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LA BIBLE DU DRUIDISME
(HISTOIRE DU PACTE
AVEC LES DIEUX Tome II).
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LA BIBLE DU DRUIDISME.
(HISTOIRE DU PACTE
AVEC LES DIEUX. Tome II).
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AVERTISSEMENT AU LECTEUR.
« Honorer les dieux, ne rien faire de mal et être un homme un vrai ».
Vies et doctrines des philosophes célèbres. Livre I, prologue 6.
(Diogène Laërce.)
« Petit à petit nous oublions nos mythes et nos légendes.
En les oubliant, nous nous coupons de nos racines
Et nous perdons ainsi une partie de notre identité.
Les mythes et les légendes,
Pour peu que nous soyons dans l’attitude qui convient
En les découvrant sous les voiles de la poésie,
Expliquent le monde, la vie, la nature humaine,
Ses troubles et ses immenses possibilités.
Chante harpe du cœur !
Raconte les frémissements des eaux virginales,
La gloire de la Déesse, Mère des ondes
Et les convulsions de la naissance du monde ».
(Pierre Duchêne.)
Petite question pratique maintenant: comment appeler le héros des légendes, ou des récits, qui vont suivre?
Le premier réflexe serait d’en parler comme d’un modèle, d’un beau modèle même, mais ce premier mouvement ô combien naturel souffre de trois inconvénients.
Le premier est que l’appellation «beau modèle» fait un peu trop penser au (véritable) culte (isma) entourant la personne de Mahomet.
Le second est que c’est un modèle qu’un être humain ne saurait assurément égaler vu ses capacités pour le moins surhumaines.
Le troisième est que même les gens de sa tribu le craignaient ou le redoutaient visiblement, car c’était une sorte de berserkr.
Berserker, grand berserker serait pas mal mais...cela nous renvoie à la culture germanique.
Rofir n’a pas cet inconvénient mais c’est un terme gaélique qui n’est plus très parlant.
Chien de Culann, du forgeron Culann, serait un meilleur choix; néanmoins qui sait aujourd’hui que le chien était tenu pour un animal noble chez nos ancêtre. Exit donc aussi «chien de Culann».
Sétanta, premier nom de notre «modèle» d’après certains textes, serait un bon choix vu son contexte pan-celtique. On ne saurait l’exclure a priori.
Un mécanisme mental connu des Anciens, appelé interpretatio par les spécialistes, peut aussi nous fournir quelques pistes. Notre modèle a par exemple été aussi assimilé à Mars dans certaines tribus influencées par la culture romaine.
Henri Lizeray le rapprochait aussi du dieu guerrier appelé Esus ou Hesus même si l’étymologie de ce nom ne s’y prête guère.
On pourrait auss évidemment faire comme les premiers chrétiens et à appliquer au modèle en question plusieurs appellations n’ayant initialement rien à voir les unes avec les autres comme «fils de l’Homme» ou «serviteur souffrant» «agneau de Dieu» etc.
Hesus Mars Sétanta Chien de Culann par exemple.Quoiqu’un peu long.
En désespoir de cause mais suivant en cela l’exemple de Lady Gregory, nous nous en tiendrons finalement à l’appellation «seigneur», seigneur de Moritamna ou Muirthemné par exemple puisque tel était le nom de son domaine d’après elle et que le système politique celtique avec ses liens d’homme à homme a été un des précurseurs du système féodal.
Nous dirons donc «mon seigneur» ou «notre seigneur» pour jusqu’au bout et par delà les siècles jouer le jeu de cette société disparue car , qu’est-ce qu’un celtisant d’aujourd’hui sinon un membre de sa tribu,de
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son clan, de son entourage, de sa suite, un membre de coeur ou en esprit mais un membre de sa suite quand même malgré les siècles qui ont passé.
REGAIN, RÉSURGENCE ET RENAISSANCE, OUI ! RÉSURRECTION À L’IDENTIQUE, NON !
« C’est en suivant le cheminant que l’on trouve le chemin ».
La comparaison est un processus mental fondamental : regrouper certains faits dans des catégories communes, mais aussi observer les différences. De tels liens et relations sont à la base de la pensée et de la science. Sans cela il n’y a que des faits isolés sans liens entre eux. C’est donc sur la base de la comparaison que naissent les généralisations, les interprétations et les théories. La comparaison crée de nouvelles façons de voir et d’organiser le monde. Le comparatisme religieux est donc vieux comme le monde. Hérodote en faisait déjà. En ce qui concerne les religions antiques, cette démarche intellectuelle a produit de nombreux ouvrages rangés dans les rayonnages « mythologie comparée » depuis Max Muller (1823-1900). En ce qui concerne les religions non antiques il en va tout autrement. Chaque religion s’est bien entendu comparée à celles avec lesquelles elle était en concurrence, mais d’abord pour les dénigrer ou affirmer sa supériorité. Les premiers éléments d’un début de comparatisme religieux plus objectif se trouvent actuellement éparpillés sous l’étiquette « dialogue religieux » et proviennent généralement des religions se définissant elles-mêmes comme monothéistes vu leur extension de par le monde. Le tout dans un but apologétique ou missionnaire évidemment. D’où problème. Nous trouvons également des réflexions utiles dans les cercles relevant plus ou moins de l’athéisme, mais elles sont…
— Soit détaillées, mais focalisées sur une religion particulière.
— Soit plus générales, mais assez sommaires.
Et relèvent d’ailleurs aussi le plus souvent de l’histoire des religions, mais le tout dans une optique non croyante. De grands noms jalonnent cette histoire depuis William Robertson Smith (religion des Sémites) jusqu’à Mircea Eliade en passant par Émile Durkheim. D’autres auteurs ont ouvert de nombreuses pistes en ce domaine. Notre idée est D’EN PROLONGER UN CERTAIN NOMBRE EN ALLANT ENCORE PLUS LOIN DANS CE COMPARATISME RELIGIEUX (élargissement du champ des recherches anthropologiques, approfondissement des soubassements psychologiques, fin des survalorisations, décolonisation, antiracisme nouvelles hypothèses…) ET EN REPRENANT LE FIL INTERROMPU DE LEUR PASSIONNANTE QUÊTE DU GRAAL INACHEVÉE CAR, l’ancien druidisme est un peu comme le célèbre conte du Graal de Perceval et de Gauvain. C’est une histoire inachevée, qui s’interrompt brutalement après les 9000 premiers vers. Notre projet est d’en écrire la suite. Une continuation disait-on à l’époque. Ces petits cahiers destinés aux futurs très-sachants, se veulent à la fois une continuation et une mise en garde. Une continuation ou un ultime prolongement, car ils ont été composés à la manière des théologiens (chrétiens, bouddhistes, hindouistes, musulmans, etc.) du moins dans ce qu’ils avaient, tous, de meilleur (des éléments souvent d’origine païenne en fait). Une des fonctions de l’imitation a toujours été, en effet, dans les littératures orales populaires, de répondre à l’attente du public, frustré par l’interruption de la création originelle [en l’occurrence la philosophie druidique]. À cette attente a répondu au Moyen-âge, la technique narrative cyclique de la poésie épique des chansons de geste ou celle des Romans de la Table ronde. La voie du pastiche est celle qui consiste à enrichir l’original en le complétant par des touches successives, en développant des détails à peine esquissés, ou en interprétant ses ombres. Et ça, la pensée de nos ancêtres en avait bien besoin ! Mais cette compilation raisonnée, due à la plume de Pierre de La Crau, est aussi en un sens une mise en garde, car il ne fut jamais question, néanmoins, pour le maître d’œuvre de ce travail collectif, d’avaliser tel quel et sans réserve aucune, l’ensemble de ces doctrines. Il a au contraire souhaité, par toutes sortes de moyens littéraires (retournement des arguments, contre-pied, ou autres…) en faire ressortir les aspects souvent négatifs, néfastes, aliénants ou obscurantistes ; et si ce texte peut sembler parfois, rendre indirectement hommage à la capacité de réflexion des diverses Écoles théologiques actuelles, chrétiennes, musulmanes, juives, ou autres, c’est involontairement ; car son but est bien de tout faire, pour leur arracher, des mains, le monopole du discours sur le divin (voir à ce sujet les propos d’Albert Bayet), quitte à achever de les discréditer définitivement aux yeux du public. Sauf en ce qui concerne ce qu’elles ont emprunté de mieux au paganisme, évidemment, et qui est énorme ; car dans ce dernier cas, il s’agit, rappelons-le encore une fois, de la part du maître d’œuvre de cette compilation, d’une réadaptation à notre monde, des réflexions de ces apprentis théologiens (le dieu des philosophes, l’Ahoura Mazda, l’immortalité de l’âme, les hommes-dieux, les fils de dieu, le messie Saoshyant, la trinité, le taouaf, les sacrifices, la vie après la mort, sans compter les chérubins le paradis, etc.) En d’autres termes non pas de l’Histoire,
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mais une fiction historique, d’après les œuvres de… voir la bibliographie à la fin. En ce sens, notre « imitation » n’est qu’un retour aux sources. En bref un hommage.
« Le Druidisme » est une revue indépendante (indépendante de toute association religieuse ou politique) et qui n’a qu’un seul but : la recherche théorique ou fondamentale en matière de néopaganisme. Car ainsi que l’a très bien vu Carl Gustave Jung la religion n’est jamais que « l’observation attentive de forces tenues pour des ‘puissances’ : les esprits, les démons, les dieux, les lois, les idées, les idéaux, ou autres, suivant le nom qu’on leur a donné et que l’homme a considéré comme étant assez puissantes, dangereuses, ou utiles pour être soigneusement prises en compte ; ou assez grandes, belles et porteuses de sens pour être pieusement adorées voire aimées » (Psychologie et Religion 1937).
La double question à laquelle essaie de répondre cette revue d’études théoriques pourrait se résumer ainsi :« Que pourrait être ou que devrait être, un néo-druidisme actuel, moderne et contemporain ? » Le « Druidisme » est une revue néopaïenne, strictement néopaïenne, héritière de tous les mouvements authentiques (c’est-à-dire non chrétiens) qui se sont succédé depuis deux mille ans, l’héritière indirecte, mais l’héritière, quand même ! À propos de notre tradition de référence ou de notre filiation intellectuelle soulignons que si les « poètes » du royaume de Domnall mac Muirchertach Ua Néill avaient toujours les imbas forosnai, les teimn laegda ainsi que les dichetal do chennaib, à leur répertoire ((cf. la conclusion de l’histoire du pillage du château de Maelmilscothach, d’Urard Mac Coisé, un poète mort au XIe siècle)*, ils étaient peut-être déjà chrétiens quand même depuis plusieurs générations. Il est vrai que ces pratiques (imbas forosnai, teimn…) étaient formellement interdites par l’Église, mais qui sait, il y a eu peut-être des accommodements analogues à ceux des astrologues ou alchimistes du Moyen-Âge. Quoi qu’il en soit notre « Druidisme » est aussi une volonté, la volonté de se rapprocher, au maximum, du druidisme antique, tel qu’il fut (scientifiquement parlant). La volonté aussi néanmoins de moderniser ce druidisme, un retour total au druidisme antique étant exclu (il serait de toute façon impossible). Exemples de modernisation de ce druidisme païen.
— Abandon aux associations laïques du côté culturel (médecine, poésie, mathématique, etc.). Principe de séparation de l’Église et de l’État.
— Spécialisation par contre dans la spiritualité celtique, ou païenne en général, l’histoire de la religion, la philosophie et la métapsychique (dite aujourd’hui parapsychologie).
— Utilisation dans certains cas du vocabulaire actuel (Église, religion, baptême, et ainsi de suite). Un juste milieu est évidemment à trouver entre un retour total au druidisme antique (fondamentalisme ou intégrisme) et une modernisation radicale trop révolutionnaire (plus de saie). L’AAP (athée agnostique panthéiste) celte ayant accepté de cosigner cette petite bibliothèque *, dont il n’est que le rassembleur, le druide Hesunertus (Pierre de La Crau), ne se considère pas comme l’auteur de cet ouvrage collectif. Mais comme le simple porte-parole de l’équipe l’ayant composé. Pour ce qui est des autres sources de cet essai sur le druidisme, voir les remerciements de la bibliographie.
* Ce petit camminus est néanmoins important aussi pour les jeunes… de 7 à 77 ans ! Mantalon siron esi.
* Do ratath tra do Mael Milscothach iartain cech ni dobrethaigsid suide sin etir ecnaide 7 fileda 7 brithemna la taeb ogaisic a crech 7 is amlaidsin ro ordaigset do tabairt a cach ollamain ina einech 7 ina sa[ru]gad acht cotissad de imus forosnad [di]chetal do chollaib cend 7 tenm laida .i. comenclainn fri rig Temrach do acht co ti de intreide sin FINIT.
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IL FAUT DÉMYSTIFIER LES ÉCRITS
QUI NOUS VIENNENT D’IRLANDE,
QUELS QU’ILS SOIENT !
RÉSUMÉ DE LA MÉTHODE
(APPLIQUÉE AUX TEXTES PASSÉS EN REVUE PRÉCÉDEMMENT).
Le travail que notre petit cercle de chercheurs a été obligé d’effectuer sur le livre des Invasions de l’Irlande depuis sa traduction par Wlliam O’Dwyer et Henri Lizeray en 1884 nous a beaucoup enrichis sur le plan intellectuel. Il n’est donc pas inutile ici d’y revenir à propos de cette véritable Bible du druidisme que constitue le cycle d’Ulster, car on peut grosso modo penser que des phénomènes similaires ont affecté le mythe panceltique initial et notamment toutes les légendes concernant notre grand seigneur de Muirthemné, le Hésus Cuchulainn, d’après Lady Gregory.
Le Lebor Gabala Erenn qui se veut être un compte-rendu littéral et précis de l’histoire d’Irlande peut en réalité s’analyser comme une tentative de doter les Irlandais d’une histoire comparable à celle que les Israélites se sont donnée à eux-mêmes au travers de l’Ancien Testament. En recourant aux mythes païens d’Irlande à la fois gaéliques et prégaéliques, mais réinterprétés à la lumière de la théologie judéo-chrétienne et de l’historiographie. Cette œuvre composite nous montre donc une île soumise à différentes invasions, chacune ajoutant un nouveau chapitre à l’histoire du pays. Les paradigmes bibliques ont fourni à ces historiens d’un nouveau genre des schémas narratifs qui ne demandaient qu’à être adaptés à leur dessein. Nous retrouvons ainsi les ancêtres des Gaëls réduits à l’état d’esclaves en des terres étrangères comme les Hébreux en Égypte, ou dispersés en une étrange diaspora, ou à la recherche de leur terre promise.
De nombreux fragments d’une pseudo histoire de l’Irlande circulaient déjà au VIIe et au VIIIe siècle, mais les plus longs et les plus documentés sont ceux figurant dans l’Historia Brittonum ou Histoire des Bretons du moine gallois Nennius (829-830). Nennius nous livre là deux récits différents censés parler de la plus haute antiquité irlandaise (à partir de divers matériaux notamment français, ce qui n’est pas une référence en la circonstance).
Le premier d’entre eux, le Nennius dit breton, évoque une série de colonisations successives à partir de l’Ibérie opérées par des peuples prégaéliques : toutes se retrouvent dans le livre des invasions.
Le second le Nennius écrit en gaélique nous parle de l’origine des Gaëls eux-mêmes et décrit comment à leur tour ils sont devenus les maîtres du pays et par conséquent les ancêtres de tous les vrais Irlandais.
Ces deux récits de base furent enrichis et retravaillés par les bardes irlandais tout au long du IXe siècle. Aux Xe et XIe siècles, plusieurs longs poèmes historiques furent composés sur le même sujet puis incorporés dans le schéma général du Livre des Conquêtes.
On peut donc de la sorte identifier quatre grands poètes chrétiens ayant contribué à l’élaboration finale.
Eochaidh Ua Floinn (936-1004) d’Armagh. Les poèmes 30, 41, 53, 65, 98, 109, 111.
Flann Mainistrech mac Echthigrin (mort 1056), lecteur et historien de l’abbaye de Monasterboice. Les poèmes 42, 56,67, 82.
Tanaide (mort vers 1075). Les poèmes 47, 54, 86.
Gilla Cómáin mac Gilla Samthainde (vers 1072). Les poèmes 13, 96, 115.
Par la suite quelques années plus tard un érudit anonyme, mais toujours chrétien a sans doute réuni tous ces poèmes ainsi que de nombreux autres et les a insérés dans un cadre en prose, en partie dû à sa plume en partie extrait de sources plus anciennes, mais aujourd’hui disparues, qui développait ou paraphrasait ces passages versifiés. Le résultat final étant donc que les différents états de la langue gaélique utilisée pour composer cette œuvre relèvent du moyen irlandais (période allant de 900 à 1200).
4 ou 5 principales étapes ont donc été nécessaires.
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Tout d’abord élaborer une traduction satisfaisante du texte. Le problème des traductions est en effet récurrent dans ce genre de tâche. Il existe plusieurs langues en jeu, et chacune avec des niveaux linguistiques différents (exemple la langue irlandaise). Un même mot peut voir son sens évoluer. Il suffit de consulter un peu sur internet le dictionnaire électronique de la langue irlandaise pour se rendre compte de l’ampleur du phénomène.
Ensuite vient l’analyse proprement dite du texte. Travail qui peut, naturellement, avoir été préparé par l’étape précédente.
La cohérence du texte. Certains de nos récits peuvent en effet sembler difficilement cohérents, comme s’il y manquait quelque chose.
Il s’agit ensuite de déterminer si le texte en question en son état actuel a été entièrement pensé ou conçu par un même auteur, ou si l’on peut y déterminer des couches ou des fragments, venant visiblement d’une autre main, surgis d’un autre esprit. La manière dont ces textes nous sont parvenus (transmission orale d’abord puis toute une chaîne de copies successives) a permis en effet nombre d’interpolations ou de remaniements. La technique même de la littérature orale y prédispose d’ailleurs.
a) De brefs canevas emmagasinés dans la mémoire des poètes bardes ou vellèdes (filid en Irlande).
b) Des morceaux en vers appris par cœur.
c) De broderies et des développements laissés à la discrétion du conteur afin d’intéresser son public.
Le Français Marcel Jousse, professeur d’anthropologie à l’École des Hautes Études et à la Sorbonne a consacré sa vie à montrer comment fonctionnent les traditions orales d’un point de vue anthropologique. Dans sa thèse « Anthropologie du Geste », il a démontré le fonctionnement et la fiabilité des traditions orales en général : textes rythmés, balancés, structuration des textes de manière pédagogique, procédés mnémotechniques.
Tous les moyens sont bons pour vérifier la cohérence de nos textes donc, mais le plus courant bien sûr consiste à se référer à ce que l’on sait de source sûre (l’histoire au sens scientifique du terme) des faits de civilisation du peuple au sein duquel ces textes ont été composés, d’abord sous la forme d’une littérature orale, ensuite sous forme de légendes transcrites sur des manuscrits.
Enfin il y a le milieu d’origine ou de destination de tels textes. On ne peut pas bien entendu considérer de la même façon un enseignement druidique, dispensé par des druides et pour former de futurs druides ; et des contes ou légendes colportés par les bardes (partie inférieure de la corporation druidique) afin de distraire la classe guerrière (les chevaliers leurs femmes leurs enfants, éventuellement leur personnel) le soir à la veillée au coin du feu.
On peut détacher de cela une catégorie particulière d’explication, les motivations personnelles de l’auteur qui dépendent souvent de sa classe sociale et/ou de son origine ethnique (du Connaught ou de l’Ulster par exemple). *
Passons sur la nécessité vitale ou pas du point de vue professionnel, d’intéresser le plus large public possible. La problématique n’a pas changé (voir dans le monde actuel du spectacle les langues les plus couramment utilisées : l’italien au début du 19e siècle dans le monde de l’opéra, aujourd’hui le globish pour les chansons, le français pour l’escrime, etc.). Et pourtant il n’y a pas en effet pire reniement que celui de sa propre langue afin de gagner plus, en argent et en notoriété.
Tout autre chose sont les motivations politiques des auteurs. Il est en effet plus qu’évident que certains bardes ou vellèdes (filid) ont sciemment élaboré des récits des textes ou des arguments, destinés à flatter l’orgueil de leurs mécènes ou patrons, les grandes familles régnant sur le pays. Voir la fameuse querelle des bardes de 1616 à 1624.
D’où d’ailleurs toutes ces généalogies qui n’ont rien d’historique au sens strict du terme et notamment la délirante invention des « Milésiens » venus d’Espagne. Même phénomène aujourd’hui parmi les gens de média où beaucoup d’entre eux sont prêts à dire n’importe quoi pour complaire aux puissants du moment ou à la religion dominante ***du lieu et de l’heure (par exemple l’islam en France aujourd’hui) tout en réservant la vérité à leurs intimes.
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D’où l’importance par conséquent de la pertinence et de la précision des termes, tant au niveau de la traduction que de l’expression, un vol n’est pas un emprunt et vice versa, un assassinat n’est pas une exécution, un divorce n’est pas une répudiation, par contre un chat est un chat ! Et Davy Crocket un descendant de huguenot français (M.de Croquetagne) ayant soutenu dans l’affaire d’Alamo et de l’annexion du Texas des hommes qui se moquaient complètement des us et coutumes du pays dans lequel ils s’étaient installés, ne respectaient guère ses lois et notamment l’interdiction de posséder des esclaves, refusaient enfin pour la plupart de parler l’espagnol. Comme quoi l’immigration est comme la langue d’Ésope, elle peut profiter aux uns, mais être malheureuse pour les autres (voir ce qu’en pensent les Mexicains de tout cela).
Dit autrement cette critique radicale de nos textes se concentre donc en particulier sur les sources ayant contribué au document et détermine qui en fut le compilateur, ainsi que la date et le lieu de composition du texte. Cela n’est pas impossible. Les noms de certains des auteurs, souvent des poètes d’ailleurs, figurent parfois dans ces documents. Il s’agit donc d’établir l’histoire de nos textes en question. Car ils ont une histoire, bien évidemment. Littérature orale d’abord, ensuite mise par écrit avec copies successives.
Mais cette forme de critique des sources externes des textes ainsi que nous l’avons vu doit se référer constamment à fins de comparaison aux faits de civilisation des autres peuples proches et plus ou moins contemporains afin d’y trouver des confirmations indépendantes desdits textes. Le plus intéressant dans ce genre de textes en effet, ce sont les thèmes récurrents (l’utilisation ou non de chars de guerre par exemple, l’exhibition des têtes humaines comme trophées, et ainsi de suite…).
Conclusion de cette véritable quête du Graal : on ne croit personne sur parole, on ne se perd pas dans le foisonnement de cheveux coupés en quatre par les actuels soutiens ou piliers de ces idéologies, on vérifie tout soi-même minutieusement et point par point, on reprend soi-même tout à zéro, à la base, à la racine, avant même les racines, au gland originel ayant donné par multiplication à l’infini cette forêt d’interprétations.
Dans le cas du Cycle d’Ulster et notamment de son joyau l’enlèvement des bovins de Cualnge nous avons de nombreuses influences chrétiennes dans un cadre général non chrétien (à l’origine le mythe panceltique primitif concernant le plus fantastique des guerriers le Hésus Cuchulainn, seigneur de Muirthemné, et un taureau lui aussi exceptionnel, le taureau « à trois cornes » dit Tarvos Trigaranos sur le Continent.
Dans le Livre des invasions, nous avons la situation exactement inverse. Dans un cadre général chrétien ou du moins élaboré par des intellectuels chrétiens de nombreux fragments de mythes celtes plus anciens notamment concernant les dieux.
À une nuance près. Ce que nous apprend Ammien Marcellin à propos des druides semble indiquer que la notion de peuplements d’origines diverses dont certaines se situant au-delà des mers était déjà connue des druides antiques.
Histoire de Rome Livre XV, chapitre IX.
Paragraphe 2.
Les auteurs anciens, en traitant des origines les plus lointaines des Celtes du Continent, nous en ont brossé un tableau très incomplet ; mais récemment Timagène, Grec d’esprit comme de langue, a réussi à extraire de divers écrits restés longtemps méconnus, un certain nombre de faits notables, et c’est donc guidé par le fidèle compte-rendu qu’il en a fait, que nous allons désormais en donner, en dissipant toute obscurité, un compte-rendu logique et clair.
Paragraphe 3.
Certaines personnes affirment que les premiers habitants jamais vus dans ces régions étaient appelés Celtes, d’après le nom d’un de leurs rois, qui était très populaire chez eux, et quelquefois également Galates, d’après le nom de sa mère. Car Galates est la traduction grecque du mot latin Galli. D’autres affirment que ce sont des Doriens qui, suivant un très ancien Hercule, choisirent de s’établir dans cette région touchant à l’Océan.
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Paragraphe 4.
Les druides [latin drasidae] affirment qu’une partie du peuple est réellement indigène, mais que les autres ont afflué d’îles très lointaines, et de régions situées au-delà du Rhin, chassés de leurs précédentes demeures par des guerres trop fréquentes, et aussi quelquefois par des inondations dues à une mer déchaînée.
Paragraphe 5.
D’autres encore soutiennent qu’après la destruction de Troie, quelques Troyens fuyant les Grecs, qui étaient alors partout, occupèrent ces régions qui étaient à l’époque totalement désertes.
Paragraphe 6.
Mais les natifs de ces contrées affirment encore plus clairement que toute autre chose (et nous l’avons nous-mêmes effectivement vu sur leurs monuments) qu’Hercule, le fils d’Amphitryon, pressé d’anéantir les deux cruels tyrans Géryon et Tauriscus, dont l’un opprimait la Celtique continentale, et l’autre l’Espagne ; après les avoir vaincus tous les deux, prit femme dans la noblesse de ces pays, en eut de nombreux enfants, et que ses fils appelèrent de leur propre les régions dont ils devinrent les rois.
* Bien qu’il ne soit pas totalement impossible évidemment d’adopter des prises de position peu courantes dans sa classe sociale d’origine ou dans sa famille d’origine, heureusement, et s’expliquant uniquement par son propre cheminement intérieur ou sa réflexion personnelle en profondeur, sur ce qui est juste ou injuste, universel ou particulier, adapté ou inadapté, aux circonstances et aux lieux ou aux individus, etc.
Certains journalistes français (Vibration Facebook) m’ont par exemple beaucoup fait rire avec leurs gros sabots * *en 2012 à l’occasion d’une polémique de la campagne électorale sur la viande casher ou halal en précisant que l’ancienne ministre de la Justice Rachida Dati intervenant sur le sujet apparemment, était d’origine bourguignonne (née en Bourgogne eût été plus exact, car il ne suffit pas de naître quelque part pour être originaire de ce lieu, voir le cas de notre vieux maître Henri Lizeray qui, bien que né à Saint-Pétersbourg, n’était pas sentimentalement russe, pour autant, et heureusement d’ailleurs, je ne sais même pas s’il était officiellement sujet de l’empire russe… le droit du sang ça existe encore heureusement, il n’y a pas que le droit du sol), mais en oubliant de signaler que c’était aussi une citoyenne française… de confession musulmane, ce qui constituait sans doute un facteur explicatif plus pertinent que son origine bourguignonne.
** Ou alors faut-il y voir de la part de « Vibration » une allusion raciste au rôle joué par les Bourguignons durant la guerre de Cent Ans : des anti Jeanne d’Arc et des traîtres, ou une allusion perfide (pauvre Rachida Dati, elle ne méritait pas ça quand même) à la race bovine connue sous le nom de « charolaise » qui est une race à viande justement ??? Ces intellectuels français sont décidément très peu fute fute.
*** Dominante, car, bien que minoritaire, elle est beaucoup plus épargnée que le catholicisme par les intellectuels français, et le non-respect de son idéologie religieuse (isma pour Mahomet, idjaz et nature divine incréée du Coran, etc.) est à l’origine de beaucoup plus de condamnations (en première instance) que quand il s’agit des dogmes catholiques.
**** Ci-dessous à fin d’illustration ce que l’on peut dire en très brièvement résumé, de la civilisation celtique antique, car la seule chose qui compte ce ne sont pas les clichés, les poncifs, ni même les traditions, qu’elles soient millénaires et publiques, ou secrètes, mais les faits, la confrontation avec les faits, rien que les faits, uniquement les faits, autrement dit la réalité historique, voire archéologique ; le tout avec un beaucoup d’esprit critique évidemment. L’esprit critique est en effet un don des dieux, un véritable charisme (boudisme disaient nos ancêtres) ! Toland l’a bien souligné.
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LA VIE QUOTIDIENNE DE NOS ANCÊTRES
AU TEMPS DE LA CIVILISATION DE LA TÈNE.
« Bendacht ar cech óen mebraigfes go hindraic Táin amlaid seo & ná tuillfe cruth aile furri ».
« Que béni soit qui gardera en mémoire fidèlement l’enlèvement tel qu’il est consigné sans rien en changer ».
Le héros de l’histoire que nous allons étudier, notre petit seigneur de Muirthemné, étant originaire de la province irlandaise d’Ulster (Ulidia) nous commencerons par dire quelques mots de sa culture d’origine qui n’était pas gaélique pour commencer, mais Erainn ou Ivernien. Bien que Cuchulain et les Ulates passent leur temps à se distinguer soigneusement des « Irlandais ». La civilisation des Ulates de l’épopée du seigneur de Muirthemné selon Lady Gregory correspond plus à l’âge du fer qu’à celui du bronze.
On appelle civilisation de La Tène ou civilisation laténienne, du nom d’une localité suisse éponyme, le deuxième Âge du Fer de l’Europe continentale, lui-même découpé en trois sous-périodes. On considère généralement que La Tène 1 débute vers 475, la Tène 2 vers 250 et la Tène 3 vers 120 avant notre ère, pour se terminer au début de l’époque augustéenne. Le foyer originel se situe en Europe, grosso-modo en Europe centrale, autour de la Suisse et du sud de l’Allemagne, du Nord-est de la France à la Tchéquie ou de Prague à Paris en passant par Munich ou Francfort sur le Main.
La tribu-État.
Les Celtes repoussent toute forme de pouvoir trop centralisée. L’entité de base est la tribu, un ensemble de familles issues d’une origine commune, souvent très ancienne, regroupant quelques dizaines ou des milliers d’individus (un embryon d’État dans ce cas). Ces tribus s’organisent à partir d’assemblées politiques dans lesquelles chaque individu intervient en fonction de son statut social.
Il reste dans la société celte des traces d’une antique gestion collective de la terre.
Les hommes libres
— Les druides : ils président les affaires religieuses, mais cumulent aussi les fonctions de savant, d’éducateur, d’arbitres et de législateur. Cette charge n’est pas héréditaire ce n’est pas une caste), mais nécessite un long apprentissage que seuls peuvent se payer les riches en général. Gageons néanmoins qu’ils savaient repérer les jeunes talents.
— Les guerriers professionnels : l’accession au statut de guerrier professionnel n’est pas non plus héréditaire, mais suppose surtout la capacité d’acquérir un équipement onéreux. Une bonne comparaison est le statut des chevaliers au Moyen-âge.
— Les guerriers de base. Tout homme libre peut être armé, donc se retrouver mobilisé par son chef de clan.
— Les plébéiens : paysans ou artisans, ils n’appartiennent à aucune famille de renom et ont un pouvoir politique limité. Le fait de payer des impôts les autorise à participer aux assemblées populaires, mais sans réellement peser dans les décisions autrement que par leur nombre. Par le biais du système de la « clientèle », ils peuvent également vendre leur suffrage ou leur soutien. Là encore et comme au Moyen-âge ce qui prime c’est le lien d’homme à homme.
— Les esclaves. Il s’agit le plus souvent de prisonniers de guerre, précieuse monnaie d’échange après les combats. Ces esclaves n’ont bien entendu aucun poids politique, mais jouent un rôle économique non négligeable en travaillant à l’entretien des biens de leurs maîtres et en concurrençant de la sorte les petits paysans libres.
La maison.
Les notions de vie privée et d’indépendance sont importantes pour les Celtes. Recouverte de chaume, la maison du Celte de base se compose généralement d’une pièce unique et d’un mobilier limité aux banquettes de couchage ainsi qu’aux éléments de rangement.
Pourtant, la maison ne revêt pas le caractère sacré qu’elle a pour les Grecs ou les Romains. Elle permet uniquement de se reposer, de se protéger des intempéries, mais ce n’est pas un lieu de convivialité : les grands repas se prennent généralement à l’extérieur ou dans des constructions spécialement aménagées à cet effet.
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La médecine.
Les Celtes portent une grande attention à leur apparence et à la propreté du corps. On leur prête d’ailleurs l’invention du savon. À base de plantes, la médecine fut d’abord pratiquée par des marginaux, des sorciers, puis par les druides. En tant que civilisation ayant des guerriers « professionnels », les Celtes savent aussi recourir à la chirurgie à l’aide de scalpels, de lancettes et autres instruments.
L’école.
L’école est de fait réservée aux classes privilégiées, qui bénéficient d’un enseignement de qualité. Comme dans la Grèce présocratique, les enfants écoutent les discussions de leurs aînés et y apprennent l’art oratoire, la rhétorique, mais aussi bien d’autres matières, car l’enseignement vise un savoir universel et se poursuit généralement jusqu’à l’âge de 20 ans. Ainsi que signalé plus haut les druides savaient repérer les jeunes talents afin de former des successeurs.
Le mariage.
Bien que placées sous l’autorité morale de leur mari, les femmes jouissent d’une relative indépendance, en tout cas financière puisque les biens du couple sont mutualisés. Elles participent en outre aux assemblées populaires, peuvent être choisies comme arbitres dans des conflits, et se faire honorer, pour les plus riches, comme des hommes. En matière de sexualité, les Celtes semblaient également tolérants. Aucune source ne laisse en effet supposer l’existence de délits sexuels. Rien ne prouve par exemple que l’adultère ait été puni. Voir à ce sujet l’adultère de la femme de Partholon qui a donné tant de fil à retordre à Henri Lizeray
et les propos de la femme du roi calédonien Argentocoxos rapportés par Jean Xiphilin dans son abrégé de l’histoire romaine selon Dion Cassius (livre LXXVI, chapitre XVI). *
N.B. La polygamie semble avoir été admise dans les familles régnantes ou princières pour cause d’alliances politiques.
Des loisirs rassembleurs.
Le loisir individuel n’a pas de sens pour les Celtes, mais leur vie est ponctuée de grands rassemblements populaires, foires, fêtes religieuses ou rencontres politiques. Ces réunions sont égayées de spectacles, du chant des bardes et d’affrontements spectaculaires, duels ou joutes verbales, afin d’avoir la place d’honneur au banquet.
— Les banquets : s’il est un poncif non usurpé sur les Celtes, c’est bien leur goût des banquets accompagnant tous les grands moments de la vie sociale. Leur organisation est très codifiée : la place que chacun y occupe respecte scrupuleusement la hiérarchie sociale. L’ivresse y est fréquente et parfois même associée à l’usage de plantes hallucinogènes, aux vertus divinatoires et religieuses.
— La chasse à courre, très prisée, se trouve de fait réservée aux riches, car elle exige un équipement onéreux, comme les chevaux, les chiens et les armes (principalement un javelot muni d’un fer). Initiatique, elle permet aussi de former les jeunes à l’art de la guerre.
La guerre. La bataille est essentiellement une série de duels. Les duels se terminent généralement par la décapitation du vaincu par le vainqueur qui s’empare de sa tête en guise de trophée. Les Celtes y voyaient en effet le siège de l’âme dans le corps, d’où un véritable culte des têtes coupées. Chaque guerrier professionnel soigne donc son équipement pour les affrontements : cotte de mailles, armure de crupellaire (des sortes de gladiateurs) casque impressionnant (celui de Ciumesti semble avoir été seulement d’apparat). Il existe à l’inverse des guerriers très légèrement armés (les fameux gésates). Les Celtes antiques ont eu également recours au char de guerre (deux personnes à bord : un combattant professionnel et un aurige, capable aussi d’intervenir les armes à la main). Il s’agissait de structures en bois très légères tirées par de petits chevaux genre poneys.
Le butin rapporté des expéditions guerrières est aussi une autre des ressources de la société celte.
Les expéditions guerrières des Celtes répondent à une nécessité économique plus qu’à une volonté expansionniste malgré la pratique du ver sacrum : leur production agricole et artisanale n’est pas toujours suffisante pour générer des surplus, échanger des produits et obtenir ceux qui leur manquent. C’est donc par la force qu’ils se procurent ces biens, des terres et des esclaves. À partir du Ve siècle avant notre ère se développe le métier de mercenaire : certains Celtes s’engagent comme soldats pour des peuples étrangers, en échange de denrées convoitées, comme le vin.
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Une agriculture développée. Les Celtes sont parvenus à développer l’une des plus riches agricultures du monde antique notamment grâce à un climat favorable, à la mise au point d’engrais, d’outils et d’attelages permettant de labourer des terres lourdes. Mais cette activité n’est pas la plus valorisée qui soit au sein de la société. Les propriétaires n’exploitent d’ailleurs pas directement leurs terres, qu’ils préfèrent mettre en fermage. En revanche, ils accordent une grande importance à l’élevage, la taille et la beauté de leur troupeau étant un signe de richesse.
Omniprésence de l’artisanat.
La production artisanale occupe une place importante dans la société celtique. Les Celtes excellent ainsi dans la production d’outils en fer et dans l’orfèvrerie, témoignant ainsi d’une bonne connaissance des minerais. L’or est particulièrement prisé, au point que les Romains ont évoqué la Celtique comme le pays où l’or foisonne. Le travail du bois est également développé, la tonnellerie notamment. Leurs poteries, et surtout l’émail de couleur rouge, sont réputées.
Un commerce par défaut.
Les Celtes ne sont pas des commerçants dans l’âme. Ils préfèrent produire par eux-mêmes ou piller leurs voisins. Néanmoins, ils pratiquent une forme de commerce en prélevant des droits de passage sur les marchandises qui transitent sur leur territoire. À partir du IIIe siècle avant notre ère, ils commencent à troquer des produits, qui restent peu diversifiés : ils achètent du vin, mais aussi des chevaux, de la vaisselle ou des bijoux. En échange, ils revendent des esclaves, une partie des produits de leur élevage ou leurs services de mercenaire. Ces échanges se font donc sous forme de troc, les pièces de monnaie celtes n’apparaissant que tardivement, au IIIe siècle avant notre ère justement.
Ponts et chaussées.
Un réseau de routes constituées de petites pierres tassées et damées ou de chaussées faites de troncs d’arbre dans les marais reliait les chefs-lieux des différents peuples bien avant l’arrivée des Romains, comme le démontre l’avancée rapide de l’armée de César. César insiste sur les ponts qu’il faisait jeter en vue de traverser les fleuves là où cela l’arrangeait et, parfois, comme par distraction, il mentionne des ponts déjà existants. Des ponts, donc des routes ! Il existait d’ailleurs une lieue celtique de 2400 ou 2500 mètres et des « bornes leugaires » en bois pour signaler les distances.
Quelle langue parlaient les Celtes ?
Les linguistes actuels distinguent deux grandes familles linguistiques, les langues celtiques en P, les langues celtiques en Q. À l’intérieur de chacune de ces deux grandes familles, les Celtes communiquaient dans une langue présentant des différences de vocabulaire et de prononciation suivant les régions (comme c’est d’ailleurs le cas pour notre langue selon que l’on se trouve en Europe ou en Amérique), mais compréhensible par tous les habitants d’un même territoire. Cette langue n’a pas été uniformisée par des lois ni codifiée par écrit. Nous ne disposons donc pas aujourd’hui de textes rédigés par les Celtes eux-mêmes, et seules les sources grecques ou romaines nous renseignent sur le « parler » celtique.
Pour ce qui est de notre chère Irlande les progrès de la linguistique ont rendu plus obscurs que jamais les rapports respectifs du gaélique et du brittonique et les hypothèses d’O’Rahilly à propos de l’Ivernien ayant été infirmées on ignore donc si notre petit seigneur de Muirthemné parlait il y a 2000 ans une langue celtique en p ou une langue celtique en q. Pour Lady Gregory en tout cas c’était une langue celtique en q.
Existait-il une littérature ?
La littérature était uniquement orale, transmise lors de joutes et cérémonies collectives par les druides et les bardes. Il existait donc une véritable rhétorique et une littérature verbale qui s’apprenaient dans les écoles. Ces récits riches en formules diverses, images et poésie, pouvaient avoir une valeur sacrée ou une fonction épique, en exaltant les exploits des guerriers.
L’art.
L’art celte a été longtemps méconnu ou méprisé, car il ne répondait pas aux critères esthétiques gréco-romains. Les Celtes ne cherchaient pas, en effet, à représenter la réalité, encore moins à la magnifier. L’art celtique est non figuratif : ses motifs abstraits, stylisés, symboliques sont faits de courbes et d’infinis entrelacements conçus comme un langage sacré rapprochant les hommes du divin.
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Les Celtes exerçaient leur art sur des supports portatifs, que ce peuple de semi-nomades pouvait emporter partout avec lui : armement (casques, poignards…), bijoux (gros colliers, bracelets, anneaux de cheville, pendentifs, boucles de ceinture) ou objets de la vie quotidienne (rasoirs, miroirs…).
Les sources grecques ou romaines notent aussi la grande place faite à la musique dans la société celtique. Religieuse ou militaire, elle accompagnait tous les rassemblements populaires.
Les Celtes avaient-ils des pratiques scientifiques ?
Les Celtes ont manifesté un intérêt notoire pour le calcul, la géométrie ou l’astrologie, mais les connaissances scientifiques étaient le domaine réservé des druides. Les rares traces d’écriture celte révèlent aussi une vraie passion pour les nombres, qui s’exerça d’abord dans la comptabilité (recensement des populations, gestion financière, etc.). Des calendriers d’une grande complexité furent aussi établis grâce à une pratique poussée de l’astronomie, qui permettait en outre de déterminer les dates propices au culte.
La bière et son tonneau.
Différents types de bières existaient. La plus répandue était un alcool d’orge, ancêtre de nos bières actuelles, partie intégrante de l’alimentation. Sa popularité s’explique en partie par des raisons sanitaires, car elle pouvait présenter moins de risque que l’eau. Pour remplacer les amphores en terre cuite et garantir la conservation ainsi que le transport du vin, les Celtes ont inventé les tonneaux en bois.
Le savon.
Ce produit de nettoyage était fabriqué à partir de cendres et de suif. Mais s’ils l’ont inventé, les Celtes ne semblent pas l’avoir exploité pour ses vertus hygiéniques : ils l’utilisaient surtout pour lustrer leur longue chevelure et la décolorer.
La moissonneuse (vallus).
Alors que les Romains se servaient d’une faucille, certaines tribus celtes utilisaient déjà la moissonneuse pour leurs travaux des champs. Cet ancêtre des machines agricoles était en fait une grande caisse munie de dents d’acier. Elle était tractée dans les champs par un bœuf, les épis arrachés tombant dans la caisse.
Le pantalon.
Les Celtes du Continent et de [Grande] Bretagne jusque dans le sud de l’Écosse (les royaumes bretons du Nord) furent les premiers à porter ce type de vêtement appelé « braies ». Ce pantalon, était large et flottant, à plis pour certaines tribus, étroit et collant chez d’autres. Il descendait en général jusqu’à la cheville, où il était attaché.
La cotte de mailles.
Les Celtes maîtrisaient la technique compliquée de l’extraction du fer. Avec ils fabriquaient des clous, fibules, couteaux, ciseaux, haches et casques. Ils ont inventé la cotte de mailles pour les cavaliers, probablement au IIIe siècle avant notre ère.
Le fer à cheval. Si les anciens Celtes n’en sont pas les inventeurs, ils en sont au moins les promoteurs en Europe. N.B. Les Romains ne connaissaient que l’hipposandale.
Selon Caton l’ancien et Pline, les Romains durent aux Celtes l’usage de la marne et la chaux pour engraisser les terres (livre XVII chapitre IV) les tamis faits avec du crin de cheval (livre XVIII chapitre XXXVIII), la charrue à deux roues qui retourne la terre ainsi que la herse (livre XVIII, chapitre XLVIII) et la faux (livre XVIII chapitre LXVII). Ce sont encore les Celtes qui, selon Pline, inventèrent toutes sortes de roues et les voitures utiles ou de luxe (essedum petorritum colisatum, etc.) avec lesquelles on roulait en Italie.
Pline rapporte également que c’est des Celtes que les Romains apprirent l’art de dorer ou d’argenter les brides et les harnais des chevaux, l’étamage des ustensiles de cuisine (livre XXXIV, chapitre XLVIII). Philostrate y ajoute la technique de l’émail.
On les crédite également de quelques autres inventions. Le vilebrequin ou les tarières (Pline livre XVII, chapitre XXV), le couteau ou rasoir à lame repliable, le matelas (de type cadurque Pline livre XIX chapitre II), les bottes, le cerclage des roues par du fer (jante), la charcuterie, certains fromages (Pline livre XI chapitre XCVII), etc.
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Les empereurs adoptèrent également, pour leurs vêtements, malgré la critique et les railleries du peuple romain, les bons et chauds vêtements dont se revêtaient les paysans ou chevaliers celtes.
La religion celtique.
L’image d’Épinal du druide, tout de blanc vêtu, coupant du gui à la serpe (en fait un vouge) dans une forêt profonde a longtemps résumé la religion celtique, pourtant plus complexe. Les découvertes archéologiques récentes ont en effet mis en lumière une religion riche en croyances et rites élaborés, structurant la vie des Celtes.
« Druides », « bardes » « vates » et « gutuatres ».
Le personnel religieux celte n’est pas constitué des seuls druides : les bardes, chargés de perpétuer la tradition orale, occupent une place tout aussi importante. Ces gardiens de la mémoire, considérés comme de véritables chantres sacrés, louent les exploits des hommes et des dieux, accompagnés d’un instrument proche de la lyre : la rote. Venance Fortunat (Livre VII, chant 8) l’oppose aussi bien à la lyre des Romains qu’à la harpe des barbares. Les « vates »sont les maîtres du sacrifice et de la divination. Souvent oubliés les gutuatres sont les invocateurs des dieux, chargés des prières.
Sacrifice et divination.
Pour se concilier les faveurs des dieux, on leur sacrifie toutes sortes d’offrandes, animaux, bijoux, fruits, sans oublier les sacrifices humains, rares, mais pratiqués. Les Celtes s’adonnent aussi à la divination en interprétant les songes, le vol des oiseaux, mais aussi les nombres.
Lieux de culte.
Les rituels se déroulent dans des sanctuaires, sortes de temples généralement localisés sur des points élevés, éloignés des habitations, mais facilement repérables. Aucune cérémonie dans les arbres par contre, comme le voudrait pourtant la légende qui nous vient de Pline.
Les fêtes religieuses.
Quatre grandes fêtes celtiques introduisent les saisons : Ambolc, le 1er février, Beltène, le 1er mai, Lugnasade, le 1er août, Samon (ios) le 1er novembre.
Croyances.
C’est finalement le système de croyances très élaboré des Celtes qui les unit le mieux. Citons entre autres, la croyance en une fin du monde du présent cycle, en la réincarnation des âmes/esprits dans l’autre-monde (une croyance qui expliquait, selon César, le courage des Celtes au combat) et en la vie quasiment éternelle desdites âmes/esprits après la mort. L’univers est quant à lui conçu comme une sorte de globe divisé en trois parties, abysses infernaux glacés, terre, et ciel, ce dernier apparaissant comme une voûte fragile et inquiétante pouvant s’effondrer à tout instant**.
*À ce propos on rapporte une remarque pleine d’esprit ayant été faite par la femme d’Argentocoxos un Calédonien, à Julia Augusta. Alors que l’impératrice plaisantait avec elle, une fois le traité conclu, sur la liberté de mœurs des femmes dans leurs rapports avec les hommes en [Grande] Bretagne, elle répondit : « nous satisfaisons aux besoins de la nature bien mieux que vous les Romaines, car nous sortons ouvertement avec les meilleurs des hommes, alors que dans votre cas ce sont les plus vils des hommes qui vous débauchent en cachette ». Telle fut la répartie de cette [Grande] Bretonne (Xiphilin).
** Conception druidique traitant de la fin du monde (de ce cycle), mais mal interprétée par le peuple.
NOTES DE LECTURE PRÉALABLES À PROPOS DU CYCLE D’ULSTER.
Certains spécialistes du XIXe et du début du XXe siècle, tels Eugène O'Curry et Kuno Meyer, ont cru que les récits et les personnages du Cycle d’Ulster étaient essentiellement historiques (Conchobar par exemple était censé avoir été contemporain de Jésus) ; T. F. O'Rahilly inclinait à croire que toutes ces histoires étaient complètement mythiques et leurs personnages des dieux évhémèrisés ; Ernest
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Windisch pensait que ce cycle, bien qu’en majeure partie œuvre de fiction, contenait quelques mythes authentiques.
Ce qui est sûr c’est que des éléments de ces contes et légendes sont des réminiscences des descriptions rapportées par les auteurs classiques grecs et latins à propos des sociétés celtes en Grande-Bretagne sur le Continent et en Galatie (actuelle Turquie). Les guerriers se battent avec des épées, des lances, et des boucliers, et vont montés sur des chars à deux chevaux, conduits par des auriges expérimentés issus des classes inférieures. Ils prennent et conservent les têtes de leurs ennemis tués, se targuent de leur valeur lors des festins, où le plus courageux est récompensé par l’attribution du curadmir ou morceau du héros, le morceau de viande de premier choix. Les rois sont conseillés par les très-sachants (vieil Irlandais drui, pluriel druid) ; et les poètes ont beaucoup de pouvoir et de privilèges.
Tous ces éléments ont conduit les spécialistes comme Kenneth H. Jackson à conclure que les histoires du Cycle d’Ulster ont conservé d’authentiques traditions celtes de l’Âge du Fer préchrétien. D’autres auteurs ont contesté cette conclusion en pointant les ressemblances avec la société irlandaise du haut Moyen-âge et l’influence de la littérature classique, mais il est plus que probable que ces histoires recèlent aussi des éléments remontant à la plus haute Antiquité.
Le substrat le plus ancien de ces contes * est vraisemblablement celui qui met en jeu les rapports complexes entre les Ulates et les Erainn représentés dans le Cycle d’Ulster par Cu roi et le Clan Dedad, puis plus tard par Conaire Mor. Ill a été remarqué au début du XXe siècle par Eoin MacNeill ainsi que quelques autres auteurs que les Ulates historiques, représentés par exemple par les Dal Fiatach, étaient apparemment liés au clan Dedad. T. F. O'Rahilly plus tard conclura que les Ulates étaient en fait une branche des Erainn.
Il est possible que certains Erainn aient été de puissants rois centrés sur Tara, mais avec aussi des fiefs secondaires autour de Temair Luachra « la Tara des Joncs » dans l’ouest du Munster, où prennent place quelques péripéties du Cycle d’Ulster.
Enfin il intéressant de noter que les multiples petits cycles d’histoires impliquant une prédominance antérieure des Erainn en Irlande sont généralement plus anciens que la plupart des autres histoires du Cycle d’Ulster pour ce qui est du fond, si ce n’est de la forme finale, et passent pour avoir un caractère plus fondamentalement préchrétien. Plusieurs d’entre eux ne mentionnent même pas les plus fameux personnages du Cycle d’Ulster, et ceux qui le font néanmoins ont peut-être été quelque peu remaniés au fur et à mesure de sa diffusion ultérieure avec la Tain et de sa popularité croissante.
*Compert Conchobuir « La naissance de Conchobar ».
Compert Con Culainn « La naissance de Cu Chulainn » (du temps où il n’y avait ni talus, ni haies, ni murets en Irlande).
Tout ce qui concerne Cu Roi, comme par exemple l’Aided Con Roi.
Et enfin peut-être évidemment les livres perdus (hélas) comme le fameux « Livre du dos de neige » Cín ou Lebor Dromma Snechtai.
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RAPPEL.
En ce qui concerne la vie et la mort de notre gentil seigneur (de Muirthemné d’après Lady Gregory), nous recommandons vivement la magistrale thèse de Lisa Gibney intitulée « La biographie héroïque de Cu Chulainn) soutenue en 2004 (Université nationale d’Irlande Maynooth) et qui n’a qu’un seul défaut, elle ne souligne pas assez qu’il ne s’agit que de l’historicisation en Irlande d’un mythe panceltique pour ne pas dire universel (celui du héros demi-dieu qui se sacrifie pour son peuple) apparu quelque part en Europe centrale il y a 4000 ans (période supposée de la formation du protoceltique de la civilisation des champs d’urnes) ou plus (6000 avant notre ère pour Peter Forster et Alfred Toth 2003).
Les textes qui suivent ne sont pas une synthèse complète ni exhaustive de toutes les légendes irlandaises ou galloises sur le sujet. Pour la simple raison qu’une telle synthèse serait impossible, étant donné les innombrables variantes ou contradictions que l’on peut y découvrir. Seule une synthèse des grandes lignes de ces récits peut être envisagée.
Les textes qui suivent ne sont donc que des réécritures partielles, et en résumé ou en abrégé, des principales légendes irlandaises en question, le tout étant restructuré ou recomposé après démolition, sur de nouvelles bases et en suivant un plan différent, ça et là entrecoupé d’analyses.
Ils n’ont qu’un seul but, donner à nos lecteurs assez de notions ou d’aperçus préliminaires sur le sujet pour avoir envie d’en savoir plus.
Les textes qui suivent ne dispensent donc pas de se reporter in fine aux textes originaux eux-mêmes.
Le texte qui suit ne dispense en aucune façon, BIEN AU CONTRAIRE, de se reporter pour plus de précision dans l’étude scientifique de ce mythe aux textes de base qui ont servi.
N.B. Merci à tous pour leur formidable travail de linguiste minutieux, ce que je ne suis en aucune façon. Et venons-en maintenant au texte proprement dit.
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VIE ET MORT DE NOTRE SEIGNEUR HÉSUS DIT MARS OU CUCHULAINN.
Suivies de quelques autres récits (scéla) d’après les apocryphes irlandais. Histoires recueillies corrigées, annotées.
DÉBUT DE NOTRE HISTOIRE (en fait la conclusion, chapitre 29, de la Tain Bo Cualnge).
Bendacht ar cech óen mebraigfes go hindraic taín amlaidseo & na tuillfe cruth aile furri.
Sed ego qui scripsi hanc historiam aut uerius fabulam, quibusdam fidem in hac historia aut fabula non accommodo. Quaedam enim ibi sunt praestrigia demonum, quaedam autem figmenta poetica, quaedam similia uero, quaedam non, quaedam ad delectationem stultorum.
Bénédiction sur qui gardera fidèlement la Tain en mémoire sans rien y changer. Mais moi, qui ai copié cette histoire, ou plutôt cette légende, je n’accorde aucun crédit à divers des incidents narrés dans ce récit. Certains ne sont en effet que jonglerie des démons, d’autres des fictions poétiques. Quelques-uns sont vraisemblables, mais d’autres pas et n’ont été inventés que pour le plaisir des imbéciles.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 1.
On nous permettra, je l’espère, de ne pas être totalement du même avis que le bon chrétien qui a écrit cela dans le Livre de Leinster, à propos des aventures de notre héros le petit seigneur de Muirthemné. Et de trouver au contraire dignes de foi ou d’intérêt dans ce texte, beaucoup plus de choses que lui n’en voit. Le Hésus Cuchulainn par exemple, ne violait jamais le fir fer (les droits de l’Homme armé ou du guerrier), ne tuait ni les cochers, ni les messagers, ni les hommes désarmés (ar ní gonaim aradu no echlacha no aes cen armu). En outre, il ne lui semblait ni noble ni beau de prendre les chevaux, les vêtements, ou les armes des hommes abattus (nibá miad nó niba maiss leiss echrad nó fuidb nó airm do brith ona corpaib no marbaib) avons-nous dit. Le Hésus Cuchulainn n’est donc en aucune façon le diable fait homme, bien au contraire. Et l’on se demande pourquoi il serait plus sot de s’intéresser à ces légendes qu’à la mythologie biblique, que ce soit celle de l’Ancien Testament, OU DU NOUVEAU.
La tradition irlandaise (et notamment le texte intitulé en gaélique Tromdamh Guaire) attribue à un célèbre poète du VIIe siècle appelé Senchan Torpeist la préservation ou la redécouverte de notre légende. Mis au défi par le roi du Connaught (Guaire : qui voulait se débarrasser de sa compagnie, vu ce que lui coûtait son hébergement) de retrouver l’intégralité du récit de la légende en question, piqué au vif Senchan aurait alors pour cela mis à contribution tous ses collaborateurs.
Ci-dessous, de mémoire, la façon dont les choses se seraient passées.
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Les bardes de la verte Erin furent un jour convoqués par Senchan Torpeist afin de savoir s’ils avaient toujours en mémoire l’enlèvement du bétail de Cooley dans son intégralité. Ils répondirent qu’ils n’en connaissaient plus que des fragments. Senchan voulut savoir alors lequel d’entre eux qui s’en irait dans le pays de Letha pour apprendre le récit de l’Enlèvement, que le sage avait emporté avec lui à l’est en échange du grand parchemin, serait béni par lui. Emine, petit-fils de Ninene, et Muirgen, le propre fils de Senchan, partirent tous deux dans cette direction. Ils passèrent devant la sépulture de Fergus fils de Roech à Enloch, dans le Connaught, et Muirgen s’assit sur la pierre tombale de ce héros pendant que les autres poursuivaient afin de chercher un abri pour la nuit. Muirgen récita une invocation à la pierre comme si c’était à Fergus lui-même qu’il s’adressait puis un grand brouillard s’étendit autour de lui d’un seul coup, si bien qu’on ne le vit plus durant trois jours et trois nuits. Fergus lui apparut revêtu de magnifiques habits, c’est-à-dire avec un manteau vert et une tunique à capuchon ornée de broderies rouges, une épée à pommeau d’or, des sandales de bronze, ainsi qu’une longue chevelure brune. Et il lui récita toute l’histoire de l’enlèvement des bœufs de Cooley, telle qu’elle avait été composée originellement, du début jusqu’à la fin.
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LA FAMILLE DE NOTRE SEIGNEUR HESUS MARS
OU CUCHULAINN
(Compert Conchobuir et Scéla Conchobuir, mac Nessa).
Ness, fille d’Eochaid Sálbuide, le roi des Ulates de l’époque, était à Emain avec ses servantes quand le druide Catubatuos (Cathbad) vint à passer. Ness lui demanda un peu par curiosité à quoi les auspices de ce moment-là étaient-ils le plus favorables. »
— À faire un roi avec une reine, répondit le druide.
Ness demanda si c’était bien vrai. Catubatuos jura ses grands dieux que c’était vrai, il ajouta même que la gloire du garçon conçu sous de tels auspices durerait jusqu’à la fin des temps.
Comme il n’y avait pas d’autre homme autour d’elle, Ness prit le druide Catubatuos (Cathbad) dans son lit et neuf mois plus tard (ou plus exactement 3 ans et 3 mois plus tard dans notre texte) elle mit au monde un superbe garçon.
Il fut appelé Cunocavaros/Conchobar.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 2.
N.D.L.R. D’après la version courte. D’après la version longue, le druide Catubatuos (Cathbad) assassine les douze tuteurs de Ness (alors appelée Assa). Mariée à Catubatuos (Cathbad), Ness met deux moucherons dans le verre de son mari. Ce dernier s’en aperçoit et les met à son tour dans le verre de Ness, qui les avale. C’est ainsi que sera conçu Cunocavaros/Conchobar (une conception buccale donc) : il naîtra même avec ces deux moucherons dans les mains (toujours d'après la version du livre jaune de Lecan donc). Le récit du livre de Leinster intitulé en gaélique « Scéla Conchobair maic Nessa » (histoire de Cunocavaros/Conchobar fils de Ness) donne une autre version de ces préliminaires. Catubatuos (Cathbad) y est présenté comme étant à la fois mage et guerrier, ce qui lui a d’ailleurs valu d’être comparé au roi galate Dejotarus par Whitley Stokes.
Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 3.
Histoire de Cunocavaros/Conchobar fils de Nessa (Scéla Conchobuir mac Nessa) d’après le livre de Leinster (traduction personnelle donnée sous toutes réserves, il y a des termes gaéliques susceptibles de plusieurs traductions, comme le mot damh par exemple, qui signifie à la fois bœuf ou cerf. À noter aussi : ce texte mentionne déjà notre héros alors qu’il n’était pas encore de ce monde. Il a donc été composé après. La lourde interpolation chrétienne le prouve !)
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« Il nous faut indiquer maintenant à quelle heure cette naissance arriva : l’heure où naquit le Christ. Quatre prophètes l’avaient annoncée sept ans à l’avance (ils avaient prédit que) un enfant merveilleux naîtrait au moment même de la Nativité du Christ, sur la pierre où naquit Cunocavaros/Conchobar, et que son nom serait illustre partout dans la verte Erin.
La dignité de Cunocavaros/Conchobar fut grande sept ans après sa naissance, car il devint roi des Ulates. En voici la raison : Ness, fille d’Eochaid Salbuide, sa mère, n’était pas mariée. Fergus, fils de Ross, était alors roi des Ulates ; il désira donc épouser Ness.
« Je n’y consentirai pas », dit-elle, « sans un présent de ta part, c’est-à-dire un an de règne pour mon fils, afin que plus tard son propre fils puisse être qualifié de fils de roi ».
« Accorde-lui ce qu’elle demande », conseillèrent tous les Ulates. « La royauté continuera de t’appartenir, même s’il est roi en titre pendant un an ».
Après cela Ness partagea la couche de Fergus et la royauté sur les Ulates appartint donc théoriquement à Cunocavaros/Conchobar.
Mais Ness apprit à son fils à ses tuteurs et à ses gens l’art de dépouiller quelqu’un, et de donner (ses biens) à un autre. Beaucoup d’or et de l’argent furent donnés aux seigneurs ulates au nom de son fils.
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La fin du temps convenu arriva au bout d’un an. Fergus demanda donc aux garants s’étant portés caution de lui faire restituer la royauté.
" Parlons-en d’abord entre nous, " répondirent les Ulates.
Ils ne tinrent conseil qu’une journée.
Tous s’accordèrent à reconnaître d’emblée qu’il était honteux que Fergus les ait ainsi donnés (à Ness) en cadeau de mariage. Mais ils étaient reconnaissants aussi envers Cunocavaros/Conchobar de tous ses bienfaits à leur égard. Voici donc ce qu’ils décidèrent : « Ce que Fergus avait vendu ne devait plus lui revenir, ce que Cunocavaros/Conchobar avait acquis devait lui rester ».
C’est ainsi que Fergus fut privé de sa royauté sur les Ulates, et c’est ainsi que Cunocavaros/Conchobar fut appelé à régner sur une des cinq provinces de la verte Erin. Les Ulaidh le tinrent ensuite en grand honneur. Chaque fois qu’un des Ulates mariait une fille devenue adulte, elle passait la nuit avec lui afin qu’il soit en quelque sorte son premier mari.
Il n’y eut jamais sur terre enfant plus sage ! Il ne rendit jamais un verdict en dehors des délais impartis, afin de ne pas rendre de mauvais jugements, et donc que ses récoltes en soient ainsi affectées (gâtées).
Il n’y eut jamais plus puissant champion que lui sur terre, mais on ne le laissait jamais s’exposer. Champions et vétérans ainsi que héros des plus valeureux avaient l’habitude de se tenir devant lui dans les batailles ou les conflits, afin qu’il n’y ait jamais aucun danger pour lui.
Quand un des seigneurs ulates lui accordait l’hospitalité pour la nuit, alors il avait le droit de coucher avec la femme de cet homme-là.
Trois cent soixante-cinq, c’est-à-dire autant que le nombre de jours dans l’année, tel était le nombre des hommes formant la maisonnée de Cunocavaros/Conchobar. Ils étaient très précisément associés : il y avait un homme différent chaque soir pour les approvisionner en victuailles, de sorte que celui qui avait la responsabilité de les nourrir un jour la retrouvait au bout d’un an. Ce repas n’était pas peu de chose : un porc, un bœuf [ou un cerf ?] et une cuve [de bière] pour chaque homme. Il y avait de toute façon des hommes parmi eux, à ce que l’on raconte, à qui cela ne suffisait pas, par exemple Fergus mac Róig.
C’était vraiment un homme de grande taille. Le septième de Fergus dépassait la personne entière de tout autre homme des Ulates. Il y avait la longueur de sept pieds entre son oreille et sa bouche ; sept mains d’homme auraient tenu entre ses deux yeux, autant sur la longueur de son nez, autant sur la largeur de sa bouche.
Un boisseau d’eau était nécessaire quand il fallait lui laver la tête. Son pénis faisait sept mains de long. Ses bourses la taille d’un sac faisant un boisseau. Il fallait sept femmes pour le satisfaire si Flidais ne venait pas. Sept porcs et sept cuves (de bière) et sept bœufs (ou cerfs) devaient être consommés par lui et il avait la force de sept cents hommes en lui. On était donc obligé de le laisser s’occuper des repas de la maisonnée une semaine (sept jours) de plus que tout autre.
Mais c’était Cunocavaros/Conchobar lui-même qui avait l’habitude de leur offrir (?) le repas de Samon (ios) à cause de la grande assemblée des guerriers. Il était alors nécessaire de pourvoir aux besoins d’une grande multitude, car tout hommes des Ulates qui ne venaient point à Emain la veille de Samon (ios) perdait la raison et au matin on devait faire son tertre funéraire ainsi que sa tombe et y placer une stèle funéraire.
Cunocavaros/Conchobar avait donc beaucoup de provisions à fournir pour cela. Les trois jours avant Samon (ios) et les trois jours après se distinguaient par des festins ayant lieu au château de Cunocavaros/Conchobar. Cette demeure était magnifique. Cunocavaros/Conchobar avait en fait trois maisons : la Branche royale (Craeb ruad), le Trésor Scintillant de mille feux (Téte Brecc) et la Branche rouge sang (Craeb derg). Dans la maison dite de la Branche rouge sang, on avait l’habitude de conserver les têtes et les dépouilles (des ennemis vaincus). À l’intérieur de la Branche royale (Croeb ruad) il y avait les rois et c’est à cause de cela qu’on l’appelait royale. Dans la maison dite du Trésor
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Scintillant de mille feux ((Téite Brecc) étaient alors les épieux et les boucliers ainsi que les épées. Y scintillaient les poignées en or des épées, ainsi que les javelots bleus (ou verts ?) brillant de tous leurs feux, les anneaux et les douilles d’or et d’argent, le champ et les bordures d’or et d’argent des boucliers, ainsi que les divers services de coupes de cornes à boire et de gobelets.
Voici pourquoi leurs armes leur étaient ôtées (quand ils y étaient) puis conservées dans une maison à part. Chaque fois qu’ils auraient entendu quelque chose d’offensant, à moins d’en avoir obtenu immédiatement vengeance, ils se seraient levés les uns contre les autres, afin de frapper mutuellement de la tête et du bouclier à travers toute la maison ; voilà donc pourquoi leurs armes leur étaient toutes enlevées puis gardées dans la maison dite du Trésor Scintillant de mille feux (Téite Brec).
Il y avait donc là l’Ochoin de Cunocavaros/Conchobar, c’est-à-dire son bouclier : quatre bordures d’or l’entouraient. Le Fuban de Cuchulainn, le Lamthapad de Conall Le Victorieux, l’Ochnech de Flidas, l’Orderg de Furbaidé, le Cosrach de Causeradé, l’Ectach d’Amorgen, l’Ir de Condairé, le Caindel de Nuada, le Leochain de Fergus, l’Uathach de Dubthach, le Lettach d’Errge, le Brattach de Mend, le Luithech de Noisiu, le Nithach de Loégairé, le Croda de Cormac, le Sciatharglan de Senchaid, le Comla Chatha de Celtchar. Mais nous arrêterons là cette énumération qui sans cela serait trop longue.
Beaucoup de dignité d’éclat de renommée ainsi que d’insignes étaient attachés à la maisonnée de Cunocavaros/Conchobar.
Nous passerons sous silence une foule d’hommes valeureux et de héros. Mais nous parlerons de Fergus, fils de Roeg. Car il ne manqua certes pas de bravoure, l’homme qui, à la bataille de Garech, lors de l’expédition entreprise pour enlever les vaches de Cualngé, scalpa les trois collines (Maela) de Meath ; c’est-à-dire asséna trois coups d’épée à la terre après s’être mis en colère contre Cunocavaros/Conchobar ; de sorte que ces collines sont toujours-là sous cette forme et y resteront à jamais.
Nous ne dirons rien de tous ces braves, mais nous mentionnerons néanmoins Conall Le victorieux fils d’Amorgen à la sombre chevelure. Il manifesta suffisamment d’ardeur au combat pour cela. Dès l’instant où il eut un épieu en main, il ne cessa de tuer des hommes du Connaught chaque jour, et de détruire (leurs maisons) par le feu chaque nuit. Il ne s’endormait jamais sans la tête d’un habitant du Connaught sous ses genoux. Il n’y eut pas dans toute la verte Erin de terre de petit possesseur de bétail que Conall Le victorieux n’ait pas ravagée par quelque mort d’homme. Ce fut ce Conall Le victorieux qui eut (partagea) le porc de Mac Datho comme récompense de sa valeur devant tous les plus grands héros de la verte Erin. L’homme qui a vengé pour le restant de nos jours les Ulates, pour tous ceux d’entre eux tués ou qui seront tués, par les Irlandais, c’est lui ! L’homme qui, dès qu’il eut en main une lance, ne quitta jamais son assemblée sans avoir en main la tête d’un des hommes du Connaught.
Il y avait là en outre le célèbre jeune garçon que fuient tous les Irlandais, c’est-à-dire Cúchulainn fils de Sualtam fils de Beccaltach fils de Móraltach fils d’Umendruad (?) du pays des sidhe (des fées), Dolb fils de Beccaltach son frère, Ethne Inguba, femme d’Elcmar toujours du pays des fées, sa sœur, ainsi que Dechtire (Duxtir ? Dexiua ? Epona), la file de Catubatuos (Cathbad) la mère de Cuchulainn. Les exploits de ce jeune homme furent redoutables et bien peu ordinaires. Il était très dangereux de lui tenir tête quand il était en colère. Ses pieds…[ici se trouve un passage que j’ai renoncé à traduire]… Les cheveux de sa tête étaient aussi durs qu’un piquant d’aubépine, et il y avait généralement une goutte de sang sur chacun d’eux. Un de ses yeux pouvait s’enfoncer très profondément dans sa tête et l’autre en sortir de la longueur d’une main (ou d’un pied ?). Il ne reconnaissait plus alors ni ses proches ni ses amis. Il pouvait frapper aussi bien devant lui que derrière lui. Ses prouesses dans le maniement des armes, qu’il tenait de Scathach Buanann fille d’Ardgeimmim du pays de Letha, dépassaient tous ceux des hommes de la verte Erin, à savoir le tour du chat, le coup de Cuar, le jeu de la pomme (du jonglage ?)… [suit une longue liste de noms correspondant à des tours ou des techniques difficiles à identifier.]…
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº4.
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Quand un des seigneurs ulates lui accordait l’hospitalité pour la nuit, alors il avait le droit de coucher avec la femme de cet homme-là.…
En agissant de la sorte ces Ulates se sont-ils plus mal conduits qu’Abraham ? Qui à deux reprises a prostitué sa femme Sarah en la présentant uniquement comme sa sœur, d’abord vis-à-vis du pharaon (Genèse 12, 10-20) ensuite vis-à-vis d’Abimélek (Genèse 20, 1-18).
Genèse 12, 10-20.
« Il y eut une famine dans le pays ; et Abram descendit en Égypte pour y séjourner, car la famine était grande dans le pays. Comme il était près d’entrer en Égypte, il dit à Saraï, sa femme : voici, je sais que tu es une femme belle de figure. Quand les Égyptiens te verront, ils diront : c’est sa femme ! Et ils me tueront, et te laisseront la vie.
Dis, je te prie, que tu es ma sœur, afin que je sois bien traité à cause de toi, et que mon âme vive grâce à toi.
Lorsque Abram fut arrivé en Égypte, les Égyptiens virent que la femme était fort belle.
Les grands de Pharaon la virent aussi et la vantèrent à Pharaon ; et la femme fut emmenée dans la maison de Pharaon.
Il traita bien Abram à cause d’elle ; et Abram reçut des brebis, des bœufs, des ânes, des serviteurs et des servantes, des ânesses, et des chameaux.
Mais Dieu frappa de grandes plaies Pharaon et sa maison, au sujet de Saraï, femme d’Abram.
Alors Pharaon appela Abram, et dit : Qu’est-ce que tu m’as fait ? Pourquoi ne m’as-tu pas déclaré que c’est ta femme ? Pourquoi as-tu dit : c’est ma sœur ? Aussi l’ai-je prise pour ma femme. Maintenant, voici ta femme, prends-la, et va-t’en !
Et Pharaon donna ordre à ses gens de le renvoyer, lui et sa femme, avec tout ce qui lui appartenait ».
Genèse 20, 1-18.
« Abraham disait de Sara, sa femme : « C’est ma sœur ». Abimélec, roi de Guérar, fit enlever Sara.
Alors Dieu apparut en songe à Abimélec pendant la nuit, et lui dit : voici, tu vas mourir à cause de la femme que tu as enlevée, car elle a un mari.
Abimélec, qui ne s’était point approché d’elle, répondit : Seigneur, ferais-tu périr même une nation juste ?
Ne m’a-t-il pas dit : c’est ma sœur ? Et elle-même n’a-t-elle pas dit : C’est mon frère ? J’ai agi avec un cœur pur et avec des mains innocentes.
Dieu lui dit en songe : je sais que tu as agi avec un cœur pur ; aussi t’ai-je empêché de pécher contre moi. C’est pourquoi je n’ai pas permis que tu la touchasses.
Maintenant, rends la femme de cet homme ; car il est prophète, il priera pour toi, et tu vivras. Mais, si tu ne la rends pas, sache que tu mourras, toi et tout ce qui t’appartient…
Car l’Éternel avait frappé de stérilité toute la maison d’Abimélec, à cause de Sara, femme d’Abraham ».
Et que l’on ne vienne pas nous dire qu’Abraham ne pouvait pas faire autrement ; que Dieu (quel dieu étrange tout de même, il punit les justes comme Pharaon ou Abimélech, mais récompense les proxénètes) ; que sinon il aurait sans doute été tué, donc que le monde n’aurait pas eu le bonheur de connaître son dieu (le dieu d’Abraham), de bénéficier de son apport civilisationnel, etc.
La suite des événements nous montre en effet que les craintes d’Abraham n’étaient pas fondées. Ni le roi d’Égypte ni le roi de Guérar, qui avaient pourtant toutes les raisons pour cela, n’ont fait mettre à mort, ni même incarcérer ce proxénète, mais se sont contentés de le renvoyer avec une réaction du genre : « fous-moi le camp, tu pues, tu m’écœures tellement que je te laisse même tout ce que j’ai pu te donner à cause de ta prétendue-sœur ! »
On a les prophètes qu’on peut ! Vélléda ou Mahomet !
Or les saints hommes en l’occurrence, ce n’était pas Abraham, mais le roi d’Égypte et le roi de Guérar. Dieu le reconnaît d’ailleurs lui-même : « Je sais que tu as agi avec un cœur pur ; aussi t’ai-je empêché de pécher contre moi ».
Note sur la notion de puanteur appliquée aux Hébreux. Nous n’avons en l’occurrence que reprendre l’image mentionnée par exemple en Genèse 34, 30-31, à propos des fils de Jacob, Lévi et Siméon, et
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qui semble avoir été assez courante à l’époque : « Jacob dit à Siméon et à Lévi : vous m’avez affligé en faisant de moi une puanteur pour les habitants de ce pays…
Mais ils lui répondirent : aurait-il dû traiter notre sœur comme une prostituée ? »…
Ainsi qu’on pourra le constater, nous ne sommes donc pas des partisans acharnés du principe de l’isma ou de l’impeccabilité des prophètes selon les Judéo-musulmans (Abraham, Moïse, Mahomet) pas plus que de l’infaillibilité pontificale des catholiques d’ailleurs (même s’il est vrai que cette dernière ne concerne que le dogme, et encore, dans certaines conditions très précises, ex cathedra et tutti quanti… toutes ces conditions n’ayant d’ailleurs été vraiment réunies qu’une seule fois : pour ce qui est du dogme très païen de l’assomption de la Vierge Marie si ma mémoire est bonne).
Intud i ngeindtleacht gnim olc mad indechur.
Nous autres païens nous avons en effet une éthique personnelle autrement plus exigeante que celle de cet étrange (-très raciste ?) Dieu d’Abraham d’Isaac et de Jacob ; et se confesser directement à lui ou par l’intermédiaire d’un prêtre, ne suffit nullement à nous absoudre de toutes fautes.
C’est d’ailleurs pourquoi les groupes néo-druidiques les plus évolués ont ce qu’ils appellent un bratuspantium ; c’est-à-dire un conseil de discipline interne dont le rôle est précisément de sanctionner tout manquement non seulement à la déontologie, mais même en ce qui concerne la vie privée.
Notre conviction est en effet que toute personne qui se veut homme (ou femme évidemment) de Dieu (x), que ce soit Mariccus, Alexandre VI Borgia, Mahomet ou Velléda… se doit d’être irréprochable, non seulement dans l’exercice de sa vocation, mais aussi dans sa vie personnelle.
Il va de soi que les peccadilles doivent bien rester, elles, du domaine de la vie privée, mais pas les fautes lourdes.
N.B. En ce qui concerne les laïcs chefs d’État ou les présidents qui ont une vie sexuelle plutôt débordante, ce qui est gênant ce n’est pas l’activité sexuelle en elle-même, mais le fait qu’ils mentent et dissimulent, jusqu’au bout. Il est bien difficile en effet de faire confiance à quelqu’un qui ment aussi effrontément !
Nous n’acceptons pas en effet les raisonnements revenant à tout absoudre au nom du sacro-saint respect de la vie privée.
Viols, tortures, meurtres, etc., etc. même commis dans le cadre de la vie privée, dans son jardin, dans sa chambre, ou dans sa cuisine, doivent bien évidemment être punis.
Encore un dernier mot sur le bratuspantium.
Il existe bien des bratuspantium dans certaines professions (cf. le serment d’Hippocrate dans la médecine par exemple), pourquoi pas pour des néo-druides ou des prêtresses ?
Les manquements à l’éthique, même s’ils ne relèvent pas de la déontologie, mais de la vie privée, doivent également être sanctionnés par le bratuspantium, sauf bien entendu s’il s’agit de peccadilles ou de fautes vraiment vénielles genre fumer une cigarette ou faire un peu trop souvent bonne chère.
Par contre, à faute égale, les néo-druides ou les prêtresses doivent être sanctionnés deux ou trois fois plus lourdement que des laïcs, car ils se doivent de donner l’exemple (noblesse oblige !)
L’exemple ou plus exactement les contre-exemples irlandais d’Aithirne Ailgesach et de Nédé sont là pour le prouver.
Dans le premier cas, c’est le roi Cunocavaros/Conchobar qui exécutera la sentence méritée par tous ces crimes. Dans le second cas, ce sera la justice immanente qui s’en chargera.
Comme le reconnait saint Patrice lui-même dans le Senchus Mor, il y a renforcement de la cohésion sociale (dans le cas des sociétés païennes en tout cas) quand une mauvaise action ne reste pas impunie (Intud i ngeindtleacht gnim olc mad indechur).
N.B. Aithirne Ailgesach est le prototype même du druide dévoyé. Son forfait le plus grave concernera la malheureuse Luaine, et lui sera d’ailleurs fatal. cf. la Tochmarc Luaine (ou Cour faite à Luane). Alors qu’elle est promise au roi Cunocavaros/Conchobar Mac Nessa, le druide et ses deux fils veulent que Luane couche avec eux, et leurs manœuvres aboutiront à faire mourir la jeune fille. La justice de Cunocavaros/Conchobar sera donc plus implacable que celle d’un bratuspantium, il arasera la forteresse de Dun Etair, et tuera le druide ainsi que toute sa famille.
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Pour revenir aux pratiques sexuelles à l’origine de ces quelques réflexions, il s’agit :
— soit d’un vestige d’une très antique communauté des femmes.
— soit d’un vestige d’une antique primauté du mâle dominant.
— soit le signe d’une réelle liberté sexuelle (si la femme était d’accord) accompagnée d’un sens très poussé de l’hospitalité.
— soit la preuve d’un sexisme et d’un machisme avéré : la femme n’est qu’un objet (voir aussi le cas d’Abraham et de Sarah).
— soit d’une pratique analogue à celles des échanges de couples chez les Inuits de jadis. À ce sujet voir l’excellent Essai sur les variations saisonnières des sociétés Eskimo, de Marcel Mauss et Henri Beuchat, paru en 1906.
Mais dans tous les cas cet usage doit remonter à des temps préceltiques, voire néolithiques peut-être.
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Les noms de techniques se référant à des animaux indiquent peut-être qu’il s’agit de positions d’attaque ou de défense, ou de prises, tirées de l’observation des animaux, tout comme dans le Kalari Payat indien d’ailleurs.
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Il serait trop long ici de dénombrer tous les gens de la maisonnée de Cunocavaros/Conchobar et de décrire ses maisons, c’est-à-dire trois fois cinquante pièces, avec à l’intérieur possibilité de loger trois couples dans chacune d’entre elles. Un lambris d’if rouge (constituait les murs de) la maison et des différentes pièces. La pièce réservée à Cunocavaros/Conchobar était située au rez-de-chaussée. Elle avait une façade de bronze dont les parties supérieures étaient en argent avec des oiseaux d’or au-dessus, des gemmes et des pierres précieuses formant les yeux de leur tête. Au-dessus de Cunocavaros/Conchobar, il y avait une branche d’argent, avec trois pommes d’or dessus, afin qu’il puisse s’adresser à la foule. Quand il l’agitait ou quand le son de sa voix s’élevait, l’assemblée faisait silence et l’on aurait entendu tomber une aiguille tellement était grand le silence qu’ils observaient alors par respect pour lui.
Trente guerriers pouvaient faire la noce dans la salle réservée à Cunocavaros/Conchobar. La cuve de Gerg dite « Boisson brune » (Olnguala) y était posée à même le sol, toujours pleine. Elle avait été ramenée de la vallée (Glenn) de Gerg après que ce dernier eut été tué par Cunocavaros/Conchobar.
(Il y avait) là aussi un homme toujours fébrile et agité, Bricriu fils de Carbad. Neuf fils de Carbad Le grand y restaient en effet à demeure, à savoir Glainé, Gormainech, Mané, Min, Scoth, Ailill, Duress, et enfin Bricriu justement. Un homme fielleux et très méchante langue que ce Bricriu. Il ne manquait pas de venin. Quand il essayait de dissimuler ce qu’il pensait, un bouton rouge sortait de son front, aussi gros que le poing d’un homme. Aussi avait-il alors l’habitude de dire à Cunocavaros/Conchobar : « l’abcès crèvera cette nuit ! »
Oui, décidément il y avait beaucoup de gens extraordinaires dans le palais de Cunocavaros/Conchobar ».
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LES DIFFÉRENTES CONCEPTIONS OU NAISSANCES
DE NOTRE SEIGNEUR DE MUIRTHEMNÉ
LE PETIT HÉSUS MARS dit CUCHULAINN.
Feis Tighe Becfholtaig (Compert Con Culaind).
Un jour que Cunocavaros/Conchobar et les Ulates étaient à Emain Macha, une nuée d’oiseaux s’abattit sur la plaine d’Emain, et dévora toutes les herbes et toutes les plantes jusqu’à la racine. Les Ulates furent ulcérés de voir leur terre ainsi dévastée, aussi attelèrent-ils neuf chars et se mirent-ils en route pour chasser au loin tous ces oiseaux, car c’étaient des chasseurs d’oiseaux émérites. Cunocavaros/Conchobar monta dans son char à côté de sa sœur Dexivatera Duxtir/Dechtire (Epona ?) qui lui servait aussi d’aurige, et les grands seigneurs ulates, c’est-à-dire Conall Le Victorieux, Laegaire Buadach et tous les autres, y compris Bricriu, montèrent dans leurs chars. Les oiseaux s’enfuirent devant eux, survolèrent les montagnes de Fuat, Edmonn et la plaine de Breg. Il n’y avait ni talus ni haies ni murets dans l’Irlande de ce temps-là, aussi les Ulates n’avaient-ils à traverser qu’une grande plaine ouverte.
Les Ulates étaient comme fascinés par le vol et le chant des oiseaux. Il y avait neuf bandes d’oiseaux et chaque vol suivait son propre chemin. Ils étaient reliés deux à deux par une chaîne d’argent. Alors que le soir tombait, trois paires d’oiseaux se séparèrent des autres et se dirigèrent vers le domaine du… Brug ?
La nuit tomba sur eux alors qu’ils traversaient la plaine de Gossa, ils perdirent de vue les oiseaux, et de gros flocons de neige se mirent à tomber, de sorte que Cunocavaros/Conchobar dit à chacun de dételer son char puis envoya une partie d’entre eux à la recherche d’un abri pour la nuit.
Conall et Bricriu explorèrent les environs et trouvèrent une petite maison neuve. Ils y entrèrent et furent accueillis par le couple qui vivait là, puis s’en retournèrent retrouver les leurs. Bricriu expliqua qu’il n’y aurait rien de pire pour eux que d’aller passer la nuit dans cette maison qui ne pouvait leur offrir ni nourriture ni habillement et qui était plutôt petite.
Les Ulates entrèrent néanmoins dans cette maison avec tous leurs chars et s’y entassèrent, non sans difficultés d’ailleurs. Il se produisit alors une chose étrange.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 5.
« Il n’y avait ni talus ni haies ni murets dans l’Irlande de temps-là …» donc ce n’était pas l’Irlande ! On ne saurait mieux dire que cette histoire remonte à la mythologie panceltique initiale, des siècles voire des millénaires plus tôt, ou vient d’ailleurs. On ne peut s’empêcher de penser aux vols d’oiseaux suivis par les deux neveux du mythique empereur Ambicatus, Bellovèse et Sigovèse, dans leur conquête des Balkans et de l’aimable Italie selon Tite-Live (Livre V 34).
Dans la version du Lebor na hUidre Dechtire (Epona ? Dexiua ?) est la fille de Cunocavaros/Conchobar alors que dans toutes les autres il s’agit de sa sœur. La version II de cette légende fournie par le manuscrit Egerton 1782 complique aussi passablement la compréhension de cette singulière histoire ; désolés pour les esprits rationalistes, mais tant mieux pour les poètes.
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Bricriu entendit une musique étrange, celle de Cnu Deireoil, et se retrouva dans une grande maison superbement décorée cette fois. Ils se retrouvèrent devant la porte d’une grande salle remplie de victuailles et quand fut venue l’heure du repas ils furent tous très rapidement ivres et de bonne humeur.
Le maître de maison, un élégant et noble guerrier, invita ensuite Bricriu à s’approcher en s’adressant à lui par son nom. Et la femme de cet homme souhaita également la bienvenue à Bricriu.
Bricriu demanda pourquoi la femme lui avait aussi souhaité la bienvenue.
C’est à sa demande que je vous accueille, répondit l’homme. Ne vous manque-t-il pas quelqu’un à Emain ??
Si, répondit Bricriu. 50 jeunes filles, depuis 3 ans.
Les reconnaîtrais-tu si tu les voyais ? demanda l’homme.
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Je pense que non, répondit Bricriu. Comme trois années se soient écoulées depuis je ne me souviens plus très bien.
L’homme lui apprit alors que ces cinquante jeunes filles étaient chez lui, et que leur Dame, Dexiva Duxtir/Dechtire (Epona ?) était la femme qui se tenait à ses côtés en tant qu’épouse.
C’étaient elles qui s’en étaient allées à Emain Macha sous forme d’oiseaux, pour s’efforcer de faire venir les guerriers ulates jusqu’ici.
La femme fit donc présent à Bricriu d’un manteau de pourpre à bordure.
Bricriu se dit alors en lui-même : je vais flatter Cunocavaros/Conchobar en le laissant croire qu’il aura été le premier retrouver les cinquante jeunes filles disparues. Aussi ne vais-je pas lui dire que je les ai déjà trouvées. Je lui dirai juste que j’ai trouvé dans cette maison une magnifique salle, avec une noble et radieuse reine ainsi qu’une compagnie de 50 séduisantes jeunes femmes à l’intérieur.
Bricriu s’en revint et raconta tout ceci à ses compagnons, mais pas à Cunocavaros/Conchobar. Quand Cunocavaros/Conchobar demanda des nouvelles à Bricriu, ce dernier relata de nouveau son aventure, mais n’informa pas Cunocavaros/Conchobar que cette belle femme dans la maison était sa sœur Dexivatera Duxtir/Dechtire (Epona ?).
Cunocavaros/Conchobar rappela que le maître de maison était un de ses sujets puisqu’il vivait sur son territoire et fit demander que la femme vienne passer la nuit avec lui. Seul Fergus osa se faire le porteur d’une telle demande. La femme revint avec Fergus, mais fit savoir qu’elle était sur le point d’accoucher, que les contractions avaient commencé, aussi Fergus demanda-t-il à Cunocavaros/Conchobar de lui accorder un délai, ce qu’il accepta. Ensuite toute la compagnie se coucha enfin et dormit.
Dexivatera Duxtir/Dechtire (Epona?) partit mettre au monde un fils. Au même moment une jument dans l’embrasure de la porte mit bas deux poulains et l’homme en fit présent au garçon.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 6.
L’histoire est assez embrouillée, car les versions divergent.
La seule chose de sûre c’est que les poulains sont bien entendu les deux chevaux du futur Cuchulainn, appelés Liath Macha et Dubh Sainghleann, le Gris de Macha et le Noir de Sainghleann. Notons néanmoins qu’une deuxième puis une troisième conception seront nécessaires pour mettre au monde cette ultime incarnation (avatar) du Destin (de la Tocade ou du Tocad). Car, les anciens très-sachants de la druidiaction (druidecht) avaient fait du « hasard » (sic) un Dieu, si l’on en croit saint Columba d’Iona, qui proteste contre, dans une des loricae (M’oenuran) qu’on lui attribue. « Je n’adore ni le chant des oiseaux… ni un fils, ni le HASARD, ni la femme. Mon druide est fils de Dieu, etc. »
Et Lug, autrement dit le maître de maison qui les accueille dans cette version de l’histoire, est un ange du Destin envoyé vers la future mère de Cuchulainn (qu’il attire à lui par l’intermédiaire des mystérieux oiseaux évoqués précédemment, et qui sont tout sauf ordinaires, explication donc du fait que les Ulates feront tant d’efforts pour les avoir) ; afin de procéder à l’étonnante opération, du Saint-Esprit comme diraient nos amis catholiques, qui va suivre : une triple conception, buccale par moment.
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Quand ils se réveillèrent le lendemain matin ils découvrirent un étrange spectacle : un petit enfant sur les genoux de Cunocavaros/Conchobar, dans son giron. Les Ulates adoptèrent l’enfant et Dexiua ? Duxtir ? Dechtire (Epona ?) s’occupa de lui. Quand le soleil se leva, la maison avait disparu et les Ulates ne trouvèrent là que leurs chevaux, leurs chars, le garçon et les poulains. Ils rentrèrent à Emain, mais quelque temps plus tard l’enfant mourut.
Après avoir pleuré la mort du jeune garçon, Dexiva ? Duxtir/Dechtire (Epona ?) eut soudain très soif et on lui donna donc à boire dans une coupe de cuivre. Il y avait dedans une petite créature (un moucheron ?) qui essayait de sauter dans sa bouche, mais que son souffle faisait retomber à chaque fois dans le breuvage de la coupe. Cette nuit-là Lug fils d’Etniu lui apparut en rêve. Il lui apprit que c’était lui qui l’avait fait venir jusqu’au domaine (Brug) et que c’était dans sa demeure qu’ils étaient entrés. Il lui apprit également qu’elle était enceinte de lui, que le garçon qu’elle aurait serait son enfant, que cet enfant qui était désormais dans son sein serait appelé Sétanta, et que les poulains devaient être élevés pour lui.
La grossesse de la sœur toujours célibataire de Cunocavaros/Conchobar fut un sujet de préoccupation pour les Ulates, qui soupçonnèrent Cunocavaros/Conchobar d’en avoir été l’auteur dans un moment d’ivresse, car c’était avec lui qu’elle avait l’habitude de dormir.
Cunocavaros/Conchobar la fiança donc promptement à Sualtam mac Roech. Dexiua ? Duxtir ? Dechtire (Epona ?) eut tellement honte de venir dormir dans le lit de son mari en ayant été engrossée
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par un autre homme qu’elle perdit l’enfant conçu de cette façon, et qu’elle fut de nouveau comme vierge. Cette mystérieuse grossesse de Deua ? Duxtir ? Dechtire s’étant donc ainsi évanouie, elle devint la femme de Sualtam et lui donna normalement un fils, qui reçut le nom de Sétanta.
Cunocavaros/Conchobar demanda donc à sa sœur Finnchoem de s’occuper de l’enfant. Elle le regarda et répondit qu’elle l’aimait déjà autant que Conall son propre fils. « Il y a d’ailleurs peu de différences entre eux », dit Bricriu. « Cet enfant est le fils de ta sœur Dexiua ? Duxtir ? Dechtire (Epona ?) qui était partie depuis trois ans et qui est de nouveau ici maintenant parmi nous ».
N.B. Le mystérieux étranger qui était avec Dexiua ? Duxtir ? Dechtire (Epona) était donc Lug au Long bras et l’enfant fut bien appelé Sétanta du moins jusqu’à ce qu’il ait tué le chien du forgeron Culann, après quoi il fut connu sous le nom de Chien de Culann (Cuchulainn).
Les Ulates commencèrent à se quereller pour savoir lequel d’entre eux devrait se charger d’élever le garçon. Ils demandèrent à Cunocavaros/Conchobar de prendre une décision. Il commença par suggérer que sa sœur Finnchoem s’en occupe. Mais Sencha protesta : « c’est moi, et non Finnchoem, qui devrait l’élever. Je suis fort et adroit ; noble et habile au combat, sage, instruit et prudent. J’ai la préséance sur tous les autres quand il s’agit de parler au roi ; je le conseille avant qu’il ne parle. Je juge de tous les différends qui viennent devant lui en toute impartialité. Personne à part Cunocavaros/Conchobar en personne ne pourrait être un meilleur tuteur que moi pour cet enfant ». « Non », s’exclama Blai Briugu. « Laisse-moi m’occuper de lui. Il ne lui arrivera rien de mal et il ne manquera de rien avec moi. Ma maisonnée peut nourrir tous les hommes de la verte Erin pour une semaine ou une dizaine de jours, et je traite équitablement de toutes leurs disputes. Mais qu’il en soit de ma juste requête comme Cunocavaros/Conchobar le désire ». « N’avez-vous donc aucun respect ? » s’exclama Fergus. Son bien être me concerne. Je serai son tuteur. Personne ne m’égale en dignité ni en richesse, ni en courage, ni dans le maniement des armes. Mon honneur fait de moi le père adoptif idéal. Je suis le fléau des forts, et le défenseur des faibles ». Amorgen s’exclama : « Écoutez-moi, et sans faux-fuyant. Je suis digne d’élever un roi ! Je suis renommé pour mes exploits, ma sagesse, ma fortune, mon éloquence, mon ouverture d’esprit, mon courage ainsi que pour le statut de ma famille. Et si je ne suis pas prince de sang, le fait que je suis poète me confère déjà un statut presque royal. Je peux vaincre n’importe quel chef de char. Personne n’est au-dessus de moi hormis le roi lui-même, et je ne dois donc allégeance à personne hormis à lui ». « Arrêtons-là cette discussion », s’exclama Cunocavaros/Conchobar. « Finnchoem s’occupera du garçon jusqu’à ce que nous ayons atteint Emain Macha et Morann décidera ». Et quand ils furent arrivés à Emain, Morann rendit son jugement.
« Il sera donné à Cunocavaros/Conchobar, puisqu’il est emparenté à Finnchoem. Sencha lui enseignera l’éloquence et l’art oratoire ; Blai Briugu fera que rien ne lui manque ; Fergus le prendra dans son giron ; Amorgen sera son précepteur ; Conall Le Victorieux sera son frère de lait (par adoption), et Finnchoem le nourrira. De la sorte tout le monde participera ainsi à son éducation, qu’il soit chef de char, prince ou sage. Ce garçon sera l’enfant chéri de tout le monde. Il combattra en duel pour votre honneur et remportera vos batailles ainsi que vos combats sur les gués ».
Et c’est ainsi que le petit Sétanta Cuchulainn fut confié à Finnchoem et Amorgen puis élevé à Dun Imrith dans la plaine de Muirthemne.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 7.
Première note ou premier rappel à propos de la dispute des Ulates sur l’éducation du petit Hésus – Sétanta-Cuchulainn.
