement l’intention de se fondre dans le peuple sur le territoire duquel il s’installe, demandons aux descendants des Amérindiens ayant jadis habité Manhattan ce qu’ils en pensent. Ils vous répondront sans doute qu’ils auraient dû…-Soit rejeter immédiatement à la mer les Blancs qui venaient d’arriver. -Soit (cas de Marseille et des Celto-Ligures) procéder immédiatement à un transfert de technologie suffisant pour que s’instaure un réel équilibre en ce domaine (arme à feu, chevaux, etc.).
Au lieu de cela, faites aujourd’hui l’expérience, demandez à un habitant de Manhattan * s’il descend bien de nos ancêtres les Indiens, s’il considère bien les Indiens comme ses ancêtres, s’il a vraiment l’intime conviction de n’être qu’un Indien ayant évolué ?? Résultat garanti. Soyons sûrs de ne pas nous tromper en la matière et affirmons donc au minimum que les habitants de Manhattan ne sont plus des Anglais, des Anglais qui de toute façon n’étaient déjà plus des Gallois. Maintenant ce qui a été fait a été fait, l’important est d’éviter qu’un tel appauvrissement du patrimoine immatériel de l’Humanité se reproduise, car la civilisation amérindienne dans son ensemble n’était nullement inférieure à celle des Blancs (elle ne l’était que sur certains points précis, surtout matériels d’ailleurs) et elle aurait même eu des leçons à nous donner dans la façon de traiter notre mère à tous la Terre. Fin de cette énième méditation sur l’Histoire de notre part.
* Mes correspondants parisiens me font remarquer que la ville de Roubaix à quelques kilomètres plus au nord, pour ce qui est du rapport avec les indigènes de ce pays est plus dans la situation du Manhattan d’aujourd’hui que dans celle du Marseille de jadis et m’interpellent en me posant la question suivante à laquelle je suis bien incapable de répondre évidemment : « comment peut-on à ce point manquer d’empathie avec son peuple, être indifférent à sa survie en tant que tel, alors que l’on devrait se comporter vis-à-vis de sa communauté d’appartenance comme vis-à-vis de sa famille, une nation n’étant dans le fond qu’une grande famille ? » Comment peut-on être individualiste si ce n’est pas carrément égoïste, à ce point ? Cela revient à laisser faire un génocide par substitution de population. Réponse de Pierre de La Crau. Si ce que vous voulez dire c’est que l’unité d’esprit d’un peuple, son sentiment de ne former qu’un seul et même corps, une seule et même âme, est un trésor psychologique dont il ne faut jamais se défaire si on veut garder un mental d’acier alors je suis d’accord avec vous. Les peuples ont une âme, une âme collective, un esprit, l’âme russe, l’âme slave, l’esprit new-yorkais ou que sais-je encore, ça existe. Le plus grand des crimes est de s’en prendre à elles voire de les ignorer. Les anciens druides les avaient même quasiment divinisées sous le nom de teutates ou leur rendaient un véritable culte un peu comme celui des ancêtres. Nous reviendrons d’ailleurs sur cette notion d’égrégore ou d’âme collective. Ainsi que l’a très bien dit un des plus grands hommes d’État que la terre ait jamais porté « Ne demandez pas ce que votre nation peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre nation » (je cite de mémoire). Ceux qui veulent brader un si précieux trésor au nom de je ne sais quel irénisme angélisme ou fumeux principe **, ceux qui veulent consciemment substituer à cette situation d’unité psychologique et mentale, une autre situation, qui ne saurait par définition être aussi bonne, qui ne saurait être un aussi bon atout, sont de véritables dangers publics, qui feraient bien de méditer cette réflexion du grand philosophe français que fut Pascal (notre enthousiasme ne doit pas nous faire oublier la Vieille Europe de nos ancêtres) : « l’Homme est mi-ange mi-bête est le malheur est que qui veut faire l’ange fait la bête ».
** Le mal tout le monde est contre, il suffit de se mettre d’accord sur ce qu’est le mal. Nous y reviendrons dans notre cours sur l’éthique celtique.
Les grands guerriers grecs. Que vient faire la Grèce ici ? Une allusion au suicide (interdit par le judéo-islamo-christianisme ? En ce qui concerne notre position sur le suicide et sur le mariage entre personnes du même sexe (pour ou contre), voir notre cahier sur l’éthique celto-druidique.
Tond/Tonn et jugement dernier. Nous ne reviendrons pas sur cette étrange et assez sadique notion judéo-islamo-chrétienne si ce n’est pour signaler qu’elle semble ici avoir été mêlée à la notion de déluge (certainement pas universel, car si déluge il y a eu pour marquer à ce point les mémoires de certains peuples comme celui de Deucalion, ils ne furent que localisés, n’affectèrent qu’une partie de notre planète). Notons également qu’il semble manquer quelques vers ici. Une censure de la part des
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moines chrétiens ??? Cette remarque nous incite donc à revenir sur cette partie de notre lai. Le thème de l’homme affrontant la mer les inondations ou les raz-de-marée chez les Celtes a été noté par les Grecs et notamment Aristote qui n’a rien compris à la métaphore et qui voyait là plutôt une preuve manifeste de leur folie. Élien, Histoires diverses, livre XII, chapitre XXIII. « Les Celtes sont de tous les hommes les plus enclins à s’exposer au danger. Ils prennent pour sujets de leurs chants ceux qui sont morts héroïquement sur le champ de bataille. Ils combattent couronnés de fleurs et ils érigent des trophées, après avoir triomphé de leurs ennemis, afin de laisser des monuments de leur valeur à la manière grecque. Ils estiment si déshonorant de fuir que souvent ils ne veulent pas sortir de leurs maisons alors même qu’elles sont en train de s’écrouler ou de brûler, et même s’ils sont déjà entourés par les flammes. Beaucoup d’entre eux également s’opposent aux débordements de la mer qui les inonde. Il en est même qui prennent leurs armes, se précipitent sur les vagues, et leur résistent de toutes leurs forces, en agitant leur épée ou en brandissant leur lance, comme s’ils pouvaient leur faire peur, voire leur infliger des blessures ». Nicolas de Damas. Recueil des coutumes extraordinaires. Fragment conservé par Jean Stobée. « Les Celtes qui avoisinent l’océan estiment qu’il est honteux de fuir une muraille ou une maison qui s’écroule, et quand sur le littoral de la mer extérieure, le flot envahit le rivage, ils vont au-devant avec leurs armes et se laissent submerger par les eaux, pour ne pas paraître fuir par crainte de la mort ». Aristote. Éthique à Eudème, livre III, chapitre I, section 25.« Un homme n’est pas courageux s’il affronte des événements effrayants par ignorance (si à cause d’un accès de folie par exemple, il affronte la foudre qui éclate) ni s’il les affronte comme par emportement bien que sachant parfaitement la grandeur du danger, comme les Celtes qui prennent les armes et marchent avec elles contre les flots ; le courage des barbares se fonde d’ailleurs toujours en général sur un tel excès de passion ». Et pan pour Fer Diad ! Aristote (il bégaye ou radote Aristote). Éthique à Nicomaque, livre III, chapitre VII.« Parmi ceux qui dépassent la mesure, celui qui pèche par trop d’absence de crainte ne porte pas de nom particulier (nous avons vu précédemment que nombre de nos états intérieurs n’ont pas de terme spécifique pour les caractériser), mais on pourrait dire que s’il ne craint vraiment rien, ni les tremblements de terre ni les flots, ainsi que le font les Celtes dit-on, alors c’est une sorte d’inconscient ou de fou, tandis que celui qui fait preuve d’une confiance excessive face à ce qui constitue réellement un danger sérieux peut être qualifié de téméraire ». Et repan pour le malheureux Fer Diad ! Strabon. Géographie. Livre VII, chapitre II. En ce qui concerne les Cimbres, certaines des choses qui sont rapportées à leur sujet sont fausses… il est notamment ridicule de supposer qu’ils ont quitté leurs foyers parce qu’ils en avaient assez de ce phénomène qui est naturel, voire éternel, et qui se produit deux fois par jour. Et cette assertion qu’il y aurait eu un jour une marée vraiment extraordinaire a tout l’air d’une fable, car quand l’océan bouge de la sorte il monte ou descend certes, mais ces variations sont régulières et périodiques. Et l’homme qui a dit que les Cimbres prennent les armes pour combattre les marées a tort lui aussi ; tout comme je ne crois pas l’affirmation que les Celtes, afin de s’entraîner à ne rien craindre, acceptent tranquillement la destruction de leurs foyers par les marées puis qu’ils les rebâtissent, et qu’ils ont plus de pertes dues à ces inondations qu’aux guerres, comme le prétend Éphore. En effet, la régularité du phénomène de la marée tout comme le fait que la partie du pays susceptible d’être inondée s’avérait connue auraient dû exclure de telles absurdités, car, puisque ce phénomène se produit deux fois par jour, il est par conséquent improbable que les Cimbres ne se soient jamais aperçus qu’il s’agissait là d’un phénomène naturel sans danger, qu’en outre il se produit non seulement dans leur pays, mais dans tous les pays qui bordent l’océan. Je ne pense pas non plus que Clitarque ait raison, quand il dit que des cavaliers, se promenant au bord de la mer, aient dû s’en éloigner à toute allure, et bien que ce soit vraiment à bride abattue aient failli être engloutis par les flots. Car nous savons tout d’abord que la marée ne monte pas du tout à une telle vitesse que… »
Note de l’auteur de cette compilation. C’est pourtant bien ce que l’on m’a encore expliqué sur place quand j’ai visité le mont Saint Michel en Normandie en 19 ??: la marée monte à la vitesse d’un cheval au galop.
Il existe de nombreuses allusions à des déluges dans les autres cultures ou civilisations du monde avons-nous dit. Notre paganisme celtique n’étant pas un sectarisme, mais un approfondissement aboutissant à une ouverture sur les autres, en voici quelques aperçus. Faisons comme le druide de Marseille rencontré par Lucien de Samosate lors de son enquête sur Héraclès et commençons donc par les Grecs. Premier déluge, celui d’Ogygès. Second déluge, celui de Deucalion. Ajoutons-y pour finir celui vécu par Philémon et Baucis selon Virgile (dont l’arrière-grand-père était druide, rappelons-le). Plus intéressant est celui dont on trouve les traces en Mésopotamie à propos de l’épopée de Gilgamesh. Son héros en serait un certain Ziousoudra, Atrahasis, Outa-Napichtim *.
* Mes correspondants parisiens me signalent également à toutes fins utiles puisque je finis mes jours dans une île que cette histoire à dormir debout et invraisemblable, un déluge universel qui ne sert
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manifestement à rien puisque tout sera quelque temps après, à recommencer (les punitions de l’humanité par Dieu, les divers sauvetages de l’Humanité toujours par le même Dieu), a été reprise par les « penseurs » judéo-islamo-chrétiens sous le nom de Noé (Nouh en Arabe). Les juifs auraient dénaturé le récit du Coran incréé, après l’avoir téléchargé de façon illégale ou en le recopiant dans leur Torah. Ils auraient durci les faits consignés dans le Coran incréé qui ne mentionne pas que les animaux furent également concernés, qui n’implique pas que le sommet des montagnes fut également recouvert, mais qui implique que beaucoup plus d’hommes que dans le récit biblique furent sauvés (tous les vrais croyants suivent Noé). Erratum. On me signale de tous côtés que c’est le contraire, que ce sont les musulmans qui ont repris les récits de la Torah en la déformant. De toute façon peu importe, les deux récits (saint Coran et Bible) concordent sur l’essentiel, c’est pour punir l’Humanité que le déluge est envoyé. Dimension absente d’autres versions du mythe qui semblent plutôt mettre en cause des raisons purement démographiques. Les dieux Anou, Ninourta, Ennougi et Enlil entreprirent en effet de dépeupler la Terre parce que les hommes qu’ils avaient créés afin que ces derniers travaillent pour eux (par amour tout ce qu’il y a de plus désintéressé affirment les judéo-islamo-chrétiens) devenus de plus en plus nombreux, faisaient un vacarme étourdissant qui empêchait les dieux de se reposer (étonnante anticipation des désordres planétaires de notre civilisation mondiale actuelle).
Banba. Vieux celtique Banua ou Banuta (la cornue ou la laie?). Une des trois fées qui se sont penchées sur le berceau de l’Irlande. Il existe bien entendu beaucoup d’autres triades de ce type dans le monde celtique. Chaque territoire avait la sienne. Ce qui demeure commun c’est le principe (une triade de trois déesses symbolisant un ensemble).
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Chapitre XXI. Le Hésus Cuchulainn et les rivières.
Vinrent alors à l’aide et au secours du Hésus Cuchulainn quelques-uns des Ulates, à savoir Senall Uathach, les deux fils de Gegg, c’est-à-dire Muridach et Cotreb. Ils l’amenèrent aux ruisseaux et aux rivières de Conaille en Muirthemne pour soigner en les lavant d’abord ses blessures et ses coupures, ses entailles et ses plaies, dans le courant de ces ruisseaux et rivières. Car les gens de la déesse Danu (bia) donc, avaient pris l’habitude de mettre des plantes médicinales dans les ruisseaux et les rivières de Conaille en Muirthemne ainsi que de faire des signes sacrés dessus (slansen) afin d’aider ou de secourir le Hésus Cuchulainn, tellement que les cours d’eau en devenaient couverts de taches de couleur verte.
Voici les noms des cours d’eau qui soignèrent le Hésus Cuchulainn… suivent une vingtaine de noms. 21 plus précisément.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 52.
Les rivières. Nos ancêtres étaient de grands spécialistes des cures thermales. Ils vouaient d’ailleurs un véritable culte à beaucoup de sources ou d’eaux réputées curatives, sans que l’on sache exactement pourquoi. Certaines eaux sont évidemment bienfaisantes, les Romains les ont d’ailleurs généralement exploitées pour cela (voir les cas de Bath Buxton, Aachen, Aix, Bourbonne, etc.), mais c’est moins évident (hum) pour d’autres (Lios Dúin Bhearna/ Lisdoonvarna, Treffynnon/Holyvell, Srath Pheofhair/Strathpeffer). C’est le moins que l’on puisse dire. Nous renvoyons sur ce point à notre cahier sur la théologie et sur les dieux ou déesses, ou démons et démones bien sûr, des cours d’eau. Les gens de la déesse Danu (bia). Autrement dit en gaélique les Tuatha De Danann. Herbes médicinales. Notre texte ajoute donc aux vertus naturelles de ces sources thermales celles de certaines herbes médicinales. Nos anciens druides n’étaient pas fous ! Le psychosomatique et l’effet placebo (ainsi que l’hygiène évidemment) et hop, une bonne dose de plantes curatives. Les signes sacrés. Chacun reste libre d’imaginer lesquels (on parlerait aujourd’hui de signes de croix ou d’imposition des mains, mais qu’en était-il hier ????) L’impression donnée demeure toujours la même, ce sont les petits les obscurs et les sans grade qui viennent aider notre héros, pas les grands du royaume d’Ulidia.
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Chapitre XXII. Le rude combat de Cethern.
Les Irlandais dirent alors à Mac Roth le chef des messagers d’aller monter la garde et faire le guet pour eux sur la montagne de Fuat de peur que les Ulates n’arrivent à leur insu. Mac Roth alla donc sur la montagne de Fuat. Il n’était pas là depuis longtemps quand il vit arriver un guerrier à char solitaire venant du nord droit sur lui. Dans le char il y avait un homme complètement nu, sans vêtement et sans arme à part un épieu en fer à la main avec lequel il aiguillonnait pareillement son cocher ainsi que ses chevaux, comme s’il avait l’impression qu’il n’atteindrait jamais notre armée à temps pour la trouver encore en vie. Mac Roth revint à l’endroit où se tenaient Ailill Maeve et Fergus avec les nobles Irlandais, afin de rapporter cette nouvelle. Ailill demanda par conséquent à le voir dès qu’il fut arrivé. Et bien, Mac Roth, dit Ailill, as-tu vu un Ulate arriver sur les traces de notre armée aujourd’hui ? Je ne sais pas trop, répondit Mac Roth, ce que j’ai vu c’est un guerrier à char solitaire venant droit sur nous à travers de la montagne de Fuat. Dans le char il y a un homme complètement nu sans vêtement et sans arme à part un épieu en fer à la main à l’aide duquel il aiguillonne à la fois son cocher ainsi que ses chevaux, car il a l’impression qu’il n’atteindra jamais notre armée à temps pour la trouver vivante.
De qui penses-tu qu’il puisse s’agir, Fergus ? demanda donc Ailill. Je pense, répondit Fergus, qu’il doit s’agir de Cethem fils de Fintan qui arrive. Et ce que disait Fergus était vrai, car c’était bien Cethern fils de Fintan qui venait. Cethern fils de Fintan arriva sur eux et les fortifications ainsi que le camp furent mis sens dessus dessous, il tailla tout le monde en pièces autour de lui dans toutes les directions et de tous côtés. Lui aussi fut blessé partout et de tout côté. Ensuite il repartit, ses entrailles et ses intestins sortant du ventre, à l’endroit où le Hésus Cuchulainn était traité ou soigné donc, et lui demanda un infirmier (liaig) pour le traiter ou le soigner.
Bien, maître Loeg, dit le Hésus Cuchulainn, va dans le camp des Irlandais et demande à leurs infirmiers (liaig) de venir et de s’occuper de Cethern fils de Fintan. Je jure que, qu’ils soient cachés sous terre ou barricadés dans une maison je leur infligerai mille morts agonies et trépas avant la même heure demain matin s’ils ne viennent pas. Loeg alla donc dans le camp des Irlandais et demanda aux infirmiers de venir soigner Cethern fils der Fintan. Les infirmiers irlandais ne trouvaient certes pas très normale la tâche d’aller soigner quelqu’un qui leur était hostile, ennemi, ou étranger, mais ils craignirent que le Hésus Cuchulainn ne les tue s’ils ne venaient pas. Aussi préférèrent-ils y aller. À chaque infirmier qui arrivait, Cethern fils de Fintan montrait ses blessures et ses coupures, ses plaies ainsi que ses bosses. Et chacun des infirmiers qui lui disait : « vous n’en avez plus pour très longtemps, c’est incurable ! », Cethern fils de Fintan assénait un crochet du poing droit dans le front et lui faisait sauter la cervelle par l’orifice des oreilles ou les sutures de son crâne. Cethern fils de Fintan tua ainsi les quatorze premiers infirmiers irlandais. Le quinzième ne fut touché que par la vue de ses quatorze confrères morts devant lui, mais il sombra évanoui dans un long coma au milieu des cadavres des autres infirmiers. Il s’appelait Ithall, c’était l’infirmier personnel d’Ailill et Maeve.
Cethern fils de Fintan demanda ensuite au Hésus Cuchulainn un autre infirmier pour le traiter ou le soigner. Bien, maître Loeg, dit le Hésus Cuchulainn, va voir de ma part Fingen le vate-infirmier (fáthlíaig) de Cunocavaros/Conchobar à Ferta Fingen, à Leccan, dans la montagne de Fuat, et fais-le venir ici pour qu’il soigne Cethern fils de Fintan. Loeg alla trouver Fingen le vate-infirmier à Ferta Fingen, à Leccan, dans la montagne de Fuat, et lui demanda de venir soigner Cethern fils de Fintan. Ce dernier lui montra ses blessures et ses plaies, ses entailles et ses coupures.
Les sanglantes blessures de Cethern.
Examine-moi un peu cette blessure, maître Fingen, demanda Cethern. Fingen examina la blessure. C’est une blessure légère qui t’a été infligée à contrecœur par un de tes propres parents, déclara le vate-infirmier, et donc elle ne devrait pas t’emporter prématurément. C’est exact ma foi, répondit Cethern. Un homme s’est levé contre moi là-bas. Il était chauve (tuidmaile ?) Il portait un manteau bleu drapé autour de lui. Une broche était sur son manteau à hauteur de la poitrine. Il portait un bouclier bombé à la bordure festonnée ; dans sa main il y avait une lance à cinq pointes et avec un petit trident. C’est lui qui m’a frappé ici et en retour il a été légèrement blessé par moi. Je sais qui c’est, s’exclama le Hésus Cuchulainn. C’est Illand aux nombreux tours d’adresse le fils de Fergus, et il n’avait nullement l’intention de t’abattre, mais t’a donné un semblant de coup de peur que les Irlandais ne disent qu’il était en train de les trahir ou de les abandonner s’il ne le faisait pas.
Examine-moi également cette blessure, maître Fingen, dit Cethern. Fingen examina la blessure. Ceci est l’œuvre d’une maîtresse femme, déclara le vate-infirmier. C’est ma foi vrai, répondit Cethern. Une femme est venue sur moi, grande, belle, avec un visage pâle et allongé. Elle avait des cheveux longs d’un beau blond doré. Elle portait un manteau à capuchon pourpre avec une broche en or sur la
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poitrine. Une lance toute droite et striée flamboyait dans sa main. Elle m’a infligé cette blessure et en a reçu de ma part une petite en retour. Nous savons qui est cette femme, s’exclama le Hésus Cuchulainn. C’était Maeve la fille Eocho Fedlechle roi des rois (ard ri) d’Irlande, qui est venue t’attaquer de la sorte. Elle aurait considéré comme une grande victoire ou un triomphe en tout cas une bonne raison de se vanter si tu avais péri du fait de ce coup.
Examine-moi cette blessure maintenant, maître Fingen, dit Cethern. Fingen examina la blessure. Ceci est le résultat de l’attaque de deux champions, déclara le vate infirmier. C’est par ma foi vrai, s’exclama Cethern. Deux hommes ont foncé moi. Ils étaient chauves ? (thodmaíle.) Deux manteaux bleus les enveloppaient. Des broches d’argent dessus à la hauteur de la poitrine. Un torque (munchobrach) en pur argent blanc autour du cou de chacun d’eux. Nous savons qui sont ces deux hommes, s’exclama le Hésus Cuchulainn. Il s’agissait d’Oll et Othine de la maison d’Ailill et Maeve. Ils ne viennent jamais combattre à moins d’être assurés de blesser quelqu’un. Ils auraient considéré comme une grande victoire ou un triomphe en tout cas une bonne raison de se vanter si tu avais péri du fait de ce coup.
Examine-moi cette blessure maintenant, maître Fingen, demanda Cethern. Fingen examina la blessure. Deux guerriers sont venus m’affronter, ils étaient splendides, d’apparence très virile. Chacun d’entre eux a lancé son javelot contre moi et moi j’en ai blessé un avec. Fingen examina cette blessure. Cette blessure est toute noire, déclara le vate-infirmier. Les javelots t’ont percé le cœur et se sont croisés à l’intérieur et je ne dis pas que tu guériras, mais je vais t’appliquer des herbes médicinales ou curatives et faire des signes sacrés (slansen) dessus pour que ces blessures ne t’emportent pas prématurément. Nous savons qui sont ces deux hommes, dit le Hésus Cuchulainn. Ce sont Bun et Mecconn de la maisonnée d’Ailill et de Maeve. Ils voulaient que tu tombes sous leurs coups.
Examine un peu cette blessure pour moi maintenant, maître Fingen, demanda Cethern. Fingen examina la blessure. C’est la marque sanglante de l’attaque des deux fils du roi de la forêt. C’est vrai confirma Cethern. Me sont également tombés dessus deux guerriers, au beau visage blanc, aux sourcils bruns, grands, portant des tiares d’or (mindaib óir). Ils étaient enveloppés dans deux grands manteaux verts. Deux broches d’argent blanc dessus à la hauteur de la poitrine. Deux lances à cinq pointes à la main. Les blessures qu’ils t’ont infligées sont vraiment très nombreuses, ajouta le vate-infirmier. Ces javelots t’ont atteint la gorge et leurs pointes l’ont entamée, aussi ne va-t-il pas être aisé de guérir ça. Nous savons qui sont ces deux-là, s’exclama le Hésus Cuchulainn. Ce sont Broen et Brudne les fils du roi des trois flambeaux, les deux fils du roi de la Forêt. Ils auraient considéré comme une grande victoire ou un triomphe en tout cas une bonne raison de se vanter si tu avais péri sous leurs coups.
Examine-moi également cette blessure, maître Fingen, dit Cethern. Fingen examina la blessure. C’est dû à l’attaque de deux frères, déclara le vate-infirmier.C’est vrai en effet, répondit Cethern. M’ont également attaqué deux guerriers d’élite. Ils avaient des cheveux blonds. Des manteaux de couleur bleu-vert sombre à frange les enveloppaient. Ils avaient des broches en forme de feuille de bronze blanc sur leur manteau à la hauteur de la poitrine. Nous savons qui sont ces deux hommes, s’exclama le Hésus Cuchulainn. Il s’agit du Cormac fils du roi Coloma et du Cormac fils de Mael Foga de la maisonnée d’Ailill et de Maeve. Ils auraient bien voulu que tu succombes sous leurs coups.
Examine-moi cette blessure, maître Fingen, poursuivit Cethern. Fingen examina la blessure. Ceci est la tentative de deux frères, déclara le vate infirmier. C’est ma foi vrai, dit Cethern. Sont venus également m’attaquer deux tout jeunes guerriers, qui se ressemblaient. L’un avait des cheveux bruns qui bouclaient, l’autre des cheveux blonds également bouclés. Ils étaient drapés dans deux manteaux verts et deux broches d’argent blanc étaient dessus à la hauteur de la poitrine. Deux chemises de soie douce et jaune à même la peau. À leur ceinture pendaient deux épées à poignée d’argent (gelduirn). Ils avaient deux boucliers d’argent blanc, incrustés de figures animales en argent. Ils avaient à la main deux lances à cinq pointes avec des douilles d’argent tout blanc. Nous savons qui sont ces deux-là, s’exclama le Hésus Cuchulainn. Ce sont Maine Semblable-à-mère et Maine Semblable-à-père, deux fils d’Ailill et de Maeve. Ils auraient considéré comme une grande victoire ou un triomphe en tout cas une bonne raison de se vanter si tu avais péri sous leurs coups.
Examine cette blessure, maître Fingen, demanda encore Cethern. Deux guerriers sont venus m’attaquer. Ils avaient belle allure et ils étaient tous deux grands et virils. Ils portaient de curieux vêtements étrangers. Chacun d’eux m’a jeté un javelot et je leur en ai lancé un à chacun moi aussi. Fingen examina la blessure. Les blessures qu’ils t’ont infligées sont sévères, déclara le vate infirmier. Elles t’ont endommagé les vaisseaux (feithe) du cœur à l’intérieur de sorte que ton cœur bouge comme une pomme à l’intérieur de ta poitrine ou comme une pelote de fil (chertli) dans un sac vide, et il n’y a plus de vaisseaux sanguins pour l’alimenter comme il faut ? Ça, je ne peux pas le guérir. Nous savons qui sont ces deux-là, s’exclama encore le Hésus Cuchulainn. Ce sont deux des guerriers
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norvégiens qui ont été spécialement choisis par Ailill et Maeve pour te tuer, puisqu’il est rare que quelqu’un survive à leur attaque. Et leur intention était donc bien que tu succombes à leurs coups.
Examine-moi cette autre blessure enfin, maître Fingen, dit Cethern. Fingen examina la blessure. Ceci est le coup porté par un père et son fils, déclara le vate-infirmier. C’est ma foi vrai, reconnut enfin Cethern. Deux hommes de grande taille sont venus à moi, les yeux brillants, avec des casques d’or (mindaib óir) luisant sur la tête. Ils avaient des habits dignes d’un roi. Des épées damasquinées à la poignée en or dans des fourreaux d’argent tout blanc sur des coussins aux ors de différentes teintes. Nous savons qui sont ces deux hommes-là, s’exclama pour finir le Hésus Cuchulainn. Ce sont Ailill et son fils Mané Qui-les-prend-tous (Condasgeib Uile). Ils pensaient avoir là une occasion de vaincre ou de triompher voire d’avoir une raison de plastronner si tu étais tombé sous leurs coups.
Ici se termine l’histoire des blessures de Cethern lors de l’enlèvement.
Et bien alors, vate-infirmier Fingen, dit Cethern fils de Fintan, quels remèdes et quels conseils me donnes-tu maintenant ? Ce que je te dis, répondit Fingen le vate-infirmier, c’est que tu n’échangeras pas tes grandes vaches pour des génisses cette année, car si tu le faisais, ce n’est pas toi qui en bénéficierais, ce n’est pas à toi qu’elles profiteraient. C’est le remède et l’avis que les autres infirmiers m’ont donné, or il est certain que cela ne leur a valu aucun avantage ni profit puisqu’ils sont tombés raides morts devant moi, et pareillement cela ne te vaudra aucun avantage ni profit, car je vais t’abattre. Cethern lui donna un violent coup de pied qui le fit atterrir entre les deux roues du char. Maudit soit le coup de pied de ce vieil homme s’exclama le Hésus Cuchulainn. D’où le nom désormais de Hauteur du coup de pied en Crich Ross pour désigner cet endroit. Fingen le vate infirmier donna néanmoins le choix suivant à Cethern fils de Fintan : soit une longue maladie et après une longue convalescence, ou un traitement puissant pendant trois jours et trois nuits afin de retrouver l’usage de toutes ses forces contre l’ennemi. Cethern choisit le traitement accéléré sur trois jours et trois nuits afin de retrouver toutes ses forces face à ses ennemis, car dit-il, il ne voulait laisser derrière lui personne dont il n’aimerait mieux être vengé que par lui-même. Alors Fingen le vate-infirmier demanda donc au Hesus Cuchulain de la crème de moelle pour soigner ainsi et guérir Cethern fils de Fintan. Le Hésus Cuchulainn se rendit au camp des Irlandais et en ramena tout ce qu’il put trouver de leurs troupeaux hordes et hardes d’animaux et les réduisit en bouillie, chair os et peau et tous ensemble. Cethern fut plongé dans la crème de moelle pendant trois jours et trois nuits, et il se mit à lentement absorber la crème de moelle qui était autour de lui. La moelle pénétra dans ses blessures et ses plaies, ses plaies, ainsi que ses nombreuses coupures. Ensuite au bout de trois jours et de trois nuits donc il se leva et sortit de la crème de moelle, de la façon suivante : en tenant une planche de son char serrée contre son ventre afin d’empêcher que ses entrailles et ses intestins ne tombent par terre.
Ce fut alors qu’arriva du nord sa femme Finda fille d’Eochu, plus précisément de Dun da Benn, pour lui apporter son épée. Cethern fils de Fintan marcha donc avec contre les Irlandais. Néanmoins il envoya pour les avertir de son arrivée Ithall, l’infirmier personnel d’Ailil et Maeve. Ithall était longtemps resté inconscient plongé dans un profond coma au milieu des corps des autres infirmiers. O hommes d’Irlande, s’écria l’infirmier, Cethern le fils de Fintan va venir vous attaquer après avoir été traité puis soigné par Fingen le vate infirmier, aussi soyez prêts à lui répondre. Alors les Irlandais mirent les habits d’Ailill ainsi que sa tiare en or sur la pierre levée (imscing n-órda immun corthe) qui se dressait à Crich Ross afin que Cethern fils de Fintan puisse d’abord passe sa rage là-dessus en arrivant. Cethern vit les habits d’Ailill et son casque d’or sur le menhir, et faute d’avoir assisté à la scène il crut que c’était Ailill lui-même qui était là.
Il fonça sur le menhir et enfonça son épée dedans jusqu’à la garde. C’est un piège s’écria Cethern, et que vous m’avez tendu, mais je vous jure que jusqu’à ce qu’il se trouve parmi vous quelqu’un pour revêtir cet habit royal et cette tiare en or là-bas, je n’arrêterai pas de vous frapper ou de vous massacrer. Mané le rapide, le fils d’Ailill et de Maeve, ayant donc entendu ceci, endossa l’habit royal et le casque en or (imscing n-órda) puis fendit la foule des Irlandais. Cethern se lança aussitôt sur ses talons et lança son bouclier sur lui, son bord en dent de scie le coupa en trois morceaux qui tombèrent par terre avec le char le cocher les chevaux. Ensuite les troupes irlandaises attaquèrent Cethern de bous les côtés à la fois et il tomba sous leurs coups à l’endroit où il se trouvait.
Ainsi finit le récit du rude combat de Cethern, et de ses sanglantes blessures.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 53.
Un homme nu, etc. On va encore dire que j’exagère, mais comment ne pas faire le rapprochement avec les célèbres Gésates de la bataille de Télamon. Tout y est, à part le char, mais rien de plus naturel pour arriver plus rapidement sur place. Le mercenariat fut très tôt de tradition chez les Celtes puisque l’on en retrouve dans la garde du roi Hérode en Égypte dans la future Tunisie sous les murs
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de Carthage. Tout comme les Fénianes les Gésates étaient des guerriers mercenaires d’élite, menés par des chefs charismatiques, et formant une sorte de confrérie guerrière soudée par une commune attitude face à la mort. Ils se battaient avec un armement le plus léger possible, en l’occurrence un javelot si l’on en croit leur nom et vraisemblablement un bouclier léger. Leurs homologues étaient les vélites romains et les gymnètes grecs. Un de leurs chefs nous est mentionné sous le nom de Britomarus (rien à voir avec Bretagne) puisque le nom est également transcrit Viridomarus et combattait à cheval (bataille de Clastidium – 222).
Toute la question est de savoir si ces gésates n’agissaient que pour l’argent ou si le fait de venir en aide à des peuples « au minimum parlant la même langue qu’eux » comptait aussi pour eux. Il est difficile de le dire, mais le fait est que dans les combats mentionnés ils apparaissent combattants aux côtés d’autres Celtes contre les Romains. Se pose également la question de savoir quel type de javelot précisément avaient ces porteurs de javelots « gae » historiques. Leur gaesum ressemblait-il au fameux javelot-foudre de Sétanta Cuchulain ? Il semble bien en tout cas que leur combat n’ait pas été de nature hoplitique avec lances lourdes, mais de type charge sans ordre particulier suivie d’un lancer de javelot (formation « en caterva » ?). Mis en première ligne de la phalange celte, ils devaient par leur maniabilité, pouvoir briser la première ligne ennemie par une attaque rapide. Cette conception du combat, typiquement celtique, est rapportée à plusieurs reprises par les auteurs antiques. Cette attitude face aux dangers du combat est bien sûr liée à la conception religieuse de la mort chez les Celtes. Leur lourde défaite à Télamon (- 225) telle qu’elle nous est rapportée par Polybe s’explique sans doute par la portée du javelot des vélites romains qui devait dépasser la leur. Il faut dire également que les Celtes en question avaient vraiment manqué de chance, ils s’étaient retrouvés par le plus grand des hasards pris en tenaille entre deux armées romaines. En tout cas que leurs « parlant la même langue » d’Italie les aient fait venir en les payant très cher semble indiquer que les Gésates étaient plus que de simples lanceurs de javelots comme les autres.
Et pour en venir plus précisément au char, notons néanmoins que le motif du guerrier celte hirsute et complètement nu sur un char est connu en numismatique romaine si l’on en croit le site internet sacra-moneta.com. Il s’agit notamment de deux monnaies particulières dont il existe encore un certain nombre d’exemplaires. La première est un denier serratus c’est-à-dire au bord dentelé, de 3.91 grammes, datant de 112 à 109 avant notre ère, frappé par Lucius Pomponius Cn F. Le revers représente le roi Bituitus dans un bige galopant vers la droite avec un trident et un bouclier. Crawford 282/3 Sydenham 524 Poblicia 1. La seconde est un denier de 4.05 grammes, datant de 48 avant notre ère, frappé par L. Hostilius Saserna. Le revers représente deux guerriers dans un bige galopant vers la droite, l’un conduisant et l’autre brandissant un bouclier ainsi qu’une lance. Crawford 448/2a ; CRI 18 ; Sydenham 952 ; Hostilia 2.N.B. Divers objets celtiques figurent également sur les monnaies romaines. Il y a le torque, mais aussi la roue ainsi que des boucliers ovales. Il y a surtout les carnyx, qui sont des trompettes de guerre typiquement celtes. On ne voit pas de sangliers pas de loups. Pour les Romains, le vrai symbole du Celte en effet c’était le Carnyx. cf. le très beau denier d’Albinus Bruti de 3.67 grammes datant de 48 avant notre ère. Le revers représente deux carnyx un bouclier au-dessus, un bouclier rond dessous. Crawford 450/1a ; CRI 25 ; Sydenham 941 ; Kestner 355. Notons enfin, ce qui n’a rien à voir, mais pour en finir avec ce chapitre sur les monnaies, que certains potins sont du plus grand intérêt, car représentant vraisemblablement des fragments d’eschatologie celto-druidique la fin du monde et sa renaissance sur un potin des Unelli. N.B. Les potins étaient des monnaies de faible valeur et destinées à la circulation courante ; leur rareté donc est bien moins forte que celle des monnaies d’argent et a fortiori des monnaies d’or. C’est pourquoi ils sont aujourd’hui relativement accessibles et peuvent constituer un bon thème de collection pour un druidisant débutant.
Infirmier. Nous rendons ainsi le terme gaélique « liaig » en ajoutant la remarque suivante. Apparemment notre bon maître (le Hésus) trouve normal que les infirmiers soignent également les blessés de l’autre camp. Sans doute est-ce là sa conception du Fir Fer ou droits de l’Homme (armé). Eux bien entendu ne trouvent pas cela si normal que cela et ne s’exécutent que sous la menace. Ce qui ne leur réussira guère pour autant vu, et c’est le moins que l’on puisse dire, que Cethern est un patient exigeant ! Ne pas oublier le second degré ou l’humour irlandais dans tout cela. C’est aussi une parodie destinée à bien amuser l’auditoire. Les bardes colportant toute cette littérature orale devaient bien vivre eux aussi et cela se faisait en se moquant des gens du Connaught. Mais on sait par ailleurs (droit gallois et irlandais) que le soin des blessés ou des malades était pris très au sérieux et qu’on ne plaisantait pas là-dessus. Les anciens druides ne négligeaient nullement le soin des corps.
Le vate infirmier. Fáthlíaig en gaélique. Le vate était un druide spécialisé dans la médecine des corps. Les anciens druides en effet ne négligeaient nullement la médecine des corps ainsi que nous venons de le voir. Il est cependant conseillé aux néo-druides de ne plus s’occuper que du soin des âmes et à la rigueur de celui des esprits, au sens spirituel du terme. Et d’abandonner le soin des corps aux
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spécialistes actuels en la matière. N.B. L’impression que donne notre texte est qu’un vate infirmier donc était situé à un niveau beaucoup plus élevé dans la hiérarchie druidique d’alors. Une sorte d’infirmier en chef. Les subordonnés se révélant apparemment incapables d’être efficaces, le Hésus Cuchulainn fait appel à un spécialiste beaucoup plus compétent, un maître en la matière, un vrai docteur, un grand patron d’hôpital. Et naturellement, ulate, le Connaught étant incapable d’avoir de tels spécialistes.
Fingen. Que le médecin légiste d’une morgue ultra moderne réussisse à déterminer que telle blessure a été faite par un homme ou telle autre par une femme, passe encore, puisqu’on y arrive bien de nos jours, mais que Fingen arrive à déterminer les liens de parenté entre les assaillants rien qu’en examinant les blessures, alors là c’est quand même un peu trop fort. La question maintenant est : les bardes ou les druides ayant coopéré pour élaborer ces récits mythologiques pensaient-ils vraiment leurs médecins capables d’exploits dont on rêve à peine dans les séries télévisées qui mettent en scène les légistes et les experts en tous genres des laboratoires de la police scientifique ?? Notre avis à nous est que tout ceci n’est pas à prendre au pied de la lettre, mais avec un peu d’humour. Peut-être s’agissait-il de se moquer en douceur des prétentions de certains médecins ??? Répétons-le encore une fois, tout n’est pas à prendre au pied de la lettre dans cette Bible du druidisme. La lettre tue l’esprit et même en l’occurrence l’humour. Un des grands drames de notre Humanité c’est qu’il y ait autant d’hommes et de femmes prenant au pied de la lettre tout ce qu’il y a dans leur sainte Bible ou dans leur saint Coran. Comment peut-on croire un seul instant par exemple que la terre s’est arrêtée de tourner autour du soleil à la demande de Josué lors de la bataille de Gabaon (Josué 10,12) ? Comment peut-on croire un seul instant par exemple que la lune s’est un jour scindée en deux à la demande de Mahomet (Coran, chapitre 54, verset 1-2) ? Prendre tous ces textes que sont la Bible et le Coran au pied de la lettre rend bête. Le judéo-christianisme dénué d’esprit critique aveugle et l’islam pieux rend bête. N’oublions jamais que croyant et crédule sont deux mots de la même famille dans de nombreuses langues latines (credulo creyentes en espagnol par exemple). Et la crédulité peut s’avérer beaucoup plus dangereuse que l’esprit critique. Comme le rappelait très bien le prince celte cité à la barre par l’avocat marron que fut Cicéron, croire est une chose, savoir en est une autre.« … S’il convient de considérer les hommes eux-mêmes (une chose qui à la vérité, en ce qui concerne des témoins, devrait être du plus grand poids), quelqu’un, disons l’homme le plus honorable de toute la Celtique, peut-il être comparé, je ne dirais même pas au plus honorable des hommes de notre cité, mais ne serait-ce qu’au plus moyen des citoyens romains ? Indutiomaros sait-il ce que témoigner signifie ? Est-il affecté par cette crainte qui saisit le moindre d’entre nous quand il est amené en ce lieu ?