Frère ou sœur, de lait, père ou mère, adoptif. Nourricier plus exactement. L’idée revient souvent dans nos textes. La coutume voulait en effet que les enfants soient élevés ailleurs que chez leurs parents biologiques, par exemple chez un oncle ou une tante. C’était aussi une façon de parfaire leur éducation et d’assurer la cohésion du groupe. Une manière d’éducation collective des enfants donc, en quelque sorte. Ce que nous rendons habituellement par le terme mise en pension, qui n’est pas une adoption au sens moderne du terme, car il n’y a pas dissolution du lien parental antérieur, qui serait juridiquement remplacé par d’autres. Un des meilleurs équivalents de père ou mère par mise en pension pourrait être celui de parrain ou marraine au sens initial du terme : un adulte chargé d’élever
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les enfants en cas de décès ou défaut des parents biologiques. Père nourricier ou adoptif = parrain. Nourrice, mère nourricière ou adoptive = marraine. L’utilisation de cette idée faite par les chrétiens sous nos latitudes implique un rapport au sacré, qui ne devait pas non plus être étrangère à la définition d’origine. Toute mise en pension devait en effet avoir certainement une caution divine, être placée sous la protection des dieux, bénéficier d’une sorte de bénédiction divine. Les liens nés de cette situation devaient être aussi sacrés que ceux du sang.
Le mot « préséance » est dépourvu de toute signification dans le contexte des rapports du roi et du druide. Le très-sachant de la druidiaction (druidecht) parle avant le roi, ès qualités, mais il doit au roi le conseil. César ne semble pas non plus avoir bien compris l’attitude des très-sachants par rapport à ce qu’il nomme justement la regia potestas. Spéculation doctrinale qui, du reste, ne devait guère intéresser un général préoccupé par des problèmes politiques ou militaires immédiats et complexes. À la vérité, ni en Irlande ni sur le Continent, tout en exerçant sur elle un contrôle, les druides ne s’attribuent jamais la fonction royale. Le très-sachant conseille et le roi, lui, agit : l’autorité spirituelle n’a jamais prétendu (sauf par déviation exceptionnelle comme dans le cas du druide appelé Nédé, sur lequel nous allons revenir) à l’exercice du pouvoir temporel, et le druide ne donne aucun ordre. Ce ne sont pas les druides qui choisissent le roi.
Le nom du roi en italo-celtique, rix (irlandais ri, génitif rig, vieux-gallois et vieux-breton ri), ne sert pas lui-même à désigner une notion religieuse, mais uniquement la fonction régulatrice envisagée sur le plan social. C’est-à-dire qu’elle ne comporte aucun principe religieux en elle-même si le très-sachant de la druidiaction (druidecht) n’est pas là pour le représenter.
Le druide oublie rarement qu’il est au service du roi. Le roi le sait bien et en use très librement. On ne pourrait citer qu’un nombre très restreint de « rois-druides » ou de « druides-rois » [le roi-prêtre ou sorcier Cornunnos, appelé Nemet en Irlande, étant préceltique. N.D.L.R.]
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le voir, Aithirne Ailgesach est le prototype même du druide dévoyé. Son forfait le plus grave concernera la malheureuse Luaine, et lui sera d’ailleurs fatal. cf. la Tochmarc Luaine (ou Cour faite à Luaine). Alors qu’elle est promise au roi Cunocavaros/Conchobar Mac Nessa, le druide et ses deux fils veulent que Luaine couche avec eux, et leurs manœuvres aboutiront à faire mourir la jeune fille. La justice de Cunocavaros/Conchobar sera donc plus implacable que celle d’un bratuspantium, il arasera la forteresse de Dun Etair, et tuera le druide ainsi que toute sa famille.
Il existe aussi un autre druide qui dans nos légendes termine tragiquement ses jours. Il est mythique, bien sûr, mais il n’importe. Et il est caractéristique de l’interprétation celtique de la souveraineté que sa faute capitale, triple au demeurant, ne soit ni la démesure d’orgueil, ni l’ignorance, ni même la soif ou l’appétit de puissance ; mais le fait de s’emparer du pouvoir royal. Ce file (ou druide) commet successivement trois fautes graves.
1. En ce qui concerne la première fonction sacerdotale : il prononce une satire injuste et abuse ainsi de son sacerdoce en réclamant au roi un poignard que ce dernier ne peut lui donner sans violer un interdit.
2. En ce qui concerne la deuxième fonction guerrière (et royale) : il usurpe la royauté. L’usurpation est aggravée dans le récit par l’utilisation du char du roi, la poursuite et la mort du roi. Déchu physiquement par les ulcères, Caier meurt de honte à la vue de Nédé. Le très-sachant de la druidiaction (druidecht) s’est emparé indûment, malignement, du pouvoir temporel. Le châtiment du druide sera symboliquement exemplaire : il sera tué par un éclat de la roche qui saute et « flambe » pour le punir de la mort du roi qu’il a injustement satirisé (cf. l’histoire du roi Caier et du file Nédé, dans le Glossaire de Cormac, codex B de Whitley Stokes, livre jaune de Lecan).
Si, sur le plan humain, le druide s’était considéré comme supérieur au roi, c’est sa place qu’il aurait prise et qu’auraient gardée ses successeurs ecclésiastiques chrétiens ou les évêques. Et l’organisation politique de l’Irlande médiévale aurait été toute différente, plus théocratique que militaire. Or nous n’avons aucune trace d’une telle absorption de la classe guerrière par la classe sacerdotale, analogue à la « brahmanisation » des kshatriyas hindous.
Bref, les très-sachants ne sont pas des fonctionnaires à proprement parler, mais ce sont des spécialistes qui aident le monarque à gouverner par leurs conseils et leurs avis. Le roi n’est pas tenu de suivre le conseil du druide, mais le très-sachant de la druidiaction (druidecht) doit le conseil au roi. Un roi ne peut pas devenir druide et, inversement, un druide ne peut pas prétendre au nom et à la dignité de roi.
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La discussion des Ulates à ce sujet s’éloignant beaucoup de ce que fut le druidisme originel (sans doute à cause de la dégénérescence du druidisme irlandais qu’a entraînée la christianisation), au point d’en devenir presque hérétique (par rapport au druidisme antique et continental), il importe de remettre quelque peu les pendules à l’heure à ce sujet en rappelant la grandeur ou la hauteur de vues de ce dernier.
Diogène Laërce. Vies et doctrines et sentences des philosophes éminents. Livre I. Prologue VI.
Comme les gymnosophistes, et les druides que l’on dit avoir formulé leur enseignement sous forme de courtes sentences énigmatiques, telles que : « Sébein théous, kai mèdén kakon, dran kai andréian askéin ».
En grec « sébein théous » signifie : honorer les dieux.
« Mèdén kakon » signifie : ne rien faire de mal.
Et « andréian askéin » veut dire : s’exercer à être un homme.
Bref : « Honorer les dieux, ne rien faire de mal, et être un homme (un vrai) ».
De telles consignes peuvent nous sembler des banalités. En fait, elles résument assez bien la synthèse opérée par les très-sachants de la druidiaction (druidecht) entre mysticisme religieux et morale.
L’ordre même de ces préceptes en donne la démonstration. Le premier commandement est d’honorer les dieu-ou-démons. Cette place peut signifier une priorité, mais on ne peut s’empêcher d’y voir un préalable qui tiendrait lieu d’acte d’allégeance. Le sens deviendrait le suivant : « Certes, il faut honorer les dieu-ou-démons, mais l’important est de ne rien faire de mal et de pratiquer les vertus viriles ». Ce qui étonne, en effet, dans ces trois commandements, ce sont bien les deux derniers.
L’expression « ne rien faire de mal » est d’une très grande modestie. Ou très réaliste.
Le terme grec que l’on traduit ainsi est celui qui entre dans la composition de nombreux mots d’origine grecque tels que cacographie, etc., et il désigne tout ce qui est laid, mauvais, ou malsain. Ce précepte n’exige donc pas que l’on fasse le bien, et il n’impose donc qu’un minimum (la morale de niveau reda) : à défaut de faire du bien, au moins que l’on ne fasse pas de « caco ».
On ne saurait être plus modeste ou plus indulgent (plus sage ?) en matière de nature humaine. L’existence même d’un tel précepte (ne pas mal agir) prouve néanmoins que les très-sachants avaient une éthique qu’ils cherchaient à transmettre à leur jeunesse.
Voir par exemple le plat de Lezoux : nu gnate ne dama gousson.
« Fírinne inár croidhedhaibh, 7 neart inár lámhaibh, 7 comall inár tengthaibh ».
« La vérité dans le cœur, la force dans le bras et l’art de bien parler ».
Cette triade consignée dans l’Acallam na Senorach et rapportée à saint Patrice par le dernier des Fénianes, Caletios/Cailte, aurait pu être placée dans la bouche de Fergus.
« La force dans les bras, mais aussi la vérité dans le cœur et l’art de bien parler ».
Argute loqui aurait pu dire aussi pour sa part Caton l’Ancien.
Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) antiques se sont toujours efforcés de soigner les âmes ou les esprits aussi bien que les corps, et réciproquement. L’idéal pour eux en effet, c’était la santé physique, ils furent d’ailleurs de remarquables médecins, mais aussi la santé morale, autrement dit un esprit droit, sincère, et véridique.
Note de Jean-Pierre Martin à propos de cette querelle des Ulates sur l’éducation à donner au petit Hesus Sétanta Cuchulain.
« La plupart excellent dans deux choses, l’art de la guerre et celui de bien parler ». En latin « pleraque Gallia duas res industriosissime prosequitur : rem militarem et argute loqui ».
Ce que nous rapporte là Caton l’Ancien dans ses « Origines » (livre II, fragment 34) est fort clair. Argute loqui, argute loqui.
Argute loqui en latin signifie « bien parler, parler juste, ou parler à propos ».
Les druides antiques en effet se sont toujours efforcés de parler « argute » c’est-à-dire avec sagesse et intelligence.
En grec : «… Druidai dé pros tè phusiologia kai ten éthikan philosophian askousi ; dikaiotatoi dé nomizontai… » (Strabon livre IV, chapitre IV, 4).
Cet askousi, troisième personne du pluriel de l’indicatif présent d’askéô = je travaille, je façonne, je m’applique à ; insiste sur l’activité créatrice des très-sachants de la druidiaction (druidecht), antiques, en matière d’éthique. On peut donc traduire ainsi cette remarque de Strabon : «… Quant aux druides, en plus de la « Physiologie » (c’est-à-dire en plus des sciences naturelles, etc.), ils cultivent aussi avec application la philosophie morale. Ils sont considérés comme les plus justes (des hommes) ».
Ce qui devient sous la plume de Pomponius Mela : « des maîtres en sagesse, les druides ». En latin : « magistrosque sapientiae, druidas » (Livre III, chapitre II, 18).
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La Sapientia, en latin, c’était la sagesse résultant de l’acquisition d’un savoir ou d’une étude. La Société celtique, elle, par contre, bien que baignant tout entière dans le Sacré, demeurait néanmoins politiquement laïque, car fondée sur une très nette distinction entre le rôle du roi et celui des druides. La réponse de Sencha n’est pas très claire à ce sujet, mais il est vrai qu’il s’agit d’un druide, vu par le prisme déformant du christianisme médiéval irlandais.
Les anciens très-sachants de la druidiaction (druidecht) n’étaient pas tous des prêtres au sens strict du terme. Ils étaient d’abord et avant tout historiens, poètes, docteurs, architectes, juristes, linguistes, etc. Bref, c’étaient les intellectuels de l’époque et seule une petite minorité d’entre eux se consacrait à la religion. Un point, c’est tout !
Il y avait avant tout distinction, mais aussi coexistence de l’autorité spirituelle et du pouvoir temporel. C’est la seule distinction qui importe et, pourvu qu’elle soit faite, il est indifférent que les pouvoirs législatif, judiciaire, ou exécutif, ne soient pas confiés à des corps distincts. Il est indifférent aussi que le religieux, le politique et l’économique, soient conjoints (mais non confondus) dans le temps et dans l’espace.
Il y a eu en effet, dans la société celtique antique, et par rapport au temps néolithique des rois prêtres ou sorciers (voir le cas du Nemet Cornunnos), dissociation progressive du religieux et du légal. Le druidisme antique se situe en effet à l’opposé de toute théocratie. En matière de religion (druidique), nulle contrainte, nulle obligation, mais au contraire une grande variété de choix (et c’est certainement plus vrai avec le paganisme celtique qu’en terres d’islam ou qu’en dar al Islam).
Par contre et le cas de Cunocavaros/Conchobar est bien là pour le prouver, le roi est, en droit et en fait, le seul personnage politique ou militaire doté d’une autorité réelle et durable sur l’ensemble d’un territoire donné. Nous le disons et le redisons avec la certitude des choses sûres : l’État, la Respublica celtique, c’était la royauté.
Mais le roi ne gouverne pas seul. Il est assisté de druides [au sens non religieux du terme puisqu’il s’agissait seulement de savants spécialisés, dont il n’est pas difficile, par l’examen des textes, de dresser la liste.
Sencha : historien, antiquaire, généalogiste, panégyriste.
Brithem : juge, juriste, arbitre,
Etc.
La présence des très-sachants de la druidiaction [ainsi définis, puisqu’il s’agit seulement de spécialistes comme nous venons de le voir] pallie l’absence de ministres ou de gouvernement constitué en bonne et due forme.
Il existe toute une littérature des « enseignements » ou préceptes destinés au candidat roi, ou au roi qui vient d’être élu, pour lui rappeler l’idéal de la bonne gouvernance. Rôle donc du roi dans ce cas.
— Il exerce le pouvoir temporel.
— Il garantit la prospérité ainsi que l’intégrité du royaume.
— Administration de la société.
— Justice.
— Maintien de l’équilibre et de la cohérence sociale.
Ce système établissait ou garantissait quand même l’autonomie des pouvoirs publics (du roi) par rapport aux influences confessionnelles et cléricales.
En ce qui concerne le personnage de Blai Briugu rappelons ici ce que nous avons déjà eu l’occasion d’écrire à propos de la troisième fonction, la fonction productrice et nourricière.
Le devoir d’hospitalité a toujours été un élément important de l’éthique celtique, un trait important de la déontologie du métier de grand seigneur. En Irlande la loi des brehon imposait à tout chef de famille de fournir l’hospitalité à un homme libre (pour les prisonniers de guerre ou les captifs, de toutes sortes, par exemple en guise de châtiment pour un crime, etc. c’était au maître, ou au bénéficiaire dudit travail forcé, de s’en occuper, bien entendu). L’homme qui était le plus tenu à ce devoir d’hospitalité selon les très-sachants de la druidiaction, était d’abord le roi, qui désignait un responsable pour s’occuper de tous les problèmes d’intendance qu’impliquait le respect de ce devoir d’hospitalité pour le compte de sa tribu. En Irlande cet office fut appelé Briugas (plus tard brughad). Des terres et des troupeaux étaient mis à la disposition du briugu afin de lui permettre de remplir son office. Le Briugu n’avait pas le droit de refuser de s’occuper d’un homme libre ni même de sa suite. S’il le faisait, il perdait sur le champ et son titre et sa charge. Cet office était accompli généralement soit par un petit noble soit par un riche roturier qui avait les qualités requises. Cette fonction était très recherchée en tant que moyen d’accéder à la noblesse (au statut de nemed), mais aussi en tant que
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moyen de s’enrichir rapidement. D’après Fergus Kelly cet office (de Briugu) aurait survécu en Irlande jusqu’au XVIe siècle.
Le rôle de l’Hospitalier ou du Briugu est ainsi écrit dans le Bretha Nemed toísech : « un chaudron toujours plein, un gîte le long de la voie publique, et la bienvenue pour chacun ».
Dans le Uraicecht Becc le briugu est considéré comme ayant le même rang qu’un seigneur (flaith) dont il a le double des terres et des biens. Un briugu devait avoir une richesse « au centuple » (cetach) afin de recevoir dignement ses hôtes. Ce devait sans doute signifier qu’il devait avoir au moins cent vaches (toujours d’après Fergus Kelly). Comme il devait être difficile d’accorder une hospitalité sans limite sans posséder une grande quantité de biens et de richesses, c’était donc une condition sine qua non pour devenir briugu.
L’Uraicecht Becc mentionne un briugu de rang supérieur appelé briugu leitech, qui devait avoir deux fois cette richesse au centuple (donc deux cents bêtes) et dont la maison était située au carrefour de trois grandes routes. Un briugu pouvait monter en grade jusqu’à même accéder à un rang équivalent à celui de poète en chef ou de roi de canton. Il était alors appelé briugu en chef (ollamh briugad).
N.B. Certains auteurs affirment que le pluriel de briugu est briuga en gaélique. Étant par définition plutôt contre les pluriels « étrangers » (qui désorganisent notre langue) nous utiliserons ici la forme « briugus » pour signifier le pluriel.
CONCLUSION.
Pas de contrainte ni d’obligation donc, en matière de religion celtique ou de druidisme. Et là donc, à la différence de ce qui se passe en terres d’islam ou en dar al islam, c’est vraiment vrai !
En présence d’un pluralisme de convictions ou de difficultés, qui peuvent se manifester sur le plan personnel familial ou social, le druidisme antique offrait la possibilité de pratiques religieuses différentes, que chacun pouvait choisir en toute liberté et sans culpabilisation inutile. Ce que nos amis musulmans appellent de la djahiliya et du chirk (ou du koufr ?). Mais nous nous disons : « vive la djahiliya et le chirk, voire le koufr, dans ces conditions ! ».
La conception druidique du mariage encourageait la monogamie, mais elle admettait aussi la polygamie, la polygynie voire la polyandrie (notamment donc en Grande-Bretagne). Idem pour les funérailles. Le druidisme admettait à égalité l’inhumation et l’incinération, le seul problème étant alors celui de la conservation des cendres (urnes funéraires ou pas ?). Autre exemple : pas de peine de mort officielle obligatoire dans le druidisme (seulement des compensations) ; mais acceptation des « vengeances » individuelles éventuellement pour ramener le calme dans la communauté (possible effectivement quand la famille du coupable le comprend ainsi), car si une très mauvaise action (un crime atroce par exemple, contre un enfant) est vengée, il y a toujours alors renforcement du paganisme (dixit saint Patrice dans le Senchus Mor). Intud i ngeindtleacht gnim olc mad indechur.
Notons néanmoins que certains auteurs proposent de lire nad au lieu de mad dans le texte gaélique, ce qui nous donnerait quelque chose de sensiblement différent : « une très mauvaise action qui n’est pas vengée, c’est une défaillance (du paganisme) ».
Enfin pas d’interdits alimentaires, mais seulement des conseils ou préceptes gastronomiques, positifs, pour certains jours (présence à table de viande de porc, ou de bière, etc.). Et ainsi de suite ! On peut multiplier les exemples à l’infini.
Cette très nette distinction donc des rôles entre pouvoir régalien et religion, constitue encore la meilleure chance d’avenir et de cohésion civique de la société, à condition d’en respecter l’esprit. Au moment où s’intensifie au sein du Royaume-Uni, voire de notre pays, l’insertion de nouvelles communautés religieuses, revendicatrices de privilèges ; le renforcement de la distinction entre le rôle des princes qui nous gouvernent, et celui des druides d’aujourd’hui, est une nécessité. Rien ne saurait justifier un retour en arrière, même partiel.
Bien au contraire, c’est même à un renforcement de cette distinction et de cette autonomie qu’il faut procéder, afin d’assurer pour l’avenir des modalités de vie civique et sociale harmonieuse.
Or, au fil des décennies, les forces politiques de régression, obstinément soucieuses de confondre les deux, ont multiplié les attaques contre l’esprit et le contenu du principe de séparation entre le roi et ses druides (entre l’État et la Religion).
— Tentatives pour associer les corporations cultuelles aux affaires publiques et faire des clergés ou des communautés religieuses des partenaires de la vie officielle de l’État (laïcité « ouverte » ?).
— Subventions publiques aux organismes religieux.
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— Port d’insignes et d’emblèmes religieux à l’intérieur du service public de l’enseignement.
— Etc.
Tout cela est absolument contraire à l’esprit du principe d’une distinction totale entre le rôle du roi (ou des princes qui nous gouvernent) et celui des druides.
Il faut garder le roi et les services publics à l’abri des usurpations confessionnelles. C’est le roi (ou le peuple aujourd’hui bien sûr) qui doit toujours avoir le dernier mot. « Un des interdits des Ulates était de parler avant leur roi et un des interdits du roi était de parler AVANT ses druides » (variante de la Mesca Ulad ou « Ivresse des Ulates »).
L’interdit en question était une geis, mais nous en reparlerons.
Fin du contre-lai Nº 7.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 8.
« Ce garçon sera l’enfant chéri de tout le monde. Il combattra en duel pour votre honneur et remportera vos batailles ainsi que vos combats sur les gués ».
Autrement dit : un sauveur nous est né ! Il nous défendra et il sera l’enfant chéri de la déesse des victoires !
Le caractère assez solitaire du petit Hésus Sétanta (puisque tel fut son nom, le cheminant, celui qui chemine) ne doit pas nous induire en erreur. C’est un ange ou un envoyé du Destin, une incarnation de la Tocade ou du Tocad, qui prendra sous son aile protectrice tous ses contemporains comme nous allons le voir dans l’épisode ci-dessous.
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LES EXPLOITS D’ENFANCE
DU PETIT HÉSUS SÉTANTA
CUCHULAINN.
Macgnimrada Conculaind (chapitre 7 des manuscrits de la Tain Bo Cualnge).
Le garçon fut donc élevé au domicile de son père et de sa mère, au bord de la mer plus au nord dans la plaine de Muirthemne, où quelqu’un lui parla un jour de la « macrad » ou compagnie de jeunes garçons d’Emain Macha ; de la façon dont Cunocavaros/Conchobar organisait sa journée, en trois parties : la première étant consacrée à observer cette compagnie de jeunes garçons en train de pratiquer leur sport habituel, et notamment la soule, à l’aide d’une crosse la seconde à jouer aux dames et aux échecs ; la troisième à consommer avec délice de la viande et des boissons jusqu’à en être repus et avoir envie de dormir, généralement soutenue par une intervention de ménestrels et de musiciens afin d’apaiser l’esprit et les sens.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 9.
Crosse appelée caman ou hurley, utilisée pour taper dans une balle appelée sliotar, en gaélique d’aujourd’hui ce jeu, mi-football mi-hockey sur gazon, est appelé iománaíocht ou iomáint. Il s’agit d’un jeu sans doute millénaire.
Jeu d’échecs ? En fait une sorte de tablut celte, le fidchell, gwyddbwyll en gallois, gwezboel en breton, viducesla en vieux celtique.
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Le petit Hesus Setanta, ainsi que nous l’avons déjà dit ci-dessus, ayant fini par entendre parler de tout cela, demanda un jour à sa mère, alors qu’il était à peine âgé de 5 ans, la permission d’aller à Emain Macha pour y affronter cette équipe de jeunes garçons sur leur propre terrain. Elle lui répondit qu’il n’était pas assez grand pour cela, et qu’il devrait attendre qu’un guerrier ou une autre personne adulte, ou un proche de Cunocavaros/Conchobar, afin que tout se passe bien, ait pu enjoindre auparavant à ladite équipe de lui faire une place dans ses rangs sans rechigner.
Le gamin répondit à sa mère que c’était trop long, qu’il ne pouvait pas attendre, et que tout ce qu’elle avait à faire était de lui montrer le chemin pour aller à Emain Macha, puisqu’il ne savait pas dans quelle direction c’était.
Il y a un long et difficile chemin pour s’y rendre, répondit sa mère, car il y a la montagne de Fuat à traverser.
Dis-moi par où passer, répondit-il ; et c’est ce qu’elle fit.
Ensuite il se mit en route, en prenant avec lui sa crosse de cuivre, sa balle d’argent, sa javeline et son épieu d’enfant ; équipement avec lequel il essaya de faire en sorte que la route lui semble moins longue. En agissant ainsi notamment : avec sa crosse il frappait sa balle et l’envoyait loin devant lui ; ensuite il jetait la crosse elle-même derrière, afin qu’en heurtant la balle avant même qu’elle soit tombée par terre, cette dernière puisse aller encore plus loin ; puis il lançait sa javeline, et enfin son épieu. Ceci fait, il se précipitait derrière, ramassait la crosse, la balle, et la javeline, puis, avant même que la pointe de son épieu n’ait touché terre, il l’attrapait en en saisissant la partie arrière.
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Contre-lai Nº 10.
Il va de soi que tout ceci est quelque peu exagéré de la part du barde ayant composé ce récit. Notre héros semble néanmoins avoir été un joueur de golf, ou de hockey, enfin bref de iománaíocht ou iomáint, hors pair. Rappelons que ce jeu, une sorte de football se jouant avec des crosses (comme le base-ball ??) devait être très ancien, et peut-être connu des Celtes dès l’origine, quelque part sur le Continent.
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Le petit Hesus Setanta parvint ensuite Emain Macha, où il trouva la compagnie de jeunes garçons en question, qui avait cent cinquante membres, en train de jouer à la soule à crosse (iománaíocht or iomáint) sur la pelouse du terrain de jeu ou de s’entraîner aux arts martiaux avec à leur tête Follamain le fils de Cunocavaros/Conchobar. Le gamin prit aussitôt place dans leurs rangs et se mêla au jeu. Il intercepta la balle avec ses jambes et la bloqua entre ses mollets, sans la laisser descendre plus bas que ses chevilles ou monter plus haut que ses genoux, de sorte qu’il leur était impossible de l’atteindre de leur crosse voire de la toucher d’une autre façon. Il garda ainsi tout le temps et la renvoya ensuite par-dessus la ligne de but. Toute la compagnie assista incrédule à la scène ; mais Follamain le fils de Cunocavaros/Conchobar s’écria : « Très bien les gars, tombons tous ensemble sur ce jeunot et traitons-le comme il le mérite, tuons-le ; car il est interdit que quelqu’un se joigne à vous et se mêle à vos jeux sans avoir au préalable sollicité puis obtenu la garantie que sa vie serait bien épargnée. Sus à lui tous ensemble immédiatement et vengeons cette violation de votre privilège ; car nous savons bien que c’est le fils d’un petit guerrier ulate quelconque, et ce afin qu’ils ne prennent pas l’habitude de s’immiscer dans nos jeux sans avoir obtenu au préalable votre accord.
L’ensemble de la compagnie assaillit donc le Hesus Setanta et tous en même temps ils lui jetèrent leur crosse à la tête, mais lui para les cent cinquante coups et n’eut aucun mal. La même chose avec leurs balles, qu’il écarta de ses poings, de ses avant-bras ou de la paume de ses mains. Leurs cent cinquante épieux pour enfants se fichèrent dans son bouclier, mais il s’en sortit de nouveau sans la moindre égratignure. Le Hesus Sétanta s’élança parmi eux et jeta par terre cinquante des meilleurs. Cinq d’entre eux coururent se réfugier à l’endroit où Fergus et Cunocavaros/Conchobar étaient assis en train de jouer au tablut (aux échecs), avec le petit jeune sur les talons.
Hé, mon petit bonhomme, s’exclama Cunocavaros/Conchobar, ce n’est pas vraiment à un jeu très régulier que tu livres contre cette compagnie de garçons.
Et j’ai une bonne raison pour cela, s’écria le Hesus Setanta : car après être venu de loin pour les voir, je n’ai pas été bien reçu.
Comment ça mon petit, répondit le roi, tu ne connais pas les conditions d’entrée dans mon équipe de garçons : à savoir que tout nouveau venu doit leur avoir demandé au préalable sur l’honneur de respecter sa vie ?
Je ne le savais pas, rétorqua le garçon, autrement je m’y serai conformé en faisant ce qu’il faut avant.
C’est bien, ajouta le roi : prenez donc maintenant sur vous de laisser ce garçon sain et sauf.
Nous le ferons, répondit la compagnie.
Ils reprirent la partie interrompue ; le petit Hesus Setanta fit comme s’il était avec eux, mais laissa de nouveau à terre cinquante d’entre eux. Leurs pères se demandèrent même s’ils n’étaient pas morts. Ce n’était pas le cas, mais il les avait tellement terrifiés par ses coups ses placages et ses charges répétées qu’ils avaient préféré se coucher pour faire le mort.
Mais que leur veux-tu donc encore maintenant ? demanda Cunocavaros/Conchobar.
Je jure par mes dieux, répondit le petit Hesus Setanta, que tant qu’à leur tour ils ne se seront pas placés sous ma protection et ma garde, je lèverai la main sur eux.
Ce qu’ils firent donc aussitôt.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 11.
L’interdiction ou le privilège dont il vient d’être question est ce que l’on appelle une geis. Nous en avons déjà parlé précédemment à propos des rapports du roi et du druide dans une variante de la Mesca Ulad.
Un des premiers gestes du petit Hésus Sétanta pas encore Cuchulainn, a donc été d’enfreindre un des plus curieux tabous (geis pluriel geasa) de la cour de son oncle : celui qui voulait qu’on ne puisse venir y jouer avec les autres enfants, sans y avoir auparavant été formellement invité.
Cette notion druidique de geis est très curieuse. La seule chose de sûre que l’on peut d’ores et déjà en dire est qu’elle est en rapport étroit donc avec la notion de Destin ou Destinée chez les Celtes puisque son exact équivalent au Pays de Galles est le tynged (pluriel tynghedau). Le plus fameux de ces gaesa/tynghedau est celui sous lequel Arianrode place son fils Lleu Llaw Gyffes dans le mabinogi de Mab fils de Mathonwy.
Résultat : la vie tout entière de notre héros sera placée sous le signe du Destin, dont il est une vivante illustration, et c’est donc toute une génération qui sera désormais placée sous la responsabilité de notre demi-dieu. Mais n’hésitons pas à le dire quand même, il s’avère avoir été, dans cet épisode, un horrible garnement.
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LE CHIEN DE CULANN.
Le deuxième exploit du petit Hésus Sétanta, celui qui lui valut son nom définitif, celui sous lequel il passera donc à la postérité, eut lieu l’année suivante. Donc à l’âge de 6 ans.
Il y avait un bon forgeron ou artisan connu sous le nom de Culann. Il prépara un banquet pour Cunocavaros/Conchobar et se rendit à Emain Macha afin de l’y inviter. Il pria Cunocavaros/Conchobar de ne venir qu’avec un petit nombre de ses guerriers, car il n’avait ni terre ni domaine, mais seulement le produit de son marteau, de son enclume, et de ses pinces. Cunocavaros/Conchobar promit de ne venir qu’avec quelques-uns des siens. Culann rentra chez lui dans sa maison fortifiée (dun) afin s’occuper des derniers préparatifs ; Cunocavaros/Conchobar restant à Emain Macha jusqu’à la fin de sa réunion et de la journée.
Ensuite le roi enfila ses habits de voyages les plus pratiques, et se rendit sur la pelouse du terrain de jeu afin de dire au revoir à sa compagnie de jeunes garçons avant de partir. Là il fut le témoin d’une scène étrange. Cent cinquante jeunes à une des extrémités de la pelouse du terrain, et un seul à l’autre bout gardait le but à lui tout seul contre la masse des autres. Et quand ils jouaient au jeu du trou (cluchi puill) et que ce fut à leur tour d’essayer d’y mettre la balle, lui étant à la défense, il arrêtait leurs cent cinquante balles juste au bord du trou, de sorte qu’aucune d’entre elles ne pouvait y pénétrer ; quand c’était à leur tour d’être à la défense et à son tour de lancer, il réussissait à y loger toutes ses balles sans en manquer une.
Quand ils jouèrent au jeu consistant à s’arracher tous leurs vêtements, il finit par avoir rapidement tous leurs manteaux, alors que nul d’entre eux n’arriva ne serait-ce qu’à lui enlever sa broche. Quand ils s’exercèrent à la lutte donc à se renverser l’un l’autre, il terrassa immédiatement les cent cinquante garçons, mais eux n’arrivèrent jamais à le plaquer à terre. De sorte que Cunocavaros/Conchobar d’exclama donc, après avoir assisté à tout cela : félicitations au pays dans lequel est venu un tel enfant ; si ses exploits d’adulte correspondent à ses prouesses d’enfant.
À cette expression d’un doute Fergus objecta en rétorquant à Cunocavaros/Conchobar : « ce que tu viens de dire est inutilement injuste, car à mesure que ce petit garçon grandira ses exploits grandiront aussi avec lui ».
“Que l’on fasse venir cet enfant” dit le roi, qu’il puisse venir avec nous participer au banquet.
« Je ne peux pas y aller maintenant », répondit le garçon.
« Comment ça ? » demanda Cunocavaros/Conchobar.
« Cette équipe de garçons n’a pas encore eu son plein de jeu ! »
Il serait trop long pour nous d’attendre qu’ils n’aient plus envie de jouer, rétorqua le roi.
Ne m’attendez en aucune façon, je vous rejoindrai là-bas.
Mais, mon petit, connais-tu le chemin pour y aller ???
Je suivrai la piste de ton escorte, des chevaux, et les traces des chars.
Sur ce Cunocavaros/Conchobar se mit en route ; atteignit la maison de Culann, fut reçu comme il convient, des joncs fraîchement coupés furent répandus par terre, et ils passèrent à table. Peu de temps après le forgeron demanda donc à Cunocavaros/Conchobar : « Bon et bien maintenant, ô mon roi, quelqu’un a-t-il promis de te retrouver dans ma demeure cette nuit ? »
Non, personne, répondit Cunocavaros/Conchobar (ayant complètement oublié le petit garçon) ; mais pourquoi une telle question ?
Uniquement parce que j’ai un excellent mâtin comme chien de garde dont personne n’ose s’approcher quand il est détaché de ses chaînes ; à part moi il ne connaît personne, et il a la force de cent autres chiens.
Cunocavaros/Conchobar répondit : « lâche-le maintenant, et laissons-le garder la place ».
Ainsi fit Culann ; le chien fit le tour de son territoire, se mit à sa place habituelle d’où observer la maison, et se coucha ensuite à cet endroit la tête sur les pattes. C’était vraiment un chien extraordinaire, cruel, féroce, et très sauvage.
Quant à la compagnie de jeunes garçons, jusqu’à ce que vienne l’heure de se séparer, ils continuèrent à jouer dans Emain Macha ; ensuite ils se dispersèrent, chacun rentrant à la maison, de ses parents, de sa nourrice, ou de son tuteur. Mais leur petit camarade, lui, en suivant la piste comme dit précédemment, se dirigea vers la maison de Culann. Il se mit à jouer avec sa batte et sa balle afin
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que la route lui semble moins longue ainsi qu’il avait fait à l’aller. À peine était-il arrivé sur la pelouse du fort de Culann, que le molosse le sentit venir et donna de la voix si fort qu’on l’entendit à cent lieues à la ronde ; avec la ferme intention non pas de découper gentiment le garçon en petits morceaux comme quand on sert une viande à des invités, mais de l’avaler tout cru d’un seul coup. L’enfant ne disposait d’aucun moyen de défense raisonnable ; donc quand le chien sauta sur lui la gueule grande ouverte il lui jeta dedans sa balle de jeu de toutes ses forces, ce qui fit éclater le molosse de l’intérieur. Le petit Hesus Sétanta l’attrapa par les pattes arrière et lui fracassa le crâne contre une pierre (corthe/coirthe) jusqu’à ce tout le sol alentour en soit couvert de morceaux.
Tout le monde à l’intérieur avait entendu le défi jeté en aboyant par le mâtin, et Cunocavaros/Conchobar s’était même écrié : « Ce n’est pas une bonne étoile qui nous a conduits jusqu’ici ! »
« Que veux-tu dire ? » avaient demandé les autres.
Ce que je veux dire c’est que le petit garçon, fils de ma sœur Duxtir ? Dexiua ? Epona ? Dechtire (Setanta fils de Sualtam) avait promis de venir me rejoindre ici ; et qu’il doit être maintenant mort, tué par ce molosse.
Comme un seul homme, nos héros se levèrent ; et bien que les portes du fort soient grandes ouvertes, ils sautèrent par-dessus les remparts pour voler à son secours. Aussi rapides qu’ils aient été, Fergus les dépassa tous ; il attrapa le garçon, le hissa sur ses épaules, et le ramena ainsi à Cunocavaros/Conchobar. Culann lui-même avait accouru, et il découvrit là son mâtin de garde en mille morceaux ; ce qui fut pour lui un vrai crève-cœur. Il revint à l’intérieur et s’exclama : « Ton père et ta mère sont tous les deux les bien venus ici, mais toi c’est tout le contraire ! »
Pourquoi ça ? Qu’as-tu contre ce petit bonhomme ? demanda Cunocavaros/Conchobar.
J’ai vraiment été mal inspiré de t’inviter à venir festoyer chez moi, O Cunocavaros/Conchobar : mon chien s’en est allé maintenant, il était toute mon existence et cette existence a été réduite à néant ; ma vie, mon moyen de subsistance, sont perdus. Petit, poursuivit-il, ce que tu m’as pris là c’était un membre vraiment indispensable de ma famille : une garantie pour mes biens, mon bétail, mes troupeaux.
Ne sois pas fâché pour ça, rétorqua le petit Hesus Sétanta, car je vais t’accorder une juste compensation en la matière.
Et quoi donc ? demanda Cunocavaros/Conchobar.
Le petit Hesus Setanta répondit : « Si dans le pays de la verte Erin il existe un chiot de cette race de chien, je l’élèverai jusqu’à ce qu’il soit prêt à faire comme ses ancêtres. Et en attendant, O Culann, je te rendrai les services d’un chien de cette race, en gardant ton bétail, tes moyens de subsistance et ta maison (forte) ».
Tu as bien décidé de la compensation à lui accorder, dit Cunocavaros/Conchobar ; et Catubatuos/Cathbad le druide d’intervenir en déclarant qu’il n’aurait pas pu faire mieux, que désormais ce garçon devrait donc porter le nom de « Chien de Culann » (Cu Chulainn en gaélique).
Le petit Hesus objecta néanmoins : « je préfère mon propre nom : Setanta fils de Sualtam ! »
Ne dis pas ça, reprit Catubatuos/Cathbad ; car les hommes de toute la terre n’auront un jour que ce nom à la bouche !
Le garçon répondit que dans ces conditions le nom lui plairait, ce fut donc désormais celui qui lui fut systématiquement associé.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique N° 12.
Le jeu du trou. En gaélique cluchi puill. Jeu qui consistait à lancer une balle avec une raquette dans des trous, d’après le linguiste français Joseph Vendryes.
Corthe ou coirthe est un terme gaélique signifiant pierre, mais il peut signifier aussi pierre levée, pierre tombale. Ce premier chien de Culann est donc mort sur un pilier de pierre. On ne peut s’empêcher d’y voir comme une anticipation de la mort du deuxième chien de Culann, le Hesus Sétanta, qui mourra crucifié (décapité plus exactement) sur un menhir dans la plaine de Muirthemné.
Car Cuchulainn signifie très exactement « chien de Culann » en gaélique. Dans le monde celtique et à la différence du monde biblique, la comparaison avec un chien n’était pas péjorative. Cela équivalait à être assimilé à un lion. Chien de Culann sera donc désormais le deuxième titre de notre seigneur
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Hesus, juste après celui de Sétanta : le cheminant, celui qui chemine. Il signifie qu’il sera désormais comme le chien de berger ou le chien de garde de tous les malheureux Culann que nous sommes.
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L’année même qui suivit cette aventure avec le chien, le petit Hesus Sétanta Cuchulainn réalisera aussi un troisième exploit.
Catubatuos/Cathbad le druide enseignait à ses élèves au nord-est d’Emain Macha. Il y avait là huit de ceux qui étudiaient son art de l’astrologie. Quand l’un d’entre eux l’interrogea pour savoir à quoi les augures de ce jour-là étaient le plus spécialement favorables, Catubatuos/Cathbad lui répondit que le nom de tout jeune homme qui prendrait les armes et une armure pour la première fois ce jour-là surpasserait à tout jamais celui de tous les autres jeunes gens de la verte Erin en gloire et en renommée. Mais que sa vie devrait être éphémère et courte. Le garçon était à quelque distance de là au sud d’Emain Macha ; il entendit néanmoins les paroles de Catubatuos/Cathbad. Il enleva sa tenue de jeu et mit de côté sa tenue de sport, ensuite il entra dans la chambre à coucher de Cunocavaros/Conchobar et lui dit « Que tout bien t’appartienne, O mon roi ! »
Cunocavaros/Conchobar lui répondit : « Que veux-tu mon petit ? »
Je voudrais prendre les armes.
Et qui t’a pressé de le faire ?
Catubatuos/Cathbad le druide, répondit le petit Hesus Cuchulainn.
Cela ne te sera pas refusé, répondit le roi, et il lui donna immédiatement deux épieux avec une épée ainsi qu’un bouclier. Le petit Hesus Cuchulainn prit ces armes et les brandit, mais les brisa toutes au cours de ses manœuvres en les faisant même voler en éclats. En bref, alors qu’à Emain Macha Cunocavaros/Conchobar avait au moins dix-sept panoplies d’armes complètes à disposition pour sa compagnie de jeunes garçons, puisque quand l’un d’entre eux prenait les armes, Cunocavaros/Conchobar était celui qui lui remettait son armement, et lui souhaitait bonne chance dans leur utilisation, le garçon les réduisit toutes en miettes. Il s’en plaignit après à Cunocavaros/Conchobar en lui disant : « Ô, mon maître, O Cunocavaros/Conchobar, ces armes ne sont pas bonnes, elles ne me suffisent pas ! » Sur ce le roi lui confia ses deux épieux à lui, sa propre épée, ainsi que son propre bouclier. Le petit Hesus Cuchulainn les essaya de toutes les manières possibles ; il les plia même jusqu’à ce que leur pointe touche leur poignée ou l’autre extrémité de la hampe du javelot, mais sans arriver à les casser, ils résistèrent. « Ces armes me conviennent », s’exclama le petit Hesus Cuchulainn, « et dignes de moi. Cela tombe bien pour le pays et la région qui a pour roi celui dont ce sont-là les armes et l’armure ».
Juste à ce moment-là Catubatuos/Cathbad le druide entra dans la maison et demanda un peu étonné : « ce garçon est-il en train de prendre les armes ? »
« Ô que oui ! » s’exclama le roi.
« Nous aurions préféré que cet enfant ne les prenne pas aujourd’hui », rétorqua le druide.
« Comment ça, s’exclama le roi, « n’est-ce pas toi qui l’as incité à le faire ? »
« Certainement pas ! »
« Espèce de petit démon » s’écria le roi « que voulais-tu faire en me racontant cela ? M’aurais-tu menti par hasard ?
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 13.
Sur la possibilité de prédire l’avenir et sur l’astrologie dans le druidisme, se reporter à nos autres essais sur le sujet.
Nous sommes très sceptiques. Ce qui est certain en tout cas c’est qu’il ne pouvait en aucun cas s’agir d’astrologie au sens où on l’entend maintenant, et surtout pas non plus de celle qui se fonde sur les arbres et les oghams malgré son nom. C’est une imposture totale ! Bref, voir le contre-lai N°35 de la leçon N°2 avec dedans ce qu’il faut penser de Robert Graves ainsi que les chapitres sur la divination par les lettres et comment tirer les runes cisalpines, de la leçon N° 3 (Histoire du pacte ou de la paix avec les dieux, tomes I et II).
« Espèce de petit démon… » Traduction approximative de l’irlandais « siriti siabairti » : des sortes de créatures noires, sombres et difformes.
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Les siabra font en effet partie des dieu-ou-démons de la déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère, Danu (bia), dont ils ne sont pas la partie la plus fréquentable. Ce sont eux qui, selon un fragment du Dindshenchas, furent les derniers instruments des druides contre le roi Cormac mac Art.
Les mots celtiques en *soibho – ou *sibho – appartiennent au vocabulaire religieux de la magie noire parce que le signe essentiel des puissances mauvaises est la difformité, la laideur physique, la perversion morale. Peut-être conviendrait-il de rapprocher de *se (i) bho – les termes celtes en seb, dont le seboddu de l’inscription découverte dans Vieil-Évreux en France, Corpus Incriptionum Latinarum XIII 3204.
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« Ô, mon roi, ne te mets pas en colère contre moi » se défendit le petit Hesus Cuchulainn, car c’est bien lui m’a incité à faire ça en instruisant ses élèves. Quand ils lui ont demandé ce que ce jour avait de spécial, il leur a dit que le nom de tout jeune qui prendrait les armes pour la première fois ce jour-là, serait le plus glorieux de tous les hommes de la verte Erin, et qu’il n’en résulterait pour lui aucun inconvénient, hormis que sa vie serait par contre éphémère et brève.
“Et c’est bien vrai en ce qui me concerne », confirma Catubatuos/Cathbad ; « tu seras effectivement illustre et renommé, mais sans longévité aucune, très vite parti au contraire ! »
Peu m’importe ! s’exclama le petit Hesus Cuchulainn, de ne vivre qu’un seul jour voire une seule nuit, si mon histoire et celle de mes hauts faits doit perdurer très longtemps après moi.
« Très bien ! » reprit alors Catubatuos/Cathbad, monte dans un char, mon garçon, puis essaie-le en personne, même si ce que je viens de dire est vrai.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 14.
La caractéristique principale de notre héros, tout comme de la belle Deirdre d’ailleurs, est d’être en quelque sorte la parfaite illustration de la toute-puissance du Destin ou Tocade ou Tocad (Moyen gallois tynghed, breton tonket, destiné, vieil irlandais tocad, destin, toicthech « fortunatus » tonquedec en breton. Le labarum est son symbole).
Car les anciens très-sachants de la druidiaction (druidecht) avaient fait du « hasard » (sic) un Dieu si l’on en croit saint Columba d’Iona qui proteste contre dans une des loricae qu’on lui attribue (M’oenuran). « Je n’adore ni le chant des oiseaux… ni un fils, ni le HASARD, ni la femme. Mon druide est fils de Dieu…, etc. »
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Le petit Hesus Cuchulainn monta donc dans un char, il éprouva sa résistance de diverses façons, et le réduisit en miettes. Il monta dans un second char, avec le même résultat. Bref, alors qu’à Emain Macha Cunocavaros/Conchobar avait au moins dix-sept chars à disposition pour sa compagnie de jeunes garçons, le petit bonhomme les pulvérisa tous ; et ensuite il s’exclama : « Tes chars, O Cunocavaros/Conchobar, ne sont pas bons du tout ni dignes de moi ».
« Où est Ibar fils de Riangabra », s’écria Cunocavaros/Conchobar.
« Je suis là ! » répondit ce dernier.
« Prépare mon propre char et attèles-y mes propres chevaux sur le champ ! »
Le cocher s’exécuta, le petit Hesus Cuchulainn monta dans le char, l’éprouva, et cette fois il résista. C’est un bon char, conclut-il, et il me convient parfaitement !
Très bien mon petit, s’exclama Ibar, laisse les chevaux s’en retourner dans leur pré maintenant !
C’est encore trop tôt pour cela, Ibar, fais-moi faire le tour d’Emain Macha.
Laisse les chevaux aller pâturer.
C’est trop tôt, Ibar, vas-y, avance, que l’équipe de garçons ait l’occasion de me saluer en ce premier jour de prise d’armes pour moi.
Ils se rendirent là où se tenait la compagnie de jeunes garçons, et leurs cris d’étonnement résonnèrent : « Mais tu as pris les armes aujourd’hui ! »
« C’est cela même ! » répondit-il.
Ils lui souhaitèrent beaucoup de succès dans sa recherche de dépouilles et dans son premier combat, mais ils exprimèrent le regret de le voir ainsi les abandonner eux et leurs jeux. Cuchulainn leur assura qu’il n’en était rien, mais que c’était le destin qui avait voulu qu’il prenne les armes ce jour-là entre tous. Ibar le pressa de nouveau de laisser les chevaux tranquilles, et de nouveau il refusa. Il demanda au contraire au cocher : « Où mène cette grande route qui s’étire devant nous ? » Ibar répondit qu’elle allait au Gué de la Garde dans la montagne de Fuat. Grâce aux réponses apportées aux questions
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suivantes dont il assaillit le cocher, le jeune Hesus Cuchulainn apprit que ce gué tirait son nom du fait que tous les jours un des principaux guerriers ulates montait la garde en ce lieu et veillait à ce qu’aucun champion étranger ne vienne les agresser, son devoir étant alors de l’y affronter en combat singulier au nom de la province tout entière. Si des poètes ou des musiciens quittaient l’Ulidia insatisfaits de la façon dont ils avaient été traités, son devoir était au nom de toute la province de les faire changer d’avis à ce sujet avec de l’or ou d’autres présents de la sorte. Et si au contraire des poètes ou des musiciens pénétraient dans sa province, son devoir était de s’assurer qu’ils étaient bien munis d’un sauf-conduit pour aller jusqu’à la cour de Cunocavaros/Conchobar. Les compliments ou les louanges destinés à cette sentinelle constituaient alors le thème des premiers poèmes, aux versifications variées, que les poètes composaient en arrivant à Emain Macha.
Le jeune Hesus Cuchulainn demanda ensuite si le cocher savait qui devait monter la garde ce jour-là.
Oui je le sais, répondit le cocher, c’est Conall fils d’Amorgen surnommé Le Victorieux (le victorieux), le premier des guerriers de la verte Erin.
« Et en avant pour aller jusqu’à ce gué maintenant, cocher ! » s’écria le petit Hesus Cuchulainn.
À peine arrivé au bord de la rivière ils tombèrent sur Conall qui les accueillit en lui demandant : « Tu as pris les armes aujourd’hui mon petit ? »
« C’est cela même », répondit pour lui le cocher.
« Puissent ses armes lui apporter le triomphe et la victoire avec le premier sang versé ! » s’exclama Conall. « La seule chose c’est qu’à mon avis tu les as prises un peu trop tôt, vu que tu n’es visiblement pas encore assez grand pour accomplir des exploits ».
Pour toute réponse le petit Hesus Cuchulainn lui demanda : « Et que fais-tu ici, Conall ? »
Je surveille et je monte la garde ici de la part de la province (coiced).
Viens, répondit le jeune homme, et laisse-moi donc assumer cette tâche aujourd’hui.
Que nenni, rétorqua Conall, car tu n’es pas encore de taille à être confronté à un vrai guerrier.
Alors je vais descendre jusqu’aux premières eaux du Loch Echtra (le lac des Étrangers), pour voir si je peux y verser le sang soit d’un ami soit d’un ennemi.
Et moi dans ce cas dit Conall, j’irai avec toi pour assurer ta protection et ta sauvegarde de sorte que tu ne coures aucun danger de ce côté de la frontière.
Non, répondit le petit Hesus Cuchulainn, inutile de venir.
Je le ferai pourtant, insista Conall, car si jamais je te laissais aller tout seul de ce côté de la frontière, les Ulates me le feront payer cher.
On prépara donc le char de Conall et on y attela ses chevaux ; il commença sa mission consistant à protéger le petit Hesus Cuchulainn et rattrapa bien vite le garçon, qui l’avait laissé en plan et avait continué son chemin. Comme leurs deux chars étaient maintenant côte à côte, le petit Hesus Cuchulainn comprit que, si l’occasion d’accomplir quelque exploit vraiment dangereux se présentait, jamais Conall ne lui permettrait de le réaliser. Il ramassa donc une pierre de la taille de son poing et visa soigneusement le joug du char de Conall. Il le cassa en deux, le véhicule se renversa, Conall fut projeté face contre terre, et en tombant une de ses épaules fut démise.
Qu’est-ce que tout cela, mon garçon ?
C’est moi qui ai fait cela ! Pour voir si mon aptitude au tir était bonne et si j’avais l’étoffe d’un bon guerrier.
La peste soit de ton tir et de toi-même également ; même si quelque ennemi devait avoir ta tête là-bas, je ne ferai plus un pas de plus pour te défendre.
C’est exactement ce que j’attendais de toi, répondit le petit Hesus Cuchulainn, et j’ai agi de cette façon très particulière parce qu’il vous est interdit à vous Ulates de continuer votre route si quelque chose est arrivé à votre char.
Sur ce Conall regagna son poste sur le gué.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 15.
En principe Conall est censé avoir le même âge que le petit Hésus Cuchulainn et avoir été aussi élevé avec lui en tant que frère de lait (par adoption). Légère contradiction donc ici de nos récits.
La formule : « Il vous est interdit à vous Ulates, etc. » implique un certain détachement de notre héros vis-à-vis de ce peuple. Un peu comme s’il ne se sentait pas vraiment un Ulate non plus.
Ainsi que déjà mentionné précédemment, cet enfant, le petit Hésus Sétanta Cuchulainn, est en réalité une incarnation (avatar) du Destin (de la Tocade ou du Tocad).
Sualtam n’est en effet que le père nourricier du petit hésus Sétanta Cuchulainn.
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Quant au petit Hesus Cuchulainn, il poursuivit son chemin en direction du sud, droit vers les premières eaux du Lac Echtra ; et demeura en ce lieu jusqu’à la fin du jour. C’est alors qu’Ibar lui dit : si je pouvais m’aventurer à t’en dire autant, mon petit, rien ne me réjouirait plus qu’un retour immédiat vers Emain Macha. Car la découpe de la viande a déjà dû commencer là-bas ; et même si une place de choix réservée t’y attend toi, entre les genoux de Cunocavaros/Conchobar, moi au contraire je ne peux rien faire d’autre que me joindre aux messagers ou aux bouffons de sa maison, pour m’y installer où je puis ; c’est pourquoi j’estime qu’il est temps pour moi de revenir jouer des coudes avec eux.
Le petit Hesus Cuchulainn lui ordonna d’atteler le char, et cela fait, ils s’en allèrent. Cuchulainn s’enquit du nom de la montagne qu’il apercevait au loin. Il apprit qu’il s’agissait de la chaîne des Mourne (Sliab Moduirn) et demanda aussi ce que signifiait le cairn blanc qui apparaissait sur un de ses sommets. Il s’agissait du beau et grand cairn de Finnchairn justement ; et ordonna au cocher de l’amener jusque là-bas. Ibar exprima beaucoup de réticence et le petit Hesus Cuchulainn lui rétorqua donc : « Tu es vraiment un sacré paresseux vu que c’est ma première quête d’aventures et que c’est ton premier voyage avec moi ! »
Si ça se trouve, s’exclama Ibar, si je rentre jamais un jour à Emain Macha, ce sera aussi le tout dernier !
Bien maintenant, cocher, reprit le garçon quand ils furent arrivés au sommet de la montagne, apprends-moi la géographie de tous les coins d’Ulidia, un pays où je ne sais pas encore retrouver mon chemin. Le cocher à partir de là lui indiqua donc les collines et les plaines ainsi que les forteresses de la province.
C’est très bien, O cocher, maintenant quelle est cette belle plaine aux vallons bien découpés qui s’étend là devant nous vers le sud ?
C’est la plaine de Breg.
Maintenant, renseigne-moi sur les châteaux et les forts de cette plaine. Alors Ibar lui désigna Tara et Tailtiu, Cletech et Cnogba, le brug du fils du jeune homme (brug meic in oc ?) sur la Boyne, et la forteresse des fils de Necht.
Sont-ce les fils de Necht dont il est dit que le nombre des Ulates vivants n’excède pas le nombre de ceux qui sont tombés sous leurs coups ?
Ce sont bien eux, répondit en effet Ibar.
Alors, allons jusqu’au château de ces fils de Necht.
Malheur à qui attend de telles paroles ! Qui que ce soit qui aille là-bas, ce ne sera pas moi !
Le petit Hesus Cuchulainn lui rétorqua : « Que ce soit mort ou vif, tu iras dans tous les cas ! »
Alors j’irai là-bas vivant, mais je serai mort en quittant les lieux.
Ils firent donc route jusqu’au château fort et le petit Hesus Cuchulainn descendit de son char sur la pelouse, une pelouse qui avait la particularité de porter en son centre un menhir, entouré d’un collier de fer, destiné à éprouver l’héroïsme des visiteurs, car il y avait une inscription gravée dessus : il était interdit à tout homme (du moins portant les armes) qui pénétrait sur cette pelouse de repartir sans avoir auparavant défié en combat singulier quelque occupant de la forteresse. Le petit Hesus Cuchulainn lut les oghams, attrapa la pierre à bras le corps pour l’enlever, et ensuite la lança, collier compris, dans l’eau qui était juste à côté.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 16.
Les oghams constituaient un alphabet sacré utilisé pour les inscriptions en berla féné ou en Iarn berlé.
Ce détail prouve que le petit Hésus Mars ou Sétanta (ou Cuchulainn) maîtrisait parfaitement la technique des runes celtes : il savait les lire.
Mais l’alphabet oghamique est loin d’être antique, il est seulement médiéval, et ce détail prouve aussi que le mythe panceltique originel a été adapté ou réécrit pour s’appliquer l’Irlande de cette époque.
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À mon humble avis, osa suggérer Ibar, elle n’est pas mieux ici que là où elle était auparavant, mais cette fois tu vas trouver ce que tu cherches : une mort prompte et violente.
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Très bien, très bien, O cocher, maintenant étale les couvertures du char que je puisse dormir un petit instant.
Quel malheur que quelqu’un puisse parler ainsi, car il s’agit d’un pays hostile ici, non d’une terre amie !
Ibar s’exécuta et notre petit homme s’endormit aussitôt sur la pelouse. Juste à ce moment-là Foill un des fils de Necht arriva et, apercevant le char, s’écria : « Hé cocher, ne dételle pas les chevaux ! » Ibar répondit qu’il avait toujours les rênes en main, ce qui prouvait bien qu’il n’était nullement sur le point de les dételer.
De quels chevaux s’agit-il ?
Les deux chevaux pie de Cunocavaros/Conchobar.
C’est bien ce qui me semblait, répondit Foill, et qui les a conduits sur cette partie de la frontière ?
Un petit bout de jeunot qui avait pour destin de prendre les armes aujourd’hui, et qui est venu sur cette partie de la frontière afin de s’y montrer.
Que sa première prise d’armes ne se termine ni en victoire ni en triomphe, s’exclama Foill. Si je l’avais su apte à quelque exploit, c’est mort qu’il serait reparti vers le nord en direction d’Emain et non vivant.
Mais bien sûr qu’il n’en est pas encore capable, on ne saurait décemment lui en imputer un, il n’est que dans sa septième année.
Le petit Hesus Cuchulainn releva la tête, et tout son corps rougit intensément de la tête jusqu’au pied sous le coup de l’affront qu’on venait de lui infliger, puis il répondit : « Si fait, je suis prêt pour l’action ! »
Mais Foill rétorqua : « J’inclinerai plutôt à croire que ce n’est pas le cas ! »
Tu sauras mieux à quoi t’en tenir à ce sujet pour peu que nous regagnions le gué, mais d’abord va chercher tes armes ; tu es venu ici comme un couard, car je ne tue ni les cochers, ni les messagers, ni les gens désarmés. L’homme fonça tête baissée sur ses armes, et Ibar avisa le garçon d’être très prudent avec lui. Le petit Hesus Cuchulainn lui en demanda la raison, et se vit répondre que l’homme était Foill le fils de Necht, et qu’il était invulnérable aux pointes ou aux tranchants, quels qu’ils soient.
Ce n’est pas à moi qu’il faudrait dire une telle chose, répondit le petit Hesus Cuchulainn, car je vais prendre mon arme secrète, ma balle de fronde en fer, trempée deux fois, qui se logera en plein milieu de son front, et fera jaillir sa cervelle hors de son crâne, le transformant ainsi en passoire. Sur ce Foill fils de Necht ressortit sur la pelouse, le petit Hesus Cuchulainn attrapa sa balle de fronde, la lança exactement comme dit précédemment, et prit la tête de Foill.
Le second fils de Necht sortit alors de la forteresse sur la pelouse, son nom était Tuachall mac Necth, et il s’exclama : « tu sembles fier d’avoir fait ça ! » Le petit Hesus Cuchulainn répliqua qu’il n’estimait pas devoir se vanter de la mort d’un seul et unique guerrier, et Tuachall lui rétorqua que dans ce cas il n’aurait plus jamais l’occasion de se vanter de quoi que ce soit, car il allait mourir sur le champ de sa propre main. Alors, hâte-toi de prendre tes armes, répondit le petit Hesus Cuchuluainn, car tu es venu ici à la façon d’un couard.
Tuachal s’éloigna, et Ibar lui renouvela ses mises en garde. Qui est-ce ? demanda le petit Hesus Cuchulainn. Ibar lui expliqua que c’était non seulement un fils de Necht, mais aussi qu’il devait être tué du premier coup du premier jet de pierre ou de toute autre façon, ou alors jamais ; ceci à cause de l’incroyable agilité ou habileté dont il faisait preuve devant la pointe d’une arme, afin de l’éviter. Le petit Hesus Cuchulainn rétorqua encore une fois que ce n’était pas à lui qu’il fallait tenir un tel langage. Je vais prendre le grand épieu de Cunocavaros/Conchobar que l’on appelle le venimeux ; il percera le bouclier qu’il aura devant lui et après lui avoir troué le cœur dans la poitrine, lui brisera trois des côtes de son flanc arrière. Ce que fit donc, également sur le champ, le petit Hesus Cuchulainn, et il eut la tête de sa victime avant même que son corps ne touche le sol.
C’est alors qu’arriva sur le pré le plus jeune des fils, Faindle a) mac Necht, et il s’exclama : « Mais tu as eu affaire à des simples d’esprit jusqu’ici ! » Le petit Hesus Cuchulainn lui demanda ce qu’il voulait dire, et Faindle l’invita donc à descendre et avancer dans l’eau jusque-là où il n’aurait plus pied, ce qu’il fit lui-même sur le champ. Ibar mit de nouveau en garde le petit Hesus Cuchulainn. « Comment cela ? » demanda le petit garçon.
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Parce que c’est Faindle fils de Necht, et la raison pour laquelle il porte ce nom est qu’il est comme un cygne ou une hirondelle vu la vitesse à laquelle il va sur l’eau, aucun nageur au monde ne peut rivaliser avec lui.
Ce n’est pas à moi qu’il faudrait dire une telle chose, objecta le petit Hésus Cuchulainn ; tu connais la rivière que nous avons à Emain Macha, la Callan, eh bien quand l’équipe de garçons arrête un peu de faire du sport et plonge dedans pour y nager, j’en porte un sur chaque épaule, un sur chaque paume de ma main, et je ne mouille jamais plus haut que les chevilles en traversant la rivière.
Ensuite lui et Faindlé entrèrent dans l’eau du gué pour y lutter l’un contre l’autre. Le petit Hésus Cuchulainn le prit à bras le corps et le renversa dans l’eau, ensuite il lui asséna un coup de l’épée de Cunocavaros/Conchobar et lui coupa la tête, en laissant le reste du corps emporté par le courant. Pour finir, il pénétra dans le château fort et le dévasta, lui et Ibar y mirent le feu puis la laissèrent brûler dans un feu d’enfer, ensuite ils revirent sur leurs pas en traversant la montagne de Fuat, sans oublier de prendre avec eux la tête des trois de fils de Necht.
Ils aperçurent alors devant eux une harde de cerfs, et le petit Hésus Cuchulainn voulut savoir quel était tout ce bétail qui s’agitait ainsi. Ibar lui expliqua que ce n’était pas du bétail, mais une harde de cerfs sauvages qui hantait les sombres vallées de la montagne de Fuat. Fouette b) un peu les chevaux pour nous, cocher, que l’on puisse voir si l’on peut attraper quelques-uns d’entre eux. Le cocher aiguillonna (fouetta) les chevaux. Mais il fut impossible aux chevaux trop bien nourris du roi de rivaliser de vitesse avec les cerfs.
Le petit Hésus Cuchulainn descendit donc du char et grâce à sa propre course ainsi qu’à sa propre vitesse réussit à capturer dans la lande deux cerfs de grande taille, qu’il attacha promptement au char par des lanières. Alors qu’ils continuaient leur course vers Emain Macha et qu’ils s’en rapprochaient peu à peu, ils aperçurent un vol de cygnes d’un blanc immaculé. Le petit Hésus Cuchulainn demanda s’il s’agissait d’oiseaux sauvages ou domestiques, et apprit de la bouche d’Ibar que c’étaient des cygnes sauvages qui avaient l’habitude de se rassembler en venant des rochers situés en mer ou des îles de l’océan et d’infester le pays en quête de nourriture. Le petit Hésus Cuchulainn posa d’autres questions, et voulut savoir ce qui serait le plus étonnant : ramener certains d’entre eux vivants à Emain Macha, ou en ramener des morts. Ibar répondit sans hésiter qu’en ramener des vivants serait de loin le plus extraordinaire ; car, dit-il « on peut en ramener beaucoup morts, mais peut-être même pas un seul vivant ! »
Le Hésus Cuchulainn glissa une petite pierre dans sa fronde, et abattit huit cygnes de ce vol d’un seul coup. Il mit dans sa fronde une pierre plus grosse et cette fois-ci en abattit seize. Cocher, ramasse-moi ces oiseaux maintenant, s’exclama-t-il !
Mais Ibar hésita. Je ne peux pas vraiment le faire ! objecta-t-il.
« Et pourquoi ça ? » demanda le petit Hésus Cuchulainn.
Parce que si je quitte mon actuelle position, la vitesse des chevaux ainsi que leur course étant ce qu’elles sont, les roues du char vont me tailler en pièces ; ou alors les bois des cerfs me transperceront et me blesseront de toute façon.
Tu n’es pas un vrai guerrier, Ibar, répondit le petit Hésus Cuchulainn, car à cause du regard que je vais jeter sur eux les chevaux ne dévieront pas d’un pouce du droit chemin ; et après le regard que je jetterai sur eux aussi les cerfs baisseront la tête par respect pour moi ou terrorisés ; ils n’oseront pas faire le moindre mouvement et tu seras en sécurité même si tu te retrouves juste devant leurs andouillers.
Sur ce Ibar s’aventura donc à mettre pied à terre et ramena les cygnes, qu’il attacha au char avec le plus de lanières et de cordes possibles. Ce fut de cette façon qu’ils firent le reste du chemin jusqu’à Emain Macha c).
Leborcham d) fille d’Ai (« Oreille ») et d’Adarc (« oreille ») la messagère du roi, les aperçut la première et s’écria : « Un guerrier à char solitaire s’approche de toi maintenant, O Cunocavaros/Conchobar, il est terrifiant. Les têtes encore sanglantes de ses ennemis ornent son char ; de magnifiques oiseaux blancs sont avec lui dans son char, des cerfs indomptés liés ou attachés de la même façon, et assurément si on ne prend pas des mesures pour le recevoir intelligemment, les meilleurs guerriers ulates tomberont sous ses coups.
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Je reconnais ce petit guerrier à char, dit Cunocavaros/Conchobar : c’est le petit garçon, le fils de ma sœur, qui est parti faire un tour sur la frontière aujourd’hui même. Il a sûrement du sang sur les mains, et il ne serait guère opportun d’affronter sa fureur guerrière en ce moment, il serait bien capable de faire périr tous les jeunes gens d’Emain Macha.
Ils finirent par se mettre d’accord sur le moyen de faire retomber son excitation typiquement masculine et ce moyen fut celui-ci : toutes les femmes d’Emain Macha (au nombre de trois fois cinquante) se dénudèrent la poitrine d), et sans subterfuge d’aucune sorte s’assemblèrent pour aller à sa rencontre toutes en même temps, avec à leur tête Scandlach (« la dévergondée »), afin de lui exposer leur personne et leur pudeur. Le petit Hésus Cuchulainn se voila la face et détourna son regard sur le char, afin de ne pas voir la nudité ou la pudeur de ces femmes.
Ensuite le moment venu il fut pris au dépourvu et plongé dans une cuve d’eau glacée qui avait été préparée à cette intention. Dans la première cuve, la chaleur générée par son immersion fut telle que les douves et les cerceaux volèrent en morceaux instantanément. Dans la seconde cuve, l’eau déborda (en bouillonnant) ; et dans la troisième pourtant l’eau était encore brûlante. Mais pendant ce temps néanmoins, la fureur du petit Hésus Cuchulainn avait fini par s’éteindre en lui ; des pieds à la tête il se mit à rougir d’un pourpre spectaculaire un peu partout, et elles le revêtirent de ses habits de fête. Sa forme et ses traits naturels lui revinrent enfin.
Et ce fut assurément un beau garçon qui ressortit de leurs mains expertes : il avait à chaque pied sept doigts f), et autant à chaque main ; ses yeux étaient brillants et avaient sept pupilles chacun, dans toutes scintillaient sept gemmes éclatantes. Sur chacune de ses joues, il y avait quatre tibri (des grains de beauté ? des mouches ?) : un bleu, un pourpre, un vert, et un jaune. D’une oreille à l’autre il avait cinquante tresses blond clair (comme la cire jaune des abeilles ? Ou comme une broche qui brillerait en plein soleil ?) Il portait un manteau vert attaché par un fermoir d’argent sur sa poitrine, une chemise à fils d’or. Le petit Hesus Cuchulainn prit sa place entre les genoux de Cunocavaros/Conchobar et le roi commença de lui caresser les cheveux.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 17.
a) Faindle en gaélique est effectivement un nom qui signifie « cygne » (fainnle). D’autres lisent « hirondelle » (fandall). Eh oui, c’est comme ça ! Le terme irlandais en question est difficile à traduire. Il est sans doute en rapport avec la nage ou le plongeon.
b) Fouette cocher ! En réalité les Irlandais de l’époque se servaient d’un aiguillon.
c) Scène ou vision encore plus extraordinaire que celle du traîneau du Père-Noël tiré par des rennes.
d) Leborcham signifie en gaélique : la souple ou la rapide (lebor) boiteuse (cham).
e) Que signifie exactement le mot gaélique « lomnocht » ? La majorité des auteurs penchent en faveur de la nudité totale, mais Tom Cross et Harris Slover (les hauts faits d’enfance de Cuchulainn in Les contes de l’Irlande antique) pensent que cela équivaut à « poitrine découverte ». Un peu à l’instar des femmes de Gergovie suppliant les Romains de les épargner (« Les mères de famille jetaient du haut des murs des étoffes et de l’argent et, le sein découvert, penchées sur la muraille, tendant leurs mains ouvertes, suppliaient les Romains de les épargner » César B.G. Livre VII chapitre XLVII).
N.B. Il est vrai que certains manuscrits latins au lieu de « pectore nudo » (la poitrine nue) portent la mention « pectoris fine prominentes » (se penchant par-dessus les murailles de toute la partie supérieure de leur corps).
Il s’agit là vraisemblablement dans notre texte gaélique du résultat final d’une lourde intervention de la morale chrétienne. De toute façon, qu’il s’agisse d’une nudité totale ou seulement d’avoir les seins nus, nous sommes là également aux antipodes des versets du Coran sur le voile et la pudeur islamique. En matière de sexualité les Celtes de cette époque n’étaient pas aussi puritains que nous. La nudité féminine n’était pas un scandale et l’on trouvait alors normal de faire sa toilette devant des filles ou des femmes, justement là pour vous aider à prendre un bain.
Répétons-le encore une fois ! La nudité, même totale, est naturelle ! Aussi naturelle qu’une fleur, qu’un fruit dans un arbre (une pomme ?) ou une belle montagne. C’est bien comme cela que nous venus au monde, non ??? Comment ceux qui affirment que Dieu nous a fait ainsi peuvent-ils dans le même temps soutenir que c’est quelque chose de honteux, que ce que Dieu a fait avec amour pour nous, nous devrions en avoir honte ? Les anciens païens d’Arabie (d’avant l’Islam, du temps de la Djahiliya) l’avaient d’ailleurs bien compris qui avaient coutume de tourner autour de la Kaaba lors de leur pèlerinage à La Mecque… nus ! Car le mal ne vient jamais du fait qu’un homme ou une femme
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soit nu… mais des regards que l’on peut éventuellement jeter, à une femme ou à un homme… nu ! Et ce dans tous les sens du terme d’ailleurs, car si aucune nudité ne saurait offenser Dieu, ni la vraie Pudeur (celle des sentiments), il en est par contre qui peuvent heurter quelque peu notre sens (humain et uniquement humain, donc daté), de l’esthétique, ou des convenances. Si la nudité peut sembler naturelle sur une table d’opération dans un hôpital, ou sur une plage, elle peut par contre apparaître déplacée, aux yeux de certains dans un magasin d’alimentation par exemple. Ou dans les rues de nos modernes jungles, urbaines. Par contre pour les Grecs antiques elle ne l’était pas dans un stade.
Quant à la concupiscence que nous venons d’évoquer, n’oublions pas que c’est un péché bien véniel au regard des immenses avantages que Mère nature et la vie nous ont conférés en matière de reproduction, en nous sexuant (les amibes ne peuvent pas évoluer par mutation génétique, elles ne peuvent que se reproduire à l’identique), variabilité des formes, possibilité de choisir, néoténie, etc.
f) Sept doigts, sept pupilles… est-ce vraiment bien normal ? S’agissait-il pour les bardes ayant composé ces récits de bien montrer que ce n’était vraiment pas un homme ordinaire ??
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LA COUR FAITE À AEMER
(LA DEMANDE EN MARIAGE D’AEMER).
Tochmarc Emire.
C’était un jour que les Ulates étaient à Emain Macha en train de boire (de la bière) à la Iarn-gual (cuve de fer) avec Cunocavaros/Conchobar. On y faisait cent fois le plein de boisson chaque soir. C’était la boisson couleur de charbon qui devait satisfaire tous les Ulates en même temps. Les chefs guerriers à char d’Ulidia s’entraînaient sur des cordes tendues d’une porte à l’autre de cette maison d’Emain. La longueur de la salle était de cent quatre-vingt-quinze pieds. Les chefs de char se livraient à trois exercices appelés le coup du javelot, le tour des pommes, et le coup du fil de l’épée a).
Voici quels étaient les chefs de char qui accomplissaient ces exercices : Conall Le victorieux (le victorieux) fils d’Amorgen ; Fergus fils de Roich l’audacieux ; Loegairé Buadach (le triomphant) fils de Connad ; Celtchar, fils d’Uthider ; Dubthach fils de Lugaid ; le jeune Hesus Cuchulainn fils de Sualtam ; Scel fils de Barnene, le gardien des portes d’Emain Macha. C’est de lui que vient l’expression « une histoire de Scel », car c’était un grand conteur b).
Le jeune Hésus Cuchulainn les surpassait tous dans ces exercices à cause de sa rapidité ainsi que de son agilité. Les femmes d’Ulidia aimaient toutes beaucoup notre héros pour la rapidité qu’il manifestait dans ces exercices, pour l’agilité de ses sauts, pour l’excellence de sa sagesse, pour la douceur de ses paroles, pour la beauté de son visage, pour l’amabilité de son regard. Car il avait sept pupilles dans ses magnifiques yeux, quatre dans un et trois dans l’autre. Il avait sept doigts dans chaque main, et sept orteils à chacun de ses pieds. Nombreux étaient ses boudismes c). Et tout d’abord son don de prudence, du moins jusqu’à ce qu’apparaisse autour de sa tête la flamme du guerrier, son don pour les tours de force, son don pour le jeu de tablut (les échecs celtes) son don pour le jeu de dames, son don pour le calcul, son don pour trouver la vérité, son bon sens et enfin sa beauté.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 18.
a) Le coup du javelot, le tour des pommes, et le coup du fil de l’épée… Voir contre-lai N° 27.
b) Comme presque toutes les étymologies médiévales irlandaises cette étymologie (du mot scela) n’est bien entendu qu’un simple jeu de mots sans aucune valeur scientifique.
c) Gaélique buada/buaid. Comment rendre ou traduire au mieux ce terme gaélique qui signifie à la fois victoire butin et don ? Boudisme ? Nos amis chrétiens, eux, appellent ça des « charismes ». On en trouve une bonne description (selon eux) dans le chapitre XII de la première épitre de Paul aux Corinthiens (sagesse, science, foi, guérisons, pouvoir d’effectuer des miracles, prophétie, discernement des esprits, diversité de langues, et don de les interpréter).
d) Mieux qu’un simple jeu d’échec, le buanfach est peut-être une sorte de fidchell, viducesla en vieux celtique, un jeu de tablut celte.
e) Le Hésus Mars Sétanta Cuchulainn n’est donc pas qu’un guerrier, c’est aussi un homme instruit (voir l’étendue de son savoir) et intelligent (arithmétique raisonnement et discernement). Résultat de son éducation trifonctionnelle exceptionnelle.
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Le jeune Hesus Cuchulainn avait néanmoins trois défauts : il était trop jeune (car il n’avait pas encore de barbe et tous les jeunes inconnus s’en moquaient), il était trop hardi et il était trop beau. Les Ulates tinrent conseil à son sujet, car leurs femmes et leurs filles en étaient toutes amoureuses. Le Hesus
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Cuchulainn n’avait pas de femme à ce moment-là en effet. Leur avis fut qu’ils devaient se mettre en quête d’une fille que le jeune Hesus Cuchulainn pourrait choisir de demander en mariage.
Car ils étaient certains qu’un homme qui avait une femme pour s’occuper de lui serait d’autant moins tenté de leur prendre leurs filles ou d’accepter l’amour de leurs femmes. En outre ils étaient inquiets ou avaient peur qu’il périsse prématurément, aussi, pour cette raison également, ils souhaitaient lui trouver une épouse avec laquelle il pourrait avoir un héritier. Car ils savaient très bien qu’un guerrier comme lui ne pourrait renaître que de lui-même (Ar ro fedatar is vadh bodesin nobíad a athcin ou Ar rofetatár is úad fessin no bíad a athgein).
Alors Cunocavaros/Conchobar envoya neuf hommes dans chaque province de la verte Erin pour trouver une femme au jeune Hésus Cuchulainn, pour voir s’ils trouvaient dans quelque château ou quelque chef-lieu d’Erin une fille de roi ; ou de chef, ou d’intendant d’une terre quelconque, qu’il plairait à Cuchulainn de choisir de demander en mariage. Mais revinrent bredouilles au bout d’un an, sans avoir trouvé une jeune fille que le Hésus Cuchulainn pourrait demander en mariage. Sur ce le Hésus Cuchulainn lui-même partit demander en mariage une jeune fille qu’il savait demeurer au Jardin de Lug, c’est-à-dire Aemer la fille de Forgall le rusé. Le Chien de Culann lui-même et son cocher Loeg, fils de Riangabar, montèrent dans son char. C’était le seul char que la troupe des chevaux d’attelage d’Ulidia ne pouvait suivre, en raison de la rapidité ou de la vitesse du char et de celui qui s’y tenait assis. Ensuite le Hésus Cuchulainn aperçut la jeune fille sur son terrain de jeu, avec ses sœurs de lait (par adoption) autour d’elle.
C’étaient les filles des intendants du pays qui vivaient dans les environs du château de Forgall. Elles apprenaient les travaux d’aiguille et la broderie auprès d’Aemer. C’était la seule de toutes les jeunes filles de la verte Erin qu’il estimait digne d’être demandée en mariage par lui. Car elle avait six dons : le don de la beauté, celui d’avoir une voix captivante, d’avoir de douces paroles, du talent pour les travaux d’aiguille, le don de la sagesse et enfin celui de la chasteté. Le jeune Hésus Cuchulainn se disait qu’aucune jeune fille ne pourrait lui convenir hormis celle qui serait son égale en âge, en allure, et en lignage, en habileté, en agilité, qui serait la meilleure à l’ouvrage parmi les jeunes filles de la verte Erin, et qu’aucune femme ne lui conviendrait à moins d’être ainsi. Comme était la seule jeune fille à remplir toutes ces conditions, le Hésus Cuchulainn alla donc la demander en mariage entre toutes.
Et ce fut dans son habit des jours de fête que le Hésus Cuchulainn alla ce jour-là parler à Aemer et lui montrer sa beauté. Alors que les jeunes filles étaient assises sur le banc des rassemblements au château, elles entendirent soudain quelque chose venir vers elles : le martèlement des sabots des chevaux, les grincements du char, le craquement des courroies, le crissement des roues, la ruée de notre héros, le cliquetis de ses armes.
Que l’une d’entre vous aille voir, dit Aemer, ce qui arrive ainsi droit sur nous.
En vérité je vois-là, s’exclama Fiall, une autre fille de Forgall, deux coursiers identiques en taille, beauté, fougue, vitesse, attelés ensemble, portant la tête haute, vifs, puissants, les oreilles aux aguets (?), la bouche mince, avec de longues tresses, un front large, tacheté de partout, assez minces, mais très larges, impétueux, la crinière bouclée, la queue redressée fièrement. Attaché à droite du timon du char il y a un cheval gris, à la croupe large, fougueux, rapide, véloce, indomptable, au grand trot, doté d’une large crinière, aux sabots fracassants quand ils touchent le sol, la crinière bouclée, portant la tête haute, au poitrail large. Des flammes bondissent de la glèbe sous ses quatre sabots, une nuée d’oiseaux rapides le suit et il va au grand trot tout le long de la route, de ses naseaux jaillissent par intermittence des jets d’haleine brûlante, de ses mâchoires qui portent un mors sortent des volées de flammes chargées d’étincelles. L’autre cheval est noir comme le jais, il a une tête puissante, il est rond, a le pied léger, mais de gros sabots, il est vif, bouclé, natté, tressé, a un large arrière-train, il est bien ferré, fougueux ; il trotte puissamment, pose son pied fermement, a une crinière longue et bouclée, une longue queue bien recourbée, il a le front large, il se déplace avec grâce après avoir battu les autres chevaux de la contrée, il bondit par-dessus le foin fraîchement coupé, il ne trouve aucun obstacle pouvant l’arrêter sur cette terre…
Derrière il y a un char fait de bois de qualité ainsi que d’osier tressé, auquel sont fixées des roues de bronze blanc. Il a un timon d’argent blanc avec un support de bronze blanc. Un cadre en étain grinçant élancé, rond et solide. Un joug en or puissamment recourbé. Deux bonnes rênes jaunes tressées. Des montants durs et droits comme des lames d’épée. Il y a un homme sombre et triste (?) dans ce char, le plus beau des hommes de la verte Erin. Une belle cape pourpre faisant cinq fois le tour de sa poitrine, une broche d’or fin travaillé sur sa blanche poitrine dans l’ouverture, une broche sous laquelle son cœur bat presque à tout rompre. Il porte une chemise à capuche blanche bariolée
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de rouge et d’or flamboyant. Sept escarboucles rouges en pierre de dragon au fond de chacun de ses deux yeux. Ses deux joues étaient bleues, blanches, et rouge sang et des gerbes d’étincelles ou de flammes en sortaient. Le feu de l’amour brûle aussi dans son regard. On dirait qu’une pluie de perles s’est abattue sur sa bouche. Aussi noir que les flancs d’un… ?…… était chacun de ses deux sourcils.
Il a une épée à pommeau d’or sur chacune de ses cuisses. Il y a un javelot rouge sang bien adapté à sa main avec une lame aigüe et nerveuse sur une hampe de bois, attachée au cadre en cuivre du char. Un bouclier pourpre à bordure d’argent, orné de figures animales en or, sur ses épaules. Il exécute le saut du saumon des champions… ?
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº19.
Car ils savaient très bien qu’un guerrier comme lui ne pourrait renaître que de lui-même ? S’agit-il de la croyance en une future réincarnation du Hesus Cuchulainn ?? De la croyance en un prochain retour sur terre du Hesus Cuchulainn ? Ou tout simplement de la croyance quelque peu raciste et sexiste (machiste) en l’importance de l’hérédité ou de l’atavisme dans la transmission des dons et talents ?
John Rhys dans le deuxième volume de son livre sur le folklore celtique gallois et mannois, pense qu’il s’agit de la croyance qui veut que, quand un enfant vient au monde, c’est un des ancêtres de la famille qui revient sur terre pour y vivre de nouveau. Un avatar en quelque sorte ! Et il cite on se demande bien pourquoi en fait, à l’appui, les mots de Don Diègue à son fils victorieux, dans la pièce de théâtre du Français Pierre Corneille, intitulée le Cid :
…………… ton illustre audace
Fait bien revivre en toi les héros de ma race.
En tout cas le gaélique « athcin/athgein » a bien le sens de renaissance ou régénération.
Intendant… le terme gaélique ainsi rendu par nous est briugu. Le briugu (= hospitalier) était un petit seigneur ou un petit noble chargé de l’intendance d’un grand. Il recevait dans son bruiden (hôtel) tous ceux qui demandaient l’hospitalité.
Loeg, fils de Riangabar… dans le récit des exploits d’enfance du jeune Cuchulainn il est appelé Ibar fils de Riangabra. À moins qu’il ne s’agisse d’un de ses frères.
Deux coursiers identiques en taille… il s’agit bien entendu des deux poulains qui ont été donnés à notre héros à l’occasion de sa naissance.
Pour plus de détails sur ce genre de véhicule, voir les recherches du professeur Raymond Karl, de l’université de Bangor au pays de Galles.
Bronze blanc ? Findruine en gaélique en tout cas.
Il y a un homme sombre et triste dans ce char ? Cuchulainn n’est pas qualifié de « dub », mais de « find » c’est-à-dire de beau et lumineux, dans d’autres de nos textes.
Un bouclier pourpre à bordure d’argent, orné de figures animales en or… peut-être s’agit-il là des premières armoiries médiévales ?
Le saut du saumon… Voici comment il était encore effectué dans l’île d’Inishmore (Aranmor) vers 1900, d’après John Millington Synge.
Après avoir effectué quelques tours d’adresse, notre auteur fut en effet surpris de constater que personne parmi les insulaires, même les plus jeunes et les plus agiles, n’était capable de faire ce qu’il avait fait… un homme cependant, le champion de danse de l’île, se leva au bout d’un petit instant et fit une démonstration du saut du saumon – d’abord allongé à plat sur le visage puis bondissant après à l’horizontale à une hauteur surprenante – ainsi que de quelques autres prouesses témoignant d’une extraordinaire agilité, mais nous ne pûmes obtenir de lui qu’il se mette à danser (John Millington Synge. Les îles Aran. Partie III).
Le fait que ce soit un champion de danse qui ait pu réussir ce saut du saumon montre assez qu’il s’agissait du résultat d’un long entraînement sportif, mais réservé à l’époque aux guerriers. Et
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confinant presque à celui des adeptes du kalaripayat indien. On y retrouve en tout cas le même sens de l’observation des animaux.
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Il y a un cocher devant lui sur le char, un homme très mince, aux flancs très longs, couvert de taches de rousseur. Il a des cheveux roux très bouclés sur la tête. Un cercle de bronze sur le front afin d’empêcher ses cheveux de lui tomber sur le visage. Des patènes d’or de chaque côté de l’arrière de la tête pour retenir ses cheveux. Il porte un manteau d’épaules à manches, qui laisse dépasser les coudes. Il a une baguette d’or rouge dans la main avec laquelle il dirige les chevaux.
Pendant ce temps-là le jeune Hésus Cuchulainn parvint à l’endroit où se tenaient les jeunes filles. Et il leur souhaita une bonne journée. Aemer leva ses magnifiques beaux yeux et reconnut le Chien de Culann. Elle lui dit alors : « Dieu puisse aplanir le chemin devant toi ! »
« Puisse tout mal t’être épargné ! » répondit-il.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 20.
À manches ou sans manches ? Si c’est un petit manteau sans manche, il peut s’agir d’un birrus (plus court qu’un cucullus). Mot à l’origine de notre moderne béret (anciennement un capuchon).
Il a une baguette d’or rouge dans la main avec laquelle il dirige les chevaux. Donc pas de fouet !
« Dieu puisse aplanir le chemin devant toi » ? « Les dieux puissent aplanir le chemin devant toi ! » oui !
Car la censure chrétienne est passée par là et a fait comme les médias aujourd’hui (elle a présenté les choses à sa façon y compris en recourant aux non-vérités voire aux contrevérités, idéologie dominante et bourrage de crâne ou manipulation des esprits par les journalistes obligent ! (NB. Autrefois on disait plutôt : « Noblesse oblige ! » = « la vraie noblesse a d’abord des devoirs »).
N’oublions pas aussi, très important, que tout cela est également marqué du sceau de la déviation irlandaise et ne correspond pas nécessairement à la mythologie panceltique la plus authentique…
Aemer et le Hésus Cuchulainn ne désirant pas être compris des autres filles vont ensuite communiquer uniquement par allusion ou métaphore. D’où le côté un petit peu contourné du dialogue qui suit, et qui est un remarquable exemple de iarn berla ou berla féné, mais pas si compliqué que cela dans le fond.
Un peu comme si, au lieu de dire « New York » on disait « le nouvel Eburacum » ou « la ville de la Liberté » ou « la ville où il y a la statue de la Liberté de Bartholdi », voire, dans un tout autre registre, la « grosse pomme ».
Comme si au lieu de dire « Los Angeles » on disait « la ville des anges » ou « une ville anciennement mexicaine ». Ou « ville de l’amour fraternel » au lieu de Philadelphie. Comme si, au lieu de dire « New Orleans » l’on disait « la nouvelle ville délivrée par Jeanne d’Arc », qui a effectivement libéré la ville française d’Orléans du blocus anglais qui l’asphyxiait, en 1429.
N.B. La ville avait auparavant été ceinturée de bastilles par les Anglais. C’est donc contre ces bastilles que Jeanne d’Arc dirigera ses attaques dans un premier temps. Après plusieurs sorties à la tête de ses troupes, cette intelligente et courageuse jeune fille de 17 ans contraint les Anglais à s’enfermer à l’intérieur. Les assiégeants deviennent, à leur tour, assiégés ! Le reste n’est plus qu’une question d’heures. L’attaque de la dernière bastille, le fort des Tourelles, par les soldats écossais ou français, commencera le samedi 7 mai, au petit matin, après la messe.
Jeanne d’Arc paie de sa personne en montant elle-même à l’assaut des murs. Elle est blessée d’une flèche à l’épaule. Quand le soir tombe, les assaillants français ou écossais sont épuisés, ils s’apprêtent à donner le signal de la retraite. La jeune fille, qui s’est retirée à l’écart pour se reposer ou prier, comprend très vite ce qui se passe. Elle agite donc sa bannière afin de donner le signal d’un ultime assaut. Le capitaine anglais, qui commande la bastille, tombe des murailles et se noie dans la Loire. La bastille est prise. Les liaisons sont rétablies entre Orléans et le sud du fleuve. Le lendemain, l’armée anglaise se met en ordre de bataille dans la plaine. Mais Jeanne d’Arc refuse le combat, car c’est un dimanche. Le capitaine qui commande l’armée anglaise comprend très vite qu’il n’a plus rien
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à gagner s’il reste là. Il lève donc le siège et se retire. Victoire pour les Français… mais aussi les Écossais, qui défendaient la ville.
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D’où viens-tu ? demanda-t-elle.
D’Intide Emna, répondit-il.
Où avez-vous dormi ? demanda-t-elle.
Nous avons dormi, répondit-il, dans la maison de l’homme qui s’occupe du bétail de la plaine de Tethra.
Que vous a-t-on servi alors ? demanda-t-elle.
La fin d’un char a été préparée pour nous, répondit-il.
Par quelle route es-tu venu ? demanda-t-elle.
Nous sommes passés entre les deux montagnes du bois, répondit-il.
Quelle route as-tu suivie après cela ? demanda-t-elle.
Ce n’est pas difficile à dire, répondit-il. « Depuis le linceul de la mer, par le grand secret des hommes de la déesse , par l’écume des deux coursiers d’Emain, par le jardin de la Morrigane, par l’échine du grand pourceau, par la vallée du grand daim, entre le dieu et son devin, par la moelle épinière de la femme appelée Fedelm, entre le sanglier de tête (triath) et sa laie, par le bain des chevaux de la grande déesse, entre le roi d’Ana et son serviteur (gnia), jusqu’aux quatre abris souterrains de Mannchuile, par Grand Malheur, par les reliefs du grand festin, entre la grande cuve et la petite cuve, au jardin de Lug, jusqu’aux merveilles du neveu de Tethra le roi des vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomores ».
« Et qu’as-tu à raconter en ce qui te concerne, O jeune fille ? » demanda le Hésus Cuchulainn.
Ce n’est pas difficile à dire, assurément, répondit la jeune fille. Je suis la Tara des femmes, la plus blanche des filles, un ? de chasteté, un interdit qui n’a pas été violé, un guetteur qui ne voit personne. Une femme modeste comme un vers de terre, un… ?…… Un roseau que personne n’approche. La fille d’un roi, une flamme d’honneur, une route qui ne peut être parcourue… car il y a de solides chaperons qui me suivent partout pour me protéger de quiconque voudrait m’enlever contre leur gré, à leur insu et à l’insu de Forgall.
Et qui sont donc ces champions qui te suivent partout, O jeune fille ? demanda le Hésus Cuchulainn.
Ce n’est pas difficile à dire en vérité, répondit Aemer. Deux Lui, deux Luath et Lath Gaible, fils de Tethra, Triath et Trescath, Brion et Bolor, Bas, fils d’Omnach, huit Codla, et enfin Conn, un autre fils de Forgall.
Chacun d’entre eux a la force de cent hommes et les hauts faits de neuf champions à son actif. Quant à Forgall lui-même, il est difficile d’énumérer ses nombreux pouvoirs. Il est plus fort que n’importe quel homme du peuple, plus instruit que n’importe quel druide, plus cinglant qu’un chansonnier. Il faudra plus que tous tes tours pour affronter Forgall lui-même. Car nombre de ses pouvoirs ont fait l’objet d’histoires, mais… ?……
Pourquoi ne me compterais-tu donc pas, O jeune fille, au nombre de tous ces puissants chaperons ? demanda le Hésus Cuchulainn.
Si tes prouesses deviennent légendaires, pourquoi pas ?
En vérité je te le jure, O jeune fille, s’exclama le Hésus Cuchulainn, je vais faire en sorte que mes exploits soient relatés au même titre que les plus glorieux tours de force de nos héros.
Et quelle est donc ta force ? demanda Aemer.
Ce n’est pas difficile à dire en vérité, répondit-il. Quand je ne suis pas au mieux de ma forme, je peux me défendre contre vingt hommes. Un tiers de ma force me suffit pour en affronter trente. À moi tout seul je peux en combattre quarante. Ma protection en arrête cent. Par peur ou crainte de m’affronter on évite les gués ainsi que les champs de bataille. Troupes, multitudes, et foules en armes s’enfuient terrorisées rien qu’à ma vue.
Ce sont là les bons combats d’un jeune garçon, répondit la jeune fille, mais tu n’as pas encore la force des chefs de char.
En vérité, O jeune fille, j’ai aussi été bien élevé par mon père adoptif bien aimé, Cunocavaros/Conchobar. Il n’assure pas comme un rustre l’éducation de ses enfants, ce n’est pas entre les dalles du sol et un pétrin, ni entre le feu et le mur de l’âtre, ni au fond d’un garde-manger ? que j’ai donc été alors élevé par Cunocavaros/Conchobar, car c’est parmi les chefs de char et les
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champions, au milieu des bouffons et des druides, avec les poètes et les hommes instruits, mêlés aux intendants (briuga) et aux fermiers ulates, que j’ai grandi ; de sorte que j’ai toutes leurs manières et tous leurs talents.
Et qui donc t’aurait formé à toutes ces prouesses dont tu te vantes ? demanda Aemer.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 21.
Des hommes de la déesse… Fer n’Deaa dans notre texte. Autrement dit les Tuatha dé Danann.
Laie. L’expression gaélique exacte est « mar daim », mais ce terme (damh) est difficile à traduire. Femelle.
Cuil est un terme gaélique difficile à traduire, mouche, noisette, bois de noisetier, recoin ? À noter, l’expression gaélique cuil didin signifie : un coin abrité.
Les Fomores… Une pierre gravée de Meigle dans le Perthshire (la stèle 22 du musée local) en représente un, une sorte de triton ou de sirène mâle tirant sur ses nattes, les jambes croisées, entrelacées, se terminant toutes deux en queue de poisson. Vu ce qui peut sembler être des cornes, certains néo-druides d’aujourd’hui l’ont assimilé (à tort, car il s’agit seulement du début de la chevelure) au dieu gaulois Cornunnos. Cette mystérieuse créature est flanquée par deux animaux difficiles à identifier (un ours et un chien ?), mais dont les griffes sont très visibles.
Ces entités non humaines sont appelées Andernas en Europe centrale. Voir aussi par exemple le Jupiter cavalier terrassant un anguipède géant.
N.B. Ces colonnes de Jupiter sont des structures monumentales trouvées principalement sur un territoire allant de la Rhénanie à la Grande-Bretagne. Elles sont surmontées par un cavalier céleste dont le cheval se cabre après avoir terrassé, ou foule au pied, un monstre vaguement humain, dont les jambes sont serpentiformes.
Ce thème mythique a évidemment été repris par les premiers chrétiens, notamment dans l’hagiographie de saint Columba d’Iona (il chasse le monstre du Loch Ness) ou saint Patrice chassant les serpents d’Irlande (il n’y a jamais eu de serpents dans cette île bénie des dieux) voire saint Honorat chassant les serpents de l’île de Lérins sur la Côte d’Azur (saint Patrice y aurait prétendument séjourné, mais c’est un mensonge de plus à mettre à l’actif de nos amis chrétiens).
En Grande-Bretagne nous avons également le bas-relief trouvé à Stragglethorpe dans le Lincolnshire. Celui représentant un cavalier terrassant un serpent pris entre les pieds de son cheval, pas celui représentant saint Michel triomphant du dragon).
Ses nombreux pouvoirs… le terme gaélique est chumachtae/cumachtae : des pouvoirs préternaturels ou magiques indique le dictionnaire électronique de l’Irlandais (DELI). Préternaturel est le terme généralement utilisé par les théologiens catholiques pour évoquer les dons qu’aurait accordé le Dieu Démiurge (créateur) de ce monde, selon eux, au premier homme (Adam), dons qu’il aurait perdus en se retrouvant expulsé du Paradis terrestre. Nous y reviendrons. Il s’agit donc de pouvoirs incontestablement au-delà de ceux des hommes normaux. Le père d’Aemer a tout d’une créature de l’autre monde.
Les briuga = intendants. On retrouve ensuite en effet le thème de l’éducation trifonctionnelle du petit Hésus Sétanta Cuchulainn.
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Ce n’est pas difficile à dire en vérité. Sencha celui qui parle bien m’a enseigné afin que je sois fort, sage, rapide, habile… je suis avisé dans mes jugements, je n’oublie jamais rien. Je… parle ?… à quiconque avant les sages, j’écoute ce qu’ils ont à dire. Je contribue à former les jugements des Ulates, et je ne les détourne pas, grâce à cette formation prodiguée par Sencha. Blai l’intendant (le briugu), m’a pris avec lui à cause de la parenté de sa race, de sorte que j’ai eu tout ce qu’il me fallait avec lui, de sorte que je peux recevoir maintenant tous les hommes de la province de Cunocavaros/cCnchobar avec leur roi. Je peux les entretenir pendant toute une semaine, je conserve à l’abri leurs cadeaux et leurs trophées, je les aide dans la défense de leur honneur et le paiement de leurs amendes. Fergus est devenu mon père adoptif si bien que je peux tuer de puissants guerriers grâce à la seule force de ma bravoure. Je suis redoutable en valeur et en prouesse, de sorte que je suis en mesure de protéger la frontière du pays contre des ennemis étrangers. Je suis le recours du pauvre, je suis un rempart vivant contre les exactions du riche, je réconforte le malheureux, je m’occupe des méfaits du puissant, et tout cela grâce au fait que je fus adopté par Fergus.
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Amorgen le poète m’a pris dans son giron, de sorte que je peux chanter les qualités d’un roi, de sorte que je peux soutenir la comparaison avec n’importe qui pour ce qui est de la bravoure, des prouesses, de la sagesse, de la splendeur, de l’habileté, de la justice, de la hardiesse. Je suis le rival de tout chef de char, je ne dois rien à personne, mais tout à Cunocavaros/Conchobar. Finnchoem s’est occupée de moi, de sorte que le victorieux Conall Le Victorieux est mon frère de lait (par adoption). Catubatuos/Cathbad au doux visage m’a aussi instruit pour l’amour de Dexiua ? Duxtir ? Dechtire (Epona ?) si bien que je suis devenu un expert dans les arts du dieu du druidisme, si bien que je suis versé dans les arcanes de la connaissance suprême. Tous les Ulates m’ont également élevé, que ce soit les cochers ou les chefs de char, les rois ou les grands docteurs en druidisme (ollam), si bien que je suis l’enfant chéri de la troupe et de la multitude, si bien que je me bats pour leur honneur à tous pareillement. Is soer em do roegartus-sa o Lug mac Cuind maic Etlind de echtrai dén Dectirie co tech m-Buirr in Broghai ? Et toi, O jeune fille, demanda le Hésus Cuchulainn, comment as-tu grandi dans le Jardin de Lug ?
Ce n’est pas difficile à dire, répondit la jeune fille, j’ai donc été en ce qui me concerne élevée selon les anciens principes, dans le respect des lois, de la chasteté, comme… ?… une reine, dans le culte de la majesté, de sorte que l’on peut m’attribuer toutes les grâces de… ?…… femmes.
Ce sont là de bien nobles principes en vérité, répondit le Hésus Cuchulainn, pourquoi dans ces conditions ne nous conviendrait-il pas de ne plus faire qu’un ? Car je n’ai encore jamais jusqu’ici trouvé une jeune fille capable de s’entretenir avec moi de la sorte lors d’une rencontre.
As-tu déjà une femme, demanda la jeune fille, pour s’occuper… ?…… après toi ?
Pas encore, répondit le Hésus Cuchulainn.
Je n’ai pas le droit de me marier, rétorqua la jeune fille, avant ma sœur ainée, c’est-à-dire Fial, qui est ici à côté de moi. C’est une très bonne ménagère.
Ce n’est pas d’elle en vérité dont je suis tombé amoureux, répondit le Hésus Cuchulainn. Je n’ai jamais recherché de femme ayant déjà connu un homme avant moi, et j’ai entendu dire que cette fille avait une fois dormi avec Cairpré Niafer.
Alors qu’ils étaient en train de converser ainsi, le Hésus Cuchulainn aperçut la poitrine de la jeune fille dans le décolleté de sa chemise. Il s’exclama : « C’est une bien belle plaine que la plaine de ce noble joug ! » La jeune fille lui répondit alors en ces termes.
Personne n’ira sur cette plaine qui n’aura auparavant tué l’équivalent d’un arcat (une centaine ?) d’hommes à chaque gué, du Gué avec Scenmenn, en Ollbiné, jusqu’à… ??……
« C’est une bien belle plaine que la plaine de ce noble joug ! » dit encore une fois le Hésus Cuchulainn.
Personne n’ira sur cette plaine ajouta la belle Aemer, qui n’aura pas exécuté l’affreux génie (geni grainde) de la génisse du casque (??) pour enlever quelqu’un tout en portant le poids d’un autre et n’aura pas tué trois fois neuf hommes d’un coup, petit taurillon de la vache… ?……… tout en en épargnant un dans chaque neuvaine !
« C’est une bien belle plaine que la plaine de ce noble joug ! » insista le Hésus Cuchulainn une troisième fois.
Personne n’ira sur cette plaine, dit-elle encore une fois, qui ne se sera pas auparavant battu devant la pointe de Suan, le fils de Roiscmelc ?
o samshuan co h-oimhelc, h-o oimhelc co beldine, h-o beltine co brón trogain
[de Samon (ios) à Ambolc, d’Ambolc à Beltène, de Beltène à Bron Trogain ?]
« C’est dit, et ce sera fait ! » conclut le Hésus Cuchulainn.
« C’est offert, c’est accordé, c’est pris et c’est accepté », conclut à son tour Aemer. Mais petite question maintenant : « que dois-je savoir de toi ? » demanda-t-elle.
Je suis le neveu d’un homme qui se jette dans un autre dans le bois de la Bodua, répondit-il.
Et quel est ton nom ?
« Je suis le héros dont le bâton abat les chiens ! » répondit-il.
Après avoir tenu ces nobles propos, le Hésus Cuchulainn s’en alla et ils n’eurent pas d’autre entretien ce jour-là. Alors que le Hésus Cuchulainn traversait Brega, Loeg son cocher, lui demanda : « et maintenant, les propos que toi et la jeune Aemer vous avez ainsi échangés, que voulaient-ils dire en fait ? »
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N’as-tu pas compris, répondit le Hesus Cuchulainn, que j’étais en train de faire ma demande en mariage à Aemer ? Et c’est pour cela que nous avons déguisé nos propos de peur que les autres filles comprennent que j’étais en train de la courtiser, car si Forgall l’apprend, nous n’aurions pas son consentement.
Le Hésus Cuchulainn répéta ensuite leur conversation en commençant par le début à l’intention de son cocher, en lui expliquant afin que le chemin leur semble moins long.
« D’Intide Emna ! » ai-je répondu quand elle m’a demandé « d’où viens-tu ? ». Je voulais dire par là Emain Macha. Elle est appelée ainsi, Emain Macha, parce que Macha la fille de Sainred, fille d’Imbotha, épouse de Crunnchu, fils d’Agnoman, battit à la course les deux meilleurs chevaux du roi, après y avoir été obligée par une injonction magique (geis). Après les avoir vaincus elle mit au monde en même temps un garçon et une fille. Et c’est à cause de ces deux jumeaux (emain) que ce lieu est appelé ainsi, et c’est à cause de cela qu’il est aussi appelé la plaine de Macha. À moins que ce soit en fait à cause de l’histoire qui suit. Trois rois régnaient ensemble sur la verte Erin. C’étaient des Ulates : Dithorba, fils de Diman, d’Uisnech de Mide, Aed le rouge, fils de Badurn, fils d’Argatmar du pays d’Aed, Cimbaeth, fils de Fintan, fils d’Argatmar du pays de Finnabar en Mag Inis. Ce fut lui qui éleva Ugaine le Grand, fils d’Eochu le Victorieux. Ensuite les trois hommes conclurent un accord : chacun d’entre eux devait régner 7 ans. Ils s’entourèrent de trois fois sept garanties pour cela : sept druides pour les maudire à jamais ; ou sept poètes pour les satiriser ou les dénoncer, sept chefs pour les blesser ou les brûler, s’ils ne renonçaient pas chacun à régner au bout de sept ans, afin qu’il y ait toujours un bon gouvernement (fir flathua), c’est-à-dire des récoltes chaque année, sans baisses d’aucune sorte, et sans mort de femme en couches.
Son tour venu chacun d’eux régna donc, trois fois, durant une période de 63 ans. Aed le rouge fut le premier d’entre eux à mourir, après s’être noyé à Ess Ruaid (la chute d’eau, ess, du Rouge, Ruad) son corps fut emporté dans ce sidh (colline magique), d’où les noms de Sidh Aed et d’Ess Ruad. Il ne laissa aucun enfant à l’exception d’une fille, dont le nom était Macha la Rousse. Elle demanda donc à exercer son droit de régner le moment venu. Cimbaeth et Dithorba répondirent qu’ils ne céderaient jamais la royauté à une femme. Une bataille fut livrée pour les départager. Macha les mit en déroute et régna donc pendant 7 ans. Dithorba fut abattu pendant ce temps-là. Il laissa 5 nobles fils derrière lui : Brass, Baeth, Bétach, Uallacht et Borbchass. Ces derniers demandèrent alors eux aussi la royauté, mais Macha leur fit savoir qu’elle ne leur céderait en aucune façon, car ce n’est pas qu’elle l’avait obtenue suite à un accord, mais sur un champ de bataille et par la force. Une bataille les départagea.
Macha mit en déroute les fils de Dithorba, qui lui abandonnèrent une montagne de têtes, et partirent en exil au fin fond du Connaught. Macha prit ensuite Cimbaeth à ses côtés pour être son époux et être la tête de ses armées. Quand ils furent mariés, Macha partit à la recherche des fils de Dithorba déguisée en lépreuse, c’est-à-dire après s’être enduite de pâte de seigle et de… ?……
Elle les retrouva plus tard à Bairenn dans le Connaught, en train de faire rôtir un sanglier. Les hommes prirent de ses nouvelles et cette dernière leur en donna. Ensuite ils la laissèrent s’approcher du feu pour manger. L’un d’entre eux s’exclama : « Les yeux de cette gueuse donnent envie de faire l’amour, couchons donc avec elle ! »
Il l’entraîna dans les bois. Elle put attacher cet homme grâce à sa force qui était grande, et l’abandonna au fond du bois. Ensuite elle revint près du feu.
« Où est l’homme qui est parti avec toi ? » lui demandèrent-ils ?
Il a honte de venir vous retrouver, leur répondit-elle, après avoir couché avec une lépreuse.
Il n’y a aucune honte à ça, lui rétorquèrent-ils, car nous allons faire de même.
Et chacun d’entre eux à tour de rôle l’emmena dans les bois… où elle put les attacher l’un après l’autre puis les ramener enchaînés tous ensemble en Ulidia. Là les Ulates voulurent les tuer.
Non, leur objecta-t-elle, car ce serait signifierait la fin de mon bon et juste gouvernement (fir flathua). Mais ils seront condamnés aux travaux forcés, ils creuseront une forteresse (rath) pour moi, et ce sera là pour toujours le siège des rois d’Ulidia.
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Ensuite elle délimita pour eux le château fort (dun) avec sa broche, c’est-à-dire une fibule en or qu’elle portait autour du cou, autrement dit avec eo imma muin Macha : une broche au cou de Macha. Car c’est de là que vient le nom d’Emain Macha en vérité.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 22.
Je suis le recours du pauvre, je suis un rempart vivant contre les exactions du riche, je réconforte le malheureux, je m’occupe des méfaits du puissant… tout un programme digne des chevaliers de la Table ronde avant la lettre et dont certains de nos modernes politiciens comme Margaret Thatcher devraient bien s’inspirer.
Le dieu du druidisme… On ne peut s’empêcher ici de penser à ce que John Rhys a pu écrire sur la Tocade (ou le Tocad je ne sais plus) dans le deuxième volume de son livre sur le folklore celtique gallois et manx (à propos du mot gallois « tynghed »). La tragique et courte vie de notre héros en est une parfaite allégorie.
Febaib ou fedaib fiss… Serait-ce une allusion à la science des lettres ou runes de l’alphabet (oghamique, lépontique, ou autre) initial ?
L’affreux génie… Geni Grainde… on en sait plus sur les Geniti Glinne ou esprits des vallées qui interviennent dans un épisode du festin de Bricriu (Fled Bricrend) toujours au nombre de trois fois neuf. Le Hésus Cuchulainn sortira sain et sauf de son combat contre eux.
Ambolc = Ambivolca ou Ambivolcos en vieux celtique : la grande lustration, la lustration tout autour. Le premier février. Bron Trogain = l’équinoxe d’Automne, le 21 septembre.
« C’est offert, c’est accordé, c’est pris et c’est accepté ». Tope-là et marché conclu en quelque sorte. Cochon qui s’en dédit !
Intide Emna. Autre nom effectivement d’Emain Macha, la capitale des Ulates, aujourd’hui Fort Navan.
Une version plus détaillée de cette légende ajoute que c’est à la suite de cette trahison que les Ulates furent maudits par Macha. N’échappèrent à cette mystérieuse maladie que les enfants les femmes, et aussi le Hésus Cuchulainn, « car il n’était pas des Ulates », précise notre texte.
Eo imma muin Macha … ces étymologies sont évidemment toutes plus fantaisistes les unes que les autres et fondées avant tout sur des jeux de mots. Ah la science étymologique des moines chrétiens du Moyen-âge, quelle sous-culture ! La seule chose de sûre est que le nom irlandais de Macha vient du vieux celtique Magosia = la Plaine. D’où son association au cheval probablement (pour les courses).
Il s’agit peut-être aussi d’un mythe concernant Épona, mais déformé (ou disons ayant évolué dans un tout autre contexte) et inséré là par un barde voulant étaler sa science.
Fir flathua/Fir flatha. Les anciens Celtes attendaient apparemment beaucoup de leurs gouvernements. Nos modernes politiciens devraient donc s’inspirer de ce que nos ancêtres considéraient comme un vrai bon gouvernement (la prospérité, le recul de la mortalité, sans oublier bien sûr la paix, pour tout le monde). La notion en cause est néanmoins celle de vérité. Une valeur bien ringarde en politique aujourd’hui où ce qui compte davantage c’est surtout la communication (autrement dit, comment ne pas dire la vérité afin de pouvoir gagner les élections suivantes).
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L’homme dans la maison de qui nous avons dormi et dont j’ai parlé, c’est le pêcheur de Cunocavaros/Conchobar. Son nom est Roncu. C’est lui qui prend le poisson avec sa ligne dans la mer, car on compare souvent les poissons à du bétail marin, et la mer on l’appelle la plaine de Tethra un roi des vouivres anguipèdes gigantesques nommées Fomore.
J’ai parlé de ce qui a été préparé pour nous dans l’âtre de la cheminée : du poulain. La mort d’un coursier c’est en effet l’immobilisation certaine d’un char pour au moins trois semaines… ?…… car il est interdit (geis) pendant trois semaines d’y monter après avoir en dernier mangé de la viande de cheval. Puisque c’est le cheval qui est l’âme du char.
Entre les deux montagnes du bois ai-je dit. Ce sont les deux montagnes entre lesquelles nous sommes venus, c’est-à-dire la montagne de Fuat à l’ouest, et la montagne de Culinn à l’est. Oircel où nous sommes passés, c’est le bois entre ces deux montagnes, situé sur notre route, voilà donc ce que j’ai voulu signifier en disant à Aemer « entre les deux ».
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La route, ai-je dit, à partir du linceul de la mer, c’est-à-dire par la plaine de Muirthemné. Après le déluge il y eut en effet la mer à cet endroit pendant trente ans, d’où le nom de Mara Teime, c’est-à-dire le linceul ou la couverture de la mer. À moins que ce soit pour cette raison que c’est appelé la Plaine de Muirthemné. Il y avait là une mer mystérieuse avec une tortue géante dedans ? de sorte que l’on pouvait s’asseoir dessus, de sorte qu’un homme en armure pouvait s’asseoir sur le sol de… ?…… jusqu’à ce que le Suqellos Dagda Gargant vienne avec sa terrible massue et récite la formule magique suivante sur elle, de sorte qu’elle se vida instantanément …
?
?
NDLR : nous renonçons à traduire cette formule magique.
Par le grand secret des hommes de la déesse, c’est-à-dire par un mystérieux secret ou par un mystérieux chuchotement. On l’appelle le Marais de Dolluid aujourd’hui. Dolluid fils de Cairpre Niafer, y fut blessé par ? Avant cela cependant son nom était le secret des hommes de la Grande Déesse, car ce fut là que la mobilisation pour la bataille de la plaine des menhirs (Cath Maighe Tuireadh) fut préparée en premier par les Tuatha Dé Danann, afin se débarrasser du tribut que les vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomori leur extorquait, c’est-à-dire deux-tiers de blé, de lait, ainsi que de leur progéniture.
Par l’écume des deux coursiers d’Emain. Il y avait un jeune guerrier fameux qui régnait sur les Gaëls. Il avait deux chevaux élevés spécialement pour lui dans le Sid d’Eremon parmi les hommes de la Grande Déesse. Nemed fils de Nama était le nom de ce roi. Un jour ces deux chevaux furent lâchés hors du sid et un splendide torrent jaillit du sid derrière eux, il y avait beaucoup d’écume sur ce torrent, et cette écume se répandit sur le pays pendant très longtemps, car il en fut ainsi pendant une année entière, de là vient que cette eau fut appelée Uanub, c’est-à-dire l’écume de l’eau, et c’est notre Uanub d’aujourd’hui.
Le jardin de la Mara Rigu/Morrigu/Morgane La Fée ai-je dit, c’est Ochtur Netmon. Le Suqellos Dagda Gargant donna un jour cette terre à la fée Mara Rigu/Morrigu/Morgane et elle y vécut là. Un an après elle tua Ibor Boiclid, le fils de Garb, dans son jardin. Et il n’y eut plus de Moelain mulce poussant dans son jardin cette année-là, car le fils de Garb était un parent à elle.
Par l’échine du grand pourceau ai-je dit, c’est-à-dire par la crête de Breg. Car une silhouette de truie est apparue aux fils de Milé sur chaque colline et sur chaque hauteur de la verte Erin, quand ils arrivèrent dans l’île et voulurent débarquer à terre de force, après qu’un charme eut été jeté sur eux par les gens de la déesse Danu (bia).
La vallée du grand daim ai-je dit, c’est-à-dire la vallée de Breogann, la vallée de Breogann et la plaine de Breg tirant leur nom de Breoga, fils de Breogann Sendacht fils de Milé. Elle fut appelée Vallée du Grand Daim parce que Daim Dile fils de Smirgall fils de Tethra, qui régna sur la Verte Erin, a vécu ici. Ce Daim Dile mourut… ?…… femme… ?… de la plaine de Breg à l’ouest jusqu’à… ?……
J’ai dit la route entre le dieu et son devin, c’est à dire entre Mabon/Maponos/Oengus du sid du Brug et son prophète, autrement dit Bresal qui était un devin demeurant à l’ouest du Brug. Entre eux il n’y avait qu’une seule femme, la femme du forgeron. C’est la route par laquelle je suis venu. Mairne en effet se trouve entre la colline du Sid du Brug dans laquelle vit Mabon/Maponos/Oengus et le sid de Bresal le druide.
Par la moelle épinière de la femme nommée Fedelm ai-je dit, c’est-à-dire la Boinne. Cette rivière est appelée Boinne à cause de la Damona/Bovinda la femme de Borbo/Nechtan, fils de Labraid. Elle se rendit auprès de la source cachée en bas de leur château (dun) avec les trois échansons de Borbo/Nechtan, à savoir Flesc, Lesc et Luam. Personne ne pouvait s’approcher sans blêmir de cette source à moins que les trois échansons ne viennent avec. La reine y descendit en faisant preuve de beaucoup d’orgueil et de suffisance en affirmant que rien ne saurait nuire à sa beauté ni l’affecter. Elle tourna autour de la droite vers la gauche pour conjurer son pouvoir, mais elle fut touchée par trois vagues qui lui brisèrent les cuisses, la main droite et un des yeux. Elle courut hors du sid jusqu’à la mer pour échapper à cette agression. Mais où qu’elle passât, la source était sur ses talons. On l’appelle Segais dans le sid, Segsa de ce sid jusqu’à l’étang de Mocha, le bras de la femme de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd et la cuisse de la femme de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd après ça,
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la Boinne dans la province de Meath, elle est appelée Manchuing Arcait de Finda jusqu’à Troma, et la moelle épinière de la femme appelée Fedelm, de Troma jusqu’à la mer.
J’ai mentionné le sanglier de tête (triath) et sa dame, c’est-à-dire Cleitech et Fessi. Car si triath est le nom d’un sanglier, qui est le chef d’une compagnie ; c’est aussi le nom d’un prince à la tête d’une grande armée. Cleitech donc est… ?…… de bataille. Quant à Fessi c’est également le nom donné à une grande truie d’élevage. Un sanglier de tête et sa dame ai-je dit, et c’est bien entre un sanglier de tête et sa truie (Cleitech et Fessi) que nous sommes passés.
Le roi d’Ana, ai-je dit, et son domestique (gnia) c’est-à-dire Cerna par où nous sommes passés. Sid Cirine était son nom jadis. On l’appelle Cerna depuis… ?… C’est-à-dire qu’Enna Aignech tua Cerna, le roi d’Ana, sur cette colline (sid) et qu’il tua également son serviteur à l’est de cet endroit. Serviteur (Gnia) était son nom, d’où Rath Gniad (la forteresse de l’ouvrier) en Cerna, désormais. C’est Gese, le roi des fils d’Emné qui l’a fait construire de force, par Enna. Car il y avait une grande amitié entre Gese et Cerna.
Le bain des chevaux de la déesse, ai-je dit c’est-à-dire Ange. Bain des chevaux de la déesse était son nom à l’origine, car c’est à cet endroit que les Hommes de la grande déesse lavèrent leurs chevaux en revenant de la bataille de la plaine des menhirs (Caith Maighe Tuiread). Il fut appelé Ange d’après le nom du roi dont les clans de la déesse Danu (bia) lavèrent les chevaux ici.
Jusqu’aux quatre abris souterrains de Mannchuile, ai-je dit, c’est-à-dire Muin Chille. C’est là où demeurait Mann l’intendant (briugu). Le bétail fut décimé par une grande épidémie dans toute la verte Erin sous le règne de Bresal Bricc, fils de Fiacha Fobricc du Leinster. Alors Mannach fit aménager des domanchuili (de grands et profonds abris souterrains ?) au lieu-dit Uachtar Mannchuile aujourd’hui. Et… ?… pour les préserver de la peste. Ensuite il y fit la fête avec le roi et vingt-quatre couples pendant sept ans, Mannchuile donc ce sont les culie (abris) de Mannach, c’est-à-dire Ochtar Muinchille.
Le Grand Malheur ai-je dit, c’est-à-dire Ailbiné. Il y avait un célèbre roi ici dans cette partie de la verte Erin, Ruad fils de Rigdong du Munster. Il avait un rendez-vous avec des étrangers. Il alla donc à la rencontre de ces étrangers vers le sud d’Alpa (l’Écosse ? Les Alpes ?) avec trois navires. Il y avait trente homes à bord de chacun d’entre eux. La flotte fut arrêtée en pleine mer. Jeter bijoux et objets précieux par-dessus bord ne put réussir à les sauver. Il fut procédé à un tirage au sort parmi eux pour savoir qui plongerait dans l’océan pour trouver ce qui les retenait.
Le sort tomba sur le roi lui-même. Alors le roi Ruad fils de Ridgond sauta dans l’eau qui se referma aussitôt sur lui. Il se retrouva sur une grande plaine où neuf magnifiques jeunes femmes vinrent à sa rencontre. Elles avouèrent que c’étaient elles qui avaient arrêté les navires, afin qu’il vienne à elles. Ensuite elles li donnèrent neuf plats en or afin qu’il dorme avec elles neuf nuits, une nuit avec chacune d’entre elles. Ce qu’il fit. Durant ce temps-là ses hommes restèrent comme paralysés par le pouvoir magique de ces femmes. Une d’entre elles déclara que son tour de concevoir était venu et qu’elle aurait un fils, mais qu’il devrait revenir les trouver afin de prendre son fils au retour de son voyage vers l’est. Il rejoignit ses hommes aussitôt, et ils poursuivirent leur navigation. Ils restèrent chez leurs amis pendant sept ans, puis s’en revinrent chez eux en empruntant une autre route donc sans passer au même endroit. Enfin ils débarquèrent dans la baie d’Ailbiné. C’est là que les femmes vinrent les retrouver. Les hommes entendirent de la musique dans leur barque de bronze. Alors qu’ils étaient en train d’amarrer leur flotte, les femmes accostèrent et sortirent le garçon de leur barque pour le déposer à terre là où étaient les hommes. L’endroit était caillouteux et rocheux. Le garçon se mit à… ?… une des pierres, de sorte qu’il en mourut. En voyant cela, les femmes s’écrièrent toutes ensemble : Ollbiné, Ollbiné ! C’est-à-dire « Quel malheur ! Quel malheur ! » D’où vient que ce lieu est appelé Ailbiné.
Les reliefs du Grand Festin c’était Tailtiu/Talantio ; c’est là que Lug Scimmaig offrit un grand festin à Lug fils d’Ethliu, pour restaurer ses forces après la bataille de la plaine aux menhirs (Cath Maighe Tuireadh), car ce fut là son repas de noces avec la royauté. Les clans de la grande déesse avaient fait ce Lug roi en effet après que Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd eut péri sur le champ de bataille. Et en ce qui concerne leurs restes ils en firent une grande colline. Elle fut appelée « La butte du Grand Festin », ou « Les restes du Grand Festin » autrement dit Tailtiu/Talantio aujourd’hui.
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Quant aux merveilles du neveu de Tethra, c’est parce que Forgall le rusé donc est le neveu de Tethra, roi des vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomores, car nia et fils d’une sœur c’est la même chose, et on appelle aussi nia un champion (trenfer en gaélique bien sûr).
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 23.
Fomores… Ainsi que déjà vu, les Fomore sont des entités non humaines correspondant aux Andernas d’Europe (centrale). Voir contre-lai N° 21.
Trois semaines… Le terme gaélique utilisé dans notre texte est « nomad », c’est-à-dire littéralement une période de neuf nuits, car les anciens Celtes comptaient les journées à partir de la nuit. 7 jours de notre moderne calendrier cela faisait donc… neuf nuits. Nous y reviendrons ainsi que sur toutes ces geasa médiévales irlandaises dont certaines sont pour le moins surprenantes (il s’agit des vestiges d’anciens conseils de bon sens – de gros bon sens-, donnés originellement dans des circonstances très précises, mais dont le contexte initial a été perdu de vue, donc qui n’ont plus été compris, donc qui ont déformés. Ou alors de cas particuliers que la postérité a érigés en normes. Même problème avec certains passages de la Bible, du Coran voire des hadiths. Il faut les resituer dans leur contexte pour les comprendre et en tout cas pas forcément vouloir encore les appliquer maintenant (après avoir été justifiés à une époque ils sont dorénavant dépassés, obsolètes).
Pour ce qui est des cas particuliers devenus normes le problème est particulièrement aigu en terres d’islam (dar al islam), car cela impliquerait que les musulmans renoncent à la doctrine de l’isma, qu’ils mettent en œuvre dès qu’il est question du fils d’Amina (dit Mahomet). Ce qui est pour l’instant une révolution copernicienne dont les musulmans sont bien incapables, ne sont pas encore capables, car on est là dans le domaine du dogme voire carrément de la superstition, aurait dit le Voltaire anglo-irlandais Toland.
De sorte qu’elle se vida instantanément… On ne peut s’empêcher de penser au dieu (au dieu ou au démon évidemment, tout dépend du point de vue où on se place, reconnaissons-le ; pour les chrétiens par exemple, ce sont des démons) Suqellos, qui, sur le Continent, avec son maillet fait sauter la bonde des tonneaux ou met les barriques en perce.
Les deux tiers de leur progéniture.… Ainsi qu’on peut le voir, le devchirmé ou tribut en hommes réclamé par les Andernas appelés Fomores en Irlande, était encore plus élevé que celui prélevé par les autorités musulmanes de la Sublime Porte dans les Balkans jusqu’au XVIIIe siècle.
Morgane… la fée ?
Moelain mulce. Plante difficile à identifier : vesce, ers, peucédan officinal ou fenouil de porc, ivraie ?? De toute façon le rapport entre les deux événements n’est pas évident.
Ainsi que nous avons eu l’occasion de le dire à maintes reprises, et avec force détails, l’histoire des origines milésiennes des Gaëls n’est qu’une pure fiction, un mythe au mauvais sens du terme, c’est-à-dire complètement inventé par les bardes irlandais de cette époque, afin de flatter l’orgueil des cours princières ou seigneuriales locales en les rattachant à de lointaines et antiques dynasties (les pharaons, etc.). L’intrusion dans le récit des fiançailles de notre seigneur Hésus (Cuchulainn) de Muirthemné, constitue la preuve s’il en fallait que ces légendes abracadabrantes étaient si répandues dans le pays depuis des lustres, qu’elles avaient en quelque sorte force de loi (depuis Nennius ? Depuis la christianisation ?). Sur le sujet, voir nos leçons 2 et 3.
Damona et Bovinda sont à peu près synonymes. Damona signifie la grande daine, la grande vache, et Bo Vinda la vache blanche la belle vache. Seule différence : Damona est utilisé sur le Continent, Bo Vinda en Irlande.
Nechtan est un nom irlandais, peut-être d’origine latine (cf. le dieu romain Neptune pour Georges Dumézil) correspondant au dieu des eaux terrestres continental appelé Borbo, Borvo, Bormo, etc.
Labraid veut dire « celui qui parle, le parleur » en gaélique. Labro en vieux celtique. Allusion au murmure divinatoire ou prophétique des sources.
Tobar, tobuir, tobair, topair, toibre, tobur, est un terme gaélique difficile à traduire dans la mesure où beaucoup de sources ont été aménagées par l’homme et ressemblent donc quelque peu à des puits.
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Bref, la Boinne porte plusieurs noms, un nom tiré du radical seg à sa source, qui est magique évidemment (une des entrées ou sorties de l’autre monde comme la Sequana de nos amis parisiens ?).
La femme de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd ?? Mais au début de l’épisode, elle est qualifiée de femme de Borbo/Nechtan. Il est vrai que nos incorrigibles bardes irlandais n’en sont plus à une contradiction près. La Damona Bovinda (Boand) est d’ailleurs appelée Fedelm à la fin de ce passage, ce qui n’a rien à voir ici, alors… en tout cas cela prouve bien que la tradition panceltique originelle authentique, avait déjà commencé à sérieusement se dégrader en Irlande à cette époque : nos amis bardes chrétiens mélangeaient tout et perdaient de vue la belle simplicité originelle des mythes panceltiques primitifs. Ce que d’aucuns appellent « tomber dans l’hérésie ».
Entre un sanglier dominant et sa laie = entre Cleitech et Fessi ? Jeu de mots un peu tiré par les cheveux.
Navigation au sud de l’Écosse, puis vers l’est ? Tout ceci n’est qu’un conte de fées dont le modèle initial doit être très ancien. Étrangers… Le terme gaélique exact signifie à l’origine “Français” ou plus exactement « Gaulois » vu l’époque.
L’Alpa en question dans notre texte ce sont donc peut-être tout simplement les Alpes. Quoi qu’il en soit les circonstances de la mort du jeune garçon ne sont pas très claires et donc l’explication du nom d’Ailbiné par les moines copistes chrétiens du Moyen Âge irlandais, ou nos fameux bardes irlandais, eux aussi chrétiens évidemment, douteuse.
Retenons de tout cela qu’Aemer est donc d’ascendance Fomoréenne ou Vouivre, et que le Hésus Cuchulainn l’est aussi, par l’intermédiaire de son père Lug, dont la mère Ethniu/Ethliu faisait partie du peuple des vouivres anguipèdes gigantesques, que l’on appelait alors Fomore en Irlande et Andernas sur le Continent. Un peu comme si Jésus Christ était… petit-fils du Diable ! Ou Mahomet né du grand Satan ! Aucun manichéisme ne peut donc faire partie de la spiritualité religieuse païenne druidique. Voir contre-lai N°21.
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Quant à ce que j’avais à lui raconter à mon sujet je lui ai dit. Il y a deux rivières dans le pays de Ross, Cunocavaros/Conchobar est le nom de l’une d’entre elles, et Dofolt (c’est-à-dire ans cheveu, chauve) le nom de l’autre. Le Cunocavaros/Conchobar se jette dans le Dofolt, c’est-à-dire se mêle à lui, de sorte qu’ils ne forment plus qu’une seule et même rivière.
Or je lui ai dit que j’étais le neveu (nia) de cet homme, c’est-à-dire de Cunocavaros/Conchobar, puisque je suis le fils de Dexiua ? Epona ? Dechtire, la sœur de Cunocavaros/Conchobar, ou encore que je suis un champion (trenfer = nia) de Cunocavaros/Conchobar.
Dans le bois de la Bodua, c’est-à-dire de la Mara Rigu/Morrigu/Morgane la fée, puisque c’est son bois, puisque le pays de Ross est son bois, c’est la corneille des combats et on l’appelle aussi la femme de Neto/Neit. C’est-à-dire la déesse des batailles, puisque Neto/Neit est la déité des combats.
Quant à mon nom, j’ai dit « Je suis le champion du fléau qui abat les chiens ». J’en suis un champion, car je suis un guerrier très fort au fléau, dit autrement je suis sauvage et féroce dans les batailles et les combats.
Quand j’ai dit : « C’est une bien belle plaine que la plaine de ce noble joug » ce n’était pas de la plaine de Breg dont je parlais ainsi, mais des formes de la jeune fille. Car j’avais entraperçu le joug de ses deux seins dans le décolleté de sa chemise et c’est cela que j’évoquais en disant « plaine de ce noble joug », la poitrine de cette jeune fille.
Quand elle a dit : Personne n’ira sur cette plaine qui n’aura auparavant tué l’équivalent d’un arcat d’hommes, arcat dans la langue de nos bardes signifie une centaine ; c’est ainsi que cela s’interprète, et voici ce que cela veut dire : je n’aurai cette fille qu’après avoir réussi à tuer auparavant une centaine d’hommes sur chaque gué situé d’Ailbiné à la Boinne, ainsi que Scennmenn la rusée, la sœur de son père, qui se métamorphosera de mille manières, afin de détruire mon char et de me donner la mort.
Qui n’aura pas exécuté l’affreux génie (geni grainde) de la génisse du casque a-t-elle dit, ne s’en ira pas avec moi, c’est-à-dire qui n’aura pas fait le saut héroïque du saumon par-dessus les trois remparts pour arriver jusqu’à elle. Car trois de ses frères seront là pour la garder, c’est-à-dire Ibur,
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Scibur et Catt avec huit hommes chacun ; et je devrai asséner un coup à chaque groupe de neuf dont huit devront mourir, mais sans atteindre aucun de ses trois frères parmi eux ; enfin je devrai la porter elle et sa sœur de lait (par adoption) avec leur poids d’or et d’argent hors du château (dun) de Forgall.
La pointe de Suan fils de Roiscmelc a-t-elle dit, c’est la même chose, c’est-à-dire que je devrai combattre sans relâche dès Samon (ios), autrement dit dès la fin de l’été. Car il y avait autrefois deux grandes divisions de l’année : l’été à partir de Beltène (1er mai) ainsi que l’hiver (de Samon à Beltène). Samon ou Samsun = Sam – suan, car c’est alors que résonnent de doux bruits, autrement dit samson (en gaélique évidemment. NDLR).
Et jusqu’à Ambolc, c’est-à-dire le début du printemps, autrement dit « son humidité (folc) diffère (ime) », il y a l’humidité du printemps et l’humidité de l’hiver.
À moins que cela ne vienne d’oi-melc, c’est-à-dire oi, qui dans la langue poétique est un nom signifiant mouton, d’où oiba (mort de mouton), ut dicitur (de même qu’il y a) coinba (mort de chien), echba (mort de cheval), duineba (mort d’homme). Car ba est un terme signifiant « mort ». Ambolc donc (Oimelc) c’est la saison pendant laquelle les moutons sortent et où les brebis sont traites, d’où oisc = une brebis, oisc = brebis après agnelage.
Jusqu’à Beltène. Biltine c’est un feu favorable. Car les druides avaient coutume de faire deux feux accompagnés de grandes incantations, et de faire passer le bétail entre eux afin de les protéger contre les épidémies, chaque année. Ou alors Bel est le nom d’une idole. À cette époque-là, les nouveau-nés de chaque troupeau étaient voués à Bel. Beldine devenu Beltène. Jusqu’à Bron Trogain c’est-à-dire jusqu’à Lugnasade, c’est-à-dire le commencement de l’Automne ; car c’est alors que la terre croule, c’est-à-dire sous les fruits. Trogam est un nom qui signifie « terre ».
Telles furent les paroles du Hésus Cuchulainn.
Le Hésus Cuchulainn poursuivit sa route et dormit cette nuit-là dans Emain Macha. C’est alors que les filles des briugu (des intendants) leur parlèrent du jeune qui était venu dans un magnifique char, et de la conversation qu’il avait eue avec Aemer ; mais qu’elles ne savaient pas ce qu’ils s’étaient dit l’un l’autre, et qu’ensuite il était reparti en direction du nord dans la plaine de Breg. Les briugu (intendants) racontèrent à Forgall le rusé tout cela, et notamment que sa fille lui avait parlé.
Ça doit certainement être, s’exclama Forgall le rusé, le contorsionniste d’Emain Macha qui est venu parler avec Aemer, et ma fille est bêtement tombée amoureuse de lui, voilà pourquoi ils se sont entretenus tous les deux. Mais cela ne leur servira à rien. Je vais m’arranger pour qu’ils n’obtiennent pas ce qu’ils veulent.
Sur ce Forgall le rusé partit à Emain Macha, mais habillé en étranger, comme s’il s’agissait de l’ambassade d’un roi étranger venant prendre langue avec Cunocavaros/Conchobar, et lui offrir de l’or ainsi que des trésors vikings de Norvège voire toutes sortes d’autres bonnes choses. Ils étaient trois. Ils furent reçus magnifiquement. Après qu’il eut renvoyé ses hommes le troisième jour, on vanta devant lui les exploits du Hésus Cuchulainn de Conall et d’autres chefs de char ulates. Il répondit que c’était bien vrai, que ces chefs de char avaient accompli des merveilles, mais que si le Hésus Cuchulainn se rendait chez Domnall le martial en Alpi, ses prouesses n’en seraient que plus merveilleuses, et que s’il se rendait chez Scathache pour y apprendre les arts martiaux, il surpasserait tous les guerriers d’Europe. Mais en fait c’était pour que le Hésus Cuchulainn n’en revienne pas qu’il proposait ceci. Car il pensait que si le Hésus Cuchulainn entrait dans la compagnie de Scathache, alors il y trouverait rapidement la mort, à cause de la sauvagerie et de la férocité des guerriers là-bas, et que… ?……
Le Hésus Cuchulainn consentit à partir, et Forgall lui promit que s’il y allait immédiatement, il lui accorderait ce qu’il demanderait.
Forgall rentra chez lui et les guerriers se levèrent le lendemain matin puis se préparèrent à faire ce qu’ils avaient promis. Se mirent en route le Hésus Cuchulainn, Loégairé le Victorieux, Cunocavaros/Conchobar, et Conall Le Victorieux, disent d’aucuns, se joignit également à eux. Le Hésus Cuchulainn traversa ensuite Breg pour rendre visite à la jeune fille. Il parla donc avec Aemer avant de monter à bord de son navire. La jeune fille lui expliqua que c’était Forgall à Emain qui avait voulu qu’il aille apprendre le métier des armes, afin qu’Aemer et lui ne puisse plus se voir. Elle lui conseilla de rester constamment sur ses gardes où qu’il aille, de peur qu’il ne provoque sa perte. Chacun promit à l’autre de rester chaste (ou célibataire ?) jusqu’à ce qu’ils se revoient un jour, à moins que l’un d’entre eux ne soit mort. Ils se dirent chacun adieu et il partit pour Alpi (l’Écosse ou les Alpes).
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 24.
Neit ou Neth est une figure peu connue des légendes irlandaises. L’existence d’une déité des combats dans le panth-éon panceltique originel est néanmoins attestée par ce que dit Macrobe à propos d’une divinité celtibère du même nom dans la région de Cadix. Saturnales Livre I, chapitre XIX section 5. « Puisque Liber-Pater est le soleil, et que Mars est le même dieu-ou-démon que Liber-Pater, qui peut douter que Mars ne soit le même dieu-ou-démon que le soleil ? Les Accitains, nation espagnole, honorent très religieusement, sous le nom de Néton, un ersatz (simulacrum) de Mars ornée de rayons ».
Vu la faible consistance d’une telle déité au niveau mythologique (le terme latin utilisé est le mot simulacrum), mieux vaut peut-être ne pas la considérer comme une divinité à part entière, comme un dieu à part entière, mais comme simple… simulacre, numen, shékinah, mana, kami ? Disons éon et n’en parlons plus. À moins, bien sûr, qu’il ne s’agisse là encore d’un cas local de dégénérescence de la spiritualité druidique authentique. Mais cet éon, pour ne pas dire ce dieu, était suffisamment connu des Celtibères, pour que toute une ville du sud-ouest de l’Espagne lui soit consacrée (Netobriga). Il est vrai que Macrobe a un peu tendance à tout mélanger ! Ce qui est certain c’est qu’un simulacrum n’est pas une statue. Ersatz ne serait pas mal non plus.
Pour conclure sur Neto/Neith disons que la lutte est génératrice de forces puissantes, qui permettent à l’Homme de laisser sa marque dans l’univers, et ça, les anciens druides l’avaient bien compris. D’où leur utilisation du mot aiu pour désigner ce phénomène.
Affreux génie (geni grainde) de la génisse du casque = saut héroïque du saumon… il doit encore s’agir d’un jeu de mots.
Samain/Samon, Oimelc/Ambolc … L’explication de Samain Samfuin Samhuin… par le gaélique sainfuin n’est bien entendu qu’un pur jeu de mots sans aucune valeur scientifique et s’explique uniquement par la sous-culture des bardes ou des moines copistes chrétiens du Moyen-âge. Samain Samfuin Samhuin, etc.viennent du vieux celtique Samonios, un point c’est tout !
L’expression « la pointe de Suan fils de Roismelc » est sans doute un jeu de mot pour signifier « à partir du début de samon (ios) »et « Ambolc ». L’étymologie du gaélique Oimelc est moins fantaisiste, car le terme gaélique folc (eau) y est peut-être en effet pour quelque chose (Imb-folc ?) D’où le jeu de mots du barde ayant composé ce récit entre Oimelc et Roiscmelc (le fils de Roiscmelc). Tout cet étalage d’érudition de la part de nos chers bardes d’Irlande est un peu lourd néanmoins.
Voué à Bel. Seilb Beil. cf. le continental Luguselva : femme appartenant à Lug. Bron Trogain ne correspond qu’approximativement à Lugnasade (Lugnusad dans notre texte en gaélique). Comme le précise la suite du texte, c’est plutôt le premier jour de l’Automne.
Contorsionniste. Riasstardi dans notre texte en gaélique. C’est effectivement, après Sétanta (celui qui chemine) et Chien de Culann, un autre des multiples noms de notre héros, le seigneur de Murthemné cher à Augusta Gregory.
Viking de Norvège. Finngall en gaélique. Il va de soi que le mythe panceltique primitif ne pouvait pas contenir de telles références. Il s’agit d’une adaptation à la situation de l’Irlande au IXe siècle. Le terme Gall signifie primitivement Français tout simplement (Gaulois plus précisément).
Alpi ?? Ou Alba ?? L’Écosse ou les Alpes ? Dans les copies les plus récentes, il est écrit Ailpe.
Arts martiaux. Nous traduisons en effet ainsi morfoglaim anmilti en tenant compte du préfixe mor qui implique qu’il ne s’agit pas d’un foglaim anmilti ou métier des armes ordinaire. Si quelqu’un a mieux à proposer…
Chaste ou célibataire ?? La phrase en gaélique est Tincellaid cach dib da céile comed a n-genaiss.
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L’APPRENTISSAGE DES ARTS MARTIAUX
PAR LE HÉSUS CUCHULAINN.
AVERTISSEMENT AU LECTEUR.
La première partie de ce chapitre est en fait tirée des manuscrits intitulés en gaélique Foglaim Con Culainn, ou Do Fhogluim Chonculainn, voire Oileamhain Con Cualainn : l’apprentissage de Cuchulainn. Par Riosdard Tuibear, anno domini, 1715 (an de grâce 1715). Mais bien entendu l’histoire est plus ancienne.
Le lieu où a commencé l’entraînement aux arts martiaux du Hesus Cuchulainn est Glenn na hUathaige, avec Uathach de la Vallée, dans la grande et sauvage province du Munster…… ce manuscrit commence néanmoins par beaucoup d’inexactitudes contredisant toutes les autres versions et on se croirait pour un peu dans la Bible, car la Uathache en question est sans doute la fille de la reine Scathache d’Alba ou d’Alpi (d’Écosse ou des Alpes), dont il va être très vite question.
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Le lieu où a commencé l’entraînement aux arts martiaux du Hésus Cuchulainn est Glenn na hUathaige, avec Uathach de la Vallée, dans la grande et sauvage province du Munster. Il n’y demeura pas longtemps avant d’en repartir pour la province d’Ulster et y former le dessein de parachever son entraînement dans l’est du monde.
Il prit avec lui deux de ses compagnons, à savoir Loégairé le Victorieux et Conall Cernach, ensuite ils lancèrent l’Engach, le bateau de Conall, sur les flots marins mouvants, sur la mer à la houle verte, forte et rude, sur les courants rapides et tourbillonnants, sur la crête (?) et dans le creux des vagues couvertes d’écume jusqu’à ce qu’ils atteignent les côtes ourlées de bleu d’Alba. Dans ce pays en effet il y avait une guerrière (banghaisgedhach), appelée Dordmair, fille de Domnall le belliqueux.
Quand ils arrivèrent chez elle pour lui rendre visite, on leur fit vraiment bon accueil, et on s’occupa de leur laver les pieds ou de leur préparer un bain. Ils restèrent sur place cette nuit-là et (le lendemain) la demoiselle leur demanda pourquoi ils étaient venus jusqu’ici.
Nous sommes venus à toi, répondirent-ils, pour apprendre l’art de la guerre et des prouesses de la chevalerie.
La demoiselle se mit devant eux ce jour-là et commença de leur faire une démonstration de ses faits d’armes ou guerriers. Car il est fréquent chez les instructeurs de procéder ainsi avec les secrets de leurs faits d’armes ou guerriers devant les élèves venus à eux de pays lointains.
Et voici la technique d’art martial dont la demoiselle fit ce jour-là une démonstration aux jeunes gens : un javelot avec une pointe à cinq ardillons lui fut apporté, ensuite elle planta sa hampe en terre, la pointe aigüe et tranchante comme un rasoir bien droite. Enfin cette prêtresse-guerrière bondit en l’air, et se coucha la poitrine et les seins sur la pointe de la lame du javelot. Il n’y eut aucun accroc à sa robe ni à sa parure, mais elle resta ainsi un long moment sur la pointe du javelot.
Et ensuite elle adressa la parole à Conall et Loégairé le Victorieux, en leur disant : « Que l’un d’entre vous vienne ici faire la même chose, O vous les jeunes ! »
Lequel d’entre nous va-t-il y aller, se demandèrent-ils ?
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Qui est le plus noble du trio que vous formez, rétorqua-t-elle. Et ils répondirent que c’était Conall Le victorieux fils d’Amorgen le plus noble et le plus courageux d’entre eux ; ils lui demandèrent donc d’y aller le premier afin de tenter d’accomplir la même prouesse. Néanmoins, aussi puissante que soit sa main, aussi intrépide que soit son cœur, aussi droit que soit son lancer du javelot, et bien qu’il fasse des ravages dans les rangs ennemis à cause de la vitesse de ses coups, il fut incapable d’accomplir cet exploit.
Loégairé entreprit de l’accomplir à son tour, mais en vain.
Alors le Hésus Cuchulainn de s’exclamer : ce sera une honte pour les trois Ulates que nous sommes si cet exploit n’est réussi par aucun de nous. Puis il se leva, se rendit sur place, et sauta en l’air en planant comme un oiseau, de sorte qu’il posa donc sa poitrine et son torse sur la pointe acérée du javelot ; et il estima inutile de se demander s’il pourrait y rester toute la sainte journée.
La demoiselle vint ensuite les retrouver pour leur dire : « O vous les deux autres, n’oubliez pas, aussi longtemps que vous vivrez, que si jusqu’ici vous avez acquis distinction et renommée, parce que votre sang avait coulé ou que vos tendons s’étaient endurcis, dorénavant votre honneur ne dépendra plus que (?) des prouesses de la chevalerie ou de l’étude de l’art de la guerre, de votre assiduité ou de votre zèle pour l’entraînement guerrier que je dispense.
Nous n’avons pas besoin de ça, rétorqua Conall.
Bien, dit-elle, alors que le jeune homme reste ici et avec moi.
Ce qui fut fait.
Le duo (Conall et Loégairé) fit ses adieux au Hesus Cuchulainn ainsi qu’à la demoiselle, et ils reprirent la mer pour rentrer en Irlande ; mais le Hésus Cuchulainn, lui, resta en Alba pour étudier les faits d’armes de la chevalerie.
Au bout d’un an, un jour que le Hésus Cuchulainn commençait à maîtriser toutes les techniques qu’il avait apprises l’espace de cette année-là, et alors qu’il s’y adonnait, il aperçut un géant tout seul sur le rivage venant vers lui. Cet homme immense était noir de partout comme du charbon, des pieds à la tête.
Que fais-tu donc ? demanda le géant.
Et le Hésus Cuchulainn de répondre : « Je mets en œuvre l’art militaire et guerrier (?) que je viens d’apprendre au cours de l’année passée ! »
Qu’est-ce que cela mon garçon ? Car là où l’on enseigne vraiment les arts martiaux, ceux-là n’en font pas partie (???).
C’est vrai ? demanda le Hésus Cuchulainn.
Bien sûr que c’est vrai, répliqua le géant.
Y a-t-il vraiment au monde une guerrière qui soit meilleure que celle chez qui je suis actuellement ? demanda le Hésus Cuchulainn.
Assurément, répondit le géant, car Scathache la fille de Buanuinne, roi de Scythie, à l’est du monde, est bien plus forte qu’elle.
Nous avons entendu parler d’elle jusqu’ici, répliqua le Hésus Cuchulainn.
Évidemment que tu en as déjà entendu parler, rétorqua le géant, et pourtant immenses sont les pays les terres et les royaumes qu’il y a entre toi, et la Scythie O petit homme,
pourrais-tu me dire comment y aller, O géant ? dit le Hésus Cuchulainn.
Je ne te le ferai jamais savoir, répondit le géant.
Maudit sois-tu jeteur de sort possédé, s’exclama le Hésus Cuchulainn, sans ton aide de bon cœur et sans tes conseils je n’y arriverai jamais.
Ensuite le géant s’en alla, et le Hésus Cuchulainn se mit en route pour cette très étrange forteresse. Il ne lui fut guère possible de dormir ou de se reposer cette nuit-là. Le lendemain, au point du jour ; il se leva et … ? Peu de gens savent quel est le chemin que le Hésus Cuchulainn emprunta pour se rendre en Scythie ; mais il ne fit ni arrêt ni halte jusqu’à ce qu’il parvienne (à l’endroit) où était Scathache fille de Buanuine, roi de Scythie.
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Variante donc de cette première partie de l’entraînement aux arts martiaux du jeune Hésus Cuchulainn, tirée des manuscrits de la cour faite à Aemer (tochmarc Emire). La fille de Domnall le belliqueux y joue cette fois-ci un rôle complètement différent et y porte d’ailleurs également un nom différent (on se croirait dans le même cas que la Bible avec ses deux récits de la création du monde, la narration sacerdotale, chapitre I, et la narration élohiste ou yahviste, chapitre II). Mais les deux variantes ont ceci en commun qu’elles renvoient toutes deux à Scathache.
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H-o rancatar ierum Domnall, forcetai leis aill for liic dercain & fosetiud cetharbolc foithi. Après qu’ils furent arrivés chez Domnall, ce dernier leur apprit à… ce tour consistait apparemment à se coucher sur une pierre plate, où était percé un petit trou, et à souffler dans ce trou de manière à gonfler quatre outres de cuir ; et ils devaient le faire jusqu’à ce que la plante de leurs pieds en devienne noire ou livide. On leur apprit un autre tour de force, avec un javelot par-dessus lequel ils devaient sauter puis exécuter autour sa pointe… le coup du champion sur la pointe des lances ou… ?
C’est alors que la fille de Domnall, appelée Dornolla, tomba aussi amoureuse du Hésus Cuchulainn. Son allure était horrible, elle avait des genoux énormes, les talons placés à l’envers, les pieds tournés vers l’arrière, de gros yeux gris sombre, le visage aussi noir que du charbon (qu’une coupe de jais). Elle avait un front énorme, de gros cheveux roux et hirsutes autour de la tête. Le Hésus refusa de coucher avec elle. Aussi jura-t-elle de s’en venger.
Domnall dit alors au Hésus Cuchulainn qu’il n’aurait pas une connaissance véritablement complète de ce qui lui était enseigné, tant qu’il ne serait pas parti chez Scathache qui vivait à l’est d’Alpi. Aussi les quatre hommes se mirent-ils en route pour traverser Alba, c’est-à-dire le Hésus Cuchulainn, Cunocavaros/Conchobar, le roi des Ulates, Conall Le Victorieux, et Loégairé le Victorieux. Alors apparut devant eux l’image d’Emain Macha. Cunocavaros/Conchobar, Conall et Loégairé, ne furent pas capables d’aller plus loin. La fille de Domnall avait suscité ce mirage afin de séparer le Hésus Cuchulainn de ses compagnons et de le perdre. D’autres versions disent que c’est Forgall le rusé qui avait suscité cette vision devant eux afin de leur faire rebrousser chemin, de sorte que le Hésus Cuchulainn ne soit pas en mesure, à cause de ce revirement, de faire ce qu’il lui avait promis à Emain, et donc de lui faire honte à cause de cela ; ou bien qu’en partant ainsi à l’aventure vers l’est pour aller apprendre les arts martiaux, à la fois connus et inconnus… ?. il trouverait d’autant plus facilement la mort en étant seul. Aussi est-ce de lui-même que le Hésus Cuchulainn se sépara d’eux pour partir à l’inconnu… ?…… car les pouvoirs (cumachata) de cette fille étaient grands, elle travailla donc à le perdre en le séparant de ses compagnons.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 25.
Prêtresse-guerrière. Nous rendons par cette expression convenue le terme gaélique bhandráoi, car il n’y a jamais eu de druidesses au sens strict du terme dans le monde celtique antique. À l’exception notable d’une vellède (banfile) signalée chez les Bructères et à qui Tacite fait jouer un rôle aussi déterminant que celui du général batave Civilis dans la première tentative (avortée) d’Empire gaulois (entrevue de Cologne en 69-70). Voir le livre de Maurice Bouvier Ajam sur le sujet.
Histoires. Livre IV.
Chapitre LXI.
Civilis mit ensuite à exécution un vœu souvent fait par ces Barbares : il se fit couper les cheveux qu’il avait laissés croître et avait teints en rouge depuis qu’il avait pris les armes contre Rome, après que les légions aient été anéanties. On dit aussi qu’il obligea des prisonniers de marque à servir de cible aux flèches et aux javelots de son jeune fils lorsqu’il apprenait à tirer. Il ne prêta jamais serment d’allégeance à la Gaule elle-même ni n’obligea aucun Batave à le faire, car il ne fiait qu’aux ressources de la Germanie, et pensait que, s’il était nécessaire de disputer l’Empire aux Gaulois, il aurait pour lui la renommée ainsi que des forces supérieures. Munius Lupercus, commandant d’une de ses légions, fut envoyé avec des présents à Véléda (vieux celtique veleta = ban-file= clairvoyant), une vierge de la tribu des Bructères qui jouissait d’une très grande autorité, car depuis des temps
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immémoriaux les Germains attribuaient à certaines de leurs femmes un don de prophétie voire même les considéraient comme des déesses à mesure que croissait la superstition. L’autorité de Véléda était alors son zénith, car elle avait prédit ce succès des Germains et l’anéantissement des légions. Lupercus fut néanmoins tué en chemin. Quelques centurions ou tribuns natifs de Gaule furent gardés comme otages afin de garantir cette alliance. Les quartiers d’hiver de la cavalerie et de l’infanterie auxiliaires ainsi que des légions, à la seule exception de ceux de Mogontiacum et Vindonissa, furent rasés ou brûlés…
Chapitre LXV.
Les habitants de la Colonie (Cologne) prirent le temps de délibérer, comme la crainte du futur ne leur permettait pas d’accepter les conditions qui leur étaient offertes, mais que leur situation leur interdisait de les rejeter ouvertement et de façon méprisante, ils répondirent de la façon suivante : « Cette première chance d’être libres qui se présente nous la saisissons avec plus d’ardeur que de prudence, afin de pouvoir nous unir avec vous et les autres Germains, nos frères et nos cousins. Quant à nos fortifications, comme en ce moment les armées romaines sont en train de se rassembler, il est plus sûr pour nous de les renforcer que de les détruire. Les étrangers venus d’Italie ou des autres provinces qui ont pu être un moment sur notre territoire, ont péri dans cette guerre, ou alors sont rentrés chez eux. Quant à ceux qui se sont installés ici depuis plus longtemps, et se sont unis à nous par des mariages, et à leurs enfants, leur pays natal se trouve ici. Nous ne pouvons pas penser un seul instant que vous soyez assez injustes pour attendre de nus que nous égorgions nos parents, nos frères, et nos enfants. Nous supprimons toutes les taxes et restrictions qui pèsent sur le commerce. Que le passage du fleuve soit libre, mais qu’il ait lieu de jour et pour des personnes sans arme, jusqu’à ce que ces droits nouveaux et récents se stabilisent dans le temps et soient entérinés par l’usage. Civilis et Véléda serviront d’arbitres entre nous ; ce traité sera ratifié par leur sanction ». Les Tenctères furent ainsi apaisés, une ambassade fut envoyée avec des présents à Civilis et Véléda ; qui réglèrent tout à la plus grande satisfaction des habitants de la Colonie (Cologne). Ils ne furent pas néanmoins autorisés à s’approcher de Véléda ou à lui parler en personne. Afin de leur inspirer le plus grand respect, on les empêcha de la voir. Elle demeurait dans une haute tour et un de ses parents choisi pour cela, transmettait, comme s’il était le messager d’une divinité, les questions et les réponses.
L’Origine et le pays des Germains.
Chapitre VIII.
Nous trouvons dans l’Histoire que certaines armées déjà en train de céder du terrain voire prêtes à fuir, ont été galvanisées par des femmes, grâce à leur entêtement inflexible et à leurs prières, leurs poitrines nues et offertes, afin de montrer que leur réduction en esclavage était imminente ; un mal que les Germains les redoutent d’autant plus quand il menace leurs femmes. Le sentiment de ces peuples est tel que se sont toujours plus tenues que les autres les cités à qui l’on a demandé de joindre aux otages quelques-unes de leurs plus distinguées jeunes filles. Ils les croient même dotées de quelque chose de céleste voire de l’esprit de prophétie. Donc ils ne dédaignent jamais de les consulter ni ne négligent jamais les réponses qu’elles rendent. Sous le règne du divin Vespasien, nous avons vu Véléda longtemps traitée, voire adorée comme une divinité par de nombreuses nations. Ils avaient de même jadis rendu un véritable culte à Aurinie et à plusieurs autres, ni par complaisance ni afin de les flatter, ni non plus en tant que déité de leur propre fabrication.
Note de la rédaction. À propos de cette remarque des habitants de Cologne : « les Germains, nos frères et nos cousins ». Étant totalement non racistes, nous n’opposerons jamais les Celtes et les Germains, même s’il nous arrive souvent bien entendu, de les distinguer soigneusement. Les Germains ont beaucoup appris des Celtes, dans tous les domaines, et il n’est pas faux à cet égard de parler de peuples frères surtout séparés par la latinisation des esprits, qui s’est produite avec la colonisation forcée de la rive gauche du Rhin, opérée par l’Empire romain. Si Velléda portait un nom celte et son père aussi, ce n’est pas un hasard.
Une épigramme en grec retrouvée en 1926 à Ardea, au sud de Rome, se moque du don de voyance de Véléda : son auteur y propose à Vespasien de reconduire la médium dans sa fonction de prophétesse. Sur les problèmes théoriques et pratiques que soulève la possibilité ou non de pressentir l’avenir, et les voyants, voir notre leçon précédente sur le tirage des runes… De toute façon les premières « vraies » mentions de druidesses n’apparaissent qu’au IIIe siècle.
Lampride (fin du IIIe siècle début du IVe siècle). Histoire Auguste. Vie d’Alexandre Sévère. Chapitre LX.
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Il régna neuf ans et treize jours et vécut vingt-neuf ans trois mois et sept jours. Tout ce qu’il fit ce fut toujours conformément à l’avis de sa mère et il mourut tué avec elle. Les présages annonçant sa mort furent les suivants… Alors qu’il partait en guerre, une druidesse [en latin mulier druias] lui cria en langue celte : « Vas-y, mais n’espère pas trop en la victoire et ne fais pas confiance à tes soldats ! » Et quand il monta sur une tribune afin de s’adresser à ses troupes…
Vopiscus (fin du IIIe siècle début du IVe). Histoire Auguste.
Vie d’Aurélien. Chapitre XLIV.
Voilà maintenant qui va en étonner plus d’un, mais il s’agit d’un fait connu de Dioclétien et qu’il aurait confié à son conseiller Celsinus, toujours selon Asclépiodote, mais là-dessus c’est la postérité qui en jugera. Il avait en effet l’habitude de raconter qu’un jour Aurélien avait consulté les druidesses de la Celtique continentale pour savoir si le pouvoir impérial passerait à ses descendants, mais elles lui répondirent, rapporte-t-il, que personne ne porterait un nom plus illustre dans tout l’empire que les descendants de Claude. Et, de fait, Constance est aujourd’hui notre empereur, c’est un homme de la famille de Claude, et ses descendants, je présume, atteindront à cette gloire que les druidesses ont naguère prédite. J’ai mis cela dans la vie d’Aurélien parce ce que c’est à lui que fut faite cette réponse dont il s’était enquis personnellement.
Numérien. Chapitre XIV.
Je ne considère pas comme excessif ni banal d’insérer ici une histoire à propos de Dioclétien auguste, qui ne me semble nullement déplacée, un incident qu’il regardait lui-même comme un présage de son futur règne. Cette anecdote m’a été rapportée par mon grand-père, qui la tenait de Dioclétien en personne. « Alors que Dioclétien », me dit-il « toujours affecté à un poste mineur, s’était arrêté dans une certaine taverne du pays des Tongres en Celtique continentale, et faisait le compte de ses dépenses comme chaque jour, avec son hôtesse qui était druidesse, cette dernière finit par lui dire : « Dioclétien, tu es beaucoup trop parcimonieux et beaucoup trop avare », ce à quoi Dioclétien aurait répondu, sans parler sérieusement, mais pour rire : « je saurai me montrer généreux quand je serai devenu empereur ». Et la druidesse de lui répondre, toujours à ce qui est dit : « Ne plaisante pas, Dioclétien, tu deviendras empereur quand tu auras tué un Aper (un sanglier).
Par contre il ne manquait pas non plus chez les Celtes tout comme chez les Germains de femmes en contact avec les forces de l’au-delà, le sacré, le mystère, bref des prêtresses.
Terminons donc par trois remarques à ce propos.
Premièrement, les femmes étant par leur nature même beaucoup plus en rapport avec le sacré ou le mystère, que les hommes, elles n’ont nul besoin du titre grandiloquent de druide pour jouer un rôle de premier plan dans la société.
Deuxièmement : il existe des témoignages antiques nous parlant de collèges uniquement féminins, et de la base jusqu’à leur sommet, sans même parler d’Avallon (voir le cas des femmes Samnites ou Namnètes mentionnées par Strabon).
Troisièmement : rien n’interdit à un groupe néo-druidique qui se voudrait mixte de mettre en œuvre une certaine parité dans ses statuts et son fonctionnement (le contraire serait d’ailleurs une erreur), mais sans utiliser le terme druidesse toutefois, qui serait un anachronisme. Pour les autres grades ou plus exactement spécialisations (velléde, gutuatre, etc.) la féminisation ne pose aucun problème.
Les Celtes antiques semblent en outre n’avoir jamais dénié à certaines femmes de réelles qualités sportives, voire même combatives. Outre Dordmair, Scathache et Aife, on peut également citer les neuf « sorcières » de Kaerloyw ou Gloucester, mentionnées dans le roman de Peredur ab Evrawc (le Perceval gallois), une histoire généralement associée aux mabinogi.
Quoi qu’il en soit les spécialistes se perdent en conjectures sur la nature exacte de ce tour de force. Soit il s’agit simplement d’effleurer la pointe du javelot sans s’empaler dessus, avant de retomber, soit c’est du fakirisme ! Ou alors il y a utilisation d’une protection genre cotte de mailles, dissimulée sous les vêtements au niveau de la poitrine.
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Le roi de Scythie… Encore une localisation imaginaire due à la volonté forcenée de nos amis bardes irlandais de faire exotique et métissé. Notons néanmoins que l’Île de Skye n’est pas une localisation plus crédible en réalité. Le mythe panceltique initial est au départ intemporel, et pas plus précisément localisable que l’enfer ou le paradis des chrétiens ou des musulmans, sauf par convention d’un groupe humain particulier.
Maudit sois-tu jeteur de sort possédé… Nous rendons ainsi l’expression gaélique « silide siabhartha searguithe ».
Silide. Le terme gaélique « silide » n’est pas facile à traduire. C’est soit une corruption de « sirite » soit le terme « sillite/silid ». Dans le premier cas une sorte d’esprit de démon ou de génie. Voir la formule « siriti siabairti » qui désigne des sortes de créatures noires, sombres et difformes. Dans le second quelqu’un qui vous regarde ou vous dévisage.
H-o rancatar ierum Domnall, forcetai leis aill for liic dercain & fosetiud cetharbolc foithi ? Peut-être s’agit-il d’un entraînement au cless for análaib c’est-à-dire à l’hyperventilation des poumons. Cette technique respiratoire est mentionnée sous le nom gaélique de cless for análaib dans la liste des techniques maîtrisées à la perfection par le Hésus Cuchulainn (sous le titre Turim na cless inso sís. À l’occasion du combat qui opposera le Hésus Cuchulainn et Cûr mac Da Loth).
Boí Cú Chulaind ac imbert chless isin uair sin.i. Turim na cless inso sís : in t-ubullchless & fáeborchless & fáenchless & cless cletenach & tétchless & corpchless & cless caitt & ích n-erred & cor n-deled & léim dar néib & filliud erred náir & gaí bolga & baí brasse & rothchless & ochtarchless & cless for análaib & bruud gine & sian caurad & béim co commus & táithbéim & dréim fri fogaist co n-dírgiud crette fora rind co fornadmaim níad náir.
N.B. Le docteur William Sayers de l’Université de Toronto a publié en 1983 dans la revue canadienne d’études irlandaises une très intéressante, mais hélas beaucoup trop courte étude sur ces diverses techniques d’art martial pratiquées par le Hésus Cuchulainn.
Le terme gaélique pour désigner ces différentes techniques d’art martial est cles que l’on rend habituellement par « coup » « botte secrète » ou « feinte ».
Le problème est qu’en général il n’y a là en l’occurrence qu’un nom et aucune explication ni aucun détail nous permettant d’en savoir plus.
Torandchless cét, torandchles dá cét. Le tonnerre de cent, de deux cents, etc. On se perd en conjectures sur la signification exacte de ces expressions gaéliques par exemple. Le grand spécialiste français de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, d’Arbois de Jubainville, pense que cela évoque le guerrier à char frappant son bouclier de sa lance afin de faire du bruit, de plus en plus fort, autant qu’une centaine d’hommes réunis, que deux cents, et ainsi de suite… avant de charger.
Le dictionnaire électronique de l’irlandais signale également que cleisín/clesán peut être le nom de l’arme avec laquelle on effectue ces feintes ou ces coups.
Ubullchless : le jeu des pommes. Peut-être s’agit-il tout simplement de jongler avec des pommes. À moins que « pomme » soit le nom donné à certaines armes (des balles de fronde ?).
Faeborcless : la frappe de taille.
Fáencless : le coup du bouclier tenu à l’horizontale.
Cless cletenach : le jeu du javelot (peut-être consiste-t-il à éviter des javelots arrivant dans sa direction. En sautant par-dessus???)
Tétcless ; le jeu de la corde (à sauter?)
Corpchless : le jeu de tout le corps ?
Cless caitt : le jeu du chat (une technique genre kalari payat ?)
Ich n-erred : le saut du saumon (une autre technique genre kalari payat ?)
Cor ndeled : le jet du bâton.
Léim dar néib : le saut d’obstacle ou de haie.
Filliud erred nair : la flexion du vaillant héros.
Baí brasse : le jeu de la vitesse ?
Rothchless : le jeu de la roue.
Ochtacless : le coup des huit hommes (tuer huit hommes sur neuf d’un seul coup d’épée??? Une des nombreuses prouesses du Hésus Cuchulainn).
Cless for análaib : le coup de l’hyperventilation.
Bruud gine : le coup d’épée qui ne donne qu’une ecchymose (asséné avec le plat de la lame donc, un peu à la façon de Jeanne d’Arc).
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Sian caurad : le cri de guerre du héros.
Beim co commus ; le coup bien mesuré.
Táithbéim : le coup en retour. Un coup donné avec le plat de l’épée juste pour assommer.
Il existe d’autres techniques mentionnées dans l’épisode du combat contre le fils de Scathache appelé Cuar ou ailleurs. Voici leurs noms en gaélique.
Foerclius. Inconnu au bataillon. À moins qu’il ne s’agisse de la corruption d’un autre mot gaélique (faeborcless ?).
Fáithbheím ? Peut–être une altération de taithbheim , qui signifierait alors en gros « coup en retour ».
Leím tar neimh : le saut de haie ou d’obstacle. Il s’agit sans doute d’une altération de léim dar néib.
Fuamchleas : le coup du bruit.
Cét – chaithchleas : le jeu des cent batailles.
Fotalbeim ou Foibhéim : le coup par en dessous.
Faebarbeim : le coup du fil de l’épée ?
Muadalbeim : le coup du milieu d’après Windisch)
N.B. La botte secrète de Catt (cleas Cait) qui sera mentionnée plus loin à propos de Scathache n’est peut-être pas autre chose que le tour ou le jeu du chat déjà mentionné plus haut.
Le coup du cercle ou cles cuair qui sera mentionné dans le festin de Bricriu (fled Bricrend) est peut-être également à mettre en rapport avec le fils de Scathache appelé Cuar (jeu de mots ??) Il semble en tout cas distingué du coup de la roue = roth cles.
Est également mentionnée dans le festin de Bricriu (fled Bricrend) la technique suivante : le coup de l’esprit ou du fantôme (siaburcles). Ainsi que coup de l’oiseau fondant sur sa proie (forumcliss). Sans que l’on sache pour autant très exactement de quoi il s’agissait.
Le coup des huit eaux (cleas ocht uisgé) qui sera également mentionné plus loin fait aussi penser au coup des huit hommes déjà évoqué plus haut, mais…
Notons enfin que le Hésus Cuchulainn est capable de couper l’herbe (fotalbeim) sous les pieds d’Etarcumul puis de le frapper de taille en lui assénant un coup du fil de son épée (fáebarbeim), en lui coupant les cheveux de la nuque jusqu’au front et d’une oreille à l’autre, comme s’il l’avait tonsuré d’un seul coup de rasoir et sans verser une goutte de sang.
Peut-être faudrait-il regarder aussi ce qu’en dit Arrien dans son manuel d’entraînement de la cavalerie romaine (nous pensons ici au jet du bâton ou cor ndeled).
À noter enfin, figurent dans toutes ces listes deux noms d’armes et non de techniques, le gae bolga ou javelot-foudre (sans doute un javelot à la pointe barbelée) ainsi que le carbad serrdhai : un char muni de faux.
Sans oublier la prouesse appelée :
« Fonaidm niadh for rinnib sleg » : le héros dansant autour des pointes de javelots. Sans doute des danses écossaises type danse de l’épée ou danse du bouclier (targe).
Et enfin : dréim fri fogaist co ndirgiud crette fora rind co fornadmaim niad náir. Le vaillant champion qui monte sur un javelot puis s’étend et se déploie sur sa pointe (Diarmat, dans le récit de ses aventures avec Grannia/Grainne, accomplit peut-être le même exploit).
On peut également déduire de l’épisode de la lutte entre Fraech et notre héros (Aided Fraích) relaté par la version de l’enlèvement des bovins de Cualnge, du Lebor na hUidre ou Livre de la vache brune (recension I), que le Hésus Cuchulainn était un spécialiste d’un type de lutte (imtrascrad) du genre de celle que l’on retrouve jusqu’en Bretagne sous le nom de Gourenn et jusqu’en Islande sous le nom de Glima.
Pour en revenir plus précisément à notre sujet, on se perd en conjectures sur la nature exacte de ces techniques d’entraînement, notamment la première. Même s’il s’agit de l’ancêtre de la cornemuse (ce qui est peu probable) il s’agit incontestablement d’un exercice destiné à maîtriser le souffle.
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Le portrait qui nous est ensuite brossé de la fille de Domnall, Dornolla (ce qui signifie « ayant de gros poings ») est évidemment caractéristique des contes destinés à faire rire l’auditoire. Dornolla y ressemble plutôt à une créature à la Frankenstein et Aemer n’aurait vraiment eu aucune raison d’en être jalouse.
D’autres versions disent que… preuve s’il en fallait que tous ces récits sur notre jeune seigneur de Muirthemné (comme dirait Augusta Gregory) sont un amalgame de légendes diverses, opéré par certains bardes irlandais et cela se sent bien dans notre récit. Ah ces maudits bardes irlandais ! Encore que, en un sens, nous faisons un peu la même chose qu’eux avec cet ouvrage.
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La cour faite à Aemer de nouveau, donc (suite).
En traversant le pays pour se rendre en Alpi, le Hesus Cuchulainn était triste, sombre, et rendu quelque peu désabusé par la défection de ses compagnons, car il ne savait où aller pour trouver Scathache. Et il avait promis à ses compagnons de ne pas rentrer à Emain avant d’avoir rejoint Scathache ou trouvé la mort. Quand il eut réalisé qu’il était perdu et ne sachant où aller, il s’arrêta. Alors qu’il en était là de ses réflexions, il aperçut devant lui une terrible et immense bête ressemblant à un lion venir vers lui, qui l’observa, mais ne lui fit aucun mal. Où qu’il allât, la bête allait devant lui, et même lui offrait son flanc. Il sauta donc sur son cou. Ensuite il ne chercha pas vraiment à la guider, mais alla où la bête voulait. Ils avancèrent ainsi quatre jours, jusqu’à ce qu’ils parviennent aux confins d’une terre habitée apparemment, et à une île où des garçons faisaient du canoë sur un petit lac. Ils s’esclaffèrent en découvrant au loin l’insolite spectacle de cette bête dangereuse au service d’un être humain. Le Hésus Cuchulainn sauta donc à terre et l’animal s’éloigna aussitôt avec sa bénédiction.
Il poursuivit son chemin et arriva devant une grande maison située dans une ample vallée. Là il rencontra une belle et jolie jeune fille. La jeune fille s’adressa aussitôt à lui et lui souhaita la bienvenue. « Sois le bienvenu O Hésus Cuchulainn ! » dit-elle. Il lui demanda d’où elle le connaissait. Elle lui répondit que tous deux avaient fait partie des enfants adoptifs d’Ulbeccan Sexa. « J’étais là-bas pendant tu apprenais à parler mélodieusement avec lui ».
La jeune fille lui offrit à boire et à manger, ensuite il prit congé d’elle. Il rencontra peu après un jeune brave qui lui souhaita pareillement la bienvenue. Ils échangèrent quelques mots. Le Hésus Cuchulainn lui demanda le chemin pour se rendre au château (dun) de Scathache.
Le jeune homme lui indiqua le chemin à travers la Plaine de Mauvaise Fortune qui s’étendait devant lui. Sur la première moitié de ce côté-ci de la plaine, les pieds des hommes gelaient. Sur l’autre moitié derrière, l’herbe poussait si dru qu’elle les soulevait aussitôt comme s’il s’agissait de pointes d’épées. Le jeune homme lui donna une roue et lui expliqua qu’il lui fallait suivre sa trace sur la première moitié de cette plaine. Après ça il lui donna une pomme et lui expliqua qu’il lui fallait poser ses pieds sur le sol exactement où rebondirait la pomme ; que c’est ainsi qu’il parviendrait à l’autre extrémité de ladite plaine. Et ce fut de cette façon effectivement que le Hésus Cuchulainn réussit à traverser cette maudite plaine.
Ensuite le jeune homme passa son chemin. Mais il avait aussi expliqué au Hesus Cuchulainn avant qu’il y aurait alors une grande vallée devant lui, avec un étroit et unique passage la traversant, qui grouillait de monstres envoyés par Forgall pour le faire périr ; que c’était là le chemin menant à la demeure de Scathache qu’il devrait suivre, tout en franchissant des hauteurs vertigineuses.
Ensuite chacun prit congé de l’autre. Le Hésus Cuchulainn et le jeune Eochu Bairche. Celui qui avait appris à notre jeune seigneur de Muirthemné comment il devrait se couvrir de gloire dans la maison de Scathache. Mais qui lui avait aussi révélé tout ce qu’il devrait endurer comme peines et comme souffrances lors du vol du bétail de Cualnge. Qui lui avait appris à l’avance quels maux il subirait, quels exploits il accomplirait, quels combats il mènerait, contre les hommes d’Irlande.
Le Hesus Cuchulainn suivit donc cette route à travers la Plaine de Mauvaise Fortune pour commencer puis par le Val Périlleux comme le jeune homme le lui avait indiqué. Ce fut le chemin qu’il emprunta pour se retrouver dans le camp où s’exerçaient les élèves de Scathache.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 26.
Carbad serrdhai. Char à faux. En vieux celtique covinus. Une sorte d’essedum, mais bâché. Il était connu des Belges et en Grande-Bretagne. Le cocher était appelé covinarius (Mela, III.6 ; Lucain, I.426 ; Silius, XVII.422).
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Enfants adoptifs. En gaélique comdaltai/comaltai, c’est-à-dire nourris ou élevés ensemble.
Ullbeccan Sexa veut dire « Ulbecan le Saxon, Wolf ou Wolfkin le Saxon ». La mention, unique en son genre, ne laisse pas d’intriguer.
Foclaimb bindiusai : l’apprentissage du bindius… mais que signifie exactement bindius/binnius ?? La mélodie, l’harmonie ??
Le jeune homme lui donna une roue et lui expliqua qu’il lui fallait suivre sa trace sur la première moitié de cette plaine. Après ça il lui donna une pomme et lui expliqua qu’il lui fallait poser ses pieds sur le sol exactement où rebondirait la pomme…
Même remarque donc que précédemment : on se perd en conjectures sur la nature exacte de ces épreuves. À moins qu’il ne s’agisse d’une allusion au rite de la roue enflammée lancée du haut d’une colline ou à un jeu sur gazon quelconque (soule à crosse, hockey ?) Tout cela ressemble fort à un jeu vidéo ou à un dessin animé.
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L’APPRENTISSAGE DU PETIT HÉSUS CUCHULAINN CHEZ SCATHACHE.
Foglaim Con Culainn, ou Do Fhogluim Chonculainn, de nouveau (suite).
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Section 13.
Ensuite le Hésus Cuchulainn aperçut de beaux et lumineux jeunes gens jouant à la soule à crosse et à d’autres jeux, mais, bien qu’il soit fatigué après son voyage, il se mêla aussitôt à leur partie de soule à crosse, et si un des jeunes avait marqué un point, il ne lui parlait plus tant qu’il ne lui avait pas pris la balle sur la ligne de but.
Alors un des deux chefs d’équipe de ces jeunes gens approcha et lui demanda : « Mon garçon, pourquoi donc m’as-tu pris cette balle ? »
Si je t’ai pris cette balle, répondit le Hésus Cuchulainn, alors je te la reprendrai encore une fois.
Ma parole, répondirent les jeunes, tu ne nous aurais pas pris la balle que tu nous as volée de la sorte si nous t’avions vu venir.
Vous êtes avertis maintenant, rétorqua le Hésus Cuchulainn, et je vais quand même vous prendre cette balle.
Ensuite le Hésus Cuchulainn leur prit la balle, il la leur prit même trois fois, sans l’aide ni l’assistance de personne.
Quatre remplaçants irlandais qui assistaient à l’entraînement vinrent le retrouver, l’embrassèrent affectueusement, et lui demandèrent des nouvelles du pays ou de leur patrie, et de même il leur demanda aussi des nouvelles.
Eh bien, ô jeunes gens, demanda le Hésus Cuchulainn. Quelles figures et quelles prouesses d’art martial avez-vous apprises cette année ?
« Nous avons appris à franchir le Pont des Sauts ! » répondirent-ils.
Et combien de temps avez-vous mis pour l’apprendre ? » demanda le Hésus Cuchulainn.
Il nous a fallu un an, un mois, un quartier de lune plus trois jours et trois nuits.
Bien, jeunes gens, ajouta le Hésus Cuchulainn, voulez-vous m’y conduire ?
Hélas, mon garçon, rétorquèrent-ils, à quoi cela te servirait-il tant que Scathache ne sera pas venue s’occuper de ton instruction comme les autres ?
« J’aimerais bien le voir ! » répondit-il.
Ils partirent donc en direction du pont. Ensuite tous les jeunes gens qui étaient chez Scathache se retrouvèrent là. Et ainsi était le Pont des Sauts : quand quelqu’un sautait dessus, il rétrécissait jusqu’à devenir mince comme un cheveu, aussi coupant qu’un orrlad ? aussi glissant qu’une queue d’anguille. Et à d’autres moments il se redressait jusqu’à devenir aussi haut qu’un mât. Le hésus Cuchulainn sauta donc sur le pont et commença de glisser ou trébucher dessus
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Du haut de la citadelle ensoleillée (un temple du soleil ?) où se trouvait Scathache, on pouvait apercevoir le Hésus Cuchulainn à la peine. Ainsi était cette citadelle du soleil : avec sept portes immenses, et sept fenêtres entre chacune de ces portes, trois fois cinquante filles dans chacune de ses pièces, avec des manteaux pourpres et bleus. Et il y avait trois fois cinquante garçons du même âge, trois fois cinquante garçons valeureux, trois fois cinquante champions, hardis et intrépides, à chacune de ces portes, à l’intérieur et à l’extérieur ; apprenant l’art martial et les prouesses chevaleresques chez Scathache.
Et ainsi était Scathache elle-même à ce moment : avec sa fille appelée Uathache à ses côtés. Cette fille avait des mains éclatantes de beauté, l’air timide et des sourcils noirs. Ainsi était sa tête : d’une oreille à l’autre ses cheveux avaient la couleur de l’or gris, une coiffure faite d’une tresse enroulée finement couronnait sa tête et son crâne, elle avait la main sur de superbes fils de chaîne couleur de l’or, avec une belle navette entourée de fil à la couleur éclatante, pour passer ou ramener le fil de trame.
Quand la fille vit le jeune Hésus Cuchulainn sur le pont, elle lui accorda aussitôt tout l’amour de son âme ; et l’amour de ce jeune homme ainsi malmené lui fit comme perdre la tête. Quand le moment était venu pour elle de passer un fil d’or dans la trame qu’elle avait en main, elle mettait au contraire un fil d’argent. Et bien d’autres couleurs passaient aussi de même sur son visage, car par moments elle était aussi blanche qu’une fleur et d’autres moments pourpre ou rouge sang.
Sa mère la regardant par hasard s’en aperçut et lui dit : « ma fille, qu’y a-t-il pour que ta mine et ton ouvrage en soient ainsi bouleversés » ?
Je vois un garçon tout seul sur le pont, et le voir dans la situation où il se trouve m’afflige, quand ses pieds ou ses mains glissent du tablier du pont, voilà ce qui me donne cet air déconfit ; mais quand ses pieds ou ses mains arrivent à s’accrocher, mon esprit se réjouit. Mais je trouve le péril si grand pour lui qu’il ne reverra jamais sain et sauf ni son père ni sa mère, et il est certain qu’il y en aura beaucoup d’autres qui vont être peinés par ce qui va lui arriver de mortel.
Bon en effet, s’exclama Scathache, regarde bien ce jeune homme, car il m’est apparu en rêve il y a peu de temps qu’un jeune homme, presque un enfant, pas très vieux en tout cas, venait à moi de l’Ouest, des terres de la verte Erin, qu’il remporterait l’épreuve du Pont des Sauts, en une heure, alors que pour toute autre personne cela requiert un entraînement d’un an, un mois, un quartier de lune (une semaine) plus trois jours et trois nuits, qu’il y parviendrait en un seul jour, et que l’on parlera de cet acte de bravoure et de courage jusqu’à la fin des temps, qu’il sera l’enfant annoncé par les prophètes.
En ce qui concerne le Hésus Cuchulainn, il commença par glisser ou trébucher sur le tablier du pont, de sorte qu’après cela il était donc obligé de sauter à terre à même le sol. Et les trois premiers de cette classe d’élèves venus du monde entier le huèrent en poussant de nombreux cris de dédain ou de moquerie à son encontre vu la grandeur de sa folie, consistant à vouloir déjà mettre en pratique cette leçon, alors que Scathache ne lui avait pas encore montré comment faire. Le Hésus Cuchulainn en devint comme enragé, aussi sauta-t-il très haut en l’air comme un oiseau planant dans le sens du vent, de sorte qu’après avoir bondi de cette façon, il parvint à rester debout en équilibre sur le tablier du pont, c’est-à-dire sur la pile centrale. Et le pont sous lui ne devint ni étroit, ni affûté comme un rasoir, ni glissant.
Et tous les jeunes Irlandais de pousser bien haut un grand cri pour saluer la performance qu’il venait de réaliser de la sorte et parce qu’ils se réjouissaient que soit venu de la verte Erin quelqu’un ayant pu accomplir un exploit tel que celui-là. Et la fille apprit aussitôt à Scathache que le garçon avait réussi l’épreuve du Pont des Sauts.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 27.
Un quart de mois… la notion de semaine de sept jours était inconnue des anciens Celtes qui ne connaissaient que des mois lunaires (sidéraux plus précisément) divisés en quatre quartiers de lune soit 4 huitaines de jours (et 9 nuits).
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Le Pont des Sauts… Désolé pour les amateurs de miracle, de magie, de mystère, mais ce pont des sauts n’était sans doute qu’une machine ou un appareillage quelconque, mû par des ressorts ou actionné par des gens de Scathache, afin d’entraîner ses élèves à garder leur équilibre. Une sorte d’entraînement à balles réelles dirait-on de nos jours.
Du haut de la citadelle ensoleillée… Grianan. Mot gaélique difficile à traduire. Le mot Grianan signifie « endroit ensoleillé », expression utilisée par les anciens Irlandais pour désigner un lieu avec une vue dégagée, jamais à l’ombre. Comme il semble bien que ce terme ait fini par désigner la demeure d’un puissant personnage, donc un château, un grianan était donc toujours une fortification jouissant d’une vue imprenable. Celui d’Ailech (Grianán an Aileach) était un site fortifié circulaire datant de l’Âge du bronze et construit par des populations païennes qui vouaient un véritable culte au soleil (entre autres). Alors, comment traduire au mieux le terme grianan maintenant. Observatoire ? Château ensoleillé ? Palais de Cristal ? Chambre de verre ? Un temple du soleil où l’on adorait le dieu Grannos ?? En tout cas certainement pas un boudoir comme ceux réservés aux dames dans un château. Un boudoir… Ce n’était pas le genre de Scathache qui était une maîtresse femme à qui donc il valait mieux obéir et vite.
Art martial… nous rendons ainsi le terme gaélique gaisge, où l’on reconnaît sans peine le nom du javelot (gae) ainsi que celui du bouclier (sciath). Quant à riderachta, Sayers le traduit par “chevaleresques”.
C’est peut-être ce que l’on appelait autrefois un pas d’armes ou une passe d’armes, un jeu ou entraînement guerrier qui mettait en jeu des tenants et des venants c’est-à-dire des défenseurs et des attaquants (venant) relevant le défi comme lors du célèbre tournoi livré par les chevaliers anglais en1390 à Saint Inglevert.
Les sourcils bruns et les cheveux blond châtain… Donc Uathache se teignait les cheveux !
Uathache qui en fait est en train de travailler avec un métier à tisser.
Siabrad est là encore un terme gaélique difficile à traduire. Le sens premier semble être celui de déformation ou de contorsion, mais ce terme peut également signifier enchantement, illusion, vision, mirage, bref tout ce qui peut induire en erreur ou distraire quelqu’un de sa tâche.
L’enfant [chéri de la déesse des victoires ?] annoncé par les prophètes… C’est la première mention à notre connaissance du fait que la venue du jeune seigneur de Muirthemné aurait été annoncée par des prophéties. On peut bien entendu penser ici à une influence chrétienne, mais il s’agit en réalité d’un thème universel. Désolé pour ceux qui tiennent à la singularité du cas « Jésus » (le Nazaréen). Il y avait d’ailleurs déjà les prophéties de Catubatuos/Cathbad le concernant.
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Très bien mon âme, dit Scathache, pars à sa rencontre, souhaite-lui la bienvenue de ma part et de ta part, et trouve-lui une chambre pour cette nuit, dans la maison des mbearrthoiridhe (dans la maison des ???)
La fille alla donc à sa rencontre, jamais elle n’avait entrepris de façon aussi fière ou plus joyeuse une telle démarche. Elle souhaita au jeune homme la bienvenue de la part de Scathache et d’elle-même, posa une main sur son cou et lui donna un baiser affectueusement et loyalement, puis lui dit : « Très bien mon garçon, suis-moi que je te trouve un logement pour cette nuit ! »
Aussi partirent-ils en direction de la porte de la maison des ? et arrivés là elle lui dit : « très bien, les jeunes, faites entrer ce garçon et traitez le bien cette nuit, car c’est un jeune Irlandais ! »
Quand le Hésus Cuchulainn fut parmi eux, ils lui dirent : « Hé le jeune, quoi qu’on te fasse cette nuit n’en sois pas fâché. Nous sommes ici trois neuvaines d’hommes, chacun d’entre nous a vingt-sept épieux à la pointe en fer, et qui sort victorieux du Pont des Sauts doit ensuite compter avec notre bon vouloir ! »
Que lui faites-vous au juste ? demanda le Hésus Cuchulainn.
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Nous le balançons sur la poutre maîtresse du faîtage du toit, et nous lui jetons nos javelots et nos piques, de sorte qu’il n’y ait pas un point de son corps ainsi criblé de traits par où ne s’écoule le sang de son cœur… ?… et qu’il soit donc saigné à blanc.
Et pourquoi donc lui faire tout cela ? demanda le Hésus Cuchulainn ?
Nous faisons cela, répondirent-ils, afin que, même s’il y a des armées entières et des multitudes d’ennemis, de coups et de blessures pour toi un jour, tu n’en sois pas pour autant saisi de fureur ou de tremblements nerveux, vu tous les coups que tu vas recevoir dans cette maison ce soir.
Je vous avertis, répondit le Hésus Cuchulainn, je ne laisse personne sur terre me larder le corps de coups une fois que le combat m’a été imposé, à moins que je ne le veuille bien de la part d’un guerrier m’affrontant ou s’opposant à moi.
C’est juste, dit l’un d’entre eux, mais à condition que cela soit bien en ton pouvoir.
Ma parole, dit un autre, on ne va pas te prendre au mot pour autant. Et il attrapa le Hésus Cuchulainn par les chevilles puis le jeta sur le faîte de la maison. Et ils lancèrent tous leurs javelots ou leurs traits sur lui.
Mais le Hésus Cuchulainn redescendit lentement, avec grâce, d’un pied léger, en marquant une pause et un temps d’arrêt sur la hampe de la pique la plus proche de lui, ensuite il descendit sur la seconde, puis sur la troisième, et ainsi de javelot en javelot, jusqu’au dernier.
En ce qui concerne l’exploit des javelots, il n’avait jamais jusque-là été réalisé par personne, que ce soit par Uathache, par Scathache, par Aife, par Ablach, par la reine du pays des neiges, par Eis Enchenn, ni par un chevalier ou une dame ayant appris comment l’accomplir, jusqu’à ce que le Hésus Cuchulainn soit venu. Il fut projeté de cette façon trois fois (sur le faîte du toit). Le Hésus Cuchulainn se mit alors en fureur contre les ? il saisit ses armes et commença de les tuer ou de semer la confusion parmi eux, il leur coupa tous la tête et les fixa aux portes de la citadelle sous les pieds de ses hôtes, afin d’inspirer la plus grande terreur. Et les trois fois cinquante hardis et vaillants champions qui étaient à la porte de Scathache à l’intérieur et à l’extérieur, tombèrent devant lui de la même manière.
Le Hésus Cuchulainn resta dans la maison cette nuit-là et le lendemain matin il se présenta devant la porte de la citadelle du soleil où demeurait Scathache et demanda si Scathache était là.
« Qu’y a-t-il mon garçon ? » demanda Scathache.
Je viens te demander les joyaux trésors et richesses de tous ces jeunes venus du monde entier que tu as gardés sans leur redonner.
Jeune homme, répondit-elle, il y a ici de nombreux guerriers mieux placés que toi pour demander cela et se venger.
Ils n’ont pas été capables de le faire, dit le Hésus Cuchulainn, et je suis capable de me venger moi-même ou de demander ça.
Et de quoi donc veux-tu te venger contre moi, jeune homme ? demanda Scathache.
Lève-toi, s’exclama le Hésus Cuchulainn, que nous puissions combattre et nous affronter l’un l’autre.
Je viens, répondit Scathache.
Ce n’est pas à toi d’y aller, s’écrièrent Cuar et Cat, les deux fils de Scathache, mais à nous.
Ce n’est pas à vous d’y aller mes chers enfants, leur rétorqua Scathache.
J’irai seul, insista Cuar le fils de Scathache.
Ainsi était Cuar : doté d’un corps épais ainsi que d’une ample poitrine, aussi grand qu’un vrai géant.…
Note de la rédaction : ce qui suit n’est pas très clair.
Et il se tenait là debout devant lui, en train de faire une démonstration de ses trois fois neuf spécialités, comme le jeu de la pomme, le coup du tonnerre, le coup du bruit, le jeu de la roue, le jeu du corps tout entier, l’exploit des cent batailles, le saut du saumon, le jet du bâton, le saut d’obstacle, le jeu de l’hyperventilation, le coup par en dessous, le coup en retour (faithbheim = taithbheim ?) le coup bien mesuré… ?… beim go gcomus fáithréim andíaidh do reannaibh slegh, go mbídis sin úaidh chuige amhail beacha ag tionól a ttromchnuasaigh go treabhruighthe do bharraibh na mbánsgoth.