Je suppose qu’Indutiomaros, quand il a délivré son témoignage, avait toutes ces craintes et ces pensées en tête ; lui qui n’a pas eu recours à l’autorité pleine et entière du verbe auquel nous sommes habitués dans de tels cas, en disant « je crois » [en latin arbitror], un mot dont nous nous servons pourtant justement quand nous rapportons sous serment ce que nous savons de source sûre, que nous avons vu personnellement, mais qui a dit qu’il savait [en latin scire], tout, de ce dont il venait porter témoignage… Croyez-vous que ces nations sont sensibles en apportant leur témoignage à la sacralité de leur serment, et à la crainte des dieux immortels, elles qui sont si différentes des autres dans leurs habitudes tout comme dans leurs dispositions naturelles ? Car les autres nations entreprennent des guerres pour défendre leurs sentiments religieux, alors qu’eux font la guerre à la religion des tous les autres peuples ; les autres nations quand elles font la guerre implorent l’autorisation ou le pardon des dieux immortels ; eux font la guerre aux dieux immortels eux-mêmes » (sections XII et XIII de la plaidoirie pour Marcus Fonteius).
Il faut savoir faire la part des choses et ne pas toujours systématiquement attribuer à Dieu des phénomènes strictement naturels, ayant une explication matérielle et physique. Il faut rendre aux dieux ce qui est dieux certes, mais rendre aussi à la nature ce qui est à la nature. Oui, répétons-le encore une fois, il faut savoir faire la part des choses. Commençons par chercher une explication ou une cause naturelle à tous ces phénomènes et on verra donc après si c’est impossible. Ce que les très-sachants de la druidiaction antique avaient d’ailleurs déjà très bien compris si l’on croit ces paroles de Lucain à leur sujet :
« À vous seuls il est donné de connaître, comme de les ignorer
Les dieux et les puissances célestes ;
Les grands arbres des bosquets reculés
Sont vos demeures.
À en croire vos maîtres les ombres des morts
Ne vont pas rejoindre les silencieuses demeures d’Érèbe,
Ni les pâles royaumes de la mort, etc. etc. » (la Pharsale, livre I)
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La phrase en latin s’écrivait ainsi : « Solis nosse deos et caeli numina uobis aut solis nescire datum ». La seule chose de gênante là-dedans c’est le « solis »*. *Mais les très-sachants de l’Antiquité n’étaient-ils pas aussi des enseignants ?? Donc des hommes répandant leur savoir tous azimuts ? Revenons plus précisément à nos moutons maintenant (non, pas ceux du sacrifice pascal ou mecquois, mais ceux qui gobent n’importe quoi sans une once d’esprit critique). Il faut à l’égard de la Bible et du Coran avoir la même attitude que celle dont fit preuve le très sachant ayant dialogué avec Lucien de Samosate dans la région de Marseille à propos d’une fresque représentant Hercule, c’est-à-dire être toujours en quête de la vérité en faisant un peu de comparatisme religieux, ou d’histoire des religions (objective) autrement dit en s’ouvrant un peu sur les autres et en ne s’enfermant pas ou ne restant pas prisonnier de sa communauté culturelle, de son univers de référence. Nous sommes des hommes que diable, et donc rien de ce qui est humain ne doit nous être étranger. Il faut être capable d’aller chercher la vérité, ou un révélateur de vérité, jusqu’à l’autre bout du monde s’il le faut, en dehors de sa communauté de référence habituelle, voire de sa civilisation d’origine. Le vrai polythéisme c’est ça dans le fond. Aller voir un peu ce que font les autres, ailleurs, ce que nos lointains ancêtres ont fait, en d’autres temps. Ajoutons néanmoins que cette quête de la vérité doit être personnelle. Au diable la servilité intellectuelle ou le conformisme sans imagination par rapport à des gribouillis vieux de plusieurs dizaines de siècles. Le Coran n’est qu’un tas de papier ! la Bible aussi ! Gardons par conséquent nos forêts pour autre chose.
* Mes correspondants parisiens me signalent que la danse du soleil à Fatima en 1917, elle, est bien attestée. 70 000 témoins y ont assisté. Réponse de Pierre de La Crau. À chacun de voir, moi je ne suis né qu’en 1952 et bien loin du Portugal. Que disent les spécialistes des hallucinations collectives, des ovnis, du Graal, des effets d’optique et ainsi de suite… ?
Ah ! Pour Gabaon et son soleil, on me signale que ce n’est pas possible pour deux raisons, d’abord parce que ce n’est pas le Soleil qui tourne autour de la Terre, mais le contraire, et ensuite parce que si c’était la Terre qui s’était arrêtée un instant de tourner, des catastrophes sans nom auraient alors ravagé la Terre, donc ça se saurait. On me signale que pour Fatima par contre l’hypothèse de l’hallucination collective ne tient pas puisque des personnes ont assisté à ces phénomènes étranges à des distances de plusieurs kilomètres. Bon alors principe de la quête du Graal personnelle. À nos lecteurs de se faire eux-mêmes leur propre opinion.
Slansen. Nous avons déjà indiqué à plusieurs reprises nos réserves à propos de la traduction systématique par charmes incantations ou autres formules magiques de ce terme gaélique. Il ne s’agit pour nous que d’une prière accompagnée d’un signe sacré (analogue au signe de croix des chrétiens par exemple). On ne voit pas pourquoi en effet les judéo – islamo-chrétiens auraient droit aux prières (nobles donc) et nous seulement aux formules magiques. Car, répétons-le encore une fois, les prières juives chrétiennes ou musulmanes ne sont rien d’autre que des formules magiques elles aussi. Sur les conseils d’une de nos sœurs de la Wicca qui nous en a fourni le texte et afin de laisser nos lecteurs seuls juges, nous donnerons donc ci-dessous un exemple de très ancienne prière à vocation thérapeutique. Peut-être d’origine druidique puisqu’elle a longtemps été attribuée (à tort d’ailleurs) au médecin personnel de l’empereur Auguste nommé Antonius Musa (un spécialiste des bains glacés). On sait aujourd’hui qu’elle n’est pas de lui, mais qu’elle date quand même du IIIe siècle, du moins sa première partie. Nous ne donnerons pas le texte en latin qui figure dans la documentation catholique universelle sous le titre Anonymus Precatio terrae (signalons au passage que precatio signifie bien prière en latin). Le texte est d’un seul tenant dans les divers manuscrits la recopiant, parvenus jusqu’à nous, et qui vont du VIe siècle (Codex Leidensis) au XIIe siècle (Codex Laurentianus), mais deux parties s’en dégagent nettement, l’une étant plus tardive que l’autre et peut-être déjà influencée par le christianisme : la prière à la terre et à la prière à toutes les herbes. En voici la traduction sous toutes réserves (mes sept ans de latin sont loin). Prière à toutes les herbes. J’interviens maintenant afin d’obtenir l’aide de vos herbes les plus efficaces et je fais appel à vos majestés pour cela, vous avez été engendrées par notre Mère la Terre et mises à la disposition de tous. Elle vous a conféré le pouvoir de guérir et de recouvrer la santé, à vous vos excellences, afin que vous puissiez toujours être la plus utile des aides pour toute l’Humanité. C’est de la façon la plus humble que je vous en implore et vous en supplie : maintenant et ici même intervenez avec toutes vos vertus, puisque celle qui vous a engendré a promis de me laisser vous cueillir : celui à qui l’art de guéri est dévolu a montré qu’il était agréait cette idée. Dans la mesure où cela vous est toujours possible, accordez-moi une médecine suffisamment efficace pour faire recouvrer la santé. Accordez-moi, je vous en prie, quoi que je fasse conformément à votre volonté ou quelle que soit la personne à qui je prescrirai ceci, la faveur que grâce à vos vertus il trouve une issue favorable à sa maladie, et ce le plus rapidement possible. Qu’il me soit toujours permis, avec l’accord de vos majestés, de vous cueillir… je vous offrirai des produits de nos champs et je rendrai grâce au nom de la Mère qui vous a fait naître.
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Notre commentaire. Aucun égoïsme là-dedans, aucune équivoque, aucune ambiguïté, la déesse en question (la Terre) est bien considérée comme la mère de tous les hommes et ses herbes médicinales comme étant à la disposition de tout le monde, non de tel ou tel peuple en particulier. Et en ce qui nous concerne, nous estimons retrouver dans ce texte la même atmosphère que celle qui transparaît dans les opérations de cueillette du samolus du selago et de la verveine décrites par Pline (la même prudence, voire la même crainte quant au déroulement des opérations de cueillette des plantes médicinales).
Pline. Livre XXIV, chapitre LXII. Similaire à la sabine est l’herbe connue sous le nom de « selago ». On prend bien soin de la cueillir sans se servir de fer, la main droite étant passée à cet effet du côté gauche de la tunique, comme si l’on était en train de commettre un vol. Il faut en outre être vêtu de blanc, avoir les pieds nus lavés soigneusement, et une offrande de pain et de vin doit aussi avoir été faite avant ; la plante est ensuite ramenée dans un linge neuf. Les druides des Celtes continentaux prétendent qu’elle peut servir de protection contre les accidents de toutes sortes, et que sa fumigation soulage toutes les maladies des yeux. Les druides ont également donné le nom de « samolus » à une plante qui pousse dans les lieux humides. Cette dernière doit, elle aussi, disent-ils, être cueillie à jeun, de la main gauche, et sert de protection contre les maladies auxquelles sont sujets les porcs ainsi que le bétail. Là aussi, la personne qui la ramasse doit faire semblant de ne pas la regarder en la cueillant ni la mettre ailleurs que dans l’auge où boit le bétail. Pline. Livre XXV. Chapitre LIX. Chez les Romains, il n’y a pas de plante jouissant d’un plus grand renom que l’hiérabotane connue de certaines personnes comme « péristéréos », mais chez nous plus généralement sous le nom de « verveine »… Il y en a deux variétés : l’une qui est très feuillée passe pour être la plante femelle, l’autre qui n’a que quelques feuilles la plante mâle… Les habitants des provinces de la celtique continentale se servent des deux à des fins divinatoires et pour prédire les événements ; mais ce sont les mages plus particulièrement qui débitent le plus de folies ridicules à propos de cette plante. Les gens, affirment-ils, qui se frottent avec, seront sûrs d’obtenir ce qu’ils désirent, et ils assurent également qu’elle préserve des fièvres, attache des amitiés, voire constitue un remède contre tous les maux ; ils disent également qu’elle doit être cueillie vers le lever de l’étoile du Chien – mais sans être éclairé par le moindre rayon de soleil ni de lune – et que des rayons de cire ainsi que du miel doivent d’abord avoir été offerts en présent à la Terre pour s’en faire pardonner à l’avance. Ils racontent également qu’un cercle doit d’abord être tracé autour avec un fer ; après quoi elle doit être cueillie de la main gauche, élevée en l’air, puis on doit en faire soigneusement sécher les feuilles, la tige et la racine, de façon séparée, sans les exposer au soleil. À ces considérations, ils ajoutent que si les salles à manger [latin triclinium] sont aspergées d’eau dans laquelle la plante a trempé, cela favorise grandement la joie et la bonne humeur du banquet. Pour soigner les morsures de serpent, cette plante doit être écrasée dans du vin.
Pour en revenir à notre prière à toutes les herbes, nous ne voyons pas en quoi ce genre de prière serait inférieur à bien des prières judéo islamo chrétiennes qui sont beaucoup plus contestables (voir la douzième bénédiction * de l’amidah et le « ne nous soumets point à la tentation » du Notre Père chrétien). Disons-le tout net, si c’est bien ce genre de prière, écologiste avant la lettre, que récitaient les Fingen d’il y a 2500 ans, alors il n’y a pas vraiment à en avoir honte.
*La douzième bénédiction ???? Explication. Parmi les 18 bénédictions de la prière juive traditionnelle, il en est une en effet, la douzième, qui a fait couler beaucoup d’encre.
Rappelons tout d’abord que nous sommes en désaccord avec l’esprit général de ces 18 bénédictions juives, car il n’y a rien à demander à un quelconque seigneur, mais tout à conquérir par nous-mêmes. Comme le disait très bien Arrien en son temps, dans son traité de la chasse (à courre). Chapitre XXXIV : « Moi et mes compagnons suivons cette loi des Celtes, car je déclare qu’aucune entreprise humaine ne peut avoir d’issue heureuse sans l’intervention des dieux… » Autrement dit « Aide-toi et le ciel t’aidera ! »
Le vrai problème c’est que, après toute une série de demandes faisant preuve de l’égoïsme habituel aux êtres humains
1. Béni sois-tu, Seigneur notre Dieu, Dieu de nos pères, Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, etc.7. Vois notre détresse et gagne nos guerres… Rachète-nous à cause de ton Nom… Béni sois-tu Seigneur, Rédempteur d’Israël ! 8. Apporte la guérison à nos blessures. Béni sois-tu, Seigneur, qui guéris les malades de ton peuple Israël ! 9. Bénis pour nous… cette année ainsi que tous ses fruits afin qu’elle soit bonne… Accorde rosée ainsi que pluie… Béni sois-tu, Seigneur qui bénis les années ! 10. Sonne la grande trompette pour notre liberté… Béni sois-tu, Seigneur, qui rassemble les exilés de ton peuple Israël !
Jusque-là ça peut aller, un peu égoïste, mais enfin l’égoïsme est dans la nature humaine, les démocraties les plus stables sont toujours celles qui sont fondées sur l’égoïsme et la bêtise humaine.
Puis apparaît tout d’un coup et comme un cheveu sur la soupe une douzième bénédiction, très différente de l’égoïsme ordinaire des précédentes, et beaucoup plus grave tant sur le plan théorique
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que pratique, puisqu’elle s’en prend aux autres par définition (la birkat ha minim) même si le mot figurant dans le corps du texte est « malshinim ». Malshinim est actuellement rendu e hébreu par hérétique, ou diffamateur, dénonciateur, raciste antisémite. Douzième « bénédiction » donc : « Qu’il n’y ait aucun espoir pour les malshinim, que tout mal soit instantanément anéanti et tous tes ennemis fauchés ». La dénomination de cette prière est d’ailleurs contradictoire en elle-même, car il s’agit en réalité non pas d’une « bénédiction », mais d’une « malédiction ». Il s’agit peut-être d’une bénédiction pour celui qui la récite, mais à condition de ne pas faire partie des gens qui sont maudits par elle.
Le fait que les différentes versions du Talmud, et nous ne parlons pas là des Talmuds imaginaires ou rêvés mis en avant ad usum delphini, insistent sur l’obligation pour tous les juifs de la prononcer indique qu’il s’agissait bien d’exercer une pression du groupe sur toute personne pouvant être encline à être séduite par quelque aspect des courants de pensée visés, ce qui est gravissime. Cet endoctrinement millénaire (il s’agit d’une prière récitée trois fois par jour, quel lavage de cerveau mon Dieu) à la haine et au racisme a donc perduré depuis le Ier siècle de notre ère. Ce qui est incontestable en tout cas, c’est que la Birkat haMinim a sans aucun doute contribué à créer une orthodoxie dans le judaïsme qui, avant l’époque de Yavné justement, était composé de multiples tendances et mouvements. Les « hérétiques », quels qu’ils soient, étant placés devant le choix de se maudire eux-mêmes en disant amen à la fin de la prière, ou de ne plus venir à la synagogue.
En bref, la Birkat haMinim est peut-être tout simplement la cause de la naissance du christianisme, la cause du schisme ou de la séparation entre judaïsme et christianisme. Sans la birkat haminim le judaïsme aurait seulement évolué de l’intérieur et il n’y aurait donc pas eu ce christianisme (que nous avons appris à connaître à nos dépens comme dit ma sœur de la Wicca).
Peu après l’année 70, Yohanan ben Zakkaï, qui s’était enfui de Jérusalem, réunit des docteurs de la loi, des pharisiens et d’autres encore. Le groupe s’instituera comme continuateur du Sanhédrin du Temple et reçoit la permission des Romains de s’établir à Yavné. Les sacrifices du Temple sont supprimés, puisqu’il n’y a plus de temple. Les juifs, coupés (= expulsés) de Jérusalem, se réunissent pour prier dans des maisons de réunion (grec syn-agoge), car la vie continue. Le problème qui se pose alors à la nouvelle communauté qui s’organise est celui du nombre croissant de judéo-chrétiens c’est-à-dire à l’époque de juifs ne se reconnaissant plus dans le pharisaïsme ou le judaïsme traditionnel, mais se retrouvant dans une tendance particulière du judaïsme qui se réfère à la vie et à l’œuvre d’un dénommé Jésus le nazaréen. La Birkat ha Minim sera pour les juifs orthodoxes de l’époque un moyen de s’y retrouver voire de faire le tri.
Le texte originel de la Birkat haMinim dans sa version palestinienne la plus simple a été retrouvé dans la gueniza du Caire.
« Que les apostats-renégats [mashoumadim = dénonciateurs bâtards, etc.) n’aient plus aucun espoir ; que l’empire du mal [malkhout zadon, c’est-à-dire l’Empire romain] disparaisse rapidement, que les notsrim et les minim périssent immédiatement… Béni soit le Seigneur qui courbe les méchants ». Nos amis palestiniens doivent apprécier (quand je suis allé au Liban vers 1976, ils n’appréciaient toujours pas).
On nous explique de tous côtés pour justifier autant de haine ou de racisme imbécile que les minim ou les nosrim étaient des apostats c’est-à-dire des personnes converties à une autre religion, suivant une autre religion, voire pas de religion du tout (les cinq sortes de min d’après Moïse Maïmonide : celui qui dit qu’il n’y a pas de Dieu, et que nul ne dirige le monde ; celui qui, etc.) Et alors ? Nulle contrainte en matière de religion (saint Coran 2, 256)). Heureusement d’ailleurs que votre Abraham s’est converti à une autre religion que celle de ses pères, sinon vous en seriez encore au stade du paganisme moyen-oriental de la plus haute antiquité, qui était assez oppressant à l’époque envers l’Homme (créé uniquement pour servir Dieu ou les dieux). On doit pouvoir suivre la religion et le culte ou les religions et les cultes, voire les absences de religion ou de culte, que l’on veut, sans contrainte, ni menace, ni châtiment, ni discrimination.
Notes sémantiques. Le nosrim sont de vrais juifs qui trahissent leur peuple en s’alliant à des non-juifs (= des prosélytes qui respectent la Loi juive, mais aussi des païens qui croient en Jésus, mais refusent les rites juifs). Le mot « minim » n’est pas synonyme de « nosrim », ce terme ayant une puissance supérieure. Le terme « minim » englobe tous ceux du judaïsme qui ont divergé de ceux se voulaient gardiens de l’orthodoxie ; donc ce sont tous ceux des diverses sectes juives… plus ou moins… Le terme minim a été utilisé par le Talmud pour désigner toutes sortes de dissidents à « l’orthodoxie » pharisienne, par exemple ceux qui prétendaient accorder aux Dix Commandements prééminence absolue sur le reste de la Torah. Si au XIIe siècle, Moïse Maïmonide énumère dans son Mishneh Torah cinq sortes de Minim, dont en premier les matérialistes athées) le Talmud de Jérusalem affirme l’existence de vingt-quatre sortes de minim.
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Ainsi que nous avons eu l’occasion de le dire, à partir d’une date inconnue, mais après la destruction du Temple (70) et probablement après 90, la Birkat haminim va explicitement viser les notsrim (en grec : Nazôraios) en plus des minim. D’où d’ailleurs la réaction des premiers chrétiens. Matthieu, 23, 15. « Malheur à vous, docteurs de la loi et pharisiens hypocrites ! parce que vous courez la mer et la terre pour faire un prosélyte ; et, quand il l’est devenu, vous en faites un fils de la géhenne deux fois plus que vous… » Bref, de tout cela la religion d’amour ne sort pas vraiment grandie, à part pour ce qui est du nombre. Quand cessera-t-on ce genre d’attaques racistes contre les autres spiritualités, contre les spiritualités autres, que la sienne, avec toutes ces histoires de faux dieux de vrai dieu, etc. IL Y A TOUJOURS EU DIFFÉRENTS NIVEAUX DE VÉRITÉ SUIVANT LE DEGRÉ D’ÉVOLUTION INTELLECTUELLE OU SPIRITUELLE DE CHACUN et l’on doit donc en tenir compte. Dieu ou la Grande déesse [Danu ?] y retrouvera les siens.
En conclusion notre tolérance à nous néo-païens d’obédience druidique, sans être illimitée pour autant ne connaît que deux bornes. Qui constituent effectivement de vraies pierres d’achoppement possible dans tout dialogue avec nous. Chacun peut pratiquer la religion de son choix, mais à la seule condition que cela soit entre adultes consentants. Chacun peut se coucher sur une planche à clous porter une haire ou se priver de porc s’il l’entend, DANS SON SALON OU DANS SON JARDIN.
La première limite est que l’on nous fiche la paix à nous qui n’avons pas envie d’en faire autant. Qui n’avons pas envie de faire la même chose. Et que l’on nous laisse effectivement libres de faire ce que nous voulons dans nos salons ou nos jardins. Sous réserve bien entendu de respecter les lois de base de toute société humaine. Tuer sa femme violer sa bonne ou abuser de ses enfants reste un crime, même commis à l’intérieur de son domicile (marre de ses journalistes qui excusent tout au nom du sacro-saint principe du respect de la vie privée à tout prix). La deuxième limite est que l’on ne doit pas inculquer ses principes religieux personnels à ses enfants et qu’il vaut mieux les laisser libres de suivre leur propre quête du Graal une fois parvenus à l’âge adulte. Il ne faut pas dès leur plus jeune âge refermer l’une après l’autre les portes et les fenêtres de leur esprit, au plan religieux ou spirituel s’entend. Il faut tout au contraire leur laisser ouvertes et présentes à l’esprit le plus d’options possibles. Ce qui ne veut pas dire ne jamais parler avec eux des grands problèmes métaphysiques, mais le faire en faisant preuve de la plus grande ouverture d’esprit, et sans verrouiller aucune possibilité.
Des boucliers incrustés de figures animales en argent. Le début de l’héraldique certainement.
Des guerriers norvégiens. Évidente influence de la culture médiévale irlandaise sur notre mythe. Il n’était certainement pas question de Vikings dans le mythe panceltique initial mis au point quelque part en Europe centrale (sud de l’Allemagne) il y a 2500 ans.
Ithall. En fait notre texte porte la mention d’Ítholl.
Imscing n-órda immun corthe. Toutes ces histoires de menhirs couronnés font un peu bizarre. Pourrait-il s’agir d’un lointain écho de la destruction et du saccage des monuments mégalithiques par les premiers chrétiens ? S’en prendre au culte des autres était très fréquent chez eux à l’époque, du temps de leur montée en puissance, puis de leur splendeur après le ralliement à leur cause des empereurs romains. Mais avant ce revirement politique de Constantin, de tels troubles de l’ordre public valaient un certain nombre d’ennuis c’est le moins que l’on puisse dire, à ces parabolans du dieu d’amour. Il est par exemple possible que le coup de filet à la suite duquel Blandine et son fils Ponticus (ainsi que sa maîtresse, la chrétienne à laquelle ils appartenaient en tant qu’esclaves) furent arrêtés, à Lugdnum, en 177, ait été effectué à la demande de la population de la ville afin de mettre fin aux agressions envers les autres cultes perpétrées par ces chrétiens de tendance montaniste (montanistes = talibans du christianisme). En tout cas un peu plus au nord dans le cas de saint Symphorien c’est avéré (puisqu’il a même tenté de justifier ce racisme, voire il s’en est vanté). Il s’agissait sans doute de Rosemartha, une déesse celto-druidique de la fécondité appelée Berecynthia par le jeune Symphorien qui, bien que sa mère ait été une celtophone, était comme étranger à la culture du pays dans lequel il vivait, ne fréquentant que les grands et puissants du moment, les Grecs et les Romains (en tout cas certainement pas le monde paysan et agricole de l’époque). Ce genre d’épisode dans notre saga pourrait donc résulter de deux éléments différents fusionnés dans les mémoires. Le souvenir d’un culte analogue à celui de Crom Cruach et un souvenir de sa destruction par l’évêque du lieu. Mais revisité non sans quelque ironie par l’imagination locale. Dont un barde errant aurait fini par s’inspirer afin de l’incorporer à la saga principale qu’il colportait. Simple hypothèse.
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Chapitre XXIII.
Ici commence le combat jusqu’aux dents de Fintan.
Fintan était le fils de Niall Niamglonnach de Dun Da Benn, et le père de Cethern. Il arriva pour venger l’honneur des Ulates et se venger aussi de la mort de son fils sur l’armée de ses ennemis. Leur bataillon était fort de trois fois cinquante hommes, et ils vinrent avec des lances à deux pointes, une haut et une en bas, de sorte qu’ils pouvaient blesser les troupes ennemies aussi bien avec une extrémité de la lance qu’avec l’autre. Il y eut trois assauts de leur part contre l’armada irlandaise et à chaque fois ils firent autant de morts dans ses rangs qu’ils avaient d’homme dans les leurs, mais les gens de Fintan fils de Niall finirent tous par succomber sous le nombre à l’exception de Crimthann le fils de Fintan qui fut protégé par les boucliers d’Ailill et de Maeve. Les Irlandais convinrent alors qu’il n’y aurait aucune honte pour Fintan fils de Niall à évacuer le camp et que son fils Crimthan soit laissé libre de repartir avec lui, si pendant ce temps-là l’armada se retirait à une journée de marche plus au nord, sans qu’il continue de l’attaquer, mais qu’il pourrait revenir à leur rencontre le jour de la grande bataille qui se déroulerait quand les armées des quatre provinces irlandaises se retrouveraient à Garech et Ilgarech à la fin de l’expédition de Cualngé comme il avait été dit (ou prophétisé ?) par les druides irlandais. Fintan fils de Niall accepta et son fils fut donc aussitôt libéré. Le camp fut évacué par lui et les troupes battirent de nouveau en retraite pour aller s’installer à une journée de marche plus au nord, où elles se tinrent prudemment sur la défensive. Les hommes du peuple de Fintan et les Irlandais furent trouvés avec les lèvres et le nez mordus par les dents des autres. Les Irlandais le remarquèrent et dirent : cela fut vraiment un combat jusqu’aux dents pour nous, et un combat jusqu’aux dents pour les hommes de Fintan ainsi que pour Fintan lui-même.
Voilà pourquoi on appelle cet épisode le combat jusqu’aux dents de Fintan.
Ci-dessous l’épisode du rouge de la honte pour Menn.
Menn fils de Salcholga était un des Rena de la rivière Boinne. Son bataillon était de douze hommes. Ils avaient des lances à deux pointes, une pointe de lance en haut et une pointe en bas, de sorte qu’ils pouvaient blesser leurs ennemis aussi bien avec la partie supérieure de la lance qu’avec la partie inférieure. Ils attaquèrent les troupes irlandaises à trois reprises et à chaque fois tuèrent autant de guerriers qu’il y en avait dans leurs rangs, mais les douze hommes de Menn finirent par succomber. Menn lui-même fut grièvement blessé de sorte qu’il devint tout rouge et couvert de sang. Les Irlandais dirent alors : « Menn fils de Salcholgan est rouge de honte, car ses gens ont péri et sont morts alors que lui-même n’est que blessé ou couvert de sang ».
D’où pour cet épisode le titre « l’affront qui fit rougir Menn ».
Les Irlandais dirent alors qu’il n’y aurait aucun déshonneur pour Menn fils de Salcholgan si le camp était dégagé pour lui et si les troupes reculaient encore d’un jour de marche en direction du nord, pourvu qu’il arrête d’attaquer leurs troupes jusqu’à ce que Cunocavaros/Conchobar se remette de son indisposition annuelle (ces noinden) et leur livre bataille à Garech et Ilgarech ainsi que les druídi & fádi & fissidi, les druides vates et fins connaisseurs irlandais l’avaient prévu. Menn fils de Salcholgan accepta que le camp soit levé. Les troupes se retirèrent donc à une journée de marche de là encore, vers le nord, où elles se cantonnèrent prudemment.
Ci-dessous l’expédition des cochers.
Ensuite arrivèrent les cochers des Ulates, au nombre de trois cinquantaines. Il y eut trois assauts de leur part contre l’armada et ils tuèrent à chaque fois l’équivalent de leur effectif, mais ils finirent par tomber sur le champ de bataille.
Telle fut l’expédition des cochers.
Ci-dessous le combat de femmes de Reochad.
Note de la rédaction. Un épisode précédent, tiré du livre de la vache brune, Lebor na hUidre en gaélique, par d’Arbois de Jubainville, mettait déjà en scène nos deux tourtereaux, Findabair et Rochad. Les deux recensions étant dues à des auteurs différents, nul ne s’étonnera des
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incohérences. À se demander même si l’on parle de la même chose. Explication peut-être du fait que d’Arbois de Jubainville n’a pas cru bon de les regrouper. L’épisode ci-dessous en tout cas est plus dramatique puisque la pauvre Findabair sera manipulée en beauté par sa mère et sera cause de la mort de huit cents hommes pour rien.
Reochad fils de Fatheman faisait partie des Ulates. Ses forces s’élevaient à cent cinquante hommes, et il prit position sur une colline en face de l’armée des Irlandais. Findabair, la fille d’Ailill et de Maeve, le remarqua, et dit à sa mère Maeve : « J’ai jadis aimé ce guerrier-là et c’est lui mon bien aimé le prétendant que je veux ». Si tu l’aimes, ma fille, alors passe la nuit avec lui et demande-lui une trêve pour nous et l’armée en attendant qu’il vienne nous affronter à l’occasion de la grande bataille qui se déroulera là où se retrouveront les quatre provinces d’Irlande à Garech et Ilgarech (donc à l’occasion de la bataille finale de l’expédition de Cualnge). Rochad fils de Fatheman accepta et la fille passa la nuit avec lui. Un des princes (airrí) du Munster, qui était dans le camp irlandais, entendit parler de ceci et dit à es gens : « cette fille m’était promise depuis longtemps et c’est pourquoi j’étais venu participer à cette expédition ». Les sept autres princes du Munster déclarèrent tous que c’était aussi la raison pour laquelle ils étaient venus. Alors pourquoi donc n’irions-nous pas nous venger de cette femme et venger par là même notre honneur sur les Mané qui sont à l’arrière-garde de l’armée à Imlech en Glendamrach ? Ils se mirent d’accord sur un tel plan et se levèrent donc avec leurs bataillons de trois mille hommes chacun. Aillil alors en fit autant avec ses trois mille hommes. Maeve de même avec trois mille hommes, et les fils de Maga pareillement avec trois mille hommes. Les Gaulois et les gens du Munster ainsi que ceux de Tara firent de même. Une intervention survenue entre eux in extremis fit que tous acceptèrent de se rasseoir les uns à côté des autres leurs armes déposées à côté. Mais avant que ne survienne cette intervention, huit cents braves parmi eux avaient eu le temps de tomber. Findabair, la fille d’Ailill et de Maeve, entendit parler du nombre d’Irlandais qui étaient tombés pour elle et à cause d’elle, et son cœur se brisa dans sa poitrine comme une noix sous le poids de la honte et du remords. Colline de Findabair est le nom de l’endroit où elle mourut. Cet affrontement a été sans conséquence pour Reochad fils de Fatheman, remarquèrent ensuite les Irlandais, puisque huit cents vaillants soldats sont tombés à cause de lui, mais que lui s’en est tiré sans une égratignure et sans perdre la moindre goutte de sang.
D’où le combat de femme pour Réochad ci-dessus.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 54.
Comme il avait été dit (ou prophétisé ?) On se demande par moment si les bardes compilateurs de ces légendes ne sont pas eux-mêmes à l’origine d’un certain nombre des prophéties réussies que l’on attribue aux druides. Il est en effet facile d’annoncer ce qui va se passer… quand c’est déjà arrivé. L’expression précise pour désigner ce genre de fausses prophéties est « prophéties post-eventum ». Coran et Bible en regorgent et nous ont habitués à ce genre d’impostures qui plaît beaucoup aux hommes ou aux femmes dénués de toute intelligence et dont le cerveau est en quelque sorte constamment au point mort (ce que nous voulons dire c’est qu’en l’occurrence leur cerveau ne fonctionne pas, il est comme à l’arrêt). Il suffit de se promener un peu sur les sites internet traitant du sujet pour être effaré, mais alors effaré par le manque total d’esprit critique et donc d’intelligence de la plupart des internautes se manifestant sur le sujet (les miracles du Coran, etc.) et cela prouve bien que l’islam est dangereux pour l’Humanité (pour son niveau intellectuel). Que le Biblisme est dangereux pour l’Humanité (pour son niveau intellectuel). Que l’Évangélisme (littéral) est dangereux pour l’Humanité (pour son niveau intellectuel)… Porphyre de Tyr en son temps avait déjà dénoncé le caractère « post-eventum » des prophéties du Livre de Daniel (la preuve d’ailleurs c’est que trois langues y sont utilisées : l’hébreu l’araméen et le grec. Car le texte n’a pas été rédigé au VIe siècle avant notre ère, mais… au IIe siècle, avant notre ère, soit quatre siècles, après, les événements prétendument annoncés à l’avance).
La question donc est la suivante : alors que tous ces faux-semblants toutes ces impostures et toutes ces supercheries du christianisme étaient largement connus des intellectuels et même plus du temps de Celse et de Porphyre, comment se fait-il que ce dernier néanmoins ait pu triompher aussi rapidement (il va de soi que les réponses du type « parce que c’est ce que voulait Dieu » ne me satisfont nullement). La fameuse prophétie dite des Romains dans le Coran (chapitre 30, 2-6) est bien évidemment à mettre dans le même panier. Encore que ! Régis Blachère pense bien que ce propos a été tenu avant la date butoir, mais qu’il s’agissait pour Mahomet de remonter le moral des siens après sa désastreuse et cinglante défaite à Mou’ta en 629. D’après lui si l’on fait abstraction des signes diacritiques (qui n’existaient pas en arabe à l’origine) on obtient le texte suivant :
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« Les Romains ont vaincu au plus proche de la Terre. Eux, après leur victoire, seront vaincus dans quelques années. À Dieu appartient le Sort dans le passé comme dans le futur. Alors les Croyants se réjouiront du secours de Dieu ».
Mais une des meilleures preuves du caractère « post-eventum » de cette prophétie ne demeure-t-elle pas que la sourate commence par les trois lettres arabes Alif Lam Mim qui n’ont rien à faire dans la bouche de l’archange Gabriel qui révèle le Coran incréé à Mahomet donc et qui sont bien entendu la trace d’un premier classement d’écrits déjà recopiés avant même la première compilation officielle, celle du calife Abou Bakr et Zaïd Ibn Thabit, un scribe israélite converti * (il va de soi que les réponses du type « que ces lettres figurent là est un mystère voulu par Dieu qui révèle aux hommes, etc. » ne me satisfont nullement). Rappelons au passage aux honorables savants érudits de l’islam que l’on n’a jamais parlé romain dans l’Empire romain pas plus qu’aujourd’hui le belge dans le Royaume de Belgique, en plus des langues régionales on y parlait le Latin en Occident et le Grec en Orient (et pour ce qui est de la Belgique d’aujourd’hui on y parle grosso modo outre les dialectes comme le wallon le lorrain le champenois et le picard, le français au sud, une sorte de néerlandais au nord, à l’est un patois germanique dont l’allemand est la langue littéraire) et au sud-est le luxembourgeois.
* Ibn Massoud affirme qu’il avait étudié dans les écoles juives de la future Médine (Yathrib).
De toute façon en outre cette phrase n’est pas grammaticalement très claire, la preuve c’est que le grand celtologue français que fut d’Arbois de Jubainville… s’y est trompé. Bref, tout cet épisode, tel qu’il nous apparaît maintenant au travers du texte gaélique (l’histoire des dents, etc.), est assez difficile à comprendre. S’agit-il d’une métaphore devenue obscure ? On dit bien encore « être armé jusqu’aux dents » alors ??
La morale de cette histoire est que nos textes sacrés sont tous bougrement bien compliqués. Ne serait-ce pas une ruse de Dieu pour faire gamberger les humains et muscler ainsi leur cerveau qui en a bien besoin ??
Fins connaisseurs. Nous rendons ainsi le mot gaélique fissidi. Radical fis désignant la science et le savoir. Peut également désigner de façon plus précise toute personne experte en druiderie au sens irlandais du terme, c’est-à-dire en sciences occultes.
Findabair. Son comportement a toujours fait couler beaucoup d’encre. On l’a traitée de tous les noms et bien sûr de « prostituée ». Telle n’est pas notre opinion, car nous ne diabolisons nullement les puissantes forces qui au sein de la nature et dans le corps de l’être humain poussent irrésistiblement les hommes et les femmes les uns vers les autres. Ce que nous disons nous plutôt c’est qu’il est vrai que la malheureuse Findabair est en quelque sorte vendue à plusieurs reprises par sa mère pour des raisons politiques (afin de préserver l’armée irlandaise) et que ce comportement indigne de Maeve vis-à-vis de sa fille finira par générer plus qu’un incident diplomatique, un début d’affrontement armé. La pauvre Findabair victime des manœuvres de sa mère ne réagira pas comme la Judith de la Bible (qui couchera pour la plus grande gloire de Dieu bien sûr, avec Holopherne, afin de mieux l’assassiner), mais en aura le cœur brisé. Nous comprenons bien le contexte. Coucher si c’est pour la bonne cause peut se défendre et il y en a de nombreux exemples dans l’Histoire. Ne soyons pas bêtement pudibonds ! De la veuve * du malheureux trésorier de la communauté juive des Banou Nadir réfugiés à Khaïbar jusqu’à la Polonaise Marie Walewska. Passons sur l’historicité de la pulpeuse Judith. N’en déplaise à l’Église catholique de mon enfance (est-ce encore comme cela aujourd’hui je ne sais) cette Judith n’est pas plus historique que la malheureuse Findabair qui, elle, au moins, est plus franche, du moins dans l’histoire telle qu’elle nous est contée. Mais de la part de personnes qui font tout un plat de la chasteté physique… Si au moins ceux qui approuvent son attitude trouvaient la sexualité aussi normale et saine qu’un verre d’eau pure dans le désert, passe encore, mais là…
* Ne laissons pas la malheureuse dans l’anonymat. Elle mérite d’en sortir. Elle s’appelait Safiya (17 ans) et bien sûr elle n’accepta de coucher avec Mahomet que dans l’espoir d’atténuer quelque peu l’horrible sort des siens. Et peut-être même avec le secret espoir de l’empoisonner, comme avait tenté de le faire une autre de ses coreligionnaires juste après la prise de Khaïbar par les musulmans. Avait-elle le choix d’ailleurs ?
Les sites internet musulmans parlant d’elle et la qualifiant de « mère des croyants » sont aussi écœurants ou indécents que les sites internet néonazis ne parlant que de gazage de poux à Auschwitz. Comment peut-on être aussi inhumain que ces croyants qui méconnaissent totalement son drame personnel (elle n’avait que dix-sept ans, mon Dieu quelle horreur) et qui vont jusqu’à insinuer que son mari la battait, donc qu’en le faisant torturer puis exécuter Mahomet ne faisait que la défendre et lui a rendu service finalement ??? Jusqu’où l’isma ne va-t-elle pas se nicher ? Moi qui ne suis ni croyant ni crédule et qui ne pratiquerai la taqiya que sous la torture, je comprends parfaitement son drame personnel, l’horreur et l’effroi qu’a dû ressentir la malheureuse après le massacre de Khaïbar et le traitement, disons contraire aux droits de l’homme, que les musulmans vainqueurs firent
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subir à son époux. Comment peut-on d’ailleurs manquer à ce point de compassion pour proposer le « mariage » à la veuve d’un homme que l’on vient de faire exécuter trois jours plus tôt ??? Personne ici j’espère ne viendra prétendre que c’est par pur amour de la personne même du « prophète » que Safiya y consentit. Ne faisant nullement partie des habitants de cette planète qui véritablement idolâtrent Mahomet (quel dangereux obscurantisme, gros de toutes les menaces possibles pour les droits de l’Homme que cette Madame Isma) nous le voyons tel qu’il fut vraisemblablement*, c’est-à-dire un homme de son temps (et de tous les hommes certainement pas le plus beau des modèles contrairement à ce que prétend l’Isma qui, en la matière, n’est pas une très bonne conseillère (moi le simple postier sans grand diplôme je vois plus clair qu’elle).
Notre bon maître John Toland était jadis intimement convaincu (en ce qui concerne le christianisme) qu’être pieux équivalait à être insensible et cruel envers tous ceux qui ne partagent pas son aveuglement et son idolâtrie (on l’a bien vu à l’occasion du tragique épisode des sorcières de Salem. Rien de plus inhumain qu’un homme pieux. Il suffit de se promener un peu sur internet pour constater qu’un certain nombre de nos compatriotes (ce n’est pas tout le monde, mais il y en a beaucoup quand même) sont très lucides à cet égard en ce qui concerne l’islam : rien de plus inhumain ni de plus insensible qu’un musulman pieux. La question est : comment se fait-il que l’on n’en retrouve pas la même proportion (il y en a beaucoup moins) dans le petit monde des médias ou des intellectuels (et ne parlons pas des politiciens) européens ?? Du moins si l’on s’en tient aux apparences ? Serait-ce une conception erronée, voire aberrante, du nécessaire non-racisme qui doit tous nous animer ?? Est-ce parce que le raciste c’est l’autre ? Parce que la démagogie c’est l’autre ? Parce que le populiste c’est l’autre (moi ce qui me gêne dans tout cela ce que je me demande à quel point tous ces parangons de la démocratie sont vraiment convaincus qu’il y a plus d’idées, de bonnes idées, dans plusieurs têtes, que dans une seule ; ce qui est une des rares justifications de la démocratie d’ailleurs, sinon la démocratie, ça devient de l’idolâtrie. Car s’il est bien évidemment contraire à l’ordre public d’inciter à la haine contre une personne physique ou morale en raison de ses liens réels ou supposés avec telle ou telle religion, il va de soi que la critique radicale, mais alors radicale et en aucune façon censurée, des « valeurs » ** des principes et des dogmes***, de son idéologie religieuse, en tant que mentalité collective se transmettant culturellement, doit être aussi possible, légalement et moralement parlant.