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Et il décrocha de sur ses radieuses épaules son bouclier à umbo avec 7 bosses autour de l’umbo central, ce bouclier rutilant était orné d’acier de cristal et d’escarboucles, de sorte que ce bouclier multicolore ressemblait à une couronne d’yeux quand on le regardait.
Et il prit sa lourde et puissante épée, tout en longueur, force, éclat, dotée de la dureté de l’acier, assoiffée de sang vermeil, une épée… barbelée ? capable de trancher un cheveu à contre-courant, de découper ou de hacher menu.
À son côté une longue gaine de bronze blanc, avec une belle ceinture d’argent.
Ensuite il prit ses deux javelots à cinq barbes (choig rinne) à douille large, à la hampe épaisse, aux rivets bien posés dans leur mousse rouge (?) aux hampes bien droites.
Enfin ils arrivèrent sur le lieu du combat, et ils prirent place, bien campés sur leurs jambes et face contre face, de façon à ce que leurs pieds soient rivés au sol, que leurs mains virevoltent, leurs coups assénés franchement, et leur moral au plus haut ; car on entendait l’écho de leur combat dans les archipels et les îles ainsi que sur les rudes îlots rocheux des régions avoisinantes………………………………………………………………………………………………………
Note de la rédaction. Il y a ici dans le manuscrit original un épisode que nous avons préféré omettre par souci de cohérence avec la suite : le Hésus Cuchulainn nous y est montré combattant aux côtés des deux fils de la reine.
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Hé jeune homme ! Viens ici à l’intérieur jusqu’à ce que le jour se lève demain, dit par conséquent Scathache, qu’un lit soit préparé pour toi enfin, pour que tu puisses être soigné puis guéri d’ici à la fin de ce quartier de lune.
Uathache, la fille de Scathache, vint retrouver le Hésus Cuchulainn cette nuit-là dans sa chambre.
« Qu’est-ce qui t’amène ici à cette heure, jeune demoiselle » ? dit le Hésus Cuchulainn.
« Aucune armée qui attaquera ce soir ne sera combattue ! » répondit la demoiselle.
Ne sais-tu donc pas, O jeune demoiselle, répondit le Hésus Cuchulainn, qu’être avec une femme est geis (interdit) pour qui est malade ?
La jeune demoiselle retourna dans sa propre chambre à coucher, et il ne fallut pas longtemps pour que sa robe soit enlevée, ensuite elle revint de nouveau trouver le Hesus Cuchulainn et s’allonger à ses côtés dans le lit. Le Hésus en fut grandement contrarié, aussi avança-t-il sa main restée intacte vers la jeune demoiselle, mais un des doigts de la fille se trouva malencontreusement devant, de sorte qu’en voulant la caresser il heurta violemment sa peau ainsi que sa chair et la blessa en lui faisant très mal.
Que retombent sur toi cette sinistre offense et ce geste malheureux, maudit sois-tu jeteur de sort possédé s’exclama-t-elle. Il est honteux de battre une femme. Et tu aurais pu repousser ma personne sans me blesser autant de cette façon.
Je préfère t’avoir rejetée ainsi, dit le Hésus Cuchulainn, la disgrâce et le mépris n’en seront que plus grands pour toi.
Je te pardonnerai maintenant, dit la demoiselle, cette blessure douloureuse que tu m’as infligée, pourvu que je ne sois pas rejetée de ton lit cette nuit.
Tu comptes encore demeurer ici, rétorqua le Hésus Cuchulainn, mais tu ne resteras pas là cette nuit pourtant.
Je t’accorderai une bonne récompense, dit la demoiselle, si je ne suis pas rejetée de ton lit rien pour cette nuit uniquement, je ferai en sorte que ma mère t’enseigne les trois bottes secrètes qu’elle connaît, mais qu’elle n’a jamais montrées à personne, c’est-à-dire la botte secrète de Cuar, de Catt, et le coup des huit eaux.
Le Hésus Cuchulainn fit donc promettre à la demoiselle qu’elle lui accorderait ces contreparties, et cette nuit-là il lui donna ce que son corps et son esprit voulaient. Ensuite le lendemain il lui demanda : « Où sont donc les récompenses que tu m’avais promises, comment puis-je les obtenir ? »
Je vais te le dire, répondit la demoiselle, c’est ainsi que Scathache va parler avec les dieux : assise dans la hotte destinée à transporter ses armes. Elle y va sans armes, et si tu la surprends sans ses armes et sans ses engins de mort à multiples tranchants là tu obtiendras d’elle toutes les
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récompenses (que je t’ai promises). Suis-la demain, et dis-lui qu’elle sera décapitée à moins qu’elle ne te donne les compensations que tu lui demanderas.
Le lendemain matin le Hésus Cuchulainn partit pour le Pont des sauts, Scathache y était déjà là ainsi : dans la hotte destinée à transporter ses armes. Elle ne sentit pas le Hésus Cuchulainn venir sur elle une épée nue à la main, mais elle aperçut l’éclat et le brillant de l’épée entre elle et un rai de lumière, Scathache… ?…… et lui demanda : « qu’est-ce que tout cela, mon petit chien ? »
Ce que je veux, dit le Hésus Cuchulainn, c’est t’infliger mort et trépas.
Il vaut mieux me faire quartier, rétorqua Scathache, et obtenir de moi une bonne rançon.
Et quelle serait cette rançon, demanda le Hésus Cuchulainn.
Les récompenses que tu veux, rétorqua Scathache.
Ce seront donc, répondit le Hésus Cuchulainn, ces trois bottes secrètes à toi que tu n’as jamais enseignées à personne avant moi, et que tes cuisses me soient toujours accueillantes ainsi que celles de ta fille.
Scathache lui promit toutes ces compensations, lui enseigna ses trois bottes secrètes, et cette nuit-là la main et le lit de la fille furent à la fête, et de la part de la reine il eut dès lors « l’amitié de ses cuisses ». Il resta ainsi en sa compagnie jusqu’à la fin de l’année.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 28.
Doit ensuite compter avec notre bon vouloir… un bizutage ?
Eis Enchenn. C’est la sorcière que notre jeune héros va devoir combattre dans la suite de notre récit. C’est aussi la vieille sorcière qui combattra notre jeune seigneur de Muirthemné dans la partie des manuscrits de la Cour faite à Aemer (Tochmarc Emire) que nous mentionnerons en tant que variante. Son nom signifie en gaélique « Eis à tête d’oiseau ». Eis En Chenn. Pour en savoir plus à son propos voir donc la fin de la demande en mariage d’Aemer par Cuchulainn (Tochmarc Emire). Son œil unique en fait sans aucun doute une créature appartenant au peuple des vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomore en Irlande et Andernas sur le Continent.
Nous avons donc là une autre liste de techniques martiales ou clessa en gaélique.
Certaines correspondent aux techniques dont on attribue généralement la maîtrise à Cuchulainn, d’autres sont devenues strictement incompréhensibles au fil du temps.
Voici leurs noms en gaélique.
Fáithbheím ? Peut–être une altération de taithbheim, qui signifierait alors en gros « coup en retour ».
Leím tar neimh : le saut de haie ou d’obstacle. Il s’agit sans doute d’une altération de léim dar néib.
Fuamchleas : le coup du bruit.
Cét-chaithchleas : le jeu des cent batailles.
Foibhéim : le coup par en dessous.
Autres techniques également attribuées au Hésus Cuchulainn.
Ubhall-chleas : le jeu de la pomme. Peut-être s’agit-il tout simplement de jongler avec des pommes avons-nous dit.
Roithchleas : le jeu de la roue.
Corpcleas : le jeu du corps tout entier.
Iach n-earradh : le saut du saumon (une technique genre kalari payat ?)
Coir ndealann : le jet du bâton.
Cleas fur anala : le jeu de l’hyperventilation.
Beim go gcomus : le coup bien mesuré.
Sans oublier bien sûr le torainncleas ou jeu du tonnerre.
Mais comment comprendre maintenant exactement la phrase en gaélique : « beim go gcomus fáithréim andíaidh do reannaibh slegh, go mbídis sin úaidh chuige amhail beacha ag tionól a ttromchnuasaigh go treabhruighthe do bharraibh na mbánsgoth ».
Barbelée… Le terme gaélique « corann » n’est pas facile à traduire. Il doit désigner les pointes d’une arme ou d’un outil, comme une flèche ou un hameçon, allant à rebours du sens principal, et rendant par exemple impossible à un poisson de se décrocher. Voir également plus loin choig rinne.
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Mousse rouge. Cubhairdearga = avec encore autour des traces de sang séché ?
Demoiselle… le terme gaélique ainsi rendu est ingen et il est habituellement traduit par fille ou jeune fille.
Relations sexuelles fortement déconseillées à qui est malade ou blessé… exemple typique de geis qui n’est à l’origine qu’une prescription de bon sens pour des cas précis.
Que retombent sur toi ce sinistre outrage et ce geste malheureux… Nous rendons ainsi l’imprécation gaélique “Olc ort do chlé 7 do chol duabhais » de la section 45 du manuscrit Egerton.
Maudit sois-tu jeteur de sort possédé… Nous rendons ainsi l’expression gaélique « a silide siabhartha searguithe ».
La botte secrète de Catt n’est peut-être pas autre chose que le tour ou le jeu du chat déjà mentionné. Un exemple de plus des altérations ou des changements intervenus dans la transmission de toutes ces traditions.
Le coup des huit eaux (cleas ocht uisgé) fait un peu penser au coup des huit hommes (Ochtacless) déjà mentionné, mais…
Notre texte en gaélique oppose tuc et menman. Menma/Menman est un terme gaélique difficile à traduire également. Le dictionnaire électronique de la langue irlandaise (Deli) lui consacre presque une demi-page. Il signifie l’esprit au sens large. Mentionné comme équivalent à animus en latin par le Deli. Or les mots animus et anima, employés au sens strict, désignent deux choses différentes même si Lucrèce assez souvent les utilise l’un pour l’autre. Si tous les vivants ont une âme, chez les hommes, les seuls êtres vivants capables de penser, l’âme, principe de vie, s’accompagne de l’esprit (animus). Il est le principe de la pensée, le siège des opérations intellectuelles et de la volonté. Esprit et âme sont chez l’homme étroitement unis, mais au sein de cette union, c’est malgré tout l’esprit qui domine.
Note de la rédaction. Avec ce qui suit, nous abandonnons le texte de l’entraînement du jeune Cuchulainn et nous revenons au manuscrit de la cour faite à Aemer (Tochmarc Emire), qui mentionne d’ailleurs un certain nombre d’autres versions des mêmes faits, sensiblement différents, et ne manquant pas non plus d’intérêt. Mais il faut bien choisir par moments.
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Certains disent que ce n’est pas du tout comme cela que les choses ce sont passées, mais ce n’est pas ce qui se trouve dans ce manuscrit, ce que rapporte le présent manuscrit c’est que, pendant qu’il était avec Scathache et Uathache sa fille, un homme très connu du Munster, Lugaid fils de Nos, fils d’Alamac, le célèbre roi, un frère de lait du Hesus Cuchulainn, se rendit dans l’est (à Tara ?) en compagnie de douze grands seigneurs vassaux des hauts rois du Munster, afin de demander en mariage douze jeunes filles des hommes (briugus) de Mac Rossa.
Mais toutes étaient déjà fiancées. Quand Forgall le rusé apprit cela, il se rendit à Tara et dit à Lugaid que la première des jeunes filles de la verte Erin, tant par la beauté que par la chasteté ou l’ouvrage, vivait chez lui et qu’elle était célibataire. Lugaid répondit qu’il en était enchanté. Forgall fiança aussitôt la jeune fille au roi, et les douze filles des douze briugus (intendants) de Breg en outre aux douze rois vassaux qui étaient avec Lugaid. Le roi se rendit donc chez Forgall dans son château (dun) pour le mariage. Quand Aemer fut amenée à Lugaid afin de prendre place à ses côtés, elle se cacha les joues derrière ses deux mains, puis exposa sur son honneur et sur sa vie, et confessa que c’était Cuchulainn qu’elle aimait, que Forgall était contre, mais que quiconque la prendrait pour femme se déshonorerait. Aussi, comme il craignait le Hésus Cuchulainn, Lugaid n’osa pas dormir avec Aemer ce soir-là, et il rentra chez lui.
Scathache à ce moment-là était en guerre contre les autres tribus sur lesquelles régnait la princesse Aife. Les deux armées ennemies étaient rassemblées, prêtes à combattre. Le Hésus Cuchulainn fut lié par Scathache, car une potion pour dormir lui avait été donnée auparavant, afin qu’il ne puisse pas se rendre sur le champ de bataille, de peur qu’il ne lui arrive quelque chose. Elle avait fait cela par précaution. Mais le Hésus Cuchulainn commença de sortir de son sommeil au bout d’une heure seulement. Là où n’importe qui d’autre aurait dormi vingt-quatre heures avec cette potion, cela ne dura
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qu’une heure dans son cas. Il partit ensuite avec les deux fils de Scathache affronter les trois fils d’Ilsuanach, c’est-à-dire Cuar, Cett et Cruiffe, trois redoutables guerriers d’Aife.
Il les combattit à lui tout seul et ils tombèrent néanmoins tous devant lui. La bataille générale eut lieu le matin suivant et les deux armées se rangèrent en ligne face à face. Alors arrivèrent les trois fils d’Eis Enchenn, c’est-à-dire Ciri, Biri, ainsi que Bailcne, trois autres guerriers d’Aife, puis le combat contre les deux fils de Scathache commença. Ils s’avancèrent sur le sentier des faits d’armes ? Scathache poussa un grand soupir en voyant cela, car elle ne savait pas ce qui pourrait en sortir, d’abord parce qu’il n’y avait pas de troisième homme avec ses deux fils pour faire face à leurs trois adversaires, et ensuite parce qu’elle craignait Aife, qui était la plus redoutable guerrière du monde. Mais le Hésus Cuchulainn rejoignit ses deux fils, il bondit sur le sentier ? les affronta tous les trois, et ils tombèrent devant lui. Aife défia Scathache en combat singulier, mais le Hésus Cuchulainn se porta devant Aife, après demandé à Scathache ce qu’Aife pouvait bien le plus aimer.
Scathache avait répondu : « Ce qu’elle aime le plus, ce sont ses deux chevaux et son char ainsi que son cocher ! »
Le Hésus Cuchulainn et Aife se rendirent sur le sentier des faits d’armes ? et commencèrent à se battre.
Aife brisa l’arme du Hésus Cuchulainn de sorte que son épée n’eut plus que la poignée.
Ah, s’écria-t-il, le cocher d’Aife ainsi que ses deux chevaux et le char viennent de tomber dans la vallée où ils tous péri !
Aife regarda aussitôt. Alors le Hésus Cuchulainn s’approcha d’elle, l’attrapa par les seins, la prit sur son dos comme une charge sur ses épaules, et l’amena ainsi dans les rangs de son armée. Ensuite il la jeta par terre, et plaça son épée nue sur elle.
Aife s’écria : « vie pour vie, O Cuchulainn ! »
Et maintenant les trois choses que je désire ! rétorqua-t-il.
Elles vont te venir comme l’air que tu respires ! s’exclama-t-elle.
Voici quels sont mes trois vœux, dit le Hésus Cuchulainn. Que tu remettes des otages à Scathache, à qui tu ne t’opposeras plus jamais après ça, que tu sois aussi avec moi cette nuit devant ton château (dun) et que tu me donnes un fils !
Je te promets donc tout cela ! dit-elle.
Et il en fut fait ainsi.
Le Hésus Cuchulainn alla ensuite avec Aife puis dormit avec elle cette nuit-là.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique N°29.
Il partit ensuite avec les deux fils de Scathache… voilà pourquoi nous n’avons pas retenu dans ce qui précède, l’épisode où le Hésus Cuchulainn décapite, après l’avoir vaincu, un des fils en question. Afin d’éviter l’incohérence ou la contradiction, et les explications, bibliques, du genre « Il avait deux Goliath. Un tué par David : Goliath de Gath (1 Samuel 17), l’autre par Elchanan, le fils de Jaaré Oreguim : Goliath le Guittite (2 Samuel 21, 19) ». La plus vraisemblable des versions est évidemment la deuxième : Goliath a été tué, par un des hommes du roi David et non par David lui-même. La première version (première par ordre d’apparition dans la Bible) n’est qu’une fable inventée plus tard pour exalter (ou flatter) le roi David, et insérée par Dieu (ou ses prophètes ? Ou ses secrétaires ? enfin par quelqu’un quoi) en cet endroit du texte.
Sur le sentier des faits d’armes… nous rendons ainsi faute de mieux l’expression gaélique « ted cliss ». Tet étant un mot pour désigner une corde, le ted cliss était peut-être une sorte de champ clos délimité par des cordes où avaient lieu des tournois. Dans les cordes de l’exploit serait donc peut-être une meilleure traduction, chi lo sa ? (Traduttore, traditore.) Mais que dirai-je de certains, vraiment plus dignes d’être appelés traîtres que traducteurs ? Vu qu’ils trahissent ceux qu’ils entreprennent d’exposer, les frustrant de leur gloire…
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… Comme le Hésus Cuchulainn s’apprêtait à repartir, Aife lui dit alors : « Il ne sied nullement à ton véritable esprit de t’en aller avant d’avoir fait toutes tes preuves dans les arts martiaux ! ».
Est-ce à dire que je ne les maîtrise pas encore tous ? demanda le Hésus Cuchulainn
Bien entendu, car j’ai trois bottes secrètes de grande valeur, et il faut une année d’entraînement pour chacune d’elles. Reste avec moi encore cette année-ci, et quand tu les maîtriseras vraiment tu surpasseras tous les jeunes gens du monde entier.
Je resterai, répondit le Hésus Cuchulainn.
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Et il resta donc jusqu’à la fin de l’année, puis prépara son voyage de retour, mais Aife lui dit alors : il ne convient pas, comme je suis enceinte, que tu t’en ailles maintenant, sans avoir vu au moins l’enfant que je vais avoir.
Si c’est une fille qui vient au monde, dit le Hésus Cuchulainn, comme toute mère doit tirer profit de sa fille, donne là donc à l’homme que tu préfèreras. Mais si c’est un garçon que tu portes (Conla), nourris-le, et enseigne-lui les arts martiaux et la bravoure, et apprends-lui toutes bottes secrètes à part l’utilisation du javelot-foudre (gae bolga), car ça je lui enseignerai moi-même quand il sera venu en Irlande.
Ensuite Aife lui annonça qu’elle était enceinte et qu’elle porterait un garçon. Je l’enverrai en Irlande dans 7 ans jour pour jour, dit-elle, et tu lui donneras un nom. Le Hésus Cuchulainn laissa un anneau d’or pour lui et il expliqua ensuite à la reine Aife qu’il fallait aille le retrouver au pays de la verte Erin quand l’anneau irait à son doigt. Il ajouta que Conla était le nom qui devait lui être donné, mais lui expliqua qu’il ne devrait le dire à personne, qu’il ne devrait jamais céder le pas sur sa route à quiconque ni refuser d’affronter qui que ce soit.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 30.
Il ne sied nullement à ton véritable esprit… dans les arts martiaux. Nous traduisons ainsi la phrase en gaélique Ní coír d’fior do mhenmasa imthecht no go raibhar derbhtha isna hilcleasaibh go île 7 gaisge go hiomlán, où l’on retrouve notamment notre fameux menman = esprit.
Signalons au passage à notre lecteur qu’ici nous retournons aux manuscrits consacrés à l’apprentissage du jeune seigneur de Muirthemné cher à Augusta Gregory et que nous abandonnons provisoirement ceux traitant de la demande en mariage d’Aemer.
Entre des femmes de type Scathache et des femmes du type évoqué ici par le jeune seigneur de Muirthemné cher à Augusta Gregory (des lavettes ou des poupées) il y a un juste milieu.
Reconnaissons-le clairement, les versions irlandaises du mythe panceltique originel sont ultra sexistes, Cuchulainn est un macho comme on en voit peu.
Tout le monde ne peut pas être Scathache, certes, mais pourquoi ne pas en avoir un peu plus (au moins la parité. Il y a certes des métiers surtout féminins (ce qui ne veut pas dire qu’ils doivent être interdits aux hommes et qu’aucun homme ne doit l’exercer), comme sages-femmes par exemple, et il y a aussi des métiers surtout masculins (ce qui ne veut pas dire qu’ils doivent interdits aux femmes et qu’aucune femme ne doit l’exercer) : ceux nécessitant beaucoup de force physique, ou d’agressivité genre « ramper dans la boue une baïonnette entre les dents » par exemple, mais entre les deux il y a toute la gamme des professions où la parité peut être un bien, médecin professeur juge avocat (surtout en France où les métiers de juge aux affaires familiales et d’avocat sont en fait réservés aux femmes ; or il faut savoir oser la parité même en ces domaines ; mais je fais confiance aux millions de féministes françaises pour défiler en masse le temps qu’il faudra dans les rues afin d’exiger l’égalité ou la parité en ces domaines).
Le javelot-foudre ou gae bolga en gaélique, est une arme assez mystérieuse. Quoi qu’il en soit, le détail a son importance, car, ajouté aux interdits donnés par le hésus Cuchulainn qui agit ainsi en druide, cela entraînera la mort tragique du jeune homme, tué par son propre père ne sachant pas que c’était lui.
Le caractère quelque peu monganien avant la lettre du Hésus Cuchulainn ne doit pas nous cacher le fait que l’histoire du Hesus Mars ou Cuchulainn est d’abord et avant tout une extraordinaire illustration de la toute-puissance du Destin ou Tocad (moyen gallois tynghed, breton tonket, destiné, vieil irlandais tocad, destin, toicthech « fortunatus », tonquedec en breton. Le labarum est son symbole).
Il ne devrait le dire à personne, qu’il ne devrait jamais céder le pas sur sa route à quiconque ni refuser de combattre qui que ce soit… nous retrouvons là l’engrenage fatal des gessa. Mais le Hésus
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Cuchulainn, à la différence d’Abraham, aura une excuse pour avoir voulu tuer son fils par la suite : il ignorera que c’était lui.
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L’apprentissage de Cuchulainn de nouveau (suite).
Ensuite le Hésus Cuchulainn fit ses adieux à la demoiselle, qui fut fort attristée, voire peinée ce jour-là quand le Hésus Cuchulainn les eut quittés. Quant au Hésus Cuchulainn lui-même, son esprit était préoccupé ce jour-là bien plus que jamais, quand, alors qu’il allait son chemin et atteignait le Pont des sauts, il aperçut devant lui une créature seule et à l’écart, sinistre, horrible, extraordinaire, étrange, à l’autre extrémité du pont, une vieille sorcière (Eis Enchenn), immense, toute flétrie, avec dans la main une sorte de chaudron en fer qui avait nécessité une pleine poignée de fer trempé.
Eh toi le Hésus Cuchulainn, laisse-moi le passage !
L’endroit où je suis est impraticable à moins d’être seul, car il est aussi mince qu’un cheveu, et aussi coupant que le fil d’une épée, aussi glissant qu’une queue d’anguille, et si une épine de chardon venait à se trouver là où je suis elle ne pourrait même pas s’y implanter avant la fin du monde (avant que les flots de l’océan ne viennent nous recouvrir).
« Interdit et injonction sur toi ! » répondit la sorcière, à moins que tu ne me laisses passer.
Quel triste choix pour quelqu’un, s’exclama le Hésus Cuchulainn : la vie ou son âme, la mort ou le déshonneur. Cette route je vais la libérer pour toi, mais tout ce que tu y gagneras ce sera la mort et l’anéantissement.
Ensuite le Hésus Cuchulainn se coucha sur le pont en l’enserrant de ses bras et de ses jambes, puis la sorcière lui fit avec violence et cruauté le coup du tonnerre sur toute la largeur de son dos sur ses jambes et sur ses bras, de sorte qu’elle l’atteignit et le blessa très sérieusement. Mais il sauta ensuite en l’air légèrement et comme en planant tel un oiseau, puis, après avoir fondé sur la sorcière, lui donna un coup qui la décapita. Et cette mort sous les coups du Hesus Cuchulainn fut une bonne chose, car c’était Eis Enchenn.
Ainsi était Scathache alors : en train d’instruire certains des chevaliers irlandais qui étaient avec elle durant l’année qu’avait passée le Hésus Cuchulainn avec Aife en Grande Grèce. Voici les noms de ces chevaliers : Ferdiad fils de Daman, Ferdeman fils de Daman, Fraech Fail fils de Fidach, Noisi fils d’Uisnech, le grand Loit fils de Mogh Febis, et Fergus fils de Lua aux longs cheveux. Quand le Hésus Cuchulainn arriva au château (dun), ce fut juste au moment où tous devaient repartir pour la verte Erin. Mais ils restèrent une année de plus avec Scathache, côte à côte, de sorte que chacun d’eux puisse être aussi versé dans les arts martiaux que le Hésus Cuchulainn, tant pour ce qui est des exploits que des faits d’armes ou des prouesses, à part le maniement du javelot-foudre (gae bolga), et ensuite seulement ils firent leurs adieux à Scathache.
Bien, O ma reine, dit le Hésus Cuchulainn, le moment est venu pour moi aussi de repartir avec ces chevaliers vers la verte Erin.
Tu ne t’en iras pas avec eux tant que je ne vous aurai pas tous liés par un pacte d’honneur et d’amitié entre vous, de sorte que personne au monde ne puisse vous monter les uns contre les autres et faire que vous vous affrontiez ou vous combattiez, car vous ne courrez aucun danger de la part de qui que ce soit au monde qui veuille vous mettre en péril, à moins qu’il ne vienne de vous-mêmes. Et voici quelle est l’injonction que je vous impose précisément, si le meilleur d’entre vous affronte moins bon que lui, alors il sera vaincu et il en sera de même pour celui qui est moins bon s’il cherche à combattre qui est meilleur que lui. Qu’aucun d’entre vous ne transgresse ce tabou (cette règle).
Et ils se donnèrent la main les uns les autres afin de signifier qu’ils respecteraient ce pacte jusqu’au jour du jugement dernier.
Enfin ils dirent adieu à Scathache et lui payèrent le prix de leur apprentissage. On ne sait pas ce qu’ils devinrent après cela, jusqu’à ce qu’ils atteignent le pays des hommes de Catt.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 31.
Avant que les flots de l’océan ne viennent nous recouvrir… « Non seulement les druides, mais aussi tous les autres, disent que les âmes humaines, ainsi que l’univers, sont indestructibles, mais qu’un
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jour le feu et l’eau prévaudront sur eux » (Strabon, livre IV, IV, 4). La formule revient souvent dans les serments irlandais.
La vie ou son âme, la mort ou le déshonneur : Béo dé déis a anma & ní beó deís a oinigh en gaélique. Le mot utilisé pour âme dans ce cas est anma en gaélique, anma et non menma (menma = esprit).
Grande Grèce… Au sens strict du terme, la Grande Grèce correspond au sud de l’Italie. C’est évidemment, comme toute localisation géographique trop précise (Alba Albion Écosse, et même Irlande…) une pure fantaisie. Pris entre la volonté d’adapter à tout prix le mythe panceltique initial, aux moindres détails de la géographie de leur île (l’Irlande), et la nécessité de garder une part de rêve ou de mystère… nos chers bardes irlandais ont fait à peu près n’importe quoi !
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Quel est donc ce pays, demanda l’un d’entre eux, et qui en est le souverain ?
C’est le royaume des hommes de Catt, répondit le Hésus Cuchulainn, et Aed le Rouge en est le roi. Lequel d’entre nous, sans demander l’hospitalité, saura néanmoins l’obtenir de lui ? demanda le Hésus Cuchulainn.
Mais où vas-tu ? lui demandèrent-ils.
Je vais descendre au bord de la mer là-bas, dit le Hésus Cuchulainn, afin de voir si je puis attraper des oiseaux ou des volatiles que je ramènerai au château, de sorte que les femmes les jeunes et la gent féminine soient émerveillés de les voir arriver vivants.
Fais donc ça, répondirent-ils, mais nous te précèderons au château.
Ensuite ils se séparèrent, et le Hésus Cuchulainn partit chercher du côté de l’océan. Alors qu’il était là il vit toute une foule de gens sur la plage juste devant lui, c’est-à-dire une centaine d’hommes et une centaine de femmes assises au fond d’un havre ou dans un creux du rivage, et parmi eux une jeune fille bien faite, adorable et très belle, la plus distinguée demoiselle du monde, demoiselle autour de laquelle ils pleuraient ou se lamentaient.
Le Hésus Cuchulainn vint sur place et les salua.
Pourquoi donc un tel chagrin et une telle douleur ? demanda-t-il.
La jeune demoiselle lui répondit ceci : « À cause d’un tribut que le roi des vouivres anguipèdes gigantesques (Fomore dans le texte en gaélique, ou plus exactement Fomorach, Andernas sur le Continent) prélève sur ce pays tous les sept ans, le premier né des enfants du roi. Et aujourd’hui c’est à moi de partir à ce titre, car je suis le plus cher de ses enfants ».
Combien sont-ils à venir chercher ce tribut ? demanda le Hésus Cuchulainn.
Trois fils d’Alatrom répondit-elle, Dub, Mell, et Dubros.
Juste après avoir ainsi parlé ils virent leur vaisseau, grand et bien armé, approcher d’eux par-dessus les vagues furieuses de l’océan. Et quand les gens de la demoiselle aperçurent le navire en train d’arriver, tous prirent la fuite, et il ne resta personne avec elle à part le Hésus Cuchulainn. Ainsi était ce navire : avec un guerrier solitaire, sombre, lugubre, diabolique, sur la poupe de ce bon vaisseau, riant si cruellement et à gorge déployée que l’on pouvait voir ses entrailles et ses boyaux au fond de son gosier.
Qu’est-ce qui fait donc tant rire ce géant ? demanda le Hésus Cuchulainn.
Parce qu’il trouve, répondit la demoiselle, qu’il est excellent que vous ayez été ajouté à son tribut cette année par rapport aux précédentes.
Par ma foi, s’exclama le Hésus Cuchulainn, il n’aurait aucune raison de se réjouir ainsi en me voyant s’il savait ce qui va en résulter pour lui.
Ensuite le géant débarqua sur la plage et s’avança vers eux puis il tendit son bras qui était très long, sinueux, et hideux, pour se saisir du Hésus Cuchulainn qui se tenait devant le tribut dû au roi. Le Hésus Cuchulainn leva immédiatement sa main droite, dégaina son épée puis asséna un tel coup au géant qu’il le décapita. Ce fut le premier adversaire qu’abattit le Hésus Cuchulainn après avoir terminé son entraînement. Ensuite les deux autres tombèrent également devant lui, et il les laissa ainsi, décapités, mais cou contre cou.
En ce qui concerne le Hésus Cuchulainn, il n’accorda ni soin ni attention à la demoiselle, car il ne trouva ni honorable ni mémorable de lui parler, alors qu’elle se retrouvait seule, sa suite l’ayant
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abandonnée. Il partit rejoindre ses compagnons, mais ne leur parla pas de cet exploit. Ils arrivèrent devant la porte de la forteresse, ils frappèrent à la porte avec le heurtoir, et le portier leur demanda qui était là.
Nous sommes une compagnie de chevaliers de la verte Erin, répondirent-ils, venus du monde de l’est, après avoir achevé notre entraînement.
Le portier alla retrouver le roi, encore sous le coup du chagrin dû à la perte de sa fille et lui apprit qu’une troupe de chevaliers de la verte Erin s’était présentée à la porte.
Faites-les entrer dit le roi.
Ils entrèrent donc, et le roi leur souhaita cordialement la bienvenue, fort gracieusement et avec courtoisie.
Juste après ils virent la demoiselle du château arriver.
Eh bien ma fille, dit s’exclama le roi, es-tu peinée pour les gens de ta suite, ou est-ce la peur qui t’a mise dans cet état ?
Certes non, répondit la demoiselle, mais un jeune homme, très jeune, qui est venu à moi et qui est resté avec moi-même après que les gens de ma suite se soient enfuis, il s’est battu pour moi contre les trois fils d’Alatrom le roi des gigantesques vouivres anguipèdes (Fomoire en Irlande, Andernas sur le Continent) et ils sont tombés devant lui. Pour en avoir la preuve, envoie quelqu’un voir ce qui reste du tribut et fais-toi-le rapporter.
Viens triompher ici et recevoir ma bénédiction, ma fille, dit le roi, ce sont de bonnes nouvelles que tu m’apprends là. Et il envoya un serviteur chercher le reste du tribut, qui lui fut rapporté.
Aed le Rouge fut si enchanté par cette histoire, qu’il demanda aussitôt à toute la gent féminine et à toutes les femmes du fort d’aller s’occuper de la toilette et du bain des chevaliers.
Les femmes s’exécutèrent, une femme avec chaque chevalier, pour le laver, en lui faisant prendre un bain. Et ce fut Aife, la fille d’Aed le Rouge, à qui donc il échut de se tenir à côté de la cuve dans laquelle était le Hésus Cuchulainn. Et quand sa main se retrouva dans les siennes, elle s’exclama : « Ah ça en vérité, grande est la part de bravoure et de vaillance de cette main ! »
Qu’y a-t-il ? demanda le roi.
Il y a, répondit la demoiselle, que cette main est celle par qui les trois fils d’Alatrom le roi des vouivres anguipèdes gigantesques (Fomoire) ont été abattus, celle qui m’a sauvée du triste sort qui m’attendait.
Est-ce bien vrai cela, chevaliers de la verte Erin, demanda donc Aed le Rouge. Quand vous êtes entrés dans le château, y avait-il un membre de votre groupe qui s’était absenté ?
Oui, Cuchulainn qui est là-bas, répondirent-ils, car il est descendu sur le rivage de la mer, afin de voir si par hasard il pourrait attraper des oiseaux ou d’autres créatures ailées afin de les ramener au fort.
Est-ce là, poursuivit le roi, le célèbre Hésus Cuchulainn dont le renom court tout votre pays ? Si c’est le cas, dit Aed le Rouge, alors le tribut royal que tu as gagné t’appartient, et ma fille aussi.
Que le diable t’emporte ! s’exclama Ferdiad, fils de Daman, personne sur terre ne peut acquérir renom célébrité ou distinction durable avec toi sur la même route.
Le Hésus Cuchulainn n’accorda néanmoins aucune attention aux paroles que Ferdiad avait proférées, mais partagea en trois ce tribut destiné aux vouivres anguipèdes gigantesques (Fomoire en Irlande, Andernas sur le Continent), un premier tiers pour les chevaliers, un second tiers pour les intendants du royaume de Catt et le troisième tiers comme dot pour la fille du roi Derbforgaill. Et cette nuit-là il fit la fête avec elle dans son lit.
Ils restèrent sur place un moins et une quinzaine de jours, bien soignés, bien traités, mais à la fin de ce temps-là ils se mirent en route pour la verte Erin, et accostèrent dans le havre de Traig na Folad dans le pays d’Ulidia ; ensuite ils se rendirent dans leur douce et belle Emain Macha où était alors Cunocavaros/Conchobar fils de Fachtna Fathach, haut roi des Ulates (Copié par Richard Tuibear en l’an de grâce 1715).
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 32.
À cause d’un tribut que…… De nouveau donc ce fameux tribut en hommes ou devchirmé, celte. Il importe à ce propos de dédramatiser tout cela et de bien souligner que primitivement, dans le mythe pan celtique initial, il n’y avait pas entre Fomore et Tuatha Dé Danann ou peuple de la déesse Danu (bia) une opposition aussi simpliste et manichéenne que celle pouvant exister entre anges ou démons selon les juifs les chrétiens ou les musulmans. Les Fomores étaient tout simplement des créatures surhumaines, surnaturelles, plutôt chtoniennes et souterraines, et les Tuatha Dé Danann des démons, mais au sens originel du terme, plutôt aériens ou vivant au ciel ; pour ne pas dire célestes. Sur le Continent les Fomore étaient représentés comme des anguipèdes géants, toujours vaincus par Taran/Toran/Tuireann (Jupiter en interpretatio romana). Le plus exact des parallèles n’est pas l’opposition judéo-islamo-chrétienne entre anges ou démons, extrême gauche ou extrême droite, raciste ou anti raciste, car cette opposition factice dépend toujours du point de vue où l’on se place (les démons des uns sont les dieux des autres et vice versa, que de dieux du paganisme les chrétiens n’ont-ils pas rebaptisés… démons ; quant au raciste c’est bien simple, c’est toujours… l’autre, celui qui n’est pas comme le journaliste qui en parle par exemple) ; mais le combat entre les dieux grecs et les Titans, ou entre les Ases et les Vanes de la mythologie germanique.
Enfin, n’oublions pas non plus qu’il s’agit surtout et sous cette forme précise de contes populaires irlandais en gaélique, destinés aussi aux enfants, et que l’équivalent aujourd’hui en serait un film d’horreur, à prendre au second degré, tout comme le passage des évangiles sur les possédés géraséniens transformés en pourceaux qui se précipitent ensuite dans le lac (Matthieu VIII, 28-34 ; Marc V, 1-20, Luc VIII, 26-39). Un véritable film d’horreur de seconde zone.
Le portier leur demanda qui était là… portier se dit doirseoir en gaélique, dorosarios en vieux celtique. C’était une fonction très importante, généralement assumée par un druide, c’est dire par un homme assez cultivé pour s’assurer de la qualité ainsi que des intentions (pacifiques) des nouveaux arrivants.
Au besoin en leur posant toute une série de questions et en menant sa propre enquête.
Les intendants… nous traduisons ainsi le terme gaélique biattach, une sorte de briugu.
Haut roi des Ulates. Airdrígh Uladh. Le titre d’Ard ri est en principe réservé au souverain régnant sur toute l’Irlande et pas seulement sur une de ses cinq provinces.
Et effectivement la fille d’Aed le rouge sous le nom de Derbforgaille viendra retrouver notre héros un an plus tard, mais ceci est une autre histoire qui nous est contée par le manuscrit de la cour faite à Aemer.
Retour donc au récit de la cour faite à Aemer (tochmarc Emire) pour la suite des aventures de notre héros.
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Variante du récit fournie par le manuscrit de la cour faite à Aemer ou Tochmarc Emire.
Là-dessus le Hésus Cuchulainn se mit en chemin… Il rencontra une vieille femme sur la route, qui était borgne de l’œil gauche. Elle lui demanda de prendre garde et de ne pas rester sur son chemin. Il répondit qu’il n’y avait pas assez de place pour passer en ce qui le concernait sauf au bord de la falaise dominant la mer qui était en bas. Elle lui demanda néanmoins de lui laisser le passage. Alors il la laissa donc passer, mais ses doigts de pied dépassaient. Quand elle passa devant lui elle en profita donc pour taper sur son gros orteil afin de le faire tomber en bas de la falaise. Comme il s’en était aperçu, il exécuta encore une fois le saut du saumon, et lui arracha la tête. C’était la mère des trois derniers guerriers qui étaient tombés devant lui, c’est-à-dire Eis Enchenn, et donc elle était venue à sa rencontre pour le perdre…
Après que toute la science des arts martiaux de Scathache ait été transmise au Hésus Cuchulainn : le jeu des pommes, le coup du tonnerre, le jeu du fil de l’épée, le coup du bouclier tenu à l’horizontale, le jeu du javelot, le jeu de la corde, le foerclius ? le jeu du corps, le jeu du chat, le saut du saumon, le jet du bâton, le javelot foudre, le jeu de la vitesse, le jeu de la roue, le coup des huit hommes, le coup de l’hyperventilation, le coup d’épée qui ne donne qu’une ecchymose, le cri de guerre du héros, le coup bien mesuré, le coup en retour, le coup par en dessous ? le vaillant champion qui monte sur un javelot puis s’étend et se déploie sur sa pointe, le char à faux et le héros dansant autour des pointes de
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javelots ; arriva ensuite un message pour le Hésus Cuchulainn lui demander de rentrer dans son propre pays, et il prit congé. Alors Scathache lui apprit ce qui devrait lui arriver dans le futur, elle lui chanta la grande science de l’illumination des voyants puis lui dit : « Sois le bienvenu, guerrier… ?……
Le Hésus Cuchulainn monta ensuite à bord de son navire pour gagner la verte Erin. Et voici quel était l’équipage de ce navire : Lugaid, Luan Da Mac Loich, Ferbaeth, Larin, Ferdiad, et Drust, fils de Serb. Ils se rendirent à la maison de Ruad, roi des Îles, la nuit de Samon (ios). Il y avait, les précédant, Conall Le Victorieux et Loégairé Buadach levant le tribut ; car les Îles étrangères en ce temps-là devaient un tribut aux Ulates. C’est alors que le Hésus Cuchulainn entendit des lamentations s’élever du château (dun) du roi devant lui.
Qu’est-ce que c’est que ces lamentations ? demanda le Hésus Cuchulainn.
La fille de Ruad a été prise par les vouivres anguipèdes gigantesques (Fomore) en guise de tribut, répondirent-ils. C’est pour cette raison que tout le monde pleure dans le château (dun).
Où est la jeune fille ?
Elle est en bas sur le rivage actuellement, répondirent-ils.
Le Hésus Cuchulainn s’approcha de la jeune fille sur la plage. Il lui demanda ce qui se passait. La jeune fille lui raconta tout. D’où ces hommes doivent-ils venir ? De cette île éloignée là-bas, répondit-elle.
Ne restez pas là exposée à la vue de ces brigands, lui conseilla le Hésus Cuchulainn. Il attendit sur place et tua les trois vouivres anguipèdes gigantesques (Fomori) en combat singulier. Mais le dernier le blessa au poignet. La jeune fille passa un ruban de sa robe autour de la blessure en guise de bandage. Après cela il s’éloigna, sans se présenter, sans se faire connaître. Cette dernière revint au château (dun) et raconta toute l’histoire à son père. Peu après le Hésus Cuchulainn arriva devant les portes comme un invité ordinaire. Conall et Loégairé lui souhaitèrent la bienvenue. Beaucoup dans le château (dun) se vantaient d’avoir tué les vouivres anguipèdes gigantesques, mais la jeune fille ne les croyait pas. Le roi ordonna donc qu’on leur prépare un bain et chacun d’entre eux soit confié aux soins de sa fille séparément. Le Hésus Cuchulainn entra comme les autres, mais la jeune fille le reconnut.
Je te la donnerai comme épouse, dit Ruad, et je paierai même son cadeau de mariage.
Non, répondit le Hésus Cuchulainn, mais envoie là en Irlande dans un an et un jour si cela lui plaît, elle m’y trouvera.
Le Hésus Cuchulainn rentra enfin à Emain et y raconta ses aventures. Après s’être reposé, il se mit en route pour aller chercher Aemer à la forteresse de Forgall. Durant une année il ne put en approcher à cause du nombre des gardes. Puis le Hésus Cuchulainn dit à Loeg : c’est aujourd’hui, O Loeg, que nous avons rendez-vous avec la fille de Ruad, mais nous ne savons pas où exactement, car nous n’en avons pas été avisés. Allons, dit-il, vers la frontière du pays.
Quand ils furent sur les bords du lac de Cuan (Loch Cuan), ils aperçurent deux oiseaux sur al mer. Le Hesus Cuchulainn mit une pierre dans sa fronde et visa les oiseaux. Ses gens coururent après eux après qu’il en eut touché un. Mais quand ils arrivèrent sur place, voici ce qu’ils virent : deux femmes, les plus belles du monde. Il s’agissait de Derbforgaille, la fille de Ruad, et de sa servante.
Bien malheureux est l’exploit que tu viens de réaliser, o Cuchulainn, dit-elle. C’était pour te retrouver que nous étions venues, mais tu nous as tiré dessus et blessé.
Le Hésus Cuchulainn parvint à en extraire la pierre et le caillot de sang qui l’entourait en suçant la plaie.
Je ne peux plus t’épouser maintenant, lui dit le Hésus Cuchulainn, car j’ai bu ton sang. Mais je te donnerai à mon compagnon ici présent, c’est-à-dire à Lugaid aux Raies Rouges. Ainsi fut fait.
Le hésus Cuchulainn voulut alors se rendre à la forteresse (rath) de Forgall. Et le char à faux fut donc préparé pour lui ce jour-là. On l’appelait char à faux à cause des faux en fer qui étaient fixées sur lui, ou parce qu’il avait en premier inventé par les…… [NDLR. Et là bien entendu figure à cet emplacement dans notre manuscrit un nom de peuple ressemblant comme deux gouttes d’eau à celui de la faux, en gaélique]. Il arriva ensuite devant la forteresse (rath) de Forgall, et il effectua un saut du saumon par-dessus la triple enceinte, de sorte qu’il se retrouva sur le pavé intérieur du château (dun). Il asséna trois coups dans la lice, et de façon à ce que tombent huit hommes de chaque groupe de neuf, mais qu’un soit épargné, c’est-à-dire Scibur, Ibur et Cat, les trois frères d’Aemer. Forgall fit le saut du saumon par-dessus l’enceinte de la forteresse pour se retrouver dehors, afin de fuir le hésus Cuchulainn, mais il fit une chute et en mourut. Le Hésus Cuchulainn prit Aemer avec lui et ainsi que sa sœur de lait, avec chacune leur poids d’or et d’argent, puis repassa d’un bond par-dessus le troisième rempart en portant les deux jeunes filles, et s’en alla.
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Des cris s’élevèrent autour d’eux de tous côtés. Scennmend sur rua sur eux, le Hésus Cuchulainn l’abattit sur un gué que l’on appelle depuis le gué de Scennmend, ensuite ils se rendirent à Glondat. Là le Hésus Cuchulainn tua cent de leurs hommes. C’est vraiment un exploit (glond) de ta part, dit Aemer, que d’avoir tué cent solides gaillards ainsi armés.
On appellera donc désormais ce gué le gué de l’exploit (Glond Ath), s’exclama le Hésus Cuchulainn. Il atteignit la Prairie Sanglante. Son nom originel était Blanche Prairie jusque-là. Il asséna de si grands et violents coups d’épée à leurs armées en ce lieu, que des torrents de sang jaillirent sur elle de toute part. Cette hauteur est devenue à cause de toi aujourd’hui une prairie ensanglantée, o Cuchulainn s’écria la jeune fille. D’où son nom aujourd’hui… leurs poursuivants les rattrapèrent au gué des mottes sur la Boinne.
Aemer descendit du char. Le Hésus Cuchulainn partit à l’assaut sur la rive, de sorte que des mottes de terre jaillirent de dessous les sabots des chevaux par-dessus le gué en direction du nord. Il chargea une nouvelle fois vers le nord, de sorte que des mottes de terre jaillirent de dessous les sabots des chevaux par-dessus le gué en direction du sud. D’où le fait qu’une île est appelée le gué des deux mottes aujourd’hui, à cause des mottes de terre ici et là. Le Hésus Cuchulainn tua ainsi une centaine d’hommes à chaque gué depuis celui de Scennmend à Olbine jusqu’à la Boinne dans la plaine de Breg, et il réalisa tous les exploits qu’il avait promis à la jeune fille, il quitta les lieux sain et sauf et atteignit Emain Macha vers la tombée de la nuit.
Aemer fut amenée dans la maison de la branche rouge devant Cunocavaros/Conchobar et les Ulates, et ils lui souhaitèrent la bienvenue. Il y avait là aussi un homme sinistre et à la langue fourchue dans le château, Bricriu à la langue venimeuse, le fils d’Arba. Il s’écria donc : « Par ma foi, ce qui va se passer cette nuit ne va pas plaire au Hésus Cuchulainn, la femme qu’il vient d’amener avec lui va dormir avec Cunocavaros/Conchobar. Car c’est à lui qu’il appartient de passer la première nuit avec une jeune mariée dans ce pays ! » Le Hésus Cuchulainn devint comme fou en entendant cela et il s’agita tellement que le coussin qui était sous lui éclata, et que ses plumes volèrent dans toute la salle. Ensuite il sortit. C’est très dur effectivement, remarqua Catubatuos/Cathbad, mais le roi est obligé de faire tout ce que Bricriu a dit. Et le Hésus Cuchulainn va tuer quiconque osera coucher avec sa femme.
Que l’on demande au Hésus Cuchulainn de revenir, dit Cunocavaros/Conchobar, que l’on voie si on peut apaiser sa fureur. Il revint s’asseoir.
Lève-toi, dit Cunocavaros/Conchobar, et ramène-moi les troupeaux que j’ai dans la montagne de Fuat. Le hésus Cuchulainn s’en alla et rassembla tout ce qu’il put trouver dans la montagne de Fuat comme sangliers ou cerfs, ainsi que toutes sortes de gibier à plumes, et il les ramena en un seul et même troupeau avec lui dans la prairie d’Emain. Et la fureur l’avait quitté. Les Ulates tinrent conseil sur cette affaire et la résolution à laquelle ils arrivèrent fut la suivante, à savoir qu’Aemer devrait passer la nuit avec Cunocavaros/Conchobar, mais avec aussi Fergus et Catubatuos/Cathbad dans le lit avec eux afin de veiller sur l’honneur du Hésus Cuchulainn, et que ce dernier aurait la bénédiction des Ulates s’il acceptait. Il accepta et il en fut fait ainsi. Cunocavaros/Conchobar paya le cadeau de mariage d’Aemer le lendemain matin, le Hésus Cuchulainn fut aussi dédommagé pour cette atteinte à son honneur, il put enfin dormir avec sa femme et ils restèrent ensemble jusqu’à leur mort. Ensuite la chefferie sur les jeunes gens d’Ulidia fut donnée au Hesus Cuchulainn. Ci-dessous les jeunes gens d’Emain en ce temps-là, dont le poète a donné les noms ; les jeunes d’Emain, la plus belle des troupes, quand ils étaient dans la maison de la Branche rouge.
Note de la rédaction. Suit une longue série de noms, que nous n’avons pas jugé utile ici de reproduire. Mais chacun peut la trouver en consultant les textes originaux.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 33.
Le héros dansant autour des pointes de javelots. Une sorte de danse écossaise des Hautes Terres du genre danse de l’épée avec des pointes de javelots (remplacées par des épées depuis 1504) ou danse exécutée sur un petit bouclier rond appelé targe.
La grande science de l’illumination des voyants. Nous rendons ainsi l’expression gaélique « imbas forosnai » : ambividtu versonnions en vieux celtique ?
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Ruad roi des Îles et sa fille… Il s’agit donc d’une variante de l’épisode qui figure dans les manuscrits de l’apprentissage de Cuchulainn, mais toujours avec l’histoire de la fille du roi qui doit être livrée aux vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomore en Irlande et Andernas sur le Continent. Et à cette nuance près : les habitants doivent eux aussi payer un tribut, un deuxième tribut donc, aux Ulates.
Je ne peux plus t’épouser maintenant… visiblement il nous manque le texte justifiant une si surprenante décision. À la différence de l’épisode concernant son sauvetage sur la plage (la blessure au poignet du Hésus Cuchulainn) aucune des variantes connues ne supplée à cette lacune. Un tabou sur les frère et sœur de sang ?
Mon compagnon… le terme gaélique est dalta, qui signifie précisément « fils adoptif ». Or le Hésus Cuchulainn est censé alors être encore très jeune, et pas en âge d’avoir d’un enfant, même par adoption, nubile.
D’où son nom aujourd’hui… encore une fois, répétons-le (repetere = ars docendi), il s’agit là de de toute une série de jeux de mots en gaélique pour expliquer, de façon très artificielle, divers toponymes. Ah ces bardes irlandais ! Le mythe panceltique initial était intemporel et pas spécialement localisé.
C’est à lui qu’il appartient de passer la première nuit avec une jeune mariée. En France jadis on appelait ça le droit de cuissage. En latin jus primae noctis (le droit de la première nuit).
Chefferie. Nous rendons ainsi faute de mieux le terme gaélique vlad : souveraineté, règne. Cette souveraineté sur les jeunes gens ne doit néanmoins en aucune façon être confondue avec la souveraineté pure et simple d’un monarque sur son peuple. Ni même avec une souveraineté de type « Christ-roi », car le royaume du Hésus Cuchulainn n’a que la valeur d’un exemple pour la jeunesse. La souveraineté du Hésus Cuchulainn ne concerne pas l’ensemble de la société, du peuple, mais seulement sa jeunesse ainsi que l’a très bien vu Patrick Pearse (à Saint Enda).
Le Hesus Cuchulainn a donc été reconnu souverain des jeunes gens d’Ulidia. Mais il ne deviendra pas pour autant roi de ce pays, pour diverses raisons liées à son destin personnel. Pour simplifier, disons que sa souveraineté ou sa chefferie ne sont vraiment pas de ce monde, à la différence de ce que prétendent hypocritement les chrétiens à propos de leur maître. Son royaume n’est pas de ce monde, son royaume n’est pas de ce monde… oui mais ils attendent néanmoins avec impatience que sa volonté soit faite… sur la terre ! Et ils y travaillent activement comme les musulmans ! Ce qui n’est pas le cas des « fans » de Cuchulainn. La vie et l’œuvre du jeune seigneur de Muirthemné ne sont en effet pour nous que des exemples, des sources d’inspiration, de méditation, y compris dans ses points faibles. Setanta Cuchulain est certes fils d’un dieu (Lug ?), mais ce n’est aussi qu’un homme, comme tout le monde, ainsi que le rappellera son grand adversaire la reine Maeve (il peut être blessé ou capturé). De minimis non curat druis. Dieu ne saurait s’occuper de notre façon de boire, de dormir, de nous laver, de nous brosser les dents, de déféquer comme en terres d’Islam (dar al islam).
Aucune personne prétendant s’appuyer sur cette chefferie ou souveraineté du Hésus Cuchulainn, pour justifier une loi quelconque, pour régenter nos vies, nous dire comment il faudrait manger, dormir, étudier, travailler, boire ou aimer, bref comment il faudrait vivre… ne saurait avoir notre accord ni notre soutien. Le royaume du Hésus Cuchulainn n’est vraiment pas, lui, et à la différence des autres que l’on met assez hypocritement donc, en avant, DE CE MONDE. Vive la laïcité. Distinction absolue entre le rôle du roi et du druide, entre la religion et la vocation des princes qui nous gouvernent.
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LE FESTIN DE BRICRIU.
Fled Bricrend.
L’histoire figure notamment dans le livre de la vache brune ou Lebor na hUidre compilé vers 1106. Thurneysen distingue au moins 3 versions différentes (A, B, C). Ce spécialiste date les parties les plus anciennes du livre du VIIIe siècle.
Ici commence le Festin de Bricriu, la part du champion d’Emain, la guerre des mots des femmes d’Ulidia, l’expédition des Ulates à Cruachan et la guerre des champions à Emain.
Bricriu à la langue maléfique donna un jour un grand festin pour Cunocavaros/Conchobar mac Nessa et pour tous les Ulates. La préparation de ce festin prit une année entière.
Bricriu fit édifier un spacieux bâtiment pour y recevoir les invités. Il le fit construire à Dun Rudraige d’après le modèle du palais de la Branche rouge à Emain. Néanmoins il surpassait toutes les constructions de cette période pour ce qui est des matériaux ou de la forme, pour la beauté de son architecture, ses poteaux ainsi que ses frontons splendides et coûteux, ses sculptures, le travail des linteaux éclatant de magnificence.
Le logis était fait de la manière suivante : sur le même plan que la Tech Midchuarta de Tara en fait, avec neuf compartiments aménagés entre le mur et le foyer, chaque fronton de bronze recouvert d’or ayant trente pieds de haut. Dans la partie située en face au premier plan de la maison une banquette royale fut installée pour Cunocavaros/Conchobar, bien surélevée par rapport à toutes les autres dans la maison. Elle était décorée d’escarboucles et d’autres pierres précieuses, resplendissait d’argent et d’or, et brillait de tous leurs feux, qui transformaient presque la nuit en jour. Autour d’elle furent placées les douze banquettes des douze plus grands héros d’Ulidia. La qualité de leur réalisation allait de pair avec celle du matériau ayant servi à l’édifice. Il avait fallu un attelage de chariot pour transporter chaque poutre, la force de sept hommes d’Ulidia pour fixer chaque poteau, trente des meilleurs artisans de la verte Érin pour la construire et l’aménager.
Ensuite un observatoire (? gaélique grianan) fut aménagé pour Bricriu à l’extérieur, mais à la hauteur de la banquette de Cunocavaros/Conchobar et que celles des grands héros. Les décorations de ses garnitures étaient magnifiques. Des fenêtres de cristal (fenestri glainidi) furent placées de chaque côté, l’une d’entre elles juste au-dessus de la banquette de Bricriu, de sorte qu’il pouvait voir toute la salle de son siège ; car il savait bien que les Ulates n’auraient jamais accepté qu’il ait sa place juste à l’intérieur.
Quand Bricriu donc eut fini de construire la salle et son observatoire, équipé les deux avec des plaids et des couvre-lits, des coussins et des traversins, accumulé viandes et boissons, de sorte que plus rien ne manquait, ni mobilier ni nourriture, il se rendit alors directement à Emain trouver Cunocavaros/Conchobar et les nobles d’Ulidia.
C’était justement un jour où il y avait à Emain un grand rassemblement des Ulates. On lui souhaita aussitôt la bienvenue et il put s’asseoir à côté de Cunocavaros/Conchobar. Bricriu s’adressa donc à lui en même temps qu’à l’assemblée des Ulates. Venez chez moi, leur dit-il, pour participer à un banquet à mes côtés.
Bien volontiers répondit Cunocavaros/Conchobar, s’il plaît aux Ulates d’y aller.
Fergus fils de Roech et les nobles d’Ulidia aussi lui firent cette réponse : « Non, car si nous allons le nombre de nos morts dépassera celui des vivants, une fois que Bricriu nous aura monté les uns contre les autres ! »
« Si vous ne venez pas, ce sera pire pour vous ! » rétorqua Bricriu.
« Qu’arrivera-t-il » demanda Cunocavaros/Conchobar « si les Ulates ne vont pas chez toi ? »
J’attiserai les différends, répondit Bricriu, entre les rois les grands seigneurs les champions et les petits seigneurs, jusqu’à ce qu’ils se massacrent les uns les autres, un à un, s’ils ne viennent pas chez moi participer à mon banquet ».
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Nous ne te ferons pas ce plaisir, répliqua Cunocavaro/Conchobar.
« Je susciterai l’inimitié entre le père et son fils jusqu’à ce qu’ils en viennent à s’entretuer. Si je n’y arrive pas, je susciterai des querelles entre mère et fille. Si cela ne suffit pas, je brouillerai entre elles chacune des femmes d’Ulidia de sorte qu’elles en viennent aux coups, mortels, jusqu’à ce que leurs seins pourrissent ».
Il est sûr qu’il vaut mieux venir, s’exclama Fergus.
« Tenez immédiatement conseil avec les chefs ulates ! » dit Sencha, fils d’Ailill.
Si on ne se concerte pas juste avant afin de se protéger des manœuvres de Bricriu, ça sera une catastrophe ! » ajouta Cunocavaros/Conchobar.
Là-dessus tous les nobles ulates tinrent donc conseil. Au cours de la discussion Sencha leur conseilla ceci : « Prenez des garants venant de Bricriu, puisque vous devez aller chez lui, et mettez huit hommes armés d’une épée autour de lui afin qu’ils l’obligent à se retirer de la salle dès qu’il aura fini ses préparatifs du festin ».
Furbaide Ferbenn, fils de Cunocavaros/Conchobar, transmit leur réponse à Bricriu, et lui exposa la situation.
Très bien, répondit Bricriu. Les Ulates quittèrent donc immédiatement Emain, chaque armée, régiment ou compagnie, derrière son roi, son prince ou son chef. Magnifique et admirable fut cette marche des braves et des nobles héros vers le palais de Bricriu.
Les garants des braves s’étant portés caution pour lui, Bricriu se demanda par conséquent comment il pourrait faire pour brouiller les Ulates entre eux. Après avoir fini de délibérer ou de tout examiner, en son for intérieur, il se joignit à la compagnie de Loégairé le Triomphant, fils de Connad mac Iliach.
Hé bonjour, Loégairé le Triomphant, puissant maillet de Breg, puissant marteau de Midé, foudre à la flamme rouge, victorieux guerrier d’Ulidia, qu’est-ce qui empêche que le morceau du héros d’Emain soit toujours pour toi ?
Si je le veux, il sera mien, répondit Loégairé.
La souveraineté sur les braves de la verte Erin t’appartiendra, poursuivit Bricriu, si seulement tu suis mon conseil.
Je le ferai assurément, répliqua Loégairé.
Et en vérité, si le morceau du héros te revient dans ma maison, alors celui d’Emain sera tien à jamais. Le morceau du héros de ma maison vaut la peine d’être contesté, car ce n’est pas la portion congrue d’une maison de pauvre fou, assura Bricriu. Elle comporte un chaudron plein de vin généreux, grand comme trois vaillants guerriers d’Ulidia, en outre un cochon de 7 ans, et rien n’a franchi ses lèvres depuis qu’il était petit si ce n’est du lait frais ainsi que de la farine des plus fines au printemps, du lait caillé ainsi que du lait doux en été, des cerneaux de noix et du blé en automne, du bœuf et du bouillon en hiver ; une grosse vache grasse âgée de sept ans ; depuis qu’elle était jeune génisse jamais bruyère ni brindilles ne sont passées dans sa bouche, rien si ce n’est de doux laitages et de l’herbe, du foin des prairies et du grain. [Plus] cinq vingtaines de gâteaux de froment, cuits dans du miel en outre. Vingt-cinq boisseaux de farine, voilà ce qu’il a fallu pour faire ces cinq vingtaines de gâteaux, quatre gâteaux par boisseau. Tel est le morceau du héros chez moi. Et puisque tu es le plus grand héros des Ulates il est juste de te le donner, et je souhaite le faire. À la fin de la journée, quand le festin sera servi, que ton cocher se lève, et c’est à lui que le morceau du héros sera donné.
« Et il y aura des morts dans la salle si n’en est pas fait ainsi ! » acquiesça Loégairé
Bricriu éclata de rire, car c’est justement ce qu’il voulait entendre.
Après avoir incité Loégairé le Triomphant à l’intransigeance, Bricriu alla rejoindre la compagnie de Conall Le Victorieux.
« Hé salut à toi Conall le Victorieux, tu es le héros de nos victoires et de nos combats ; grandes sont les victoires que tu as déjà remportées par rapport aux autres héros ulates. Quand les hommes d’Ulidia franchissent les frontières, tu as trois jours et trois nuits d’avance à chaque gué qu’ils traversent ; tu protèges leurs arrières quand ils reviennent, de sorte que [nul assaillant] ne peut aller plus loin que toi, ni te passer sur le corps ni te contourner ; qu’est-ce qui empêche que le morceau du héros d’Emain soit donc à toi pour toujours ? »
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Bien que sa fourberie ait déjà été grande avec Loégairé, il en montra deux fois plus en ce qui concerne Conall Le Victorieux.
Quand il fut satisfait de lui en ce qui concerne l’excitation (à la querelle) de Conall Le Victorieux, il se hâta d’aller rejoindre le Hésus Cuchulainn.
« Hé, salut à toi Hesus Cuchulainn, toi le vainqueur de Breg, toi l’éclatante bannière de la Liffey, enfant chéri d’Emain, bien aimé des femmes et des jeunes filles, molosse de Culannn n’est pas un vain surnom aujourd’hui, car tu es vraiment le champion des Ulates, tu les défends aussi bien dans leurs querelles que dans leurs combats, tu réclames justice pour chacun d’entre eux, tu réussis à toi seul là où les tous les hommes d’Ulidia faillissent ; tous les Ulates reconnaissent que ta bravoure, ton courage et tes exploits surpassent les leurs. Que signifie donc de ta part un abandon du morceau du héros à un autre Ulate, puisqu’aucun homme de la verte Erin n’est capable de te le disputer ? »
Par le dieu de ma tribu, répondit le Hesus Cuchulainn, celui qui osera me le contester y perdra sa tête.
Sur ce Bricriu s’éloigna d’eux et suivit la troupe comme si de rien n’était, comme si aucun contentieux ne s’était élevé parmi tous ces grands héros.
Sur quoi ils pénétrèrent dans le palais où chacun prit possession de sa banquette, roi, prince, noble, petit noble et jeune guerrier. La moitié de la salle revint à Cunocavaros/Conchobar et sa suite de vaillants héros d’Ulidia ; l’autre moitié aux dames d’Ulidia servant Mungan, fille d’Eochaid Fedlech, femme du roi Cunocavaros/Conchobar. Ceux dont les noms suivent étaient ceux qui s’occupaient de Cunocavaros/Conchobar dans la partie de la salle située en face au premier plan, c’est-à-dire Fergus fils de Roech, Celtchar fils d’Uthechar, Eogan fils de Durthach ; les deux fils du roi, c’est-à-dire Fiacha et Fiachaig, Fergna fils de Findchoim, Fergus fils de Leti, Cuscraid le bègue de Macha, fils de Cunocavaros/Conchobar ? Sencha fils d’Ailill, les trois fils de Fiachach, c’est-à-dire Rus, Daré ainsi qu’Imchad, Munremur fils de Gerrgend, Errge Echbel, Amorgen fils d’Ecit, Mend fils de Salchad, Dubtach Doel Ulad, Feradach Find Fectnach, Fedelmid fils d’Ilair Chetaig, Furbaide Ferbend, Rochad fils de Fathemon, Loégairé le Triomphant, Conall Le victorieux, le Hésus Cuchulainn, Connad fils de Morna, Erc fils de Fedelmid, Iland fils de Fergus, Fintan fils de Niall, Ceternd fils de Fintan, Factna fils de Sencad, Conla le faux, Ailill à la langue de miel, Bricriu lui-même, le chef des guerriers ulates avec toute l’armée des jeunes et des artistes.
Alors que le festin leur était dévoilé, les musiciens et les joueurs entrèrent en scène. Au moment où Bricriu présenta ledit festin et tous ses mets savoureux, les garants lui ordonnèrent de quitter la salle. Ils se levèrent aussitôt leurs épées nues à la main pour l’expulser. Sur quoi Bricriu et sa suite sortirent afin de monter dans leur observatoire. Arrivé au seuil de la maison, il s’écria : « Le morceau du héros, tel que vous pouvez le voir, n’est pas la portion congrue d’une maison de pauvre fou ; aussi donnez-la aux héros d’Ulidia que vous préférez pour son courage ». Et là-dessus il s’en alla.
Le personnel chargé de distribuer la nourriture se leva aussitôt pour servir. Le cocher de Loégairé le Triomphant, c’est-à-dire Sedlang mac Riangabra, se leva lui aussi et dit aux serviteurs : « Attribuez le morceau du héros qui est devant vous à Loégairé le triomphant, car il y a droit plus que tout autre guerrier d’Ulidia ! »
Alors Id mac Riangabra, le cocher de Conall le Victorieux, se leva également et demanda la même chose. Et Loeg mac Riangabra leur ordonna pareillement : « Donnez-le au Hésus Cuchulainn, il n’y a aucune honte pour les Ulates à lui donner ; c’est lui le plus vaillant d’entre vous ! »
« Ce n’est pas vrai ! » répliquèrent aussitôt Conall Cernach et Loégairé le Triomphant.
Ils se dressèrent alors au milieu de la salle des fêtes, prirent leur bouclier puis saisirent leur épée. Ils s’escrimèrent les uns contre les autres jusqu’à ce qu’une moitié du palais soit comme enflammée par le choc des épées ainsi que des lances ; l’autre comme de la glace à cause de l’émail des boucliers. Le palais tout entier s’alarma, les grands héros frémirent ; Cunocavaros/Conchobar lui-même ainsi que Fergus fils de Roech furent indignés à la vue du scandale et de l’injustice que constituait le fait de lutter à deux contre un, à savoir Conall le Victorieux et Loégairé le Triomphant attaquant tous deux le Hésus Cuchulainn. Aucun des Ulates n’osa les séparer jusqu’à ce que Sencha s’adresse à Cunocavaros/Conchobar et lui dise : « Sépare ces hommes ! » Ar is e día talmanda rusbui oc Ultaib an inbaid sin Concobar.
Cunocavaros/Conchobar et Fergus intervinrent donc et les combattants baissèrent aussitôt les mains.
« Faites ce que je vais vous dire ! » s’exclama Sencha.
Nous t’obéirons, répondirent-ils.
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Ce que je veux donc, poursuivit Sencha, c’est que ce soir on partage le morceau du héros de cette maison entre tous les invités, mais qu’après cela il en soit décidé selon la volonté d’Ailill Mac Magach, car on dit que clore de la sorte une telle assemblée porte malheur, à moins que le litige ne soit tranché à Cruachan.
Ils se remirent donc à festoyer, ils firent cercle autour du feu, se détendirent, et firent bonne chère.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 34.
Bricriu est donc apparemment un hospitalier ou briugu chargé de nourrir le roi et ses hommes voire ses hôtes. Cela va nous valoir un épisode digne de la bande dessinée française bien connue (Astérix et Obélix) où l’humour des conteurs irlandais va s’en donner à cœur joie (dans la caricature, à prendre au second degré).
Suidiugud Tighi Midcuarta, Teach Miodhchuarta, Tech-Midchuarta, etc. Où suidiugud = plan ou disposition et tighi tech teac = maison. Une sorte de salle des fêtes ou des banquets. Le Lebor Laignech (livre du Leinster) ainsi que le Leabhar Buidhe Lecain (livre jaune de Lecan) nous en fournissent des schémas très approximatifs. Elle semble avoir comporté trois ou quatre grandes parties. Nous y reviendrons. Il s’agit du texte intitulé Suidigad Tige Midchuarta.
Compartiment, banquette. Le terme gaélique imda n’est pas facile à traduire et semble avoir un sens variable.
Garant. Nous rendons ainsi le terme irlandais aitire.
Grand seigneur. Nous rendons ainsi le terme gaélique toisech.
Petit seigneur. Nous rendons ainsi le terme gaélique tigernn.
Par le dieu de ma tribu. Nous traduisons de la sorte la formule d’oito (serment) qui s’énonce ainsi en gaélique : Tongu-sa a toing mo tuath.
Mac Riangabra. Mac Riangabair. Ce nom signifie « fils de cheval (gabra) de mer (rian) ». Les trois cochers ont donc le même nom. Qui ne doit pas en être un.
Ar is e día talmanda rusbui oc Ultaib an inbaid sin Concobar… Intervention lourdingue ou maladroite interpolation, du barde si ce n’est du moine copiste, chrétien, qui a le mérite de montrer à l’évidence que tout cela n’est que de la mythologie (des histoires de dieux ou de déesses) historicisée ou evhémérisée à rebours. Des histoires de dieux ou de déesses, voire de démons ou de démones, suivant le point de vue où l’on se place évidemment. Car n’oublions pas que les dieux d’une religion vaincue deviennent toujours les démons de la nouvelle qui prend sa place.
Les chrétiens n’ont jamais contesté l’existence réelle (du moins selon eux) de ces entités surnaturelles, surhumaines, mais
a) Ils en ont fait, à grand renfort d’insultes racistes (nous reviendrons sur ce sujet en détail), des entités systématiquement maléfiques (alors qu’elles n’étaient qu’ambivalentes, à la fois dieux de justice et d’amour, dieux du pardon ou des armées, colère et miséricorde, etc.).
b) Ils les ont, comme les anges de Lucifer, révoltés ou non, subordonnés à un être supérieur, appelé par eux… alors là les noms varient (élohim, El Elyon, Yahweh…). Disons qu’il s’agit du dieu d’Abraham d’Isaac et de Jacob, un petit dieu tribal hénothéiste à l’horizon intellectuel assez limité au départ (ce n’était certainement pas le dieu des philosophes), érigé par ses thuriféraires au rang de créateur et maître suprême de l’Univers à la suite de leur exil à Babylone, non sans quelque orgueil d’ailleurs, et à la suite de l’accident historique qu’a été la conversion au christianisme de l’empereur des Romains Constantin (césaro-papisme). À en croire John Rhys, les anciens druides avaient vu le Tocad ou la Tocade (si l’on veut féminiser cette loi des mondes, en fait évidemment asexuée) dans ce rôle de maître des dieux. Cf le second volume de son livre sur le folklore celtique gallois et manx (à propos du mot gallois « tynghed »).
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Plus sérieusement, ce passage du mythe a l’avantage de bien illustrer le rôle respectif du druide et du roi, de la religion et de l’État. Le druide conseille, propose, les religieux conseillent, proposent, mais c’est le roi ou l’État qui dispose. Cunocavaros/Conchobar n’est pas un dieu vivant, un dieu sur terre, comme le voudrait bêtement le barde ou le copiste chrétien auteur de cette remarque, mais celui qui a la charge de faire régner la justice et la paix civile. Une laïcité ouverte, mais bien comprise à laquelle les princes qui nous gouvernent aujourd’hui, face aux multiples injonctions contradictoires des nombreux groupes de pression religieux qui travaillent actuellement notre société, voire la tiraillent, devraient s’accrocher. Vive la laïcité ouverte et positive à la façon druidique (c’est-à-dire d’esprit authentiquement celte*). Le Dieu des philosophes, mais aussi une vraie liberté des cultes * ; car dans le paganisme celtique, et à la différence de la situation qui prévaut en terres d’islam (dar al islam) le principe « nulle contrainte et aucune obligation en matière de religion » ne doit pas rester un vain mot !
Un monothéisme, oui, mais philosophique et réfléchi ! Un paganisme oui, mais philosophique et réfléchi ! Bref du druidisme ! Du vrai !
*En tant que premier des dieux de La Mecque avec Hobal le dieu-foudre, le dieu-lune appelé Allah ainsi que ses trois filles (Al-lat, Manat, Al-Uzza) a parfaitement le droit d’y recevoir un culte, y compris au moyen de circumambulations rituelles accomplies autour de la Kaaba dans l’état où nous sommes venus au monde, c’est-à-dire nus (la ikraha fi'd din). Du moins certains jours. Ou certaines nuits.
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Bricriu et sa reine étaient dans leur observatoire. De sa banquette on pouvait voir ce qui se passait dans la salle des fêtes et comment les choses évoluaient en outre. Il se mit à réfléchir à la façon dont il pourrait arriver à pousser les femmes à se quereller, de la même manière qu’il y avait incité les hommes. Quand Bricriu donc eut fini d’examiner la question, il arriva par hasard et presque comme s’il l’avait voulu que Fedelm au cœur tendre sortît du palais avec une suite de cinquante femmes, l’humeur enjouée. Bricriu la vit passer devant lui.
« Salut à toi pour cette nuit, O femme de Loégairé le Triomphant ! Fedelm au cœur tendre n’est pas un vain surnom dans ton cas vu l’excellence de ta silhouette de ton esprit de ta lignée. Cunocavaros/Conchobar, roi de cette province de la verte Erin, est ton père, Loegairé le Triomphant ton mari ; et j’estime que ce ne serait pas un mince honneur pour toi qu’aucune des femmes d’Ulidia ne puisse avoir la préséance sur toi en entrant dans la salle du banquet ; toutes les femmes ulates devraient au contraire être derrière toi. Si tu reviens la première dans la salle des fêtes cette nuit, tu bénéficieras de la souveraineté qui revient aux reines avant toute autre dame d’Ulidia ».
Fedelm s’en alla aussitôt faire un tour à trois sillons de la salle des fêtes.
Ensuite vint à passer Lendabair, fille d’Eogan mac Derthacht, femme de Conall le Victorieux. Bricriu s’adressa aussi à elle en lui disant : « Salut à toi, Lendabair, ce n’est pas un vain surnom dans ton cas ; tu es la préférée ou la favorite de toute la gent masculine à cause de ta splendeur et de ton éclat.
Et de même que ton époux surpasse tous les grands héros de ce monde pour ce qui est du courage et de la beauté, pareillement tu dépasses de beaucoup toutes les femmes d’Ulidia.
Aussi grande qu’ait pu être la fourberie dont il avait fait preuve avec Fedelm, il fit deux fois plus avec Lendabair.
Aemer sortit également à son tour, avec une cinquantaine de femmes derrière elle.
« Bonjour et salutation à toi, Aemer, fille de Forgall le Rusé, femme du meilleur rejeton de la verte Erin. Aemer aux Beaux Cheveux n’est pas un vain surnom pour toi ; rois et princes de la verte Erin ont rivalisé de jalousie à ton sujet. De même que le soleil surpasse les étoiles dans le ciel, tu éclipses les femmes du monde entier pour ce qui est des formes de la silhouette et de la lignée, de la jeunesse de la beauté ainsi que de l’élégance ! »
Aussi grande qu’ait été sa fourberie vis-à-vis des autres dames, dans le cas d’Aemer il en déploya trois fois plus
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Les trois groupes de femmes se retrouvèrent au même endroit, c’est-à-dire à trois sillons de la salle des fêtes. Aucune d’entre elles ne savait que Bricriu les avait montées les unes contre les autres. Elles rebroussèrent donc chemin aussitôt en direction de la salle des fêtes. Dans le premier sillon, leur allure fut digne, gracieuse et posée, c’était à peine si l’on pouvait les voir mettre un pied devant l’autre. Mais dans le sillon suivant, leurs pas se firent plus courts et plus rapides. Enfin, pour ce qui est du sillon juste à côté de la maison, elles eurent plus de mal à rester au coude à coude, de sorte qu’elles relevèrent leurs robes jusqu’au ras des fesses pour aller plus vite dans leur tentative d’arriver la première dans la salle des fêtes. Puisque ce que Bricriu avait dit à chacune d’entre elles, c’était que celle qui entrerait la première serait la reine de toute la province. Le tumulte occasionné par cette course pour entrer la première dans la salle des fêtes fut tel que l’on aurait dit cinquante chars approchant à toute allure. Le palais tout entier trembla si fort que les guerriers bondirent sur leurs armes et commencèrent à se battre les uns les autres.
Restez ici, s’exclama Sencha, ce ne sont pas des ennemis qui sont venus ; c’est Bricriu qui a suscité une dispute parmi les femmes qui sont sorties. Par le dieu sur lequel jure ma tribu (tong a toingi mo thuath), si on ne barricade pas devant elles les portes de la salle le nombre de nos morts va dépasser celui des vivants !
Sur ce, les huissiers fermèrent les portes. Aemer, la fille de Forgall le rusé, femme du Hésus Cuchulainn, à cause de sa rapidité, dépassa les autres et se colla de dos contre la porte, puis appela immédiatement les huissiers avant que les autres dames n’arrivent, de sorte que les hommes à l’intérieur se levèrent, chacun d’entre eux voulant ouvrir à sa propre femme afin qu’elle puisse être la première à entrer.
« La nuit va être difficile » s’exclama Cunocavaros/Conchobar. Il frappa par conséquent avec le sceptre d’argent qu’il avait à la main contre le montant de bronze de sa banquette et tout le monde se retrouva donc assis.
Arrêtez, dit Sencha, ce ne sera pas un combat les armes à la main qui aura lieu ce soir ; ce sera une guerre des mots.
Chaque femme se mit alors sous la protection de son époux à l’extérieur, et il s’ensuivit la joute verbale ci-après de la part des femmes ulates.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 35.
À trois sillons. En Irlande au Moyen-âge l’unité de longueur par excellence était celle du sillon qu’une paire de bœufs pouvait tracer sans avoir besoin de marquer une pause avant de recommencer à labourer le champ. Cette unité aujourd’hui est fixée à 201 mètres, mais n’est plus utilisée que sur les hippodromes anglais.
Il s’agit sans doute d’aller se soulager à quelque distance après avoir bu un peu trop de bière.
Lendabair signifie en effet en gaélique « la favorite ».
Nous traduisons ici par province le terme gaélique coiced, qui signifie « cinquième », chacun des grands royaumes historiques du pays faisant à peu près, en tout cas théoriquement, un cinquième de la superficie de l’île.
On aurait dit cinquante chars approchant à toute allure. Encore une des innombrables pointes d’humour de la part des conteurs irlandais du Moyen-âge. On se croirait dans la célèbre bande dessinée française de la fin du XXe siècle intitulée Astérix et Obélix. Bagarre générale !
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La joute oratoire des femmes.
Tel fut le discours de Fedelm au Cœur Tendre, la femme de Loégairé le Triomphant.
« Je suis née d’une mère libre, unique pour ce qui est du rang et de la race de mes aïeux ;
Issue de reins royaux, pour ce qui est de la beauté d’une race sans égale ;
On reconnaît que j’ai des formes séduisantes, que je suis remarquable pour ce qui est de la figure et de la beauté,
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Élevée dans la vertu guerrière, et dotée d’un bon comportement.
La noblissime main de Loégaire, quels triomphes n’a-t-elle pas remportés pour Ulidia !
Toutes les marches d’Ulidia, contre des ennemis toujours aussi puissants, toujours aussi hostiles,
Ont été tenues d’une main de fer par lui, notre défense et notre protection contre toutes blessures,
Loégairé, le plus fameux de nos héros, le plus grand par le nombre des victoires,
Pourquoi ne serait-ce pas Fedelm la séduisante qui entrerait la première dans la maison
La plus belle de toutes les femmes, triomphante et avide de conquêtes ».
Ensuite ce fut au tour de Lendabair, fille d’Eogan mac Derthacht, femme de Conall le Victorieux, fils d’Amorgen.
« Je suis moi aussi faite toute de beauté, de raison, avec de la grâce dans ma conduite,
Mettant un pied devant l’autre avec légèreté ainsi que beauté devant toutes les femmes d’Ulidia,
Voyez comme je marche vers la salle du milieu, quant à mon époux bien aimé Conall,
Immense est son bouclier, triomphant, et majestueuses sont sa démarche ainsi que son autorité,
Au-devant des lances de guerre, et devant eux tous, comme il allait à grands pas
Et une fois de retour il vient à moi fièrement, avec dans les mains des têtes en guise de trophées ;
Les épées ils les gardaient pour le choc des guerres d’Ulidia,
Gardien de chaque gué il y a massacré nos ennemis selon son bon plaisir ;
Les gués il les a défendus contre nos ennemis, et il nous a vengés des attaques injustifiées,
Il se tenait là comme un héros sur la tombe de qui une stèle funéraire devra être élevée :
Fils du noble Amorgen, il est le courage personnifié ;
Nombreux sont les talents de Conall voilà pourquoi c’est lui qui qui a toujours été à la tête de nos héros.
Lendabair, grande est sa gloire, sa splendeur illumine les yeux de chacun ;
Pourquoi ne serait-elle pas la première à entrer à la façon d’une reine dans la maison du roi ? »
Aemer, fille de Forgall le rusé, femme du Hésus Cuchulainn, a fait le discours suivant.
Je suis le modèle de toutes femmes, pour ce qui est de la silhouette de la grâce et de la sagesse ;
Personne ne m’arrive à la cheville pour ce qui est de la beauté, car je suis la grâce personnifiée.
J’ai l’air noble et bien, mes yeux sont comme de brillants joyaux ;
Pour ce qui est des formes, de la grâce, de la beauté, de la sagesse, de la bonté ou de la chasteté
Du plaisir des sens ou de l’amour, je suis incomparable,
Tous les Ulates soupirent après moi, je suis visiblement leur préférée
(Si je voulais être plus accueillante ou comme une dévergondée, plus aucune d’entre vous n’aurait de mari demain)
Mon époux est le Chien de Culan, et ce n’est pas un petit chiot ;
Le sang gicle de sa lance, son épée dégouline de sang frais,
Son corps est finement sculpté, mais sa peau est couverte d’entailles béantes,
Il y a de nombreuses blessures sur ses cuisses, mais son œil regarde noblement vers l’ouest ;
Cainfeth a rosc rochem inna cind siar cain fualoiugfider glaine sair.
Auréolée de gloire est sa tête ????????? et ses yeux sont toujours rouges ???????
Rouge sang le caisson de son char ????? et rouges également ses coussins ?????
Il combat debout entre les oreilles de chevaux ????? et au-dessus du souffle des hommes ????
Il saute en l’air comme un saumon quand il effectue le saut des héros
Il accomplit les plus rares exploits, il bondit dans l’espace comme un oiseau ????
En sautant par-dessus les eaux, il réussit le coup des neuf hommes
Dans la confrontation des bataillons couverts de sang il taille en pièce les plus orgueilleuses armées du monde entier,
En abattant les rois quand il est déchaîné, en fauchant des armées entières d’ennemis.
Quant aux autres je les compare à du toc ? singeant les femmes en couches,
Tous ces précieux héros ulates, à côté de mon époux le Hésus Cuchulainn.
Lui au moins son sang peut être comparé à du sang pur et noble
Le leur à de la crasse ou à de la lie, je les considère comme n’étant que du plaqué or
Attachés ou rassemblés comme du bétail, un troupeau de grosses vaches et de rosses,
Tout comme la cinquantaine servant les deux que voilà.
Les autres femmes ne sauraient être comparées à Aemer, et personne ne devrait être comparé à son époux.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 36.
Salle du milieu. Nous traduisons ainsi le gaélique midchuarta.
Son œil regarde vers l’ouest… D’après Georges Henderson cette remarque serait une allusion au caractère de héros solaire du Hésus Cuchulainn. Pourquoi pas ?
De toute façon ce qui suit est une poésie très archaïque, une pure rhétorique difficile à traduire voire à comprendre. Notre traduction est donc donnée ici sous toute réserve.
NB. Pour ce qui est de l’aspect quelque peu sanguinolent de toutes ces descriptions, dignes d’un film d’horreur ou d’épouvante, n’oublions pas qu’il s’agit surtout en l’occurrence d’une œuvre de fiction due à nos amis bardes irlandais. Pour ce qui est de la déontologie de la fonction guerrière chez les Indo-Européens donc les Celtes, voir Jeanne d’Arc pour les femmes et le combat des Trente (du 26 mars 1351) pour les hommes. Quant à la modestie des uns ou des autres ainsi que de leurs épouses, là encore on est soit dans Astérix et Obélix (en France) soit dans Diodore (de Sicile), livre V, chapitre XXXI. « Quand ils se rencontrent, ils parlent en peu de mots et par énigmes, en laissant seulement deviner la plus grande partie de ce qu’ils veulent dire, en se servant d’un mot à la place d’un autre ; ils aiment recourir aux superlatifs pour se vanter ou pour rabaisser les autres. Ils peuvent se montrer hâbleurs ou menaçants et sont friands de langage pompeux ».
Voilà en tout cas qui devrait plaire à notre époque, qui ne pèche nullement par excès de modestie, quel que soit le niveau de la société que l’on observe. La modestie n’est pas dans l’air du temps ! C’est pourtant une qualité bien utile, qui évite bien des déconvenues et bien des conflits puérils justement !
Singeant les femmes en couche… peut-être une allusion à la mystérieuse maladie affectant chaque année les Ulates (cf. Ces noinden Ulad).
Rassemblés comme du bétail. Nous traduisons ainsi l’expression gaélique bo-delbae. Georges Henderson y voit un vestige du culte du taureau comme à Burghead dans le comté de Moray (Nord-est de l’Écosse). Peut-être, mais cela reste à démontrer. À nos lecteurs de creuser la question.
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Ainsi réagirent les hommes présents dans la salle des fêtes après avoir entendu les adresses élogieuses de leurs femmes, c’est-à-dire Loégairé ainsi que Conall ; chacun fit sortir de son front la lumière du héros, et brisa un des montants de bois du palais situé à sa hauteur, de façon à ce que sa femme puisse entrer dans la salle. Et le Hésus Cuchulain souleva le palais tout entier juste devant sa place, si haut que l’on pouvait voir les étoiles du ciel par en dessous le clayonnage. Sa propre femme entra donc par cette ouverture, avec les cinquante femmes composant sa suite, ainsi que les cinquante qui suivaient chacune des deux autres dames. Qui ne pouvaient donc plus se comparer à Aemer puisque dans le même temps absolument personne ne pouvait visiblement égaler son époux.
Là-dessus le Hésus Cuchulainn laissa le palais retomber, si brutalement que sept pieds de clayonnage s’enfoncèrent dans le sol. Le château (dun) trembla tout entier sur ses bases et l’observatoire de Bricriu accroché à l’extérieur s’écrasa par terre, de sorte que lui-même et sa reine roulèrent par terre jusqu’à en tomber dans la fosse située au milieu de la cour, parmi les chiens.
Malheur à moi, s’écria Bricriu et se relevant donc en toute hâte, des ennemis viennent de pénétrer dans mon château.
Il en fit le tour et s’aperçut qu’il était de guingois et qu’il penchait fortement vers l’avant. Il se tordit alors les mains de désespoir, puis pénétra dedans, si maculé de boue qu’aucun des Ulates ne put le reconnaître. Ils ne purent le faire qu’en l’entendant parler.
Debout au milieu de la salle Bricriu leur parla ainsi : « Quelle erreur que de vous avoir préparé un festin, O Ulates ! Cette maison est pour moi plus précieuse que toutes mes autres possessions. Qu’il vous soit interdit de boire, ou de manger, ou de dormir tant que vous n’aurez pas remis ma maison dans l’état où vous l’avez trouvée à votre arrivée ! »
Sur ce tous les vaillants Ulates sortirent à l’extérieur de la maison et tentèrent de la remettre d’aplomb, mais ils n’arrivèrent même pas en fait à la soulever assez pour que le vent passe entre elle et la terre ????? Ce fut un véritable défi pour les hommes d’Ulidia.
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Je n’ai rien à vous suggérer, leur dit alors Sencha, si ce n’est d’implorer celui qui la rendue ainsi bancale de la redresser.
Sur quoi les Ulates demandèrent donc au Hesus Cuchulainn de remettre la maison d’aplomb, et Bricriu prit en outre la parole pour lui dire : « Ô, roi des grands héros de la verte Erin, si tu ne la redresses pas et ne la relèves pas, personne au monde n’y arrivera ».
Tous les Ulates supplièrent donc le Hésus Cuchulainn de résoudre le problème. Afin qu’aucun des convives ne manque de nourriture ni de bière. Le Hesus Cuchulainn se leva et il essaya donc une première fois de remettre la maison d’aplomb, mais en vain. Il fut saisi de contorsions, des gouttes de sang perlèrent à la racine de ses cheveux ; ses cheveux lui rentrèrent dans la tête de sorte que, vues de par en dessus, ses boucles brunes semblaient avoir été tondues avec des ciseaux, il devint comme une meule de moulin et il étira tellement son corps que le pied d’un guerrier aurait pu passer entre ses côtes.
Ses ressources naturelles et sa vigoureuse ardeur lui revinrent, il souleva la maison et la remit en place.
Ensuite consommer de ce festin redevint donc agréable, avec les rois et les chefs d’un côté tout autour de l’illustre Cunocavaros/Conchobar, le noble haut roi d’Ulidia. Et les reines d’un autre côté tout autour de Mugain Aitencaetrech, fille d’Eochaid Fedlech, femme de Cunocavaros/Conchobar mac Nessa : Fedelm aux Neuf Formes, fille de Cunocavaros/Conchobar – elle pouvait prendre neuf « formes » différentes, toutes plus séduisantes les unes que les autres– ; Fedelm aux beaux cheveux blonds, une autre fille de Cunocavaros/Conchobar, femme de Loégairé le Triomphant ; Findbec, fille d’Eochaid, femme de Cethirnd, fils de Fintan ; Brig la Judicieuse, femme de Celtchar, fils d’Uthechar ; Findige, fille d’Eochaid, femme d’Eogan mac Durthacht ; Findchoem, fille de Catubatuos/Cathbad, femme d’Amorgen à la mâchoire d’acier, Derbforgaille, femme de Lugaid aux raies rouges, fils des trois Find Emna ; Aemer aux beaux cheveux blonds, fille de Forgall le Rusé, femme du Hésus Cuchulainn, fils de Sualtam ; Lendabair, fille d’Eogan mac Durthacht, femme de Conall le Victorieux ; Niab, fille de Celtchar mac Uthechar, femme de Cormac Condlongus, fils de Cunocavaros/Conchobar. Il serait trop long d’énumérer voire de nommer qui des autres nobles dames était à leurs côtés.
Une fois de plus la salle des fêtes devint une tour de Babel des mots, les femmes vantant leurs maris. Conall, Loégairé, ains que le Hésus Cuchlainn essayèrent d’attiser les dissensions. Alors Sencha le fils d’Ailill se leva et agita son sceptre. Les Ulates lui prêtèrent attention et ensuite afin de calmer quelque peu les dames il fit le discours suivant.
« Je vous arrête tout de suite, nobles dames d’Ulidia, nobles de par le nom et la gloire ;
Mettez un terme à vos querelles, car sinon la mine des hommes va pâlir
Dans l’excitation d’affrontements frénétiques, au milieu de vains combats
J’estime que ce n’est pas à cause de la perfidie des femmes que les boucliers des hommes doivent être brisés
Dans les batailles les armées de héros s’affrontent souvent avec fureur
C’est au caprice des femmes que l’on doit ces us et coutumes des hommes
Ils cognent sans raison et attaquent ceux qu’ils n’ont pu atteindre :
Vaillantes et glorieuses héroïnes, nobles dames, je vous arrête tout de suite ! »
Alors Aemer prit la parole et fit la réponse suivante.
« Il me revient, me semble-t-il, de m’exprimer en tant que femme d’un héros
Qui rassemble en une union naturelle les grâces de l’esprit et du corps
Puisqu’il n’a toujours pas fini d’apprendre et qu’il retient bien à la fois :
Le coup de l’hyperventilation,
Le jeu des pommes,
Le coup de l’esprit ou du fantôme,
Le coup du cercle (ou le coup de Cuar ?)
Le coup du chat,
Le coup de la flexion du vaillant champion qui tourbillonne,
Le gae bolga ou javelot-foudre,
Le jeu de la vitesse,
Le coup d’épée qui ne donne qu’une ecchymose,
Le cri de guerre du héros,
Le jeu de la roue,
Le jeu du fil de l’épée,
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Le jeu du vaillant champion qui monte sur un javelot puis s’étend et se déploie sur sa pointe.
On ne peut trouver personne qui égale son âge sa croissance et sa splendeur
Il parle avec grâce et harmonie ;
C’est un brave et un vaillant héros, il se bat comme un fou furieux dans les mêlées
Il sait bien viser en outre et il est agile, rapide et sûr à la chasse
Essayez donc de trouver un seul autre homme au monde qui puisse égaler le Hésus Cuchulainn ! »
Et bien en vérité, madame, répliqua Conall le victorieux, que cet extraordinaire apprenti champion vienne ici afin que nous puissions en juger par nous-même.
Non, répondit le Hésus Cuchulainn, je suis fatigué aujourd’hui et je n’en peux plus. Je ne me battrai pas en duel tant que je n’aurai ni mangé ni dormi.
Et c’était bien la vérité, dans la mesure où c’était justement le jour où il était tombé sur le Gris de Macha [un cheval] du côté du Lac Gris dans la montagne de Fuat. Lors de sa sortie du lac, le Hésus Cuchulainn s’était glissé jusqu’à lui et avait entouré le cou de ce coursier afin de rivvaliser avec lui, et ils avaient fait tous les deux ainsi le tour de la verte Erin jusqu’au soir, le Hésus Cuchulainn étant venu avec à Emain. C’est de la même façon d’ailleurs qu’il avait dompté le Sabot Noir, sortant d’un lac.
Le Hésus Cuchulainn précisa : “Aujourd’hui le Gris et moi nous avons visité……
Note de la rédaction. Suit une longue liste de noms de lieux qu’il n’est peut-être pas indispensable de faire savoir à nos lecteurs et qui montrent bien à quel point le mythe panceltique initial a été évéhémérisé à rebours ou historicisé à tort par les bardes irlandais au cours des siècles…
« Et dormir ou manger me plairait plus que toute autre chose. Par le dieu qu’invoque mon peuple je le jure, il sera plus plaisant et plus dégourdissant pour moi de me battre en duel quand j’aurai donc été rassasié de nourriture et de sommeil ».
[Bien, dit Bricriu, ceci a duré assez longtemps. Il doit être fait honneur au banquet donné par Bricriu, que nourriture et bière soient servies tout de suite, et laissons là cette guerre de femmes tant que le festin ne sera pas fini.
Ainsi fut fait donc, et ils firent bombance pendant trois jours et trois nuits].
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 37.
Ô roi des grands héros… Encore une fois, répétons-le afin d’éviter toute équivoque, le Hésus Cuchulainn n’a jamais été roi au sens strict du terme. Il ne s’agit que d’une formule de politesse, ou une flatterie, de la part de Bricriu. Et tant pis pour ceux qui voudraient faire de notre légendaire grand héros à nous une sorte de Christ-Roi. Le Hésus Cuchulainn n’est qu’un modèle, à suivre dans toute la mesure du possible, et non un maître, et non une loi, régissant le moindre des détails de notre vie quotidienne. La spiritualité doit relever (la plupart du temps) du domaine privé, de l’intimité, de l’individualité. La participation aux grandes manifestations collectives de piété doit être exceptionnelle (10 fois par an ?? 5 fois par an ?). De minimis non curat druis ! Ne commettons surtout pas l’erreur de faire comme nos frères musulmans, c’est-à-dire de copier en tout point, le comportement de tel ou tel prophète, y compris jusque dans sa vie privée (comme ils l’ont fait pour Mahomet). Cette royauté du Hésus Cuchulainn est donc surtout symbolique, car son véritable royaume n’est pas de ce monde comme celui de son oncle Cunocavaros/Conchobar, son royaume en effet ne s’étend que sur nos cœurs et dans nos esprits. Le Hésus Cuchulainn doit être pour nous une source d’inspiration et non une dictature de chaque instant. Nos lecteurs sont donc parfaitement libres d’être partisans de tel ou tel roi ou de tel ou tel vergobret, d’être monarchistes (en faveur d’un despotisme… éclairé) ou républicains, de sympathiser avec l’aile gauche ou avec l’aile droite du corps politique, puisque notre spiritualité n’a pas de programme politique précis à part celui des idéaux de la Table Ronde.