* Vraisemblablement, car il n’existe aucune archive d’époque, et les documents ultérieurs sont tous (hadiths et biographies de Mahomet) issus des milieux islamisés. On en est donc réduit ans ce cas aux hypothèses et parmi elles à choisir celles qui sont malheureusement les plus vraisemblables quand on ne pratique pas la taqiya (ce qui est mon cas) la nature humaine étant ce qu’elle est.
** Comme l’obéissance absolue d’Abraham à ce que l’on croit être la volonté de Dieu par exemple. Voyez donc cet homme, qui monte ici en claudiquant lentement comme écrasé sous le poids de son fardeau et le couteau à la main la maudite colline de Moriah, encore sous le choc en état second et le regard éteint, comment ne pas voir en ce qui le concerne que son « exemple » a pendant des millénaires incité des générations entières à placer les commandements divins au-dessus des lois humaines, au-dessus de la morale, bref qu’il est profondément immoral ? Et c’est d’ailleurs pour cela que ce malheureux exemple séduit encore tant les juifs pieux les chrétiens pieux et les pieux musulmans. Comment ne pas faire passer les lois de Dieu avant celles des hommes et c’est d’ailleurs toute la problématique de l’islam dans nos actuelles sociétés. Le regard vide d’Abraham gravissant les pentes du mont Moriah pour y sacrifier son fils Isaac est autrement plus terrifiant que celui d’Agamemnon devant Iphigénie, car dans le vide de ce regard tremblant et comme halluciné peuvent se lire en effet tous les possibles d’un monde : c’est une ouverture sur l’infini. Ne parlons même pas de celui du Hesus Cuchulainn face à son propre fils, le fils unique d’Aife qui plus est, puisqu’il ne savait même pas que c’était lui. Dans l’optique druidique en effet ce drame n’est qu’une tragique illustration de la toute puissance du Tocade/Tocad ou Destin. Le dédoublement de personnalité peut par contre être considéré comme la plus grande des malédictions sur terre pour un être humain, son enfer intérieur, mais infini. Que peuvent, que doivent, faire, des jurés, face à un assassin ayant tué en état de démence absolue à part éprouver la plus bouddhiste des compassions envers cette âme perdue (tout en s’assurant bien sûr qu’il ne présentera plus aucun danger pour la société). Voir à ce sujet l’excellent film de Richard Gere sorti en 1966. Dans le rôle d’Aaron Stampler Édouard, Norton y est stupéfiant. Je me souviendrai toujours également de la scène du film de Hitchcock, la maison du docteur Edwardes, dans laquelle Gregory Peck halluciné ou complètement fou descend les escaliers avec un rasoir à la main pour égorger pour égorger… je ne me rappelle plus très bien qui, mais mon opinion, et je l’exprime, est que le personnage qu’il jouait dans ce remarquable film était bien dans le même état de folie que celui du d’Abraham dans la Bible, c’est-à-dire mû par une psychose susceptible de dégénérer en folie meurtrière. Telle est mon opinion et je profite de l’occasion pour
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l’exprimer ici avant qu’elle ne tombe sous le coup d’une quelconque loi réprimant le blasphème, de la part d’hommes ou de femmes dont les livres saints ne se privent pas, eux, de blasphémer contre nos dieux, c’est-à-dire en définitive contre les diverses conceptions de Dieu ou du Divin dont l’Humain peut se doter.
*** L’isma en terres d’Islam, toujours par exemple.
Au niveau strictement militaire, une telle anecdote devait rappeler aux auditeurs masculins et concernés par ce genre de péripéties, toute l’importance de la bonne entente dans une armée en guerre. Les Celtes en avaient bien besoin vu leur propension à la division. Voir le malheureux exemple de l’immense armée de secours pourtant parvenue à quelques centaines de mètres d’Alésia. Malgré les efforts de Vercassivellaunos qui avait parfaitement bien compris le plan mûrement réfléchi par son cousin, elle repartit pratiquement sans combattre à cause vraisemblablement de la trahison des Éduens. Comme l’a un jour dit le grand chef de l’État français que fut le général de Gaulle (je ne prétends pas l’avoir bien connu), il y a toujours eu en France des partis de l’étranger. « Peyrefitte, je vous supplie de ne pas traiter les journalistes avec trop de considération. Quand une difficulté surgit, il faut absolument que cette faune prenne le parti de l’étranger, contre le parti de la nation dont ils se prétendent pourtant les porte-parole. Impossible d’imaginer une pareille bassesse – et en même temps une pareille inconscience de la bassesse-. Vos journalistes ont en commun avec la bourgeoisie française d’avoir perdu tout sentiment de fierté nationale, etc. ». Notre texte sacré à nous (il en vaut bien d’autres) ne précise pas qui est intervenu pour que tout le monde se calme. Il nous est loisible de supposer (puisque nous sommes encore dans un pays libre) que ce fut peut-être des druides puisque, si l’on en croit Diodore de Sicile : « À maintes reprises par exemple, alors que deux armées s’approchent l’une de l’autre, rangées en ordre de bataille, l’épée nue à la main et les lances pointées en avant, ces hommes s’interposent entre eux et les font s’arrêter, un peu comme s’ils avaient jeté un sort à quelque espèce d’animaux sauvages. Ainsi, même chez les plus sauvages Barbares, la passion cède-t-elle devant la raison, et Arès respecte les Muses » (Livre V, chapitre XXXI).
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Le Combat de projectiles livré par Iliach.
Iliach était le fils de Cas, fils de Bacc fils de Ross Ruad fils de Rudraige. On lui raconta comment les quatre grandes provinces d’Irlande avaient ravagé ou dévasté le royaume d’Ulidia ainsi que le pays des Pictes du premier jour de la lune après Samon (ios) jusqu’à Ambolc (imbuilc) et il tint conseil avec son peuple. Quelle meilleure idée pourrais-je avoir que d’aller attaquer les Irlandais, de remporter une victoire sur eux et de venger ainsi l’honneur des Ulates. Peu m’importe si j’y laisse la vie moi-même. Et ce fut le plan qu’il mit à exécution. On lui prépara les deux vieilles rosses efflanquées, mais aussi pelées qui étaient sur la plage à côté du fort, et on les attela donc à son vieux char sans tapis ni couverture. Il prit son vieux et sombre bouclier de fer rugueux à bordure d’argent dur tout autour. À son flanc gauche, il accrocha sa rude épée à la garde grise qui tapait dur. Il mit ses deux javelots ébréchés à la pointe branlante à côté de lui dans le char. Ses gens remplirent le char de chlochaib & chorthib & táthleccaib móra, de rochers de pierres et de gros blocs. Et c’est dans cet équipage qu’il partit trouver les Irlandais, les parties génitales (lebarthrintall) à l’air dans le char. Nous aurions certes aimé, s’exclamèrent les Irlandais, que tous les Ulates qui sont venus à notre rencontre aient été comme ça.
Note de la rédaction. Jusque-là on a l’impression d’un plagiat des aventures de Don Quichotte. Serait-il possible que Cervantès se soit inspiré d’une telle histoire ??? Évidemment non, mais le thème du vieux guerrier décrépit et un peu fou qui veut encore se battre était apparemment accrocheur.
Doche fils de Maga s’avança vers lui et lu souhaita la bienvenue. Bienvenue est ton arrivée, Iliach, dit Doche fils de MagaJ’ai foi en cette bienvenue, répondit alors Iliach, mais viens me trouver quand mes armes seront épuisées, voire que ma valeur au combat sera diminuée de sorte que ce sera toi le premier à obtenir ma tête et nul autre Irlandais. Mais garde mon épée pour Loegaire.
Iliach joua de ses armes sur les Irlandais jusqu’à ce qu’il n’en ait plus, et quand il n’eut plus d’armes à sa disposition, il attaqua les Irlandais à coups de pierres de rochers ou de grands blocs de pierre jusqu’à ce que pareillement il n’en ait plus. Quand ces projectiles furent épuisés, là où il pouvait attraper un des Irlandais, il le broyait entre ses bras et ses mains promptement et en faisait de la chair à pâté, chair et os, tendons et peau mêlés. Les deux tas de hachis sont d’ailleurs longtemps restés côte à côte, celui que fit le Hésus Cuchulainn avec les os des bestiaux des Irlandais pour soigner Cethern fils de Fintan et celui que fit de son côté Iliach avec les os des Irlandais. De sorte que le carnage réalisé par Iliach fait partie des trois massacres de l’expédition dont les victimes furent
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innombrables, et que cette histoire est appelée le combat de projectiles mené par Illiach. Elle fut appelée ainsi, car Iliach se battit à coups de pierres de rochers voire de grosses pierres.
Fin du combat de projectiles d’Iliach.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 55.
Pictes. Nous traduisons ainsi le terme gaélique Chruthni. Cette mention de Pictes dans notre texte n’est pas sans poser quelques problèmes puisqu’en principe le pays des Pictes c’est l’Écosse. Il est vrai qu’on en signale aussi en Irlande, alors… Le nom semble équivaloir à Pritani, Britanni. Descendent peut-être des Calédoniens. En Écosse les Pictes ont fusionné avec les Gaëls du Dal Riata donc à partir du Xe siècle pour donner les Scots. De toute façon peu importent les localisations, le mythe panceltique initial était intemporel et non précisément localisable.
Lebarthrintall. Nous refusons formellement d’en dire plus sur ce terme gaélique.
Loegaire. D’Arbois de Jubainville pense qu’il s’agit de Loegaire le victorieux son petit-fils.
Deux tas de chair à pâté. Toute la question est : doit-on prendre cela au pied de la lettre, Iliach passant les Irlandais dans une sorte de moulinette géante, ou voir là simplement une façon imagée si ce n’est humoristique de la part des bardes auteurs de ces récits, de signifier que leurs héros de prédilection avaient infligé une très sérieuse défaite à l’armada irlandaise ? Notre réponse est : cela ne doit pas être pris au pied de la lettre. Exactement comme quand l’on dit que Wellington a battu Napoléon à Waterloo, qui fut d’ailleurs la plus belle des victoires de l’empereur des Français (si l’on excepte le dernier quart d’heure). Veut-on vraiment dire par là que Wellington a pris sur ses genoux le petit Bonaparte pour lui administrer une fessée cul-nul ? Et bien il vaut mieux souvent lire de la même façon détachée ou distanciée la Bible et le Coran. Garde mon épée pour ton bien-aimé Loegaire. Il doit nous manquer tout un pan de cette histoire qui, présentée ainsi, est incompréhensible. Tout comme différents épisodes de la Bible et du Coran. Il est vrai que le Coran affirme lui-même que Dieu fait oublier aux hommes ce qu’il veut. Ce qui est bien pratique reconnaissons le car comme ça Dieu a toujours raison, mais ne nous aide guère à comprendre certains épisodes comme celui des versets sataniques « Avez-vous bien considéré Al-Lat et Al Ouzza et l’autre la troisième, Manat ? » (Coran 53, 19-20.) « Quand nous remplaçons un verset par un autre verset, et Dieu sait ce qu’il fait descendre, ils disent : « Tu n’es qu’un faussaire » (Coran 16,101). « Nous te ferons réciter, de sorte tu n’oublies pas, sauf ce que Dieu voudra » (Coran 87, 6-7). « Chaque fois que nous abrogeons un verset ou que nous le faisons oublier, nous en apportons un meilleur ou un semblable… » (Coran 2,106.) P.S. Nous ne savons comment qualifier (ou quel est le mot pertinent qui convient pour caractériser) l’attitude des musulmans pieux qui n’y voient là aucun problème intellectuel et même bien au contraire alors que le principe de non-contradiction est à la base de tout essai de définition minimum de l’intelligence. Cet exemple de dédoublement de la façon de fonctionner d’un cerveau humain est fascinant : il donne une idée de l’infini. En ce qui nous concerne et plus prosaïquement, se pourrait-il que Dieu ait volontairement fait oublier aux bardes irlandais certains épisodes de la saga ? Qui peut le croire ? Il s’agit…
— Ou de vulgaires oublis, la mémoire humaine étant, contrairement à ce que semble penser la tradition musulmane dans le cas de la transmission du Coran, faillible.
— Ou d’épisodes volontairement écartés, mais pas pour des raisons religieuses (pour des raisons de place ou de cohérence à respecter).
— Soit d’épisodes censurés par les compilateurs centralisant tous ces manuscrits. Mais bien entendu pour la Bible et le Coran ce n’est pas pareil !!
Bref résumé du contexte de cette affaire, notre religion à nous n’étant qu’une religion de la vérité.
En 615 à La Mecque, soit 3 ou 4 ans après le début de sa prédication, Mahomet, en proie de tous côtés à de vives critiques de la part des chrétiens (manichéens ?) de La Mecque qui lui rétorquent qu’il ne comprend rien aux écritures de la part des païens qui ne comprennent pas son intolérance religieuse ou qui ne comprennent pas qu’un Dieu père clément et miséricordieux puisse juger ses enfants à la fin des temps et en vouer une partie à l’enfer,
Mahomet donc se décide par opportunisme par calcul ou parce que sincèrement ébranlé par les problèmes théoriques que soulèvent ses affirmations (cf. Tabari), déclare ou reconnaît publiquement lors d’une prière à la Kaaba que l’on peut également continuer de prier valablement et de tenir comme intermédiaires entre le Dieu suprême et les hommes, afin d’éviter l’enfer après le jugement dernier de la fin du monde, les entités surhumaines appelées Al-Lat Al Ouzza et Manat. Nous reviendrons ultérieurement sur cette triade de fées ou d’anges de sexe féminin. Toujours est-il que les Mecquois païens sont apaisés par ce revirement et que la tension retombe dans la cité (on a toujours tort de
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croire que des différends religieux ne sont pas capables de nuire gravement à l’ordre public. N’oublions pas les guerres de religion !). Un premier groupe d’exilés musulmans partis en Éthiopie revient même tout exprès pour cette raison (le climat s’est apaisé dans la cité). La plupart des commentateurs musulmans se lançant sur le sujet suggèrent que Mahomet souffrait tellement de voir le fossé qui s’était creusé entre la vérité divine et les siens, entre lui et les siens, de la communauté desquels il avait même été quasiment exclu, que le Diable en profita pour le tromper de la sorte. Pour diverses raisons (menace de scission ou critique redoublée des éléments judéo-chrétiens ou judéo-arabes de la ville les plus intransigeants sur le sujet) Mahomet fera néanmoins machine arrière quelques mois plus tard et fera savoir que sa déclaration d’avant sur ces trois fées anges ou déesses du paganisme arabe, lui a été soufflée ou inspirée par Satan (pauvre Diable, il a bon dos et on lui fait vraiment dire n’importe quoi) est à considérer comme nulle et non avenue. L'affaire du verset des gharaniq (sataniques) venait de naître, car ce verset supprimé du Coran a néanmoins survécu dans diverses traditions, en voici le texte : « ce sont des oiseaux célestes et leur intercession est possible » [pour éviter d’aller en enfer après le jugement dernier]. Gharaniq est en effet un mot arabe que l’on traduit généralement par grue. En fait, ces versets n’étaient certainement ni de Dieu ni de Satan, il s’agissait d’une intelligente tentative de syncrétisme religieux destinée à ramener le calme dans la cité travaillée par cette histoire typiquement judéo-chrétienne de Jugement dernier à la fin du monde, ce qui avait d’ailleurs parfaitement réussi à en croire certains. Précisions supplémentaires. L’essentiel de ce que l’on sait de cette affaire nous vient d’Al Ouaquidi (et d’Ibn Sad), d’Al Tabari et d’Ibn Ichaq, mais les nombreuses variantes de cette anecdote remontent toutes en définitive à un seul homme, un dénommé Mohamed Ibn Ka'b. La traduction traditionnelle par « sataniques » du terme arabe en question est due à l’historien britannique William Muir. Ce terme désigne en fait en arabe une espèce d’oiseau difficile à identifier (grues, cygnes, hérons). On peut se demander d’ailleurs ce que vient faire ici ce culte des trois grues à deux mille kilomètres du seul endroit où il était concevable c’est-à-dire en Galatie, actuelle Turquie.
Ajoutons que nous ne croyons nullement à une improvisation de Mahomet en l’occurrence et que les mots utilisés furent soigneusement choisis et pesés, sans doute en concertation avec des intellectuels païens de La Mecque. La comparaison à des grues de ces trois déesses du panthéon arabe est en effet parlante et riche d’enseignements, tout à fait appropriée au compromis intellectuel ou théologique auquel s’était résolu Mahomet. La grue est en effet un oiseau migrateur volant très haut dans le ciel (proche des dieux donc) et symbole de longévité, voire d’éternel retour.
Voici ce que Tabari écrit sur le sujet (sous toutes réserves certains détails « clochent », mais le fond de cette légende repose peut-être sur un noyau véritable, une période d’apaisement relatif entre les deux communautés, encouragée par Mahomet).
Le prophète désirait ardemment le bien de son peuple et désirait les gagner à sa cause par tous les moyens possibles. Il a été en effet rapporté qu’il a longtemps cherché un moyen de les rallier, et un moyen pour cela fut ce qu’Ibn Houmaïd m’a dit, qu’il tenait de Salama, qui le tenait de Mohamed ibn Ishaq, qui le tenait de Yazid ibn Ziyad al Madani, qui le tenait lui-même de Mohamed ibn Ka’b al-Qurazi.
Quand le prophète vit que son peuple se détournait de lui, alors il fut tourmenté par ce refus de ce qu’il leur avait apporté de la part de Dieu, il désira donc ardemment que quelque chose lui vienne de la part de Dieu qui le rapprocherait d’eux. Étant donné l’amour qu’il éprouvait pour son peuple et son vit intérêt pour tout ce qui les concernait, il aurait été heureux si avaient pu être adoucies certaines des choses les plus dures qu’il avait eues à leur dire en traitant avec eux. Il y réfléchit beaucoup, le désira beaucoup et l’attendit ardemment.
Ensuite Dieu lui envoya la révélation suivante : « Par l’étoile quand elle disparaît. Votre compagnon n’est pas dans l’erreur ni égaré, il ne parle pas sous l’empire de la folie… quand il arriva aux divines paroles « Avez-vous bien vu vu Al-Lat, Al-Ouzza et l’autre la troisième, Manat » Satan alors jeta sur sa langue à cause de ce à quoi il avait tant réfléchi et tant désiré apporter à son peuple : « ce sont des grues qui volent haut et leur intercession peut être espérée ». Quand les Couraïchites entendirent cela, ils s’en réjouirent beaucoup. Ce qu’il avait dit à propos de leurs dieux leur plaisait et les enchantait, et ils lui prêtèrent ensuite une oreille attentive. Les croyants eurent foi plus respectueusement que jamais en leur prophète pour ce qu’il leur apportait de la part de leur Seigneur : ils ne soupçonnèrent là-dedans aucun lapsus aucun sortilège aucune erreur. Quand fut venu le moment de se prosterner, car le chapitre était fini, il se prosterna et les musulmans suivirent leur prophète en cela, après avoir ajouté foi en ce qu’il leur avait apporté ainsi et obéissant son commandement. Les mouchrikoun (païens) couraïchites et les autres qui étaient dans la mosquée (la Kaaba ??) se prosternèrent également étant donné ce qu’ils lui avaient entendu dire à propos de leurs dieux. Dans toute la mosquée (la Kaaba ?) il n’y eut pas un seul croyant ou kafir qui ne se soit prosterné. Seul Oualid bin al-Moughira, qui était un cheikh âgé ne pouvant plus se faire de
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prosternation, prit un peu de terre de la vallée de la Mecque [et la pressa sur son front ?] Ensuite tout le monde se dispersa hors de la Mosquée (Tarikh, volume I). Commentaire : ça ressemble beaucoup au fameux « je vous ai compris » du général de Gaulle dans l’Algérie de 1958. Quand je pense que j’ai failli être presque Pied-Noir. Et perdre le pays de mon enfance à cause d’une grosse et naïve illusion de la part de ce général qui, après pourtant que la bataille d’Alger eut été gagnée, fit perdre à la France la dernière chance qu’elle avait de rester une grande puissance qui compte. Note sémantique rajoutée par les héritiers de Pierre de La Crau. Pied-noir. Littéralement qui a des chaussures noires. Européen et pas forcément Français né dans l’Algérie d’avant 1962 (Légion étrangère de Sidi Bel Abbes, etc.). Les mouchrikoun sont eux qui se reconnaissent dans le chirk c’est-à-dire qui associent au Dieu Père suprême d’autres êtres ou entités comme les anges ou que sais-je encore à côté de lui ou légèrement donc en retrait par rapport à lui comme la Vierge Marie des catholiques. Ce qui inclurait par conséquent les chrétiens croyant à la Sainte Trinité. Enfin du moins si nous avons bien tout compris. Mais si l’on admet que les chrétiens au sens habituel, c’est-à-dire trinitaristes, sont quand même subjectivement monothéistes, alors pourquoi ne pas admettre que certains païens sont eux aussi subjectivement monothéistes ? Pourquoi seulement trois personnes dans la Sainte Trinité en question et pas quatre, et pas cinq, et pas six ? Bref une sainte poly-unité ?
La seule chose que nous avons bien comprise c’est que pour le Coran Dieu ne saurait avoir de pitié pour le péché des mouchrikoun à savoir donc le chirk. Coran chapitre 4, verset 48. Avis donc à nos amis chrétiens au sens habituel du terme, la clémence et la miséricorde du dieu d’amour ont quand même des limites, ils iront tous rôtir dans l’enfer musulman. Normal, un Dieu unique ne peut pas tolérer la concurrence par définition, il doit être jaloux. Aller voir la concurrence donc ça, c’est impardonnable. Le kafir quant à lui est un mécréant au sens large du terme c’est-à-dire y compris les athées. Amis athées, si vous voulez savoir ce que l’islam vous réserve, allez voir ce qu’il pense des kouffar.
* En fait c’est le début du chapitre 53, la sourate dite de l’étoile. Signalons au passage que ce témoignage de notre auteur est du plus grand intérêt, car on y découvre finalement. Premièrement un Mahomet humain pour le coup, vraiment humain, et qui souffre de cette situation. Deuxièmement que Mahomet était alors traité de fou passait pour un fou. Troisièmement un Mahomet qui doute. Finalement les vrais versets sataniques ne sont peut-être pas ceux auxquels pensent les musulmans pieux.
** Les versets 19 et 20 du chapitre 53.
Le problème des versets sataniques n’est pas néanmoins sans soulever un problème théologique de taille pour la religion abrahamique. L'islam affirme en se fondant sur le Coran que ceux qui aiment Dieu et observent ses commandements ne peuvent pas être trompés par Satan. Mais comment expliquer alors que le démon se déguisa en archange Gabriel pour inspirer à Mahomet les fameux versets en question sur les trois grues ? Est-il possible à Satan d’intervenir dans une révélation divine, comme celle qui fut murmurée dans l’oreille d’Abraham pour lui demander de sacrifier son fils ? Comment Satan peut-il inspirer un messager de Dieu ? Avait-il créé des versets semblables aux versets du Coran, et le prophète ne pouvait-il faire la différence entre les paroles de Dieu et celles de Satan alors que nul ne peut produire de verset comparable à ceux du Coran ? * Peut-on imaginer qu’il puisse encore y avoir des versets sataniques dans le Coran ? Voire dans la Bible ?
Quoi qu’il en soit ce qui est certain, c’est que les Mecquois vécurent très mal ce retour en arrière et que la tension entre les deux communautés fut de nouveau à son comble : ce fut la rupture définitive.
* Pour les musulmans pieux le Coran étant incréé donc consubstantiel à Dieu comme le Christ ou le Saint-Esprit, est inimitable, c’est un livre indépassable, même pour ce qui est simplement du style de la grammaire ou du vocabulaire (on a vraiment l’impression que certains théologiens de l’islam des premiers temps, afin défendre et illustrer l’idéologie religieuse de leurs nouveaux maîtres, se sont saisis de thèmes aux conséquences desquels ils n’ont pas toujours bien réfléchi, ou qu’ils n’ont pas toujours bien maîtrisés, afin de faire feu de tout bois dans leur apologie de l’islam). Décidément tous ces pieux musulmans et tous ces théologiens musulmans me donnent littéralement la nausée. Tous ces juifs pieux me donnent la nausée. Tous ces chrétiens fondamentalistes me donnent la nausée. Ce que Dieu ordonne de nos jours, ce qui lui serait agréable, c’est qu’on le laisse enfin seul avec son enfer, que l’on ne soit plus dans ses pattes, bref qu’on lui foute la paix ! Ou alors le Déluge va de nouveau noyer l’Humanité.
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Le camp d’Amargin à Tailtiu.
Amargin était le fils de Cass fils de Bacc fils de Ross le Roug fils de Rudraige. Il rattrapa l’armée qui avait dépassé Tailtiu vers l’ouest, il la contourna et la rabattit sur Tailtiu en direction du nord. Il les
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attendit allongé par terre et appuyé sur son coude gauche à Tailtiu et ses gens le ravitaillèrent en pierres en rochers ainsi qu’en blocs de pierre et il se mit ensuite à bombarder avec pendant trois jours et trois nuits les Irlandais.
Les aventures de Curoi fils de Daré.
Note de la rédaction. Un épisode similaire figure un peu plus haut. Le combat de Curoi contre Munremar. Ce doublet nous en apprend beaucoup sur la façon de travailler des bardes errants de l’époque. L’idée de base était que deux solides gaillards se bombardent à coups de pierres, se heurtant de plein fouet au-dessus du camp des malheureux Irlandais (rien ne leur aura été vraiment épargné quand on y pense, car les pauvres dans l’histoire sont un peu comme les Romains de la célèbre bande dessinée Astérix et Obélix : ils sont vraiment bêtes) des blocs de pierre énormes donc (tant qu’à faire) qui leur retombent dessus. L’idée apparemment ayant eu du succès, elle est accommodée à toutes les sauces avec des protagonistes plus ou moins différents, suivant les spécificités locales de l’auditoire. Jusqu’à ce qu’un compilateur de génie ou sans génie réunisse toutes ces histoires dans un même livre sans trop chercher à comprendre. Dans le cas d’Amargin par exemple ce n’est plus qu’un synopsis. Mais cela faisait-il partie du mythe panceltique initial élaboré quelque part au cœur de la vieille Europe de nos ancêtres il y a 2500 ans, ça c’est une autre histoire. II fut raconté à Curoi donc qu’un homme seul tenait en échec les quatre grandes provinces d’Irlande du premier jour de la lune après Samon jusqu’à Ambolc. Il fut ému par cette situation et pensa qu’il avait trop longtemps été sans venir en aide aux gens de son peuple, aussi vint-il pour se battre et combattre contre le Hésus Cuchulainn.
Quand il parvint à l’endroit où se tenait le Hésus Cuchulainn, il vit celui-ci qui gisait à terre et gémissait, couvert de blessures et de plaies, aussi se refusa-t-il à combattre ou affronter ce dernier après le duel que le Hésus Cuchulainn venait juste de livrer à Fer Diad, de peur qu’il meure moins des blessures ou des coups qu’il pourrait lui asséner que de ceux que Fer Diad lui avait déjà infligés. Le Hésus Cuchulainn offrit néanmoins de commencer le duel avec lui.
Curoi par conséquent alla retrouver les Irlandais et quand il fut arrivé il vit Amargin appuyé sur son coude gauche à l’ouest de Tailtiu. Curoi rejoignit les Irlandais par le nord. Ses gens lui avaient fourni des pierres des rochers ainsi que de grands blocs et il commença de les lancer directement sur Amargin de sorte que ces projectiles guerriers se heurtaient dans les nuages et dans les airs au-dessus de leurs têtes et que chacun éclatait en mille morceaux [qui retombaient sur les Irlandais]. Aussi vrai que tu es un homme de valeur, Curoi, s’exclama Maeve, arrête ces jets de pierre, car ils ne nous aident guère bien au contraire, ils nous gênent. Je jure, répondit Curoi, que je continuerai jusqu’au jour du jugement dernier tant qu’Amargin ne s’arrêtera pas lui aussi. Je n’en ferai rien, répondit Amargin, sauf si tu arrêtes de venir encore aider ou secourir les Irlandais. Curoi fut d’accord et s’en alla retrouver son propre pays ainsi que son propre peuple.
Suite du campement d’Amargin à Tailtiu.
Les Irlandais passèrent alors à l’ouest au-delà de Tailtiu. Ce n’est pas ce dont nous étions convenus, s’exclama donc Amargin. Et de toute façon personne ne m’a fait promettre de ne plus recommencer à prendre comme cible de mes jets de pierre l’armée irlandaise. Aussi les contourna-t-il par l’ouest ensuite il les rabattit vers le nord-est en les faisant repasser derrière Tailtiu puis il se remit à les bombarder de pierres longuement. Les Irlandais convinrent alors volontiers qu’il ne serait pas déshonorant pour Amargin s’ils évacuaient le camp et revenaient à une journée de marche en arrière vers le nord, mais qu’en revanche Amargin arrête de s’en prendre à leur armée, jusqu’au jour de la grande bataille, quand les quatre grandes provinces d’Irlande auraient réuni leurs forces à Garech et Ilgarech pour livrer la bataille de l’expédition de Cualnge. Amargin agréa la proposition et les troupes se retirèrent une fois de plus à une journée de marche en arrière.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 56.
Ouest-Nord… la manœuvre est un peu confuse, mais on a compris le schéma depuis longtemps : des hommes seuls, mais courageux font reculer l’immense et féroce armada irlandaise (un peu comme les femmes enceintes et les vieillards désarmés qui ont fait plier Khadafi en Libye durant la guerre civile de 2011 (je regarde les journaux et la télé pour m’informer, moi !). Ça faisait du bien aux gens d’Ulster apparemment de se voir ainsi face aux habitants du Connaught. On se console comme on peut (voir Astérix le Gaulois contre les Romains). Il faut dire que dans cette version de l’histoire la reine Maeve apparaît comme la méchante absolue (cette ancienne déesse personnalisant l’ivresse du pouvoir était faite pour apparemment) et les Irlandais ou habitants du Connaught vraiment bêtes (mais qu’ont-ils donc pu faire aux gens d’Ulster pour mériter ça ?)Ne soyons pas trop durs aujourd’hui avec eux
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néanmoins, car l’idée d’appartenir à un peuple élu par Dieu, bien que ne reposant évidemment sur aucune réalité objective, joue un peu le même rôle d’adjuvant psychologique, ça aide à vivre en compensant les complexes d’infériorité/supériorité (mais ça complique la vie des autres). Notons d’ailleurs que l’affirmation musulmane (enfin théoriquement c’est Dieu qui s’adresse ainsi aux musulmans par la bouche de l’archange Gabriel) : « Vous êtes la meilleure communauté qu’on ait fait surgir pour les hommes vous ordonnez le convenable, interdisez le blâmable et croyez en Dieu. Si les gens du Livre croyaient, ce serait mieux pour eux et il y en a qui ont la foi, mais la plupart d’entre eux sont des… » (Coran chapitre III versets 110) va dans le même sens. Ce qui est gênant ou inquiétant dans cette formule ce n’est de se croire supérieur aux autres (c’est un peu le péché mignon de tout être humain) c’est de se croire autorisé ou fondé pour cette raison à imposer à autrui sa conception des volontés divines telles qu’elles apparaissent exprimées dans la révélation qui que… (pour faire court, disons de leur imposer sa volonté à soi).
Curoi n’a rien à voir avec les Irlandais du Connaught. Mais il fallait bien charger au maximum ces malheureux. Qu’ont-ils donc fait jadis aux gens d’Ulster pour mériter un tel traitement ? L’intervention de Curoi en leur faveur est donc destinée à les diaboliser un peu plus dans l’esprit des auditeurs. Un peu comme avec les armes de destruction massive dont nous ont parlé à l’époque (2002) les journalistes (à propos de l’Iraq).
En fait Curoi est plutôt associé à tout ce qui est mégalithique en Irlande. L’imagination humaine étant ce qu’elle est, afin d’expliquer l’inexplicable ou du moins ce que l’on ne s’explique plus, elle recourt toujours aux mêmes procédés. Voir les pierres de La Crau ou de Gargantua dans notre belle Provence si chère à Pétrarque (Saint-Barnabé près de Vence). Les journalistes d’aujourd’hui parleraient d’extraterrestres ou de lumières mystérieuses dans la nuit. C’est évidemment plus facile et ça paye plus que de traiter des dramatiques défis que notre humanité va devoir relever dans un proche avenir (réchauffement climatique, épuisement des énergies fossiles, pollution, décroissance, totalitarismes religieux, etc.) On retrouve d’ailleurs également de telles invraisemblables histoires de géants dans la Bible. Genèse 6,1-4. « Lorsque les hommes eurent commencé à se multiplier à la surface de la terre, et que des filles leur furent nées, les fils de Dieu (???? les anges????) virent que les filles des hommes étaient belles, et ils en prirent pour femmes parmi toutes celles qu’ils choisirent… Il y avait des géants (nephilim) sur terre en ces temps-là, après que les fils de Dieu furent venus vers les filles des hommes, et qu’elles leur eurent donné des enfants. Ce sont ces héros qui furent fameux dans l’antiquité, etc. » Mon Dieu que de sornettes ne figurent-elles pas dans tes saintes Écritures ?? On trouve également une histoire plus invraisemblable encore dans le saint Coran, au chapitre 18, versets 83-94-97. On y voit en effet Alexandre le Grand appelé Dhou al Quarnaïn (celui qui a deux cornes, allusion à sa filiation réclamée avec le dieu égyptien Ammon) édifier une gigantesque muraille destinée à contenir le peuple des Yajouj et Majouj dans une sorte de zoo si ce n’est de réserve. Les musulmans pieux me disent que je n’ai rien compris à cette admirable sourate et que… Moi je veux bien, mais on conviendra tout de même que ce mystérieux « homme à deux cornes » ne fait pas vraiment très catholique…… Enfin je veux dire ne fait pas vraiment très prophète bon musulman. Ce peuple des Yajouj et Majouj n’est guère plus historique ou sérieux que celui de Curoi dans nos légendes et c’est pourquoi présenter le plus sérieusement du monde ce peuple ainsi décrit comme ayant vraiment existé… confine à… confine à……[je ne trouve pas le mot le plus juste pour qualifier une telle attitude intellectuelle de la part des pieux docteurs de la loi musulmans.] L’exploration du monde est finie depuis belle lurette et on ne les a trouvés nulle part. Le Dieu du Coran nous prendrait-il pour des demeurés par hasard ??? Afin comme on dit de retomber sur mes pieds je ne pourrai donc que citer ce que l’auteur de cette compilation a cru bon de préciser non en gaélique, mais en latin, car à propos de tous ces textes sacrés que sont la Bible ou le Coran je partage (presque) entièrement son avis : « Moi qui ai copié cette histoire, ou plus exactement cette fable, je n’ajoute nullement crédit à toutes ses parties ; certaines sont l’œuvre de la ruse du démon*; d’autres sont des fictions poétiques ; il y en a de vraisemblables, et d’autres qui ne le sont pas ; quelques-unes ont été imaginées pour l’amusement des sots ».
* La plus grande des ruses du mal n’est-elle pas de se faire passer pour du bien ??? Car quand on regarde dans la Bible ou dans le Coran sans œillère et sans les yeux de Juliette pour Roméo ou de Chimène pour Rodrigue, et bien des versets à proprement parler sataniques il y en a, mais ils ne sont pas forcément là où on l’imagine exemple « Tu ne laisseras pas vivre la sorcière » (Exode, XXII, 18), « Dieu ne pardonne pas qu’on lui associe quoi que ce soit » (Coran chapitre 4, verset 48). Or ce que nous autres néo-druides d’obédience païenne nous disons c’est que…« Est un bien petit Dieu celui qui met des barrières ou des limites à son amour de la vie. Est un bien piètre père celui qui juge ses propres enfants ! »
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Chapitre XXIV.
Sualtam avertit les Ulates.
Sualtam était le fils de Becaltach fils de Moraltach et père du Hésus Cuchulainn. On lui avait parlé de la situation désespérée de son fils dans son combat inégal contre le mystérieux Calatin le hardi et ses vingt-sept fils ainsi que son petit-fils Glass fils de Delga. Ce n’est pas la fin du monde, se dit Sualtam, loin de là, mais In nem maides ná in muir thráges ná in talam condascara ná, le ciel s’effondre-t-il la mer déborde-t-elle et la terre tremble-t-elle ou mon fils n’affronte-t-il pas une terrible épreuve dans la lutte inégale qu’il mène à l’occasion de cette expédition de Cualnge ? Sualtam disait vrai, aussi alla-t-il retrouver le Hésus Cuchulainn, mais pas immédiatement. Quand Sualtam arriva là où était le Hésus Cuchulainn, il poussa un gémissement et eut de la peine pour lui. Notre héros n’apprécia guère que Sualtam ait ainsi pitié de lui et se lamente sur son sort, car il savait que, même s’il était blessé ou mis à mal Sualtam ne ferait rien pour le venger. Ór is amlaid ra boí Sualtaim acht nírbo drochláech é & nírbo degláech acht múadóclách maith ritacaemnacair. Car Sualtam en vérité n’était pas un couard, mais ce n’était pas non plus un guerrier acharné, ce n’était qu’un bon guerrier moyen.
Bien, maintenant, Sualtam mon père, dit le Hésus Cuchulainn, va trouver les Ulates à Emain et dis-leur de venir maintenant rattraper leur bétail, car je suis hors d’état de le protéger plus longtemps dans les vallées ou les défilés du pays de Conaille en Muirthemné. Je suis resté seul contre les armées des quatre grandes provinces irlandaises du premier jour de la lune après Samon (ios) jusqu’à Ambolc (Imboilg), en leur tuant un homme chaque jour sur le gué plus une centaine chaque nuit. Les droits de l’homme (fir fer) ne sont pas respectés pour moi ni les règles du duel, et personne ne vient m’aider ni me secourir. Des cerceaux en baguettes de noisetier fraîchement coupé empêchent mon manteau de coller aux blessures dont je suis couvert. Des tampons d’herbe sèche colmatent mes blessures. De la tête aux pieds je n’ai plus aucun poil qui ne soit comme une aiguille avec une goutte de sang vermeil sur la pointe, à la seule exception de la main gauche qui tient mon bouclier, et même cette main d’ailleurs est couverte de trois fois cinquante blessures. S’ils ne viennent pas me venger immédiatement ils ne pourront plus jamais le faire avant que n’arrivent brunni mbrátha & betha, le jour [du jugement dernier] ainsi que la vie [éternelle].
Sualtam enfourcha le Gris de Macha afin d’avertir les Ulates. Et quand il atteignit Emain Macha, il cria : « les hommes sont tués, les femmes enlevées, le bétail emmené, ô Ulates ! » Il n’obtint aucune réponse qui lui semblât suffisante de la part des Ulates aussi passa-t-il de l’autre côté pour répéter : « les hommes sont tués, les femmes enlevées, le bétail emmené, ô Ulates ! » Il n’obtint aucune réponse qui lui semblât suffire de la part des Ulates. Voici comment les choses se passaient en effet avec les Ulates : il leur était formellement interdit de parler avant le roi et il était formellement geis (interdit) au roi de parler avant d’avoir écouté ses druides. Sualtam s’avança donc vers la pierre des otages d’Emain Macha. Là il répéta la même chose : les hommes sont assassinés, les femmes enlevées, le bétail emmené ! » Qui tue qui enlève et qui emmène ? demanda Catubatuos/Cathbad le druide. Ailill et Maeve ont attaqué, répondit Sualtam. Vos femmes et vous fils ainsi que vos enfants ont été enlevés, vos chevaux et vos coursiers, vos troupeaux vos hardes et votre bétail. Le Hésus Cuchulainn est seul pour tenir en échec et faire reculer les armées des quatre grandes provinces d’Irlande dans les vallées ou les défilés de Conaille en Muirthemné.
Les droits de l’homme (sous les armes) ne sont pas respectés pour lui ni les règles du duel, et personne ne vient l’aider ou le secourir. Le jeune est gravement blessé, beaucoup de sang a coulé de ses blessures. Des cerceaux en baguette de noisetier fraîchement coupé maintiennent son manteau sur lui [afin qu’il ne colle point à ses blessures]. De la tête aux pieds il n’a plus aucun poil qui ne soit comme une aiguille avec une goutte de sang vermeil sur la pointe, à la seule exception de sa main gauche qui tient son bouclier, et même cette main d’ailleurs est couverte de trois fois cinquante
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blessures. À moins que vous ne veniez venger cela sur le champ, vous ne pourrez plus jamais le faire avant que n’arrivent brunni mbrátha & betha, le jour [du jugement dernier] ainsi que la vie [éternelle]. « L’homme qui offense et fait de la sorte insulte au roi mérite la mort et le trépas », s’exclama Catubatuos/Cathbad le druide.« C’est bien vrai », répondirent en chœur tous les Ulates.
Sualtam poursuivit sa route en colère et le cœur plein de haine, car il n’avait pas obtenu la réponse qu’il attendait de la part des Ulates. C’est alors que le Gris de Macha se cabra sous lui et revint au galop en direction d’Emain Macha, le bouclier de Sualtam se retourna contre lui et son bord lui coupa la tête. Le cheval rentra dans Emain, la tête sur le bouclier le bouclier sur le cheval. Mais la tête de Sualtam continuait toujours de crier les mêmes paroles : « fir gondair, mná berdair, báe aegdair, a Ultu » « on tue les hommes on enlève les femmes et on emmène le bétail, O Ulates ! »
Par ma foi ce cri résonne vraiment un peu trop fort, s’exclama Cunocavaros/Conchobar, « dáig nem úasaind & talam ísaind & muir immaind immácúaird, acht munu tháeth in firmimint cona frossaib rétland bar dunadgnúis in talman ná mono máe in talam assa thalamchumscugud ná mono thí inn fairge eithrech ochorgorm for tulmoing in bethad », car le ciel est toujours au-dessus de nos têtes, la terre sous nos pieds, ainsi que la mer tout autour de nous, mais à moins que le firmament et une pluie d’étoiles ne s’écrasent à la surface du sol, ou que la terre ne s’ouvre sous nos pieds en un gigantesque tremblement, voire que la mer poissonneuse aux vagues bleues ne vienne recouvrir la face du monde, je ramènerai chaque vache dans son étable ou son enclos, chaque femme dans sa maison ou sa demeure, après avoir remporté la victoire dans cette bataille dans ce combat dans cette guerre ! » Un messager de sa suite fut alors reçu par Cunocavaros/Conchobar, à savoir Findchad Fer Bend Uma, fils de Fraechlethan, et Cunocavaros/Conchobar lui demanda de convoquer ou de mobiliser les Ulates. Acus is cumma barrurim bíu & marbu dó trí mesci a chotulta & a chessa nóenden, et alors qu’il faisait pour lui le compte des vivants et des morts, du fait de l’ivresse de leur sommeil ou de leur mystérieuse maladie de neuf jours, il prononça les paroles qui suivent.
La mobilisation des Ulates.
Lève-toi, O Findchad
Je te confie une mission
Il vaut mieux ne pas négliger
De le dire aux guerriers d’Ulidia
Va de ma part dire à…
Note de la rédaction. S’ensuit une longue liste d’environ 150 noms variant suivant les manuscrits et que nous laissons aux « mordus » le soin d’examiner. Ce qu’il faut bien comprendre c’est que chacun de ces noms correspond en fait à un petit seigneur qui viendra par conséquent avec quelques hommes à lui, en nombre variable suivant l’importance du personnage. C’est le principe même de la pyramide vassalique. Le Moyen-âge a beaucoup « planché » sur la question, allant même jusqu’à déterminer le nombre de jours de service militaire dus par les uns ou les autres chaque année à leur suzerain avec des raffinements à l’infini, allant des petits seigneurs ayant réussi à se faire oublier, à qui donc on ne demande jamais rien (alleux) aux malheureux qui devaient au contraire allégeance simultanément à plusieurs suzerains différents. Cas du Barrois mouvant ou non mouvant, dans la mouvance ou pas, suivant les villages voire les hameaux. Au Canada et plus précisément même en Acadie (Nouvelle-Écosse) les Anglais plus pragmatiques, eux, avaient préféré inventer la notion de « Français neutres » : ils avaient eu la pudeur ou le réalisme de ne pas exiger de leurs nouveaux sujets d’origine française de se battre avec eux contre les autres Français restés libres. Cette intelligence politique est un bon point à mettre à l’actif des Britanniques qui allèrent même jusqu’à leur reconnaître dans l’Acte du Québec de 1774, des frontières qui firent hurler de colère les futurs Américains. Ce nouveau Québec en effet englobait complètement les lacs Champlain (Fort Carillon/Ticonderoga), Ontario, Érié (Ouest de l’État de New York et de l’État de Pennsylvanie, Fort Duquesne/Pittsburgh), avec en gros tout ce qui se trouvait à l’ouest des monts Allegheny ou Appalaches : Ohio, Indiana, Illinois (Fort de Chartres), Kentucky, Tennessee, Arkansas (Fort Orléans), qui redevenaient ainsi en quelque sorte français. Bref, on était loin du concept de guerre totale des nations, les unes contre les autres. Bref c’est la mobilisation générale, pour l’honneur, pour le roi, pour la patrie en danger, ou que sais-je encore, mais cette fois-ci cela va mieux se passer pour les Ulates que pour les Français devant Azincourt en 1415 : ils vont écraser leur ennemi héréditaire les Anglais. Euh pardon je veux dire les gens du Connaught. L’espèce humaine adore les parades guerrières, c’est comme ça, on n’y peut rien, le prestige de l’uniforme auprès des dames peut-être ? L’espèce humaine adore voir des hommes bomber virilement le torse en défilant au pas cadencé (qui était déjà
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connu de certains peuples…) si l’on en croit un détail de la mobilisation analogue ayant eu lieu à Cruachan à la demande de la reine Maeve (levant le pied tous ensemble, etc.). Nos compatriotes ne se pressent-ils pas pour assister au grand défilé de la fête nationale ayant lieu chaque année au mois de juillet dans la capitale ?
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Il ne fut pas difficile de toute façon pour Findchad de procéder à la mobilisation et au grand rassemblement que Cunocavaros/Conchobar avait ordonné. Car ceux qui étaient à l’est et à l’ouest d’Emain ainsi qu’au nord vinrent immédiatement et passèrent la nuit à Emain à la disposition de leur roi et aux ordres de leurs princes, en attendant que Cunocavaros/Conchobar se lève. Mais ceux qui étaient au sud d’Emain partirent immédiatement sur les traces de l’armée irlandaise en suivant le sentier battu par les sabots du bétail. Les Ulates qui s’étaient mis en route avec Cunocavaros/Conchobar atteignirent Irard Cullen au bout de leur première journée de marche et ils y bivouaquèrent. Qu’est-ce que nous attendons ici, guerriers ? demanda Cunocavaros/Conchobar. Nous attendons vos fils, répondirent-ils, Fiacha et Fiachna. Ils sont partis chercher Erc, le fils de votre fille Fedelmid la neuf fois belle et de Carpre Nia Fer, afin qu’il rejoigne notre armée avec toutes les forces qu’il a pu mobiliser rassembler, réunir, ou lever. Je vous jure, répondit Cunocavaros/Conchobar, que je n’attendrai pas ici plus longtemps tant que les Irlandais n’auront pas compris que je me suis remis de la fièvre et de l’indisposition dans lesquelles je me trouvais, car pour l’instant les Irlandais ne savent pas encore si je suis toujours vivant.
Alors Cunocavaros/Conchobar et Celtchar se rendirent au gué d’Irmide avec trente centaines de guerriers à char armés de lances, et ils tombèrent en ce lieu sur huit vingtaines de grands gaillards appartenant à la maisonnée d’Ailill et Maeve avec huit vingtaines de captives. Chaque homme ayant une prisonnière, car c’était leur part de butin résultant du pillage d’Ulidia. Cunocavaros/Conchobar et Celtchar décapitèrent les huit vingtaines d’hommes et libérèrent leurs huit vingtaines de captives. Gué d’Irmide était le nom de ce lieu jusque-là, mais on l’appelle depuis gué des Féné. La raison pour laquelle on l’appelle gué des Féné c’est qu’une bande de guerriers Féné venus de l’est et qu’une bande de guerriers Féné venus de l’ouest se sont affrontés là et se sont combattus là sur les bords de ce gué.
Cunocavaros/Conchobar et Celtchar revinrent ensuite passer la nuit à Irard Culenn avec les autres Ulates. Ci-dessous la harangue d’avant combat (Búadris) déclamée par Celtchar.
Celtchar prononça en effet les quelques mots ci-dessous à l’intention des Ulates d’Irard Culenn cette nuit-là.
Note de la rédaction. Suivent alors quelques quatrains d’un lai de pure rhétorique assez obscure l’on renonce en général à traduire et où l’on comprend tout juste qu’il est question d’une grande bataille à venir à Garech et Ilgarech.
La harangue de Celtchar.
Taible lethderg for ríg n-ágather. Án samlaide co fodma féit. Deisme néomain im chét cráeb ????
Trente centaines de guerriers à char
Une centaine de solides compagnons à cheval
Une centaine avec cent druides !
Pour nous mener au combat ne faillira pas
Le héros de ce pays
Cunocavaros/Conchobar et ses armées tout autour de lui !
Formez vos bataillons !
Rassemblez-vous maintenant guerriers !
La bataille va être livrée
À Garech et Ilgarech demain matin.
La même nuit Cormac l’exilé, fils de Cunocavaros/Conchobar, prononça les paroles suivantes à Slemain en Midé.
Note de la rédaction : idem. Trois quatrains d’un lai passablement obscur que nous comprenons comme suit.
Merveilleuse matinée !
Temps merveilleux !
Quand les troupes se jetteront dans la mêlée
Des rois tourneront casaque pour s’enfuir.
Des nuques seront brisées.
Le sable deviendra rouge
Quand éclatera la bataille, les sept chefs seront en avant
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De l’armée des Ulates tout autour de Cunocavaros/Conchobar !
Cossénait a mná. Raseiset a n-éite For Gárig & Ilgárig Isin matin sea monairther.
Ils se battront pour leurs femmes,
Ils se battront pour reprendre leurs troupeaux,
À Garech et à Ilgarech, Demain matin !
Et la même nuit encore Dubthach le médisant d’Ulidia prononça donc ces paroles parmi les Irlandais à Slemain en Midé.
Note de la rédaction idem. Encore quatre quatrains d’un lai très difficile à traduire, mais scandé ou rythmé par la répétition du terme gaélique « mora » qui signifie « grand ».
Grand sera le matin,
Ce matin de Midé ;
Grande sera la veillée d’armes,
La veillée d’armes de Cullenn !
Grand sera le combat,
Le combat de Clartha ;
Grands également seront les destriers,
Les destriers d’Assal.
Grand sera le fléau,
Le fléau du peuple de Bregsos/Bress !
Grande sera la tempête,
La tempête guerrière des Ulates autour de Cunocavaros/Conchobar !
Cossénait a mná. Raseiset a n-éite For Gárig & Ilgárig Isin matin sea monairther.
Ils se battront pour leurs femmes,
Ils se battront pour reprendre leurs troupeaux,
À Garech et à Ilgarech,
Demain matin !
Dubthach fut alors réveillé en sursaut et la Nemania sema la confusion sur l’armada de sorte qu’ils firent un vacarme épouvantable avec leurs armes avec leurs pointes de lance et avec leurs glaives, et qu’une centaine d’entre eux mourut de peur sur le champ à l’intérieur même du camp, à cause de l’effroi qu’elle avait suscité. Ce qui est certain c’est que ce ne fut pas la plus paisible des nuits jamais passées par les Irlandais, à cause de toutes ces prophéties et de toutes ces prédictions, tout comme de ces spectres et de ces visions (risin tairchetul & risin tarngiri, risna fúathaib & risna haslingib) qui leur étaient apparus.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 57.
In nem maides ná in muir thráges ná in talam condascara ná. Les anciens druides croyaient eux aussi en une fin possible du monde, ou plus exactement d’un des innombrables mondes se succédant les uns aux autres. Cette formule semble l’évoquer en se référant à une triple image bien connue : un monde du milieu ou terre des hommes pris entre deux autres éléments, les eaux sur lesquelles il flotte en quelque sorte (le monde du dessous : Dumno) et la voûte céleste (ou monde du dessus : Albio).
Une lutte inégale… c’est le moins que l’on puisse dire. Il s’agit certainement du point culminant (avec sa mort tragique crucifié sur le menhir de Muirthemné bien évidemment) de la brève et courte existence de notre héros. Car ce qui est bref chez lui ce n’est pas seulement son existence publique, mais sa vie tout court et ce combat qu’il aura mené lors de l’expédition entreprise pour enlever le bétail de Cualnge sera en quelque sorte son jardin de Gethsémani à lui : seul et abandonné de tous (les disciples ronflent : Luc 22, 39 Matthieu 26, 36, Marc 14,32) devant l’immensité accablante de son destin à savoir se sacrifier pour les siens.
Un bon guerrier moyen. Su-altam signifie en gaélique « le bon-nourricier ». D’Arbois de Jubainville remarque que Sétanta Cuchulainn se retrouve alors au début de ce chapitre dans le même état d’épuisement qu’au début du chapitre XVII. Mais qui va lui venir en aide alors ? Ce ne sera plus le dieu son père naturel, ce sera le simple mortel qui est son père, disons affectif, qui a pris soin de lui pendant son enfance, ainsi que le dit le nom sous lequel ce père adoptif est connu, Sualtam, « le bon nourricier ». Il s’agit en effet cette fois-ci d’aller demander l’intervention du roi Cunocavaros/Conchobar. Il y laissera d’ailleurs sa vie. Ce rôle de messager ne pouvait convenir à un dieu d’après d’Arbois de Jubainville. Ajoutons à cette remarque que selon certaines variantes des manuscrits, Sualtam également était issu du monde des dieux. Il n’empêche que Jubainville a raison, cela confère à notre histoire une touche ou un ressort dramatique de plus, Sualtam étant par rapport à notre héros un peu dans la même position que Joseph vis-à-vis du petit Jésus. Ou alors devons – nous supposer que l’attachant personnage qu’est Sualtam (attachant à raison même de sa modestie)
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a été complètement inventé par des chrétiens désireux de copier en cela ce qu’on savait alors de la biographie de leur héros à eux, le grand rabbi et prophète de la secte juive des Nazaréens appelé Jésus ?? Ambolc. Gaélique Imbolc. Cécile O’Rahilly traduit ce terme par « début du printemps ». Il s’agit en fait du 1er février précisément.
Le Gris de Macha. Un des deux chevaux tractant généralement le char du Hésus Cuchulainn.
Geis. Cécile O’Rahilly traduit ce terme gaélique par tabou. C’est vrai à condition que ce côté négatif ne constitue qu’une moitié de la geis en question qui peut également être une injonction, une obligation de faire, sous peine de voir le malheur s’abattre sur soi. La formulation de la phrase en gaélique en fait une obligation ou un interdit, COLLECTIF, s’appliquant à tous les Ulates. Il pouvait donc y avoir des gessa (pluriel de geis) collectives, mais la plupart du temps cela ne concernait qu’un individu particulier. Nous reviendrons ultérieurement sur la question des geis/gessa car elles jouent un rôle notable en tant qu’auxiliaires du Tocad (ou de la Tocade si l’on veut féminiser le terme), autrement dit en tant qu’auxiliaires du Destin au sens neutre du terme (ni père ni mère).
Interdiction pour le roi de parler avant d’avoir écouté son druide. Il semble apparemment que les druides d’alors jouaient un peu le rôle de conseillers techniques des gouvernants. On dirait aujourd’hui « interdiction au chef de l’État de prendre une décision quelconque avant d’avoir écouté ses ministres ou les membres de son gouvernement. Ce n’était pas encore la démocratie, mais déjà de la sagesse élémentaire. NB. Nous déconseillons formellement aux néo-druides (ça doit être leur geis actuel) de continuer à jouer un tel rôle de conseiller même simplement technique, auprès des princes qui nous gouvernent, que ce soient de vrais monarques (des rois ?) ou des présidents élus (vergobrets). Même à titre privé, même en toute discrétion. Sauf bien entendu si ces princes qui nous gouvernent demandent expressément à savoir ce que pense notre communauté sur tel ou tel sujet. Il faut donc choisir. Ou on se lance dans la politique et on renonce à ses charges druidiques, ou on s’occupe du soin des âmes et on ne fait pas de politique. Il faut savoir rendre à César ce qui est à César et à l’Immortel ce qui est aux Immortels. Y compris en acceptant de se sacrifier pour préserver l’avenir des siens par renonciation à ce genre de combats (après sa spectaculaire reddition César fit étrangler son inestimable victime, à l’âme infiniment plus noble que lui, en -46, dans un cul de basse fosse de la prison Mamertine = le Tullianum). Dion Cassius XLIII, 19, 4 signale sa mise à mort à l’occasion du triomphe. Les circonstances exactes ne sont pas précisées, mais par analogie avec la mort de Simon fils de Giora* décrite par Flavius Josèphe dans sa Guerre des Juifs, on peut en déduire que ce fut par strangulation. Étrangler un prisonnier enchaîné, quelle honte ! N.B. Bien sûr, en cas de régime politique fondé sur l’élection de vergobrets dans de multiples domaines, on a dans ce cas parfaitement le droit de voter pour le candidat de son choix en son âme et conscience, si le vote est bien à bulletin secret.
* Le chef charismatique d’une des dernières révoltes juives contre les Romains selon Bernard LAZARE.
La mort et le trépas rien que ça !? Il a toujours été de coutume partout de manifester un minimum ou un maximum de respect envers la personne des souverains ou des mâles dominants. Cela fait partie de l’éthologie de base. Mais il y a aussi ce que l’on appelle les cas de force majeure. Le droit international les définit comme suit. « L’impossibilité d’agir légalement, toute situation dans laquelle un événement imprévu et extérieur à la volonté de celui qui l’invoque, le met dans l’incapacité absolue de respecter son obligation en vertu du principe selon lequel à l’impossible nul n’est tenu ». Parmi les jugements qui ont reconnu l’applicabilité du concept de force majeure aux relations financières, citons l'« Affaire des indemnités russes » qui opposait la Turquie à la Russie tsariste (la Turquie avait traversé une grave crise financière entre 1889 et 1912 qui l’a rendue incapable d’honorer ses remboursements) : la Cour permanente d’arbitrage a reconnu le bien-fondé de l’argument de force majeure présenté par le gouvernement turc en précisant que « le droit international doit s’adapter aux nécessités politiques ».S’adapter aux nécessités politiques… effectivement. Le contraire est une hérésie suicidaire. Nous ignorons si les anciens druides continentaux étaient aussi obtus, mais enfin si ceux d’Irlande l’ont été à ce point il ne faut guère s’étonner alors… qu’ils aient disparu ! Sans rentrer plus avant dans les détails, notons les principaux critères de définition du cas de force majeure :« l’extériorité, l’imprévisibilité, l’irrésistibilité, l’inévitabilité et le caractère insurmontable ».
Gué des Féné. Sans doute une étymologie fantaisiste de plus. Il existe en fait deux mots ou deux Fén(n)é différents. Le premier terme (féne) désigne les anciens habitants de l’île d’Irlande. Le deuxième (fiann pluriel féinne) désigne le membre d’un fiann ou groupe de guerriers d’élite errants. Mais peu importe, ce qui compte c’est cette curiosité typiquement druidique qui consistait à vouloir trouver une explication à tout en matière de noms de lieux. Mais le résultat laissait alors beaucoup à désirer. À noter. Comme on le voit encore une fois de plus à l’occasion de cet épisode, les femmes
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valaient jadis beaucoup plus cher que les hommes, car on les gardait en général en vie alors qu’on ne s’encombrait nullement des hommes : on les tuait aussitôt.
La harangue est une des figures obligées de tout discours guerrier. À moins bien entendu que dans les cas de Celtchar et Dubthach, il ne s’agisse que d’un cas de somnambulisme ou d’un cauchemar comme semble le penser Joseph Dunn. Un chef harangue ses troupes avant le combat. C’est généralement l’occasion d’un beau morceau de bravoure pour le chroniqueur censé reproduire exactement ces propos, mais de telles harangues sont alors en général soigneusement re-écrites (après coup donc). On le voit bien dans les commentaires sur la guerre des Gaules de César. De nos jours la pratique en est passée dans le monde politique où les hommes politiques ont plutôt la mémoire, disons « très sélective » à propos des rôles qu’ils ont joués dans telle ou telle circonstance. La vérité n’est visiblement qu’une option pour eux, et pas forcément la première, pour ces nouveaux Tartarins de Tarascon ayant essaimé hors de leur Provence* natale. Dans notre récit nous en avons trois au lieu de deux vu la nature assez composite de l’armada irlandaise.
* Notre belle Provence.
Le peuple de Bregsos/Bress. Tuath Bressi. Sans doute un équivalent des gens de la déesse Danu (bia), mais en mauvaise part, Bregsos/Bress était en effet du peuple des vouivres anguipèdes gigantesques appelées Fomorach en Irlande, par son père Elatio. Le peuple de Bress ou Tuatha Bressi ce sont donc les forces qui rivalisent avec les forces du bien représentées par les Tuatha Dé Dannan.
Risin tairchetul & risin tarngiri, risna fúathaib & risna haslingib. Nemania, Nemon, Neman, Nemain. Nom de l’allégorie de la panique pour les druides d’Irlande. Peut-être en rapport avec celui de la Némésis grecque, personnification de la justice immanente (il y a donc là divergence entre druidisme et mythologie grecque puisque la même racine sert à personnifier l’allégorie de la peur panique chez les Celtes et l’allégorie de la justice immanente chez les Grecs). Les phénomènes de panique sont connus depuis longtemps. Les Grecs les attribuaient au grand Pan, mais dans le cas de l’expédition avortée (ou réussie?) sur Delphes, Pausanias et Justin font intervenir le dieu et les déesses du Temple comme facteur explicatif de la panique qui aurait saisi le corps expéditionnaire galate de Brennus.
Justin (livre XXIV, chapitre VIII).
« Les Galates, excités par ces assertions, et quelque peu échauffés aussi par le vin qu’ils avaient bu la veille, se ruèrent au combat sans craindre le moindre danger. Les Delphiens, de leur côté, qui avaient plus confiance en les dieux qu’en leur propre force, résistèrent à l’ennemi avec mépris et, du sommet de la colline, repoussaient les Galates l’escaladant, pour partie avec des rochers, pour partie avec leurs armes. Au plus fort du combat entre les deux armées, les prêtres des temples, aussi bien que les prêtresses elles-mêmes, les cheveux défaits, avec leurs insignes et leurs bandelettes, s’élancèrent en première ligne, tremblants et frénétiques, en s’exclamant que « le dieu allait venir, qu’ils l’avaient vu descendre dans le temple, par le toit entrouvert ; que, alors qu’ils étaient tous en train d’implorer humblement l’aide de la déité, un jeune homme d’une extraordinaire beauté, très au-dessus de celle des mortels, ainsi que deux vierges en armes, venant des temples voisins de Diane et de Minerve, les avaient croisés ; qu’ils ne les avaient pas seulement vus, mais qu’ils avaient aussi entendu le bruit d’un arc et le cliquetis des armes » ; et ils les conjuraient donc avec les plus vives supplications « de ne pas tarder un seul instant, puisque les dieux les guidaient, de semer la mort parmi les ennemis, et de partager leur victoire avec les puissances célestes ». Galvanisés par de telles exhortations, ils se ruèrent donc tous avec impétuosité sur le champ de bataille, où ils sentirent aussitôt la présence de la divinité, car une partie de la montagne, ébranlée par un tremblement de terre, écrasa une armée de Galates ; quelques-uns des plus gros bataillons ennemis furent dispersés, couverts de blessures, et tombèrent à terre. Ensuite une tempête souffla, qui acheva sous les coups de la grêle et du froid ceux qui étaient déjà blessés grièvement ».
Pausanias (livre X, Phocide, chapitre XXIII).
« Brennus, sans tarder un seul instant, se mit en route pour Delphes, sans attendre que le gros des troupes placé sous le commandement d’Akikorios ne les rejoigne. Les Delphiens terrorisés se réfugièrent auprès de l’oracle. Le dieu entreprit de les rassurer, leur promit qu’il défendrait lui-même, en personne, ce qui était à lui… Brennus et les siens se retrouvaient dorénavant face aux Hellènes rassemblés à Delphes, et aussitôt des signes ne présageant rien de bon pour les Barbares furent envoyés par le dieu, les plus clairs jamais connus dans l’Histoire. Le sol occupé par l’armée galate fut violemment secoué par des séismes, pendant la plus grande partie de la journée, soumis continuellement au tonnerre et à la foudre. Le tonnerre terrifiait les Galates et les empêchait d’entendre les ordres de leurs propres chefs, pendant que la foudre céleste brûlait non seulement ceux qui étaient frappés par elle, mais aussi leurs voisins, tout comme leurs cuirasses. Ensuite il y eut apparition des fantômes de héros comme Hyperochos, Laodocos et Pyrrhos ; selon certains il y en eut
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même un quatrième, Phylacos, un héros du pays des Delphiens… Ce fut à la nuit tombante que la confusion s’installa. Au début seuls quelques-uns d’entre eux devinrent fous : ils s’imaginaient entendre un piétinement de chevaux lancés au galop, et des ennemis se ruant à l’attaque sur eux, mais au bout de quelque temps cette illusion se répandit aussi chez tous les autres. Se ruant sur leurs armes, ils se divisèrent alors en deux partis, tuant ou étant tués, ne comprenant plus leur propre langue et ne reconnaissant plus les uns les autres la forme de leurs boucliers nationaux. Les deux partis pareillement, sous l’effet de cette illusion, pensaient que leurs adversaires étaient des Hellènes, hommes et armements, et que la langue qu’ils parlaient entre eux était celle de l’Hellade ; les Galates s’entr’égorgèrent donc en masse à cause de cette folie due au dieu… »
QUESTION MAINTENANT : QUI DES DEUX AUTEURS GRECS OU DU CLERC IRLANDAIS PARLANT DE LA DÉESSE DE LA PANIQUE EST LE PLUS CRÉDIBLE ?
La peur est une émotion nécessaire à la survie : elle nous informe d’un danger. Elle nous permet ainsi de nous préparer à faire face à ce qui nous menace. C'est d’ailleurs pourquoi il est rigoureusement incompréhensible de voir tant d’intellectuels d’hommes politiques ou de gens de médias dans notre pays, faire de la peur un élément de disqualification de certaines idées politiques (celles qu’ils n’aiment guère ?) à moins qu’ils ne veuillent dire par là qu’ils estiment les peurs en question… INFONDÉES ! Mais si c’est bien le cas, si ce n’est pas seulement un moyen pour eux de disqualifier certaines idées sans être obligé d’en débattre, ALORS QU’ILS EXPLIQUENT CLAIREMENT AUX BÉOTIENS QUE NOUS SOMMES POURQUOI CES PEURS SONT DÉNUÉES DE TOUT FONDEMENT (selon eux).
Si je vois un gros ordinateur tomber droit sur moi du vingtième étage et que je n’ai pas peur, que je ne fais rien pour m’éloigner au plus vite de son point de chute supposé, alors je suis très mal et l’on peut bien dire que ça va mal finir (pour moi) sauf à être saint Martin devant l’arbre sacré (qu’il veut faire abattre évidemment).
Prenons un autre exemple de peur, la peur de vieillir. Première interrogation tout d’abord : le phénomène dit du vieillissement matériel ou biologique existe-t-il ? Réponse oui. Deuxième question découlant immédiatement de ce phénomène : peut-on lutter contre ce phénomène ? Réponse oui. Dans une certaine mesure, on peut en retarder les effets. Troisième question maintenant ; « faut-il lutter jusqu’au bout de toutes ses forces et dans tous les domaines contre ce phénomène du vieillissement ? Réponse de nos amis intellectuels journalistes ou hommes politiques… Réponse de Pierre de La Crau : « oui, il faut lutter contre ce phénomène, mais avec bon sens et philosophie. Faire de l’exercice et manger sainement constitue d’ailleurs un des meilleurs moyens pour. Avoir des enfants à élever personnellement est également un moyen de rester jeune dans sa tête. Mais il faut savoir aussi accepter son âge. En résumé il ne faut pas nier la réalité du phénomène, il ne faut pas non plus être obsédé ou esclave des moyens à mettre en œuvre pour le retarder le plus possible (ne parlons même pas de l’inverser).
Bref, avoir peur est donc normal, strictement normal, c’est élémentaire. Moi par exemple j’ai peur de l’Inquisition, des chasses aux sorcières, du Nazisme et des goulags de type stalinien. Ce sont quelques-unes de mes plus grandes phobies, et je crains le renouvellement sous d’autres noms de tels totalitarismes. Or j’estime qu’avoir peur d’une nouvelle Inquisition ou d’un nouveau nazisme ou d’un nouveau Stalinisme est une bonne chose, que c’est de ma part un signe de bonne santé psychologique. Et vous qui fondez tout votre engagement politique sur la crainte d’un retour de tels crimes de masse justement, vous n’allez quand même pas me dire que j’ai tort ???
Se proposer ou offrir de faire disparaître la cause de ces peurs (que ce soit celle du déclassement ou d’une guerre), à tout le moins de la rendre inopérante, de la désamorcer, de la neutraliser, bref en quelque sorte de vacciner contre elle, est donc en soi parfaitement légitime, c’est même la moitié de la vocation des politiques nécessaires à la cohésion d’un groupe et à la vie d’une démocratie (l’autre versant étant de faire rêver). Ou alors je n’ai rien compris à ce qu’est la démocratie (chacun sait que les meilleurs des régimes politiques sont les despotismes ou les oligarchies éclairées, les nouvelles aristocraties quoi !)
Tenir en ce cas au contraire un discours du type « n’aie pas peur, ne bouge pas, il ne t’arrivera rien » est rendre un bien mauvais service au quidam concerné, sauf bien entendu encore une fois répétons-le, à être animé d’une foi en Dieu digne du plus intrépide des saints Martin. Mais comme on dit dans ma famille (oui ma mère s’appelait ainsi étant jeune fille) il y a plus d’un âne qui s’appelle Martin. Aucun honnête homme ne peut donc prétendre qu’avoir peur est en soi ou dans l’absolu quelque chose de moralement répréhensible et dont il ne faudrait jamais s’occuper. Tout dépend des objets de cette peur. Si ma peur est par exemple de voir de nouveau les sirènes hanter nos océans, vous êtes en droit de m’expliquer que ma peur ainsi définie ne repose sur aucun fondement. La peur panique
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vue maintenant par nos frères ennemis les psychologues ou psychiatres (les druides d’aujourd’hui spécialisés dans ce domaine). La panique au contraire, elle, est nuisible. Elle empêche de s’occuper plus efficacement de l’objet de la peur, car elle nous détourne de la situation devant laquelle nous pourrions faire quelque chose. Comme la peur, la panique est une émotion d’anticipation. Mais dans la panique, contrairement à la peur, le contact avec la réalité dangereuse est coupé. Au lieu de faire face au danger, on imagine des événements et des scénarios catastrophiques. Il n’est alors plus possible de composer adéquatement avec la situation que l’on craint, car elle est trop éloignée de la réalité. Une imagination ainsi débridée peut mener à un affolement complet en quelques secondes. Une fois de la sorte amorcée, la panique s’alimente d’elle-même. La peur originale provoque une série d’anticipations. Celles-ci, à leur tour, génèrent de la peur qui entraîne d’autres anticipations. Ces dernières augmentent la panique, et ainsi de suite. La panique déclenche différents phénomènes physiques et physiologiques. La respiration est perturbée. Elle est retenue, devient courte et saccadée. Dans d’autres cas, l’énervement conduit à l’hyperventilation. L’agitation émotionnelle entraîne aussi l’augmentation du rythme cardiaque, provoquant parfois des palpitations. Ces réactions suscitent divers malaises physiques qui, eux aussi, alimentent la panique.
Les druides antiques personnifiaient ce phénomène sous le nom de Nemania et devaient décrire cette allégorie un peu comme Justin et Pausanias parlant des Galates à Delphes en -279. La déesse ou démone de la panique survolait le champ de bataille voire tel ou tel camp et y semait la panique. Ou du moins y avait-il concomitance, remarquaient-ils, entre l’incontestable panique qui se développait aux yeux de tous et divers phénomènes étranges (qu’ils attribuaient donc à une mystérieuse entité qu’ils appelaient Nemania).
Les tenants de la monolâtrie juive chrétienne ou musulmane ont l’outrecuidance de faire intervenir directement dans nos misérables petites affaires humaines la Loi des mondes ou l’être supérieur qu’ils appellent Dieu. Dieu écarte les nuages et appelle de sa grosse voix « Ève, viens ici, qu’as-tu encore fait ?? Vous êtes virés de votre emploi de jardinier » ! NB. Alors s’il y en a un qui a dû paniquer à ce moment-là ce dut bien être Adam !
Les anciens druides, eux, ne faisaient pas intervenir ainsi directement dans les affaires humaines leur Dieu supérieur, mais se servaient pour cela d’entités intermédiaires situées beaucoup plus bas dans l’échelle ontologique comme Nemania. Semblable modestie leur semblait peut-être plus en phase avec la condition humaine.
La Nemain qui survole le champ de bataille comme un vampire à la Nosferatu devait donc faire partie des figures de style imposées des grands bardes gaéliques du Moyen-âge, qui n’en étaient pas moins des chrétiens catholiques convaincus, ne croyant plus du tout, ainsi que d’ailleurs certains ont cru bon de le préciser à plusieurs reprises, à l’existence réelle de ces entités. Le Diable les démons et leurs suppôts, oui, les phénomènes de panique personnifiés sous le nom de Nemania, non ! Conclusion pratique. On peut trouver ici ou là dans la littérature irlandaise de l’époque de véritables pépites de paganisme presque pur, infiniment plus que dans la littérature galloise de la même époque effectivement, mais il ne faut pas se leurrer pour autant ; le massacre a été général, le vandalisme total, et en dehors de ces quelques perles il ne reste rien, ou du moins pas suffisamment pour nous aider à reconstruire cette Atlantide à jamais engloutie que fut la pensée druidique antique. Il est donc plus que jamais nécessaire, pour faire ressurgir des eaux pierre par pierre ce vaste continent de la pensée humaine englouti, de nous plonger dans tout ce qui peut nous rester comme témoignage à ce sujet dans la documentation continentale. L’épopée irlandaise n’est donc qu’un épiphénomène, sauf à la comparer systématiquement avec les données continentales que nous avons. Alors cela devient effectivement éclairant. Pour le reste désolé, pour nos frères et sœurs irlandais !
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Chapitre XXV.
Ci-dessous le départ des troupes en grand arroi.
Ensuite Ailill déclara : J’ai réussi à dévaster le pays des Ulates et le pays des Pictes, depuis le premier jour de la lune après Samon (is) jusqu’à Ambolc (imbuilg). Nous avons enlevé les femmes de leur peuple, leurs fils et leurs enfants, leurs chevaux et leurs coursiers, leurs troupeaux leurs hardes et leur bétail. Nous avons nivelé les collines derrière nous en les transformant ainsi en pays plat et uni. Aussi ne vais-je pas les attendre plus longtemps, mais qu’ils me livrent bataille dans la plaine d’Ae si ça leur plaît. Ceci dit, que quelqu’un aille en reconnaissance dans la grande plaine de Midé pour voir si les Ulates viennent ici, et si c’est le cas, je ne reculerai en aucun cas, car ce n’est pas une bonne habitude pour un roi que de battre en retraite. Qui devra y aller ? demandèrent-ils tous. Qui, mais Mac Roth le roi des messagers que voilà.
Mac Roth s’en alla donc en reconnaissance dans la grande plaine de Midé. Il n’était pas là depuis longtemps qu’il entendit un bruit sourd un grand tumulte et une clameur. Il lui sembla que le ciel s’écrasait à la surface du sol, ou que la mer aux franges bleues venait avec tous ses poissons recouvrir les vertes plaines du monde, ou que la terre s’ouvrait sous ses pieds en un gigantesque tremblement, ou que les arbres de la forêt s’effondraient les uns sur les autres (nglaccaib & gablaib & géscaib araile) branche maîtresse ramification ou rameau mêlés. Et les bêtes sauvages fuyaient en si grand nombre que la verte plaine de Midé avait disparu sous leur nombre.
Mac Roth revint faire son rapport à l’endroit où se tenait Ailill avec Maeve et Fergus ainsi que les plus nobles des Irlandais. Il leur fit part de cette nouvelle. Qu’était-ce donc que cela Fergus ? demanda donc Ailill. Ni ansa ! Ce n’est pas difficile à dire répondit Fergus. Le bruit la clameur et le tumulte qu’il a entendus, le vacarme le tonnerre et le tintamarre, ce sont les Ulates attaquant le bois, la multitude des champions et des guerriers coupant les arbres avec leurs épées devant leurs chariots. C’est cela qui a chassé les bêtes sauvages dans la prairie de sorte que la verte plaine entière de Midé a disparu sous eux.
Mac Roth partit une fois de plus examiner la plaine. Il vit une grande brume grise qui emplissait tout l’espace situé entre ciel et terre. Il lui sembla voir des îles sur des lacs de vallée ainsi que des sommets de collines ou de tertres funéraires émergeant des vallées de ce gigantesque brouillard. Il lui sembla voir des cavernes béantes à l’avant du nuage lui-même. Il crut distinguer du linge tout blanc ou des flocons de neige immaculée au travers d’une trouée déchirant cette même brume. Il lui sembla voir une nuée d’oiseaux divers, merveilleux, innombrables, ou la clarté d’étoiles brillant une froide et lumineuse nuit d’hiver, ou les étincelles d’un feu d’enfer. Il entendit du bruit et un grand tumulte, un vacarme épouvantable, une gigantesque clameur et un grand tintamarre. Il revint pour raconter tout ceci à l’endroit où se tenaient Ailill et Maeve ainsi que Fergus et les plus grands nobles irlandais et il leur fit son rapport.
Qu’est-ce que c’était que ça ? Fergus, demanda donc Ailill. Ni ansa ! Ce n’est pas difficile à dire, répondit Fergus. La brume grise qu’il a vue et qui remplit tout l’espace entre la terre et le ciel c’était la respiration ou l’haleine des chevaux et des hommes, et aussi le nuage de poussière qui s’élève du sol et des chemins derrière eux et que le vent agite, de sorte que tout cela constitue une lourde brume grise qui monte en l’air jusqu’aux nuages. Les îles sur les lacs qu’il a vues, et les sommets de collines ou de tertres funéraires émergeant des vallées de ce brouillard, c’étaient les têtes des grands héros ou des guerriers sur leurs chars ainsi que les chars eux-mêmes. Les cavernes béantes qu’il a vues à l’avant de ce même brouillard ce sont les bouches et les narines des chevaux et des grands héros súgud gréne & gaíthe, inspirant et respirant l’air jusqu’au ciel ??? à cause de la vitesse et de la marche forcée de cette armée. Le linge tout blanc qu’il a vu ou la neige immaculée qui tombait c’était l’écume et la mousse que les mors des brides font jaillir de la bouche des puissants et solides coursiers vu la sauvage ruée de cette armée. La nuée d’oiseaux divers, merveilleux, innombrables,
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qu’il a vue, c’était les projections de poussière et les mottes de terre que les chevaux arrachaient avec leurs sabots puis faisaient voler derrière eux et dont le vent les enveloppait. Le bruit et le tumulte, le vacarme et le bruit de tonnerre, l’immense clameur et les cris assourdissants qu’il a entendus c’était le raclement des boucliers les uns contre les autres le heurt des lances le puissant cliquetis des épées, le choc des casques, le craquement des cuirasses, le frottement des armes les unes contre les autres, le bruit des moulinets qu’ils faisaient avec leurs armes, le grincement des cordages, le crissement des roues, le martèlement des sabots des chevaux et le craquement des chars ainsi que la tromchoblach la puissante voix grave ?? des grands héros et des guerriers qui viennent vers nous à toute allure. La clarté d’étoiles brillant une froide et lumineuse nuit d’hiver qu’il a vue, les étincelles de feux d’enfer, ce sont les regards effrayants et féroces des guerriers ainsi que des grands héros sortant de leurs magnifiques casques décorés, à la forme élégante, ces regards pleins de fureur et de colère avec lesquels ils viennent, personne jusqu’ici n’en a jamais triomphé que ce soit en combat loyal ou avec l’avantage du nombre et personne n’en triomphera.
De tout cela nous faisons bien peu de cas, répondit Maeve. Il ne manquera pas de bons guerriers ainsi que de bons soldats à leur opposer parmi nous. À ta place je ne compterais pas trop là-dessus, Maeve, répondit Fergus, car je te jure sur mon épée que tu ne trouveras ni en Irlande ni en Alpa une armée qui puisse affronter les Ulates une fois qu’ils sont entrés en transe guerrière.
Chacune des armées réunies des quatre grandes provinces d’Irlande installa ensuite son camp à Cláthra cette nuit-là. Ils laissèrent des hommes en armes pour monter la garde et faire le guet à cause des Ulates de peur qu’ils ne viennent les attaquer à l’improviste.
Cunocavaros/Conchobar et Celtchar s’avancèrent alors avec trente centaines de guerriers à char et de lances de javelots et ils firent halte à Slemain en Midé juste derrière l’armée irlandaise. Mais bien que nous ayons dit « firent halte », ils ne s’arrêtèrent pas là pour toute la nuit, mais s’avancèrent en fait jusqu’au camp de Maeve et d’Ailill afin d’essayer d’être les premiers à faire couler le sang.
Mac Roth n’eut pas longtemps à patienter et il aperçut très vite quelque chose : une grande et nombreuse troupe de guerriers à char venant du nord-est tout droit sur Slemain en Midé. Il regagna l’endroit où Ailill et Maeve ainsi que Fergus et les plus grands nobles irlandais se tenaient. Ailill lui demanda des nouvelles dès qu’il fut arrivé. Bien maintenant Mac Roth, dit Ailill, as-tu vu des Ulates sur les traces de notre armée aujourd’hui ? Je ne sais pas en réalité, répondit Mac Roth, mais j’ai vu derrière nous une grande et nombreuse troupe de guerriers à char allant droit sur Slemain en Midé en venant du nord-est. Combien étaient ces guerriers à char ? Pas plus de trente centaines de guerriers à char me semble-t-il, avec des lances, répondit Mac Roth. Bien, Fergus, reprit Ailill, pourquoi essayais-tu donc de nous faire peur à l’instant avec toute cette histoire de poussière de fumée ou de halètement d’une immense armée alors que ce sont là toutes les forces armées que vous pouvez nous opposer ?