Tout en distinguant bien l’éthique individuelle, celle des chevaliers, de l’éthique des responsables de communautés ou de groupe, celle du roi par exemple. Morale personnelle individuelle dans sa vie en quelque sorte privée et morale de responsable politique au sens noble du terme ne doivent pas être confondues. On a le droit de dépenser tout son argent personnel, on n’a pas le droit de dilapider
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l’argent de sa famille ou de sa communauté. On a le droit de risquer sa vie, on n’a pas le droit de risquer la vie des autres. On ne peut pas en tant que responsable se comporter de la même façon qu’on le fait quand il ne s’agit que de ses deniers personnels.
Nous ne donnons donc pas de consigne de vote, c’est à chacun de voir en son âme et conscience en fonction de son état spirituel du moment et de son évolution (il n’y a jamais eu de vérité une en ce monde, car il y a plusieurs niveaux de vérité, suivant le stade d’évolution intérieure où l’on se trouve). La seule chose que nous n’acceptons pas c’est l’hypocrisie ! La justice c’est la vérité (fir en gaélique), la sincérité, voire la modestie. Ce qui n’est guère dans l’air du temps il est vrai. Les cadres supérieurs des grandes entreprises françaises sont par exemple vraiment des petits salauds, sans vergogne pour complaire à leurs supérieurs hiérarchiques, et finalement pas si intelligents que ça, comme le montrent certains enregistrements (secrets) de mise à pied, divulgués en 2011 dans le cadre de la pseudo affaire d’espionnage ayant eu lieu chez le constructeur automobile Renault : le dénommé Christian Husson s’y montre ce jour-là (le 3 janvier) tout simplement odieux ! Il est vrai que l’on pourrait en dire autant des cadres de la Poste française.
Il fut saisi de contorsions, des gouttes de sang perlèrent à la racine de ses cheveux ; ses cheveux lui rentrèrent dans la tête, etc. Il s’agit donc de ce que notre texte appelle ro-riastrad. Nul n’est obligé de faire comme les premiers chrétiens avec leur Bible, ou comme les musulmans avec leur Coran, c’est-à-dire de tout prendre au pied de la lettre.
Il s’agit…
— Soit d’exagérations poétiques dues à la plume des bardes irlandais du Moyen Âge.
— Soit de comptes-rendus approximatifs de phénomènes rares, mais réels. Les études de Jean-Martin Charcot sur les hystériques ont montré que ceux-ci en période de crise peuvent faire preuve d’une force incroyable (d’où la nécessité de la camisole d’ailleurs).
— soit de transes provoquées volontairement si ce n’est artificiellement.
Soyons clairs. Toute cette série de clichés sur les femmes est évidemment foncièrement sexiste ou misogyne, et rappelle quelque peu les plus contestables passages du Coran à propos de la moitié féminine de l’Humanité.
Notons d’ailleurs qu’il n’y a pas dans ce livre écrit par Mahomet ou son entourage à partir d’éléments très divers, de bric et de broc (car nous ne croyons pas un seul instant qu’il ne soit que la retransmission par l’archange Gabriel, d’extraits d’un livre céleste éternel et incréé, ce que nos frères musulmans appellent Oum El Kittab, en ce domaine nous sommes des motazilites convaincus), de chapitre où Dieu s’adresserait aux femmes pour leur expliquer comment traiter leurs hommes. Dieu ne s’adresse qu’aux hommes, pour leur dire comment traiter leurs femmes, la réciproque n’étant pas vraie.
Il est certain qu’il y avait de par le vaste monde avant Mahomet, des pays des lieux ou des sociétés, où la condition féminine était vraiment misérable. Mais ce n’était pas le cas partout. La vie et l’œuvre de la première épouse de Mahomet (Khadidja, sans doute une chrétienne non catholique de la région de La Mecque) prouvent à l’évidence que les femmes dans cette région du monde pouvaient dans certains cas jouir d’un statut enviable. Toute l’imposture consiste donc à faire croire que toutes les femmes d’alors dans le monde (du temps de la Djahiliya), connaissaient un sort pire que celui qui leur a été conféré par l’Islam. Alors que l’islam, s’il a indéniablement amélioré le sort des plus misérables, a par contre rétrogradé ou tiré vers le bas (nivelé par le bas), celui des femmes qui étaient mieux loties, et il y en avait. Sans oublier les nombreuses tribus d’Arabes chrétiens ou juives, d’Arabie ; où la femme, sans être l’égale de l’homme, avait par contre un statut bien plus favorable que celui qui allait devenir le sien en terres d’islam (dar al islam). La condition féminine fait en effet partie des scandales du Coran et des Hadiths.
Coran.
Chapitre 2 versets 282. Prenez deux témoins parmi vos hommes. Si vous ne trouvez pas deux hommes, prenez un homme et deux femmes.
Chapitre 4 versets 11 : Quant à vos enfants, Dieu vous ordonne d’attribuer au garçon une part égale à celle de deux filles…
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Chapitre 4 versets 34. Les hommes sont supérieurs aux femmes en ce que Dieu a préféré certains d’entre eux par rapport aux autres… celles dont vous craignez la désobéissance, admonestez-les, envoyez-les dans leur chambre et battez-les… Dieu est grand !
Les hommes ont autorité sur les femmes en vertu de la préférence que Dieu leur a accordée sur elles… admonestez celles dont vous craignez l’infidélité ; reléguez-les dans des chambres à part et frappez-les.
Chapitre 33 versets 59. Ô prophète ! Dis à tes femmes et à tes filles, ainsi qu’aux femmes des croyants de mettre leurs voiles bien serrés tout autour d’elles… Dieu est clément et miséricordieux !
Hadiths.
Sahih Muslim Livre 36.
6596. Oussama b. Zaid a rapporté que le messager de Dieu (que la paix soit sur lui) a dit un jour : je suis allé à la porte du Paradis et j’ai vu que l’écrasante majorité des ceux qui étaient entrés en sein étaient des pauvres… Je me suis rendu à la porte du feu éternel et j’ai vu que la majorité de ceux qui se trouvaient là étaient des femmes.
6597. Ibn Abbas a rapporté que le messager de Dieu (que la paix soit sur lui) a dit un jour : j’ai pu par chance voir à l’intérieur du Paradis et j’ai constaté que la majorité de ceux qui se trouvaient là étaient des pauvres, j’ai regardé dans le feu éternel et là j’ai vu que la majorité d’entre eux étaient des femmes.
6600. Imran b. Hussein a rapporté que le messager de Dieu (que la paix soit sur lui) a dit un jour : parmi les hôtes du Paradis les femmes formaient une minorité.
Livre 17. 4194.
Abdoullah b.’Abbas rapporte qu’Omar b. Khattab était un jour sur la chaire du messager de Dieu (que la paix soit sur lui) et a déclaré : il est vrai que Dieu a envoyé Mahomet (que la paix soit sur lui) avec la vérité puis qu’il a fait descendre sur lui le Livre, et les versets sur la lapidation était dans ce qui lui avait été envoyé. Nous l’avons récité, retenu dans nos mémoires et compris. Le messager de Dieu a donc appliqué la peine de mort par lapidation (aux adultères) et, après lui, nous aussi nous avons appliqué la peine de mort par lapidation. Je crains qu’avec le temps les gens en viennent à l’oublier puis à dire : « nous ne trouvons pas trace de la lapidation dans le livre de Dieu » et qu’ainsi donc ils soient dans l’erreur en abandonnant ce devoir prescrit par Dieu. La lapidation est une obligation inscrite dans le livre de dieu pour les hommes et les femmes mariés qui commettent l’adultère quand la preuve en a été rapportée, ou qu’il y a grossesse, ou encore aveu.
Note de l’éditeur. L’abrogation peut prendre trois formes différentes en ce qui concerne les textes du Coran.
a) L’abrogation du texte qui disparaît donc du Coran, et de la peine prévue par ledit texte.
b) L’abrogation de la peine prévue, mais sans abrogation du texte lui-même qui continue donc à figurer dans le Coran (par exemple comme dans le cas de certains versets concernant le vin, les testaments, les combats).
c) L’abrogation du texte qui ne figure donc plus dans le Coran, mais avec néanmoins maintien de la peine qui était prévue. Ce qui fut apparemment le cas pour ce qui est de la lapidation en cas d’adultère.
4206.
Il [le saint prophète] confia l’enfant à un des musulmans et ensuite prononça la sentence. Elle fut poussée dans un fossé puis enterrée jusqu’à la poitrine et il commanda ensuite à la foule de la lapider. Khaled b. Oualid s’avança donc avec une pierre qu’il lui jeta ensuite à la tête, mais du sang gicla sur la figure de Khaled qui se mit à l’injurier. L’Apôtre de Dieu (la paix soit sur lui) entendit les jurons que Khaled avait proférés sur elle. Sur quoi il [le saint prophète] lui dit : Khaled, soit gentil. Par celui qui tient mon cœur entre ses mains, elle a fait une telle repentance que même si un collecteur d’impôts voleur et malhonnête devait en faire autant il serait pardonné. Ensuite après avoir donné des ordres en ce qui la concernait il pria sur elle et donc elle fut enterrée.
N.B. Le hadith qui précède n’est pas très clair, et il est même plutôt bizarre, mais ce qui est sûr c’est que comparé à Moïse ou Mahomet, l’attitude du grand rabbin Jésus dit le nazaréen est d’une hauteur d’esprit d’une supériorité morale ou d’une noblesse incontestablement supérieure (« Va et ne pèche
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plus ! » Jean, 8, 11) ; mais on est toujours dans le même cas de figure : on traite et on glose sur l’adultère de la femme, non sur celui de l’homme.
Revenons à nos moutons ; d’où viennent donc tous ces clichés misogynes dans les légendes entourant la vie et l’œuvre du Hésus Cuchulainn ?? La Canadienne Joan Findon (paroles de femme) l’attribue au moine copiste qui a « révisé » cette version de notre légende. Notre conviction est en effet que le statut de la femme dans la société celtique antique était presque égal à celui de l’homme (et pourquoi pas l’égalité complète pour ce qui est des droits civils et politiques d’ailleurs, aujourd’hui ?), mais que c’est la christianisation qui l’a fortement dégradée par la suite. Nous y reviendrons. Toutes ces questions de société sont fort complexes.
Les femmes et les hommes constituent l’Humanité. L’homme est aussi une femme. Il faut en tirer toutes les conséquences logiques. L’Humanité ne peut se concevoir d’abord ou principalement au masculin, seul ! Et s’il est absurde de nier les spécificités ou les complémentarités, des unes ou des autres, s’il n’y aura jamais parfaite égalité sur le plan physique en ce bas monde (heureusement d’ailleurs, la complémentarité c’est mieux) il n’y a aucune raison par contre de refuser l’égalité de droits, y compris civiques et politiques, ainsi que l’égalité en dignités.
Maintenant s’il y a des femmes assez masochistes ou assez…… pour vouloir se convertir librement, mais alors vraiment librement, à ce tissu de superstitions qu’est l’islam salafiste, alors bon vent ! Et si c’est par amour, c’est d’ailleurs encore pire !
Coup de l’esprit (ou du fantôme). Nous traduisons ainsi l’expression gaélique « siabur-cles ». Sur les siabur /siabar… voir contre-lai N° 13. Ce sont des sortes de créatures noires, sombres et difformes.
Jeu du cercle. Nous traduisons ainsi l’expression gaélique « cles cuair ». il s’agit peut-être de la technique évoquée lors de l’épisode où l’on voit notre héros affronter un des fils de Scathache appelé Cuar (jeu de mots ? Fausse étymologie de la part des bardes irlandais du Moyen Âge ?).
Le Gris de Macha, le Sabot Noir… Il s’agissait bien évidemment des deux poulains ayant été donnés au jeune Setanta Cuchulainn le jour de sa naissance. Cette histoire qui ne cadre guère avec le reste est évidemment un fragment de la mythologie panceltique initiale concernant notre héros, mais réinséré de façon un peu arbitraire à cet endroit du récit, par quelque poète professionnel en mal d’inspiration, peut-être « payé à la ligne ». Cela illustre à la perfection à quel point le mythe panceltique initial a été démembré, désarticulé, mutilé : au point d’en être devenu méconnaissable par moments.
Par le dieu qu’invoque mon peuple, je le jure… En gaélique « Tongi di dia toingi mo tuad ».
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Ils en vinrent alors de nouveau à se quereller à propos de l’attribution du morceau du héros. Cunocavaros/Conchobar et les nobles d’Ulidia s’interposèrent afin de régler la question de son adjudication.
« Allez chez Curoi mac Daré, c’est l’homme qui essaiera de vous départager », s’exclama Cunocavaros/Conchobar.
“Insistez pour qu’il vous reçoive, en matière de jugement des uns et des autres
Curoi surpasse tous les autres hommes, et les verdicts qu’il rend sont vrais.
C’est un homme juste, qui ne s’est jamais adonné au mensonge, mais qui est bon et qui aime la justice.
Il a l’esprit noble et c’est toujours un bon hôte, habile de ses mains comme tout véritable héros
Et comme un haut roi dans la conduite des hommes ; il vous départagera en vérité.
Mais faire appel à lui demande du courage.
J’y consens, dit le Hésus Cuchulainn.
Je suis d’accord, confirma Loégairé.
Allons-y donc, renchérit Conall le Victorieux.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 38.
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Curoi est un nom gaélique qui signifie « chien des champs de bataille ». Avec Cuchulainn (Chien de Culann) et Conchobar dont le nom signifie « chien géant, nous avons donc là trois chiens. Ce qui fait peut-être beaucoup. Il est vrai que chez les Celtes appeler quelqu’un chien revenait à le comparer à un lion. C’était plus flatteur que dans la Bible.
Les verdicts qu’il rend sont vrais… Un bon jugement n’est pas forcément vrai ni véridique, mais pour les Celtes antiques apparemment l’un n’allait pas sans l’autre, la vérité c’était la justice et la justice c’était la vérité (fir en gaélique). Retenons de cette leçon l’importance de la vérité dans l’esprit celte. Tout jugement doit d’abord être une recherche de la vérité. La décision finale par contre peut être motivée par d’autres considérations.
Un des titres de notre héros sera donc désormais celui de « roi », oui, mais des guerriers seulement. Le roi de tout le reste au-dessus de lui étant toujours son oncle Cunocavaros/Conchobar. La royauté au sens habituel du terme ne faisait apparemment pas partie de ses attributions en ce monde.
Note de l’éditeur. Notre propos étant ici de relater la vie et l’œuvre de notre jeune seigneur Hésus Setanta Cuchulainn, de Muirthemné, le demi-dieu panceltique par excellence, nous ferons ici l’impasse sur les divers épisodes (la quarantaine de paragraphes) que contient la version du livre de la vache brune (Lebor na hUidre), qui sont à notre avis des additions (ou des interpolations) dues au personnage que la Canadienne Joanne Findon appelle « le Réviseur », et qui concernent surtout d’autres personnages d’ailleurs (Loégairé, Maeve ou Mève sous la plume d’Henderson) et nous reprendrons le fil de notre histoire avec l’arrivée au château de Curoi de notre trio.
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Le lendemain matin nos trois héros, le hésus Cuchulainn, Conall et Loégairé, partirent pour le château de Curoi. Ils dételèrent leur char devant la porte de la forteresse, puis entrèrent dans la cour. Sur quoi Blathnat, la fille de Mind, femme de Curoi mac Dare, leur souhaita chaleureusement la bienvenue. Ce soir-là au moment de leur arrivée Curoi n’était pas chez lui. Mais comme il savait qu’ils devaient venir, il avait laissé des instructions à sa femme en ce qui concerne nos héros, le temps qu’il soit revenu de son expédition vers l’est en territoire scythe. Depuis l’âge de sept ans où il avait pris les armes, jusqu’à son trépas, Curoi n’avait en effet jamais rougi de sang son épée dans le pays et aucune nourriture de la verte Erin n’avait franchi ses lèvres. Cette terre en effet ne pouvait guère abriter sa morgue, son renom, son rang, sa fureur écrasante, sa force et son courage.
Sa femme fit donc ce qu’il avait désiré pour ce qui est du bain et de la toilette, et leur fit donner des boissons rafraîchissantes ainsi que des couches excellentes. Ils en furent très contents.
Quand le moment d’aller au lit fut venu, elle leur expliqua que chacun d’entre eux aurait à monter la garde une nuit autour du château fort jusqu’à ce que Curoi soit de retour. » Et en outre, a dit comme ça Curoi, vous devrez prendre votre tour de garde par ordre d’ancienneté ! »
Quel que soit l’endroit du globe où Curoi pouvait se trouver être, tous les soirs il jetait en effet un sort sur le fort, de sorte que la forteresse se mettait à tourner aussi rapidement qu’une meule de moulin. L’entrée disparaissait de la sorte après chaque coucher du soleil.
La première nuit, ce fut Loégairé le Triomphant qui monta la garde sur le chemin de ronde, dans la mesure où il était l’aîné des trois. Et alors qu’il faisait le guet dans la dernière partie de cette nuit-là, il aperçut un géant venir de très loin à l’ouest de l’océan, d’une grandeur démesurée, horrible et laid, lui sembla-t-il, car pour ce qui est de la taille il lui parut toucher au ciel, et le miroitement de la mer à l’horizon tenait tout entier entre ses jambes. Ainsi approchait-il : les mains pleines de grumes de chêne, chacune d’entre elles pouvant à peine être tirée par un attelage de six bœufs, mais qui avait été abattue sans qu’il soit nécessaire de donner plus d’un seul coup d’épée. Il lança une des billes sur Loégairé, qui l’esquiva. Il recommença deux ou trois fois, mais la grume ne toucha ni la peau ni le bouclier de Loégairé. Ensuite Loégairé lança un javelot sur lui, mais le manqua.
Le géant tendit la main vers Loégaire. Elle était si grande qu’elle dépassa les trois sillons de distance qui étaient entre eux alors qu’ils se lançaient des projectiles divers, et l’empoigna.
Bien que Loégaire soit d’une taille imposante, il fut comme un enfant d’un an dans les griffes de son adversaire, qui ensuite le broya entre ses paumes comme un pion d’échec que l’on met de côté après l’avoir pris. Et dans cet état, presque à demi mort, le géant le jeta par-dessus le fort, de sorte qu’il tomba dans les ordures de la fosse située devant la porte du château. Le fort ne comportait aucune ouverture à cet endroit, et les deux autres hommes ainsi que les occupants du château pensèrent donc qu’il avait sauté à l’extérieur du fort pour les abandonner.
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Ils attendirent donc ainsi jusqu’à la fin de la journée. Quand vint l’heure de la garde de nuit, Conall sortit sur le chemin de ronde, car il était plus âgé que le Hésus Cuchulainn. Tout se passa comme pour Loégaire la première nuit. La troisième nuit le Hésus Cuchulainn gagna son poste sur le chemin de ronde. Cette nuit-là trois Glass des marais de Uairbeoil, les trois bouviers (?) de Breg et les trois fils de Grand-Poing la Musique vinrent au rendez-vous qu’ils s’étaient donné pour piller le château. C’était aussi la nuit durant laquelle il avait été prédit que le monstre du lac situé non loin du fort dévorerait toute la population du fort, tant hommes que bêtes.
Le Hésus Cuchulainn alors qu’il faisait le gué cette nuit-là eut beaucoup de sombres pressentiments. Quand minuit fut arrivé, il entendit un bruit effrayant qui s’approchait de lui.
Holà, Holà, s’exclama le Hésus Cuchulainn, qui est là ? Si ce sont des amis, arrêtez, si ce sont des ennemis, qu’ils s’enfuient !
Ils lui répondirent par un cri terrifiant. Sur quoi le Hésus Cuchulainn bondit sur eux, de sorte que neuf d’entre eux tombèrent à terre raides morts. Il entassa leurs têtes en désordre dans le poste de guet puis repris la garde sur le chemin de ronde. Neuf autres assaillants lancèrent leur cri de guerre. Il tua ces trois fois neuf ennemis de la même manière, et fit un tas de leurs têtes et de leurs attirails.
Alors qu’il était là bien avancé dans la nuit, fatigué triste et même épuisé, il entendit le lac se soulever, comme s’il s’agissait du grondement d’une mer démontée. Si profond que soit son abattement, son esprit ne put supporter de ne pas aller voir ce qui provoquait cet énorme bruit qu’il entendait. Il aperçut alors le monstre sortant des eaux et il lui sembla que son dos arrondi était bien à trente coudées au-dessus du lac. Il s’éleva très haut dans les airs, bondit vers le fort, et ouvrit si grand sa bouche qu’un palais aurait pu être englouti dans son gosier.
Alors il se rappela le tour de l’oiseau fondant sur sa proie, bondit en l’air et tourna comme une roue autour du monstre retid fuinnema ??? Il passa un bras autour de son cou, mit la main dans sa gueule jusqu’à ce qu’elle atteigne son gosier, puis arracha le cœur du monstre, et le jeta par terre. La bête s’écrasa ensuite au sol, comme un sac glissant de l’épaule de quelqu’un. Le Hésus Cuchulainn joua de l’épée avec lui, le hacha menu, et prit sa tête avec lui pour la mettre dans le poste de guet du chemin de ronde avec les autres tas de crânes.
Alors qu’il était là, complètement abattu et l’air misérable dans la lumière du petit matin, il vit le géant s’approcher de lui en venant de l’ouest de la mer.
« Quelle mauvaise nuit ! » lui dit ce dernier.
« Ce sera pire pour toi, gros rustaud ! » répondit le Hésus Cuchulainn. Alors le géant lança un de ses troncs d’arbre sur le Hésus Cuchlainn, qui l’esquiva. Il recommença deux ou trois fois, mais sans atteindre ni la peau ni même le bouclier du Hésus Cuchulainn. Ensuite le Hésus Cuchulainn lança son javelot sur le géant, mais le manqua lui aussi. Sur ce le géant tendit sa main vers le Hésus Cuchulainn afin de l’attraper comme il avait fait pour les autres. Le Hésus Cuchulainn fit le saut du saumon et se remémora le coup de l’oiseau qui fond sur sa proie, son épée dégainée sur la tête du monstre. Rapide comme un lièvre (?) il tourna dans les airs autour du monstre, jusqu’à ce que… roue à aubes de moulin ????
Vie pour vie O Hesus Cuchulainn, s’exclama-t-il.
Accorde-moi mes trois vœux, répliqua le Hésus Cuchulainn.
Tu les auras aussitôt, répondit-il.
« La souveraineté sur les grands héros de la verte Erin m’appartiendra désormais.
Le morceau du héros sans conteste.
La préséance pour toujours de ma femme sur les autres dames d’Ulidia ! »
Cela te sera donc accordé, répondit-il immédiatement.
Ensuite celui qui parlait ainsi avec lui disparut sans qu’il sache trop comment.
Il réfléchit ensuite au saut qu’avaient donc effectué ses compagnons par-dessus les remparts du fort, car il était très grand, long et haut, il lui semblait en effet que c’était en sautant ainsi que ces vaillants héros avaient pu le franchir. Il essaya de faire de même deux fois, mais en vain. Hélas, soupira le Hésus Cuchulainn, mes efforts pour obtenir le morceau du héros m’ont laissé sans force et je vais maintenant le perdre faute d’être capable de réussir le même saut que les autres.
Alors qu’il réfléchissait de la sorte, il essaya la méthode suivante : il sauta en arrière à une portée de lance du rempart du fort, et ensuite il rebondit en avant à partir de cet endroit, jusqu’à ce que son front
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en vienne presque à le heurter, puis il tenta de sauter en l’air assez haut pour être en mesure d’apercevoir tout ce qu’il y avait dans le fort, mais il s’enfonça dans la terre jusqu’aux genoux à cause de la puissance de sa force et de sa violence. La fois suivante il ne réussit même pas en fait à faire tomber la rosée qu’il y avait sur l’herbe à cause de la vigueur de son entrain, de la force de son caractère, et de son courage héroïque. Enfin grâce à la fureur qui s’empara de sa personne il réussit à sauter dans le fort à partir de l’extérieur et il se retrouva dedans à la porte du palais. L’empreinte de ses pieds figure encore dans la pierre du pavement de ce fort à l’endroit où se trouve l’entrée la porte royale. Il pénétra ensuite dans le logis et poussa un soupir.
La fille de Mind, Blathnat, femme de Curoi, dit alors : « En vérité, ce n’est pas le soupir de quelqu’un qui est déshonoré, mais un ouf de victoire ! »
La fille du roi de l’Île des hommes de Falga en effet savait tout des souffrances endurées par le Hésus Cuchulainn cette nuit-là. Peu de temps après, ils virent Curoi venir à eux, rapportant avec lui dans la maison, avec l’étendard des « trois groupes de neuf hommes » tués par le Hésus Cuchulainn ; avec leurs têtes, ainsi que celle du monstre. Il déposa sur le plancher de ce lieu les têtes qu’il tenait contre sa poitrine et dit : « le garçon dont voici les trophées de cette nuit est l’homme qu’il faut pour garder à jamais le donjon d’un roi ! Le morceau du héros, pour laquelle vous avez tous échoué vous autres vaillants jeunes de la verte Erin, revient assurément au Hésus Cuchulainn. Le plus brave d’entre eux serait-il ici qu’il ne pourrait l’égaler pour ce qui est du nombre de trophées ! »
Le verdict de Curoi en ce qui les concerne fut donc le suivant :
« Que le morceau du héros revienne au Hésus Cuchulainn.
Avec la primauté pour ce qui est de la valeur sur tous les Gaëls
Et à sa femme la préséance dans la salle du milieu vis-à-vis de toutes les autres dames d’Ulidia ! »
En outre il lui remit la valeur de 21 vaches en or et en argent pour le récompenser de ses prouesses de la nuit.
Ils firent aussitôt leurs adieux à Curoi et chevauchèrent d’une seule traite jusqu’à être arrivés, avant la fin du jour, à Emain Macha, pour y prendre part au banquet du soir. Quand les gens de la maison vinrent s’occuper d’eux et les servir, ils mirent morceau du héros avec sa part de bière de côté afin de le servir à part.
Pouvons-nous être sûrs, demanda Duach à la langue de scarabée, que vous ne songerez plus à revendiquer le morceau du héros cette nuit ? L’homme que vous êtes allé voir a peut-être réussi à vous départager ?
Sur quoi les autres rétorquèrent à l’intention du Hésus Cuchulainn : « Le morceau du héros n’a pas été assigné à l’un plutôt qu’à l’autre. Quant au jugement de Curoi en ce qui concerne les trois hommes, il ne dit rien à propos du Hesus Cuchulainn après leur arrivée à Emain ! »
Mais le Hesus Cuchulainn déclara qu’il ne demandait en aucune façon à bénéficier de son attribution. Car les pertes qui en résulteraient pour le vainqueur seraient tout aussi grandes que le profit qu’il en tirerait. Et tant que le pacte des champions ne fut pas définitivement scellé à Emain, le morceau du héros ne fut plus officiellement attribué.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 39.
Château ? Forteresse ? Nous traduisons ainsi le terme gaélique catrach. Si nos lecteurs ont mieux, qu’ils nous écrivent !
En territoire scythe… La mention de la Scythie est évidemment une pure invention de conteur. Le mythe panceltique initial ne faisait sans doute référence qu’à l’Orient ou aux pays sur lesquels le soleil se lève.
De sorte que la forteresse se mettait à tourner aussi rapidement qu’une meule de moulin et que l’entrée disparaissait…
Soyons clairs à ce propos. Personne ne peut affirmer avec certitude que la vie physique au sens strictement matériel du terme n’existe nulle part ailleurs que sur Terre dans l’Univers. On peut même penser, l’Univers étant si vaste, qu’il est fort probable que de la vie puisse exister ailleurs que sur notre planète. Concédons également qu’il existe dans divers grands textes sacrés de l’Humanité des
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récits troublants semblant mettre en scène des extraterrestres. Les plus connus se trouvent dans le Mahabharata et le Ramayana.
Précisons que les textes indiens parlent de 4 types de vimanas.
Le Rukma vimana, de forme discoïde ou circulaire.
Le Sundara vimana, conique comme une fusée.
Le Shakuna vimana, appareil ailé muni d’une tour centrale.
Le Tripura vimana, vaisseau tubulaire à forme de cigare.
Le Mahabharata parle du vimana comme étant « un char aérien pourvu de flancs de fer et d’ailes ».
Dans le Ramayana, le vimana est un aéronef circulaire (ou cylindrique) muni d’un double pont, de hublots et d’une coupole. Il vole à la « vitesse du vent » et produit un « son mélodieux ».
Le journaliste indien Mukul Sharma a mentionné le Yantra Sarvasva, attribué au sage Maharshi Bhardwaj, dont une section (Vimaanika Prakarana) est consacrée à l’aéronautique. 3 sortes de vimana (ou aéronef) sont mentionnés : ceux qui vont d’un endroit à l’autre, ceux qui vont d’un pays à l’autre, et ceux qui se déplacent entre les planètes. Une place particulière est accordée aux avions militaires, lesquels devaient être imprenables, incassables, incombustibles et indestructibles. Ils devaient pouvoir s’immobiliser en un clin d’œil, être invisibles à l’ennemi, avoir la possibilité d’entendre les conversations à l’intérieur des avions adverses – et de voir ce qui se passait à l’intérieur de ceux-ci –, etc. Il parle de métaux très légers et à haut coefficient d’absorption thermique, de mécanismes permettant d’agrandir ou de réduire les images, d’amplifier ou de diminuer les sons. Selon Mukul Sharma, cependant, les méthodes de fabrication décrites ne sont pas très précises. L’extrême précision des engins et de leurs manœuvres – et celle des guerres associées – ne permet pas en réalité d’attribuer le tout à l’imagination. Quant au manque de précisions concernant la fabrication des engins, il faut l’attribuer au fait que nous sommes ici en présence d’échos d’un lointain passé, et aussi au fait que les rédacteurs n’étaient sûrement pas les concepteurs des appareils ! Ivan T. Sanderson a relevé que le texte de Bhardwaj parle de moteurs à mercure (Mercure, le messager des dieux…)
Mahabharata. Septième livre (Livre de Drona-Vadha) Section CXCVII.
Sanjaya expliqua : « Quand l’arme appelée Narayana est utilisée, des vents violents se mettent à souffler avec des averses, et des coups de tonnerre se font entendre bien que le ciel soit sans nuage. La terre tremble et les mers sont démontées. Les rivières se mettent à remonter vers leur source. Les sommets des montagnes commencent à se fissurer. L’obscurité se fit, le soleil s’obscurcit ».
Mahabharata. Septième livre (Livre de Drona-Vadha) Section CCI.
Le vaillant Asouatthaman alors, fièrement debout sur son char, toucha l’eau et fit appel à l’arme d’Agni, à laquelle même les dieux en personne ne pouvaient résister… une grêle de flèches en sortit alors de la voûte céleste. Chargée de flammes ardentes elles entourèrent de tous côtés Partha. Des météorites tombèrent du firmament. Une nuée dense entoura soudainement l’armée (des Pandavas).
L’horizon entier fut recouvert par les ténèbres.
Les Rakchasas et les Pisachas se blottirent les uns contre les autres en hurlant de terreur. Des vents sinistres se mirent à souffler. Le soleil lui-même cessa de dispenser de la chaleur. Les corbeaux croassèrent de tous côtés. Les nuages grondèrent à l’horizon en déversant des flots de sang…
Atteints et brûlés par ces traits d’Asouatthaman qui avaient la force du tonnerre, les combattants ennemis tombèrent comme des arbres abattus par un feu d’enfer. Les immenses éléphants, brûlés par cette arme, tombaient à terre tout autour en poussant des barrissements effrayants comme le grondement des nuages… des centaines de chars tombèrent en pièces de tous côtés. C’est ainsi, O Bharata, semble-t-il, que le divin seigneur Agni a brûlé l’armée (des Pandavas) au cours de cette bataille, comme le feu de Samvarta qui consume tout à la fin d’une ère ou d’un cycle. En voyant l’armée des Pandavas brûler ainsi dans cette redoutable bataille, tes soldats, O roi, remplis de joie, rugirent comme des lions… Comme l’obscurité s’était abattue sur le monde entier durant cette féroce bataille, on ne pouvait plus voir l’armée des Pandavas et Savyasachin, le fils de Panda. Nous n’avions
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jamais jusque-là, O roi, vu ou entendu parler de cette arme que le fils de Drona en colère créa pour l’occasion. Puis Arjouna, O roi, appela aussi à l’existence l’arme de Brahma qui…
Mahabharata Seizième livre (Livre de la massue de fer) Section I.
Quand vint le jour suivant, Samva donna naissance à une massue de fer qui réduisit en cendres tous les membres de la race des Vrishnis et des Andhakas… une massue de fer semblable à un gigantesque messager de la mort. La chose fut dûment rapportée au roi. Ne sachant que faire et terrorisé, le roi (Ugrasena) fit réduire en poudre la plus fine qui soit cette massue. Et ensuite O roi, cette poudre fut dispersée dans la mer.
Mais on peut également citer dans la Bible le fameux esprit des Élohim (c’est un pluriel en effet) qui se mouvait sur les eaux au moment de la création du monde (Genèse 1, 2) ainsi que le fameux char de Dieu dans la vision d’Ézéchiel (Livre d’Ézéchiel chapitre I : merkava = machine volante ??)
« Alors que je regardais, je vis un vent de tempête arriver du nord, un grand nuage resplendissant avec des éclairs de feu qui en sortaient continuellement, au sein des flammes il y avait comme du bronze brillant. Et au milieu de cette apparition, il y avait comme quatre créatures vivantes. Voici à quoi elles ressemblaient : elles avaient une forme humaine… »
Plus intéressante est la fameuse dalle de Palenque (Mexique, État du Chiapas) qui recouvre le sarcophage du roi maya Pacal (VIIe siècle). La dalle recouvrant ce sarcophage est des plus troublantes, car en la regardant horizontalement, on peut y voir un spationaute sur une sorte de moto volante. Vue verticalement bien entendu cela change tout.
Sans oublier les « Martiens » du Tassili n’Ajjer (en Algérie) ainsi que les fameux « êtres sans bouche » (wandjina) peints par les Aborigènes sur les parois de leurs cavernes des Monts Kimberley (Australie).
Rien ne prouve donc avec certitude que cette curieuse forteresse tournante de Curoi n’était pas un gigantesque vaisseau spatial extraterrestre, du même genre que la « roue ramante » ou « roth ramach » de certaines autres légendes celtes, et que Curoi lui-même n’était pas un extraterrestre.
Nous déconseillons néanmoins fortement à nos lecteurs de tout fonder sur une telle croyance, nous leur déconseillons de ne mettre leurs espoirs que sur de tels témoignages, de tout miser sur de telles apparitions, qui restent à étayer, de façon incontestable. Rien ne prouve en effet avec certitude que des extraterrestres ont déjà visité notre planète, jadis, ou naguère. L’homme libre n’a que faire des croyances et des superstitions, il n’a besoin pour vivre que de certitudes mâtinées de quelque espoir. « Infini est l’espace que peuplent les parfaits et les dieux ; il n’y a pas de limites à leurs demeures merveilleuses » (Mahabharata).
Grume, bille… n’oublions pas que mon père fut entre autres métiers, exploitant forestier, dans les années 1950 (il conduisait un vieux G.M.C à volant de bois pour cela). Mes jeudis s’en souviennent encore.
Les trois Glass… Glas signifie bleu/vert en gaélique. Il doit s’agir de trois nuances de bleu/vert.
Le monstre du lac… nous traduisons ainsi le mot gaélique piast/peist. Peut-être une sorte de monstre du Loch Ness ou de dragon comme celui qui fut dompté par sainte Marthe à Tarascon. Pour la petite histoire, ce monstre était dit venir de Galatie. Quant au dragon du lac situé devant le château de Curoi, il fait très clairement « monstre du Loch Ness ». Un peu dans le genre de celui mis en fuit par saint Columba d’Iona si l’on en croit le chapitre XXVIII de sa vie écrite par Adamnan (Livre II). « Le saint homme… invoquant le nom de Dieu, traça le salvateur signe de la croix dans les airs, et commanda donc au féroce monstre…… en entendant la voix du saint, le monstre fut saisi de terreur, et prit la fuite ». Columba se montra donc en la circonstance encore plus fort que Cuchulainn.
Plus sérieusement, tout ceci montre bien le caractère composite du récit, les bardes chrétiens du Moyen-âge ont fait feu de tout bois pour captiver leurs auditeurs ; tout ce qu’il faut en retenir donc, si
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l’on veut reconstituer le mythe panceltique primitif concernant notre héros, c’est que, dans le cadre d’une querelle pour l’attribution du morceau du héros, Curoi met le trio à l’épreuve.
Le tour de l’oiseau fondant sur sa proie… Nous traduisons ainsi le terme gaélique forumcliss. Inconnu par ailleurs. Nous ignorons en fait à quoi exactement cette technique correspondait. Des pans entiers de la civilisation celtique primitive nous échappent, hélas ! Quelle perte pour le patrimoine culturel de l’Humanité !
Tout ce que l’on peut remarquer c’est que le Hésus Cuchulainn est décrit comme étant doté des pouvoirs habituels aux superhéros de nos modernes bandes dessinées. Avec en plus un petit côté Astérix évident (nos correspondants français apprécieront).
La souveraineté des grands héros de la verte Erin…… Rappelons encore une fois que cette souveraineté du Hésus Cuchulainn ne doit en aucun cas être confondue avec la royauté du pays ni avec un programme politique. Il ne s’agit pas de régir le quotidien des hommes comme l’a fait Mahomet à partir de Médine (c’est-à-dire comme par hasard quand il ne fut plus dans l’opposition, mais au pouvoir), mais de constituer un exemple. Nous ne sommes ni de gauche ni de droite ni du centre, mais ailleurs. On peut être intéressé par ce rêve de surhumanité et être républicain (cf. vergobret) ou monarchiste (si c’est un bon roi, éclairé), démocrate ou élitiste (s’il s’agit d’élitisme républicain), etc. Etc. Si royauté du Hésus Cuchulainn il y a, elle n’est pas de ce monde. La liberté ne doit pas être un vain mot ! La religion druidique est surtout faite de spiritualité ou de comportement, individuels ou privés, familiaux ; les manifestations de foi collectives une exception (4 ou 5 fois par an ??)
Tu les auras aussitôt… littéralement « dès ton premier souffle ».
L’empreinte de ses pieds figure encore dans la pierre… Ce genre de détail, évidemment impossible (mais il faut bien marquer ou impressionner son auditoire) figure dans de nombreuses légendes, que ce soit les empreintes d’Abraham à la Mecque (Maqam Ibrahim) celles de Mahomet sur le rocher d’Abraham, rocher sacré (Qubbat el-Sakhra) abrité dans la grotte située sous le Dôme de la Mosquée d’Omar ou celles de la Sainte Vierge, de saint Martin voire de Gargantua en France (alors pourquoi pas de Cuchulainn ?) Une des plus étranges de ces empreintes est située sur le « Pic d’Adam » au Sri Lanka, cette empreinte de 2 mètres de long est en effet un lieu de pèlerinage pour les fidèles de plusieurs religions ! Les musulmans y voient l’empreinte d’Adam à sa sortie de l’Eden (il aurait été condamné à rester sur un seul pied durant 1000 ans à cet endroit !), les bouddhistes une empreinte du Bouddha, les hindouistes une empreinte de Shiva (ou pour certains de Vishnu) et enfin certains chrétiens y voient une empreinte de… saint Thomas. L’imagination humaine est sans limites. Pour plus de détail, voir « empreinte pédiforme ».
N.B. Ce qui suit est une autre histoire, dont le thème est assez connu, puis qu’il a déjà été utilisé dans un des passages du Lebor na hUidre que nous n’avons pas retenus, les paragraphes 76 à 78 du chapitre XIV. Il s’agit d’un simulacre de décapitation imposé par un géant appelé Uath mac Imomain. On retrouve le même thème dans Gauvain et le chevalier vert.
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L’accord des champions.
Un jour que les Ulates étaient à Emain, fatigués par leur assemblée ainsi que par les jeux, Cunocavaros/Conchobar et Fergus fils de Roech, ainsi que tous les nobles d’Ulidia, quittèrent le terrain de jeu situé à l’extérieur pour prendre place dans la Branche rouge (la salle royale) de Cunocavaros/Conchobar. Ni le Hésus Cuchulainn ni Conall le Victorieux ni Loégaire le triomphant n’étaient présents cette nuit-là. Mais l’armée des vaillants héros d’Ulidia était présente.
Alors qu’ils avaient pris place, vers la fin du jour, au crépuscule, ils virent un immense rustaud excessivement laid se diriger vers eux dans la salle. Il leur sembla qu’aucun des Ulates n’atteignait ne serait-ce que la moitié de sa taille. Horrible et hideuse était l’apparence de ce rustre. Il portait un vieux cuir à même la peau avec un manteau brun sombre pour l’envelopper, et sur lui une grande massue déployée, faite d’un tronc d’arbre de la taille d’une étable, dans laquelle trente bœufs auraient pu s’abriter. Il avait des yeux jaunes avides, qui lui sortaient de la tête, chacun gros comme un abreuvoir à bestiaux. Chacun de ses doigts était gros comme le poignet d’un homme. Dans sa main gauche, il tenait un billot, dont le poids était digne d’un attelage de vingt bœufs. Dans sa main droite, une hache fait de cent cinquante coulées [de métal]. Son manche aurait nécessité un attelage de labour (six
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bœufs) pour être transporté. Son tranchant était si affûté qu’il aurait coupé en deux des cheveux si le vent les avait poussés contre son fil.
Il s’avança ainsi et se planta sous la poutre à fourchettes à côté du feu. « La salle est-elle assez grande pour vous ? » demanda Duach à la langue de scarabée ; « que vous ne trouviez aucune autre place où vous mettre que là sous la poutre à fourchettes ; à moins que vous ne vouliez être le domestique préposé aux luminaires, seulement le feu se répandrait dans la maison plutôt que d’éclairer la maisonnée ».
« Quelles que puissent être mes propriétés, vous en conviendrez en vérité, aucun problème avec ma taille pour que la maisonnée tout entière soit éclairée sans que la salle sans brûlée. Quoi qu’il en soit ce n’est pas ma seule utilité, j’en ai d’autres aussi bien. Mais nulle part dans la verte Erin, ni en Alpuin, ni en Europe, ni en Afrique, ni en Asie, ni même en Grèce, en Scythie, dans les Orcades, les Colonnes d’Hercule, la Tour de Bregon et les Îles de Gadès, je n’ai pu trouver (réponse à) la quête pour laquelle je suis venu, ni même un homme pour jouer franc-jeu à ce sujet avec moi. Puisque vous les Ulates vous dépassez tous les autres peuples de ces pays pour ce qui est de la force, des prouesses, du courage, du rang, de la magnanimité, de la dignité, de la vérité, de la générosité ainsi que de la valeur, trouvez-moi parmi vous quelqu’un qui puisse m’apporter ce que je cherche si désespérément ».
Assurément il ne serait pas juste que l’honneur de tout pays soit perdu, répondit Fergus mac Roich, à cause d’un homme qui faillit à son honneur. La mort n’est pas du tout plus proche de lui que de toi.
Je ne suis pas là pour l’éviter, répondit-il.
Fais-nous connaître ta requête maintenant, poursuivit Fergus mac Roich.
S’il m’est accordé de respecter les droits de l’homme (sous les armes), je vous la ferai savoir.
Il convient de t’accorder ce respect des droits de l’homme en armes, répondit Sencha, fils d’Ailill, car il ne sied guère à une grande armée de briser la convention passée avec un inconnu. Il nous semble aussi à nous vraisemblable que si, en fin de compte, tu trouves un jour une telle personne, hé bien ce sera ici que tu en trouveras une digne de toi.
Cunocavaros/Conchobar je le mets à part, répondit-il, par égard pour sa souveraineté, ainsi que Fergus mac Roich en raison de ses semblables privilèges.
À l’exception de ces deux-là, que quelqu’un parmi vous vienne tenter l’aventure suivante : à savoir que je lui couperai la tête cette nuit, et que lui me coupera la tête la nuit prochaine.
Il est certain qu’il n’y a aucun guerrier pour ce faire ici, répondit Duach, après ces deux-là.
Par ma foi il y en aura un maintenant, s’exclama Gros-Cou, fils de Courte-Tête, en sautant sur le plancher de la salle. La force de Gros Cou était celle d’une centaine de guerriers, chacun de ses bras ayant la force de cent solides gaillards ?
Penche-toi, gros rustaud, s’exclama Gros-Cou, que je puisse te couper la tête cette nuit, tu couperas la mienne demain soir.
Note de l’éditeur. Le manuscrit du lebor na hUidre s’arrête ici, mais la suite de l’histoire nous est donnée par le manuscrit d’Édimbourg.
Si c’est en cela qu’avait consisté ma quête, j’aurais pu obtenir satisfaction n’importe où, répondit le gros rustaud. Faisons comme il était convenu, poursuivit-il. Je te couperai la tête cette nuit, toi tu te vengeras demain soir.
Par le dieu de mon peuple, s’exclama Duach à la langue de scarabée, tu fais donc si peu cas de la mort que tu attends que l’homme que tu aurais tué cette nuit s’en prenne à toi le lendemain ? Il n’est donné qu’à toi de posséder le pouvoir d’être tué chaque nuit et de se venger le jour suivant.
Et bien en vérité je vais faire ce que vous êtes tous d’accord comme un seul homme pour me demander d’accepter par ce conseil aussi étrange qu’il puisse vous paraître. Ensuite il promit à Gros-Cou de tenir sa parole pour ce défi en venant au rendez-vous le lendemain.
Sur ce Gros-Cou prit la hache des mains du gros rustaud. Il y avait sept pieds de longueur entre ses extrémités. Ensuite le gros rustaud mit son cou sur le billot. Gros-Cou lui asséna un coup avec la hache qui s’enfonça dans le billot, en tranchant la tête qui roula au pied de la poutre à fourche, la maison tout entière se retrouvant alors éclaboussée de sang. Le gros rustaud se releva aussitôt, recouvra ses esprits, mit sa tête, le billot et la hache, sur sa poitrine, et sortit ainsi de la salle le cou
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ruisselant de sang. Il remplissait la Branche rouge de tous côtés. Grande fut l’horreur de l’assistance, stupéfiée par le prodige qui s’était déroulé devant elle.
Par le dieu de mon peuple, s’exclama Duach à la langue de scarabée, si le gros rustaud qui a été tué cette nuit revient demain, il ne laissera pas un homme en vie dans Ulidia.
La nuit suivante néanmoins il revint, mais Gros-Cou s’esquiva. Le gros rustaud rappela donc son pacte avec Gros-Cou. « En vérité il n’est pas très loyal de la part de Gros-Cou de ne pas respecter sa convention avec moi ».
Cette nuit-là cependant Loégairé le triomphant était présent.
« Qui parmi les guerriers qui revendiquent le morceau du héros d’Ulidia conclura un semblable pacte cette nuit avec moi ? Où est Loégairé le Triomphant ? » Demanda-t-il.
« Ici !” répondit Loégairé.
Il s’engagea pareillement lui aussi, mais Loégairé n’honora pas son rendez-vous.
Le gros rustaud revint le lendemain et de la même façon mit en demeure Conall le Victorieux, qui n’était pas venu comme il avait pourtant juré de le faire.
La quatrième nuit le gros rustaud revint, et il était furieux et en colère. Toutes les dames d’Ulidia étaient venues cette nuit-là pour voir le prodige qui s’était arrivé dans la Branche rouge. Cette nuit-là le Hésus Cuchulainn était aussi présent. L’homme commença de les invectiver.
“Vous, Ulates, votre valeur et vos prouesses se sont envolées. Vos guerriers convoitent ardemment le morceau du héros, mais vous êtes incapables de le revendiquer. Où est le pauvre fou que vous appelez le Hésus Cuchulainn ? J’aimerais savoir si sa parole a plus de valeur que celle des autres.
« Je n’ai nulle envie de conclure un pacte avec toi ! » répondit le Hésus Cuchulainn.
« C’est certainement vrai, misérable mouche, tu crains par-dessus tout de mourir ! »
Sur ce le Hésus Cuchulainn bondit sur lui et lui asséna un coup de hache, faisant sauter sa tête en l’air jusqu’au plafond de la Branche rouge, si fort que toute la pièce en trembla. Le Hésus Cuchulainn attrapa ensuite au vol la tête, lui donna un coup de hache et l’écrasa. Aussitôt après le gros rustaud se releva.
Le lendemain les Ulates observèrent le Hésus Cuchulainn pour voir s’il fuirait le gros rustaud comme les autres champions l’avaient fait avant. Alors que le Hésus Cuchulainn attendait, ils s’aperçurent qu’il était sur le point de défaillir. On aurait pu entonner son chant funèbre. Certains craignaient même qu’il ne meure avant l’arrivée du gros rustaud.
Le Hésus Cuchulainn couvert de honte dit alors à Cunocavaros/Conchobar ????? ne t’inquiète pas, tu n’auras pas l’occasion de partir avant que la promesse que j’ai faite au gros rustaud soit tenue, la mort m’attend, mais je préfèrerais partir avec honneur.
Ils étaient là ainsi à la tombée du jour quand ils virent le gros rustaud approcher.
Où est le Hésus Cuchulainn ? demanda-t-il.
Je suis là, répondit-il.
Tu n’as pas le verbe haut cette nuit, mon pauvre ; tellement tu crains de mourir. Cependant, si grande soit ta peur, tu ne t’y es pas dérobé.
Sur ce le Hésus Cuchulainn le rejoignit et posa son cou sur le billot, qui était si grand qu’il n’en atteignait pas la moitié.
Allonge ton coup, misérable, s’écria le gros rustaud.
Là tu me tortures, répondit le Hésus Cuchulainn. Expédie-moi rapidement ; la nuit dernière, par moi foi, moi je ne t’ai pas torturé ainsi ! Et en vérité je te le jure, si tu me torture je ??????
Je ne peux pas te tuer, s’exclama le gros rustaud, à cause de la taille du billot de la petitesse de ton cou et de ????
Le Hésus Cuchlainn allongea tellement son cou que le pied normal d’un guerrier aurait pu tenir entre n’importe lesquelles de ses côtes ; il dilata son cou jusqu’à ce qu’il atteigne l’autre bord du billot. Le gros rustaud leva sa hache jusqu’à toucher le faîte du toit de la salle. Le craquement de la vieille peau que portait l’homme et le choc de la hache – ses deux bras levés en l’air de toute leur force – furent comme le fracas d’une forêt secouée par la tempête une nuit d’orage. Ensuite sous les yeux de tous nobles d’Ulidia elle s’abattit sur son cou… le côté non coupant le premier !
Cuchulainn, debout !… Des guerriers d’Ulidia et de la Verte Erin, peu importe leur courage, il ne s’en trouve aucun qui puisse t’être comparé pour ce qui est de la valeur, de la bravoure et de l’honnêteté.
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La souveraineté sur les grands héros de la Verte Erin t’appartient dorénavant à partir de cette heure et le morceau du héros sans contestation possible ainsi que, pour ta dame, la préséance pour toujours sur les autres dames d’Ulidia dans la salle du milieu. Et qui que ce soit qui parierait contre toi désormais ???? je le jure ainsi que le jure mon peuple [il le paiera cher] toute sa vie.
Puis le gros rustaud disparut. C’était Curoi fils de Dairé, qui était venu ainsi déguisé pour tenir la promesse qu’il avait faite au Hésus Cuchulainn.
Ainsi finissent le morceau du champion d’Emain, la guerre des mots des femmes d’Ulidia, et le pari du champion d’Emain.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 40.
Les droits de l’homme (sous les armes)… Nous traduisons ainsi l’expression gaélique « fir fer » qui signifie littéralement « droit de l’être humain mâle en armes » (ce que l’on pourrait traduire aussi par « combat mené à la loyale »).
Il prit sa tête et s’en alla… le thème est si courant dans le folklore de nombreux pays qu’on lui a même donné un nom pour ce qui est du christianisme : on parle de saints céphalophores. Il y en a toute une armée, comme saint Alban de Verulamium au nord de Londres, saint Nectan dans le Devon, saint Denis à Paris, sainte Libaire à Grand, sainte Osyth près de Colchester, saint Maurice en Suisse, sainte Eurosie en Espagne, sainte Juthwara dans le Dorset, par exemple, etc.à croire que le saint ou la sainte, normale, se promène toujours sans sa tête. Le cas de saint Nectan est intéressant, car il fait bien le lien avec la spiritualité celtique. N’oublions pas non plus saint Gauvain et le chevalier vert. Le vrai païen est un homme libre, un esprit libre de tout dogme, seul dans son rapport au divin. Nos lecteurs sont donc libres d’en penser ce qu’ils veulent.
Mouche… en gaélique cuil. Sans doute un jeu de mots sur le nom de Cu Chulainn.
Le Hésus Cuchulainn dit alors à Cunocavaros/Conchobar… grammaticalement parlant notre texte stipule exactement le contraire. Il doit s’agir d’une énième erreur du moine chrétien ayant recopié le texte. Ou consigné les paroles du conteur.
Tu crains de mourir, mais tu ne t’y es pas dérobé… On a souvent dit que notre héros ne pouvait en aucun cas être un exemple de vrai courage, car il ne craignait jamais rien, car il était en fait inconscient du danger, en général, ce qui en faisait en réalité un être in-humain, non humain. Ce passage du mythe le concernant nous prouve exactement le contraire ! Le Hésus Cuchulainn y apparaît comme craignant la mort au point de presque en défaillir, mais il l’affrontera néanmoins jusqu’au bout, afin de tenir sa parole. Notre jeune seigneur de Muirthemné a donc bien été un homme, un vrai, il a vécu pleinement la condition humaine qui est la nôtre, il a eu peur, il a été terrorisé, il a manqué en défaillir, en succombant sous le poids de sa destinée. Notre seigneur de Muirthemné n’est pas qu’un dieu (fils de Lug ?), la divinité qui était en lui ne l’a pas placé en dehors de la condition humaine, et c’est donc pourquoi nous pouvons le prendre comme modèle, enfin disons comme étoile polaire pouvant guider notre cheminement dans la vie, notre quête du Graal sur cette Terre. C’est en suivant le cheminant qu’on trouve le chemin, qu’on trouve la voie.
Souveraineté sur les guerriers… À propos de son royaume qui n’est pas de ce monde, n’oublions pas que, quand le Hésus Cuchulainn a réclamé pour lui et son fils adoptif Lugaid la royauté au sens ordinaire du terme, la pierre de Fal n’a pas crié sous lui, et il l’a donc brisée avec son épée, du moins d’après le Lebor Gabala Erenn (section Tuatha Dé Danann). D’où le fait que ladite pierre fut désormais muette (à part peut-être pour le roi Conn), voire semble avoir disparu à tout jamais. Is iat Tuatha De Danann tucsat leo in Fál Mór.i. in lia fis bái i Temraig diata Mag Fháil for Herind. Inti fo nhgessed saide ba rí Herenn. Condasellacht Cu Chulaind 7 ni rogéis foe nach fo daltu.i. fo Lugaid mac tri Find Emna ; ocus ni rogéis in cloch o shein ille, acht fo Chund nammá. Rosceind dano a chride esti otá Temraig co Taltin conid e Cride Fáil sein. Ecmoing ni hed fodera, acht Críst do genemain issed robris cumachta na n-idal.
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RAPPEL.
Attention, attention s’il vous plaît ! Les textes qui suivent ne sont pas une synthèse complète ni exhaustive de toutes les légendes irlandaises ou galloises sur le sujet. Pour la simple raison qu’une telle synthèse serait impossible, étant donné les innombrables variantes ou contradictions que l’on peut y découvrir. Seule une synthèse des grandes lignes de ces récits peut être envisagée.
Les textes qui suivent ne sont donc que des réécritures partielles, et en résumé ou en abrégé, des principales légendes irlandaises en question, le tout étant restructuré ou recomposé après démolition sur de nouvelles bases et en suivant un plan différent, ça et là entrecoupé d’analyses.
Ils n’ont qu’un seul but, donner à nos lecteurs assez de notions ou d’aperçus préliminaires sur le sujet pour avoir envie d’en savoir plus.
Les textes qui suivent ne dispensent donc pas de se reporter in fine aux textes originaux eux-mêmes.
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DEIRDRE OU LA RÉVOLTE DE LA FEMME
CONTRE LE DESTIN.
(Longes mac nUsnig. D’après le Livre de Leinster, Lebor Laignech en gaélique : la version la plus ancienne).
Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 41
Ainsi que l’a très bien vu John Rhys dans le deuxième volume de son livre sur le folklore celtique gallois et manx. À propos du mot gallois « tynghed » ; les anciens très-sachants de la druidiaction (druidecht) avaient fait du « hasard » (sic) un Dieu, si l’on en croit saint Columba d’Iona et une de ses loricae. « Je n’adore ni le chant des oiseaux… ni un fils, ni le HASARD, ni la femme. Mon druide est fils de Dieu…, etc. » L’expression figure en effet dans une lorica que l’on attribue à ce grand saint.
La magnifique et tragique histoire de Deirdre en tout cas, est une des plus belles illustrations de cette toute-puissance du Destin ou Tocade (au féminin) Tocad (au masculin, mais en réalité, c’est un neutre) : moyen gallois tynghed, breton tonket, destiné, vieil irlandais tocad, destin, toicthech « fortunatus », tonquedec en breton. Le labarum est son symbole (ou son messager).
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Cid dia mboí longes mac nUsnig ? Ni ansa ! Ce n’est pas difficile !
Les Ulates étaient un jour assis en train de boire de la bière dans la maison de Feidlimid le fils de Dall, le conteur d’histoires du roi Cunocavaros/Conchobar ; et devant les guerriers, afin de les servir, se tenait la femme de Feidlimid, elle était enceinte. Tout autour de la table circulaient les cornes à boire ainsi que les parts de nourriture ; et tous les fêtards passablement ivres criaient joyeusement. Et quand ils désirèrent aller se coucher pour dormir, la femme elle aussi rejoignit sa couche ; et, alors qu’elle passait au milieu de la salle, l’enfant qui était dans son ventre cria, si fort que son cri fut entendu dans toute la maison voire dans toute la cour qui était devant. En entendant ça tous les hommes présents bondirent sur leurs pieds puis se serrèrent les uns contre les autres dans la maison, sur quoi Sencha, le fils d’Ailill, les arrêta aussitôt. « Qu’aucun d’entre vous ne bouge ! » s’écria-t-il, « et qu’on amène la femme ici devant nous, que l’on sache ce que signifie ce cri ». Alors ils firent venir la femme devant eux, et Feidlimid son époux lui parla ainsi.
Qu’est-ce que c’est que ça, tous ces cris si féroces
Qui résonnent violemment et longuement dans ton ventre
Tu perces tous nos tympans avec une telle clameur
Avec ce cri perçant qui sort de tes flancs si puissamment
Mon cœur pressent de grands malheurs à cause de ce cri ;
Il est saisi de terreur, et saigne à vif.
Alors la femme s’en alla trouver Catubatuos/Cathbad le druide, car c’était un homme de connaissance, et lui parla ainsi
Écoute-moi, Catubatuos/Cathbad au beau visage,
Grande couronne de notre honneur, et de race royale ;
Que l’homme ainsi magnifié soit toujours placé plus haut
Que le druide fasse appel à la science que peuvent avoir les druides,
Puisque j’ai besoin de paroles sages, et que je ne peux aller chercher personne pour ça
Ni tendre à Feidlimid un flambeau de certitude
Puisqu’aucun esprit de femme ne peut savoir ce qu’elle porte
Je ne sais rien de ce cri déchirant qui sort de mon ventre.
Et alors Catubatuos/Cathbad répondit :
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C’est une fille qui vient de crier aussi sauvagement,
Sa chevelure blonde et frisée fera des boucles ondulant autour de sa tête,
Ses yeux auront de majestueux iris bleus ;
Et ses joues auront le rouge des digitales.
Quant à la couleur de sa peau, elle sera semblable
À cause de sa blancheur, à de la neige fraîche ;
Ses dents sont de pures merveilles sans aucun défaut
Et ses lèvres semblables à du corail parthe rouge.
C’est une belle fille, pour laquelle nos héros
Qui combattent dans leurs chars pour Ulidia,
Revêtiront leur tenue de guerre jusqu’à la mort.
C’est une femme qui a poussé ce cri perçant
Avec de beaux cheveux blonds, de longues tresses, et grande ;
Pour l’amour d’icelle beaucoup de chefs feront tout,
Et de grands rois rechercheront ses faveurs.
De l’ouest elle précipitera du fait de sa séduction
Une grande armée qui pillera le royaume de Cunocavaros/Conchobar
Rouges comme du corail parthe ses lèvres souriront
Quant à ses dents, blanches comme des perles, elles montrent
Oui-da, que cette femme est belle, et que de grandes reines seront jalouses
De ses formes qui sont parfaites, sans le moindre défaut.
Alors Catubatuos/Cathbad mit sa main sur le corps de la femme, et le petit enfant bougea en la sentant.
“Oui-da, en effet, dit-il, c’est une fille qui est là, Deirdre sera son nom, et le malheur un grand malheur sera sur elle.
Puis quelques jours plus tard, la fille vint au monde, et alors Catubatuos/Cathbad psalmodia ce qui suit.
O Deirdre ! Tu seras la cause d’une grande ruine
Bien que célèbre, belle et pâle comme un lis.
Et les Ulates pleureront à cause de toi.
Ô noble fille de Feidlimid.
Assurément, la jalousie règnera ensuite
À cause de toi belle et radieuse jeune fille ;
Écoute ceci : les fils d’Uisliu, ces trois sublimes princes
Seront forcés de s’exiler.
Pendant que tu seras en vie une guerre féroce et sauvage
Aura lieu à Emain ;
Et longtemps après on déplorera d’avoir ignoré
La protection qu’apportait le puissant fils de Roech.
Ô femme fatale, c’est à toi que nous devons
Que Fergus a été banni loin du royaume des Ulates
Que nous célèbrerons le malheur d’un fils de roi hélas
Avec la blessure et la mort de Fiachna fils de Cunocavaros/Conchobar.
Ô femme fatale ! C’est à cause de toi
Qu’a été tué Gercc, le fils d’Illadan ;
Et quand le sang d’Eogan mac Durthacht aura été versé
Notre douleur ne sera pas moindre.
Tu commettras un terrible crime, et tu exalteras ta haine
Contre le glorieux roi d’Ulidia
En ce lieu sera creusée une petite tombe pour toi
De Deirdre on parlera longtemps.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 42.
Elle était enceinte… La façon dont est traitée cette femme est évidemment odieuse. Mais n’oublions pas qu’il s’agit de mettre en scène une histoire au demeurant assez cruelle. Et n’oublions pas non plus que, sans être l’égale de l’homme, la femme celte (ou d’esprit celte) antique bénéficiait d’un statut nettement plus favorable que celui prévalant beaucoup d’autres peuples (de l’Antiquité) et notamment romains grecs ou hébreux. Seul le statut de la femme chez les Germains peut lui être comparé. Les raisons de cette particularité sont assez diverses, mais on peut en retenir une essentielle : les Celtes qui ont envahi l’Europe occidentale, vers le Ve siècle avant notre ère, étaient fort peu nombreux ; ils constituaient une élite guerrière et intellectuelle et trouvèrent sur les territoires qu’ils occupaient des populations autochtones beaucoup plus denses (la fameuse quatrième fonction) des peuples vaincus ou atectai (aithech tuatha en gaélique) à qui donc ils imposèrent leur civilisation, leur langue, leur religion et leurs techniques, mais à qui également ils empruntèrent par la force des choses (métissage mariage mixtes curiosité pragmatisme et ainsi de suite…) certains usages, notamment ceux qui concernent les rapports interindividuels.
Ce qui frappe en effet, c’est la relative indépendance de la femme celte des temps historiques vis-à-vis de l’homme. La femme peut posséder des biens propres consistant donc en objets divers, en bijoux et en têtes de bétail. Le système celtique admettant la propriété individuelle mobilière à côté d’une propriété foncière collective (des tribus avoisinant les Celtibères la plus avancée de toutes est celle des Vaccéens, comme on les appelle ; car ce peuple chaque année répartit la terre cultivée entre ses membres, et après avoir fait de ses fruits la propriété de tous en les mettant ainsi en commun, ils en distribuent ensuite à chacun la part qui lui revient ; pour les cultivateurs qui en auraient accaparé une partie pour eux-mêmes, ils ont instauré la peine de mort : Diodore de Sicile, livre V, chapitre XXXIV) ; la femme celte pouvait donc en user à sa guise, les aliéner si bon lui semblait, en acquérir d’autres par achat, prestation de service ou don. Lorsqu’elle se mariait, elle conservait ses biens personnels (et elle les reprenait en cas de dissolution du mariage).
Le mariage celtique était d’ailleurs une institution souple, résultat d’un contrat dont la durée n’était pas forcément définitive. La femme choisissait librement son époux, du moins théoriquement (car il arrivait bien entendu que les parents voulussent arranger des mariages pour des raisons d’opportunité économique ou politique).
D’ailleurs, dans le cadre du mariage, tout dépendait de la situation personnelle des époux. Lorsque la femme possédait moins de biens que son époux, c’est ce dernier qui dirigeait toutes les affaires du ménage, et cela sans en référer à la femme. Par contre, si la fortune de l’homme et de la femme était à égalité, le mari ne pouvait conduire les affaires du ménage sans le consentement de son épouse. Et, ce qui est exceptionnel dans la plupart des législations, lorsque la femme possédait plus de biens que son époux, c’était elle qui dirigeait les affaires du ménage sans même demander l’avis de son époux. L’Histoire et l’épopée ancienne nous ont laissé le souvenir très vivace de telles situations : cela montre avec éloquence combien la femme avait réussi, dans une société patriarcale, à maintenir une certaine prédominance et une autorité morale incontestable.
Ce qui est également très important, c’est de constater qu’en se mariant, la femme n’entrait jamais dans la famille de son mari. Elle appartenait toujours à sa famille d’origine, et le prix que versait le mari pour l’achat de sa femme était une sorte de compensation donnée à la famille de celle-ci. Et en cas de divorce, la femme reprenait sa place naturelle dans sa famille d’origine.
Dans certaines situations, notamment lorsque le mari était étranger au pays, la famille constituée par le mariage appartenait à une catégorie spéciale rattachée à la famille de la femme, et les enfants qui pouvaient en naître héritaient exclusivement de cette famille utérine. Il y a, dans la littérature irlandaise, comme dans la littérature européenne d’inspiration celtique, des souvenirs flagrants de cette pratique qui consistait à faire hériter les enfants du frère de la mère. L’exemple de Tristan, héros d’une légende médiévale d’origine celtique, héritier de son oncle maternel, le roi Marc, en est le plus célèbre.
En dehors du mariage, il existait aussi et ceci a perduré en Irlande, même au temps du christianisme, une sorte de concubinage réglementé par des coutumes très strictes. Un homme, marié ou non, pouvait prendre une concubine. S’il était marié, il ne pouvait le faire qu’avec l’assentiment de son épouse légitime, mais de toute façon, la concubine ne venait s’installer au domicile de l’homme qu’après avoir conclu avec lui un véritable contrat. Elle recevait une compensation personnelle, sa famille d’origine également, et elle s’engageait pour une période limitée à un an jour pour jour.
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Au bout de ce délai, la concubine pouvait reprendre sa liberté, à moins qu’elle ne conclût un autre contrat pour une même durée. Cette coutume qu’on a qualifiée de « mariage temporaire », ou de « mariage annuel », avait le mérite de sauvegarder l’indépendance et la liberté de la femme : elle n’était pas un objet acheté un jour et abandonné le lendemain comme dans le cas de la répudiation faussement appelée divorce de nos jours (judaïsme, islam), elle était réellement une personne avec laquelle on concluait un contrat. Et si le contrat n’était pas respecté, la femme concubine avait toujours la possibilité d’en appeler à la décision d’un juge arbitre choisi par elle parmi ceux qui passaient pour être les plus sages, généralement des druides qui, en dehors de leurs fonctions sacerdotales, étaient de véritables jurisconsultes.
Le mariage, en tant que contrat, n’était au fond que très provisoire et pouvait être rompu à tout moment. C’est dire que le divorce était extrêmement facile. Si l’homme décidait d’abandonner la femme, il devait s’appuyer sur des motifs graves. S’il n’en avait pas, il devait payer des compensations très élevées, exactement comme dans un cas de rupture abusive de contrat.
Mais, de son côté, la femme avait le droit de se séparer de son mari, en particulier quand celui-ci la soumettait à de mauvais traitements ou entretenait au domicile une concubine qui ne lui plaisait pas.
On est là aux antipodes des répudiations mensongèrement rebaptisées divorces quand il s’agit d’islam.
Dès qu’il y avait séparation du couple, non seulement la femme reprenait ses biens personnels, mais elle obtenait aussi sa part de tout ce que le ménage avait acquis pendant la durée du mariage. Cette solution permettait donc à la femme de n’être point lésée sur le plan économique ni sur le plan moral, car le divorce n’était aucunement lié à une quelconque culpabilité : c’était tout simplement un contrat qui était devenu caduc, et le divorce n’était pas autre chose que la constatation de cet état de fait. Bien entendu, le problème des enfants soulevait des difficultés. En principe, les enfants appartenaient à la famille du père et ils étaient donc, eux aussi, garantis contre toute injustice, car la solidarité familiale jouait en leur faveur et ils n’étaient jamais abandonnés, d’autant plus qu’existait une institution spéciale les concernant : la pratique du « pensionnat » qui consistait à envoyer les enfants faire leur éducation ou apprendre un métier dans une autre famille (souvent du côté de la mère d’ailleurs), ce qui créait des liens entre l’enfant et ses parents adoptifs et élargissait considérablement le cadre de la vie familiale.
Les enfants pouvaient hériter aussi bien de leur mère que de leur père. Les filles n’étaient point écartées de la succession, même si elles étaient légèrement défavorisées par rapport aux garçons. Même si dans le cadre de la vie privée, la femme celte dépend de l’autorité de son père puis de son mari, contrairement à la Romaine la femme celte participe aux combats et à la vie de la Tribu-État. On a de nombreux exemples de femmes accédant au pouvoir et jouant un grand rôle dans la vie sociale.
Il n’y a pas eu que des Vercingétorix pour s’élever contre Rome. Des Bretonnes historiques, comme Boadicée/Boudicca se sont imposées par leur sagesse, leur audace et leur autorité.
L’épouse du roi de Bretagne Arthur, la célèbre reine Guenièvre, que les anciens textes gallois appellent Gwenhwyfar, nom qui signifie « Blanc Fantôme », est peut-être le modèle de ces femmes qui incarnent véritablement la souveraineté.
Rappelons en outre que ce n’est pas parce que le statut de la femme celte antique était légèrement inférieur à celui de l’homme (les druides antiques n’ont pas inventé la parité)… qu’il doit en être de même aujourd’hui. Il va de soi pour tout véritable Celte (d’esprit) que s’il n’y a évidemment pas égalité physique, il doit y avoir égalité en droits (civiques, politiques, etc.) et en dignités.
Notons enfin que protéger la femme enceinte a toujours été dans l’intérêt bien compris d’une tribu, faire le contraire (l’exposer à une fausse couche) est une aberration. À quelques exceptions près (mise en danger de la vie de la mère, risques de grave maladie pour l’enfant, viol…) la loi suprême des peuples a toujours été de transmettre le flambeau de la vie et de survivre (collectivement, c’est-à-dire en tant que peuple, distinct, des autres, et ce pour le plus grand bien – de la diversité ou de la richesse culturelle – de notre Humanité d’ailleurs). Il aura fallu attendre le XXe pour trouver des politiques ou des « intellectuels » (des penseurs ?) s’en désintéressant, soit même prônant carrément le contraire ou du moins l’acceptant, c’est-à-dire la disparition, le non-renouvellement, l’extinction (des identités culturelles, des langues, des peuples, des nations) afin d’accroître les richesses matérielles des individus, ou du moins pour le plus grand bien matériel… de certains.
Son époux lui parla ainsi… Comme souvent dans notre documentation irlandaise, il y a coexistence de passages en prose et de passages en vers. Les morceaux en vers étant d’ailleurs fréquemment
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plus anciens que la prose qui précède, et qui semble n’avoir été insérée dans ce cadre que pour reprendre de façon plus claire des poèmes qui commençaient à devenir difficiles à comprendre, parce que plus anciens justement. Même phénomène avec les englynion gallois.
Et alors Catubatuos/Cathbad répondit … Sur les problèmes théoriques que peut soulever la possibilité pour quelqu’un de voir le futur (le plus souvent de la caractérologie alliée à une grande perspicacité voire un brin d’habileté). À moins bien entendu de considérer que toute femme trop belle ne peut que déclencher des catastrophes. Plus prosaïquement cette histoire est une façon d’expliquer pourquoi les Ulates vont être militairement très affaiblis par la suite, au moment du fameux épisode du vol des vaches de Cooley : une atroce guerre civile suivie d’un exil d’une grande partie des meilleurs combattants. Les meilleures prophéties sont toujours celles qui sont faites post-eventum. Porphyre de Tyr l’avait déjà bien compris avec le livre de Daniel dans la Bible (écrit en grec d’ailleurs), mais c’est aussi le cas de certaines prophéties de Merlin consignées dans l’histoire des rois de Bretagne de Geoffroy de Monmouth (les 12 premières, celles qui commencent avec l’histoire des dragons rouge et blanc expliquée à Vortigern). Ainsi que, plus près de nous, de certains quatrains de Nostradamus.
On appelle apophétie ou prédiction dans le passé ce type de procédé littéraire (apo = sur, dessus ; phétie = parole). On trouve des apophéties dans beaucoup de textes. Dans la Bible par exemple : Dieu annonce à Moïse qu’il n’entrera pas en Terre promise, Jésus annonce à ses disciples que Judas le trahira. On rencontre aussi l’apophétie dans les épopées, cela permet de magnifier les racines mythiques d’un peuple : c’était écrit. On la rencontre aussi dans les livres historiques, parfois dans la science-fiction parce que certains des procédés sont alors empruntés au roman historique, mais dans le futur ou un autre temps. Les cycles de Fondation d’Asimov, Star Wars ou le Seigneur des anneaux contiennent tous une apophétie qui permet d’entretenir l’intérêt du lecteur puisqu’il ne connaît pas la fin à la différence des textes historiques : est-ce que cela se réalisera ? On peut même étendre cela au genre policier, notamment pour toutes les histoires de tueurs en série annonçant leurs crimes et de criminologues qui sont un peu les Nostradamus de notre temps. Toutes ces figures littéraires sont paradoxales en ce sens qu’elles ne respectent pas la linéarité du temps, mais elles agissent beaucoup sur le plaisir de l’auditeur (ou du lecteur, voire du spectateur) qui est placé dans l’attente.
Comme du corail… Le terme gaélique exact est pardar et signifie parthe, sous-entendu « cuir » (donc rouge). Comme quoi la mondialisation ne date pas d’hier !
Les guerriers ulates en décidant de mettre à mort la malheureuse Deirdre ne feront-ils qu’appliquer la sentence de la Bible qui a jadis tant inspiré les inquisiteurs « Tu ne laisseras pas vivre la sorcière » (Exode, XXII, 18) ?
Certainement pas ! Il s’agit-là d’un thème universel, celui de la femme fatale ou maudite (nous traduisons ainsi l’expression irlandaise bé co mbail. Si quelqu’un a mieux…) qui subit encore plus que les hommes les malheurs de son époque (maternités difficiles, brutalités). Dans la vie sociale, la femme fatale tourmente son amant dans une relation déséquilibrée, le poussant tellement à bout qu’il en devient incapable de prendre des décisions rationnelles. La particularité du mythe irlandais c’est d’avoir inversé cette proposition. C’est Deirdre qui se montrera en l’occurrence plus rationnelle que ses compagnons, mais sans réussir à les empêcher de tomber dans le piège qui leur sera tendu lors de leur retour au pays.
Précisons néanmoins que la croyance en l’existence possible d’hommes, et surtout de femmes (pour un sorcier dix mille sorcières disait Jules Michelet) capables de commercer avec le Diable et ses démons et en cela donc à l’origine de tous les maux et de toutes les guerres n’est qu’une superstition de prêtres ou de religieux monolâtres en adéquation avec la recherche d’une explication rationnelle aux malheurs des temps (épidémies, épizooties, accidents climatiques, disettes et famines, instabilité politique et insécurité, etc.) qui s’abattent sur des populations fragiles à la recherche de boucs émissaires — que l’on brûle d’autant plus facilement qu’ils n’appartiennent pas pleinement à la communauté. On l’a bien vu au XVIIe siècle à Salem où les trois premières femmes accusées sont Sarah Good, Tituba et Sarah Osborne. Sarah Good est une mendiante, fille déshéritée d’une aubergiste française qui s’était donné la mort quand Sarah était adolescente, une femme louche : elle murmure quand on lui donne de la nourriture. Tituba, c’est l’esclave barbadienne (ou Ashanti) de Samuel Parris. Quant à Sarah Osborne c’est une vieille femme, alitée, qui a mérité la réprobation générale en captant l’héritage des enfants de son premier mari pour le remettre à son nouvel époux.
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Tout comme bon nombre de cas (prétendus) de racisme aujourd’hui, la sorcellerie est donc une « création » des élites ou soi-disant telles (on peut fortement douter de leur intelligence réelle), et ne s’impose que lentement dans les mentalités, par les conversations, les sermons, les légendes et les contes et plus encore par l’angoissante procédure des procès et le spectacle des exécutions. C’est pourquoi le crime de sorcellerie est partout identique et codifié, car, si la procédure est scrupuleusement menée, l’idéologie des juges en pervertit la technique. Pour la victime, l’aveu apporte un soulagement physique et, pour le juge, la mort renforce ses propres convictions, sa certitude d’avoir bien agi, sa foi en Dieu (et Diable) : « Tu ne laisseras pas vivre la sorcière » (Exode, XXII, 18).
Notre avis à ce propos est celui de Nicolas Malebranche. Ne surestimons donc pas les pouvoirs réels des sorcières, en dehors des cas d’empoisonnements avérés bien entendu, et des phénomènes d’auto-réalisation des prophéties ou des envoûtements. « Ceux qui ne sont sorciers que dans leur imagination ne doivent pas être considérés comme complètement innocents, puisqu’ils sont dans une telle disposition d’esprit, mais… c’est avec raison que de nombreuses cours de justice ne condamnent point les sorciers, car il y en a moins dans leurs juridictions et l’envie, la haine ainsi que la malice des méchants, ne peut user de ce prétexte pour perdre les innocents… » (À la recherche de la vérité, livre II, partie 3).
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Tuons cette fille, s’écrièrent les guerriers ulates !
Non, dit Cunocavaros/Conchobar, que l’on m’amène la fille le lendemain matin, et alors elle sera élevée selon mon bon plaisir, puis deviendra ma femme, et restera ainsi en ma compagnie.
Les Ulates n’eurent pas l’audace de le détourner de son dessein, et donc ainsi fut fait. La jeune fille fut élevée dans une maison qui appartenait à Cunocavaros/Conchobar et alors elle grandit jusqu’à en devenir la plus belle fille de la verte Erin. Elle fut élevée à l’écart de la cour du roi de sorte qu’aucun des hommes d’Ulidia ne puisse la voir avant que le temps soit venu pour elle de partager la couche royale, aucun homme n’était admis à pénétrer dans la maison où elle grandissait à l’exception de son tuteur, de sa nourrice, ainsi que de Leborcham à qui l’on ne pouvait rien refuser, car c’était une enchanteresse.
Or il arriva par une belle journée d’hiver, alors que le tuteur de Deirdre s’affairait à écorcher un veau dans la neige, afin de lui préparer à manger, que le sang de l’animal se répandit sur la neige et qu’elle vit un corbeau venir le boire.
Deirdre dit alors à Leborcham : « le seul homme que j’aimerai sera celui qui aura les trois couleurs que je vois-là, les cheveux noirs comme un corbeau, les joues rouges comme le sang, et le corps aussi blanc que la neige ! »
Le destin est avec toi, dit Leborcham, un tel homme n’est pas loin. Il est dans le château tout proche et son nom est Noïsé fils d’Uisnig.
Je serai malade, dit Deirdre, tant que je n’aurai pas pu le voir.
Il arriva un jour que Noïsé se retrouva tout seul sur les remparts du bourg d’Emain, en train de chanter de sa belle voix de ténor. Le refrain chanté par les fils d’Uisnig était très mélodieux. Toute vache et toute bête qui les entendait, donnait deux tiers de lait en plus qu’à son habitude ; tout homme était saisi de gaîté, voire éprouvait le plus grand plaisir. Remarquable également était la façon dont ces hommes se servaient de leurs armes ; même si toute la province d’Ulidia s’était coalisée contre eux quelque part, s’ils avaient pu être adossés les uns aux autres les Ulates n’auraient jamais pu l’emporter sur eux trois, tellement ils étaient habiles à parer les coups et à se défendre. En outre ils avaient le pied léger quand ils chassaient le gibier, ils avaient l’habitude de traquer leur proie jusqu’à son épuisement.
Quand ce Noïsé se trouva seul dehors sur le terre-plein, Deirdre quitta également sa maison pour aller à sa rencontre et le dépassa, mais lui ne savait pas qui elle était au début.
Vraiment belle est la génisse qui court après moi, s’écria-t-il.
Les génisses peuvent bien être grandes, répondit-elle, là où on ne saurait trouver un taureau.
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Tu as pour être ton taureau, répliqua-t-il, le taureau de toute la province d’Ulidia, Cunocavaros/Conchobar lui-même le roi d’Ulidia.
Je voudrais pouvoir choisir entre vous deux, répondit-elle, et je prendrais en ce qui me concerne un jeune taureau comme toi.
Certainement pas, rétorqua Noïsé, car je crains la prophétie de Catubatuos/Cathbad.
Tu dis ça pour me repousser ?? Demanda-t-elle ?
Absolument oui, répondit-il ; mais elle sauta sur lui, et l’attrapa par les deux oreilles.
Honte et ridicule seront sur tes deux oreilles ? s’écria-t-elle, si tu ne me prends jamais avec toi.
Lâche-moi, ô femme, s’écria-t-il.
Qu’il en soit ainsi, dit-elle.
Alors Noïsé entonna son chant de ténor (andord), les Ulates l’entendirent, et ils bondirent aussitôt les uns contre les autres. Les fils d’Uisnig coururent dehors pour retenir leur frère.
Qu’as-tu fait, demandèrent-ils ? Pourvu que ce ne soit point à cause de toi que cette guerre a éclaté entre nous et les Ulates !
Alors il leur raconta tout ce qui s’était passé.
Il en résultera bien des malheurs pour toi, lui rétorquèrent-ils, en outre tu tomberas sous le coup de cette honte aussi longtemps que tu vivras ; nous irons donc avec elle dans un autre pays, car aucun roi de la verte Erin ne refusera de nous accueillir comme il faut si nous allons chez lui.
Puis ils se concertèrent, et la nuit venue ils s’en allèrent, avec trois fois cinquante guerriers, ainsi qu’un nombre équivalent de femmes, de chiens, de domestiques, et Deirdre partit avec eux. Pendant longtemps ils errèrent dans toute la verte Erin, servant tel homme ou tel autre ; et Cunocavaros/Conchobar essaya souvent de le faire périr, soit dans des embuscades soit par trahison ; ils voyagèrent depuis les environs d’Ess Ruaid à l’ouest ensuite ils repartirent en direction de Benn Etair à l’est. Néanmoins les Ulates arrivèrent à les chasser du pays et ils se réfugièrent en Alba, dans les solitudes désolées de laquelle ils s’installèrent. Quand le gibier des montagnes vint à leur manquer, ils se rabattirent sur le bétail des hommes d’Alba, et en prirent pour eux. Les hommes d’Alba se mobilisèrent donc afin de les anéantir. Ils se réfugièrent alors chez le roi qui les prit dans son entourage, et ils se mirent à son service pour ce qui est des guerres. Ils construisirent eux-mêmes des maisons dans la prairie entourant le château du roi : et ce fut d’ailleurs pour Deirdre que ces maisons furent ainsi construites, car ils craignaient qu’on puisse l’apercevoir, et qu’à cause d’elle ils puissent être tous tués.
Mais le grand intendant du roi sortit un jour de bon matin et fit un tour autour de la maison de Noïsé. Il vit le couple dormir à l’intérieur, il se hâta de revenir trouver le roi et le réveilla pour lui dire : « Jusqu’à ce jour nous n’avions pas trouvé de femme pour toi, digne de toi-même. Noïsé le fils d’Uisnig a une femme digne d’un roi du monde occidental ! Tuons Noïsé ensuite que sa femme partage ta couche ! »
Non, en aucune façon, répondit le roi, mais prépare-toi donc à te rendre chaque jour chez elle afin de la demander en mariage pour moi secrètement.
Ainsi fut fait ; mais Deirdre, quoi que l’intendant pût lui dire, avait l’habitude de tout rapporter aussitôt à son époux chaque soir ; et comme ils ne pouvaient rien obtenir d’elle, les fils d’Uisnig furent envoyés en première ligne dans les batailles et dans les conflits afin qu’ils y périssent vaincus. Ils se montrèrent néanmoins si vaillants dans ces combats que le roi ne gagna rien à les exposer ainsi.
Les hommes d’Alba se mobilisèrent de nouveau pour anéantir les fils d’Uisnig et cela également fut dit à Deirdre. Elle en rapporta la nouvelle à Noïsé : « Allez-vous-en d’ici, dit-elle, car si vous ne partez pas cette nuit, demain matin vous serez tous morts. Et ils se mirent donc en route cette nuit-là, pour se réfugier dans une île.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 43.
Enchanteresse. Nous traduisons ainsi le terme gaélique chainte. Arthur Herbert Lehahy traduit ce mot par sorcière, le Français Guyonvarc’h par satiriste. À chacun de voir. Notons toutefois que ce terme, chainte ou cainte, appartient à la famille de mots qui a donné chant, incantation, et ainsi de suite.
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Deirdre dit alors à Leborcham… la syntaxe du texte implique le contraire, mais il doit s’agir d’une erreur de copiste.
Le Destin est avec toi… nous traduisons ainsi le terme gaélique tocad.
En train de chanter de sa voix de ténor. Nous traduisons ainsi le mot gaélique andord qui signifie littéralement le non-dord. Le dord est une sorte de chant. Voir par exemple ferdord.
Les fils d’Uisnig… Ici l’on passe du singulier au pluriel (les trois frères) dans notre texte en gaélique.
Les oreilles ??? Il s’agit soit d’une censure chrétienne (oreille à la place de testicule) soit d’une allusion au briamon smethraige ou frottement de l’oreille (une pratique magique ?).
Roi… ici Arthur Herbert Lehahy traduit le terme gaélique ri par roi. Nous n’y voyons aucune raison. Traduire l’expression irlandaise ar-ri par “empereur” d’accord, elle signifie littéralement haut roi, roi des rois (de coiced = de province), mais ce n’est pas justifié quand il ne s’agit que d’un simple roi de province : ri. La précision iarthair domain n’y fait rien même s’il s’agit peut-être d’une allusion au grand roi d’Europe de l’Ouest appelé Charlemagne (Karl der Grosse, Charles le Grand).
Le roi ne gagna rien à les exposer ainsi… les droits de l’homme sous les armes ou fir fer en gaélique exigent en effet que l’on combatte loyalement : on ne tue pas un adversaire par traîtrise ou par des bombardements aveugles et à distance comme de nos jours. Le modèle en l’occurrence c’est le fameux combat des trente (du 26 mars 1351).
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LA MORT TRAGIQUE DES FILS D’UISNIG (OIDED MAC nUSNECH).
(D’après le manuscrit de Glenmasan, un vélin écossais du XVe siècle conservé à la bibliothèque nationale d’Écosse, précédemment la bibliothèque des avocats d’Édimbourg, sous le numéro LIII.)
Un délicieux et magnifique festin fut pendant ce temps-là préparé par Cunocavaros/Conchobar fils de Fachtna Fathach, et par les nobles d’Ulidia, dans la douce et belle Emain Macha. Et (tous) les nobles de la province vinrent à ce banquet. De la bière leur fut servie jusqu’à ce qu’ils soient tous gais heureux et bien gaillards. Les musiciens les jongleurs et les conteurs entrèrent en scène devant eux afin d’entonner leurs chansons et leurs lais (poèmes) ainsi que leurs refrains, ou pour réciter leurs généalogies ainsi que toutes les branches de leur parenté.
Voici les noms des poètes qui étaient présents lors de ce festin, Catubatuos/Cathbad fils de Congal à l’Ongle Uni fils de Rugraid, Genan Aux Joues Brillantes fils de Catubatuos/Cathbad, Genan Au Genou Noir fils de Catubatuos/Cathbad ainsi que Genan ???? également fils de Catubatuos/Cathbad, Sencha le grand, fils d’Ailill fils d’Athgno, fils de Fir ?? fils de Gl ? fils de Ros fils de Ruad ; Fercetné le poète fils d’Oengus à la Bouche rouge fils de F […] le poète fils de Gl ? fils de Ros fils de Ruad.
Et voici comment on festoyait dans Emain alors : [la direction du repas pendant] une nuit, à tour de rôle, était attribuée à chaque homme de la maison de Cunocavaros/Conchobar. Et le nombre des gens de la maisonnée de Cunocavaros/Conchobar s’élevait à trois centaines trois vingtaines et cinq (365).
Ils firent bombance cette nuit-là jusqu’à ce que Cunocavaros/Conchobar élève sa puissante voix de roi pour leur dire ceci : je voudrais vous demander, ô guerriers, si vous avez jamais vu plus courageuse compagnie que vous dans la verte Erin ou Alpain, voire ailleurs dans le vaste monde en tout lieu que vous connaissiez au-delà de la forteresse de Muirn Molfaig ?
Certes non, répondirent-ils, et nous ne savons même pas si c’est possible !
S’il en est ainsi, poursuivit Cunocavaros/Conchobar, connaissez-vous quelque chose au monde qui pourrait vous manquer ?
Nous l’ignorons totalement, O grand roi, répondirent-ils.
Je sais moi, O guerriers, poursuivit Cunocavaros/Conchobar, qu’il vous manque une chose, car les trois flambeaux de valeur des Gaëls ne sont pas avec nous, à savoir les trois fils d’Usnech, Noïsé, Ainle ainsi qu’Ardan, et qu’ils sont obligés de nous fuir à cause d’une femme de ce monde, alors que Noïsé, le fils d’Usnech, pour ce qui est de la valeur et de l’héroïsme aurait pu être haut roi de la verte Erin, et que la force de son bras lui a valu d’immenses domaines dans les montagnes d’Alpa.
Royal soldat, répondirent-ils, si nous avions osé te dire cela, nous l’aurions fait depuis longtemps. Car il est bien connu que ce sont les fils d’un roi d’une marche frontière, et qu’ils défendraient la province d’Ulidia contre toute autre province de la verte Erin, même si aucun autre Ulate ne s’était dressé à leurs côtés, car ce sont de grands héros pour ce qui est du courage, et ces trois-là sont comme des lions pour ce qui est de la puissance et du courage.
S’il en est ainsi, répondit Cunocavaros/Conchobar, qu’on leur envoie des messages ou des messagers aux frontières d’Alba, dans la province de Loch Eitche, jusque dans le camp retranché des fils d’Usnech en Alba.
Qui veut aller leur dire ça (leur porter ce message), se demandèrent-ils tous.
Je sais, répondit Cunocavaros/Conchobar, que Noïsé a juré de ne jamais revenir en paix dans la verte Erin sauf avec trois personnes, à savoir le Hésus Cuchulainn fils de Sualtam, Conall fils d’Amorgen, ainsi que Fergus (fils de Ros ?) ; et je vais (maintenant) chercher à savoir lequel de ces trois hommes m’aime le plus.
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Il prit Conall à part et lui demanda : « Que ferais-tu, royal héros du monde, si tu étais envoyé auprès des fils d’Usnech et qu’ils soient néanmoins anéantis nonobstant ta sauvegarde et ton honneur, ce que je n’ai nullement l’intention de faire » ?
Il n’en résulterait pas que la mort d’un seul homme, répondit Conall, aucun Ulate que je surprendrai dans ce cas ne pourra m’échapper sans que je n’aie eu le temps de lui infliger mort destruction et trépas.
C’est bien, Conall, répondit Cunocavaros/Conchobar, je sais maintenant que tue ne m’aimes pas. Il renvoya Conall, on lui amena le Hésus Cuchulainn, et il lui demanda la même chose.
Je t’en donne ma parole, répondit le Hésus Cuchulainn, que même s’il fallait aller te chercher loin à l’est et même jusqu’en Inde, je n’accepterai même pas le globe de ta main, mais tu en succomberais du fait même.
Is fir sin, a Cu, nach lemsa bh-f […] agus a nois modaighim-si ni fhuath agadsa. C’est bien, mon petit chien, et maintenant ???? je sais qu’il n’est pas d’homme que tu ne saurais haïr. Il congédia donc le Hésus Cuchulainn et Fergus lui fut amené. Il lui demanda la même chose. Et voici ce que Fergus lui répondit : « je promets de ne pas verser ton sang, mais il n’y a pas un autre Ulate que je ne surprendrai dans ce cas qui ne trouvera la mort ou le trépas de ma propre main.
C’est toi qui partiras retrouver les enfants d’Usnech, royal soldat, dit Cunocavaros/Conchobar, et mets-toi en route demain, ajouta-t-il, car c’est donc avec toi qu’ils rentreront. Et après être arrivé par l’est rends-toi donc à la forteresse de Borrach, fils d’Annti, et donne-moi ta parole que dès qu’ils seront arrivés dans la Verte Erin, tu ne les laisseras ni s’arrêter ni se reposer avant qu’ils en soient parvenus à Emain Macha cette nuit-là.
Ensuite ils revinrent [dans la salle du festin] et Fergus parla de son départ comme garant des enfants d’Usnech. Et ses autres garants de la noblesse de la province se joignirent à lui pour cette caution ??? La nuit commença ainsi.
Cunocavaros/Conchobar s’adressa ensuite à Borrach fils d’Annti pour lui demander : « pourrais-tu organiser un festin pour moi ? Certainement, répondit Borrach, je peux te le préparer, bien que je ne sois pas en mesure de te l’apporter à Emain Macha.
S’il en est ainsi, reprit Cunocavaros/Conchobar, donne-le pour Fergus, car un de ses interdits est de refuser un festin.
Borrach le promit. Et la nuit s’acheva paisiblement.
Fergus se leva de bon matin, et il n’emmena point avec lui une armée ou une multitude de gens à part ses deux fils, c’est-à-dire Illann le Beau et Buinne le Rudement-Rouge, Iubrach et Cuilenn son pilote. Ensuite ils mirent le cap sur la forteresse des fils d’Usnech et Loch Etive. Et ainsi étaient les fils d’Usnech : ils avaient trois grandes cabanes de chasseur, ils ne mangeaient pas dans la hutte où ils faisaient la cuisine et ils ne dormaient pas dans celle où ils mangeaient.
Fergus poussa un grand cri dans la baie, qui fut entendu dans jusque dans les parties les plus éloignées des marches frontières voisines.
Et ainsi étaient Noïsé ainsi que Deirdré alors, avec la Cennchaom Conchobair c’est-à-dire le jeu d’échecs de Cunocavaros/Conchobar, entre eux, en train de jouer.
Noïsé s’exclama : « J’entends le cri d’un homme de la Verte Erin ! »
Deirdre avait entendu ce cri et savait que c’était le cri de Fergus, mais elle le leur cacha. Fergus poussa un second cri, et Noïsé reprit : « J’entends un autre cri, et ce cri est celui d’un homme de la Verte Erin ! »
Pas du tout, rétorqua Deirdre, le cri d’un homme de la Verte Erin et le cri d’un homme d’Alba sont très différents.
Pour finir, Fergus poussa un troisième cri, et les fils d’Usnech reconnurent que c’était le cri de Fergus. Noïsé demanda donc à [son frère Ardan] d’aller à la rencontre de Fergus.
Deirdre savait que c’était Fergus qui avait poussé le premier cri, elle expliqua même à Noïsé qu’elle avait reconnu le premier hurlement qu’avait lancé Fergus.
Pourquoi l’as-tu caché, O femme, demanda Noïsé.
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(À cause d’) une vision que j’ai eue la nuit dernière, répondit Deirdre, trois oiseaux venaient d’Emain Macha et avec trois gouttes de miel dans leur bec, ces trois gouttes ils nous les laissaient, mais en revanche ils emportaient avec eux trois gouttes de notre sang.
Et comment donc interprètes-tu cette vision, O femme ? demanda Noïsé.
De cette façon, répondit-elle, à savoir que Fergus doit venir nous voir avec un message de paix venant de notre pays natal, car le miel n’est pas plus doux qu’un message de paix ; mais les trois gouttes de sang qui ont été prises sur nous, c’est vous, qui voudrez partir avec lui et serez trahis.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 44.
Fils de Fachtna Fathach… Dans ce manuscrit donc Cunocavaros/Conchobar n’est pas dit fils de Catubatuos/Cathbad, mais fils de Fachtna Fathach. Énième preuve s’il en fallait du degré de corruption de tous ces apocryphes irlandais. Et complication supplémentaire pour nous. Il est vrai que l’on a la même chose avec la Bible et avec la généalogie de Jésus.
Contrairement au Corpus de textes électroniques appelé CELT (un site internet pourtant remarquable) et même si le vin fut aussi connu très tôt des Celtes qui en raffolaient, et conformément au Français d’Arbois de Jubainville, nous préférons supposer que ce qui coula donc à flots lors de ce banquet ce fut de la bière.
La forteresse… Nous traduisons ainsi le terme gaélique cathair.
La plus courageuse compagnie au monde ?? Le conteur exagère ou flatte le manque de modestie de ses auditeurs. On se croirait dans la célèbre bande dessinée française Astérix et Obélix.
Comme des lions… dans le mythe panceltique initial, on devait certainement parler de chien (de guerre), de loup, voire d’ours (cf. le nom du roi des Bretons, Arthur). En tout cas pas de lion. Comme quoi la mondialisation ne date pas d’hier sauf aux yeux des ignorants (intellectuels, artistes, journalistes, hommes politiques, etc.).
Jusqu’en Inde.… Ainsi que nous l’avons déjà dit, la mondialisation ne date pas d’hier et ne constitue donc une stupéfiante découverte que pour les ignares.
Globe terrestre. Nous traduisons ainsi le terme gaélique cruinde qui implique bien une notion de rotondité.
Un de ses interdits. Gaélique gesaib. Encore une geis (pluriel gessa). Cette donnée de toutes nos histoires est une fois de plus très bizarre, mais cela explique le déroulement de la suite du drame où le destin (tocad, tocade si l’on veut féminiser cette notion, qui est en fait neutre bien entendu, car le destin n’a pas de sexe) va entrer en jeu. Nous reviendrons sur la notion de geis en tant qu’auxiliaire du destin dans une autre étude.
Iubrach est vraisemblablement un navire.
Jeu d’échecs. Nous traduisons ainsi le terme gaélique fithchell, mais il s’agit en réalité d’un jeu à damier proche du tablut finlandais.
Le cri d’un homme de la Verte Erin et le cri d’un homme d’Alba sont très différents. Le site internet CELT pense qu’il s’agit-là d’une allusion aux différences d’accent pouvant exister entre les deux pays. Mais il s’agit peut-être aussi tout simplement du cri de guerre « à la Tarzan » propre à chaque guerrier.
L’histoire de la belle et malheureuse Deirdre des douleurs étant connue depuis longtemps, nous ne nuirons pas au caractère dramatique du récit en soulignant que c’est bien, hélas, ce qui se produira, malgré cet avertissement. Le Destin est en effet inexorable, l’ignorer ou le refuser n’empêche jamais son char de tout broyer sur son passage. Ce qui, outre les problèmes théoriques que soulève la
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possibilité de connaître le futur, soulève également toute la question des songes prémonitoires, car les rêves sont un « lieu » de rencontre avec le Divin qui est en nous.
Il y a 43 rêves de présentés ou d’évoqués dans l’Ancien Testament. Le Jésus des évangiles (le grand rabbi nazaréen) par contre a des visions, mais apparemment ne fait aucun rêve. Le contraste avec l’Ancien Testament est donc saisissant. Matthieu est le seul évangéliste à mentionner des songes, six exactement, faits par des personnages secondaires de ce roman initiatique, Joseph, les rois mages et la femme de Ponce Pilate. Outre leur rareté, les rêves du Nouveau Testament, s’ils ne s’écartent pas de la tradition biblique des rêves annonciateurs, sont brefs, jamais décrits, et apportent plus des messages ponctuels que de véritables prophéties. Un des frères de Jésus d’ailleurs, Jude, dans la dernière épître, met en garde les chrétiens contre ceux qui « entraînés par leurs rêveries, souillent leur chair, méprisent la royauté [du Christ] et injurient les anges [glorieux] ».
Le sommeil éteint les facultés mentales. Libre de s’exprimer à l’aide d’images incontrôlables par l’esprit, le corps commande alors aux rêves (les soumettant alors au diable selon le christianisme ; pour le rationalisme c’est l’instinct qui joue ce rôle). En raison des certitudes personnelles qu’ils peuvent apporter à certains, l’interprétation des rêves n’est donc pas autorisée.
Utilisé dix fois dans l’Ancien Testament, le mot hébreu anan désigne le devin ou la divination, que Dieu ou le Démiurge interdit à deux reprises (Lévitique 19, 26, et Deutéronome 18,10) et ce pour quoi il punit le roi d’Israël Manassé (II Chroniques 33,6). Dans sa Vulgate publiée au IVe siècle, saint Jérôme traduisit anan par interprétation des songes (observare somnia) dans ces trois cas, en lieu et place des mots latins auguror et augur employés par ailleurs. Cette falsification chrétienne du texte original fit autorité jusqu’au XIXe siècle.
Les chrétiens bien entendu (ils étaient contre tout voire presque tout afin que Christiani traditiones gentilium non observent) ont donc commencé par « condamner » les rêves qu’ils attribuaient aux démons (toujours la bonne vieille pratique du deux poids deux mesures).
Influencée peut-être par l’héritage romain, la religion d’amour adopta en effet très vite une position encore plus sévère. Il s’agissait de lutter contre le paganisme qui proclamait possible l’accès direct de l’humain au divin. Profitant par la suite du vide suscité par les invasions barbares, le pouvoir spirituel devint temporel, puis absolu. Le combat contre le paganisme servit de prétexte à la répression des rêves. Le concile d’Agde, en 506, regroupe dans une même science divinatoire (divinationis scientia) les augures, les sorts, les songes. Et le pape Grégoire punit de mort au début du VIIIe siècle ceux qui les interprètent.
Trop ancrée dans les mœurs, la pratique de l’incubation druidique (cf. Nicandre de Colophon chez Tertullien, De anima) persista néanmoins, mais fut peu à peu remplacée par le culte des saints, le rêve guérisseur par la prière, la guérison onirique par le miracle. On transforma en visites des anges les rêves initiatiques des légendes populaires. Des récits de « songes importants » furent colportés. Peuplés de créatures perverses, monstrueuses ou apocalyptiques, ils servaient tantôt à persuader les fidèles que le diable inspire les rêves, tantôt à brosser un portrait peu flatteur des rêveurs hérétiques. L’Inquisition en fit ensuite ses pièces à conviction dans les procès de sorcellerie, souvent d’ailleurs en accentuant leur contenu sexuel.
Très instructif à ce propos est le petit manuel attribué à Réginon de Prüm en 906 et destiné aux évêques en visites pastorales dans les campagnes. Le sujet qui nous intéresse est cerné par les questions 42 à 45, 50 à 52, et enfin 55, prévues pour les laïcs, de ces premiers inquisiteurs. Un peu à la manière des pénitentiels dus aux moines celtes il précise les peines qui doivent être accomplies dans tel ou tel cas : en l’occurrence 5 années de pénitence. C’est payer bien cher pour des fantasmes même « pas très innocents » !
Plus intéressantes sont les justifications fournies par Réginon sous les intertitres latins « De incantatoribus, maleficis et sortilegis » « De arboribus et fontibus et lapidibus daemonibus consecratis » et enfin bien entendu « Ut Christiani traditiones gentilium non observent », en ce qu’elles révèlent sur la survivance des vieux rites celtodruidiques (offrandes aux arbres, aux carrefours aux pierres, aux fontaines : à l’exception des carrefours de l’écologie avant la lettre).
Reginon de Prüm attribue ces condamnations au concile tenu à Ancyre en 314 ainsi qu’à divers autres de la même veine puis conclut avec cette très belle envolée lyrique : Ut episcopi episcorumque ministri… procul dubio infidelis est ».
Dont nous extrayons cette perle : « et cum solus spiritus hoc patitur infidelis mens haec, non in animo, sed in corpore, evenire opinatur ».
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Celui ou en l’occurrence plutôt celle, qui fait de tels rêves, certes ne commet aucun mal en fait, dans la réalité du monde matériel qui est le nôtre, mais prouve par là même qu’il est adepte du diable (sic) ou des anciens cultes et doit donc être puni en conséquence. Croire est donc la même chose que faire. Ces femmes sont coupables de croire que leurs rêves sont réels (on se croirait dans une moderne chasse aux racistes où se croire supérieur est considéré comme une faute plus grave que commettre effectivement un crime particulièrement odieux contre un de ses congénères, ou de ses frères, bref contre quelqu’un ne se distinguant nullement de soi tant sur le plan physique que mental. Croire est la même chose que faire. Se croire mieux qu’autrui est plus grave que violer ou torturer son enfant !?)
Thomas d’Aquin (1225-1274), théologien officiel de la chrétienté, aborde à peine le sujet malgré le titre prometteur de sa somme. Fidèle au Grec Aristote, il insiste sur ses « causes internes, psychiques ou physiologiques ». Le rêve est prémonitoire par hasard, ou parce qu’il provoque ce qu’il avait prévu (prophétie autoréalisatrice). Reprenant l’erreur de traduction en usage depuis Jérôme, Thomas condamna l’interprétation divinatoire des songes, mais la rendit légitime en cas d’inspiration divine, avertissant toutefois que les démons révèlent certains faits à venir à ceux qui ont fait avec eux des pactes. En 1598 le jésuite Benoît Périer reprit les mêmes thèses. Le rêve peut être divin certes (4e cause des rêves), mais avant tout démoniaque (3e cause). Comment décider dans ce cas ? Les prélats tranchèrent. Le rêve est dangereux, car il remet en question l’intelligence humaine et le rôle de l’Église, unique dépositaire des volontés divines. Cette position inspirée de Thomas fut également adoptée par les Églises réformées. Pour Luther « le péché demeure complice et père de nos rêves impurs ».
Les rêves sont un lieu de rencontre avec le Divin avons-nous dit. Mais tout rêve doit-il être pris en compte ? La question est plus particulièrement aigüe dans le monde des psys quelque chose où tout rêve semble bon à travailler. Mais est-ce si sûr ? Faut-il réellement dialoguer avec tout ce qui me traverse l’esprit ? Cela me conduit-il forcément à la santé mentale ? À une vie plus saine ?
Le problème est tout à fait différent, lorsqu’un songe délivre une information extrêmement précise qui ne peut être connue de personne. Les songes annonçant des événements futurs ont été recensés par milliers tout au long de notre histoire, quelle que soit l’époque ou la civilisation. Contrairement aux rêves « normaux », ces rêves particuliers comportent des informations non symboliques qui « parlent d’elles-mêmes » : les images sont beaucoup plus claires, plus « réelles », que dans un songe habituel, et ne sont pas déguisées. Elles n’ont donc pas besoin d’être analysées pour être comprises.
Phénomène troublant connu depuis l’aube des temps, les rêves prémonitoires qui nous informent sur notre avenir ne sont pas des légendes, mais le produit de l’une des facultés les plus incroyables de notre esprit, un don caché, la construction, par le cerveau, d’événements dont toutes les prémisses, tous les signes avant-coureurs, ont été imperceptibles. Cette faculté quasiment divine pourrait bien expliquer le caractère « prémonitoire » de certains rêves. Ce seraient des perceptions précognitives inconscientes qui, dans certains cas, donneraient lieu à des formes de précognition conscientes concernant des événements à venir.
Notre cerveau est en effet capable d’enregistrer de nombreux détails et autres informations de manière inconsciente. Or pendant la nuit, notre matière grise continue à travailler ! Certains scientifiques pensent donc que durant les phases de sommeil, notre cerveau trie, classe et enregistre, les moments de la journée ainsi que les souvenirs de manière générale. Divers éléments qui nous ont échappé, mais que nous connaissons sans le savoir sont ainsi réunis. Et ils forment alors un tout que nous pouvons apercevoir de façon imagée. Il ne s’agit donc pas dans ce cas d’une véritable vision du futur, mais d’une déduction inconsciente de notre cerveau ! Deirdre par conséquent est, soit exceptionnellement pessimiste, soit extra-lucide au sens originel du terme (fait preuve d’une lucidité hors du commun). Son cerveau était peut-être capable d’enregistrer à son insu alors une somme phénoménale de détails minuscules, perdus dans la masse des informations extérieures : sons inaudibles, images fugaces, non-dits, microvibrations, odeurs… Et durant son sommeil, son cerveau faisait le tri, classait les informations, établissait des corrélations, prévoyant ainsi des événements dont la logique était inaccessible à l’état de veille.
La théorie la plus répandue chez les théologiens chrétiens par contre est la théorie démonologique. La divination est expliquée par les démons, un pacte avec le Diable (saint Augustin, De la doctrine chrétienne, II, chapitre XXIV), voire des invocations d’esprits mauvais). Même tard on retrouve cette explication. Pour le Français Jean Bodin, à la fin du XVIe siècle, la rhabdomancie et les incantations,
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« tout cela ne vaut rien » et ces choses « ne peuvent se faire sans l’assistance de Satan » (Démonomanie des sorciers, II, 1, p. 170).
En clair la position des grandes monolâtries que sont le judaïsme le christianisme et l’islam, est donc la suivante. Il est impossible de connaître l’avenir sauf si Dieu ou le Démiurge le révèle à un de ces serviteurs, fût-il une ânesse comme dans le cas de Balaam (du temps où les animaux parlaient apparemment, du moins d’après la Bible, Nombres, chapitre XXII, 28). Ben voyons ! Trop facile !
La précognition sera le thème majeur du film tourné en 2002 par Steven Spielberg et constituera le point de départ d’une passionnante réflexion sur la justice : est-il légitime d’incarcérer pour meurtre des personnes désignées par les spécialistes comme de futurs meurtriers, mais innocentes au moment de leur arrestation ?
Dans le cycle de Dune, de Franck Herbert, Paul Atréides, devenu l’égal d’un dieu (on dirait d’un druide dans la civilisation celtique antique), compense sa cécité par son don de précognition.
Ce film constitue d’ailleurs en lui-même tout comme le film Agora d’Alejandro Amenabar en 2009, une étonnante anticipation d’événements du type guerre d’Afghanistan, car il nous montre des populations assez frustes * (les hommes libres de la planète Dune justement) capables néanmoins justement, à cause de leur faible niveau civilisationnel, de vaincre un formidable empire.
Nous avons donc été prévenus, mais bien entendu cela ne servira en fait à rien, car telle est la puissance du Destin que l’on ne peut lui échapper, les dieux aveuglent toujours ceux qu’ils veulent perdre.
Nous avons déjà eu l’occasion de souligner à maintes reprises ce qu’il fallait penser des problèmes théoriques soulevés par la possibilité de connaître le futur. Pour rendre compte de tels phénomènes, il faut abandonner le principe de causalité en physique. Étant donné le rôle central de cet axiome, et l’efficacité de la physique actuelle, on peut mettre en doute les exemples cités dans la Bible voire le Coran ou les hadiths.
Notre position à nous à ce propos sera néanmoins très claire.
Nos lecteurs sont libres de s’intéresser aux différents domaines de perception extrasensorielle de leur choix si moment
— c’est fait avec sérieux, sans crédulité, avec au contraire une approche la plus scientifique possible.
— c’est matériellement désintéressé, c’est-à-dire entrepris sans l’esprit de lucre caractéristique de notre époque (avec le manque de modestie), sans avoir comme seul but de faire de l’argent et encore de l’argent, comme aujourd’hui
Enfin nous refusons de classer de façon manichéenne et simpliste les forces de l’au-delà de la nature, notamment humaine, quelles qu’elles soient, en dieux ou anges d’un côté, démons ou anges déchus de l’autre ; comme le fait le cardinal d’origine française (de Pignerol) Giovanni Bona (chapitres XV à XVII dans son traité du discernement des esprits). Dieux ou démons, anges ou anges déchus, Dieu Démiurge ou Diable, ne sont que les deux faces d’une même pièce de monnaie, des forces ambivalentes, ni bonnes, ni mauvaises, ou plus exactement en adéquation avec nos intentions. Si elles existent bien sûr !
* Et ce malgré toute l’affection ou l’intérêt que nous portons aux Berbères d’Afrique du Nord, aux Imazighen, aux Touaregs (espérons que la fin de la dictature de Mouammar Kadhafi sera pour eux non un simple retour à la charia, mais le début d’une vraie renaissance)
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Ils furent évidemment alarmés par ce qu’elle leur disait, mais Noïsé demanda néanmoins à son frère Ardan de partir à la rencontre de Fergus. Il y alla donc puis quand il les eut trouvés il les embrassa très sincèrement et très loyalement par trois fois et les conduisit au camp fortifié des fils d’Usnech où étaient Noïsé ainsi que Deirdre, qui à leur tour donnèrent des baisers amicaux et affectueux à Fergus et à ses fils. Ensuite ils demandèrent des nouvelles de la verte Erin et en particulier d’Ulidia.
Les meilleures nouvelles que nous ayons, répondit Fergus, sont que Cunocavaros/Conchobar m’a envoyé chez vous, et m’a pris comme caution et garant [de sa bonne foi], car je suis un de vos loyaux amis, et je vous donne ma parole qu’il ne vous arrivera rien.
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Vous ne devriez pas y aller, s’exclama Deirdre, car votre propre pouvoir en Alba est plus grand que celui de Cunocavaros/Conchobar en Erin.
Mieux que tout est le pays natal, répondit Fergus, car la plus grande des prospérités n’apporte aucune joie quand on est privé de son pays natal.
C’est vrai, répondit Noïsé, car plus cher à mon cœur est la verte Erin qu’Alba, même si j’ai pu y obtenir plus de biens.
Ma parole et ma garantie sont une sécurité pour vous, assura Fergus.
Elles le sont assurément, dit Noïsé, nous irons donc avec toi.
Mais ce fut à l’encontre de ce que Deirdre voulait qu’ils répondirent ceci, et donc elle s’y opposa. Fergus en personne leur donna sa parole que, même si tous les de la Verte Erin s’unissaient pour les trahir, aucun bouclier ni bouclier ni casque ne sauraient les protéger, pourvu qu’il puisse mettre la main sur eux.
C’est vrai, remarqua Noïsé, nous irons avec toi donc à Emain Macha.
Ils se reposèrent cette nuit-là jusqu’aux premières lueurs du matin le lendemain. Puis Noïsé ainsi que Fergus se levèrent et préparèrent Iubrach, ensuite ils firent voile sur la mer et l’océan jusqu’à la forteresse de Borrach fils d’Annti.
Alors Deirdre regarda derrière elle les côtes d’Écosse et dit : « Adieu à toi que voilà pays loin à l’est maintenant, j’ai le cœur brisé de quitter ainsi les rivages de tes havres et de tes baies, tes aimables et douces prairies fleuries, tes merveilleuses collines aux pentes vertes ». Et elle chanta le lai suivant.
Pays cher (à mon cœur) est la terre située à l’est là-bas
L’Écosse et (ses) merveilles,
Je n’en serais jamais partie
Si ce n’était pas pour suivre Noïsé.
Chers à mon cœur sont le château de Fidhga et le château de Finn
Cher à mon cœur est le château qui les domine,
Chère à mon cœur est aussi l’île de Draigen
Et cher à mon cœur le château de Suibné.
Le Bois de Cuan
Qu’Ainle avait l’habitude de parcourir, hélas !
Je trouvais le temps court
Alors avec Noïsé sur les côtes d’Écosse.
La vallée de Laidh !
J’avais l’habitude de dormir sous un beau rocher
Poisson venaison et gras de blaireau
Étaient ma nourriture dans la vallée de Laidh.
La vallée de Masan !
Haute y était la gentiane, éclatantes ses touffes :
Nous avions l’habitude d’y dormir d’un sommeil léger
Au-dessus de l’épais gazon de l’estuaire de la Masan.
La vallée d’Etivé !
C’est là que j’ai construit ma première maison :
Aimable est son bois quand le jour s’est levé
Un enclos d’alpage ensoleillé, telle est la vallée d’Étivé.
La vallée d’Urchan !
Était une vallée toute droite, aux flancs magnifiques :
Aucun homme de son âge n’était plus fier
Que Noïsé dans la vallée d’Urchan.
La vallée de Daruadh !
Cher à mon cœur était chacun de tes fils
Doux est le chant du coucou sur la branche qui se ploie
Sur le pic au-dessus de la vallée de Daruadh.
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Chers (à mon cœur) étaient Draigen et sa grande plage
Chère (à mon cœur) son eau dans le sable pur :
Je ne serais jamais partie vers l’ouest
Si ce n’était point avec mon bien aimé
Après cela ils se rendirent à la forteresse de Borrach et il embrassa trois fois les fils d’Usnech puis souhaita la bienvenue à Fergus et ses fils. Et voici ce que Borrach leur dit : « J’ai un festin de préparé pour toi, Fergus, et il t’est interdit de quitter un banquet avant qu’il ne soit terminé ». Quand Fergus entendit cela, il devint cramoisi des pieds à la tête.
Tu n’as pas bien fait, Borrach, d’exclama Fergus, de me placer sous le coup d’un interdit, étant donné que Cunocavaros/Conchobar m’a fait donner ma parole de mener les fils d’Usnech jusqu’à Emain le jour même où ils seraient arrivés en Erin.
Je te place sous interdit, dit Borrach, de ces interdits que les vrais grands héros doivent assumer donc, et auquel tu ne peux échapper à moins de venir consommer de ce festin.
Fergus demanda donc à Noïsé ce qu’il devait faire dans ce cas.
Tu feras [ce que Borrach désire] répondit Deirdre, si tu préfères abandonner les fils d’Usnech et participer au festin, mais en vérité les abandonner ainsi est un bien grand prix à payer pour un banquet.
Je ne les abandonnerai pas, rétorqua Fergus, car j’enverrai mes deux fils avec eux, c’est-à-dire Ilann le Beau et Buinné le Rudement Rouge, à Emain Macha, avec en outre ma propre parole comme garantie.
Sa valeur suffit, répondit Noïsé, car personne hormis nous-mêmes ne nous a jamais défendus dans les batailles ou les duels.
Et Noïsé partit très en colère. Deirdre le suivit, avec Ainnle ainsi qu’Ardan et les deux fils de Fergus. Mais ce fut sans son approbation d’un tel plan. Et Fergus demeura derrière eux, seul, triste et bien en peine. Sauf pour une chose. Fergus était en effet certain que même si les cinq provinces d’Irlande se coalisaient, d’un commun accord, elles ne seraient pas en mesure de réduire à néant sa garantie.
Quant aux fils d’Usnech, ils continuèrent leur route, et Deirdre leur dit : « j’ai un bon conseil à vous donner, dans votre intérêt même ».
Quel est ce conseil, O femme ? demanda Noïsé.
Allons dans l’île de Cuilenn ???? qui se trouve entre la verte Erin et Alba, et restons-y jusqu’à ce que Fergus en ait fini avec son festin, ce sera tenir la parole de Fergus et toute sécurité pour vous.
C’est un bien mauvais conseil en ce qui nous concerne, répondirent Illann le Beau et Buinné le Rudement Rouge. Nous ne pouvons pas suivre un tel plan. Même si tu n’avais pas la force de tes propres bras et nous, ainsi que la parole de Fergus, tu ne seras pas trahi.
Le malheur viendra de cette promesse, rétorqua Deirdre, que Fergus nous a faite quand il nous a ainsi abandonnés pour ce maudit festin. Elle était tourmentée ou abattue d’être revenue dans la verte Erin sur la simple parole de Fergus. Alors elle récita les vers suivants.
Quel malheur que d’être venu sur la foi de la promesse ? inconsidérée
Faite par Fergus l’insensé fils de Roeg
Je ne lui en ferai pas grief ?
Mais amer est mon cœur aujourd’hui.
Mon cœur, comme sanglant caillot de douleur
Est plongé cette nuit dans une grande honte ?
Hélas ! vous mes bons maca ?
Vos derniers jours sont venus !
Ne dis pas ça, irréfléchie Deirdre,
Femme plus belle que le soleil
Fergus va revenir avec son puissant bouclier
Vers nous et nous ne serons pas tous tués.
Hélas ! Je suis accablée pour vous
Beaux garçons d’Usnech !
Être venus d’Alba le pays du daim rouge
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Ne vous vaudra qu’un long et durable malheur !
Hélas !
Après la récitation de ce lai ils poursuivirent leur route jusqu’à Finncham de la Garde sur la montagne de Fuat et le sommeil s’abattit sur Deirdre à cet endroit. Elle resta donc derrière eux sans qu’ils le sachent. Noïsé s’en aperçut, et revint aussitôt en arrière pour la chercher. Il arriva juste au moment où elle sortait de son sommeil. Noïsé lui demanda : « Pourquoi es-tu donc restée ici, O ma reine ? »
Je dormais, répondit Deirdre, j’ai eu alors une vision et un songe.
Et quel était ce rêve ? demanda Noïsé.
J’ai vu, répondit Deirdre, chacun de vous sans sa tête, et Illann le Beau sans tête lui aussi, mais Buinne le Rudement Rouge avait encore sa tête, lui, et il ne faisait rien pour nous.
Ensuite elle récita les quatrains suivants.
Affreux est le spectacle qui m’est apparu
Vous quatre si brillants si beaux et si purs
Mais chacun d’entre vous sans sa tête
Et un homme ne portant pas secours aux autres.
Ta bouche n’a laissé passer que des balivernes,
Belle et brillante femme
Passez plutôt votre colère, lèvres minces et lentes
Sur les étrangers de la mer de Man.
J’aimerais mieux du mal sur tout autre homme
Répondit Deirdre sans détour
Que le moindre mal pour vous, petit trio
Avec qui j’ai sillonné la mer et la grande terre.
Je vois Buinné avec encore sa tête
Puisque sa vie sera plus longue
Malheureuse pour moi est cette nuit
Buinné le Rudement Rouge avec sa tête encore sur les épaules
Quel malheur !
Après cela ils poursuivirent en direction d’Ard-na-Sailech que l’on appelle aujourd’hui Armagh. C’est alors que Deirdre leur dit : « effrayant est ce que je vois maintenant, c’est-à-dire ton nuage ? Noïsé, dans les airs, et c’est une nuée ? sanglante. Je vous donnerais bien alors un conseil, fils d’Usnech, ajouta Deirdre.
Quel conseil, O ma reine ? demanda Noïsé.
D’aller à Dundalk où se trouve le Hésus Cuchulainn, et d’y rester là jusqu’à ce que Fergus arrive, ou d’aller à Emain sous la protection du Hésus Cuchulainn.
Nous n’en ferons rien, répondit Noïsé.
Et la fille récita ce qui suit.
Noïsé, regarde ton nuage
Que je vois là-haut dans l’air
Je vois sur la verte Emain
Un grand nuage de sang pourpre.
Je suis alarmée par ce nuage
Que je vois là-haut dans les airs
Semblable à un caillot de sang,
Ce terrible et très mince nuage.
Je vous donnerai bien alors un conseil,
Vous les beaux garçons d’Usnech,
Ne pas aller cette nuit à Emain
À cause de ce grand danger que vous courez.
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Allons à Dundalk
Où se trouve notre si talentueux chien ;
Nous irons demain en venant du sud
En compagnie de notre chien si habile de ses mains.
Noïsé très en colère répondit
À la belle Deirdre, aux joues toutes rouges
Étant donné que nous n’avons pas peur
Nous ne suivrons pas ton conseil.
Rarement étions-nous autrefois
Royal descendant de Rugraïdé
Sans être du même avis.
Toi et moi O Noïsé !
Le jour où [Belinos Barinthus] Manannann nous a offert une coupe à boire,
À nous ainsi qu’à notre Chien si rapide
Tu n’aurais pas été ainsi remonté contre moi
Je te le dis, O Noïsé !
Le jour où tu m’as emmenée
À travers Assaroe aux nombreux avirons ?
Tu n’aurais pas été ainsi remonté contre moi
Je te le dis, O Noïsé !
Ô Noïsé !
Après avoir écouté ces quatrains, ils suivirent le plus court chemin jusqu’à ce qu’ils aperçoivent Emain au loin.
[Et là Deirdre reprit la parole. J’ai le cœur lourd, ô Noïsé, j’ai de sombres pressentiments. Ce que je vois, moi, c’est un immense nuage rouge sur toute la verte Erin. Ne l’aperçois-tu pas également au-dessus de nos têtes, ô, mon bien-aimé Noïsé ?
C’est toi qui avais raison le premier jour où nous nous sommes vus en repoussant mes avances, et c’est moi qui étais folle de vouloir t’entraîner dans une telle aventure ; mais aujourd’hui c’est toi que mène la folie et c’est par ma bouche que parle la voix de la raison. Écoute la pauvre Deirdre enfin devenue sage].
Je connais un moyen pour vous, dit Deirdre, de savoir si Cunocavaros/Conchobar trame une trahison ou un parricide à votre encontre.
Et quel est ce signe ? demanda Noïsé.
Si vous êtes autorisé à vous rendre dans la maison où Cunocavaros/Conchobar et les nobles Ulates se trouvent, Cunocavaros/Conchobar n’a pas de mauvaises intentions à votre égard. Si vous êtes installés dans la maison de la Branche-Rouge, alors que Cunocavaros/Conchobar est dans la maison d’Emain, la trahison et votre perte s’abattront sur vous.
Ils poursuivirent ainsi leur chemin jusqu’à la porte de la maison d’Emain, et demandèrent qu’o leur ouvre. Le portier leur répondit en demandant qui était là. Il lui fut répondu que c’étaient les trois fils d’Usnech ainsi que les deux fils de Fergus et Deirdre. Cela fut rapporté à Cunocavaros/Conchobar, et ses serviteurs ainsi que le personnel lui furent amenés, il leur demanda comment la maison de la Branche-Rouge était en matière de nourriture et de boissons. Ils lui répondirent que même si les cinq bataillons de guerriers d’Ulidia y venaient ils y auraient assez à manger ou à boire.
S’il en est ainsi, dit Cunocavaros/Conchobar, que l’on y reçoive les fils d’Usnech.
Cela leur fut rapporté. Et Deirdré s’exclama : « maintenant le fait de ne pas prendre mon avis en considération vous affecte directement, partons d’ici et continuons notre route ! »
Nous n’en ferons rien, répliqua Illan le Beau fils de Fergus ; car nous pensons que tu dois voir en nous beaucoup de couardise et de lâcheté pour dire ça ; et nous irons donc dans la maison de la Branche-Rouge, ajouta-t-il.
Nous le ferons assurément, renchérit Noïsé.
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Ils se rendirent donc dans la maison de la Branche-Rouge, et les serviteurs ainsi que le personnel y furent envoyés avec eux. On leur servit de nobles et délicates nourritures, et de douces boissons enivrantes, jusqu’à ce que leurs serviteurs et leurs gens soient tous ivres, joyeux, et bien en voix. Mais il y avait une chose néanmoins, eux-mêmes n’avaient goûté à aucune nourriture ni boisson à cause de la fatigue de leur voyage et de leur périple ; car ils ne s’étaient jamais reposés ni n’avaient fait halte après avoir quitté la forteresse de Borrach, fils d’Annti, jusqu’à ce qu’ils arrivent à Emain.
Noïsé dit alors : Que l’on nous amène le « Cencaom Conchobair » [le jeu d’échec de Cunocavaros/Conchobar] que nous puissions jouer avec ! Le « Cencaom Conchobair » leur fut apporté, ses pions disposés dessus, et Noïsé ainsi que Deirdre commencèrent à y jouer en se concentrant. Ce fut à ce moment-là que Cunocavaros/Conchobar demanda : « Lequel d’entre vous, guerriers, prendrais-je pour aller voir si Deirdre a gardé toute la beauté de ses formes et de son visage ; et si c’est le cas, s’il n’y a pas une femme de la race d’Adam dont la beauté serait plus grande que la sienne ? »
C’est moi qui vais y aller, déclara Leborcham, et te rapporter ce que tu veux savoir.
Or ainsi était Leborcham : Noïsé lui était cher plus que toute autre personne au monde, car elle avait coutume souvent d’aller dans toutes les régions de notre vaste monde retrouver Noïsé afin de lui porter des messages ou en ramener de sa part.
Leborcham alla donc ensuite là où étaient Noïsé avec Deirdre. Et voici ce qu’ils faisaient : ils avaient entre eux le Cendcaom Conchobair [le jeu d’échecs de Cunocavaros/Conchobar] et y jouaient. Elle donna trois baisers au fils d’Usnech et à Deirdre, avec affection, chaleur, très loyalement, puis versa des torrents de larmes au point que sa poitrine et ses deux seins en furent trempés. Après ça elle parla et leur dit : « Hélas, il n’est pas bon, mes chers enfants, d’avoir avec vous ce qu’il a trouvé le plus dur de se voir enlever, maintenant vous êtes en son pouvoir. Et c’est pour vous rendre visite que j’ai donc été envoyée, afin de voir si Deirdre a gardé toute la beauté de ses formes et de son visage. Ce qui se trame cette nuit à Emain m’attriste, la trahison, la fourberie et le manquement à la foi jurée vont s’abattre sur vous, mes très chers amis, et tant que le monde durera il n’y aura plus à Emain de nuit meilleure que celle-ci ! »
Elle composa ensuite le lai suivant.
Quel malheur que le déshonneur
Qui va être perpétré cette nuit à Emain,
Car par l’effet de cette disgrâce à jamais après ça
Emain sera en proie aux guerres.
Les trois meilleurs frères ayant jamais vécu sous les cieux
Qui aient jamais marché sur la glèbe
J’ai le cœur brisé que leur destin
Soit d’être tués à cause d’une femme.
Noïsé ainsi qu’Ardann le renommé
Ainle à la paume blanche, leur frère
La trahison de ce trio doit être dite
Pour moi c’est un grand malheur
Un malheur.
Après cela Leborcham conseilla aux fils de Fergus de fermer les portes et les fenêtres de la maison de la Branche-Rouge. Si vous êtes attaqués, que victoire et bénédiction soient sur vous , votre sauvegarde et celle de Fergus ; et défendez-vous bien !
Et après cela elle partit tristement, accablée de douleurs, retrouver Cunocavaros/Conchobar. Il lui demanda aussitôt des nouvelles de Deirdre. Leborcham lui répondit alors :
« j’ai une bonne nouvelle pour toi et une mauvaise ! »
Quelles sont-elles ? demanda le roi des Ulates.
La bonne nouvelle, répondit Leborcham, c’est que les trois hommes dont la beauté ainsi que le savoir-faire sont les plus grands, dont la vigueur et l’habileté sont les plus grandes, dont les exploits la valeur et les prouesses sont les plus grands, dans la verte Erin, en Alba, et dans le monde entier, sont venus
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à toi ; et tu pourras dorénavant chasser devant toi comme une volée d’oiseaux les hommes d’Irlande maintenant que les fils d’Usnech sont avec toi. Telles sont mes meilleures nouvelles pour toi. Et la pire est que la femme dont la beauté des formes et du visage était la plus remarquable au monde quand elle nous a quittés en partant d’Emain n’a plus du tout cette beauté de la silhouette et de la figure.
Quand Cunocavaros/Conchobar entendit cela, sa jalousie et sa vindicte s’évanouirent. Et ils se remirent à boire une tournée ou deux. Mais Cunocavaros/Conchobar demanda de nouveau : « Qui veut aller voir pour moi si Deirdre a conservé la beauté de sa silhouette de ses formes et de sa figure » ? Et il répéta trois fois sa question avant d’avoir une réponse.
Cunocavaros/Conchobar dit alors à Trendorn : « Trendorn, sais-tu qui a tué ton père ? »
Je sais, répondit-il, que ce fut Noïsé fils d’Usnech qui l’a tué.
Alors s’il en est ainsi, reprit Cunocavaros/Conchobar, va voir si la beauté de ses formes et de son visage est restée à Deirdre.
Trendorn y alla et se rendit à l’hôtel où il trouva les portes et les fenêtres closes. Effroi et terreur s’emparèrent de lui, et voici ce qu’il se dit alors : « il n’est pas prudent d’approcher des fils d’Usnech ; la colère les habite ! » Il trouva une fenêtre de l’hôtel qui n’était pas fermée puis commença de regarder Noïsé ainsi que Deirdre au travers. Mais Deirdre l’aperçut, car c’était elle qui avait la tête et les yeux les plus vifs. Elle avertit Noïsé discrètement et Noïsé jeta un œil dans la direction où elle regardait. Et ainsi était-il alors, avec un pion du jeu d’échecs capturé, à la main. Il le lança après avoir si terriblement visé qu’il atteignit l’œil du jeune homme et prit sa place. Et l’œil du jeune homme tomba sur sa joue. Il alla retrouver Cunocavaros/Conchobar et lui raconta tout du début jusqu’à la fin, puis voici quelle fut sa conclusion : « Il y a là-bas la plus belle femme du monde, et Noïsé sera roi du monde si on lui laisse ! »
Alors Cunocavaros/Conchobar et les Ulates se levèrent d’un bond et encerclèrent l’hôtel, ils poussèrent de grandes et nombreuses clameurs et jetèrent du feu ou des tisons dessus. Deirdre ainsi que les fils de Fergus entendirent ça et demandèrent : « Qui est là autour de la Branche-Rouge ? »
« Cunocavaros/Conchobar et les Ulates ! » répondirent-ils.
Ils sont placés sous la sauvegarde de Fergus, s’écria IIlann le Beau.
Par ma foi, répliqua Cunocavaros/Conchobar, quelle honte que ma femme soit avec vous et les fils d’Usnech.
Voilà bien la preuve s’exclama Deirdre, que Fergus vous a trahis, Noïsé !
Par ma foi, rétorqua Buinne le Rude, il n’a pas trahi, et nous ne le ferons pas non plus !
Alors Buinné le Rude sortit et tua trois cinquantaines d’hommes dehors, puis il éteignit les flammes ainsi que les braises et sema la confusion dans la troupe avec cette charge impétueuse digne du jugement dernier. Cunocavaros/Conchobar demanda : « Qui provoque cette confusion dans les troupes ? »
Moi, Buinné le Rude fils de Fergus, dit-il.
Je te propose quelque chose, dit Cunocavaros/Conchobar.
Quelle est ton offre ? demanda Buinné.
Trente centaines de ? maisons ?? répondit Cunocavaros/Conchobar, et mes confidences ainsi qu’une place à mon conseil pour toi.
D’accord, répondit Buinné.
Buinne accepta donc ces conditions, mais cette nuit-là les trois centaines de ?? se transformèrent en une montagne de terres incultes unde [terme latin] le nom de « Montagne concédée à Buinné ».
Deirdre avait entendu ces pourparlers.
Par ma foi, s’écria-t-elle, Buinne vous a abandonnés, fils d’Usnech, et comme son père est bien ce fils-là.
Par mon épée, s’exclama Illann le Beau, moi je ne vous abandonnerai pas tant que cette bonne épée sera dans ma main.
Et là-dessus Illann fit une sortie et il effectua rapidement trois tours autour de l’hôtel en tuant trois centaines à l’extérieur. Ensuite il alla où était Noïsé, en train de jouer aux échecs avec Ainnle le Violent. Illann tourna autour d’eux et but un coup. Ensuite il emporta une lampe allumée avec lui dehors sur la pelouse, et commença de s’en prendre à la troupe, plus aucun d’entre eux n’osa tourner autour de l’hôtel. C’était un bon garçon que le jeune homme qui était là, Illann le Beau fils de Fergus. Il
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n’avait jamais refusé à quiconque de donner des joyaux et même de nombreux trésors ; il n’avait jamais été à la solde d’aucun roi ; et il n’avait jamais accepté de joyaux de personne si ce n’est de Fergus [son père] uniquement.
Alors Cunocavaos/Conchobar demanda : « Où est Fiacha mon fils? »
Ici ! répondit Fiacha.
Par ma foi, tu es né la même nuit qu’Illann, et il a les armes de son père, prends donc mes armes avec toi, l’Orchain, la Cosgrach et la Foga, ainsi que mon épée, et bats-toi bravement avec maintenant.
Alors ils s’approchèrent l’un de l’autre. Fiacha d’emblée attaqua Illan, et IIlan demanda donc à Fiacha : « Que veux-tu ? »
« Je veux t’affronter ou te combattre ! » répondit Fiacha.
« C’est une mauvaise action de ta part, répondit alors Illann, étant donné que les fils d’Usnech sont sous ma protection.
Ils se ruèrent l’un contre l’autre et se livrèrent un féroce, héroïque, hardi, audacieux et très vigoureux, combat. Illann prit l’avantage sur Fiacha et le renversa derrière son bouclier. Le bouclier cria, et les trois principales vagues de la verte Erin crièrent elles aussi, à savoir la vague de Clidna, la vague de Thuaithe ainsi que la vague de Rugraide.
Conall le Victorieux était alors à Dun Sobairci, et il entendit le tonnerre du grondement de la vague de Rugraide.
En vérité, s’exclama-t-il, Cunocavaros/Conchobar doit être en grand péril, et nous aurions tort de ne pas aller le retrouver.
Il prit ses armes et partit pour Emain. Il trouva Fiacha le fils de Cunocavaros/Conchobar, à terre, et l’Orchain qui rugissait ou grondait de façon horrible ? en se lamentant après son maître. Les Ulates n’osaient pas lui porter secours.
Conall passa derrière Illann et lu enfonça donc sa lance dans le dos, à savoir celle de Conall appelée Culghlas
Qui m’a blessé ? demanda Illann
C’est moi, Conall, et toi qui es-tu ?
Je suis le fils de Fergus, Illann le Beau, et c’est une bien mauvaise action que tu viens de faire là, étant donné que les fils d’Usnech sont placés sous ma sauvegarde.
Est-ce vrai ? demanda Conall.
Oui c’est vrai !
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 45.
Caution. Nous traduisons ainsi le mot gaélique slanaigecht.
Garant. Nous traduisons ainsi le mot gaélique coraigecht.
Ces termes relèvent du droit celtique ou druidique le plus ancien qui est fondé sur tout un système assez complexe de garants et de garanties de bonne exécution d’un contrat. Nous ne savons pas très bien en qui ils consistaient. Tout ce que l’on peut dire c’est que Noïsé ainsi que ses frères sont donc placés sous la protection de Fergus qui en répond sur son honneur.
L’Écosse et ses merveilles ? C’est entendu ! L’Écosse est une terre de toute beauté, la complainte de ses cornemuses unique au monde, aussi déchirante que le son du carnyx le soir au fond des bois (cf. les expériences de John Kenny), et le sort de ses habitants, tragique (au point d’en avoir inspiré Marx). Quant à l’erse, espérons qu’il ne disparaîtra pas de son bastion des Hébrides, voire même qu’il renaîtra. N’oublions pas que son drapeau, la croix de Saint-André (un X), semble l’héritier direct du labarum celtodruidique symbolisant le destin (d’autres disent le Dagda-Suqellos-Gargan, le tape-dur dont la tunique est fréquemment recouverte de signes semblables dans la statuaire gallo-romaine. En 1420, 6 000 Écossais ont même débarqué à La Rochelle. Comme quoi mondialisation et immigration ne sont des nouveautés que pour ceux qui ont la mémoire courte (les intellectuels français par exemple). Cette antique alliance de nos aïeux a d’ailleurs son musée dans la cité des Stuart, non loin (25 kilomètres ?) du chêne près duquel repose mon père « au milieu de ses camarades
anciens combattants ».
Gentiane. Nous traduisons ainsi le gaélique crimh mais sans certitude. Cela peut être aussi plus prosaïquement de l’ail ou du poireau.
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Un enclos d’alpage ensoleillé. C’est ainsi que nous rendons, non sans mal, l’expression gaélique « buaile grene » où buaile est une sorte de cabane ou de buron de berger ou bouvier dans la montagne.
Cramoisi des pieds à la tête. Nous rendons ainsi l’expression gaélique « rothnuall corcra ». Littéralement « roue à aubes de moulin pourpre ».
Que les vrais grands héros doivent assumer. Et c’est d’ailleurs toujours comme ça que se noue le tragique destin de nos héros, du moins dans les légendes celtes. Ils sont pris entre des impératifs contradictoires qu’ils ne peuvent pas respecter simultanément. Ils sont forcés d’en enfreindre un au moins. Nous reviendrons ultérieurement sur ces mystérieuses geis/gessa.
Cuilenn. Ou Rachlainn, Raithlin, dans certaines variantes. De toute façon peu importent toutes ces localisations un peu trop précises du mythe. Ce qui compte c’est qu’il soit éternel !
Nous ne serons pas tous tués. Whitley Stokes reconstitue en effet ou lit à cet endroit du manuscrit le terme gaélique naroncungenair.
Nuage?? Le terme gaélique est « nell ». Peut-être s’agit-il des formes prises par certains nuages et dans lesquelles on peut donc parfois reconnaître quelqu’un ou quelque chose. Deirdre fait décidément de plus en plus sorcière. Ou alors il s’agit d’une grande imagination combinée à beaucoup d’inquiétude. Il ne faut pas être grand clerc en effet pour comprendre que tout ceci est louche et ne présage rien de bon. N.B. La chaomancie qui ne doit pas être confondue avec l’aéromancie dont elle n’est qu’une branche avait pour objet l’étude de la forme des nuages.
Le chien. Il s’agit bien entendu de Cuchulainn, son nom signifiant « Chien de Culann ». La malheureuse Deirdre aura décidément tout tenté pour sauver son amour, mais en vain. Son obstination aurait mérité mieux. Destin et bêtise humaine (ou orgueil mal placé) finiront par l’emporter, comme la suite va nous le montrer.
Manannan est une divinité dont le culte était alors principalement célébré dans l’île de Man (comme Apollon l’était à Délos par exemple. D’où son nom « le mannois ». Il est difficile de dire à quel dieu (ou démon bien sûr, suivant le point de vue) celtodruidique, antique, correspondit cette appellation au Moyen-âge. Certains ont avancé l’hypothèse qu’il s’agissait d’un avatar de Lug ou de Taran/Toran/Tuireann. On peut penser aussi tout naturellement au grand dieu solaire adoré à Stonehenge et assimilé par les Grecs à leur Apollon (interpretatio graeca). Quant au saint Barrind de la navigation de Brendan, il est évident aussi qu’il en est une récupération chrétienne.
Monde. Le terme gaélique exact est cruinne qui signifie proprement globe TERRESTRE. Comme quoi la notion de rotondité de la Terre ne date pas d’hier.
De la race d’Adam… Si ce n’est pas là un magnifique exemple des nombreuses influences ou interpolations chrétiennes ayant pesé sur la transmission du mythe panceltique initial ?
Jusqu’à la fin du monde. On peut certes penser ici à une grossière intervention dans notre texte d’un moine copiste chrétien, analogue à la mention d’Adam quelques lignes plus haut. Mais rien ne le prouve. Les très-sachant antiques, connaissaient eux aussi la notion de fin du monde, ou plus exactement d’un cycle, cosmique. Et de façon aussi spectaculaire que l’apocalypse des chrétiens, mais à une fondamentale différence près. Pour les très-sachant de l’Antiquité antiques, ce n’était pas une fin du monde définitive, car ce processus devait être suivi de l’apparition d’un nouveau monde, que leurs bardes décrivaient peut-être un peu naïvement comme étant une terre nouvelle et verdoyante sous des cieux nouveaux. À l’appui de cette hypothèse, nous avons deux témoignages antiques et des pièces de monnaie (notamment une du IIe siècle attribuée aux Unelli) représentant une louve mangeant le soleil (représenté par une roue à 4 rayons) accompagné par un croissant de lune, mais aussi expulsant de son arrière-train de la végétation (apparemment). Sur cette monnaie figure également un aigle les ailes déployées ainsi qu’un serpent qui le surmonte (le message devait être clair et lumineux pour nos ancêtres).
Il existe deux parallèles anciens très instructifs à cet égard.
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En Égypte la déesse du ciel, Nout, qui avale le soleil toutes les nuits.
Chez les Germains les légendes sur la fin du monde comme le Ragnarök ou certains vers du Muspilli cité par Jullian.
Les montagnes s’enflammeront, il n’y aura plus d’arbres dressés sur la Terre, l’eau se dessèche, la mer s’engloutit, les cieux sont en flammes, la lune tombe, l’enclos du milieu (la terre) brûle…
Mais tous ces textes y compris ceux du Ragnarök ont un inconvénient, ils ont été composés par des auteurs chrétiens. Comme en Irlande.
Nous y reviendrons.
En attendant, voici les témoignages antiques.
« La réponse des Celtes fut contraire à son attente ; car, comme ils demeuraient très loin d’Alexandre, habitaient des régions d’un accès difficile, et qu’ils s’étaient bien aperçus que toutes ses «préoccupations allaient dans une autre direction, ils lui répondirent que ce qu’ils craignaient c’est que le ciel leur tombe un jour ou l’autre sur la tête » (Arrien, l’Anabase ou les campagnes d’Alexandre, livre I, section 4).
Les druides, mais aussi tous les autres, disent que les âmes humaines, ainsi que l’univers, sont indestructibles, mais qu’un jour le feu et l’eau prévaudront sur eux » (Strabon livre IV chapitre IV, 4).
Les deux nouvelles de Leborcham. Si Leborcham avait vécu de nos jours elle aurait fait un remarquable politicien, ou une journaliste.
Savoir-faire. Nous rendons ainsi le terme gaélique denam, qui n’est vraiment pas facile à traduire.
Hôtel. Nous traduisons ainsi le terme gaélique brug/brud.
La tête les yeux les plus vifs. Nous rendons ainsi l’expression gaélique cend-luáithi.
Jeu d’échecs. Nous traduisons ainsi bien sûr le terme gaélique fichle, mis pour fidchell.
Jugement dernier. Le terme gaélique employé signifie simplement jugement (bratha), mais il y a gros à parier qu’il s’agit bien de la notion typiquement judéo-islamo-chrétienne de jour du Jugement dernier.
Ainsi que nous l’avons vu, les très-sachant des Celtes connaissaient la notion de fin du monde (ou plus exactement d’un cycle, cosmique), mais ils n’imaginaient nullement un jugement final post mortem manichéen répartissant in fine les âmes ou esprits des défunts en deux camps, les heureux élus destinés à connaître une existence paradisiaque pour toujours, et les réprouvés destinés à subir les tourments de l’enfer pour l’éternité. Pour les Celtes antiques en effet tout le monde allait au Paradis. Même les Hitler ou les Staline ? Pour les Hitler ou les Staline les très sachant de la druidiaction antique avaient pensé à une solution intermédiaire : la réincarnation SUR TERRE après passage dans une sorte d’antichambre du Paradis (ou d’antichambre de l’Enfer dans l’optique islamo-chrétienne). Antichambre du Paradis ou de l’Enfer portant un nom différent selon les pays et le degré de christianisation : Andumno= Annwvyn ou Annwfn, parfois Annwn, le royaume ou la maison de Donn le sombre (Tech Duinn), etc.
Et maintenant pourquoi donc me direz-vous, tant de noms ou d’images différents pour désigner un même état d’être de l’âme/esprit de certains défunts, entre leur mort et leur réincarnation, SUR TERRE ? Parce que ce qui comptait le plus pour les très sachant d’alors ; c’était moins de savoir précisément où les âmes/esprits allaient après la mort pour y vivre « définitivement » (disons jusqu’à la fin de ce cycle cosmique) ; car pour eux il devait s’agir du même endroit pour tout le monde (en fait un état de l’être) ; que d’avoir une petite idée de l’endroit où elles allaient précisément donc, et de façon par définition localisée, réapparaître sur Terre (c’est nous avec notre mentalité moderne qui prenons le problème à l’envers). En clair pour les âmes/esprits des défunts il y a un seul point de concentration après la mort, mais plusieurs voire une infinité de points de dispersion en cas (rarissimes) de retour sur Terre.
Unde bien sûr est un terme latin signifiant « d’où ». Toujours cette manie des bardes irlandais du haut Moyen-âge de s’accaparer le mythe panceltique initial en appliquant à leur cas particulier le canevas de ce récit. Par contre il s’agit d’un très bel exemple de la notion éminemment païenne de justice « immanente ». Le félon n’aura pas pu profiter un seul instant de ce bien mal acquis. Comme le
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reconnaît saint Patrice lui-même dans le Senchus Mor, il y a toujours renforcement du paganisme, c’est-à-dire de la foi en les dieux, quand une mauvaise action est punie ou vengée (Intud i ngeindtleacht gnim olc mad indechur).
Bonne épée. Calad colg en gaélique. Littéralement la « dure pointue ». À moins que calad ne soit un mot de la famille de cladio = le glaive. On ne peut s’empêcher de penser à l’Excalibur d’Arthur.
C’était un bon garçon. En quelque sorte un condensé de la morale ou de l’éthique selon les auteurs de l’époque : générosité, indépendance…
Orchain. Un bouclier ? cf. Ochoin/Ochain ? Son nom signifierait « le beau doré » ou « la belle oreille ».
Cosgrach. Une lance ? Son nom signifie « la Victorieuse ».
Foga. Une sorte de hallebarde ? Son nom signifie « La coupée ? Qui a un trou ? ».
Clidna, Thuaithe Rugraide. Il s’agit-là d’un thème récurrent dans tous nos contes et légendes. Sans doute le souvenir d’un très ancien symbole lié à la notion de triple enceinte et figurant un peu partout, y compris sur le plan cosmique. Le disque de la terre ou terre du milieu en forme de bouclier rond et convexe flottant sur les eaux et surmontée de la voûte céleste (le tout ayant une forme globalement sphérique ou ovoïde).
L’erreur du folklore irlandais a été d’en faire trois vagues différentes localisées en des lieux différents alors qu’il s’agit bien entendu à l’origine d’une même et unique vague, entourant la terre du milieu (Mediomagos), bien que détriplée.
Le prouve la signification du nom de Tuad (Tuaithe) où l’on retrouve clairement le nom du Nord, mais aussi par jeu de mots celui des Tuatha Dé Danann bien entendu (qui viennent du nord).
La première vague, Tonn Clidna ou Cliodhna, a ensuite été personnifiée par le folklore, toujours à l’affût de belles histoires d’amour un peu tristes.
La troisième vague est associée par la mythologie d’Irlande apocryphe à un des fils (hypothétique), de Partholon : Rudraidhe. Son nom aurait été donné à la vague l’ayant noyé.
Ce qui demeure constant dans toutes ces légendes irlandaises c’est le lien entre certains boucliers hors pair et l’Océan, 3 vagues de l’Océan. Quand le bouclier crie, les vagues lui font écho. Quand Cuchulainn frappe de son épée le bouclier qui est le sien, les trois vagues se soulèvent aussi pour lui répondre.
Il s’agit donc sans doute du souvenir d’une ancienne notion cosmogonique druidique, assimilant l’océan à trois bandes ou bordures circulaires entourant la terre (figurée comme un bouclier, rond, convexe, et flottant sur l’eau). Une image reprise ensuite par les bardes, afin de donner une force plus saisissante à leurs descriptions. Ce qui faisait partie de leur métier, en quelque sorte.
Culghlas. La pointue bleue ou verte.
Ici manquent plusieurs feuilles du manuscrit LIII de la Bibliothèque nationale d’Écosse nous obligeant donc à passer au suivant qui est beaucoup plus récent. Et que de toute façon nous écourterons vu son aspect très répétitif.
Pour les besoins de la cause, et de la bonne cause, nous emprunterons donc la première des fins de cette sanglante histoire d’amour et de mort un peu folle, digne de Racine ou de Shakespeare, à un manuscrit du XVIIIe siècle, le manuscrit LVI de la Bibliothèque nationale d’Écosse, anciennement celle des avocats d’Édimbourg.
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Chacun des Ulates, voyant cette fin tragique, poussa trois longs cris de douleur.
Quant à Deirdre, pendant que chacun s’occupait de son voisin, elle erra comme une folle dans la prairie d’Emain en allant de droite à gauche et d’un homme à l’autre, jusqu’à ce qu’elle rencontre le Hésus Cuchulainn. Elle se mit sous sa protection et lui raconta du début jusqu’à la fin, la tragique histoire des fils d’Usnech et comment ils avaient été trahis.
Je suis atterré par cette nouvelle, répondit le Hésus Cuchulainn. Sais-tu qui les a tués ?
C’est Mané à la main rouge, le fils du roi de Loccolanda (du pays des lacs), dit-elle.
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Le Hesus Cuchulainn et Deirdre se rendirent à l’endroit où gisaient les fils d’Usnech. Deirdre dénoué sa chevelure et se mit à lécher le sang de Noïsé ; ses joues prirent la couleur des charbons ardents et elle chanta les vers suivants :
…………………………
Que l’on m’enterre avec lui dans sa tombe !
Que l’on recouvre de pierres ma couche !
C’est de les regarder que je meurs…
Après ce chant, Deirdre s’exclama : « Que l’on me laisse embrasser mon époux ». Puis elle se remit à embrasser Noïsé ainsi qu’à lécher son sang, et enfin chanta le dernier poème que voici :
…………………………
Homme qui creuse si profondément sa tombe.
Et qui va cacher de ma vue mon bien-aimé
Ne fais pas la fosse trop étroite,
Je me mettrai à côté de ce noble guerrier.
…………………………
Maintes fois ces trois nobles héros ont entassé
Leurs boucliers ainsi que leurs javelots afin de me faire une couche
Ô toi qui creuses ici leur tombe
Que leurs solides épées soient bien mises au-dessus.
……………………
Je suis la malheureuse Deirdre
Pour peu de temps toujours en vie
Bien que cesser de vivre ne soit pas un bien
Cela est pire que de survivre.
Puis Deirdre se coucha dans la tombe, après avoir embrassé une dernière fois le cadavre de Noïsé. Le Hésus retourna chez lui (à Dun Delga ?) plein de tristesse et de douleur, puis le druide Catubatuos/Cathbad maudit Emain Macha pour cet abominable crime en disant qu’après une telle trahison ni Cunocavaros/Conchobar ni aucun autre homme de sa race n’occuperait plus jamais ce château.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 46.
Loccolanda. Nous avons cru bon de translittérer ainsi le gaélique Lochlann afin de ne pas inutilement jeter l’opprobre sur la Norvège. Le nom signifie de toute façon littéralement « pays des lacs ».
Nous reviendrons ci-dessous maintenant au manuscrit du Livre de Leinster, Lebor Laignech en gaélique. De toute façon c’est la version la plus ancienne, alors…) Ce manuscrit diffère évidemment comme à chaque fois dans le cas d’une littérature orale tardivement mise par écrit, sur les circonstances de la mort des fils d’Usnech. Dans cette variante de la légende, elle est due à l’attaque par surprise et en traître d’un allié de Cunocavaros/Conchobar soudoyé par lui, le roi de Fernmag appelé Eogan Mac Durthacht. Le résultat en sera identique.
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L’EXIL DE FERGUS DE CORMAC
ET DES AUTRES AMIS DU HÉSUS CUCHULAINN.
Eogan leur souhaita la bienvenue d’un puissant coup de sa lance, qui éclata en morceaux dans le dos de Noïsé et lui traversa le corps. Le fils de Fergus s’élança, jeta ses deux bras autour de Noïsé, puis le mit sous lui afin de le protéger, en se couchant sur lui. Ce fut ainsi que Noïsé fut tué, après que le corps du fils de Fergus eut été traversé. Ensuite commença un grand massacre dans toute la prairie, de sorte que personne n’en réchappa qui ne soit tombé sous la pointe des lances ou passé au fil du glaive, et Deirdre fut amenée à Cunocavaros/Conchbar pour être en son pouvoir, les mains liées dans le dos.
Les garants qui étaient restés derrière apprirent ce qui avait été fait, notamment Fergus, Dubthach et Cormac. Ils se hâtèrent d’arriver sur place, et ils y accomplirent de grands exploits. Dubthach tua, d’un seul coup de sa lance, Mané un fils de Cunocavaros/Conchobar et Fiachna le fils de Fédelm fille de Cunocavaros/Conchobar ; et Fergus abattit Pied-Fort, le fils de Pied-Large, ainsi que son frère.
Sur ce Cunocavaros/Conchobar fut pris de colère et il se battit contre eux, de sorte que ce jour-là trois cents Ulates tombèrent. Dubthach tua les filles d’Ulidia et, avant que le jour ne se lève, Fergus mit le feu à Emain. Ils partirent ensuite en exil et se rendirent chez Ailill et Mève, car ils savaient que ce couple royal leur ferait bon accueil. Les exilés ne montrèrent aucun amour envers les Ulates : trente centaines d’hommes de valeur partirent avec eux, et pendant 16 ans les cris de lamentation et de peur ne cessèrent jamais chez les Ulatesà cause d’eux : chaque nuit leurs incursions vengeresses apportèrent tremblements et pleurs.
Deirdre survécut un an dans la maison de Cunocavaros/Conchobar, et de toute cette année-là personne ne la vit jamais ni rire ni même sourire, ni nourriture ni sommeil ne la satisfirent, elle ne leva pas la tête de ses genoux. Et si quelqu’un lui amenait des musiciens, elle avait alors coutume de dire :
Si ardentes et belles à voir que puissent être les troupes
Qui rentrent à Emain, si ardemment attendues qu’elles puissent être
Quand les fils d’Uisnig me revenaient à la maison
Ils avaient encore plus fière allure.
Avec du bon hydromel de noisetier en main se tenait mon Noïsé
Et près de notre feu, je lui avais préparé son bain
Sur les épaules d’Ardan il y avait un daim ou un bon sanglier
Sur le dos impressionnant d’Ainnle un fagot de bois ;
Aussi doux que puisse vous paraître l’hydromel exquis
Que le belliqueux fils de Ness boit dans la salle des fêtes
J’ai souvent goûté une plus douce boisson
Là où tressaille l’écume de la cascade.
Notre table était dressée sous un arbre
Et Noïsé faisait monter la flamme du foyer,
Plus douce qu’une sauce à base de miel pour moi
Était alors la viande préparée à partir du gibier pris par les fils d’Uisnig.
Quelle que puisse bien être la musique faite chaque mois
Par vos sonneurs de cornemuse ou de cor
J’oserai vous dire aujourd’hui que je connais
Un air plus doux que j’ai maintes fois entendu.
Bien que cors et cornemuses puissent sembler sonner clairement
Aux oreilles de votre roi Cunocavaros/Conchobar
Plus magique, plus douce, et plus claire encore
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Était pour moi la noble voix des enfants d’Uisnig.
Comme le son de la vague était la voix de Noïsé,
Nous l’avons ouïe souvent, il chantait si harmonieusement,
Et la voix d’Ardan était belle entre les deux,
Et l’andord (chant de ténor ??) d’Ainnle dehors sonnait juste et clair également.
Maintenant Noïsé gît dans sa tombe
Son ami lui a fourni une bien triste protection
Nombreux furent ceux qui ???
Et qui ont creusé ?
Chère ? ton pays est beau
Tes hommes ??
Quelle tristesse de ne pas me lever aujourd’hui
Pour attendre le retour des fils d’Uisnig.
J’aimais cet esprit ferme et comme il faut
J’aimais ce grand et noble guerrier
Après avoir traversé les bois de Fal
Chers étaient nos préparatifs du petit matin.
Yeux bleus bien-aimés des femmes
Durs pour les ennemis
Après le tour dans la forêt, nos retrouvailles
Cher m’était l’andord (chant de ténor ?) le soir au fond des bois.
Je ne dors plus
Et je ne vernis plus de pourpre mes ongles (ni chorcu m’ingne).
Aucune joie n’interrompt mes nuits sans sommeil
Puisque les fils de Tindell ne reviendront pas.
Je ne dors pas
La moitié de la nuit dans mon lit
Mon esprit erre parmi des pensées sans nombre
Outre que je ne mange plus ni ne ris.
Je ne trouve plus de joie aujourd’hui
Dans l’assemblée de la noblesse d’Emain
Ni paix ni plaisir ni repos
Ni palais ni parure.
In tan di no bid Conchobor oca halgenugudsi is and atberedsi.
Et quand Cunocavaros/Conchobar cherchait à l’amadouer, alors elle lui répétait ce qui suit :
Ah Cunocavaros/Conchobar, que me veux-tu encore ?
Tu ne m’as valu que chagrin et larmes
Quant à moi tant que je resterai en vie
Ton amour n’aura aucune importance pour moi.
L’homme pour moi le plus beau sur terre
L’homme qui m’était si cher,
Tu me l’as enlevé, quel crime horrible
Je ne le verrai plus qu’après ma mort.
Disparue à jamais, quelle douleur pour moi
Est la silhouette sous laquelle paraissait le fils d’Uisnig
Un tertre noir de jais sur un magnifique corps blanc
Qui était bien connu de toutes les femmes.
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Deux joues de pourpre plus belle qu’une prairie
Des lèvres rouges, des sourcils de la couleur du scarabée.
Des dents brillantes comme des perles
De la noble couleur de la neige.
Son brillant équipement était reconnaissable
Entre tous les guerriers d’Alba
Son manteau d’apparat pourpre lui allait bien
Avec sa bordure d’or rouge.
Sa tunique de soie, précieux trésor
Avait cent lam??? (une belle quantité)
Pour la faire, il est clair
Qu’il avait fallu cinquante onces de bronze blanc (laiton?)
Un glaive à poignée d’or à la main
Deux javelots verts à fer de lance
Un bouclier avec une bordure en or jaune
Et un umbo d’argent.
Le beau Fergus a causé notre ruine
En nous faisant franchir la mer
Il a vendu son honneur pour de la bière
Ses hauts faits ne sont plus qu’un lointain souvenir.
Et même si sur la plaine se trouvaient rassemblés
Tous les Ulates et Cunocavaros/Conchobar
Je les abandonnerai tous sans combattre
Pour la compagnie de Noïsé fils d’Uisnig.
Ne me brise pas le cœur aujourd’hui
J’irai bientôt rejoindre ma tombe
Is tressiu cuma inda muir,
Madda eola a Chonchobuir
Le chagrin est plus fort que la mer
Le sais-tu O Conchobar.
De tous ceux que tu vois maintenant, qui hais-tu le plus demanda Cunocavaros/Conchobar ?
Toi-même, répondit-elle, et avec toi Eogan le fils de Durthacht.
Alors répliqua Cunocavaros/Conchobar, tu resteras un an avec Eogan, et il la remit entre les mains d’Eogan. Le lendemain ils se rendirent à l’oenach (assemblée, rassemblement) de Murthemné Buisi derrière Eogan, dans son char. Dorarngertsi nach facfed a da céili for talmain i n-oenfecht. Elle s’était promis qu’elle n’aurait jamais deux hommes en même temps sur cette terre. Eh bien Deirdre dit Cunocavaros/Conchobar, tu as le regard d’une brebis entre deux béliers, entre Eogan et moi !
Il y avait un grand bloc de rocher devant elle. Alors elle se jeta la tête en avant contre cette pierre et s’y fracassa le crâne de sorte qu’elle en mourut.
Telle est la véritable histoire de l’exil des fils d’Uisnig et de la mort de Deirdre.
Fin.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 47.
Fiachna fils de Fédelm. Par ailleurs dit fils, et non petit-fils, de Cunocavaros/Conchobar. Un exemple de plus de la difficulté d’exploitation des sources irlandaises.
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Tremblements et pleurs. Cette guerre civile de 16 ans explique la situation militaire désastreuse du royaume lors du fameux enlèvement des vaches de Cooley, chef-d’œuvre de la littérature épique irlandaise. Certains auteurs ont même voulu voir dans cet épisode une sorte de fin de monde avant la lettre, ce qui est un peu exagéré.
N.B. Cunocavaros/Conchobar joue ici un rôle très sombre alors qu’en dehors de ça il a plutôt laissé l’image d’un grand roi. Mort de colère par exemple en apprenant la façon dont Jésus avait été lâchement condamné puis mis en croix par « certains Juifs (pas tous) et certains Romains (pas tous) ». Il est vrai que le récit du procès de Jésus est admirablement bien écrit, et que tout homme normal ne peut qu’être profondément révolté ou indigné par la façon dont il est traité (dans ce roman initiatique). Ce qui était le but des auteurs de ces textes (de Dieu, corrigent les croyants). Il est vrai que si cet homme fut réellement un fils de Dieu comme Cuchulainn (fils du dieu Lug) le peuple juif n’a pas pu commettre contresens ou non-sens historique plus contraire à ses propres intérêts ce jour-là. Mais enfin les Irlandais ont bien fait de même là encore avec Cuchulainn, alors… Quoi qu’il en soit Jésus a bien été en effet arrêté à l’initiative des « grands prêtres » de Jérusalem, avec à leur tête Caïphe, le grand prêtre en exercice. La troupe qui a effectué l’arrestation était composée uniquement d’une milice juive aux ordres de ces autorités. Au sens strict du terme, il n’y a pas eu de « procès » juif, mais seulement un procès romain. Le récit de la séance du Sanhédrin telle qu’elle est rapportée dans les évangiles synoptiques est sans vraisemblance historique. Encore un mensonge de plus de la part de cette religion de la vérité (divine) révélée !
Non seulement la version de Luc, qui remanie de fond en comble celle de Marc, mais encore les deux autres : c’est là un produit chrétien final, le résultat d’une longue élaboration, un plaidoyer d’avocat, qui n’a d’autre but que de montrer que Jésus a été condamné à mort en tant que Christ (Messie) fils de Dieu, mais aussi que cela reste un crime odieux pour lequel les juges eux-mêmes et leurs complices seront jugés et châtiés. D’où la réaction d’un Conchobar.
Il n’y a pas eu de séance, formelle ou informelle, du Sanhédrin, le matin, car la phrase de Marc 15,1 s’entend aussi bien comme une façon de renouer avec la séance nocturne. Les évangiles nous montrent un Pilate plutôt bonhomme et philosophe (qu’est-ce que la vérité ?) instruisant un procès dont nous ignorons en fait le véritable déroulement, pas forcément mal disposé envers l’accusé, mais soucieux des réactions d’une foule juive houleuse (disons imprévisible pour éviter tout antisémitisme). Si cela fut vrai, cela ne cadre guère avec ce que l’on sait assurément de sa personnalité. Bien entendu les croyants objecteront que cette attitude (de Pilate) fut justement voulue par Dieu afin de…, etc.
Jésus, au sortir du prétoire, a été emmené par les troupes auxiliaires de Rome et crucifié par ces hommes avec d’autres rebelles (ou résistants suivant le point de vue) condamnés, etc., etc. Nous y reviendrons.
Elle avait coutume de dire… Traduction sous toute réserve. Ce passage en vers, ce poème, est bien entendu comme toujours et à l’instar des englynion gallois plus archaïque et donc plus difficile à traduire que la prose qui l’encadre, et à l’intérieur de laquelle il est inséré. Un véritable casse-tête, et nous avons donc dû à maintes reprises, à notre grand regret, ne pas suivre en ce domaine les suggestions d’Arthur Herbert Leahy ni celles du Français Guyonvarc’h, le texte original en gaélique ne nous semblant nullement aller dans leur sens. Georges Dottin par contre… enfin bref, il appartient à nos lecteurs de poursuivre leur quête du Graal en creusant ces problèmes de traduction, car traduttore traditore tout traducteur est un traître.
Noble. Nous traduisons ainsi le terme gaélique imnair.
Bière. Nous traduisons ainsi le terme gaélique chuirm. Vieux celtique curmi. cf. vieux français corme.
Eogan… donc celui qui a, du moins à en croire cette version de l’histoire, personnellement exécuté le malheureux Noïsé.
Dorarngertsi nach facfed a da céili for talmain i n-oenfecht. Elle s’était promis qu’elle n’aurait jamais deux hommes en même temps sur cette terre. cf. Plutarque. Œuvres morales (Moralia) Tome III, VI : Les femmes celtes. XX. Camma.
Il y avait dans la Celtique d’Asie Mineure [en Galatie] deux puissants tétrarques, qui étaient de lointains parents, Sinatus et Sinorix. L’un d’entre eux, Sinatus, s’était marié avec une jeune fille nommée Camma, remarquable pour la beauté de son corps, mais encore plus admirée pour ses
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qualités. Non seulement elle était modeste et très éprise de son mari, mais elle avait aussi l’esprit vif et l’âme noble, en outre elle était aussi exceptionnellement chère à ses sujets en raison de sa bonté ou de sa bienveillance. Ce qui la rendait encore plus éminente était qu’elle officiait en tant que prêtresse [d’Artémis ?] que les Celtes d’Asie Mineure [Galates] révéraient tout spécialement, et qu’on la voyait toujours magnifiquement vêtue à l’occasion des processions et des sacrifices. Sinorix en devint donc amoureux, et comme il n’était pas en mesure de l’avoir comme femme que ce soit par la séduction ou par la force, aussi longtemps que son mari vivrait, il commit un horrible crime, et fit assassiner traîtreusement Sinatus. Ensuite, sans laisser beaucoup de temps s’écouler, il commença par courtiser Camma, qui passait le plus clair de son temps au temple, et supportait l’insistance criminelle de Sinorix avec courage et dignité, mais animée d’un esprit qui faisait preuve de beaucoup de raison et attendant son heure patiemment. Il la poursuivait de ses assiduités, en ne semblant jamais à court d’arguments ayant quelque plausibilité, afin de lui faire admettre qu’à tous égards il s’avérait être un meilleur parti que Sinatus, et qu’il l’avait fait disparaître uniquement par amour pour elle, et non pour toute autre mauvaise raison. Les refus de la malheureuse au début ne furent pas trop péremptoires, et plus tard, petit à petit, elle sembla s’adoucir ; car ses parents et ses amies aussi faisaient pression sur elle, pour rendre service ou faire une faveur à Sinorix, qui jouissait d’un très grand pouvoir dans le pays, et ils essayaient tous de la convaincre d’accepter, par la persuasion voire la contrainte. Finalement elle accepta, et le fit prévenir de venir la retrouver, pour la raison que les consentements et les promesses de mariage devaient être échangés en présence de la déesse. Quand il fut arrivé sur place, elle le reçut de bonne grâce et, après l’avoir conduit à l’autel, versa une libation à l’aide d’une coupe, en but elle-même une partie, et l’invita donc à boire le reste : c’était du lait avec du miel, empoisonné. Dès qu’elle vit qu’il avait bu, elle poussa un grand cri de joie et, se prosternant devant la déesse, s’exclama : « Je te prends à témoin, ô déesse la plus révérée, que c’est uniquement pour que vienne ce jour que j’ai survécu au meurtre de Sinatus, je n’ai goûté à aucun des plaisirs de la vie durant tout ce temps-là hormis l’espoir que justice soit faite un jour ; mais maintenant que je tiens ma vengeance, je peux descendre rejoindre mon époux. Quant à toi, le plus exécrable de tous les hommes, que tes parents te préparent une tombe au lieu d’une chambre nuptiale et d’un mariage ».
Quand le Galate entendit ces mots, sentant le poison déjà en train d’agir et de paralyser ou brûler son corps, il monta sur son char, comme pour tenter de se soulager en se secouant et en s’agitant, mais il en redescendit aussitôt pour s’étendre sur une civière, et le soir même, il mourut. Camma supporta ses propres douleurs toute la nuit sans dire un mot, et quand elle apprit qu’il n’était plus, elle mourut heureuse.
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AVENTURES DIVERSES DU HÉSUS CUCHULAINN.
« Fled Bricrenn ocus Loinges mac nDuil Dermait annso : Le Festin de Bricriu et l’exil des fils de Doel Dermot (l’Oublié) ci-dessous ».
Ce festin également donné par Bricriu ne doit pas être confondu avec celui qui a déjà tant fait couler d’encre. Il s’agit d’un autre récit ou conte, composé à partir du même thème (Bricriu) par un autre conteur, beaucoup plus proche de nous. Ce récit nouveau existait déjà au XIVe siècle, puisqu’il est conservé dans le Livre jaune de Lecan (Leabhar Buidhe Lecain) ; mais deux détails nous transportent dans une civilisation toute différente de celle à laquelle appartiennent les plus anciens récits épiques irlandais : le Hésus Cuchulainn ainsi qu’Eochu Rond combattent à cheval, non en char ; et ce dernier porte un casque : cathbarr en gaélique.
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Il était une fois un célèbre roi qui régnait sur Ulidia, Cunocavaros/Conchobar fils de Nessa. Après son avènement au trône, il décida d’une loi : chaque grand seigneur recevrait au moins une fois les Ulates dans l’année, mais le roi lui les entretiendrait une semaine entière plus quatre autres nuits, à savoir la première nuit de chacune des quatre saisons, quatre petits seigneurs à chaque fois. Les femmes ulates recevaient pour commencer la femme du guerrier qui donnait le festin : sept bœufs et sept porcs, sept cuves, sept barils ; sept pichets, sept bols, sept ? sept ? et sept services de poissons, de volaille et de légumes variés.
Un jour ce fut le tour de Bricriu à la langue empoisonnée : ce fut à lui de s’occuper du banquet. On apporta tout ce qu’il fallait pour le banquet, on remplit la grande [cuve] à échelles de Cunocavaros/Conchobar (il avait une échelle à l’extérieur et une à l’intérieur, qui servaient à puiser la boisson). Les découpeurs serveurs de Cunocavaros/Conchobar se levèrent pour servir les plats, et les échansons pour servir la bière. Bricriu à la langue empoisonnée les vit de sa couche dans sa loge, circuler à gauche dans la salle.
Ils seront célèbres à l’avenir, dit-il, les exploits que l’on accomplira pour avoir de la bière et un repas souriant.
Les jeunes guerriers restent immobiles puis courent à leur place et tout le monde garde le silence.
Cunocavaros/Conchobar, en se servant du sceptre d’argent qu’il avait à la main, frappa la colonne de bronze qui s’élevait juste à côté de lui, et qu’on entendit ainsi résonner aux quatre coins du palais de la Branche rouge. Il demanda ensuite à Bricriu ce qui se passait : « Qu’as-tu, ô Bricriu, à susciter de telles difficultés au moment où les Ulates attendent de commencer à manger ou boire ? »
O noble Cunocavaros/Conchobar, répondit Bricriu, il ne me manque rien de ce qu’il faut pour boire et manger, mais il ne serait pas juste que les Ulates profitent de mon banquet sans avoir accompli quelque action d’éclat pour le mériter.
En entendant cela se levèrent aussitôt les douze plus grands héros d’Ulidia : Fergus, fils de Roech ; Conall le Victorieux, fils d’Amorgen ; Loégairé le Triomphant ; Hésus Cuchulainn, fils de Sualtam ; Eogan, fils de Durrthacht ; Celtchar, fils d’Uthechar ; Blai Briuga ; Dubtach Doel Ulad ; Ailill à la langue de miel ; Conall Anglonnach ; Munremar, fils de Gerrgend ; Cethernd, fils de Fintan. Chacun de ces grands héros s’élança sur le champ pour vaincre un adversaire dans une des cinq provinces.
Le Hésus Cuchulainn partit avec cinquante hommes dans la province d’Olnecmacht sur la Duib et la Drobais jusqu’à Duiblinn sur le territoire de Ciarraige. Là ils se divisèrent en deux groupes : vingt-cinq allèrent le long la rivière vers l’est et vingt-cinq le long de la rivière vers l’ouest. Ceux qui allaient aux côtés du Hésus Cuchulainn étaient Lugaid aux bandes rouges, et Loeg son cocher, fils de Riangabair. Ils allèrent ainsi jusqu’à se retrouver en face du gué de Ferthan au nord de Corra for Achud.
Là tout à coup se trouvèrent devant eux Mané, fils de Cét, fils de Maga, ainsi que trois-cents compagnons qui jouaient autour de l’eau noire du gué de Ferthan. Avec eux il y avait Findchoem la fille d’Eochu Rond, au levant. Ceux qui la rencontrèrent furent Lugaid aux Raies Rouges et Loeg le fils
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de Riangabair. Les jeunes filles qui l’accompagnaient se rassemblèrent autour d’elle sur le tertre de Tétach.
Grâce ! [s’écria-t-elle].
Pourquoi devrions-nous te faire grâce, demanda Lugaid ?
Parce que je suis une femme qui cherche quelqu’un, répondit-elle.
Nous voulons l’aider, s’exclamèrent les jeunes compagnons de Mané.
Quel est ce quelqu’un [que tu cherches], demanda Lugaid ?
Hésus Cuchulainn le fils de Sualtam, répondit-elle.
Je l’aime à cause du récit que l’on m’a fait de ses grands exploits.
C’est justement, reprit Lugaid, ce qui te vaut la bienveillance du Hésus Cuchulainn qui est là, au couchant.
Grâce, s’écria-t-elle encore une fois.
Le Hésus Cuchulainn s’arrêta et prit les jeunes compagnons de Mané sous sa protection, puis fit un bond de héron en se dirigeant vers elle du côté de l’est.
Elle se leva au-devant de lui, lui jeta ses deux mains autour du cou et lui donna un baiser.
Et maintenant ? demandèrent Lugaid et Loeg.
Maintenant, répondit le Hésus Chien de Culann, nous avons notre plein de hauts faits : nous avons trois cents jeunes gens à protéger ainsi que la fille du roi des O’Mané à emmener avec nous jusqu’à Emain Macha.
Sur ce le Hésus Cuchulain, Lugaid et Loeg, emmenant avec eux Findchoem, s’élancèrent vers le nord, à travers la nuit épaisse, jusqu’à ce qu’ils atteignent le bois de Manach, où ils aperçurent trois feux devant eux dans la forêt avec neuf guerriers autour de chacun d’entre eux. Le Hésus Cuchulainn attaqua ces guerriers ; il tua trois hommes, près de chaque feu, ainsi que leurs trois chefs. Ensuite il traversa le gué de Mog dans la plaine d’Ae puis se dirigea vers la forteresse de Cruachan. Là ils poussèrent leurs cris de victoire, de sorte qu’on les entendit jusqu’au château même de Cruachan. Alors le guetteur de Cruachan monta les observer. Il décrivit la stature, l’aspect ainsi que la manière d’être de chacun.
Je ne les reconnais pas dit Maeve, à moins que ce ne soit là le Hésus Cuchulainn, fils de Sualtam, avec son fils adoptif Lugaid aux Raies Rouges, Loeg fils de Riangabair ; ainsi que Findchoem, la fille d’Eochu Rond, le roi des O’Mané. Heureux celui qui la possède, si c’est avec l’accord de ses père et mère, malheur à qui l’a prise sans leur agrément.
Là-dessus le Hésus Cuchulainn et ses compagnons allèrent jusqu’à la porte de la forteresse et poussèrent un cri de victoire.
Que quelqu’un sorte, dit Maeve, pour savoir qui ces jeunes guerriers ont tué !
Quelqu’un sortit donc de la part d’Ailill et de Maeve, demander à voir les têtes pour les reconnaître. Les têtes furent portées à l’intérieur de la forteresse.
Les reconnaissez-vous ? demandèrent Ailill et Maeve.
Nous ne les reconnaissons pas, répondirent les domestiques.
Moi si, rétorqua Maeve, ce sont les têtes des trois brigands qui ravageaient nos terres. Mettez-les dehors sur la palissade.
Le Hésus Cuchulainn fut informé de ceci.
Je le jure par le serment que prête mon peuple (tongu-sa lui toinges mo thuatha), je ferai danser la palissade sous têtes si l’on ne me rend pas mes têtes.
On lui rapporta donc ses têtes et le Hésus Cuchulainn ainsi que ses compagnons furent introduits dans la maison de leurs hôtes.
Le lendemain matin le Hésus Cuchulainn se leva le premier, prit toutes ses armes et alla s’adosser contre un ? (menhir ?). Comme le guetteur était à son poste ce matin-là, il entendit dans la campagne loin vers le sud, un bruit sourd semblable aux roulements du tonnerre. Il en prévint Maeve.
Qu’est-ce que c’est que ce bruit, demanda Maeve.
Dis-le toi-même, répondirent les jeunes gens, tu le sais mieux que quiconque.
Je ne comprends pas ce que ça peut bien être, répondit Maeve, à moins que ce ne soit les O’Mané arrivent de là-bas, du midi, à la recherche de leur fille. Regarde encore une fois.
Et le guetteur regarda encore une fois. En effet, dit-il, j’aperçois sur la plaine, au midi, un nuage si épais que les cavaliers ne se voient pas les uns les autres.
Je connais cela, reprit Maeve, c’est le souffle des chevaux et des hommes des O’Mané qui arrivent pour reprendre leur fille. Regarde bien encore, dit Maeve.
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Je vois, répondit le guetteur, des lueurs semblables à du feu depuis le gué de Mog jusqu’à la montagne de Badgai. À toi de me l’expliquer, ô Maeve !
Ce n’est pas difficile, répondit Maeve. C’est l’éclat des armes et des yeux des O’Mané à la recherche de leur fille.
Ils distinguèrent alors nettement une troupe dans la plaine, avec à sa tête un grand cavalier : sur sa poitrine il y avait un manteau de pourpre, orné de quatre franges d’or et qui l’entourait quatre fois ; sur son dos un bouclier avec huit cercles de bronze blanc (laiton ?) ; sur lui une tunique avec broderie d’argent, des genoux jusqu’aux talons ; de sa tête une chevelure couleur de bronze blanc (laiton ??) descendait jusque sur les flancs de son cheval ; dans ses cheveux une chaîne d’or en guise de couronne, pesant 7 onces, d’où son nom d’Eochu Rond (Eochu à la chaîne) ; sous lui un cheval pie gris, avec un frein d’or ; dans sa main deux javelots à clous de bronze blanc ; à sa ceinture une épée à poignée d’or, enfin, à également son côté, un javelot dans lequel il y avait innindell lasin loech (? un charme ou un sort dedans?) pour le guerrier.
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Contre lai (commentaire) néo-druidique Nº 48.
Plus quatre autres nuits. Le texte gaélique comporte le mot « no » qui signifie « ou » en gaélique. Est-ce bien logique ? Windisch (Irische texte) a tort de croire que non.
Petits seigneurs : nous rendons ainsi le terme gaélique hoicthigernd.
Rond en gaélique signifie « chaîne ».
Je l’aime à cause du récit que l’on m’a fait de ses grands exploits. C’est là le thème bien connu des « amors de lonh » ou « amours de loin » si brillamment illustré par le Prince de Blaye (à 100 km au S.E. de l’île d’Oléron) Jaufré Rudel au XIIe siècle.
Quand les jours sont longs en mai,
Me plaît le doux chant des oiseaux lointains,
Et quand je suis parti de là,
Je me souviens d’un amour lointain :
Je vais alors pensif, morne et tête baissée,
Si bien que ni chant ni fleur d’aubépine
Ne me vont pas mieux, que l’hiver glacé.
Lanquan li jorn son lonc e may
M’es belhs dous chans d’auzelhs de lonh,
E quan mi suy partitz de lay,
Remembra'm d’un' amor de lonh.
Vau de talan embroncx e clis
Si que chans ni flors d’albespis
No-m valon plus que l’yverns gelatz.
Le bond du héron. Nous connaissions déjà le saut du saumon. Il nous faut maintenant rajouter aux prouesses du Hésus Cuchulainn le coup du bond du héron : Focheird cor n’erreth.
Fils adoptif. Nous traduisons ainsi le terme gaélique dalta.
Mettez-les dehors sur la palissade. Ce récit nous ramène à un état de société celte plus récent que celui suggéré par le premier festin de Bricriu, mais suffisamment archaïque quand même pour que l’on y retrouve une allusion au véritable culte des têtes coupées (plantées sur les pieux d’une palissade) caractéristique des Celtes selon plusieurs auteurs antiques (Diodore de Sicile, Strabon).
Badgnai. Windisch (Irische Texte) propose de lire Badbgnai. Ce qui en ferait donc une montagne de la déesse Boduognata (Bodb).
Bronze blanc ou laiton. Nous traduisons ainsi le terme gaélique findruine.
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Sleg innindell lasin loech. Expression gaélique difficile à traduire. Un sleg est un javelot, mais le reste ? Indell = charme, envoûtement ? Cela fait en tout cas incontestablement d’Eochu Rond un puissant magicien ou sorcier (dieu ou démon, ange ou diable, c’est la même chose, ce ne sont que les deux faces d’une même monnaie, ne soyons pas bêtement manichéens). Son nom Ivocatuos, qui combat par l’if, en est la preuve, les baguettes, les lances, les épieux, etc. ou les tablettes en bois d’if, étant le support habituel des runes celtiques, donc de la magie.
La chaîne d’or, quant à elle, évoque irrésistiblement le dieu-ou-démon de la magie, et donc de la sorcellerie, également, appelé Ogmios.
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À peine eut-il aperçu le Hésus Cuchulainn qu’il jeta sa lance contre lui. Mais le Hésus Cuchulainn jeta un sort contre la lance : la lance se retourna contre Eochu et traversa l’encolure de son cheval. Le cheval se cabra et jeta son cavalier à bas. Le Hésus Cuchulainn vint à lui, le prit entre ses bras et l’emporta dans la place forte. Ce fut le déshonneur pour les O’Mané. Maeve et Ailill ne laissèrent repartir ni Eochu ni le Hésus Cuchulainn avant qu’ils aient fait la paix. Mais lorsque le Hésus Cuchulainn fut sur le point de s’en aller, alors Eochu lui dit : « Puisses-tu ne plus jamais pouvoir te reposer que ce soit couché ou assis, ô Hesus Cuchulainn, tant que n’auras pas appris pourquoi les trois fils de Doel Dermot l’oublié ne reviennent pas dans leur pays ».
Là-dessus le Hésus Cuchulainn revint à Emain Macha, en emportant avec lui les têtes des guerriers qu’il avait tués, ses compagnons y racontèrent ses aventures. Il regagna sa place sur le banc et se mit à boire. Mais il lui sembla aussitôt que ses vêtements brûlaient sur son corps, que la maison brûlait autour de lui, que le sol brûlait sous ses pieds.
Je crois bien jeunes gens, dit-il en s’adressant à son entourage que j’éprouve déjà un des effets de la malédiction lancée contre moi par Eochu Rond, je sens que je vais mourir si je ne sors pas d’ici.
Le Hésus Cuchulainn sortit donc après avoir repris ses armes. Loeg et Lugaid aux raies rouges le suivirent. Devant la porte de la forteresse, il se retrouva devant une équipe de neuf artisans bronziers. Ils n’avaient pas eu leur part de viande ni de bière et personne ne savait qu’ils étaient dehors. Lorsqu’ils virent le Hésus Cuchulainn s’approcher d’eux, ils s’exclamèrent : « Il est grand temps que l’on vienne nous apporter à manger ainsi qu’à boire de la part du roi ! »
Me prenez-vous pour un domestique, répliqua le Hésus Cuchulainn ? Il s’élança sur eux et leur coupa la tête.
Il s’éloigna d’Emain Macha vers le sud-est et alla jusqu’à l’endroit où s’élève aujourd’hui la montagne du cavalier c’est-à-dire Armagh : c’était une forêt. Les forgerons de Cunocavaros/Conchobar étaient là, en train de travailler pour le roi. Ils pensaient passer la nuit sans boire ni manger. Lorsqu’ils virent s’avancer les trois guerriers, ils s’exclamèrent : « il est grand temps que l’on vienne nous apporter à manger ainsi qu’à boire de la part du roi ! »
Me prenez-vous pour un domestique ? s’écria le Hésus Cuchulainn. Il s’élança sur eux et leur coupa la tête. Ensuite il s’éloigna et, en se dirigeant au levant vers le rivage, arriva en face de Dun Delca.
Le fils du roi d’Alba venait juste d’y arriver avec des gens apportant du satin, de la soie, et des cornes à boire, pour Cunocavaros/Conchobar. Ce dernier avait envoyé des hommes à leur rencontre, mais ils n’eurent pas le temps d’arriver jusqu’au navire.
Lorsque les étrangers virent le Hésus Cuchulainn s’avancer vers eux, ils lui dirent : « Il est grand temps que l’on vienne nous recevoir. Les vagues et les récifs nous ont tellement fatigués ! » Me prenez-vous pour un domestique ? leur répondit le Hésus Cuchulainn. Il se précipita sur eux à bord du vaisseau et coupa la tête de tous les hommes qu’il rencontra, jusqu’à ce qu’il se retrouve en présence du fils du roi.
Grâce, ô Hésus Cuchulainn, implora-t-il, nous ne t’avions pas reconnu !
Sais-tu ce qui tient éloigné de leur pays les trois fils de Doel Dermot l’oublié ? demanda le Hésus Cuchulainn.
Je l’ignore, répondit le jeune guerrier, mais je possède un charme marin, je te le donnerai, tu auras mon navire, et tu le sauras.
Le Hésus Cuchulainn lui donna un javelot, y grava une inscription en caractères oghamiques, et lui dit : « Va-t’en jusqu’au banc qui m’attend à Emain Macha ». Le fils du roi d’Alba prit ses affaires et s’enfonça dans l’intérieur du pays jusqu’à ce que l’on vienne à sa rencontre.
Le Hésus Cuchulainn prit place à bord du navire, hissa la voile, et s’en alla. Il navigua un jour et une nuit et aborda une grande île. Cette île était très belle et d’un aspect imposant : tout autour, un
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rempart d’argent et par-dessus il y avait une palissade d’airain ; à l’intérieur, des maisons dont le toit était soutenu par des piliers de bronze blanc (laiton ?). Le Hésus Cuchulainn pénétra donc à l’intérieur des terres. Il y vit une grande maison à colonnes de bronze blanc (laiton ?) et cent cinquante lits à l’intérieur, avec un échiquier, un autre jeu de damier ainsi qu’un timpan (une harpe ?) auprès de chacun. Il vit en outre à l’intérieur un couple à cheveux blancs vêtu de manteaux pourpres avec des broches d’or couleur rouge sombre dessus ; enfin trois jeunes femmes, toutes du même âge, de la même beauté, ainsi qu’une frange d’or (une chaîne ?) à trame de bronze blanc (laiton ?) devant chacune d’elles.
Le roi reçut amicalement le Hésus Cuchulainn et ses compagnons : » sois le bienvenu parmi nous, ô Hesus Cuchulainn, pour l’amour de Lugaid ; sois le bienvenu ô Loeg, pour l’amour de ton père et de ta mère ! » Les femmes saluèrent de même.
Nous sommes enchantés, répondit le Hésus Cuchulainn, jamais jusqu’à présent nous n’avions trouvé accueil plus aimable.
Tu l’auras aujourd’hui, répondit le roi.
Sais-tu, demanda le Hésus Cuchulainn, quelle est la raison qui maintient loin de leur pays les fils de Doel Dermot l’oublié ?
Je peux le savoir, répondit le roi, leur sœur et leur beau-frère sont dans l’île qui est là-bas au sud.
Il y avait trois morceaux de fer devant le feu ; on les y jeta, ils devinrent rouges, puis les trois jeunes filles se levèrent et chacune d’elles en mit un dans une cuve [afin d’avoir de l’eau chaude]. Le Hésus Cuchulainn, Lugaid et Loeg allèrent chacun dans cette grande cuve et y prirent un bain, puis on leur apporta trois cornes à boire pleines d’hydromel, on leur donna un lit, et sur le lit une couverture ainsi qu’un plaid bigarré.
À peine s’étaient-ils endormis qu’ils furent réveillés par un grand bruit d’armes, des sonneries de cor et des amuseurs. Ils virent arriver à la maison cinquante guerriers, amenant avec eux deux par deux un cochon et un bœuf [soit donc 25 cochons et 25 bœufs en tout] chacun en outre ayant à la main une coupe d’hydromel de noisette. Ils observèrent ces cinquante hommes et virent alors qu’il y avait un autre homme avec eux et que chacun avait sur son dos une charge de bois pour faire du feu, à l’exception de cet homme qui était à leur tête. Il portait un manteau pourpre faisant cinq fois le tour de sa poitrine et retenu par une broche d’or, une tunique à capuchon d’une blancheur éclatante et brodée de rouge ; il avait un javelot ainsi qu’une javeline et à la main une épée à poignée d’or. Il entra le premier dans la maison et souhaita la bienvenue au Hésus Cuchulainn : « sois le bienvenu parmi nous, ô Hésus Cuchulainn, pour l’amour de Lugaid ; sois le bienvenu parmi nous, ô Loeg, pour l’amour de ton père et de ta mère ! »
Les cinquante braves guerriers souhaitèrent la même chose au Hésus Cuchulainn, à Lugaid et à Loeg. Puis on amena les cochons et les bœufs et on les mit dans les chaudrons jusqu’à ce qu’ils soient cuits. Un repas pour cent hommes fut servi au Hésus Cuchulainn ainsi qu’à ses deux compagnons, et le reste fut distribué aux autres guerriers. On leur apporta de la bière jusqu’à ce qu’ils soient ivres.