Il est un peu trop tôt pour les prendre à la légère, répliqua Fergus, cette troupe est peut-être plus nombreuse que Mac Roth ne le dit. Élaborons rapidement un bon plan à ce sujet, intervint Maeve, car on sait que va nous attaquer cette grosse et féroce brute qu’est Cunocavaros/Conchobar fils de Fachtna Fathach fils de Ross Ruad fils de Rudraige, haut-roi des Ulates et fils du roi des rois d’Irlande. Que nos Irlandais forment un cercle devant Cunocavaros/Conchobar, mais avec une ouverture juste devant lui et qu’une force de trois mille hommes le referme derrière lui. Qu’ils soient ensuite faits prisonniers, mais non tués, car leur nombre n’excède pas celui des prisonniers dont nous avons besoin.
Ce fut là un des trois propos les plus moqueurs ou méprisants de l’Enlèvement des vaches de Cualnge, suggérer que Cunocavaros puisse être capturé vivant et que les trente centaines de princes d’Ulidia qui l’accompagnaient puissent être faits prisonniers. Cormac l’Exilé le fils de Cunocavaros/Conchobar, avait tout entendu et il pensa que s’il ne se vengeait pas immédiatement sur Maeve pour d’un discours aussi arrogant [à propos de son père], alors il ne le ferait jamais…[suit la formule rituelle sur la fin du monde païenne ? et le jugement dernier, assurément chrétien, lui !]
Cormac l’Exilé se leva donc avec ses forces qui s’élevaient à trente centaines d’hommes pour livrer bataille et affronter Ailill et Maeve. Face à lui se levèrent donc Ailill et ses trente centaines d’hommes, ainsi que Maeve et ses trente centaines d’hommes. Les Mané se levèrent avec leurs trente centaines d’hommes ainsi que les fils de Magach avec leurs trente centaines. Les Gaulois les gens du Munster et ceux de Tara se levèrent aussi [prêts à en découdre]. On sépara les combattants et tous s’assirent de nouveau les uns à côté des autres leurs armes à portée de main. Maeve disposa néanmoins des guerriers en un arc de cercle s’ouvrant devant Cunocavaros/Conchobar avec une force de trente centaines d’hommes pour le refermer derrière lui. Cunocavaros/Cunocavaros arriva sur le dispositif et ne chercha nullement un moyen d’y pénétrer, mais y creusa une brèche ayant la largeur d’un des soldats qui lui faisaient face les yeux dans les yeux, puis fit une brèche ayant la largeur d’une centaine d’hommes sur sa droite ainsi qu’une autre également large d’une centaine d’hommes à sa gauche,
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ensuite en tournant tout autour de lui alors il sema la confusion dans leur multitude et tua de sa main huit centaines de leurs vaillants guerriers. Ensuite il se retira sain et sauf et partit bivouaquer à Slemain en Midé en attendant les autres Ulates.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 58.
Un grand tumulte. On retrouve, mais dans un ordre différent la formule du serment prononcé plus haut par le roi Cunocavaros/Conchobar, à ceci près que vient s’y ajouter le thème de la forêt qui s’écroule, passablement énigmatique d’ailleurs. Les chroniques romaines nous ont gardé la trace d’une bataille historique similaire, livrée en – 234 contre les Celtes d’Italie du Nord et plus précisément des Boïens. Mais des doutes subsistent sur l’historicité de ce fait d’armes au sens large du terme (en fait d’armes ce fut la forêt qui écrasa littéralement les Romains). C’est beau comme du Shakespeare (Macbeth acte V, scènes 4 et 5). Le compte-rendu de la deuxième reconnaissance effectuée prouve qu’il s’agit là incontestablement sous cette forme précise du moins, d’un fait strictement non historique (bouches et narines = cavernes, etc.) on ne peut pas prendre cela au pied de la lettre. Comme dit ma fille, ça fait un peu comme l’histoire marseillaise de la sardine qui a bouché l’entrée du port. En omettant soigneusement de préciser que « Sartine » était le nom d’une frégate coulée en 1780 dans le chenal d’accès par les Anglais. Le tumultus gallicus est par contre une tactique militaire connue, c’est l’attaque en caterva, une furia typiquement francese analogue à celle des clans lors de la bataille de Culloden (et là malheureusement pour eux et pour nous, ladite* furia francese ne leur a pas porté chance). Quant à la fuite éperdue des animaux de la forêt devant les Ulates on dirait un film de Walt Disney que l’on pourrait intituler : « les animaux de la forêt de Midé ».
* Dite en italien.
Casques et cuirasses. Le grand spécialiste français qu’est d’Arbois de Jubainville signale qu’il s’agit là d’un ajout relativement récent. Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire humblement et avec tout le respect qui lui est dû, tel n’est pas notre avis. Tout dépend de la forme du casque et de la cuirasse. Les casques nos ancêtres n’en manquaient pas (voir par exemple le fameux casque trouvé à Ciumesti en Roumanie) quant aux protections pour la poitrine ils avaient même inventé la cotte de mailles, alors ?
Alpain. Nous préférons ne pas traduire le terme gaélique Alpain par Alba, car nous nous demandons bien s’il désigne vraiment la Grande-Bretagne et/ou l’Écosse (Alba) et pas les Alpes. Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le remarquer, la géographie de nos clercs, laisse parfois plus qu’à désirer (Égypte Scythie, etc. Alors pourquoi pas les Alpes ?) Confusion entretenue par la proximité phonétique (comme dans le cas de Féne et Féinne, les anciens habitants d’Irlande ou les Fianna). Ce qui est certain également c’est que c’est bien dans les Alpes (Sleib Elpa etc …) que Mog Ruith s’éborgne en tuant un veau et non en Albion ou en Écosse. Il est associé en l’occurrence au grand philosophe juif que fut Simon de Samarie (premier siècle de notre ère), mais vu la sous-culture pétrie de haines recuites qui régnait alors dans le christianisme du Moyen-âge, ce n’était pas un compliment.
Trente centaines de chars avec des lances, répondit Mac Roth. Soit autant que Ramsès et Mouwatalli II lors de la bataille de Qadesh quand même (ce qui est par conséquent invraisemblable) ; trois cents chars seraient déjà beaucoup.
Avec une ouverture juste devant lui. Le piège est évidemment moins subtil que celui tendu aux Romains par Hannibal lors de la bataille de Cannes*, mais Cunocavaros/Conchobar l’évitera sans même s’en rendre compte et en réchappera, vu les dissensions qui minent l’unité d’action de l’armada irlandaise (il y a aussi en effet des Ulates dans ses rangs, y compris son propre fils).
* Le 2 août -216 à Cannes Hannibal qui avait moitié moins d’hommes avait habilement placé en pointe au centre de son dispositif les Celtibères et les Celtes qui faisaient cause commune avec lui contre les Romains, escomptant bien que, conformément à leur réputation, après un fougueux premier assaut (la fameuse furia francese : 30 000 hommes bien encadrés et même équipés de cottes de mailles) ils commenceraient à fatiguer rapidement. Ce qui se produisit après que les premiers rangs romains eurent été décimés par les frondeurs baléares. Après une spectaculaire percée les troupes celtes reculèrent peu à peu (4500 morts), les Romains en face d’eux avancèrent d’autant, et finirent par se retrouver sans s’en rendre compte presque encerclés par les ailes du dispositif conçu par Hannibal (qui avait pris soin de bien y placer ses meilleurs éléments : l’infanterie lourde africaine), mais bloqués par les Celtes se battant farouchement et pied à pied. On connaît la suite. Malgré sa victoire écrasante (la cavalerie lourde celte ibère et numide n’ayant fait qu’une bouchée de la cavalerie romaine qui lui faisait face avant de prendre à revers les légions déjà encerclées de trois côtés : résultat environ 50 000 morts, les quatre cinquièmes de l’armée romaine, pris d’abord en tenaille ensuite comme dans une nasse), Hannibal n’osa pas rééditer l’exploit de Brennus et prendre Rome. La face du monde en eut été changée ! D’un autre côté ce désastre sanglant expliquera ensuite l’acharnement que mettra Rome à raser Carthage et ce fut donc Hannibal qui perdit la guerre (car on
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peut gagner une bataille et perdre une guerre comme l’ont fait les Français avec la bataille d’Alger en 1957).
Haut-roi, roi des rois. Il nous a semblé utile ici en ce qui concerne la traduction de distinguer deux types de « ard-ri ». Le ard-ri de toute l’Irlande, que nous désignons donc sous l’appellation de « roi des rois » (chahanchah dirait–on en persan ou farsi) et le ard-ri d’une des cinq provinces traditionnelles d’Irlande, au sens territorial du terme.
Gaulois. Nous traduisons ainsi le terme gaélique Galeoin. L’armada irlandaise est en effet très désunie. Elle est dès le départ hétéroclite et composée d’éléments divers où les gens du Connaught sont en minorité. Il y a même des guerriers ulates qui ont quitté leur terre natale suite à une guerre civile, dont le propre fils du roi en titre et l’ancien roi d’Ulidia lui-même, ainsi que des mercenaires étrangers plutôt dans le camp des Ulates si nous avons bien compris, nos fameux ancêtres les Gaulois (ils ont bien dû avoir eux aussi des enfants et de la descendance en Irlande, non ???). Bref, au sein de l’armada irlandaise il y a toujours un parti de l’étranger qui paralyse constamment les quatre provinces d’Irlande. Est-ce à l’occasion de son bref séjour à Heron Cove, près de Sneem dans le Kerry, que l’illustre (cead mile failte à lui) descendant des Mac Cartan * élabora son fameux concept politique (qui a fait couler beaucoup d’encre depuis) de « parti de l’étranger », allez savoir ! Ce qui est certain c’est qu’avoir en son sein donc un parti xénophile jouant un peu les Bricriu n’a pas facilité les choses à la coalition irlandaise. Et ne facilite jamais les choses à personne d’ailleurs.* Mon père me dit qu’il veut parler du général fasciste d’extrême droite appelé de Gaulle.
Maeve disposa néanmoins des guerriers en un arc de cercle s’ouvrant devant, etc. Il est assez difficile de comprendre la syntaxe gaélique de ce passage. Il y a en effet une alternative : soit Cunocavaros/Conchobar fonce tête baissée dans le piège comme un taureau se retrouvant dans l’arène lors des festivités de la saint Firmin dans la Pampelune d’Hemingway (en Espagne), mais s’en sort comme Ramsès II à Qadesh : en cognant dur et comme une brute épaisse dans un choc frontal (c’est comme ça que le voit la reine Maeve) pour ressortir par l’autre côté, celui situé en face ; soit il ne pénètre même pas dans la nasse qu’on a tendue devant lui, mais s’en prend directement à la nasse en question c’est-à-dire aux premiers soldats de la coalition adverse qu’il aperçoit puis se retire après en avoir fait un carnage. Suivant les auteurs on privilégie telle ou telle possibilité de l’alternative en question.
Le défilé de Slemain en Midé (l’arrivée des troupes en grand arroi).
Eh bien, ô vous mes Irlandais, dit Ailil, qu’un des nôtres aille en reconnaissance sur la grande plaine de Midé voir en quel arroi ou équipage les Ulates arrivent à la colline de Slemain et nous décrive leurs armes et leur équipement, leurs héros et simples soldats ainsi que de leurs champions ou de leurs gens du commun. L’écouter sera des plus agréables pour nous alors. Qui donc doit y aller ? demandèrent-ils tous ? Qui ? Mais Mac Roth le roi de nos coureurs, répondit Ailill. Mac Roth s’en alla donc là-bas et se posta sur Slemain en Midé afin d’y attendre les Ulates. Les Ulates commencèrent d’arriver sur cette colline et continuèrent d’y affluer depuis les premières lueurs de l’aube le matin de bonne heure co tráth funid na nóna jusqu’au coucher du soleil. Durant tout ce temps-là aucun pouce de terrain ne resta inoccupé, chaque division autour de son roi, chaque bataillon autour de son chef (toesech), chaque roi chaque chef (toisech) et chaque seigneur avec le maximum de ses forces à lui ainsi que toute son armée, a thinóil & a thóchostail, bref du ban et de l’arrière-ban.
Mac Roth regagna l’endroit où se trouvaient Ailill et Maeve ainsi que Fergus et tous les plus grands nobles irlandais afin de leur rendre compte de l’arrivée de la première troupe. Ailill et Maeve lui demandèrent des nouvelles dès son arrivée. Bien, maintenant, ô Mac Roth, dit Ailill, à quoi ressemblent les Ulates qui sont arrivés à la colline de Slemain en Midé ?
Tout ce que je sais, répondit Mac Roth, c’est qu’il est arrivé une féroce puissante et très belle troupe sur cette colline de Slemain en Midé. Il m’a semblé en y regardant ben qu’elle était forte de trente centaines d’hommes. Ils ont jeté leurs vêtements et ils ont édifié une butte à l’aide de mottes de terre pour leur chef. Un guerrier mince, très grand, à la stature immense et à la mine fière, en tête de leur troupe. Il semblait être le plus beau prince de ce monde au milieu de ses troupes, eter urud & gráin & báig & chostud pour ce qui est de l’effroi ou de l’horreur qu’il inspire, la bagarre et les batailles. Il avait de beaux cheveux blonds, bouclés, bien coiffés, ondulés, coupés courts. Son visage était avenant et vermeil. Des yeux d’un gris-bleu ardent, féroces et inspirant la terreur. Une barbe à deux pointes, blonde et bouclée, sur le menton. Il était drapé dans un manteau pourpre à frange, faisant cinq plis,
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avec une broche en or dessus à hauteur de la poitrine. Il portait à même belle peau blanche une chemise à capuchon d’un blanc immaculé brodé d’or rouge. Il avait un bouclier blanc décoré de figures animales en or rouge. Dans une de ses mains, il tenait une épée ouvragée à poignée d’or, dans l’autre un javelot à large pointe grise (bleu-vert). Ce guerrier a pris position au sommet de la colline, tous le rejoignirent là et sa compagnie prit place autour de lui.
Il est venu aussi une autre troupe à cette même colline de Slemain en Midé, déclara Mac Roth. Elle est de presque trente centaines d’hommes. Il y a un bel homme à la tête de cette compagnie. Il a de beaux cheveux blonds. Une large barbe frisée sur le menton. Un manteau vert l’enveloppe. Une broche d’argent pur sur le manteau à la hauteur de la poitrine. Une tunique de guerre de couleur brun rouge avec broderie d’or rouge à même sa belle peau blanche lui descendait jusqu’aux genoux. Il avait un javelot semblable à un flambeau de palais royal à la main, go féthanaib argait & co fonascaib óir avec des bandes d’argent et des anneaux d’or. Extraordinaires sont les moulinets ou les mouvements effectués par ce javelot dans la main de son maître. Immireithet impe na féthana argit sechna fonascaib óir cachla céin ó erlond gó indsma. In céind aill dano it íat na fonasca óir immireithet sechna féthanaib argit ó indsma gó hirill. Les bandes d’argent s’enroulent… [voir contre-lai ci-dessous, car nous renonçons à traduire]… Il avait un bouclier d’assaut à la bordure dentelée. Sur son flanc gauche une épée à garde d’ivoire incrustée de fils d’or. Ce guerrier s’est assis à la gauche de l’homme qui était arrivé le premier sur la colline et sa troupe s’est assise tout autour de lui. Dire qu’ils se sont assis n’est d’ailleurs pas le mot qui convient, car ils n’ont mis qu’un genou à terre et leur menton repose sur leur bouclier tellement ils brûlent de nous affronter. Par contre il m’a semblé que le grand et féroce guerrier qui conduisait cette troupe bégayait beaucoup.
Il est arrivé une autre troupe à cette colline de Slemain en Midé dit Mac Roth. C’étaient presque les mêmes que les précédents pour ce qui est du nombre de l’apparence et de l’équipement. Un beau guerrier à la tête large était à l’avant-garde de cette compagnie. Massif, les cheveux châtains. Des yeux ardents et vifs, de couleur bleu sombre. Une large barbe très bouclée, avec deux longues pointes, sur le menton. Un manteau à frange gris sombre l’enveloppait. Une broche en forme de feuille de bronze blanc sur le manteau à hauteur de la poitrine. Une chemise à capuchon blanc immaculé à même la peau. Il portait un bouclier blanc avec des ornements animaliers en argent. Il avait une épée à pommeau rond en argent blanc brillant dans un fourreau de guerre à la taille. Un [javelot gros comme un] pilier de château sur le dos ? Ce guerrier s’est assis sur le monticule de mottes de terre devant le guerrier qui était arrivé le premier à la colline et sa troupe a pris position tout autour de lui. Mais le ton mélodieux de sa voix et de ses paroles était plus doux me semble-t-il que le son d’une harpe d’enfant (mendchrott) dans les mains d’un grand maître quand il adressait la parole au guerrier qui était arrivé le premier à la colline et lui prodiguait ses conseils.
De qui s’agit-il ? demanda donc Ailill à Fergus. Nous savons qui c’est bien sûr, répondit Fergus. Le premier guerrier pour qui on a érigé un monticule de mottes de terre au sommet de la colline jusqu’à ce qu’ils soient tous arrivés c’était Cunocavaros/Conchobar fils de Fachtna Fathach fils de Ross Ruad fils de Rudraige, le haut-roi des Ulates et le fils du roi des rois (ard-ri) d’Irlande. Le grand héros qui bégaye et qui a pris position à la gauche de Cunocavaros/Conchobar c’était Cuscraid le bègue de Macha, le fils de Cunocavaros/Conchobar, avec les fils des princes d’Ulidia tout autour de lui ainsi que les fils des rois d’Irlande qui sont avec lui. Le javelot avec des bandes d’argent et des anneaux d’or que Mac Roth a vu dans sa main est appelé la torche de Cuscraid. L’habitude avec ce javelot-là c’est que les bandes d’argent et les galons d’or autour ne virevoltent qu’avant une victoire (avant qu’il n’atteigne son but ?) et jamais avant, on peut donc penser qu’ils viennent de s’agiter parce qu’une victoire est proche pour eux.
Le beau guerrier à large tête qui s’est assis sur le tertre [construit en mottes de gazon] devant le guerrier qui est arrivé le premier sur la colline c’était Sencha fils d’Ailill fils de Maelchlo, le président (so-irlabraid) des assemblées ulates, l’homme qui apporte la paix aux armées de la verte Erin. Mais j’ajouterai ceci : ce ne sont pas des conseils de couardise ni de peur qu’il donne à son seigneur en ce jour de bataille, mais des conseils afin d’agir avec bravoure courage sagesse et de la tactique. Et j’ajouterai encore ceci, poursuivit Fergus : « c’est un peuple courageux et capable d’accomplir de grands exploits qui s’est levé ici ce matin de bonne heure derrière Cunocavaros/Conchobar. Nous en faisons peu de cas, répliqua Maeve, nous avons de bons guerriers nous aussi et de solides jeunes gens pour se charger d’eux. À ta place je n’y compterais pas, rétorqua de nouveau Fergus, mais sache ceci : tu ne trouveras ni en Irlande ni en Albion ? (Alpain) d’armée pouvant rivaliser avec les Ulates quand ils sont en transe (guerrière).
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[Paragraphe extrait de la traduction de Joseh Dunn… Il est arrivé une autre troupe à cette colline de Slemain en Midé dit Mac Roth. Une troupe innombrable et aux visages lumineux ; ils avaient des habits étranges ; et un petit sac à la ceinture de chacun d’entre eux. À leur tête marche un homme aux cheveux blancs à la face de taureau ; il a des yeux de dragon ardents ; une cape noire avec des ourlets pourpres qui flotte ; une broche en forme de feuille avec des pierres de toutes les couleurs sur ce manteau à la hauteur de la poitrine, il porte une tunique galonnée de fils d’or ; un glaive, dur et acéré, avec des appliques en or, à la main ; tous venaient le voir afin de lui montrer leurs coups et blessures, leurs plaies ainsi que leurs bosses ; et il disait à chacun quel était son mal, tout en lui indiquant le remède, et ce qui arrivait ensuite à chacun était très exactement ce qu’il avait prédit.
Ticedh cach d’fechain a cnedh agus a creacht, a n-gon agus a n-galar cuici-siomh agus no innisedh a galar da cach aón agus do beredh freapaidh íca dá cach aón, agus isedh tic fri cach aon an galar indisios doibh. As nert liaig-gaoisi, as slanugudh cnedh, as díchur euga, as esbaidh cach enirt in fer sin, ar Fergus,.i. Fingin fathliaigh liaig Concobair co leaghaibh Uladh uime. As é sin do ber aithne ar galar in duine tre diaig in tigi imbí d’faicsin no tre na cnet do closs(tin). A coimeta leghis, as iat na ferbolga do connarcais aca. Cet homme est la puissance même de l’art de guérir ; la guérison des blessures ; un trompe-la-mort, la bonne santé personnifiée, répondit Fergus, c’est Fingen, le vate médecin, le docteur de Cunocavaros/Conchobar, avec tous les guérisseurs d’Ulidia. Il trouve la maladie de quelqu’un rien qu’à la fumée qui sort de la maison où il est couché, ou rien qu’en écoutant ses gémissements. Et leur sacoche médicale ce sont les sacs que tu as vus sur eux »].
Il est venu encore une autre troupe sur cette même colline de Slemain en Midé, dit Mac Roth. Il y a un beau et grand guerrier à l’avant-garde de cette troupe, il a un moral de vainqueur et fière allure. Il a sur le front une mèche de cheveux bruns, doux et fins ; un manteau gris passé sur lui, une fibule (épingle) sur le manteau à la hauteur de la poitrine ; une large tunique à manches à même la peau ; il porte un bouclier bombé muni d’une bordure dentelée tranchante, et a un javelot à cinq pointes dans la main ; une épée droite ornée d’ivoire de morse à sa place. Mais qui cela peut-bien être ? demanda donc Ailill à Fergus. Nous le connaissons tous bien, répondit Fergus. C’est la main de fer levée dans les batailles, c’est le pilier des batailles où l’on rejette et broie les ennemis que l’homme qui est venu ici, Eogan fils de Durthacht, le roi de Fernmag en Ulidia en personne, est cet homme-là.
Il est venu encore une autre troupe sur cette même colline de Slemain en Midé continua Mac Roth. Sans mentir, on peut vraiment dire qu’ils ont pris littéralement d’assaut la colline. Profonde est la terreur, grande est la peur, qui les accompagne. Leurs vêtements étaient rejetés en arrière. Un guerrier à l’air martial à grande tête était en tête de leur compagnie et il semblait avide de sang, il avait l’air terrifiant. Il avait des cheveux rares et grisonnants, d’immenses yeux jaunes ; un manteau jaune large de cinq mains autour de lui ; une fibule (épingle) d’or jaune sur le manteau à hauteur de la poitrine ; une tunique jaune avec ourlet galonné à même la peau. Dans sa main un javelot riveté, au fer très large et à la hampe très longue, avec une goutte de sang sur son tranchant. Mais qui cela peut-il bien être ? demanda donc Ailill à Fergus. Il est vrai que nous connaissons bien ce guerrier, répondit Fergus. Il n’évite ni les batailles, ni les champs de bataille, ni les affrontements. Celui qui est venu ici c’est Loegaire le victorieux fils de Connad le blond fils d’Iliach, d’Immail en Ulidia.
Il est venu encore une autre compagnie sur cette même colline de Slemain en Midé, déclara Mac Roth. Un guerrier corpulent au cou épais se trouvait à l’avant-garde de cette troupe. Il avait des cheveux noirs et coupés ras ainsi qu’une figure vermeille balafrée, l’œil gris et brillant. Un javelot taché de sang luisait au-dessus de lui. Il portait un bouclier noir avec une bordure en bronze blanc très résistante. Il avait un manteau de laine écrue frisée jeté sur lui. Une broche d’or blanc sur le manteau à hauteur de la poitrine. Une chemise de soie sur la peau. Une épée à la garde d’ivoire et à la poignée incrustée de fils d’or sur ses vêtements à l’extérieur. Qui était celui-là ? demanda donc Ailill à Fergus. Nous le connaissons tous bien en effet, répondit Fergus. L’homme qui est venu ici est toujours le premier au combat, c’est la vague de tempête qui noie tout, c’est l’homme des trois cris, la mer qui passe par-dessus les remparts. C’était Munremur fils de Gerrcind de Moduirn en Ulidia.
Il est venu encore une autre troupe sur cette même colline de Slemain en Midé dit Mac Roth. Un large et massif guerrier était à sa tête… ?… et sombre, féroce et semblable à un taureau. L’œil rond, marron et hautain. Il avait des cheveux blonds frisés. Il portait sur ses épaules un bouclier rond de couleur rouge, avec une bordure d’agent blanc résistant tout autour. Dans sa main un javelot muni d’un fer très large et d’une longue hampe. Il portait un manteau rayé avec une broche de bronze sur le manteau à la hauteur de la poitrine. Une chemise à capuchon lui descendait jusqu’aux mollets. Une épée à pommeau d’ivoire sur la cuisse gauche. Qui était-ce, demanda donc Ailill à Fergus.C’est un
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pilier des batailles. Il est toujours victorieux, quel que soit le combat. L’homme qui est venu ici est une machine à tuer. C’était Connud fils de Morna de Calann en Ulidia.
Il est venu aussi une autre troupe sur cette même colline de Slemain en Midé, dit Mac Roth. Ils ont investi cette colline si vigoureusement et si énergiquement, sans mentir, qu’ils ont presque bousculé les forces qui étaient arrivées avant eux. Il y avait un bel homme à l’allure très noble en tête de leur compagnie. Áldem de daínib in domuin eter chruth & deilb & dénam, eter arm & erriud, eter mét & míad & masse, eter chreitt & gasced & chóra. C’était le plus beau des hommes au monde, tant pour ce qui est de la silhouette de l’apparence et du savoir-faire que pour ce qui est des armes et de l’équipement, mais aussi pour ce qui est de la taille de la dignité de l’honneur, eter chreitt & gasced & chóra, du physique des arts martiaux et du sens de la mesure ? Et ce n’est pas mentir assurément, s’exclama Fergus, car c’est bien la description qui lui convient. Celui qui est venu ici n’est pas un pauvre fou. C’est l’ennemi par excellence. C’est une force irrésistible. C’est une vague de tempête qui engloutit tout. C’est l’éclat même de la glace que ce bel homme. C’était Fedilmid [fils de ?] Cilar Cetal d’Elland en Ulidia.
Il est venu également une autre compagnie sur la même colline de Slemain en Midé dit Mac Roth. Il n’y a pas beaucoup de héros plus beaux que celui qui marchait en tête de cette troupe. Il avait les cheveux blond-rouge coupés ras. Son visage était mince en bas et large en haut. L’œil ardent, gris, brillant et rieur. C’était un homme bien fait bien proportionné, grand, étroit des hanches et large d’épaules. Il avait les lèvres rouges et minces, des dents comme des perles. Un corps à la peau blanche. Un manteau pourpre l’enveloppait. Une broche en or sur le manteau à la hauteur de la poitrine. Une chemise de soie royale avec un ourlet d’or rouge à même sa belle peau blanche. Il portait un bouclier blanc avec des emblèmes animaux en or rouge dessus. Sur son flanc gauche une épée décorée au pommeau en or. Dans sa main une longue lance dont brillait le tranchant et une javeline d’assaut munie de splendides courroies de propulsion, avec des rivets de bronze blanc. Qui était-ce là ? demanda donc Ailill à Fergus. Nous le connaissons tous très bien, répondit Fergus. Celui qui est venu ici gagne la moitié des batailles à lui seul, c’est lui qui fait basculer un combat, il a la sauvage furie d’un chien de guerre enragé. Cet homme-là c’était Reochad fils de Fatheman de Rigdond en Ulidia.
Il est venu ensuite une autre troupe sur cette même colline de Slemain en Midé, dit Mac Roth. Un héros doté de jambes épaisses et de grosses cuisses était devant. Chacun de ses membres est presque aussi gros qu’un homme. Ní gó ám is fer co talmain all sé. Sans mentir, c’est une véritable montagne de chair ??? Il a les cheveux bruns coupés ras, et une figure ronde et vermeille. Des yeux chatoyants haut placés dans la tête. C’était un bel homme rapide, escorté de guerriers belliqueux aux yeux noirs, portant des [javelots ?] flamboyants de couleur rouge, volontaires, fuyant la lutte à armes égales afin de triompher du nombre, aimant affronter le danger ??? sans la protection de Cunocavaros/Conchobar. Qui était cet homme-là ? demanda donc Ailill à Fergus. Nous savons très bien qui c’est assurément, répondit Fergus. Celui qui est venu ici fait preuve de courage et accomplit des prouesses avec ses armes, il a le sang chaud et il est impétueux. C’est le renfort de nos armes et de nos armées. C’est un modèle de perfection dans les batailles et les combats pour les hommes de l’Irlande du nord mon propre frère de lait, Fergus fils de Leithe, de Line en Ulidia.
Il est venu aussi une autre troupe sur cette même colline de Slemain en Midé, poursuivit Mac Roth, qui était solide comme un roc, mais pas comme les autres. Un noble héros à l’air vif en avait pris la tête. Il portait à même la peau un bel habit à frange en toile bleue, go stúagaib fíthi figthi féta findruini, go cnappib dílsi deligthi derggóir for bernadaib & brollaigib dó fri chness, recouvert de galons entrelacés de bandes de bronze blanc alternant avec de beaux boutons d’or rouge sur les côtés ainsi que sur la poitrine ? Bratt bommannach co mbúaid cach datha. Un manteau fait de nombreux tissus différents aux teintes les plus remarquables l’enveloppe. Il portait un bouclier orné de cinq cercles d’or concentriques. À son côté gauche pendait une épée droite, dure et résistante, tenue d’une main ferme, une lance bien droite à la hampe gravée de stries diverses flamboyant dans l’autre ? Qui était-ce ? demanda encore Ailill à Fergus. Nous savons bien qui c’est, répondit Fergus. Il s’agit du premier vellède de la cour du roi. C’est une attaque contre une forteresse à lui tout seul. Il est le chemin qui mène à la victoire. Inflexible est le courage de celui qui est venu ici, Amorgen, fils d’Ecelsalach le forgeron, le noble vellède de Buas en Ulidia.
Il est venu encore une autre troupe sur cette même colline de Slemain en Midé, dit Mac Roth ; un beau guerrier blond est en tête. Tout était beau en lui, les cheveux les yeux la barbe les sourcils et les habits. Il a un bouclier à bordure [il doit manquer ici un mot, sauté par le copiste]. À son flanc gauche une épée à poignée d’or ouvragée. Dans sa main un javelot à cinq pointes, qui brillait au-dessus de toute la troupe. Qui était-ce ? demanda donc Ailill à Fergus. Nous savons qui c’est bien sûr, répondit Fergus. Bien-aimé de tous est le guerrier qui vient d’arriver sur notre territoire. Bien-aimé de tous est
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ce puissant héros qui sait cogner, bien-aimé cet ours qui accomplit de grands exploits face à l’ennemi grâce à la force écrasante de ses assauts. C’était Feradach Find Fechtnach de Nemud dans les montagnes de Fuat, d’Ulidia.
Une autre troupe est encore venue sur cette même colline de Slemain en Midé, déclara Mac Roth. Deux jeunes guerriers sont à la tête de ce bataillon. Chacun d’entre eux est drapé dans un manteau vert et ils ont une broche d’argent blanc à la hauteur de la poitrine. Ils portent chacun une fine chemise de soie jaune à même la peau. Ils ont à la ceinture une épée à pommeau blanc. Un javelot à cinq pointes avec des bandes d’argent blanc pur à la main. Il y a une légère différence d’âge entre eux. Qui sont-ils ? demanda donc Ailll à Fergus. Nous les connaissons bien, répondit Fergus. Ce sont deux hommes de valeur, deux hommes au cou de taureau semblable, deux flammes également brillantes, deux flambeaux également brillants, deux champions, deux héros, dá chléthbriugaid, les rois des hôtes qui savent recevoir, deux dragons, deux incendies, deux hommes qui dispersent l’ennemi, deux deux braves héritiers, deux hommes courageux, deux guerriers féroces, les deux enfants chéris des Ulates rassemblés autour de leur roi. Ce sont Fiacha et Fiachna, les deux fils de Cunocavaros/Conchobar fils de Fachtna fils de Ross Ruad fils de Rudraige.
Il est venu encore une autre troupe à cette même colline, poursuivit Mac Roth, comme une mer qui submerge tout pour ce qui est du nombre, rouge et flamboyante comme du feu, pour ce qui est de la force semblable à un roc, pour ce qui est de puissance de combat semblable à la fin du monde, pour ce qui est de l’impétuosité comme le tonnerre. Un homme déjà entré en fureur guerrière, terrifiant, effrayant, est en tête de cette troupe. Il avait un grand nez, de grandes oreilles et des yeux gros comme des pommes. Il avait les cheveux hirsutes et gris. Il a un manteau rayé sur lui et sur ce manteau à la hauteur de sa poitrine il a une barre de fer en guise de fibule qui lui va d’une épaule à l’autre. Une chemise rugueuse et grossièrement tissée à même la peau. Derrière lui et sur son flanc une épée d’acier trempé sept fois. Il portait comme une colline brune avec lui, à savoir son bouclier. Une grande lance grise avec trente rivets pour ce qui est de la douille était dans sa main. Les bataillons et les troupes furent plongés dans la plus grande des agitations en voyant ce guerrier entouré par sa compagnie arriver sur la colline de Slemain en Midé. Qui était-ce ? demanda donc Ailill à Fergus. Nous le connaissons bien évidemment, répondit Fergus.C’est une moitié de bataille à lui tout seul, il est toujours à la pointe des combats, c’est un prince pour ce qui est de la bravoure. L’homme qui est venu est comme une mer débordant de ses limites. C’était le grand Celtchar fils d’Uthechar de Lethglass en Ulidia.
Il est venu encore une autre compagnie à cette même colline de Slemain en Midé, poursuivit Mac Roth. Ils étaient tous forts et féroces, détestables et terrifiants. Devant eux marchait un grand guerrier à gros ventre et à grosse bouche, avec des joues ? d’un rouge éclatant, une grosse tête et de longs bras. Il avait des cheveux bruns frisés. Un manteau noir flottait autour de lui et il y avait sur ce manteau une broche ronde à la hauteur de la poitrine. Il portait une splendide chemise à même la peau. Une longue épée à la taille et un gros javelot dans sa main droite. Il y avait une grosse bosse grise devant lui, à savoir son bouclier. Qui était-ce ? demanda donc Ailill à Fergus. Nous le connaissons bien évidemment, répondit Fergus. C’est un lion féroce aux pattes couvertes de sang. C’est l’ours violent et terrible qui triomphe des plus vaillants. C’était Errge à la bouche de cheval, de Bri Errgi, en Ulidia.
Il est venu encore une autre compagnie sur cette même colline de Slemain en Midé, poursuivit Mac Roth. Un homme splendide et très grand est à l’avant-garde de cette troupe. Il avait les cheveux roux et de grands yeux rouges, et chacun de ses magnifiques yeux rouges était aussi grand que le doigt d’un guerrier. Il portait un manteau aux couleurs bariolées. Il avait un bouclier gris. Il tenait à la main une mince lance bleue bien droite. Autour de lui se trouvait tout un bataillon, couvert de sang et de blessures, lui-même étant également blessé ou couvert de blessures. Qui était-ce encore que cet homme-là ? demanda donc Ailill à Fergus. Nous le connaissons bien évidemment, répondit Fergus. Il est l’audace impitoyable personnifiée. C’est un aigle qui inspire le respect. C’est une forte lance. Une bête qui encorne ? C’est le combattant de Colptha. C’est le vainqueur de Bale. C’est lui le lion de Lorg. C’est lui le héros qui beugle de Berna. C’est un taureau furieux. C’était Mend fils de Salchoga des Rena de la Boinne.
Il est venu encore une autre compagnie à cette même colline de Slemain en Midé, poursuivit Mac Roth. Un homme aux joues longues, au teint pâle, est à la tête de cette troupe. Il a des cheveux noirs et de longues jambes. Il porte un manteau rouge en laine frisée avec une broche d’argent blanc sur le manteau à la hauteur de la poitrine. Une chemise en lin à même la peau. Il avait un bouclier rouge sang avec un umbo en or. Il avait à son flanc gauche une épée à poignée d’argent, et il tenait levé bien haut un javelot à lame dentelée ? (uillech) muni d’une douille en or. Qui était-ce ? demanda donc Ailll à Fergus. Nous le connaissons tous bien, répondit Fergus. C’est Fer trí ruitte sin, fer trí raitti, fer trí rámata, fer trí mbristi, fer trí mbúada, fer trí mbága, l’homme de trois sentiers, l’homme de trois
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chemins, l’homme de trois routes, l’homme de trois déroutes infligées à l’ennemi, l’homme de trois victoires, l’homme de trois combats. C’était Fergna fils de Findchonn, le roi des Ulates Burach d’Ulidia.
Il est venu encore une autre troupe sur cette même colline de Slemain en Midé, poursuivit Mac Roth. À sa tête marche un homme avenant et grand. Il était comme Ailill, celui qui défie toute concurrence et qu’on ne peut restreindre, que ce soit en allure en dignité en éclat en armes en équipage en valeur en prouesse en générosité ou en faits d’armes. Il avait un bouclier bleu à umbo en or. À son côté gauche une épée à poignée d’or. Dans sa main un javelot à cinq pointes. Une tiare en or (mind en gaélique) sur la tête. Qui était-ce ? demanda donc Ailill à Fergus. Nous savons tous qui c’est, répondit Fergus. C’est la fermeté virile faite homme. Celui qui part à l’assaut d’un ennemi supérieur en nombre (forlaind). Celui qui est venu ici c’est celui qui écrase l’ennemi. C’était Furbaide Fer Bend, le fils de Cunocavaros/Conchobar, de Sil en Mag-Inis, d’Ulidia.
Il est venu encore une autre compagnie à cette même colline de Slemain en Midé, dit Mac Roth, ils étaient comme des rocs, mais différents des autres bataillons. Certains portaient des manteaux rouges et d’autres des gris. Certains portaient des manteaux bleus (glaiss) d’autres des verts (guirm) ou bleu vert (uane). Ils portaient sur eux des habits ? (blae) blanc et jaunes, magnifiques et brillants. Il y avait au beau milieu d’eux un petit garçon couvert de taches de rousseur vêtu d’un manteau pourpre avec une broche en or dessus au niveau de la poitrine. Il portait une chemise de satin royal brodée d’or rouge à même la peau. Il avait un bouclier décoré de figures animales en or rouge, au cœur du bouclier il y avait un umbo en or et tout autour une bordure en or également. Il avait à la ceinture une petite épée avec une poignée en or. Il tenait aussi bien droit dans sa main une javeline légère, mais acérée, qui brillait. Qui était-ce donc, demanda donc Ailill à Fergus. Ah ça je l’ignore, répondit Fergus, je ne me souviens nullement avoir laissé derrière moi chez les Ulates une compagnie comme celle-ci ou un petit garçon comme celui qui est avec eux, mais je pense qu’il doit s’agir vraisemblablement d’hommes de Tara ainsi que d’Erc le fils de Fedelmid la neuf fois belle, qui est aussi le fils de Carpre Nia Fer, et si c’est bien eux nímo carat anairich and so, ils n’aiment pas beaucoup leur chef???????…
Le petit garçon a dû à cette occasion venir pour prêter main-forte à son grand-père sans demander la permission de son père, s’il s’agit bien d’eux, ce bataillon vous enfoncera comme une mer en furie, car c’est cause de cette compagnie-là et du petit garçon qui est avec eux que vous serez tous défaits dans la bataille qui va être livrée demain. Comment ça demanda donc Ailill ?? Ni ansa ! Ce n’est pas difficile à dire, répondit Fergus. Ce petit garçon ne connaîtra ni la peur ni l’effroi en tuant et en massacrant pour se frayer un chemin jusqu’à toi au sein de ton armée. Le sifflement de l’épée de Cunocavaros/Conchobar se fera entendre alors comme l’aboiement d’un chien de guerre i fathad qui hurle à la mort ???????? ou le rugissement d’un lion attaquant des ours. Autour du champ de bataille, le Hésus Cuchulainn édifiera quatre grands remparts avec vos cadavres. Rendus fous d’inquiétude par les dangers que courra leur rejeton de leur race les principaux chefs des Ulates vous battront alors à plate couture. Ces puissants taureaux mugiront bravement comme s’il s’agissait de sauver le veau de leur propre vache lors de la bataille qui aura lieu demain matin.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 59.
Co tráth funid na nóna. Influence de la civilisation chrétienne du Moyen-âge : nona c’est la neuvième heure (none). Nos concitoyens ont toujours raffolé des défilés militaires. Il suffit de regarder ceux de la fête nationale au mois de juillet. Même chose pour les Irlandais de l’époque, ils adoraient les défilés martiaux et virils d’hommes bombant fièrement le torse. Ne manque plus que l’élément sonore : les cornemuses comme lors de la saint Patrice à New York (mais ce serait un anachronisme) et les instruments à vent.
A thinóil & a thóchostail idem. Le ban et l’arrière-ban. Cette expression médiévale signifie que chaque seigneur convoque ses vassaux qui à leur tour convoquent leurs vassaux qui à leur tour… jusqu’aux dernières strates de la pyramide vassalique. Le résultat final c’est l’ost médiéval, une image ou un mot qui convient aussi très bien à l’armée irlandaise. D’où son utilisation dans diverses traductions du texte gaélique d’ailleurs. Ou l’arrivée devant le tribunal en charge de le juger du « Suisse » Orgétorix selon César.
Immireithet impe na féthana argit sechna fonascaib óir cachla céin ó erlond gó indsma. In céind aill dano it íat na fonasca óir immireithet sechna féthanaib argit ó indsma gó hirill. Le dictionnaire électronique de la langue irlandaise définit ainsi les féthana : des bandes circulaires ou des anneaux qui ne sont pas attachés serrés. Les fonascaib : des bandes des attaches ou des liens. Semblent consister en des anneaux de métal fixés de façon assez lâche autour de la hampe d’un javelot ???? Il ‘agissait peut-être d’objets flottants destinés à stabiliser le javelot une fois lancé, ou alors de courroies
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de propulsion analogues à l’amentum des armes romaines. Voire les deux à la fois, la courroie de propulsion pouvant également servir à stabiliser la trajectoire du javelot.