Mais alors une question se posa : comment le Hésus Cuchulainn allait-il dormir [avec qui ?] ?
Ai-je le choix ? demanda le Hésus Cuchulainn.
Tu l’as, répondit le ??? Il y a ici les trois filles de Riangabair, Eithné, Etan et Etana. Sont également ici leurs trois frères : Eochaid, Aed, et Mabon/Maponos/Oengus. Leur père Riangabair et leur mère Finnabair, conteuse ? de Riangabair, aussi.
Les trois frères sont plus connus sous les noms de Loeg, Id et Sedlang.
Alors le Hésus Cuchulainn récita les deux vers suivants :
« Je ne sais pas auprès de qui dormira Etan cette nuit
Mais je sais bien que la belle Etan ne dormira pas seule ».
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 48.
Puisses-tu ne plus jamais… C’est évidemment une geis (une sorte de « malédiction ») que lance au Hésus Cuchulainn le puissant magicien qu’est apparemment Eochu Rond.
Doel signifie scarabée ou cafard. Quelle importance !
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Dermot anciennement Dermait signifie l’oublié. Ce qui peut s’expliquer.
Domestique. Nous traduisons ainsi le terme gaélique fertigess.
La montagne du cavalier. C’est bien entendu encore une fois une étymologie n’ayant rien à voir avec Armagh. Les bardes irlandais n’ont pas hésité à recourir à tous les moyens possibles et imaginables pour enraciner chez eux des mythes au départ intemporels et non précisément localisables parce que tout simplement panceltiques.
Vaisseau. Nous traduisons ainsi le terme gaélique curaich = coracle. Un type de navire qui ne semble guère correspondre à la situation, à moins bien entendu qu’il ne s’agisse d’une embarcation magique, ce mystérieux fils du roi d’Alba reconnaissant d’ailleurs lui-même qu’il possède un « charme marin » (muirindell en gaélique = Seezauber d’après Windisch).
Ogham. Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, l’alphabet oghamique est relativement récent, qui plus est influencé par l’alphabet latin qui fut introduit par la christianisation. Dans le mythe panceltique originel, il devait sans doute s’agir de runes celtiques ou lépontiques, inspirées de l’alphabet étrusque.
Cet épisode a au moins le mérite de nous montrer que l’éducation trifonctionnelle qu’a reçue le jeune Setanta Cuchulainn enfant ne fut pas un vain mot : il sait donc écrire. Ce qui à l’époque était sans doute peu commun.
Bronze blanc. Nous traduisons toujours ainsi le terme gaélique « findruine ». Contrairement à ce qu’affirment certains druidomanes, il ne s’agit pas d’Atlantis et le findruine n’est certainement pas de l’orichalque, mais plutôt du laiton.
Jeu de damier. Nous traduisons ainsi le terme gaélique brandub qui désigne peut-être tout simplement une sorte de fidchell ou jeu d’échecs celtes de type tablut.
Timpan. Le timpan irlandais devait être un instrument à cordes. Rappelons que le nom irlandais de la harpe est cruit. D’où le nom de rote. Venance Fortunat (Livre VII, chant 8) l’oppose aussi bien à la lyre des Romains qu’à la harpe des barbares.
Frange. Nous traduisons le terme gaélique corthair par frange, mais il s’agit peut-être tout simplement de la chaîne d’un métier à tisser.
Cuve. Augusta Gregory pense qu’il y avait trois baignoires, et non rien qu’une baignoire pour trois. Difficile de savoir.
Amuseurs. Nous traduisons ainsi le terme gaélique druith.
Mais alors une question se posa. En fait il est difficile de savoir qui pose la question et qui répond.
Les trois frères sont plus connus sous les noms de Loeg, Id et Sedlang. C’est visiblement une interpolation. Un moine copiste a cru bon de rajouter un jour cette mention. Comme quoi ce phénomène n’a pas touché que la Bible. Les interpolations sont la plaie de tous ceux qui étudient ces textes pour en trouver le sens et la signification : les philologues.
Ce qui est incontestable en tout cas c’est que ce passage de notre légende concernant le Hésus Cuchulainn… EST TRÈS EMBROUILLÉ VOIRE TRÈS GÊNANT. Augusta Gregory a eu raison de le sauter.
Les trois sœurs, Eithne, Étan et Étain, ne constituent sans doute qu’un triplement de l’Etanna primitive des premiers récits. Le texte mentionne aussi Mabon/Maponos/Oengus, en en faisant apparemment un frère d’Etanna. L’identité de l’Eochaid cité est plus incertaine, s’agit-il du père de Mabon/Maponos/Oengus, le Suqellos Dagda Gargan, ou de quelqu’un d’autre ? Les liens entre tous ces personnages restent à préciser, notamment ceux entre le Hésus Cuchulainn et la malheureuse Etanna. Il doit nous manquer une partie de l’histoire. Ce qui nous en reste est incompréhensible.
L’étude comparée des versions permet en général de repérer les interpolations. Dans le cas des évangiles et notamment des synoptiques, par exemple, ces modifications des textes originels prouvent qu’il y a eu évolution desdits textes originels au cours des siècles, contrairement à ce que prétendent leurs idolâtres, depuis leur rédaction initiale jusqu’aux premières versions écrites dont on
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dispose et qui datent généralement du IVe ou Ve siècle. Ces insertions correspondent dans une majorité des cas à des développements théologiques tardifs, que les rédacteurs ont insérés frauduleusement dans le texte originel. Exemple la fin de la première lettre de saint Jean, chapitre V, versets 7 et 8.
« Car il y en a trois qui rendent témoignage [dans le ciel : le Père, le Verbe et l’Esprit ; et ces trois sont un. Et il y en a trois qui rendent témoignage sur la terre] : l’Esprit, l’eau et le sang ; et ces trois sont d’accord ». L’ajout est tellement manifeste qu’il a commencé à être retiré de certaines éditions de la Bible.
Autre exemple encore plus énorme : dans le codex sinaïticus, l’évangile de Marc s’arrête abruptement au chapitre XVI verset 8 avec cette phrase : « Elles sortirent du sépulcre et s’enfuirent. La peur et le trouble les avaient saisies ; et elles ne dirent rien à personne, à cause de leur effroi. » Rien sur ce qui se serait passé après la résurrection. Or l’évangile de Marc passe pour être le plus ancien.
Les évangiles sont donc tout sauf l’immuable parole de Dieu ! Vérité d’évangile est une expression à bannir de notre vocabulaire.
Nous y reviendrons ultérieurement, plus longuement, dans le cadre de nos cours préparatoires à l’obtention du druidicat (ou de la prêtrise, pour les femmes).
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Elle dormit auprès de lui et au matin il lui donna une bague en or qui pesait la moitié d’une once. Puis on alla l’accompagner jusqu’à ce qu’il aperçoive au loin l’île où demeuraient Condla le Mince, dit Corrbacc, et Achtland [sa femme], fille de Doel Dermot l’oublié. Il rama vers l’île et à chaque mouvement qu’il imprimait à son embarcation (cach band), cette dernière faisait des bonds aussi hauts que le sommet de l’île.
Condla le mince se trouvait dans l’île, la tête appuyée contre une haute pierre à l’ouest de l’île, les pieds contre une autre pierre aussi haute à l’est de l’île ? et sa femme ? lui lavait la tête. Lorsqu’il entendit le bruit de l’embarcation qui arrivait, il se releva et souffla devant lui avec tant de violence qu’une vague s’éleva sur la mer. Immasai a anail arisi. Mais son souffle lui revint en pleine face.
Là-dessus notre héros lui adressa la parole et le géant lui répondit : « si grande que puisse être ta colère, héros qui vient de loin, nous ne te craignons pas ; nos prophètes n’ont jamais dit que cette île devait être ravagée par toi. Viens donc dans cette île, et tu y seras le bienvenu ! »
Le Hésus Cuchulainn débarqua donc dans l’île et la femme lui souhaita la bienvenue en clignant de l’œil ?
Sais-tu, lui demanda le Hésus Cuchulainn, quelle est la raison qui maintient loin de leur terre les fils de Doel Dermot l’oublié ?
Oui répondit la femme, et j’irai avec toi pour t’aider à les trouver, car il a été prédit que leur salut viendrait de toi.
La femme se redressa et monta dans l’embarcation avec eux.
[Son mari lui dit en chantant] :
« Que signifie ce voyage insensé, ô femme
Que vas-tu faire sur les mers ?
Car comrar glangesu?????
Que ce frêle esquif qui t’emporte
Te mène à bon port ».
[La femme répondit elle aussi en chantant] :
O Condla le Mince dit Corrbacc
Le but de mon voyage se trouve au-delà des mers
Un ardent désir brûle mon cœur
Je veux sauver les fils de Doel Dermot l’oublié
Dont plus personne ne se rappelle.
La femme monta donc à bord, fit un clin d’œil, puis informa le Hésus Cuchulainn et ses compagnons de ce qu’il leur importait de savoir.
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« Regarde ce rempart blanc là-bas, c’est là que se trouve Coirpré le Constant ».
Le frère de leur père [leur oncle donc] ? demandèrent-ils.
Oui !
Ensuite ils virent le rempart blanc et trouvèrent deux femmes qui étaient là occupées à couper des joncs.
Le Hésus Cuchulainn s’adressa donc à elles en ces termes : « quel est le nom de ce pays ? »
Une des femmes se redressa et chanta ce qui suit :
« Le pays où tu viens d’aborder
Des hardes de coursiers y paissent dans sa plaine ;
Sept rois y vivent à l’aise dans leur domaine ;
Sept victoires sont là pour chacun d’eux.
Sept souverains vivent sur ce rivage
Et aucun n’est seul
Chacun d’entre eux a sept femmes
Au pied de chaque femme, il y a un roi.
Il y a pour chacun de nos rois sept hardes de coursiers, sept armées
Sept victoires protégeant leurs terres
Juste après leurs batailles, comme des flocons blancs
Sept ??armées vaincues ?? fuyant devant eux sur les mers.
Et outre la bataille dans la grande plaine
Sept combats pour chacun d’entre eux
As ni ric ba theol na len
Don sceol ro canad a tir
L’abondance y est perpétuelle ????
Les poètes (les conteurs) chantent les louanges de ce pays de Cocagne ???
Ces paroles mirent en colère le Hésus Cuchulainn qui s’élança donc sur elle et lui donna un tel coup de poing sur la tête que sa cervelle sortit par les oreilles.
Ce que tu viens de faire est très mal, s’écria l’autre femme, mais il avait bien été annoncé que tu viendrais ici pour notre plus grand malheur. Quel dommage que je n’aie pas été celle à qui tu as parlé en premier.
Alors je t’adresserai la parole maintenant répondit le Hésus Cuchulain. Quels sont les noms des hommes qui règnent ici ?
Ni ansa ! Ce n’est pas difficile : Dian fils de Lugaid ; Léo fils de Iachtan, Eogan au Cheval-Blanc, Fiachna Fuath, Coirpré le Constant, Cond Sidi, Senach Salderc.
« Ils cherchent le combat rouge
Ils livrent de sanglantes batailles
Avec vingt blessures aux flancs,
Avec des troupes entières de héros
Avec d’innombrables assauts ».
Là-dessus ils se dirigèrent vers la forteresse (duine), et Loeg prit le manteau de la femme sur son dos jusqu’à ce qu’ils arrivent sur la pelouse qu’il y avait devant. Alors la femme les quitta, entra dans le château, et raconta ce qu’on leur avait fait.
Ce n’est pas grave (? ni liach), répondit Coirpré le Constant, cette imbécile l’a bien mérité.
Ensuite il se précipita dehors. Le Hésus Cuchulainn l’attaqua et ils luttèrent l’un contre l’autre du matin jusqu’à la fin du jour, sans qu’aucun des deux n’obtienne le moindre avantage sur l’autre. Leurs épées furent alternativement victorieuses, leurs boucliers se brisèrent.
C’est vrai [que j’ai aussi le javelot-foudre], s’exclama le Hésus Cuchulainn. Et il prit le javelot-foudre (gae-bolga).
Grâce, grâce ô Hésus Cuchulainn, s’exclama aussitôt Coirpré le Constant en le voyant. Il jeta ses armes à terre, prit le Hésus Cuchulainn dans ses bras, lui fit franchir les remparts, lui fit préparer un bain, et la fille du roi dormit même avec lui cette nuit-là.
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Puis le Hésus Cuchulainn lui demanda : » quelle est la raison qui a maintenu loin de leur pays [tes neveux] les fils de Doel Dermot l’oublié ?
Et Coirpré le Constant lui raconta toute l’histoire, du début jusqu’à la fin.
Le lendemain on prévint Coirpré le Constant qu’Eochu Glas arrivait pour lui livrer bataille. Coirpré ainsi que le Hésus Cuchulainn se mirent en route en direction de la vallée à la rencontre d’Eochu Glas, le puissant guerrier.
Est-ce qu’il y a quelqu’un [dans la vallée] misérables guerriers ? demanda Eochu Glas.
Il y a quelqu’un effectivement, répondit le Hésus Cuchulainn.
Quelle voix vraiment désagréable, répliqua Eochu Glas, que celle du contorsionniste de la verte Erin.
Et le combat commença. Le Hésus Chuchulainn bondit et se retrouva sur la bordure du bouclier de son adversaire. De son souffle puissant, celui-là le repoussa dans la mer. Le Hésus Cuchulainn bondit une deuxième fois et se retrouva cette fois-ci sur l’umbo du bouclier d’Eochu. Le souffle de ce dernier le rejeta dans la mer. Le Hésus Cuchulain s’élança de nouveau pour un troisième bond et se retrouva cette fois-ci sur le corps même d’Eochu. Mais son souffle le repoussa de nouveau et le Hésus Cuchulainn retomba dans la mer.
Malheur à moi, s’écria le Hésus Cuchulainn. Alors il lança son javelot-foudre (gae bolga) qui atteignit le casque (à protection étendue) d’Eochu, lui traversa la tête ; et s’enfonça en terre derrière lui. Eochu bascula sur lui-même et tomba de tout son long.
Le Hésus Cuchulainn s’approcha, lui ôta le casque qui le protégeait jusqu’aux épaules, et lui coupa la tête avec son épée.
De l’est et de l’ouest s’élancèrent alors dans la vallée les déesses ou les démones qu’Eochu avait outragées, elles se baignèrent dans son sang, et toutes y lavèrent leur honneur. Puis les fils de Doel Dermot l’oublié rentrèrent dans leur pays. Le Hésus Cuchulainn revint avec Coirpré dans la forteresse. Il y passa la nuit et repartit le lendemain matin en emportant les grands et magnifiques présents que lui avait faits Coirpré. Il retourna d’abord dans l’île où demeuraient Condla et sa femme, et leur raconta ses aventures. Puis il partit vers le nord jusqu’à ce qu’il atteigne l’île où se trouvaient Riangabair et sa femme, il dormit avec elle et lui raconta toute son histoire ainsi qu’à son mari. Enfin il repartit le lendemain matin pour rentrer au pays des Ulates. Il se rendit ensuite à Emain-Macha où l’attendait sa part de bière et de nourriture. Il fit alors le récit de ses aventures et de ses voyages au-delà des mers à Cunocavaros/Conchobar et aux champions de bravoure Ulates dans le palais de la Branche-Rouge.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 49.
Aussi haut que le sommet de l’île. Il s’agit soit de l’exagération poétique d’un fait réel soit de la scène d’une œuvre de fiction destinée à montrer que le Hésus Cuchulainn est doté d’une force peu commune, voire que cette embarcation de type coracle est vraiment magique. Ou alors qu’il s’agit là d’un effet du charme marin donné à notre héros par le roi d’Alba comme le suppose Windisch. Ça vaut bien le héros de roman initiatique Jésus, marchant sur les eaux.
La tête appuyée contre une haute pierre… Nous avons là vraisemblablement le fragment d’une image ou d’une allégorie élaborée par les très sachants de la druidiaction antiques afin de faire comprendre certains phénomènes à leurs élèves, à leur population (définition même de la mythologie druidique d’ailleurs), mais détaché de son contexte et utilisé par les bardes afin de corser leurs récits. Il s’agit de la position dans laquelle la déesse égyptienne Nout est figurée quoiqu’orientée à l’envers (notre géant regarde vers l’ouest et ne fait pas face à l’est). Nous ne voulons pas dire par là que civilisation égyptienne et civilisation celtique sont issues d’une même civilisation antique supérieure de type Atlantide, mais que cette ressemblance étonnante des deux motifs, l’égyptien et l’irlandais, montre qu’il s’agit d’une image mythique très ancienne que notre récit utilise sans plus très bien le comprendre et sans autre explication. Le mythe panceltique initial dont ce détail est un fragment n’était déjà plus compris depuis des siècles par les bardes colportant ces récits destinés à distraire les populations les soirs de nuit d’hiver au coin du feu. Condla le mince (pourquoi mince d’ailleurs, parce que l’île doit être située sous lui et qu’il en quelque sorte arqué au-dessus ?) est en tout cas un homme peu ordinaire, c’est le moins que l’on puisse dire, puisqu’il est capable de déclencher des tempêtes.
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Nos prophètes. Nous déduisons ce rendu de notre texte du mot gaélique tairrngire.
Leur salut. Si nous comprenons donc bien ce texte ; des prophéties indiquaient que le Hésus Cuchulainn serait cause directe ou indirecte du salut des fils de Doel Dermot l’oublié. Peut-être s’agissait-il de les sauver de l’oubli ? Le Hésus Cuchulainn serait donc dans cette optique celui qui sauve de l’oubli. Mais qui dans ce cas ???
En tout cas ce qui est certain c’est que la notion de dieu sauveur existait incontestablement dans le druidisme antique puisque l’on y trouve des adjectifs comme matuacus, anextlomarus, iouantucarus (bon, ou favorable, à la grande protection, qui aime les jeunes) et bien d’autres ayant le même sens. Le christianisme n’a rien inventé !
Comrar glangesu. Encore une fois, répétons-le, car repetere ars = docendi, la prose dans nos légendes n’est souvent qu’une présentation ou une introduction des passages en vers plus archaïques analogues aux englynion gallois. Les bardes ont « bricolé » des phrases destinées à bien amener les morceaux de poèmes dont ils pouvaient se souvenir.
Le but de mon voyage se trouve au-delà des mers. Assez curieusement on retrouve là le même schéma que dans la navigation de saint Brendan. Nos héros n’abordent jamais directement dans l’autre monde qu’ils recherchent, mais passent toujours par des étapes intermédiaires, des îles situées à proximité de ce « paradis » terrestre.
Constant. Nous traduisons ainsi le mot gaélique Cundail, mais son sens exact est plutôt vague : le beau ?? Surtout utilisé peut-être pour les allitérations.
Et chanta ce qui suit. D’après Windisch ce poème est destiné à faire peur au Hésus Cuchulainn. On peut n’y voir qu’une traditionnelle description de l’autre monde celte.
Hardes de coursiers. Nous traduisons ainsi le terme gaélique graidi sans trop de certitude.
Abondance. Nous traduisons par abondance le terme gaélique theol.
Léo fils de Lachtan, etc. ce sont bien évidemment les 7 hommes mentionnés au début.
Javelot-foudre. Gae Bolga. Une autre façon de comprendre cette expression gaélique serait « javelot sac » ou « javelot belge ».
L’Eochu de cette île mystérieuse (Eochu Glass) est apparemment une sorte de dieu Éole capable de déchaîner les vents. Et dire que certains font encore de tous ces personnages du Cycle d’Ulster des hommes ou des femmes ayant vraiment historiquement existé. Répétons-le encore une fois, car repetere = ars docendi, il y a au minimum dans tous ces récits pour caractériser nos héros de nombreux traits ne relevant pas de la réalité vraie même exagérée, mais du mythe tout simplement. Il s’agit soit de personnages ayant vraiment existé, mais qui se sont vus peu à peu doter par nos célèbres bardes de pouvoirs ou de caractéristiques surhumaines, non humaines (évhémérisme normal). Soit de figures mythiques, dieux ou démons, que certains chrétiens irlandais du haut Moyen-âge (des moines ?) ont préféré transformer en hommes certes peu ordinaires, mais bien humains, en chair et en os (historicisation ou évhémérisme à l’envers).
Contorsionniste. Nous traduisons ainsi le terme gaélique riastarthi.
Le Hésus Cuchulainn bondit et se retrouva… tout cela fait un peu film fantastique inspiré d’une bande dessinée d’antan mettant donc en scène des super héros. Comme quoi les procédés artistiques de base perdurent au cours des siècles.
Casque. Nous traduisons par casque le terme gaélique chathbarr, mais il s’agit peut-être simplement d’une sorte de protection de la tête très enveloppante. Un casque avec un couvre-nuque et des pièces de métal servant à protéger les joues. Rappelons que la cotte de mailles est bien une invention celte, mais pas pour les casques à notre connaissance. L’archéologie signale des masques métalliques pour les cavaliers romains d’origine celte lors des hippica gymnasia.
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NB. Le fameux casque de Ciumesti surmonté d’un oiseau (comme dans le célèbre épisode rapporté par Tite-Live) ne devait être porté que lors des cérémonies.
Déesses. Ou démones, suivant le point de vue où on se place (pour les fondamentalistes chrétiens, les gens du sidhe sont bien entendu des démons). Nous rendons ainsi le terme gaélique sidhaighi.
Il dormit avec elle. Il s’agit de Finnabair, mère de Loeg, le cocher du Hésus Cuchulainn. Le moins que l’on puisse dire c’est que la morale sexuelle est très libre dans cette histoire, et qu’elle ressemble beaucoup à celle des coutumes inuites de jadis décrites par Marcel Mauss et Henri Beuchat dans leur célèbre essai sur les variations saisonnières des Eskimos en 1906. Pourquoi pas ?
Il fit alors le récit de ses aventures. Cet épisode, qui n’est pas sans rappeler le thème arthurien du Val sans retour (voir la fée Morgane et Lancelot du Lac) ; nous montre une fois de plus un Hesus Cuchulainn à la fois guérisseur (comme avec la fée Mara Rigu/Morrigu/Morgane) et libérateur. Donc œuvrant pour le salut des hommes.
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Pour finir, il se rendit au château de Cruachan, auprès d’Ailill, de Maeve et de Fergus, et il leur raconta ce qui lui était arrivé.
On fit ensuite venir Eochu Rond, et le Hésus Cuchulainn récita le lai suivant :
Prince Eochu Rond, Findchoem ta fille que voilà
Est la cause de ma longue errance
Contre Eochu Rond je dus mener un rude combat.
Eh bien que maintenant je regrette, qu’il y ait mariage !
Je vois neuf artisans bronziers ? je vois neuf forgerons
Leur seule erreur fut de nous rencontrer.
Puis je vois neuf marchands, triste réflexe (truagh anfos) !
Je leur coupe la tête sous l’empire de la fureur (fo baraind).
J’atteins le havre de la terre de Doel
Du cruel Coirpré j’aborde le séjour.
Lors de notre rencontre : très puissante vague bleue (ou verte ?)
Je brandis ? ma belle épée tranchante.
Notre rencontre fut une lutte à mort
Contre Coirpré sur cette perle de l’autre monde ? (huas fairrgi iathaich)
Nos glaives l’emportèrent à tour de rôle
À tour de rôle nos boucliers l’emportèrent.
Ma rencontre avec Coirpré le Constant
Nimoruc dris dilumain ?????
Puis ce fut pendant un bref instant la paix ainsi que le sommeil
Jusqu’à ce que nous affrontions Eochu Glas.
Mon épée sanglante a frappé cent fois
Ce fut ensuite ?????? une sombre folie
Mon corps s’est illuminé
Il m’a plongé dans la douleur.
Je vais te dire ce que je sais de source sûre
Après avoir parlé aux fils de Doel Dermot l’Oublié
Après avoir épargné le sauvage Cairpré
Mais en ce qui concerne Findchoem, sache que je regrette.
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Là-dessus il fit la paix avec Eochu Rond, et Findchoem, resta auprès du Hésus Cuchulainn, qui revint triomphalement à Emain-Macha. D’où il s’ensuit que cette histoire est appelée « le Festin de Bricriu ». On lui donne aussi pour titre « l’exil des fils de Doel Dermot ».
Fin.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 50.
Et de Fergus. Ce texte est donc clairement à situer après le chapitre précédent (qui a évoqué l’exil de Fergus après la guerre civile). Par contre il nous prouve également qu’Ailill et Maeve connaissaient déjà le Hésus Cuchulainn, ce qui rend peu crédible l’ignorance dont ils feront preuve à son sujet, lors de l’expédition qu’ils entreprendront plus tard pour voler le bétail de Cooley. Cette ignorance ne sera qu’un procédé littéraire destiné à faciliter le travail du barde conteur.
Après avoir parlé aux fils de Doel Dermot ? Première nouvelle. Le texte en prose ne nous dit rien de tel. Encore une fois il doit manquer quelque chose dans ce récit.
Mais en ce qui concerne Findchoem je regrette. En d’autres termes le Hésus Cuchulainn prie Eochu de bien vouloir l’excuser.
La paix. Nous traduisons ainsi le terme gaélique cairdes qui signifie très exactement « traité d’amitié ».
Findchoem resta… Le Hésus Cuchulainn était-il déjà marié avec Aemer ??? Si oui, voir ce que nous avons déjà dit du mariage druidique. Il était en principe monogame, mais…
Premièrement : l’alliance avec de puissants personnages étant très recherchée, ces derniers pouvaient avoir plusieurs épouses officielles (cas exceptionnels néanmoins).
Deuxièmement : en dehors du mariage, il existait une sorte de concubinage réglementé par des coutumes très strictes. Un homme pouvait prendre une concubine, mais s’il était marié, il ne pouvait le faire qu’avec l’accord de sa première épouse.
Il s’agit donc là de différences fondamentales avec l’islam où les femmes (que ce soit la première la deuxième ou la troisième…) n’ont pas leur mot à dire à ce sujet. Seul l’homme décide. Ou alors elle est répudiée (N.B. Ne pas confondre divorce et répudiation même si les imbéciles ou les menteurs professionnels qui cherchent à tromper leurs auditoires respectifs pratiquent la taqiya en ce domaine c’est-à-dire font comme si c’était la même chose).
Précisons en outre que l’on peut très bien imaginer aujourd’hui que le néo druidisme admette également la réciproque, à savoir qu’une femme puisse avoir plusieurs maris comme c’était d’ailleurs le cas dans l’ancienne société bretonne.
« À dix ou douze, ils ont des femmes en commun, en particulier entre frères, et entre pères et fils ; mais s’il y a des enfants issus de ces femmes, ils sont réputés être de celui qui a ramené la femme encore vierge à la maison en tant qu’épouse » (César. B.G. Livre V chapitre XIV).
« Ils vivent sans manteau et pieds nus sous des tentes, possèdent leurs femmes en commun, et en commun élèvent tous leurs enfants. Ils ont des gouvernements des plus démocratiques, mais… » (Dion Cassius. Livre LXXVI section 12. Selon Jean Xiphilin).
« Les Écossais n’ont pas de femme en propre ; comme s’ils avaient lu la République de Platon et pris Caton pour modèle, aucun homme parmi eux n’a d’épouse en propre, mais comme des bêtes ils s’abandonnent à leur convoitise selon leur gré (saint Jérôme, Contre Jovinien. Livre II, chapitre VII).
« Comme les Scots et les Atacotti et les gens de la République de Platon qui mettent leurs femmes en commun et ne font pas de distinction entre les enfants » (saint Jérôme, lettre 69, à Oceanus, III).
« Lois des [grand] Bretons. Chez les [grand] Bretons, beaucoup d’hommes se partagent une seule femme » (Bardesane. Le livre de la loi des pays, ou Dialogue sur le Destin).
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Alors polygynie (défendue par des hordes de brutes machistes) ou polyandrie (défendue par des hordes de nymphomanes dépoitraillées comme la reine Maeve) ? La meilleure façon d’éviter tout conflit entre ces deux formes différentes de mariage, le meilleur et le plus équitable des compromis, étant d’ailleurs peut-être la pratique de l’union libre ou de l’amour libre, libérateur et libéré, naturel comme de l’eau pure d’une fontaine de jouvence et des fruits frais ! À bas les singeries du mariage bourgeois ! [Note rajoutée par les héritiers de Pierre de La Crau : « sauf pour les homosexuels évidemment ! »]
N.B. Du moment que l’on prend bien soin de l’éducation des enfants nés de telles unions. Cela va de soi ! (Nous y reviendrons).
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LES NOCES TRAGIQUES DE LA MALHEUREUSE FERB.
(Tochmarc Ferbae.)
Nous avons de cette légende deux récits différents. Un, la version longue, figurant dans le livre de Leinster (lebar na Nuachongbala) un recueil de manuscrits du douzième siècle, l’autre, une version plus courte, figurant dans le manuscrit Egerton 1782.
Comme il manque hélas le début de la version longue du livre du Leinster, nous commencerons par la (ré) inventer à partir des éléments connus par ailleurs. Tout en précisant bien une chose. Comme le résultat de nos études est que le personnage de Gerg figurant dans cette légende irlandaise correspond certainement au dénommé Gargant des traditions, disons plus orientales par rapport à l’Irlande, en tout cas plus connu, nous l’appellerons donc systématiquement ainsi dans notre version de la légende. Qui est essentiellement tirée d’Augusta Gregory. Et d’Ernest Windisch (même si nos 4 ans d’Allemand à Augustodunum sont loin).
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La grande rivale de Cunocavaros/Conchobar, la reine Maeve, avait sept fils appelés Mané.
Mané Morgor le Très-Dévoué, Mané Semblable-à-Mère, Mané Semblable-à-Père, Mané le Rapide, Mané le Silencieux, Mané au Discours de Miel, et enfin Mané Au-Delà de Toute Description.
Mané Morgor avait un jour rencontré Ferb, la fille de Gargant, et les deux jeunes gens s’étaient promis l’un à l’autre.
Il invita trois fois cinquante hommes à se rendre avec lui aller demander la main de Ferb, la fille de Gargant, du fort d’Ini. Les deux premiers groupes…
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… avaient des chemises d’un blanc éclatant, avec des bandes pourpres descendant sur le côté, des boucliers d’or sur le dos, avec des bordures d’argent blanc, comportant diverses représentations, et des bordures de bronze blanc aussi acérées que des couteaux. De grandes épées à double tranchant avec des pommeaux d’argent à la ceinture, deux javelots mael ? dans la main de chacun d’entre eux, avec des rivets d’argent, et chaque javelot avait aussi deux douilles d’or pur. Mais ils ne portaient ni casques ni chaussures.
TEXTE DU MANUSCRIT FIGURANT DANS LE LIVRE DU LEINSTER (LEBAR NA NUACHONGBALA).
… Lenti bangela co n-esnadaib corcraib iar(na) toebaib impu. Sceith orbuide co m-bilib argit oengil for a munib, co feth(l)aib [7] condualaib 7 co n-imlib finddruini roaltnidib. Claidib debennacha mora co n-eltaib dét co n-imduirnib airgdidib for a cressaib. Da maelgai illaim cech fir dib co semmannaib argait. Bái dana torachta di orforloiscthi im cech n-gai dib. Ni bátar assai imma cossaib na celbair imma cennaib.
Quant à la troisième troupe, celle où se trouvait Mané lui-même, elle était composée ainsi : cinquante chevaux bais (dergdond) imposants et d’une taille extraordinaire, ainsi que cinquante chevaux blancs avec des oreilles rouges [allant par deux], leur queue était longue et comme leur crinière, de couleur pourpre. Chaque cheval avait un frein et deux rênes, une phalère en or rouge sur une rêne et une phalère en argent sur l’autre. Tous leurs mors étaient faits d’or et d’argent.
Sur l’encolure des chevaux était attaché un licol en or, auquel des clochettes avaient été fixées, et ces grelots, à mesure qu’ils bougeaient au gré des mouvements du cheval, tintaient ensemble en produisant une musique aussi douce que celle des cordes d’une harpe (de type rote) pincées par une main de maître. Chaque paire de chevaux était attelée à un char foduirn ? de bronze blanc, dont les arceaux étaient faits d’argent et d’or ; cinquante selles de pourpre, brodées de fils d’argent, étaient fixées sur le caisson de ces chariots : elles étaient attachées à l’aide d’anneaux d’or sur les bords extérieurs du char, des motifs merveilleux étaient brodés dessus.
Cinquante jeunes gens à la mine gracieuse se tenaient dans ces cinquante chars : parmi eux pas un qui ne soit fils de roi ou de reine, ou d’un héros ou d’un guerrier du Connaught. Ils étaient vêtus de cinquante manteaux de couleur pourpre, dont les ourlets avaient été décorés d’argent et d’or ; il y avait quatre boutons ? de bronze sur chacun des manteaux, et chacun était attaché par une agrafe
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d’or rouge pur (purifié au feu). Ils portaient des vêtements ajustés à leurs corps splendides, faits en soie, et dotés d’attaches d’or jaune rougeoyant.
Il y avait cinquante boucliers de guerre en argent sur leur dos, leurs bordures étaient en or et ils étaient ornés de toutes sortes d’escarboucles et de pierres précieuses de toutes les couleurs. Deux chandelles de guerrier ? (chaindill gaiscid) sortaient des lances à cinq pointes que chacun d’entre eux avait en main ; il y avait cinquante rivets de bronze blanc et d’or sur chacun de ces javelots. Si un boisseau d’or avait été dû par ces grands héros, rien que les rivets de sa lance auraient suffi à payer cette dette. Chacune de ces lances avait autour d’elle des douilles d’or pur passé au feu, et demeurait fixée dans une douille d’escarboucle, qui de la même façon que pour les lances, avaient été embellies par de nombreuses pierres précieuses de couleur. Elles brillaient dans la nuit comme les rayons du soleil. À leur ceinture étaient accrochées cinquante longues épées, les poignées de ces glaives étaient faites d’ivoire incrusté d’or et d’argent ; leurs fourreaux étaient en argent blanc. Dans leurs mains il y avait cinquante fouets de bronze blanc avec des crochets d’or dessus.
Vraiment beau et splendide était le jeune prince qu’ils accompagnaient ; ses joues étaient bien proportionnées, son allure ample et rayonnante. Ses cheveux étaient longs, bouclés, de couleur blonde, et lui tombaient sr les épaules. Ses yeux étaient fiers et lumineux, bleus et clairs comme du cristal. Ses joues étaient comme le sommet des collines boisées en mai, ou semblable aux digitales des montagnes. On aurait dit qu’une averse de perles était tombée dans sa bouche, et que ses lèvres étaient une double branche de corail. Son cou avait la blancheur de la neige fraîchement tombée dans la nuit, et tel était le reste de sa peau.
Sept chiens de chasse entouraient son char, attachés par des chaînes d’argent avec une pomme d’or sur chaque chaîne, et le tintement de ces pommes sur les chaînes faisait une plaisante musique. Les chiens qui étaient avec lui avaient toutes les couleurs possibles et imaginables. Sept sonneurs avec des cors de chasse en or et en argent, multicolores étaient les livrées qu’ils avaient sur eux, et blonde leur chevelure. Devant eux allaient trois druides avec des bandeaux ? d’argent sur leur tête ; leurs manteaux étaient multicolores ; leurs boucliers en bronze, et les bordures de leurs boucliers en laiton. Ils étaient accompagnés par trois sonneurs de harpe vêtus d’un manteau pourpre, chacun ayant l’air d’un roi.
Ils arrivèrent ainsi à Cruachan et firent trois fois le tour d’honneur de sa pelouse. Ensuite ils prirent congé de Maeve et d’Ailill et se mirent en route pour Fort Ini (Ratha Ini).
Vous avez vraiment fière allure comme ça pour commencer, s’exclama Bricriu, en les voyant partir de la sorte, mais serez-vous bientôt de retour ? ça je ne peux pas le dire.
Le voyage qui commence ici même résoudra cette énigme répondit Mané.
Je sais très bien, poursuivit Bricriu, que vous en aurez pour un jour de marche ; et que vous n’oserez pas passer une nuit à l’intérieur des limites du royaume de Cunocavaros/Conchobar pour y faire bombance.
Je t’en donne ma parole, répliqua Mané, que nous ne reviendrons pas à Cruachan avant d’avoir passé trois jours et trois nuits à faire la fête dans le château de Gargant. Ensuite il ne s’attarda plus à échanger de tels propos, mais il commença sa route et son voyage.
Quand le messager annonçant leur venue fut arrivé au château de Gargant, ils commencèrent à tout préparer pour la réception des invités au mariage. Les maisons furent jonchées de branches de bouleau dotées de belles feuilles vertes ainsi que d’une épaisse litière de joncs fraîchement coupés. Et Ferb dépêcha son amie et compagne de jeu Findchoem, fille d’Erg, pour qu’elle aille avec le messager pour observer l’arrivée du cortège ainsi que la manière dont ils étaient habillés aussi. Elle n’eut pas beaucoup à patienter pour cela. Et quand elle eut bien vu la compagnie qui arrivait en grand arroi et noté à quoi ils ressemblaient, elle fit diligence et revint avec des informations précises dans le solarium du château où se trouvait Ferb, puis lui raconta ceci.
J’ai vu, dit-elle, une armée venir vers ce château, et jamais depuis que Cunocavaros/Conchobar est monté sur le trône à Emain, n’est venue ni ne pourra venir, et ce jusqu’au jour du jugement dernier une troupe plus belle ou plus que celle qui débouche sur notre prairie. Il me semblait être dans une délicieuse pommeraie tellement était agréable le parfum qui émanait de leurs vêtements quand ils ondulaient dans la douce brise qui soufflait sur eux. Quant aux prouesses ou aux jeux du prince qui est parmi eux, jamais je n’en avais vu de semblables avant. Il jette son bâton à la distance d’un jet de lance devant lui, ses chiens bondissent très haut en l’air derrière le bâton, pour le prendre par en dessous, mais lui se penche également au-dessus pour l’avoir ; et le bâton ne touche pas terre en retombant, car tous ont eu le temps de l’attraper avant ???
Les gens du château de Gargant se pressèrent en si grand nombre devant l’entrée à mesure que le cortège approchait, que seize d’entre les spectateurs moururent étouffés en le regardant. Ils sautèrent hors des véhicules en arrivant devant les portes du château, les chars furent remisés, les chevaux
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dételés, ensuite ils pénétrèrent dans le château, on leur souhaita bien comme il faut la bienvenue et on leur prépara un bon bain. Ce bain leur fut donné dans la grande salle des gardes qui était à côté du palais ; et aussitôt après on leur servit les meilleurs morceaux de toutes les excellentes victuailles que l’on pouvait trouver à la surface de la Terre.
Mais, alors qu’ils étaient tous en train de bien profiter des plaisirs de ce festin, une violente bourrasque se leva ; puis ébranla la colline même où se dressait le château, et fit trembler la maison de bois où se trouvaient les invités ; de sorte que les boucliers tombèrent de leurs crochets, les épées de leur râtelier, les tables soulevées comme des feuilles dans une forêt de chêne. Les jeunes gens donc en furent stupéfaits. Gargant demanda au druide qui s’occupait de Mané ce que ce vent pouvait présager. Ollgaeth le druide de Mané lui répondit :
« À la vérité il me semble que ce n’est pas un bon présage pour ce que nous sommes venus faire ici à l’occasion de cette demande en mariage ce soir ! » répondit-il. « Cunocavaros/Conchobar va fondre sur vous, prenez garde à sa venue, à l’aube Maeve sera défaite en bataille rangée, tandis que vous tous autant que vous êtes dans cette maison vous mourrez ! ». Et sur ce il fit le magnifique poème suivant.
Un bruit fracassant causé par le vent, redoutable alarme !
Bith robedb ? (le monde tremble ?)
Indéniable est l’avertissement, l’homme triomphera !
Un javelot transpercera Gargant !
Le lancer du javelot de l’aurige transpercera les reins du roi
Un coup empoisonné ?
Du sang coulera des épaules des hommes.
Javelot contre javelot !
Les boucliers crieront sus les lourds coups portés
Par de belles mains blanches.
Les corps reposeront dans le lit de leur carn funéraire
Des hommes mourront.
Mort d’un fils de roi sous la lance d’un roi !
Il y aura des prouesses du tranchant
Un monument élevé sur des corps rigides
Truag in scel : Tragique histoire !
Bodua les anéantira, sauvage sera sa force,
Une brèche dans le pouvoir de Maeve
Morts en abondance, déroute de l’armée
Chargé de douleurs est le bruit du vent ce soir.
Si vous suivez mon conseil, ajouta le druide, cette nuit même vous quitterez ce château.
Mané devint fou de rage et il reprit avec colère le druide pour ce qu’il avait dit.
Il n’y a aucune raison, ajouta Gargant, d’avoir peur de lui, de celui contre lequel il nous a mis en garde, puisque Cunocavaros/Conchobar n’a rassemblé aucun héros ou guerrier ulate avec lui. Et même si vous n’étiez pas en mesure de vous défendre vous-mêmes, moi-même et mes deux fils nous livrerions bataille contre Cunocavaros/Conchobar ! Ils remirent à leur place les armes tombées par terre et n’accordèrent plus aucune attention à ce qu’avait dit le druide.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 51.
Gerg. Terme gaélique issu d’un vieux celtique Gargos. Ce Gargos/Gurgunt est sans aucun doute l’équivalent irlandais ou gallois du bon vieux Gargantua du Continent, vu ce qui suit.
Des boucliers comportant diverses représentations. Il s’agit-là peut-être des premières armoiries.
Anneaux. Nous traduisons ainsi le terme gaélique torachta.
Phalère. Nous traduisons ainsi le terme gaélique bolga qui doit sans doute désigner un ornement destiné aux chevaux.
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Fouet. Nous traduisons ainsi le terme gaélique echlasc, mais il s’agit en fait d’une sorte de bâton ou d’aiguillon, pas d’une lanière de cuir.
Bandeau. Nous traduisons ainsi le terme gaélique mindaib. Une sorte de diadème ou de couronne.
Bandeau ou cercle d’argent sur le front, manteau ou saie de toutes les couleurs (en tissus écossais dirait-on aujourd’hui) ! Comme on peut le voir encore une fois à cet exemple ; les très-sachants de l’Antiquité ou du haut Moyen-Âge ne s’habillaient nullement comme les charlatans qui prétendent aujourd’hui en être les héritiers secrets (ou par filiation un moment donné secrète, etc.). N.B. Et quant à aujourd’hui, ce qui va de soi pour les prêtresses, c’est le style « princesse celte ».
Bronze, laiton. Gaélique umaidib, credumai.
Bricriu. Exerce ses « talents » cette fois-ci au sein de la cour de la reine Maeve. Mais malgré tous ses efforts, il ne jouera pas dans la même cour que la déesse ou démone de la guerre Catubodua (Bodb). Tout ce qu’il est capable de faire, lui, c’est d’être une mauvaise langue et de provoquer une bagarre générale (dans la salle). La déesse ou démone de la guerre Catubodua, elle, c’est autre chose, elle pousse vraiment les hommes à s’entretuer. Elle fait tout pour qu’il y ait guerre, car elle s’en repaît ; bien qu’elle puisse avoir la beauté d’un ange (d’une fée) quand elle le veut, pour être plus convaincante.
Château de Gargant. Nous rendons ainsi l’expression gaélique Dunad Geirg. Geirg est un nom gaélique où l’on retrouve la racine gar/ger à la signification incertaine. Dans cette histoire il est visiblement associé à la notion d’abondance et de ripailles gigantesques. C’est un personnage assez mystérieux souvent associé par certains mythologues au Dagda irlandais ou au Suqellos continental.
Il passe pour être à l’origine de beaucoup de lieux-dits, par exemple la cité de Norwich dans l’est de l’Angleterre. C’est à tort cependant que certains auteurs français l’associent au Mont Gargano situé en Italie en Apulie (on y trouve le plus ancien lieu de culte d’Europe occidentale dédié à l’archange Michel). Les Celtes n’ont jamais occupé ni peuplé ce canton et une telle étymologie est donc impossible par définition. Les religieux qui s’étaient attelé à christianiser définitivement l’Europe de l’Ouest ont lutté contre cette survivance d’un autre temps et l’ont bien évidemment associé à Satan comme toujours (tout ce qui n’était pas eux était du Diable). Les bénédictins français du temps de Rabelais avaient même affublé les païens du sobriquet de Gargantuates, « la bande à Gargan » (le tout en latin d’Église bien entendu).
Solarium. Nous traduisons ainsi le terme gaélique grianan.
Jugement dernier. Nous rendons ainsi le terme gaélique bratha. Ainsi que nous l’avons déjà dit, la notion de « fin du monde », ou d’un cycle plus précisément, n’est pas spécifiquement chrétienne (ni spécifiquement musulmane), mais celle de jugement dernier, si !
Bodua. Très précisément Badb dans le texte en gaélique. C’est la déesse (ou démone) des combats (Catu Bodua en vieux celtique), une déesse (ou démone) de la guerre, une allégorie de tout ce qui pousse les êtres humains à s’entretuer. Une déesse Kâli celtique en quelque sorte. Nous y reviendrons bientôt.
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C’est alors que Cunocavaros/Conchobar, qui dormait cette nuit-là dans Emain, avec la reine Mugain Etachchaitrech, la fille d’Eochu Fedlech, allongée à ses côtés, vit une femme magnifique venir à lui qui était encore dans son lit. Son allure était celle d’une reine ; ses cheveux étaient blonds et ondulés, ils formaient une tresse enroulée comme un chignon sur sa tête. Sous sa fine robe de soie brillait sa belle peau blanche, elle portait un léger foulard de soie d’un vert éclatant autour du cou. Deux sandales de bronze blanc à bout arrondi protégeaient des aspérités du sol.
Que tout te soit bénédiction, ô Cunocavaros/Conchobar, lui dit-elle.
Dis-moi, répondit Cunocavaros/Conchobar, que signifie cette vision ?
Dans sept ans à partir d’aujourd’hui (de cette nuit) expliqua la dame, aura lieu l’expédition du bétail de Cualnge, le pays des Ulates sera dévasté, le [termagant ou taureau] brun de Cualnge sera pris, et le fils de l’homme qui accomplira ces exploits, Mané Morgor en personne, le fils d’Ailill et de Maeve, est
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venu ici pour célébrer ses noces avec Ferb, la fille de Gargant de la vallée de Garg ; le nombre de ses compagnons s’élève à trois fois cinquante hommes. Fais appel à trois fois cinquante des guerriers vouivres anguipèdes gigantesques (Fomorach en gaélique dans notre texte) pour contrebalancer leur force et la victoire t’appartiendra. Cunocavaros/Conchobar se réveilla d’un bond, il réveilla sa reine et lui raconta sa vision.
À la vérité, s’exclama la reine Mugain, n’y a-t-il pas déjà suffisamment de motifs de querelle entre nous et les hommes du Connaught ?
Néanmoins une chose est certaine, même si nous nous tenons à l’écart, l’expédition de pillage dont elle a parlé s’accomplira.
Demande conseil à Catubatuos/Cathbad, répondit Mugain, et le conseil qu’il t’aura donné, fais en sorte de le suivre.
Sur ce Cunocavaros/Conchbar parla donc à Caubatuos/Cathbad à ce propos, afin que ce dernier l’éclaire sur cette prophétie.
Élucide grâce à ton art, ô mon bon Catubatuos/Cathbad
Quel est ce trouble qui s’est emparé de mon esprit
Quelle est cette catastrophe qui m’attend
Ô Catubatuos/Cathbad, ô druide d’Emain.
Catubatuos/Cathbad lui répondit en lui récitant les premiers vers, du lai qui s’énonce comme suit.
O Cunocavaros/Conchobar des grands héros
Ô magnifique roi des Ulates
Beaucoup de héros vont tomber là
Tel est le sens de ta vision.
Cunocavaros/Conchobar :
Dis tout le mal qui en sortira
Montre la vérité de cette prophétie.
Parle franchement sans crainte
Aucun druide n’est ton égal.
Catubatuos/Cathbad :
Mané tombera lui qui n’avait jamais mérité de reproche
Le fils de Maeve de la plaine de Cruachan
Et à cause de cette sanglante tragédie
Trois fois cinquante de ses compagnons.
Aucune des troupes du beau Cruachan
Ne t’échappera ni ne reviendra
Ta gloire n’en sera que plus grande
Fais preuve de la plus grande prudence et ?
Tu reviendras sain et sauf, ô mon roi, conclut-il, triomphant, conquérant, et célèbre.
Il arriva aussi à ce moment-là que Cathach Catutchend la fille de Dimor, vint à Emain. C’était une sacrée guerrière ; mais elle était venue d’Espagne pour l’amour du Hésus Cuchulainn, et donc elle se joignit à Cunocavaros/Conchobar pour cette guerre. Se joignirent également à eux trois célébrités issues de la race des vouivres anguipèdes gigantesques (Fomorach en gaélique), et foblad barbadachta… renommés pour leur barbarie ? à savoir Siabarchend, fils de Suilremar, Berngal Tache de Rousseur, Buri au Cruel Discours. Vinrent également les retrouver Facen, fils de Dublongsech, qui était des tribus ayant jadis habité le pays d’Ulidia, Fabric à la dent venimeuse, qui était venu de la Grande Asie, et Foras, le parricide, qui demeurait dans l’île de Man
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 52.
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Une femme magnifique aux petits pieds délicats. Ainsi que nous avons eu l’occasion de le remarquer, il s’agit de déesse ou démone des combats Catu-Bodua. Ce passage de nos légendes montre donc qu’elle a deux visages et qu’elle peut aussi apparaître sous les traits les plus séduisants pour être plus convaincante. Ce double visage de notre grande déesse est d’ailleurs bien connu. « Ah dieu que la guerre est jolie ! » est une expression connue des artistes des poètes ou des producteurs de film (en général pour en prendre le contre-pied il est vrai).
Termagant. Précisons tout de suite afin d’éviter toute équivoque que notre texte ne précise pas de quel animal il s’agit, et ne parle que du brun de Cualnge. On ne saura que plus tard de quoi il s’agit : un taureau magique ou surnaturel, autrement dit un termagant. Termagant est un adjectif archaïque signifiant au départ quelque chose comme puissant, fort, violent, agressif, combatif. Au Moyen-âge cet adjectif était couramment attribué à un dieu païen. Ou musulman (difficile d’être plus ignorant du véritable islam, cette dernière religion porte en elle-même assez d’éléments négatifs ou dangereux pour ne pas lui en inventer d’autres).
Dans les célèbres contes de Canterbury de Geoffrey Chaucer, et plus précisément dans l’histoire de Sire Thopas, un chevalier géant appelé Sire Oliphant est également censé prêter serment sur Termagant.
Dans le roman du XVe siècle intitulé « Sire Guy de Warwick », où il est question d’une vache brune géante justement, un sultan est par exemple censé jurer ainsi :
Que me vienne en aide Mahoume le puissant
Et Termagant, mon dieu si éclatant.
D’agressif et de combatif cet adjectif, par glissement de sens, a fini par désigner une femme acariâtre, par exemple du temps de Shakespeare dont le Henri IV fait référence à un Termagant écossais.
N.B. Mes correspondants parisiens me font remarquer que l’on trouve également la même chose dans la chanson de Roland où Termagant forme avec Abellio et Mahomet (sic) une sorte de trinité impie (une triade ?)
Fomorach. Sur les Fomores voir nos contre-lais précédents. Notons cependant que ces redoutables vouivres anguipèdes gigantesques, visiblement aux ordres de la déesse ou démone des combats, Catubodua, du moins dans cette histoire, composeront la quasi-totalité des troupes de Cunocavaros/Conchobar, et cela fera donc de ce raid sanglant une opération pas très naturelle digne des pires manipulations de l’opinion publique destinées à entraîner un pays dans la guerre (rôle de la Kâli celtodruidique qu’était Catubodua si nous comprenons bien).
Afin que ce dernier l’éclaire sur cette prophétie. En fait de prophétie ainsi que nous le verrons le druide va se contenter d’expliquer à Cunocavaros/Conchobar le sens de son rêve. C’était là, semble-t-il, une des importantes activités des druides antiques : expliquer les rêves, trouver le sens caché des rêves. L’École druidique de Grand dans les Vosges (Haute Germanie Ier siècle) semble avoir été très connue pour cela puisque ses séances d’incubation furent suivies par au moins deux empereurs romains, Caracalla et Constantin.
« Personne pas même les dieux ne donna au malheureux Antoninus une réponse qui aurait pu le conduire à soigner avec succès son corps et son esprit [psyché dans le texte grec] ; bien qu’il ait rendu hommage aux plus éminents d’entre eux. Ce qui montra clairement qu’ils prenaient en considération, non pas ses offrandes votives ou ses sacrifices, mais seulement ses pensées ainsi que ses actions. Il ne reçut aucune aide d’Apollon Grannus, ni d’Esculape, ni de Sérapis, en dépit de ses supplications et de son inusable insistance. Car, même étant à l’étranger, il leur adressait des prières, des sacrifices et des offrandes votives, et de nombreux émissaires couraient un peu partout chaque jour pour leur faire parvenir des présents de la sorte ; il alla même les voir lui-même, dans l’espoir de les faire fléchir en apparaissant personnellement, et fit tout ce que les dévots ont l’habitude de faire ; mais il n’obtint jamais rien qui contribua vraiment à lui rendre la santé » (Dion Cassius. Histoire de Rome. Livre LXXVIII, chapitre XV).
Ce qui correspondrait aujourd’hui à une des branches de la médecine contemporaine, la psychanalyse jungienne. Nous conseillons néanmoins fermement à nos lecteurs non avertis de laisser cette responsabilité (la psychanalyse) aux professionnels spécialisés dans la matière aujourd’hui.
Catastrophe. Nous traduisons ainsi le terme gaélique hurbaid.
Prophétie. Nous traduisons ainsi le terme gaélique Fastine. Du vieux celtique vatis : le vate.
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Il s’agit bien entendu d’une prophétie après coup comme il en existe tant également dans la Bible et dans le Coran. Voir par exemple la célèbre prophétie sur la victoire des Byzantins figurant dans le chapitre 30 versets 1 à 6. A.L.M. « Les Romains ont été vaincus dans le pays voisin, mais après leur défaite ils seront vainqueurs dans quelques années ». Il s’agit là bien entendu d’une prophétie post eventum (euphémisme pour désigner une fausse prophétie faite après coup). Le prouve d’ailleurs les trois lettres arabes Alif Lam Mim en tête de ce chapitre, qui indiquent clairement que ce texte a d’abord été copié avant de faire partie d’un ensemble plus vaste regroupant des documents similaires, classés dans un certain ordre à l’aide des diverses lettres de l’alphabet arabe. Ce qui n’a rien à voir donc avec la légende d’un Coran immuable n’ayant subi aucune des altérations ou modifications affectant généralement ce genre de document (suppressions, interpolations ou ajouts, dislocation et démembrement de chapitres entiers – sourates – suivis d’une réinsertion ailleurs de certains de ses fragments, etc.) et implique au contraire que ce saint Coran a été « composé » ou écrit par des êtres humains.
Et notre angoissante interrogation à nous dans ce cas s’avère être la suivante : « quel est le degré d’intelligence de l’être humain (en l’occurrence le musulman) convaincu d’être vraiment là en présence d’une authentique prophétie, au sens plein et habituel du terme ?
Réponse : « il est évident dans ce cas que foi et raison sont des ensembles qui ne se recoupent en aucune façon ! Il est évident dans ce cas que foi et raison sont des aptitudes mentales bien distinctes. Il est évident dans ce cas que la foi n’est pas la raison, n’a rien à voir avec la raison, s’oppose à la raison ! »
En l’occurrence d’ailleurs le druide ne fait qu’expliquer au roi le sens de son rêve. Sur l’étude des rêves et les problèmes théoriques que soulève la possibilité de connaître l’avenir, voir contre-lai N°44.
N.B. Il n’y a véritablement fausse prophétie que quand l’on soutient absolument qu’il s’agit d’un fait, précis, sans équivoque possible, annoncé réellement et de façon plus ou moins publique à l’avance, que nul ne pouvait raisonnablement prévoir. Dans une œuvre de fiction, ou une légende que l’on n’attribue en aucune façon directement à un dieu ni à un de ses intermédiaires agréés, le tout sans déformation aucune dans la transmission du message ; alors il ne s’agit pas d’une escroquerie intellectuelle bien entendu, mais simplement d’un procédé littéraire bien innocent.
Venue d’Espagne. Dans nos textes cette mention géographique farfelue est en général synonyme d’autre monde. Disons-le tout net, nous avons bien l’impression que cette mystérieuse démone ou fée guerrière n’est jamais que la mystérieuse créature ayant visité en songe le roi des Ulates Cunocavaros/Conchobar : la Catubodua ou Corneille des combats. Son nom est d’ailleurs transparent : Cathach Catutchenn = Caturaqa Catuqenda.
Race. Nous traduisons ainsi le terme gaélique finib, vieux celtique veni-, qui signifie plus généralement un groupe de personnes d’une même origine.
Siabarchend. Le nom de Siabarcha est aussi transparent, et signifie quelque chose comme « tête – chend – de fantôme – siabar- ». Sur les siabra voir contre-lai N°13.
Les tribus ayant jadis habité le pays d’Ulidia. Des Pretani ou Cruthin ? Des Erainn ou Fir Bolg ??? des Laginiens du Leinster ? Sur le vrai peuplement de l’Irlande antique, voir O’Rahilly, car le Livre des Conquêtes est une forgerie de toutes pièces. À moins bien entendu qu’il ne s’agisse des premiers occupants mythiques du pays, les vouivres anguipèdes gigantesques appelées Fomorach en Gaélique (Andernas sur le Continent). Semble l’indiquer le fait que le début du nom de Dublongsech est bien évidemment le radical vieux celtique signifiant « noir » : dub.
Bref, à l’exception de Cunocavaros/Conchobar, de son cocher ainsi que de son très-sachant, il s’agit d’une troupe entièrement composée de créatures de l’autre monde, comme le montrera la suite du récit. À tel point que l’on peut même se demander ce que Cunocavaros/Conchobar peut bien y faire ! Ce qui est clair en tout cas, c’est le rôle de la mystérieuse femme de l’autre monde dans tout ceci : elle pousse à s’entretuer. Mais enfin n’est-ce pas là le rôle même de toute déesse-ou-démone de la guerre ? C’est donc une allégorie de la guerre et des instincts guerriers très réussie, soigneusement élaborée par les druides et bien illustrée par les bardes irlandais.
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Et Cunocavaros/Conchobar se mit en route, trois fois cinquante guerriers accompagnant les chefs de guerre qui étaient avec lui, par contre il ne prit aucun Ulate avec lui, à part lui-même bien entendu, Brod son cocher, ainsi que le druide Imrinn, qui était le fils de Catubatuos/Cathbad. Et aucun de ces guerriers n’avait de valet d’armes avec lui, il n’y avait que le valet d’armes de Cunocavaros/Conchobar, mais ils avaient leur bouclier sur l’épaule, leurs javelots d’un bleu éclatant à la main, et leurs lourdes épées qui frappaient fort à la ceinture. Et ils n’étaient nullement à dédaigner à
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cause de leur (petit) nombre tant était grande la fierté de leur esprit (menman). Quand ils furent arrivés assez près du château de Gargant pour qu’il soit en vue, ils aperçurent un immense et lourd nuage qui recouvrait le château [comme une poule couvant un œuf]. Un des bords de ce nuage était noir comme de charbon, le milieu était rouge, et l’autre extrémité de couleur verte (ou bleue).
Sur quoi Cunocavaros/Conchobar demanda donc au druide Imrinn.
Dis-moi, O Imrin, ce que présage cette nuée que nous voyons immobilisée au-dessus du château.
Assurément, répondit alors Iminn, cela signifie une longue nuit de combat et de mort ce soir.
Ensuite il déclama la rhétorique suivante.
Sombres nuées empoisonnées
Vertes ? erchad
Lame à double tranchant rouge
Partout les ravages de la mort !
Les vêtements taillés en pièces ?
Les mains démembrées
Les corps taillés en pièces
Les cous dénudés
Dans le château de Gargant
Depuis la meurtrière neuvième heure
Jusqu’à celle de midi !
Celui qui goûte à la tombe creusée dans la terre ????
Est un jeune homme victime d’une sombre mort ???
Cunocavaros/Conchobar poursuivit et se rapprocha du château.
Il y avait dans le château une cuve d’airain qui sera connue plus tard sous le nom d’Olguala et qui était remplie de vin. Un vase à boisson en argent blanc poli échappa des mains de l’échanson et tomba dans cette cuve. Trois ondes (concentriques) s’y formèrent et firent déborder la cuve. Le druide Ollgath dit alors :
Malheur… brod in airigid ? la coupe.
Il n’y aura pas longtemps avant qu’elle ne soit aux mains des étrangers
Car il y aura des troupes grièvement blessées
Des guerriers seront abattus
Des maisons détruites
Emain ????
Des combats singuliers s’imposeront
Jour et nuit
Entre les troupes de Gargant et celles de Cunocavaros/Conchobar
Dans cette maison même cette nuit
Malheureux est le fils qu’une mère a porté
Aujourd’hui dans cette maison ce soir.
Cunocavaros/Conchobar se présenta donc à la porte, et ses guerriers venus d’un autre monde, comme ils en ont coutume, poussèrent leur cri de guerre ? tout autour du château.
Gargant se leva aussitôt, et avec lui ses deux fils, à savoir Conn le Tributaire ? et Cobthach à la Peau Blanche ? et ils se saisirent de leurs armes. Gurgunt dit à Mané : « Laissez-nous, Ulates, décider nous-mêmes de cette affaire, afin que vous puissiez voir ainsi quel est le plus vaillant d’entre nous. Ta protection est une question d’honneur pour nous tous et il ne t’arrivera donc rien, dussions-nous tomber tous ensemble ici avant. S’il devait s’avérer néanmoins que c’est pour nous que la mort est venue ici ce soir, alors tu seras maître des lieux si tu en es capable ! »
Gargant et ses deux fils sortirent, et ses hommes avec lui. Ils prirent leurs dispositions pour défendre le château et après cela pour affronter Cunocavaros/Conchobar : pendant longtemps ils réussirent à ne laisser passer personne. À un moment donné Gargant sortit pour aller rencontrer le premier de ceux qui se pressaient devant le seuil et alors tous s’efforcèrent de couper notre héros de sa
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forteresse, dans toutes les directions et de tous côtés des coups d’épée, de taille et d’estoc, s’abattirent sur lui alors qu’il se tenait debout à l’extérieur du château.
Lors de cet assaut cinq des vouivres anguipèdes gigantesques (Fomores) tombèrent sous les coups de Gargant In drui.i. Imrind mac Cathbad ainsi que le druide Imrinn qui était le fils de Catubatuos/Cathbad. Gargant lui détacha la tête des épaules, la prit avec lui et se replia vers la porte. Alors Cathach Catutchend s’interposa entre Gargant et la porte, et livra contre lui un âpre et ardent combat. Mais Gargant lui trancha la tête, et la ramena dans la maison où se trouvait Mané, bien qu’ayant été lui-même gravement blessé. Puis il la jeta devant lui, s’assit sur une banquette en soupirant douloureusement, et demanda qu’on lui apporte à boire.
Mais Cunocavaros/Conchobar parvint ensuite avec ses hommes aux abords de la palissade. Ils mirent leurs boucliers tenus à la main gauche au-dessus de la tête (ils firent la tortue) et de leurs mains droites ils abattirent ladite palissade, la franchirent, et se retrouvèrent à l’intérieur du château ; ils eurent ainsi un bon moyen d’entrer pour eux après avoir brisé de la sorte la protection défensive qui l’entourait.
Là-dessus Brod (le valet d’armes de Cunocavaros/Conchobar), lança un des deux javelots qu’il avait en main, cette lance vola au travers de la maison et traversa le bouclier qui protégeait la poitrine du roi Gargant puis ses chairs, en faisant un angle droit par rapport à son corps après lui avoir transpercé le cœur ; elle passa aussi au travers d’Airidech, le valet d’armes de Gargant, de sorte que tous deux tombèrent raides-morts.
Cunocavaros/Conchobar se retourna ensuite contre les troupes de Gargant dans tout le château de sorte que trente combattants de la maisonnée de Gargant tombèrent de sa seule main, en plus de ceux qui succombèrent sous les coups de ses hommes. Et beaucoup d’autres personnes tombèrent aussi devant eux.
Alors se leva Nuagel, la fille d’Erg, la femme de Gargant, elle poussa ses trois cris plus amers cris de douleur et prit la tête de son homme sur ses genoux.
Assurément, sanglota-t-elle, c’est vraiment un exploit, dois-je reconnaître, que ce fait d’armes que vient de réussir là l’écuyer nommé Brod : avoir tué Gargant dans son propre palais. Beaucoup de gens, ajouta-t-elle, vont te pleurer ; et bien que ce soit en fait à cause de l’amour de ta fille que tu es tombé, nombreuses étaient les jeunes filles à qui tu étais cher. Elle témoigna de tout ceci à haute et intelligible voix et commença de la sorte son lai funèbre :
Gargant est celui qui gît en ce lieu
Bien que ce soit en fait à cause de sa fille
À cause de sa faute à elle, qu’il soit ici
Le magnifique, frappé à mort dans cette bataille.
Grande était la guerre qu’avait entreprise Gargant
Un guerrier (dynamique) comme un jeune, blanc, rouge pour ce qui est des armes
Un homme noble, magnifique, viril,
Expert, beau, et ardergna (modeste ?)
Où est le héros qui serait meilleur que Gargant
Quelle est la bruyère (?) qui ne bouillirait pas de colère ?
Quelle est l’armée qui ne pleurerait pas ta mort ?
Qui n’éclaterait pas en sanglots constamment à ton sujet ?
Quelle douleur pour moi de te voir sur ton lit de mort,
Ô mon beau Gargant aux magnifiques cheveux,
Ô fidèle ami de nous tous,
Quelle tristesse pour moi que tu sois mort.
Avant nous deux dans la vallée de Gargant,
Du côté de Loch Ane ainsi que d’Irard
Et des sources qui jaillissent dans les terres du sud,
Nombreuses étaient les femmes qui te chérissaient.
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Tu étais l’ami de chaque cléir ?
Chacun obéissait à ta volonté ;
Chère à chacun était ton amicale parole ;
Il est certain que tu étais de bon conseil.
Grands étaient tes jugements
Majestueuses tes assemblées
Tu étais un roi souverain généreux ? ( pour ses vassaux ?)
Tu étais sanglant dans la vraie guerre.
Ta demeure était grande et bien connue,
Mais alors est survenue cette plaie ;
Qui t’a tuée : à la place du roi
Bien que cela ait eu lieu, cela demeure un scandale !
Brod t’a tué, mais il ne lui est rien arrivé ?
De sorte qu’après t’avoir traversé il a aussi transpercé Airidech
Toi et ton serviteur alors
Êtes tombés en même temps.
Grand fut le fait d’armes du domestique, mais aussi une vraie malédiction
Ce que Brod a ainsi accompli est un forfait
Tuer un roi (des rois ?), mais avant son heure.
Il nous a tous tués avec lui.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 53.
Bleu. En fait le terme gaélique ainsi rendu (glas, vieux celtique glaston/glasson) peut également signifier vert, les anciens Celtes n’ayant qu’un seul et même mot pour désigner ces deux teintes, qui pour eux n’étaient que les nuances d’une même couleur. Les groupes néo-druidiques d’aujourd’hui, qui manifestent certaines spécialisations fonctionnelles de leurs membres en recourant à une telle distinction de couleurs (bleu/vert) sans renoncer à cet usage qui est bien pratique, devraient en être conscients et le dire.
N.B. Ils devraient pareillement renoncer à l’usage du mot vate précédé d’un o (ovate) qui n’est pas justifié par l’étymologie et qui prouve simplement le caractère très artificiel (des intellectuels du 17e siècle férus de grec et de latin) de leurs fondements, qui n’ont rien à voir avec une authentique transmission (même secrète) ininterrompue au cours des siècles : il s’agit d’une recréation avec les moyens du bord de l’époque. Avoir l’honnêteté de le reconnaître ne pourrait que les grandir et leur conférer plus de sérieux.
Ce que présage cette nuée. Sur la chaomancie voir contre-lai N°45. La chaomancie en tant que moyen de divination ou moyen de lire dans l’avenir des hommes faisait incontestablement partie des prétentions druidiques antiques. Nous conseillons fortement à nos lecteurs d’aujourd’hui de voir cette chaomancie comme un bon moyen de savoir ce qui va se passer au point de vue météorologique dans les heures ou les jours à venir. En ce sens, mais en ce sens seulement la chaomancie des druides antiques garde toute sa valeur. Il s’agit alors bien d’une science prédictive, mais du temps qu’il va faire.
Rhétorique. En gaélique désigne un chant ou une rhapsodie non rimée (généralement obscure) incluse dans un récit, souvent signalée en marge par la lettre R. Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, cela prouve la pérennité, mais aussi l’évolution de la tradition de toutes ces légendes, leur texte en prose n’étant souvent qu’une paraphrase en une langue plus récente, plus moderne, de ces poèmes (qui ne commençaient à ne plus être compris, même par des Irlandais). Nous avons le même phénomène au Pays de Galles avec les englynion. L’englyn est un fragment poétique très ancien noyé à l’intérieur d’un texte ou d’un ensemble de textes postérieur de plusieurs centaines d’années. Ces strophes ont été maintenues alors que le texte qui les reliait se modifiait au gré des modes et des circonstances ou des nécessités du récit, voire de l’ambition du conteur.
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Du vin. Eh oui, les Celtes ont connu eux aussi le vin, ils ne buvaient pas que de la bière. Lucia Wick (dans sa thèse de 2007) pense par exemple que la vigne était déjà cultivée en Suisse vers – 600 avant notre ère (datation au carbone 14). Mais il est vrai ce dernier en fait était réservé à une élite contrairement à la bière qui était plus commune. Pour ce qui est de notre chère Irlande, l’importation de vin en provenance de Bordgal (Bordeaux) y est attestée très tôt, avec celle de l’huile et peut-être aussi du blé, notamment dans le sud du pays avec les Corcu Loegde qui habitaient l’ouest de l’actuel Cork.
Aujourd’hui dans cette maison ce soir. Là visiblement le druide ne se contente pas de commenter ou d’analyser un rêve, il se fonde sur un présage pour en déduire l’avenir. Nous y reviendrons. En attendant, voir nos contre-lais précédents.
Venus d’un autre monde. Nous traduisons ainsi le terme gaélique allmaraig.
Cobthach. Nous ne comprenons pas pourquoi A. H. Leahy s’est obstiné tout au long de son texte à lui à transcrire le nom de Cobthach avec un h après le b au lieu du t, alors que le texte gaélique porte bien la graphie Cobthach.
Le druide Imrinn qui était fils de Catubatuos/Cathbad. Cette archaïque précision, au détour d’une phrase en gaélique, nous montre deux choses puisque Catubatuos/Cathbad était lui-même druide.
1° Les druides pouvaient avoir, le plus ouvertement du monde, des enfants. Ils n’étaient donc nullement astreints au célibat (même si consacrer toute son énergie en s’abstenant d’éventuelles relations sexuelles n’est pas une idée ridicule, cela peut se concevoir).
2° Certains druides pouvaient participer aux combats. Reste à savoir comment exactement. Il y a en effet toutes sortes de façons de participer à des combats.
Jeanne d’Arc en pratiquait une qui consistait surtout à galvaniser ses troupes. Et cette toute jeune et courageuse fille y a longtemps réussi, au point de forcer le respect de soudards endurcis comme Gilles de Rais (l’ancêtre breton de Barbe Bleue).
Les moines gallois de Bangor au VIIe siècle en pratiquaient une autre.
S’étant rassemblés sur une colline à l’occasion du siège de Chester par le roi saxon Ethelfrid vers l’an 610, ils furent tous massacrés par ce dernier qui s’était exclamé, informé de la situation, à savoir qu’ils priaient pour le salut de leurs soldats : « puisqu’il en est ainsi, ce sont des ennemis aussi dangereux que s’ils étaient armés de lances et d’épées, par conséquent, anéantissez-les ! » Du moins à en croire Walter Scott (il est vrai que quand les dieux s’en mêlent, et vous abandonnent…).
Soyons donc clairs : les druides antiques se sentaient parfaitement le droit et même sans doute considéraient comme un devoir d’apporter le réconfort moral et spirituel qu’ils pouvaient à leurs compatriotes en armes, exactement comme les aumôniers dans les armées d’aujourd’hui. Avec cet avantage moral sur les chrétiens qu’eux n’avaient jamais prôné le pacifisme absolu (tendre l’autre joue) et qu’ils avaient toujours accepté la légitime défense voire la possibilité dans certains cas de guerres « justes », sans pour autant tomber à ce sujet dans l’hypocrisie actuelle (voir la guerre menée en Libye par l’OTAN et le chef de l’État français en 2011, afin de mettre en place une République islamique fondée sur la charia ou le chaos, on se demande bien pourquoi).
Certains d’entre eux ont même dû participer personnellement et activement à la résistance patriotique contre des forces d’occupation (voir le cas du résistant qualifié de gutuatre par César et les prophéties druidiques ayant salué le début de l’action du druide boïen appelé Mariccus en l’an 68).
« Des rumeurs également fausses circulaient à propos de la (Grande) Bretagne. L’incendie du Capitole leur avait surtout fait croire que la fin de l’Empire romain était proche. Les Celtes du Continent, rappelaient-ils, avaient jadis pris la Cité, mais, comme la demeure de Jupiter était restée intacte, l’Empire avait survécu ; néanmoins les druides déclaraient alors, avec toutes les allures prophétiques de leur vaine superstition, que cet incendie providentiel était le signe de la colère céleste, et présageait que l’empire universel allait passer entre les mains des nations transalpines » (Tacite. Histoires. Livre IV, chapitre LIV).
N.B. Tous ces vates ne se sont d’ailleurs trompés que de 400 ans.
« Parmi toutes ces aventures d’hommes illustres, on éprouvera quelque honte à relater comment un certain Mariccus, un Boïen de basse extraction, prétendant être inspiré par les dieux, tenta de s’immiscer dans le jeu de la Fortune, et de défier Rome par les armes. Se décernant lui-même les titres de champion de la Celtique et de dieu (car il assumait cette appellation), il avait déjà réuni huit
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mille hommes, et prenait possession des villages voisins des Éduens, quand cette formidable tribu-état le fit attaquer par les meilleurs de ses jeunes gens, épaulés par des cohortes de Vitellius, et dispersa cette foule de fanatiques. Mariccus fut capturé dans cet engagement, et fut vite jeté aux bêtes après, mais comme il n’avait pas été d’emblée mis en pièces par elles, il fut un moment considéré comme invulnérable par la foule des insensés, jusqu’à ce qu’il soit exécuté en présence de Vitellius » (Tacite. Histoires. Livre II, chapitre LXI).
Ce point particulier de la déontologie de la vocation druidique est donc l’ultime écho d’un état très archaïque de la société, à la différence du flamen latin voire même du brahmane indien. Nous y reviendrons, car il va de soi que, sans être des pacifistes à tout prix, les très sachant de la druidiaction antiques étaient néanmoins… pacifiques, et cherchaient à prévenir les conflits voire à les apaiser.
N.B. Et il va de soi également qu’il ne s’agissait pas d’une caste héréditaire, car ils n’hésitaient certainement pas non plus à dispenser gratuitement leur enseignement aux jeunes gens du peuple dont ils avaient l’occasion de remarquer les dons et les aptitudes. Mais voilà, comme les études duraient longtemps (un peu comme aujourd’hui d’ailleurs, une vingtaine d’années, de la maternelle à l’université, de trois ou quatre ans à vingt-cinq ans) et coûtaient cher, ne serait-ce qu’en privant la famille d’une paire de bras bien utiles à la maison, il était plus facile à un fils de druide ou de roi de devenir druide lui-même (même phénomène dans la France d’aujourd’hui malgré son pseudo idéal républicain, avec les enseignants ou les enfants de cadres supérieurs).
Mais Gargant lui trancha la tête, et la ramena dans la maison. Il va de soi que les dieux étant par définition immortels ou à tout le moins ayant une durée d’existence incomparablement supérieure à la nôtre (toutes les religions authentiquement païennes sont d’accord là-dessus), il ne peut s’agir là que d’un procédé littéraire destiné à souligner la valeur de Gargant qui se bat comme s’il s’agissait du célèbre combat des trente en 1351. À moins bien entendu qu’il ne s’agisse là encore d’une malheureuse confusion plus ou moins volontaire du moine copiste chrétien ayant couché par écrit toute cette littérature jusque là orale (des contes destinés aux veillées le soir au coin du feu, pour distraire petits et grands).
De toute façon il y a beaucoup de choses pas très claires dans cette histoire qui m’a tout l’air d’avoir été l’objet, comme le Coran, de pas mal de manipulations d’ajouts de suppressions ou de remaniements.
Ce qui est sûr en tout cas et on peut le dire ; c’est que, en tant que symbole ou allégorie de tout ce qui en l’homme peut l’inciter à s’en prendre à ses frères, y compris de façon inhumaine, pire qu’une bête, Cathach Catutchend, autrement dit Catubodua, la reine des combats (puisque chenn signifie chef en gaélique) n’est pas près de disparaître. Elle peut mentir et manipuler les gens aussi bien qu’un journaliste ou qu’un politicien d’aujourd’hui ! Tant qu’il y aura des hommes hélas, elle vivra donc, tapie au fond de leur esprit, prête à resurgir, comme une bête immonde, mais qui sait se rendre séduisante.
Ses hommes. Nous traduisons ainsi le terme gaélique muntir, vieux celtique manutera, qui signifie quelque chose comme groupe, troupe, maisonnée.
Le valet d’armes de Cunocavaros/Conchobar. Le terme gaélique utilisé est « gilla ». Une glose interpolée en cet endroit du manuscrit par le moine copiste évidemment.
À cause de sa fille. On se perd en conjectures sur le pourquoi d’une telle misogynie ??? Le récit qui précède a des prémisses qui ne conduisent pas vraiment à cette conclusion. S’agit-il du résultat d’un remaniement opéré par des chrétiens ? Il est certain en effet, premièrement que le récit a été retouché, deuxièmement que la malheureuse Ferb n’est pour rien dans cette affaire ; qui est surtout due à l’intervention de la déesse ou démone des combats, Catubodua ; dont la néfaste influence s’exerce encore de nos jours dans le monde politico-militaire actuel d’ailleurs, il suffit de regarder un peu ce que l’on appelle « les informations ». Combien de guerres menées pour un nid d’alouettes ? Pour un miroir aux alouettes me disent mes correspondants parisiens (c’est-à-dire qui auraient pu être évitées si tout le monde avait été de bonne foi). Oui décidément s’il est un dieu ou une déesse qui existe vraiment bien et plus que jamais, c’est le dieu ou la déesse de la guerre. Le dieu ou la déesse de la paix semble plus timide hélas !
Blanc. Vindos. Synonyme de beau en vieux celtique. Rien à voir avec un quelconque racialisme. Les druides antiques tout comme ceux d’aujourd’hui d’ailleurs sont non-racialistes (nous appelons racialisme le fait d’être obsédé par les questions de race).
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Un homme noble, magnifique, etc. Il est vrai qu’il s’agit là d’un éloge funèbre, mais quand même ! La modestie n’était pas le principal défaut des Celtes laïcs et les très sachant devaient sans doute avoir fort à faire en ce domaine. Tout comme ceux d’aujourd’hui d’ailleurs. Notre civilisation ne sait plus ce qu’est la modestie (ardergna ?) et multiplie les égos surdimensionnés (surtout en politique) confondant la (légitime) fierté de ce que l’on a vraiment fait avec l’orgueil (excessif) ou hybris, du parvenu (qui surestime ses mérites personnels). Quelle époque !
Te chérissaient. Nous rendons ainsi le terme gaélique cardes.
Plaie. Nous traduisons ainsi le terme gaélique amles.
Vraie malédiction ? Nous rendons ainsi le terme gaélique cangess.
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Après que tout cela soit arrivé, les deux fils de Gargant, à savoir Cobthach à la Peau-Blanche ? et Conn le Tributaire ? s’efforcèrent de tenir le château, et mortel fut le combat livré par eux avant de céder le passage. La force du caractère de Mané était telle qu’il ne resta pas sans rien faire ni sans tenter de tirer vengeance des guerriers ulates, pour ce qui est de la mort de son beau-père. Il se leva prit son grand bouclier pour se couvrir, ses deux javelots pointus et lisses dans une main, ainsi que sa lourde épée qui frappait fort à la ceinture ; et trois fois cinquante de ses compagnons se levèrent avec lui. Les retenir n’aurait pas été une chose facile. La force d’esprit et de caractère (toilg menman 7 aicnid) de tous ces grands héros ainsi que leur fierté (ualli) débordaient tellement de leur cœur, qu’ils brûlaient de l’envie d’accomplir quelque exploit.
Majestueux, charmant, et à l’allure aimable, était le fils de roi qui marcha contre eux. Bien qu’aux yeux d’un homme plus âgé il eut semblé n’être qu’un enfant, il s’avéra être un guerrier d’une grande valeur. Il était fort aimable dans une salle des fêtes, mais dur dans les combats ; c’était alors un vrai serpent venimeux ; il était attentif à la force de ses adversaires ; il était l’âme des combats ; il rivalisait de prouesse avec ses ennemis ; il était généreux avec ses trésors ; il savait faire preuve de compassion avec les blessés ; il s’enflammait à la moindre insulte ; il était la force personnifiée ; ba tond bratha ar buirbe, il était comme un déferlement de justice sur l’ignorance brute ? il était vif comme un ? il était fort comme un chêne, il était à la pointe des combats et des batailles des trois provinces du Connaught, il était le chef de leurs assemblées, leur bras distributeur de trésors, et a sodomna rig le roi de leurs grands seigneurs ?
Il tenait pour déshonorant que n’importe qui au monde puisse venir avec pas plus d’hommes que lui et s’emparer de la maison où il se trouvait ; aussi lui et ses guerriers chassèrent-ils les vouivres anguipèdes gigantesques (Fomorchu) et les repoussèrent hors du palais. La main de Mané ne fut pas alors une main de lega ? (de médecin ?), car neuf d’entre ces vouivres anguipèdes gigantesques tombèrent sous son premier assaut. Alors se glissa aux premiers rangs le brigand de la Grande Asie appelé Fabric à la dent venimeuse, en personne ; et sur les rangs serrés des guerriers qui étaient devant lui s’abattirent coups, ravage, confusion, et mort ; personne ne put lui résister jusqu’à ce qu’il parvienne à l’endroit où était Mané.
Ensuite pour ces deux-là il y eut affrontement bouclier contre bouclier, et ils se battirent l’un contre l’autre en une lutte à mort qui se prolongea jusqu’au milieu de la nuit ; Fabric infligea trois blessures très graves à Mané, mais ce dernier parvint à lui couper la tête après qu’il eut été peu à peu épuisé par ce duel. Quant à Cunocavaros/Conchobar, il eut la puissance d’un véritable héros, car sous ses coups tombèrent trente des plus vaillants guerriers de la maisonnée (muntir) de Gargant, et avec eux le fils de Gargant, Conn le Tributaire lui-même. De chaque côté les troupes se ruèrent à l’attaque, au point qu’il sembla presque que leurs pieds s’étaient jetés dans la bataille eux aussi. Partout dans le château les guerriers avaient du sang jusqu’au genou, et partout dans la campagne environnante on entendit le bruit des targes ou des boucliers qui éclataient, le sifflement des lances à la lame d’un bleu éclatant, le fracas des épées solides et acérées, les crânes qui éclataient sous les coups, ainsi que les cris des guerriers qui étaient vaincus dans des duels plus durs que ce qu’ils pouvaient supporter.
Ensuite, après la mort du chef des vouivres anguipèdes gigantesques (Fomorach), Mané rencontra Facen, le fils de Dublongsech et ils s’affrontèrent pendant longtemps, mais Facen fut abattu à la fin de ce duel. Sous les coups de Cobthach à la Peau-Blanche qui était le fils de Gargant mourut également
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Siaburchend le fils de Slisremuir. Mais Mané ainsi que Cobthach furent forcés de se retirer à l’intérieur du palais royal après que leurs hommes de leur suite (muntire) eurent été défaits, mais ils tinrent ce palais bravement et virilement jusqu’au matin, aucun de ceux qui se battaient contre eux ne put y entrer.
À la fin de la nuit, la même mystérieuse femme qui avait prévenu Cunocavaros/Conchobar, poursuivit sa route et alla chez Maeve, qui dormait dans son lit à Cruachan Ai, et lui parla ainsi : « As-tu le don de voyance, ô Maeve, tu ne devrais pas dormir ! »
« Que s’est-il passé ? » demanda la reine.
C’est Cunocavaros/Conchobar, répondit la femme, il vient de remporter la victoire sur Mané qui va être tué de sa propre main. Lève-toi et tu le vengeras.
Ensuite elle lui récita les premiers vers du lai suivant :
O Maeve, pourquoi dors-tu ?
Sais-tu ce qui se passe pour toi ?
Si tu es douée de prophétie
Alors il serait temps pour toi de te lever.
Maeve lui répondit dans son sommeil.
Ô belle et blanche dame, éclatante de splendeur
Quelle est donc cette effrayante histoire que tu me racontes ?
Qui sont les ennemis qui sont venus là ?
Quel genre d’hommes est-ce ? Comment s’appellent-ils ?
Cunocavaros/Conchobar, la tête des grands héros
Empereur des Ulates tant de fois vainqueurs,
Retient si peu son ardeur et sa furie,
Qu’il va peut-être raser la vallée de Gargant cette nuit !
Où sont Gargant et Mané ?
Ne sont-ils pas ensemble ?
Si c’est le cas, il ne doit pas être facile de les anéantir
Pour les gladiateurs de la maison de Cunocavaros/Conchobar.
Bien que le moral de Mané soit élevé
À cause de l’excellence de sa forme
Il ne maîtrise pas (la situation) dans sa tête ?
En ce qui concerne l’expédition de cette nuit dans la vallée.
Si le grand Mané périt
Bid dith cethern, bid ar slog (lors périront aussi des bataillons entiers d’hommes armés),
La bravoure des grands héros sera décuplée
À Cruachan aussi bien qu’à Emain.
Lève-toi et venge ton fils,
Mobilise la province du Connaught.
Tu mettras en pièces sans merci maintes armées
Quand tu te réveilleras, ô, Maeve !
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 54.
La force du caractère de Mané. Nous traduisons ainsi le terme gaélique morbrig.
Qui frappait fort. Nous traduisons ainsi le mot gaélique tort-buillech. cf. l’Excalibur d’Arthur.
Fils de roi. Au sens strict du terme puisque Mané donc était le fils d’Ailill le souverain du Connaught.
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Salle des fêtes. Nous traduisons ainsi le terme gaélique curmthigi : maison à bière (curmi, voir vieux français corme) brasserie, restaurant, café. D’après mes correspondants parisiens Nata uimpi, curmi da signifie en celte « ma belle, sers-nous de la bière ! » La corme était une bière sans houblon, mais aromatisée à l’aide d’herbes comme le myrte le romarin et l’achillée millefeuille d’après Pline.
Rivalisait de prouesse. Nous traduisons ainsi l’expression gaélique comnart comergi.
Force personnifiée. Nous traduisons ainsi l’expression gaélique nertlia fergi.
De la Grande Asie ??? Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, ces contes et légendes ont été transmis longtemps oralement, et par conséquent ils ont subi l’influence des époques où ont vécu ceux qui les colportaient. L’auteur de cette modification du texte original, peut-être perdu d’ailleurs, a voulu dire par là qu’il venait de loin, d’un pays étrange et inconnu, barbare en quelque sorte.
Qui dormait dans son lit. Il s’agit donc encore d’un rêve, d’un cauchemar. On ne saurait mieux dire que c’est la déesse ou démone des combats, la Kâli celtique, Catu quelque chose (Catu Bodua ou Catupennos, Badb Catha ou Catutchenn), qui est derrière tout ça, qui provoque amplifie et fait durer cette guerre. Comme toujours. Sur les rêves et l’École druidique de Grand (Haute Germanie Ier siècle) voir contre-lais précédents.
Voir l’avenir. Nous traduisons ainsi le terme gaélique fastini, mis sans doute pour fatsini, où l’on retrouve le nom du médecin voyant guérisseur qu’est le vate (vieux celtique vatis). Et naturellement tout cela débouche sur de la rhétorique ou un englyn à la langue plus archaïque et difficile que la prose qui l’encadre pour paraphraser le tout.
Empereur. Nous traduisons ainsi le terme gaélique ard-ri. Mais en réalité Conchobar n’était ni l’un ni l’autre. Il n’était qu’un roi provincial.
Gladiateurs. Nous traduisons ainsi le terme gaélique lucht. cf. vieux celtique lucterios : lutteur, maître gladiateur.
Maîtrise. Nous traduisons ainsi le terme gaélique commus.
Vision. Gaélique Fis.
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Sur quoi Maeve s’éveilla, et réveilla aussi Ailill, elle lui parla de la vision qu’elle avait eue ; et la raconta même à ses gens.
Il n’y a rien de vrai dans tout cela, s’exclama Bricriu.
Mais quand Fiannamail, le fils de Fergus Forderg, le propre fils de l’intendant de Cruachan, entendit ces nouvelles, il n’attendit personne, mais partit aussitôt et avant même que Maeve soit prête, car Mané Morgor était son frère de lait (comalta) ; et la huitième place ? parmi les jeunes du Connaught appartenait à Fiannamail ? Maeve sélectionna sept cents hommes armés, les meilleurs que l’on pouvait alors trouver à Cruachan. Alors vint Domnall le Rouge à la Large Face ? le fils de Duban fils d’Ingamain ; c’était le meilleur guerrier armé d’un bouclier d’une épée ainsi que d’un javelot se trouvant dans la province du Connaught, et c’était aussi un frère de lait (adoptif ?) de Mané. Il partit sur les traces en Finnamail avant tous les autres ; il avait trente guerriers avec lui, et tous s’appelaient Domnall. Maeve suivait derrière avec ses hommes avec toute son armée.
Telle fut la vision de Maeve et la cause de la guerre qui fut livrée par elle.
Mais revenons maintenant au sort tragique de Mané. Il tint le palais jusqu’au lever du soleil, et agréable fut l’aube de ce jour-là, mais il n’y avait eu aucun repos agréable ou réparateur pour lui ou ses ennemis. Et quand les deux armées qui guerroyaient se découvrirent mutuellement à la lumière du jour, elles pensèrent de nouveau à s’affronter, chacune d’entre elles désirant alors en découdre avec l’autre, et Cunocavaros/Conchobar commença donc à presser son escorte (muntire) de reprendre le combat : « Si c’était des Ulates que j’avais eus avec moi » s’exclama-t-il « cette bataille
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n’aurait pas été menée de la manière dont elle l’a été par les vouivres anguipèdes gigantesques (Fomorchaib) ». La rage revint au ventre de tous ces anguipèdes géants (Fomorach) en entendant ces reproches, ils se ruèrent à l’assaut avec obstination et farouchement et ne s’arrêtèrent pas avant d’avoir franchi la porte du palais royal (rigthigi).
Le palais dans lequel ils avaient réussi à pénétrer ainsi était magnifique et très célèbre ; mais ba liach drocharadu furri malheurs et misères les y attendaient. Il y avait à l’intérieur cent tables d’argent blanc, trois cents de laiton (chredumu) et trois cents de bronze blanc (finddruini). Il y avait en outre trente vases décorés d’argent blanc d’Espagne sur les bords. Il y avait aussi deux cents cornes à boire serties d’or et d’argent, trente coupes en argent et trente en laiton ainsi que quarante ?? gagar ? Et au mur il y avait des banquettes recouvertes d’un beau drap de lin blanc où étaient brodés de merveilleux motifs.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 55.
Bricriu. Nous avons déjà rencontré ce peu sympathique personnage précédemment. Aucun de nos textes ne nous le montre jouissant d’un quelconque pouvoir surhumain, alors que c’est visiblement le cas pour Catu quelque chose (la mystérieuse dame blanche). Bricriu n’est donc qu’un simple être humain. Disons que c’est un suppôt de la mystérieuse dame blanche, déesse ou démone de la guerre intervenant dans ce récit, son relais sur terre en quelque sorte. C’est un type humain éternel certes, mais nullement un dieu ou démon. Rien qu’un suppôt de Catubodua.
Intendant. Nous traduisons ainsi le terme gaélique rechtaire : une sorte de chef du personnel.
Vision. Gaélique aislingi.
Ils s’appelaient tous Domnall. Il s’agissait donc de tout un clan, des membres d’un même clan, les Donnell (on ne peut s’empêcher de penser à une interpolation intéressée).
Quelques réflexions personnelles sur la guerre chez les Celtes maintenant.
« Cette race ou nation [grec phylon]… est folle de guerres, à la fois intrépide et prompte à la bataille, bien que par ailleurs simple et sans mauvaises manières : à la moindre provocation, ils accourent pour se battre… Cette capacité résulte pour une part de leur force physique, mais en partie aussi de leur nombre. À cause de ces traits de caractère que sont leur simplicité ainsi que leur franchise, ils se rassemblent en foule spontanément, parce qu’ils partagent toujours le sentiment d’humiliation de ceux de leurs voisins auxquels ils pensent que l’on a fait du tort. Maintenant, bien que ce soient tous des combattants par nature, ils sont meilleurs cavaliers que fantassins : la meilleure force de cavalerie qu’ont les Romains vient de chez eux (Strabon. Livre IV, chapitre IV)
Autrement dit tout dans le cœur, rien dans la tête ! On agit sous le coup de l’émotion, mais sans aucune réflexion. C’est le degré zéro de la tactique, ou de l’art militaire. Comme lorsque Geirg/Gargant demande à Mané de ne pas intervenir avec ses hommes pour soutenir sa contre-attaque. Si les soldats de Mané unis à ceux de Gargant s’en étaient pris ensemble et comme un seul homme, aux assiégeants menés par Cunocavaros/Conchobar, nul doute qu’ils auraient pu alors mettre l’agresseur en déroute. Mais voilà, pour un Celte l’affrontement général n’est souvent fait que d’une multiplication de combats singuliers ou de duels. Ah les duels pour l’honneur ! Voilà qui explique sans doute beaucoup des défaites celtiques ; de la furia francese comme on dit en Italie genre « tout est perdu fors l’honneur » (Crécy, Azincourt) à la bataille de Fontenoy (« Messieurs les Anglais tirez les premiers vous-mêmes ! » Mon Dieu quelle bêtise !) *
Autres citations à l’occasion de ce combat.
« J’irai à Paris ou je mangerai mes bottes ». Déclaration attribuée au duc de Cumberland, fils du roi Georges II et chef de la coalition anglo-hollandaise.
« Voyez ce qu’il en coûte à un bon cœur de remporter des victoires. Le sang de nos ennemis est toujours le sang des hommes. La vraie gloire est de l’épargner » – Louis XV à son fils Louis-Ferdinand.
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* Voir Voltaire, d’après Mackinnon, Daniel. Origine et services de la Coldstream Guards, Londres 1883, Vol.1, pp. 368, note 2.
En passant par celle de Culloden.
L’aventure du beau prince Charlie (Charles Édouard Stuart) avait pourtant bien commencé. Rien ne résistait aux hommes des clans des Hautes-Terres d’Écosse. Leur technique de combat ne variait pas. Ils poussaient des hurlements affreux, des cris de guerre sauvagement rugueux en brandissant des épées, des haches. S’abritant derrière leurs petits boucliers ronds venus du fond des âges, ils se ruaient sur les habits rouges qui s’enfuyaient aussitôt, épouvantés. Sous les murailles d’Édimbourg, la bataille de Prestonpans ne dura que dix minutes et le fantôme du général anglais sir John Cole court encore. En décembre 1745, Charles-Edouard s’empara même de Derby, ville située à deux cents kilomètres de Londres. Mais il y a eu après Culloden, près d’Inverness, le 16 avril 1746. Les Hanovriens comportaient un important contingent allemand et des Écossais des Lowlands, alors que les jacobites comprenaient aussi des soldats irlandais, ainsi que plusieurs centaines de Français.
La dernière charge désespérée des clans se termina dans un bain de sang. À midi, le son d’une cornemuse qui s’obstinait encore expira. La bataille était perdue. À peine une heure avait suffi. Les dragons du boucher vainqueur se déshonorèrent alors, en achevant blessés et prisonniers. Si du côté jacobite, les pertes s’élevèrent à plus de 3 000 hommes, soit près de la moitié de l’effectif, plus de 1 000 combattants écossais furent vendus comme esclaves aux planteurs de coton américains ; et tout sera dorénavant proscrit, les clans, les tartans, le mode de vie, même la cornemuse. La répression fut terrible, incendies, massacres, déportations, exécutions, et dura plusieurs mois (on estime à plusieurs dizaines de milliers le nombre des victimes).
Heureusement qu’il y a eu aussi parfois des chefs militaires celtes certainement pas dénués de courage, mais au moins ayant un peu de plomb dans la tête.
« Brennus, qui commandait les Celtes, craignant un piège de la part d’un ennemi si inférieur en nombre, et pensant que la hauteur avait été occupée dans l’intention que cette réserve puisse les attaquer de flanc ou à revers, quand leur front en serait venu au corps-à-corps avec les légions, dirigea donc son attaque droit dessus ; étant quasiment certain que, s’il parvenait à les en déloger, son écrasante supériorité numérique lui donnerait alors une facile victoire sur le terrain. De sorte que, non seulement la Fortune, mais aussi la tactique, se retrouvèrent du côté des barbares » (Tite-Live. Histoire de Rome. Livre V. Chapitre XXXVIII). Voir aussi la bataille de Malplaquet en 1709 et la « mort » du duc de Malborough.
La bonne nouvelle dans tout ça, soyons un peu positif, que diable, soyons optimiste, bien qu’un pessimiste soit un optimiste bien informé, mais justement ; c’est que les progrès technologiques de la guerre moderne (drones, robots guerriers…) vont déplacer la guerre de la machine à broyer les corps à la conquête des esprits. La bataille d’Alger a par exemple été incontestablement gagnée par les parachutistes français du général Massu en 1957 sur le plan purement militaire, mais elle a été perdue sur le plan politique à cause de l’usage généralisé de la torture (pourquoi ne pas avoir utilisé que du pentothal ?). On peut étendre ce raisonnement à la guerre d’Algérie elle-même. Militairement gagnée par l’armée française (n’ayant pas hésité à broyer les corps et à faire des centaines de milliers de morts pour cela), mais politiquement perdue.
La conclusion s’impose, ce qui compte dans la guerre moderne, c’est la conquête des esprits, et non plus celle des corps : le combat des idées, la guerre culturelle ! Le préalable à toute victoire dans cette guerre des idées devant être bien entendu le réarmement moral des individus et des peuples.
Car que ferons-nous quand ce ne seront non plus nos frères ou nos enfants, bref nos amis, qui seront derrière toutes ces armes ultramodernes que sont les drones et les robots guerriers, aux commandes, mais des inconnus, étrangers à nos valeurs, voire des ennemis ? Par exemple des djihadistes.
La supériorité technologique ne sert à rien s’il n’y a pas parallèlement un réarmement moral. Le réarmement moral c’est faire partager ses propres valeurs, à supposer qu’il y en ait bien entendu, et d’authentiques, à suffisamment d’êtres humains et de façon assez motivantes pour les amener à faire quelque chose afin de les défendre, des petits sacrifices quotidiens voire en allant jusqu’au sacrifice suprême (celui de sa propre vie).
Mais pour cela l’occident est nul aujourd’hui. Qu’avons-nous en effet à proposer au monde sinon des couches-culottes jetables. L’Occident est devenu la civilisation de la couche-culotte jetable pour tous.
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J’en demande pardon à nos amis berbères (vive la renaissance tamazight), mais le film de David Lynch à ce propos sorti en 1984 (Dune) est éclairant !
Sort. Nous traduisons ainsi le terme gaélique imthus.
Réparateur. Nous traduisons ainsi le terme gaélique sadail.
Banquette. Nous traduisons ainsi le terme gaélique imscing (siège mural).
Gagar. Il doit s’agir d’une sorte de récipient.
Le palais dans lequel ils avaient réussi à pénétrer. Le château de ce Gerg ou Garg quelque chose (le nom de Gerg est évidemment à rapprocher de celui de Gargant ou Gargantua sur le Continent) ressemble fort à une de ces demeures de l’autre monde, d’où l’on pouvait parfois rapporter des objets merveilleux, tous plus magiques les uns que les autres. Ce que fera Cunocavaros/Conchobar à la fin du récit d’ailleurs.
Il s’agit donc en quelque sorte d’une expédition dans l’autre monde, comme il y en a tant d’autres dans la littérature irlandaise. À une singularité près : ce sont des créatures maléfiques qui composent en majorité la troupe des assaillants, Cunocavaros/Conchobar n’étant accompagné d’aucun de ses guerriers.
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Les deux troupes ennemies se retrouvèrent ensemble au beau milieu de la maison, et il y eut beaucoup de morts. Cobthach à La Peau-Blanche, fils de Gargant, après avoir durement châtié les vouivres anguipèdes gigantesques (Fomorach), se rendit à l’endroit de la bataille où Berngal Tache-de-Rousseur faisait rage et décapitait les guerriers du Connaught. Berngal commença de faiblir dans cette lutte et il fut abattu de la main même de Cobthach. En un autre endroit du palais Buri au Cruel Discours mourut sous les coups de Mané, qui ensuite entra en fureur (dased), se déchaîna (ron-immir ?) contre la troupe des vouivres anguipèdes gigantesques (sluag na Fomorach) tout au long du palais, où trente d’entre eux furent abattus de sa main. Mais quand le vaillant héros Cunocavaros/Conchobar, aux guerres toujours victorieuses, s’aperçut de l’enthousiasme de Mané, il se tourna contre lui, et Mané l’attendit avec une ardeur en restant sur ses gardes, ils se battirent longuement l’un contre l’autre, et foulèrent au pied neuf jeunes gens. Mané lança sa javeline à une portée de javelot, avec colère et fureur, de sorte qu’il traversa le corps de Cunocavaros/Conchobar perpendiculairement. Et alors que Cunocavaros/Conchobar s’efforçait d’arracher ce javelot, Mané le blessa de nouveau avec la javeline d’un éclatant bleu vert qu’il avait dans la main. Brod vint en aide à Cunocavaros/Conchobar, mais Mané lui infligea trois graves blessures, et Brod après cela fut mis hors de combat. Cunocavaros/Conchobar se tourna de nouveau contre Mané puis l’accabla de coups destructeurs qui le laissèrent sans vie gisant à terre. Ensuite il commença d’abattre de tous côtés les hommes qui étaient autour de lui, de sorte qu’ils tombèrent entassés cou contre cou et pied contre pied dans tout le palais. Mais le destin voulut que des trois fois cinquante guerriers qui avaient pénétré avec Cunocavaros/Conchobar dans cette maison, aucun n’en réchappa vivant à part lui-même et Brod, et bien que ces deux-là aient pu s’en sortir, ce ne fut pas sans mal ni sans dommage. Cobthach le fils de Gargant s’enfuit du château, et Cunocavaros/Conchobar le traqua comme une bête. Alors qu’il le suivait dans la plaine, la jeune fille, à savoir Ferb, la fille de Gargant, arriva, et avec elle la compagne qui lui avait apporté la nouvelle de la venue de Mané. Elles coururent toutes les deux (comme de pauvres folles ?) à l’endroit où Mané gisait dans son sang, comme un pantin sanglant désarticulé, puis se mirent à pleurer, à pleurer.
Assurément par ma foi, tu te retrouves bien seul maintenant mon pauvre Mané, alors que tu fus tant de nuits, je le reconnais, si entouré.
Et Ferb chanta cette élégie où elle lui rendait hommage.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 56.
Aucun des trois fois cinquante guerriers n’en réchappa. Il n’y a que deux explications possibles à de telles incohérences. Soit des éléments essentiels nous échappent (suite à censure par des moines copistes chrétiens ??) soit alors il s’agit de bien faire ressortir que dans de tels massacres ce ne sont pas tant des forces maléfiques objectivement extérieures à l’être humain qui sont à l’œuvre, que la profonde agressivité intrinsèque enfouie au fond de ce dernier. Notre avis personnel est que cette
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légende est une des allégories les plus réussies des anciens druides, une allégorie soigneusement élaborée par eux puis en quelque sorte mise en musique par les bardes ; afin de bien faire comprendre que l’homme recèle en lui-même un potentiel de violence et de cruauté qui ne demande qu’à s’exprimer. D’où le personnage de Catubodua qui personnifie tout ce qui peut solliciter cette folie meurtrière en nous. Qui donc dans ces conditions oserait prétendre que Catubodua n’existe plus voire n’a jamais existé ? Les monstres criminels récidivistes n’existent plus peut-être ?? Ce sont des suppôts, ou des victimes en quelque sorte, de cette fée qui se repaît de sang humain.
Comme de pauvres folles ? Nous n’avons pas résisté à la tentation de souligner ainsi le drame absolu de cette histoire, qui oscille entre le tragique d’une histoire d’amour fauchée avant d’avoir à peine commencé, un film d’horreur, et une traque au psychopathe meurtrier sataniste. Mâtinée de quelques airs d’opéra aussi (avec tous ces poèmes qui sont psalmodiés régulièrement)
Élégie. Nous rendons ainsi le terme gaélique laid-sea.
Par ma foi. Gaélique dar brethir.
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A gillai is derg do lepaid
Ah garçon [combien] est rouge ta couche
Et néfaste le signe avec lequel tu es venu de ta maison
Présage de tant de déchirements pour les tiens.
Nombreux sont ceux qui t’ont fait du mal
La nuit où tu fus en guerre
Ô fils de Maeve [dame] de sa fille !
Ô rejeton d’une grande altesse.
Fils d’Ailill, le puissant
Il n’est pas de guerrier dont, que ????????
Misérables sont mon cœur et mon corps
De te voir gisant ici à jamais.
Ô garçon le plus adroit que j’aie jamais vu !
Tu étais un sceptre d’or sur son coussin !
La dernière fois que tu vis quelqu’un
Fut aussi ta dernière rencontre.
Ta main était rude au combat
Tu étais celui qui survivait (iarsla ?) aux vouivres anguipèdes gigantesques (Fomorach)
Grand était le tonnerre de tes coups sur leur tête
Nombreux furent les hommes tanac thimchell (dont tu as creusé la tombe ?).
La couleur de ta peau était belle et jolie,
Tu étais scrupuleux et tu tenais toujours parole
Tu étais la jeunesse illuminant chaque vallée
Nombreux furent les hommes tanac thimchell (dont tu as creusé la tombe ?).
Taillée pour moi est mon affliction pour toi
Du fait de cette première rencontre cen co richt (sans y avoir mis les formes ?)
Mon amour n’en est pas moindre, malgré la douleur
Même si mon malheur vient de ton triste sort.
Je souffre de te voir gisant là
Ô mon garçon ! ô fils de Maeve
Mon propre cœur souffre
De ce qui t’attend.
Il t’était rarement arrivé de te retrouver sans tes armes
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Jusqu’à ce que la rigidité de la mort ne s’empare de toi
La lance aux couleurs éclatantes t’a blessé grièvement,
Et une autre t’a transpercé.
Une épée cruelle t’a taillé en pièces
Un flot de sang s’est écoulé de tes joues
Et ils ont fait cercle autour de toi ???????????
Tous ces guerriers qui ne formaient qu’une seule et même armée ????
Ah ! Qu’étaient-ils donc pour moi
Ceux qui n’ont pas vu l’immense douleur
Mon bien aimé, l’élu de mon cœur parmi tous
L’homme qui était un vrai trésor pour moi.
Il est l’homme qui m’importait pour le reste de mes jours
Le grand Mané, le fils d’Ailill.
Je vais donc mourir d’être privée de lui à cause de son départ,
Parce qu’il ne sera plus là pour que je puisse veiller sur lui.
Son manteau de pourpre royal,
Le voir ainsi me plonge dans la plus profonde douleur,
Personne ne pouvait lui enlever
Depuis qu’il avait pris les armes et les brandissait.
Il gît sur le sol de la maison,
Avec sa main qui a été tranchée,
Sa lance, il l’a jetée sur un grand guerrier,
Mais sa tête est dans la main de Cunocavaros/Conchobar.
Sa lourde épée qui frappait dur et fort
Le tenait à distance loin de lui ;
Ainsi que son bouclier là où il tomba de ses mains
Pour la défense des siens.
Trois fois cinquante guerriers autour de lui (pour le défendre)
Quelle tristesse (truag) qu’ils soient tous venus pour rien ;
Quels soupirs quand il les eut dispersés !
Tous sont tombés en le défendant.
C’était un vrai grand héros, sans mentir
Il distribuait beaucoup de trésors ;
Et ce n’est pas rien qu’il soit tombé
En défendant les siens (muntire).
Il gît là d’une manière sinistre
Le jeune homme du Connaught avec la fine fleur de son armée
Malheur à ses gens, ce fut un glorieux héros de leurs combats
Malheur à leur beau compagnon.
Je ne peux plus rien pour toi
Car c’est un coup fatal qui m’a été porté aussi à moi
Et mon cœur se brise en conséquence
Quand je te regarde, ô garçon.
Sur ce approcha du château Fiannamail, le fils de Fergus Forderg, et ses trois fois cinquante guerriers avec lui. Le messager qui le précédait annonça son arrivée, puis lui rapporta les bien tristes nouvelles.
Fiannamail entra immédiatement dans une rage folle et se mit avec ardeur en quête d’information pour savoir où était passé Cunocavaros/Conchobar, ensuite il improvisa le lai ci-après.
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 57.
Sceptre. Nous traduisons ainsi le terme gaélique slatt : latte, tige, baguette. Bref un bâton de commandement.
Dernière rencontre. Le poème doit jouer sur le double sens du mot dal en gaélique, qui désigne aussi bien une entrevue pacifique qu’un affrontement violent.
Triste sort. Nous traduisons ainsi le terme gaélique amles.
Pour que je puisse veiller… Nous rendons ainsi l’expression gaélique dam aire.
Quand il les eut dispersés. Qui ça « il » ? La phrase n’est pas claire.
Beau compagnon. Nous traduisons ainsi le terme gaélique glancheile où cheile = camarade, serviteur.
Messager. Nous traduisons ainsi le terme gaélique tuarascaib.
Il improvisa le lai ci-après. En fait c’est une sorte de dialogue chanté entre Ferb et Fiannamail, ce qui fait un peu opéra effectivement.
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[Ferb].
Fiannamail arrive
Nous lui avons demandé de venir :
Excellent aussi a été son comportement (bés) dans la maison
Il est à jamais séparé des siens (muntir).
[Fiannamail]
Ô jeune fille, le message est douloureux,
Ce que tu me fais dire me bouleverse vivement
J’ai perdu tous les miens, grande était leur valeur (mét n-gal)
S’ils sont ici, c’est qu’ils sont morts.
[Ferb]
Ce sont-là les tiens
Même si tu ne peux pas t’en apercevoir
Ils ont massacré, ils ont été massacrés, en long et en large
Ce fut une guerre d’ennemis sanguinaires.
[Fiannamail]
Et Mané mon ami, est-il en vie,
Mon camarade ? (mo chomthach) mon compagnon,
Mon roi, le prince de ma maison
Mon bel ami bien-aimé.
[Ferb]
Cruel pour moi est ce que tu me rapportes (atberi),
À Fiannamail fiannaidi
O Fiannamail le Féniane !
Tu es assurément dans l’erreur
Si tu crois trouver ici son thiglecht (son dernier gîte connu ?).
[Fiannamail]
Dis-moi maintenant, la fureur m’a submergé,
Si tu le sais, ô Ferb son épouse non encore mariée !
Dis-moi l’endroit où gît,
Mané le Grand, le fils d’Ailill.
[Ferb]
Uchan achan air
Hélas, trois fois hélas !
Ne le sais-tu pas, Fiannamail ?
Mané a été abattu
Et avec lui tous les siens.
[Fiannamail]
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Qui a causé cette guerre atroce ?
Qui a brillé dans la défaite ?
Et qui a tué Mané ?
Sont-ils encore sur place ?
[Ferb]
Les Ulates sont venus du nord
Avec toute la force (nirt) de leurs épées de guerre bruaid ?
De sorte qu’ils nous ont enlevé [de vive force] la maison
Avec trois fois cinquante guerriers intrépides.
[Fiannamail]
L’histoire va se répandre à propos des Ulates
Qu’ils se sont rendus coupables d’une agression gratuite (cen imarlen).
Ils seront massacrés par l’ouest et par l’est
Tant qu’il restera des hommes du Connaught en vie.
[Ferb]
Je t’assure et je t’en fais le serment (cobais),
Ô Fiannamail, puisque tu es très adroit,
Que des Ulates, (cen chlith) assurément ?
Seule une paire d’entre eux reviendra vivante.
[Fiannamail]
Qui sont ces deux hommes qui reviendront vivants ?
Qui sont-ils, quels sont leurs noms ?
Et pourquoi sont-ils donc venus
Ceux qui ont commis un si grand forfait contre les nôtres ?
[Ferb]
Cunocavaros/Conchobar et Brod, sans mentir,
Sont ceux qui sont revenus de cette bataille ;
Deux lances ayant transpercé Cunocavaros/Conchobar lui-même,
Et trois d’entre elles ayant transpercé Brod, ou peu s’en faut (imcén).
[Fiannamail]
Qui a blessé ce tordu (crom) de Cunocavaros/Conchobar ?
Qui l’a mis dans ce triste état ? (ecomlond)
Venir ici sans [respecter son ?] interdit ne lui aura pas réussi,
Car il doit maintenant suivre un sérieux traitement (dluig legis).
[Ferb]
C’est Mané qui a blessé Cunocavaros/Conchobar
Deux javelots ! Ce ne fut pas un niborddugud ??? (une séance de soin???)
Il a tué Mané après ça.
Voilà toute la vérité à son sujet, Fiannamail.
Après cela Fiannamail se mit à la poursuite de Cunocavaros/Conchobar et Niall à la Belle-Tête fils de Cunocavaros/Conchobar vint à sa rencontre avec une centaine d’hommes armés de la maisonnée de Cunocavaros/Conchobar qui cherchaient où il pouvait bien être passé. Une âpre et féroce bataille fut livrée entre eux qui eut pour résultat que Fiannamail succomba sous le nombre de ses adversaires, et fut vaincu bien qu’ayant un nombre égal [d’hommes armés] à ses côtés puisqu’il tomba raide mort ; mais trente de ses adversaires tombèrent du fait de sa seule épée. Alors la jeune épousée non encore mariée qu’était Ferb, se tourna vers eux et regarda tous ces garçons du Connaught.
À dire la vérité, sanglota-t-elle, je dois reconnaître que ce n’est nullement à cause de votre manque de courage ou de dextérité que vous êtes morts ; oh que non, mais, dépassés par le nombre d’ennemis, vous avez succombé ; bien qu’ayant tué un nombre égal de vos adversaires, vous êtes tombés vous aussi. Ensuite elle chanta le lai suivant :
Comme cela est triste, ô vous jeunes gens du Connaught
Il n’y a aucun duvet pour vos oreillers
Votre saut est un saut (qui ne laisse pas de trace ?)
Vous avez été frappés par-derrière (dar amarc).
Y avait-il armée plus belle [que la vôtre]
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Et mieux préparée à un noble affrontement ?
Votre allure était une glorieuse allure ;
Le fil de votre vie est rêche et rompu désormais.
Le fil de votre ruisc ? est rompu
Fuarabair dig cuisc tonnaid ?
Vous avez bu le calice jusqu’à la lie ?
Leur combat contre vous fut très rude pour eux
La bataille a fini en massacre ?
Vous avez tué une centaine d’hommes armés
Mais contre vous le chien royal s’est déchaîné.
Votre histoire est cruelle et douloureuse
Elle présage des larmes d’effroi.
J’ai le cœur serré de douleurs pour vous
Alors que je verse des larmes et me lamente.
J’aimerais tant vous accompagner
Ou être réduite en cendres avec vous.
Vous étiez la plus belle des troupes de la verte Erin
Jeunes gens du Connaught, je vous pleure,
Ceux qui vous ont tué manquent cruellement de noblesse,
Fegaim cech m-baidb foa fuidim ?
Grande était votre armée en guerre
Contre les vouivres anguipèdes gigantesques (Fomorach).
Nombreuses seront les femmes qui vont pleurer des « uch » et des « ach »
Sur ces magnifiques (guerriers).
Vous êtes venus fièrement dans notre maison,
Aucun de vos pères n’était vassal de qui que ce fût.
Depuis que vous aviez le statut de guerrier
Il ne vous convenait plus de fuir.
Vous avez régalé la Bodua, la pâle ou blanche Bodua,
Déjà raides morts ? (lor a chruadi) au milieu des armes,
Les jeunes gens du Connaught et leur beauté
Sont maintenant des hommes dans un bien misérable état.
Ensuite vint Domnall le Rouge, à la large face, fils de Duban, il arriva au pied de la colline où se dressait le château.
Domnall le rouge, fils de Duban, annonça la jeune fille qui avait servi de messagère à Ferb, est un homme à qui on peut faire confiance pour tout ce qui dépend d’un bon javelot ou d’une bonne épée. Assurément intrépide quand est venue l’heure de faire preuve de vaillance, est l’homme qui vient d’arriver, décisive aurait été l’aide que Domnall aurait pu apporter à son frère de lait s’il avait eu la bonne fortune d’être ici pendant que Mané se trouvait encore en vie.
Après avoir entendu cela la jeune fille (Ferb) sortit afin de pouvoir rencontrer Domnall, et l’encouragea fortement au combat, elle improvisa le quatrain suivant et Domnall le Rouge à la Large Face lui répondit :
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 58.
Thiglecht. Peut-être un jeu de mots poétique entre les notions de « lieu où l’on vient de passer la nuit » et « lieu où l’on repose à jamais ».
Fiannamail fiannaidi. Le nom de Fiannamail signifie en fait « relatif à un fennid » autrement dit au membre d’un « bataillon » . Les fianna, fiana, ou fenianes, étaient des mercenaires gaulois bretons ou
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pictes, mais aussi bien entendu irlandais, au service des rois d’Irlande. Pour ce qui était des jeunes irlandais il s’agissait le plus souvent de jeunes nobles sans terre, car n’ayant pas encore hérité. Autre version : il s’agissait des ultimes héritiers de chasseurs-cueilleurs du néolithique, celtisés. N.B. Les deux thèses ne sont pas incompatibles. Le membre d’un fian était appelé fennid en gaélique, leur chef était appelé rigfennid (autrement dit littéralement roi-fennid). En tant qu’institution reconnue les fenians ont disparu au IIIe siècle sous les coups du roi des rois Cairpre Lifechar à la bataille de Gabra. Leur dernier chef connu fut Vindos Camulogenos, en gaélique Finn mac Cumaill. Les fenians semblent alors avoir été divisés en deux clans rivaux, les Baiscne du Leinster et les Morna du Connaught.
Il existe toutes sortes de légendes qui en parlent et qui ont été regroupées dans ce que l’on appelle le cycle ossianique ou cycle du Leinster. Et comme dans le cas de la véritable Bible du druidisme qu’est le cycle d’Ulster centré autour du Hesus Cuchulainn, ces légendes contiennent de nombreux traits archaïques relevant plus de la mythologie ou des contes et anecdotes sur les dieux, que de l’histoire au sens strict du terme. Nous y reviendrons.
Seathrún Céitinn (Geoffrey Keating en anglais) précise au XVIIe siècle que durant l’hiver les Fénianes étaient cantonnés chez l’habitant et nourris par la noblesse du pays pour le compte de laquelle ils collectaient les impôts ou maintenaient l’ordre, mais que durant l’été « de Beltène à Samon (ios) » ils vivaient de la chasse au gibier ainsi que du commerce des peaux et fourrures et menaient donc une vie très rude qui n’aurait rien à envier à celle de nos modernes commandos ; constituant donc ainsi une véritable élite, y compris sur les plans intellectuel et moral.
Leur cri de guerre était appelé le Dord-Fian et il était utilisé un peu comme nos hymnes nationaux, avant ou pendant les combats, comme moyen de ralliement ou pour effrayer l’ennemi.
Diverses associations politico-militaires irlandaises républicaines et notamment les « soldats de la destinée » se revendiquent encore de leur exemple aujourd’hui.
Son épouse non encore mariée. Nous traduisons ainsi le terme gaélique glan qui signifie pur, clair, afin de rendre tout le drame de cette nuit de noces sanglante tel que l’a bien perçu Quentin Tarantino dans son film en deux parties sorti avec Uma Thurman au début des années 2000. Encore que, avec lui, la mariée se trouve enceinte (mais ça ne se faisait pas en ce temps-là).
Sans interdit. Cen geiss. Doit-on comprendre « en violation d’un de ses interdits » ou « sans qu’une injonction magique l’ait obligé à faire ça ?? ». Vu le rôle joué par les gessa dans la mentalité celtique, la première hypothèse est sans doute la bonne. Ferb est persuadée, à tort ou à raison, en tant que personnage secondaire, de cette tragédie celtique, que Cunocavaros/Conchobar a violé ou a dû violer un interdit, et que c’est pour cela qu’il a été grièvement blessé. La geis (pluriel gessa) est un très important concept druidique qui explique la destinée des êtres humains. La geis est une mise en œuvre du destin. Les gessa sont en quelque sorte des moyens ou des agents du Destin.
Voir à ce sujet l’ouvrage de Dean A. Miller sur le héros épique, même si cet auteur a un peu tendance à voir des gessa de type celte partout, y compris jusque dans les chansons de geste ou les épopées françaises consacrées à Roland (le héros a pour geis de ne pas souffler dans son olifant c’est-à-dire dans sa trompe d’ivoire, pour appeler à l’aide). Par contre il y a un parallélisme évident selon nous entre le personnage de Ferb et celui de la belle Aude, la fiancée de Roland. Disons plus justement que ce refus obstiné de sonner du cor pour appeler à l’aide a, dans la chanson de geste française le même effet que la geis celtique, car Roland se rompra les veines du cou en soufflant de toutes ses forces dedans et en mourra. Son destin était de rester dans les bois de Roncevaux. Nous y reviendrons, car il y a des choses très curieuses dans toutes ces chansons de geste françaises (Termagant, Apollon, etc.).
Notons néanmoins que d’après les légendes qui nous parlent de Cunocavaros/Conchobar, ce n’est nullement de ces blessures-là qu’il mourra plus tard, mais pour s’être mis en colère contre les juifs (après avoir appris la mise à mort de Jésus).
Legis. Terme gaélique désignant l’art du liaig, mire ou médecin chirurgien.
Frappés par-derrière. Cette traduction de la formule gaélique beim dar amarc nous semble préférable à la traduction donnée par Leahy et Windisch.
Vassal. Nous traduisons ainsi le terme gaélique aithech, qui signifie quelque chose comme dhimmi, sous protectorat, soumis à tribut.
Bodua. En gaélique Badb bien entendu. Il s’agit de la déesse ou démone des combats, la Kâli celtique : Catubodua.
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Raides. Nous traduisons ainsi le terme gaélique chruadi.
La colline. Les fortifications celtiques antiques ne sont pas toutes systématiquement construites sur des hauteurs. Le dun (on) si puisque son nom l’indique (dune) et le grianon également (puisque c’est un endroit qui ne doit jamais se retrouver à l’ombre), mais le rath (is) pas forcément. Il s’agit là peut-être d’une influence (inconsciente) de la civilisation médiévale irlandaise. Quant à la catair…
Pour tout ce qui dépend d’un bon javelot… Que l’on permette au chercheur en druidisme que je suis d’être un peu lassé par :
1) cette propension à se servir surtout de ses muscles au lieu de sa tête ;
2) l’éternel manque de modestie de toutes ces rodomontades guerrières ;
3) le cycle infernal et sans fin des vengeances.
Il va de soi qu’une mauvaise action doit toujours être punie et que c’est bien là un indispensable renforcement de toute éthique qui se respecte (à la différence du curieux principe chrétien consistant à tendre l’autre joue) ; mais l’application du principe basique de la responsabilité collective doit aussi se faire avec discernement, et en ayant toujours à l’esprit de ne pas susciter des vendettas sans fin.
Quant à la modestie de tous ces guerriers ou milieux guerriers, bien comparable au comportement de nos actuels hommes politiques de par le monde (il suffit de voir les rodomontades ou l’arrogance de l’actuel président français, M. Nicolas Sarkozy de Nagy Bocsa), le chercheur en druidisme que je suis n’oubliera pas d’y revenir. La modestie n’est généralement pas ce qui étouffe les hommes ou les femmes au tempérament guerrier ; mais il vaut mieux néanmoins dans de nombreux cas, faire preuve d’un minimum de sagesse (druidique). Car la modestie est aussi une qualité ! Pour les druides en tout cas !
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O Domnall, fils de ce cher Duban !
Ô terrible Faucon des faits d’armes !
Toujours intransigeant pour ce qui est du sens de l’honneur
Ton frère adoptif (chomalta) a été tué.
Bien que Mané le guerrier soit tombé
Il surpassait pourtant tous ses contemporains (chomdinib)
En adresse, en valeur, en gloire,
En honneur, et en bonté.
Ce n’est pas là les exploits d’un grand héros ce que tu fais
Des soupirs, des cris de souffrance, et des lamentations,
Puisque Mané ne reviendra pas pour autant après ça,
Il vaudrait mieux marcher vaillamment contre ses ennemis.
Je serai comme un taureau sauvage dans la guerre.
Je ferai jaillir des chairs des flots de sang,
Je donnerai des coups incessants
À Cunocavaros/Conchobar de l’épée rouge.
Il ne serait pas trop que Conocavaros/Conchobar le beau
Soit tué pour venger Mané le courageux
Car il n’est pas près de venir, et il n’est même pas né,
Celui qui pourra égaler Mané de Cruachan.
Cunocavaros/Conchobar, bien que sa gloire soit grande,
Et Niall et Feradach
Seront ma vengeance pour Mané, je les mettrai en pièces
Ma main les abattra, ô Ferb !
Si tu étais, ô Domnall le Rouge
De ceux que les Ulates ont tués à cause de Ferb
Ta vengeance serait célèbre dans le monde entier (bladach)
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Au travers de la légende de Mané, le réalisateur de grands exploits.
Puisque c’est lui qui est mort
Mané Morgor le grand guerrier
Je ne repartirai pas vers l’ouest, chez moi
Tant qu’un Ulate vivra !
Mon pauvre cœur retrouverait la paix
Ce serait un réconfort pour mon âme (anmain)
Si tous les Ulates périssaient pour ce qu’ils ont fait
Sous les coups de ton impitoyable main, ô Domnall !
Domnall n’eut pas longtemps à patienter ou attendre, car il vit tune grande armée venant vers lui, forte de quatre cents hommes armés, à la tête desquels se trouvait Feradach à la longue main, fils de Cunocavaros/Conchobar. Les ennemis se jetèrent les uns contre les autres. Domnall se retrouvant submergé par le nombre entra dans une rage folle (dased) ; cinquante guerriers tombèrent rien que sous ses coups à lui ; et tous les hommes de son escorte furent tués, pendant que lui réussissait à blesser à deux reprises Feradach. Mais avec sauvagerie (guin) ses ennemis s’acharnèrent alors contre lui et Feradach le décapita puis poussa un cri de victoire ; les têtes de tous ses compagnons furent également coupées, de puissants cris de triomphe furent poussés par leurs vainqueurs.
La jeune fille revint vers le château, y rentra ; et en voyant Mané elle fut accablée de chagrin.
Horrible (étig), dit-elle, est ce qui s’est abattu sur nous, ô mon jeune ami ; et c’est à cause de toi que je vais mourir de chagrin, bien que mon père et son fils soient également morts pour toi, et m’est avis qu’il y aura encore plus de morts quand Maeve sera venue. Ensuite elle récita le lai suivant à propos de sa peine :
Quelle douleur, ô fils de Maeve !
Ô beau et habile jeune homme,
Sanglante et rouge est ta peau,
Tu as été la cause de notre malheur !
C’est pour toi que mon père a été tué
C’était un bon guerrier, un bon vassal
Et c’est pour toi également que son fils a été tué ;
Il n’est pas facile pour moi de l’oublier.
C’est à cause toi que tant de mal a été fait
Si j’en juge par le résultat (gné) c’est à toi que nous le devons
Et beaucoup de mal s’ensuivra
Pour les gens de Mané ou de Ferb.
Mon cœur s’est brisé à cause de cela
En voyant ton lit de mort.
Maudite soit la main qui t’a taillé en pièces
Et t’a jeté sur une si dure couche.
Nombreuses sont les filles à qui tu vas causer du chagrin
Nombreuses les femmes aussi, oh beau (glan) et intelligent (gaeth) jeune homme, maintenant que tu es mort.
Nombreux sont les cortèges qui vont se lamenter après toi
Et parce que toi seul nous manques.
Tu avais belle allure jusqu’à maintenant
Avec tes jeunes chiens lors des chasses
Noble était ton esprit
En rapport avec les qualités de ta bonne apparence (degdelba) ?
Tu es maintenant horrible à voir
Livides sont tes mains,
Malheur à celui qui ne te pleurera pas,
Tu gis là sans tête.
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Mauvaises sont les nouvelles qui vont être portées vers l’ouest
À Finnabair aux beaux otages ;
Le message à propos de son frère ne contient que peine et chagrin pour elle,
Il manque à la pure et pauvre Ferb.
Pauvres Ailill et Maeve de la plaine de Mag Ai,
Ils vont en mourir.
L’apparence de tes joues a horriblement changé,
Je ne suis pas celle qui n’a pas eu son plein de malheur (truage) aujourd’hui.
Ensuite arrivèrent du côté de Cunocavaros/Conchobar ses deux fils eux-mêmes, Niall et Feradach. Maeve s’approcha jusqu’à être en vue du champ de bataille, avec une escorte de 700 guerriers. Elle disposa ses troupes afin de former avec un solide petit bataillon, prit les armes qu’il fallait pour la bataille à venir, et se rua sur Cunocavaros/Conchobar afin de venger la mort de son fils et de ses gens.
Et bien que Cunocavaros/Conchobar soit couvert de blessures ou de plaies, l’idée de céder le pas et de reculer devant Maeve, mais il continua au contraire d’avancer avec ardeur à sa recherche jusqu’à ce que les deux se retrouvent face à face. Chacun d’eux commença d’asséner à l’autre coups, mutilations et mort, à frapper de taille, à broyer ou à massacrer. Maeve creusa une brèche ? dans les rangs de l’armée des Ulates de sorte que cinq hommes tombèrent de sa propre main en plus des deux fils de Cunocavaros/Conchobar, en personnes, Niall à la Belle-Tête et Feradach à la Longue-main. De son côté Cunocavaros/Conchobar commença de faire voler en mille morceaux ce qui restait de ses troupes, à déchiqueter ou à massacrer comme une lionne rendue folle de rage par ses blessures dans un troupeau de porcelets, car il avait rapidement pu trouver à faire soigner ses blessures. Après cela et pour ainsi dire, de grands morceaux de chairs sanglantes tombèrent sous ses coups, tellement grande était la fureur qui s’était emparée de lui après que ses deux fils eurent été tués.
Ensuite Maeve fut vaincue ; trois fois cinquante puissant et vaillants guerriers de son peuple tombèrent dans le combat, et ses gardes, comme ils en avaient l’habitude, la mirent à l’abri à l’arrière ; Cunocavaros/Conchobar poursuivit son armée en déroute jusqu’à Mag Ini. Ensuite il fit demi-tour et prit la direction du château de Gargant avec l’intention de le laisser en ruines. Sur ce les hommes de Gargant se rassemblèrent, et Cobthach à la Peau-Blanche, fils de Gargant, les mena au combat ; ils livrèrent une violente et très longtemps incertaine bataille (des deux côtés) pour défendre leur forteresse. Mais Cunocavaros/Conchobar se rua sur eux comme un loup parmi des brebis, et lui ainsi que Cobthach s’affrontèrent en combat singulier. Cobthach succomba dans ce duel, et moururent également tous ceux de ses gens qui étaient voués à mourir. Cunocavaros/Conchobar s’empara de tout ce qu’il put trouver là comme objets d’or d’argut d’indruini : do chornaib do choppanaib d’escraib d’arm d’étuch ; en or en argent et en bronze blanc : cornes à boire, coupes, vases, armes et vêtements. Il prit également la cuve d’airain qui avait été installée dans la maison et qui, quand elle était pleine de bière, suffisait à tout le pays d’Ulidia ; c’est cette cuve d’airain qui fut appelée par les Ulates Ol n-guala, puisqu’il y devait y avoir un feu de charbon dans la maison d’Emain où l’on servait de cette cuve afin de boire. Et c’est de là que fut nommé le Lac Guala Umai dans l’île de Dam, qui se trouve dans le pays (criche) d’Ulidia, car cette cuve demeure jusqu’à ce jour cachée en un lieu secret situé sous les eaux du lac.
Cunocavaros/Conchobar prit également avec lui Nuagel en personne, la fille d’Erg, et sa fille Ferb, ainsi que trois fois cinquante jeunes filles avec elle. Mais immédiatement après cela Ferb et les jeunes filles moururent toutes du chagrin qu’elles éprouvaient du fait de la mort du jeune Mané ; Nuagel mourut aussi de chagrin à cause de la mort de son mari et de ses deux fils. Une tombe fut creusée pour Ferb et une stèle de pierre fut érigée dessus pour elle, son nom y fut écrit en lettres oghamiques, et un monument de pierres, de sorte que Duma Ferbe (Tumulus de Ferb) est le nom de Fort Ini de nos jours, il se trouve au nord-ouest.
Cunocavaros/Conchobar revint à Emain victorieusement et triomphalement, et il relata donc à Mugain son histoire du début jusqu’à la fin ; et il demanda ensuite à Ferchertne, fils de Dergerdne, fils de Garb, fils de Fer Rossa Le Rouge, fils de Rudraige, d’en faire immédiatement un grand poème qui
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puisse servir de modèle aux temps futurs, et préserver la mémoire de cette histoire. Ce dernier alors chanta le lai qui suit ; et une vision lui révéla que cette histoire serait à l’origine de l’enlèvement (Tain).
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 59.
Il y aura encore plus de morts quand Maeve sera venue. Ainsi que signalé plus haut, contre-lai N° 55, on touche là les limites de toute vengeance bêtement menée à chaud. À part pouvoir dire « tout est perdu fors l’honneur », on aboutit à un carnage inutile. La meilleure des vengeances en outre est un plat qui se mange froid, jamais. Sur le Continent à la même époque à en croire Diodore de Sicile « À maintes reprises par exemple, alors que deux armées s’approchent l’une de l’autre, rangées en ordre de bataille, l’épée nue à la main et les lances pointées en avant, ces hommes s’interposent entre eux et les font s’arrêter, un peu comme s’ils avaient jeté un sort à quelque espèce d’animaux sauvages. Ainsi, même chez les plus sauvages Barbares, la passion cède-t-elle devant la raison, et Arès respecte les Muses » (livre V, chapitre XXXI).
Que faisaient donc les druides irlandais pendant ce temps ??? N’y avait-il donc que des Diviciacos chez eux ??? Étaient-ils donc à ce point si peu philosophes et si « mondains », si englués dans les affaires de ce monde, de ce siècle, de ce temps ? Si englués dans le séculier ou le temporel ???
Il est tout à fait légitime qu’un druide participe aussi personnellement à la défense de son peuple, ou à la défense d’amis, mais il faut également savoir raison garder et proportionner sa riposte. La loi juive du talion, en vertu du principe de réciprocité, œil pour œil dent pour dent à la rigueur (c’est basique), mais pas pour un œil les deux yeux, pour une dent toute mâchoire. Un tel excès constitue incontestablement une déviation des bardes irlandais, presque une hérésie.
N.B. Ce récit est de toute façon assez incohérent, et l’on a l’impression d’un texte bricolé par un barde en mal d’inspiration, à partir de divers fragments d’autres histoires, et en mêlant notamment à une classique exaltation de l’héroïsme guerrier le thème des expéditions dans l’autre monde.
Finnabair. Il s’agit d’une fille d’Ailill et Maeve dont il sera beaucoup question lors de l’enlèvement des bœufs de Cooley. Son nom signifie littéralement « blanche âme » ou « blanche fée », vieux celtique vindos+ seibar/siabra, et il correspond à la Guenièvre des romans arthuriens, Gwenhwyfar en gallois, Jennifer en cornique.
Leomain signifie bien « lionne » en gaélique. Il s’agit là d’ailleurs d’un emprunt au latin. Le dernier lion d’Europe étant mort à Némée sous les coups de l’Hercule des Grecs, il y a bien bien longtemps (mais peut-être y en eut-il encore en Europe de l’Est au premier siècle de notre ère), on peut se demander si l’image originelle n’était pas plutôt celle du chien de chasse au milieu d’une harde de marcassins. L’image est amusante, mais tous ces récits de tueries commencent à être lassants. Ils devaient plaire néanmoins à l’auditoire masculin de ces contes : essentiellement des membres de la classe guerrière : le seigneur du château et ses hommes. À noter : le barde se rappelant avoir exposé précédemment que Cunocavaros/Conchobar avait été gravement blessé, il s’est senti obligé d’inventer pour lui une guérison express de ses blessures (afin de justifier sa poursuite acharnée du combat).
Cunocavaros/Conchobar s’empara de tout ce qu’il put trouver là. Il s’agit d’un thème courant de la littérature épique celte : des humains (des rois et des guerriers en l’occurrence) rapportant de l’Autre Monde des objets miraculeux, des cuves toujours pleines de bière, etc.
Le réservoir à boisson de Gargant, Oll Guala, a en effet tout du chaudron magique. Ol est un mot gaélique n’offrant aucune difficulté puisqu’il signifie simplement boisson ou breuvage, mais il n’en va pas de même du terme Guala dont le sens le plus courant est celui de charbon. Il s’agirait donc d’une boisson inconnue, mais noire.
Il y a peut-être eu tout simplement erreur de transcription à partir d’Oll Gala (gala et non guala) ce qui signifierait alors boisson d’entrain ou d’ardeur, et non boisson noire.
Boisson noire ou boisson de mise en train, il s’agissait en tout cas d’une boisson bien mystérieuse et à proprement parler pantagruélique : le rapprochement avec le géant Gargant (ua) s’impose en effet.
Guala Umai. Étymologies évidemment toutes plus fantaisistes les unes que les autres.
Duma Ferbe. En France au sommet du Puy-de-Dôme se trouvait un monument érigé en l’honneur de Lug (Mercure) Dumiatis.
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De l’enlèvement. De l’enlèvement des bœufs de Cooley bien entendu = Tain bo Cualnge.
Maeve. Vieux celtique Medua, également Maev Maeve ou Maive dans nos manuscrits, Méabh ou Maeveh en irlandais d’aujourd’hui. Personnifie une valeur pas très féminine (la soif ou l’ivresse du pouvoir), mais qui séduit beaucoup les mâles porteurs d’un peu trop de testostérone. Les bardes ont dû tellement broder sur le canevas originel que les druides proposaient à leur réflexion et à leurs développements (l’archétype de la femme assoiffée de pouvoir et prête à tout pour cela) que l’on peut se demander aujourd’hui si ce personnage des légendes irlandaises est vraiment une déesse, ou fée, ou démone, celte, ou une reine historique de la trempe d’une Boadicée/Boudicca d’Albion.
Ou un mélange des deux.
Notre avis personnel, comme pour ce qui est de Conchobar d’ailleurs, est qu’il y a eu tellement de développements purement littéraires à son sujet, tellement de pertes de sa substance « divine », qu’il est difficile dans son cas de la considérer encore comme une déesse ou démone au sens strict du terme. Exactement comme dans le cas de certains des personnages des mabinogion gallois. Trop de siècles de christianisme sont passés par là.
Ce qui n’est pas le cas, nous semble-t-il, de la déesse ou démone ou fée (Catu) Bodua qui est une parfaite allégorie de tout ce qui dans l’homme peut le pousser à s’en prendre à ses frères humains. À noter : la (Catu) Bodua ou déesse des batailles ne se bat jamais personnellement, mais pousse les autres à le faire, alors que Maeve, elle, combat parfois personnellement. En tant qu’archétype de la femme dévorée par l’ambition et prête à tout pour cela, Maeve est néanmoins plus que jamais d’actualité. Des reines Maeve il y en a pléthore de nos jours sous nos latitudes (la modestie n’est pas une caractéristique majeure de notre société, il suffit de regarder la télévision pour s’en rendre compte immédiatement).
N.B. Quoi qu’il en soit ce bien triste « fait d’armes » explique en effet la haine qui va ensuite déclencher le terrible conflit de la Tain Bo Cualnge entre les Ulates et le reste de l’Irlande (coalisé sous l’égide de la reine Maeve).
Or à ce point là, la vengeance n’a plus rien à voir avec la justice, n’est plus un embryon de justice, c’est un désastre absolu.
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VARIANTE DU RÉCIT ?
La vision (aislinge) de Cunocavaros/Conchobar le juste
Fils de Catubatuos/Cathba le vaillant, beau, et grand,
Le haut roi des Ulates : une expédition dans la tombe ?
Ris dresend cach claidebruad ?
Une histoire où tout le monde a levé l’épée ?
Cunocavaros/Conchobar était une nuit allongé dans son lit
Endormi, et ce n’était pas d’un sommeil léger
Quand il aperçut quelque chose : une femme
Venir à lui sur sa couche.
Sa robe était de pourpre avec des motifs en or
Tel était son vêtement, elle n’était visiblement pas pauvre,
Des bandeaux de soie autour de la tête
Avec une haute couronne en or.
Et cette femme majestueuse lui adressa ainsi la parole.
Les choses s’annoncent bien pour toi (maith in sen), ô Cunocavaros/Conchobar !
Honneur et bonne fortune t’attendent
De toute part puisque tu es illustre.
Quelle est la suite pour nous ?
Demanda le fils de Nessa, cette gloire éternelle (miad mair),
Dis-moi, ô femme dun colli ?
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Combien de temps avant ?
Dans sept ans jour pour jour à partir de cette nuit
Tu seras obligé de mobiliser quelque part
Des garçons et des femmes, ce sera un honneur qui les tuera,
En raison du Brun de Cualnge, cause de nombreuses guerres.
Qui prendra l’initiative de cette guerre, réponds-moi sans détour,
Qui entreprendra cette guerre à mort ?
Toute l’armée d’Irlande en campagne
Sous le commandement d’Ailill de la plaine de Cruachan.
Je ne souhaite surtout pas ça, ce n’est pas une bonne voie
Répondit Cunocavaros/Conchobar, le chef de guerre.
Indique-moi une autre occasion de ? (nasad n-an),
O femme aux blonds cheveux et aux membres blancs ?
C’est un exploit extraordinaire, mais sans grande difficulté (dét for sét ?)
Et il n’y a pas lieu de craindre un mensonge :
Le fils de cet homme, il vient vers toi crânement (cen meth)
Mané le Grand, celui dont tous les guerriers font l’éloge.
Il est venu pour dormir avec Ferb
Avec la fille de Gargant de la vallée de Gairgant
Avec trois fois cinquante guerriers, toute une manœuvre,
Tel est leur nombre, sans erreur de dénombrement possible.
À la neuvième heure, ce que je dis est assez clair,
Doit commencer le festin prévu
Pour l’instant ils attendent ensemble
Ô roi de la grande et splendide ? Emain.
À combien devons-nous y aller, pour une expédition honorable ?
Demanda Cunocavaros/Conchobar le juste et le beau.
Prends pour les affronter, c’est un conseil sans traîtrise
Trois fois cinquante vouivres anguipèdes gigantesques (Fomorach).
Tu triompheras là glorieusement,
Cunocavaros/Conchobar, le déjà si riche en victoires.
Je prendrai cette glorieuse histoire pour moi ?
Ô roi de la grande et splendide ? Emain.
Là Cunocavaros/Conchobar se réveilla
Et réveilla sa reine également.
Il lui raconta ce qui lui était apparu
Au travers d’une authentique révélation.
Sa femme lui répondit avec pertinence (co m-bail),
Mugain, riche en honneurs et dotée d’une grande sagesse (morchéil) :
« C’est déjà bien assez de ce qui est arrivé
Entre nous et le Connaught ! »
Cunocavaros/Conchobar le brillant et célèbre répondit,
Le seigneur des batailles,
« Ce qui est certain c’est que, même si nous restons à la maison,
Le Connaught lui viendra chez nous !”
Puisque tu dois y aller
Je ne te retiendrai pas de force,
Ô, seigneur souverain des Ulates, toi et toute ton armée,
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Puisses-tu revenir une fois encore totalement victorieux.
Là-dessus Cunocavaros/Conchobar partit dans la direction
Avec le même nombre de combattants, sans mentir
De Rath Ini, quelle vaillante mobilisation
Là où demeurait Gargant, celui à qui ce château royal (rigdun) appartenait.
Quand ils furent arrivés à ce fameux festin,
Cette troupe armée glanchéill ?? ( bien décidée ??)
Ils entrèrent, magnifique fut leur prise d’assaut,
Par la porte du grand château.
Cunocavaros/Conchbar pénétra dans la cour ;
Trois fois cinquante guerriers, mouvement qui est connu
Il laissa ses hommes à l’extérieur
Par stratégie : un plan habile.
Une cuve d’airain dans la maison du roi
Était là, remplie de vin,
Alors qu’arrivait Nuall ???
Le fils de Nessa, le redoutable combattant.
Malheur s’écria le druide
Qui était toujours à côté du roi,
Cela veut dire selon moi…
… la coupe ??
Il n’y eut aucun délai à ce sujet
Car Brod lança aussitôt son javelot
De sorte qu’il transperça Gargant chez lui
Et s’empara ? de la coupe.
Cunocavaros/Conchobar entra dans la maison
Avec trois fois cinquante guerriers
De sorte qu’il put décapiter Mané
Avec ses sept vingtaines de tueurs (airlech).
Cunocavaros/Conchobar laissa derrière lui dans la maison
Tous ses hommes dans ce combat (imargail)
À part lui et Brod
Aucun n’en réchappa pour pouvoir raconter ça.
La même femme alla vers l’ouest retrouver Maeve
Lui délivrer un message qui fut bref :
« Cunocavaros/Conchobar a tué ton fils.
Maudit (olc) soit le jour où il a poussé après lui son cri de guerre (chomrac) ! »
Maeve s’engagea sur le sentier de la guerre à partir de l’ouest
Avec sept cents hommes d’armes
Ils combattirent face à face
Sur les plaines d’Ulidia contre Cunocavaros/Conchobar.
Maeve abattit à cette occasion sur la plaine
Sept hommes (morfesser) au cours des combats ? (tria imargail)
De sa propre main, mieux que n’importe quel héros
Y compris les deux fils de Cunocavaros/Conchobar.
Ensuite Maeve a été repoussée vers l’ouest
Au grand dam de ses possessions (seilb),
Tout en laissant derrière elle, il en fut ainsi,
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Sept vingtaines de fiers guerriers courageux
Ensuite ils ont marché sur le château
Les fiers guerriers ulates, ils ont envahi la forteresse
Ils y ont détruit tout ce qui s’y trouvait,
Avec une foule de tuarad tetband ????
Ils ont livré un sanglant combat
Les gens de Gargant là contre les Ulates
De sorte qu’ils se sont tous entretués,
Roi et grands seigneurs.
Là moururent, merveilleux étaient ces hommes,
Sept blonds sept bruns (temin) et sept aux cheveux noirs (dub)
De ces hommes qui étaient dans le château
Des trente très beaux hommes ? (find ou forind ?) dont le nom était Fergus.
Trente hommes très honorables du nom de Murethach
Qui résistèrent jusqu’au bout de cette bataille,
Trente Falbe, trente Flann,
Une noble trentaine de Domnall.
Trente Cobthach, trente Cond,
Trente, tous des bruns, du nom de Corpre,
Trente Dubthach, trente Ros,
Une belle trentaine du nom d’Oengus.
À partir de là de la foule
De tous ces courageux héros renommés pour leur bravoure
Il n’est personne qui connaisse la fin
Ils furent tous comme paralysés ? (dimbrig).
Tous ces hommes, puissante était la clameur,
Que faisaient les cris perçants de profonde terreur de leur escorte
Tout autour de leurs seigneurs livrant ce combat,
Sont alors tombés.
Prélude (remscel) à la magnifique Tain bo Cualnge
Prologue à cet exceptionnel prélèvement de tribut.
De cette vision il en résulta
La mort de Mané le Grand, fils de Maeve.
Grands furent les exploits qui en sortirent
Bien que cette vision ait été terrifiante ;
Gargant fut abattu avec son hôte
Lui le grand seigneur à la célèbre hospitalité.
Cunocavaros/Conchobar revint victorieux
Le fils de Nessa, que tant de grandes armées ont célébré
À Emain Macha, un glorieux exploit donc
Que la vision (aslinge) de cette apparition.
Finit (fin).
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 60.
Le juste. Tout dépend si l’on prend le terme gaélique coir au sens propre ou au sens figuré.
Expédition. Nous traduisons ainsi le terme gaélique erim.
180
Ce premier quatrain est une présentation de ce qui suit et qui est une version poétique et moins détaillée de tout ce qui précède. Comme souvent dans nos textes.
Bonne fortune. Nous traduisons ainsi le mot gaélique taced, variante de tocad et qui signifie quelque chose comme Destin. Une notion fondamentale dans le monde celte.
En fait il s’agit d’une longue formule de politesse, ou plus précisément d’une flatterie : la déesse ou démone cherche à manipuler Cunocavaros/Conchobar. N.B. Windisch la qualifie de fée (appellation ancienne pour désigner ce genre d’entité surnaturelle).
Dét for sét. M’est avis que c’est là, de la part de la fée ou démone, une manière d’appâter Cunocavaros/Conchobar. Un exploit extraordinaire, mais sans risque. Le rêve quoi ! Mais tout dépend du sens de cette expression en gaélique.
Sans erreur de dénombrement. Trois fois cinquante est bien entendu un chiffre hautement symbolique, fondé sur la manière de compter des Celtes antiques : par cinquantaines.
La neuvième heure. Si mes souvenirs de latin (7 ans) sont bons, il doit s’agir de 3 heures de l’après-midi.
Grand château. Nous traduisons le terme gaélique morbuirg par grand château, mais peut-être faudrait-il lire bruig au lieu de buirg.
Cour. Nous traduisons ainsi le mot gaélique les, vieux celtique lissos, cf. vieux français lice, qui désigne l’espace situé entre les premiers remparts ou la première enceinte et les bâtiments du château proprement dits.
Qui était toujours à côté du roi. Telle était la place des anciens druides. On n’est pas obligé de revenir à cette situation, sur laquelle d’ailleurs il ne faut pas se méprendre. Il ne s’agit pas d’une théocratie, les druides conseillent (ce sont en quelque sorte les intellectuels de l’époque), mais le roi décide souverainement et c’est à cela qu’on le reconnaît. C’est à cela que l’on reconnaît un grand roi ou un bon roi, un Louis XIV ou un Louis XVI diraient mes correspondants parisiens. Nous reviendrons longuement sur cette claire distinction des rôles du roi (ou vergobret aujourd’hui, c’est-à-dire président) et du druide (laïcité ouverte avant la lettre ?).
N.B. Ce rôle de conseiller des anciens druides de l’époque s’appuyait beaucoup alors sur l’analyse des rêves (voir ce que nous avons déjà écrit à ce sujet) ainsi que sur l’étude des signes avant-coureurs ou présages. Le présage est un événement tout à fait normal, mais qui suscite un sentiment d’inquiétude de perplexité ou autre. Là encore donc, comme dans le cas de la voyance (voir ce que nous avons déjà écrit à ce sujet), tout dépend des qualités intrinsèques de celui qui se charge de l’analyser ou de le décortiquer. Le raisonnement implicite (par analogie) en question doit être celui-ci : il y a loin de la coupe aux lèvres, le fait que la coupe a échappé à son porteur indique que l’on ne va pas pouvoir profiter du festin prévu. Avec en plus peut-être à l’appui de ce raisonnement par analogie un jeu de mots entre brod et Brod, un brod signifiant quelque chose comme ? en gaélique et Brod le nom du cocher de Cunocavaros/Conchobar. Le brod est tombé dans le précieux liquide, la lance de Brod va tuer quelqu’un.
Nous y reviendrons. Les « druides » d’aujourd’hui se penchent plutôt sur l’évolution des courbes statistiques économiques ou sur l’étude des photos prises par satellites.
N.B. Le signe avant-coureur implique que quelque chose va se produire, est déjà en cours.
Le présage (omen ominis en latin) indique seulement que quelque chose peut se produire.
Autrement dit le rapport entre un signe avant-coureur et ce qui doit se produire est beaucoup plus fort que dans le cas d’un présage. Le présage est moins lié à ce qui doit arriver.
Exemple : dans certains pays voir les premières hirondelles est un signe avant-coureur du printemps. Voir un chat noir traverser sa route ou son chemin est un mauvais présage.
Maudit. Le terme gaélique qui suit, uar, signifie glacé. Ce qui en principe ne convient guère à l’idée d’enfer du moins celle que l’on a sur le sujet depuis la christianisation.
Dont le nom était Fergus, etc.il s’agissait donc apparemment de clans.
Trente Dubthach, trente Ros. Notre ami Arthur Herbert Lehahy a mentionné ici par erreur de nouveau trente Falbe et trente Flann.
181
Remscel. On appelle « remscel » chez les bardes irlandais, les textes introductifs ou prologues d’histoires plus longues.
Finit est bien entendu du latin.
L’APPARITION À NOTRE HÉROS
DE LA DÉESSE DÉMONE OU FÉE
MARA RIGU/MORRIGU/MORGANE.
(cf. la Tain Bo Regamna, un court manuscrit du XVIe siècle figurant dans le livre jaune de Lecan, Leabhar Buidhe Lecain en gaélique. Son titre signifie « enlèvement des vaches de Regamain »).
Tain Bo Regomonon annso (l’enlèvement des vaches de Regamain ci-dessous)
ou
Incipit Tain Bo Ragamna (ici commence l’enlèvement des vaches de Regamain).
Une nuit que le Hésus/Cuchulainn était allongé dans son lit en train de dormir à Fort (Dun) Imrid, il entendit comme un côté de lui un cri venant du nord ; c’était un grand cri, et des plus terrifiants pour lui. Il se réveilla en sursaut en plein sommeil et tomba hors de sa couche comme une masse, sur le sol de la partie est de sa maison. Il sortit aussitôt sans ses armes sur la pelouse qui s’étendait devant sa maison, mais sa femme qui était derrière lui apporta ses armes et ses vêtements. Ensuite il aperçut Loeg sur son char attelé, arrivant de Ferta laig, en venant du nord.
« Qu’est-ce qui t’amène ici ? » demanda le Hésus Cuchulainn.
Un cri, répondit Loeg, que j’ai entendu résonner dans la plaine.
De quel côté ? demanda le Hésus Cuchulainn.
Au nord-ouest, me semble-t-il, répondit Loeg. C’est-à-dire sur la grand-route de Caill Cuan.
Suivons-le afin de savoir ce que c’est, répondit le Hésus Cuchulainn.
Là-dessus ils se rendirent jusqu’au gué des Ferta. Quand ils furent là, ils entendirent distinctement le bruit d’un char venant de Grellchui Culguiri. Ensuite ils aperçurent le char arriver devant eux, avec un seul cheval bai brun devant. Ce cheval n’avait qu’un pied (ou deux ??) et le timon du char lui passait au travers du corps, pour ressortir par le front, qui le maintenait donc ainsi en place.
Une femme rouge se tenait dans le char avec un manteau pourpre sur ses épaules, ses sourcils étaient roux, et son manteau tombait sur le timon du char ? tombait derrière les deux ferta (roues du char) ? en balayant la terre derrière elle. Un homme de grande taille marchait à côté, un manteau rouge sur lui, une fourche en bois de noisetier sur l’épaule, il poussait une vache devant lui.
Cette vache n’a pas l’air heureuse d’être ainsi menée par toi ! remarqua le Hésus Cuchulainn.
Cette vache ne t’appartient pas, répondit la femme, ce n’est pas la vache d’un de tes amis ni d’une de tes relations.
Les vaches des Ulates, rétorqua le Hésus Cuchulainn, relèvent de mes soins.
« Eter-certar so in ba, a Chú », ol in ven. « Et maintenant voilà que les vaches sont entre tes mains, petit Chien », répondit la femme.
Pourquoi est-ce la femme qui me répond ? Demanda le Hésus Cuchulainn, Pourquoi n’est-ce pas l’homme ?
Ce n’est pas à l’homme que tu t’es adressé, répliqua la femme.
Ah si, répondit le Hésus Cuchulainn, mais c’est toi qui as répondu pour lui.
Il s’appelle hUargoeth sceo luachuir sgeo, répondit-elle.
Voilà un bien curieux nom, rétorqua le Hésus Cuchulainn. Mais à toi de me répondre maintenant puisque cet homme ne dit rien, quel est ton nom à toi ?
La femme à laquelle tu parles, répondit alors l’homme, est Foebar beo beoil coim diuir foltt sgeanb gairitt sgeo uath.
Vous me prenez pour un imbécile ? s’écria le Hésus Cuchulainn, et sur ce le Hésus Cuchulainn bondit dans le char, et là il mit ses pieds sur ses épaules ainsi que la pointe de sa lance sur le sommet de sa tête.
Ne joue pas de tes armes pointues sur moi !
Indique-moi ton véritable nom ! insista le Hésus Cuchulainn.
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Ôte-toi donc de là, répondit-elle, en vérité je suis une satiriste et lui c’est Daré mac Fiachna de Cualnge : j’ai pris la vache comme paiement d’un de mes grands poèmes (airchetail).
Fais-moi entendre ce poème alors, demanda le Hésus Cuchulainn.
Oui, mais d’abord laisse-moi, répondit la femme, le mieux pour toi n’est pas de t’agiter ainsi au-dessus de ma tête.
Sur ce il abandonna ses épaules afin de se placer entre les deux ? ferta de son char, puis elle lui chanta ce qui suit…
Le Hésus Cuchulainn voulut de nouveau bondir dans son char, mais il ne vit plus le cheval, ni la femme, ni le char, ni l’homme, ni la vache. Ensuite il découvrit qu’elle s’était métamorphosée en oiseau noir sur une branche près de lui.
Tu es une femme très dangereuse, s’exclama le Hésus Cuchulainn.
Dorénavant, dit la femme, ce marais (Grellach) sera dit dolluid (diabolique ; et tel fut son nom depuis lors : Grellach dolluid.
Si seulement j’avais su que c’était toi, rétorqua le Hésus Cuchulainn, nous ne nous serions pas quittés ainsi.
Ce que tu as fait ; répondit-elle, va te coûter cher.
Tu ne peux rien contre moi, rétorqua le Hésus Cuchulainn
Bien sûr que je le peux, répliqua la femme, c’est moi qui m’occupe de te garder de la mort et c’est ce que je ferai. J’ai sorti cette vache du sidh du Cruachan, afin qu’elle soit couverte par le Brun de Cualnge, c’est-à-dire par le taureau de Daré mac Fiachna. Tu resteras en vie jusqu’à ce que le veau qui est dans le ventre de cette vache ait un an ; et c’est ce qui causera l’enlèvement des vaches de Cualnge.
Je ne serai que plus glorieux grâce à ce vol de bétail, répliqua le Hésus Cuchulainn.
« Je tuerai leurs guerriers,
Je briserai leurs gros bataillons
Je survivrai à cet enlèvement ! ».
Et comment feras-tu ? Demanda la femme, car quand tu affronteras quelqu’un de force égale, tout aussi riche en victoires, ton égal en faits d’armes, ton égal en férocité, pareillement infatigable, également noble, également brave, aussi grand que toi, je me transformerai en anguille et je m’enroulerai autour de ton pied dans le gué, de sorte que cela en sera un grand désavantage pour toi.
For-tonga do día tuingthe Ulaid, je le jure par le Dieu sur lequel jure les Ulates, s’exclama le Hésus Cuchulainn, je te briserai contre une pierre verte (glaisslecta) du gué alors ; et tu n’auras ni soin ni répit de ma part tant que tu ne m’auras pas lâché.
Alors je me ferai louve grise pour t’attaquer, poursuivit-elle, je te mordrai la main droite et je te dévorerai jusqu’au bras gauche.
Tongu-sa do día tuingti hUlaid, je le jure par le Dieu sur lequel jure les Ulates, rétorqua le Hésus Cuchulainn, je te battrai avec ma lance quand tu arriveras, jusqu’à t’en crever l’œil gauche ou l’œil droit ; et tu n’auras ni soin ni répit de ma part tant que tu ne m’auras pas lâché.
Alors je me ferai génisse (samuiscc) blanche avec des oreilles rouges, et j’irai dans l’eau du gué dans lequel tu seras en train de te battre contre l’homme qui sera ton égal en matière de faits d’armes ; cent vaches blanches aux oreilles rouges me suivront et la vérité sur chacun sera manifestée ce jour-là : on te coupera la tête.
Tungu et reliqua, je te lancerai une pierre avec ma fronde, répliqua le Hésus Cuchulainn, qui te brisera soit la jambe gauche soit la droite ; et tu n’auras ni aide ni même répit de ma part tant que tu ne m’auras pas lâché.
Ensuite ils se séparèrent, le Hésus Cuchulainn revint au Fort (dun) d’Imrid, et la fée Morgane avec sa vache au sidh de Cruachan dans le Connaught.
Finit (fin).
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Contre-lai (commentaire) néo-druidique Nº 61.
Incipit est bien entendu du latin et signifie commencement.
Ferta signifie peut-être roue.
Grellach signifie marais ou tourbière en gaélique. On peut toujours essayer de traduire.
Bai brun. Nous traduisons ainsi le terme gaélique derg.
Petit chien. Nous rendons ainsi la formule gaélique « chu » au lieu de l’habituel « Cuchulainn ».
Un cheval n’ayant que deux pieds au lieu de quatre, etc. Qui a dit que le cycle d’Ulster était historique ? Que Cuchulainn et Conchobar avaient vraiment vécu ??? Le cycle d’Ulster est aussi historique que la Bible ce n’est pas peu dire. Ce détail nous plonge en pleine mythologie et ce cheval est tout autant historique que le cheval Bayard des quatre frères Aymon de la mythologie française (dommage que cette association ait cru indispensable de refuser de collaborer avec nous) voire que le Sleipnir de la mythologie germanique. Tout cela fait un peu penser aux diverses représentations de la déesse ou démone ou fée, connue sous le nom d’Épona ; à un détail près. Ce que l’on sait assurément d’Épona diffère très sensiblement de ce que l’on sait de la déesse qui apparaît ainsi au Hésus Cuchulainn. Alors que penser ? Une erreur des bardes irlandais qui se seraient servis d’une description traditionnelle de la déesse Epona pour dépeindre la démone de la guerre en question ??
hUargoeth sceo luachuir sgeo signifie en gaélique froid (uar) vent (goeth) combat ou abondance (sceo) roseau (luachair).
Foebar beo beoil coim diuir foltt sgeanb gairitt sgeo uath signifie en gaélique tranchant (foebar) petit bec (beo beoil) chevelure (foltt) épine ou pointu (sgeanb) courte (gairit) effroi, terreur (uath).
Satiriste. Très exactement en gaélique banchainti = femme (ban) cainte (chainti). Cainte est un mot de la même famille qu’incantation ou enchanteur. Désigne théoriquement une sorte de critique des grands et des princes (un peu analogue aux journalistes politiques d’aujourd’hui), mais en un sens très fort, un peu équivalent à celui de « jeteur de sort ».
Puis elle lui chanta ce qui suit… Mais le poème en question ne figure pas dans notre manuscrit. La mise par écrit d’une littérature jusque là orale, cela peut aboutir à cela. C’est une des difficultés de notre métier. La Bible également d’ailleurs, par moment, se réfère à des livres inconnus par ailleurs et qui semblent donc avoir disparu. Exemples le Livre des guerres du Seigneur (mentionné dans Nombres 21, 14), les Annales des rois de Juda (mentionnées dans 2 Rois 24, 5), les chroniques de Samuel le voyant, les chroniques de Nathan le prophète, et les chroniques de Gad le voyant (mentionnés dans I Chroniques 29, 29) enfin le livre de Jachar ? (mentionné dans Josué 10, 13, sans doute un tissu d’âneries qui ne vaut pas mieux que les pires de nos légendes vu ce qu’il rapporte) ; qui sont bien entendu les livres utilisés par les auteurs de la Bible pour composer leur synthèse à eux, puisque cet ensemble de feuillets, bien entendu, comme le Coran, n’est que discours d’hommes, et en rien paroles de Dieu. De toute façon, ainsi que l’a bien noté César, il ne saurait par définition exister d’Écritures saintes, toute écriture est par vocation profane, seul compte l’esprit et non la lettre, de tous ces textes. César B.G. Livre VI, chapitre XIV : « Ils répugnent à les mettre par écrit [leurs cours], bien que pour ce qui est de toutes les autres matières, dans leurs transactions publiques et privées, ils se servent à cet effet des caractères de l’alphabet grec ».
NB. Or quand on se penche un peu sur la lettre de tous ces textes, on est alors atterrés par la bêtise et la méchanceté de nombreux passages du Coran ou de l’Ancien Testament : tous n’ont pas la surhumaine noblesse ou hauteur de vue de la parabole de la femme adultère (Jean 8, 1-11) ou du bon Samaritain (Luc10, 25-37). Exode XXII 18 stipule par exemple : « Tu ne laisseras pas en vie la sorcière ! ». Mais que diable mon Dieu, si on devait vraiment brûler tous les êtres humains qui se croient supérieurs ou dotés de pouvoirs exceptionnels, on finirait par brûler la moitié de l’Humanité (voir contre-lai N°42).
Quant aux versets (futurs hadiths, très tôt rayés) du Coran concernant l’adultère, ils sont moralement bien en dessous du célèbre « va et ne pèche » plus du christianisme théorique. Sur ces deux points, l’islam est inférieur au christianisme et inférieur au druidisme antique qui protégeait les étrangers.
« Hercule ensuite remit le royaume des Ibères aux plus nobles d’entre eux, quant à lui, après avoir rassemblé son armée, il passa en Celtique, et en la parcourant de long en large mit fin à la pratique illégale de l’assassinat des étrangers, à laquelle s’était accoutumé ce peuple » (Diodore de Sicile, livre IV, chapitre XIX).
« Chez eux, on est puni d’une peine plus rigoureuse pour le meurtre d’un étranger que pour celui d’un concitoyen : dans le premier cas, la mort, dans le second l’exil seulement » (Nicolas de Damas, recueil des coutumes extraordinaires, fragment conservé par Jean Stobée).
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« Ils invitent les étrangers à leurs festins et leur demandent une fois que le repas est terminé, qui donc ils sont et quel besoin les amène (Diodore de Sicile, livre V, chapitre XXVIII).
Il découvrit qu’elle s’était métamorphosée en oiseau noir sur une branche près de lui. Une stèle votive découverte en Allemagne à Trèves ainsi que le pilier des nautes parisiens nous montrent un homme en train d’abattre dans un bois (l’arbre cache la forêt en l’occurrence) où se sont réfugiés un bovin et des oiseaux.
À Paris avec une sorte de vouge, à Trèves avec une sorte de hache.
Le bovidé porte trois échassiers à Paris, à Trèves on ne distingue que la tête du bovidé ainsi que les trois gros oiseaux perchés dans les branches.
Le simple commentateur de textes que nous sommes remarque seulement que les grues sont des échassiers vivant dans des marais, mais qu’ils ne fréquentent pas les terres irlandaises par contre. Par contre on y trouve des grands corbeaux et des corneilles mantelées qui non seulement sont des races d’oiseaux sachant se battre, mais dont l’aptitude à imiter la voix humaine est attestée dès l’Antiquité comme le montre le théonyme Cathubodua mentionné dans les Alpes en Savoie.
Citons également à l’appui de cette hypothèse le nom celtique continental de Donnotarvos (César livre VII, 65) qui signifie taureau brun de même que la force peu commune reconnue traditionnellement à Hésus si l’on en croit le nom même d’Hesunertus qui signifie littéralement « ayant la force d’Esus ».
Brun. Nous traduisons ainsi le terme gaélique Donn. Ainsi que déjà signalé plus haut, il existe sur le Continent, cité par César, un anthroponyme celte associant cette couleur au taureau : Donnotaurus (livre VII, 65) chez les Helviens.
Le sidh de Cruachan. Un sidh est une colline artificielle ou un tertre funéraire, un tumulus, censé correspondre à la demeure d’un dieu, ou plus exactement à une des portes d’entrée, ou de sortie, de l’autre monde. Nous y reviendrons, mais est-ce à dire que ce texte considère Maeve et Ailill comme des dieux démons ou fées ?? Que devient alors l’affirmation de l’historicité de tous ces personnages ???
Anguille, louve, vache…
On ne peut s’empêcher de penser ici aux chansons à métamorphoses. On appelle chanson à métamorphoses une chanson ayant pour thème, comme dans le cas de Ceridwenn et Gwion Bach, les différentes métamorphoses d’un homme ou d’une femme cherchant à en attraper un autre. Au Pays de Galles, c’est en effet la légende de Ceridwenn et Gwion Bach. Poursuivi par Ceridwen, Gwion Bach s’enfuit en prenant successivement l’apparence d’un lièvre, d’un saumon bleu, d’un oiseau… mais Ceridwenn se transforme autant de fois. Dans une grange enfin, Gwion Bach se transforme en grain de blé, Ceridwenn prend l’apparence d’une poule noire et avale le grain de blé puis, quelque temps plus tard, redonne naissance à Gwion Bach.
Il existe de nombreuses versions ou variantes de ce thème traditionnel, avec différents titres (« Si tu te fais anguille » par exemple). Dans le sud de la France, la chanson de Magali (un poème de Frédéric Mistral publié en 1859) en est une autre. Il est à noter que si Mistral s’est inspiré de thèmes populaires pour écrire son texte, on retrouve aujourd’hui ses paroles dans six autres mélodies au moins : Bretagne, Poitou, et jusqu’au Canada…
Chant III. Traduit du provençal.
Le garçon.
Ò Magalí, ma tant amado,
Mete la tèsta au fenestron !
Escota un pauc aquesta aubada
De tamborins e de vioulons.
Es plen d’estèlas, aperamont.
L’aura es tombada,
Mai leis estèlas palliràn,
Quand te veiràn.
Ô Magali, ma tant aimée
Mets la tête à la fenêtre ;
Écoute un peu cette aubade
De tambourin et de violon !
Le ciel est là-haut, plein d’étoiles ;
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Le vent est tombé,
Mais les étoiles en te voyant pâliront.
La fille.
Pas mai que dau murmur dei brondas
De ton aubada ieu fau cas !
Mai ieu me'n vau dins la mar blonda
Me faire anguièla de rocàs.
Pas plus que du murmure des branches
De ton aubade je fais cas.
Mais je m’en vais dans la mer blonde (sic)
Me faire anguille de roche.
Ò Magalí, se tu te fas
Lo pèis de l’onda,
Ieu, lo pescaire me farai
Te pescarai.
Ô Magali, si tu te fais
Poisson dans l’onde,
Moi je me ferai pêcheur
Je te pêcherai.
Ò ! mai, se tu te fas pescaire,
Tei vertolets quand gitaràs,
Ieu me farai l’aucèu volaire,
M’envolarai dins lei campàs.
Ô, mais si tu te fais pêcheur,
Quand tu jetteras tes filets
Je me ferai oiseau qui vole,
Je m’envolerai dans les champs.
Ò Magalí, se tu te fas
L’aucèu de l’aire,
Ieu lo caçaire me farai,
Te caçarai.
Ô Magali, si tu te fais
Oiseau dans l’air,
Je me ferai chasseur
Je t’attraperai.
Ai perdigaus, ai boscaridas,
Se vènes, tu, calar tei laçs,
Ieu me farai l’èrba florida
E m’escondrai dins lei pradàs.
Aux perdrix, aux fauvettes
Si tu viens tendre tes filets,
Je me ferai, moi, herbe fleurie,
Et me cacherai dans les prés.
Ò Magalí, se tu te fas
La margarida,
Ieu l’aiga linda me farai,
T’arrosarai.
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Ô Magali, si tu te fais
Marguerite,
Je me ferai eau limpide
Je t’arroserai.
Se tu te fas l’aigueta linda,
Ieu me farai lo nivolàs,
E lèu me'n anarai ansinda
À l’America, perabàs…
Si tu te fais onde limpide,
Je me ferai nuage,
Et promptement m’en irai ainsi
En Amérique, là-bas !
Ò Magalí, se tu te'n vas
Alin ais Indas,
L’aura de mar ieu me farai,
Te portarai.
Ô Magali, si tu t’en vas
Dans les Indes lointaines,
Je me ferai brise de mer
Et je te porterai.
Se tu te fas la marinada,
Ieu fugirai d’un autre latz :
Ieu me farai l’escandilhada
Dau grand solèu que fond lo glaç.
Si tu te fais brise marine,
Je fuirai d’un autre côté ;
Je me ferai rayon du soleil
Du grand soleil qui fait fondre la glace.
Ò Magalí, se tu te fas
La solelhada,
Lo verd limbèrt ieu me farai,
E te beurai.
Ô Magali, si tu te fais
Ardeur de l’ensoleillement,
Je me ferai, moi, lézard vert,
Et te boirai.
Se tu te rèndes l’alabrena
Que se rescond dins lo bartàs,
Ieu me rendrai la luna plena
Que dins la nuech fai lum ai mascs.
Si tu te fais la salamandre
Qui se cache sous les halliers,
Je me ferai moi, la pleine lune,
Qui dans la nuit éclaire sorcières et sorciers (sic).
Ò Magalí, se tu te fas
La ròsa bèla,
Lo parpalhon ieu me farai,
Te baisarai.
Ô Magali, si tu te fais
187
Belle rose,
Je me ferai papillon
Et je t’embrasserai.
Vai, calinhaire, corre, corre
Jamai, jamai m’agantaràs.
Ieu, de la rusca d’un grand rore
Me vestirai dins lo boscàs.
Va, mon bel enjôleur, cours, cours,
Jamais, jamais tu ne m’attraperas.
Car de l’écorce d’un grand chêne
Je me vêtirai dans les bois ».
Variantes.
J’irai la voir dimanche, dimanche j’irai
Demander la main de ma bien-aimée.
Si tu viens dimanche, je n’y serai pas
Par-derrière chez ma tante
Il y a un étang
Je me ferai anguille,
Anguille dans l’étang
Si tu te fais anguille, anguille dans l’étang (bis)
Je me ferai pêcheur
Pêchant dans l’étang
Je t’aurai en pêchant.
Si tu te fais pêcheur pour m’avoir en pêchant (bis)
Je me ferai alouette
Alouette des champs !
Si tu te fais alouette, alouette dans les champs (bis)
Je me ferai chasseur
Chassant dans les champs
Je t’aurai en chassant.
Tungu et reliqua. Formule mixte gaélique et latine signifiant quelque chose comme « je jure, etc. ». Je jure en gaélique, etc. en latin (et reliqua). La fin du récit est d’ailleurs elle aussi signalée par une formule latine : finit, signifiant « fin ». Eh oui, ce sont des moines chrétiens qui ont couché par écrit toutes ces légendes.
Constatations minimales à tirer de ce récit.
Le nom de l’entité surnaturelle, non humaine, qui se manifeste à notre héros, n’est donc indiqué qu’à la toute dernière ligne : ocus luithi in Morrígan cona buin hi síd Crúachan la Connachta : il s’agit donc de Morrgane (la fée). Cette déesse ou démone que nous appellerons ainsi faute de mieux est un autre des aspects de la grande déesse des combats évoquée précédemment, la Bodua ou Catubodua en vieux celtique, Bodb ou Badb Catha en gaélique, la Kâli celtique. Nous y reviendrons, car cette identification n’est pas sans poser quelques problèmes.
Cette première rencontre entre le Hésus Cuchulainn et la déesse ou démone ou fée Morgane s’est donc très mal passée, c’est le moins que l’on puisse dire. Aux exégètes de cette antique bible du druidisme qu’est le cycle d’Ulster, d’en déduire ce qui convient.
La déesse ou démone ou fée s’attribue un rôle dans le maintien en vie, ou non, de notre héros. Est-ce à dire qu’il s’agit d’une entité surhumaine analogue aux Nornes scandinaves, aux Parques romaines ou aux Moires grecques, ou plus spécifiquement d’une déesse de la guerre ? Nous le verrons par la suite.
Quant à son palais magique de Cruachan dans le Connaught, il s’agit en réalité seulement d’une des portes d’entrée (ou de sortie) d’un autre monde parallèle couplé au nôtre, une sorte de république universelle des sidhs (chaque dieu ayant le sien), celui de Cruachan n’étant que la voie de passage
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préférée de Morrgane (la fée), du moins à en croire ce récit. Nous reviendrons dans une autre de nos leçons sur cet univers parallèle (des sidhs).
POST FACE À LA JOHN TOLAND.
Les pseudo-druides à la filiation initiatique mirobolante (la fameuse et inénarrable tradition primordiale) s’étant multipliés depuis quelque temps ; il nous a paru nécessaire de mettre à la disposition de tout un chacun ces quelques notes, hâtivement rédigées un soir de novembre, afin de donner à nos lecteurs envie d’en savoir plus sur le vrai druidisme. Ce travail se veut honnête, mais en aucune façon neutre. Il s’est donné pour objectif de défendre ou de réhabiliter la cluto (renommée) de cette antique religion.
Rien ne remplace la méditation personnelle y compris sur les lais obscurs ou incompréhensibles parsemant ces livres et qui ont été insérés à dessein afin de vous obliger à réfléchir pour trouver votre propre voie. Ces livres ne sont pas des dogmes à suivre aveuglément et à la lettre. Ainsi que vous le savez sans doute, il faut se méfier comme de la peste de la lettre. La lettre tue, seul l’esprit vivifie. Rien ne remplace non plus l’expérience personnelle et c’est en cheminant que l’on trouve le chemin. Ne comptez donc que sur vos propres forces pour cette quête du Graal. Ce qui compte c’est l’attitude à adopter dans la vie et non les détails du dogme. Le druidisme a moins d’importance que la druidiaction. (Jean-Pierre Martin).
Ces quelques feuillets griffonnés à la va-vite ne sont néanmoins en aucune façon LES LIVRES À LIRE SUR LE SUJET, ils n’en sont qu’un pâle reflet. La seule bibliothèque druidique digne de ce nom n’est pas en effet composée de seulement 12 (ou 27) livres, mais de plusieurs centaines.
Les quelques opuscules constituant cette mini-bibliothèque ne constituent pas un approfondissement et ne sont que quelques manuels destinés aux écoliers du druidisme. Ces résumés simplifiés destinés aux cours primaires de druidisme seront remplacés par des cours d’un niveau quelque peu supérieur, pour ceux qui voudront vraiment l’étudier de façon plus pertinente.
Cette petite bibliothèque est par conséquent un premier essai d’adaptation (destinée aux jeunes adultes) des diverses réflexions sur le savoir et la vérité druidiques, auxquelles ont abouti les premiers résultats de la nouvelle laïcité positive et ouverte, mondiale, en train de s’instaurer.
À la différence du judaïsme, du christianisme, et de l’islam, qui fourmillent littéralement, à propos de l’Être supérieur, d’anthropomorphismes puérils pris au pied de la lettre (fondamentalisme) ; notre druidisme, lui, n’en utilisera que très peu, et s’en tiendra, en ce domaine, au minimum absolu.
Mais pour parler de Dieu-ou-Diable nous allons bien être obligés, nous aussi, d’utiliser un langage, et donc un certain nombre de ces anthropomorphismes. Ou alors il faudrait totalement renoncer à en discuter.
Ce premier rayon de notre future bibliothèque consacrée au sujet a pour objet de montrer avec précision l’harmonieuse authenticité de la volonté et du savoir néo-druidiques. De montrer à quel point ses grandes thèses actuelles ont des racines anciennes, car la Mythologie, c’est notre Bible à nous. Les adaptations de ce bref exposé, exigées par les différences de culture, d’âge, de maturité spirituelle, de situation sociale, etc. seront à faire par les druides concernés (les vellèdes et les autres ?).
À noter cependant. Important ! Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, ne sont pas (en vrac).
Une révélation divine. Une loi (toujours aussi divine). Une loi (profane ou laïque). Une loi (scientifique). Un dogme. Un Ordre ?
Ce que je cherche surtout à faire partager c’est un état d’esprit, rien de plus. Ainsi que l’a très bien dit un jour notre vieux maître :
« NOTRE CIVILISATION N’A PAS LE CHOIX : CE SERA LE CELTISME OU CE SERA LA MORT » (P. Lance).
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Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, sont. Du rêve. Une aventure. Un voyage. Une évasion. Un cri de révolte contre la laideur morale et matérielle de cette société.
Une tentative d’atteindre à l’universel en partant du particulier. Un défi. Un obstacle fécond à surmonter. Une incitation à la réflexion. Un guide pour l’action. Une carte. Un plan. Une boussole. Une étoile polaire ou l’étoile du berger là-haut dans la montagne. Un feu la nuit dans une clairière ?
Ce que le rassembleur de ce noyau de bibliothèque, Pierre de La Crau, n’est pas.
— Un dieu.
— Un demi-dieu.
— Un quart de dieu.
— Un petit saint.
— Un philosophe (reconnu, officiel, et breveté ou patenté, comme ceux qui passent à la télévision. Sauf évidemment à prendre le terme en son sens originel, qui est celui d’amateur de sagesse et de savoir).
Ce qu’il est : un homme, et rien de ce qui est humain ne lui est donc étranger. Pierre de la Crau n’a aucun pouvoir surhumain ou exceptionnel. Rien de ce qu’il a dit écrit ou fait ne saurait avoir de valeur intemporelle. Tout au plus espère-t-il que son extrême lucidité à propos de notre société et de son idéologie dominante (voir ses philosophes officiels, ses journalistes, ses masses médias et le politiquement correct des bien-pensants) ; ainsi que son non-conformisme, et son franc-parler, alliés à un solide esprit de contradiction (qui lui ont d’ailleurs valu pas mal de déboires ou d’avanies) ; pourront être utiles.
La présente petite bibliothèque pour débutant « contient la dose d’humanité exigée par l’état actuel de la civilisation » (Henri Lizeray). Elle n’est d’ailleurs qu’un rassemblement de matériau attendant l’architecte ou le maçon ad hoc.
Prochainement paraîtra toute une série de fascicules approfondissant ces éléments de base. Cette présentation différente du savoir druidique préservera néanmoins l’unité et la profonde harmonie entre ces divers exposés d’un seul et même paganisme philosophique et réfléchi : une spiritualité digne de notre époque, une spiritualité pour notre époque.
Cas des traductions dans une langue étrangère (espagnol, allemand, italien, polonais, etc.)
Les fautes d’orthographe de grammaire de style, ainsi que l’écriture des noms propres, pourront être corrigées. Toute autre amélioration du texte pourra également être apportée si nécessaire (par ajout suppression ou modification, de détails) ; Pierre de La Crau ayant toujours regretté de ne pouvoir atteindre à la perfection en ce domaine. Mais à condition de n’altérer ni trahir en rien la pensée de l’auteur de cette compilation raisonnée. Toute illustration sans légende peut être changée. De nouvelles illustrations peuvent être apportées. Mais les illustrations ayant une légende ne devront être qu’améliorées (par substitution d’une bonne photo à un mauvais croquis par exemple ?).
Il va de soi que le coordonnateur de cette rapide et sommaire compilation raisonnée, Pierre de La Crau, ne prétend nullement avoir inventé (ou découvert) lui-même, tout ceci ; qu’il ne prétend en aucune façon que ceci est le fruit de ses recherches personnelles (sur le terrain ou en bibliothèque) ! Ce qui suit est en effet essentiellement issu des excellents ouvrages ou sites internet référencés en bibliographie et dont la consultation directe est fortement recommandée. Nous n’insisterons jamais assez sur notre volonté de ne pas être les hommes d’un livre (du Livre), mais d’au moins douze, comme les Fénianes d’Irlande, pour d’évidentes raisons d’ouverture d’esprit, la vérité étant notre seule religion.
Encore une fois, répétons-le ; le coordonnateur de la mise par écrit de ces quelques notes hâtivement jetées sur le papier ne prétend nullement avoir passé sa vie dans la poussière des bibliothèques ; ou sur le terrain, dans la boue des fouilles archéologiques de sauvetage ; afin d’exhumer des témoignages inédits sur le passé de l’Irlande (ou du Pays de Galles ou des Indes ou de la Chine ?)
PIERRE DE LA CRAU NE SE VEUT DONC EN AUCUNE FAÇON L’AUTEUR DES TEXTES QUI PRÉCÈDENT.
IL N’ESSAIE NULLEMENT DE S’EN ATTRIBUER LES MÉRITES. Il n’en est que l’éditeur ou le compilateur. Il s’agit pour la plupart de documents diffusés sur internet à quelques exceptions près.
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IL EN REVENDIQUE PAR CONTRE TOUS LES DÉFAUTS ET TOUTES LES INSUFFISANCES. Pierre de La Crau ne revendique qu’une chose, les fautes erreurs ou imperfections diverses de ce livre. Lui seul est à blâmer dans ce cas. Mais il fait confiance à ses contemporains (la nature humaine étant ce qu’elle est) pour les lui signaler avec vigueur.
Note retrouvée par les héritiers de Pierre de La Crau et insérée par eux à cet endroit.
J’avoue tout de suite afin de faciliter le travail de mes juges que les hommes comme moi étaient chrétiens à Rome sous Néron, païens à Jérusalem, sorciers à Salem, hérétiques anglais, catholiques irlandais, et aujourd’hui racistes, sexistes, homophobes, islamophobes, en attendant d’être demain koufar ou de nouveau chrétien l’antéchrist le plus bestial de toutes les apocalypses, etc. Bref ainsi qu’on l’aura compris je suis pour le néant la mort la maladie la souffrance……
Par respect pour l’Humanité, afin de gagner du temps, et ne pas lui en faire perdre, je vais faciliter le travail de ceux qui tiennent absolument à être du bon côté de la barrière en combattant (héroïquement bien sûr) afin de sauver le monde de mes griffes (mes idées ou mes penchants, mes tendances).
À ces courageux et implacables détracteurs, dont la profondeur de réflexion digne d’un marquis de Vauvenargues n’a d’égale que l’ampleur de la culture générale d’un Pic de la Mirandole, je dis…
Prenez une feuille de papier, un traitement de texte si vous préférez, mettez-y par ordre d’importance les 20 caractéristiques qui vous semblent les plus grave, les plus odieuses, les plus haïssables, dans l’histoire de l’Humanité, depuis les hommes préhistoriques et Nabuchodonosor, selon vous… ET DITES-VOUS BIEN QUE JE SUIS TOUT LE CONTRAIRE DE VOUS, CAR JE LES AI TOUTES !
On a toujours besoin de boucs émissaires ! Hérétique au Moyen-âge, sorcière à Salem au 17siècle, raciste au 20e siècle, lézard extraterrestre au 21e, je suis l’homme que vous aimerez haïr pour vous sentir meilleur (gentils et intelligents).
Je suis au choix et dans l’ordre d’importance que vous voulez : athée, sataniste, stupide, mongolien, bestial, homosexuel, pervers, homophobe, communiste, nazi, sexiste, philatéliste, menteur pathologique, voleur, suffisant, psychopathe, un monstre d’orgueil faussement modeste, et que sais-je encore, à vous de voir suivant la mode du moment.
Voilà, je ne peux pas faire mieux (pour vous aider à sauver le monde).
[À la différence de mes contempteurs qui sont tous des gens bien, c’est-à-dire jeunes ou modernes et dynamiques, courageux, positifs, gentils, intelligents, instruits, ou du moins qui savent ; faisant preuve de beaucoup de recul dans leur méditation en profondeur sur les tendances lourdes de l’Histoire ; et sur le plan moral ou éthique : généreux, altruistes, mais pauvres évidemment (c’est là leur seul défaut), car donnant tout aux autres ; en outre profondément respectueux de la volonté de Dieu et de la Constitution…
Moi je suis un vieux réactionnaire ankylosé, conformiste, déconnecté de son temps, parano, schizophrène, incohérent, capricieux, jamais content, méchant, bête, n’ayant fait aucune étude ou du moins ignorant tout sur le sujet en question ; coutumier des jugements à l’emporte-pièce fondés sur des préjugés dénués de toute réflexion ; égoïste et riche ; suppôt de Satan et nazi-bolchevik ou stalino-hitlérien de nature. On disait hitléro-trotskiste quand j’étais jeune. En bref un criminel psychopathe dès le petit-déjeuner… ce qui me permet donc de penser ce que je veux, mes critiques aussi d’ailleurs, et d’essayer de le faire savoir à la cantonade].
Signé : le coordonnateur des travaux, Pierre de la Crau dit Hésunertus, chercheur en druidisme. Un homme à qui rien de ce qui est humain ne fut étranger. Chômeur, facteur, divorcé, sans domicile fixe, vagabond, contribuable, justiciable, et électeur cocufié… bref un des neuf milliards d’êtres humains ayant transité sur ce vaisseau spatial donc. Né sur la planète Terre le 13 janvier 1952.
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BIBLIOGRAPHIE DES GRANDES LIGNES.
Pour ce qui est de la bibliographie des détails, voir annexe de la dernière leçon, car, comme le dit si bien Henri Lizeray, les traditions, ça doit s’interpréter. C’est là toute la différence qu’il peut y avoir entre ancien druidisme et néo-druidisme.
— Le Lebar gabala ou Livre des invasions. Paris 1884 (William O’Dwyer)
— Base de l’église druidique. Le druidisme restauré. Henri Lizeray, Paris, 1885.
— Les traditions nationales retrouvées. Paris 1892.
— Aesus ou la doctrine secrète des druides. Paris 1902.
— Ogmios ou Orphée. Paris 1903.
TABLE DES MATIÈRES.
Avertissement au lecteur
Renaissance oui! Résurrection non!
Démystification des écrits d’origine irlandaise
Vie quotidienne de nos ancêtres durant le second âge du fer
Vie et mort de notre seigneur Hésus dit Mars ou Cuchulainn
La famille de notre seigneur Hésus Mars ou Cuchulainn
Les différentes naissances du petit Hésus Mars dit Cuchulainn
Les exploits d’enfance du petit Hésus Sétanta Cuchulain
Le chien de Culann
La cour faite à Aemer
L’apprentissage des arts martiaux du Hésus Sétanta Cuchulainn
Le festin de Bricriu
Deirdre ou la révolte de la femme contre le Destin
La mort tragique des fils d’Uisnig
L’exil de Fergus, de Cormac, et des autres amis du Hésus Cuchulainn
Aventures diverses (dont la disparition des fils de Doel Dermott)
La tragique nuit de noces de la malheureuse Ferb
L’apparition à notre héros de la fée Mara Rigu/Morrigu/Morgane
Postface à la John Toland
Bibliographie des grandes lignes.
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DU MÊME AUTEUR
1. Citations des auteurs antiques parlant des Celtes ou des druides.
2. Généralités liminaires diverses sur les Celtes.
3. Histoire du pacte avec les dieux tome 1.
4. La Bible du druidisme : histoire du pacte avec les dieux tome 2.
5. Histoire du pacte avec les dieux tome 3.
6. Histoire de la paix avec les dieux tome 4.
7. Histoire de la paix avec les dieux tome 5.
8. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 1.
9. Textes apocryphes irlandais.
10. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 2.
11. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande Science qui illumine » tome 3.
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12. Les cent voies du paganisme. Science et philosophie tome 1 (mythologie druidique).
13. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 2 (mythologie druidique).
14. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 3 (mythologie druidique).
15. Le grand Camminus : éléments de théologie druidique tome 1.
16. Le grand catéchisme : éléments de théologie druidique tome 2.
17. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 1.
18. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 2.
19. Mystagogie ou théâtre sacré des Celtes antiques.
20. Poèmes celtes.
21. Le génie du paganisme celte tome 1.
22. Le complexe de Roland.
23. Au pied de la lanterne des morts.
24. Les secrets du vieux druide de la forêt ménapienne.
25. Le génie du paganisme celte tome 2 (liberté réciprocité simplicité).
26. Rhétorique : la trahison des clercs).
27. Petit dictionnaire de théologie druidique tome 1.
28. Des philosophes antiques au druide irlandais.
29. Judaïsme christianisme et islam : première partie.
30. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 1.
31. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome2.
32. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 3.
33. Troisième partie tome 1 : Qu’est-ce que l’Islam ? Bref historique de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
34. Troisième partie tome 2 : Qu’est-ce que l’Islam ? Premières approches de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
35. Troisième partie tome 3 : Qu’est-ce que l’Islam ? Les 5 vrais piliers de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
36. Troisième partie tome 4 : Qu’est-ce que l’Islam ? Coups de sonde dans l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
37. Couiro anmenion ou Petit dictionnaire de théologie druidique tome 2.
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