So-irlabraid. Nous rendons ce terme gaélique par président de l’assemblée des seigneurs ulates, car il nous semble que c’est bien le rôle que joue Sencha dans toute cette histoire. Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire en commentant le rôle très douteux du druide continental Diviciacos (il suffit de bien lire entre les lignes César pour comprendre qu’il a quand même carrément trahi son peuple et fait assassiner son frère Dumnorix, ou du moins qu’il est en partie responsable de sa mort) il y a eu des anciens druides ne se privant pas de faire de la politique.
Or le meilleur moyen de ne pas finir en Diviciacos c’est encore DE NE JAMAIS FAIRE DE POLITIQUE POLITICIENNE, QUAND ON NE VEUT AVOIR CURE QUE DU SOIN DES ÂMES OU DES ESPRITS, c’est le conseil que je n’arrêterai jamais de répéter à tous les intéressés. Occupez-vous du soin des âmes et des esprits des hommes des femmes et des enfants de votre peuple, quelles que soient leurs opinions politiques, démocrates ou monarchistes comme au XVIIIe siècle, républicains d’extrême gauche ou d’extrême droite ou le contraire je m’en moque, ce qui compte c’est de ne pas faire de politique ! Que de la spiritualité ! Vous devez être capable de boire un verre avec quelqu’un qui est à l’opposé de ce que vous pensez en ce qui concerne la vie du pays. Car il va de soi que dans le cadre des régimes politiques fondés sur le vote (à bulletin secret) vous pouvez aussi exercer ce droit (celui de donner votre avis) à titre personnel et en votre âme et conscience (pas ès qualités). Il faut savoir rendre à César ce qui est à César.
Il va également de soi par contre qu’un druide voulant se spécialiser dans ce domaine, un vate par exemple (il y a, paraît-il, en Inde des religieuses catholiques s’occupant d’aider les miséreux à mourir dignement, alors là chapeau bas mesdames) a parfaitement le droit (et il en a même le devoir), d’accompagner les soldats de son peuple pour veiller au soin de leurs âmes et de leur esprit, notamment au moment le plus crucial qui est celui de la mort si l’on en croit le témoignage de Lucain (« Vous, les vates, dont les poèmes guerriers jadis immortalisaient, les puissantes âmes/esprits [en latin animas] de ceux qui sont morts à la guerre… la mort n’est que le milieu d’une longue vie ; si vous savez bien ce que vous chantez. Heureux sont les peuples qui regardent la Grande Ourse à cause de cette erreur (sic) ; car ils ignorent cette peur suprême qui effraie tous les autres ». La Pharsale vers 444-462). Tout druide doit en effet cette ultime compassion, cet ultime service, à ses compatriotes : les aider à passer dans l’autre monde.
N.B. Et pour finir il va de soi également, de même qu’il y a eu des prêtres catholiques pour aider les résistants luttant contre les nazis durant la Seconde Guerre mondiale, ou cachant des juifs, ou des religieuses soignant les blessés, qu’il y a pu y avoir dans l’histoire du druidisme des prêtres s’étant plus directement impliqués aux côtés de leurs compatriotes en guerre, exemple le malheureux gutuatre torturé puis exécuté par César en – 51 chez les Carnutes, malgré toute l’hypocrisie de son texte : le chapitre 38 de son septième livre (on dirait les démocrates de l’OTAN justifiant leurs bombardements – humanitaires – destinés à instaurer une République islamique en Libye en 2011).
Que le xénophile qui est capable de tirer sur son peuple ou dans son dos leur lance la première pierre, et que celui qui est simplement xénophile (ce qu’étaient les druides si l’on en croit leur attitude vis-à-vis du meurtre des étrangers : ils le réprouvaient plus durement que l’assassinat d’un des leurs selon Diodore de Sicile et Nicolas de Damas) fasse le contraire.
Bibliothèque de l’Histoire, livre IV, chapitre IX. « Hercule ensuite remit le royaume des Ibères aux plus nobles d’entre eux, quant à lui, après avoir rassemblé son armée, il passa en Celtique, et en la parcourant de long en large mit fin à la pratique illégale de l’assassinat des étrangers, à laquelle s’était accoutumé ce peuple ; puis comme une multitude d’hommes de toutes les tribus avaient rejoint de leur propre chef son armée, il fonda une grande cité, qui fut appelée Alésia, etc. » Recueil des coutumes extraordinaires. Fragment conservé par Jean Stobée.b) « Les Celtes sont armés quand ils traitent des affaires publiques. Chez eux, on est puni d’une peine plus rigoureuse pour le meurtre d’un étranger que pour celui d’un concitoyen : dans le premier cas, la mort, dans le second l’exil seulement ». Un javelot avec une goutte de sang au bout. On dirait la lance du Graal. Mais il ne s’agit peut-être que d’une même image guerrière. En Ulidia. Nous traduisons ainsi le terme gaélique atúaid, car il va de soi que le nord dans ce cas-là c’est le pays des Ulates, le mythique royaume d’Ulidia ancêtre revendiqué de l’actuel Ulster.
Gasced. Prouesses, faits d’armes, habileté dans le maniement des armes. Comme toujours problème de traduction. De nombreux mots de nos textes ont en effet un sens variable et incertain pour une bonne raison ; ils figurent à l’origine dans des poèmes ou dans textes versifiés, et leur présence n’est souvent justifiée que par les nécessités de la rime ou de l’allitération. Mais les clercs qui ont mis en prose ces lais ou ces quatrains les ont quand même souvent gardés dans le résultat final de leur travail de réécriture. Ce qui ne laisse pas de nous compliquer la tâche évidemment.
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Go stúagaib fíthi figthi féta findruini, go cnappib dílsi deligthi derggóir for bernadaib & brollaigib dó fri chness. Serait-ce une tenue particulière aux druides du rang d’Amorgen ?? Simple hypothèse.
Drumnech. Nous ne savons trop comment traduire ce terme gaélique. Peut-être signifie-t-il que la hampe de cette lance était gravée de stries diverses (un système d’écriture ou de reconnaissance ?)
Velléde. Pluriel vellèdes. Vieux celtique velitos/veletos. Gaélique file, filed. Druide spécialisé dans tout ce qui est plutôt littéraire. Souvent synonyme de poète ou d’érudit d’ailleurs, mais le nom vient en réalité d’une racine en rapport avec la notion de voyance. L’histoire nous a gardé un exemple de vellède au féminin, la célèbre prophétesse des Germains Bructères appelée Velléda justement. Cette tribu en avait presque fait une déesse (cf. Tacite Germanie VIII). Cette déviation insigne, presque une hérésie, du respect naturellement dû à un druide ou à une prêtresse, nous incite à préciser la chose suivante. Druides et prêtresses doivent bien évidemment être respectés, comme un noble vieillard par exemple, même s’ils sont plus jeunes. Mais ils ne doivent en aucun cas être idolâtrés comme le font les catholiques avec leur pape ou les musulmans avec leur Mahomet (isma). Un peu de modestie que diable !
Amorgen. Voir plus haut ce que nous avons écrit à propos du druide Sencha ainsi que des rapports entre la guerre et les druides. Ce que les bardes errants nous ayant transmis ce récit voulaient nous faire comprendre c’est qu’il s’agit d’une mobilisation générale, la patrie est en danger, donc tout le monde y va et ça commence par un beau et impressionnant défilé très martial où tout le monde bombe le torse et joue les terreurs pour faire peur à l’ennemi. Un des péchés mignons de l’espèce humaine.
Ours. Nous traduisons ici de la sorte le mot gaélique math qui semble tout à fait approprié. L’image est celle du berserker arthurien, l’homme qui se bat comme une ourse protégeant ses petits à tout prix.
Des hôtes qui savent recevoir. Nous traduisons ainsi le terme gaélique chléthbriugaid, qui désigne littéralement le briuga ou le briugu, autrement dit l’homme chargé par son seigneur de fournir de sa part le gîte et le couvert.
Un lion féroce. Influence de la civilisation médiévale. Ours violent et terrible est certainement plus traditionnel.
Bri. Colline, sans doute fortifiée.
Burach. Terme gaélique signifiant fureur rage attaque agression, etc. ou tranchée fosse excavation (par allusion au taureau grattant le sol avant d’attaquer ?)
Équipage. Au sens ancien et militaire du terme : les fourgons chevaux harnais tentes et ainsi de suite.
Note à propos de l’habillement traditionnel de tous ces hommes ayant défilé à Slemain en Midé (pour les femmes c’est autre chose, voir notre étude sur les princesses celtes) et de sa traduction dans notre langue d’aujourd’hui. Ci-dessous donc la description en gaélique d’un vellède de la confrérie druidique d’Ulster à en croire notre texte (il s’agit du dénommé Amorgen, premier des vellèdes de la cour du roi des Ulates. Gormanart cáel corrtharach go stúagaib fíthi figthi féta findruini, go cnappib dílsi deligthi derggóir for bernadaib & brollaigib dó fri chness. Bratt bommannach co mbúaid cach datha thariss. Caechruth óir fair.i. a scíath fair. Claideb crúaid catut colgdíriuch i n-ardgabáil churad bara chlíu. Sleg díriuch drumnech ar derglassad 'na láim.
Notons donc que l’habillement de tous ces druides ne diffère pas fondamentalement de celui de leurs contemporains d’alors. Il n’a rien à voir avec les espèces de robes sacs de couleur unie que portent beaucoup de néo-druides d’aujourd’hui, ou plus exactement peut-être en plus de ces robes de couleur plus ou moins unie qu’ils portent, ils revêtent également d’autres vêtements et notamment ce que nos contemporains appellent des manteaux, des capes, mais qui étaient à l’origine de grands carrés ou rectangles d’étoffe appelés saie (d’où sayon en vieux français).
La peau est invariablement qualifiée de blanche et de belle puisque c’est le même mot, vindos en vieux celtique, qui signifie à la fois les deux choses (la blancheur et la beauté). Aucune connotation raciste là-dedans, simplement les Celtes de l’époque étaient tous blancs.
Le premier de tous ces habits est un vêtement plus ou moins long et porté à même la peau, que nos textes qualifient indifféremment de chemise ou de tunique, la notion de sous-vêtement étant inconnue à l’époque. Notre avis est qu’à partir du moment où cette pièce de l’habillement est portée à même la peau, on peut parler de chemise, mais le terme tunique est également utilisé. Les choses se compliquent dans la mesure où lesdites chemises sont parfois munies d’un capuchon. La longueur en est variable (jusqu’aux mollets?). Elles peuvent avoir ou non des manches. La matière est diverse, le lin n’est pas la plus mentionnée. Il semble y avoir un peu de tout.
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Pour ce qui est de la robe de cérémonie des druides, ces chemises ou tuniques à capuchon (coules) pouvaient ressembler aux habits monastiques de certains ordres religieux et notamment aux coules des bénédictins ou cisterciens. Le capuchon pouvait dans certains cas être amovible et donc être porté séparément, d’où nos modernes bérets (ou barrettes ?) qui sont donc les lointains héritiers de ces capuchons amovibles de nos ancêtres.
Par-dessus le premier vêtement ainsi décrit en cas de nécessité on portait pour se tenir chaud ou se protéger un grand morceau de tissus appelé saie (ou sayon, en vieux français) ainsi que nous l’avons vu, plaid de nos jours, et qui pouvait être de toutes les couleurs (unies ou bariolées comme les plaids écossais, car si les Celtes n’avaient qu’un même mot pour désigner le bleu et le vert, glaston, ils en distinguaient bien néanmoins toutes les nuances). Les tenues de camouflage n’existaient pas naturellement, ce n’était pas la mentalité de l’époque, et le rouge semble avoir été la couleur préférée des guerriers (on voit moins les taches de sang dessus). Évidemment, plus on était riche, plus il y avait d’étoffe, et plus on pouvait faire de plis avec. Une saie à cinq plis correspondait donc à un statut social élevé. Saies ou sayons (manteaux ou capes d’aujourd’hui) n’étaient pas enfilés comme on le fait aujourd’hui des manteaux à manches, mais on se drapait dedans. D’où l’utilisation fréquente dans nos textes de mots de la famille linguistique autour ou entourer pour évoquer le fait de les porter sur soi. Saies (ou sagums en latin, sayons en vieux français) étaient maintenus attachés sur la poitrine par de grosses épingles appelées fibules ou broches suivant les auteurs. Mais revenons à nos moutons et à leur laine, teinte ou écrue. En Irlande apparemment les hommes portaient une tunique ou une chemise sous le plaid. L’histoire ne dit pas ce que portaient les authentiques Écossais.
Il existe encore en Écosse différentes formes de bérets, et notamment le bonnet bleu (bonaid en gaélique) dont rubans cocarde et plumes indiquent le clan d’appartenance. Mais le modèle le plus célèbre est sans aucun doute celui qui a été popularisé par un personnage de Robert Burns appelé Tam O’Shanter. Le matériau de fabrication originel est la laine. Au départ exclusivement masculins ces bérets peuvent bien entendu être également portés avec élégance par des jeunes filles ou des femmes voulant ainsi en quelque sorte adopter le style « princesse celte ». De toute façon à l’origine le capuchon amovible ancêtre du béret n’avait rien d’exclusivement masculin. Alors… NB. Le béret français pour différentes raisons et notamment parce qu’il faisait partie en quelque sorte du vêtement de travail des paysans a en général des couleurs moins gaies, il est dans ce cas démuni de pompon (seule reste au sommet une petite queue, le coudic en gascon, correspondant à l’extrémité des fils ayant servi à le tricoter) ce qui le fait dans en l’occurrence effectivement ressembler à une barrette ecclésiastique. Il est vrai que de ces barrettes il y en avait de toutes les couleurs. Ces bérets français en outre sont plus souvent fabriqués en feutre qu’en laine. Également à noter : nos textes sont muets sur les sous-vêtements, à moins de considérer comme tel ce qu’il y avait généralement sous le manteau, à savoir les chemises ou les tuniques portées à même la peau.
Dernier point maintenant donc, le pantalon (pour les hommes, car nos princesses n’avaient pas encore entrepris de conquérir le droit d’en porter). Et bien figurez-vous chères lectrices que certains Celtes mâles n’en portaient point et se contentaient de tuniques, un peu comme des kilts donc, mais qui auraient été dotés d’un haut. Ce qu’était le kilt à l’origine d’ailleurs : un grand plaid (feileadh mor). En 1746 les Britanniques en interdirent le port par les hommes sous peine de déportation dans les colonies et imposèrent ainsi en quelque sorte partout le port de leurs braies nationales. N’oublions pas en effet, juste retour des choses, que les langues brittoniques furent également à l’origine parlées dans tout le sud de l’actuelle Écosse et que l’on y parlait une langue celtique en – q qu’au nord d’une ligne Glasgow-Edimbourg. Et encore… Les Otadini s’étendaient bien au nord d’Édimbourg, les Venicones dans la région de Dundee, quant aux Taexali ou Taezali (côte nord-est de l’Écosse) ils constituaient une tribu dont le nom semble en rapport avec celui d’un animal totem, le blaireau (tasco/tacso : irlandais tadg, erse taghan vieux français taisson). Les Damnonii colonisaient toute la plaine du Forth autour de Stirling (Alauna, Lindum). Les Epidi de la péninsule du Kyntire et du comté d’Argyll semblent avoir été aussi des locuteurs d’une langue celtique en p, tout comme les Calédoniens des Hautes-Terres centrales d’ailleurs (Argentocoxos signifie pied ou jambe d’argent). Par contre c’est moins évident pour les Pictes. Les spécialistes parlent prudemment de langue celte « liée » au brittonique. Le tragique destin (la fin brutale) du royaume des Gododdin chanté par le grand barde Aneirin du mythe arthurien ne doit pas occulter la réalité historique et nous la faire oublier, à savoir que d’autres royaumes bretons ont survécu également pendant longtemps dans la vallée de la Clyde autour de Dumbarton par exemple, avant de disparaître corps et âme*.
N.B. Un peu de philosophie de l’Histoire maintenant. Tous les Bretons du nord (des royaumes du nord) n’ont pas disparu comme ça, mais il y a eu tellement de changement tant sur le plan physique que sur le plan matériel ou spirituel en ce qui concerne ces populations que c’est à juste titre qu’on ne
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peut plus appeler de ce nom les habitants des territoires en question. Il est pertinent de dire que les Écossais de ces régions (ne parlons pas de ceux des Amériques) sont des descendants partiels ou des héritiers partiels des Bretons du nord, mais il y a eu trop de changements au cours des siècles pour placer un signe égal entre Bretons du nord et actuels Écossais. On peut d’ailleurs le regretter. Sans aller jusqu’à parler de génocide par substitution de population comme il y en eut dans l’ouest du Canada en 1755, on peut se demander en outre si un autre énorme changement n’est pas en marche lui aussi, qui fera que les actuels territoires écossais ainsi définis (un métissage d’éléments divers préhistoriques bretons germains additionnés d’une pincée de quelques autres, voir le cas normand) ne vont pas finir par être rapidement peuplés de populations respectables en elles-mêmes comme l’est tout être humain d’ailleurs, mais qu’il ne sera plus justifié d’appeler ainsi, notamment dans les villes **. Un appauvrissement de la biodiversité humaine ou du patrimoine culturel de l’humanité is hí a epert chomadas-som sain que nos amis du parti nationaliste écossais dénoncent d’ailleurs à juste titre formellement. Sinn-Fein. Or le problème c’est que la plupart des gens gentils et intelligents et des journalistes que compte notre pays actuellement sont absolument persuadés du contraire et sont persuadés que le paradis va descendre sur terre quand leur héroïque combat aura finalement abouti. Et pourtant nous n’avons pas rêvé : il s’en est fallu de peu que le gallois disparaisse non ?? Ce qui fut effectivement le cas dans ces contrées d’Écosse. Or s’il n’y avait pas eu les coups de boutoir de la continuelle immigration de masse armée des Angles et des Saxons dès le milieu du VIe siècle, et plus précisément des Angles en Bernicie, les actuels habitants de ces régions *** seraient… des Gallois ou du moins semblables aux Gallois d’aujourd’hui, les Gallois étant assurément leur groupe témoin (Yr hen ogledd).
P.S. Le combat pour sa survie est d’ailleurs toujours à mener. À quand donc l’indépendance de l’Écosse ? Nul ne sait.
* Un de mes correspondants parisiens me dit que dans le 9-3 c’est déjà pareil : il n’y a plus beaucoup de Bretons, qu’ils soient du nord ou du sud comparé au groupe témoins que constituent les Québécois.
** Disons qu’en ce domaine nous sommes de fieffés conservateurs et qu’en matière de biodiversité humaine nous sommes toujours pour le maintien des situations existantes. Toujours rester Sinn Féin, telle devrait bien être la moderne devise des peuples.
*** Caer Eiddyn/Édimbourg fut en effet jadis la capitale des Manaw Gododdin. La division et les querelles internes entretenues par les chrétiens ayant dégénéré en une véritable guerre civile dont le point d’orgue fut la bataille d’Arthuret vers 570 qui vit la fuite de Merlin dans sa chère forêt de Calédonie. Le roi païen Gwenddoleu ap Ceidio y fut massacré par une coalition de princes chrétiens, dont les deux frères Peredur et Gwurgi, et le roi Riderch Hael du Strathclyde (Ystrad Clud). Le rôle catastrophique de la religion chrétienne dans la fin de ces Bretons du nord doit donc être souligné : les évêques ne peuvent jamais s’empêcher de se mêler des débats politiques qui agitent leurs ouailles et toujours dans le sens du parti de l’étranger d’ailleurs stigmatisé par l’illustre descendant des Mac Cartan de Killarney, conformément à sa mentalité collective originelle (sa programmation initiale, qui était en fait la haine de l’Empire romain). Ainsi qu’aurait pu le dire Vauvenargues s’il avait vécu à notre époque, le chrétien est toujours un homme qui se définit négativement, c’est un homme du ressentiment.
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Il est venu également une autre compagnie sur cette même colline de Slemain en Midé, dit enfin Mac Roth, qui ne compte pas moins de trente centaines d’hommes. Une bande armée de guerriers féroces couverts de sang. Fir gil glain guirm chorcarda. Des hommes aux beaux yeux bleus vêtus de rouge ??? au teint vermeil ???? Ils avaient de longs et beaux cheveux blonds, une belle mine éclatante, des yeux clairs dignes de ceux d’un roi. Ils portaient de beaux vêtements brillants. Il y avait de merveilleuses (dendglana) broches en or à la hauteur de leurs épaules ??? Ils portaient des chemises de soie fine. Ils avaient des javelots à la pointe bleue étincelante. Des boucliers jaunes d’assaut. Des épées à poignée d’or ciselées pendaient le long de leur cuisse. Ils étaient visiblement plongés dans une douloureuse et bruyante affliction. Tristes sont tous ces guerriers à char ? Inquiets tous ces chefs royaux. Et comme orpheline était cette brillante compagnie sans le seigneur protégeant habituellement ses frontières. Qui sont ces hommes ? demanda donc Ailill à Fergus. Nous les
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connaissons bien sûr, répondit Fergus. Ce sont des lions féroces. Ce sont des champions de nos batailles. Ce sont les trente centaines d’hommes de la plaine de Muirthemné. La raison pour laquelle ils sont abattus tristes et sans joie, c’est que leur roi n’est pas avec eux, à savoir le Hésus Cuchulainn, le barrage fait homme, le victorieux, à l’épée rouge, le triomphant. Ils ont de bonnes raisons, dit Maeve, d’être ainsi abattus, tristes et sans joie, car il n’y a pas de maux que nous ne leur ayons infligés. Nous avons pillé ou ravagé leur pays depuis le premier jour de la lune de Samon (ios) jusqu’à Ambolc [1er février]. Nous avons enlevé leurs femmes et leurs fils et leurs enfants, leurs chevaux et leurs coursiers, leurs hardes leurs troupeaux et leurs bétails. Nous avons jeté à bas leurs collines derrière eux et nous les avons nivelées. Tu as tort de te vanter de cela, Maeve, lui rétorqua Fergus, car il n’y a aucun mal ou tort que tu ne leur as fait que le chef de cette valeureuse troupe que voilà n’ait pas déjà vengé sur toi, car chaque tertre funéraire et chaque tombe, chaque tombeau, d’ici jusqu’à l’est de l’Irlande est le tertre funéraire la tombe ou le tombeau d’un valeureux héros ou d’un brave guerrier tombé devant le vaillant chef de cette troupe. Heureux donc celui qu’ils soutiendront. Malheur par contre à celui qu’ils combattront. Ils feront à eux seuls la moitié de la bataille quand ils défendront leur seigneur (tigerna) demain matin contre les Irlandais.
J’ai entendu un grand cri, ajouta Mac Roth, à l’est ou à l’ouest du champ de bataille. Qu’est-ce que c’était que ce cri ? demanda donc Ailill à Fergus. Nous le savons tous bien, répondit Fergus. C’était le Hésus Cuchulainn qui essayait de venir alors qu’il était cloué sur son lit de malade à Fert Sciach, avec des cerceaux de bois et des bandages ou des cordes pour le retenir, car les Ulates ne veulent pas qu’ils viennent à cause de ses multiples plaies ou blessures, depuis son duel contre Fer Diad il est en effet hors de combat en tout cas inapte au combat.
Et il en était comme le disait Fergus. Il s’agissait bien du Hésus Cuchulainn cloué sur son lit de malade à Fert Sciach, retenu par des cerceaux de bois des bandages et des cordes. Deux sorcières appelées Fethan et Collach sortir alors du camp des Irlandais puis allèrent pleurer ou gémir sur le sort du Hésus Cuchulainn en lui racontant que les Ulates avaient été mis en déroute, que Cunocavaros/Conchobar était mort et que Fergus était tombé dans le combat livré contre eux.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 60.
Les trente centaines. Le fief de Muirthemné devait donc apparemment fournir trente bataillons de cent hommes chacun en cas de conflit.
Leur roi. Le terme irlandais ainsi traduit est bien le mot gaélique rig. Mais il ne faut pas s’y tromper. Le Hésus Cuchulainn en l’occurrence n’est que le seigneur (tigern) d’un petit ou moyen territoire, la plaine de Muirthemné. Il n’est ni empereur (ard ri = haut-roi) d’Irlande ni même roi de province (ri tout court) comme son oncle Cunocavaros/Conchobar. Il a donc des vassaux, mais il est lui-même vassal d’un suzerain dans le cadre de tout un système de liens féodaux d’homme à homme. Pour plus de renseignements sur ce petit côté préféodal du monde celtique ancien (la civilisation laténienne) voir vos livres d’Histoire habituels. Il est vrai certes que dans l’ancien druidisme, en l’absence de gouvernement véritable au sens moderne du terme (des ministres des secrétaires d’État, etc.) les druides servaient en quelque sorte de conseillers techniques des rois pour toutes sortes de domaines. Pour une bonne et simple raison, c’est que les druides de l’époque faisaient plus que s’occuper de religion ou de spiritualité, c’est que les druides de l’époque faisaient plus que s’occuper du culte ou du soin des âmes, ils s’occupaient aussi du soin des corps en tant que médecins ou chirurgiens, ils étaient enseignants et formaient la jeunesse, etc., etc. Bref c’étaient les intellectuels de l’époque ! La société celtique antique n’était donc pas une théocratie, et il n’y avait pas de religion d’État précisément constituée avec un seul dieu et un seul culte, puisque tout le monde admettait comme allant de soi l’existence de dieux multiples et donc de cultes divers. Le sectarisme était une notion inconnue. Il y avait donc une sorte de mur de séparation entre l’Église et l’État bien avant même que ladite notion soit (re) découverte au XVIIIe ou au XIXe siècle. Ce que nous définissons nous autres néo-druides depuis 1789 comme une liberté religieuse totale : aucune loi privilégiant une religion ou interdisant son libre exercice, et que mes correspondants parisiens appellent laïcité : doivent être par principe et a priori interdites les lois qui favorisent une religion par rapport à une autre voire qui aident une ou plusieurs religions, il y a lieu à cet égard d’ériger un véritable mur entre les Églises et les États. Mais en insistant également sur le fait que concrètement et sur le terrain, localement, le principe de la liberté religieuse totale ne doit pas être générateur de trouble à l’ordre public ni d’incitation à la haine personnelle des individus en tant que tels (en tant qu’hommes, en tant que femmes) et ne doit en aucun cas nuire à la paix civile ou à l’acceptation d’une vie commune en bonne intelligence, y compris dans des domaines aussi sensibles que celui des relations entre hommes et femmes (polygamie polyandrie union libre et ainsi de suite…) le respect à manifester envers les symboles d’une précieuse unité nationale transcendant toutes les différences de sensibilité religieuse (drapeau, etc.) ; donc que les autorités locales ont le droit de l’encadrer dans la mesure où toutes les religions sont traitées de la
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même façon. Ce qui passe avant tout en effet ce sont les devoirs des hommes les uns envers les autres, étant bien entendu que les devoirs des hommes envers les dieux relèvent du domaine de la vie privée. La liberté des croyances et des opinions religieuses entre adultes consentants ne légitime pas pour autant toutes les pratiques d’inspiration religieuse comme le sacrifice humain par exemple (qu’il soit de type abrahamique agamemnonien ou autre). Afin d’aller jusqu’au bout de la logique de notre non-sectarisme en matière de religion, ajoutons à cette remarque que dans le propos qui précède, l’absence de toute religion ou agnosticisme doit être également traitée comme une religion (à part entière) puisque certains Celtes étaient athées * selon Strabon. « Ils vivent dans l’abjection sur plan moral, c’est-à-dire qu’ils ne se préoccupent guère de mener une vie civilisée, mais plutôt de satisfaire leurs besoins physiques et leurs instincts bestiaux, à moins évidemment qu’on ne veuille considérer que ces hommes se préoccupent aussi de bien-être en se lavant à l’aide d’urine qu’ils ont laissé vieillir dans des citernes, et en se brossant les dents avec, eux et leurs femmes ; comme on dit que le font aussi les Cantabres et leurs voisins. Mais cette coutume, ainsi que celle de dormir à la dure à même le sol, est partagée par les Ibères et les Celtes. Certains disent que les Galiciens n’ont pas de dieu, mais que les Celtibères et leurs voisins au nord offrent des sacrifices à un dieu sans nom, chaque pleine, lune, la nuit, devant les portes de leurs demeures, et que toute leur maisonnée danse alors en chœur la nuit entière » (Livre III, chapitre V, 16). Comme l’a très bien remarqué notre vieux maître Henri Lizeray, une tradition cela doit toujours s’interpréter, largement même, et chacun dans la société celtique antique interprétait donc à sa façon en son âme et conscience et selon sa raison, les grands mythes panceltiques mis à disposition par les druides. Et de nos jours encore si d’aventure et pour de bonnes raisons donc on en venait à lire ou étudier nos bibles à nous dans les écoles ou les universités, chacun devrait être laissé libre d’interpréter en son âme et conscience les passages ainsi retenus ou sélectionnés. Ce qui ne serait plus tout à fait le cas bien entendu en cas de lecture faite dans un lieu de culte un de nos sanctuaires ou un de nos temples, à l’occasion de telle ou telle fête religieuse. Là bien entendu de telles lectures pourraient parfaitement donner lieu à interprétation et à interprétation orientée qui plus est. Une tradition cela doit toujours s’interpréter c’est pourquoi il ne saurait être question de retourner intégralement à l’ancien druidisme. Le terme roi employé ici ne doit donc pas nous induire en erreur. La royauté de notre héros au sens strict du terme n’est pas de ce monde. Il n’est que roi des guerriers même si en ce temps-là, cela signifiait tout homme en âge de porter les armes. Bref, nous reviendrons ultérieurement dans nos petits cahiers sur cette importante distinction qu’il y a lieu d’opérer (il vaut même mieux que ce soit un véritable mur), entre les affaires de l’État et celles de la Religion. Nous avons trop souffert jadis des excès de cette dernière (Inquisition, guerres de religion, sorcières de Salem ou d’ailleurs – la dernière malheureuse condamnée légalement et officiellement pour sorcellerie l’a été en 1782 en Suisse : il s’agissait d’une certaine Anna Goeldin – ***) pour considérer qu’il s’agit là d’un sujet d’importance secondaire. Car nous sommes vraiment sincères et nous ne pratiquons là aucune casuistique spéciale qu’elle soit catholique ou chiite **** quand nous déclarons, nous : « Point de contrainte en matière de religion ! ». Il convient donc d’être neutre et de ne pas faire de discrimination en fonction de l’appartenance religieuse, mais cette exigence n’a de sens que s’il y a réciprocité, que si les hommes et les femmes qui demandent à bénéficier d’une telle neutralité ou d’une telle non-discrimination, sont également les premiers à pratiquer une telle neutralité ou une telle non-discrimination, en dehors de leurs lieux de cultes ou de leurs domiciles (privés).
* Tout comme moi qui suis un des derniers vassaux de la Duchesse de Normandie reine d’Angleterre et du Canada, etc.pour mon fief d’Écréhou.
** Strabon confond peut-être le fait de ne pas avoir de temples de pierre ou à tout le moins en dur avec le fait de ne pas avoir de dieux.
*** En France il y eut encore par la suite d’autres victimes de brûlées pour cause de sorcellerie dans certaines régions arriérées du pays, mais en dehors de tout cadre officiel ou légal : le 28 juillet 1826 à Bournel et en 1856 à Camalès en Bigorre (la malheureuse fut jetée dans un four). La bêtise humaine est de celles qui peuvent donner une idée de l’infini et le crime contre l’esprit des religions c’est de la maintenir dans cet obscurantisme.
**** Cette casuistique est appelée taqiya dans le cas historique des chiites.
Fer Diad. Le grand spécialiste français que fut d’Arbois de Jubainville pense qu’il s’agit là d’une erreur, Fer Diad au lieu de Calatin.
Sorcières. Nous traduisons ainsi le terme gaélique banchanti qui signifie littéralement femme (ban) satiriste (chanti), car il s’agit de satires au sens très fort du terme : leur cible ou leur victime peut en mourir.
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Chapitre XXVI. Préparatifs de la bataille.
Ce fut cette nuit que vint la fée Mara Rigu/Morrigu/Morgane fille d’Ernmas et qu’elle sema la haine et l’envie d’en découdre des deux côtés, en prononçant les paroles suivantes :
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 61.
Suit alors un très archaïque poème où l’on retrouve même le nom des premiers Irlandais, les Erainn, mais qui semble incomplet surtout si on le compare à celui qui figure dans le Livre de la vache brune ou Lebor na hUidre. Rien qu’un exemple. Ci-dessous ce que l’on trouve dans le livre de la vache brune. Cénmair h-Ultaib, Mairc Iarnaib, Mairc d' Ultaib immorro, Cén mair Iarnaib. Et ci-dessous ce que l’on trouve dans le livre du LeinsterBo chin Ultu. Bó mair Érno. Bo chin Ulto.
Conclusion : il manque un vers et il y a eu inversion du contenu dans un autre, le principe de ce passage poétique étant simple, la symétrie entre Ulates et Irlandais.
Le livre de la vache brune (lebor na hUidre) nous donne de toute façon une version légèrement différente de ce passage de notre récit. On nous y décrit le Hésus Cuchulainn se joignant également à cette mobilisation générale en se jouant de toutes difficultés. Puis les deux rois se rencontrent, conviennent d’une trêve jusqu’au lendemain. La déesse de la guerre apparaît alors sous une triple forme Badb (vieux celtique Bodua) Némain (vieux celtique Nemania) et Bé Néit, ce qui signifie en gaélique « femme de Néit » (vieux celtique Neto) afin de terroriser les Irlandais. Ensuite Ailill harangue ses hommes.
Imthús immorro fer n-Érind, cotagart Badb & Némain & Bé Néit forru ind aidchi sin for Gáirig & Irgáirich conidapad cét lóech díb ar úathbás. Nírbo h-ísin adaig ba sámam dóib.
Tochostul fear n-Érend andso.
Ro chachain Ailill mac Mátae in n-aidchi sin riasin cath co n-epert : Atraí, a Thriagthréin, etc., etc.
Pour en revenir à Neto, signalons à ce sujet que son nom dérive sans doute du protoceltique neit désignant l’éon de la passion ou du combat. Un nom similaire apparaît en effet dans la documentation espagnole en tant qu’interprétation celtibère du Mars romain. « Les Accitains, nation espagnole, honorent très religieusement, sous le nom de Néto, le simulacre de Mars orné de rayons » (Saturnales, livre I, chapitre XIX, 5).
La déviation irlandaise (ah ces Irlandais !) en fait le grand-père de Balor et aussi un époux de Bodua (ce qui peut se comprendre), mais le donne également pour mort à l’occasion de la seconde bataille de Mag Tured (Moytura), ce qui est plus singulier puisque les éons, tout comme les dieux, sont immortels ; du moins ne disparaissent (pour renaître sous un autre nom d’ailleurs) qu’à la fin du cycle cosmique dans lequel ils sont à l’œuvre, en tant que forces cosmiques justement eux aussi. Ci-dessous maintenant notre tentative de reconstitution du morceau de rhétorique poétique (un lai ?) en question. Si certains de nos lecteurs ont mieux à proposer, qu’ils se manifestent.
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Des corbeaux rongent
Des cous d’hommes.
Le sang des guerriers coule
Un combat féroce est livré.
Coinmid luind ????????
Mesctuich tuind ??????
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Taib im thuill ?????????
Im níthgalaib ????????
Près de Luibnech
Une attaque héroïque.
Mâle conduite
Des hommes de Cruachan ;
Scritha minardini ??????
Cuirther cath ?????????
Ba chossaib araile ?????
Eblait a rréim ????????
Longue vie aux Ulates !
Malheur aux Erainn !
Malheur aux Ulates !
Longue vie aux Erainn !
Tel est ce qu’elle [la fée Morgane] disait à l’oreille des Erainn :
Malheur aux Ulates !
La gloire ne fera pas défaut
À celui qui les attendra de pied ferme.
C’est alors que le Hésus Cuchulainn dit à Loeg fils de Riangabra : « malheur à toi, maître Loeg, s’il se passe entre les deux forces en présence aujourd’hui quelque chose que tu ne me dirais pas ! ». Quoi que ce soit que je puisse apprendre à ce sujet, petit Chien de Culann, répondit Loeg, je te le dirai. Voilà qu’un petit troupeau sorti du camp situé à l’ouest s’avance maintenant sur la plaine. Il y a derrière une bande de jeunes pour les conduire et les garder. Et voici maintenant qu’une bande de jeunes s’avance du campement situé à l’est pour s’en emparer. Si c’est bien vrai, dit le Hésus Cuchulainn, alors cela présage un puissant combat et cela va être la cause d’un sérieux affrontement. Le petit troupeau va traverser la plaine et les jeunes gens de l’est vont se retrouver nez à nez avec ceux de l’ouest.
Il en fut comme le Hésus Cuchulainn l’avait dit. Le petit troupeau traversa la plaine et les jeunes se rencontrèrent. Qui livre bataille maintenant, maître Loeg ? demanda le Hésus Cuchulainn. Les Ulates, répondit Loeg. Les jeunes Ulates. Comment se battent-ils ? demanda le Hésus Cuchulainn ? Ils se battent bravement, répondit Loeg. Les champions qui viennent de l’est pour se battre vont percer une brèche dans les lignes de bataille de ceux de l’ouest. Les champions venus de l’ouest pour se battre vont percer une brèche dans les lignes de bataille de ceux de l’est. Quel malheur de n’être pas déjà remis de mes blessures afin de pouvoir être à pied d’œuvre avec eux ! Car si j’y étais, on verrait aussi clairement que celle des autres maintenant la brèche ouverte devant moi. N’y penses même pas, petit chien de Culann, rétorqua Loeg, ton courage reste hors de cause et ton honneur est intact. Tu t’es battu courageusement jusqu’ici et tu te battras courageusement après ça. Bien maître Loeg, répondit le Hésus Cuchulainn, exhorte maintenant les Ulates à la bataille, car il est temps pour eux d’y aller. Loeg se rendit sur place et prépara les Ulates au combat en leur disant ceci :
Note de la rédaction : suit alors un morceau de rhétorique typiquement guerrière, versifiée. Que nous allons essayer de traduire, sous toutes réserves !
Comeirget ríg Macha
Debout rois de Macha
Aux grands exploits !
La Bodua veut
Le bétail d’immail ????
Il y aura de grands exploits des guerriers
Il y aura des cœurs qui se videront de leur sang
Il y aura des fronts de boucliers (tilaib) ?? en fuite
Turcbaid in sním nítha ???????????????
Et l’angoisse des combats montera ???
Car on n’a pas trouvé jusque là
De héros semblable au Hesus Cuchulainn,
Un chien de guerre qui se bat pour Macha
Dès l’aube,
À partir du moment où c’est pour le bétail de Cualnge
Que tout le monde se lève maintenant !
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 62.
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La démone ou fée Mara Rigu/Morrigu/Morgane joue bien ici son rôle de déesse de la guerre en ce sens qu’elle ne participe point aux combats elle-même, mais qu’elle pousse bien les combattants des deux camps à s’entretuer. Elle fait preuve dans ce poème de beaucoup de duplicité en tenant aux deux partis le même langage, mais inversé afin de mieux les monter les uns contre les autres. Pour être théologiquement plus précis elle personnifie donc dans ce cas tout ce qui en l’homme peut le pousser à s’en prendre (collectivement) à son prochain. Après tout, pour qu’il y ait guerre, ne faut-il pas que les deux camps aient envie d’en découdre ? Il n’y a pas de guerre si, comme à Munich en 1938 *, un des camps refuse de se battre. Afin d’illustrer cette idée, la fée Morgane joue donc dans ce cas le rôle d’une déesse ou plus exactement d’une démone de la guerre, dont la fonction essentielle par définition est de pousser les hommes à s’entretuer.
*Pour ceux qui n’ont pas connu cette époque et il doit s’agir de la totalité de nos lecteurs maintenant, précisons qu’à Munich en 1938 tout ce que le monde comptait alors de gens gentils et intelligents (Chamberlain Daladier entre autres) a cédé au chancelier allemand Adolf Hitler tout ce qu’il voulait en Tchéquie, pour défendre les civils allemands de la région des Sudètes. Aucun de ces politiques du camp des gentils et intelligents ne voulait en effet rééditer les horreurs de la Première Guerre mondiale. On peut bien sûr les comprendre et cela paraît bien naturel, mais il semble bien néanmoins que si les Français ainsi que les Anglais l’avaient voulu, en ne cédant rien et en se préparant à une attaque imminente, Hitler aurait été balayé ou du moins contenu, et le nazisme aurait fait infiniment moins de morts. Comme quoi être gentil et « intelligent » (les guillemets s’imposent dans ce cas bien entendu) ne suffit pas toujours à faire le bonheur de l’Humanité ni même à diminuer le poids de ses souffrances. L’enfer est pavé de bonnes intentions et Churchill avait raison d’analyser plutôt ainsi la situation lorsqu’il s’exclama au Parlement : « vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur, vous avez choisi le déshonneur, mais vous aurez aussi la guerre ».
Balayons à ce propos quelques idées reçues. En 1918 l’armée française n’était pas loin d’être devenue la première armée du monde. Et contrairement à ce que l’on pense couramment dans notre pays aujourd’hui, à la date du 10 mai 1940, l’armée française était loin d’être surclassée en quantité et en qualité, mais les conceptions alors dominantes quant au rôle de l’armée, considéré comme surtout défensif, avaient conduit à des choix de matériels ou d’utilisation du matériel, désastreux ; parfois, inférieurs en vitesse comme dans l’aviation, mais parfois aussi dotés d’une très grande puissance de feu ainsi que d’un excellent blindage comme pour certaines catégories de chars qui surclassaient le matériel allemand. La France possédait un minimum de 3 700 chars modernes, sans compter plusieurs milliers d’autres véhicules blindés légers, automitrailleuses, vieux chars ou chenillettes d’infanterie. En dépit d’un mythe largement répandu, les panzers de l’armée allemande n’avaient rien d’invincible en eux-mêmes, bien au contraire. La France disposait des SOMUA S35 et les B1/B1 bis qui étaient a priori les plus puissants chars au monde de l’époque. Leur blindage résistait à tous les canons antichars allemands de l’époque, ainsi qu’aux canons des panzers II, III et IV, et leur armement surpassait celui de tous les panzers, y compris le PzIV (ce dernier étant efficace seulement à moins de 500 m). Lors de la première bataille de chars de l’histoire (celle de Hannut), les chars français firent jeu égal avec les panzers, ces derniers conservant l’avantage uniquement grâce à leur couverture aérienne efficace et parfaitement coordonnée. Il y eut également un certain nombre de manquements dans le haut commandement et surtout des erreurs stratégiques fatales liées à des dogmes trop rigides au sein de l’État-Major français. À la différence de l’Allemagne, la France par exemple avait fait le choix de disséminer ses chars au lieu de les concentrer.
Lors de la bataille de Stonne, les chars français commandés par le capitaine Billotte reprirent dix-sept fois le village tombé aux mains des Allemands sur une période de quatre jours. Par ailleurs, le 15 mai 1940 le colonel de Gaulle, reçoit la mission de retarder l’ennemi dans la région de Laon. Sa division blindée n’est pas encore totalement opérationnelle, mais malgré cela sa contre-attaque vers Montcornet, au nord-est de Laon, fut l’une des seules qui parvinrent à enfoncer de plusieurs dizaines de kilomètres les lignes allemandes. Il faut également mentionner le combat pour l’honneur des Cadets de l’École de cavalerie de Saumur, moins de 3000 hommes soutenant le choc de 30000 à 40000 Allemands pendant deux jours. Ce ne sera que grâce à l’arrivée de renforts et par l’utilisation massive de l’artillerie et suite au manque de munitions que les Allemands s’empareront des ponts dans la journée du 20 juin 1940. Les Allemands leur permettront d’ailleurs de repartir libres vers la ligne de démarcation, sous les ordres de leurs officiers, sans être escortés, une section de l’armée allemande leur rendant même les honneurs militaires lors de leur passage sur le pont de Beaulieu-lès-Loches.
L’armée française a également tenu les Italiens en échec jusqu’au bout dans les Alpes avant que les Allemands ne la prennent à revers. Explication. Le 10 juin 1940 quand l’Italie déclare la guerre (commentaire lapidaire de Roosevelt : « un coup de poignard dans le dos » l’armée des Alpes commandée par le général Olry, ne dispose que d’environ 185 000 hommes. Cette armée a subi
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plusieurs ponctions importantes, d’abord à cause de la campagne de Scandinavie (Narvik 10 et 13 avril 1940), puis de la défaite sur le front du Nord-Est. À la déclaration de guerre, elle fait sauter les routes et tunnels susceptibles d’être utilisés par le groupe d’armées ouest du prince Humbert de Savoie. Les forces italiennes regroupent 22 divisions et plus de 300 000 hommes. Ces forces lancent quelques attaques entre le 11 et le 19 juin. Elles sont repoussées. Des attaques aériennes italiennes sur Toulon et les aérodromes du secteur sont repoussées et l’aviation française attaque les terrains d’aviation de Gênes et de Turin. Le 21 juin, les Italiens sur ordre de Mussolini lancent une violente attaque générale. À Menton le XVe corps italien est repoussé par les forces du secteur fortifié des Alpes-Maritimes (moins d’une division). Le 23, les Italiens s’empareront d’une petite partie de Menton. Partout ailleurs, les forces françaises résistent, bien qu’étant toujours en infériorité numérique comme lors de la bataille de Pont Saint-Louis, et se battent furieusement. Pertes italiennes : environ 6 000 hommes, environ 250 pour l’armée française des Alpes, inconnues pour le groupement Cartier. On se doit aussi de noter que (et je reproduis là tel que l’argumentaire d’un de mes correspondants parisiens), même après la signature de l’armistice, des unités françaises continuèrent à se battre, et refusèrent de se rendre. Il fallut de nombreuses injonctions du nouveau gouvernement, menacé par les Allemands de représailles et de l’annulation de l’armistice, pour qu’ils déposent les armes. Bref, l’armée française de 1940 n’a pas été vaincue sans combattre. Les hommes ont fait ce qu’ils ont pu avec les moyens qui leur ont été fournis. J’en sais quelque chose, mon père a fait partie des dernières forces françaises de la région de Strasbourg en 1940 et a été médaillé militaire pour avoir à cette occasion participé à divers combats dans le département des Vosges, notamment à Corcieux-Vanémont les 20 et 21 juin 1940 (avant de se retrouver en Allemagne dans la police militaire de la première armée – Rhin et Danube – quelques années plus tard).
« Vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur, vous avez choisi le déshonneur, mais vous aurez et le déshonneur et la guerre », avons-nous dit. Maintenant il est vrai que vous pourrez objecter que Churchill était un vieux con de fasciste et que ce n’est pas une référence en matière d’intelligence politique ou de lucidité politique. Si vous voulez. Mais petite question maintenant : et aujourd’hui combien de combats où l’on se trompe d’ennemis, combien de Munich quotidiens face aux vrais nouveaux fascismes ????
La leçon à tirer de tout cela est simple : matériel et supériorité technologique ne servent à rien si on n’a pas les idées claires et notamment pour ce qui est des buts de la guerre. Quand on se veut une démocratie par exemple ce qui doit compter ce n’est pas d’occuper le plus de possibles territoires, mais de gagner les cœurs. L’Afghanistan cela fait longtemps que l’on aurait dû s’en retirer, au minimum depuis la mort de Ben Laden puisque nous n’avons pas l’intention d’imposer même à la longue les valeurs auxquelles nous croyons et que nous estimons être universelles (égalité en droit des hommes et des femmes, liberté religieuse et ainsi de suite…).
C’est alors que le Hésus Cuchulainn dit à Loeg… d’après le livre de la vache brune ou Lebor na hUidre en gaélique notre héros se trouve à ce moment-là en un lieu appelé Fedain Collna, situé non loin du champ de bataille apparemment, mais pas en plein dedans non plus. Des gens chargés des problèmes d’intendance (briugadaib) venaient l’y retrouver pour le ravitailler en nourriture et lui apporter des nouvelles. Ro baí Cú Chulaind trá oc Fedain Chollna ina n-arrad. Dobreth biad dó óna briugadaib in n-aidchi sin & dothéigdis dia acallaim fri dé. Car on retrouve en ce qui concerne les mythes entourant la vie de notre héros le même phénomène que l’on trouve dans les évangiles dits synoptiques : beaucoup de différences, mais une convergence sur l’essentiel. N’oublions pas néanmoins que tous les évangiles ne sont pas synoptiques, que celui de Jean semble issu d’un autre monde. Sans parler des hadiths relatifs à Mahomet où là c’est carrément du délire, car il y a vraiment tout et n’importe quoi vu leur nombre, 700 000 (alors que si ça se trouve il n’y en a que 15 ou 20 de vraiment authentiques). Dieu a peut-être voulu ainsi inciter ses fidèles à réfléchir et à faire preuve d’un minimum d’esprit critique. Phénomène particulièrement flagrant dans le judéo-christianisme où dès le début certaines « curiosités » ou contradictions ou incohérences de la Bible ont fait couler beaucoup d’encre, car elles montraient à l’évidence qu’on ne pouvait pas tout prendre au pied de la lettre dans ces écrits.
Les différentes théories prétendant résoudre le problème synoptique essaient d’expliquer…
— La triple tradition, c’est-à-dire les passages identiques, ou quasiment identiques, entre les trois textes.
— La double tradition, c’est-à-dire les passages communs à Matthieu et à Luc, mais inexistants dans Marc.
— Les sémitismes du texte de Marc.
— Les convergences mineures, c’est-à-dire des propositions identiques n’existant que dans Matthieu et Luc, dans les passages appartenant à la triple tradition.
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— L’ordonnancement identique des récits entre les différents évangiles.
La triple tradition peut être expliquée par l’antériorité de l’un des évangiles, utilisé par les deux autres.
La double tradition peut être expliquée par l’utilisation de deux évangiles comme source du troisième texte.
L’hypothèse de la dérivation à partir d’un même modèle postule que les trois évangiles ont été écrits par abréviation d’une traduction grecque d’un protoévangile en hébreu appelé la « source Q » par les auteurs allemands. Cette idée vient d’Origène rapportant les propos de Papias.
Cette hypothèse explique les similitudes majeures ainsi que l’ordre des histoires. Mais elle n’explique pas pourquoi certains passages ont été coupés ni pourquoi les sémitismes de Marc ont été corrigés de manière identique dans Matthieu et Luc (ou alors introduits par Marc). Sans compter que ce protoévangile (l’évangile des Hébreux ou l’évangile des Nazaréens ?) n’a pas été retrouvé. De là grosso modo deux types de réactions possibles, que ce soit pour nos légendes la Bible ou le Coran et les hadiths. Première catégorie de réactions : puisqu’il y a des contradictions, alors tout est faux (variante : on ne peut accorder de crédit à rien). Deuxième catégorie de réactions : puisqu’il y a des contradictions, alors cela montre que certaines choses sont fausses, mais pas toutes. Toute la difficulté maintenant est de faire le tri. C’était d’ailleurs la réaction générale à l’époque en ce qui concerne les légendes relatives à notre héros puisqu’à la fin du long épisode traitant de l’enlèvement des vaches de Cooley un moine copiste irlandais de l’époque a noté en latin, sans se douter que cela pouvait aussi s’appliquer à ses propres écritures sacrées :« Moi qui ai recopié cette histoire, ou plus exactement cette fable, je n’accorde pas crédit à toutes ses parties ; certaines sont l’œuvre de la ruse du démon ; d’autres sont des fictions poétiques ; il y en a de vraisemblables, et d’autres qui ne le sont pas ; quelques-unes ont été imaginées pour l’amusement des sots ».
N.B. En ce qui concerne les légendes parlant de notre héros, rappelons pour comparaison ce que les spécialistes ont trouvé ou prouvé depuis longtemps. Il existe deux versions principales du récit : une partie de la première version est contenue dans le Lebor na hUidre (Livre de la vache brune) qui date du début du XIe siècle, mais la langue utilisée démontre qu’elle appartient au IXe siècle et peut-être au VIIIe siècle. La seconde partie est incluse dans le Livre jaune de Lecan (Leabhar Buidhe Lecain) qui est plus tardif, il date du XIVe siècle. Ces deux ensembles constituent, une fois assemblés, l’histoire complète de la rafle, sans qu’il y ait d’unité littéraire, compte tenu des différentes époques de composition.
La seconde version est incluse dans le Livre du Leinster (en gaélique Lebar na Nuachongbala – Livre de la Nouvelle Fondation), manuscrit qui date du XIIe siècle. Cette version a été rédigée à partir du Lebor na hUidre ou Livre de la vache brune et du Leabhar Buidhe Lecain ou Livre jaune de Lecan, avec incorporation d’éléments originaux. Il existe une troisième version plus tardive et très fragmentaire qui n’est plus synoptique. Ces textes sont écrits en vieil irlandais, langue utilisée du VIIIe au XIe siècle, et en moyen irlandais, utilisé du XIe au XVe siècle. La forme narrative est la prose à l’exception de passages versifiés, qui soulignent l’intensité dramatique. Ces travaux de compilation littéraire ont été réalisés par des clercs, dans le cadre des monastères irlandais. En revanche, la datation de la matière est impossible. Le cadre est indubitablement préchrétien et nous décrit une société guerrière de l’âge du fer. La transmission orale s’est faite sur plusieurs siècles. Le Français Marcel Jousse, professeur d’anthropologie à l’École des Hautes Études et à la Sorbonne a consacré sa vie à montrer comment fonctionnent les traditions orales d’un point de vue anthropologique. Dans sa thèse « Anthropologie du Geste », il a démontré le fonctionnement et la fiabilité des traditions orales en général : textes rythmés, balancés, structuration des textes de manière pédagogique, procédés mnémotechniques. Un vernis chrétien se superpose néanmoins au substrat celtique. Une légende au mauvais sens du terme fait par exemple du roi Conchobar un contemporain du Christ, ce qui est évidemment faux et archi faux, mais le judéo-christianisme nous a depuis longtemps habitués à toutes ces grossières falsifications de l’Histoire nées sous la plume de ses thuriféraires.
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Chapitre XXVII. La bataille de Garech.
Ci-dessous la mobilisation des Ulates.
Alors tous les Ulates se levèrent à l’appel de leur roi et au signal de leur seigneur afin de répondre à l’injonction de Loeg fils de Riangabra. Ils se levèrent même complètement nus à l’exception des armes qu’ils avaient à la main. Ceux qui avaient une tente à l’ouverture donnant sur l’est s’élancèrent droit vers l’ouest en passant au travers même de leur tente, estimant trop long de la contourner. Et maintenant comment les Ulates se sont-ils préparés à la bataille, maître Loeg ? interrogea le Hésus Cuchulainn. Ils l’ont fait virilement répondit Loeg. Ils sont tous complètement nus. Et tous ceux qui avaient l’ouverture de leur tente face à l’est se sont rués vers l’ouest en passant au travers même de leur tente, estimant trop long d’avoir à la contourner. Par ma foi, s’exclama le Hésus Cuchulainn, je te jure que cette levée en masse autour de Cunocavaros/Conchobar aux premières lueurs de l’aube est bien la plus rapide réponse que l’on puisse faire à un cri d’alarme.
Mais Cunocavaros/Conchobar demanda ensuite à Sencha fils d’Ailill : « Maître Sencha, retiens les Ulates et ne les laisse pas engager le combat tant que don tseón & don tsolud (les présages et les augures ???) ne seront pas nettement favorables à leur assaut et tant que le soleil ne sera pas monté assez haut dans le ciel pour éclairer toutes les vallées le flanc des vallées les collines ainsi que les coteaux d’Irlande ». Ils restèrent donc jusqu’à la confirmation des don tseón & don tsolud (des présages et des signes favorables ???) et jusqu’à ce que le soleil soit suffisamment haut dans le ciel pour illuminer les vallées le flanc des vallées les collines et les coteaux de la province.
Bien maître Sencha, dit ensuite Cunocavaros/Conchobar, prépare les Ulates à la bataille, car il est temps maintenant pour eux d’y aller. Sencha prépara donc les Ulates au combat en prononçant les paroles suivantes.
Coméirget ríg Macha.
Debout rois de Macha
Et fidèles guerriers de leur maisonnée
Affûtez vos lames
Et livrez bataille.
Claidet burach ????????
Creusez des brèches ??
Labourez la terre comme des taureaux furieux??
Frappez les boucliers.
Fatigués seront les bras
Le bétail beuglera
Il faudra résister
Que la défense soit féroce
Et ardents les combattants
Que meurent les assaillants
Courez sus à l’ennemi ????
Bardanessat & bardalessat ??? aujourd’hui.
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Ils boiront le calice de sang jusqu’à la lie
Le chagrin noiera le cœur des reines ?
Dès l’aube.
À partir du moment où c’est pour le bétail de Cualnge
Que tout le monde se lève maintenant !
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 63.
Complètement nus. On retrouve là bien évidemment le thème de la nudité guerrière des Gésates lors de la bataille de Télamon, mais ce n’est peut-être qu’une coïncidence littéraire.
Don tseón & don tsolud. Si l’on en croit les traductions traditionnelles de cette expression, le druide de l’ancien druidisme appelé Sencha était donc un spécialiste des étoiles et des présages ou des signes du Destin. Nous déconseillons néanmoins fortement aux druides d’aujourd’hui de se lancer dans de telles spéculations.
Coméirget ríg Macha bis. Ce deuxième morceau de rhétorique poétique semble être un doublon du premier, mais dans la bouche de Sencha cette fois. Il est toujours aussi difficile à traduire, mais le sens général en est très clair. Le druide Sencha exhorte les Ulates et les presse de livrer un combat furieux et désespéré… pour récupérer leur bétail. Chose inconcevable pour des Celtes continentaux qui n’accordaient pas autant d’importance à l’élevage du bétail. Pour conclure sur le cas de Sencha, notons que son exact équivalent peut consister en deux types de prêtres différents. Le prêtre chrétien qui dit la messe pour les soldats qui vont entamer ou subir une action décisive : monter à l’assaut ou devoir se défendre jusqu’à la mort. Car un prêtre peut-il moralement refuser ce dernier réconfort spirituel à ceux de ses compatriotes qui vont mourir (enfin peut-être) ? Même Bouddha ne l’aurait pas accepté ! L’évêque ou l’abbé comme saint Bernard de Clairvaux qui appelle les chevaliers d’Occident à la croisade après la fermeture des possibilités de pèlerinage à Jérusalem par les Turcs au 11e siècle. Ci-dessous quelques extraits d’une lettre de saint Bernard aux premiers Templiers.
« À Hugues, soldat du Christ, et maître de la milice, Bernard simple abbé de Clairvaux, adresse ses meilleurs vœux de bon combat pour une juste cause.
Si je ne me trompe pas, ce n’est pas une, mais deux, mais trois fois, mon cher Hugues, que vous m’avez prié de vous écrire, à vous et à vos compagnons d’armes, quelques paroles d’encouragement, et de tourner ma plume, à défaut de lance, contre notre tyrannique ennemi, en m’assurant que je ne vous rendrais pas ainsi un petit service si j’excitais par mes paroles ceux que je ne puis exciter les armes à la main. Si j’ai tardé quelque temps à me rendre à vos désirs, ce n’est pas que je crusse qu’on ne devait en tenir aucun compte, mais je craignais qu’on ne pût me reprocher de m’y être légèrement et trop vite rendu et d’avoir, malgré mon inhabileté, osé entreprendre quelque chose qu’un autre plus capable que moi aurait pu mener à meilleure fin. Mais en voyant que ma longue attente ne m’a servi à rien, je me suis enfin décidé à faire ce que j’ai pu, le lecteur jugera si j’ai réussi, afin de vous prouver que ma résistance ne venait point de mauvais vouloir de ma part, mais du sentiment de mon incapacité. Mais après tout, comme ce n’est que pour vous plaire que j’ai fait tout ce dont je suis capable, je me mets fort peu en peine que mon livre ne plaise que médiocrement ou même paraisse insuffisant à ceux qui le liront. Un nouveau genre de milice est né, dit-on, sur la terre, dans le pays même que le Soleil levant est venu visiter du haut des cieux, en sorte que là même où il a dispersé, de son bras puissant, les princes des ténèbres, l’épée de cette brave milice en exterminera bientôt les satellites, je veux dire… Il n’est pas assez rare de voir des hommes combattre un ennemi physique avec les seules forces du corps pour que je m’en étonne ; d’un autre côté, faire la guerre au vice et au démon avec les seules forces de l’âme ce n’est pas non plus quelque chose d’aussi extraordinaire que louable, le monde est plein de moines qui livrent ces combats ; mais ce qui, pour moi, est aussi admirable qu’évidemment rare, c’est de voir les deux choses réunies, un même homme pendre avec courage sa double épée à son côté et ceindre noblement ses flancs de son double baudrier à la fois. Le soldat qui revêt en même temps son âme de la cuirasse de la foi et son corps d’une cuirasse de fer ne peut point ne pas être intrépide et en parfaite sécurité ; car, sous sa double armure, il ne craint ni homme ni diable. Loin de redouter la mort, il la désire. Que peut-il craindre, en effet, soit qu’il vive, soit qu’il meure, puisque Jésus-Christ seul est sa vie et que, pour lui, la mort est un gain ? Sa vie, il la vit avec confiance et de bon cœur pour le Christ, mais ce qu’il préférerait, c’est être dégagé des liens du corps et être avec le Christ ; voilà ce qui lui semble meilleur. Marchez donc au combat, en pleine sécurité, et chargez les ennemis de la croix de Jésus-Christ avec courage et intrépidité, puisque vous savez bien que ni la mort, ni la vie ne pourront vous séparer de l’amour de Dieu qui est fondé sur les complaisances qu’il prend en Jésus-Christ… Quelle gloire pour ceux qui reviennent victorieux du combat, mais quel bonheur pour ceux qui y trouvent le martyre ! Réjouissez-vous, généreux athlètes, si vous survivez à votre victoire dans le Seigneur, mais que votre joie et votre allégresse soient
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doubles si la mort vous unit à lui : sans doute votre vie est utile et votre victoire glorieuse ; mais c’est avec raison qu’on leur préfère une sainte mort ; car s’il est vrai que ceux qui meurent dans le Seigneur sont bienheureux, combien plus heureux encore sont ceux qui meurent pour le Seigneur ! Il est bien certain que la mort des saints dans leur lit ou sur un champ de bataille est précieuse aux yeux de Dieu, mais je la trouve d’autant plus précieuse sur un champ de bataille qu’elle est en même temps plus glorieuse. Quelle sécurité dans la vie qu’une conscience pure ! Oui, quelle vie exempte de trouble que celle d’un homme qui attend la mort sans crainte, qui l’appelle comme un bien, et la reçoit avec piété.… les soldats du Christ combattent en toute sécurité les combats de leur Seigneur, car ils n’ont point à craindre d’offenser Dieu en tuant un ennemi et ils ne courent aucun danger, s’ils sont tués eux-mêmes, puisque c’est pour Jésus-Christ qu’ils donnent ou reçoivent le coup de la mort, et que, non seulement ils n’offensent point Dieu, mais encore, ils s’acquièrent une grande gloire : en effet, s’ils tuent, c’est pour le Seigneur, et s’ils sont tués, le Seigneur est pour eux ; mais si la mort de l’ennemi le venge et lui est agréable, il lui est bien plus agréable encore de se donner à son soldat pour le consoler. Ainsi le chevalier du Christ donne la mort en pleine sécurité et la reçoit dans une sécurité plus grande encore. Ce n’est pas en vain qu’il porte l’épée ; il est le ministre de Dieu, et il l’a reçue pour exécuter ses vengeances, en punissant ceux qui font de mauvaises actions et en récompensant ceux qui en font de bonnes. Lors donc qu’il tue un malfaiteur, il n’est point homicide mais tueur de mal, si je puis m’exprimer ainsi ; il exécute à la lettre les vengeances du Christ sur ceux qui font le mal, et s’acquiert le titre de défenseur des chrétiens. Vient-il à succomber lui-même, on ne peut dire qu’il a péri, au contraire, il s’est sauvé. La mort qu’il donne est le profit de Jésus-Christ, et celle qu’il reçoit, le sien propre. Le chrétien se fait gloire de la mort d’un païen (sic), parce que le Christ lui-même en est glorifié, mais dans la mort d’un chrétien la libéralité du Roi du ciel se montre à découvert, puisqu’il ne tire son soldat de la mêlée que pour le récompenser. Quand le premier succombe, le juste se réjouit de voir la vengeance qui en a été tirée ; mais lorsque c’est le second qui périt, le juste sera sans aucun doute récompensé puisque c’est Dieu qui juge la terre. Je ne veux pas dire par là que les païens (re-sic) doivent absolument être tués même quand il existe un autre moyen de les empêcher de harceler ou de persécuter les fidèles, mais seulement que… s’il est absolument défendu à un chrétien de frapper de l’épée, d’où vient que le héraut du Sauveur disait aux militaires de se contenter de leur solde, et ne leur enjoignait pas plutôt de renoncer à leur profession (Luc., III, 13) ? Si au contraire cela est permis, comme ce l’est en effet, à tous ceux qui ont été établis par Dieu dans ce but, et ne sont point engagés dans un état plus parfait…, etc., etc. » Ceci dit que nos amis chrétiens et musulmans se rassurent, je suis bien d’accord avec eux, saint Bernard de Clairvaux était une brute épaisse, une grosse ordure nazie, et il vaut mieux l’oublier derechef.
N.B. Quant à ceux de nos frères qui se sentent la vocation typiquement « vate » d’accompagner les soldats (pour œuvrer au salut de leurs âmes) nous ne demandons pas pour eux une exemption du service militaire et des dangers inhérents à la condition militaire, comme les jeunes étudiants ultra-orthodoxes d’Israël jusqu’en 2012 (la loi Tal), mais une sorte de service de remplacement analogue à celui des médecins ou infirmiers ou brancardiers. Il est parfaitement compréhensible que l’on hésite à tuer même pour se défendre, même en cas de légitime défense, c’est un scrupule respectable ; mais cela ne doit pas servir de prétexte à la lâcheté : le druide ou l’apprenti druide ne doit pas être un « planqué ».
Ci-dessous la mobilisation des Irlandais.
Loeg n’attendit pas longtemps après cela pour voir les Irlandais se lever à leur tour afin de prendre leurs boucliers leurs javelots et leurs épées ainsi que leurs casques, et faire avancer leurs troupes sur le champ de bataille. Chacun des Irlandais commença de frapper ou de cogner, de tailler ou de couper, de massacrer ou d’abattre, l’ennemi, pendant un long moment. Le Hésus Cuchulainn demanda ensuite à son cocher alors qu’un gros nuage lumineux couvrait le soleil : « Comment livrent-ils bataille maintenant, maître Loeg ? » Ils se battent bravement, répondit Loeg. Si nous montions moi dans mon char ainsi qu’En le cocher de Conall dans le sien, et si nous roulions avec d’une extrémité de la ligne de bataille à l’autre sur la pointe des armes, pas un sabot ni une roue ni un essieu ni un timon, des chars, ne toucherait le sol, tellement les armes sont maintenant nombreuses et fermement ou solidement tenues par les soldats. Quel malheur que ne puisse être parmi eux ! s’exclama le Hésus Cuchulainn, car si j’avais pu être là-bas, on y verrait aussi clairement que celles des autres les traces de mon sanglant sillon. N’y penses même pas, petit chien de Culann, rétorqua Loeg, ton
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courage reste hors de cause et ton honneur est intact. Tu t’es battu courageusement jusqu’ici et tu te battras courageusement après ça.
Les Irlandais recommencèrent de nouveau à frapper ou cogner, tailler ou couper, massacrer ou abattre, leur ennemi, pendant un long moment. Ensuite virent les rejoindre neuf guerriers à char (d’Iruade) ainsi que trois fantassins, mais les chars n’allaient pas plus vite que les hommes à pied. Vinrent également se joindre à eux les ferchuitredaig, des groupes d’Irlandais allant par trois dont la seule fonction dans la bataille était de tuer Cunocavaros/Conchobar si les Ulates étaient vaincus et sauver Ailill et Maeve si c’étaient les Irlandais qui devaient être battus. Ci-dessous les noms de ces gardes du corps.
Note de la rédaction. Suit alors une liste de 34 noms dont nous ferons grâce à nos lecteurs du détail. Se reporter aux manuscrits en gaélique pour en savoir plus. Cette précision est néanmoins à rapprocher du fait que chacun des chars mentionnés précédemment est lui aussi accompagné à chaque fois par un groupe de trois fantassins. Y aurait-il eu confusion ?? Ou perte de certains des éléments de cette histoire ?? Ou au contraire inflation, rajout ?? Car 34 noms cela fait plus que 9X3.
Maeve dit alors à Fergus : il conviendrait que tu nous aides en combattant aujourd’hui sans relâche à nos côtés, car après avoir été banni de chez toi et de ton pays, tu as reçu de notre part une patrie un pays et un domaine, et nous avons fait preuve envers toi de beaucoup de bonté. Si j’avais encore mon épée aujourd’hui, répondit Fergus, je couperais tellement de têtes que j’amoncellerai troncs décapités sur troncs décapités, bras d’homme sur bras d’homme, crânes d’hommes sur crânes d’hommes, têtes d’hommes sur têtes d’hommes, et aussi des têtes sur les boucliers, les membres des guerriers ulates dispersés par moi tant à l’est qu’à l’ouest seraient aussi nombreux que les grêlons rejetés dans des champs le long desquels passent les chevaux d’un roi ! Si seulement j’avais mon épée.
Ailill dit alors à son cocher, Ferloga : mon garçon, apporte-moi promptement l’épée qui découpe littéralement les chairs ! Je te jure que si elle est dans un moins bon état de conservation maintenant que le jour où je te l’ai confiée sur le flanc de la colline de Cruachan Ai, même si tous les hommes d’Irlande et d’Albion te protégeaient contre moi, ils n’arriveraient pas pour autant à te sauver de ma colère. Ferloga s’avança et apporta l’épée qui brillait de tout l’éclat d’une parfaite conservation et luisait comme une torche : l’arme fut remise entre les mains d’Ailill. Ensuite Ailill rendit l’épée à Fergus qui la salua ainsi : « Mo chen Caladbolg, claideb Leite » « Sois la bienvenue, ô Caladbolg, épée de Leithé car tu me manquais » ! Le champion de la Bodua [de la déesse de la guerre] est las des combats singuliers. Sur qui vais-je bien pouvoir jouer de cette épée ? demanda Fergus. Sur ces ennemis qui nous entourent, répondit Maeve. Combats sans merci et ne fais pas de quartier aujourd’hui sauf pour un véritable ami. Fergus prit donc ses armes et s’avança sur le champ de bataille. Ailill saisit ses armes. Maeve prit ses armes et se jeta dans la bataille et chacun creusa trois brèches vers le nord jusqu’à ce qu’une véritable haie de lances et d’épées ne les fasse de nouveau reculer.
Cunocavaros/Conchobar de la place qu’il occupait sur la ligne de bataille entendit rapporter qu’à trois reprises la bataille avait tourné à son désavantage dans le nord. Il demanda donc à ses gens, à ses familiers de la salle des fêtes de la Branche Rouge, de tenir un court instant sa position afin qu’il puisse aller voir qui les avait fait reculer par trois fois au nord. Et toute sa maisonnée de lui répondre : nous le ferons, car dáig nem úasaind, talam ísaind, muir immuind immácúairt ; mono tháeth in firmimintni cona frossaib rétland for dunignúis in talman nó mani thí in farrgi eithrech ochargorm for tulmoing in bethad nó mani máe in talam, le ciel est toujours au-dessus de nous, la terre nous nos pieds, la mer tout autour ; à moins que le firmament dans une grande pluie d’étoiles ne s’écrase à la surface de la Terre, à moins que la mer poissonneuse aux vagues bleues ne vienne recouvrir la face du monde, ou à moins que la terre ne tremble, nous ne reculerons pas d’un pouce co brunni mbrátha & betha tant que tu n’auras pas repris ta place parmi nous.
Cunocavaros/Conchobar alla où il avait entendu dire qu’on lui avait infligé trois déroutes successives au nord, et lutta en ce lieu notamment contre Fergus fils de Roech, bouclier contre bouclier, avec Ochain son bouclier aux quatre coins en or et aux quatre bordures d’or rouge. Fergus asséna trois puissants coups dignes de la Bodua contre l’Ochain de Cunocavaros/Conchobar et le bouclier de Cunocavaros/Conchobar se mit alors à rugir de douleur. – Chaque fois que le bouclier de Cunocavaros/Conchobar mugissait, les boucliers de tous les guerriers ulates rugissaient à l’unisson. – Aussi forts et violents qu’aient pu être les coups assénés par Fergus sur le bouclier de Cunocavaros/Conchobar, ce dernier tenait aussi vaillamment et aussi bravement son écu, de sorte que les angles du bouclier ne touchèrent même pas les oreilles de Cunocavaros/Conchobar.
Holà mes gens ! s’exclama Fergus, qui lève donc son bouclier contre moi aujourd’hui à l’occasion de cette bataille où les quatre grandes provinces d’Irlande ont uni leurs forces à Garech et Ilgarech pour
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livrer la bataille de l’expédition de Cualnge ? C’est un homme plus jeune et plus fort que toi, et dont le père ainsi que la mère étaient plus nobles, quelqu’un qui t’a banni de ton pays de ta patrie de et de ton domaine, quelqu’un qui t’a contraint d’habiter avec le cerf le lièvre et le renard , quelqu’un qui ne te laissera pas poser ne serait-ce qu’un pied dans ton pays et dans ta patrie, quelqu’un qui t’a fait dépendre d’une riche héritière (bantidnacul mná), quelqu’un qui t’a déshonoré un jour en faisant tuer les trois fils d’Uisnig malgré ta protection, quelqu’un qui aujourd’hui va te contraindre à reculer sous les yeux de tous les Irlandais, à savoir Conchobar fils de Fachtna Fathach fils de Ros Ruad fils de Rudraige, le haut-roi d’Ulidia et le fils du haut-roi d’Irlande. Tout cela n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd en effet, répondit Fergus. Ensuite il empoigna Caladbolg des deux mains et en projeta la pointe derrière lui presque à toucher le sol : son intention était de frapper les trois terribles coups de la Bodua sur les Ulates afin qu’il y ait parmi eux désormais plus de morts que de vivants. Cormac l’exilé le fils de Cunocavaros/Conchobar s’en aperçut, il se précipita sur Fergus et le prit à bras-le-corps pour l’en empêcher. C’est presque un assassinat délibéré ???? maître Fergus. De la cruauté gratuite ???? maître Fergus. Pire qu’un crime une faute ???? maître Fergus. Ne décime pas et n’anéantis pas Ulates de tes puissants coups d’épée, mais pense plutôt à leur honneur en ce jour de bataille ! Écarte-toi de moi, mon garçon, rétorqua Fergus, car je ne pourrai plus vivre si je n’assène pas les trois puissants coups de la Bodua sur les Ulates aujourd’hui afin qu’il y ait désormais chez eux plus de morts que de vivants.
Fais obliquer ta main, cria Cormac l’exilé, ensuite décapite les collines par-dessus la tête de toutes ces troupes cela ainsi apaisera ta fureur guerrière (feirg). Alors, dis à Cunocavaros/Conchobar de repartir à la place qu’il occupait avant dans la ligne de bataille. Et Cunocavaros/Conchobar revint à la place qui était la sienne auparavant.
Cette épée, l’épée de Fergus, était l’épée de Leite du side. Quand on voulait s’en servir, elle devenait aussi grande qu’un arc-en-ciel dans les airs. – Ensuite Fergus fit pivoter sa main au-dessus des troupes en face de lui et décapita les trois collines qui sont toujours là bien en évidence devant la plaine marécageuse. Il s’agit des trois monts « chauves » de Midé.
Quant au Hesus Cuchulainn, après avoir entendu l’Ochain de Cunocavaros/Conchobar gémir sous les coups de Fergus Mac Roech, il s’écria : « Viens vite maintenant, maître Loeg, qui a donc osé frapper l’Ochain de mon maître Cunocavaros/Conchobar alors que je suis toujours vivant ? » Son immense épée, aussi grande qu’un arc-en-ciel, fait couler des flots de sang et fait des morts partout, répondit Loeg. C’est le grand héros Fergus fils de Roech. Bacleth claideb carpait a ssídib. Rasíacht eochraide mo phopa Conchobuir cath. L’épée du side qui avait été cachée dans le char lui a été rendue ???? Les chevaux de mon bon maître Cunocavaros/Conchobar sont allés le combattre ?????
Détache vite les cerceaux de bois qui protègent mes blessures, mon ami, dit le Hésus Cuchulainn. Ensuite il se redressa d’un bond et les cerceaux de bois volèrent en éclat jusqu’à Mag Tuaga dans le Connaught. Les bandages sur ses blessures s’envolèrent jusqu’à Bacca en Corco M’rúad. Les compresses d’herbe sèche qui soignaient ses blessures s’élevèrent haut dans le ciel et le firmament, comme les alouettes par une belle journée sans vent. Ses blessures se rouvrirent à nouveau et les fossés ou sillons dans la terre de l’enclos (cro) se remplirent de son sang. Le premier exploit du Hésus Cuchulainn après qu’il se soit levé de son lit d’hôpital eut lieu à propos des deux sorcières (banchanti) Fethan et Colla, qui feignaient de pleurer ou de se lamenter sur son triste sort. Il cogna leurs têtes l’une contre l’autre si fort qu’il fut tout éclaboussé de rouge par leur sang et de gris à cause de leur cervelle. Aucune de ses armes ne lui avait été laissée à part son char.
Il prit donc son char sur son dos et partit retrouver les Irlandais puis se mit leur taper dessus avec jusqu’à ce qu’il parvienne à l’endroit où était Fergus fils de Roech. Retourne-toi, maître Fergus, lui cria le Hésus Cuchulainn. Fergus ne lui répondit pas, car il ne l’avait pas entendu. Le Hésus Cuchulainn lui cria de nouveau : « Retourne-toi, maître Fergus, ou si tu ne le fais pas je te broierai comme une meule moud du bon malt, je te battrai comme on bat du linge dans un lavoir, je te prendrai à bras-le-corps comme le lierre enlace les arbres, je fondrai sur toi comme un faucon sur sa proie. Ça n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd, répondit Fergus. Qui ose m’adresser un discours si arrogant et digne de la Bodua en ce lieu où les quatre grandes provinces d’Irlande ont uni leurs forces, à Garech et Ilgarech, à l’occasion de la bataille de l’expédition de Cualnge ? Ton fils adoptif, répondit le Hésus Cuchulainn, également fils adoptif de Cunocavaros/Conchobar et de tous les autres Ulates, Sétanta Cuchulainn fils de Sualtam, et tu m’avais promis de fuir devant moi quand je serai blessé, en sang et couvert de plaies, au cours de la bataille de l’enlèvement, puisque je me suis enfui devant toi lors de ton premier duel de l’expédition.
Après avoir entendu cela donc, et s’être retourné, Fergus fit trois puissants pas de guerrier, mais tous les Irlandais en firent autant et s’enfuirent sur les collines en direction de l’ouest. Seuls les hommes du Connaught continuèrent à se battre. Le Hésus Cuchulainn s’était joint à la bataille vers midi. Le soleil déclinait à l’horizon quand la dernière bande armée de gens du Connaught prit la fuite en direction
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des collines de l’ouest. Mais il ne restait plus alors entre les mains du Hésus Cuchulainn qu’une poignée des rayons des roues du char et qu’une poignée des montants de la nacelle du char, car il n’avait pas cessé un seul instant durant tout ce temps-là de tuer ou de massacrer avec les armées des quatre grandes provinces d’Irlande.
Maeve alors assura la couverture des Irlandais qui battaient en retraite, mais envoya le Termagant brun de Cualnge à Cruachan avec ses cinquante génisses et huit de ses messagers, afin, qui que ce soit qui puisse regagner ou pas Cruachan, que le Termagant brun de Cualnge au moins, lui, puisse y arriver comme elle avait dit. Is and drecgais a fúal fola for Meidb & itbert : ‘Geib, a Ferguis,’ bar Medb, ‘scíath díten dar éis fer nHérend goro síblur-sa m’fúal úaim.’ Juste à ce moment-là Maeve eut ses règles et demanda : « Fergus, couvre la retraite des Irlandais que je puisse laisser s’écouler mes eaux ! » Par ma foi, rétorqua Fergus, le moment est très mal choisi et il ne convient nullement. Pourtant je ne peux pas faire autrement, répliqua Maeve, car sans cela je n’y survivrai pas. Fergus approcha et couvrit la retraite des Irlandais. Maeve eut ses eaux et cela creusa comme trois lits de rivière, si grands que tout le personnel d’une maison aurait pu y tenir. Telle est la raison pour laquelle ce lieu est désormais appelé « Sang de Maeve ».
Sur ces entrefaites le Hésus Cuchulainn s’approcha d’elle ainsi occupée, mais ne lui fit aucun mal, car il n’avait pas l’habitude de frapper quelqu’un par derrière. Accorde-moi une faveur aujourd’hui, Hésus Cuchulainn, lui demanda Maeve. De quelle faveur veux-tu parler ? demanda le Hésus Cuchulainn. Que cette armée soit placée sous ta protection et ta sauvegarde jusqu’à ce qu’ils soient repassés de l’autre côté du Grand Gué à l’ouest. Je te l’accorde, répondit le Hésus Cuchulainn. Et le Hésus Cuchulainn escorta les Irlandais afin de couvrir leur retraite et protéger un de leurs flancs. Les ferchutredaig (les groupes d’Irlandais allant par trois) se chargèrent de l’autre, et Maeve prit position entre eux afin de couvrir l’arrière-garde qui battait en retraite. Et c’est de cette façon qu’ils raccompagnèrent les Irlandais jusqu’à l’ouest du Grand Gué.
L’épée du Hesus Cuchulainn lui fut alors rendue et il donna un grand coup sur les trois collines au sommet arrondi du gué de Luan, qui furent ainsi décapitées par lui, en représailles pour les trois monts chauves de Midé. Ensuite Fergus commença de s’occuper des troupes qui marchaient en direction de l’ouest au-delà du Grand Gué. Ce qui s’est passé aujourd’hui est tout ce que méritaient des hommes qui étaient dirigés par une femme, s’exclama Fergus. Condrecat lochta ra fulachta and so indiu ???? Fautes et querelles étaient au rendez-vous, rétorqua Maeve à Fergus. Cette armée a été complètement pillée ou dépouillée reprit Fergus. Tout comme une horde de poulains conduite par une jument ayant pénétré en territoire inconnu, avec personne de valeur pour les guider ou les conseiller, c’est de cela qu’a péri cette armée aujourd’hui.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 64.
Irúade. Si c’est le même mot que Iorua, il s’agit alors de la Norvège. Un complet anachronisme par rapport au mythe panceltique primitif, mais qui s’explique par l’impact dans la tradition orale des attaques vikings qui se produiront à partir du VIIIe siècle (795 incendie de l’église de Lambay, fondation de Dublin en 840) et dureront jusqu’à la bataille de Clontarf remportée par Brian Borou en 1014.
Cúlu. Ce qu’implique ici ce terme gaélique c’est bien la notion de recul.
Caladbolg. Son nom en gaélique signifie quelque chose comme « dure-foudre ». On ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec la célèbre Excalibur d’Arthur, Caledfwlch en gallois et avec la célèbre « Gae bolga » de notre héros. Une épée à l’époque c’était quelque chose ! Tenue à deux mains, au moment de frapper l’ennemi, elle devient aussi grande qu’un arc-en-ciel. Une épée laser de djedai avant la lettre donc. Fergus n’en disposait plus parce qu’Ailill lui avait confisquée après l’avoir surpris en flagrant délit d’adultère avec la reine Maeve.
Ceci apaisera ta fureur guerrière. Le mot gaélique utilisé, feirg, semble en effet indiquer que Fergus lui aussi pouvait entrer en transe à l’occasion des combats. Mais il s’agit surtout de trouver une occasion en jouant sur les mots de pouvoir soutenir qu’il avait tenu la promesse qu’il avait faite à Maeve : asséner au moins trois coups inoubliables aux Ulates.
Le side rappelons-le, était une des portes d’entrée (ou de sortie) de l’autre monde des dieux. Et il est vrai que l’on trouve bien dans la documentation irlandaise la trace d’un side de Leit : Bri Leith, résidence habituelle du dieu (ou démon) Medros (Midir en Irlande).
Les bardes irlandais avaient la manie de vouloir trouver une explication mirifique au moindre accident du relief, quitte à inventer d’ailleurs. Ce phénomène est partout à l’œuvre dans la littérature irlandaise et a contribué à éloigner le mythe celtique initial de sa simplicité (intemporel et non précisément localisable) originelle. Ah ces bardes irlandais ! Notons néanmoins qu’il s’agit bien là d’un des traits de
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la nature humaine tout comme les affrontements meurtriers pour cause de vol de bétail et en cela donc la Tain Bo Cualnge se montre par conséquent universelle (il y en a eu encore récemment au Soudan ou du moins en Afrique), à cette nuance ainsi que nous l’avons déjà signalé, que le bétail avait beaucoup moins d’importance sur le Continent. Pour en revenir à l’histoire des noms de lieux ou à l’histoire des lieux, notons que l’on retrouve également le même phénomène dans la Bible, mais de façon encore plus burlesque et moins poétique qu’un arc-en-ciel cette fois-ci puisqu’il découle non d’une vive imagination ou d’une imagination débridée comme dans le cas de nos chers bardes irlandais, mais sans doute de simples erreurs de traduction (sous-tendues il est vrai par un sérieux manque d’esprit critique pour ne pas dire par une grande bêtise). Salomon Reinach en 1909 a commenté de la sorte ce type de passages figurant dans nos textes. « Cette seconde livraison d’une traduction longtemps désirée comprend les chapitres VIII-XX. Malgré l’ineptie foncière du texte (sic), elle se lit avec grand intérêt, car elle soulève quantité de problèmes, en même temps qu’elle fournit des analogies curieuses à l’étude des littératures classiques… La Bible ainsi que les auteurs grecs et latins offrent beaucoup de passages analogues, d’où il ressort que bien des légendes sont des explications, d’ailleurs stupides, de désignations toponymiques. Voir, par exemple, Juges, XV, 17 : « Quand Samson eut achevé de parler, il jeta la mâchoire d’âne et nomma ce lieu-là Ramath-Léchi (la mâchoire jetée). Pressé par la soif, il pria Dieu qui fendit le rocher qui est à Léchi, et Samson but ; c’est pourquoi ce lieu a été appelé jusqu’à ce jour En-Hakkoré (la source de celui qui invoque) ». Peut-on vraiment croire en effet que le dernier « juge » des Hébreux (en fait soyons clairs, un petit seigneur de guerre en lutte contre ses voisins) a pu tuer 1000 malheureux Philistins avec une simple mâchoire d’âne ? Cela devait être une mâchoire d’âne encore plus forte que l’épée du pays des dieux, de Fergus. Mais c’est pourtant bien ce que nous affirme la Bible dans le livre des Juges (chapitre XV) selon Salomon Reinach. Et Samson dit : avec une mâchoire d’âne, un monceau, deux monceaux d’eux ; avec une mâchoire d’âne, j’ai tué mille hommes ».
Ainsi que l’a très bien remarqué (en latin) le moine copiste irlandais qui a recopié tout cela : « mais moi qui ai donc écrit cette histoire, ou plus exactement cette fable, je n’ajoute pas crédit à toutes ses parties ; certaines sont l’œuvre de la ruse du démon ; d’autres sont des fictions poétiques ; il y en a de vraisemblables, et d’autres qui ne le sont pas ; quelques-unes ont été imaginées pour l’amusement des sots ». Ce que nous pensons nous de cette énième impossibilité matérielle figurant dans la Bible c’est qu’il y a là sans doute un jeu de mots, le même terme hébreu signifiant à la fois monceau et âne. Ce passage de la Bible est de toute façon un peu l’équivalent de nos morceaux de rhétorique à nous, c’est-à-dire un poème assez difficile à traduire et qui devait être plus ancien que le contexte en prose. Son but est d’expliquer le nom de Colline de Léchi. Peut-être s’agissait-il tout simplement d’une colline fréquentée par des ânes (puisqu’il y avait une source en ce lieu) et où un piège aurait été tendu à une centaine (une centaine et pas un millier) de Philistins ? De toute façon ces histoires de Juges (qui n’ont rien à voir avec la justice d’ailleurs, mais la Bible est coutumière de ce genre d’inadéquation en ce qui concerne le vocabulaire) en réalité des petits seigneurs de guerre en lutte les uns contre les autres, ne sont pas très claires. Encore moins que certains de nos mythes. Ce qui n’est pas peu dire ! Et ce serait, paraît-il, la parole de Dieu ??? Du vrai Dieu ?
Mon ami. Nous traduisons ainsi le terme gaélique gillai qui signifie littéralement garçon. Les cerceaux de bois. Étaient censés empêcher que ses vêtements ne collent aux blessures. Banchanti = sorcières voir nos contre-lais précédents.
Une poignée de rayons des roues… La différence avec la Bible ou le Coran et les hadiths (voir la bataille de Badr en 624 * où dans le rôle de notre héros l’auteur a fait intervenir 5000 anges) c’est qu’il est plus qu’évident que les bardes celtes ayant jadis composé ou véhiculé ces légendes ne les prenaient pas eux-mêmes au pied de la lettre. C’était ce que l’on pourrait appeler une exagération poétique ou comique, assumée, de leur part. Un peu comme certains films de Charlie Chaplin (notamment celui où il lance un fromage français qui pue dans les tranchées allemandes en face comme s’il s’agissait là d’une redoutable grenade ou d’un obus contenant des gaz ; il s’agissait de « Charlot soldat », je crois).
Plus sérieusement on peut néanmoins se demander si le guerrier qui figure sur une des cinq plaques du chaudron danois de Gundestrup avec une demi-roue dans sa main gauche, et entouré d’animaux plus ou moins fantastiques, n’est pas une représentation figurée de ce héros dont l’arme ultime était… un débris de char, puisque la plaque du fond représente… un taureau justement ! Cet épisode de la bataille de Garech remonterait donc à la plus haute antiquité. Resterait alors à retrouver à quelle figure divine correspondrait le dieu central de cette plaque qui lève les bras au ciel, mais a les poings fermés.
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* Cette bataille est évoquée dans le chapitre 3 du Coran, versets 123-125 : « Dieu vous a aidé à Badr, quand vous n’étiez qu’une petite force négligeable ; donc, craignez Dieu ; et puissiez-vous faire preuve de gratitude envers lui. Rappelle-toi quand tu disais aux croyants : « N’est-ce pas assez pour vous que Dieu vous aide en vous envoyant trois mille de ses anges ? Oui, si vous restez fermes, et agissez bien, même si l’ennemi fond sur vous, votre seigneur vous aidera en envoyant cinq mille anges qui effectueront contre eux une terrifiante charge ».
À noter. La déesse Catubodua fait donc beaucoup plus fort puisqu’à elle seule elle fait le travail de tous ces milliers d’anges musulmans, à savoir semer la terreur chez l’ennemi.
P.S. Nous laissons nos lecteurs libres de croire ou non tout ceci, en leur faisant remarquer toutefois qu’il n’y a aucune raison d’admettre l’intervention de ces milliers d’anges, mais pas de la Catubodua ou déesse de la guerre. Et vice versa.
Ce qui s’est passé aujourd’hui est tout ce que méritaient des hommes qui étaient dirigés par une femme, s’exclama Fergus. La remarque de Fergus est évidemment marquée du sceau de la plus misogyne muflerie. Notons néanmoins que sur le fond Maeve ne s’est pas si mal débrouillée que ça :-elle est saine et sauve-elle a aussi atteint son objectif : le Termagant brun de Cualnge, qui s’est bêtement laissé emmener jusqu’à Cruachan-elle a sauvé une partie de son armée-Ailill a disparu.
La bataille n’a peut-être pas été aussi meurtrière que cela, et comme dans le cas de la Bérézina qui fut une incontestable victoire tactique de Napoléon (en 1812), les effectifs ont surtout fondu à cause des désertions, notamment chez les non-Français. Ne restèrent en effet de l’autre côté des ponts et donc prisonniers des Russes que les déserteurs ainsi que les malades et les blessés. Tous les hommes en armes par contre purent franchir les ponts.
Du côté français, le bilan est d’environ 200 000 morts (la moitié au combat et le reste de froid, de faim ou de maladie) et de 150 000 à 190 000 prisonniers tombés entre les mains de Koutouzov. Pour le reste, 130 000 soldats quittèrent la Grande Armée au cours de la marche sur Moscou et près de 60 000 se réfugièrent chez des paysans, nobles et bourgeois russes. Enfin, moins de 30 000 soldats repassèrent le Niémen avec Murat. Côté russe, les récentes publications d’Oleg Sokolov tendent à établir les pertes à 300 000 morts, dont 175 000 au combat, ce qui est très important. Malgré des actes de générosité des deux côtés, les prisonniers qui tombèrent entre les mains des Français ou des Russes furent globalement maltraités. Après la chute de Napoléon, le rapatriement demandé par Louis XVIII des Français restés en Russie fut globalement un échec, car les candidats au retour furent peu nombreux. Plusieurs milliers de Français firent donc souche dans le pays des Tsars. En 1837, 3 200 vivaient à Moscou par exemple. Mais Napoléon ne fut pas complètement défait en Russie. L’année suivante, il leva une armée d’environ 400 000 soldats français soutenue par 250 000 soldats des pays alliés aux Français, pour disputer le contrôle de l’Allemagne lors d’une campagne encore plus grande. Ce n’est que lors de la bataille de Leipzig (la bataille des Nations, 16 au 19 octobre 1813) qu’il sera vraiment défait, mais même la campagne de France en 1814 restera longtemps indécise (cf. les incontestables victoires françaises de Champaubert et Montmirail).
Quant à la reine Maeve la meilleure des comparaisons pour rester dans le registre napoléonien est peut-être Talleyrand au congrès de Vienne. Maeve joue de sa faiblesse de femme, et s’en tire très bien. À Vienne en effet en 1814 Talleyrand a joué de la faiblesse de France « qui ne demandait rien ». Il proteste contre la notion de puissances alliées (dont la France serait exclue), menace de ne plus assister aux conférences, se pose en défenseur des petites nations, fait traîner les négociations en longueur, et finalement, les petites puissances s’étant lassées de toutes ces réunions qui ne servent à rien, finit par être intégré dans le comité des grands vainqueurs le 8 janvier 1815.
Alors comme général la reine Maeve méritait peut-être un triple zéro, mais comme diplomate elle était hors pair.
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Chapitre XXVIII. Le combat des taureaux.
Maeve convoqua et rassembla tous les Irlandais à Cruachan afin qu’ils puissent assister au combat des taureaux. Quant au Termagant Brun de Cualnge, lui, quand il aperçut ce beau pays inconnu, il meugla haut et fort par trois fois. Le blanc cornu d’Ae l’entendit. Par crainte de lui aucun mâle entre les quatre gués de toute la plaine d’Ae, à savoir le gué de Moga et le gué de Cotna, le gué de Slissen et le gué de Becha, n’osait mugir plus fort qu’une vache. Le Blanc Cornu baissa la tête violemment et se précipita vers Cruachan pour y rencontrer le Termagant brun de Cualnge.
Les Irlandais se demandèrent alors qui pourrait bien témoigner (arbitrer) du combat des taureaux et ils décidèrent que ce serait Bricriu fils de Garbada. Un an avant ces événements de l’expédition de Cualnge, Bricriu étant passé d’une province à l’autre était venu mendier chez Fergus, et Fergus l’avait pris à son service en attendant qu’il ait du bétail ainsi que des biens à lui. Mais une querelle s’était élevée entre lui et Fergus alors qu’ils étaient en train de jouer au tablut (fidchilli) et Bricriu avait eu des mots insultants pour Fergus. Fergus lui avait donné un coup de poing avec le pion qu’il avait en main : le pion lui était entré dans la tête et lui avait cassé un os du crâne.
Tout le temps que les Irlandais avaient été en expédition pour enlever les vaches de Cualnge, Bricriu avait dû garder le lit à Cruachan, et ne s’était relevé de ses blessures que justement le jour où ils étaient rentrés.
La raison pour laquelle ils choisirent ainsi Bricriu fut qu’il n’était pas plus loyal envers ses amis qu’envers ses ennemis—. Aussi fut-il amené devant l’espace (bernaid = arène ?) où se trouvaient les deux taureaux.
Chacun des deux taureaux en apercevant l’autre gratta la terre et la rejeta derrière lui violemment. Ils creusaient littéralement la terre et la faisaient voler par-dessus leurs épaules et leur garrot (slinneócaib), et leurs yeux rougirent comme d’énormes boules de feu. Leurs joues et leurs naseaux enflèrent comme des soufflets de forge. Ensuite chacun se jeta sur l’autre en lui donnant un coup retentissant et à se donner des coups de corne, à se percer à se massacrer ou à s’étriper. Le Blanc Cornu d’Ae mit à profit la fatigue du trajet du voyage et du long périple du Termagant Brun de Cualnge pour lui percer le flanc d’un coup de corne et laisser sa colère éclater sur lui. Leur furieux affrontement les mena tout droit là où se tenait Bricriu et les sabots des deux taureaux l’enfoncèrent d’une coudée ? dans le sol après l’avoir tué.
D’où ce qu’il est convenu d’appeler la mort tragique de Bricriu.
Cormac l’exilé, le fils de Cunocavaros/Conchobar, voyant ce qui arrivait prit une lance à pleine main et en donna trois coups au Termagant brun de Cualnge, de son oreille à sa queue. Ce n’était vraiment pas une merveille ni un beau trésor pour nous que cette bête, s’exclama Cormac, puisqu’il n’est même pas capable de repousser un veau de son âge. Le Termagant brun de Cualnge entendit ceci, car il avait une intelligence humaine, et il attaqua donc derechef le Blanc Cornu, pendant longtemps et un peu partout ils s’affrontèrent jusqu’à ce que la nuit tombe sur les Irlandais. Et quand la nuit fut tombée, tous les Irlandais purent encore entendre l’écho de leur bruit et de leur tumulte. Cette nuit-là les taureaux traversèrent d’ailleurs toute l’Irlande.
Les Irlandais n’eurent guère à patienter longtemps sur place le lendemain matin avant de voir apparaître à l’horizon le Termagant Brun de Cualnge fonçant sur Cruachan en venant de l’ouest avec ce qui restait du Blanc-Cornu d’Ae sur ses cornes ou sur ses andouillers ? Les Irlandais se levèrent et ne surent pas reconnaître de quel taureau il s’agissait. Et bien maintenant vous autres, s’exclama Fergus, si c’est le Blanc-Cornu d’Ae, laissez le tranquille, et si c’est le Termagant Brun de Cualnge,
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laissez-lui son trophée. Je vous jure que ce qui a été fait pour ces deux taureaux ne sera rien en comparaison de ce qui arrivera si ce n’est pas le cas.
Le Termagant Brun de Cualnge arriva. Il tourna son flanc droit en direction de Cruachan et laissa tomber en ce lieu un tas de foie du Blanc-Cornu. D’où le nom de ce lieu « Butte du Foie » [Cruachna Ae en Gaélique].
Il avança en direction des berges du Grand Gué où il abandonna la croupe (les hanches ?) du Blanc-Cornu. D’où le nom de « Gué de la croupe » [Ath Luain en gaélique].
Il poursuivit en direction de l’est sur la terre de Midé jusqu’au « Gué du Reste du Foie » et là il abandonna les restes du foie du Blanc-Cornu justement.
Il secoua sa tête avec colère et dispersa le Blanc-Cornu dans toute l’Irlande. Il projeta ses cuisses jusqu’à Port Lárge. Il projeta ses côtes jusqu’à Dublind qui est appelée « Gué des côtes ». Après cela il se tourna vers le nord et reconnut sa terre de Cualnge, il se mit alors à courir comme un fou dans sa direction. Il y avait là des femmes des garçons et des enfants qui se lamentaient après lui. Ils aperçurent le Termagant Brun de Cualnge fonçant droit sur eux sur eux tête baissée. Attention, un taureau devenu fou arrive sur nous en chargeant ! s’écrièrent-ils. D’où le nom désormais de « Front du taureau » (Taul tairb en gaélique).
Le Termagant Brun de Cualnge [devenu fou] chargea les femmes et les garçons et les enfants de la terre de Cualnge en en faisant un grand carnage. Après cela il s’adossa pour finir à la colline et son cœur éclata comme une noix dans sa poitrine.
Fin du récit de ses aventures et fin de l’enlèvement.
Béni soit celui qui gardera en mémoire fidèlement l’enlèvement tel qu’il est consigné sans rien en changer.
Sed ego qui scripsi hanc historiam aut uerius fabulam quibusdam fidem in hac historia aut fabula non accommodo. Quaedam enim ibi sunt praestrigia demonum, quaedam autem figmenta poetica, quaedam similia uero, quaedam non, quaedam ad delectationem stultorum.
Moi qui ai copié cette histoire, ou plus exactement cette fable, je n’ajoute nullement crédit à toutes ses parties ; certaines sont le résultat des ruses du démon ; d’autres sont des fictions poétiques ; il y en a de vraisemblables, et d’autres qui ne le sont pas ; quelques-unes ont été imaginées pour l’amusement des sots ».
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 65.
Le Blanc Cornu. Quand j’avais 16 ans nous avions une vache appelée Malcornée, car une de ses cornes lui tombait presque sur l’œil. Toutes les vaches ont en effet un nom chez un fermier qui se respecte. Toutes ont leur personnalité.
Bricriu n’a donc aucune raison d’avantager un camp plus qu’un autre. Futés ces Irlandais !
Il avait une intelligence humaine… puisqu’on vous le dit que ce n’était pas un taureau comme les autres ce Termagant brun de Cualnge ! Plus sérieusement : l’animal a dû réagir au ton, au ton de la voix d’un familier. Peut-on dire d’un chien qu’il est assez intelligent pour savoir ce que veut son maître ? Ceci dit, en ce qui concerne le langage animal (dauphins baleines, etc.) reportez-vous à vos spécialistes habituels en la matière. Nous n’avons aucun préjugé en ce domaine à part un immense respect pour la vie et sa complexité.
Sur ses cornes ou sur ses andouillers ??? ara bennaib & ara adarcaib ??? La phrase en gaélique est très curieuse, car a priori un taureau normal n’a que deux cornes. Pourquoi une telle insistance sur cette partie de l’anatomie du Termagant Brun de Cualnge ??? Serait-ce la trace de l’existence d’une autre corne dans le récit d’origine ?
Foie. En fait en Gaélique il existe deux mots pour désigner le foie, ae áoi ó áoibh aeghe aeghibh et trom.
Taul Tairb. Le terme gaélique Taul vient du vieux celtique talu qui a donné le français talus (levée de terre). Il s’agissait peut-être d’évoquer un gigantesque talus.
« Après cela le taureau brun se tourna vers le nord et reconnut sa terre de Cualnge, il se mit à courir comme un fou dans sa direction… il s’adossa pour finir à la colline et son cœur éclata comme une noix dans sa poitrine ». Finalement le malheureux qui, s’il a une intelligence presque égale à celle des hommes, n’en a pas la perversité, trouvera la mort à cause de leur stupidité dans cette histoire ; qui est une émouvante, mais très inattendue illustration de l’amour du pays natal ou du patriotisme.
Moi qui ai copié cette histoire, ou plus exactement cette fable, je n’ajoute nullement crédit à toutes ses parties ; certaines sont le résultat des ruses du démon ; d’autres sont des fictions poétiques ; il y en a de vraisemblables, et d’autres qui ne le sont pas ; quelques-unes ont été imaginées pour l’amusement des sots. Effectivement effectivement ! Atha Cliah, le gué des côtes par exemple… Il s’agit là bien
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entendu et comme d’habitude, dans ce genre de documents apocryphes, d’une étymologie complètement fantaisiste, ne reposant que sur des jeux de mots. Bien digne d’ailleurs de certains néo-druides de pacotille comme ceux que l’on voit proliférer aujourd’hui (Tyrol autrichien = Ty héol breton). Pour mémoire le nom de cette région des Alpes vient du nom d’un château, demeure ancestrale d’une famille comtale, le château de Tyrol, situé près de Mérano, et dont le nom (tirale/teriolis) semble préroman. Le site internet du musée local le met en rapport avec le nom latin de la terre, terra (il s’agissait donc peut-être d’une motte féodale ou d’une colline fortifiée bien que cela ne cadre guère avec le paysage actuel. Mais peut-être s’agissait-il d’un nom très commun justement). De même le terme Cliath ne vient nullement du mot gaélique signifiant côte, mais d’un vieux mot celtique signifiant claie (cleta). Il s’agissait donc du gué des claies (jetées dans la rivière pour en faciliter le passage, faute d’avoir pu y construire un pont) et non du gué des côtes. Encore une fois, répétons-le, les Irlandais ont évhémérisé toutes ces vieilles légendes en appliquant systématiquement à leur île et à sa toponymie, des mythes panceltiques à l’origine, et donc pas spécialement irlandais. Ce qui est sûr en tout cas c’est que le Hésus Mars surnommé Sétanta puis Chien de Culann, ou chien du forgeron en gaélique, n’est en aucune façon Irlandais, ainsi que nous avons pu le constater à maintes reprises. Il passe son temps à les combattre et ne se considère jamais comme l’un d’entre eux.
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POSTFACE À LA JOHN TOLAND.
Les pseudo-druides à la filiation initiatique mirobolante (la fameuse et inénarrable tradition primordiale) s’étant multipliés depuis quelque temps ; il nous a paru nécessaire de mettre à la disposition de tout un chacun ces quelques notes, hâtivement rédigées un soir de novembre, afin de donner à nos lecteurs envie d’en savoir plus sur le vrai druidisme. Ce travail se veut honnête, mais en aucune façon neutre. Il s’est donné pour objectif de défendre ou de réhabiliter la cluto (renommée) de cette antique religion.
Rien ne remplace la méditation personnelle y compris sur les lais obscurs ou incompréhensibles parsemant ces livres et qui ont été insérés à dessein afin de vous obliger à réfléchir pour trouver votre propre voie. Ces livres ne sont pas des dogmes à suivre aveuglément et à la lettre. Ainsi que vous le savez sans doute, il faut se méfier comme de la peste de la lettre. La lettre tue, seul l’esprit vivifie. Rien ne remplace non plus l’expérience personnelle et c’est en cheminant que l’on trouve le chemin. Ne comptez donc que sur vos propres forces pour cette quête du Graal. Ce qui compte c’est l’attitude à adopter dans la vie et non les détails du dogme. Le druidisme a moins d’importance que la druidiaction (Jean-Pierre Martin).
Ces quelques feuillets griffonnés à la va-vite ne sont néanmoins en aucune façon LES LIVRES À LIRE SUR LE SUJET, ils n’en sont qu’un pâle reflet. La seule bibliothèque druidique digne de ce nom n’est pas en effet composée de seulement 12 (ou 27) livres, mais de plusieurs centaines.
Les quelques opuscules constituant cette mini-bibliothèque ne constituent pas un approfondissement et ne sont que quelques manuels destinés aux écoliers du druidisme. Ces résumés simplifiés destinés aux cours primaires de druidisme seront remplacés par des cours d’un niveau quelque peu supérieur, pour ceux qui voudront vraiment l’étudier de façon plus pertinente.
Cette petite bibliothèque est par conséquent un premier essai d’adaptation (destinée aux jeunes adultes) des diverses réflexions sur le savoir et la vérité druidiques, auxquelles ont abouti les premiers résultats de la nouvelle laïcité positive et ouverte, mondiale, en train de s’instaurer.
À la différence du judaïsme, du christianisme, et de l’islam, qui fourmillent littéralement, à propos de l’Être supérieur, d’anthropomorphismes puérils pris au pied de la lettre (fondamentalisme) ; notre druidisme, lui, n’en utilisera que très peu, et s’en tiendra, en ce domaine, au minimum absolu.
Mais pour parler de Dieu-ou-Diable nous allons bien être obligés, nous aussi, d’utiliser un langage, et donc un certain nombre de ces anthropomorphismes. Ou alors il faudrait totalement renoncer à en discuter.
Ce premier rayon de notre future bibliothèque consacrée au sujet a pour objet de montrer avec précision l’harmonieuse authenticité de la volonté et du savoir néo-druidiques. De montrer à quel point ses grandes thèses actuelles ont des racines anciennes, car la Mythologie, c’est notre Bible à nous. Les adaptations de ce bref exposé, exigées par les différences de culture, d’âge, de maturité spirituelle, de situation sociale, etc. seront à faire par les druides concernés (les vellèdes et les autres ?).
À noter cependant. Important ! Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, ne sont pas (en vrac). Une révélation divine. Une loi (toujours aussi divine). Une loi (profane ou laïque). Une loi (scientifique). Un dogme. Un Ordre ? Ce que je cherche surtout à faire partager c’est un état d’esprit, rien de plus. Ainsi que l’a très bien dit un jour notre vieux maître :« NOTRE CIVILISATION N’A PAS LE CHOIX : CE SERA LE CELTISME OU CE SERA LA MORT » (P. Lance).
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Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, sont. Du rêve. Une aventure. Un voyage. Une évasion. Un cri de révolte contre la laideur morale et matérielle de cette société. Une tentative d’atteindre à l’universel en partant du particulier. Un défi. Un obstacle fécond à surmonter. Une incitation à la réflexion. Un guide pour l’action. Une carte. Un plan. Une boussole. Une étoile polaire ou l’étoile du berger là-haut dans la montagne. Un feu la nuit dans une clairière ?
Ce que le rassembleur de ce noyau de bibliothèque, Pierre de La Crau, n’est pas.
Un dieu.
Un demi-dieu.
Un quart de dieu.
Un petit saint.
Un philosophe (reconnu, officiel, et breveté ou patenté, comme ceux qui passent à la télévision. Sauf évidemment à prendre le terme en son sens originel, qui est celui d’amateur de sagesse et de savoir).
Ce qu’il est : un homme, et rien de ce qui est humain ne lui est donc étranger. Pierre de la Crau n’a aucun pouvoir surhumain ou exceptionnel. Rien de ce qu’il a dit écrit ou fait ne saurait avoir de valeur intemporelle. Tout au plus espère-t-il que son extrême lucidité à propos de notre société et de son idéologie dominante (voir ses philosophes officiels, ses journalistes, ses masses médias et le politiquement correct des bien-pensants) ; ainsi que son non-conformisme, et son franc-parler, alliés à un solide esprit de contradiction (qui lui ont d’ailleurs valu pas mal de déboires ou d’avanies) ; pourront être utiles.
La présente petite bibliothèque pour débutant « contient la dose d’humanité exigée par l’état actuel de la civilisation » (Henri Lizeray). Elle n’est d’ailleurs qu’un rassemblement de matériau attendant l’architecte ou le maçon ad hoc.
Prochainement paraîtra toute une série de fascicules approfondissant ces éléments de base. Cette présentation différente du savoir druidique préservera néanmoins l’unité et la profonde harmonie entre ces divers exposés d’un seul et même paganisme philosophique et réfléchi : une spiritualité digne de notre époque, une spiritualité pour notre époque.
Cas des traductions dans une langue étrangère (espagnol, allemand, italien, polonais, etc.)Les fautes d’orthographe de grammaire de style, ainsi que l’écriture des noms propres, pourront être corrigées. Toute autre amélioration du texte pourra également être apportée si nécessaire (par ajout suppression ou modification, de détails) ; Pierre de La Crau ayant toujours regretté de ne pouvoir atteindre à la perfection en ce domaine. Mais à condition de n’altérer ni trahir en rien la pensée de l’auteur de cette compilation raisonnée. Toute illustration sans légende peut être changée. De nouvelles illustrations peuvent être apportées. Mais les illustrations ayant une légende ne devront être qu’améliorées (par substitution d’une bonne photo à un mauvais croquis par exemple ?)
Il va de soi que le coordonnateur de cette rapide et sommaire compilation raisonnée, Pierre de La Crau, ne prétend nullement avoir inventé (ou découvert) lui-même, tout ceci ; qu’il ne prétend en aucune façon que ceci est le fruit de ses recherches personnelles (sur le terrain ou en bibliothèque) ! Ce qui suit est en effet essentiellement issu des excellents ouvrages ou sites internet référencés en bibliographie et dont la consultation directe est fortement recommandée. Nous n’insisterons jamais assez sur notre volonté de ne pas être les hommes d’un livre (du Livre), mais d’au moins douze, comme les Fénianes d’Irlande, pour d’évidentes raisons d’ouverture d’esprit, la vérité étant notre seule religion. Encore une fois, répétons-le ; le coordonnateur de la mise par écrit de ces quelques notes hâtivement jetées sur le papier ne prétend nullement avoir passé sa vie dans la poussière des bibliothèques ; ou sur le terrain, dans la boue des fouilles archéologiques de sauvetage ; afin d’exhumer des témoignages inédits sur le passé de l’Irlande (ou du Pays de Galles ou des Indes ou de la Chine ?)
PIERRE DE LA CRAU NE SE VEUT DONC EN AUCUNE FAÇON L’AUTEUR DES TEXTES QUI PRÉCÈDENT. IL N’ESSAIE NULLEMENT DE S’EN ATTRIBUER LES MÉRITES. Il n’en est que l’éditeur ou le compilateur. Il s’agit pour la plupart de documents diffusés sur internet à quelques exceptions près. IL EN REVENDIQUE PAR CONTRE TOUS LES DÉFAUTS ET TOUTES LES INSUFFISANCES. Pierre de La Crau ne revendique qu’une chose, les fautes erreurs ou imperfections diverses de ce livre. Lui seul est à blâmer dans ce cas. Mais il fait confiance à ses contemporains (la nature humaine étant ce qu’elle est) pour les lui signaler avec vigueur.
Note retrouvée par les héritiers de Pierre de La Crau et insérée par eux à cet endroit.
J’avoue tout de suite afin de faciliter le travail de mes juges que les hommes comme moi étaient chrétiens à Rome sous Néron, païens à Jérusalem, sorciers à Salem, hérétiques anglais, catholiques
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irlandais, et aujourd’hui racistes, sexistes, homophobes, islamophobes, en attendant d’être demain koufar ou de nouveau chrétien l’antéchrist le plus bestial de toutes les apocalypses, etc. Bref ainsi qu’on l’aura compris je suis pour le néant la mort la maladie la souffrance…… Par respect pour l’Humanité, afin de gagner du temps, et ne pas lui en faire perdre, je vais faciliter le travail de ceux qui tiennent absolument à être du bon côté de la barrière en combattant (héroïquement bien sûr) afin de sauver le monde de mes griffes (mes idées ou mes penchants, mes tendances). À ces courageux et implacables détracteurs, dont la profondeur de réflexion digne d’un marquis de Vauvenargues n’a d’égale que l’ampleur de la culture générale d’un Pic de la Mirandole, je dis… Prenez une feuille de papier, un traitement de texte si vous préférez, mettez-y par ordre d’importance les 20 caractéristiques qui vous semblent les plus graves, les plus odieuses, les plus haïssables, dans l’histoire de l’Humanité, depuis les hommes préhistoriques et Nabuchodonosor, selon vous… ET DITES-VOUS BIEN QUE JE SUIS TOUT LE CONTRAIRE DE VOUS, CAR JE LES AI TOUTES ! On a toujours besoin de boucs émissaires ! Hérétique au Moyen-âge, sorcière à Salem au 17siècle, raciste au 20e siècle, lézard extraterrestre au 21e, je suis l’homme que vous aimerez haïr pour vous sentir meilleur (gentils et intelligents). Je suis au choix et dans l’ordre d’importance que vous voulez : athée, sataniste, stupide, mongolien, bestial, homosexuel, pervers, homophobe, communiste, nazi, sexiste, philatéliste, menteur pathologique, voleur, suffisant, psychopathe, un monstre d’orgueil faussement modeste, et que sais-je encore, à vous de voir suivant la mode du moment. Voilà, je ne peux pas faire mieux (pour vous aider à sauver le monde).[À la différence de mes contempteurs qui sont tous des gens bien, c’est-à-dire jeunes ou modernes et dynamiques, courageux, positifs, gentils, intelligents, instruits, ou du moins qui savent ; faisant preuve de beaucoup de recul dans leur méditation en profondeur sur les tendances lourdes de l’Histoire ; et sur le plan moral ou éthique : généreux, altruistes, mais pauvres évidemment (c’est là leur seul défaut), car donnant tout aux autres ; en outre profondément respectueux de la volonté de Dieu et de la Constitution… Moi je suis un vieux réactionnaire ankylosé, conformiste, déconnecté de son temps, parano, schizophrène, incohérent, capricieux, jamais content, méchant, bête, n’ayant fait aucune étude ou du moins ignorant tout sur le sujet en question ; coutumier des jugements à l’emporte-pièce fondés sur des préjugés dénués de toute réflexion ; égoïste et riche ; suppôt de Satan et nazo-bolchévick ou stalino-hitlérien de nature. On disait hitléro-trotskiste quand j’étais jeune. En bref un criminel psychopathe dès le petit-déjeuner… ce qui me permet donc de penser ce que je veux, mes critiques aussi d’ailleurs, et d’essayer de le faire savoir à la cantonade].
Signé : le coordonnateur des travaux, Pierre de la Crau dit Hésunertus, chercheur en druidisme. Un homme à qui rien de ce qui est humain ne fut étranger. Chômeur, facteur, divorcé, sans domicile fixe, vagabond, contribuable, justiciable, et électeur cocufié… bref un des neuf milliards d’êtres humains ayant transité sur ce vaisseau spatial donc. Né sur la planète Terre le 13 janvier 1952.
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BIBLIOGRAPHIE DES GRANDES LIGNES.
Pour ce qui est de la bibliographie des détails, voir annexe de la dernière leçon, car, comme le dit si bien Henri Lizeray, les traditions, ça doit s’interpréter. C’est là toute la différence qu’il peut y avoir entre ancien druidisme et néo-druidisme.
— Le Lebar gabala ou Livre des invasions. Paris 1884 (William O’Dwyer)
— Base de l’église druidique. Le druidisme restauré. Henri Lizeray, Paris, 1885.
— Les traditions nationales retrouvées. Paris 1892.
— Aesus ou la doctrine secrète des druides. Paris 1902.
— Ogmios ou Orphée. Paris 1903.
TABLE DES MATIÈRES.
Avertissement au lecteur
Contre-lai (commentaire) néo-druidique N° 1
Contre-lai (commentaire) néo-druidique N° 2
Contre-lai (commentaire) néo-druidique N° 3
L’ENLÈVEMENT DU BÉTAIL DE CUALNGE
Les circonstances de la redécouverte de l’histoire de la Tain
INCIPIT TAIN BO CUALNGE
Chapitre I. La conversation sur l’oreiller.
Chapitre II. Les causes de l’enlèvement.
Chapitre III. La mobilisation des hommes du Connaught.
Chapitre IV. Les augures.
Chapitre V. La route suivie par l’expédition.
Chapitre VI. La marche en avant de l’armada.
Fin du chapitre VII. Les exploits d’enfance du Hésus Cuchulainn.
Chapitre VIIII. La mort d’Orlam. La mort des trois fils d’Arach. Le combat singulier de Lethan et du Hésus Cuchulainn. Les beaux et bons harpistes de Cain Bilé. La mort de la martre ainsi que de l’oiseau de Maeve. La fée Morgue avertit le taureau brun. La mort de Loche, servante de Maeve. La mort de Lothar. La mort de Uala. La mort des compagnons de Roen et de Roi. Le passage par une brèche ouverte dans la montagne. Le campement dans le val de la traite. Bivouacs sur les bords du fleuve dit depuis « des liens d’osier ». Fergus et Maeve : vengeance du mari trompé. Suite des exploits du Hésus Cuchulainn.
Chapitre IX. Les négociations.
Chapitre X. La mort violente d’Etarcumul.
Chapitre XI. La mort de Nathcrantail.
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Chapitre XII. La découverte du Termagant brun de Cualnge. La mort de Forgemen. La mort de Redg le satiriste. La rencontre du Hésus Cuchulainn et de Findabair. Le combat de Munremar et Curoi. La mort des enfants d’Emain Macha. Rochad piégé par son amour pour Findabair. La mort des soldats de la garde du roi.
Chapitre XIII. Le combat de Cûr contre le Hésus Cuchulainn.
Chapitre XIV. La mort de Fer Baeth. Le combat singulier contre Lairine. L’entretien de la Mara Rigu/Morrigu/Fée Morgane avec le Hésus Cuchulainn.
Chapitre XV. La mort de Loche fils de Mo Febis.
Chapitre XVI. La rupture de l’accord. La guérison de Mara Rigu/Morrigu/Fée Morgane par le Hésus Cuchulainn.
Chapitre XVII. La déroute de la plaine de Murthemné. Les soins apportés au Hésus Cuchulainn par le dieu Lug son père. Le char armé de faux. L’aspect plus lumineux du Hésus Cuchulainn. La jalousie de Dubthach.
Chapitre XVIII. La mort d’Oengus fils d’Oenlam. Le coup manqué de la passe de l’oiseau. Le déguisement de Tamon.
Chapitre XIX. Le « combat » de Fergus et du Hésus Cuchulainn. La tête de Ferchu. Le combat du clan Calatin. Le combat contre Mann.
Les crimes contre l’esprit
Chapitre XX. Le combat contre Fer Diad.
Chapitre XXI. Le Hésus Cuchulainn et les rivières.
Chapitre XXII. Le rude combat de Cethern.
Chapitre XXIII. Le combat jusqu’aux dents de Fintan. Le rouge de la honte pour Menn. L’expédition des cochers. Le combat de femmes de Rochad. Le combat de projectiles livré par Iliad. Le camp d’Amargin à Tailtiu. Les aventures de Curoi fils de Daré. Suite du campement d’Amargin à Tailtiu.
Chapitre XXIV. Les Ulates avertis par Sualtam. La mobilisation des Ulates.
Chapitre XXV. Le départ des troupes en grand équipage.
Le défilé de Slemain Midé.
Chapitre XXVI. Les préparatifs de la bataille.
Chapitre XXVII. La bataille de Garech. Mobilisation des Ulates. Mobilisation des Irlandais
Chapitre XXVIII. Le combat des taureaux.
Postface à la John Toland.
Bibliographie des grandes lignes.
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DU MÊME AUTEUR.
1. Citations des auteurs antiques parlant des Celtes ou des druides.
2. Généralités liminaires diverses sur les Celtes.
3. Histoire du pacte avec les dieux tome 1.
4. La Bible du druidisme : histoire du pacte avec les dieux tome 2.
5. Histoire du pacte avec les dieux tome 3.
6. Histoire de la paix avec les dieux tome 4.
7. Histoire de la paix avec les dieux tome 5.
8. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 1.
9. Textes apocryphes irlandais.
10. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 2.
11. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande Science qui illumine » tome 3.
12. Les cent voies du paganisme. Science et philosophie tome 1 (mythologie druidique).
13. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 2 (mythologie druidique).
14. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 3 (mythologie druidique).
15. Le grand Camminus : éléments de théologie druidique tome 1.
16. Le grand catéchisme : éléments de théologie druidique tome 2.
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17. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 1.
18. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 2.
19. Mystagogie ou théâtre sacré des Celtes antiques.
20. Poèmes celtes.
21. Le génie du paganisme celte tome 1.
22. Le complexe de Roland.
23. Au pied de la lanterne des morts.
24. Les secrets du vieux druide de la forêt ménapienne.
25. Le génie du paganisme celte tome 2 (liberté réciprocité simplicité).
26. Rhétorique : la trahison des clercs).
27. Petit dictionnaire de théologie druidique tome 1.
28. Des philosophes antiques au druide irlandais.
29. Judaïsme christianisme et islam : première partie.
30. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 1.
31. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome2.
32. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 3.
33. Troisième partie tome 1 : Qu’est-ce que l’Islam ? Bref historique de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
34. Troisième partie tome 2 : Qu’est-ce que l’Islam ? Premières approches de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
35. Troisième partie tome 3 : Qu’est-ce que l’Islam ? Les 5 vrais piliers de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
36. Troisième partie tome 4 : Qu’est-ce que l’Islam ? Coups de sonde dans l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
37. Couiro anmenion ou Petit dictionnaire de théologie druidique tome 2.
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